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2cd3286a30e2ac57121c7ee514ed9a97
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Text
TRAITÉ
DU
DQMAINE PUBLIC.
Tome 1
. TOME J.
�TRAITÉ
DU
DQMAINE PUBLIC.
. TOME J.
�TRAITÉ
DU
DQMAINE PUBLIC.
. TOME J.
�Les formaBtés prescrites ayant été remplies ~ le$
contrefacteurs et débitants cl' Mitions contrefaites seront
poursuivis selon toute la rigueur des lois.
Tous les exemplaires seront rèvétus de ma griffe.
A PARIS,
CIŒ:t
JOUBERT,
LIBRAIRE, RUE
DES GRÈS,
14.
A STR.ASBOUR.G,
CHE:t
LAGIER je,
LlBR., RUE MERCIÈRE,
10.
�20086
,
TRAITE
DU
DOUAINE PUBLIC
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONsmÉn.És PRINCIPALEMENT PAR RAPPORT AU DOMAINE PUBLIC;
PAR
J.-B.- VICTOR PROUDHON,
OF}~[CIE.R DE. LA LÉGION n'SONNEUR, AVOCAT A LA. COUR. ROYALE
ET DOYEN DE LA FACULTÉ DE DR.OIT DE DIJON.
SECONDE EDIrION,
IIEVUJ:: , MISE EN HARMONIE AVEC LA LÉGISLATION' ACTUELLE,
ET AUGMENTÉE D'UN COMMENTAIRE DE LA LOI sun LES
CHEMINS VICINAUX, AINSI QUE DES RÈGLES
RELATIVES A L'ALIGNEMENT;
PAR
M.
VICTOR
DU 1\1 A Y ,
CHi:VALlI:a DE LA LÉGION n'UONN1::OR, AVOCAT ..... LA COUR RO\'.-\.LE
ET M.UII..E. DE LA VILLE DE DIJON.
TOME PREMIER.
A DIJON,
CHEZ VIC1'OR
LAGIER,
LlD.-ÉDITEun,
:1345.
PLACE ST.-ÉTJEl\NE.
��AVIS DE L'EDITEUR.
La première édition du Traitê du Domaine pu.blic
s'est rapidement écoulée. Ce bel ouvrage a réalisé
les espérances que donnait le nom de son auteur,
et a été accueilli avec d'unanimes éloges. Mais, on
le sait, il ne s'appliquait point, comme le Traité
des droits d'usufruit, dont la publication est antérieure , à une de ces lois qui, fondées sur les principes immuables de l'équité naturelle, ont, par
cela même, une longue durée. Au lieu d'avoir
pour objet le droit civil, auquel il se rattache cependant sous des aspects nombreux et importants,
il était principalement destiné à l'explication du droit
administratif dan.s ses rapports réglementaires, avec
les biens qui composent le domaine public. Ainsi,
pour rendre un service au pays, en publiant un
ouvrage d'une utilité pratique et journalière" dont
le besoin se faisait vivement sentir, l'auteur n'avait
pas craint d'élever son travail avec des matériaux
sujets à toutes les variations qui menacent une
législation incohérente, non encore suffisamment
éprouvée par l'expérience..
La première édition a suffi à sa tâche; mais elle
avait fait son temps. Des lois récentes ont abrogé les
anciennes; la jurisprudence s'est formée et a ré·
pandu de nouvelles lnmières; comme tous les Oll-
�VI
AVIS DE L'ÉDITEUR.
vrages profol}ds, celui de M. Proudhon a fait travailler la pensée, et des auteurs estimables ont
, utilement élaboré les mêmes difficultés; la seconde
édition devait donc être revisée et subir divers cllangements. Il n'était plus permis, d'une part, de publier le Traité du Domaine public sans un commentaire spécial et complet de la nouvelle loi des chemins vicinaux, et, d'un autre côté, les lois des 18
juillet 1837 ,et 10 mai 1838 concernant les administrations municipales et départementales, celle
du 3 mai 184.1 sur l'expropriation pour cause d'utilité puhlique, qui touche à tant d'intérêts, les lois
sùr la voirie en général et sur la pénalité en matière de grande voirie, exigeaient aussi des explications nombreuses et développées.
La. mort a empêché l'auteur ,de retoucher son
ouvrage. Mais il avait compris cette nécessité et
désigné 'déjà pour le suppléer, M. Victor Dumay,
i;l qui nous <levons l'un des premiers commentaIres
de la loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux.
Aussitôt que ce travail parut, M. Proudhon, partageant l'estime qu'il inspirait, manifesta le désir
de le voir remplacer dans les éditions futures du
Traité du 1)omaine public, les chapitres consacrés à
l'explication de la loi de 1824 sur la même matière;
é' est ce vœu, également exprimé par M. Curasson
dans, son Traité de la compétence des ,Juges de
paix (1), que nous avons réalisé.
(1) Tome 2, page 198, ft la note, seconde édilioll.
�AVIS DE -L'imITEUR..
VII
Eprouvé par le succès d'une première édition, le
commentaire de M. Dumay a été considérablement
augmenté de toutes les ressources qu'ont présentées
à l'auteur la législation nouvelle, la jurisprudence
et l'examen approfondi des difficultés d'une loi à
l'exécution de laquelle sa qualité d'administrateur
l'appelait chaque jour à concourir. On y trouvera
notamment, à l'occasion des autorisations de construire le long des chemins, un traité c9mplet sur
la matière des alignements en général, dont les règles
et les principes sont exposés pour la première fois
dans leur ensemble, avec l'étendue que réclamaient
l'importance pratique. et la richesse du sujet. M.
Dumay n'a pas cru devoir changer la forme primitive de son ouvrage, celle de commentaire, que
M. Proudhon avait d'ailleurs adoptée dans cette partie de son livre et dans plusieurs autres.
L'explication de la loi du 21 mai 1836 est la
seule substitution qui ait été faite, dans cette édition,
d'un travail entièrement nouveau à l'ancien, et encore y retrouve-t-on, dans la discussion, les doctrines
de M. Proudhon adoptées ou combattues. Pour tout
le reste, l'ensemble du texte primitif a été conservé,
et c'est par l'addition de notes ou par de légers retranchements, très-rares d'ailleurs et toujours an':'
noncés, que M. Dumay a procédé. S'il a cru devoir, en passant, corriger quelques négligences de
style ou quelques longueurs, rectifier les subdivisions de certains chapitres, il ne l'a fait qu'avec
une extrême circonspection et sans altérer en rien
�VIII
AVIS DE L'ÉDITEUR.
le fond des pensées. Elève de M. Proudhon, m~mhre
actif· du barreau, administrateur depuis plus dé
dix ans d'une grande cité, réunissant par conséquent, au respect pour les œuvres de son savant
maître, la connaissance approfondie du droit civil .
et celle spéciale du droit administratif, objet de.
ce traité, nul ne pouvait mieux que M. Dumay,
accomplir la tâche plus utile que brillante qu'il n'a
p,as craint de s'imposer pour la mémoire du célèbre
jurisconsulte, émule des Merlin et des Toullier.
L'exécution matérielle de cette édition n'a point
été négligée. Plus correcte encore et disposée avec
plus de goût que la précédente, elle s' accord~ mieux
avec l'intérêt des acheteurs par la réduction des 5
volumes en 4, malgré les augmentations considérables qui y ont été faites (1). La lenteur même avec
laquelle eUe a été exécutée, est une garantie des
soins que le jurisconsulte; chargé de la révision,
et l'éditeur, en ce qrti le concernait, ont donnés à
cette importante publication.
(1) Les 132 pages consacrées par M. Proudhon à l'explication de la loi du 28 juillet 1824 sur les chemill& vicinaux, ont
été remplacées par 926 équivalant à 1122 à raison de la différence du caractère et de la justification du texte, non compris
une augmentation d'environ 20 pages résultant des notes.
�PRÉFACE.
DANS un premier ouvrage sur le Code ,civil, nous
avons traité de l'état des personnes et de tous les
droits de cité et de famille qui s'y rattachent.
Mais après l'état des personnes vient aussi l'état
des choses soumises aux jouissances de l'homme, et
~ans lesquelles il ne pourrait subsister.
C'est ce second sujet que nous abOl;dons actuelle,ment.
, Déjà dans un autre ouvrage postérieur à notre
traité sur l'état des personnes, nous avons ample-ment développé tout ce qui touche anx droits.
�PRÉFACE.
d'usufruit, d'usage, d'habitation et de superficie,
qui sont les principales modifications de la propriété.
Nous y avons aussi exposé soit les droits des communes dans les forêts dont elles ne sont qu'usagères,
soit les droits d'usage que les habitants exercent ut ,
singuli sur les fonds communaux.
Cependant le traité sur les choses en général
devait naturellement précédet-l ~elui des modifications de la propriété, en sorte qu'ici, revenant sur
nos pas, nous allons nous occuper à remplir la lacune que nous avions laissée dans cette partie de nos
explications sur le Code civil.
L'HOMME est le roi de la nature, et toutes les choses
qui la composent sont destinées à son usage; mais
il est loin d'exercer sur toutes le même degré de
puissance.
Il en est qui, par leur immensité, ne peuvent être
renfermées dans les bornes étroites de son domaine:
telles sont l'air, la lumière, les astres, la mer et
l'eau courante, qui sont des choses communes au
genre humain, et qui n'appartiennent à personne
en particulier.
Il en est d'autres qui peuvent être soumises à Îa
possession privée de l'homme, et appartenir à l'un
plutôt qu'à l'autre, comme sont les champs, les prés,
les maisons, les fruits et les meubles: cette seconde
�PRÉFACE.
3
classe de bienséonstitue l;objet du domaine
priété, dont nous nous occuperons spécialement dans
un autre ouvrage.
Enfin il y à uri troisième genre de choses qui,
dans l'état de civilisation où nous sommes placés,
sont mises par l'autorité publique en dehors de toute
possession privée : tels sont les ports de mer, les
routes, les chemins publics de toutes espèces, les
remparts des places de guerre, les fleuves et rivières
navigables ou flottables, les canaux de navigation
intérieure, etc., etc.
C'est cette troisième classe de choses formant la
dotation du domaine public, qui fera le sujet du
présent traité; et, pour ne pas laisser dans un vague
absolu l'imagination de ceux qui voudront d'abord
s'assurer du contenu général de l'ouvrage par la lecture d'une préface, nous allons ci-après indiquer
sommairement ce qui tient aux principes généraux
de la matière, et ce qui rentre dans l'exécution des
diverses branches de ce travail.
Comme on vient de l'énoncer ci-dessus, le
domaine public embrasse généralement deux genres
de fonds qui sont de nature totalement différente.
Les uns appartiennent à la terre ferme, comme les
terrains militaires, les routes, les rues et places
publiques des villes, bourgs et villages, et to~tes
�PRÉFACE.'
1e
s voies et chemins publics; on sent combien
le champ des discussions doit s'agrandir lorsqu'on
entreprend de passer en revue tous ces objets, et
que, depuis les grandes routes jusqu'au plus petit
sentier public, il s'agit de retracer et expliquer
toutes les règles de la grande et de la petite voirie.
Les autres se rapportent aux eaux, et consistent
dans les rivières navigables et flottables, les canaux
de navigation intérieure, et même, sous certains
rapports, dans les petites rivières et autres courS
d'eau d'un ordre inférieur; ici la tâche n'est pas
moins vaste lorsque prenant son point de départ de
la mer, on traite successivement des rivières de
toutes les classes, depuis les fleuves jusqu'aux plus
petits ruisseaux, et on fait voir quels sont les droits~
soit du corps social, soit des habitants des lieux, sur
l'usage de tous ces cours d'eau.
Ce sont ces diverses classes de fonds, èoilipris dans
le domaine public, qui forment le sujet du présent
ouvrage.
Mais comme, d'une part, pour bien traiter des
-droits de l'homme en société, il convient d'en examiner la cause et le fondement naturel dans le sens
·le plus large, c'est par là que nous nous propo'sons de commencer, après avoir toutefois indiqué
�PRÉFACE.
5
d'une manière générale la nature légale des choses
qui nous entQurent.
Et comme, d'autre part, en arrivant aux spécialités, nous trouvons que toutes les matières qui
forment la dotation du domaine public sont d'abord
liOUS la dépendance immédiate du pouvoir législaüf,
et ensuite sont soumises, sous différents rapports,
tantôt au pouvoir administratif, tantôt à l'autorité
judiciaire, ce qui offre souvent des questions de
conflit et de èompétence entre ces diverses autorités,
nous avons dû, en'rentrant sous l'empire du droit
positif, commencer par faire connaître, aussi exactement que possible, les principes constitutionnels
sur la démarcation des pouvoirs publics en France,
afin d'attribuer à chacun d'eux, et avec précision,
ce qui lui appartient à l'exclusion des autres, sur
les choses du domaine dont nous avons à traiter.
On trouvera donc en premier lieu dans cet ouvrage la définition eXacte du domaine public, ainsi
que l'explication des principes relatifs à son inaliénabilité et à son imprescriptibilité.
On y trouvera l'explication des principes généraux auxquels il faut remonter pour disting':ler
exactement les matières qui sont exclusivement soumises au pouvoir administratif de celles qui sont
�6
PR.ÉFACE.
placées dans les attributions des tribunaux ordinaires.
On y trouvera les règles de compétence qui
concernent le tracé des routes et des rues, et celles
suivant lesquelles les propriétaires qui veulent faire
des constructions sur les bords de ces voies publiques
sont tenus d'obtenir leur alignemel1;t de l'autorité
compétente.
On y trouvera l'indication des formes à suivre
pour établir légalement des usines sur les divers
cours d'eau et à quelle autorité il faut s'adresser à
cet effet, ainsi que pour faire supprimer, modifier
_ou détruire celles anciennement établies et reconnues nuisibles.
On y verra dans quels cas ,et comment les meuniers qui se trouvent en collision d'intérêts, par
rapport au rapprochement de leura us.ines, peuvent
élever des plaintes légitimes les uns con~r~ les autres,
et pardevant quelle autorité ces plaintes doivent être
portées.
On y verra ce que peuvent faire les propriétaires
des fonds voisins pour obtenir réparation des dommages que leur causent les écluses des usines, par le
regonflement des eaux. qui vont'dériver sur leurs
héritages.
On y trouvera l'explication de toutes les règles
�PRÉFACE.
7
qui gouvernent le droit d'alluvion dans les rivières.
On y verra ce qui concerne le régime des eaux
d'irrigation; la propriété des sources soit d'eau
douce, soit d'eau salée ou d'eaux minérales; et encore qu~ls peuvent être les droits des propriétaires
de fonds, en ce qui touche aux eaux souterraines.
:Mais, toutes ces matières étant, comme on l'a déjà
dit, soumises, sous différents points de vue, tantôt
au pouvoir réglcme:ptaire de l'administration publique, tan~ôt au pouvoir judiciaire des ~ribunaux,
nous nous sommes trouvés, pour ainsi dire à chaque
pas, obligês de discuter des questions de conflit,
sou;ent très-difficiles, pour indiquer la compétence
propre à chacune de ces deux autorités.
Si nous étions assez heureux pour avoir convenablement accompli cette tâche, notm ouvrage
serait d'une utilité générale. Malgré les imperfections qui ont dû nous échapper dans un aussi long
travail, nous osons croire cependant que l'on ne le
consultera pas sans profit, parce qu'il nous a coûté
trop de réflexIOns pour que nous puissions le regarder comme inutile.
��TABLE
DES CHAPITRES, SECTIONS ET PARAGRAPHES
CONTENUS DANS LE PREMIER VOLUME.
Pa~.
Pn.ÉPA.CE. • • • • • • ~. • • • • • • •
).
CHAPITRE 1.
Des choses en général. • . • • • • '.
9
CHAPITRE II.
Du principe naturel des droits de l'ho.mme. •
23
CHAPITRE Ill.
Du droit d'occupation et d'e possession primitives,
considérées comme principe génératenr du droit
de propriété. . • . . . . . . . • . • . • . • • •
36
CHAPITRE IV.
Du contrat social. • • . • • • • . • •
46
CHAPITRE V.
Notions générales sur la propriété et les diverses espèces de domaines. • . . • .
62
CHAPITRE VI.
65
Transition•.•.
CHAPITRE VII.,
Du domaine de souveraineté dans l'état social actuellement constitué en France. .'. • • • • •
SECTION Ire. Dupoulloirlégislatif. • • • .•
SECT. 2. Du poulloir exécutif ou de l'administration actille.. • . • . . • • • • ,
'SECT. 3. Du poulloir judiciaire. • • • . •.
66
68
76
98
CHAPITRE VIII.
Des hornes du domaine de sl?uveraineté.
1°7
CHAPITRE IX.
Parallèle ou comparaison de la marche et des actions
de l'autorité administrative et du pouvoir judiciaire. • • • . .
113
�646
TABLE.
CHAPITRE X.
Des tribunaux adjoints à l'administration active.
SECTION J re. De l'origine et de la nature des
conseils de préjécture comme corps judiciaires
et consultatifS. . . . . . • . • . • . • . • •
SECT. 2. Des règles d'après lesquelles on doit
distinguer la compétence des autorités administratives et des tribunaux ordinaires. • . • .
§
..
Des règles qui doivent servir à distinguer la compétence de l'administration active d'avec celle des
tribunaux. . .". • • • • . • • • • • • • • • •
§ 2. Des règles générales d'après lesquelles on doit
statuer sur les questions de compétence des tribunaux
adjoints à l'administration.
• , • • ~ • • •
Pag.
125
1.
147,
CHAPITRE XI.
De la manière de procéder pardevant les autorités administratives ou adjointes à l'administration. . .•
SECTION 1 r •• Manière de procéder pardel/ant
les autorités purement administratil/es. ••
SECT. :&. Manière de procéder en conseil de
préfecture. • • • • • •
. . . • • ••
J88
188
J 95
CHAPITRE XII.
Des conflits. • • .
201
CHAPITRE XIII.
:Notions générales sur l'administration des pont~ et
chaussées. • • • . . • • • • . • • • • • • • • ••
231
CHAPITRE XIV.
Notio~s générales sur la division du domaine public.
238
CHAPITRE XV.
Du dOlllaine puhlic national, et des différents fonds qui
le composent. • • • • • . . • • • • . • . • • "..
210
CHAPITR.E XVI.
~
De l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité du domaine
. public. • • • . . . . • . • • • . • • • • • • . ••
251
�TABLE.
64'1
Pag.
CHAPITRE XVII.
Quels sont les agents qui doivent être considérés
comme contradicteurs légitimes pour agir et défendre dans les déhats judiciaires, concernant le
domaine puhlic ~ - Devant queJs juges ces déhats
doivel1t.ils être portés? - Quelle est la nature des
actions qui peuvent être intentées à ce sujet?
CHAPITRE XVIII.
Des gran!les routes ou grands chemins. • . . . • •.
290,
Des grandes routes considérées
comme dellant, par leur destination, faire
partie du domaine public. . . . . • • . .• 290
SECT. 2. De la classification, de la largeur légale et de l'alignement des grandes. routes. 295
SECT. 3. Comrtientdoit s'acquitter la charge de
l'établissement et de l'entretien des routes. 316
SECTION 1 re.
CHAPITRE XIX.
Des diverses servitudes que l'étahlissement des routes
entraine à la charge des fonds riverains. • • . • •.
323
CHAPITRE XX.
Des arhres plantés aux hords des routes. • • • • ••
339
CHAPITRE XXI.
De la compétence des diverses autorités sur les ohjets
des trois chapitres précédents (les grandes routes
et leurs dépendances). . . . . . . . . . • • • . •
l''.
Compétence du pouvoir législatif.
SECT. 2.
Compétence du pouvoir adminËstratif. . . • . . . • . . . . . . • • . . •
SECT.• 3. Coml!étence des conseils de préfecture•.
SECTION
§ 1. Loi du ~8 pluviôse an 8. . • • . • . • • . .
§ 2. Loi du 29floréal an 10. • • • • • • •
§ 3. Décret du 16 décembre 18rr. • • • • . ••
355
356
362
365
37 3 .
39 3
�TABLE.
648
4. Compétence des trihunaux de police
correctionnelle. . • • . • • • • • • • • •
SECT. 5. Compétence des trihunaux civils.
SECT.
CHAPITRE XXII.
Des terrains militaires. • • • • • • • • •
CHAPITRE XXIII.
Du domaine public municipal. • . . • • •
CHAPITRE XXIV.
Du territoire. • • • . . . • . • . . .
453
CHAPITRÉ XXV.
Des choses sacrées • • • • • • • • • • • •
460
CHAPITRE XXVI.
Des établissements puhlics. . . • • • . • • • • • ••
471
CHAPITRE XXVII.
Des rues et places publiques des villes et autres communes. • • . • . • • • . . • • . • • . . • . . •• 477
SECTION 1 re.
Dans quel domaine doit-on
classer les rues et places publiques établies
dans l'intérieur des communes? • . . •• 477
SECT. 2
De la nature des droits dont les
propriétaires riverains jouissent sur les rues
et places publiques des villes, hourgs et
villages. . . • • . . . • . • • . • . • • '. 503
CHAPITRE XXVlll.
De la police réglt>mentaire ou de prévoyance relative à
la voirie urbaine. . . • . • . . . . • • • • • •• 524
CHAPITRE XXIX.
De la police de répression en matii:re de voirie urbaine.
J'IN DE LA TABLE DU lOT VOLUME.
606
�TRAITÉ
DU
'DOMAINE' PUBLIC"
ou
DE LA DISTIN'CTION DES BIENS
CONSIDÉRÉs PRINCIPALEMENT PAR RAPPORT AU DOMAINE PUBLIC.
CHAPITRE PREMIER.
Des Choses cn général.
•
1. Nous entendons ici par le terme général
de choses, tout ce qui existe physiq1Jement dans
la nature ou qui est connu comme existaüt moralement dans le droit.
La terre, le& pierres, le bois, le blé, l'herbe, le
vin et l'eau sont des ch,oses, parce qu'ils exislent
physiquement dans la nature~
Les servitudes, les actions, les contrats, les engagements, son t aussi des choses, parce qu'ils
sont connus comme existant 1l10ral~ment dans le
dl'Oit.
Suivant cette acception générale, l~s hommes
sont eux-mêmes des ehoses, puisque nous n'en
excluons rien de ce qui existe.
2. Dans la science du droit, et abstraction
r
�JO
TRAITÉ
faite de l'homme, on distingue cinq genres de choses
qui nous sont parfaitement signalées par la loi l'o··
maine : Quaedam enim, y est-il dit, naturali
jure communia sunt omnium; quaedampublica;
quaedam sunt universitatis; quaedam nulfius;
pferaque singulorum (1). Pour faciliter l'intelligence de ce texte, reprenons-en les diverses parties.
Il y a par le droit de nature des choses qui sont
communes à tous les hommes: Quaedam enim
naturali jure communia sunt omnium .. Telles
sont celles qui, par rapport àlem éloignement ,. à
leur essence insaisissable, ou à leur immensité, ne
peuvent être renfermées dans le domaine exclusif
de personne: comme les astres, l'eau courante, la
mer, l'air, la lumière.
3. Il yen a d'autre~ qui sont publiques, Quaedam publica, comme asservies par la dispo&ition
de la loi civile aux usages de tous. Tels sont les
ports de mer, les fleuves et rivières navigables, les
grandes routes et les chemins publ\cs; et c'est ce
genre de choses qui fait l'objet du domaine public,
dont nous traiterons plus bas.
-l. Il Y en a d'autres appartenant propriétaireroent à la communauté politique, qui en jouit
comme les particuliers jouissent chacun de ses
hiens : Quaedam sunt ulliversitatis. Ce sont
'celles qui composent les domaines nationaux et
communaux, ou le patrimoine de l'état et des communes" dont nous nous occullerons ailleurs.
(1) Instit. de rerum difJisione> in princip.
�DU DOMAINE PlffiLIC.
11
5. Il Y en a d'autres qui restent dans l'état de
l1uture primitive, parce qu'elles n'appartiennent
encore à personne, quoique susceptibles d'être
acquises ail premier occupant et d'entrer dans le
domaine privé de celui qni s'en saisit: Quaedam
nullius. Tels sont les poissons qu'on pêche dans
]a mer el les fleuves, et le gibier qui est pris à la
chasse.
6. Il Y en a d'autres enfin, et en plus grand
nombre d'espèces, qui appartiennent aux divers
membres de la société: Pleraque singulorum;
elles sont le sujet du domaine de propl'iété, dont
nous aurons à nons occuper ailleurs.
7. Mais outre ces rapports généraux, il èst encore une autre division non moins essentielle à bien
connaître, celle des choses qui sont dans le commerce et des choses qui sont hors du commerce.
Les premières sont celles qui, soumises aux
règles établies pour le gouvernemen t de la propriété et des droits privés, peuvent être aliénées
par les uns et acquises par les antres, pour rester dans la possession exclusive de celui qui
en est ou qui en devient le maîtr~. Il n'y a que
les choses de cette nature qui puissent être l'objet
de nos conventions, parce qu'il n'y a qu'elles qui
puissent être acquises à l'un plutôt qu'à l'autre,
et passer du domaine du premier dans celui du
second.
On fera connaître les choses qui sont dans le commerce en énumérant celles qui n'y entrent point.
�12 .
. TRAITÉ
Il Y a six genres de choses qui sont placées hors
du commerce,
Soit par leur propre immensité,
Soit par le droit divin positif,
Soit par les principes de la morale,
Soit par le droit naturel,
Soit par le droit public étahli pour l'organisalion.
sociale,
Soit enfin par la destination de la loi civile.
S. Le PREl\UER, celui d~s choses placées
hors du COlD,merce par leur propre immensité,
comprenrl les astres, la lumière, l'air, la mer,
l'eau courante considérée comme élément: elles
sont hors du commerce, paree que telle est lem'
étendue qu'elles ne sauraient être comprises dans
les. bornes étroites de nos possessions privées ..
Nécessaires à l'harmonie de ce monde, à la vie
des hommes et à l'existence des sociétés humaines,
elles son t destinées par la nature au service de tous.
indistinctement, et uul ne pomrait y prétendre de
droit exclusif au préjudice de ses. semblables.
Il faut cependant observer que quand on dit que
l'eau courante est un des éléments placés hors du
, en tant que
, Il e estgenera
' , 1cment
commerce, cest
considérée: car celui qui va puiser dans une ri vière,
~evient propriétaire de l'eau qu'il en tire, et il peut
la vendre à d'autres, c~mme fontles porteurs d'eau
à Paris.
'. 9. Le SECOND genre des choses qui sont placées
hors du commerce,.et qui en sont exclues par la
�DU DOMAINE PUBLIC.
13
prohibition du droit divin positif; comprend les
choses spirituelles qui appartienuent au culte divin,
telles que l'administration des sacrements, qui ne
peuvent être l'objet d'aucune vente ni d'aucune
transactio:p commerciale, parce qu'elles ne peuvent
jamais cesl>er d'être un don de Dieu: Pecunia tua
tecum sit ili perditionem : quoniam donum Dei
existimasti pecunid possideri (1).
10. Le TROISIÈME genre, cciui des choses qui
sbnt exclues du commerce par les préceptes de la
morale" comprend les actions qui sont défendues
Ainsi l'on ne peut déroger 'par'des convel1LÏons
particulières aux lois qui intéressent l'ordre public
et les bonnes mœurs (6) : Pacta quae contra
leges constitutionesque" vel contra honos mores jz'UTlt -' nullam vim hahere induhitati juris
est (2).
Ainsi aucune société ( 1833), aucune conveh"tion (1131 et "1 133) ne peut avoir pour objet ou
ponr cause une chose ou une action illicite, parce
que les hommes ne p('uvent par ancun pacte se
placer au-dessus des devoirs que la loi naturelle
ou civile leur impose.
Ainsi, et par la lllêmè raison, le magistrat he
peut pas vendre la justice.
Ainsi la succession d'un homme vivàlit ne peut
être l'objet' d'aucun contrat (79'1); et aucune sti:.
(1) Actorum, cap. 8, versic.20. .
(2) L. 6, cod. de pactis, lib. 2, tit. 3.
�14
TRAITÉ
pnlation pareille ( 1130) , aucune vente de cette
nature ( ] 600) ne peut avoir lieu, même avec le
consentement de celui de l'hérédité duquel il s'agit, soit parce qu'il ne doit pas être permis de déroger par des actes privés aux principes du droit
public sur la dévolution des successions; soit
parce que les conven lions de cette espèce pourraient donner lieu à des piéges tendus contre la sûreté de la personne; soit encore parce que, cotilme
le dit la loi romaine, nifas est tristes casus
expectare (1).
Ainsi c;est une règle éternelle de morale, consacrée par le Code (1628), comme elle l'était déjà
par le droit romain, que le dol et la fraude ne
peuvent être permis par aucune convention, el que
la responsabilité des suites ne pent en être remise
d;avance : Nulld pactione eflici potest ne dolus
praestetur (2).
11. Le QUATRIÈME genre, celui des choses qui
sont placées hors du commerce par le droit naturel., se l'apporte à l'homme et à ses qualités.
L'homme n'est pas llne chose commerciale; il ne
peut même engager indéfiniment sa liherté (1780),
ili s'imposer, pour la sûreté de ses engagements,
la con train te par corps hors les cas déterminés dans
le droit (2063); il en est de même de toutes ses
qualités civiles. N ulne pent être constitué en mi(1) L. 34, § 2 , if. de conf-rahend. empt, , lib. 18, tit. 1.
(2) L. 27, § 3, if, de pactis , lib. 2, tit. 14.
�DU DOMAINE PùBLIC.
15
norité, ni devenir majenr par convention (13°7),
comme nul ne peut acquérir par aucun contrat la
qualité de père bu celle d·enfant, non plus que
celle d·époux légitime, s·a n'en est revêtu par le
droit naturel et la loi positive.
Cependan t l'esclavage, proscrit par nos lois en
tant qu'eUes s'appliquent au continent d'Europe,
est encore en usage dans nos colonies, dans une
partie de l'Afrique, en Turquie et dans plusieurs
autres lieux.
Celte institution inhumaine est néè du ~ein des
guerres barbares auxquelles se livraient anciennementIes nations que le flambeau de la civilisation
et de l'Evangile n'avait pas encore éclairées.
En classant les prisonniers parmi les fruits de la
conquête, de même que tous les autres butins
aitssur l'ennemi, on parvint à faire envisagel'
leur esclavage comnie une institution du droit
des gens; et voici comment on raisonna pour
arriver à cette déprayation des notions du droit
naturel.
12. Il serait inhumain, dit-on, d'égorger des
prisonniers lorsqu'ils se rendent, ou lorsqu'après
avoir posé les armes, ils restent sans défense;
d'antre part, il serait impolitique de les t"envoyer,
parce qu'on les trouvetait de nouveau dans les
rangs ennemis : donc il faut les garder pour les
vendre! Comme si 1;00 n'avait pu les conserver à
d'autres fins! Et les Romains, si sages dans leur
législation, ne raisonnèrent pas autrement sur
�16
TRAITÉ
ce point: Servitu$ est constitutio juris gentium~
qud quis dominio alieno contra naturam suojicitur (1). Chez eux les prison niers de guerre
reçurent le nom de selfS, parce qu'un leur avait
conservé la vie pour les livrer ail commerce
comme de vils animaux: : SERYORUM appellatio
ex eo jluxit quod imperatores nostri captivos
vendere, -ac per hoc SERY..iRE, nec occidere,
soLent (:t).
L'abolition de ce commerce réprouvé par les lois
de la nature', a enfin, dans ces del'l1iers temps,
excité la sollicitude des gouvel'l1ements d'Angleterre et de France, qui ont prohibé la uaite Jes nègres; mais lorsqu'un mal est aussi' répandu, le
remèJe n'y peut être apporté que hien lentement;
et tant que les barbares qui habitent l'intérieur de
l'Afrique seront dans l'usage de réduire leurs prisonniers de guerre à l'état d'esclavage pour en faire
un objet de commerce entre eux, la prohibition
de la traite pratiquée sur les c8tes de ce pays ne Sera
toujours qu'un soulagement bien faihle pour l'humanité.
Mais ce qui a toujours affecté notre ame d'une
pénible surprise; est de voir que les mêmes gouvernements qui prohibent à lenrs sujets la traite'
des nègres SUt' les bords de .l'Afrique, aient ptl
soufft'ir que les Africains vinssent jusqu'au sein de
(1) Instit. , lib. 3 , c. 2.
(2) L. 239; § 1, if. de vcrb. lignif, Eb. 50, tit. 16.
�11
DU DOMAINE PUBLIC.
l'Europ'e y pratiquer la piraterie des blancs, envers
des peuples chrétiens, pour les transporter comme
esclaves dans des régions sauvages. Faisons des
vœux pour que, mettant à part toute rivalité d'intérêts matériels, les gouvernements d'Europe
s'entendent enfin pour imposer à ces barbares l'obligation d'observer à l'égard des prisonniers de
guerre les règles du droit des gens telles qu'elles
sont en nsage chez les nations policées.
Que tous les philantropes fassent leurs efforts
pour que la conquête du royaume d'Alge,', affermie
entre les mains de la France, opèl'e au moins vis· àvis l'Europe l'extirpation de cet exécrable abus de
la force.
13. Le CINQUIÈME genre, celui des choses que
nous avons dit être placées hors du commerce par
la disposition du droit étahLi pour l'organisation sociale, comprend toutes les fonctions publiques : les titulaires qui en sont revêtus ne peuvent les vendre ni les céder à d'autres, parce que
nul ne peut les posséder s'il n'a personnellement
reçu le mandat de la loi pour les exercer.
Ainsi les droits, soit d'électeur, soit d'éligible,
ne peuvent être cédés de l'un à l'autre par aucune
convention, non plus qne 'les fonctions de juge
, ou d'administrateur et autres, parce que nul ne
peut en être revêtu que par la nomination du
prince ou par la délégation .de l'autorité sllpéneure.
2
�18
TR~
14. Néanmoins, aux termes de l'article 91 'de
la loi de finances du 28 avril 1816 (1), cc les avo» cats à ]a COUl' de cassatio'n, les notaires, avoués,
» huissiers, greffiers, agents de change, courtiers,
» commissaires-priseurs, peuvent présenter à l'a)) grérnent de Sa Majesté des successeurs, pourvu
» qH'ils réunissent les qualités exi~ées par les lois;
» 1llais cette faculté n'a pas lieù pour les titulaires
» destitués.
» Et il sera statué par une loi particulière sur
»l'exécution de cette di~position, et sur les
» moyens d'en ~aire jouir les héritiers ou :iyants» cause desdits officiers. »
Cette disposition législative a été provoquée par
le motif que les fonctionnaires auxquels elle s'applique étant obligés de fournir"des cautionnements,
il a paru juste de leur accorder réciproquement la
faveur de p"ésenier leUl's successeurs, et voilà ce
qui a donné lieu aux conventions qu'on voit
stipulé('s entre les fonctionnaires de ces diverses classes et ceux qui, moyennant 1,1U prix, deDlèll1r\ent leur présentation pour être admis à les
remplacer; mais il n'en reste pas moins vrai de ,
dire que le successeur qui est admis n'exerce touionrs ses foncLÏons qu'en vertu de la nomination
dn roi, et que, quoiqu'il ait payé au précédent tit.ulaire un prix pour ohtenir soit sa démission in
fallorem, soit les avantages de sa clientelle, l'of(1) Voy. au bull. 81 ,tom. 2, p. 514, ,- sér.
�DU DOMAINE PUBLIC.
19
fice considéré en lui-même est encore si peu placé
dans le commerce, que le roi peut toujours en refuser l'invesLÏture au candidat présenté.
15. Le SIXIÈME genre, celui des choses que
nous avons considérées comme placées hors du
commerce par la destination de la loi civile,
comprend les lais et relais, les ports de mer, les
fleuves et rivières navigables ou flottables, les canaux de n;vigation intérieure, les routes, et autres
objets Jont nous présenterons le détail dans les
chapitres suivallts, en traitant du domaine public
et du' domaine municipal.
Les choses de ce genre; étant asservies par l'autorité publique à l'usage de tous indistinctement;
ne peuven t rester soumises aux règles de la propriété
privée (538) : d'où il résulte qu'elles sont nécessairement placées hors du commerce.
Comme c'est une règle invariable en droit que
les choseb placées hors du commerce ne peuvent
être aliénées raI' l'un au profit de l'antre, il faut·
dire aussi qu'eHes ne peuvent être passibles d'aucune hypothèque (~118), puisque la convention
stipulée avec hypothèque renf~rme un principe d'aliénation des choses qui en sont frappées; ·et de là
il faut tiret' cette conséquence, que dans le cas où
un terrain privé devient public, par l'occupation
qui en est faite pour la construction d'un canal de
navigation 011 d'une route par exemple, les hypothèquesdont il était frappé se trouvent anéanties,
sauf aux créanciers à fo.rmer leur opposition sur le
�20
TlUlTÉ
paiement de l'indemnité due aux propriétaires
par le gouvernement, pour être colloqués suivant
l'ordre de leurs hypothèques, comme ils le seraient
dans le cas d'une vente ordinaire (1).
16. De ce que les choses dont nous parlons
ici sont placées hors du commerce, il ne faut pas
conclure que les 'hommes n'aient civilement anClm droit à revendiquer sur elles: car ces divers
immeubles ne sont aü contraire affranchis des
règles de la propriété privée qu'afin qne tous en
aient une jonissance pIns libre et plus assurée; ils
sont affectés au profit de tous indistinctement à un
véritable droit d'usage, servitude personnelle, dont
l'exercice est réglé pal' les lois de police (7 14) : en
sorte qne quiconque se présente pour jouir de cet
usage, conformément à l'ordre étahli par la loi,
revendique un droit qui lui appartient réellement,
et dont il ne peut être justement privé; et de là il
faut tir'cr la conséquence que tout homme qui, &e
trouvant en position de jouir de ces choses conformément à lem destination, en 'serait empêché
par un autre, éprouverait une injùstice à raison de
laquelle il aurait le droit de se pourvoir par-devant
l'autorité compétente POUl" en ohtenir réparation,
puisqu'un droit établi pour tous peut être revendiqué par tous.
(1) Voy. l'article 25 de la loi du 8 mars 1810, bulletin 273,
tom 12, pag. 203, 4" série, l'art. 54 de la loi du 7 juillet
1833, et le même article de la loi du 3 mai 1841.
�DU DOMAINE PUBLIC.
21
On ne peut, disent les empereurs Dioclétien et
Maximien, empêcher personne de se servir de la
voie puhlique : Uti autem vù1 puhlicd nemo
rectè prokihetur (1).
Et quoique celui qu'on voudrait injustement
empêcher de participel' à la jouissance de la chose
commune ou publique ne puisse agir pour faire
lever l'obstacle par l'interdit possessoire, attendu
que le fonds n'est poin t dans sa possession, il n'en
a pas moins le droit de s'adresser aux Tribunaux
pour obtenir par action personnelle la réparation
de l'injure on du tort dont on s'est rendu coupahle envers lui: Si quis in mari piscari aut
nal/igare prohiheatur, non hahehit interdictam; quemadmodùm nec is qui in campo puhlico ludere, vel in puhlico halneo laI/are, aut
in theatro spectare arceatur; sed in omnihus his casihus, in;uriarum actione utendum
est (2).
11.
ON divise encore les choses en celles qui
se trouvent sans maître (713), quoique susceptihles
d'être asservies aux règles de la propriété privée,
et en celles qui dans le fuit appal,tiennent à qnelqu'un.
(1) L. 11 , cod. de servit. et aquâ, lib. 3, tit. 34.
(2) Lib. 2, § 9, if. ne quis in loco puhlico, lib. 43, tit. 8.
Vid. et leg. 13, if. de injurùs, lib. 47, tit. 10.
�TRAITÉ
22
Suivant les principes du droit romain, les choses
qui n'appartiennent à personne entraient dans le
domaine du premier occupant; mais cette règle a
été abolie par notre Code civil; et aujourd'hui les
biens qui n'ont pas de ma~tre sont généralement
dévolus à l'Etat (539),sallf néaDmo~ns les excep,ions doqt QOUS parlerons ailleurs.
�DU DOMAINE PUBLIC.
23
CHAPITRE II.
Du principe naturel djls droits de l'homme.
18. Notre dessein Jans cet ouvrage étant ùe
traiter des droits de l'homme sur les choses qui
DOUS entourent, i.l ill~porte d'abord de fixer nos
idées sur le principe origin_aire et ~ondameDtal de
ces droits; et c'est par là-que nous ~Ilons commencer.
Si pour caractériser l'hQmme l'on ne s'attachait
qu'au sentiment de préférence qu'il éprouve naturellement ponr lui-même, on ne verrait dans
chaque individu qu'un égoïs.me anti-social, tendant à l'isoler de ses semblables.
Mais le sentiment non moins impérieux qui le
porte à veiVer à sa consel'~ation le rapproche des
autres hommes, ùont les secours lui sont nécessaires; et comme il ne pourrait prétendre aux services des autres sans se soumettre à la condition
de leur fonrnir réciproquement les siens, il se
trouve par là même engagé à leur égard.
Ces engagements mutuels et nécessaires, dont les
hommés se trouvent saisis les uns envers les autres,
sans contrats positivement stipulés entre eux, nous
indiquent le principe initial de leurs droits respectifs, et nons font en même temps remonter à la
co~ceptiou de leur état naturel de sociahilité.
�TRAITÉ
Remarquons en effet que, comme on ne con~
cevrait pas que quelqu'un pût être créancier sans
qu'il y eût un débiteur chargé d'acquitter la dette,
de même il serait impossible de concevoir qu'un
droit appardnt exclusivement à quelqu'un, sans
admettre qu'il y eût d'autres personnes qui fussent
tenues de l'en laisser jouir et de s'abstenir d'y porter atteinte.; en sorte que le droit de l'un ou revendiqué pal' l'un, suppose nécessairement un devoir
dans les autres.
Le mot DEVOIR cxprim~ donc une chose essentiellement corrélative entre les hommes, et qui les
suppose par conséquent rapprochés les uns des
autres, ou réunis en société.
Ainsi l'origine de nos droits se confond avec l'origine de ]a société elle-mème, puisque l'une suppose nécessairement J'autre.
Ainsi, encore, si l'état social, dans lequel nous
naissons, n'est pas d'institution humainè, s'il est
au contraire l'œuvre de la natnre, ou si le CréateUl'
a voulu sQn établissement, il faut reconna1tre que
les droits de l'homme en société sont véritablement
fondés sm la loi naturelle, comme se trouvant étahlis par l'effet des décrets de la suprême providence.
Or, soit qu'on envisage l'homme sons le rapport
de ses facultés physiques, soit qu'on le considère
sous ceillide se~ facultés morales et comme un être
doué de]a raison et des diverses qualités de son
ame, il est impossible de ne pas reconnaître en lui
sa vocation et sa destination naturelle à la vie sociale avec ses semblables.
�DU DOMAINE PUBLIC.
25
19. Sous le rapport de ses besoins, il est évident que l'homme fut destiné par le Créateur, et
conséquemment est forcé par la nature de sa constitution à vivre dans la compagnie de ses semhlables.
Absolument nul par ses propres facultés durant
sa première jeunesse, faible et succombant sous ~es
propres infirmités vers le terme de sa vie, que deviendrait-il d,ans les longues années de son enfance
et de"sa vieillesse,s'il n'était secouru par la main de
ses semblables, auxquels il doit à 50n tour les mêmes
services durant la vigueur de son âge? Et encore
quand il est parvenu à cette période de la vie qui
semble n'être destinée qu'à nos jouissances, seraitil possible d'imaginer un mortel assez puissant pour
se suffire à lui-même? Pour qu'nn homme pût vivre
étranger à toute société, il faudrait que son génie
borué et sans culture embrassât toutes les connaissances; il faudrait qu'il fût capable d'exercer à
la fois tous les arts et tons les métiers; ses bras devraient se multiplier à ses ordres, ses forces se reproduire à chaque instant, et devenir inépuisables!
Et qu'on remarqne bien que s'il est un fait constant dans le monde, c'est que la terre ne produisant pas spontanément de quoi nourrir ses habitants, il a fallu la cultiyer pour en obtenir les produits nécessaires à leur subsistance; or l'art de l'agriculture en entraiue une foule d'autres qui ne
peuvent être exercés par les mêmes personnes: en
sorte que les hommes, loin de pouvoil' se passer les
�TRAITÉ
uns des autres, ne peuvent au contraire subsister
que par la communication ou les échanges mutnels
de leurs services réciproques et continuels.
20. Mais les hommes ne sont pas seulement
unis par la chaine de leurs misères : la bonté
infinie du Créateur e,n a voulu adoucir le poids par
des liens plus doux et des rapprochements plus
nobles.
L'homme n'est pas plutôt dégagé de la f.'1iblesse
du bas âge, et devenu, par les secours d'autrui, en
état de pourvoir à quelques-uns de ses besoins,
qu'avec le pr~mier sentiment de sa force, il sent
germer dans soo cœur le désir d'ml bonheur qu'il
ne peut plus obtenir seul. Il lui faut une compagne
sur laquelle il puisse répandre s~s affections les
plus chères. Son choix étan,! fixé, il éprouvera bientôt qu'il ne peut être vraiment heureux qu'en, par~
tageant ses jouissances avec celle qui- lui- aide à
supporter les travaux et les peines de la vie; s'il
devient pè,'e, il devra pourvoit' aux besoins de ceux
auxquels il aura donné Je jour; Cilr il n'est point
libre d'abdiquer ce titre, et le sen timent et la raison
lui disent qu'il ne doit point cesser d'être le protecteur de ses enfants, pour chercher d'autres
objets à ses passions. C'est ainsi ql~e la main invisible du Créateur le détourne du vice pour le conduire, par les sentiments les plus nobles et les
affections les plus donces, à l'accomplissement du
premier de ses devoirs, qui est de vivre au seiu de
la famille.
�DU DOMAINE PUBLIC.
27
Mais ses désirs, toujours plus vastes que ses.
jouissances, le feront bientôt aller plus loin.
Les douceurs qu'il éprouve dans cette première
union, les consolations qu'il en a reçues , lu~ font
un besoin de chercher encore d'autres amis et
d'accroître ses soutiens çontre les accidents de lia
VIe.
Identifié en quelque sorte avec la famille dont
la nature le fit chef, ses désirs et ses besoins s'agrandissent en proportion. Il faut l'allier à d'autres
pour vivre dans un cercle moins étroit, afin d'y
trouver plus d'appuis et de multiplier par là ses
ressources et ses jouissances.
Enfin à chaque pas qu'il fait dans le monde, à
chaque rencontre où il a le bonheur de soulager
un malheureux, la première récompense qu'il en
reçoit, par la satisfaction intérieure qu'il éprouve,
lui fait connaître qu'aucun de ses semblables ne
lui est étranger, et c'est ainsi que ses sentiments les
plus doux lui indiquent sa destination pour la vie
commune.
21. De toutes les facultés dont l'espèce humaine peut s~enorgueillir, rune des pIns remarquables, et qui démontre le plus positivement la
destination des hommes à la vie sociale, c'est le
don de la parole. ,L'Auteur de la nature n'a rien
fait en vain, et c'est surtout par ce don'qu'il a
voulu mettre les hommes en rapport entre eux,
puisqu'il leur a donné ce moyen de delUander et
d'obtenir les uns des autres l'assistance et les se·
�28
TRAITÉ
cours qui leur. seraient nécessail'es; que c'est par
cet instrument 'qu'ils se communiquent leurs pensées et leurs désirs, et qu'ils parviennent à rendre
leurs affections communes .
Que si l'on pousse ces réflexions plus loin, et
qu'on observe que c'est par les sons cadencés de
leur voix que les hommes parviennent à porter
mntuellement la joie des uns jusque dans l'arne des
autres, comment le moins attentif ne trouverait··il
pas clans les usages aussi val iés du pIns beau présent de la nature la preuve irrésistible qu'il n'est
point fait ponr lui seul P
Remarqnons encore qne la parole n'est pas seulement donnée à l'homme pour exprimer les sensations de la donleur et du plaisir, mais pour faire
connaître aussi le bien et le mal moral, indiquer
ce qui est juste, le fail'e distinguer de ce qui est
injuste, louer l'un et blâmer l'autre, en un mot,
pour être le moyen communicatif de tous les sentiments moraux qui font la base de l'OI'dre social.
Quelle que soit notre ignorance snr l'origine de
la diversité des langnes, le principe que nous énonçons ici ne peut cesser d'être vrai, puisque la parole n'est point d'institution hnmaine, que ce n'est
point l'homme qui se l'est donnée, mais qu'il l'a
reçue du Créateur.
Doués d'une in teUigence qui, malgré leur faihlesse corporelle, les rend maîtres de tous les
animaux, c'est dans la société que les hommes dé• ve~oppent tous les ressOrts de cette puissance.
.
�DU DOMAINE PUBLIC.
29
L'invention des arts ne peut leur être vraiment
utile qu'autant que l'un met à profit les découvertes de l'autre, et que leur perfection finit par être
un patl'imoine commun.
22. Non-seulement l'homme est né avec nn
cœur qui ne s'alimente qne par les affections et
l'amour du bien, lorsque le vice n'a point encore
flétri l'œuvre de la nature, mais il éprouve à chaque
instant les sentiments de la reconnaissance, de la
hienfaisance, de l'amitié, de l'émulation et du désir de la gloil e; or tous ces sentiments supposent
des objets corrélatifs qu'on ne saurait trOllver que
dans l'état social: les plus beaux mouvements de
l'ame seraient par conséquent sans objet si l;homme
était seul.
En un mot, tout dans l'homme l'appelle à vivre
en société avec les autres hommes. Le besoin de sa
propre conservation, l'instinct qui le porte au plaisil', ses penchants les plus naturels, ses qualités les
plus nobles, ses facultés les plus belles et ses passions les plus vives, soIit autant d'anneaux de la
chaine pal' laqnelle le Créateur l;a invinciblement
attaché à la vie commune.
23. Mais quel put être d'abord le régime de
l'association primitive des hommes?
Sans doute ce n'est pas dans l'histoire du premier âge qu'on pourrait puiser la réponse à cette
question, puisque l'art de l'écriture n;était pas encore inventé; mais nous avons ponr guide sur ce
point l'éloquente voix de la nature et le témoi-
�30
TRAITÉ
gnage des antiqnes traditions consignées dans les
textes sacrés.
En fait, il est certain que l'homme fut toujours
un être intelligent; il est certain que, dégagé des
faiblesses de l'enfailce, et parvenu à l'âge où se
développe la raison; la capacité intellectuelle dout
il est doué lui fait alors apprécier et comprendre à
chaque instant les divers rapports qui existent entre
1l1i et ses semblables; qne l'instinct de sa propre
. cOilservation lui indique à chaque pas qu'il ne peut
sepasscr des services et du secours des autres; etlui
fait comprehdre ql1e, par réciprocité, il leur doit
aus~i les siens. Le voilà donc, par Ses propres ré.
flexions, et sans autre guide que le flambeau de la
raison dont il est doué, conduit peu à peu à la
êonnaissance de ce qui est juste; comme étant conforme aux rapports naturels qui existent entre les
hommes, et de ce qui est injuste, comme étant
contraire à ces rapports.
Ces premières notions su r'la loi naturelle s'étendent et se fortifient, daus ehaque indivi,lu, par
Son rapprochement continuel avec ses semblables
et le commerce de la vie sociale, qu'il ne cesse pas
d'avoit, avec eux. Au moyen du langage qui anime
leur réunion, ils se communiquent leurs aperçus
èt leurs idées, et la connaissance du bien et du
mal s'étend progressivement par cet état d'enseignement mutuel dans lequell'autenr de la nature a
placé les hommes en les forçant à la vie commune.
La faiblesse avec laquelle l'homme vient au
�DU DOMAINE PUllLIC.
31
monde le place immédiatement sous la dépendance de ceux qui lui ont donné le jour; le long
espace de temps qui s'écoule durant cet état d'impuissance a pour effet nécessaire d'accoutumer les
enfants à la soumission envers les peres, et cette
soumission se fortifie par les sentiments de rec9nnaissance et d'amour réciproques qui les attachent les uns aux autres: et. de là l'origine toute
naturelle d~ la puissance paternelle et du gouvernement patriarcal des premiers âges.
24.' L'homme, avec l'entendement et la mé.
moire dont il est doué, n'est pas destiné à vieillir
en pure perte: l'expérience lui apprend sans cesse
à mieux apprécier les objets; elle ouvre de ·nouvelles carri'ères à ses idées; elle lui donne chaque
jour des connaissances qu'Hn'avait pas: d'où il résulte que, toutes choses égales d'ailleurs, c'est celui
qui a le plus vécu qui doit en général avoir aussi
le plus d'instruction; que c'est lui qui doit le mieux
savoir ce 'qui convient ou ne convient pas, ou ce
qu'il faut adopteretsuivre comme étant le plus favorable à l'union des espl'its et le plus utile à l'intérêt
commun : et de là l'institution du conseil des
vieillards, consilium setiiorum .. qui, sni vant les
textes nombreux de l'ancien Testament, fut établi dans les premiers siècles pour présider au gouvernement des différentes peuplades, à mesllre
qu'elles se répandaient sur dive~:ses parties du
globe: institution qu'on a trop abandonnée dans
les temps modernes : car il sera t?ujours vrai dé
�32
TRAITÉ
dire que l'expérience est notre premier mahre , et
que toujours elle est la compagne natUl'elle de la
prudence et de la sagesse.
C'est ainsi que, dès sa naissance, l'association
primitive des hommes fut régie par les notions de
la loi nàturelle mise en pratique, c'est-à-dire par
les inspirations de cette raison universelle dont les
règles ou les préceptes ont reçu Je nom de droit des
gens> comme reconnus et mis en usage chez les
diverses nations: Quod vero naturalis ratio inter omnes homines constituit> id apud omnes
peraequè custodztur> vocaturque jus gentiu7Tt>
quasi quo jure omltes gentes utuntur (1): en
sorte que l'on ne peut dire qu'en aucun temps la
réunion des hommes a été une simple agglométation matérielle d'individus vivant sans règle de
conduite, comme un troupeau dont les divers
animaux n'obéissent qu'à l'instinct aveugle qui les
dirige individuellement. Et cela est évident, puisque fhomme ne fut jamais dépourvu de la raison,
dont il est essentiellement doué pour servir de
guide et de modérateur à ses actions.
Il résulte de tont ce qui est dit dans ce chapitre,
25. 1° Que l'association des hommes n'est
point d'institution humaine, que cet état n'est
point l'effet d'un contrat ·social formé entre eux,
puisqu'il dérive immédiatement des lois de la nécessité, auxquelles ils n'auraient pu se sOl\straire;
(1) L. 1 in fin. ,if. de justitia et jure > lib. 1 ,tit. Il.
�33
DU DOMAINE PUBLIC.
'qu'enfin, ayant son fondpment dans la nature de
notre organisation, c'est l'Etre suprême qui eh fut
le seul instituteur;
26. 2 0 Que, par le fait de sa naissance, tout
homme se trouve revêtu du droit d'obtenir des
autres, et principalement de ceux qui lni bnt
donné le jour, tOus les secours qui lui son t nécessaires pour vivre el fournir sa carrière, et que,
réciproquement, il se trouve allssi chargé de la
delle de ses services personnels envers les autres
hommes pour le temps où il pouna y satisfaire:
car tout individu ayant indispensablement besoin
ùe secours étrangers pour subsister, l'auteur de
la nature a voulu que ces secours lui fussent
donnés, puisqu'on ne peut vouloir une fin sans
vouloir aussi les moyens d'y parvenir; et comme
tous passent successivement de l'état du besoin au
pouvoir de s'entr'aider, comme on ne peut prétendre au droit d'exiger les services d'autrui sans se
soumettre à remplir les mêmes devoirs à son tour,
parce que nul ne sort des mains de la nature
avec un pareil privilège, il faut infailliblement
conClure de l'organisation et de l'élat naturel de
l'homme, que le Créateur a voulu l'asservir dans
ses faculLés physiques et mOl'ales aux actes indispensables à l'existence des aUlres, toutefois dans la
mesure de ses pouvoirs et suivant sa position sociale ;
2'1. 3 0 Que le suicide est un crime condamné.
par la loi naturelle, puisque chaque homme, deTOM. 1.
3
�TRAlTJ:o:
vant le tribut de ses services à la société dont il est
membre, ne s'appartient point entièrement; et
que nul ne peut licitement se soustraire au paiement de ses .dettes pour augmenter la charge'qui
pèse sur les autres;
28. 4° Que l'homme qui trahit sa patrie commet le plus ~rand des crimes dont on puisse se
souiller Sllr la terre, puisque au lieu des services
qu'il doit à cette mère commune, il vient lui enfoncer le poignard dans le sein! Et quelles que_
puissent être les dissensions politiques qui se soient
' d ans l' etat,
,
l' enorrrnte
,
. , d u cnme
.
e'1 evees
n ,en peut
êtl'e atténuée, à raison de la foule des personnes
inoffensives on innocentes, dont l'existence se
trouve sacrifiée par suite de l'exécution du forfait;
29. 5° Que loin de pouvoir trahir sa patrie,
il est au contraire du devoir de l'homme, quand
les circonstances l'exigent, d'exposer sa vie pour la
sauver, puisqu'il doit indispensablement le retour
de ses services au pays qui l'a élevé et nouni dans
son sem;
Que d'ailleurs le corps moral don t il fait pat'tie
ne pouvant subsister sans le secours de ses membres, et les' membres eux-mêmes ne pouvant
vivre en sécurité sans la protection d'une force
collective et publique, il s'ensuit qu'à ce double
tilre ils sont réciproquement asservis par la loi de
leur nature; et comme les pertes individuelles
doivent toujours être subies en premier ordre,
et pour écarter le danger général, suivant la règle
�DU DOMAINE PUBLIC.
35
qui soumet invariablement la partie à ce qu'exige
le salut du tout, l'on est de plus en plus forcé
de convenir que, pour sauver le corps social, tous
les ciloyetis doivent subir jusqu'au danger de
perdre la vie, lorsque des circonstancés de malJ1eur public l'exigent de leur part.
�36
TRAITÉ
CHAPITRE III.
Du droit d'occupation' et de possession primitives considérées
comme principe générateur du droit de propriété. _
30. ON entend pa~ propriété ce qui est propre
à chacun de nons, ou ce qui appartient à l'un
exclusivement aux antres.
Pour peu qu'on réfléchisse sur la constitution
humaine, on reste bientôt convaincu que le droit
de prop'-iété est, comme nos aütres droits, fondé
sur la loi natnrelle : car c'est de l'autenr de la nature qne l'homme tient le sentiment qui le porte
à se préfércl' aux autres et à veiller surtout à sa
propre conservation: d'où il résulte que c'est aussi'
de l'auteur de la natme qu'il a reçu le droit de se
saisir des objets extérieurs qui, n'étant encore à
personne, lui étaient nécessaires ponr vivre, parce
qne la sagesse suprème n'a pu vt>uloir la fin sans
vonloir les moyens d'y parvenir.
_
Mais en fail, qlland et comment le droit de propriété soit mobilière, soit immobilière, a-t-il été
admis dans la société et le commerce des hommes?
Tel est le sn jet de ce chapitre.
Si l'on remonte an berceau dn monde, il est
certain que tontes choses furent communes entre
- les hommes, pllisCJue toutes leur étaient également
offertes par le Créateur comme destinées indistinctement à leur usage.
�DU DOMAINE PUBLIC.
31
C'est en donnant sa bénédiction à nos premiers
pères que Dieu leur conféra le droit de souveraineté
sur toutes les créatures et sur toutes les choses
d'nn ordre infùieur: Benedixhque illis Deus ~
et ait: Crescite et multiplicamini ~ et repIete terram~ et subjicite eam ~ et dominabimini piscibus maris, et volatllibus cadi ~ et
omnibus animalltibus quaemovelltur super terram (1).
On ne dut d'abord connaître que la propriété
mobilière, parce que l'appropriation exclu~ive
d'une chose .mppose que celui qui s'en saisit ,a
par lui-même la f..1culté de la retenir en sa possession, et qu'il n'y a qne les choses, mohilières
qui soient de nature à être tlinsi placées irnmé<Jiatell1ent sous le pouvoir de l'homme.
Cette appropriation fla l'effet immédiat de la
saisine naturelle qui eut )·ieu par suite de la prise
de possession ~uccessive de tous les objets qui n'étaient encore à personne, parce qu'il est dans
rordre de la n~ture et conforme à la raison, que
la cho$e qui est sans maître, et sur laquelle nul
n'avait encore de droit, puisse être légitimement
saisie par le premier occupant, et conservée par
loi; il trollve dans ce fait uu titre légitime de
priorité et de préférence, au mépris duquel ill1e
doit pas être permis de le dépouiller.
(1) Genesis, cap. 1, versic. 18.
�TI\-llTÉ
Ainsi, les animaux formèl'en t, en tre les mains
de ceux qui les avaien t domptés, les premiers troupeaux, dont la multiplication fit la principale richesse des hommes, durant l'âge pastoral.
Ainsi encore, par le seul f;lit de la prise de possession, tout homme devint propriétaire du poisson
par lui pêché sur les bonIs ùes rivières ou dans la
mer, ainsi que du gibier qu'il avait arrêté ou tué
sur les terres.
Ainsi, enfin, tout hOq1me devint. propriétaire
des bois dont il s'empara dans les forêts pour son
usage, et il put de même se dire propriétaire des
fruits d'arLres ou des plantes qu'il avait le premier recneillis pour sa nourriture personnelle 011
pour celle de ses troupeaux: : Dixitque Deus:
Ecce dedi vobis omnem herham aflérentem
semen super terram" et universa Ligna quae
habent in semetipsis sementem geneâs sui" ut
sint vobis in escam (1).
31. Quant à la p~opriété exclusive des terres,
le droit en dut être d'abord ignoré, et ne s'introduire que pins tard dans l'usage.
Deux raisons portent à en juger ainsi.
La première, c'est que l'occupation et la possession, qui sont la source primitive de la maîtrise
de l'homme sllr les choses, ne s'exercent pas d'une
manière aussi continue et avec le même empire
(1) Genesis, cap. 1 , versic. 29.
�DU DOMAINE PUBLIC.
39
sur les fonùs que sur les choses mobilières, qne
l'homme retient immédiatement sous sa main.
La seconde, c'est que la propriété excl usive des
terres dut être d'abord inutile ou de très-peu d'importance, parce qu'il yen avait une telle étendue
relativement au nombre des hommes, que chacun
était libre d'en occuper temporairement au-delà de
la mesure de ses besoins, ct de changer sans cesse
de place, nnl n'a)7ant intérêt à s'y opposer.
Mais cet état primitif des choses dut nécessairement chan~el' dans la suite des temps, attendu que
par la mul tiplication des hommes sur la terre,
leurs besoins s'accrurent dans une proportion telle
qu'il fallut recourir aux moyens d'industrie ponr
les satisfaire.
Si la terre produisait spontanément et en abondance tous les fruits nécessaires à la vie des hommes,
si un ciel doux et sereIn les protégeait toujours, il
est probable qu'ils n'auraient connu que la propriété mobilière; mais l'auteur de la nature a voulu
se montrer libéral sans être prodigue; il a condamné
l'homme à vivre du travail de ses mains: ln sudore
vultzls tui vesceris pane (1), parce que le travail
le rend meilleur en écartant de lui les vices qu'entraîne l'oisiveté, et qui l'abrutissent. Aussi le sol
que nous habitons ne fournit à nos besoins que
dans le rapport des bras qui le cultivent, et il y
(1) Genesis, cap. 3, versic. 19.
�40
TILUTÉ
a nécessité pour nous d'édifier des abris contre
ri ntem périe des saisons.
32. Le premier qui construisit une cabane sur
un terrain qui n'était encore occupé par personne,
dut s'en regarder comme le maître absolu: et voilà
le poi'Dt initial Je ce genre de propriété qui rattache si puissamment l'homQ.le au sol qui l'a vu
naî1r:e.
Celui qui le premier défiicha un champ dont
personne ne s'était encore emparé, etqui le féconda
par quelque plantation, dut croire qu'il était seul
eu d l'oit d'en recueillir les fmits, parce qu'ils,
étaient le résultat de son industrie et de son tl'avail : et de là l'origine de la propriété fonciere.
Sans donte dans le principe cette espèce de propriété fut plus en fait qu'en droit, parce que l'idée
de conserver le domaine d'un fonds, même lorsqu'on semble l"avoit, ahandonné après en avoir
recueilli les fruits, ne ùut venir que quand la réflexion poussée plus loin fit comprendre que les
défrichements pratiqués par l'uu devaient lui profiter plutôt qu'aux autres, et que l'équité demandait pour lui un droit de préférence à l'égard de
la terre qu'il avait fertilisée le premier, dès qu'il
n'avait pas manifesté l'intent~on d'eD faire absolument l'ahandon.
Si la terre défrichée et mise en culture par l'un
ne lui avait pas dû appartenir plus qu'à tout autre,
s'il avait suffi qu'il eùt quiné momentanément le
champ par lui cultivé, pOUl' que son, défricherq~nt
�DU DOMAINE PUBLIC.
41
eût d-& profiter au premier venu qui s'en sel'ait emparé, personne n'aurait vou).u se livrer à des s.oins
et à des tl'avaux trop peu utiles pOUl' soi.même;
et l'art de la cnltllre, indispensahlement nécessaire au genre humain, aurait été étouffé des sa
nalssance.
Ainsi, les mêmes hesoins qui ont forcé les
hommes à cultiver la terre pour en lirer des aliments, les ont conduits aussi à la division des propriétés foncières.
Ainsi, à mesure que le nouvel essaim d'une
peuplade est sorti de l'agrégation primitive ou plus
ancienne, pour former un établissement séparé, il
a fallu fixer les limites de leurs tenitoires : et de
là l'origine de ce que nous app~lons le droit des
gens, qui est le droit naturel des natioDs.
C'est ai\?sique le droit de propriété foncière, qui
ne fut,dansl'origine, que la conséquence. ou l'effet
naturel de l'occupation primitive des terres, devint
à son tour l'objet fondamental du droit des gens
qui s'applique soit à l'étahlissement des divers
états monarchiqne$ ou autres, soit à l'érection, des
cités, soit à la conservation et à la défense des
territoires de Diltion à nation, soit à la protection
des propriétés et limites des fonds privés.,
33. Quant à la transmission du droit de propriété des mains de l'un dans celles de l'autre, on.
comprend
encore que cette mutation ait dû avoir
,
lien par acte entre-vifs, fait du consentement
respectif de celui qui délivre la chose, et de celui
�42
TRAITÉ
qui en reçoit la tradition, parce qu'il n'y a rien
là qui ne soit très-rationnel et très-confoFme à la
justice. Ou n'a jamais douté qu'un enfant ou toute
autre personne ne devienne -propriétaire de ce qui
lui serait donné pour servir à sa nourriture ou à ses
autres besoins.
Nous disons par acte entre-vifs: car les mutations de propriétés que nous voyons s'opérer
par décès, dans nos sociétés actuelles, sont plutôt
des inventions du droit civil que des conséquences
directes du droit naturel.
34. Il résulte de tout ce qu'on vient de dire
que le vol est un crime condamné par la loi natul'elle, puisque le Créateur a voulu que l'homme
acquît d'abord par droit de premier occupant les
choses qui n'appartenaient encorè à personne, et
qui étaient destinées à ses usages; et qu'une fois
tendu propriétaire, par cette saisine, il ne pût être
dépouillé que par son fait et de son consentement:
ld quodnostruuz est" sinefacto nostro ad alium
traniferri non potest (1).
Vainement dirait-on que les objets extérieurs
offerts à l'homme pour son usage, par le Créateur,
ayant été donnés à la masse du genre humain,
cette dotation a dû avoir pOUl' effet d'établir entre
tous un état de communion native qui est nécessairement exclnsif de la propriété ind\vidllelle
des uns au préjudice des autres.
(1) L. 11, if. de regul. jur.
�î
DU DOMAINE PUBLIC.
43
Ce raisonnement ne prouve rien contre le droit
de propriété individuelle, qui a dû s'établir par le
fait du pl'emier occupant, ou celui de partage des
choses offertes inJistinctement à tous: car la communion native, ou, si l'on veut, la société
négative, qui exista d'abord, ne fut jamais telle que,
dans le df'ssein du Créate.IJr, les hommes ne dussent
avoir sur les choses qu'un usage commun, et ne
devinssent maîtres absolus au moins des choses
indispensables pour la conservation de leur existence et la satisfaction de leurs besoins personnels.
Il faut donc toujours en revenir à ce point, que la
, propriété individuelle SUI' les choses qui n'appartenaient encore à personne dut naturellement s'établir par la nécessité et par le droit du premier
occupant.
Su pposons que, comme cela se pratique quelquefois dans les grandes cités, pour donner plus
d'éclat à des réjouissances pnbliques, l'administration mUl~icipale f'lsse jeter au peuple réuni sur la
place des pièces ùe monnaie; très·certainement ces
pièces, quoique offertes indistinctement à tous,
deviendront la propriété exclusive des individus
qui anront eu l'adresse de s'en saisir les premiers:
Interditm et in incertam personam collecta voluntas domini tranifert rei proprietatem : ut
ecce, qui missiLia jactat in vulgus. Ignorat
enim quid eorum quisque excepturus sit, et
tamen, quia vult quod quisque exceperit, ejus
�44
T~
esse, staÛm eum dominum elficit (1). Pourquoi
en serait-t-il autremen~ du droil d'occnp:ltion primitive ou de la saisine des choses qui n'appartenaient encore à personne, puisque le Créateur, en
les offrant indistinctement à toos, les offrait par là
Q"lême à ceux qni s'en saisiraient l~s premiers?
35. Nous trouvons néanmoins dansBLAKsTONE
une upinion contraire à la doctrine que nous professons ici. cc Le vol, dit cet auteur célèbre, n'est
:u pas une violation de la loi natnrelle, mais seu» lement uoe infraction à la loi de la société: cal'
:p le vol n'est qu'une i.nfraction an droit Je [11'0.:» priété, et le droit de propriété n'est qll'nne.
:» institntion sociale, et non naturelle; attendu
:>? que dans l'état de p.ll1'e nature, il ne p~Hlvai.t
» y avoir Je vol, puisqu'il n'y avait pas de prQ~ priété. »
' eu un temps ou, l'h omme n.' eu~
Comme s"
1 1
y eut
pas encor,e le s.eQtiment de sa pro.pre conseryation !
Comme s'il y eût eu nn temps où l'homme n'a-.
vait pas encore le 'sentiment qui le porte à se préférer aux autres dans ce ql1i lni est nécessaire!
Comme si dans l'état de natnre, l'homme n'eût
pas dû se croire propriétaire et rnahre Je ses l1:QU.,.
peaux et de leu l' prod nit, ainsi que d li poisson.. qu'il
avait pêché on des fruits qu'il avait recueillis. puur
servir ~ sa sl,lbsistance !
A
(1) L. 9, § 7, ff. de acquirendo rerumdom., lib. 41, tit. J.
�DU
DOMAINE PUBLIC.
45
Comme si dans l'état de nature les aliments
présentés par les pères à leurs enfants n'étaient
p'as devenus la propriété de ceux-ci plutôt que
celle de tous autres qui s'en seraient emparés même
par J'empire de la force ou de la violence!
Comme si la loi natnreJle avait pu, à l'époque
du premier âge, être autre que ce qu'elle est au, jounl'bui !
Comme si jamais elle avait pu approuver les
excès qu'clIe réprouve à présent!
�46
'l'RAITÉ
CHAPITRE IV.
Du contrat social.
36. Le contrat ou le pacte social dont nous
allons nouS occuper, constitue l'acte transitoire de
l'état de nature à l'état de la société positive, qui
s'est opéré successivement chez les différents peuples qui en ont acquis les avantages.
Dans l'état de nature, dont nous avons parlé
plus haut, la société des hommes n'était encore
régie que pal' la loi naturelle ou par les inspirations
de la droite raison éclairée par l'expérience des
vieillards: il n'y avait encore qu'un petit nombre
de règles auxqnelles les nsages pussent se rattacher,
parce qu'il n'y avait qne peu de besoins à satisfaire,
et qne les divers intérêts individuels étaient encore
peu corn pliqués.
Mais cet état de choses a dû changer peu à peu,
et. l'on a dù recourir aux lois positives à mesure
que les hommes se sont séparés en divers corps de
nation, et que l'état de civilisation s'est formé chez
les différents peuples.
Par suite de la grande multiplication du genre
humain, les hommes durent se diviser en diverses
peuplades qui s'établirent séparément sur différentes parties du globe. C'est à ce point ou à cette
époque que remonte la division jusque là inconnue
�DU DOMAINE PUBLIC.
47
des territoires; et quelles que soient les convenances matérielles tirées des chaînes de montagnes, ou du cours des rivières, qui lui aient servi
de bases, il n'en fallut pas moins établir des règles
positives, suivaut lesquelles les limites des nations
seraient respectées entre elles.
Eu remon tant à ce point, et pour peu qu'on y
réfléchisse, on doit convenir de cette vérité, c'est
que les limites territoriales qui existent entre les
diverses nations n;ayant été établies que pour les
distinguer les unes des autres; lorsqu'on arrive à
la question de savoir quel est le corps politique
auquel appartient un individu, c'est le lieu où il a
fixé son domicile qui nous l'indique, parce que
c'est là qu'il a voulu attacher les habitudes de sa
vie et faire partie du contrat social; et que d'ailleurs
il serait impossible de recourir à l'appel nominal
pour vérifier à quelle société politique appartiennent
tous les individus.
Ensuite quand les diverses peuplades eurent ellesmêmes pris des accroissements tels qu'on dut cultiver le sol pour en tirer les éléments de nourriture
nécessaires à ses habitants, il s'opéra dans leur
manière d'être des changements tels qu'ils entraînèrent l'établissement d'une foule de, réglements
ou de lois positives appropriées à leurs intérêts
nouveaux.
L'agriculture entraîna le partage des terres entre
les divers individus : partout il fallut en laisser
quelques portions pour servir aux usages communs;
\
�48
TRAITÉ
et ces répartitions de .fonùs durent produire de
l10Illbreuses complications d'intérêts snr l'accord
desquels il fut nécessaire d'étahlir des lois positives
pour pouvoir maintenir l'ordre et la paix publique.
37. L'agriculture exige une foule d'autres arts
sans lesqüds elle ne saurait être exercée.
Il faut du fcr pour ouvrir le sein de la terre et y
tracer des sillons; mais po lU avoir ce fer, il faut
d'abord en aller fouiller la mine, dont les produits
lieront ensuite soumis au travail du forge1'On.
Avec le concours.de c'eux qui auront fouillé la
Inine, ainsi que du forgeron et du maréchal, il
faut encore celui des charpentit;rs et des charrons
pour la confection des meubles et ustensiles aratoires'; et combien de Illanœuvres ne doivent pas
être employés dans toute cette suite d'opérations!
Durant l'àge pasto)'al et dans les climats chauds
ou tempérés, il fallait peu de constructions pour
abriter les chefs de famille, leurs enfants et leurs
troupeaux; mais sous le règne de l'agriculture et
dans les régions froides, il a fallu des édifices plus
importants pour y loger let> personnes et y héberger les récoltes.
Et qu'on observe bien que tous ces travaux qui
sotlt nécessail'es soit à l'exercice de l'agriculture,
soit à la construction des édifices, supposent que
ceux qui les exécutent y coopèrent de concert ou
conjointement entre eux, puisque nul individu ne
pourrait y suffire à lui seul; et c'est ainsi que la
�4·9
DU DOMAINE PUBLIC.
même 'loi de nécessité qui a d'abord forcé les
honùIles à la vie sociale, les a aussi coutraints plus
tard à se réunir sous des ten tes dans les pays
-chauds, ou en bourgades séden taires dans les autres
régions, pour jouir progressivement des availtages
de la civilisation peu à peu introduite et plus ou
moins perfectionnée parmi eux.
Mais pour arriver à ce résultat, il a fallu inventer
successivement des règles positives sur chaque
institution qu'on voulait adopter; et comme nul
effet ne peut exister sans cause, il a fallu préalablement créer une autorité suprême qui pût imposer la loi à tous et la faire respecter; il a fallu en
outre ériger dans chaque localité une magistrature
subalterne pour faire aux débats particuliers l'application des lois générales, et veiller partout au
maintien du bon ordre et de la paix publique.
Hé bien! c'est à la création conventionnelle de
cette autorité publique et de cette magistrature
subalterne, que nous entendons donner la déno_·
mination de contrat ou de pacte social; et c'est à ce
point de fait qu'on doit reporter le principe initial
du droit civil, c'est-à-dire du droit de la cité, jus
ciyitatis;
En résumé, c'est le dl'Oit naturel qui vient en
premier ordre, puisqu'il remonte jusfJu'à la création; et ce droit est divin, puisqu'il n'a d'autre
auteur que Dieu même. Vient ensuite le droit
civil, on le jus ciyitatis -' qui est J'institution humaine, et qui n'a pris naissance que pal' l'établisTOM. 1.
4
�50
TRAITI.
sement fixe des hommes sur diverses localités du
globe, pour en partager les terres et les cuhiver :
Palàm est autem vetustius esse jus naturale,
quod eum ipso genere humano rerum natura
Pl ôdidit. CiviLia autem jura tune esseeœperunt,
eiurt et civitates eondi et magistratus ereari et
lef!,es seri6i eœperunt (1). Mais comme tout se
tient dans l'ordre moral de mème que dans les lois
de l'ordre physique, il n'aurait pas suffi de créer
une magistrature suprême et de soriverailH~téJpour
fail'e des lois, il iàllait encore établir. une -magistratUI'e subalterne, pour statuer sur leur application
aux di verses causes particulières, patce que, comme
le dit le jurisconsulte POMPONIUS, c'est par ceut
qui renùcntla justice que le droit atteiut sou buq
et qu'il serait inutile d'établir ou de reconnaitre
l'existence d'un droit, si l'on ne oréait aussi des
magistrats pour le faire e~écuter. Quia, ut exposuimus, pel' eos qui judieando praesunt, iffèetus rei accipitur. Quantum est enim jus in civitate esse, nisi sint qui jura regere passint (2)!
Voilà l'origine du domaine de souveraineté, dont
nous traiterons spécialement dans les chapitres
suivants: voilà comment ce domaine essentiellement protectenr des droits de tous est une émanation du droit de la nature et des gens.
38. C'est ainsi qu'en remonrant au berceau du
(1) Instit., § 11 , de rerum dil'isione.
(2) L. 2, § 13, ff. de origine juiù , lib. 1, tit. II.
�DU DOMÀlNÈ PUBlic.
51
genre humain pour arriver jusqu'à nous, l'on aperçoit, dans le régime de la société humaine, deux
époques bien distinctes.
Dans la première époque, tout est simple, parce
qu'il n'existe point encore de complication d'intérêts, ou que du moins il u'en existe que très-peu.
Alors, sans code de lois positives, on voit que les
hommes, comme êtres doués de réflexion, furent
d'abord dirigés par les patriarches et les vieillards,
d'après les inspirations de la loi de nature, dont
la promulgation s'opère par le développement de la
raison. On voit qu'obéissant à l'instinct qui les
porte invinciblement à veiller à lem conservation
et à pourvoir à leurs besoins, ils durent se saisir
des objets extérieurs pour les asservil' à leurs usages : et de là le fait de l'occupation, qui dut être
considéré comme opérant un droit acquis sur une
chose offerte à tous sans être encore saisie par personne; et de là encore la cause primitive du droit
de propriété permanente
La seconde époque st celle où, après l'accroissement du genre humain, les premières familles se
sont séparées pOUl' se répandre sur divel's points du
globe, y établir des bourgades et des cités, et former
séparément diverses associations poli tiqu es. Alors les
hommes sont sortis peu à peu de l'état de nature
pour entrer dans l'ordre civil et positif, dont ils
ont voulu régler les conditions par leurs divers
eontrats sociaux: Civitia autem jura tune esse
�52
TRAITÉ
cœperunt, cùm et cil'itates condi., et magistratus creari, et leges scribi cœperunt.
Il résulte de tout ce que nous venons de dire
dans ce chapitre:
39. lOQue l'autorité civile doit être considérée
comme émanant de Dieu même, puisqu'elle est le
moyen nécessaire. à l'accomplissement de ses.desseins sur la destinée des 'hommes, et c'est en ce
sens qu'on doit entendre l'apôtre quand il dit:
Quae autem sunt, à Deo ordinatae sunt (1);
40. 2 0 Que les citoyéns ne sont pas seulement
tenus par la force, mais qu'ils sont aussi tenus par
un lien de conscience à se conformer aux lois de
leur pays: Ideo necessitate subditi estote, non
solùm propter iram, sed etiam propter conscientiam (2); puisque ; soit pal'le droit naturel
des sociétés, soit par le droit divin positif, cette
soumission cst également exigée de leur part;
41. 3° Que le contrat social une fois arrêté par
la masse ou la majorité cs habitants réunis dans
une contrée quelconque du lobe, constitue une
loi obligatoire pour tous les individus qui veulent
y demeurer, et que nul ne pourrait s'y soustraire
qu'en prenantle parti d'aller s'établir ailleurs, par~e
qu'on ne saurait avoir l'idée de l'état politique ou
civil d'un homme qui serait placé tout à la fois en
dedans et en dehors d'uue société; d'uu homme
(1) Paulus ad Rom. , cap. 13, versic. 1(2) Ibidem, versicul. 5.
�53
qni voudrait se constituer membre de l'association
par le choix de son domicile, et se soustraire en
même temps aux obligations imposées à ses compatriotes;
42. 4° Enfin que le droit de propriété doit être
considéré comme la base de la société, le fondement de la civilisation et le plus fel'me appui de
tout~s nos institutions politiques, puisque c'est pal'
rapport à lui que la société a reçu son organisation,
et qu'on ne pourrait cesser de le respecter sans
tomber de suite dans l'anarchie ct le chaos de toutes les passions hum,aines.
43. Mais quelles sont les conditions requises
dans le contrat ou le pacte social, pour qne les conséquences qne nous venons de signaler en dérivent
nécessairement et légitimement?
Celte question doit être exarp.inée soit sous le
rapport de la forme, soit quant au fond.
En ce qui touche à la forme, il est incontestable
que quelle que soit celle d'une association politique,
le gouvernement qu'elle constitue est également lé·
gitime l cal', soit qu'il s'agisse d'une république
dérr,lOcratique ou aristocratique, ou d'un~ monarchie établie même avec pouvoir absolu, du mo1 '
ment qu ,on en est convenu, l' ou se trouve pace
dans les voies de la légitimité.
Et en effet, si, d'une part, il est certain que le
Créateur, en appelant les hommes à la vie sociale,
a nécessairement voulu qu'ils fussent placés sous
une autorité de direction régissant chaque société,
DU DOMAINE PUBLIC.
�54
TRAITÉ
il n'est pas moins constant f d'autre part, qu'il ne
leur a imposé ni prescrit ':lucune forme de gouvernement particulière ou déterminée: c'est là une
chose qu\l a laissée ail choix des nations, suivant
ce qui leur conviendrait le mieux, et c'est à qnoi
l'on doit appliqner çe texte de l'Ecriture: Cuncta;
lecit Dona ùz tempore suo~ et mll;ndum tradidit
disputationi eorum (1). Il n'y a qlle les injonctions qui se tronveraient contrai,res au droit naturel
absolu, qu'on devrait repousser comme u'étant
point obligatoires, quia civilis ratio naturalia
JUTa corrumpere non potest (2).
Quant au fond, quelle que soit l'espèce de corporation politique qu'on trouve établie, il faut dire
qlle par cela seul qu'elle n'est que le résultat d'un
pacte ou d'un contrat d'association, ce con,trat
doit esscntielJemeut comporter I,e consentem,ent
exprès ou tacite des parties' intéressées,.
L'Auteur de la nature a bien voulu qu'il y eût
des homIl)es préposés au gouvernement des al,ltres ,
parce que l'ordre moral ne pourrait subsister autrement, et c'est là un point qui est de droit dIvin;
mais hors de là, tou t est de droit humain, attendn
que le Créateur n'a ni désigné ceux qui seraient
gouvernants ou gouvernés, ni créé aucune caste de
demi-dieux chargés d'exercer le droit de souveraineté sur les hommes.
\
(1). Ecclesiastes, cap. 3, versic. 11.
(2)' L. 8) If. de capite minuâs J lib. 4, tit. V.
�55
DU DOMAINE PUBLIC.
44. Nous venons de dire que le pacte social
comporte essentiellement la réunion des consentemen ts exprès ou tacites des parties in téressées,
c'est-à-dire des gonvernants et des gOllvernés. Cal'
pour qu'un gouvernement soit légitime, il n'est
pas nécessaire que sa constitution ait été expressément arrêtée entre celui qui commande et ceux
qui obéissent: s'il en ét!4it ainsi, il Y aurait trop
peu de gouvernements qui pussent se dire légitimes; il suffit donc du consentement tacite ou
de !,ordre qui en est la suite, pour qu'on doive
regarder le contrat comme valablement formé:
Sed ea qU(le longd consuetudine comprobata
sunt, ac pel' annos plurimos observata, velut
. ..
.
\
,
taczta CZVZU(TL conf/entzo, non mznus qltam ea,
quae scripta sunt, jura servantur (t )..C'est ainsi
que la soumission qui arrive après la conquête en
légitime les effets, et que le possessoire qui est le
plus grand de tous les pouvoirs sociaux, devient,
avec le temps, la sQurce de toutes les légitimités,
quand il a cessé d'être combattu.
Il y a plus: c'est que les constitutions se font
plutôt qu'on ne les fait, parce qu'elles sont le résultat des circonstances et de la force des choses;
et c'est là une vérité qui dqit être palpable pour
quiconque aura réfléchi un instant sur ce qui s'est
passé seulement en France depuis quarante ans.
.
(1) L. 35, fI. de legihus J lib. 1 , tit. Ill.
�56
TRAlTÈ
En 1791, notl'e première assemblée nationale
publie, d'accord avec le roi, une constitution qui
~éjà se trouve renversée sur la fin de 1792.
Une seconde constitution, décrétée par la convention nationale, et présentée à l'a·cceptation du
peuple en juin 1793, n'a pas même été mise à
exécution.
Vient ensuite la constitution d'u directoire, promulguée en 1795; puis celle du consulat en 1799;
puis celle de l'empire en 1804; puis la charte de
1814 ;pNis enfin celle de 1830.
C'est ainsi qu'une fois placés hors de l'empire
d'un possessoire bien assis, les évériements se
jouent des prévisions humaines!
Mais par cela seul que le pacte social est un contrat synallagmatique, il faut dire aussi qu'il ren.ferme la condition résolutoire en faveur de la nation si le prince manque essentiellement aux conditions sous lesquelles seulement le peuple avait
entendu l'accepter et s'y soumettre. Du moment
que le prince se porte à des actes de tyrannie atJ
lieu de gouverner avec justice et sagesse, ou qu'il
s'obstine à enfreindre sciemment et en des points
essentiels le contrat social qu'il avait promis d'observer, il devient permis de lui opposer la maxime
Frangenti fidemfides !rangatur eidem el de se
soustraire aux vexations arhitraires de son gou.vernement (1).
(1) Ces principes ont servi de base au ~ameux seI;ment de fi,délité que les Aragonais prêtaient à leur roi: n Nous qui valons,
�5'1
DU DOMAINE PUBLIC.
45. Cependant il faut bien prendre garde que,
pour être légitime, la résistance doit être toute nationale : car il ne peut appartenir à des particuliers
de se rendre juges dans leur propre cause, et de
vouloir condamner le prince afin de se soustraire
à ses ordres. Ce droit n'appartient qu'au corps de
]a nation, qui ne reconnaît sur la tert:e aucun juge
qu'elle-même, et dont l'assentiment général est
censé l'expression de la justice et de la vérité.
Vainement dirait-on que, par ce raisonnement,
naos arriverions à condamner positivement la révo\ution de juillet d33o, puisqu'elle n'a eu pour
cause immédiate que la résistance et le fait d'une
partie des habitants de Paris: car il est très-vrai de
dire qu'en cela ils n'ont été que les exécuteurs
de la volonté nationale.
Et en effet, lors même qu'on pourrait faire ah::slraction d~ur:te foule de précédents par lesquels les
conditions du pacte fondamental avaient été sans
, ou VlO
. l'ees; 1·ors me·me qu on pourcesse menacces
rait faire abstraction de l'anathème lancé par les
représentants de la nation sur l'administration du
gouvernement de Charles X, en qualifiant celte
administration de déplorahle; lors même qu'on
pourrait faire abstraction de tontes les causes d'nn
A
,
chacun :ilutant que vous, et qui tous ensemble sommes plus
" puissants que vous, nous promettons d'obéir à votre gouver" nement si vous maintenez nos droits et nos priviléges; sinon,
" non. (Hist. de Charles.Quint, par Robertson; Introduct. ,
tom. 1 er , p. 143, édit. in-4o de 1771.)
>l
l)
�58
TRAITÉ
mécontentement général, pour ne s'attacher qu'a
l'examen des événements de juillet 1~3o , on voit
que la nation française, qui s'était résignée à accepter tacitement la charte octroyée par Louis X VIII,
comptantau moins qu'elle sera~t exécutée de honne
foi, se trouve soudainement frappée d~un coup
d'état par lequel Charles X vient lui ravir les droits
les pins importants qu~ lui avaient été garantis par
le pacte fondamental;
Que cette première violation de la charte devait
llécessairêment entrainer dans toute la France des
désordres affreux" dont il ét;tit urgent de frapper
la cause;
.
Que c'est le prince, et le prince seul, qui a été
.
.
l ,agresseur, et que~ s,etant
toujours
montre, l' ennemi de la charte, l'on ne pouvait douter de son
dessein au retour (lu pouvoir ahsolu ~
Que s'il n'y a eù d'abord que les hahitants de
Paris qui aient pris les armes pour résister a ce
renversement du pacte fondamental, c'est que
seuls ils étaient sur les lieux, comme l'avant-garde
de la nation tout entière" qui, applaudissant à leurs
efforts, est au&sitôt venue, par ses représentauts,
leur en décerper des récompenses.
On doit donc regarder la, conduite des hahitants
de Paris en cette circonstance comme une résistance toute naliona~e, et par conséquent toute légiti~lle, puisque la nation en corps s.e l'est. de suile
appropriée sur tous les points de l'empire, et ne
's'est plus oçcupée que d'en poursuivre paisihle-
�DU DOMAINE PUllLIC.
59
ment l'exécution, pour en obtenir les heureux ré*
sultats.
S'il n'y avait eu dans le fait des habitants de
Paris qu'une révolte agressive et illégitirue contre un prince aimé de la nation, il ne faut pas
croire que les choses se fussent ainsi passées; il ne
faut pas croire que les citoyens des départements
se fnssent de suite et paisiblement résignés à subir
l'affront de se voir placés sous le despotisme des
habitants de la capitale: non, Charles X n'aurait
pas alors traversé quatre-vingts lieues de pays,
enlonré de ses gardes, sans voir accourir des ,'enforts de toutes parts pour le délivrer; non, il n'aurait pas trouvé sur tous les points de sa l'ante nn
silence universellement approbateur de son départ.
Ainsi, et pour en revenir à nolre thèse, l'on est
forcé de convenir que les événements de juillet,
consacrés par l'appl'Obation subite et instantanée
de toute la France, ne peuvent rien contre la doctrine que nous avons énoncée plus haut en disant
qu'il ne peut appartenir à des particuliers de justifier eux-mêmes leur résistance aux ordresdu prince,
parce qu'il ne peut lenr être permis de se constituer juges dans leur propre cause; qn'il- sera toujours vrai de dire que tout ce qni n'est que révolte
partielle ne pent être qu'nne chose criminelle dans
ses auteurs, et qu'il n'y a qu'une résistance toute
nationale qui puisse être légitime.
Dès qu'nn gouvernement est une fois légitimement établi, peu importe la discordance des illdi-
�60
TRAITÉ
vidualités. Ce ne son t pas quelques grou pes de
factieux; ce ne sont pas les membres plus ou moins
nombreux des sociétés secrètes, qui condamnent
elles-mêmes des doctrines qu'elles n'osent profes"t
sel' en plein jour; ce ne sont pas même les parti.culiers honnêtes, mais mécontents de ce que leurs
intérêts individuels ont été froissés; ce ne sont
pas, en un mot" ces métaphysiciens politiques qui
voudraien t qu'on Ht des constitutions et des lois,
non pour gou verner les ho 111 mes tels qu'ils sont,
:tUais tels qu'ils les auraient organisés eux-mêmes
s'ils les avaient créés suivant leurs idées; ce ne
sont pas, disons-pous, tous ces individus qui pourraient avoir le droit de changel' ou même de modifier le gouvernement de l'état. Quel que soit le.
nombre des êtres dépravés qui ne s'occupent qu'à
opérer ou occal!ionner des bouleversements poli~
tiques, pour profiter des temps d,e désordre, ou des
individus qui, sans vouloir précisément le mal, vondraient sans cesse changer de position, comme s'ils.
ne pouvaient être bien que là où ils ne sont pas,
les desseins criminels des uns, comme les désirs
fantasques et déréglés des autres, ne pC~lV/'}nt jamais être une cause légitime de changement ou de
dérogation, au pacte fondamental, tant que ce pacte
n'est pas abrogé ou modifié avec le consentement
du corps même de la nation. Jusque-là ce n'est
toujours qu'une fraction individuelle et une minorité bien faible qui s'agite contre ce qui convient à la masse des citoyens, et ce sera toujours
�nu-:noMAINE- PUBLIC.
61
une règle invariable, résultant de la loi nature~le et
de la raison, que la minorité ne peut cesser d'être
subordonnée à ce que veut ]a majorité, parce
qu'il est impossible qu'un tout ne soit pas préférable à ce qui n'en est qu'une partie.
C'est en vain que les agitateurs ou les mécontents
ont sans cesse à la bouche les mots de liberté naturelle : car l'effet 'nécessàire de tout contrat est
d'opérer l'aliénation d'une partie de la liberté de
ceux qui l'ont consenti, et qui, après l'avoir formé;
ne sont plus libresde manquer à leurs engagements.
Le pacte social n'est point d'une nature différente,
puisqu'on ne pe'ut s'empêcher d'y voir une convention synallagmatique par laquelle tous les
membres qui composent le 'corps de la société ont
voulu aliéner mutuellement et réciproq
ent
une partie de leur liberté et de leurs autres droits:,
en considération ou en échan ge des avan tages qu'ils
trouvèn~ dans l'exécution générale de la convention.
Aiusi, ]a constitution de l'etat une fois arrêtée,
toutes les individualités doivent fléchir devant la
masse, et celui 'qui ne veut pas que sa liberté naturelle soit engagée on reste compromise par les
conditions stipulées dans le pacte social, n'a d'antre
moyen de s'y soustraire que de s'expatrier en
abandonnant son dornicile, pour aller s'établir à
perpétuelle demeure dans un autre pays.
�62
TRAITÉ
CHAPITRE V.
Notions générales sur la propriété et les diverses espèces de
domaines.
46. JUSQU'ICI, parlant soit des choses en gé.
uéral, soit des hommes, nous les avons envisagés
en eux-mêmes et sous le rapport de leur destination. Nous allons maintenant nous occuper des
objets qui sont extérieurs à l'hom me, en les consid6rant par rapport au pouvoil'qll'il exerce sur eux.
Comme nous aurons dans la suite beaucoup à
p:lrler des biens, de la propriété et des diverses
espè s de domaines, nous ne pouvons mieux
faire que de commencer par fixer exactement le
sens de ces diverses expressions. Cela est d'autant
plus llécessaire que certaines d'entre elles se
trouvent sOUVent mal appliqllée~ par les auteurs.
Les choses considérées par rapport à nos jouissances s'appellent biens 1 parcè qu'elles sont la
source du bien-&rè de ceux qui les possèdent.
La propriété consiste dans ce qui nous appartient à J'exclusion de tous autres, parce qu'elle est
ce qui nous est propre en particulier'; ou, pour
nous servi." des expre~sionsde la Joi civile, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de
la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en
fasse pàs un nsage prohibé par les lois (544).
�DU DOMAINE PUBLIC.
63
47. Le mot domaine comporte l'idée de la
puissance que l'homme exerce sur les choses qui
sont soumises à ion pouvoir.
Ce nom nous vient des expressions latines dominus et dominium : du mot dominus, qui signifie
le mahre; du mot dominium J à dominando J qui
signifie la ma1trise ou l'effet de la domination.
Puisque le domaine indique l'idée de la puissance que l'homme exerce sur les -choses, et que,
d'après notre organisation sociale, cette puissance
se départit en trois degrés, on doit distingner
aussi trois espèces de domaines, qui sont le domaine de souveraineté, le domaine public et le domaine privé.
I.e domaine de souveraineté consiste dans la
puissance souveraine établie pour gouverner l'état.
Le domaine public ou d'administration consiste
dans le pouvoir spécialernen t chargé de régir et administrer les choses qui sont, par les lois, asservies
à l'usage de tous; et dont la pr<Jpriété n'est à personne.
Le domaine privé, ou, eo d'autres termes, le
domaine de propriété, consiste dans le pouvoir que
tout individu a de jouir et disposer en maÎlre de ses
biens en se conformant aux lois; et comme ce
pouvoir ne peut s'appliquf'r qu'à ce '1ni nous appartient, il faut dire que le droit. de propriété est luimême la cause du domaine privé.
C'est au droit naturel même qu'on doit ..attacher
�TRAITÉ
ces trois espèces de domaines; parce qu'il en est
le fondement primitif.
Et d'abord le domaine Je souveraineté dérive
bien certainement du droit naturel : car~ comme
on l'a déjà dit, l'homme ayant été créé avec une
éirganisation de facultés telle qu'aucun individu,
s'il était seul, ne pourrait jamais se suffire à luimême, i:l est évident qùe le Créateur l'a essentiellement destiné à l'état social: or nulle société politique ne saurait exister sa"ns un 'Pouvoir suprême
chargé de la gouverner: donc ce pouvait, rentrè
nécessairement dans les desseins du Créateur.
Le domaine public se rattache égalemen t ail droit
naturel de société: car il faut bien qu'il y ait uù
pouvoir pour régler la manière de jouir des choses
d ont l , usage est commun a, tous; autrement l" etat
de société ne serait qu'un état de bouleversement,
où l'on setrollV'erait perpétuellement exposé à se
voir subjugué par la loi du plus fort.
Enfin le domaine de propriété découle encore de
la même source, ainsi qu'on l'a déjà démontré
plus haut.
�65
DU DOMAINE PUBLIC.
CHAPITRE VI.
Transition.
48~
Nous allons immédiateulent parler du
do'maiüe de souveraineté et des pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire.
Mais, dira-t-on, comment ces matières de haute
politique pourraient-elles être régulièrement placées en tête d'uu traité sur la distinction ou le
domaine des hiens ? comment allier ces institutions
entièrement intellectuelles avec les choses toutes
matérielle~ qui fout l'objet de ce traité?
Notre réponse est simple: c'est qu'en traitant
plus bas des choses qui appartiennent au domaine
puhlic, nons allons à chaque pas trouver uu trèsgrand nombre de questions de compétence pour
la solution desquelles il est nécessaire que nous
commencions par signaler la démarcation des divers pouvoirs publics, indiquer la diversité des attributions de chacun d'eux, et faire connattre les
motifs pour lesquels une affaire doit être portée
plutôt devant l'un que devant l'autre.
TOM. I.
5
�66
TRAITÉ
CHAPITRE VII.
Du Domaine de souveraineté dans l'état social actuellement
constitué en France.
49. Déjà, dans les chapitres qui précèdent;
raisonnant en théorie, nous avons indiqué le principe naturel du dumaine de souveraineté; maintenant nous allons sortir des abstractidI1s pour entrer
dans le positif.
Le domaine dont il s'agit dans ce chapitre se
rapporte à l'action du Gouvernement prise dans le
sens le plus large.
Il consiste clâns la haute püissance publique,
dont l'exercice s'applique à !égler les grandes divisions territoriales, l'état des persolines ét les effets
de leurs con ven tions , la dévolution et la transmission des biens; à établir la levée des impôts et le
recrùtement de l'armée; et à promulguer toutes les
lois générales de police inrél'ieu re.
Le domaine de souveraineté n'est point un do..::
maine de propriété, mais seulement un pouvoir
de direction ou un gouvernement de protection
qui ne suppose point que celui 011 ceux qui en sont
revêtus aient le liroit de confisquer les hiens des
particuliers ni d'en prendre la jouissance ou d'en
disposer arbitrairement de quelque manière que ce
soil. On ne pourraillui donner une telle extension
sanS mettre l'autorité suprême en contradic-
�67
DU DOMAINE PUBLIC.
tion avec la loi de sa propre nature: car, comme
on l'a vu plùs hallt, du moment qne cette autorité n'a été établie que pour protéger les droits de
tous, celui ou ceux qui l'exercent ne pourraient, sans se livrer à la plus odieuse forfaiture,
faire servir il l'envahissemerit des propriétés la force
dont ils furent armés pour les défendre.
Dans les monarchies absolues, l'exercice du
domaine de souveraiueté n'appartient qu'au monarque, dont les agents ne font qu'exécuter ou ne
sont censés qu'exécuter les volontés.
En France, quoique le roi soit le chef suprême
de la nation, et qu'ainsi le domaine de souveraineté
se concentre d ans sa personne, neanmoms l' exercice de ce domaine est réparti entre trois pouvoirs
diffëren ts, qni son t :
Le pouvoir législatif;
Le pouvoir exécutif ou l'administration active;
Et le pouvoir judiciaire.
Pour bien entendre la solution des nombreuse
questions de compétenèe qui seron t examinées dans
le cours de cet ouvrage, il faut s'attacher à distinguer exactement ces trois pouvoirs. Or on les
distingue non-seulement par ceux qui en sont
revêtus, mais encore par la diversité des malÎeres
et par la destination des choses auxquelles s'applique leur action.
Sur quoi c'est la charte amendée de 1830 qui
doit être ici notre point de départ, et nous servir
de règle fondamentale. .
f
•
�68
TRAITÉ
SECTION
PREMIÈltE.
Du pouvoir législatif.
La charte de 1830 statue de la manière snivante
sur la constitution et l'exercice de ce pouvoir•.
AIlTICLE
Il.
50. cc Le mode de rec'ruteIÏleùt de l'armée dè
» terre et de mer est détermil1é par une loi. '>
L'impôt sur les hommes ne peut êtt:e que dans
le domaine de la loi.
ARTICLE
»
»
14.
51. cc La puissance législàtive s'exerc~ col1ec~
tivemen t par le roi, la chambre des pairs et la
chambre des députés . .;>
ARTICLE
15;
52. cc La proposition des lois appartient ari
roi, à la chambre des pairs el à la chambre des
» députés. Néanmoins toute loi d'impôt doit être
)' d'abord votée par la chambre des députés. »
Il résulte de la dernière partie de cet article
que la chambre des pairs serait incompétente pour
voter la première une loi dont l'exécution entraînerait des dépenses publiques à imp?ser sur
les citoyens, et qu'elle serait incompétente encore
pour introduire dans un projet de loi déjà adopté
par la chambre des députés quelques amendements
qui entraîneraient des dépenses publiques nori
préalablement votées par la chambre des députés.
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
69
16.
53. cc Toute loi doit être discutée et votée li) brement par la majorité d~s deux chambres. »
Pour assurer la liberté de ceux qui participent
il la législature, Particle 29 porte qu'aucun pair
ne peut être arrêté que de l'autorité de la chambre,
et jugé que par elle en ID;ttière crim~nelle.
Et à l'égard de la chambre des députés, l'article
43 veut qu'aucune contrainte par corps ne puisse
être e~ercée contre un des membres de cette chambre d-urant la session et dans les six semaines qni
\"anront précédée ou suivie; à quoi l'article 44
~joute qu'aucun membre de la chambre ne peut,
pendant la durée de la session, être poursuivi ni
arrêté en matière criminelle, sanfle cas de flagrant
délit, qu'après que la chambre a p.ermis sa poursuite.
ARTICLE 17.
ARTICLE
:»
»
54. cc Si une proposition de loi a été rejetée
par un des trois pouvoirs, elle ne ponrra être
représentée da~sJa même session. »
ARTICLE
18.
55. cc Le roi seul sanctionne et promulgue les
lois. )~_
Quoique aujourd'hui le roi n'ait plus le privilége
exclusif de la proposition de la loi, on voit néanmoins qu'il a encore la prérogalive d'une participation principale daus le pouvoir législatif, puisque à lui seul appartiennent la sanction 'et la pro-
»
�10
TRAITÉ
mulgation, à défaut desquelles la loi resterait sans
vigueur, quoique adoptée par les chambres.
La sanction consiste dans l'acte approbatif par
lequel, et au moyen de rappos~tion du grand sceau
de l'Etat, la loi reçoit sa force obligatoire, sous les
peines qui p~uvent être établies contre ceux qui
se porteraient à l'enfreindre.
La promulgation est racte par lequella loi insérée
dans le bulletin à, ce destiné est authentiquement
notifiée au corps social. C'est cet~e notification
officielle qui la rencl s,eule obligatoire pour les
citoyens, sans égard à la connaissance antérieure
qu'ils auraient pu en avoir par tout autre mode de
publication.
ARTICLE
40.
56. cc Aucun impôt ne peut êtreétahli ni perçu
" s'il n'a été f;ol1senti par les deux chambres et
» sanctionné par le roi. "
Ces expressions aucun impôt s'a'ppliqllent nonseulement aux contributions générales à verser
dans le'trésor pour satisfa~re aux besoins de l'E\at,
mais encore à toutes contributions qo'il s'agirait
d'imposer à certains départements ou arrondissements, ou autres localités, pour être employées à
des ouvrages publics. On les applique même aux
emprunts qui seraient à faire par les communes,
eu égard à ce que le remboursement des sommes
empruntées ne peut communément être fait qu'au
moyen de la levée de quelque contribution.
57. Il résulte de ce concours d'autorités néces-
�DU DOMAINE PUBLIC.
71
saire pour la formation de la loi, que le roi agissant
seul n~ pourrait ni abroger les lois ni y déroger
par ses ordonnances, puisqu~il n'a pas seull'exercice
du pouvoir législatif; qu'il est soumis lui-même à
la loi dè~ qu'dIe est promulguée, puisqu'il ne 1ui
rêste que le pouvoir de lel faire exécuter; et qu'ainsi,
danslècllsOÙ il se trouverait par erreur quelque contrariélé entre la loi et une ordonnance, c'est la loi
qui, comme souveraine en, premier ordre, devrait
~tre observée.
58. Mais quelles sont les diverses matières
qu'on doit considérer comme étant exclusivement
dans le d,omaine de la puissance' législative?
Leur nombre est indéfini l et l'on ne peut à cet
égard présenter que des aperçus génél·Jux.
Voyons d'abord ce qui appartient à la puissance
législative concernant la division du territoire de
l'Etat.
Pour procéder avec méthode, commençons par
rappeler qu'aux termes de l'article 59 de la
charte, les lois existantes et qui ne lui sont pas
contraires restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y ait
été léga~ement dérogé; et recherchons commpnt les
lois antél'ieures ont statué sur l~s divisions territoriales.
59. Déjà l'assemblée constituante avait, par
son décret du 22 décembre 1789, établi eu principe que le territoire français serait divisé en départements, en districts ou arrondissements, et en
cantons; et cette division, opérée dans l'intervalle,
�'12
TRAITÉ
sur le sol, avait été confirmée par la constitution
de 1791 , qui déclare (1) que c'est au corps législatifqll'il appartient de régler le n0n,\bre et les arrondissements des tribunaux.
60. La convention nationale avait ~ussi, p~r
ses décrets des 19 et 21 vendémiair~an 4, arrêté,
comme o.bjet législatif, le tableau des divers, ar~oo,~
dissements (2) .. '
'
61. La même chose se trouve consignét:: dan~
l'article 61 de la constitution du 22 frimaire an ~,
portant qu'en matiè~e civile il y a des triblln~ux'
de première instance et ~ês tribunaux d'appel, et
que la loi détermine 1'0rgil.l?isation des uns et des
autres, leur co~pétence et I~ térritoire formant le,
ressort de chacun (3).
.
62. Mais ,sans npus reporter plus loin, il suf-,
fit de partir de la loi du 28 pluviôse an 8 (4) qui,
adoptant la même division générale du territoire
français, contien~ un. tableau nominatif des 98
départements qui existaient alors, des arrondisse~
ments communaux qui les composaient et tous les
cantons compris dàns chaque arrondissement: en'
sorte qu'on doit di,re que êet état statistique est
véritablement l'œu~re de la loi.
Néanmoins les cantons ne sont pas demeurés tels
qu'ils étaient alors: car, pour op~rer une l'éduCli?l~
(1) Art. 8, chap. 5, sect. 3, tit. III.
(2) Voy. au bull. 194, nO' 1160 et 1161 , 1re série.
(3) Voy. au bull. 333, tom. 9, 2 série.
(4) Voy. au bull. 17 , nO 115 , tom. 1or , 3' série.
0
�DU DOMAINE PUBLIC.
73
dans les justices de paix, il en fut ordonné des
réunioDs par la loi du S pluviôse an 9 (1), qui
étabhtles nouvelles bases sur lesquelles ils devraient
être définitivement arrêtés, soit d'après l'étendue
du sol, soit d'après le montant de la population.
En conséquence il y eut à la mêm.e époque divers
arrêtés des consuls (2) dans lesquels on trouve
rappelé chaque département avec tous ses arron~
dissements communaux, etphaque arrondissement
communal avec tous les cantons qui y sont conservés, e.t enfin la dénomination de toutes les
<;ommuncs comprises dans chaque canton. On
doit donc dire encore que la constitution des
cantons tels qu'ils existent se trouve elle-même
placée sous la protection de l'autorité législative,
puisque c'est la loi qui en a réglé les ba~es , et que
c''est conformément à sO,n, prescrit qu'ils ont été
fornlés.
'
63. Il résulte de là que tontes ces divisions
territoriales ayant été réglées par les lois pour
servir de base à la division et à l'assise des impôts
fonoiers, ainsi qu'à l'exercice des juridictions, c'est
~ la puissance législative qu'on doit recourir quand
il s'agit de ies réunir ou d'en opérer le démembrement (3)" et que la puis~ance exécutive serai,t in(1) Voy. au bull" tom. 2, pag. 283, 3" série.
(2) Voy. daos les tom. 2, 3,4 et 5 du bull. de la 2" série.
(3) Voy. au bull., tom. 14, p~_361, 4" série; - tom. 15,
pag. 81,82 et 83, 4" sériej-la loi du 9 novembre 18]4,
tom. 2, pag. 351, 5" série; - et surtout la loi du 18 juillet
1837, tit. 1er •
�'14
TRAITÉ
compétente pOUl' faire ces réunions ou démembrements.
En un mot, toutes les fois qu'il s'agit de changer quelqu~ chose dans l'ordre juridictionnel des
tribunaux d'arrondissement, ne fût-ce que par la
distr~ction de quelque~ parcelles d~ terrain& comPfise.s jusque là dans le territoire d'une commuQc
~ppqrtenant ~ U\1, arrondissement, popr les comprclJdre à l'aveJ;lir dans le territoire d'une autre
çOl}lm un~ appartellallt à un autre arrolldissemen t,
o,n doit re~;onr~r au pouvoir législatif (1).
64. Mais qllaJ;ld la puissance législfltive &'OCcupe des divisions ma tér~elles du territoire, ce n'es~
qlle pour exercer avec plus d'harmonie son empi,re
sur le gouvernement de& ho\pJfj~S 13t de~ choses.
Le triple pouvoir qui poqstitue cette puissance
collective est surtout appelé à nous donner des lois
qui régissent l'état des personnes, leurs droits civils et politiques, et la distinctiQl\ des !;lien&; qui
$tat11ent sur l'exercice du droit de propriété et la
l;llanièrc de l'acqué, il'; sur la dévolution des SUf,cessions, la possessio~l, la prescription; qui tracent
les règles des donations et ges testaments; et qui
généralemcll ~ déternlinent l,es effets civils ùe \OU tes
nos conventions.
C'est à la pu~&s~nce législative qu'il appartient
de faire des lois de police pour Iii répre,ssion des
(1) Voy. à ce sujet dans le bulletin '(les lois, 1re partie, p. 13~
çt suiv., 1832, g e série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
75
actes ou faits qui portent du trouble dans la société;
et nul ne peut être puni d'aucune peine qui n'ait
pas été prononcée par la loi antérieurement au
crime on délit (J).
C'est à elle à étahlir les divers genres d'impôts
reconnus nécessaires pour satisfaire aux besoins de
l'Etat; et alors le droit éminent qu'elle exerce est
fondé sur ce que d'une part chaque citoyen doit,
dans une juste proportion, le sacrifice de ses intérêts propres aux besoins du corps social dont il est
membre, parce que c'est là le prix de la protection
qu'il en reçoit, et sur ce que d'un autre côté le corps
politique ne pourrait subsister si les dépositaires du
pouvoir souverain n'avaient pas la facu hé d'imposer à chacun de ses membres l'obligation de concourir aux services et prestations exigés pour le
saInt de tons.
En un mot, tout ce qui touche à la liberté individuelle de l'homme ou à ses devol\'s de fami\\e, ,\e
cité et de nationalité, COJ;llme tO\1 t ce qui concerne
ses actions et ses biens, est soumis aux dispositions
du pouvoir législatif; et l'on doit dire qne tous les
membres du corps social sont autant d'esclaves de
'la loi, sans qu'aucun d'eux ait le droit de s'eu
plaindre, pnis!Ill'elle est la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
Mais quelqne immense que soit le,pouvoir législatif, il a cependant ses bùrnes, puisqu'il ne p.et)!
(1) Voy. l'art. 4 du code pénal.
�76
être appliqué ni à l'administration de l'état, ni à
ladispensation dela justice; la charte ne permettant
pas une telleconfnsion danslesfonctiol1s publiques:
~ECTION
II.
Du poupoir exécutifou de l'administration actipeo.
65.
Rappelons encore les termes de la chartE1
~mendée de :1;830, sur le sujet de cette sect~onv.
ARTICLE 12".
cc
La personne du roi est inviolable et sacrée.,
» Ses ministres sont .·esponsabl~s. Au roi seul ap-
partient la puissance exécutive. »
La puissance exécutive,- que nous n0!llIIlOns
~nssi l'aJministr:ati.on active, n'appartient donc.
constitutionnellement qu'au roi seul; et il l'exerce.
&ur les divers p~ints du Royaume, par des agents ré..
voca~les, tels que les préfets, d-ont les décisions
peuvent toujours être rapport~es ou annulées, so~t
par les ministres, soit par le conseil d'état.
De ce qu'au roi seul appartient constitutionnellement l'administration active de son royaume, il
résulte que les d~cisions compétemmeùt portées
en matieres purement administratives sont autant
d'actes de souveraineté dont on ne saurait demander la révocationou la modification, qu'en s'adres.sant par forme de supplique au roi lui-même en
son conseil, et qu'on ne peut en faire l'objet d'aucune contestation portée devant aucun trib~Q.al.
rel est le principe dont on a tiré la règle portant
»
�77
DU DOMAINE PUBLIC.
qu'en matière purement administrative, aucune
voiè contentieuse n'est ouverte contre les décisions
portées ou les mesures prescrites par l'administra;".
tion active: règle que nous aurons l'occasion de
rappeler très-souvent dans la suite.
AR.TICLE
13.
66. cc Le roi est le chef suprême de l'Etat; il
commande les forces de terre et de mer, il dé) clare la guerre, fait les traités de Nil., d'al;» liance et de commerce, nomme à tous les
') emplois d'administr'ation publique, et fait les ré" glements et ordonnances nécessaires pour l'exé!I) cütion des lois, sans poùvoir jamais ni suspendre
" les lois elles-mêmes ni dispenser de leur exécu') tion.
" Toutefois aucu'ne tronpe étrangère ne pourra
n être admise au service de l'Etat qu'en vertù
') d'une loi. "
Le roi déclare la guerre, et fait les traites de
paix et de commerce , parce qu'il est à portée d'estimer le mieux ce qui convient à l'honneur et aùx
intérêts de l'Etat.
Par la même raison, et comme juge snprême
des capacités de ceux qn'il déli-gue, il nomme à
tous les emplois d'administration publique; sans
qu'il soit permis de critiquer ses choix. Disputare
»)
dè principali judicio on oportet : sacrile/{ii
enim instar est" du6itare an is dignus sit, quem
elegerit imperator (1).
(1) L. 3, cod. de crI'mine sacrilegii,
lib. 9, tit.
XXIX.
�78
TRAITÉ
Le pouvoir administratif dont le roi est revêtu
lui donne encore le droit de disposer par voie d'ordonnance réglemt'nLaiJ'e, ce qui est au contraire
formellement interdit au pouvoir judiciaire ( art.
SC. c.).
67. Mais par cela seul qu'il s'agit ici d'une puis.
sance qui, par la loi fondamentale, n'a qllesa participation au domaine de souveraineté et au pouvoir
législatif, elle doit nécessairement reconnaître des
limites ql~'el1e ne peut franchir dans l'exercice de
son droit réglementaire; et ici se présente la quesiion de savoir quelles Sont ces limites.
0
1
Suivant l'a rticle ci-dessus, aucune troupe
étrangère ne ponvant être admise en France au
service de l'Etat qu;en vertu d'une loi, le roi ne
pourrait yen introduire aucune par voie d'ordonilance.
0
2
Suivant l'articie 40 de la même charte, aucun
impôt ne pouvant être établi ni perçu s'il n'a
été consenti par les deux chambres et sanctionné
par le roi, voilà encore une chose qui est hors du
pouvoir des ordonnances.
68. 3 0 Aux termes de l'article 4du Code pénal,
nul1ecoutravention, nul délit, nul crime ne pouvant
être punis de peines qui n'étaient pas prononcées
par nne loi avant qu'ils fusse,nt commis, aucune
-peine ne peut être étahlie par simple ordonnance
du roi Ca).
(a) C'est par application de ce principe qn'il a été décidé par
plusieurs Cours (Cours de Paris, 4 décembre 1827, et de Metz,
•
�DU DOMAI!'I""E PUBLIC.
79
69. 4° Le roi ne peut par aucune ordollnance
abroger ou suspendre les lois, ni dispense!' de leur
exécution, puisque la charte le porte textuellement.
70. 5" Le pouvoir exécutif peut au contraire
faire tous les réglemel1ts qn'il juge convenables
pour bâter et diriger l'exécution des lois.
Mais, eu égard à ceqne la mobilité des choses
humaines doit sans cesse présenter des cas nouveaux et non prévus par les lois, comment dùit-on
juger si alors l'affaire est d'une nature telle qu'elle
Ile puisse être constitutionnellement réglée que par
la puissance législative, ou si elle doit être abandonnée au régime des ordonnances?
71. Revenons encore à la charte pour la solution de cette im portante question.
Aux termes de l'article 4, <c la liberté individuelle
» est également garantie; personne ne pouvant être
25 février 1829), que l'article 5 de l'ordonnance royale du 24
juillet 1816 prononc;;ant la peine de l'emprisonnement et de l'amende contre tout détenteur d'une arme de guerre, excède le
pouvoir réglementaire que le roi tient de la charte pour l'exécution des lois, et que ces deux peines· ne peuvent être appliquées parles tribunaux qui ont le droit d'examiner la légalité de
toute ordonnance royale dont l'application leur est demandée.
« Attendu, porte l'arrêt ci-dessus rappelé de la Cour de Paris,
li que d'après l'art. 15 de la charte, le roi, chef de l'Etat, ne
» peut rendre des ordonnances prononçant des dispositions pé» oales, qu'avec le concours du pouvoir législatif. li Par suite
le gouvernement a été ohligé de proposer aux chambres une
loi spéciale qui a été sanctionnée le 24 mai 1834.
�80
l'R:AlTÉ
~, poursuivi ni arrêté que dans les cas pré'Vus par la
" loi et dans les formes qu'elle prescrit. "
On voit par cet article que tout ce qui, appar":'
tient à la liberté de l'hom me ne peut être réglé que
par la loi; et que tOùles les actions civiles ou crimi':
neUesqui peuvent être intentées à raison de l'usagé
ou de l'abus qu'on en aurait fait, et qui tendraient
à eu faire prononcer la privation, doivent être renvoyées par.devant les tribunaux compétents pour
y requérir l'application des lois, qui, en pareille
matière, ne peuvent être rnisesell action que par
cette voie.
Il faut 'en dire autant des droits de famille, de
"cité, civils ou politiques et de nationalité, parce
qu'ils sont également individuels; qu'ils sont le
complément de celui de liberté, avec lel]ilel ils
co'nstituent l'état civil de la personne, et que tous
sont également inaliénables.
Voila donc encore une vaste matière qui échappe
ent,ièrement au régime des ordonnances.
'12.' L'article 9 porte an cOlltraire que « l'Etat
" peut exiger le sacrifice d'une prop"iété pour
» cause d'intêrêt public légalement constaté, mais
~, avec une indemnité préalable. » Ici c'est le gouvernement oille pouvoir exécutif qui est autorisé
par la charte à exiger le sacrifice d'une chose estimable à prix. d'argent: ici se présente dou'c le ré~
gime des ordonnances, auxquelles chaque individu
doit être soumis, par la raison que l'ntilité publique
doit toujours l'Clhporter sur un intérêt privé qui
�DU DOMAINE PUBLIC.
81
est estimable à prix d'argent, et dont l'iùdemnité
est offi~rte.
Enfin il estlncontestable que le pouvoir exécutif,
placé cn scntinelle active au sommetde l'Etat, pOUl'
veiller à: la conservation de tout ce qui intéresse le
repos et le bien-être de la société, doit avoir dans
ses attributions toutes les mesures sanitail'es et
d'ordre public SUI' lesquelles la loi b'aurait pas
prononcé, ou n'aurait statné qn'insuffisamment.
De là nous croyonsqu'ondoit tirer, COlllme règle
générale, la conséquence qu'en toute 111eSUre conservatoire, comme en tonte chose compensable pal'
indemnités pécuniaires, le pouvoir exécutif est
compétent pour statuer par voie d'ordonnance,
chaqne fois que la loi ne statue pas elle-même, et
qu'il s'agit de matieresqni ne Sont pas expressément
réservées au domain~ législatif comme celles qu'on
vient de signnler ci.dessus. Cette décision nous paraît fondée sur deux r<lisons qui sont péremptoires
par leur concours.
TIa première, c'est que ce qui n'est défendu par
aucnne loi doit être permis, surtont lorsque ce qui
est à faire est commandé pal' L'in Lél'êt public.
La seconde, c'est que le pOllvuir exécutif élant
chargé de gouverner pal' tontes les mesures nécessail'es on utiles à la marche Ile son gouvernement,
il faut bien qu'il ait le droit de prescrire ces me·
snres pal' voie d'ordonnances, attendu que]a charre
n'a pu, il cet égard, vouloir la fin sans \"Ouloir aussi
les moyens d'y parvenir.
'rOM. 1.
�82
TRMTÉ
73. Dans tous les cas où il n'est question que'
de mesures purement administratives, c'estnn principe incontestable que la puissance exécuti\'e agit
en souveraine, et indépendamment de tout autre
jugement que celui qu'elle porte elle-même snI'
l'opportunité de ce qu'elle prescrit; et il ne peut en
être au tremen t, pnisq ne alors elle expioite sur le
terrain qui lui fut exclusivement réservé par la
charte.
Si les meslll'es ainsi prescrites dans l'intérêt général entraînent qnelques inconvénients particuliers, les parties intéressées peuvent bien réclamer
par voie de supplique adressée an gouvernement
pour l'éclairer; mais elles ne peuvent jamais
agir par voie d'opposition judiciaire pour mettre
obstacle aux vues de l'adminÏstration, puisque
alors cette autorité ne doit compte qu'à elle-même
de ce qu'elle ordonne.
Lorsque les mesure~ de celle nature sont d'abord
confiées par le gouvernement aux préfets des lieux.
où elles doivent être exécutées, ces agents de l'administration active ne statuent point en dernier
ressort, et les parties intéressées peuvent se pourvoir contre leurs arrètés pour les faire réformer,
soit par le ministre, soit pal' le Conseil d'Etat,
comité de Pintél'ieur, suivant les circonstances.
Les actes de haute administration dont lious
entendons parler ici peuvent se rapporter ou aux.
divisions du sol, ou à l'usage de certains genres de
propriété dont l'exploitation intéi'esse immédiate-
�DU DOMA1NE PUBLIC.
83
ID('nt la société tout cntil'lI'C", ou au gouvernement
des persol11ws et anx Ulesnres de salubrité ct de
.
.
d
l " 1l1lcret
"
d e ] a masse ge,
prott-ctlOn
requIses
ans
nérale des habitants ail de celui de quelques localilés.
On srnt par celte indication générale qu'il s'agit
ici d'une immensité de choses dont J'entière énum~ration nous entraînerait trop loin, et dépasserait l<'s limites de notre plan. Néanmoins, pour
sortit' autant que possible du vagne de ces généralilés, nous allons en signaler les espèces l?ri ncipales
à vue desquelles on pourra facilement saisir l'applicatipn des règles à suivre en cette matière.
74. Et d'abord en ce qui touche anx divisions
du sol de la France, déjà IlOUS avons fait voir plus
haut qne la constitution topographi(lue des départements, arrondissements et cantons, avait été
fixée par la loi: d'oll nons avons tiré la conséqnence
que le pouvoit, exécutif ne serait pas compétent
pour les répartir alltrement, soit par des démembrements, soit par des réunions; mais lorsqu'il ne
s'agit que de reconnaitre et fixer l'état des limites,
soit des départements, SOil des arrondissements,
soit des cantons (1), c'est une règle générale que
tOlltes les opérations de cette natlll'c ne peuvent
appartenir qn'an poil voir exécutif, parce qu'elles
ne sont qu'exécutives elles-mêmes.
(1) Voy. le tléeretdu 10 octobre 1811, tom. 15, png. 371,
-4 e
~érje.
�84
TRAITÉ
Il résulte de là encore que toutes lès contestations qui peuvent s'élever entre les communes sur
les délimitations de leurs territoires respectifs
doivent être portées par-devant le pouvoir administratif (1), qui y prononce en Conseil d'Etat.
75 et 76. Ca) En ce qui concel'l1e les réunions,
divisions et formations de communes, voici les
principes posés Jans la loi du 18 juillet 1837, qui,
par quelques dispositions assez précises, fait cesser
l'incertitude que présentait la législation anténeure.
L'état et la circonscription territoriale des jlll'idictions étant d'ordre public et rentrant par conséquen t dans le domaine exclusif de la loi, il en
résulte que ce les réunions et distractions de com:n munes qui modifieront la composition d'un dé" partement, d'un arrondissement 011 d'un canton,
)' ne pourront être prononcées qne par une loi )'
(art. 4 de ladite loi), quand même il y aurait assentiment des communes réunies ou distraites.
Lorsque les modifications que le gouvernement
veut apporter à l'état des communes ne touchent
(1) Voy. le décret du 20 mars, sanctionné le 20 avril 1790;
l'arrêté du 22 brumaire an 11, bull. tom. 7, pag. 145, 3e sé,rie; le décret du 17 mars 1809, bull. tom. 10, pag. 115, 4 e
série.
(a) Les numéros 75, 76, ainsi que le nO 77 ci-après, ont été
substitués en totalité aux numéros correspondants de la première
édition, qui contenaient des principes modifiés depuis par la loi
du 18 juillet 1837.
�DU DO:\1AlNE PUBLIC.
85
pàs à ces grandes divisioris et les laissent intactes,
le principe général est qu'une ordonnailce royale
suffit.
Cependant il y a exception, et le recours à une
loi devient encore nécessaire, lorsque pour les
commnnes ayant trois Gents habitants on plus, il
n'y a pas consentement des coni>eil-s ll1nnicipaux
délihérant avec les plus imposés en nombre égal à
elui de leurs membres; une semblable mesure
en effet qui porte une gr.ave atteinte à un élat de
choses que le temps avait consacré et qui devient
ponr la commune supprimée oû réunie Ilne véritable sentence de mort ciyile~ selon l'énergique
expression de M. Mounier, ne saurait être environnée de trop de garanties et de précautions lorsqu'il y a résistance ou refns de la part des représentants des intérêts de la commune.
Cette résistance ou ce refus méritent toutefois
moins de considération lorsqu'ils émanent d'une
commune n'ayant pas trois cents habitants, parce
qu'il y a présomption légale qu'dIe ne peut suffire à son administration intérieure et satisfaire
aux obligations qne l'administl'ation générale du
royaume impose à l'autorité municipale. Aussi
l'artiçle 4 de ladite loi de 11137 décide-t-il que dans
ce cas l'avis affirmatif dn conseil-général du département supplée au consentement du conseil
illunicipal, et rend inutile le recours à une 101
spéciale.
Ainsi, et pour qu'en pareille matière 11 ne 01'-
�86
TRA.ITÉ
donnance royal~ 51lffise, il fiwt le conconrs simultané de ces deux circonstances: l'une, qne la modification à apporter à l'état de la commnne ne
change pas la composition du départtnll'nt, de
l'arrondissement ou du canton, et l'autrf', qne celle
'modification soit confot'me au vœu des conseils
municipaux; à moins toutefois qu'il ne s'agisse qne
d'nne cOUllllùne ayant moins de trois cents habitants, cas anqnell'Jvis favorable du conseil-génét'a
l'cmportf' sur cclIIi contraire du conseil municiph
et le remplace Ca).
(a) Ces mesures de réunions, divisions ou formations de communes doivent être précédées de forma1ités indiquées dans les
articles 2 et 3 ,de la loi du 18 juillet t 83i, ainsi conçus:
" 2. Toutes les fois qu'il s'agira de réunir plusieurs com» munes en une seule, ou de distraire une section de commune,
» soit pour la réunir à une autre, soit pour l'ériger en comn munI' séparée, le préfet prescrira préalablement, dans les
" communes intéressées, une enquête tant sur le projet en lui» même que sur ses conditions. Les conseils municipaux assistés
» des plus imposés en nombre égal à celui de leurs membl'es,
» les conseils d'arrondissement et le conseil-général donneront
~ leur avis. »
" 3. Si le projet concerne une section de commune, il sera
» créé, pour cette section, une commission syndicale; un arrêté
" du préfet déterminera le nombre des membres de la commis» sion. Ils seront élus par les électeurs municipaux domiciliés
" dans la section; et si le nombre des élecleùTs n'est pas double
" de celui des membres à élire, la commission sera composée
" des plus imposés de la section. La commission nommera son
président; elle sera cbargée de donner son avis sur le prol> jet.
l)
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
87
7'1. Au l'este les opérations de réunions, de
divisions ou de formations de commnnes -n'ayant
trait qu'au territoire sous le rapport administratif,
ne doivent pas porter atteinte aux propriétés patrimoniales des communes modifiées.
Aussi les articles 5 et 6 de la loi de dB7 posentils en principe :
lOQue la seclion distraite d'une commûne pour
être ou érigée en commune séparée, ou 1'~l1nie à une
autre commune, emportera la proprihé des biens
qui lui appartenaient exclusivemel1l, sans distinction entre ceux dont les fruits se percevaient en
nature et ceux dontles revenus en argent tombaient
dans la caisse communale, sans distinction non
plqs entre ceux dépendant du dornainfl public municipal situés sur son terri toi re, tels que les édifices et au tres immenbles servant à un lisage public,
et ceux appartenant au domaine communal ou patrimonial; la séparation étant complète, la commune dont une section est détachée, ne peut rien
conserver de ce qui formait à quelque titl'e que ce
soit la 'propriété particulière de cette section.
2 0 Qu'en cas de réunion à llne commune existante, d'une autre commune entière ou d'une section détachée d'une autre commune, les habitants
de cc·s communes ou sections de commune ainsi
réunies conserveront la jouissance exclusive de ceux
_de leurs biens dont les fruits étaient perçus en nature, et n'apporteront à la commune dont ils de. viennent membres' que, d'une part, lesrevenusdont
�88
TRAITÉ
la perception se fait en 3J;'gent et qui doivent tomber dans la caisse commune pOUl' subveni,' aux set'vices dont ils profiteront collectivement, et d'lIll
autre côté la propriété des édifices et autres immenhles servant à un usage public Ca).
7-8. Mais arrivons à l'examen des actes qui
s'appliquent moins aux divisions du sol qu'au
gouvernement des personnes, ou à la régie des
choses.
C'est à l'administt'ation publique qu'il appartieiIt de faire le recensement des citoyens, de
pourvoir au recrutement de l'armée, de prescril'e
des règles sur la délivrance et l'usage des passe-:
ports.
C'est à elle à ordonner les mesures sanitai"es, çt
à faire écarte,' des lieux babités les établissements
où l'on fabrifjue des matières produisant des odeurs
in~alubres (1).
(1) Voy. à ce sujet les détails contenus au décret du 15 octobre 1810, bull. tom. 13, pag. 397, 4· série.
(a) Pour compléter les dispositions législatives concernant les
réunions, divisions ou formations de communes, il ne reste plus
qu'à transcrire les ar~. 7 et 8 de la loi du 18 Juillet 1837; ils
portent:
" 7. Les autres conditions de la réunion ou de la distrnction
" seront fixées par l'acte qui la prononcera. Lorsqu'elle sera
» prononcée par une loi, ceUe fixation pourra être renvoyée à
» une ordonnance royale ultérieure, sauf réserve, dans tous
» les cas, de toutes les questions de propriété. »
" 8. Dans tous les cas de réunion ou fractionnement 41'S
» communes, les conseils municipaux seront dissous. Il sera
» procédé immédiatement à des élections nouvelles. »
�DU DOMAINE PUBLIC.
89
C'est l'administration qui exerce la haute police
de sûreté et de prévoyance, et qui prescrit les mesures nécessaires pour le maintien du bon ordre et
pour la t1'anquillité publique; tandis que les tri.
bunaux sont chargés de prononcer l'application des
peines décernéf~s par la loi contre cenx qui auront
en frein tles réglcmenls administratifs (1).
79. Dans les diverses localités, l'administration
exerce les actes de police préventive, tels que la
dispersion des attroupements, la surveillance dt's
vagabonds et mendiants, la poursuite des prévenus
signaléS par la clameur publique, et l'arrestation
en c~s de flagra nt délit (2.); mais l"action de la police
de sûreté qui appartient à ce pouvoir se termine là,
et l'individu arrêté doit êt re remis en liberté, ou
traduit devant les tribunaux, seuls compétents
pour prono.ncel', définitivement sur son sort.
Oest toujonrs la puissance exécutive qui est·
chargée de'pourvoir à la cil'clliation du commerce
et de urveillel' les rassemblements; en sorte qu'à
elle seule appartient le <1l'Oit d'établir de~ foires
et des marchés publics, d'en fixer les jours et d'assigner les lieux de lenr tenue (3).
(1) Voy. l'art. 471 du code pénal.
(2) Voy. l'arrêtédu3ventôse an 10, bull. tom. 5, pag. 317,
3· série. .
(3) Voy. le décret du 16 octobre 1813, bull. tom. 19, pag.
324 , 4· série; l'ordonnance du 26 novembre 1814, bull. tom.
2, pag. 565, 5· série.
'
�90
TRAITÉ
80. C'est ainsi que, chargé de facil~ter les
transports des denrées, le gouvernement peut
seul déclarer navigable ou flottable une rivière qui
ue l'était pas (:1.), pour l'incorporer entièrement
dans le domaine public, et imposer aux proprié.
taires des béritages adjacents l'obli~ation de SU?porter et laisser libres les chemins de hallage
{556 et 550), à la charge néanmoins de leur payer
une indemnité pr9portimlnée au dommage souffert par rapport à Pétablissement de ces chemins.
C'est ainsi enfin que le gçmvernement rend cette
foule d'ordonnances que DOUS voyons dans le bulletin des lois, pour réglet' la police des approvi~ionl1ements des villes, celle des boucheries, des
boulangeries et autres objets.
81.· Lorsqu'il s'agit df choses sur lesquelles la
loi doit préalablement statuer en principe, une fois
que la puissance législative a. prononcé, sa tâche
est finie, et là commence l'actioll. de la puissance
çxécutive, chargée de mettre à exécution ce qui a
été décrété, par tous les moyens qu'elle juge convenables.
Ainsi lorsqu~il y a eu des fonds votés par la loi
de finances pour l'établissement d'une route ou
d'un canal de navigation intérieure, c'est au pou'Voir exécutif seul qu'appanient le droit d'ell faire
opérer le tracé, et de pourvoir à lOuS les tI'avaux
(1) Voy. le' décret du 22 janvier 1808, bull. tom. 8, pag.
4" série.
3~,
�DU DOMAINE PUBLIC.
91
J'exécution; et alors il peut forcer tout propriétaire à céder, muyennallt une jnste indemnité (545),
le t('rl'ain qui devra être occupé pa'r la route on le
canal.
82. C'est ainsi qne, nonobstant que la pt'oprié Lé du sol emporte la propriété du dessus et du
dessous (552.), cependant c'est un principe avéré
dans noLre li l'oit public et consacré par nos lois (1),
qUf', par de hautes considéraLÏons d'intérêt général,
les IlJines. soit métalliques, soit de charbun, qui
se trouvent dans Il's héritages particuliers, sont
néanl1Joins à la disposilion du gouvèrncment, en
ce sens qu'elles ne peuvent être exploitées, même
par les propriétaires de la surface, qu'en vertu d'une
coucesllion llélibérée en Conseil d'Etat, sons la
surveillance d{"s ingénieurs préposés à c.et effet, et
sons d'il Il tres conditions encore que nous ex pliq llel'ons ailleurs.
,83. C'est ainsi encore que le gOllvernempnt
est chargé de donner aux divers conrs d'eau lai
meilleure direction, et que, par lIes motifs de 1ialubri lé et de ferti lisa tion, il peu t-Ol'don ner le desséchement des marais appartenant à des particuliers,
suivant qu'il le juge utile (2), et qu'alors il preserit
toutes les mesures nécessaires pour arriver à la fin
propostfe.
(1) Voy. les art. [) et li de la loi du 21 aVl'111810, 'bull.
tom. 12, pag. 127, 4" série.
(2) Voy, la loi du 16 septembre 1807, bull. tom. 7, pag. 127,
4" série,
�92
TRAITÉ
C'est également la puissance exécutive qui est
du recouvrement et de l'emploi des impôts directs ou indirecl$. établis par la
Ruissance législative.
Nous no.os arrêterons là en ce qui touche à cette
énumération, parce qu'il serait. inutile de la pO,ns~er
plus loin, et qu'on n'en finirait point si ron devait
parcoUl'ir tout ce qui appartient aux divers servipes
exclu~vel1lentchargée
publics,~
Dçjà nous avons fail voir comment la charte ~
placé sous son égide les membres de la législature,
Nous verrons, en parlant de l'ordre judicin,ire,
que pour garantir les juges contre le ressentiment
des plaidcurs, la loi n'admet à leur égard l'actioq
en prise à, partie qu'autant, que le plaignant aurait
préalablement obteuu?c la part du tribunal auquel
la cause doit être portée la permission d'introduire,
l'instance.
84. La même garantie est due aux, agent~de
l'admin.istration publique, parce que l'effet des
passions haineuses et vindicatives n'est pas rnoins,à
craindre pour eux que pour les juges; aussi les lois
y ont-elles pourvu par les dispositi.ous les plus
expresses.
Par l'article 7, section 3, d.e.la lüi du 1 el' janvier
1790, déjà l'assemblée constituante avait déclaré
que les administrations de département ne pourraient être troublées dans l~exercice de leurs
jonctions administratives par aucun acte du
pouvoir judiciaire.
�DU DoMAINE PUBLIC.
93
Par l'article 13, titre 2, de la loi du 24 août de
la niême année, il fut défendu aux juges, à peine
de forfaiture, de troubler de qnelque manière que
ce soit les opérations des corps administratifs; ni
de citer devant eux les administrateurs pour
raison de Leurs fonctions.
Il est sensible que la généralité de ces expressions s'applique égalemen t aux actions civiles et aux
/ actions criminelles.
Aux termes de l'article 1, S 2, de la loi du 14
octobre 1790, aucun adminisirateurne peut'iJtre
traduit devant Les tribunaux pour raison de ses
fonctions publiques~ à moins qu~il n'y ait été
renvoyé par IJautorité supérieure ~ conformément aux lois.
Et par la loi du 16 fructidor an 3, défenses itératives sont faites aux tribunaux de conna1tre des
actes d'administration de qnelque espèce qu'ils
soient, aux peines dedroit, sauf aux réclamants à se
pourvoir devant le comité des finances pour leut'
être fail droit (1).
, 85. Depuis, el en vei'tu de l'article 75 de la
constitution de J'an 8, c'est un conseil d'état qu'on
a dû se pOIHvoir pour obtenir la permission de tra·
d.uire devant les tribunaux les âgents de J'adminis"
tratiol1 pour faits relatifs à leurs fonctions; et celle
permission n'est accordée qu'en vertu d'une décision prononcée dans les formes prescrites par les
(1) Voy, au bull. 175, nO 1064, tom. 5, 1" série.
�94
TRAITÉ
articlps 15et snlvantsdu décret du Il jnin 1806,
et par le décret du 9 août de la même année (1).
SnI' qnoi il fant observerquc par a{;ents du gouvernement on doit seulemp,nt entendre ici cenx qui,
a~issant comme mandatairf'S on comme ayant une
inission de sa part, exécuten t ou soin censés exécutCl· ses ordres, et non pas les fonctionnaires qui
agissent d'après lellr volonté propre: c'est ainsi que
l'officier de l'état civil peut, sans autorisation pl'éaJable, être poursuivi à requête du procnrelll' du
roi (53), pour les contraventions qn'il aurait comD!ises dans la tenue des registres dOlltla rédaction
lui est confiée.
Il eh est de même des huissiers, des greffiers,
des notaires ~ qui, qnoiqne fonètion naires nom més
par le gouvernement, peuvent être aussi, salls pel'·
mission préalable; directement actionnés ponr déiits commis dans leurs fonc,tions, parce qu'en les
exerçant ils agissent d'après lellr propre volonté et
ile sont point censés exécilter les ordres du gouver·
1Wlllent.
86. La sauve-ganie dont nOllS parlons ici n'est
point non plus applicaLle aux fonctionnaires, tels
qlle les comptables destitués; ils peuvent être di.
rectemeilt poursuivis ponr faits antérieurs à lem
destitution; parce que ce n'est pas à l'infidélité reconnue que la loi doit sa proteclioD (2).
(1) Voy. allbull. tom. 5, pag. 200 et 427, 4" série.
(2) Voy. l'a~is du Conseil d'Etat du 16 mari 1807, hull.
lom.
6, pal'. Hl.
�DU DOMAINE PUBLIC.
95
87. Il fant obsf' l'ver encore qu'il est nécessaire
que les faits répn>'hensibles ou les délits aient eu
lieu dans l'exercice des fonctions compétentes de
l'agent (lu gouvernement, pour qn'il ne puisse être
traduit devant les tribunaux sans pp.rmission préa.
lable, parce que ce n'est qnc la liberté de cet exercice que la loi entend protéger. HOl's de ses fonctions, l'agent n'est plusdéJ'égué du gouvernement;
il cesse d'en êlre le mandataire et de le représenter, lorsqu'il s'occupe d'objets qui sont étrangers
,
cl; bu, l'1 resu
'1 te qu ;a1ors l'1 peut
a, sa competence:
être directement poursuivi comme tout autre ci-'
toyen.
'
Ainsi lIn mait'e qui, par des manœuvres coupables, aurait soustrait nn individu de sa commune au recrutement de l'armée, ne pourrait
être accusé qu;en vertu d'uhe décision du Conseil
d'Elat, parce qu'il aurait commis le délit dans
l'exercice de ses fonctions et snI' une matière de
sa compétence. Mais qu'on suppose que ce même
fonctionnaire ait frauduleusement soustrait au rer
crutement un individu qui n'était point de la
'communedont il est maire; alors, ayant agi cdmme
tont autre hommp. privé silr une mesure qui n'entrait point dans ses attributicll1s, il ponrra être
poursuivi et condamné sans décision préalable du
gouvernem~nt.
88. Il y a cependant plusieurs cas dans le~.
quels les préfets et autres administrateurs supérieurs peuven t, sans qu'il soit nécessaire de "ccou-
�96
TRAITÉ
rir au Conseil d'Etat, renvoyer devant les tribunaux les agents snbalterllf's du gonvernenient,
prévenus de délits dans l'exercice de leurs fonc':
Uotls.
1°. Le directeur général de l'enregistrement et
des domaines est autorisé il dénoncer direcl~mel'lt
les agen ts i'nfërieurs de cette administration (1).
2,0 L'administration des postes aux lettres a le
même droit à l'égard des agents qui lui sont subordonnés (2).
3° Le directeur général ùes donanes autorise la
mise en jugement des préposés dans sa partie (3).
4° Les préfets sont investis du même droit à
l'égard des préposés de J'octroi municipal (4); ils
peuvent aussi faire mettre en jugement les percepteurs de contributions publiques, mais après avoir
pris l'avis des sous-préfets (5).
5° Le directeur génél'aJ de la régie des droits
réunis a la même faculté à J't;gard des préposés qui
lui sont subordonnés (6).
(1) Voy. l'arrêté du 9 pluviôse an 10, bulL tom. 5, pag, 235;
'3" série.
.
(2) Voy. les deux arrêtés qui suivent, fbidem, pag 236.
(3) Voy. l'arrêté du 9 thermidor an 11 , bull. tom. 8, pag.
850, 3" série.
'
(4) Voy. ibidem, tom. 8, pag. 850.
(5) Voy. l'arrêté du 10 floréal an 10, tom. 6, pag. 255,
3" série.
(6) Voy. le décret du 28 messidor ari 13, tom. 3, pag. 363,
4" sérif'.
�97
DU DOMAINE PUBLIC.
~o ,L'administration générale des forêts est aussi
autorisée à traduire ses agents devant les tribunaux, sans recours_au conseil d'état (1).
La même autorisatioit est accordée à l'administration générale des monnaies (2).
SO Enfin les administrateurs généraux des poudres
et salpêtres ont le même droit à l'égard de lems subordoDués (3).
Il est bien entendu que, dans tous ces cas, les
agents dqllt il est question ne peuvent toujours être
poursuivis à raison de leurs foncLÏons, devant les'
tribunaux soit civils, soit criminels ou de police
correctionnelle, sans la permission pl'éaJable des
administrateurs, que la loi leur donne comme supérieurs et protecteurs.
Cependant, aux termes de l'article 7 de la loi
du 24 juin 1827, lorsqu'il s'agit du crime de COllcussion, les fonctionnaires qui ordonneraiellt la
levée d'un impôt direct ou indirect non établi par
lIne loi, les employés qui en confectionneraient
les rôlès ou tarifs, et ceux qui en feraient le recouvrement, pourraient être poursuivis par-devant
7°
,
Voy. l'.!'-rr~té du 2S pluviôse an 11, bull. tom. 7, pag.
3" série.
Voy. l'arrêté du 10 thermidor an 11, bull. tom. 8, pag.,
3' série.
(3) Voy. le décret du 28 février 1806, bull. tom. 4, p. 323,
4" série.
(1)
46H,
(2)
751 ,
TOM. 1.
7
�98
l'llAITÉ
les tribunaux, sans aucune autorisation préalable (1).
SECTION III.
Du.poupoir judiciaire.
89. Le pouvoir judiciaire, considéré dans sa
source, est aussi une émanation du domaine de
souveraineté, puisque ses décisions se rendent et
s'exécutent au nom du souverain, .et comme les
lois. Mais dans son exercice il est totalement indépendant des autres pouvoirs, et il ne peut appartenir ni à la puissance législative, ni à la puissance
exécutive.
Au surplus, voici ce que porte la charte en ce
qui le touche.
ARTICLE
48.
90. cc Toute justice émane du roi: elle s'admi.
» nistre en son nom par des juges qu'il nomme et
» qu'il institue. »
Dans l'ordre naturel, la justice, comme vertu
morale, émane de la Divinité elle-même.
Mais dans l'ordre civil, en considérant la justice
par rapport à l'institution destinée à la rendre et à
en assurer le règne, on doit dire qu'elle émane,du
roi;puisque c'est le roi qui in.stitue les juges, et
qùe c'est encore au nom du roi que leurs jugements sont rendus exécutoires.
(1) Voy. aù hull. 171, tom. 6, pag. 740,8" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
ARTICLE
99
49'
'91. cc Les juges nommés par le rOI sont iuamovibles. "
Ainsi les juges ne sont pas de simples mandataires du roi dans l'exercice de leurs fonctions,
puisque leur institution est irrévocable 1 et ne doit
prendre fin que par la mort ou la dé_mission de celui qui en est revêtu, ou par la destitution, qui ne
pourrait avoir lieu qu'à l'égard de celui qui aurait
su~i un jugement de condamnation pour cause de
forf,1iture.
.
Nos tribunaux sont donc éminemment au-dess~s
des commissions révocables ad nutum, puisqu'ils
ont une exi!ltence constitutionnellement indépendan te; et c'est en cela qu~ consiste ce que nuus
appelons le pouvoir judiciai.re.
92. Néanmoins l'inamovibilité n'a pas lieu à
l'égard des juges de paix et de commerce; mais ce
n'est pas dans les fonctions de ces justices subalternes; c'est au contraire dans les gl'ands corps de
judicature, que consiste le pouvoir judiciaire
constitutionnellement envisagé.
Tous les droits individuels des membres de la
famille politique sont soumis à l'action de ce pou»
VOIr.
93. En matière civile, tous lesdébnts élevés
sur l' éta t des persan nes, et la jouissance ou la pl'ÎvaLion des droits de cité, doivent être portés devant les tribunaux.
En matière civile encore, c'est aux tribunaux
�100
TRAITÉ
qu'il appartient de statuer sor toutes les questions
de propriété foncière (1), quelle que soit la qualité
des parties entre lesquelles le litige s'est élevé, ainsi
que sur tO!Jtes les contestations ayant pour objet
des intérêts pécuniaires quelconques débattus en tre
particuliers.
En matière criminelle, il n'appartient qu'aux
tri.bunaux de èondamner ou d'absoudre ceux qui
sont accusés de crimes o'u de délits à raison desquels la société demande vengeance; 'et nul ne peut
~tre arrêté ou privé de l'usage de sa liberté sans
nn ordre de justice.
94. Eu matière de contributions, la compétence judici.aire ouadm'Ïnistrative se détermine
par la natUl'e de l'impôt, suivant qu'il est direct
ou indirect.
On entend par contributions direétes èeHes qui
pèsent sur les immeuhles, même pour les pottes et
fenêtres, ainsi que la contribution personnelle et
.mobilière et celle des patentes (2), à raison desquelles il ya des' rôles préalablement rendus exécutoires parles préfet's (3).
Ou entend au contraire par impôts indirects
(1) Voy. l;art. 47 de la loi du 10 5eptembre 1807, tom. 7,
pag. 138, 4 e série.
(2) Voy. le décret du 12 noveinbi'è 1808, bull. tom. 9,
pag. 197, 4e série.
(3) Voy. l'art. 13 de l'arrêté du 16 thermidor an 8, bull.
nO 244, tom. 1er , 3' série; et l'art. 4 de l'arrêté du 10 fructidor suivant, tom. idem, nO 264..
�DU
OMAINE PUBLIC.
101
ceux qui doiven t être acquiués.par les commerç~ n ts
ou consommateurs sur certaines- marchandises ou
denrées, comme sont les droits de douanes; ceux
qui se perçoivent sur le sel, les boissons, les droits
de timbre et d'enregistrement, à raison desquels
il ne peuL y avoir aucun rôle de recouvrement fait
à l'avance.
En ce qui touche aux contributions directes, les
contestations auxqnelles elles peuvent donner lieu
sont l'enyoyées devan tles tribunaux.admiuistratifs,
et c'est aux conseils de préfecture qu'elles doivent
être portées (1), sauf recours au conseil d'état,
ainsi que nous l'expliquerons plus amplement dans
la suite, en. traitant dp. la juridiction administrative.
Mais en ce qui touche aux contr.ibutions indirectes, les contestations qui peuvent s'élever sur
leur perception sont dévolues aux tribunaux ordinaires, par la raison qu'il faut d?abord judieiaire:menJ; établir les faits qui doivent donner lieu à la
perceptiop du droit et prononcer sur 11;\ validité ou
rirrégùlarité des procès-verbaux rédigés ponr constater des contraventions. ou délits, qui souvent entra1nent des peines qui ne peuvent être infligées
que pada justice ordinaire (2).
(1) Voy. l'art. 1er du titre 14 de la loi du 11 septembre
1790, et l'art. 4 de la loi du 28 pluviose an 8, bull. 17,
nO 115, tom 1er , 3e série.
(2) Voy. l'art. ~, titre 14, de la loi du Il septembre 1790.
�102
TRAITÉ
95. Le pouvoit· judiciaire est donc comme le
rempart des libertés publiques, puisqu'il a été établi pour la garantie des personnes et cene des propriétés; et c'est afin d'assurer mieux l'efficacité de
son action qu'il a été placé sous l'égide d'une constitution spéciale, et telle qu'elle garantit elle-même
soit la personne des juges, soit l'exécution de leurs
jugements.
.
Pour la garantie pt~rsonnelle des juges, tous,
connne On vient de le dire, excepté les juges de
paix, sont nommés à vie, et leurs fonctions sont
irrévocables, à moins qu'ils n'aient été condamnés
pour forfaiture.
S'ils sont soumis à des règles Je discipline, l'application en est concentrée dans l'ordre judiciaire
lui-même. Un juge a-t-il, par une conduite peu
mesurée, compromis la dign~té de son caractère,
il en est averti par le présiden t de sa compagnie; si
l'avertissement reste sans effet, et que le juge persévère dans ses écarts, c'est dm;l.s la chambre du
conseil du triblHlal qu'il doit être appelé pour se
voir œnsnrer par ses. pairs, comme au sein d'une
famille, où il y a soliùarité d'honneu~ entre \OUS
les membres qui la composent (1).
Les juges de paix sont SOliS ia s()J·veiJJal1c.e de.'!
tribunaux d'arrondissemen ts, ceux-ci sous celle
des cours royales, et les cours royales sons cell~
(1 ) Voyez les articles 50 et suivants de la loi du 20 avril
18'10, bull. tom. 12, pag. 3{)2, .(- série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
103
~le
la cour de cassation, laquelle, présidée pal' le
ministre de la justice, peut seule snspendre un
juge de ses fonctious lorsque la gravité des faits
l'exige (1).
La loi ne protège pas seulement les juges contre
leur propre faiblesse, elle les couvre aussi de son
bouclier pour les soustraire à la vengeance des plaideurs; elle détermine les cas précis où l'on pourra
exercer con Ire eux l'action en prise à partie; elle
soumet l'exercice de celte action à des formes rigoureuses, et celui qui se porte à l'intenter se soumet à une grave l'esponsahilité; aucun juge ne peut
être pris à partie sans la permission préalable du
tribunal devant lequel l'action sera portée, en sorte
que c'est toujours à l'ordre judiciaire seul à apprécier la conduite de ses membres qu'on vient inculper (2).
96. Quant à la garantie des jugements, tout se
concentre encore dans l'ordre jndiciaire.
Les justices de paix ressortissent aux trihunaux
d'arrondissements; ceux-ci aux cours royales, les.quelles jugent en dernier ressort; et le terme extrême de cette gradation de pouvoirs se trouve dans
la Cour de cassation, chargée d'annule:- les jugements en de.rnier ressort, non pas pOUl' simple
(1) Voy. les art. 82 et suivants du sénatus-consulte du 16
thermidor an 10, bull. tom. 6, pag. 546, 3" série, comparée
avec la loi précitée.
(2) Voy. le titre 3, liv. 4, Code de procéd.
�104
TRAITÉ
motif de mal jugé, mais lorsqu'ils ont été rendus
sur des procédures dans lesquelles les formes ont
été violées, ou lorsqu'ils contiennent quelques
contraventions expresses à la loi.
Telle est donc la hauteur
le ponvoir indiciaire
est placé, que lorsqu'un tribnnal a prononcé compétemment sur Ulle matii>re, et que les voies étahlies par les lois snr la procédure pour faire réf~r,
met' ou annuler sa décision sont épuisées. le ju~e
ment acquiert ,toute l'autorité d'une loi spéciale
pour la cause dans laqnelle il a été porté.
On voit par là que le pouvoir judiciaire renferme
en quelque sorte un démemhrement absolu du
domaine de sO,uveraineté, pnisqll~il ne relèv,e que
de lui-même et nt;. doit compte de ses dé~ision.s. à
aucun autre pouvoir..
91. En considérant la diversité des vues que
doivent se proposer le pouvoir administratif et le
pOUVOIr judiciaire, ainsi que la diversité des choses
auxquelles s'appliquent leUTS actions, l'on afl'ive
à remarquer entre eux une graude disparité ,constitutionnelle qu'il est uLÏle de signaler dès maiqtenant, par rapport anx conséquen.cesnomhreuses
que noüs en ferons l'essortir dans l~ suite,.
" Le pouvoir e;cécutif~ ou, l'administration active,
n'envisage dit'ectement que la masse des habitants,
parce qu'il n'a en vue et ne doit s'occuper que des
intérêts collectifs, et c'est pourquoi il dispose par
voie reglementaire. Au contraire l'autorité jlldiciait;e
ne stat e que sur les in térêts privés des personnes/ou
où
�DU DOMAINE PUBLIC.
105
des corps, tels que les communes, qni sont en
qualité de cause Jevan telle (1), etl'action de cette
autorité n'est déterminée qne par les titres particuliers que les plaideurs font valoir pour euxmêmes: J'où il résulte que tel étant le terme de
sa mission, il ne lui est pas permis de prononcer
par voie de disposition genérale et réglementaire
(art. ? C. c.), parce qn'autrement elle s'immiscerait dans l'administration de l'état.
98. Il est possible qu'une question à résoudre
doive être, sous lieux rapports différen ts, snccessivement soumise au pouvoir exécutif ou administration active et au pouvoit, judiciaire.
Supposons, par exemple, qu'un homme t,'aduit
devant la justice ordinaire de police de la douane,
par suite d~une saisie dç marchandises faite sur les
frontières, soutienne que le lieu de saisie indiqné
dans le procès~verbal des préposés de la donane est
au-delà. des limites territoriales du royaume, qu'en
conséquence la saisie doit être- déclarée nuUe, et
qne ses marchandises doivent lui être restituées.
S'II y a réellement incertitude dans la limite de
l'état touchant au l\eu , ou vers le lien où la saisie
a été faite, qu'il y ait uO,e vérification ou une reconnaisance à faire à ce sujet, les juges, lluoique
compétemment saisis ~ requête des préposés de la
donane, devront s'abstenir de prononcer sur la
confiscation demandée, jusqu'à ce que la question
(1) Voyez les articles 141 et 142 du Code de procédure.
�106
TRAITÉ
préjudicielle du territoire ail été décidée en conseil
d'état.
Il en serait sans doute antrement si la ligne
démarcative des deux territoires n'était point incertaine : alors le Tribunal saisi de la demande en
confiscation ser~it certainement compétent pour
reconnaître de .quel côté de la borne la saisie anrait
été faite, et pour repousser les allégations erronées
des parties.
Le mêmf' principe devrait être adopté dans le
eas d'Un rapport de garde ordinaire, ou d'un acte
de notaire, ou d'une signification d'huissier, dont
on proposerait la nullité, en soutenant que ces
fonctionnaires auraient acté hors de leur anondissemf'nt : s'il y avait véritablement incertitude sur
ce point de localité, la question de dé.marcation
d'arrondissementsdevraitde même être préjudiciellement renvoyée au pouvoir exécutif pour y faire
statUf)r par qui de droit, avant de prononcer en
justice ordinaire SUl' le sort de l'acte argué de'
nullité.
�DU DOMAINE PUBIJC.
101
CHAPITRE VIII.
s homes du domainll de souvera.inelé.
99. Il n'y a de puissance infinie que celle de
la Divinité: quelque immense que soit le domaine
de souveraineté, qn'on le considère souslesrapporls
légi~lalif, administratif on judiciaire, il y a des
hornes (l'l'il ne peut dépasser.
Et d'abord la pensée ou les desseins intérieurs de
l'homme échappent à son pouvoir; et lors même
qu'il s'agit de pensées ou de desseins criminels,
l'autorité humaine ne peut infliger aucune peine
à celui qui serait açcusé de les avoir conçus:
Cogitationis pœnam nemo patitur (1), soit parce
que les mouvements intérieurs de l'ame ne portent
encoreancun trouble dans la société; soit par la raison qu'étant absolument invisibles aux hommes, il
serail impossible aux Tribunaux humains de juger
de leur réalité; et comme il n'y a que Dieu don t
le regard pénètre dans les replis du cœur de sa
créature, il n'appartient qu'à la justice divine de
punir ses mauvaises intentions.
Mais lorsque les desseins du crime se mani.·
festent par des démnrches extérieures, il devient
natnrellement punissable, parce que la sùreté P11hlique se trouve déjà compromise; parce que
(1) L. 18, fT. de pœnis) lib. 48, tit. XIX.
�108
TRMTÉ
l'exemple commence à répandre sa contagion, et
que le crime dont I.e projet est devenu' patent
pourrait être bientôt, con~ommé si le coupable n'était arrêté dans sa marche audacieuse : Is qui
cum tela, ambulaverit hominis nec'an. . causd,
.sieut is qui h0'!Linem oeciderit, legis corneliae
de sicariis poenil coé'rceatur (1) ; et n~tre C'?de
déclare avec plus de précision encore sur ce sujet,
que toute tentative de crime qui aura été m:lnifestée par des actes extérieurs, et suivie d'un cO mmcncement d'exécution, si elle n'a été" suspendue
ou n'a ma~qué son effet que par des circonstances
fortuite~ ou indépendantes de la volonté de l~~u~
teur, est considérée cC?mme le crim~ m,ê~e (2) •.
En second lieu, l'autorité souveraine ne pourrait disposer ou statuer d'une maniere qui fût opposée au droit naturel absolu, parce qu'elle agirait
contre la loi de sa propre natUre en attaquant les
fondement,s de la société, pour la garantie desquels
elle fut instituée., Et puisqlle dans,l.'ordt:e moral
tout est ~ondé sur te (Iroit' naturel, cQIDJJ;le nQus
l'a v0l:1s fait voir au chapitre 11 '- il Y aUl'ait une absurd~ contraçliction à v"ouloir' que l'autorité humaine pût en opérer l'abQlilion; Quia civilis ratio
naturalia jura corrumpere non potest (3).
Ainsi rau~orité souveraine nc pourrait, par
- - -.• ---._.- - - - .._----_.--(1) L. 7 , cod. ad legem corneliam de sicariis> lib. ~,
tit. XVI.
(2) Art, 2 du Code pénal.
(3) L. 8 ,.fi'. de capite minutis, lib. 4, tit. V.
�DU DOMAINE PUBLIC.
109
exemple, dispenser les pères et mères de l'obligation de nourrii' 'et élever leurs enfants; elle ne
pourrait dispenser les enfants de l'obligation du
respect qu'ils doivent à leurs pères et mères; elle
ne pourrait affranchir le.s débiteurs de l'obligation
de payer leurs dettes; elle ne pourrait remettre les
hommes en communauté de biens; elle ne pour~
rait promulguer une loi agraire pour niveler toutes
les possessions: Dans tous ces cas et autres semblables, les dépositaires de l'autorité suprême se
mettraient ùécessairement en forfaiture : au lieu
d'user des pouvoirs dont ils sont revêtus, ils se
mettraient en contravention av-ec l'essence même
de ces pouvoirs, puisqu'ils tenteraient d'abolir des
devoirs et· de détruire des droits pour la protection
desquels leur autorité a été établie.
Il en est du pouvoir souverain, dans l'ordre naturel des sociétés, comme du pouvoir exécutif
dans notre ordre constitutionnel : en sorte qu'on
doit dire que, comme le roi peut faire toutes les
ordonnances qU'Il juge nécessaires ou utiles pour
. meUre pleinement à exécutioil nos lois positives,
sans pouvoir les abroger, ni dispenser dans un sens
absolu de s'y soumettre; de même l;autorité souveraine peut étaLlir toutes sortes de lois positives
pour l'exécution. des préceptes du droit naturel et
leur application aux hesoins de la société, sans
pouvoir néanmoins déroger à ce droit dans les prin.
cipes fonda~entaux, où sa volonté ,est absolue.
100. Enfin l'autorité souveraine ne peut exer-
�110
TRAITÉ
cel' aucun empire sur le domaine des consciences
relativement aux dogmes de la foi.
Elle peut hien publier des régJements sur les
rites et solennités qui s'appliquent à l'exerciee extérieur du culte, parce que cette matière rentre
dans le domaine de la police civile établie pour le
maintien de la paix entre les citoyens; mais elle
n'a aucun pouvoir à exercer ni sur la liturgie intérieure du culte; ni sur la croyance religieuse, parce
qu'ici tout rentre dans le droit divin positif.
On ne peut trop déplorer l'erreur de ceux qui
vohdraient à tout propos introduire dans les lois
civiles des dispositions sur les vérités dogmatiques
de la religion: agir ainsi, ce n'est ni plus ni moins
que provoquer un principe d'hérésie, et solliciter
une impiété par un aveugle esprit de dévotion.
il faut bien remarquer, en effet, qu'on ne peut
demander une loi quelconque sans reconnahre que
le pouvoir dont on la sollicite est compétent pour
l'établir, et sans teconnaitre encore que l'objet sur
lequel on la demande est dans sa dépendance. On
ne pourrait donc s'adresser à l'autorité civile pour
l'inviter à statuer sur des matières qui touchent
au dogme, sans supposer que la connaissance de
ces matières et les jugemen ts dont elles peuvent être
l'objet sont dans ses attributions; or, nne fois que
cette compétence est reconnue, les résultats peuvent en être incalculahles : car si l'autorité, au
lien de vonloir prescrire des mesures tendant à
faire entrer les autres dans ma religion, ou à les
opprimer dans l'exercice de la leur, s'avisait an
�111
DU DOMAINE PUBLIC.
contraire d'en ordonner pour me forcer à changer
la mienne ou pour m'opprimer dans son exercice,
je n'aurais plus rien à dire contre la légalité de son
commandement, parce qu'ayant reconnu qu'elle
était compétente, j'aurais par là même reconnu
le principe de validité de la loi qu'elle a voulu
m'imposer.
101. Suivant Blackstone, ces principes sont
méconnus en Angleterre: cc Le pouvoir, dit-il, et
» la juridiction du parlement sont sans bornes;
» par son autorité souveraine et absolue, il peut
» confirmer, étendre, restreindre, abroger, révo)' quel', renouveler et expliquer le~ lois concernan t
;»
toutes les matières possibles, ecclésiastiques,
» temporelles; civiles, criminelles, militaires et
» maritimes. C'est en lui qne la constitutiou a
:» placé ce pouvo~r despotique et absolu qui dans
" tous les gouvernements doit résider quelque
(), part. Tous les maux, les griefs, les abus, les
» opérations, les remèdes auxquels la juridiction
)' ordinaire ne peut pas s'étendre, sont du ressort
» de cet auguste Tribunal. Il peut régler ou inter» vertir l'ordre de la snccession à la couronne,
» ainsi qu'il le fil sous HenriVIII el Guillaume III;
» il peut changer la religioTt établle; il l'a
Jo) fait plusieurs fois sous le même Henri VIn et
» ses trois enfants. ,) Plus bas le même auteur
"joute que cc pour prévenir les maux qui pourraient
» résulter en plaçant une autorité si étendue en
), des mains incapables de l'exercer, les coutumes
» et les lois du parlement ordonnent que personne
,-
�112
TRAITÉ
ne pourra siéger ni donner sa voix dans aucune
}) des deux chambres qu'après avoir atteint l'âge
» de viligt~uù ans; il est également ordonné que
» tout membre, avant que de prendre séance,
» prêtera les serments de fidélité, de suprématie
}) et d'ahjuration; qu;il souscrira et répètera la
}) déclaration cOf/traire à la transsuhstantia» tiOlt J à l'inyocation des sairits et au sacrijice
}) de la messe : le tout en présence de la cham» b~e à laquelle il doit appartenir.»
.
C'est ainsi qu'en Angleterre, qu'on vante
comme le pays classique de la liberté, un despotisme extrême viole la liberté elle-même jusque
dans le sanctuaire où elle doit être au-dessus de
toutes les atteintes de l'autorité humaine. On ne
saurait se rendre raison d'une telle contradiction
qu'en se rappelant que ces réglements lie sont
qu'un reste des loi~ de colère portées dans les assauts que le protestantisme livrait à l'église romaine sous Henri VIII eUles enfants; et c'est ainsi
qu'au mépris du dogme sacré de la tolérance religieuse, ces lois sont testées en viguenr, non par
l'influence de la raison puhliqne, mais par l'empire de la haine contre le catholicisme et de l'hahitude qu'on s'en est formée.
Que diraient les ennemis de notre révolution si
elle nous avait entraînés à de tels écarts? ou plutôt
que ne diraient-ils pas contre les amis de nos lihertés ?
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
113
CHAPITRE IX.
Pal'àllèle ou comparaison de la marche et 'des aCtions de
l'autorité administrative et du pouvoir judiciaire.
102. En traitant du domaine puhlic èt des di-·
vèrses matières qui s'y rattachent, nous allons
trouvet une foule de questions plus Oll moins difficiles à résoudre sur la compétence respeclive des
pouvoirs constitutionnels de l'état, et à l'égard
desquelles il s'agit d'exposer dês maintenant les
principes généraux d'où doivent dériver les solu-.
tions.
Nous ferons d'abord remarquer que le pouvoi,'
de juridiction ordinaire est uniquement confié aux..
tribunaux, qui ont reçu une institution à part et
uue existence tout-à-fait indépendante, et que ce
pouvoir est UN dans sa hiérarchie constitutionnelle;
Qu'il n'en est pas de même en tout, du pouvoir
administratif, qui, pris dans le sens général le plus
étendu, renferme deux choses très-distinctes :
l'une qui constitue le pouvoir exécutif pur, et que
nons appelons l'administration active; et l'antre
qui embrasse les tribunaux administratifs, c'est-àdire les conseils de préfecture, étaLlis pour statuer
en prern:ière instance, et le conseil d'état, comité
contentieux, établi pour prononcer en dernier
TOM. 1.
�114
TRAITÉ
ressort sur les causes exceptionnelles qui leiJr sont
attribuées par les lois.
Le pouvoir judiciail'e ,qui est toujours l~ même
parce qu'il est un Jans sa hiérarchie constitutionnelle, peut donc se trouver, suivant la diversité
des circonstances, en collision avec deux autres
pouvoirs très-distincts, qui sont l'administration
active et les tribnnaux administratifs.
. Comme nous traiterons eri détail des tribunaux
administratifs dans le chapitre suivant, oÙ nous
ferons voir quelles sont les conditions auxquelles
est soumise leur compétence particulière, DOUS
nous bornerons,· dans celui-ci, à la comparaison
dn pouvoi,' judiciaire et de l'administration active,
en signalant d'abord la différence de leur m:lrche
et de leur action, pour arriver à]a connaissance
des objets de leur compétehcc respective.
Il s'agit de deux pouvoirs qui; établis SUl' deux
lignes parallèles, ne devraient éprouver aucune
collision hostile, encore que leu rs aètions, considérées sous différents rapports, dussent Se porter
sur le même objet: ce sont souvent deux rivaux
qu'il faut concilier sur le chemin de la justice;
Le problême à résoudre consiste à indiquer; avec
autant de précision que possihle , les règles d'après
lesquelles on doit distinguel' les cas où la solution
de la question qui se présente doit être renvoyée à
l'une des autorités administrative ou judiciaire plutôt qu'à l'autre: or la clefde ce prohlêllle se trouve
dans ]a vraie intelligence de la mission consti-
�DU DOMAINE PUBLIC.
115
tuLÏonnelle de l'un et l'autre de ces ponvoi,'s et
de là manière dont s'applique l'action de chacun
d'eux à la .?hose qui lui est soumise et sur laquelle
il opère. Cherchons à éclaircir c~s points.
103. Le pouvoir adminislr~tif fait des réglements ; il est constitntionnellement chargé de cette
tâche par l'article 13 de la charte, et ces réglements sont comme des lois en sQus-ordre auxquelles les tribunaux sont tehus de soumettre
leurs décisions; tandis qu'au contraire il est défendu aux juges de prononcer pal' voie de disposi...
lÏon générale et réglementaire sur les causes qui
leur sont soumises (art. 5 C. c.).
Le pouvoir administratif reste entièrement placé
dans les mains du gouvernement; et c'est pourquoi l'appel ou le recours contre le$ décisions de
ses officiers ou agents subalternes doit tQujours être
porté au ministre 011 au conseil d'élat; l'ordre judiciaire a au contraire reçu une constitution séparée et indépendante du gouvernement, et c'est
pourquoi le dernier recours contre les jugemeotll
des divers tribunaux, dans les matières de leur
compétence, ne se porte qu'à 1'1. Cour de cassation.
Telle est la différeuce constitutionnelle qui existe
entre ces deux pouvoirs; voyons actuelleme\lt
quelle est la diversité de vues, d'intérêts et de
marches suivant lesquels s'applique l'actiol} de l'un
et de l'autre.
104. Le pouvoir judiciaire ne statue que sur les
intérêts individuels de ceux qui sont devant lui en
�116
'1'RAI'r.É
qualitédecause,etqui ont provoqué sa décisIon. C'est
pourquoi daos tous les temps on a regardé comme
une maxime constante que la décision du juge ne
peut profiter ni nuire qu'a ceux 'qui -étaient parties
présentes ou appelées au procès. L'aulorité administrative s'attache au contraire au 'gouvernement
des masses, et pour cela elle statue sur l'intérêt
collectif des citoyens de l'état, ou des habitants
d'une contrée, même de ceux qui n'auraient
point provoqué son action. C'estponrqnoi son réglement a la natnre du praeceptum commune,
qui est le caractère constitutif de la loi (1).
Ainsi, à supposer qu'il s'agisse de l'établissement d'une nouvelle route on de la rectification
d'une ancienne, et que, dans les informationsprises sur les lieux, c'est-à-dire dans l'enquête de
commodo et incommodo, il s'élève des discussions et con treùits plus Ciu moins animés entre les
habitants et propriétaires des lieux de passage,
don t les uns veulen t que ia l'OU te soit plutôt établie ou rejetée SUI' les fonds des autres, l'administration sera seule compétente pour statuer sur ce
genre de débats; attendu que le tracé d'une l'Oute
est nécessairement une mesure réglementaire, puisqu'il délermine sur le sol la direction de la route;
qu'en jugeant de l'opportunité et des convenances
qu'il peut y avoir à donner à ce tracé une (lirection
(1) L. 1, If, de legihus, lib. 1 , tit. nt
�DU DOMAINE PUBLIC.
11'1
'plntôt qu'une autre, l'autorÎlé qui le fait opérer
ne doit agir dans l'intél'èt d'aucun particulier,
mais seulement dans l'intérêt du public, pour le
service duquel on établit ou rectifie le chemin;
qu'en un mot tout ce qui touche à la meilleure via·
hililé·de la l'oute et à la sûreté du passage rentrant
toujOUl'S dans l'intérêt général des masses ou de la
so.ciété toutenlière, il II,e peut appartenir qu'à l'ad·
mjnistration publique dele définir et de le régler•
.Mais l'li, dans la même hypothèse, il s'élève une
contestation snI' la question de savoir à qui apparti~Dt un fonds qui se trouve signalé dans le plan
de l'administration, comme devant être occupé
par la route, il Yaura ici une contestation individuelle et d'intérêts privés, qui devra être l'envoyée pardevant les tribunaux, non pas pOUl' déci·
der si ce fonds sera, ou non, pris pour l'établissement du grand chemin, mais seulement pour déc1arcl' quel est celui des contendants qui en était
propriétaire, et qui en conséquence sera admis à
en réclamer le prix d'expropriation.
105. Le pouvoir judiciaire ne statue que sur
des droits préexistants, pour en assurer l'exécution; tandis qu_e le pouvoir administratif embrasse
l'avenir, et peut souvent clonnel'lieu à des droits
nouveaux, par l'effet de ses réglements : coÎnme
une loi nouvelle peu t donner lieu à des droits nouveaux entre les citoyens.
Ainsi, en supposant qu'il s'élève une contestation entre deux propriétaires de prés qui réclament
�118
TRAITÉ
l'un contre l'autre la jouissance de leurs prIses
d'eau d'irrigation dans un ruisseau qui horde
leurs héritages, le tribunal auquel leurs débats seront portés devra se borner à reconnaître lems
droits respectifs d'après leurs titre1> on la possession, pour leur en assurer la jouissance exacte
dans l'avenir, et à réprimer les excès ou voies de
fait dont l'un se set'ait jusque là ret;ldu coupàble
envers l'autre; c'est-à-dire qu'en tout le pouvoir
j"diciaire ne sera ici que le protecteur et le conservatt'ur des droits acquis.
Mais si l'on élève sa pensée plus haut, <'t que,
eu égard à un intérêt collectif de localité ou de
salubrité, ce so~t l'administration publique qui
vienne mettre la main à l'œuvre pour donner à
l'écoulement des eaux une meilleure direction, et
porter le bienfait de l'irrigation dans une région qui
u'en jouissait pas auparavant;. alors il est possible
que les droits préexistant dans les propriétés riveraines restent entièrement abolis; et ils seront totalement supprimés si l'on a totalement détourné
le cours d'eau, tandis que les propriétaires des
fonds vers lesquels on aura dirigé le ruisseau se
tl'Ouveront dotés d'un droit d'irrigation qu'ils n'avaient pas.
C'est ainsi que là où le pouvoir judiciaire est t~nu
de conserver les droits individuels des plaideurs,
par la raison qu'il ne doit statuer que dans la
sphère des intérêts privés, le pouvoir administratif
peut au cODtraire intervertir ces mêmes droits, par
�DU nŒtAINE PUBLIC.
119
la raisot;l (IU'il ne doit avoir, dans sa marche, d'autre guide que l'intérêt collectif, anqnell'inlérêt
individuel et privé reste toujours subordonné.
1
106. A\l civil, le pouvoir judiciaire ne statue
pas d'office; il ne s'occupe que des causes de litige
sur lesquelles sa décision est requise par quelqu'un: le pouvoir administratifau contraire statue
d'office, sans qu'on lui ait adressé aucune demande, et il est toujours censé agir de cette manière, lors même que par quelque réclamation 'Ou
pétition il est averti de l'iwportance de la mesure
qui est sollicitée de lui.
Le pouvoir judi.ciaire ne statue que sur des ques·
tions contentieuses, tandis qu'au contraire l'admil1istratio~act~ve ~e statue que sur ce qui n'est pas
contentieux, attendu qu'agissant en souv.ernine
dans la sphère de sa compétence, on ne pourrait
lui imposer la loi d'aucun jugement autre que celui qu'elle porte elle-même.
107. Comme le pouvoir législatif n'est point
investi du droit de juger les débats que l'exécution
des lois peut faire surgir entre particuliers, de
même le pouvoir administratif ne doit point se
constituer juge des difficultés indivi'duelles que
l'exécution de ses réglemenls peut faire naÎlre
entre particuliers. Dans un cas comme dans l'autre, c'est devant les tribunaux. que tes contestationstloivent être portées.
Ainsi,. à supposer que l'administration puhlique
autorise l'établissement d'un moulin ou antre
�120
TRAITÉ
usine sur une rivière, et que l'écluse du moulin
occasionne des inondations sur les fonos voisins,
cela donnera lieu à des actions en dommages-intérêts de la part des propriétaires de ces fonds, parce
que, corn me nous le ferons voir dans la suite,
l'acte d'-autorisation on de concession n'aura toujours eu lieu, de la part du gouvernement, qu'aux
risques et périls oe l'impétrant, et sauf les droits
d'autrui. Mais ces contestations, n'étant que des
débats individuels entre le meunier et les propriétaires riverains, devront être renvoyées en Justice
ordinaire.
Il en serait autrement si, pour. faire cesser la
cause des sinistres, les propriétaires voisins voulaient demander la suppression même de l''U&in~
ou seulement une réduction dans les barrages qui
avaient été autorisés par l"administration. Dans ce
cas, l'établissement étant fondé en titre, ce n'est
qu'à l'administration qu'on pourrait s'adresser
pour en obtenir. la suppression du moulin ou l'abaissement de ses ha l'rages , parce qu'il n'y a que
l'administration qui puisse révoquer les actes de
concession qu'eUe a faits, ou déroger aux réglements d'exécution qu'eUe a établis.
Mais si la construction du moulin ou de ses
barrages, qui est la cause du dommage dont les
voisins se plaignent, avait eu lieu sans la pern1Ï'ssion de l'administration, comme alors il l~'Y aurait aucun acte administratif à réformer ou à contredire, comme il n'y aurait qu'une pure voie de
�DU DOMAINE PUBLIC.
121
fait à réprimer, les tribunaux pourraient-ils en or(lonner la suppression, tant que le propriétaire de
l'étahlissement -n'aurait pas ohtenu le titre de concession administrative qui lui manque? et:st là
une question qui sera résolue plus bas, dans le
chapitre où nous traiterons de la suppression ùes
USInes.
108. En coutinuant le parallèle de ces deux
actions administrative et judiciaire, nous pouvons
dire encore:
Que le pouvoir judiciaire ne sta,tue qu"en vue
des droits et des intérêts de ceux qui provoquent
son action, tandis que le p.ouvoir administratif, faisant son régie ment sur un chemin ou sur un cours
d'eau, se content~ de le tracer sur le sol, et ne
l'applique immédiatement qu'à la chose pour la
rendre le plus utile au public, sans s'embarrasser
de statuer sur les int~rêts ou les droits des particuliers;
109. Que les décisions de la justice, une foÏ,s
passées en force de chose jugée, sont irrévocables;
tandis que les statuts réglementaires de l'autorité
administrative peuvent toujours être changés, modifiés ou abrogés par l'administration, suivant que
l'exigent les convenances et l'intérêt essentiellement variables de l'état on de la contrée;
110. Que le pouvoir judiciaire doit toujours,
dans les matières de sa compétence, prononcer
sur les débats de ceux qui provoquent sa décision.
Autrement il y aurait contre les juges une action
�122
TRAITÉ
de prise à partie pour déni de justice; tandis que,
dans sa sphère élevée, J'administration reste toujours libre de faire droit à ceux qui lui demandent
des statuts ou des actes régJementaires, parce
qu'clle ne doit partout -écouter que l'expression des
besoins publics;
Qu'enfin c'est au POUVOil' j.udiciaire à statuer sur
toutes les questions de propriété; tandis que l'administration active ne doit jamais en connahre.
11 t. Pour écarter plus efficacement tous :les
obstacles qui peuvent s'opposer à son action, et la
,garantir mieux des atteintes du pouvoir jndiciaire
ordinaire, qui est lui-même placé dans une indépendance constituti'Ounelle absolue, le gouvernement a créé deux espèces de 'tribunaux administratifs , qui sont les cons.cils de préfecture, en
première instance, et le conseil d'état, comité du
contentieux, en cause d'appeL
112. L'administration active a voulu les avoir
près d'elle, comme trihnnaux adjoints, pour faire
prononcer avec plus de célérité sur les causes qui
touchent au service puhlic, et pour mettre obstacle à ce que les tri.bunaux ordinaires,' à raison
de leur indépendance, ne puissent entraver sa
marche.
Nous traiterons dans le chapitre suivant de l'origine, de la constitution et de la compétence de
ces tribunaux administratifs.
Quoiqu'en leurqualitéde trihunauxd'exceplion,
leur juridictiou doive être rigoureusement bornée
�DU DOMAINE PUBLIC.
123
cas qui leur sont attribués par les lois, néanmoins ils ont souvent une tendance à agrandir le
cercle de leurs attributions.
113. D'autre part et souvent aussi les tribunaux ordinaires ont prononcé sur des matières
exclusivement réservées à l'administration ou à ses
tribunaux.
.
Alors les préfets, COmme agents de l'administration active, sont chargés de revendiquer pour l'ad-ministration ou pour ses tribunaux les contestations qui doivent être portées devant eux, et non
en justice ordinaire, à l'effet de quoi ils rendent
des arrêtés qui doivent être adressés au conseil
d'état, chargé de prononcer définitivement et en
dernier ressort sur le mérite de ces conflits d'attribution, et de régler ainsi l'ordre des juridictions,
comme nous Je verrons plus bas.
:lUX
�12/é.
TRAITÉ
CHAPITRE X.
Des tribunaux
~djoints. à
l'admini8tration active.
1U. Indépendamment de la puissance exécu,.
tive et du pouvoir judiciaire, il existe encore une
institution mixte,' moitié administrative, moitié
judiciaire: administrative par dépendance de SOlle
associa tion; judiciaire pa l' devoir de fonctions : ce
sont les cons~ils de préfecture, et le conseil d'état,
comité du contentieux.
Le~ maires sont aussi revêtus d'une autorité
juridicti,onnelle Sur quelques points de la voirie,
comme on le verra plus bas; mais nous ne nous
occupons ici que des conseils, de préfecture, sur
lesquels n.ous devons dès à présent donner quelques
notions pour l'intelligence' des chapitres suivants
relatifs au domaine pubJic.
Pour procéder avec plus de méthode, nous diviserons ce chapitre en deux sections.
Dans la première, nous traiterons de l'origine et
de la nature des conseils de préfecture comme corps
judiciaires et consultatifs.
Dans la seconde, nous exposerons les règles
générales d'après lesquelles on doit statuer sur leur
compétence.
�DU DOMA1NE PUBLIC.
125
SECTION PREMIÈRE.
De
t origine et de la nature des conseils de préftcture comme
.115.
corps judiciaires et consultatifs.
Ce que uous avons à dire de particulier
5ur cet important sujet, ne peut être exposé d'une
manière très-soillmaire, attendu qu'il s'agit d'uue
ltlstitution placée hors des règles de la juslice ordillaire, et que, pour en justifier l'existence, il faut,
sans 'rien oublier dalls la critique, eu démontrer
i'utilité, et même la ll~cessité.
tes conseillers d'e préfecture sont, sous nn double
'point de vup-, revêtus de deux 'qualités différentes.
Ils sont les conseillers du préfet, chargés de l'éclaircI' par leurs lumières, dans les cas où la loi
impose à cet administrateur l'o.bligation de prendre
leur avis avant de porter ses propres décisions sur
certaïnes malières. Alors ils n'ont que voie consultative, quoiqujil soit dit que la décision a été
porlée en conseil de pr~fecture.
Nous trouvons un premier exemple de ces cas
particuliers, dans l'arlicle 14, dernier alinéa, de la
loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux,
pOl'tant que les subventions déterminées par ahonllement pour dégradations occasionnées aux chemins vicinaux par des exploitations de mines, carrières, forêts, etcJ , serout réglées par le préfet en
èonseil de prtifecture ; s'il n'y avait pas abonnement, c'est-à-dire simple convention à homologuer, el qu'il fftt question de statuer, en cas de
discord, ce serait une affaire contentieuse qui, aux
�126
TRAITÉ
termes du troisième alinéa dn même article, serait
de la compétence du conseil de préfecture Ca).
Nous trouvons un autre exemplé de cette mailière de statuer; dans la loi du 19 avril 1831 sur
les élections à la chamhre de$ députés. Suivant les articles 24 et 25 de cette loi, c'est pardevant Je préfet; comme senl chargé de la fOrrIiation
de la liste électorale, qile doivent d'abord être
portées toutes les réclamations formées soit à raison des inscriptions indûment admises sur cette
liste, soit à raison de celles qui auraient été indûment omises; et l'article 27 déclare que le préfet
statuéra en conseil rie préfecture SUl' les demandes dont il s'agit. Après quoi nous voyons que
l'article 33 ne considère ces sortes de décisions que
comme énianées du préfet seulement (1).
La mêtrie disposition se représente dans 1'..rt.36
de la loi du i l mars 1831 'sur l~organisationmunicipale .. qui veut que la décision du maire sur
l'admissibilité au tableau des électeurs municipaux
soit soumise ail recours près du préfet, qui doit
stat uer en conseil de préfectll re.
Suivant les articles 28 et 29 de la même loi,
c'est encore en conseil de préfecture, c'est-à-dire
après avoir pris l'avis des conseillers, que le préfet
(1) La même règle se trouvait déjà consignée dans les articles 14 et 22 de la loi électorale du 2 juillet 1828.
(a) Cet alinéa a été entièrement suhstitué à d{'ux autres de la
1re édition. qui s'appliquaient à la loi aujourd'hui abrogée du
:-13 jtlillet 1824.
�DU DOMAINE PUBLIC.
127
doit prononcer sur la nullité des délibél'ations des
conseils municipaux portant snrdes objets étra~
gers à leurs attributions, ou prises horsde leurs réunions légales.
C'est aussi en conseil de préfecture que les délibérations des conseils municipaux ayant pour objet
de!> acquisitions, ventes ou échanges d'immeubles,
ou le partage de biens indivis, doivent être rendues
exécutoires par le préfet, quand il s'agit d'unevalenr
n'excédant pas 3,000 fI'. on 20,000 fr., selon que
les revenus de la commune sont au-dessous ou audessus de 100,000 fI' . (art. 46 de la loi du i 8 juillet
183 7).
C'eSt également par le préfet én conseil de préfecture que, suivant l'art. 59 de la même loi, modifiant, en cela, l'arrêté du gouvernement du 21
frimaire an XII, et l'art. 2045 du C. civ., toute
transaction consen lie par un conseil municipal, et
portant sur des objets mobiliers d'une valeur inférieure à 3,600 Ir., doit être homologuée (a).
116. tes conseillers de préfecture sont aussi
juges en premier ressort pour statuer eux-mêmes
sur les ma tières conten tieuses de l'administration,
dont la connaissance leur est attrihuée par les lois;
. et c'est surtout sous ce second rapport que nou~
avons à nous occnper de cette institution.
Nous disons sur les matières contentieuses de
l~administration; et, quoique cette indication
de compétence soit bien vague, nous nous bornons
(a) Cct alinéa ct le précédent ont été ajoutés dans cette édition.
�128
TRAITÉ
ici à l'énoncer de cette manière, attendu que nouS
Verrons plus bas, et en son lieu, par quelles règles
on 'doit distinguer les matières qui appartiennent
au contentieux administratif de celles qu'on rie'
doit pas regarder comme 'càntentieuses.
Les conseils de, préfecture, judiciairement con-'
sidé'rés, sont des tribunaux d'attl'ibutiou spéciale,.
pronouçant en premier ressort; et sauf recours au
conseil d'état; coruitédu contentieux, sur certaines
matières qui touchent immédiatement à l'administration publique, et dont les lois leur 'ont parliculièrement renvoyé la connaissance.
En d'autres termes, les conseils de préfecture,
et le conseil d'état, comité du contentieux, sont
des tribunaux d'exceptiôn adjoints à l'administration pour statuer avec plus de promptitude sur les
difficultés que la collision des intél'êts privés peut
faire naître en 'opposition avec la marche des services publics.
'
Quoique ces conseils soient adjoints à l'administl'ation, il est essentiel de remarquer, qu'ils ne
doivent en rien participer aux opél'ations purement
administratives et Jéglemenlaires, parce qu'étant,
pour les matières de leur compétence, de véritables
tribunaux, ils ne peuvent, aux termes de l'art. 5
du Code civil, statuer par voie de disposition générale ou réglemcn taire.
Nous disons que ce sont des tribunaux d'exeeption, parce que leurs attributions sont restreintes à certains genres d'affaires seulement.
. Ainsi c'est toujours l'ordre judiciaire qui reste
�129
DU DOMAINE PUBLIC.
,dans le droit commun pour rendre généralement la
justice, puisque les conseils de préfecture n'ont.
reçu dans leurs délégations que certains genres
d'attributions spéciales.
117. Quelque succinctes que doivent être les
notions que nous avons à donner sur les fonctions,
soit des préfets, soit des conseils de préfecture, il
est nécessaire que 110US remontions à une époque
plus reculée que celle de Id loi qui les régit principalement aujourd'hui, et nous prendrons notre
point de départ dans les décrets de l'assemblée
constituante.
C'est par la loi du 1er janvier 1790 que furent
établies les administrations de département.
Ces corps administratifs étaient composés de 36
membres, nommés pour quatre ans par les électeurs char~és de choisir les député~ à la législature.
Ils se divisaient eux-mêmes en deux sections:
l'une, composée de 28 membres, formait le conseil général du département; l'autre, composée de
8 membres élus par leurs pairs en assemblée généraIe, fOl'lUilit le directoire du département.
Le dirtCIOife était permanent et sédentaire,
chargé de tont ce qui concernait l'administration.
Le conseil général ne dpvait être convoqué
qu'une fois, l'an, pour entendre les comptes du directoire.
Un procureur général syndic était établi près de
chaque admi nist ration départemen tale. Il n'a vait
point voix délibérative, mais il ne pouvait être pris
TOM. I.
9
�130
TRAITÉ
aucune délibération, soit en assemblée générale,
soit dans le directoire, sans qu'il eût été entendu;
et il était au surplus chargé de la suite de toutes
les affaires administratives.
Il y avait aussi dans chaque district, qu'aujourd'hui on appelle arrondissement, une administration subalterne de 12 membl'es, don t 8 composaient
le conseil général, et 4 formaient le directoire
permanent, avec uu procureur syndic. Ce directoire
de district et ce procureur syndic sont remplacés
actuellement par le sous-préfet; et c'est à ces deux
espèces de conseils qu'ont succ.édé nos conseils de
département et d'arl'Ondissement.
Les lois qui depuis ont organisé autrement l'administration départementale n'en ayant, sur la
plupart des points, réglé les attributions générales
qu'en renvoyant aux dispositious de celle de 1790,
il est nécessaire de retracer ici ce que les articles 1
et 2 de la section 3 de cette loi coutiennent à cet
égard.
ARTICLE
»
»
»
»
»
»
PREMIER.
118. cc .Les administrations de département
seront chargées,
» ~ 0 De répartir toutes les contributions directes
imposées à chaque département. Cette répartition
sera faite par les administrations de département
entre les districts de leur ressort, et par les
administrations de district entre les municipalités;
0
" 2 D'ordonner et de faire faire suivant lei
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
131
fprmes qni seront établies, les rôles d'assiette
» et de çotisation entre les contribuahles de cha-
qne municipalité;
3° De régler et de survp-iller tout ce qui con» cerne tant la perceptioll et le versement du pro) duit Je cesconlrihntions que le service et les
) fonctions des agents qui en seront chargés. n
C'est par suite de ces dispositions qu'aujourd'hui
encore tt réparti tion des con trihlltions, la confection
des rôles faIts à ce sn jet, et tont ce qui tonche à la
su rveillance des perceptions, restt'n t dans les at~ri
hutions dt' l'administration actÏ.ve on des préfets.
» 4° D'ordonner etdefail'e exécuter le paiement
» des dépenies qui seront assignées en chaque dé) partement sur le produit des mêmes contrihu» tions. »
»
»
ARTICLE 2.
)
»
»
»
»
»
»
»
)
119. cc Les administrations de département
seront encore chargées, sous l'autorité de
l'inspl-'ctiou du roi, comme chef suprênH' de la
nation et de l'administration générale du royaume, de toules les parties de cetle administration,
notamment de celles qui sont relatives,
» 1° Au Soul.lgement <les pauvres et à la police
des mencliants et vagabonds;
» 2° A l'intt'Pèction et à l'amélioration du régime
des h&pitallx, hôtels-dieu, étahlissements et
ateliers de charité, prisons, maisons cl' arrêt et de
correction ;
1
-
�132
TRArrn
') 3° A la surveillance de l'éducaiiort publique,
') de l'enseignement politique et moral;
» 4° A la manutention et à l'emploi des fonds
» destinés à chaque département, et à l'encourage,) ment de l'agriculture, de l'industrie, et à toute
" espèce de bienfaisance publique;
" 5° A la conservation des propriétés publiques;
» 6° A celle des forJts, rivières, chemins et
" autres choses communes;
" 7° A la direction et confection des travaux pour
:» la (:onfection des routes, canaux et autres ou" vrages publics autorisés dans le département. "
Voilà encore l'origine du pouvoir des préfets
sur la direction et l'alignement de~ route's et des
canaux, dont nous parlerons plus bas.
C( 8° A l'entretien, réparation et reconstruction
" des églises, presbytères etautres objets nécessaires
» au service du culte religieux;
".9° Au maintien de la salubrité, de la sûreté
" et de la tranquillité publiqne ;
') 10° Enfin au service et à l'emploi des milices
)' ou gardes nationales, ainsi qu'il sera réglé par
» des décrets particuliers sanctionnés ou acceptés
", par le roi. "
120. Aux tel'mes du chapitre 6 de la loi du
20 août de la même année, les administrations
centrales furent chargées de procurer le libre cours
des eaux, pour prévenir les inondations, et de les
diriger vers un but d'utilité publique pour l'agriculture.
�DU DOMAINE PUBLIC.
'133
'Nous trouvons encore là l'origine du pouvoir
réglementaire qu'avec l'-aid~ des ingénieurfl des
ponts et chaussées, tes préfets exercent sur les
Cours d'eau.
Nous trouvons aussi un décret du 7 septembre,
sanctionné te 14 octobre 1790, par lequel la même
assemhlée, statuant plus explicitement encore sur
les attribu lÏ:ons administratives en ce qUI louche à
la voirie, déclare que Ct l'administration, en matière
» de grande voirie, attribuée au corps administra» tif par l'article 6dü titre 14 sur l'organisation
» judiciaire, comprend, dans- toute l'étendue du
» royaume, l'alignement des rues des villes, bourgs
» et villages ql1i servent de grandes routes. »Une chose importanteà faire remarquer ici, c'èst
que dans cette immense dotation d'attributions
faite aux corps ad-ministratifs-, tOI1 t ce que ces·
nombreux objets pouvaiènt renfermer de contentieux restait absolùment confondu, et soumis à
Faction directe de l'administration, qui se trouvait
ainsi constituée juge entre elle et les partièuliers
dont les intérêts pouvaient être froissés par les
mesures qu'élie croyait convenable de-prescrire.
121. Vient ensuite la constitutiun de l'àn 3" ,
q..ui plaça le gouvel'Dement entre les mains d'uu
directoire.
Sous cette constitution,. les administratioNs de
district furent supprimées, et remplacées par des
administ...ationsde municipalités cantonnales;mais
celles de département furent conservées chacune
�134
TRAITP.
avec nn commissaire dn directoire exécutif remplaçant le pl'OCllrCnr général syndic.
Quant à leurs attributions, elles restèrent les
mêmes, suivant le pr~scrit de l'article 18 de la loi
organiCJue dn 21 fructidor an 4, portant.que « les
» administrations de département conserveront les
') attributIOns qui leur sont faites par les lois au» jOl1rd'hlli en vigueur, quels que soienlles objets
» qu'elles embrassent (1).
122: Enfin, sons la constitution consnlaire,
le dt'tnier état de choses fnt fixé par la loi du 28
pluviôse an ~ (2.), qui, abolissant les directoires de
département, leur substitua les préfels etlesconseils
de préfecture, et rempbça aussi les administrations
çantonnales par les sous-préfets.
L'article 2 porte cc qu'il y aura dans chaque
» département un préfet, un conseil de préfecture
» et nn conseil général de département, lesquels
» remplùont les .fonctions exerct!es mainte» nant pal' les administrations et cOUlmissaires de
» département: » œ qui nons renvoie toujours
aux attributions décrétées par l'assenJblée constituante en 1790, et dont nous avons rapporté la
série ci-dessus (a).
)J
(1) Voy. hull. 185, nO 1128, tom. 6, 1re série.
(2) Voy. au bull. 17, nO 115, tom. 1er, 3 e série.
(a) Les attributions des conseils généraux et des conseils d'arrondissement réorganisés par la loi du 22 juin 1833 sout aujourd'hui réglées par la loi du 10 mai 1838.
�DU DOMAINE PUBIJC.
'135
Ce même article veut que les conseils de préfecture soient composés de cinq, quatre ou trois
membres, suivant la quotité de la population des
divers départements.
L'article 3 statue que le prifet sera chargé
seul de Padministration : en sorte que toutes
les attributions· signalées plus hant sont exclusivement dévolues au préfet seul, sauf néanmoins les
questions contentieuses, dont s'occupe l'article 4,
qui est conç.u dans les ternies suivants:
123. <cc I.e conseil de préfecture prononcera
» sur les demandes de particuliers tendant à obte» ni.. la décharge on la réduction de leurs coles
» de cODtributions directes;
» Sur les difficultés, qui pourraient s"élever
» entre les entrepren{lurs de travaux publics et
» l'administration concernant le sens ou l'cxécu) tion des clauses. de leu rs marchés ;.
» Sùr. les réclamations des particuliers qui se
» plaindront de torts et dommagès procédant du
» fait pel'sonnel des entrepreneurs, et non du fait
» de l'administration;
» Sur les demandes et contestations concer» nant les indemnités dues aux particuliers à rai" son des terrains pris ou fouillés pour la confec» tion des chemins, canaux et autres ouvrages
» publi€s;
•
» Sur les difficultés qui pourront s'élever en
» matière de grande voirie;
» Sur les demandes qui seront préientées par
�136
TRAITE
les cûmmunautés des villes, bourgs ou villages
pour être autorisées à plaider;
» Enfin sor le contentieux des domaines na» tionaux. »
A quoi l'article 5 ajoute : cc Lorsqne le préfet
» assistera au conseil de préfeclure , il présidera;
» en cas de partage, il aura voix prépondérante. »
Tds sont, en général, les obj~ts que celle loi
a voulu soustraire à l'action directe du pouvoir
administratif, dont les préfets sont exclnsivement
revêtus, pou r les placer, corn me choses con tentieuses, sous la protection des tribunaux adminislratifs qn'eJIe établit.
.124.. Voilà donc au profit de la liberté une
division de pouvoirs qui n'existait pas auparavant,
puisqu'on érige, dans l'intérêt des particnliers,
un tribunal pour prononcer entre eux et l'administration; mais cette séparation de pouvoirs n'est
pas suffisamment tranchée, attendu que le préfet,
seul chargé de l'administration active, est aussi Je
chef du conseil de préfecture, aux décisions duquel il ne peut concourir sans se trouver en même
temps juge et partie.
Sans doute, dans tous les cas, il devrait y être
entendu comme y exerçant le ministère public;
mais, en bonne règle, il ne devrait pas y avoir
voix délibérative.
Ainsi, dans le système administratif établi par
cette loi, les préfets sont seuls chargés de l'admi.
nistration active, en sorte qn'enx seuls doivent agir
»
»
..
�DU DOMAINE PUBLIC.
137
d'office, et prescrire toutes les mesures administratives qui peuvent être nécessaires ou utiles au bien
général des administrés; qu'en qualité d'agents
primaires de la haute administration, ils décident
seuls, et sauf recours au ministre de l'intérieur et
-au conseil du roi, comité de l'intérieur, clans
toutes les matières qui ne sont pas contentieuses.
Dans le même système, les conseils de préfecture comme tribunaux administratifs ou lHljoints
à l'administration, ont ponr mission de st,ltuer
judiciairement SUI' les matières contentieuses,
sauf rappel au conseil d'état, comité du contentieux.
125. Si ~ en traitant de la constitution de ces
uibunaux administratifs, on devait raisonnrr par
<:omparaison avec celle des tribunaux ordinaires,
et les rattacher aux ~êmes idées, l'on pourrait éle~
ver les plus fortes critiques contre cette institution
moitié judiciaire, moitié administrative.
Et en effet, les conseils de préfecture et le conseil d'état, comme· corps judiciaires, n'ont reçu
qu'une constitution sans indépendance, et par
conséquent sans une suffisante garantie pom' rassurer les parties dont les intérêts sont en litige
devant eux coutre le gouvernement.
Les conseils de préfecture sont placés sous l'influence immédiate des préfets, et le conseil d'état
sous celle du ministre. Les membres de ces deux.
corps sont tellement sous la dépendance de la
puissance exécutive, qui est toujours la partie ad-
�138
TlI.AITÉ
verse dans les débats qui leur sont soumis, que
cette puissance peut à tout instant révoquer leur
commission, et les déplacer sans formalité de procès : ils sont donc, par leur dépendance, sans
cesse exposés à devenir les hommes de l'administration; et ils ont l1écessairement au moins un
intérêt de position à suivre son système en obéissant aux impulsions quYelle leur donne.
Cependant nous marchons dans la voie des
améliorations, puisque la garantie de la publicité
des audiences du comité du contentieux au conseil
d'état a été établie par l'ordonnance du 2 février
lS31 ; mais en ce qui touche aux conseils de préfecture, tout s'y décide encere sur simples mémoires et à huis clos.
126. On a porté à leur égard l'abandon si loin~
qu'on n'exige pas même que les conseillers de préfecture soient licenciés en droit, comme cela est
requis pOUF entrer dans la magistrature ordinaire :en sorte qu'ils ne sont pas fortifiés du sentiment
de l'indépfmdance que les lumières donnent naturellement à l'homme en le rassurant sur la justice de sa décision, et en lui inspirant plus decourage pour la rendre.
Ce n'est peut-être pas là l'imperfection la moins
grave de cette institution judiciaire, composée
d'hommes qui, quelque habiles qu'ils soient dans:
la science spéciale des lois d'exception qu'ils sont
chargés d'appliquer, sont néanmoins la plupart
étrangers à la science du droit commun: ils. se'
�DU
DO~AlNE
PUBLIC.
139
trouvent par là sans les connaissances nécessaires
pour résoudre bien des ditlicnltés qui se présentent fréquemment devant eux, et pour éclairer les
préfets eux-mêmes dans les ci~constances où ces
administrateurs doivent les cunsulter.
Qu'on interroge tous les conseillers de préfecture, il n'en est pas un seul qui ne répondra qu'il
serait à Jésirer que tous fussent docteurs en droit,
tand.is qu'on n'exige pas même qu'ils en aien t reçu
les premières notions dans nos écoles. C'est par
rapport à ce défaut de connaissances qu'on voit
tant de recours an conseil d'état pour faire réformer leurs décisions; et c'est là encore un résultat
excessivement grave pour les administrés, soit
parce que la marche de la justice en est bien plus
lente, soit parce que les personnes qui sont engagées dans ces sortes de luttes se trouvent exposées à
leur ruine par la nécessité d'aller à grands frais
solliciter justice dans la capitale depuis Jes points
les plus éloignés du royaume.
Cependant, comme jugf'S, ce n'est qu'à la loi
et à lenr conscience que les conseillers de préfecture doivent compte de leurs décisions: ils doivent
condamner J'administration elle-même toutes les
fois qu'ils trouvent que ses prétentions sont injustes;: et c'est pourquoi nous avons dit que cette
institution est judiciaire par devoir de fonctions.
Mais s'il y a des hommesdontla vertu est au-dessus de tonte épreuve1 il y en a aussi J'autres qui ne
sont pas au-dessus de toute faiblesse; et les circons-
�'140
T:8.AIT:[
tances de posItIOn dont on vient de parler font
nécessairement qu'on ne peut en général voir dans
cette magistrature toute la garantie désirable lorsqu'il s'agit de prononcer entre les particuliers et-le
pouvoir sous la main duquel elle est placée.
Et qu'on ne dise pas que notre langage est accusateur sur ce point contre des citoyens recommandables : car il ne s'agit pas ici des hommes, mais
-seulement des cboses. Nous n~entendons que rappeler le principe éternel de moralité qui veut que
Je juge n'ait toujours que le moins d'intérêt possihle dans la pl'Ononciation de son jugement,
parce ,qu'il ne doit entrer d'autres poids que ceux
de la vérité dans les balances de la justice: Generali lege decernimus neminem sihi esse judicem veZ jus sibi dicere dehere : in re enùn
proprid iniquum admoditm est alicui licentiam trihuere sententiae (1). Il Y a longtemps
que cette règle est admise comme gardienne de
l'équité et de la justice, sans que jamais on l'àit
regardée comme accusant tous les hommes d'improhité, quoiqu'elle les écarte généralement tous
eles fouctions de juge dans leur propre cause.
C'est à raison de cet intérêt de position que la loi
du S mars 1810, et ensuite ceHes des 7 jUillet
1833 et 3 mai 1841, ont reconnu- et consacré un
principe de suspicion légale dans les conseils de
préfecture, en renvoyànt pardevant les tribunaux
(1) L. unie. , cod. ne 'luis in sua causâ) lib. 3. tit, V.
�DU DOMAlNl PUBLIe.
141
ordinaires la prononciation des expropriations forcées pour cause d'utilité publique, et en abrogeant
par là le système précédemment établi soit par
l'article 3 de la loi du 28 pluviôse an 8, soit par
la loi du 16 septembre 1807, qui avaient placé ces
débats sous la compétence administra live; mais
c'est là un point sur lequel nous aurons occasion
de revenir par la suite.
127. Les conséquences qu'on doit tirer de ces
diverses réfl~xions critiques sont,
1 ° Que, la juridiction administrative n'étant
qu'une jlHidiction exceptionnelle, on doit, dans
le doute sur la compétence des conseils de préfecture ou du conseil d'élat, renvoyer plutôll'affaire
en justice ordinaire, qui est d'ailleurs toujours
plus rapprochée des administrés que Je conseil
d'état, auquel on ne peut recourir qu'à grands
frais et au moyen de déplacements fort onéreux;
2° Que pour l'avenir, et après le décès des fonction,uaires actuels, ·on devrait exiger que les conseillers de préfecture fussent licenciés en droit,
comme pour les magistrats ordinaires;
3° Qu'il faudrait introduire les débats publics
dans ces tribunaux administratifs, comme on l'a
faü à l'égard du comilé du contentieux an conseil
d'état, afin que les parties fussent mises à portée
d'assis leI' au rapport de leurs affaires, et de présenter, soit par elles-mêmes, soit par l'organe d'uu
défenseur, leurs observations et lems moyens.
Cette manière de procéder est d'aillt:urs la plus
�'142
TR.A.rl'É
,COnVf'11I1ble à la dignité du tribunal: car on n'est
1101nt porté à respecter ce qui n'est fait qu'à huis
<clos;
4° Qu'il faudrait que ks préfets n'ellssent ni
:attribution dans le contentieux, ni voix délibérative daus les conseils de préfecture, puisf{ue autrement ils'y sont juges et partiC's, et que l'adminislralion active s'étend à tant de choses, qu'elle
.est plus que :suffisante pour occuper tout leur
temps;
5(:) Qu~il f:'mdl'ait que les conseils de préfectnre
fussent rigoureusement tcnus de rapporter dans
leurs jugements le texte des lois sur lesf{uelles ils
se seraient appuyés, soit pour reconnaître leur
compétence, soit pour statuer ail fond;
6° Qu'il est allssi urgent qu'essentiel de satisfairè au désit, public en s'occupant d'une loi'destinée à fixer autant que possible la compétence
particulière de ces tribunaux d'exception. C'est là
une chose d'autant plus nécessaire qu'on pourrilit,
par ce moyen, prévenir les conflits toujours fâcheux qu'on voit s'élever si souvent entre les diVerses ëllltorités jndiciaire et administrative.
128. Mais pourrait-on supprimer les tribunaux
administra tifs en se con ten tant de renvoyer à .la
justice ordinaire les affi'lires dont ils sont chargés?
L'idée de sil1lpliGer notre système judiciaire a
porté quelques écrivains à dire qu'on tlevrait adoptcr cette mesure. Mais ce n'est là qu'une illusion
trompeuse: car il est évident que si les tribunaux
�DU DOMAINE
PUl\IJ~.
US
~dministratifs étaient supprimés aujourd'hui, il
faudrait les rétablir demain.
En effet, une chose qu'il faut bien remarquer,
et que nous établirons pIns explicitement ci-après,
c'est que toutes les attributions des tribunaux administratifs se rapportent à des objets qui touchent
immédiatement à la marche de l'administration
de.l'état; que ces tribunaux n~ sont appelés qu'à
prononcer sur les débats qui naissent de la collision
des intérêts privés qui se trouvent eOn opposition
avec l'exé~ution des services publics; qu'il y a par
conséquent toujODrS urgence dans les décisions qui
leur sont demandées; et que c'est par cette raison
qu'on a reconnu que c'était une nécessité pour
l'administration de s'adjoindre ces corps judiciaires, toujours présents à côté d'elle pour lever les
entraves qui lui seraient suscitées an préjudice de
l'intérêt général de la société, et qui fussent à
portée de les lever sans l'emploi des formes lentes
de la procédure ordinaire.
129. Mais ces motifs de convenance ne sont
encore ici que la moindre chose, et il faut remon~
ter plus haut pour se convaincre de l'indispensable
nécessité de l'existence de cette institution.
La charte a réservé au trône seul toute la puissance exécutive, qui comporte elle-même toute la
puissance de gouverner et d'administrer l'état; et
il est hors de doute qu'en plaçant le pouvoir judiciaire dans l'indépendance la plus absolue, les auteurs de la loi fondamentale n'ont pas entendu lui
�'144
TRAITÉ
soumettre le pouvoir administratif, réservé au
monarqne seul. Il est donc certain qu'ils n'ont pas
voulu que le pouvoir judiciaire fût jamais placé
dans une position telle qu'il pût envahir l'administration de l'état, ni même en paralyser l'action; et
'c'est cependant ce qui arriverait si l'on devait re,courir :lUX tribunaux ordinaires pour faire statuer
bUf des contestations contradictoires avec le service
public: car les arrêts de la justice étant irréfragables, on parviendrait ainsi à rendre les tribunaux maîtres de suspendre ou d'arrêter l'action du
gouvernement en des matières sur lesquelles il
exerce la suprême puissance, ce qui serait d'une
révoltante absurdité.
Tout cela se montre avec hien plus d'évidence
encore lorsqu'on s'attache à considérer la diversité
des fins que se proposent l'un et l'autre des deux
pouvoirs.
L'administration n'agit que dans des vues d'intérêt général ou collectif, en sorte qne tout est
uniforme dans les effets de son action, puisqu'elle
s'applique également aux intérêts de tous, présents
ou absents, peu importe.
Les tribunaux, au contraire, ne s'occupent que
de l'intérêt individuel de ceux qui sont nominativement en qualité de canse devant eux. Or, ce
qui pent paraître très-équitable dans la cause de
l'un, pourrait aussi paraître très-injuste dans celle
d'nn autre, et la diversité de leurs titres et de leurs
p~silions respectives ne manquerait pas d'entraîner
�145
DU DOMAINE PUBLIC.
à chaque pas ùes décisions qui n'auraient plus
d'uniformité.
C'est ainsi que l'action judiciaire serait une
cause de perturbation perpétuelle dans le système
admini~tratif.
C'est sans douté pour prévenir une telle anarchic, que déjà l'assemblée constituante elle-même
avait écarté les tribunaux de toute participation à
l'administration. publique par des décrets multipliés, et entre autres par celui du 16, sanctionné
le 24 août ) 790, don t l'article 13 porte qùe cc les
" juges ne pourront, à peine de forfaiture, trou Lier
» de quelque manière ,que ce soit les opérations
:» des corps administratifs, ni citer devant eux les
)' administrateUI"S pour raison de lel1l"s fonctions. »
Or, comme nous l'avons indiqué plus haut, ce qu'on
appelait alors les corps administratifs étaient-les
administrateurs et les jn!'{es en matières administra~
tives, comme le sont aujourd'hui les préfets et les
conseils de préfecture, qui leur ont succédé.
Ce n'est que par la loi du 28 pluviôse an 8 (17 février 1800) qne furent établis les préfets pOUl' administrer, ct les conseils de préfecture pour juger
en matières administratives. Jusque là les directoires de département avaient rempli cumulativement les fonctions d'administrateurs et celles de
juges de l'administration, en sorte qne le système
actuel comporte déjà une concession qui n'existait
pas auparavant, puisqu'il intl'Oduit, dans l'administration même, une séparation de pouvoirs trèsTOU. I.
10
�146
TRAITÉ
favorable aux admiuistrés, en ce qu'ils trouvent
dans les conseils de préfecture des tribunaux dont
l'intervention est propre à écarter l'arbitraire, qui
serait plus à craindre de la part des agents directs
de l'administration, s'ils étaient autorisés à statuer
eux-mêmes sur des causes
ils seraient en même
temps juges et parties.
L'existence des conseils de préfecture est encore
favorable au maintien des droits. de la puissance
exécutive, puisqu'ils se trouven t comme placés
entre elle et le pouvoir judiciaire pOllr mettre d'abord obstacle aux envahissements de celui-ci.
De tout cela il résulte que la questiou de savoir
si les conseillers d'état et ceux' de préfecture devraient être nommés à vie comme les membres des
tribunaux ordinaires, présente un probleme dont
la solution n'est rien moins que facile.
Pour l'affirmative, on peut dire qu'ayant une
entière indépendance dans l'exercice de leurs fonctions, ces juges de matières administratives offriraient plus de garanties aux admiùistrés.
Mais en reprenant ia question de plus haut, il
DOUS paraît que la négative devrait plutôt être
adoptée, par la raison qu'en plaçant les juges des
matieres administratives dans le même état d'indépendance que les tribunaux ordinaires, on retomherait dans l'inconvénient qu'il y aurait à mettre
l'administration publique elle-même sous la dépendance du pouvoir judiciaire ou à l'exposer aux envahissements de ce pouvoir.
où
�DU DOMAINE PUBLIC.
147
Mais il est temps ,que nous arrivions à l'application des règles de compétence des autorités administratives.
SECTION II.
Des règles d'après lesquelles on doit distinguer la compétence des autorités administratipes et des trihunaux
ordinaires.
Sous la dénomination géné,'ale d~autorités administratives" nous entendons ici et pour le moment, soit J'administration active, qui s'exerce en
premier ordre par les préfets, soit les conseils de
préfecture, qui sont les tribunaux administratifs
du premier degré; et conime ces deux autorités
sont essentiellement distinctes, nous sommes conduits à faife ici une sous.division pour traiter séparément et successivement des règles qui doivent
servir à reconnaitre leur compétence respective et
à la distinguel' de celle des tribunaux ordinaires.
5
1
er
•
Des ,'èglcs qui doipent serpir à distinguer la compétence
de l'administration actipe d'apec celle des tribunaux.
130. Comme nous l'avons déjà dit au chapitre
9, les tribunaux ne doivent prononcer que sur les
intérêts individuels de ceux qui sont personnellement en qualité de cause pardevant eux : il leu"
est défendu de statuer par disposition générale et
réglementaire, et il en est de même des conseils
de préfecture; tandis qu'au contraire l'administration active lle doit s'occuper que des intérêts col-
�148
TRAITÉ
lectifs de l'état ou des diverses localités, parce
-que l'action de gouverner et de régler les intérêts
des administrés ne s'applique immédiatement
qu'aux masses des habitants, sans s'occuper de
l'administration des biens des particuliers; autrement elle deviendrait tyrannique.
Ces deux institut~ons c'iviles sont donc essentiellement telles que l'une n'est compétente que
pour statuer sur d~s intérêts collectifs, tandis que
l'autre ne peut statuer que sur des intér.1ts indivÎ.
duf'ls. La .première établit le réglement qu'elle
proclame dans l'intérêt de la masse, et la seconde
prononce ses jugements sur les collisions d'intérêts
privés qui peuvent naître de l'exécution du réglement établi par l'autre.
Comme, dans- le langage de la jurisprudence
administrative, il est souvent queslion d'intédts
coltectffs, il est nécessaire de bien définir le seris
qu'on doit attacher à ces expressions, et c'est là èe
que nous allons tâche." de faire.
131. Il ne faut pas 'croire, par exemple, que
les droits ou intérêts d'nne ou de plusieurs communes, ou d'une association quelconqu~, aient le
caractère d'intérêts collectifs dans le sens dont il
s'agit ici: car les droits qui appartiennent à un
corps de commune cODsiJéré ut universitas sont,
en présence de la justice ordi naire, des droits indivilluels, comme s'ils n'étaient revendiqués que
pal' nn seul particulier.
L'intérêt collectif, pris dans le sens dont il s'agit
�DU DOMAINE PUBLIC,
H9
lci ,est celui dont la cause vient se confondre dans
celle d'un intérêt public quelconque, comme se
rapportant au hien de l'agriculture en général, à
la sûreté des habitants, à la salubrité d't1 pays, à
l'utilité de la navigation illlérieure, aux besoins de
la voirie et autres services publics, à la meilleure
direction des eaux, etc. , etc. Alors l'intérêt est
vét'itablement collectif, et il1'6st bien essentiellement puisqu'il a sa cause ou sa source dans le
bien-être général des maSses.
Que si cet intérêt ne concerne immédiatement
qu'une éontrée ou une 10cCllité quelconque, il n'en
est pa:. moins nn intérêt collectif proprement dit,
comme n'étant qu'une fraction de l'intérêt public
de la société tout entière; et cela ne peut être autrement , puisqu'tl se rattache à la même cause, et'
qu'il n'y a de différence que dans la plus on moins
grande étendue de son application matérielle. Mais,
pour de plus amples éclaircissements, venons à des
exemples.
132. 1 0 Toutes les fois qu'il s'agit de travaux
dont l'exécution doit entraîner des dépenses à répartir sur des particuliers, et qui se rattachent à·
un intérêt d'utilité publiqne , c'est à l'adminislra'-,
tion active à les ordonner el à faire confectionner
le !'ôle de répartition des Jépenses; tandis que si'
la mesure ne concerne aucun service public, mais
seulement des intérêts privés, c'est aux tribunaux
à la prescrire et à en régler la dépense.
Ainsi tous les débats qui peu ven t 1)' élever sur la
�150
TRAITÊ
construction, les répara.tions et l'entrelÏen d'un chemin vicinal, qui est à la charge d'une commune
dans la traversée de son territoire, ainsi que sur
la confection dn rôle des dépenses à faire pour cet
objet, sOI\t dans les attribntions de l'administration active, soit parce que c'est en général à elle à
répartir les impôts (1), oules charges qui en tiennent lieu; soit parce qu'il y a nécessairement un
intérêt collectif à rég\et:, là où cet intérêt vient se
confondre avec celui de la voirie, qui consiste
essentiellement dans un service public.
Ainsi, au contraire, lorsqu'il s'agit d'un chemin de servitude destiné à l'exploitation de divers
fonds, quel qne soit le nombre de ceux.. qui yont
intérêt, s'il s'élève entre eux des contestations sur
la mal1ièrede le réparer ou d'en supporter la cha l'ge ,
c'est aux tribunaux ordinaires que les débats doivent être pOl;tés, parce qu'en ce cas il n'y a que
des intérêts individuels en conflit, et que, daus
une pareille cause, on ne pourrait trouver même
le germe d'un intérêt publ,ic de voirie.
133. 2° Tout ce qui se rapporte à la salubrité
d'un pays ou d'une localité particulière, et toutes
les mesures à prescrire pOlll'la conserver onl'améliorer, sont dans les attributions de l'administration
active, soit parce qu'il s'agit alors, pour les habi·
tants de la contrée, d'un intérêt collectif dont la
cause est elllièremel1t dans l'intérêt public même,
(1) Voy. sous le n° 118.
�DU
DoMAI~E
PUBLIC.
151
soit parce qu'il est question de mesures à prendre
par application du pouvoir réglementaire, qui
n'appartient qu'à l'admini~tration.
Il résulte de là que, dans le cas où les habitants
d'une cont~ée croient avoir à se plaindre de l'établissement d'une manufacture répandantdes odeurs
insalubres, c'est à l'administration active, et non
atl~ tribu naux, qu'ils Joi,vent s'adresser pour en ob~enir s'il y a lieu, l'ordonnance de suppression (a),
et qu'il n'appartient qu'à cette autorité de faire
légalement vél-ifier; les causes d'insalubrité dont on
se plaint dans, le voisinage, parce que c'est à elle
seule qu'cst cO~lfiée, la police de prévoyance et de
sûreté de l'état etde toutes les parties de l'état(l).
(1) Suivant le décret du 15 octobre 1810 et une ordonnance
du 14 janvle~ 1815, c'est au cbnseil de préfecture que doivent
être formées les demaudes éD opposition à l'~xécution de l'arrêté
du préfet qui a permis les étahlissement$ insalubres de deuxième
et troisième classes; quant à ceux de première classe, ce conseil n'a que son avis à donner.
(a) Quoique les tribunaux ne puissent pas ordonner directement la suppression d'un établissement insalubre ou incom-,
mode, ils peuvent atteindre indirectement le même but
en condamnant celui qui l'exploite à payer aux plaignants', et
jusqu'à ce que l'inconvénient ait complètement cessé, des dommages-intérêts fixés nou pas seulement comme compensatioh
exacte du dommage causé, mais comme moyen coërcitif il
l'effet d'arriveI: à la cessation de l'incommodité; c'est ce qui a
été jugé par plusieurs arrêts de la Cour royale de Dijon dans
des affaires entre un raffineur de sucre de cette ville et les voisins de sa manufacture.
�1,")2
Tl'o.A.ITÉ
Il en résulte encore que c'est à cette même autorité à ordonner le dessèchement des marais, soit
parce qu'ils sont naturellement des causes d'insalubrité' par les odeurs qu'ils répandent dans la
contrée; soit parce que leur dessèchement favorise
l'.agriculture, en rendant productifs des terrains
qui ne l'étaient pas, ce qui est encore nne cause
considérable d'intérêt public.
134. 30 Lorsqu'il s'agit de pourvoir an cnrjge
d'une rivière, pour meUre fin aux inondation!!
qu'eUe cause dans son voisinage, c"cst à l'administration active,. et nOL? au.x tribunaux, à ordonner
tous les travaux de ce genre, soit parce que c"est
à elle qu'il appartient de régler le cours' des
eaux (1) ; soit parce qu'il faut en imposer la
dépense sur les propriétaires riverains daus la proportion des avan~t3ges qu'ils en retiren.t ; SO\.t enfin
parce que l'opération. 'n'a lieu qu'en faveur. de l'ag'riculture, et que c'est principalement en cda que
consiste ici l'intérêt colIel:tif, Ou la cause d'utilité
publique.
.
Il est bien démontré, par t01Ù ces exemples,
que l'intérêt collectif ,~oàlme on doit l'entendre
en cette matière, est celui dont la cause se rattache
à un intérêt pu1;>lic propremetl,t di~, et ~on celui
qui ne concernerait que l'avantage d't,ne commuue.
ou autre corporation particulière, puisque l'administration peut ordonner lè dessèchement d'un
t
(1) Voy, sous le nO 120.
".
"
~
••
�153
DU DOMAINE PUBLIC.
marais qui n'appartiendrait qu'à un senl individu,
comme elle peut ordonner Je curement d'une rivière dont les débordem,ents n'inonderaient 'que
les terres d'un seul propriétaire. Il suffit, dans ces
cas et autres semblables, qne les dommages résultant de l'~tat actuel des lieux affectent suffisamme,nt l~agricllltlll'e on la salubrité du pays, pour
que l'administration soit en droit de prescrire toutes les mesures propres à fai1tt, cesser la cause du
mal; c'est à elle seule ~ jnger de l,eur n~cessité ou
de leur opportunité.
135. 4° C'est surtout en ce qui tonche aux
cours d'eau ijervant, soit an roulement des Ilsin,es,
soit à l'irrigation des fonds voisins, q,;e les ~liffi
cnl,tés se mnlLiplient ave,c l,e$ espèces, dont la variété es~ infinie.
Le principe gé~éral e.n ce.tte matière est que ç'est
à l'administra,tion açti"e, et à elle &èu\e, qu'appartienl le droit de faire pour le bien de l'agri,cultllre
et le roulement des nsine$, tous les régl~nJents
q n'elle l·uge convenables relativement à l'écoulement des ,eaux.
Ainsi, à supposer qu'il y ait, entre des particuliers, collision. J'i,ntçrêts sur des prises d'ean J'irrigation, sans <lu'il ~'agisse d'établir pour l'avenir
un réglement g,énéral, c'est parde"ant les tribn-,
Daux que leu~sdébats doivent être-portés, ponr y
être statué sur les droits résnltan t de la possession
ou des titres respectifs, parce qu'il ne. s'agit Fllors
de prononcer que sur des intérêts purement indi.
\
1
'
t
'\
�154.
TlUITÊ
viduels; mais lorsqu'il est question d'opérer le détuu rnemen t du ruisseau ponr en régler ·autrement
la direetion, et changer \'écollJement des eaux daus
nn ttajet notable, la <,huse se présente sous u'n
antre aspect, parce qlle le déplacement du cours
d'ean intéresse aussi les propriétaiJ'es des fonds situés plus bas, et qo'il peut opérer une perturbation plus Oll moins grande dans lés droits et usages
pra tiq 0 és jusque là .: c'est donc à l'al\ministra tion
qu'on devra s'adresser,. en ce cas, pour en obtenir
tout réglement tendant à s'écarter de J'état de
possession actuelle, et ayant pour objet de satisfaire, autant que possible, les intérêts généranx et
les besoins de 1'agricu\ture.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces
. .
,
., . .
prInCIpeS, que nons n avons consIgnes ICI que pOllr
préparer le lecteur à mieux saisir les nombreuses
applications qu'il "'en trouvera dans la suite de cet
ouvrage.
l
'
S
.
2.
Des règles générales d'après lesquelles on doit statuer sw' les
questùms de compétence des tribunaux adjOints à l'administration.,
La
136.
jUl:idiction d.e ces tribunaux est immense, par rapport à la ~lUltitl1ded'ohjets sur lesquels elle s'étend; mais nous'ne''devons l'envisager
ici qu'en ce qui touche à notre sujet, c'est-à·dire
aux rëgles qui gpuvernent les choses qui appartienilent en tout ou en partie au domaine public,
telles que les routes, les chemins puhlics , les rues
�DU DOMAINE PUBLIC.
155
et places des villes, les rivières navigables et flottables, ainsi que les divers cours J'eau, dont nous
traiterons dans les chapitres suivants.
Cependant, quoique notre dessein soit de nous
restreindre dans ces limites, il est nécessaire que
nous expliquions d'abord les principes généraux de
la matière, pour arriver plus sûrcJ.llent aux applications spéciales.
Lorsqu'on connait bien les motifs qui ont déterminé le législateur à établir une disposition, l'on
éprouve moins d'embarras à l'applie'luer Jans les
questions douteuses, parce qu'alors il est plus facile de se conformer à l'esprit de la loi et à l'inten~
tion de son auteur. C'est à atleindre ce but, que
nous destinons d'abord les réflex,ions suivantes.
La compétence dçs conseils de préfectnre est
motivée sur ce que les matières qui leur sont soumises exi~ent qu'il n'y ait pas de retard d ns les'
décisions à intervenir; et c'est là ce qu'on ne peut
manquel' d'apercevoir lorsqu'oll fixe son attention
Sllr les questions contentieuses qu~ leur sont attribuées.
.
On voit en effet que les a ttributions principales
de ces juges administratifs consistent à counaÎtre :
IoDes réclamations qui peuvent être f;lites ,snI'
la répartition et la levée des impôts directs (1);
(1) Voy. l'art. 1er , tit. XIV,. dl' la loi du 11. septemhre 17-90.
et l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse au 8, bulL 17 ~ n° 1 ~,
tom. 1t', 3" série.
�156
TRAITÉ
2° Des débats qui peuvent s'élevel" SUI' la perception des droits de navigation intérieure (1);
3° Des controverses très-multipliées qui ont lieu
en matière de grande voirie, ainsi que nons le
verrons amplement plus bas.
Or il est nécessaire à la marche des services
publics que la perception des impôts ne soit pas.
suspendue par des contestations ou des oppositions
qui seraient soumises aux formes lentes de la procédure ordinaire; comme il est nécessaire encore
que toutes les entreprises illégalement pratiqnées
dans les rivières et canaux de navigation intérieure,
ainsi que SUI' les chemins de hallage et sur les
grand,es routes, soient promptement réprimées.,
pour que la viabilité n'en soit ni interrompne ni
embarrassée. On peut donc regarder comme une
vérité constante que c'est snI' la nécessité d'une
prompte jnstice que nos lois ont attribué en ces
. matiercs nne juridiction particulière aux conseils
de préfecture.
137. Et· comme c'est là nne chose très-importante par rapport aux applications que nOllS aurons à en faire en traitant plus bas de la grande
voirie, nOllS n'hésitons pas à nous 'Y arrêter encore
un moment pour la mettre dans tout son jour.
C'est de la loi du 29 floréal an 10 que les tribunaux administratifs tiennent leur compétence en
(1) Voy. l'art. 4dela loi du 30 floréal an 10, bull. tom. 6,
pag. 329, 3" série.
�DU DOMAINE PUBLIt:.
15'1
matièi'e ùe grande voirie; compétence qu'ils ont
reçue par dérogation aux règles du dl'Oit commnu
suivies jusqu'alors, et d'après lesqllelles les contraventions en cette matière devaient èU'e défërées
à la justice orùinaii'e. Or la promptitude avec laquelle cette loi a été faite nous imlique déjà l'esprit
d'lIl'gence qui a présidé à son adoption, puisqu'on
voit que le projet a été présenté le 27 au corps
législatif, et que, communiqué au tribunat le
même JOIll', il a été converti en loi dès le 29 (i).
Si à ce premier aperçu l'on ajoute l'énoncé des
motifs développés dans la présentation du projet
par l'orateur du gouvernement, la vér~té que nous
cherchons à établit, se montrera cn toute évidence:
cal' voici ces motifs tels qu'on les trouve retracés
dans le Moniteur:
li Toutes les cootraveutlon8 aux réglements re» lalifs à la conser~a tion des canaux, des l'OU tes,
» des plantatious et ouvnlges d'art qui les bor» dent, se sont multipliées avec excès.
» Les poursuites en sont rares; pen actives, et
» rarement poussées jusqu'à la condamnation des
» délinquants.
» Cette espèce de silence de l'admioistt'ation
» et d'inaction de la juslice a encouragé les em» piétements, les dégradations, la destruction des
» arbres, le comblement des fossés, enfin tous
» les délits que la cupidité, la malveillance, le
(1) Voy. au bull. tom. 6, paS". 324,3" série.
�158
TRAITÉ
:" désœuvrement, inspiren t, conseillen t et provoquent.
>J Il esllemps , au moment où l'ordre va renais)J sant, où les rontes se répûeilt, se plantera,
>J où les canaux se reconstruisent et se font, où
les ouvrages d'ai't de tout genre se préparent, où
» ceux existants vont reprendre lem' ançienne ct
>J utile magnificence, de n·ndre à la police cbn>J servatrice une actioil sûre ~ prompte et sé>J
)J
>J
vèrè.
Il filllt conséquemment que l'administration,
chargée de faire et de conserver, puisse poursuivre, atteindre, frapper ceux qui détl'Uisent,
altèrent le produit de ses travaux, édifiés souvent à grands frais.
.
Il faut que, salis aller dev311t les tribunaux
de police correctiounelle; auxquels la connaissance de ces délits ést attribuée, ils soient répriJ'nés par l'administration même, revêtue à
cet effet d'un nouveau pouvoir réclamé pOUl' elle
par les circonstances, et même par les principes.
C'est en te moment, législateurs, que le gouvernement sent vivement et que vous sentirez
vous-mêmes l'utilité des conseils de préfecture,
auxquels cette attribution peut être confiée nonseulemerit Sans danger, mais avec tant d'avantages.
" Placés près du chef de l'administration, ils
seront facilement éclairés par lui; ils l'enClront
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�DU DOMAINE PUBLIC.
159
cc une justice plus rapide, plus efficace et moins
" coûteuse.
,. Le gOllvernement espère beaucoup de la me') sure nouvelle qu'il vous propose.
" Il avait conçu le dessein d~ l'étendre davan» tage, de l'appliquer à la voirie urbaine; mais
» au milieu de tant de travanx qui se sont pressés,
" il a été forcé à regret de retarder l'exécution
') de plusieurs ~ues utiles, et de s'attacher aux
» plus pressantes. »
L"
"
C' est conlormement
aux vues enoncees
par cet
orateur du gouvernement que nous voyons que, par
l'article 114 du décret du 16 décembre 181 1 , il
est enjoint aux conseils de préfecwre de statuer
sans délai sur toutes les contraventions commises
en matière de grande voirie, el cela afin d'assurel'
le plus promptement possible la viabilité des
routes.
Il est donc incontestable que l'attribnlÎon llont
il s'agit ici n'a été donnée aux conseils de préfecture que pour obtenir d'eux nne juslice plus
prompte que celle qu'on pourrait attendre des trihunaux.
De là on a tiré la conséquence consignée dans
l'article 3 du décret du 2.2 juillet lHo6, que le re-
cours au conseil d'état n'a point d'effet suspensif' s'il n'en est autrement ordonné.
Du reste ce reconrs ou cet appel doit êlre formé
par requête et dépôt de pièces au secrétariat du
�160
TRAITÉ
cOllseil dans les trois mois de la signification du
jugement de première instance (1).
Mais cette exposition des motifs de la loi nous
laisserait néaumoins dans le vagne si nous n'avions
pas encore (les règles d'application plu~ positives à
indiquer, comme nous allons le faire.
La compétence des conseils lle.préfectlùe est subordoil11ée à trois conditions dont la parfaite connaissance écartera toute méprise SUI" ce point.
Pour qu'un conseil de préfecture soit compétemment saisi d'une contestation portant sllr quelqu'un des ohjets que nous venons de signaler au
commencement de cette section, il fat.ll ,
0
1 . Qu'il s'agisse de statuer dans l'iutérêt puhlic;
0
2
Que la qtlestion apparti.enne au contentieux
de l'admi'nistration ;
3 0 Que l'objet du litige soit étranger aux matïeres qui Sont exclusivement réservées aux tribunatlx ordinaires.
PREMIÈRE CONDITION •
.Tl faut que la contestation porte sur un intérêt public.
138. Ici deux: choses sont encore à remarquer:
le but de l'institution du trihunal, et la nature
de l'action portée à sa connaissance.
Et d'abord, le but de l'insti.tution du tribunal,
(1 ) Voy. sur tout cela les art. 1, 2 , 3 et Il de ce décret,
l;ullet. tom. 5, pag. 337,4' série.
�161
DU DOMAINE PUBLIC.
quel est-il? pourquoi les conseils de préfectme ont·
ils été constitués r Certes ce n'est pas pour rendre
la justice entre les particnliers, puisque c'est là
l'office des tribunaux ordinaires. Ils n'ont donc été
institués que dans l'intérêt public de l'administration et pour lever les obstacles qU'OIl peut épi'ouver
dans la marche des services publics; c'est pour
mieux assurer ces services qu'ils sont chargés de
statller prompteIileilt sur les contestations qui peuvent naître de la levée des impôts; c'est pour garantir la viabilité des routes et de la navigation
intéricUl'e, par la prompte répression des entreprises qui pourraient les entraver; c'est en un mot
pour protéger efficacement et avec célérité les
divers services dont la société a besoin, qu'ils ont
été établis: leur compétence est donc entièrement
et exclusivement relative à ces services, puisque
leur mission ü'a ni d'aotre but ni d'autre objet ~
donc ils ne peuvent prononcer que sur des causes
d'intérêt public.
Si, après cc premier aperçu, l'on arrête un moment son attention sur la nature des actions qui
sont portées à leur connais~ance , lâ chose deviendra bien plus évidente encore,
. .
Qui est-ce qui agit en répression des contraventions qui se commettent en matière de grande voirie, par exemple
Certes, les particuliers pomraient bien déoonCCI' la contravention pour en donner connaissance
à l'autorité, qui doit en ponrsnivre la réparation;
r
'TOM:. 1.
- ] 1
�162
TRAITÉ
mais ils ne pourraient jamais se constituer euxmêmes demandeurs ou panies poursuivantes :
c'est l'administration active elle-même qui doit
être demanderesse, puisque c'est sur son terrain
que le trouble est porté, et c'est par le ministère
du préfet qu'elle doit procéder; ruais l'administration publique agissant en sa quali'té de demanderesse ne peut exiger què la réparation qui la concerne, et conclure à l'indemnité qui lui revient:
car en justice on ne demande rien pour autrui: la
poursuite n'est donc en elle-même qu'une action
publique exercée au nom et dans l'intérêt de toute
la société.
D'autre part, S\1l' quelles pièces cette poursuite
est-elle exercée? Ce n'est pas snI' la prodüction de
quelques conventions civiles: c'est sur les procèsverbaux des maires et de lellrs adjoints, ou de la
gendarmerie et autres officiers de police judiciail'e, dressés POIII' constater la contravention qui
est à l'épl'imer. L'on ne pelit donc voir en tout
cela que l'exercice d'une action publique semblable à celle qui a lieu à requête du procureur du
roi quand il agit pour obtenir la répression des délits ordinaires : on doit donc dire encore que
sous ce point de vue tout est ici exigé dans l'intérêt public.
Il faut même remarquer que ce n;est que dans
l'intérêt matériel de la société que les conseils de
préfectUl'e peuvent statuer, puisque, comme on le
verra ci-après, ils ne peuven t infliger les peines
�DU DOMAINE PUBLIC.
163
d'empri'solHlement on autres plus graves qUi seraient réclamées pal' la vindicte publique.
Saùs Joute, lor.~qu'nn conseil de préfecture saisi
de la demande en répression d'une contravention
commise sur une grande route, condamne le dé·
linquant à l'amende et à la réparation des dommages causés au gl'and chemin, sa décision porte
bien allssi sur les intérèts privés de celui qui est
condamné; mais la condamnation ne cesse pas
pOt1\' cela d'avoir uniqnement l'intérêt public pour
objet, pllisque ce n'est que pour satisf~lire à cet
inlérèt qu'elle est pron'oucée, et qu'elle n'est ordonnée qu'au profit du trésor puhlic. y:
139. Mais ton les les fois qu'il n'y a de collision qu'entre des intérêts privés, l'on ne doit recourir qu'aux tribunaux ordinaires pour filire statuer snI' les débats des parties, parce qu'ils son t
les seuls juges compétenls pour prononcer sur les
contestations qui s'élevent de particulier à particulier; et sous ce point de Vile, nous reotrons dans
l'hypothèse que nO\1S avons déjà signalée plus haut
en disant que les consei s de préfecture sont absolument il~compétenls pour décider les contestations élevées entre les citoyens, quel que soit d'aillems l'objet de leurs débats.
Ce point de compétenee des conseils de préfecture \J'est pas seulement fondé sur la théorie que
nous venons d'exposer: il l'est aussi SUi' le LexLe
posiLif du décret du 16 décelllb,'e 1811 relatif aux
grandes l'outes. Suivant ce réglement, ct CODfor-
,
�164
TRAITÉ
mément à la loi du 29 floréal an la, les contraventions r-ommises ét les embarras causés sur les
routes au préj udic~ de la viabilité pnbliqlle, doivent être administrativement réprimés; et à cet
effet l'article 1 I3 charge le sous-préfet non pas de
porter u ne décision, même provisoire, sur toute
espèce de violation des réglements , telle qne serait
la construction d'un édifice sans avoir obtenu d'alignement; mais bien sel1l(~ment d'ordonner de
suite aux contrevenants d'enlever les dépôts par
lesquels ils auraient embarrassé le chemin; à quoi
l'article 114 ajou.te :
cc Il sera statué sans délai par les conseils de
)) préfecture, tant sur les oppositions qui auraient
" été formées par les (lélinqnant.s qne sur les
amendes enconrues par eux, nonobstant la ré)) paration des dommages.
)) Seront en outre renvoyés à la connaissance
)) des tribunaux, les violences, vols de matériaux,
)) voies de fait, ou réparations de dommages
1)
)) réclamés par des particuliers. ))
Ces dernières expressions sont décisives: cal'
. pourquoi les réclamations de dûmul<Iges et intérêts
faites par des particuliers sont-elles renvoyées à la
connaissan'ce des tribunaux? C'est par la raison que
snI' ce chef il n'est plus question de statuer entre
la société et Je contrevenant; que la réparation du
préjudice dont il s'agit ne rentre pas dans l'intérêt
puhlic, et qu'il n'y a plus qlliun litige de particulier à particulier, entre le contrevenant auquel
�DU DOMAINE PUBLIC.
165
ou impnte uo fait et celui qui se plaint de ses
conséquences.
C'est donc une règle absolue et au-dessus de
toute contradiction, que les conseils de préfettllre
1le peuvent jamais prononcer que sllr un intérêt
public, et que les contestations qui renlrent dans'
l'intérêt privé doivent toujours être renvoyées
devant les tribunaux.
Aussi tI'O\lV~I~S-nous ce point de doctrine consac~é par nombre d'arrêts du conseil d'état, comme;
on peutIe voir dans le recueil de jurisprudence de
ce conseil par Sirey, tom. V, pag. 178, nO 3438;
et dans celui de Macarel, tom. l, pag. 602;
tom. III, pag. 140; et tom. IX, pag. 338.
140. Ainsi, à supposer qu'en fait de naVIgation intérieure, on accuse le conducteur de bateaux ou de radeaux d'avoir commis des dégrad.ations dans le fleuve 011 sur les ouvrages d'art servant à la navigabilité de la rivière; et que le propriétaire d'un mouliu construit sur la même rivière se plaigne aussi de son côté de 'dommages
causés aux vannes et roues de son usine; et
qn'il intervienne pardevant le conseil de préfecture pour faire staluer en même temps SUl' les
réparations qu'il prétend lui être dlles, ce conseil sera bien compétent pour pl'Ononcet' sur la
réparation des dégradations causées ail fleuve
même ou aux ouvrages d'art, au préjndice de la
navigabilité de)a rivière, parce qu'il aura en cela à
statuer sllr nn intérêt public; mais quant à )a de-
�166
TRAITÉ
'mande intentée par le meunier intervenant, il
devra s'abstenir d'en connaitre, et la renvoyel' en
justice ordinaire, parce qne les intèrêts particuliers
du propriétaire de l'usine n'ont rien de commun
avec les intérêts publics dont la conservation est
mise sous la garde des tribunaux admlDistratifs.
SECONDE CONDITION.
Il faut que l'objet de la contestation rentre dans le
contentieux adminÙlratif.
141. On entend, en général, par contentieux:
tou t ce qui est contestable.
Lorsque l'administra\ion ordonne une chose qni
ne dépend que de l'empire dont elle est constitn.tionnellement revêwe ,il n'y a point de contentieux à élever contre elle, puisqu'on ne peut lui
contestel'Ie droit qu'elle exeme.
Au contraire, lorsque le fait administratif est,
pour sa légalité, soumis à des conditions fondéfs
sur des droits acquis à quelques particuliers, il Y
a contentieux, parce que ceux-ci ooivent avoir la
faculté de s'opposer à la violation de leurs dmits,
et d'élever en conséquence toute contestation légitime à ce sujet.
Le contentieux administratif a donc lieu lorsque la lésion ponr laqudle on réelame a sa cause
dans quel{llle opéralion ordonnée par l'administration ,et qu'il s'agil d'un intérêt à raison duquel il
est permis de la citer devant un tribunal, dont]a
décision doit faire loi pour elle comme pour tout
particulier.
�DU DOMAINE PUBLIC.
167
Toute la difficuhé sur ce point consiste donc à
savoir distinguer les actes et les intérêts à raison
desquels on peut, ou non, imposer à l'administration la loi d'un jugement autre que celui qu'elle.
aurait porté elle-mème.
POllr éclaircir celle difficulté, il nous faut repremhe les choses de plus hant, en remontant au
principe constitutionnel de la compétence du pouvoir exécu tif.
Ce pouvoir a daos ses attributions, pour l'intérieur de l 'état, la direction dis positive de tou tes les
matières purement administratives, telles que le
tracé et l'établissement des rontes et des canaux.
de navigation intérieure; la conclusion des marchés
avec les entrepreneurs des travaux publics; l'étahlissement des plans généraux d'alignements dans
les villes (1); les réglcments sur h dir('ction des
eaux, dont nOllS parlerons amplement dans la snite;
la réparLÎtion des impôts directs décrétés par la
législature; toutes les mesnres sa'nitaircs ou de
salubrité, et autres, à presel'il c pour la sûreté et la
tranquillité publique., etc., elc.
SUI' quoi il ne faut pas perdre de vile que,
comme on l'a déjà dit ailleurs, ce pouvoir, qui se
confond avec le gouvernement lui-même, n'envisage et ne recherche immédiatement que ce qni est
(1) Voy. l'art. 52 de la loi du 16 septembre 1807 ;-l'arrêt
du conseil du 4 juin 1823. (Isambcrt, part. 2, pag. 441 ad
calcem. )
�168
TRAITÉ
avantageux: au bien des masses ou aux intérêts col.
lectifs, et qu'aucun interêt individuel ne doit l'arrêtel' dans sa marche, soit parçe qu'étant constitutionnellement chargé de gouvenier, il faut bien
qu'il ait l'autorité nécessaire pour accol11pJir son
mandat; soit parce que, l'intérêt privé devant toujours céder à l'intérêt public, nul né pent avoir le
droit de mettre obstacle à ce qui est prescrit pour
le bien général.
A la vùité, lorsque leI! travaux prescrits par
l'administration causent une lésion dans les droils
légitimement acquis à un tiers, celui-ci est bien
fondé à demander une indemnité; il peut aussi,
en s'adressant à l'administration elle-même, lui
représenter que la route ou le canal dont elle a
ordonné l'établiss~meQt seraient plus convenablement tracés ailleurs; t;nais, il l)e poun:ait exiger que
les choses fUliSent conservées dans leur état primitif,· et il t/y a a.l1cune autorité iudiciaire qui
puisse l'ordonner aio~i, puisque l'administration
active, agissant en souveraine dans les matières d·e
sa compétence, ne doit subir la loi d'aucnn jugement étranger à celui qu'elle porte elle-même. Il
n'y a donc point ici de. contentieux, et l'on doit
appliquer à tous les cas énumérés ci-dessus et
autres de même natnre la règle établie par la loi
romaine, suivant laquelle les magistratures sobalternes sont incompétentes dans tout c~ qui appartient à l'empire: Ea quae magls imperi~ sunt
�DU DOMAINE PUBLIC.
169
quàm juridictionis, magistratus municipalis
jàcere non potest (1).
142. Mais quelle que soit l'omnipotence de
l'administration dans les choses qui appartiennent
à l'empire, il faut bien qu'elle-même se soumette
à remplir les engagements qu'elle a contractés, et
qu'il y ait quelque juge pom la condamner à les
exécuter, ainsi que pom prononcer sm les difficul.
tés qui peuvent s'élever entre elle et les entrepre,neurs des travaux publics, relativement au sens ~t
à l'exécution des clauses de leurs marchés: il y a
donc nécessairement là du contentieux administratif, et ce contentieux doi~, aux termes de l'art. 3,
de. la loi. du 2~ plu"iôse au 8., être porté aux con-.
seils de préfeclUre.
Et encore, malgré cette même omnipotence de,
l'administration active, elle n'est cependant pas
la maîtresse, d.e disposer des biens des particuliers:
l.ors donc qu'elle pres,crit quelques travaux ou établissements dont l'exécution entra1ne une lésion
dans la propriété ou les droits légitimement acquis
à quelqu'un, celui-ci est fondé à prétendre que,
ne devant souffrir le sacrifice de sa propriété pour
cause d'utilité publique qu'à la charge d'une juste
iodemn,it,é ~ il doit avoir la faculté de l'exiger, et de
traduire, en cas de contestation, l'administration
elle-même pardevant le tribunal compélent pour
en décider.
(1) L. 26, fi' ad municipalem, lib. 50, tit. J.
�1'10
TRAITJ~
D'antre part, il arrive bien plus souve.nt encore
que l'administration elle-même a des réclamations
à faire con tre ceux qui Jégraden 1. les l'OU tes, ou
en embarrassent la viabilité; contre ceux I]ni auraient causé quelques lésions dans les canaux et
rivières navigables, dans les ponts, les écluses et
a11tres ouvrage& d'art destinés au service public,
a~llsi que sur les chemins de hallage. Alors les
actions auxqnelJes ces diverses causes donnent
lien, pour fa\re condamner les contrevenant& aux
amendes et à la réparation des dommages, étant
intentées et poursuivies à requête de l'administra,tion active, elle ne saurai,t ~\~ être juge elle-même,
et c'est au conseil de préfecture qu'elles doi~ent
être portées (1).
Telles sont, en général, .les sources ou le~ causes
du contentieux administratif.
Tels sont les principes de la disLÎIiction à faire
entre les faits Oll actes, et les intérêts Cjni SOQt placés en dedans ouen dehors de la catégorie de ce
contentieux.
Pour élucider davantage cette matière susceptible de diverses complications, nous allons faife
voir, par l'exposition de quelques hypothèses, comment on doit appliquer les principés établis cidessus.
.
143. PRÉNbNS pour prémier exemple le cas où
(1) Voy. sur tout cela l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an 8,
sous le nO 123.
~apporté
�DU DOMAINE PUBLIC.
171
nn préfet allt;ait rendu un arrêté portant qu'un
établissement industriel sera supprimé pour cause
d'insalubrité publique : le propriétaire pourrait
hien réclamer auprès du ministre et au conseil
d'état, comité de l'intérieur; ct c'est là seulement
que la question préjudicielle de salubrité devrait
,
' en cenner
l · ressort, <-i" aprescmp
l'
1·
etre
tranc h ee
01
des moyens propres à éclaircir la question de savoir si les manipulations pratiquées dans l'établissement sont réellement dangereuses -ponr la sanlé
des habitants voisins; mais les réclawations de ce
propriétaire ne pourraient êtl~e compéternment
adressées ni au conseil de préfectnl.'e, ni au conseil d'état, comitédu contenti~ux" parce qn'on ne
peut avoir le droit acquis de canser au public un
tel préjudice, ni de conserver un établissement
qui, tôt ou tard, doit l'épandre les maladies ou
porter la mort dans le voisinage: d'où il f('.sulte
qne, le propriétaire n'ayant aucun druit'légitimement acquis de conserve!' sa manufaet,ul'e, il ne
peut lui ètre dû aucune' indemnité pOllr la sup.,
pression qni en a été ordonnée; et qlle '. n'y ayant
rien de vraiment contentieux Jans sa réclamatiun ,
la question préjudi,cielle de salubrité étant une fois
jugée au conseil d'état,_ seul compétent pour en
connaître en dernier ressor:t" il ne l'esle -plus qn'à
exécnter sa décision (1).
'
----.........---..
(1) Voy. sur cette espèce un arrêt du 19 mai 1811 dans la
Jurisprudence du conseil d'état J par SIREY, tom. 1, p, 495,
�172
TRAITÉ
144. PRENONS pour S('~cotld exemple le douLle
cas énonçé dans l'article 4, 3, de la loi du 28,
plnvi6se an 8, où il est dit que le conseil de préfecture prononcera sur les réclamations des
particuliers qui se plaindront de torts et,dammaf(es procédant du .lait personnel des entre:preneurs dès travaux publics. et non du fizlt
de l~admi/!.istration.Voila deux dispositions bien
d~stinctes : J'une relative aux réclamations qui
pourraient être formées contre Jes entreprenelll's,
et l'autre relative à celles qu'on tenterait ll'élever
çontre l'administration elle. même : l'une qui veut
qne le conseil de préfecture soit compétent pour
statuer dans le prentier cas, et l.'autre suivant laquelle il est incompétent pour prononcf'r sur le
second cas; mais quant an fO,nd, comment tout·
cela doit. il être entendu P.
Le ministre a mis en adjudication la construction d'une nouvelle route, ou la réparation d'une
ancienne, ou bien_l'établissement d'un canal ou
d'nn pont. public.
Nous verrons plus bas que,. par nne servitude
d'ordre public, les fonds voisins ou à proximité
s
nO 418. - Voy. aussi un autre arrêt du 9 juin 1830. - Macarel, 12, 293.
Cette espèce est différente de celle à laquelle s'applique la note
du nO 133 ci-dessus; dans un cas, il s'agit de statuer sur les oppositions formées par des tiers lors de la demande en établissement; dans l'autre, il est question de prononcer la suppression
d'une manufacture autorisée.
�DV DOl';WNE l'VBLle.
173
sont, moyennant indemnité, soumis à la fouille
'et prise de tous matériaux à employer dans ces
sortes 'de travaux et construcLÏons : les entrepreneurs pourront donc pratiquer ces fouilles et enlèvements de matériaux dans les fonds gui se trouverontlemieuxàleur portée, à moins qu'on ne leur
ait imposé l'obligation de recourir à TELLl:.S ou
TELLES carrières, dont les pierres, éprouvées,
sont reconnues pour être de la meilleure qualité.
Mais ces mêmes entrepreneurs seront obligés d'indem niser les propriétaires de fonds soit à raison de
la valeur des pierres ct autres matériaux qu'ils en
auront tirés, 'soit à raison des dommagl's résultant
des excavations qu'ils yauront fait(,s, soit enfin à
raison des dégradations causées par h's chemins,
passages et charrois qu'ils y auront pratiqués; et
s'il n 'y a pas snI' tont cela des arrangemen ts 'lmiables
entre les propriétaires et les entrepren?urs, l'article de la loi ci·dessus transcrit vellt que le litige
élevé à ce sujet soit porté au conseil de préfecture.
Voilà pour ce qui concerne le fait des entrepre·
nellrs.
Dans ces cas, et quoique les indemnités des propriétaires voisins doivent être su pportées pa ries entrepreneurs., la cause dont on saisit le conseil de
préfecture n'en porte pas moins sur un intérêt public, parce que ces sortes de charges sont nécessairement entrées en considération dans le prix de
l'adjudication des travaux; qu'en dernière analyse,
c'est toujours par le trésor de l'état qu'elles sont
�174
TRAITÉ
su pporlées; et qu'enfin les contestations Je cette
espèce rentreraient encore dans l'intérèt pnblic par
.
,
l es entraves qu ' t' II es pourraient
apporter a'l'exeClltion des travaux.
145. Mais si les réclamations formées par des
partieuliers avaient pour objet de faire changer ou
modifier le plan adopté pal' l'ad ministra tion pour
la construction du pont' 011 le tracé de la route ou
'du canal; comme encore si elles avaient pour objet de faire prendre des pierres dans des cai'rières
autres que cellesqui auraient été désignées par (,Ile
à l'entrepreneur, alors ce serait contre le fait
même ou l'ordre de l'administration que les réclamants voudraient s'élever, et SOllS ce i'apport il
n'y aurait plnsdc question contentieuse à porter au
conseil de pl'éfeéture.
Nous terminerons ées anriotations particulières
en faisant remarquer que si, au lieu de mettre ces
'sortes de travaux en adjudication pour en livrer
l'exécution à des entrepreneurs, l'administration
prenait le parti de les faire exécuter elle-même par
régie an moyen de ses agents, cela n'ôterait point
au conseil de préfecture seS attributions pourstatucr sur les questions d'indemnité dont on a parlé
plus hant, parce qu'il s'agit ici d'nne compétence
ratione materiae~ et qu'il n'y aurait rip-n de changé
dans la nature des choses: d'où il résulte qu'alors
l'administration serait tenue de subir la loi du jugement prononcé par le conseil de préfecture, sauf
recours au conseil d'état, comité
du contentieux.
,
�DU DOMAINE PUBLIC.
175
146. PRENONS pour troisième hypothèse le cas
où un fonds aurait été simultanément porté sllr
les rôles de contrihutions de deux communes limitrophes qui soutiennent l'une et l'autre le bienimposé, attendu que chacune d'elles prétend que
l'héritage dont il s'agit est situé sur son territoire.
Nous trouvons dans cette hypothèse le principe
de deux contestations, dont l'une a pour objet un
droit contentieux, sur lequel le conseil Je préfecture devra prononcer; tandis qu'il est incompétent
. pour statue" sur l'autre, qui ne rentre pas dans le
cbntentieux adminislratif.
Le propriétaire dont l'héritage se trouve simultanément cotisé sur les rôles des deux communes
voisines, a très~certainement le droit acquis de ne
satisfàire qu'à l;unc de ces impositions, sans que
l'administration puisse le forcer à deux paiements,
là où la loi n'en veut qu'un seul: il y a donc là
ut:te question contentieuse à résoudre; le prupriétaire pourra donc se pourvoir pour demander que
la cotisation de son héritage soit supprimée sur
l'un des deux rôles ponr n'être maintenue (fue sur
l'autre; et, suivant les articles 3 et 4 de la loi du
28 pluviôse an 8, c'est au conseil de prpfecture
qu'il dev,'a adresser sa n~clamation (1), ainsi qu'on
l'a déjà vu plus hallt.
14'1. Quant au fond de cette'question ct sur la
manière de la résoudre, le conseil de préfecture
(1) Voy. au bull. 17, nO 115,
L
1, 3e 'série,
�176
TRAITÉ
doit ordomier la radiation de la taxe portée au rôle
de Ja commune sur le terrifoire de laquelle il estime, conformément aux données ci-après, que
l'héritage n'est pas situé (1); mais comme on suppose qu'il y a entre les deux communes une contestation territoriale, qui n'est pas dans les attributions de ce conseil, il ne doit statuer que provisoirement sur les réclamations du propriétaire dont
il s'agit, et, en attendant que ce déhat territorial
soit terminé, il doit, daris le doute, ordonner que
le terrain dont la cotisation est en litige soit im, posé dans la commune du centre de laquelle il est
le plus rapproché, à moins qll'iln'y ait une riviêre
entre les deux comm.unes , auquel cas l'imposition
doit être portée au rôle de la commune située sur
la même rive que le terrain faisant l'objet de la
contestation, ei1core qu'il en soit plus éloigné (2).
148. Voilà pour ce qui concerne la double imposition du même hérit~ge; mais en ce qui touche aux: prétentions respectives des deux communes dont chacune soutient que le fonds doit
être porté sur ses rôles; c'est là une question territoriale qui est hors de tout contentieux: en sorte
que, pour faire statuel' sur cette controverse, les
communes ne pourraient se pourvoir l1l pardevant
les tribunaux ord~naires, ni au conseil de préfec(1) Voy. l'art. 8 de la loi du 20 avi'il1790.
(2) Voy. les art. 4 et 5 de l'arrêté du 29 ni"ôse an 7,
bull. 255, n° 2398 , t. 7, 2< série.
�177
DU DOMAINE PUBLIC.
ture; elles ne peuvent que s'adresser successivement au préfet et au ministre, pour, par leur mé·
diation, obtenir du roi en son conseil, sur le
rapport, non du comité du èontentieux, mais du
comité de l'intérieur, une ordonnance statna nt,
d'\lDe manière purement admil1istrativc, SUl; lem
débat.
La raison de cela est que la puissance exécutive
on l'administration active, ainsi qn'orll'a fait voil'
plus haiJ t (1), et qù'on le développera encore mieux
par la suite, reste toujours la maîtresse de changer
et modifie.. les territoires com munaux comme elle
le juge convenable, tant qu'il ne faut point déroger
aux juridictions d'arrondissements, et qu'en conséquence ces sortes de discussions terri toriales ne
sont point fondées sur des droits acqùis , dans la
revendication desquels on puisse lui imposer la
loi d'un jugement étranger à celui qu'elle croit
devoir porter elle-même.
Nous pourrions pousser infiniment pIns loin
cette énumération d'hypothèses; mais nous cl'Oyons
que ces exemples suffisent pour faire saisi .. au leclem la différence essen tieHe qui existe entre les
matières purement administratives et celles'qui sont
contentieuses.
'
C'est ponr le maintien rigoureux de celte dis-'
tinction qu'il est d~fendl1, sous peine d'amende,
aux avocats en conseil d'état de présenter au comité
(1) Voy. soudes uO',72 et sui",
TOM:. I.
12
�178
TRAITÉ
du contentieux aucune requête sur des matières
qui ne seraient pas contentieuses (1).
TROISIÈME bONDITIO~.
Il faut que l'ohjet sur lequel porte le litige -soit étrang'er
aux matières qlu" sont exclusivement soumises à la juridiction des trihunaux ordinaires.
149. Les conseils de préfecture sont placés
entre l'administration active, dont iJs doivent
respecter les décisions, et les tl'ibunaux. ordinaires,
sur la juridictio~ desquels ils doivent s'abstenir de
tout empiètement.
Déjà nous avons fait voir comment on doit distinguer les matières adminisll'a tives non contentieuses, sur lesquelles les conseils de préfectnre
ne peuvent avoir ·le droit de pl'Ononcer; il nous
reste à iudiquer ici quelles son t les matières exclusivement placées dans les attriLutions des tribunaux ordinaires, et sur lesquelles il n'est pas permis aux conseils de préfecture de slatucr, encore
que le litige se rattache, sous quelque point de
vue, à la juridiction administJ'ative, ou ressorte
des actes de l'administration.
1 0 C'est une vérité de principe incon testaLle
daits la jurisprudence f.'ançaise, que toutes les
contestations qui ont pour objet la propriété ou des
droits réels sur la pl'opriété foncière sont exclusive(1) Voy. les art. 32 et 49 du décret du 22 juillet 1806,
bull. t. 5, p. 345, 4" série.
�DU DOMAINE PUBLIe.
179
ment dévolues anx tribunaux ordinaires (1). Et
cette règle s'applique à tous les cas: soit que la
contestation existe entre parlicnliers, ou qu'elle
ait lieu avec Jcs communes, ou avec l'état, qui
est lni-même soumis aux décisions de la justice
orJinaire , et doit figurer en qualité de cause, par
le ministère des préfets qui sont sur les lieux de
la propriété contentieuse (2); et de là résulte la
conséquênce qne partout où il s'élève une question
de propriété foncière, il faut dire que le conseil de
pl'éfèclUre et le conseil d'état sont incompétents
pOIll' en connahre, et qn'elle doil êlre renvoyée en
juslice ordinaire.
C'est ronr donner à l'application de ces principes toute l'étendue qu'elle doit avoir, que les lois
,des 8 mars 1810, 7 juillet 1833 ct 3 mai 1841 veu.lent que, dans le cas même d'expropriation forcée
pour canse d'utilité publique, la question préjudici(>lIe de l'accomplissement des formalités requises
soit renvoyée en justice ordinaire, el que ce soient
les tribunaux eux-mêmes qui statuent sur la dépossession du propriétaire, ainsi qne sor la tixalion
de l'indemnité, au moyen du jUl'i établi par les
deux dernières de ces lois.
D'après leurs termes, il Y a, pour ce genre cl'expropriation, diverses formalités préliminaires à
(1) Voy. le5 décrets du 16 octobre 1813, bull. t. 19, p. 304
ct 318, 4" série.
(2) Voy. l'art. 69 au Code de procédure.
�180
TRAITÉ
remplir, et qui sont les unes administratives, et les
autres judiciaires.
C'est à l'administration à désigner les localités
sur lesquelles le tracé de la route ou du caüal, où
autre ouvrage, doit avoir lieu, et à signaler toutes
les propriétés particulières qui devront être occupées par la construction projetée.
Elle doit faire dresser IHl plan des lieux portant
l'indication des nou18 de toùs les propriélail'es intéressés , et la designa tion exacte de leu'rs fOlids~
Ce plan doit être déposé à la mairie durant huit
jours, et le dépôt en doit être annoncé soit par
affiches, soit à son de trompe, pour que tous lèS
intéressés puissent prendre connaissance de l'affaire.
.
Il est ensuite nommé, sous la 'présidence du
sous-préfet de l'anondissement, une commission
pour entendre et recevoir les plaintes de ceux des
propriétaires qui se pl~ésel1teraierit pour soutenir
.1
1 • pas entraîner
, .
que l ,executlOll
ues
travaux ne lOlt
'la cession de leur propriété, par la raison qu'il se. rait pIns convenable de construire la route ou le
canal ailleurs, ou de leur donner une autre direction.
Cette espèce d'enquête de commodo et incommodo ayant été faite, l'affaire doit être renvoyée
au tribunal de la situation, attendu que c'est à
lui à prononcer la dépossession des propriétaires.
. 150. C'est ici que se présente le premier point
contentieux 'des affaires de cette nature., et ce COQ-
�DU DOMAINE PUBLIC.
181
tcntiellx est jndiciaire, parce qu'il ~'agit de propriétés foncières.
Si, en effet, les pa nies qui s'opposent à leur
dépossession parviennent à démontrer à la justice
que les formalités préalables dont on vient de par·
1er, et autres qui sont plus amplement détaillées
dans les lois précitées, n'ont pas été ponctuellement
remplies, le tribunal, reconnaissant qu'il y a eu
omission ou violation qans C~$ formes, doit ordonner qu'il sera indéfiniment s,m:sis à toute exécution
jusqu'à ce qu'eUesaic1lt ét~ intégralement accomplies.
Si au contraire les formalités voulues ont été
fidèlement remplies, le tribu nal, le reconnaissa nt,
doit déclarer qu'il n'y a lieu à aucun sursis, et
prononcer la dépossession des propriétaires.
151. Voilà pour ce qui concerne le fait de la
dépossession. Mais il est encore un autre point
contentieux qui doit être de même porté en justice
ordinaire: c'est celui de la fixation du prix de la
vente. Car si les propriétaires et le préfet ne s'arrangent pas amiablement sur le montant de l'estima, tion des fonds, c'est pardevant le tribunal de la
situation qu'il faut revenir pour le faire fixer par
un juri spécial.
152. 2° La propriété foncière n'est pas la
seule qui soit placée par les lois en dehors du cercle des attributions de la juridiction administrative. Il est un autre genre de droit dont la propriété, infiniment pl us précieuse, doit être aussi,ct il
<
�182
TRAITÉ
plus forle raison, placée hors de ses atteintes: c'est
celle de la liberté de l'homme et de lons ses dl'OilS
civils et politiques.
En conséquence les conseils de préfecture, non
plus que le conseil d'élat, ne peuvent jamais condamner à des peines corporelles ni à l'emprisonne11lent.
Quoique institués pOUl' réprimer une foule de
contraventions à l'ordl'e pu.blic, principalement en
matière de grande voirie, néanmoins, tontes les
fois que ces' contraventions comportent anssi le
caractère des délits corporellement punissahles,
ces conseils doivent, ponr l'application spéciale de
ce genre de peines, renvoyer les délinquants pardevant les tribunaux de police correctionnelle 011
de justice criminelle ,. suivant les circonstances:
ainsi le veulen t l'article 27 de la loi J u 16 septemLre 1807 (1) et l'article 114 du décret du 16
décemLre 1811 (2).
.
Néaumoins, dans les mêmes cas,., ces tribunaux
administratifs doivent condamner les délinquants
à la réparation des dommages causés à la chose
publique et aux amendes établies par les lois à
raison des failS dont ils se sont rendns co?pables :
en sorte qu'ils sont, à l'égard des mêmes délits et
sur les mêmes faits, compélelltS pour prononcer
une partie de la peine, et incompétents pour pro- •
(1) Voy. au bull. t. 7, p. 133, 4' série.
(2) Voy. au bull. t. 16, p. 89,4' série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
183
noncer l'autre, attendu que, comme on l'a fait
voir plus haut (1), toutes les actions qui peuvent
tendre à la privation de la liberté d'un citoyen
sont constitutionnellement dévolues à la justice
ordinaire.
153. Ces principes reçoivent la même application en matière civile dans tOl,lt ce qui concerne
les qualités constitutives de l'état des personnes.
Quoique ce soit l'administration qui dresse ]a
liste de ceux qui sont appelés au recrutement de
l'année, si un individu dont l'acte de naissance ne
peut être produit prétend n'avoir pas encore atteint
l'âge requis, et qu'il soit nécessaire de le constater
par d'autres moyens, la question de conslatalion
d'âge, qui est préjudicielle à l'inscription du réclamant, devra être renvoyée au tribunal civil, et
débattue contradictoirement avec le ministère public.
~~4. Qu'un homme prétende encore se soustraire à la loi du recrutement en soutenant qu'il
n'est réellement pas Français, et qu'on refuse d'admettre son motif ùe dispense, il faudra de même
recourir à la ju·stice ordinaire pour y faire statuer
sur la question d'extranéité ou de nationalilé de cet
individu; et c'est encore contradictoirement avec
le ministère public qu'elle devra être discutée et
jugée.
155. La loi du I9 avril 1831 sur les élections
(1) Voy. sous les nO' 91 et 93.
r
�184
TRAITÉ
à la chambre des dépu Lés nous fournit un autre
exemple d'applicaLion qui doit naturellement trouver ici sa place.
La composition de la liste électorale n'est confiée qu'à l'administration aCLive : c'est là un acte
admiuistratif dont les préfets sont chargés chacun
dairs son département; mais ils ne sont pas pour
cela établis juges de la capacité des électeurs à l'égard desquels il pent y avoir du doute ou des con·testations sur leur admissibilité dan,s le taLlean.
Lorsque le préfet compose le tableau électoral,
il n'exerce qu'une juridiction pnrement gracieuse,
sans prononcer judiciairement sur la capacité des
électeurs: COlDme un notaire qui dresse un testament n'exel:ce que la juridiction, gracieuse attachée
à ses fonctions, sans porter aucun jugemen t public
sm la capacitédu testateur ou de l'héritier institué;
mais lorsqu'il s'agit d'exécuter l'acte du préfet ou
, du notaire, s'il s'élève des contestations sur la capacité de l'électeur inscrit aù tahleau, ou de l'hérit.ier institué dans le testament, la question de
capacité ou d'incapacité se trouve préjudicielle à
l"exécution de ces actes; et, comme il n'appartient
pas plus au préfet en ce qui touche à l'électeur"
qu'au notaire en ce qui concerne l'héritier institué.,
de la résoudl'e judiciairement, il faut préalable.ment recourir aux juges qui doivent en connaître..
C'est pourquoi, aux termes de l'article 33 de
cette loi, cc toute partie qui se croira fondée à conJI)
tester une décision roodue par le préfet pou~ra
�DU DOMAINE PUBUe.
185
porter son action devant la cour royale du res:>J sort, e,ty produire toutes pièces à l'appui. »
La question préjudicielle de capacité doit donc
être portée en justice ordinaire, parce qu'il n'y a
que les tribunaux q~i soient compétents pour prononcer SUI' les qualités et les dJ'Oits, comme sur la
liherté, qui tous ensemble ~onstitnent l'état civil
et poli Lique des personnes. C'est en conséquence là
qne doivent être judiciairement véritlées les conditions de capacité, telles qu'eUes sont requises, soit
quan t au cens, s,oit quant à la jouissance des droits
civiques ou civils, soit quant aU domicile réel ou
politique de l'éLecteu"r.
Si c'est à la Cour royale que l"a()tion du réclaman,t
est portée, il ne faut pas croire que ce soit par la
voie d'appel. Tout acte d'appel ne serait ici qu'une
absurdité.
Il y aurait absurdité, parce que l'acte d'appel
est impossible là où il n'y a pas de jugement de premièrç instance.
Il y amaÏt absurdité encore, parce qu'on n'ap..
pelle pas des actes de l'administration pour les faire
réformer par la jusLice ordinaire.
Que si la Cour décide autrement que le préfet,
la décision d~ celui-ci se trouvera bien réformée;
mais ce n'est qu'indirectement, et en tant que la
question préjudicielle de capacité, qui n'est pas
dans les attributions du préfet, aUl'a été décidée
contrairement au matériel de son acte.
,Enfin, si c'est à la Cour royale que l'action doit
»
�186
TRAITt:
être portée, c'est parce que la décision de ces sortes
d'affaires exige la plus grande célérité, et qu'en
conséquence les auteurs de la loi ont voulu qu'il
n'y eût, en ce cas, qu'un seul degré de juridiction,
et que le jugement fût rendu, omisso medio, par
le tribqnal du plus haut degré.
Voilà pour ce qui concerne la capacité persol1nelledes électeurs convoqués pour élire les membres
de la chambre des d1putés.
Mais en ce qui touche à la capacité des députés,
ainsi qu'à la régularité ou irrégularité des opéra"
, tions des colléges qui les ont élus-, c"est à la chambre
élective, et à elle seule, à statuer sur ces objets, lors de la vérification des pouvoirs de ses
membres (1).
156. Lorsqu'il s'agit d;e la formation, des conseils généraux de département et des conseils d'arrondissement, la règle du droit commun veut toujours que les débats qui peuvent s'élever sur les
conditions de capacité des électeurs soient portés
en justice ordinaire, pardevant le tribunal d'arrondissement, et que toutes les réclamations fondées
sur l'incapacité d'un ou de plusieurs membl'es élus
soient inteutées panlevant ce tribunal qui statue,
sauf l'appel (2); et la même règle du droit
commun veut aussi que si les difficultés élevées sur
(1) Voy. l'art. 61 de la loi du 19 avril 1831, bull. t. 2,
p. 1i7, 9" série.
(2) Voy. l'art. 52 de la loi du 22 juin 1833.
�DU DûMAL."lE PUBLIC.
187
la validité des opérations de ces colléges n'ont pour
cause que la violation des formes qu'ils avaient à
suivre, et auxquelles on leur reproche d'avoir
manqué, elles soient portées, par les préfets, aux
conseils de préfecture, parce qu'alors il n'y a rien
dans les débats qui soit en dehors du contentieux
administratif (1).
157. A l'égard des assemblées des électeurs
communaux et de leurs opérations, on doit dire
encore que les difficultés relatives soit au cens,
soit à la jouissance des droits civiques ou civils, et
aU domi.cile réel ou politique, ayant la capacité ou
l'incapacité des réclamants pour objet, doivent
être portées devant le tribunal civil de l'arrondissement, qui alo\'s statue en dernier ressort, et que
les causes de nuJJité résultant de la violation des
formes commise dans leurs opérations, doivent
être déférées par les préfets aux conseils de préfecture, pour y être statué (2).
(1) Art. 50 de ladite loi du 22 juin 1833.
(2) Voy. les art. 42 et 51 de la loi du 21 mars 1831,
bull. t. 2, p. 47, 9' série.
�188
TRAITÉ
CHAPITRE XI.
])e la manière de procéder pardevant les autorités
administratives ou adjointes à l'administration.
Sur cette matière, deux points sont à examiner:
Pun, le mode de procéder pardevant les autorités purement admÏnistratives; l'autre, la manièl'e d'agir pardevant les conseils de préfeclul'e ,
ressortissant au conseil d ~état, comité du con tentieux.
SECTION PREMIERE.
SUI'.
la mam'ène de procéder pardevant les autorités purement
..
administratives.
158. La hiérarchie de.s antorit~s administratives placées les nnes an-dessus des autres présente
une séri.e assez nombreuse, puisque, en partant
du maire de village, il fau t remon ter, par le souspréfet, au préfet, ens\lite au mini,stre , et enfin au
roi en son conseil.
Les maires peuvent prendre. des arrêtés pour
rappelel' les citoyens à l'exécution des lois et des
réglements de police, comme on le verra dans la
suite.
S'il y a des oppositions formées contre ces arrêtés,
par quelque particuliel', le tout doit être allressé,
par l'intermédiaire du sous-préfet, qui y joint
�DU DOMAINE PUBLIC.
189
son avis, au préfet, lequel statue sur le mérite
de l'acte du maire.
Sur quoi il faut observer que la règle générale est
que les arrêtés pris par les maires, dans les limites
de leur compétence, sont de plein dl'Oit exécutoires, comme émariatit d'un pouvoir qUe la loi
'accorde en propre et spécialement à ces fonctionnaires : en conséquence de quoi l'on n'est point
dans l'obligation de les faire préalablement approu"
ver pal' le pl'éfet (a).
Ca) Les maires sont rë"V~tU:s de deux pouvoirs qu'il ne faut
pas confondre: l'un qui leur est propre, comme le dit l'art. 50
de la loi du 14 décembre 1789, et qui a pour objet la police
municipale, et l'autre qu'ils tiennent par délégation du gouver.
nement à l'effet de publier et faire exécuter lei lois et ordim':'
nances, ainsi que les mesures de sûreté générale.
" La réunion des citoyens en bourgades 1 dit l\f. lie~rion de
" Pansey (duPoulJoir municipal); ii'à pas eù seulement pour
» objet, lorsqu'elle s'est formée 1 l'administration du patrimoine
» commun; le besoiù de leur consCÏ'vation leur commandait de
" preùdre les mesures lès plus propres à écarter de l'habitation
" commune, tout ce qui pourrait la rendre peu sûre 1 incom» mode ou malsaine. Le droit de police lorale n'est pas une
" concession de la puissance publique; il a sa sourée dans cette
" règle du droit naturel qui autorise tous les individus 1 et 1 par
" conséquent 1 les corporations d'habitants qui 1 relativement à
" la grande famille, ne sont elles.mêmes que des individus, li
" veî1ler à leur conservation; ces fonctions donc conférées aux
" maires par la loi de 1789 sont propres au pouvoir municipal,
" c'est-à-dire qu'elles sont de son essence et qu'elles dérivent de
" sa nature. »
U~e instrnclion de l'assemblée nationale, approuvée par le roi
�190
1'RAITÉ
Au reste les arrêtés pris pal' les maires pour rappeler à l'exécution des réglements de police n'étant
que des actes administratifS, ceux qui croient avoir
le même jour, 14 décembre 1789, établit avec heaucoup de
précision cette distinction.
Après avoir énuméré les fonctions propres à l'administration
générale qui peuvent être déléguees aux corps municipaux,
elle continue ;" Les fonctions de cette espèce intéressant la
li nation en corps, excèdent les droits et les intérêts des comli munes.
Aussi les officiers municipaux qui les exercent non
» comme représentants de la commune, mais en vertu du pouli voir qui leur est délégué par l'administration générale, sont
li entièrement subordonnés en cette partie aux agents supérieun.
li de cette administration.
li Il n'en est pas de même des fonctions propres au pouvoir
li municipal, parce qu'elles intéressent directement et particuli lièrement chaque commune que la municipalité représente.
li Aussi les membres
ont-ils le droit propre et personnel de
li délibérer et d'agir; seulement ils sont soumis en cette partie à
» la surveillance J à l'inspection, à la tutelle des corps admims)) tratifs supérieurs, parce qu'il importe à la nation tout
" entière que les communes qlJ.i la composent soient bien admili nistrées. li
Ce principe qu'aucune loi postérieure n'avait modifié, et
qu'une instruction du mini~tre de l'intérieur du 22 octobre
1812 reproduisait au contraire, ne recevait cependant pas une
eutière application dans la pratique, puisqu'il était d'usage de
faire approuver par les préfets tous les réglements municipaux
sans distinctiou; la loi du 18 juillet 1837 est enfin venue le faire
revivre en dispensant d'une manière générale les arrêtés de la
formalité préalable de l'approbation, et en ne les soumettant
par son art. Il qu'à l'envoi au préfet qui en donne récépissé.
Cependant il est quelques-uus de ces actes qui peuvent léser
�DU DOMAINE PUBLIC.
191
à s'en plaindre ne peuvent les défël'er à la justice
ordinaire: c'est au préfet qu'ils doivent s'adresser
pour lui en demander l'annulation.
les droits des particuliers ou renfermer des dispositions contraires à la loi; il eût été dangereux de leur donner à tous indistinctement sur.le.champ une force exécutoire dont l'effet pouvait occasionner un mal souvent irréparable.
Pour parer en partie à cet inconvénient, l'article dont il s'agit
a divisé les arrêtés en deux catégories; ceux portant réglement
permanent, et ceux qui ne statuent que sur un objet spécial, ou
dont l'effet est limité à un certain temps ou à une circonstance
particulière.
Ces derniers sont slir-Ie.champ exécutoires; seulement le préfet
peut les annuler ou en suspendre l'exécution; mais jusques là
ils conservent toute leur force.
Quant aux premiers, ils ne deviennent obligatoires qu'un
mois après le dépôt qui en est fait à la préfecture; et dans cet
intervalle le préfet peut les annuler et par conséquent empêcher
qu'ils ne produisent aucUn résultat.
Comme il est facile de s'en apercevoir, cette disposition est
loin de parer à tous les inconvénients, puisque, d'une part, la
ligne de démarcation entre les arrêtés permanents et ceux qui ne
le sont pas, ou plutôt entre les cas où il y a lieu aux uns ou
aux autres, n'est pas parfaitement tracée et dépend d'appréciations souvent très-délicates; que d'un autre côté, il pourrait y
Ilvoir urgence à fairc exécuter un arrêté qu,i cependant aurait sous
d'autres poinis de vue un caractère de durée ou de permanence,
et q1,l'eQ.fin et surtout l'exécution immédiate d'un arrêté spécial
ou temporaire pourrait avoir des conséquences irréparables en
.définitive; comme s'il s'agissait de faire détruire un bâtiment sous
prétexte qu'il menace ruine. Cette nouvelle théorie imaginée
pour renh'c.r avec le moins de danger possible dans l'application du principe vrai posé par la loi de 1789, laisse donc beau-
�192
TRAITÉ
Les maires des communes non chefs-lieux de
canton sont aussi revêtus du droit de statuer SUl; la
répression de certaines contraventioi.1s de police
coup à l'Î1rbitraire et ne peut manquer de susciter de graves
difficultés .àilOS la pratique.
Le délai d'un mois pendant lequel l'exécution de l'arrêté permanent est suspendue n'est pas seulement établi pour donner
àu préfet le terrlps d'examiner avec maturité l'acte du maire,
mais aussi pour que les citoyens aient la possibilité de le con"
Iiattre et de se pourvoir contre ses dispositions si elles lèsent
leurs intérêts; aussi est-ce avec raison, à notre avis, que la
Cour de cassation avait décidé, par deux arrêts des 7 et 20
juillet 1838, que l'approbation immédiate du préfet ne pouvait
hâter l"époque d'exécution de l'arrêté qui n'était toujours obligatoire qu'après l'expiration du mois. (Sirey, 38-1-741 et
39-1-206.) Cependant, par un 3 e arrêt du 3 décembre 1840
(Sirey, 41-1-747), elle est revenne sur sa jurisprudence qui ne
nous paraît pas devoir être maintenue en cc dernier sens.
Lors de la discussion aux chambres de la disposition qui
nous occupe, on a examiné la question de savoir si le préfet,
qui peut annuler l'àrrêté du maire ou en suspendre l'exécution,
pouvait aussi le modifier; la chambre des pairs lui avait conféré
ce droit par un amendement; mais sut les observations de
M. Vivien, rapporteur sie la Commission, qui fit remarquer
que le droit de modifier emportant celui de disposer, le pouvoir
du maire se réduirait à une simple proposition et passerait tout
entier au préfet, ce qui anêantirait complètement le pouvoir municipal, la chambre des députés a rejeté l'amendement, d'où
il résulte que le droit du préfet ne consiste que dans un simple
'Velo, mais non dans la faculté de disposer lui-même; ce magistrat supérieur ne peut se substituer au maire, lorsque celui-ci
refuse ou néglige d'agir, que quand il s'agit de faire !ln des actes
gui lui sont prescrits par la loi; ce sont les termes de l'art. 15.
�193
DU DOMAINE PUBLIC.
simplè commises sur le territoire de leur corn·
mune; mais alors ce n'est plus comme administrateurs, c'est comme véritables jugès qu'ils
prononcent; et la procédure à observer dans ces
cas est particulièrement déterminée par le Code
d'instrnction criminelle Cart. 166 et suiv.) Ca).
159. Quant au sous-préfet, il peut aussi prendre des arrêtés; et il est spécialement chargé, par
la loi du 29 floréal an 10, de le faire pdur ordonner l'enlèvement provisoil'e de tous les encombrements et embarras par lesquels on aurait obstrué ou
gêné le libre. passage sur les l'antes; et; comll~e le
sous-préfet n'est que sous la dépendance immédiate
'C
'C',
ses arreles ne peuvent elre deleres
qn "a
cl. Il prelet,
A
,
,
.4,
(a) Diverses lois spéciales ont encore donné une juridiction
aux maires dans certains cas: 1° pour contestations .sur les logt·ments des officiers militaires (art. 26 et 52 du réglement annexé à la loi des 23 mai 1792-18 janvier 1793); 2° pour
contraventions à la police du roulage (art. 38 du décret du
23 juin 1806; ordonnance du 22 novembre 1820); 3° pour
contestations sur les prix des courses de chevaux (art. 28 du
décret du 4 juillet 1806); 4° pour difficultés sur le prix des
boissons vendues par les débitants (art. 47 et 49 de la loi du
28 avril 1816 ); 5° en matière de listes d'électeurs municipaux:
(art. 32 et 35 de lâ loi du 21 mars 1831); 6° en cas de démolition d'éditices mcn:u;;ant ruine (art. 3, nO 1 , tit. 11 , de la loi
des 16-24 août 1790; 47'1 , nO 5, Cod. pénal); 7° pour difficultés élevées entre les maîtres et leurs ouvriers relativement
aux livrets (loi du 22 germinal an Il; arr~lé du gouvernement du 9 frimaire an 12; arrêt du con~eil-d'état dii 14
juillet t 841 ).
TOM. J.
�194
TRAlTÉ
ce dernier magistrat, pour en demander la réforme
par ceux qui c1'Oient avoir à s'en plaindre (1); et le
conseil de préfecture serait absolument incompétent pour statuer sur un pareil reconrs; attendù
que, quoique tribunal adjoint à J'allhlinistration , il n'a qu'une existence collat~rale, sans avoir
la surveillance des actes du sous-préfet dans seS
attributions (2).
160. A l'égard des préfets, la jurisprudence
constantedu conseil d'état est que le recours contre
les arrêtés par eux pris dans les limites de leur
compétence ne peut être porté de prime-ahord
pardevant ce conseil:, mais qu'il fimt d;abord s'adresser au ministre que la matière concerne (3) :
en sorte que èe n'est qu'après la décision de ce ministre, que celui qui s'en croit lésé peut recourir aU
roi en son conseil pour en demanllt:r la réformation.
Mais si le préfet avait incol1lpétemmenl prononcé,
le pourvoi qui serait formé, contre sa décision,
au comité contentieux du conseil' d'état, ne serait
pas préalablement rel1voyé au ministre (4).
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt du conseil du 12 novembre 180!f,
dans le recueil de SIREY, tom. 1 , p. 334.
(2) Voy. l'arrêt du conseil du 23 janvier 1820, dans SIREY,
tom. 5, p. 296.
(3) Voy. l'arrêt du conseil du 31 mars 18!!) , dans SIREY,
tom. 5, p. 104; - celui du 14 novembre lR21, dans MACAl\EL,
tom. 2, p. 503; - celui du 26 juin 1822, dans le même auteur, tom. 3, p. 609, etc., etc.
(4) Voy.l'arrêldu conseil du 30 mars 1821,dansl\'IAcAREL,
tom. 1 , p. 598.
�DU DOMAINE PUlILIC.
195
SECTION II.
Sur la manière de procéd6r en conseil de préfecture.
161. Les conseils de préfecture ne sont point
placés dans la hiérarchie des fonctionnaires purement administratifs, dont il est parlé dans la section qui précède. Ils sont placés à côté de cette
ligne, cOmme tribunaux de première instance,
pour juger les causes connexes à l'administration,
et qui leur ont été exaeplionnellement attribuées
par les lois, sauf le recours par appel au conseil
d'état, comité du contentieux.
162. Jusqu'à présent les lois n'ont établi aucune forme particulière de procéder pardevan t les
conseils de préfecture, et c'est là une lacune qu'on
devrait s'occuper à remplir.
Les formes sont essentiellement protectrices de
toute bonne justice, parce qu'elles tendent soit à
éclaircir la "érité des faits, soit à éclairer le juge sur
la véritable application de la loi. Sans leur secoùrs,
l'arbitraire s'introduira toujours plus ou moins
dans les décisions du juge quel qu'il soit. Le dangel' de cette invasion, qùe, dans tous les temps,
110S législateurs se sont soigneusement attachés à
prévenir devant les tribunaux ordinaires, (~st encore bien plus grand quand il s'agit de questions
portées aux conseils de préfecture, puisque tout
s'y traite par écrit, et que tout s'y juge à huis clos,
sur le rapport d'un des conseillers, rapport fait
sans que les parties aient l'assurance que l'analyse
�196
de toutes lenrs pièces y soit entrée, et salis qu'elles
aient pu présen ter aucune o'hservation snI' les erreurs de fait ou de droit qni auraient pu échapper
au rapportenr; en sorte qn'avec cette marche, l'on
il.'aperçoit que peu Je différence entre les décisions
contradictoires et les jugements poar dt~faut.
Faisons .:les vœux pour que nos législateurs s'occupent enfin à régulaOriser cc genre particulier de
procédure et à y apporter, autant que possible, la
sauve-garde de la publicité.
Mais en attendant, venons à une exposition
sommaire de ce qui se pratique actuellement.
Quand il s'agit d'introduire par requête une
instance en justice ordinaire, on la présente au
président du tribunal; qui, s'il y échet, eu. ordunne la communication au minisière public,
pour être ensuite soumise à la décision des juges
réunis. Ici, comme les préfets sont revêtus de la
double qualité de présidents dn conseil dans les
affaires contentieuses, et d'agents directs Jans ce
qui touche à l'administration active, c'est à eux
qu'on doit directement s'adresser pOlir toutes demandes ou réclamations; mais de leur côté °ils
doivent transmettre au conseil de préfecture les
affaires con teutieuses snI' lesquelles ces conseils
sont appelés à prononcer. C~ point de doctrine
pratique se trouve consigné dans une circulaire
ministérielle du 7 prairial an 13, adressée aU~
préfets, concernantIes poursuitesdesdélitsqui peuvent être commis à l'égard des chem~ns vicinaux.
�DU DOMAJ,NE PUBLIC.
"
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»
»
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»
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"
197
{( Deux genres de délit, Y est-il dit, peuvent
porter atteinte à la conservation des chemins
Vlcmaux.
» Les uns, tels q.ue les envahissements, les empiétements, les plantations d'arbres, etc.,
tendent à changer la largeur ou la direction
que l'administl'ution a fixé~s.
". Ces contraventions, conformément à la loi du
9 ventôse an 13, sont rép~imées par le conseil
de préfecture. Elles devront être constatées
journellement par des procès-verbaux que dresseront les officiers de ilolice mun.icipale. Le
maire fera dénoncer ce procès-verbal au propriétaire délinqnant; el si, dans la huitaine à
compter du jour de la dénonciation, le chemin
n'a pas été remis dans son éta,t primitif, le maire
devra VOIlS faire passer, par la. voie de la SOllSpréfecture, le procès-verbal du garde-champêtre, avec copie de racte de dénonciation faite
au délinquant, pour vous meUte à portée de
provoquer auprès dit conseil de préféeture
la décision convenable. Vous la rendrez exéeutoire, soit pour faire confectionnel' d'office
les ouvrages nécessaires, soit pour faire payer
les dépens qu'ils auront occasionnés, et ce conformément au mode prescrit poùr le reconvre.ment des contributions publiques (1). n
(1). Voy. aussi l'arrl!t du conseil du 23 mars 1814, dans
tom. 2, p. 524.
SUlEY,
1
�198
'L'lUITÉ
Déjà par une circulaire du ministre de l'intérieur
du 22 frimaire an Il, il était déclaré que j'instruction de ces sortes d'affaires appartient au pl'éfet
jusqu'aux poursuites dirigées contre les parties intéressées.
cc Mais, y est-il dit, si, lorsque l'affaire est por» tée au conseil de préfectllre pour y être statué,
» ce conseil ne trouve pas les pièce.'; on renseigne» meots ~uffisants, ~l peut en.tendre, comme il le
» juge convenable '. les parties in,téressées' en per~
» sonne ou par leurs fondés de pouvoirs, verbale» ment ou, par écrit. S'il pense qu'une visite dans
» les lieux soit nécessiilire, il peut l'ordonner,
» nommer un commissaire et des experts, et pro'» noncer définitivement sur les dOnImages, les
» frais, et généralement SUI' tout ce qui peut être
:» l'objet d'une condamnation.
» La signification .des décisions prises à ce sujet
" par le conseil de préfecture peut être faite par
» des huissiers, ma\s ils doivent faire ces significa» tions sans prendre l'attache du tribunal au nom
» duquel ils exercent (art. 4 de la loi du 29
» floréal an 1 0 ). Si les parties refusen t de s'y
» conformer, ce même art. 4 veut qu'elles y soient
" contraintes par la voie des garnisaires et sais~e de
" meubles (1). »
(2) Voy. dans le code de la grande et petite voirie par
p. 161.
1lIGEON,
FLlW-
�DU DOMAINE PUBLIC.
199
La saisie des meubles est, comme pour ,le recOllvrement des contribution~, un acte jndiciaire
qui doit être fait et mis à exécution. par nn huissier : en sorlp. que si le saisi se plaignait de quelque
ifl'égularité c-ommise dans la saisie, c'e&t en justice,
ordinaire qu'il devrait porter son opposition à la
vente.
n résulte de tout ce qu 'on vien t de dire, que,
dans les cas nombreux où les cooseils de préfecture doiven t, suivant la disposition des lois qui se.ront rapportées plus bas, prononcer des amendes
con tre divers délinquan ts qui" ne s'acquittan t pas
volontairement, mettent le receveur des amendes
dans le cas de recourir à une exécution forcée par
saisie de leurs biens, il n'y a pas lieu de s'adresser
'au président du tribunal civil pour en obtenir une
ordonnance d' exequatur ~ ainsi que le déclare
formellement l'art. 4 de ta loi du 29 floréal an 10,
mais que, tout d.evant se concentrer ici dans l'ordre
adluinistratif, il suffit d'une expédition en forme
du jugemel)l du consf:il de 'pr;éfectur~" afin de le
faire mettre à exécution..
Comme il est dans l'ordre naturel Je la justice
que perSOI)ne ue soi.t il'r.é,vocahlemeut c011l1an~né
sans avoir été entendu ni mis à portée de l'être, le
conseil d'état a admis en sa jurisprudence à t'égard.
des condamnations par défaut émanées des tribu..
naux administratifs, les règles et moyens d'opposition établis dans le code de procédure ci'vile à
�200
TRAITÉ
l'égard des jugements rendus par défaut par les
trihunaux ordinaires (1).
On doit dire la même chose de la tierce, opposition, ~ttendu qu'il y a identité de principe.
Le& amendes à prononcer par les conseils de p'ré~
fectUl;e sont souvent arbitraires quant au montant
de la somme, le texte des anciens réglements
l'aY:;ln,t ainsi permis, prinçipalement en matière de
gran,de voirie (2), eu égard à la variété indéfinie
qui pÇl1t se rencontrer dans les contraventions plus
ou moins grandes sur lesquelles ces tribunaux
d'exception sont appelés à s~atuet; ex aequo et
bono (a).
L'hypothèque judiciaire résulte anssi des décisions des conseils de, préfecture (3).
(1) Voy. à cet égard l'arrêt du cqnsei14u 24 décembre 1810,
447; - celui d\!, 24 mars 1818, dans
le même auteur, tom. 5, p. 87; -et celui du 16 janvier 1822,
.
dans MACAREL', to~. 3, p. 60.
(2) Voy. l'art. 42, iit. XXVII, de l'ordonnance de 1669.
(3) Voy. l'art. 4 de la loi du 29 floréal an 10, bull. tom: 6,
pag. 324, 3" série.
.
dan~ SIllEY, tom. 1, p.
(a) La loi du 23 mars 1842, qui permet de modérer Jc~
amendes fixes p~ononcées par l~s régiements a'nt~rie'urs à la loi
du 19·21 juillet 1791 , porte que " les :lmendes dont le taux,
.» d'après ces réglements, était lais~é à l':lrbitraire du juge,
" pourront varier entre un minimum d~ 16 fI'. et un max~
" mum de 300 fI'. »
�DU DOMAl:ml PUBLIC.
201
CHAPITRE XII.
Des conflits.
163. Il ya conflit lorsque la même action se
tro~v<:l en même temps portée pardevant deux tr~
hunaux: differents qui s'en saisissent l'un et l'autre
'POUI' y faire droit.
Il y a conflit encore lorsque la mème demande
a été successivement portée pardevant deux: autorités judiciaires qui, ~e la renvoyant mutuellement, ont l'une et l'autre refusé d'en connahre..
Dans le pre!-uier cas, quelle que sqit la nature de
la c.ause, l'un ou l'autre de ces 'deux pouvoirs doit
être déclaré incompétent pour en connaître, et
l'ordre public veut que l'un des deux en soit excl~si~ement dessaisi, attendu qU<:j les jugements
cOJ;llraires qui pourraient être par eux: prononcés
su~ le même procès rendt:aient l<l marçhe de la justice absolllmel?t incertaine.
Dans le second cas, où les deux autorités se son.t
déclar::é.es incompétentes, il n'est pas moins nécessaire a.tl cours de la justice de déterminer ceBe
qui devra connaître. de l'affaire.
Le conflit est donc une contestation tierce dans
laquelle les autorités elles-mêmes se trouvent enga,
d ' apres
'1 curs pretentIOns
, . ,a
gees,
en ce que c 'est
retenir la cause l'une et l'autre pour la juger, ou
�202
TRAITÉ
d'après leur refus simulLané d'en connaître, que
cette espèce de litige s'élève.
16"-. On distingue ed général deux sortes de
conflits entre les diverses autorités auxquelles la
même contestation peut être soumise: l'une est
le conflit de juridiction, et l'autre le conflit d'attribution.
On appelle conflit de jw:idiction celui qui s'élève entre plusieur& tribunaux, dont chacull veut
retenirla connaissance de la même affaire, soi~ au
civil, soit au criminel.
Dans ce cas, l'on doit se pourvoir en régl~ment
de juges suivant les formes prescrites par le titre 19'
livre 2, articles 363 et suivants, du Code de, procédure, s'il s'agit d'action civile; et par le titre !J,
livre 2, articles 5:2.5. et suivants, du Code d'instruction criminelle" lorsqu'il est question de poursuites en matière criminelle ou de police.
Ce qui a rapport à cette espèce de conflit et à la
manière de le faire lever par la demande en réglement de juges se trouve placé hors de ~olre ohjet,
comme n'étant relatif qu'à l'enseignement de la
procédure.
On appelle au contraire conflit d'attrioution
celui qui s'élève entre l'autorité administrative et
le pouvoir judiciaire; et comme leur compétence
respective se trouve souvent en collision en ce qui
touche aui. fonds qui composent le domaine public, tels que les routes et les rivières navigables,
dont nOllS avons à traiter, nous devons aussi préa.
�DU DOMAINE PUBLIC.
203
lablement dire quelque chose de cette espèce de
conflit.
165. Le conflit d'attribution entre l'autorité
administrative et le pouvoir jud~ciaire peut avoir
lieu de deux manières, ou négativement, ou positivement.
Le conflit est négatif 10rsq,ue chacune des deux
aULo~ités s'est déclarée incompétente pour connaît~e de la même affaire qui leur a été soumise
simultanément.
Il y a au contraire conflit positi.f lorsque les deux
autorités veulent l'une et l'autre connaître de la
mêm,e cOOlestation.
166. Tant qn'il n'y a pas, en fait, de conflit
élevé entre les deu~ autorités, on doit procéder à
l'égard de chacune d'eUes suivaI;lt' les voies 'ordi- .
naIres.
C'est-à-dire, d'une part '. que si un préfet a pris.
un arrêté qui paraisse injuste quant au fond" quoique compétemlOent rendu, et que la partie qui se
croit lésée veuille s,e pourvoir contre cette c\écision,
c'est au minisLr:e qu'elle doi.t d'abord adresser sa
réclamation, saufàarriverensuite au conseil d'état,
si le cas y échet;
Que s'il s'agit de faire réformer un arrêté de pré~
fet po~r caus~ d'incompétence, 00 peut aussi
adresser directement sa réclamatiou au conseil d'état, coniité du contentieux;
Que quand il est (Juestion de faire annuler nn,
arrêté du conseil de préfecture, soit pour cause d'in-
�204
TRAITÉ
compétence, soit pour mal-jugé, c'est toujours au
conseil, comité du contentieux, qu'on doit en
appeler;
.
C'est-à-dire encore, d'autre part, que si un
tribunal a incompétemment porté son ju~ement
sur une matière administrative, la partie qui se
croit lésée doit se povrvoir o~ par appd, s'il s'a~it
de la déeision d'on tribnnal de premiere instance;
ou parle rf'cours en cassation, s'il s'agit d'un arrêt
de cour royale.
\
Et c'est là le seul ni,oyen à employer contrt> ces
jugements lorsqu'ils ont été rendus sans qu'il y eût
de conflit préalablement existan t entre les deux autorités administrative ~t judiciaire, attendu qu'il
ne peut y avoir lieu de recourir à un réglement
deju~es que là où il y a collision de prétentions
entre plusieurs tribunaux (1).
161. Mais, dès qu'il y a conflit existant, il tlUt
nécessairement recourir à un régleme\1t de juridiction, et ce réglement ne peut émaner. d·ll pouvoir judiciaire, parce qu'autrement. i~ serait mis à
portée d'envahir. l'administration pllMique, en attirant à lui ce qui ne doit appartenir qu'à elle.
C'est donc au prince qu'il appartient de prononcer en conseil d'état sur le réglement des juridictions en cas de conflit d'attribution: ainsi le veulent
(1) Voy. ledêcretdu 6 novembre 11H3, bull. t. 19, p. 331,
4" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
205
nos principes constitutionne\s, et ainsi le décident
les lois les plus expresses (1).
Il n"ya sur ce point de l'exercice dë l'autorité
du prince aucune différence à faire entre le conflit négatif' et le conflit positif, puisqnedans l'b li et
l'antre cas il s'agit toujours de p'rononcer entre
l'autorité administrative et le pouvoir judiciaire.
168. Mais ces deux espèces de conflits diffèrent :
1° En ce que, dans le cas du conflit négatif, il
ne 'peut y avoir aucun délai fatal pou'r former le re'cours, pnisque la chose conten tieuse peut rester
indéfiniment dan:s le D'léme état d'indécision; tandis que dans le CilS de conflit positif, il est nécessaire de le former avant qne la contestation ne soit
souverainement jugée;
2° En ce qlle, dans le cas du conflit négatif,
l'administration qui s'est déclarée incompétente ne
revendiquant rien pom dIe, c'est à la partie intéressée à se pdlHvoil' pai'devant le ministre, pour
faire statuer sur la question de llompétence; tandis
qu'en fait de. conflit posilif, l'administration qui
revendique la contestation doit elle-même faite
prononeel' sur la question préalable du conflit.
169. En fait de conflit, l'on ne doit faire aucune distinction entre les matières contentieuses
(1) Voy. un décret du 7, sanctionné le 14 octobre 1790, et
l'art. 52 de la constitution de l'an 8, bull. 333, tom. 9, 2"
série.
�206
TRAITÉ
de l'administration et celles qui sont pUl'emérit
administratives, puisque la connaissance des unes
comme celle des autreS est également interdite
aux tribunaux.
1'10. Le conflit positif he peut exister de plein
droit, puisqu'il consiste dans une contestation
tierce élevée en tre l'autorité administrative et l'orthe
judiciaire, etqu'aucun procès ne peut prendre naissance sans être intenté et poursuivi par qudqu'un.
Or le pouvoir com pétent, pour élever cette espècede controverse, ne peut se trollverdans l'ordre
judiciaire: car interdire à l'administration de cono:
11aÎtre d'une chose pOUl' la revendiquer, et la ramener dans les attributions judiciaires, ce serait exercer un acte de supériorité que les tribunaux ne
peuvent avoir sur l'administration. L'action en
conflit ne peut donc naître de leur sein, ni émaner
. de leur ordre.
1'11. Cependant lorsqu'une contestation qui,
par sa nature, est administrative, .se trouve portée
pardevant un tribunal, le ministère public, comme
gardien né de l'ordre des juridictions, et sentinelle
avancée pour veiller à leur maintien, doit élever la
voix pmu requérir une déclaration d'incompétence
de la part du tribunal, et le renvoi de la cause pardevant qui de droit; mais en cela il n'exerce et ne
peut exercer que la simple voie de réquisition, et
nullement celle d'action, pour revendiquer la cause
au nom de l'administration, parce qu'il n'est revêtu d'au~un caractère administratif pour cela.
�DU DOMAINE PtrnLlC.
201
Le conflit ne peut pas même être élevé par les
'conseils de préfecture, parce que ces conseils ne
sont que les juges, et non les agents de l'administration.
Ce sont les préfets qui, comme exerçant l;administration active, doivent, chacun dans son département, élever les conflits d'attribution dès qu'ils
sont avertis soit par le ministère public placé près
des tribunaux, soit par tolite autre voie, qu'une
'contestation quelcotique, dont la décision doit
;appartenir à l'aulOrÏté admii1istrative ou au conseil
de préfecture; sè trouve portée en justice ordi.::
naire (1).
112. Le& ârrêtés que les préfets prennent à cè
suiet produisent d'abord un effet très-remarquable,
en ce qu'aussitôt qu'ils ont été légalement notifiés
aux tribunaux, l'action de la justice ordinaire se
trouve frappée d'un veto au préjudice duquel les
juges ne pOUl'raient, avant la décision du conseil
d'état, passer outre sans se l't'mIre coupables de
forfaiture, et passibles de la peiue portée par l'article J 28 du Code pénal.
Dans ce pl'emier état de choses, le préfet ne
pourrait point encore s'attribuer la décision de la
cause à raison de laquelle il a élevé le conflit, ni la
faire porter immédiatement en son conseil de pré.
feclure: son arrêté n'est que le premier acte intro(1) Voy. l'arrêté du 13 brumaire an 10, bull. t. 4, p. 238,
3e série.
�208
TRAITÉ
ùuctif de l'instance en conflit qui doit "ê'tre podée
au conseil du prince, comité du contentieox: (1),
pour y faire décider à laquelle des deux autorités
administrative ou judiciaire la contestation dé~ra
être définitivement renvoyée.
Il 'résulte de là quec'est au préfet; comme demandeur dans l'instance, à en poursuiv.. .e la décision au conseil d'état, comité du conten tieux;
par l'intermédiaire du ministre de l'intérieur, et
que les affaires de cette nature doivent être considéréespar l'administration comme exigeant une
grande célérité dans la décision, puisque ies conflits suspendant l'action de la justice, laissent les
parties intéressées dans un état de souffrance, et
dans une fâcheuse attente sm le sort de leurs intérêts.
173. C'est surtoutdahs ces circonstances que
les hommes de l'administration doivent se ressou- ,
venir que la justice est une delle du g~uvernement
envers les citoyens; et que celui qui paie sa dette
trop tard ne la paie pas tout entière (a).
Les mêmes motifs doivent faire comprendre aux
préfets que c'est pour eu:, un devoir de rigueur de
ne jamais élever de conflit trop légèrement, puisque cette procédure trouble toujours le repos de
(1) Voy. l'avis du conseil d'état approuvé le 22 janvier 1813,
bull. tolU. 18, pag. 130,4" série.
(a) lrfinùs solllit qui lardiùs soll1it. (Ulpien, L. 12, fT de
verhorum signijicat.).
�DU DOMAINE PUBLIC.
20~
leurs administrés; et tend particulièrement à leur
ruine. Sur quoi se présente encore une réflexion
que nous avolis déjà faite sur l'importance qu'il y
aurait à ce que les conseillers de préfectute fussent
licenciés en choit poU\' pouvoir éclairer les préfets
sur des questions de compétence qui; preeque tou'"
jours, exigent la connaissance plus ou moins approfondie des règles du droit commun.
174: Lorsque, par suite du conflit, la décision
émanée du conseil du souverain déclare que l'affaire qui en est l'objet n'avait été qu'abusivement
introduite en justice ordinaire, et qu'elle est entièrement du domaine de la juridiction administrative, au nom de laqueile eHe est revendiquc:e, la
conséquence immédiate qui résulte de cette décision, c'est que tout ce qui a été fait pardevant les
tribunaux doit être considéré comme incompétemment fait, et que si l'on voulait pousser cette conséquence à tuute rigueur, le conseil d'état devrait
déclarer comme non avenus même les jugements
prononcés en dernier ressort par les tribunaux ou
passés en force de chose jugée, afin de pouvoir,
sans obstacle, ressaisir de 1; affaire, l'autorité ou
la juridictidn admiriistrative, comme étant seule
compétente poilr eu connaître.
C'est aussi là le parti suivi pendant longtemps
par le conseil d'état, qui avait l'usage d'accueillir
même les conflits élevés après des jugements en
demier ressort, pour les annuler, en les déclarant
comme non avenus.
Tml. J.
�210
TRAITÉ
Mais, comme, d'une part, l'autorité de la chose
jugée mérite aussi tons nos respects, puisqu'elle
est le rempart de loult's nos lihehés, et comme.;
d ,antre cote,
n ,a pas su
. ' 1e consel"' (etat
l"
' se garantir d'une tendance visible à commettre des envahissements dans le domaine de la justice OJ'tiinaire 1
sa jlll'isprndence a excité des réclamntiôns qlii ont
L,it rendre sur la pratique des conflits, J'ordonnance réglementaire dn 1er jnin 1828 (1), dont il
nons l'este à rapporter ici les princip:Jles dispositions avec quelques annotations propres à en faci. liter l'intelligence •
.ARTICLE PREMIER.
175. cc A l'avenir, le conflit d'attribution entre
" les tribunaux et l'autorité administrative ne sera
» jamais élevé en matière criminelle. "
Cette disposition est fondée sur ce qu'on 'tie doit
voir, dans la pratique des conflits, qu'un moyen
de revendiql'lel' ail nom de l'administration les
causes dont les lois lui attribuent la connaissance,
à l'excJnsion des tribunaux; or cette attribution
exceptionnelle ne peut jamais exister en matière
criminelle, puisque l'administration nc peut jamais instruire ni juger les procès de cette nature;
en sorte qu'étant toujoUl's obligée de les I"envoyer
devant les tribunaux, il y aurait de la contradiction
de sa part à vouloil' les revendiquer pour ellelllême.
(1) Voy. au bull. tom. S, pag, 505, S· série.
�DU DOMAlNE PUBLIC.
211
Il faut bien cependant qu'il y ait eu des abus de
celte nature, puisque l'ordollnance pOi'te qu'à
l'avenir ils seront écartés.
ARTICLE 2.
176.
(.( Il ne pourra être élevé de conflit en
» matière de police correctionnelle que dans les
" deux cas suivants:
» 1 0 Lorsqbe la répression du d'élit est attribuée
" pal' nne disposition législative à l'autorité admi» nistrative;
» 2 0 Lorsque le jugement à rendre par le tribu» nal dépendra d'une quesûon préjudicielle dont
~) la connaissance appartiendrait à J'autorité admi» nistrative en vertu d'une disposition législa» tive.
» Dans ce dernier cas, le conflit ne pourra être
» élevé que sur la question préjudicielle• ." .
Pour bien entendre les deux dispositions de cet
article, nouS allons les reprendre l'une après
l'autre.
1 0 Lorsque la répression du délit est .attribuée par une disposition législative à l'auto.rité administrative. Ce texte peut recevoir son
application dans les cas multipliés où les lois attribuent au conseil de préfecture, c'est-à-dire 11 la
justice administrative, le droit de prononcer des
amendes contre ceux qui se sont rendus coupables
de dégradations commises an mépris des lois de la
grande voirie, sur les routes, ou dans les rivières
�212
TR.AITÉ
navigables ou les canaux de navigation intérieure.
Dans ces cas, si les délinquants se trouvent Ira·
duits au tribunal de police correctionnelle, le pré..
fet peut élever le conflit ponr revendiquer, au nom
de l'administration, le droit de statuer sur la
peine pécuniaire; mais si, par les circonstances
du fait, le délit méritait une peine d'emprisonnel.
ment, le tribunal de police correctionnelle; seul
compétent pour l'infliger, ne devl'ait être ni dessaisi
. ni arrêté quant à cette partie de l'action en pOUlo.
sui te.
177. 2° Lorsfjue le jugement à -rendre par
le trihunal dépendra d'une question préjudr.cielle dont la connaissance appartiendrait li
l'autorité administrative en vertu d'une disposition législative. Cett~ seconde partie se rapporte au cas où; ponr savoir s'il y a véritablement
délit, et légitimité de poursuite, il- faUt préalablement faire une vérification qui ne peut être légalement exécutée que par l'administratiooJ
Supposons, par exemple, qu'nn individu traduit
au tribunal de police correctionnelle à raison d'un
fait de contrebande sur la frontière, allègue ponr
défense que le lien où la saisie de ses marchandises
a été opérée ne fait point partie du te ....itoirè français; qu'il y ait effectivelllent du doute sur les
questions de savoir à quel territoire ce lieu appartient, et par cOnsécl'lent si la saisie a été légitimement faite: il yau a dans le ItJStème de cette
défense une vérification préalable de limites·,
�DU DOMAINE PUBLIC.
213
et celte vérification ne pourra être soumise qu'au
jugement de l'administration publique, au nom
de laquelle elle devra être revendiquée.
Dans' ce derniel cas, le,. con:flit ne pourra,
~tre élevé que sur la question préjudicielle:
c'est-a-dire que, dans l'hypothèse que nous venons
de poser et àutres semblables, le préfet ne pourrait élevel' le conflit que sur la vérifi~ation territoriale, qui est véri\ablement l'objet (l'une question
préjudicielle, soit parce qu'il faut qu'elle soit décidée la pl'emière, soit p~rce que de sa solution peut
nai.t,re aussi le jugement d'absolution du prévenu,
s'if est ~econt)u qu'il y a nullité dans la. saisie,
pour avoir été faite dans un lieu situé hors du territoire français.
M,ais, en attendant, le trihunal de police cort:ectionnelle restera toujours saisi de la demande en
confiscation des marchandises, puisque le préfet
n'aura pu élever le conflit que sur la question préjudicielle en vérification, de territoire. El alors, de
deux choses l'une: ou ilsera reconnu par l'administration que le lieu de la saisit' est hors de France,
auquel cas la main-levée des marchandises devra
être accordée par le tribunal, par la raison que la
saisie sera reconnue avoir été illégalement faite; ou
an contraire l'administration recounaitra que le
lieu de la saisie fait partie du sol français; et dans
ce second cas, le tribunal, toujours saisi du fond
de la cause, en décidera suivant les règles et les'
formes ordinaires.
�TRAITÉ
ARTICLE
3.
178.
cc Ne donneront pas lieu au oonflit,
Le défaut d'autorisation, soit de la part
» du gouvernement, lorsqu'il s'agit de poursuites
» dirigées contre ses agents" soit de la part du
" conseil de préfecture" lorsqu'il s'agira de con" testalÏons jUlliciaires dans lesquelles les comn munes ou les élablis&ements publics seront par" tics'
» 2° Le défaut d'acçomplissement des forma" lités à remplir devant l'administration préalahle,., men~ aux poursuit~s judiciaires. »
Reprenons également les diverses parties de cet
article pour les commenter successivement.
»
1°
,
Ne donnera pas Heu au coriflit le défaut
d'autorisation de la part du gouvernement,
lorsqu'il s'agit de. poursuites dirigées contre
ses agents.. Pour hien entendre ces termes de
l'ordonnance, il ne fa~lt pas perdre de vue que
l'usagé des conflits n'a étç ~ntroduit et ne doit
être admis qu'afin de mettre l'administration à
portée de revendiquer ponr elle.même, ou de
faire rentrer dans son domaine jlll'idic~ionnel, les
causes qui auraient été portées devant les tribunanx nonobstant qU't'iles fussent attribuées à sa
juriuiction par la disposition des lois.
Cela étant ainsi, il est évident que lè simple
défaut d'autorisation ne peut être seul une cause
raisonnable d'élever le conflit, puisque la règle
�DU DOMAINE PUBLIC.
2t5
qui exige l'autorisation de la part du gouvernement pour poursuivre son agent devant les tribuDaux démontre el1e-mê(lle que J'action à intenter
est placée dans le domaine de la justice ordinaire, en
•
, , et que
e e d'
o~t etfe
renvoyee
ce que c,est l'a 'lu 'Il
ce n'est que là qll~on pourra y faire droit après
l'autorisation donnée, et en fiq de canse.
179. NOliS dison$ après Pautorisation donnée: car il ne fant pas croire qu'il soit permis,
par celle ordonnance, de poursuivre et faire condamner impuném('nt en justice ordinaire les agents
de l'adUl~nistration publiqne sans l'autorisation
du gouvernement. Le prince n'a en effet ni pu,
ni voulu déroger aux lois qui les placent sous sa
protect{on pour les soustraire aux injustes ressentiments dont ils pourraient être l'objet.
Par ce nouveau réglement, le roi a seulement
voulu que le défaut d'autorisation, dans les cas
où elle est nécessaire pour diriger des poursuites
contre ses agents, De fût considéré que comme
un vice dans la procédnre, qlli, restant toujours
dans le domaine de la jusLÏce ordinaire, pourra
être déclarée D111le par les tribunaux, ainsi qu'on
déclare nuls les jugements rendus contre les communes qui n'auraient pas été autorisées à plaider.
Ce systpme, consacré en règle générale par notre
ordonnance, avait déjà été adopté par une décision du conseil d'état du 26 décembre 1~b7'
Il s'agissait de la cause du sieur Thirion, maire
de la commune de Saint-Sauveur, arrondissement
�216
TR.AlTÉ
de Sarrebourg, qni, sans autorisation pr~alable,
avait été mis en jugement poU\' détention illégale
par lui ordonnée envers un particulier, et qui
avait été condamné à la peine de la dégradation
civique par la Com' d'assises de la M~urthe.
" Sllr quoi le conflit ayant été élevé par le préfet,
est intervenu \'.arrèt suivant:
cc CHARLES, etc.:. Sur le rapport du comité con» tentienx,
.
" Considérant qu'en admettaut que, dans l"es··
» pèce, l"autorisation fût nécessaire, le défaut
» d'autorisation n'eût pas été un motif pour éle» ver le conflit, mais constituerait seuleulent un
:» moyen de nullité de natùre à être proposé de» vant la Conr de cassation.
" Art. 1 er , L'arrêté de conflit ci-dessus visé,
» pl'is le 23 août 1827 par le préfet du départe" ment de la Meurthe, est annulé (1). "
180. Celte marche, adoptée par le nouveau
réglement, est également conforme à la raison et
aux principes qui régissent la çompétenc.e et là
hiéruchie des tribunaux.
.
Si, en effet, un agent du gouvernemet;lt doit
jouir d'une sorte d'inviolabilité Qans l'exercice de
ses fonctions, très-certainement son pri~i}.ège ne
s'étend pas au-delà; et si, lorsqu'il est traduit en
justice ordinaire à raison des dommages qu'il a
causés à un particulier, il excipe de sa qualité de
fonctionnaire pour se mettre à couvert de l'action
(1) Voy, dans le recueil de
MAC.lREL,
tom. 9, pag. 621.
�DU DOMAINE PUBLIC.
217
inten~ée,
et que le réclamant démontre que le
fait llont il se plaint est étranger à l'exercice des
fonctions du défendeur, tres-certainement encore
'l'action de la justice ne devra pas être arrêtée sous
le prétexte d'un défant d'autorisation, qni alors n'est
Dulleme1,1t requise pour rendre régulière la procédure~
Èn supposant même qu'il s'agisse de tortsimpu, a\ l',agent
\ t l ans l' exerCIce
. d e ses {'lOnctlOns,
.
l'-mstes
truction judiciaire faite préalablement pour vérifier
les t'üts de dol, violence ou fraude, pal' lesquels
il peut avoir abusé <le se§ fon,ctions pour servir sa
,haine contre quelqu'un', sera encore éminemment ntile ponr éclàirer le gouvernement sur la
question de savoir si o'est 1p. cas ou non d'autoriser III poursuitfl jusqu'au jugement.
Enfin le nO,uvèau systême doit écarter l'arhitraire et les consé'1llence~ 'bizarres qui, suivant la
jurisprudence précédente, ré~ul.taient des conflits
formés ponr arrêter les poursuites dirigées, sans
autorisation préalable, çontre'les agents de l'ad.ministration.
Prenons entre autres, pour exemple de cet ar'hitraire, le conflit ql1i fut formé, en Itb.3 , ponr •
soustraire le sieur Mouchot, maire de la comroune du Grand-Cléry, aux poOt'suites dirigées
contre lui à raison d'un délit for stier par lui commis dans les hois de sa commune.
Voici comment la chose est rapportée dans le
recueil de Macarel, tom. V, pag. 710.
�218
TRAITÉ
Le sieur Monchot, y est-il dit, mmre de la
:» commune du Grand·Cléry (Meuse), était in» clIlpé d'avoir fait couper en délit un arbre dans
» le& bois de celte commune. Sa mise en jugement
» n'a pas été accordée par les motifs suivants:
» LOUIS, etc.... SUI' le rapport ùu comité du
» contentieux, considérant (JI/il ya cu irrégula» rité dans la condllite du maire; mais qu'il ne
» résnlle pas des circonstances de ramlire des
:» motifs suffisants four autoriser sa ~lise cu iuge» mf:.'nt,
» Art. 1 er , II n'y a pas lieu de çontioue~ les
» poursuites commencées çonlre le sieur Monchot,
:» maire de la commune du Grand-Cléry, départe» ment de la Meuse, à raison du fait qui lui est
» imputé. "
De combien d'observations critiques cet arrêt ne
serait-il pas susceptible?
0
1
En d~clarant qu'il ya eu irrégularité dans le
fait du maire, on a reconnu par là même qu'il y
avait un délit ~ attenùu qu'un délit forestier n'est
autre cho5e qu'nne coupe de QO~s irrégulièrement
faite; c'est-à-dire que, tout en reconnaissantl'existence du délit, on en accorde l'impunité; mais
cela ne pt!lIt être ni bien éd~fianl pour les admiuistrés, ni bien honorable pour le maire: car, comme
le dit la loi romaine, indulgentia principis quos
Liheral, notaI.
2° En abolissant les poursuites dirigées contre
le lllaire , avec défense de les continuer, le conseil
cc
�DU DOMAINE PUBLIC.
219
,l'état se trouve avoir aboli l'action et réellement
jugé le fond, puisqu'il n'a prononcé aucune réserve
à cet égard;, en sorte qu'à l'entendre ainsi, comme
cela parait naturel, la commune a dû se voir privée
de son aClion en dommages et in térèls, ou en restitution du prix de l'arbre coupé; et dès-lors comment ne pas voir là un pate~t excès de pouvoir?
3° Le maire est autorisé ~ retenir .pour rien le'
bois qu'il a maraudé d~l1s la forét de sa commune,
tandi~ qu'aux termell de l'atticle 1596 du Code
civil, il n'aurait pas m,ême pu s'en rendre adjudicataire à prix; d'argent. CO.lU~ent concilier tout
éela ?
4° En laissant l'action à la poursuite ordinaire'
de Ja justice, le trihunal \l'aurait pas manqné de
reconnaitre sa comp~tence di~ecle , en cOl1sidé~ant
qu'un délit commis dans une forêt par' le maire
•
,
d une commune n,c peut etre un acle appartenant
à l'exeteice des fonct~ons de la mairie; et bien
certainemel)t le uibunal snpé"iènr eût confirmé
cette décision: donc le conseil d'élat s'est réellement écarté des véritables règles sur ce point.
De tont ce qne nous venons de dire sur cette
première part~e de notre article, résultent plusieurs conséquences qu'iJ ne sera pas inutile de
signaler ici d'nne manière pIns explicite.
181. La pre.m.ière~ c'est qu'en abolissant la
pratiqne des conflits ponr le simple défaut d'autorisation dont il s'agit, l'ordonnance veut que la
cause reste entièrement dans le domaine des tr~./
�220
QllnallX, sans avoir égard ail défant d'autorisation
pçéalable, même quand elle est requise pour pro.,
cétJer jusqu'an lngement, mais aussi s;ms préjudici~r à la nnUi.té des. jngements rendus avant d'avoit: ob,tenu cett~ autor~sa.ti9n, quand elle est néceSSaIre.
182. La. secondff ~ que, quand un. agent du
gOllver,neOlcnt, cité devant un tribunal, excipe
de sa qualité pour se soustraire aux poursu\te~ dirigée$. contre !ni, le tribl1l1al, en Se livr.ant à l'exa-,
mcl';l de \a cause, a le droj,t de juger si l~ fait i,m,pu\é à l'agent inculpç cS,t réell,ement un act~ qui,
J'entre dans l'exercice de ses fonctions, et si, par
cette raison, il faul Ul1,e allt.or.isation préalable pour
rendre l{:gales les ppnrs,llites; e~ercées con.tre lui:
cas anqpel, il doit sur,!leoir de pronon~et: an fond,
jusqu'il ce que l'antorisatio~ jugée nécessai,e a,it
été obtenue on ordonnée; çu si au contraire Je
fait qni don:qe lieu à l'action est, étranger, à l'exercice des fon~tions du défendeur, ce· qn-i relJd alors
inutile l'autorisation; seconde hypothèse dans
laquelle l.etribuw~l dQit passer oU,~re à la d,iscLlssioll
et au jugen:lt;nt du prQpè&.
Nous dison~ que le tripunal a le droit d'agir
~ainsi : car, çlu moment que la canse reste entièrement dans S9n domaine, il faut bien qu'il soit
compétent pour prononcer sur toutes le~ exceptioDs qui s'y rapportent.
183. La troisième ~ qui n'est que le développement de la précédente, c'est que, quand une
�DU DOMAINE PUBLIC.
221
plainte est portée en justice coutre un agent de
l'administration, le tribunal peut d'abord ordonnt'r 'une infoi'mation sur les faits de la plai~1te,
pour s'assurer de leur réalité et de leur nature; el:
que ce n'est qu'au moment où il s'agit de mettre
l'inculpé eb jugem'ent, qu'il est n'écessaire de demander, s'il y échet, l'au\ol'isutiou du gouvernement, qui alors pourra être mieux éclairé par le
cbnteùu de l'information (t).
184. La quatrième, que si, pour exercet'
des poursuites contre lin agent de l'administration,
l~autorisation du gouvernement est jugée nécessaÏi'e, c'est au poursuivant à la requérir, parce
que tout demandeur reste natnrellement ehargé de
meltre sa procédure en état d'ètre jugée.
Ainsi c'est au ministère public à obtctiir l'autorisation dont il s'agit, lorsque les poursuites
s'exercent à sa requête, conime dans les affaires de
police corrèctiom1elle ott de justice criminelle; de
même que c'est au rédamant à la solliciter dans
les causes d'intérêt civil.
185. La cinquième enfin, que l'autorisation
dont il s'agit étant aujourd'hui placée, pat' l'ordonnance, eh dehors du contentieux de l'administration , c'est au conseil d'étal; comité de l'intérieur,
qu'on doit la demander, par l'entremise du mi(1) Voy. à cet égard une décision du conseil d'état du
9 juillet 1820, d:ms le recueil de SIREY, tom. 5, pag. 415 ~
nO 3822..
�TRAITÉ
ilistre de la justice ou de l'intérieur, suivant h
nature de l'llffaire.
'186. Il nous reste à indiquer de quelle rnaniète
les tribunaüx doivent, en cette matière, prononcer leurs jugemelltS , lorsque les poursuites p'ont
point été autorisées par le gOllvernement.
Ils peuvent se trouvet à cet égard dans trois hypothèses différen tes :
1 ° Si le tribunal estiIhe que les faits pour lesquels uu agent de l'administration est traduit
devant lui sont étrangers à l'exercice de ses fonctions, il doit déclarer cet agent non-recevàble à se
prévaloir de sa qualité, et passel' outre au jugement du fond.
2° Si les torts reprochés à J'agent de l'administration ont pour cause des faits qni se rattachent à
l'exercice de ses fonctions, ou des fautes commises
dalls èet exercice, le tribunal, tout en ordonnant
d'abord la vérification des fails, doit surseoir à
prononcer sur le fond jnsqu'à ce que le poursuivant
ait obtenu l'autorisation nécessaire, pour passer
ail jugement définitif.
3° Si l'objet de la plaittte ne porte que sur des
matières administratives dont le jngement ne peut
appartenir qu'à l'administration elle-même, le tribunal doit déclarer le poursuivant purement et
simplement non-recevable, attendu que son action ne saurait être judiciaire.
Mais revenons à la suite de notre article.
187. Ne donnera pas lieu au coriflit le défaut d~autorisatio!Z de la part du conseil de
�223
préfecture ~ lorsqu'il s'agira de con.testations
judiciaires dans lesquelles les communes ou
les établissements publics seront parties.
Il est évident que, dans ces tas, le conflit ne
pem avoir lieu, pnisque les questions à décider,
étant tolitt's judiciaires, ne peuvent être revendiquées par les tribunaux administratifs (a).
Ne donnera pas lieu au coriflit le défaut
d'accomplissement des .formalités à remplit·
devant l'administration, préalablement aux
poursuites judiciaires. Celle disposition s'appli'lue par exemple. à la présentation d'un mémoire exigé par l'article 15 du titre 3 de la loi du
5 novembre 1790, de la part dé celui qui veut
intenter nrie action contre l'état, et qni doit d'ahord en exposer les mol ifs, avec prod uction des
pièces jnstificatives, à l'administration départementale, aujourd'hui ail conseil de préfecture, à
peine de nullité de totlte procédure faite sans l'accomplissement de cette condition (h).
DU DOMAINE PUBLIC.
(a) Le demandeur doit être déclaré non-recevable; la nullité
résultant du défaut d'autorisation d'une commune pour plaider
peut être proposée pour la première fois devant la Cou~ de
cassation par la commune qui a succombé, mais non par l'adversaire ; tel est le dernier état de la jurisprudence constaté par
de nombreux arrêts.
(h) Cette dispositiou s'applique aussi au mémoire qu'aux
termes de l'art, 51 de la loi du IR juillet 1837, toute personne
qui veut intenter une action quelconque contre Ja commune, à
l'exception toutefois de l'action possessoire, est obligée de présenter au préfet.
�224
TRliTÉ
Il est visible que le défaut de cette présentattah
ne peut toujours produire qu'one ntillité cre prôcédure, et que ceHe nullité, quelque radicale qu'ellc
soit; he peut néann'loi1l8 transporter dans le d'omaiùe Juridictionnel, de l'administration une cause
essentiellement dévolue à la cOnnaissanee des tribunaux, ni conséquemnlcnt donnèr lieu il la formation d'un conflit.
ARTIC'LE
4.
188. cc Hors le cas prévu ci-après, pilr le der" nier paragraphe de l'article 8 de la présente 01'» donnance, il ne pourra jamais être élevé de con~, flits après des jugements r'endus en dernier resn sort, ou acquiescés, ni après des arrêts défini)' tifs (1).
» Néanmoins, le COliflit pourra être élevé en
)' cause d'appel s'il ne l'a pas éte en première ins» Limce, ou s'il l'a été inégnlièrement après les
» délais prescrits par l'article 8 de la présente or» dpnna ncc. »
Le principe posé par cet article, c'est que l'administration doit toujours respecte l' les jugemen ts
passés en force de chose jugée par l'acquiescement
des parties; et qu'il en est de même de ceux qui
ont été rendus en demiel' ressort pal'les tribunaux
de première instance, ainsi que des anêts de cours
(1) Cela est conforme à une ordonnance du 3 février 1813.
Voy. au bullet. t. 3, p. 133, 5" série..
�DU DOM:A.lNE PUBliC.
225
royales: en sorte que ni les U11S ni les autres ne
peuvent plus être attaqués par la voie du conflit.
. Cependant, comme, aux termes de l'article 464
du Code de procédure, les jugements qualifiés en
dernier ressort par les tribunaux de première instance peuvent encore être attaqués poür cause
d'inoompétence, par la voie de l'appel; si, en pareil cas et pour ce motif, la partie condamnée se
rend appelante, l'appel faisan,t renahre la litispendance, le conflit pourra être formé devant la Cour.
Cct article statl1,ant généralement à l'égard
de toutes espèces d'arrêts et sans distinction, il
faut dire qu'il s'applique également à ceux qui
n'aul'aient été rendus que sur la compétence,
comme il ceux qui auraient été rendus sur le fond
.des affaires: en conséquence de qlloi, toutes les
fois qu'il y a ell appel pour motif d;incompétel1ce,
et que la Cour royale a décidé que l'affaire devait
rester dans les attributions de la justice ordinaire,
la chose jugée en dernier ressort SUl' ce point met
obstacle à la formation du conflit ~ur le fond de la
cause, faute par le préfet de l'avoir élevé avant l'arrêt rendu sur le chef de la compétence;
ARTICLE
5.
189. cc A l'avenir; le conflit d'attribution ne
pourra être élevé que dans les formes et de la
» manière déterminées par les articles suivants. »
Cette disposition est très-remarquable en ce
ql1~ elle v~ut que désormais la pratique des conflits
TOM:. I.
15
»
�226
TRAITÉ
soit soumise à des formes et renfermée dans des
délais hors desquels elle ne pen t pl us avoir lieu:
en sorte que, soit sous le rapport de la forme, soit
sous celui du fond, (out arbitraire est écarté ..
ARTICLE
»
»
»
"
"
»
»
)'
."
"
)'
:»
"
6.
190. « Lorsqu'un préfet estimera que la' connaissanee d'une question portée ùevant un tribunal de première instance est attribuée par une
disposition législative à l'autorité administrative, il pourra, alors même que l'administration
lle serait pas en cause, demander le renvoi de
l'affaire devant l'autorité compétente. A cet
effet, Je préfet a-dressera au procureur du roi
un fuémoire dans lequel sera rapportée la disposition législative qui attribue à l'administration la connaissanc'e du litige.
» Le procureur du roi fera connahre, dans tous
les 'cas, an trihunal la demaude formée par le
préfet, ët r'c'quena 'le renvoi si la revendication
lui paraIt fondee. »
Est attrihuée par une disposition législative : on voit par ces expressions ,deu;c fois consignées dans cet article, que l'incompétence du trihunalne peut dépendre gue de la disposition d'une
loi, el non de celle d'aucune ordonnance ou d'aucun réglell'lent.
On voit encore, par Ja seconde partie, que la
con~cience du procureur du roi ne doit point être
enchaînée par la cl mande du préfet, puisqu'il
�Du
DOMAINE PUBUC.
221
n'est obligé de requérir le renvoi de la cause qu'au.
tant que la revendication lui paraît fondée; mais il
doit, dans tous les cas, porter celte deIhand~ à la
connaissance du trihunal, pour y reqpér,r, dans
un sens ou dans l'autre, juge1nept sl?r le déclinatoire.
ARTICLE
191.
7.
cc Après que le tribunal aura statué sur le
déc1inatoire, le procureur du roi adressera au
;»
préfet, dans les cinq jours qui suivl'Ont le juge:" ment, copie de ses conclusions ou réquisitions,
» et dn jugement rendu sur la compétence.
» La date de l'envoi sera consignée sur un re·
» gislre à ce destiné. »
On trouve dans ce texte, comme dans toute la
s.uile de l'ordonnance, un honorable et éclatant
tébloignage de la confian,Çe du prince envers l~s
lll.agistrats ordiuaires , puisqu'il les appelle en première ligne à prononcer sur leur propre compétence dans les affaires qui leur sont soumises.
Si le déclinatoire proposé de la parA. du préfet est
admis, ou, en d'autres termes, si le trihunal de
première instance se déclare incompétent, et qu'il
n'y ait pas d'appel, il n'y aura pas lieu à élever le
conflit, puisqu'il n'y aura aucun combat de prélen.
tions respectives entre les deux autorités adnJÏnis·
trative et judiciaire, sur lequel on puisse appeler le
ço,oseil d'état à prononcer.
»
�228
TRAITÉ
ARTICLE.
192.
8.
cc Si le déclinatoire est rejeté:, dans la.
quinzaine de cet envot , pour tou t délai, le pré» fet du départemebl, s'il estime qu'il y ait lieu :,
)~ pourra élever le conflit. Si le déclinatoire est
" admis, le préfet pourra également élever le con" flit dans la quinzàine qui suivra la signification
~~ de l'acte d'appel; si la partie interjette appel du
» jugement.
» Le conflit pourra être élevé dans ledit délai;
" alors même que le trihunal aurait, avant l'expi» ration de ce délai, passé outre au jugement du
" fond. j~
Reprenons, les unes après les 'autres, les diverses parties de cet article:
.
'Si le déclinatoire est rejeté, dans la quinzaine de cet envoi , pour tout délai, lé préftt
du département, s'z! estime qu'il:y ait lieu,
pourra élever le conflit. Ainsi, à supposer que
le préfet ait gardé le silence pendant plus de quin2Je
jours, à partir de celui où le procureUl' du roi lui
aura envoyé le jugement qui rejetle le déc1inatoire,
il ne pourra plus élever le confliq à moins que la
partie intéressée n'appelle du jugement, cas auqûel
la litispendance étant renouvelée, la dema~de eD
conflit qui n'avait pas été formée, ou qui l'avait
été irrégulièrement, pourra être reprise par le préfet; et c'est à quoi se rapportent ces expressions
finales de l'article 4 : Néanmoins, le coriflit
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
229
pourra Aire élevé en cause d'appel, s'il ne l'a
pas été en première instance, ou s'il l'a été
irrégulièrement. après les délais prescrits par
l'Ifll:ûcle 8 dl! la présente ordonna.nce.
193. Si le' déclinatoire est admis, le préfef pourra également élever. le conflit dans la
quinzaine qui suivra la signification de l'acte
d'appel, si fa partie interjetle appel du jugement. Lo,sque le d~clinatoire est admis, le trihunal s'étant déclaré incompétent et dessaisi de
l'affaire, il ne peut plus y avoir lieu à aucune
revendication à former contl'e lui, ni conséquemment ancun conflit à élever, tant que dure cet
état de choses: cependant, si la partie intéressée
se rend appelante du jugement, la lutte allant recommencer d~vanl ie tribunal supérieur, la cause
du con~it reprend naissance, et cet article veut
que le préfet puisse alors l'élever encore, mais
qu'il soit tenu d'y procéder, pour tont délai, dans
la quinzaine de la signification de l'acte d'appel.
194. Le conflit pOUl ra hre élevé dans ledit
délai, alors m§me que- Le trihunal aurait,
avant l'expiration de ce délai,passé outre au
jugement dufond. C'est là le seul cas où lp. conseil d'état puisse encore aujourd'hui annuler, par
la voie du conflit, un jugement en dp.rnier ressort,
ou un arrêt de Cour royale qni aurait été précipitamment rendu, dans la quinzaine de la signification de l'acte d'appel.
Nous ne nous occuperons pas de rapporter les
�230
TRAITÉ
autres dispositions de cette OTdonnance, attendu
que, quoique très-importantes en elles-mêmes,
elles n'ont rapport qu'à des règles sur la forme et
les délais dans lesquels on doit agir, sans donner
lieu à des explicaLions doctrinales tonchant aux
principes de la compétence, qui forment le sujet
que nous nous sommes proposé de traiter.
�DU DOMAINE PUBLIC.
231
CHAPITRE XIII.
Notions générales sur l'administration des ponts et chaussées.
195.
Comme nous allons nous occupe l' des
fonds qui composent le domaine public, tels que
les routes, les rivières et les canaux de Q~vi~ation,
qui tous sont SOllS la direction et la survrillance de
l'administration des ponts el chaussées, il ne peut
être inutile d'expliquer ici en peu de mots "qnelle
est la cQnstitution particulière de cette administration, .et d'indiquer en général. quelles sont ses
attribu tions.
NOliS avons beaucoup à \lOUS applaudir des PfQgrès que l'art du génie des pOI)t~ ft Chflll&sées a
faits de nos j.ours, et no.us ell trQJlyonS la pl'euve
dans llne foule de rectifications qqi ~'opèrent sur
le tracé des anciennes routes.
Autrefois les cond4j::t~urs pe çes trav:mx étaient
si peu p.éllétrés de l'jmpprt~pc~ qi/il y ~ eJe rendre
une route facile , qll'o~ Q.jrait que, dans le Irac~.
de I)QS grands ehemios , ils aieut cherch~ les diffi·
cultés plutôt que de {i'\ltt,acher ~ rart ~le Les vaincre,
et qu'ils n'aient pas corpp ois cette vérilé bier t'impIe, qu'il ne faut pas commencer par monter flUa1)d
on !.t à se rendre dans un lieu plus bas, ~i commencer par descendre, quand on dgit e.D défi!litive parvenir à un lieu plus é~evé.
�232
TRAITÉ
Mais anjourq'hui c'('s~ tout autre cho~e : les ingénieurs savent st' rendre compte de la position du
sol qu'ils ont à parconrir depuis le point de dépat't
pour arriver au but qu'ils doivent aueindre ; et, au
moyen des in(lexious commandées pnr le t.errain.,
ils savent diriger les r()utes à travers les montagnes,
eu leur dorrnallt une viabilité facile. On ne pent
trop dire combien la société doit ùe reconnaissance
aux hOUlmes habiles qui cou~acrent avec zèle leurs
travaux à de pareilles améliorations.
196. Les fonctions des ingénieur~ <les pon ts et
'chaussées reçoiven~ un grimd développement, soit
par rapport à la conception et à la levéedes plans nécessaires aux entreprises ainsi qu'à la direction des
grands travnux publics, soit par rapport aux détails
souvent minutieux qui leur s'ont confiés pour l'·entretien des établissements quand ils sont achevés.
On a donc dû organiser ce corps ~espectable de
manière qu'il eût partout les yeux ouverts SUI' le
matériel de la voirie.
Une loi 'du 19 janvier 1791 porte l
Art. 1 er • QIl'~1 y aura u~e administratio,n cen,traIe des ponts et chaussées;'
Art. 2. QÙ'il y aura nn premier ingénieut' étaMi
gardien des plans, projets et modèles, et huit inspecteurs généraux, avec le nombre de cOl1lmis nécessaIres;
Art. 4. Que l'assemblée des ponts et chaussées
sera chargée de l'examen de tOIlS les projets généraux de routes dans les différents départemen ts,
�DU DOMAINE PUBLIC.
233
ainsi que de ceux des ouvrages d'art en dépeurlants,
de ceux des canaux de navigation, construCL1Ou,
entretien et réparation des ports de commerce,
etc., etc.
Par une autre loi du 18 :loût de la même année
17?1, l'administration générale des ponts et chanssées fllt placée dans la main et sons la respoL1s'lhi-.
lité du ministre de l'intérieur, qui en Jevait présiJer les assemblées; et, aux terJpes de l'article 4
de cette loi, il doit y avoi.. un ingénieur en chef
dans chaque département, ~t autant d'ingénieurs,
ordinaires que l'administration locale en demandera pour satisfaire à ses besoin.s.
Par nn arrêté du b nivôse an 8, le conseil d'état fut divisé en cinq sections, dont la l,roisièm.e
eut dans ses attributions particulières ce qui concerne les. ponts et chaussées, canaux de navigation et cadastre (1).
197,. Q,llanl aux attributions .de détail dont
celte altministration est eh;lrgée, OIlUe ce qui est
indiqué en Ulasse dans l~article 4 de la loi du ]9
janvier 1791, qu'on vient de rapporter, il faut
consulter le décret du 16 décembre 1.811 (2), contenant un ample réglement sur la construction, la
réparation et l'entretien des roult's, et des dispositions très-uombreuses sur les devoirs iwposés aux
ingénieurs des ponts et chaussées.
(1) Voy. au bull. 340, t. 9, 'le série.
(2) Voy. au bull. t. 16, p. 66, 4· série.
�234
TRAITÉ
On y verra qu'aucune route nouvelle ne peut
être établie, comme aucune ancienne ne peut être
rectifiée sans qn'on ait ail préalnble demandé leurs
observations aux. ingénieurs en chef des départements dl! la situation. C'est à eux à en opérer le
tl'acé et à en lever les plàns, comme c'est encore
par lenrs soins et par cenx de leurs sllborflol1:Oés
que les travaux entrepris doivent être dirigés et
surveil1é~ dans leur exécution.
Il~ sont en outre spéci~lementchargés de diriger,
soit pa~ eux-mêmes, soit par des conducteurs à
leurs ordres, l'exécution de l'emploi des matériaux
et autres travaux de l'eqtretien des routes, et ils
doivent s'assnrer continuellement que les cantonniers relnrlis~enL leur devoir à cet égard.
Ils remplissent les functions d'agents de police
judiciaire pour constater et faire réprimer \es embarras que l'un aurait causés sur les rontes, les
canaux de navigation, les rivières navigaWes ct les
chemins de halage, au préjudice de la sûreté du
passage et des aisances de la viabilité.
A l'égard des canaux de navigation intérieure, ce
sont également les ingénieurs des ponts et .chaussées qui doivent en lever les plans destinés à être
prése~tés, à l'administration, et fournir tontes les
,ns~ruct~ous nécessaires pour éclairer le gouverne~ent sur ces sortes d'entreprises, et sur la possibilité et les moyens de les conduire à bonne fin.
Ce sont eux qui doivent régler le tracé des ~ra-
�235
DU DOM.AlNE PUBLIC.
vaux, et présiJer à la confection des écluses et
autres OUVI"ages d'art qui sont à faire.
lJ en est de même encore des constructions et
ouvrages d'urt dont l'établissement peut être nécessaire dans les rivières navigables; comme aussi
des nivellements à prendre quand il s'agit de
permettre la construction de quelques usines,
même sur de petits cours d'eau, pour parvenir à
en fixel' I~ déversoir à une hauteur telle q ue le barrage ne doi~e pas ()ccasionner des inondations dans
la contrée.
Ce sont eux qui sont chargés. de surveiller et diriger l'exploitation des mines, le deisèchement
des marais, etc., etc. Ca).
198. Mais, depuis les lois et réglements dont
on vient de parler, des modifications survenues.
dans le ministère 'en ont amené quelques-unes
aussi dans l'organisation de l'administration des
ponts et chaussées, et le dernier état des choses sur
ce point a été fixé par une ordonnance du 8 juin
Ü~32(1).
Aux termes des articles
'
l,
5 et 9 de cette ordon-
(1) Voy. au bull. 166, p.795, section 1 re des ordonnances,
9" série.
(a) L'établissement des grandes lignes de chemins de fer que
le gouvernement propose et pour la .prompte réalisation duquel
on ne saurait faire assez de vœux et assez de sacrifices, va donner
une immense importance il l'administration des ponts et chausSéfS, seule capable de diriger convenablement et avec ensemble
cette utile et gigantesque entreprise.
�236
TRAITÉ
l1anee, l'administration des ponts et chaussées et
celle des mines sont aujourd'hui placées dans les
attributions du ministre ltu commerce et des travaux publics, qui en préside les conseils généraux.
Suivant le prescrit de ParlÎcle 6, le conseil général des ponts et chaussées doit êtr.e consulté, et
donner ses avis,
cc Sur t01:1S les projets généraux de routes, de
» navigations naturelles 0\,1 artificielles, de çbe» lllins de fer, de j:?;rands ponts sllr les fleuves et.
» rivières, d'étaLlissements nouveaux clans le&
'?' ports maritimes, d.'endiguemcnt des t:Ïvières,
)? de dessèchement de marais, de canaux d'irr~
» gation;
:p Sl1I' les propositions de classement des routes.
j'> royales ou départementales. »
Aux termes de l'article 7, le conseil général est.
divisé en deux sections, pour l'examen des affaire&
sommaires ei courantes qui n'exig~nt pas la réu-\
nion du conseil entier.
cc L'une de ces sections s'occup~ra des affaires
») relatives aux routes, ponts, chemins de fer,
» plans. de traverse, questions d'alignement et de
» voirie, et antres ohjets qni dépendent de cette
» partie du· service.
» L'autre s'occupe~a des affaires relatives à. la
» navigation naturelle et artificielle, aux trava,ux
» des ports, quais, hacs, aux dessèchements des
» marais, à l'étahlissement des usines, au réi)le» ment et au curage des cours d'eau, ct autres
�DU DOMAINE PUBLIC.
237
» objets qui dépendent de celte partie du ser" vice, etc~ ')
199. Ce qu'il ya à remarquer ici sur cette ad"
.
.
d' aucune
mlOlstratlOn,
c , st qu 'e IeIIl'est ievetue
autorité juridictionnelle. Chargée de donner des
avis chaque jour et sur tons ies points de la France,
elle ne décide rien : elle fournit seulement au
gouvernement les instructions nécessaires po~r
décider; son travail n'est quepréparaloire et n'a
trait qu'à l'instru"Clion de l'a~aire, sans statuer sur
la cause: en sorte qu~on doit dire que les ingénieurs
des ponts et, 'chaussées de tout grade ne sont que
les conseils, et, si o~ pent s'exprimer ains.i, les
éclaireurs de l'administration active; là se borne
leur office.
�238
TRAITÉ
CHAPITRE' X ~.
Notions généralés sur la division du domaine public.
200. Le domaihe public embrasse générale'ment tons les fonds qui, sans appartenir propriétairement à person~e, ont été civilement consacrés
au service de la société.
Sous ce point de vue générai, il n'y a, quant au
droit, aucune distinction à faire entre les diverses
espèces de fonds qui ont reçu cette destination
commune à tons.
"
Mais lorsquiil est question de savoir sur qui doit
peser la charge soit des acquisitiobs de forids qu'on
veut faire entrer dans le domainè public, soit des
frais et dépenses d'entretien des établissements qui
y sont construits ou qu'on veut y créer, on arri"e
naturellement à les c1flsst'r en deux. catégories, suivant que ces acquisitions de fonds ou ces établis.
sements sont à la charge de l'état, comme quand
il s'agit des grandes routes; ou 'lu'ils sont seulement à la char~e des communes de leur situation,
comme quancl il s'agitdes chemins vicinaux.
Ces notions nous conduisent à traiter distinctemen t et séparément,
. Du domaine public national ~ qui s'nppliqne
aux fonds et étahlissements qui sont immédiatemen t à la charge de l'éta t ;
�DU DOMAINE PUBLIC.
239'
Et ensuite du domaine puhlic municipal, qui
embrasse les divers fonds et établissements qui
sont immédiatement à la charpe des communes de
leur situation.
Nous remarq\lons aU surplus que le genre est le
même pour les deux classes, et que, suivant notre
pensée, on ne doit, par les expressions de domaine
public municipal, èntendrc autre chose qu'une
fraction locale du domaine public national;
qu'en conséqnence tes principes généraux du droit
s'appliquent également aux deux espèces. Mais
comme il ya des choses de rapports extérieurs qui
sont différen tes, et spécialemen t il expliquer sur
chacune des deux classes, nous avons cru qne cela
était suffisant pour justifier notre distinction, à
l'aide de laquelle nos discussions seront .plus claires
et plus méthodiques.
Enfin nous ferons encore remarquer que, quoique dans le chapitl'c qui "Va suivre nous ayons pré"
d e tons 1es r:Ion cl s qUI• comsente, 1" enumeratIOll
posent le domaine public national, c'est-à·dire
aussi bien les j'ivières et canaux de navigation in,
térieure que les routes et les gran'ds chemins, néanmoins ce n'est qu'après avoir traité du domaine
public municipal, qui est tout terrestre, comme
celui qui porte sur les routes et 'grands chemins,
que nous en reviendrons aux canaux et rivières
llavigables, quand nous traiterons plus bas du régime général des eaux.
�240
TRAITÉ
CHAPITRE XV.
'D~ domaine puhlic national, et des différents fonds qui le
composent.
201. Lè bût que nous nouS proposons dans cc
chapitre n'est encore qùe de définir exactement ce
qu'on doit entendre par domaine puhlic~ et d'ind'iquer les diverses classes de fonds que comprend
ce domaine, sauf à traiter ensuite et successivement de 'chacune de ces classes, dans autànt de
chapitres qui leur seront spécialement destinés.
. Pour bien· saisir le point doctrinal de la matière,
il faut se rappeler que, cornmc !l0us l'avons déjà
fait voir au commencement du chapitre V, le mot
domaine dérive ,des expressions iatines dominus~
le maître, ou dominium, la maîtrise; à dominando ~ cam Ille ~ffet de la domination; que, pris
dans ce sens qui lui est propre, il emporte l'idée
de la puissance que l'hom[l~e exerce sur les choses.
. Si de celte notion générale, qui s'applique à tous
les gepres de domaines et à chacun d'eux suivant
son espèce, nous passons à la spécialité dont il s'a·
git ici, nouS voyons d'ahord, en ce qui t~uche au
domaine public ~ que l'association de ces deux
expressions se rapporte soit à la puissance pnblique,
qui gouverne les objets de ce domaine, soit aux
choses publiques, qui son t soumises à la régie lie
�DU DOMAINE PUBLIC.
241
cette puissance, c'est-à-dire aux choses qui sont,
par les lois, destinées et asservies à l'usage de tous,
et dont la propriété n'appartient exclusivement à
personne, telles que les chemins publics, les routes,
les rivières navigables, etc., etc.
C'est par la destination de, ces diverses espèces de
fonds que leur domaine est qualifié de domaine
puhlic, soit parce qu'ils sobt asservis à l'usage du
public, soit parce que c'est à la puissance publique
à protéger la jouissance que la société entière a le
droit d'exercer sur eux.
202. Le domail1e ptlblic, matériellement con·
sidéré, s'entend donc des choses qui appal'liennent
à l'être moral et collectif ciue DOUS appelons le puhlic, comme le domaine privé s'entend des choses
(iui appa'rtiennent aux Jifférents parLÎculiers; mais,
I)our bien saisir la différence essentielle qui existe
eritre ces deux espèces, il faut pousser la comparaison plus loin.
Le domaine qui appartient aux particuliers est
Hn domaine de propriété, ou, en d'autres termes,
c'est le domaine dc:>s choses qui appartiennent à
leurs rnaîtres privativenlf'nt à totls autres, attendu
que la propriété consiste dans ce qui nous est propre,
à l'exclusion de tons autres; et cela s'applique également aux choses apparleriant aux communes ou
à l'état, qui, comme êtres moraux et collectifs,
possèdent aussi leurs biens.à l'exclusion de tO I !::atltl'Cs.
Mais ce caractère exclusif, suivant lequel nul
TOM. T.
lO
�242
TRAlTÉ
autre que le maître de la chose n'a le droit de participer à la jouissance de sa propriété, ne peut
convenir aux biens qni composent le domaine public, puisque chacun a également et au même
titre le droit d'en jouir suivanlleur destination, et
que ce droit appartient même aux étrangers qui se
':1'
trouvent a, portee
( en user.
Le domaine public n'est donc potir personne;
ni même pour l'état, un domaine de propriété,
puisque nul n'cn est exclu. ..,..
Il résulte de là qne l'espèce de possessoire que
le gouvernement exerce sur les fonds de ce do. n '1"
.)
l" mleret
,
d u pumame
a leu qn au nom et uans
blic; qne c'estl'ètre moral que nous appelons le
puhlic qui est le vrai possesseur du fonds, et qui
doit avoir, ail besoin, les avantages dc la prescription acqnisili\'e dn terrain; qu'en ce qui touche aux
intérêts dl~ l'état, le gouvernement n'exerce qu'un
possessoire de protection, pour assurer à tous la
jouissance du fonds, et non un possessoire de proprié té , pour g' attribuel' f'xcl usivcment les prérogatives ou les avantages attachés aU titre de propriétaire exclusifd u sol.
203. Ainsi le domaine public national, activement considéré, consiste dans le pouvoir même
que le gouvernement exerce, par sa haute administration, sur les objets nécessaires aux besoins
etau service publics; et en le considérant passivemC'lt, ou par rapport aux choses auxquelles il s'ap-'
plique, il consiste dans la généralité des fonds qui
A
�DU DOMAINE PUBLIC.
243
sont asservis à l'usage ou à la protection de tous,
sans être la propriété de persopne.
Malgré l'analogie qui paraît exister entre le domaine de souveraineté et le domaine pllblic, ils
n'en sont pas moins très-différents l'un de l'autre.
Le domaine de &ouveraineté porte sur la généralité des pet'sonnes et des choses; tandis que le
domaine public ne s'applique qu'à une classe de
biens spécialemen t détermiués.
Dans le domaine rie souveraineté, la puissance
est législative; dans le domaine public, le pouvoir est administratif: l'un n'agit qu'e~l décrétant; l'antre régit, administre, conserve et protège.
204. Le domaine public diffère essentiellement
anssi du domaine de propnété, puisqu'il ne s'applique flll'à des qhoses qui n'appartiennent propriéiairement à personne; tandis flu'au contraire
le domaine d~ propriété n'a pour objet qne les
choses propres à un mattre qui en jouit à l'exclusion de tons antres.
.
Le domaine de propriété est un domaine de
profits immédiatement revenant à son maîtr~; tandis
que le domaine public n'est, ponr ~e gouvernement, qu'un domaine de protection, destiné à en
garantir la jouissance à tous les individus qui
peuvent en avoir besoin.
Les actes que le mahre fait sur soo héritage
sont, quant à leur but, totalement différents de
ceux qn'exerce le gouvernement sor les fonds du.
�2U
T1I.AITE
domaine public. Le propriétaire ne cultive, n'entretient, ne répare ou n'améliore son héritage que
pour en jouir et en profiter individuellement et à
l'exclusion de tout autre; taullis que le gouvernement établit, entretient et répare, dans l'intérêt
de tous, les choses du domaine public.
Ce n'est donc que pal' une méprise grossière que
certains écrivai.ns, estimables d'ailleurs, ont "pu
confondre le domaine de l'état avec ce qui constitue le domaine public.
Et, en effet, le domaine de l'état ne s'applique
qu'aux choses qui sont cOlllmunément producti.ves
d'un revenu, comme sont les forêts nationales et
autres biens dont le gouvernement perçoit les produits dans l'intérêt de la couronne ou du trésor, et
dont il jouit propriétairement comme un simple
parLÎculier jouit de ce qui lui appartient, à l'exclusion de tous autres; tandis qu'il n'exerce sur le
domaine public qu'un pouvoir d'administration
dans l'intérêt de tous les membres de la société,
même indi viduellemen t pris.
Le domaine de l'élat est donc l11i vérilable domaine de propriété qui appartient ati corps politique considéré ut uniY'ersitas, et dont ce corps
seul doit recncilHr lous les émoluments, sans que
les fonds qui le composent doive11t "être soumis à
l'usage ùe tous les particuliers, cornille quand il
s'agit des fonds appal'lenanl a"u domaine public.
Cependant les immeubles qui appartiennent au
domaine public peuvent aussi produire quelques
�DU DOMAINE PUBLIC.
245
:Avantages ou être la cause de quelques perceptions
utiles pour le trésor, comme sont les péages qui se
paient sur les pon ts et sur les canaux de na vigation,
soit pour être employés à leur entretien, soit pour
servir d'indemnité à ceux qui auraient entrepris ces
établisscmen ts à leurs frais; maisiII ne résulte pas
de là que les immeubles ou les fonds à raison desquels cette perception de revenus est occasionellement faite, doivent être classés au rang des fonds
productifs ct patrimoniaux de l'état, parce que
lem destination principale n'en est pas moins nniquement le service public; et que les perceptions
de cette nature sont des impÔts indirects perçus
sur les navigateurs ou les passants, et non pas U11
vrai produit du fonds."-+Et encore, lors même fiu'il s'agirait de quelques
produits du sol, ils ne seraient toujours perçus
par l'état qne comme mandataire du public, et
pour satisfaire aux impenses d'ent;etien des services auxquels le fonds est consacré; mais ils ne
pourraient jamais être considérés comme des produits d'épargne appartenant à l'état en qualité de
p1'Opriétaire.
.
On doit, par les mêmes raisons, dire qne le domaine communal ou le domaine des communes est
un vrai domaine de propriété, qui n'a rien de commnn avec le domaine public : Bona eivitatis
a6usivè puhlica dicta sunt (1), puisque chaque
(1) L. 15, ff de verborum signiftcat.
�TRAITÉ
corporation communale, Jont il est le patrimoine,
a Je droit d'en jouir et d'en user à l'exclusion de
tous le~ forains.
205. Les choses qni font partie du domaine
public étant, par Jeur destination, placées hors du
COOlmerce, sont par là même imprescriptibles
(2226) : Praescriptio longue possessionis ad
obtinenda loca juris gentium publica~ concedi
non solet (1); et, sous ce point de vue, elles sont
encore d'une nalme civile essentiellement différente de celle des fonds patrimoniaux de l'état ou
des commùnes, à l'égard desquels on applique les
principps de la prescription comme pour les biens
des particuliers (2227)'
206. La seule étymo}o~ie des mots nons démontre assez que le domaine public doit s'appliquer à des choses dont la jouis,sance appartient au
public, on à la généralité des hahitants.
Avant d'indiquer les diverses espèces de fonds
dont se compose ee domnine, n01ls devons signaler une errenr grave q1li s'~st glissée dans la rédac-,
tian d'un 3rlide du Code civil réimprimé en vertu
de l'ordonnance llu 30 août 1816, portant qu'à
dater de cette épuque il ne serait plus permis de
citer on 'employer d'autre texte du Code que celui
transcrit à la sl1i\e.
Cet arlicle est le 53 9 l', conçu dans les termes sui.
vants :
(1) L. 45, ff de usurpat. et usucap., lib. 41 , tit. III.
�247
DU DOMAINE PUBUC.
Tous les biens vacants et san,s mahre, et ceux
') des personnes qui décèdent sans héritiers, on
n dont les snccessions sont abandonnées, appar~
cc
»
tiennent au domaine public.
»
.
Evidemment celle rédaction est erronée: car,
dans la peri~ée du législateur, les Liens de ce genre
ne sont réellement attribués et ne peuvent appa~
tenir qu'au dumaine de l'état, puisrpl'ils sont sonmis aux diverses règles de l.a propriété, et qu'ils
n'ont, (luant à leur rég\me, rien de CODJmun avec
les routes et rivières navigables, et autres fonds
qui sont signalés dans l'article précé(lent comme
appartenant au domaine public, par suite de leur
affec ation à l'uli3ge commun de tous.
Mais ~l y a pl us, c'est que cette rédaction eSt le
résultat d'lIn faux matériel qui s'est glissé aal.1s la
réimpression du texte de la loi.
En effet, dans l'édition originale du Code civil,
promulguée pour celte partie le 14 pluviôse an 12,
ce même article porte: Cl Tous les biens vacants et
» sans maitres, et ceux des personnes qui décèdent
» sans héritiers, ou do~t les successions sont aban~
» données, appartiènnent à la nation (a) .. n
c'est-à-dire qu'ils sont propriétairement confisqués
ou dévolus au profit de la nation ou de l'état, pour
(a) Voy. au bull. tom. 9, pag. 286, 3 e série. En admettant
qu'il mt nécessaire de changer le mot nation, il fallait y substituer celui d'état, ayant, ptmr l'objet en question, le même
sens.
�248
TRAITÉ
en jouir, comme des antres domaines nationaux,
conformément aux règles de la pl'Opriélé, qui est
soumise à l'empire de la pressription : ce qui est
totalement étranger à la catégorie des choses qui
sont imprescriptibles comme appartenant an domaine public.
207. Pour connahre l'étendue du domaine
public, en le considérant par rapport aux objets
auxquels il s'appli,que, il faut reçonrir aux divers
textes des lois Jans lesquels ces objets sont signalés.
Aux termes de l'article 2, SI, de la loi du 4 décembre 1790' sul' l~ l.égislation domaniale, cc les
» chemins publics, les rues et places des villes,
;);) les fleuves et rivières navigables, les rivages, les
;»
lais et relais de la mer, ~es pOl:lS, les havres, les
;»
rades, etc., etc. ~ et en général toutes lès por» tions du territoi,'e national qui ne sont pas sus);) ceptibles d,'une prop"iété privée, sont considé;»
rés comme une dépendance du ~olllaine pu;»
blic. ;);)
A quoi l'on doit ajouter les canaux de navigation intérieure qui o.nt été établis par le gouvernement, et qui, quoique faits à mains d'homme,
n'cn font que plus &ûrement par;tie du domain.c public, puisqu'ils Ont expressément reçu celle destination, et qu'ils ne sont exécutés que par l'expropriation des fonds qu'ils occupent, laquelle expro.~
priation n'est opérée que pour les faire sortir <.1\1
domaine privé.
�DU DOMAINE PUBLIC.
249
Suivant l'article 103 de la loi du 3 frimaire an 7,
portée pour régler l'assiette des impôts, cc les che" mins, pnblics, vicinanx et les rivières ne sont
" point cotisables : » ce qui signifie qu'ils sont en
dehors des règles de la propriété foncière, et que
par conséquent ils appartiennent au domaine public.
.
On doit aussi coroprendredan& le domaine public
les églises où les fidèles s'asse~blent pour l'exercice
de leur religion; .soit parce que ces édifices sont
ci vilement tll religieusement consacrés au service
Jlublic et divin, soit parc.e qu'ils ne sont pas non
plus compris dans les ~ôles de la contribution f011,cière qui frappe sur la propriété.
L'article 538 du Code civil porte que cc les chc,> Illius, routes. et rues à la cha"~e de l'état, les
,> fleu ves et rivièrt's navigables Ol~ flottables, les
,> rivages, lais. ~t relais de la mer, les ports, les
~, havres, les rades, et généralement toutes les
» portionsd Il territoire national qui ne son t pas sus". ceptibles d'une propriété privée, sont considérés
» comme nne dépendance du domaine public. ')
Enfin, J'article 540 ajoute encore: cc Les portes,
') murs, fossés et remparts des places de guerre et
,> des forteresses font aussi partie du domaine pu') blic. »
Le domaine public proprement dit se compose
donc généralement de toutes les parties du tenitoire qui ne sont pas susceptibles d'être asservies
OlUX règles de la propriété privée, et notamment
�250
TRAlTÉ
des routes el chemins vicinaux ou autres, des flenves
el rivières navigables, des canaux de navigation intérieure; des rivières qui ne sont que flotl~bles, des
rivages et ports de mer, ainsi que des terrains milit"ires. Chacune de ces. espèces sera le sujet d'un
des chapitres ci-après.
Nous verrons aussi plus bas que, quoique les
rivières q,ui ne sonl ni navigables ni flottables avec
trains et radeaux, appartiennent au domaine privé
qu an t aux usages utiles dont les riverains peuvent
profiter, néanmoins elles font aussi partie du domaine public quant au corps du fleuve et au tréfonds du lit.
l'
�DU DOMAINE PUllLIC.
251
CHAPITRE XVI.
De l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité du domaine public.
208. L'aliénation ordinaire a lieu par la volonté expresse de celui qui cède sa chose à un
autre: tandis que, dans le cas de la prescription,
l'aliénation n'est consommée que par le consentement tacite de celui qui souffre sans réclamation
que sa chose soit possédée, en esprit de ma1tre,
par un autre. Quand cet état de patience d'un
côté, et de paisible jouissance de l'autre, a duré
jusqu'au terme fixé par la loi, si le premier maître
de la chose veut ]a réclame)', on lui oppose que,
suivant la maxime alienare videtur qui patitur
llsltcapi, il est non-recevable à venir tardivement
répéter ce que la loi, par des motifs de tranquillité
publique, veut impérieusement qu'il soit présumé
avoir abandonné ou reconnu appartenir à l'antre.
L'aliénation ordinaire et la prescription, quoique
très-différentes dans la manière dont elless'opèrent,
sont néanmoins de même nature quant au fond,
puisque, dans l'un et l'autre cas, la chose aliénée
ou prescrite change également de maître en pas.
sant des mains de l'un dans celles de l'autre: d'où
il faut tirer la conséquence que ce qui est inaliénable est imprescripliLle, et que réciproquement
ce qui est imprescriptible doit être de même inalié-
�252
TRAITÉ
nable. Or il y a deux genres de choses qui, placées hors du commerce des hommes, sont inalié~
nables, ou d'aprÈs les principes du droit naturel,
ou d'après les règles du droit civil.
~09. Les choses placées hors do çomlIlerce des
hommes par le droit naturel sont celles que la Providence départit à toos indistinctement, comme
l'air, la lumière, l'eau courante considérée comme
éléql~:nt, la mer; elles sont ce qu'on appelle e,n
droit choses (~ommunes à tout le genre humain,:
Et quidem naturali jure o.mn.ium communia
sun! illa : aerJ aqua prcifluens t;t mare J et per
hoc littora maris (1). Sallf quelques exceptions
en ce (iui touche au littoral de l,a lx~er'et aux C011l'S
d'eau, cell choses l)e sont, pas même dans le do:plaine public dont nous nous occupons ici, attendu
que, par leur immensité, elles sont placées audessus du pouvoir et de la disposition des hom~es.
Le second genre de choses qui sont inaliénables
et placées hors du commerce dans l'ordre civil,
sont les grands chemins et autres fo.nd& que nous
avons signalés et énumérés dans le chapitre. précédent comme composant ce que nOllS ap.pelons le
domaine puhlic .
..-'~Qtland il s'agit des choses qui, par l'empire du
droit naturel, sont communes à tu us , leur inaliénahilité est absolue, parce que l'ordre de la nature,
qui les départit également à tous, est immuable.
(1) L. 2,
§ 1, ff. de divis. rerum, lib. 1, tit. VIII.
•
�DU
DOMAIJ'n~
PUlILIC.
253
Il n'en est pas de même des choses du domaine
public; leur inaliénabilité n'est que relative et tem·
poraire, parce qu'elle provient de l'ordre civil, qui
pent être changé. t
.
210. L'inaliénabilité des fonds du domaine public a sa cause d~ns les différents services auxquels
ils son t affectés. On ne conçoit pas comment une
grande l'ante, par exemple, pourrait devenir la
propriété exclusive d'un individu, tant que tout
le monde a également le droit de s'en servir.
Mais la même autorité qui a voulu placer hOl's
diI commerce et rendre inaliénable un fonds, en
l'affectant à un service puLlic, peut aussi le replacer dans la classe des héritages ordi.naires , en ~up
primant" le service public auquel il était destiné;
et par la suppression de cet asservissement, la consécration civile qui lui avait été imprimée se trouvant abolie; l'inaliénabilité cesse avec sa cause.
Que le gouvernement, par exemple, supprime
une forteresse ou une ioute ; les terrains militaires
de la forteresse ou le sol de la route seront, par
cet acte de l'autorité publique, rendus aliénables,
et rentreront dans la classe ordinaire des fonds
soumis aux règles du domaine de propriété.
211. Mais si le gouvernement aliénait un
fonds du domaine public, sans abolir et au contraire en maintenant le service auquel il est affecté,
la consécration civile qui. lui avait été imprimée
n'étant pas levée, l'inaliénabilité l'estel'ait comme
nn vice foncier affectant l'acte de concession et If~
�25!"
'l'llAITÉ
rendrait inefficace en tant que translatif d'une pmpriété parfaite.
Supposons, comme il y en a plus d'nu exemple,
que le gouvernement ait purement et simplement
aliéné un canal de navigation intérieure au profit
d'une ou de 'plusieurs personnes, et qne les acquéreurs soient chargés d'y entretenir le cours
de la navigabilité, pour la continuation du service
public de la société: cet acte de concession aura
bien rendu les concessionnaires maîtres de percevoir, à leur profit, les revenus de l'octroi de navigation, conformément au tarif qui en aura été
réglé on approuvé par l'adruinistl'ation rilblique ;
et ils percevront ce revenu sans être obligés d'el~
rendre compte à d'autres, ni d'ed restituer aucune partie; mais quant à l'immeuble ou au fonds
du canal, l'acte de concession ~1e les en aUl'a pas
investis de l 'incol1l Tllutable propl'iété. Sous ce
point de vue, la concession, à quelque titre qu'elle
ait été faite, ne sera CJu;un acte d'engagement
essentiellement révocable, et la possession du conceSSIOnnaIre ne sera tOll)OU\'S exercee qu a tItre
précaire vis-à-vis du gouverneiilent (1).
Sans doute on ne pourrait les déposséder qu'en
leur payant l'indemnité qui leur serait dlle d'après
la nature des actes et des circonstances; mais il
n'y aurait toujours là que la résolution d'un acte
'de concession, et non pas un fait d'aliénation sou•
a
.
'
' "
•
(1) Voy. le préambule de la loi du 21 vendémiaire an 5,
Bullet. t. 3, n 83, 2 e série.
Q
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
255
mis aux fOl'malités nécessaires pour la régularité des
aliénations forcées pour cause d'utilité publique.
Il résulte encore du principe posé ci-dessus,
212. 10Que]a concession d'un cana], faite
sans la suppl'ession du service de la navigation,
n'empêche pas que le canal concédé ne conserve
son caractère de voie publique; que, comme tel,
il reste soumis aux servilUdes de vne ,de passage
et d'égout sur ses francs-bords, envers les maisons
et édifices adjacents, comme la rue d'nne ville est
soumise aux mêmes servitudes pour l'usage des
bâtiments constrnits sur ses bords; et ql1e, dans
l'un comme dans l'autre cas, les contestations qui
peuve~t s;élever Sur l'exercice de ces servitudes
doivent être portées en justice ordinaire, comme
ayan t pour objet une question de propriété, ou de
droits accessoires à la propriété foncière des voisins (1) ;
213. 2 0 Qtie toute concession, faite à nn ou
plusieurs particuliers, d'un cours d'eau affluant
daus un canal ou une rivière navigable, ou qui
peut devenir utile à la navigation, est toujours
révocable, et que l'usage qu'on peut en faire reste
dans tOI1S les tem ps subordonné aux besoins du
canal ou de la l'ivière qui est navigable ou qu'on
veut rendre telle (2), parce que ]'eau courante
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt du l:onseil du 27 avril 1826 , dans
t. 8, p. 227.
(2) Voy. l'article 4 du décret du 22 février 1813, bullet.
t. 18, p. 389, 4e série.
MACAREL ,
�256
TRAl1'É
n'est pas susceptible d'êtl'e concédée à titre de
propriété incommutable, ,et qn'en conséquence
son usage reste toujours dans le domaine de la
loi pour en disposer au profit commun de la
société.
214. Voilà pour ce qui concerne l'aliénation.
ordinaire du domaine puBlic ou des choses qui en
font partie; mais en ce qui tonche spécialement à
l'aliénation qui s'opère par la ~)rescription, la
queslidn exige plus de développements.
Remat-quons d'abord qne ce qni compose le
domaine public n'est qu'tine fraction bien petite
du territoire, et que la prescription, ayahi été
introduite. pour ie repos ,des familles -et pour la
sécurité de tous les propriétaires, elle doit être
regardée comme ayan~ pom objet l'intét"êt le
plus général et le plus pressant de la société;
qu "en consequence, et sous l' nn et l' autre d e
ces points de vue, le principe Jè la prescl'iptibilité
des fonds doit former la règlè générale êt mériter le plus de faveur, taildis que leur iUiprescriptibilité ne doit être que l'exceptioh : d'où il résulte que, dans le lloute , c'est plutôt le défenseUl'
du domaine public qui doit p >rtIre sa cause,
faute d'avoir positivement dérnontt'é son droit
exceptionnel.
215. Remarquons en second lieu qne si, en
thèsc générale, les fonds du domaine public sont
imprescriptibles, c'est parce qu'ils sont affectés au service commun de la société; que cette
�257
DU DOl\IAINl PUBLIC.
affectation opère un droit public ponr tous, conlre
lequel nul ne peut prescrire: Praescriptio temporis juri pubLico non debet obsistere (1), at·
tendu que nul individu ne peut être admis à pla.
cel' son intérêt personnel au-dessus de celui de la
société torit entière. Et de là il faut conclure encore
que, si, par quelqu'e événement que ce soit, cet
intérêt de la société vien t'à cesser, le pril'icipe de la
.prescription doit reprendre son cours, parce qu'alors l'inréiêtprivé ne peut se trouver en conflit avec
l'intérêt public, qui n'existe plus.
Enfin, comme, en toute chose, la cause cessant, l'effet doit cesset' aussi pour l'avenir; il faut
tiire que l'imprescriptibilité doit disparaître du
moment que l'affectation ou la· consécration civile
du fonds doit Jtre. elle-même regardée comme
abolie ou anéantie, parce que le terrain qui était
précédemment retenu dans le domaine puhlic_se
trouve dès-lors rend 11 à sa liberté naturelle, et reste
pour l'avenir dans la classe ordinaire des héritages
prescriptibles;
216. Or la consécration civile, par laquelJeJe
gouvernement a disposé d'un fonds pour un service
public, peut se trouver abolie de deux mauières,
expressément ou tacitement.
Elle est abulie expres$ément~ lorsque l'autorité
compétente supprime le service public qui s'exerç~it auparavant sur TliLS ou TELS fonds; comme,
(1) L. 6, cod. de operib. public., lib. 8, tit. XII.
TOM. T.
'7
�258
TRAITÉ
par exemple, lorsqu'elle décrète la démolition
d'une forteresse ou la suppression d'une route inutile ou dangereuse dans une localité, pour en établir une autre qui sera plus avantageuse.
Dans ces cas il est évident que le sol de la route
supprimée, ainsi que les terrains militaires de la
forteresse démolie,se trouvant dès-lors libres de tout
service public, deviennent par là même prescrip...
tibles, comme les alltrfS fonds qui appartiennent
propriétairement à l'état; ct l'on en doit dire autant
dans toutes les hypothèses où le gouvernement
vient à supprimer des établissements de service
public quelconques.
Jusque là la question ne présente aucune espèce
de difficulté; parce que l'autorité compétente, dérogeant à son premier décret, a pu replacel' les
choseS dans leur état primitif: Nihil tam naturate
est 'luàm eo genere quidque dissolvere ~ quo
colligatum est (1).
217. L'affectation ou la cons~cration du fonds
desliné à un service puhlic n'est aholie que tacitement ~ lorsque c'est seulement par le fail, ou par
un usage contraire, que le service public n'a plus
lien en cet endroit, sans qu'il paraisse que l'autorité compétente l'ait jamais supprimé expressément par aucun décret. Comme, par exemple, si
le terrain qui était autrefois occupé par une route
paraît avoir été depuis longtemps mis en culture,
(1) L. 35, fT. de regul. jur.
�DU DOMAINE PUBLIC.
259
tandis que le public, après avoir abandonné l'usàge de cet ancien chemin, s'en est frayé ou en a
fait construire nn autre, qui dès-lors a été exclusivement suivi ou fréquenté.
Les auteurs ne sont pas d'accord sur la question de savoir si l'affectation d'un terrain à un
service pùblic peut être abolie tacitement et par le
seul fait d'un usage contraire; Oll, en d'autres
termes, si un fonds, qui appartenait au domaine
public, a pn ou peut deve il' prescriptible, et
rentrer dans le domaine privé par la plus longue
possessIOn.
Parmi les anciens, DUNOD enseigne que la prescription doit avoir lien par la possession immémoriale, parce qu'elle fait présumer tout ce qui est
possihle, par conséquent la concession d'uu titre
par privilège (1).
POTRIER (2) veut, au contraire, ·que les choses
du domaine public ne puissent être acquises par
snite d'aucune possession.
Parmi les mode~nes , la même controverse s'est
élevée entre MM. Garnier .et Isambert , dans leurs
traités de la voirie.
M. Garnier veut que le riverain qui s'est emparé
d'un chemin vieinal, en a mis le terrain en clôture , et en a joui exclusivement et paisiblement
pendant plus de trente a11S, l'ait acquis par la prescl'i ption.
(1) Traité des prescriptions, p. 74.
(2) Traité de la prescription, nO 7.
�260
TlU.I'rt
Il est vrai que cet auteur estimable part lC1
d'une idée absolument fausse en posant en principe . que les chemins, rues et places publiques
appartienuent propriétairement aux communes,
. comme les biens communaux ordinaires; en sorte
que c'est comme si l'on disait que les grandes routes elles rivières navigables appartiennent propriétairement à l'état, et qu'en conséquence elles sont
soumises aux règles de la prescriplibilité ordinaire
des fonds nationau .
Quoique nous ne condamnions pas absolument
la doctrine de l'auteur sur la question de prescriptibilité qui nous occupe, néanmoins cette fausse
idée lui a fait faire une foule de raisonnements
qu'on regrette de lrouver dans un ouvrage aussi
utile.
De son côté, M. Isambert, se saisissant de l'erreur dont on vient de parler, paraît en cet endroit,
comme en beaucoup d'aùtres, s'être livré à sa
verve critique contre M. Garnier, et n'a voulu
abandonner celui-ci qu'après une très-longue dissertation dans laquelle il soutieot, comme un
principe absolu, que jamais les fonds du domaine
public ne peuvent devenir prescriptibles, tant que
leur affectation ail service public n'a pas été expressément abolie par urt dé<:ret de l'autorité compétente (1). Mais, quoiqu'on doive reconnaître
(1) Voy. dans le traité de la Voirie par M.
et suiv.
ISHrBERT
,.n os 374
�261
dans M. Isambert un homme plein d'érudition,
nous ne craindrons pas de dire qu'il donne ici dans
un ·autre extrême tout aussi condamnahle que le
système qu'il reproche à son adversaire.
Du reste, pour ne nous occuper désormais que
de la question qui est à décider, nous exprimerons,
sur ce sujet, toute notre pensée dans la proposition
,
suivante:
218. Lorsque les fonds ayant appartenu·
au domaine puhlic se trouvent; par le fait,
réduits à un état de dégradation tel qu'ils ne
sont plus susceptibles de remplir les fonctions
auxquelles ils avaient été destinés.. ils doivent
naturellement rentrer dans la classe générale
des terrains pre3criptibles, et peuvent &re acquis par fa possession trentenaire exercée entemps utile.
EN D'AUTRES TERMES: Les fonds du domaine
puhlic deviennent prescriptibles par le seul
fait de leur dégradation f!ccidentelle .. après
l'anéantissement du service dont ils étaient
afféctés, sans qu'il soit nécessaire qu'il y
ait eu un décret de l'autorité compétente pour
ordonner la suppression de l'établissement et
la rentrée du sol dans le commerce.
Il pent y avoir, suivant les circonstances, plus
ou moins de difficulté à déterminer le temps où un
étahlissement aurait été assez complètement détruit
pour qu'on puisse affirmer que c'est précisément
depuis une telle époque qu'on doit en regarder le
DU DOMAINE PUBLIC.
�262
TRAITÉ
sol comme devenu prescriptible; mais c'est là une
question de fait dont l'appréciation reste dans le
domaine du juge, sans préjudice du point de droit
qui doit en être la suite; en sorte qu'il n'cn est pas
moins vrai de dire que la prescription doit être
jugée admissible dès le temps où il reste avéré que
tou.! service puLlic avait été anéanti par la dégradation on le changement matériel de la sllperficie
du sol sur lequel reposait jadis J'étahlissement.
Cela doit être ainsi paf la raison qu'il n'y a rien
d'immuahle dans nos institutions civiles, et que,
la loi elle-même pouvant être tacitement abrogée
par un usage contl'aire, il hll1t recol1nahre, à fortiori -' qne l'usage COl)lraire à la destination
exceptionnellement imprimée au sol par l'un
des pOllvoirs publics, doit être assez puissa nt
pour faire rentrer le fonds sons l'empire du droit
commun, qui est celui de la prescriptibilité.
Cette décision doit être admise encore par la
raison que, du moment qu'il est constant que le
service public a été anéauti depuis longtemps sans
qu'il y ait aucun signe de retour, l'imprescriptihilité, qui n'était que la conséquence de ce service,
a dû cesser aussi pour l'avenir: autrement il fau.
drait admettre un effet sans canse.
Et qu'on ne prétende pas que l'effet, ayant été
une fois produit, doit durer toujours, puisqu'il
s'agit ici d'un effet qui ne s'applique qu'à l'état
des lieux, et qui doit nécessairement cesser dès
que cet état n'est pins compatible avec Je service
�DU DOMAINE PUBLIC.
263
qui était la. cause de l'imprescriptibilité. Ce qui
s'applique physiquement à l'état des lieux est aussi
nécessairement soumis aux vicissitudes de cet
état.
Pour mieux éclaircir encore la question, prenons des exem pIes dans les classes prillcipales de
fonds qui peuvent se trouver accidentellement réduits à un état tel qu'ils ne puis~ent plus remplir
les fonctions de service public auxquelles ils avaient
été destinés.
219. SUPPOSONS, en premier lieu, qlle l'église
d'un village ait été renversée par un tremblement
de terre, ou détruite par un incendie; et que les
habitants de la commune en aient construit une
.nouvelle dans une autre localité, qui est-ce qui
pourrait sérieusement soutenir que le sol et les
matériaux de J'ancienne é~lise ne seraient pas, par
le s~ul fait de la destruction de l'.édifice ,. rentrés
dans Je domaine de propriété patrimoniale de la
commune? Qui est-ce qui' oserait soutenir que ce
sol et ces matériaux ne seraient pas dès-lors aliénables de la part de la commune, sans autres for·
mali tés ni précautions que celles dont son état dG
minorité politique exigerait l'emploi pour la vente
d'un terrain comOlunal quelconque? Mais si ce
sol et ces matériaux se trouvent dès-lors aliénables
comme tonte autre propriété communale, ils
sont prescriptibles aussi, comme tant autre fonds
011 effet de la commune.
-./. 220. L'affectation d'un fonds ~ un service pu.
�264
TillUTÉ
hlic n'est autre chose qu'un droit d'usa~e ou d'usufruit établi sur ec fonds au p1'Otit du public. Or,
suivant les lois tant anciennes (1) qlle nouvelles
(624 et 625), les droits d'usufruit et d'usage qui
Ile portent que sur un bâtiment s'éteignent dès que
l'édifice vient à être détruit par 1111 incendie ou un
autre accident, sans que l'usufruitier 011 l'usager
conserven t, à ce titrç, aucun d l'oit sur le sol ni les
matériaux ~ dune le public ne COllserve aucun
droit sur ce qui reste après la destruction de l'église; donc la consécration ou l'affectation de l'édifice au service public s'éva\louit par-le fait, et le
sol reste dès-lors libre COJ;DlJle tout autre terrain
communal.
Et ce que r"m dit ici oe la destination ou consécration d'une église doit être appliqué à tOI1S les
services publics dont l'exercice est devenu incompatible avec le 'changement d'état sUl:venu oans les
lieux: car le droit cesse 10njOQrs là où il y a impossibilité d'en jouir.
221. SUPPOSONS, en second lieu, qu'un magasin â poudre auquel le fen a pris, ait, par son explosion, fait sauter tout un château fort, et que le
gouvernement ait, depuis longues années, dél-aissé
cette construction, comment pou ....ait.on raisonnahlement soutenir que, nonobstant cet état d:anéantissement de tout service public et de délaisse(l) L. 5, § 2, ff. qui/ms modis usujrllctlls vel usus amiu.
Lib:'7, tit. IV.
�DU DOMAINE PUBLIC.
265
ment sans aucnn signe de retour à l'ancienne destination , le sol où était ce château fort doit rester
éternellement imprescriptible, et qu'il ne retomhera jamais dans la classe des dor~laip~s ordinaires
ct pn~scriptibles de l'état r
Sans doute, et comme nous l'avons déjà dit, il
pourrait y avoir, dans une circoust~nce semblable,
de graves difficultés en fait, pour savoir depuis
quand le gouvernement aurait cessé de faire des
"réparations tendant à rétablil' Je fort; mais, en
admettant, que l'abandon militaire [ùt constant en
fail , il ne serait ni raison nahle, ni conforme aux
dispositions de nos lois nouvelles, de vouloir que
le sol où jadis était une fOI'tel'esse restât perpétuellement imprescriptible, et placé en dehors des
règles de la propriété.
Nous avons ici pour exemple, de suppression
J' établissemen ts militaires un nomb, e considérahle de forteresses autrefois princières on féodales,
dont les remparts, dégradés par, les attaques, et
non rétablis ensuite, on t fini par être entièremen t
renversés par la main du temps.
Il suffit que ces fO'l'ts ou forteresses aient été
jadis démantelés, ou accidentellement détruits,
et que la possession ou l'occupation mililaire
en ail été abandonnée, pour dire que, dans
cet état de désertion de tout service public, la
consécration civile qui en affectait le sol, a cessé
par le fait, comme se trouvant dès-lors sans objet,
el que les 'terrains de cette nature sont rentrés
�266
TRAITÉ
sous le réginll~ commun des propriétés prescnptibles.
C'est à ces cas d'abolition tacite de destination
(~u'on doit appliquer la dispo~ition de l'article 5 de
la loi du 1 er décembre 1790, et celle de l'article
541 du Code civil.
Aux termes de la première de ces lois, « les
» murs et fortifications des villes entretenues par
:» l'état, et utiles à sa défense, font partie des
;»
domaines nationaux (1), et il en est de
;» même des anciens murs ,fossês et remparts,
» de (~elles qui ne sont point places fortes; mais
:» les villes et communautés qui en ont la jouis;» sance actuelle y seront maintenues, si elles sont
" fOlH.lées en titr~, ou si ll!ur possessÏ(m remonte
" à pLus de dix ans; et à régard de celles dont
» la possession aurai t été troublée ou interrom pue
" depuis quarante ans, .elles y seront rétablies.
" Les particuliers qlli justifieront de titres on
" d~une poss.ess~on .Rai~ible et publique de" puis quarante ans-, serOl)l çgalement mainte.
» nus dans leur propriété et jouissance. »
.
D'autre part l'article 541 du Code civil, consa(1) Par ces termes domaines nationaux, le rédacteur s'est
ici exprimé d'une manière trop vague : car ces mots s'appliquent plus proprement aux fonds qui appartiennent propriétairement à l'état qu'à ceux. du domaine puhlic , dont la propriété proprement djte n'est à personne; mais le contexte n'en
suffit pas moins pour faire comprendre au juste la pensée du
législateur..
�DU DmIAINE PUBLIC.
267
crant le même principe de prescriptibilité, porte
aussi qne ce les terrains des fortifications et
» rempclrts des places qui ne sont plus places de
» guerre appartiennent à la nation, s'ils n'ont été
» valablement aliénés, ou si la p,'opriété n'en a
» pas été prescrite contre eLLe. »
Dans tont cela l'on ne voit, d'Ilne part, que la
(lésertion du service public on l'abandon de la possession militaire, et d'nn autre côté q"e la prise
de la possession de& fonds devenus librcs de l'imprescriptibilité '. par l'exti.llction de l'usage du service public.
222. Il fant b,ien' rem.arquer, en effet, que par
ces termes du décret de 1790, qui ne sont point,
comme par CCliX du Code civil qui ne sont pLus
pLacesftrtes, la l()~ n'attache le principe de prescriptibilité qu'à l'état actuel du sol, sans remonter
à la cause de cet état. La place forte existe-t-eHe
encore, on n'existe-t-elle plus? TOlJt est là. Si elle
est encore existante Jans son état de défense pins
ou moins parfait, les terrains n'en sout pas prescriptibles. Si elle est militairernent abandonnée,
ct généralement dans un état ruineux, la prescription doit avoir lieu, puisqne la loi ne la fait dépendre que de celte seule condition de tait.
Vainement dirait-on que ces lois su pposen t qu'il
est intervenu un décret de l'autorité portant la suppression de la forteresse: .cette ar~umentation manquerait complètement de base, puisque ce~ lois ne
contiennent aucune expression qui se rapporte. il un
�268'
TRllTÉ
décret de suppression, et qu'elles ne rattachent leur
disposition qll'au seul fait de l'existence ou de la
non-existence des forlifications.
Cette argu menta.tÏon serait encore inadmissible,
Jluisqu'elle accuserait les auteurs du Code d'y avoir
omis l'expression du cas dans lequel seul leur loi
pourrait être applicable.
Si actuellement nous voulons répondre aux raisonnements tirés des autorité~ de Dunod et de
Pothier, cités plus haut, une simple. observation
suffira :
Ces deux vénérables jurisconsultes, lumières de
la jurisprudence ancienne, ont écrit sous son empirè; et nous, nous ne raisonnons que d'après le
système de nos lois nouvelles, sur un point de droit
qu'elles auraient au besoin changé.
223. SUPPOSONS, en troisième lieu, que, par
suite d'une crue d'eau extraordinaire, nne rivière
navigable se soit tracé un nouveau cours, et ait ainsi
déplacé la ligne de la navigation, en laissant son
ancien lit à sec, et impropre au trajet des, ba·
teaux.
'
Avant cedéplacement, l'ancien lit du fleuve
appartenait au domaine puhlic, et comme tel il
était bien certainement imprescriptible dans toutes
ses parties; en sorte que toutes anticipations qui
y amaient été commises n'anraicnt pu se trouver
légitimées dans la suite par aucune possession quel.
conque.
Mais une fois que le cours d'eau est déplacé, une
�DU DOMAINE PUBLIC.
269
fois que l'ancien lit de la rivière est r(~duit à sec,
nne fois qu'il n'est et ne pellt pins être asservi à
l'usage public, qui est-ce qui oserait dire qu'il ne
sera pas prescriptible au profit du premier possesseur qui s'en rendra mahre , et que ce possesseur
n'en deviendra pas propriétaire par une possession
paisible, publique; cOluinue; et exercée à titre de
maître pendant trente ans?
Cependaüt le service public de la navigation sur
cet ancien lit de rivière n'aura été aboli par aucun
décret du prince, et le sol sur lequel le cours
d'eau roulait précédemment se trouvera néanmoins
rangé dans la classe des propriétés ordinaires, par
suite d'un événement accidentel; comme celui du
feu du ciel qui serait tombé sur une église ou sur
un magasin à poudre. Il faut donc reconnaître que
les accidents de force majeure peuvent aussi être
la cause légitime de l'abolition de la consécration
ou destination qui servait de principe à l'imprescriptibilité des fonds du domaine public, et qu'il
n'est nullement nécessaire qu'il intervienne un décret formel pour abolir cette imprescriptibilité.
224. SUPPOSONS, en quatrième lieu, que la
quest~on de prescriptibilité soit relative au sol d'une
ancienne route ou d'un ancien chemin vicinal plus
·on moins complètement dénaturés ou abandonnés.
Cette hypothèse générale peut présenter plusieurs
variations de circonstances que nous devons successivement examiner.
Admettons d'abord qne , par suitè d'uu éhQu-
�270
TRAlTÉ
lelllent, comme on en voit quelquefois arriver snI'
les revers de montagnes, un chemin puhlic ,vicinal 011 autre, se soit trouvé obstl'Ué daos un endroit,. et qu'en conséquence le public en ait abandonné l'usage pour se servir d'ùne alltre route;
mais qne, nonoh~tant cette désertion de fait, la
l'OU te abandonnée soit restée la même, toujours
apparente dans son tracé et sori 'état matériel, quoique pins dégradée à raisol1 de son défànt d'entretien 1dans cette hypothèse, où la route sera restée,
par sa eonstruction, distin~llêe des propriétés riveraines sans avoir été dénatllJ'ée par les voisins, le
sol en sera toujours public, nonobstaiH qu'aucun
service ne s'y soit pratiqué depuis mi temps quelconque; et c'est à ce caS qu'on doit appliquer la
décision de la loi romaine, portant que viam publicam popuius non utendo amittere non potest (1) , c'est-à-dire que le droit de se servir cl' un
chemin public ne sc perd pas par le non-ùsage seul.
Et la raison de cela, c;estqu'il en est de la propriété
publique ou d'nn so] puhlic coI1lme de toute autl'e
propriété foncière, qui ne se perd pas par le simple
fait de cessation de jouissance de sou maître, tant
,
que nu l autre ne s' en est empare.
Il en serait de même d'une fOl'teresse ahandonnée sous le rapport militaire et non entretenue:
dans quelque état qu'elle fût, tant que nul individu
(1) L. 2, ff de viâ puhlicâ et ÎnÎtere puhlico. Lib., 42, tit. XI.
�DU DOMAINE PUBLIC.
271
ne se serait emparé de ses terrains, ils resteraient il
l'état.
e'est d'ailleurs une vérité pratique, enseignt:e
par les auteurs les plus recommandables, que l'existence des vestiges d'un étahlissement suffit pour en
conserver la possession, tant que personne n'est
venu l'occuper pour s'en rendre maître (1).
225. Mais on devrait admettre une tout autre
décisioh s'il ne s'agissait que d'un simple droit incOl'p'orel qui n'aurait été précédemment exercé qu'à'
titre de servitude. Dans ce cas, et quel que soit
l'~lat matériel des lieux sur la trace du chemin, la
servitude serait éteinte par trente ans de non-usage
(706), attendu que le fonds qui la supporte étant
la propriété d'un tiers, il suffirait à celui-ci de l'avoir possédé en franchise durant cet espace de
temps.
Il y a donc une différence totale entre un simple
chemin de servitude qui, comme chose incorporelie seulement, n'est pas susceptible d'une possession réelle, et un chemin dont le sol, appartenant
au public, est réellement possédé par le public, on
par l'être moral que nous appelons le public.
226. Venant ensuite à une autre hypothèse:
admettons que la route soit restée la .même dans
son tracé, qu'elle n'ait pas absolument cessé d'être
(1) Voy. dans DUNOD, Traité des prescriptions, p. 19, et dans
sur la coutume de Bretagne, art. 266, chap. 4 ;
nOI 10 et Il. - Vestigia perpetua clamant.
DARGENTRÉ,
�272
TR.AITÉ
en usage ou d'être fréquentée; que néanrilqins elle
ait été altérée sur ses bords par des anticipations
pratiquées de la partdes riverains; il est évident
que; dans ce (:a&; le service public n'ayant pas
absolnment cessé de s'exercer sur le terrain de la
roll te , il n'y aura en ancune interversion ou abolition de destination dans ce sol; qui sera resté intégralement public et imprescriptible, et qu'en
conséquence les riverains devl'ontêtre condamnés
à déguerpirdes portions latérales par eUx anticipées,
conformément à l'article 356 de l'ordonnance de
Blois, portant que tous les grànds chemins seront réduits à leur ancienne largeur, nonohstant toute usurpation, par quelque laps de
temps qu'elLe puisse avoir été faite (l}l
La raison ùe cette solution, est qu'il suffit que
la destination ou la consécration civile de la voie
publique n'ait été aholie ni en droit ni en fait, pour
que les bords, qui en SODt les accessoires ou les
parties intégrantes, et qui avaient indivisiblem~nt
reçu la même affectation; soient restés dans leur
état civil d'Imprescriptibilité, honobstant toute
tentative d'usurpation.
On devrait porter la mêlile décision dans le cas
où il s'agirait d'une forteresse dont les avenues ou
les chemins couverts seulement auraient été occupés par des particuliers, et convertis en terre de
culture. La prescription n'aurait pas lieu snr ces
----_._------------_._--------~1)
Voy. dam. le recueil de
NÉRON',
t. 1, p. 655.
�DU DOMAINE PUBLIC.
273
objets tant 'que la forteresse serait conservée dans
ses parties principales; parce que l'étahlissement,
étant un dans son tout, doit être soumis à la même
règle pOQr le tout, et que l'accessoire doit toujours
subir le sort du principal.
227. Arrivant à une troisième hypothèse tou·
jours relative aux chemins, supposons qu'une route
ait été par le fait entièrement abandonnée, etqu'on
ait dès-lors suivi une autre voie; su pposons que,
le public ayant déserté toute possession sur cette
route, le tracé en ait été effacé, et les ouvrages détruits par les riverains, qui se sont emparés du
sol, et l'ont converti en un terrain de culture or...
dinaire. Par cette destruction de l'ancien étatde la
route et cette conversion de possession, le sol du
chemin sera devenu prescriptible, et devra rester
acquis aux possesseurs, non pas seulement après
une possession immémoriale, comme Dunod l'enseignait anciennement, mais bien après \rente années de jouissance depuis l'extinction du chemin,
attendu que tel est aujourd'hui le terme Je nos
prescriptions les plus longues; que, dès qu'il ya
eu cessation entière dans le service public, et changement matériel dans la su perficie du terrain co~
verti en une antre espèce, la consécration du domaine public ne peut plus reposer sur rien; que
l'autorité publique ayant souffert en silence que le
terrain fût ainsi dénaturé au point de ne plus pou~
voir servir lie l'OUle, la consécration civile du sol
doit être considérée comme abolie de son cunTOM. J.
�274-
1.'MITÉ
sentement, vu que la possession trentenaire fait présumer tout ce qui est possible: en conséquence de
quoi on ne doit pIns voir dans ce sul qu'lJn héritage libre et soumis aux règles du droit commun
comme 101)S les autres fonds.
228. Mais, dit M. Isambert, si le texte de
l'ordonnance de Blois suffit ponr rendre les limites des chemins imprescriptibles, ne doit-on pas
en conclure à fortiori que le chemin lui-même est
également hors du commerce et de toute prescription r Pent-on concèvoir un chemin sans limites
Un chemin peut-il être prescriptible pour une partie, et irnprescriptibla pour l'autre r
La réponse à ces raisonnements est aussi facile
que' péremptoire.
Pour bien s'entendre, il suffit de ne pas sortir
de l'hypothèse où nous sommes, et de ne point
déplacer la question.
L'ordonnance de Blois ne prescrit pas le rétablissement ou une création nouvelle des anciennes
routes qui auraient été entièrement détruites et
effacées du sol. Son statut ne porte aU contraire
que sur la restauration ou réparation des anciens
chemins. Or réparer un chemin, c'est supposer
qu'il existe : autrement ce ne serait pas réparer,
mais bien créer, ou , si l'on veut, recl,éer un nouveau chemin. D'où il résulLe que l'ordonnance de
Blois ne fut jamais applicahle qu'aux grands chemins dont l'entretien avait été plus ou moins négligé , mais dont la destination n'avait point été
r
�DU DOMAINE PUllLIC.
275
abolie par une destruction matérielle et totale. En
conséquence de quoi la voie publique snbsil>tant
toujours, et le principe d'unité de l'établissement
voulant toujours aussi que l'accessoire suive le
sort du principal, il est nécessaire d'arriver à celle
conclusion ultérieure, que la consécration des
terrains anticipés sui, les bords devant rester la
même, il ne pourrait y avoir lien à la prescription
de ces parcelles de terrain.
229. Mais quand le chemin est entièrement
effacé, quand le sol en est entièrement converti
en un terrain d'agl'iculture, comment pourrait-on
dire que la destination de ce sol reste toujours la
même r Comment devrait-il encore être réputé sol
public, lorsqu'il est paisiblement asservi à une
possession et à un usage purement privés, et absolument contraires à tout service public r Faudraitil donc rerp.onter jusqu'au délnge pour savoiI' si
cette possession est légitime, comme portaut sur
un fonds qui n'aurait jamais été du domaine public r Pounait-on prétendre que les ancien Iles
routes construites par les Romains dans les Gaules,
et dont on aperçoit encore quelques vestiges Ou
qu'on découvre en creusant dans les champs et les
prairies, sont encorp. du domaine pnblic, quoique
l'usage en ait cessé depuis pins de mille ans, et
que le sol en soit aujourd'hui couvert de plantations qui y ont élé failes par les habitants des lieux,
ou de moissons qui y ont été semées par les possesscUl's r
�276
TRAITÉ
230. Admellons qu'il soit constant, en fait,
que, depuis trois cents ans, le terrain d'une ancienne rOllte , converLÏ en culture, ait été possédé
de génération en génération pendant tout ce temps
par les divers habitants des lieux, sans qu'on connaisse aucune ordonnance qui ait jamais supprimé
cette voie publique, trouverait-on sur la terre un
juge éclairé qui décidât que ce sol paisiblement
possédé comme un fonds privé, pendant un laps
de temps aussi considérable, dût néanmoins être
rendu an domaine public r Mais si l'idée d'une
pareille sentence ne peut sortir de l'imagination
d'un homme sage et réfléchi, lorsqu'il est question
d'une période de trois siècles, pourquoi en serait,'il aulrement apl'ès deux ou après un siècle seulement r et où faudra-t-il s'arrêter r
Notre législation nouvelle a posé ce terme à
trente ans. C'est cette durée de possession qui fait
aujourd'hui, pour nous, présumer tout ce qui est
possible: en sorte qu'après ce laps de temps, on
doit présumer au besoin l'acte de suppression légal
de l'ancienne route, dès qu'il est reconnu qu'eUe
n'existe plus en fait depuis ce temps, puisque
c'est généralement là le terme de nos prescriptions
les plus longues. '
�DU DOMAINE PUBLIC.
277
CHAPITRE XVII.
Quels sont les agents qui doivent être considérés comme contraJ
dicteurs légitimes pour agir et défendre dans les débats judiciaires, concernant le domaine public?
Devant quels juges ces débats doivent-ils être portés?
Quelle est la nature des actions qui peuvent être intentées à
ce sujet?
Telles son t les trois questions qui feron t l'objet
de ce chapitre, et pour parvenir à la solution Jesquelles nous tâcherons d'établir des notions et de
poser des principes dont l'application doit se reproduire souvent pal' la suite.
231. I. Et d'abol'J où doit-on trouver un COIltradicteur légitime pOUl" agir et défendre dans les
Jéba ts judiciaires portan t SUl' le domaine public?
L'être mOI'al et collectif que nous appelons le
public embrasse une communauté indéfInie, et
pal' conséquent.tellement étendue, qu'elle ne saurait a~il' par elle-même. Néanmoins celle immen~e
communauté a des droits à tléfem.h'e, et il n'exisLQ
aucun agent unique, et particulièrement préposé
à cette défense: sur qui pèse donc la charge de
veiller à la conservation du domaine public? ou,
en d'autres termes, quelles sont les personnes eu
qui nous devons trouver un contrad\cteur légitime
dans les questions qui peuvent être agitées par rapport à ce domaine?
�278
TRAITÉ
satisf.'lire à cette question, il filUt remouler
à celle de savoir qni est-ce qui doit snpporter la
charge d'acquisitiou du fonds, et de l'entretien du
service public qui y est ou qui lloit y être établiJ
Est-ce sur l'étal, ou est-ce sur uoe commuoe que
pèse cette charge r
Uoe fois que ce point est éclairci, il faut tenir
p01;lr constant que les inlérêts qui dérivent de la
charge du domaine public venant se confondre et
s'identifier avec les autres intérêts de l'état ou de
la commune, c'est dans l'agent civil chargé de
veiller à la conservation des fonds de' l'état ou de
l~ commune, qu'on doit trouver le contradicteur
légitime pour agir et défendre sur les questions de
droits fonciers qui peuvent s'élever relativement
à la partie du domaine public située dans leur ressort.
232., Il faut donc dire que, comme l'indemnité
pour l'occupation du sol en fait de grande roule,
ainsi q e les frais de construction et de conservation du chemin, doivent être acquittés par le trésor public, toute question de propriété qui peut
s'tHevel' à ce sujet porte au moins d'une part sur
intérêt de l'élat, et doit être en conséquence
agitée et jugée contradictoirement avec le préfet
de la situation des lieux.
Il en serait de même des contestations élevées
entre les départements et des particuliers au sujet
des routes départemeutales; comme encOl'e de
celles qui naîtraient du voisinage des rivières et
POUl'
�DU DOMAINE PUBLIC,
!79
grands cours d'eau, des canaux de navigation et
des terrains militaires.
C'est à toutes ces hypotheses qu'on doit appliquer l'artiele 69 du Code de procédure civile, portant généralement que, cc lorsqu'il s'agit de do» maines et droits domaniaux, l'ét~t sera assi» gné en la personne et au domicile du préfet
» du département où siège le tribunal devant
» lequel doit être portée la ·demande en première
» instance.»
233. .Mais lorsqu'il ne s'agitqne de chemins
vicinaux ou d'autres chemins publics d'uu ordre
infërieur, ou de rues et places des villes, bourgs et
villages qui ne sont point traverses ou prolongations de grandes rOlltes, et qui néanmoins font
partie du dOlllaine public, comme destinés il l'usage de tout venant; ces chemins, places et rues
n'étant qu'à la charge des communes de leur situation , soit quant à leur établissement, soit quant
à leurs changement, conservation et entretien,
c'est le maire de chaque commune qlÙ est le contradicteur légitime f pour agir et défendre dans
toutes les questions de propriété qui pe\J.vent s'élever concernant tous ces objets; comme c'est à
lui il veiller à ce qu'on n'y commette aucune anticipation, parce qu'en cela l'on ne voit d'immédiatement compromis que l'intérêt de sa commune,
et qu'aux termes du S [, de l'article précité du Code
de procédure civile, c'est en la personne et au domicile du maire que doivent. être adressées les
�280
TRAITÉ
demandes qui peuvcnt s'élever \'is-à-vis des communes : ce qui, pal' réciprocité, le constitue contradicteur légitime pOUl' agir comme pOlIr défendre
dans la généralilé des intérêts communaux.
Ainsi, cn cas Je contestation aynnt pour objet
des anlicipations foncieres sur les chemins, rues et
places dont il est ici question, c'est contradictoirement avec le maire de chaque commune de la
situalion du fonds, qu'on doit procéde,' aux. vérifi·
cations de lienx , à la l'econnaissance et application
des titrcs qui peuvent être pl'odllits, et aux enquêtes
judiciaires qni auraient été ordonnées sur la preuve
des faits de possession qui seraient pertinemment
allégués de part ou d'autre.
Mais c'est là un point sur lequel nous reviendrons encore pl us amplement dans la suite, en
traitan t des chemins vicinaux et des autres chemins
publics d'un ordre infërieur. Il nons suffit, quant
à présent, d'avoir d'abord indiqué positivement le
principe d'où résulte ce pouvoir de la compétence
des maires.
234. II. Mais quelle est l'autorité compétente
pour slatuci' ~ur les débats qui concernent le domaine puhlic r
Telle est la seconde question proposée, et dont
.la solution se trouve dans l'application d'un principe qui est au-dessus de toute contradiction; c'est
que toute qucstion de pl'Opriété fonciere doit être
-portée pardevant les tribunaux ordinaires.
Ainsi, à supposer qu'un pl'Opriétaire riverain
�DU DOMAINE PUBLIC.
281
soit aceusé d'avoil' commis quelque anllClpation
sur le sol public d'une route ou d'un chemin vicinal, et qu'il soutienne que le tel'l'ain qu'il a cultivé
lui appartien t en Iièremen t ; comme encore à supposer que ce propriétaire, voisin de la route, se
plaigne de ce que le public a commis une invasion
latérale SIlI' son fonds, ce qui peut être occasionné
par le défaut d'entretien du chemin, et que le préfet ou le maire, actionnés sur le fait de cette déviation prétendue, soutiennent au contl'aire qu'il n'y
,..
d ans l'un et l' autre (Jas, 1a
a pas d ,antlClpatIon:
question de propriété doit être également soumise
à la justice ordinaire.
Mais ce propriétaire doil préalablement adresser
une pétition au préfet, pOUl' se plaindre de la pene
'
( 1) ; et ce n ,est qn,
. que sa p1amte
.
qu "1
1 eprouve
apres
aurait été repoussée, qu'il lui serait permis Je se
pourvoir au tribunal pour se faire déclarer propriétaire de la portion de terrairr en litige, sauf à en
faire, moyennant indemnité, la concession au
domaine puLlic, si elle était reCOnnue nécessaire à
la libre viabilité du chemin.
Il en serait de même s'il s'agissait de la délirr~i
tation de terrains militaires, ou du sol public
d'une rivière, sur lesquels on reprocherait au riverain quelque anticipation que de son côté il soutiendrait n'être pas réelle, ou enfin de celle des
rues et places publiques des villes, bourgs et vil(1) Voy. sous le nO 187.
�282
TfuUTÉ
lages, attendu que dans tous ces cas il y aurait des
questions de propriété relatives au domaine public,
qui, comme on le fera voir da.lls la suite, S';IPplique égale men t à toutes ces diverses especes
de fonds.
235. Nous avons dit dans le chapitre qui précède que les fonds qui appartiennent au domaine
public deviennent prescriptibles, non-seulement
lorsque le gouvernement a expressément supprimé
le service auquel ils étaient assujettis, mais encore
lorsque, par des dégradations malérif:llles, ils ont
été réduits à un état leI que le service public auquel ils avaient été civilement c~J;l.1iacrés ne peut
plus s·yexercer, et que l'autorité publique, préposée à III conservation de ce .service, l'a ahandonné.
Dans ces cas de suppression expresse ou tacite
du service public, le fonds sur leq\lel il s·exerçait
se trouve replacé dans le domaine de prop6été proprement dile de l'état, si le service public était à sa
charge, comme quand il s'agit d'une grande l'OtHe;
on dans le domaine dl1 propriété communale,
quand il s'agit d'un chemin vicinal, ou antre voie
publique d'un ordre inférieur; et C'(~st pourquoi
ce terrain devient, comme les autres fonds nationaux on commUllaux, prescriptible au profit de
ceux qui s'en sera,ent emparés, et qui en auraient
~u la possession civile durant le temps fixé par la
'loi.
�DU DOMAINE PUBLIC.
283
Hé bien! toute contestation élevée sur cette
espèce de prescription acquisitive prétendue d'un
côté et déniée de l'autre serait encore dans les attribn tions de la j nstice orelinaire; et c'est au trihunal saisi de la cause qu'il appartiendrait d'ordonner tonte vérification nécessaire pour reconnaître préjlldiciellement l'état de dégradation d~
l'ancien établissement, et s'assuret' jusqu'à quel
point il y aurait eu désertion du service public J
depuis quand il aurait été elltièrement abandonné,
comme èncore depuis quelle époqne le particulier
qui prétendrait avoir prescrit le fonds en aurait eu
la vraie et réelle posses~ion.
Néanmoins il fallt bien remarquer que la question d'opportunité ou d'utilité du terrain pOllr Je'
chemin ou autre service public n'appartient toujours qu'à l'administration active, dans les attri·
hutions de laquelle elle reste exclusivement. C'est
toujours à )'adminislration à statuer sur la position et l'étendue que doitavoit, tout établissement
fait ou restauré pour un semblable service: c'est
toujours à elle à statuer, par exemple, sur l'emplacement eL la largenr à assigner aux routes; sur les
rectifications, améliorations et entretien à y faire:
de sorte que la décision des tribunaux snI' la propriété dn sol ne met aucun obstacle à ~e que le
terrain litigieux soit ajou té au chemin; mais elle
a pour effet d'attribuer à celui qui aura été judiciairement déclaré propriétaire du fonds le droit de
�284.
TRAITÉ
réclamer l'indemnité due à ceux qui sont expropriés pOUl' cause d'utilité publique (1).
236. III. Enfin, quelle est la nature des ac~
tions qui peuvent être intentées pardevant les tribunaux sur les fonds du domaine puhlic P
Il ne s'agit point ici de contestations judiciaires
et individuelles qui, à raison des dOOlmagescausés
sur des propriétés voisines, peuvent s'élever entre
les pl'Opriétaîres des héritages lésés et les pal'licu..
liers qui, au lieu de suivre la route, auraient
commis 0 l seraient accusés J'avoir commis des
abus sur les fonds voisins. Tous les débats de cette
nature sont absolument étrangers à notre but, qui
est de nous occuper seulement des actions qui
peuvent être intentées par le domaine public, ou
contre lui, ou qui peuvent avoir lieu après la mise
en cause ou l'intervention de ce domaine.
Les aClions judiciaires ayant pour objet la propriété foncière sont de deux espèces : pétitoires et
possessoires.
Les actions pétitoires sont, en général et dans
les cas ordinaires, celles dont le but est de faire
déclarer le droitde propriété pour obteni,', par voie
de conséquence, le l'elâchement du fonds au profit de celui qui ne possède pas, ou la maintenue
définitive au profit de celui qui possède.
Mais, en fait de contestation avec le domainé
(1) Voy. sur tout cela les deux décrets du 16 octobre 1813,
bull. t. 19, p. 304 et 318, 4- série.
�DU DoMAINE PUBLIC.
!85
public, il ne suffi t pas qu'u n particulier se soit fait
propriétaire du fonds pour qu'il doive nécessairement en obtenir le relâcbement, puisque,
comme on vient de le dire plus baut, l'administration reste toujours la maîtresse de retenir,
moyennant une inuemnité, le terrain qu'elle juge
nécessaire au service public.
Au re.ste, le fond de la question pétitoire doit
être jugé entre le domaine public et les particuliers,
suivant les titres des parties, comme il le serait
entre tous antres plaideurs.
237. Quant à l'action possessoire ~ il est une
dislinction essenlielle à faire entre la cause du tlomaine public et celle du particulier qui en est la
partie adverse.
Lorsqu'il est reconnu qu'un fonds a anciennement fait partie du domaine public; qu'un partiéulier s'en est emparé; qu'il s'agit de savoir s'il y a
eu une décision du gouvernement qui ait supprimé
le service public qui s'y exerçait, uu si, par les dégradations matérielles de ce fonds, il a cessé d'être
propre au service public auquel il avait été consa. cré, et si par là il est rentré dans la classe des propriétés ordinaires et prescriptibles : c'est là une
question préjudicielle et de faiL, sur laquelle il doit
être statué avant tout.
S'il est reconnu et décidé qu'il y ait eu, de la
part du gouvernement, une décision portânt la
suppression du service public; ou s'il est reconnu
que les dég,'adations ou changements dans le ma~éclarer
�286
TRAITÉ
. tériel du fonds yont causé une extinction absolue
ou totale de ce service public, le particulier qui
jouit du sol doit avoir l'action possessoire en maintenue, et même il doit en être déclaré propriétaire
en vertu de la prescription acquisitive, si sa pos*
session et cet état dans les choses remontent au*
delà de trente ans.
Si au contraire il est reconnu que cet état d'extinction absolue et totaledu service public n'existe
pas, le cl "Oil d'imprescriptibilité durant toujours
en faveur du domaine p'ublic, le particulier qui
s'est emparé du fonds n'aura ni les avantages de
l'action possessoire en maintenue, ni, à plus forte
raison, ceux de la prescript~on à prétendre.
Ce dernier résultat doit s'appliqul~r à toutes les
anticipations qui peuvent êt~e commises soit aux
hords des grandes routes ou de tous autres chemins
publics; soit aux bords des j'ivières de toutes les
classes, que nous ferons voir plus bas appartenir
toutes au domaine public; soit enfin sut' l'intérieur
des limites des terrains militaires qui ne sont point
abandonnés, et des ports de mer; attendu que
l'imprescriptibilité existe toujours dans le fonds
prinbipal et dans ses accessoires et dépendances,
tant qu'il y a exercice dans le service public qui en
est le principe.
238. Mais ces diverses distinctions ne sont
point admissibles dans la question du possessoire,
Jontles avantages seraient revendiqués à la l'cquêtè
dn domaine public; attendu que, d'une part, il
�DU DOMAINE PUBLIC.
287
n'y a pas d'imprescriptibilité à lui imposer, et que,
d'autre CÔlé, sa possessiou est toujours vraimeht
civile; et exercée sur le fonds à litre de maître.
El d'abord il n'y a pas d'imprescriptibilité à opposer de la part des propriétaires qui viendraient se
plaindre des anticipations ou des envahissements
commis sur leurs héritages par les agenls du domaine public, dans quelque temps ou à quelque
époque que ces usurpatious eussent eu lieu, puisque
la loi de la prescriptibililé s'applique généralement
à tous les fonds du domaine privé.
D'autre part, la possession du public sur les
fonds destinés à son service est une véritable possession civile exercée à titre de mahre.
Pour se convaincre de celte vérité, il suffit de
reporter sa pensée SUl' ce qui se fait ou se passe lors
de la création d'un établissement public, tel qu'une
route ou un canal de navigation, ou autre ouvrage
destiné à llU service de la sociélé.
Lorsqu'il s'agit de créer quelques-uns de ces établissemeIits, et qu'à cet effet, on doit occuper des
fonds de particuliers, l'on débute pal' une expropriation pour cau~e d'utilité publique, au moyen
de laquelle les anciens propriétaires abandonnent
la propriété de leurs fonds, qui dès-lors entrent
dans le domaine public. D'où il résulte que la: possession exercée ensuite par le public snI' ces terrains
est une vraie possession civile exercée à titre de
maître snI' le fonds même, et qu'elle est d'une tout
autre nature qu'une simple jouissance de servitude
~
�288
TRAITE
qui n'aurait pour objet qu'un droit incorporel
exercé snI' le fonds d'autrui.
Il faut encore tirer delà une autre conséquence:
c'est que, s'il n'y avait pas eu expropriation expresse
du fonds, le public pourrait, an moyen de la même
possession du ~ol, en acquérir la propriété par la
prescription, comme en ayant eu la possession civile durant le temps exigé par la loi; et c'est ainsi
que cette question a été décidée par une o,'donnanee du 27 juillet 1814 dans l'espèce suivante:
cc Vu l'arrêté du conseil de préfecture du dép'artement de l'Orne du 29 mars dh4, portant que J
pOllr tenir lieu au sieur Jacques Portier de l'indemnité qui lui est due pour le terrain cédé par le.
sieur Louis-Jacques Portier, son père, il Y a environ quarante ans, pour la construction de la
route aujourd'hui départementale de Verneuil à
Grandville, il lui est concédé le terrain de l'anCIenne route.
» Considé,'ant que la jouissance non interrompue de l'état, depuis l'époque de la constructiop
de la nouvelle route jusqu'à ce jour, coustitue une
prescription réelle, aux termes de l'article 2262 dn
Code civil;
» Que les lois des 23 messidor an 2, 23 prairial
an 3, 24 frimaire an 6, et un décret dn 25 février
1808, ont prononcé la déchéance des créances de
la nature de iCelle dont le sieur Portier réclame le
paiement;
» Que conséquemlll,ent l'arrêté précité est en
�DU DOMAINE' PUlIUC•.
289
opposition formelle avec les lois et les principes sur
la matière;
cC Sur le rapport ·de notre -ministre de l'inténeUl' ;
,>
Notre conseil d'état entendu;
» Nous avons ordollné et ordo~nons ce qui suit:
» Art. 1 er. L'arrêlé du conseil de préfecture du
département de rOrne, du 29 mars 1~:h4, est annulé comme contraÎre aux lois (1). »
Ainsi il est bien constant que la jouissance exercée par le puhlic sur un chemin n'a pas seulement
pour objet un simple droit incorporel de servitude,
mais qu'il comporte tous les attributs d'une vraie
possession civile appliquée au fonds lui-même; et
tous les effets d'un vrai possessoire.
Mais 'c'est là un point sur lequel nous revien'"
drons ultérieurement avec de plus grands développements.
(l) Voy. au hull. t. 2, pag. 73, 5' série.
~oM.
1.
�290
CHAPITR.E XVIII.
Des grandes routes ou grands chemins.
Nous ne nous occupons pas encore ici des cbenlins vicinaux ou autres chemins d'un ordre infé·
rieur. Ce qui les concerne trouvera sa place dans
la partie relative au domaine public municipal.
Nous diviserons ce chapitre en trois sections,
dans lesquelles nous traiterons successivement:
Des grandes routes considérées comme faisant
partie du domaine public;
De leurs classification, largeur et alignement;
El du point de savoir SIJ~ qui pèse la charge de
leur établissement et entretien.
SECTION PREMIÈRE.
Des grandes routes considérées comme del'ant, par leur
destination, faire partie du domaine public.
239. L'établissement des grands chemins doit
remonter aux temps les plus reculés, p~isque toujours ils ont été nécessaires pour assurer les communications entre les habitants soit des mêmes
pays, soit des diverses con 1 rées. Et, comme leur
fonction fut toujours de servir indistinctement à
tous, jamais ils ne puren't être véritablement la
propriété de personne, quelle qu'ait été d'ailleurs
à ce sn jet la prétenLÎon des seigneurs durant le
règne de la féodalité.
�DU Do.MAINE PUBLIC.
291
Nous appelons chemins publics, dit Ulpien,.
ceux dont le sol est public 'aussi: car il y a cette
différence entre un chemin privé et celui qui est
public, q.u'en ce qui touche ail premier, le sol cst
la propriété particulière d'un autre, en sorte que
nous u'avons que le dmit d'y passer on d'y fàire
passer nos voitures, tandis qu'en fait de chemin
public, le sol est public aussi, comme ayant été,
lors du partage des terres, laissé, par décret de
l'autorité supérieure, dans l'état de communion
native, avec les dimensions convenables pour
que chacun pût s'en servir. Viam puhLicam eam
dicimus cujus etiam solum puhlicum est. Non
enim sicuti in vid priyatd, ita et in puôlicd
accipimus : viae priyatae solum alienum est,
et jus tantùm eundi et agendi nohis competit;
viae autem puhlicae solum puôlicum est, relietum ac directum eerlisfiniôl/s latitudiTûs ah eo
qui jus puhlicandi haôttit, ut puhlicè iretur,
commearetur (1).
Telle est la législation dont nous avons tiré,
comme un principe constant, que 110S routes font
essentiellement partie du domaine pllblic; e.t,
quoique ce principe ait été méconnu ou violé par
la féodalité, qui, en ertaines provinces, attrihuait aux seigneurs la propriété des chemins, il
n'en dut pas moins rester vrai dans tous les temps,
parce qu'il est fondé sur la nature des choses;
(1) L. 2, § 21, ff ne quid in loco puhlico) lib. 43, tit. 8.
�292
TR.AITÉ
c'est aussi ,ce que nous voyons enseigné par Loi·
seau, en traitant de la police de voirie.
cc Il me semble, dit-il, que la distinction des
» chemins royaux et de traverse, bien qU,e conve» nable lorsqu'il est question d'arbitrer leur lar» geur, ou encore possible de contribuer à leur
» réparation, il n'est pas tontefois considél'able en
» la question, si la justice d'iceux appartient aux
» juges royaux ou des seigneurs: car les che-:» mins, pour être dits royaux, ne sont pas plus au
» roi que les traverses ou autres chemins publics;
» atteudu qu'ils sont dits royaux comme les plus
» grands et excellents; et de fait il est notoire
» qu'ils on t été appelés royaux par les Romains et
» autres peuples qui n'avaient pas de roi.
» D'ailleurs, il est certairl que la vraie propriété
» des chemins n'appartient pas aux rois: car on
» ne peut pas dire qu'ils soient de leur domaine,
» mais ils sont de la catégorie des choses qui sont
» hors du commerce, dont partant la propriété
» n'appartient à aucun, mais l'usage est à chacun;
» qui pour cette cause sont appelées publiques;
» et par conséquent la garde d'icelles appartient au
» prince souverain, non comme ièelles étant de
» son domaine, mais lui étant gardien et. conser;» vateur du bien public (1), »
Rien de plus clair et de mieux fondé que la doctriue émise par ce .savant auteur, et de laquelle il
(1) Loiseau, traité des seigneuries, chap. 9,
nOS
73 et sui".
�DU DOMAINE PUBLIC.
293
résulte que les chemins publics, étant placés hors
du commerce, soit quant au sol qu'ils occupent,
soit quant à l'usage auquel ils sont destinés, sont
également imprescriptibles sous l'un et l"autre rapport; mais pour éviter des répétitions, nous renvoyons à ce qui a été dit aux chapitres qui précèdent, sur cette imprescriptibilité.
240. Les roUles doivent être, autant que le
permetteut les localités, accompagnées de fossés
latéraux soit pour servir à l'écoulement des eaux,
soit pour mettre ohsfacle aux anticipations possibies de la pal't des propriétaires riverains.
.
Aux termes de l'art. 2 d'uu arrêt de réglemen~
du conseil du 3 mai 1720, ces fossés doivent avoir
une large1ll' au moins de six pieds (1 mèt"949 mil.)
dans le haut, de trois pieds (975 m.) dans le bas,
et une profondeur de \1'Ois pieds (1); iLs. sont
aussi placés l.\ans.lç dom,aiue puJ?lic , comme éta~t
une part~e acc~ssoire de la route.
, L'article 4 de cet arl1êt du conseil imposait aux
propriétaires riverains l'obligation de' cUrer ces
fossés latéraux des routes, ainsi que de faire sur
leurs fonds le rejet des déblais du curage; la
même mesure avait été prescrite par les arti,cles 32
et 1°9. d'Un décret du )6 décembre 1811 (2);
mais celle servitude. compqrtait en elle-même une
(1) Voy. dans la conférence de Simon, sur l'lIrt. 3, tit. 28,
de l'ordonnance ùe 1669.
(2) Bullet. t. 16, p. 70, 4- série.
�294
TRAtTÉ
grande injustice, en ce que souvent des champs
de pen de contenance ont une très-grande étendue
Je long de la ronte, tandis que d'aufres ne font
qu'y aboutir, et qu'ainsi la charge de ce curage se
trouvait fort inégalement répartie; et comme elle
était imposée aux personnes, et se trouvait, par là
même, contraire à l'art. 686 du Code civil, elle,
devait être supprimée, et elle a effectivement été
abolie par la loi du 12 mai 18:15 (1), qui, déclarant
positivement que les fossés font parlie des routes
royales et départementales, veut qu'ils soient curés par les soins de l'administration publique Ca).
De ce que le sol des grands chemins ct/de leurs
fossés se trouve placé hors du commerce, pour
fàire partie du domaine public, il résnlLe que l'é(1) Voy. au bullet. tom. 2" pag. 325, 8 e série.
(a) Même en ce qui concerne le rejet des terres qui ne cons-'
titue qu'une servitude réelle, licite en général, l'état parait ne
plus prétendre au droit de l'opérer sur les riverains, puisque
par le § 2 de l'art. 6 du réglement pour le service des cantonuiers, arrêté par le directeur général des ponts et chaussées,
les cantonniers ne sont autorisés à jeter les terres provenant des
fossés sur les terrains voisins, que s'il n'y a pas d'opposition
de la part des propriétaires.
Ccpendant plusieurs conseils de préfecture continuent à décider que les voisins doivent supporter cette charge, mnis seulement en ce qui concerne les terres provenant de la moitié de la
largeur de la route; en' sorte que si d'un côté il y avait une
clôture qui empêchât le l"ejet, le voisin de l'antre côté qui supporterait seul toute la charge aurait droit il une indemnité
pour la moitié.
�DU DOMAINE PlffiUC.
295
tablissement d'une nouvelle ~oute enlra~ne nécessairement l'expropriation des fOllds ou portions de
fonds qu'elle doit occuper, puisque leurs maîtres
doivent dès-lors cesser d'en être propriétaires; et,
comme c'est, un principe proclamé soit par l'art. 1 er
de la loi du 6 octobre 179 l , soit par l'art. 545 du
Code civil, .que nul ne peut être contraint de céder
sa propriété, même pour cause d'utilité publique,
qu'au moyen d'\lne juste et préalable indemnité, il
faut dire encore qu'en ce cas le gouvernement devient acquéreur, et doit payer le prix. des fonds
occupés par la ronte et les fossés latéraux.
De ce que le sol d'une grande route a dû, lors
de son établissement, être acquis aux frais du
gouvernemen t, il fau t tirer celle conséquence,
que, quand une route vient à être supprimée, le
terrain par eUe occupé rentre dans le domaine de
propriété de l'état, qui peut alors en disposer suivant les formes requises pour l'aliénation des propriétés nationales.
SECTION II.
De la classification, de la largeur légale, et de
l'alignement des grandes routes •
. 241. I. Par nn décret du 16 décembre 1811
(1), toutes les grandes routes de France ont été
divisées d'abord en rOlltes impél'iales ou royales,
et en routes départementales •.
(1) Voy. au bullet.
t.
16, p. 66, 4" série.
�296
TRAITÉ
. Les roules royales son t réparties en trois classes,
qn'on trouve successivement désignées dans le tahleau annexé à ce décret; on y voit
Que la première.classe compreud les routes qui,
partant de Paris, vont jusqu'aux extrémités les
pins éloignées du royaume pour communiquer avec
,,
l etranger;
Que la sp.conde comprend celles qui, partant
(:galement de Paris, vont aboutir à des ports de
mer ou à des villes importantes;
.
. Que la troisième comprend celles q~li, partant
des plus importantes villes de province, conduisent·dans d'autres villes du même ordl'e, sans
passer par la' capitale.
, Aux termes de l'article 4 de ce décret, toutes
les fois qu'iL y a -lieu à ouvrir une route nouvelle,
l'ordonnance qui en prescrit la construction doit
indiquer la classe à laquel~e elle appartiend,'a.
- Viennent ensuite les routes départementales,
fJni forment une classe à part et bien distincte. Ce
sont les grands chemins de tl'averse qui servent à
la communication des chefs· lieux des départements
et des arrondissements, ou niême à celle des déparlements entre eux, sans être principalement
dirigés .vers la capitale.
Ces grands chemins sont établis sur la demande
des conseils généraux des départements, et aux
frais particuliers des localités qui en sont traver,
sees.
242. II. Quant à la largeur légale des rQUt~S;
�DU DOMAINE PUIlLIC,
297
pour bien apprécier à cet égard l'étendue du do":
maine public, on doit d'abord considérer l'état
des lieux et s'attacher au fait de la possession;
mais il y a eu diversréglements, soit généraux,
soit particuliers, qu'on peut consulter aussi en cas
de difficulté sur la matière.
Ame termes de l'article 1 er, titre 28 , de l'ordonnance de 1669, cc en toutes les forêts de passage,
:>:> où il ra et doit avoir grand chemin, royal ser:>:> vant aux coches, carrosses, messagers et rouliers
):> de ville à autre. les grandes ;routes auront au
» moins soixante ct douze pieds de largeur, (23
:>:> mètres 39 centimètrcs ); et où elles se tl'Ouve» raient en avoir davantage', elles seront conser·
:>:> vées dans leur entier. ):>
Suivant lcs articles 2 et 3 de l'arrêt de réglement
du 3 mai 1720, précédemment cité, hors des forêts , les grandes routes de première classe doivent
'avoir soixante pieds (19 mètres 49 ccntimètres), et
celles Je la seconde classe trente-six pieds( I l mètres
69 centimètres) de largeur au moins, et' non compris les fossés.
Un autre réglemcnt du 6 février' 1776 avait 01'donn(~ gue les routes de premier ordre ne seraient
pius ou'Vertes à l'avenir que sur une largeur de
42 pieds (13 mètres 64 centimètres); que celles du
second ordre seraient fixées à la largenr de trentesix pieds (11 mètres 69 centimètres); et celles du
troisième ordre à trcnte pieds (9 mètres 75 centimètres) : le tout non compl'is les fossés latéraux: ,
�298
TRAITÉ
ni les empatementsdes talus et glacis; sans cependant qu'il fût ordonné aucun changement aux
routes précédemment établies, lesquelles ont dû
conserver leur largeur, quoique supérieure à celle
qui est fixée pour l'avenir par ce réglement (1).
Cependant l'un et l'autre de ces réglements
veulent que, dans le cas où l'établissement des
routes a lieu dans les pays de montagne et autres
endroits où la construction des chemins présente
des difficultés eXt1'aorl1inaires , et entraîne de trèsfortes dépenses, leur largeur puisse être moindre,
en prenant d'ailleurs les précautions nécessaires
pour prévenir tous les accidents.
,243. III. Toutes les routes doivent avoir chacune un alignement légal, fixé et déterminé par
les plans de leur ouverture, ou de leur tracé primitif, ou par les plans de rectification postérieuremen t arrêtés par les ordres de l'administration: à
défaut de ces sortes de titres" l'alignement résulte
de l'aspect des lieux et de la possession.
De quelque manière que ces alignements soient
connus, ils sont une chose sacrée à l'égard des
propriétaires riverains, auxquels il est sévèrement
défendu de les franchir par des anticipations.
Sur quoi il faut observer encore que, comme
nous l'avons fait voir pins haut, les empatements,
talus et fossés latéraux faisant partie accessoire des
(1) Voy. dans le traité de la voirie par M. Isamhert ,_
1re partie, pag. 44.
�DU DOMAINE PUBLIC.
299
routes, et appartenant ainsi au domaine public,
c'est sur leurs bords extérieurs que doivent être
pris ou tracés les alignements (1).
244. L'alignement en fait de routes n'est pas
seulement à considérer par rapport à leur état matériel, comme s'il ne devait offrir qne des questions
ou des problèmes de géométrie à résoudre; il faut
aussi et il faut surtout le considérer par rapport aux
soins que le gouvernement doit apporter à conserver le sol public, et à empêcher les riverains d'y
commettre des anticipations: c'est pourquoi il est
défendu de consll'Uire aucun éditice ou bâtiment
quelconque au bord des routes, sans avoir préalablement fait reconnaître l'état des lien x , et l'alignemen t sur lequel la construction projetée pourra
être légalement faite.
Mais quelle est l'autorité compétente pour procéder à cette reconnaissance et assignation d'alignement?
Aux termes de l'article 1 er de la loi du 14 octobre 179~ , cc l'administration en matière de grande
') voirie, attribuée a"ux corps administratifs par
;» l'article 6, titre 14 , du décret sur l'organisation
» judiciaire, comprend dans toute l'étendue du
» royaume l'alignement des rues
des villes,
» bourgs et villages qui servent de grandes
» routes. » Et suivant l'article 3 de la loi du
28 pluviôse an 8, qui a supprimé les administra(1) Yoy. sousle no 240.
�300
TRAITf.
tions centrales, les préfets ayant été seuls revêtus
de l'administration active, c'est à eux qu'il appar..
tient de statuer en premier ressort sur les questions
d'alignement, en ce qui touche aux grandes routes, après t.outefois avoir pris l'avis des ingénieurs
des pan ts et cba ussées (1).
245. Mais en ce qui concerne la répression des
contraventions commises, soit en ne pas deman-'
dant d'alignement, soit en ne se conformant pas à
ceux donnés par l'autorité compétente, c'est aux
conseils de préfecture que ce genre de débats doit
être rorté, ainsi qu'on l'expliquera plus bas.
246. Quant au fond", ou quant à la pénalité
que peuvent entraîner les contraventions aux
règles de l'alignement, il faut observer d'abord
qu'aux termes de l'article 29, titre 1er, de la loi du
22 juillet 1791, sur la police municipale, « sont
n également confirmés provisoirement les régle_
:» ments qui subsistent touchant la voirie, ainsi,
" que cenx aotuell~ment existants à l'égard de la
» construction des bàtimen ts, et relatifs à leur
)' solidité et sûreté, et sans q"ue de la présen te dis)-' position il puisse résulter la conservation des
" attributions ci-devant faites à des tribunaux par» liculiers.),
De là on a· tiré la conséquence que l'ancien
réglement établi par un arrêt du conseil du 27 féVl'iCl' 1765, sur l'alignement à tlemander de la part
(1) Voy. encore sous le nO 120.
�DU DOMAINE PUBLIC.
301'
de èeux qui veulent bâtir aux bords des routes,
devait toujours être obligatoire, et cela est con ..
forme à la jurisprudence de notre conseil d'état
actuel.
Néanmoins nous ferons remarquer plus bas que
l'application n'en doit être" faite que sans préjudice
des nouveaux prinçipes de législation qui nous gou.
vernent aujourd'hui.
Cet arrêt du conseil est conçu daus les termessuivants:
cc Les alignements pour construction et recons:>, truction de maisons, édifices, ou bâtiments gé" néi'alement quelconques, en tout ou eu partie,
» étant le long et au joignant des routes; soit dans
" les traverse~ des villes, bourgs et villages, soit
)' en pleine campagne, ainsi que les permissions
" pour toute espèce d'ouvrages aux faces desdites
)' maisons, édifices el bâtiments, et pour établis), semen 1 d'échoppes ou choses saillantes le long
), desdites routes, ne pourront être donnés en
:>, ancun cas que par les trésoriers de Frauce (au:>, jourd'bui les préfets) ; le tout sans frais, et en
), se conformant aux plans par eux élevés et arrêtés,
" par ordre de sa majesté, qui sont ou seront
" déposés par la suite au greffe du bureau des
" finances de leur généralité (aujourd'hui à la
" préfecture du département). "
Reprenons quelques-unes des principales expressions de cette première partie du réglement, pour
�302
TRAITE
les accompagner d'annotations propres à en facililer l'intelligence.
Les alignements pour construction de maisons, etc. Comme il s'agit surtout ici de la conservation du sol et de la protection du service
public, la même règle nous parait devoil' êlre appliquée à la construction des murs de clôt.ure faits
en maçonnerie, puisqu'ils sont fondés dans le sol
comme ceux des maisons; qu'ils ont comme eux une
existence ferme et permanente; et qu'ils peuvent
également servir à commettre des an ticipalions.
Ou reconstruction. Il faut demander l'alignement, même pour reconstruire, parce qu'il serait
possible que le plan du tracé primitif de la l'oute
ou de la rue eût reçu quelques modifications ou
cbangements à raison desquels l'édifice dût être
plus reculé qu'il ne l'était.
Etant le long et au joignant des routes. On
voit par là que la formalilé prescrite par ce réglement ne devrait pas avoir lien, ou ne serait pas obligatoire pour celni qui vomirait laisser un espace de
son terrain entre sa construclion et le sol public,
parce qu'aJol's 01~ ne pourrait pas dire que la construction fût faite ou dût être faite le long et au joignant de la route; et c'est ainsi que, suivant la
jurisprudence ÙU cOQseil d'état, l'application de ce
réglement doit être entendue (1).
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 4 février 1824, dans
6 , p. 86,
REL, t,
MACA-
�nu
l>ûMAINE PUBLIC.
303
Soit dans les traverses des villes, hourgs et
villages. Lorsqu'il s'agit de constructions à faire
dans les villes, bourgs et villages, c'est aux maires
à donner les alignements sur les rues qui ne servent pas à la continuation des grandes routes; mais
ici c'est aux préfets, parce que les rues servant de
passage aux grandes routes sont elles-mêmes des
grandes routes (a).
(a) Il Y a cependant exception lorsqu'entre la chaussée et les
maisons il existe un grand espace: cet espace doit être ,:onsidéré
comme place publique faisant partie du domaine~.mliJllcipal,
et à ce titre est soumis à la juridiction non du préfet, mais du
maire auquel en conséquence il faut s'adresser pour obtenir
l'alignement en cas de reconstruction des maisons voisines.
(Arrêts du conseil d'état des 16 janvier 1828 et 26 août 1836 ;
ce dernier est rapporté en ces termes dans le recueil judiciaire
de Sirey, t. 36, - 2" part. - pag. 542 :
. « Louis-Philippe, etc. Considérant qu'aux termes des
» lois et réglemellts sur la grande voirie, l'administration a le
» droit de donner dans les rues et places des villes qui servent
.. à établir la continuité des grandes routes, les alignements
Cl nécessaires à l'effet d'y porter ces rues et places à une largeur
» suffisante pour assurer la viabilité ; mais que sur tous les
» points où ces rues et places ont une largeur plus grande,
.. l'administration générale des ponts et chaussées est sans intérêt
» et sans droit pour les rétrécir; qu'elle doit se borner dans ce cas
» à déterminer les limites nécessaires à la circulation, et
» renvoyer à l'autorité municipale pour les alignements à
1. donner dans l'intérêt et d'après les Tègles de la voirie urbaine aux maisons qui sont situées au-delà desdites limites;
.. - considérant dans l'espèce qu'il résulte de l'instruction que
.. la limite de la place, par rapport à la graude vQirie, est sil)
�304
TRAITÉ
Soit en pleine campagne. L'alignement doit
être demandé même pour constructions à faire en
pleine campagne, atteudu que nulle p<lrt on ne
doit souffrir ce qui pOU1:rait tendre à. préjudicier au
service public.
Pour l~établissement d~échoppes ou choses
saiLla'ntes le long desdites routes. Dans ce cas;
il ya sur le sol public, ou dans l'espace qui est au"
dessus, une véritable anticipation qui doit être réprimée et démolie, si elle n'a été spécialement autbrisée par le prèfet.
En se conjorinant aux plans ievés et al r§tds
par les ordres de sa majesté. C'est.à.dire que le
plan primitivemellt fait pour fixer le tracé de la
route doit être d'abord suivi pour la reconnaissance
et concession de l'alignemen,l tles édifices à construire sur ses bords.
" tuée à la distance moyenne de deux mètres de la maison du
sieur Girard; que l'administration aurait dû se borner à dé-'
terminer cette limite et renvoyer au maire pour l'alignement
à donner au-delà de ladite limite. '.....:.. Ordonnons, art. pr.,
" Les arrêtés du préfet de liOrne des
, ensemble la décisiOli
" de notre ministre de l'intérieur qui les approuve, sont réformés
en tant qu'ils conféraient au sieur Girard le droit de s'avancel' Jusqu'à la limite déterminée pour la traverse de .la
» grande route, etc.)
Par suite la répression des contraventions de voirie commises
en dehors de l'espace affecté à la traverse de la route 'est dans
les attributions du tribunal de police municipale, ainsi que l'a
décidé la Cour de cassation par 11n arrêt du 16"mai 1839 (Sirey,40-1-459).
»
l)
l)
l)
l)
l)
�305
DU DOMAINE PUBLIC.
Ou qui sont ou seront déposés par la suite
au grtflé. C'est-à-dire encore que si, pOUl' des
améliorations de la route ou de la rue , le premier
tracé en avait été rectifié, c'est au n~uveau plan
connu et déposé au greffe qu'il faüdrait se conformer.
Mais revenons â la suite de ce.réglemen t.
24'1. cc Fait, Sa M... jesté, défense à tous par" ticuliers, propriétaires ou autres, de construire,
" recbnstl'ull'e on réparer aUCUDS édifices, poser
» échoppes ou choses saillantes le long desdites
» routes; sans en avoir obtenu les alignenlCnls ou
~) permissions desdits (préfets), à peine de démo~~ lilion desdils ouvrages, confiscation des maté" riaux, et de trois cents livres d'amende; et con:h 1re les maçons, charpentiers et ouvriers, de pa~~ teille amende, et même de plus grandes peines
') en cas de réciçlive (1). "
Celte seconde partie du réglemcnl donne lieu à
des discussions plus longues el plus itnporlantes,
dans lesquelles nous il0U5 allacherons généralement moins à indiquer ce qui se pratique qu'à démontr'er ce qui devrait être.
248. Ici se présente d'abord une question
grave, consistant à savoir si celui qui, sans avoir
obtenu d'aligilement ~ et sans avai;' laissé aucune
parcelle intermédiaire de son terrain, a positive-
L
(1) Voy. ce réglemem dans le Dictionnaire des lois pénales,
1''', p. 40, au mot alignement.
TOM. 1.
20
�306
TRAITÉ
ment construit une maison au bord et au joignant
de la route, mais sans aucune anticipation sur le
sol puhlic, peut être condamué à démolir, avec
confiscation des matbiaux.
La décision affirmative de cette question paraît
conforme à quelques arrêts du conseil d'état; et
entre autres à celui du 20 novembre IS15, conçu
dans les termes suivants:
« Vu la requête présentée le 14 juin 1~h5 par
) le sieur Chéradarne, tendant à ce qu'il nous
» plaise annuler un arrêté du conseil de p~éfec
» ture du département de l'Orne du 22 octobre
» 1813, qui condamne ledit Chéradame à démolir,
» dans le délai d'un mois, la maison qu'il vient de
» faire construire sllr la ronte départementale de
» V erneuille à Grandville, dans la traversée du
» bourg d'Econché, et à une amende de trois
» francs;
» Vu ledit arrêté;
» Considéraut qu'il est défendu à tout particu» lier de construire, reconstruire ou réparer aul> cuns
édifices, maisons ou bâtiments étant le
» long et joignant les grandes routes, soit dans
» la traversée des villes, bourgs et villages, soit
» en pleine campagne, sans en avoir obtenu les
» alignements, à peine de démolition des ouvrages,
» et d'amende;
» Notre conseil d'état entendu,
» Avons ordonné et ordonnons ce qui suit:
» La réclamation du sieur Chéradame est l'eX> jetée.
�DU DŒtIAINE PUBLIC.
307
L'arrêté du conseil de préfecture du département de l'Orne sera exécùté selon sa forme et
» teneur. (1). »
Pour chercher à justifier la rigueur de cette jurisprudence, on peut dire que le réglement du
mois de fëvrier ) 765 , tel qu'on vient de le rapporter, n'ayant point été abrogé, doit recevoir son
entière exécution; que, statuant sur les édifices
construits SUI' le bord des routes, comme sur les
échoppes établies avec anticipation sur leUl' sol
même, il entl'e nécessairement dans son esprit de
prescrire la démolition daus les deux cas; que, si
cela paraît bien sévère, il faut considérer, d'autre
pah, qu'il est possible que le service public exige
dans la suite que la largeur de la route soit augmentée; que même on aperçoit déjà aujourd'hui
le besoin de lui donner quelque élargissement. Or,
dans cette hypothèse, le plix du torrain à acquérir par le trésor public, devant comprendre l'estimation du sol et de la superficie, se monterait d'~u
tant plus haut que l'édifice aurait été mieux construit, ou réparé et entretenu en meilleur état; que
c'est dans la prévision de cette surcharge imposée
au trésor, et pOllr l'éviter, qu'on doit maintenir
l'exécution du l;.églement; et que, suivant la juris»
»
(1) Voy. dans la jurisprudence du conseil, par SIREY, t. 3,
p. 184, nO 157.-Voy. encore un autre arrêt rendu sur une
espèce semblable le 29 août 1821, dans MACAREL, t. 2,
p.323.
�308
'l'MITÉ
prudence ou conseil d'état, on doit ordonner la
démolition même des nouveaux murs intérieurs
faits pour reconforter ou soutenir le mur de face
sur la route ou la ~ue , lorsque la permi.:;sion n'en
a point été obtenue.
Nonobstant tous ces raisonnements, nous
croyons que ce point de jurisprudence ne peut être
réellement justifié sans admettre la distinction suivante:
Ou il y a déjà eu de la part de l'administration
puLlique une prévision de rectification dans le
tracé primitif oe la route ou de la rue, à raison
de laquelle la maison qui fait l'objet de la difficulté
aurait dû être plus reculée; ou il n'y a encore rien
eu de semblable; en sorte que le fonds du constructeur de la maison est toujours resté, vis-à-vis
de la route, dans la classe ordinaire de toutes les
propriétés riveraines du sol public.
Si nous nons plaçons dans la première hypothèse, c'est-à-dire si l'on suppose qu'il y ait eu ~ de
la part du gouvernement, un nouvean projet de
rectification de la route on de.la rue, dont le plan
ait été arl'êté par lui, et que l'exécution de ce plan
doive entraîner le reculement de la maison bâtie
sans autorisation, 11ul doute que le constructeur
qui aUl'a ainsi placé sa construction sur ùn terrain
déjà destiné à êtl'e occupé par la route ou par une
rue publique ne soit justement condamnable à la
peine de démolition, parce qu'il se sera constitué
dans la faute grave de n'avoir pas demandé son ali-
�DU DOMAINE PUBLIC.
309
gnement, et qu'il n'aura pas eu le droit de faire sa
construction dans la position qu'il a voulu lui donner de sa prupre autorité.
Vainement dirait-il qu'il n'a construit que sur
son propre fonds, et qu'il l'a fait sans commettre
aucune anticipation sur le sol de la route; que, ne
connaissant pas le nouveau plan de rectification du
chemin ou de la rue, il a agi de bonne foi, et que
c'est plutôt l'administration qui elle-même est en
faute pour ne l'avoir pas aveni de cette circonstance, qu'il devait naturellement ignorer tant
qu'on ne lui avait pas notifié d'opposition; qu'il
ne pouvait être tenu de délaisser aucune par~ie de
son fonds du côté de la route, sans qu'on lui en
eût préalablement offert une indemnité convenahle; que, cette indemnité ne lui ayant poin.t été
proposée ,_ il n'a jusque là fait que jouir de son
droit, et n'a pu se rendre coupable d'aucune
faute.
On lui répondrait avec raison qu'au contraire il
est évidemment coupable pour n'avoir pas satisfait
à l'ohligation que lui imposait le réglement de s'ab.
stenir de toute construction joignant la route, sans
avoir demandé son alignement; que s'il avait rempli
cette formalilé , il eût élé averti de la défense de
construire au lieu où il l'a fait, et de l'existence du
décret royal ordonnant l'expropriation d'une portion de son terrain pour cause d'utilité publique;
qu'alors, connaissant cet état de choses, il aurait
pu arrêter amiablement avec l'administration le
..
�310
TRAI1'É
montant de son indemnité, ou recourir aux formes
établies par les lois pour en fixer le chiffre; que
de celle manière il n't:ùt souffert aucun dommage,
et qu'en conséquence il ne peut se plaindre.
249. Si, au contraire, nous nous plaçons dans
l'hypothèse commune, où il s'agit des bords J'une
ronte ou d'nue rue qu'il n'est question ni de rectifier, ni de déplacer, ni d'élargir sllr le fonds voisin, celui qui aura vouln construire un édifice
joignant la route ou la rue, sans demander d'alignement, sera bien justement condamnable à l'amende pécuniaire pour n'avoir pas satisfait à l'obligation que lui imposait le réglement; mais la
démolition de son édifice ne pourrait être ordonnée
sans confondre deux systèmes de législation dont
les principes sont tout différents, et sans com-\
mettre la plus patente injustice.
Lors dn réglement de 1765, dont il s'agit ici dé
faire une juste application, le pO'.lvoir royal qui l'a
établi ne reconnaissait aucune résistance légale de
la part des citoyens, et ses ordres les plus aFbitraires
devaient recevoir leur exécution, parce que la force
était toujours là pour contraindre à l'obéissance.
Cet ordre de démolition et de destruction infligées
à tout constructeur près des rontes, sans distinction, est la preuve la plus cornpIète que ce ,.é~le
ment ne fut sons le rapport de la pénalité que
l'œuvre du despotisme.
Mais aujonrd'hui il en est autrement, puisque
nul ne peut être privé de sa propriété qu'après l'em-
�DU DOMAINE PUBLIC.
311
ploi des formes protectrices établies par nos lois, et
sans l'accomplissement desquelles l'action du gou. etre
. l'ega 1ement arretee.
• ,
vernement peut eIl e-meme
Il faut d'abord qu'il y ait une ordonnance royale
autorisant lee. travaux d'ouverture ou de rectification de la route.
Il faut qu'il y ait un acte du préfet désignant les
terrains sur lesquels l'expropriation doit porter, si
déjà ils n'ont pas été signalés par l'ordonnance du
prmce.
11 faut un,~ enquête de commodo et incommodo!
et des affiches sur les lieux, qui avertissent les parties intére~sées qu'elles peuvent faire leurs réclamations.
Et sa~s l'ac~omplissementde toutes ces formalités, le tribunal doit ordonner le sursis à toute expropriation.
Mais, cela étant ainsi; comment pourrait-oil
aujourd'hui, et sans manquer à l'ordre actuel,
exécuter rigoureusement le réglement de 1765,
dans l'hypothèse que nous venons de poser, et qui
est celle de l'étal le plus commun des choses?
Cette seule réflexion suffit déjà pour faire comprendre que l'application du réglement de 1765
doit être aujourd'hui modifiée d'après le système
de nos lois nouvelles: autrement ce serait vouloir
allier le pouvoir absolu de l'ancien régime avec le
pouvoir constitutionnel qui nons régit actuellemen L;
ce serait même faire prédominer le système du despotisme sur celui de la liberté.
�312
TRAITÉ
l'ancien régime, le pouvoir absolu, sans
être inconséquent avec lui-même, pouvait dire au
constructeur: Tu démoliras, parce que telle est
la peine que je t'impolje pour avoir construit sans
ma permission (a); ~ais c~ langage serait-il encore supportable aujourd'hui? Evidemment non,
puisque l1ullle peut pltl& être privé de sa propriété,
ni du droit d'en jonir comnw il le juge à propos,
si ce n'est pour cause d'utilité publique, préalablement reconnue par un décret spécial du gouvernement, et a Il moyen des formalités établies
par les lois pour la protection, de la propriété de
tous.
Pour mieux faire sentir la force de ce raisonnement, snpposons qu'après avoir exécuté l'arrêté du
conseil de préfecture, ou l'arrêt du conseil d'état
ordon"oant la démolition par le seul motif que le
constructeur n'aurait pas demandé d'alignement,
ce même propriétaire veuille reconstruire de nm;:
veau son bâtiment dans le même lieu, et qu'il demande son alignement au préfet, te fon,ctionnaire
pourrait-il lui ordonnerde s.e retirCl'.à une distance
quelconque du sol p.ublic de la route ou de la rue?
Pourrait-il lui enjoindre de délaisser une partie
quelconque de son terrain en dehors de sa construction r Assurément non: puisque, d'une part,
nous l'aisonnons toujours dans l'hypothèse où il
n'y a eu aucun décret du gouvernement ordollSOUS
(a) Sic volo ; si juheo , sit pro ratione voluntas.
�DU DOMAINE PUBLIC.
313
nant l'élargissement de la route on de la rue, et
l'expropriation d'aucune portion de 'terrain pour
cet objet; et que d'autre côté le préfet ne peut forcer personne à vendre la plus petite parcelle de son
fonds, ni imposer à l'état l'obligation de l'acheter
et au trésor public la charge d'en payer le prix.
On agira donc à l'égard de ce constructeur,
comme on le fait chaque jour envers tous ceux qui
demandent des alignements: c'est-à· dire qu'on
reconnaîtra, contradictoirement avec lui, la ligne
séparative du sol public de \a route ou de la rue,
d'ave.l:: le fonds p"ivé qui est sa propriété, et qu'il
lui sera permis de reconstruire son édifice au bord
de son terrain, comme il l'avait déjà fait, parce
qu'en pareil Gas, l'on n'e~ige de la part des cons·
tructeurs rien autre, chose, sinon qu'ils laissent la
rue parfaitement libre, sans leur imposer l'obligation de se retirer plus loin.
Ainsi la personne qu'on aura condamnée à t}émolil' sa maison pourra la rebâtir dans le mème
lieu, et pour cette reconstruction l'on ne pourra
refuser de lui accorder le même alignement qu'il
avait déjà pris lors de sa prelÎliere bâtisse: d'où il
résulte que l'ordre de démolition n'aura été qu'uu
acte ruineux pour elle, et sans aucune utilité pour
la l'on te ou la l'Ile.
L'on sera donc forcé après Lout de lui reCOnnaître le droit d'avoir aujonrd'hui le même édifice
. qu'on l'aura condamné à démolir hiel'! On aurà
donc ordonné la destruction uniquement pour la
�314
"
TRAITÈ
destruction! Comment une pareille sentence ne
serait-elle pas plutôt un acte de barbarie qu'un acte
de justice?
250. Lorsqu'il s'agit de poursuite exercée
contre un propriétaire de maison, pour avoir sans
permission fnit des ollvragt>s propres à en reconforter ou soutenir le mur de face, on doit aussi distingner le cas où, suivant le plan d'alignement de
la ville, cette façade serait sujette à un reculement,
et celni où il n'y aurait aucun çhangement prévu
à ce sujet.
Dans le premier cas, c'est-à-dire lorsque, suivant le plan d'alignement arrêté pOl~r la ville, la
maison est sujette à être reculée un jour, quand on
voudra la re~âljr après qu'elle sera tombée eu
ruines, ou doit exécuter les réglemeuts en ce qu'ils
défel1deut de faire, sans. y être autorisé, aucun ouvrage tendant à en consolider le mur de face, sous
peine d'amende et de démolition.
Mais au second cas, où la maison n'est sujette à
aucun reculement, le propriétail'e ne peut être répréhensible ponr avoir, par des ou vrages accessoires
et sur l'arrière, voulu consolider son mur de face,
puisque ce mur a une existence ahsolument légale.
251. Il résulte de là que, dans les cas ordinaires, la concessiou d'alignement u'est autre
chose qu'nn acte contradictoirement fait entre
l'autorité con~pétente et Je propriétaire riverain de
~a rOlHe ou de la rue, pour reconnaître la ligne dé·
.limitative du sol public, qui doit êtl'e laissé parfai-
�DU DOMAINE PUBLIC.
,
315
tement et intégralement libre, et de la propriété
privée qui est adjacente, et sur laqllelle il n'est pas
défendu de bâtir;
Que le riverain qui s'est seul donné son alignement est conpable d'avoir voulu se rendre justice
à lui-même contre la défense du réglement, qni,
pour écarter toutdanger d'usurpation sur le terrain
public, lui imposait l'obligation d'y appeler l'admi·
nistration pour reconnattre les limites qu'il pourraitsllivreenbâtissant;
_'
Que le réglement de 1765 n'a pu receV'Oir snI' ce
point aucune modification par nos lois nouvelles,
puisque en cela il ne contient qu'ùne disposition
qui a toujours été et qui est encore dans les règles
du droit commun, suivant lequel il n'est permis à
aucun propriétaire foucicl' de déterminer la ligne
limitative de son héritage autrement qu'en appe·
lant le voisin ponr en fi.ire la reconnaissance contradi<ltoiremen t avec lui;
Qu'en conséquence, étant coupable d'infraction
au réglement, et SUl' un point où il n'a reçu au~une
dérogation, il doit ètre condamné à l'amende, mais
non à la peine purement fl'Ustratoire de la démolition, lorsqu'il n'a commis aucune anticipation Sll\'
le sol puLlic, attendu que SUI' ce poiot le l'églement précité n'est plus d'accord avec le système de
notre législation actuelle.
�316
TRAITÉ
SECTION III.
Comment doit s'acquitter la charge de l'étahlissement et de
['entretien des routes.
252. La charge dont il s'agit ici n'a pas toujours été supportée suivant le système qui existe en
France aujourd'hui; et, pour faire voir combien
les principes de civilisation, d'égalité eule justice
ont fait de progrès parmi nous sur ce point, il est
bon de rappeler brièvement ce qui se pratiquait
autrefois.
Dans les temps anciens, la confection et l'entretien des routes n'étaient exécutés que par le moyen
de la corvée en nature imposée aux habitants des
lieux; mais, en considérant que les chemins puhlics sont spécialement avantageux aux proprié.
taires fonciers, comme favorisant la circulation
des produits de l'agriculture, les empereurs romains avaient voulu que cette charge ne fût répartie que dans la proportion des possessions foncières,
sans avoir égard à aucnne dispense ni privilége :
Antiquatis omnibus, vel personalibus rescriptis, vel pel' adnotationes elicitis, pel' Bithyniam caeterasque provincias possessores, et
reparationi puMici aggeris. et caeteris hujusmodi muneribus, pro jugeTum TJ.umero, -oel
capitum quae possideJ'e noscuntur, adstringi
cogantur (1). Loin de nous, disent les empereurs
(1) L. 5, cod. theodos. de itinere mzmiendo, lib. 15, tit. 3.
�DU DOMAINE PUBLIC.
317
HOllOl'in et Théodo~e , la pensée de vouloir classer
parmi les charges viles les travaux de construction
et réparation des 'routes et des ponts publics; nous
voulons au contraire que personne n'en soit exempt,
et que pour se soustraire à cette espèce de charge
on ne puisse opposer aucune condition de dignité,
ni aucune sorte de privilége : Ahsit ut nos instructione.J vioe puhlicae et pantium stratarumqlle
titulis majorum principllm dedicatas inter sordida mllnela nllmeremllS. I..!!,ltur ad instructiones reparationesque itinërum pontillmque
nullum genus haminum, nlllliitsque dignitatis
ac veneratianis meritis cessare apartet. Domas
etiam divinas tam laudahili titulo lihenter
adscrihimlls (l). Ainsi, et à partIes circonstances
dans lesquelles en temps de paix les Romains employaient leurs troupes à l'établissement de certaines ronles, la règle du droit commun était chez
eux que ces sortes de travaux devaient être exécutés
pal' la corvée en nature, et que la répartition de
cette charge devait être faite sur les propriétaires
fonciers de la contrée, suivant la propOl'lion et l'étenùue de leurs possessions, saufà eux à l'exécuter
eux-mêmes, ou à la faire exécuter, soit par lenrs
esclaves ou leurs domestiques, soit par des ouvriers
pris à leU!' solde particulière.
253. Après la conquête des Gaules par J lllesCésar, le système de la corvée dut y être établi par
(1) L. 4, cod. de privilegiis domils Alt{{lts/ce" lib. 11, tit.. 74.
•
•
�318
.TRAITÉ
une conséquence toute naturelle de l'importation
des lois romaines dans ce pays, et de la promulgation qni y fut faite des édits des empereurs.
Ce même système fllt maintenu lors de la conquête des Francs; mais sa base fut bien changée
par l'établissement des fiefs.
Les empereurs romains avaient voulu que la cor~
vée fût une charge foncière, imposée Sil l' les propriétaires de la contrée, dans la proportion de l'étendue de leurs possessions, pro modo jugerum-;
mais après l'établissement de la féodalité, les
seigneurs qni s'étaient emparés des terres ne l'entendirent point ainsi: dominateurs du pays, ils
voulurent que la corvée pour les routes ne fût plus
qu'une charge personnelle qu'ils firent supporter
par les villageois devenus leurs sujets et leurs demiserfs.
254. Le système de la corvée, ramené à 'ce
point, était d'une souveraine injustice, puisque
c;estla classe pauvrequi supportait la charge, tandis
que ce sont les propriétaires fonciers qui profitaient
spécialement des routes pour le débit des produits
de leurs terres.
L'effet utile du travail n'était point en proportion avec la cbarge pesant sur les travailleurs,
puisqu'il y avait une grande perte de temps dans
les allées et retours du domicile au chantier et
du chantier au domicile; et une plus grande perte
encore dans la nécessité de s'arracher aux travaux
souvent pressants de la culture.
�DU DOMAINE PUBLIC.
319
Le tl'availlui-même l'estait toujours impal'fait,
faute d'unité, pal'ce qu'il était exécuté sans art
pal' des hommes gl'Ossiers s'y livrant machinalement et sans zèle pOUl' une bonne exécution.
Cet état de souffrance pOUl' les habitants des
campagnes a duré jusque sous le règne de
Louis XVI, qui, par UI1 édit du mois de février 1776, pl'écédé d'un admirable préambule,
supprima dans tout le royaume la corvée en naHire pour l'établissement ell'entl'etien des rontes.
Mais les grands du royaume cl'ul'ent voir dans
les expressions touchantes de cet édit un. pronosiic d'abolition futUl'e des col'vées seigneUl'iales :
ligués avec les parlements, ils s'opposèl'ent à son
exécution, qui fut s.uspendue peu de temps apl'ès;
et ce n'est qne p~r une déclal'ation du même
prince, du mois de juin 1787, que cette abolition
de CO l'vées pour les routes fut définitivement conacrée.
255. On a depuis satisfait à ce genre de dépenses par le moyen des contributions, et surtout
de certains impÔts indirects.
Pal' la loi du 9 vendémiaire an 6, titre 8 (1), il
fut étaLli une tax~ d'entretien à percevoir sur les
voitures et les animaux, au moyen de barrières
et bureaux placés sur les grandes l'on tes , laquelle
taxe était due à raison des distances parcourues ou
à parcouril'.
(1) Voy.
2" série.
311
hulletill 148, nO 1447, art.
74, t. ["
�320
TRAITÉ
Ce moyen, qui au premiel' coilp d'œil paraissait
si rationnel, en ce qu'il est bien juste que celuilà même qui dégrade un chemin en supporte les
frais de réparation, excita néanmoins des réclamations de tontes parts. On se plaignit des vexations provenant du fait des préposés anx barrières;
le coumierce jeta les ha~ts cris sur les entraves
causées à sa libre circulation. Il fallut donc en
revenÏl' à un autre moyen; et c'est par la loi du 24avril 1806, titre VII, que fut établi l'impôt sur le
sel ~ en remplacemen t de celui des barrières, pour
subvenir à l'en tretien des routes ([).
Aujourd'hui ce genre de dépenses se trouve
donc à la charge, soit du trésor de l'état, soit des
départements, d'après les règles étahlies par le
décret du 16 décembre 18[ [ , sur la classification
des toutes et que nons avons rappo1'lées dans la
section qui précède. Ces règles sont,
256. lOQue toutes les routes royales des deux
premières classes doi vent être entièrenient construites, reconstruites et entretenUes aUx frais dn
trésor public;
257. 2~ Que les frais de constl'l1ction, recons·
truction et entretien des l'Oiltes royales de troisième classe doi ven t ètre su pportés concurremment
par le ti'ésor public et par les départements qu'elles
traversent:
A l'effet de quoi six. millions sont annuellement
(1) Voy. au hullet. 88, nO 1513, 4· série, t. 4, p. 450.
�321
DU DOMAINE PUBLIC.
affectés sur le trésor pour cet objet; et quant au
surplus, qui est à parfaire par les départements,
le ministre de l'intérieur doit faire connaître aux
divers conseils généraux la somme qu'il serait nécessaire de fournir dans chaque département pour
le complément de la dépense, afin que ces conseils puissent la voter en tout ou en partie.
258. 3° Quant aux routes départementales,
l'article 7 du décret précité veut qne les frais de
construction, reconstruction et entretien en demeurent à la charge des départements, arrondissenients et COUllll1lneS qui seront reconnus participer plus particulièrement à leur usage; et en cela
il se rapporte à la disposition de l'article 29 de la
loi dn 16 septembre ü~o7 (1), dont il consacre
l'application.
Mais comment faire l'estimation comparative
des avantages plus ou moins considérables que les
départements, les arrondissements et les corn·
munes devront ressentir de la route départementale, pour les forccr à en supporter les fl'ais dans
la même proportion? Sans doute cette théorie sur
la répartition des charges paraissait bien conforme
aux principes de la justice distributive; mais,. en
arrivant à l'exécution, l'on a reconnu que ce n'était qu'llne séduisante illusion. C'est pourquoi
nous voyons dans nos diflërenls budgets que les
centimes additionuels répartis sur les départements
(1) Voy. au bullet. t. 7, p. 134, 4- série.
TO!\1. 1.
21
�322
TRAITÉ
pour satisfaire :ltlX dépenses départementales doivent être appliqués en partie aux frais de leurs
rontes, et que ces mêmes centimes sont levés sqr
la généralité du département, ~ans aqcune disLÏPGtion des arroQdissement~ et des cowmune/i qu~
paraitraient profiter inégalement des routes dont
il s'agit (1).
259. Le sol des routes départementales , ~t les
talus des fossés qui en sont les accessoires, fant
nécessairement partie du domaine public, comme
le sol et les fossé& des routC/i royales; puisque les
unes comme les ilutres sont également destinées à
l'usage de tout Ve113I}t, que toutes sont également
placées hors du ~ommerce et dn domaine de
propriété. Cependan t, eu égard à ce que les routes
départementales ne sont construites et entl"etenues qu'aux frai~ des départements qu'elles traversènt, si quelqQes-unes venaient à être supprimées, le sol par elles occupé n'apparliendrait
pas au domaine général de }'état, mai~ seulement
au domaine de propriété des départements qui l'auraient acquis dès le principe; et c'est seulement à
leur profit que devrait être vendue celte fraction
de ce que nous, appelons le dom~ine public.
(1) Voy. au bullet. de la 7" série, t. 2, p. 494; t. 4, p. 331;
t. 9 , p. 46 et 47; t. Il ~ p.64 et q5; t. t3., p. 48 et 49; t. 15,
p. 107 et 108 , etc. , etc.
�DU DOMAINE PUBLIC.
3~3
CHAPITRE XIX.
Des divlfrses servitudes que l'établissement des routes
entraîne à la charge des fonds riverains.
260. Si l'établissement d'une route est favorable à la desserte des fonds de la contrée, il entraîne aussi, par voie de conséquence, diverses
servitudes qui sont plus ou moins onéreuses pOUl'
les héritages voisins.
261. UNE PREMIÈRE servitude qu'on trouve étahlie par la loi à l'aisOn des grandes routes, est celle
dont il est question dans l'article 3 du titre 28 de
l'ordûnnance de 1669, qui statue à cet égard dans
les termes suivants:
cc Ordonnons que, dans six: mois du jour de la
" puhlication des présentes, tous bois, épines et
:)~ broussailles qui se trouveront dans l'espace de
)~ soixante pieds ès grands chemins servant au pas.
:)~ sage des coches et carrosses publics, tant de
~~ nos forêts que de celles des ecclésiastiques, corn·
~~ mnnautés, seigneurs et particuliers, seront es:)~ sartés et coupés, en sorte que le chemin soit
,~ libre et plus sai: le tout à nos frais ès forêts de
:" notre domaine, et aux frais des ecclésiastiques,
" communautés et particuliers, dans les bois de
:) leur dépendance. ~>
L'article suivant ajoute: cc Voulons que, les six
" mois passés, ceux qui se trouveront en demeure
�32!i.
TRAITÉ
soient mulctéz d'amende arbitraire, et con» traints, par saisie dlol leurs biens, au paiement
») tant du prix des ouvrages nécessaires pour l'es» sartement, dont l'adjudication sera faite au
») moins disant, etc. »
Sur quoi il faut observer que si cet essartement
était aujourd'hui exigé dans nn lieu où l'ordonnance n'avait pas reçu d'exécution, il serait juste
.d'accorder au propriétaire le délai des six mois à
dater de l'avertissement qui lui serait donné, avant
que de le condamner à l'amende, o~ de mettre le
travail à sa folle enchère.
On a agité la question de savoir comment doit
être estimée la dimensiou de l'essartement latéral
dont il s'agit. La largenr des soixante pieds (qu
19 mètres 49 centimètres) qu'il faut lui donner
doit-elle être mesurée du milieu de la route pour
les deux côtés? ou doit-on prendre pour point de
départ les bords du chemin P
Nous croyons que c'est depuis les bords de
chaque côté de la route que le mesurage doit être
fait, puisque le vœu de la loi est de pourvoir à la
sûreté du chemiu , dont les bords font aussi bien
partie que la ligne du milieu.
Mais ce serait aller trop loin que de vouloir
prendre ponr point de départ la ligne extérieure
des fossés ou des talus, puisque la loi ne parle que
du chemin, et qu'en' matière de servitude, toute
interprétation extensive est réprouvée dans. le
droit.
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
325
S'il Y avait contestation à ce sujet, ou s'il était
question de contraindre quelque propriétaire à
procurer l'essartement, c'est au conseil ùe préfect
e qu'il faudrait avoir recours, parce que ce serait là une action publique sur l'exécution d'une
mesure de police de grande voirie, dont la connaissance est attribuée à ce tribunal administratif
par l'art. 4 de la loi dU28 pluviôse an 8, et plus
explicitement par la loi du 29 floréal an la.
Au reste on peut observer que, dans beaucoup
de localités, cette mesure de sûreté publique ne
s'exécute plus à la riguem, ce qui prouve qu'aujomd'hui l'on est plus en sûreté qu'autrefois sur
les routes, et que le nombre des voleurs de grands
cbem-ins a singulièrement diminué, ainsi que l'attestent d'ailleurs les tableaux statistiques publiés
annuellement par le ministre de la justice.
262. UNE SECONDE servitude imposée aux héritages adjacents à la route, et dont il a déjà été
question plus haut, consiste en ce qu'il est défendu
aux propriétaires d'y construire aucun édifice· ni
clôture en maçonnerie sur les bords, sans avoir
obtenu 1111 alig11~ment de la part de l'administration, c'est-à-dire du préfet.
C'est pardevant le conseil de préfecture, sauf
recours au conseil d'état, que les contraventions à
cette défense doivent être poursuivies, conformément à la loi du 29 flol'éal an 10, qui sera rapportée plus bas.
Quant au fond, et pour estimer les peines qui·
..
�326
peuvent être encourues par les contrevenants à
cette défense, il faut se rappeler le prescrit de
l'arrêt du conseil du 27 février 1765, que nous
avons rapporté en entier à la fin de la section 1
du chapitre qui précède.
Il résulte de cet arrêt, et de la discussioil à laquelle nons nous sommes livré SUI' sa juste application (1),
1 ° Que quiconque veut construire ou recons~
truire sur le bord ex térieur et joignan t le fossé
d'une ronte doit préalablement obtenir un arrêté
du préfet fixant l'alignement auquel il devra se
conformer, et que, faute par lui de l'emplir celle
formalité préalable, il se rend passiLle d'une
amende de trois cents francs (a), encore qu'il ne
commette aucune anticipation sur le sol public;
2,0 Que celui qui, sans se conformer à un aligneinent donné par le préfet, a commis une anticipation sur le sol public, doit être condamné, outre
l'amende, à démolir et à la confiscation de ses matériaux;
3° Que celui qui, construisant ou reconstruisant
son édifice, ne l'a porté qne jusqu'au bord de son
terrain, sans commettre d'anticipation sur celui de
la route, ne doit point être condamné à démolir,
(1) Voy. sous les
nOS
212, 214 et 215.
(a) Aujourd'hui susceptible d'être réduite à 16 fr., aux
termes de la loi du 23 mars 1842.
�DU DOMAINE PUBLIC.
327
quoique passible de l'amende, pour n'avoir pas au
préàlable obtenu son alignement;
4° Que celui CIui, constrùisant ou reconstruisant
son bâtiment, ne l'a pas porté jusqu'au bord de son
terrain, mais a au contraire laissé un espace quelconque de son sol en tre sa maison et la route,
ne doit être condamné ni à démolir, ni à l'amende,
pour n'avoir point demandé cl'alignement.
Nous trouvons néanmoins daùs le recueil des
arrêts du conseil d'état, par Sirey, tome 4,
page 373, une décision du 17 juin l~hH, qui peut
ne pas paraitre en tout parfaitement d'accord
avec la doctrine qt1e nous professons i<;i; et, pour
ne rien dissimuler à cet égard, nous allons en
, ,
rapporter l espece:
Le sieur Fumerey, négociant à Port-sur-Saône,
voulant faire reconstruire une partie de Sa maison,
s'adressa, le 2 juillet 1817, au préfetdela HauteSaône, pour se faire autoriser à réédifier sur les
anciens fondements, afin de conserver plus de
régularité à son hâtiment.
Ayant appris postérienrementqüe, d'àprèsl'ali.
gnement fixé par les ingénieurs des pohts et chaus- ,
sées, son bâtiment était en arrière de quelques
mètres de cet alignement, le sieùi' Fumei'ej', sans
attendre l'autol'i&ution du préfet, fit reconstruire
sa maison sur l'emplacement de l'allcienI;1e , et hâtir un mur de clôture sur le bord de l'alignement
fixé par les ingénieurs.
Par procès-verbal du 7 juil1el 1~h7' il fut cons-
�328
TRAITÉ
taté que le 'sieur Fumerey avait construit un bttti··
meut snI' le bord de la route, sans s'être, au préalahIe, conformé aux lois sur l'obtention d'un al~gne
ment.
En conséquence, il fut condamné par le conseil
de préfecture de la Haute-Saône, à la démolition
de son bâtiment et à la confiscation des maténaux.
Sur son recours an conseil d'état, il intervint
une décision le 17 juin 181~, conçue dans les
termes suivants:
« Art. 1 er. Les arrêtés du préfet et du conseil
;), de, pré~eclure du département de la Haute:>, Saône, des '9 et 22 juillet 1817, sont annulés
» en ce qu'ils condamnent le sieur Fnmerey à la
" démolition de sa maison et à la confiscation de
)' ses matérianx.
~ Art. 2. Ils sont confirmés en ce qu'ils le
" condamnent aux frais résultant de la contra» vention.
" Art. 3. Le sieur Fumerey est condamné en
)' outre à trois cents francs d'amende pour avoir
" élevé une façade de maison SUl' la route de
:» Paris à Bâle, avant d'avoir obtenu l'alignement
" qu'il avait demandé. "
Voilà donc, dira-t-on, une amende prononcée
contre un particulier qui avait reconstruit sa maison près du bord d~ la route, quoique cette maison fût de plusieurs mètres en dehors de l'alignement du grand chemin.
�DU DOMAINE PUBLIC.
329
Cela se concevrait facilement si l'amende avait
été prononcée par rappor.t au mur de clôture bâti
au bord de son terrain par le sieur Fumerey, et il
n'y aurait là qu'une juste application de ce réglement; mais ce qu'on ne conçoit pas, c'est qu'en
laissant f:C motif de côté, on n'ait aperçu la contravention que dans la construction de la façade
de la maison, c'est· à-dire là où elle ne pouvait
être.
Au reste,. sans perdre de vue la maxime Nec
exemplis ~ sed legibus judicandum ~ on pent
encore remarquer que cette décision paratt motivée
sur ce que le sieur Fumerey avait reconstruit la
façade de sa maison san-s attendre l'alignement
qu'il avait lui-même sollicité, et qu'en conséquence le conseil d'état a pu penser qu'il y avait
une irrégularité et une contravention an réglement, auquel le pétitionnaire avait lui-même
reconnu l'obligation de soumettre son entreprise.
Sans doute, ce n'est que par une excessi.ve sévérité que le conseil d'état a pu condamner à l'amende par un semblable motif; mais encore estil plus honorable d'interpréter ainsi son arrêt que
de le supposer injuste au point de le mettre en contradiction formelle avec le réglement du 27 février
1765, qui n'oblige à obtenir un alignement que
ceux qui veulent construire ou reconstruire des
édifices étant le long et au joignant des routes.
Que s'il en était autrement, et s'il était permis
de s'écarter, sur ce point, de la lettre de ce régle-
�330
TRAITÉ
ment, il serait impossible de dire où l'on devrait
s'arrête.' : car si le propriétaire dont l'héritage est
adjacent à une route ne peut, sans obtenir un alignement préalable, bâtir sur son tenain et dans
ses champs, même eh se retirant de la largeur
J'un mètre en dehors de l'alignement de la route,
il ne le pourra pas davantàge en se retirant à la
distance de dix, cent ou mille mètres, parce qu'il
n'y a rien dans les lois qui prescrive ici une distance quelconque et qui ell fixe l'étendue. Or il
serait absurde d'adopter un système suivant lequel
il serait générulement défebdu de bâtir à l'aspect
d'une l'OUle, à quelque distance qu'on en fût, et
lors même qu'on ne nuirait aucunement à sa viabilité el à ses aisances.
Enfin, et de quelque manière qu'on doive entendre celte décision, on serait encore forcé de
èonvenir que le conseil d'état aurait depuis fait
retour ail principe que nous professons ici; puisque, par ses arrêts des 7 avril 1~h9 ct 4 février
1824 (1), il a décidé in terminis que celui qui
construit une înaison près d'une route ne doit
point souffrir l'application des réglements de la
voirie, ni être passible d'aucune peine, pour n'avoir pas demandé d'alignemei1t, du moment qu'il
est constant en fait, qu'en se relirant en arrière, il
(1) Voy. sous le nO 246.
�DU DOMAINE PUBLIC.
831
a laissé un espace quelconque de son terrain entre
sa maison et le sol public de la route Ca).
263. UN~ TROISIÈME servitude qui était imposée sur les héritages voisins des grandes routes,
par l'art. 4 du réglelJlent de 1720, déjà rapporté
plus haut (1), consistait à supporter le rejet des
matières provenant du curage des fossés du grand
chemin: mais après avoil' été maintenue par l'ar~
ticle 47 du décret du 16 décembre 1811, nous
avons vn suprà, nO 240, qu'elle paraissait avoir
été abandonnée par l'état qui ne continue à en
user que lorsqu'il n'y a pas d'opposition de la part
des riverains.
264. UNE QUATRIÈME servitude doutles terres
voisines d'une route sont accidentellement chargées se rapporte au passage qu'elles doivent snpporter lorsque la route se trouve impraticable (2).
(1) Voy. sous le nO 240.
(2) Voy. le commentaire sur la loi du 21 mai 1836 , t. 2.
(a) Le dernier de ces arrêts a seulement apporté celte restriction qu'on pouvait être tenu de se clore dans les limites de
l'alignement J pour faire disparaitre des angles et renfoncements
dangereux pour la sûreté publique.
Il n'est pas, au reste, inutile de rappeler ici que la juridiction des préfets ne s'étend pas aux places qui longent les grandes
routes dans la traverse des villes, bourgs ou villages; par la
cÎt'constance qu'une grande route traverse ces places, elles ne
cessent pas de faire partie de la petite voirie: c'est donc aux
maires et non aux préfets à donner les alignements des mai·
sons qui les bordent; c'est ce que décident les arrêts du conseil
d'état des 16 janvier 1828 et 26 août 1836 ci-dessus rappelés,
nO 246.
�332
TRAITÉ
Comme en toutes choses il est bon de remonter
aux anciennes traditions, parce qu'un droit n'est
jamai~ mieux connu que lorsqu'on l'apel'çoitdès son
origine, nous commencerons par faire voir qu'on
trouve cette servitude positivement établie par le
droit romain: Càm via publica, y est-il dit,
veZ jluminis impetu, vel ruind amissa est,
vicinus proximus viam praestare dehet (a) .. Il
est vrai que chez les Romains c'étaient les possesseurs des fonds de la contrée traversée par les
chemins publics qui étaient chargés de les réparer
et entretenir, comme on l'a fait voir ci-dessus
dans la section II, et qu'il y avait même des magistrats instÎ tués pour forcer les propriétaires à
l'exécution de ces sortes de travaux: Si quis fuerit
electus ut c0771pellat eos qui prope viam puhlicam possident, sternere viam, personale
munus est (1). D'où l'on pourrait être porté à
croire que, si les possesseurs de fonds adjacents au
grand chemin devaient souffrir que leurs propriétés fussent asservies au passage des voyageurs,
lorsque la route se·trouvait impraticahle, ce n'est
que par ]a raison qu'ils auraient négligé de l'en(1) L. 18, § 15, ff. de munerib. et honorib., lib. 50,
tit. 4.
(a) L. 14, § 1 , ff. quemadmod. se7'IJit. amilt., lib. 8, tit. 6.
- Cette servitude était déjà imposée par la loi des XII Tables
ainsi conçue: SI VIA PER AYiSEGETES (id est il/os quorum segetes
'Viam tangunt) IMMUNITA (l~d est non refecta) ESCIT (seu sit)
~UA VOLET; 10MENTUM AGiTO. (Tab. VIII, cap. IX.)
�DU DOMAINE PUBLIC.
333
tretenir en état de "Viahilité, et qu'en conséquence
cette servitude ne peut plus exister en France,
puisque les propriétaires riverains des routes ne
sont plus obligés de les réparer.
Ce raisonnement pourrait être de quelque considération s'il s'agissait seulement de savoir s'il est
dû une indemnité aux propriétaires dont les fonds
supportent ce passage accidentel, parce qu'on
pourrait lem' dire qu'étant eux-mêmes en faute
pour avoir négligé d'entretenir le grand chemin,
ils ne sauraient avoir le droit de se plaindre du
dommage résultant de leur propre négligence:
Quod quis ex sud cu/pd damnum sentit ~ non
intelligitur damnum sentire (1).
Mais l'existence de la servitude elle-même, ou,
en d'autres termes, le droit qui appartient aux
voyageurs de passer sur les hérilages voisins de la
'l'oute impraticahle, se rattache à un autre principe,
qui est celui du service puhlic; et, comme alors il
y a cause de nécessité, il faut dire que ce ul'Oit de
passage existe comme étant un accessoire Je la
grande servitude établie pour cause d'utilifé puhlique.
Voici, an surplus, les disposiiions qu'on trouve
à ce sujetdaus la loi du 6 octobre 1791 :
L'article 2., section 6 du titre 1 er, porte que
cc les chemins reconnus par le directoire du dis~) trict pour être nécessaires à la communication
(1) L. 203, ff. de regul. jur.
�334
TRAITÉ
») des paroisses, seront rendus praticables et entre), tenus aux dépens des communautés sur le ter=» ritoire desqueHes ils sont établis; il pourra y
=» avoir à cet effet une imposition au marc la livre
» de la contrihution fonciere. »
A quoi l'article 4 1 du titre 2 ajoute:
u Tout voyageur qui dédorra nn champ pour
» se faire nn passage dans sa route paiera le dom=» mage fait au propriétaire, et de plus une amende
» de la valeur de trois journées de travail, à moins
» que le juge de paix du canton ne décide que
» le chemin puhlic était impraticahle; et alor~
» les dommages et les frais de clôture seront à la
:n ch~rge de la communauté. »
De tou t cela il résulte,
lOQue, quand un chemin public se trouv~
impraticable pour quelque cause que ce soit, le
voyageur a le droit de passer snI' les fonds voisins,
et qu'alors son action étant licÎte, il nc peut être
passible d'aucune condamnation pOlir ce fait;
0
2
Que quand il s'agit d'un chemin vicinal ou
autre dont l'entretien est une charge de la communanté (a), et que, ponr s'ouvrir un passage, le
voyageur a été obligé de briser la clôture d'un
(a) En effet, s'il s'agissait d'une grande route ou d'une route
départementale, comme l'entretien n'en est point à la charge de
la commune, celle-ci ne pourrait être déclarée respQnsaLle du
dommage causé aux propriétés riveraines, par suite du mauvais état du chemin.
�DU
DOM~~
PUBLIC.
335
champ VOISlO, c'est la commune de la situation
qui doit supporter l'indemnité, qui u'a été causée
au propriétaire du fonds que par défaut d'entretien
du chemin public;
3 0 Que s'il n'y a point eu de clôture brisée, il
n'est point dû d'indemnité au propriétaire du fonds,
puisque la loi ne lui en accorde qu'en cas de renversement de sa clôture, et non pour un simple
fait de passag~ qui ne peut entrainer qu'un faible
dommage (a) ;
(a) On ne saurait adopter cette solution fondée sur une interprétation trop rigoureuse des termes de la loi qui, en parlant
du cas où le voyageur est obligé de déclorre une propriété, n'a
vllulu évidemment donner qu'un exemple en indiquant jusqu'où
peut aller son droit en p~reille circonstance, mais non restreindre l'action du propriétaire à l'eUe seule espèce de préjudice.
C'est un principe d'éternelle vérité que tout dommage, quelque peu grave qu'il soit, doit être réparé par celui qui l'a occasionné par son fait ou même par sa simple négligence; ici on ne
peut rien reprocher au riverain qui n'était pas tenu à la réparation du chemin, non plus qu'au voyageur qui a usé d'un
droit et obéi à une nécessité; la cQmmune seule est en faute;,
or pourquoi entre deux parties dont l'une souffre ~ans qu'on ait
rien à lui imputer et dont l'autre est coupable de négligence,
laisser le préjudice causé à la charge de la première pour en
affranchir l'autre?
Vainement on prétendrait qu'à part le cas d'enlèvement de
clôture, le dommage ne peut être que très-faible et par conséquent lie mérite point de réparation; d'ulle part, et en fait, celte
proposition manque d'exactitude, puisqu'en passant avec une
voiture à travers une vigne 1 une pépinière, une oseraie, etc. ,
on peut occasionner un préjudice plus grave qu'en ouvrant une
�336
TRAITE
4° Enfin que, quand il s'agit d'une grande
route, accidentellement impraticable, le propriétaire du fonds dont on a renversé la clôture pour
se frayer un passage, et qui veut réclamer une indemnité, ne peut s'adresser qu'au gouvernement,
pnisque c'est l'administration publique qui est
chargée d'entretenir les grandes routes en état
de viabilité.
265. LA CINQUIÈME et la plus importante des
servitudes que l'établissement d'une route entraîne,
par voie de conséquence, à la charge des fonds
voisins, se rapporte à la fouille et à la prise' des
matériaux nécel)saires soit à la confection, soit à
l'entretien du chemiu pour le rendre viable.
Cette servitude mérite une attention toute particulière , parce que son exercice donne lieu, chaque jour, et sur tous les points de la France, à des
haie sèche ou une palissade, on qu'en comblant uue portion d8
fossé; d'un autœ côté, en droit, comment admettre quel'exception du voyageur poursuivi, qui est uniqucment fondée sur le
mauvais état du chemin, et qui par conséquent ne peut réfléchir
que contre la commune responsable de cet état, ait pour effet,
lorsqu'elle est vérifiée, de faire tomber l'action du propriétaire
qui a éprouvé un préjudice, et dont le sort ne peut être différent selon que ce dommage est imputable au voyageur ou à la
commune; l'issue de. la demande du riverain ne peut être subordonnée qu'à l'existence même du dommage; cette existence
une fois constatée, il faut qu'il obtienne une réparation soit
contre l'une, soit contre l'autre des parties en cause, entœ lesquelles seules doit désormais exiiter le liti~e iur le bon ou
mauvais état du chemin.
�337
DU DOMAINE PUBLIC.
discussions sur la compétence de l'antorilé qui doit
régler les indemnités réclamées par les propriétaires dont les fonds sont dégradés par ces fouilles
de matériaux.
On peut trouver l'origine de cet usage dans la loi
rOll1ainê qni décide que le legs d'un chemin comprend aussi accessoirement le droit de fouille et de
prise de matériaux nécessaires pour le rendre pratic;,ble. Si iter legatum sil, quà nisi opere facto,
iri possit; licere fodiendo, suhstruendo iter
facere, Proculus ait (1). Ce droit accessoire de la
s~rvituJe, déjà appliqué aux grands chemins par
d;anciennes ordonnances, a été encore positivement consacré, mais à charge d'indemnité, par la
loi du 6 octobre 1791, qui, apl'ès avoir déclaré dès
le principe que nul ne doit le sacrifice de sa propriété qu'autant qne le bien général l'exige, et fJu'il
en reçoit une indemnité préaiable, ajoute, art. 1er,
section VI, que ce les agents de l'administration ne
» pourront fouiller dans aucun champ pour y
» chercher des pierres, de la terre ou du sable,
» nécessaires à l'entretien des grandes routes, ou
» antres ouvrages publics, qu'au préalable ils
» n'aient averti le propriétaire, et qu'il ne soit
" justement indemnisé à l'amiable, ou à dire d'exer
» perts, conformément à l'article 1
du présent
» décret Ca). »
(1) L. 10, fi' de se/'I'it., lib. 8, tit. 1.
(a) Voy. tom. 2, commentaire de la loi sur les chemins vi-
cinaux.
TOM. 1.
22
�338
TllAl'rt
Au reste, c'est en traitant de la compétence des
diverses autorités en matière de voirie, que nous
examinerons plusieurs questions sur cet ohjet, et
principalement celle de savoir à quel tribunal doivent être porlés les déhats qui peuvent s'élever sur
le taux de l'indemnité réclamée par les propriétaires à raison des fouilles faites dans leurs héritages, et don t on vient de parler.
�DU DOMAINE PUBLIC,
339
CHAPITRE XX.
Des·arbres plantés aux bords des toutes.
266. Puisque les grands chemins appartiennent
au domaine public, il en résulte que les arbres
plantés aux bords des routes font nussi partie de ce
domaine; mais, quoique cette conséquence soit
vraie en thèse générale, elle n'est pas absolumènt
nécessaire, parce qu'on peut avoir la faculté de
planter à son profit des arI>res sur le fonds d'autrui ;
il faut surtout prendre garde d'étendre cette présomption au cas où ces arbres se trouveraient plan.
tés sur les fonds privés qui sont en dehors des fossés de la route, comme on le voit le plus souvent.
On doit donc; lorsqu'il s'agit de prononcer SUI'
le droit de propriété ou de jouissance de ces arbres,
s'attacher à deux choses, qui sont d'une part la
propriété du sol snr lequel ils sont piantés , et
d'autre part les lois et réglements qui, statuant
sur cette matière, ont permis aux particuliers de
planter à leur profit des ~ï1'bres sur le 5(,)1 publie.
Les -àrbres, qu'on peut, en génér,al, regarder'
comme le plus bel ornement du globe) sont surtout
t'rès-intéressants aux bords des routes: jls servent
de guide dans les temps de neige et d'inondation;
ils fixent agréablement la vue du voyageur, aliqllel
ils rappellent l'idée d'une avenue de (>Iajs~nc~;. ils
�340
TRAITÉ
entretiennen t la frakheur dans le lieu de la fatigue,
et offrent au passant le secours de leur ombrage et
de leur abri: il ne fau t donc pas êtr~ étonné si depuis des siècles nos rois se sont appliqués à établir
et pl'Opager celte espèce de plantation.
Les lois et réglements rendus sur cette matière
sont très-nombreux: leur incohérence et le défaut
d'unité dans les principes, tantôt admis et tantôt
rejetés par nos législateurs, apportent beaucoup
d'obscurité dans cette matière.
Pour J'éclaircir le' mieux que nous pourrons;
nous présenterons d'abord la série chronologique
de toutes ces lois el réglements, et ensuite nous
indiquerons en résumé l'application qu'on en doit
faire à l'état actuel des choses.
Le 19 janvier 1552, Henri II, voulant joindre
rutile à l'agréable, ordonna que les bords dès
routes seraient plantés en arbres d'ormes; pour
liervir à l'artillerie et affûts d'icelle (1).
L'article 356 de l'ordonnance dite de Blois, port~e par Henri III au mois de mai 1579, veut que J
pour empècher à l'avenir toutes entreprises ou an4
ticipalions sur les routes J elles soient plantées et
hordées d~arbres) comme ormes) noyers ou
autres, selon la nature et commodité du pays,
au profit de celui auquel la terre prochaine
appartiendra (2). Ce qui parait indiquel' que la
(1) Voy. dans le recueil de NÉRON, tom.
(2) Même recueil, ibidem.
lor,
p. 655.
�DU DOMAtm PUBLIC.
341
plantation devait être faite par les soins des propriétaires riverains , puisqu'elle était destinée à
leur profiter, et que néanmoins elle devait avoir
lieu sur les confins du tenain public; parce qu'il
amait été inutile de déclarer qu'elle profilerait ame.
propriétaires riverains, si elle eût dû être faite seulement dans lelns propres fonds.
"
Un arrêt de réglementdu conseil du 3 mai 1720
porte, article 6, que cc tous les propriétaires d'hé~) ritages tenant et aboutissant aux grands che» mins et. branches d'iceux, seront tenus de les
» planter d'ormes, hètres, châtaigniers, arbres
» fruitiers ou autres, suivant la nature du terrain,
» à la distance de trente pieds l'un oe l'autre, ct
,., 'une loise au moins du bord extérieur des fossés
» desdits grands chemins. » A quoi l'article suivant ajoute que, faute par les propriétaires d'avoir
fait cette plantation, les seigneurs ayant "droit de
voirie sont autorisés à y pourvoir eux-mêmes, et
qu'en ce cas les arbres leur apparliendron t, quoique
plantés sur les fonds des particuliers (1).
Ces anciennes lois el réglements ont été suivis
d'un grand nombre d'autres, porlés sur le même
objet depuis la révolution.
267. Par l'article 2 du décret du 26 juillet,
sanctionné le 15 août 1790, le droit de planter
des arbres ou de s'approprier les arbres mêmes sur
(1) Voy. dans la conférence de SUolON, sur l'article 3, tit. 28,
de l'ordonnance de 1669..
�3~2
TRAITÉ
les chemins publics, rues et places des villages,
:bourgs et villes, dans les lieux où il était attribué
aux ci-devant seigneurs par les coutumes, statuts
ou usagns, fut aboli, et néanmoins la propriété des
arbres alors existants leur fut conser.vée; mais ils
en furent privés par la disposition des art. 15 et 16
de la loi du 2t$ août 1792.
L'article 43, litre 2, de la loi du 6 octobre 1791
sur la police rurale, porte que quiconque aura
CQupé ou détérioré les arbres plantés sur les routes
sera condamné à une amende du triple de la valeur
des arbres, et à une détention qui ne pourra excéder six mois.
Suivant l'article vi de la loi du 28 août 1792
déjà citée, tous les arbres existant ~ur les chemins
publics autres que les grandes routes nationales l et sur les rues des villes, bourgs et villages,
sont censés appartenir aux propriétaires riverains,
à moins que les conlmunes ne justifient en avoir
acq:uis la propriété par titre ou possession: ce qui
signifie que les riverains sont présumés avoir fait
la planta,tion de ces arbres, et que cette présomption est suffisante pour leur en assurer la propriété
jusqu'à la preuve contraire. Quant aux plantations
des grandes roules J l'article 18 de la même loi
déclare que, jusqu'à ce qu'il ait été législativement
pourvu sur cel objet, nul ne pourra s'en approprier les arbres et les abattre; que leurs fruits
seulement et les bois morts appartiendront aux
propriétaires riverains~ et qu'îlen sera de même
�DU DOMAINE PUBLIC.
343
des émondages quand il sera utile d'en faire, (;e
qui ne poufi'a avoir lieu que de l'agrément de l'administration, et à la charge pa l' les riverains d'entretenir les arljlfeS et de remplacer les morts.
268. Vint ensuite la loi du 9 ventôse an 13, .
dont l'article 1 er pOl'teqlle cc les grandes routes
" de l'empire, non plautées et susceptihles d'être
:» planlées, le seront en arbres forestiers ou froi" tiers, suivan t les localité... , par les propriétaires
" rIVeraIns. "
Sur quoi il fallt remarquer qne, cette plantation
obligée n'étant pas prescrite généralement pom
toutes les routes~ mais seulement à l'égard ùes
grandes routes de l'empire, on doit en tirer celte
conséquence, que la même obligation ne fut point
imposée aux propriétaires riverains des rontes départementales, ni des chemins viciuaux, qui forment une classe bien dislÎncte et à part de~ grandes
routes royales.
Aux termes de l'article 2, cc les plantations sel> l'ont faites dans l'intérieur de la route, et sur le
n terrain appartenant à l'état, avec un contre'n fossé qui sera fi.it et entretenu par l'administra» tian des ponls et chaussées. l '
Par les articles suivants il est réglé que les rOll tes
qui devront être plantées seront désignées par J'administration; que, faute par les propriétaires d'avoir fait les plantations dans le délai de deux ans,
il Ysera pourvu par le gouvernement à leurs frais;
mais que' dans l'un et l'al,ltre cas les propriétaires
�344
,
TRAITÉ
riverains <Jnront également la propriété des arbrl's
et de leur produit, sans néanmoins pouvoir les
couper, ahattre, ou arracher, qne sur llne autorisation (1onnée pal' l'administration prt~posée à la
conservation des routes, et à la charge du remplacement.
Qu'à l'égard des grandes ruules dont la largeur
ne permettra pas de planter sur le terrain appartenant à J'état, lorsqne le particulier voudra planter des arbres sur son propre terrain, à moins de
six. mètres de clistance de la route, il sera tenu
d'obtenir du préfet tIn déparlcment l'alignement
à suivre; et dans ce cas il n'aura besoin d'aucune
autorisation particulière pour disposer entièrement
des arbres qu'il aura plantés. Mais on voit, par
l'article 101 d'un décret dont il va être parlé plus
bas, que cette liberté sur la disposition des arbres
en question a été ensuite enlevée aux propriétaires.
269. Enfin le dernier article de cette loi, conforme à ce qui était déjà prescrit par celle du 29
floré.11 an 10, mentionnée plus hant, slatue que les
poursuites en contravention à ses dispositions seront portées devant les conseils de préfecture, sauf
recours au conseil d'état (1).
Il est à remarquer que la mf'stne prescrite par
cette loi aux propriétaires riverains, de faire des
plantations d'arbres dans le terrain public de la
(1) Voy. au hull. t. 2, p. 361, 4 e -série.
�DU DOMAINE PUllLIC.
345
roule, quand il y a possibilité, n'est point une
servitude proprement dite, puisque c'est une
charge imposée aux personnes pour les forcer à
~n travail, tandis qne servitutum non ea est
natura, ut quis aLiquid faciat, sed ut patiaturaut nonfaciat (1); et que cette charge n'est
pas dans sa distribution parfaitement conforme à
l'égalité proportionnelle qu'on doit rechercher autant qu'on le peut dans la répartition des charges
publiques, parce que l'individu dont lp. champ
s'étend en longueur sur le bord de la route se
trouve bien plus grevé que celui dont l'héritage
ne fait qu'y aboutir dans une petite largeur. Mais,
comme les rontes sont principalement utiles à la
desserte des fonds qui les environnent; comme il
serait impossible d'alteindre tous les détails pal'
un réglement général; et comme le fait de la
plantation porte avec lui son indemnité, en ce
que le pwpriétaire riverain acquiert la propriété
de l'arbre par lui planté sur le domaine public:
ces diverses circonstances parurent sam doute suffisantes aux auteurs de la loi pour justifier le principe de celle disposition.
270. Vint ensuite Je décret du 16 décembre
1811 (1), dont le titre 8, relatif à la plantation des
routes, contient beaucoup de dispositions qu'il
~erait trop long de rapporter entièrement ici. Elles
portent en substance,
(1) L. 15, § 1er , ff. de servitutib. J lib. 8, tit. 1".
(2) Voy. au bull. t. 16, p. 66, 4 e série.
�346
TRAITÉ
Que tous les arbres précédemment plantés sm'
les grandes routes, en dedans des fossés et sur le
terrain public, sont la propriété Ile l'éta t, à l'exception de ceux qui auraient él~ plantés depuis,
et en vertu de la loi du 9 ventôse an 13, dont
nous venons de rapporter la tenell r;
Que tous ceux qui au contraire onl été plantés
sm' le terrain privé sont reconnus appartenir aux
propriétaires du sol.
L'article 88 porte flue cc toutes les routes impé::i) ria/es non plantées, et 'lui sont susceptibles de
» l'être sans inconvénient, seront pl(lIltées par les
» particuliers 011 communes propriétaires riverains
» de ces roules da us la traversée de leurs propriétés
» respf'clÏ yeso »
Nons devons f.lire encore ici la même remarque
que nous avons déjà présentée sur la loi du 9 ventôse an 13: c'est que cette obligation de planter
, . ,
l es routes ne se rapporte qu aux routes zmperiales, aujonrd'hui routes royales, et qu'en conséquence elle ne pèse point sur les pl'Opriétail'es
riverains des routes départementales et des chemins vicinaux; que l'on doit d'autant mieux l'entendre ainsi, que l'auteur de ce décret a voulu dès
le principe ,. et par les articles l , 2. et 3, que les
grandes routes royales fussent classées à part, et
soigneusement distinguées des simples rOll tes départementales :: d'où l'on doit conclure qn'eo pariant seulement et exclusivement des unes, il n'a
point entendu prescrire la même chose à l'égard
�DU DOMAINl PUBLIC.
347
des autres; qu'enfin il s'agit ici d'u11e charge qui,
tenan L de la servitude, repousse toute interprétation
extensive de la constitUlion.
Ce même décret contient encore, sur l'exécution
de cette mesure, beaucoup d'autres dispositions,
dont les principales sont,
Qu'il sera communiqué, de la part du préfet,
aux propriétaires riverains, un arrêté portant l'état
des routes qui devront être plantées, et indiquant
lé délai nécessaire pour exécuter la plantation;
Que,. fdllte par eux d'avoir satisfait à cette plantation, il Ysera pourvu à leurs frais par le gouver;nement, et qu'ils seront cn outre condamnés à
l'amende d'un franè par pied d'arhre que l'administration aura fait planter à leur défaut;
Que toutes ('es nouvelles plantations seront
faites sur les terrains privés, cn se retirant .au
moins à la distance d'un mètre du bord extérieur
du fossé du grand chemin, et sur l'alignement
4éterminé par l'administration publique;
Que les propriétaires du sol resteront aussi propriétaires des arbres sans néanmoins poüvoir les
couper ou arracher qu'avec l'autorisation du directeur général des ponts et chaussées, accordée sllr
la demande des préfets, et toujours à la charge du
remplacement imllJédiat ;
Que ce n'est qu'en vertu d'un arrêté ÙU préfet,
rendu sur le rapport de l'ingénieur en chef, et
conformément aux instructions r contennes (art.
102 et 103) ,que les particuliers peuvent procéder
�348
TRAITÉ
à l'élagage des arbres plantés sur les grandes
routes" ou qui leur appartiennent sur les grandes routes: d'oit résulte l1aturellement ]a conséquence qu'ils peuvent, sans aucuue autorisatiou ,
élaguer ceux qui sont plantés sur leurs propres
fonds;
Mais que, quand il s'agit de les détruire, tout
propriétaire qui sera reconnu avoir coupé sans
autorisatiou, arraché ou fait périr les arbres plantés
sur son terrain, sera condamné à la peine portée
l'al' l'article 43, titre 2, de la loi dn 6 octobre 1791,
c'est-à-dire à une amende triple de la valeur des
arbr~s , et à une détention qui ne po~rra excéder
SlX mOlS.
271. A l'égard des routes départementales, il
u'est pas toujours nécessaire de recourir à llautorisation du directeur général des pouts et chaussées
pour pouvoir couper les arhres dont elles seraient
plantées. L'article 4 de l'ord.onnance du B août
1821 (1) veut que, si ces arbres sont plantés sur
les lerreS privées riveraines de la route, ils.
puissent être abattus avec la seule autorisation d.u
préfet.
Enfin le dernier élat des choses concernant la
propriété des arbres dont les routes sont plantées a
été fixé par l'article premier de la loi du 12. mai
182.~ ('2.), dont nous allons successivement rap(1) Voy. hullet. t. 13, p. 253 , 7" série.
(2) Voy. hullet. t. 2, p. 325, S" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
349
por~er les dispositions, en les accompagnant de
quelques annotations.
, cc Seroilt reconnus appartenir aux particuliers
)) les arbres actuellement existant sur le sol de;
» routes royales et départementales; et que ces
» particuliel's justifier'aient avoir légitimement
» acqnis à titre onéreux, ou avoir plantés à leurs
» frais en exécution des 'anciens réglements. »
Il est évident qu'il ne s'agit là que des arbres
plantés sur le sol public: car, à l'égard de ceux
qui se trouveraient plantés sur les terres situées
en dehots des fossés de la route, les propriétaires
des fonds ne seraient point obligés de prouver
qu'ils les ont acquis à titre onéreux, pour pouvoir
•
dire qu'ils leur appartiennent.
Il est visible encore que; par cette disposition,
il est dérogé au décret du 16 décembre 1811 , en
ce que ce dernier acte du gouvernement avait dé-,
daré propriété de l'état tous les arbres existant
sur les terrains publics des routes; sous la seule
exception de ceux qui auraient été plantés depuis
et en vertu de la loi du 9 vent8se an 13 (ou 211 fé-.
vrier 1805), c'est-à--dire pendant l'espace de dix
ans seulement.
cc Toutefois ces arbres tie pourront être abattus
» que lorsqu'ils donneront des si~nes de dépérisse» ment, et sur une permission de l'administra» tion. »
'd'ne qu "1
•
1 S ne pourront ctre
abattus qu ' aC' est-avec la permission du direct~ur général des ponts
�350
TRAITÉ
et chaussées, comme le porte le décret dn 16
décembre 181 1 •
cc La permission de l'administration sera égale~
» ment nécessaire pour en opérer l'élagage. »
Ici c'est avec la permission du préfet seulement
qu'on doit opérer, comme le porte le décret précité.
cc Les contestati01~s qui pourront s'élever entre
n l'administration et les particuliers relativement
» à la propl:iété des arbres plantés sur le sol des
» routes seront portées devant les trihunaux orcli)) llaires; et les droits de l'état y seront défendus
» à la diligence de l'administration des do» malpes. »
Cette- disposition n'étant relative qu'aux tontestations qui ont pouf objet le droit de propriété
des arbl"es , il n'est en rien dérogé à la compétence
des conseils de préfecture pour statuel' Sllr la répression des faits de coupe ou d'élàgage qui auraient
été opérés illégalexilen t ou sans au torisation.
A quoi l'article 2 ajoute: te A datel" du 1 er jan" vicr 182.7, le curage et l'entretien des fossés qui
)) font partie de la propriété des routes royales et
" départementales seront opérés par les soins de
» l'administration publique, et sur les fonds affec» tés au maintien de la viabilité desdites ro~tes. ">,
On voit que, par ce dernier article, il n'est dérogé au décret du 16 décemhre 1811 que quant à
l'obligation qui était imposée aux propriétaires riverains pour le curage et l'entretien des fossés des
�DU DOMAINE PUBLIC.
351
rOlltes; et non quant à celle qui leur était imposée
de les planler.
Enfin l'autorité des préfets, relativement à la
coupe et an remplacement des arbres dont il s'agit,
a reçn pIns d'étendue par une ordonnance du roi
du 29 mai 11)30, dont l'article 1 porte que, cc seront
» exécutoires, et dispensées de l'approbalion supé» rieure à laquelle elles étaicn t précédemmen t sou» mises, les autorisations données par les préfets
»à l'effet d'abattre el à la condition de remplacer
» les arbres plantés le long des routes royales et
» départementales, dont le dépérissement aura été
» 'constaté par les ingénienrs (1).»
272. Pour nous résllmer sur cette sene de
lois et réglements , nous pouvons dire qu'il en résulte,
lOQue les propriétaires riverains des routes
royales restent toujours sonmis à l'obligation d'en
faire el entretenir la plantation, puisque cette
charge leur est imposée soit par le réglemcnt du
3 ma~ 1720, soit par la loi du 9 venlôse an 13, soit
par le décret cl u 16 décembre 1 H11, auxquels il
n'a point été dérogé jusqu'à présent;
0
2
Qu'il n'en est pas de même à l'égard des propriétaires riverains des routes départementales ou
des chemins vicinaux, parce qlle, comme nous l'avons fait voir plus haut (2), les lois ne leurimposent
(1) Voy. au btillet. t. 12, p. 362,
(2) Voy. SOll.~ le nO 268.
~.
série
�352
TRAITÉ
pas cette charge, et qu'il s'agit ici d'nne obligation
•
, cl ue d' un cas a, l' autre; .
qUl. ne cl'
Olt pas etre
eten
3° Quc les plantations doivent êll'e faites aujourd'hui sur les fonds privés, et en se conformant à
l'alignement donné par l'administration des l'ou ..
tes;
4° Que, quoique les propriétaires du sol soien t
aussi propriétaires des arbres plantés sur leurs
fonds, ils ne peuvent néanmoins les con pel' ou
arracher, ni les élaguer, sans l'autorisaLÎon du préfet ; et que cette prohibiLÎon s'applique même aux
arhres qui bordent les roules départementales,
qnand elles ont été plantées;
5° Qu'en cas de contravention à ces mesures de
conservation, les pl'Opriétai,'cs de ces arbres se
rendent passibles d'une condamnation à l'amend.e,
qui doit être poursuivie contre eux par.devant leI>
conseils de préfecture (a);
(a) Par rapport aux arbres des routes, les conseils de préfecture connaissent de quatre espèces de contraventions:
1" Usurpation d'une partie du sol de la route pàr la plan4ltion d'arbres ou de haies (arrêt du cobseil d'état du 11 mai
1838, affaire Guillon).
20 Coupe, arrachement ou élagage d'arbres sans la permission de l'autorité compétente (art, 99 et suiv. du décret du
16 juin' 1811 ; - ordonnance du 29 mai 1830; - arrêt du
conseil d'état du 28 février 1831, affaire Honorez).
3° Plantatiou d'arbres, même sur son propre terrain, à une
distance moindre de six mètres de la route sans avoir ohtenu
l'autorisation du préfet (art. 5 de la loi d~ 9 ventôse an 13 ;
�DU DOMAINE PUBLIC.
353
6° Qu'à l'égard des :lrbres plantés sur le terrain
public des ~randes routes, tout particulier qui peut
prouver les avoir légitimement acquis à titre onél'eux, on en avoir fait la plantation à ses frais, doit
en être dédaré propriétaire, et qu'alors l'action
sur le droit de pro priélé reste dans la compétence
des tribunaux ordinaires;
7° Que ]a preuve de la propriété revendiquée
par les riverains pent aussi résulte.' de ]a possession
qu'ils auraient exercée sur les arbres en percevant
le produit des élagages: soit parce qu'one possession ~onstanle, ainsi exercée sans opposition, suffirait pour démontrer que la plantation des arbres
n'a eu clans le principe d'autre canse que le fait des
possesseurs; soit parce qu'aux termes de l'article
14 de la loi dn 28 août 1792, quoique les arbres
existant sur lès rues des villes, bourgs et villages,
soient réputés appartenir aux propriétaire's riverains, néanmoins les communes peuvent les revendiquer pour elles, en justifiant qu'elles en ont acquis la propriété par titre on possession ; qu'en
conséquence le moyen de la possession est admissihle en cette matière pour établir le droit de propriété;
arrêts du conseil d'état des le. août 1834 et 22 février 1838,
affaires Dehaine et Ganneron).
4° Enfin, élagage d'arbres sans se conformer aux époques
et aux indications prescrites par l'autorisation du préfet (art.
105 et 108 du décret du 16 décembre 1811; - arrêt du conseil d'état du 6 août 1840, affaire Renault),
TOM. l,
�954
8° Enfin que, dans le cas où les propriétaires
riverains prétendraient que les arbros leur appartiennent comme étant plantés sur leurs propres
fonds, tandili qu'au contraire les agents de l'administration soutiendraient qu'ils sont plantés sur le,
sol de la route, la solution de la difficulté dépen..
drait de la délimitation à opérer entre le terrain
public et les fonds privés; et comme cette délimita\Îon porterait sur une question de propriété foncière, elle devrait encore êtte portée pardevant
les tribunaux (1).
(1) Voy. plus haut sous le nO 235, et aussi divers arrêts d-q
conseil d'état dans la Jurisprudence du conseil, pal" SlREf,
tome 1er , p. 65, n~ 52, p. 247..... ; nO 236, p. 255; nO 247,
etc. , etc.
�DU DOMAINE PUBLIC.
~55
CHAPITRE XXI.
De la compétence des diverses autorités sur les objets des
trois chapitres précédents.
273. Dans les trois chapitres qui précèdent,
nous nous sommes principalement occupés du
matériel des chemins et de leurs accessoires; ici
nous avons à traiter ou régime civil ou légal auquel
leur étaLlissement et leur usage sont soumis.
Le régime spécial de police auquel sont en général soumis tous les grands chemins forme ce qu'on
appelle la poLice de voirie.
Le mot voirie est lin dérivé du mot latin via,
qui signifie chemin: il s'applique à tout ce qui
concerne la direction, l'entretien, la police et l'ad~
ministl'<llion des chemins publics. C'est pourquoi
dans les villes on appelle voyer l'agent chargé de
veiller à l'entretien des rues et à l'alignement des
constructions qui les bordent.
On distingue deux. espèces de voirie : la grande
et la petite.
La grande voirie est le régime de police établi
sur l'usage des grandes l'OilleS, tant royall·s que
départementales, ainsi que sur l'usage des rivi~res
navigables et des canaux. de navigation intéripure.
La petite voirie, qu'on appelle aussi la voirie
urbaine) n'embrasse que la police des ,chemins
�356
TRAITÉ
vicinaux, et des rues et places publiques des villes,
bourgs et villages.
Pour déterminer la compétence de toutes les
autorités qui peuvent avoir à porter quelques décrets, ou à prononcer quelques jugements en ce qui
touche aux routes, il Ya à considérer trois choses
principales, qui sont : leur' établissement, leur
administration et leur police.
Pour statuer sur ces trois objets principaux, et
sous les divers points de vue qui seront indiqués
plus bas, il faut le concours
Du pouvoir législatif;
De la puissance exécutive;
De la juridiction administrative exercée en première instance par les conseils de préfecture;
Des tribunaux criminels et de police correctionnelle;
Et des tribunaux civils:
Ce qui répartit en cinq sections la matièl'e de ce
<chapitre.
SECTION PREMIERE•
.De la compétence du pouvoir législatif en ce qui a trait aux
grandes routes.
214. Le pou voir législa tif est d'abord seul compétent poùr établi.. les lois générales sur la police
de voirie,et sur l'administration des grandes routes.
Son action est encore nécessaire pour l'ouverture et l'établissement des nouvelles routes, soit
-parce qu'il faut que la c'ause d'utilité publique soit
�DU DOMAINE PUBLIC.
357
solennellement reconnue pour pou~oir exproprier,
avec justicedes héritages de particuliers qui peuvent
être en grand nombre Ca), soit parce qu'il faut
qu'il y ait des fonds faits pour l'acquisition des
terrains que la route doit occuper, ainsi qu~ pour
le paiement des travaux d'exécution; et que c'est
au pouvoir législatif qu'il appartient de voter ces
fonds.
Voici au surplus ce que porte, sous ce second
rapport, l'art. 10 du budget, ou de la loi de finances, du 21 avrill~32 :
cc NU,lIe création, aux frais de l'état, d'une route,
(a) L'art. 3 de la loi du 3 mai 1842, conforme au même article de celle du 7 juillet 1833, sauf l'adjonction des mots déparlements et communes, s'explique à cet égard en ces termes:
« Tous grands travaux publics, routes royales, canaux,
» chemins de fer, canalisation de rivière, bassins et doeks en» trepris par l'état, les départements, les communes, ou par
» compagnies particulières, avec ou sans péages, avec ou sans
» subsides du trésor, avec ou sans aliénation du domaine pu" hlic, ne pourront être exécutés qu'en vertu d'une LOI qui ne
" sera rendue qu'après une enquête administrative.
» Une ORDONNANCE ROYALE suffira pour autoriser l'exécution
» des routes départementales, celle des canaux et chemins de
» fer d'embranchement de moins de 20,000 mètres de longueur,
» des ponts et de tous autres travaux de moindre importance.
» Celte ordonn,ance devra égalernent être précédée d'une en» quête.
» Ces enquêtes auront lieu dans les formes déterminées par
» un réglement d'administration puhlique. »
Ce réglement consiste dans les ordonnances royales des 18
février 1834, 15 février et 23 août 1835.
�358
TR..A.lTÉ
d'un canal, d'uu grand pont sur uu fleuve ou'
sur une rivière, d'un ouvrage important dans
» nn port maritime, d'un édifice ou d'un monu;» ment public, ne pourra avoir lieu, à l'avenir,
» qu'en vertu d'une loi spéciale, ou d'un crédit
» ouvert à un chapitre spécial du budget.
» La demande du premier crédit sera nécessai» rement accompaguée dé l'évaluation totale de la
» dépense.
~) A l'avenir, aucune route départementale ne
» sera élevée au rang des routes royales qu'en
') vertu d'une loi. »
Lorsqu'il s'agit d'une roule royale, c'est par le
trésot' public de l'état que les dépenses en doivent
êtt'e sllpportées.
S'il n'est question que d'une route départementalc, elle doit être à la charge particulière des départements qu'elle traverse, et pour J'usage desquels elle est principalement établie; mais il n'en
faut pas moins un décret du pouvoir législatif, qui
accot'de aux départements intéressés la faculté de
s'imposer jusqu'à concurrence des sommes nécessaires à cet objet.
Quant aux frais de réparations et entretien des
routes, il Y est pourvu, comme pour toutes les
antres charges courantes, par le bndget annuel de
l'état ou des départemcn ts.
Ainsi toutes les dépenses nécessaires pour l'établissemen t, les répara tians et J'entretien des gl'3 lldcs
routes, doivent être décrétées par le pouvùir législatif; mais là se borne sa compétence.
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
350
SECTION II.
De la compétence du poupoir administratif relativement aux
grandes routes.
275.
U ne fois qne les fonds d'établissement ou
de réparalÏons des grandes l'antes ont été votés par
le pouvait' législatif~ c'est la puissance exécutive
qui s'en trouve saisie pOUT les appliquer à leur destination.
C'est à cette puissance, chargée seule de l'administratiou publique J qu'il appartient de faire opérer le tracé des l'OU tes à construire, et les rectifications nécessaires ou utiles, dans les routes an·
Clennes.
C'est à elle à faire l'acquisirion de tous les terrains qui dev1'Ont être occupés pour ces constructions et rectifica tians.
C'est à elle, en un mot, à prescrire toutes les
mesures uécessaires pour entretenir les routes dans
Un bon état de viabilité, et à faire avec des entrepreneurs tons les marchés propres à atteindre ce but.
Et dans toute~ les mesures administratives prescrites sur ces divers ohjets, la puissance exécutive
agit en souveraine, sans être subordonnée à aucune
autre autorité.
Nous croJons que la compétence de l'administration publique doit encore s'étendre plus loin,
et, entre autres choses, à ordonner directement
la destruction de tons les ouvrages illégalement
placés sur les routes, lot'sqne le conseil de préfecture ne peut plus être saiside l'action pénale contre
la personne de ceux qui les ont établis.
�660
TRAITÉ
Pour mieux faire comprendre ce que nons entendons dire ici, supposons, par exemple; .qu'un
partiè'ulier ait construit une maison au bord d'une
grande route, et qu'il y ait en .dans son fait anticipation snI' le sol public, mais qu'ou ait négligé
pendant pIns d'un an d'en dresser procès.verba.l et
de le traduire ;lU conseil de préfecture chargé de,
statuer sur la répression de celle COl'ltravention •
. Dans cette hypothèse, le conseil de préfecture,
qui n'est autre chose qu'un tribunal exceptio~lnel
de police pour la voirie, ne pourrait plus être saisi
de l'action pénale, puisque, aux termes de l'article 640 du Code d'instruction criminelle, cette
action sera prescrite. Il ne pourra donc prononcer
sur les accessoires et les suites de la contravention,
puisqu'il ne saurait être saisi de l'action principale; il ne lui sera donc pas permis d'ordonnel' la
démoliüon de l'~difice et la confiscation des maté...
riaux Ca).
Cependant l'usmpation ne doit pas rester consommée sans retour au préjudice du domaine public; et comme on ne peut plus s'en prendre qu'à.
la chose, puisqu'il n'y a plus de peine à pl'on<.:>ncer
contre la personne, le préfet, chargé de l'adminis-;
tl'ation active, sera compétent pour ordonner seul
la démolition de l'édifice, en tant qu'il repose sur
le sol public.
(a) Décidé en sens contraire par ordonnance du 4
1841 (Sù:ey, 42-2-182).
septembr~
�DU DOMAINE \lUBLIC.
361
Si cependant il y avait contestation sur le fait de
l'anticipation, la question de propriété devrait être
renvoyée en justice ordinaire.
Il faut remarquer encore, sur cette question de
prescription, que s'il s'agissait d'une contraven tion
occulte, comme d'une excavation souterraine pratiquée sous la route, le délai fixé par l'al,ticle 640
du Code d'instruction criminelle, poU\' pouvoir en
poursuivre la réparation conectionne))e, ne devrait courir qu'à dater du jour où elle aurait été
connue (1).
Le préfet, et même le sous-pl'éfet, sauf recours
au préfet, peuvent aussi provisoirement, et pour
plus de célérité, ordonner l'enlèvement de tout ce
qui mettrait obstacle au libre usage de la route, ou
la réparation de tonte dégradation contraire à sa
viabilité; mais l'affaire doit être ensuite renvoyée
au conseil de préfecture pour qu'il statue définitivement sur le fait de la coùtravention et sur les
conséquences pénales qu'elle peut entraîner, ainsi
qu'on l'expliquera plus bas.
Enfin, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance
du 29 mai 183o, ce pourront être exécutés, sur la
» seule approbation donnée par les préfets anx
) projets des ingénieurs et aux adjudications, les
» travaux concernan t les routes départementales
» dont la dépense déjà allouée au budget n'excé(1) Voy. l'arrêt du conseil du 2 septembre 1829, dans MAt. 11, p. 378.
CAIIEL,
�36~
»
»
»
»
TRAITÉ
dera pas la somme de vingt mille francs, toutes
les fois que ces travaux n'exigeront ni acquisitions de terrains, ni changement dans la direction ou les alignements desdites routes (1). »
SECTION III.
De la compétence des conseils de préfecture relativement aux
grandes routes.
276. Ici nous allons entrer dans le contentieux.
de l'administra tioB en fait de grande voirie: nos
discussions auront plus de développement ,. parce
qu'il est nécessaire que nous remontions aux prin-cipes pour descendre ensuite peu à peu dans les détails de cette matière, qui nous offrira quelques
difficultés à résoudre.
. Nous prendrons notre point de départ dans la
loidu I I septembre 1790, don d'article 6 est conçu
dans les termes suivants:
cc L'administration en matière de grande voirie
» ~rpartienora aux corps administratifs, et la po» lice de conservation, tant pOlir les grandes routes
» que ponr les chemills vicinaux, aux juges de dis» tricts. »
L'administration en matière de frra"nde voirie appartiendra aux corps administratifS :
voilà le pouvoir de régler et d'ordonner.
Et la police de conservation. . . aux juges
de districts: ici c'est le pouvoir de réprimer et de
pnmr.
(1) Voy. au bull.
1.
12, p. 362, 8e série.
�· DU DOMAINE PUBUC.
363
Cet article, comme on le voit, renferme deux
parties bien distinctes: l'une relative aux autorités
compétentes, et l'autre aux objets sur lesquels ces
autorités ont à statuer.
La première consacrait déjà en principe la compétence du pouvoir administratif, comme nous
venons de voir que cela existe encore aujomd'hui,
pour toutes les mesures d'établissement, réparation
et entrelien des routes.
Pal' la seconde, la police de conservation, c'està-dire la police dont l'action consiste dans l'application des peines, et qui constitue le contentieux
de la police de voirie, tant à l'égard des grandes
routes qu'a l'égarù des chemins vicinaux, était attribuée aux trihuuaux ordinaires, et c'est pardevant
eux que l'administration publique devait traduire
les délinquants pour toutes sortes de contraventions
et de délits commis sur le matériel des grands cheI11Ins.
Mais, en ce qui tonche à cette seconde disposition, on n'avait pas assez considéré que, les routes
étant destinées à faciliter la circulation du commerce et les communications sociales, le régime
qu'elle étahlissait était insuffisant; il a dû être
changé pour deux raisons principales.
première ~ c'est que, tout ce qui concerne
la grande voirie dépendant des services publics dont
ladirection appartient e~sentiellementà l'administration, il Y avait nécessité d'établir près d'elle des
tribunaux d'exception pOUl' statuer sur les débats
La
�364
TRAITE
qui, da ns cette pal,tie, auraient pour objet quelque
in térêt public.
La seconde, c'est que tout ce qui peut mettre
obstacle au libre usage des routes doit être réprimé
avec la plus grande célérité, et qne l'expérience a
démontré qu'en cette matière il fallait rejeter les
formes lentes de la justice ordinaire, pour venir
plus promptement au secours de cette partie du
service public, et écarter sans délai tout ce qui
peut s'opposer à la libre viabilité des grandes communications.
277. Mais lorsque nos législateurs modernes
ont voulu réglet' ce point de compétence des tribunaux administratifs, ils paraissent n'avoir senti
que l'urgence d'en poser le principe; et, par la précipitatiou avec laquelle ils ont agi, ils n'ont fait
que la moitié de la loi, en omettant toute taxation
de la pénalité à infliger à raison des contraventions
commIses.
C'est pourquoi nous sommes encore obligés de
rechercher dans les anciens réglements, provisoirement maintenns par l'article 29, tit. 1 er, de la loi
du 22 juillet 179J (1), ainsi que dans quelques
autres lois plus réceutes, les diverses espèces de
peines qu'on doit appliquer pour la répression des
différentes contraventions qui peuvent être commises sur les routes.
(1) Voy. sous le nO 246.
�DU DOMAINÈ PUBLIC.
365
Sur cette importante matière nous avons à analyser et à commenter ici,
1° Les dispositions de la loi du 28 pluviôse
an 8, en ce qu'elles touchent à la grande voirie
et à la compétence des conseils de préfecture;
2,0 Les divers articles de la loi du 29 floréal
an 10;
3° Enfin quelques articles du décret du 16'dé·
cembre 181 1 •
Et dans le cours de cet examen, nous aurons
soin de rappele,', en leurs lieux et places, les diverses dispositions pénales qui ont été portées sur
les contraventions en matière de voirie par les anciens réglements qui sont encore en vigueur.
§ lU.
Loi du 28 pluviôse an 8.
Nous n'avons à 110US occuper ici que de l'article
4 de cette loi, ou plutôt que de quatre des paragraphes qui composent cet article.
278. <c Le conseil de préfecture, y est-il dit,
» prononcera sur les difficultés qui pourraient
" s'élever entre les eutrepreneurs de travaux pu» blics et l'administration, concernant le sens ou
» l'exécution des clauses de leurs marchés. » Il
s'agit là de travaux entrepris à la charge de l'état,
tels que l'établissement d'une roule: eil conséquence de quoi les débats qui peuvent s'élever sur
le sens et l'exécution des marchés, portant directement sur les intérêts du trésor public, rentrent
�366
TRAITÉ
naturellement dans les attributions des conseils de
préfecture.
Nous trouvons nne application de ce texte dans
un arrêté des consuls du 9 fructidor an 10, qui,
statuant sur la réclamation d'un sieur Nicolas,
entrepreneul' du pavé d'une rue sen'ant de prolongement d'une route à travers Besançon, est conçu
dans les termes suivants:
cC Les consuls de la république, sur le rapport
:>, du ministre de l'intérieur,
" Vu le conflit élevé par le préfet du départe» ment du Doubs, par son alTêté du 24 messidor
" dernier, rela tivement à la traduction an tribuoal
" de police municipale de Besançon du citoyen
" Nicolas, entrepreneur de paYés, ponT avoir
» déposé, conformément à son marché, des ma" tériaux sur un des côtés de la rue Sain te -Anne;
" Vu l'expédition de la sentence rendue Je 29
:>, vendémiaire an 10 par le triLunal de police mu:» nicipale de Besançon, confirmative de celle du
" 3 du même mois, qui condamne le citoyen
'), Nicolas à l'amende, aux dépens et all~ frals de
" la pose des lampions sur lesdits rna'ériaux; ladite
" sentence énonciative d'une antre du 23 dn même
), mois, qui ordonne la mise en cause du citoyen
JI> Liard, ingénieur;
" Le conseil d'état entendu,
" Arrêtent:
" Art. 1 er • Les sentences du tribunal de police
'P municipale de Besançon, en date des 3, 23 et
�DU DOMAINl PUBLIC.
367
» 29 vendémiaire dernier, son t regardées comme
)' non avenues; défenses sontfaites au commissaire
" de police de rapporter devant les tribunaux au" cun procès-verbal contre les entrepreneurs de
~, travaux publics, à raison de ces travaux.
" Le maire de Besançon sc pourvoira devant le
" préfet pour obtenir, s'il. y a liau, au profit de
" la commnne, le paiement des som es dépensées
» pour l'éclairage des matériaux déposés dans les
" rues. "
279. Il en serait autrement des travaux qui
n'auraient été entrepris que dans l'intérêt d'une
commune, tels, par exemple, que la construction
d'une église ou d'une salle de spectacle: alors,
quoiqne l'adjudication en eût été faite en présence
de l'administration, et avec les solennités qu'on
emploie dans les marchés de travaux qui s'e"écutent pour le compte de l'état, les difficultés on
les débats d'exécution resteràient soumis aux règles
du droit commun, et devraient être portés parde'Vant les tribunaux, parce qu'il ne s'agirait pas de
prononcer sur un intérêt public (a).
(a) Cette question, qui intéresse éminemment les communes
et les entrepreneurs puisqu'elle donne lieu à une infinité de
procès dispendieux sur le seul chef de la compétence, est une
des plus controversées; soumise vingt-neuf fois au conseil
d'état, elle a été résolue dix fois dans le sens de la compétence
des tribunaux, et dix-neuf, dans le sens opposé; deux arrêts
de la Cour de cassation des 11 ffillrs 1839 et 3 février 1841
(Sirey, 39-1-181; 41-1-120) ontdéc;idé en faveur de l'autorité
�368
TR.AITÉ
Il arrive quelquefois que, dans les marchés faits
par les communes pour des travaux par elles entrepris ou pOUl' des fournitures, on insère n ne clanse
portant que les difficultés qui pourront s'élever sur
l'exécution de la convention seront soumises au
conseil de préfecture. Cette condition est radicalementnulle et ne peut pl'Oduire aucun effet, parce
qu'il ne peu épendt'e de la volonté des parties de
,
judiciaire, et un seul, du 27 août 1839 (Sirey, 39-1-829),
en faveur des conseils de préfecture.
Dans cette longue série de décisions, il est impossible de trouver aucun principe et aucun caractère auxquels l'esprit puisse
raisonnablement s'attacher pour les expliquer; la solution est
motivée tantôt sur la forme de l'acte d'adjudication, tantôt sur
la nature des ouvrages entrepris, tantôt sur la circonstance du
concours de plusieurs communes, etc., etc., sans que jamais la
similitude du fait amène un jugement pareil; les époques semhlen:t seules avoir eu de l'influence sur le sens des arrêts; en
général, la période antérieure à 1830 est favorable à l'autorité
judieiaire, et celle postérieure, à l'autorité administrative. Un
auteur a proposé une règle qui nous paraît fort juste 'et que
nous désirerions voir adopter, ne fût-ce que Four faire cesser
une incertitude qui rend inutile la science du droit, ruine les
particuliers et le~ communes, engendre des haines. et tend à
déconsidérer la justice; d'après cette règle, tou, les travaux:
communaux qui seraient de nature à motiver une expropriation
pour cause d'utilité communale, aux termes de l'art. 12 de
la loi du 3 mai 1841, seraient du ressort des tribunaux admi~
nistratifs, tandis que les autres, qUl:'lle que fût la forllle de l'adjudication, le nombre des intéressés, etc., rentreraient dans la
compétence des tribunaux civils. Optima tex est quœ minimunl
relinquit arbitrio judicis.
�·369
DU DOMAINE PUBLIC.
changer l'ordre et les attributions des juridictions
qui sont d'ordre public; on ne pourrait mê~Ile
considérer cette claus6 comme constituant un
compromis valable; les autorités constituées ne
pouvant en cette qualité faire lesfonctionsd'arbitres,
et la faculté de compromettre étant d'ailleurs interdite aux communes Ca).
280. « Sur les réclamations des particuliers
» qui se pl,aindront des torts et dommages procé» dant du fait personnel des entrepreneurs, et non
» du fait de l'administration. »
Les faits directs de l'administration n'appartiennent point au contentieux, parce que, dans le
cercle de ses attributions, elle agit en souveraine;
il n'y a que les indemnités qui peuvent être dues
(a) Cette solution a été substituée à l'opinion contraire de
l'auteur, repoussée par la Jurisprudence; - voyez en effet
arrêts du conseil d'état des 19 février 1823 (Guérard ), 12
avril, 10 juin et 2 septembre 1829 (Culhat-Chàssis, ville
de Lyon et ville de Dunkerque), 16 décembre 1830 (Souchon), 31 décembre 1831 (Bénard), 9 mars i832 (Delahaye), 12 avril 1832 (Trebucio); Cour de cassation, 12 décembre 1831 et Il mars 1839 (Sirey, 29-2':'357 et 359; 321-275; 3\)-1-181). « Considérant, portent les arrêts du conseil
" d'état des 12 avril et 10 juin 1829, que les parties n'ont pu,
Il par une convention privée, ins~rée dans le marché, déroger à
Il l'ordre des juridictions, et que le conseil de préfecture aurait
» dû se déclarer incompétent. Il Cette incompétence est tellement
d'ordre public, qu'elle peut être proposée pour la première
fois devant la Cour de cassation. (Arrêts des 3 janvier 1829
et 27 août1839 (Sirey, 29-1-57; 39-1-829).
TOM:. I.
24
�370
TRAITÉ
à raison de ces faits snI' lesquelles il est permis de
contester.
Mais lorsqu'il s'agit des entrepreneurs ou de
leuts ouvriers, il filUt bien qu'ils soient soumis à
la juridiction d'un tribunal quelconque, à raison
des torts et dommages qu'ils peuvent causer aux
propriétaires du voisinage ou, de la contrée; et"
comme il y a ordinairement urgence dans l'exécution des tr3vanx publics, la loi n'a pas dû permettre qu'ils fussent retardés par des débats
judiciaires qui peuvent être très~muhipliés; c'est
pourquoi elle a voulu qne tontes les contestations
de cette nature fussent portées au conseil de préfecture.
Ainsi, à snpposer que, pour l'établissement
d'une route, l'on ait pratiqué quelque fouille occasionnant l'éboulement du fonds riverain; à supposer que, pour amener les matériaux sur la route,
on ait pratiqué des chemins plus ou moins dommageables sur divers terrains du voisinage, c'est
au conseil de préfecture qu'on devra s'adresser
pour en obtenir l'adjudication des dommages-in, " qUI pourront etre
' d us; et c ' est contre l'enterets
trepreneur qu'il faudra se pourvoir, soit parce que,
ces sortes de dommages sont censés provenir de
son fait, soit parce que l'obligation de les réparer
est naturellement une charge de son adjudication.
281. Ainsi, quand un entrepreneur de travaux
publics, tels que l'établissement ou la réparation
d'une route, se trouve actionné eu justice ordi-
�DU DOMAINE PUBLIC.
371
naire pour se voir condamner aqx dommages-intérêts résultant de son fait ou de celui de ses
ouvriers, il peut demander son renvoi pardevant
le conseil de préfecture; mais il faut bien temarquel' que cette exception en renvoi pardevant
d'autres juges est nne exception non-seulement
personnelle à l'entrepreneur, mais encore réelle
dans sa cause, comme attachée à la ronte même:
d'où résulte cette conséquence, que, si, quoique
entrepreneur de l'établissement ou de la réparation
de la route, il avait employé à son usage personnel
on à tou autre ouvrage étranger à celui de la route,
les matériaux à raison desquels on lui demande
une indemnité, il ne serait pas fondé à oppose,' le
déclinatoire; et qu'en offrant la preuve de c~s faits
de déLOurnement de matériaux, sa partie adverse
serait au contraire admise à demander que le tribunal retînt la cause.
Il peut arriver aussi que celui qui est actionné
en justice ordinaire à raison de dODlllwgescausés
par son fait sur quelques fonds demande le renvoi
de la cause pardevant le consp.il de préfectllfc,
quoiqu'il ne soit pas notoirement copnu pour
entrepreneur de travallx publics, et qu'on puisse
soupçonner qu'il en usurpe la qll11lité. Alors il y a
là nn fait préjudiciel dont la vérification doit être
renvoyée au conseil de préfecture, et le tribunal,
demeurant saisi jusqu'à la décision de ce conseil,
devra renvoyer la cause au cas que le défendeur
soit reconnu véritablement entrepreneur de tl'[I-
�312
TRAITÉ
vaux publics, ou sta luel' au fond dans le cas con-.
tl'ail'e.
282. cc Sur les demandes et contestations con~~ cemant les indemnités dues aux particuliers à
" raison des terrains pris ou fouilJés pour la con" fection des chemins, canaux, ou autres ouvrages
~) publics. ~)
Nous avons fait voil' plus haut (1) que l'établissement d'une route entraine par voie de conséquence, sur les fonds de la contrée, l'imposition
d'tine servitude pour la prise des matériaux nécessaires, soit à la confection Je la chauss .e, soit à
son entretien, comme encol'e à la construction des
ponts et autres ouvrages d'art qui en sont les ac- .
ceSSOll'es.
Cette servitude est indéfinie dans son étendue,
parce qu'il est impossible d'apprécier d'avance, la
quantité de matériaux dont l'emploi sera nécessaire aux tl'avaux à exécut.el"
Elle est indéfinie encore dans son étendue, parce
qu'il est impossible de savoil' dans quel endroit les
fouilles pourront être plus ou moins praticables et
productives.
Mais dans tous les cas il est dû une indemnité
aux propriétaires des fonds qui sont fouillés; et
c'est pardevant le conseil de préfecture qu'on doit
pl'Océder aux expertises à faire pour en fixel' le
montant.
(1) Voy. sous le nO 265.
�DU DOMAINE PUBLIC.
373
Lorsqu'il s'agit des fonds occupés 'pour l'emplacement de la l'onte , comme encore lorsque le gou~
vernement juge à propos de s'emparer de quelqu'e
portion de terrain pour y établil' une carrière pu~
blique et permanente, ce n'est plus au conseil de
préfecture qu'on doit s'adresser pour faire estimer
l'inùemnité, et obtenir pOUl' le gouvernement l'adjudication du sol; il faut alors recourir aux formalités requises dans les expropriations pour. cause
d'utilité publique, et c'est par ordre de la justice
ordinaire que la dépossessiot) du propriétaire doit
être prononcée.
cc Sur les difficultés qui pourront s'élever en
» matière de grande voirie. »
Ce paragraphe de l'article 4- de la loi du 28 pluviôse an 8 s'étend, comme on voit, à des objets
indéfinis; et ce n'est que par les lois subséquentes,
que nons allons examiner , qu'on peut en indiquerles diverses applications.
§ 2.
Loi du 29 floréal an 10.
ARTICLE PREl\lIER.
283. cc Les contraventions en matière de
grande voirie, telle,s qu'anticipations, dépôts
» de fumiers et autl'es objets; et toute espèce de
" détériorations commises Sur les grandes routes,
" sur les arbres qui les bordent, sur les fossés,
» ouvrages d'art, et matériaux destinés à leur
" entretien; sur les canaux et rivières navigables,
»
�374
TRAITÉ
leurs chemins de halage, francs-bords, fossés et
» ou vrages d'art, seront constatées, réprimées et
)) poursuivies par voie administrative. )
Observons d'abord, sur l'ensemble de cet article,
qu'il n'a aucun trait aux contraventions qui Il'attaynent point le lUlltérid de la route ou de la rue,
telles que celles qu'on commettrait en laissant
divaguer snI' la place des animaux féroces, ou en
ne modérant pas le mouvement des chevaux et des
voitures.
Observons en seconel lieu que, suivant un arrêt
de la CoU\' de cassation du 13 juin 1811 , rapporté
dans le répertoire, an mot voÙie, nO 6, lorsqu'il
y a contravention matérielle aux réglements de
voirie, comme pour dépôt de fumiers ou autres
objets, dans une l'Ile qui fait partie d'une grande
route, tout ce qui résulte de cette circon.sLance,
c'est qu'elle peut être' poursuivie, soit pardevant
le conseil de préfecture, soit pardevant le tribunal
de police, puisqne l'un ct l'autre sont également
institués pour en connaître: en conséquence de
quoi c'est celui de ces deux tribunaux qui aura élé
le premier saisi, qui devra selll statuer sur le fond
de la cause, pour se conformer à la maxime Non
»
his in idem.
Mais dans tontes circonstances où. il ne s'agit
que de désordres commis sur une ronte ou dan
une l'Ile, sans en attaquer le matériel ou en paralyser l'us.1ge par des obstacles physiqnes, il n'y il
que les tribunaux.de Ilolice qui aient le dl'Oit d'en
connaître.
�DU DOMAINE PUBLIC.
375
Au reste, pour indiquer les diverses condamnations qui peuven t être prononcées par le tribunal
administratif à raison des différents chefs de contrave~tion qui sont signalés dans cet article, nous
allons les repremlre les .uns après les autres, pour
tout ce qui concerne les routes, sauf à revenir sur
ce qui concerne spécialement les rivières et canaux
navi~ables quand nous en traiterons plus bas.
284. Les contraventions. On voit, pal' ce
début, que les auteurs de la loi se s0.ot abstenus
d'user du mot délit, parce qu'ils ne voulaient pas
ériger les conseils de préfecture en tribunaux de
police correctionnelle ordinaires.
Telles que. Ces expressions sont très-remarquables, en ce qu'elles démontrent que, dans ce
qui va suivre, l'énumération n'est pas faite limitandi causd -' mais hien seulement exempli gratiti: d'où il résulte que toutes les contraventions
commises au préjUllice de la viabilité des grandes
roules 1 même autres que celles qui sont spécialement signalées dans cet article, peuvent être
également réprimées par les conseils de préfecture.
Pour déterminer ce point de compétence, }l ne
faudrait pas même s'attacher à la question de savoir
s'il y a ou non une peine décrétée pour la répression de tels ou tels faits, qui peuvent varier à
l'infini; altendn que, dans lous les cas, il Y a au
moins la réparalioil du dommage à ordonner,
d'après la règle du droit commun.
285. Anticipations. La peine méritée par
�3'16
TRAITÉ
celle contravention avait été établie par l'art. 40,
titre 2 , de la loi du 6 octobre 179 l , sur la police
rurale, portant cr que les cultivateurs ou tous antres
" qui auront dégradé ou détérioré, de quelque
» manière que ce soit, ges chemins publics, ou
» usurpé sur leur largeur ~ seront condamnés à
» la réparation on à la restitution, et à une amende
» qui ne pourra être moindre de trois livres, ni
» excéder vingt-quatre livres; » mais aujourd'hui
celte peine est réduite à une amende de. onze à
quinze francs inclusivement, par le paragraphe 11
de l'article 479 dn Code pénal amendé.
Sur quoi il faut observel' qu'il ne s'agit ici, comme
ce texte le montre assez, qne de simples anticipations commises dans la culture ou exploitalion des
fonds voisins de la route, et non des anticipations
qui pourraient êlre pratiquées en faisant quelque
construction de Lâtiments sur les bords du grànd
chemin, sans e~ avoir obtenu l'alignement: car,
en-ce dernier cas, c'est par l'arrêt de réglement du
27 février 1765, rapporté plus haut (1), que la
peine devrait être déterminée.
286. Dépôts de fumiers et autres objets. Ce
qui doit être entendu de dépôts permanents, tels
que les fosses à fumier et les chantiers de bois
qu'on trouve dans les communes rurales, et non
des dépôts ou entrepôts momentanés qu'il est permis de faire sur le sol public, à mesure du trans(1) Voy. sous le nO 247.
�DU DOMAINE PUBLIC.
377
port des fumiers ou autres objets, pour les rendre
à leur destination.
Nous remarqnerons encore que la défense de
cette espèce d'encombrement doit s'appliquer aux
chemins de halage comme aux grandes routes,
parce qu'il doit y avoir une viabilité libre sur les
uns comme sur les autres.
1
Les termes de cette loi ainsi entendus, reste à
savoir quelle est la peine contre les auteurs de- ces
sortes de dépôts.
Un édit du mois de décembre 1607 (t) porte:
c~ Voulons que, lorsque les l'Iles et chemins seront
)' encombrés et incommodés, il soit- enjoint aux
» particuliers -de faire ôter lesùits empêchements;
» et, sur l'opposition ou différend qui en pourrait
" résulter, faire condamner lesdits particuliers qui
" n'~uront obéi à l'ordonnance, uois jours après
}} la s~gnjfication qui leur en sera faile , jusqu'à la
" somme de dix livres et au-dessous, pour lesdites
}} entreprises par eux faites. }}
Mais nous croyons que cette ancienne loi 'doit
être regardée comme abrogée par notre Code pénal,
où nous trouvons à l'art. 471, S 4, la peine portée
contre les auteurs de ces sortes de dépôts. cc Ceux,
}) yest.il dit, qui auront embarrassé la voie pu'} blique en y déposant ou y laissant sans néces" silé des matériaux ou des choses quelconques
(1) Voy. dans le Code de la grande et petite voirie, par
M. Fleurigeon, p. 154.
�318
TRAITÉ
qui empêchent on diminuent la liberté 011 la .
sûreté du passage; ceux qui, en contravention
» aux lois et réglements, auront négligé d'éclairer
» les matériaux par eux entreposés, ou les exca» valions par eux faites dans les rues et places,
n seront punis d'une amende depuis un franc jus» qn'~ cinq fr~ncs inclusivement. »
Il est évident, par la génél'alité de ces expres~ions, que cet article du Code pénal s'applique
aux er.ubarras causés sur les granç1es routes, qui
sont éminemment des voies l!ubliques~ainsiqu'à
ceux qui auraient lieu dans-les rues servant de
prolongation aux grandes routes: d'où résulte la
conséqueQce que, dans l'une et l'autre hypothèse,
il y a contravention en matière de grande voirie,
et que, COQl1ne on vient de l'observer (1), c'est au
conseil de préfecture, ou an tribunal de p~lice
simpJe, que l'action en répression doit être portée,
même pour la négligence de l'éclairage des matériaux déposé~ ou des excavations pratiquées dans
les rues qui sont la continuation des grandes
routes.
281. Toutes espèces de détériorations. Ici
revient directement l'application du S I l de
l'art. 479 du Code pénal, qu'on vient de citer,
lcqllel porte que ceux qui auront dégradé ou
détùioré de quelque manière que ce soit ~ les
chemÏ(ls publics ~ ou usurpé sur leur largeur~
»
»
(1) Voy:ci-dessus , sous le nO 283.
�DU DOMAINE PUBLIC.
379
seront punis d'une amende de onze francs ju~qu'à
qllinze francs inclusivement.
Les dégradations ou détériorations matérielles
qni peuvent êlre commisf's sur les rontes Stmt S\1Scf'ptibles d'une variété indéfinie, soit dans leur
objet, soit dans leur plus ou moins <;te gravité;
mais il en est une que nous ne qevons, pas omettre
de signaler ici : c'est celle qui peu~ être opérée
par la dérivation des eaux q~i, en dissolvant la
superficie de6 chaussées, nuisent essentiellement à
leur solidité. Cette dérivation des eaux qui n'y arriveraient pas naturellement constitue une cÇ>,otraventioll passible de l'amende dont ou vi~~t de
parler.
Commises sur les grandes routes. On voit,
par ces del'l1ièles expressions, que, comme on l'a
déjà remarqué, les auteurs de cette loi ont bien
réellement voulu éviter de parlf'I' des chemins vicinaux, dont la policf' reste jus1llle là suhordonnée
à la règle tracée par 1';Jrtiele 6 de la loi du 1 J, septembre 1790, qui en inv<'slit les tribunaux ordinaires; mais c'est là nn point Sllr lequclnolls reviendrons encore en traitant de cette espèce de
chemins.
288. Non-seulement on peut endommagel'
les routes par des dpgl'adatious matérielles, mais on
peut y causer dll pl'éjudice par des enlèvements de
matél'iaux; et c'est à ce genre oe contl'aventions
que se l'appol'taitl'urticle 4°, titre 2, de la loi du
6 octobre 1791, n~ais auquel on doit appliquer
�380
TillUTÉ
aujourd'hui le S 12 de l'article 479 du Code pénal,
qui veut que l'amende de onze à quinze francs inclusivement soit prononcée contre ceux qui,
sans y hre dt/ment autorisés, auront enLevé
des chemins pu61ics les gazons, terres ou
pierres, ou qui, dans les lieux appartenant
aux communes, auraient enlevé les terres ou
matériaux, à moins qu'il n'existe un usage
général qui l'autorise.
La peine prononcée par'cet art.icJp, s'applique bien,
comme on le VOil , anx elllèvl'l1lcnts des graviers et
pierrailles préparés pour le reehargt'lllf'nt et les réparations de la ronte ; mais I)'il s'agissait de matériaul:.
précieux ou d'une valeur considérable, comme
des pierres de taille destinées à ètreemployées dans
quelques ouvrages d'art, tels !lue ponts ou parapets
faisant partie de la grande route, nous croyons
que la peine devrait être plus grave pour correspondre au délit, et qu'en conséquence le voleur
devrait ètre soumis à l'application de l'article 401
du Code pénal, qui veut généralement que les vols
non spécitiés dans la section terminée par cet article soient punis d'un emprisonnement d'un an au .
moins et de cinq ans au pins, et qu'ils soient en
ontre passibles d'une amende de seize francs au
moins et de cinq cents francs au plus: saufla modération que pourraient mériter les circonstances
atténuantes, conformément à l'art. 463.
Sur (l' oi il ne faut pas perdre de vue que le conseil de préfecture n'est compétent que pour pro-
�DU DOMAINE PUBLIC.
381'
noncer l'amende, et non pour statner sur l'emprisonnement.
289. Les divers genres de dégradations ou détériorations qui peuvent être commises sur les
routes ont été signalés avec beaucoup plus de
développements par un anêt du conseil d'état du
17 juin 1721 , ra pporté par Fleurigeon , Loco citato. Cet arrêt cc défend à tous gravatier, laboureur,
;) vigneron, jardinier et autres, de combler les
;) fossés, on d'abattre les berges qui bornent. la
» largeur des grands chemins, et d'anticiper sur
» cette largeur par leurs labours, on autrement,
» en quelque manière que ce soit; de planter au» cun arbre à une moindre distance que celle de
» six. pieds du bord extérieur desdits fossés et
» berges; et de décharger aucun gravois~fumierJ
» immondice, ou autres empêchements au passage
» public, tant sur les chaussées de pavés et de terre
» que sur les ponts, et dans les rues des bourgs
» et villages. »
•
290. Sauf ce qui concerue les arbres et ies fossés, dont nOl1s nous occuperons explicitement plus
bas, les autres cas prévus dans cette première partie de l'arrêt se trouvent déj~ expliqués ci-dessus;
mais il n'en est pas de même de la suite du texte
portant la défeuse ce d'abattre aucune borne mise
» pour empêcher le passage des voitures sur les
» accotemel1ts des chaussées, celles qui défendent
» les murs de soutènement et les parapets des
» ponts, non plus que lesdits parapets, à peine de
�382
TRAITÉ
))
))
:))
))
confiscation des chevaux et de cinq cents livres
de dommages et intérêts contre chacun des
contrevenants, et en outre de prison contre
ceux pris sur le fait.
)) Les maîtres desdites voitlli'es demeureront
)) civilement garants et responsables desdites con)) damnations, de même que les syndics (les
)) maires) des communes, si la contravention est
» commise dans le bourg 011 village de leur domi)) cilc, et qU'lls n'aient dûment averti les Contre)) venants. .,
On sent que le genre de dégradations ici signalé
est d'une gravité tout àutre que celle dont nous
avons parlé plus haut; et, comme cet ari'êt de
régielllent est au nomhî'e de ceux qui ont été provisoirem('ntconfirmés parlaJoidu 22 juillet 1791
(1), nou~ croyons qu'on doit encore aujourd'hui
èn faire l'application aux contraventions J'arrachement de bornes plantées sur les routes, et de renversemènt des parapets de ponts qui servent au
plissage des grands chemins.
Nous ferons observer néanmoins que la jurisprudence constante du conseil d'étal ('st de modérer ces sortes de peines quand elles paraissent
excessives, d'après les circonstances atténuantes
qui peuvent tendre à excuser plus ou moins le
contrevenant Ca).
(1) Voy. sous le nO 246.
(a) Ce pouvoir de modérer les amendes est ncLuellement ac·
cordé aux conseils de préfecture par la loi dU.-23 mars 1842,
�DU DOMAINE PUllIJC.
383
291. Sur les arbres qui les bordent. Les
dégradations commises en ce qui touche aux arbres
plantés au bord des routes ou des canaux peuvent
avoir lieu ou en les abattan t, ou en les écorçant
et mutilant, ou en les éla~uant , à moins que ces
faits il'aient été permis par l'administration; et c'est
au conseil de préfecture que l'action publique en
répression doit être portée contre leurs auteurs.
Comme nous l'avons fait voir dans le chapitre
qui précède, les arbres plantés au bord des routes
appartiennent â trois classes différentes, qu'il ne
faut pas confondre, et qui comprennent:
La première, ceux qni, plantés sur le sol de la
route et aux frais de l'état, font parlie du domaine
public.
La seconde; ceux qui, quoique plantés sur le sol
public, sont néanmoins la propriété des riverains.
Et la troisième, ceux qui, plan lés sur les fonds
riverains, appartiennent aux mahres de ces fonds.
Lorsqu'il s'agi t des arbres de la première de ces
trois classes, la coupe ou la mutilation en doivent
être punies des peines portées aux articles 445,446,
447 et 448 du Code pénal, conçus dans les termes
suivants:
d'après l'art. l or de laquelle les amendes fixes, prononcées par
les réglemcnts de grande voirie antérieurs à la loi du 19·22
juillet 1791, pourront être réduites au 20· de leur taux, sans
cependant être inférieures à 16 francs, et celles arultrazres pourront varier de 16 à 300 fI'.
�384-
TRAITI
445.
Quiconque aura abattu un ou
:) plusieurs arbres qu'il savait appartellir à autrui
» sera puni d'un emprisonnement qui ne sera pas
;»
au-dessous de six jours ni au-dessus de' six mois,
;»
à raison de chaque arbre, sans que la totalité
» puisse excéder cinq ans. »
ARTICLE 446. cc Les peines seront les mêmes à
') raison de chaque arbre ID utilé, cou pé, ou écorcé
» de manière à le faire périr. »
ARTICLE 447' <t S'il Y a eu destruction d'une ou
» de plusieurs greffes, l'emprisonnement Sera de
» six jours à deux mois à raison de chaque greffe,
» $ans que la totàlité puisse excéder den x ans~ ;)
ARTICLE 448. <t Le minimum de la peine sera
» de vingt jours dans les cas prévus par les articles
j) 445 et 446, et de dix jours dans le cas prévu par
l'article 447, si les arbres étaien t plan tés su ries
» places, routes, cbemins, rues ou voies puhliques,
» 011 vicinales, ou de traverse Ca). »
ARTICLE
cc
)j
(a) Cet ensemhle de dispositions pénales relatives aux délits
commis par rapport aux arhres, présente une lacune assez singulière quant aux faits de coupe de hranches ou de mutilations
qui ne seraient pas de nature à faire périr l'arhre; aucu~e peine
n'est applicahle à ces cas; le seul moyen de remédier à une pareille omission consisterait peut-être dans un arrêté pris par les
maires ou, à défaut, par le, préfet, et qui prohiherait toute espèce d'atteinte portée aux arhres plantés sur le sol du domaine
puhlic ou communal, telle que coupe de branches, enlèvement
de hois mort, de feuilles, fleurs ou fruits, de mousse, etc"
comme l'a fait l'article 144 du Code forestier, par rapport am:
forêts.
�385
DU DOMAINE PUllLIC.
Ou voit par la
sui le de ces quatre articles qu'il
n'y est toujours question que de celui qui coupe
ou mutile d~s arbres qu'il savait appartenir il. autrui.
Dans ces divers cas, le conseil de préfecture ne
peut s'occuper que des faits de conpes ou mutilations des arbres plan lés aux bords des grandes
routes, puisq ue ses pouvoirs ne se J'apportent qu'à
la grande voirie; et encore, attendu que sa compétence n'est que civile, il ne pourrait statuer que
sur la répara tion des dommages causés par le délin-_
quant, tout en renvoyant la cause au tribunal de
police correctionnelle , pOUl' Yfaire prononcer les
peines d'emprisonnement établies par ces articles.
S'il est question des at'bres de la seconde classe,
c'est-à-dire des arbres qui, quoique plantés sur le
sol public, appartiennent au propriétaire riverain,
et que ce soit ce propriétaire qui les ait abattus ou
mutilés de sa propre autorité, il sera tOlljoun; (:oupable, puisqu'il est défendu de toncher aux arbres
qui bordentles routes, sans en avoir obtenu la permission de l'administration. Mais, comme on ne
pourrait dire de ce délinquant qu'il a abattu un
ou pLusieurs arbres qu~iL savait appartenir à
autrui, il serait légalement impossible d'appliquer
à sa callse les articles du Code pénal qu'on vient de
rapporter; et alors il faut recourir à 1 article 43,
titre 2, de la loi du 6 octobre .1791, sur la police
rurale, portaut que cc quiconque aura coupé ou
~) détérioré des arbr~s plantés sur les routes sera
'I0l\i. 1.
25
�.386
TRAITÉ
condamné à une amende du triple de la valeur
>, des arbres, et à ,tu~e détention qui ne pourra
» excéder six mois. »
Ici le conseil de préfecture sera compétent .pour
,prononcer sur l'amende et .les dom~ges; mais il
dev:ra encore renvoyer le délinquant au tribunal de
,police ,correctionnelle pour y faire statuer sur l~
peine de détention.
Enfin lorsqu'il s'agit des arbres de la troisième
classe, comprenant ceux qui ont été plantés par le~
riverains sur leurs propres fo.nds, on doit faire
l'application de l'article 101 du décret du 16 décembre dh 1, portant que tout propr~étaire qui
:n sera reconnu avoir coupé, sans autorisation,
:» arraché on fait périr les arbres plantés sur son
" terrain., sera condamné à une amende égale à -la
" triple valeur de l'arbre détruit; " et, comme il
n'y a plus de détention à prononcer contre le ,d,élinquant, la peine tout e,ntière doit être prononcée
par le conseil de préfecture.
292. NC\us terminerons cette discussion sur les
arbres qui borden t les routes, en observan t que les
dispositions pénales des lois 9 ue nous venons d~
rapporter ne doivent, par rapport à leur sévérité
particulière, être appliquées qu'aux arbres plantés .. qui ont coûté tPlus de soins aux propriétaires,
et qu'en conséquence on ne doit voir qu'un délit
forestier ordinaire dans la coupe et l'élagage des
arbres qui se trouvent au bord d'une route qui tra;verse une forêt, dans laquelle ces arbres croissent
;:JO
ft(
�DU DOMAINE PUBLIC.
387
d'eux-mêmes et en massif: pour quoi nous croyons
que Jes délits commis sur ces arbres doivent seulement être poursuivis en justice ordinaire et suivant
les' règles du droit commun. Mais revenons à la
suite de notre texte.
Sur les fossés qui sont établis aux à-c6tés des
routes et des chemins de halage, soit pour Illettre
ohstacle aux anticipations des voisins, comme
formant une espèce de clôture de la route" soit surtout pour servil' à J'écoulement des eaux.
Le recomblement, la destruction ou la dégradation de ces fossés doivent, aux termes de J'article
456 dn Code pénal, être punis d'une amende égaJe
au quart de ta valeur des dommages, sans pouvoir
être au-dessous Je cinquante francs" et d'un emprisonnemen t qui ne peut être au-dessous d'nu
mois ni excéder une année; en sorte que, si l'action
a été d'abord portée au conseil de préfecture, ce
iera à lui à prononcer l'amende, en renvoyant la
cause au tribunal de police correctionnelle, pour y
faire statuer sur la peine d'emprisonnement s'il y a
lieu; et si, au contraire, J'action a été de prime
abord intentée <tu t~~bLt.n,..lde.policecorrectionnelle,
ce tribunal devra prononcer snI' le tont, comme
étant compétent snr tonte la pénalilé,. et iJ n'y aura
pas de renvoi à ordonner au conseil de préfect1.lre,
à cause de la maxime: Non bis in idem (1).
Au reste, pour ce qui concerne le curage de ces
(1) Voy. sous le nO '247.
�388
'l'RAITÉ
fossés, lorsÇJu'ils ne se trouvent comblés ou obstrués
que par le cours ordinaire des choses, c'est à l'administration à y procéder et à en supporter la charge,
puisqu'ainsi le veut la loi du 12 mai Ilh5.
Sur les canaux"jleuves et rivières nav;gahles,
leurs chemins de halage" etc. Deux choses sont
a, remarquer d' apI' ès <:es termes: l' une,. qu '"l'
1 n est.
pas ici question des rivières qui ne sont que flottables: d'où il faut conclure à leur égard, comme
à l'égard des chemins vicinaux, qu'elles ne sont
jusque-là soumises, quant à la police,. qu'aux règles
du droit commun; l'autre, que la même compé.
tence est a ttribuée aux conseils de préfecture, en
ce qui concerne les contraventions de grande voirie
commises sur les canaux et rivières navigables,
comme si elles avaient eu lieu sur les grandes
routes; mais ce sont là des ohjetSisur lesquels nous
reviendrons encore dans la suite.
ARTICLE 2 ..
293.
Les contraventions seront constatées
» concurremment par les maires ou adjoints"
» les ingénieurs des ponts et chaussées, leurs
» conducteurs, les agents de la nav;gation, les
» commissaires de police" et par la gendarme" rie. A cet effet, ceux des fonctionnaires publics
,. ci·dessus désignés qui n'ont pas prêté serment
» en justice le prêteront devant le préfet. »
A cela un décret du 18 août 1810 ajoute que les
préposés aux droits réunis et aux'octrois sont
cc
�DU DO'/llAlNE PUBLIC.
389
aussi appelés, concurremment avec les fonctionnaires dont on vient de parler, à constater les contraventions. en matière de grande voirie, et que les
uns et les autres seront tenus. d'affirmer leurs
procès-verbaux devant le juge de paix; faute de
quoi ils ne pourront faire foi ni motiver de con~
damnation (a).
(a) Aux fonctionnaires et agents ci-dessus énumérés, il faut
encore ajouter comme ayant droit de constater les contraventions de grande voirie 10 les gardes champêtres auxquels la
faculté en est accordée pal' l'article 112 du décret du 16 décembre 1811 ci-après transcrit, et rendu applicable /lUX canaux,
rivières navigables, ports, etc., par le décret du 10 avril 1812
(bull. 4- série, nO 4i9); ce sont des officiers de police judiciaire ayant caractère pour constater dans l'étendue de leur
territoire tous les délits et contraventions portant atteinte aux
J?ropriétés rurales et forestièr~s (art. 16 du Code d'instruction
c:riminelle ).
~o Les piqueurs des ponts et cha.ussées ct les cantonniers
chefs commissionnés et assqmentés à cet elfet. Cette attribution leur est. conférée par l'art. 2 de la loi du 23 mars 1842,
ainsi conçu: « Les piqueurs des ponts et chaussées et les can" tonniers chefs CODlIHi"ionné. "t assermentés à cet effet, cons" tateront tous les délits de grande voirie, concurremment avec
" les fonctionnaires et agents dénommés daJ;ls les lois et décrets
~ antérieurs sur la matière. "
Que doit-on décider par rapport aux cantonniers ordinaires?
La généralité des termes de l'art. 112 du décret du 16 décembre
1811, qui parle des cantonniers sans exception, restriction ou
autre qualification, semblait leur reconnaître ce droit; cependant
<ln doit le leur ref~ser, d'un côté, parce que cet article n'avait pas
pour objet d'instituer des agents ayant earar:tère pour constater
les contraventions, mais seulement d'indiquer devant quelle
�390
TRAITÉ
Comme on le verra ci-après, l'a1'licle 112 du décret du 16 décembre 1811 veut que les pro~ès
verbaux dont il s'agit puissent être aussi affirmés
pardevant le maire ou l'adjoint du lieu.
Mais dans quel délai cette affirmation doit-elle
être faite pour satisfaire régulièrement au vœu de
la loi?
Comme les lois el décrets que nous commentons
ici ne portent aucune décision à cet égard, nous
croyons qu'on doit prendre pour règle du droit
commu,D, sur ce point, la disposition contenue soit
:wtorjté les agents institués ou il instituer affirmeraient leurs
pro.cès-verbaux; et d'une autre part, parce que la nouvelle loi,
en ne parlant que des piqueurs et cantonniers chefs ( encore cornlnissionllés et assermentés spécialement il cet effet), a par là même
exdu les simples cantonniers j l'exposé des motifs de cette loi
devant la chambre des pairs par le ministre des travaux publics ne peut laisser aucun doute à cet égard; voici en effet le
passage: « D'après la loi du 29 floréal an 10 (J9 mai 1802),
Il les ingénieurs et les conducteurs des ponts et chaussées sont
)) les seuls agents de ce service dont les procès-verbüuA puissent
Il faire foi en Justice. Leur action est évidemment insuffisante.
II Retenus, soit dans le cabinet pour l'étude et la rédaction de
)) nombreux proJets, soit sur les ateliers où s'exécutent d'imIl portants travaux, ils ne peuvent s'occuper que d'une manière
» fort accessoire ùe la police de la grande voirie, tandis que
» derrière eux, deux autres classes d'agents, les piqueurs et les
Il cantonniers chefs appelés par la nature de leurs fonctions à
» circuler constamment sur les routes, sont placés dans les
» meilleures conditions possibles pour constater à l'heure même
Il toutes les espèces de délits qui peuvent être commis au pré,1 judice de l'intérêt public; il est ùonc très-important de con-
�»U DOMAINE PUBLIC.
391
dans rarticle 7, litre 4, de la loi du 29 septembre
1791, SUI' 1 admillistration fbrestière, soit dans
l'article 165 du Code forestier actuel, qui veulent
que les procès-verbaux des gardes- soient- affirmés
au plus tard le lendemain de leur clôture; et nous
trom'ons encore ln même' disposition répétée dans
l'article 44 de la loi du 15 avrit 1829, sur la pêche
flu viale (1).
Il faut bien, en effe~, qu'il y ait ici un délai
quelconque; et dès-lors pomqnoi'lle s'attacheraiton pas à celui qui est fixé par les lois pOUl' des
espè~es de même nature?
Il est vrai qu'aux termes de Fartide 26 de l'arrêté du 8 prairial an Il (2), les procès-verbaux sur
" férer à ces agents la capacité légale de ve.rbaliser. Tel est
» l'objet du 2" article de la loi. »
D'après cela, les agents ayant aujourd'huOe droit de constater les délits et contraventions de grande voirie, sont :
Les maires ou adjoints,
Les ingénieurs des ponts et chaussées,
Les conüucteurs de la même administration,
Les piqueurs ,
~
..,
, •
.
h f commiSSIOnnes et assermentes a eet effet~
L es cantonmers ces
Les agents de la navigation,
Les commissaires de police,
Les gardes champêtres,
La gendarmerie,
l.es préposés aux droits réunis et am: octrois,
(1) Voy. au bull. t. 10, p. 225, 8' série.
(2) Voy. au bull. t. 8, p. 489, 3" série.
�392
TRAITE
contraventions commises au pr-éjndice de la perception de J'octroi de navigation ne doivent être
affirmés que dans les trois jours; mais il faut remarqllerfjue ces sortesde contraventions pouvant n'être
a perçlles qu'à des distances plus ou moins éloignées
des bureaux, on a dû accorder plus de délai pour
en affir'mer les procès-verbaux de constatation.
ARTICLE
3.
294. cc Les procès-verbaux I!ur les contraventiuus serQnt ad"essés au sous-préfet, qui 01'» dounera, par provision, sauf le recours au pré» fct, ce que de droit, pour faire cesser leI! dom» nlages. "
Les mesures provisoires ordonnées par cet article sont fondées sur ce que, dans tout ce qui
concerne le service pnblic, l'on ne doit point
perdre de temps pour satisfaire à ses exigences..
>.>
ARTICLE
4.
Il sera statué définitivement en conseil de
), préfecture; les arrêtés seropt exécutés sans 'visa
cc
" ni mandement des tribunaux, nonobstant et
» sauf tout recours; et les individus condamnés
" seront contraints par l'envoi de garnisaires et
» saisie de meubles, en vertu desdits a l'I'êtés ,
» qui seront exécutoires et emporteront hypo» thèque (1). "
(1) Voy. au bull. t. 6, p. 324,3" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
393
Nonohstant et saufrecours; c'est-à-dire qu'en~
core que l'appel au conseil d'état soit admissible, il
n'est néanmoins pas sl\spensif de l'exécution de la
chose jugée par le conseil de préfecture.
Ainsi se termine la loi du 29 floréal an 10;
quoique d'une certaine étendlle ou ne peut se dissimuler qu'elle laisse encore beaucoup à désirer,
pour quoi nous devons ajouter ici un troisième
paragraphe, où nons commenterons aussi les dispositions portées sur notre objer par le décret du
16 décembre 1811, qu'on peut regarder comme
explicatives et organiques de celte loi.
Sur le décret du 16 décembre 1811,
295. Ce décret, qùi est d'une très-grande étendue (1), ne renferme qne trois articles directement
applicables à notre matière, et que nous ayolis à
rapponer ici. Ce son t les anicles 112, 113 et 114.
ARTICLE 112.
cc A dater de la publication du présent décret,
les ca~llonDierli, hcndarolOs, gardes champêtres,
;»
coud ucteurs des pon ts ct' chaussées, et autres
» agents appelés à la surveillance de la police des
,) routes, pourront affirmer leurs procès-verbaux
» de contraventions ou de délits, devant le maire
» ou l'adjoint du lieu. »
Ici donc ce n'est plus seulement pardevaÏ1t les
»
(1) Voy. au bull. t.16,p.66, {"série.
�394
TRAITÉ
juges de paix, mais encore pardevant les- maires et
adjoints, que les procès-verbaux peuvent être affirmés : aut,'ement ils ne pOUlTaient motiver une
condamnation, d'après le décret du 18 août
:1.810
(1).
La loi du 29 floréal ne fait mention que des
contraventions; et cet article du déCret de I811
paraît aller plus loin, puisqu'il parle aussi des
délits; mais nous verrons, par ce qni suit, qne
s'il est ici question de délits, c'est pour en constater l'existence, et faire prononcer la réparation
des dommages matériels, et nulletilent pour investir le tribunal administratif du droit d'infliger
les peines correctionnelles de détention qne pourraient avoir méritées les délinquants.
ARTICLE
113.
296. cc Ces procès-verbaux seront adressés au
". sous-préfet, qui OI'donnera sur-lc-champ, aux
cc termes des articles 2 ct 3 de.la loi du 29 floréal
» an 10, la réparation des délits par les délinquant&,
» ou à leur charge, s'il s'agit de dé61-adatiolls"
" dépôts de fumier, immondices ou autres 8ub:» stances, et en rendra compte au préfet, en lui
» ad,'essant les procès-verbaux. »
Cet article nous démontre de plus en plus qu'il
ne s'agit toujours que de réparations matérielles
de dommages à ordonner provisoirement par le
(1) Voy, ce décret au bull. t. 13, p. 151,4" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
395
sous-préfet; et que c'est à requête du préfet,
comme exerçant l'action publique, qne le conseil
de préfecture doit être saisi, par la remise des
procès-verbaux: de contravention, pour êU'e définitivement statué Sllr l'affaire.
Quant audegré de certitude légale qui se rattache
aux procès-verbaux des agents de police judiciaire
signalés soit dans l'art. 2 de la loi du 29 floréal an
10; rapporté éi-dessus, soit dans l'article 112 du
présent déeret, et pOlit' apprécier le mérite de ces
procès verbaux, il faut recourir à l'application de
l'article 154 du Code d'instruction criminelle,
portant que ct nul ne sera admis, à peine de nul·
» lité, à faire preuve par témoins, outre ou contre
» le contenn aux procès-verbaux ou rapports des
» officiers de police ayant reçu de la Loi le pou» I/oir de constater le3 déLits ou Les COll tral/en» tions~ jusqu~à inscription de/aux. Quant aux
» procès-verbaux et rapports faits par des agents,
» préposés ou officiers auxquels la loi n'a pas ac» cordé le droit d~en 8tre crus jusqu~à inscrip)' tion de Jaux ~ ib pourront être débatlus par
» des preuves con traires, soit écrites, soit tes timo~) niales, si le tribunal juge à propos de les ad» mettre. )' Et, comme nous> ne voyons ni dans la
loi du 29 floréal an 10, ni dans le décret du 18
août 1131 0, ni dans celui du 16 décembre 1SIl,
que les procès-verbaux et rapports des officiers ou
agents de police judiciaire chargés de constater les
contraventions en fait de grande voirie, doivent
�396
TRArI'É
faire foi jusqn'à inscription de faux, nous devon~
conclure de là que toute preuve légale est admissible pour combattre la foi qui se rattache naturellell1ent, mais non pas infailliblement, à ces procès.
verbaux et rapports. y.
ARTICLE
114.
297. cc Il sera statué, sans délai, par les conseils de préfecture, tant surIes oppositions qui
» auraient été formées pal-les délinquants ( à La
» décision provisoire du sous-préfet), que sur
" les amendes encourues par eux, nonobstant la
" réparation du dommage.
~, Seront en outre renvoyés à la connaissance
» des tribunaux les violencps, vols de matériaux,
" voies de fait, ou réparations de dommages réela" mées par des particuliers. n
Quant an fond, toute la théorie de compétence
administrative qui nous occupe ressort de cet al'·
>?
ticle.
C'est sur l'urgence des betoins du service public
qu'est ici fondée la compétPnce de la jnridiction
administrative; 01' il est encore plus pressant de
faire réparer le chemin ou de faire enlever les objets qui en gênent l'usage que de prononcer des
amendes contre ceux qui ont abusé: donc il faut
commencer par pourvoir aux réparations, ct c'est là.
c:c que le sous-préfet, comme magistrat le plus rapproché des lienx, est chargé d'ordonner par prOYi,SiOl1.
�DU DOMAINE PUBLIC.
397
Si les dommages causés à la viabilité de la route
n'ont pas été réparés SUl' les ordres du sous-préfet,
le conseil de préfecture ordonne qu'ils le soient ou
par les délinquants, ou à leur cbarge.
S'ils ont été réparés, tout est consommé à cet
égard; mais nonobstant cette première satisfaction,
le conseil de préfecture peut condamner encore les
délinquants à l'amende qu'ils avaient encourue par
le fait de leur contravention.
298. Cependant le conseil de préfecture ne
pourrait prononcer aucun emprisonnemen t, puisque la loi ne lui attribue que le droit de connaître
des réparations à fail'e aux chemins, et celui d'infliger l'amende ou la peine pécuniaire que la loi
peut attacher au fait de la contraven tion : d'où il
résnlte que, si ce fait comporte tout à la fois uue
amende et un emprisonnement, le conseil de préfecture ne peut prononcer que sur la première de
ces deux peines, et que, pour l'application de la
seconùe, il doit reùvoyer au tribunal de police
correctionnelle.
Cette décision ressort évidemment de ces termes
de notre article ; Seront en outre renvoyés à la
connaissance des tribunaux J etc., etc., qui sup.
-posent qu'après avoir prononcé l'une des peines,
le conseil de préfecture Joit encore renvoyer les
délinquants Jevant l'autorité judiciaire, pour y
être statué SUl' l'autre; et c'est ainsi que l'avait
~éjà décidé le conseil d'état par un arrè~ du 21 mars
�398
TRAITÉ
1807, rapporté au mot chemilt~ nO 14, dans le
répertoire de M. Merlin.
Lors même que le texte de la loi serait moins
précis à cel égard, les simples lumières du bon
sens suffiraient déjà pour nous indiquer cette
marche: car la raison nous dit qu'on doit plutÔt
restreindre qu'étendre la compétence des tribunaux d'exception; que la liberté personnelle est
un bien trop précieux pour qu'on puisse la campa·
rel' à de l'argent, et conclure de la faculté de condamner à une amende pécuniaire au droit de condamner aussi à la privation de la liberté; qu'enfin
nul ne peut être puni de l'emprisonnement s'il n'a
été personnellement entendu dans sa défense, à
moins qu'il ne se soit lui-même constitué en "état
de con tumace, et que les formes protectrices de ce
genre de procédure ne sont point en usage pardevant les conseils de préfecture, où tout se traite
sans formalités jndiciaires, et par écrit seulement.
On voit par là que, quand 'le conseil de préfecture a été saisi le premier, l'une de ces deux actions
n'absorbe pas l'autre, et ne la préjnge point, puisq ne le délinqqant n~ reparaît toujours que comme
un simple prévenu devant le second tribunal, qui,
n'étant pas soumis à l'autorité du premier, peut
encore prononcer l'absolution de la peine requise
par le ministère public.
Ilsemble d'abord qn'en cette matière on ne suit
pas la disposition de l'article 3 du Code d'instruction criminelle, qui veut que l'exercice de l'action
�DU DOM.AJNE PUBLIC.
899
civile soit suspendu tant qu'il n'a pas été définitivement prononcé sur l'action publique, puisque
ici c'est ail contraire l'action civile qui marche la
première pardevant le conseil de préfecture; mais
il faut remarquer que cette action, quoique civile
plutôt que criminelle, n'en est pas· moins une
action publique qui doit être indépendante par
elle-même, et qui est telle par sa nature qu'il y a
toujours urgence à l'exercer pour satisfaire aux be-.
soins du service public.
C'est donc pour nous une vérité de principe,
qu'en fait de délits de grande voirie, l'action publiqueen répression se trouve,en quelque sorte, partagée par la loi endeux parties, dontl'l1ne, ayant pOUl' ,
objet la condamnation aux amendes encourues, et
la réparation des dégradations causées au chemin
par les délinquant~, est placée dans les attributions du conseil de préfecture, tandis que l'autre,
qui tend à faire condamner à l'emprisonnement les
mêmes Jélinquants, suivant la gravité des faits,
reste dévolue au tribunal de police correctionnelle.
Or cette espèce de partage dans les juridictions
donne lieu à deux questions que nous ne devons
pas omettre d'examiner ici.
299. La première consiste à savoir si, lorsque
le tribunal de police correctionnelle a été saisi le
premier de l'action publique à raison d'un délit de
grande voirie, il doit en définitive prononcer soit
sur la peine d'emprisonnement, soit sil!' l'amende
et la réparation des dégradations çommises au pré-
�•
400
TRAITÉ
judice du matériel de la rOll te, ou s'il doit renvoyer
le prévenu au conseil de préfecture pour y voir
statuer sur ces deux derniers chefs.
La solution de cette question, déjà prévue plus
haut (1), se tl'ûuve dans l'application du principe
de droit commun suivant lequel tout tribunal
compétemment saisi d'une action est par là même
compétent pour pl'ûnoncer sur les suites et les accessoires de cette action.
Elle se tr.ouve aussi dans les art. 161, 191 ct
192 du Code d'instruction criminelle, qui veulent
que les tribunaux, soit de police simple, soit de
police correctionnelle, prononcent sur les indemnités et dommages-intél'êts l'ésultantdu fait de l'accusatioL1.
La même solution réslllLe encore de cet autre
principe, que, les tribunaux administratifs n'ayant
été institués que ponr qu'il fût statué avec plus de
célérité (2) sur les con travcntions commises au
préj udice du service public des grandes routes,
il serait tout-a-.f:'lit contraire ail vœu de la loi de
renvoyer d'nn tribunal à l'antre une cause toute
instrnite, et qui peut être jll~(:C de suite par le
prelllier tribunal qui cn a été saisi.
300. La seconde question qui se présente ICI
à décider consiste à savoir si l'action publique intentée au civil punlevant le conseil de préfecture
(1) Voy. sous le na 283.
(2) Voy. sous le nO 273.
�DU DOMAINE PUBLIC.
401
mettrait obstacle à la prescription extinctive de
l'action correctionnelle qui doit être renvoyée au
trihunal de police ordinaire?
Suivant l'article 63H du Code d'instruction criminelle, l'action puhlique én répression d'un délit
méritant la peine d'cmprisobnemeiH se prescrit par •
trois ans, à compter du jOiir du délit, s'il tl'y a en
aucun acte d'instruction pour en recherche.- l'auteur, ou de pourstiite contre lui, et par le même
délai à compter du dernier acte de procédure, s'il
en a été f:1it.
Cela étant ain~i, snpposons d'ahord qu'un
homme se soit rendu cou()ahle de graves dégl'adations sur une route, et que les fails qui lui sont
reprochés soient tels qu'ils comportent le caractère
d'undélit punissahlede la peine d'emprisonnement
à prononcer par le trihunal de police correctionnelle, tandis que, d'autre part, le conseil de préfecture aura à prononcer une amende contre le
même délinquant, et à le condamner en outre
à la réparation des lieux par lui dégradés.
Supposons, en second lieu, que le conseil de
préfecture ait été saisi le premier de l'action en
répression sous le rapport de l'amende enconrue et
des réparations il procurer au chemin; mais qu'en
égard à ce qne l'action n'avait pas été intentée de
suite, et que cette procédure administrative aurait
trainé en longueur, le jugement du conseil de préfecture, qui condamne aux réparations civiles,
n'ait été prononcé qu'après trois ans révolus depuis
TOM. J.
�402
TBAITÉ
le jour du délit, le délinquant pourra-t-il être encore renvoyé au tribunal de police correctionnelle
pour s'y voir condamner en outre à la peine d'emprisonnement méritée par son délit? Ce tribunal,
qui, durant les trois ans que la loi accorde pour
intenter utilement l'action en ponrsuite correctionnelle, n'cna point été saisi, pourra-t-il encore
connaître du délit? ou l'action publique ne serat-eHe pas prescrite à son égard?
Pour soutenir qu'il n'y aura pas de prescription
à invoquer de la part du délinquant, on pe~ll dire
qu'aux termes de l'article 2246 du Code civil, la
citation en justice, donnée même devant un juge
incompétent, interrompt la prescription; qu'en
conséquence, et bien que le conseil de préfecture
ait été incompétent pour prononcer la peine d'emprisonnement,les poursuites exercées pardevantlui
ont été suffisantes pour perpétuer l'action durant
les trois années à dater du jugement rendu par ce
conseil.
Nonobstant ce raisonnement, nous croyons
que la prescription serait acquise au délinquant,
attendu qu'en ce cas il y a deux actions parfaitement distinctes, soit sous le rapportdu but auquel
elles tenden t, soit sous cel ui de la juridiction don t
elles dépendent; l'une ayant pour objet principal
la réparation des dommages causés sur la route,
l'autre tendant à faire condamner le délinquant à
la peine corporelle d'emprisonnement; l'nne toute
civile, et l'autre entièrement correctionnelle: en
�BU DOMAINE PUBLIC.
403
sorte que le tribunal qui peut- prononcer sur la
premlere est radicalernen t incompétei1 t, ratione
materiae, pour connaître de la seconde: d'où- il
résulte qu'il ne serait pas même raisonnable de
prétendre que la del'l1ière de ces actions ait seulement été proposée au conseil de préfec'nre; qu'en'
' dn'ayant ete
"
un mo t ,aucune d eman d e a, cet egar
adressée ni pu être fait~ à ce tribunal d'exception,
il n'y a réellement eu aucune poursuite qui ait pu
interrompre la prescription.
Qu'on suppose, par exemple, qu'un homme dont
les intérêts ont été lésés par le délit d'un autre
ait intenté contre le malfaiteur une action an civil
ponr obtenir une condamnation en dommagesintérêts: certes, nouobstant cette action portée au
tribunal d'arrondissement, la pres(~ription extinc·live de l'action criminelle ou de police ne laissera
pas de courir au profit du coupable, tant qne le
ministère puLlic gardera le silence sur l'action publique : pourquoi en serait-il donc autrement ici r
,301. Il résulte de làque, quand la prolongation
de la procédure portée d'abord au conseil de préfecture peut donner lieu de prévoir que la pres·
cription rendra le coupaLle impuni de la peine
d'emprisonnement qu'il a méritée, le tribunal ad.
ministratif doit renvoyer le prévenu en police correctionnelle, même avant d'avoir prononcé son
jugement au civil.
302. Lorsqu'on réfléchit sur la compétence des
conseils de préfecture en matière de grande voirie,
�404
il ne faut jamais perdre de vue que ces conseils ne
peuvent prononcer que Sil d'in térêt public, puisque
l'aut(wité juridictionnelle qui leur a été attribuée
n'a été établie que pour asslll'er mieux, et avec
plus de p,'orupIÎlude, le service public sur les
routes, comm~ nons l'avons établi plus haut (1) ;
,
. regar d el' comme une
qu,en consequence
on cl Olt
vérité de principe incontestable que, soit dans
l'action, soit dausl'intérêt, tout doit être public:
autrementJe conseil de préfecture est incompétent
pour y faire droit.
Ainsi, à supposer qu'un particuliet' ait été par
d'autres empêché de suivre la grande route; qu'il
en ait été chassé avec violence, si l'on veut, il aura
souffert en cela une in juré personnelle plus on
moins grave: Injuria ex eo dicta est quod non
jurefiat: omne eizim quod non jurefit injuria
dici.tur (2). Il pourra certainement se plaindre à .
ce sujet, et requérir contre les alltenrs de l'offense
une condamnation à des dornmages-i,ntérêts résultant soit de l'injure reçue, sbit de la privation de
l'exercice de son droitd'ùsage sur la route publique;
mais, attendu que la voie de fait contre laquelle
ce partièulier aura à réclamer ne lui est que purenient personnelle, sans porter aucune lésion immédiate au matériel de la route, il ne peut y avoir
lieu à aucun interdit public sur lequel le conseil de
(1) Voy. sous le nO 138.
(2) L. 1, jf de injuriis, lib. 43, tit. 10.
�DU DOMAlNE PUBLIC.
405
préfecture soit appelé à statner; et l'offensé ne
pourra s'adresser qu'à la justice ordinaire pour ob·
tenir la réparation qui lui est due. Si quis in mari
piseari aut navigare prohibeatur, non hahebit
interdietum, quemadmodltm nec isqui in eampo
pub/ieo ludere nee in pub/ieo balneo Lavare,
aut in theatro spectare areeatur. Sed in omnibus his easibus injuriarum aetione utcndum
est (1).
Ainsi encore, à su pposer que le même particulier
ait été empêché de suivre sa route, non par nne
vexation personnelle, comme dans le cas précé:
dent, mais par quelque barrage, fossé 011 autre
obstacle matériel qn'il n'a\lra pu franchir avec sa
voilUre, c'est à l'administration publique, et par
elle au conseil de préfecture, qu'on devra recourir
pour faire combler,le fossé pratiqué sur la route,
et ordonner l'enlèvement de tous les objets qui
embarrassent la viabilité : il y aura sur ce chef
compétence certaine dans le conseil pour prononcer, aetione puhlied interdieti prohibitorii,
sur la répression d'une entreprise de cette nature,
parce qu'elle est directement attentatoire à l'intérêt public.
Mais si le voiturier qui a été arrêté par ces
obstacles placés sur la rOllte , et qui a dénoncé la
contravenlioD, ,vollhit se porter partie intervenante pardevant le conseil de préfecture pour dc(1) L. 2, § 9, fi ne quid in [oco publico, lib. 43, lit. S.
�406
TRAITÉ
mander que, tout en statuant sur la réparation
matérielle à faire dans le chemin, ce conseil prononçât en même temps slir la réparation des dommages par lui éprouvés, soit par suite du retard
dans son voyage, soit à raison des avaries cansées
à sa ,voiture, son intervention ne devrait pOili~
être reçue, parce que le conseil de préfectUl'e ne
serait pas compétent pour prononcer sur ce chef.
C'est là une action à part dont l'objet ne rentre
point dans l'intérêt public; c'est une action qui
ne porte fi ue sur les droits privés ùu voiturit'r et de
ceux qui avaient causé des emharras sur la route.
La discussion en devrait donc être renvoyée à la
justice ordinaire, puisqu'en pareil cas, et suivant
les expressions fioales de l'article 114 du ùécret
du 16 décembre IB1!, les conseils de préfecture
doivent renvoyer pardevant les tribunaux tontes
les demandes en réparations de dommages ré-
clamés pal' des particuliers.
303. Il Y a encore Ull antre genre de contraventions qui peuvent être commises sur les routes,
ct dont la réprt'ssion est attribuée aux tribunaux
administra tifs : ce son t celles qui ont lieu de la
part des voituriers et conducteurs de messageries,
lorl-qu'ils chargent leurs ch.trrc>ttes ou voitures audelà Iles prfll'0rtiolls fixées par les lois.
Une prp.IlJÎt'-re loi du 29 floréal an JO (1), fixant
le maximum du poids de ces cha"gements propor(1) Voy. au bullet. t. 6, p. 327, 3e série.
�DU DOMAINE PUBliC.
401
tionnellement aux diverses espèces de voitures et
à la largeur de leurs jantes, déclare, par son
article 4, que les contraventions aux mesureS
qu'elle prescrit seront décidées par voie administrative (1).
Enfin le décret du :13 juin 1806, qui règle cette
matière avec heaucoup plus de détails, porte à
l'article 27 l'énumération des amendes proportionnelles qui peuvent être encouruès pour ce
genre de contraventions; et à l'article 38 il déclare
que « les contestations qui pourraient s'élever sur
J> l'exécution du présent réglement, et notamment
" sur le poids des voitures, sur l'amende et sur la
» quotité, seront portées devaut le maire de la
)) commune, et par lui jug~es sOmmairement,
)) sans frais et sans formalités; ses décisions se~
" l'ont exécutées provisoirement, sauf le recours
') au conseil de préfecture, comme pour les ma)) tières de voirie, selon la loi de floréal an I l (a). ))
(1) Voy. au bullet. tom. 9, pag. 520, 3" série.
(a) La loi rappelée n'est pas de l'an 11, mais bien du 29 floréal an 10. - Cet article 38 du décret de 1806 a été expliqué
ou plutôt modifié par l'ordonnance royale du 22 novembre 1820,
d'après laquelle \( toute juridiction administrative eu matière de
D grande voirie est refusée aux maires qui ne sont chargés que
Il d'un acte d'exécution provisoire à l'effet de pourvoir à la
" consignation de l'amende sur laquelle il appartient au conl> seil de préfecture, en vertu de ses attributions légales, de
l> statuer.
l>
Voyez encore sur la police du roulage, la loi du 7 ventôse
�408
TRAI'fÉ
304. En résumé sur le tout, 'uous dirons que
c'est au conseil de préfecture qu'on doit paner
l'action publique intentée par l'administration
active,
1 li Contre cel ui qui, au mépris des réglemen ls
de la "oirie, a fait construire ou reconstruire
quelque bâtiment au bord et au joignant d'une
grande route, sans avoir préalablement obtenu
l'alignement (1);
2° Contre celui qui ne s'est pas soumis volontairement à es,sarter les bois ct broussailles de
chaque côté ~ie la grande rOll,le qui traverse son
terrain (2) ;,
3° Contre ceux qui contesteraient sur le montant de l'inde~nité ~ eux due à raison des fouilles
faites dans leur terrain pour y prenùre les matériaux nécessaires à l'établissement et à l'enlretien
des routes (3) ;
4° Contre ceux qui, propriétaires ,de fonds riverains des granùes routes, n'auraient pas satisfait à
an 12, l'ordonnance du 23 décemhre 1816 relative aux barrières de dégel, celle du 29 octobre 1828 CODcernant la longueur des moyeux: de voitures, l'art. 34 du décret ci-dessus,
du 23 juin 1806, prescri;ant des plaques, l'ordoDnance du
15 février 1837 relative au poids des voitures de roulage et des
voitures publiques ~ celles des 16 juillet 1828, 23 avril 1834,
24 octobre et 21 décembre 1838.
(1 ) Voy. sous les nOS 247 et 262.
(2) Voy. sous le nO 261.
(3) Voy. sous le nO 282.
�DU DOMAINE PUBUC.
409
l'obligation de les planter après en aVOIr été requis (1);
5° Contre ceux qui, sans y avoir été autorisés,
auraien t cou pé, élagué ou détérioré les arbres
plantés soit sur le sol puhlic , soit même sur leurs
propres '>Dds, le long des gl'andes routes (2);
6° Sur les difficultés qui s'éleveraient entre l'administration active et les entrepreneurs de travaux
publics, sur le sens et la pleine exécution de leurs
marchés (3);
7° Sur les réclamations des particuliers se plaignant des torts et dommages qu'ils allégueraient
leur avoir été causés par les e.ntrepreneurs de travaux publics (4) ;
.
8° SUI' les contraventions commises au préjudice des grandes routes ou de leur viahilité, soit
par anticipations, ou usurpations et dégradations
pratiquées sur le chemin ou ses bords, soit par des
dépôts permanents de fumiers ou autres ohjets (5);
9° Contre ceux qui seraient accusés d'avoir volé
ou enlevé des matériaux préparés ponr l'établissement, la réparation ou l'entretien d'une grande
route (6);
10° Contre ceux qui auraient abattu les bornes
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
Voy. sous les nOI 268 et 269.
Voy. liOUS les nOO 267, 270 et 291.
Voy. sous le nO 278.
Voy. sons le IlO 280.
Voy. sous les nOI 283, 285, 286 et 287.
Voy. sous le n° 288.
�410
TRAITÉ
protectrices des accotements, chaussées et parapets
des routes et des ponts (1);
11° Contre ceux qui auraient encombré ou détruit les fossés d'une grande route (2) ;
12° Contre ceux qui ne se seraient pas conformés à ce qu'exigen t les lois sur le 'poids u chargement comparé à la largeur des jantes de leurs
voitures (3).
Telles sont, en résumé, les diverses hypothèses
dans lesquelles, en ce qui a trait aux contraventions commises sur les grandes routes, les conseils
de préfecture ont à ordonner l'exécution des ouvrages prescrits par les lois, ou les réparations des
dégradations causées sur le chemin, comme encore à condamuer les délinquants aux peines pécuniaires établies par les réglements, sauf à les renvoyer en outre pardevant les tribunaux de police
correctionnelle, ponr leur faire infliger les peines
corporelles d'emprisonnement déterminées par les
lois.
SECTION IV.
Compétence des tribunaux (k polic~ correctionnelle relativement
aux contraventions et délits commis sur les routes.
305. Lorsqu'il est question de la compétence
des conseils de préfecture, toutes les contraventions qui sont à réprimer doivent nécessairement
avoir eu lieu sur les grandes routes, sur les canaux
(1) Voy. sous le nO 290.
(2) Voy. sous le nO 293.
(3) Voy. sous le nO 303.
�DU DOMAINE PUBLIC•.
411
de navigation, ou sur les rivières navigables,
parce que leur juridiction ne s'étend pas pIns loin.
Il n'en est pas de même des tribunaux ordinaires,
dont la compétence, étant générale et de droit
commun, embrasse tout ce qui n'en est pas formt,llement excepté.
Et encore avons - nous vu que les conseils de
préfecture ne peuven t infliger que des peines pécuniaires, et jamais de peines corporelles : ca,r,
comme le porte l'article 114 du décret du 16 décembre 1 ~h l , déjà cité 'plusieurs fois, la règle
générale est qu'on doit renvoyer pardevant les tribu naux de police correctionnelle ou de justice criminelle, suivant la gravité des circonstances, la
connaissance de tous actes de violence, volsde matériaux, voies de fait, et génél·alement de toot délit
on crime par lequel son auteur a po se rendre passible d'une peine corporelle quelconque, ne fût-ce
que cellede)'clllprisonnementd'un jour; en sorte
que si, à raison du fait qui donne lieu à la poursuite, et par lequel on a causé une lésion, matérielle dans la route ou ses accessoire.s, la loi établit
à la fois la peine pécuniaire d'une amende et celle
d'un emprisonnf'ment, le conseil de préfecture
doit se borner à prononcer la première, ainsi que
les réparations et dommages, et renvoyer le délinquant en police corn:ctionneUc pour y être statué snI' la seconde, comme on l'a fait voir plus
haut (1).
(1) Voy. souS' le nO 297.
�412
TRMTÉ
306. Si cc tribunal avait été saisi le premier, il
serait aussi compétent pour prononcer l'amende;
et alors, tout étant consommé, il n'y amait p~us
lieu à recomir au conseil de préfecture,· suivant
la règle non ois in idem (1).
301. Nons avons vu plus haut qu'an x termes
d'un réglement de 1721, celui qui, avec sa voiturc, renverserait le mllr de parapet d'un pont,
devrait être condamné à la confiscation de ses chevaux (2); et que, suivant le réglement de 1765,
celui qui, bâtissant au bord d'une grande ronte ,
aurait commis une anticipation sur le terrain puhlic, serait passible de la démolition et en outre
de la confiscation dc seli matériaux (3) : sllr quoi
se présente la qnestion de savoir si, dans ces cas,
ce serait au conseil de préfecture à ordonner la
démolition et à prononcer la con~scation , ou s'il
ne devrait pas plutôt renv.oyer, à cet égard, le délinquant en police conectionnelle ?
Pour soutenir que les conseils de préfecture
n'ont pas le droit de prononcer IfJS confiscations
dont il s'agit, on pent dil'e que l'article 114 du
décret du 16 décembre 1811 ne les autorise à statuer (fue SUI' les amendes encourues par les délinquants , et sur les réparations des dommages qu'ils
auraient causés;
(1) Voy. sons le nO 283, - V. Sirey, 1837-1-771. -Commentaire de la loi de 1836 sur les chemins vicinaux.
(2) Voy. sous le nO 290,
(3) Voy. sous les nOS 247,248 et 249.
�DU DOMAINE PUBLIC.
413
Que la confiscation est une peine plus grave; et
que, classée, par l'article I l du Code pénal,
au rang des peines qui sont à prononcer, le cas
échéant, par les tribunaux de police correctionnelle, le droit de l'infliger parait leur être réservé.
Nonobstant ces raisonnements, nous croyons
qu'on doit tenir pour constant qne les conseils de
préfecture sont antorisés à prononcer la condamnation aux démolitions et confiscations dont il s'agit, attendu qu'en matière de grande voirie, ces
conseils sont véritablement des tribu naux de police;
et qu'étant compétemment saisis de l'action publique qui est portée devant eux, ils sont nécessairement compétents pour prononcer toutes les
peines que comporte cette action, ct qui ne sont
pas formellement exceptées de leurs attribution~ ;
or il n'y a que les peines corporelles, telles que
l'emprisonnement, qui sont placées hors de leur
juridictiou , et pour lesquelles ils doivent renvoyer
devant les tribunaux: donc ils peuvent prononcer toutes celles qui ne sont que pécuniaires.
La confiscation n'est toujours qu'une peine pécuniaire; et, en réalité, une amende sous une
dénomination spéciale, Pllisqll'el1e est acquise au
fisc comme toutes les autres.
Si cette peine est ordinairement grave, et quel.
quefois exorbitante, c'est une raison de plus pOUl'
en laisser l'attribution au tribunal administratif,
qui, devant prononcer e:;r: aequo et bono> peut
�414
TRAITÉ ,
en faire la remise, ou la modérer comme il le
juge équitable d'après les circonstances auénu,mtes du fait. C'est aussi dans ce sens que s'est
fixée la jurisprudence du conseil d'étal.
308. Nous terminerons celte section par l'examen de la loi du 28 juin dh9 Ca), qui, tout en se
rapportant à la compétence tlll tribunal de police
correctionnelle, peut donner lieu à la question de
savoir si elle n'entraîne pas une dérogation. à la
compétence administrative dont nous avons parlé
plus hant Cl), en ce qui a trait an chargement des
voitures. Celle loi, en deux articles, est conçue
dans les ter'mes suivants:
ARTICLE 1 e.r. cc Seront punis de l'amende portée
~, par le paragraphe 4 de l'at"ticle 475 du Code
" pénal, ceux qui contreviendront aux dispo"sitious des ordonnances royales ayant pour
" ohjet :
" La solidité des voitures puhliques;
7' Leur poids;
» Le mode de leur chargement;
» Le nombre ou la sùreté des voyageurs;
» L'indication, dans lliutérieur des voitures, des
" places qu'elles contiennent, et du prix de ces
" places;
» Et l'indication, à l'extérieur, du nom du 1'1'0» prié taire. "
(1) Voy. sous le nO 300.
(a) Cette loi, fondue dans le Code pén. revisé en 1832,
forme le nO 4 de l'1).rt. 475 et le 2" § de l'art. 476.
�DU DOMAINE PUBLIC.
415
ct Les tribunaux pourront en outre,
suivant les circonstances, appliquer aux quatre
:>:> premiers cas de contravention ci-dessus la peine
» de l'emprisonnement d'un à trois jours portée
» par l'article 476 du même Code (1). »
Les contraventions dont il est ici question rentrent dans la compétence des trihunaux de police;
mais il faut faire attention que cette loi n'a pour
ohjet que la sûreté des voiturespubliques servant
principalement au transport des personnes: d'où
il résulte qu'elle ne déroge en rien à ce qui a été
dit à la fin de la section qui précède, sur la compéteuce des conseils de préfecture pour la répression des contraventions commises par le rQulage
servant au transport des denrées et marchandises.
Dans les cas soumis aux tribunaux administratifs,
il ne sjagit toujours que des mesures prescrites
pour la conservation du matériel des routes, tandis q1,le la présente loi ne se rapporte qu'aux moyens
ordonnés pour la sûreté des personnes (a).
ARTICLE 2.
)9
(1) Voy. au bullet. t. 10, p. 515, 8 e série.
(a) Le chargement d'une voiture publique peut constituer deux contraventions distinctes : l'une réprimée par le tri·
bunal administratif, si il y a excès dépassant le taux fixé par
les lois administratives ci·dessus rapportées; et l'autre par le
tribunal de police, si l'une des dispositions de la loi du 28 juin
1829 a été enfreinte, encore que le poids absolu n'ait pas été
dépassé. Voy. ordonnances en conseil d'état des 7 juin 1836
(Me$sageries royales), 26 mai 1837 (Cotait); 11 mai IH38
(ministère des travaux publics); 29 janvier 184 t (Odent.)
�416
TR.t\.ITÉ
SECTION V.
De la compétence des tribunaux civils en ce qui concerne
les grandes routes.
309. La règle générale est que toutes les questions de propriété foncii-re doivent être renvoyées
pardevantles tribunaux civils.
C'est par suite de ce principe que la loi du
» mars 1810, ainsi que celles des 7 juillet 1833,
et 3 mai 1841, veulent qne si, lors de l'établissement d'une route, il n'y a pas accord de gré à gré
entre l'administration et les propriétaires des ter~
rains qu'elle doit occuper, pour la fixation de l'indemnité qui leur est due, l'expropriation de ceuxci ne puisse avoir lieu que par autorité de la justice
ordinaire.
C'est encore par suite de ce principe que, suivant
U loi du 12 mai 1825, la question de propriété,
même en ce qui touche seulement aux arbres plantés sur les bords des routes, doit être renvoyée à la
connaissance des tribunaux (1).
Les tribunaux civils sont encore seuls compétents
pour prononcer sur toutes réclamations ou sur tous
débats élevés entre particuliers ou de particuliers à
particuliers, encore que ces débats aient pour
cause des faits 011 actes qui auraient ell lieu sur
les routes, ou à l'occasion de quelques mesures
administratives prescrites pour l'avantage de ces
(1) Voy. sous le nO 271.
�417
DU DOMAINE PUlILIC.
c11emins et dans l'intérêt de leur viabilité; ce n'est
qu'à la justice ordinaire que ces particuliers peuvent s'<Idresser pour leur être fait droit, attendu
que, comme nous l'avons établi ailleurs (1), les
conseils de préfecture ne sont corupétents que
,pour statuer sur des intérêts publics.
Ici se prés'ente la question de savoi.' si c'est pardevant l'autorité <Idministrative on pardevantl'autorité judiciaire qu'on doit porter Jes débats qui
s'élèvent fréqnemment à raison dt;s fonilles' de
matéri<lux faites dans les fonds de particuliers,
pour l'établissement pu l'entretien des routes?
310. Si, dans une hypothèse de celle natme,
les propriétaires de fonds s'opposaient à l'exécution
de ces fouilles, ce ne serait ni pardevant les tribunaux, ni aux conseils de préfecture, que les débats
d'opposition devraient être portés, màis' pardevant le préfet senl.
Ce ne serait pas à la justice ordinaire qu'on pour:'
rait recourir pour faire lever ou vaincre l'opposition, puisqu'il s'agit ici d'nne mesllre administrative qui se r:Jtlache à nn service public.
Ce ne ser<Jit pas an conseil de préfecture qn'on
:pourrait s'adresser, par la raison que, Jes fonds à
portée des rontes étant soulllis par les lois à la servitude des {ouilll's de celle nature, l'opposition
.des propriétaires n'offril':Jit rien de contentieux.
C'est donc le préfet qui devrait faire cesser l'op.
(1) Voy. sous le nO 138.
TOM.
I.
27
�lUS
•
TlUm
position des propl'iétajrès récalcitrantS, et les faire,.
au besoin, traduire en police correctionnelle,
ponl' s'y voi,' puni,' de leur résistance.
311. Mais, lorsqu'il n'y a pas eu d'opposiiiol\'
à la prise des matériaux, et qu'il n'y a pas DOn' plus
d'accord amiable sur le prix, entre les agents de
l'administration et le propriétaire dn terrain où
l'on ~ pratiqué la fouille, qudle est l'autorité compétente pour statuer sur le monlant de l'indemnité
qui est due à ce dernier?
Si nous n'avions à indiquér que ce qui s'observe
dans l'usage, il nous suffirait de dire que les contestations de ce genre sont portées au conseil de
préfectnre, s,ml' recours au conseil d'état, qui, Sur
les cotlflits élevés de la part des préfets, les a torljours revendiquées côm01e étant du ressort exclusif
de la juridiction administrative; mais cette ptatique a suscité tant de contradictions, qu'il est fott
important de soumettre ici là question à un exalIten approfondi, dU pour démontrer l'erreur de
l'administration, ou pour la venger des te(:lrocliei
d'envahissements qu'on lui a adressés.
Commençons par retracer ici , dans lent otdre
ehronologiqnc, les diver~ês dispositions législatives
qui port~'H sllr cette matière.
Aux termes de l'article 4, titre 14, de la loi du
11 septembre 1790, cc les demandes et contesta» tions snI' le réglement des indemnités dues auX
» particnliers à raison des terrains pris oufouillh
») pour la confection des chemins ou autres ou-
,
�419
DU DOMAINE PUBLIC.
) vràges publics, seront portées, par la voie de
» conciliation, devant le directoire du district, et
» pourront être ensuite portées au direcloire de
»
départemen t, lequel les tPrminera en dernier
» ressort, conformément à l'estimation qui en sera
» faite par le juge de paix et ses assesseurs. »
Ce concours du pouvoi,' jndiciaire, appelé pour
fixm' le prix estimatif de la chose, et du pouvoir
administratif, chargé d'homologuer l'expertise
et d'ordonner le paiement de l'estimation, dérivait du double principe établi par l'article 6 de la
même loi, portant que « l'administration, en ma:)) tière de grande voirie, appartiendra aux corps
» administratifs, et la police de conseryation,.,
» taDt pour les g"andes rontes ql1e puur les che» mins vicinaux, aux j nges de districts; » mais
ce mélange des deux autorités fut repoussé, et la
question cntière fut exclusivement placée dans les
attributions administratives par l'article 4 de la loi
du 28 plllvi6se an 8, portant que cc le conseil de
» préfecture prononcera sur les demandes et COD» testations concernant les indemnités dues aUx
» particuliers, à r3ison des terrains pris ou fouillés
» pour la confection des chemins, canaux et âU:» tres ouvrages publics (t). » Ces expressions,
pris ou fouillés ~ sont très·remarquables, parce
qu'elles nons démontrent que les conseils de pre..:
{ecture étaient rendns (~otlJpétents pour prononoer
GZ
(1) Voy. au hullet. 17, t. 1 ,3" lérie.
�4!6
TlUlTÉ
sur l'expropriation du terrain pris pour l'emplacc.i
ment de la l'on te , comme ponr statuer sur J'in..
demnité due à raison des fouilles failes dans le!
fonds environnants; et que leur compétence ne
s'étendait pas plus snI' l'un que sur l'autre objet.
Vient ensuite la loi du 16 septembre 1807, qui,
par les articles 24, 55 et 66, confirme la compétence administrative pour stàtuer sur l'expropriation des fonds nécessaires aux éta;blissemcnts
pilhlics et snI' la prise des matériaux qui doivent
être employés à même fin.
Ainsi, soit qu'il s'agisse de l'expropriation dit
sol, soit qu'il s'agisse seulement d'une prise de
matériaux, l'administration se trouve jusqne là
confirmée dans le,droit qlle lui avait attribué la loi
du 2H pluviôse an 8, et c'est ton jours aux conseils
dé préfecture que les contestntions doivent être
portées en premier ressort.
312. Enfin est survennela loi du 8 mars 1810,
portant en pl'in~ipe que Pexpropriation pour
cause d'utilité publique s'opère par Pautorité
de justice"( 1) ; el la même disposition se retrouve
di.lDS celles des 7 juillet lS33 el 3 llIai 1~41 ; en
"1'
J
.
j'h'
sorte qUI
n ya pas':J
(e ooule
qu ,a,,)our<
111 l' expropriation, en tant qu'elle porte sur le fimds
qui devra être occupé pnr la rOll te , ne soir. excJùsivelllènt placée dans les nltriblltions des tribunaux
ordinaires. Mais doit-on dire qu'il en esL de même·
(1) Voy. au hullet. t: 12, p. 197,4" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
421 .
des questions d'indenmités réclamées par les propriétaires de la contrée, à raison des fouilles de
matériaux fait.,s dans leurs fonds pour servir à la
construction de la ronte r Est-ce par une expertise,
ou .par la voie du jnri judiciaire, qu'on doit fixer
le montant de l'indemnité due à raison de ces
fouilles, comme c'est par une e'pe"tis'e ou un juri
judiciaire qu'on doit procéder à la fixation du prix
-du fonds OCCIl pé par Je chemin p. Ou doit-on Dorner
la compétenct: des tribunaux à la seule expro-,
priation et dépossession du SQI, et renvoyer encore
actuellement, comme avant la loi du 8 mars 1810,
les questions d'indemnité pardevant les conseils cIe
préfecture, lorsqu'il ne s'agit que de prises de matériaux P
Celte question, déjà fort importante par ellemême, l'est enCOFe bien davantage par la consi.
'
"
.d eratlOn
qu ,eI
e sel
l'epresente
souvent sur d' autres
-matières' dans lesquelles les p"incipes de solution
doivent être les mêmes : aussi croyons-nous devoir la traiter ici avec tous les développements
qu'elle mérite.
313. Pour sOlltenil' que les deux espèces d'expertises dont on vient de parler sonll'une ell'a~tre
exclusivement l't'placées dans les attributions judiciaires, l'on peut faire et l'on a fait beaucoup de
raisonnements, qui en l'ésnmé consistent à dire:
Que, d'après notre or~:lnisaLion politique, c'est
un principe avéré en France, que le droit de propr~été repose généralement ~ous la protection de la
�422
TRAITÉ
justice ordinaire; que si ce principe a pu être mé.
connu à quelques époqnes ou violé à cerlains
égards, la force dtls choses l'a reproduit et proclamé dans l'article 1 er de la loi du 8 mars 18) 0,
dont LI disposilion finale d'ailleurs porle expressément (Tue la loi du 16 septembre 1807 et toutes
les autres lois qui se trouveraient contraires, sont
filpportées ;
Que c'est là une règle absolue et générale, puisque le législateur ne dit pas d'uue manière restrictive IJexpropriatipn des fonds J mais bien IJ ex_
propriation pour cause d'utilité puhlique: ce
qui embrasse taules expropriations, sans en excepter aucune de celles qui ont lieu pour cette cause.
O,', lorsqu'on ouvre une carrière dans le fonds
d'un particulier, pour en extraire les pierres qui
doivent servir à la construction d'un édifice, ou
d l lll1 pont, ou au rechargementd'une route, il est
incontestable que le tuai tre de l'héritage souffre
l'expropriation des matériaux qu'on y enlève, puisqu'il ne les retrouvera plus ponr les vendre à
d'antres, on pour les employer lui-même, qnand
il vQudra bâtir; mais si l'on est forcé de convenir
qu'il y a là véritablement expropriation, comment
l'H" <levrilit-ou pas l'econnaitr·e auss~ qu'elle doit
sJopérer par autorité de justice J lorsque la loi
~st là, qui le prescrit formellement et de la maniére la pins générale?
Que si, da os les articles 2 et 3 de la loi préci tée
de 18 JO, on trouve des dispositions qui ne pa-
�DU DOMAINE PtrnuC.
42~
raissent s'appliquer qu'à l'expl'Opriation immohilière, on ne voit pas qu'elles tendent positivement
à restreindre le principe généralement posé par
t'article 1 er, et il faudrait cependant que cela fût
formellement exprimé, puisqu'il s'agit ici d'une
chose qui est de droit commun;
'Que vonluir rigoureusement que la loi de ] 8 j 0
et celles de J833 et de 1841 ne reçoivent d'application qne pour l'expl'Opria tion du sol, ce serait
les mal comprendre, puisque, s'il y a des personn~s
auxquelles le fonds soit engagé, tels qu'usufruitiers,
fermiers ou locataires, ces lois veulent qne le propriétaire soit tenu de les appeler avant la fixation de
l'indemnité, pour concourir, en ce qui les concerne, aux opérations y relatives, et que les in,demnités de ces tiers intéressés, appelés ou intervenus dans la cause, soient réglées en la miJme
forme que celles du propriétaire: d'où il
résulte que cette loi ne s'applique pas seulement à l'expropriation du sol;
Que c'est ainsi que l'application de cette loi
avait été réglée par le S 2 de l'article 10 de celle
<lu 28 juillet 1824, sur les chemins vicinaux,
porlant :
cc Seront aussi autorisés par les préfets, dans
)' les mêmes formes, les travaux d'ouverture ou
» d'élargissement desdits chemins, et Pex.trac» tion des matériaux nécessaires à leur étahlis» sement, qui pourront don net' lieu à des expro"priations pour canse d'utilité puhlillue, en
�424
TRAITÉ
" vel'tu de la loi du 8 Illars l~ho, Jorsque J'in.
" denmité due aux propriétaires, pour les terrains
" ou pour les matériaux ~ n'excèdera pas la
» même somme de trois mille francs (1) » : pa r
où J'on voit que pour l'indemnité due à raison des
fouilles de matériaux, comme pour celle qui est
exigée pour J'expropriation même du fonds, on
doit recourir aux 'formes réglées par la loi du
8 mars 1810;
Que Ja même interprétation se trouve encore
consigriée dans J'article 66 d'une ordonnance du
]er août 1821 ,qui veut que dans les travaux re~a
tifs aux places de guerre, l'on applique par a~a.
logie les dispositions de la loi dn S mars Il) 1 0 aux
réglements des indemnités pour simple priva~
tion de jouissance éprouvée par les propriétaires
voisins des forteresses.
Il est donc incontestable que, soit d'après celte
ordonnance, soit d'après la loi du 2S juillet 1824,
c'est pardevant Jes tribunaux qu'on doit pl'Océder
aux expenises sur le réglement des indemnités
dont il s'agit ici.
Que si l'on s'attache à pénétrer dans l'intention
dlllégislatel1r, l'on arrive toujours à la même solu.
tion. Pourquoi, en effet, a-t-il voulu, par la loi
de 1810, abolir le système d'expropriation qui l'a..
vait précédée? C'est uniquement par la raison que
le gouvernement d'alors, qlloiqne jaloux à l'ex(1) Voy. au bullet. t. 19, p. 70, 7· série.
�DU DOMAINE
42:5
l'mue.
trême de son autorité, a cependant hi(!u compris'
que l'administration ne devait pas reste' juge dans
sa propre cause; et la preuve en résulte des motifs
qui furent exposés pal' le comte Berlier lors de la
prése-ntation du projet de cette loi au corps lé~is}.atif.
314. cc Dans le cours ordinaire des traf)sac;1) tions, disait-il, le vendeur met lui·même un prix
» à sa chose, et cette volonté devient la hase
:» nécessaire du contrat; elle ne saurait ici exercer
» le même empire : c.lr le privilége auquel la
» grande cause d'utilité publique a donné nais» sance cesserait d'exister, 'on 'ne serait plus
~) qu'une illusion, si le prix de l'objet à céder
» pouvait dépendre de la seule volonté' du pro» priétàire qui doit faire la cession.
» Mais le privilége de l'état sortirait aussi des
)' bornes légitimes si, quelqne équitables qu'on
n doive présumer des administrateurs, ils POll» vaient seuls régler les prix: car ils ne sont pas
» juges, mais parties (1).»
Le rapporteur, parlant au nom de la commission, à la séance du 10 du même mois, s'pxprime
en ces termes: cc Le projet de loi qui vous est pron posé a pour but de concilier l'intérêt général et
') l'intérêt particulier,lorsquela remisedequelqlle
» propriété "devient nécessaire pour l'utilité pu» Llique, et d'établir des règles justes,d'après
» lesqndles la cessioil volontaire ou forcée doit
» être effectuée.
(1) Voy. dans le Moniteur, séance du
1'~
mars 1810.
�426
TRAITÉ
" En ce dernier cas, il s'agit d'opé,'er envers
l'administr.atiou la tra-nsmissloll lé~a'le el.aUlhenln tiq\lc.decette propriété, .c'est-à...(}Ïf'e d'en expro»prier celui auquel elle ~ppartieut. Un acte 'aussi
~) imp0rtant doit êtril précédé et 6llvir.enné de
» tOrmes protect1'ices capahles d'assurer au pro» p~' étaire tous les moyensde fairevalt>irses droits,
." et à l'admiBistraLion tous ceux d'être investie
'» ;égulièrement de la chose d'autrui. En consé» quel1ce, il con 'lient quelCet aote ne puisse éma'» ner de l'autorité qui le provoque, mais d'une
l» autorité tierce et indépendante: PUlle des par.
ties intéressées .ne peut ttre juge dans sa
,. propre cause (1). "
~
Il est donc parfaitement constant que le gouvernement n'a voulu, par la loi du 8 mars 18(0,
rappeler les cas d'expropriation pour cause d'utilité
publique, sous la ,corn pétence des tribunaux ordi..
naires, qne pour faire cesser l'abus du sys,Lème
précédent, suivant lequell'administratioD se trouvait constituée juge dans sa propre cause; or,
qu'il s'agisse de l'expropriation du fQnds ou de
celle des ma téria ux d'ulle canière, la raison de
suspicion est la même sllr ce point: donc on doit
opérer de la même manière.
Enfin il ne faut pas perdre de vue que la juridiction des conseils de préfecture n'est qu'une juridiction exceptionnelle , qu'on doit toujours res(1) Voy. encore dans le Moniteur, séance du 10 mars 1810.
�DU DOMAINE PUBLIC.
42'1
tt'eindl'c plutôt qu'étendre; tandis que celle des
tribunaux doit embrasser nniversellement tout ce
qui n'en est pas formellement ou expressément
distrait.
Un autre principe encore qui devrait écarter
d'ici la juridiction administrative, c'est que la justice doit être, autant que possible, rapprochée des
justiciables; or, en attribuant les causes de cell~
nature aux conseils de préfecture, pour y ètre jugées en premier ressort, sauf l'appel au conseil
d'état, les citoyens se trouvent fovoés de se rendre
dans la capitale de tous les points du royaume,
souvent pour les intérêts les plus minimes, sllr lesquels la justice de paix des lieux pourrait au contraire statuer sans frais ni déplacement; qu'ainsi
l'économie de temps et d'argent, comme la tranquillité et le bien-être des administrés, se réunissent encore ici aux principes du droit commnn,
pour filire renvoyer ces sortes de c~uses pardevant
la justice ordinaire.
315. NONOBSTANT ces raisonnements, nous
croyons que c'est toujours pardevant les conseils
de préfecture qu'on doit procéder en premier ressort, et sauf recours au conseil d'état, dans toutes
les contestations qui ont pour objet les dégradations, occupations temporaires de terrain, fouilles
et prises de matériaux faites dans les fonds particuliers, pour la confection ou le service des routes,
on autres travaux d'u tilité puhlique.
En e~fet, comme on l'a rapporté ci-dessus, toutes
�428
TRAin
les lois antérieures à celle du S mars 1810 établissent positivement la compétence ,administrative sur
celte matière; en sorte que la question se réduit
à savoir si cette dernièl't: loi, qui a dérogé à l'ancien
système pour l'expropriation des fonds, y a dérogé
anssi sur le fait des simples fouilles et prises de
matériaux: 01' il nous paratl évident que non; et,
ponr le démontrer, nous allons en reprendi'e. les
principales dispositions.
ARTICLE lU. ce L'expropriation, pour cause
» d'ltlililé publique s'opère par Vautorité d.e jlls» tice. "
Tel est aussi le texte liué..-al de l'art. 1 er des lois
des 7 juillet 1833 et 3 mai 184t , qui établissen t
un juri d'expertise pour estimer le prix des fonds
lorsque les parties intéressées ne sont pas d'accord
sur sa fixation.
Qnoique celte disposition u'inlliqlle pas explicitement son objet, il faut cependant bien remarquer que, suivan 1 notre nsa~e , et dans le langage
des lois, le mot expropriation n'est employé que
pour désigner les aliénations de fon~s, ou la mutation du droit de propriété foncière; qu'en consé.
quence il faudrait déjà admettre ici nne impropriété
de termes, pourappliquerce mot à une simple fouille
de matériaux, et c'est là ce qu'on ne doit point se
permettre.
ARTICLE 2. ce Les tribunaux ne peuvent pronon» cel' l'~xpropriatiou qu'autant que l'utilité en a
» été constatée dans les formes établies par la loi."
�429
DU DOMAINE PUBue.
Même disposition dans l'article
2
des lois de
1833 et de 1841.
Ici le sens de la loi vient se montrer pIns clairement encore: car, s'il faut des formes préalables à
l'expropriation du fonds, on sent bien que cela ne
serait nullement raisonnahle si l'on devait l'appliquer à l'enlèvement de quelques voitures de pierres
ou de gravier prises dans un héritage pour servir au
rechargement de la route; cependant il faudrait
aller j~sque-Ià si l'on voulait sérieusement soutcnir Clue les 'formes solennelles de l'expropriation
doivent être employées poUl' la prise des matériaux
'Inême les plus importants destinés à l'exécution
des travaux publics r
AnTlcLE 3. cc Ces formes consi..stent :
0
cc 1
Dans le décret im périal', qui seul pent 01'-;n donner les travaux publics, ou achat de ter» rains ou édifices destinés à des objets d'utilité
') publique. n
Il faut donc qu'il y ait achat à faire de quelque
telTain ou édifice pour qu'on pnisse dire qu'il y a
expropriation dans le seDsde la loi.
ce 2 0 Dans l'acte du préfet qni désigne les loca» lités ou terl'iloires sur lesqnels les travaux doi') vent avoir lieu, lorsque cette désiguation ne
» résulte pas du décret même, et dans l'arrêté
,. ultérieur l'al' leqnel le préfet. détermine les pro» priétés particuLières auxquelles l'expropriation
) est applicable. »
Même langage dans les lois de 1833 -et de 1841.
�430
TRAITH
Il est de toute évidence que ui le gouvernement
ni Je préfet ne peuvent désigner préalablement que
dt:s fonus visibles et patents, et non pas des matériaux occultes et souterrains 1 pour en faire opérer
l'expropriation; il est de toute évidence encore que
la désignation dont il s'agit, ne devant porter que
sur des objets fixes et déterminés, ne saurait être
appliquée à des recherches incertaines de matériaux qni se trouvent tantôt dans un lieu, tantôt
dans un autre.
Si nous parcourons ces lois dans leurs détails,
nous voyons qu'il faut un plau figuré des terrains
ou édifices dont la cession. est reconnue nécessaire; qu'aux termes de l'article 13, le préfet doit
être autorisé à se meUre en possession des terrain.s
ou édifices désignés; que tout propriétaire dépossédé doit être indemnisé conformément à l'article 545 du Code civil; que, dans tous les cas où
il y a des hypothèques sur les fouds expropriés,
il doit y avoir une ouverture d'ordre et une distrihution dll prix selon les règles du droit commun;
.
or tout cel a ne peut se rapporter qu ,.a l'exproprIation du sol même, et n'a aucun trait à de simples
fouilles et prises de matériaux: donc les questions
d'indemnité, pOUl' ces derniers objets, restent
tant entières dans les attributions des conseils de
préfecture, conformément aux lois précédentes.
Vainement oppose·t-on à cette doctrine l'art. 10
de la loi de iui Ilet dh4 sur les chemins vicinaux,
qui, au premier coup d'œil, semble indiquer qu'on
�lm DOM.A.INl': PUlU.J<'::.
t
doit recourir aux formes judiciaires pour opérer la
taxation des sin'lples matét'ial1x fouillés dans le terrain d'autrui: car il faut entendre celle disposition conformément à celle de l'art. 55 Je la l'Oi-du<
16 septembre 1807, suivant lequeL il Ile doit y
avoir lieu li ,l'expropriation foncière que quand
l'aùministration s'empare dll sol même pour y établir une carrière permnnente.
Au Sllrplus, quelqne peu exacte que soit la rédaction de cet aflicIe dans lequel les mots Je matériaux n'onl élé introùuits à la chambre des dé·
putés que par voie ù'anleodement, il suffit qu'il
renvoie à )a lui du mois de mars 1810, pour qu'on
doive l'entcDclre dans le même sens qHe' celle-ci ..
3t6. Nons avons cm devoir traiter celte qnes..
tion avec quelqne (léveloppement, afin' (te pouvoir y renvoyer simplement pour la solution de
plusieurs autres difficultés que nous examinerons
dans la suite de cet ouvrage (a).
(d) La so1!ttfion ddn'rrée à cette question par M. Proudnon est
tons'acrée par nne multitude d'arrêts dn conséil d'état intervenus depuis la loi du 8 ttl'ars 1S'O, et a été adoptée par fous les
auteurs qui ont écrit sur la matière. (VeJy. Sirey, Macarel,
.Defocllê, Gamier, Traité des chemins, pàg. 1115.) La loi du 7
juiIIét 1'S'33 n'y a apporté aucune modification, ainsi qu'il rérolte de la discussion alJX chamhres; dans son rapport à la
ellambre des députés, M. Marlill'dU NOl'd dit en effet: « L'on
» demandait que la loi s·occupâl.. .. de l'extraction de-s Titaté» riauxdans tes propriélés voisines des travaux en cOnstruction,
il de l'occupation témporaire déS terrains pour le dépôt soit deS"
" matériaux, soit des terres extraites 1 ctc. NOWi n'avons pas
,
�432
TBAI1'É
Nons ne pourrions même terminer là notre discussion snr ce point de compétence, sans nons
exposer au reproche de n'avoir pas suffisamment
développé les conséquences qui résultent de l'article 4 de la loi du 28 plu\'iôse an 8, et examiné
plusieurs questions pratiques qui peuvent se présenter sur son application.
cc Le conseil de préfecture, y est-il dit, pronon» cera ..•. sur les réclamations des particuliers qui
~) se plaindront des torts et dommages procédant
') du fait personnd des entrepreneurs de travaux
" publics, et non du fait de l'administration. "
.. cru devoir vous soumettI:e aucune proposition sous aucun
.. de ces rapports; déjà ces matières sont réglées par la législa.. tion; cette législation doit continuer à les régir jusqu'à ce que
.. des dispositions nouvelles, spéciales, hien réfléchies, bien
.. coordonnées, viennent les modifier sur la proposition du
.. gouvernement. .. :Même langage de la part de:M. Legrand,
commissaire du roi: « Le proipt, disait-il dans le cours de la
.. discussion, ne s'occu pe pas des occupatwns temporaires. La
.. législation sur celte matière existe; elle est fondée sur lei
.. lois des 28 pluviôse an 8, et 16 septembre 1807; elle suffit
.. à nos besoins et elle ne lèse pas les intérêts privés. » (Moniteur du 10 février 1833, pag. 337,)
L'art. 17 de la loi du '2 t mai 1836 sur les chemins vicinaux,
en déclarant que l'indemnité pour fouilles de matériaux nécessaires à l'entretien de ces chemins sera réglée par le conseil de
préfecture, vient encore confirmer la doctrine ci-dessus, puisqu'on ne verrait pas de motlf pour soumettre la même matière à
deux autorités différentes, uniquement à raison de la différence
de nature des chemins sur lesquels les matériaux doivent être
employés.
�433
DU DOMAINÈ PUBLIC.
Mais pourqlloi ces expressions limitatives, du
_fait personnel des entrepreneurs? Est-ce que
les entrepreneurs de travaux publics ne seraient
pas tenus aussi des torts et dommages procédant
du fait de leurs ouvrie,rs et ageùt -? Sous c~ point
de vue, ne seraient-ils pas soumis aussi à la juri.
diction du conseil de préfecture?
Ce texte lui-même nous indiqne déjà la réponse
à cette question; et il faut dire que ces expressions
antithétiques n'ont été employées dans la loi que
pour mettre à part les faits de l'administration, et
non pour mettre les faits de l'entrepreneur en opposition avec ceux d~ ses ouvr~ers, dont il n'cst pas
parlé.
. ,
Et en effet, quand il s'agit des actes de l'administration, on sent qu'il serait absurde d'cn rendre
l'entrepl'eneur responsable, puisqu 'il n'aurait ell
aucun moyen d'y mettre obstacie.
Mais quant) il s'agit des ouvriers employés ou
des agents préposés aux trava~lX par l'entrepreneur,
celui-ci est rf'sponsable de leu rs faits, puisqu'ils_
agissent par ses ordres: Actio Legis aquiLiae est
cum eo qui jussit (1). Il ya plus, l'~ction en indenmité ne doit être dirigée que contre l' ·n treprcneur, qui senl est censé commettre Je dommage;
et nOn contre la personne des ollvril~rs, qui ne
sont juges ni de J'opportunité, ni de ia légalité de
l'ouvrage qu'on leur commande ou qu'on ieur fai·
(1) L. 137, if ad legem aguil., lib. 9, tit. 2.
Tm!. r.
28
�434
TIiAITÉ
faire: 1s damnum dat qui ;uhetdare; ejus verà
nulla cu/pa est, cui parere necesse sit (1). Il
est sensible qu'en accordant nne action en indemnité contre l'entrepreneur, on entend bien le rendre
garant du fait e ses ollvriers, puisque c'est par
leurs mains, et non pal' les siennes, que les travaux
doivent s'exécuter.
Ces principes du droit ancien se retrouvent cou;sacrés par l'aJ'licle 13~4 de notre Code, qui veut
que les maîtres et commettanl s soient responsables
du dommage causé par leurs domestiques et préposés, dans les fonctions auxquelles ils les out employés.
Lorsque, comme dans l'hypothèse dont il s;agit
ici, des particuliers réclall1en t pour avoir satisfaction des torts qui leur sont causés dans l'ex.écutioll
de travaux ordonnés pal' le gouvernement, lel1r
demande ne doit pas être considérée comnle une
sim pIe action privée , puisqu'elle porte snI' des ouvrages entrepris pour un service pllblic, et aux
frais du trpsur ne l'état; et que le dangerde commettre wème involontairl"ment des dégradations
sur des fonds de particuli,.rs, entre liIatnrellement
en considération dans le prix d'adjndication qu'on
a dû porter plus haut, ponr mettre sous tous les
points Je vue l'entreprise aux risques et périls de
l'adjudicataire : voilà pourquoi les demandes de
cette nature rentrent dans les attributious dn conseil de préfecture.
(1) L. 169, ff de regul. jul'.
�DU DOMAINE PUBLIC.
435
Sans doute, l'entrepreneur actionné et condarulJé, par rapport aux méfaits de ses ouvriers, aurait, à son tOUl', une action en indemnité contre
ceux qui, au lieu d'exécuter ses ordres, auraient
par dol ou par des fautes graves, compromis ses
intérêts; mais alors cette action réeursoire est purement individuelle entre l'entrepreneur et son
ouvrier; et, n'ayabt rien qui se rapporte à nn service public ni aux intérêts de l;état, elleuevrait être
, portée en jllstice ordinaire.
317. Mais que devrait-on décider dans le cas
où un individu actionné en justice ordinaire, en
rép<Il'ation de 11omUlages, pOlir fouille pratiflllée
dans le fonds d'Un particulier, Jédineraitla juridiction du tribunal, et denlanderait son renvoi au
conseil de préfectl1re; en allégllant fJu'il est entrepreneur de travaux publics, qnoiqu'il n'en eût pas
notoirement la qualité?
Dans eetle hypothèse, il suffit que le défendeur
allègue qn'il est enu'epreneur ou qu'il a agi par les
ordres et ponr le compte de l'enlrl~preneur des
travaux puhlics, pOUl' que ce poin t préj l1<1iciel du
débat doive être renvoyé au conseil de préfecture,
parce que c'est à l'administration à recQnnaÎtre ou
à fail'e vérifier l'identité de ceux avec lesquels elle
a contracté Ca).
(a) Une simple allégation ne serait pas suffisante pour dessaisir
le tribunal, si elle n'était appuyée de quelque preuve ou présomption qu'il est du devoir du juge d'apprécier. On doit agir
�436
TRAITÉ
S'il est reconnu parle conseil de préfecture que
le défenrlellr n'a agi ni eOlUme entleprenelH, ni
COOlOlf' ddégllé fie celui-ci, l'afïi1irc lloit être renvoype en justice ordinaire.
Si, au conlraire, il est constaté qne la prise de
nt:ltériaux a eu lipll p:ll'le fait (lU l(,!- ordres d'nn vérilahle pntreprpnellr de travaux pllhlif's, le conseil
de prp.fer:tur(~ d,'vra prononcer Slll' la demande en
indemnité formée pll\' le propriétaire dll fonds où
l'on aura cansé le domnw~e, sauf à renvoyer encore
à la connaissilnce dt's tribunaux toute action pour
violence, "lll de matériaux, voie de f:.lÎt et dommagl"s personnels résllilant de ces circonstances
de f,\lIS illicites, comme le vent l'art. 1 J 4 du décret
du 16 décembre d31,t (1); et c'est ainsi qne.la
question a été décidée par arrêt du conseil d'état du
17 janvi<·r dh4 (2).
318. LA SULTE du texte transcrit plus haut
porte encore que le conseil de préfecture statuera
cc sur les dplll:l l1 des et contestations concernant
» Ips indemnités dues aux particuliers à raison
» des terrains pris ou fouillés pour la conteclion
dans ce C:l~, comme dans l'hypothèse prévue par l'art. 182 du
Code forestier, d'après lequel, en matière de délits forestiers,
l'exception préjudicielle de propriété ne doit ~ttc admise qU'tlUtant qu'elle est fondée soit sur un titre apparent, soit sur des
faits de possession équivalents, articulés avec précision.
(1) Voy. au bull. t. 16, .66,4" série.
(2) Voy. dans SIREY, t. 2, p, 491.
�DU DOMAINE PUl\LIC.
437
» des chemins, canaux et antres ouvrages pu» blics
(1),
ce qui fai t naît re la qllCstion de savoil'
ce qne l'on Joil précisétll<"nt entendre par travauX
)lublics, dont la (Iualité seule Serl de fondement à
la compétence dt'S conseils de préfeclUrl"
Connue nons l'avons fait voir ailleurs (2), l'une
dc-s conditiuns n~CJui8cs ponr CJn'nn conseil de préfecture soit compétent, c'est qu'il s'agis!Se de prononcer sllr un iutéI,êt puhlic 0\1 snI' lln i';ltérèt concernant le trésor de l'état: l'on doit donc e,ntcol1l'c
ici par travaux publics tons. ceux ql~i s'exécutent
aux frais de l'état, tels que les confeclillllS e~ ré ..
paralioos des grandes rt)utes, d('s canaux de n,n'i.
galion in lérieure, les COnSll'uc:::lions el réparations
de~ fortl'resses, etc., etç.
'Ou doit anssi ~ou';pr~~llre (hns cet~e catégori~
les roules déparlementales, qni, aux lermes de
l'clrt. 13, S 3, du décret du 16 décembre dh 1, déjà
cité ci.dessus, sont en partie à la charge ùu trésor
de l'état.
'
Mais l'on n'y doit pas comprendre les chemins
vicina;lX (a), q~i sont entièrement mis par les 101S
à la chargt> des communes de l('ur 1>ituation.
On ne doit pas y comprendre non pIns les constructions d'églises, de preshytères, de maisons
»
(1) Voy. au bull. nO 17, t. 1, 3" série.
(2) Voy. sous le nO 138.
(a) Même de grande communication. - (Voy. l'explicatiou
de l'art. 9 de la loi du 21 mai 1836, inftà, t. 2.)
�438
TRAITÉ
comlllnnes ,de fimtaines, ou de b&timentsdestinés
a nx représenta tions théâtrales, êta blis dans lt·s villes
on communes, et à leurs frais. Une fois que les
COllllllllllautés d'habitants ont élé autorisées à faire
ces diverses espèces de travaux, elles restent,quaut
an surplus, soumises aux règles du droit comlllUO,
comme les simples pi,rtieuliers, et ç'est aux tribunaux ordi.naires à connaître de toutes les contestations auxquelles le contratd'adjudi,cation peut donner lieu, parce que ce ne sont pas là des entrcprist'&
de travaux publics qui soient à la charge de l'é·
tat Ca).
(a) Voy. sur cette question très-controversée, la note sous le
nO 279, ci-dessus.
�DU DOMAINE PUBLIC.
439
CHAPITRE XXII.
Des terrains militaires.
319. Aux tel'mes de l'arlicle 54Q.dl~ Code civil, ,
les portes, murs, fossés et remparts des places de
guerre et des forteresses font aussi panie du domaine public, attendu que les constructions de ce
genre n'on télé établies que ponr servir à la sîll'eté
et à la défense commune de tons.
Ainsi ces divers târains, militaires doivent être
considérés comme n~élant P(lS sllsoep~lbles d'une
propriété privée, et conmle n'étant ni aliénables,
ni prescriptibles, taQ) que les fortifications n'ont
pas été démantelées: omnium rerum quas quis
hahere, vel possidene ~ veL persequi potes("
venditio rectè lit; quas vero natura~ veL gentium jus~ vel mores cillitatis commercio B:J;ue-.
runt, eaf..ÎJm !zulla vendi~io est (1).
"
320. A l'égard des terrains des _fortifications et
rem parts des places qui, ayant été abandonnées
et mises hors de service, ne sont plus places de
guerre, ils appartiennent à l'état, el ils sont l'objet du domaine de pl'opriété proprement dite, restant dans le l':llrimoine de l'état comme les autres
hiens nationaux, s'ils n'ont été valablement par
(1) L. 34, § l , ff. de contrahend. empt.; lib, 18, ti t. 1.
�440
TRAITÉ
lui aliénés, ou si la propriélé n'en a pas été prescrite conlre lui (541).
Sur (l'lOi il faut remarquer que l'article 5 du
décret sur la législation domaniale du 2.2. novembre,
sanctionné le 1 er dêr.('mbre 1790, statuant sur les
terraius de fortifications démantelées, avait établi
pour r(>~le que les villes et commmw!! qui avaient
alors la jouissance de ces terrains y seraient maintenues, à snpposer qu'elles fussenl fondées en titre,
on que leuI' possession remontât alors à plus de"
dix a'l!S; et qn"à l'égare! de celles dont la poss~ssion
ancienne aurait été tronblée ou interrompue depuis quarante ans, elles y seraient rJlablies; et que
les parlic,'diers qui justifieraient de titres valahles
ou d"uoe possession paisible et puhlique 'depnis
quarante abs seraient' également maintenus dans
leur droit ~e propriété et îouissance; mais aujourd'hui, et d,epnis' la' promulgatIOn du Code ~ la
possession trentenaire' ~erait suf1isante (2.2.27 et
2281) (1).
'
321. Les terrains militaires ne sont pas entiërement 'au rang des choses' impr:oductives, comme
les ronles Cl les grands chemin~ l, car les fossés des
places fortes pcuve.nt fournir I.IU produit plus ou
moins consiJérable par 1.. culture d,es jardins qu'il
est d'mage d'y établir; il peut y avoir àussi, dan~
(1) Voy. à cet égard ce qui a été dit aux chapitres 13 et 14,
où nolIS avons traité du domaine public en général, et de so]),
in,1\lié\labilité,
�DU DOMAIlS"I:: PUBLIC.
441
l'epceinte des places, quelqnes fonds pI:oductifs ;
or ton~ les revenus qu\m en peut tirer font p,3rti~
de la dotaLÏon de l'établissement des invalides, et
leur perception est direçtement confiée aux rece";'
veur~ des domaines, sous la surveillance des inspecteurs et din:cteurs de départen)ents dans cette
partie de l'aùministration publique. Ca).
A l'égard des terrains d.e fortifications des anciennes places fortes qui seraient abandonnés, ils
doivpnt ètrc remis par le ministre de la guerre à
ce)ui des finances, qui eat chargé ù'en faire la
ve~te par la caisse d~amorti.ssement, dans les
f0t:oles d'usage, afin que les capitaux provenant
d'c l'aliénation soient cODve~tis eIJ. rente,~ sur l'état,
au profit de l'hôtel des invalides (1).
322. Les terrains des fortifications devant être
pl,a,cés dans le dpmaine public et mis hors des
règles de la propriété privée, il en résulte qu~
chaque foi~ qu'il s'agit d'établir ou d'agrandir
une fortel:esse , et qne le sol de son empl.tCem.ent
n'appartient pas entièrement à l'état, il y a lieu cl
(1) Voy. le décret du 22 décembre 1812, bullet. t. 17,
P: 226, .ole série,.
(a) Cette partie de la dotation de la caisse des invalides,
accordée par le nO 8 de rart. 1er du décret du 25 mars Hill,
a été révoquée par l'art. 50 de la loi du 21 avril 1832, déclarant « qu'à partir du 1er janvier de cette année, les droits et
li' produits perçus et recouvrés au compte de la dotation des
)) invalides de la guerre, seront portés eJ;l' recette au budget de
li l'état. "
. '
�442
,.
TRAITE
l'expropriation jurliciaire de tout le terrain qui
est à prendre sur les fonds commt,103nx ou privés,
et ce conformément anx lois des 8 mars l~h 0,
7 jl iBN J833 et 3 mai 1~41 ,a).
Mais l'étabÜilsement d'one forteresse comporte
encore, P<lJ' voie de conséquence, une servitude
bien grave ponr les terrains environnants, et à
raison de laquelle les lois n'aceordent aucnne
iOllenmité; cptle sf'rvitudf' est négative, et elle
consiste eo ce qlle toutes constructions sur les fond~,
environnants sont intl'roites jusqu'à ]a distauce
délt:'rlllinée pa l' \(-'s luis et réglcl1len ts militaires.
Cette distance comprend deux zones de çircol1.vallatiol1 autour de ht phce.
La première, CJui louche inlmédiatement à la
place, est d'une élt'ndue en brgeur de deux cent
cinquante mètres, à partir dn pied des ouvrages
de fortitica tian.
La secoue le, qni a 237 mètres de largenr à partir
de la (re, s'étend par conséquent jusqu'à 487 mctres
du pied des ollvrages de la place.
323. Dans l'enceinte de la première zone, la
,plus J'approchée de la fl:}rtification ,·iI ne peut être
b~ti aucune maison ni construit anCline clôlure
quelconque, à l'exception des cl6tures en haies
(a) Voy. aussi la loi du 30 mars 1831, relative à l'expropriation et à l'occupation temporaire, en cas d'ur{}ence, des
propriétés privées nécessaires aux travaux des forti6calioDs ; eUe
est en 15 articles
�DU DOMAINE PUBLIC.
443
5èches on en planches à c1airl:'s voies, salls pans de
bois ni maçon nel'ie ; ét les t'econstructions totales
des maisons, clôtures. et autres bâtisses y sont ~ga
lement prohihées , quelle qu'ait été et quelle que
puisse ètre à l'avenir la cause Ile lellr destruction.
324. Dans l'enceinte de la seconde zone, qui
présente la plus grande superficie, il est défenllu
de bâtir ou r~constrllire aUCll~e m qisQ9 ni clôture
~n n;laçonnel'ie ; niais il est permis d'y élever des
bâtiments et clôLures en buis et en terre, sans y
employer de pit:rres ni de briques, même de cha\lX:
ni de plâtre, autrement qu'en crépissage, et avec
la condition de les, démoli"r immédiatement, et
çl'enlever les décomhres et matériaux à la pre. mière réquisition de }'aQtorité militaire, dans le
cas où la place, déclarée en él1\t de guerre, serait
menacée d'hostilités.
Néanmoins, le ministre de lp. gnerre,est autorisé
à permettre, par exception à ces règles, d,es constructions de moulins, ou autres semhlables usines,
en bois, et JJl~me en maçonnerie, à condition
'
•.
J ulllssee
I ' , ct a, 1a
qu "1
1
1) Y aura qn un
~ez·oe-c
çharge par les propriétaires de ne recevoir aucun.e
inJenll~ité ponr dém(,Lition en cas de ~uerre.
Et encore les permissions de ceUe nature ne
peuvent être accordées qu'après que le chefdll génie militaire, l'ingénienr J('S ponts et chaussées et
le muire, 3nron t reconnu de concert et constaté
par procès-verh:ll que l'usine Clu'on se propose de
construire est d'utilité publique, et que soo 'eJ;ll-
�444
TRAITÉ
placement <'st dét<'rminé par qnelque circonstance
qlii ne peut se rencontrer ailleurs.
Cette prohibition d~1 constrnire à proximilé d.,s
places fOrlf's est fondé<> sm ce qu'en cas de siége
l'ennemi pourrait se loger dans les l1lal~ons on sc
retrancher .Jerriere les clôtures. et se meUre à
Couve't de l'è.ction des défensenrs de la place.
325. Les réglelllenls ont encore porté leur l'révoyance pins loin en ce qui tonche aux chemins
de conllu nnication qni pen vent faciliter l'" Plnoché
des places : car, dans l'étendue de nenf çent
soitantc - quatorze mètres autonr des pl'ilces de
glH'rre, et de cinq cent qn'atre-vingt-qnatre
mètres autour des postes militaires, il est défendu
de faire anc'un chemin; levée ou chaussée, ni creuser aucuq fossé" sans que leur alig'H'lllent et leur
position n'ai(~nt été concertés avec les officiers du
génie; et, d"après ce concert, c'est an niinislre de
la gnene à dét.crllJiner, et an bl'soin à proposer au
roi', en son conseil, de fixer les conditions auxquelles ces divers Ira va IlX d v 1'00 t être assllj.,tlis,
dans cllaque (-as panicnlier, afin de concilier les
intérêts de la Iléft'ose avt'c ccux de l'industrie, tle
l'agriculture et dll comnH'rce.
Dans la même étendue, les Ilécornh.'es provenant des bâtisses et antres, travaux quelconCJues ne
peuvent être déposés ql1e dans les lipnx indiqués
par If~S officiers du génie, sallf toutefois ceux de
détrimt~nt qui pOllrraient servir d'engrais anx
terres, el ppur les d~pÔIS desquels les paniculit:r6,
�DU DOMAINE PUBLIC.
.445
ne doivent éprouvel' aucune gène, pourvu qu'ils
évitent de les eutasser.
3~6. Dans la même étendue enèore , il est défendu'd'exécuter il1lcnne opératio'n topographique
on levée de plan, sans le consentement de l'autorité militaire; mais ce consentement ne peùt être
refusé lorsqu'il Ile s'agit que d'opérations relativès
à l'arpentage des propriétés privées (a).
(~)
Ce n'e;t pas seulement depuis l'ordonnance roy;le du
que cette prohibition de lever les plans des places
de guerre et de leurs aborùs a été établie; elle résulte déj!' de
l'art, 41, titre 1 er de la loi du 8-10 juillet 1791 et de l'a~t. 74
du décret Impérial du 22 Mcembre 1812, sur le service des
places de g~lerre; elle exi,tajt même antérieurement; car on
trlluve dans les plans anciens les autorisations du roi qui avaient
été nécessaires pour les lever. En 1573, le premier président
du Parlement de Bourgogne ayant demandé un dessin des anti.
quitésde D'ljon, et tine description des fortifications, la
chamD'r'ë dtt conseil et de police les lui refusa par délibération
du 3 ma'rs dé cette annee, approuvée le 20 décembre sui'-lmt,
par le conUe Léonor de Châhot-Charny, gouverneur en cette
province, qui écrivit au maire li qu'il avâit bien fait d'l'ml> pêeher de faire le pourtraict de la ville; ct que si celtii qui le
» demande en -a commandement ,du roi, il le permettra, mais
" qu'autrement le deyoir le lui défend. " L'année suivanfe, la
permission fut accordée par Charles IX, dans une lettre aùressée,
le 16 janvier 1574, au comte de Charny, contl'esigné!' Brlllart,
et ainsi conçue: u Mon cousin, parce qne je ~Iésire qtic la
l> ville de Dijon soit dans le livre de la cosmographie de Munsl> ter, je vous prie de permettre aux maire et échevins de ladite
Il ville qu'ils en puissent faire le plan par quelqu'un qui enl> tende bien la perspective, avec un sommail'e deI> cboses les
ier août 1821
�446
TRAITÉ '
A l'égard des ouvrages qu'en langage de forlification on appelle détachés, par la raison qu'ils se
trouveut établis à plus de deux cent cinquante
mètres des chemins couverts de la l'lace à tlll'leILe
ils appartiennent, leur pourtour (lU zone de lJl'rviinde doit être rléterminé par des ol'llonnailccs spécialement applicables à chaque localité, d'après
l'importance du poste et ses relations avec la place
.
principale.
327. Enfin toutes les contraventions résnitant
de faits contraires à ces diverses servitudes imposées
aux fonds voisins des fortûesses doivent être,
comme les contraventions commises en matière
de grande voirie, réprimées ad mi nistra tivement,
il l'effet de' quoi l'action puhliqne à laquelle elles
plus rares et reJllarquables qtii sont en icelle, soit par la
beauté de l'assiette ct paysage, soit de la façon de vivre des
" eitoyeIls, et de la première fondation et établissement d'i.
celle, pour être après par ieeux envoyés à Nil'olas Chesneau
.. et Michel Sonllius , libraires à Paris, qui ont en main ladite
" cosmographie de Munster, polir la réimprimer; et n'étant la
susdite à alltre fin, je vais prier Dieu, mon cousin, pour
" qu'il Vous ait en sa sainte garde. Le comte de Charny transmit, le 15 février suivant, l'aùtorisatlon aii vicomte mayeur
Desbarres, en ces termes: « Mon.ieur Desbarres, à ce coup
" que j'ai lettre expresse du roi qu'on fasse le pourtraict de là
n ville de DiJon, je ne veux plus l'empêcher; et si le peintre
n qui voulait l'entreprendre y veut besoigner, vous le lais~ere:i
» faire.
Le plan fut l'ifeclivement levé la même année, par
Edouard Bredin, et inséré dans la 2" édition de la cosmographie
imprimée en 1575.
»
»
1)
1)
l)
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
4-\.7
pehven~
donner lieu doit être ponée d'abord pardevant les conseiis de préfectme (a).
Il faut, pour plus amples développements sur
(a) Voy. les articles 37, 38 et 39 de l'ordonnance du
1 er août 1821 ; d'après l'art. 73 « toutes les questions de propriété entre le domaine militaire et les particuliêrs, et toutés
contestations qui pourraient s'èlever sur la preuve légale de la
priorité d'existence des constructions situées dans les zones de
prohibition intérieure et extérieure, soit à la création, soit à
l'augmentation de la place ou du poste, soit à la prOlnlLlgation
de la loi du 10 juillet 1791, doivent être portées devant les
tribunaux. li
Les conseils de préfecture sont saisis de la connaissance des
contraventions par la transmission que l'autorité militaire fait
aux préfl'ts des procès-verbaux dressés par les gardes du génie
(art. 12 de la loi du 17 juillet 1819).
Les gardes dll gértie ont le cafàctère d'officiers de police judi~
ciarre j l'art. 2 de la loi du 29 mars 1806 les assimile aux gardes
forestiers et cbampêtres; ils sont ass~rmentés j leurs procèsverbaux doivent être affirmés le lendemain de la clôtnre; ils
font foi jusqu'à im,cription de f:lllx (v, art. 2 de la loi du
2-0 mars 1'806; art. 31 de l'ordonnance du ter août 1821), Ces
gardes ont aussi qualité pour notifier aux contrevenants tant
leurs procès-verbaux que les jugements de condamnation.
Les contraventions à la loi du 17 juillet 1819 et à l'ordonnance du l or août 1821 sont réprimées conformément à la loi
du 29 floréal an 10 relative aux contraventions en matière de
grande voirie; en conséquence, outre la démolition de l'œuvre
nouvelle aux fmis du contrevenant, il y a lieu à l'application de
l'amende de 3001iv. prononcée par l'arrêt du conseil du 27 fé·
vrier 1761), portant défense de construire ou réparer le long
des routes sans autorisation.
D'après le rapport fait à la charnbœ des dépulés sur la loi
�448
TRAITf.
cette matIere , recourir à l'ordonnance du roi du
1 er août db 1 Ca); dont nous avons liltéralement
eXlrait la plupart des notions contenues dans ce
chapitre.
des fortifications de Paris, il parati que l'établissement des servitudes militaires résultant de l'érection d'une ville en place
de guerre, en vertu d'une ordonnance royale, ne donne lieu à
aucune inde·mnité au profit des propriétaires de terrains grevés
dc prohibition. (Voy. Monitcur du 14 janvier 1841, pag. 101,
3 e colonne. )
(a) Voy. aussi les ordonnances des 9 décembre 1713 et
31 décembre 1776, la loi des 8-10 juillet 1791, le décret dü 9 décembre 1811, la loi du 29 mars 1806 et èeHe du
17 juillet 18HJ.
�449_
DU DOMAINE PUllLI€.
CHAPITR.E XXIII.
Du domaine public municipal.
328. Pour préveilir toute équivoque sm ce que
110US avons à dire dans ce chapitre et les suivants;
commençons pai' bien signaler le genre de choses
qui en fait le sujet.
Le doniaine public municipal, tel que nous
l'entendo11s ici, ne s'applique, comme le domaine
public national, qu'à des choses qui, àsser~ies à
l'usage de tous, sont, pal' leul' destination, pla..;
cées hors du commerce ou hors des règles de la
propriété ordinaire.
Nous lui dontions la dénomination de domaine
pubLic MtTIÜCIPAL, parce que la plupart des choses
sur lesqnelles il porte provieünent ou sont présumées provenir des communes; qu'elles sont plus
particulièrement utiles auX habitants des lieux de
leur situation; et qu'à raison de cette utilité spéciale , elles sont Ulises par la loi à la charge de ces
habitants.
Les divers objets sur lesquels s'étend le doolainc
public rtiunicipal peuvent être rapportés à six.
classes, qui sont:
1 ° Le territoire;
2° Les choses sacrées;
3° Les êtablissemen ts p~blics ;
TOM. 1.
29
�450
TRAITÉ
4° L('s choses qui font l'objet de la vome urbaine ou petite voi"ie;
5° Les chemins vieinanx ;
6° Enfin lps chemins publics qui ne sont ni
granItes routes, ni c1dssés pal'mi les chemins
vIcinaux.
Le domaine püblic municipal est dans chaque
localité cùmme llne fraction du domaine public
général, pnisqlle l'un el l'autre, et l',m à peu près
comme l'autre, s'applIquent exc1usiveuJent aux'
choses dont l'usage appartient à tous, on qui sont
établws immédiatement pour l'utilité pnblique.
329. 11 Y a -néanmoins entre ces Jeux domaines
une différence remarquable, résult,ll?t de ce que
les fonds du domaine public gén"éral doivent ètre
considérés comUJe étant d'origine nationale, ou
comme ayantdès le principe appartenu à l'état, 0\1
ayant ëté par lui acquis pOlIr les asservir aux usages anxqnds il les a destinés; landis què les fonds
du domaine public municipal doivent être t:onsic1érés la plupart comme étant d'origine Communale , en ce que ce Son t ies êommlJl1~s de la sil,
tuation qui sont censées les avoir pris 011 laissés J
par voie de distraction ~ sur leurs biens communaux, pour les assujettir '.à un usage public qlli (ist
particulièrement profitable aux. habitallls dé ces
cOOJmunes.
11 résulte de là que, dans le cas, par exemple,
où l'on vient à supprimer une gl'and'e l'ante qui
fail partie du domaine puhlic national, le sol sur
�DU
DOMÂlN~'
PUBLIC.
45i
lequel eUe avait été construite doit rentrer dans le
domaine de l'état; tandis que, quand on vient à
changer le lieu des sépultures 011 la destination
J'une église qui font partie du domaine public
municipal, l'ancien cimetière ou l'ancienne église
rentre dans le domaine communal de la pai'oisse.
à laquelle il appartient.
330. Il faut bien distingutl' aussi le domaine
public municipal, qui fait l'objet de ce chapitre,
du domaine communal, dont nous traiterons
ailJeurs.
Le domaine comniunal est un vrai domaine de
propriété qui se compose des biens qui appartiennent exclusivement aux cOlllmubes, tels que
ieurs bois, leurs communaux en nature de pâturage, ou leurs maisons et héritages donnés à bail:
les biens de cette qualité sont possédés par chaque
commune ut uniçcrsitas ~ comme ceux d'un par~
ticulier quelconque sont possédés par leur maître.
Il n'y a que les habitants du lien qui aient le droit
de jouissance ou d'usage sm' le fonds communal,
comme il n'y a que le particulier propriétaire de
Son champ qui ait le droit d'en jouir: en sorte
que, dans l'un comme dans l'autre cas, l'étranger
doit être également exclu de toute participation à
la jouissance ou à l'usage du fonds communal ou
privé.
Au contraire, le domaine public municipal n'est
point un domaine de propriété proprement dite:
car, quoique les choses qui le composent soieo;~
�452.
TRAITÉ
considérées comme étant d'origine communale;
qu'elles soient à la charge des municipalités de
leur situation, et que les communes en re.tirent un
avantage particulier, néanmoins celles-ci ne les·
possèdent pas propriétairement comme leurs communaux ordinaires, puisque tout étranger qui se
trouve sur les lieux a aussi le droit d'en user; et
c'est pourquoi nous disons que cé domaine n'est,
dans chaque localité, qu'une fraction du domaine
public national.
Il en est des communes à l'égard du domaine
municipal; comme de l'état à l'égard du domai'ne
publie : de même que celui-ci ne jouit pas des
routes et rivières navigaLles privativement et de là
manière dont il .jouit des forêts nationales, de
même .les· communes l1e jouiss'cntpas privativement et eo maitresses de lent' domaine pnblic OUtnicipaL èomme de leurs bois communaux.
Ces notions g~riéra)es et .préliminail'es suffisent
sans doute pour bien entendre(~e que nous avons à
dire dans les six 'chapitres suivants sur les diversc'S
parties dù domaine public municipal.
�.453
Dt1 DOMAINE PUBLIC.
CHAPITRE XXIV.
Du territoire.
331. Comme pure institution civile, le territoire n'es~ qu'une ch~se incorporelle. Tout c~ qui
appartient aux communes est le"plus ordinairement
renf«;r~J dans l~ur territoire; c'est donc pa,~ l~ que
nous devons cQmmencer les explications que nOllS
avons à donner sur le domaine public mun~cipal.
Considéré par rapport aux choses auxquelles il
s~applique, le ter'ritoil:e consiste dans r'universalité
des fonds renfermés entre les confins de la cité ou
de la commune : . Territorium est universitas
agrorum ÏTltra jz,U!S cujusque civitatis (1); ou
en d'autres ternies, 'l~ territoire consiste dans
~ ,l'enceinte administrative et juridictionnelle.dela
.
.
.
.' .
commune.
Ce mot ne se rapporte pas à. la propriété des
fonds, mais bien seulement à.la juridi<;tion qui est
exercée sur les lieux. C'est pourqpoi l'on a pré~
tendu que son étymologi~ a été tirée de celu~ de
terreur.. par rapport à la crainte 'q~'inspirent les
ordres de la justice à ceux qu'elle menace de ,ses
,arrêlS pour les détourner des mauvais desseins
qu'ils pourraient avoir conçus: 'Quod ab co quidem dictum aiunt .. quod magistratus ejus loci
.
..
~
(1) L. 239, § 8, ff. de 'Verb. signijic4t.
1
1
"-
�TRAITÉ
intrà eos fines
habet (1).
TERRENDI
id estsummol'endi jus
Le territoire d'une commune n'est éviL!emment
pas une propriété commu~al~ et fon.cière, P\l'~
qu'il COOl prenù tou tes les propriétés pat:'ti,culières ~
et qu'il est possible qu'il ne cQ~,prenne rien autre
chose.
.
Il n'est pas une propriété cot;n~unal.e enc<?~e,
par la raison que I,e gouvel."nem,ent peut toujours"
pour l'exercice de
police et des juridictions,'
ainsi que P01)t:' la perception des impôts, diviser les
territoire~, des communes ou les réunir (2) , et que
très.certa'inemen 1. il ne pOlH'rait rien opérer de
semblable sm les biens <?yp.-\llWIlal}.x (a).
Pour se (o~mer une juste idée de la nature des
territoires, il faut bien remarquer que ri,nslÏtutiol1
n'en a été étahlie que pOUl' facilitf'r l'assiet.te des
impôts et mettre de l'ordre clans l'exécution des
jnridictions; que partout cette institution est la'
.a
(1) L. 239, § 8, ff. de verb. significa(,
(2) Voy. suprà, sous le nO 77.
(a) Ce principe ~t consacré par les art. 5 et. 6 de la.I~i du
18 juillet 1837 sur l'administration municipale, d'après les'CJuels
les édifices et autres immeubles servant à usage public, situés
sur le territoire d'une commune réunie à une autre, deviennent
seuls la propriété de cette dernière; les habitants de la commune réunie devant, nonobstant la réunion, conserver lajouis-,
sance exclusive des hiens dont les fruits étaient perçus en nature,
tels que les bois, les pâquiers, etc.
�DU DOMAINE PUBLIC.
455
hase de l'organisation politique, puisque aucun
fouciÎonnail't' ne peut exerCI'r' les pouvoirs qui lui
ont été Mlégllés par la loi gue dans l'enceinte du
tNTitoÎl'e qui lui a été as~igné, et qu'ainsi c'est
dans le lerrilOire qn'on trouve la ligne visiLle ct
walérielle de la compétence de tout juge ou autre
foncüunnaire public.
De là il t'st nécessaire de conclure que J'institution des territoires étant etltîèrenknt da us le
~roi~ public, leur assignation, ne peut êlre constitutive d'une propriété privée; que' celle institution, ne se référant à rien autre chose qu'à l'exer-.
cice politique ~e druits incorpords, exclut encore,
sous ce point de \lue., toute idée, <,le la propriété
immobilière, et p~( suite que le territoire d'nue
çornpHme n'est pas'rol~r eHe une propriété foncière
qui soit en
sa pos~es~ion
comme ses fonds conllnn.
- . .
,
naux.
332. Mais, quoique le territoire d'une COlI.!..,
mun.e ne soit pas ~ll1e propriété communale e~ fOI]~
cière, LJuoiqlJ'il ne soit pas possédé patrimoniale:ment par la connuune comme l'est un fonds nont
elle perçoit le& fruits, elle ne laisse pas cl\m tirer
des avantages ll'ès-eonsil1érables, non-senlement
par rapport à l'exercice pins fclcile de la police el à
la jouissapce du droit de vaine pâture, mais enc~re
parce que l.es communes n'ayant principalement
pour satisfaire à leurs dépenses LJue les ceI1liples
additiooptls qu'il leur est permis d'imposer a\vl~c
J.:
�456
TRAITÉ
la contribution foncière (1), la mesure de leurs
ressources s'agl'andit avec celle de leur territoire.
Il résulte de là qu'une commu;nc pourrait avoir
un très-grand intérêt à ce qu'il ne fùt pas fait de
démembrement de fonds de son territoire; néanmoins elle ne pourrait y former opposition par la
voie Ju contentieux, pmsque la puissance exécutive
est ici plei nemeIJ t ma îtresse de: disposer comme elle
le juge convenable.
.
Ainsi, quels que soient les avantages qu'11De
commnne retire acçessoirement ou à 1''Occasion de
son territoire, l'on ne doit pas en conclure qu~il
soit pour elle Une vrai,e propriété, ou qu'il ne fasse
pas panie du domaine public: car le gouvernement
perçoit aussi des droits de péag,e sur les canaux et
rivières navigables, sans que pour ce motif, ces
canaux et rivières soient,' comme ,les forêts nationales, de véritables propriétés de l'état, et
cessent d~appartenir au domaine public.
333. Il résulte encore de ce q~l'on vient de
dire 'que le droit de territoire ne peut, comme
celui de la propriété foncière, s'acquérir incommutabJement par la prescription, et qu'en cas de
contestations entre deux on un plus grand nombre
de communes sur l'éteudue des limites de leurs
territoires respec.tifs, l'administration" qui est
(1) Voy. l'article 4 de l'arrêté du 4 thermidor an 10 (bullet.
" t. 6, p. 507, 3" série) et les nOS 2, 3~ 4,5, 7 et 8 de l'art. 31
de la loi du 18 juillet 1837.
�DU DOMAINE PUBLIC.
457
alors leur juge, ne p~ut être forcée d'admettre la
possession comme base de sa décision, puisqu'elle
est toujours 1... maitresse de tranche.' les questions
de cplte IJatnre, sui'Vant qt/'elle le juge le plus convenable aux localités, po"ur faciliter l'exercice des
jUlidictions. ..
. , .
Néanmoins Ip. possessoire ne doit pas alors être
regardé comme tout-à-fàit inutile, parce qu'il convient toujours de consel:ver l'usage préexistant
lorsqu'il n'.y a pas de graves raisons d'y déroger
ou de l'abolir, et qu'en écartant les innovation.s t
i'on agit d'une manière plus conforme qU repos et
et à la paix puhlique.
Le possessoire 'territorial ést encore très-utile
sou~ d'autres points de vue, parce qu'il sert à fixer,
au I,Uoins pour le temp~ actuel "la compétence des
autorités.
334. Admettons qu'un propriétaire ait t sans
autorisatiDn, coupé où élagué des arbres sur son
fonch, au bord d'une route, et que, traduit an
tonseiL de préfecture qui est l'autorité chargée de
pronoQ.çer snI' la répression des çontraventions de
celt~ Ilalure, il oppose à ce tribunal administratif
son illcompétence , en fondant le déclinaloire sur
ce que le fonds sur lequel il a conpé ou élagué
les arbres dépend d'un autre département, .et
qu'en preuve de son assertion il produise un ell;t~ait du rôle des cOIltr:ibutions eonstatant qu'effec~ivement l'héritage sm lequel la prétendue con~
navèlltion a été commise est situé sur le territoire
�458
d'une commllne appartenant au dépar:;tem'1nt voisin: le conseil (le pl'éfectnre où l'on allfa voulu
porter l'action c1eyra se déclarer incompétent; au-,
trement la dl~cisi9D devrait èlre annulée par l'au..,
.,
,.
,. .
.
tOflt~ snl,eneure , et c t'st alllSJ quI' celle questIOn
, ,.,
••
J
'1 J" etat~}
d 21) )<ln.
a ete
ln~ee par al'I'et uU consel
vier l~h3 (1).
Il t:D serait de même dans tons les cas où Ul1
fonctionnaire public, juge, n,otaire, ~al'tie ou ~t1l1rr,
aurait voulu faire, hors des li~nitesde son tel:J:Ï1Qira,
que\lple acte tics fonctions dont il est revêtu: du
moment que Il' Lit d'extranéité terrjtoriille serait.
constaté par les l'ôles t1'impô.~s ou antre preuve, il.
ne serait l,lus possible d'adlJletlre comme t~ivilea:
ml'nt viJlables des actes ainsi cQ.nsoUllllés par usurpation de pouvoir :. Extra t~rr#oriul1ljus dic(!nti
impunè non pareÇur (2).
C\'Sl ainlSi que l'institution des territoire~ elit la.
ha$c de \.01,l1f'S Il's juridictions, et y"'étant enlière...
menl dans le droit publie, elle De pl'llt ril'D avoir
decommnn avl'c je: droit. de t~ropriété (ùncière :
d'où 1'00 Joil ultél'iel)r.emenl conclure que le territoin~d"uJ1e<:ommllne n'est puint pour elle un domaio~ communal, el qu'il fait seulelWtlH par~ie,du
domaine public municipal leI qu~ llOUS. l'avons..,
défini.
(1) Voy, dans le recueil de
MACAREL,
année 1823, t. 5,
p.48.
, (2) L. 20, ft' de jurùli.ctwne , l,ih. 2, tit. 1.,
�DU DOMAINE PUBLIC.
459
En ce qui a \rail à l~ compétence des autorités
auxq,wlles doivent être sOlltpis les débats. qui peuvent s'élever sur les rpcongaissances et le:s délimi,talions territoriales, il nous suffit, pOUl' i,l,ldiqner
ici ces autorités, de résumer brièvement ce qui a,
fté di,! plus haut.
Les territoires d;es communes ne sont pas des
rropriétés communales : ils restent perpétuellc~ent sous la dépcD:dancedc la p,)issance exécutive,
~at?s qu'on pnis~e éleyer à ce suiet aucune opposition contentieuse contre la décisiou. Ce n'est
donc ni aux tribunaux ordinaires, ni aux conseils
de préfecture, ql\e les débats de cette nature doivent ètre portés, r,nais hien pardevant les préfets,
et ensuite au min,l,stre, chargé d'y bire statuer en'
fonseil d'état ,_ comité de l'intérieur (1).
(1)
V~y.
sous les nO' 74 et 145.
�460
TRAITÉ
CHAPITRE XXV.
Des choses sacrées.
335,. Nous entendons parler ici des vases sacrés, dt's églises on édifices où s'exerce le culte divin,
et des cimetières.
Ce sont ce~ ohjets que nons'disons n'être pas,
~omme des meuhl~'s ou des fonds communaux or~
dinaires, la propriété des communes d~ leur situation, mais êli'e <lU contraire placés dans le domaine
pnbiic, c'e~t-à-dire rlans cette fraction ùu dOllwine
public qui constitue le domaine municipal, domaine que OO';lS ap'pelons ainsi par la. rai~on que les
choses sllr lesquelles il s'étt'nd sont à la charge,
non du trésor public, mais bien des municipalités
de leur siluation, eu ég<lrd à œ que ces communes
eoont plus parliculièrementl'Ilsage.
Nous disons que ces choses sont placées sous le,
régime du domaine puLlic, attendu qu'une fois,
consacrées au culte, elles appartiennent à la reli,""
gion, à l'exereiee public de laquelle elles ont été'
jugées nécessaires, et que la religion n'est le_ patrimoine exclusif de p l'sonne.
(,( La religion, dit Domat, et lei lois civiles qui
» s'y conforment, distinguent les choses qui sont
» destinées au culte divin de toutes les autres; et
» parmi celles qui servent à ce culte, on distingue
�461
DU DOMAINE PUBLIC.
les choses sacrée~, comme sont les église's et les
vases sacrés, et les choses saintes et bénites;
» comme les cimetières, les !Jrnements, lesobla)? tions et autres chose~ dédiées au serviceil.ivin;
» ettoùtès ces sortes de choses SOtH hors ÙU com,. merce pendant qu'elles demeurent dans ce ser» vice (1). »
Quand nous n'aurions à invoquer ici que le
priricipe général et de droit commun; qui veut
qu'on 'classe dans le domaine public les choses indistincte men t destinées à l'usage de tous, cela nous
suffirait pOUl' faire voir que les vases sacrés, les cimetières COIllmunaux et les églises où l'exei'cice du
culte a 'lieu, 'sont nécessairement compris d,His cette
catégorie.
336. LES VASES SACRÉS, pal"Ce qu'ils 'SOIÙ ëinployés à la célébration des saints mystères, qui ne
petive'nt être la propriété de persoiln~, et qu'îls
sont ainsi destinés à attirer la bénédiction dn ciel
sur la société tout entière.
337~
LES CIMETIÈRES conünnnàux:., parce qu'ils
sont le dernier asile de tQUS les hommes, et qu'on
doit y re'cevoir les restes mortels des étrangers décédJs sur les lieux, comme cenx des pel'son Des de
la paroisse, sauf l'observation des règles canoniques établies à raison de la diversité des cultes
qui auraient été pratiqués par ceux qu'il s'agit d'en ...
terrer; et que toujours ils sont subordonnés aux
:1>
»
1
(1) Lois civiles, livre prélimin., lit. 3, sect. 2, nO 2,
�462
TRAITÉ
règles de la police qui s'exerce sur les lieux pu.hlics ()).
'338. LES ÉGLtsEssontde même placéesborôdes
'règles e la propriété ordinaire, parce qu'elles son t
indispensables poursatisfairf' aux nécessitésdll culte
pnblic; que, con~me le porte l'art. 1 er' du décret du
18 Illai 1806, elles sont ouvertes gratuitement à
tous, et qu'en conséquence il est expressément défendh de rien percevoir dans les églises, ei. à leul'
entrée, de pIns que le pr'ix de locéltion des chaises,
sons quelque prétexte que ce soit (a).
.
t.
.
(1) Voy. l'article 17 du décret du 23 prairial an 11, bull.
1er , p. 78, 4" série.
(a) A qui de l'état, des communes 011 des fabriques appar'"
tiennent les églises consacrées au culte?
C'est une question très-couttoversée et sur làquelle la juris-:
prudence est loin d'être d'accord. .
Eri faveur de l'ÉTAT, on dit que les hiens ecclJsiastiques ont
été mis à la disposition de la nation parle décret du 4 novembre
17R9, ct que tout l'actif des fabriques a été déclaré propriété
nationale par celui dh 13 brumaire an 2; <tue la loi du 11 prail'ial an 3 n'a restitué aux citoyens que l'usagii des églises pr(}.
• •
,serVII'
. sous 1a survel;11 anee des autonte§
• -i
vlsOlrement,
pour sen
et sans faire cesserledroitde l'état; que les art. 12du concordat
du 26 messidor an g, et 75 du décrEt dti 18 germinal an JO, ont
dit seulement que les églises métropolitaines, cathédrales, pli l'oisstales ct autres nécessaires au culte seraient remises à la dùpoJÏtion des évêques pour être entretenues et surveillées par les
fabriques;
Que l'arrêté du 7 thermidor an Il a rendu à leur destination
les biens des fabriques non aliénés, et a ordonné qu'ils seraient
�DU DOMAINE PUBLIC.
463
Mais il est enc(,we des considérations d'un ordre
"phi'S relevé pour placer ces objets hors des règles de
administrés par t'rois \narguilliers ; que le décret du 30 décembre
1809 a par l'art. 1er déterminé les fonctions des fitbriquf's, par
l'art. 12, disposé què les procès à soutenir, les aliénations ou
échanges à faire seraient soumis aux ~onseils de fabrique, et
par les art. 92 et 94, chargé"les communes des grosses réparalions lorsque les budgets des fabriques seraient insuffisants; que
l'art. 2 de la loi du 14 février 1810 a décidé qub lorsqu'il serait
nécessaire de faire des travaux extraordinaires aux éJili,~es consacrés au cuhe, il Y serait pourvu par voie d'emprunt ou de
répartition au marc ie franc, sur les ~ontributions foncières et
mobilières; qu'enfin, par l'art" 23 du décret du 6 noverilbre
1813, les archevêques et évêques soht chargés de s'informer
dans le cours de leurs visites de l'état de l'église et du preshytère, et de rendre des ordonuances à cet égard;
Qu"il résulte de cet ensemblc de dispositions législatives que
la propriété absolue des ~glises n'est exclusivement attrihuée ni
aux èommunes ni aux fabriques, qu'elle est ddnc restée à
l'état;
Que seulement les fahriques ayant la mission de pourvoir à
l'entretieb et à la conservation des églises; ont qualité pour
plaider sur la propriété préteildue des bancs et chapelles; et que
le maire; "àu nom de la commune, le pe.ùt aussi;
Ce système a été adopté par un arrêt de rejet de la Cour de
cassation du 7 juillet 1840 (Sirey, 40-1-598).
De leur côté les COMMUNES fOLlt valoir que le décret du Il prairial an 3 a remis l'usage des églises aux communes, à la charge
de les entretenir et de les réparer; que celui du 7 ventôse an Il
a appelé les conseils municipaux à délibérer sur les dispositions à
prendre par les communes pour l'acquisition, la location ou la
réparation des bâtiments destinés au culte; que si l'arrêté du 7
thermidor de la même année a restitué aux fabriques leurs biens
non aliénés, l'avis du conseU d'état du 2 pluviôse an 13 en a
•
�464
TRAITÉ
la propriété ordinaire, puisqu'elles
aux actes de leur dédicace religieuse.
Se
rattachent
exc~pté les églises qui furent déclarées propriétés commu~ale~ ;
qu'il résulte de l'ensemhle du décret 'du 30 décemb~e 18G9,
que les fabriques n'ont que la jouissance et l'administration
des églises, mais que la propriété ~'en reste pas moins auX
communes; puisqtle par l'art. 92 telles-ci sont chargées des
grosses réparations, ce qui est au surplus confirmé par le 2 e
alinéa 4e l'art. 2 de la loi du 20 mars 1813;
Que les seules églises qui soient devenues la propriété des
fabriques sont celles qui ayant élé supprimées fl,1rent réunies
aux cures et succursales du ressort, conformément au, décret
du 30 mai 1806; qui déclara formellement qu.'elles faisaient
p3rtie des hiens restitués aux fabriques par celui du 7 thermi.i
dol' an 11 ; que quant aux égl ises conservées, la fabrique n'est.
chargée, par les art. 76 du décret du t 8 germinal an t 0, el 1er
de celui du 30 décembre 1809, que de leur entretien et de lelir
conservation,
En faveur de cette solution, on peut citer les arrêts des Cours
de Poitiers du 20 février 1835 (Sirey, 35-2-206); de Paris ~
du 29 décembre suivant (S. , 36-2-99) 1 de Grenoble, du 2 janvier 1R36 (S., 36-2-475); de Limoges, du 3 mài mêmè année',
(36-2-473) 1 et l'opinion de M. Isambert.
Enfin les FABRIÇUES exciperyt des moyens suivants: le cIergB
catholique avait hérité de tous les édifices religieux appartenant
au polythéisme et au culte druidique, lorsqlie ces cultes fu~ent
abandonnés ou supprimés; il en était propriétaire ain~i que de
tous ceux construits depuis; pour en investir les communes, il
aurait fallu une donation formelle de la part de l'état qui s'en
était emparé par la confiscation; le décret du 1 t prairial an 3 ne
.:ontient rien de pareil, il lcur en accorde seulement l'usage; il
résulte au contraire des décrets des 18 germinal an 10, 7 thermidor au Il,30 mai 1806, 31 juillet suivant, que les églisc!!
et les presbytères ont été rend1,!s aux fabriques, eilles chàrgetlIll
�465'
DU DOMAINE PUBLIC.
Certes nous ne devons pas avoir pour nos temples
moins de respeet qne les Romains n'en avaient
pour les leurs, dans le temps du paganisme; et il
serait trop si-ngulier que le droit romain, qui fu t en'
toute antre maLière le type primordiill du nôtre,
DOUS füt entièrement étranger qnant aux dispositions morales et religieuses qu'il con tien t su rIes
choses sacrées. Voici quelles sont ces dispositions.
339. On doit, dit la loi romaine, considérer'
comme choses de droit divin celles qui, étant sacrées, appartiennent à la religion: Divini juris
sunt veluti res sacrae et religiosae; qui, par
cette raison, ne sont la propri~té dè personne:
Quod autem divini juris est" id nullius in bonis
èst(,), et'qui, par même motif, ne peuvent être
l'objetd'allcnne stipulation (2), ni d'ancunevente
(3); mais, pour qu'un lieu soit sacré, i\ faut qu'if
même des grosses réparations, les art. 37 et 94 du décret du·30
décembre 1809 ont formellement reconnu ce droit de propriété
à leur profit.
L'avis du conseil d'état du 2 pluviôse an 13 (22 janvier 1805)
est en opposition avec la législation et un aulre avis du même
conseil du ao avril 1807.
Puur celte opinion on se prévaut d'un arrêt de la Cour de
Nancy du 18 mai 1827 (Sirey, 27~2-218); d'ull jugement du
tribunal civil de Charlres du n juin 1834 (S., 36-2-H9); et
d'une dissertatiou de M. Th. Auzias, insérée dans le Recueil
des arrêts de la Cour royale de Grenoble, année 1836.
(1) L. 1, fi' de dillisione rerllm, lib. 1, lit, 8. .
(2) L. '1,89, fi' de obligat. et action., lib. 44, lit. 7.
(3) L. 34, § 1,deconlrahend. empl., lib. 18, tit. 1.
T01\1. J.
30
�466
TRMTÉ
ait été publiquement dédié au culte divin : Sacra
loea sunt ea quae pub!ieè sunt dedicata (1) :
ce qui, dans les lem ps du paganisme, ne pouvait
être opéré qne par le fait ou par les OI'dresc11l prince:
Seiendum est loeumpublieum tune saerumfieri
posse, eitm princeps eum dedieal'it vel dedi~
candi dedit potestatem (2); mais ce qui,. Jepuis
l'établissement du christianisme, s'opère par l'autorité des pontifes de l'Eglise, avec le consentement du souverain temporel: Saerae res sunt
quae ritè per pontifiees Deo eonsecratae sunt,
ve!uti aedes saerae, et donariq. quae ritè ad ministerium Dei dedicata sunt (3). C'est ainsi que,
par .le concours de l'autorité du souverain, qui dis, pose du tem porel, et de l'a utorité ecclésiastique,
qui appose le sceau Je la cons(:cra tion religieuse, le
temple, ou le cimeLière, ou les Vases sacrés, se
trouvent soustraits anx règles de la propriété pri~
vée, et placés hors du couunerce comme choses
publiques: Sed Celsus filhts ait hominem liherum te seientem emel'e non posse ..... nec sacra
et religiosa loca, aut quorum commercium non
sit, ut puhLica, quae non in pecunùl populi, sed
in puhLieo usu hahearuur; ut est campus Martius (4).
(1) L. 9, ff de rerum diflisione, lib. 1, tit. 8.
(2) L. 9, § 1 , ff de rerum diflisione, lib. 1, tit. 8.
(3) Inst., § 8 , de rerum diflisione.
(4) L. 6, in princip., ffdecontraltend.empt., lib. 18, tit. 1.
�DU DOMAINE PUBLIC.
467
Longtemps auparavant, la consécration des autels el tabe.rnacles, et des vases st"l'Vanl au culte
divin, avait déjà été ordonnée par la loi de Moyse:
Altare holocausti et omnia vasa ejus, lahrum
cum hasi sud, omnia unctionis oleo consecrabis, ut sint sancta sanctorum (1); et cette même
loi vouldit également que les choses saçrées fussent
considérées comme placées bOl's du commerce:
Omne quod Domino consecratur, sive homo
fuerit, sive animal, sive ager, non vendetur,
nec redimi poterit; quidquid semeltuerit consecratum, sanctum sanctorum erit Domino (2).
340. Si enfin nons arrivons aux lois portées.
par l'église romaine sur celle matière, nous yvoyons
que les saints mystères de la religion cathohque ne
doivent être célébrés que dans les lieux consacrés
par les évêques: Missarum solemnia non uhiquè, sed in locis ah episcopo consecratis, veZ
ipse permiserit, celehranda esse censemus (3) ;
qu'ou ne doit s'écarter de cette règle que pour les
cas Je nécessité : Consecratianem ec~jesiarum
. et missarum celehrationes non alihi quàm in.
sacris Domino lacis, ahsque magnd necessitate
fieri debere Liquet ~mnibus quihus 'sunt nota
veteris et novi testamenti praecepta (4-); que les
(1) Exod., cap. 40, versic. 10 et 11.
(2) Levitic., cap.. 27, versic. 28.
(3) DECIIET. GRATIANI, de consecration. distinct., 1, cap. 12.
(4) D.iCRET. GRATIANl, de consecration. distinct., 1, cap. 1.
•
�468-
TRAITÉ
cimetières eux-mêmes sont aussi, par leur consécration, placés hors du commerce, et qu'il n'est'
pas permis d'exiger de l'argent pour prix de la terrequi y recouvre les morts: (a) Abolenda consuetudinis perversitas apud montem Pessulanum
inolevit, ut decedentibus non priits permittatur
inJodi sepultura, quàm pla terrd in qud sepeliendi sunt certum pretium ecclesiae persolva-tur; et infrà mandamus quatenits.. citm Loci
diœcesanus existat, inhibeas clericis ne quicguam omnino praesumant hâc de causd (1);
qu'en un mot, les choses qui ont été une fois consacrées au culte divin ne doivent plus servir aux:
usages profanes: Quod enim semel Dea conse·cratum est .. ad humanos usus transfèrri non
decet (2).
Enfin, et dans tous les temps, les lois de police
ont édicté des peines plus sévères pour la répression des délits et des crimes commis dans les lieux:
(1)
DECRET. GREGOR. XlII,
de sepultul'is, lib. 3, tit. 28,
cap. 13.
(2) Ibidem, de l'man permutatione , lib. 3, tit. 19, cap. 3.
(a) Néanmoins les concpssiollS de tenain à perpétuité ou
pour un temps déterminé, à l'effet de construire des monuments
ou de poser des tombes ne pourront êlrp obtenues que moyennant une somme qui sera payée à la commune et une fondation
ou donation en faveur des pauvres et des hôpit,IUX, et qui ne
devra pas être inférieure au quart de la somme revenant à la
commune (art. 10 et suiv. du décret du 23 prairial an 12; n09
de l'art. 31 de la loi du 18 juillet 1837).
�1
\
J'lU DOMAINE PUBLIC.
469
.saints ou ayant pour ohjet des choses sacrées, parce
que le sacrilége ou la profanation fut toujours et
ne put jamais cesser d'ètre une circonstance sio.gulierement aggravante du délit ou du crime (1).
C'est ainsi que l'on peut dire qne, sous toutes les
.Iégislalions, tant anciennes qne modernes, civiles,
ou religieuses, les temples, les cimelÎeres comrnn, naux et les vases sacrés ont été considérés comme
placés hors du commerce, et n'étant pas soumis
.aux regles de la propriété propreme·nt dite.
341. Néanmoins il ne ,faut pas pel'llre de vue
, qu'il n'y a rien d'absolu dans les institutions c~
viles et morales quant à, l'application qui en est
faite à certains objets plutôt qù'à d'atltt'es par la
puissance humaine; que la dédicace des choses sacrées peut êtl'e levée par l'autorité qui l'avait faite;
qu'elle peut aussi: se trouver aholie par la destruction accidentelle des, édifices ct construclÎons,
ainsi qu'on l'a dit plus haut (2); qu'alors la cause
cessant, l'effet doit cesser aussi; et qu'en conséquence ces divers objets doivent rentrer sous les
règlesdu dODlainede propriélédu moment que leur
destination, a été changée ou pal' la force des choses,
ou par le même pO~lvoi,' qui les avait précédell~ment
placés hors du commerce. Qu'on OI'donne la suppression d'ûne église devenue inutile, ou la transCl) '" oy. dans le recueil des lois ecclésiastiques de Héricourt,
1re partie, chap. 24, nO 12.
(2) Voy. sous les nO' HH et 192.
�470
TRAITÉ
latian du lien des inhumations dans une autre
, localité, Je temple I>upprilllé, ainsi que l'ancien
cimetière, rentreron t SO\lS les règles de la plopriété
ordinaire (a); et il en est de même à l'égard rtes
" qu on veut remp1acer par ({' autres, ou
vases sacres
"e.ndre connue inutiles, ou dont la vente est forcée
pour satisfaire à des nécessités indispl'nsahles. Il
suffit que )'administl'atioD puLlique ait, sùivaut les
circonstances, ordonné ou autorisé la lllcsnre, pour
que tous ces objets rentrent dans J'ordre naturel
des choses et sous les règles du droit commun.
C'est ainsi qll~, quand on supprime une ancienne
. ronte pour en établi.' une nouvelle, ou que )e gouvernement jnge à propos de démanteler une place
forte devennc inutilt', le terrai,ll de la route supprimée, ainsi que les fi)ssés et remparts de la forteresse abandonnée cess~llt de faire partie du domaine public, et deviennent prescriptibles comme
les fonds ordinaires.
(a) Et sauf les précautions prescrites dans l'intérêt de la salubrité publique. Voy, les art, 7, 8 et 9 dn Mcret du 23 prai~
rial an 12 sur les sépultures (bull. t. Jer, pag. 76, 4" série),
d'après lesquels les. cimetières supp~imés devront rester dans
l'état où ils se trouveront sans que l'on en puisse faire usage pendant cinq ans, et après ce délai, et jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, ne pourrout être que plantés ou ensemencés,
sans qu'il puisse y êlre fait aucune fouille ou fondation pour
des constructions de bâtiments,
�DU DOMAINE PUBLIC.
471
CHAPITRE XXVI.
Des établissements publics.
342. Nons entendons ici par établissements
publics les bâtiments des colléges, des hôpitaux,
des maisons de correction, des casernes (a), et
(a) Le décret du 23 avril 1810 donne en toute propriété aux
v,illes où ils sont situés, les casernes, hôpitaux, manutentions,
corps.de.garde et autres bâtiments militairei portés dans l'état y
annexé, à la charge de les entretenir et de ne pouvoir en disposer
qu'avec l'autorisation du gouvernement et en pourvoyant d'une
autre manière au logement des troupes qui se trouveront dans
leur enceinte.
Par le § 2 de l'art. 46 de la loi de finances du 15 mai !lB8,
le gouvernement s'est chargé des réparations et loyers des casernes et de tous autres bâtiments ou établissements militaires,
ainsi que de l'entretien de la literie, moyennant une indemnité
d.e 7 fI'. par homme et de 3 fI'. par cheval que les villes' doiven t
lui payer.
Enfin l'ordonnance royale du 5 août 1818 contient sur les
hâtiments miiitaires les dispositions suivantes : Art. 12. Les
bâtiments, établissements et terrains qui ont été cédés aux villes
ponr en jouir et disposer en toute propriété, et qui oht eh conséquence été ou dû être rayés du tableau des établissements et
terrains militaires domaniaux, contimieroT.t de faire partie des
propriétés des communes, qui pourront eh faire tel usage
,qu'elles jug~rollt convenable. - Art. 13. Les bâtiments, établ issements et terrains cédés aux villes, à charge de conserver
leur destination ROur le service de la guerre, en vertu du décret du 23 avril 1810, et qui sont restés, jusqu'à ce jour, affec-
�472
TRAITÉ
au-tres ét:Jblissemen ts militaires, ou de bienfaisance,
ou de sùrcté ()), qui auraient été fondés ou con5- _
truits ave(~ l'autorisation du gouvernement, et pour
cal/se d'utilité publique, par les communes de leur
situation, et dont l'entretien serait à leur charge,
on qui seraient le résultat de fondations faites par
des particuliers, comme, par exemple, lorsqu'on
voit qu"un collége ou lln hospice a ell ponr origine
une donation ou un legs fait au profit d'Ime COIIlmune, à la charge par elle d'ét:Jblil' et d'entretenil'
.ce co.llége ou cet hospice dans son sein.
Teilles les conditions, qui caractérisent le domaine public municipal, se réunissent pour y classer ces sortes d'étahlissement~.
D'une part, nn collége, nn hospice, une caserne,
sont essentiellement destinés à des services publics;
l'un ne fut érigé que pour satisfaire aux besoins de
l'instruction de ceux qui s'y p,'ésentent; l'autre,
pOlir sonlager les souffi-ances de l'humanité dans
ceux qui y sont admis;, le troisième, pour le logement des troupes qui sont au service de l'état.
tés à ce service, rentreronl pour leur conservation et police,
comme pour leurs dépenses, sous l'adm Înistration directe et
exclusive du ministre de la guerre j mais les communes en conserveront la nue-propriété, pOUl' en être rem (ses en possession
et en avoir la libre jouissance, si par suite de leur inutilité ab~
solue pour le service militaire, ils étaient abandonnés par le
département de la guerre.
{1) Voy. l'art. 1'~ de la loi du 20 mars 1813, bull. t. lS~
]), 493, 4" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
·473
'"
.
D ' autre
part, lautOrIsation
<:1Il gouvernement,
'<Jui intervient pOUl' recoonahre la' cause d{lltilité
publique, et pour donner une existence légale à
un établissemen t de celle na ture , en opère par là
.même Ja consécration civile au service pour lequel
il est destiné, et le place nécessairement en dehors
du domaine de propriété ordinaire, tant que sa
destinaLÏon n'aura pas été changée.
Enfin on suppose que les établissements dont il
s'agit sont d'une origine communale; quant à
leur entretien, ils sont à la charge de la commune
de leur situation: d'où on conclut flue c'est au
domaine public municipal qu'ils doivent apparte:1111'.
Il résulte de là que, quand un établissement de
celle espèce vient à être supprimé ou transféré
ailleurs, les Llitiments affectés à son usage, ainsi
que les cours et jardins qui en sont les accessoires,
rentrent dans le domaine de propriété de la communè de leur situation, comme, lorsqu'une église
paroissinle ou nn cimetière comm~nal (1) viennent
à être snpprimés ou transférés ailleurs, l'église et
Je cimetière abandonnés rentrent dans le domaine
communal de la paroisse, qui peut dès-lors en
jonir patrimonialemellt et exclusivement comme
elle jouit de ses autres biens communaux.
343. Il en résulte aussi que le maire de la
(1) Voy. les articles 8 et 9 du décret du 23 prairial an 11,
bllllet. t. 1, pag. 77, 4,e série.
�474
TRAITÉ
commune est contradicteur légitime pour agir et
défendre en LOutes aClions réelles qui peuvent être
portées devant les tl'ibunaux au sujet des im.
meubles dont on vient de parler, lors même que
l'établissement auquel ils servent est encol'e sub·
sistant; et que, nonobstant qll~ l'établissement
sl:'rait sous la direction d'adminislrateurs ayant
qualilé pour figurer au procès, le maire n'en serait
pas moins recevable à y inlel'venir, puisque la commune de la situation ne peut cesser d'avoir un in.
térêt pressant à l'entiere conservation des établissements de cette nature.
Il fallt bien remarqner en effet que non-sculement l'établissement d'un collége est extrêmement
utile pour facilit.er sur les lieux l'insl mction de la
jeunesse; celui d'un hospice, pour le bien des
pauvres; celui 'd'une caserne, pOUl' soulager les
habitants de la charge des logements de guerre;
mais que toutes ces institUlions, et autres semblables, apportent encore des avantages considérables aux habitants, ta~tôt pour la location des
maisons; tantôt pour J'apport et le débit des denrées; tantôt enfin pour l'OCCl1p3tion des classes ouvrières, et pour une plus grande abondance de
numéraire impoI'té dans la COlllmune : il faut donc
reconnattre qu'en ce qui se rapporte aux avantages
locaux qu'entraînent ~es établis~ements, il y a ici
ùes intérêts communaux pour la protection et la
{léfense desquels le maire doit êlre contradicteur
�DU DOMAINE PUBUC.
475
légitime dans ton tes les actiuns réelles dont ils
peuvent être l'objet.
Au restt' il faut bien remarquer que nous n'entendons parler ici qne de l'établissement ~onsidéré
en lui-même, el dans les bâtiments et leurs accessoires consacrés à son usage, et non pas des biens
extérieurs dont il a pu être doté pour satisfaire à
ses dépenses; lesquels biens ne font pas partie du
domaine public, mais restent sous l'empire des
rè~les du domaine de propriété, sauf les conditions
et formes particulières auxquelles leur administration est soumisè, comme nous le ferons voir
ail1eurs.
344. A l'égard des hôtels de ville et des maisOns communes, ils n'entrent point Jans le domaine public municipal; on doit les considérer
comme étant dans le patrimoine dt's communes,
et propriétairemcnt possédés par elles, attendu.
qu'ils ne sont point allservis aux usages du public
en général.
On doit encore placer en dehors du domaine,
puhfic municipal les édifices destinés aux spectacles
publics, lors même qu'ils appartiennent aux communes de lenr situation, parce qu'ils sont propriétairement possédés par elles.
Une raison sans réplique de celte décision, c'est
que l'entrée des salles de spectacles n'est pas,
comme ct'lle des églises, gmlllitement permise au
public; que les villes, comme les particuliers qui
�476
TRAITÉ
en sont propriétaires, en font un objet de spéeu:.,;
lalion sur les récréations on les divertissements
.pDpulaires; qu'on les livre par_ ~ail à loyer à des
entreprenenrs; que ces entreprenenrs les S011Samodient aux amateurs de divertissements, qui
viennent, en payant leur carte d'entrée, acquitter
chacun le prix du sous-bail ùe la place qn'il va
occnper durant le spectacle auquel il est admis:
d'où il résulte qu'ici la jouissance M maître de
l'édifice se trouve absoJument soumise aux règles
~du domaine de propriété.
Peu importe que l'administration ait la police
intérieure des spectacles, puisqu'en cela son acJiOll n'a pom objet que la tranquillité publique et
la sûreté des person nes, comme quand. elle exerce
la mème surveillance dans l'intérieur des allber.,ges: ce qui a lieu dans l'un et l'autre cas, sans
avoir égard à la possession et à la )omssance de
.l'édifice.
�DU DOMAINE PUBLIC.
477
CHAPITRE XXVII.
Des rues et- places publiques des villes et autres
communes, .
,
345. Comme 1es routes royales et départemen·
tales forment le sujet matériel de la grande voirie,de même les rues et places publiques dont il s'agit
ici fan t 1'0hjet de ce qu'on appelle la petite voirie,
ou la voirie urbaine."
,
Nous diviserons ce chapitre en del,lx sections.
Dans la première, nous rechercherons à quel
domaine on doit attribuer les rues et places vides
établies dans l'intérieur dès communes.
Dans la seconde, nous verrons quelle est la nature des droits dont les propriétaires riverains.
jouissent sur le,s"rues et places publiques.
SECTION PREMI ÈRE ,
Dans quel domaine doit-on classer les rues et places
puhliques étahlies dans l'intérieur des communes.
346. Nous n'entendons parler que des places
publiques qui sont destinées et asservies aux usages
communs. Il ne s'agit puint ici des terrains consistant en places vides~ tels que ceux des cours et jardins, qui peuvent appartenir propriétairement à des
communes comme à des particuliers, et qui n'ont
rien de COlUlllun avec le domaine public.
Les rues et places publiques établies dans ies
�478
TRAITÉ
villes appartiennent aU domaine public municipal,
par'la double raison qu'elles sont publiques, et
qu'elles sont à la charge des communes de leur
situation.
Et d'abord elles ne peuvent être la propriété de
personne, puisque chacun est en droit d'en réclamer l'usage, et 'que nul ne peut être exclu de la
faculté d'en jouir: CuiLibet,in publicum petere
permittendum est id quod ad usum omnium
pertineat, veluti vias publicas, itinera puMica, et.ideo quolibet postuLante de !lis interdicitur (1). On doit donc dire que, sous ce
premier point de vue, ces sortes de fonds sont une
vraie fraction du grand domaine public; qu'en
général ils sont soumis allX mêmes regles d'imprescriptibilité, et qu'ils sont compris dans la dasse des
objets auxquels s'applique l'urlicle 714 de notre
Code, qui déclare qu'il y a des choses qui n'appartiennent à personne, dont l'usage est commun à
tous, et que ce sonl les lois de police qui règlent
la manière d'en jouir.
. .qu
,aux termes d e l' art. 10 3
C'est par celte raIson
de la loi du 3 frimaire an 7, cc les rues, les places
» publiques servant aux foires et mal'chés, les
» grandes routes, les chemins publics vicinaux, et
» les rivÎ(:res, ~e sOlltpoint cotisables )., aux rôles
des impôts assis sur la propriété foncière.
Mais les rues des villes n'appartiennent pas seu(1) L. 1, if. de locis p'(lbticis , lib. 43, tit. 7.
�DU DOMAINE PUBLIC.
479
lement au do~aine public; on doit aussi les classer
dans ce que nous appelons le domaine mnnicipal,
parce qu'elles sont spécialement ntiles aux habitants
des licux, et que les lois les' mettent il la cbarge des.
communes de la situation.
.
Et d'abord, quant au fonds, les rues sont bien à
la charge des communes, puisque, aux termes de
l'art. 51 de la loi du 16 septembre 1807 (1), lorsque, pour la rectification Jes plans d'alignell1ent,
il est question d'ouvrir de nouvelles rues on d'en
élargir des anciennes, les terrains nécessaires pour
parvenir à ce but doivent être acquis et payés par
les commuues, conformément aux règles qui régis~
sent les expropriations pour c~use d'utilité pu-.
hlique.
En un mot, et pal' cela seul que les rues des villes
sont publiques ou destinées à l'usage de tout le
monde qui peut y arriver, élles n'appartiennent
propriétairement à personne, pas même à la commune de la situation, attendu qu'il est de l'essence
du droit de propriété qu'on ne puisse l'appliquer
qu'aux choses qui nous sont propres, à l'exclusion de tous antres; que si les habitants du lieu en
jouissent pins immédiatement et plus souvent que
les étrangers, celte différence, qnant à l'usage,
u'est que dans le fait, et non pas dans le droit,
puisque tous en jouissent au même tiU'ccomme de
cholSes puhliques généralement destinées à l'usage
de tous.
(1) Voy. au bullet. tom. 7, pag. 139, 4" série.
�480
TRAITÉ
Si, quant au passif, les rues sont exclusivement
à la charge des villes de la si'tuation, on ne peut
tirer de là aucune conséquence pour 'dire que ces
communes en sol1t exclusivement pl'opriétaires,
puisqu'elles n'ont aucun droit d'empêcher les
étrangers d'en user et jouir aussi pleinement que
les habi tan ts du lieu; tandis que le propriétaire a
essentiellement la faculté d'empêcher l'étrangel~
d'envahir sa propriété pour en jouir comme il en
jouit lui-même.
3!~7.
En ce qui tonche à l'entretien du pavé
des rues, la législation n'a pas toujours é é la
même, et elle n'est pas encore parfaitement uni.forme aujourd'hui.
Suivant la loi romaine, qui longtemps a fait
notre droit commun, chaq Ile particulier était chargé de construire et réparel' la l'ne au-devant de sa
maison, et Je nettoyer les ruisseaux à découvert 1
le tout Je manière qne les voitures pnssent y circuler librement; et les locatai,'es,à défaut du propriétaire, étaient tenus d'acquitter celte même charge,
saufà en retenir la dépt'nse en déduction du prix de
leur loyer, parcequec'étaitla maison elle-même qui
était débitrice de la servitude : Construat autem
vias publicas unusquisque secundùm propriam
domum~etaquaeductlLspurget qui sub dio sunt.,
id est cœLo Libero, et constl'uat ita ut /lon prohiheatur velûcu!um transire.Quicunqueautem
mercede habitant, sinonconstruat domi/lus~ipsi
construentes computent dispendium in mçrce-,
�481
· DU DOMAINE PUBLIC.
dem (1 ).La disposition de cette loi se rattachait
aU système des corvées en- nature que nous 'aVons
vu avoir' été établies 'par les Romains pour la confection et'l'entretien des grandes routes.
Aujourd'hui, et suivant l'art. 4 de la loi du I l
frimaire an 7 (2), la règle généràle est que les dé-.
penses d'entretien dupavé dans les villes" pour
les parties qui ne sont point grandes routes,
sont à la charge des 'communes ; en sorte que celles
de ces rnes qui servent de traverse aux' grandes
l'outes, et dont la dimension excède là largeur que
les réglements mettent à la charge de l'état,
restent pour le surplus au compte des communes.
Il est remarqùable que,' dans la loi de l'an 7,'
dont on vient de transcrire le texte, on ne parle
que de'l' entretien du pavé, ce qui en suppose la
préexistence: d'où il paraît résulter que la construction primitive et générale des pavés dans une
ville où il n'yen avait pas encore, reste à la charge
d'es propriétaires de maisons adjacentes, conformément à l'ancien usage dérivant de la loi romaine.
, Et· encore, en ce qui touche à l'entretien, la
règle générale-établie par la loi de l'an 7 n'est pas
sans exception : car, le conseil d'état ayant été
consulté par le ministre SUl' la question de savoir
fli, par 'suite de ses dispositions, les propriétair~s_
de maisons devaient être partout considhés
(1) L. 1, § 3, ff. de viâ publicâ, lih. 43, lit. 10,
(2) Voy. au bullet. nO 247, t. 7, 2 e série..
TOM.
r.
31
�482
TRAITÉ
comme affranchis de l'entretien du pavé des l'Ues,
répondit, par son avis du 25 mars 1807 (1), que
le but de cette loi n'ayant pas été dè régler impérativement de quelle manière la dépense dont il
s'agit serait acquittée dans chaque ville, on devait,
à cet égard, continuer de suivre l'usage établi
pour chaque localité, jusqu'à ce qu'il ait été statué
pâr un réglement général sur cette partie de la
police publique: d'où il résulte que la pratique
ancienne doit être encore suivie dans les villes où
elle s'était maintenue, et QÙ, à raison du,défatit dé
revenus communaux, on rejetait la charge su;- les
propriétaires de maisons.
34.8. Ici se présente la question Je savoir si; ,
lorsque Jans l'enceinte d'une ville pavée un particulim' bâtit là où il n'y avait encore ni maison ni
pavé, on peutl'obligcr à paver ta rue au-devulltde
son édIfice.
Nons croyons que partout où il ü'y a pas de
réglement positif mettant à la charge de la commune l'établissement des nouveaux pavés, c'est au
propriétaire constructeur de la maison à établir le
sien, attendu que, profitant du pavé des autres, il
est bien juste qu'en construisant le sien, il fasse
aussi sa mise de fonds dans l'association communale; qu'il suffit d'ailleurs que telle ait été la règle
primitivement tracée par la loi romaine, qui fut
notre législation primordiale,pour qu'en l'absence
de tout réglement contraire, l'usage conforme à cet
(1) Voy. au bullet. tom. 6, pag. 142, 4- série.
~
.........
�,DU DOMAINE PUBLtC.
483
ancien droit ait un fondement légal, et reste ohligatoir-e (1).
349. Ma~s à quelle autorité droit-on s;adresser
pour faire statuer sur les difficultés qui peuvent
s'élever à l'oècasion de ces dépe.nses d;el1tretien el
de construètion de pavé?
La règle générale est que, quand il s'agit de satisfaire aux dépenses publiques de voirie que les
lois mettent à la charge des communes ou des
habitants, ce sont les maires, assistés des conseils
municipaux, qui doivent eh former les rôles de
répartition sur les habitaIits, et qué 'ces rôles doiveut être soumis au préfet pour les approuver et les
rendre exécutoires contre les contribuables.
C'est donc à ce magistrat supérieur que le maire,
après avoir fait délibérer le conseil municipal, devra s'adresser pour rendre exéculoire le rôle de la
dépense des pavés à l'~gard de tous les particuliers
qui n'auraient pas par eux-mêmes fait exécuter le
travail en natnre, après en avoir été requis, et à la
folle-enchère desquels l'administration municipale
l'aura fait établir Ca).
(1) Voy.J'arrêt du conseil du 18 aVrIl 1816, Ilans SIREY, t. 3;
1>' 264.
(a) Art. 44 de la loi du 18 juiilet 1837; - loi du 11 fri~
maire an 7, art. 4, nOS 1 et 2;- avis du conseil d'état du 25 mats
1807. Ordonnance du 10 février 1821; - arrêts du conseil
deS 2 janvier et 14 février 1838, et 2 mars 1839; s'il y avait
rédamation contre le rôle de répartition, elle devrait être portée
au conseil de préfecture juge du contentieux administratif, aux
termes de l'art. 4 de la loi du 28 ;pluviôse an 8.
�484
TRAITÉ
Que si ce n'était pas le cas de ('lire un rôle de'répartition, eu égard à ce qu'il n'y aurait qn'un parti-'
enlier comproniis dans la charge ou sujet à la supporter, ce serait toujours au préfet que le maire
devrait s'adresser pour en obtenir un arrêté ordonnant Je paiement, après avoir communiqué la demande à lâ partie intéressée, et l'avoir entendue
dans ses m'oyens de défense (1 ).
350. En résl] mé on doit dire lOque les rues et
places publiques des villes appartiennent au domaine public municipal, puisque, d'une part, l'usage en est indistinctemen t commun à tout venant;
et que, d'autre côté, elles sont à la charge des
eommuoes de leur situation comme étant plus
spécialement utiles' anx habitants des lieux.
2 0 Que les rues et places publiqnes dorit il s'agit
né doivent point être rapportées au domaine de
propriété; et que ce n'est que par une erreur dé
principe que dès auteurs estim<lbles d'ailleurs ont.
écrit qu'ellessontJa propriété communale des villes:
car une chose ne no'os est propre qu'autant qu'elle
n'est qu'à nous et pour nous seuls. La propriété
est, dans les mains de son maître,exc1usive de tous
droits identiques à 'exercer de la part des autres;
elle comporte essentiellement l'idée de privation à
l'égard de ceux qui !;le sont pas propriétaires; or
(1) Voy. sur ce point de compétence l'arr~t du conseil du
17 mai 1813, dans le recueil de décisions du conseil, par SIRET. t. 2. p. 333; et enc?re • par identité de motifs. l'art. 5 de
la loi du 28 juillet 1824, hullet, t. 19, p. 68, 7" série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
485
il n'y a rien de semblable en ce qui touche aux
rues' et pl~ces pu bliq'ues des villes, puisque le~
élrangèl's qui y arrivent en jouissent comme les
habitants du' lieu : donc elles ne sont point des
proprié.tés communales. ,
Si nOlis entrons dans quelques détails de compat;3i~on, celte vérité deviendra bien plus sensible
f;n~ore.
S'agit-il de bois communaux, il n'y a que les
habitants du lieu qui aient le droit d-'y prendre
leur part d'affouage._
S'agit-il d'un communal, en parcours, il n'y ~
que les domiciliés dans le lieu qui- aient la faculté
d'y envoyer lenrs bestiaux, au. pâ'lul'age.
S'agit-il d'ut;le salle de spectacle construite aux
frais de la com~nne, il-n'y a que le corps muni'cipal qui ait le droit de la louer à son profit, et
les spect~teurs n'y entrent que comme sous-locataires, en payant leurs ~illets d'entrée._
Vainement dirait--on que les fonds dont nons.
composons le domaine municipal- devraient être
considérés plutôt comme propriétairement possédés
pa-r les communes de la situation, par la raiso~
qu'elles en jouissent d'une manière tout~ spéciale,
et qn':eUe.s sont exclusivement chargées de .les ent-retenil:..
Ce raisQnncI:l1ent ne détruit point ce qui a été
dit plus haut.
Si les habitants des communes de la situation
jouissent des fonds dont il s'agit plus souvent que-
�486
TRAITÉ
les étrangers, cette inégalité de io,uissal)Ce est toute
dans le fait, et nullement dans le droit, puisque
l'usage de~ 1;1ns, en ce qu'il a de personnel, n'est
pas d'une nature différente de celui des autres, et
qu'il est également garanti pOl)r tou~ par l,es mêmes
lois.
"
Et si çes divers objets s(;mt I\lis ~ la charge particulière des, communes de leur situation, c'est l'al',
une juste réciprocité de <;:e, qu~ la jouissance en est
plus utile aux. hahitants~ de cc~ cQ~mune~, et que,
dans le système général ùe cette administration "
on retrouve toujour~ une juste compensation entre.
les avantages et les charge&, , puisque tout individu
peut toujour~ revendiquer,' sur les territoires des autres commuues, les mêmes. droits que les étrangers sont fondés à exercer sor celui de la sienne.
351. Les villes peuvent aussi, à raison dès
places publiques qui sont dans lenr e~~ceiute, peJ;.cevoir un avantage part" c1,llier par le moyen de la
location de ces. places, les joul;s de foirés et de
marchés (1); mai,s i.1 J;lC faudrait pa.s conclnre de là
que ces places sont qe ~~ritables hiens communaux:
çar l'on perçoit ans,si des {>~ages sur les ponts et des
droits de navigation sur les çanaux; et cependant
les, ponls çonstruits sur les routes, ainsi- que les ca(1) Voy. à ·cet égard l'article 7, § 3, de la loi du 11 fr:i~
maire ail 7, (hullet. 247, nO des lois 2219, t, 7,2· série);
l'-art. 7 de l'~rrêté du 4, thermidor an 10, (bullet. t. 6, p. 507,
3· série); les nOS 6. et 7 de l'art. 31 de la loi du lS.juillet 1837.
�DU DOMAINE PUBLIC.
487
llaux de navigation intérieure, appartiennent bien
certainement au domaine public.
C'est encore par appUcation du même principe,
et conformément à l'article 15 de)a loi du 28 août
1792, qne, saufla preuve contraire, tous les ~rbrçs
~xistant sm les places ùes villes, bomgs et villages_.
sont censês appartenir au~ communes de la situation ; qu'il en est de même de ceux qui se trouveraient plantés SUl' le sol pl blic de& chewiQ.s vicin,aux; que dans ces divers ca& c'est au profit des
communes qu'i~s devraient éu:e coupés ou' élagués,
comme c'est au profit de l'état q.ue doivent être
coupés ou élagués les al'l,lfes qu'il a fait plantcr sur
le sol public des grandes rontt;s, sans que, dans,
aucune de ces hypolhè~es, 01\ p.uisse dire que les.
fonds sur lesquels le produit de ces arhr.es est p.erçu
cessent pour cela <;l'appartenir au domaine public,
ou qu'ils doivent être conl>idérés comme apparte11,lmt propriétl,iremen~ à l'état ou aUX communes:.
c~s arhres, lll).e fois ~llopilisés par la c\)upe , tom\lent daJ;l,s ~l,J dqmaine de propriét~ de l'état Ou des,
COU\IDmws , co~me y tomheI:~Ï;ent les matériau~
d'une fç>l:tçt;esse ou d'une église qui serai~ démolie.
Si at~l' <,~antages, o~dillaires que les vi\le~ retirent
plu,s pal't~çl,llièrement de leur,s rues et places PP.bliques '- soit par rapp'ort à une plus, libre circulation de Pair, soit ponr le passage et la promellade
<;le leurs habitants, on doit ajouter encore l'Qtilit~
dcs locations accidentelles qu'on peut y faire les
jours de foire, ou le profit des arbres dont on vient
�488
TRAITÉ
de' parler, c'est une raison de plus pour les comprendre dans ce que nous appelons le domaine puhlic' m"unicipal, comme fraction du grand domaine public: voilà toute la conséquence qu'on
peut tirer de ce droit accide'ntel des communes,
; Nous disons droit accidentel., attendu que les
places puhliques des villes n~y ont point été établies
pour ètre lou.~es, et que la location dont il s'agit
~e se perçoit que praeter lundi natur.am.
C'est ici le lieu d'examiner quelques q,uestions
particulières qui se rapportent à notre, sujet.
~REMIÈRE QUESTION.
352. Doit-onfaire une distinction entre les.
grll;ndes rues ou les rues ord~naires., et les
ruelles ou rues étroites., pour placer les unes
plutdt que les autres dans le domaine public
mur;icipal 1,
Nous croyons qu'on 'ne doit faire aucune distinction à cet égard, et que les unes comme les
autres font égalem.ent pai'tiè du dQm~ine public, .
D"une part, quoique les" petites rudles soient
pratiquécsmoins fréqùe"mment, elles n'en sunt pas
:Illoins àsservies aux usages publics, pour toute l'u.
tilité qu~elles comportent; eUes ont donc égalc7"
ment le caractère distinctif du domaine public.
. D'autre" côté, ceux qui possèdent les mais!Jns
voisines, ayant, d'un. commun accord tacite, laissé
en dehors de leurs constructions les einplacellients
dont la réunion a formé la ruelle, ont par la re7"
�DU DOMAINE PUBLIC.
489
connu eux-mêmes qu'elle appartenait déi.à au
public.
..
DEUXIÈME QUESTION.
Que. doit-on décider à l~égard des
çuls-de·sac OTf impa"sses q.ui se terminent par
la jonction des maisons ~ ou qui vont aboutir:
à qu.e~ques mur~. de clôture ~ ou m~me à quelqUi(s courf {peau 1
353.
Généralement parlant, les rues qui vont aboutir
aux rem parts des villes ou autres clôtures, appartiennent aussi bien au domaine public que celles
qui vont se joindre ou se rencontrer dans les carrefours; mais il y a des impasses moins notabl~s,
qui ne consistent que dans quelques enfoncements
pénétrant latéralement dans les Hes de maisons,
et alors il- peut y avoir quelques difficultés dans l~
solution de la question pJ:oposée.
"
Sous ce dernier point de vue; les espèces pouvant varier i l1 définimen t selon les drconstances, .
nous ne pOUVOl~s faire ~utre chose que rappeler les
principes généraux sur la destination du fonds, et
SUl' le possessoire qU"en aurait eu le public.
" Si la ruelle qui- forme impasse va ab6ùtir à une
enirée d~églis~ , . pratiquée par les 'fideles, à un
puits, à une' fontaine puLli.que, à un ruisseau ou à
une rivière où les habitants vont: puiser de l'eau
ou faire abreuver leurs bestiaux: dans ces diverses'
circonstances et autres semblables, l'asservissemçnt de l'impasse à l'usage du public est suffisam-
�49Q
TRAITÉ
Il\elJt démontré por~r qù'on doive la placer en dehpJ;s du domaine de propriété, et la comprendre
dans le domaine public municipal.
Le posst'ssoire tIu domaine public pourrait encore résulter tle ce que ce serai~ aux frais de la
ville que le pavé de l.'impasse aurait été fait, ou
entretenu et réparé.
Enl1n il ne faut pas perd;re de vue que les propriétaires"des maisons voisines, ayant mj~ le sol.de
l'impasse en dehors de l~u.l:s constnlclÏons, s.ont
censés avoir, dès le prinpipe, reCOnllU qu'il n~ leur.
apparten:Jit pas, et qur. c'<était un terrain public.
Mais, dans tous les cas, l'on dQit dire qUf:lle
sol ou la partie dn soL snI' laquelle ne s'étend pas
le service public ~ Il'lippartie.~t paiut a~ doma,ne
public, parce qu'un effet ne peut être sans cau.se 1.
et qu'en conséqnence une telle portion de le.rrain
ne doit être considéçée qqe comme une propriété,
.. commu,nale et prescriptihle , &i d'ailleurs ell~~ n'est
possédée o,q f~veJild~quée par aucun (1artiç111ier.
TROISIÈME
çu ESTION.
354. Que doit-on décider dl/ pa~$age gui
se pratiq,ue " pour la comml/l?-ic~#ontpztne rue
ft l'autre" à trallers la COl+r d'un hd#ment ?
Comme Les portes de cours et arrière-cours des
maisons ne sont toujours censées établies que
pour l'lisage parti(:ulier et les, aisances des bàtixnents dont elles font partie, et non pour l'usage
du public, et comme encore leur clôture est par
�DU DOMAINE PUBIJC.
491
t::ne-mê~e
exclusive ~e tout usage public; il faut
dire' que les commuJ;licatioDs qui peuvent être pratiquées d'll,ne rue à l'autre par ces portes, quand
~Ues sont ouvel'tes, ne doivent être cOllsidérée~
qqe comme passage de pure toléraQce, t,~nt qu'on
:ge prodJ.lh pas de tln"e çontraire~
Pour qu'il en ft\t autrement, il faudrait que les
propriétaires de maisons fussent obligés de laisser
le passage libre, sans pouvoir le fermer ni l,e jour
n,i la nuit" si ce n'e~t par ordre de la polic~.
_ QUATRIÈ~E QUE~TION.
355. Quelle est la {l-ature des. ptlts.s.ages
qu'on tro~ve dans les grandes vill(J~, étahlis
tians ou entre les maisons, sans discqntinuité
de construction} et auxquels on .fait prendre
jour par le dessus, po~r éclairer les houtiques
qui:y sont latéralement construites?
Nous croyons que ces passages doivent, jl1sqv'à
démonstr~tiou du contraire, être COll sidérés
comme étant deI! propriétés privées, parce que ce
~ont aussi des ~lérenQances de maisons propriétaiTement possédées par ~eurs maitres ;
Que si, dans la construction de ces sOl:tes de
bâtiments, l'on a adopté la for~e d'pn' passage,
on doit croire que cette organi~ation n'a été in,spirée que dans la vue de n.lieux achal~nder les bou~iques qu'on voulait y établir;
Quand le passage aurait été autrefois une ruelle.
publique, la destination en anrait été aholie 0\1.;
l,a
�492
TRAITÉ
changée par la permi.ssion de l'occuper par de.s
l>âtimen ts ;
, En' vain dirait-on que 'ces sortes de passages
doivent être fermés à certaines he\ll~('spar 1\'8 ordres
de la p'olice, puisqu'il en est de même des cabarets et des cafés" qui néanrnoins ne doivent pas
être classés parmi les fonds du dom.ai~e public"
CI~Q!JIÈME QUbSTION.
356. Les promenades publiques qui sont
établies soit dans l~intérieur des villes, soit
en dehors de leur enceinte, jont-elles partie
du domq.ine. pub{it: m«nit:;ipal?
IL nous paraît 'qne celle. qu,eslipn doit recevoir
une sulution affirméttive, attendu que ce genre
d'immeubles est, à l'{"x,emple des rues et places
publiqlles dont. nous venons de parler, soumis à
l'usage commun de tOIlS ceux qui y arrivent, avec
cette diffërence néanmoins que leur destination
peut' être plus facilement changée pour .les faire.
rentrer 'd.ms. le domaine communal, qui n'est
point a,sservi aux usages publics (a).
(a) C'est en feconnaissant que les pl'o~enadei pu~liques dépendent du domaine public municipal qui est imprescriptible et
sur lequel, par suite, on ne peut acquérir de droits contrairer. à
sa destination'. qu'e la Cour royale de Poitie~s a , par arrêt du
31 janvier 1837 (Sirey, 38-2-78), 'confirmatif d'un jugement du
tribunal civil de la même '\ ille, décidé que le voisin d'une promenade n'avait pu y prendre des jours ou des vues et ne pouvait les conserver malgré sa longue possession, " attendu, porte
�DU DOMAINE PlffiLIC.
493
357; Jusqu'à présent nous ne" nou~ sommes
occupés, dans cette section, que de~ rues et places,
publiques établies dans les villes; mais ~es mêmes'
principes de doctrine ne sont-ils pas également
ap.plicablesaux Tues et places qui existent dans les
hourgs et villages ou dans les communes rurales ~
Tout ce qui est rqe ou grand chemin traversant
les bo~rgs ou villages, ou servant de communica-,
tion d'une partie à l'autre, doit être régi par les
principes expliqués ci-dessus, comme appartenant
au domaine public municipal, attendu que, quant
~ux voies de communication des bourgs et villages,
il y a, comme pour les rùes des villes, usage public,
et commun pour tout.te monde, et que les charges
d'établissement et d'entretien pèsent également
sur les communes de la situation.
Mais il ne faut pas confondre les place~ pubiiques
établies dans, les villes avec les places vides qu'on
trouve dans l'intérieur des communes rnralt,~s.
Les places qui, dans ies villes, font" p~r'tie d~
dom~ine public, sont, en thèse générale, parfaitement connues, et délimitées d'une manière fixe;
elles sont foulées assez cont~nuellement po~r ne
pouvoir se revêtir de gazon; et elles s~mt entretenues dans un certain état de propreté.
" . cet arrêt; que lè terrain des Giliers ayant été transformé en
5. promenade publique par l'autorité compétente, cette desti" nation a eu pour effet de retrancher cette promenatJ,e du
.. nombre. des choses qui sont clans le commerce; qu'on ne peut
... prescrire les choses quî ne sont pas dans le commerce. lf
�-'
494
Il en est ordinairement de niême dans les bourgs
bÙ il Y a des foires ou marchés, et où l'on ii'ouve
des a'lignements de rues plus ou moins parf~i~s. '
Ces dispositions de l'état matériel des lieu:!
tiennent à. ce que , dàt1~ les cridroÎts où les pôpulatiolù sont plus agglomérées, les terrains propres
à bâtir sont plus précieùx , ce qui fait que l'on a
dâ y resserrer davaùtage les places dont l'usage i:Jst
laissé au publi,c.
Sur quoi il faut observer qùe la seule tenuè
des foires sur un local ne suffirait pas pour,
faire décider que le- fonds en appartient -au domaine public: car il n'est point rare de voir des
terrains de particuliers ou des terrains communaux
qui sont sonmis à la servitude de la tenue de éer~
taines foires.
358. A l'égard des simples villages, il est es-'
sentiel de faire une distinction entre les chemins
qui les ttaversent où qui servent de communicatiôi1
d'un quartier à l'autre, et les places vides qui sorH
dails leur in térieur.
Quant à ces chemins et voies de communication, il est incontestable qu;ils font partie du dd~
maine public comme les rues des villes, puisqu'ils
sont également destinés à l;usage de tout lê
monde.
En ce qui côncerne les places vides ou vagues
qu'on 'trouve dans l'intérieur des villages, ou qui
en séparent les diverses parties, et qui sont sou~
tent revêtues de quelque gazon, on doit les con-
�495
DU DOMAINE PUBLIC.
sidérer sons deux points de vue différents, suivant
qu'il s'agit du droit de propriété du sol, ou de$
usages auxquels elles sont naturellement soumIses.
Quant au droit de propriété foncière, on doit
dire que ces places vides appartiennent au domaine
de propriété communale, comme n'étaut que des
frac'tioils d'e~ communaux du village, par la raison
qu'elles so'nt , dès le principe, restées en dehors'
du partage des terres; que, persbnne ne les ayant
acquises depuis, ou n'en ayant pris la possession
exclusive en les cultivant ou les mettant en clôture,
il n'y a rien de changé dans.lenr étal; qu'en uu
mot, la règle est qu'on doit réputer terrain communal tous les fbnds renfermés dans les territoires
des cOn'miunes, t~nt qu'il n'est pas prouvé par titre
ou possession qu'ils appartiennent à des particuliers, attendu que la communion de biens fut le
premier état des choses.
Sous le régime féodal, durant iequei, en plusieurs provinces, les seigneurs étaient parvenus à
se faire déclarer propriétaires des biens vacants,
nous voyons qu'on comprenait dans cetie classe de
biens répu tés sans mai tre, les places vides qui se
trouvent dans les villages. cc Il y a, dit le célèbre
" Loiseau; deux sortes de biens vacants: l'une,
;> de ceux qui n'ont jamais eu de mahre, comme
» les terres vaines et vagues des champs, les
» places vides des villages i et le haut justicier
,
�496
l'MITÉ,
peut les appliquer à son profit quand bon lui
>- &em,ple (1). »
Chabrol, sur la .coutume d'Auvergne, chapitre 2;
art. 6, enseigne la même doctrine, sauf, dit-il,
que le seigneurnepeut s'emparer des rues et places
des villages que quand elles ne sont point nécessaires pour l'usage public.
Ma~s la loi du 10 juin 1793, rétablissant partout
les choses dans leur état naturel, "eut, article 1 er ,
section 4, que tous les biens qui étaient autrefois
regardés comme vacants, ou commè terres vaines
et va.gues, sous quelquedéoomination qu'ils fussent:
connus, soient aujourd'hui considérés co:nimé
appartenant de leur nature à la généralité des
habitants des 'communes ou sections de communes
dans le territoire desquelles ces communaux sont
'situés: d'où il résulte qu'aujourd'hui les places
vides et vagues qu'on trouve dans les villagesdoivent
être considérées sans diffie,ulté comme autant de
fraClions ou de parcelles de leurs hiens eommu';
JlaUX (2).
_359.. Quant aux usages auxquels ces places
vides sont naturellement, soumises, il y en a de
deux ,espèces: l'une qni se rapporte à la voirie locale, et l'autre aux aisances des maisons et habita...
tions de la commune.
;»
(1) .LOlSEAU; Traité des seigneuries, chàp. 12; nO 117.
(2) On. peut voir encore ce que nous avons dit sur cela au
t. 6, p. 145 et suiv., de notre traité des droits d'usufruit et
d'usage.
�497
DU DOMAINE PUBLIC.
Et d'abord, tontes les' fois que les places vjJcs
110nt il s'agit penvent servir à la reclification des
passagt's Oll à l'amélioration des chemins, les maires,
sauf l'approbation des préfets) peuvent, pour l'a'Vanlage dl' la voirie, prendre des arrêtés par l'effet
desquels ces places resteront occupées par la l'Ile ou
·Ie chemin puhlic sl·rvant au passage comrùun, ainsi
qne nOlIs le ferons voir ci-après; et cela parce
,qu'ici, comme partont ailleurs, l'intérêt public
doit toujours marcher en l'l'émier ordre~
360.' L'on ùuit , en secon,li lieu, considére~ ces
pareelles de communaux comme asservies aux aisances dt's diverses habita lions cl u village : en sorte
que cenx qui possèden t ou conslruisen t des maisons
Sil l' leurs fonds, à proximiléde ces terrains, peuvent
y prendre leurs jours et y ouvrir leurs portes d'entrée et de sOl'lie cOlllme sur la voie publique; de
même qu'ils peuvent, suivant la coutumedes lieux,
, -faire sllr ce:. places tous les dépôts de matériaux qui
-ne gêneraient en rien les 'nécessités Ile la voiri(~. Et
ces hahitudes, pratiquées dans les campagnes. ne
'sont jlas seulement favorables à la paix publiqne :
elles sont encore fondées SUI' les principes de l'é-ql1ité : car si tout individu, de quelqne pays rl'l'il
lioit, est en d roi 1 Il 'user d(·s chemins, mes el placl's
publiques, sllivant ~eurdeslination,encore qu'il soit
étranger à la pl'Opriélé du sol, à pl ilS fone raison
les habitants d'une commnne, IJlli sont assoçiés
,dans la propriété de leurs com'lJlUnaux, doivent-ils
avoir le dl'Oit d'y exercer tous les usages auxquels
o
TOI\I. J.
3.:l
�498
TltAITÉ
ils sont destinés par leur situation près des habitations; nsages 'puur lesquels on peut dire qu'ils ont
été laissés en dehors du partage des tenes.
Ce genre de servitude imposé sllr les terrains
communaux pour la desserte et les aisances des
fonds particuliers se trouve positivement reconnu
et consacré en principe par l'art. 23, section 3, de
la loi dn 10 juin 1793, sur le partage des communaux, qui nedevait être exécuté qu'autant que les
experts et indicateurs auraient préalablement désigné les chemins nécessaires pour toutes issues,
ainsi que ceux qu'il conviendrait de laisser pour
les communications intérieures et les exploitations
particulières: d'où résulte cette conséquence, que
le terrain communal doit être généralement regardé comme grevé des'droits de passage, d'entrée
et de sortie nécessaires au service de tous les fonds
particuliers qui y aboutissent.
361. IL N'EST pas rare de voir, dans les campagnes, des contestations s'élever sur la question
de savoir si un particulier, au-devant, ou à proximité de la maison duquel existe une de ces places
vides, peut en avoil' prescrit la propriété par la
jouissance qu'il en a eue en y pratiquant le dépôt
de ses fumiers ou de son chanùer de bois, ou de
tous autres objets de sa consommation ou de son
industrie.
Celte questiou doit être résolue dans un sens
négatif, att~ndu que ce n'est que comme par emprunt que le sol est alors occupé, et que celui qui
�DU DOMAINE PUBLIC.
499
ne jouit qu'en cette qualité ne peut pIllaIS presCrire;
Que ces sortes de dépôts ne sont, suivant les
usages rurau'J, que des choses de tolérance mutuelle exercée sur les parcelles de communaux qui
se trouvent clans les villages; qne celle jouissance
d'un des hahitants ne peut être que précaire, à
l'imitation de celle de tous les autres qui exercent
la même faculté sur les places vides qui sont à
proximité de leurs maisons, parce que, comme le
dit Dunod (1), cc celui qui ne L'lit qu'user des
» communaux d'un lieu comme un antre habi» tant, n'exerce qu'une simple faculté qoi n'ac» quiert aucun droit nouveau, et ne produit point
» de possession propre, ni par conséquent de prcs» cription. » (a)
Il en est de ces sortes de dépôts dans les places
(1) Traité des prescriptions, part 1, chap.12, pag. 88.
(a) Dans une affaire portée (levant la Cour royale de Dijon,
et où une enquête établissait que depuis plus de 60 ans l'appelant avait constamment déposé ses hois et ses fumiers sur une
place de la commune de St.-Didier, il est intervenu le.17 février 1835 l'arrêt suivant: l< Considérant que la possession in» voquée par Laurent, quelque longue qu'elle paraisse d'après
» la déclaration des témoins de la contre-enqnête, n'est pas
» suffisante pour prescrire contre une commune la propriété
» d'un terrain vain et vague j qu'un dépôt momentané de fumiers ou d'autres matières ne peut être considéré que
." comme un acte de tolérance qui 'ne saurait faire acquérir UII
" droit réel. »
l)
�500
TRAITÉ
viùes des villages, à peu près comme des bancs que
les propriétaires de maisons établissent dans les
rues <les villes. Or personne n'oserait dire qne le
p1'Opriétaire d'une maiso~ qui a placé à demeure
fixe un ba~1c de pierre a°tl-devant de son domicile,.
s'est trouvé par là en possession civile de l'espace
. ainsi occupé sur la rue; parce qu'on lui répondrait
que, même en faisan~ abstraction ùe ce que la rue
.est un sol public, la jouissance qu'il a exercée nra
jamais été qu'une chose de pure tolérance .
.362. Mais, puisque celui qui dépose ainsi ses
fumiers ou son chantier de bois ne jouit du terrain
qne d'une manière' purement précaire, et sans y
acquérir propriétairement aucun droit réel, il faut
en conclure que les particuliers auxquels ces dépôts
viendraient à causerdu dommage , auraient en tout
temps le droit de les fail'e enlever, parce qu'il ne
peut être permis de se servir de la chose COUlmune
qu'autant qu'on ne nuit pas à autrui (a). Et les
maires des villages peuvent aussi en tout temps
prendre des alTêtés pour ordonner l'enlèvement ou
la suppression de ces dépôls dès que la liberté ou
les ail?allces de la voirie en souffrent: Secunditm
(a) Ce principe, applicable à toute espèce de communion ou
de société,. est écrit dans l'arto 1859 2° du Code civil, qui
porte que u chaque associé peut se servir des choses apparte» nant à la société, pourvu qu'il les emploie à leur destination
» fixée par l'usage, et qu'il ne s'en serve pas contre l'intérêt
» de la société, ou 'de manière à empêcher ses associés d'eR
," user selon leur droit. Il
�DU DOMaINE PUBLIC.
SOl
cujus parietem vicinus sterculinumfecerat, ex
quoparies madescebat, consulehatur, quemadmoditm posset vicinum cogere ut sterculinum
tolleret, respondi, si in loco publico idJécisset,
pe.r interdictum cogi posse; sed si in privato ,
de servitutt! agei'e oportère;· si damni in/ccti
stipulatus esset ,po.$.sit, per eam stipuLatïonem, si quid ex ed re sibi damnum datam esset., servare (1).
En un mot, et pour nous résumer, lorsqne,
conformément à l'usage pratiqué dans le lieu, un
particulier dépose son fumier ou son chantier de
hois sur un sol communal qui est près on à portée
de sa maison, il ne fait que jouir comme les autt'es
jouissent sur d'autres points; il use d'une faculté
sociale, et non d'un droit qui lui soit exclusivement personnel. Mais, ennsanl d'une faculté qui
n'est qlle sociale, il en jouit par cOl'J'élation avec
les autres, et comme au nom de tous les autres ha-'
hitants du lieu ~ d'où résulte la conséquence qu'il
ne, peut prescrire contre personne, pas plus qu'il
ne prescrit la propriété exclusive du communal sur
lequel il envoie le plus souvent son hétail au pâturage, puisqhe, dans nn cas comme dans l'antre,
ce n'est toujours jouir qu'en qualité de communIer.
ce Ce qui est de pure faclllté, dit encore Du)' nod, n'est pas prescriptible; et cette qualité
(1) L. 17, § 2, ff si serpitus vindiceturJ lib. 8, tit. 5.
�502
TRAITÉ
" vient de la chose ou de la personne. La faculté
)' qui vient de la chose tire son origine de la na» tIlre ou de la destination : de la nature, lorsque
,> la faculté s'exerce SUI' ce que la nature a donné
» à tous les hommes. pOllr en usel' sans se l'appro" prier, qui n'est pas susceptihle d'occupation, et
» qui est demeuré dans l'usage commun, tels que
» son t les élémell ts ; dl: la destina tion, lorsque les
» choses susceptibles par elles-mêmes d'occllpa» tion, de possession et Je pl'Opriété, son t néan» moins affectées à l'usage de tous, on des per)' sonnes d'une certaine localité, comme sont les
" chemins, les rues, les fontaines, les commu» naux du lieu dont on est habitant. On ne perd
') pas ln liberté de se servir' de ces sortes de choses
» lorsqu'on n'en use pas, et l'on Tf'acquiert pas
» le droit d'en user à l'exclusion des autres,
~ quoiqu~on en use seul. On ne l'acquefl'ait pas
)~ même par des actes de contradiction à l'égard de
» ce qui est de faculLé naturelle; mais on pourrait
» l'acquérir par nn temps immémorial, en ce qui
» est de faCilité publiqnc, si les contradictions
» étaient bien expresses, et qu'il constât claire» mentqu'on a joui dès-Iorspro sua (1). »
Ainsi les places don t il est ici question ne peuvent
s'acquérir p:lr l'usage des dépôls qui y sont pratiqués de la part des habitants du lieu, à moins qu'il
n'y ait eu des actes de contradiction formelle, par
(1) Traité des prescriptions, pag, 80.
�DU DOMAINE PUBLIC.
503
l'effet desquels il serait avéré que celui qui a joui,
a réellement possédé comme maitre du sol, et pro
SUD.
SECTION II.
De la nature des droits dont les propriétaires riIJerains jouissent
sur les rues et places publiques des villes J bourgs et villages.
363. La question principale qne nous avons à
discuter ici consiste à savoir si les fonds du domaine
public, tels que les l'Iles et les places des villes,
hourgs et villages, sont affectés, jure servitutis,
à la desserte et aux commodités et aiiances des
maisons et héritages voisins.
Si les entrées et sorties, ainsi que les jours onverts sur les l'Iles et places publiques, appartiennent
aux maisons adjacentes à titre de servitude, il en
résùltera qu'on ne pourrait supprimer aucune rue
ni place publique dans une commune sans laisser
aux propriétaires des bâtiments contigus les mêmes
droits de jour, d'entrée et de sortie, ou sans les
indemniser de toute la perte qu'ils souffriraient de
ce chan~ement s'il avait lieu forcément et pour
cause d'utilité puLlique.
Si au contraire les jours ou les entrées et sOl,ties
dont les propriétail'es de bâtiment jouissent sur les
mes publiques ne leur sont pas dus jure servitulis; s'ils ne les possèùent que par pure tolérance,
la suppression de ces rnes et places les fera rentrer
franches dans le domai.ne de propriété; et, après
en avoi.r changé la destination, la commuue, si ell~
�504
TRAITÉ
les conserve, ou ceux qui en deviend,'ont acquéreurs, si e11t' les aliène, pourront les clore, y bàtir
et en jouirde toute manière, enobslruant les jutll'S
'et fermant les entrées et liorlies des maisons voismes.
Un auteur a prétendu que la faculté d'ouvrir des
portes et des fenêtres sur les rucs et places publiques ne comporte pas un droit Je servitude, et
qne cette faculté n'c1)t qne Je pure tolérance, par
]a raison, dit il, que les mes et places pu hliques,
étant des choses placées hors du COmmerce, par
conséquent hors des règles de la propriété, ne sauraient être passibles de vérit... bles servitudes, qui
rentrent elles-mêmes sous le régime dt' la propriété
privée, cornIlle [[lisant partie des fonds auxquels
elles sont activement inhérentes.
Le savant M. Toullier, notre illustre ami, s'est
~Ievé çontre un pareil système, dont l'injustice se
sent par cela senl qu'il slIffirait de supprimer Hue
ru~ dans nne ville ponr faire de tontes les maisons
adjacent<'S autant d'obscurs cachots; mais le professeur de Rennes paraît avoir dédaigné d'appro- .
fondir la question autant que le mérite son importance.
Un antre écrivain qni s'en est occupé depuis, l'a
plutôt embl'Ouillée qu'éclaireie.
364.. Cependant, cou;me n~l1s avons' Vil encore
tout récemment s'élever devant les tribunaux des
contestations SUl' ce point de droit, nous avons;
résolu de le Jiscuter de manïère à ne laisser aucun
�505
DU DOMAINE PUBLIC.
doute sur la juste application des règles aux diverses
espèces qui peuvent se présenter.
Il faut distiu~uer ici Jeux hypothèses générales
dans lesquelles la qnestion peut ètre à résoudre,
5uivant que le dl'Oit prétendu SUI' la rue pnblique
par le propriétaire Je la maison voisi ne serait contl'aire à la destination ou aux agréments de cette
rue, ou que l'exercice de ce droit ne serait que
conforme à celle destination,comme rentrant dans
l'usage pour lequel la rue fut établie.
FREMIÈRE HYPOTHÈSE GÉNÉRALE.
365. Occupons - nous d'abord de l'hypothèse
dans hquelle il s'agirait de la prétention de quelque droit contraire à la <.leslÎnation de la voie publique , et remontons aux principes de la matière.
Les rues et places publiques sont consacrées à
l'usage de tous, et, comme telles, elles f(Hl t partie
du domaine public, qui est imprescriptible, soit
quant au sol de superficie, soit quant au-dessus'et
au-dessous de ce sol. Tout cela .est incontestable .
Il n'est pas moins constant que, par lenr ou verture, leur emplacement, leur direction ét leur largeur, les rues et places publiques sont essentÎf'llemen t destinées à favoriser la circulation cl", l'air, la
communication de ,la lumière, ainsi qu'à pourvoir
à la sûreté des pèrsonnes, aux aisances <.les passages
et communications, enfin à l'embeHissement des
villes et aux agréments de leurs habitants. Et de là
il faut tirer la conséquence que toute prétention
.
�506
TRAITÉ
émise de la part d'un particulier pour la revendication d'un droit dont l'exercice tendrait à blesser
quelques-uns des avantages publics qu'on vient de
signaler, serait contraire à la destination de la rue,
et par conséquent devrait être écartée. Ceci va s'éclaircir par des exemples.
366. Supposons, en premier lieu, que celui qui
possède une maison sur la rue ou place publique ait
établi au-devant de,son édifice un banc, un escalier
ou une échoppe en saillie dans la rue ou la place:
• l'administration municipale pourra toujours les lui
faire enlever, comme nuisihles à la destination du
local et à l'usage des habitants; et l'administration
pourra ordonner cet enlèvement sans avoir égard
au plus ou moins de temps durant lequel ces objets
auron t ainsi subsisté, puisqu'il y a imprescriptibilité
soit quant au sol, soit quant à l'usage de la servitude.
n ya plus: lors même que ces ohjets n'auraient
été placés en saillie sur la voie publique qu'avec
l'autorisation de l'administration municipale, le
propriétaire pourrait être contraint de les enlever,
parce que ces sortes de permissions ne peuvent toujours être que le fondement d'une possession précaire accordée seulement pour le temps durant lequel les circonstances permettront de la souffrir:
en sorle qu'il n'y a jamais là J'aliénation proprement dite faite de la part de l'autorité municipale,
qui ne pet'met l'usage de la chose que par forme de
tolérance; ni par conséquent de droit irrévoca-
�DU DOMAINE PUBLIC.
507
blément acquis au profit du propriétaire de l'édifice.
Il faudrait admettre la même décision à l'égard
de la porte d'e~1trée d'une maison qui s'ouvrirait en
dehors, attendu qu'en tournant sur la voie publique, elle gêne la circulation et peut occasionner
des accidents.
367. Supposons, en second lieu, que ce propriétail'e de maison soit en possession d'une cave
ou d'un canal construit sous la voie publique, ce
qui, outre l'anticipation commise, doit naturellement rendre moins ~ûr l'usage de la l'ne, par rapport aux: enfoncements qui, t8t ou tard, ne manqueront pas d'y survenir, et par conséquent contrarie la destination de la voie publiqne (l), il faudra dire encore, et par les mêmes raisons, que l'administration municipale pourra toujours faire supprimer ou combler la cave ou le canal: Curent aulem aediles ut nullus tifJodial· vias, neque
subruat, neque construat in viis aliquid (2), sans
que le propriétaire de la maison adjacente puisse
prétendre avoir prescrit le droit d'en conserver la
jouissance, attendu que le domaine du sol emporte
le domaine du dessous (552); el qu'en fait de domaine public, il ne peut y avoir aucune prescription
contraire à invoquer: et c'est ainsi que la question
a été jugée par la Cour de cas~ation, chambre des
requêtes, le 13 févriel' 1828 (3).
(1) Voy. l'art. 479, § 4, du Code pénal.
(2) L. 1 , § 2, fL de viâ pllblicâ, lib. 43, tit. 10.
(3) Voy. au journal des audiences, voL de 1828, p. 129.
�508
TRAITl~
Néanmoins, si la saillie de la cave sur l'aligne.
ment ne provenait que du reculement de la maison opéré pour élargir la rue, comme il n'y aurait
pas d'anticipation à reprocher au propriétaire, qui
n'aurait fait que conserver l'ancien souterrain qu'on
veut supprimer aujourd'hu~, illni serait dû une
indemnité à raison de cette seconde expropriation.
368. Supposons, en troisième lieu, qu'il s'agisse d'un balcon ou d'une tourelle construits en
saillie sur' la rue, et adaptés au mur de face d'une
maison; ou qu'il s'agisse d'un édifice comme on
en trouve beaucoup dans les villes anciennes, dont
le rez-de-chaussée est bâti en pierre, et l'étage,
construit le plus souvent en bois et en encorbellement, déborde à une hauteur quelconque, sur
la rue : il faudra décider encore que, quel que soit
l'espace de temps durant lequel cet état de choses
aura subsisté, lorsqu'on voudr~ rebâtir la maison,
l'administration municipale pourra faire supprimer sans indémnité, toute saillie semblable dans
le nouvel édifice, parce qu'il n'y aura jamais de
prescription possible à in vaquer pour conserver
l'usage de l'anticipation commise au-dessus de la
voie publique.
Dans tous ces cas, et autres ,semblables, où les
droits prétendus de la part des propriétaires de
maisons se trouvent en opposition avec la sûreté,
la décOI'atiun, les aisances ct la libre viabilité des
rucs, on doit dire qu'ils sont le résultat d'autant
d'actes de pure tolérance, di"ectement contraires
�DU DOMAINE PUBLIE:.
509
à la destination mênw de ces rues, et Cl u'en conséquence ils peuvent toujonrs être supprimés,
parce qu'on ne peut rien acquérir ni consen'er
contre l'ordre puLlic.
Ecoutons là dessus la loi romaine, dont les inspirations sont toujours si lumineuses. On ne peut,
dit-elle, se prévaloir d'aucune prescription de
temps ni d'aucun rescrit pour ce qui a été fait contre le droit public: c'est pourquoi on doit démolir
toutes les constructions faites dans les diverses
villes de l'empire, qui, placées dans le fomm ou
dans tout autre lieu public, sont jugées nûisihIes à l'ornement ou aux commodités de la ville.
Praeseriptio temporis juri pub/ieo non dehet
ohsistere ~ sed nec reseripta quidem; atque
ideo diruenda sunt omnia quae per divers;"s
urhes" Ilel in fora vel in pub/ieo quoeunque loco~ contra ornatum et eommodum ae deeoram
faciem civitatis extructa noscuntur (1).
SECONDE HYPOTHÈSE GÉNÉRALE.
369. Nons passons à l'hypotbèse dans laquelle
les propriétaires de maisons et édifV:es, ou mê~e
d'autres héritages adjacents aux rues publiques, ne
revcOLliqueraieut.que l'exercicede droits conformes
à 'la de/ltinatiol1 de ces voies de communication.
Les droits dont il s'agit ici sont ceux d'entrée et
de iortie des maisons sllr les mes et places pu-
•
(1). L. 6, Cod. de operibus publicis, lib. 8, tit. 12.
�510
TRAITÉ
bliqnes; ceux d'y prendl'e des joms ct d'y avoil'
des fenêtres d'aspect direct; celui de faire momenlanément, sans affectation et sans abus, le
dépôt des approvisionnements de ménage, tels qne
le bois qnand on le voilure et déchal'ge devant la
maison jnsqu'a ce qn'il soit transporté au bûcher;
le droit de faire aussi, et avec le ménagement convenable pour la viabilité de la rue, les dépÔl& de
matériaux et les échafaudages nécessaires à Jaconfection des réparations de l'édifice, à la chal'ge
d'éclairer le tout pendant la nuit.
Les droits de celte nature ne s'exercent point en
opposition avec la destination des rues et places
publiques, puisque au contraire elles sont positivement destinées à servir d'aisance aux bâtiments qui
les entourent, comme à tous antres usages ordinairement et géuéralement pratiqués.
Or, la question que nous avons à résoudre consiste à savoir si les droits que nous venons d'énumérer appartiennent aux niaisons ou hél'itages
adjacen ts, par droit de servitude réelle et propre':'
ment dite, sans qu'il puisse êu'e permis à l'autorité
publique de rirn fail'e pour les supprimer, même
par une autre disposition des lieux; ou- si, au COlltrail'e; les voisins n'en jouissent que par lolérance,
ct peuvent en être privés impunément et sans
indemnité, par la suppression oule changement de
la rue.
Nous croyons qne les allteurs qui n'ont voulu
voir là que de simlJles usages de tolérance se sont
étrangemeut trompés.
�DU DOMAINE PUBLIC.
511
Examen de la question d'après les principes
du raisonnement.
370. Les rues et places publiques sont, par leur
nature, destinées aux usages-de tous: ce n'est que
dans ce bnt qu'elles on t été établies; elles son t
donc essentiellement assujetties à toutes les aisances
et commodités des maisons et héritages qui les entourent, puisque leur asservissement aux usages
publics est illimité et indéfini.
lei il n'y a besoin ni de titre ni du secours de la
prescription, puisque le droit de servitude résulte
de la nature même des choses.
Par cela seul qu'un terrain. est une place publique, les propriétaires qui veulent construire des
édifices snI' les bords ne sont as~ujcttis à aucune
obligation autre que celle d'obtenirleuralignement
de la part de l'administration, qui dispose en matière de voirie; et, par l'assignation de cet alignement, ils acquièrent nécessairement de l'autorité
compétente le droit de prendl'e SUl" la place leurs
jours, leur entrée, leur sortie, d'y faire toutes'
sortes de dépôts momentanés, soit pour les approvisionnements du ménage,soit pour la construction
et les réparations de l'édifice, et enfin de jouir de
toutes autres commodités autorisées par l'usage
et les réglements de police.
Nous disons que tout propriétaire riverain qui a
obtenu un alignement pour sa constl'uclion se
trouve par là même, et nécessairement, fondé à
�512
TRAITÉ
exiger à titre de servitude l'nsage des droits signalés
ci-de:.sns; parce que celui qui veut bâtir une maison n'entend certainement pas faire une constrnction flui pounait n'être un jour pour lui qu'un obsCUI' eachot sans porte et sans fenêtre: il y a donc là
un vrai contrat constitutif du droit de servitude.
Et ce qll'illfant bien remarquer sur la nature de
.
1a conceSSlOn
(l't l'Ignement,
c"est qu eIle n ' est
point nn don gratuit, mais qu'eUe comporte un
véritable contrat synallagmatique consenti entre
l'adillinistration et celui qni veut construire un
édIfice sur le bord de la l'Ile; contrat qui impose
des obligations réciproques, ou plutôt des servitudes de part et d'autre: car, si le constructeur
acquiert sur la v.oie puhlique les servitudes de jour
et antres énumérées plus haut, il s'étahlilde même,
et réciproqnement, à la charge de la maison une
servitude pour l'utilité de la rue, qui doit être
pavée et balayée (1) par chaqne propriétaire an-devant de sa maison: Construat autem vias puhli-
cas unusquisque secundùm propriam domum,
et aquaeductus pur{{et qui suh dio sunt, id est
cœlo lihero, et construat ita ut non prohiheatur vehicuLum transire. Quicunque autem
mercede hahitant, si non construat dominus ,
psi construentes computent dispendium in
mercedem (2).
(1) Voy. l'avis du conseil d'état du 25 mars 1807, bullet.
t. 6, p. 14~, 4" série, et l'art. 471 , § 3, Code pénal.
(2) Lege unicâ , § 3, if. de viii publicâ) lib. 43, tit. 10.
�513
DU DOMAINE PUBLIC.
Examen de la question d Japrès les dLspo-'
sitio'lZS du droit romain.
371. Les lOIs romaines, qui, sur cette matière
cOmme sur tant d'autres, furent noIre droit pri..l.
mOl'dial, consacrent cIe la manière ia l)lus expressê
les principes que nous venons d'établil' à llaide du
seul r a i s o n n e m e n t . '
On ne peut, disent les empereurs Dioclétien et
Maximien, empêcher personne de se servir de la
voie publique : Vti autem 'viti publicti nemo
rectè prohiheiur (1). Le propriétaire de maison
a donc ie droit dien nser pour y prendre ses jours
et. entrées , puisque la règle établie par cette loi est
générale èt ~ans limite. .
"
. Le préteui', dit le jurisconsulte Paul, défend de .
hâtir dans les Heu~ pubiics, et il propose sur cette
matière son interdit prohibitif: In loco publica
praetorprohihét aedfficarèJet interdictum proposuit (2). Il n'est 'donc pas permis de mettre
obstacle aux usages établis sur la voie publique
poùr le service des maisons adjacentes.
il n'y a, dit Ulpicn, dlexception à cet interdit
prohibitif que dans le cas où la construction de l;é.
clifice sur ie sol puhlic aurait lieu en vertu d'une
loi ou d'un décret du souvel'aln : Praeterquàm
quod lege, senatusèonsuiio j edicto. dùretofle,
(1) L. Il , cod. de serl'itutihus et aqud, lib. 3, tit. 34.
(2) ,L. 1, :If. nç quid in loco puhlico, lib. 43 ,tit. 8.
'IOM. 1.
33
�51~
TRliTÉ
principum> tibi concessum est (1) : ce qUI Sllppose encore qu'on ne porte préjudice à l'héritage
de personne, ainsi qu'on va le voir.
La raison de cela, continue le même jurisèonsuite, c'est que les lieux publics sont asservis aux
usages de tous, el que les habitants ont le droit
d'en jouir, non comme autant de propriétaires,
puisque ces lieux n'appartiennent à personne, mais
par le droit public de la cité : en sorte que, chacun ayant le droit de s'en servir suivant la position
où il se trouve, il faut bien que chacun ait aussi
la faculté d'écarter l'obstacle qu'on voudrait apporter à son usage: d'où il suit que, si l'on veut faire
sur la place publique une construction qui puisse
causer quelque dommage réel à ùn particulier, il
peut user de l'interdit prohibitoire : LO'ClZ enim
puhlica utiquè privatorum lIsibus deser(liunt>
jure scilicet civitatis.. non quasi propria cujusque; et tantltm juris hahemus ad ohtinendum,
quantltm quiLihet ex popuLo ad prohihendum
habet. Propter quod, si quodjortè opus in p'ublicofiet .. quod adpriyati damnum T'edllndet,
prohibitorio interdicto potestconveniri> propter
quam rem hoc interdictum propositam est•.....
•... .Ad ea igitur loca interdictum hoc pertinet,
quae puhlico usui destindta sunt .. ut .. si quid
iUic fiat .. qllod privato nocëret-, prneto1' intercederet interdicto suo. Bt cette prohibition est
(1) L. 2 in princip., ft'. ne quid in
tit. 8.
LOCQ
publiclJ., lib. 43,
�bu
515
DoMAINE PUBmc.
ieIie, que la permission de construire sur le sol
public; acctlf(lêe à quelqh'nn par le prince, doit
être considérée comme toujours Au1:ltirdonnée à la
èondition qu'il n'en résultera auchh préjudice envers les partÏculie/-s: Nam quotïesclllzquè aliquid
in publicofie ri pehltittitur; iita oportet pérmitÛ
ut sine ittjurid cujusquê fiat; et ita solét princeps, quoties aliquid nOYi opefls institflendl11h
patitur, permittere. 01' on est réputé sonffril' un
préjudite quand on est privé d'on avàntage oh
commodité quelconque qu'on tirait dd lien publié:
Damnum autem pari vide/ur qui coàtmodunt
amittit quod cOllsequebatur, quale quale site
. C'est pourquoi, si l'édifiœ projeté sur la place puhlique ne peut y être construit sans nuire aux jours
de votre maison, vous êtes fondé à intenter une
action pour faire in terdire la construction projetée:
Planè si iIedijicium hoc efftceret ut minus lu.~
minis insula tua kabeat, interdictum hoc competit. COIDnte encore si la nouvelle entreprise
horne l'aspect d'une vue plus étendue, si elle doit
causer de la difficulté dans l'entrée ou la sortie de
la maison voisine, si elle doit gêner l'accès du propriétaire SUl' la voie publique; si elle doit rendre
son passage plus étroit Oll plus incommode: dâns
tous ces cas, on peut également recourir à l'interdit: Proindè si cui prospectus, si cui aditus sit
deterior aut angustior,.interdicto opus est (1) •
.
2, § § 2,5,10, 11, 12 et 14, d. ne quid in 16c~
•
(1) L.
pltblico, lib. 43, tit. 8.
(
1
�.&16.
1:U.AITÉ
Il est donc bien démontré, par cette sene de
textes, que lès rues et places publiques sont assuj~tties aux droits de jour, d'entrée et de sortie pour.
l'lltilit.é des maisons adjacentes, et même de pas~agc pour celle des autres héritages; et que c'~st à
titr~ de servitude que ces droits sont acquis aux
fonds particuliers, .puisqu'il ne peut être permis
d'en .priver le~ propriétaires; taudis que, s'ils n'en
jouissaient qu'à titre précaire et par tolérance, on
.pourrait impun.ément les leur ôter: Precarium
est '1î:od precihus petenti utendum conceditur
tandiù quandiù is qui concessit patitur (1).
Examen de la question d~après les principes
de Pancienne jurisprudencefrançaise.
3'12. U ne preuve que les lois romaines qu'on
vient de rapportet' avaient été adoptées par la
jurisprudence française se tire, entre autres; d'un
arrêt du parlement ùe BOUl'gogne du 18 févriet'
1618, par lequel il fut décidé que la permission .de
bâtir dans une place publique ne pouvait être ac-'
cordée sans entendre les voisins, tii exécutée sans
leur consentement; s'ils en ressentaient du pt'éjudice (2). Il fut donc reconnu que les propriétaires
voisins du sol public avaient des droits de servitude
à y exercer par rapport à leurs maisons ou autres
héritages.
(1) L. 1, if. de precario, lib. 43, tit. 26.
(2) Voy. dans les questioDsnotahles de Bouvot, au mot
édifice, bâtimen.t, quest. 5, t. 2, p.332.
�DU DOMAINE PUBLIC.
517
Les cimetières sont aussi ùes fonds appartenant
au domaine public, et qui sont placés hors ùu
commerce par la destination qui leUl' est assignée;
cependant on trouve e'ncore dans le même auteur
un autre arrêt, du pa'rlement de Bourgogne du
12 décembre 1609, par lequel un particulier, sans
titre, mais ayant une possession immémoriale, fut
maintenu dans la jouissance de son droit de passage sur le cimetière de sa commune, avec chevaux et charrettes, pour l'usage de sa maison et y
engra nger ses récoltes (1).
Ferrière, sur l'art. 200 de ta coutume de Paris,
nOlis donne aussi connaissance d'un arrêt qui admet la servitude de jour sur un cimetière.
Suivant cette coutume, il n'était permis aux
propriétaires de maison d'ouvrir des jours d'aspect
sur les fonds voisins qu'à la hauteur de neuf pieds
pour le rez de cha lissée , et de sept pour les autres
étages (2), et encore à la charge de les garnir en
fer maillé: sur quoi voici ce que rapporte l'auteur
précité:
(,( M. Auzanei dit, sur cet article, qu'on peut
" avoir des vues sur un cimetière voisin, sans ob" sel'ver les hauteurs prescrites par la coutume,
)) quia locus est communls; mais il faut mettre
(1) Voy. dans le même volume', au mot église, quest. 7,
p.335.
'
(2) La même disposition se retrouve dans l'art. 677 de notre
Code civil, sauf que celte double hauteur a été réduite à 26 et
à 19 décimètres.
�518
TRAITÉ
" fer maillé et verre dormant, et il dit qu'il a élé
') ainsi jugé pom le cimetière de Saint-Innocent;
» mais qu'on ne peut être contraint de réduire l~s
'? vues à la hauteur ordonnée par \a mêule cou» tume; et iJ cite un arrêt du dernier jnin 1622,
» en l'audience de la grand'chambre 1 plaidants
» Cornouaille et Brodeau, entre les marguilliers
» de Saint-Eustache et le commissaire Bareunier.
» Cet arrêt a été rendu sur les çonclusions de
» M. J'avocat général Talon t. qui remontra que les
» trépassés sont exempts de toutes passions et
» affections, et ne craignent pas, comme les
» hommes vivants, qne leurs occupations ordi» naires soient connues; qu'ainsi il n'y avait pas
» apparence de recevoir~ dans le fait dont il s'agit,
» la disposition de la coutume ét.lblie entre par» ticuliers pour emp~cher les incommodités que
~ chacun pouvait recevoir de son voisin; et l'ar:5, rêt fut rendu à la charge de fermer les vues et
» fenêtres avec fer maillé et verre dormant, pour
" empêcher qu'on ne pût jeler des immondices
» dans le cimetière, ni trouhler les prières qui s'y
» font (1). »
Il est donc incontestahle, d'après les monuments de notre ancienne jurisprudence, qu'elle fut
(1) FERRIÈRE, sur l'art. 200 de la coutume de Paris, nO 7,
tom. 2, p. 1664. Voy. encore dans DESGODETS, sur l'art. 20;2
de la même coutume, où il cite deux autres arrêts semblables
et plus récents.
�DU DOMAINE PUBLIC.
519
toujours d'accord avec les lois romaines pour accorder, à titre de servitude, aux édifices voisins
des lieux publics l'usage des droits compatibles
avec la nature de ces lieux Ca).
Examen ·de la question d~après les principes
de notre droit nouveau.
373. En arrivant à la législation moderne,
nous voyons d'abord que l'art. 23, section 3., de
la loi du 10 juin 1793, sur lè partage des biens
communaux, veut que, préalablement à toute
exécution, on assigne les chemins nécessaires à
l'exploitation des terres: ce qui suppose que même
les terrains communaux sont grevés de toutes servitudes légales pour l'exercice de la culture des
fonds privés qui ont leurs issues sur ces terrains,
ou qui en sont à proximité, sans avoir d'autres
débouchés plus faciles.
(a) Cochin déduit en ce~ termes les motifs qui ont fait admettre ce droit : " les rues et les places puhliques sont faites
pour les maÎsou~ dont elles sont bordées, pour y donner une
entrée f~cile, pour que l'on en pui&se tIrer du jour et de l'air,
et par conséquent non-seulement on y peut, mais on y doit
avoir des fenêtres; sans cela l'aspect d~ la ville ferait horreur, et l'on serait sans cesse-entre des murs qui ne représenteraient qu'un spectacle hideux, les rues seraient autant de prisons. Il faut donc nécessairement que les IUilisons qui donnent
sur les rues soient percées et ouvertes, tant pour l'utilité de
ceux qui les habitent, que pour la décoration de la ville. ,,(63· plaidoyer, pag. 201 , t. 3 , édition in-4°. Paris, 1753. )
�520
TRAITÉ
Si nous ouvrons ensuite le Code civil dans ses
dispositions sur la matiére , uous y voyons:
Qu'aux termes de l'article 640, les fonds inférieurs sont assnjetti~, à titre de sel'vitllde , à supporter les eaux qui découlent des héritages sUp'érieurs, et que, cètte disposition étant générale, il
faut bien q~e les fonds du domaine public en suhissent la loi; .
Que l'artide 6.8] veu t que tau t propriétai re de
maison puisse déverser sur la voie publiqne les eaux
pluviales deson couvert, ce qUi n'es.t autl'e chose que
l'exercice d'un droit de servitude proprement dite;
Qu'en vertu de l'article 6~32, Je propriétaire dont
les fouds SOQ.t e~c\avés et n'ont aucune issue sur
la voiç publiqne, peut, moyennant une indemnité,
exiger, sur les propri.étés interwédiaÎres, un chemin pOl~r parvenir à cette voie, attendu qu'arrivé à
ce point, il a droit d'nser du passage à titre de
vraie servitude, sans être assujetti au paiement
d'aucune indemnité.
.
D'autre par~, il est incontestable que celui qui,
voulant bâtir sur une rue, a obtenu son aJi~nement,
peut construire son m,ur s.ur cet ali~nement,
formant Je bord de la rue, et y ouvrir ses portes
d'entrée et de sortie, ainsi que ses,fenètres d'aspect direct: il faut donc qu'il' ait à cet égard un
droit de servitude sur la l'ne, puisque a1J.u;ement,
et aux termes de l'art. 678 du Code, ilsel:a.it oblig~
de reClllf'r sa constl'llction à la distance de dix-neuf
?~Cilll~tres sur son propre terrain.
�DU DOMAINE PUBLIC.
521
D'ailleurs, les droits dont il s'agit ici ne sont
pas concédél) gratuitement, mais se trouv·ent compensés par la st'rviturie souvent très-onéreuse de
l'alignt'ment, et par les antres charges imposées
aux riverains des routes et des rues.
Il y a pIns encore : c'est que. la loi qui établit
un impôt sur les portes et fenè.tres suppose nécessairement que c'est à titre de propriété incommutable, et non à titre précaire, que leur usage appartient aux maitres de maisons, parce que ce
n'est toujours que ]a propriété, ou le droit de propriété, que la loi sur l'impôt foncier veut atteindre.
Enfin le principe de la doctrine que nons professons ici a été consacré par un arrêt Q.~ la Cour de
cassation du II février J828 (l), et l'avait deJà·été
par un arrêt du conseil d'état du 21 novèmbre
180X
(2).
Ces principes sur lesquels nous avons dt). insister
à cause de leur importance, étant posés, il nous
reste à en signaler les principales conséquences
pratiques. Il en résulte,
374. 1°' Qu'il ne peut être permis de supprimer nne rue pourlui assigner une autre destination,
sans le consentement des propriétaires de maisons
qui y ont leurs jours et lenrs issues, à moins que la
suppression n'ait lieu pour cause d'utilité publique
(1) Voy. au journal des audiences, vol. de 1828, pag. 124.
(2) Voy. au recueil de SIRET, t. ter, p. 213, nO 204.
�~22
nAITÉ
reconQue, et qu'il ne soit allo.ué à ces propriétaires
une juste indemnité pour compenser la perte des
~ervitudes dont ils seront privés à l'avenir (1);
375. 2 0 Qne toutes lesconte&tations qui peuvent
s'élever sùr le fond du droit relativement à l'exis~ence, l'exercice et à la jouissance de ces servitl;ldes, doivent être portées en justice ordinaire,
cpmme étant des questions de propriété (2);
316. 3° Que, s'il y a an hUlrd de la route ou de
la rue un fossé ou un aqueduc à traverser pour arr~"er à la maison, c'est au propJ;iétaire de l'édifice
à y faire un pont pour franchir le canal 'sans l'ohstruer, attendu que c'est toujours à celui auquel
la servitude est due à faire les ouvrages nécessaires
ppur pouvoir en ~ouir ( art. '697 et 69~ Cod. civ.);
37'. 4° Que, dans Je cas où une administration
Dlunicipale, agissant même en vertu des autOl'Ïsations prescrites par la loi, aurait cédé un terrain
ou une pvrtion de terrain communal à un particulier pour y Lâtir une maison, cette concession
,n'4IDlpê~herait point les tiers intéressés -de s'oppo~er à l''exécution de la construction projetée, s'ils
dev~iellt en être lésé&dans leurs droits de propriété
QQ. d.e &eryilQ.de, att~ndu qu'une conçessioll de
(1) Voy. à cet égard l'art. 54 de la loi du t6.septembre 1807,
bullet. t. 7, p. 140, 4" sérié.
(2) Voy. l'arrêt du conseil du 21 juin 1826, dans MACAREL,
1.8, p. 344.
�DU
DO}{A~E
PUBLIC.
523
cette nature, ne pouvant avoir pour objet qne le
droit communal de la corporation dont elle émane,
ne saurait atteindre des droits de propriété ou de
servitude qui appartiennent à des particuliers, non
comme simples hahitants du lieu, mais comme
personnes tierces ayant ces droits à eux propres (1).
----,-----~---~--------~,r_
(1) VOY" à cet ég~rd l'alll!~t du llQQ&,a clu 1Q téniew 1816,
dans le ~ecueil de SIR.!}r, t. 3, p. 219~
Voyez lIussi, pour quelques nouveaux développements sur
celte import.mte question, le commenta.ire de l'art. ~9 de Ja llli
du 21 mai 1836, inftà, tom. 2.
�52!-
TRAITE
CHAPITRE XXVIII.
De la police réglementaire ou'. de prévoyance, relative à la
voirie urbaine.
378. Dans tous les. temps les propriétaires de
hâtiments menaçant ruine au préjurlice de la sûreté
des voisins ou du public ont été obligés ou d'abandonner leurs édifices, ou de répond,'e des dommages ql.li pourrai en t i-ésulter de leur chute, même
de les démolir avec précaution POUl- prévenir les
accidents à craindre d'une chute possible: Non
iniquè praetorem cura(urum ut dominus vitiosarum qedillm, aut damnum sarciat, aut aedihus çQ,.lleat (1,). E.t, eu égard à l'urgence qu'il y
a le plus ordinairement de terminer ces sortes de
causes où la sûreté publique se trouve intéressée,
c'est pardevunt les officiers municipaux, comme
magistrats établis sur les lieux, q'u'anciennement
elles devaient être d'abord portées : Citm res
damni infecli celeritatem desiderat, et pericu/osa dilatio praetori videtur, si ex hde causd
sibi' ;urisdictionem reservaret; magistraûhus
municipalihus delegandum hoc rectè putahit (2).
Si de là nous passons aux développements plus
(l) L. 9 in princip., if. de damno inficto, lib. 39, lit. 2.
(2) L. 1, if. coa.
�DU DOMAINE PUBLIC.
525
étendus qui ont été récemment donnés par nos lois
sur cette matiere , en nous attachant à les rapportel'
dans leur ordre chronologique, nous verrons, d'abord:
Qu'aux termes du paragraphe final de l'art. 50
de la loi des 14-22 décembl'e 1789, sur la première
organisation des municipalités, cc les fonctions
» propres au pouvoir municipal sont ..•.• de faire
» jouir les habitants des avantages d'une bonne
~~ police, notamment de la propreté, de la salu» brité et ~e la tranquillité dans les rues, lieux et
» édifices publics. »
379. Que, suivant l'article 3 , tit. I l , de celle
des J 6-24 août 1790 sur l'organisatiqn judiciaire,
ce les objets de police confiés à la vigilance et à
» l'autorité des corps municipaux, sont:
» 1 0 T011t 'ce 'qui intéresse la sûreté et la comn modité du passage dans les r,ues, les quais, places
» et voies publiques, ce qui comprend le net» toiement, l'illumination, l'enlèvement des enn combrements, la ,dém2~i~ion ou la réparation
~> des bâtiments menaçant l'uine, l'interdiction de
,., rien exposer aux fenêtres ou autres parties des
» bâtiments qui puisse nuire par sa chute, et celle
,> de rien jeter qui puisse blessel' ou enùommaget·
» les passants, ou causer des exhalaisons nui» sibles;
» 2° Le soin de répl'imer et de punir les délits
» cOlitre la tranquillité publique, tels qne les
» rixes et dispules acc9mpagnées d'ameutemel1ts
�526
TRAITÉ
dans les rues; le tuttllUte excité da us lèS lieux
» <Pas.5t'mblées publiqnes; les bruits et atl1'Oupe» mènts nocturnes qui troublent le repos des ci» toyens;
» 3° Le maintien du bon ordre dans les en~
» droits où il ~e fait de grands rassemblements
)' d'h'ommes, tels que les foires, marchés, réjouis:» sah~es et cétem'onid puliliques, spectacles, jeux,
» cafés, églises ~t autres lieux publics;
» 4° L'inspectit>h sur la fidélité dû débit des
j , denrées qui se vendent au pt>ids , à l'aune 011 à
:» la mesure, et sllr la salubrité des ct>meslibles
)' e1tposés en vente publique;
» 5° Le soin de prévenir, par les précautions
)j conyenàbles , et celui de fuire cesser; pal' la dis..;
)' tributioti des seconrs nécessaires, les accidents
:>, et fléaux calamiteux, tels que les it)cendies fies
:>, épidémies, les épizooties, en provoquant allssi,
) dans ces derniers cas, l'autorité des adminlstra) tions de département, et de district (aujour» d'hui les préfets et sous - préfets) ;
» 6° Le soin d'obvier oil de rèmédier aux év€» .nements Behen'! qui pOUl'raient êtré occâsl milés
» par les insensés on les furieux laissés en liberté
:Yl et par la divagation des animaux malfaisants du
n féroces. »
380. C'est dans le même esprit que la ioi des
19' 22 i uillet 179 1 sm la police municipale pOl'le f
article 18, tit. 1 er , qne « les refus on la négligence
') d'exécuter les réglements lie v~irie, Ou d'obéir
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
)~
521
à la sommation de réparer ou démolir les édifices
menaçant ruine sur la voie puhlique, seront,
» outre les frais de la démolition ou de la répara~~ tion de ces édifices, punis d'une amende de la
» moitié de la contribution mobilière; laquelle
)~ amende Ile pourra être au-dessous de six livres;»
amende qui est aujourd'hui réduite à un autre taux
par l'art. 471 du Code pénal.
381. A quoi l'article 46 de la même loi de 1791,
ajoute: cc Aucun tribunal de police municipale, ni
» âucun corps municipal, ne pourra faire de régie» tuent: le corps municipal néanmoins pourra,
» sons le nom et l'intitulé de délibérations ~ et
» sauf la réformation, s'il y a lieu, par l'ad mi» nistration du département (aujourd'hui le pré» fet) , sur l'avis de celle du district (aujourd'hui
» du sous-préfet), faire des arrêtés sur les objets
» qui suivent:
» 1 0 Lorsqu'il s'agita d'ordonrrei:' les précau» tions locales sur les objets confiés à sa vigilance
)~ et à son autorité par les articles 3 e( 4 du titre
» 11 du décret sur l~otganisati{jn judiciaire
» (c'est cè qu'on vient de rapporter ci-dessus);
0
» 2
De publier de nouveau les lois et régle» ments' de policé, ou de rappeler les citoyens à
» leur obsèrvaLÏbn. ),.
382.' Est survenue ensuite la loi ÙU 28 pluviôse
an 8, qui a concentré dans les prétèts les pouvoirs
administratifs jusque là exercés par les direcLOil'cs
de département, et dans les maires ceux des admi.
»
�528
TlWTÊ
nistrations municipales: en sorte que ce sont les
maires qui se trouvent aujourd'hui investis du droit
de faire des arrêtés pour ordonner les prrJcautions locales SUI' les objets de la voirie U1'haine
signalés plus haut, sauf réformation, s'il y li
lieu, èomme le porte l'art. 46 de la loi du 22 juillet 1791 : ce qui signIfie que leurs arrêtés doivent
être exécutés tant qu'ils ri'auront pas été réformés;
et non pas qn'ils ne sont exécutoit'es qu'après a\'bir
été approuvés par les préfets (Li).
383. EIifin ce pouvoir munjcipal; établi par
l'ensemble des, diverses lois qu'on vient 'de rappeler, se trouve éricore confirIiuf par llart~ 95 de
celle du 28 avril 1 832,introductive de divers aniendemerits aü Code pénal. On lit en effet au S 15, ou
(a) Ces diverses dispositioM ont été presqile textuellement
renouvelées par la loi du iS juillet 1837, ainsi conque sur l'ob~
jet qui nous occupe:
Art. 9. - " Le maire sera chArgé sous l'autorité de l'admili nisthHion supérieure:
» I o De la publication et de l'exécution des 101s et régie.,;
ments;.
II 2° Des fonctions spéciales qui lui sont attribuées par Id
" lois;
3° De l'exécution des mesures de sl1retll générale...
Art. 10. - " Le maire est chargé sous la surveillance de
» l'administration supérieure:
IoDe la police municipale, de la police rurale et dé la
voirie municipale, et de pourvoir à l'exécution des actes de
li l'autorité supérieure qui y sont relatifs;
• 2° De la conservation et de l'administration des propriétés
l)
J)
l)
l)
�52~
DU DOMAINE PUBLIC.
'\
il la fin de cet article; que le tribunal de police
simple doit pnnir d'une amenùe, depuis un franc
jusqu'à cinq francs inclusivement, « ceux qui au» l'ont contrevenu aux réglements légalement faits
» par l'autorité administrative, ,et ceux qui ne
» se seront pas conformés aux réglelllents ou ar» rêtés publiés par l'autorité municipale, en vertn
» des al,ticles 3 et 4, titre I l , de la loi du 24er
» août 1790, et de l'article 46, titre 1 , de la
» loi du 22 juillet 17910 »
1
384. On voit, par le premier paragraphe de
l'art. 3, titre 11, de la loi du 24 août 1790' ainsi
que par l'art~ 18 de celle du 22 juillet 1791, rapportées ci-dessus, qu'en ce qui toucbe aux réparations et démolitions ùes édifices menaçant ruine sur
la voie publique; le maire peut exercer les mêmes
pouvoirs qu'en ce qui conct!rne le désencombrede la commune, et de faire en conséquence tous actes
conservatoires de ses droits;
n 3°.... »
Art. 11. - u Le maire prend des arrêtés à l'effet" :
» 1° D'ordonner les mesures locales sur les objets confiés
» par les lois à sa vigilance et à son autorité;
» 2° De publier de nouveau les lois et réglements de police,
» et de rappeler les citoyens à leur observation.
» Les arrêtés pris par le maire sont immédiatemerlt adressés
Il nu sous-prèret. Le préfet peut les annuler ou en suspendre
Il l'exécution.
» Ceux de ces arrêtés qui portent réglement pennanent ne
» seront exécutoires qu'un mois après la remise de l'amplin_
tion constatée par les récépissés donnés par le sous-préfet. »
»
»
l)
TOM. 1.
34
�,
530
TRAITÉ.
.. ment des rnes : d'où il résulte que, comme il peut
directement, el sans attendre le prononcé d'aucun
ju~einent, ordonner le nettoiement d'une rne aux
fl'ais de. celui sur leqnel pese celle charge, de
même ; ~t 'à 'plus forte raison, il peut directement
ordonner, aux dépens du propriétaire, la démoli·
tian ou réparatIon d'un édifice menaçant ruine aU
préjudice de la sûreté publique: car du moment
que ses fonctions lui iniposellt le devoir de faire
jouir les habitants de toute la sécurité que les lois
leur garantissent, il faht, par une, conséquence
nécessaire, qu'il ait aussi le droit d'oréionner la mesure qui seule doit conduire à cette fin (1).
Néanmoins les démolitions et réparations dont il
s'agit ne doivent être ordonnées par le maire qu'après qu'il a été reconnu; par gens de ·1'al't, qu'il
y a péril imminent, comme lorsque les murs de
face sont inclinés, ou surplombent de plus de la
moitié ,le leur épaisseur (2), et après que le propriétaire, requis de faire l'ouvrage lui-même, a
refusé ou négligé d'obtempérer à la sommation qui
lui a été donnée à ce sujet,
Dans tous les cas le propriétail'e peut exerce son
recours an préfet, comme cela se pratique eu fail
de difficultés qui ne tombent point dans le contentieux.
(1) Voy, à ce sujet l'arrêt du conseil du 16 juin 1824 , dans
t. 6, p. 331.
(2) Voy. l'arrêt du conseil du 19 mars 1823, dans MACAB.l!L ,
t. 5, p. 209.
MACAIIEL ,
�DU DOMAINE PUBLIC•
5&1
. 385. On voit ~ par tout ce qui a été dit ci·des':'
sus, que, lorsqu'il s'agit de l'exécution des dispositions générales des lois ou réglements sur la voirie urbaine, et qu'il faut les appliquer soit à des
sujets positivement prévus, soit même à des objets
de détail qu'elles n'ont pas explicitement signalés,
il est de l'office des maires de prendre à ce sujet
des anêtés qui sont obligatoires pour les tribunaux, pourvu qu'ils n'établissent pas d'autres
peines que celles qui sont décrétées par les lois;
- mais les tribunaux ne pourraient se refuse'!' d'appliquer ces dernières aux faits particuliers de contravention prévus par l'arrêté municipal.
386. C'est par applièation de ces principes que~
par arrêt de la Cour de cassation du 20 juin J~12,
il a été jugé qu'llU maire avait pu défendre, sous
les peines portées par l'artide 471 du Code pénal;
de laisser divaguer dans les voies puhiiques d'une
ville les porcs; les oies et les canards ~ au préjudice
de la propreté ou de la sûreté (les rues (1) ;
387. Que, par un antre arrêt de la même Cour
du 14 octobre 1813, il a été ,jugé qu'nn maire
avait pu, sous les mêmes peines, défendre aux
propriétaires des maisons situées dans une ville
d'avoir des gouttières saillantes dans les rues (2);
388. Qu~, par uri troisième arrêt deh même
Cour du 23 avril 1819, il a été 1ugé que ie nIaire
(l) Voy. dans le grand recueil de M. DALLOZ. , t. 2, p. 131.
(2) Voy. dans le répertoire, au mot voirie, nO 7,
�TRAITÉ
d'une commune avait pu défendre sous les mêmes
peines, aux propriétaires de maisons situées dans
une ville ou ses faubonrgs, d'en reconstruire ou
réparer les èouvertures aV«:lc de la paille ou des roseaux (1);
389. Qne , par un quatrième arrêt de la même
Cour, du 6 février 1823 1 il a été jugé que le maire
de Salies avaitpti 6rdonner, toujours sous la même
peine, l'enlèvèment des fumiers déposés le long
d'une rue, commè nuisant à la salubrité publiqne (a).
.
390. Telle est donc la différence qui existe
entre le domaine public municipal et le domaine
communal, relativement à la compétence de l'autorité qui doit en connattre, que le maire de la
commune peut, par nn simple arrêté émané de
lui, mais sauf le recours a,'1 préfet, ordonner l'enlèvement de tont dépôt ou encombrement qui
gênerait la liberté de la circulation dans les rues
et places publiques, ou qui porterait atteinte à la
salubrité; tandis 'qu'il serait obligé de recourir à
l'autorité de la iustice ordinaire pou'r faire cesser
l'occupation d'un telTain simplement communal,
ou pour le rendre libre des dépôts qui y auraient
été faits.
(1) Voy. dans le grand recueil de jurisprudence générale de
M. Dalloz, t. 2, p. 151.
(a) Dalloz, vol. de 1823, p. 59. - Voy. encore d'autres
eXf'mples daus l'excellent Traité de la compétence des juges de
paix, par Curasson, tom. 1er , 1re partie, section 3, nOS 9 et 10,
p. 63 de la 2e édition.
�•
DU DOMAINE PUBLIC.
533
La raison de cette différence d'action consiste
en ce que, les places ou les droits qui font partie
du domaine municipal étant des choses publiques
et imprescriptibles, personne ne peut prétendre
y avoir acquis un droit particulier et exclusif de
l'usage de tous autres; tandis qu'au contraire le
domaine communal, qui est un domaine de pro-'
priété ,est sujet à la loi de la prescription, et qu'en
conséquence celui qui l'a occupé pendant un temps
peut y avoir acquis un droit de propriété ou un.~
droit d'usage à tilre de servitude., sur lesquels les
tribunaux sont seuls compétents pour. prononcer.
Les attributions du pouvoir municipal s'étendent
encore à d'autres objets qui ne sont pas d'une
moint1re importance: c'est lorsqu'il s'agit d'opérer
des améliorations dans la viabilité des rues, ou
d'assigner l'emplacement à de nouvelles .communications intérieures: sur quoi nous ne pouvons
lDie~x faire, que de rapporter et cornmenter
ici quelques articles de la loi du 16 septembre,
1807 (1), qui, quoique portée principalement pour
stalUer sur l'exécut.ion des dessechemenl~ de ma-.
rais, renferme aussi diverses disposilionsconcernant
la voirie urbaine.
ARTICLE
~~
~~
49'
391. cc Les terrains nécessaires pour 1'0 verture des canaux et rigoles de dessechement, des
canaux de navigation, de routes~ de rues, La
(1 ) Voy.
{lU
hullet. t. 7, p. 138, 4" série.
�53r~
TRAITÉ
»jormation des places> et autres travaux d'une
utilité générale, seront payés à 1('Ul's proprié)' taires, à dire d'experts, d'après leur valeur
" avant l'entreprise des trav:mx, et sans nulle
» allgmentation du prix d'estimation. ),
De routes, de rues, dejormation des places:
il est parfaitement ltémontré par là que nous avons,
eu raison de dire que les rues et places des villes
et des communes sont véritablement une fraction
du domaine public, et que c'est par une grossière
erreur de principe que certains auteurs veulent
qu'on les regarde comme étant la propriété des
villes. Cette erreur est évidemment condamnée par
ce texte, qui classe les rues et places dont il s'agit,
d.ans la même catégorie que les routes et les canaux
de navigation.
Seront payés
à dire d'experts:
en 1Ho7' époque où celle loi a été portée, l'expropriation s'opérait par une simple expertise faite
entre l'administration et les propriétaires; sons,
l'empire de la loi du 8 mars 1810, celle expertise
devait être judiciairemen t faite, en cas de désaccord,
entre le propriétaire et l'administration; mais
aujourd'hui, d'apl:ès la loi du 3 mai 1841, l'estimalÎo~ doit avoir lieu par I1n juri spécial composé
de d~uze membres choisis par la COllr royale,
les chambres assemhlées, sur une liste dressée pal' '
le eonseil général du département.
Sans nuLle augmentation du prix d'estimatian: c'e3t-à-Jire qne, quoique le terrain cédé
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
535
devienne plus précieux par la destination qu'on lui
donne, on n'en doit pas moins borner le prix à cc
q'..l'il valait réellemcn t, pOil l' son propriétàire,
dans son état primitif (a).
ARTICLE
50.
392. cc Lorsqu'un propriétaire fait volontaire), ment démolir sa maison, lorsqu'a est forcé de
), la démolir pour ca1,?se qe vétusté, il n'a droit à
" indemnité que pour la valeur du terrain délaissé,
') si l'alignement qui lui est donné par les au lori" tés compétentes l~ fo~ce à reculer sa construc" tion. "
Fait volontairement démolir sa maison:
c'est-à-dire que, quand le propriétaire a lui-même
démoli sa maison, la loi, né voyant plus qu'un
terrain vide là où étai,t son édifice, veut que l'estimation de l'emplacement qu'il doit céder pour
(a) Cette disposition a été introduite dans la loi de 1807 pour
abroger un usa'ge qui exist;lÎt autrefois dans certaines focalités,
notanlIl~ent dans le ressort du pa~lement de Provence, et d'aprèg
lequel le prix de la vente forcée devait être augmenté d'un
cinquième en sus de la valeur réelle du fonds. Bien que la
disposition de la loi de 1807, qui nous paraît juste quoi qu'en
drs.ent MM. Merlin CV. répert., retrait d'utilité publique) et
Cotelle (tome 1·', page 281), n'ait point été reproduite duns.
les lois de 1&10 et 1841, nous pensons qu'elle n'est point
abrogée, d'abord par la première dont l'art. 27 n'abroge que
les articles de la loi de 1807 qui lui sont contraires, et ensuite
par celle de '1841 qui ne parle point de celle de 1807, et qui,
par conséquent, n'a pas voulu en détruire l'effet.
�536
TRAITÉ
satisfaire à l'alignement donné ne comprenne que
le pri x du sol n 11 •
Lorsql!-~il estftrcé de la démolir pour cause
de vétusté: c'est..à-dire que; soit qu'il s'agisse
d'une démolition puremelll volontaire, soit qu'il
s'agisse d'une déniolition forcée par les vices dn
bâtiment qui menace rnin~, la portion de terrnin
qui est à céder ne Jo~t toujours être estimée que
suivant la valeur d'nn sol libre.
On conçoit parfaitement que, dans l'une et
l'autre de ces hypothèses, la disposition de la loi
est juste à l'égard du propriétaire qui ne vent pns
reconstruire, parce qu'on ne le prive de rien autre
chose qne du soLolême qu'on lui enlève; mais elle
para~t bien rigoureuse à l'égard de celni qui aurait
voulu faire Ill)e nouvelle construction, parce qu'il
peut, à raison de la convenance et de l'utilité don t
le lenain relJ:ancbé.lui aurait été pour augmenter
son bâtiment et le distl'ibuer convenablement,
éprouver une perte plu~ considérahle que celle de
la llimple privation de sQn l~rt'ain, même évalué
comme place à bâti,' et au taux que lui serait payé
le tenain du surplus de sa maison, si le sol lui était
pris en totalité.
Cependant 01) peut dire, pour justifier le syst~çne de la loi, qll'il e:;t plus simple; qu'il est d'une
exécution plus facile; et qu'il tend aussi à éviter des
injustices dans un autre sens, en ce que, ponr
obtenir de plus fortes. iudemnités, les pr9priétaires
ne manqueraient jamais d'allégucl' qu'ils avaient le
�DU DOMAINE P.;IJllLIC.
537
dessein de rebâtir, N què,. dans tous les cas, les
raisons de convenances sont très·difficiles à apprécier.
ARTICLE
51.
393. cc Les maisons et bâtiments dont il serait
;) nécessaire de faire démolix ·ou d'enlever une
;) portion pour cause d'u~ilité publique légalement
» reconnue seront acquis en entier si le pro prié" taire l'exige (a), sauf à l'administration publique
» ou aux conmlunes à revendre les portions des
» hâtiments aimi acquises, et qui ne seront pas
» nécessaires pour l'exécution du plan. La cession
:» par le propriétaire à l'administration publique
:» ou à la commune, et la revente, seront effec» tuées d'après un décret rendu en conseil d'état
(a) M~me disposition dans le premier § de l'art. 50 de la loi
du 3 mai 1841, qui porte que: « les maisons et bâtiments dont
n il est nécessaire d'acquérir une portion pour cause d'utilité
" publique, seront achetés en entier si lp.s propriétaires le
" requièrent par une déclaration formelle adressée au magistrat
" directeur du jury, dans le délai énoncé en l'article 24...
Quelque faible que soit la portiQI) que l'on retrançhe des maison&
et bâtiments, il Y a ~écessité pou~ l'administrati<1n d'acheter le
tout si le propriétaire l'exige, parce que des IJâtiments sont
considérés comme un.e chose indivisible. C'est là une différence
avec les propriétés non bâties que l'administration n'est obligée
d'acquérir en totalité quand elle en prend urte portion, qu'en
cas de concours de ces trois circonstances: 10 qu'on laisserait au
propriétaire' moins du quart de son fonds; 20 que ce quart aurait
moins de dix arfS de superficie; 30 que le propriétaire' ne posséderait aucun autre terrain immédiatement contigu (2 e § du
m~me art. 50).
�538
TRAITÉ
IlOr le rapport du ministre de l'intérieur, dans
» les formes prescrites par la loi. "
Les maisons et bdtiments
seront
acquis en entier si le propriétaire l'exige:
nous avons "u, dans J'article qui précède, que,
quand la démolition d'un édifice a eu lieu par le
fait du propriétaire agissant volontairement, ou
même par nécessité, ell égard à l'état ruineux du
hâtiment, le terrain qui est pris pour l'incorporer
à la voie publique ne doit être payé qu'au prix.
estimatif d'un sol vide. Il en est autrement ici:
~ar, du moment que c'est pour cauSe d'utilité puhlique qu'on procède à la çlémolition J'un bâtiment
qui sert au propriétaire, et qui peut être en bon
état, le prix estimatif doit porter également sur la
valeur du sol et celle de la superficie, puisque Je
maître se trouve tm;Jt-à-Ia-fois privé de l'un et de
l'autre.
Et, çOmllle ce propriétaire serait constitué en
perte s'il était obligé malgré lui de souffrir le 0101'celeù~eJ,1t de sa maison, la loi veut qu'il puisse
exiger que le fout soit compris dans la vente.
394. Sauf à l'administr.ation publique ou
aux communes .. etc., êtc. : c'est-à-dil"c qùc,
comme la charge de l'indemnité due au pt:"opriétaire dont on prend le fonds pèse sur l'état lorsqu'il
s'agit de la confection ou de l'alignement d'une
grande rQ1,lte on de tout autre établissement d'utilité générale; ou sur les départemeuts quand le
terrain est pris pour l'occupation d'une route
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
539
départementale; ou enfin sur la commnne de la
sitltation 10rllqu'il s'agit du percement on LIe l'élargissement de ses rues: de même et réciproq uemen t
c'est au profit de l'état, ou des départements, ou de
la COllllUune, que la reven te du terrain restant doit
avoir lien (a).
La cession par le propriétaire. . . .. et la
revente seront effectuées par un décret rendu
en conseil d~état : la rè~le générale est qn'il f1tut
recourir au pouvoir législatif toutes les fois qu'il
s'agit d'acquisition ou de vente ù'Îmmeubll's à faire
dans l'inL/-rèt de l'état ou des communes; mais il
est ici dérogé à cette règle en faveur de la voirie 7eu égard au peu d'importance des parcelles de tt'rrain sur lesquelles portent ordinairement les ventes
et reventes de ce genre, ed la multiplicité des détails dont il serait fastidieux d'occuper la législa~
ture (h).
(a) Le propriétaire qui, usant du droit que lui confère l'art.
51 de la loi de 1807, aurait contraint l'administration à lui
acheter la totalité de son bâtiment, ne pourrait ensuite invoquer
le privilége accordé par l'art. 60 de la loi ,du 3 mai lR41,
d'exiger la remise des portions non employées aux travaux:
11art. 62 de la même loi déclare positivement que cet avantage
ne peut étre revendiqué par celui qui a forcé l'administration
à l'acqllÎsition totale.
(h) D'après l'art. 46 de la loi du 18 juillet 1837, qui autorise
les acquisitions et vente~ faites par les communes en vertu d'une.
délibération du conseil municipal rendue exécutoire par arrêté-_
du préfet en conseil de préfecture, quand il s'agit d'une valeur
n'excédant pas 3,000 fI'. pour les communes dont le revenu est
�540
TRAITÉ
" Une chose particulièrement remarquable qui
résulte de l'ensemble de cet article 51 et de l'article 52, c'est que, lors même qu'il ne s'agit que du
déplacement ou de la démolition d'une seule maison, il faut un décret du gouvernement comme
s'il s'agissait d'établir un plan général d'aligne-,
ment.
ARTICLE
52.
395. c( Dans les villes, les alignements pour
" l'ouverture des nouvelJf's rues, pour l'élargisse:» ment des anciennes qui ne font point partie
» d'nne ~rande route, ou pour tant autre ohjet
» d'utilité publique, seront donnés pal' les maires,
;» conformément aux plans dont les projets auront
» été adressés aux préfets, transmis avec leur avis
" au ministre de l'in lérieur, et arrêtés en conseil
" cl'état.
» En cas de réclamation de tiers intéressés, il
" sera de même statné en conseil d'état sur le rap» port du ministre de l'intérieur Ca). )}
Cet article donne lieu à beaucoup d'observations;
inférieur à 100,000 fI'. et 20,000 fI'. pour les autres, on pense ,
que les ventE'S et reventes en question, lorsqu'elles rentreront
dans les limites ci-dessus, pourront s'opérer de cette"manière
sans ordonnance royale rendue en conseil d'état.'
Ca) Neuf circulaires du ministre de l'intérieur en date des 18
août 1808, 16 novembre 1811, 29 octobre 1812, 17 juillet et
17 août 1813,23 février ct 2 octobre 1815,7 avril 181H et 23
aoû t 1841, ont réglé l'exéculion de cet article en indiquant les
localités où l'établissement d'uu 'plan d'alignement est obliga-
�DU DOMAINE PUBLIC.
541
nous allons en reprendre successivement les princi pales ex pressions.
396.
Dans les villes~ les alignements pour
•
toire, ainsi que les formes dans lesquelles il doit être dressé et
soumis à l'enquête.
De leur ensemble il résulte:
1 ° Que la nécessité d'un plan général d'alignement n'existe
que dans les villes dont la population est de 2,000 ames et au:'
dessus. (Cireul. des 17 août 1813 ét 7 avril 1818,)
2° Que ces plans levés par un homme de l'art, ingénieur,
architecte ou géomètre, choisi par le maire, doivent être rapportés: ceux généraux ou d'a'ssemblage à l'échelle d'un demi..
millimètre par mètre, et ceux de division oU de détail à l'échelle
de deux millimètres pour mètre;
3° Que sur chaque plan le nord doit être placé au haut 'de la
feuille;
4° Que les plans dressés en triple exemplaire, signés de leurs
auteurs et certifiés par le maire, doivent former un atlas dorit
chaque feuille aura un mètre de long sur 65 centimètres de hailteur, pliée en deux;
5° Que les propriétés auront leurs faces actuelles sur les
- voies publiques, tracées en lignes noires avec indication des séparations respectives desdites propriétés; que ces faces seront
lavées en gris pour ce qui est bâti, et en couleur de terre ou
bistre 'clair pour ce qui ne l'est pas; que les cours d'eau apparents sèroht lavés en couleur d'eau, et ceux des eaux couvertes
ponctués et lavés plus pâle; et que les clôtùres en murs, palissades et haies seront indiquées;
6° Que les alignements proposés seront tracés en lignes
rouges; ce dont on avancera en rouge pâle, et ce dont on reculera en jaune; que les projets généraux de percements et
d'embellissements seront ponctués en rouge;
7° Que l'on distinguera dans les états des rues annexés aux
�542
TRÀ1TÊ
l~ouvertlLre des nouvelles rues ou pour L~éla,.
gissement des anciennes: celte loi ne statuant
explicitement que Sllr la cause des villes, la pre-
•
plans, celles qui srint traverses de grandes routes, et qu'il sera
proposé des noms aux rues, places, etc., qui n'eil out pas;
8 0 Que les plaris terminés avec l'es alignements que le maire
yaura fàit tracer seront soumis au conseil municipal appelé, par
le nO 7 de 'rart. '19 de la loi du 18 juillet lf\37, àdélibérer sur
« l'ouverture des rues et places publiques, et les projets d'ali.;
... gnement de la voirie municipale; »
9° Qu',ensuite ces plans seront déposés à la mairie pendant
quinzè jours, pour que chaque hahitant puisse en prendre connaissance; qu'à l'expiration de ce délai, un commissaire désigné
par le préfet recevra à la mairie, pendant trois jours consécutifs,
les déclarations et oppositions des hahitants'; que ces délais pour
le dépôt des pièces à la mairie et pour là durée de l'enquête et
qui pourront être prolongés par le préfet, ne courront dans tous
les cas qu'à dater de l':Ivertissement donné par voie de publication et d'aflïches; formalité dont l'accomplissement sera justifié
par un certificat du maire. (Art. 3 de l'ordonnance royale dù
23 août 1835);
10° Qu'après avoir clos et signé le registre de ces déclara'::
tions, le commissaire le transmettra immédiatement au maire,
avec son avis motivé et les autres pièces de l'instruction qui auront servi de base à l'enquêtê; que si le registre d'enquête con.tient des déclarations contraires à l'adoption du proj~t, ou si
l'avis du commissaire lui est opposé, le conseil rimnicipal sera
appelé à les examiner, et émettra son avis par une délibération
motivée, dont le procès- verbal sera Joint aux pièces; que dans
tous les cas, le maire adressera immédiatement les pièces :lti
sous-préfet, et celui-ci au préfet, avec son avis motivé. (Art. 4
de ladite ordon01lDce);
11 0 Que le préfet enverra le tout, avec son avis motivé, al.l mi
�DU DûM.A.INE PUBLIC.
543
mière question qui se présente ici à examiner consiste à savoir comment on doit procéder en fait
d'alignement de rues dans les bourgs el villa~es.
. Pour bien saisir ]a réponse à celte question, il
faut remarquer deux. choses:
1° La faculté dont les maires sont généralement
revêtns par les lois pour donner les alignements en
matière de petite voirie;
2° La restriction que les auteurs du présent article ont voulu apporter à cette faculté, eh la borllant à l'application des plans géné,'aux d'alignements, pour contraindre par là les administrations
municipales à provoquer la confection de ces plans.
Sous ce second point de vue, dont nons nous
occuperons spécialement plus bas, il est bien certain que notre article n'a été conçu que dans l'intérêt des villes, puisque Ce n'est que dans les villes
qu'on doit dresser des plans généraux d'alignements.
1
Mais, loin qu'il soit permis de conclure ele là
que, dans les bourgs et villages, les maires n'ont
1
nistre de l'intérieur, sur le rapport duquel les alignements seront approuvéS en conseil d'état. (Art. 5 de ladite ordonnance);
12° Que si les plans contenaient des projets d'ouverture et de
formation de rues ou autres voies publiques nouvelles, il faudrait en Olitre procéder à cet égard, et après l'approbation du
plan, aux enquêtes spéciales et autres formalités prescrites par
le titre 2 de la loi du 3 mai 1841 (art. 4, 5,6, 7, 11 et 12), et
par les instructions antérieures, notamment par celle du 23
janvier 1836.
�514
TRAITÉ
pas le droit de donner des alignements à ceux qui
veulent y consu'uire des maisons, il faut dire ail
contraire que leur faculté.à '(:et égard est moins
gênée, puisqu'ils ne sont assujettis à y suivre aucun
plan d'alignement autre qne celui que les conve;;'
nances locales et les réclamations des hahitàhts
peuve'nt leur indiquer connue étant le plus juste
efl Je plus avantageux à leur comruune.
Que si là où il existe des agglomérations considérables d'habital;ts, il est plus urgelù de procurei'
des aIsances dans les l'IleS, et d'y favoriser, a.utàl1t
que possible, la distribution de la lumière et la circulation de l'air; que si là les hesoins d'une communication facile se font mieux: sentir, ce n'est pas
une raison pour privedes hahitants des campagnes
de la protection de l'administràtion à l'effet de Satisfaire à des besoitis qui, quoiqiie moins multipliés, peuvent être aussi vivement ressentis, et,
puisque, par lems utiles tl'avaux, ils paient leuî'
dette à la société; et Sllppol'tent leur partdes chai'ges
communes; il est bien j liste qu'ils participent aux
avantages des mesures de prévoyance établies par
les lois; ponr la sûreté et les aisances de tons.
Si nons voulons rattacher ici le point de droit
aux lois qui ont précédé celle de 18°7, il est également incontestable:
397. Que le pouvoir municipal n'est pas d'une
autre nature dans les villes que dans les carri.l
pagnes;
�545
DU DOMAINE PUBLIC.
Que les réglements d'ordre public veulent également que parlout l'autorité veille à la sûreté et
au bien-être des citoyens; qne partout elle s'oppose
à ce que les particuliers commettent sur la voie
publique des anticipations qui, par la suite, pourraient occasionner des accidents et des malheurs,
et que partout elle fasse ses efforts pour rendre la
viabilité des chemins plus facile;
Que telle est la volonté du législateur, positivement exprimée par l'article 50 de la loi du 18 décembre i789' et l'article 3, titre Il, de celle ÙU 24
août 1790, rapportés ci-dessus (1); que, du moment qne ces lois ont chargé le pouvoîr municipal, partout où il est établi, e't sans distinclÏon des
villes, bourgs et villages, de pourvoir à ce qui in-
téresse la sdreté et la commodité du passage
dans les rues; et, du moment que l'assignation.
des alignements est le moyen principal J'arriver à
ce but, il est nécessaire de conclure que cette assignation se trouve Jans les attributions des maires
de campagne comme dans celles des maires des
villes. Autrement il faudrait dire que les lois OAt
chargé ces magistrats d'une impurtante mission,
sans les armer du pouvoir indispensable pour la
remplir, ce qui ne pellt être;
Qne si la loi du 6 septembl'C 1807 ne parle ici
que des villes, son silence à l'égal-d des bourgs et
villages ne peut être dérogatoire aux lois de 17°9.,
(1) Voy. sous les nO~ 378,381, 383
TOM. I.
el
384.
35
�546
TRAITÉ
et 1790 précitée,s. n u'est pas possible en effet de
penser qu'elle ait voulu refuser s.a protectio,Q aux
plus petites communes, puisqu'elle la doi~ également à toutes.
Eufiu il n'est pas plus permis de commetlre des
anticipfltions sur le sol public des bourgs et viÜages
que sur celui des rUeS des villes; il est donc n.éces,saire, dans l'une des bypothèses comme dans
l'autre, d'admtttre la concession d'aligneQlent
comme moyen préventif de toute Ul'urpatiou, al,!
préjudice du sol public.
NéalJmoins il faut observer que le cO.Q,structeur
n'est point obligé, sous peine d~am~nde, ,de demander son alignement pOUf bâtir le long d'un
che'min vicinal, cqmme quand il s'agit de cons,truire un édifice au bore! d'nlle grapde route, attendu que nous n~ connaissons au~une loi qui lui
impose c~ttj:l Qbligatiçm Ca), çt qU'lnd, sQr sa de(a) D'aJlr~s l'art. 2~ d~ l;} lqi dl,l.21 mai 1836, l~s préf~ts
on! dû, dans l'année qui a suivi la promulgation de cette loi,
faire un régtement approuv~ par le ministre de l'intédeur après
cOmmunication au conseil général, et statuant sur tout ce q)li
est. relatif aux alignements, aux autorisations de construire le
lorzg des çhelPiq,l , et à tO~$ autres détails de surveillance et de
conservation.
Si dans ce réglement, l~ préfet a presçrit la demilJld<J préalable d'alignement de la part des riverains d'un chemin vicinal,
cette disposition basée sur la loi, doit nécessairement .recevoir
son exécution, et remplir la lacune signalée par M. Proudhon,
dans la législation antérieure.
On pense que 1 com~~ mestV:e d~ CODSt:};va!i(!l} du. sQ! p\1blic,
�DU DOMAINE PUBLIC.
547
mande, le maire de la commune lui donne l'a..
lignement, on ne doit voir dans cet acte qu'une
recollnaissance officielle de la ligne séparative du
sol puLli.c, SUI' lequel il est défendll <le bâür, et du.
sol privé, sur lequel cela est permis.
398. Les maires des bourgs et villages ont donc
aussi, comme ceux. des villes, l'initiative sur la fixation des alignements dans leurs communes, sauf
recours aux tribunaux pour les questions de proprié té , et aux préfets pour ce qui touche à la direc- ,
tion des voies publiques, suivant la diversité des
circonstances que nous signalerons plus explicitement dans la suite.
'
Nous disons sauf recours aux prt!.fets : car, la
fixation des alignements des files u'élantqu'un.
acte de pnre administration, ou un acte réglementaire qui ne rentre point dans le coutltotienx ad.
ministratif, les conseils de préfecture seraient incompétents pour statuer sur les réclamations qui
pourraient en résulter (1). Il ya plus: ces conseiis
tendant à procurer la sûreté et la commodité du passage, le
maire pourrait, en vertu des lois de 1789 et 1790 ci-dessus citées, et dans le cas où le réglement général du préfet ne contiendrait pas de disposition à cet égard, prendre un arrêté qui
prescrirait l'obligation d'une demande d'alignement. Voyez au
surplus sur les alignements tant le long des chemins vicina'ux,
que dans les rues des bourgs et villages, nos observations dans
le commentaire sur l'art. 2 t de la loi du 21 mai 1836, § II, nO 9.
(1) Voy., entre un grand nombre d'arr~ts du conseil rendus
cette question, celui du 22 octobre 1817, dans le recueil
de SlREY, t. 4, p. 157.
!lUI'
�548
TRAITÉ
n'ayant reçu dans leurs attributions que le droit de
prononcer sur la répression des contraventions
commises en matière de grande voirie, ils ne peuvent avoir If' même droit relativeDlent aux infractions aux réglements de la voirie urbaine, ainsi'
qu'on le fera voir plm bas.
TeUes sont en général les règles de jurisprudence
que nOlis trouvons consacrées sllr la voirie des
communes l'Urales, par divers arrêts du conseil
d'élat, en tre antres par un du 11 février dho,
don t voici l'espèce :
Il s'agissait d'une usurpalion reprochée à un sieur
Caron, qui avait construit au village ~e Mayaux,
départenJent du Calvados, un mur de clôture audevant de son terrain et sur la voie publique, et
qui, sur un procès-verhal du garde-champètre,
avait été, à la demande d Il mai,'e, conJam né par
le conseil de préfecture à démolir sa clôllJrt', quoi~
qu'il sotJltnl n'"voir commis aucune anticipation
sur Je sol public. L'affaire portée par appel an conseil d'état, décision y intervint en ('c's termes:
'" ConsiJéra nt, Y est-il dit, qu'a llX termes· des» réglementssur la voirie urbaine, c'est aux maires,
» sanfl'ilppel devant les p"éfets, qu'il appartient de
» donner et de fail'e exécllter les ali~nemellts dans
» les rl)PS dc's vilh·s, bourgs et villages ~ qui ne
::lCl son t pas l'on les royales OÎl dépnrteIllPnlalf's, et,
~) que C'P.lit anx tribllnaux de police à cOlll1ahre.
li) des contraventions qui pourraient avoir lil"u en
" cette matière: <l'où il suit que le conseil de pré~
�DU DOMAINE PUBLIC.
549
recture était incompétent pour prononcer sur
) l'usurpation attrihuée au sienr Caron;
» Considérant qne la qnestion de propriété éle') vée l'al' le sieur Caron ne faisait point obstacle à
" ce que le maire de Mayaux donnât à ce parti" cnliel' J'alignement dans lequel il devait renfer" mer ses constructions, saufd'ailleurs il. être sta') tué par les tribunaux compétents, soit sur cette
" question de propriété, soit sur l'indemnité à lan qut'lle le sieur Caron aurait droit s'il lui était
» réellement pris une partie de son terrain pour
" canse d'mililé publi(l'Ie"
" Ordonnons ce qui suit:
" Les arrèlés.du conseil de préf....cture du dépar.» tement du Calvados, des 22 mai et ~ octobt'e
" dh9, sont annulés. Tous ju~ements ou ordon" nances de réfël'é rendus pour l'exéculÎon desdits
" anètés seront considérés. connne non avenus,
» sauf au mair.e de la cOlUmune de Mayaux à di» riger de non velles poursui.tes con tre le sif'ur
» Caron, s'il s'y Cl'oit fondé, el sauf au sienr Caron
') à faire slMuer pal' les tribunaux. compétents sur
" la q ueSt10n de propriété, s'il s'y croil également
)' fondé (J). )'
Il existe encore un grand nombre d'autres arrêts
du même conseil qui, avec Cf~lui-ci, ont uniforméruent établi, comme règle de jurisprudence administrali ve,.
')J
(1) Voy. dans le recueil de jurisprudence du conseil, par
SIREY,
t. 5, p. 319.
�550
TRAITÉ
Qlie c'ést
maires des bourgs et villages,
ou, à défaut des maires, aux adjoints municipaux,
qu'appartient le droit de donner les alignements
sur toutes tes rues qui ne sont pas la cOl1linl1ation
des grandes routes (a);
0
2
Que, cette fixation d'alignement étant un
acte administràtif non smceptihle d'opposition
contentieuse, les réclamations qu'elle pent exciter
ne sauraient être portées ni en justice ordinaire,
ni pardevant les conseils de préfecture, mais seulement devant les préfets, sauf recours au minislrede
l'intérieur, et en dernier ordre encore au conseil
d'état.
Mais revenons à la suite de notre texte.
10
399.
aU:(
Q~i 'ne font foint par#e d~une grand~
(a) D'après le nO 7 de"l'art. 19 dé la loi du 18 Juillet 1837,
qui porte d'une manière générale ct saIJS distinction pour les
villes ou villages, et sans égard à l'importance de l'alignement,
fIue « lé conseil municipal délibère sur. • . . les projets d'aH.
» gnement de voirie municipale, » il nO'Us paraît que le maire ou
l'adjoint ne peut prendre d'arrêté qu'à la vue d'une délibération du conseil municipalllpprouvée par le préfet, l'alignement
étant UQ véritable bornage du sol dépendant du domaine pllblic
~unicipat et entraînant presque toujours ou \lne aliénation
d'une partie de ce sol, ou lme acquisition du terrain voisin, pour
y être réuni moyennant une indemnité à la charge de la caisse
communale. Il est en effet nécessaire, sous ces divers rapports,
que la question soit soumise au conseil municipal, qui seul
peut autoriser les acquisitions et ventes de propriétés commu-"
nales, ainsi que les dépenses autres que celles énumérées danl;
l'art. 30 de ]a susdite loi du 18 juillet 1837; cette observatio~,
du reste, s'applique aux villes comme aux bourgs et villages.
�DU DOMAINE PUllLIC.
551
toute: toutes les fois qu'il s'agit de rués faisant
partie de qne1qt1e grande route, la fixation des alignements n'est plus dans les attributions municipales; elle est dévolue au préfet, statuant d'après
les rapports des ingénieurs des ponts et chaussées,
sauf recours au ministre de l'intérieur, parce que
c'est l'alignement même de la route qui est à ré-.
gler (a).
400. Seront donnés par les maires cohformément aux plans dont Les projets auront été
adressés aux prtfiéts" transmis avec leur avis
au ministre d~ l'intérieur" et arrêtés-en conseil
d'état: s'il y a des villes importantes pOUl' lesquelles il a été fait des plans d'alignement, il Y eri
a certainement 11n plus grand nombre d'anlres qui
n'en ont point; faudra-t-il donc attendre qué
(a) Dans ce cas là même, le maire peut en outre prendre
uu arrêté d'alignement pour la régularité de la rue, pourvu
qu'il ne réduise pas la largeur de la l'otite tètle qu'eJ1e est fiiée
par le préfet; mais il peut prescrire un reculement ptu~ considérable. Le but que se prO'posent ces ileux foncfiotin:tltes n'est
pas entièrement identique: celui du préfet n'est qûe de faire
donner à la route la largeur nécessaire à une bonne viabilité;
tandis que le maire doit encore prendre en considération la régularité de la rue et l'ornement de la vi1Ie. Aussi, en ·général,
l'arrêté d'alignement dn préfet pottr ies traverses de grandes
routes dans les villes, se termine-t-rl }far une disposition de
renvoi au maire, afin que celui-ci prescrive dans l'intérêf de la
voirie urbaine, ce qui lui paraît convenable; voyez l'arrêt du
conseil d'état dans l'affaire Girard, du 23 août 1836, êt eelui
de la Cour de cassation, du 16 mai 1839. (Sirey, 40-1-459.)
�552
TRAITÉ
partout il Yait eu des plans dressés sUr les lieux et
approuvés par le gouvernement, pom pouvoir
assigner des alignements aux diverses constructions? ou bien les maires pourront-ils, en attendant, le~ donner proprio mot?t ~ et comme bon
leur semblera r
La règle généralement suivie par l'administration , ainsi qu'on le verra ci-après, l'SI q"e, dans
les villes pour lellquelles il.y a ell des plans géné• , par 1e gouvernen"\ent,
, 1"IgneqJent ~rretes
faux d"a
les assignations d'alignementdoonées par les maires
-8.ont exécutoires de plein droit, Sans qn'il' soit
nécessaire de les faire préalablemf'nt <lpprouver par
les préfets; ~auf néannJOins tout recours à ce magistrat !,upérieur pour lui demander la réforme des
erreurs qu'on croirait apercevoir dans l'autorisation
du maire;
Que, dan's les villes où les plans généraux d'alignemen.t ne /ion t poin t ençore" établis, les maires,
étant incompétents pour y suppléer d'eux-mêmes,
et n'ayant point de réglement positif pom servir
-'fion cl cment a'J CUI" operallon,
,.
ue
IH' peuvent s"ecarter
de l'état de possession actuel et bien reconnu,
autrement qu'en adr'essant, préalaLlemcnt à toute
exécution, leurs arrêté/i d'nligneItlen t au préfet,
pour en obtenir Ja cODtin~latioD Ca);
. Que néanmoins, si le maire n'a pas eu soin de
demander lui-même au préfet l'approbation de son
(a) Voyez $uprà la note sous le nO 398 ~ in fine, et inftà cell~
sous le nO 410.
�DU nmlAINE PUBLIC.
553
tracé, 011 s'il n'a pas l'rescrit cette mesure comme
condition de son arrêté, le particulier qui se conforme à l'alignement qui lui a été donné ne commet
aucune faute, et il n'y a rien à lui reprocher,
attendu que ce n'était pas à lui à doutel' si le maire
avait 0\1 non plein pouvoir de lui assigner cet
alignement comme il l'a fait.
401. Mais reste toujours la question de savoir
comment il doit être pourvu aux alignements des
rues dans les villes pour_lesquelles il n'y a point
"
., par 1e gouverencore eu (e
generaux
atTetes
1
1 pans
nement" ainsi que le veull'article oz de la loi du
16 septembre l~o7'
Cette question peu t en général se présenter dans
denx hypothès(~s, suivant qU'lI ne s'agit pas d'un
déplacement d'édifice, mais bien seulement de
procéder à la reconnaissance de la ligne séparative
du sol public et du terrain dp. particulier qui le
touche, ou qu'il' s'agit d'assigner au bâtiment qui
est à construire un alignement qui, s'écartant de
la possession actuelle, doit forcer le propriétaire
voisin de la rue à se reculer sur son terrain pour
donner plus de largeur à la voie publique, ou
l'obligel' à s'avancer sU,r cetle voie po,ur donner à
la rue plus de régularité et d'agrément.
PREMIÈRE HYPOTHÈSE.
-402. En supposant qu'on soit dans llne ville
laquelle il n'y a encore eu aucun plan général
• , par 1e gouvernement, et que
'
l'
d a Igl1ement arrete
pOUl'
�554.
TRAITÉ
celui qui veut y bâtir au bord, ou à peu-près au
bord d'une rue, salis modification de la Hrttite des
possessions àctueHes, ne denltlnde que la reéon·
naissance de la ligue séparative des Œrrains, il
est sans difficulté que le maire peu t lui assigner
un alignement confotine, oU à peu-près, à là
possession légitime et constanle, tant que la hauté
administratiorï n'a point donné d'ordre contraire,
allendu que jusqllè là il n'y aurait point de raisol1
d'empêcher le propriétaire voisin de la rue de jouir
pleinement de sa propriété.
Si n011S disons que le maire péut âonner son
alignement à peu-près conforme à !'état de
possession, c'est par la. raison que les opérations
de cette nature restent toujours sonn1Ïses à la loi
des convenances locales plus ou moins impérieuses,
satl's avoir un point d'arrêt dgoureüsem nt fixe,
et l'J'ne c'est là une' chose que compOI'te en elle:même la servitude d'alignement imposéè' aUx fonds
~V'oisins pOllr ~allse d'milité publique.
Cette doctrine est fondée stlr le principe' du droit
commun, en ce que, d'une part, le maire est
contl'adictèur légililue (lotir agir et défendre dans
l'intérêt de sa commune; ~t en ce que, d'autreCÔlé, nul possesseur de fonds joignant un autre
héritage ne pouvant en reconnaître ni tracer légalement la ligne délimitalive sans y appeler son
Voisin, on doit dire à plus forte raison que, s'agis~
sant ici d'un intérêt public dont la ~onservation
èst confiée au maire, la construction ne saurait
�DU DOMAINE PUBUe.
555
~lre licite tant que ce magistrat n'a pas concouru
à en reconnaître ou à en donner l'alignement d'une
manière convenable à la localité.
S'il y avait contestation sur J'étendue du fonds
adjacent à la rue, la question de propriété devrait
être préalablement renvoyée en justice ordinaire.
Mais si la difficuhé était étrangère à la propriété
du sol, et qu'elle ne portât que sur le mode d'alignement donné par le maire, sur la hauteur ou la
décoraLÏon de l'édifice, la question n'étant alors
qu'administrative, c'est au préfet qu'il faudrait
recourir pour la faire résoudre.
C'est à cette première hypothèse que nous
croyons qu'on doit rapporter l'arrêt de]a COll\' de
cassation du 8 août 1833, qu'on trouve dans le
journal de Dallo~, page 339, conçu dans les tetines
>suivants:
cc Attendu que le droit de voilie a toujours
:» compris en France le pouvoir notarrnnel1t de
» régler l'~lignement, la hauteur et b régularité
» des édifices" bâtiments et constructions élevés
>, ou réparés, joignant la voie publique, Ct ùfem_
" pêcher les en treprises de toute nature qui sel<aient
,., con traires à la décoration des villes, boutgs et
» villages, ~insi qu'à la sûreté et à la commodité
» des citoyens; qu'en matière de petite \1oirie,
:>, cette attribution a été conférée à l'autorité mu» nicipale par l'art. 3, nO 1, "titre II, de la loi du
cc 16-~4 août 1790, et l'art. 46, titre I, de celle
,., du 19"22 juillet 1791; - que la loi du 165ep.
�556
TRAIn
tembrc 1Ho7, loin de déroger aux anciens prin» cires de notre droitpnblic à cet égard, n'a fait
» qlle les r.ontinuer et leur donner une nOl1Vt,lIe
)' fl:H'ee; que l'abrogation prononcée par son article
» 59 ne concerne que les lois antérieures c~l1i
» seraient contraires à ses dispositions rt>laLÎvelllcnt
'" au dessèchement dc's marais; et qne son article
» 52, en obligeant les maires des villes à donner
» les alignements 'couflirmément aux plans géné'»
l'aux donl il parle, lorsque ces plans auront été
» arrêtés en conseil d'état, n'a nullement déponillé
» ces fonclionnaires, Jans lt>s communes pour
» le"cl'wJles cette formalité n'a ras encore été
,» relllplie, du pouvoir qu'ils tenaient de la légis» lation alors en vigueur; que J'autorité mllni» cil'ale continue donc d'en être inv(~stie, nOllubs» tant l'inobservation dudit aIt. 52, et que 'ces
» arrêtés SI nt nun fuoins obligatoi,'es pOllr les
» ciloyens auxquels ils sonl. applicaLles, que pour
» ']('S trÜ>Iloallx quidoiventen assnrer l'exécution:
» d'ou il IIl1it qn'en décidant le contrairt', dans
» l'espèce, le jllgetlient dénoncé a fait lln'{' fausse
» application de cette loi', commis un· excès de
" pouvoirs, et violé expressément les articles ci" dessus visés;
'" Eu conséquence cassp. le jlJg~rnent dn tl'ibnnal
" de lIilllple poliee de Cha'rtres dn 4 jllil1el der..
» nIer. »
Tout lions porte à croi.'e que l'habile rédacIl'l.1r
du recueil auquel nous empruntons celle déci:>ion
»
�557
• • a. portee
, de b'len connaltre toutes 1es
11 ,a pas ete
DU DOMAINE PUBLIC.
A
circonstances des faits de la cause, puisqu'il ne
nous ùonne al1cune explication SUl' l'espèce particulière qui avait été jugt~C par le lribunal de police
sim pie de la ville de Chartres; mais, comme on
ne voit pas qu'il se soit agi d'autre chose que d'un
simple alignement donné, par le maire de cette
"ille, nons ne devons pas douter que celle espèce
ne rentre dans la catégorie des cas sur lesquels
porle la première hypothèse énoncée ci-dessus.
Lt's maires peuvent donc, même sous la loi
de. 1807, donner des alignements dans les cas
ordinaires; ma.is, comme il esl possible qu'ils se
trompent sur la reconnaissance de la vérilable .
limite du sol public de la rue; comme il est possible qu'ils tombent dans l'crrenr sur la fixation
d'un alignement dont la direction se trouverait
préjudiciable' aux aisances publiques ou à des pl'Opriétaires voisins, toutes les parties intéressées·
peuvent recourir au préfet et au ministre, et même.
ensuite au conseil d'état, pour obtenir le redressement des erreurs des maires.
403, Alors se présente la qnestion de savoir
s'il n'est pas dû une indemnité à celui qu'on veut·
forcer de démolir une construction conforme à·
l'alignement qui lui avait été donné par le maire,.
et qu'il a exécutée avant qu'on lui eût notifié.
aucun ordre de,suspendre ses travaux.
Cette question doit être résolue dans un sens,
affirmatif et à l'avantage du constructeur, parce.
�558
TRAITÉ
qu'il n~ serait -pas juste que l'erreur ou la fausse
mesure de l'administration municipale constituât
en perte un propriétaire qui n'a rien à se reprocher;.
et c'est ainsi que cette questjon a été décidée par
arrêt du conseil du 12 décembre 1818, dans l'e.s~
pèce suivante:
Le5mars 1817,lesieurHazc1, fabricant de draps
à Elbeuf, l'ue de la Bague, voulant recon.struire
la façade de sa maison, obtint du Iru.lire de celle
ville un arrêté d'alignement confirmé par le préfet
- le 19 du même mois.
Le 10 février 1818, autre arrêté du maire qui
change l'alignement donné par le premier, et qui
est de même approuvé et confirmé par le préfet du
département.
Sur les réclamations du sieur Hazel, intervient
l'arrêt du conseil con'1u dans les termes suivants:
« Considérant <'{u'aux termes des réglements sur
» la voirie urbaine, c'est aux maires qu'il appar:» tient de faire exécuter les alignements dans les
» rues qui ne sont pas routes royales ou départe» men tales, sauf tous recours devant les préfets;
» Que les anêtés pris par les -préfets, dal;)s les
») limites de leur compétence, ne peuvent être
» déférés qu'au ministre que la matière concerne;.
,; Que l'arrêté p"is le 23 février 1~h8 par le pré:» fet de la Seine-Inférieure a été approuvé le 7 sep» ternbre 1818 par le ministre de l'intérieur, et que
:1> dès-lors le pourvoi du sieur Hazel peut être ad» mis, comme attaquant il Ja fois l'arrêté du pl'é» fet et la décision ministérielle ;.
�DU DOMAINE POllue.
559
" Considérant que le plan des alignements des
rues de la ville d'Elbeuf. en ce qui concerne la
voirie nrbaine , n'a pas encore été approuvé par
nons, et qu'en, attendant sa rédaction, il importe
de statllel' SUI' les demandes en alignement qui
peuvent être faites par les hahitants ;
" Considérant qu'il résult~ de l'examen du pIao.
" d'une panie de la rue de la Bague, et de l'ac" cord unani(ne des autorités administratives, que
'»
le second alignement donné au sieur Hazel est
" préférable au premier; que néanmoins ce proprié" taire ne doit pas s01l:1l'l'ir dJune erreur ou
" dJune précipitation qui ne provient pas de
" sonfait , et qlt'il y a lieu à l'indemniser des
)' frais qu'il a faits pour se conformer a ua; pre» mières décisions;
.,) Notre conseil d'état entendu,
" NOlJji ordonnons ce qui suit:
er
" ARTICLE 1 • L'arrêté dl1 maire d'Elbeuf d11
" 10 fevrier 1818, et celui du préfet du départe" Qlent ùe la Seine-Inférieure du 23 du même
" ulOis, approuvé Je 7 septembre dernier par notre
" ministr.:: - se<;rétaire d'état de l'intérieur, sont
)' confirmés.
" Le sieur Hazel sera tenu de se conformer au
)' second alignement qui lui a été donné, et il sera
» statué comme en rnatiere d'expropriation forcée
») pour cause d'utilité publique, sur l'indemnité
" qui pourra être due à ce prupriétaire, pOUl' rai,. son de construction et démolilion des traval~X
"
"
:),
"
"
�560
TRAITÉ
qu'il a fait exécuter en vertu des arrêtés pnml» tifs (1). ~)
40ti.. Nous ne devons pas omettre de remarquer qne, dans cette affaire, le premier ali~ne
Dlen~ donné an sieur Hazel par le maire d'Elbeuf
avait été approuvé par le préfet: ce qui fah naître
la question de savoir si l'on llevrait portel'la même
décision dans le cas où Je p.'opriétaire de maison
aurait construit ou reconstruit sur un alignement
donné par Je maire seulement, sans l'avoir pré.
senté au préfet pour en obtenir l'approbation.
Cette question secondaire s'est présentée à Dijon.
dans l'espèce suivante:
Un sieur Lefèvre, propriétaire d'une maison si·
tuée rue Buffon', vonta nt en reconstruire la façade,
obtient du maire de la ville nn arrêté en date du
13 avril 1831 , qui lni fixe l'alignement auquel il
dena se confo.'mer.
Le siel1l' Letèvre fait travailler à sa construction,
et elle est Lien avancée lorsque plusieurs propriétaires de Ja même rue forment des réclamations.
La contestation sur celle opposition, ayant été
portée pardeyantle préfi.,t, est ensuite renvoyée au
ministre de l'intérieur, qni, par un'êté dit 8 juin,
ordonne l~ suspension (ll'Ovisoire des travaux.
Le constructeur soutient que, si on le force, à
démolir, la ville de"Ta l'indernnis(~r.
Par délibl:..atiol1 du 16 juillet 1831, le'conseil
»
(1) Voy. dans le recueil de jurisprudence du conseil, parSIREY, t. 5, p. 27.
�DU DOMAINE PUBLIC.
561
municipal recunnaît qu'abstraction faite des raisons
d'inlérêt qui peuvent avoir motivé l'opposition des
voisins, l'alignement accordé au sieur Lefèvre l'm·
piète sur la largeUl' actuelle de la rue d'environ
cinq rüètres ; niais Il déclare que, dans tOIlS les cas,
]a commnne ne pourrait consentir à aucune indemnité envers le sieur Lefèvre~
La contestation est en vuyée à la décision du ministl'e de l'intérieur, q11i consulte lui-même celui
des travaux pnblics. Ces deux ministres étant d'accord sur les motifs de la décision à intervenir, et
l'un agissant conformément à l'avis de l'autre, cette
décision est portée par ceiui de l'il1tériel~r, dans les
•
'1.
termes SUlvants :
,
,
cc Considérant que ,dans les villes où il existe
» des plans généraux d'aligneluenl alTètês, les dé·
) cisions des maires sont exécutoires sans qu;il soit
» nécessaire Je les soumettre à }' autorité sllpé» neure;
» Que, dans les localités où ces pians ri'existent
» pas, les arrêtés des maires doivent être approu» vés par le préfet;
) Que, dans l'espèce, l'arrêtê de 1\1. le maire de
» Dijon aurait d1\ recevoir cette fornialité, puis)) qu'il n'existe aucun plan général d'alignement
') arrêté; mais qne c'était à l'autorité municipale
» à la provoquer, et non au sienr Lefèvre;
Considérant que, snr la flli de celte alllorisa» lion, de laqueUe le sieur Lefèvre n'a pas dû S\1S» pcc ter la légalité, il a commèncé ses consLrùc:J)
TOM. 1.
�562
»
»
»
»
»
»
»
»
»
TRAITÉ
tions, et ql1e ce n'est qu'an moment où clles
, .
.
",
etaIent aux troIS quarts executees qu est sllrvenue l'opposilion des propriétaires voisins;
n ConsiJérant que, dans l'état actuel de e.elle
discussion, il n' y aurait lieu à réformer l'alignement dunné au sienr Lefèvre qu'autant qlle Ja
ville de Dijon consentirait à l'indemnisér de' ses
frais de construction de sa maison, et qu'à cet
égard le conseil municipal s'est expliqué d'une
manière ahsolument négative,
»
ARRÊTONS :
»' ART. 1 er •
Notre arrêté du 8 juin dernier, qui
" ordonne la suspension des travaux du sieur Le.
» fèvre, est ra pporté.
.
» ART. 2. Ljarrèté de M. lé maire de la ville de
». Dijon en date du 13 avril IB31 , qui autorise le
» sieur Lefèvre à construire sa maison conformé.
» ment au plan d'alignement annexé à sa demande,
» est approuvé, et le sieur Lefèvre autorisé il
» continuer ses travaux. »
C'est' ainsi que les villes sont garantes des actes
de leurs administrateurs municipaux en fait de con·
cession d'alignements.
SECONDE HYPOTHÈSE.
405. Cette seconde hypothèse est celle où il
s'agit de savoir si, en assignant un alignement à
celui qui veut hâtir, on peut le forcer à reculer son
bâtiment pour donner plus de largeur à la rue; ou
bien si l'on peut l'obliger à avancer sa maison,
�DU DOMAINE PUBLIC.
563
même jusque sur Je sol public, pour l,a mettre sur
la ligne des autres.
Dans le premier cas, il sera forcé de vendre une
partie de son fonds; et, dans le second, il sera
obligé ù'acqné"ir une portion ùe terrain qui ne lui
appartenait pas.
So~s l'un comme sous l'autre point de vue,
cette double charge ne peut être qu'une servitude
qUé la loi d'aligneinenl impose aux fonds voisins
de la l'ne, soit pour eà rectifier la viabilité, soit
pOllr procllrer plus de sûreté aux habitants, en
prohiba nt des rtlculements de, construction qui
pourI'aient fournir aux malfaiteurs des retraites
dangereuses à côté de la voie publique.
Mais, pour arriver à" l'établissement d'une servitude aussi iUlpoi-tante pour les aisances et la
sûreté de.la lllasse de~ haLitants, on sent qu'il faut
recourir à l'action de l'autorilé souveraine, attendu qu'il s'agit alors de disposer de la propriété
des riverains de la v(lie publique, pour l'étaLlissement d'une servitmle dont l'objet se réfère à l'intérêt public;
Il faut clone une ordonnance du roi rendue en
conseil d'état, et déclarative de la cause d'utilité
publique, pour établir une semblable servitude,
sans quoi ni le maire, ni le préfet, ni le ministre,
ne peuvent procéder ou faire procéder à l'assignation des alignements de œlle nature, de manière à
coo!raintlre les particuliers à s'y conformer, parce
que les lois ne leur accordent pas Je droit de rc-
�564
TRAITÉ
conna1tre et décl'éter la cause d'utilité publique en
matière d'expropriation forcée, et encore moins
"celui de disposer arbitraIrement des biens et intérêts des particnlitm..
406... Quand une ville fait faire un plan général
d'alignement de ses rues, et que ce plan a été arrêté par le roi en conseil d'état, tous ceux qui
veulent construire des maisons sont obligés de se
conformer, pour la direction de leurs bâtiments,
à l'aligl1el1lent qui lenr est donné par le maire d'après ce plan; et, si le tracé l'exige, ils sont tenus
de recnler leurs constructions, moyennant indemnité; ou de les avancer même sur l'ancien sol public, en en payant le prix, attendu qu'alors la
cause d'utilité publique de la "servitude a été reconnue et consacrée par l'ûl'donl1ance royale l'en·
due snI' l'adoption dü plan qui doit, à ce sujet,
servir de réglement liour l'avenir.
Sans dOtll'C", le recours au préfet peut avoir lieu
contre l'arrêté du maire, el même il peut être
bien fondé, parce qu'il est possible que ce magistrat municipal se Soil trompé sur l'application du
réglemeut; mais cette circonstance ne comporterait rien de contraire à sa compétence.
Tels "sont les principes de la matière, après l'exposition desquels nous devons actuellement entrel'
dans quelques détails sur l'esprit qui a présidé à la
rédaction de l'art. 52 de la loi de 1807, "que nous
commentons ici, et sur plusieurs décrets de l'autorité qui en ont été la suite.
�DU DOMAINE PUBIJC.
407. Depuis longtemps l'on a considéré l'établissement des plans ~énéral1x d'align.emen tcomme
très-important dans les villes, pour en rendre les
rues plus (',ommodes et, plus sûres, et pour en assainir le séjour par \lne circulation plus active de
l'ail'. Le hideux aspect des rues étroites et sales des
villes antiques ou des auciens qlJarlier.l' construits
avant les progrès de la civilisatiçm" 'ne peut qp'inspirer le désir de changer ces cloaques eq des lieux
salub{'es : c'est -dont; là une chose sur laquelle l'administration publique a, d,î préparer, autant que
possible, les voies d'amélioration; et c'est dani
cette vue qu'a été conçu l'article 52. de la loi du
16 septembre .] tlQ7, lorsqu'il ne' confere aux milires
des villes le droit d'accorder des, alignements.que
confotmément aux. plans dont. les"projets auIront été adressés aux préfets, transmis avec
leur avis au ministre de l'intérieur, et arr~tés
en conseil d>état. Il résulte hien positivement de
ce texte que, pour engager les administrateurs municipaux à établir ces sortes de planset ~en presser l'exécution, les auteurs de la loi O1~t vOt;llu'q'ue
jusque là les maires des villes restassent privés de
la faculté d'accorder des al ignements partiels, 10U tes
les fois qu'il s'agirait de changer ).'état actuel des
. possessions; et ils ont dû porter leur décret dans
cette vue, soit par la raison que les. ma~res sont
incompétents pour déclarer la cause J'utilité pu:hlique en fait d'expropriation forcée; soit parc~
que les alignements partiels qu'ils auraient réglés
�"
566
TRAn'É
d'.lprès lenrs prévisions pUl'tir.tllières ne ponrraient
jaoJais avoir l'enhemble désirable ponr l'avantage
~é!]éral rlf' la cité, lors même qu'on f'n supposl'rait
la concession dégagée de tOllte considération pel'''
sonndte vis· à-vis des constructeurs de maisons.
Cl'lle disposition de la loi de 1807 ne tarda pas à
occasionner des réclamations, sur lesqllf'lIf's intervint le décret impérial du 27 juillet 180~ , qui y
apporta une dérogation temporaire, et en suspen<lit l'exécntion jusqu'au 27 juillet '18 ~ 0 (a).
Ce décret est conçu dans ]('s lernws suivants:. '
408. ARTICLE 1 er. ct Les alignements qui se" l'ont donnt:s par les maires nans les villes, après
,> l'avis des ingénieurs et sons l'approbation des
:n préfets, selOnt exécutés j11squ'à ce que les plans
"
d' a J.Ignement alent
.
" arreles
A' en con» generallX
ete
,., seiJ d'élat, et au plus tard pendant deux années
;) à compter de ce jour. )
(a) Une ordonnance du roi du 29 février 1816, publiée da,ns
les recueils de MM. Dupin el Duvergier, a de nouveau prorogé
le délai jusqu'au l or mars 1818 ; le texte en est rapporté dans la
dissertation de M. Favard de Langlade, nO 410, ci-après, p 575·
Voyez encore dans le journal des Maires, nO 241 , el dans
le recueil de Duvergier, une ordonnance en conseil d'état du 31
juillet 1817 qui porte: " qu'aux tenncs des réglements sur la
., voi.~ie urbaine, c'est aux' maires qu'il appartient de donner
" e~ de faire exécuter les alignements dau~ les rues des villes,
" hourgs et villages, qui ne sont pas routes royales ou dépa'r" tementales. sauf tout recours devant les préfets, et que les
» tribunàux ordinaires sont seuls compétents pour statuer SUI'
" les amendes encourues en cas de c'>ntravention, et sur les
'" fr~is de démolitions ordonnées d'office dans le même cas. "
�567
ART. 2. cc En cas de réclamation des tiers inté» ressés, il y sera statué en notre conseil, sur le
" ('apport de notre ministre de l'intérieur.
" Les plans généraux d'alignement dans toutes
" les villes devront être arrêtés d'ici à deux ans.
» Les préfets auront à les proposer d'après l'avis
), des conseils municipaux; lorsqu'ils seront approuvés, les constructions ~ faire snI' les aligne» ments fixés ne pourront être ent~eprises dans les
» rues anciennes que qu~nd les p.ropriétaires
;» jeront ahattre lelfrs maisons, ou Men :Y
), seront contraints
raison de la caducité
» des bdtiments; pour les rues nouvelles, que
» lorsque les vi,lIes auront les moyens d'acquérir
» les terrains sur lesquels ces rues seront oun vertes (1). ",
On voit, aux te1;mes, de ce 'décret, que, depuis
le 27 juillet 181,0 (a), les maires des villes où il n'y
aurait pas encore de plans généraux légalement établis ne pouvaiedwlus donner d'alig.nements partiels
autres qu~ ce~lx qui &eraient conformes à la possession, et qui ne devraient occasionner aucun déplacement dans les propriétés; el c'est là ce qni se
trouve bien clairement confirm,é par un avis du
conseil d'élat du 30 août 1 approuvé de l'empereur
DU DOMAINE PUBLIC.
)i)
a,
(1) Voy. dans le Code de la voirie par f'leurigeon, p. 225',
et dans lé répertoire de Favard de Langlade, aux môts plah$
des villes.
'
(a) 1·' mars 1818, d'après l'ordonnance du 29 févrÎer 1816.
/
�568
TRAITÉ
le 3 septembre dh l , qui a été inséré au bulletin
des lois dans les tf'rmes suivants:
409. cc Le conseil d'état, qui, en exécution du
)' renvoi ordonné par sa Majesté, a entendu le rap» port de la section de l'inlérielll' sur celui c1u
» ministre (le ce département, présentant un pro» jet de déoret tendant à homologuer l'acqnislliiln
faitt' pal' l'arrêté du 13 février 1~09 du préfet
» dn département (le la S,;ine, au nom de la ville
)') de P'lris, de deux maisol)s situées l'ut' de la
:» H uch(~tl{>, nO 40 , qni appartenaient à la ôel1loi:» st'lle -Lastel'ie du S",illant, et dont partie était
" destinée à être démolie pour former nn quai;
" Considérant-que, conformément à l'article 52
), de la loi ùn 16 septemhre lS07, le cons(>il de Sa
» Majesté ne peut autoriser dc's acquisitions pour
» l~ouverture de nouv!?lIes rues. pour L~éLar
» 'gissement des anciennes ~ ou pour !Out autre
)' objet-d~utilitépublique~ qnc pOlir les COID» munes dont les projets de plan auront été arrèlés
" en çonst'il d'état,
» Est <J'·avis, '10 que le ministre dl> j'intérieur
)' soit -invité, civaut de proposer à Sa Majesté un
» projet d'acquisition de maisons 011 terrains né), cessaires à l'embellissement (tu à l'utililé·soit de
:» la ville de Pal'is, soit de tonle autre ville ou
» çowmuQe de l'eQlpim, à _faire précéder cette
-» dl'mande du plan des alignements 1 pour ledit
" plan êt.re arrêté en conseil q'état, en eXt!cution
) de l'article 52 de la loi du 16septemhre 1807;
'l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
569
~)
2<) Qlle, pour b villt~ de Paris spécialement,
il est illJpOrlanl Je mettre de la régularité dans
» I('s alignements, qni sont quelquefois donnés
» maison par maison, et sans système général,
J) et qu'à cet effet -le préfet du département de la
» Seine, dans les attributions duqlld est ce tra» vail, doit faire présen ter, dans le pl us court délai
» possible, au ministre de l'in 1érieul' l,e plan des
» alignements, et, autant qu'il se pourra, des
» nivellements pour la ville de Paris, et que, pour
» faire jouir pins tôt ses h,ibitants des avantages et
» de la sécurité qlli en résulteront, ce plan soit
» présenté succes!>ivement et par quartiers, quand
» la cbose sera possible, pour, sur le rapport du
» JUinistre de l'intérieur, y être statné par Sa
» Majesté, anx termes Judit article 52 (1). "
410. Vuilà pOUl' ce qui s'est pratiqué jusqn'il
1811 (a) sllr la dation des alignements qui ne
sel'aien t poi D t <1'accord avec la possession précédente. Mais qlle s'est-il passé depnis r et qllel est
l'état actuel des règles il suivre dans cette -matière (h) r
)~
(1) Voy. au hullet., t. 15, p, 255,4- série.
Ca) Jusqu'au 1 er mal's 1818, d'après l'ordonnance du 20 fé-
vrier 1816.
Cb) L'opinion embrassée_ par MM. Proudhon, Favard de
Langlade et plusieurs autres auteurs sur cette question est
ent,èrement contraire à celle du conseil d'état et de la Co~r
de cassation.
Voici le texte de l'arrêt du conseil d'état du 3 avril 1824 :
" Les comités réunis de législation et de l'intérieur, sur le
�570
TRAITÉ
Pour sa tisfai re pleinernen t à cette qncstion,
110ns ne pouvons mieux faire qne de lransr,I,jre ici
la dissertation que nous tl'ouvon& il ce sujet dans
renvoi qui leur (1 été fait par M. le gardf'-dt's-sceanx , d'nne
leUre de M. le ministre de l'intérif'ur, du 10 décembre 1823,
et de divers documents relatifs à la qnestion de s3voir si les
maires, lorsqu'il n'existe pas de plans d'alignement pour leurs
communes respectives, arrêtés en cons~il d'état, peuvent
donner des alignements qui obligent le.s propriétaires à avancer
-ou recu 1er leurs constructions;
» Vu l'édit de Henri IV, de décembre 1607, contenant
l'ordre, les fonctions du grand-voyer, et de srs commis, et '
portant défense à tout propriétaire de Paris el des autres villes
du royaume de fajre aucuns édifices,' pans de mur et autres.
avances sur la voie publique, sans le congé et l'alignement du
grand-voyer et de ses commis;
» Vu la déclaration du 16 juin 1693, attribuant aux trésoriers de France le droit de donner des alignements à Paris;
- ' V i l les déclarations des 18 juillet 1729 et 18 aoû.t 1730, qui
ont fixé la compétence des juges de police et des trésoriers de
FT3nce en matière de péril des bâtiments, et déterminé les
formalités à suivre pour les constater et les faire cesser; - la
loi du 14 décembre 1789, art, 50; - la loi du 24 août 1790 ,
titre 2; - les lois des 11 seplembre et 14 octobre 179Q, relatives à la grande voirie; - la loi du 22 juillet 1791 , titre 1or,
art. 1R et 29, ql,li confirme les réglements existants touchant la
voirie, la construction, la solidité et la sûreté des bâtiments;
-la loi du 16 septembre 1807, art. 52;
" Le décret du 27 juillet 1808; - les art. 544 et 545 du
Code civil; - l'art. 471, nO 5, du Code pénal; - la loi du
8 m;lrs 1810, art. 1 ,2,3,4, 5 et 15; - le décret du 13
août 1811; - les ordonnances royales des 29 janvier 1814,
�DU DOMAINE PUBLIC.
571
Je l'Ppertoire de M. Favard de La.nglade, aux mots
Plans des villes.
cc
Les autorités locales, dit cet auteur, auxquelles
31 juillet 1817 et 3 juin 1818; -l'arrêt de la Cour de cassation du 12 avril ] 813 ;
II COI;lsidérant que l'art. 52 de la loi du 16 septembre 1807,
qui statut' que dans les vi1l~s les alignements serônt donnés par.
les mairl's conformément aux plans dont les projets auront été
adressés aux préfets, transmis avec leur avis au ministre de
l'intérieur et arr~tés en conseil d'état, n'a pu avoir pour effet
de suspendre, en attendant la confection desdits plans, toute
surveillance de l'autorité municipale sur les constructions et
reconstructions li fai par lt's particuüf'rs;
II Que, dans ce cas, il Y a toujours lieu par les maires de
procurer l'exécution des anciens rrglt'ml'Ilts de voirie formellement maintenus par l'art. 29 du titre 1er de la loi du 22 juillet
1791, et dont l'application était confiée à des juridictions supprimées que l'autorité municipale remplace en ceUe partie;
II Que, de plus, les maires sont investis, par l'art. 46 du
titre 1er de la loi du 22 juillet 1791, du droit de faire des
arrêtés sur les objets de police confiés à leur surveillance, parmi
lesquels l'art. 3 du titre 2 de la loi du 25 août 1790 a placé
la petile voirie;
II Que ces arrêtés rendus, sauf réformation par le préfet,
sont obligatoires; que la loi attache à leur infraction la peine
de l'amende, et que les tribunaux de simple police, chargés
d'appliquer ladite amende, sont aussi compétents pour ordonner, dans certains cas, la démolition de l'œuvre irrégulièrement
faite, comme réparation du dommage résultan't de l'iufraction
de l'alignement prescrit par le maire;
li Q'lt' cl"tte compétence des tribunaux dl' police a été déclarée
par arrêt de la Cour de cassation statuant dans l'intérêt de la loi;
II Sont d'avis que, dans les villes, bourgs et villages où i~,
�572
»
»
:n
TRAITÉ
le nnOlslèl'e recommande depuis aix-sept ans
de presser la confection des plans généraux,
faisaient toujours des promesses, et demandaient
n'existe pas de plan général d'alignement arrêté en conseil
d'état, le droit de donner des alignements appartient au maire,
sauf recours au préfet et successivement devant le ministre de
l'intérieur et le conseil d'état; que le maire peut, en conséquence
de ce droit, faire reculer les constructions dans un intérêt
d'assaiuisst'ml;'nt, de sûreté et d'amélioration locale, sous la
réserve du réglement d'indemnité pour perte de terrain; que lei
contraventions aux alignements ainsi donnés par le maire
doivent, après sommatiqn par lui faite de détruire les constructions non autorisées, être poursuivies devant le tribunal de
simple police; qu'il Pf'ut, selon les circonstances, requérir la
démolition des travaux faits en contravention; que si les constructions ont été faites en retraite d'alignement, il ne peut y
avoir lieu d'en requérir la démolition, mais seulement d'ordonner, par voie administrative, la clôture de l'enfoncement irrégulier. »
Parmi les nombreux arrêts conformes de la Cour de cassation,
notamment dl;'s6,-12 et 18 septembre 1828, Iii juin 1831,6 octobre 1832, 8 août 1833, 10 mai 1834, 6 avril et 6 juillet
1837 (ce dernier les chambres réunies), on ne transcrira ici
que le premiel' cIoqt les motifs développés contiennent une
exposition complète de la doctrine sur la matière;
» Attendu que les lois des 24 août 17~IO et 22 juillet 1791
attribuent au pouvoir municipal le droit de régler tout ce qui
intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues,
quais, places et voies publiques; que Cf'S réglemenls sont obligatoires pour les citoyens conHne pour les tribunaux chargés
par les lois de réprimer leur infraction, tant qu'ils ne sont pas
réformés par l'autorité supérieure; que la fixation de l'alignement dans les rues et voies publiques est inhérente aux droits
�DU DOMAINf: PUBLIC.
»
»
»
573
de nouveaux délais. Le ministre, croyant qt1ê
le travail avançait, et craignant que la linerte
qu'auraient les particuliers de construire des
conférés à l'autorité municipale; que l'alignement a essentiellement pour objet de pourvoir il la sûreté publique e't à la commodité du passage, ainsi qu'à la salubrité dans tout ce qui se
rattache à la voirie urbaine'; que les régleménts faits à cet
égard rentrent pleinement dans lés obligations et dans les droits
administratifs, et qu'il est du devoir des tribunaux d'en assurer
l'exécution;
» Attendu en fait, qu'il est établi, par des procès-verbaùx
~éguliers, qu'il est avoué par' le prévenu et déèlaré constaut
par le jugement attaqué, que le prévenu, au mépris de l'alignement à lui donné par les arrêtés du maire de Sancerre, confirmé
par les autorités supérieures, a reconstruit sa façade sur les
anciens fondements, ce qui constitue une contravention évidente et à ces arrêtés et aux lois qui leur prêtent leur force et
leur appui; - attendu néanmoins que le tribunal corr,ectionnel
de Sancerre, eh infirmant la décision du tribunal de police de
Sancerre qui, en conformité de ces lois, avait prononcé les
peines applicables, a méconnu la contravention et s'est refusé à
]a réprimer, sous prétexte que l'art. 52 de la loi de 1807 a ôté
aux maires le droit de douner les alignements dans les villes où
les plans n'auront pas été dressés en exécution de ses dispositians;
» Attendu que tout ce que dispose cet article, c'est que,
lorsque les plans auront été dressés phI' les- autorités locales, et
arrêtés -par l'autorité royale, les maires seront tenus de s'y
conformer dans les alignements qu'ils auront à donner; mais
. qu'en attendant l'exécution de cette disposition, qui n'a eu au
surplus son effet, quant à présent, que, dans un petit nombre
de villes dl\ royaume, le législateur n'a eu ni pu avoir en vue
de livrer l'aspect des cités, la sûreté, la commodité, la salubrité
�574
~)
»
»
TRAITÉ
maisons sur leurs anciens fondements ne flit un
obstacle à l'exécution des enlbdlissemenls qui
devaient être r)l'ochaineIUent ordonnés, condes':
des yoies urbaines, au caprice et au libre arbitre des constructeurs; qu'il n'a fait que confirmer l'une des règles les plus
anciennes et les plus constantes de la police du royaume, qui
remettait le soin de donner des alignemeuts à des officiers publics
'dont la compétence à cet égard a passé entièrement, par l'effet
des nouvelles lois, dans ies mains de l'autorité municipale; que
la loi de Ül07, au lieu d'abroger les anciens principes, n'a fait
que les confirmer et leur donner une nouvelle force; qu'il n'a
pas été plus dans son ilitention que dans son texte de révoquer
ia loi du 24 août 1790, qui met aux rangs des attributions
essentielles du pouvoir municipal le soin dl' veiller à ln sûret~
et à la commodité du passage dans les rues et voies publiq)Jes,
non plus que l'art. 26 de la loi du 22 juillet 1791 , qui confirme
provisoirement tous les réglements qui subsistent touchant hi
voirie; qu'un systè,me contraire, en autorisant t~utes sortes de
constructions dans l'intérieur des villes, sans règles, sans frein,
saris le concours de l'autorité locale, tendrâit à consacrer pen':
dant des siècies l'existence dès rues étroites, incommodes 1
insalubres 1 et à reculer, dans l'avenir le plus éloigné, des
améliorations réclamées tant dans l'intérêt des habitants que
dans l'intérêt général, ,même l'ri ce qui concerne la régularité
des Mtiments et la décoration des cités, àmélioràtions dont li
est du devoir de l;autorité rllunicipaJe de poser de jour en jour
les fondements, et qu'il impurte d'effeCtuer dans les temps les
plus rapprochés que possible; d'où ii suit que le jugement
attaqué a fait une fausse application de la l'li de 1807, violé
les lois des 24 août 1700 et 22 juillet j 791, ainsi que l'art:
471, n Q 5 du Code pénal, applicahle à la contravention qui
lui était déférée; ~ par ces motifs, casse, ete. II
La circulaire du ministre de l'iutérieur du 23 août 1841 paraît revenir sur cette jurisprudence.
�DU DOMAINE PUBLIC.
cendit aux demandes qui lui étaient adressées,
» et proposa au roi, le 29 février d:$l6, de rendre
» la décision suivante: Les maires des villes
:» susceptibles de l~application de L~article fJ2
» de la loi du 16 septembre i 807, 'et dont les
» plans généraux d'alignement n~ont pas
» encore été arriJtés en conseil d~ état, pour» ront, en cas d~urgenc'e, ET JUSQU'AU 1 er
» MARS Üh8, donner des alignements partiels
» pour les constructions à faire dans les rues
» qui ne dépendent pas de la grande 'voirie
» des ponts et chaussées, après avoir pris
» l'avis des architectes-vo.yers ~ et sous l'ap» probation des préfets. En cas de réclamation
» contre ces alignements particuliers, il sera
» statué en conseil d'état sur le rapport de
» notre ministre de l'intérieur.
» Cette décision a été notIfiée aux préfets par
» une circulaire du 4 {nars, dans laquelle le mi» uistre dit: Il résultail de l;expiraliolJ de ce délai
» (celui qu'avait fixé le décret de 1808), que les
» maires des villes dont les plans généraux d'ali" arretes
'"
» gnement n ,ont pas "encore ete
en consel-}
» J'état, tle pouvaient plus donner d'alignements
» particuliers. Enfin une autre décision royale,
" dans les mêmes termes que la précédente, ren» due le 18 mars 1818, 'et notifiée par une circu" laire du 7 avril de la même année, a prorogé le
» délai-jusqu'au 1 er mai 1819» Depuis cette .époque l'exception a cessé; les
»
�576
»
»
»
»
J'
»
TRAITE
maires, comme le ministre llli-m~me l'a reconnn, ne peuvent plus tracer d'alignements qui'
chaogentl'état de possession, et les propriélaires
sonl Jibres de bâtir sur les ancienne:. limiles,
jnsqu'à ce qu'une ordonnance du roi lcUl' ait
imposé J'autres obligations.
Les maires peuvent-ils. lorsqu'il n'e411.
",iste point de plan (J.rrê{(h obliger les propriétaires à avancer ou à reculer leurs bâtiments r
Toutes les disJlositions lpgales et rêglcdwntaires
qni oin 'été rappelées s'accurJen t à leu l' rèfllser
ce (hoit. Lorsque, pal' des dispositions excl:'ptionnelles et te,uporaires, le gouvel'l1ernent leul'
a laissé la faculté de prescrire des alignements
sous l'approbation des préfet"s, c'était dans la
supposition qu'on tt;availlait àla conff'ction dçs
plans génél'allx, qu'il importait de laiss/~r allx
villes le moyen cL'en accélérer l'exécution, en y
raccordant les constructions nouvelles, et que
les particuliers eux-mêmes étaieilt ilitércsses à
ne construire qne suivant ces plans, afin d'éviter
que leurs maisons, élevées su l' les ancien nes
fondations, ne fussent anssitût arjrès con1(wises
dans l~s retranchemenls à opérer par la suite,
et diminuées dé valeur à cause de la défense de
r~stallrcr les façades ct de reconstruire sur le
même plan.
» Mais on a vu que ces f~lcilités, loin d'excite~'
les autorités municipales à pressl'r la confection
des plans, produisaient un effet tout contraire,
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�577
DU DOMAINE PUBLIC.
p~rce
que· plusieurs fonctionnaires aimaient
» mieux rester libres de faire dans chaque occasion
» et pour chaque personne ce qui leur plaisait,
n que d'être astreints à snivre une règle invarian blemen t fixée. D'ailleurs les maires changent,
» et avec enx les projets. On a des exemples de
» magistrats qui 'ont donné des alignements dans
" des snppositions différentes ,et qui ont été
» accusés, non s~[)s vraisemhlance, de profiter de
" la latitude qu'ils avaient pour ménager certaines
n personnes, pour en grever d'autres, et même
» pOln am~liorer lellrsprupres biens, en leur
» donnant des débouchés'on des juurs. L'interven» tion des préfets n'est pas une garantie contre de
» pareils abus. Ceux qui voudraient faire prévaloir
". le système exceptionnel qui a èessé d'exister
er
» depuis le 1 mai 18 '9' allèguen t la difficulté ou
),"l'impossihilité de faire d.resser ùes plans généraux
n ou même des plans partiels. Comment le préfet
» jugera-t-il sans plans de la cotlvenance des dis" positions pro pOilées r Comment le particulier
» lui-même pourra-t-il les contesterr Sera-t-il
» obligé de faire lever à ses frais les plai1s que la
» ·mairie prétend ne,pouvoir obtenir r
412.. n Lorsqu'il y a un plan arrêté, le particu» lier qui subit un retranchement a du moins Ilne
» garantie en ce qu~il est SÛt' que sa maison ne sera
" plus attaquée; mais dans le système du provi.
~) soire, rien ne le rassure. Les dispositions généj) l'ales, combinées
SUI' le plan et suivant les
»
TOM. I.
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�578
TRAITÉ
» procédés géométriques, ne coïncidel'Ont presque
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jamais avec les ali~nements partiels donnés à
vue d'œil ou d'après la direction ô'une seule partie
de rue; alors le tracé définitif passera en avant
ou en arrière de la ligne des façades nouveHement construites; dans ln premier cas la maison
sera renfùncl~e à l'égard de celles qni se bâtiront
par là suitp.; elle sel'a moins propre an commerce,
elle aura nloins d'air et' moins de vue; dans le
s,econd cas elle sera sujette à reculement uitérieu r,
et frappée pendant toute sa durée de l'interdi?tion cles grosses réparations à la partie inférieure
de la façade; conséquemment elle aura moins
de valeur.
» Il est donc injuste, sons tous les rapports,
d'exiger le sacrifice d'une ponion de propriété,
lorsqu'on ne peut garantir la pleine et paisible
possession du surplus. C'est une injustice que la
loi empêche en exigeant l'appl'Obation préalable
des plans, et en chargl:'ant seulement les maires
de les faire exécuter. Ainsi les règles de l'équité;
d'accord avec les ternu's des lois, des réglements
et des instructions ministérielles, interdisent
aux maires de trace)' des alignements, c'est-à-dire
d'étendre le tlomaine communal aux tlépens des
propriétés privées, avant qu'un acte du souve'rain ait déclaré l'utilité puhlique et autorisé l'ex·
propriation.
») Observons encore que l'alignement, en tant
qu'il étend ou resserre la voie publique, est, à
l'égard de la commune, un acte d'acquisition
�DU DOMAINE PUBLIC;
579
» ou de cession de terrain : or, les communes ne
» pouvant acheter ni accepter, vendre ni cédel'
" aucune porlion d'immeuble, sans l'autorisation
)) du gouverneUlent, on est encore forcé de recon)) naître que, sous ce point de vue, Un plan arrête
» par le roi est la condition préliminaire indispen» sable pour toute opération qlli produit un chan» gement de limiles entre le domaine communal
" et la propriété parliculière (a). "
413. Nous terininel'Ons cette discussion théonque sllr les alignemei1ts des villes (h) par des
(a) Cette dernière observation de l'auteur est aujourd'hui
sans application par suite de la disposition déjà rappelée plus
haut de l'art. 46 de la loi du 18 juillet 1837, portant que:
« Les délibérations des conseils municipaux ayant pour ob" jet des acquisitions, des ventes ou échanges d'immeubles, le
" partage de biens indivis, sont exécutoires sur arrêté du préfet
" en conseil de préfecture quand il s'agit d'une valeur n'excé" dant pas 3,000 francs pour les commulles dont le revenu est
" au-dessous de cent mille francs, et 20,000 francs pour les
" autres communes......• ; et qu'il n'y a lieu de recourir à une
j, ordonnance du roi que lorsqu'il s'agit d'une valeur supé" neure. "
(h) Une opération nôn moin~ utile que l'alignement, quoique non prescrite par la loi ni par aucune instruction ministérielle (si ce n'est pour Paris, par l'avis du conseil d'Etat du
3 septembre 1811 , rapporté suprà, nO 409, pag. 569), serait
l'établissement d'un plan de nivellement des rues et places;
eu effet, il arrive fréquemment que par suite de changements
apportés daris leurs niveaux ou leurs pentes; soit pour pro~urer l'écoulement des eaux, soit pour faciliter l'accès d'un
pont, soit pour tout autre motif, on enfouit des mâisons, ou on
place leur rez-de-chaussée de beaucoup en contre-haut du sol,
�580
. TRAITÉ
conclusions aussi précises que possibles., et daos
lesquell es, en nous ex-pliql1an t sur le droit sacré de
, la propriété foncière, ,nOliS si~nalerons les. motifs
qui doivent le faire prévaloir sur les prétentions
quelquf'fois injustes des a.dministrati~ns locales.
Nons dirons dohc qn'il résnlte de tout ce ,qui a
été exposé ci-d~sslls tOl1chant les plans des villes
et l'alignement de leurs rues,
414. 1° Qu'en mp-ditant sur l'ensemble des articles !H et 52 de la loi ou 16 septembre 1807, on
voit que ~ comme le dernier de ces articles veut
que les plans généraux d'alig'nement de rues dans
les villes ne soient exécutoires qu'autant qu'ils auront été arrêtés en conseil d'état, de mêm~,
ce qui, dans certains cas, donne lieu à des indemnités, ainsi que
nous le dirons dans le commentaire de l'art. 19 de la loi du
21 mai 1836 , ~'nfrà, tom 2; et dans d'auh;es plus fr~quènts
impose à l'administration III nécessité d'autoriser en saillie sur
la voie publique et a~ gr;md détriment de sa régularité, de sa
sûreté et de sa viabilité., des rampes, des marfhes d'escaliers ou
des excavations; III seul moyen de parer à ces ipconvénients
serait de régler à l'avance et d'une manière immuable I.e J,liveau
auquel les entrées de chaque bâtiment pourraiènt être établies;
en donnant l'alignement, le maire indiquerait en même temps
la ligne horizontale sur laquelle devraient être posés les seuils
des ouvertures des npuvelles constructions; il est fâcheux, de
voir de beaux édifices dont la construction ne remonte qu'à un
siècle ou deux, déchaussés ou enfoncés en terre. Il serait à
désirer qu'en attendant que la législation s'occupe de cet objet,
les administrations municipales adoptassent une mesure qui pré\'ielldrait par la suite des dommages et des procès.
�DU DOMAINE PUBLIC.
581
lorsqu'il n'y a point encore de plan général d'alignement établi pour une· ville, et qu'il s'agit
néanmoins d'y procéder à la démolition de quelques bâLÎments, on d'en enlever llne portion pour
cause d'utilité pl)blique, la cession ne peut, aux
termes de l'art. 51, en'être forcée ou exigée à l'égard du propriétaire, que d'après un décret rendu
en conseil d'état sur le rapport du min.istre de
l',intérieur~ dans les fôrnie~ prés~rites par la
loi',
.
415. 2° Que, quand même il, y aurait des il'rég·ularités plus ou moins choqu'antes dans l'ancien é,tatdes choses, et qu'on apercevrait des améliorations désirables ,tant qu'il n'y a pas eu, pour
la ville où l'ou se tl'ouve, nn plan d'nlignement
adopté par le gouvernement poùr régulariser la
disposition de ses édifices, ou 11n décret particuliei' du gouvernement appli~able au déplacement
de tel ou tel édifice, le propriétaire qui vent reconstruire la façade de sa maison est en d1'Oit d'exigel' que son alignement soit reconnn et fixé par le
'. maire conformément à l'ancienne possession, puisqné ce magistrat n'a· le dl'Oit ni de l'exproprier en
le forçant à se reculer sur l'arrière de son. terrain,
·ni de' l'obliger à acquérir le sol qui est au-devant
de sa maison; et qne, pour lui imposer J'une on
l'autre de ces chaq:;es, il faudrait une ordonnance
du foi rendue en exécution de la loi du '}6 septembre 1807;
416. 3° Que, l'établissement d'un plan général
�582
TRAITÉ
de voirie dans \-me ville n'ayant aucunement pour
objet d'y faire opérer de suite la démolition et la"
r,econstruc.tion générale et sim ultanée des édifices,
mais seulement d'en améliorer successivement, et,
avec le temps, lës diverses cOOlml'nications, celles
des maisons <Jui se trouvent soumises à un reculement pour nonner plus de largeur à la rne ne sont
pas pour cela condamnées à Id démolition actuelle,
tant que la ville ne les a pas acquises des proprié.
taires ;
411. 4° Qne néanmoins, lorsqu'nne maison
ISe trouve en saillie. sur l'ahgnement arrêté par le
plan général, l'obligation de la reculer qnand elle
tombera en ruine, 0\1 qu'on voudra la démolir volontairement, produit déjà l'effet d'une servitude
hien grave, puisqu'elle opère dès à présent un
avilisseme_ot considérable dans la- propriété, par
suite de la lllenace d'expropriation forcée, et de
]a défense d'y faire des réparations ou travaux confortalifs (a),
(a) Le tracé sur le plan d'alignement, d'un projet de rue à
ouvrir, produit-il, par rapport aux maisons comprises dans ce
tracé '. le même effet que lorsqu'il s'agit d'un simple retranchement ~ opérer dans un bâtiment construit le long d'yne rue
déjà e~istante ; la même prohibition de réparer existe-t-elle égale~ent
?
L'affirmative semLlerait résulter des termes de l'art. 52 de la
loi du 16 septembre 1807 qui met sur la même ligne l'ouverture
des rues nouvelles et l'élargissement des anciennes. Cependant,
lors de la discussion de la loi du "] juillet 1833, la question
ayant été soulevée, M. Legrand, commissaire du roi, exprima
�583
DU DOl\IAINE PUBLIC.
418. 5° Qu'à part le cas où l'on procéderait
anliablement à l'acquisition du terrain, par'application de l'art. 46 de la loi du d~ juillet 1837, ni
le maire, ni le préfet, ni le minis~re, agissant par
rapport à une ville ponr laquelle il
a encore aucun plan d'aligneluent établi par l'autorité du roi,
n'y
ùn avis
opposé: (( Une semblable application, dit-il, de ]a loi
de 1807 me paratt tout-à-falt illégale, et, pour ma part, je
" ne connais pas un seul cas où l'udministration chargée de!!
" travaux qui s'exécutent sur le~ follds de l'état l'ait appliquée
>l dans ce sens. Il ne suffit pas que ]e projet d'uue communication
» nouvelle soit arrêté, pour q~e les terrains et bâtiments qui
" se trouvent sur la ligne de c~tte communication soient, dès
» ce moment même, frappés des servitudes essentiellement inhé.. rentes aux bâtiments et terrains situés le long des routes déjà
» ouvertes. Ces sel'vitudes ne sont que le pril: des avantages
,>- que procure ]a jouiss(lDce de la communication; si les avan». tages n'existent pils (et Hs "Il' existent pas, si ]a communication
» n'est pas ouverte), les servitudes ne peuvent pas être invo» quées, En un mot, les servitudes ne peuvent pas être anté» rieures à l'ouverture de la route, du canal ou de la rue nou» velle ,. puisqu'elles ne dérivent que de l'existence m.ême de
» ces communications. Quand il s'agit de les ouvrir pour la
» premir-re fois, ce n'est pas par mesure d'aligllemeni qu'on
» doit procéder, mais par voie d'expropriation. Il faut, dans
» ce c.as, acheter et payer, dans leur entière va]eur, les terrains
» et bâtiments qui doivent servir d'emplacement aux travaux;
» et toute interdiction de bâtir ou de réparer qui reposerait
" uniquement sur un plan arrêté dans le cabinet, et lorsqu'il
» n'y a encore ni route, ni canal, ni rue, serait une interdic» tion contraire à l'esprit de ]a loi. » (Moniteur du 10 février
1833, pag. 340. Voyez dans le même sens la circulaire ministérielle du 23 août 1841. )
>l
�584
TRAITÉ
ne pourraient, en donnant l'alignement à un particulier q.ui voudrait reconstrl,lire sa maison,' Ini
imposer l'obligation de reculer son nOuveau bâti..:
ment.
Ils ne le pourraient, parce qne généralemelJt il
n'y a jamais que le roi, ou les chambrt's, dans les
cas les plus importants, qui aient le droit de reconna~tre et déclare..- la cause d'utilité publiqu~
poux laq.uelle on doit pl'Océder à. une expropr:iati9D
forcée.
Ils ne le 'po~rraien t particulièrem,ent dans la
thèse qui nous occupe;- puisqu'une loi spéciale
veut im'périeusement qu'~1 n'y ait que I~ roi en son
conseil qui puisse imposer les obligations dont i,1
s'agit, en stat,uant, avec toutes les solennités' l'e'quises, sur l'étahlissement des plans de voiJ;ie dan~
les villes.
Ils ne le ponrraient enan , parce qu'il n'appar:'
tient ~,i al,l maire, ni an préfét', ni' au 'mini'stre ,
d'impos,er à une viJle la dette ou la charge <:le l'indemnité q.ui serait due, à celui dont ils auraient
ordonné le reculement de l'édifice.
Toutes ~)cs vérités sont _asse~' claires Pilr ellesmêmes; Ill:ais, si nous quilto~s Ul? moment la
théorie pour en venir à ce qui se pratique, nous
allons trouvet' de graves difficultés à ré~oudre.
419. Dans le cas où le maire d'une ville'pour
laquelle il n'existe pas de plan d'alignement arrêté,
voudrait conlraind re un prop"iétaire, qui reconstruit à se reLirer en arrière de la limite de sa posses-
�DU DOMAINE PUBLIC.
585
sion actuelle, il s'agit de savoir à quelle autorité
ce. propriétaire devrait s'adresser pour se fairé maintenir dans sa possession.
420. D'abord, Ce propriétaire pourrait incon.
testablement appeler de la décision du maire soit
pardevant le préfet, soit p~rdevant le ministre, suit
cunseil <;l'état; mais ,. en cas qu'il ne soit pas
écouté par ces diverses autorités, ne pourrait-il pas
recourir à la justice o~dinaire pour lui Jemander
un jugement de maintenue dans sa possession, tant
qu'on n'aurait pas satisfait aux formalités d'expropriation voulues pa~ les lois ~ l'égard de celui qu'on
veut déposs~der de son héritage pour cause .d'utilité publique r
..
Pour soutenir la négative, on dira que le droit
d'assigner des alignements SUI' les rues et chemins
publics n'est attribué par les lois qu'à l'administration, et qu'il lui appartient d'autant pins exclusi' un (ll'Olt
' j'eg
, 1cvement, qu "1
1 n ' est autre c h
ose qn
mentaire.de voirie: droit qui, pal' cela seul qu'il est
réglementaire, ·se trouve, par son essenc~ même"
placé en dehors des attributions j,;diciaires; .
Que, d'an,re part, il est sévèrement défendu aux
tribunaux de connaître des décisions administratives pour les réformer; qu'ainsi, après que la
partie intéressée a successivement et inutilement
exercé son' recours con 1re l'arrêté d n ~aire, soi,t
devant le préfet, soit devant le ministre et le conseil d'état, tontes les voies légales étant épuisées,
il n~ lui reste qne le parti de la soumissioo.
au
r
�586
TRAITÉ
421. Nonobstant ces raisonnements, nous
croyons que If' rropriétail'~ est fondé à l'l'CO mir au
tribun,,) d'arrondissement pour obtenir contl'adic_ toirement avec le maire un jugement de maintenue
dans sa possession.
'
Les motifs de cette décision sont:
Qu'il n'y a pas de maxime mieux averee en
France qlle celle qui ,veut que toutes les questions
de propriété soient exclusivement portées devant
les tribunaux, sans qu'il soit jamais permis à l'administration d'en connaître;
Qu'aux termes de l'article 544 du Code civil,
Ge la prop"iété est le droit de jouir et disposer des
» choses de la manière la plus ahsol oe, pourvu
" qu'on n'en fasse pas un usagp prohibé par les
" luis ou par les régleb;lents; » qu'ainsi, tant que,
. pour accomplir le vœu de la loi du 16 septembre
1807 sur la meilleure organisation des rues et
places des villes, on n'a pas obtenu du roi l'ordonnance nécessaire ronr soumettre à la suppression
ou au déplacement l'édifice qu'il s'agit de reconstruire, le propriétaire ayant le droit de jouir de
son terrain de la manière la plus absolue, il doit
incontestabJement lui être permis de rebâlÏr sur
ses anciennes fonrlations, puisque, iJlsque là, il
n'y a ni loi ni réglement qui &'y oppOSe\lq
Que, suivant l'article 51j5 du Code civil, comme
d'après l'article 9 de la charte de 1830, ( nul ne
" peUL être contraint de céder sa propriété, si ce
" n'est pour cause d\ltilité publique, et moyen-
�DU DOMAINE PUBLIC.
587
nant une juste et préalable indemnité. » Or
il ne peut y avoir d'indemnité p,'éaLthle que là où
elle a été au moins déterminée d'avance soit par
convention amiahle , soit par arbitrage ou compl'Omis judiciaire avant la dépossession : en conséquence de quoi nul ne peut &trc légitimement
dépossédé sans que les formalités voulues par les
lois pour l'e~propriation aient été préalablement
remplies;
Qu'en l'absence de ces formes et conditions protectrices de la propriété, la dépossession n'est plus
qn'une voie de fait que le propriétaire doit être en
droit d'écarter en recourant à la justice ordinaire,
pour en ohtenil' un jugement de maintenue dans
sa possession, avec défense de lui causer aucun
trouble soit de fait, soit de choit, tant qu'on n'aura
pas rempli, à son éga rd, 'les formes et conditions
requises par les lois;
42'2. Qne telles son t les dispositions des lois
des 8 mars ,810, 2,7 juillet dB3, et 3 mai 1841 ,
qui veulent généralement, et sans aucune distin.ction , que l'expropriation pour cause d'utililé pu.,
hliqne n'ait lien que pal' autorité de Justice, et
que Je jugement Oldonnant la dépossession ne soit
prononcé par le tribunal qu'après qu'il a vérifié si
les formalités et conditions vOHlues par les lois ont
été ponctuellement accomplies: à Mfaut de quoi
il (loit 3n contraire ordonner le sursis à toule expropriation, et prononcer la maintenue du propriétaire en sa jouissance et possession;
)J
�588
Qu'enfin le système que UOllS co~hatlons doit
' . . Jl i' autant mIeUX
."
l'
•
elre
ecarte, qn"1
i
teul:l a. Javonser
la négligence dt'5 administrations municipales à se
conformer à la loi du 16 septenlbre 1807 qui
prescriL l'établissement de plans généraux d'ali,gnenH'llt.
423. On oppose, il est vrai, que le droit de
régler les alignements des rues et des chemins
pnLlics apporlient exclusivement au pouvoir admmistratif, sans que les tribunaux puissent intervenir en rien dans J'exercice de ce droit; qu'en
conséquence ils ne peuvent rien ordonner ici de
'contraire à l'arrêté du maire.
Mais il y a ici dellx choses qu'il fant essentiellement distinguer: l'uoe con:.iste dans le tracé ou
l'alignement de la l'ne, et l'autre dans l'action en
revendicaiion exercée par le propri(~taire riverain
qui demande à être maintenu dans la possession
du fonds sur lequel il veut bâtir.
En ce qui regarde l'alignement de la rue, le tri, pomt
. a. sen
, occnper ponr en 01'(1onner
b una l na
le tracé autrement que l'administration l'aura réglé; il ne peut rien statuer sur cet objet, parce
que c'est là nne mes!-1re réglementaire de voirie,
qui est absolument étrangère à sa compétence;
mais, tant qu'on n'a pas rempli les formalités es-'
sentipllement voulues par les lois ponr opérer l'expropriation au profit du domaine public, il n'y a
pas d'expropriation ; et tant qu'il n'y a pas d'expropriation, le terrain reste dans le domaine privé, et
�DU DOMAINE PUBLIC.
.589
par conséquei1t" soumis à la juridiction des. tribunaux ordinaires.
Dans cet état de choses, le tribunal est nécessairement compétent pour ordonner la maintenue du
propriétaire, puisque les lois veulent que l'acte cie
dépossession ne puisse émaner que rle lui, et que,
portant encore leur protection pl ns loin, elles
chargent ce même tribunal de prononcer le sursis
à l'expropriation et la Illa"Întenue.clu propriétaire,
tant que les formes qu'elles exigent pom" ce genre
d'aliénations n'auront pas été exàctement remplies.
Le-tribunal a clone, sur ce point, hne prépondérance de pouvoir pOllr conserver; au moins
provisoirement, 1'élat de possession actuel.
424. Mais si le maire, poursuivant son projet,
parvenait à faire opérer légalement l'expropriation
du fonds sur lequel le propriétair"e se, serait ~àté
de bâtir dans l'intervalle, celui-ci pourrait être
contraint de démolir pour satisfaire à l'alignement;
et, quand où en vieildrait à la question d'indemnité, il ,serait possible qu'on fût fondé à lui refuser
le prix de sa nouvelle superficie en 111i-opposanlla
règle Qu'Od 'luis 'ex sud cufpd damnum sentit.;
.non intelfigitur damnum sentire Ca).
(a) On pourrait aussi le repousser avec l'article 52 de la loi
du 3 mai 1841 , qui porte; « que les.constructions, plantations
et améliorations ne donneront lieu à aucune indemnité,
'" lorsque, à raison de ('époque où elles auront été faites ou
" "de toutes autres circonstances dont l'appréciation lui est
abandonnée, le jury acquiert la conviction qu'elles. ont été
" faites dans la vue d'obtenir une indemnité plus élevée.
l)
l)
l)
�590
TfuUTÉ
425. Après la discussion développée, à laquelle
no'us venons de nons livrer snI' la preinière partie
de l'art. !)2 ~e la loi du 16 séptemhre d~o7, il ne
'nous reste p,Îus qu'à donnel' quelques explications
sur sa disposition finale ainsi conçue:
En cas de réclamation de tiers intéressés, il
sera de mdf?le statue en conseil d'état, sur le
rapport du ministre de l'intùieùr: c'est-à.-dire
'que si le plan général d'alignement, ârrêté même
au conseil d'état, était regarde par certains pro';'
priétaires comme froissant injustement leurs intérêts, et surtout si l'on prétendait en faire une fausse
application à leur préjudice, ils seraierit recevables
'à réclamer pardevant le conseil d'état.
Pour, ne pas se méprendre sur le sèns de ces
dernières expressions de notre article, ii faut hien
remarquer que les auteurs de la loi il'ont certainement point voulti rendre l'adillinistration juge
d'aucune qriestion de propriété fonciêre, surtout
si elle était agitée individuellement entre certains
voisins de la rue; qu'en conséquence, lorsqu'ils ont
dit que les réc1amatitms des tiers intéressés seraient
de Ihême portées au conseil J'état, cela ne doit
être entendu que des réclaiuations qui seraient
faites pour demander quelques changements ou
modifications dans la situation, ou la largeur, ou
la direction et l'alignement de la rue, ou le mode
de construction et décoration des édifices, parce
que ce sont là les seules choses qui soient soumises
au pouvoir réglementaire de l'administration pu-
�DU DOMAINE PUBLIC.
591
biiqlle; mais tontes les contestations qui auraient
pour objet soit le droit primitif Je propriété fbncièl'e, soit des droits de servitudes précédemment
acqnis, et qui seraien t élevées de Iii part des propriétaires riverains, ou agitées entre eux, devraient
être r~nvoyées en j usLÏce ordinaire.
ARTICLE
53.
426. cc Au cas où, par les alignements arrêtés,
un propriétaire pourrait recevuir la faculté de
)} s'avancer sur la voie publique (a), il sera tenu.
J}
(a) L'application de cette disposition peut donner lieu à une
difficullé très-grave. En effet, si un riverain de la rue devait
s'avancer, et celui du côté opposé reculer, et que le premier
voulût reconstruire avant le second, il en résulterait que III
rue pourrait être considérablement rétrécie et thême totalement
supprimée jusqu'à ce que le voisin opposé eût aussi démoli sa
maison.
Pour parer à cet in<!onvénient , quehiries ordonnances approbatives de plans d'Illignement, notamment de ceux de la rue
de Larochefoucault et des abords de là Madeleine, à Paris,
contiennent une disposition vorlant que « les propriétaires
;, d'un des côtés ·de la rue ne pourront construire sur le nouvel
» alignement qu'au préalable ceux de la partie opposée n'aient
» opéré le reculement. »
Cette condition suspensive ayant donné lieu à des discussions,
le comité de i'intérieur du conseil d'état dèvant lequel elles ont
été portées a posé en principe « qu'une ordonnance d'alignement
» ne confère de droit aux propriétaires que dans les termes et
» sauf l'accomplissement des conditions qu'clle renferme, et
» qu'en certains cas, il est juste et nécessaire, pour conserver
» la liberté de la voie publique, d'ordohner que ceux à qui le
�592
TRAITÉ
) de payer la valeur du terrain qll1 lui sera cédé:'
)' Dans la fixation' de cette' valeur, les experts (a)
" auront égard à ce que le plus ou le moins de
l,nouvel alignement accord.~ la faculté d'ava,ricer leu~s constructions, ne l'exerceront qu'après que les propriétaires
)) opposés auront reculé les leurs. Il
Ce principe, quoique rigoureux dans son application pour
~es propriétaires qui y sont soumis, est fon'dé sur le' texte
formel de ~otre ~rt. 53, qui porte non pas que le propriétaire
en retraite de l'alignement arrêté aura 'de plein droit ,la faculté
ae s'avancer jusqu'à la ligne déterminée, mais q~J'il pourrà
recelloir cette faculté, ce qui suppose que, selon les circonstancesj
cet avantage pourra lui ,être refusé, bu, il plus forte raison,
qu'il pourra être susp~ndu par une condition.
(a) D'après l'art. 56 de la loi de 1807, les indemnités actives
ou passives, résultant de l'application du tit. Il , deyaient être
réglée~ pal' experts nommés, l'un par le propriétaire et l'autre
par le préfet pour les' travaux de grande voirie, ou par le mai~e
. de la ville pour les travaux communaux; au premier ,cas le
tiers-expert, s'il devenait nécessaire, était de ,droit l'ingénieur
en èhef du département, etau deuxièJ?e, était nommé par le
préfet; l'art, 57 investissait le conseil de préfecture du droit de
statuer après avoir pris l'avis du contrôleur et du directeur des
contributions. Sont ensuite survenues la loi du 8 mars 1810.
qui a dévolu cette attribution aux tribunaux civils, et ennn
celles des 7 Juillet 1833 et 3 mai 1841, qui ont' remplacé les
tribunaux par un jury spécial.
Aux termes des art. 15 et 16 de la loi du 21 mai lR36. les
indemnités en ce qui concerne les chemins vicinaux sont fixées,
lorsqu'il s'agit seulement de leur rélargissement, par le juge ~e
paix du canton sur le rapport d'experts nommes, l'un par le
propriétaire, l'autre par le sous-préfet, ct le tiers, en cas de
discord , par le conseil de préfecture, et lorsqu'il est question
Il
�593
DU DOMAINE PUBLIC.
~~
»
.,~
profondeur du terrain cédé, la nature de la
propriété, le reculement du reste du terrain bâti
ou non bâti loin de la nouvelle voie, peuL ajouter
Je leur ouverture ou de leur redressement, par un jury spécial
de quatre jurés présidés par un membre du tribunal civil ou
par le juge de paix.
A laquelle de ces cinq autorités appartient~il aujourd'hui de
l'églet l'indemnité due au propriétaire qui, par suite d'un alignement, est contraint de reculer ses constructions et de céder
'une partie de son terrain à la rue?
D'uu côté, les conseils de préfecture ont été privés de cette
ttribution par la loi de 1810, comme elle a été enlevée aux
tribunaux civils par la loi du 7 juillet 1833 ; d'un autre côté,
bien que les rues puissent être considérées souvent comme le
prolongement des chemins vicinaux, il· est constant que les
dispositions de la loi du 21 mai 1836 leur sont inapplicables;
c'est donc au jury, organisé par la loi du 3 mai 18{J. , que la
question d'indemnité doit être déférée lorsqu'il n'y a pas accord
entre la ville et le riverain; c'est ce qui résulte de la discussion
de la loi du 7 juillet 1833 aux chambres, notamment dans la
. séance du 10 février .1833; un député ayant demanùé ce que
deviendrait la loi de 1807 et quelle serait l'autorité qui serait
appelée à prononcer sur les questions d'indemnité, particulièrement dans' les cas d'alignement, le rapporteur répo~dit:
Ce sera le jury> li quoi 1\'1. Legrand, commissaire du Roi,
ajouta: « Tous les régleinents d'indemnité, déférés aux tribu" naux par la loi de 1810 , sont déférés au jury par la nouvelle
» loi. " (:Moniteur, an. 1833 , p. 340.)
Telle est aussi la solution donnée le 1er avril 1841 par le
conseil d'état, ainsi que nous l'apprend M. le ministre de l'intérieur dans sa Circulaire du 23 août suivant, dont il est csseuTOM:.
1.
38
�594-
'l'MITÉ
ou diminuer de valeur relative pour le proprié» taire. »
On voit par là qne, dans l'estimation du sol qui
est à céder, on doit avoir égard à la faculté que
»
tiel de rapporler ici quelques paragraphes qui s'occupent des
conséquences de ce principe:
« Dès l'instant, porte-t-elle , qu'il y a lieu de procéder par
application de la loi d'expropriation, en renvoyant au jury le
réglement des indemnités ducs par suite de l'exécution des
alignp-ments arrêtés; dès que, par conséquent, les ordonnances
approbatives des plans généraux d'alignement sont assimilées à
celles qui, pour d'autres travaux publics, dérivent de la loi
d'expropriation elle-même, On devait examiner si le magistrat
chargé de poursuivre la réunion du jury, ne serait pas en droit
de refuser de faire les réquisitions nécessaires à cet effet, vu le
défaut d'accomplissement des formalités exigées par la loi
d'expropriation; les ordonnances royales approbatives des plans.
d'alignement ayant été, jusqu'ici, rendues en vertu d'instructions qui diffèrent des règles observées relativement aux ordonnances déclaratives d'utilité püblique.
II Ces dernières ne peuvènt être obtenues sans qu'au préalable
il ait été procédé à une enquête dont les formes sont déterminées
par.un réglement d'administration publique (l'ordonnance du
23 août 1835, applicable spécialement aux communes). Telle
n'est pas la marche suivie pour les plans d'alignement, à l'égard
desquels on s'est contenté, jusqu'ici, d'une information établie
selon les prescriptions de la circulaire ministérielle du 29 octobre 1812, qui n'a point le caractère d'un réglement d'administration publique. D'un autre côté les formalités d'enquête
indiquées par cette circulaire diffèrent, en quelques points, de
celles qui sont en usage depuis la promulgation des lois d'expropriation. Or, puisque les plans d'alignement allprouvés par
le Roi sont appelés :1 avoir la même· valeur et les mêmes effets
�DU DOMAINE PUBLIC.
595
.
1"acqnel'eur aura u,1' y b"allr, parce qu, un -tenaln
propre à recevoir une constrnction sur nne rlle doit
avoir une valeur plus considérable.
427. cc Au cas où le propriétaire ne voudrait
que les ordonnances déclaratives d'utilité publique, il est nécessaire que les dispositions légales particulières à l,a procédure
qui précèdent l'obtention des unes soient appliquées à celle qui
est suivie à l'égard des autres.
» Vous voudrez bien en conséquence, M. le préfet, considérer la circulaire du 29 octobre 1812, comme désormais
abrogée; et, toutes les fois que voùs aurez à provoquer l'approbation d'un plan d'alignement, vous ferez précéder vos
mesures d'une enquête speciale qui aura lieu tant en vertu de
l'ordonnance royale du 23 août 1835, 'que eonforinément aux
instructions. c9ntenues dans la circulaire ministérielle du 21
septembre même année
» Ainsi se trouveront accomplies les prescriptions des derniers paragraphes de l'art. 3, tit. 1, de la loi du 3 mai 1841, et
dès-lors les plans d'alignement approuvés auront, dorénavant,
la valeur attribuée aux autres ordonnances ~oyales déclaratives
d'utilité publique.
» Il ne suit pas de là, toutefois, que les administrations
locales soient dispensées de procéder, en cas d'ouverture et de
formation de rues ou autres voies publiques nouvelles, aux
enquêtes spéciales et autres formalités prescrites par le tit. 2 de
la loi dti. 3 mai 1841 et par les iiJstructÎons antérieures, notam.
ment par celle du 23 janvier 1836, qui établit à cet égard une
distinction utile à maintenir. Les dispositions de la présente
circulaire ne s'appliquent qu'aux propriétés riveraines des voies
anciennes soumises à la loi générale des alignements: c'est un
point sur lequel je dois particulièrement insister.
»
Je n'ai parlé jusqu'ici qtlC des formalités qui précèdent
�596
TRAITÉ
" point acquérir, l'allministration publique est
:» autorisée à le déposséder de l'ensemble de sa
" propriété, en lui payant la valeur telle qu'elle
» était avant l'entreprise des travaux. »
l'approhationdes plans d'alignement; il me reste maintenant à
examiner si l'intervention du jury ne pourrait pas être refusée
pour 'raison du défaut d'accomplissement des mesures qui font
l'objet du tit. 2 de 1; loi sur l'expropriation (la deuxièmc en'quête su~ le plan parcellaire et l'arrêté du préfet, en conseil
. de préfecture, qui détermine les propriétés qui doivent être
cédées et l'époque de leur prise de possession) et qui sont
. destinées à garantir la juste application des ordonnances intervenues à chaque propriétaire dépossédé.
Sons l'empire de la lôi du 7 juillet 1833, on pouvait concevoir la 'crainte du refus dont il vient d'être parlé; mais cette
crainte s'évanouit en présence de l'art. 14 de la loi du 3 mai
1841, dont le dernier § pôrte que dans les cas où les propriétaires à exproprier consentiraient à la cession, mais où il
n'y aurait point accord sur le prix, le trihunal donnera acte
du consentement, et désignera le magistrat directeur du jury ;;
sans qu'il soit hesoin de rendre de jugement d'expropriation, ni
de s'àssuter que les formalités prescrites par le tit. 2 ont été
remplies.
» Vous remarquerez que lorsqu'on procède par voie d'alignement, c'est"à~dire lorsque l'adiniliistration, en exécution de
plans approuvés après une information dans laquelle tous les
propriétaires intéressés ont pu fàire entendre leurs réclamations,
se borne à tracer l'alignement qui, lui est demanaé, l'abandon
de l'emplacement à réunir à la voie publique de'fient obligatoire. C'est presque toujours volontairement que le propriétaire
se retire sur l'alignement nouveau, ct qu'il cède la portion de
son terrain dont il a été en quelque sorte exproprié par
avancc. Le tribunal n'a donc pas d'expropriation à prononcer,
li
�DU DOMAINE PUBLIC.
597
La raison pour laqnelle le propriétaire voisin de
la rue peut être justement mis dans l'alternative
mi d'acquérir le terrain délaissé de son côté, on de
vendre sa propriété, c'est que s'il s'agit ici d'une
voie puhlique sur laquelle ce propriétaire jouit , à
et, dès-lors, l'enquéte prescrite par le tit. 2 de la loi du 3 mai
1841 est superflue.
» Il est vrai de dire que la convenance de l'alignement en
lui-même pourrait encore être c:ontestée par le propriétaire;
mais il ne faut pas perdre de vue que les difficultés qui s'élèveraient à cet égard ne sauraient être portées devant les tribunaux, qui n'auraient pas <Jualité pour en connaître, attendu
que l'arrêté qui fixe l'alignement est 'un acte administratif qui
ne peut être apprécié que par l'administration elle-même. Le
propriétaire réclamant ne pourrait, dans ce cas, suivant la
jurisprudence -invariable du conseil d'~tà.\, que se pourvoir
administrativt'ment auprès de l'autorité supérieure. »
Dans le surplus de sa circulaire, M. le ministre, examinant
deux questions moins générales et en qllel,que sorte transitoires,
décide:
1 Que hien que, pour les plans actuelleme.nt approuvés, i~
n'y ait point eu d'enquête préalable dans la forme prescrite par
l'ordonnance du 23 août 1835, les tribunaux ne doivent point
se refuser à faire régler les indemnités par le j'ury;
'.
20 Que lorsqu'il n'existe pas de plan général légalement
arrêté, et qu'un alignement partiel est: délivré par le maire en
vertu du pou"oir qui lui est reconnu par. la jurispru.dence, il
Y aura, en cas de contestation de la part du propriétaire, soit
sur l'alignement, soit sur le dédommagement offert, lieu à provoquer une ordonnance royale qui statuera sur l'alignement de
la rue ou du quartier, couformément à l'avis du conseil d'état
du 3 septembre 1811 , et en vertu de laquelle le jury d'expro- .
priation pourra.être légalement saisi.
0
�598
TRAITÉ
titre de servitude, des droits de jOUf, de passage,
d'entrée et de sortie nécessaires au service de sa
pr?priété, et dOiÙ il n'appartient pas à l'administration publique de le priver en changeant l'alignement, il faut aussi considérer, d'autre part,
que la corumune ne doit point être forcée de conserver llniqueme~1t pour le service du fonds particulier restant à ce p~opriétaire unéplace vague qui
non-seulement Jll~ serait inutile, mais qni encore
nuirait à la régnlai'ité de la rue et présenterait de
graves inconvé~ients sous Je rapport de la propreté
et de la sûreté du passage: il faut donc, ponr con~ilier ici tous les iotérêts; en venir à la dépossession même du fonds, qui sera aliéné en entiei' ponf
cause d'utilité publique, et dont le prix sera payé
à son maître.
ARTICLE
54.
Lorsqu'il y aura lieu en même temps à
» payer une indemnité à un propriétaire pour les
)J terrains occupés, et à recevoir de lui une plus'J value des avantages acquis à ses propriétés restantes, il Y aura compensation jnsqu'à con eurJ) rence, etIe snrplns seulemen t, selon les résultats,
:» sera payé au propriétaire, ou acquitté par lni. J)
Il ne s'agit là que d'une halance d'intérêts et
d'une compensation dont la justice est évidente par
elle-même (a).
428.
cc
)J
(a) Nous pensons que cet article a été abrogé par le 51"
de la loi du 7 juillet 1833 , textuellement reproduit, à un mot
�DU DOMAINE PUBLIC.
ARTICLE
599
5t>.
429. cc Les terrains occupés pour prendre les
" matériaux nécessaires aux routes et aux consprès ,sous le même num,éro dans celle du 3 mai 1841 , et qui
est a,iQ.Si COnçu: « Si :L'exécution des travaux doit procurer une
" augmt:ntalion de valeur immédiate et spéciale au restant de
» la propdété, cette augmentation sera prise en considération
" dans l'éval,1llltion, du montant de l'indemnité. »
Pour hien comprendre le s/;'ni!- et la portée de ~ette disposition,
il est nçcessaire de remonIe],' à son origine et de §avoir comment
elle a été rédigé~. Le preÎn,ier projet de la loi du 7 juillet contenai~ l'~rticll; Sl)iVallt: « Si l'exécution des travaux procure
» ou doit procurer une plus-valu,e au restant dg la propriété,
» ou à d'autres fonqs 'l(oi~ins des traval,lx et appartenant au
» propriétaire qu'il s'agit d'indemniser','if est fait compensation
» de cette plus.vall,1,e jqsqu'~ dt~e con~~rrence avec le montant
» de l'in,d,emnité. »
La commissiol,l" par: l:organe. de son rappOl;teur, M. Martin
du Nord, s'éleva, contre le principe lui-même; « elle ne l'a pas
." adopté, dit-il, parce qu'il lui paraît tout à la fois injuste et
» d'ul1,e ex.éculio\l; iWpossible. Nous nous SODW\es, en effet,
» dem;tI\dl ~omment- il pourrait se faire qu'~n propriélaire,
» dépossédé d'une partie du terrain qui lui appartient, fût, à
raison' de la plus-value du surplus, privé de tout ou partie
de son indeJ;llnité, lorsque son voisin, qui aura it conservé sa
propriété intacte, ne serait ohligé à aucun sacrifiee à raison
» des aYantages que devrait lui procurer le canal ou le chemin
l, projeté; nous nous s.ommes demandé si le propriétaire qui
.. cultive son champ l't qui n'a d'autre arnhition que de le
» transmettre à ses enfants, pour qu'ils trouvent comme lui,
l> d<lns ses produits annuels, des ressources pour leur famille,
» serait indemnisé de la, perte qu'il éprouve par la prise de
l)
l)
l)
�600
»
»
»
..
..
"
"
"
TRAITÉ
truetions pnbliqnes pourront être payés allX:
propriétaires comme s'ils ellSSC11l été pns pour
la route' même. »
possession, au nom de l'état, de la moi tié de sa propriété,
parce qu~ l'autre moitié paraîtrait, aux yeux du jury, devoir
acquérir da~s' la même proportion une augmentation de
valeur vénale, dont il ne 'pen'se à tirer aucun profit. D'un
autre côté la prudence permet-elle d'espérer que des hommes,
l> tels capables qu'ils soient, 'puissent, a:~ec Justice, arriver à
l> l'appréciation de cette plus-value? 'Il cst des entreprises qui
l> donnent il ceux
qui les ont conçues le~' plus brillantes
}) espérances, et il n'est pas rare qu'elles soient cruellement
}) démenties. Si pourtant l'estimation de la plns.v~iue a été faite
l> sous l'inspiration de ces illusions, est-il juste que le' propriél> taire dépossédé soit victi"le de l'er~eur de ses juges, lorsqu'une
}) funeste réalité'les aura di'ssipées? Pr~céd~ra-t-on' alors à une
.. nouvelle estimation? le proprjétair~ reçouvrera-t-il une porl> tion quelconque de l'indemnité dont une première opération,
}) toute ~onjecturale, l'avait privé mal à propos? Nous ne
l> croyons pàs qu'aucun système puisse obvier Ii ces inconvé}) nieots, à ces inégalités, à ces injustices, et nous vous pro.. posons, comme une véritable amélioration du projet, la
l> 'suppression de l'art. 51. l> (Moniteur du 27 puvier 1833,
page 212.)
,
1\1:. le comte de Rambuteau attaqua ce système en disant
que sans l'application du principe de la loi dc 1807, il aurait
été et qu'il serait impossihle d'entreprendrc aucun des grl\nds
travaux qui embellissent la capitale; « ~c perdons pas de vue,
l> ajoutait-il, que le trésor est la fortune de tous les citoycns.
" Sans doute' il faut respecter le principe de la 'propriété privée,
" mais il faut respecter aussi celui de la propriété publique.
l> Les dispositions de la loi de 1807, sur la plus-value, oni dû
» être appliquées tant qu'aucune loi ne les_a remplacées, et je
�DU DOMAINE PUBLIC.
601
La règle générale est qne, pour la confection et
l'entretien des routes et autre& travaux publics, il
est p~rll1is de fouiller les propriétés du voisinage
pense qu'on ne pourrait les supprimer avant d'avoir pris de
" pouvelies mesures pour y suppléer: (Mon. du 8 février 1833,
pag. 324.) . .
l)
l)
M. Sai verte. soutint que le principe de la plus-vaIne était
injuste, parc~qu'iI n'y avait pas de réciprocité; l'état ne payànt
point d'indemnité dans le ca~ de dépréciation indirecte et éloignée quoique réelle, el. d'un autre côté n'en exigeant pas de
ceux dont la propriété est améliorée si en même temps on ne
leur prend rien.
M. Legrand, commissaire du Roi, dit que la plus-value
.n'était jnmais réclamée en c~mpensation de la valeur intrinsèque
du terrain, mais seuiement en compensation ou atténuation des
indemnités accessoires souvent exagérées; que la loi eu discus··
sion n'avait pour objet que d'abro~er la loi de 1810, mais non
celle de 1807, aux termes de laquelle le gouvernement 11 la
faculté de réclamer la plus-value aux propriétaires voisins des
travaux.
M. Dupin fit observer que l'article n'avait pas pour objet de
conférer au jury le droit de condnmner le propriétaire à un
paiement, mais seulement d'évaluer ce qui devait lui être payé;
à quoi M. Martin du Nord ajouta que l'on pouvait bien dispenser l'administration de payer daus certains cas, mais que
l'on ne pouvait p~s obliger le propriétaire à payer quelque chose
à l'administration.
Enfin la même difficulté s'étant reproduite devant la chambre
des pairs, l'art. 51 , tel qu'il est aujourd'hui rédigé, fnt adopté
d'après les observations suivantes de M. Legrand, commissaire
du Roi: « Je vais expliquer, disait-il, comment l'administra» tion applique et entend appliquer le principe de la plus-value.
» Un particulier cède, pour U1l travail d'utilité publique, un
�602
TRAITÉ
pour en extraire les matc:.. iaux nécessaires à l'exécution de ces ouvrages, et qu'alors on ne doit aux
propriétaires des fonJs fouillés qu'une simple inarpenl de terre, par exemple: je suppose que la valeur vénale
de cet arpent est de 2,000 fr., le particulier doit évidemment
» recevoir la somme entière de 2,000 f. , et je n'admettrais pas,
» pour ma part, qu'on pût rien en retrancher; mais lorsque,
)J indépendamment de la valeur intrinsèque du. sol qu'il aban» donne, ce particulier vient alléguer des causes accessoire$
" d'indemnité et réclame!; pour ces causes accessoires, un capital
» double et triple (le cas ne s'est présenté,. ne se présente q,ue
» trop souvent) de l'indemnité principale, comment pourrait» on dénier au gouvernement le droit d'opposer, dans l'il1térêt
II du trésor, les causes de plus-value et de balancer ees d~r
» nières avec les premières, de manière à n'avoir en définitive
» à payer qu'une différence? La plus-value n'est pas une arme
II offensive, c'est bien plutôt une arme défensive, à l'aide de
» laquelle nous résistons à des prétentions quelquefois immo» dérées. Je prnse qu'il y aurait un véritable danger à ôter cette
» arme des mains du gouvernement. » (Moniteur du 14 mai
1833, pag. 1351. )
Les prineipah$ différences enh'e l'art. 54 de la loi de 1807 et
l'art. 51 de celle du 3 mai 1841, sont: 1° que le premier de
ces articles reconnaissait un droit précis en faveur du gouvernement, à exiger une plus-vah.\e, tandis que main\enant l'augmentation de valeur ne doit être prise qu'en. considération; il Y
avait compte rigoureux à faire, tandis qu'aujoUl:d'hui c'est une
affaire d'arbitral!;e; 2° il faut, d'après la loi de 1841, que
l'augmentation de valeur soit immédiate, c'est-à-dire qu'elle
existe dès-à-présent de manière qu'on p1,lisse en profiter sur-lechamp et qu'elle soit spéciale au restant de la, propriété, sans
ég-arrl :l1lX autres propriétés du réclamant qui au~aient pu être
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
603
denmité des dommages qu'on leur a causés. Mais,
d'après.. ce texte, l'administration publique est
autorisée à aller plus loin, en exigeant l'expropriation même du sol, comme s'il était pris pour la
route m~me: ce qui ne doit naturellement avoir
lieu que quand on ne trouve les matériaux nécessaires que dans une localité spéciale qui les fournit
en snffisante quantité, et qu'cn conséquence l'administration juge à propos d'y établir des carrières
permanentes de manière à faire entrer le sol même
dans le domaine public.
430. «Il n'y aura lien à faire entrer dans
)7 l'estimation la valeur des matériaux à extraire
77 que dans le cas où l'on s'emparerait d'une car77 rière déjà en exploitation; alors lesdits matériaux
77 seront évalués d'après leur prix courant, abs77
tfaction faite de l'existence et, des besoins de la
améliorées; sous l'empire de la loi de 1807, il suffisait, au con·
traire, qu'il y eût des avantages acquis, quoique non encore
réalisables, et que ces avantages existassent par rapport aux
propriétés restantes, soit le même fonds, soit même des fonds
distincts et séparés, pourvu qu'ils appartinssent au même propriétaire; 3° enfin si, de la balance du dommage et des avantages, il résultait un excédant de ceux-ci, le surpl us pouvait
être exigé par l'état, tandis qu'actuellement le particulier ne
peut jamais être contraint à rien donner; il peut recevoir
moins, mais il ne doit rien payer: comme le disait le commissaire du Roi, la plus-value n'est plus une arme offensive, elle
n'est que défensive.
�60·i
TRAITÉ
l'Oule pOIU laquelle ils seraien t pris, ou des
constructions auxquelles on les destine (a). »
Si 1111 terrain dans lequel on se propose de faire
des fi.milles devait être estimé SUI' la valeur oe tous
les matériaux '111 'on pourrait. eu ex traire par la
suite, son prix serait inoéfini, et l'on ne pounait
le fixer à aucnne ép,'qne : il faut donc l'apprécier
dans son état d'apparence et de valeur actuelles
sans avoir égard à ce qu'il peut renfernwr et qu'on
ne connaît pas; et sous ce point de vue, la convention se trouve aléatoire. C'('st une rf.gle générale eu
fait d'indemnités par suite d'cxpropriati()n pour
cause d'utilité publique, gne l'on ne doit avoit,
,
1 qu "a L" elat d
l eXlstan
'
,
egarl
e Closes
t a Il maillent ou
l'expropriation est ordonnée, sans considérer aucune éventualité.
MéJis quand il s'agit d'une carrière déjà ouverte,
les produits t'n sont tout à la fois apparents et
cer1ains: il fant donc que le propriétaire qui les
velH.ll'air à J'Jlltres en reçoive le même prix de la
part de l'd.llllinistralion qui vient s'en emparer.
»
»
(d}Par différents arrêts des 24 octobre 1834, 7 iuin 1836
et 27 avril 18:38, le conseil d'état a décidé avec raison, à causeqn'il s'agit iei d'un droit exorbitant, que par les mots de
carrière déjà en exploitation, on doit entendre non-seulement
celles qui sont exploitées au momenl où la prise des matériaux
y est f"it(' , mais encorecelles qui ont été exploitées à une époque
ancienne, lors même qu'elles seraient actuellemenl abandonnées;
elles n'eu sout .pas moins, en effet, toujours des carrières.
�•
DU DOMAINE PUBLIC.
605
Nous terminerons nos explications sur cet article
en faisant remarquer que, toutes les fois que l'administration publique joge à p'ropos de s'emparer
du fon~is lui-même pour pouvoir y faire indéfiniment et en tout temps des extractions de matériaux,
il est néces~aire de recourir aux formes d'expropriation ét.ablies pal' la loi du 3. mai i841, si le propriétaire ne conseilt pas !l une cessiOn aniiable à
ce sujet (a).
(a) Pour diverses autres questions, résultant de'l'application
de l'art. 55 de la loi du 16 lieptembre 1807, voyez Il' commentaire de l'art. 17 de la loi du 21 mai 1836, irifrà, tom. 2.
�606
TRAITÉ
"
CHAPITRE XXIX.
De la, police de répressiôn en matière de voirie urbaine.
1
431. La règle g~nérale et de droit commun est,
que c'est devant les tribunaux -que doivent être
portées toutes ll's actions en répression des crimes,
délits ou contraventions attaquant l'ordre établi;
et que c'est par eux que doiven t être prononcées les
peines, à moins qu'il ne s'agisse d'une matière qlii,
par une exception formellemeut exprimée dans les
lois, ait été soustraite à leur action pou l' en attribuer la connaissance à une autre autorité.
Or nous voyons que les.lois des 29 floréal an 10
et 9 ventôse an 13, qui ont érigé les conseils de ,
préfecture en tribunaux de police administrative,
n'on t transporté dans leurs attributions que le droit
de prononcer sur les contraventions commises en
matière de grande voirie.' tandis qu'il ne s'agit ici
que de voirie urbaine: d'où la conséquence qu'ort
doit, en celle matière; écarter lout recours aux
conseils de préfecture (t), pOUl' rester SOUIi la dé~
pendau~e des tribunaux ordinaires.
432 à 437. (a) Ces tribunaux ordinaires sondes
(1) Voy. les décisions du conseil d'état du 4 septembre 1822
et du 3 mars 1825, dans le recueil de MACAREL, t. 4, p. 327,
et t. 7, p. 132.
(a) On a cru devoir supprimer ces numéros de la 1re édition,
parce qu'ils ne contenaient que des notions générales sur la
èonstitution, la composition et les attributions des trilnmallx-
�DU DOMAINE PUBLIC.
607
tribunaux de police correcLÏonnelle et les tribunaux de police simple Ca), dont la compétence respective est, conformément aux art. 179, 137et suivants du Code d'instl'Uction criminelle, déterminée
par la nature et la quotité des peines établies par
le Code pénal.
correctionnels et de police; points qui n'ont qu'une relation
éloignée et indirecte avec l'objet du présent traité.
Ca) Aux termes de l'art. 138 du Code d'instruc. crim., les
fonctions de juge de police sont remplies, soit le plus généralement, par le juge de paix, soit dans certains cas énumérés en
l'art. 166,par les maires des communes non chefs·lieux de canton.
Quoique ces fonctions aient déjà été attribuées à l'autorité municipale par les art. 50 de la loi du 14 décembre 1789, et 3, tit. Il,
de celle du 24 août 1790, nous ne pouvons nous empêcher de
dire avec M. Proudhon (nO 436 supprimé), « qu'il nous paraît
Il y avoir en cela un vice de législation contraire aux principes
Il sur la démarcation des pOÏlvoirs publics: celui qui est admi" nistrateur ne doit pas être en même temps juge des choses
" immédiatement soumises à son administration; et il ya quell> que chose de l'hérésie condamnée par l'article 5 du Code civil,
l> à admettre qù'un maire,comme administrateur,puisse prendre,
" en matière de petite voirie, ùii arrêté obligatoire pour l'ordre
Il judiciaire, et qu'il puisse ensuite se constituer légalement
l> juge de l'exécution de son propre arrêté. C'est comme si le
" roi voulait juger de tout le contentieux administratif sur l'exé« cution de ses ordonnances; c'est comme si les chambres lél> gislatives voulaient s'arroger le droit de juger toutes les COll» testations qui s'élèvent sur l'exécution des lois. Il
Le maire d'une commune rurale est revêtu d'un pouvoir véritablement exorbitant"; il peut tout à la fois, faire le réglement, c'est-à-dire la loi, constater la contrafJention, comme
officier de police judiciaire, y appliquer la peine, comme juge,
et, ensuite, comme admini~trateur,lai,.e eréc!!ter la condamnation.
�608
TRAITÉ
438. Ca) Peu de délits relatifs à la voirie sont du
ressort de LA POLICE CORRECTIONNELLE. Les seuls
don t parle le Code pénal, SOlH ceux prévtts par les
articles 444, 445, 44 6 , 44 8,4 5 6 et 4b7, ct. résultantdu fail d'arrachement oude mutilation d'arbres
plantés le long des chemins, rues, voies publiques,
vicinales ou de traverse; du comblement des fossés,
et d'inondation des' chemins par l'élévation du déversoir des nsines, au-dessus de la hauteur detet'minée par J;antorité administrative.
439. Quant aux contraventions qui sorit de la
compétence dès 'IRIBUNAUX DE SIMPLE POLICE, elles
sont énùmérées dans le 4elivre du Code pénal, et
divisées en trois classes graduées J'après la quolité
de l'amen Je , savoir: de 1 à 5 francs; de 6 à 10
francs; et de I l à 15 francs.
Nous alloils les parcourir rapidement.
Premi~re classe.
440. Elle est comprise dans l'article 471 dont
il est nécessaire d'examiner successivement les divers paragraphes .ayant trait à là voirie:
oc SERONT punis d'amehde deptlîs un fi'anc jus" qu'à cinq francs inclusivement. ,;
.. ........ ..... .........
,
,
(a) Ce numéro et le suivant ont été substitués à deux autres
contenant la fin des notions générales sur la constitution et la
compélence des tribunaux de police correctionnelle et de police
municipale.
.
Dans le premier on a énuméré les délits du ressort de la po-'
lice correctionnelle, et dont il n'était rien dit dans la première
édition.
�609·
DU DOl\l4:INE ·PUBLIC.
3 0 'Les aubergistes et antres·qui,. ohligés à l'é» c1airage, l'auront négligé; ceux qui auront né·.
n gligé d~ nettoyer les rues ou passages, dans les
n' communes où ce soin est laissé à la charge des
» habitants. »
Dans les villes où s'exerce une police rigoureuse,
les aubergistes sont obli~és d'avoir, devant la porte
de leur hôtel, noe lanterne ou falot ponr éclairer
les passants, afin que ceux-ci puissent se mettre en
garde contre la sorlie hrusque soit des voilures,
soit des chevaux; et c'est l'omission de cette précaution qui aurait été prescrite par l'autorité municipale, que la loi a en vue de punir par la disposition de ce texte Ca).
Il en est de même à l'égard des autres personnes
qui auraient négligé d'éclairer certains ouvl'ages
ou échafaudages établis dans la: ruc, et qui seraient
dangereux pour les passants;
Comllle encore de ceux qui al1raieut omis de
nettoyer la rue au-devant de lenr maison, dans tes
villes où ce soin est laissé à la charge des habitants,
(C'
(a) Le tribunal ne pourrait acquitter le contrevenant par le
motif qu'au moment de la contravention, la lune suffisait pour
éclairer. (Arrêtdecassat. du13 juill 1811; S., 12-1-62.)
1 La disposition dont il s'agit ne s'applique pas aux individus
ehargés de l'éclairage d'une ville par un marché; leur contravention ne les rend pa! passibles de l'amende, mais seulement
des dommages et intérêts fixés par le tI'aité. (Arrêt de cassat., 26
juillet 1827; S., 27-1-10.)'
TOl\!. J.
39
�61~
TlillTt
441. SlU quoi il faut remarquer que, s'il.,! Il,
par le défaut de balayage de la rue, contravention
imputable aux habitants des maisons qui sont de
'chaque c.ôté, l'amende eutière doit être appliquée
à chacun d'eux, et non pas une seille amende pour
tO\1S, puisque chacun d'eux était tenu de nettoyer
de son côté: c'est ainsi que la question a été jugée par arrêt de la Cour de cassation du 22 avril
1~h3
(1).
442. Si, comme cela se pratiql'le quelquefois,
l'adjudication du nettoiement et de l'enlèvement
des boues des rues avait été faite pal' l'administration municipale, à charge de supporter les suites
de l'inexécution, ce ne seraient plus les habitants,
mais hien l'adjudicataire subrogé à leur obligation
par son marché, qu'on devrait poursuiVl'e par..
devant les tribunaux de police: c'est ainsi que la
Cour de cassation l'a décidé par arrêt du 12 novembre 1813; et cette doctrin~ s'accorde bien avec
le texte ci-dessus, parce qu'alors il ne serait pas
vrai de dire que le nettoiement des rues eût été
laissé à la charge des haLitants.
Dans cette hypothèse, et sui vant cet arrêt, rapporté au mot voirie, nO 9, dans le répertoire,
l'arrêté du maire décidant la mise en adjudication
de l'enlèvement des houes doit êLre classé au rang
des arrêtés réglemen Laires des mai l'es en ma tière de
petite voirie: en s.orta que l'adjndicataire contrè(1) Voy. dans le répertoire, au mot 'Voirie> nO 8; ct S., 13-
J-M8.
�DU DOMAINE PUllLIC.
611
venant aux clauses de cet arrêté se rend par là
même passible des peines portées par la loi, soit
pour première contravention, soit pour récidive,
s'il y échet.
_
.
Mais, comme les tribunaux ne peuvent pronon.,
cel' que les peines formellemen t établies par la loi,
si l'on en avait stipulé d'autres dans l'acte d'adju-,
dicaLÎon, ils ne pourraient les infliger•
. Cependant, s'il n'était question qne de simples,
peines contractuelles et pécu niail'es, on pourrait
en poursuivre le paiement pal'formede dommages..
iotérêts et par action civile.
443. cç 4° Ceux qui amont embarrassé la voie
» publique en y déposant ou laissant sans nécessité
:» des matériaux ou des choses quelconques, qui
» empêchent ou diminuent la liberté ou la sûreté
" du passage;
» Ceux qui, en contravention aux lois et régie...
» ments, auront négligé d~éclairer les matériaux,
» par eux entreposés, ou les excavations par eux
» faites, dans les rues et places. :»
Ces expressions, ceux qui auront emharrassé
la voie publique} sont remarquables en ce que,_
par leur généralité, elles semblent s'appliquer éga- ,
lement aux chemins vicinaux et aux rues desviJJ.es,
bourgs et villages qui leur servent de prolongation.
ou de passage. N éan moins, par son arrêt du 6
juillet 18°9, la Cour de cassation a jugé que ces
mots voie puhlique ne doivent s'entendre qne
des rues, places et carrefours des villes et villages,
�612
TRAI'tÉ
et non des véritables chemins publics allant de ville
en ville, ou destinés à la dessel'le des hé'ritages (t).
Sans doute les simples chemins de desserte
doivent être ici mis hors de ligne; mais la distinction faite par cet arrêt entre les voies publiques,
viae publicae. et les chemins publics, qui sont
aussi viae publicae ~ est-elle réellement bien fondée., surtout aujourd'hui que, par les nOS Il et 12
de 'l'art, 479 du Code pénal, les chemins publics
vicinaux ou autres sont soumis, comme les rues,
aux mêmes règles de police pour la répression des
contraventions qui peuvent y être commises? C'est
là ce que ,nous ne croyons pas.
444. Ceux qui auront négligé d'écla'irer les
excavations par eux faites dans les rues: régulièrement parlant, i.l est sévèrement défendu de
pratiquer aucune fouille dans les rues. Néanmoins
cela peut être permis par l'administration pour des
causes extraordinaires; mais la permission ne dispense pas l'entrepreueur de la précaulion de l'éclairage prescrite dans l'in lérêt des tiers.
445. <,50 Ceux qui auront négligé ou refusé
• , concernant
' 1ements ou arreles
" d"executel' 1es reg
') la petite voirie, ou d'obéir à la sommation éma» née de l'autorité administraLÏve de réparer ou
» démolir les édifices menaçant ruine. »
Les arr~tés concernant la petite .voirie dont
il est ici question sont du genre de ceux que nous
(1) Voy. au répertoire, au mot chemins publics, nO 5,
�DU DOl\IAll"lE PUBLIC.
613
avons signalés plus haut (1), comme pris pardiffé". rents maires pour interdire les gouttières saillantes
dans les rues; pour prescrire l'enlèvement des fumiers de certaines places; pour défendre la divagation des oies et des cochons dans les rues d'une
ville; pOUl' défendre de reconstruire ou réparer' les
couvertures avec de la paille dans une ville et ses
faubourgs; enfin pour assigner les alignements à.
ceux qui veulent construire SUl' les rues, ou requé~
l'il' la démolition des édifices menaçant ruine..
Mais ces derniers points, concernant l'assign.a~ion
des alignements et les ordres de démolir les bâtiments ruineux, exigent de notre part des observations pa rticulières, eu égard à la spécialité des règles.
qui les gouvernent.
Les questions relatives à celte matière peuvent
se présenter dans trois hypothèses 'différentes..
1 0 Quel doit ètre le sort de celui qui a construit
on reconstruit sans demander son alignement au
. maire? .
2° Comment doit-on. pl'Océder avec celui qui
conteste sur l'application de l'alignement qui lui a
été assigné?
3 0 Enfin comment dQit-on agir pour faire démolir forcément un édifice menaçant ruine?
PREMIÈRE HYPOTHÈSE.
Sur le sort de celui qui a construit ou reconstruit sans avoir demandé d'alignement.
446. .En traitant de l'alignement des grandes
(1) Voy. sous les nO' 386,387, 389 et 390.
~
�614
l'nAITÉ
routes, nous avons vu plus haut (t) qu'un régIe..;
ment du 27 février 1765, qui est encore en vigueur
aujourd'hui, défend, sous des peines très-sévères,
de construire le long et au joignant soit des gt'andes
routes dans l!'ls campagnes, soit ùes l'lIeS qui servent
de prolongen~ent à ces rolltes dans la traversée des
villes, sans avoir préalablement ohtenu un arrêté
d'alignement, qui ne peut être aujourd'hui·rendu
que par le préfet: c'est dOllC là lln objet dont
pous n ,aVons plus'a nous OCCUPCI',
Mais, cqmme ce réglement de 1765 ne statue
qu'en matière qe grande voirie, et cornme on ne
doit pas appliqu~r ~ une espèce des pcines qui
n'ont été établies que pour un autre cas, il nous'
reste ~ rechercher quelle doit être la peine dont
peut se rendre passihle celui qui, en fait de voirie
urbaine, & VOlliu construire sanS den~allder d'aligncmellt•.
Pour bien poser le principe ,remarquons d'abord
que l'assignatipn de l'aligllemelll est l'acte de reconnaissance de la liglle séparative du terrain privé, où Hest p~rmis de construire" et du sol public
de la r.ue, qui doit rester vide; que s'il est contraire
aux règles' du qroit commun q~'un propriétaire
foncier quelconque fixe l~s limites de son héritage
sans appeler son voisin sur les liell~ pour concourir
à l'acte d~ délimitation; que si cette manière d'agir
rst déjà une offense personnelle enver~ le voisin"
(1) Voy. sous le nO 213.
�DU DOMAINE PUBLIC.
615
en l'absence duquel on ne devait pas procéder, on
sent qu'à plus forte raison il doit y avoir une offense
publiqne dans le fait de celui qui, se constituant
juge dans sa propre cause envers la société, cons·
truit au bord de la rue sans avoir demandé un alignement port:fnt une reconnaissance contradictoirement faite des limites du terrain sur lequel il
lui sera permis de bâtil" ; que si à cela l'on ajoute
que la loi du 16 septembre 1807 lui imposait le
devoir de demander au préalable son alignement,
alors l'on est bien forcé Je reconna1tre que l'offense
commise envers le public par ce constructeur téméraire prend le caractère Je contravention au
réglement de la voirie, elqne, traduit au tribunal
de police simple, il doit êlre condamné à la peine
prononcée par le présent article du Code pénal.
Et si, non content d'avoir agi sans demander
son alignement au maire, il avait commis une
anticipation sur la voie publique, l'usur.pateur devrait, aux termes du S I l de l'arlicle 479 du même
Code, être condamné, par le même tribunal, à
démolir, pour restituer le terrain anticipé, et à une
amende de onze à quinze francs inclusivement.
Il en sel"ait de même de celui qui aurait reconstruit le mur Je face de sa maison sllr ses anciennes
fondalions. Si la reconstruction étaitfaiteen contra·
vention à un plan géné,'al d'alignement adopté par
le roi en son conseil (a), en exécution duquel le
(a) Ou en contravention à l'arrêté du maire. V. suprà, nO 410,
)lote 2.
�616
TRAITE
constructeur eût dù recnler son édifice, il devrait
être condamné à démolil', comme ayant anticipé
sur le sol qu'il devait laisser à l'usage public; et il
devrail être aussi condamné à l'amende de onze à
quinze francs, pour avoir ainsi agi de sa propre
autorité, et en contravention au réglement de la
VOll'le.
, Mais, dans ce cas, il lui serait dû une indemnité à raison du terrain qu'on le forcerait à délais5ier -pour donner pIns d'aisance à la me.
SECONDE HYPOTHÈS.E.
Elle a pour ohjet le cas oit l'on conteste pardevant le tribunalde police surL~appLicatiQn
de L~aLignementdonné par le maire.
447. En tflèse générale, lorsqu'un tribunal est
compélemment saisi d'nne affaire dans la discussion de laquelle il y il des moyens de fait à vérifier,
ce même tribunal est compétent aussi pour ordonner d'aborclla preuve des faits dont il estime la
véritlcation nécessaire pOUl' la décision de la cause;
ct c'est par.devant lui, ou 'sur sa délégation, que
la preuve doit avoir lieu : mais cette manière de
procéder, dont la marche est tracée par les règles
du droit commun, n'est point admissible dans les
poursuites de la contravention dont il s'agit ici.
Sn pposons ,'en effet, que le constructenr d'un
étlifice soit accusé de contravention à l'alignement
q n'il devait observer sur la rue, et q Il' en consé. (luence, traduit au tribunal de police simple, le
�61'7
ministère public conclue à ce qu'il soit cond'amné
à l'amende et à la démolition de son bàtiment;
mais que ce constructeur soutienne ao contraire
qu'il s'est exactement conformé à l'alignement qui
lui avait été donné, on qu'il devaitsnivre coufot'mément au plan général de la ville; qu'en conséquence il doit être renvoyé de l'amende et de toute
autre peine.
44~., Il Yaura là un fait à vérifier, si déjà il ne
l'a été: c'est celui de la contravention à l'alignement; et ce sera au maire, en sa qualité d'administrateur municipal, à faire ,ou à ordonner cette
vérification, à l'aide de l'architecte-voyer de la
ville, ou d'un ingénieur à ce commis, en présence
du propriétaire de la maison, ou lui dûment appelé.
'C'est nécessairement pardevant le maire, ou, à
son défant, pardevant son adjoint, que cette vérification doit être faite, pùisque c'est à eux senls
qu'appartient le droit de régler matériellement sur
le sol l'alignement que les constructions doivent y,
DU DOMAINE PUBLIC.
aVOIr.
S'il en était autrement, et si les agents de la justice"opé,l'ant par délégation du tribunal, pouvaient
lui faire adopter, les moindres changemen ts sur
l'opération de la mairie, ce ne serait plus l'administration municipale, mais bien le tribunal de
police qui aurait donné ou fixé l'alignement; et
c'est là ce que les .lois ne permettent pas.
Sans doute le .construc~eU1" qui se croit fondé à
�618
Tl\AITÉ
élever des contestations snI' l'opération du mait'e
ou de son adjoint, a le droit ouvert à un reconrs
pardevant le préfet et le ministre, comme en toute
matière administrative non contentiellse; mais
tant que la décision municipale n'est pas attaquée,
011 une fois qu'elle est devenue définitive après
avoir été attaquée, elle doit être exécutée, comme
faisant loi pOUl' le tribunal sur le point de fait, à
supposer toutefois que les pièces probantes soient
produités en bonne forme.
Lorsque la fixation de l'alignement est définitivement arrêtée, et qu'il en résulte qu'une anticipation a été commise sur le sol public, le constructenr doit être condamné à rendre ce qu'il a pris
de trop; dans cet état de choses, le maire doit faire
porter l'action au tribunal de police, qui peut nonseulement statuer sur l'amende, mais aussi ordonner la démolition et la restitution du terrain anticipé, allendu qu'aux termes des arlic1es 161 et
172 du Code d'instruction' criminelle, les tribunaux de police prononçant une peine, sont compétents pOllr statuer, par le même jugement, sur
ll-'s demandes en restitution et en dommages-intérêts.
TROISIÈME HYPOTHÈSE.
Démolition
d~un
édifice ruineux.
449. Suprosons donc, en troisième lieu, qll'iI
s'agisse de la démolition forcée d'un édifice prêt à
tomber: l'état de ruine plus ou moins menaçapt
�DU :POMAINE PUBLIC.
619
devra en êt!e constaté par des gens de l'arl, à vue
des fissures sillonnant les murs, des décbi.'emcnts
qui auraient eu lieu dans les planchers et plafonds,
des fractures qui se seraient opérées dans la charpen le , mais surtout de l'inclinaison ou du surplomh des mms : car, aux termes de deux déclarations royales des 13 juillet 172get13 août 1730,
qui sout toujours en vigueur Ca) ~ il ya lieu d'ordonner la démolition des hâtiments lorsque les
:murs de face surplombent de plus de la moitié
de leur épaisseur.
Ce sera ~u maire chargé de pourvoir à la sûreté
dans les rues, à faire procéder en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, à cette vérification
par des ingénieurs ou architectes ou par le voyer'
de la ville; et il y aurait incompétence dans le j ùgement d'un tribunal quelconque qui, se saisissant
de la question, ordonnerait préalablement la visite et reconnaissance des lieux, pour statuel' en(a) Voy. il ce sujet l'arrêt du conseil du 19 mars 1823, dans
t. 5, p. 209. - Un arrêt de la Cour de cassation
du 30 août 1833 rapporté par SIREY, tom. 34-1-493, a for1
mellement décidé que ces deux déclarations, bien que rendues
d'abord pour la ville de Paris seulement, n'en doivent pas
moins recevoir leur exécution dans toutes les villes du royaume,
et que par suite la sommation faite par le maire d'avoir à effec-.
tuer une démolition par mesure de sûreté publique est valablement remise au mandataire du propriétaire lorsque le propriétaire n'habite pas les lieux; que même dans ce cas elle pourrait
être valablement faite à la personne du principal locataire 0\\
de l'un des locataires.
MACAKEL,
�. 620
suite sur le fait de la démolition, ou sur le droit
de conservation de l'édifice (1).
Sans doute les ordres de démolir, donués par le
. , peuvent par sUIte
. d' un recours etre
• d'fi"
mall'e
e eres
au préfet (a); mais une fois qu'ils sont définitifs,
le propriétaire de maison qui refuse d'obtempérer
à la sommation de démolir qui lui est donnée par
l'administration municipale, se constilUe par là
même en contravention, et doit être condamné à
l'amende.
Quant à la démolition, le maire peut la faire
exécuter directement, parce que c'est là une mesure de police Il;lUnicipale, ~ont l'exécution peut
être très-urgente pour la sùreté publïque ; et telle
est la jurisprudence soit du conseil d'état, soit de
la Cour de cassation (2).
.
o
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 16 juin 1824, dans MACAREL,
t. 6, p. 331, et sur la marche à suivre l'avis du comité de
l'intérieur du 10 août 1835.
(2) Voy. l'arrêt du conseil ci-dessus cité, et celui de la Cour
de cassation du 12 avril 1822, dans le recueil de DALLOZ pour
ladite année) p. 373.
(a) En vertu de l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837, et non
au conseil de préfecture. L'arrêté du préfet pourra ensuite être
déféré au ministre, et la décision du ministre au conseil d'état,
même par voie contentieuse. Si le péril est extrêmement imminent, le maire ou le préfet pourront faire exécuter la démolition, nonobstant tout recours, sauf au propriétaire à sé pourvoir
ensuite, pour faire décider qu'il n'y avait pas lien à démolition,
et que la vàleur'de la maison doit lui être payée. (Arrêts du
cOllseil d'état des 2 juillet 1820 et 19 mars 1823.)
�DU DOMAINE 'pUBLIC.
521
'}j,50. Le tribunal de police devant lequel l'action en répression de la contravention serait portee,
pourrait aussi, sur les conclusions du ministère
public, et devrait même condamner non-se~le
ment à ramende, mais encore à la démolition, par
application des articles 161 et 172 du Cod~ d'iustruction criminelle, si le maire n'avait pas fait directement démolir lui-même, à raison de l'ur~
gence.
Il nous ~esle à faire observer que, si la 'contra~
vention avait été commise dans une rue faisant
parrie d'une grande route, le maire devrait renvoyer l'affaire au préfet potll'la soumettre au conseil de préfecture ,qui, pronOllçan t SUl' l'amende
encourue par lé contrevenant, le condamnerait en
même temps à démolir Ca).
(a) Voy. à cet égard l'arrêt du conseil du 19 mars 1823,
dans MACAREL, t, fi, p. 209.
Le préfet pourrait aussi, comme le maire, 'prendre seul
l'arrêté en vertu de l'art. 3 de la loi du 29 floréal an 10, qui
l'autorise à ordonner ce que de droit pour faire cesser les dommages j mais s'il y avait opposition de la part du propriélaire,
elle serait portée devant le conseil ùe préfecture qui statuerait
définitivement, sauf recours au conseil d'état, aux termes de
l'art. 4 de la loi.
En cas de refus d'obtempérer à l'arrêté de démolition rendu
par le préfet, l'amende pourrait être prononcée par le conseil
de préfecture. Nous pensons qu'elle pourrait l'être également
par le tribunal de simple police, en vertu du nO 5 de l'art. 471
du Cod. pén. qui ne s'applique pas au seul cas où la sommation de démolir émane du maire, mais qui parle généralement
�622
TRAITÉ
Mais revenons à la suite des paragraphes de notre
Article.
451. cc 6° Ceux qui auront jeté ou exposé
» au-devant de leur édifice des choses de nature à
» nuire par leur chute ou par des exhalaisons in» salubres. »
.
Pour l'application de ce texte, il n'est pas nécessaire que le jet de la chose de nature à nuire ait
été fait contre quelqu'un et dans le dessein de
lui nuire ou de le frapper, ou qu'il l'ait effectivement atteint, ou que les exhalaisons insalubres
aieut affecté la santé de quelqu'uu; dans cet article
la loi n'a eu pOUl' but que de prévenir le dangel' de
faits imprudents commis duns une rue publique,
où il peut toujours se trouver quelqu'un exposé à
en être lésé Ca).
452. cC 7° Ceux qui auront laissé dans les rues,
» chemins, places, lieux publics, on dans les
» champs, des coutres de charrues, pinces, barres,
» barreaux, ou autres machines, ou im:truments
de l'autorité administrative comprenant évidemment le préfet.
D'ailleurs l'art. 474 prononçant la peine d'emprisonnement
en cas de récidive des contraventions prévues par l'art. 471 ,
le conseil de préfecture ne pourrait appliquer cette peine dont
il peut cependant être nécessaire de faire usagè.
(a) S'il y avait eu dommage causé, les articles 319 et 320 du
Cod. pén. deviendraient applicables (arrêt de cassation du 2Ô
juin 1812. -S., 13-1-61). La disposition de ce § 6 de l'art:
471 est réglementaire. c'est-à-dire qu'un arrêté de police n'est
.
point nécessaire pour la rendre applicable.
�DU DOMAINE PUBLIe.
armes, dont puissent abuser les voleurs et
» ~utres malfaiteurs (a). "
453. cc ,.5° Ceux qui auront contrevenu aux
» réglements légalement faits par l'autorité admi» nistrative, et ceux qui ne se seront pas coufOl'.
» més aux régl~menls ou arrêtés publiés par l'au» torité municipale, en vertu des articles 3 et 4,
» litre 1 l , de la loi du 16-24 août 1790 , et de
:l) l'article 46, litre 1 cr, de la loi du 19-22 juillet
» 179 1 . »
Ce na 15, ajouté par la loi du 28 avril 1832 à
l'art. 471 du Code pénal, se réfère aux dispositions législatives assez nombreuses que nous avons
rapportées au commencement de la section qui précède, concernant les mesures réglementaires de la·
voirie urbaine (h).
» OU
(4) Ce § est également réglementaire; mais pour qu'il soit
applicahle, il faut qu'il s'agisse d'une machine, d'un instrument ou d'une arme, c'est-à-dire d'une chose façonnée dans un
but ~pécial, telle qu'une échelle, ou d'une pièce de jèr même
brute et non falSonnée; en sorte que l'abandon sur la voie pu~
blique de bûches, gaules, échalas, arbres abattus ne constituerait pas une contravention; le procès-verbal de la séance
du conseil d'état du 17 janvier 1809 prouve que c'est ainsi
que le législateur l'a entendu.
Une ordonnance du directeur général de la police du royaume
du 18 novembre 1814 prescrivait aux cultivateurs de faire
empreindre leurs noms sur les coutres de charrues, el aux carriers , tailleurs de pierres et maçons de ne point laisser pendant
la nuit leurs leviers et piDces dans les carrières ou chantiers.
(b) Voy. SOUIi les ne. 378 à 381, le texte de ces articles. Voyez
�62~
TRAITÉ
ARTICLE
454.
472.
Seront en oliltre confisqués.•••..••••..••
» les coutres, les instruments, et les armes m'en- » tionnés dans le nO 7 du même article Ca). "
cc
ARTICLE
474.
La peine d'emprisonnement contre tontes les
::» perllonnes mentionnées en l'article 471 aura tau=»
jonrs lien, en cas de récidive, pendant trois jours
» au plus Ch). "
Cl
également sur la légalité, la portée, la force oLligatoire et les
effets des réglements de police, quelques notions générales dans
le chap, XXXI, ci-après, sect. 10.
(a) L'art. 57 de la charte de 1830 (66 de celle de 1814)
n'abolit que la confiscation générale de tous les biens; en matière de simple police, les art. 472, 477 et 481 du Cod. pén.
conservent donc toute leur force. Des lois nouvelles postérieures à la charte prononcent également des confiscations spéciales, telles sont celles des 15 avril 1818, 25 avril 1827 et
4 mars 1831.
(h) Sauf. dans les cas mentionnés à l'art. 473 relatifs au
tir de pièces d'artifices et au glanage, ratelage ou grapillage
indus (nOS 2 et 10 de l'art. 471 ), la peine d'emprisonnement
ne peut jamais être prononcée pour les contraventions prévues
par ledit art. 471 que lorsqu'il y a récidive. Il y aurait fausse
application de la loi si elle l'était pour un premier fait (arrêt de
cassation du 13 décembre 1811 ).
Avant l'adjonction il l'art 471, du nO 15, la peine, en cas de
récidive pour contravention à un réglement municipal, pouvait
s'élever à une amende égale au prix de 6 journées de travail et
à 6 jours d'emprisonnement, en sorte que le tribunal de simple
police devenait incompétent; aujourd'hui il peut prononcer dans
tous les cas.
�625
DU DOMAINE PUBLIC.
Deuxième classe. ,
ARTICLE
»
475.
455. cc Seront punis d'amende depuis six francs
jusqu'à dix francs i1.1clusivement, »
3 0 Les rouliers, charretiers, conducteurs de
voitures quelconques ou de bêtes de charge, qui
auraient contrevenu aux l'églements par lesquels
ils sont obligés de se teni,' constamment à portée
de leurs chevaux, bêtes de trait ou de charge,
et de leurs voitures, et en état de les guider et
conduire; d'occuper un seul côté des rues,
chemins 'et voies publiques; de se détourner ou
ranger devant toutes autres voitnres, et, à leur
approche, de leur laisser libre au moins la
moitié des rues, chaussées, routes et che··
mins (a). »
cC
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
(a) Les réglements dont il est parlé dans ce § peuvent émaner des préfets ou des maires; mais ils existent de fait, en
grande partie, dans les dispositions des lois et ordonnances
royales sur la police du roulage.
L'art. 12 de l'ordonnance du 4 février 1820, conforme à l'art.
16 du décret du 28 amit 1808, antérieur au Cod. pén., portait:
« les rouliers, voituriers et charretiers, continueront il être
II tenus de céder la moitié du pavé aux voitures des voyageurs,
II à peine de 50 fr. d'amende et du double en cas de récidive,
II sans préjudice des peines personnelles portées aux 'réglements
II de police. Les conducteurs de diligences et postillons feront,
II en cas de contravention, leurs déclarations à l'officier du lieu
n le plu!; voisin, en faisant connaître le nom du roulier ou du
TO:\L I.
4·0
�626
TM!'!'!!:
Ou voit par ces expressions, des rues, chaussées, routes et chemins, qne ]a contravention
signalée dans cet article reste dans les attributions
du tribunal de police, quelle que soit l'espèce de
chemin sur leqIJ 1 t'He ait eu lieu, même quand
ce serait une grande route, et qu'en ce dernier cas
l'action en répression ne Juit point être renvoyée
au conseil de préfècture, par la raison qu'il n'y a
point ici d'intérêt public imméJiateOlent ou maté·
riellement lésé.
456. cc 4° Ceux qui auront fait ou laissé cou,,' l'il' des chevaux, bêtes de tl'ait, de charge ou de
}) monture, dans l'intérieur d'un lieu habité,
» ou violé les régleOlents contre le chargement,
» la rapidité on la mauvaise direction des voi.
» tures ta). »
" voiturier d'après la plaque; et nos procureurs généraux, sur
" l'envoi des procès-vct'baux, seront tenus de poursui,'re les
" .délinquants. " Mais une ordonnance du 15 mai 1822, rendant
hommage au principe de droit puhlic qui ne permet pas qu'nne
ordonnance déroge il une loi et crée une pénalité, principe évidemment violé par l'art. 12 de celle du 4 février 1820, le révoque t't porte que: « la peine déterminée par l'art. 475 dn Cod,
» pén. sPl'a appliquée aux voituriers et charretiers contrevcnant
» aux dispositions de cet article; » c'est-à-dire de 6 à 10
francs d'amende.
(a) La défense faite à tonte personne, par l'arrêté du maire,
de condnire dans les rues et places publiques, chacune plus de .
trois chevaux, d'en faire marcher pIns de deux de front et de
faire claquer les fouets, rentre dans l'exercice légal du pouvoir
municipal, même relativement aux postillons de la poste aux
chevaux. (Arrêt de cassai. du 18 novembre 1824. - Sirey,
26-1-24.)
�DU DOMAINE PUBLIC.
627
La loi ne considère en cela que le fait qui cause
le danger, ct l'on doit en faire l'application lors
même qu'il ne serait arrivé aucun accident.
A quoïla loi d Il 2H avril 1 H32. ajoute, sous le
même nO 4 :
<.c Ceux qui coiltreviendront aux dispositions
» des ordonnances et réglemehts ayant pour ob,) jet:
» La solidité des voitures publiques;
» Leur poids;
» Le mode de leur chargement;
» Le nombre et la sÜrelé des voyageurs;
» L'indication, dans l'inlé"ieur des voitures,
» des places qu'elles contieuilent, et du prix des
» places;
» L'indication, à l'extérieur, du nom du pro» priétaire (a). »
.....
457.
<C
7° Ceux qui auraient laissé divaguer
(a) Cette disposilion ajoutée au nO 4 est la reproduction de la
loi interprétative du 4 juillet i829, rendue pour faire cesser la
contradiction de jurisprudence entre les Couts royales et la Cour
de cassation, sur l'application des art. 4 de l'ordonnance du 4
février 1820,5 de celle du 27 septembre 1827, et 117, 121 et
122 de la loidu 25 mars 1817, qui contenaient déjà desdispositions analogues, - Il se présente encore la question de savoir
si notre article sanctionne le prescrit de l'art. 37 de l'ordonnance du 27 septembre 1827 qui voulait que les art. 5, 6, 7,
8, 18, 19, 20, 23, 24, 25, 27 et 30 de ladite ordonnance
soient réimprimés à part et constnmment affichés dans l'inté:
rieur dc chacune des voitures publiques.
�628
TRAITÉ
') des fous ou des fut'iel1x étant sons leur garde,
" ou des animaux malfaisants 011 féroees (a). »
Le seul fait de divâgation de la part du furieux,
(a) Voy. art. 459,460 et 479, nO 2, Cod. pén.; 491 et
1385, Cod. civ.
D'après une ordonnance de police du 22 juin 1764, rendue
pour Paris, les porcs, pigeons, lapins, oies et canards sont réputés animaux malfaisants, à cause de l'infection qu'ils répandent
et des dégradations qu'ils peuvent occasionner aux maisons.
Dans les autres villes, la défense de .laisser errer ces animaux
ne peut résulter qu~ d'un réglement spécial de police hasé sur
les lois comhinées d'août 1790, juillet 1791 , 18 juillet 1837,
et ,de l'art. 47J, nO 15, du Cod. pénal.
Le chien. n'est pas de sa nature réputé animal malfaisant;
'cependant il peut l'être accidentellement. Or le maître doit connaitre son instinct et ses hahitudes, et il est de SOli devoir de le
tenir hors d'étàt de faire du mal; il serait donc responsahle des
morsures qu'il ~urait faites, encore qu'en ce moment il ne serait pas en état de divàgation proprement dite. (Arrêts de cassation d~s 23 l!ivôse an Il; 2\J février 18:23; 2 septembre 1826;
28 avril 1827. -Sirey, 23-1-181. -26-1-382. -27-1-504.
-33-1-240.
Dans l'intérêt de la sûreté des personnes et pl'incipalement
pour prévenir la comm,unication de la rage, l'autorité municipale peut défendre la divagation des chiens, ou ordonner telles
précautions convenables, comme de les museler ou de les tenir
en laisse; à partir de cet arrêté; les chiens divagants ou non
muselés sont réputés animaux malfaisants.
Toullier, tom. XI, nO 316, s'élève avec force contre l'af» freux usage qui n'est né que depuis la révolution, dit-il, de
faire jeter dans les rues des boulettes empoisonnées, pour
li servir d'appât aux chiens, et les faire périr presque sur la
li place par le poison; usage daugertux,
puisqu'on a vu de
" ces houlettes dans la main des enfants en bas âge, qui ont
l(
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
629
de l'animal féroce ou malfaisant, suffit pour constituer leurs gardiens en contravention, puisque la
lui n'exige rien de plus: d'où il. résulte que, sans
autre fait que cell1ï'de cet aba ndon, quand il est
volontaire, le gardien se tl'Ouve passiLle de la peine
établie par la loi, ainsi que de la condamt;lation
aux dommages-intérêts compétents envers ceux
qni auraient souffert quelque lésion de la part du
furieux ou de l~animal malfilisant.
458. cc Ceux qui auront excité ou n'auront pas
') retenll leurs chiens lorsqu'ils attaquent ou, pourcoutume de tout porter, à leur bouche ~ ~sage essentiellement
immoral, d'u~e in~moxal:té pr?fonde-, ènce qu'il habitu.e le
» peuple à se familiariser avec l'idée du poison, pour laquelle
,) on ne saurait lui inspirer assez d'horreur. »
Le fait d'un chien 1 qui ,. s'étant placé firtuitement entre les
jambes d'un passant, a cailsé sa chute, ne peut donner lieu
contre le propriétaire du chien, qu'à une action purement cil'ile, quelles que soient les suites de l'accident. (Arrêt de cassat.,
du 16 février J 829. S., 29-1-51. )
Le fait d'avoir laissé vaguer des chevaux dans les rues d'une
ville 1 rentre dans l'application de l'art. 475, nO 7 du Cod. pén.
(Arrêt de cassat. du 27 octobre 1822. - Bulletin des arrêts,
146, pag. 428.) "
Un arrêté du ministre de l'int~rieu.r du 24 février 1822,
prescrit les mesures ci-après à l'égard des conducteurs d'ours.
« Les conducteurs d'ours et de tous autres animaux malfai» sants qui parcourent les départements, seront tenus de suivre
» les grands chemins sans jamais s'en écarter. Il leur est interli dit d'aller dans les bourgs et hameaux non situés sur lesdits
» chemins, d'entrer dans les bois et de se trouver sur les routes
li avant le lever et après le coucher du soleil.
"
»
»
�630
TRAITÉ
)' suivent les passants, quand même il n'en serait
) résulté aucun mal ni dommage (a). ~
Trois hyp~thèses peuvent se présenter en ce qui
. concerne la divagation des chiens dans les ru('s
et autres lienx.
La première, lorsque ce1ni qui se plaint d'avoir
été mordu a lui-même atlaqné ou excité le chien.
Dans ce cas le blèssê n'a pas le droit de se plaindre
d'un mulqu'il s'est attiré par son propre fait; et le
propriétaire du chien ne peut être punissable,
parce qu'alors il n'est pas vrai de dire que ce soit
(a) Ei qui irritatu SlW feram hestiam, aut quacumque aliam
quadrupem in se proritai'erit, eaque damnum dederit, neque in
ejus dominum, neque in custodem actio datur. (Paul, sentent.,
recep., lib. 1 , tit. 15, nO 3. )
Mais il faut que le fait ait le caractère d'une provocation,
comme si on a frappé ou essayé de frapper l'animal; car il en
serait autrement si on n'avait fait que le caresser, le toucher, le
palper, et que cependant il ~lÎt mordu : ut si, cùm equum permulcisset quis, veZ palpatus est, et calce eum percusserit,
erit actioni locus. (L. 1, § 7, ff si qlladrupes, 9, 1.)
Si le chien a été provoqué, excité ou effarouché par un tiers,
c'e~.t ce dernier qui doit répondre du dommage, et non le propriétaire de l'anima!. (L. Il, § 5, ff ad legem aquil., 9, 2. L. 1, § 6, ff si quadrupes, 9, 1.)
~a disposition du Cod. péri. que nous examinons et qui ne
considère que comme une simple contravention le fait d'avoir
excité son chien ou de ne l'avoir pas retenu lorsqu'il attaque
ou poursuit les passants, n'est pas applicahle au cas où le chien
a été un instrument dont on s'est servi pnr m<llveillance et où le
chien a fait des hlessures qui ont entrainé une incapaeité de travail de plusieurs jours. Un tel fait cOllstitu~ un véritable délit.
(Arrêt de cassat. du 3 juin 1829. S., 29-1-199.)
�DU DOMAINE PUBLIC.
631
l'animal qui ait attaqué ou poursuivi un passant.
La seconde" lorsque c'est l'animal qui a luimême attaqué ou poursuivi le passant, et que son
maître, présent ,sur les lieux, l'a excité on a négligé de le retenir: alors il y a culpabilité de la part
de celui-ci; et c'est là positivement le cas d'appliquer la disposition ci.dessus.
La troisième" enfin lorsqu'il s'agit d'un chien
hien connu pour avoit' un caractère méchant et féroce : alors, qne le maître soit présent ou non, il
.est coupable par cela seul qu'il l'a laissé divaguer
sans lui attacher une muselière qni garantisse de
tout danger, et l'on doit encore lui appliquer la
disposition du présent article.
459. cc 8° Ceux qui auraient jeté des pierres,
)) ou d'autres corps durs, ou des immondices
» contre les maisons, édifices ou clÔtures d'autrui,
" on dans les jardins et enclos, et ceux qni auraient
» volontairement jeté des corps durs et des im» mOllclices SUl' quelqu'un (a). »
Ceci s'applique bien aux casseurs de fenêtres (h).
(a) S'il Y a eu conp ou blessure, c'est la CQur d'assises ou le
tribunal correctionnel qui deviennent compétents, ~t qui doivent appliquer les peines prononcées par les art. 309 et suivants
du Code pénal. (Arrêt de la Cour de cassat. du 16 fior,éal an 13.
-Sirey, 5-1-137.)
(h) Certainement lorsque c'cst par imprudence et sans intention que la fenêtre 'a été cassée; mais si on avait eu l'intention
de briser les vitres, il ne suffirait pas d'appliquer la peine de po-
�632
TRAITÉ
Dans le nO 6 de l'article pré.cédent, la loi réprime
d'une peine moindre le jet fait par imprudence;
ici elle punit d'nne peine, plus sévère celui qui a
été fait à dessein de nuire.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . '.. . .
460.
Ceux qui, le pouvant, auront re" fusé uu négligé de fail'e les travaux, le service,
" uu de prêter le secours dont ils auront été requ~s
" dans les circonstances d'accident, tumulte,
>, naufrage, in011llaLion, incendie on au tre cala>, mité, ainsi que dans les cas de brigandage, pil'» lage, flagrant délit, clameur publique ou d'exé·
>, cuLÏon judiciaire Ca). ))
Ceux qui auront re/usé ou négligé de faire
.les travaux dont ils auront été requis: si l'on
rapproche ces expressions de celles du S5 de l'art.
471, qui veut aussi la punition de ceux qni auront
négligé ou rtifusé d'exécuter les réglem ents
ou arriJtés concernant la petite voirie ~ il nous
cc 12°
lic~ édictée par ce §; il Y aurait alors hris de clôture. puni par
l'art. 456 du Code pénal, d'un mois à un an d'emprisonnement, et d'une amende (Arrêts de cassat. des 7 avril 1831 et
21 mars 1835. Sirey, 31·1·170. - Dalloz, 35-1-184.)
(a) Cette disposition fondée sur le précepte: fais à autrui ce
que tu voudrais qu'on te fît à toi-même, est non-seulement
d'une haute moralité, mais encore indispensable; il n'pst que
trop fréque~t en effet que dans les cas de désastre subit, une
foule d'oisifs se rende sur les lieux et paralyse l'action et l'elJi-cacité des secours, en obstruant les passages et en' se refusant
à coopérer aux travaux qu'exige la circonstance. I,a'loi met ici
tout le monde en action, et veut que les récalcitrants soient
punis.
�DU DOMAINE PUBLIC.
633
semble qu'on doit rester eonvaincu qu'il résulte de
le~r conibinaison que, dans les communes où les
chemins vicinaux s'exécutent par le moyen de ]a
,?orvée, s'il ya des habitants qui se montrent récalcitrants sur l'accomplissement de la tâche qui
leur est imposée, les maires, pour vain'cre leur ré·
sistance ou les punir de leur négligence, peuvent
prendre des arrêtés leur enjoignant d'exécuter les
travaux qui leur sont imposés, faule de quoi ils seront traduits au tribunal de police pour s'y voir
condamner à l'amenlle portée au présent article,
et à tont dommage-intérêt légitime envers la commune : car il sera exacte men t vrai de dire qu'ils
auront refusé ou négligé de faire les travaux dont
ils étaient requis.J et auxquels ils étaient obligés (a).
ARTICLE
»
»
476.
461. cc Pourra, snivant les circonstances, être
prononcé, outre l'amende portée en l'article
précédent, l'emprisonnement, pendant trois
(a) Cette décision puisée dans un arrêt de la Cour de cassation du 24 décembre 1813, rapporté dans le répertoire de jurisprudence, V O voirie, nO 10, ne IJ,ous paraît pas pouvoir être
adoptée" parce qu'il s"agit ici d'une contribution qui a son mode
de recouvrement propre et dont le défaut de paiement peut hien
autoriser des contraintes, mais ne saurait constituer une contravention; l'esprit et les termes de ce § qui ne s'applique qu'aux
ças d'accidents oud~sastres inopinés. '. se refusent également II ce
qu'il en soit fait usage contre les pr8stalaires I1églige~lls ou récalcitrants.
�634
TRAITÉ
" jours an plus, contre les rouliers, charretiers,
» voitll riers et conducteurs en con traven tion ;
" contre ceux qui anront contrevenu aux régle" ments ayant pour o1Jj<>t soit la J'apidité, la mau» vaise direction on le char§;ement des voitures ou
::>, des animanx, soit la solidité dl:'s voitures pu» blifJlles, lellr poids, le mode de lenr charge» ment, le nombre et la sûreté til'S voyugeurs (a);
» •••••• contre ceux q.ui auraient jeté des coriJs
» durs ou des immondices. "
ARTICLE
47~L
La peille de l'emprisonnement, pendant cinq
" jours au pins, sera toujours prono~cée, en cas
" de récidive, contre toutes les personnes men» tionnées dans l'art. 475. "
cc
Troisième classe.
ARTICLE
479'
462. cc Seront punis d'une amende de onze à
" quinze francs inc!usivemen t,
0
Ceux qui a11ront occasionné la mort 011 la
') blessure des .aniruaux ou bestiaux appartenant à
» autrui, paJ' l'effet Je la diva~ation des fous ou
" furieux, 011 d'animaux malfaisants ou féroces,
"
2
(a) Celte seconde disposition a été ajoutée par la loi du 2R
avril 1832, à l'ancien article 476, conformément à la loi du 28
juio 1829.
�DU DOMAINE PUBLIC.
635
» ou par la rapidité ou la mauvaise direction, ou
» le chargement excessif des voitures, chevaux,
»
hètes de trait, de charge ou de monture (a);»
... . . . . . .. . . . . .. .. . . . . ..
463.
»
»
»
»
»
»
»
accidents par la vétusté, la dégradation, le dé~
faut de réparation on d'entretien des Inaisons
011 édifices, ou par l'encombrement ou l'exca.vation, on telles autres œuyres, dans ou près
les rues, chemins, places ou voies publiques,
sans les précautions ou signaux ordonnés ou
d'usage (h);
. ..... . . .........
464.
»
»
»4° Ceux qui auront causé les mêmps
8° Les auteurs ou complices de bruits
ou tapages injurieux ou noctnrnes troublant la
tranquillité des habitants Cc);
»
(a) Il Y a cette différence entre ce § et le 7· de l'art. 475,
que dans un cas il ya blessure ou mort des animaux, c'est-àdire dommage causé, tandis que dans l'autre il n'y avait que
crainte d'accidents.
(6) Voyez sur l'explication de ces mots: près les rues, etc.,
le § 3, nO 6, du commentaire sur l'art. 21 de la loi du 21 mai
1836, tom. 2.
(c) La disjonctive ou qui sépare les~ mots injurieux et nocturnes prouve que le concours simultané des deux clreonstances
n'est pas nécessaire; ainsi le c!tariIJari donné en plein jour est
punissahle.
Avant 1832, c'était d'une manière ahsolue que le Code
voulait que les auteurs de tapages nocturnES fu~sent punis d'une
amende de Il à 15 francs; les tribunaux de police ne pouvaient
conséquemment se dispenser de prononcer cette peine en cas de
culpabilité reconnue. Si l'art. 480 porlait que la peine d'empri~
�636
TRAITÉ
)) 9° Ceux: qni anront méchamment enlevé on
') déchiré les affiches apposées par ordl:e de l'ad~) ministratioll Ca);
sonnement pourrait aussi être prononcée selon les circonstances,
il ne s'ensuivait pas que les tribunaux de police eussent la
faculté de ne prononcer que l'une ou l'autre peine, mais seule·
ment qu'ils étaient autorisés à les cumuler suivant que le fait
de la contravention présentait plus ou moins de gravité; eu
sorte que ce IJ'était qu'accessoirement à la peine de l'amende
que celle de l'emprisonnement pouvait avoir lieu j et dans aucun
cas cette dernière ne pouvait être prononcée seule. (Arrêt de la
Cour de Cllssat. du 29 décembre 1815. - Bulletin dt·s arrêts,
1815, pag. 147. - Denevers, 1816-1-266.) Mais depuis
l'adjonction faite par la loi du 28 avril 1832, du 2' alinéa de
l'ar(Cle 483, il nous paraît évident que le juge peut ne prononcer que l'emprisonnement sans amende.
Par arrêt du 5 juillet 1822 ( Sirey, 22-1-355) , la Cour de
cassation a déciclé que l'on devait considérer comme complice
d'un bruit nocturne, et punir comme tel tout individu qui a
fait partie du rassemblement, encore qu'il ne fût pas. porteur
d'instruments ayant produit le tapage et qu'il n'ait poi~t poussé
de cris.
. Les charivaris adressés à des fonctionnaires publics sont des
délits correctionnels. (Art. 6 de la loi du 15 mars 1822, Cour
royale de Bourges, 30 ao11t 1833. )
En vertu de la loi du 16-24 aoih 1790, le maire peut
prendre un arrêté qui défende l'exercice de certaines professions
bruyantes avant 011 après telle heure, et qui interdise, pendant
le même temps, l'usage de tous instruments tels que cor, trom·
pette, etc., de nature à troubler le repos des habitants. (Arrêts
de la Cour de cassat. des 12 septembre 1822, 17 septembre
1822, 16 avrH 18t6, 21 novembre 1828, 24avrillR34.)
(a) Une ordonnance de police du Châtelet, du 17 mai 1780,
�DU DOMAINE PUBLIC.
637
465. » 11 0 Ceux qui auront dégradé on dété» rioré, de quelque manière que ce soit, les
» chemins publics, ou usurpé sur leut lar» gel1r Ca). »
Ce paragl'ap11'e est une des addilions failes an
Code pénal par la loi du 28 avril 1832; il a été
tiré de la loi du 6 oclobre 1791 sur la police rura,le, dont l'article 40, titre 2 , porte que cc les
» cultivateurs ou tous autres qui auront dégradé
) ou détérioré, de quelque manière que ce soit,
» les chemins publics, ou usurpé sur leur !argeUl',
» seront condamnés à la réparation ou restitution,
» et à une amende qui ne pourra être moindre
» de trois livres, ni excéder vingt~quall'e livres. »
Il résulte de là que. les contraventions de cette
espèce , commises sur les chemins vicinaux,
défendait, sous peine de prison, de couvrir ou arracher les
affiches dans Paris.
Ce
'ne s'applique qu;aux affiches apposées par ordre de
'l'administration; pour que la même garantie s'étendît aux
affiches des particuliers, il faudrait peut-être un arrêté muriicipal basé sur le nO 1 de l'art. 479, qui punit tout dommage
causé volontairement aùx propriétés m<ù>ilières d'autrui.
(a) Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'une grande route
ou d'un chemin vicinal classé comme tel; il suffit que le chemin
soit public, c'est-à-dire ne soit pas un simple passage de sel'viiude appartenant à des particuliers; comme où le dira dans
les notes sous l'art. Hl de la loi du 21 mai 1836 et dans le
chap. XXXII, infrà> tom. 2 , un simple sentier de quelques décimètres de largeur peut être un chemin public, et alors il est protégé par le § Il que nous examinons.
§
�638
TRAITÉ
rentrent aujourd'hui dans les attributions du
tribunal de police simple, tandis qu'avant la loi
du mois d'avril 1 ~B2 la répression en devait être
poursuivie pardevant les tribunaux de police co\"rectionnelle~
466. Mais ce qu'il y a de plus intéressant à
examiner sur ce paragraphe consiste à savoir si
l'on doit en faire l'application aux fails de dégradation et d'anticipation commises sur les rnes des
vilJes, comme à celles qùt auraient été faites sur
tout chemin public ordinaire.
Nous croyons qu'on doit adopter l'affirmative
sur cette question, par le motif que s'il est vrai de
dire qne tout chemin public n'est pas une rue, il
. n'est pas moins certain et incontestable que toute
rue est nu chemin pnblic.
Ainsi l'on doit aujourd'hui, sur ce point, abandoriner la doctrine des auteurs qui avaient soutenu
que, les Jegradations causées dans les rues n'étant
point textuellement et explicitement signalées dans
le Code pénal de ll:hb, on devait encore recourir
aux dispositions des articles 605, S 2, et 606 du
Code des délits et .des peines; du 3 brumaire an 4,
pour en faire l'application à ce genre particulier
de contraventions.
467. Ainsi encore on doit rejeter l'opinion
d'après laquelle la contravention commise pal' celui qui uSQrpe sllr la largeur d'une rue se confondrait avec celle que commet celui qui construit
contrairement à -l'alignement qu'il devrait suivre:
�DU DOMAINE PUBLIC.
639
car la contravention à l'alignement assigné par
l'autOl,ité municipale peut avoir lieu sans qu'il y
ail d'anticipation sur le sol public, et cette contravention n'entraîne conlre celui qui l'a commise
que la peine de preniière classe , consi~tant seulement en une amende d'un franc jusqu'à cinq frallcs
incll1siveQlent; tandis qu'il s'agit ici du fait même
d'une usurpation commise sur la me, et qui rend
son auteur passible d'une amende de onze à quinze
francs.
468. cc J2° Ceux qui, sans y être dûment allto" nses, auront enlevé des cbemins publics les
) gazons, terres ou pierres, ou qui, dans les lieux
» appartenant aux communes, auraient enlevé les
) terres ou matériaux, à moins qu'il n'existe un
») usage général qui l'autorise Ca).»
c'est encore ici un paragraphe nouv~lle'ment
ajouté à l'article 479 du Code pénal, et emprunté
de l'article 44, titre 2, de la loi du 6 oclobre 1791,
suivant lequel l'auteur du délit devait être traduit
au trihunalqe police correctionüelle , pour y être
condamnéà 1'~11lende Je trois à vingt-quatre livres,
tandis qu'aujourd'hui la loi ne voit plus en cela
qu'une contravention passible seulement d'une
amende de onze à quinze francs, à prononcer pal'
(a) Si les pierres enlevées des chemins puhlics avaient été
amenées pour le réparer; ou si les matériaux pris dans le communal avaient été 'extraits par la commune ou son fermier, ce
ne serait plus une simple contravention de police, il Y aurait
vol punissahle des peines portées par l'art. 388 du Code pénal.
�640
TR.AITÉ
le tribunal de police simple, outre les dommagesintérêts compétents.
ARTICLE
»
:h
:h
480.
469. « Poiura, selon les circoustance's, être
p'rononcée la peine d'emprisonnemeI\t pendal'it
cinq jours au plus ,
.
;, •.••.. 50 Con tre les au teurs ou com plices de
bruits ou tapages injurieux ou nocturnes. »
ARTICLE
482.
La peine d'emprisonnement pendant cinq
» jours aura toujours lieu pour récidive, contre
» les persoones et dans les cas mentionnés en l'ar" ticle 479. »
cc
ARTICLE
483.
Il y a récidive dans tous les cas prévus par le
présent livre, lorsqu'il a été rendu contre le
contrevenant, dans les douze mois précédents 1,
un premier jugement pour contravention de
police commiSe dans le ressort du même lribunal (a).
" L'article 463 dù présent Code sera applicable à tontes les contraventions ci· dessus indiquées (h). »
cc
})
"
"
»
"
"
»
(a) L'identité des faits n'est pas nécessaire pour motiver les
condamnations en récidive. (Arrêt de cassat. du 26 avril 1812.
-Circulaire du ministre du commerce du 29 juin 1832.)
(h) 'Ce second alinéa de l'Ilrt. 483 a été <l'joulé par la loi du
28 avril 1832.
L'~rticle 463, eri ce qui concerne les peines de simple polices
�DU DOMAINE PUBLIC.
ARTICLE
641'
4H4.
4'10. cc. Dans toutes ·Ies matières qui n'ont pas
) été réglées par It' présent Code, el qni sont ré» gies par des lois et réglements particuliers, les
est ainsi conçu: " Dans tous les cas où la peine de l'empri» sonnement et celle de l'am'cnde sont prononcées par le Code
» pénal, si les circonstances paraissent atténuantes, les tribu» naux •..... sont autorisés, même en cas de récidive, à réduire
» l'emprisonnement...... et l'amende....•. ; ils pourront aussi
.. prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, et même
.. substituer l'amende à l'emprisonnement, sans que dans aucun
» cas elle puisse être au-dessous des peines de ûmple police. »
C'est-à-dire d'un franc.
Peu de temps après la promulgation da nouvel art. 483, le
ministère public avait soutenu que le 2 e alinéa n'était applicable
en matière de contraventions que dans le cas de la récidive,
parce que dans ce seul cas le juge se trouvait dans les conditions de l'art. 463; mais la Cour de cassation, par arrêt dlJJ
1 er février 1833, a rejeté ce système, et décidé que'les termes
du 2' alinéa de l'art. 4R3 étaient ahsollls el non restrictifs.
Il résulte de cette décision une immense latitude en ce qui
concerne la graduation de la peine; avant la ré,ision du Code
pénal la peine ci'emprisonnement devait être ainsi prononcée :
1° Contraventions de 1re classe, art. 473 et 474, trois jours
au plus.
2° Contraventions de 2. c],lsse, art. 476 et 47R, cinq jours
au plus, sauf les exceptiolls d,;tt'rmiIlPl's Cil l'art. 476.
3 Contraventions fIe 3 e classe, art. 480, cinq jours auplus;
art. 482, cinq jours entiers.
Ain. i le juge de police, selon le!! circonstances, pouvait élever la durée de l'emprisonnement, de un à trois jours pour les
D
'IOM. 1.
�642
»
»
TRAITÉ
Cours et les tribunaux continueront de les observer. »
Dans toutes les matières qui nJont pas été
réglées ..... et qui sont régies ~ etc. : on voit par
cas de 1re classe déterminés par les articles 473 et 474, et pour .
ceux de 2e classe déterminés par l'art. 476. - De un à cinq-jours
pour les cas de 2 e et 3 e classes déterminés par les art. 478 et
480; mais là s'arrêtait son pouvoir discrétionnaire, et il ne
pouvait se dispenser d'appliquer la peine d'emprisonnement
pendant cinq jours .entiers J pour les cas détermi~és par l'article 482.
Aujourd'hui son pouvoir s'éùnd beaucoup plus loin: pOUl"
les cas les plus graves, le 2 e alinéa de l'art. 483 ne fait plus
des articles 471 , 473, 474, 475,476, 478,479, 480, 482,
qu'un seul article où le juge peut choisir d'un fl"anc à 15 francs
d'amende, et d'un jour à cinq jours d'emprisonnement la peine
à appliquer, selon que les circonstances lui paraissent plus
ou moins atténuantes; celle nouvelle disposition est la reproduction de l'article 606 du Code du 3 brumaire an 4, qui
portait: « Le tribunal de police gradue, selon les circons" tances et le plus ou moins de gravité du délit, les peines
" qu'il est chargé de prononcer, sans néllnmoius qu'elles puissent
" en aucun cas, ni ètre au-dessous d:une amende de la valeur
" d'une journée de travail ou d'un jour d'emprisonnement, ni
II s'élever au-dessus de la valeur de trois journées de travail ou
" de trois jours d'emprisonnement. »
La seule différence entre les deux législations est que, d'après
celle act~elle, les coutrnvenlions sont divisées en trois classes
ayant chacune son maximum de pénalité que le jll~e ne peut
excéder, tandis que, selon la loi de l'an 4, il pouvait appliquer
au cas le moins grave, la peine la plus forte.
�DU DOMAINE PUBLIC.
643
ces expressions que c'est au régime général de la
matière, et non à celui de quelques cas particuliers, qu'on doit s'attacher pour savoir si une loi
plus ancienne a été, ou non, abrogée par le Code
pénal actuel; et c'est positivement en ce sens que
Cet article a été commenté par un avis du conseil
du 8 février 1812, dans lequel on lit :
Considérant que l'article 484 du Code pénal
» de 1810, en ne chargeant les Cours et tribunaux
)~ de con tin uer d'observer les lois et réglements
)~ particuliers non renouvelés par ce Code, que
)~ dans les matières qui n'ont pas été réglées par ce
)~ Code même, fait clairement entendre que l'on
)~ doit tenir pour abrogées toutes les anciennes
» lois, tOI1S les anciens réglements qui portent sur
» des matières que le Code a réglées, quand même
)~ ces lois ou réglements prévoiraient des cas qui
)~ se rattachent à ces matières, et sur lesquels ce
)' Code est resté muet;
» Qu'à la vérité, on ne peut pas regarder comme
)~ régJées par le Code pénal de dho, dans le sens
» attaché à ce mot réglées par l'article 484, les
)~ matières relativement auxquelles ce Code ne
)~ renferme que quelques dispositions éparses, dé» tachées, et ne formant pas un système complet
)~ de législation;
:» Et que c'est par cette raison que sl~bsistent
» e11core, quoique non renouvelées par le Code
)~ pénal de 1810, toutes celles des dispositions des
c(
�644.
,>
,J
"
')
"
»
TRAITÉ DU DOMAINE PUBLIC.
lois et réglemen s antérieurs à ce Code qui 'Sont
relatives à la police rurale et forestière, à l'état
civil, aux maisons de jeu, aux JOleries non au~
toriséos par la loi et au tres objets semhlables,
que ce Coùe ne traite que dans quelques-unes
de leurs branches (1). »
(1) Voy: au hullet. t. 16, p. 161,4" série.;
FIN DU TOME 1 er
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/252/RES-200861_Traite-domaine_Vol2.pdf
74d7330b80f4977a50f85ac29d89efe9
PDF Text
Text
20086
TRAITÉ
DU
DOlD.AINE PUBLIC
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉS PRINCIPALEMENT. PAR RAPPORT AU DOMAINE PUBLIC;
l'AU
J.-B.- VICTOR PROUDHON,
OHICIER DE LA LÉGIOt( D'BONt(EUR, AVOCAT A LA COUR ROY,II.E
ET DOYEt( DE LA FACULTÉ DE DROIT DE DIJON.
SECONDE EDITION,
IlEVUE, ~IISE EN HARMONIE AVEC ,LA LÉGISLATION ACTUELLE,
ET AUGMENTÉE D'UN COMMENTAIRE DE LA LOI SUR LB
CHEMINS VICINAUX, AINSI QUE DES RÈGLES
RELATIVES A L'ALIGNEMENT;
Tome 2
PAR
1\1.
VICTOR
DUMAY,
CHEVALIEr.. DE LA LÉGION n'HONNEUR, AVOCAT A LA COUt nOYA LE
ET ]1 AIRE DE LA VILLE DE DUoN.
TOME SECOND.
1re PARTIE.
A DIJON;
CHEZ VICTOR
LAGIER,
LIBR.-ÉDIT., PLACE ST.-ÉTJE:"NE.
t.843.
L
�20086
TRAITÉ
DU
DOlD.AINE PUBLIC
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉS PRINCIPALEMENT. PAR RAPPORT AU DOMAINE PUBLIC;
l'AU
J.-B.- VICTOR PROUDHON,
OHICIER DE LA LÉGIOt( D'BONt(EUR, AVOCAT A LA COUR ROY,II.E
ET DOYEt( DE LA FACULTÉ DE DROIT DE DIJON.
SECONDE EDITION,
IlEVUE, ~IISE EN HARMONIE AVEC ,LA LÉGISLATION ACTUELLE,
ET AUGMENTÉE D'UN COMMENTAIRE DE LA LOI SUR LB
CHEMINS VICINAUX, AINSI QUE DES RÈGLES
RELATIVES A L'ALIGNEMENT;
PAR
1\1.
VICTOR
DUMAY,
CHEVALIEr.. DE LA LÉGION n'HONNEUR, AVOCAT A LA COUt nOYA LE
ET ]1 AIRE DE LA VILLE DE DUoN.
TOME SECOND.
1re PARTIE.
A DIJON;
CHEZ VICTOR
LAGIER,
LIBR.-ÉDIT., PLACE ST.-ÉTJE:"NE.
t.843.
L
��TABLE
DES CHAPITRES, SECTIONS ET PARAGRAPHES
CONTENUS DANS LE SECOND VOLUME.
Pag.
CHAPITRE XXX.
Des chemins vicinaux. LA LOI DU
21
SECTION 1 re •
COMMENTAIRE DE
1836. . . .
1
Chemins vicinaux.
Il
MAI
er
ART. 1
II. .
III. .•
IV..
V. .
VI..
1 1
29
44
7°
80
84
Chemins vicinaux de grande
communication.•
SECTION 2. -
ART. VII.
VIII
-
lX
.
.
Dispositions générales..
ART. X . .
XI. . . •
XII. .
XIII..
XIV..
XV. .
XVI. .
Formes de l'expropriation pour cause
d'utilité publique en fait de chemins
vicinaux. . . . . . . . . . . . ..
1" Déclaration d'utilité publique.
III
III
12
4
131
132
134
157
19 6
232
232
�1020
TABLE.
Pag.
n°
Application du projet général
auxpropn'étésparticulières. .•
I1Io Transmission de la propriété.
233
236
10
Transmission amiable.. • . ..
Transmission forcée. • . . . .
30 Effets de la tr2nsmission amiable ou forcée. • . . . • . . . ..
237
20
2~1
JO E.f1èts par rapport aux tkrs. •
245
2° E.f1ètspar rapport aux propriétaires. • • • • • • • • • • ••
248
24,)
IVo Réglement de, l'indemnitépar
1
le jury. . . • • • . • . . ,
250
° Mesures préparatoires et offres.
250
Convocation du jury, sa constitution et ses opérations. . . • • •
253
20
VO Prise de possession et paie261
ment des indemnités.
Dispositions génçrales.. • .•
ART.
XVII...
XVIII.
XIX..
XX. .
XXI..
"
Largeur des chemins. .
0
2
Fossés et leur curage. .
3 0 Ecoulement des eaux. . . . .
4° Plantations et élagages. . . .
50 Alignements et autorisations de
construire. . . . . . . . • .
JO
5ème § - Alignements ...
5ème § - questions 1 à 26
5ème § - questions 27 à 29
5ème § - questions 30 à 36
5ème § - questions 37 à 55
1
0
à 5!Jo Questions dillerse3. . . .
264
27 1
287
3I3.
40 8
416
434
438.
440
451
460
47 8
560 Etahlissement et approhation
des plans généraux. . • . .
7J5
Plans d'alignement des villes,bourgs
et villages. . . . • . . • . . . . ..
715
�1021
TABLE.
Pag.
Plans d'alignement de grande voirie. . . . . ' . . • . • . . . • . ,
Plans d'alignement des chemins vicinaux. • .
• • . • . . • ..
57° Délivrance des alignements
partiels. • • • . . . . • ••
Align. partiels de voirie urbaine. .
Align. partiels de grande voirie.
Align. partiels le long des chemins
vicinaux
725
735
74 t
741
748
.
58° Réglement des indemnités.
Mode de fixation des indemnités
de voirie urbaine. . . • • . . •.
Mode de fixation des indemnités
de grande voirie.. . . . • • • • •
Mode de fixation des indemnités
de voirie vicinale. . . • • . • : .
•
60 Détails divers de surveillance et da
conservation des chemins. •
ART. XXII.
CHAPITRE XXXI.
Compétence et attributions des diverses autorités
en matière de petite voirie. . . . . . .
838
PARTIE. Administration proprement dite. • . . • . . • . •
83S
PREMIÈRE
10 Maires et adjoints. • . • . . • .•..
IIo Conseils municipaux. • . • • • ••
Ill· Sous-préfets. . . • . . • • • • .
IVo Conseils d'arrondissement. "
Vo Préfets et conseils de préfecture.
VIo Conseils généraux. . . . . • •
VIIo Ministre de l'intérieur. . • . . •
VIII~ Conseil d'état (par voie admi·
nistrative). . . . . . . .
IX· Le gouvernement. . . • . • . ..
839
843
845
846
8iô
852
85.1
854856
�1022
TABLE.
Pag.
DEUXIÈME PARTIE. -
Ire. Contentieux civil. • . •
859
COTZtentieux' civil administratif. •
859
SECTION
§
1.
§
Juridiction contentieuse. 859
10 Comité du contentieux. • • . • • • • • •
IIo Conseil d'état (comité du contentieux).
859
868
Contentieux civil judiciaire. . • . •.
869
1 Juges de paix. . . • • • . . • . . • . . ..
11° Tribunaux civils de première instance. •
I1Io Jurys d'expropriation. " . • • • . "
IVo Cours royales (chambres civiles)• •• "
Vo Cour de cassation (sections civiles). • .
870
871
885
886
887
II. Contentieux criminel ou de répression. • . . . . . . . • • . . .
887
er Contentieux de répressioTZ, administratif.
•. . . . • • . • . . • . ••
888
2.
0
SECTION
§
1
1° et II' Conseils de préfect.ure et conseil
d'état. • . • • . • . . • . . • • . • • • ..
888
§ 2" Contentiellx tie répression, judiciaire.
895
10 Tribunaux de police municipale. • . •.
11° Tribunaux correctionnels et Cours royales (chambres correctionnelles). . • . .•
111° Cours d'assises. • •• • • • • • • • • •
IVo Cour de cassation (section criminelle).
896
928
929
930
CHAPITRE XXXII.
Des chemins publics autres que les grandes routes
et les chemins vicinaux. . . . . . . . . . .
931
Ire. Du caraclère distinctif des chemins publics autres que les grandes routes
et les chemins vicinaux. . . . . . . . . 934
SECT. II. Dans quel domaine doit-on classer
les chemins ruraux, objet de ce chapitre? 941
SECTION
�1023
TABLE.
Pag.
III. De la police réglementaire des
chemins puhlics q~i ne sont ni grandes
routes ni classés parmi les chemins vicinaux. . • . • • • • • . • • . . . . . 943
SECT.
IV. De fautorité compétente pourstatuer, par voie de police répressive, sur les
contraventions commises relativement aux
chemins publics qui ne sont ni grandes routes ni classés parmi les chemins vicinaux.
SECT.
949
V. Des contestations civiles qui peuvent
s'élever il foccasion des chemins mraux. 952
SECT.
CHAPITRE XXXIII.
Des chemins communaux. . . . . .
CHAPITRE XXXIII
....
971.
BIS.
Appendice aux sept chapitres précédents.
976
CHAPITRE XXXIV.
Des chemins de servitude et des voies agraIres.
FIN DE LA 'fABLE DU SECOND VOLUME.
990
��•
TRAITÉ
DU
DOMAINE PUBLIC,
'Ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉS PRINCiPALEMENT PAR RAPPORT AU DOMAINE PUBLIC.
CHAPITRE XXX
je
Des chemins vicinaux.
471. Les voies de communication par terre
peuvent être rangées sous cinq classes distinctes ~
1 0 Les gra\\o(~s ronteS et les routes départe1I1entaies établies et entretenues aux frais de l'état
ou des départ~men ts, ct placées par l'article 538
du Code civil dans les dépcnùances du domaine
J'llblic;
• Dans la 1" édition du TI':1Ïté du n-omame .public, le présent ·chapiti'e
et le suivant, relatifs aux chemins vicÙ)aux et aux autorités compétentes
pour statuer sur cet objet, çtaient entièrement basés sur la loi du 28 juillet 1824, dont ils contenaient l'explication; depuis, la loi dn 21 mai 1836
ayant remplacé celle de 1824, il Y avait néccssité de modifier cette partie
importante du Traité. D'après l'avis dc plusieurs jurisconsultes ct notamment de M. Curasson, dans son ouvrage sur la compétence de. juge. de paix
(2' édition, tom. 2, pag. 198, note l ro ), nous y avons substitué le Commentaire publié en 1836, par M. DUMAY, et qui, surtout au moyen des
nombreuses additions qu'il y a récemment faites, forme le ,travail le plus
complet que uous aYQus sur la matière; le projH de cette snbstitution, aü,
surplus, avait reçu l'approbation de M. Proudhon.
(lVofe de l'édite/I/'.)
TONI:. II.
l
�6
'l'RAI'rE
Les chemins vicinaux qui appartiennent au
domaine public municipal et qui servent de communication de commune à commune;
3° Les chemins également publics, quelle que
soit lenr largeur, (l'Ji ne -sont cepfmdant pas
grandes routes et qui n'ont point été classés parmi
les chemins vicinaux;
4° Les chemins communaux qui font partie dl1
domaine de propriété communale ~t qui sont affectés au service des pl'opriét(;s de la commnne 011
des objds dont l'usage 'lpparlienl généralement. à
tous les habitants du lieu;
5° Enfin les chemins de servitude, ou voies
'agraires, qui on t été établis su r certains fonds pour
l'utilité, l'agrément, ou l'exploitation d;héritagcs
possédés par d'a utres mahres, ou pour la desserte
conlUlune de fonds situés dans la même partie de
territoire.
Les règles relatives au premier de ces moyens de
communication sont fI~n fermées dans plusieurs lois
spéciales, notamment dans les alTêts du conseil
des 18 avril 1671 et 6 février 1776; l'orJonnance du
bureau des finances de ~aris du 29 mars 1754; les
déclarations du Roi de 1786 et dn 27 juin) 787; les
décrets des 16 frimaire et 4 pluviôse an lI, 7 nivôse et 8 prairial an III; la loi du 24 avril 1806,
et parLiculièrement-dans le dé(}Î'(~t.(lu 1(5 décen.bre
l~h l , qui forme l'état actuel de la législation sur
cette matière (a).
2°
(a) L'explication.de ces lois est l'objet des chap.
xx et
XXI
ci-dessus·;
nOS
239 à 318.
'
XVllI, XIX,
�DU
DO~IAINE
PUBLIC.
7
tes trois dernières sortes de communications ne'
sont aujourd'hui régies que par les princi,pes gêné-'
ranx du droit civil, sur l'app.lication desquels a été
J'endu un assez grand nombre de décisions., la plupart con(rac\icloires, de ia Cour de cassation. et du
conseil d'état (a).
Quant aux chemins vicinaux proprelnent dits,
ils ont été l'objet de diverses dispositions législatives dont la dernière est la loi du 21 mai 11$36 que
nous nous prop"osons de commentel' dans ce chapitre et le suivant.
472. ~(LES CHEMiNS ViCINAUX, dit M. Prou:h dholl (h), sont les chemins de communication
), publique établis entre les bourgs ou vinages
;n priùcipaux,"Ou entre les paroisses, pour faciliter
" dans les campagnes la fréquentation des foires
» et marchés ainsi que l'accès des grandes routes.
Fiae vicinales s/lJnt viae quae in vicis sunt,
veZ quae in vieos dueunt. (L. 2, S 22. Ne ,
» qiJid in lac. puh.~ lib. 43, tit. 8). » Le mot .
vicinal vient donc de vieus, bourg, village, et
»
»
désigne les voies de èommunicatiol1 par terre étahlies entre)es communes,. et dont l'entretien est à
leur charge. Ces chemins, comme on l'a déjà annoncé, sont une fraction du domaine puhlic gêné.
(a) Tout ce. qui concerne ces trois espèces de chemins esttraitéci~après
dans les chapitres XXXII (cAemins pl/h/ies autres que
les grandes routes et les chemins vicinaux); lIXXIlI (chemins
communaux); et XXXIV (cAemins de servitude et 'Voies agraires).
(b) No 471 de la 1re édition du DOili[line public.
�8.
TRAITÉ
raI, ct doivent être placés dans le domaine p.ublic
municip<t,l. FIlle vicinales quae in agris prillatorum collatis factae sunt~ quarum memoria
non extat puhficarum viarum, numero sunt.
(L. 3, fT de locis et itiner: puh., lib. 43, tit. 7')
Autrefois ils tltaien t réptll~s appa l'tenir aux spigneurs
hauts-justiciers à qui le Roi t'n aurait cédé la propriété avec celle des grands-fiefs.
Aux termes de 1ft loi nouvelle, ils sont divisés
en trois classes distinctes:
1 ° Les chemins vicinaux ordinaires, auxquels
on aurait pent-être dû conserver la dénomination
de chemins communaux et qui ne servent qu'aux
habitants d'une seule commune pOllr sc rendre à
une'grande route, à une rivière, à un hameau,
soit qu'ils ne sorteu t pas dti territoire de celle commune, soit même qu'ils traversent une partie de
celui des communes voisines auxquellès 'ils ne sont
d'aucune lllÏlit~;
2° Ceux qui étaLlissent une comm~nication
entre deux ou plusieurs communes, ou qui servent en même temps aux habitants des unes et des
antres;
3° Enfin ceux qui forment une longue ligne de
communication, ct qui, en aboutissant à des villes,
à des chefs-lieux de canton, desservent dans leur
passage un assez grand nomhre de C0l11munes;
chemins qui, par cc motif, ont ~té appel~s de
grande communication parïa loi nouvelle.
Les articles 7, 8 et 9 composant la seconde sec...
�DU DOMAINE ;PUBLIC.
9
-tion de cette loi, contiennent les dispositions relatives à cette dernièl'e espèce de chemin •
. L'article 6 statue en particuliel' snI' les chemins
de la seçonde classe, c'cst-à-dil'e sùr ceux .qui intéressent plusienrs communes.
Enfin toutes les antres dispositions de la loi, qui
ne renferme rien de spécial sur la pl'emière classe,
sont communes aux tl'ois espèces de chemins vicinaux. Elles ont pour ohjet :
De déterminer leul' nature, leur caractère (art.
10);
.
De régler ce qui concerne leur premier établissement, leur reconnaissance, lanxation de leur lar~el1l·(art. 15, 16, 1~, 19, 20et21); leur entretien
(art. I l et 17);
D'indiquel' à la charge de qui est la dépense de
construction et de l'éparation (art. 1 et 14);
Et enfin de presnire la manière dont celte dépense doit être acquittée (art. 2, 3, 4, 9, 12 et d).
Il aurait été à désirer que ces distinctions el di·
,visions eussent été mieux indiquées, et que notam·
ment les dispositions communes n'eussent pas été
réparties sans motif en deux sections séparées par
celle concernant les chemins de granùe commnnication. On aurait mieux saisi l'esprit ct l'ensemble
de la loi, et les règles tracées par le législatem
eussent été plus facilcsà comprendre et à appliquer.
Néanmoins, malgré ce défaut de méthode et
plusieurs imperfections de détail que nous aurons
encore à sigllaler, celle loi l'emporte de beaucoup
�10
TR.AITÉ
sur toutes celles qui l'ont précédée. L'action directe et les moyens coërcitifs donnés au préfet,
l'angmentation des ressonr<;es affectées aux constructions et réparations des diverses espèces de
chemins, la création de grandes lignes deeommunication, l'établissement d'une association entre
les communes intéressées, et l'institution d'agents
spéciaux chargés Je la surveillance et de la direction des travaux, sont des améliorations incontestables.
Comme la loi sur l'instruction primaire, cel1e'7ci
est pleine d'avenir. En répondant l'une et l'antre
à des hesoins vivement sentis et depuis trop longtemps négligés, elles tendent à l'accroissement des
sources de la prospérité puhlique et alil ùéveloppe~
ment de la civilisation; elles constituent donc un
. véritable progrès. Félicitons le gouvel'l1ement de
les avo~r accordées au pays' qui les réclamait Ca).
(a) Des rapports présentés chaque année au Roi par le ministrc de l'intérieur font connaître le développement successif
des voies de cammunication vicinalcs et indiquent les ressources
qui y sont appliquées.
Par le dernier (Mon:iteur du 22 juin 1842, nO 173) on voit
que dans les 37,086 communes dont se compose le royaume, il
y avait au 1er janvier 1841 ,345,506 chemins vicinaux ayant
ensemble une longueur de 654,923 kilomètres, dont 51,607
kilom. de chemins de grande communication, et 603,316 kilom'.
de chemins vicinaux orùillaires.
Ils présentent une superficie de 375,382 hectares, égale à
peu .près à la cent quarante-deuxième,partie du territoire de la
France.
�DU DOMAINE PUBLIC.
11
SECTION PREMIÈRE.
Cltemins vicinaux.
ARTICLE PREMIER.-
473. cc Les chemins vicinaux légalement re·
" connns sont à la charge des communes, saufles
» dispositions d.e l'art. 7 ci.après. »
Cet article est, conçn en termes beancou p plus
vagues qne l'article 1 de la loi du 28 juillt>t 1824,
et a besoin d'être expliqué pal' les dispositions de
celte dernière.
'
La loi nouvelle se borne à dire: cc Les chemins
'" vicinaux légalement rè(:onnus, etc., » tandis
que celle de 1~h4 portait :: cc Les chemins recon» nus pat Un arrêté du pr~/ét sur une délibé» ration du conseil municipal, pour êtrIJ né·
" cessaires 4la communication'des communes"
» sont il la charge, etc. »
Cetlt' différence provient de ce que la loi non_velle s"applique à deux espèces oe chemins vicinaux : à ceux ordinaires, et aux chemins vicinaux
de grande communication qui ne sont pas classés
par le préfet, mais bien, sur sa propobition seulement, par le conseil général, d'après ravis des
conseils municipaux et des conseils d'arrondissement. Ce n'est qu'à l'égard des premiers que la
.
.. , (11
l 'pre
fet sur une d'ereconnaIssance
par un anere
'libération du conseil municipal, peut encore avoir
lieu aujourd'hui.
�12
TRAITÉ
Les dis.positions fin~les des deux articles 1 er de
l'anc\enne et de la nouvelle loi présentent aussi une
différence de la plus haute importance. La loi de
1824 déclarait que les chem.ins ~icinaux sont à la
charge des, communes snI' le territoire desquelles
ils sont établis, tandis que la ~oi de 1 S36 porte seulement qu'ils sont à la charge des communes, contrairement à la proposition de la commission de la
chambre des pairs qui avait ajouté au nouveau projet ces mots: sur le territoire dçsqueiles ,ils sont
établis. Le motifde ce retranchement, sollicité par
le gouvernement et adopté par les deux chambres,
est que la charge de l'établissement ou de l'entretien d'un chemin doit ètre snpportée par les communes, non d'après l'étendue du territoire qu'il
traverse, mais dans la propoftion de l'utilité et des
avantages que ces ~omnJUnes en retirent. La disposition contraire de la loi de 1824 était en effet le
plus grand obstacle à l'amélioration et à l'entretien
des voies vicinales, en ce que très-souvent le territoired'ulle commune était traversé'dans nne grande
longueur par un chemin qui ne lui était d'aucune
utilité, et que par conséqllent elle n'avait aucun
.' ,,, ,
.
lDteret a entretenu.
L'article 9 de celte loi avait, à la vérité, corrigé
jusqu'à un certain point l'injustice résuhant de la
stricte applicqtion de l'art. le .. , en disant que lorsqu'nn chemin intéresserait plusieurs communes,
et en cas de discord en tre elles sur la proportion de
l'utilité respective, le préfet prononcerait en con-
�DU DOMAINE PUBLIC.
13
seil de préfecture, à la vue des délibérations des
conseils municipaux assistés des contribuables les
plus imposés. Mais la rédaction nouvelle est préfér'able, en ce qu'elle pose en principe ce qui ue
formait que l'exception dans la loi précédente.
La déclaration de vicinalité produit deux effets
importants: le premier, de mettre l'entretien et la
réparation du chemin à la charge de la commune;
tellement que si elle néglige ou refuse de subvenir
.à cette dépense, elle peut y être cont~ainte par le
·préfet, en vertu de l'article 5 ci-après. Le second,
de rendre son sol imprescriptible, ainsi que le décide l'article 10, tant que le chemin n'a point été
déclassé, ou que, par suite d'un long abandon, il
n'est pas censé avoir perdu son caractère et sa destination.
L'obligation pOUl' les communes d'appliquer
leurs ressources à l'entretien et à la réparation des
chemins vicinaux est tellement impérieuse et exclusive, que les centimes additionnels et les prestations en nature autorisés par l'article 2, ne
pourraient être employés sur des chemins m~llle
publics, mais qui n'auraient point été légalement
déclarés 0\1 reconnus vicinaux. « AppliCJuer les
» ressources des communes il la réparation des
» chemins q ui n'a uraien t pas été classés dans la
» forme voulue, dit M. le ministre de l'intérieur
» dans sa circulaire du 24 juin J 836, pag. 5 de
» l'édition officielle, serait s'exposer au reproche
» de faire une application irrégulièr~ des revenus
�TlUITÉ
»
communaux, et
peut-ê~re
même à une. accnsa-
» tion de tlétomncment des fondll des communes.
» Reqnérir ll's citoyens de porterlc1II's prestations
" snI' des chl'rnlns Dfll1 dassés, sel'. it s'exposer à
') un refus <le service qui trollverait sa jllstilication
;" dans le texte fo~mcl de la loi. »
474. La loi nouvelle, comUle le dit M. le
.comte Roy, ne forme point nn Code comptet sur
la matière; elle a eu senlement pOil l' objet d'apporter quelques modifications à la législation anté~
rieme; en conséquence, celle-ci Sil bsistc tonjon rs
dans celles de ses dispositions auxquelles il n'a
:point été dérogé. Ainsi:
1° C'est toujours an préft;t seul et non an
~onsf'il de préfecture qu'Il appartient de déclarer
]a vicinalité d'un chemin; et les décisions rendues
'par ce magistrat ne peuvent être allaquées .que par
recours an ministre de l'intérieur, et
,voie
même au conseil d'ét:H, cOllliJé de j'intérieur,
mais jamais par voie contentieuse; la raison en est
·que le pouvoir de déclarer la vicinalité d'un che:min et d'cnfixer la largeur est -<;onfié cliscrétionnairemellt par 1(1 loi au préfet, constitué juge de la
nécessit.é el des bt;soius du service; le prop' iétair.e
traversé ne peut .exciper d'aucun droit acquis qui
aurait été violé par l'arrêté; il ne peut d.onc y avoi,r
jusque là rien de contentiell~ sllsceplib)e d'être
soumis au conseil d'état, const.ÎI né comme tribunal; il n'y a que _simple intérêt;' le droit ne
,commence à exister qu'au moment de la déposses-
oc
�DU DOMAINE PUBLIf:.
15
ion; mais alors une garantie d'une antre nature
est donnée par les art. 15 et 16 de la loi du 21
IDai 1336, et ce sont les tribunaux ordinaires qui
sont chargés de la procurer si l'administration la
refusait, parce qu'alors l'affaire présente une ques~
tion de ,propriété toute judiciaire. (Art. 6 de la
loi du 9 ventôse an III; art. il er de l'arr~té
du 23 messidor an v; décret du 6 janvier 1814,
Bull. 552; arrhs du conseil d'état des 26 mai
1837, 13 juillet 1~B8 et 30 juin 1839')
2° Cette déclaration doit être précédée d'une
délibération du conseil municipal ou des conseils
.municipaux, sans que pour cela le préfet soit lié
par 1'o.pinion qn'elle contient; de telle sorte qn'il
peu t décider dans un sens opposé, soit ponr, soit
contre ta vicinalité. (lnstruct. minist. du mois
d~octobf'e
1324.)
'3° Si une commune n'avait point encore dressé
le tableau de ses chemins vicinaux prescrit par
l'article 1 er de la loi du 23 messidor an V, elle
devrait le faire et l'afficher en se conformant aux
dispositions de l'instruction du ministre de l'intérieur du 7 prairial an XIII. C'est ce que prescrit
formellement la circulaire du 24 juin 1836, p. 6,
et dans laquelle le ministre engage avec raison les
préfets à reviser les tableaux précédemment dressés,
surtout ceux faits à une époq~e déjà ancienne, où
l'on a souvent omis des chemins importants en en
classant d'autres qui ne sont pas d'une utilité générale.
�16
TRAITÉ
4° Jnsqu'à ce que la vicinalité d'un chemin ait
été con 1radictoireruen t r<'con n Ile avec un particulier, cellli-ci est recevable à la conteste.' nonobstant l'obsprvation des formalités prescrites par la
,drculaire dll 7 prairial an XIII et la décision du
préfet intervenue conformément à la loi de J ~h4.
Cettè décision ne pouvéJnt être considérée à l'égard
de ce particulier gue connue rendlle par défaut, il
-pourra toujotll's y former opposition devant le préfet
lui-même, sclllf le recours au ministre et ensuite
au comité de l'intérieur du conseil d'état.
5° Le préfet agissant en qualité d'adl1Jinistrateur
a bien Je pOllvoir sllffisant pour reconnaître l'op..
pOrLllnité de l'ollvertme d'un chemin vicinal là où
il n'yen avait point encore; ponr dpclarcr si nn
·cheruin déjà établi cloit être l,lacé sur le tableau des
chemins vicinaux; 1'0111' ordonner les rectifications
:qui peuvent être à opérer (lans sa direction; pour
·lui assigner la largeur convenable : mais là se
,bornen t ses attributions; et lorsqu'il s'agira de
-s'emp'Her des fonds, de juger une question de
pro.priété, de statuer sur des anticipations de part
ou d'autre, ces points, comme on vient de le dire,
.devront être renvoyés devant l'autorité jndiciaire,
.la seule qui puisse connaître des questions de pro.priélé. Cette distinctiun an reste est formellement
établie par l'article 15 (le la présente loi.
6° Les indemnités qui pourront êtl'e dues aux
.propriétaires, soit rom l'établi~sement d'uo nouveau chemin, soit rom le changement de direction,
�DU POMAINE PUBUC.
17
soit pour son l'élargissement, seront à la charge de
la commune. En conséquence le maire deviendra
partie nécessaire et légitime contradicteur dans
tous les procès qui seront à soutenir avec les propriétaires que l'on voudra déposséder, ou avec les
voisins prévenus d'anticipation sur la largeur du
chemin, ou se prétendant lésés.
Ce principe est nai, même lor,sqn'il s'agit d'un
chemin de grande communication s'étendant sur
plusieurs communes, pourvu cependant que la
difficulté ne porte que sur une partie du chemin
comprise dans le terril,?ire d'une seule commune
(circulaire'dn ministre de l'intérieur, du 18 févri~r 1839; bulletin officiel, pag. 59); car si elle
embrassait l'ensemble du chemin, comme s'il était
question d'une souscription ou d'un legs destiné il
sbnel1tretÎen sur toute sa long,uenr, le maire d'une
des communes n'aurait pIns qualité; il faudrait à la
rigueur le concours'de tous les maires; mais comme
une semblable ass.ociation présen~erait des inconvénients à raison de son défaut d'unité et des
divergences de volontés, le pouvoir d'agir en pareil
cas doit être concentré c'n la personne du préfet,
non comme étant le J'l'présentant soit de l'état, .soit
du département qui ne sont point propriétaires du
cnemin, mais, en vertu de l'art"9 de la loi du 21
mai, comme supérieur commun des maires et le
seul cheflégal d'une certaine aggrégaLion de communes; ne faisant en cela que les fonctions de
maire" il ne pouiTa procéder en justice qu'après y
�18
TRAITÉ
avoir été autorisé par le conseil de préfecture. (Sus:.
dite circulaire du 18 février 1839 et autre du3
juin 1841.)
Si les divers points que l'on vient d'examiner ne
trouvent encore aujourd'hui leur solution que dans
la législa'tlon antérieure maintenue à cet égard pal'
le silence de la loi nouvelle, il en est autrement en
ce qui <loncerne la largeur des chemins vicinaux;
l'article 6 de la loi du 9 ventôse an XIII, qui déclare que "cette .largeur ne pou!ra être portée
au-delà de six 'mètres; est abl'Ogé par l'article 21
de fa loi tlouvelle:; qui ,charge les préfets de
fixer par un réglem"ent le .maximum de ~a largeur des 'chemins vicinaux. Indépendamment
de la clarté de ces termes, Ijabrogation de la loi
de l'an XIII résulLe du rejet par les deux chambres,
d'U11 amendement proposé par un député et reproduit par là commission dé la chambre des
pairs et qui portait que le maximum de la largeur
des chemins était fixé à six: métres, non compris
trois autres pour les fossésl Le gouvernement s'opposa à cet amendement en soutenant que la plus
grande latitude devai't être laissée aux préfets,
à cause de l'extrême variété des localités et des
hesoins de la population;
Ainsi ces magisll'ats panl'l'ont donner aux che.;;
'mins la largeur qu'ils jugel'Oot convenable et pres.crire la confection de fossés partout où il pal'aitra
nécessài,'e d'en étaLlir.
lj·75. Une obsetvation essentielle etqni trouve
�DU DOMAINE
PUBLIC~
19
naturellement sa place sous l'article 1 er , c'est que
les rues des bourgs et villages, quoique n'étant
presque toujours que le prolongement des che~ins
vicinaux, ne sont point généralement soumises
aux règles .établies par la présente loi; de -telle
sorle qn'elles ne doivent pas être portées SUI' les
tableahx de classement, et qne la législatibn des
chemins vicinaux relativement au mode soit d'établissement et d'entretien; soit de répressiun des
usurpaliolis qui y seraient failes, ne peudeut' être
appliqu'ée. '
Celte distinction qni peut surtout avoir de l'importa'nce par rapport aux juridictions et aux alignements, a été éonsacrée de la manière la plus
formelle par diverses ordonnances roples rendues
en matièrè contel1lÏeuse, notamment par celles
des 25 mars 1807,30 juillet 1817,23 janvier et 11
février 1820, 4 septembre 1~h2, 3 mars et 27
a\'rilI825, entre la commune du Trept et Id dame
veuve Blanchet, rapportées dans le recueil des arrêts du conseil J'état, ainsi que par \ln arrêt de la
Cburde cassation du 23)anvier 1~41 (Sirey, 42-1-52)
qui a décidé qu'un agent-voyer des chemins vicinaux n'avait pas caractère pour constater les contraventions de petite voirie dans l'intérieur des villages.
Il pourra sans doute y avoir dans certains cas
incertitude sur le point précis où finit le chemin
vicinal et où la rue commence. Il est bien évident
que trois 011 quatre hahitations éparses dans les
�20
TRAITÉ
champs, le long d'un cbernin, ne peuvent lui
.donner le caractère d'une rue; mais aussi tontes
les fois qu'il y au n certain nombre d'babitations aggl,ol1lérées, les voies de communication
qui servent à leurs habitants sont des rues et non
des chemins vicinanx. C'est ce que M. le ministre
de l'intérieur fait remarqner dans sa circulaire du
24 juin 1836, pag. 12 de l'édition officieJle, ct danS'
une lettre par lui écrite au préfet de la Seine à l'occasion d'ul1e affaire veuve Antoine ~ jugée par le
conseil d'état le 24 juin 1840 et rapportée dans le
rècu:eil de Sirey, 40-2-480.
) Ce que l'on .vient de dire ne s'applique qu'aux
rues et places qui soùt le prolongement des chemins vicinaux ordinaires; car quant à celles
par lesquelles passerait un chemin de grande
communication ~ elles seraient, comme le surplus du cbemin même, soumises à l'autorité dù
préfet en vertu .de l'art.. 9, puisqu'autrement
l'action de ce magistrat pourrait être entravée par
le fait du maire; un chemin étant dans toute son
étendue une chose indivisible et qui ne peut être
assujettie à diverses règles..
C'est ce qu'a formellement décidé un avis du
conseil d'état du 18-25 janvier 1~37, qui porte:
cc que les rues qui sont la prolongation des che-:)) mins vicinaux de grande communication dans
"») la traverse des communes, doivent être consi·
') dérées comme partie intégrante desdits chemins,
~) et être soumises aux règles qui leur sont appli~
�21
DU nOM;.A.INE PUBLIC.
,. cables, \) parce que autrement, comme l'expt'ime
un des coosidérants, cc il pourrait se tJ'ouvet' .sur
» ces g,'uodes lignes vicinales autant de lacunes
:» qn'iL s'y tronverait de communes intermédiaires,
" puisque les inlérêts particuliers .de .chacune
" d'elles ne tendent pas tOlljours an but commun;
» que souvent ces intérêts s~nt OpP()S~s entre eux
» ou contraires à l'intérêt départemt;ntal; que pour
» ce m~lif, l'esprit et le texte de la loi de lS:i6
» ont eu pom hlltde placer l'action. dans l~s mains
:>:> du préfèt,. pour neutraliset' la résistance d'un.
:» intérêt municipal mal entendu. » (Sirey, tom.
37- 2 - 2 46 .)
Le même principe se trouve reproduit dans une
circulaire du ministre de l'intérieur du 10 décembre 1839 (bulletin officiel 1839, pa~. 373)" où
il est dit formellement qne c'est aux préfets à donner l~s alignements dans les rnes des bourgs et
villages " traverse de chemins vicinaux de grande
COIn lU u nlca LIon.
476. Après cette explication dl] texte de la loi,
il n'est pas inutile de rappeler qU,elques principes
relatifs à la nature des chemins vicinaux, comme
aussi d'examiner divet'ses questions qui peuvent
s'élevc!' par rappo!'t à lenrs accessoires.
Le sul de ces chemins n'est pas seulement affecté
d'une servitude de passage an profit du publi~; il
dépend en pleine propriété du domaine muIiicjp~1
de quelque manière qu'il ait été autrefois acquis,
soit par vente, sOlt par abandon de la part des pl'ÔTOllI. II.
2
o
�22
o
TRAITÉ
priétaires riverains, soit même par preSCrIptIOn;
c'est ce qne M. Proudhon démontre parfaitement, nOS 631 et suivants, înfrà, pour les chemins
publics en général classés ou non parmi les chemins
vicinaux; du moment que Je public fait usage
d'une voie de communication, elle èst sa propriété:
Fiam puhlicam dicimus eam cujus etiam solum pubLicum est; d'où résulte la conséquence.
que les principes relatifs aux servitudes et à leur
acquisition ou à lem extinction par la prescription
l'le sont point applicables en cette matière; la Cour
royale de Dijon l'a formellement reconnu par un
arrêt du 30 juillet 1840, dont voici les motifs:
cc Considérant qu'un chemin peut être légalement
;), considéré comme chemin public ~ sans avoir été
)~ classé par l'autorité compétente parmi les grandes
» routes ou chemins vicinaux; que les chemins
;), publics peuvent s'établir par la prescription tren" tenaire; qu'il est, en effet, impossible de sou" mettre ces sortes de chemins aux règles des sim" pIes set'vitudes de passage, lesquelles ne peuvent,
» al1x termes de J'art. 691 du Cod. civ., s'acquérir
» que par titre; qu'une servitude n'est qu'une
» charge imposée sur un héritage, pour J'usage ct
" l'utilité d'un autre héritage, tandis qu'un che;) min public est établi pour la communication de
" plusieurs lieux habités et dans J'intérêt de plu)' sieurs personnes; qu'un tel chemin place dans
» le domaine public le sol même sur lequel il est
» pratiqué, et, qu'en conséquence, la possession
�23
DU DOMAINE PUBLIC.
" exercée par le public pour l'acql1~rir s'applique,
» non pas à UI1 simple droit sur le fonds, mais au
'» fonds lui· même
» Cet arrêt ayant été déféré
à la Conr de c<lssation, le pourvoi a été rejeté le
14 fëvrier 1842 en Ct~S termes: cc Attendu que l'ar» rêt attaqué a reconnu, en fait, fJue le chemin
» contesté était un chemin puhlic, ayant existé
» avec cette destination depuis un temps immémo» rial; atLendu , en d,'oit, qu'un chemin pt\blic
» établi dans nn intérêt général ne saurait être assi» milé à un simple passage, constituant une servi» tnde élahlie snI' un héritage en faveur d'un autre
» héritage; attendu que l'usage des chemins pu'»
blics est susceptible d'être acquis par la prescrip» tion tren tenai re , et , dans tous les cas, ne peut
» être interdit que par décision \le l'autorité supé» rienre; que dès-lors il n'a pu y avoir violation
» de l'art. 691 du Cod. civ.). (Sirey, 42-1.363.)
, 47'1. Celte solution doit s'applique," non-seulement à la chaussée du chemin, c'est-à·dire à la partie
qui est pal"courue par les voitures et les piétons,
mais enc:ore à ses accessoires tels que les tains, s'il
est établi en remblai, les espaces de terrains adja• d es I:?atenaux
' .
d e repa1 . . a'l' entrepot
cents (eSllDeS
rations, les travaux d'arts, les ponls, les fos:ses, etc.
Si donc, nn pont sert à la traverse d'un chemin
vicinal snr un canal creusé de main d'homme, appartenant à un particulier; par exemple, sur le bief
• artificiel d'un moulin, nous pensons qu'à moins de
J
1
•
�TRAITÉ
titres positifs contraires, il devra être consiMré
comme dépendant du chemin, et que pal' suite sa
;réparation ou sa reconstruction seront"à la charge
de la commune.
478. Il en est de même des fossés pratiqués le
lon~ du chemin, soit pour le délimiter des propriétés voisines; soit pour l'écoulemel.1t des eaux;
le curage devra en être opéré aux frais des habitants (1 re édition du Traité du domaine public,
nOs 49 2 et suiv.) ; nous ne saurions, en conséquence, partager l'opinion professée par M. Gal':"
nier (pag. 31H et suiv., chap. v de son Traité des
. chemins), et d'après laquelle de semblables fossés
~evraient, aux termes de l'art. 666 du Cod. civ. ,
être réputés mitoyens avec les propriétaires rive, rains et aussi pourraient être prescrits par eux; la
"circulaire ministérielle du 27 prairial an XIII et
surtout l'art. 10 de la loi de Itl36 s'opposent à ce
qu'il en soit ainsi.
. Nous ajouterons que la jurisprudence, et notamm.ent un arrêt de la Cour royale de Dijon dU..22
juillet 1836, ayant décidé que celui qui èreuse o:n
fossé doit laisser du côté du terrain voisin .et alJdelà du creux de ce fossé une berge de 33 centimètres de largeur, cette distance devrait être observée par une commune qui creuserait un fossé le
long d'un chemin vicinal.'" (Instr. minist. du
moisd~octobre1~h4.
-M. Garnier, Traité des
chemins, ch. r,p. 319", 4e édit.)
Mais nous ne saurions partager l'opinion de cet
X
�DU DOMAINE PUBLIC.
25
auteUr lorsqu'il dit que la même obligation ne peut
être imposée au propriétaire riverain d'un chemin
vicinal qui voudrait creuser sur son fonds un fossé'
le long du chemin. Nous pensons au contraire que
les moLÏfs qui ont fait adruetLre la nécessité d"une
herge s'appliquent à plus forte raison au cas où
l'un des héritages est un chemin vicinal, puisque
ce chemin ~lant soumis à un usage. public, il Y a'
encore pins d'intérêt à ce que les' fossés établis
pour sa conservation ne soient pas' remplis par l'éhoulement des tCI'res qui les hordent. D'un' autre
côté, il doit y avoir réciprocité entre les voisins,.
et enfin l'instruction déjà citée de 1824 renvoied'une manière générale au droit commun pOUl1
tout ce qui conccrne les fossés établis le long des'
chemins vicinaux.
419: Une autre questionqni a beaucoup d'analogie avec celle .ci, est de savoir si le propriétaire
riverain est obligé d'observer les distances pres-crites par l'article 671 dn Code civil, pour la plantation d'arbres. ou de haies.
L'art 7 de la loi du 9 ventase an XIII porte
que· cc à l'avenir null].e pourra plante~ ~ur le bord
:>~ des chemins vicinaux, même dans sa propriété,
» sans leUl' conserver la largenr quiîeur aura été' .
:>~ fixée. ~) Doit-on induire de ce's expressions que
l'on peut pla tl ter soit sur le sol même dn chemin
communal, en dehors de la partie de la largeur
déclarée vicinale,' soit sur le' bord de l'héritage
voisin, sans observer de distance? - Nous ne le
pensons pas.
�26
TR.AITÉ
Les termes de cet article, que nous croyonS'
n'avoir été décréte que pour régulariser certains
usages locaux, signifieraient seulement, en en généralisant l'application, que lorsqne la largeur du
chemin vicinal a été fixée par le préfet, le pl'Oprié~
taire riverain sur lequel cette largeur doit être prise
en partie, ne peut plus planter la portion destinée
à servir de complément au chemin, sans commettre une anticipatiou sur la viabilité de la route:
la question relative à la distance resterait donc intacte; mais alors comment doit-èlle être résolue?
M. Garnier, pag. 313, la résout dans le sens'
que le riverain n'est tenu à laisser aucun espace ,
quoiqne, par une singulière contradiction, analogue à celle que nous avons déjà signalée dans
son opinion relative aux fossés, il enseigne qu'une
commune qui planterait un de ses chemins, se..
rait obligée de placer les arbres il la di~tance voulue
par la loi.
-.
" .•."....""".
La raison qui le détermine est que les branches
et les racines des arbres pourraient nuire aux récoltes des propriétés riveraines ~ tandis que l'omhrage est nécessaire aux chemins, sans que l'~pui
sement de leur sol par les racines soit à craindre.
Cette raison nous parait peu satisfaisaute, en ce
que l'observation de la loi n'est point subordonnée
au plus ou moins de préjudice possible ponr le
voisin, et qu'cn fait il est certain que l'ombre
projetée par des plantations tend à détériorer les
chemins en y conservant une humidité nuisible-.
�DU DOMAINE PUBLIC.
27
Nous pl'éférons donc l'opinion de M. Proudhon,
d'ailleurs conforme à l'instruction de 1824, et
nous pensons avec lui que la question doit être décidée par les principes du droit commun.
Au surplus les solutions que nous venons d'indiquer n'ont lieu qn'en ce qui a trait à la propriété
telle qu'elle est régie par le droit civil, et pourraI)t
être modifiées au profit des communes ou des
propriétaires voisins par l'arrêté que le préfet doit
prendre, aux termes de l'art. 21.
M. Garnier, dans son Supplément au Traité
des chemins ~ admet comme nous que le pr~fet
pourra déterminer, ainsi qu'il le jugera convenable, lâ distance des plantations d'arbres et de
,haies, la profondeur et la largeur des fossés; luais
il nous paraît commettre une grave erreur lorsqu'il
ajoute que ce magistrat peut user de la faculté dont
il s'agit, cc sans s'inquiéter des dispositions du
;)-> Code civil qui,
dans le fait, sont inappli.:»
caMes aux riverains des chemins vicinaux.
» Nous croyons même, poursuit-il, qu'il pourrait
~)
les forcer à établir des fOSSt~s en tre eux et la voie
») publique, à jrq,is communs. );)
Nous ne saurions adopter cette opinion d'après
laquelle il semblerait que les riverains d'uD chemi,n vicinal seraien t mis hors la loi, et qne, par
son arrêté, le préfet pourrait disposer à son gré
de leurs propriétés.
Cela est bien vrai en ce sens que le préfet, sauf
recours au conseil de préfecture, au minist~e ~t au
�28
comIte de l'intérieur du' conseil d'état " peut déclarer l'ulilité p~bliqoe. et ainlli contraindre à la
cession 'd'une propriété privée ou à t'établissement
d'une servitude. Mais ce pouvoir ne peut s'exercer
que sons la condition imposée et 'avec le... formes
prescrites par l'article '9 de la Charte, et par les
ar'ticles 15,16~t 17 de la présente loi, c'est-àdire an moyen 'd'une juste et préalable indemnité
estimée pal' un jury ou des experts.
Ainsi le préfet ponrra ordonner qu'un fossé plus
ou 'moins large sera creusé le long d'nn chemin
vicinal, en dehors de sa 'largeur actuelle, et par
ca"nséquent, sur des prop' i(~lés privées; mais alors
il :y aura véritable exproprialion pour cause d'uti.
lité publique, et, par conséquen t, nécessité d'une
indemnité préalahle.
Cette indemnité ne sera 'pas due si, en vertu du
dr,oit commun, le ri verain était déjà tenu, vÎs-àvis un voisin ordin~ire , de 'fiâre sansÏndemnité la
chose prescrite par l'arrêté du préfet. Ainsi, par
exemple, si le réglement défend de planter des
arbresle long d(·s chemins à une distance moindre
que celle prescrite par l'i.lrt. 671 du Code civil, il
n'y aura lieu à aucun dédommagement, parce
qu'en cela la COOlOlune ne fait qu'user d'un droit
que pourrait exercer tout citoyen sans rien payer.
Mais si, par un motif quelconque, le réglement
prescrivait une dislance plus étendue, de trois ou
quatre mètres par exemple', ou s'il ordonnait l'essartement du bois sur une largeur plus ou moins
�DU DOMAINE PUBLIC.
grande de chaque côté d'un chemin traversant une
forèt, il yaurilit évidemment lieu à indemnité,
paree que la commune n'userait plus d'un droit
lui appartenant d'après la lOI commnne et générale,
mais exercerait le privilége d'expropriation forcée
qui ne peut lui ap~artenir qu'à la cOl1d~tion du
paiement d'une jnste et préalahle indemnité.
Il y a pal,ticulièrement erreur à prétendre que
le préfet pourrait forcer les riverains à établir à
frais cOlllllluns des fossés en Ire eux et la voie
publique, en ce qu'aux termes du Code civil, des
voisins ne peuvent être contraints à se séparer par
des fossés, et que celui qui veut les établir doit
les creuser sur son propre fonds, en laissant même
une berge de l'autre côté.. La COfillllUIW pourra
hien en pratiquer un, soit en totalité, soit en
partie, sur l'héritage juignan t; mais loin de forcer
le propriétaire à contrihuer aux frais de confectiùn,
elle devra lui payer le prix du terrain SUI' lequel
elle le pratiquera.
ARTICLE II.
')
')
»
»
»
480. <l. En cas d'insuffisance des ressources
ordinaires des communes, il sera pourvu à l'entretien des chemins vicinaux, à l'aide, soit de
prestations en nature, dont le maximum est
fixé à trois journées de travail, soit de centimes
spéCiaux en addition au principal des quatre
�30
»
)'
"
"
»
)'
TRAITÉ
contributions directes, et dont le maximum cst
fixé à cinq.
" Le conseil municipal pourra voter l'une on
l'autre de ces ressources, ou toutes les deux
concurremment.
" Le concours des pIns imposés ne sera pas nécessaire dans les délibérations prises pour l'exécution du présent article. »
Après avoir posé dans l'art. 1 er le principe général que l'entretien des chemins est à la charge des
communes, la loi organise dans les articles 2. , 3,
4 et 5 les moyens de pourvoir aux dépenses de cet
entretien. C'est la partie la plus importante, et il
faut même dire la partie principale de la loi.
Avant 1789, l'entretien des chemins vicinaux, qui
dans certaines provinces était à la charge des propriétaires riverains, concernait assez généralement
les seigneurs hauts-justiciers qui faisaient faire les
réparâtions au moyen des corvées, c'est-à-dire de
prestations en nature, que chaque habitant était
obligé de fournir à raison de sa personne, de celles
des membres de sa famille, et des animaux de trait
on de charge qui lui appartenaient, ou à raison de
certains héritages qu'il possédait (a).
(a) La corvée personnelle était le résultat de l'établissement
des fiefs; chez les Romains elle était réelle, c'est-à-dire que la
répartition de la charge était faite entre les seuls propriétaires
fonciers dans la proportion de l'étendue de leurs possessions,
sauf à eux à l'exécuter soit par eux-mêmes, soit par leurs
�31'
Les corvées déjà défendues par les fameux édits
de février 1776, et de juin J787' qui soulevèrent
la noblesse et les parlements, ayant été définitivement supprimées par les lois abolitives de 1.1 féo lalité, comme contraires à la liberté individuelle, les
frais d'entretien des chemins communaux furent
mis, pal' l'art. 50 de la loi du 14-13 décembre
1789, à la charge des communes.
Ce principe, qui n'était accompagné d'aucuns
moyens d'exécution, fntexpliqué par l'art. 2 de la
sect.- 6, tit. 1er du Code rural dll 28 sept.-6 oc.
lobre 1791, qui, après avoir rappelé que les chemins reconnus par le directoire de district pour
être nécessaires à la communication des paroisses
doivent être rendus praticables et entretenns aux·
dépens des communautés sur le territoire desquelles ils sont établis, ajoute: qu'il pourra y
DU DOMAINE PUBLIC.
...
esclaves, soit par des ouvriers libres qu'ils payaient. La loi 5
cod. Theodos. de itinere muniendo, lib. 15, tit. 3, portait:
" Possessores, reparationi publiei aggeris et eœteris hujusmodi muneribus pro jugerum numero vel eapÎlllm quœ possiaere noseuntllr adstringi eogantur. ll-Aucune dignité ou privilége ne pouvait en affranchir: « Absit,diselllles empereurs Honorius etlThéodose, dans la loi 4, cod. de privileglïs domils Augustœ (lib. 11', tit. 74) ut nos instruetiones viœ pllblicœ et
pontium stratarumqlle titulis majorum prineipurn de,dieatas
inter sordida munera numeremus : igitur. ad instruetiones reparatùmesqlle itinerum pontùunque nullllm gcnus hominllln,
nulliusque dignitatis ae venerationis meritis eessare opportet.
Domos etiam divinas tam laudabili titulo libenter adscribimils.
II
�32
avoir à cet effet une imposition au marc la livre
de la contribution foncière. La loi du 16 frim. an II,
et celle du '11 frim. an VII, se bornent à énoncer
que les chemins vicinaux continueront d'être aux
frais des' administrés, et que les dépenses de la
voirie et des chemins vicinaux dans J'étendue de
la comm~lDe sero~t compl'ises parmi les dépenses
communales. On trouve ensuite les lois des 28 plu- .
viôse an VIII et 4 thermidor an x, qui porten t : la
première, art. 15, tit. 1 er : cc Le Conseil· municipal
;» réglera la répartition des travaux nécessaires à
» l'entretien ~t aux réparations des propriétés qui
» 'sont à la charge des habitants;» et la seconde,
titre 2 , art. 6 : c< Les Conseils municipaux émet>~ tront leur vœn snI' le mode qu'ils jugeront le
>~ plus convenable pour parvenir à la-réparation
» des chf'lIlins viciuaux ; ils proposeront à cet effet
» J'organisation qui leur paraîtrait devoir être
~) préfërée pour la prestation en nature. »
Ce mode. de prestation fut organisé, quoiqu'imparfditement,
par l'instruction
ministérielle du 7
.
t
.
prairial an XIII, et a été employé jiIsqu'à la loi de
finances du J 5 mai] 813, dont l'art. 94 a in tcrdit,
à peine de concussion, toutes contributions direçtes ou indirectes a~ltres que celles autorisée~ par
cette loi', à quelque titre et sous quelque dénomil1ati60 qu'elles se pt>rçusseo t.
Tel était l'état de la législation lorsqu'a été rendue la loi du 23 juillet db4, dont les articles 2, 4,
5 et 6 portent qu'en cas d'insuffisance des revenus
�DU DŒIAIl'Œ PUBLIC.
33
des communes, ponr subvenir aux dépenses ordinaires des chemins, il Y sera pourvu par des
prestations en nature oU.en argent, au choix des
contribuables; -que si ces prestations sont ellesmêmes insuffisantes, cinq centimes additionnels
pourront être ajoutés au principal des contributions directes; -que les prestations etles cinfJ. centimes seront votés par les Conseils municipaux qui,
pour ce dernier vote, s'adjoindront les contribuables les plus imposés; -enfin, fJ.ne si ces
divers moyens sont insuffisants pour des travaux.
indispensables, il sera pourvu à la dépense par des
contributions extrnordinaires établies par ordonnances royales et sans limite de leur quotité.
Quoique plus étendues et plus explicites que
celles qui les avaient précédées, ces dispositions
ont été loin d'atteindre le bllt que l'on s'était proposé, parce que leur application était abandonnée à l'autorité locale, dont les agents, avaient le
plus souvent un intérêt personnel à ce qu'elles ne
fussent point exécutées.
481. C'est à cet obstacle que la nouvelle loi a
essayé de parcr, en investissant, par son art. 5, le
préfet du Jroit de disposer des ressources dont on
vient de parler, dans le cas où les conseils municipaux refuseraient ou négligc>raient d'en f:'lire
usage. Par là, cc qui était facultatif est devenu
obligatoire, et il existe aujourd'hni un moyen de
vaincre h force cl 'inertie que les admillistl'ations
locales n'étaient que tl'OP portées à opposer aux
�34
.
TItAITË
mesures qu'un esprit d'égoïsme lllai entendu leur
faisait considérer comme onéreuses.
' nouveIelna
' reme'd'le, qu ,.a
. Ia I01
A not.re aVIS,
une parlie du ruaI; il n'aurait pas fallu seulement
contrai ndre à faire les dépenses nécessaires; le
point essentiel, et qui eùt surtout contrihué à
fàeiliter l'exécution de la loi, c'était une réparti.
tion juste et générale de la dépense.
La longueur et les frais de confection et d'entretien des chemins vicinaux sont rarement en rapport
avec la richesse et les ressources des communes.
Ou pourrait même dire qu'ils sont en proportion
inverse. En effet les villes les plus populeuses et
tes pl us riches, don t le terri toire, ordinairemen t
assez limité, est coupé en tous sens par des grandes
routes à la charge de l'état ou du département, ont
beaucoup llloins de chemins vicinaùx que les
communes .pauvres , ayant, à raison même du peu
de valeur des propriétés, un territoire très-vaste et
présentant souvent des montagnes ou des marais
qui rendent l'établissement des voies de communication extrèmement dispendieux. Ainsi, la plupart
des grandes villes de France où se concentrent
toutes les richesses, telles que Paris, Lyon, etc.,
ont moins de chemins vicinaux à leur charge qne
de pauvres villages situés au-dessus des montagnes.
D'un autre côté, le système de la prestation en
nature offre même, dans chaque commune, une
inégalité anssi injuste pOUl' les citoyens pris indivi.
duellement, que contraire à l'intérêt général. Cette
�DU DOMAINE PUBLIC.
35
prestation n'atteignant pas tout le mond~, et se
répartissant, non dans la proportion des fortnnes,
mais à raison du nomhre des individus, il en
résulte que souvent les plus riches sont affranchis
de toutes charges, ou ne les supportent qu'indirectement et dans une très-faible proporlion avec
leurs facultés, tandis que l'homme dont toute la
fortune ne consiste que dans le travail de ses bras,
y contribue dans un rapport exorbitant avec ses
ressources.
Partant de ce principe, base de toute association, que plus une charge est répartie, moins elle
pèse sur ch~cnn; le législateur aurait d II meUre la 1
réparation et l'entretien des chemins vicinaux au
compte de l'état, et pourvoil' aux dépenses qui en
seraient résultées, au moyen des contributions
directes qui pèsent sur lons et dans une proportion
assez en rapport avec les moyens de chacun; par
là les travaux eussent été mieux faits, et les résistances locales qu'éprouvera encore la loi eussent été
vaincues; tout le monde aurait contribué, et la
. "cte grave pour personne. L' 0 b')CCch arge n ' auraIt
tion de l'augmentation des impôts déjà trop élevés,
est sans poids, en cc que la dépense étan t reconnue
nécessaire, il faudra toujours que les citoyens la
supportent à un titre ou à un autre. Mieux allrait
valu choisir le mode qui aurait occasionné le moins
d'injustices et qui aurait atteint plus directement
le but proposé.
482. Les moyens prescrits par la nouvelle loi
�36
TRAITÉ
ponr l'entretien des chemins vicinaux. sont à-peuprès les mèmes que ceux établis par les articles 2,
4 et 5 de la loi de l~h4: emploi des revenus ou
ressonrees ordi naires des commll nes; - prestations
en nature ou en argent, au gré des contribuables;
-t'nfin, cinq centimes additionnels au pl'incipal
des quatre contribu tions directes.
CepemLmt il existe des différences notables qu'il
convient de signaler.
0
1
La loi nouvelle ne parle plus de la con tribu·
tion extraordinaire autorisée par ordonnance royale
et dont le maximum n'était pas déterminé, que
l'art. 6 de la loi de 1824 permettait d'ajouter au
produit des prestations. Doit-on induire de ce
silence que ce moyen extraordinaire ne pui.sse
encore êl re employé pour le cas de travaux indispensablc&? Nous ne le pensons pas; seulement il
.
' 1tat d' un vote spontane,
Ile ponrra etre
qne l
e resu
du conseil municipal, el il ne sera point loisible au
préfet de l'imposer; l'art. 5 ne lui permettant
d' 'ser que des prestations et des centimes additionnels.
La réparation des chemins vicinaux étant une
dépense communale à laquc:lle la loi attache la plus
grande impOl tance, il n'y a pas de dOllte que les
communes pourront, en reluplissant les formalités
voulues par les lois, notamment par les articles
et suivants ùe la loi du 1~ jllillet d537' s'imposer extraordinairement pour cet objet, comme
ellel> le pem"etlt pour toute autre dépense de grande
40
�DU DOMAINE PUBLIC.
37
'l\tilité, telle que la constmction d'un pon t ou
d'uu édifice quelconque.
On avait demandé à la chambre des pairs que
l'art. 6 de la loi de 1824, qui autorisait cette contribution, fût abrogé; mais le gouvernement s'y
opposa: la proposition n'eut pas de suite; et au
contraire l'art. 22, ci-après, qui laisse subsister
les dispositions des lois précédentes non Ii'lOdifiées,
fut adopté.
2° La prestation en nature peut cbtnprendre
trois journées de travail ou leur valeur, au lieù
de deux qu'autorisait seulement la loi de 1824.
3° D'après cette dernière loi, l'imposition des
cinq centimes additionnels ne ponvait èlre votée
qu'en cas d'insuffisance des revenus des corumunes
et de la prestation de deux journées de travail;
tandis qne suivant la loi nouvelle, llprès l'emploi
des ressources ordinaires, le conseil municipal
peut voter à son choix, soit les cinq centimes, soit
la prestati(j'n en nature, soit les deux moyens concurrenUllent. L'amendemen t de la corn mission;
qui tenJait à main tenir l'ordre fixé par la loi de
1~b4, a été rejeté. Cette latitude, jointe à l'élimination des plus imposés, nous paraît laisser un
arbitraire trop étendu aux conseils municipaux,
qui, selo)l les localités et les circonstances, pour.
tont grever à leur gré, soit la propriété foncière et
l'industrie, soit les pl'Olétaires. Il ne fàut pas
perdre de vue en effet que les conséqnences de
l'un et de l'autre mode de contribution sont essenTOl\1. ir.
�38
TRAITÉ
tiellement différentes, et portent respectivement
sor des classes qu'il eût été convenable de faire
concourir proportionnellement, mais non de
charger on d'affranchir les unes au préjndicc des
autres. Tout bien considéré, nne certaine injustice
l'ésnltant de la loi est encore plus tolérable que
l'arbitraire de l'homme.
4° La loi de 1824 portait que la presta tion en
nature et l'imposition des centimes auraient lieu
en cas d'insuffisance des revenus; la loi nouvelle
s'est servie des expressions de ressources ordinaires, plus étendues et plus convenables; les
communes ayant des ressources ordinaires, telles
que des centimes additionnels aux contributions,
des amendes de police, des droits d'expédition
d'actes, des indemnités pOUf frais d'en'l'ôlemen\s
volontaires, des prix de concessions pour alignements, etc., qui ne peuvent pas être rangées sous
la dénomination de revenus, laquelle ne s'applique,
dans le langage ordinair~, qu'aux prix de baux,
aux rentes et aux intérêts.
5° Le concours des plus forts imposés, exigé
par l'article 5 de la loi de 1~h4 pour le vote des
cinq centimes, a été supprimé.
Nous ne pouvons qu'applaudir à cette innovation qui a donné lieu aux plus longues discussions,
et qni n'a passé qu'à une faible majorité, après
des épreuves douteuses. Le concours des plus imposés, qui peut être avantageux dans les villes où
se trouve un grand nombre de contribuables qui y
�DU DOMAINE PUBLIC.
39
demeurent, est une formalité inutile et plutôt une
entrave qu'une garantie dans les petites localités
où les gros propriétaires ne sont pas présents, et
où, à lem défaut, les plus forts imposés sont. souvent des hommes sans connaissance des affaires,
Ile payant quelquefois que 7 ou 8 francs de contributions et ne remplissant aucune des conditions
que l'on doit -rechercher dans ceux auxquels est
(:onfiée la direction des affai,'es publiques. D'ail.
leurs l'entretien des chemins vicinaux devenant
une dépense forcée et en quelque sorte ordinaire,
l'adjonction des plus imposés, que la loi du 15
mai 1~:h8 n'a érigée en principe que dans le cas
<le dépense extraordinaü'e et facultative, ne doit
plus recevoir ici son application, ainsi qu'on l'a
déjà reconnu pour les dépenses concernant l'ins..,.
truction primaire.
On aurait pu désire,' plus de précision dans le
dernier paragraphe de l'article 2 qui rejette le.
concours des plus imposés. En se servant de ces
termes: Le concours ne sera pas nécessaire,
on pourrait supposer que le législateur l'a rendu
facultatif, mais ne l'a point prohibé. Nous ne
pensons pas que la loi doive être entendue dans
-ce sens: en matière de pouvoii's publics tout ce
qui n'est point concédé ou prescrit est, par làmême,
interdit. Ainsi les conseils municipaux ne pourront
pas ~'adjoindre à leur volonté les plus fùrts imposés; la délibération qu'ils prend.rai~nt avec eux
serait nulle, en ce qu'ellê ne serait plus l'expres-
�40
TRAITE
sion de la volonté de la majorité du conseil, mais
le vœu d'une réunion irrégulièrement composée
et ne représentant pas légalement la commune. Le
paragraphe qui nous occupe n'a été ainsi rédigé qu'à
raison de ce que la loi précédente prescrivait le
concours des pIns imposés; e11 disant que ce concours ne sera pins désormais nécessaire, elle a
vouln dire qll'elle l'abrogeait et que par là même
eUt' Je prohibai t.
6° Enfin la loi nouvelle offre aux communes ~
dans so 1 article 8 1 une ressource que n'avâit point
établie la législation 'précédente et consistant dans
une' snbvention qui pourra être accordée aux
COlHm\mes sur les fonds du département. Il était
arrivé quelquefois que des secours avaient été
donnés anx communes pour cet objet par les
conseils généraux; mais alors cet emploi des ressources départementales était contraire à la loi et
n'avait lien que dans des circonstances extrêmement rares, tandis qu'auj011l'd'hui il devient une
mesure légale quoique subsidiaire et seulement
autorisée pour des cas extraordinaires.
483. La prestation en nature et l'addition des
cinq centimes n'étant que des moyens subsidiaires,
les habitants pourraient former opposition à leur
emploi si les ressources ordinaires étaient suffi.
, .prea
, 1ahl ement a b sorsantes ou n ,
avalent
pas ete
bées. Dans tons les cas 1 le conseil municipal n'est
pas obligé de. v9ter les tfois journées de travail et
les cinq centimes: c'est un maximum qu'ill1e peut
�DU DOMAINE PUBLIC.
4f
dép:lss<'r, mais au-dessous duquel il peu t rester en
De Votant qu'une journée on un centime, l'impôt
devant êtl'e proportionné à la dépense nécessaire.
Nous pensons aussi qu'il pourrait votet' concurremment une partie de la prestation et une partie
des centimes, ce qui de"iencirait même indi:.pensable si, outre les tl'avaux de terrassement 'lui peuvent être exécutés par tont le monde, il Y avait à
faire des ouvrages d'arl tels que des ponts, des
murs, des aqneducs, que des ouvriers peuvent
seuls exécuter convenablement.
484. Les centimes spéciaux votés pour la réparation des chemins, sont des contribntions directes qui incontcstablement doivent entrer dans
le calcul des impôts composant le cens électoral;
mais en est-il de même des prestations en nature
qui, à la vérIté, aux termes de l'art. 1-, sont de
plein droit exigibles en argent, lorsque le contribuable ne les fournit pas en serv.ices?
Cette question qui a divisé lcs Conrs royales est
aujourd'hui résolue dans un sens affir~atif par la
jurisprudcl)ce de la Cour de- cassation résultant
de ses arrêts des 12r février, 2 avril et B aoftt I~B8
ainsi motivés: cc Altendu en droit que d'après l'art.
» 4 de la loi du 19 avril 1831, au nombre de~
» contributions directes qui confèrent le droit
» électoral J sont placés les suppléments d'impôts
» de tOllte nature cunnus sous le nom de centimes
» additionnels; que par l'art. 2. de la loi du 2-1
» mai 1836 sur les chemins vicinaux, )a contribu-
�li·2
TRAITÉ
tion peut être aCfluittée en nature ou en argent,
l) ou par centimes spéciaux en addition au prin" cipal des contributions directes; - que paF
» l'art. 4 de la même loi la prestation imposée par
" cette loi doit être appréciée en argent, confor." mélllent à la valeur attribuée à ehaque journée
" de travail; -flue toutes les fois q'ue le contri'» buable n'allra pas opté entre la prestation en naI I ture et celle en argent, la
prestation sera de
" droit ~n (lrgent; - qne dans tous les cas, la
" prestation dont il s'agit a tous les caractères de
l) la contribution qui confère le droit électoral,
l) puisqu'die a pour base les rôles sur les con tril) hutionsdirectes; qu'elle s'adresse à la personne,
l) et qu'elle
est proportionnée an nombre des
l) membres ou des serviteurs de la famille, des
) l charrettes ou voit ures, ou des bêtes de trait, de
l) somme ou de selle, au service de la famille. '"
(Sirey, 38-1-105, b7 5, 971.)
Le premier de ces arrêts a été précédé d'un réquisitoire de M. le procureur général Dupin, dans
lequel ce 'savant jurisconsulte émet l'opinion suivante: te La loi ne reconnaît que deux charges
l) publiques uniquement acquittables en nature:
» c'est le recrutement, impôt du sang, elle service
l) de la garde nationale. Mais ce sont là les pIns
l) nobles de toutes les charges; ce sont des dettes
" sacrées dont l'intérêt du pays défend de se rédi» .Iner d'une autre manière. Les prestations dont
,n il s'agit sont, au contraire, payables d'abord en
II
�DU DOMAINE PUBLIC.
43
» argent et facultativement en nature. L'obligation
)' pécuniai"e en est si bien le caractère distinctif,
)' que si Le contribuabLe L'acquitte parson tra·
)' vail manueL ~ elle devra de même lui être
» comptée dans son cens électoral. Dans l'es~) pèce où l'électeur a payé en argent, son droit
») est sinon plus fondé, du moins plus évident en·
" core. »
Ces solutions doivent être admises en toute es·
pèce d'élections, soit parlementaires, soit départe'mentales ou d'arrondissement, soit municipales.
Bien que l'art. 3 assimile le colon partiaire au
fermier, on avait cependant proposé, en ce qui
concerne le premier, nne distinction entre la partie de la prestation portant sur sa personne et les
membres de sa famille, et celle frappan t sur les voi~
tures et animaux destinés à l'exploitation. Par arrêt
du 19 novembre 1841 , la Cour royale de Limoges
notamment, avai! déciçlé que ces objets formant
le capital d'une société existant entre le colon et
le propriétaire, la moitié de la prestation devait être
comptée à celui-ci; mais ce système a été avec raison proscrit par deux arrêts de la Cour de cassation
des 28 mai 1838 et 11 avril 1842 (Sirey, 38.1465 et 42-1-317), sur le motifque,la charge pèse
non sur la chose directement, mais sur la personne
même du colon qui seul figure nominativement an
rôle; ce qui vient à l'appui de cette décision, c'est
que lors de la discussion de la loi du 2) mai 1836,
un député ayant demandé que les prestations dues
�44
T~AITÉ
par le fermier ou le colon fussent snpportées pour
une moilié par le proprié~aire, cet anlenuement fut
rejeté.
ARTICLE III.
485. cc Tout habitant, chef de famille, ou d'é·
» tablissement, à titre de propriétaire, de régis.
» seur, de f('rlUie~, ou de colon partiaire, porté au
:» rôle des con tributions directes, pourra être appelé
» à fournir, chaque année, une px:estaLÎon de trois
» jours:]o pour sa personne, et pourchaqllein» dividu màle, valide, âgé de lSans, au moins,
» et de 60 ans, au plus, membre, ou servilellrde
» la famille, et résidantd.ans la commnne; 2° pour
" chacune des charrettes ou voitures attelées, et,
» en outre, pour chacune des bêtes de somme,
» de trait, de selle, au service de la famille, ou
» de l'établissement dan/! la commune. »
La corvée que la prestation remplace aujourd'hui était de deux espèces: la personnelle et la
réelle. Selon la loi 1, S 3, ffde muner. et honor.,
la corvée personnelle était celle que le corvéable
payait de sa seule personne., el la réelle L.elle où il
employait qllelqne chose de sou bien et les instruments de travail de son exploitation.
Celte distincLÎon est maintenue par l'article que
nous examinons. Comme le dit M. le ministre de
l'intérieur, dans sa cir(~ulaire du 24 juin 1~36, il
faut distinguer entre l'ohligation imposée à rhahi·
�DU DOMAINE PUBLIC.
45
tant, et eri vue de sa personne senlement, et 1'0hligation imposée à tout individu en vue de la famille dont il est le chef on de l'établissement agricole ou autre dont il est propriétaire ou géran t, à,
qnclque titre que ce soit. Dans le premier cas, 1'0'"
hligation est personnelle ct directe, en ce sens
qu'elle atteint directement le contribnable poU\'
sa personne seule; dans le second, elle est indirecte, à raison de ce qu'elle ne lui est plus imposée
pOUl' sa personne, mais bien pour les moyens d'exploitation de son établissement, lesquels se composent des membres de sa famille ou de ses servi.
teurs, et encore de ses instruments de tr~vail, tels
que voitures, bêtes de somme, de trait ct de selle.
Ainsi tout hahitant peut être imposé à la prestation
eo nature, directemc n t et pOlIr sa person ne, s'il
est pané au rê>le des contributions et s'if remplit
les conditions d'âge, de sexe et de force prévues
par la foi; la charge lui est alors imposée, abstraction faite de toute qnalité de propriétaire, de chef
de famille ou d'établissement.
Pour qu'une exploitation agricole ou indnstrielle puisse, ail contraire, être impusée dans
tous ses moyens d'action, dans tous ses in8trumel;ts de travnil, il n'est plus nécessaire que le
chef de l'exploitation ou de l'établissement soit
mâle, valide, âgé de 18 à 60 ans, ni même résidan t dans la comm une. C'estl'exploitation agricole,
c'est l'établissemE'ot inclustriel exislant dans la
commune, qui doit la prestation, abstraction faite
�46
TRAITÉ
du sexe, de l'âge et de l'état de validité du chef.
Ce chef, sans dou te , ne sera pas imposé personnellement s'il ne réunit pas les conditions néces·saires pour que sa cote personnelle lui soit demandée; mais il sera, dans tous les cas, tenu
d'acquitter la prestation imposOe dans les limites de
la loi pour tout ce qni dépend de l'exploitation
agricole ou de l'établissement industriel situé dans
la commune.
486. Ces notions posées, il convient de reprendre chaque disposition de l'article en parlicu lier.
Tout habitant. La charge est attachée à l'hahitalion ou à Ja résidence, et non au domicile,
soit civil, soit politique; l'impôt étant fondé sur
l'usage que l'on fait du chemin, c'est dans l'endroit où cet usage a lieu que Ja prestation doit être
acquittée. De là il résulte, 1° que le forain qui ne
possède que des propriétés dans une commune,
sans y demeurer, lors même qu'il aurait u,ne Ilwison et y paierait une contribution mobilière, n'est
point assujetti à la prestation.
2° Que celui qui, comme beaucoup de personnes riches, passe une moitié de l'année <Jans
une commune et le reste dans Olle autre, doit être
réputé avoir deux résidences et par conséquent
être assujetti à une double prestation dont rien
n'empêcherait, au reste, que le Conseil municipal
ne proportionnât la quotité au temps de l'habitation dans la commune.
�DU DOMAINE PUBLIC.
47
3° Que pal' rapport aux ouvriers et manœuvres
On doit considérer comme lieu de ré:.idence ou
d'habitation celui où ils couchent et passent les
jours de repos, lors n'lême qu'ils travailleraient le
reste du temps dans une autre commune.
Ici se présente la question de savoir depuis
combien de temps il faut qu'un indi\>idu réside
dans Ilne commune pour en être réputé habitant.
La difficulté s'était déjà élevée par rapport à la
distrihution des affouages communaux, elle avait
été résolue d'une manière différente dans les diverses localités. Une instruction ministérielle du
23 vendémiaire an 1 l , et un assez grand nombre.
d'arrêtés préfectoraux décidaient que la résidence
d'un an et un jour était nécessaire. M. Proudhon,
dans son Trailé des Droits d'Usufruit, ( t. 7, nO
':h~h ), s'élève contre cette opinion et démontre
par les principes généraux du droit qu'il suffit que
la personne qui prétend avoir droit à l'affouage ait
sa résidence et son habitation fixe ail moment où
le rôle est dressé, lors même qu'elle ne serait dans
la commune que depuis quelqnes jours. Celle décision doit être à plus forte raison suivie en matière de contribution à l'entretien des chellJins
vicinaux, puisqu'à la différence de l'article 105
du Code forestier qui exige un domicile réel et fixe,
la loi que nous examinons ne s'occupe que de la
résidence qui est entièrement de fait et qui résulte
de ~a simple habitation dans la commune, sans
autre condition et sans égard à l'époque où elle a
�48
'l'RAIT~
commencé. Il suffira douc, po~r être soumis à la
plestation, d'être habitant au moment de la pnhlicalJ(lll dn rôle.
Chef de familLe ou d'établissement. Ces expl't'ssitms à pen près se01LL bks à celles de l'article 105 rlu Code forestit'r, duivent être entendues
dans le même s<'ns (,t s'apr lî'luer à tonte personne
qui n'l'st point pl<'lcée sous la dépendance d'nne
autre, lor~ mème qu'elle seraii. célibataire et ne
serait point à la tète de ce que l'on entend coml1mnéml'nl par étahlissement :Jgl'icole on inànstriel.
Tcut habitant chFjide famille ou dJétahlissement. Cet t<' disposition ne comprend., qnuique
la loi Ile )'élit pas dit positivement, que les individus 11Iâlf's, â~és de ] 8 ans al;! llloi)lS et de 60 ans
au pins el valides; ainsi )('s mineurs oe 18 ans,
même muiés et chefs d'établissement, les majeurs
de 60 ans, les veuves, les femmes séparées ou
les filles, ne seront point sOllwis personnellement à la prestation; ils ne la devront que pour
leurs parents, serviteurs, ehevaux, charrettes,
etc.; on aurait pu c1ésil:el' pIns de clarté dans )a
rédaction, mais il résulte de la discussion aux
ehambres qU'l'ile n'a été ainsi conçue que pOUl:
éviter des répétitions.
cc Le 1110t chefde famille a étp inséré et main» tenu, parce qne, a dit Je rapporteur à la
» chambre des députés, la veuve est chef de fa» mille et qu'elle peut et doit payer pOUl' ses en..,
:» fan ts. »
�DU DOMAINE PUBLIC.
49
Au reste 1 comme il s'agit ici J'un impôt auquel
tous les citoyens doivent être indistinctement soumis 1 il s'ensuit qu'aucunes fonctions, aucunes dignités ne peuvent en exempter; quelques préfets
ayant, en 1808, Jécirié qne les indigents, les ministres des cultl's et les juges devaient être affranchis de la prestalion à raison de ce q Ile ces derlliers ne pouvaient ètt'e requis pour un service
étranger à leurs fonctions, le ministre de l'intérieur releva cette erreur en disant que la prest.ation
n'était point un service public, niais une charge
commune, réelle et non essentiellemerit person'nelle, puisqu'on pouvait toujours s'en rédimer en
. m'gent, et qu'ainsi, nu~ autre qlle l'indigent ne devait en être exempté. Deux arrêts du conileil d'état
des 1 juillet 1840 et 30 déce'mbre 1841 (Sirey,
42-2-231) ont spécialement décillé que les desservants des communes y étaient asslllett.is.
A titre de propriétaire j de régisseur, de fermier ou de colon partiaire. Ce qui doit s'étendre
aussi à l'usufruitiet', à l'emphytéote, à l'usager et
à celui qui jouit a'ou droit d'habitation:
Le n:gisseur et le fermier doivent, selon M.
Proudhon (a), être considérés comme occupant
ici la place du propriétaire et subrogés personnellement aux obligations de celui-ci. En sût'te que si
un propriétaire non résidant dans la commune exploitait sa ferme avec ses propres chevaux et voi(a) Traité du Domaine public, première édition, na 50S.
�50
l'MITÉ
turcs, par l'intermédiaire d'un régisseur ou colon
qui ne serait porté à aucun rôle de contributions,
ceux-ci n'en devraient pas moins la prestation au
lieu et place du propriétaire, tant pour eul que
pour les domestiques, charrettes et chevaux de là
ferme, tandis que si on n'admettait point cette suhrogation du régisseur ou colon à la place du pro}wiétaire , il en résulterait que ce dernier ne rési;..
dant pas dans la commune ne devrait rien, ni pour
lui} ni pour ses domestiques 'et animaux, et que,
d'un autre côté, le régisseur ne payant point de
contribution ne pourrait ~tre imposé, ou s'il en
payait ne supporterait ~a prestation que pour l~i
personnellement et non pOllr les domestiques,
chevaux" etc., de la fe'rme , qui ne sont point les
siéns; ce qui serait d'autant plus iojnste que la
charge des corvées est une servitude réelle imposée
aux fonds de la commune par réciprocité de ce que
le chemin sert à leur exploitation. Au reste le fermier 0\1 le colon qui a acquitté la prestation exigée
pour la réparation des chemins, ne serait point
fondé à s'en faire rembourser par son propriétaire;
il en est de cet impôt comme de celui des portes et
fenêtres que le locataire paie sans recours; par
compensation aussi, il pourra s'en prévaloir en
totalité pour la fixaLÏon de son cens électoral,
comme on l'a dit plus haut, nO 484.
Porté au rôle des contributions directes.
L'art. 3 de la loi de 1824 disait: Porté sur l~un
des rôles des contributions dit'eeles. Malgré le
�DU DOMAINE PUBI;IC.
51
changement de rédaction, on pense que rien n'a
été innové an fond, et qu'aujourd'hui, comme sous
la loi de 1~h4, il suffit, pour être imposable, d'être
inscrit sur l'un des rôles, soit de l'impôt foncier,
soit des paten tes, des portes et fenêtres ou senlement de la contribution personnelle. Celte disposition diffère de celle de l'art. 2 de la loi du 6 octobre 1791 , qui portait que pour la réparation des
chemins, il pourrait y avoir une imposition-au marc
la livre de la con tribuLÏon foncière et qui n'exigeait
d'ailleurs pas la résidence dans la commune. C'est
avec raison que les contribuables à tous les titres
ont été appelés à subvenir à l'entretien des chemins, en ce que ces voies de communication sont
utiles, non pas seulement à la propriété foncière,
mais encore à l'industrie et même aux personnes
qui vivent de leurs rentes ou d'un traitement
qu'elles reçoivent à raison de leurs fonctions.
Touthahitan.t ~ ch4' de famille ~ etc.~ porté
au rôle des contrihutions. Ces diverses conditions sont exigées cumulativement ponr qu'on soit
soumis à la prestation. L'absence d'une seule suffirait pour en affranchir.
Pourra &re appelé à fournir. La loi ne pose
pas ici une règle inflexible comme si elle eût dit:
doit ~tre tenu; elle laisse aux conseils municipaux répartiteurs de ces charges un pouvoir discrétionnaire, en vertu duquel ils peuvent modifier la
répartition de manière à la rendre autant que possible proportionnée aux divers degrés d'aisance
�52
TRAITÉ
ou o.e fortune des habitants, afin d'atténuer convenablementle contingent des pauvres. Ce pouvoir
l'ésultc de la règle d'équité naturelle rerjroduiiê
dans toutes nos lois positives, notamment dans
celles des 14 floréal an XI, relative au cnrage des
canaux. et rivières non üavigables, et 16 septembre 1(l07 (art. 29) , snr les constructions de tra~
vaux. intéressant plusieurs communes, et qui veut
'qlle les d(~penses à faire pour cause d'utilité locale
~oienl. supportées dans la proportioù des intérêts
qu'(' les contribuables ont à la chose; le l'iche profitant évidemment des chemins vicinaux dans une
bien plus grande proportion que celuiqlli jobit
d'une moindre aisance.
La chambre des députés avait ajoute à l'article
qui nous occupe un dernier paragraphe portant:
'que lors de la formation du rôle; le conseill1lunicipal désignera les habitants qu'il croira devoir
exempter de la prestation; mais cet amendement
fut supprimé pal' la chanibre des pairs. - Doit-on
induire de lit que le conseil municipal soit oblige de
~oumettre à la prestation l~s habitants' même les
plus indigents? Non ,.et M. Feutj'ier a expliqué ce
retranchement, en Llisant: qu'aux termes, des articles 2 et 7 de la loi du 26 mars 1831 , snI' les contributions persontielles et mobilieres', la distraction
des indigents devant ètre faite au rôle des contributions personnelles et mobilieres par les répartiteurs, de concert avec le luaire et l'adjoint, e11
présence du eontrôleur, il n'y avait ni motif; Iii
�53
DU DOM.A1NE PUBLIC.
convenance pour recommencer celte opération,
faite une fois avec maturité, et que, quant aux
hahitants devenus indigents depuis l'émission du
rôle, ils seraient porlés sur l'état des cotes irrecouvrables.
.
Chaque année. Il est évident que si pendant
une ou plusieurs années, les chemins vicinaux
d'une commune n'avaient pas besoin de réparation;
la prestation ne pourrait être exigée ni em ployée à
d'autres travaux, même d'utilité communale, car
l'impôt est uniquement fondé sm le besoin et nè
pe.ut être détourné de sa destination;
Si, malgré le pouvoir accordé avec beaucont:i de
raison par l'art. b, au préfet, d'ordonner lui-même
l'emploi des prestations, ii arrivait qu'une CO~l
mune négligeât pendant deux ou trois ans de répa.
rel' ses chemins, pourrait-on cumuler les arrérages
de ces années, et exiger, par exemple, des habitants compris dans le rôle six ou neuf journées consécutives r
M. Proudhon (nO 608 du Traité du Domaine
public, 1 re édit.) se prononce ponr l'affirmative,
à moins qu'il ne s'agisse de dégradations récem~
ment survenues; et ses motifs sont que le prin cille
de la dette qui s'est successivement aggravée, cxis'"
tant depuis plusieurs années, la réparation du che.:.
min n'a cessé à aucune époque d'ètre à la charge
des habitants, et qu'en négligeant d'accomplir leu/'
devoir, ils ne peuvent légitimement rejeter la déTOllr. rr.
4
�54
TRAITl!.
pense qu'ils auraient pu laisser augmenter à des·,
sein, sur les forains et autres propriétaires d'héri •
. tages par le moyen du recuurs aux centimes additionnels à la contribution foncière.
Nous ne saurions adopter cette décision qui
. n'était point admise non plus autrefois en fait de
corvées, ainsi qne l'enspignent tons les auteurs,
notamment Loisel (Institut., live 6, tit. 6, S 10),
qui avait posé cette règle, corvées ne tombent en
arrérages; Boucheul sur Poitou, S 99, nO 33 ;
Guyot, des Fiefs" tom. 1, p. 307; Chasseneux,
COlltume de Bourgogne, et le président Bouhier,
dans ses Observations snI' la même coutume, chap.
60, nO 78.
I~e senl motif pla usible donné par M. Proudhon,
et tiré de ce que la réparation des chemins pourrait
autrement retomber SUI' les propriétaires fonciers
à la décharge des habitants, n'existe pIns aujourd'hui que la prestation en nature peut n'être votée
qu'après les centimes additionnels; et comme le
dit très-bien M. le Ministre de l'intérieur dans sa
circulaire du 24 juin ]836, la lettre et l'esprit de
la loi s'opposent également à ce que, sous le prétexte d'arrérages que le maire aurait irrégulièrement laissé accumuler, on force ensuite les contribuablt's à venir employer dans la même année
six ou neuf journées , tant pOUl' l'arriéré que pour
le courant. cc En matière de cOlltributions dir:ectes,
" continue cette circulaire, le recouvrement par
)' douzième est prescrit plus encore dans l'intérêt
�DU DOMAINE PUBLIC.
55
» du contribuable que dans celui du trésor ....
En fait de prestations en nature, il doit être
procédé d'après les mêmes principes. Les eotes
» exigibles en argent doivent être recou~rées dans
» les mêmes délais que les contributions directes;
» les cotes acquittables en nature doivent être
" consommées, sinon dans l'année même pour
» Jaqueiie elles ont êté votées, au moins dans les
» délais fixés pour la clôtUl'e de l'exercice auquel
;" ces prestations se rattachent, » c'est.:.à-dire
avant le 1 er avril ou le 1 er juillet de l'année sui·
.
vante, selon qué la commune est ou non justiciable
de la Cour des comptes, conformément à l'art. 1 er
de l'ordbnüance royale du 1 er mars 1835.
Une prestation de troiS jours. Comme on l'a
déjà dit, le taux fixé par la loi de 1824 a été augmenté d'une troisième journée par la nouvelle loi;
nous pensons que même joint au vote facultatif des
cinq centimes, il sera insuffisant dans la plupart
. des communes pour procurer l'amélioration si désir.ahle des chemins vicinaux.
Quoique la loi nouvelle parle (rune mani~re
absolue d'une prestation de trois jours, à la différence de celle de 1824, porta n t qui ne peut
excéder.~.. il n'en est pas moins certain que le
législateur n'a entendu fixer qu'un maximum~
comme il s'en est expiiqué dans l'article précédent,
en laissant les répartiteUl's maîtres de modifier la
charge dans tout ce qui est inférieur au taux qu'ils
peuvent dépasser. .
.
»
»
.
ne
�56
. TRAITÉ
M. Proudhon enseigne ( au nO 5°9, 1 re édition) que cette modi fication doit même aller
jusqu'à la répartition des contribuables en plusieurs classes, assujetties chacune à un taux dir.:
férent, tonjours bien entendu dans la limite du
maximum; de manière qne la classe des habitants
les pl.\s aisés fournirait noe prestation de trois
jours, et les autres une prestation de deux, d'une
et même d'une demi.journée selon leurs facultés.
Par journée de travail, on doit entendre l'intervalle compris entre le sole,il levant et le soleil
couchant, avec repos d'envIron une heure sur le
midi pour prendre la nourriture. C'est ainsi que
cela se pratiquait sous l"l'ncienne législation en fait
de corvées, aux termes de la loi 22, Sult., H. d.e
op. libert.; de la coutume d'Auvergne, t. 25,
S 18; de celle de Bourbon, S 339' (Voy. aussi les
OLs. SUI' la coutume de BO!lrgogne, du prJ.~id.
Bouhier, ch. 60, nOS 64 et 65. )
. "
LOI'sque le corvéable tombait malade dans Fexer.. ,~
cice de sa corvée, sa journée lui était comptée"
comme s'il l'eût réellement f!lite. (Loi 4, S 5,
ff. de stat. libert. A uronx sur Bourbonnais,
S 339, nO 10; Bonhier, ch. 60, nO 67')
Un principe qui était également consacré par
l'opinion unanime des auteurs, c'est que le corvéable était oLligé de se fournir de tous les instr~
ments nécessaires pour l'exercice de la corvée, tels
que pioche, pelle, brouette, etc.', el que s'il venait
à les rompre, c'était à lui à les faire l'accommoder
�DU DOMAINE PUBLIC.
57
à ses frais. (Bouhier, lac. cit.., nO 73.) - Nous
pensons qu'il doit cn être eDcore de même aujourd'hui, car il est illl possible que les communes
aient en magasin tous les oUlils néeessaires pour
le travail de plnsieurs centaines Je pel'sonnes.
L'instruction ministérielle du 24 juin IH36 suppose
dans les formules d'averüssl'meut qui l~dccom
pagnent, modèle F, qu'il doir en être ainsi.
Pour sa personne et pour chaque individu..·..
La prestation, bien que calculée à raison du ilOmbre d'individus composant la famille ,est duc
personnellement par le chef qui demeure garant
de son acquittement. Il ne pourrait reuvoyer la
commune à l'exiger des personnes de sa maison ou
de ses parents et enfants; les termes de la loi sont
clairs, c'eSl-lni-même qui doit; on a supposé qu'il
avait le pouvoir de faire payer la dette. Au surplus,
le nombre de journées Je travail étant une fois
déterminé en consiaération du nombre des individus, ceux-ci ne sont pas obligés d'exécuter le
travail par eux-mêmes ;-le chef de famille peut le
faire faire par qui bon lui semble, pourvu que les.
ouvriers qu'il emploie remplissent les conditions
d'âge, de sexe et de force exigées par la loi. Si
cependant l'ollvricr en voyé par le conlriLu able
pOl1\' le remplacer, s'ac.quillait évidemment mal de
sa tâche, ou n'était point propre à la remplir, on
pense que le maire ou l'agent voyer pourrait exiger
qne la prestation fût versée en argent dans la caisse
du receveur, parce que la faculté de payer en
�58
TRAITÉ
travail a été principalement admise en favenr du
pauvre qui ne pourrait se libérer autreinent. Il ne
serait également pas loisib.le au contribuable de
faire exécl,lter les travaux par des femmes, des
mineurs. de 18 anS, des individus sexagénairès, ou
invalides;, car les motifs d'exemption ponr ces.
personnes, &ont cles causes d'inçapacité qui doivent
les faire rejete~ par l'autorité.
.
,
La loi de 1824 portai,t: cc Po.ur lui et pour cha» cun de ses fi1.s vivant avec lui, ai'nsi que pour
» chacun de ses domestiques ml1les. » La J:édaction nouvelle est beaucoup plus large, compren9.
nn plus grand nombre de personnes et vaut mieux
que celle de l:t loi précédente.
Individus mdles. Des motifs de décence publique ont fait admettre 'au profit des femmes une
exemption qui n'est pas juste au (OI;1d, puisque
celles-ci profitent des chemins coml1;le les autres
habitants, mais qui devenait convenable dès qu'on
admettait la prestation personnelle.
. Valides. Il faut distinguer entre les infirr~ités
. temporairés et accidentelles et celtes durables qui
tiennent à un vice d'organisation, à Une affection,
chronique ou à une mutilation. Ces dernières.,
seules peuvent motiver une exemption absolue;,
les autres ne doivent donner lieu qu'à un délai
pour se libérer.
Au reste, par infirmités on doit entendre nonseulemen t celles ph)'siques, mais encore l'aliénation mentale qui, sans enlever la force du corps,
�DU DOMAINE PUBLIC.
59
prive l'individu qui en est affecté des moyens de la
diriger et d'en faire un usage utile. Ainsi, l'in terdit
ou celni qui ~ans J'être se trouve dans un état hahituel de fureur, de démence ou d'idiotisme, devra
être rayé du rôle. - Il cn sera différemm~nt du
majeur auqnel il a élé nommé nn conseil judiciaire
aux termes de l'article 513 du Code civil, pour
cause de prodigalité el de mauvaise administration,
ainsi que de Ja personne qui serail simplement
affectée de manie ou d'hallucinations; les mêmes
motifs d'exemption n'existant point relativement
à ces individus.
Agés de 18 ans au moins et de 60 ans au plus.
Il Y a ici moditlcation à la loi de 1824, qui ne
soumettait à la prestation que les majeurs de 20 ans
accomplis, el qui n'avait point fixé de limite après
laquelle l'exemption existait de droit. Nous préférons Ja rédaction nouvelle, à la forme et au fond.
A laforme~ en ce que l'âge, càmme cause d'invalidité, donnait lieu à des difficultés résolues nettement par la nouvelle disposition; et au fond~ en
ce que l'homme âgé de 18 ans qui est capahle de
se marier, qui peut s'enrBIer sans le consentement
de ses parents, dont les biens ne sont plus soumis
à l'usufruit paternel, et qui a la force physique
suffisante, devait être assujetti aux mêmes charges
que les autres citoyens.
Quoique la loi n'ait point ajouté à l'expressiàn
des années, les mots accomplies ou révolues ~
comme le faisaient celle de 1824 et les articles 144,
�60
TRAITÉ
3t:4, 388 du Code civil, on pense qu'ils doivent
être suppléés, et que cet article doit être entendu
de la même mnnière que le 9P de la loi du 22 mars
1831 sur la garde nationale. Lors de la discussion
du nouvel art. 331 du Code pénal, parlant d'enfants âg~s de moins de onze ans, on avait proposé
d\tjouter le n19t révolus.. M. Dupin fit remarquel'
que CPlle addition était inutile; cc on n'aurait pas
» onze an~, a-t.il (~it, s'ils n'étaient pas révolus. »
.lYlembres..... de la famille. Cette expression
a été, avec beaucoup d~ nJison, substituée à celle
de/ils vivant avec lui .. employée par la loi de
1824, et comprend tous les parents ou alliés, tels
que fîls, frères, gendres, oncles, neveux et autres
parents qlli habitent avec le chef ùe famille et qui
ne seraient point portés personnellement au rôle,
parce qu'i~s ne paieraient point de contributions
directes, ou parce qu'ils ne seraient point euxmêmes chefs de famille on d'établissemen t. La
condition de l'inscription- au rôle d'une des contributions directes n'est nécessaire que pour le chef
de l'établissement, mais non pour les membres et
serviteurs de sa faoülle; c'est ce que décide' positivement un arrêt du conseil d'éla~ du 13 février
.1840. (Sirey, 40-2-329.)
Serviteurs. Cette expression est aussi beaucoup
plus étendue que celle de domestiques .. insérée
dans l'ancienne loi, et comprend non-seulement
les individ.us à gages ou à traitement annuel ou
mensuel, qui sont attachés au service de la per-
�DU DO:.\1AlNE l'UBue.
61
sonne du maître, de sa maison, Je sa ferme ou de
son exploitation, mais encore les secrétuires, précepteurs, régissenrs) hommes d'affaires ou intencl DIS; et chez les artisans, les compagnons et
apprentis, qui ne travaillent pas seulement à la
journée ou à la piece.
cc On nppelle serviteurs (dit Pothier, Traité
» des Obligations~ nO 793), des gens que nous
» avons à nos gages pour nous rendre tous les
)' services que nous leur commandons, quoiqu'ils
» soient préposés principalement à une certaine
" espèce de services. On peut être ainsi sel'viteUl'
» sans être domestique: tels sont un jardinier, un
» g.lrde-chilsse, qui ne sont pas proprement do» mestiques, puisqu'ils ne demeurent pas avec le
» maître et ne sont pas à sa table; mais ils sont
» ses sel'viteurs, puisqu\l les a à ses ordres et
» qu'il peut leur c.ommander de lui l'encire tous les
» services auxquels ils peuvent être propres; en.
)' cela, ces personnes diffèrent de celles avec qui
» nous avons un ruarché pour nous faire nn certain
» ouvrage pour une certaine somme, tels sont nos
» vignerons; ceux-ci ne sont pas proprement nos
» serviteurs, ct nons n'avons pas droit de leur
» commander ni d'exiger d'eux autre chose que
» l'ouvrage qu'ils sont obligés de faire.
» On appelle domestiques ~ les persopnes qui
» demeurf'nt en notre maison (domus) et man» gent )10tre pain, soit que ces personnes soient
» en même temps nos serviteurs, tels que sont des
�62
~>
TRAITÉ
laquais, des cochers, cuisiniers, valets de cham.:.
bre, mahres d'hôtel, etc., soit qne ces persoqnes
~~ ne 'soient pas proprement des serviteurs, pourvu
>~ que nous ayons néanmoins sur elles quelqu'au~
» torité, tels que sont des apprentis, des clercs de
~> procureur, etc. »
Même définition dans le droit civil de TouIli.er,
t. IX, nO 314. On peut recourir aussi à l'interprétation donnée par les auteurs et par la jurisprudence à ces expressions qui se trouvent ou textuellement ou par équivalent dans les articles 1326,
second alinéa; 1384, 1780, 17th, 2} 0 l , nO 4;
2271,3e alinéa; 227 2 , !le alinéa du Code civil;
6~ , 283, ze alinéa; 3, 0 , 373, n07; 598 , 9°9,
nO 3 du Code de procéd. civ_; 317,634,51 du
Code de commerce; 333 et 386, -S 3 du Cod.
pénal.
.
Un si.mple ouvrier à la journée, quoique travaillant du matin au soir, et les domestiques femelles ne doivent être ni compris dans le rôle, ni
servir à déterminer le nombre des journées qui
doivent être mises à la charge du maître pour leqnel ils travaillent.
Résidant dans la commune. Cette condition
qui s'étend non-seulement au chef de famille ou
d'établissement, mais encore à chaque individu à
raison duquel ce chef doit être imposé, est essentielle et la première de to~tes ,en ce que l'obligation de réparer un chemin ne peut être que le corrélatif de l'usage qu'Qn en fait. Le mol résidant
»'
�DU DOMAINE PUBLIC.
63
vaut b<>auconp mieux qne ceux vivant avec lui ~
que renfermait la loi dedh4 'et qui avaient d'ail.
leurs l'inconvénient de ne s'appliquer qu'aux fils et
non aux domestiques.
..
Pour chacune des charrettes ou voitures.
La loi de 1824 ne parlai~ que de charrettes ~ et
d'un autre côté n'attachait la signification de luxe
qu'aux chevaux, d'où on pouvait induire que
les voitures de luxe étaient exemptes. Aujourd'hui
la même difficulté ne peut plus s'élever; toutes espèces de voitures, qUf'l1e qu'en soit ]a dénomination, l'usage et la destination, les diligences, calèches, berlines, cabriolets, etc..... , doivent être
soumises à la prestation, .ou plutôt, comme nous
l'avons déjà dit relativement aux personnes, prises
en considération pour la fixation de sa quutité; car
Je maître devra à ]a place de sa voiture de luxc, en
fournir une plus appropriée au service exigé.
Attelées. Ce mot a été substitué avec rais6n à
ceux en sa possession, employés dans l'anci~nne
loi, et rentre bien mieux dans l'intention du légis]atelll', sur laquelle on ne s'était cependant pas
mépris, même avec l'expression trop vague 'don t il
s'était servi. Ainsi, hien qu'un individu puisse
avoir, comme il arrive assez souvent, unc voiture
sans chevaux ou plusieurs voitures avec un seul
cheval, il ne devra aucune prestation au premier
cas el seulement une au second; ainsi encore, le
charron el l'ouvrier qui fahriquent des voitures ou
qui en tiennent en magasin, ne peuvent être ass.u-
�TRAITÉ
jettis à aucune prestation ponr ces voitures qni nè
sont point attelées et qlli d'aillenrs font l'objet
d'un commerce parti?ulier.
Par la même. raison, celui qui n'ayant qu'une
charrette ou voiture, aUl'ait plusieurs chevaux
propres à la conduire, Serait censé avoir antant
de charrettes attelées qu'il aurait dl' hètes de trait,
et il devrait retourner antant de fois sur le chelUin
avec sa charrette qu'il aurait de chevaux, sans pouvoir cl1\'oyer une fois selllellJent sa voiture et en
même temps ses antres chl'vallx sans harnais. C'est
ainsi que le décide M. Proudhon. (Traité du domaine public ~ nO 511, première édition.)
Et en outre pour chacune des bêtes de somme"
de trait ~ de selle. Celte r~dacli()n plus simple et
pl us Iaconiqne que 1'ancienne qui portait: t< chaque
" bête de trait ou de somme, chaque cheval de
» selle ou d'atlebge de IUJl;c, » est aussi étendue
et anssi complète.
Par bêtes de somme, de trait, de selle, on doit·
entendre non-seulement les chevaux, mais encore
les Illulets, bœufs, ânes et même les vaches dans
les pays où on les attèle aux voitures ou à la charrue.
Nous pensons avec M. Garnier (Traité des chemins.J pag. 331) , que les étalons, juments el pou.
lains non attelés, ainsi que les bêles de tl'ait ou de
somme, objets d'un commerce ou destinés -à la
consommation ou à la reproduction, lorsqu'ils ne
sont pas encore livl'és à un service ou ont cessé d'y
�DU DOMAINE PUBLIC.
65
être employés, ne peuvent être atteints par la prestation. Mais si cette destination pour le commerce,
la consômmation ou la reproduction n'est point
absolue; si le possesseur en retire en même temps
nn service de la nature de ceux que la loi a en Vile,
la prestation sera due dans la proportion du service
qu'il en retirera. (Instructions ministérielles du
mois d~octobre l!h4, et du 24 juin IlB6, art. 3,
à lafin.)
Les animaux employés au halage des bateaux,
au transport du minerai, du charbon, du bois et
des maléri:lUx dans les usines, et à l'exploitation
des établissements industriels, sont assujettis en
général à la prestation comme les autres. Cependalll lorsqu'elle est trop onéreuse, les imposés
peuvent obteüir un dégrèvement qui est prononcé
par le conseil' de préfecture; et de bon côté, le conseil municipal, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est laissé à cet égard par ces ex.pressions : pourra ~tre appelé à lournir~ a le droit
de répartir la charge d'nne manière équitable.
Les entrepreneurs de messageries sont assujettis
à la prestation à raison des personnes, chevaux et
voitures qu'ils ont dans une commune (arrêt du
conseil d'état du 11 juin 1~U8. -Sirey,39-20166).
Mais il en est autrement des ma1tres de poste, pour
les postillons en titre et pour les chevaux qu'ils
doivent tenir disponibles pour le service des relais,
encore qu'ils les emploient accidentellement à des
travaux agricoles, pourvu que ces chevaux n'ex-
�66
TllilTÉ
cèdent pas le nombre fixé par l'administration
comme minimum (arrêts du conseil d'élat des
27 juin et 18 juillet 1838, '2.5 jitin 1839, 16
juillet d340 et 29 janvier 184 I.-Sirey., 39-2-167 ;
41 - 2-2 44).
Egalement les employés d~ gouvernement qui
sont obligés d'entretenir un cheval pour leur sel"
vice, comme un garde-généi'al des forêts, ne sont
pas assujettis à la prestation à raison de ce cbeval
(arrêt du conseil d'état du 29 janvier 1841, affaire
Blondeau. - Sirey, 41-2-245).
Au service de la famille ou de l'établissement dans la commune. Ces expressions complètent la disposition relative aux voilures et aux
animaux et confirment ce qui résulte du surplus
de la loi, que la prestation est tout à la fois persoilnelle et réelle, c'est· à-dire établie en cOGsidération tant des personnes qui usent des chemins que
des propriétés qui sont desservies par leur moyeri
et qui en reçoivent nne augmentation de valeur.
487. L'~rticle que nons examinons fait nahre la
question de savoir si celui qui va travailler sur le
chemin avec sa voiture et ses chevau~ satisfait tout
à la fois à la delle personnelle de Sa journée de travail et à la charge de journées imposée à raison de
son attelage•
. M. Proudhon ( nO 513 du Traité du domaine
public, première édition) se prononce pOllr la négative, en disant qu'il y a ici deux dettes principales et très-distinctes qui doivent s'acquitter de
�DU DOMAIi'll! PlffiLIC.
67
deux manières différentes, et que l'homme qui
conduit sa voiture n'est en quelque sorte que l'accessoire de cel1e ci et ne satisfait point à l'obligation qui lui est imposée en sa quaiité d'habitant,
indépendamment de la possessiorl d'un attelage.
Malgré le respect que nous professons pour notre
savant maître; et malgt'é le désir que rious aurions
de voil' multiplier les moyens évidemment insuffisants de réparation des chemins; nous ne saurions
partager celte opinion.
La cote de chaque individu est fixée à un certain
nombre de jours de travail. Lorsqu'il les emploie
d'une manière utile, n'importe à quel genre d'ouvrage, il remplit son obligation et ne peut être tenu
à l'acquittement d'une seconde dette. Le conducteur d'une voiture en est l'accessoire si l'on veut,
mais il n'en fait pas moins un travail personnel; la
voiture peut bien, dans le même sens, être considérée comme l'accessoire du cheval qui la conduit,
ou, vice versd" le cheval comme l'accessoire nécessaire de la voiture, et cependant on ne pourrait
soutenir que le possesseur d'une charrette attelée
devrait une double prestation, d'abord à raison de
la cbarrette elle-même, la bête de trait n'étant considét'ée que comme accessoire, et ensuite à raison
dé l'animal, la voiture ne devant être regardée,
dans cette seconde hypothèse, que comme moyen
d'utiliser le cheval; et cependant les termes de la
loi parattraient se prêter, beaucoup mieux pour ce
4
�68
TRAITÉ
cas que pour celui qui nous occupe, à l'interpréta,;.
tion que nous repoussons.
Une autre raison décisive, c'est que les pl'esta~
tions devant être fournies en même temps par tous
les habitants, le possesseur d'un attelage, qui serait seul pour le conduire, serait obligé de faire
seul et après tous les autres sa corvée personnelle;
puisque les journées qu'il aurait passées avec les
autl'cs habitants rentreraient dans l'acquittement
de la dette à raison du cheval et de la voiture.
Depuis l'époque où nous ayons émis cette opinion dans la première édition de notre commentaire (juillet 1 ~36), il est intervenu deux circulaires du ministre de l'intérieur en date des 21 octobre 1836 et 2. août 1 ~37, qui contiennent la même
solution, en donnant aU surplus sur \ln autre point
analogue des explications qu'il est essentiel de faire
con naître. » Il est évident, porte la première, que
» le contribuable ql\i aura conduit ou fait con» duire une charrette pendant trois journées pour
» le service des chemins vicinaux, anra, par le
') fait, acquitté en même temps l 1 0 les trois jour» nées qui lui sont demandées pOUl' sa charrette et
» pour l'attelage; '2,0 et les trois journées de travail
» d'homme. On a fait observer que l'homme qui
» conduit une charrette ne travaille pas manuel.:
» lement à la réparation des chemins; mais cette
cc observation tombe d'elle-même: ce que la loi a
» voulu, c'est que tout contribuable valide plit être
); astre~nt à donner à la commune trois journées
�69
DU DOMAIl'Œ PUBLIC.
>~
de son temps pour le service des chemins vici» naux. La loi n'a pas pu et n'a pas dù presci'ire
» la manière dont seraient employées ces trois
» jomnées, et il suffit, je le répète, que leur em» (lloi ait pour objet le service des chemins vici),) naux. »
La seconde circnlaire explique que les habitants
doivent fonrnir le conducteur nécessaire pour utiliser les chevaux et voitures, sauf à précompter,
si cela est possible, sa journée snI' les jonrnées
d'homme qu'ils 31l1'aient à acquitter; qu'ils ne
seraient pas admis à pretendre se libéret' en faisant
simplement stationnel' ces chevaux et ces voitures
sm le chemin, ou en les mettant à la disposition de l'autorité et lui laissant le soin de les
faire travailler. Mais de ce que la journée du
conducteur n'est pas une charge additionnelle à la
prestation des chevaux et "oitures; qu'elle n'en est
seulement qu'un accessoire éventuel, il en résulw
que lorsque le contribuable vcut acquitter sa cote
en argent, on ne doit plus comprendre, dans cette
cote, la valeur de la journée du conducteur. Le
contribuable doit avoir le droit de se rédiluer en
payàht seulement le prix attribué au tr:olvail de seS
chevaux et voitures, considérés isolément, dn ed.
d'autres termes, la représentation du loyer de ces
objets.
488. Une réflexion qui s'applique- à l'article 3
cn général, c'est que la prestation en nature conslÎ'l'Ol\!. II.
5
�70
TRAITÉ
lUantnIie charge personnelle fortonércuse et qui ne
peut être J'épartie que J'une manière très.inégale,
elle doit être plutôl restreinte qn'étenJup.; en sorte
que toutes ll"s fois qu'il peut y avoir dOllte dans
l'application des dispositions de la loi, ce dontè
doit êU'e levé en faveur de la personne soumise à
la prestation.
489. Les réclamations contre le rôle des prestations en nature et des centimes additionnels votés
par les conseils municipaUx en vertu de notre artide 3, doivent être portées devant les conseils de
préfecture, soit à raisob de ce que ces prestations
constituent un véritable impôt direct, soit parce
que l'article 5 de la loidu 28 jnillet 1824,non abrogé
à cet égard, porte expressément lé que le recouvre» ment en sera poursuivi comme pour les contri>, butions directes. »
La prestation en nature ne constituant pas une
perception en faveur du trésor public, un arrêt du \
conseil d'état du !) février 1H41 (Sirey, 41-2-245)
a décidé avec beaucoup de raison que le ministre
des finances était sans intérêt et par suite sans qualité pour se pourvoi.' en conseil d'état contre les décisions des conseils de préfecture accordant décharge de cette prestation.
ARTICLE IV.
490.
La prestation sera appréciée en argent,
» conformément à la valeur qui aura été attribuée
" annuellement pour la commune à chaque espèce
cc
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
71
Je journée par le conseil général, sur les propo-
» .gÏtions des conseils d'arrondisse men t.
La pr'estation pourra 'être acquiltée en nature
ou en argent, au gré du contribuable. Toutes
» les fois que le contribuable n'aura pas opté dans
» les délais prescrits, la prestation sera de droit
» exigible en argent. La prestation, non rachetée
» en argent, poiIrra 'être convertie cil tâches, d'a» près les bases et évaluations de travaux préala» blement fixées par le conseil municipal. »
»
»
La p,estatioft seraappréeiée en argent....
par le conseil général ~ur les propositions" etc.
Il ya ici innovation à la loi de 1824, dont l'art. 5
chargeait les conseils municipaux de fixer le taux
de la conversion des prestations en natl1re. Actuellement l'appréciation en argent sera faite par le
conseil général sur les propositions des conseils
d'a rrondissemen t.
Cette appréciation devra être faite aux termes de
:la loi, annuellement", c'est-à-dire par ch;:rque année, à raison de ce que le prix du travail peut
chariger;parcommune" le prix de la rnain-d?œuvre
devant nécessairement varier selon les localités, la
population, le genre de culture 011 d'industrie, et
pour chaque espèce de journée soit d'hommes,
soit de voitures ou d'animaux.
Quoique la loi ne parle pas Jes conseils municipaux, il sera difficile de faire l'apprécia tion sans les
'consulter, puisqu'aucune autorité n'est mieux à
�72
TRAITÊ
même que celle-là de connahre les circonstances
locales goi doivent servir à déterminer le prix de la
journée. Leur ùélibpl'ation ne fera pas loi comme
précédemment; elle spra selllpn1('nt consultée par
lés conseils d'arrondi'ssf'rnent chargés de {ilire la
proposition et -par ks conseils g~néraux investis du
droit d'appréciatiün.
,
An l'I'Sle, et comme l'indique la circulaire ministérielle du 24 jllin liGo, l< la loi ne prcsc'rit pas
» qu'il n'y ait qu'lin seul tarif pOlll' tout le dépar» tement, pas l'lus qn'elle n'enlend gn'il y ait un
" tarif lipckial pOllr chaque commune. Le-conseil
:» général apprécipra dans sa sagesse les proposi» tions que fi~l'oùt à (~et égard les conseils d'arron» dissement, et il décidera si 'les tarifs doivent être
» arrêtés soit ponr nne certaine étendue de terri:» toire, soit pour certaines catégories de com" munes', d'après l'i'l.lportonce de leur population
)) 011 le plus ou moins J'aisance de cette popula» tion~ »
Laprestationpourra
~tre
acquittée.... Celte
disposition est semblable il celle finale de l'art. 2de la loi de 1824; elle est senlemen t plus complète.
D'après l'ancienne loi l'obligatiun était entièrement
alternative, tandis que d'après la nouvelle la detle
principale est la prestatiun en arg(:nt, ùOl1tle contribuable peu t s'affranchir pat' la prestation en nature.
Après le délai fixé pour l'oplion du contribuable,
la dette en argent pourra bien être de nouveau
�DU DOMAIl'Œ PUBLIC.
73
convertie en tâchts; mais c'est un droit an profit
de la commune et qni n'est pas ré,~iprQ(Iue, c'està-dire que le contribuable ne pou rra pas offrir de
faire la tâche au lien de payer en argent.
En disant qne ces tàches auront I~PIl d!~lWès les
hases et évaluations de travanx préalablement fixées
par le conseil municipal, le législateur parait, ail
premiel' coup d'œil, s'ètre mis en contradiction
avec le S 1 er de l'article qui laisse l'arrréeiation de
la prestation au conseil génél'aL Il sellJblerait naturel, en dfet, que cette apprl:cialion ùùt être I.a
seule hase ponr la conversion, soit de la prestation en natnre, en argent, soit vice veTsd-.
La contradictitlll n'est qll'app:1rente à raison de·
ce que la delle en argent dQit se cunver1ir, non pllls
en journées de travail, lIIais en lâches, c'est-à-dire
cn uue certaine quantité de "travaux déterminés et
évalués, non plus pa l' le tem ps, mais en mètres ou
en bloc; ainsi les conseils 111unicil'anx évalueront
chaque mètre de piel'rt·s c3ssées ou transportées de
telle à tdle distance, à tant, et le contribuaMe en
retald de payer sera obligé de casser ou de transporter une certaine quantité de ces.mCtres jns,]u'à
concurrence de la somme fi u'il doit. On Sen\; alors
qu'nue semb,lilble évaluation ne peut êtl~e faite que
ponl' chaqne localité et oonséquemmenJ. par le COllseil mUIlicip31.
Le délai dans lequel le contribuable sera tenu
d'opter pour la prestation des journées n'est point
fixe par la loi et doit l'ètre par le réglement que le
�74
TRAITÉ
préfet a été chargé de faire, dans le délai d'un an,
,
.
\
aux: termes d e.l art. 21 cl-apres.
Lorsque ~a loi a été porté~ de la chambre des députés à cdledes pairs, l'·article que nous examinons
disait qne la prestation ne serait jamais employée
hOls dn terrÎloire de la commune à moins d'une
offre spéciale du conseil municipal; mais cette disposition a été rejelée par cette dernière chambre
comme s'accordant mal avec les articles 1 et 6 qui
venlent qne les dépense~ à la charge de chaque
commune soient en proportion de l'usage qu'elle
fait du chernin et d~ l'intérêt qu'elle a à son entretien; ainsi le préfet peut, selon les circonstances
dont il est seul appréciateur, obliger une commune
à ex.écuter des ti'(~vauxJ même en dehors de son
territoire et sur celui J'nne autre commnne; mais,
comme l'a fitit l'emarqner M. Molé, il ne devra
user de celte facuhé qu'avec une grande modération.
491. Rien que la lui de 1824 portât, comme
celle de 1836, que la prestation en argent ou en
DalUle serait an choix des contribuables, M.
Proudhon (nO 505 de la 1 re édition) décide que
cette option cesserait d'avoir lieu si, en exécution
d'une délibération du Conseil municipal, homologuée par le préfet, les travaux du chemin devaient
,
"
,1
1e
~tre execlltes par un entrepreneur; qu a ors
droit. d'option de qnelqnes particuliers ne devrait
point l'elllporter sur l'intérêt général ,de la commune.
�DU DOMAINE PUBLIC.
'15
Nous ne saurions partager celle opinion en présence des termes précis de notre article: cc La pres» tation pourra être açquiLtée en nature ou en
» ar~ent. au gré du contribullble. ~) Ici la volonté
de l'individu agit i~olément et n'est point subordonnée ~"celle de la majorité, comme lorsqu'il y a
délibération d'un corps ou d'une assemhlée. Si le
Conseil municipal pense qu'il est de l"intérêt de la
commune qne les travaux soient exécutés P:H un
entrepreneur, il pourra voter des centimes additionnels; mais s'il opte pour la prestation en nature,
il devra en user telle qu'elle est et en respectant le
droit d'option qui appartient à chaque habitant.
Les bases de la répartition de1.â prestation ou des
5 centimes étant essentiellement différentes, il faut
"qu'il choisisse J'un on l'autre mode avec ses inconvénieutsetsesavantages, mais sans pouvoir appliquer
à l'un le genre J'exécution qui n'appartient qu'à
l'autre. Ainsi il ne pourra pas plus convertir, di.
rectement et tant d'abord, en argent la prestation
en nature, qu'il ne pourrait faire payer en journées
d'hommes et de chevaux les 5 centimes qu'il a la
faculté de voter.
492. M. le Ministre proscrit avec raison, page
29 de sa circulaire, le mode suivi dans quelques
départements de mettre en adjudication les travaux
à faire sur un chemin vicinal, en conférant à l'adjudicataire le droit d'employer les prestations en
nature qui lui sont alors précomptées pour une
valeur déterminée. Ainsi qu'il le remarque, ce
�76
TRAITÉ
mode est aussi contraire à l'esprit de la loi qu'aux
instilUliuns libérales qlli nous régissent; à moins
d'une convention personnelle, le citoyen ne duit
obéir' qu'à la loi et allx magistrats institués pour la
faire exéculer; il ne peut êlre livré à la discrétion
d'un adjudicataire porté par son intérêt à commettre des vexations et des abus.
493. Si .l'article qui nous occupe est pins complet, sous le rapport de la fixation des bases, qne les
arLÏcks 2 el 5 de la loi de 1824 qn'il remplace, il
l'est beauconp moins qnant aux voies d'exécution,
puisque nons n'y trouvons aucu ne dispositiml relative au mode de recouvrement, au Jégrcvement,
" c h argee
'cl e prononcer sur 1e recours
a, l' antonte
que les habilants peuvent avoir à exer'cer. Il est
facile de rCIllplir cette lacune à l'aide des principes
généraux, des dispositions d~s lois antérienres, et
spécialement ete celle de 1824, qui, comme nous
l'av<ms déjà dil, reste en vigueur dans tons les
points auxquels il n'a pas élé dérogé: c'est ce qu'a
reconnu formellement M. le llJinislre de l'intérieur, dans sa circulaire du 24 juiu 18.16. (Art:
2, à la fin, page 18. )
Ainsi, Iole conseil III Il nicipal devra dresse l' u u
rôle portant le nOUl de tons les habitants soumis
à la prest~tion, avec l'énonr.iation des jonrnées de
travail dues par chacnn d'eux et par les person"nes,
voitures et chevaux pOUl' lesquels ils doivent être
irnposés d'après l'art. 3, ainsi qne l'estimation en
argent de chacune de ces prestations, d'après le
�DU 'DOMAINE PUBLIC.
77
taux fixé par le conseil général. Ce rôle sera ensuite
rendu exécutoire par le préfet et mis en recouvrement forcé comme ponr les contributions directes.
2° Le maire peut I1ser de la voie des ~arnisaires
et des contraintes pour parvenir au reconvrement
de l'évalualion de la prestation.
3° Les réclamations que les habitants pourroilt
avoir à former soit contre les décisions du préfet,
qui les obligeraient à travailler sur le territoire
d'une commune trop éloignée, on ùans une plus
grande proportion que celle qu'ils devraient réellement supporter, soit contre lenr inscription an
rôle, ou con Ire celle d'un trop grand nombre ùe
chevaux et de voilures, soit à raison de ce qu'on
aurait rejeté les motifs d'exemplion qu'ils préleDdraient avoir; toutes ces réclamations, disonsnous, devron t êl re portées devant le conseil de
préfectUl'e, en premier ressort, et par appel au
conseil d'élat. Telle est en effet la marche tracée
par la disposilion non abrogée de l'art. 5 de la loi
de l~h4, portant que l'on suivra pour le,s presta1Ïons le même mode de recouvrement que pour les
con tribn tions directes.
4° Les demandes en dégrevement devront être
sonnlises au conseil de préfectIJre dans les trois
mois de la publication des rôles. Elles pourront
être formées snI' papier libre, ainsi qne l'indiquent
les mols sansjrais J de l'art. 5 de la loi de 1824.
(Instr. minist. du 24 juin 1836, art. 4,p. 35.)
Pour de plus amples détails sur la forme des
�'18
TRAITÉ
rôles, leur mode de puhlication et de recouvrement, les remises à allouer aux perceptenrs, et
autres détails qui sortent de notre objet, i\ faut
recourir tant à la (:ircubire qui vient d'ètre citée,
page 30 et sui
qu'à plusieurs instructions subséquentes.
494. Nous ne terminerons pas ce que nous
avons à dire sllr cet article sans émettre le vœu,
que les conseils municipaux choisissent l'imposition de centimes additionnels plutôt que la prestation; et que dans le cas où ils seraient obligés de
recourir à cetle dernière, ils s'efforcent, par une
faible évaluation du prix de la journée, d'obtenir
la valeur en argent, de préférence à la prestation
en nature.
Comme nous l'avons déjà dit, la charge sera
d'autant moins lourde pour chacun, qu'elle sera
répartie sur un plus grand- nombre de personnes;
ct elle sl'rad'autant plus juste qu'elle sera distribuée
proportionuellement aux facultés et à la fortune
de chaque contribuable.
D'un autre côté, les travaux exécutés par des
-habitants réunis en grand nombre, non hahitués à
travailler ensemble et au même genre d'ouvrage,
apportant, il fautle dire, toute la mauvaise volonté
qu'ils mettent à faire une besogne dOlltiis ne seront
pas payés et dont ils ne savent pas d'ailleurs assez
apprécier l'importance, seront toujours mal faits
et, avec U1ie dépense de temps considérable, ne
produiront que peu de résultats pour l'améliora-
v.,
�79
tion des chemins. Dix ouvriers, recevant un salaire,
hien dirigés et suneillés, feront plus de travail
utilc CJlIC cent corvéables indisciplinés, manquant
d'intcJligt'nee et J'hahiwJe, et travaillant à contrecœlli. Faute J'édncalÏon sans doute, les habitants
des campagnes n'ont d'autre mobile que leur in.
térêt parti 'Illier, actuel et immédiat; comme le
sauvage, ils conperaient l'arbre par le pied pour
en cneillir le fruit.
Nous ne doutons pas qne ce mode d'entretien
deschemins n'eût été repoussé si on se fût bien
pénétré des considérations présentées dans le préambule si remarqu<lble de l'édit d.e févr~er 1776
sur la suppression de la corvée. Il est impossihle
de démontrer avec plus de force et par de meilleures
raisons, les inconvénients de ce genre d'impôt
qni alors, plus encore qu'aujourd'hui, frappait
p.uticulièrement le pauvre; aussi le ministre Turgot, principal auteur dela loi, ne put tenir contre
les menées Jes privilégiés, et sa chute fut le prix
de sa courageuse indépendance, trop avancée pOUl'
,,
l cpoque.
Le seul motif que l'on puisse faire valoir pour
le maintien des prestatioDs, c'est que d'un côté
l'argent étant raredans les campagnes, on obtiendra
plus facilement des services en nature que du numéraire, et que d'un autre côté l'expérience
déJllontre qne plus on varie les formes sous le8-quelles on perçoit l'impôt, mieux il atteint loutes.
les fortunes et plus, par suite, on peut le rendre
DU DOMAINE PUBLIC.
�80
TRAITÉ
productif; on ne retirerait, par exemple, jamais de
la seule ~ontril)lllion foncière snI' les vignes, même
en l'~ll:v<Jl1t à nn taux eXOI'bltant, ce que l'on
p"rvient à Jenr f"ire snpporler au mOYf'n tant de
cette contribution que des droits réunis, dont
l'ensemble se répartit dans diverses pr"pllrlions
SUl' le pl'Opriétaire , Je cultivateur, les lIJarchands
en gros et en détail, les fabricants d'ean-de-vie et
le consommateur.
ARTICLE Y.
»
»
»
»
:»
»
»
>,
»
495. ce Si le conseil ruunicipal, mis en de. J"eSlgnee
, a.
meure, n ,a pas vote'1
lans 1a seSSiOn
cet eHet les prestations et centimes néeessaires,
ou si la COlllllllllle n'(-'n a point fail emploi dans
les c;IéLtis prescrits, le préfet pourra d'office,
soit imposer la COlUnJune dans les limites du
maxi m nUl, soit faire exécu ter les travanx.
Chaque année, le préfet communiquera au conseil général J'état des impositions établies d'office
en vertn du présent article. »
Cette disposition est sans contredit la plus importante de la loi nouvelle: c'est eclle qui la'
différencie principalement de la législation pl'écédente et qui lni donne une supérilll'ité marquée.
Il ne suffisait pas en effet de remédier à l'apathie
011 à la mauvaise volonté des ÎnJ.ividus; il fallait
encore vaincre celle des admi nÎstrations com lU unales, sans le concours desquelles la loi demeure
�DU DOMAINE PUBLIC.
81
impuissante et son action DulIe.
Jl1sqn'à ce
jOlll', le lé~islateur n'avait investi J'autorilê s"périeure d'aucun moyen de fail'e exécuter ses prescriptions: aussi n'amenaient-elles ancnn résultat:
L'article que nous examinons a comblé cette lacune, et son principe déjà appliqué aux dépenses
de l'instruction primaire, par l'art. 13 de Ja loi
du 28 juin 1833, a été sagement étendu depnis, à
toutes les dépenses obligatoires des communes
pal' l'art. 39 de la loi du lB juillet 1837; mais pour
qu'ill)uisse atteindre completementle but proposé,
il faudrait que les préfets, qui ne peuvent tout
voir par eux-mêmes, ne fllssent pas dans la nécessité de s'en ra pporter presque exclnsivemen taux
autorités locales afin de s'assprer fJue les communes ont fait emploi des prestations et centimes
prescl'its.
496. La mise en demeure dont parle notre
article émanera Ju préfet, qui, dansle réglclllent
exigé par l'article 21, en prescrira la forme et
déterminera, soit les délais après lesquels il fera
lui-même exécuter les travaux, soit la manière
dont ces travaux seront exécutés; il arrivera souvent que quand ces délais seront expirés, le temps
convenahle pOlir l'exécution des travaux sera aussi
passé; c'était pOUl' prévenir cet inconvénient qu'un
député, M. Caumartin, avait proposé au lieu de
ces mots: si la commune n'en a pas fait Pemplai, etc., ceux-ci : si la. commune n'en .fait
pas l~emploi. Mais cette proposition a été rejetée,
�82
'l'MITÉ
en sorte qu'il est bien constant que l'action du
préfet ne pourra commencer que lorsque l'mel,tie
de la commune aura laissé expirer les déla~s prescrits.
La mise en demeure, étant nn acte grave suivi
le plus sonvent de contraintes, iie pourra pas
résulter de l'ibvitation générale, adressée chaqile
année aux conseils mnni(~ipaux, de s'occuper dans
leur session de n~ai des mesures à prendre pour
l'entretien des chemins ô-e leur commnne; il
faudra, par un arrêt motivé sur le procès-verbal
de visite des chemins, inviter le maire à convoquer
le conseil municipal dans uti délai fixé pour délibérer sur les travaux à faire; il n'est pas üécessaire, au surplus; d'attendre l'une des quatre
sessions ordinaires de février j mai, août ou no-'
vembre; le mot session, dont se 5ert l'article 5 j
doit s;entendre aussi bien de~' réunions extraürdinaires que de celles ordinaires.
Lorsque le préfet, qbi peut user des mêmes
ressources qne le conseil III unicipal, c' est-à-dif(~
employer la prestation en nature ou recourir aux
centimes aLlditionnels, optera pour cette dernière
contribution, son travail sei'a très-simple; il lui
suffira de charger, par un arrêté, 'le directeur des
contributions directes d'établir Sur la commune
un rôle de tant de centimes par franc, de rendre
ensuite ce rôle exécutoire, et d'en faire faire la:
perception dans la forme accoutumée.
J../3 marche sera plus compliquée s'il croit devait
�DU DOM.AlNE PUBLIC.
83
employer la prestation en llature dont il devra
cependant faire usage lorsqu'il s'apercevra qne le
conseil municipal a refusé de voter, dans le hut
de décharger les habitants pour grever les forains;
alors, après avoir pris l'arrêté qui frappera la
commune d'une imposition d'office de tant de
journées de prestation en nature, et avoir notifié
cet arrêté au maire, il chargera le receveur municipal de rédiger le rôle comme s'il s'agissait de
prestations votées: il le rendra ensuite exécutoire
par un second arrêté, le fera publier dans la
commune, en prévenant les habitants qu'il leur
est accordé IlU délai de tant de jours pour déclarer
au receveur municipal leur option de s'acquitter
en nature ou en argent. Ce délai expiré, tontes les
cotes pour lesquelles il n'aurait pas été fait d'option, seront de droit exigibles en argent. Il fixera
en même temps les époques auxquelles devront
être e~plo'Yées les cotes que les cont;ibuables
auraient déclaré vouloir acquitter en nature; et si
ce délai est encore dépassé, les cotes seront également exigibles en argent, et le recouvrement en
sera poursuivi par les voies de droit, pour le montant en être employé au paiement des travaux qui
seront exécutés.
Au l'este, le préfet aura à faire usage du droit
que lui confère l'art. 5, non-seulement lorsque les
communes ne voteront aucune prestation 0\1
aucuns centimes ou n'en feront pas emploi, mais
encore lorsqu'elles ne feront qu'un vote insuffisant
�TRAITÉ
ou un emploi incomplet; et celte insuffisance tle
sera pas seulement considérée par rapport aux
chemins vicinaux ordinaires, mais :l.uslli relativement aux chemins de grande communication,
dont la dépense, suivant l'article 8, Sel"a prise sur
deux des trois journées de travail et sur les deux
tiers des cen limes addi tioonels.
Indépendamment de l'obligation imposée au
préfet, de communiquer au conseil général l'état
annuel des impositions établies en verlu dn présent
article, ce qui constitue déjà un contrôle de nature
à prévenir l'arbitraire, la commune imposée d'office pourra encore exercer le j"ecours de droit
commun devant le ministre et ensuite au conseil
d'état.
497. L'art. 5 qui lious occupe avait paru
inconstitutionnel, en ce qu'il donnait au préfet,
sous la surveillance seulement du conseil général,
le droit d'établir un impôt qui, en général, ne
peut être voté que par les trois pouvoirs de l'étaL
C;est pour échapper à ce reproche que l'on a
ajouté la disposition de l'art. 12 ci-après, qui porte
que le maximum des ceiltimes spéciaux, qui pourron t être votés par les conseils génél"a Il x, serf". déterminé annuellement par la loi de fioances.
ARTICLE VI.
j)
j>
498. tC Lorsqu'un chemin vicinal intéressera
plusieurs communes, le préfet, S\1l" l'avis des
conseils municipaux, désignera les communes
�85
DU DOMAINE PUBLIC.
)~
»
>~
qui devl'Out concourir il sa constl'uction ou à son
en lreLÏen, <>t fixera la proportion dans laqudle
chacune d'elles y contribuera. »
Cet artide, qui s'applique au plus grand nombre
des chemins vicinaux, et, on pourrait même dire,
aux senls qui auraient dû conserver cette dénomination (ceux qui établissent une commuuication
de commune à commune, de vico ad vicum ).,
est très ·mal placé à la fin de la section 1re, aHectée
à l'exposition d'nne partie des règles communes
aux t1'ois espèces de chemins reconnus l'al' la législation nouvelle. Il aurait dû à lui seul former
une section spéciale, comme les art. 7, 8 et 9,
relatifs aux voies de grande communication, en
composent une, et consLÏtuer ainsi une des divisions
principales de la loi.
Qlloiqu'au premier conp-d'œil il paraisse renfermer les mèlllf'S règles qne l'nrticle 9 de la loi
de 1~h4, il en diffëre essentiellement par son esprit
et par quelques détails.
D'après la loi ancienne, le préfet, en conseil de
préfecture, ét; it seulemellt constitué juge entre
deux communes discordantes, soit sur la nécessité
de réparer le chemin, soit sllr la quotité de la part
ponr laquelle chacune devait conlt'ibller aux frais
de l'éparation. Mais, comme dans tous les antres
cas, il n'avait pas la voie d'action, et ne ponvait
donner l'impulsion aux conseils municipaux; en
~orte que-;:ideux. ou plusieurs communes, ainsi que
TOM. JI.
6
�86
'l'RÂI1'É
cela arrivait prcsque toujours, s'entendaient pour
ne rien faire , l'espèce de juridiclion qui 1ui était
conférée n'ahoulissait à rien et ne tcndait pas à
l'amélioration du chemin. D'ailleurs chaque commune étant tenue, aux termes de l'art. 1 er de celte
loi, à la réparation de tous les chemins situés sur
son territoire, il en résultait une véritable inj ustice
qui empêchaitl'exécntion de la loi, en ce que très·
raremen t la dépense à sa charge était en rapport
avec l'utilité qu'elle retirait du chemin. Il ne pou.
vait y avoir aussi aucune unité dans un travail fait
partiellement par des -intéressés dont les ressources
applicahles aux travaux pouvaient être très·-différentes.
Aujourd'hui, d'après le droit d'administration
directe, qu'il est ùans l'esp"it de la loi nouvelle
d'accorder au préfet sur tous les chemins vicinaux,
ce magistrat ne jugera plus seulement, il agira de
son propre mouvement, il désignera les communes
qui devront concourir à la construction, à l'entretien du chemin J et fixera la proportion de la contribution pour chacune. Toutefois il devra prendre
l'avis des conseils municipaux, mais il n'aura pas
hesoin de mettre les communes en demeure; il
devient alors leur administrateur direct et immédiat.
Au reste, les moyens qu'il emploiera pour par·
'Venir à l'exécution de son arrêté devront être pris
dans les limites du maximum et en déduction de
la prestation de trois journées et ùes 5 centimes,
�DU DOMAINE PUBLIC.
81
conformément à l'article 5 qui précède et dont les
prescriptions devront être snivies si, après l'arrêté
de répartition, les commnnes ou J'une d'elles refusaient de voter les prestations et centimes nécessaires à l'acquiuement de leur part, ou d'en faire
emploi. Les contributions de chaque commune,
.soit en nature, soit en argent, seront mises en
masse et formeront un fonds commun qui sera
réparti sur la totalité de la ligne, non plus pour
chaque territoire proportionnellement à la quotité
qu'il aura fournie, mais eu égard seulement aux
hesoins de réparation. La loi a organisé, en la
sonmettant entièrement au principe de la communication des avantages et des charges, l'espèce
d'association trop incomplète qu'avait déjà créée
l'article 9 de la loi de 1824.
Ce dernier article faisait naître aussi ]a difficulté
de savoir s'il s'appliquait également à la construction d'une voie nouvelle ou seulement à la réparation et à l'entretien de celles préexistantes; la
jurisprudt'nce de l'administration s'était prononcée
'Pour la négative. Le doute aujourd'hui eSllevé de
la manière la pIns claire par la réunion des mots
construct;on et entretien.
L'exercice du pouvoir conféré aux préfets par
notre arlic1e, présentera souvent, en fait, t1'assez
'grarhles difficuhés, puisqu'il fandra combiner Jifférents éléments difficiles à connaître euctement
et à apprécier avec justesse.
L'intérêt personnel étant le meilleur garant de
�88
TRAITÉ
l'exécution de la loi, il conviendra de mettre,
autant que possible, à la charge de chaque commune, même pOUl' la partie siluée sllr un autre
territoire, l'entretien du chemin qui lui sera d'une
grande lltilit~ et qu'elle fréqucntera plus que la
communc dans l'enclave de laquelle il se trouve.
Cette manière d'agir nous paraît être autant dans
l'esprit de la loi nouvelle et aussi favorable à son
exécution que conforme à la justice.
Les préfets, comme l'instruction ministérielle
d'octobre 1~b41e leur recommandait, feront bien,
avant ,dc statuer, d'envoye.' sur les lieux des ingénieurs 011 d'autres hommes de l'art lorsqu'il y
aura don te, incertitude, ou une trop grande résistance qui suppose presque toujours des motifs plus
ou moins fondés. Les premières décisions à rendre
à ce sujet devant servi.' dans la suite de base en
quelque sorte permanente, il sera nécessaire
qu'eJles soient d'autant mieux motivées et qu'elles
soient surtout précédées de recherches attentives
et d'infonnalions exactes.
Notre article ne parlant plus des conseils de
préfecture, il en résn1Le que le préfet agira seul et
qu'il n'y aura lieu de recourir à ces conseils et
CtIlsuite au conseil d'état, que dans le cas rle récla~
mations contre sa décision. L'avis qu'il devra
prendre a~ant de statuer émanera seulement des
conseils municipaux" sans l'assistance des plus
imposés.
.
On doit se féliciter de l'éliminatioD, par la loi
�DU DOMAINE PUBLIC.
89
nouvelle, des plus imposés qui ne formaient,
comme nons l'avons déjà laissé pressentir, qu'une
entrave sans aucune utilité réelle, dans presque
toutes les communes rurales de France.
499. L'arLÎcle 9 de la loi de 1824 avait donné
lieu à une difficulté qui n'a pas été résolue par la
dis\,osition qne nous examinons. Il s'agit du cas:
où 1 >8 diverses communes intéressées à un mê"lll.e
chemin se trouvent situées dans deux départements
différents: quelle sera alors l'autorité chargée de
désigner les communes qui devront concourir à la
construction ou à l'en tretien de ce chemin, et de
fixer la proportion de la con tribu tion P
Le ministre de l'intérieur, auq~lel une explication avait été demandée à ce sujet cn l~b4, à la
chambre des pairs, déclc'lra que ce cas pl'ésentait
nne difficulté réelle; néanmoins aucune solution
ne· fut donnée. Il nous semble que les préfets
devront s'entendre pour termi-ner par voie de conciliation, des. difficultés qu'un seul d'entre eux
n'aurait point qualité pour résoudre; s'ils ne pouvaient arriver à s'accorder, ce serait à l'autorité
snpérieure·, c'est-à·dil'e au ministre, à prononcer,
sauf le recours au conseil d'êtat.
500. Bien qu'aux termes de l'article 6, le chemin qui intéresse plusieurs communes soit véritablement commun et en quelque sorte inllivis entre
elles, ce principe n'est vr;.i que par rappor.t a.
l'usatje qu'elles en font eL aux frais de construction
et de réparation qu'elles doivent supporter. Mais
�90'
TRAITÉ
le sol même du chemin ne cesse point d'appartenir
à la commune d:ms le territoire de laquelle il est
compris; et de là résultent denx conséquences importantes: la première, c'est qu'en cas de déclassement ct de suppression, le sol du chemin doit
être vendu au profit de la commnne du lien de sa
situation, conformément à l'article 19 ci-après;
et la seconde, ("est qne lors de l'ollverlllre ou du
l'élargissement d'un semblable chemin, les terrains
nécessaires doivent être achetés aux hais cie la
commune, ponr la partie qui traverse son territoire,
sans con tribu lion de la part des autres. C'est par
application de ces règles que, dans sa circnlaire
du 24 jnin 1836, M. le ministre de l'intérieur
décide, page 56, relativement aux chemins de
grande communication, que si pour aequisition
:), de terrains, quelflues in<1emniLés étaient à
" payer, ce serait aux commnnes à y pourvoir,
» et que jamais les fonds départementaux ne
:Jltdoivent être appliqués à l'achat des terrains qui
» rt'stent la propriété des communes. »
501. Le principe de la disposition si éminemment utile de notre article, et qui se trouvait déjà
dans les art. 29 de la loi d Il 16 septemhre 1807 et
18 du décret du 16 décemhre 1811, a été appliqué
aux ronles départementales par la loi du 26 juin
1841, dont il n'est pas inutile de rapporter les
termes: Cf Al'L. 1 er • Lorsqu'une Toute lllléressant
» d'eux ou plusieurs départements a été classée et
» est en voie d'exécution sur un ou plusieurs
c(
�DU DOMAINE PUBLIC.
)'
"
"
"
91
d'entre eux et qu'un département sm lequel
celte route doit s'étendre, refuse de classer ou
d'exécuter la portion de route qui doit traverser
son territoire, le classement ou l'exécution peut
» être ordonné par une lui qui sera précédée
" d'une enquête, dont les formes seront déter" minées par un réglement d'adminislration pu" hlique. - Art. 2. Cette loi détermine la
~, proportion dans laquelle chaque département
» intéressé conlribue aux dépenses de construc» lion et d'entreljen de la porlion de roule dont
" le classement ou l'exécution aura été refusé•
.» Les dépenses de construclion pourront être
» mises, pour la totalité, à la charge des dépar» tements fJui auront réclamé le classement ou
» l'exécution sur le territoire d'un, 3UtFC départe» nlen t. "
Quoique cette dernière disposition ne se trouve
pas dans l'art. 6 de la loi du 21 mai 18:16, nous
pensons qu'à raison de son équité, elle devra, par
analogie, être appliquée par les préfets aux chemins
vicinaux, parce qu'il y aurait une souveraine injustice à faire supporter par une commune les frais de
constr4ction ou de réparation d'un chem;n qui ne
lui servirait ahsolument à rien et qui serait sCQleruent utile à des communes voisines. Les expressions
finales: fixera la proportion dans Illqup11e
chacune d'etLesy contrihuera, sont évidemment
corréla~ives au mot intéressera qui se ·trouve au
�92
TRAITÉ
commencement de l'article; i1 ne pent y avoir de
charges que proportionn ellement à l'intérêt.
L'art. 6 de la loi du 21 mai 1836 n'étant évidemment relatif qu'aux cht>mins viciuaux d'un
même départf'ment, pourrait-on appliquer la loi
du 25 j1Jin 1841 aux chemins vicinaux, soit ordinaires, soit surtont de grande communication, qui
intéressent deux ou plusienrs départements? La
négative n'est pas douteuse; la loi du '25 juin est
absolument étrangùrf' aux chemins vicinaux; s'il y
a intérêt à ce qu'un de Ct'S chemins soit prolongé
dans un département voisin 1 c'est au préfet de ce
département à Je proposer à son conseil général
qni est seul juge de la qµ estion; l'instruction du
24 jnin 1836 recommande aux préfets de se con, d•
certer entre eux a' cet egar
SECTION II.
Chemins vicinaux de grande eommunication.
ARTICLE VII,
502. cc Les chemins vicinaux peuvent, selon
,, leur importance, être déclarés vicinaux de grandé
,, communication par le conseil général, sur l'avis
,, des conseils municipaux, des conseils d'arron)> dissemen t, et sur la proposition <lu préfet. Sur
>.> les mêmes avis et proposition, le conseil général
» dêterrnine la direction de chaque chemio vicinal
» de gr<i.nde communication, et désigne les com-
��94-
TIW:TÉ
laquelle chaque commune doit concourir à l'en..
trelien de la ligne vicinale; 4° el l'appréciation des
offres faites par les parlÎculiers, associations ou
COlnownes.
Les conseils généraux ne peuvent statuer sur les
objets de let.lr compétence que d'après l'avis des
conseils municipaux, des comeils d'arrondissements et sur la proposition du préfet. Quoique nécessaire, l'avis des conseils municipaux et d'arrondissements ne liera pas les conseils généraux qui
pounont seulement y puiser des lUluières et des
motifs de décision. Il en sera différemmel)t de la
proposilion des préfets, contrairement à laquelle
nons pensons que le conseil général ne pourra statuer; cette proposition devra être rejetée 011 suivie,
mais non suppléée; son absence paralysera l'actiou
du conseil. C'est ce qui résulte très-cJairl':'ment des
explications fournies à la chambre des députés al}.
norn de la commission, par M. Gillon: « Le préfet,
» a-t-il dit, a exclusivement le droit d'initialÎve;
» à lui seul appartient de proposer la conversion
» d'un cltemin communal en chemin vicinal; je
» l'ai déjà dit, il a même le droit de veta contre
:>:> toute déliLération qni aurait cet oLjet. La pro» position étant présentée ail conseil général par
» le préfet, si le conseil pense qu'il y a lieu de
:» proposer des modifications au plan présenté, il
» doit les demander. De son côté, le préfet, qui
~ a le droit et même le devoir d'assister aux déli», hérationsdu conseil, etqui n'est forcé de se re-
�DU DOMAINE PUllLIC.
~
95
tirer que quand on résume les opinions., qn'ou
recueille les voix, le préfet donc écoute les oh») servations qui tendent à modifierles conditions,
.) s'attache à faire comprendre au conseil général
» que les modifications proposées ne sont pas ac» ceptahles nans l'intérêt mieux compris des localités. - Voilà une lutte qni s'établit; comment
» SP, terminera-t-elle? Dans l'intention de la com» mission, si les modifications indiquées par le
' , l ne sont pas acceptees
'1
'
» consel°1 genera
par e pre), fet, rien ne se fait. Il faut hien qu'il en soit
» ainsi; autrement sous le prétexte de seulement
» modifier, on renverserait la proposition Lin pré» fet, et le chef de l'administration penh-aitla pré.
» rogative d'initiative que nous reconnaissons né» cessaire de lui laisser. Je le répète, si vous accor» df'z l'initiative au préfet, il faut lui laisser le
» droit de ne pas accepter les modifications.
» Qu'on soit sans inquiétudes sllr les résistances
» des préfets. Quand nne chose sera juste, désirée
» par le pays, utile à ses vrais intérêts, il n'y aura
» pas de préfet qui puisse la refuser au vote per» sistant du conseil général; le préfet, dans la ses» sion suivante, tomherait devant l'unanimité et
» la fermeté du conseil général. Ne craignez pas
» davantage que cel ui-ci mollisse; il ne serait pas
» réélu par les citoyens qui auraient appris l'lI fai» blesse. » (Moniteurdu 2 mars 1836, premier
supplément. )
Ou avait cherché à établir nue différence entre
»
l')
�96
TRAlTE
les pouvoirs respectifs des préfets et des con;eiIs
géné,'aux, par rapport ail classement et à la direction des chemins, en la fondant sm l'énergie
du mot détermine appliqué à la direction; mais
cette distinction ne nous paraît résulter ni de l'esprit ni des termes de la loi qui a vouln balancer les
deux pouvoirs et qui a entendu ne faire ~ortir de
décision définitive que d'une parfaite et entière
concordance de vues entre eux.
Les décisions prises par le conseil général ne
sont pas sllsceptibles d'être attaquées rlevant le ministre qui n'exerce à leur égard aucun droit de réformation, si ce n'est dans les cas prévus par les articles 14, 15, 16 et 17de la loi du 22 juin 1~B3qui
les or~anise; mais elles penvent êtl'e déférées au
conseil d'état pour excès de pouvoir et pour violation des formes prescrites par la loi, comme si, par
exemple, un conseil général classait un chemin de
grande communication et mettait une partie des
dépenses à la chilrge d'une commune sans que le
conseil municipal de cette commune cftt été régulièrement et spécialement consulté à cet effet;
c'est ce qui a été jugé par un arrêt dn conseil d'état
du 19 février 1840 concernant la ville de SaintEtienne. (Sirey, 40- 2-328. )
Pourqn'un chenJin puisse êtredéclarédegrande
comllLu71icatioll, il faut, aux termes précis de la
loi, qu'il ait été classé préalablement par un arrêté
du préfet au nombre des chemins vicinau~ ordinaires. La proposition que le préfet doit .faire au
�DU DOMAINE PUBLIC.
91
conseil général ne remplacerait point ce prélimi~
naire, parce que les décisions des conseils généraux:
étant, comme on vientde le dire, à l'abri de toute
voie ordinaire (le réformation, soit devant le ministre, soit devant le conseil d'état, il faut cependant que les hahitants 0\1 les communes aient nn
' C anrecours, et al ors c ,est contre l" arretc, <.1n prelet,
térieur à sa proposition, qu'ils pourront l'exercer;
nous ne saurions donc admettre l'upinion contraire
de l\'l. Garnier dans son supplément à la 4e édition du traité des chemins, pag. 34, où il prétend qu'une telle restriction n'est ni dans l'esprit
ni dans les termes de la loi.
Dans la disposition qui règle les attributions du
prefet et qui lui confère un pouvoir très-étendu,
notamment celui de déterminer la largeur du chemin ainsi que la proportion de la contribution de
la dépense, il n'est point parlé, comme dans l'article 6 et dans le S 1 er du présent article, de l'avis
préalable des conseils municipaux. Doit-on induire
de là qne le pl'éfet puisse se dispenser de les consulter r Non: l'article 6 qui prescrit l'avis des conseils
municipaux. est ici évidemment applicable quoique
non furmellement rappelé dans l'article 9.
Il est peut-être fàcheux que la fixation de la proportion dans laquelle chaque commune doit concourir à l'entretien de la ligne vicinale n'ait point
été laissée au conseil général déjà chargé de la répartition de l'impôt entre les différents arrondissements; ce conseil étant composé de membres en·
�98
TRAITÉ
• par caque
h
. ete
",a meme
..
d e re•
voyes
canton, aurait
gler, en pleine connaissance de cause, la proportion
entre les communes. Cependant comme c'est ici Ull
moyen d'exécution qui peut varier chaque année,
et que le préfet est déjà chargé exclusivement de
cette répartition pour les chemins ordinaires intéressant plusieurs communes, on a cru devoit, ne
conférer aux conseils généraux que la fixation de la
àirection du chemin et la désignation des com..
mnnes qui doivent contribuer à sa construction et
à son entretien.
Au reste les arrêtés des préfets seront, pour les
différents ohjets de leur compétence, susceptibles
de recours, d'abord au conseil de préfecture, et
ensuite au conseil d'état.
Les préfets étant spécialement chargés de fixer
la largeur des chemins de grande communication,
ils ne seront lilllités dans l'exercice de ce pouvoit,
par aucun maximum. La largeur de huit mètres
non compris les fossés, iudiquée par M. le ministre
de l'intérieur dans sa circulaire du 24 juin 1836,
n'est point prescrite C(.lUme règle absolue et invariable; les circonsta nces de localités et les hesoins
de la population devront seuls guider ces magistrats, et les réflt·xions qne nous avons préseOlées
surl'arl. 1 er , relativement à l'abrogation de l'art.
6 de la loi de l'an XIII, s'appliquent ici à plus forte
raIson.
L'article qui nons occupe attribuant au conseil
général sur l'avis des conseils municipaux et d'ar-
�DU DOMAINE PUBLIC.
99
l'ondissement, et sur la proposition d 11 préfet, la
détermination de la direction ùes chemins vicinaux
de grande communication, il s'ensuit que le préfet ne pourrait ordonner seul la rectification ou le
redressement d'un de ces chemins, lors même que
cette rectification ne changerait pas la direction générale et n'aurait été déterminée que par une vue
d'amélioration, pour éviter, par exemple, une pente
trop rapide, parce que le redressement mocl-ifie
évidemment la direction; deux arrêts de la Cour de
cassation des 21 aoth la36 et 9 juillet J839 (Sirey,
38-1-785, et 39-1-792) l'ont décidé de la sorte.
503. Pour qu'une commune soit appelée par
le conseil génér'al à contribuer à la construction et
à l'entretien d'un chemin vicinal de grande communication, la loi n'exige pas qu'il la traverse ou
qu'il passe sur son territoire; il suffit qu'clIc s'en
servc, même an moyen d'un chemin d'embranchement. Le conseil général devra se déterminer, non
pal' le plus ou le moins d'éloignement de la commune, mais uniquement par l'utilité qu'elle pourra
en retirer, et -par l'usage qu'elle en fera.
504. Notre article confère au préfet le pouvoir
d'accepter les offres faite!' par les particuliers, associations de particuliers ou de communes, et dont
le montant est destiné à subvenir aux frais d'étahlissement ou d'entretien des chemins que ee~ particuliers ou communes ont intérêt à voir tracer sur
leurs domaines ou leurs territoires.
Mais ces offres doivent consister dans un don et
�100
TRAITÉ
non pas seulement dans un prêt ou avance de fonds,
avec 01\ sans intérêts; alltrem~nt le préfet ne pourrait plus les ace<'pter, il faudrait une loi ou une
ordonnance, conformément à l'art. 41 de la loi du
18 juillet 18:17, qui exige cette forme quelles
que soient l'importance de l'emprunt, et 'Sa destination.
Les offres dont il s'agit se font ordinairement an
moyen d'une souscription consignée si~r nn registre
ou cah,ier portant la quotité de la somm~ offerte et
la signature du souscripteur. Or quel sera le moyen
' ]a '
, en cas d. e re f us d' execu,
rea l'Isatlon
d,en operer
tion r fimdra-t-il um' instance soit c1evant le trihunal civil, soit devant le juge de paix contre chacun des signataires récalcitrants?
'
La négative n'est p;18 douteuse lorsqu'il s'agit
, d'nne souscription au profit d'une commune pour
l'établi:,sem~nt d'un chemin vicinal ordinaire; le
maire peut alors, an moyen de l'état par lui dressé
et rendu exécutoire par le préfet conformément à
l'art. 63 de la loi du 18 jnillet I~G7, opérer le recouvrement des sommes offertes, par voie rte contrainte et sans avoir hl'soin d'autorisation soit du
conseil municipal, soÎt-t.ll1 consl·il de préfecture.
:Mais il en est autrenle·nt lorsqU'Il s'a~it Il'un cheminde grande communication l't d'une offre ulite
au département. Nous ne pensons pas qu'alors le
préfet puis"c- user du mèrne moyen, qui est e.xorhitant du droit commun, et qui ne pent êlre employé que dans les cas expressément p"évus par la
�101
DU DOMAINE PUBLIC.
- C,est-a-Iure
\ ' J ' lorsqu"l"
1tH,
1 s agIt J' IHie i'ecette mullici pale ou du recouvre men t de certains iLll rôts
puur lequel cette marche est tracée.
Ce sera donc par voie J'action et non dè contrainte ou d'exécution flu'il faudra procéder; mais
devant quelle juridicti.on la demande devra-t-elle
être portée?
Bien que la loi. ne se soit point expliquée à çet
égard en ce qui concerne les souscriptions liour les
grandes routes, et qne notamment celle du 28 pluviôse an 8 ne paraisse pas applicable, le conseil
d'état, pal' arrêtdu 20 avril 1839, a l'eCOlll1U la compétence de l'autorité administrative, c'est-à-dire
du côn'seil de préfecture; tribunal ordinaire du
contentiellx administratif: cc Vu, porte cet arrêt,
'>' les lois des 16 fructidor an 3, 14 floréal an I l ,
,> et 16 septembre 1807, ledécl'et du 16 décembre
» 1811 et 1'<'I'donnance du 1 er juin dh8; con si,> dérant que la sonnJÏssion du 15 mars 1833 et
» l'amhé du préfet du Chér du 9 avril suivant qui
» l'accepte au nom de l'état, forment 11n contrat
» administratif ayant p0ur objet de régler la part
» pour laquelle des propriétaires cootribneraicnt à
» dcs dépenses effectuées par l'état et dont lt'urs
» propriétés étaient Jans ie eas de profiler; qlie
» la con testation engagée su r l' exécu tion <.lesdits
» actes rendait IH~ce...saire leu r in tel'préta tion et
» l'appréciation des faits administratifs qtii les ont
» motivés et suivis; que dès-Jars, aux tet'mes des
,. lois ci-dessus, ladite contestation était exclusi'IOI\:I. II.
7
�,102
TRAITÉ
vement de la compétence de l'autorité adminis~
tl'ative. »
Nous nt' voyons pas de motifs ponr admettre une
solution c1ifférl:'nte 'en ce qui concerue les souscriptions pour les chemins vicinaux de grancle communication, pllisrJu'il s'agit ici également de l'interprétation et de l'exécution djllll contrat administratif, que 1es travaux eoncernant ces chemins
sont placés sous la direction immédiate du préfet,
et qne les art. 29. 30, 33 et 34 de la loi du 16
septembre 1807, relatifs à la compétence de la
commission adlllinistralive substituée exceptionlwlIement par le titre X de celle loi au conseil de
préfecture, s'iJppliqllent aussi aux chemins vicinaux ~ à l'ouverture des rues" etc.
»
»
ARTICLE VIII.
»
»
"
»
"
"
»
»
»
»
»
)'
505. c( Les chemins vicinaux de grande comnlunicarion, et, dans des cas extraordinaires, les
antres chemins vicinaux pou ....ont recevoir des
subventions sur les fonds départementaux. Il
sera pourvu à ces subventions au moyen des
centimes facultatifs ordinaires dn département
et de centimes spéci:lUx votés annuellement pal"
le conseil général. La distribution des subventions sera faite, en ayant égard aux ressources,
aux sacrifices et aux besoins des communes, par
le préfet qui en rendra compte chaque année au
conseil généraL Les communes acquitteront la
portion des dépenses mise à leur charge au
�DU DmrAINE PUBLIC.
103
» moyen de leurs revenus ordinaires; et, en cas
~>
d'insnffisance, au moyen de deux journées de
»prestation sur les trois journées autorisées pal'
» l'art. 2., et des deux lÏers des centimes votés par
:» le conseil municipal en vertu du même article. »
Cet article qui n'avait rien d'analogue dans la
législation antérieure, établit un fonds commun
polir subvenir aux frais de c:onh'Clion et d'èntrelien
des chemins de grande communication. Ce fonds
se composera:
1° D'nne partie des revenus ordinaires des' communes appartenant à la ligne vicinale.
2° En cas d'insuffisance, de deux des journées
de prestation sur les trois autorisées par l'article 2.,
et des deux tiers des centimes votés par le conseil
municipal en vertu du même article.
3° Toujours en cas d'insuffisance des moyens
précédents, d'une subvention prise sur les centimes
facultatifs ordinaires du département et SUl' des
centimes spéciaux votés annuellement par le conseil général, el doulle maximum, aux termes de
l'article 12 ci-après, sera déterminé par la loi de
finances, aussi chaque année. Cette subvention
sera répartie par le préfet en tte les di verses lignes
de grande vicinalité, eu égard aux ressources, aux
sacrifices et aux besoins <les communes dépendant
de ce& lignes.
4° Enfin et si des travaux indispensables }'exi.:.
geaient, d'une contribution extraordinaire votée
�104.
TRAITÉ
par le conseil municipal avec le conconrs des plus
illlposés, et aUlorisée par ordonnance royale, conforméillent aux art. 40 el suivants de la loi du 18
juillet 1t>37 que nons avonsdit, sous l'article 2 cidessus, être applicable aux répara lions des chemins
VlClOaux.
Ainsi le préfel anra, aux termes du présent article et du préâdcnt, deux répal'tilions à faire snccessivement, l'une ùes funds départementaux entre
les diverses lignes de chemius, et l'autre, de la dépense de chaque ligllP, entre ksdiverses communes
qui doi ven t y con tribller. Il <levra rendre corn pte
chaque année'de la prcrüiere au cOl\seil général.
Nous avons vu gue 13 spcondeétait soumise au recours devaotle conseil de préfecture, et ensuite au
conseil d'état.
La prest:ltiotl <les trOls journées de tl'àvail et le
prod nit des ci nq ccn limes addition nels presci'ils
par l'art. ? ci·Jessns, élant applicahles tout à la
fois aux chemins vicinaux ordinaires et à ceux de
grande communication, il PTl résultp: 1° que si les
premiers n'employaient Cjll'Ilne faible partie des
prestations et centimes J le surplus, même au-delà
des deux journées et des II"llX tiers des cinq centimes, pourrait être appliqué aux chemins de
grande communication;
2° Que r~ciproquernent, si ces derniers n'absorbaient pas les deux journées el les deux tiers des
centimes, l'excédant pourrait être consacré' aux
chemins vicinaux ordinaires;
�DU DOMAINE PUBLIC.
105
3° Que qnand les dpux journées et les denx tiers
de centimes seront nécess;,ires ponr les chemins de
grande coml1JnOiCalion, ils devront èl\e prélevés
en premier ordre et a ppliq ués ex c1ut>i . elllent à celle
deslinalion, lors mèlJw que Id jntlmée et le tiers
de cenlimes r<'slaots seraient iosn!fisanls pOOl' la
réparation des c.henjins ol'dinilires. C'est là 110 mi·
nimum CJui doil ètre affeclé au cheluin CJUI rré~ente
., 1l'pUS
1 genera
. , 1sans pouvou'
. ,etre (l'lourne
l'
,
1,·mlelet
au profil des voies J'llne ulilité pllrpmeol locale.
L'artide qui nous occllpe illlpose, au profit des
chemins de grande cOlul1lunicatioo, les communes
associées,à deux jUU(ï] (;es à prel1llreSIlI' les trois nominaLÏvelllellt e"igées; il ne s'est point expliqllédela
même manière quant aux cenlimes dont le nombre
n'est pas fixé d'une manière ahsulue, à l , 2. ou 3
centimes, par exemple, mais seulement par relation avec ceux VOlés par le conseil muoiéipal , et
pour nne quotité pruportionof'He au chiffre du
vole: les deux tiers des centimes votés. Suivra-t-il de là qu'une commune s';:Jffranehirail de la
COli tri billion en argen l, ou en rédnirait si ngu lièrement le taux en Ile point votant Je centimes, ou
en n'en volant qu'lin ou deux!' Cf'lle conséquence
sewLlerait, au premier conp-d'œil, déco\ller nécessairement de la loi; c.ependant les communes ne
pourrunt y arriver, à raillon de ce qu'il faut combiner le présent arlicle avec le cinquième ci-dessus,
d'après lequel nous avons vu que le préfet pouvait
d'office imposer la commune dans les limites du
�106
TRAITÉ
maximum de cinq centimes, si, après avoir été
mise en dt'nteure , elle n'émettait poiot de vote ou
n'en émettait qu'un insuffisant. Le préfet pourra
donc, rt-1aLivemcnt à chaque commune, disposer
pour les chemins de grande communication jusqu'à
concurrence des deux tiers des cinq centimes ou
de trois centimes lin tiers.
Si ce n'est qu'accidentellement et snbsidiairement, comme l'il1di('(1le le Illot pourront, Clue les
chemins vicinaux de grande communication ont
droit à la subvention du département, ce n'est qne
dans des cas encore plus rares, et ainsi que le dit la
loi, extraordiNaires, que cellX de petite communication pomfon t y prétendre; il faudra qu'il s'agisse
non d'un simple entretien, mais d'un ouvrage considérable qui sera devenu nécessaire, par exemple,
de la reconstruction d'un pont; et encore la circulaire du 24 juin 1836 veut-elle qu'illdépendam,.
ment du compte que le préfet anra à rendre au
conseil génél'a l, il en réfërc préalablement par un
rapport spécial au ministl'e qui, le cas échéant,
autorisera l'application des fonds (Iépartementaux.
ARTICLE IX.
506. cc Les chemins vicinaux de grande com) munication sont placés sous l"autol'ité du préfpt.
" Les dispositions des art. 4 et 5 de la présente loi
» leur sont applicables, »
La première partie de cet article dictée par le
�DU DOMAINE PUBLIC.
107
besoin d'unité dans la direction Ile toute opération
collective, est d'ailleurs la conséqnence nécessaire
des dispositions CJui précèd(·nt. Du moment où le
chemin s'étenusnr plu1>ieurscornmunesen CJuelque
sorte assClciées sons ce rapport, il fallait le soumettre à une autol,ité supérièure à ces diverses administrations locales, et ce ne pouvait être qll'au
préfet placé au·dessns des maires dans la hiérarchie
administrative et appelé à les snppléer toutes les
fois qu'il s'agit d'intérêts communs. Mais l'al' là, le
chemin ne chan~e point de 11è11ure, il n'en reste
pas moills chemin vieinal proprement dit et ne devient poillt route départementale; d'où plusieurs
conséquences :
La premierc ,c'est que les onvrages nécessaires à
sa confection et à soo entretien sont toujours des
travaux communaux; de telle sorte que ces travaux et les dépenses q,ùls occasionnent doivent
être autorisés dans les formes preserites pour les
commnnes. M. le ministre de l'intérienr l'a trèsclairement expliqué dans sa circulaire du 3 juin
1841 , ainsi conçue:
c< Les travaux des chemins vicinaux de grande
;») communication sont des travaux communaux,
:» avec cette seule diffërence qne plusieurs com» mnnes y étant intéressées, la loi dn 21 mai
» 1836, art. 9, a placé l'exécution de ces travaux
» sous l'antorité des préfe~s, Les suhventÏons dé=» partementales qui peuvent "être accordées pour
» ces travaux n'en changen t pas le caractère com-
�108
»
»
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),
»
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"
.,~
»
TRAITÉ
OlIJllal, pas pIns c]lle I('s spconrs accordés sur les
fonds départenwntêlllx pOllr des réparatiuns d'églises ou LIntres éditices COI1jIUilnaIlX.
)' La conséfI'H'l1C'{-' de ee princip!', c'est qnl' tont
prêt offert pUllrcbemim. vicinanx. de grande comJnnoicatiou doit être considéré comme un prêt
fait à une CO III n.1Une ,et qu'il ne penl être antorisé qlle dan/> la forme prf'serit.e pour les emrrnnls c.omn,J1l11élliX par les art. 41 et 42 Je la
loi>du 18 juillet d53:--.
" Une dislÎnclinn essentielle, c'est qne ponr les
chemins de grande communication, les comm \1 Iles n(~ son.t pas considérées isoJémcn t; chaCJuc
chelllin dans son ensemble h)rme une spécialité
aux dépenses de l<JqueUe sont as&ociées 11n certain nombre de COITnu UlWS désigné(~s par le conseil général. Les ressourceS créées pal' ce groupe
de communes appart.iennent exclu:.ivement à la
ligne vicinale à laquelle elles soot atlachéf's, et
iJ y a fictivement nne caisse vicinale pour chaqlle
chemin Je grande communication, caisse qui a
ses ressou rces el ses dépenses disl inctes des I"essourc('s el rl~"S dépenses des autres Jignes. Le
préfet est l'adminislratt'ur de cette caisse vicinale, en vertn de J'al't. 9 de la loi qui place les
chemins de granJe cOlllmunicalÎun sous son autorilé.
)) Il s'ensnit qu'lin .emprnnt <lesliné à pourvoir
aux frais de construcli')l1 d'nn chemin vicinal
Je grande communication, devra toujours être
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
109
conclu non pas an num J'nne commnne isolée,
» nwis collectivement au noUl cl'un nombrp plus ou
» moins considérable de communes, de' celles enfin
qlli sont altacbécsà la ligne vicinale. En 1111 niOt.,
toulesles eOllimllllèS qui, par application Je l'art.
» 7, auront été régnlièreruem désignées ponr con)~ tribner à la constl'llction d'une même ligne vici'» llale, (lev l'on t nécessairement aussi in tervenil'
» dans tout emprunt qui serail conclu à l'effet de
» hâler les travaux de ladite ligne, el elles seront
,» toujours tenues de concourir Jans 1l11e certaine
:» proportion au remboursement de cet emprunt.»
La seconde conséquence, c'est q ne les lois des
29 floréal an x, 7 ventôse an XlI et le décret du
23 juin 1806 concernant le poids des voilures et
Ja largeur des jantes, ainsi que les articles 9 de la
loi du 3 nivôse an VI , et 34 dn susdil décret du
23 juin 1806, qui imposent l'obligation dl' munil'
les voitures de plaques, ne doivent pas recevoil'
leur application snI' les chemins de grande comnlllnication. C'est ce qu'il f"ul induire d'ailleurs du
rejel pal' la chambre des dl;pntés, à la séance du 8
mars 1836, d'un amenderuenl propos(: p:Jr un de
ses nielllbres, el qJli tendait à rendre applicables
aux chemins vicinaux les lois relatives à la police
du rOlllage.
Malgré l'étendne des pouvoirs conférés (lnX préft'ts par l'article 21 de la présente loi, le régJeUlent
qu'ils auront à faire ne ponrra même contenir à
,cet égard aucune mesure; un avis du conseil d'é»
»
�110
TlLUTÉ
tat du 9 mars dB7 ayant décidé: cc 1 0 qu'ancune
" loi antérip.lIre à 1836 n'a donné aux préft'\s le
" droit de régler Ct:' qui conceroc la poli!:!' du ron,~ lage sur les chemins vicinaux, ni au mjni~trt' le
0
» ciroit d'appronvt'r ces rpglemet;lts; 2 qu'aux
» termes de l'at'tiele 21 de ta loi tlu 21 mai IS36,
» le d/'Oit donné aux préfi."s de faire des régIe» menls pour assnrer l'exécution de la ll1êrne loi,
» ne concerne que la confection des chemins vici), naux et les mesures de snrvcil\ance et de conservation qui se rattachen t a l' élahlissemen t
» desdil.s chemins. » Celle libel'lé ponrra donner
lieu à des fraudes et à des inconvénients qu'il eût
été sage de prévenir.
507. L'article qui nous occnpe 3llribllant
d'une manière exclusive l'administration el ]a snrveillance des chemins de grilnde coinmunicalion
au préfet, ce sera à ce tl?-agistrat et non à l'autorilé municipale qu'il faudra s'adresser pour obtenir l'autorisation de conslruire le lon~ de ces chemins; cette conséquence nécessaire de l'art. 9 a éLé
formellementreconnue parun arrêt de la Cour ,'égulalrice du 29 août 1840, prononçant la cassation
d'un j I1gemen t qui avait, en pareil cas, relaxé 11 n
.prévenu sur le motif qu'il avait agi en vertn de l'autorisation du maire. (Sirey, lom. 4.0, 1 re part.;
l)
pag. 8r 5. )
Nous avons indiqné sous l'art. précédent com-.
ment les dispositions des articles 4 et b étaient applicables aux chemins de grande communication.
�DU DOMAINE PUBLIC.
111
DISPOSITIONS GÉNERALES.
ARTICLE X.
508. CC Les chemins vicinaux reconnus et
" maintenus comme teb, sont imprescriptibles. »
Avant la pl'Omlllgation de cet article, il existait
de nOlubrenses diffieultés par rapport à la prescription des chemins vicinaux. Certains anteurs les
soutenaient prescriptibles et d'autres imprescriptibles. Ceux-ci prétendaient que les chemins vicinaux: même classés étaient soumis à la prescription
trentenaire; tandis que ceux·là avançaient que les
chemins quoique non classés, mais qui servaient
au public, ne pouvaient se prescrire par quelque
laps de tem ps que ce fût.
Quelques jUl'iseonsnltps , en admettant la prescription du chemin en lui-même, enseignaient que
sa largeur était imprescriptible.
Une diffërence d'opinion sur la dnrée que devait <.Ivoi l' l'el1'et de la déclaration de vicilli/lité par
rappùrl à la jll'cscription, divisait aussi I.~s auteurs;
pOUf' que la prescription pût être aomise à l'égard
d'un chemin, fallait-il qu'il eût été çléclassé par
un arrêté de l'anturité administrative; on 1"abandon dans lequel le public l'avait laissé depuis pills
ou moins Je temps était-i.l suffisant pom le fat.'e
rentrer parmi les biens qui sont dans le commerce
�112
TRAIT:É
el qui peuvent s'acql!(;JÏr par prescription? Quel
étail le temps Dtkessaire pour que Je public fût
censé. avoir abandonné un chemin? Fallait-il une
possession imUJémoriale ; ou un non lIsage Je cent.
ans, de cilHluanle, de quarante on de trente snf6sait-il? Le temps exiw: pOllr faire SIJPI'0S('I' l'a,
l'e avant l' epofJue
,
,
011
h clll. f(ln (eY~t1t-l
1 . -( s ,~t'tre eCOII
celui qni invoqllail la prf'scril'Iion filis'tit remonter
sa prise de po..scssion; 011 la joniss,llll'e exc1ultive
de cellli ci f~isc1it-,'lIe silllultanéUlenl el !>upposer
1'cll)dndon de la part du public, el courir b pres,,;
criplion à son 1'1'0 li 1 ?
Qnclqnes - unes de ces fJ"es'ions se trollvent
tranchées par la loi nOllvellt; mais 1,lpioiellrs autres
.subsistent enr.orc' el fonl regretter que Il- législa.
teur n'ail pas approfondi dnvantaw' b ruatipre, e~
tari par des solulions p0sitiws Ilne SOlllce trup feconde Je procès dans les cJmpagnes, et d'abus de
pouvoir on de prévarication de la part des agents
de J'anwrité.
509. Ainsi et en résnmant les points de difficultés qni sont ou nons pal'aisspnt résolns :
IoLe principe de l'impreseriptibilité des voies
publiques, contesté l'al' cerlains an!t'urs en ce qnî
concernait les chemins de communication de vil~
lage à villagf', est fOl'fficllemen t appliqné aux chemins vieinaux reconnus et maintenus comme
tels.
oil-on induire de ces dernières expl'cssions insérées dans la loi par suile de l'amendeme~ll de M.
�DU DOMAINE PUBLIC.
113
le comte Roy, en relllplar.eUlent (le crlles-ci : les
chemins vicinaux et communaux sont imprescriptibles ~ con tell us da ns l'a rticle adopté p[J (' la
chambre des députés, fJlle les chemins autres que
ceux expressément reconnns et maintel11ls COUlllle
vieinallx', sont prescriptibles, qnoique affer.tés à
l'usage de tous, et par conséquent pnLlies? Nous
ne lé pensons pas. C'est un principe très-ancien,
et doutl'art. 356 de l'ordonnance de Bluis du mois
de 111 ai J 579 relatif aux granùes routes, n'est
qu'un cas (l'arplication , qne les choses qui sont en
dehors
domaine de propriété privée, comme
destinées à I1n usage pnblic, sont imprescriptibles,
telles qlle les églises, les places puLliques, les
rues, les canaux, lès rivières navigahles, etc. C'est
ce qu'ensl:'ignait notamment, par rapport nux chemins ordinaires, Pothier clans son Traité de la
prescription ~ nO 7, 011 il s'exprime eo Ct'S termes:
cc Ne penvent être snsceplibles cie prescription ..•..
» les cl1l'rnins publics, non-senlemelll les grands
)) chemins, qu'on appel\e viae militares 011 viae
) regiae ~ JHJis même les che Ill] ns de Ua verse
" qu'on appelle viae vicinalès. C'est pourquoi, si
" qnelfJn'nn s'était emparé d'un chemin puhlic,
» l'eût labonré et me l'eût ensuite vendu cOllllne
un terraio dont il se disait propriétaire; guoiqne
» je l'aie acquis de bonne fui dans l'opinion en Ja» quelle j'étais qne c,'était une chose qui lui appar» tenait, je ne peux en acquérir par celte prescrip-
ou
J)
�114
TRAITÉ
)) lion (de 1 0 ou 20 ans) le domaine de pro) priété.»
A la vérité ces expressions reconnus vicinaux
et maintenus comme tels ~ sembleraient f'xclure
du privilége de l'imprescriptibilité tous les autres
chemins, même publics.
Mais, d'une part, telle n'a pu être la portée de
botre article qui n'avait point à établir de règle générale par rapport à toutes les espèces de chemins;
et qui, par conséquent, n'a pi! vouluir modifier la
législation anté..jenre en ce qui concernait les chemins de traverse ou autres voies puhliques Je moindre importance.
D'un autre côté, il résulte évidemment 'de la
discussion à la chambre des pairs, et notamment
de'l'opinion de l'auteur de l'amendement, que, par
les termes ajoutés à la lui, un a voulu dire seulement que les chemins ne seraient imprescriptibles
que lorsqu'ils sDnt affectés à un servièe publiè, et
qu'autant que cette affectation continuerait, c'est-àdire qll'autanù:j:ne, par suite d'uo abandon complet
connue voies de communication, ils ne sel'aient
pas rentrés dans le domaine de pl'opriété privée des
communes. Voici, en effet, les paroles de M. Roy
qui, après avoir dit que les chemins vicinaux doivent être considérés sous deux rapports: celui du
sel'vice public auquel ils sont affectés, et celui de la
propriété; et après avoir énoncé que sous le premier il~ ne sont point dans le commerce, et par
conséquent sont imprescriptibles, tandis que sous
�DU DOMAINE PUBLIC.
)15
le second ils sont prescriptibles, ajoute: cc Il faut
~l donc admettre que les chemins vicinaux sont
l) imprescriptibles, lorsque, c1nssés comme che)} mins vicinaux, ils sont affectés au service pu» blic. Mais s'ils devenaient inutiles, si la servitude
» à laquelle ils sont assujettis envers le public,
» cessait d'exister, et si l'autorité compétente les
» replaçait dans le domaine ordinaire des com)} munes, ils seraient, comme leurs autres biens,
)} susceptibles de prescription. n
M. le ministre, dans son instruction du 24 juin
1836, où il dit que les opinions étaient antrefois
divisées sur la question de savoir si les chemins
des communes jouissaient, de même que le's rivières navigables et les grandes routes, du privilège de l'imprescri ptibilité, a donc tort d'ajouter:
cc que, d'après l'article 10, qni désormais fait ces» sel' toute incertitude; les chemins vicinaux rel) connus et
mainten·us comme tels jouisseut
» SEULS de l'avantage de l'imprescriptibilité. »
La loi du. 21 mai n'a pas entendu créer uu
privilège pour les chemins vicinaux en les mettant en dehors du droit commun; elle a voulu
seulement leur appliquer d'une manière positive un principe général qu'à tort l'on avait regardé
comme contestable au moment de la discussion
de l'art. 10; loin que la règle des inclusions soit
ici applicable, on doit dire que la disposition qui,
nous occupe ne fait que confirmer le principe générai désormais consacré par un texte formel.
�116
TRAITÉ
La doctrine oe l'illlprescriptihilité des chp.mins
publics c1ass'~s 0\1 non, enseignée pal' MM. Proudhon, Traité du domain'e public, nO 6 J I ;
Troplong, Traité de la prescription, tom. 1 er ,
nO 163, et Cotelle, Cours de droit administratif,
tom. 3, pag. 362, 2 e édit. , a été admise implicitenlent par un arr'èt de la Cour de cassation du 13
février 1l:h3. {Sirey, 28-1-253).
Cette solution rend inutile l'examen de la question
longnement traitée par M. Garnier (supplément à
la
4e édition
du Traité des chemins,J p.
46) ,
de savoir si la déclaration de vicinalité a un effet
rétl'Oactif quant à la prescription, 0\1 si elle opère
seulement ex nunc; llu moment que nous adlIlettons l'imprescriptibilité de toutes les voies publiques, la difficulté ne pent pins en effet se présenter.
2° L'imprescriptibilité s'éterin non-seulement au
chemin en lui-même, mais encore ri sa larg?ur et
à ses fossés qui en sont un accessoire et CIui dépèndent aU,ssi du JOlllaine public lIl11nicipal. Toutefois pour qu'il y aitliell à l'application ne ce principe, il faut que la commune pl'Ouve flue le tel'l'ain
usurpé faisait partie intégrante du chemin, comme
fossé, comme berge ou autrement; car il serait
possible qne, bien que communal, il ne fùt pas
affecté an passage du pnhlic et eùt été vain et
vague. Dans ce dernier cas; celte partie deviendrait prescriptible, ct comme l'a jugé la Cour de
Douai, pal' arrèt du 25 févl'ier l~h~ (Dal!oz~ t. 28,
�11'1
DU DOMAI1'i'E PUBLIC.
2e
part.) p. 61), on sortii'ait de l'article 2226 du
Code civil, pour rentrer dans l'article 2227. En cas
de doute et à défaut de titres, ce sera la possession
qui devra servir de hase à la décision. (111": Troplq'!'g) de la prescription) t. 1; nOS 158 à 161.)
510. RC6tent à examiner maintenant les questions sur lesquelles la loi ne s'explique pas d'une
manière formelle.
Et d'abord, pour qu'un chemin puisse redevenir
prescriptible, faut-il qu'il ait été déclassé et en quelque sorte remis dans le commerce par un acte ex.près de l'autorité administrative? Nous ne le pensons pas, avec MM. Proudhon (Traité du domaine publ.) nOs 217 et suiv.) , Garniel' (Suppl.
au Traité des chemins) p. 52), et Troplong
(Prescript.) nO 163), et contre l'opinion de Pothier (TI'. de ta prescript... nO 7), et de MM.
Isambert (TI'. de la voirie) nO 314) et CatcHe
(Cours de droit administratif~ 2 e édit.) tom. 3,
pag. 364, où l'auteur exige le rem·placement du
chemin par un autre);
L'imprescriptibilité n'ayant 'été décrétée qu'à
raison de l'usage public, elle doit cesser lorsque
dans le fait, l'usage n'existe plus et que le chemitl
est rentré daus le domaine communal simple et a
repris la forme et la destination d'un héritage privé.
e< Quand le public se retire définitivement d'une
» chose, dit M. Troplong, cette chose cesse d'être
) publique; elle perd tacitemeritsa destination,
» elle n'est plus hors du commerce. Vous dcmanTOM. II.
8
�118
TRAITÉ
dez un arrê.lé de déclassement; mais qüi.sait s'il'
>J n'a pas été rendu et si dans la sUite des années
') il ne s'est pas perdu? Un abandon longtemps
,) souten n le fait su pposei-..... Un terrain qui a
') perdu de fait son c.aractère de chemin, qui pro':'
» duit des herbes pour la pâture, qui peut-être
)) est loué par la commune à son fermier pour en
» récolter ~les fruils, doit-il être appelé une chose
» qui n'est pas dans le commerce, quand même il
>J n'y aurait pas un arrêté de déclassement? En
;» toute chose, j'aime la vérité et les fictions me
)) pèsent. Je ne les adopte que quand elles sont.
» clairement établies par la loi, et je les repousse
>J sans hésitér,
lorsqu'elles sont équivoques et
>J lorsqu'elles tendent surtout à froisser les intérêts
» privés, en mettant Une sorte de main-mise et de
>J séquestre sur le commerce des immeubles. ))
Les explications données à la chambre des pairs,
notamment par M. le comte Roy, viennent appuyer cette opinion; exposant-les divers cas dans
lesquels les chemins deviennent prescriptibles, il
dit que c'est lorsqu'ils sont inutiles, que la servitude envers le public cesse d'exister, et qu'ils sont
déclassés; circonstances dont évidem men t il n'entendait pas exiger le cnmnl; l.a conjonctive et étant
ièi e~ployée , comme il arrive assez fréquemment,
pour la disjonctive ou. An surplus ce qui doit lever
tous les doutes' soal: -les mots Je notre article: et
maintenus comme tels (comme vicinaux), qui
i11l1iquent clairement que lorsqu'un chemin n'est
»
�DU DOMAL.'Œ PtmLlC.
119
plus maintenu, c'est-à·dire entretenu et l'éparé pal'
la commune, et fréquen té par le pli blic, il ne jouit
plus du privilége de l'imprescriptibilité; le terme
maintenu est plus étendu qùe celui de non déclassé; il est exclusifde l'idée de l'abandon de fiât
par le non-usàge, allssi bien que de l'abandon de
droit par le déclassement exprès.
Mais pour que le non-usage fasse perdre à un
chemin son caractère public et le rende susceptible
de prescription, quelles conditions sont eXIgées, et
pendant combien Je temps faut-il que ce non-usage
ait duré P Il faut des actes possessoires hien expressifs, surtout lorsque, sa ns con tester l'existence du
chemin, les riverains n'invoqueront la prescription que pour conserver une partie de son ancienne
largeul'. Il faudl'a une jouissance exclusive résnl;
·tant soit de constructions, soit de plantations, soit
d'actes de culture bien évidents et qui aient mis mi
obstacle réel à l'usage du public.
Il faudra aussi que celle possession exclusive se
soit continuée pendant un temps assez long. Ce
temps ne doit pas être, ainsi que nous le verrons
tout-a-l'he·ure, précisémen t de 30 années, parce
que, pour la question qui nous occupe; le défaut
d'usage de la part du public ne doit pas encore êtl'e
considéré comme une possession au profit de celu~
qui iuvoqùe la prescription, mais simplement
comme une présomption de renonciation de la
part du public. cc Dans la prescription, dit M. Tro» plong, les années sont comptées; c'est dix,
�120
TRAITÉ
vingt, trente. Quand on a fait la preuve du temps
~~ requis pour prescrire, le juge est lié; il Y a pré» somption juris et de jure de propriété. Il faut
~~ qu'il l'adjuge alo'rs même qu'il serait convaincu
» qu'il y a usurpation; mais ici c'est 'à titre de
» simple présolnption qne nous tenons compte des'
» années. Nous voulons savoir d'elles par une règle
» de logique ct non par une règle de droit, .si elles
:» font supposer une renonciation de la part du
» public. ~) Ai nsi; 'ce sera au j nge à recon naître
et à fixer le temps après lequel on devra raisonnablement penser que le public a abandonné un cheJilin ou une partie de sa' largeur. Il ne sera pas riécessaire d'avoir une possession soit immémoriale,
soit de deux générations, corn me l'exigen t des aùteurs; quelquefois aussi le laps de trente ans pourra
ne point paraître suffisant. Les tribunaux pourront
tantôt se contenter de vingt ans, tantôt en exiger
quarante, cinquante et même ce'tlt,
L'abandon du chemin par le public ~tant une
fois constant, il 'Y aura accomplissement d'une
des conditions exigées pour prescrire; mais il n'y
aura pas encore prèscription au profit d'un particulier, laquelle ne peu t résulter que cl 'actes de
jouissance faits par lui ct continués pendant le
temps réglé par la loi. Il doit y avoir ici deux:
choses très-distinctes, l'abandon du chemin par
le public et que -l'on induit du simple' non-usage
pendant un temps pIns ou moins long, lors mêmf)
que personne n'en aurait eu la possession; et
»
�DU DOMAIjSE PUBLIC.
121
ensuite, l'occupation et la jouissauce de ce chemin
par un particulier pendant le temps voulu par la
loi.
Ces deux périodes ne pourront courir simultauément, comme le prétendent MM. Vazeille et
Garnier. « La prescription du possesseur, dit
» M. Troplong, ne peut commencer que lorsque
» le chemin a perdu. son' caractère de c,hose pu- ,
" bliqne; taIlt .que ce caractère n'est pas effacé,
). la prescription est impossible. Si la possessiol1
» du particulier a commencé à une époque où.,
). d'après la vraisemblance, le chemin avait cessé
» d'èlre hors du commerce, ses trente ans le'
» coud,iiront droit à la propriété; mais s'il a pos» séJé à une époque à laquelle l'abdication n'était'
» rien moins que certaine, il faudra retrancher de
» la possession tout le temps nécessaire pour que
» le caractère .de chose publique s'oblitère et
» disparaisse. Le point de départ commencera seu» lement quand la chose aura perdu son privilége,
» et c'est trente ans après ce moment initial, que
» la p,'escription sera seulement accomplie. On
~) voit d'après ces observations que dans la plupart
» des cas, il faut beaucoup plus qu'une possession
» trentenaire pour pouvoir se dire propriétaire
» d'un chemin vicinal qu'on enclave dans son hé» rit<lge et que l'on cultive comme une de ses
» dépendances. Voilà pourquoi ceux qui exigent
» une possession très:longue, cinquante ans par
» exemple, ou. même une 'possession immémoriale,
�122
:»
TRAITÉ
se rapprochent beaucoup plus de la vérité que
» leurs ad,versai. es. »
511. L'impreseriptibil,ité des chemins, tant
qu'ils resten t publics, ne s'étend pas seulement
à leur sol mème, à leur largenr et à leurs accessoires, corn me fossés et berges : eUe est aussi un
obstacle à ce que les voisins y (lcquierent des servitudes aulres que celles auxquelles ils sont naturellemen l sn jets , tels q IJe les d rOlts de vue et de
passage, l'écoulement des eaux rhJVÏalf>s tombant
des toits ou provenant des hérilages vuisins.
Ainsi la prescription serait vainement invoquée
par celui qui prétendrait avoir droit d'y envoyer
des eanx nalurdJes qlle la penle originair'e,du terrain n'y dirigerait pas ou des eaux ulénageres 'snsceptihlesde les dégl adt'r et de nuire à la circulation.
Elle ne sel'ait pas pIns efficace pour le maintien
d'aqueducs, de caves ou de substruclions qu'y posséderaient des voisins: curent autem aediles ut
nuflus effodiat vi(ls.. neque su6ruat .. neque
cons/ruat in viis aliquid. (L. 1, S 2, ff. de vitî
pubLictî .. lib. 43, - tit. 10. )
Il en serait enfin de même par rapport aux
const.ructions t'n forme soit de saillie ou d'en.corbt'lleOlent, soit de pont ou de galerie transversale, établies au-dessns de leur sol; bien
que ces ouvragt's, par lenr élévation, ne nuisent pas actuellement au passage, ils n'en constituent pas moins une ·véritable anticipation
sur le fonds du domaine public qui, aux termes
�DU DOMAINE PUlILIC.
123
ùe l'art. 552 du Cod. civ., se compose uon-seulement du sol superficiel et de tout ce qui est au-dessons, mais aussi de tout l'espace vide qui est
au-dessus: in opere novo ~ dit la loi 21, S 2,
ff. quod vi aut clam (lib. 40, tit. 24) non tam
soli quam eœLi mensura facienda est; cet espace ne peut pas plus être couvert par des constructions particulières suspendues que le sol même
ne pourrait être oCdupé par des ouvrages qni y
seraient infixés ou y auraient lenrs fondations,
quia eœLum .quod suprà id solum intercidit
liberum esse debet. (L. l , ff. de servituti6.
praediorum urban.~ lib. 8, tit. 2.)
En un mot les chemins étant hors du commerce,
ils ne peuvent être grevés d'aucunes servitudes
contraires à leur usage habituel. (Loi 2, S 26,27et44, ff. nequid in Loc. pub -Ardt de La Cour
de eass.~ du 15fevrier 1828; Dafloz~ 2'6-1-129;
Journal du Palais~ dh8, 2-365; M. TropLong~
nOs 14 0 ,156,163 et 165.)
512. La prescription, par rapport aux chemins
vicinaux, peut être en visagée sous un double p'oint
de vue, COlllme moyen ùe les perdre ou comme
moyen de les acquérir. L'article qui nous occupe
n'a trait qu'à la 'première hypothèse, en posant le
principe de l'illlprescriplibilité, et en établissant
ainsi une dérogation au droit commnn. Quant à la
seconde, concernant l'acquisition, il Y est statué
par l'article 18 ci-après, qni apporte aussi une
modification à la loi commune.
�TRAITÉ
Ainsi, relativement à la prescription, les chemins vicinaux jouissent d'un double priviJége:
d'une part l'action en inJemnité, relativement anx
terrains et aux matériaux qui ont servi à Jeur
confection et à Jeur entretien, s'éteint par un laps
de temps beaucoup plus court que celui exigé pour
.
d e ce genre, et d' un autre cote
1es autres actIODs
leur sol et leurs accessoires ne peuvent se perore
par le non-usage et même pAr la possession qu'en
aUl'aient eue des tiers pend·ant des siècles, pourvu
que ]e caractère de voie publique n'ait pas été
compl~tement effacé.
A
,
ARTICLE XI.
513. cc Le préfet pourra nommer des agents» voyers. Let,r traiteD;1ent sera fixé par le conseil
» général. Ce tt~aitement sera prélevé sur les fonds
» affectés aux travaux. Les a~ents-voyers prêteront
~, serment. Ils auront Je droit de constater les con» traventions et délits, et d'en dresser des procès,) verbaux. '?
Cette institution est nouvelle en ce sens qu'eIJe
ne résultait d'aucune loi antérieure Ca), quoique
Ca) Chez les Romains il existait des fonctionnaires ou agents
chargés soit de contraindre les voisins de la route sur lesquels
pesait la charge de la réparer, à remplir leurs obligations,
soit et par une su.ite nécessaire de diriger et de surveiller les
�DU DOMAINE PUBLIC.
125
dans beaucou p de déparlemenls les préfels eussent
créé des agents chargés de la surveillance des chemin~ vicinaux, mais qui n'avaient qu'un droit
travaux: si quis fuerit electus, porte la L. 18, § 15, fT. de
mun. et honor.• lib. 50, tit. 4, ut compel/at eos quiprope 'Viam
publicam possident, sternere 'Viam, personale mllnus est. Ces
·fonctions étaient bonorables. Les perspnnes les plus élevées en
dignité de la République et de l'Empire, se faisaient gloire
de construire, de réparer et d'.entretenir les voies publi'l,ues,
les ponts et les aqueducs, et regardaient ces soins comme des
devoirs essentieh de leurs places (Pline, ép. v, 15). Auguste
fut décoré de la dignité de préfet des grands chemins de l'empire; il se chargea lui-même de l'administration des routes
voisines de Rome 'et préposa deux personnes de rang prétorien
pour faire paver les voies romaines; ils étaient suivis chacun
de deux licteurs·(Diod., liv. 8). Agrippa, son gendre, construisit
avpc succès et promptitude les grands chemins des Gaules qui
s'étendaicnt des Alpes à l'Océan et aux Pyrénées, et dont, après
tant de siècles, on retrouve encore des parties parfaitement
conservées entre ChnIon, Dijon, Langres, Toul, Metz, Rcims ,
Strasbourg, Trèves, Mayence, etc.
C'est à un systême analogue de haute direction et de surveillance éclairée et incessante que des pays voisins de la France
doivent, en grande partie, l'excellent état dans lequel se
trouvent leurs voies de communication. En Angleterre, chaque
paroisse nomme tous les ans un ou plusieurs surveillants (surreyors) chargés de tout ce qui concerne les chemins communaux et vicinaux; en Suissc, les propriétaires les plus riches
se font un point d'honneur de remplir avec un zèle digne
d'éloge les fouctions de voyer gratuit dans chaque village. Ces
espèces d'inspecteurs s'efforcent de rendre Ics chemins dont la
direction .leur est confiée, plus parfaits que ceuX de leurs
�12û
TRiUT~
d'inspection et de direction des ouvrages, sans
pou'voir dresser de procès-verbaux.
Aujourd'hui la loi organise et éten& à toute la
France l'étab)issemeI)~ de ces agents, quoique par
ses termes elle semble ne pas imposer aux préfets
collègues. Il s?établit ainsi une heureuse émulation qui tourne
au profit de tous, et qu'il serait utile de faire naître dans
1I0S campagnes.
C'est pour y parvenir qll:ayant la promulgation de la loi
nouvelle, plusieurs préfets (notamment celui de la.Côte-d'Or,
par nrrêté du 20 mai 1825, art. 10) avaient créé dans chaque
canton de leur département· une commission d'inspection corn·
:posée des principanx propriétaires, habitants ou forains les
plw, intéressés au rétalllissement et au bon entretien des voies
.. de communication; ces commissaires qui ~taient chargés de
visiter .un certain nombre de che{nil}s, d'indiquer les travaux
il y faire, d'en surveiller l'exécution et de donner de l'enselllbfe
aux réparations, adressaient périodiquement à la préfecture des
rapports ct avis détaillés SUI,' les divers objets de leur mission.
Rien ne s'opposerait aujourd'hui il ce qu'on rétablît et qu'on
générali,;ât de semblables institutions qui nous paraitraient
d'une grande utilité; en effet, il défaut d'administrations cantonnaies q\li remplaceraient avec beaucoup d'avantages nos
administrations conullunalcs rurales trop nombreuses et toujours dominées par un esprit étroit de localité, il serait au
moins nécessaire de centraliser, autant que possible, par
canton, le pouvoir chargé de la surveillance et de la direction
des chemins vicinaux; si on l'abilndonne aux seules autorités
locales, mille circonstances en p.aralyseront l'ac\ion ou en
.anéantiront l'influence; comme le disait le président du conseil
à la séance de la chambre des pairs, du 29 avril 1836: « La
-ll vie communale est presque l'inertie de la mort.
".
�DU
DmIA~E
PUBLIC.
127
l'obligation d'en nommer partout. Il résulte de la
discussion des chamhrel! qu'en. disant: Le préfét
pourra, on a eu principalement en vue d;e lui laisser
la plus grande latitude dans le choix, et particulièrement Je lu~ permettre d'employe~ les ingénieurs
et les conducteurs des ponts et chaussées tontes
les fois qu'ils poulTont cumuler ce service avec
celui Jont ils sont déji\ cha . .gés.
Dans le p1'Ojet de loi amendé par la commission,
notre article 'qui formait le second paragraphe de
l'article 9' se trouvait ainsi sous la rubl'iqne des
chemins vicinaux de grande communication, et
par conséquent n'étai, point applicahle aux chemins
vicinaux ord~nail'es. En isolant cette disposition et
en la plaçant parmi celles générales, on a voulu
autoriser la çréation d'agents-voyers dans toutes
les commu'nes où le besoin s'en ferait sentir et où
les fonds affectés aux travaux seraient suffisa nts
pour payer leur traitement. Dans ce cas, on pense
qne ce traitemen t sera fixé par le conseil municipal.
Si l'article parle seulement du conseil général,
c'est parce que le plus ordinaire~ent ces agents
servil'Ont à plusieurs communes, et parce <Ju'en.
déplaçant l'article après avoir arrêté sa Tédaction,
on n'a pas remarqué que sa disposition devait par
suite', être nécessairement modifiée.
514. La loi n'ayant fixé ni l'âge qne devront
avoir les agents-voyers, ni l'autorité devant laqndle ils prêteront serment, on pense que la
majorité de 21 ans, celle qui rend l'homme capable.
�128
~
TRAITÉ
de faire les actes de la vie civilp, sera suffisante,
et que le serment devra être prêté devant le préfet
chargé, par la loi du 29 floréal an x, de recevoi-:
celui des agents ayant qualité pour constater les
contraventions en matière de grande voirie, et 'lui)
à un ~utre titre, ne l'auraient pas déjà prêté en
justice.
C'est le droit de constater les délits et contra~
ventions et d'en dresser des procès-verbaux, qui
constitue la principale différellce entre les 1;IOJ.lveaux agcntll-voyers et ceux qu'antérieurement, des
préfets avaient nommés dans quelques départements, mais auxquels n'appartenait point la faculté de verbaliser, que la loi peu t seule confél'er.
515. Rien ne devant être suppléé en fait de
formalités et d'attribution de pouvoirs, il. faut dire
dans le silence de la loi: .
1° Que le.s procès-verbaux dressé.s par ces agents
sont dispensés de la formalité de l'affirmation exigée, par le décret du d~ août l~ho, des fonctionnaires chargés de constater les contraventions de
grande voirie, et que le défaut d'enregistrement
,de cel' procès-verbaux dans un 'certain délai, n'aura
aucune influence sUl'leur validité;
2,0 Que ces procès-verbaux ne feront foi que jusqu'à preuve du contraire, comme ceux des gardes
.champêtres, cotilmissaires de police, etc., et par
r,
consequent pounont etre cl'b
e attlls, CO\1lOl'l1lement
à l'article 1!>4 du Code d'instr\!ction criminelle,
par les preuves et témoignages que les con trevc,
A
�DU DOMAINE PUBLIC.
129
l'iants'proposeront. Sous ce poin t de vue, les agentsvoyers sont ass'Ïmilésaux conducteurs des ponts et
chaussées, dont les rapports ne font foi que jusqu'à
preuve contraire, ainsi que l'a reconnu le conseil
d'état par un arrêt du 21, mars IS34, 'et par un
!)ltls récent du 19 janvier 1836, qui a décidé
en outre qu'un seul gendarme pouvait valablemcl?t
constater un délit de voirie.
Les agents-voyers n'auront pas exclusivement le
droit de verbaliser; ils l'cxerceron t concurremmen t
avec les ma~res, adjoints, gardes champêtres, gendal'lnes et autres officiers auxiliail'es de police qui
l'avaient précédemment et auxquels la loi ne l'a
point retiré.
516. Dans une bl'ochme que M. Mathieu de
Dombasle a publiée en 1835 sur les chemins vicinaux, il avance, page 30, qu'il n'existe qu'une
seule combinaison d' Otl l'on puisse espérer nne
bonne direcLÏon des travaux; c'est celle qui placerait un ingénieur à la tête de toute la vicinalité
d'un dépal'lem'el1t. Nous partageons 'entièrerrient
son avis. Nommé par le préfet et placé immédiatement sous sa direction, cet ingénieur aurait sous
ses ordres dans chaque arrondissement des inspec. teurs qui dirigeraient eux-mêmes· les agents-voyers
chargés de la surveilÎance des travaux. De cette
manière il y aurait uniformité et ensemble dans
les ouvrages; l'action se transmettrait avec rapidité
du premier degré de l'échelle jusqu'au dernier.
L'étendue des pouvoirs de tous serait parfaitement
�i30
TRAITÉ
limitée et définie; chaque agent u'aurait jamais à
obéir qu'à uu seul supérieur, principe fC.II1dalllental de tonte organisation administrative. L'inertie
des autorités municipales n'entraverait pas la
marche des agents-voyers qui, dans ceLte hypothèse, recevraient uniquement leur impulsion
des préfets. Sans cetLe organisation, on ne conçoit pas quelle
serait la position des agen ts- voyers par rapport
atn: autorités .municipales. Il serait aussi inconvenant de les donner pour chefs à ces autorités, que
désavantag-eux de les placer exclusivement sous
leur dépenqance.
On doit regretter qu'à côté de l'institution si
utile des agerits-voyet's, réclamée par les conseils
généraux et par le plus ~ralid nombre des préfets,
on ne trou ve pas colisacrée par la loi celle des canton niers qtli existe de fait dàns beaucoup de communes et q~i offre le moyen le plus sil1~ple et le
moins. dispel1dieux d'entretenir les chemins. L'expérience a demonfré que dans les cliemins comme
dans les bâtiments, une légère réparation faite à
propos prévenait des dégrada-tians bea UCOIl p plus
considérables, lesqnelles, après peu de temps,
entraînent laMruine totale de la chose.
Il est vrai, comme l'ensemble de la discussion
l'a fait connaître, que le législateur a été loin de
proscrire l'établissement des cantonniers et des
conducteurs de travaux. Le seul motif qui l'a empêché de s'expliquer d'une manière formelle à cet
�DU DOMAINE PUBLIC.
131
égard est l'insuffisance des moyens pécuniaires
dans plusieurs localités; mais toiljoursest-il q'\/Oil
eût mieux fait de le poser en principe, sauf à
laisser aux p,'éfets une très-grande latitude. Rien
ne s'opposera donc à ce que ces magistrats suppléent au silence de la loi par le réglement qu'ils
sont chargés de faire et qui doit s'étendre à tous
les détails de surveillance et de consei'vation des
chemins.
ARTICLE XII.
517. « Le maximum des centimes spéciaux
» qui pourront être votés parles conseils généraux ,
)) en vertu de la présen te loi, sera déterminé 311cc nllellemen t parla loi de finances. »
Cet anicle eût été beaucoup mieux placé dans la
section 2 et à la suite de l'article 8, dont il est le
complément. S'il se trouve au nombre des dispositions générales, c'~st parce que, dans le projet
adopté par la chambre des députés; il réglait aussi
le maximum des centimes à voter par les conseils
municipaux ou à imposer d'office. Celle dernière
partie a été retranchée par la chambre des pairs
comme inutile, à raison de ce que l'article 2 cidessus déterminant déjà le maximum que peuvent
imposer les conseils municipaux, il n'y avait plus
lieu de le faire régler annuellement par la loi de
finances •.
�132
TRAITÉ
ÀRTTCLE XIIi.
»
»
»,
»
»
»
518. cc Les propriétés de l'état; productives de
revenus, contribuerout aux dépenses des 'che!pins vicinaux, dans les mêmes proportions qlle
les propriétés pri vées, et d'a près un rôle 'spécial
dressé par le préfet.
)) Les propriétés de la Couronne contribuerolit
aux mêmes dépenses, conformément à l'article
13 de la loi du 2 mars Itl32..»
Les propriétés de j'état il'étant point souJ!lises à
l'impôt foncier, qui serait absolumènt illusoire
par rapport à elles, l~e figurent pas sur les rôles
généraux,. Il devait en être autrement en ce qui
concerne la contribution aux dépenses des chemins
vicinaux, lesquelles sont une charge spéciale des
communes. On a dû soumettre ces propriétês au
paiement proportionnel de ces dépcnsès comme
tous les aùtres fonds situés sur le territoire de la
commune; mâis comme elles ne sont pas comprises
au rôle général, il a fallu chal'ger le préfet d'en
dresser un spécial coùlre lequel les communes qui
se croiraient lésées auraient le recours dont nolis
avons padé plus haut, au conseil de préfecture,
el ensuite au conseil d'état. En ajoutant aux·mots
propriétés de l'état ceux productives de revenus,
on a exclu de la contribution les immeubles consact'és à des usages publics et qui, loin de produire
�133
DU DOMAINE PUBLIC,
des revenus, occasionnent de grandes dépenses:
tels que les casernes J les hôpitaux militaires, les
remparts des places de guerre, etc,
Quan t aux propriétés de la couronne, notre article s'est borné à s'en référer à la disposition de,
l'art. 13 de la loi du 2 mars 1832, qui déclare que:
cc ces propriélés ne seront pas soumises à l'impôt;
» qu'elles supporteront néanmoins toutes les char:» ges communales et départementales, et qu'afin
» de fixer leur portion contributive dans ces chat» ges, elles seront portées sur les rôles, et pour
» leurs revenus estimatifs, de la même manière que
» les propriétés privées. »
Il résuILe de cette assimilation et de ce que les
mots restrictifs, productives de revenus" ne se
réfèrent pas aux propriétés de la couronne, que
ces biens devront sans distinction, et d'après les
. bases déterminées pour les propriétés non productives des particuliers, contribuer aux dépenses des
chemins. Le domaine privé du roi devra à plus
forte raison participer à ces frais.
On pense aussi que la contribution devra pOl'ter
snI' les propriétés des communes, ce qui aura de
l'importance lorsqu'il s'agira de réparer uu chemin
de grande communication ou qui intéressera également des communes voisines.
Inutile d'ajouter que les contributions à fournir
par les propriétés de l'état et de la couronne sont
relatives aux centimes spéciaux votés non seuleJllent par le conseil municipal, en vertn de l'ill~~
TOM. II.
9
�13fi.
TRAITÉ
ticle 2, mais encore par le conseil général, conformément au second S de l'article 8. C'est ce qui
explique même pourquoi cet article a été mis au
nombre des dispositions générales~
Notre al,tic1e est conçu dans un sens très·différent de celui de l'art. 8 de la loi du 28 juillet 1821qui portait que: cc les propriétés de r état et de la
» couronne contribueront aux dépenses des che» mins communaux dans les proportions qui se» ront réglées par les préfets en conseil de préfec» ture. »Il y avait là un arbitraire, source de difficnltés nombreuses, que la nouvelle loi a voulu
avec raison faire disparahre; le préfet n'aura plus
de propol,tion à fixer; les rôles étant dressés, il n'y
aura plus qu'une opération de chiffl'e à faire. Si la
prestation est exigée en nature, les propriétés de
l'état et de la couronne n'auront rien à supporter;
seulèment les régisseurs, fermiers, etc. , y sèront
assujettis, mais ce sera personnellement comme
habiCant la commune.
ARTICLE XIV.
519. cc Toutes les fois qu'un chemin vicinal
» entretenu à l'état de viabilité par une commune
» sera habituellement ou temporairement d~gradé
» par des exploitations de mines, de carrières, de
» forêts, ou de toute entreprise industrielle appar» tenant à des parliculiers, à des établissements
>..? publics, à la couronne ou à l'état, il pourra y,
�DU DOMAINE PUIlLIC.
13'S
à inlposer aux entrepreneurs ou propriétaires, suivan t que l'exploitation ou les
» transports auront eu lieu pour les uns ou les
» autres, des subventions spéciales dont la quoti", té sera proportionnée à la dégradation extraor» dinaire qui devra être attribuée aux exploita» tions.
» Ces subventions pourront, au choix des suh» ventionnail'es, être' acquittées en argent ou en
» prestations en nature, et seront exclusivement
» affectées à ceux des chemins qui y auront don» né lieu.
Elles seront réglées annuellement, sur la
» demande des communes, par les conseils de
» préfecture, après des expertises contradictoires~.
:» et recouvrées comme en matière de contribu» tions directes.
» Les experts seront nommés suivant le mode
:» déterminé par l'art. 17 ci-après.
'" Ces subventions pounont allssi être détermi» nées par abonnement; elles seront réglées, dans·
» ce cas, par le préfet en conseil de préfecture. ) J ;
» avoir lieu
»
)i)
Cet article, don t le principe et les dispositions
ont donné lien à une très-vive discussion dev-ant la
chal1lhr~ des déplllés, doit être 1ep"is dans ses dif- ,
férentes pflrties et comparé avec l'article 7 de la loi
de d'b.4, qui statuait sllr le rnème objet.
Toutes le~' fois qu'un chemin vicinal.. ••
, L'ancienne 10i,(lisait seulement zm c!(.emùl" ce qui
�136
TlI.Arrn
s'appliquait à toute espèce de v~ies de communication, tandis qu'il faudra aujourd'hui que le chemin soit classé au nombre des chemins vicinaux,
les seuls qui doivent nécessairement être entretenus par les communes. Il y aura, il est vrai,
injustice si un chemin public, Lien entretenu;
quoique non classé, est dégradé par une exploitation; mais la commune pourra parer à cet inconvénient en faisant déclarer le chemin vicinal, ce
qui la mettra ensuite elle-même dans la nécessité
de l'entretenir. Au reste, la disposition s'applique
aussi bien aux chemins vicinanx ordiuaires qu'à
ceux de grande communication.
Entretenu à Pétat de viahilité. Cette condition
ebt nouvelle. Est-elle juste? et par cela seul qu'un
chemin quoique praticable n'est pas en bon état de
viabilité, y avait-il raison suffisante pour auioriser
0'11 éta'blissement industriel à le dégrader davantage
et même à le détruire complètement? Nous ne le
croyons pas. Le seul motif qui a pu déterminer
cette disposition est d'infliger une espèce de peine
aux communes qui négligeraient leurs chemins et
de les forcer par là à exécuter la loi.
Ce sera à la commune à prouver que son chemin était en état de viabilité, puisque ce n'est qu'à
cette condition que l' établissemen t iudustriel pourra
être tenu à une cuntribution.
Aussi, dans sa circulaire de 1836, page ~h, M. le
ministre de l'intérieur engage-t-il les maires à
faire procéder, contradictoirement avec les pro-
�DU DmlAINE PUBLIC.
137
lirlétaires ou entrep,·eneul's intéressés, à la recon~
naissance de l'état du chemin avant le commencement de l'exploitatiun, s'il s'agit d'une exploitation temporaire, ou au commencement de çhaque
année, s'il s'agit d'une exploitation permanente.
Voici dans quelle forme celte opération devra être
faite: ce Le mail'C de la commune, dit-il, devra inviter par écrit le propriétaire ou l'exploitant, selon
le cas, à se rendre tel jour sur tel chemin, pour,.
contradictuirement avec lui,. maire, reconnaître
l'état de viabilité de ce chemin. L'invitation du
maire devra être portée par Je garde champêtre,.
qui en tirera un reçu ou ùressera procès-verbal
de la remise. S'il s'agit de l'exploitation d'une forêt appartenant à l'état ou à la couronne, l'invitation du maire devra être adressée à l'agent fOH'stier
lGcal qui en réfèrera à son chef immédiat, s'il y a
lieu.
» Le maire et l'autre partie intéressée etant renùus sur les lieux, l'état du chemin sera reconnu,
et si les parties sont d'accord,. il en sera dressé un
procès-verbal en double, lequel sera dûment signé.
Cet acte sera la base d'es. droits de la commune
pour le réglement uhérieur des ind'emnité's qu'elle
pourra réclamer.
» Si dans' cette visite des lieux,. ainsi faite à
l'amiable, on ne pel1t tomber d'accord sur l'état
de viabilité du chemin, ou bien si la partie il1ltéressée, dûment convoquée par le maire, ainsi qu'il
a été dtt plus hauti ne sc rend pas à son invitation,
�138
TRMTt
il Y aura alors nécessité de faire constater l'état du
chemin au moyen d'nne expertise faite dans toutes
les formes légales. A cet effet, le maire rendra
comple au sous-préfet dn non-succès de ses premières démarches; le sous-préfet nommera un
expert, aux tt'rmesde l'art. 17; il invitera le propriétaire, ou l'exploitant, ou l'ofticierforeslier 10,cal, selon le cas, à nommer son ex pert, ·et il sera
procédé par les deux expens à la reconnaissance
con tradictoire de l'état des lieux. En cas de discord
· entre les ex perts, il en serait référé au préfet qui
provoquerait près du conseil de préfecture la no,mination d'un tiers-expert; il hlUt aussi prévoir le
·cas où la partie intéressée refuserait ou négligerait
d'oblempérer à l'invitation du sous.préfet de nom· mer son expert. Comme alors l'opération se trou·verait arrêtée, ce que la loi ne peut vouloir, il Y
aurait lieu, par le sous-préfet, de nommer le second expert, après que le refus ou la 'négligence
aurait été constaté. (Voy. cependant infrà, nO
522. )
» Dans toU& les cas, le rapport des experts éta'hlirait légalement l'ét.at du chemin et servirait de
·titre à la commune pour le régletnent de l'indemnité qu'clle réclamera.
» Il est inutile, sans doute, de dire qu'un chemiu qui n'aurait pas été légalement déclaré vicinal, ne donnerait pas ouverture à une indernniLé.
» J'ai dit plus haut que l'état de viabilité du
chemin devait, pour dODuer ouverture à la de-
�DU ,DOMAINE PUBLIC.
139
mande d'indemnité, être constaté par une reconnaissance faite il l'amiable, ou, en cas de difficulté,
par une expertise contradictoil'e. Le procès-verbal
de cetle première opération sera la base qui devra
servir aux experts qui auront il ét:lblir l'appréciation de la dégradation qu'il est juste d'attribuer à
l'exploitation. L'expertise dont il s'agit ici doit se
faire à )a fin de l'exploitation, si cette exploitation
est temporaire; elle doit se faire à la fin de l'année, si cette exploitation est habituelle. Comme
en toute autre matière, d'ailleurs, les rapports des
experts ne lient pas les conseils de préfecture; ils y
trouveront d'utiles indications, mais ils ne seront
pas tenns de les suivre. ~~
Quoique]a première expertise prescrite par M.le
mioistre soit très-utile, el que son absence puisse
donner lieu à des cootestation& qu'il est toujours
prudent d'éviter, nous ne pensons pas que son
omission crée uoe fin de non-recevoir et une déchéance absolues contre la commune qui, selon
nous, devrait être admise à faire preuve d'une autre
manière de l'état de via hilité de son chemin; les
déchéances en effet sont de droit étroit, il faut
qu'elles soient textuellement prononcées; or ièi,
loin que notre article en établisse une, il ne parle
p:lS même de cette première expertise. On ne doit
rien ajouter à laI loi ni rien exiger au-delà de ses
prescriptions. C'est également l'avisde M. Cotelle,
dans son Cours de droit administratifappliqué
aux travaux publics, 2 e édit., t. 3, p. 400, où
�140
TRAITÉ
il dit avoir fait juger le 5 août 1831, par le conseil .
d'état, dans l'affaire de la ville de Lyon c. Valence~ Minardière~ que les articles 30 et 46 de
la loi du 16 septembre 1H07' qui accordent une
indemnité de plus value sur les propriétés dont la
valeur a été angmentée parl'effetde grands travaux,
l1'en étaient pas moins applicables, quoiqu'il n'eût
point été dressé préalablement d'état des lieux. Il
pense que par analogie la même jurisprudence
doit être adoptée en matière de subventions pour
les chemins vicinaux.
Au reste, pour qu'une commune ait droit à la
subvention, il suffit qne son chemin soit entretenu
à l'éta t de viabilité, c'est-à-dire qu'il soit praticable
-et qu'il ne présente aucun danger pour les voitures;
il n'est pas nécessaire qu'il soit parfait; la loi a
voulu seulement qne les communes ne se déchargeassent pas sur les exploitations particulières de
l'obligation d'entrctenil'lcms chemins, mais elles
doivent être indemnisées de tout le préjudice
qu'elles éprouven t.
Par une commune.... ou par plusieurs lorsque
la voie est de grande communication ou sert à plusieurs communes. Si le chemin avait été préalablement réparé et mis en état par l'exploitation industrielle, celle·ci ne serait pas obligée de le réparer
s'il ne lui convenait plus de le faire. La commune
n'aurait pas lieu de se plaindre, puisqu'avant les
travaux fails par l'entreprise le chemin était déjà en.
mauvais état,
�141
Sera habituellement ou temporairement dégradé..... Comme le disait M. le comte Roy, à la
DU DOMAINE PUBLIC.
chambre des pairs: la subvention ne doit pas avoir
pour cause une dé~radatiou ordinaire telle qu'elle
est occasionnée par le temps ou par l'usage commun d'un chemin, mais une dégradation qui sortirait des proportions habituelles. Le mot extraordinaire que notre article présente quelques lignes
plus bas, et qui aurait été mieux placé au commencement, ne laisse aucun doute à cet égard. Il suffirait d'ailleurs de quelques tra nsports et d'un passage
pendant peu de temps, pour que la subvention pût
être exigée, puisque le mot temporairement est
mis en opposition avec le mot hahituellement;
mais alors il fandrait que le dommage et sa cause
fussent clairement établis, car il serait difficile de
le supposer en pareil cas. Pour hien entendre l'article, il est nécessaire de réunir les trois mots hahituellement ~ temporairement et extraordinaire> desquels il résulte qu'il y a lieu à indemnité
toutes les fois que les trausports occasionnés par
l'exploitation dégradent continuellement ou momentanément le chemin dans une proportion
heaucoup pIns forte que celle résultant de l'usage
qu'en font les autres habitants de la commune.
Pat des exploitations de mines> de carrières,
de for~ts ou de toute entreprise industrielle,
telle que fOl'ges, fourneaux:, moulins et autres
usines. La contribution ne doit pas être réglée eu
égard à l'imporlance de l'établissement industri~l
�142
TR.AITÉ
et aux revenus qu'il produit, mais uniquement à
l'usage qu'il faitdu chemin, c'est-à-dire au nombre
des transports et au chargement des voitures:
Il résulte de la discussion à la chambre des députés qu'une exploitation agricole, quelqu'étendue
qu'eUe soit, ne donnera lieu à aUCUl}e indemnité.
Le législateur a considéré en eff~t qu'e ces sortes
d'exploitations avaient acquitté leur dette par la
prestation en nature qui n'atteint pas la plupart
des autres entreprises.
Le transport de matériaux destinés à une construction considérable suffira-t-il pour motiver une
demande en subvention? - Pour la négative, on
peut dire qu'une construction, quelle qu'elle soit,
n'est point une entreprise industrielle dans le sens
ordinaire de ces expressions; néanmoins nous petlsons que l'indemnité sera due, parce qu'il y a identité de raison, et que la loi s'appliquant aux causes
d~ dégradation tem poraire, doit nécessairemen t
comprendre ce cas. M. Cotelle, dans son Cours
de droit administratif; p. 40 l, t. 3, 2 e édition,
n'adopte cette solution qu'autant que la construction aurait lieu de la part d'un spéculateur ou d'une
société qui ferait construire pour revendre 0\1 pour
louer les maisons; dans le cas d'un propriétaire qui
fait bâtir dans son intérêt personnel, il refuse toutè
subven tion.
Nolre article devrait évidemment s'appliquer à
uue entreprise de diligences ou voitures publiques
qui dégraderait un chemin vicinal.
�DU DOMAINE PUBLIC.
143
Appartenant à des particuliers, à des étahlissements pubLics, à la couronne oa à l'état.
Cette énumération ne se trouvait pas dans la loi de
1824. Les établissements publics, la couronne et
l'état sont avec raison mis sur la même ligne que
les particuliers: l'art. 13 les y place déjà ponr 14
contribution générale aux réparations ordinaires.
La loi ne parle pas dans notre article des exploitations ou entreprises industrielles appartenant aux
communes. Cette omission est sans im portance
lorsqu'il s'agit des chemins de la commune même;
mais elle en prend lorsqu'il est qucsllon de ceux
intéressant plusieurs communes ou de grande
communication; on pense qu'alors la commune
propriétaire devra nne indemnité: c'est ce q'li résulte de la réponse fait~ par Je rapporteur de la
commission de la chambredesdéputés à un membre
qui présentait la difficulté.
Les entrepreneurs ,de travaux publics, par
exemple, de la construction ou d-e l'entretien
d'une route royale, d'un canal, etc"., pellvent-ils
être contraints à payer une subvention pom les
dégradations par eux causées aux chemins vicinaux, par snite des transports pour l'exécution de
leur entreprise r
La négative avait été jugée par un arrêt du
conseil d'état du 24 avril 1867 (Sirey, 37-2-4 I l ),
pour une dégradation survenue sous l'empire ùe
la loi du 2S j nillet 1824, qui ne parlait pas de
l'état comme le fait l'art. 14 de la loi du 21 mai
�TRAITÉ
1836, d'où on avait induit que l'article 7 de la première de ces lois n'était pas applicable anx dommages cansés par l'exécution des travaux publics.
Malgré l'adjonction des mots que nous commentons, le conseil d'état n'en continue pas moins
à décider que les entrepreneurs de ces travaux sont
affranchis de toute subvention, parce que ce sont
des agents du gouvernement, et que leurs entreprises ne peuvent être considérées comme des ent\'(~prises industrielles. (Voyez les arrêts des 19 décembre 1838 et 7 mars 1839, Gueltey et Desro'ys~
c. commune d~ Authier.)
Il pourra y avoir lieu. Dans la rédaction proposée par la commission de la chambre des pairs,
on lisai,t : cc La suLvention ne pourra être exigée
>l qu'autant que la commune aura acquitté la por>l tion qui demeurera à sa charge. » Ces expressions qui eréaient une fin de non-recevoir au profit
du maître de l'entreprise, tant que la commune
n'aurait pas effectué la portion de travaux restant
à sa charge, on t été retranchées, ce qui décide que
l'obligation, pour les subventionnaires, d'acquitter
l'illllenlOiLé est indépendante de l'acquittement
préalable de la part de la commune.
Aux entrepreneurs ou propriétaires ~ suivant~ etc. Cette dernière explication manquait dans
Ja loi de 1824, et son absence avait donné lieu à
une question diversement jugée par le conseil d'ét.at, et qui était de savoir auquel de l'entrepreneur
ou du propriétaire on devait s'adresser. La loi oou-
�DU DOMAINE PUBLIC.
145
velle décide nettement que c'est à celui qui cause
personnellement la dégradation, et en cela elle fait
une stricte application de l'art. 13~b du Code civil.
Quand le propriétaire exploite lui-même, il doit la
subvention; mais quand il a vendu le produit de
ses forêts, mines ou carrières, ou amodié ses usines,
ce sont les acquéreurs ou fermiers qui y sont soumis, parce que leur exploitation est la cause de la
dégradation.
A cet. égard s'élève une question qui peut se
présenter fréquemment, surtout à l'égard des.
moulins. Assez généralement ceux qui exploitent
ces usines envoient chercher le g,'ain par leurs voitures dans les campagnes , à plusieurs lieues à la:
ronde. S'ils dégradent les chemins par ces transports, il n'y a pas de doute qu'ils ne soient soumis
à l'indemnité; mais en serait-il de même si pour
s'y soustraire, ou par tout autre motif, ils ne moulaient que le hlé qui leur serait amené par les prati'ques? Nous le pensons, parce que c'est toujours
ici l'usine qui est la cause de la dégradation, qui
retire l'avantage des transports de grains qui y sont
faits, et que ces transports ont lieu pour l'entrepreneur ou propriétaire de l'usine dans le sens de
la loi, quoiqu'effectués par des voitures qui ne
lui appartiennent pas ou qui ne transportent pas
hahituellement pour son compte.
De même, les maitres de forges, par exemple,
seront passibles de la subvention à raison du trans·
port du· minerai, du charbon ou du bois,· bien
�146
TlUlTÉ
que ces objets soien t transportés par dès cultivateurs qui ne sont point leurs domestiques, mais qui
ont fait avec eux des marchés à la iourné~, à la
mesure ou en bloc.
La question présentera plus de difficulré quand
le propriétaire d'une forêt ou d'une mine aura
vendu son bois 01\ son minerai à un maître de
forges. Aux termes de la lui, l'un et l'autre paraîtraient également tenus de ·la subvention, l'un à
raison du produit de sa propriété, et l'autre à rai·
son de l'exploitation de son usine.
Nous pensons que dans ce cas il faut examiner le
lieu de la livraison et pour le compte de qui se fait
l'exploitation. Si le propriétaire a vendu sa coupe
de bois ou le droit d'extraire le minerai à l'entrepreneur de l'usine, qui, par ses ouvriers et voitu..
riers, fait abattie le hois ou fait transporter le mi..
nerai , c'est ce dernier qui est tenu de l'indemnité.
Il en serait autrement si le propriétaire s'était en~
gagé à livrer le charbon ou le produit de la mine
dans les magasins de l'usine.
Ce que nons venons de dire de l'exploitant ne
doit avoil' lien que lorsqu'il s'agit d'un entrepreneur permanent ou d'lin fermier proprement dit;
car si la mine ou carriere, sans être exploitée directement par son propriétaire, était livrée à l'exploitation d'un grand nombre d'individus qlli viendraient y prendre successivement I1n c(~l'tain nombre de voitures de minerai ou de pierres, ce ne
seraient pas là des entrepreneurs auxquels la corn-.
�DU DOMAlNE PUllLIC.
147
roune serait forcée de s'adresser. Dans ce cas évi'demment, il n'y a pas exploitation régulière dans
le sens de la loi; il Y a vente par le propriétaire
d'une denrée qu'il permet d'enlever, et on doitconsidérer que c'est pour lui, à son profit et pour son
compte, que se font les transports.
De même, lorsqu'une forêt, quel qu'en soit le
propriétaire, est exploitée en un grand nombre de
lots par des adjudicataires différents, comme dans
le cas de vente en délail du pl'odnit d'une coupe,
ces exploitants ne peuvent être assimilés à des entrepreneurs. Obliger la commune à les ponrsuivre
au lieu de lui laisser le droit de s'adresser au propriétaire de la forêt, ce serait exposer cette commune à des démarches longues et difficiles, et
presque toujours à perdre l'indemnité qui lui revient.
Ceue interprétation adoptée par M. le ministre
de l'intérieur dans sa circulaire de lS36, pag. 85,
n'est', comme il le dit très-bien, que l'application
de ce principe de droit commun qui ne permet pas
,qu'on contraigne un créancier à souffrir contre
son gré la: substitution d'un tiers à son débiteur.
A l'appui il cite des ordonnances ~oyales rendues
en matiére contentieuse et dont la dernière est à
la date du 8 janvier 1836.
Subventions spéciales ~ c'est-à-dire indépendantesdes prestations en nature et des centimes additionnels auxquels les entrepreneurs ou propriétaires pourront être tenus comme habitants, pour
�.148
TRAITE
eux, leurs fermiers, régisseurs ou domestiques,
conformément à l'art. 3 ci-dessus.
Dont la quotité sera proportionnée., etc. Il
faudra rechercher la part pour laquelle l'exploitation enlre dans la dégradation; et si plusieurs exploitations occasionnaient le dommage,. il Y aurait
lieu à faire une ventilatiou entre les différents entrepreneurs ou propriétaires.
La quotité de la' subvention devra être proportionnée, non-seulement à la gravité de la dégradation, mais aussi à l'étendue de chemin qui aura
été dégradée. M. Gamier, dans la quatrième édition de son Traité deschemins,pag. 332" soutenait que l'indemnité n'était due qu'à la commune
dans laquelle la propriété ou l'établissement industriel était situé, et que les possesseurs ne pouvaient
être assujettis à un impôt pour la réparation des
chemins des autres communes qu'ils ne faisaient
que traverser. Cette opinion qui avait déjà été condamnée par le c@nseil d'état,. notamment les 8 janvier et 23 avril 1836, ne peut plus se soutenir aujourd'hui , ainsi que le reCODnaÎt le même auteur,
daus le Supplém,!nt à son Traité, p. SI. L'esprit
de la loi nouvelle est de généraliser autant que
possihle la charge de la dépense, de ne point la
restreindre à la commune sur le territoire de la.-quelle passe le chemin, mais au contraire de l'étendre à toutes les personnes qui en usent et
qui contribuent à le dégrader. L'habitant d'une
commune qui ne se servira presque jamais d'un
�149
DU DOMAINE PUBLIC.
chemin 'situé sur une autre commune, peut être
cependant ubligé à le réparer au moyen de prestations ou de centimes; à plus forte raison doit-il
en être d'e même à l'égard de ceux qui, par leur
propre fait, occasiOl1nent la dégradatiou.
Toüt en reconnaissant le droit à l'indemnité qui
appartient .mx communes dont les chemins peuvent être dégradés par une exploitation établie sur
unè aUtre cOlnmune, M. le ministre de l'intérieur
pose dans sa circulaire de 1836 ~ des principes qu'il
ne faudra jamais perdre de vue. cc Il y amait ex) tension excessive, dit.il, du principe de la loi et
) abus à prétendre 'suivre les exploitations dans
) toute l'étendue de la ligne que parcomen t leurs
) transports. A mesure que ces transports s'é) loignent du siège de l'exploitation, ils occa) sionnent des dégradations dont la proportion
) est toujours décroissante comparée aux autres
» causes de dégradation, et bientôt elles seraient
» impossibles à apprécier...... C'est ici une ques» tion d'équité, plus encore que de droit rigou» l'eux. »)
520. Ce.~ su-hfJentions pourront, étc. Les
deux dispositions de cet alinéa sont nouvelles. La
seconde; qui veüt que l'indemnité soit exclusive'ment affectée à ceuX. des chemins qui y amont
donné lieu est aussi claire qu'elle est juste au fond,
puisque, s'il en était autrement, les communes
pourraient faire réparer par les maîtres d'usines
.des chemins dont ceux-ci ne se serviraient pas,
'TOM. Il.
10
�150
TRAITÉ
en laissant dans un état Ile dégradation ceux qui
seraient utiles à ces chefs d'établissements et pour
lesquels ils auraient payé.
Quant à la premiere qui consacre un droit d'option en faveu!' des subventionnaires, pareil à celui
conféré par l'arlide 4 ci-dessus, elle donne lieu à
la question de savoir par qni la prestation en nature sera estimée.
Le para~raphe suivant dit bien d'une maniere
générale que la subvention sera réglée par les conseils de préfecture, mais en ajoutant aussitôt
qu'elle sera recouvrée comme en matière de contributions; ce qui prouve qu'il n'a eu en vue qne
la fixation de la valeur de l'i ndemnité et non celle
du prix de la prestation; d'ailleurs l'option pouvant
n'être manifestée qu'après la condamnation et au
moment de l'acquittement, bn ne doit pas supposer qne la loi ail voulu charger le conseil de préfecture de s'occuper une seconde fois de l'affaire
en réglaot cet incident. Il faut donc recourir à
l'article 4 ti-dessus, et dire que la valeur attribuée
annnellement par le conseil général à la prestation
en nature servira de base pour. la conversion en
sens inverse que nécessite notre article; que si le
snbventionnail'e n'a pas opté dans les délais prescrits, le mon tan t de la sn bven tion sera de droit
exigible en argent, et que seulement l'indemnité
pourra être convertie en tâches, si la commune le
juge convenable, sans que le maître de l'exploitation ou de l'usine ait droit d'exiger la conversion.
�DU DOMAINE PUBLIC.
151
521. Elles seront réglées annuellement. Ce
dernier mot a été ajouté à la nouvelle loi snI' l'observation fajte que, contrairemen taux décisions
du conseil d'état, certains conseils de préfecture
imposaient· pour plusieurs années successives les
pl'Opriétaires d'usines ou de forêts; ce IJui dégénérait e'ù une espèce d'abonnement forcé qui devait être proscrit par le double motif que portalit
sur des éventualités, il ne pouvait être l;églé d'une
manière juste, et que la loi chargeant le préfet
seulement en conseil de préfecture, de conclure
des abonnements amiables; il ne fallait p~s donner
au conseil de préfecture, jugeant comme tribunal,
le droit d'en imposer lui-même de son autorité.
Sur la demande des communes. D'après ce
qui a été dit plus haut, l'aetion appartiendra à
toutes les communes dont les chemim. se trouveront dégradés, même à d'autres que celles de la
situation de l'établissement. Elle sera exercée pai'
les maires lorsqu'il s' a~i.ra de chemins ordinaires,
et par le préfet lorsque les dégradations auront été
commises sur un chemin vicinal de grande communication. Comme ce fonctionnaire devient alors
partie dans l'instance, il devra s'abstenir de prendre
pan aux délibérations du conseil de préfecture en
sa qualité de président de ce tribunal,. Il serait _à
désirer que par rapport à toute espèce dé chePlins,
l'action mt attribuée aux préfets dans le cas de
silence trop ordinaire des communes. L'article 14
aurait dù leur conférer à cet égard un droit ana-
�152
TRAITE
logue à celui résultant de l'article b. Il est Vl'UI
qu'eu vertu de l'article 15 de la loi du IH juillet
1837, le préfet pourra, en cas de négligence du
maire à former la demande', et après l'en avoir reqnis, réclamer, dans l'inthèt de la commune, la.
subvention à l'établissement indnstriel.
Par les conseils de préfecture. Il s'agit ici
non pins d'une simple affaire d'administration;
mais d'un vùitable litige qtli rentre alors nécessaireill:ent dans les attributions du cunseil de préfecture
d'out les fonctions ne sont pas d'admiùistrer, mais
de juger. Nous verrons -plus bas que les abonne...
meuts sont réglés par Je préfet ell conseil de préfectui'e; ce qui est très-différent, puisqu'alors le
conseil ne juge pas, mais donne un simple avis
que le p'réfet peut suivre ou non, taudis que quand
une affaire est soumise directement à ce conseil ~
le préfet, s'il y siège, n'est qu'un juge et n'a que
sa voix comme nn simple conseiller.
Après des expertises contradictoires. Ces
expressions s'appliquent à la deuxième expertise
qui doit être faite soit â la fin de l'exploitation si
cette exploitation est tempot'aire, soit à la fin de
l'année si l'exploitation est habituelle; sa comparaison avec la première expertise sert de base à. la
fixation de l'indemnité. On voit que l'on doit
procéder ici comme dans le cas prévu par le nO 4
de l'art. 2103 du Code civil, pour J'étahlissement
du privilége des architectes, entrepreneurs et autres
ouvriers, sur la vale!:!r des travaux par eux exé-
�DU DOMAINE PUBLICo
153
entés, avec celte différence cependa nt, signalée
ci-dessns, nO !JI9' que le défaut d'expertise préa~
lahle n'entraînerait pas de déchéance contre ]a
commune.
Est recouvrée comme en matièrE; de contri..
butions directes, c'est-à-dire au moyen d'une
contrainte décernée par le percepteur etOrendne
exécutoire par le préfet.
Cette assimilation entre -l.es subventions et les
contributions directf's s'étend-elle au privifége que
la loi du J 2 novembt.:e 1808 confère au tl;ésor
pour le recouvremen t de ces dernières?
Ponr l'affirmative 00 peut dire que le privilége
n'étant qu'nn moyen plus facile et plus certain de
recouvrement, il se trouve accordé_ par Les expressions générales et sans restriction de notTe article;
le recouvrement ne s'opérerait pas, en effet, de la
même manière si l'on n'avait pas les mêmes voies
d'exécution et si 1.'0\1_ ne primait pas les autres
créanciers.
Néanmoins nous pellsOllS que la commune n'aura
point de privilége, parce que: 1 ° les priviléges sont
de droit étroit et ne peuvent être établis par analogie; 2° la loi du 12 llovembre ülo8 est, comme
son titre et plusieurs de ses dispositions l'annoncent, uniquement portée en faveur du trésor
public et non des commnnes; 3° le mode de
recouvrement ne pent s'entendre que de la procédure à suivre, c'est-à-dire de la forme ct non des
droits de priorité.
�154.
TRAITÉ
Cette solution doit s'appliquer non-seulement
aux subventions pour dégradations, mais encore
aux prestations établies par l'art. 2 ci.dessus;
en cOQséquence elle aUl'ait pu ~tre placée aussi
sous le nO 493.
522. Les experts seront nommés szû",ant le
mode déterminé par l'art. 17 ci-après. Aux
termes de cet article, les experts doiven t être
choisis: l'nn par le sous-préfet, et dans les arrondissements où il n'yen a pas, par le préfet, et
l'autre par le propriétaire; en cas de discord, le
tiers ·expert est désigné par le conseil de préfecture.
Qu'arriverait-il si la partie intéressée refusait ou
négligeait d'obtempérer à l'invitation du sons-préfet
de nommer son expert?
Dans le parag,'aphe ci-d.essus rapporté nO 519,
de sa circulaire de 1836, M.le ministre de l'intérieur dit cc qne comme la loi J;]e peut vouloir que
)' l'opération soit empêchée par le fait d'une des
» parties, il Y aurait lieu, par le sons-préfet, de
JJ nommer le second expert après que le refus ou
» la négligence aurait été constaté. »
Tout en partageànt l'avis de M. le ministre sur
la manière de lever la difficulté, nous ne pensons
pas que la nomination de l'expert de la partie refusante doive être faite par le sous-préfet qui en
nomme déjà un dans l'intérêt de la commune.
Nous croyons q e la désigna tion doi t alors être
faile d'office par le conseil de préfecture ch,argé de
nommer le tiers- ex pert en cas de discord. On doit
�DU DOMAINE PUBLIC.
155
suivre par analogie la marche tracée par l'article 55
du Code de commerce.
Deux arrêts du conseil d'état des 23 août 1836
. et 14 février 11)39 (Sirey, 37-2.61 et 39-2-503),
décident que les experts et tiers.experts doivent,
avant de procéder, prêter serment à peine de nullité.
523. Les subventions pourront aussi hre
déterminées par abonnement. C'est alors un
con trat pllremen t volon taire, dans lequel le préfet,
après avoir pris l'avis du conseil ùe préfecture,
agit comme tuteur ùe la commune et en son nom.
A la différeI1ce de l'indemnité fixée par le conseil
de préfecLure après expertise et qui ne doit être
, l'ee que ponr une annee,
, l' abonnement peut
reg
être consenli pour plusieurs années et même en
bloc ct à forfait pour une' opéraliop dét~rminée,
. n ,est
comme pour l a coupe (l' une fi'
oret. L' expertIse
point indispeilsahle; le préfet pourra éclairer sa
religion par tous les mo)'ens qu'il jugera convenables, tels que visiles des lieux, rapports d'agentsvoyel:s, expel tises faites pour des cas analogues, etc.
Ce n'est plus ici le conseil de préfecture qui
règle l'indemnité, c'est le ~el eri conseil de
préfecture, ce qui est très-différent: le conseil de
pr~fectnre est nn tribunal qui juge une contestation, tandis que le préfet, en conseil de préfecture,
n'est qu'un aJministrateur qui ordonne après avoir
pris l'avis du conseil.
Cette différence essentielle, qui dans le principe
a été quelquefois méconnue non-seulement par des
�156
TRAITÉ
jurisconsultes, mai~ aussi par le législateUl' luimême, notamment dans l'arrêté du 8 prairial
an XI, décrété pour l'exécution de la loi du 30
floréal an X, est clair·cmtont établie dans une circulaire du ministre de l'intérieur, du 29 sept~mbre
1835, dont il ne sera pas inutile de rapporter
quelques passages qui fOllt connaître la nature,
le caractère et la forme des arrêtés en pareilles
circon~tances : c( Dans tous les cas où les préfets,
dit le ministre, doivent prononcer en conseil
de préfecture ~ il est bien éviden t qu'il fimt que
leurs arrêtés constatent qu'ils ont rempli à cet
égard le vœu de la loi; il faut qu'ils constatent
que les membres du conseil assistaient en nombre
suffisant.Cesarrêtés doivent donc être libellés ainsi:
Le prlf/et du département de ..... séant. en conseiLdeprijecture~oit étaientMM..... Il est également important que dans l'arrêté, on vise la loi
olll'ordonnan,ce en vertu de laquelle le préfet statue
en conseil de préfecture. Enfin l'arrêté ne doit
contenir aucune mention de la discussion à laquelle
a pu donner lieu l'affaire, ni rien q~li puisse iudiquer que les voi)IC:ont été comptées. Le fait que
le conseil a été consulté devra donc être constaté
par cette seule pbrase qni précédera immédiatemen t le dispositif: L'avis du conseil de préfecture entendu.
» Quant à la signature des arrêrés des préfets,
il ne faut pas perdre de vue qne ces actes ne sont
que des arrêtés des préfets, pris en matière adminis-
�DU DOMAINE PUBLIC.
157
trative sous la seule responsabili té de ces magistl'ats,
et réformables par le ministre de l'intérieur comme
tous les autres actes des préfets; ils doivent donc
être signés par le préfet seul : cal' la signature
des membres du conseil de préfecture n'y ajoute
i;l.IlCUne force; elle ne pourrait que constater leur
préSe\1Ce, mais çette présence se trouvera suffisamment constatée par l'intitulé: Le prijet séant en
conseil depréjécture ort étaient prés~ntsMfrI...,
et encor.e par cette mention: LJavis du conseil
de préfecture entendu. Si les membresdll conseil
de préfecture signaient l'arrêté, il serait à craindre
qu'on ne fût porté à croire qne cet acte a été soumis
o.on ~, le~~r simple avis, mais à lem sanction. Il
pour("ait d'ailleurs. arrivel' que si l'arrêté était
contraire à l'opinion d'un ou de plusieurs d'entre
eu~, il.s s'~b&tin&sent alors de le signer; ce qui
aurait pour effet de {aire con,nattre leur avis, tandis
que rien ne doit constater la l~ature de cet avis. Je
n'ai, sans dou te, pas besoi,n de vous dire qne les
arrêté& que vous prenez en conseil de préfectuTe
doivent êtr~ inscrits non pas sur le registre des
arrêtés du conseil de préfectur~, mais au registre
des arrêtés du préfet. »
ARTICLE
xv.
524. cc Les arrêtés du préfet portant reconnais» sance et fixation de la largeur d'nn c1H'min
)) vicinal, attribuent définitivement au chemin le
)) sol compris dans les limites qu'ils déterminent.
�158
TRATI'É
Le droit des proprietaIres riverains se résout
en une indemnité qni sera r~glée ii l'amiable ou
par le juge de paix: du canton, sur le rapport
d'experts nommés conformément à l'art. 17- »
:»
»
»
»
Cet article et les deux suivants remplacent le
second pal'agraphe beaucoup trop laconique de
l'art. Iode la loi de 1~h4, et règlent tout ce qui a
trait aux expropriations qui pourraient devenir
nécessaires dans l'intérêt des chemins vicinaux.
Trois cas se présentaient:
Celui d'ouverture ou de redressement d'un
chemin;
Celui de simple élargisseT\lent on de reconnaissance d'un chemin déjà précédemment considéré
comllle vicinal;
Et enfi n celui d'extraction de matériaux, de dépôt ou d'enlèvement de terres.
.
Le fait de l'autorité dans ces différentes hypothèses portant une atteinte plus ou moins grande
au droit de propriété individuelle, Jes ga"anties
plus ou moius étendues devaient être accordées
par la loi à ce droit inviolable.
Lorsqu'il s'agira d~ouvrir un chemin non préexistant ou de le faire passer sur un terrain qu'il n'occupait pas précédemment, il y aura expropriation
complète pour laquelle ou devra suivre les formes
de la loi du ::> mai 1841, sauf quelques modific.alions rendues nécessaires par le peu J'importance
en général du fonds exproprié.
�DU DOMAINE PUBLIC.
159
S'il ne s'agit au contraire que d~élever au rang
de vicinal un chemin déjà public, ou de l'élargir,
ce sera le préfet seul qui prononcera, et l'indemnité qui pourrait être due au propriétaire sera
, l'ee par experts.
reg
Il en sera de même lorsqu'il s'agira d~extrac
tion Olt de dép8t de matériaux sur des propriétés situées en dehors du chemin.
La seconde hypothèse qui fait l'objet spécial de
notre article peut donner lieu à l'examen d'uue
question de propriété. Une commune prétendant
qu'un chemin est public et lui appartient, demande
au préfet de le déclarer tel en en fixant la direction
et la largeur. Ce fonctionnaire, à l'aide d'enquêtes,
de visites de lieux, Il'anciens plans et autres documents, recherche et reconnah la vicinalité ancienne; il fixe la largeur et l'emplacement, .et
déclare que l'ancien état de choses doit être maintenu ou rétabli parce que l'utilité publique l'exige.
Le propriétaire riverain peut avoir à se plaindre
de cette décision sous différents rapports: ou parce
qu'il soutient que le chemin préexistant ne doit
pas être déclaré vicinal, et que c'est à tort qll'on
veut l'élal'gl-r aux dépens de sa propriété; ou parce
qu'il prétend qo'il n'a jamais existé de cheplÎn
public en cet endroit, qne par exemple celui qui y
était tracé était une simple voie agraire établie pat::
les propriétaires pour )a desserte de leurs fonds i,
ou enfin parce que, sans contester ni l'utililé, ni
l'existence même d'une voie vicinale, il allègue,.
�160
TRAITÉ
contr3irement au nire de la co.mmUI)e , que tout
ou partie du chemin est pris sur un terrain 'l-ui
lui appartient.
Dans les deux. prf'miers cas, le reconrs du par.·
ticlllier df'vra être porté au ministre et ensuite au
conseil d'état par voie contt:'ntiense; c'est une
qucstion entièrement atlministrative quoique d'une
très-grande importance, surtout d::ms la seconde
espèce, pui.sqü'il serait possible qu'au lieu de
reconnai\re une vicinalIté préexistante, le préfet
en déclarât une nouvelle par voie indirecte, ce qui
'serait priver les citoyens de la garantie qui lenr est
offerte. par l'art. ] 6 pour le cas d'ouverture de cbe~nins nouveaUl; ou de redressement, et rendre
ainsi illusoire la disposition bienfaisante de cct
article. Il paraît que cet abus possible n'a point
touché le législateur, et nous croyons que ç'est
avec raison, suctOtll il cause des recours
~nullipliés
•
•
1
flui sont ouverts,.
Dans le d(~rnier c.as, la question de propriété qui
cst ainsi sQulevéc, est en tièrement du ressort de la
justice civile ordinaire. La commune ou le particulier devra b porter devant les tribunaux -de
première instance, juges de tous les l~~iges sur la
propriété, sans que ces trihunaux soient ancune· , par l" arrete, d II prelet,
' l'
ment 1les
et sans que 1eurs
jugelllen ts aussi puissent paralyser l'effet de cet
arrêté, lors même que le particulier serait reconnu
propriétaire; son droit consacré par un jllgemen t
se convertirait alors en une simple indemnité.
1
�DU DOMAINE PUBLIC.
161
Le recours aux tribunaux civils sera aussi la seule
voie dont pourra désormais user celui qui., après
avoir contesté devant le ministre et devant le'conseil d'état da'ns le second ca's ci-dessus, aura succombé devant ces 'juridictions.
Le second alinéa de notre article s'applique
évidemment au cas où la commune reconnaît
positivement et dès le principe, que tout ou partie
de la largeur donnée au chemin par l'arrêté du
préfet ne lui appaltient point et dépend au contl'aire de la propriélé riveraine.
525. Mais lorsqu'après l'arrêté de déclaration
de vicinalité, une contestation se sera élevée sui,
la propriélé pardevant le tribunal civil, celui-ci,
en reconnaiss<lllt que celte propriété appartient au
voisii1 qui s'en trouve dépossédé par l'a(:te admÎnistl'a tif, sera-t-il obligé de l'en voyer au juge de
paix la fixation de l'indemnité; on étant saisi de
l'affairc; ne devra-t-il pas régler lui-mêmc cette
indemnité en faisant procéder à une expertise
préalable 'Suivant la forme prescrite par les art. 302
et suivants du Code de procédure civile?
Malgré l'anomalie que présente la position d'un
tribunal qui; saisi d'une contestation, est obligé
d'en renvoyer une partie à une autre juridiction,
nous pensons qu'a raison de la généralité des
termes de la Joi, et de la différence entre l'expertise
organisée par J'art. 17 ci-après, et celle réglée par
l'art. 302 du Code de procédure, le tribunal devra
se borner à déclare., que la partie 4u chemin con·
�162
TRAITÉ
testée appartient aux riverains, et qu'il sera obligé
de renvoyer au inge de paix pour la fix.ation de
l'indemnité. Le jngement qui intervient daris ce
cas met les parties au même état qne si, dès Je
commencement, la conmmne eût reconDU la propriété au profit du ri verain.
526. Le réglement amiable se fera par une
délibération du conseil tnunicip::JI, approuvée par
le préfet, comme dans les cas d'indemnité -po'ui'
cession de terraih eh fait d'alignement dans les
villes et hourgs.
Le réglement judi-ciaire àura lieu pilrdevant le
juge de paiX du canton doill la juridiction se trouve
alors prorog-ée, ainsi qu'il arrive dans les cas prévus
par les art. 5 et 6 de la loi du 25 mai] 838; ce jugè
pourra prononcer, à quelque valeur qne s'élève
la demande, et sa décisioD sera, selon les règles
de compétence ordinaire, en dernier ressort, si la
demande du propriétaire est détermiilée et ne
dépasse pas 100 francs; mais si elle excède celte
somme, ou si elle est indéterminée, lors même
que l'expertise la réduirait en définitive à ce taux
ou au-dessous, le juge de paix ne ponrra prononcel'
qn'à la charge de l'appel qui sera porté, dans la
forme et dans les délais ordinaires, devant le tribunal de première inslance.
Cette opinion con&ignée déj~ dans la première
édition d.e ce commentaire, a été sanctionnée par
un avis du comité de législation du conseil d'état
du 19 mars 1840, ainsi motivé: cc Considérant que
�DU
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DO~IAINE
PUBLIC.
163
le réglement d'indemnité fait par le juge de paix
dans le cas prévu par l'art. 15 de la loi du 21
mai 1836, est un véritable jugement; que si,
pour l'exercice ûe l'attribution spéciale qui lui
est conférée par là loi précitée, le jnge de paix
est obligé de s'éclairer par un rapport d'experts,
il n'est pas forcé d'admettre les conclusions de
ce rapport, et peut faire usage de tous les autres
moyens d'infoi'rilation qu'il est autorisé à em~
ployer dans les affaires de sa compétence ordinaire; - Considérant que, d'après les principes
sur lesquels repose notre organisation judiciaire,
l'appel à une juridiction supérieure est de dl'oit
commun; qu'il ne peut être interdit, dans les
limites générales établies par la loi, qu'autant
qu'il existe à cet égard une prohibition expresse;
que dans la matière dont il s'agit, il n'en existe
point de semblable; - Considérant, d;ailleurs,
que si, d'après l'art. 16delaloidu21 mai 1836,
le jury spécial d'expropriation statue en dernier
ressort sur les demandes en indemnité qui portent ordinairement sur des sommes plus importantes que celles qui sont soumises à l'appréciation d~s juges de paix aux termes de l'art. 15,
il faut remarquer qu;il ne s'agit pas, dans cet
article, d'un acte de juridiction du juge de paix,
mais d'une décision du jury dont le i llge de paix
est ttorgane, et que dans notre organisation iu,"
diciaire, il n'y a point de tribunal qui soit le supérieur hiérarchique du jury et auql1ell'appel de
�164
ses décisIons puisse êlre porlé; que l'interventiob du jnry présentè, dans le cas prévu par
;» J'art. 16, des garanties spéciales qui ont parn
» suffisantes au législateur, et que ce n'est pas une
~~ raison pour supprimer les garanties de droit
» commun dans lecas -prévu par l'art. 1'5; - COtl» sidéra n t qu'il est aUssi à reinarqner qiJè l'art. 17
:" de la même Joi, qui appelle les conseils de pre» fecture à faire le réglement d'indemnités sbti» vent moins considérables que celles auxquelles
j)
peut donner lièu l'art. 15, 'n'a pas interdit les
j) }'ecours de dt'oit au 'conseil d'état; Est d'avis
» qlle, dans le silence gardé par la loi sllr l'appel
j> des jugements intervenus
à l'occasion de ces
>~ actions (celles résultant de l'art. t5 de la loi du
» 21 mai 1836), il n'est pas possible de refuser
'" aux parties l'exercice d'une fa'culté qui est de
>, droit commun. j)
1\L Garnier a comini's ilhe erreur en disant, à la
'Page 75 de son supplément à la 4e édition du
Traité des chemins, qu'il y aura lieu à l'appèl
quand la sentence portera une condamnatio.n excédant le Jaux du dernier ressort'; c'est la demahde
et non la condamnation qui doit évidemment être
prise en considération.
527. Par une dérogation anx pril1cipesdu droit
commun, textuellement écrite dans l'art. 17, les
experts ne seront pas nommés par le juge de paix,
mais celui de la commune sera choisi par le souspréfet, l'autre par le propriétaire, et le tiers, qui
»
»
�165
DU DŒ\IAINE PUBLIC.
ne devra être appelé qu'en cas de discard, pat le
conseil de préfecture.
Dans son eslimable Traité cfe la compétence
des juges de paix (t. 1 er , p. 31, seconde édition),
M. Curasson s'élève avec force contre ce l'appel
textuel que nOus nous étions borné à faire dans la
première édition de notre commentaire, des termes
de l'art. 17, en disant que notre opinion, qui art
premier coup d'œil paraît fondée Sllr le prescrit
exprès de l'art. 15, n'est point conforme à l'esprit
de la loi et aux dispositions du droit commun, ,auquelle législateur doit toujows être censé n'avoir
pâS voulu déroger Ca). cc Dans lèS affaires soumises
" à l'avis de deux experts, njoute-t-il, il est de
" règle qu'en cas dedissenliment, le juge saisi de
" la contestation nomme e tiers-expert. Voilà
" pourquoi dans le cas de l'art. 17, dont la con" naissance est attribuée au conseil de préfecture;
" la loi dit que, c'est à ce conseil à nommer le
" tiers, en cas de désaccord. Quand done l'art. 15
." dit que le juge de paix statuera, sur le rapport
" d'experts nommés corifOrmément à l'art. 17,
" il n'a enten~u prescrire autre chose, sinon qu'il
-', serait procédé de la même manière, savoir: que
" les deux experts seraient choisis, l'un par le
» sous-préfet, l'autre par le propriétaire, et qu'en
(a) 1\'1. Garnier, da?s son Supplém. à la 4· édit. du Traité
des chemins, pag. 76, adopte l'opinion de M. Curasson.
T01lL
II.
Il
�166
TRAITÉ
" cas rle désaccord , ce serait, comme dans l'art. 17,
" au juge chargé de régler l'iodenlOité à nommer
le llers-expert. La loi s'est écartée de l'art. 303
du Code dl-' procédure, lequel exi~e la nomination de trois expf'rts choisis par les parties ou
nommés par le juge, article qni d'ailleurs n'est
applicable qu'aux tribllnanx ordini.lires; mais
dans une aff:1ire de la comrétenœ exdusive du
Jlouvoir judiciaire, conJment concevoir, qu'en
» cas de di~senLiment des deux experts, l'incident
') doive être renvoyé au tribunal administratif r
" Déférer en ce cas Je choix du tiers.expert au
" conseil de préfecture, ce serail l'anomalie la plus
" étrange et qui n'a pu entrer dans la pensée du
" législateur. »
On ne peut assuré lent démontrer avec plus de
raison la convenanee, nOlis dirons m~me la nécessité de confier au juge de paix chargé de la connaissance du fond de 1'aflaire, l'incident de la nomination du tiers-expert; mais malheureusement
il ne s'agit pas de refaire de la loi, nous ne pouvons
que l'appliquer, et dans celle application nous ne
devons nOlis livrer à aucune interprétation lorsque
les termes sont chirs et positifs: citm in verbis
nulla amb;guitas est ~ non dehet admitti voluntatis quaestio. (L. 25, 5 l , ff. de 'ego 3°.)
c;
1l'pretexte
'
" eVl!. 1ente, on ne
,--,OIlS
(l' IIne l'J'rem', rneme
pent ajouter à ses dispositions ou les .changer. cc Si
" une erreur, dit la Conrde cassation dans nn arrêt
» du 11 mars 1831 (Sit:ey, 31-1-148), s'est glissée
"
;),
"
"
"
"
"
�DU DOMAINE PUBLIC.
167
" dans le texte de la loi ..... , cette en'eur ne sau~) r<lit être rectifiée par les magistrats, lesquels ne
» peuvent appliquer que le texte légalement 'pu» blié. " L'art. 15 portant qne les experts seront
nommés loriformément à lJart. 17, et l'art. 17
statuant que, en cas de discord, le tiers-e.rpert
sera nommé parle conseil de prifecture, il nous
est impossible de dire, quelque raisonnable que
cela IlOUS paraisse, qu'il sera au contraire nommé
par le juge de paix.
C'est ainsi que cette combinaison des deux articles a été également entendue par M. Serrigny,
dans son savant Traité de l'organisation, de la
,
compe't ence e t d e 1a proce'dure en ma t'zere
contentieuse administrative, où il dit, t. 2, nO 72.1 :
cc L'art. 15 a introduit la procédure la plus bizarre
~) qu'il soit possible d'imaginer, en se référant à
;» l'art. 17 snI' le mode de nominaLion des experts.
» Il en résulte que, les parties plaidant devant le
» juge Je paix, celui-ci est obligé de les renvoyer
~) devant le conseil de préfecture 'pour faire nom') mer un tiers-expert, an lieu de le désigner 1ui» même. Comme il s'agit là d'une dérogation in;»
solite à loules les règles de la procélllll'e, il faut
» bien se garder de l'étendre. En conséquence, si
» le sous-préfet pour la commune, on le proprié;»
taire pou r son propre compte, refllite de nommer
» un expert, ce sera le jnge de paix Cfui devra le
)' nonUnet'. De sorte qu'il pourra arriver' qu'un
» expert soit nommé par une des parLies, un autre
�168
TRAITÉ
par le juge de paix, et le troisième par le conseil
de préfecture. Il faut convenir que cette déro,> galion aux règles ordinaires n'est pas de nature à
» simplifier la procédure. » Un des motifs de l'arrêt de la Cour de cassation, ci-après rapparié, pag'
180, suppose également que, dans le cas de l'article 15, le tiea's- expert est nommé par le conseil
de préfecture.
Au reste on se convaincra facilement que l'anomalie signalée se présentera très-rarement si l'on
fait attention à la manière dont les choses doivent
se passer. En effet, la commune ayant pris le terrain ponr le l'élargissement de son chemin, ce sera
le propri~tairedépossédé qui aura intérêt il se porterdemandeur; avantd'agiren justice, il sera obligé,
ainsi qu'on 11:' dira dans un instant, de présenter
aux termes de l'art. 51 de la loi du 1X j nillet 1837,
un mémoire expositif de sa demande; eL comme
cette tlemande tendra de tOllte nécessité, soit principalement; soit subsidiairement, à une expertise,
il devra indi'1uer son expert; la commune, de son
co,é, qni reconnaîtra son obligation d'indemniser
(car autrement il y aurait litige sur la propriété,
par rapport auqnelle juge de paix serait incompétent), ne ponna pas sc dispenser de consentir à
l'expertise, et par suite le sous-préfet choisira son
expert; les deux expt'rts se trouveront donc ainsi
nommés extrajudiciairement et sans que ·l'affaire
ait encore été portée à la justice de p:ùx, et alOl's
s'il survient une discordance entre eux, il n'y aura
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
169
rien ù'ex~ ..aordinaire à ce que le conseil de préfectnre auquel on soumettra l'incident par simple
pétition, désigne le tiers-expert, puisque l'autol·ité
judiciaire n'aura pas encore été saisie, et qu'elle ne
le sera que lorsque, le rapport étant dressé, on dis<:tltera sur. son' homologation ~t on requerra con·
damnation en conséquence.
.
C'est ainsi que dans La pratique et pour la plus
grande partie des cas, les articles 15 et 17 combinés
recevront, malgré leur incohérence réelle, une
exéeution simple et facile. . .
.
Le juge de 'paix ne pourra-t-il prononcer qu'à la
vue d'une expertise, et sera-t-il lié par l'avis des
-experts?
En général les juges ne sont pas astreints à recourir à la voie de l'-expertise lorsqu'ils trouvent
dans la' cause d'autres moyens d'éclairer leur religion; l'art. 17 de la loi d.u 8 mars dho, relative à
l'expropriat~on pour cause J'utilité publique, n'imposait pas cette obligation aux magistrats chargés
de fixer l'indemnité; illenr en ~ccordait seulemen t
la faculté en déclarant que le rapport ne vaudrait
qu'à titre de renseignement; mais il est des matières spéciales, comme celles de l'enregistremen t,
par exemple, dans lesquelles l'expertise est indispensable, ct les juges son t même obligés de se
conformer à l'avis des experts.
Ici l'art. 15 disant expressément qne l'indemnité
sera réglée sur le rapport d'experts, nous pensons que le juge de paix ne pourrait statuer sans ce
�170
Tl\AITÉ
préalable, mais il ne sera pas lié par le rapport, si,
éclairé par des renseignements qui lui paraîtront
pIns certains, sa conviction ne lui permet pas d'en
adopter ks conclusions; noo-seulement il pourra
ordonner Ilne ~cconJe expertise, mais encore il lui
sel'a loisible de suivre Je son chef un autre avis,
conformé.ment à l'art. 323 Jo Code de procédnre
qui porte 'lne cc les jnges ne sont point <tstJ'eints à
» suivre l'avis des experts si leur conviction s'y
» oppose. »
528. Aux:. termes de l'art. 51 de la loid\] 18
juillet 1837, portant que: « Quiconque voudra in:» tenter une action contre une commune ou sec» tion de commune, sera tenu d'adresser préala» blement au préfet un mémoire exposant Il'5 1110» tifs de sa réclamation, » il faudra que celui qui
intentera contre la commllne 11\1e aClion en indemmté, remplisse ce préliminaire, et ce n'est
qu'après qlle le const'il de préfecture al.lra prononcé
sur Je VII de la délibér.ation. do conseil mUllicipa1
auqlwlle mémoire aura été renvoyé par le préfe~,
ou après l'expiration du d,:Lti de deux mois à partir
du joUI' du <!PPÔl du mémoire constaté par un récépissé, qne l'action pourra être purtée pal'devant
le juge Je paix.. Si la commune se constituait de~
manderesse, elle devrait, anx:. termes de l'art. 49
de la même loi, é~ale1Ucnt se pourvoir de l'autorisa lion de plaider.
VainenH'llt quelques auteurs prétendt'nt qn'il
n'a pu entrer Jans l'intention du législateur de
�171
DU DOMAINE PUBLIC.
soumettre an long préliminaire de l'autorisation
un débat qui n'a rien d'important, et dans lequel
le ju~e Je paix ne fait ordinairement qu homologuer le rapport des experts; que l'art. 55, en aŒ'3nchissant de, l'autorisation les actions possessoires
dont les conséquences peuvpnt être bien autrement ~I'aves, Jélllontl'e que l'on veut d~vant celte
juridiction une procédnre simple et rapide. - Eri
effet, là où la loi est générale et sans exception 'j
on ne peut dislinguer; c't>st ce qu'a formellement
reconnu le comité de légisLtioD dn conseil d'état
dans son avisClu 19 mars lX4o, déjà cité plus haut
sous un autre rapport. tA Comidérant que la loi du
» 18 jnillet 1837 exige l'autorisation du conseil
» de pl'éfectllre, pour loute action en justice, sans
» dislinction, qu'une COl11lHllne veut introduire ou
;), qui est dirigée eon tre elle; que les communes
:» avant la faculté de s'entendre à l'amiable avec
» le propriétaire dépossédé, pour le réglement de
» l'indemnité, le débat qui, faute d'accord entre
» les parties, est porté devant le jllge de paix, a le
» caractère d'une action judiciaire; - Cousidérant
» d'ailleurs que la nécessité de l'mtervention de la
)' tutelle administrative peut donner lieu de re» connaître si les commnnes refusent de faire droit
)' à des demandes d'indemnité éqllitahles el per» mettrail de les empêcher de s'expnser à des frais
» qu'i.l importe d'éviter avec d'antant plus de soin
» que les affaires dl-' celte niltnre sont très-multi» pliées, et que chacune d'elles n'offre, le plus
.,;
~
~
�172
TRAITÉ
souvent, qu'un faible intérêt pécllniaiJ'c ; qu"en
» effet, les contestations relatives aux indemnités
" dues ~I à leur quotilé ont Je caractère d'une ac» tioQ judiciaire tout aussi bien qne Jes contesta" tions /lUI' le droit même de propriété; l'st d'avis
j) que l'autorisation du conseil 'de
préfecture est
), nécessaire aux comTUunes, pOUl' soutenir' les
» actions engagées devant Jes juges de paix, aux
» termes de l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836. »
D'après les art. 40, S 3 des lois des 7 jllillet I~G3
et 3 mai 184], relatives à l'expropriation pour cause
d'ntilité publique, les dépens doivent être snpportés, savoir: par l'exproprié si l'indemnité fixée par
le jury ne dépasse p;JS les offres de J'administration; par c.eHe-ci si l'indemnité est égale à la demande des pnrties; el proportionnellement a'ux
offres de l'une et aux demandes des autres, si l'iüdemnilé est il la fois supérieure auxdites offres et
inférieUl:e auxJite.s derriand.es; devra-t-il en 'ê're
de mème devant le· juge de paix daus le caS de l'al'.,
tide 1 b?, Non, les dispositions ci·dessns rappelées.
constituent une exceptiO\l spéciale à la procédure
devant le jnry, et qui ne peut être élendlle àd'autres
cas; le juge de paix devra suivre les principes généraux en f.ait lie dépens, c'est-à-dire qne la commune débitrice aura à les supporter en totalité,
lors même qnc les prétentions
particlllier se·
raient exngél'ées, parce qlle la plus pétition n'a
pas lieu en FJ'nnce (art. 2216 du Cod. civ.), et
que le débiteur doil toujours être condamné aux
»
du
�DU DQMAINE PUBUC.
173
frais. Il ne pourrait en êlre autrement qu'autant
que, sur le renvoi du mémoire du demandeur fait
au maire en verLu de l'art. 51, dernier alinéa de la
loi du 18 juillet 1837, le conseil municip~l auràit
par une délibéralion dûment approuvée, fait des
offres égales ou supél'Ïeures au montant de l'in ..
demnité en définitive' a~cordée pal' le juge de paix.
529. Le juge de paix n'ayant mission que ponr
le réglcmenl de l'indemnité, si le fonà du droit
venait à être contesté même incidelllllll'nt devant
lui, c'est-à-dire si les parties n'éta'ieut point
d'accord sur l'élendue du terrain qùi doit être
compris Jans le' chemin ou qui n'appartient pas' à
la commune, l'incident sortirait de sa' compétence
et devrait être jugé pré:.dablement, soit par le
préfet, s'il s'agissait d'in terprêter son arrêté, soit
par le tribllna~ civ~l, si la difficulté portait snI' une
question de propriété. Onrenlrerait alors dans les
termes du droit' commun, d'après leqllelles qllestiol1s administratives ne peuvent être jugées par
. les tl'ibnnaux civils, et les questions de' propriété,
quelque l1Jo,liqlle qu'en soit l'importance, par les
juges de paix.
Si l'inde.moité aussi était rédamée non pour la
dépossession absolue et définitive du sol compris
dans le chemin, mais ,seulement pour un dommage causé à la propriété voisine, soit par suite
d'extraction ou de dépôt de matériaux,. perte de
récoltes, etc., l'affaire ne serait plus de la corripétence du juge de paix; elle dcyrait être portée
�17!..
TRAITÉ
devant Il:' conseil de préfecture, ame: termes soit de
l'art. 17ci·après, soit des art. 2.4, 55<.'1 .16 de la
loi du 16 ...... pten'bl'e 1807, soiL de celle du 23 plu~
viôse an VIII, ainsi que l'a jugé un arrèt du conseil
d'état du 15 juillet ltl41.
530. Nous adoptons l'opinion de M. Garnier
sur le point de savoir si j'in(lemnité doit être
préalable à la ciéposses:.ion. Il se décide pour
l'affirmative lorsql1e l'on trouve dans l'all'ê~é dn
Jlréfet nn aven de l'innovation et de la nécel)silé
d'une déposst-'ssion, conllue lorsqu'il prescrit le
rélargisst'llIent d'un chemin ({ui existait déjà dans
des limites rlloins ét.endues. Mais il doit en être
diffél'emmentlorsque l'arrêté ne fait que maintenir
un état de choses qu'il regarde comme préexistant,
en décidant que le chemiu a toujours été vicinal
avec telles direction et largeur, et qn'il n'ordonne
pas une dépossession; dans ce cas le riverain
pourra bien faire juger la question de propriété
contrairement à la décision du préfet; nHis alors
il n'ohtiendra Je pnienwl1l de l'inJenmité ql1i lui /
sera due, qu'après le jugement du tribunal, et par
conséquent après que l'arrêlé aura mis la commune
en posses!>ion du chemin.
531. Une question qui a beaucoup d'analogie
avec la précédente et qui s'élppliqne ~galement aux.
cas des articles 15 et 16, est de savoir si l'arrêté
du préfe , qui prescrit l'ouverture d'un chemin
vicinal, déclare une vicinalité préexistante ou fixe
les limites et la largenr d'un chemin, est sur-le-
�DU DOMAINE PUBLIC.
175
champ C"xécutoire, ou ne doit être exécuté qne
provisotremen t, sa uf le recours des parties intéressées, ou enfin peut être paralysé entièr~mel1t
dans son exécution.
Trois cas sont'à examiner:
0
1
Celui où le chemin qui est déclaré vicinal
par le préfet était dt:ja une voie publique et considérée comme telle;
0
2
Celui OllIa qualité de chemin pilblic est contestée, quoiqu'il y ait cependant passage pJr le
public;
3° Cel ui en fin .où il est avoué que le chemi n n'a
jamais été public; par exeUlple, lorsque le préfet
ordonne l'ouverture d'un chemin nouveau, ou
lorsqu'il croit devoir convertir en chemin vicinal
unf:' avenue privée, ou un passage 'soit de servitude,
soit de tolérance.
Au premier cas l'arrêté qui déclare la vicinalité
est exécutoire sur.le-çhà~lp, sauf.la réformation
par le ministre auqnel les parties intéressées ont
seulement le droit de s'adresser.
En pareille circonstance, les tribunaux ne
peuvent pas être saisis, puisque le chemin étant
déjà une voie publique, personne n'est dépossédé.
Il est possible, à la vérité, que le préfet, en élargissant ou P.o redressant l'ancien chemin, englobe
qnelqnes parcelles des propriétés voisines; mais Ge
n'est là qu'une expropriation partielle qui ponrra
donnel' lieu à des indemnités soit amiables, soit
judiciairell, ou faire naître des questions de limite~
�176
TRAITÉ
et de propriété, mais qui ne sera point un obslacle
à l'exécution immédiate de la décision préfectorale,
l'accessoire devant en ce cas céder an principal.
Seulement si le préfet reconnaissait par son a'ITêté
qu'il y a occnpation d'un terrain privé. la COlllul"une devrait, comme nous l'avons dit pIns haut,
offrir préalablement l'indemnité; l'arrêlé, dans
ce cas, ne serait exécutoire provisoirement qu'a
celle condition.
Dans la seconde hypothèse, celle où la nature
de chemin public est con testée enl re le maire dé
la commune qui Je soutient tel, et un ou plusieurs
particuliers qui prétendent ail contraire que ce
chemin n'est qu'un simple passage de tolérance
ou de ~ervitude Jont le sol leur appartient, i'arrêté
du préfet doit encore être exécuté, sauf pourvoi au
ministre, sans que te recours à l'autorilé judiciaire
puisse en paralyser ou en retarder l'effet. - Ici la
possession que nous snpposons appartenir a la
commune lui confère une apparence de droit telle
que cette commune,doit êlre provisoirement maiutenne, sauf aux par lies intéressées à faire ultérieurement slatller sur la question de pFopriété par
l'autorité judiciaire.
La jouissance que le public a du chemin doit l'en
.faire réputer propriétaire. jusqu'à preuve du contraire, ct alors ce n'est pl ilS par voie d'ex propriation
préalable que la commune doit procéder. Si en
définitive et après l'exécution de l'arrêté du préfet,
les particuliers étaien t déclarés propriétaires, il Y
�DU DOJ\IAINE PUBLIC.
177
aurait lieu à leur payer llne indemnité réglée par
experts, dans la forme de l'article 15.
Il devrait encore en être de même si, en statuant
sur l'état d'un chemin préexistant pour le déclarer
vicinal, le préfet ordonnait une légère rectlfièation
Je son tracé, et le faisait passer pour une faible
partie, sur des portions de terrain qu'il n'occupait
pas auparavant.
Les propriétaires de ces terrains pourraient
s'adresser au ministre; mais non il. l'autorité judiciaire, pour obtenir]a maintenue dans leur possession. La raison en est que dans la rectification
comme dans l'élargissement d'un. ancien chemin,
On ne peut voir que des circonstances accessoires
à la voie publique déjil. existan te; ce qui dispense
de l'emploi des formes prescrites pour le seul cas
où il s'agit de l'établissement d'un chemin qui
n'existait point encore, ou d'un redressement dans
le sens de l'art. 16.
Telle est l'opinion de M. Dellaleau (nOS 170 et
de son Traité de l'expropriation pour
cause d~utilité puMique) ~ et de M. Proudhon
( Dom. puhl.~ nO 564, de la première édition).
171
Cette décision repose an surplus sur différen ts arrêts
du conseil d'état des 16 1llai et 29 septembre l~ho,
19 mai et II août 181 l , 4 et 24 août 1812, 13
janvier 1813, 6 décembre 1820, 18 juillet 1821,
211llai et 9juin 1~b4, 16 février et 31 mars 1~h5,
11 janvier, 1 er mars et 1er novemhre 1826 et 24
�178
TR.AITÉ
janvier 18?7, rapportés pal' Sirey et Macarel; et
SUI' un décret impériai du 16 janvier l~h4.
Quant à la dernière hypothèse qni se présf'nte
lorsqne le pnhlic n'a aucune poss,'ssion, et que
le préfet reconnaît lui-mênJe qu'il s'agit de J'ouverture d'un chemin nouveau ou d'un véritable
redressement, il n'y a pas de doute que l'exécu:'
tioil de l'arrêté ne doive être suspendue, et que
la dépossession des particuliers ne pnisse avoir lieu
qu;après que Je tribunal et le jury auront prononcé et que l'iudenmité aura été payée. Les arti.
cles 15 (le la loi du 8 niars üh 0 et 14 de celles
des 7 jnillet 1833 et 3 mai 1841 imposent en effet
aux lI'ibunaux l'obligation de surseoir à la déposs~ssion des propriétaires tant que les fornialités prescrites pour consomme.. l'expropriation
n'ont pas été remplies. Le choit de propriété est
sacré, et oil ne peut pas concevdi .. que l'urgence
d'ouvrir un chemin qui n'existait pas auparavant,
puisse être telle que l'intérêt public exige qu'il soit
porté arbitrairement atteinte à ce droit.
La diffërence essentielle qui existe entre ces diverses hypothèses a été c1ail'elllf'nt établi,~ pal' deux
arrêts de la Cour de cassation des 7 jnin et 21 août
1838 (Sirey, 38-1-707 et 784), don tle ra pprochement fait parfaitement saisir l'intention du législateur.
cc Attend u, porte le premier, que la loi sur les
), chClllins vicinaux a distingué entl'c les cas d'ou" verture ou de redressement de ces chemins et
�DU DOMAINE PUBLIC.
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»
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»
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179
celui où il s'agit seulement de fixer et de reconnaître la largeur que doivent avoir ks chemins
déjà existan ts; - que da ns le pl'emier cas, et
lorsfJ ne la nouvelle direction doit entraîner la
dépossession d'une propriété privée, l'urt. 16
s'en est référé en les simpliGant, aux formes
prescrites par la loi du 7 juillet 1~33; mais que
dans le 2 e cas l'art. 15 a eu pl'écisément pOli l' objet d'affranchir de ces formalités l'exécution des
mesures prises pour rendre on donner aux chemins vicinanxla largeur qu'ils doi ven t avoir; que
si ces mesnres alleignent une portion de la propriété des riverains, le droit de ceux-ci se résout
en une indemnité, sans que ce droit puisse arrêter ou paralyser l'élal'gissement or·donné d'une
voie de communication qui doit tOI1)ollrs restel'
libl'e et ouverte pour le public; -que l'art. 18,
assimilant les propriétail'es dont une partie de
terrain a servi à la confection des chemins, à
ceux qui ont été obligés de souffrir une occupation temporaire ou une extraction de matériaux,
soumet l'action en indemnité des uns et des
autres à une prescription de deux ans; d'où il
suit que cette indemnité, lorsqu'elle est due,
ne peut êll'edemamJée et réglée dans les formes
fixées, qu'ultérieurement aux travaux autbrisés par le préfet. »
L'arrêt du 21 août est ainsi conçu: cc Attendu
qu'il existe dans cette loi ( celle du 21 mai 1836)
une différence très-marquée entre le cas de re-
�180
TRAITÉ
connaissance et le cas J'ouverture ou de redressement des chemins vicinaux; - que dans le
:» cas de simple reconnaissance (ce qui snppose un
» état primordial auquel le chemin est raowné en
»vertu (eun droit préexistant), l:art. 15 dispose
:» que l'alTêté du préfet attribue définitivement
:» aux chemins le sol compris dans les limites que
:» cet arrêté détermine, en teUe sorte que, sans s'a» dresser aux tribuilallx pour faire prononcer l'ex:» t)ropriation, le droit des propriétaires se résout
" en une indemnité qui, suivant l'art. 17, doit
» être réglée par trois experts, dont deux sont
» nommés par l'administration; - qu'au con» traire, lorsq n'il s'agi t de redressement d'un che" min déjà existant, ou d'ouvertnre d'un chemin
:» nouveau; si des conventions amiables n'inter» viemlen t pas avec le propriétaire, il Y a lieu;
» suivant l'art. 16, de recourir à l'expropriation;
:i) ce qui fait l'entrer les parties dans le cadre obligé
» des formalités prescrites pal' la loi du 7 jnillet
» 1833, loi fondamentale de la matière, et formant
') le droit comm'un sur l'expropriation pOlir cause
); d'util~té pllblique; qne les gal'anties données par
:» cette loi à la propriété, doiven t alors être rigon» reusement maintenues; qu'antrement les pro» priétaires seraient livrés à l'arbitraire le plus
» complet, puisque, dans l'absence Je tout con» tredit de leur part, il serait touj0tU'S possiGle de
» favoriser cenaines propriétés au détriment de
) certaines autres; - que d'après les termes for-
»
:»
�181
DU DmIAINE PUBLIC.
" mels de Ta disposition finale de l'art. 2 de la loi
~) du 7 i Il illet 1833, lors mê me qu' une loi ou Une
» orc1onnance royale ont constaté et déclaré l'uti» lité publique de travaux à exécuter, l'application
» ne peut en être faite à aucune propriété parti» culière qu'après que les parties intéressées ont
» été mises en état d'y fournir leurs contredits
» selon les règles exprimées au tit. 2, et qu'il serait
» déraisonnable d'attribuer à l'arrêté d'un préfet
» plus de puissance et d'étendue qu'à une loi oü à
~) une ordonnance royale. »
532. Dans la seconde hypothèse examinée cidessus, celle où le caractère de chemin public est
contesté bien qu'il y ait passage exe~cé, nous n'avons résolu que la question d'exécution provisoire;
mais il en reste une seconde au fond qui doit êlre
portée pardevant les tribunaux civils, seuls compétents pour décider si un chemin est, quant au
sol, la propriélé de la commune, on si an contraire
il n'est qu'une voie de communication privée, un
chemin de desserle 3ppartenant aux propriétaires
voisins, ou lllème un simple passage de servitude.
Quoique cette question ne rentre p3S nécessairement dans l'explication de la Joidu 21 mai 1836,
cependant, comme elle se présentera très-fréc)lJemment au sn jet de son application, nous croyons
utile de rappeler à cet égard quc1ques p"incipes
généraux sur la matière.
Le caractère propre et distinctif d'un chemin
public est ùe servir en tout temps de communicaTüllI. Il.
12
�182
TR..AJTÉ
tian entre des lieux habités, par eXf'Olplcde village
à village, d'nDe section à une anlre section de la
. nIème commune, d'uD village à quelques hameaux
on même à quelques fermes, usines ou maisons
isolées, ou eucore d'embranchement et de passage
d'une l'Oule on chemin public à un autre.
. Ces d1l'mins diffèrent des chemins communaux
propremcnt dits, des voies agraires ou d'exploitation, et des passages à litre de servitude.
Ils diffèrent des chemins communaux, en ce
que ceux-ci; dépendant du domaine communal,
n'ont étê ét<:lblis que poul' conduire les habitants
sur des fonds dont la jouissance leur est commune,
par exemple à la forèt communale, an pâturage
dans un communal, à une fontaine, à un lavoir, à
un abreuvoir cOllllnuris.
Ils diffèrent des voies agraires ou d~exptoita
tion, en ce que ces dernières ont été formées au
moyen de l'aba~don que les propriétaires d'un territoire ont fait d;une partie de leurs héritages pour
faciliter l'accès, la culture et le défntitement de
ces mêmes h~ritages j èes voies coristit uent une propriété COUllll\lne et indivise entre un plus ou moins
grand nOlll1lre d'individus et n'ont pour objet que
la desserte de fonds privés.
Ils Jiffèrt'nt enfin des passages à tille de ser~
vitude, en Ce qne ces passages ne son t établis que
pour l'exploitation on pour servir à la jouissance de
certains héritages spécialement connus et désignés.
Dans ces chemins, la charge est toute réelle, qu'on
�DU DOllUINE PUBLIC.
183
la considère activement ou passivement; c'est un
fonds qui est déhiteur de l'autre; le passage ne peut
être légitimement exercé que pal' le propriétaire du
fonds dominant, ou par celui qui l'exploite au nom
du propriétaire.
D'après cela on voit que ponr déciJer si nn chemin est puhlic, il faut rechercher son origine et
connaître son usage et sa destination.
S'il communi1uc d'un village à nn autre village,
s'il tend à un hameau et même à une ferme ou à
une maIson isolée, s'il réullit deux che~ins vicinaux ou des routes, s'il ne vient pas se perdre dans
un climat, s'il est fi'êquen té en tou t temps et saisons, Je nuit comme de jour et par tout le monde;
soit par les propriétaires d'héritages voisins, soit
par les habitants de la commune, soit par des personnes étrangères à c~ttc commnne, il devra êti'e
réputé public et non pas seulement voie agraire,
d'exploitation, ou de servitude.
D'autres circonstances accessoires serviront encore à déterminer son caractère; par exemple s'il
est très-ancien; s'il a été réparé et entretenu par
la commune de la situation, comme le sont les
chemins publics; s'il a été signalé comnJe tel dans
les anciens terriers et pbns du territoire de la commnne ou dans le cadastre et dans le tableau des
chemins et sentiers de la commune; s'il n'a point
varié de place; s'il a été donné comme confin dans
des titres particuliers aux fonds qui le joignent;
�184.
TRAITÉ
8\1 a été respecté lors de la culture; si les héritages
voisins sont clos sur ses bords, etc., etc.
Au reste. la largeur d'un chemin ne peut être
d'auC\1ne considération pour déterminer sa qualité. Un simple sentier, d'un mètre 0\1 moins de
lar~t>IH, peut a ussi bien être un chemin public
qu'uu large passage peut ne constituer qu'une
simple voie d'exploitation lorsqu'il n'a pOUl" objet
que la desserte de fonds privés.
Souvent la contestation à laquelle donne lien
un chemin ou un sentier porte non-seulement SUI'
le caractère de chemin public ou de c:hemin privé,
mais aussi sur son existence même; les habitants
de la campagne sont assez disposés à se frayer des
passages à travers les pl'Opriétés privées, soit pour
abréger les distances, soit pour éviter un mauvais
pas; et lorsque les propriétaires auxquels ces passages ne nuisaient pas tant que leurs héritagesétaient ou verts, 011 t laissé écouler un long espace de
temps sans l'illtercepterou sans se plaindre, la commune élève la prétention de conserver le chemin.
et d'empêcher la clôture des fonds qu'il traverse.
On ne doit accueillir qu'avec une extrême circonspection une pn l'cille préten lion, lorsqne le
chemin n'est point nécessaire et qu'il parait n'avoir
été établi que par tolù:ll1ee; l'~dlt du ruois d'août
1770, sur les dôtn l'es, porte que cc tou t propriétaire
;>, ou fermiel' sera tenu de laisser le passage libre
» Sur son tenain, s'il y est asslljelli ou qu~il ne
»
puisse le clore sans intercepter le passage'~ »
�DU DOMAINE 1)UBLIC.
185
ce qui s'entendait scnlemenl cl'un passage nécessaire par suite d'enclave. Le Parlement de Bourgogne pensait qu'il était de l'intérêt public de ne
pas permettre la multiplication des chemins soit à
raison du terrain qu'ils enlevaient à l'agriculture,
soit parce qu'ils étaient un obstacle au bon entretien des chemins véritablement utiles; aussi, par
deux arrêts de réglements des 2. mai 1608 (art. 9 )
et 9 juin t 611 (art. 4), c( il avait fait défenses à
)' toutes sortes de personnes Qon-seulement de
» faire, mais de souffrir être fait aucun nouveau
» chemin dans les vignes, terres f'l prés. »
Ces principes doivent encore servil' de gnide
aujourd'hui aux tribunaux; lorsqu'un chemin n'est
pas nécessaire parce qu'une voie pllbli.qne non
contestée conduit au même point, qllf~t'n'a pas
été entretenu par la commune, qù'il' n~ traverse
que des héritages non clos, qu'il n'est point. m~n
tion né dans des titres on plans anciens, il d9it être
supprimé lors même qu'il. aurait été pra tiqué de
temps immémorial.; la possession seule, en pareil.
cas, n'est pas snffisante, elle doit être présumée
avoir en lieu par tolérancé. (c Le seul fait, dit
» M. Pardessus, Traité des ser"itltdes~ tom. l ,
» nO 216, qu'un grand nbmhre de personnes
» auraient exercé le' passage sur un espace de .
» terraiu, ne serait pas toujours suffisant pour en
» conclure que ce terrain fut un chemin public;
» car si CP. passage a pu être exercé par suite de ce
» que le. terrain était consacré à I\lsage p.ublic, il
�186
TRAITÉ
a pn l'être allssi par l'ellet Je la simple tolél'ance
» du propriétaire qui avait peu d'intérêt à s'y
» refllser... Ces faits Je passag(' senls, quelque
" nombreux et multipliés qu'ils fussent, seraient
" donc équivoquC:'s; car, s'il est vrai que la pro» priété s'acqniert par la possesi>ion, il ne faut pas
» que cette f.iossession r,ol1siste uniquement dans
:» des faits auxquds la loi n'attribue pas mème le
n caractère suffisant pour constituer une servitude.
» Mais s'jl s'y joignait d'au tres circonstances, telles
» que Jes actes de voirie, de conservation, de
.» réparations faites, avant 1789, par les seigneurs
» ou les autorités chargés de celle surveillance; si
» des plans Jignes de fili , soit par leur anciennetJ ,
» soit par le caractère de ceux qui les ont dressés
» ou fait dresser, donnaien t à ces passages la dé." nomination de chemins; si des actes, entre
" particuliers, les indiqnait'nt avec celle qualifica» tion Je chemins ou de routes, comme limite ou
» séparation des héritages riverains; encore que
» ces documents .divers ne fussent 'point contra» dictoires avec l'adversaire de la commune 011
» ses auteu l'S; encore mèrne que, seuls et isolés
» de la possession du public, ils ne pussent former
)' un titre à la commune, lem réunion à la preuve
» du passage continu, et sans opposition de ceux
» qui en eonH>steraient anjonnl'hui la qualité,
» ser~irait à expliquer ia jomssance du public, etc.»
Ainsi, et comme il a été reconnu pu un arrêt
d Il 26 février 1838 (Dalloz, pag. 138)" la posses»
�DU DOMAINE PUBLIC.
187
sion des habitants ut singuli n'est que d'une faible
considération pour faire acquérir par prescription
un droit à la commune; il faut en général qu'une
possession ut universitas résultant d'actes émanés
du corps municipal vienne s'y réunir el imprimer
à la jouissance son caraclère; alors il en résnlte
une preuve incontestahle: c< J'ai vu jn~el', dit
» M. Troplong (Prescription, tom. 1,. nO 273),
» que le passage des habitants d'une cO~tpune sur
» un chemin dont la propriété était contestée
» entre deux parties n'ayant respectivement aucun
» tÎlre à alléguer, la réparali?n des ponts, l'enlrecc tien de la chaussée aux frais de cette C0111mune,
» indicluaient bien plutôt une possession à titre
» de propriétaire de ce chemin qu'un droit de
:» servitude. Tant en cefle matièl'e dépend des
circonstances; le jnge se pénét l'era de cette idée
» exprimée par Domat, savoir: que les marques
» de la possession sont différentes, suivant la
." diversité de nature des choses auxquelles elle
» s:appliqlle. »
M. le ministre de l'intérieur :1 , par sa circulaire
du 16 novembre J ~U9, pris une excellente mesure
propre à prévenir pdr la suite de nombreux et
difficiles procès, en enjoignant anx commnnes de
L'lire dresser pour leurs chemins communaux, non
c1ass.és parmi les vicinaux, uu tableau serublable
à celui prescrit, quant à ces derniers, par l'instruction du 7 prairial an XIII; ce tableau, il est vrai,
surtout dans les premiers temps, ne formera pas
)J
�188
TRAITÉ
un titre positif et irréfrJgable pour la commune t
puisque ce n'est qu'un acte d'administration intérieure et de tutelle non opposable aux tiers et que
l'approbation qu'y tlonnera le préfet n'en fera pas
'un acte administratif proprement dit de la compétence exclusive des conseils de préfecture; mais il
servira au moins à caracterisf'r la possession des
habitan ts, à dissiper les doutes qui s'élèven t si
souvent en cette matière et surtout à repousser les
prétentions des communes par l'apport aux chemins
qu'elles n'y auraient point compris.
Nous terminf'ronsces notions abrégées SUI' les
chemins publics non vicinaux" en rappelant les
effets importants que produit ce caractère lorsqu'une fois il est reconnu ou constaté.
Le premier, ç' es~ qne le sol sur lequel de semhlables chemins sont établis est en dehors du domaine de propriété .et an rang des fonds du do.maine public et que, bien qu'appartenant aux
communes, ils ne doivent pas être confondus avec
leurs autres immeubles, tels que bois et pâturages
auxquels les habitants seuls ont droit.
L~ e secon cl ,c~, est que, comme on, l' a cl'emontre,
plus haut (nOS 509 et suivan~s), leurs chaussées et
leurs accessoires sont imprescriptibles tant qu'ils
restent affectés au service du public.
Le troisième, c'est que la commune représentée
par son maire a exclusivement qualité pour défenùre aux demandes llui seraient formées pal' des
voisins relativement à leur emplacement, ou pour
�DU DOMAINE PUBLIC.
189
en revendiquer la possession et l'usage en cas d'anticipation ou d'usurpation.
Le quatrième, c'est que la commune est dis·
pensée de produire un titre pour en léclalllcr la
propriété, ct qu'elle pent invoquer la prescription,
sans qu'on puisse lui opposer les art. 691 et 706.
du Code civil, qui ne sont relatifs qu'aux simples
servitudes. (Voy. ci-dessus, nOS 476 ct suiv.) .
Le cinquième, qui découle du précédent, est que
par rappol't à ces chemins, la commune peut intenter l'action pùssessoire dans le cas où eUe anrait
élé lroublée depuis moins d'un an, sans qu'elle
soit obligée d'apporter un titre ou de justifier
d'enclave.
Le sixième enfin, c'est que les dégradations,
détériorations ou llsurpa tions qui y seraien t commises, donnent lieu ~ l'appliçatiol1 du nO 11 de
l'art. 479 du Code pénal prononçant une amende
de onze à q\linze fl~ancs inclusi"~lllent contre les
autenrs rle ces entreprises.
533. L'article 15 que nons examinons, pOl'tant
que le préfet fixera la largcu~ des chemins vicinaux,
sans lui imposer de limite, il en résulte, COlUme
nons l'avons déjà dit, qu'il peu t leùr Jon ner la.lar.
genr qu'il jugera convenahle , en prenant en consi·
dération la nature du sol, la position du. chemin,
l'usage plus ou moù;s fréquent qui en sera fàit~
C'est une errenr généralement répandue dans
les campagnes que tont éhemin vicinal doit l1éce.~
sairement avoir 6 mètres de largeur; de telle sqrte
�190
TR.A.ITÉ
que s'il en a davanta~e, les voisi os peu vent impnné.
ment s'emparer de l'excédant, comme aussi ils
doiven,t fournir sans indemnité la dil1ërence, llans
le cas où cette largeur n'existerait pas.
Aucune disposition législative n'a établi de règle
à cet égard. L'article 6 de la loi du 9 ventôse
an XIII, qui a prohablement donné lieu à cette
opinion, porte seulernent qne l'administration
puhliqne fixera la laq~enr des chemins snivant les
localités, sans ponvoir cependant, lorsCJu'il sera
nécessail'e de l'angmenter, la porter au-delà de si,..'{
mètres, ni faire aucun changement aux chemins
qui excèden t actuelle men t cette di mensÎon.
Le législateur avait seulement fixé p"r là nn maximum pour le seul cas où il s'agirait d'angmenter
la largeUl' insuffisante d'un chemin; uwis rien ne
prescrivait de porter ou de réduire nécessairement
à six mètres les chemins plus ou moins larges qui
existaient, et, da os le ('lit, cette dimension a été
. sorte que pOUl' reconnaltre
•
' en
rarement a bservee;
si la largeur que le préfet devra atlrihuer à chaque
chemin, donnera' lieu à des expropriations partielles ou à des abandons de terrain avec indemnités au profit ou à la charge des riverains, on ne
pourra partir d'une base uniforme et légale; ce
sera le chemin en lui-même qn'il faudra examiner
en consultant les anciens plans, le cadastre, et en
ayant égard aux limites anciennes, telles qne murs,
bornes, fossés, haies, arbres, empierrements, etc.
Sans doute, si dàns son élendnc un chemin
�DU DOMAINE PUBLIC.
191
présente df's largeurs inégales, il Y anra lieu de
supposer que dps anticipations ont été commisf's
d'Ins les parties les plus ~troites, et on ponrra faire
f(,Beher les terraitu usurpés sans paye~ d'ind(~m
nité, parce que nons.pensons avec Pothi'c!' (Traité
de la prescription, chap. 1 er , part. 1""', ,{' 7),
J:.lcques Potier (sur l'art, 519 de la coütume de
Bourhonnais), Denizarl (VO chemin), Bouvot
(tom. 2, VO chemin, où il rapporte lI1l':'arrèt du
Parlement de Dijon du 17 décembre 16; 7), La
Poix de Fréminville ( Traité du gouvernement
des communautés, clwp. 9, p. 160), Pt;outlhon
(Traité du domaine puhlic., chap. 16 et 'llo 627),
qu'autrefois le sol ùes cl,emins vicinaux éiait imprescriptible comme aujo1ll'd'hui. Mais lorsqu'il
sera bien constant, d'après des plans, des murs, etc"
que le chemin n'a jamais eu qu'une largeur i féricure à six mètres ou à toute autre dimeri'sion qne
le préfet prescrira, il faudra nécf'ssairein~nl indemniser les voisins dn terrain qu'on ,prendra sllr
lems propriétés au-delà des limites actuelles,
comme aussi il y Ullra lieu de leur faire paire l', conformémf'ut à l'art'de ),9 ci-apt'ès, cellli,qui leur
serait abandonné dans le cas de rét1u(;iion à six
mètres ou an-dessous d'un chemin acwdlcl1Ient
plus large. (Arrêts de la Cour de cassati'on du 15
DovenJLre Itl31, et de Ja Courcle Caen du 23 juillet
}84o (Sirey, 32-}-13; 41-2-96).
.
En géntral, et à moins Ile circonst:ll1ces parti*
.culières, lorsqu'un chemin est LÜJ'dé par 'd~s murs,
�TRAITÉ
ùes baies ou des clôtures quelconques, on doit
supposer que tout l'intervalle compris entre ces
-e1[)tures forme une dépendance de la voie publique. C'est ce qui a été jugé par Lln arrêt de la
Cour de cassation du 21 mai 1868 (Dalloz, 1838,
p. 231), rendu dans les circonstances suivantes:
.Un sieur Renault, traduit. en police pour avoir dé.posé des ma té ria ux en dehors et le long de son
mm, du côté de la place publique de Velisy, éleva
la question préjudicielle de propriété et se pourvut au possessoire; mais il fut déclaré non-recevabla dans sa deqlaT!de suivant sentence du juge
de paix confirmée sur appel par le tribunal de Ver..sailles qui consiùéra cc que Bar sa situation hors des
» murs de la propriét~ de Renault, le terrain dont
» il s'agissait, tenant à la rue et à la place pu» blique de VeIisy, était présumé en faire partie,
» jusqu'à vérification cçH1traire, et ne pouvait
» dès-lors être l'objet d'une possession utile à titre
» particulier. »
Ce jugement ayant été frappé d'un reconrs en
cassation, la chanlbre des reqnêtes a rejeté le
pourvoi par les motifs ci-après: « Attendu en droit
» qu'il existe présomption légale que les terrains
» laissés par les riverains le long des rues et places
» publiques, en construisant des murs ou des bâl ' timen ts, dépenden t de ces rues et places pu» bliques; attendu en fait que le jugement attaqué a reconnu que le terrain en litige faisait
» partie de la place publique de Veli.zy, parce qu'il
l)
�DU
DO~lAINE
PUBliC.
193
-,) était en dehors des murs construits par le de» rnandeur; construction par laquelle il a lui») même déterminé la limite de sa propriété. »
Avant cette décision rapportée par M. le mil1istre de l'intérieur dans sa circulaire du la décembre 183'), la Cour de Nancy s'était prononcée
deux fois dans le même sens :
Lambert Pierron, haLitant de la commune de
Vagney, dans le département des Vosges, avait
élevé des constructions en maçonnerie sm la partie de la rue située au-devant de sa maison et vulgairement appelée en Lorraine aisance. D'après
l'usage des lieux, ces aisances sont destinées au
dépôt des fumiers, au stationnement des voitures
et des instruments d'agriculture; la commune
ayant voulu s'opposer à celle entreprise, il assigna
le mail'e devant le tribunal qui lui donna gain de
cause; sur l'appel, M. Tr?plong, comme organe
du ministère public, posa la- question et la discuta
en ces termes: cc Qu'est-ce qu'une rue? C'est tout ce
» qui existe dans les villes et villages entre les mai~) sons alignées des deux côtés. Donc le sol entier
» compris dans cet espace est censé faire partie
» de la voie puLlique. Telle est la présomption
» résultant de la nature oes choses. On ne peut
» tirer une présomption contraire de ce que, dans
» les villages, on est dans l'habitude de laisser,
» sur le devant des maisons, des places destinées
pour les fumiers et les chalTettes. C'est là un droit
» communal, une servitude attribuée à tous les
)9
�194·
TRAITÉ
)' riverains des rues pour la commodité des habi» tants de la campagne; mais Cl'S tClTains sont de
;» plein droit COllllllUtiuuX; ils sont aisances com» mUllales toutes les fois qu'ils sont sitnés entre
» l'alignement dés maisons. C'esl ce que la CtllH
» a déjà ju~é Je 26 fév~'ier 1827, dans l'affair{~ de la
» commune' de Ville-sur-lion contre Pommiers.
» Pour faire cesser cNte présomption, il faudrait
» des preuves conl"a~res bien évidentes, par
» ex('mpll~, des titres qui prouveraient que; I)our
» se ménager des, aisances pins considérables et
» exclusives, on s'est retiré sur son propre telTaüj
» pour éleve,' sa maison. Mais aucuti indice de ce
» genre n'existe dans l'espèce. »
Ce système fut accueilli pararrêtdu 1 er mai 1828
ainsi motivé: « Attendu (l'l'il est d'usage dàns les
» communes rurales, et notamment dans les com» munes du déparlement des VOSgI>S, de considé:» rel' comme aisances communales leS terrains
» qui, situés en avant de chacune deS maisons
» d'habitation, se trouvent 'contigus 11 'une rue;
» que jamais Lambert n'aurait. rencontré d'ob.
,> stades. dans sa jouissance, s'il s'était borné à
;) user du terrain exislant an·d<'v~.nt de sa maison
,> pOIU le slationnement dt~S voitures, pour des dé» pÔlS de bois, Je fumiers ou J'insll'ulIlents d'a» griculture; mais que son dl'Oit à u ne telle jouis» sance ne lui donne pas le droit d'éleve,' sur ce.
) terrain des constructions nouvl,lles qui, en ré,> trécissant la voie publique, genent évidemment
�DU DOMAINE PUBLIC.
195
) la circulation des voitures et la rentrée des récoItes; - attendu, d'ailleurs, que ses titres ne
) lui donnent pas la propriété exclusive, etc. »
( Traité de La prescrip. de M. Troplong, t. 1 er ,
nO J 6 1. )
L'autre arrêt qui est du 30 mars 1833, et qui a
été confirmé par la Cour de cassation le 20 juin
1834 (Dalloz, 1834, pag. 27), est encore plus précis. cc Attendu que, dans les communes rurales,
» ainsi que Jans les villes, l'espace compris entre
» les lignes des maisons et désigné sous le nom
» générique de rue, appartient de sa nature au
» domaine public, et ne peu t passel' à la posses:» sion d'aucun paniculier qu'à titre précaire de
» tolérance, à moins qu'il n'y ait titre positif de
» propriété, ou siglle appal'ent Je délimitation
» contraire. »
Nous pensons que la largeu r de six mètres. pour
les chemins vicinaux ordinaires et Je huit pour
ceux de gt'ande communication, non compris les
fossés qu'ilnons parait de la plus grande utilité de
, , 1ement conve·
creuser presque partout, sera gencra
nable, sauf à n'établir d'empierrements que sur
environ un tiers de leur largeur.
On exagère ordinairement la perte résultant pour
l'agricullure de la trop grande dimension donnée
aux chemins, puisque chaque mètre de largeur ne
produit en superficie que 10 ares par kilomètre. »
�196
TRAITÉ
ARTICLE XVI.
»
~)
»
»
;)~
»
»
~~
~)
»
534. «Les travaux d'ouverture etde redl'essement des chemins vicinaux sèl'ont autorisés par
arrêté du préfet.
» Lorsque. pori'r l'exécution du présent article,
il y aura lieu de recourir à l'expropriation, le
jury spécial chargé de régler les indemnit~s rie
sera compose que de qnatre jurés. Le tribunal
d'arrundissement, en prononçant l'expropriation, désigner a pour présider et diriger le jury
J'un de ses menibres ou le juge de paix du canton. Ce magistrat aura voix délihérative en cas de
partage.
» Le tribunal choisi t'a
la liste générale, pres':'
crite par l'article 29 de la loi du 7 juillet 1833,
quatre personnes pour former le jl1l'Y spécial ei
trois jurés supplémentaires. Vadministration et
la partie intéressée auront respectivement le
<Troit d'exercer une récusation péremptoire.
~) Le juge recevra les acquiescements des partics.
» Son procès-verbal emportera translation définiLÏve de propriété.
» Le recours en cassation, soit contre le jngement qui prunoncera l'expropriation, soit
contre la déclaration du jury qui réglera l'iudemnité, n'aura lieu que dalis les cas prévus et
selon les formes déterminées par la Joi du 7 juillet 1033. »
sur
~>
»
»
»
)~
»
»
~)
~)
»
»
i>
�197
DU DOMAINE PUBLIC.
La disposition de cet article s'applique à la première hypothese que nous avons annoncée au commenccment du nO 524 ci-dessus, celle où, de
l'aveu même du préfet, il n'existait aucun chemin
conmiunal antérieurement, et où la dépossession
d'une propriété privée est patente. L'ordre logique
amait exigé qu'elle eût été placée avant -l'art. 15 ;
on aurait ainsi parcouru du plus au moins important, les trois cas dans lesquels l'établissement d'un
chemin porte atteinte à la propriété privée.
L'opération du redressement d'un chemin peut
paraître devoir se confondre quelquefois avec celle
du l'élargissement, l'augmeiltation ayant lieu SOIlvent pour arriver au redressement. Voici cependant selon nOus la diffél'ence qu~ existe: Il y aura
redressement dans le sens de la loi, non lorsqu'on
se rapprochera de la ligne droite en faisant disparaître, par une simple augrnentatioli de largeur;
une légere courbe bu anfractuosité; mais lorsque;
joignant par la ligne la plus courte, deux' points
d'un chemin déjà établi, on abandonnera dans une
partie l'ancien tracé et que l'on ouvrira nne communication à nne certaine distance, dans un fonds
où elle n'existait point précédemment. Le redressement alors est, dans la panie qui en fait l'objet;
une véritable ouverture de chemin.
535. Lorsqu'il s'agit d'une atteinte aussi grave
au droit (le propriété que celle dont s'occupe notre
article, on a dû multiplier les garan lÏes et recourir
au mode, et en partie aux formes prescrites par le
T01\L II.
13
�198
TRAITÉ
lé~js1ateur,
ponr vaincre au nom Of' la sociPté et
dans l'intérèt public les résistances de l'intérêt individ nel.
Chez les Romains l'expl'Op,'iation ponr canse
d'ntilité pnblique étllit incunnue Ca), le refns du
partic~lllier limitait la puissance de l'état; soit par
oubli du lé~islatel1r, suit à dessein, la volonté de
tons était obligée de fléchil' llcvant l'obslination
d'un seul citoyen. Ain.,i l'f'mperem Commode S0
trouva clans la nécessité de renoncer an pl'Ojet d'élargir le forum, par respect ponr des droits qui refusaient de s'abdiqner; cependant on sentit bientôt qu'il était des cas dans lesqnels le principe de
l'inviolabilité des propriétés devait recevoil' des
exceptions, c'était dans ceux de nécessité absolue
ou d'ütilité générale et évidente. cc L'état, dit Gro~~ tius, a uil droit éminent de propriété sur les
» biens des sujets, en sorte que l'état ou ceux qui
» le représentent, peuvent se servir de ces biens,
» le~ distraire même et les aliéner, non·seulement
(a) On a ptétendu qu'elle etait usitée chez les Hébreux, et
on eüdonne pour pr~uve ce pnssagedes Paralipomènes (liv. 1,
chap. 21, vers. 22): « Dixit David ad Ornant: Da rnihi
locum areœ tuœ J ut œdificem in eo altare Domino, ità ut in
quantum valet argenli accipias • et cesset plaga à populo; »
cependtont le moyen violent auqnel Jézabel recourut contre
Nnboth qui avait refusé ùe céder sa vigne au roi Achab, malgré
l'offre de lui en ùonner en échange une mf'illeure ou de lui en
payer toute là valeur, semblerait indiquer qu'il n'y avait
aucun moyen légal de vaincre le refus du propriétaire.
�DU DOMAINE PUBLIC.
199
dans le cas d\IDf"extrême nécessité, mais encore
» pOil!' l'utilité publique, à laqnelle l'Iltilité par» ticnlière d011 céder, selon l'intention raisonoa» blemenl pn~sllmée de ceux qui ont formé les
» sociétés. » (Liv. 3, ch. 20, S 7, nO 2.) Anssi.,
quoique l 'il nt:icn ne lt~gisla tion fl'a nçaise ne présèn te aucnrie loi posi ti ve et générale su rI' expropriation dans l'intérêt de J'état, il est certain que
celte mesure, dont le principe se trouve déjà dans
une ordonnance de Philippe-le-Bel, de l'an 1303
(a), fllt consacrée plus tard sons le nom de retrait
d'utilité publique par les Parlements et Coursde
justice; elle était autorisée pour chaque cas spécial
par un arrêt du conseil d'étalqui en réglait le mode
d'application et les conditions; c'est ainsi que deux
arrêtsde ce conseil, endate des 27 juin 167H et 1 er
juin 168o, qui autorisent les magistrats de la ville
de Dijon à y faire différcn ta erubellissetuents ,notamment des ouvertures ou l'élargissements de
rues, porlent « que les maisons, cours, jal'dins et
autres bâtiments génét'alement quelconques, soi.t
qu'ils appal'tiennen t à ): église, ou autres particuliers, qui seront jugés par les commissaires néces»
(a) Voici les termes de cette ordonnance tels qu'ils sont
rapportés dans r ancien style du Parlement de Paris (partie 3,
tit. 45 , § 47): « Possessores possessionum quas pro eccleszïs
,. aut domihus ecclesiarum parochialium de novo fundandis
» aut ampliandis infrà villas, non ad supeifluitatem, sed ad
" convenientem necessitatem acquiri contingù, ad eas diTTUit~ll
II das pro justo pretia compelli debent.
,.
�200
TRAITÉ
saires à l'·emhellissement de la ville, seront démolis
en tout on en partie, en dédommageant les propriétaires cl 'iceux snI' les deniers d'octroi de la ville,
suivant la liquidation qui en sera faite par lesdits
commissaires, sans que toulefois pour raison des
acquisitions qne les maire et échevins feront desdites places et bâtiments, ils p'lissent être tenus
allpaiement du huitième denier desdites acquisitions,donl S. M. lesdécharge en vertudu présent.))
Un autre al<rêt du même 'conseil, du 26 mai 1705,
s'applique d'une manière plus générale aux ouvertures; 'redressemen ts 'et l'élargissemen ts de chemins; il auto~ise à donner en échange au propriétaire dépossédé le chemin supprimé (a); les formes
d'après lesquelles les avantages ou les inconvénients des travaux de cette espèce devaient être
constatés; étaient tracées dans une ordonnance des
trésoriers de France, du 29 1l1arS 1754, principe ct
même modèle complet de nos informations de
commodo et incommodo; en sorte que des garanties anaJognes à celles qui existent actnellement
étaien t données à la propriété par la jurisprudence
et par l'usage, à défaut de la loi (h).
(a) L'art. -1 de l'édit de janvier 1607 contraint les co-portionnaires des marais qu'on veut dessécher à en faire vente, ou
sur le pied des marais voisins, ou de l'estimation.
(h) Un arrêt de la Cour de cassation, du 19 juillet 1827
(Sirey, 27-1-488), contient sur l'étendue du pouvoir royal
en France avant la révolution, par rapport :lUX propriétés
�DU DOMAINE PUBLIC.
201
En 1789, l'inviolabilité dè la propriété fnt érigée
au nombre des droits de l'homme et du citoyen Ca),
et les diverses constitutions, notamment celles des
privées, des notions qui, se rattachant à notre sujet, doivent
trouver leur place ici: « Attendu, por.te-t-il, que ce· fut une
l> maxime incontestable de notre droit public, que les rois de
li France furent toujours dans l'heureuse in)puissançe de porter
li aucune atteinte aux propriétés de leurs sujets ; aussi, dans
» les arrêts du conseil portant quelques conc~ssions au profit
li des particuliers, ~n lisait cette formule par laquelle ils se
» terminaient: S aul noire droit en autres choses, et l'autrui
li en tout; clause toujours supposée, lors même 9u'elle n'était
» pas écrite, de manière que ces ar-rêts n'avaient-aucune efli» cacité s'ils n'étaient revêtus de lettres-patentes qui devaient
» être enregistrées dans les Cours souveraines, lors duquel
li enregistrement les parties iri.téressées,
et qui pouvaient· se
» prétendre lésées dans ces actes de l'autorité publfque, avaient
» la faculté de former opposition à rarrêt <fenregistremeuf.;
li et le Parlement, saisi par cette opposition, statuait contra» dictoiremenL sur les moyens respectifs des. concessionnaires
» et des opposant~; ainsi se faisait, d'après les titres et les
» circonstances, l'application de la clause restricti ve : S aul
» notre droit en autres choses, et l'autr.ui en tout. »
Ca) La loi des 15~28mars 1790, tit. 2, art. 19, en prononçant la suppression des droits de halle, décidait que les
bâtiment. où se tenaient les marchés continuenient d'a ppartenir
à leurs propriétaires, mais que ceux-ci pourraient être contraints
à les cédel' aux municipalités des lieux et que les difficultés qui
s'éleveraient à ce sujet seraient soumises à l'arbitrage des autorités administratives. C'était évidemment là un droit d'exprOpriation, mais sans fixation d'aucune règle pour le mode à
suivre et pour le paiement de l'indemnité.
�202
TRAiTÉ
3-14 septembre 1791 (art. 1'7) et 24 iuin 1793
(art. 1l)), proclamèrent cc qne la propriété étant
» un droit inviolable el sacré, nul ne pouvait en
" êlre privé, si ce n'est lorsque la nécessité pu» hLique.~ légaleme.nt constatée, l'exige éviJelll" me~l et sons la condilion d'ulle jtlste el préa» lable indemnilé. " Mais COU1llle (311 lUèllle temps
on établit llne ligne de démarcation entre le pouvoir judiciaire et l(~ pouvoi,' udloiuistrallf, et qu'un
attribua à celui-ci le 'dl'oit d'()rdonn(~r \OIlS les travaux de nécessité publiqlle Ca), Je déposséJèl' les
(a) Ce qui semblait emporter le droit de ,'econnaître ceUe
cependant, jusqu'en 1807, elle fut toujours déclurée
par une loi. Dans un décret du 4 llvril 1793, la convention
décide (art. 1, J 3 et suiv. ) que l'acquisition d'immeubles,
reconnus d'utilité publique, ne po~rra avoir lien qu'cn vertu
d'un décret; elle ùétenllillc ensuite suivant quelles bases d'évaluation des experts choisis pur les parties devrOJlt régler l'indemnité; en conséquence, c'est pal' une loi du 18 brumaire an 8
que Je Directoire considérant que la sûreté publiqne exigeait la
destruction d'un bois dans lequel des crime~ avaient été commis,
en ordonna l'arrachement li la charge par l'udministration centrale dn dépurtcment de traiter préalablement avec le propriétaire, soit à l'amiable, soit par arbitres. C'est encore par J'autorité d'une loi du 15 ventôse an 13, que le propriétaire d'un
château dut Je céder pour cause d'ulil.ité puLlique moyennant
une juste et préalable Îudemnilé,
Ce ne fut que longtemps après la promulgation de l'art. 545
du Code civil, que le conseil d'état, ayant été consulté sur
la question de savoir si le concours de l'llutorité législative
était nécessaire lorsqu'il s'agissait de l'application du principe
néces~ité;
�DU DOMAINE PUBLIC.
203
citoyens, de fixer les indemnit(;s et de statuer en
cas de contestation cl'lOiqu'il (üt presque toujours
juge et partie, il en résulta que la garantie promise
aurait pn devenir illusoire.
Cependant aucun inconvénient ne fut signalé
sous l'eIllpire de cette législation, soit parce que
l'ad ministra lion était alors confiée à cles corps électifs et nombrer x, protecteurs naturels de l'int(~rêt
. ,SOIt
. parce que l' etat,
,
, l
d es guerres
pnve,
enga~e l. jll1S
et manquant de ressonrCeS pour entreprendre ùes
travaux illlportants, ne put s'occuper d'améliorations lllatéri<:lles et par cOl11léqnent n'cut point à
faire nsagc du droit qui lui était accorJé.
Mais bien tôt J,·s mot! ifica tions fmen t apportées à
cet ordle Je choses: d'une part, l'art. 545 dn Cod.
civ. sUU1>titna le mot dJutilité publique à celui de
nécessité (a); et J'un autre côté, les corps admi-
contenu dans cette disposition renouvelée de toutes les consti·
tutions préeédenles, répondit par un avis du 18 août 1807
que ce concours n'éta;t point nécessaire et que la nature même
d,·s choses s'opposait à ce que l'autorité législative puis5e intervenir avec la sûreté et la dignité qui lui conviennent; celte déci5ion, dans les motifs de laquelle on avait eu soin de rappeler
que jamais le corps législatif n'avait été saisi des expropriâtions
ayant pour cause la voirie et les alignements, préparait la voie
tracée peu après par la loi du 16 septembre suiyant.
Ca) " Pour que l'état, disait Portalis dans rexpo5é des
motifs de la loi sur la propriété, soit alltnrjsé à disposer des
domaines des particu licrs , on ne requiert pas cette nécessité
» rigoureuse et absolue qui donn~ auX: particuliers mêmes
l)
l)
�20~
TRAITÉ
nistl'atifs électifs furent remplacés, aux termesdela 1
constitution du 22. frimaire an 8 et de la loi du ~,8
pluviôse suivan t, pal' les sous- préfets, préfets,
conseils de préfecture et par le conseil d'état.
Cette hiél;archie administrative, essentiellement
dépendante du chefde l'état et entièrement soumise à sa volonté, était loin d'offrir la même sécurité ; la loi du 16 septembre] H07 vint sous un titre
incomplet (a) révéler toute la pllissanc~, nOlls dirons même" tout l'ar~itraire dont l'administration
était armée. D'après ses disposi,tions, le gouvernement d~c1arait l'utilité publique, et cette déclal'atian désaisissait de pIano les propriétaires don 1 les
droits se \rouvaient alors convertis en une simple
créance qui était réglée soit par le conseil de pré- ~
feclure, SOil par une commission spéciale, sur le .. ~'·
rapport de trois experts.
Les importants I.rav3uxqui à cette époque furent
entrepris pour le compte de l'état et des villes,
firent sentir les vic~s dé ce régime, et des plaintes
' .
.
, , l es amenerC1H
' l 'emperenr a. mettre l" actlOn
~coera
q.uelq.ues d,roits sU,r le bien d'autrui. Des 1).10tifs, graves
d'utilité publique suffisent, parce que, dans l'intention rai" soTtnablement présumée de ceux qui vivent dans une société
>l civile, il est certain .quc chacun s'est engagé à rendre possible
" pat:. quelque sacrifice p~rsonnel ce qui est utile à tous. ,.
»
»
(a) Elle est simplement intitulée: Loi relatille au dessèchement des marais, quoique dnns ses 59 articles elle embrasse
tous les travaux d'utilité générale on communale.
�DU
DOMAr:~E
PUBLIC.
205
de l'administration en harmonie avec l'espt'it du
Code civil; alors fut pr:omnlg\.lée la loi du 8 mars
1810, qui posa en principe que l'expropriation ne
serait plus prononcée que par les tribunaux, et
qu'à eux seuls était réservé ~e drai,t de ~xer les indemn~tés
Ca).,
(a) Ce fut dans une discussion au conseil d'état, à laquelle
avait donné lieu, en 1811, l'application de cette loi, l'une
des plus libérales qui aient été promulguées sous l'empire et
qui, à ce que l'on prétend, avait été provoquée par la
pétition hardie d'un simple citoyen, que :Napoléon prononça
ces paroles remarql,lables recueillies par Locré dans les Discussions dr,t, conseil d'état sur lq (ibertç de la presse, publiées
en 1819: « Tout çitoyen à qui l'on fait tort doit pouvoir se
l> plaindre, non pas à l'administration où la faveur peut beaul> coup,.de qui l'on ne se fait pas entendre, qu'on n'aborde
l> que difficilement, qui v~dtie les faits comme il lui convient
" et ne décide point ou dçcide suivant 5(Jn bon plaisir; mais
l> aux tribunaux auprès
desquels tous ont aceès, où l'on
" trouve des défenseurs, des formes protectrices, un examen
" régulier, un jugement, des règles invariables; voyez le style
" humble et suppliant d'une pétition et le style ferme d'une
" requête, et vous comprendrez la différence; un pétitionnaire
", croit solliciter une grâce, un plaideur a la conscience qu'il
l> use de son droit. On ne jouit pas de la liberté civile dans
" tout état oit celui en la personne duquel la loi a été violée,
l> fût-ce pal' un ministre, J.lç peut pliS se plaindre aux tribul> naux.
"
Déjà dans la note qu'il avait envoyée de Schœnhrunn pOUl'
indiquer les bases du projet de la nouvelle loi, il disait: "i J'al> voue que je ne m'accoutume pas à voir l'arbitraire se glisser
.. parlout, et un si vâste état avoir des magistrats sans qu'on
�206
TRAITÉ
D'un excès on ne tarJa ras à tomber Jans un
autre (a); par suite de la réaction de 1814 con lre le
puisse leur adresser des plaintes. Je sais que l'on dira que cela
" entravera tout; mais je sais que cela n'entravera rien, et
que cela empêchera d'énormes abus. Cela n'entravera rien,
parce qu'on peut fixer, pour les délais de la procédure, une semaine et même trois jours) laps de temps fort raisonnable .•..
Ct'tle question est plus importante qu'on Ile veut le croire,
puisqu'en s'accoutumant à jouer avec la propriété, on la
viole, et qu'il en résulte des abus révoltants qui mécontentent
l'opinion publique..... ,. Le mode actuel ébranle toutes les
propriétés, car ce ne sont pas seulement les ingénieurs des
ponts et cJ1aussées qui peuvent, à leur gré, déposséder un
propriétaire; après eux vient le génie, l'artillerie; enfin, de
tous côtés, les droits des propriétaires sont violés ......• Un
directeur, un préfet n'auront plus la faculté d'exproprier
» pour exécuter, sous prétexte d'utilité publique, des travaux
" qui ne servent que leQr utilité ou leur commodité person" neUe. " ( Loeré, tom. 9, pag. 651 et 676. )
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(a) On s'aper~ut bientôt des abus qu'entraînait l'application
de cette loi, et c'était déjà pour y parer que fut rendu le décret
du 18 août 1810, qui faisait revivre les dispositions de la loi de
1807 pour les nombreulC projets dont l'exécution avait été ordonnée; en sorte que wus le régime impérial la nouvelle législation ne fut que rarcment suivie; à la faveur du décret
précité, l'administration ill\'oquait souvent la juridiction administrative dont les formes pln~ rapides que la procédure
judiciaire permettaient d'arriver plus tôt et à moilb de frais à
la libre disposition des terrains nécessaires aux travaux.
Cependant, par un décret du 12jallvier 1811 (art. 13,14
et 15), la loi de 1810 fut appliquée à l'expropriation des manufactures de tabacs, et la restanration soumit à ses dispositions
tous les grands travaux d'utilité publique commencés ou exé-
�DU DOMAINE PUBLIC.
20'1
régime impérial, de l'irupopll1.lrité dont se trouva
frappée l'administration, et de l'inamovibilité qui
fut accordée aux ma~istrats de l'oulre judit'iaire,
les intérèts généraux furent sacrifi(~s :lUX intérêts
individuels, les procéùures s'étt>rnisi:rent, et ce ne
fut qu'an prix d'indemnités exorhitau:es, que
certains travaux tels que les canaux de Berry et
de Bourgogne purent être continués ou achevés.
C'est pour remédier à ces abus nuisibles an déve-
cutés à cette époque. On ne rencontra sous ce régime qu'une
exception imposée, à raison de la gra,vité des circonstances,
par l'ordonnance du 27 septemhre 1821 relative aux mesures
sanitaires à prendre dans plusieurs départements frontières,
à l'effct d'arrêter l'invasion de la fièvre jaune qui sévissait cn
Espagne.
Si le mode de fixation des indemnités étahli par la loi de
1810 était très-favorable aux propriétaires, il est certllin, d'un
autre côté, qu'un pouvoir véritablemt'nt arbitraire avait été
laiss~ à l'administration pour la déclarntion d'utilité publique;
l'art. 8 d'une ordonnance royale du 10 mai 1829 vint imposer
quelques règles à l'exercice de ceUe faculté ex(\rbitante, en statuaut qu'à l'avenir aucun grand fravail à exécuter au nom ou
pour le comptc de l'état ne serait entrepris sans que la proposition en eût préalablement été soumise à des enquêtes, dont les
formes devaient être détermillées dans chaque cas particulier,
suivant l'importance des travaux et leur influence probahle. n
devait être statué par une ordonnance sppciale sur la forme
des enquêtcs qui devraient précéder toute entreprise de canal
ou d~ navigation. Cette mesure fut développée et géllél'alisée par
l'ordonnance royale du 28 février 1R31 , prescr!"alll les formes
à suivre oans ces enqnêtes, et a ujourd'hu i rem placée par les
ordonnances des 18 février 1834 et 23 aoilt 1835.
�208
TRAITÉ
loppement de l'esprit d'améliorations si généralement manifesté depuis d33o, que le gouvernement proposa en 1~133 une nouvelle loi (promulguée le 7 juillet de celle année), qlli diffère
essentiellement de celle de 1810, par la double
intervention du pouvoir législalif ponr la déclaratiun d'utilité puhlirl'Jc, lorsqu'il s'agit de grands
travaux, et d·u jury pour la fixation des indemnités
dans tous les cas.
Cependant celte œuvre n'était point parfaite,
l'expérience y fit bientôt reconnaître quelques lacuqes ql,le l'on a cherché à combler par la loi du
3 mai d341, dont la disposition la plus importante
et la seule qui soit nouvelle, est celle qui autorise
l'administration à se mettre provi&oirement en
possession e~ cas d'urgence spécialem,ent déclarée
par ordonnance royale.
536. Ce sont les règles posées dans la loi du 7
juillet 1833 ( et néces.sairement avec quelqllesunes des modifications résultant de celle du 3 mai
1841), que l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836, objet
du présent commentaire, a appliquées aux cas
d'ouverture et de redressement des chemins vicinaux, en retranchant toutefois les formes et les
précautions minutieuses qu'exigeaient de granns
intérêts, assez rarement en jeu lorsqu'il ne s'agit
que de l'ouverture d'un chemin rural.
Ainsi, d'une part, il fandra toujOUl'S la reconnaissance d'utilité publique, émanant du pouvoir
ad ministratif, la dépossession par les tribunaux
�DU DOMAINE PUBLIC.
209
civils, la fixation de l'indemnité par un jury et le
paiement préalable de cette indemnité. Mais, d'UD
autre côté, 1 ° la loi qui est nécessaire pour les grands
tnlvaux publics, tels 'lue routes, cauaux, etc., et
l'ordonnance royale qui est exigée pour d'autres
ouvrages moins importants, seront remplacées
par un simple arrêté du préfet; 2° aux enquêtes
administratives de commodo et incommodo qui
doivent pnkéder ces lois et ordonnances, sont
substitués l'avis du conseil municipal pom un chemin ordinaire, et celui du conseil d'arrondissement, ainsi que la délibération du conseil général,
pour les chemins de grande communication; 3° le
jury, au lieu d'ètre composé de douze membres,
11'en anra que quatre, et il ne sera adjoint que trois
jurés supplémentaires; 4° ce jury sera formé :non
plus par la Cour royale, mais par le tribunal de
l'arrondissement; 5° le iuge de paix du canton
pourra être appelé à remplir les fonctions de directeur du jury, et le directeur aura voix délibérative en cas de partage; 6° l'administration et la
partie intéressée n'exerceront chacune qu'une récusation péremptoire; 7° le juge recevra les acquiescements des parties, ~o et son procès-verbal
emportera translation définitive de propriété.
537. Tous ces points sont nettement et explicitement résolus par notre article 16, et par conséquent n'ont donné et ne pouvaient donner lien
à aucunes difficultés.
Mais il en a été autrement de celui de savoir si
�210
TRAITÉ
les dispositions du titre 2 de la loi dn 7 jnillet 1833
(comprenant les art. 7 à 12 inclllsivf'ment) et
notamment celles des :lrt. 8, 9 et 10, concernant
la c0l1l111isslon spécidle instituée pour examiner
les oppositions dcs pa rties in téressées, étaien t
aprlicables à l'expropriation en fait de chemins
vicinaux soit de grande, soit de petite cornmunica tiou.
Une singulière variation s'est élevée à cet égard
dans la jurisprudence. La question ayant été soumise à la Conr (le cassation, il intervibt, le 25
avril 18j8, tHl arrêt qui, cc considérant que l'art.
~~ 16 n'exige, t'n cas d'ouverture ou de redresse~~ ruent des chemins vicinaux:, d'autre préalable
,~ au reconrs en expropi'iation, qu'un anèlé du
» préfet qui en autorise les travaux, arrété qlli,
~) dans l'espèce s'appliqllant à nn cht'min vicinal
» de grande communication, rel11r'e dans les dis» positions de l'art. 7; qu'ainsi, pourvu qll'appa,. raisse an tri bu nal lin arrèté de préfet rendu en
" conformité des lois et non allaqné par lt's parties
» devant l'autorité administrative supérieure, il
» est du devoir de l'autorité judiciaire d'y donnel'
~) effet sans imposer au demande~lr l'obligation
~, d'accomplit, les formes étrangères à la matière
~) des expropriatiuns relatives aux chemins vici~) naux, et dont la loi n'exige l'observation que
» dans les cas généraux d'expropriation ponr ntilité
~) publique, régis par la loi du 7 jllillet ) KU, ) j
cas a un jugement du tribunal de Neufchâteau, qui
�DU DOMAINE PUBLIC.
211
avait déclaré le procnreur du roi non recevable,
faute d'avoir produit les piècl's p,escrites par J'art.
2, tit. 1 er , et par le tit. 2 de la loi du 7 juillet 1833
(Sirey,3S-1-458 ).
Quelques mois après, la question s'étant de
nouveau présentée, la même chambre, composée
des mêmes juges, rendit, les 20 et 21 août (a),
deux arrêts absolument opposés, par lesquels elle
(a) Les motifs d'un de ces arrêts sont en partie rapportés,
nO 531 , ci-dessus; voici le surpl u! qui a trait exclusivement
à la question qui nous occupe: " Attendu que si, en matière
d'expropriation pour chemins vicinaux, la loi du 21 mai
1836, dans son article 16 (il la différence de celle du 7
juillet 1833, dans son art. 34), réduit à quatre, au lieu de
douze, le nombre des membres du jury spécial chargé de
» régler l'indemnité, elle laisse subsister dans leur intégrité les
» autres conditions de l'expropriation, par cela seul qu'elle ne
les abroge pas et que, d'ailleurs, tout en diminuant les garanties par la réduction du nombre des jurés, elle statue par
la disposition finale de cet article: Que le recours en cassation, soit contre le jugement d'expropriation, si:lit contre la
déclaration du jury d'indemnité, aura lieu dans les cas prévus
» et dans la forme déterminée par la loi du 7 juillet 1833;
» attendu, en dernière analyse, que, lorsque la nouvelle
» direction d'un chemin vicinal doit entrainer la dépossession
» d'nne propriété particulière, l'art. 16 s'en est référé, en les
» simplifiant, llllX formes prescrites par la loi du 7 juillet 1833;
» tandis qu'il résulterait du systême contraire qu'un proprié» taire pourrait, sans avoir été 'mis en état de fournir ses contredits, être exproprié par l'effet d'un simple arrêté du
» préfet, qui changerait arbitrairement la direction d'un chen min vicinal. »
l)
l)
l)
l)
l)
l)
l)
l)
l)
l)
�212
TRAITÉ
déclara qu'en jugean tgue, faute d'accomplissement
des formalités prescrites par le til. 2 de la lui dù
7 juillet 1833, il il'y avait pas lieu de prononcer
l'expropriation, les tribunaux ùe Mortagne et de
Remiremont, loin d'avoir violé aucune loi,
avaient au cori traire fait une juste et saine appli~
cation des art. 2 de la loi du 7 juillet 1833 et 16
de celle du 21 mai 1836 (Sirey, 38-1-784 et 975).
Par deux nouveaux arrêts des 25 mars et 9 juillet
1839 (39-1-403 et 792), elle a persévéré clans
celle jurisprudence.
,
C'est pour lever les doutes qui naissaient de cet
éta t de choses q ne, sur la proposi tian de M. ReDouard, député, la chambre, lors de la discussion
de la loi du 3 mai d341 , relative à l'expropriation
pour cause d'utilité publique, ajouta à l'article 12,
portant: cc Les dispositions des art. ~ , 9 et Hl ne
~~ sont point applicables au cas où l'expropriation
:» serait demandée par llne commune et dails un
:n intérêt purement communal, ces mots: Non
)~ plus qu'aux travaux d'ouverture ou de redresse:n ment des chemins vicinaux. )~
Voici en quels termes cet amendement a été
justifié par son auteUl', qui commença par rappeler
les trois arrêts ci-dessus de 1838: cc De ces hésitations de la jurisprudence, dans des matières
nouvelles et règlée§ imparfaitement par la loi,
dit-il, vous devez tirer la conséqnence : qu'il y a
dans la loi des obscurités, des difficultés d'interprétation.
�213
DU DOMAINE PUBLIC.
» On a considJré dans les deux ar,"êts du mois
d'aoùt 181~ (clllf'r"il'cllJent à ce I1ni avaitétê décidé an Illois d'avril précédent, qu'il Edlait n'ap.:.
llliquer l'an. 12 de la loi Ile 1833 que dans les
puints qui se trouvent spé'Cialcment I"apportés par
la j'oi de dB6) 'lne la loi de 1836, par son art. 16;
rel:;le à la vérité une nouvelle forme pour instituer
le jl\ry, établit de nouvelles règles pour fixer l'indcumité; mais qu'elle ne rapporte pas ce qui est
relatif aux ail. 8, 9 ct 10, c'est-à-dire ce qui est
reldtif a la formation de la commission.
)' L'art. 12 de la loi de 183:> dit, en effet:
Les dispositions des art. 8,9 et 10 ne sont point
»applicables aux cas où l'expropriation serait
» demandée par une commune et dans un inlérêt
» pu J'l'men t com HI unal. »
» 01', on a considéré et avec taison, je crois,
dans l'interprétation de la loi, qU'il n chclUi n de
grande communication il'est pas JClllandé dans un
intérêt purement communal; 'ln'il est dernandé
dans l'intérêt de plusieurs communes à la fuis;
qn'il touche à plusieurs intérêts communaux et
s'éleve ainsi au-dessus d'un simple intérêt comlllunal; et dès.lors, pnisqne aucune di'positiun ne
se trouve dans la loi de ll:G6 pOlir affranchir de la
formalité de la rénnion Je la commission, la commissi.on doit èlre réunie.
~) Lorsqu'on est eo pn:sPIH'e de lextes cie loi;
on est enchaîné pal' leurs dispositions; mais lorsqu'on refai t la loi, on prend alors bien pIns fOl'te~
c(
TOJ\1.
II.
14
�214
TRAITÉ
ment en considération Ce qni, sans résulter explicitement d'un texte sur lequel nous sommes appelés
aujourd'hui à délibérer de nouveau, peut résulter
de l'esprit du législateur.
» Or, ce que vous avez à examiner, c'est Je
savoir ce que le législateur a voulu en 1~36; s'il a
voulu" lorsqu'il s'est occu pé des chemins vieinaux,
porter l'abréviation des formalités jusqu'au point
de se passer de l'avis de la commission préalable.
Est-elle d'ailleurs nécessaire?
» La question est grave; car d'un côté je comprends très-bien qu'il y a l'intérêt de ceux des
propriétaires qui sc trouvent atteints par les travaux
d'ouverture et de redressement des chemins vicinaux; mais d'un autre côté, considérez que la loi
de d336 prei1d elle-même des précautions qui me
paraissent, à moi, suffisantes. Vous jugerez si ~lles
le sont.
.
» Vart. 7 de la loi de 1836 porte: cc Les chemins
» vicinaux peuvent, selou leur importance, être
» déclarés chemins vicinaux de grande communi» cation par le conseil général, sur l'avis des con» seils municipaux, des conseils d'arrondissement
}) et sur la proposition du préfet.
» Sur les mêmes avis et proposition, le conseil
» général détermine la direction de chaque chemin
» vicinal de grande communication et désigne les
» communes qui doivent contribuer à sa constrllc» tion ou à son entretien.
» Le préfet fhe la largeur et les limites du
�DU DO:\lAINE PUllLIC.
215
» chemin et détermine annuellement la proportion
dans la'luelle cha'lue commune doit con'courir
il l'entretien de la ligne vicinale dont elle dé.
') pend, etc. »
» Or, VOllS voyez qne d'après la loj de 1836,
quand il s'agit de travaux d'ouverture et de redresseillent des c:hemins \'icinaux, on se réfère néces;sairement à une délibération préalable du conseiJ
général qui a fixé la direction du chemin vicinal.
» Maintenant vous suffit-il des garanties données par la délibération du co.nseil gépéral ? Voulez-vons y aiouter les garanties des contradictions
qui peuvent résulter de l'instruction devant la
.commission ?
» Je crois que cela n'est pas nécessaire, je crois
'qne les intérêts de tous se trouveront suftlsarument
garantis par la délibération du conseil général; je
crois qn'il est utile d'abréger les délais, de faciliter
la prompte et facile création du plus grand nombre
possihlede chemins vi"cina,ux, et c'est dans cette intention, et sans me dissimuler eu ancnoe manierC',
la difficulté de la q\le.slion et la gravité des objections, que je crois rentrer tQut-à-fait dans l'esprit de
la loi de 1 ~36 , qui, en pal'eil cas, a app.orté des
abréviaLÎons bien antrement ,notables que la suppression de la commission; que je crois, dis-je,
rentrer dans l'esprit de la loi de 1~36, en vous
proposant mon amendement. »
M. Dalloz, au nom de la co~mission dont il
faisait partie, a proposé d'excepter de l'arnende»
»
�216
TRAITÉ
ment les chemins vicinaux de grande communication.
" Ces chemins, a-t-il observé, ne sont pas d'nn
intérêt communal, car ils ont ponr objet non-senleniehtl'u'tilité de la commune, mais encore l'utilité du départemen t. La commune y con tribue,
cela est vrai ,lnais le département y contribue
aussi.
)l Ce sont donc des voies de communication qui
âppal'liennent antant au département qn'à la com1lume. 01', si elles intéressent le département, elles
"11e 'l'entrent pllis dans l'esprit de la procédure abrégée de la loi de l ~36. Il fant laisser à la propriété
ces ga l'an Lies tntélaires qu'elle tient de la sagesse de
1105 16is; et 'ëeHe qlle la comu'1Îssion réclame ici
poilr elle, n'a rien qui puisse sérieusement retarder
l'exécution des chemins de grande communication.
Ces chemins tendent presque parLout à remplacer
les routes départementales, peut-être même les
rotites royales dans cërtairie!docalités. Ils Ont souvent une étendue de plusieurs myriarnptres et
affectent dans lel1r par'èours un nombre de communes et de prop;'iélés. Comment serait-il possible
dé refuser aux nombreux propriélai,'es de ces communes le droit de faire entendre leurs représentations sur uii tracé défectueux f Cela serait excessif,
et je pense que la chambre ne voudl'a pas le consacrer par son vote. "
M. V nitry a combattu la distinction proposée
par M. D ...lloz.
�DU DOMAINE PUBLIC.
2t'1
Il a fait observer qne tous les chemins vicinaux:
,
.
, . par 1es memes
•
, 1es. cc Il'
etarent regls
reg
n·y a qu , un
seul point, a t-il dit, sur lequel les chemins. de
grande vicinalité different des lJutres, c'est qu'aux
ressources accordées par la loi, ar"x subventions
communales et aux prestations en nature, viennent
s'ajouter, pour les chcmins de grande comrQnnication, les sllbventions départemelùalcs. Si le cpnseil général intervient alors, c'est parce que le dé~
partement fournit les fonlis, et que, par conséquent, il faut bien qu'il en regle remploi.......
........ . Je ne vois pas la néces~ilç. d'int~oduire
dans la loi actuelle une disti o.cÛon en Ire eux: et
de demander des formalilés plus étendues ponl.' les
uns que pour les ail Ires; ils ont tOIlS le même caractere : la propriété doit être aussi bien rcs.pectée
pour les uns que pour les autres. Elle l'est suffisamment par les dispositions actuelles pour les chemins ol'dinaires; eHe le sera 5uffisamrpen.t punI' les
cheillins de grande vicin.alilé. Autrement vons al"
riveriez à les confondre avec· les routes départementales .... Je demande, en conséquence, qne la
loi statue de la même. Il)anie.re sur tous, qu'ils
soient de pelite ou de ~rande vicin.alüé. "
La proposition de M·. Dalloz a été écartée, et
l'amendement de M. Renouard a été adopté.
La même question a été, au sein de la chambre
des pflirs, le sujet d'une longne discussion. La
commission avait proposé la suppression totale de
l'amendement; plus tard, elle se rallia à un sons-
�218
TR.AJ.TÉ
amendement de M. Laplagne.Barris, qni n'était
:111t're q"e ce1ni de M. Dalloz, On a fait valoir Je
part et J'antn", les motifs gni avaient été présl'nlés
devaut L.l chambre des députés, dont la solution a
été mainlenne.
538. D'après l'amendement Je M. Renouard
et la discussion à laquelle il a donné lieu, il est
bien évident q~"en fait de chemins vicinanx de
toute espèce, soit de ~raO(le, soit de pelite communication, il n'y a pas lieu de rccomir à la commission spéciale inslÎltlée raI' l'art. 8 de la loi du
3'mai1841 (sllhstltuée à celle Ju 7 juillet 1833)
et dont les attributions et les travaux sont réglés
par l,es deux: articles sniva n ts, 9 et 10, Mais plllsienrs
autres points peuvent encore donner lieu à des
difficultés et par conséquent doivent être exami-
nés:
.0 En déclarant dans l'art.
de la loi du 3
mai 184 l , que les dispositio11s des art. 8, 9 t't loue
sont point applicables aux travaux d'onverture ou
de redressemeùt des chemins vicinaux, on ponrrait ail prpmier coup d'œil en induire par la règle
des inclusions que le l~gisiatelll' a voulll gue tOllS
les autres arA.Îcles fllssent snivis, notamment ceux
dn titre premier, sanf cependant la substitution Je
l'arrèté à la loi on à l'ordonnance, de telle sorte
, 'd' evralt
. etre
'"
•
qne cet anete
prece( l'c d es enqnetes
prescrites par l'art. 3 et organisées pal' les ordonnances des 18 févriel' J ~34 et 23 août llBb.
Il n'en est cependant point ainsi; l'arrêté Ju
12
f
,
�DU DOMAINE PUBLIC.
219
préfet a sa forme particulière qui doit seulement
être observée; s'il est question d'un chemin vicinal
ordinaire, elle est tracée par l'art. 1 er de la loi du
28 juillet 1824 encore en vigneul' sous ce rapport,
et qui ne prescrit rien autre chose qu'une délibération du conseil municipal; ùl s'agit d'un chemin de grande communication, l'art. 7. de la loi
du 2 t mai 1836 vent que la déclaration soit faite
et la direction déterminée par le conseil général sur
l'avis des conseils municipaux, des conseils d'arrundissemen t, et sur la pl'oposiLion du préfet, lequel fixe en particulier la largeur et les limites du
chemin.
y oilà ton t ce qui es t exigé . C'est ce qu'a recom'm
un arrêt du conseil d'état du 17 août 1~36 (Sirey,
37-2-41), rendu pour un chemin vicinal ordinaire
et qui est ainsi conçu: cc Sur l'exception ti~ée du
) non-acr.omplissement des formalités prescri tes
» pour la reconnaissance et "le classement des
» chemins vicinaux, considérant que les seules
:» formalités prescrites par les lois et réglements
» consistent dans l'avis préalable des conseils mu;»
nicipaux; que les publications et affiches utiles
» et pratiquées dans certains cas, ne sont pas prcs,» crites d'une manière générale et absolue .•.. »
Pour prévenir toute éqtlivoque, l'art. 12 de la loi
du 3 mai 1841 aurait dû ajouter à la mention des
art. 8, 9 et 10, qu'il exelut expressément celle des
deux premiers numéros de l'art. 2 et de l'art. 3,
qui ne sont égalp.ment pas applicables aux chemins
V1cmaux.
�220
TRAITÉ
Ponr plull de correclion anssi, le second alinéa
de cet article 12 aurait dù dire dans ces cas au
lieu de dans ce cas, pnisque l'alinéa précédt'ut
en comprend deux: les travaux d'intérêt pllf('llICnt
comll1l1nal, autr~s que les chemins et CCliX d'ouverture ou de redressement des chenlins. Ct'lll' rédaction tient à ce que, dans le projel primilif, il
n'était question que df's travaux COtilnlllnallx, et
que ce qui concerne les chemins u'a étt: iUlroc!nit
que pendant la di:,cllssion, pat' suite de l'amendement de M. Renouard.
Dans son supplélflent à la 4" édition du Traité
des chemins J p. ~5, M. Gamif'r commet \lne
errenr évidente ell disatll qlle cc s'il s'agit de che» tl)it~S vicinaux de grande comlllunication, il fant
» observer les formalités prescrites par les art. 4,
" 5, Q, 7, S, 9, la et 11 de la même loi (du 3 mai
" 18Lp), » En effet, l'art. 12 excepte d'noemanière générale et pour tonte espèce de ch~mins,
le$ articles S, 9 et 10, et d:,ms la discussion au x .
çhambres, que oons :.vons exprès rapportée pins
harit, 00 voit que la pl'Opositioil de M. D.dloz, llui
tendait précisément à ne point affranchir les cheJPi\ls (le grande COHlllllloicatioo des fi1l'malilés
prescrites par ces displlsi,tions snI' le motif qn'ils
n'intéressaient pas seuletuent la commune, mais
allssi le département, a été l'l'jetée, ('l que tOIlS les
chen.ins \icin3nx ont été mis absolument sur la
JUême ligne, en ce flni conCf'rne l'expropriation.
2° Les deux derniers alinéas de l'art. 12 de la
�DU DOMArnE PUllLIC.
221
loi de 1841. portent que le pl'O~ès-verbal prescrit
par l'al'l, 7 sera transmis avec l'avis dn conseil municipal au préfet qui, en conseil dt' préfecture,
prononcera saufl'approhation de l'administration supérieure. Celle dernière disf'osi ion eslelle ~lpplic.1hle aux chemins vicinaux?
M.le COI11 le Daru a faill'l'marqllet'à la chamhre
des pairs CJl1e .Jans le cours de la discussion reLllive
à l'a,ldi:ion des mots qui terminent le premier
alinéa dl' l'art. ]2, on a reconnn ql1e h loi de
] 836 avai t ponr effet de décen lI'aiiser l'exécn tion
des chemins vicinaux, de s'en remettre, Sllr ce
point, entièrement à l'autorilê loc:lle, en dehors
de l'autol'ilé sllpériel?re, et (l'le ce troi,sième alinéa
exigeant l'autorisation de l'administration snpérie ure , est en con tradiction avec l'esprit, le sens et
la lettre de la loi de 1836; il a demandé qne le ministre donnàt ql1elques explications sm ce poi.nt
devenu obscnr par l'amendement introduit à la
chambre des dépl1tés.
NI. le commiss<lire du roi a répondu qn'il existe
une légi.slation spéciale ponr les clwmins vicinaux,
et qu'il a été Lien entendu, lors de ladiscnssiou
à ");1 challlbl'c des députés, qu'on ne voulait y
,
"
' f
d eroger
en aucune mamer~;
que 1es mots: .')au
l'approhation de l'administration slJpérieure,
ne peuvent s'entendre qne de J'approbation de
cette administration dans les cas prévus par les
luis et réglements.
M. Laplagne-Barris a fait observer que le tex le
�222
TRAITÉ
de la loi est en OpposIllon avec les ex plica lions
don nées par le commissaire du roi, puisque les
mots sauf IJapprobationJ etc., se rapportent à
l'article tout entier; « remarquez, a-t-il dit, qu'il
» ne faut pas beaucoup se préoccuper des opinions
;» éllli~es à la tribune sur le sens de tel arlicle de
» la loi; que ces opinions, quelque respectables
» qu'elles soient, cèdent devant le texte, lorsqu'un
» débat s'engage devant les tribunaux. »
M. le ministre des travaux publics s'est attaché
à démontrer que la contradiction, qu'on croyait
npercevoir entre le premier et le dernier alinéa
de l'article, existait dans la loi de 1~33. « Tout le
» monde e,st tombé d'accord, a-t-il dit, et la
» Cour de cassation la première, qu'un chemin
» vicinal, qui ne sortait pas d'une commune,
;» était d'un in térêt purement COl1lm unaI. Eh bien,
:» évidemment, quant à ce chemin, le pouvoir ab:» solu du préfet existait d'après la loi de 1836, et
;» cependant l'art.
12 se ternlinait, dans la loi
;» de 1833, par des expressions identiques à celles
» qui se rencontrent dans la nouvelle rédaclion;
» on disait que le préfet prononcera,it, sauf IJ op» probation de IJ autorité supérieure. Or, le
:» chemin vicinal est cOlllpris dans l'art. 12: donc
:'1) la contradiction existait, et cependant cela n'a
:» pas tiré à conséquence. »
Cette explication est assurément peu satisfaisante; du moment que l'on reconnaissait qu'il y
avait contradiction, il fallait la faire disparaitre au
�DU DOMAINE PUBLIC.
223
lien de dire qlle n'ayant pas proJuil de mal jusqu'alors, elle n'en prodnirait pas davantage à
l'i/venir; il était beaucoup plus simple et plus naturel J'apporter une modificalion qni anrait rétabli
l'harmonie dans la loi; mais la session approchait
de son lerme, et l'on n'a pas vonlu différer à une
autre année l'adoption d'une mesure utile, pour
y opérer un perfectionnement partiel et peu imparlan t.
Quant à nous, nons pensons, malgré l'argnment
très-fort que l'on peut tirer des termes d Il dernier
alinéa de l 'art. 12, qne le pouvoir II n préfet, en
ce qui tient à la déclaration de vicinalité, est ab-,
soIn et ne dépend point de l'approbation de l'autorité snpérieure, el qne les lois spéciales de 1824
el de 1836, qui le Ini çonfërent, n'ont point été
âbrogées pal' la loi générale du 3 mai 1841; M. le
ra pportenr su pposail cel te soIn tion lorsqu'il disait:
ce Les explications données par M. le ministre,
>~ sàtisferont peut-être un jour les commentateurs;
» mais elles sont en contradiction avec le texte de
» JaJoi.»·
I.,'~-~.)(
3° La loi dn 3 mai ]841 'n'étant ( à part le
chap. 1 er du tit. 7, art. 65 à 74) qu'une reproduction presqne littérale de celle du 7 juillet 1833,
avec quelques améliorations, il est certain, qu'elle
devra être substiLUéc à cette dernière pour l'exécution de l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836.
4° Mais ce chapitre i er du lit. 7" Irelatif à la
prise de possession préalable en cas d'urgèllce
�22'(.
TRAITÉ
moyennant consi~nation, sera-toi! applicable an"
chemins vicinaux? EvideoHuen t non, parce que
.
. l' nrgel1ce
(l ,une part on ne peut guere
conceVOlr
d'ouvrir un c.hemin dont on se serait passé jllsqne
là, et d'un antre côté, parce qu'aux tprmes de
l'art. 65, la déclaration d'urgence (loÎt nécessairement ré8ulter d'nne ordonnance du roi spécidle et
ne ponrrait être faite par simple arrêté dn prpfet.
50 On avait élevé la qnestion çle savoir si l'expropriation, en vertu de l'art. 16, devait être
intentée dans la forme exceptionnelle de la loi de
1833 par simple requête et en l'absence des partips,
on bien, suivant le droi't commun, par voie de
citation? La raison de douter venait de ce qu'on
pensait alors que le dépôt des projets et plans il la
mairien'êtait point exigé, de telle sorte qu'à moins
d'un avertisscmeryt personnel, le propriétaire pouvait être dépouillé de sa chose à son in1ln; mais
aujourd'hni qu'il est constant que les formalités
prescrites par les art. 4,5, 6 et 7 de la loi du
3 mai 1841 , doivent être observéet>, ce qui avertit
suffisamment les intéressés, Iii difficulté ne pPllt
s'élever; la seule forme est i neon tcstablemcn t celle .
de la req uête.
6 0 Aucun tarif spécial n'ayant été annexé à
l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836, pour la taxation
des actes que nécessitera son application, il faudra
s'en référer à celui établi par l'ordonnance royale
du 18 septembre 1833 pour l'exécution de la loi
du 7 juillet précédent.
�DU DOlIAINE PUBLIC.
225
539. Après avoir examiné les principales difficultés auxquelles donne lieu le renvoi fait par notre
arl. 16 à la loi générale sllr J'expropriation, il
convient d'en signaler d'autres ressortant de son
texte mênle , pris isolément:
0
1
Les fonctions qu'il attribue au directeur
dn jury soit membre du tribunal, soit juge de
paix, sont diffërelltes de celles conférées par la
loi du 3 ni ai 1841; ce magist rat en effet ne se
borne pas à diriger les opéra tions, il préside et a
voix délihérative en cas de partage, ce qui lui
donne évidemment le droit d'assister à la délibération ainsi que l'a décidé la Cour de cassation par
un arrètdll 23 juin 1840 (Sirey, 40-1-714), ainsi
conçu: cc Anenclu qu'aux termes de i'art. 16 de la
" loiJu 21 III ai 1836, le magistrat déléglié pourdi» riger les opérations des jurés est le président du
» jury, et a voix délibérative en cas de partage;
» qu'il a dès·lors le droit d'accompagner les jurés
» lorsqu'ils se retirent dans la chambre du con» seil pour délibérer, et que sa présence à leu!'
» délibération le met à portée de donner son avis
» en connais:sance de cause pour départager le
» Jury. »
.
Mais malgré sa qualité de président, nous
croyons qu'il ne doit délibérer et voter qu'en cas
de partage, à peu près comme, suivant J'al't. 351,
aujourd'h ni abrogé, du Code d'instruction criminelle, le faisait autrefois la COllr d'assises en cas
de déclaration de cul pabilité à la simple majorité;
�226
TRAITÉ
ce qui d'ailleurs a peu d'importance, puisque les
jurés ne ponvant jamais être ni pins ni moins de
qnatre, une cinquième voix: n'a d'influence décisive fJlle lorsqu'il y a partage.
Le directeur du jury étant présillent légal du
jury, les jnrés n'anront pas à déférer ce titre à l'un
d'eux comme daus le cas de l'art. 38 de la loi du
3 mai It\4I.
QuoifJu'en général le magistrat délégué pour
'0
"
une operatIOn
que l conque ne se presente,
n agisse, ne verbalise et ne statue qu'avec l'assistance
d'un greffier, nous ne pensons pas que le greffier
puisse accompagner le directeur du jnry dans la
salle des délibérations; parce qu'ici le directeur
cesse d'être juge et devient un simple jlll'é; c'est
ce qlle l'on peut d'ailleurs induire d'nn des motifs
de l'arrêt de la Cour de cassation cité à la page
précédente, et qui pOlote : cc Attendu qu'il ne résulte
» pas du procès-verhal des opérations dn jury que
» le greffier soit enlré dans la chambre dn conseil
» et y soit resté pendant la délibération des jnrés;
» que les documents invoqnés pour établir ce fait
» ne forment pas Hne preuve régulière et légale
» et qui puisse suppléer au silence du procès ver» bal contre lequel il n'a point été fail d'inscrip,> tion de faux. »
2° L'arrêté du préfet qui autorise l'ouverture ou
le redressement d'un chemin vicinal étant exécutoire par provision tant que l'exécution n'en a point
été suspendue par l'autorité administrative supé-
�DU DOM.A.INE PUBLIC.
227
rieure, le recours que la partie intéressée formerait contre cet acte ne devrait pas empêcher le
tribunal de prononcer l'expropriation; la Com
suprême l'a déeidé formellement par un arrêt
du 27 mars 1839 (Sirey, 39-1-400, qui a cassé
un jugement du tribunal de Draguignan, lequel
avait sursis à prononcer l'expropriation sur le motif que le recours contre les arrêtés des préfets est
suspensif, eLque l'autOrité judiciaire n'est point
compétente pour apprécier soit le mérite, soit la
régularité du pourvoi formé devant l'autorité administrative.
30 Si un chemin vicinal s'étendait sur plusieurs
arrondissements, ce qui arrivera fréquemment
pour les chemins de grande communication, iL
faudrait autant de jugements qu'il y aUl'ait de ressorts dans lesquels les biens seraient situés; ce
point résulte d'une part du principe général consigné dans l'art. 59 du Cod. de procéd. , exigeant
qne toute action réelle soit soumise aux juges de
la situation de l'immeuble, et d'un autre côté et
spécialement du dernier alinéa de l'art. 13 de la
loi du :1 ruai IS41, portant que' « le préfet trans» met au procureur du roi dans le ressort duquel
» les biens sont situés~ la loi ou l'ordonnance
» qni autorise l'exécution des travaux.... »
Mais si les terrains à exproprier quoique dépen •
dants du même arrondisliement, étaient situés
dans plusieurs cantons, le tribunal pourrait-il
nommer pour présider le jury, le jllge de paix d'un
�228
TRAITÉ
de ces cantons, ou he dev/'ait-il pas alors nécessairemen t choisir lin de ses membres r
Ce dei niei- pani s~rait certainement le pins prü·
dent et le plils convenable; cppenJant nons pensonsqll'il u'y aurait p'ointde nnllilp à snivrl' l'autre,
elles raisons qui nous funt adopl(~r cel avis sont:
1° fJll'ici le jnge de paix n'llgit point en vertn de son
droit propre, mais de la délégation 'lni lui est donnée, et qui en [,il no cO/llllli~saire et presque nn
membre clu tribllunl; 2° flll'il n'est point app(~lé à
décider une question de proririélé et à staluer sur
une aClion réelle, ce ponrql1oi il serait radicaleillent
incom péten t, même da ns SOt1 l'essort, mais senlement à diriger les opérations d'nn jnry chargé de
faire nne évalnalion; la qlleslion (l'expropriation
ayant été préabhlement jngée par le tribunal.
4° L'art. 30 de la loi dn 3 mai 1841 vent que le
choix du jury soit fait par la première chaillun' de
la COUl' royale dans les dél'artelU~nls où elle siege,
et par la première chambre dll tribunal du ch~f
lieu jndiciaire dans les antres. D,lns Je cns de notre
art. 16, ce sera le tribunal de l'aITolltlisseull'nt
même, dans leql1el les biens sont silués, qui for·
mera le jury, et toutes It's chambres seront COIIlpétentes à cet effet, la loi se bornantà dire L~ tri.
bunal dJarrondissement J sans alllre Jésignalion.
5° Le même jugement qui prononcera l'expropriation et qui nommera le magi~tra t-dil'ectelll',
pourra aussi désigner les llle/llbres dl. jury, tandis
qne dans l'économie de la loi du 3 l1!ai ! <:St. l , il
�229
DU DOMAINE PUBLIC.
faut deux décisions émanant presque toujours de
tribnnaux différents: l'une du tribunal Je la sitnation des biens et l'autre de la C01ll' royale ou de
la 1re chambre du tribunal du chef-lieu jndiCIalre.
6° Dans le cas de notrp, art. 16, comme dans celui de l'art. 30 de la loi uu 3 mai, le choix des ju·
rés devra être fait en la chambre du conseil;
cette désignation, en effet, n'ayant pas lieu comme
celle des jurés en matière criminelle, par la voie
du sort, mais en vertu d'une délibération, il serait
contre les convenances que les motifs en fussen t
discutés en audience publique; et, ainsi que le disait
d'ailleurs un député, à la séance du 21 juin 1833,
cc il y a ici une véritable délihél'(ltion qui, dans la
~) règle ordinaire, doit se passer en chaInbre du
» conseil. »
7° Suivant l'art. 41 dé la loi de 1841, la décision
du jllIY doit être distincte de l'ordounance du magistrat - directeur, puisque ce dernier ne peut
prendre aucune part à la délibération; il en est différemment d'après l'article que nous examinons;
il ne doit y avoir qn'u n senl procès. verbal qui sera
signé par le directeur et les jurés, et qui de plein
droit empol'lera translation définitive de la pl'O~
l)riété sans ordonnance spéciale d'exequatur.
8° Lorsque le directeur du jury est le juge de
paix, ce magistrat n'étant qu'un délégué du tribun'lI, nous pensons que son procès -verbal devra être
TOM. II.
15
~
�230
TRAITÉ
déposé au greffe de ce tribunal pour être annexé au
jugement d'expropriation.
9° .Le dernier alinéa de l'article] 6 , qui a été
ajouté sur la proposition de M. le comte Portali~ ,'ne contient antre chose qu'un renvoi spécial
aux articles 20 et 42 de la loi du 7 iuilletll533 (auiourd'hui 3 mai 1841 ); il est non-seulement snperfin puisqu'on est dans la nécessité de recourir à
cette loi pour la presque totalité de ses autres dispositions, mais il a encore l'inconvénient d'augmente\' les doutes et les difficultés \'ésulLant de la
confusion qui a régné lors de la discussion de notre
article; confusion qui a été telle qu'un des députés
qui a pris la part la plus active à la confection de
la loi, M. Vivien, s'est écrié : je ne comprends
plus rien à ce débat; aussi est-il impossible de
til'er q belqne lumière des opinions contradictoires
longuement rapportées par le Moniteùr.
10° L'expropriation ponr cause d'utilité publique
est une procédure spéciale dont les fOl'mes sont tracées par llne loi particulière qui doit être seule
suivie, quoique ses dispositions s'écartent en cel''..
tains points des règles dn droit commun; ainsi les
certificats constatant le dépôt des pièces à la mairie
sout valablement délivrés, et Tuème ne peuvent
l'être valablement que par le maire de la commune bien que l'expropriation SOil poursuivie clans
l'intérêt de cette commune, et qu'en thèse générale; nul ne puisse faire des actes ou constater' des
faits dans sa propre cause; ce point que l'on pou-
�DU DOMAINE PUBLIC.
231
vait déjà induire d'un arrêt de la Cour de cassation
du 2. février 1836 ( Sirey, 36-1-337) est formellement décidé par un second arrêt de cette même
Cour du I l août 1841 (même recueil, 41-1-67°),
ainsi conçu : « Attendu que c'est au maire que
~~ l'art. 7 ( de la loi du 7 juillet 1 ~33) confie le soin
» de certifiel' les publications el affiches.......; que
» ledit article ne fait aucune exception pour le cas
), où il s'agit d'une expropriation poursuivie d'ans
» l'intérêt de la commune administrée pal' le maire;
), et que la loi n'a, en ce cas, conféré à aucune
" autre personne qu'à cet officiel' public le droit de
» délivrer les certificats qu'elle exige. "
1 1° Bien que l'expropriation soit poursuivie
dans l'intérêt d'une commune, la commune n'est
cependant point l'a,~tie dans l'instance devant le
tribunal; d'où la double conséquence consacl'ée
,
. " .1 l' unepart,qne 1acolllmnne
par l ' arretqUlpreceue,c
ne doit pas être préalablement autorisée à ester en
justice par le conseil de préfecture ainsi que l'exige
l'art. 49 de la loi du l~ juillet 1~)37 ponr les actions ordinaires; et d'un autre cÔté, qu'die n'a pas
hesoin de se faire représenter et d'agir par le ministèred'un avoué; le procureur du roi ayant seul qua.lité pour rèqnérir l'expropriation aussi bien quand
elle a lieu dans l'intérêt d'une commune que lorsqu'elle est demandée dans l'intérêt de l'état.
540. Après la solution des principales difficultés que l'examen de notre art. 16, et surtout
�232
TRAITÉ
son rapprochement et sa combinaison avec la
loi du 3 mai 1841 , pellvènt faire nahre, nous
avons pensé qu'il était utile de présenter nn aperçu
sommaire de la procédure assez éOlUpliquée, au
moyen de laquelle doit s'opérer L'EXPROPRIATION.
,
POUR C,AUSE n UTILITE PUBLIQUE EN FAIT DE
CHEMINS VICINAUX.
L'opération se compose de cinq parties distinctes
qui elles·nlèrHesse subdivisent:
Déclaration de l'utilité publiqne du projet génél'al;
Application de ce projet aux propriétés particulières;
Réglemeut de l'indemnité;
Prise de possession et paiement des indemnités.
Les Jeux premières sont du ressort de l~adlltinistration.
La transmission forcée de la propriété rentre
exclnsivement dans les attributions de l~autorité
judiciaire.
Elle réglement de l'indemnité ·s'effectue par nn
jury spécial.
Telle est l'économie de laloi du 3 mai 1841 dont
nous allons rapporter presque textuellement les
dispositions relatives à notre objet, en citant à la
fin de chacune d'elles les nOS des articles qui les
renferment.
)
1°
DÉCLARATION
D'UTILiTÉ
PUBLIQUE.
Elle est prononcée par l'autorilé administrative
�DU DOMAINE PUllLIC.
233
locale, sans intervention du pouvoir législatif ou
royal.
S'il s'agit d'nn chemin de grande communica·
tion, elle résulte d'nne d-élibér"tion dn conseil
général dn département prise sur l'avis des conseils
nllluÎcipallx et d'arrondissement et snI' la proposition du préfet; laqut'lIe délibération détermine la direct.ion du chemin et désigne les communes qui doivent contribuer à sa construction ou
à son entretien.
Le préfet ensuite en fixe seul la largeur et les
1iOli(('s (art. 7 et 16 de la loi Ilu 21 UJai i 836).
Quand il n'est question qne d'un chemin vicinal ordinaire, il- suffit d'uu simple arrêté du préfet rendu sur nne délibération dn conseil Illuui·
cipal (art. 1er de la loi du 28 juillet 1824 e,t 16 Je
la loi du 21 mai 1836).
Qlloicl'le dans certains cas les préfets prescrivent
une enquête préal'able de commodo et incom·
modo rom s'éclaircI' sur l'utilité du chenlin J elle
. eXlgee
. , ;- ce n "est qu une mesure 1] e prnn ,t'st p01l1t
dencedont l'omission n'entraînerait pointlanullité
de la procédure subséquente.
APPLICATION
nu PROJET
GÉNÉRAL AUX PROPRIÉTÉs PA.RTICULIÈRES.
1° Plans parcellaires. Ordinairement la délibéralÎon du cOl1st>il général et l'arrÊté dn préfet
n'interviennent qu'à vue de plans détaillés qui in-
�TRAITÉ
diq lien t non·seulemen t la direction et la largf'1lr
d 11 chemin, ruais encore les di verses propriétés
qu'il duit traverser, avec les noms des' propriétaires
tels qI/ils sont inscrits sur la matrice des l'oies.
S'il en était ainsi, ce~ plans pourraient être immédiatement soumis à l'enquète; autrement il faudrait les faire lever par oes ingénieurs, agentsvoyers 011 aulres gens de l'art, qui les dresseraient
pal' communes, 'en y figurant les portions de terrains ou d'édifices dont la cession serait' nécessaire,
toujours avec l'indication des ~oms de chaque propriétaire tels qu'ils sont inscrits sur la matrice des
rôles (art,. 4 et 5).
Le nO 2 de l'art. 2 parle d'un autre arrêté antérieur à la levée des plans et ayant pour objet la désignation <les localités et territoires sur lesquels les
travaux doivent avoir lieu.
Ce ne serait guère que pour une voie de grande
communication d'une longue étendue que ce second arrêté, 'qui, du reste, n'est soumis à aucune
puhlicité, pOlll'rait être 'Hile, car il sera très-rare
que le premier prescrivant l'ouverture du chemin et rendn après des délibérations ~lIes.mèmes
précpdpes de plan.s pourles motivt;r, n'indique pas
sllftisanuIlenlla direction ctIe tracé presque exacts
qui doivent ètre suivis.
2° Enquête. Quoi qu'il en soit, l'arrêté ou les
arrètés, ainsi l'Jlle les plans, seronl, afin que chacun
pui~se en prendre connaissance, déposés à la mairie ùes communes où les propriétés â exproprier
�DU DOMAINE PUBLIC.
235
sont siluées, et y resteront pendant un délai de
huit jours francs qui ne commencera à courir qu'à
dater de l'avertissement qui est donné collective.
ment aux panies intéressées d'en prendre commu"
nication (art. b et 6).
Cet avertissement est publié à son de trompe ou
de caisse dans la commnne, et affiché tant à la principale porte de l'église du lieu, qll'à celle de la maison commune. Il est en outre inséré dans l'un des
journaux publiés dans l'anondissement, ou, s'il
n'eo exisl y aucun, dans l'un des journaux du département (art. 6).
En même temps le maire ouvre un procès-verbal sur lequel, après avoir certifié ces publications
et affiches, il mentionne les déclaration~ et réclamations qui lui sont faites verbalement et que les
parties cumparan~es sont requises de signer; il y
an nexe celles qui lui sont transmises par écrit
(art. 7)'
3° Avis du conseil municipal. - A l'expiration du
délai de huitaine, le conseil municipal donne son
avis, après quoi toutes les pièces sont transmises
par le maire au sOlls-préfet qui les adresse au préfet avec ses observations (art. il initio et art. 12,
e
1 et 2 alin.).
4° Arrêté du préfet indiq,uant les terrains à céder. Snr le vu des pièce& ci-dessns, ce magistrat, en
conseil de préfeclnre, détermine par un arrêlé
motivé, les propriétés qui doivent être cédées ct
indique l'époque à laquelle il sera nécessaire d'en
�236
TRAITÉ
prendre possession Cal't. 12, Jem. alin., et II, 1 er
alin. ).
Toutefois, Jans le cas où il résulterait de l'avis
du conseil municipal qu'il y aurait lieu de modifiel' le tracé des travaux pl'Ojetés, le préfet, toujours
en conseil Je préfecLUre, pourra, suivant les circonstances, ordonner qn'il soit procédé de nouveau
à tonl on partie des formalités dont il vient d'être
parlé (art. 12, dem. alin., et 11 , 2 e alin.).
TRANSMISSION DE
LA
PROPRIÉTÉ.
Jusqu'ici les formalités n'ont eu pour objet que
de constater l'utilité publique et de déterminel'
d'une manière précise, et en offrant toutes les
garanties aux rropriétilires, les terrains qui doivent
être employés pour là coufection des travaux; mais
aucune d'elles n'a eu encore pour effet d'opérer la
transmission de la pl'opriété.
Celle transmission ne peut résuller que d'une
convention amiable ou d'un jngement remplaçant
le consentement de ceux qui refusent à tort de le
donner (art. 1 l'l').
'
Nons allons examinel' séparément les règles relatives à chacu 11 Je ces mutles; après q noi nous indi~uerons les effelS qui leur sont communs.
�DU DOMAINE PUllLIC.
1
237
0
Transmission amiahle.
Nous aurons à voir à ce 'sujet:
~o Quelles sont les personnes qui peuvent céder
amiablement et avec quelles précautions pour les
incapables?
~o Et dans quelles formes les ces,sions doivent
être faites?
0
1 Personnes qui peuvent céder. Les personnes
ayant la libre disposition de lems droits peuvent
consentir à l'aliénation sans aucune formaliLé préalable.
Les tuteurs, ceux qui ont été envoyés en possession provisoire, les époux mariés sous le régime ,
dotal, les possesseurs de majorats et tous représentants dcs autres incapables peuvent également
y consentir après autorisation du tribunal dounée
sur simplc requête en la chambre du couseil, le
ministère public entendu. Le tribunal ordonne
les mesnres de cùnservation ou de remploi qu'il
juge nécessaires.
Les préfets peuvent aliéner les biens des dépal'tements, s'ils y sont autorisés par délibération du
conseil général.
.
Les maires et administrateurs peuvent aussi
aliéncl' les bieni des commnnes ou établissements
publics, s'ils y sont autorisés par délibération du
conseil municipal 011 du conseil d'administration?
.approuvée par le préfet en conseil de préfecture.
Le ministre des finauces peut consentir à J'alié-
�238
TllA.ITÉ
nation des biens de l'état ou de ceux qui font
partie de la dotation de la couronne, sur la proposition de l'intendant de la liste civile (art. 13,
cinq 1 ers alinéas ).
2° Forme des cessions. - Les cessions, quittances
et autres actes relatifs à l'acquisition des terrains
peu vent être faits, soit pardevan t notaires, soit dans
la forme des actes administratifs,c'est·à-dire (lardevant les préfets, sous-préfets, maires ou adjoints;
dans ce dernier cas la minute en restera déposée au
secrétariat de la p"éfecture; expédition en Sf'ra
transmise à l'administration des oomaines (art. 56).
L'art.,lo de la loi du 28 juillet 1~h4 portait que
les acquisitions, aliénations et écha nges, soit
amiables, soit même par voie d'expropriation,
ayant pOllr objet les chemins commnnaux ou vicinauX' , seraien t autorisés par arrêté oes préfets en
conseil de préfecture, après délibération des conseils municipaux intéressés, et après enquête de
commodo et incommodo, lorsqne la valeur des
terrains à acquérir, à vendre ou à échanger n'excéderait pas 3,000 l'l'.; d'où il résultait qu'au-delà
de cette valeur il fallait une loi spéciale (a).
(a) Sous l'empire de l'ancienne législation, et depuis les
temps les plus reculés, les communautés d'habitants ne pouvaient aliéner leurs biens à quelque titre et sous quelques
prétextes que ce soit, sans y avoir été autorisées préalablement
par des lettres patentes émanées de la puis$ance législative et
enregistrées Jlans les tribunaux supérieurs (ordonnances de
Philippe III, de 1275; - de Philippe V, de 1318, art. 22;
- de Charles VI, de 1402, art. 54 et 71 ; - de François 1"',
�DU DOMAINE PUBLIC.
239
Cp.tte disposilion eSl-t'lIe encore en vigueur P
D'abord, évilleOllllent non, lorsque la commune
ou 1\:tabJisseruenl public est vendeur du te nain
de 1515, art. 88; - édit de Saiut-Maur-les-Fossés, du 27
avril 1567; - ordonnance de Blois de Henri III, de 1579,
art. 284; - ordonnances de 1607, art. 25, et de 1629,
art. 205 et 206; - édits d'avril 1667, d'avril ct août 1683;
- Déclaration du Roi du 22 juin 1759, enregistrée le 19 décembre; - Coutume de Lorraine, art. 28, tit. 15; - Charondas; - Stockmans, décision 87, de jure public. palc. etsalt.
comm.; - Domat, Lois civiles, chap. 2, art. 15 et tit. 15,
nO 8; - Bourjon, Droit commun de la Fr,ance, tom. 1or,
pag. 54; - La Poix de Fréminville, Traité du gouvernement
des biens des communal/tés, question 7, pag. 48 j - Renuul.don, Des droits de seigneurs, liv. 6, chap. 9; - Jousse, Sur
l'ordonn. de 1669, tit. 25, art. 8 j - Merlin, Ql1,estions de
droit, V OJait du Souverain, pag. 127)j et encore, selon quelques
auteurs, l'aliénation était-elle, à toujours, soumise à la faculté
de regrès, c'est-à-dire sujette à un réméré perpétuel.
L'art. 2 de la loi du 2 prairial an v (21 mai 1797), confirmé par les arrétés des 23 prairial an IX, 13 et 29 nivôse
an X, slatua que « à l'avenir les communes ne pourront faire
aucune aliénation ni aucun échange de leurs biens, sans une
« loi particulière. »
Enfin est surveuue la loi du 18 juillet 1837 qui a simplifié
les formes, et dont l'art. 46 porte: « Les délibérations des conseils
» municipaux ayant pour objet des acquisitions, des ventes ou
" échanges d'immeubles, le partage de biens indivis, sont
exécutoires sur arrêté du préfet en conseil de préfecture
» quand il s'agit d'une valeur n'excédant pas 3,00P fr. pour
» les communes dont le revenu est au-dessous de 100,000 fr.
et de 20,000 fr. po~r les autres communes. - S'il s'agit
» d'une valeur supérieure, il est ,statué par ordonnance dIt
» Roi. »
l)
l)
l)
�!40
TRAITÉ
destiné à l'établissement du cbemin vicilial; le 4e
alinéa de J'art. 13 de la Jui du 3 mai d.l41 est
général; il n'impose aucllne Jimite de valenr ni
aucune condition d'iufol mation; à qllell"}ue sonlme
que J'indemnité soit fixée, une dt:libération du
conseil municipal ou du conseil d'administration
de l'établissement pnblic approuvée par le préfet
en conspil de préfectlll'e , suftit.
Nons ne pensons pas qu'il doive en être autrement lorsque c'est la commune qui, au lien de
céder du terrain, en achète pour l'établissement Je
son chemin, parce que la lui du 21 m~i dB6 ayant
donné au préft,t le droit d'autoriser défi~)ilivement
les travaux d'ollverture, de redressement et de rélargissC'ment des chemins vicinaux, son arrêté doit
être exécutoire dans toute son étendue s.ms le
seconrs d'une loi on d'une ordonnance royale
spécial('s Jon t, par Il ne déléga tion légale, il a la
force et les effets.
C'est dans ce sens, an surplns, que le'ministre
de l'intérieur s'est prononcé par sa circulaire
de 1~36 pOlll' J'exécution de la loi du 21 mai
(al't. 15) et encore plus formellement pa.' une
sllbsé(l'len-le du 26 mars 1838, que nOlis rappor.
terons ci.après dans le cOllllllentaire de l'art. 19.
Nous ne saurions donc partager l'avis contraire
de M. CIII-asson ( Traité de la compétence des
juges de paix, tolU. -lpr, pag. 2H, 2 e édit.),
trop exclusivement fondé sm l'ilrt. 46 Je la loi
générale Jn 18 juillet 1837, étranger à la matière
�DU DOMAINE PUIlLIC.
qui nous occnpe et qui ne serait applicable <ln'au
cas où, sans remplir aucune des formalités ci dessus rappelées, une commnne vomirait acheter un
terrain pour l'établissement ou le redressement
d'un de ses chemins.
-
Transmission forcée de la propriété.
Envoi des pièces par le préfet. - A défau t de
conventions amiables, soit avec les propriétaires
des terrains ou bâtiments dont la cession est reconDne nécessaire, soit avec ceux qui les représentent,
. le préfet transmet au procureur du roi dans le ressort dnquel les b,ens sont situés, les divers arrêtés
par 1ni pris, ai nsi que la Jélib{-ra tion du conseil
général, s'il s'agit <'\'un chemin "icînal de grande
communicalion (art. 13).
Si dans l'année de l'arrêté du préfet, désignant
les terrains à expropriCl', l'administration n'a pas
poursuivi l'expropriation, tout propriétaire desdits
terrains pent présenter reCJuête au tribunal; cette
requête sera comlllllDiCJIl(~e pal' le pl'Ocurenr du roi
au préfet qni devra, dans le plus bref délai, envoyer les pièces (art. 14,28 alin.).
0
2
Jugement d'expropriation. - Dans les trois jours
de l'envoi ,par le préfet et sur la production tant
des pièces ci-dessus, que des plans, de l'information et des certificats constatant que les formalités
qui doivent la précéder ont été remplies, ainsi
que de l'avis suhséqnent du conseil municipal, le
1
0
'
�242
TRAITÉ
procureur du roi requiert et le tribnnal prononce
l'expl'OpriaLion, pOUl' cause d'utilité publique, des
terrains ou hâtiments indiqués dans l'arrêté du
préfet (art. 14, 1er alin, ).
. Par le même jugement, le tribunal commet pour
présidel' et diriger le jury l'un de ses membres ou
le juge de paix du oanton, et il choisit sur la liste
générale dont il va être parlé quatre personnes
pour fOl'mer le jury spécial et trOIS i 11 rés supplémentaires (art. 1.4. et 30 de la loi du 3 mai IB41,
et 16 de celle du 21 mai IB36).
Cette liste générale comprend les ooms des personnes que dans sa -ses1>ion annnelle le conseil
général du département désigne pour chaque arrondissement de SOlls-pl~fecture, tant sur la liste des
électeurs que sur la secunde partie de la lisle du
jury et parmi lesquelles doivent être choisis jusqu'à
sa session suivante ordinaire, les membres du jury
spécial appelé, le cas échéan t, à régler les indemnités
dues par suite d'expropriation pour cause d'utilité
publique; Je nombre des jurés désignés ponr le
départemenl'de la Seine est de 600. Dcll1s les autres
départements il est de 36 au moins et de 72\ au
plus.
Les jurés doivent avoir leur domicile réel dans
l'arrondissement ( art. 29)'
Les noms de ceux qui auront fdit le service
d'une session ne pourront être portés sur la liste
de l'année suivante (art. 47)'
\
�DU DOMAINE PUllUC.
24.3
Le tribunal ne peut choisir comme jurés:
Les propriétai,'es, fermiers, locataires des terrains et bâtiments désignés en l'arrêté du préfet
et qui restent à acquérir;
Les créanciers ayant inscription sur lesdits immenbles;
Et tous les autres intéressés dont il sera fait
mention au S ci.après indiqnant les mesures préparatoires à la fixation de l'indemnité;
Les septuagénaires seront dispensés, s'ils le requièrent, des fonctions de juré ( art. 30, ',2e et
3 e alin.).
Dans le cas où les propriétaires à exproprier
consentiraient à la cession, mais où il n'y aurait
point accord sm le prix, le tribunal donnera acte
du colisentement et désignera le magistl'at-directeur du jury sans qu'il soit besoin de rendre le
jugement d'expropriation ni de s'assurer que les
formalités préalables d'i1?formation ont été l'emplies (art. 14, dernier alinéa).
3° Notification du jugement. - Un extrait contenant les noms des pl'Opriétaires, les motifs et le
dispositif du jugement, lem est notifié. au domicile qn'ils doivent élire dans l'arrondissement de la
situation des biens, pal' Une déclaration faite ft la
mairie de~ la commune où les hiens sont situés; et
dans le cas où cette élection de domicile n'aurait
pas eu lieu, ladite notification sera faite, en double
copie, au maire et au fermier, locataire, gardien
ou régisseur de la propriété.
�TRAITÉ
Toutes les autres notifications exigées dans le
cours de la procéllure doivent être faites dans la
même forme (art. 15, 2" et 3" al,in. ).
4° ReCOll1'S en cassation. - Le jugement ne pourra être attaqué que par la voie du recours en
cassation et seulement pour incompétence, exces
de pouvoit, ou vice de forme du jugement (art.
20, l"r alin. de la loi de 1841, et demier alin. de
l'art. 16 de celle de 1836), c'est-a-dire dans
tous les cas où les autres jugements et arrêts
peuvent être attaqués, qlloiC) ne l'article ne pa l'le
pas expressément de cellli de contravention à
la Loi; lequel rentre virtuellement dans les précédents.
Le pourvoi aura lieu an plus tard dans les trois
jours à dater de la not~fication du jugement, par
déclaration au greffe du tribu nul. IL sera notifié
dans la huitaine, soit à la partie, au domicile par
elle indiqué, ainsi qu'il a été dit ci"·dessns, soit
au maire; le tout à peine de déchéance (arl. 20,
2"alin.).
Dans la quinzaine de la notification du pourvoi,
les pièces seront àdressées à la chambre civile de
la Cour de cassation, qui statuera dans le mois
suivant (même art., 3" alin.).
L'arrêt, s'il est rendu par défaut, à l'expiration
de ce délai, ne sera pas s!lsceptible d'opposilion
(ibid., 48 alin. ).
�DU DOMAINE PUDLIC.
36
Effets Je la transmission amiable ou forcée
de la propriété.
La tl'ansmis~ion volontaire ou forcée de la propriété pour cause J'utilité publique produit des
effets particuliers soit par rapport aux tiers qui
peuvent avoir 'quelques droits à prétendre sl1r l'immeuble, soit relativement au propi'iétaire lui-même.
1° Effets par rapport aux tl;ers.
0
Fm'malités préalables. -
Pour que l'acte ou
le jugemellt opérant la transmission de la propriété
puisse être opposé aux tiers -et produise vis-à-vis
eux les effets dont on va parler, il faut qu'une cou·
naissance préalable leur en ait été donnée.
Dans ce but un extrait, soit du jugement; soit de
l'acte de cession, doit d'abord être publié à son de
trompe ou de caisse dans la commune de la situation des biens et affiché tant à la principale porte
de l'église du lieu qu'à celle de la ma~son-com.:.
mune; il doit en outre être inséré dans l'un des
journaux publiés dans l'arrondissemen t, ou, s;il
.n'en existe aucun; dans l'un de ceux du département.
Cet extrait doit contenir les noms des propriétaires, et s'il s'agit d'un jugement, ses motifs et son
dispositif, on si la transmission a eu lieu par acte,
sa date, sa natnre, la désignatiOl~ sommaire de
l'objet cédé et le plix de la,cession (art. 15 et 6).
1
'l'onT.
Il.
16
�246
-,
TRAITÉ
Ensuite et après l'accomplissement ne ces fOI'·
malités, ainsi q"e de la notification d'un sl'llJblable
extrait au propriétaire 10rMlll'il s'agit d'un jllgement, conllue on l'a dit plus haut, l'acte de ce~sion
ou le jugement doit être immédiatement tnnscrit
en entier au bnreau de la cunservation de!> hypothèques de l'al rondis!>ement, conformément à
l'art. 2J81 du Cod. civil-Cart. 16 et 19)'
2° Effets par rapport aux hypothèques. Si dans
la quinzaine de cette transcription, pour tont délai,
les priviléges et les hypothèques convl'ntionnelles,
judiciaires ou légales ne sont pas inscrits, l'immeuble en sera <Jffranchi de quelque nature qn'i1s
soient·, sans préjudice des droits des [t'nlmes,
mineu)'s et ill/erdits, sur le montant de l'indemnité, tant qu'elle n'a pas éLé payée ou que l'ordre
",
.1 'fi ,.
'
n ,a pas ete
regl'e ue
mltIvement entre l
es creanCIers.
L'immenble n'élnnt pIns dans le commerce, les
créanciers inscrits n'auront, dans aucun cas, la
faculté de snreuchérir; seulement ils ponrront
exiger que l'indemnité soit fixée ainsi qu'il sera
expliqué ci-après (al't. 17 et 19-)'
3° Effets quant· aux tJctions réelles. - TonjoUJ's
par suite du même principe qu'au moyen de la.'
déclaration d'utililé publiqne, le fonds qui en est
frappé cesse d'être susceptible d'une propriété
privée, lt:s actions en résolution, en revendication,
et toules autres actions réelles, ne peuvent arrêter
l'expropriation ni en empêcher l'effet; dans ce cas,
�DU DŒV...AINE PUBLIC.
247
ainsi que dans celui de cession amiable, le droit
des réclamants est ipso jure transporté surie prix,
-et l'immeuble en demeure affranchi (art. 18 et 19).
4° Observation. - Les formalités de la purge des
hypothèques ne devant être remplies què dans
l'in tél'êt de l'administration et pOllr 1ui donner le
moyen de payer le prix avec sécurité, leur omission
ne devrait point empêcher l'expropriation d'avoir
son cours et ne ferait point obstacle (comme Pavait
mal à propos décidé la Cour royale de Colmar) à
ce que le magistrat-directeur du jnry fût nommé et
l'indemnité réglée; seulement dans ce cas, les
tiers seraient admis à faire valoir lems droits ultérieurement et à demander la fixation du prix dans
leur intérêt, ~insi qu'il sera expliqué plus bas
(art. 19, 3· aliu. ).
Toutefùis l'administration n'est autorisée à se
dispenser de cette mesure de p,'écaution, sans laquelle elle serait exposée à payer deux fois, que
lorsque le prix de l'acqnisition ne s'élève pas audessus de 500 fr.; mais ce sera toujours à ses
risques et périls et sauf, hien entendu, les droits
des tiers (art. 19, 2· al in • ); il faudra d'ailleurs,
aux termes de l'art. 2 de l'ordonnance royale du
18 avril 1842, que le maire soit spécialement
autorisé, à cct effet, par ~ne délibération du conseil municipal approuvée par le préfet.
L!l dispense dont il s'agit, introduite pou l' la
première fois dans la loi dlr3 mai 1841, et qui est
justifiée par le peu d'importance du danger en
�248
TR.AlTÉ
pareil cas et par le chiffre comparativement élevé
frais qu'entraînerait l'accomplissement de la
formalité, 'rend désorIlIais sans application l'ordonnance rO,vale du 31 aoùt ]830, ainsi que les circulaires ministérielles des ?'7 juill."t 1821, 25 mai
et lb.juillet 181-b, 17 et 27 juin dB3, 24 juiJlet
et 1'7 décemhre 1837, fJui en avaient successivement accordé ou refùsé la dispense dans -certaines
Clrconsta nces.
d~s
2° Effets par rapport aux propriétai'res.
1° Pm'te de la chose. Par l'effet I)U jugement
d'expropriation ou de l'acte de cession, la commune devient propriétai,'e de -l'immeuble qui est
désormais à ses risques et ,périls, lors. même
q1le l'indemnité ne serait pas en~ore' réglée, de
telle sorte (lue s'il venait à périr la perte en serait
pOUl' elle (argument de l~art. 1592, -Cod. civ.~
opinion non contredite de M. PersiL à la. Chamhre ); le précédent ma1tre n'a plus qu'un droit de
rétention lusqu'à ce qu'il soit payé; droit précaire
et subordonné, de même nature que celui de gage
on de nantissement.
2° Cens électoral. Il semblerait résulter du
principe qui vient d'ètre posé, gu'à partir du jugement ou de la cession, le prop"iétaire dépossédé
ne pourrait pIns se prévaloir, pour la formation de
son cens électoral, des impôts qui pèsent sur l'immeuble; cependant pour ôter à l'administr~Lion
tout moyen indirect de priver un électeur ou
'Hl
�DU DOMAINE PUBLIC.
2!~9
éligible de son droit., et allssi llans la prévIsIon
d'une acquisition en remploi, il a été décidé que
les contributions de la purtion d'irumPllble cédée
ou expropriée pour cause ll"utili-té 1'1Ibli(l'le, continueraient à être cumptées an {)rupr.iétaire (et, par
identité de raison,à l'usufruitier et'an fermier) pendant un au, à partir de la remise de là propriété,
ponr fmme,' leur cens électoral (art. 64).
3° Droit t!;e rachat. - La trausmissio,ufte la propriété pour cause d'utilité publique ne pouvant
êlre considérée comme volontaire de la part du cédant, qu'cHe aitliell par jugement ou l'al' convention , il en résulte que si le rnotif de nécessité qui
l'a déterrninée vieLu à cesser, la résolution doit s'enSUIvre.
Aussi, lorsque les terrains acquis ponr des travanx: d'utilité publique ne reçoivent pas celte d~s
tination, on ne la reçoivent qll'en partie, les anciens propriétaires ou leMS ayant-droit (c"est-àdi,'e ceux qui ont succédé, même à titre particulier,
ail domaine 0\1 à l'héritage dont dépendait le fonds
cédé) peuvent en demander la remise; le prix de
de la rétrocession est fixé à l'amiable, et, s'il n'y
a pas accord, par. le jury dans les formes ci-a pres
expliquées. La fixation par le jlll'Y ne peut, en aucun cas, excédel' la somme moyennant laquelle les
terrains ont été acquis (art. 60).
Pour jouir de ce droit emprunté à la législation
anglaise, les anciens pl'Opriétaires sont tenus de,
déclarer leur in tention dans les trois DIois de la
�250
TRAITÉ
publication faite à requête de l'administration dans
la forme prescrite par l'art. 6 pour l'enquête et
pour le jugement, et par laquelle elle indique les
terrains dans le cas d'être revendus". Le contrat de
rachat et Je paiement du prix doivent ensuite être
faits dans le mois de la fixation soit amiahle, soÎt
judiciaire de ce prix; le tou t à peine de déchéance
(art. 61).
Ce privilége de rachat n'est point applicable aux
terrains acquis SUl' la réquisition du propriétaire
en vertu de l'art. 50, et qui resteraieot disponibles
après l'exécution des travaux (art. 62); derniers
termes qui indiqnent que si, en détinitive, aucune
partie de la propriété n'avait été employée, la rétrocession du t.out pourrait être demandée par
l'ancien propriétaire lors même qu'il aUl'ait usé >de
l'art. 50.
RÉGLEMENT DE L'INDEMNiTÉ PAR LE IURY.
Mesures préparatoires et offres.
Appel ou intervention des intéressés. - Dans la
huitaine qui suit la notification de l'extrait du jugement au propriétaire, celui-ci est tenu d'appeler
et de [aiff~ conna1tre à l'administration les fermiers,
locataires, ceux qui ont des droits d'usufruit, d'habitation ou d'usage, tels qu'ils sont réglés par le
Code civil ct ceux qui peuvent réclamer des servi1
0
�DU DOMAINE PUBLIC.
251
tuc\p.s résultant des titres mème du propnetaue ou
d'autres actes dans lesqllels il serait intervenu; sinon il l'estera seul chargé envers eux des indemnités qne ces derniers ponnont réclamer.
l .. es antres intéressés seront en demeure de faire
valoir leurs droits par l'avertissement qui, aux
termes de l'art. 6, a précédé le dépÔt du plan à la
nlairie et l'enql1ête, et tenlls de se faire connaître à
l'administration dans le même délai de hnitaine,
à défaut de quoi ils seront déchus de tous droits à
l'indcmnité (art. 21).
Les dispositions relatives aux propriétaires et à
leurs créanciers, sont appli«aLles à l'usufrJlilier et
à se~ créanciers (art. 22).
.
2° Offres de tadministration.. L'adnlinistration
notitie aux propliélaires et à tous aulres intéressés
qui amont été désignés ou qui seront intervenus
dans Je délai de huitaine ci-dessus fixé les sommes
•
qlÏ'elle offre pOlir indemnités. - Ces offres sont
en ont·c aHicl,ées ct publiées, comme il est dit à
l'art. 6 rom l' dvertisiSement annonçant le dépÔt
du ptl11 à la mairie (art. 23).
3° Acceptat'ion des offres ou d~mandes. - Dans la
qninzaine suivante les propriétaires et autres intéressés sont tenus de déclarer leur acceptation,
ou, s'ils n'acceptent pas lès offi-cs qui leur sont
faites, d'indiquer le montant de leurs prétentions
(art. 24).
Les lemmes mariées sous le régime dotal, assistées de leurs maris, les tuteurs, ceux qui onl été
�252
TllAITÉ
envoyés en possession provisoire des biens d'un
absent, le ministre des finances, les préfets, maires
ou administrateurs et autres personnes qui représentent les incapables peuvent valablement accepter les offres faites par l'administration Jans les
formes et avec les autorisations prescrites par l'art.
13 pour la validité des conventions amiables (art.
25 et 26).
Au lieu du délai de quinzaine imparti aux propriétaires jouissant de la plénitude de leurs droits,
les personnes qui viennent d'être désignées auro!)t
cèlui d'un mois pour déclarer leur acceptation on
indiquer le montant Je leurs prétentions (art. 27)'
Dans les mêmes délais, les propriétail.'es de hdtiments dont il est nécessaire d'acquérir une portion
et qui voudront les céder en totalité, devront le
requérir par une déclaration formelle adressée au
magistrat-directeur du jury; l'administration sera
alors ten ue de les acheter en totalité.
..
Elle ne sera soumise à la même ohligatic~)ll eo ce
qui concerne les propriétés non hdties.. qu'autant
que la parcelle restant après le morcellement, se
trouvera réduite aU quart de la contenance totale,
aura une contenance inférieure ~ dix ares et que le
prop6étaire ne possédera aucun terrain immédiatement contigu (art. 50).
4° Renvoi de l'affaire au jury. - Si les offres de
l'administration ne sont pas acceptées dans les dalais ci·dessus de quinzaine ou d'un mois, l'admi.
�DU DOMAINE PUBIJC.
253
'nistration se pourvoira devan t le jury, pour qu'il
soil procédé au réglcment des indemnités (art. 2~).
Si dans les six mois du jngement d'expropriation
l'administration ne poursuivait pas ce réglement,
les parties pourraient exiger qu'il y fût procédé
(art. 55, l~r alin.).
2°
Convocation du jury ~ sa constitution et ses
opérations.
1
0
Convocation du jury et citation des parties. - La
liste des qnatre jurés titulaires et des trois jurés
snppléOlentaires choisis par le tribunal est transmise au sous-préfet, qni, après s'être concerté aveè
le magistrat-directeur du jury, convoque les jurés
et cite les propriétaires et tous autres intéressés qui
3U1'ontété désignés ou qui seront intervenus, en leur
indiquant, au moins huit jours à l'avance, le lieu
et le jour de la réunion. - La notification aux parties leur fait connaître les noms des jurés et doit
contenir l'énonciaûon des offres qui âuront été refusées (art. 28 et 31 de la loi de 1841 ,et 16 de la
loi du 21 mai 1836).
2
0
Formation du jury" empêc!z.ements. - Rér:usations.
' - En cas d'absence ou d'empêchement du magistrat-directeul' désigné pilr le jugement d'expropriation, il sel'a pourvu à son remplacement'par
une ordonnance sur requête du président du tri.:
hunal civil (art. 14, 4e alin.).
Le magistrat-directeur du jury est assisté auprès
�254-
TRAITÉ
du jury, si c'est nn jllgedll tribnnal, par le ~reffier
ou com mis greffier Je ce trihu na l, et si c'est le juge
de paix, par son greftier ordinaire.
Le greffier cst ch<lrgé tic faire l'appel successif
des causes sur lesquelles le jl1l'Y doit statuer, t~t de
tenir procès-verbal des opérations (art. 31, 1 er
alin. de la loi de 1841, et )6 de celle Je dB6).
Tont juré qni, sa ns motifs légiti Il\es, manque à
l'une des séances ou refuse de prendre part à la délibération, encourt une amende de 100 frallcs au
moins et de 300 francs an plus; elle est pl'Ononcée
pal' le magistrat-directeur du jUl'Y qui statue en
dernier' ressort sur l'opposition qne formerait le
juré condamné, ct qni prononce également sm les
causes d'empêchement proposées, ainsi flue Sllr les
exclusions ou incompatibilités Jont les canses ne
seraient survenues on ll'anraient été connues que
postérieurement à la désignation faite par le tribunal (art. 2h).
Ceux des jnrés qui se trouvent rayés de la liste
par suite des empêchements, exclusions uu incompatihilités dont il vient d'ètl'e parlé, sont immédiatement remplacés pal' les jurés supplémentaires
que le magistrat-Jirectetll' du jury appelle dans
l'ordre de leur inscription •
.En cas d'insuffisance, ce magistrat choisit sllr
la liste dressée pal' le conseil géuéral du département les personnes nécessaires pOllr compléter le
nombre de quatre jurés (al't. 33 de la loi de 1841,
et, 16 de celle du 21 mai 1836).
�DU DOMAINE PUBLIC.
255
Lors de l'appel de chaque canse, l'administration et la partie intéressée ont respectivement le
droit d'exerce.' nne récusation péremptoire (art. 16
de la loi de 1836).
Dans le cas où plusieurs intéressés figurent dans
la même affaire, ils s'en tenden t pour l'exercice de
ce omit, sinon le SOl't désigne ceux qui doivent
en user (art. 34,3" alin.).
Les jllrés récusés sont remplacés par des jurés
snpplémentaires appelés dans l'ordre de leur inscnpuon.
Le jury n'est constitué que lorsque les quatre
jurés sont présents, et ceux-ci ne peuvent délibérer qu'à ce nombre (art. 35 de la loi de 1841, et
16 de celle de 1836).
3° Opérations du jury. - Lorsque le jury est
constitué, chaque juré prête serment de remplit'
ses fonctions avec impartialité (art. 36).
Le magistra t-directeu r met sous les yeux du jury
le tableau des offres et demandes qui ont été respectivement notifiées par l'administration et les intéressés, ainsi que les plans parcellaires et les titres ou autres documents produits par les parties à
l'appui de ces offres et demandes.
Les parties ou leurs fondés de pouvoirs peuvent
présenter sommairement leurs observations.
Le jury a la faculté d'entendre toutes les personnes qu'il croira pouvoir l'é~lairer.
Il est également autorisé à se transporter sur les
�256
TILUTÉ
lieux, ou à déléguer à cet. effet uu ou plusienrs
de ses membres.
La discussion est publique; elle peut être continuée à une autre séance (art. 37)'
La clôture de l'instruction est prononcée par le
magistrat-directeur du jury.
Les jurés se retirent imméôialf'ment dans lem
chambre pom délibéret: sans désemparer sous la
présidence de ce magistrat.
La décision du jury fixe le montant de l'indemnité; elle esl prise à la majorité des voix; le magistrat-directeur a voix délibérative en cas de partage (art. 38 de la loi de 1841, et 16 de celle de
1836).
Elle est si~née des membres qui y ont concouru,
et rendue exécutoire par le magistrat-directeur qni
statue, d'après les règles ci-après, sor les dépens
qu'ilt3xe et envoie l'administration en poss.ession
de la propriété, à la charge par elle de se conformer
à ce qui sera dit pins bas sm le paiement, les
offres réelles ou la consignation de l'indem uité
(art. 41).
Le magistrat-directeur reçoit les acquiescements
des parties; son procès-verbal emporte translation
définitive de pl'Opriété (art. 16, 4' et 5 e alin. de
la loi qu 21 mai dB6).
Le jury ne connaît que des affaires dont il a été
saisi au moment de sa convocation, ct statue successivement et sans interruption sm chacune de
ces affaires. Il ne pent se séparer qu'après avoir réglé
�DU DOl\illNE PUBLIC.
257
toutes lps indemnités dont la fixation lui a été ainsi
déférée (ait. 44).
Les opéi'ations commencées par un j11l'Y , et qui
ne sont pas encore terruinées au mOI~ent du renouvellemenl annuel de la liste générale par le conseil
général, sont continuées jusqu'à conclusion défini.
tive pal' Je même jury (art. 45).
Après la clôture des opérations du jury, les minutes de ses décisions et les autres pièces qui se rattachent amdites opérations, sont déposées au greffe
du tl'ibunal civil de l'arrondissement (arl. 46).
4° Règles po'Ùr la fixation des indemnités. - Le jury
prononce des indemnités distinctes en faveur des
parties qui les réclament à des titres différents,
comme propriétaires, fermiers, locataires usagers,
créanciers de servitudes et autres intéressés.
Dans le cas d'usufruit, une seule indemnité est
fixée par le jury, eu égard à la valeur totale de l'immeuble; le nu-propriétaire et l'usufruitier exercent
leurs droits sur le montant de J'indemnité, au lieu
de l'exercer sur la chose; l'usufruitier est tenu de
donner caution; les père et mèl'c ayant l'usufruit
légal des biens de leurs enfants en sont seuls
dispensés.
Lorsqu'entre plusieurs réclamants il y a litige sur
le fond du droit ou snI' leurs qualités, et toutes les
fois qu'il s'élève des difficultés étrangèl'es à la fixation du montant de l'indemnité, Je jury règle l'iu.demnilé indépendamment de cei litiges et difficul.
�258
TRAlTÈ
tés, sur lesquels les parties sont renvoyées à se
pourvoir devant qui de droit (art. 39)'
Il en est de même dans le cas où l'administration
contesterait aù détenteur exproprié le droit à une
indemnité; le jury, sans s'arrêter à la contestation
dont il renvoie é!,\alement le jugement devant qui
de droit, fixe l'indemnité comme si elle était due,
et le magistrat-directeur du jmy en ordonne la
consignation, pour ladite indemnitJ, rester déposée
jusqu'à ce que les parties se soient entendues on
que le litige soit vidé (art. 49)'
Le jury est j~lge de la sincérité des titres et de
l'effet des actes qui seraient de nature à modifier
l'év3.111ati~n de l'indemnité (art. 48).
Les constructions, plantations et améliorations
ne donneront lie.u à aucune indemnilé, lorsque,
à raison de l'époque où elles auront été faites, ou
de toutes autres circonstances dont l'appréciation
1ni est abandon née, le jnl'y acquiert la con viction
qu'elles ont été faites dans la vue d'obtenir une
indemnité plus élevée (art. 52).
Si l'exécution des travaux doit procurer une
augmentation d~ valenr immédiate et spéciale au
l'estan t de la propriété, cette augmen tation sera
prise en considération dans l'évaluation du montant de l'indemnité (arL 51):
En aucun cas, l'indemnité allouée par le jury
ne peut être inférieure aux offres de l'administration, ni supérieure à la demande de la partie in. téressée (art. 39, dernier atin.).
�DU DOMAINE PUBLIC.
259
Cette inoemnité ne peut consister que dans une
sOlllme en argent rf'présentalive des dommages de
tOlite natllre qll'éprouve le propriétaire; le jury
n'atH'ait pas le droit de prescrire à l'administration
des ouvrages ou une mOllification quelconque à
ses travaux.
5° Dépens. - Les dépens su r lesqllels sta tue le
magistrat. directenr du jury ne doivent comprendre
que la taxe des :tctes faits postérieurement à l'offre
de l'administr:ttion; les frais des aCtes antérieurs
demeurant, dans tous les cas, à la charge de celleci (art. 41, dern. alin.).
Ces dépens seront supportés par la partie qui
aura l't'fusé les offres de l'ad\lJinistratÏon, si J'indemnité réglée par le jury ne dépasse pas le montant de ces offres.
Ils le seront par l'administration, si l'indemnité
est égale à la demande des parties.
Si l'indemnité est il la fois supérieure il l'offre de
l'administration et inférieure à la demande des
parties, les dépens seront compensés de manière
à être supportés par les parties et l'administration,
dans les proportions de leur offre ou Je leur demande avec la dicision du jury.
Tout indemnitaire (autre cependant qne l'un des
incapables auxquels le délai d'un mois au lien de
15 jours est accordé pour déclarer lenr acceptation des offres et former lenr demande) sera condamné aux dépens, quelle flue soit l'estimation ultérienre du jury, si dans ledit délai de 15 jours il n'a
�260
TRAITÉ
pas fait connahre son acc<,ptatiou ou indiqué le
montant de ses prétentions (arl. 40).
6° Recours en cassation. - La décision dll jlJry
et l'ordonnance du magistrat-direcleur ne peuvent
être attaquées que par la voie du recours en cassation et seulement pOUl' violation des dispositions
concernant:
1° Le nombl'e et le mode du choix des jUl'és
par le tribunal (art. 30, S 1 de la loi de 1!)41; et
]6 de celle de 1~36) ;
2° La convocation, par le sous-préfet, des jurés
. et des parties avec indication au moins huit jours
à l'avance du lieu et du JOUi' de la réunion et la
notification aux parties du nom des jurés ( art. 31);
3° Le droit de récusation péremptoire d'un juré
par la partie et d'un par l'administration (art. ':>4,
e
2 alin. de la loi de 1841, et 16 de celle de 1836);
4° La nécessité du nombre de qnatre jurés pour
délibérer ( art. 35 de la loi de 1841 , et 16 de celle
de 1836);
5° La prestation de serment par les jurés (art.
36) ;
6° La publicité de la discussion; le droit qu'ont
les parties de présenter par ellt;s-mêmes ou par
leurs fondés de pouvoirs Ietus observations sommaires et la production, par le magistrat-directeur du jury, des offres, plans et autres pièces
(art. 37);
7° Le mode el l'objet de la délibération du jury
(al't. 38);
�DU DOMAINE PUBLIC.
261
8° La manière de fixer les indemnités dans le
cas d'usufruit, de hail, d'usage et de contestation
entre les indeolnitailes, ainsi que la prohibition
d'allouer pIns qne ne demandent les expropriés
ou moins flne n'offre l'administration (art. 39);
9° Enfin la condamnation aux dei)ens (art. 40 ).
Ce recours en cassation devra avoir lieu dans le
délai de quinze jours, à partir de celui de la décision; il sera d'ailleurs formé, notifié et jugé
comme il ('st dit pour le pourvoi contre le jugement d'expropriation (art. 42 de la loi de 1841,
et 16, dernier alinéa, de celle de 1836).
Lorsqu'une décision du jury aura été cassée,
l'affaire sera renvoyée devant un nouveau jury,
choisi soit dans le même arrondissement, soit, si
la Cour de cassation le jnge convenable d'après
les circonstances, dans un des arrondissements
voisins, quand même il appartiendrait à un autre
département.
A cet effet, le tribunal désignera, comme il a
été dit plus haut, sur la liste génél'ale de son arrondissement ou de l'arrondissement déterminé par la
Cour de cassation, les quatre membres titulaires
et les trois supplémentaires qui devront composer
ce nouveau jury (art. 43 ).
VO
PRISE DE POSSESSION ET PAiEMENT DES INDEMNÎTÉS.
Paiement et offres réelles. -
Les indemnités'
réglées pal' le jury, seront, préalablement à la pl'is~
1°
TOM. II.
�262
TRAITÉ
de possession, acquittées entre les malns des
ayan t-droi t.
S'ils se refusent à les recevoir, la prise de possession ama lien après offres réelles et consignation
en espèces (art. 53 ).
Nous ne pensons pas que les offr'es réelles en nn
mandat, 311torisées par le ::le alinéa de l'art. 53 de
la loi du· 3 mai J 841 , puissent avoir lieu en fait
d'expropriation de terrain'S .destinés à l'établissement des chemins vicinaux, .même de grande
communication, parce que, d'une part, cet.article
ne parle que des travaux exécutés par l'état ou les
départements et non par les communes, et que
d'Iln autre côté la subvention que le département
peut accorder à ces chemins, aux termes de!'art. 8
de la loi du 21 mai 1836, ne doit point être appliquée à l'acquisition des terrains dont la fourniture
doit toujours êt re faile par les communes qui en
restent propriétaires, mais seulement à leur mise
en état et à leur entrelien.
Il ne sera point fait d'ofI'res réelles tontes les fois
qu'il existera des inscriptions SUI' l'immeuble exproprié ou d'alltl'/:'s obstacles au versement des
deniers entre les mains des ayant-droit; dans ce
cas, il suffira que les sommes ducs par l'administration soient consignées pour être ultérieurement
distribuées ou remises selon les règles du droit
commun (art. 54).
Lorsqu'un propriétaire aura accepté les offres
de l'administration, le montant de l'indemnité
�DU DO lAINE PUBLIC.
263
devra, still'exige et s'il n'ya pas eucontestationde
la part des tiers dans les délais de quinze jours ou
d'un mois accordés aux intéressés pour faire connaître leur acceptation desdites offres ou leurs
demandes, être versé à la caisse des dépôts et
consignations, pour être remii ou distribué à
qui de droit" selon les règl-es du droit commun
(art. 59)'
Les travaux d'ouverture ou de redressement des
chemins vicinaux ne pouvant jamais, COmme on
l'a dit plus haut, nO 53S, S4, motiver la prise de
possession d'nrgei.1ce sur laquelle statuent les
art. 65 à 74 inclusivement, dela loi du 3 mai 1841,
il n'y a pas lieu de s'occuper ici de ces dispositions
exceptionnelles dont l'introductioïl dans la législation a été la principale cause de la révision de la
loi du 7 juillet] 8:13.
2° Intérêts de l'indè'lnnité. Quand l'indemnité
réglée. ntaura élé ni acquittée ni consignée dans
les si~ mois de la décision du jnry, les intérèts
counont de plein droit à l'expiration de ce délai
(art. 55,2" alin.).
Ceci, bien entendu, ne doit avoir lieu que dans
le cas où l'indemnité aura été réglée en vue d'une
dépossession urgente et immédiatè; car si, au
contraire, il avait été, dès le principe, fixé un terme
pendant lequel le propriétaire serait autorisé à
conserver la possession cel'laine et paisible de son
fonds, il est évident qutil ne ponrrilÏt tout à la
fois percevoir les fruits et réclamer les in térêts
�264-
TR.AITÉ
qui, dans cette hypothèse, oe devraient commencer à courir qu'après six mois à partir Je l'expiration du d~lai fixé.
DISPOSITIONS
GÉNÉRALES.
Sign·ificatiQ'J1,s. -
Toutes les significations et
notifications relatives à dt's acquisitions de terrains
ponr canse d'milité publique sont faitlJs à la diligence du préfet du départf'ment; nOlis pensons
'que la comn1'nne pom l'établissement du chemin
de laqnètle elles ont lieu doit anssi y figll1'er en
'qualité de Tequérante # pnisfJue c'est elle qui est
le vérila'b1e acquéreur, et que c'est à son maire
que doive'nt être adressét's toutes les notifications
que lës prop"iél dires et autres iméressés peuvent.
avoir à lui faire (art. 57, 1 er ·alio. Je la loi de
1841, et61 et 69du Cod, deprocé<l. civ.).
Ces significations et notifications peuvent être
faites tanl par hu'Ïssier que pat' tout a-gent de l'administration dont les procès. verbaux font foi en
justice (dit art. 57, '1.8 alin.h c'est-à-dire par les
préfets, maires et adjoints, juges de paix, procureurs du )'oi et leurs substituts, juges d'inslruction, officiers de gendarmerie ,collllllissaii es
police (art. 9, 10,32, 49, 59, Cod. d'instrnct.
'crim.), ingénieurs et cond Ilctellrs tles pan ts et
chaussées, agen ts de la naviga lion (a rI. 2 de la loi
du 29 floréal an 10), riquen rs et ca n lon nÎel's chefs
commissionnés et assermen tés à cet eHet (art. 2 de
la loi du 23 mars Itl42) , gardes du génie (art. 2 de
1°
ne
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
265
la loi cl n 29 ma rs 1806), portie,'s-consignes des
places de guerre (art. 15 du décret du 16 septembre 1~3I 1), gardes et agents forestiers (COd.
forest. , art. J 761 17';), gardes champêtres (arl. 9
et 16 du Cod. d'insl. crilU., et 112. dn Jécret du
16 décembre 1811), préposés aux droits réunis et
aus octrois (llécret du 18 août 1.810.), gendarmes
(arl. 72, Cod. d'instrnct. crim.; 2<de la loi du 29
floréal an 1-0;112 dn décret du 16 décembre lSl!;
décret du 18 ao-&t 1810 ; ordonnance du. 4 février
1 ~20;- arrêts de cassation des 8 avril et 26 août
1~b5, ;)0 novembre 1,821 et 2 août 18J1.8)•.
Quoique tai tl'S pa l' des agen ts tle l'adIlli nistra tion,
elles doivent contenir les énonciations et avoil' lieu
de la manière prescrite pa r.les art. 61, 63, 64 et 68
du Cocl. de p,·océd. civ. (arrêt Je cassat. du 28
janvier 1834. - Sirey, 34-1'206).
2°
Dispense. des droits. de timbre et d'enregistrement.
-.- Les plans, procès-verbaux, certificats, significations, iugenJents, contrats, quiuances et autres
actes faits pour parvenir à. l'expropriation pour
cause d'utilité publique, seront "isés pour timbre
et enregistrés gratis, lorsqu'il y aura lieu à la formalité de l' eo l'egi,slrel)lent.
Il ne sera perçli aucuns droit,s. pDur la transcription des actes au bureau des hypothèques.
Les droits perçus sur les acquisitions amiables
faites antérieurement aux arrêtés du préfet seront
restitués lorsque, dans le délai de deux ans, à
partir de la perception, il sera justifié que les ini·
�266
TRAlTÉ
meuhles acquis sont compris dans ces arrêtés. La
restitution des droits ne pourrl\ s'appliqu~r qu'à la
portion des immeubles qui aura été reconnue nécessaire à l'exécution des travaux (art. 58).
DaQs la dispense des droits de transcriplion , ne
se trouve pas compris le salaire du conservateur, qui
demeure fixé, par une déçision du mi nistre des fil1ances du 25 mai 1825, à un franc pour chacun des
articles compris dans les états collectifs, en reiard
desquels le conservateur consignera le J'ésultat de
ses recherches par une simple mention portant
qu'il exis'te ou qu'il n'existe pas d'inscriptions.
L'art. 20 rie la loi du 21 mai 1~G6 porte que
cc les plans, proces-verbaux, certificats, significa» tions, jugements, contrats, marchés, adjudica» tian de travaux, quittances et autres actes ayant
') pour objet exclllsif la construction, l'entretien
» et la réparation des cbemins vicinaux, seront
;) enregistrés, moyennant le droit fixe de un
') franc. " Il est évident que cette disposition ne '
peut s'appliquer qu'aux cas d'l\cquisitions faites
amiablemen t et sans emploi des formes tracées
p{lr la loi du 3 mai J 841 ou au moins de l'enquête
prescrite par. les art. 6, 6, 7, I l et 12, et apres laquelle peut intervenir, suivant les art. 13,19 et 58,
3 6 alia. , un traité amiable produisant les mêmes
effets et jouissant des mêmes avantages que le jugement d'expropriation; :mtrement l'art. 58 de la
loi c1u 3 mai ] 841 , don t nous nous accu pons, doit
r~cevoir son exécution et p~oduire non-seulement
�DU DOMAINE PUBLIC.
261
l'exempti u complète du droit d~euregistrement,
mais aussi c le des droits de timbre, de transcl'ipti9u ,- et de cerLificats d'ins.cripLÎous dont ne parle
pas la loi du 2.1 mai IH36.
3° GoncessionnaireSA - Quoiqu'en général il n'y
ait de travaux entrepris par Jes concessionnaires
qne ceux, tels que des ponts, des canaux, des chemins de fer, qui, au moyen de péages ou (le droits,
présentent des avantages pécuniaires, et que l'étahlissement ou le redressement d'ull chèmin vicinal
ne puisse jamais être l'objd d'une sC~llblable spécnl"t;on ; cependant si des propriétaires ou malu'es
d'usines dans une commune voubicnt, soit par csprit de générosité, soit dans l'intérèt de ]',IOHflioration dé leurs propriétés, ouvrit' uu chemin vicinal
utile qne' l'administration LIl11nicipale n'attrait fl:lS
les moyens d'établir, ils ponrraient se faire Sllbl'o.
gel' à son lieu et place, et alors ils exerceraien t
tons les droits conférés à celle-ci et seraient soumis
à toutes les obligations qui lui sont irllposées
(art. 63).
TEL est l'exposé, aussi ahrégé que possible, des
formalités qu'entralnerait l'acqui~~tion des terrains
nécessaires à l'établissement ou au redresseinent
d'un chemin vicinal de petite ou de grande communication, si les proprié·taires ou quelqnes:nns
d'entre eux se refusaient à en faire la cession
amiable; on voit que malgré la simplification que
l'art. 16 de la loi cl u 21 mai 1836 a cherché à
apporter à la procédure, elle n'en est pas moins
�268
TRAITÉ
encore longue, compliquée et d'un exécutIon
difficile; en en retraçant les règles, ous n'avons
pas eu l'intention de faire, incidemment il l'explication de cet article, un traité spécial SUl' la matière, qui aurait formé à lui seul Lln v·olulrip.; notre.
hut a été uniquement de présenter dans un onl!"c
méthodique les dispositions relatives à notre objet
en cherchant, par leur seul encha~nement, à dissiper les doutes et éclaircir les difficu1Lés que le
renvoi trop laconique el trop peu étudié, d'une loi
à une autre, fait naitre. Pour de plus amrJles explications, 110US conseillerons de recourir à l'eJl.cdlent
Traité de Pexpropriation pour cause d'utilité
puhfique.. par M. de Lalleall, dont il est à désirer
que l'auteur publie promptement une troisième
édition, mise en rapport avec le dernier état de
la législation et de la jurisprudence.
541. Après avoir expliqué par quelles voies et
sous quelles conditions une commune peut se
procurer les terrains nécessaires à l'établissement
de ses chemins vicinaux, il nous reste à dire un
mot Je l'hypothèse inverse, celle dans laquelle,
au contraire, l'état ou le département serail dans
la nécessité de s'emparer de tout on partie d'un
de ces chemins pour une cause d'utilité publique.
Si c'était d'abord pour le convertir en route
royale ou départementale, il n'y aurait d'autres
formalités à remplir que celles exigées pour l'éta-
�DU DOMAINE PUllLICo
~69
·blissement de la route elle-même, et aucune indemnité ne pourrait être réclamée par la commune,
parce que, d'une part, loin de perdre à celte opération, qui ne ferait que mieux rempli., le but qu'elle
s'était proposé, elle y gagnerait les frais cl 'en tretien, et parce que, d'un autre côté, le chemin étant
déjà dans le domaine public, il n'y a point de mutation de propriété et par suite de prix à payer tant
que sa destination l'st conservée; c'e.st ainsi que,
par réciprocité, la loi du 24 mai 1842 déclare (]Ile
les portions de routes royales, délais~ées par suite
de changement de tracé, peuvent, SUI' la demande
des cousl'ils généraux ou municipaux, être classées
parmi les routes départementales ou les chemins
vicinaux, sans qu'il soit" question d'indemnité à
payer à l'état; le ministre de l'intérieur reconnaissait déjà, dans nne circulaire du 19 février 1828
( Recueil desdites circnt., tom. 6, pag. 91 ),
•
, , d' usage, l
' une gran de
cc qu '011 a tOUjOurs
ete
orsqu
» route a été ouverte dans la direction d'un che» min communal, qu'elle en occupât l'emplace;) ment sans que l'état ou le département eussent
» à remplir aucune obligation envers la commune
') pour le délaissement du sol du chemin ...; qne
') l'avantage qui résultait pour celle-ci, de la
» transformation d'un simple chemin, en commu» nicatioll plus belle, plus commode, et dont
') l'entretien cessait d'être à sa charge, avait pal'U
" une indemnité suffisante de l'abandon qu'elle
» faisait de sa propriété.•.. :)' Il décide seule-
�270
TRAITÉ
ment, ce que du reste la CO~1r de cassation a jugé
le 10 mai 1841 en confirmant un arrêt de la Cour
royale d.e Dijon, du 26 avril 1H37' au profî.L de la
ville d'AutuD (Sirey, 41-1'439), que l'état ne
peut pre.ndre sans indemnité (et il la charge seulement de constatel" contradictoirement avec la COlUmune J'étendue du terrain afin de le lui rendre en
cas de déclassemen t ultérieur) fi ue les parties de l'ne
ou de chemin qui se trouvent comprises dans l'alignement d.e la route, mais que le surplus continuera de rester à la disposition de la cornruune
dans la caisse de laquelle doit, en conséquence,
entrer l'indemnité due par II n riverain ponr cession
par alignement d'une partie de ce terrain.
Si, en second lieu, l'ouvrage eotrepris par l'état
ou le départelllent, tel qu'un canal ou lin chemin
de fer, avait pour effet de snpprimer le chemin ou
d'en empêcher l'usage, il n'y aurait pas lieu seulement il indemnité pécuniaire, parce qu'il s'agit
ici d'un service public qui ne peut être anéanti et
dont le maintien est réclamé anssi par l'intérêt
général; des mesures devraient être prises pour
remplacer la voie de communication détruite. En
conséquence, si la direction du chemin était la
même que celle du canal ou du rail-way, il falîdrait le reportel' à côté et paral1èlf'mcn t; si elle
était transversale, il Y aurait lieu il l'établissement
de ponts ou de passages à niveau; selllemenL, et
comme une entreprise qui intéresse au plus haut
pointla contrée mérite faveur, la commune ne serait
�DU DOMAINE PUBLIC.
2'11
point admise à se plaindre d'une légère augmentation de lon~ueur ou ùe la gêne qu'occasionnentles
harrières phcées par mesure de prudence et pour
éviter les accidents, aux poin tsd'intersection cl u che~
min de fer par les autres voies de communication.
ARTICLE XVlI.
542. cc Les extractions de matériaux, les dépôts ou cnlèvemen ls de terre, les occupations
» temporaires de terrains, seront autorisés par
» arrêté du préfet, lequel désignera les lieux; cet
» arrêté sera notifié a \IX parties intéressées au
» moins dix jours avant que son exécution puisse
» être commencée.
» Si l'indemnité ne peut être fixée à l'amiable,
;»
elle sera réglée par le conseil de préfectùre , Slll'
» le rapport d'experts nommés, l'un par le sous» préfet, et l'antre par le propriétaire.
» En cas de discord, le tiers expert sera nOIll» mé par le conseil de préfecture. »
»
Cet article s'applique au moins grave des trois
cas prévus par les art. 15, 16 et 17 de la loi du 21
mai 1836, ct comprenant dans J'ordre décroissant
de leur importance mal à propos interverti par le
législateur: la les travaux d'ouverture et de redressemen t des chemins vicinaux, c'est-à·diœ ceux
~yant pourobjetl'établissement d'un chemin DOUveau dans tout ou partie de sa longueur, SDr des
terrains n'appartenant évidemment pas à la corn-
�272
TRAITÉ
mune; 2° ceux de rélargissement d'un chemin
préexistant aux dépens des propriétés rivel'aines,
soÎl qu'il s'agisse de lnj. rendre son ancienne largeui"
anticipée· pal' les riverains, soit qu'il faille lui procurer une largeur qu'il n'avait jamais eue antérieurement; 3° et enfin ceux d'extraction de matériaux
ou de dép8ts temporaires qui, sans dépuuiller le
maître du fonds, de sa propriélé, empêchent sa
jouissance ou. détériorent la superficie de son héritage,
Il est un 4e cas dont la loi ne· s'occupe pas, et
qui cependant peut donner lieu à de graves difficultés, nous VOilIons parlf'r des dommages permanents que l'établissement, l'amélioration et surtout
la suppression d'nu chemin vicinal peuvent causer
aux propriétés voisines, sans enlever ces propriétés
à leurs maîtres, sans même, le plus souvent, que la
commune y fàsse un acte de pm:session, mais eu
~es grevant de servitudes passives ou en les privant
de servitudes actives qui y étaient attachées,
L'ordre logique aurait exigé que l'examen de
cette hypothèse, qui se présente fréquemment, eût
été placé après celui de la seconde ci.dessus, et par
conséquent avant l'explication du présent article;
mais comme l'art. 19, ci-après, statue sur un des
effets de la suppression des chemins vicinaux, et
que c'est particulièrement cette suppression qui
occasionne les dommages permanents, nous renvoyons ce que nous avons à dire sur cet ohjet an
commentaire dudit article.
�DU DOMAINE PUBLIC.
273
543. La disposition qui nons occupe résout
pillsienrs questions qni naissaient de l'insuffisance
de la léfiislation antérieure, dont il convient cep ndant de rapportel' les tex.tes.
L'art. 1 er , sect. 6 de la loi du 6 octobre J791
portait: cc Les agents de l'administration ne pour» J'ont fouiller dans un champ ponr y chercher
" des pierres, de la terre on du saLle nécessaires à
" l'entretien des grandes l'on tes ou autres ouvrages
:» 'publics, qu'au préalable iJsl1'aient averti le pl'O» priétaire, et qu'il ne soit justement indemnisé
» à l'amiahle,ol à dire d'experls, conformément
'» ··il l'art. 1 du présent décret. »
La loi du 16 septembre 1807 ajoute: Art. 55.
cc Les terrains ocêupés pour prendre les matériaux:
» nécessaires aux routes ou aux constructions pus) bliques, pomron t être payés 'aux: propriétaires
" comme s'ils eussent été pris pour la route même.
» Il n'y aura lieu à faire entrer dans l'estirr~atioi.l
» la valeur des matériaux; à extraire-, que daos les
" cas où l'on s'emparerait d'une carrière déjà en
" exploitation; alors lesdits ma tériaux. seron t éva:n Iués d'après leur prix: courant, abstraction faite
" de J'existence et des besoins de la route pour la" quelle ils seraient pris, ou des constnlGtions aux» quelles on les destine, »
Art. 56. cc Les experts pour l'évaluation des in» demuités relatives à une occupation de terrain,
» dans les cas prévus au présent titre, Sf'runt nom. » més ....... quant aux travaux des villes, un par le
�274
l'R.AITÉ
" propriétaire, un par le maire de la ville, et le
') tiers expert, par le- préfet. ')
rt. 57' ce Le con trôlcur et le directeur des con" tributions donneront leUl' avis sur le procès-ver» bal d'expertise, qui sera sonmis, par le préfet, à
» la délibération du conseil de préfecture; le pré» fet pourra, dans tous les cas, faire faire une oou» velle expertise. ')
L'art. 4 de la loi du 28 pl Llviôse an VIII cha rge
le conseil de préfectnre de prononcer ce sllr les ré») clamations des particuliers qui se plaindront de
» torts et'dommages procédant d't) fait personnel
» des entrep,'cneurs et non du faiL de l'adll1inis.
» tration, ainsi que sur les demandes et contesta» tions concernanlles indemnités dues aux: parti» culiers à raison des terrains pris ou fOllillé~ pour
» la confection des chemins, canaux et autres ou»
vrages puhlics. "
Enfin, les art. 438 à 442 du second projet de
Code rural, contiennent diverses dispositions
d'exécution qui jusCJu'à présen t n'ont point été
sanctionnées par le législateur (a).
544. Ces textes avaient donné lieu à la ques(a) Il existe encore sur la matière les arrêts du conseil des
3 octobre 1667,13 décembre 1672 et 22 juin 1707, dont les
dispositions relatives aux enlreprenevrs du pavé de Paris, ont
été déclarées, par l'arrêt du 7 septembre 1755, applicables à tous
autres ouvrages ordonnés pour les ponts et chaussées du
royaume. Voyez également l'arl. 2, second alin. de la loi du
12-28 juillet 1791, sur les mines.
�DU DOMAINE PUBLIC.
275
tion de savoir si l'occnpation de terrains pour extracLÎon de matériaux était soumise aux formalités
prescrites en matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique.
Notre article, adoptant la jurisprudence fixée
par divers arrêts du conseil d'état, des 25 avril
1 fho, 24 octobre] 821, et 6 août 1823, décide la
négative lorsqu'il ne s'agit que d'nne occupation
temporaire de terrain. - Mais si l'occupation devait être perpétuelle, ou si l'extraction de matériaux devait être si fréquente et si étendue que
l'administra tian jI1geât· elle-même indispensable
d'exproprier les propriétaires, il faudrait recourir
aux formes prescrites par l'art. 16 qui précède, et
qui, selon nOliS, doivent s'appliquer à toute acquisition des terrains nécessaires non-seule men t à
l'ouverture ou au redressement d'un chemin, mais
encore à la simple extraction des matériaux destinés à la confection des travaux, sans que la commune soit obligée, dans ce dernier cas, de se conformer à toutes les dispositions de la loi du 3 mai
1841, et de l'ordonnance royale du 23 août 1835,
c'est-a-dire obtienne une ordonnance après enquête, soumette le réglement de l'indemnité il. un
jury composé Je 12 membres, etc., etc.; les expressions de travaux d'ouverture et de redressement
que renferme l'ar't. 16 comprennent aussi bien les
matériaux nécessaires a la confection du chemin
que le terrain sUl'lequel il doit êtl'e établi.
545. Le Code rural de 1791, obligeantsenlement
�276
TR.AlTÉ
les entrepreneurs à prévenir le propriétaire du
champ où ils veulent foniller, et la loi du 16 septembre lSo7 ne les asslljettissant à aucune formalité, pas même à celle Je l'avertissement préalable,
on avait souteuu que les entrepreneurs pouvaient se
dispenser de prévenir le mailre du fonds, et de lui
payer préal:lblemeut l'indemnité.
Le premier point est résolu en faveur du prorriétaire par notre article qui veut que l'arrêté du
préfet désigne les lieux, et que cct arrêté soit noti·
fié aux parties intéressées, au moins dix jour~
avant sa mise à exécution.
Il est fâcheux que la loi ne se soit pas également
expliquée snI' le second point relatif au paiement
préabble de l'indemnité; malgré ce silence, nons
pensons avec M. Garnier, qu'à moins d'impossiLilité absolue, résultant de l'urgence des travaux et
des incidents élevés par le propriétaire, le paiement
de l'indemnité doit précéder les travaux et les enlèvements. Les décisions contraires, re~Jues par le
conseil d'état, notamment les 27 juin d~34 (affaire
Dupont), 18 mai 1837 (Cavaignac), 20 juin
1839 (Gréban), sont relatives à des travaux faits
par l'état, qui peut se prévaloir de l'art. 48 de la loi
du 16 septembre 1837, dont la disposition décrétée
à son profit exclusif sur le fondement de la nlaxime
fiscus semper dives, laisse subsister par rapport à
tous autres, le principe éminemment juste du paiement préalaLle. inscrit dans les art. J, sect. Ir., et
er de la loi du 6 octobre 1791.
l, sect. 6 du titre 1
l
�DU DOMAINE PUBLIC.
217
546. D'anciens réglements et entre au tres
l'arrêt du conseil du 7 septembre 1755, exceptaient
les lieux clos, et autaut que possible, les bois, des
endroits où les dépôts et enlevements de matériaux
peu ven t être faits. On pense que cette disposition
doit encore être observée; elle a été implicitement
consacrée en matière de travaux faits par l'état;
dans un arrêt du conseil du 4 juin l~b3, qui
rejette l'opposition d'un particulier, fondée sur
le fait de clôture, par le motif unique que sa pro'Priété n'était pal'; close de toutes parts. Même décision dans d'antres arrêts des 5 novembre 1828,
27 juin et 24 octobre 1834.
Les mots fermés de murs Olt autre eli3ture
équivalente, suivant les usages du pays., que
renferme l'arrêt du conseil du 7 septembre 1755,
ont déterminé le conseil d'état à décider, le 27
juin 1834, dans l'affaire Latour-Maubourg, qu'un
fossé creusé dans les dimensions exigées pa)' le
Cod. rural n'était pas une clôture suffisante poni.'
empêcher la prise des matériaux; un autre arrêt
du 1 er juillet 1840 (qffaire de Champagné) a
même jugé que l'exemption n'existe pas pOUl' les
terres labourables closes d'un fossé et d'une haie
vive. An reste, pour que la clôture même en'murs
soit un obstacle à la prise des matériaux, il faut
qu'elle préexiste à la désignation du terrain fàite
par l'administration; autremen t la fraude serait
trop facile; en conséquence nons 11e pouvons pas
admettre la doctrine contraire du conseil d'état·
TOJ\I. II.
�278
TR..A.ITÉ
consignée dans son arrêt du 5 novembre 1828
( afTaire Pasquier) et .fondée sur les dispositions
des artides 4, section 4 de la loi du 6 octobre 1791,
et 647 du Cod. civ., d'après lesquelles le droit de
clore et de déclore ses h~ritages résulte essen tiellement de celui de propriété, nonobstant ton les
lois et contumes; dispositions qui doivent être appliquées snbordonnément aux droits ùes tiers résultant de titres ou d'une loi spéciale comme dans
le cas particulier.
547. Si on élait obligé de prendre des matériaux dans 110 bois soumis au régime forestier, il
faudrait remplir les formalités prescrites par les art,
170, 171, 172, 173 et 175 de l'ordonnance royale
du 1 er août 1827, concernant l'exécution de l'art.
145du Coù. forestier, et ainsi conçus: cc At,t. 170'
Lorsque les extractions de matériaux auront pour
objet des travaux publics, les ingénieurs des ponts
et chaussées (ici les agents-voyers), avant de dresser
le cahier des charges des travaux, désigneront à
l'agent forestiet' supérieur de l'arrondissement les
lieux où ces extractions devront être faites. - Les
~gents forestiers, de concert avec les ingénieurs
ou conducteurs des ponts et chaussées ( ou agentsvoyers ), procéderont à la reconnaissance des lieux,
détermineront les limites du terrain où l'extraction
pourra être effectuée, le nombre, l'espèce et les
dimensions des arbres don t elle pourra nécessiter
l'abattage, et désigneront les chemins à suivre
poU\' le transport des matériaux. En cas de con-
�DU DOMAINE PUllLIC.
279
testation sur ces divers objets, il sera statué par le
préfet. "
cc Art. 171. Les diverses clauses et conditions
qui devront; en conséquence des disposiLioDs de
l'article précédent, être imposées aux entrepre~
neurs, tant pour le mode d'extractiori qne ponr
le rétablissement des lieux en bon état, seront
rédigées pal' les agents forestiers et retnises par eux.
au préfet, qui le~ fera insérer ail eahier des charges
des travaux. "
cc Art. 172. L'évaluation des indemnités dues
à raison de l'occbpation ou de la fouille des terrains et des dégâts causés par l'extraction, sera
faite conformément aUx art. b5 et 56 de la loi
du 16 septembre 1807, ~ L'agent forestier supérieur de l'arrondissemènt r~mplira les fonctions
d'expert dans l'intérêt de l'état; et les experts dans
l'intérêt des communes ou des établissements publics seront nommés par les maires ou les administrateurs. »
cc Art. 173.. Les agents forestiers et les ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées (et
agents-voyers) sont expressément chargés de veiller
à ce que les entrepreneurs n'emploient pas les
matériaux provenant des extractions à d'autres
travaux que ceux pour lesquels elles auront été autorisées. - Les agents forestiers exerceront contre
'les contrevenants toutes poursuites de droit. ))
..
' 1ama LIons
cc A rt. 17'
5 L es rec
qUI pounont s),elever relativement à·l'exécution des travaux d'ex-
�280
TRAI'rÉ
traclion et à l'évaluation des indemnités, seront
soumises aux conseib de préfecture conformément
à l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII. »
Le mode de nomination des experts déterminé
par l'art. 56 de la loi du 16 septembre 1~07, auquel renvoie l'art. 72 ci-dessus rLlpponé de l'ordonnance d'exécnlion ·tln Cod. forestier, diffëraot',
comme il sera expliqué plüs bas, <le celui fixé par
l'art. 17 de la lü-i dn 21 mai JlB6, nous pensons que ce sera ce dernie.' modè, spécial pour la
matière et d'ailleurs résultant 'de la loi la plus
récente, qui devra être suivi lorsque les matériaux
pris dans un bois seront destinés'à la construction
ou à la réparation d'Iln chemin vicinal.
548. L·art. 55 de la lo.i du 16 septembre 1807
fait, sur la manière d'évaluer l'indemnité pour
extraction de matériaux, une di~tinction entre le
cas où ils p-roviennent d'une carrière déjà ouverte
et en exploitation., et 'celui où ils sont tirés d'une
propriété non précédemment exploitée; au pre'mier l'administration doit payer la valeut' mème
des matériaux selon le cours, ei au second nne
simple indemnité du dommage causé à la sup(~rficie
du fonds.
Cette distinction doit-elle être admise pour les
extractions rel"'lives aux chemins vicinanx?
Dans son Cours de droit administratifappliqué aux travaux pubLics, tom. 2, 2 e édit.,
pag. 3b9> nO 22, M. Cotelle paraît se prononcer
pour la négative sur le motif que le principe de
�DU DOMAINE PUBLIC.
281
l'indemnité du simple dommage camé à la surface
est restrictif Ju dl'Oit tle propriété et en se fondant
au surplus' Sllr nn arrèt du conseil d'ét:Jt concernant un sieul' Millin, et l'apporté au Dictionnaire
de Brixhe"
V
O
carrières"
nO
1
S.
Nous ne 5al11'ions partagel' celle opinion, d'un
CÔlé, parce que les termes de l'arl. 55 de la loi
de 1~o7 sont génêl'aux el s'a(lpliquent non-seulement aux l'OUleS, ruais encore aux constructions
publiques" au nonl~re desquelles on doit nécessairement placer les chemins vicinaux, surtout ceux
de gr~ndc cOJUl1J1ll1Î'calion, l:'t d'hutre pan, parce
qU'<lu fond lll:'st jüsle Je faire uue diffél'ence entl'e
la prise de matéria lIX dans une carrière ex ploitée
et qui est l'oLjet (l'une induslrie que l'on détl'Uit
ou q1Je l'on rcstl'eint el l'extraclion, dans un fonds
en cullure dont le .propriétaire ne tirait que des
produits agricoles de la perle desCJuels on l'indemnise. En fait d'eslimalion d'un fonds, pOUl' le cas
de vente 011 d'exp,'oprialion, on ne fwend jamais
en considéralÎ'on qnt' son état acLUehans égard au
'parti que l'industrie p011l'rai'l en lirer ultérieuremenl. Il y aurait, d\,iUel1rs, une différence considérable en Ire les ftais de construct ion et d'en tretien des chemins vicinaux ponr lesquels il n'existe
que de faihles ressources, et CC'\IX relatifs aux
rouIes amplement dOlées par le blldget de l'état.
L'arrêt du conseil invoCJlJé. et qui l'st il la date
du 17 décembre 18°9' s'appliqnait, à la vérité, à
un pont construit pardiverses communes, mais que
�282
TRAITÉ
rien n'indique avoir dû servir à la traverse d'un
chemin vicinal et qui peut-être n'était établi que
pour la desserte de biens communaux. Ce serait
avec raison alors qu'il aurait été excepté du bénéfice de la loi de 1807 concernant les constructions
publiques.
Au surplus ponr qu'une carrière soit réputée
en expIa itation, il n'est pas nécessaire que le
pl'Opriétaire en tire actuellement des matériaux;
il suffit ([ue l'exploitation en ait eu lieu autrefois,
lors même qu'elle serait abandonnée depuis plus
ou moins de temps; ce n'est plus alors une propriété rurale, c'est une véritable carrière, ainsi que
l'a jugé le conseil d'état par divers arrêts des I3
juillet I~h5, 1 er mars 1826, 24 octobre 1834,
7 juin 1836 et 27 avril 1838.
549. Pour que l'action qu'un propriétaire peut
être dans le cas d'exercer doive être portée devant
le conseil de préfectllre, il faut deux conditions
simultanées: l'une que les dégradations 0\,1 do lll mages soient du fait d'un entrepreneur de travaux
publics ou comII\unaux ou de ses préposés, et
l'autre qu'ils aient eu lieu à l'occasion de travaux
publics dûment autorisés. C'est ainsi qu'un arrêt
du conseil, du 30 juin 1824, a déCIdé que la réclamation d'un particulier, dont l'héritage avait
été pacagé par les chevaux d'un en trepreneur de
travau)( puhlics • était du ressort des tribunaux.
Mais aussi, lorsque les deux conditions ci·dessus
se rencontrent, toutes les difficnltés qui peuvent
�DU DOMAINE PUBLIC.
283
s'élever entre l'cntrepreneul' et les propriétaires,
rentrent dans les attributions dn conseil de préfectnre. Ainsi ~ ce conseil e compétent pour statuer dans les cas suivants:
1° Lorsqu'en exécutant ses travaux, l'entreprene"r ou ses ouvriers causent du dommage aux
propriétés voisines, soit par des éboulemen ts, soit
par des passages indus et dommageables. (Arrêts
.
du même conseil des 30 mars 1812, - 19 août,
6 septembre et 16 octobre 1813, - 23 juin 1~ 19
et 16 novembre 1825.) Dans les espèces d~ ces
derniers arrêts 1 l'entrepreneur avait traversé des
propriétis privées a vec sa voiture pour allel' chercher au-delà" des matériaux ou exécuter des travaux.
2° Lorsqu'une inondation de propriétés a été
produite par la mauvaise construction d'uu pont
de service provisoire pendant les travaux. (Arrêt
du 27 aodl 1th3.)
3° Lorsque les matériaux enlevés par l'entrepreneur out déjà été extraits ou amassés par un
particulier, même non propriétaire du terrain sur
lequel ils sont déposés.
4° Enfin, lorsqu'il s'agit, non pas seulement
de réparation au sol même du chemin, mais aussi
de travaux qui peuvent en être considérés comme
un accessoire, tels 'lue ponts, aqueducs, etc. (Ar-
rêt du conseil du 13 juiLlet 1825. )
Le conseil de préfecture serait aussi compétent
pour décider si réellement les matériaux extraits
�284
TRAITÉ
sont ou noo destinés à l'entretien du chemin, et
si celui qui les a extraits est, ou non, l'entrepreneur ou le préposé d l'entrepreneur de la route.
(Arrêt du conseil du 17 janYier·Üh4.)
Mais s'il s'élevait une cQntestation sur le point
de savoir si les matériaux appartiennent à ceux qui
en réclament le prix:, cette question de propriété
devrait êlre parlée devan Lies Lribunaux qui seulement renverraient devant le conseil de pl'éfccture,
pour la fixation de leur valeur. Il en serait eneurc
de même par rapport aux cuntf'stations qui s'élhc;raient entre up entn'preneur et un paniculier sur
l'exécuLion d'une convention faite entre eux pour
l'extraction ou le dépôt de matériaux nécessaires à
un chemin. (Arrêt du conseil du 4 juin 1823. )
550. Du rapprochement des oeux premiers
alinéas de notre article 17 et du princille posé au
commencement du n°, précédent, il résulte que
pOlIr que le conseil de préfecLure &oit çompétent,
il faut que les formalilés préalables à l'extraction
ou an dépô.t des matériaux aient été remplies, c'està-dire que le préfet ait désigné les terrains, et que
son arrêté ait été notifié; autrement les travaux
exécutés par la commune ou par son entrepreneur
ne seraient que des voies de hit q lli ponrraien t être
poursuivies, soit devant les tribunaux civils au
possessoire ou au pétitoire, soit devant les tribunaux r.orrectionuels ou de police, tous chargés
de protéger la propriété fonciere coutre des en treprises illégales; plusieurs arrêts du conseil d'état,
�DU DOMAINE PUBLIC.
285
notamment des ~I septembee 1827 (afJétire Rousseau), 5 novembre 1828 (Ducroc-Bernard) , 14
octobre 1836, 4 avril 1837 et 4 septembre 1841,
ont résolu ce point de la manière la plus positive.
« Considérant,· porte le premier, que le juge de
. ) paix il prononcé sur une action dirigée contee les
). sieurs Hel'belin et Gouaix, ouvriers carriers, à
)) l'aison des pierres extraites sur la propriété cl Il
)) sienr Rousseau, sans son consentement;-qu'il
n résulte des pieces el de l'instruction de l'affaire,
.» qu'à l'époque du jugement, le sieur Routin, en).) trepreneur du pont de Nogent, pour le compte
n duquel les sieurs Herbelin et GOllaix: ont pré) tendu avoir extrait les matériaux, n'avait pas
) encore. été autorisé par l'administration à
» extraire des grès sur la propriété du sieur Rous» seau; que ledit propriétaire n'a pas été mis en
» demeltre de déhattre et de consentir les prix
» de cette extraction; que dès-lors les sieurs
) Herbelin et Gouaix n'avaient ni droit ni qualité
" pour commencer cette, exploitation, et que cette
)) voie de fait a dû être poursuivie devant l'autorité
» judiciaire, - aunlllle.le couflit..... »
La jurisprudence des tribunaux n'est pas moins
certaine; on peut consulter à cet égard deux arrêts
de la Cour de Bourges, du 20 avril 1831 (Sirey,
31-2-32]) et de celle de Toulouse du 10mars 1834
(Dalloz,34-2-2oo),ainsi que quatre arrêts de III COtH'
de cassation des 16 avril 1336 (Sirey, 36-1-687),
�286
TRAITÉ
3 août 1837 (Dalloz, 37-1-33), et 15 janvier 1839
(Sirey, 39-1-16).
Mais s'il s'élevait une contestation sllr le point
de savoir si le terrain envahi est, 011 non, compris
dans l'autorisation du préfet, si les conditions sous
lesquelles elle a été accorclée ont été remplies ou
non, l'affaire deviendrait Ju ressort du conseil de
préfecture à l'exclusion des tribunaux qni alors
devraient surseoir au jugement jusqu'après la 110:'
lution de la question préjudicielle (arrêt de la Cour
de cassation ci-dessus cité, du 16 avril 1836).
Le point ayant pour objet de reconnahre si un
terrain est clos, nous paraît devoil' être décidé par
les tribunaux civils, seuls juges des questions de
propriété et de servitude; cn cas de solu tion négative, la fixation de l'indemnité devrait être reuvoyéeau conseil de préfecture.
551. L'arrêté du préfet devra être notifié dix
jours au moins avant l'exécution, afin que les parties iutéressées puissent se pourvoir contre la me':'
sure.
552. L'expertise organisée par cet article diffère de celle établie par l'art. 56 de la loi dn 16
septembre 1807, en ce que l'expert de l'ad rnlnistration est nommé, non par le maire, mais par le souspréfet, et en ce que le tiers-expert est au choix:, non
du préfet, maisdu conseilde préfecture,ce qui devait
être d'it~rès les principes de compétence que nouS
avons exposés plus haut pour ces deux autorités,
�DU DOMAINE PUBLIC.
28'1
puisqu'il s'agit ici d'uue affaire coutentieuse SOI'tant des bomes d'une simple administration,
On pense que les experts devront remplir les
conditions exigées par le titre 14 du livre 2 de la
Ife partie du Code de procédure, et que les motifs de récusation indiqués dans l'art. 310 de ce
Code leur seront applicables; mais ils seront dispensés de la formalité de la prestation de serment
qui, en général, n'a lieu que pour les elperts nommés en justice.
ARTICLE XVIII.
553.
L'action en indemnité des propriétaires
» pour les terrains qui auront servi à la confection
» des chemins vicinaux et pour eX.lI'action de ma» tériaux, sera prescrite par le laps de deux ans. n
cc
Plusieurs questions peuvent se présenter sur
l'application de cel article qui n'était pas dans le
projet du gouvernement, et dont la disposit\on
dérogatoire au principe général écrit dans l'art.
2262 du Code civil, a été déterminée par le peu
d'importance en général de l'indemnité et par lit
nécessité de mettre les communes à l'abri de réclamations tardives pour lesquelles les bases d'appréciation manqueraient.
554, Cette disposition, applicable aux trois.
cas des art. 15, 16 et 17, c'pst-à.dire il ceux d'ouverture, de redressement et d'élargissement d'ml,
chemin, ainsi que d'extraction, de dépôt de maté~.
�288
TRAITÉ
l'iaux et d'occupation temporaire de terrain, peutelle être invoquée aussi Lien, It 1 rsque les travaux
n'ont point été autorisés par al'l'êté dn préfet, que
lorsqne ce préliminaire a été rPlupli r
Frappéde la généralité des ternH'S de llotl'e artide
qui paraît, au premier coup.d'œiJ, refusel' après
deux ans tonte action tendant à obtenir la valeur dC's terrains employés à la confection des chemins vicinaux, nous avions, sans en donner d'au·
tres motifs, adopté l'affirmative dans la preTlJit~l'e
édition de cc cOlllmentaire; m<lis arrf.s y avoir pIns
mùrement réfléchi, nous n'hésitons pas à reconnaître avec M. Garnier, qui a rectifié la mème
erreur dans son Supplément à.la 4e édition du
Traité des chemins~ pag, 95, qtle ponl' qu'nne
commune puisse invoquer la prl'scriplion de deux
ans contre l'action en paiement des terrains employés à l'établi.~sement d'lin chemin nOl1vean,
au l'élargissement d'un ancien 011 au dépôt et à
la prise de matériaux, il fant qu'elle représente
nn jugement d'expropriation ou un arrêté du
préfet prescrivant soit ce l'élargissement, soit
l'occupation momentanée ou la fouille du fonds.
En effet, la p,'esel'iption don t il s'agit est exorbitante du droit COOlUlun et extrèmement rigoureuse; elle doit donc être restreinte au cas où
la commune a agi régulièrement et où seulement
elle pomrait être tardivement inquiétée ponr le
paiement d'une somme dont la remise lui avait été
tacitement. Etendre le bénéfaite expressément
ou
�DU
DOl\'U~X:
PUBLIC.
289
fice de notre article ail cas où il n'apparahrait
d'allcune alHorisation supérieure, ce se<rait encourager les voies de fait et les nS1II'pations, ce serait
violer la maxime indignus est heneficio legis
qui contra Legem se committit. Quand une
connnllne s'empare sans formalités d'uoe portion
de fonds pour la convenir en chemin, ou 'J11'elle y
fait de son autorité privée des fOllilles et des dépôts,
elle n'est pas seulement exposée à une action en
indemnité, c'est-à dire eo paiement J'une somme;
elle pt'Ul et elle doit êtl'C contrainte an relàchement du tcrrainllJême, ainsi qu'àl'enlevement des
dépôts ou à la réparation des dégradations. Or notre
al'lide n'admet la prescription qlle contre l'action
en indemnité> laquelle ne commence à exister
qlle' lorscl'1'il y a en acte légal, soit jugement d'expropriatioli, soit arrêté du préfet qui a autoris~ la
prise de possessi.on, et transformé, aux termes
des articles 15 et 17 de la loi du 21 mai 1836,
et Ü5 de celle du 3 mai 1841, le droit réel de
propriété du réclamant en une action personnelle
en paicmentd'uoc simple indemnité pécuniaire. A
défaut de cet acte ayant seul l'effet exorbitant de
dépouiller le maitre du fonds de sa propriété et
de la mohiliser malgré le principe quod nostrum
est:> sine nostrofacto alteriusjieri non potest>
l'action eo revendication ou en réparation du dommage existe et pent être intentée pendant le laps Je
30 années fixé par l'art. 2262 du Cod. dv., POIlI'
tous les cas où il n'y a pas réduction expresse à un
terme plus court.
�290
TR.A1TÉ
555. Nous admettons également avec l'auteur
cité plus haut, et en expliquant une proposition
que nous avio~s peut-être exprimée en termes trop
généraux dans notre première édition, que lorsque
l'indemnité a été réglée soit par un jury (al't. 16),
soit par un jugement du juge Je paix (art. 15),
soit par un arrêté dn conseil de préfecture (art. 17),
soit amiablement par un acte notarié ou sous-seingprivé, la demande en paiement de cette indemnité
n'est plus prescriptihle par deux ans, mais peut
être formée pendant 30 années. Dans ces cas, en
effet, il n'y a plusactio.n en indemnité~expressions
qui ne peuvent s'appliquer qu'à l'action tendant
à faire fixer la valeur de la chose. mais créance
liquide et certaine d'une somme d'argent dont le
recouvrement peut même, selon la forme du titre,
être poursuivi par voie d'exécution. Par le jugement ou par la convention, il s'est opéré une espèce de novation dont la conséquence est d'anéantir la présomption de remise ou d'abandon de sa
créance par le propriétaire, sur laquelle est fondée
la prescription dont il s'agit. Nos lois nous offrent
en des cas analogues, notamment dans ceux des
le
'
1]
l'
art. 2.274,
2. i
a 'lU. cl u C
0 d
• ClV.,
et 109,
1 er am.
du Cod. de commerce, des exemples de semblables
prolongations de délais de prescriptions que les
lois romaines avaient généralisées par la règle:
actiones quae tempore pereunt seme! inclusae
judicio salvae pr;rmanent. (L. 139, ff de regul.
jur. )
�DU DOMAINE PUBUC.
291
Notre opinion sur cette question se trouve implicitement confirmée par ce passt1ge de l'instruction ministérielle du mois de juin 1836 : « L'ad» minislration, dit M. le ministre de l'intérieur en
» commentant notre article, sc trouvera désormais
» à l'abri de ces exigences tardives, puisqu'elle
" pourra opposer la prescription après un délai
» de deux ans, en cas d' occu pation de terrains,
» en vertu d'un conselitemcnt verbal du pro prié» taire, » dernières expressions qui donnent à
entfmdre que l'article est sans application lorsqu'il
ya acte écrit ~ soit que cet acte constate un abandon gratuit, soit qu'il contienne un prix et constitue une créance.
556. A partir de quel jour devra courir le délai
de deux ans? Est-ce de la notification de l'arrêté
du préfet, désignant les fonds qui doivent être pris
pour l'établissement d'un chemin nouveau, prescrivant le l'élargissement d'un chemin ancien aux
dépens de la propriété riveraine, ou autorisant le
dépôt et l'extraction de matériaux dans d~s héritages voisins; ou bien sera-ce seulement de l'époque
de la dépossession, du dépôt ou de l'extraction, en
up mot du fait matériel causant du préjudice au
propriétaire?
Nous pensons que ce sera seulement de cette
dernière époque, parce que, jusque-là, l'acte administratif étant resté sans exécution, pOllvant,
comme cela arrive fréquemment, n'en jamais recevoir, et le propriétaire ayant toujours conservé la
�~92
TRAITÉ
jouissance en tière de sa chose, il est impossible de lui
opposerJa prescription qui ne court que contre celui
qui néglige d'exercer un droit ouvert, et qui par
son silence, malgré la privation qu'il éprouve; est
présumé en faire l'abandon.
Vainement le préfet aura-t-il ordonné l'ouverture ou le l'élargissement d'un chemin; vainement
aura-t-il désigné un fonds pOUl' y prendre ou déposcr ùes matériaux; tant que la commune ne se sera
pas mise en possession, qu'elle n'aura pas troublé le propriétaire dans sa jouissance effective,
celui-ci n'aura aucun intérêt à se pourvoir pour
réclamer une indemnité; dans le cas.d'extraction
ou de dépôt, il n'aurait même aucun moyen d'agir
tant qu'il n'y aura pas eu fait matél'iel, puisque
c'est ce fait qui seul, en réalisant le dommage,
donne naissance à l'action, et qu'avant son accomplissement on manque de bascs pOUl' fixer l'in""'
demnité.
Il est biel1 nui qu'aux termes de l'article 55 de
la loi du 3mai 1841 (et on en doit dire de même
par analogie dans le cas de simple l'élargissement)
le propriétaire contre' lequel nue expropriation a
été prononcée peut, avant sa dépossession et apr~s
le délai de six mois à panir du jugement, provoquel' le réglement Je l'indemnité par le jury si la
commune n'agit pas; mais c'est là une faculté introduite en sa faveur et dont il est libre d'user ou
non; on ne pcu.t s'en prévaloir pOUl' faire courir la
prescription contre lui; autremen t ce serait le for.-
�DU DOMAINE PUBLIC.
293
cel' à se déponiller lui·même de son fonds au profit
d'une commune qui pent avoir abandonné son
proje!; ta n t cp/il reste en possession, il n'a rien à
demander; et partant on ne peut lui reprocher sa
l1é~ligence et tronver dans son inaction la présomplion de l'abandon de son droit.
Les termes même de l'al't. 18 viennent confirmer
cette solution, puisqu'en parlant de la prescription
de l'action en indemnité des propriétaires, ils ne
disent pas seulemebt pour les terrains compris
dans L'arriJté du pr4fet, mais bien pour les
terrains QUI AURONTSERYI à la confection des
chemins vicinaux et pour extraction de matériaux.... ; .expressions qui démontrent qu'il faut
qne la commune se soit, emparée du terrain et l'ait
déjà converti en chemin ou fouillé, en un mot,
qu'elle en ait pris possessiol1.
L'opinion contraire que nons âvions émise dans
la 1 re édition de ce commentaire, ne s'appliquait
point à l'hypothèse que nons venons d'examiner;
elle était relative au cas où l'indemnité avait étédéfinitivement réglée et ne consistait plus que dans
une somme d'argent; cas qui ne pent plus se présenter suivant la solution donnée sous le nO précédent, pnisque nous pensons qu'alors la prescription est de 30 années au lieu Je deux.
557. Des décisions portées sous les trois nl1mérosqui précèdent, il résulte que notre art. 18 ne
doit recevoir d'application, c'est-à-dire que la commune ne peut invoquer la prescription biennale
TOl\f. II.
�294
TRÂlTÉ
qne lorsfJ11e simultanénJcnt, d'nnepart, l'arrêté du
préfet ail ra lllltorisé l'ou V'l'rture ou le r(~lal'gissement
du chemin, )'exlI'action on Je Ilppôt de lliaté..iaux
sur tellcs ou telles propriétés Jélel'l11inécs; fille d'nu
autre côté, il y an ra Cil p-"ise de possession de fait
par la commuue, et qu'enfin l'imlelllnill~ n'aura pas
été liquitlée et adjllgé(~ par le jury, le juge de paix
ou le conseil de préleclùre; puisqll'autrcmf'nt on
retomberait dans Iln des cas où nOlis avons Vil qu'il
y aurait nécessairement lieu à la pr<'scripLion Lrentenaire. EL C.OOllllt: il est p(~U à présumer flue, contrairement anx prohibitions de la loi qui exige que
la tlxalioll ct même le paiement Je l'indemnité précèdt'nt la prise de possession, nne commune puisse
se luettre en jouissance des terrains qni lui sont nécessaires sans le consentement ail moins ta(~ite du
maÎtre du fonds, on doit dire que la prescription
dont il s'agit Ile sera guère utile que lorsqn'il yaura
eu abandon verbaldn terrain etd.e J'indemnité par le
propriétaire, et que celui-ci, par mauvaise foi, ou ses
héritiers, par ignorance de ce qui s'est passé, viendrout, après plusieurs années, inquiéte,' la COlllmune et lui demander nn prix dont rCUlise lui
avait été faite. C'est aussi évidemm nt en ce sens
seulement que le ministf'e de l'inté.ienr a entendu
et interprété J'article quoi nons occnpe , lorsqu'il a
dioldal1s sa circulaire dn 24 jllill 1836 : Il arrivait
,
., .
.. ,
» souvent qu lin propnet:lne conSt'nL... lt suit a
~~ l'abandon gratuit des terrains nécl"'ssalres à l'é» largisserncnt d'UD chemin, soit à l'extraction
t(
,
�DU DOMAINE PUBLIC.
295
" sans indemulté des matérianx nécessaires aux
» tra\'aux. Ces cessions étaient presqne toujours
» verba!l's, afin d'évite!' des formalités et des frais.
» L'a<iminislralion faisait travailler avec con» fiance, et cependant, plusieurs années après, elle
» pouvait se trouver exposée il des répétitions, soit
» que Ic' pmpriétaire eût changé de manière de
» \'loir, soit même qne ses héritiers vinssent con» tester la légalité d'une occllpation faite sans Li..
» tre. - L'administration se trouvera désol'mais à
» l'abri de ces exigences tardives, puisqu'elle
)? pourra opposer la prescription après un délai de
» deux ans, en cas d'occupation de terrain, en
» vertu d'un consentement verhal du propriê» taire.»
558. La prescription de deux ans, qui nouS occupe, est-elle snsceptible d'être interrompue
Nous n·en faisons aucun doute; on a déjà vu
plus haut que la prescription ne s'acquérait que
par 30 ans lorsque l'indemnité avait été liquidée
par une décision du Jury, un jngement du juge de
'paix, un arrêté du conseil de préfecture ou un acte
écrit; elle sera également interrompue par une
demande en justice; les art. 2274 du Code civil
ct IH9 du Code de commerce le décident dans les
cas analogues de prescriptions de six mois, un an
et cinq ans. Mais cette in terrnpLion ne portera pas
à 30 années le délai de la prescription; elle le prorogera seulement pendant deux nouvelles Ronées
on penflant tout. le temps qlle l'instance durera et
r
�296
TRAITÉ
ne sera point périmée; c'est ce qu'enseigne M.
Troplong dans son Traité de la prescription, nOS
538, 586,587 et 993, en comb~ttaut la ductrine
contrail'e de deux autems
accréllités: «Tout con,
l> conrt 11one, dit-il en résumant une longue dis), cllssion, lextes, autorités, raisonnements, à faire
" rejeter l'upinion de DnnoJ el de Bonrjon. Il
l, faut én revenir il celle règle sur la'luelle nous
;, avons insisté ai lIellrs', et d'a près larluel1 e l'i II ter" ruplion n'affecte pas le litl'e'7 et lui laisse toute
" son énergie; de !dle sorte que 'si une nouvelle
" prescription recommence, eHe ne peut être autre
" que celle qU'i, d'après la 40i spéciale de la ma» tière., 'est de hatUre à éteindre ce titre." Pins
loin il ajoute: « Quand il y a citation en justice, le
» droit de dell1~nder les sommes dues en vertu des
,
"
d an'S 1es art. 2271, ?-272,
" causes el111lllere'es
» 2274, rlüte autant que lacitatiol1. »
Des divers actès produisant l'interruption r.ivile
de la prescription, aux termes des art. 2244, 2245,
et 2274Ju Cod.civ.,il n'y a'que la citation devant
le j llge de paix qui pnisse avoir Hen èl) fait de' chemins vicinaux, et encore dans le seul Cas de rélaf{~is
8e111eot prévu par l'lift. 15 de la loi du 21 mai J 836,
p{lisC\uè contre uné commune on i1e P(~ut empltlyer
ni la voie de la citation f'nconcilialioo, ni celle de
comma ndemen t ou de saisie, et que dans les deux
autres circonstances d'uuverture ou de redressement d'un chemin et d'extraction ou de dépôt
de matériaux, il ya attribution spéciale de juridic-
�DU DOMAINE PUBLIC.
29'1
tion au jury et au conseil de préfecture, dev~nt lesqncls on ne procède point par assignation, mais
seulcmentpar rcqnêtp , mémoire ou pétition.
NOlis pensons q,n'aloJ's ces derniers actes auront
un effet interruptif, puisqu'ils constltuent la seule
manière régulière et légale d'ngir; ainsi, en cas
d'expropriation du terrain nécef>saire,à l'ouverture
ou au l'élargissement d'un chemin, la requête au
trihunal et la réquisition par acte extrajudiciaire
on par mémoire ail préf!'t, autorisées par les art.
14, 2" alin. '. et, 55, 1 er alin. ,de la loi du 3 mai
1~4J , interrompront la prescription.
Ainsi encore lorsqu'il ne s'agira qnp d'extraction
ou de dépôt de matériaux, la pétition présentée
au conseil de préfecture pour obtenir la nomination d'experts et la tlxation de l'indemnilé empêchera la prescription, pui.squ'elle sera introductive
de la seule int;tance qu'il soit possible de diriger
contre la commune.
Ce point de droit a été jugé dans une affaire
très-importante. Après h promulgation de la loi
du 28 août 1792, dont l'art. 1 er révoqnait tous les
triages prélevés par les anciens seigneurs, à la
charge par les communes de se faire r~inté~rer
dans le délai de cinq années, les communes de V éronnes-Ies-Grandes et de Véronnes-les-Petites se
pourvurent <J'abord administrativement, et ensuite
pardevant des arbitres en restitution de triages
d'une grande valeur que le duc de Saulx-Tavanocs
~'était fait adjuger en 1732; la sen tence arbitrale
�298
TRAITÉ
qui les réintégrait, ayant été cassée par la Conr SI1prêule pour vice de forme, la veuve et les hél'itiers
'de Saulx actionnèrenl les communes en relâche,ment des bois dunt ils prétendaient que cellesci s'étaient remises inJlÎlllent en possession.
Chargés des intérêts des habitants, nons soutînmes dans nos plaidoiries et dans dps mémoires
imprimés, que lenr prise de pOl>session de f:lit el
lenrs réclamations devant l'administration dans le
délai de cinq ans, avaienl empêché la l'rescription de s'accomplir et leur avaient conservé les
droits résultant de la loi de 1792 toujours subsistante.
Ce système, altemativement appuyé, proscrit,
défendu de nouveau par M. Merlin, d,lUS son
Répertoire et Sf'S additions aux questions de
droit, VO triage, fut rejeté par jugement dit
tribunal de première instance de Dijon du 28 août
1821 , confirmé par la Cour wyale de celte ville,
le 19 avril 1823; mais snI' le pourvoi én cassation,
il intervint, le 29 novembre Ith5, nn arrêt qui
, l'admit détinltÎvement et dont la doctrine fut ensuite COOl plèteltlt'J) t adoptée par la COll l' royale de
:Besançon, devant laquelle l'affaire avait été renvoyée : Al1endll" portent les motifs de cet arrêt
". relatifs à notre qllt'slion,-qlle,d'apl'ès l'art. 22..P.
» du Cod. civ., la prescription peut être interrom» pue ou civilement on nawrellt7rJ1ent; -qlleccs
)~ deux espèces d'interruption de b prescription
» de cinq ans sont établies par les actes de la
o
OC(
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�DU DOMAINE PUTILIC.
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299
canse; - qn'en effet, déjà avant ]a sentence
arbilrale dn 26 frimaire an 2 , les cominnnes de
Véronnes avaient présenté à l'administration
départementale de la Côte-d'Or ct fiJit enregistrer
un mémoire par lequel elles llemandaient l'autorisation nécessaire pour agir contre l'état, en
réintégration de la possession des biens dont la
loi les J~c1aràit propri{:laires; - que 1}3r arnhé
du 28 février J79'~, l'adruini~tration départementale autorilla ]esdiles eommnnes à diriger
.
'
,
]eurs pourslllLes
contre l' etat;
- que d' apres
l'art. 15 de la loi du 5 novembre 1790, la prescliption de cincl ans fut intelromplle par cette
demande, suivie dndit arrêlé; - allendu qlle
l'interruption civile de celte pl'l::'scription fut eocore de nOllvean bien forlllellement opéree par
la demande formée pill-lesJites communes, ]e 4
pluviôse an 4, et par conbéqnent dans le délai
de cinq ans; - qn'en effet lesdites c.o,mmnnes
demamlèrtmt alors qu'en exécution de ladite
sentence arbitrale, il leur fût permis de faire
une conpe tic Lois; - qnc l'administration départementale, en faisant droit sur cette réclamation par S011 arrêté du 27 germinal an 5, ne
contesta aux communes ni leur propriété ni leur
possession; - que, si elle défendit de faire les
coupeS', elle ne fonda la prohibition que sur la
loi du 7 brumaire an 3, qui suspendait, à cet
égard', l'exécution des sentences arbitrales, jusqu'à ce qu'il en eût été autrement ordonné. ))
�300
TRAITÉ
(M. Troplong, Traité de laprescription, nO 213.
- Sirey, 26-1""IQ3).
Nous avons vu au nO 528, ci-dessus, qne la cita~
tion devant le juge de paix en fixation d'il1l1emnilé
pour le cas de l'élargissement devait être précédée
du mémoire exigé par t'art. 51 clela loi du 18
juillet 1837; ce mémoire se~a à lui seul, a\lX termes
précis du second alinéa du même article, in terril ptiE
de la prescription, c'est-à-dire que non-selliement
il en sllspendra le cours pendant le délai de Jeux
mois avant l'expiration duquel les poursuites ne
reuvent êu:e dirigées en justice, mais encore qu'il
rendra sans effet toulle temps antérieur, d'après
l'adage interruptio vorat tempus antiquum; eil
sorte que le laps de deux années ne commencera
à courir de nouveau que de la date du récépissé
qui constatera le dépôt.
Cet effet interruptif du mémoire n'a rien de
hien fâcheux dans le cas particulier 'où le délai de
la prescription est très-cou!"t; mais, pour le direen
passant, nous croyons qu'il en est autremenllorsqu'il s'agira des longue~ prescriptions de dix, vingt
ou trente ans; sous l'empire de la loi du 24 août
1790, la citation en conciliation interrompait aussi
d'une manière générale et sans condition restrictive
la prescriptioD ; mais le ~égislateur ayant reconnu
les inconvénients graves qui résultaient de là, notamment en ce que ce préliminaire ne constituant
pas uue instance qlle le défendeur puiss~ faire terminer; si le demandeur n'y donne pas suite J la
�DU DOMAINE PUBLIC.
301
durée d'une action pouvait être indéfiniment prolon~ée, a déclaré dans l'art. 57 du Cori. de procéd.
qu'il n'y aurait interruption qu'autanlque le rl'Ocèsverbal de non cOUlparution on de non concilIation
serait suivi dans le mois d'un ajournement devaotle
tribunal, et cependant il y a plus de solennité ,Ians
une citation notifiée par un officier lIlinisll:rieL et
dans une comparution devant le juge cie paix, qlle
dans un simple mémoire dont la forme n'est réglée
par aucune loi, qui 'n'entraine aucuns frais, peut ne
pas être transmis par la préfecture ou ne pas parvenir à la mairie et qui étant renouvelé de 30 en 30
années perpétuerait indéfiniment une action et
priverait les communes du bénéfice de la prescription, sans que celles~ci aient aucun moyen de sortir
de l'état de perplexité ùans lequel les jeterait une
menace pPI'(Jétuelle.
Les motifs qui ont fait porter la disposition du
Cod. de procédure auraient dû en faire introduire_
une analogue dans la loi municipale; il Ya évillemment lit une lacnne qne personne encore, à notre
connaissance, n'a signalée, mais q'li mérite d'attirer sérieusement l'attention du léglsbtellr. Les
corps morau1 dont les intérêts sont confiés à des
administrateurs qui se renouvellent sans cesse et
qui ne peuvent y donnél' les m~mes soins qu'un
père de famille agissant pour son propre cOl1lpte,
ont plus besoin du secours de la prescription (l'le
les citoyens, et cependant on peut dire (lne par
l'article de la loi de 1~37, qui nous occupe, lescom-
�302
TRA.ITÉ
ronnes sont mises hors du droit commlln sous cc
rapport et se trouveront, Jans llne infinité de cas,
exposées à des réclamations que l'on n'aura diHërées qne pour laisser périr les p,'euves qui Jevaient
les faire proscrire.
Aux termes de l'art. 2247 du Cbd. civ., l'interruption civile n'a pas lieu ou est n'gardée com me
non avenue si l'assignation est nulle par défaut de
forme; si le demandeur se désiste Je sa demilfllle;
s'il laisse périmer l'instance ou si la demande est
rejetée; il en sera de même de la cilalÏon, de la demande et d~ l'instance devant lt~. juge de paix dans
le cas q ni nous occupe; comme on le sail, il ya
péremption de plein droit de·l'instanee en justice
de paix, lorsqu'après un interlocutoire la canse
n'est pas jugée définitivement an plus tard dans le
délai de quatre mois du jour Ju jugement (art. 59
Cod. de procéJ. civ.).
559. La prescriplion étahlie par notre article
18 courra-t·elle conlre les mineurs et les interdits
sauf leur recours contre leurs tutellrs r
PouI'l'affirmative, on peut jlivoqner l'art. 2278
du Cod. civ., qoi semble avoi r érigé en principe que
toutes les prescriptions Je courle dorée couraient
même contre les personnes privilégiées. Cependant
la négative qui rés~lte d'ailleurs des explications
données à la chambre des députés, à la séance du
8 mars 18j6, nous parait devoir êLre adoptée par
la raison que l'art. 2278 du Cod. civ. esL une disposition exceptionnelle au principe posé dans l'art.
�DU DOMAINE PUBLIC.
303
et qui par conséquent doit être restreinte
aux cas qui en font spécialem~ntl'ohjet.
Noos devoJJs dire cependant que cette solution
n'est point adoptée pal' M. Cotelle dans son Lours
de droit administratif, (';l.e édit., tom. 3, pag.
417, nO Itl); il prétend qu'il s'agit ici de l'lltH' de
ces prescriptions statllt"ires qni courf'nt mème
c.ontre les incapables; qu'aux termes Je J'urt. ] 7
de la loi du 7 juillet 1833 (et il en est de TrJêIHe
d'après la loi du :; mai] 8,1 1), les forwalités de
l'expropriation purgent l'immeuble acquis par
celte voie, même vis-à-vis des mineurs; qne l'action en indemnité dont parle l'art. 18 Je la loi du
21 mai 1836, a son principe dans les art. 15 et 16,
qlli laissent en vigueur l'esprit et la lettre cie la loi
de I~B3, pour tous les points sur lesqllels ils n'y dérogent pas; qlle cette action en imlerunité se substituant aiusi au droit de propriété par la senle force
de la loi et indépendamment de la qualité des personnes, il serait bizarre qu'il f'lll ùt en revenir, pour
la prescription de J'action, à examiner si la )11'0priélé se trouvait dans les mains d'une personne
capable ou d'une personne incapaLle, pendant le
délai de la prescription.
Ces raisons que nons avons reproduites textuellement ponr ne point les aŒliblir, ne peuvent
nons délerminer à changer d'avis et à déférer,
\'omm,e nous nous plaisons à reconnahl'e que nous
l'avons fait dans nne des questions précédentes,
à l'opinion de l'estirnaLle professeur de dl'OÎL adlui2152,
�304.
TR.AITÉ
nistratif à l'école des ponts et chaussées; en effet"
de ce que, par des motifs tl'iotélêt général qui
voulaient que J'état ou les communeS pussent dans
un bref délai s'emparer des propriétés nécessaires
à l'exécution de travaux d'utilité publique, l'an.
17 de la loi d'expropriaiion a décidé que les hypothèques légales des llJineurs seraient transportées
du fonds qu'dies affectaient sur l'indemnité représentative, en un mot produiraient leur effet
immédiatement; il ne s'ensuit nécessairement, ni
en droit, ni même en simple logique, que la prescription de l'action pour obtenir le paiement de
celle indemnité, devenue pme créance mobilière,
-doive courir pendant la minorité; le privilége accordé à l'état,ou aux commu);)cs dans un cas où il
était utile et raisonnable ne doit pas leur en procurer un second dans un cas tout différent et où
aucune consiJélation particulière ne le jllstifier:lit.
Siaprès l'expropriaüon ll'lln fonds pour l'établissement d'un chemin la commune avait été exposée
à le voir revendiquer ou revendre aux enchères,
elle n'aurait point fait de chemin, et J'intérêt général en eût souffert; voilà pourquoi le législateur
a sagement voulu que la propriété [lit purgée;
mais une fois que le fonds lui est irrêvocàblemellt
acqnis n'Joyennant une somme dont elle est débitrice, nous ne voyons plus les motifs qui pOloteraient à la déclarer libérée de cette delle plus tBt
ou d'une manière différente qne de toute antre.
Il n'y a évidemment point de bizarrerie à ne pas
�DU DOMAINE PUBLIC.
o
305
accorder deux priviléges comécutifs et différents
dans Jeux hypothèses qui n'ont aucuns rapports et
dans l'flOC desquelles l'intérêt public ne se trouve
nullement. ('ng~lgé.
Nons ne savons ce que l'auteur a entendu lorsqu'il dit que dans notre systême il faudrait en
revenir, pour la prescription de l'action, à
examiner si la propriété se trouvait dans les
mains dJune personne capable ou incapable,
pendant le délai de la prescriptùm ; du moment que par le seul effet de la loi le droit
l,éel de propriété est converri en une action mobilière en indemnité, on n'aura plus à s'occuper
d'une question de propriété, mais uniquement à
voir si le èréanéier de l'action a la capacité nécessaire pour l'exercer et s'il ne doit point jouir de la
protection que lui accorde d'une manière générale,
sauf les cas spécialement exceptés·, la sage et équitable disposition de l'art. 2252 du Cod. civ.
Quant au premier argument qu'il s'agit ici de
IJune de ces prescriptions statutaires qui courent contre toutes personnes, c'est une proposition qui ne deviendrait u~1e preuve qu'autant
qu'elle serait eUe-même préalablement établie;
c'est en d'autres termes, la solution de la question
par l'exposé de la question même.
Connne nous l'avons énoncé plus haut, la question ayant été soulevée devant la chambre des
députés, et un des membres ayant demandé si la
prescription dont il s'agit courrait contre les inca-
�306
TRAITÉ
pables, M. Gillon répoodit: cc Non, assurément;
" car d'après le Code civ. les courtes p,'escriptions
» DC court'nt .contre eux que dans, les cas que le
» Cocle a déterminés. Ainsi ce ne sera qu'à partir
)~ de la majorité acquise que la prescription recom'), meneera soo cours jnsqu'au complément des
" d~nx années; » et M. Q(lilon-Barot ajouta:
€c Cela est incontestaLle. » Tel est ::lussl"l'avis de
M. Duvergier Llans s(>s notes SUl' la loi du 21
D1lli Il)36, où, après a voir ra pporté les deux passages ci-dessus, extrJi t5 du journal officiel, il
dit: cc Je Joute que le Moniteur ait exactement
» recueilli les paroles des deux savants jnriscon" suites. Ce ne sont pas l('s COU l'tes prescl'iplions
" qui ne courent point contre les mineurs; au
" co~ tl'?ire, les. seules que le C0d. civ. déclare
)~ n'être pas susperlliues par la minorité sont des
" prescriptiuns courtes ( al't. 2278 ); mais l'art.
» 2252 pose en règle générale que la prescription
)' ne eourt pas contre les mineurs, sallf les cas
» d'exception déterminés pH la loi. C'est en
,) vertu de ce principe général que la prescriplion
)' étahlie pal' cet article ne pourra courir contre
:n les mineurs, puisqu'il n'y a point d'exception
:» formelle, et non parce qlle celte prescription
» est courte. J'arrive au même résultat, mais par
» une autre voie. )
Nous persistons donc à dire, nvec ces graves
autorités, que tant que le législateur n'aura pas
admis pour le cas de l'art. 18 de notre loi une ex-
�DU DOMAINE PUBLIC.
\...
307
ception formelle, analognc à celle inscrite dans
l'art. 2278 Cod. civ., le principe de l'art. 225"
deVl'a recevoir son application.
560. Nous ne penso?s pas qne dans la matière
qui nous ùccupe on puisse llser de la lacuhé acc~or
dée par les art. 22 ï!:> du Cod. civil et J H9 Cod. de
comm. , portant que les personnes auxquelles certaines prl'scriptions sont oppos~es peuvent déférer
le st'rment à ceux qui les opposent ou à leurs
veuves et héritiers sur la question de savoir si la
chose a été réellement payée; en effet, d'une part,
ce sont là des dispositions spéciales qui ne peuvent
avoir lièu que Jans les cas où la prescription est
exclusivement fondée sur une présomption de
paiement, tandis qu'ici, de même que dans les cas
des :1ft. 2276 et 2277 du Cod. civ., où le serment
n'est point reçu, elle est principalement uue déchéance établie contre la révocation d'un abandon
gratuit, et d'un autre côté le bénéfice de la loi
aurait été entièrement illusoire, puisque les communes ne pouvant rien payer sans qu'il en l'CS le
des traces dans les comptes du l'eceveur municipal,
la prescription ne serai t admissible que lorsqu'il y
aurait eu paiement prouvé, c'est-à-dire précisément dans le cas où elle eût été superflue.
561. Quoique J'art. 18 ne parle en termes
exprès que des propriétaires, il n'y a pas de doute
que les usufruitiers, locataires ou fermiers qui,
selon les cas, peuvent, aussi bien que le propriétaire, réclamer des indemnités, cn vertu des trois
�308
TRAITÉ
articles précédents, ne soient, comme lui, soumis
à la prl'Sll'iplion de deux ans; ce sont ici Jes
ay.ml-Jroit 0\1 représentants jouissant des mèmes
avantar.;es, et soumis aux mêmes obligations que
éelni dont ils tiennent la place en tout ou en
parlic~
562. Le moyen de presèription est une exception à la demande principale, ~t comme le juge
rC:gulièrement saisi de l'action est aussi compétent
pOlir statuer sur les exceptions qui tendent à la
détruire, il en résulte que la question Je l'rescription, dans le cas de l'art. I~, devra être jugée par
le jllge de paix lorsqU'lI s'agir'a de rclargissement
de chemins, et par le conseil de préfecture lorsque
la <lemande en îndcnmité aura p()ur cause un fait
d'extraction on de dépôt de matériaux; cette dernière juridiction, quoique exceptionnelle, ne devra
point renvoyer l'incident an trib!l11al civil, à moins
qu'il ne faille préalablement décider nne queslion
d'état, par exemple, si Je delnand~Ul' est ou non
mineur, s'il est héritier, eLc.
Dans le cas li 'ouverture ou de redressement d'un
chemin donnant lieu à une fixation J'indemnité
par' le jnry spécial, J'exception de pres~ription ne
pourra être appréciée par ce jlll'Y qui ne connaît
jamais que des questions (le fait et d'évaluation,
mais elle le sera alors par le tribunal civil chargé
de prononcer sur l'expropria tion et sur ses suÎtes;
ce tribnnal s'en trouvera saisi dans le cas de
l'art. 14, second alinéa, de la loi du:3 mai 1841,
.
�309
DU DOMAINE PUBIJC.
par la requête qui doit lui être présen tée, et dans
celui du premier alinéa de l'art. 55 Je la même
loi, par la demande en maintenue dans sa propriété, que le maître du fonds qui prétendra avoir
été dépouillé sans que toutes les formalités aieilt
été remplies, POil rra former, aux termes de l'art.
J5 de la loi du 8 mars 18.l0, ainsi que DOUS le
dirons p\tlS bas.
563. Qnel doit être l'effet de l'aLréviatioil du
délai de la p.'escription résultant de l'article qui
nous occnpe, par rapport aux indemnités dont le
principe remonterait à une ép0f[ue anYtérieure à la
promulgation de la loi nouvelle? La prescription at-eUe été acquise par le laps de deux ans, à partir
de celte promulgation; ou au contraire, l'art.
2281 du Code civil sera-t-il applicable à·ce cas, et
faudra-t-il que le délai de 30 ans exigé par la loi
ai"icienne, à partir du jour de l'expropriation, se
soit écoulé P Dernière solution qui a encore aujourd'bui, et aura pendant près de 24 ans, de l'intérêt ponr les nombreuses prises de terrains ou de
matériaux qui ont eu lieu dans l'intervalle de .1812
à dB6.
U ne question analogue; qtlÏ s'était présentée
lors de la promulgation de l'article 189 du Code
Je commerce, lequel réduit à cinq ans la prescription autrefois t~entenaire des billets à ordre, a
été résolue en sens divers par la jurisprudence.
Dcs arrêts de la Cour de Rouen, du 31 décembre
1813, de celle de Bruxelles, du 2 février 1821,
TOM.
II.
20
�310
TRAITÉ
et de celle de Paris, des '~H février et 2 mai
1816, onl décidé que l'arlicle 2281 ùn Cm\e civil
n'était pas applicable à ce cas, el qne la prescrlptian était acquise pdr cinq ans, à pa nir Je l'élllis- sion du Code de commerce. Trois arrêts de la Cour
de cassation, des 12 jnin 1822, 21 juillet 1824 et
.2.0 avril 1830, ont jugé le contraire.
~ MM. Merlin Ct. 17, p. 413 du Rép. de jurisp.) ,
et Troplong ( Tt. de la prescr., nO 1°77), s'élèvent avec force contre cette dernière doctrine
que nous ne saurions non plus partager. « Si une
» loi nouvelle, dit M. Blondeau dans une disser» tation sur l'effet rétroactif, insérée dans le
» tom. IX du Recueil de Sirey (2e part., pag.
» 286), vient changer. les délais accordés pour
» exercer une action, elle ne peut empêcher l'effet
» de ceux qui sont déjà accomplis; mais, tous les
~> délais qui sont 'seulement commencés, doivent,
» ponr ce qui reste à courir, être régis par la loi
» nouvelle avec cette restriction, que si eHe en
" diminue la durée, les individus qui avaien t en» core, au moment de la loi nouvelle, un délai
» plus long que celui déterminé par cette loi,
» devront conserver au moins tout le délai qn'elle
» accorde, de manière que ce délai commence à
» courir à l'instant même de la publication de la
» loi. En effet, on ne peut pas leur reprocher de
» n'avoir pas agi sous la loi ancienne, puisqu'ils
n avaient un délai indéfini ou très-long. Mais ces
» individus n'auraient aucune excuse s'ils restaient
�DU DOMAINE PUBLIC.
" inactifs pendant tont le délai que la loi nouvelle
a jugé sllffi"at1t. )'
La i urisprlldence Je Ja Cour de cassa tion sur la
prescription des billets à ordre est d'autant plus
extraordinaire, que la même Cour a professé uue
opinion tont opposée, relativement aux prescriptions établip.s en matière d'enregistrement. Par
arrêt du 30 novembre 1813 (Sire:y~ tom. 14-1,
pag. 75) , elle a décidé que les droits de Jllulation
dus à raison d'une succession ouverte SOllS l'empire
d'une loi, exigeant une prescriptiop décennale,
:lvaien t été prescrits par le Japs de ciJlq ans, à
da ter de la prollllliga tion de la loj du ~2 frimaire
an VII, qui a réduit le délai de la prescrip.tion à
ce laps de temps.
On doit donc dire, sans égard à J'art. 2~81 du
Code civil, que ceux auxquels il a été pris antérieurement à Ja présente Joi des terrains ou des
matériaux ponr l'établissement, le rélargissemenl,
ou la réparation d'un chelllin vicinal, n'out eu
que deux ans, à pnrtir de la promnlgation de cette
loi nouvelle, pour réclamer l'indemnité, sal1S
<{u'ils aient pu même jouir de ce déJai, si l:expropriation l:emontait à plus de vingt-huit ans, cas
:mquel ils n'auraient plus en pour agir flue ce qui
leur restait pour parfaire les trente années, à dater
du jour de l'expropriation.
564. La prescription établie par l'article que
nons examinons, est uniquement créée en faveur
des commm;es; elle fon'lIc, avec le rriyil~ge réslll»
.'
�312
'11UITÉ
'd
" spe"
tant d e l ,art. 10, un systeme
e protection
ciale pour les chemins vicinaux. En conséqnence
elle ne peut jamais être invoquée par les particuliers
contre -l'administration municipale; ainsi le propriétaire qui aura souscritl'offre d'une somme pour
l'établissemen t ou la rép:nation d'un chemin vicinal
de grande ou de petite communication, conformément à la disposition finale de l'art. 7 ci-dessus,
ne pourra s'en prévaloir pour s'affranchir de son
-engagement qui restera soumis aux règles du d'roit
commun; ainsi encore le propriétaire ou le manufacturier qui" aux termes de l'article 14, sera sujet
à une subvention à raison des dégradations causées
par son exploitation ou son entreprisè, ne pourra,
après deux ans, repousser la demande de la commune lorsque les bases de l'indemnité auront été
fixées en temps utile et qu'aucun doute ne pourra
s'élever sur son exist-ence et sa quotité. Seulernent,
lorsque la subvention sera annuelle, il pourra
exciper de la prescription quinquennale établie
par l'art. 2277 du Cod. civ. pour tout ce qui est
payable par année ou à des termes périodiques
plus courts.
Ainsi, enfin le propriétaire d'un fonds joignant
un chemin vicinal déclassé et qui, en ver~u de
l'art. 19 ci-après, se sera rendu acquéreur d'une
portion de sa surface, nc pourra se prétendre libéré
du prix après le laps de deux ans~
�DU DOMAINE PUBLIC.
313
ARTICLE XIX.
565. cc En cas de changement de direction ou
d'abandon d'uD chemin vicinal en tout ou par~, tie, les propriétaires riverains de la partie de ce
» chemin qui cessera de servir de voie de commu" nication, pourront faire leur soumission de s'en
" rendre acquéreurs et d'en payer la valeU/' qui
" sera fixée par des experts nommés dans la forme
» ?éterininée par l'art. 17.»
~~
L'acte par lequel un chemin perd sa qualité de
vicinal et par suite les privilèges qui y sont attachés, prend le nom de déclassement et rentre
dans les attributions de l'autorité à laquelle appartient le droit de prononcer le classement. Il ne
s'agit en effet que de rapporter un acte administratif, ce qui ne peut avoir lieu que par celui qui l'a
fait ou par ses successeurs.
D'après cela et pour connahre la forme dans laquelle doit se faire le déclassement, il faut distinguer entre les chemins vicinaux ordinaires et ceux
de grande communication.
Pour les premiers, un arrêté préfectoral suffit;
cependant il est nécessaire de le faire précéder
d'une formalité qui n'est point exigée pour leclassement et dont il est facile de comprendre la justice.
Lorsqu'il" s'agit d'admettre une communication
�TRAITÉ
au rang des chemins vicinaux, le préfet n'a besoin
que de la déliJ:>ération du conseil municipal intéressé, parce que le public elles communes voisines
ne peuvent trouver que de l'avantage dansl'exécution de cette opération. Lorsqu'au contraire il s'agit
de dédasser Ull chemill et par suite de dispenser la
commune de l'obligation de pourvoir à son entretien, le pllblic et les communes voisines peuvent
avoir intérêt li s'opposer ft un projet qui tend à les
priver d'une voie de communication dont ils étaient
en JOl1lssance.
Avant donc de prononcer le déclassement, il
faudra faire délibérer les conseils municipaux des
communes qui peuvent avoir intérêl à la conservation du chemin; Pot s'il n'y a pas unanimité dans
les délibéra tivns, une enqllête da us laquelle LouS
les intéressés pomront déduire lems motifs d'opposition, deviend ra nécessaire.
Quant aux chemins vicinaux d~ grande communication, leur déclassement qui pOllna être mot;vé
par le refus des comwunes et des particuliers de
~éaliser les uffres pécuniaires qu'ils avaient failes,
ou par une circonstance imprévue, telle que l'établissement d'une route royale on déparlementale
parallèle qui lem aura fait pc,'dre l'importance
qn'ils avaien t dans le principe; ce déclasscmen t,
disons- nOLIs, est pl'Onoucé pa r le conseil général,
sur la proposition dn préfet, d'après l'avis des conseils munieipaux et des conseils J'arl'Ondisselllcnt.
L'effet Ju déclassement ne portera directement
�DU DOMAINE PUBLIC.
315
que sur le caractère du chemin el non sur sa dest~nation, et ne sera pas J'en rendre nécessairement
le sol à l'agriculture. Quand il s'agira d'un chemin de grande communication, il redeviendra un
simple chemin vicinal, auquel seront applicahles
les dispositions de la section 1 re Je la loi.
. Lorsqu'il sera question d'un chemin vicinàl ordinaire, la commune qui par là se trouvera seulement affranchie de l'entretien forcé de cc chemin,
pourra on le Conserver au public comme chemill
J'ural on J'exploitation, ou le supprimer entièrement pour le rendre à l'agriculture, a'insi que le
recommandaitl'arrêtêdu Directoiredn 23 messidor
an v. Lors donc que l'arrêté de déclassement aura
été rendu, le •conseil municipal devra délihérer
sur la question subséquente de savoir s'il y a lieu
d'en vendre le sol au profit de la commune, ou de
le conserver comme voie de communication. Ce
n'est qu'au premier cas qu'il y aura lieu à admettre
les voisins à user du bénéfice que leur offre l'article
qUI nous occupe.
566. La disposition de cet article est analogue
à celle de l'article 60 des lois des 7 juillet 1833, et
3 mai 1841, qui porte que si des terrains acquis
pour des travaux d'utilité publique ne t~çoivent
pas cette destina tion, les auciens propriétaires ou
ayant-droit peuvent en demander la remise.
- Il Y a cependànt cette différente que, pOilr uller
du retrait autorisé par ces lois, il faut avoir originairement cédé les terrains, tandis qu'ici ce sont
-
�316
TRAITÉ
les propriétaires riverains qui ont ce droit, lors
même qu'il serait prouvé que le sol du chemin
ne provient pas d'enx ou de leurs auteurs; COlllmc
il ne s'agit que de f.'liLles parcelles, la loi n'a pas
voulu que l'on recherchât le cédant réel; pàl' unc
présomption juris et de jure J elle a admis, ce qui
est d'aillenrs le cas le plus général, que le chemin
avait été formé aux dépeqs des fonds joignant.
L'analogie est beaucoup plus grande avec la loi
du 24 mai 1842 relative aux portions de routes
royales déclassées, et qui est ainsi conçue :
cc Art. 1 er. Les portions de routes royales délaissées par suite de chaJ;lgcment de tracé ou d'ouvertnre d'une nouvelle route pourront, sllr la demande ou avec l'assentiment des conseils généraux
des départements ou des conseils municipaux des
communes intéressées, être classées par ordonnances royales, soit parmi les routes départementales, soit pa,l'mi les chel~ljos vicin,aux <le grande
commUll ication , soit parmi les siw pIes chemins
VICinaux.
Ct Art. 2. Au cas où ce classement ne serait
p~s ordonné, les terrains délaissés seront remis à
l'administration des domaines, laquelle est autorisée à les alténe.'.
~) Néanmoins il sera réservé, S'Il ya lieu ,. eu
égard à la situation dcs propriétés rivPI'aines, et
par arrêlé dll préfet en conseil de préfecture, un
chemin d'exploitation dont la largeur ne pourra
excéder cinq mètres. »
•
�DU Dü:'IIAINE PUBLIC.
317
u Art. 3. Les propriétaires seront mis en demeure d'acquéri .., chacun en droit-soi, dans les
formes tracées par l'art. 61 de la loi du 3 mai 1841,
les parcelles attenantes à leu ..s propriétés. »
cc A j'expiration du délai fixé par l'article précité,
il pOIl ....a être procédé à l'aliénation des terrains
selon les regles qui régissent les aliétlations du
domaine de l'état, ou par application de l'art. 4
de la loi du 20 mai 1836. »
ce Art. 4. Lorsque les portions de routes royales
délaissées auront été classées parmi les routes départementales ou les chemins vicinaux, les parcelles de te..rain qui ne feraien t pas partie de la nouvelle voie de communication Ile pourront être
aliénées qu'à la charge, par le département ou la
commune, de se conformer' àux dispositions du_
er
1
S de l'art. précédent. »
L'art. 4 de la loi du 20 mai 1836, ci-dessus rappelé, et que dans son instruction Ju 24. juin 1836,
le ministre de l'intérieur déclare être conforme à
l'art. 19 qui nous occupe, parle bien aussi, à la vérité, de cession de terrains de routes devenues inutiles, mais ce ~'est point à prix d'argent et à tous
les riverains, mais seulemen t il titre d'écha nge et
pa .. voie de compensation de prix, aux propriétail'es· des fonds su r lesquels les parties de l'OU tes
neuves devront être exécutées; on voit que cette
disposition est tont-à-fait différente el repose sur
d'autres principes; dans l'art. 19, il Y a accession
de re ad rem~ tandis que d'a pres la loi du 20 mai
�318
THAITÉ
il n'y a que convention destinée à faciliter l'établissement des routes et à diminuer les dépenses
de l'état.
Les raisons de justice et de convenance qui ont
fait décréter notre article, sont parfaitemen t développées soit dans l'instruction dll mois de juin
1836,soitdans le rapportrle M. Vatont, à la séance
de la cha mbl'e des députés du 11 mai 1836, soit
dans celui de M. le comte Roy ,-à la chambre des
pairs: Ct Le motif d'utilité publique', dit ce dernier,
» a imposé dans le principe à un propriétaire la
» nécessité de souffrir l'étaLlissement d'un chemin
» sllr un terrain qui lui appartenait. Lorsque le
» même motif n'en exige pas la conservation, et
» que le chemin est sllpprimé, la loi doit donner
» au propriétaire de ce terrai n la faculté d'en l'en prendre la propriété, par préférence à tout au- _
)') tre, en en payant la valcUI'. Il ne serait pas tolé» l'able que, par la suppression du chemin, des
» étrangers pussent venir s'établir au milieu de
» sa propriété et quelquefois même au milieu de
» sa cour. La disposition ql)e nons vo.us pro» posons est imitée de l'art. 60 de la loi du 7
» juillet 1833. » ,
Le drOit conféré par l'art. 19 peut être exercé
Don-seulement lorsqu'il y a eu déclassement form!'l et par arrêté d'un ch~min vicinal, mais aussi
100'sque par une pause quelconque il s'est opéré uu
chan~ement de direction ou un abandon, par
e~emple, par suite de redressement ou d'un évéue-
�DU DûMAIJ."Œ PUBLIC.
319
ment de force majeure qui aurait rendn désormais
le chemin impraLié<lble ou absolument inntile~
D'après la circulaire ministérielle dn 24 juin 1~36,
ce droit existe, même par rapport aux simples
chenlins ruraux qui n 'on t ja mais été déclarés
vicinaux, que l'on vondrait supprimer.
Il y a lieu aussi d'en faire l'application lorsqlle,
sans qu'il y ait eu suppression complète du chemin, une réduction a été effectuée dans sa largeur; il existe des communes l'Ilrales où, pour
suppléer aux travaux d'entl'etien d'une senle voie,
on en a tracé cinq ou six, quelquefois plus, les unes
"à côté des autres, qui sontallernativement pratiquées ou abandonnées et qni, au gl'and détriment
de l'agriculture, occupent une largenr de 20,30 on
40 mèlres; lorsqu'une bonne chaussée aura été éta:Qlie, les terrains restant en dehors devront être cédés aux riverains; l'article 19 s'appliqlle par identité de raison, à ce cas, quelque éll'Oile que soilla
lisière de terrain abandonnée, comme à celui de la.
suppression tolale; le moins se trouvant renfermé
dans le plus.
'
567. Les articles 384 et 385 du second projet
du Code l'ural contenait'nt sur les conséquences
du déclassement des chemins des dispositions plus
étendut's qne la législation nouvelle, et qui, bien
que non érigées en Joi, devront servir de règles,
par exemple duns J'hypothèse qu'elles prévoyaient,
du concours des deux riverains se présentant pour
ôlcquérir le chemin supprimé. La cession devra
�320
TRAITÉ
être faite à chacun pour une moitié de la largeur,
sur la longueur de sa propriété.
Voici au surplus les. termes mêmes de ce projet,
qu'il n'est pas inutile de rapporter: cc Art. 384~
- Les propriétaires riverains d'un cbemin sup)' primé pourront se prévaloir du terrain qu'il
)' occupait, chacun pour une moitié, dans la
) longueur de leurs propriétés respectives, à la
)' charge d'en payer la valeur à la COmmune.
) Cette valeur sera fixée proportionnellement aux
)' deux tiers de la valeur des terrains contigus,
) calculée sur le pied de 20 capitaux pour un du
:>, revenu porté en la matrice du rôle de la contri) bution foncière.
) Art. 385. - Chaque propriétaire riverain qui
) veut s'emparer d'un chemin supprimé, pour la
» part qui le concerne, doit en prendre possession
), et en payer la valeur dans l'année de la suppres» sion; faute de quoi, et après un nouveau délai
) de trois mois, l'autre riverain, qui s'était pré» valu de sa portion dudit chemin, pourra se
» prévaloir aussi de la portion restant vis-à-vis de
» sa propriété, à la charge d'en payer de suite la
» valeur. "
Nous pensons que le partage entre les riverains
devra être opéré conformément aux articles5b6 et
561 du Cod. 'civ. -concernant les alluvions et les
formations d'îles, ainsi qu'à l'interprétati~n que la
jurisprudence et les auteurs ont donnée à ces articles d'a près les lois romaines; -qu\m conséquence
�DU .DOMAINE PUBLIC.
321
il faudra tracer dans l'axe du chemin, c'est. à-dire
dans le milieu de sa largeur et parallèlement à ses
bords, une ligne sur laquelle seront abaissées des
perpendiculaires partant des points où viennent
aboutir sur lesdits bords, les lignes séparatives des
héritages joignant.
La clôture même en murs, qui limiterait un
fonds du côté du chemin, ne nous parahrait pas
devoir être un obstacle à ce que le propriétaire
obtienne sa part comme ceux qui ne seraient point
clos.
568. Aucun délai n'étant fixé pour user du
,bénéfice de la loi, les riverains pourront exercer
leur droit tant que la commune n'aura pas, à leur
refus d'acquérir, cédé le terrain à d'autres personnes, ou ne l'aura pas définitivement affecté
'à un usage public; c'est un droit de préférence
qui leur est accordé dans le cas de vente; mais
si la commune a besoin du terrain, elle ne peut
être obligée de le céd~r; nul ne pouvant être
contraint de se dessaisir de sa propriété, si ce
n'est pour cause d'utilité publique dûment constatée.
M. Garnier, pag. 102 de son Supplément à la
e
4 édit. du traité des chemins" adopte complétement cette solution, lorsque le terrain du chemin abandonné doit être affecté à un usàgc
d'utilité publique; mais il la repousse dans le cas
où, sans motifs et sans avantage, la commune refuserait de le vendre; il dit qu'alors les voisins
�322
TRAITÉ
pourraient s'adrf'sser aux tribunaux pOlir exercer
lenr droit, l'arce que, étant censés avoir fourni
ori~inairementleterrain, ils sont fondés à réclamer
lellr propriété dès que l'utilité publique, en vel'tu
de laquelle on les a forcés à céder, vient à
cesser.
Nons ne saurions admettre cetle opllllon, ct
nons ne pensons pas que tel soit l'esprit de l'article
19; selon nous, il n'accorde qn''lln droit de préférence on de préemption quand la commune veut
veodre, afin que des tiers ne viennent pas s'interposer au Illiliell d'une propriété et la diviser; mais
que SUI' le fondement d'une présomption qui est
souvent contraire à la vérité, on contraigne une
commnne à venir discuter devant les tribunaux les
projets d'amélioration qu'elle pent avoir soit pour
le présent, soit pour J'avenir; C]ne, sons prétexte
cl' esprit de tracasserie, on la force à se dessaisir
d'un terrain qu'elle veut conserver, ne fût ce que
pour le livrer an pâturage des bestiaux 011 pOUl' procUI'er des dessertes plus commodes. aux héritages
de ses habitants; c'est ce à quoi nons ne saurions
donner notre adhésion ; autrctuent ce serait appeler
l'autorité judiciaire à administrer, ce 'serait substituer le tribunal civil au conseil municipal, en lui
donnant le droit de décider ce qui convient 011 ne
convient pas à la commune. Sans llollte lin "iverain, comme tout antre habitant, panna s'adresser
~ l'autorité supérieure pour llli demander pal' voie
de supplique, qu'die enjoigne à l'administration
�DU DOMAINE PUBLIC.
323
municipale de faire une aliénation qui parahrait
utile à ses intérêts, de même qn'un particulier
pourrait se plaindre au préfet de ce qne le maire
n'amodie pas des propriétés communales pour
en retirer nn prodnit; mais là se bornerait, selon
nous, son llroit, et il ne pounait jamais en réclamer
l'exercice en justice. Il ya une grande différence
en tre la faculLé accordée par cet article et celle
qni résulLe de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841 ;
dans celte dernière circonstance il ya droit précis
et positif dont la dénégation doit motiver une actian; ici, au contraire,la vente par la commune est
purement faculLative; seulement si elle croit devoir
vendre, elle ne peut céder qu'aux: riverains,
à moins que ceux-ci ne refusent d'acquérir.
Vainement, pour justifier son avis, l'estimable
auteur qu~ nous combattons dit que s'il fallait
absolument le concours des deux volontés sans que
les particuliers pussent .contraindre la commune à
leur vendre, la loi serait parfaitement in ntile, et
qu'elle n'eût rien ajouté au droit commnn , puisqu'une aliénation peut toujours ayoir lieu quand
une commune et un particülier s'entendent. Cet
argument pèche par la base, en ce que l'article n'a
eu qu'un but, qu'il remplit parfaitement et qui
était de la plus haute importance, celui d'empê:
cher de vendre à des tiers jusqu'au refus des riverains; sans doute on aurait pu lui donner plus
d'extension; mais tel qu'il est, on ne peut lui reprocher son inutilité et en tirer un moyen pour
�TRAITÉ
lui faire dire pins qu'il ne dit, qu'il n'a vonlu
dire, et, nous ajou terons, qu'il était juste et convenable qu'il ne dît.
Notre opinion, J'ailleurs, est entièrement conforme à celle de M. le ministre de l'intérienr,
consignée dans sa circulaire du 26 mars 1 ~j8,
dont nons donnerons le texte dans le nO suivant.
En ésumé, le riverain ne peut pas plns contraindre la commune à lui vendre, que celle-ci ne peut
le contraindre à acheter; seulement en casde vente
il a la préférence; bénéfice dont on ne pourrait le
priver en ùffrant de mettre le fonds aux: enchères,
parce que, pour le vexer et pour s'intl'rpnser
dans le milieu de sa propriété, I1n tiers pourrait
porter le prix: au-delà de la véritable valeur, la
seule cependant qu'il soit tenu de donner.
569. Le terrain dont les voisins voudront se
'
d evra etre
• estime
. , pal' des exrem1re acquereurs,
perts nommés, l'un pal' le sous-préfet, l'autre par
le propriétaire, et Je tiers, en cas de discordance,
par le conseil de préfecture. L'estimation devl'a en
être faite au prix vénal, sans déduction, comme
le prescrivaient J'article 3~4 du second projet de
Code nHul, ainsi que di verses lois l'elaLives aux
usnrpations de biens communaux. Ce prix ne sera
prescriptible qne par le laps de 30 années; l'article
ü~ ne s'étendant point à cc cas, comme il a été
expliqué au nO 564, ci-dessus.
Nous avons dit, au nO 540, pag. 240, qu'une
ordonnance royale n'était jamais nécessaire pour
�325
DU DOMAINE PUBLIC.
l'acquisition des terrains destinés aux chemins
vicinaux, parce que le préfet ayant, aux termes
de la loi, le droit d'autoriser seul et sans le concours de l'autorité supérieure l'établissement ou le
relargissemen t de ces sortes de voies, il devait
avoir aussi le pouvoir de faire tout ce qui était
indispensable pour atteindre ce but.
Le même motif n'existant plus lorsqu'il s'agit
de l'aliénation par la commune du sol d'un chemin abandonné, il faut en conclure que cette aliénation ne pourra avoir lieu que dans les formes
déterminées par l'an. 46 de la loi du 18 juillet
"
,
,
l 83 7; c est aUSSI en ce sens que s est prononce
le ministre de l'intérieur par la circulaire suivante, en date du 26 mars 1838: J'ai été consulté sur la question de savoir si dans le cas de
l'application de l'art. 19 de la loi du 21 mai 1836,
la vente des portions de terrains retranchées de la
vicinalité comme inutiles, doit, quand la valeur
de ces terrains excède 3,000 fr., être autorisée
par ordonnance royale. Le doute, à cet égard,
paraissait motivé principalement snI' ce qne, pour
les acquisitions de terrai ns nécessair'es à l'élargissement ou à l'ouverture de chemins vicinaux, l'insfrllction du 24 juin 1836 admet qu'un arrêté du
préfet, en conseil de préfecture, suffit, quelle que
soit la valeur des terrains à acquérir.
» L'analogie entre ces deux cas n'est pas telle
(lU 'on puisse conclure absolument de l'un à l'autre.
«(
'fOll'L Il.
21
�326
TRAITÉ
C'est ce que quelques explications vont faire -reconnaitre.
» Les acquisitions de tf'nains nécessaires aux
chemins vicinaux sont régies par les art. 1'5 et 16
de la loi du 2 t mai 1836.
» L'art. 15 est relatif à l'élargissement des chemins vicinaux déjà existants, et ici l'arrêté du
préfet suffit pour altribucr définitivement au chemin le sol compris dans les limites qu'il détermine;
la commune est saisie par le seul fait de cet arrêté,
et il n'est évidemment pas nécessaire qu'il intervienne nne ordonnance royaleponr sanctionner ce
que la loi Jonne au préfet le droit de faire d'une
manière définitive. Le pouvoir royal, en matière
d'acquisitions, a été, pour l'espèce, délégué pleinement aux préfels. Il ne reste plus à remplir visà-vis du propriétaire du sol, qu'une siniple formalité, le réglement de l'indemnil~ qui lui est due.
» L'art. 16 a pOUl' oLjet d.es opérations qui ont
généralement une plus grande importance; ce sont
l'ouverture d'un nouveau chemin ou le redressement d'un chemin, ce qui n'est que l'ouverture
sur une moins grande échelle. Ici encore 011 arrêlé
du préfet remplace ]a loi ou l'ordonnance qni,
d'après le nO 1 de l'art. 2 de]a loi du 7 juillet J 833,
devait autoriser les travaux. L'arrêté du préfet désigne égale~lent, et d'une manière définitive, les
terrains à occuper; il en résulte donc évidemment
qu'il n'est pas nécessaire qu'il intervienne une
ordonnance royale pour autoriser la commune, à
�DU DOMAINE l'lffiLIC.
327
.acquérir des terrains qne le préfet a souverainement
déclaré devoil' servir à l'ou\rerture ou au redressement. Il ne reste plus à remplir que les formalités
d'expropriation réglées par les lois combinées de
1833 et de 1~36.
" Ainsi Jonc, en matière d'acquisition de terrains pour le service vicinal, l'ordonnance royale
est inutile, quelle qne soit la valeur de ces terrains,
parce qne l'arrêté du préfet a statué définitivement,
et si le législateur s'est déterminé à donner ainsi
à un arrèté préfectoral la valenr qu'avait seulement une ordonnance royale, c'est afin d'éviter
des lenteurs dans des affaires-qui présentent toujours un certain caractère d'ur/ience.
» Cette considération ne se présente pas, au
contraire, lorsqu'il s'agit d'aliénation de terrains
inutiles au service vicinal; aussi l'art. 19 de la loi
du ~1 mai 1836 est-il loin d'être rédigé dans des
tcrmes assez explicites pour autoriser à conclure
qu'ils ont modifié la législation générale. sur la
ma tière.
» Pour que le sol d'un cJlemin vicinal ou d'une
'portion de ce chemin puisse être vendu, il faut
d'abord qu'un arrêté du préfet l'ait déclassé,
c'est-à-dire lui ait ôté le caractère de vicinalité
qui en rendait l'usage public. Mais, de ce que ce
sol a été dépouillé du caractère de chemin vicinal,
il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il doive être
vendu, et ce serait donner à l'art. 19 de la loi une
, signification trop étendue que de l'entendre ainsi.
�328
TRAITÉ
Sans doute, si la commune vend ce sol, les propriétaires riverains tiennent de la loi un droit de
'c'
.,
' (1e ·prelerence
'c'
preIerence;
malS
c est un d
l'Olt
seulement. Ils ne pourraient contraindre la comn1nne
à vendre; celle-ci peut garder les terrains si elle
croit pouvoir en faire lm usage plus av;mtagenx.
Tout ce qui lui est prescrit, c'est de donner la
préférence aux propriétaires riverains si elle vend.
h
" a ete, (ec
l' 1asse' ,.c ,estl
» L ors (onc
qu 'nn
c emm
.à-dire qn'il a perdu le caractère de vici11alité, il
reste à examiner s'il est plus avantageux à la commune de vendre le sol de cet ancien chemin que
de le conserver, et il ne faut -pas perdre de vue
que ce sol n'est plus un chemin; par l'effet dn
déclassement, il est devenu un terrain vague, une
propriété communale de même nature que les
antres. Dès-lors on ne peut se dispense,' d'appliqner à J'aliénation de ces terrains les mêmes rèhles
qui régissent l'aliénation de~ propriétés communales. Leur valeur est-elle de 3,000 fr. ou an-dessons (pour les communes dont le revenu est inférieur à cent miile francs, ou de 20,000 pour les
autres), un arrêté dnpréfel (en conseil de préfcctnre) suffit. Leur valeur excède-t-elle 3,000 fi'.
Cou 20,000 fr., si le revenu de la commnne est
supérieUl' à cent mille francs) "une ordonnance
royale est nécessaire Cart. 46 de la loi dn 18 juillet lS37) : mais ici l'arrêté c..In préfet ou l'ordonnanr.e royale autoriseront seulement la vente., en
principe, ct alors s'ouvrira, pOUl' les propriétaires
�DU DOMAINE PUBLIC.
329
riverains, le droit de faire la soumission d'acquérir SUI' estimation d'experts, comme le porte l'art.
19 de la loi. Il sera donc nécessaire qlle les propriétaires soient mis en demeure d'exercer leur
droit, dans un llélai déterminé, passé lequel la
commune rentrerait dans la faculLé de vendre les
terrains aux enchères.
» Il est hien vrai que la nécessité d'obtenir 110C
ordonnallce royale pourra, clans certains cas, entraîner quelques dl:lais; mais, d'une part, il arrivera rarement que les terrains à vendre aient une
valeur de plus de 3,000 fi', (ou 20,000 fI'. pour les
grosses communes); car ce n'est pas la v;leur.
totale du sol du chemin supprimé, mais celle de
chaque parcelle à vendre à chaque riverain, qui
doit servir de base à la limi te des corn pélences;
d'autre part, il ne pent jamais y avoit', pOllr ces
aliénations, l'urgence que peuvent présenter les
acquisitions pour élar:gissement ou pour ouverture
de chemins, C'est sans doute cette considération
qui a déterminé le législateur à laisser les aliénations de terrains provenant de chemins déclassés
sous le régime <Jes antt'CS aliénations de tenains
' creee
, , par l' art. 19'»
communaux, sau f l ,exceptIOn
Il résulte de cette ci rculaire, que nous avons
rapportée en entier à raison de son importance et
de sa conformité avec les vrais principes, quatre
points essentiels.
L'u n, fûrman t son principal objet, que les alié·
nations du sol d'un chemin déclassé ne jouissent,
�330
TllMTÊ
sous le rapport des formalilés, d'aucun privilége
particulier, et doivent être failes de la manière
prescrite pOUf les ventes des autres propriétés
communales.
Le second, que dans l'application de l'art. 46
de la loi du 18 juillet 1837, et pour déterminer le
taux de 3,000 ou de 20,000 fi'. jusqu'auquel un
arrêté en conseil de préfecture snf6t, il ne faut
prendre en considél'ation que les ventes partielles
et ne point réunir les valeurs de tous les fonds que
la commune est dans le cas d'aliéner, ]ors même
que ces fonds auraient la même origine, seraient
dans la même position et devraient être vendus
dans le même but.
Le troisième, qu'en fait d'acquisition de terrains destinés à l'ouverture, au redressement ou
au relargissement d'un chemin vicinal, l'arrêté du
préfet en conseil de préfecture a, comme nous
l'avons dit au nO 54o, pag. 240, ci-dessus, la
même valeur qu'nne ordonnance l'Oyale, quel que
soit le prix, Jépassât-il le taux fixé par l'art. 46
de la loi municipale.
. en fi'
"
L e cl enner
m, cl'"
cp annonce> au numero
precéJent, qne l'arl. 19 de là loi du 21 mai 1836 ne
confere pas aux Jiverains le droit de forcer la
commune à aliéner, mais leul' donne simplement
la préférence SUI' tous autres acquéreurs quand le
terrain est par elle mis spontanément en vente.
Notre article) 9' de même que les 14e et Ise
ci-dessus, s'en réfère pour la nomination des ex-
�DU DOMAINE
PUBLIC.
e
331
pel'ls au mode prescrit par le 17 , !lIais avec cette
différence remarquable que ceux'~èi déterminent
en même temps J'autorité qui, à vue du rapport,
devra fixer l'indemnité et par conséqneot statuer
sur les incidents qui pourraieDt surgir Jans le cours
de l'opération, tandis que l'article qui nous occupe
n'attribue compétence à aucune juridiction, ce
qui a fait naître la question de savoir si ce ~erait
par le jury spécial, par le jnge de paix, par le conseil de préfectnre ou par le ~riLunal civil, que
l'affaire serait jUt\ée.
A la pag. 106 de son Supplément à la 4e édi-'
tion du Traité des chemins, M. Garnier décide
d'une manière générale que
ce sont les tribu" naux de J re instance qui doivent procéder à la
» liquidation, sans être d'ail.leurs, ajoute-t-il,
" liés par l'expertise qui, en cette matière, et,
;) pOUl' ce cas, comme pour tuus les autres, n'est
» qu'un simple avis destiné à éclairer les juges. "
Celle opinion nOllS paraît errollée; les experts
sont ici de véritables arbitres, dont la décision n'est
pas plus susceptible d'être réformée que d:,ns l'hypothèse prévue var l'art. 1692 du Cod. civ., où
les parties ont laissé la fixation du prix d'une vente
à l'arbitrage d'un tiers. c( Si l'estimation des ar;) bitres, se demande dans ce cas M. Troplong
;) (Traité de 1.a vente, nO lbS), est évidemment
:» inférieure au prix réel, pourra-t-on se pourvoir
" contre leur décision P Accurse (sur la loi der;) nière au Cod. de cont. empt.), continue-t-il,
t(
�332
l1WTÉ
veut que, s'il y a lésion énorme, les parties ne
soient pas tenues de respecter cette estimation;
l) Cujas (sur la loi 2, fI, ff. de cont. empt. ) a
» une opinion conforme; Pothier ( Traité de la
l) vente~ nO 24) trouve ce sentiment équitable. Il
l) veu t que s'il est prouvé que l'estimation est tro r
» faible, ce qui doit être laissé à l'arbitrage du
l) juge, le contrat de vente soit déclaré nul. Mal.
'» gré ces imposantes autorités, je crois qne l'estl» mation de l'arbitre est une base dont il n'est
» pas permis de s'écarter. Justinien l'avait ainsi
l) entendu dans sa loi (Jernière au Cod. de cont.
l) empt., dont les termes ne laissent aucun doute:
» Ut si quidem ;pse qui nominatus est pretium
» dtfz'nierit, omnimodo, secundum ejus aestil) mationem, et p.retia persolvi~ et venditionem
l) ad f!!fectum pervenire.
» Cujas oppose les lois 76 et 79' ff. pro socio ,
l) dont la première dit qu'il y a deux sortes d'arl) bitres, les uns ala décision desquels DOUS devons
) obéir dans tous les cas, soit que ceLte décis-~on
» soit juSLe, soit qu'elle soit iniq ue, tels soM
I I ceux qui statuent sur un débat en ver~u d'un
l) compromis; les au~res qui ne sont consultés que
l) pour interposer l'opinion d'un homme de bien,
» tels sont ceux à qui l'on s'en rapporte pour fixer
» les parts d'une société. Alors, si la clécision est.
» inique, il est permis, suivant la loi 79, de rel) courir au ministère du juge.
» Mais cette distinction est précisément ce que
II
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
333
» Justinien a voulu effacer, en ce qui concerne le
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prix de vente, par les termes généraux, précis et
énergiques dont nous venons de voir qu'il s'est
servi. Et, en effet, il le déclare plus expressément encore à la fin de la loi dernière au Cod.
de cont. empt.
» Cette opinion est celle que Despeisses (tom. 1 er ,
pag. I l , nO 6) soutenait dans l'ancienne jurisprudence. Elle a paru à la Cour de Toulouse
(arrêt du 26 février 1820. - Dalloz, V Ovente~
pag. 855, nO 2.) plus conforme aux lois 1'0maines et à l'art. 1592 du Cod. civ., qui ne contien t ni exception ni modifica Lion à la règle
qu'il pose. La Cour royale de Lyon a même
pensé, en s'appuyant sur le mot arbitrage dont
se sert cet article, que la décision du tiers choisi
pour faire l'estimation, est nne véritable sentence
arbitrale en dernier ressort, qu'aucune autorité
ne pourrait réformer ( arrêts des 5 juin i 813 ct
24 août 1826. - Dalloz, V Oarhitrage~ pag. 734,
et R ectteil périod. ~ 29 - 1-49) . Je ne crois cependant pas qu'il faille, en général, appliquer
les dispositions des articles 1003 et suiv. d Il Cod.
de procéd. aux arbitres dont parle l'art. 1592
du Cod. civ. Mais leur décision n'en est pas
moins une règle irréfragable; et quoi qu'en dise
M. Delvincourt (tom. 3, pag. 125), je refuserais l'action en révision pour lésion de plus de
sept douzièmes contre la vente dont ils auraieut.
fixé le prix. »
�334
TRAITÉ
Nous admettons complètement cette solutlon et
pensons que notre art. 19 doit être en tendu
dans le même sens que l'art. 1592 du Cod. civ.;
voilà, selon nous, ce qui expliq ue pourfJllOi aucnne
autorité n'est indiquée; il n'en était pas besoin d II
moment que le rapport des experts ne peut pas être
discuté et que son homologation serait une fonualité inutile. Par l'annonce qne fail la COllllllUne de
son intention de vendre et par la soumission que
le riverain souscrit d'acquérir, il Y a ven te parfaite
moyenDant~un prix à régler par des experts 011 plntôt par des arbitres dont la nomination est assurée
parI'art. 17' Les deux parties doivent en passerpar
ce qui sera décidé, ct nous ne cl'Oyons même pas
qu'après le résultat connu, l'nne on l'autre puisse
être admise à retirer sa proposition ou sa soumisDOUS
SIOn.
L'impossibilité on le refus de la part des
experts d'opérer ne pourrait non plus, conllllC
dans le cas de l'art. 1592 du Cod. civ., être un
motif de résiliation du contrat formé, parce qu'ici,
d'une part, le droit de la commune à vendre et
celui du riverain à acquérir de préférence à tous
autres, est toujours subsistant et ne saurait être
.épuisé par une tentative infructueuse, et que d'uu
autre côté l'arbitrage est organisé non par les parties, mais par la loi elle-même; s~ après le déport
on l'empêchement de son expert, la commune 011
le riverain refusait d'en nommer un autre, il Y
serail pourvu, comme nous l'expliquerons dans un
instant.
�DU DOMAINE PUBLIC.
335
Ql1oique, d'après ce qui vient d'être dit, il n'y
ait pas lieu de s'aùres.!ler à la justice pour régler le
prix de]a vente, on peut cependant concevoir des
circonstances dans lesquellps son intervention deviendrait nécessaire, et alors se présenterait toujours la question de savoir quelle autorité serait
compétente.
Il faut distinguer les cas.
Si d'abord, aprés l'annonce de la vente et la
souniission d'acquélir, l'une des parties refusait
de nommer son expert Qtl d'en désigner un aULI'e
en remplacement du pl'emier qui ne pourrait ou
ne voudrait pas opérer, la nomination, comme
nous l'avons dit au nO 522 d.dessus, devrait être
faite non par]e sous-préfet, ainsi que l'enseigne
l'instruction ministérielle du 24 juin 1836, mais
bien par le conseil de préfecture même, auquel est
nommément dévolu le choix du tiers.expci t.
Ce serait, selon nous, encore à ce conseil à statuer sur la récusation formée par l'une des parties
et à remplacer l'expert récusé; le tribunal civil
n'aurait évidemment point qualité à cet effet, puisfJue la nomination des experts ne lui appartient
dans aucun cas et que la'récusation est un inciùent
qui tient à la nomination.
Mais là s'arrêtent les pouvoirs du tribunal administratif. Si, quand les experts ont opéré, l'une
des parties refusait de passer acte, si la validité de
l'opération était contestée, si]a commune ne voulait pas livrer le terrain ou si le rivel'ain ne payait
�336
TRAITÉ
pas, s'il s'élevait qnelques difficultés Sllr le mode
de partage entre les voisins ou sur les conditions
de la vente, par exemple, sur les servitudes à établir, ce seraient Jà autant de questions du ressort
exclusif des tribunaux civils revêtus de la plénitude
de la juridiction et ayant droit de prononcer sllr
tous les litiges dont la connaissance ne l/~nr a pas
été enlevée pat un texte formel de loi; le 2," alinéa
de l'art. 20, ci-après, ne peut bisser aucun doute
à cet égard; il porte, en effet, que Cl les actions
» civiles intentées par les communes ou dirigées
» contre elles, relativement à leurs chemins,
» seront jugées comme affaires sommaires et ur» gentes, conformément à l'art. 405 du Cod. de
» pl"océd. civ. »
La loi n'ayant pas fixé le mode d'après lequel la
commune devra faire connaître son intention de
vendre le sol d'un chemin supprimé et mettre aiusi
les riverains en demeure d'exercer le droit de
préférence qui leur résulte de l'art. ]'9, on doit
dire, par analogie avec les cas prévus pal' les art.
61 de la loi du 3 mai 1841 et 3 de celle du 24 mai
1842, ci-dessus rapportée, qu'un avis collectif publié de la manière prescrite par l'art. 6 de la première de ces lois, c'est-à-dire à son de trompe ou
de caisse dans la commnne, avec affiche tant à la
principale porte de l'église du lieu qu'à celle de la
mairie, sera suffisante. L'insl:'rtion dans l'un des
journaux de J'arrondissement ne serait nécessaire
qu'autant qu'il s'agirait de terrains d'une étendue
ct d'une valeur comidérables.
�DU DOMAINE PUBLIC.
337
11 conviendra que l'av.is indique le délai dans
leqnelles sOIll1Jissions devront être faites à peine de
déchéance du droit de préférence, sallS cependant
que ce délai soit absolument de trois mois, comme
-dans le cas de l'art. 61 précité; il pourra êtrc abrégé
surtout lorsqne les riverains seront peu nombreux
-et qu'ils habiteront la commune.
Il n'y aurait lieu à l'application rigoureuse de
cette disposition de la loi Ju 3 mai 1841 , que dans
le cas tout différent dont nous-avons parlé pag. 249,
où, après l'acquisition de terrains pour l'établissement on le redressement d'un chemin vicinal,
ill'esterait des parcelles qui n'auraient point été
employées; le prix de rétrocession serait alors fixé
par le jury spécial organisé par l'art. 16, ct non pal'
des experts nommés conformément à l'an. 17La soumission d'acquérir pourra être faile soit
par exploit J'huissier, soit pal' simple demande
adressée an maire, mais dont alors il sera prudent
de tirer un récépissé pour que plus tard son existence ne soit pas contestée.
Quelle ac'tion appartiendrait aux riverains si,
sans avertissement préalable et immédiatement
après l'arrêlé de déclassement, la commune vendait à des tiers le sol du chemin ou, ce qui pour.
rai~ arriver plus fréq llcmmen t , l'échangeait avec
les propriétaires de fonds sur lesquels un nouveau
chemin serait établi; pou rraien t-ils faire an 0 uler
cette aliénation consenlie a n préjudice de lem
droit?
�338
TRAITÉ
L'affirmative nous parah incontestable; l'art. ] 9
crée au profit des héritages joignant un droit d'accession de re ad rem qui peut être assimilé à une
servitude ou à une verlle antérieure et qui confère
aux maîtres de ces héritages un droit réel susceptible d'être exercé contre tout détenteur; d'ailleurs,
sans l'annnllation de la vente indûment faite, il
n'y aurait point de sanction à la disposition de la
loi, car la simple peine des dommag~s-intérêls
serait illusoire par la difficulté d'en déterminer le
montant.
Dans ce cas l'acqnéreur évincé n'aurait point
de recours en garantie contre la commune, à moins
de clause expresse ou de circonstances particu~
lières de fraude; c'est ce que l'on doit i nd nire des
termes el de l'esprit des art. 1626, 1638, 1641
ct 1642 du Cod. civ. qui, en accordant la garantie,
snpposent que la cause d'eviction a été ignorée de
l'acbeteur; c'est ce qui est aussi enseigné par tous
lesauteul's (Tiraqueau, de retraet.gentil., S 12,
glose.1, 110~ 7 et 8. - Voët, ad Pandeet., de
el'iet., nO 32. - Brunemann, sur la L. 27 Cod.
de eçict. - Pérèz, sur le Cod. de eviet., nO 25.
- Pothier, Traité de la vente, nOS 88 et 188.
- Duranton, tom. 16, nO 261. - Troplong,
Traité de la vente" nOS 418, 426, 481, 525 et
544). Or ici la cause d'éviction résulte d'une loi
généràle que nul n'est censé ignorer; c'est par ce
motif que l'ancienne jurisprudence refusait la garanlie pour l'éviction causée par le retrait lignager,
�DU DOMAINE PUBLIC.
339
et qne le Colle civil ne l'accorderait pas pour celle
provenant du retrait suc(:essoral consacré par son
articll' 841; du moment que l'acquéreur a connu
le péril, si sciens emerit, de quelque manière
qne cette connaissance lui soit venue, soit par nne
déclaration formelle, soit par la simple lecture de
la loi, il ne peut pas se plaindre et faire retomber
sur le vendeur les conséquences d'une faute qu'il
a commise de concert avec lui; il ne pourrait prétendre qu'à la simple restitution du prix, ou plutôt
il devrait être considéré comme subrogé activemen t
et passivement dans les droits de la commune
vis-à-vi~ les riverains, et par conséquent obligé de
leur délivrer le terrain moyennant le prix qu'il
recevrait d'eux; la ven te, 11' étan t nulle ou inefficace que par rapport aux tiers don t les intérêts on t
été lésés, est valable entre les parties qui out agi
en, parfaite connaissance de cause et, par conséquent, doit recevoir son exécution vis-à-vis elles.
Quoique placés par l'art. 9 sous l'autorité spéciale du préfet, les chemins vicinaux de graude
communicatiou u'en restent pas moins, quant au
sol, la )lI'opriété particulière des communes traversées qui n'en ont mis en commun ou en société que
l'usage; il faut conclure de là qu'en cas de déclassement et de suppression totale de ces chemins, le
prix de vente des ten'ains qui les composaient doit
appartenir à chaque commune pour la portion
comprise dans son territoire, sans égard à la part
plus on moins forte pour laquelle elle contribuait
�340
TRAITÉ
à son entretien; l'association dont les charges
étaient corrélatives au bénéfice, c'est-à.dire à l'usage, étant dissoute, il ue reste plus que le droit
de propriété dont]a quotité est souvent dans une
proportion différente du degré de l'utilité qui en
était retirée.
•
Les cessions consenties par les communes soit
aux propriétaires riverains, soit à des tiers, ne jouiront pas du bénéfice de la réduction des droits d'enregistrement prononcée par l'art. 20 ci-après, parce
que le motif qui l'a fait décréter et qui était la
faveur attachée à l'établissement de nouvelles voies
de communication, ne peut plus être invoqué ici,
oll il est question au contraire de supprimer nn
chemin existant; cet article ne parle d'ailleurs que
des actes ayant pour objet exclusif la construc.,
tion, l'entretien et la réparation des chemins.
Les tuteurs des mineurs et des interdits, ainsi
que les mineurs émancipés, pO\lVant en général acquérir des immeubles lorsqu'ils ont en main des
fonds suffisants pour les payer, la soumission
qu'ils feront sera valable et n'aura pas besoin d'être
précédée d'aucune autorisation (arrêtde la Cour de
cassat. du 15 décembre 1832. -Sirey, 33-1-687;
M. Troplong, Tr. de la vente~ nO 166, page
280).
Comme il peut et doit même arriver fréquemment qne tous les riverains ne soumissionnent pas
les pnrcelles de chemin correspondantes il leurs
héritnges, ou que les fonds de ccux qui oEfl'iront de
�:Hi
DU DOl\1.A1NE PUBLIC.
les :lcquéril', n'aboutissent pas sur une autl'e voie
publique, ce qui mettrait, ainsi que nous le dirons
plus bas, la commune dans la nécessité de leur
fournir un moyen de desserte, il fauùra qu'en
établissant les conditions des ventes, l'administration municipale prévoie ces cas et prenne ses précautions; autrement elle s'es:'poserait à des procès
et à des garanties dont les conséquences onéreuses
ne seraient point compensées par le profit qu'elle
retirerait de l'aliénation.
Si tous les riverains consentent à acheter et qu'en
même temps leurs héritages puissent se desservir
par d'autres passages, alors les parcelles de chemin
devront être vendues à chacun franches et libres
de toutes servitudes; mais si quelques-uns refusent,
et que par suite on soit ohligé.de vendre à des tiers,
'il faudra hien réserver à cenx-ci, sur les autres parcelles,soit à titre de propriété,soit au moins à titre
de servitude, un moyen d'arriver aux portions qui
leur seraient ,cédées; les riverains soumissionnai.res ne pourront pas s'y opposer, parce que la
commune n'e doit pas être forcée de se jeter dans
un procès, ~ et qu'étant maîtresse de ne pas vendre,
comme nous l'avons étahli plus haut, elle peut à
fortiori ou ne vendre qu'une partie de la largeur
du chemin supprimé, ou imposer une servitude
de passage devenue nécessaire. Les auteurs du
Journal des Conseillers municipaux, qui professent la même doctrine que nous sur le point
principal, nous paraissent avoir eu tort de décider
'1'0111:. IL
22
�342
TR.A.ITÉ
d'une manière trop générale, dans leur 488 e consultat~on (tom. 8, pag. 117), que lorsqu'une commune se détcnnine à vendre, elle ne peut f'nlever
indirectement aux riverains la faculLé d'acqnéril' en
leur faisant des condilions onéreuses ou inacceptables, ct CIue ceux-ci ont le droit d'exiger la réalisation du contrat aux conditions fixées par la loi,c'està-dire en payant le prix de l'estimation par experts.
Dans le cas absolument identique de vente des
portions de routes royales délaissées, le second.
alinéa de l'arl. 2 de la loi du 24 mai IH42, impose"
à l'administration l'obligation de réserver, pour
la desserte des propriétés riveraines, un chemin
d'exploitation dont la largeur ne pourra excéder
cinq mètres. Une mesure analogue devra être prise
pour les chemins vicinaux supprimés, sauf aux
experts à avoir égard à celle charge dans leur
estimation.
Non-seulement la commune ne peut pas vendre
à des tiers le sol d'un chemin vicinal déclassé avant
d'avoir mis les riverains en demeure de l'acquérir,
mais elle ne serait pas plos autorisée à l'amodier,
soit aux cnchères, soit amiablemcnt, à une pel'sonne quelconque qui viendrait s'interposer ainsi
entre des propriétés privécs; le motif de la loi
existe pour ce cas comme ponr celui de vente; la
commune ne peut conserver le chemin que comme
voie de communication ou dans un autre bllt d'utilité publique ou communale, auquel ne saurait
être assimilé l'avantage pécuniaire que sa caisse re~
�DU Dü:lIANE PUBLIC.
tirerait d'une amodiation à prix d'argent; ce serait
d'ailleurs un moyen indirect d'éluder la loi, puisque si elle pouvait faire un bail pour dix-huit ans,
elle ponrrait son expiration en consenlir un se~
cond, puis un troisième, et ainsi indéfiniment; ce
qui aurait pour les riverains le même effet qu'une
aliénation perpétuelle (arrêt du conseil d'état du
25 aVl'il ] 833, Sirey, 34-2-503).
570. La faculté accordée pal'l'article que nous
expliquons, aux communes de vendre le sol des
chemins supprimés ou rectifiés fera presque tonjoUl's
nahre une question depuis longtemps controversée,
celle de savoir si par la suppression d'une rue ou
d'un chemin, ordonnée par l'autorité, les propriétaires d'héritages et plus particulièrement de bâtiments situes sur leurs bords peuvent être privés
des vues et des passages qu'ils y avaien t.
La solution dépend entièrement de la nature
des droits qui appartiennent aux riverains, sur les
voies publiques: si ce n'est qu'en vertu d'une tolérance de la part de l'autorité, qu'ils ouvrent des
portes et dés fenêtres, il est certain que cette faculté peut leur être retirée, sans qu'ils puissent se
plaindre et prétendre à aucun dédommagement; si
au contraire ils usent d'un vrai droit de servitude,
ils ne peuvent en être privés que pour cause d'uti.
lité publique et moyennant une juste indemnité.
Or cette dernière proposition nous paraît à l'abri
de toute contestation sérieuse;.la vérité en est
démontrée jusqu'au dernier degré d'évidence, par
a
...
�344
TlWTÉ
Cochin, 63 e plaid.; Merlin, Répert.~ V O rue;
Toullier, tom. 3, nO 479 et suivants; Proudhon,
nOS 363 à 378, ci·dessus; MM. Davenne, Recueil
des lois de voirie; Favarù, Rép.; VO Servitude ~
sect. 1re, pag. 136; Isambert, Traité de la voirie~
nO 773 ; Dl1ranton, tom. 5, nOs ?'95 etsuiv.; Solon,
'Servilztdes~ nOs 416 et 426 ; Garnier, Traité des
chemins ~ 4" édit., pag. 37~ et suiv. ; Troplong,
Traité de la prescription~ nOS 156 et 162, et
Cotelle, Cours de droit administratif, 2 e édit.,
tom. 1,pag.386, tom. 2, pag. 555, et tom. 3, pag.
182,239; en effet, il s'établit entre l'administration du domaine public et les particuliers, un
quasi-contrat qui leur confère des droits ct lem
impose des devoirs réciproques; si d'un cé\té ces
derniers sont assujettis dans l'inlérêt général à des
charges onéreuses, telles que l'alignement, le balayage,i'éc1airage, le pavage, etc., l'autorité, à son
tour, doit leur garantir le maintien des avantages
en considération desquels ils ont distribué leurs
propriétés, élevé et disposé Jeurs constructions;
la loi positive et notamment les lois I l , Cod., liv.
3, tit. 34; 2 ff.,liv. 43, tit. 8, ainsi que les art. 640.,
-681,682 du Cod. civ., consacrent ce principe
d'où découlent plusieurs conséquences importantes.
La PREMIÈRE, qu'une commune ne peut supprimer nne l'ne ou un chemin, pour lui assigner une
autre destination, sans le consentement des propriétairesdes maisons qui y ont leurs jours ou leurs
•
�DU DOMAINE PUELlC.
345
issues, à moins que la suppression n'ait lieu pour
cause d'utilité publique reconnue et qu'il ne leur
soit alloué une juste indemnité pour compenser la
perte· des servitudes don t leurs héritages seront
privés à l'avenir (arrêt du parlement de Bourgognedu 18fêvrier 1618;-Quest. notab. de BUllvOt,
v· édifice; - arrêt du conseil d'état dll 17 aoùt
1825, Sirey, 26-2-196; - arrêts de la Cour de
Bourges du 6 avril 1829, S. 29-2-262, et de la
Cour de cassation des I l février J 828; et b juillet
1836 ; Sirey, 29-1-164 et 36-1-600 )0« Attendu, en
» droit, porte ce dernier arrêt, que les rues des
» villes (qui ne sont 'pas le prolongement des
» grandes l'OU tes) constituent, pour chaque ville,
» une propriété communale affectée par la loi à
:» l'usage public, et notamment à l'usage des pro~) priétaires riverains; que s'il appartient aux villes
:» de supprimer une rue et d'en aliéner le terrain,
» CP n'est qu'à la charge d'indemniSér les riverains
» du dommage que cette suppression peut causer
» à leurs propriétés, et notamment de la privatio~l.
~) de leurs en trées et sorties sur la voie publique .....;
;), que si les tribunaux ne doivent porter aucune
~) atteinte aux actes administratifs qui, dans des
;), vues d'utilité et de sûreté puhliques, et suivant
~) les formes déterminées par la loi, ont ordonné
» la clôture d'une rue, il s'ensuit seulement que,
» dans ce cas, l'action résultant du dommage se
» résout devant eux en une deman'Oe à fin d'in~) demnité. »
�316
TR.AITÉ
C'est en considération de ce droit des riverains
que le 2e S de l'art. 2 de la loi du 24 mai 1842, cidessus rapportée, n° 566, déclare qu'en cas d'aliénation d'une portion de route royale déclassée Cl il
" sera néanmoins réservé, s'il y a lieu, eu égard à
» la situation des propriétés riveraines, et par arrêté
» du préfet, en conseil de préfecture, un chemin
» d'exploitation dont la largeur ne pourra excéder
» cinq mètres. » Sur quoi 'nous ferous remarquer,
d'une part, que les mots s'il y a lieu., ne signifient pas que le préfet aura la faculté, selon son bon
plaisir, de réserver ou non le chemin, mais seulement qu'il ne devra l'accorder qu'autant qu'eu
égard à la situation des propriétés riveraines.,
il sera nécessaire ou utile, puisqu'autrement il n'y
aurait point de droit acquis, et d'un autre côté,
que le préfet n'agit point ici comme juge., mais
seulement comme administrateur et-en conseil
de prtflécture., ce qui, en cas de refus de sa part,
n'empêche pas l'affaire d'être portée <levantllne
juridiction ayant droit de statuer en matière contentieuse.
La SECONDE conséquence, qui ne consiste que
dans l'<lpplication de la première, à une hypothèse
moins grave, est que lorsque, par l'effet de l'exhaussement ou du nivellement au moyen de déblais
d'une rue ou d'un chemin ou par tout autre changement qui s'est opéré, une propriété riveraine
se trouve privée d'un des droits qu'elle avait SUI'
la voie publique ou éprouve une dépréciation no-
�DU DOMAINE PUBLIC.
347
t[.lhle, comme si une maison était enfouie à une
hauteur telle que, faute de joms ou d'issues, le
rez-de-chaussée deviendrait inhabitable, malsain
ou incommode, il est dû une indemnité, parce
qu'il y a ici snppression ou diminution d'un
droit réel et d'une véritable servitude (circulaire
du Directeur général des ponts et chaussées du
21 février 1821, - arrêts du conseil d'état des
1('1' décembre
1~19, Sirey~ 20-2-240 , - 7 avril
1824,entre la ville de hIantes et la dame Duçal~
-17 août 1825; Sirey~ 26-2-196,-21 juin 1826,
-14 juillet 1830,-et 25 avril 1833; ce dernier,
ainsi que celui de 1826 spécialement-relatifs à des
droits de vue et de sortie sur des chemins vicinaux
supprimés; -arrêts de la Cour d'Aix du I l mai
1826, de Paris du la février 1829, de Bourges du
6 avril suivan t, déjà cité ci-de&sus, de Douai du I l
févriel' 1837, de Nancy du 2~ janvier 1840, et de
la Cour de cassation des 1~ janvier 1826, 11 décembre 1827, et 30 avril 1838 ;-Sirey, 26-1-267;
27-2-65; 29- 1 -85, et 2-262; 33-1-604; 37-2-366;
3<>-1-456, et 42-1-17H).
Voici les motifs en droit de l'avant-dernier de
ces arrêts: cc Attendu que les lois et réglements de
~~ police obligent ·bien tous les habitants et pron priétaires des maisons situées sur les rues et
n
plaœs publiques, à supporter personnellement
;)~ et sans indemnité, tontes les charges et sujé~~ lions que comportent le bon ordre et la bonne
~~ police; mais qu~il n'en peut être de même toutes
�34
TRAITÉ
) les fois que l'effet immédiat de travaux faits sur
)) la voie publique est de ruiner ou de déprécier
» notablement un immeuble; que dans ce dernier
" cas, le dommage imposé à un ou plusieurs ha" bitants, dans l'intérêt de tous, doit être l'obîet
" d'uue indemnité supportée par tous, suivant Je
» vœu de l'art. 10 de la charte constitutiormelJe,
" des articles 545 et 1382 du Code civ. »
Ainsi encore, une commune ne pourrait élever
sur une de ses places ou dans une de ses rues, des
constructions, ou y faire des plantations qui priveraient un voisin de ses issues et de ses jours, ou
qui en gêneraient considérablement l'usage; c'est
ce qui a été jugé positivement par un arrêt de la
Cour royale de Nancy, du 28 janvier 1840, (~on
firmé par la Cour de cassation le 10 novem bre 1841
(Sirey, 42>1-171)), et qui a condamné la commune de Burey à détruire un lavoir qu'elle avait
fait' élever dans un terrain joignant le jardin d'un
sieur Chorlet, qui y avait une porte et des jours.
Par la même raison, le propriétaire qui, en
construisant SUI' nne partie de la voie publique dont
la cession lui aurait été faite par suite d'alignement, nuirait aux passages et aux 'vues d'un voisin, devrait être condamné à l'indemniser; la Cour
de cassation l'a également décidé par l'arrêt suivant, à la datedu 12 juillet 1842 (Sirey, 42-1-593):
cc Attendu que la facuhé de bâtir, accordée par
» radministration sous le point de vue de l'intérêt
» général dont elle est chargée, laisse parfaite-
�DU DmLilliE PUBLIC.
349
» ment intacte la question des droits des tiers qui
peuvent être blessés par les constructions; et
» que les con testations qui viennent à s'élever sur
» l'existence de ces droits, sont du ressort des tri» bunaux; -Attendu que l'arrêt attaqué a cons» taté, en fait, que les constructions élevées pal'
» le demandeur portaient préjudice à la défende» l'esse en la privant de quatre vues droites ou d'as» peet par elle possédées sur la plaee publique de» venue la propriété du demandeur, et qu'il n'était
» pas même allégué que les auteurs de la défende.
» l'esse eussent bâti contrairement aux prescrip» tions municipales; Attendu qu'en l'élat de
» ces faits déclarés constants, la Cour royale de
» Besançon, ayant ordonné la démolition des
» travaux attentatoires aux droits de la demoiselle
» Drahon, n'a violé aucune des lois citées, et s'est
» au contraire conformée aux principes de la ma» tiè l'e. »
Tout en admettant le principe de l'indemnité
consacré par cet arrêt, nons ne saurions donner
noIre adhésion au mode consistant dans la démolition et qui faisait l'objet principal du pourvoi;
nous pensons, avec le demandeur en cassation,
que l'arrêt de Besançon renfermait sur ce chef nn
excès de pouvoir résultant de ce que J'exécution
de l'arrêté d'alignement pris par l'autorité municipale de Lure dans les limiles de ses attributions
ne pouvait, sons aucun prétexte, être entrav~e par
les tribunaux; si cet arrêté causait du préjudice à
»
�350
TRAITÉ
la demoiselle Drahon, il Y avait lieu sans doute
à lui alloue l' une indemnité; mais ce préjudice
n'autorisait pas la Cour royale à ordonner la destruction des travaux exécutés en vertu d'un acte
administratif régulier et la remise des lieux dans
leur ancien état, lorsque ce changement avait été
prescrit par le même acte administratif que l'autorité judiciaire ne pouvait réformer ni directement
ni indirectement.
IL y avait entre cette espèce et celle ci-dessus
mentionnée de la commune de Burey, dans laquelle la Cour de Nancy avait aussi ordonné la destruction du lavoir, cette différence essentielle que
dans celle-ci la commune n'avait agi que comme
propriétaire dans son intérêt privé, et sans qu'il
apparût d'une ordonnanée déclarative d'utilité publique ou d'un autre acte administratif proprement
dit, tandis que la dation de l'alignement par le
maire de Lure, emportant obligation pour le propriétaire constructeur de s'avancer sur la place de
la ville, constituait un acte de l'autorité puLlique,
nne décision ndministrative compétemment rendue, dont les tribunaux pouvaient bien apprécier
les conséquences dommageables sous le rapport de
l~intérêt privé des tiers, mais qu'il ne leur était point
donné de réformer ou d'entraver; la Cour de Besançon était, à notre avis, aussi incompétente pour
ordonner la démolition, qu'elle l'eût été pour dédarer que le terrain pris pour le l'élargissement
d'un chemin vicinal autorisé par le préfet, aux
�DU DOMAINE PUBLIC.
351
termes de l'art. 15 de la loi cl U 21 mai 1836, ne
serait point cédé par le propriétaire. La doctrine
consacrée par cet arrêt est en opposition formelle
avec une ordonnance en conseil d'état du 24 février 1825 (Sirey, 26-2-343), qui a décidé qu'un
alignement est un réglement d'administration pour
utilité publique; qu'en conséquence les tribunaux
ne peuvent en empêcher l'exécution et ordonner la
destruction des travaux faits dans le sens de l'arrêté; que seulement si les droits privés éprouvent
une lésion, il Y a lieu à indemnité.
Si les voies publiques, routes, chemins vicinaux,
rues et places doivent être considérés comme grevés d'une véritable servitude de passage et de vue au
profit des voisins, il ne fant pas cependant en induire que les communes ne puissent y apporter aucun changement, ni en tirer aucun usage; leur
position ne doit pas être plus gênée que celle des
propriétaires d'héritages ordinaires affectés de semblables charges réelles; elles doivent même avoir,
dans l'intérêt général, et par suite de la destination
spéciale des voies publiques, une plus grande latitude; l'avantage de tous devant l'emporter snI'
l'av.antage d'un seul. L'examen de diverses hypothèses nous servira à donner la mesure de leurs
droits et de ceux des voisins.
Et d'abord, à quelle distance des portes et fenêtres des maisons bordant une place, une rue ou
un chemin, la commune pourra-t-elle bâtir ou céder à un tiers un terrain destiné à être clos?
�352
TRAITÉ
D'apres ce qui vieut d'être dit, nous répondrons : à la distance où le ma1tre d'uo fonds servant privé pourrait le faire; mais par là nons ne
résolvons qu'une partie de la question, en ce que
c'est un point de d1'Oit très-con troversé, qne de sa~
voir quelle doit être cette distance. Le Code civil
est absolument muet à cet égard, 9u plutôt il ne
renferme dans son art. 70 l qu'nn principe général
qui est loin de prévenir l'arbitraire: cc Le proprié» taire dn fonds débitenr de la servitude ne peut
» rien f.:'lire qui tende à en diminuer l'usage ou à
» le rendre plus incommode. »
.
En ce qni concerne le passage, nous ne pouvons,
même par analogie, invoquer aucune règle précise;
ce sera aux tribunaux à déterminer, d'après les circonstances et la destination oe la porte, la largeur
qu'il con viendra de réserver; le 2 e alinéa de l'art.
2 de la loi du 24 mai 1842, relative à l'aliénation
des portions de routes royales abandonnées et rapportée nO 566 ci.dessus, a évité de fixer une dimension ; il a seulement déterminé un maximum
dans les limites duquel on pourra choisir depuis le
sentier d'un demi-mètre de largenr jusqu'à la double voie de chllrs et voitures de cinq mètres; l'étendue devra être plus ou moins grande selon qu'il
s'agira d'un passage à pied ou avec harnais, d'une
maison d'habitation, d'une usine ou d'un bâtiment d'exploitation.
Relativement aux fenêtres, on a prétendu qu'il
devait en être de même; un arrêt de la Cour royale
�DU DOMAINE PUBLIC.
353
de Paris, du 24 juillet 1810, a décidé qu'une servitude de vue dérivant de la destination du père
de famille, sans qne son étendue ait été réglée,
s'oppose à ce que le voisin construise à 19 décimètres, par le mOlif qu'évidemment, même à cette
distance, la construction serait dommageable, d'où
la cODséquence- qu'il appartiendrait aux tl'ibunaux
de régler la distance à)aquelle une construction.
ne porterait plus de préjudice et pourrait être élevée; un al'l'êt plus récent de la Cour de Lyon, du
4 juillet dh8, confirmé le 26 juillet 1831 par la
Cour de cassation, a jugé dans un cas semblable
que, d'après l'intention présumée du père de
famille, la distance devait être fixée à 3 mètres 90
-een timètres.
Cependant presque tous les auteurs, Dcsgodets,
sur l'art. 208 de la Cout. de Paris; Merlin (Rép.
O
V vue~ S 4, nO 2, et supplément allX questions de
droit, VOservitude); TouIlier (tom. 3, nO 532);
MM. Pardessus, Duranton (tom. 5, nO 326 et
520); Favard (VO servitude~ sect. 2, S 6, nO 2);
Dalloz ( VOservitude ~ sect. 3, art. 4, n° 21) ,professent, au moins dans le cas où l'acquisition de la
servitude résulte d'un titre on de la destination du
père de famille, une doctrine contraire qui a été
aussi adoptée par trois arrêts de la Cour de cassation des 23 avril ï 817, 24 juin 1823 et 1 décembre
1835 ( Sirey, 17- 1 ·336; 24· 1 -26; 36-1-604).
C'est à cette dernière opinion que nous nous rangeons sans distinguer l'hypothèse où le droit a été
�354
TlLUTÉ
acquis par convention, de celle où il est le résultat de la prescription qui, d'après nous, doit avoir
le même effet que la convention (a). Nous admettons, en conséquence, avec la COUI' royale de Caen,
« que la distance exigée pour prendre des viles
?) sur son voisin, doit par analogie ~ suffire pour
» racheter celle qu'on est obligé de souffrir sur
» son terrain; d'où il suit que les art. 678 et 679
» du Code ayant fixé à i 9 décimètres, pOllr les
» vues droites, et à 6 décimètres pour les vues de
» côté, la distance entre le mur où l'on 'pl'atique
» des vues et l'héritage voisin, le pl'Opriétail'e du
» fonds assujetti peut élever son b.1timent en ob» serva nt les mêmes règles. »
Une distance de 19 décimètres, à partir des ouvertures des maisons riveraines, doit également
être observée pour les plantations que les communes voudraient faire sur leurs voies publiques;
la considération que les branches des arbres, en
croissant, ne peuvent manquer de couvrir tont ou
partie de cet intervalle, etde porter de l'ombre et
de l'humidité dans les habitations, avait fait penser
(a) Voyez dans notre sens, sur cette question particulière, les
arrêts des Cours de Bordeaux' des 10 mai 1822, 1 décembre
1827 et 8 mai 1828; de Montpellier du 28 décembre 1825, et
de Nancy du 7 février 1828 (Sirey, 22-2-266; 28-2-80 et 283;
26-2-230 et 29-2-178), et en faveur au contraire de la distinction, ceux des Cours de Pau du 12 avril 1826, de Nlmes du
21 décembre suivant, et de Bastia (Sirey, 27-2-14 et 88, et 35·
2-301 ).
�DU DOMAINE PUBLIC.
355
à un juriconsuhe qu'à l'espace libre de 19 décimètres que nécessite l'existence de fenêtres, il
fullait ajouter celui en deçà duquel on ne peut,
aux termes de l'art. 671 du Cod. civ., faire une
plantation près de la propriété de son voisin, assimilant ainsi celte espèce de servitude ne luminihus o/fi'ciatur à un droit de propriété auquel accéderait, en outre, celui résultan t de l'ar'ticle précité; mais cette décision reposant sur des moyens
plus ingénieux que solides, ne nous paraît pas devoir être accu ïlie par les tribunaux qui pourraient
seulement, en vertu de l'art. 672, obliger le Pl'Opriétaire du fonds servant à ramener les choses à
cet état qu'au moyen d'un élagage périodique, les
branches fussent constamment tenues à au· moins
deux mètres des bâtiments où les fenêtres sont
pratiquées.
La faculté pour les propriétaires riverains, d'ouvrir des jours ou fenêtres donnant immédiatement
sur les rues et chemins, constitue tellement un
droit pour eux, et ce droit rentre tellement aussi
dans la destination de ces voies et dans l'intérêt
des villes et villages,dont, sans cela et d'après l'expression peut-êtl'e un peu outrée de Cochin, l'aspect ferait horreur, que le voisin du côté opposé
de la rue ne pourrait mettre obstacle à ce qu'il en
fût ouvert, lors même que le chemin aurait moins
de 19 décimètres de largeur; ce point déjà admis
sous l'empire de la coutume de Paris, dont l'art.
202 contenait une disposition semblable à celle des
�356
TR.A.ITÉ
art. 678 et 679 du Cod. civ.) ainsi que l'attestent
Cochin (43 e pLaidoyer); Desgodets (Loisdesbdti-
ments, nO 16 des explications sur ledit art.
Duplessis (sur le m~me art.); Bourjon
(Droit commun, liv. 4, tit. l, 2 e part., chap. 12,
sect. 2); Merlin (Rép. de jurisprudence, v· vue,
pag. 519), a été égale men l consacré sous la nouvelle légi~lation. Voy. Delvincourt (tom. l ,pag.
567); ToulJier (tom. 3, nO 520); MM. Favard
(v· servitude, sect. 2, S6, n° 2); Duranton (tom. 5,
nO 412); Rolland de Villelargues (
N., VO vue);
Lepage ( 1 re part., chap. 3, sect. 2, art. 3, S If.) ;
Dalloz (VO servitude, sect. 3, art. 4, nO 14).
M. Pardessus, qui avait professé l'opinion con.2.02);
traire dans les deux premières éJitions de son
Traité des servitudes, nO 278, l'a abanJonnée depuis (voy. nO 204 de la 6 e édition). Un arrêt de
la Cour royale de Nancy. du 25 novembre 1~h6
(Sirey, 17-2-155), avait aussi admis la prohibition; mais la Cour royale de Dijon l'a repoussée
sur notre plaidoirie, par un arrêt du 13 mars 1840
qui adopte les motifs du jugement de 1 re instance,
ainsi conçus: <c Considérant qne les limitations des
» distances prescrites par la loi pour l'ouvel'ture
» de jours droits ou obliques relativement à la pro» priété du voisin, sont sans application aux jours
» ouverts sur la voie publique, puisqu'en effet,
» dans ce cas, le jour donne directement ou par
» côté, snI' le domaine public municipal destiné à
,,, cet usage. » (Gazette des tribunaux du 27
mars 1840, pag. 5 [ l,)
�351
DU DOMAINE PUBUC.
Si comme ou l'a JénlOulré plus haut, les riverains de la voie publique ont sur sou sol et <Jans la
lllêtIJC mesnre que le maître 'du fonds dominant
pent les <lvoir Sllr le fonds privé servant, des droils
de sl.:rvitnùe dont ils ne doivent être privés que
rom cause J'utilité publique et mOJenuant déJo III UlLtgelllcn 1 , il faut reconnaître aussi, d'un au-,
tre côté, qu'ils sont aSlreints à supporter personnellemellt et sans indemnilé toutes les charges et
sujétions qui sont la conséquence nécessaire du régi me mOu nici pal et qni sont d'ailleurs autorisées par
les lois et réglements de police.
Ainsi ils ne pourraient se plaindre de l'établisseUlcnt sur la place publique, d'une foire, d'un mal'·
ché, d'uu spectacle ambuiaut, d'uu lavoir, d'un.
abreuvoir, etc., etc., qui auraien t poureffet de gêner
le passage , d'occasionnel" du bruit on d'autres inconvéuieuts (induction de l'arrêt de la Cour de
Paris du 14 janvier 1833, Sirey, 34-2-{ 1).
Ils ne pourraient pas davantage s'opposer à cc
qlle l'on désignât pour le passage d'un~ grande
roule, une rue de la petlte voirie, malgré l'iQ- \."
commodité de la poussière, de la houe et du bruit.
Ils ne seraient pas mieux fondés à empêcher le
])lacement contl"e leurs maisons ou autres proprié"tés des bornes et inscriptions indiquant avec les distancesla direction des l'antes et,chemins, des numé·
l'OS des habitations et des noms des rues, des appal"cils destinés à l'éclail"age de la voie puhlique, des
i:lffiches que l'administration fait apposer, des
'rOM. Il.
23
�358
TRAITE
hornes-fontaines étaLlies pour l'arrosemen t de la rue
on pour fournir de l'eau aux habitants, etc., etc.
Ils ue pourraient pas non plus réclamer d'indemnité, à raison du dommage momentané que les travaux de rétahlissement on de nivellement de]a voie
publique, de construètÎon d'aqueducs ou d'égoùts
leur occasionneraienl dans leur commerce, lorsque d'ailleurs on ne peu t l~epl'Ocher à la ville ou
comI,ll1lne n~ faute ni négligence.
Lorsque la ville de Paris fit baisser le sol du boulevard Saint-Denis au uiveau de la l'ne basse du
rempart, les propriétaires et locat<lires des magasins qui le bordaient de ce côté intentèrent contre
elle des actions à raison du dommage considérable
qu'ils avaient ressenti de la difficulté pour les acheteurs d'arriver aux boutiques pendant la dmée des
travaux; ils se fondaient principalement sur ce que
l'opération n'avait point été déterminée pai' la né~
cessité et n'était au contraire que de pm' embellissement.
Pour sa défense,la ville disait: en thèse générale,
chacun est maître de faire sur sa propriété toutes les
réparations et améliorations qu'il juge à pr~pos, à lu
charge seulement par lui de se conformer aux réglements de police et de prendre d'aillenrs les mesures
qu'indique la prudence ordinaire, p01ll'~pargneraux
voisins les embarras et les inconvénients qui ne
tiennent pas indispensablement à la nature même
des choses. La voie publique constitue une propriété communale dont l'entretien forme l'un des
�DU DOl\IA.INE PUBLIC.
359
principaux au l'ibn ts t1 u pouvoir mu nici pal. A ce
tiffe, ce pouvoir a le droit d'y faire exécuter les
travaux de convenance ou d'utilité qui lui paraisSent commandés par l'intérêt on le bien-être de la
cité; mais ce droit serait le plus souvent illusoire
si, de sa nature, il n'emportait pas l'obligation
pour les prùpriétaires placés sur la limite de la rue
ou chemin, de se résigne,· à souffrir, sans se plaindre, les désagréments inséparables de l'exécution.
D'une part, cette obligation est une des nécessités de l'ordre social, qui exige qu'en tonte occasion, l'intérêt personnel s'efface et se taise quand
l'intérêt général commande; d'autre part, elle
est, en réalité, beaucoup moins onéreuse qu'elle
ne semble au premier aspect, car la gêne momentanée imposée aux voisins se trouve largement
compensée par les avantages que manque rarement de leur valoir l'amélioration de la voie puhlique.
•
En pareille matière, il n'y a que deux circonstances dans lesquelles le sacrifice imposé à l'intérêt particulier puisse donner lieu à une actiou en
indemnité: la première, c'est lorsque l'administration n'a pas usé des précautions convenables
pour alléger, autant que cela dépendait d'elle, la
condition fâcheuse des riverains; la deuxième,
alors que les travaux entrepris viennent à envahir
quelque portion de la propriété particulière ou la
privent à perpétuité de quelques-uns .des droits
rentran\ dans la destination de la voie publique (lt
�360
TllAITÉ
qui, par suite, constituent de véritables servitudes
actives. Au premier'cas, l'administration est dans
son tort; elle a commis une faute, et, aux termes
de l'art. 13~b du Cod. civ., elle ne saurait liC dispenser oe la réparer; Jans le second, la question
est littéralement régie par l'arl. 545 on même Cod.,
qui veut que nul ne puisse être privé desa propriété
ou des droits rél'ls qui en dépenUent, sans une
juste et préalable indenlnité. Hors ces lleux hypothèses, l'administration municipale, en se livrant
à des travaux d'entretien ou J'amélioration sur la
voie publique,jàit plus qu~userd~undroit légitime : elle obéit à un devoir ,impérieux ~ et il
1'êpugne aux notions les plus vulgaires de justice
que les~riverains dont les intérêts auraient été un
instant froissés , mais qui recueilleront plus tard
le fruit Je ces soins, puissent être foudés à réelamer un déJoITlmagement. Il résulte, au surplus,
d'un arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier
1826 (Sirey, 26-1-267), que pOlir qu'il y aitlieu à
indemnité même' dans l'hypothese d'un dommage matérieL et permanent ~ il fatll, tout à la
fois, que' la propriété du réclamant ait subi une
notable dtJpréciation et que cette dépréciation .
ne se trouve compensée par aucun ayontage.
Màlgré ces raisons, le tribunal dc première instance et la Conr royale de Paris accordèt'ent une
indemnité; mais la décision de celle Cour a été
cassée par arrêt Je la Cour régulatrice du 12 juin
1833 (Sirey, 33-1-604), donl les motifs, parfilÎtc,
�DU DOlVIAINE PUlILIC.
361
ment conformes aux vrais principes, sont ainsi con-,
çus : cc Attendu que les travaux exécutés par la ville
J, de P:lris , l'ont été sur la voie publique; que la
" ville de Paris y avait été autorisée par l'autorité sun périeure;-qne chaque habitantd'une commune
), doit S\1 pportP-1' personnellp-ment et sans indemnité
" tOlltt's les charges et sujétions qui sont la consé" qnence nécessaire du régime municipal et sont
" çl'ailleurs autorisées par les lois et l'églemel'lts de.
" police; - que le nivellement des rues et voies
» publiques des villes tient à la sûreté des commu" nications et à la salubrité des habitations ;-que
" les pertes qui résultent momentanément de l'in" terruption des circulations pendant les travaux,.
" se trouvent compensées par l'avantage qui t'st la,
" suite des travaux mêmes ;-que la ville de Paris, .
" n'a fait qu'user de son droit; - que l'arrêt ne
" constate point qu'elle en ait llsé sans se confor-,
» mer aux lois; - que, celui qui a usé de son
" droit, sans qu'il y ait à lui reprocher aucune
" faute, n'est tenu qu'à la réparation du dommage
" matériel que les travaux ont pu causer à autrui;
" - qne la Cour royale de Paris, en condamnant
"
ville de Pa ris à dédommager par état les pro- .
" priétaires ou locataires qui ont souffert de l'exé" cution de travapx par elle entrepris pour le ni" vellemen t cl u boulevard Saint-Denis, sans avoir
" égard aux avantages que ces tl'avaux peuvent
~ leur procurer, a fait une fausse application de
" l'art. 13lh Cod. civ. et ouvertement violé l'art.
�36~
TWTÉ
~) 3, tit. 2 de la loi du 24 août
1790 et l'art. 544
" Cod. civ. - Casse, etc. »
Dans une seconde affaire pareille, à laquelle la
même opération de nivellement a donné liell, la
Cour de Paris s'est déclarée incompélenle par le
motif qu'il s'agissa~t d'une demamle en illlle III 11 ilé,
Don pour expropriation, mais pour simples dOlllmages temporaires apportés à nne propriété d,\L1S
l'exécution de travaux d'utilité pnbliq"c (affaire
Lointier. - Gazette des Tribunaux du './10 ju.in.
1834). Nous examinerons plus bas cette question
de compétence.
La TROI'SIÈME conséquence dérivant du printipe
que les droits d'issue qu'exercent ks riverains snI'
la voie publique constituent une servitude proprement' dite, est que s'il y a au bord de cette voie
un fossé ou uu aqueduc à· traverser pour arriver à
leurs> héritages , c'est àeuxà fa~re les ponts, attendu
qu'aux termes de l'art. 698 du Cod. ci\'. , les ouvrages nécessaires pour user d'un,e servitude et pour
la.conserver sont aux frais de celui à qui elle est due
et non à ceux du propriélàire assujetti, à moins
que le titre ne dise le contraire; c'est par suite de
cette disposition quedans son arrêté du 8 jUill 1 7,
approuvé par le ministre de l'intérienr le 26 du
même mois, M. le préfet de la Côte-d'Or il inséré
sous le nO 93 l'article suivant: cc Lorsque les che}). mins seront hol'dés par des fossés ou rigoles
" que l'administration aura Eiit exécutel' pOUl'I'é" coulement des eaux, les communications entre
�DU DOMAINE PUBLIC.
363
ces chemins et les propriétés voisines ne pourl'ont être établies que par des ponceaux ou des
;» madriers jetés sur ces fossés et non par des l'eV!» bIais. L'étahlissement et l'entretien desdits
» ponceaux seront à la charge des proptié» taires intéressés. Ces ponceaux ne pourront
» être établis qu'en vertu d'un arrêté du maire,
» qui en fixera les dimensions.» Des dispositions
analogues se trouvent dans la plupart des arrêtés
pris en exécution de l'art. 21 de la loi du 21 mai
»
»
I~36.
1
J.Ja QUATRIÈME conséquence, enfin, consiste en ce
que les propriétaires de maisons ou autres héritages
joignant un chemin seraient recevables à agir ou à.
défendre ut singuli en justice ordinaire pour revendiquer OU conserver les droits de vue et de passage SUI' ce chemin, s'ils venaient à en être privés
par le fait d'un tiers.
Cette proposition ne saurait d'abord faire la ma~
tière du plus légel' donte si la contestation portait,
non sur l'existence du chemin, son caractère de
voie publique et sa propriété au profit de la commune, mais simplement sur le droit de jouissance
et d'exercice de la servitude de la part du voisin.
Dans un cas semblable, non-seulement ce dernier, mais encore tout autre habitant de la commune q"li n'aurait aucune propriété joignant immédiatement, pourvu cependant qu'il y eût intérêt,
pourrait intenter en son nom personnel l'action,
parce que devantavoir,comOle habitant, l'usage des
�36t1.
TRAITÉ
chemins, il se présenterait dans l'instance pour
l'exercice d'un droit qui lui serait propre, el. (Lms
la revendication duquel il agirait pour lui-Olèl1Jc et
deviendrait contradictenr légitime; c'est ce (p/enseigne, par rapport aux biens commnnaux en général, M, Proudhon ( Traitédes droits d'usuj'ruit,
etc.} tom. 6, nO 2S76 de la l n édit., et tom. S,
nO 7~h de la secollde ), dont la doctrine est exactement conforn1e à celle d'un arrêt du conseil d'état
du 27 novemhre, - 2. décembre 1814, inséré au
bulletin des lois (se série, B. 57), et qni est ainsi
conçu: cc Considérant que, lorsqu'un bien est re~ connu .comrnun~l ,qu "1
\ ne s' e'l'eve aucune con~). tt!station &\)r la propriété dela commune, chaque
)~ hahitan~ a un droit personnel à la jouissance de
» ce bien, et peut, par conséquent, ainsi que l'a
» décidé le décret du 9 brumaire an XIII, intenter
» en son nom privé les actions relatives à l'exer" cice de ce droit; mais qu'il en' est autrement
» pour Jes actions qui concernent la 'propriété de
~). hiens communanx; qu'il est évident en effet que
~). ce~te propriété appal'lient non à chaque habitant
» en particulier, mai& à la commune en corps, à
» l'être moral connu sOllscette dénomin:l tion; cl' où
») it suit: 1 ° qne le& actions qui tenden t à la reven» dication d'un bien communal sont du nombre de
» celles qui, aux termes de la loi du 29 vendémiaire
» an v, intéressent uniquement les communes;
» et 2° que,d'après la même loi, cesactionsnepcu-
�DU DOMAINE PUBLIC.
365
" vent être intentées que par les administrateurs
» chargés de veiller aux. intérêts des communes. »
Les mêmes principes se trouvt'nt sppcialement
appliqnés aux chemins Jan~ le Traité du domaine
public du mê!lle auteur (infrà, nOS 644 et suiv.), et
ont été au surplus consacrés par denoulbreux arrêts
(a),dontun,àla date du 16 jllillet 1822,émanédcla
Cour de cassation (Sirey, 23-1-73),établit nettement la distinction entre le cas où ll~ fond du lirait
est contesté et celui où il est reconnu. cc ALtt'l1lln,
" en droit, portent les motifs, que dans les con" testations qui s'élèvent SUI' les propriétés et au" tres droits prétendus communaux, il t'lUt dis» tinguer le cas où le' fond du tlroit est contesté
» en lui-même, d'avec le cas où le foud du droit
» étant reconnu et avoué, on n'en refuse l'exer" cice qu'à tel ou tel autre parmi les habitants Je
» la commune; que'si, dans ce secolld cas, s'agis» sant d'un droit particulier et individ nel de ces
» habitants, ils peuvent agir individuellement cn
» lcu'r privé nom, cl de leur propre chef, uti sin" guli, il n'en est pas de même dans le premier cas
" où, s'agissant d'un intérêt général, appartenant
(a) Arrêts de la Cour de Paris du 18 juillet 1814 (Sirey,
15-2-63), de celle de Lyon du 15 juillet 1828 (Sirey,
~9-2-222), d'Agen du 15 décembre 1R::l6 (Sil'('j~ 37-2-142),
et de la Cour de cassation des 2 fevri.'r 1820 (Si,'ry. 20-1-241),
25 juillet 1826 (Sirey, 27-1-194), et 15 juin 1829 (Sirey,
29-1-359 ),
�366
TRAITÉ
au corps moral tout entier, c'est à ce même
n corps moral lout enlier de le faire valoit, par le
» ministère de ses représen tanls, el les 'habitan ts
. ,.
.
» ne peuvent agll' qu utz unlverSI. "
La proposition que nous avons établie ci-dessus
ne saurait faire plus de difficulté dans Je cas même
où Je droit de propriété de la commnue sur le chemin serait le point principal et unique de la contestation.
Dans celte seconde hypothèse, il faut distinguer
entre le simple habitant, qui n'invoque que le droit
social appartenant par sa nature au corps moral de
]a commune dontil n'est point le représentant, et
le propriétaire d'une maison on de tout autre héritage attenant à un terrain (IU'il soutient être un
ancien chemin public et qui par conséquent fonde
son action sur une cause à lui propre et personnelle
et non sur sa seule qualité de membre de la commune. Jouissaut, comme nous l'avons dit, des
droits de vue et de passage sur la voie publique à
titre de vraie servitude, il n'y a auélme fin de non
recevoir à lui opposer lorsqu'il en revendique
l'exercice, parce que ces servitudes étant inhérentes à I)on fonds, il ne fait, en les réclamant,
que revendiquer l'intégralilé même de ce fonds;
c'est comme propriétaire de SOI1 héritage,' et non
comme ha}>itan t du lieu, qu'il agit.
Peu importe qu'en demandant à jouir d'un droit
de servitude réelle sur un terrain voisin dont le
caractère et la destination sont contestés, il soit
»
.
�DU DOllAINE PUBLIC.
367
obligé pour parvenir à ses fins d'alléguer que ce terrain est une voie publique. Il ne faut pas en effet
confondre la chose revendiquée avec le llloyen employé pour en exercer la revendication; il suffit que
le droit prétendn ne soit pas un droit communal,
mais seulemen t llU droit privé, et qu'il soit fondé
sur une cause particulièrement acquise au réclamant, pour que l'action de ce dernier soit admissiLle. En offrant de prouver que le terrain sur lequel
il prétend exercer sa servitude de vue ou de passage est un chemin public, le propriétaire riverain
n'excipe réellement pas du druit de la commnne;
il ne demande toujours que ce qui lui appartient
en propre, et ne réclame (loin t pour lui-même
l'adjuJication d'un bien communal; son action a
pour objet unique une servitude privée don t la cause
lui est propre et étrangère à toute autre.
Ces principes, qui résultent des lois première
ff. de lods. et itiner. public. et 1 re, S3, eodem,
de viti public., sont enseignés par M. Proudhon
( Traité du domaine puhfic , irifrà, nO 649), ct
ont été consacrés par divers arrêts, notamment de
la Cour d'Agen, du 30 mars 1824 (Sirey, 26-2-1),
et de la Cour de cassation, des 12 février et 20
juin 1834 (Sirey, 34-1-190 et 566).
.Dans l'espèce de l'avant-dernier de ces arrêts, un
sieur Folliet avait fermé par une hal'l-ière nn chemin
qu'il soutenait dtre sa plopriété exclusille et
que la commune prétendait, de son Cillé, d{re
public; le maire ordonna l'enlèvement de la bar~
_
�368
TRAITÉ
rière, COmme portant obstacle à la libre circnlatian, et, en même temps, nne dame Va nderveken,
propriétaire d'un bois, pour l'exploitation duqnel
le chemin en question était spécialement nécessaire, forma contre le sieur FoUiet une action'
tendante à être maintenue dans la jouissance du
chemin. Le défendeur opposa à la demanderesse
une fin de non recev\.)ir prise de ce qu'elle ne
pouvait se prévaloir, en son propre et pri vé nom,
d'un droit communal qu'il déniait; le tribnnal de
première instance et la Cour royale de Paris ayant
rejeté ce moyen" le sienr Folliet se ponrvllt en
• cassation pour violation de l'art. 1er de la loi tIn 29
vendémiaire an v, en ce que l'arrêt avait décidé
qu'un simple habitant d'une commune est recevable à exciper d',un droit communal pour s'en
faire altribuer l'usage sans l'iutel'vention du maire,
bien, cependant, que cet administrateur soit seule
partie capable pour réclamel' en justice les droits'
communaux, alors surtout qUI", comme ici, le
droit de la commune est formellement contesté;
il invoquait à l'appui de son pourvoi divers arrêts
de la Conr suprême et notamment un du I l juillet 1~h6 (Sirey, 27-1-194); mais le rejet fut prononcé par les motifs suivants:
<c Attendu que s'il est vrai qu'un droit ~ommu
" nal ne peut être l'objet d'une discussion jlldi.
" ciaire, en l'absence de la commune, il est vrai
» aussi que nul individu ne peut se ptwmettre de
» barrer un chemin public, et que le riverain
�DU DOMAINE PUllLIC.
369
que l'on veut empêcher de passer a le droit
» individuel de fnire ouvrir le passage qui est à
» l'usage de tous; qu'en pareil cas, le droitcom» lU nnal n'esl pas mis en question; qne les droits
» de la commune et des parlies n'en reçoivent
» aucune atteinte el sont réservés; - attendu que
» dans l'espèce il s'agit seulement d'une action
» individuelle pour un passage iudividuel, sur
» une rue publique à l'usage de toule la com·
er
» mune; J'où il résulte que loin de violer l'art. 1
» tle la loi du
vendémiaire an V , l'arrêl attaqué
» a fi.tÎl, au contraire, une juste application des
)' principes de la matière. »
L'arrêt de la même Cour, du 11 juillet 1826"
invoqué par le sieur Folliet, ainsi qu'un plus récent
du 31 mars 1835 (Sirey, 35-1-769), ne sont
point en opposition avec les principes ci-dessus,
en ce que, ,dans l'espèce du premier, les hospices
de Dieppe, comme le déclare l'arrêt, ne prétendaient pas avoir un droit de servitude à cux.
propre sur la ruelle; leurs bâtiments ne la bordant
point, à cc qu'il paraît, et en ce {)ue, dans celle
du second, le terrain litigieux ne faisait point
partie de la voie publiquc, ainsi que le remarque
l'arrêtiste, el était au contraire possédé par la
dame Treutell.
Cette question, sur laquelle 110US avons cm '
devoir insister, parce que sa discussion sert à confirmer le principe posé plus hant, a moins d'intérêt
depuis la promulgation de la loi du 18 juillet 1837,
»
;9
�310
dont l'art. 49, 3 e et 4c alinéas, porte: cc Tout
» contribuable inscrit au rôle de la commune a le
» droit d'exercer, à ses frais et risques, avec l'au» torisalion d li conseil de préfecture, les actions
» qu'il croirait appartenir à la commune ou sec» tion, et fjue la commnne on section, préalable» ment appelée à en délibérer, aurait refusé ou
» négligé d'exercer. La commune ou section sera
" mise ('n cause, et la décision qui in terviendra
» aura effet à son égard. »
Au moyen de cette disposition qui, dans certains
cas, préviendra la perte de propriétés ou droits
C011lrllunaux compromis par la négligence ou la
collusion des représentants des communes, mais
qui am.si pourra en faire perdre d'autres en facilitant intempestivement l'exercice d'actions que la
prudence eût conseillé de différer, au moyen de
cette disposition, disons-nons, la distinction entre
les actions communales qu'un particulier peut ou
ne peut pas intenter, disparah ou du moins n'a plus
d'importance que par rapport à l'accomplissement
des préliminaires exigés par l'art. ci-dessus et qni
consistent dans une délibération négative du COIlseil municipal, une autorisation du conseil de
préfecture et un mis en cause de la commune.
511. Après avoir expliqué la nature et l'étendue des droits des riverains sur les voies publiq ues,
il nous reste à examiner devant quelle juridiction
ils devraient po~ter leur action dans le cas où ces
�DU DOMAINE PUBLIC.
311
d l'oitslenrsel'aien t enlevés ou contes~és,comme aussi
dans tous ceux où pal' suite des travaux d'établissemeu t d'amélioration on de réparation des chemins
ou rues, ils éprouveraient dans leurs propriétés des
dommages permanents qui en déprécieraient la valeur, sans qu'il y ait eu cependant dépossession
directe et matérielle du sol.
Comme nous l'avons déjà remarqué, la loi qui
s'est occupée des trois hypothèses de l'expropriation du sol pour création ou redressement des
'chemins (al'l. 16), deÏ'anticipation sur les fonds
voisins pour leur l'élargissement (art. 15), et de
l'occupation temporaire ou de la fouille de ces
mêmes fonds pour leur réparation et leur entretien
(art. 17), a entièrement passé sous silence la quatrième qui nous occupe actuellement, et qui cependant n'est ni la plus rare, ni la moins grave, ni
celle qui, par la diversité des faits qui la constituent, présente le moins de difficultés.
Dans ce cas, l'action en indemnité devra-t-elle
être portée devant le jury spécial; sera-t-elle an
contraire de la compétence des tribunaux civils investis de la plénitude de la juridiction; ou enfin
rentrera-t-elle dans les attributions des conseils de
préfecture, juges d'exception, il est vrai, mais cependant chargés en général de tout ~~ contentieux
ad.ministratif ?
Et d'abord, en faveur de la compétence du jury,
on peut dire que d'après la loi du 16 septembre
�372
TRAITÉ
1807 Ca), toutes les atteintes portées directement
ou indirectement à la propriété foncière, expropriation proprement dite ou dommages soit permanents, soit temporaires, rentraie!?t dans les attributions des conseils de préfecture; que la loi du
8 mars l~h 0 a eu pour but de substituer les trihnni1ux civils aux tribunaux administratifs pour
tOlites les questions relatives à la propriété; que
cela résnlte de l'exposé des motifs de cette loi, par
IVI.. Berlier, dans lequel on lit: cc En réglant ce qui
» est relatifaux expropriati~ns pour cause d'utilité
» publiqne, l'on n'a pas dû comp.'endre dans ce ca» dre déjà assez vaste, des objets qni lui sont étran» gers. De ce ~enre sont les occupations de terrain
» que commanderaient dcs circonstances fortuites,
» telles que la rupture d'une digne, la submersion
) d'une ronte ou d'autres accidents de celle na» ture. Là les mesures doivent être promptes, ct
(l{) Depuis la séparation sagement opérée I)ar l'assemblée
constituante, dès la fondation du régime constitutionnel en
France, entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif,
c'est à ce dernier qu'en !\,énéral a été dévolue la connaissance des
indemnités pour dommages occasionnés par les travaux publics.
Voyez les art. 1 et 8 du décret du li'juillet 1790,4 de celui
des 6 et 7 septembre suivant, et 4 de la loi du 28 pluviôse an 8 ;
la loi de 1807 n'a fait que régler par ses art. 56 et 57.un
mode pour leur fixation; l'III' a en même temps élargi les attributions du conseil de préfecture en déterminant l'étendue de
l'action à laquelle la propriété est soumise de la part du gouvernement, à raison des tranwx, déclarés d'utilité publique.
�373
DU DOMAINE PUBLIC.
l'on ne saurait prescrire l'emploi de beaucoup
de formalités pour des cas aussi urgents; mais
» ce ne sont pas des mesures de cette espèce, fOI'» tuites ou momen tanées, que l'on peu t assimi.
» 1er aux expropriations, objet de votre délibéra» tion actuelle. » Qu'aussi toUles les lois survenues (lepuis s'en sont toujours référées à celle du 8
mars 1810 pour le réglemen tdes indem nités de dommages ou de privations de servitudes qui ne cpnstituent point de véritables expropriations, comme
on. peut s'en convaincre en recourant aux art. 15
de la loi du 17 juillet 1819 relative aux servitudes
militaires; 3 , S 3 de celle du 15 avril 1829 sur la
pèche fluviale; 13 et 14 de celle du 30 mars l~nl
sur les travaux urgents des fortifications. Que ce
point une fois admis, l'art. 67 de la loi du 7 juillet 1833 disant que cc les dispositions de la présent~
:" loi seront appliquées dans tous les cas où les lois
" se réferent à celle du S mars ISla, » a, par là,
nécessaire men t transporté au juI'Y les attributions
dont les tribunaux civils avaient hérité des conseils'
de préfecture par l'effet de la loi de 1810; CIue la
juridiction du jury est si pen restreinte à la seule
évaluation du sol même de la propriété fonciere,
que sa décision doit comprendl'e, avec la valeur
matérielle de ce sol, les dommages causés par sa
distraction, au surplus de l'héritage; que c'est dans
ce sens que se prononcent MM. de' Cormenin
(Questions de droit administratif~ tom. 3,
pag. 129, 4c édit.~ et tom. 2,pag. 229, 5e édit.),
»
»
TOM. II.
24
�374
TRAITÉ
Stourm et Gi)lon (Cod. des municipalités,
pag. 1 13 et 115), et CoteHe (Cours de droit aclministratij~ tom. 2., pag. 533 et suiv., 2 e édit.).
Nonobstant ces raisons et ces autorités, nous estimons qne la demande d'indéninité pour dommages, dépréciation, perte de servitudes actives ou
assujettissement à des servitudes passives, formée
principalement et indépendamment de l'expropriation proprement dite du fonds, ne doit point
être soumise au jury. Afin de justifier cette opinion, nons croyons devOir rapporter les motifs
par lesqt ds nons la soutîmiles dans une espèce
.
'b'len qu "1
• d' li n cours (l' eau,
10 ,
tcressan te ou,
1 s' agIt
la question ne s'en pré~entait pas moins avec un
caractère de généralité qt;i'en rend la discussion et
la solution applicables aux matières de voirie.
La ville de -Dijon, assise sur un terrain d'alluvion, manquait de bonne eau potable; depuis des
siècles ses magistrats préoccupés des moyens d'en
procurer une quantité suffisante, non-seulement
pour les hesoins personnels des habitants, mais
encore pour nettoyer un vaste égoût de plus de
1300 mètres de longueur qui la traverse, avaient
fait étudier divers projets dont aucun n'avait reçn
d'exécution soit faute de ressources, soit à cause
des imperfections qu'ils présentaient; un habile
ingénieur, M. Darcy, étant parvenu, après de longues études, à résoudre de la manière la plus complète et la plus satisfaisante le problème, il intervint
le 31 décembre 183711ne orrlonnance T'oyale qui, en
�DU DOUAINE PUBLIC.
3'15
permettant à la ville de dériver :111 moyen d'un
aqueduc en maçonnerie une fontaine abondante
appel~e du Rasoir, située sur la commune de
Messigny, l'autorisa à acquérir les terrains nécessflirt's pnr voie amiable ou, à défaut, par expropri'l tion forcée, en vertu de la loi d Il 7 juillet 1 ~b3.
I./aceJ'lednc ,d'une longueur de 12,695 mètres sur
une section d'nn demi mètre carré, commencé le
21 llIars dB9, fut entièrement terminé le 6 septembre 1840, ct à partir de ce jour amène dans la
ville U11 volume d'eau variant selon les saisons de
--- qui depuis,
4,600 litres à 12,000 litres par minute
a éte dislribué en bornes-fontaines et jet d'cau
dans les rues, les places et les promenades.
Le détournernent de cette eau, qui auparavant
se déversait immédiatement dans la rivière de Suzon, ayant diminué la force motrice des usines
établies en aval, les propriétaires de deux J'entre
elles, situées à Messigny et à Ahny, aetionnèrent
la ville en indemnité devant le tribunal de première
instance; un troisième, le sieur Limonnet, dont le
moulin n'est qu'à 800 mètres de la source, prit
llne autre marche et, par une pétition du 14 dé·
cembre 1840, il s'adressa à M. le préfet de la Côted'Or, en lui demandant d'arl'êter que la ville serait
tenue de rendre la fontaine à son cours naturel,
jusqu'à ce qu'elle eùt fait prononcer par le tribullal l'expropriation du cours ~'e:lu et qu'elle loi
eût payé l'indemnité qui serait réglée par le jury,
indépendamment de celle prononcée le 1 er aoùt
�376
TRAITÉ
précédent au profit du propriétaire du sol d'où
la source jaillit Ca).
C'est en réponse à üette demande qui nous fllt
communiquée par M. Je préfet, pour y fournir les
exceptions qne la ville pouvait avoir à proposer,
que dans nn mémoire où diverses autres questions
relatives à la forme et an fond étaient disc:utées,
nous présentâmes sur le point spécial qui nous occupe, les observations suivantes:
cc La solution, di~ions-nous., dépend entièrement de la nature des droits qui appartienuent aux
propriétaires d'usines inférieures, sur l'eau qui les
met en mouvement après avoir. traversé les héritages supérieurs. Il faut donc examiner l'étendue
et le caractère de ces droits. L'eau courante, considérée comme fluide et abstraction faite du canal
ou lit qui la contient, n'est point susceptible
d'être possédée privativement et ne constitue pas
Ca) Dans le système du sieur Limonnet, d'après lequel le
cours d'eau qui alimente ion usine constituait un immeuble
susceptible d'expropriation, c'était effectivement à l'autorité
administrative ·qu'il devait s'adresser pour en obtenir 1'ol'dre
de discontinuer les travaux; ~'est ce qui a été jugé par trois
arrêts du conseil d'état des f4 octobre 1836 et 30 décemb're
1841 (Sirey, 37-2-124, et 42-2-232). L'autorité judiciaire ne
serait compétente pour maintenir en possession qu'autant que
les ouvrages faits sans expropriation préalable ne seraient pas
compris dans les devis ou tracés de l'administration; ici, la
dérivation des eaux de la source du Rosoir·était formellement
autorisée par l'ordonnance royale du 31 décembre 1837.
�DU DOMAINE PU13LIC.
377
une propriété privée; comme le dit M. Proudhon
dans son Traité du domaine public, nO 1276:
cc L'eau courante, toujours en mouvement, tou>~ jours changeante dans sa position, toujours plus
» ou moins indocile et souvent indomptable dans
» ses écarts et dans la direction qu'elle se donne,
» est, par son essence même, placée au-dessus
» des règles pacifiques de la propriété.... , et son
>~ usage ne peut jamais être, par lui-mêmfl, un droit
» exclusif de propriété pour persoune. » Elle
. doit évidemment être rangée dans la classe des
choses communes ( res communes) établie par
les lois romumes, ct actuellement dans celle des
choses qui n'appartiennent à personne et dont
l'usage est commun à tous, dont parle l'art. 714
du Code civil.
» A la vérité, quand l'e·au courante est parvenue sur un fonds, le propriétaire peut y exercer
certains droits, tels que ceux de prise d'cau, de
pêche et autres, qui sont d~une certaine valeur;
mais ces droits ne son! pas ceux de propriété foncière: ce ne sont que des droits d'usage, d'usufruit ou de servitude, comme le disent tons les
auteurs; c'est-à-dire des droits incorporels essentiellement distincts de la propriét.é foncière, et
qui, à la différence de celle-ci, ne pourraient être
isolément l'objet d'une vente ou d'une expropriation forcée. Cette distinction se trouve parfaitement établie dans l'art. 1 er du décret du 22 février 1813, COllcernan t la police et la conservation
�378
TRAITÉ
des canaux de Loing et d'Orléans, et par lequel
il est dit que toutes les eaux qui tombent naturellement ou par l'effel de"s onvr<lges d'an, dans
lesdits canaux, sont ·entièremen t à leur disposition,
nonobstant toute jouissance ou usage contraires,
tandis qu'il devrait êtle procédé confornlément à
la loi du 8 mars 1810, s'il s'agissait de s'emparer
de terrains, maisons on usines. Ce décret fait,
comme on le voit, une grande diffërence entre la
prise des eaux d'une rivière, sans occupation du
terrain d'autrui et l'occ'upation de ce terrain. Dans
le premi.er cas, il n'y a aucune formalilé à l'cru plir;
dans le second, où l'on attente à la propriété foncière, il faut suivre toutes les formes tracées par
la loi sur l'exproprialion.
:» Le droit des propriétaires inférieurs sur les
eaux qui traversent les fonds supérieurs n'étant,
surtout lorsque ces eaux ne sont point encore
parveplles sllr leurs héritages, qu'un simple droit
incorporel placé expressément au nombre des
servitudes naturelles par l'art. 644 du Code civil,
il en résulte qu'il ne peut y avoir lieu à l'expropriation proprement dite, qui n'a été établie que
pour les cas où il y a mutation de propriété fonciere. En effet, suivant le systême de nos lois promulguéesavantcelle du 7 juillet 1833, toutesJes
entreprises sur la chose d'autrui, quels qu'en
fllssent l'objet et J'étendue, qu'il s'agît de l'occupation perpétuelle du terrain ou de la suppression
d'un droit quelconque, se réduis<lient en une
�DU DOMAINE PlffiLIC.
379
indemnité fixée par experts et définitivement réglée soit pal' le conseil de préfecture, soiL par le
tribunal civil; mais celle loi ayant dérogé à ce
systême, en ce qui touche aux expropriations d'héritages, soumises à l'appréciation d'un jory spécial,
et les dérogations ne devant pas être étendues audelà des cas pour lesquels elles son t établies, il
s'ensuit qne pour toutes espèces d'indemnités,
aul l'es que celles relatives à l'expropriation du fouds
mèlIJe, l'Iles continuent à être réglées par voie
d'expertise et non en vertn de la loi de 1833.
Aussi est-il généralement admis, aujourd'hui, que
la suppression d'une servitude, ainsi que les simples
dommages même permauents, ou la dépréciation
de valeur, ne donnent pas lieu à l'application de
cette loi dont plusieurs des dispositions, telles que
celles des art. 2, 4, 11, 14, 29, 1:>3, concernant
les plans, les extraits de matrice cadastrale, les
enquêtes, la prise de possession, etc., ne pourraient
recevoir d'exécution en ce qui concerne des droits
incorporels, aLstraction faite du fonds sur lequel
ils portent. Telle est, notammen t, l'opinion de
M. Delalleao, dans son Traité d~expropriation
pour cause d~utitité publique, nOs 22 et 42; de
Proudhon, Traité précité, nOS ":115 et 837'
» Celle vérité a été aussi consacrée par la jurisprudence des Cours et du conseil d'état, très-divergeIlte, il est vrai, SOI· la question de savoir si
c'est par les tribunaux administratifs ou par l'autorité judiciaire que doit être réglée l'indemnité;
�380
TRAITÉ
mais parfaitement d'accord SUl' ce point, qu'il u'y
a lien, dans tous les cas, qu'à indemnité et nou à
expropria lion dans la forme prescrite par la loi
de 1833. Entre autres arrêts, on peut citer ceux du
conseil d'état, des 2.4 octobre 1821,22 janvier 1823,
24 mars et 7 avril 1824, ]7 avril ]834 et 3 février
1835; ceux des Cours royales de Bourges, dn 28 février 1832 (Sirey" 32-2-667); de Rennes, des 1 er
février et 17 mars 1834 (S., 35-7.-281); d'Angers,
dn 28 janvier 1835 (S., 35-2-279); de Paris, du
1 el' août suivant ( S., 35-2-401 ); de Colmar, du ] 4
août J 836 (S., 37-2-66) ; de Douai, du ] 1 février
1837 (S., 37-2-366); de Dijon, dn ]7 août ]837
(S., 38-2-19); de Riom, du 23 mai 1838 (S.,
39-2-305); de la Cour de cassation, des 12 juin
]833 (S. , 33-1-604); 9 décembre 1835 (S ,36-167) ; 23 novembre 1836 (S., 36-1-89°); 23 et
30 avril i 838 (S., 38-1-464 et 456); enfin
celui très-précis de la Cour de Lyon, dn 1 er
mars 1838 (S., 39-2-47°), dont les derniers
motifs sont ainsi conçus: « Attendu que la loi
~~ d~l 8 mars 18. 0, en rendant anx tribunaux ordi=» naires la question de propriété en matière d'ex» propriation pour canse d'utilité publique, leur
» a de fait rendu avec elle les questions de répara» tions dp. dommages qui participen t de leur nature
'» et n'en sont qne l'accessoire; attendu que }'éco» nomie générale et les dispositions particulières
') de la loi du 7 jnillet 1833 démon trent que le
» jury spécial, cànstitué par cette loi, n'est appelé
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
»
381
à connahre que du réglement de l'indemnité
préalahle à payer en cas d'expropriation de la
propriété privée pour cause d'utilité publiqllè;
qu'aucune des conditions nombreuses qui doivent
» précéder la convocatiori de ce jury spécial ne se
» rencontre dans les cas d'appréciation d'un simple
» dommage qui dès-lors restent dans les termes
:l> du droit commun et dans la compétence des
» tribunaux ordinaires. » •••••
» La raison de la différence entre les deux cas,
l'expropriation d'un immeuble réel et le simple
dommage on la suppression d'un lIroit incorporel,
est d'ailleurs facile à saisir; elle n'a rien d'arbitraire et résnlte de la nature et de la force même
des choses. Dans le premier, il ya occupation et
envahissement complet de la propriété; dans le
second, il n'y a que préjudice ou diminution de
valeur sans que le propriétaire cesse de posséder le
fonds; quelque utile que puisse être un ,droit ou
quelque grave que soit un dommage, la valeur de
l'un ou de J'autre n'équivaut jamais à celle de la
propriété même. Dans l'expropriation, les fonds
qui en sont frappés sont toujours parfaitement connus et déterminés, leur valeur est constante ou au
moins facilement appréciable; on peUL donc aisément fixer l'indemnité avant l'exécution des travaux, puisqu'au moyen des plans on con,nait à
l'avance ceux qui seront pris et en quelle quautité;
en fait de dommage, au contraire, il est souvent
impossible d'apprécier s'il y en aura, quelle en
»
»
�38~
TRAm;;
sera l'étendue, quels seront les héritages qui les
éprouveront et d'après quelle pl'Oportion. Dans Hnc
hypothèse tout est fixe ct limité, aucune question
préjudicielle ne peut surgir; la matrice cadastrale
indique le propriétaire et démontre son droit à
l'indemnité. Dans l'autre, au contraire, tOllt est
inconnu, indéterminé ct subordonné à une question de droit ou de fait dont le jury, seulement
chargé de l'estimation, ne pent connaître et qui
devrait être préalablement décidf;e par les tribunaux civils. Ponr ne pas sortir, par exemple, de
notre espèce, la ville de Dijon a connu à l'avance
que 560 parcelles de terrain seraient traversées
par l'aqueduc SUI' des longueurs, des largeurs et
dans des points calculés et indiqués avec précision,
de sorte qu'elle a su avec qui traiter ou contre qui
elle devait diriger son expropriation; tandis que
s'il s'agit de simples dommages, comment connaître
les individus qui pourraient être dans le cas d'en
ressentir et surtout ceux qui seraient fondés à s'en
plaindre? Le propriétaire du moulin d'Ahuy, à
l'usine duquel ne parvenait que rarement l'eau
de la source du Rosoir, distante de plus de
5,400 mètres, réclame bien aujourd'hui une indemnité; il n'y a pas de raison alors pour que
tous les propriétaires d'usines situées en a~al de
Dijon, jusqu'à la Saône, n'en demandent aussi.
Il n'y a pas de raison non plus pour que des
propriétaires de fonds qui ne joignent pas immédiatement la rivière de Suzon, mais qni en sont
�DU DOMAINE PUIlLIC.
383
ne préteuJen t souffrir du détournemen t
des eaux de la fontaine; il n'y a pas de raison anssi
pour que des personnes, qni n'ont encore aujour.
d'hui reconnu aucun préjudice, ne croient plus
tard en éprouver et ne soient dans le cas de se
pourvoir. Faudra-t-il donc que la ville, avant de
prendre possession de l'eau, entre en discussion
avec tous les intéressés présumés, intente contre
eux on ne sait quelle action négatoire ou fasse
régler avec tous, par des jurys, le montant d'indemnités dont elle aurait'plus tard à contester le
principe devant les tribunaux eivils. Presenter les
conséquences d'un 'pareil systême, c'est suffisamment le réfuter: car c'est en démontrer l'absurdité.
» Maintenant que l'indemnité en cas de simple
dommage ou de dépréciation de valeur, doive être
réglée par les tribunaux civils, comme l'ont décidé
les al'l'êLs de Cours royales ci-dessus cités, ou
qu'cHe le soit par les eonseils de préfecture aux
termes des art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII
et 55 de celle du 16 septembre 1807, ainsi qne le
juge le conseil d'état, c'est là un point de compétence que je n'ai aucun intérêt à examiner actuellenlent et que, par conséquent, je ne discuterai
pas. La seule chose que je voulais établir et qui me
paraît suffisamment prouvée par ce qui précède,
c'est que d'une part, eltjait)e sieur Limonnet n'a
été jusqu'ici et ne sera pas davantage à l'avenir,
dépouillé d'une propriété foncière quelconque;
VOlSlOS,
�384.
TRAITÉ
qu'il est possible seulement que son usine éprouve
une diminution dans sa force motrice et par suite
uue dépréciation de valeur, et que d'un antre
côté, en droit, il n'y a lieu à l'application des
formes prescrites par la loi du 7 juillet 18j3, à
l'évaluation par le jury et au paiement préalable
d'indemnité qne lorsqu'il y a mutation de la propriété foncière, envahissement total ou partiel
d'un immeuble corporel.; qne- dans tous les autres
cas où il ne s'agit que de suppression de servitudes,
de dommages même permanents et de· diminution
de valeur du fonds, c'est llne simple question d'indemnité à régler, ensuite d'expertise, par les trihunaux judiciaires.ou adminisll'atifs lorsque le préjudice existe et peut ainsi être apprécié.
» C'est sans doute par suite de ces principes que
l'ordonnance royale du31 décembre 1~37,distin
guanl les terrains à traverser, de la prise des eaux,
n'a subordonné cette dernière. concession à l'accomplissement d'aucune formalité préalable, et a
laissé par là les choses sous l'empire du dl'Oil commun, d'après lequel les tribunaux ordinaires sont
seuls compétents pour connaître de la réparation
du préjudice causé.
» Le sieur Limonnet n'a donc. qu'un parti à
prendre, c'est, en suivant la marche qui lui a été
tracée par les propriétaires des moulins de Messigny et d'Ahuy, de traduire la ville devant une
autorité compétente, soit le trihunal de première
instance, soit le conseil de préfecture, pour lui
�385
DU DOMAINE PUBLIC.
réclamer une indemnité à raison du dommage
qu'il prétend que le déLOurnement des eaux de la
fontaine du Rosoir occasionne à son usine. Telle
est la seule forme de procéder incontestablement
adnjissihle. »
Celle défense fut accueillie par arrêté de M. le
préfet, à ,la date du 16 janvier 1841, motivé sur
ce que cc l'expropriation, telle qu'elle est réglée
» par la loi de 1833, n'est applicable qu'au cas
;n où il ya dépossession d'un immeuble réel; que
,
bl e
~) ,1 eau courante ne pouvant etre reputee unmeu
au profil du propriétaire du fonds ioférieur qui
» la reçoit, le détournement qui en est fait ne
» constitue qu'un simple dommage (a). »
Aujourd'hui la loi du 3 mai 1841, qui par son
art. 77 abroge d'une manière absolue celles des
8 mars 1810 et 7 juillet .833, aurait fourni une
réponse péremptoire à l'argumel'll tiré de l'art. 67
de cette dernière, portan t 'que cc ses dispositioDs» seront appliquées dans tous les cas où les lois
» se réfèrent à celle du 8 mars 1810. »
A
,
,.
)J'
Ca) Depuis, le sieur Limonnet et sa femme se sont pourvus
devant le tribunal de première instance, mais ils ont été obligés
de se désister de leur action après que ce tribunal, par jugement
du 17 février 1842, a eu condamné la prétention semblable du
meunier de Messigny, par le motif que les propriétaires d'usines
inférieures à la fontaine du Rosoir, n'avaient fait sur SOfi bassin
et sur son cours particulier, aucun dcs travaux exigés par l;art.
642 du Cod, civ., pour leur procurer l'acquisition par prescription du cours d'eau.
�386
TlUlTÈ
Il n'y a qu'un seul cas dans lequel tle simples
dornmages doivent être appréciés par Je jury, c'est
lorsque la dépréciation se trouve intirnement liée
à J'expropriation du sol, c'est-à-dire lorsque c'est
la dépossession d'une partie de la propriété qui
diminue la valeur relative de la portion laissée à
l'ancien propriétaire, soit en la morcelant, soit en
la privant de sa clôture, soit en la grevant de servitudes, soit en lui enlevant quelques-uns des
avantagt's 011 droits dont elle jouissait; dans ce cas
les deux actions sont inséparables et rentrent dans
les attributions du jury, aux termes de la disposition finale du 1er alinéa de l'art. 29 de la loi du
3 mai 1841, ainsi que l'enseignent MM. DelaJleau
(Traitt! de Pexpropriation~2 e édit.~ pa~. 277;
- Da \' id, Traité des cours d~eau ~ nO 439, et
Cotelle, Cours de droit administratif; tom. 1 el',
2 e édit.~ pag. 490 et suiv.) , et ainsi que J'ont
jugé les arrêts des Cours ùe Montpellier, dù 25
juin 1825; de Bomges, du 13 février 1827 (Sirey,
27-2-152); du conseil d'état, du 24 janvier 1827
(S.,27-2-27 l); de la Cour decassation,des2 1février
Ilh7 (S.,27-1-162), 9décembre,835, I l janvier
1836 (commune de Chazilly S., 36-1-12), et
15 décembre 1841 (S., 42-1-173); ce demier
ainsi conçu: cc Attendu que les demandes du sieur
» Robillard peuvent se ranger en deux. classes.•...
;) attendu, quant à la seconde, telle que la de:>:> mande relative au morcellement des terrains-,
» aux clôtures à rétablir par suite de ce
�DU DOMAINE PUBLIC.
» 'morcellement~
387
à FaltéraLion du sol et autres
dommages de mi1me sorte ~ conséquences
nécessaires de la destination du terrain
» exproprié; que cetle espè_ce de dommages, qui
» pouvait et devait être prévue par le propriétaire
» exproprié, rentrait forcément dans l'indemnité
» qu'il avait droit de réclamer en celte qualité, et
» qnp. la loi du 7 juillet 1833, spécialement dans
» son article 29 (à la différence de la législation
» antérieure sm la matière), appelle exclusive» ment le jury à régler les indemnités dues par
» snite d'expropriation pour cause d'utilité pu» blique ..... »
Malgré ces principes qui nous paraissent parfaitement exacts, une ordonnance en conseil d'é[at,
du 15 juillet Il341 (Sirey, 42-2-42), a approuvé
un arrêté de conflit dans les circonstances et
par les raisons suivantes: cc Considérant qu'il
» s'agit dans l'espèce de travaux d'élargissement
» faits sur deux chemins vicinaux de grande
» communication , .... que les sieurs Fatin énOl1~) cent que, pour opérer ces l'élargissements, des
» terrains ont été pris sm leurs propriétés; que
» des plantations, des clôtures et des murs de
» soutènement ont été détruits; que la solidité de
j) leurs batiments et de leurs terres s'en tl'Ouve
» compromise; que certains travaux seront indis:» pensables pour faire cesser ces dommages; qu'en
» outre un chemin qui conduisait à l'une de ces
» propriétés a été rendu impraticable, et qu'en
»
»
�388
TRAITÉ
conséquence ils réclament des indemnités, aux
termes de l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836;
» considérant qu'en cet (:tat il faut distinguer
» les indemnités qui seraient dues aux sieurs Fa» tin pou r les dépossessions qu'ils on t subies, des
» autres préjudices qu'ils disent avoir soufferts dans
» les portions de leurs propriétés dont ils ne sont
» pas expropriés; que l'art. 15 de la loiJu 21 mai
» 18:16 donne aux juges de paix attribution pour
» réglf'r les indemnités dans lesquelles se résout
» le droit des propriétaires riverains des chemins
» vicinaux dont les limites, légalement détermi') nées, comprennent une partie de leur sol; que
» les dommages accessoires qui peuvent résulter
» des travaux entrepris pour l'élargisse~ent de
» ces chemins sont d'une autre nature; qu'ils
» rentrent dans le cas prévu par l'art. 4 de la loi
» du 28 pluviôse an VIII, et qu'ainsi leur appré» ciation est du domaine de l'autorité administra» tive. »
Comme il s'agissait ici de dommages résultant
de l'expropriatiun même, nous pensons que le
juge de paix qui, pour le . cas de réla rgissemen t
des chemins prévu par l'art. 15 de la loi de
üj36 , est investi des mêmes pouvoirs que le jury
pour ceux d'ouverture ou de redressement, en
vertn de l'art. 16 "était parfaitement compétent
pour fixer l'indemnité, et qu'il n'y aurait eu lien à
renvoyer à une antre autorité, soit tribunal civil,
soit conseil de préfectllre, que dans l'hypothèse
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
389
indiquée par erreur dans le sOIlluwire de l'arrèt,
où la réparation du dommage aurait été demandée
principalement par un riverain qui n'aurait eu à
subir aucune dépossession du sol; l'art. 15, organique d'une véritaLle e-xpropriation pour l'élargissement (Ie.~ chemins, n'a changé que les formes et
non les principes; il a remplacé le jugement d'expropriation par un simple arrêté préfectoral et le
jury par le juge de paix assisté d'experts. Ces abréviations de formalités ont en pour objet d'accélérer
la dépossession et les tl'avaux, d'économiser à la {ois
le tem ps et les frais; mais les bases de l'opéra tion
sont restées en dehors de ces changements, et ici,
tout comme lorsqu'il s'agit d'une expropriation
pIns importante, l'indemnité était unique, et il
n'était pas permis d'en diviser l'appréciation entre
le juge de paix et le conseil de préfecture.
Qnoi qu'il en soit, la compétence du jury Spt~.
cial pour la fixation d'indemnités à raison de dommages pennanen ts indépenda~lts de l'expropria tion
, t ecartee,
,
'Id
.
'en tre
e ou te n ,eXIste
pl
us qu
cl u sol , etan
celles de$ tribnnaux civils ei des tribunaux admi,,nistratifs ou conseils de préfecture.
En faveur de celte dernière, 'on dit que le' 4e
alin. de l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an 8, attributif de juridiction aux conseils de préfectur~
aussi bien pour les dommages provenant dn fa~t de
l'administration que pom ceux procédant du [îit
'Jal\!. Il.
�390
TlwTÉ
personnel ùes en trepreneurs Ca), est général, et
s'applique à tons les torts et dommages occasionnés par les travaux publics, sans distinguer s'ils
- sont temporaires ou permanents; que si les lois des
8 mars 1810, 7 juillet 1833 et 3 mai 1841 ont
restreint les attributions qu'avaient antérieurement
ces conseils, c'est en leur enlevant seulement celles
relatives à l'expropriation du sol même qu'ils tenaient exceptionnellement de la loi du 16 septembre 1807; mais que tont ce qui concerne les
dommages leur est resté.
Que la distinction entre les ùommages temporaires et permanents ne résulte des termes et de
l'esprit, ni de la loi du 28 pluviôse an 8, ni de celles
subséquentes de 1810, 1833 et 1841, qui ne sont
relatives qu'à l'expropriation proprement dite; que
bien plus, le
alin. de l'art. 4 de la première, en
se
(a) Les termes de cet alinéa, et non du fait de r administration J avaient fait penser à quelques jurisconsultes et même décider le 20 novembre 1832, par la Cour de Poitiers, que les
tribunaux civils étaient seuls compétents lorsque l'action était
dirigée contre l'administration; niais ce système fondé sur une
véritable argutie et sur une interprétation trop littérale de la
loi, sans examen de son esprit ni de la législation antérieure, li
été repoussé par des arrêts du conseil des 16 juin et 14 juillet
1830; 12 avril 1832 (Sirey, 34-2-506); 8 novembre 1833;
22 février 1838 (S., 38-2-397); 10 décembre 1840 (S.,
41-2-195), et de la Cour de cassation du 20 août 1834 (S. ,
34-1-529).
�DU
DO~IAli~E
PUBLIC.
391
attribuant à l'administration le droit de connaître
df"s difficultés pour les fouilles et extractions de
rnatériaux, lui a confér'é expressément juridiction
pour des domrnages permanents, puisque Cf' genre
de travaux ne peut pas être placé dans une autre
classe; que d'ailleurs cette division des dommages,
séd Ilisa me en théorie, présen terait des difficultés
inextricables dans l'application pratique; que ce
n'est point, ainsi que le prétend la Cour de Lyon
dans un arrêt qui sera cité plus bas" de la loi du
16 septembre 1807' que les conseils de préfecture
tiennent, comme conséquence du pouvoir Je régler
l'indemnité en cas d'expropriation, le droit de prononcer sur les dommages, mais\bien de la loi du
28 pluviôse an 8, qui a toujours été et qui est encore la ba&e de cette compétence; d'où la conséquence qu'en transférant seulemenl:- aux tribunaux
une partie des attributions conférées aux conseils
de préfecture par la loi de 1807, la loi Je 1810 n'a
pn donner aux premiers une juridiction dont les
seconds étaient investis bien antérieurement; que
les raisonnements faits par la Cour de cassation
pour refuser à J'administration la connaisliauce des
dommages prou vent trop, puisqu'ils tenden t directement à la donner au jury qui, par les lois de
1833 et de 1841., a été complétement substitué
aux tribunaux dans toutes les matières dont les
avait investis la loi de 1810; qu'aussi MM. de Cormenin, Cotelle , Gillon et Stourm', dans les pàs-
�392
TRAITÉ
sages plus haut cités, ne placent-ils le débat sur le
réglement des dommages permanents, qu'entre le
jury et le conseil de préfecture, reconnaissant qne
les tribunaux n'ont aucune qualité ponr revendiquer cette matière; que la jurisprudence du conseil d'état est formelle pour attribuer à la juridiction administrative la compétence par rapport à
toute espèce de dommages soit temporaires, soit
permanents, ce qui est plus simple et plus logique; que l'on peut en effet consulter à cet
égard ses arrêts des 22 janviel' l~h3 ( Gourgues.,
Sirey, 24-2-109), 6 juin IB30 (minist. del~int.),
3 juin IB31 (lvIagniez., S., 31-2-347) , 30 mai
1834 (Imhert-Duhey., S., 34-2-566), 7 novembre 1834 (Cacheux, S . ., 35'2-503), 3 février 1835 (Berthier), 23 octobre suivant (Nicol.),
id. (Delattre, S., 36-2-59)' 22 février 1837
( Bruneau), 4 juillet 1 ~B7 (Boucher, S. , 37-2501), 17 janvier 1838 (Rodet, S., 38-2-276) ,
2;) février 1839 (Delcamhre, S., 40-2-47), 27
mars suivant (préfet de Tarn et Garonne), Li
avril, id. (de Boiredon., S." 40-2-48), id.
(Magnien, S .., 40-2-48), 6110vembre 1839 (Papezat, S." 42-2-235),23 juillet 1840 (Augustin),
id. (Meinhson) , 2 septembre 1B4o (Jardin~ S'J
41-2-156),25 décembre 1840 (Boyle), 12 février
IB4l (Bichert), 15 juillet 1841 (Patin., S .., 42-242), 22 avril IB42 (Perruchon., S . ., 42-2.:327),
25 avril -id. (Dru, S •., 42-2-328) , 26 mai 1842(de Chavagnac ~ S., 42-2-381), 8 juin idem
�393
(Deyienne~ S., 42-Z-3tb) et 15 juin 1842 (Phalipan ~ S.~ 42-2-378) (a).
DU DOMAINE PUBLIC.
L'opinion qui tend, au contraire, à conférer aux
tribunaux civils l'appréciation des dommages permanents occasionnés par les travaux publics, s'appuie sur les motifs suivants:
Dans l'exécu-tion de ces travaux, l'administration
agit en une double qualité : comme autorité
publique et. ensuite connue propriétaire.
C'est par voie d'autorité et par des vues supérieures aux considérations du droit civil qu'elle
déclare l'utilité publique d'une entreprise telle que
l'ouverture d'un chemin, d'une route, d'un canal;
à ce titre, elle peut réclamer pour ses actes une
juridiction d'exception, parce que son action, qui
intéresse la soeiété ou une fraction de la société,
pourrait être paralysée, et que l'ou ne doit pas
appliquer les règles du droit civil à des matières
qui tiennent à un autre ordre. Si le propriétaire
qu'il faut dépossédel' pour l'exécution du projet
réclame, c'est à elle-même, seule juge de l'oppor-
(a) Trois, arrêts, l'un de la Cou!,' de cassation Cl,u 20 août
1834 (Sirey, 34-1-529), le second de celle de Paris du 20 octobre 1836 (Sirey, 37-2-151), et l'autre de celle de Bastia du
16 novembre suivant (Sirey, 37-2-1:)0), ont également décidé
que les conseils de préfècture étaient compétents, à l'exclusion
des tribunaux, pour prononcer sur les réclamations élevées soit
contre l'état, soit contre les communes, soit contre les entrepreneurs pour dommages permanents causés aux propriétés particulières.
�391j.
TRAITÉ
tunité on de la nécessité de l'opération, qn'il
devra s'adresser et non aux tribunaux auxquels il
est formellement interdit de s'immiscer dans les
actes du pouvoir exécutif.
Mais lorsqu'une fois le plan de dépossession a
été confirmé et que l'état, et il faut en dire de
même de la commnne, s'est ainsi substitué au
propriétaire, sauf indemnité, il n'agit plus comme
autorité puLlique: il rentre sous la règle commune,
ainsi que l'a très-Lien expliqué Henrion de Pansey
(de l'autorité judiciaire, chap. 26, pag., 456
et 469); la contestation qui s'engage pour le
réglement de cette indemnité, est un débat de
propriétaire à propriétaire, de vendeur à acquéreur, de voisin à voisin, et la compétence des
tribunaux doit prévaloir. «Si le magistrat politique,
» dit Montesquieu (Esprit des lois, liv. 26,
» chap. 15), veut faire quelque édifice public,
» quelque nouveau chemin, il faut qu'il indem» nise; le public est, à cet égard J comme un
»
particulier qui traite avec un particulier;
c'est bien assez qu'il puisse contraindre un
citoyen à lui vendre son héritage, et qu'il lui
» ôte ce grand privilège qu'il tient de la loi, de
:» ne pouvoir être forcé d'aliéner son bien. »
Ces principes hautement proclamés par les lois
des 8 mars 1 81 0, 7 îuillet 1033 et 3 mai 1841,
poU\' le cas de dépossession du sol même, doivent
recevoir leur application lorsque, san~"qu'il s'agisse
d'expropriation absolue, il y a dommage et dépré»
»
�DU DOUAINE PUBLIC.
/
395
ciation causés aux propriétés particulières par suite
de travaux publics, pal'ce qu'il y a au moins expropriation partielle de la chose; le législateur
devait entourer des mêmes garanties le réglement
des indemnités dues au propriétaire dans les deux:
hypothèses; il y avait les mêmes raisons de ne pas
laisser les citoyens à la discrétion d'un pouvoir
constitué.. comme le reconnaissait M. le conseiller
d'état Berlier en présentant la loi du 8 mars dho,
juge etpartie dans sa propre cause. cc Hn'existe
» qu'une autOl'ité, continuait ce savant légiste,
:» qui puisse exactement tenir la balance entre le
~~ puhlic et les particuliers, ou, en d'autres termes,
» entre l'administration et les propriétaires: c'est
~~ l'autorité judiciaire protectrice impartiale de
~~ leurs droits réciproques. " Celte administration
causant, comme propriétaire, des dommages aux
propriétés voisines, c'est en vertu d'une règle de
droit civil, inscrite dans l'art. 1382duCode, qu'elle
en doit la réparation, et cette réparation ne peut
~tre arLitrée que par les juges du droit commun;
l'intérêt public qu'elle défend étant satisfait, elle
redevient justiciable des tribunaux sous la sauvegarde desquels se tl'ouvent placés les intérêts individuels et privés, et c'est devant eux qu'elle doit
plaider d'égal à ~gal avec les citoyens.
Les textes de la législation nouvelle ne sont
point en opposition avec cette doctrine qui, avant
la révolution de 1789, formait le droit commun;
car, comme le dit M. Proudhon dans son Traité
�396
TlLUTÉ
421, cc il n'y a pas de
maxime mieux avérée, en France, que celle qui
» veut que toutes les questions de propriété soient
» exclusivement portées devant les tribunaux,
» sans qu'il soit jamais permis à l'administration
» d'en connaître. » En effet, si les articles 4 du
décret des 6 et 7 septembre 1790 , et 4 de la loi
du 28 pluviôse an VIII, investissaient l'administration de la connaissance du réglement des indemnités dues à raison de terrains pris ou fouillés pour
la confection des chemins, canaux ou autres
ouvrages publics, ainsi' que des réclamations de
ceux qui auraient à se plaindre des torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs, et si plus tard la loi du 16 septembre 1807
avait, par ses art. 48 et suivants, étendu encore
la compétence administrative en la substituant
com plétemen t à celle des tribunaux, il est également hors de doute que cet état de choses a été
totalement changé par la loidu 8 mars 1810, ainsi
qu'il résulte de ses termes et sn l'tout de son esprit
qui nOllS est révélé soit par les paroles de N apoléon, rapportées ci-dessus ( page 205, en no,te) ,
soit par l'exposé des motifs qui ont déterminé son
adoption, en sorte que depuis celte époque,
jusqu'en 11533, on était à peu près d'accord que
les conseils de préfecture avaient été dessaisis du
réglemcnt dc's indemnités, en cas non-seulement
d'expropriation, mais aussi de dommages affectant
d'une maniere définitive ct irréparable la propriété
du domaine public ~ nO
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
391
foncière; la jurisprudence du conseil d'état s'était
elle-même fixée PU ce sens, témoins ses arrêts des
10 février" 1816 (affaire Lehrun~ Sirey~ 18-2-86);
17 août 1825 (Manisse J S'J 26-2-345); b mai 1830
(Chaitet); 16juin 1831 (canaldJlsère); 25 mai
1832. (Blandin- Yallière J S'J 42-2-42, en note);
10 juillet et 14 novembre 1833 ( hospices de Pontoise et d JAnglemont~ S'J 34-2-569)' cc Consi:» dérant, porte l'arrêt Manisse, que les travaux:
» de redressement de la rivière de Scarpe ayant
~> été en trepris postérieurement à la publication
» de la loi du-8 mars l~ho , c'est d'après celte loi
» que doit être réglée l'indemnité d lle au sieu r
» Manisse pour la dépossession du moteur de son
» usine; que dès-lors, à défaut de conciliation
» sur le montant de cette indemnité, c'est aux.
~> tribunaux: et non au conseil de préfecture à
~> prononcer. »
A la vérité, il est intervenu en IfG3 une loi
nouvelle qui, par son article 67, paraît avoir abrogé
d'une manière générale celle du 8 mars 1810, ct,
par suite, dépouillé les tribunaux de la juridiction
qu'ils tenaien t de cette dernière; mais il est de la
plus haute évidenc"e que la loi du 7 juillet 1833 n'a
point été décrétée au profit de l'administration, et
que, loin de rendre la compétence aux conseils de
préfecture qui en avaient été privés en 1810, à
raison de leur position dépendante du pouvoir ct
de l'arbitraire de leurs formes, le législateur a
cherché, au contraire, à donner par le jury, aux
�398
TRAITÉ
citoyens, une garantie plus étendue encore que
ne leur offrait celle des lumières et de l'inamovihilité des juges civils; cet esprit de la loi est 'f'lJementcertain que, comme nous l'avons dit ci-dessus,
des jurisconsultes estimahles pensent qu'au jury
seul est dévolue aujourd'hui la fixalÎon des indemnités pour dommages permanents.
Or, nous avons démontré qn'il y avait impossibilité matérielle à ce qn'il en flit ainsi, sail à raison
de ce que les formes tracées par la loi de 18:53, et
reproduites dans celle du 3 mai 1841, sont impraticables lorsqu'il s'agit de l'appréciation d'uD sim pIe
dommage, soit surtout parceque cette appréciation
étant toujours subordonnée ou intimement liée à
la solution de questions de droit ou d'in lerprétation d'actes que ne présente jamais l'eslimation
d'un immeuble réel désigné, le jnry, qui n'est point
juge, mais seulement expert, et qui par conséquent
excéderait sa mission soit en déclarant l'existence·
du préjudice, soit en l'imputant à telle ou telle
cause, à telle ou telle partie (art. 39 et 49 de la
loi du3'mai 1841), serait tout à fail inhabile pour
procéder à une semblable opération.
Et cependant, comme il faut nécessairement
qu'une réparation soit accordée pour le tort fait à
la propriété, il n'y a que les tribun~ux civils dont
la juridiclion s'étend à toutes les affaires pou l' lesquelles il n'y a pas attribution spéciale à une autre
autorité, qui puissent, en statuant sur le fond du
droit, déterminer par les moyens qui leur sont
�DU DOMAINE PUBLIC.
399
propres, c'est-à·dire à l'aide d'expertises, de visite
des lieux, d'examen des titres, etc., la quotité de
l'inde.r:nnité qui est due.
D'ailleurs les motifs qui ont fait introduire la
juridiction expéditive des conseils de préfecture
pour lever les difficultés qui peuvent surgir pendant
le cours des travaux, et qui sont d'empêcher des
retards préjudiciables, ne se présentent plus lorsqu'il s'agit de dommages résultant de travaux terminés, par rapport auxquels les formes lentes et
solennelles de la justice civile, loiu de donner lieu
à aucun inconvénient, offrent au contraire une
garantie désirable dans l'intérêt tant de l'état on
des communes, que des citoyens.
Si l'on est obligé de reconnaitre d'une part que
toutes les questions d'expropriation expresse ou tacite, absolue ou partielle, ont été enlevées à l'administration, et d'un autre côté, qne le jury est dans
l'impuissance de connaître de l'application des règles du dl'Oit civil et notamment de l'art. 1382, il
fant en conclure que le tribunal de 1 re instance investi de la plénitude de la juridiction, gardien.né
de la propr'iété, spécialement chargé de prononcer
sur l'expropriation, a seul qualité pour statuer sur
les dommages permanents. Les conseils de préfecture et le jury ne pourraient baser lenr compé. tence que sur 11n texte clair, précis et formel; la
sienne, a11 contraire, résulte suffisamment du
silence, de l'obscurité ou des lacunes de la loi.
Vainement on excipe de la simplicité du système
�400
TRAITÉ
contraire et des difficultés qu'entraînerait la distinction des dommages temporaires et permanents;
en effet, la différence entre les uns et les antres est
facile à saisir: les premiers consistent dans les
dégâts occasionnés pendant la durée des travaux,
aux fruits ou récoltes, par le passage des voitnres,
le dépôt des matérianx, l'inondation accidentelle
du fonds, la suppression momentanée des moyens
de 'communication; les seconds embrassent tout ce
qui altè"e définiti.vement la substance de l'immeuble, le grève de charges ou le prive d'avantages
à perpétuité ou pour un temps indéfini, tels que la
suppression de tout ou partie de la force motrice
d'uue usine par le détournement du cours d'eau,
l'exhaussement d'une rue ou d'un chemin ail
moyen de remblais qui obstrilent les entrées et ouvertures d'une maison et la rendent inhabitable,
malsaine ou incommode et tous autres de ce
genre, auxquels il faut cependant, d'après la doctrine très-juste, consignée dans un arrêt de la Cour
de cassati.on, du 23 avril 1838 ('Sirey, ::)8-1-454),
assimiler ceux qu'il depend de l'administration de
rendre perpétuels, lors même que par quelques
travaux elle pourrai.t les faire cesser ou les prévenir.
cc Attendu, porte cette décision, que l'arrêt a statué
,) compétemmen t, puisqu'il dépend de l'admiuis» tration de rendre le dommage fait à la propriété,
» perpétuel, ou de le faire cesser, suivant les cir» constances ou suivant sa volonté; que celte fa~
» cuIté appart@ant à elle seule, est une véritable
�DU DOMAINE PUBLIC.
)~
401
atténuation de la propriété, et qlle, sous ce rap)' port, elle ne peut être assimilée à un tort éphé)' mère ou transitoire qui, une fois réparé, laisse
') la propriété dans toute sa valeur. »
Aussi, à part les trois arrêts des 20 a01\t 1834,
20 octobre et 16 novembre 1836 ci-dessus cités en
note, et qui ne sont motivés que sur l'extension
abusive donnée à l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse
an 8, la jurisprudence des cours est-elle unanime
en faveur de la compétence des tribnnaux civils et
se maiutient-elle malgré les conflits qui peuvent
donner l'avantage à l'opinion contraire ratione
imperii, mais qui ne la Feron t pas triom phcr
imperio rationis; aux dix arrêts de Cours royales
ct aux cinq de la Cour de cassation, mentionnés
ci-dessus, page 380, on peut en ajouter encorc
(Jeux plus récents: l'un de la Cour de Lyon, du
9 décembre 1840 (Sirey, 41-2-257), et l'autre
de la Cour suprême, du 10 novembre 1841. (S.,
42.1-178). De ces diverses décisions, nous n'en
rapporterons que deux de cette dernière Cour qui
résument les principaux moycns; ce sont celles
des 23 novembre 1836 et 30 avril 1838.
<C Attendu, porte la prcmière, que les actions
qui dérivent du clroit de propriété sont essentiellement et par leur nature même de la compétence
de l'autorité judiciaire; que si, dans certains cas
et pour des raisons d'utilité pu~lique, il peut être
nécessaire d'attribuer la connaissance de quelquesunes dc ccs actions à Jes trihunaux d'exception,
�402
TRAITÉ
les lois qui l'ordonnent ainsi ne sont elles-mêmes
qu'exceptionnelles et doivent être soigneusement
.
'
" ;•..•.
restreIntes
aux cas qu ,e Il es ont determ1l1es
A ttendu que l'attribution exorbitante du droit
commun, faite par la loi du 16 septembre 1807,
n'a pu avoir d'autre durée que celle de la loi même
qui l'a établie; que cette loi a été bientôt suivie
de celle du 8 mars 1810; que cette derniere, plus
cou forme aux: principes conservateurs du droit de
J)ropriété, a restitué aux tribunaux le jugement
des indemnités dues à raison des sacrifices qne Jes
citoyens peuvent être obligés de fàire à J'utilité
pnhliqlle; qu~ cette vérité ressort avec évidence
du décret du 18 aoJ1t 1810, qui, en fixant l'époque
à laquelle la loi de 1807 a dû cesset' de recevoir
exécution, proclame eu termes expres, que la
:>' loi du 8 mars a établi, en principe ~ que l'ex:>, propriation ne peut s'opérer que par l'alllorité
:>, de la justice; " et comme une expropriation
totale et même une détérioration partielle du droit
de propriété, ne peut pas se concevoir sans indemnité, la fixation de cette indemnité n'a pu, à partir
de la loi de l~ho, appartenir qu'à l'autorité, de
laquelle seule peut émaner la légalité' de l'expropriation elle-même; - Attendu que, pour déterminer la ligne de démarcation qui sépare la compétence des trihunaux de celle de l'administration,
il fimt distinguer: 10 entre les travaux exécutés
sous l'empire de la loi de 1807 el ceux: exécutés
postérieuremen t à la loi de 1 ~h 0 et au décret de la
c(
�DU DOMAINE PUBLIC,
403
même année; 2,0 entre les indemnités réclamées
pour préjudices temporaires et variahles ~ résul~
tant de chôma~e pendant la durée de confection
des travaux d'utilité publique, et les indemnités
pour diminution de la force motrice des usines;
diminution qui constitue unpréjudice permanent
et pal' conséquent une altération notable de la
propriété même; ....• »
Le second arrêt, dont les motifs reposent plus
sur les principes généraux que sur les textes de la
loi positive, est ainsi conçu: cc Attendu, t;n droit~
sur la compétence de l'autorité judiciaire, qu'aux
termes de l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII,
le conseil de préfecture doit prononcer sur les
réclamations des particuliers qui se plaignent des
torts et dommages proeédant du fait personnel des
en trepreneurs, ainsi que sur les indemnités dues
aux particuliers à raison des terrains pris ou fouillés pour la confection des chemins, canaux et
au tres ouvrages publics, et que cet article est sans
application à la cause; - Attendu que la propriété
est le droit de jouir et de disposer des choses de la
manière la plus absolue (art. 544, Cod. civ.), et
que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et
moyennant uae juste et préalable indemniLé
(art. 544, Cod. civ., art. 9 et la de la Charte);
-Attendu que la jouissance esL une portion essentielle de la propriété; que la modification ou l'alLération permanente et perpétuelle de la jouissance
�404·
TRAITÉ
modifie ou altère évidemment la propriété; d'où
résuhe le droit du propriétaire à une indemnité,
comme s'il subissait une expropriation réelle d'une
partie du sol, nul sacrifice de la propriété id'intérêt
public ne devant être gratuit sans le consentement
du propriétaire; - Attendu que toutes les qnestions relatives à la propriété des citoyens sont
essentiellement de la compétence de l'autorité judiciaire, saufles droits de l'autorité publique pour
l'exécution des travaux qu'clle a ordonnés à la
charge d'une indemnité préalable; que c'est par
l'autorité de justice que s'opère l'expropriation
pour cause d'utilité publique (art. 1 er de la loi
du 7 juillet 1833), et que même en cas d'occupation temporaire des propriétés privées, jugées
nécessaires ponr les travaux de fortifications, le
Téglement définitif des indemnités est attribué à
l'antorité judiciaire (art. 66 de la même loi). »
« Attendu, au fond ~ qu'il ne s'agit point dans
la cause d'une sujétion temporaire pour ré"paration
de la voie publique on pour l'assainissement, pour
la salubrité; - Attendu qu'il s'agit d'un exhaussement notable et permanent de la voie publique,
dont l'effet est de déprécier la maison des sieul' et
dame Lhoir; qu'il n'existe aucune loi qui ait
dérogé, dans ce cas, au principe et à la nature
du droit de propriété, ni au principe d'une juste
et préalable indemnité du dommage permanent
causé à l'un des citoyens dans l'intérêt de tous;
- Rejette " etc. »
�DU DOMAINE PUBLIC.
405
Celte différence de juridiction par rapport aux
dommages temporaires et permanents ne résulte
pas uniquement de la jurisprudence des tribunaux
civils; elle est consacrée aussi par le conseil d'état
lui-même, qni en a posé le principe dans de nombrf'1.lx arrèts, notammentdes 25 mai et 8 juin 1832
(al/tûres Blandin-ValLière et Leclerc, Sirey,
42-2-42, et ;)2-2- 667); 10 juillet et 14 novembre
1833 (hospices de Pontoise,-Danglemont, S.,
34-2-!>69); 18 avril 1835 (Dietsch,S., 35-2-503);
5 septembre 1836 (Ledos); et 25 août 1841
(htiers Boch, S., 42-2-184); seulement, comme
ce conseil remplit pour les matières administratives les fonctions tout à la fois de Cour de cassation et de Cour d'appel, et qu'à ce dernier titre
l'appréciation des faits lui' appartient, il la fait
presque toujours dans le sens favorable à l'extension de la compétence des conseils de préfeclUre ,
ce qui a pour résultat de dessaisir, au moyen de
l'approbation des conflits, l'autorité judiciaire
dans la plupart des cas qui devraient réellement
rentrer dans ses attributions.
Telle est l'analyse des raisons et des autorités à
l'aide desquelles on essaie de justifier les prétentions respectives de l'administration et des tribunaux relativement à la connaissance des dommages
permanents; dans ce conflit nous n'hésitons pas à
nous prononcer pour la compétence judiciaire.
Nous ne serions cependant pas éloigné d'admettre
nne exception proposée par quelques auteurs lorsTOM:. II.
26
�406
TRAITÉ
q'l'il s'agit d'une servitude discontinue qui 'réclame dans son exercice le/ait actuel de l'administration et de ses agents, et qui par conséquent
ne peut donner lieu qu'à une indemnité variable
et en quelque sorte annuelle, comme serait celle
du chômage périodique d'une usine, résultant de
la manœuvre d'une écluseétablie pourla navigation,
celle cl u dommage causé par le halage des bateaux,
par la fumée d'une machine à vapeur, etc. Dans
ces cas, bien que le préj udice soit permanen t en ce
sens que sa durée est indéfinie, néanmoins, comme
il varie à chaque instaut, il 110US para1trait que
l'administration serait beaucoup plus à même que
les tribunaux d'en évaluer la réparation.
On trouve le germe de cette distinction dans
plusieurs arrêts du conseil d'état. cc Considérant,
)'} porte celui du 14 novembre 1833, dans l'affaire
» Danglemont, qu'il ne s\'git pas d'une b'xpropria» tion résultant d'une réduction perpétnelle' de
» la force motrice -d'une usine, mais d'un dom~~ mage temporaire, variahle et discontinu j
~~ qui ne peut être apprécié que par le conseil de
» préfecture du département, dans les fOl'mes
» prescrites par la loi du 16 septembre 10°7;»
même décision, le 17 avril 1834, sur une espèce
dans laquelle le sieur Dutertre se plaignait de cê
que, depuis qu'nn canal avait été achevé, son
usine était privée d'eau pendant l'été et submergée
en hiver. Le conflit élevé contre le sieur Cacheux,
à l'égard d'un moulin dans une position analogue,
�DU DOMAINE PUBLIC.
407
a été confirmé le 7 novembre 1834, par les motifs
suivants: cc Considérant que, soit qu'il s'agisse
» d'nn dommage variable et discontinu~ soit
» qu'il s'agisse de l'expropriation d'une partie de
>, la force motrice de l'usine du sieur Cacheux, le
), réglement des indemnités qui peuvent lui être
» dues, est du ressort de l'autorité administrative:
>, dans le premier cas, aux termes de la loi du 16
» septembre 1807, et, dans le second cas, par
» application du décret du 18 août 1~ho, puisque
>, l'adoption des' plans des canaux de Saint-Quen» tin et de la Sensée est antérieure à la loi du 8
» mars 1810. " ( Sirey, 35-2-503. )
Nous terminerons ce que nous avions à dire sur
la compétence en ce qui concerne les diverses
espèces d'atteintes portées à la propriété privée dans
l'intérêt des chemins vicinaux, par le résumé suivant
des notions que la forme du commentaire nous
a forcé à disséminer sous les art. 15, 16, 17 et 19
de la loi du 2 [ mai 1836:
1 ° Expropri~tion de terrains pour l'ouverture
ou le redressement des chemins vicinaux. -.Jury
spécial ( art. 16 ).
2° Prise de terrains pour simple l'élargissement.
-, Justice de paix, avec expertise dans une
forme déterminée (art. 15 ).
3° Extraction de matériaux, dépôts ou enlève~
mentdeterre et occupations temporaires de terrain.
- Conseil de prifecture ~ aussi avec expertise
dans une forme déterminée (art. 17 ). ,
�T~
408
4° Dommages 'permanents continns. - Tribunal cil/il (lois des 8 mars
1810 et3 mai 1841)..
5° Dommages temporaires ou même permanents)
Conseil de
mais discontinus et variables. prt!fè.cture-, sans assignation de formes spéciales
de vérifica LÏol1 ( art. 4 de la loi du 2:8 pluviôse an 8,
et 55 de celle du 16 septembre 1807 ).
ARTICLE
512.
»
»
»
»
:;»
»
»
»
»
»
xx.
Les plans, procès-verbaux, certificats,
significations, jugemeuts, contrats, marchés,
adjudications de travaux, quittances et autres
actes, ayant pOUl' ohjet exclusif la construction,
l'entretien et la réparalion des chemins vicinaux,
seront enregistrés moyennant le droit fixe d'un
franc.
» Les actions civiles intentées par les communes
ou dirigées contre elles, relalivement à leurs
chemins, seront jugées comme affaires sommaires
et urgentes, conformément à l'art. 405 du Code
de procédure civile. »
cc
La faveur accordée pat cet article, et que COInmandait l'intérêt public, ne porte que sur les droits
d'enregistrement, et non sur ceux de timbre, qu'on
eût également bien fait de réduire ou de suppnmer.
La subvention du dixième devra être perçue sUl'
le droit fixé, la loi n'en ayant pas dispensé, cc qni
portera le chiffre de ce droit à 1 fI'. la C.
�DU 'DOl\IAINE PUBLIC.
409
Pour jouir du privilége dont il s'agit, il est indispensahle que les actes ponr lesquels il sera
réclamé, contiennent la mention expresse qu'ils
sont faits en vue de la construction, de la réparation on de l'entretien des chemins vicinaux, soit
ordinaires, soit de grande communication.
Si l'acte, le contrat, le marché, l'adjudication
faits par la commune portaient tout à la fois sur
la construction,'rentretieri ou la réparation d'un
chemin vicinal, et sur un antre objet d'utilité
communale, tel que la construction d'une église,
d'une halle, etc., les droits d'enregistrement seraient perçns, au tanx fixé par la loi du 22 frimaire
an VII, sur la totalité du prix, à moins qu'on en
eût stipulé un distinct et séparé pour ce qui concernerait le chemin vicinal, cas auquel on devrait
appliquer, par analogie, la disposition de l'art. 9
de la même loi, relative aux. actes translatifs de
propriété qui comprennent toutà la fois des meubles
et des immeubles.
.
Les administrateurs. des commuues devront
faire cette distinction dans les adjuJications de
travaux qu'ils tranchent, et qui souvent ont pour
ohjet des ouvrages de diverses espèces.
Comme nous l'avons dit au nO 569, p. 340, ci.
dessus, les cessions que les communes sont autorisées à faire du sol des chemins supprimés aux.
ri verains, en conformité de l'art. ] 9, ne jouiront
pas de la modération de droits accordée par notre
article.
�410
TRAITÉ
Dans une instruction du 27 janvier 1841, M.le
directeUI' général de l'enregistrement et des domaines prétend que l'exemption complete des
droits de timbre et d'enregistrement, prononcée
par l'art. !l8 de la loi du 7 juillet 1833 ( aujourd'hui de celle du 3 mai 1841), ne s'applique pas
aux expropriations des terrains nécessaires à la
confection des chemins vicinaux, par le motif
que, dans ce cas, l'expropriation est poursuivie
non en vertn de celte loi générale, mais en vertu
de l'art. 16decellcspécialedu21 mai 1836, dùnt
l'art. 20 contient une disposition expresse qui,
sans distinction des acquisitions amiables et forcées, assujettit tous les actes au droit fixe d'un
franc.
Malgré cette autorité, nous n'en persistons pas
moins dans l'opinion contraire que nous avons
émise ci-dessus, nO 540, pag. 266, par la double
raison: 1° que l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836
ne contenant pas un systême complet de formes
pour l'expropriation, on est forcé de recourir à la
loi générale du 3 mai 1841 dont toutes les dispositions, auxquelles il n'a pas été expressément
dérogé, doivent dès-lors être suivies; l'art. 20,
que nous examinons, ne pouvant être considéré
comme une dérogation nécessaire, puisqu'il trouve
150n application naturelle dans les cas très-nombreux d'acquisitions amiahles; 2° que s'il y avait
lieu à une exemption de droits, c'était certainement pOUI' les chemins vicinaux dont l'établisse-
�DU DOM.AlNE PUl3LIC.
411
ment est d'un intérêt général, qui ue sont dotés
que de faibles ressources, qui exigent l'acquisition
de parcelles très-nombreuses et qui, par suite,
peuvent donner lieu à une multitude d'expropriations dont les frais indispensables, encore augmentés des droits de timbre et d'enregistrement des
jngemen ts, significations, offres, ciliJtions aux:
jurés, etc., dépasseraient presque tOlljours de
beaucoup la valeur, en général très-faible, de ces
parcelles. M. Garnier s'est rangé à cet avis dans
la 3 e édition de son Supplément à la 4e édition
du Traité des chemins" pag.
lo~t
La même instruction contient sur plusieurs
autres points, les solutions suivantes que nous
adoptons:
1° Les actes et pièces mentionnés dans notre
article ne peuvent seulement être visés pOUL' timbre et enregistrés en dehet; l'art. 70, SI, de la
loi du 22 frimaire an VII, et les art. 74 et 75 de la
loi du 25 mars 1817, qui accordent cette faculté,
ne s'appliquent point à ce cas. .
2° Les actes administratifs relatifs aux chemins
vicinaux, et qui ne contiennent ni transmission
de propriété, d'usufruit ou jouissance, ni adjudication, marché et cautionnement, sont exempts
du timbre sur minute et de l'enregistreluent tant
sur la min ute que su l' l'expédition, confol'mémen t
aux articles 78 et 80 de la loi du 15 mai laIS.
3° Les actes sou~ seing privé, ayant le même
objet et qui ne sont poin t translatifs de propriété?
�412
TRAITÉ
d'usufruit ou de jouissance d'immeubles, peuvent,
suivant l'art. 23 de la loi du 22 frimaire an VII,
n'être présentés à l'enregistrement que lorsqu'il
s'agit d'en faire nsage par acte public ou en justice,
ou devant toute autre autorité constituée.
4° Si le droit proportionnel auquel un acte
concernant les chemins vicinaux donnerait ouverture .d'après le tarif commun, ne s'élevait pas à
un franc, ce droit devrait être perçu à la place
du droit fixe d'un franc, établi par la loi du 21
mai 1836, sauf l'application du minimum de 25
centimes déterminé par l'art. 3 de la loi du 27 ventôse an IX.
Différentes décisions, notamment de la Cour
de cassation, ont reconnu que les affiches apposées dans l'intérêt particulier des communes, des
arrondissemen ts et dps départements, pour annonCCI' des alljudications aux enchères ou au rabais,
doivent, comme les affiches concernant les particuliers, être imprimées SUl' pa pier timbré, de
couleur autre que la couleur blanche, conformément à l'article 56 de la loi du 9 vendémiaire
an VI. Ces décisions s'appliquent nécessairement
aux affiches annonçant les adjudicatiuns des travaui des chemins vicinaux de grancleon de petite
communication, puisque la dépense de ces travaux
n'est point supportée par l'état, et que d'ailleurs
de semblables affiches ne peuven t être considérées
comme des actes faits par l'administration générale
pour l'exécution des lois et dans l'intérêt du g0tl-
�DU DOMAINE PUBLIC.
413
vernement. (Lettre du ministre de' l'intérieur ,
du 2 juillet 1839. )
Contrairement à L'opinion de M. Garnier (pag.
107 de son Supplément ci-dessus cité), nous
pensons que Ja modération des droits d'enregistrement doit s'étendre aux instances, traités et actes
relatifs aux questions de propî'iété ou d'indemnité
résultant, par exem pIe, de privation de jours ou d'issues par suite de travaux, ou de toute autre diminution de valeur. Quoiqu'il ne s'agisse pas danscesdifférenls cas du sol même des chemins vicinaux, il
s'agit cependant d'accessoires se rattachant nécessairement à leur conslruction, à leur entretien ou à
leur réparation et qui doivent jouir de la même
faveur que le principal. Le mot exclusif; que renferme l'article, doit se réfërer à tout ce qui concerne le chemin, en mettant seulement en dehors
ce qui y est étranger, et non limitativement à ce
qui a trait aux lrois opérations énumérées.
573. Le second alinéa de notre article crée un
autre genre de privilége par rapport aux chemins;
il aurait dû former une disposition particulière,
en ce qu'il. n'a pas seulement trait à une mesure
fiscale comme le premier, et que son but principal
cst l'abréviation des lenteurs qu'entraînent les pmcès relatifs aux questions de propriété et de servitudes : d'après son prescrit, les actions civiles con~
éemant les chemins vicinaux sont considérées
commè affaires sommaires et urgentes ,'et à cc titre
sont soumises à la procédure simpl et rapide pres-
�414
TRAITÉ
crite non-seulement par l'art. 405 du Code de pro.."
cédl1re civ., seul rappelé, et qui veut que ces ma-='
tières soient jugées à l'audience après les délais de
la citation échus, sur un simple acte, sans autres
ccritures ni formalités, mais encore à l'art. 406 ~
ponr le cas de demandes incidentes et d'in le rventions, et surtout aux art. 407 à 113 inclusivement,
qui simplifient les formes des enquêtes en les
renvoyant à l'audience, au lieu de les faire faire
pardevant commissaire.
Ce privilége s'étend à toutes les espèces d'actions
qui ont pour objet les chemins vicinaux, telles
que celles relatives à des qnestions de propri_été,
de revendication, de validité ou d'interprétation
d'actes d'acquisitions de terrain pour leur établis~
sement, leur rectification ou leur l'élargissement, de vente du sol de ceux supprimés conformément à l'art. 19, d'indemnité résultant de diminution de valeur, de privation ou de création'
de servitudes, etc. « Altendu, porte un arrêt de
» la Cour de Bourges du 19 juin 1840 (Sirey, 41n 2-359), que le procès qui a eu lieu entre le sieur
» Baudron de la Mothe et la commune de Pougny
n avait pour objet deux chemins classés parmi les
n chemins vicinaux de la commune, et que le
n sieur de la Mothe revendiquait comme partie
» intégrante de sa propriété; -qu'auxtermesd~
» l'art. 20 de la loi du 21 mai 1836, les actions
» civiles intentées par les communes ou dirigées
» contre elles relativement à leurs chemins, seront
�DU DOMAINE PUBLIC.
415
jugées comme affaires sommaires et urgentes,
conformément à l'art. 405 du Code de procéd.
» civ.; - que les disposilions de la loi sont géné» l'ales et applicables à toutes instances relatives à
» des chemins vicinaux, soit qu'il s'agisse de leur
» propriété, de leur ouverture Ol~ redressement-,
» et quel qu'ait pu être, comme dans l'espèce, en
» raison de l'importance du litige, le mode d'ins» truction suivi de la part de toutes les parties .... »
Quoique la simplification Je la procédure soit
une chose éminemment désirable, et que l'application qui eu est faite ici soit une conséquence
presque nécessaire de celle apportée par les art.
15 et 16 dans les formes de l'expropriation même,
on ne doit cependant pas se dissimuler que la
plupart. des questions que fait naître la matière
qui n~us occupe sont très-ardues et réclaml~raient,
pour être convenablement approfondies, la marche
et les garanties de la procédure ordinaire. Leur
peu d'intérêt pécuniaire et la crainte de jeter les
communes dans des procès longs et dispendieux
ont pu seuls motiver une exception au droit commnn.
L'interprétation que nous venons de donner au
e
2 alinéa de notre article, et qui, nous le pensons,
ne sera point contestée.. vient confirmer l'opinion
que nous avons adoptée contrairement à celle de
M. Garnier, sur la portée du premier paragraphe,
en ce que les deux bénéfices que la loi a entendu
accorder doivent être de la même étendue et par
»
»
�416
TRAITÉ
suite s'appliquer aux mêmes ubjets; là où il y aUra
lieu à procédure sommaire, il devra y avoir lieu
aussi à réduction des droits d'enregistrement.
Une conséquencë importante de la disposition
de ce second alinéa de l'art. 20., et qui vraisemblablement a déterminé les auteurs de la loi à l'adjoindre au premier comme tendant au même but,
est que les dépens des instances relatives aux chemins vicinaux doivent être taxés dans la forme
prescrite par l'art. 67 du tarif arrêté par le décret
impérial du 16 fév.rier 1807; article qui n'alloue
aux avoués. ni droits de consultation, de correspond·ance et d'ét~ts, ni honoraires de plaidoiries
d'avocats, ni frais d'écritures, et qui se borne à
ac~order une somme unique proportionnelle cependant à, l'importance de l'affàire évaluée par Je
juge taxai eur J et plus ou moins forte, selon la
classe à laquelle appartient le tribunal.
ARTICLE
5'14.
cc
XXI.
Dans l'année qui suivra la promulga-
» tion de la présente loi, chaque préfet fera, pour
~, en assurer J'exécution, un réglement qui sera
)' communiqué au conseil général et transmis
)' avec ses observations au ministre de l'intérieur
» pour être approuvé s'il y a lieu.
» Ce réglement fixera dans chaque département
» le maximum de Ja largeur des chemins vicinaux;
" il fixera en outre les délais nécessaires à ]'exécll-
�DU DOMAINE PUBLIC.
417
tion de chaque mesure; les époques auxquelles
les prestations en nature devront être faites; le
» mode de Jeur emploi ou de leur conversion en
» tâches, et statuera en même temps sur tout ce
»qui est relatif à la confection des rôles, à la
» comptahilité, aux adjudications et à leur forme,
ln aux alignements, aux autol'isations de construire
» le long des chemins', à l'écoulement des eaux,
» aux. plantations, à l'élagage, aux fossés, à leur
»curage et à tous autres détails de surveillance
» eol de conservation. :»
:»
»
-Cel article, par lequel le législateur, comme
fatigué de la lâche qui lui était imposée, et ayant
hâte d'en finir, a cherché à suppléer aux lacunes
qu'illaissait dans son œuvre, investit les préfets de
pouvoirs immenses, plus étendus même, en certains
points, qu·e ceux qui appartiendraient au Roi en
pareille matière; il est certainement très-fâcheux
que pour des objets aussi importants que ceux auxquels s'applique la disposition qui nous occupe,
on ait ainsi substitué la volonté du magistrat à la
volonté de la loi qui seule devait commander l'obéissance.
Si nous le regrettons , c'est moins parce que
nous 'redoutons des abus que le contrôle du conseil
général et l'approbation ministérielle éraient de
nature à prévenir, que parce que ce mode de régler
une matière qui intéresse toule la France, tend
à modifier le principe politique si utile et dont
�418
TRAITÉ
l'application était ùepuis si longtemps réclamée, de
l'unité de la législation, le plus heureux résultat
de la révolution de 1789 (a).
On peut sans doute, en effet, avoir des réglemen ts a ussi bons que l'eût été la loi; mais ils son t
an nomb.'c de 86, et par là font renaître les inconvénients attachés à la diversité ùes anciennes
coutumes, quiaussiétaient peut-être plus conformes
aux mœurs, aux habitudes et aux besoins des provinces qu'elles régissaien t, que la loi générale portée
depuis. Dans l'impossibilité d'arriver à la perfection,
nous eussions préféré quelques v~olel1ces faites aux
habitudes locales, et certaines mesures d'une exécution un peu moins facile dans les commence"
ments, à des règles variant de pays à pays, ne
présentant aucun ensemble, et ne dérivant d'aucun
principe général. A notre avis, le despotisme de la
loi ~st encore plus tolérable que l'arbitraire de
l'homme.
Nous admettrions, si l'on veut, que le besoin
d'approprier les mesures légales à chaque contrée
(a) Cette idée de former un corps de droit unique a préoccupé
dans les temps anciens et modernes les meilleurs citoyens ellcs
plus grands hommes d'Etat: Cicéron, Pompée, César, Justinien
chez les Romains; Clovis, Charles VII, Louis XI, L'hospital,
Lamoignon et Daguesseau en France, se sont livrés à cet immense
travail qu'il a été donné à Napoléon d'accomplir pour la plus
grande partie dans ses codes, et qui forme certainement son
titre de gloire le moins contesté et le plus impérissable.
�DU DOMAINE PUBLIC.
419
eût pu faire abandonner le principe de l'uniformité
de législation , si on eût attein t réellemen t le bu t
proposé, et si la loi eût dû être d'une application
plus jnste et plus commode. Mais on n'a pas fait
attention que la circonscription des départemellts
déterminée dans des vues politiques, et d'après
'des b3ses statistiques, n'a aucun rapport avec la
constitution physique des diverses régions de la
France, qui seule peut avoir de l'influence sur la
manière d'établir ou de réparer les chemins. Il est
peu de départements dont le territoire n'offre des
différences très-marquées, à tel poin t que certaine
_partie ressemble beaucoup plus à telle antre d'un
département fort éloigné, qu'à un canton voisin
ressortissal1tdela même préfecture. Pour appliquer
le principe dans toute son étendue, il aUl'ait falln
·dire que chaqnecommune,ou même que chaque section de commune aurait son réglement particulier.
Si les préfets avaient voulu faire des réglements
appropriés aux besoins et aux usages, ils auraient
été obligés de fractionner leur ressort en plusieurs
catégories, ayantleur fondement dans les accidents
du sol, la nature des terrains, le genre de culture,
l'état de la civilisation et de l'industrie; les prescriptions pour un pays de plaine ne pouvant s'appliquer aux parties montagneuses quoique situées
dans le même département. 01', si c'est sous cc
point de vue qu'il fallait diviser la France, c'était
à la loi on aux ordonnances royales à disposer, el
non aux administrateurs des lieux, qui n'ont pas
�,,.20
TRAITÉ
dû être moins embarrassés pour un seul département, que le législateur l'eût été pOUl' tout le
royaume.
On s'exagère d'ailleurs beaucoup trop les nécessités locales et les exigeuces en quelque sorte individuelles pour lesqllelleson montre tant de respect.
Elles ont généralement bien moins d'importance
.
d' autres
qll '
on1
ne e suppose; nous n ' en vou d nons
preuves que les difficultés et les procès engendrés
pal' les renvois que le Code civil a faits, particulièrement en ce qui concerne les servitudes, aux anciennes contumes. Les tribunaux sentent presque
parlout le besoin d'en revenir aux règles fixées par
ce Code à déf~ll1t d'usage particulier, même dans
les lieux où ces usages existaient; par exemple, .
relativement à la distance en fait de plantation
d'arbres, nous sommes convaincu que dans les dixneuf vingtièmes de la Fl~ance, on obsel've celle de
deux mètres fixée par l'art. 671 du Code civil. La
dispositiou de l'art. 678, qui exige 19 décimètres
pour l'ouverture de fenêtres d'aspect, a, malgré les
diHërences qui existaient autrefois pour cet objet en
France, fait naître certainement moins de procès,
et, par conséquent, produit plus de bien, précisément parce qu'elle est absolue et générale, que
celle plus flexible qui concerne les arbres. Récemment encore, lorsque la loi du 20 mai J 838 a soumis les cas rédhibitoires dans les ventes d'animaux
domestiques, à des règles uniformes substituées aux
usages nombreux, variables et incertains qui avaien t
�421
DU DOMAINE PUELIC.
été maintenus par l'aIt. 1648 du Code civil, a-t-on
fait f'lltend re qnelques plai n tes, et cette sage mesure
n'a-t-elle pas au contraire été acr,ueillie avec empressement et reconnaissance? Depuis longtemps
nuus faisons des vœux pour voir remplacer de
mème, par des dispositions générales et précises,
celles des art. 645,671, 674, 1736 et 1762, de
ce Code, gni, à notre avis, déparent, en en détruisant l'nnité, le pIns beau monnment de législation qu'ait encore él,evé le génie de l'homme.
Les 360 coutUmes locales qui régissaient autrefois le nord de la France, pouvaient convenir dans
un temps où, fautede moyens de communication,
chaque pays .était isolé et n'avait que des rapports
rares et difficiles avec ceux qui l'avoisinaient; mais
aujourd'hui que notre sol est sillonné e~ tous sens
par des grandes routes et des canaux, et le sera
probablement bientôt par de nombreuses lignes
de rails-va ys ; qu'à l'aide de la loi qui nous occupe,
il faut l'espérer, un réseau de chemins de moindre
importance Je couvrira complétement et fera
pénétrel' l'instruction et les bonnes méthodes
jusque dans' les endroits les plus écarlés; que
l'aisance se répand partout avec la civilisation, les
moyens d'opérer sur les chemins vicinaux doivent
. 'a peu pres
. partout 1es memes, et c 'A
"
elre
eul etc
une idée féconde, même pour l'industrie agricole,
que de chercher à les rendre généraux, à les populariser eu quelque sorte, au lieu.de les spécialiser
et de les renfermer dans d'c.~lroiles limites. Si la
A.
TOll1.
II.
'
�1~22
TRAITÉ
loi doit se plier jusqu'à un certain point aux mœurs
et aux habitudes des nations, elle doit aussi chercher à les rectifier et à les rendre meilleures;
l'abandon que chacun est alors obligé de fail'e d'une
partie de sa liberté individuelle, tourne à l'avantage
de tOI1S, et est le plus sû'r garant de la liberté générale.
Que les préfets eussent été 'chargés de fixer les
délais nécessaires à l'exécution de chaque mesure,
les époques auxquelles les prestations en naturè
devront être faites, le mode de leur emploi ou de
leur conversion en tâches, on le conçoit: ce sont
des mesures de détail et d'exécution qui ne touchent en rien à la propriété privée et qui n'inté~
ressent que peu les citoyens•
. Mais il en est bien différemment de la fixation
du maximum de largeur des chemins, des alignements, des autorisations de construire le long des
voies publiques, des plantations, de l'élagage, des
fossés. Quel(~ues principes généraux appropriés
aux diverses natures de sol et de culture dans toute
la France, et non pas appliqués à une certaine
étendue de territoire prise en bloc, auraient très"
facilement réglé ces points et auraient pu êU'e
accompagnés d'instructions dressées par des gens
de l'art, approuvées par le ministre, et qui auraient
descendu dans des détails d'art et d'exécution
qu'une loi ne peut convenablement comporter.
Il aurait dû en être de même relativement à la
confection des rôles, à la comptabilité, aux adju-
�DU DOMAINE PUBLIC.
423
dications et à leur forme; points sur lesquels on
ne conçoit pas que la localité puisse exercer Ilne
influence telle, qu'il aIt été indispensable de s'en
référer à cet égard aux préfets.
Le ministre de l'intérieur l'a tellement senti
que dans sil circulaire du 24 juin dB6, il a prescrit
à ces fonctionnaires des règles nniformes, qui
auraient été beaucoup mieux placées dans la loi ou
dans une ordonnance générale. Il dit sous l'art. 4,
p. 40 de l'édition officielle: « Les époques des
» travaux et leur mode d'exécution peuvent sans
»doute varier dans les diverses régions du
;n royaume; mais la rédaction des états-matrice,
» la confection des rôles, les formes de la libéra;»
tion des contribuables, enfin la reddition des
) comptes, ce sont là des détails qui peuvent et
) doivent être réglés uniformément. n Sous l'article 21 , page 104, il ajoute: <c Parmi les matière
» sur lesquelles la loi vous donne l'initiative pour
) la rédaction de votre réglement, il en est uu
» certain nombre à l'égard desquelles la diversité
» des localités est évidemment sans inflnence; ce
» sont: 1° la confection des rôles, 2° la compta» bilité, 3° les adj udications et leurs formes ~
» 4° les alignements et autorisations de construire.
) Le dernier de ces objets n'est que l'application
» de principes généraux. dont l'administration ne
» saurait s'écarter; les trois autres doivent être
» soumis à des règles uniformes, afin de faciliter
» l'établissement de comptes réguliers et de perI
•
�42~
TllAlTÉ
mettre à l'autorité centrale d'exercer le droit
» de surveillance que la loi n'a pas vouln lui en» lever. Je vais donc vous tracel', SUl' chacune
» de ces pa l'lies du service, des règles don t je vODS
» invite à ne pas vous écarter. ),
N'est-ce pas là la plus forte critique qlle l'on
pOllvait faire de la disposition qui nous occupe?
Cependant l'auteur du Cours de droit administratif'appliqué aux travaux publics s'élève
co·ntre notre manière de voir à ce sujet. ce Nous
» ne saurions partager, dit-il (tom. 3, pag. 406,
e
» 2 édit. ), la crainte qu'éprouve uu jurisconsulte
» de voir sortir de ces -règlements locaux 86 Codes
.» différents -, dont la confilsion égalerai t celle de
» nos ancieunes coutumes. Les objets qu'énonce
» l'art. 21 étaient, en effet, pllltôt<1U ressort des
» réglements que du domaine de la loi; ail sllrpllls,
» ces réglements des préfets ne manqueront p<1S
» de toute espèce d'harmonie et de conformité
') entre eux, puisqu'ils sont soumis à l'approbation
» du n1Ïnistrc de l'intérieur. De là, celle riche
» moisson de renseignements dont se compose le
» rapport faitannllellement au roi, d'après lesquels
» le ministre pourra discerner les mesures suscep» tibles de s'appliquer à toutes les localités qui sc
» trouveront dans des circonstances analogues et
» qni pourront former des catégories distinctes,
» telles que les pays de plaine, les pays de mon') tagnes; l'expérience recommandera telle mesure
» comme commode et favol'able dans telle nature
» cie climat, dans un pays plutôt agricole qu'in»
�425
DU DOMAINE PUBLIC.
dustriel, ou réciproquement, ct les dépane» ments se feront -des emprunts réciproques. "
N oùs ne pourrions, à notre tour, adopter en
partie ces idées qu'autant que la disposilion qui
nous occupe serait-considérée comme une mesure
d'essai, d'élude et de transition, destinée à préparer, pour un avenir peu éloigné, une loi OH une
ordonnance générale plus parfaite; mais si après
qnelq,;es années d'expérience on ne procédait pas
à une refonte en un seul corps de tous les régIemen ls particuliers, nous n'en persisteriotls qu'avec
plus de force dans notre avis; d'ailleurs l'examen
que nous avons fait de plusieurs de ces arrêtés nous
donne la certitude que l'œuvre que nous proposons et que nOllS avions eu un instant le projet
d'en lreprend re, ne serait ui longue ni difficile;
jointe à la révision de la loi du 21 mai] 836, à
l:rquelle il conviendrait d'ajonter les artieles en
petit n'ombre des lois antérieures, non abrogés,
elle procurerait un Code complet de la vicinalité.
575. En descendant de ces réflexions gén(~
l'ales suggérées par l'esprit de notre article, à l'examen de ses dispositions, nous avons à nous expliquer sur le caractère du l'églem~lIt qu'il prescrit,
à indiquer la sanction qui doit en assurer l'exécution et enfin à présenter quelques observations
sur les plus iniportants des points qu'il est destiné
, ,.
a regll'.
Et d'~bol'd, <JuoiCJl1e ce ré~lement doive contenir plusicurs dispositions qui rentrent clans le
domaine du législateur, il u'est toujours qu'un
»
\
�426
TRAITÉ
acte de l'administration, et n'a pas le caractère
de stabilité qui appartient à la loi. Dressé à la hâte,
dans un très-court délai, et ayan t une portée immense, il est impossible qu'il ait atteint du premier coup, le degré de perfection dont il est
susceptible. Il a donc fallu laisser la faculté, nonseulement d'y apporter quelques lDodificatilms,
mais encore de le changer en totalité si l'expériçnce
en démontrait la nécessité.
.
A la séance de la chambre des députés du 8
mars, un membre ayant demandé: « Si passé
» l'année; ou venait à jnger convenable de mo» di fier le réglement, la modification pourrait
» être faite suivan t les mêmes· fOl'mes, »
le
rapporteur répondit: Cc La modification est de
» droit; » ce qui fut appuyé par un autre membre
en ces mots: cc Non-seulement la modification,
» mais même le réglement. » C'est-à-dire que
ce réglement pourra être changé en totalité.
Mais pour que le changement soit obligatoire,
il, faudra qu'il soit OpéTé en suivant exactement
la marche tracée par l'art. 21 pour la confection
du premier réglement, c'est-à-dire, qu'il devra
être communiqué au conseil général et transmis,
avec ses observations,' au ministre de l'intérieur
qui y donnera son approbation; à défaut de ces
.formalités, il ne l'en trerait pas datis la classe des
réglements faits par J'autorité administrative, qui
reçoivent la sanction portée en J'art. 471, S ] 5 du
Cod. pénal; c'est c~ qu'a décidé la Cour de cassa-
�DU DOMAINE PUBLIC.
tion par trois arrêts des 15 et 27 décembre 1838
et 8 août 1840 (Sirey, 39-1-816); par l'avanfdernier, elle a jugé ce en droit que le réglement
» général, fait en exécution de l'art. 21, aLroge
:» virtuellement, par le seul fait de sa puLlication
» dans chaque département et ponr tous les cas
» qni s'y trouvent prévus, les anciens réglements;
» que les préfets ne pen veut dès-lors pas ensuite,
» se référant à ces anciens réglements, les faire
» revivre et rendre nulles et de nul effet une ou
» plusieurs dispositions de leur réglement général,
» par un arrêté spécial qui n'a été préalablement
» ni soumis à la délibération du conseil général,
» ni approuvé par le ministre auquel la loi du
» 21 mai 1836 a réservé le pouvoir de le rendre
» obligatoire. »
M. Cotelle commet une erreur lorsqu'il dit
( pag. 408 de son Cours de droit administratij;
e
2 édit.) que le nouvel arrêté pris par le préfet,
même avant son approbation par le ministre,
abroge les dispositions de l'al~cien, pourvu qu'il
ait été communiqué au conseil général, quoique
cep'endant il ne soit point obligatoire dans les
dispositions suLstituées aux anciennes. Nous ne
voyons pas sur quoi pourrait se fonder celte distinction. L'effet du réglement est indivisible; sans
autorité pour disposer, il n'a pas plus de valeur
ponr abroger; l'arrêt de.la Cour de cassation du 15
déc'embre 1~38, cité par cet autenr, ne vient nulle.
ment à l'appui de son opinion; il dédare, au con-
�428
TRAITÉ
traire, l'inefficacité com pIète du réglement tant q n'il
n'l'st pas revêtu de toutes les formes prescrites.
Si le préfet ne peut seul modifier son réglelllent
généra J, le maire le pourra encore moins, ainsi
que l'a jugé la Cour de cassation dans l'affaire
:Bollvyer, le 27 j nin 1 ~39; il Y a pIns, c'est que
nous pensons, avec la même Conr (arrêt du 5
aoùt 1l537), qne l'autorité municipale a été dépou illée, par l'art. 21 qui nous occupe, du droit de
fdire des arrêtés s~r les points qui y sont mentionnés, lors même que le préfet, auquel ce droit a
été spécialement et exclnsivemel1l confié, aurait
omis d'y statuer. Dans ce cas, ies anciens réglements seraient seuls 'obligatoires, un arrêt de la
Cour snprêl"ne ayant décidé, le 22 JUIllet 1837,
qn'ils conservaient leur effet jusqu'a la promulgation du DOUVeal1.
En pareille matière, le maire ne redeviendrait
compétent que si le l'ég!emeDt général lui réservait
quelques points a régir; alors'il tiendrait son pouvoir non de la loi. directement, comme pour les
objets confiés à sa vigilance par les lois des 16-24
aoùt 179°,19-22 jniliet 1791 et 18 juillet 1837,
maisd'une délégation spéciale dn préfet, approuvée
par le conseil général et par le ministre.
576. Pour connaître ]a peine dont est passible
l'infraction au réglement dn préfet, il faut distin"
guer.
Lorsque cette infraction constitue un délit déja
prévu par le Code pénal ou par toute autre loi ae-
�DU DOMAINE PUBLIC.
429
tuellement en vigueur, la peine portée par ces lois
doit être appliquée comme dans les cas des art. "437
pour destruction de ponts, dignes ou chaussées,
44 5 ,446, 447 et 448 pour arrachement ou mutilation d'arbres, 456 pOUl' cornblement de fossés,
bris de clôture J destruction d~ haies, suppression.
de bornes, 457 pour inondations de chemins par
sur-élévat\on de déversoirs d'usines J 479 J nO 4,
pour encombrement, excavation ou telles autres
œuvres dans ou près les rues, chemins, places
ou vuies publiques, sans les précautions ou signaux ordonnés ou d'usage, et qui auraient occasionné la mort ou les blessures d'animaux ou
bestia IlX.
Lorsqu'il s'agit de dégradations ou de détériorations des chemins, de quelqne nature qu'elles
soient, d'usurpations sur leur largeur J ou d'enlèvement, sans autorisation, de gazons, terres ou
pierres pris dans ou sur leur sol, les numéros I l
et 12 ajoutés à l'art. 479 du Code pénal par la loi
du 28 avril 1832, punissent celle contravention
d'une amende de I l à 15 francs, et, en cas de
récidive, d'un emprisonnement de cinq jours,
Enfin, lorsque le fait défendu par l'arrèté du
'c
",
,
J'
• ,
, • 1
prelet
na
ele prevu
0 une mamere specla e pal'
aucun texte formel, llamende d'uu à cinq francs
avec emprisonnement pendant trois jonrs, en cas
de récidive, doit être prononcée en vertu, soit du
nO 5 de l'a!'t. 471 du Code pénal, soitdu r}0 lb nouvellement ajouté audit article J et ainsi conçu:
�430
TRAIT.É
Seront punis d'amende, depuis un franc jusqu'à
cinq francs inclusivement, ceux qni auront con~) trevenu aux réglements légalement faits pal~
~) l'autorité administrative. "
Quant à la question de savoir quelle est l'autorité compétente pour statuer sur les contraventions relatives aux chemins, nons la traiterons en
examinant dans le commentaire de l'art. suivant
si l'art. 8 de la loidu 9 ventôse an XIII, concernant
les usurpations sur leur sol, est encore en vignenr.
577. Les points dont notre article 21 confie
le réglement aux préfets, peuvent être rangés en
deux classes: les uns comprenant les mesures relatives à l'entretien périodique des chemins, et les
autres ayant trait à la propriété de leur sol et aux
droits et servitudes nécessaires à leur usage, à leur
conservation ou à leur amélioration.
Les premiers son t relatifs à la fixation
1 ° Des délais nécessaires il l'exécu tion de chaque
mesure ,
2° Des époques auxquelles les prestations en
nature rlevron t être faites,
3° Du mode de leur emploi ou de leur conversion en dl.ches ,
4° De celui de la confection des rôles,
5° De la manière dont la comptahilité doit êtl'e
établie,
6° Et de la forme des adjudications Ca).
«
»
Ca) Pour les cahiers de charges des travaux d'art ou de
�DU DOMAINE PUBLIC.
431
Les seconds concernent
1 ° La largeur à donner aux diverses espèces de
chemins,
2° Les fossés et leur cur~ge,
3° L'écoulement des eaux,
4° Les plantations et l'élagage,
5° Les alignements et les autorisations de construire,
6° Enfin tous autres détails de surveillance et
de conservation. _
Nous n'examinerons pas séparément chacun
des points de la première catégorie, parce que,
comme le dit très-bien M. Garnier ( pag. 1 iode
son Supplément à la 4e édit. du TraiU! des
chemins), ils sont plu~ du domaine de j'administration pratique que du jurisconsulte, et que, d'ailleurs, ils ont élé suffisamment expliqués daüs
l'instruction miuislériel1è du 24 juin 1836.
Nons nous bOl'l1erons seulement à présenter
quelques observations sur une opinion que M. Prondhon a émise au nO 514 de la 1 re édition du Traité
du domaine public., par rapport au mode d'exécution des prestations en nature; il prétend que
terrassements, on pourra consulter celui de·l'administratiol~
des ponts et chaussées, arrêté le 25 août 1833 (Sirey, 36-2-518);
celui pour les ouvrages de la ville de Paris et celui pour le
génie militaire, rapportés textuellement l'un et l'autre dans
le Code des architectes> par M. Fremy-Lig~eville, pag. 335
et 353.
/
�432
TRAITÉ
les communes ne peuvent, comme autrefois, du
temps de la corvée, sous-diviser les travaux à faire
sur les chemins eu divers lots, exécutés chacun
par un certaiu nombre d'habitants, et que toutes
les journées doivellt être conférées en commun ou
en masse, sans égard à aucune division tracée sur
le sol.
Nous ne sam'ions partager cet avis, et le système
contraire que le réglement préfectoral pourra prescrire, la loi nouvelle n'y mettant aucun obstacle,
nous paraît de beaucoup préférable.
En effet, le travail exécuté sur une étendue
déterminée, par un certain nombre d-'ouvriers,
sera pins utilement et mieux fait gue si tous les
habitants étaient rassemblés dans on même endroit.
Réunis en trop grand nor~lbre, ils se noisent réciproquement, et sont d'alltant moins disposés à
utiliser lem' tf'lllPS, qu'il devient impossible d'exercer one sorveillance sur chacun, et que la paresse
des uns est contagieuse pour tous. Nous pensons
même qoe le meIlleur moyen serait cell.i déjà
adopté dans plnsienrs communes, d'évaluer les
prestations en tâches que chacun pourrait faire aux
jours etaux heures qui lui conviendraient le mieux,
quoique cependil11t dans un délai déterminé.
Ce mode, sans compliquer beanconp plus la
comptabililé, exigp.rail moins de surveillance,
gênerail moins la liberlé inoiviouelle, répartirait
la charge d'ulle manière pius exacte, et produirait
environ un lÏers d'ouvrage de plus; il est recorri..:
�DU DOMAINE PUBLIC.
433
mandé avec beaucoup d'insistance par le ministre
sa circulaire du 24 juin 18:16;
et à la séance du 29 avril précédent, M. HumhlotConté en a fàit le plus grand éloge, en rappelant
les heureux résultats qu'il avait eus dans plusieurs départements. Examinant la question de
savoir si la prestation contre laquelle plusieurs
membres s'étaient élevés, rapportait en fait tout
ce qu'elle pouvait rendre: (c Non, dit-il, quand
» elle sera exécutée de la manière dont s'exécu')' laient les corvées. Il est bieI~ certain que lors:J) qu'on ordonne à tous les habitants de se rendre
)' à un jour donné sur le chemin, pour exécutel'
» leur prestation, celte prestation est très-impar» faitement exécutée. Dans quelques communes
» qui ont le bonheur d'avoir un maire très-zélé,
» celui-ci, en prenant les habitants pal" pelotons,
..
.
,
.
..
.,
» SI Je pOlS nl expnmer a111sI, et en aSSIstant a
» leurs travaux, peut en tirer un bon parti; mais
" lorsque les maires sont moins zélés, ils font ve» nir tous les habitants à la fois, ct alors le travail
)' se fait excessivement mal. C'est pour prévenir les
)' inconvénients d'un pareil mode, que l'on a Îma» giné dans certains départements de convertir la
» prestation en tâches .... Les assujettis à ces pres" tations exécutent les travaux et les transports
" dans le temps qui leur convient le mieux; et tout
» le monde sait que dans les campagnes il y a un
» grand nombre de jours dont les habitants ne
» trouvent pas l'emploi. C'est précisément de ces
oe l'intérieur dans
�43~
TRAITÉ
jours que les cOlnribuables profitent pour ac:» quitter leur prestation en nature. LOI'sque le
» délai est expiré, et ce délai est toujours assez
:t> loug, le maire, accompagné de quelques autres
" personnes, vient SUl' le chemin, fait la recon» naissance de tous les travaux, et puis, à un jour
» donné, il convoque les autres habitants et leur
» fait répandre la pierre... Quand la prestation en
» nature se fera par le moyen de tâches, comme
» ce mode n'exige pas la présence du maire plu» sieurs jours de suite sur le chemin, qu'il ne der
» mande que des ordres et des instructions, les
» maires s'y prêteront facilement. »
Comme nous l'avons déjà dit aux nOS 481 et 494
ci-dessus, il n'est pas, selon nous, de moyen plus
onéreux, moins efficace et moins productif pout
la réparation des chemins, que la prestation en
nature telle qu'clle existait autrefois et qu'elle a
été conservée par la loi nouvelle.
Passons actuellement aux points de la seconde
catégorie ayant trait au corps du chemin en luimême et à ses accessoires.
1° LARGEUR. Ce n'est point la largeur de tous
les chemins de son département, que le préfet doit
déterminer par le réglement général; il doit seulement fixer un maximum qui, à moins de révision de ce réglement dans les formes prescrites par
notre art. 21 , ne peut pas être dépassé et le liera
lui-même dans l'exel'cice du droit qui lui est con:t>
�DU DOlVWNE PUBIJC.
435
féré Sans bornes par les art. 16 et 16 de la loi du
21 mai 1l536.
Ainsi, après cette fixation, il aura à déterminer
pour chaque chemin en particulier, lors de l'approbation qu'il donnera soit au tableau général dressé
pal' le conseil municipal, soit aux délibérations
spéciales de ce conseil relatives à l'établissement
ou au rélargisse~ent d'une nouvelle voie vicinale,
la largeur qu'il devra avoir, en prenant en considér~tion l'importance de la communication, la nature et la disposition du sol, la valeut' vénale des
propriétés à traverser et surtou t les ressources de
:ta commune; cette disposition de son réglement,
'destinée à prévenir des abus et il empêcher l'influence des considérations personnelles, remplacera
seulehlent l'art. 6 de la loi du 9 ventôse an I3, qui
statuait d'une manière uniforrne pour toute la
France, que/ cc l'administration publique fera re» chercher et reconnaître les anciennes limites
" des chemins vicinaux et fixera d'après cette re» connaissance leur largeur, suivant les localités,
n sans pouvoir cependant ~ lorsqu'il sera néces» saire de l'augmenter, la porter au;"delà de six
,> mètres~ ni faire aucun changement aùx chemins
» vicinaux qui excèdent actuellement celte di men» sion.»
Il résulte de là, d'une part, qu'une commune ne
pourra, en vertu de ce seul réglemellt général, exproprier, en suivant les formes tracées par les art.
16 et 16, les terrains nécessaires pour porter ses
�436
TRAITÉ
chemins à la largenr déterminée, el: qu'illni faudra
encore un arrêté spécial et formel, et, d'un autre
côté, qu'elle ne pourra, lorsque p<lr la suite il s'élèvera des dontes et des contestations sllr la largenr d'nn chernin, invoquer, même comme présomption, la disposition contenue dans le réglement.
La loi~n'ayant parlé que du maximum, il s'ensuit qu'aucun minimum ne doit être fixé à l'a
vance; dans certains cas spéciaux, rarps, à la vérité,
mais q ni cppcl1l1é\nt pourron t se rrésen ter, le préfet anra la faculté de déclarer vicinal un simple
sentÎel' de l'ieLl n'ayant qu'nn mètre, ou mème
moins, de largeur.
Le réglement qoit déterminer non-seulement la
largelll' de la chaussée, mais encore celle des talus
quand le chemin est en remblais ou en tranchée,
ainsi qlle ceJIe des fossés et emplacements destinés
au dépôt des matériaux; en cas d'omission à cet
égard, les riverains seraient fondés à prétendre que
le tOllt doit être pris dans les limites du seul maximum fixé.
Voici les instructions que la circulaire du :l.4
juin 1~B6 contient par rapport à cette partie du
réglement: cc Six mètres ponr les simples chemins
" vicinaux, dit M. le ministre, me paraît une lar» geur qu'il convient de ne pas dépasser; il est
" bien rare qne les besoins de la circulation exigent
" davantage; et aller au-delà, c'est augmenter la
» difficnlté cl'obtenir des propriétaires riverains
�DU DOMAINE PUBLIC.
431
» l'abandon gratuit ùcs parcelles nécessaires anx
»
l'élargissements..... Quant aux chemins vicinaux
de granùe communication, le maximum de la
largellr me paraît convenablement fixé à huit
mètres, et je vous en~age fortement à ne pas la
dépasser; il en résulterait trop de difficulLés ponr
obtenir les terrains nécessaires aux rélargissements. Ici, tout en donnant ce maximum
comme indication générale, vous devez, pour
chaque ligne et au moment même où elle sera
classée, arrêter la largeur précise qu'elle devra
»
aVOIr. »
»
»
:»
»
»
»
»
»
»
Ce ne sont là, comme on le voit, que des conseils qui ne doivent point lier les préfets lorsque
des circonstances particulières leur feront seuLÎr
j'utilité d'en agir autrement; cepenùant dans les
divers réglements qui sont venus à notre connaissance, nous n'avons pas remarqué que la dimension de huit mètres ait été dépassée; seulement la
largeur des fossés a été généralement pris'e en
sus; l'art. 2 du réglement pour le déparLement
de la Gironde, dit que cc la largeur des chemins ne
» pourra être portée au-delà de huit mètres, à
» moins d'une autorisation spéciale. » Nous ne
savons ce que l'on a entendu par ces dernières expressions; si elles se réfèrent au préfet seul, elles
nous paraissent contraires à la loi, puisque pOUl' ces
cas spéciaux, il n'y amait ni avis du conseil génél'al, ni approbation du ministre en connaissance
de cause, ce que notl'e article 21 exige néanmoins
Tü:l1. II.
28
�438
'l'lUITÉ
d'une manière positive; si elles ont pour objet, au
contraire, de soumettre l'exception à tontes les
formes du réglement même, elles sont sllperflnes.
2° FossÉs ET 1.EUR CURAGE. PI'esqllc partout et à moins que le chemin, comme ct"la arrive
dans certaines montagnes, ne soit étahli snI' le l'OC
vif, les fossés sont de la plus hallle utilité ~oit pOlll'
assainir le sol, soit pour prévenir les dég~ls dans
les propriétés voisines, soil surtout pour empêcher
que les riverains ne COl11rnettent des anticipations,
ou que, même sans intention d'envahissement, ils
ne condnisentleurs charrues jusque snI' la chaussée
et ne la couvren t ainsi de terre, ce qui n'est pas
tolérable lorsqu'il ya nn empierrement. Dans les
pays bas, où les matériaux solides -manquent, le
produit du repurgerncut des fossés peut être employé avec avanta~e pour réparer les ornières et
excavations qui se forment dans le chemin et surtout pour en exhansser le sol et en bomber le milieu de manière à f<lciliter l'écoulement des eaux.
Un chemin, même tout en terre, est praticable
lorsque la surface en est sèche et bien battue.
Comme partie intégrante du chemin , le~ fossés
devront être portés avec leurs dimensions en largeur et longuenr sur le lableau prescrit par la circulaire du 7 prairial an 13; de même que la
chaussée, ils sont imprescl'iptihles et tloivent être
entretenus aux frais Je la COtlllllllne et avec les ressources créées par la loi dn 21 mai ]836; le réglement général ne pourra mettre leur curage et leur
�DU DOMAINE PUBLIC.
439
entretien à la charge des riverains, ltlnsi que le
prescrivaient, pal" rapportà ceùx des rootes royales,
les dispositions des arrêts do c'onseil dès 26',mai
1705 ct 3 mài 1720 (arl. 4)'; ainsi qu'e dës édits des
16 févrIer 1776 (art. ~), lt li jùillét J78t, implicitcment abrogées par l'art'. 2 de la: loi du 9 ventôse an i3, puis ten'odvelées pdr les art. lè'9 et
110 du décret du J6 dé'cerri})re 18il, à lei1l1 tour
remplacés' par l'art. 2 de la loi do 12 mai J825,
ainsi conçu: cc A dater dil ier j<:üivr r l~h'i; le cu» rage et l'entretien des fossés qùÎ' foril p'à'rtie de
» la propriété des routeS royales èt aé~artëmen
» tales seront opérés par les soins de l'a'dmioistra» tion publique' el ml' les forkls a'ffëctés an niain» tien de la: viabilité destlitc's rdute's. );
Cet" articlè n'a malhéureusement pas I~ésol'u'; par
rapport au curage des fosSés dés routeS rdyiJés ét
départementales, u'ne a'ulrl? qùestion qui se présente
aussi relativ'ément' aiix chëiiiins vidùaux, cëll~ de
. savoir si les ri'vèdiins' pe'i.lv'éni être c'dntr'<iinrs de
recevoir sans! indernriité' Silr le'urs pl~oprÎétés! Fe ptoduit de ct! éuhige~
•
On avait induit ta: négdiivè au réglemen:t dressé
par l'administration des ponts et chaussées po dt fe
service des Càutonniers, ét q'ui pa'rte que c'es ngents
devront jeter les térres dés fossés sdf les tel:raiùs
voisins s~il n'~y a pas d~opp'osiiiort.
Mais par sa circulaire du 30 juillet 1~335, M. fe
directeur général a combattu cette interprétation:
cc Avant la loi du 12 ll13i 1~h5, dit-il, les proprié-
�440
TRAITÉ
taires riverains avaient la double obligation de
» curer les fossés et de recevoir SUi' lenr sol le
» produit du cnrage. Cette 'Ioi les a déchargés de
» la première de ces ohligations, mais elle se tait
» sur la secoude; ct comme une servitnde légale» ment établie ne peut être abrogée ·que par un
» texte précis de la loi, il est évident que la dis» position des anciens arrêts, relative au dépôt des
." terres provenant du curage des fossés, subsiste
» encore aujourd'hui. Mais en cas d~opposition
» d'un riverain, le cantonnier, qui ne peut être
» juge de la question, doit évidemment s'abstenir
,»
jusqu'à ce que le débat ait été tranché par l'au» torité compétente; c'est dans ce sens seulement
» qu'il faut entendre les mots : s'il n~y pas
» opposition, inséré dans l'art. 5 du réglemcnt
» su r les cantonniers. »
Aucune loi ancienne n'ayant 'imposé la même
obligation aux riverains des chemins vicinaux,
l'argument de M. le directeur général ne peut lenr
être applicable; aussi doit-on dire qu"en cas d'opposition, les communes ne seraient point fondées
à fail'e jeter le produit du curage sur les héritages
joignant.
Voyez, au surplus, ce que nous avons dit nO 478
ci-dessus, sur la propriété des fossés existant le
long des chemins vicinaux: et les distances à observer lors de leur établissement.
3° ECOULEMENT DBS BAUX ........ Ce point corn·
prend tout à la fois le déversement des eanx du
)!)
�DU DD:\'1AINE PUBLIC.
~·41
chemin sur les propriétés riveraines et vice vetsd
celui des eaux des héritages voisins sur la voie puhlique; ni l'une ni l'autre de ces hypothèses ne
peut être réglementée d'une manière générale pal'
l'arrêté que prescrit notre art. 21 ; tout dépend en
effet des circonstances et des l'ocalités.
Comme nous l'avons dit ci-dessus, nO 570, pag.
362, l~es propriétaires de fonds joignant un chemin' ne pourront s'y procurer une issue en comhlant le fossé; pour ne pas nuire à l~écoulement
des eaux, ils devront jeter sur son ouverture un
pouceau dont il appartiendra an préfl~t de déterminer l'étendue ct le modede construction; ce magistra t devra prescrire les formes' à suivre pour l''obtention de cet te faculté,et tous les frais que son exercice.
occasionnera, seront à la charge du propriétaire.
S'il s'agit de pratiquer un aqueduc sous 1:1n chemin vicinal pour faciliter l'écoulement des eaux
d'nn de ses bords à l'autre, le travail d'evra être
fait par la commune, ou s'il est réclamé' dans l'intérêt d'un particulier, celui-ci ne pourrait y procéder qu'en vertu de l'autorisation accordée par
le conseil municipal et par le préfet et sous la sur·
veillance de l'agent-voyel' qui aurait à prescrire les
mesures propres à assnrer la sécurité du passage.
NOliS avons dit plus hant que si les chemins
et rues étaient assujettis, à titre de vél'itable servitude, aux aisances des voisins, compatibles avec
la destination de cette partie du domaine public,
telles qne les vues, les issues et passages, il en était
�TRA1TÉ
autrement de celles qui y étaient contraires et à
l'égard desquelles aucun titre ni aucune prescription ne pouvaient jamais être invoqués; de ce
nombre serait évidemment l'écoulement, sur le
chemin, d'eaux ménagères ou (l'ateliers qui aurait
pour effet de le dégrader, de le rendre malpropre
et d'occasionner des accidents dans ]a saison des
gelées; si dans certaines localités cet usage existe,
c'c&t en vertll d'une tolérance de la part de l'administration qui quelquefois est obligée, par des
considérations particulières et pour éviter d'autres
inconvénients, de, ne point user de son pouvoir à
la rigueur et de dire avec le poète: Meliora video
proboque ~ deteriora sequor; mais il n'y a point
de droit proprement dit, ainsi que semblerait le
reconnaître Toullier, tom. 3, nO 48 t, et que
l'enseigne formellement M. Daviel, Traité des
cours d~eau~ nO 946, où il pose en principe que
« tous les propriétLlil'es riverains des voies pu" bliqùes ont la facnlté d'y laisser écouler leurs
:» eaux ménagères. Que cependant l'exercice de
» celte faculté peut être soumis, dans l'intérêt
~) public, à certaines mesures de garantie et qu'il
~) peut même être entièrement interdit à certaines
~) professions, comme aux tripiers, bouchers, etc.,
» et dans certains temps, par exemple pendant
» les gelées. )~
Nous croyons qu'il n'existe de servitude que par
rapport à l'écoulement des eaux. pluviales des toits,
que l'art. 681 du Cod. civil autorise expressément
�DU DOMAINE PIrnLlC.
443
à diriger sur la voie publiC(ue; les édits, arrêtés
de police et ordonnances royales concernant spécialement la ville de Paris, cités par l'auteur à
l'applli de son opinion, ne sont évidemment pas
la reconnaissance d'on droit au profit des riverains;
ils ne foot C(lIe réglementer un état de choses qu'il
était impossible de détruire sans occasionner une
perturbation complète dans la presque totalité des
constrnctions d'une ville étendue; on ne peut pas
plus argumenter dl~ ces actes de J'autorité en faveur de J'existence d'une servitude, que l'on ne
ponrrait en iuduire \lue au profit des étalagistes
~ur les places et dans les l'Iles, dps divers arrêtés
qui out déterminé la forme etla saillie des auvents,
étaux, bontiques, etc.
Nous n'hésitons pas, en conséquence, à préférer l'opinion contraire, professée par M. Proudhon (Traité du domaine public ~ nO 365) et
par M. Troplong (Traité de la prescription ~
nO 14 0 ); elle repose d'ailleurs sur un arrêt de
la COllr de cassation, du 13 février 1828 ( S. ,
28-1-253), où les vrais principes SOllt posés:
« Attendu, portent' les molifs , qn'il est constaté
» ell fail: 1° que de la manufacture du deman» cleur (le sieur Heclh) découlent des eaux mal.
» saines qui incommodent le voisinage; 21) que ces
» eaux, avant d'arriver au fossé dit des O"phelins,
~ traversent, an moyen d'nn aqued'.Jc souterrain,
» l'une des rues de la ville..... Attendu qu'une
» rue est 11ne propriété publique, hors du com-'
�TRAITÉ
merce, qui n'appartient à personue, snI' laquelle,
» pal' conséqnent, personne ne peut acquérir
:» aucun droit de propriété; Attendu que la
:» police en appartierit au corps municipal, et que,
» chargé par la loi de faire jouir les habitants de
» la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de
:» la tranquillité dans les rues et places publiques,
» le maire de la commune peut faire tons les
» réglements et prendre tOlltes les lllf'SUreS néces:» saires pour atteindre ce but; qu'ainsi, en sup» primant, comme l'a fait la municipalité de St.ras:» bourg, un égoÎlt qui répanr\ait des exhabisons
» malsaines, il n'a pas privé le demandenr d'un
» dl'oit de servit.ude, puisqlle personne n'en peut
:» acquérir sur lea rues ~t les places publiques;
;» Rejette ..... »
Ainsi, par son arrêté, le p,'éfet pourra prohiber
l'écoulement, Sllr les chemins vicinaux ou dans
les foss(:s qni les hordent, des eaux ménagères,
de fil miel', d'ateliers et de manufactures; les maires
de chaque commune le pourront également, parce
qne le pouvoir oc police qui leur est conféré pal'
les lois des 24 août 1790 et 22 juiJlet1791 (depuis
con firDJé par la loi cl u 1 ~ jnil1et 1837), pour tout
ce qui il trait à la sécurité du passage cl à la salubrité, ne leur a point été retiré par l'art. 21 de la
loi du 21 lllai 1836, ainsi que l'a reconnu \ln arrêt
de la Conr de cassation, du 4 janvier 1840. Les
mesures prises à ce sujet ne oonneront lieu à aucnne indemnité contre la commune, lors même
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
445
qu'elles causeraient du préjudice aux nverams,
parce flu'il ne peut y avoir lieu à indemnité que
lorsqu'il y a privation d'un droit acquis ou snppr'ssion d'nne servitnde, et que tout ce qni est
conlraire à l'ordre, à la sécnrilé ou à la salnbrité,
ne conslitue jamais un droit qnelque longue que
soit la possession; C'(:'Sl un abus qui ne se prescrit
jamais el qni peut toujours être réprimé; perpetllô
clamat. ( Arrêt de la Cour de cassat. du 23 juillet
1836. -
Sirey~
37-1-245.)
Qnant à l'écoulement des eaux naturelles, soit
de SOlll'Ct', soit pluviales, que notre article 21 a
en principalement en vue,' il est extrêmement
difficile de poser des règles applicables à toutes les
localités et à toutes les circonstances; ce qne nous
ponvons dire, c'est que, soit dans les mesures
générales que le réglement aura à prescrire, soit
dans cellcs spéciales (l"i seront prises dans chaque
espèce parliculière, les préfets devront se conformer aux dispositions du droit commun établi
par l'art. 640 du Cod. civ., ainsi conçu: « Les
» fonds inférienrs sout assujettis, envers cenx qui
') sont plus élevés, à recevoil' les caux qui en
» découlent naturellement, sa'ns que la main de
') l'homme y ait contribué; - le propriétaire io" férieul' ne pent point élever de digne qui em·
" pêche cet écoulement; - le propriétaire supé" ricnr ne peUL rien faire qni aggl'ave la servitude
" dn fonds inférieur. " Ainsi quand la chaussée
d'un chemin établi sur le flanc d'un coteau, far-
�4!i6
TRAITÉ
mera digue et empêchera l'éconlement des eaux
des héritages supérieurs, il f:'ludra construire un
aqueduc transversal qui procurera cet écoulement;
ainsi encore on ne pOllrra faire écouler, soit sur le
chemin, soit dans les fossés, les eaux de manière
à les conduire et à les déverser en un point où la
pente naturelle du terrain ne les dirigeait pas;
ainsi, ~nfin, un liverain inferiellrnc pourra se s(Jlyir
du chemin ct de ses fossés ~omll1e d'un canal de
dérivation, pour s'affranchir de l'obligation de
recevoir les eaux qui, sans cela, arriveraient sur
sa propl'iété. Si quis~ porte la loi 2, S 26 et 27,
ff. ne quid in Joc. pu blic., cloacam in viam
publicam immitteret exque ed re minàs lwhilis
via per cloacam fiat ~ teneri eum Laheo serihit..... Pro in dl! , et si fossam quis in fundo
suo fecerit, et ihi aqua collecta in viam decurrat, hoc interdicto tenebitur.
Si par l'établissement du chemin on était absolument forcé de changer l'état naturel des lieux
et de modifier d'une' ma nière préj udiciable pour
les voisins le régime d'écoulement ordinaire des
eaux, soit en en dirigeant qui n'y seraient point
arrivées, soit en les déversant d'une mauière nuisible, on pourrait sans doute le faire parce que
l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt pa"ticnlipr et va jusqu'à autoriser l'expropriation du
fonds; mais alors il y aurait lieu à indemnité, comme
nous l'avons expliqué au nO 570 ci-dessus, parce
que c'est à la commune tout entière, ~t non à un
�DU DOMAIl'IE PUBLIC.
447
seul citoyen, à supporter la charge créée dans un
intérêt commun. Quand une chose est d'utilité
générale, elJe peut et doit être exécutée même au
préjudice des intérêts privés, sans distinction de
leur nature et de leur légilimité; il n'échet d'examiner ces derniers points que lorsque l'on en vient
à la question d'indemnité; si cet intérêt a ponr
hase un droit acquis de propriété ou de servitude,
le dédommagement est dÎt et doit être accordé;
s'il ne repose, au contraire, que SUl' un abus, une
tolérance op un usage, il n'y a rien à payer; c'est
ce qui explique Ja différence de solution dans les
deux cas que nous venons d'examiner: celui de la
surpression de l'écoulement d'eaux ménagères ou
fétides et celui de l'écoulement d'eaux natureJles;
au premier, il Y a usage abusif de la chose qui ne
peut être maiutenu par la prescription qnelque
laps de temps qu'il ait duré; au second, il Y a
droit formel résulLant de la loi, dont on ne peut
être contraint de faire l'abandon que pOllr cause
d'utilité publique et moyenn,ant indemnité.
Nous différons, à cet égard, d'opinion avec notre
savant ma'ître M. P:-oudhon, qui, au U O 1307 de
son Traité du domaine public ~ dit: cc Toutes
» les fois que, pour cause d'utilité publique, l'a<1» ministration juge convenable de donner qne
» direction particulière et nouvelle au cours des
» eaux, de quelque nature qu'elles soient, les
» propriétaires sont obligés de s'y soumettre, parce
» que Finlérêt privé doit toujours céder à l'intérêt
�448
TRA.ITÉ
»
général: Cassius autem seribit, si qua opera
»
aquae mittendae eallsd publied auctoritate
jaeta sint, in aquae pluviae arcendae actionem non venire (L. 2., S3, tf. de aqud et
aquae pluv. areend.). C'est alors une sf'rvitude
»
»
»
imposée au fonds infërieur, par l'autori.té civile,
pour cause d'utilité publi.que. C'est ainsi que
» pour prévenir la dégradation des routes et grands
» chemins, l'on y pratique des rigoles pour en
» dévoyer les eaux pluviales et les rejeter soit sur
» les fonds adjacents qui sont pins bas, soit d<tns
» les fossés latéraux, et, quel que soit le dommage
» qui puisse cn résulter pour les propriétés voi» sines, leurs maîtres ne sont point recevables à
» s'en plaindre. » Il aurait pB encore appuyer sa
décision sur les ordonnances des trésoriers de
France, des 13 février 1741 et 22 juin 17!H, qui
défendent, sous peine de 5-0 liv. d'amende, aux
riverains inférieurs des chemins, d'interrompre
le cours des eaux en provenant, soit par la clôture,
soit par l'exhaussement de leurs terrains. Mais ni
l'avis de Cassins, ni ces ordonnances ne nous
touchent; celles· ci , parce qu'elles ne sont obligatoires et n'ont été maintenues pal' l'art. 484 du
Cod. pénal que dans les pays où elles avaient été
publiées avant 1789; et la loi romaine, parce que,
comme le rema l'que très ·bien Cujas (Recit. Pauli
ad edict., lib. 49, SI), elle ne prohibe que
l'action aquae pLuviae arcendae (de mème que
nOlis n'admettrions pas non plus ici une action
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
449
ayant pour objet de paralyser l'acte administratif),
mais ne s'oppose pas à ce que le voisin lésé ne se
pourvoie, en vertn de la loi des douze Tables, en
réparation du Jommage qu'il éprouve, ut damnum
quod jamfactum est domino sarciatur~ solvatur~ praestetur. Dans une affaire Ledos, qui, tant
devan t la Cour royale de Ronen qu'au conseil d'état,
a donné lieu à une question de compétence trèscontroversée et où il s'agissait du déversement des
eaux d'uné route sur un fonds privé, l'administration ne refusait pas en principe l'indemnité; on
.plaidait seulement pour savoir quelle antorité la
réglerait.
Il arrive fréquemment dans les campagnes que
les voisins des chemins recueillent avec soin les
eaux pluviales gni s'y écoulent, soit pour l'irrigation de leurs fonds, soit pour obtenir le limon
qu'elles charrient et dont ils se servent comme
engrais; si la commune venait à changer l'état des
lieux et par suite le point d'écoulement, il est évident que le propriétaire qui serait privé de ces
eaux ne pourrait réclamer d'indemnité, lors même
que depuis plus de 30 ans il aurait fait sur le chemin ou dans ses fossés des ouvrages apparents pour
se les procurer, parce que les eaux pluviales, coulant sur les voies publiques, sont res nullius qui
ne peuvent appartenil' à celui qui en jouit qu'à
titre de premier occupant, ce qui fail gue son droit
s'évanouit lorsque, par une cause quelconque, la
possession 1ui est enlevée; il résulte de là: lOque
�450
TRAITf~
la commune peut disposer, cdinme elle le juge
convenable, de ces eaux, nonobstant toute possession contrairé Ca) ; les travanx anciennement faits
sur son chemin, non-seulement ne pouvant lui
être opposés, mais devant même être détruits avec
application, contré leur possesseur, des peines prononcét's par le nO 1 l' de l'art. 479 du Cod. pénal, s'ils
avaient cansé qnelque inonâation du dommage
à la voie publiCJue, àinsi que l'a décidé fa Cb'ur de
cassation, p<ir arrêt du 3 octobre 183b (Sirey,
36-1-213); 2° qn'à l'~gard des propriétaires riverains entre eux, nn1 rie peut se faire pareille'lneù't
un titre des ouvrages par lui pratiqués afin de
dériver le cours Je ces mêmes èatix sur soh fonds,
pour prétendre .qu'il a acqdis par prescription le
droit de les dériver toujours (CalJolla, tract. 2,
cap. 4, nO 99. - Arrêt du 5 avril 1710. - Dunod, Traité des presctip't..J pag. 88. - Henrion
de Pansey J Comp. des juges de pa/x" ch. 26,
pag. 2b5, ge édit. - MM. Duranton, tom.
b, nO ] 59; Troplong, de la prescription.J
nO 147; Davier, Traité des cours dJeau, nO 800;
Solon, des servitudes, nO 46; Proudhon, dom.
publ., nO ]318; Garnier, régime des eaux J
(a) MM. Proudhon, Traité du domaine public) nO 1336, ct
Daviel, Traité des cours d'eau, nO 802, enseignent contrairement à l'avis de M. Duranton (tom. 5, nO 159) que les communes peuvent disposer par bail ou autrement des eaux pluviales qui coulent sur la voie publique.
�DU DOMAINE PUBLIC.
451
tom. 3, nO 717; Pardessus, des servitudes ~
et Curasson, compét. des juges
de paix, tom. 2, pag. 299, 2 e édit. - Arrèts
de Rennes, du 10 lévrier 1826, Sirey, 28-2-74;
- de Limoges, des 22 janvier 1839 et I4 j ui11et
1840, S., 39-2-284, et 41-2-1 ; - de cassation,
des 14 janvier l~h3, S., 23-1-173; et 21 juillet
1825, S., 26-1-4°7)'
4° PLANTATIONS ET ÉLAGAGES. - La matière
des plantations le long des voies de communication, a de tout temps donné lieu à de nomhreuses questions soit de police, soit de propriété, qui sont loin d'être aplanies, quoique des
lois spéciales aient statué sur cet objet.
D'anciennes ordonnances ont enjoint aux pro.priétaires riverains des grands chemins, de planter
le long de leurs bords; la première, de François 1er , est de février 1520; cette injonction fut
renouvelée par une déclaration d'Henri II, du 19
janvier 1552, rendue pour remédier à ]a disette
des bois de charronnage, puis par l'art. 336 de
l'ordonnance de Blois de 1579' L'édit de janvier
1583 exigea qu'il y eût la distance de 24 pieds au
moins d'un arbre à l'antre. L'arrêt du conseil,
du 26 février 17°5, fit défense aux particuliers de
plan ter sur leurs héritages, à moins de trois pieds
de distance des fossés des chemins.
L'édit du 3 mai 1720 porta cette distance à une
toise au moins du bord extérieur des fossés, et l'espacement des arbres à 30 pieds, en déclarant que,
se édit., nO 79,
�452
TRAITÉ
faute par les riverains d'exécuter les plantations,
les seigneurs auxcplels appartenait le dl'Oit de
voirie pOlll'raient les faire à leurs frais dans l'étendue de lems jl1l'idiclions, et qu'en ce cas les arbres leur appartiendraient; un arrêt du conseil,
du 17 aVl'il 1775, interpréta cet édit, en ordonnant que les seigneurs ne pourraient planter qu'à
défaut, par les propriétaires, d'avoir fail les plantations dans un an à compter du jonr où les chemins aurai~nt été entièrement tracés et les fossés
ouverts.
Le 18 messidor an x survint l111 arrêté du gouvernement qui, plaçant sous la surveillance de
l'ad mi nistration des forêls les arbres des grandes
rOUles et des canaux, la chargea de la plantation,
de l'élagage et de l'ex.ploitation de ces arbres; les
alignements des plantations étant seulement réservés aux ingénieurs des ponts cl chaussées.
La loi du 9 ventôse an XIII décréta, dans ses
cinq premiers articles, que des plantations d'arbres
fruitiers ou forestiers seraient faites snI' le sol des
routes par les riverains qui auront la propriété
desdits arbres et de leurs produits, mais qui ne
pourront néanmoins les cou pel' ou arraeher que
sur une autorisation de l'administration préposée
à la conservation des l'antes.
Ce régime fut changé par le décret du 16 décembre l~hl, dont les art. ~6, SH, 89,9° et 93
déclarèrent l'état propriétaire de tous les arbres
existants SUl' les routes, à l'exception de ceux
�DU DOMAINE PUBLIC.
453
plantés en vertu de la loi du 9 veutôse an XIII,
et iHlposèrent aux riverains l'obligation d'en
planter sur leurs propres fonds à un mètre au
.
moins Ju Lord extérieur des fossés.
Enfin la loi du 12 mai 1825, en laissant subsis.
ter la charge de la plantat.ioll sur les riverains,
corrigea seulement le décret de 1811 en ce qui
concerne l'attribution à l'état des arbres plantés
antérieurement à l'an XIII, faisant revivre ainsi
les titrés dont les riverains pourraient exciper et
sur l'a pplication desquels les tribunaux civils furen t
appelés à prononcer par l'art. 10.
Avant 1836, ces dispositions s'étendaicn t-elles
aux chemins vicinaux? Merlin, Répert.., VO chemin public, se prononce pour la négative: cc Les
» réglements généraux, dit-il, et notamment l'ar» rêt du conseil de 1720 qui oblige les riverains des
» routes à en planter les bords, ne sont évidem» ment applicables qu'aux chemins royaux qui
)) conduisent de province à autre ...• » Abciennement la plantation des chemins vicinaux n'était
que facultative, et celle faculté n'appartenait
qu'aux seigneurs par suite des droits de police et
de voirie qu'ils y avaient; les propriétaires rive-.
rains et les communes ne pouvaient planter que
sur leurs fonds, ou s'ils plantaient sur les chemins, ce n'était que du consentement exprès ou
tacite de ces seigneurs; aucune distance fixe n'était, en général, prescrite; seulement ceux-ci ne
pouvaient planter de manière à nuire aux rive'TOM. Il.
�454-
l'MITÉ
rains, ni les riverains de manièl:e à uuire à la voie
publique ou aux plantations qui s'y trouvaient;
cependant, pour la Normandie, il existait trois
arrêts de réglement, des 28 avril 167 l , ] 7 août
1761 et 17 juin 17 6 7, qui avaient fixé des Jistances, mais ils n'étaient obligatoires que dans le
ressort de ce parlement.
L'abolition de la féodalité entraîna la suppression de ce droit seigneurial; la loi du 26 jnillet15 août 1790, en le proclamant pour l'avenir,
statua, par rapport aux arbres plantés par les seigneurs, que ceux existants sur le sol des chemins
resteraient leur propriété, sauf au-x communes à les
racheter ou il prouver que c'étaient elles qui avaient
fait la plantation, tandis que ceux plantés sur les
fonds des riverains appartiendraient à ces derniers,
à la charge du seul remboursement des frais de
plantation; mais cet état de choses fut de' courte
durée: il survint, le 28 août 1792, une nouvelle
loi dont les articles 14,15,16 et 17, en dépouillant
les ci-devant seigneurs de leur droit de propriété
ainsi que de toute indemnité,déclarèrent: 1° que les
arbres existants Sllr les fonds riverains appartiendraient aux maÎtl'es de.ces fonds, même à l'exclusion des commnnes qui auraient été dans l'usage
de se les approprier; 2,0 que ceux plantés sur le
sol même des rues et chemins' seraient encore
attribués aux riverains, à moins que les communes
ne prouvassent en être propriétaires; 3° enfin que
cellès-ci auraient la propriété exclusive des plan-
1
�DU DOMAINE PUBLIC.
455
tations faites sur les places publiques et autres
propriétés communales.
Le Code civil, sans s'explique!' spécialement sur
la propriété des arbres plantés le long des chemins,
contient, daus son art. 553, un principe général
qui leur est applicahle et duquel il résulte que, sauf
preuve contraire, c~ux plantés sur lem sol appartiennen t aux communes propriétaires des chemins,
tandis que ceux plantés sur les fonds adjacents en
forment une dépendance et SOnt la propriété du
maître de ces fonds. C'était une question fort controversée que:de savoir si les dispositions des art.,
670' 671, 672 et 673 du même Gode, concernant
les distances à observer dans les plantations, pouvaient être invoquées relativement aux chemins,
soit par les comIIJunes, soit par les riverains.
M. Garnier, dans son Traité des chemins" 4e édiJ.,
pag. 313, et dans la 1 re édit. Je son SuppLément,
L'lisait une distinction et enseignait que la com mune
devait, dans ses plantations, se retirer à la distance
voulue par le Code, tandis que Je voisin, au contraire, pouvait plaliter des arbres ou des haies SUI'
la limite extrême de son héritage; il citait à l'appui
les art. 38 et 404 du second projet de C,üJe rural,
ainsi qu'un arrêtdnconseil d'état du 18 février 1826
( Quesney); mais M. Proudhon (1 re édit. du
Domaine public, nO 498) et le minisll'e de l'intérieur> dans sa circulaire d'octobl'e 1824, pour
l'exécution de la loi du 28 ju'illet précédent, émettaient nne opinion contraire et pensaient que dans
�456
TRàlTÉ
les deux hypothèses il y avait lieu à l'application
du droit commun; nous verrons plus Las qu'au
moyen du pouvoir attribué au préfet par l'art. 21
de la loi dn 21 mai 1836, cette controverse n'a plus
d'ohjcten ce qui concerne la plantation en ellemê·me.
Depuisle Code civil, il n'est plus intervenu sur la
matière que l'art. 7 de la loi du 9 ventôse an XIII
(28 février 1805), ainsi conçu: cc A l'avenir Dul
» ne pourra planter SUI' le bord des chemins vici» Daux, même dans sa propriété, sans leur con» servel' la largeur qui leur aura été fixée en exé» cutionde l'article précédent; » disposition qui,
selon quelques jurisconsultes, était relative aux
localités où, en vertu d'anciens usages, les riverains
avaienlle droit de planter sur le sol des chemins,
et, selon d'autres, M. Proudhon notamment (loco
citato), signifiait qu'une fois que le préfet avait déterminé la largeur du çhemin vicinal, le propriétaire riverain, snI' le fonds duquel cette largeur
devait être prise, ne pouvait plus planter la partie
destinée à ce complément, sans commettre une
anticipation punissable.
Aujourd'hui, la loi du 21 mai lève la plup;)rt
des difficultés, en donnant, par son art. 21, le
droit aux préfets de régler tant la distance à laquelle
les propriétaires riverains pourront, à partir du
bord des chemins, planter des arbres ou des haiesvives, que ce)Je dont les plantations des chemins
devront être éloignées des fonds adjacents; ces
�DU DOMAINE PUBLIC.
45'1
hauts administrateurs ont à cet égard un pouvoir
discrétionnaire, don t le contrôle du conseil général
et l'approbation du ministre préviendraient, au
besoin, suffisamment les· ahns.
Nous n'aurons, en conséquence, que quelques
courtes observations à présenter sur cet objet.
10 Nous pensons, avec M. Garnier (2" édit. du
Supplément à la 4" édit. du Traité des chemins, pag. 113), que le pouvoi~ de réglementer
les plantations ne pour.rait s'étendre jusqu'à, contraint/'re les propriétaires à plan ter des arbres ou
haies le long des chemins vicinaux; ce serait, en
effet, créer là une servitude personnelle qui, lein
d'améliorer la viabilité, ne pourrait qu'y nuire et
gêner. l'agriculture.
2C} Comme le recommande la ~: cuIaire dn 24
juin 1836, les préfets feront bien, en réglant les
distances, de se renfermer dans les limites posées
par le Code civil pour les plantations entre puoprié tés voisines; mais ce n'est là qu'un conseil
dont, en cas d'utililé évidente, ils pourront s'écarter, ainsi que l'ont décidé un avis du conseil
cl' éta t du 9' mai 1838 et la circulaire du ministre
de l'intérieur., du la octobre 1839' Si cependant
ils dépassaie.nt ces limites, nous persistons à penser,
comme nous l'avons dit nO 479 ci-dessus, qu'ils
donneraient lieu à une indemnité au profit des
voisins dont la position serait aggravée. M.Garnier,
qui, dans la 1 re édition de son Supplément,
pag. 74, paraissait soutenir le contraire, n'a point
�458
TRAITÉ
reproduit cet avis dans la 2" édit., où il émet des
principes opposés en parlant d'nn objet analogue,
l'écoulement des eaux: c( Si les préfets, dit-il,
" cl'Oyaient devoir introduire dans le réglement
" qui leur est demandé quelques dispositions à
» cet égard, ils devraient se rappeler que le Code
» civil contient des principes dont il n'est pas
" pernlis de s'écarter et auxquels ils doivent se
" conformer dans tous les cas spéciaux sur lesquels
» ils auront à statuer; " ce qui, évidemment,
ne peut s'entendrè que saune droit toujonrs ouvert
d'expropriation expresse ou tacite moyennant indemnité.
3° Le ré~lement, de même que la loi, ne s-aurait avo~r d'effet rétl'Oactif; il ne pourrait prescrire
l'arrachement es arhres ou haies actuellement
existants, par cela seul qu'ils ne seraient pas à la
distance voulue; il devra se borner à défendre leur
renouvellement, comme on prohibe la reCùllstruction des bâtimenls qui dép:lssent l'alignement lorsqu'ils viennent à lOmber ou qu'ils sont démolis
volootairement par les propriétaires.
4° Par rapport aux plantations et à l'élagage,
le réglement aura à déterminer non-seulement la
distance entre les bonIs du chemin et les arbres
ou haies plantés soit sur ce chemin, soit sur les
fonds voisins, mais encore l'espacement à observer
entre les arLres, le mode de' leur -abattage, la
hauteur des haies, la période après laquelle l'élagage sera obligatoire, la saison de l'année où il se
�DU DOMAINE PUBLIC.
459
fcra, les moyens d'y procéder ~n cas de refus ou
de négli~ence des riverains, etc., etc.
La plupart des réglements ont fait, relativement
à l'espacement des arbres· entre enx, une omission
provenant de ce (lll'ils se sont bornés à énoncer le
minimum de distance des arbres au chemin, sans
fixer nn second intervalle dans lequel l'espacement serait obligatoire; il résulte de là ou que l'on
peut ne pas l'observer en se retirant de quelques
décimètres au.delà de ce minimum, ce qui rend
la prescription illusoire, on que quelque distance
qne l'on laisse entre le chemin et les arbres, fûtelle de lilusieurs décamètres, on est toujours obligé
de se conformer à l'espacement voulu entre les
arbres; ce qui serait tomber dans un excès contraire et créer J sans utilité, nne servitude trèsonéreuse. Ponr remplir cette lacune, il faudrait
dire que les a:rbres à haute tige seront plantés au
moins à telle distance du bord du chemin, et qu'à
partir de celte distance, jusqu'à telle autre, ils
devront être espacés entre eux de tant de mètres.
Quoique l'édit de janvier 1583, l'arrêt du conseil du 3 mai 1720, art. 6, et l'ordonnance du
hur.eau des finances de Paris, du 29 mars 1754,
qui ont aussi fixé l'espacement des arbres plantés
dans les fonds riverains des grandes routes, pré.
sen Len t la même omission que celle que nous
signalons dans les arrêtés des préfets, 'la difficulté
dont il s'agit ne peut plus se présenter depuis la
promulgation de la loi du 9 ventôse an XIII, dont
�TRAITÉ
l'art. 5 pone: cc Dans les gl'andes routes dont la
), largeur ne permettra pas de plunter sur le ter» rain appartenant a l'état, lorsque le particulier
» riverain voudra planter des arbres sllr son propre
» terrain, à moins de 6 mètres de distance de la
" route, il sera teuu de demander et d'obtenir
» l'alignement à suivre, de la préfeclnre du dé" partement. XI Cette distance de six. mètres forme
ici la seconde umite au-delà de laquelle le propriétaire du fonds peut faire la plantation comme il
juge convenable.
Si, en suivant l'espacement prescrit par l'arrêté
prérectol'al, un arbre se trouvait à une distance
moindre que celle exigée par l'art. 671 du Cod.
civ. du fonds d'un voisin, celui-ci pou1'rait-ille
faire arracher conformément à l'art. 672?
L'affirmative n'est pas douteuse, en ce que la
plantation le long des chemins vicinaux étant purement facultaLive, le riverain ne doit planter que
lorsqu'il a de chaque côlé un espace suffisant;
mais il en serait autrement si, au lieu d'un chemin, il s'agissait d'une roule royale ou départemenLale, à l'égard desquelles l'obligation de planter,
résultan L des art. 88 et 90 du décret du 16 décembre 18 •• , constitue une servitude toujours
subsistante.
50 ALIGNEMENTS J!T AUTORISATIONS DE CONS-
Dans les villes pour lesquelles un plan
général a été dressé, en conformiLé de l'art. 52 ùe
la loi cl u 16 septembre 1807, ainsi que des circuTRUIRE. -
�DU DOMAINE PUBLIC.
461
laires ministérielles des i 8 aoùt 1808, 16 novembre 1811,29 octobre 1812, 17 juillet et 17
aoùt 1813,23 février et 2 octobre 1815, 7 avril
18d5 ,. 30 mai 1831, et 23 aoùt 1841, les difficultés que fait naître cette partie importante de la
voirie se trouvent aplanies, puisque le maire n'a
qu'à suivre l'alignement tracé, et que les contestations qni pourraient s'élever sur son opération
se réduiraient à une question de fait, sl~sceptible
d'être jugée par une simple vérification.
Mais il n'en est pas de même dans les villes en
grand nombre, où cette loi n'a pas encore été exécutée. Le droit d'opérer, par voie d'alignement,
des retranchements sur les propriétés rivel'aines,.
est alors con testé aux maires qui ne pourraient
que reconnaître et fixer contradictoirement avec
les voisins l'état de leur possession et opérer ainsi
une espèce de bornage dans les limites de la jouissance actuelle; on peut voir, à ce sujet, la dissertation de M. Proudhon, nOS 410 et suivants,
ci-dessus, du Traité du domaine pu61ic, ainsi
que nos notes sous le 1 el" de ces numéros (a).
(a) Le droit de l'autorité municipale, à cet égard, est fondé
sur les dispositions législatives et arrêts suivants:
Droit ancien. - Edit de Henri IV, du mois de décembre
1607, enregistré au Parlement de Paris, le 14 mars suivant
(art. 3 <1t 5) ; - arrêt du conseil d'état, du 5 aoûl 1682; - déclaration du roi, du 16 juin 1693; - édit du mois de novembre
1697; - déclarations du roi, des 18 juillet 1729 et 18 a011t
1730; - arrêts du conseil, du 6 octobre 1733, revêtu de'
�1~62
TRAITÉ
Les principes étaient encore moins positifs par
rapport aux chemins vici naux, à l'égard desquels
la législation était aLsol ument mueLLe; quelques
mOllumentsde jurisprudence Ca) avaient cependant
lettres-patentes du 22 du même ~ois, enregistrées le Il mai
1735, et du 27 février 1765; - déclaration du roi, du 8 juillet
1783 (art. 3); - ordonnances du bureau des finances de Paris,
des 27 mars 1754, 18 juin 1765, et 17 jn illet 1781 ; le tout
maintenu et confirmé par le 2e § de l'art. 29, tit. 1er de l~ loi
du 19-22 juillet 1791.
Droit intermédiaire. - Art. 50 f't 60 de la loi du 14 décembre 1789; - nO 1er de l'art. 3, tit. Il, de celle du 16-24
aoftt 1790 ; - lois des Il septembre et 14 octobre 1790, relatives à la grande voirie; - art. 18, 29, § 2, et 46, tit. 1 de
celle déjà citée, du 19-22 juillet 179l.
Droit nouveau. - Art. 544 et 545 du Cod. eiv. ; - art. 52
de la loi du 16 septembre 1807; - décret du 27 juillet 1808;
- ordonnances royales, des 2~ février 1816, 31 juillet 1817,
18 mars et 3 juin 1818; - art. 19, nO 7, de la loi du 18 juillet 1837.
Jurisprudence. - Arrêts du conseil d'élat, du 3 avril 1824 ,
et de la Cour de cassation, des 12 avril 1823 ; 6, 12 etl8 septembre 1828 (Sirey, 29-1-76 et 77); 18 juin 1831 (S., 31-1252); 6 octobre.1832; 8 août 1833 (S., 34-1-407); 10 mai
lR34 (S., ibid.); 6 avril et 6juillet 1837 (S.; 37-1-687-1001 );
15 mai 1835 (S., 35-1-801); 17 décembre 1836 (S., 37-1905), et 13 janvier 1841.
'
(a) Un arrêt de la Cour suprême, dU'l er février1833 (Sirey,
33-1-51~8), a cassé un jugement du tribunal correctionnel de
Saint-Omer, qui avait renvoyé un prévenu de contr""clltion
à l'édit de 1607, pour avoir construit Bllns autorisation sur le
bord d'un chemin 'Vicinal, et ce par le motif, « qu'il est de
» principe de droit public en France, qu'aucune construc-
�DU DOMAINE PUBLIC.
463
décidé que l'édit de 1607, la déclaration du roi
de 1693 et l'ordonnance du bureau des finances
de Paris de J754, leur étaient applicables, mais
ce poi nt était COI:! lesté. La loi nouvelle, en char·
gean l les préfets de comprendre dans leûn; ré·
glemcnts ce qui concerne les alignements, a levé
les doules et donnera lieu à l'établissement de
règles, sinon uniformes dans toute la France, au
moins fixes et certaines pour chaque département.
Mais les difficultés resteront tOIl jours les mêmes,
en ce qui concerne les alignements dans les bourgs
et villages, pour les rues qni ne sont pal> traverses
de chemins vicinaux de grande communication,
puisque, d'une part, la loi du 16 septembre
1807 Ca) leur est étrangère, et que, d'un autre
côté, nous avons vu, nO 475 ci.dessus, que celle
s\ll'les chemins vicinaux n'était point applicable
aux rues et places qu'ils renferment, d'où la con·
séquence nécessaire que le réglement prescrit par
tion ne peut être légalement entreprise sur .ou joignant immédiatement la voie publique, qu'après avoir demandé et
» obtenu, à cet effet, l'autorisasion de l'autorité compétente; »
pareille décision de la même Cour, du 14 septembre 1827
(Sirey, 28-1-86). Plusieurs arrêts du conseil d'état avaient prononcé dans le même sens ; voy. ceux des 3 juin 1818( Coudray);
18 novemhre 1818 (Andreossy); 8 mai 1822 (Routier); 21
mai 1823 (Grehche) , et 28 juillet 1824 (Délétang).
»
»
(a) Art. 52 de ladite loi, et circulaires ministérielles, des 17
août 1813, 7 avril 1818 et 30 mai 1831, desquelles il résulte
que le plan d'alignement n'est ohligatoire que dans les localités
dont la population excède 2,000 habitants,
�TRAITÉ
l'art. 21 ne s'étendra pas à cette partie de la voirie,
snI' laquelle- il n'existe, d'ailleurs, que doute ct
incertitude (a).
Etcependant quel objet méritait mienxd'éveiller
la sollicitude du législateur, puisCJue l'esprit d'envahissement,. si naturel. aux habitants des campagnes. et le mauvais goût qui caractérise leurs
œuvres, les portent sans cesse à anticiper sur la
voie publiqne et à établir sur ses bords des cons~
tmctions aussi nuisibles au passage que désagréables
à J'œil pal' leur irrégularité.
Le seul moyen de suppléer à cette· lacune'-de la
loi, serait de faire prendre paI: les maires des communes rurales des arrêtés pour interdire toutes
constructions snr les rues ~t places des bourgs et
villages, sans s'être pourvu d'alignements. Celte
mesure qui devrait être provoquée par les pl:éfets,
rentre parfaitement dans les attributions des maires
chargés, par les lois des 24 août 1790 et 22 juillet 1791, d'exercer lem' snrveillance sur tOtlt ce qni
intéresse la sûreté, la commodité et la salubl'ité
dans les rues, places et voies publiques. Rien ne
touche assurément de plus près à ces objets di(a) Voyez., sur la nécessité de demander l'alignement, les
arrêts cités dans la note de la page 462 ci-dessus et, en outre,
M. eotelle, Cours de droit administratif, 3" édit., tom. 3,
pag. 419 et suiv., et pour l'opinion contraire, MM. Proudhon , Dom. puhlic, nO 397, l'n fine; Daveunc, Ilecueil des
lois et réglo de voirie; Favard, Répert., ,"0 alignem,ents, et
surtout M. Garnier, Traité des chemins, 4" édit., pag. 364
ct sniv.
�DU DOMAINE PUBLIC.
465
rects et essentiels de la vigilance municipale, que
les constructions qui, par leur man vaise disposition,
peuvent gêner la circulation de l'air et rendre le
passa'ge dangereux ou incommode.
€ette marche tracée par le ministre de l'intérieur, Jans sa circulaire du 24 juin 1 H36, et sanctionnée par deux arrêts de la Cour de cassation
des 10 octobre et 16 novembre 1832, est aussi conseillée pal' M. Garnier (Traité des chemins" pag.
367, 4e édiL.).
Dans le cas où, après avoir été mis en demeure
de prendre des arr'êtés à cet égard, les maires négligeraient ou refuseraient de dresser un réglement, les préfets puurraient, en vertu de l'art. 15
de la loi du 18 iuillet 1837, le faire d'office.
Les agents-voyers rempliraient dans les communes rurales les mêmes fonctions que les architectes-voyers dans les villes, et ce sel'ait d'après
leur avis et le plan qu'ils dresseraient, que les ali-'
gnements seraient donnés par les maires sous l'approbation des préfèts.
Cette mesure nous paraît de la plus haute importance, tant dans l'intérêt général, que comme
moyen de prévenir les difficultés, les haines et les
procès que le voisinage engendre si souvent dans
les campagnes. Nous insistons vivement sur son
adoption (a).
(a) Ce vœu, que nous avions déjà émis dans la première édition de ce commentaire publiée au mois de juillet 1836, n'a pas
�466
TRAIT~
Le réglement général du préfet devra défendrè
de construire, reconstruire, établir, relever même
en partie, réparer de quelque manière que ce soit;
aucun hâLiment, mur, haie-morle ou palissade, ni
de faire aucune plantation J'arbres ou haies-vives,
non plus qu'aucun recrépissage ou hadigeonnagé
de mur avant d'en avoir préalablement demandé
et optenu la permission de l'autorité compétente.
Cette permission devra émanel' du maire, pour
les chemins vicinaux ordinaires, et du préfet pour
ceux: de gran.de communication, que l'art. 9 de la
loi du 21 mai 1836 place spécialemen t sous son
autorité, ainsi que l'ont décidé l'avis du conseil
d:élat du 18-25 janvier 1837 ci·dessus rapporté,
nO 475, pag. 20, et un arrêt de la Cûur de cassation
du 29 août 1840 (Sirey, 40-1-815). Cependant
DOlJS pensons avec M. Cotelle (Cours de droit
administratif, tom. q, pag. 421), que ces
C(
tardé à se réaliser pour la Côte-d'Or; par une circulaire du 9
octobre suivant, M.1e préfet Chaper, dont la longue et habile
administration a créé, dans ce département, d'utiles institutions
et laissé les plus honorables souvenirs, avait engagé les maires et
les conseils municipaux à faire dresser les plans d'alignements de
tous les bourgs et villages; un arrêté du 26 août 1838 leur en
a fait une obligation précise qui esl déjà exécutée dans la
moitié environ des communes; ces plans lev;és à l'échelle d'un
à 2,000 pour l'ensemble et d'un à 500 pour les détails, 500t,
comme ceux prescrits par l'art. 52 de la- loi du 16 septembre
1807, soumis à une enquête, puis à la discussion du conseil municipal, et enfin approuvés par ordonnances royales.
�DU DOM.AlNE PUBLIC•
~·67
..) fonctionnaires ne doivent pas absorbel'les pouvoirs de surveillance qui apparLÏennent natu» rellement aux maires, comme défenseurs des
» intérêts locaux, et qu'il sera convenable dès-lors
» que Jes préfets ne donnent les alignements par» tiels sur les chemins de grande communication
» qu'après avoir consulté l'autorité municipale,
". à laquelle il appartient de prévenir l'encombre» ment de la voie publique et de délivrer, du
» reste, les permissions de petite voirie. » l,a
même prescription est faite par la circulaire du 24
Juin 1036, dans laquelle le ministre dit aux préfets : cc Pour les chemins vicinaux de grande corn·
" muoication qui sont placés sous votre autorité
» immédiate, voUs ferez bien de donner vous)) même les alignements, sur la proposition des
» maire~~ le rapport de l'agent-voyer et la propo» sition du sous-préfet. ..... »
Nous ne savons par quels motifs et dans quel
but cette circulaire, au lien d'essayer de corriger le
vice que nous reprochons plus haut à J'art. 21, et
qui consiste à substituer des règles spéciales pour
chaque département à des dispositions générales
embrassant toute la France,l'a au contraire aggravé par la recommandation suivante adressée aux
préfets : ce Vous voyez que ces divers modes de
)) procéder (ceux résultant de la nature des di» veraes contraventions dont les chemins vicinaux
» pe\.1Vent être l'objet ) présupposent que dans
» chaque commune le maire aura pu blié, dans les
»
�468
TRAITÉ
formes accoutumées, un arrêté portant défense
» de construire aucun bâtiment ou mur le long
» d'un chemin vicinal, sans avoir demandé aligne» ment; c'est le seul moyen de rendre cette dé» fense obligatoire, et de mettre le tribunal de
~~ police à portée d'exercer sop action. Vous devez
» donc inviter les maires à remplir cette formalité,
» et VOllS vous assurerez de son accomplisse~
» ment. »
Ainsi, et seulement pour confirmer un principe
que, par son arrêt du premier février 1833, la
Cour de cassation avait consiùéré comme étant de
droit public en France, à savoir que l'on ne peut
construire près des rues et chemins sans avoir préalablement obtenu l'alignement, il faudra plus de
37,000 arrêtés particuliers, qui seront nécessairement conçus dans des termes différents, qui auront plus on moins de portée et relativement à
chacun desquels il faudra produire la preuve d'une
publication régulière, tandis que, soit les 86 réglements prescrits par notre article 21 , soit mieux
encore, une courte disposition ajoutée à cet article,
auraient parfaitement suffi; la loi cependant ne va
pas si loin, elle investit au contraire les préfets
du pouvoir d'ordonner d'eux-mêmes et directe~
ment, en disant que leur réglement.. " STATUERA
..... sur tout ce qui est relatif. .... aux alignements ~ aux autorisations de construire le long
des chemins...... etc. La mesure à prendre à cet
égard n'est pas assurément susceptible de recevoir
»
�DU DOM.à.INE PUl3LIC.
469
des modifications de l'élal des localités on des hahitudes et des mœurs des habitants;ce n'est p~int
à l'établissement d'nne règle aussi simple qll'il
fallait app'lierner le prohlème de législation générale que Joseph de Maistre ne propose qne ponr
~es ohjets d'un ordre plus élevé, tels que les lois
politiques et criminelles el celles qui statuent sur
l'état civil des citoyens, la dévolution de leurs
hiens par succession, etc. : cc Etant données, la po" pulation, les mœurs, la religion, la situation
:» géographique, les relations politiques, les ri» chesses, lcshonneset les mauvaises qualités d'une
» certaine nation, ll'OUVer les lois qui lui con)' viennen t. )'
La circulaire fait évidemment el'reur lorsqu'elle
avance que l'arrêté du maire est le seul riloyen de
rendre la défense obligatoire; les arrêtés des préfets pris dans les limites de leur compétence,
COUlme serait cel ui prescrit pa l' l'a rt. il de la loi·
du 21 mai 1836, trouvent également lelll' sanction
dans l'art. 471, nO 15 du Code pétial, ainsi conçu:
cc Seront punis d'amende, depuis un franc jusqu'à
) cinq francs inclusivement ....... ceux qui auront
" contrevenu aux réglements légalement faits par
» l~ autorité administrative et ceux qui ne se
C"
l Clllents ou arretes
A'
) seront pas conlOrmes
aux reg
» puhliés par l'autorité municipale ..... "
A la d1ffp.rence de ce qui a lien pom les plantations, les lois et réglements concernant la grande
voirie n'ayant prescrit la demande d'autorisation
'1'011'1. Il.
30
�470
TlUITf.
que pour les constructions sises le long et joignant les routes, il s'ensuit qu'il n'yen a pas
hesoin pour celles élevées en retraite de l'alignement, ne fût-ce qne de quelques centimètres; c'est
ce qu'ont décidé quatre arrêts du conseil d'état
des 20 novembre I~15 (Chéradame); 6 mars 1816;
24 février 1824 (Legros); 2 avril 1~h8 (Marteau
d'Autry) et trois, dont deux solennels, de la Cour
de cassation des 24 novembre 1~37 (Mallez);
25 juillet 1 ~h9 (Chandesais) et 28 luin 1839. Les
arrêts du conseil de 1744 et 1772, qui étendaient
jusqu'à 30 toises la surveillance de l'autorité administrative et son droit de .s'opposer à ce qu'il fût
fait sans au torisation, aucunes constructions le long
des routes, ont été considérés comme tombés en
désuétude par le conseil d'état, lors du jugement
de l'affaire Marteau d'Autry.
On devrait décider de même par rapport aux
chemins vicinaux et aux rues des villes, à moins
que le réglement du préfet ou du maire n'impose
l'/?bligation d'obtenir l'autorisation jusqu'à une
certaine distance; cas auquel il y aurait contravention pour ne l'avoir pas demandée, ainsi que
l'a jugé la Cour de cassation par arrêt du 15 novembre 1833 (Si.rey, 35.1-237) dans une espèce où
le maire avait pris un arrêté portant que: cc tout
» propriétaire qui voudra faire construire, soit
" dans les rues et places, soit dans le voisinage
" des voies puhliques, est tenu de demander un
" alignement. »
�DU D/;>?tIAINE PUBLIC.
471
D'après cela, on voit qu'il sera essentiel que le
réglement prescrive la demande d'autorisation pour
les constructions en dehors du chemin; mais pour
ôter le vague que laisse le ruot de voisinage ou autre
analogue, il faudra déterminer une limite au-delà
de laquelle, de chaque côté, il ne sera plus nécessaire de s'en pourvoir. Cette obligation, du reste,
imposée aux riverains, n'emporte pas le droit au
profit de l'autorité d'empêcher les constructions;
elle lui donne seulement la faculté de les surveiller et de provoquer une expropriation s'il était
de l'intérêt de ]a commune de se procurer le terrain pour un changement de direction ou un redressement non prévus dans le tracé primitif.
Si l'arrêté impose l'obligation de demander l'au·
torisation de bâtir, non-seulement au propriétaire,
mais encore aux entrepreneurs, maçons et ouvriers
qui doivent exécutel' l'ouvrage, ceux-ci sont passibles de l'amende pour n'avoir pas personnellement rempli la formalité, en cas de négligence de
la part de celui pour le compte duquel ils travaillent (arrêts du cons. d'état du 28 février 1839 et
de la Cour de cassat. des 13 juin et 3 juillet IH35,:
Sirey~ 35-1-93°, et 26 mars 1841, Audrusseau).
Quoique les constrtictions qui son t su l' l'alignement puissent toujours être rétablies ou réparées,
et <Ille même des travaux· non conforta tifs soient
permis dans oelles en saillie et sujettes à reculement, le réglement pourra défendre de faire sans
autorisation aucun changement ni aux unes ni a,.n:
�472
TRA.lTÉ
autres, ce qui s',;tendra même aux simples travaux
de peinture ou de hadigeonnage. Deux arrêts de la
Cour de cassation des 20 j nillet et 7 septembre
11:LH~ (Sirey, 39.1-68 et 69), rendus dans des es,pèces 0\1 un arrèté municipal portait dijense de
toucher sur le ·deyant des maisons en aucune
sorte et manière ~ pour (es raccommoder ou
réédifier.en tout ou en partie ~ sans en avoir demandé et obtenu la permission ~ \'on t décidé
la
sorte.par les 1110 li fS'q \le «ces cxpressionselllbrassent
» pal' leur généralité la prohihilion de hadigeon» ner la façade tles maisons, puisqu'uo hadigeoo"i
». nage est. un changement d'une natlH'e quelcoo» que qui peut quelquefois dissimuler des travaux
» plus importanls, bien qu'il soit posé en fait par
/) le jugement attaquéqu'il n'a été fait aucune autre
» espèce de réparation; que ce réglement n'ex." cède pas les pouvoirs attrihués à l'autorité mu" nicipale, sanftoutefois le droit de l'autorité ad.)' ministralive supérieure de changer les arrêtés
» des lliaires s'ils avaient pris telle ou telle dispo» sition '1,,'11 paraîlrait u1Ïle de rernplacer par des
» disposili.ons différentes ..... ; qneledi.t réglement
." n'ét1lhlil aucune dislinction entre )('s maisons
» sujeHes à reculement et celles qui se trouve,. raient construites dans l'alignement arrêté par
'). l'administration publique ; qu'il défend d'effec» tuer indistinctement aux unes et :lUX autres tout
») changement qui n'amait pas été préalablement
.» autorisé par l'autorité municipale•.••. »
ae
�DU DOMAINE PUBUC.
473
Cette prohibition de faire sans autorisation préa-'
lable aucun changement aUK constructions, utile
seulement pour mettre l'administration à portée
d'empêcher que, sons prétexte de hadigeonnage ou
de rccrépissage, on ne se livre à des travaux confortatifs,. ne peut s'étendre jnsqu'à l'autoriser à
prescrire une coulenl' pour les façades des maisons
ou à défendre une teinte dont l'éclat ponrrait fali-'
guer ou blesser la vue; par arrêt du 25 août 1832
(Sirey, 33-1.429), la Cour de cassation a pensé que
cet ohjet ne· rentrait dans aucun de ccux confiés à
la vigilance de l'ant0rité municipale.
NQus croyoos qn'il fll1drait porter la même décision relativement à l'obligation qu'imposeraient:
soit un réglement général de construire les façades
Sur un dessin donné, soit des arrêtés spéciaux de,
faire tels ou tels Ol'Ilemen ts , d'observer telle ou
telle disposition dans le placernc>ut des ouvertures
pour maintenir la régll1arité et la symétrie; on ne
pourrait plus appliquer en France la loi 6" lIt. 12,
liv. SduCodedeJuslinien, portant: diruendasunt
omnia quae in pub/ieo quoeunque loco" contrà
ORNATuMeteommodumae DEeORAM FAeIE11I civitalis e.rtructa noseuntul; nOlis regrettons vivement qne cette disposition et plusieurs autres analogues, qui avaient fait de Rome la reine des cités
ctl'Qbjet Je l'admiration du mOl1l1e enlier"ne soient
point passéo!: dans notte législation mùderne (a);
(a) M. Proudhon, Traité du domaine public, nOS 365 et 368;'
'paraît cependant incliner pour l'opinion contraire que partagellt
�474
T~
dans un pays civilisé, l'embellissement des villes
est un Lesoin qui exerce une influence salutaire
P
Leclerc-Dubrillet (continuation du Traité de la police), et M.
Daubenton ( Code de la voirie des villes, page 39, à la note).
Selon nous, le seul avantage que produira l'obligation, d'ailleurs très-légale, imposée par un réglement aux riverains des
rues et places, de soumettre aux maires les plans et dessins des
constructions projetées, sera de fournir à ces magistrats les
moyens d'éclairer par leurs conseils basés sur les avis de l'architecte-voyer, les propriétaires et de les amener par voie de persuasion à faire, sinon des constructions élégantes, au moins quelque chose qui ne dépare pas trop la voie publique; mais le refus de se conformer aux: indications données ne constituerait
jamais une contravention dc nature à être réprimée par les tribunaux de police qui, comme nous le dirons plus bas, doivent
examiner si la prescription municipale a été faite dans les limites des pouvoirs attribués par la loi à cette autorité.
C'est même une question très-cont.roversée qne de savoir si,
dans un but de pur embellissement, l'état ou les communes
pourraient requérir l't'xpropriation pour cause d'utilité publique. M. Davenne ( RecueiL des lois de La 1Joirie) dit lJ1Je la jurisprudence ministérielle est 6xée dans ce sens j M. Isambert
prétend que le contraire a été jugé da~s l'affaire de la ville
d'Orléans; MM. Sirey (du conseil d'état selon la charte, pag.
538) et Delalleau (Traité de l'expropriation, pag. 21, 2" édit.)
paraîtraient repousser la jurisprudence ministérielle que M.
Daubenton (Code de la voirie des villes, pag. 37) adopte au .
contraire. La discussion qui a eu lieu r1evant les chambres législatives sur l'amendement proposé à la loi du 3 mai 1841
tendant à autoriser l'expropriation des monuments histl'riques,
d'antiqùité-nationale ou d'art, au lieu de _rlir à résoudre ce
point intéressant, n'a offert que confusion et contradictions;
quant à nous, il nous paraîtrait fâcheux, on pourrait même
dire barbare, de poser en principe qu'il n'y a jamais lieu de
déclarer utile ce qui est beau.
�DU DOMAlNE PUBLIC..
47,1)
sur les mœurs des habitants et que le législateur
devrait favoriser; il faudrait seulement que la loi
ne devînt pas tyrannique en prescrivant de faire et
en imposant par suite des dépenses qui seraient
souvent au-dessus des moyens de cenx qui cons,truisent ; elle devrait se horner à donner le droit
d'empêcher ce qui serait mal el ce qui blesserait le
goût et la régularité. Qu'y aurait-il d'inj Ilste ou
d'attentatoire au droit de propriété tel que, dans
les rapports de particulier à particulic.', il est consacré par nos lois civiles, à soumettre les rivel'ains
des chemins et des rues à quelcJues sujétions qui
ne seraient pas moins dans leur intérêt bien entendu, que dans celui du public, en retour des
droits de vue, d'égoût et de passage qui leur sont
accordés gratuitement et qu'un voisin ordinaire
pourrait, aux termes des art. 678, 679, 681 et 6~h
du Cod. civ., leur refuser d'une manière absolue
.
. d' argent.
ou ne 1eur conce'd el' qu ,.a prIX
Si l'autorité municipale est sans droit pour prescrire la forme extérieure que doivent avoir les
constructions hordant les rnes et chemins, il en
,serait autrement en ce qui concerne la nature des
matériaux si leur emploi pouvait présen 1er quelques
dangers sous le rapport des incendi~s ou de la
sûreté du passage; c'est ainsi que les art. 13 et 22
de l'ordonnance du 24 décembre 1823 défendent
l'élablisseln<"!l1t de corniches en plâtre, que l'action
de J'humidité et des gelées peut faire tomber;
c'est ainsi que la Cour de cassation a jugé, les 23
�476
TRAITÉ
avril 1819 (Sirey, 19-1-426), I l septembre 1840
40-1-9~h) et 3 décembre suivant (S., 41-183), que J'arrêlé <lu maire, qui prohibe non-seulement sur le bord des rues, llJais encore dans
toute l'étendue de la COmmllDp., les couvertures
en chaume ou roseaux, était pris dans le cercle
des attributions municipales. Propreté, salubrité
et sécurité, voilà les troIS objets de Ct'S attributions.
Nous avons dit, au nO 511 ci-dessns, que les
riverains des voies publiques n'avait'l1t pns le droit
d'y faire ou d'y conserver soit des caves ou souterrains (a), soit des constructions qui lesconvl'i raien t
en tout ou en partie; il ne sera pas inutile que le
réglement deru;lOdé aux préfets par l'art. 21 contienne une disposition forIUelle à cet égard.
(S.,
(a) Il n'y aurait d'exception, comme le fait remarquer
M. Proudhon, Traité du domaine public, nO 367, qu'autant
que le souterrain ft'rait saillie sur l'alignement, par suite du
reculement de la maison, opéré pour le l'élargissement de la rue.
Un arrêt du conseil, du 3 août 1685, porte également: « Le
» roi, élant en son conseil, a ordonné et ordonne que les propriélaires des maisons retranchées et à retrancher, suivant
» les :Irrêls de son conseil, joniront des caves qu'ils ont sons
}I les rues, conformément anx contrats faits entre enx et les
» prévôts des marchands et échevins de la ville; les voûtes
" desdites caves préalaMenient vues et visitées par les trésoriers
» de France, com;nis à cet effet: » - L'édit de décembre] 607
disait déjà cependant: « Faisons défenses à toutes personnes
» de faire et creuser aucuues caves. sous les rues.
l)
1)
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
477
A la rigueur, on pourrait aussi empêcher ces
riverains d'établi.' aueunes saillies sur la voie publique, telles que bornes, bancs, b<llcons, pilastres,
auvents, corniches, enseignes, volets, escaliers,
trapons de ca ves, etc. Cependant l'usage est de les
permettre dans de certaines limites et avec certaines précautions ; l'ordonnance royale, déja citée,
du 24 décembre 1823, modifiant celle du bureau
des finances, du 14 décélllLre 1725, et les leures-pa·
tentes du 31 décembre 1781, contient un réglement détaillé, a cet éganl, pour la ville de Paris
et donne lien à la perception d'lin orait de voirie
établi par l'édit de novembre 1697' muintenu par
l'art. 29, lit. leI, de la loi du 19-22 juillet 1791,
et tarifé par le décret du 27 octobre 1808; droit
dont l'art. ::> de la loi de finances, du 28 avril 1832,
permet l'établissfnllent au profit de tontes les communes qui feront approuver des tarifs par le gouvernement. Le réglernent préfectoral pourra conteni'r des dispositions analogues, quoique moins
rigoureuses, POIH' les constructions q1\i seraient
élevées le long des chemins vicinaux, particulièrement en ce qui concerne les avances de toits, les
portes d'hébergeagcs s'ouvrant en dehors, les
escaliers extérieurs, les potences d'enseignes ou de
lanten~es, les tuyaux de poêle, etc., etc.
Après cette indication ùes principaux objets que
devra emLrnsscr la partie du réglemènt. relative aux
aLignements et aux permissions de construire~
il n'est pas inutile de passer rapidement en revue
�478
TRAITÉ
quelques-unes des difficultés que cette matière fait
naître le plus ordinairement, et que l'exercice,
depuis dix années, de fonctions municipales dans
une ville où, pendant cette période, de nombreuses
constructions Ol~t été faites, nOU5 a mis dans le
. cas d'étudier et de résoudre.
0
1 Lorsque, par suite d'un alignement arrêté, les
voisins d'un côté devront reculer, et ceux de l'autre
côté avancer, il faudra avoir la ptécaution d'exprimer dans l'acte approba tif que ceux-ci ne pourront Je faire que quand les premiers se seront
exécutés, parce qu'autrement la voie publique
pourrait se trouver rétrécie ou même in terceptée;
cette condition prudente a été insérée dans les
ordonn:lllces royales approuvant les alignements
de la rue de Larochefoucault et <les abords de la
Madeleine à Paris; des discussions s'étant élevées
à ce sujet, le comité de l'intérieur du conseil
d'état, qui en a été saisi, a posé en principe:
Cl. qu'une ordonnance d'alignement ne confère de
» droit aux propriétaires que dans les termes et
» sauf l'accomplissement des conditions qu'elle
:» renferme, et qu'en certains cas, il est juste et
» nécessaire, pour conserver la liberté de la voie
) publique, d'ordonner que ceux à qui le nouvel
)' alignement accorde la faculLé d'avancer, ne
» l'exercent qu'après que les propriétaires opposés
» auront reculé les leurs. »
2 0 Si lln propriétaire obtiel1tl'alltorisation d'avancer sa maison, sa cour ou son clos sur un
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
479
chemin destiné à être rétréci ou reporté du côté
opposé, défense devra lui être faite d'ouvrir laté,ralement, c'est-à·dire dans les murs perpendiculaires à la façade, des portes ou des fenêtres, ou
d'établir l'égout de ses toits dans ce sens, parce
que plus tard les voisins se trouveraient dans l'impossibilité de venir se placer sur l'alignement, à
moins qne la commune ne payât nne indemnité
pour obtenir la suppression des droits acquis sur
la voie publique. Nous avons même vu, nO 570,
pag. 348 ci-dessus, qu'un arrêt de la Cour de
cassation, du 12 juillet 1842, était allé, quoique
i~compétemment selon nous, jusqu'à ordonner
la démolition des ouvrages qui avaient pour effet
d'anéanlÏr ces servitudes.
3° Dans le cas où, par l'effet de l'alignement,
le propriétaire qui reconstruit est autorisé à s'avancer sur la voie publique, quoique en général
il ne puisse le faire qu'exactement sur la largeur
dn front de sa propriété, ainsi qu'on l'a expliqué
à la fin du nO 567 ci.dessus; cependant, s'il est
séparé de son voisin par un mur mitoyen, on pense
qu'il pourra prolonger ce mur en ligne droite et
en lui conservant toute son épaisseur, sauf à en
céder la miloyenneté à ce voisi.n lorsque celui-ci
avancera aussi ses constructions; autrement, et si
le parement extérieur du nouveau mur ne devait
pas dépasser la ligne partant du milieu de l'épaisseur du mur mitoyen, il arriverait que plus tard
�480
TRAITÉ
le voisin, en en acquérant la mitoyenneté, aurait
plus que la largeur du front de sa propriété.
4° Dans l'hypothèse inverse, où il y a lieu a
reCUlell1en t, le propriétaire, qui, en reconstrnisa nt,
est obligé de retirer sa façade, ne pen t démolîr
jusqu'à la moitié de son épaisseur la portiun du
mur mitoyen restant en saillie qui snpporte la
maison ou clot J'héritage de son, voisin, parce
qll ,un mur n ,est pas susceptl'Il
) e (l' un parta~e matériel sectione corporum dans le sens dé son
épaisseur, et qu'co en dénl0lissant une partie ,. ce
'serait le détruire en to.talité; seulemen t le P1opliélaire qui reconstruit, pourra, au moyen d'une
tranchée f.·tÏte avec préca II tion et par parties, in fixer
les pierres de sa façade jusqu'à la moitié du mur,
afin que le voisin, quand il viendra à reconstruire,
ne comprenne pas dans le parement extérieur de
sa. façade l'épaissclll' entière dn mnr mitoyen.
Si cett.e portion de mur formant saillie éiait: en
un état de vétusté tel fJue, mise à nu et p"ivée de
l'appui de la façade du voisin, elle ne pttt pas
subsister sans des réparations que l'autorité mnni.
cipale refuserait de permettre, ce voisin, qui 0' aurait
fait qu'user de son droit en reconstl'Uisant et se
soumettre à lIne nécessité l~gale en se retirant, ne
serait passible d'aucune indemnité envers celui qui
se trouvera par là obligé à son tour de releve~ sa
façade etùe la reporter en arrière sur l'alignement;
c'est ce qu'a jugé la Cour royale de BOI'deaux,
par un arrêt du 25 novembre 1831 (Sirey, 32-2·
�DU DOlVTA1NE PUBLIC.
345), ainsi conçn:
481
Allendu CJlle Battut, en
» reconstruisan t la façade de sa maison si tuée rue
» du Loup, a fait tout ce que demandait l'intérêt
,> des appelants, afin que celle qui y est contiguë,
» et qui leur appartient, ftlt endommagée 'le moins
» tpossihle; que, sans dou te, L' écharpemen t qui
» :s'est manifesté dans le mur des appelants, joi," gnant celui de l'intimé, n'a en lieu que parce
'll> que
Battut' a reculé lors de sa construction;
) mais que Bal.lnt ne pouvait se dispenser de suivre
.» l'alignemen t q ni Illi avait été don né pal' la pol iée;
:» que pour qu'il cessât d'être pas1>ible d'aucune
» action, il suffit qu'il ait fait effectuer, ainsi
» qu'il l'a fait réellement, des ouvrages et des
» réparations au moyen desquels il a été pourvu,
)' autant qn'il dé[wmlait de lui, à la solidité des
.
.,
» ll1a1son8 VOlS1nes. l>
Il devrait en être autrement si, avec dessein,
.par négligence ou simple défaut de pl'éci1Ution, il
Y avait en tl~gratlation en délllolissant.; eommc
dans ce cas l'autorité n'en serail pas moins fundée
à empêcher toute réparation, ainsi que l'a décidé
un arrêt de la Cour de cnssation, du 2 aolÎt 1839
(Sirey, 40-1-19°), le voisin, obligé par suite à
reconstruire et à recnler sur-le-champ, anrait
incon tesLahlel1len t droit., en vertu de l' arl. 13~h
du Cod. civ., à exiger de l'auteur dn dommage
une indemnité calcnlée, non-seulemen t -en raison
des frais de reconstruction, mais aussi de la nécessité où il se trouverait d'abandonner immédiacc
�482
TRAITÉ
tement une partie de sa propriété dont, sans cela,
il aurait pu continuer à jouir pendant plus ou
moins de temps.
5° Quoique l'héritage du voisin de celui qui
reconstruit en se rctirant, soit en retour d'équerre
sur la nouvelle façade, néanmoins des fenêtres
pourront être pratiquées dans cette façaùe à moins
de six décimètres de distance de la ligne séparative
des deux fonds, quoiqu'elles forment des vues
obliques, soit parce que l'intervalle est un tel'l'ain
dépendant du domaine public, sur lequel des jours
peuvent être pris en toutes circonstances, ainsi que
11011S l'avons dit nO 570, page 356, ci-dessus, soit
parceque la portion d'héritage en saillie sur l'alignement qui n'est que tolérée momentanément doit,
par rapport au voisin qui s'est retiré par nécessité,
être considérée comme appartenant déjà à la voie
publique; c'est dans cette espèce même que nous
avons obtenu l'arrêt de la Cour royale de Dijon,
du 13 mars 1840, cité au numéro qui vient d'être
rappelé.
6° A quelle autorité appartient-il de prononcer
snI' le partage, entre les voisins, des portions de
.terrain [retranchées de la voie publiqne pal' suite
d'un alignement qui les oblige à avancer? L'article
52 de la loi du 16 septembre 1807, qui,
après avoir prescrit l'approbation, par le conseil
d'état, de.5 plans d'alignement, ajante: cc En cas
» de réclamation de tiers intéressés, il sera statué
» de même en conseil d'état sur le rapport du
�DU DOMAINE PUBLIC.
483
cc ministre de l'intérieur; » est-il applicable à
ce cas?
Nous Jle le pensons pas; une fois que l'alignement est tracé, l'administration se trouve entièrement désintéressée, et nous ne voyons point à quel
titre elle vieudrait s'entremettre dans un litige
ayant pour objet un tenain qui n'appartient plus
au domaine public et qui est de même nature
qu'une alluvion formée par le déplacement d'un
cours d'eau; les réclamations des tiers intéressés,
dont parle la loi du 16 septemhre 1807, sont évidemment celles élevées contre l'alignement pour
le faire modifier, mais non celles qui surviennent
à la suite de l'alignement, lorsqu'il est définitivement agréé par les parties ou fixé par l'autorité;'
il ne s'agit plus ici de règler les rapports des citoyens avec la voie publique, puisque nous su pposons qu'ils le sont par le plan légalement arrêté;
il est question seulement de régler les rapports
de particulier à particulier, à l'occasion, il est vrai,
d'une modification de cette voie, mais pour une
panie qui a perdu ce caractère pour rentrer Jans
le domaine privé. Que l'administration fasse exécuter l'alignement tel qu'il a été approuvé et qu'elle
le surveille, on conçoit alors son intervention qui
est jnstifiée par son intérêt; mais si le mode d'exécution met en conflIt des intérêts privés, on ne
voit plus sur quoi elle peut fonder sa prétention à
statuer sur des contestations auxquelles se rattachent presque toujours d'aillenrs nne appréciation
�48~
TRAITÉ
de litl'es et de droits <.1<' propriété ou de sel'vitudes, qui est incontestablement (lu n'ssort des tri·
hllnanx civils. cc L'adllJinistratioll, dit M, Tsarllbert
» (Traité de la voirie ~ tom. 3 , pag. 358), ne
» peut rien concéder en fait de llroits r1'ivés; elle
» ne peut qlle meUre le terrain publie à la Jispo» sitiùn -des propriétaires, sauf à cellx-ci à se de» mander réciproquement des indemnités, si, par
» le fait, ils innovent dans les servitudes pri» vées. »
Cependant la Cour de Bordeaux a décidé le contraire par un arrêt dn If> juin l824. dont voici les
motifs: c< Considérant que tont ce fJlli a trait aux
» alignements des voies publiques est cxclusive» ment du ressort de l'administration, et qu'en
)) lui conférant cette attribution, la loi a dé ter» miné la marche qu'elle devait suivre ponr que
» les intéressés pussent faire les réclamations qu'ils
» jugeraient nécessaires à la conservalion de leUl'S
)) droits; que l'alignement des fos&és Saint Eloi
» a été définitivcmen t arrêté il près l'oLsel'va -.
» tion des formes prescrites; que les façades des
» maisons fornlant le côté sud de ces fllssés sont
» en arrière de cet alignement; qne le tel'l'ain
» compris entre cet alignement et la façade dé)) pend de la voie pnbliqne et appartient à la ville,
» et qne les propriétairf's riverains ne peuvent en
» disposer' pour établir les nOll~!;:JI<'8 {aç:Jdes de
» leurs maisons qu'après l'avoir acquis d'elle, Con» formément à la loi du 16 septembre 1807; -
�DU DOMAINE PUBLIC.
,
485
" considérant que pour que ce terrain pnisse être
» occnpé par les intéressés, il faut qne le m"ire
" le concède, en fasse la distribution, détermine
;» la quantité qlli doit être acquise par chacun
» J'eux et la ligne qui doit être suivie pour l'en·
» clore et élever les murs de séparation; que si,
» dans ces opérations qui se lient essentiellement
» à l'exécution du plan approuvé, le maire adopte
;» qnelque disposition qui blesse les intéressés,
» c'est devant l'administration et non devant les
» tribnnallx que ces derniers doivent porter leurs
» réclamations; considérant que les tribunaux
» n'auraient pu connahre de la contestation qui
» s'est élevée qu'autant qu'elle aurait pour objet
» une question de propriété ou de servi tude; que
» celte question n'a nullement été agitée; que la
» réclamation de la dame Bmn ne se rapportait
» qn'au dommage que lui causerait l'exécution des
» dispositions adoptées' par l'administration, et
» qu'elle ne pourrait en élever relativement au
» droit de propriété, puisqu'elle n'a pas encore
» acquis le terrain qui longe la façade de sa l'uai» son; que sous ce rapport, elle n'avait pas qualité
» pour iutenter une action devant les tribunaux:
), contre lês appelants; qu'en prononçant sur celte
» réclamation, le tribunal a évidemment empiété
';). sur les âttribulions de l'adminisLration; que,
» d'ailleurs; la dame Brun avait reconnu la com» pétence de cette dernière, puisqu'~He lui avait
TOM. II:
31
�486
TRAITf:
" présenté plusieurs pétitions pour qu'elle prît une
" décision ..... "
Nous ne saurions admettre cette doctrine qui
repose sur une confusion d)iJées et sur plusieurs
errenrs faciles à démontrer; et d"abord ,que tout
ce qui a trait aux alignements soit de la compétence de l'administration, c'est ce que nous concédons lorsqu'il s'agit de l'opération en elle-même,
c'est-à-direde la fixation de la ligne séparative dela
proprihé publique d'avec la propriété p"ivée; mais
lorsqu'une fois cette délimitalion est faite, 'la répartition entre les riverains du tenain retranché
n'a plus trait à l'alignement et ne constitue plus
qu'un partage ordinaire d'un fonds particulier.......
En second lieu, si la loi a déterminé la marche à
suivre Je la part des intéressés, c'est seulement
lorsqu'iJ:, réclament contre l'alignemen t,et non lorsqn'en l'exécutant ils discutent entre eux sans rien
contester à la commune; les termes mêmes de l'art.
52 de la loi de 18071e démontrent, la réclamation
dont il est parlé est une critique du tracé propose
par l'adlllinistration et non une demande en partage ou une résistance à la prétention d'un particulier. - En troisième lieu, s'il est vrai que pour
que le terrain puisse être occupé par les intéressés, il faut que p,'éalahlement le maire le leur concède, on ne peut également en coüclure que ce
magistrat doive aussi en faire la distribution, sauf
le recours au tribunal administratif s'il adopte
quelque disposition qui blesse let~rs droitSc; le fonds
�DU
Dm~E
PUBLIC.
487
pne fois sorti du domaine de la commune, celleci n'a plus d'iutérêt à le suivre entre les mains des
acquéreurs et partant, doit cesser la compétence
du conseil d'état qui n'a qualité que pour jugel'
les differends où l'administration est partie ou a
intérêt; c'est ainsi qu'en cas de vente de domaines
nationaux, les conseils de préfecture pouvaient
seuls interpréter les actes qui, de l'état, avaient
transmis les biens aux particuliers, mais étaient
incompétents pour connaître des difficultés qui
s'élevaient dans le partage entre les acquéreurs ou
à raison des reventes ultérieures. - En quatrième
lieu, la Cour a tort de dire que la contestation
n'avait point pour objet une question de propriété
ou 'de servitude, mais se rapportait à un simple
dommage, puisque nous avons démontré, nO 570,
que les droits qu'exerçaient les riverains sur la voie
publique constituaient de véritables servitudes
dont ils ne pouvaient pas être arbitrairement privés par l'autorité; vainement on voudrait se prévaloir d.es termes de l'art. 53 de la loi du 16 septembre, qui portent que dans le cas où un propriétaire pourrait recevoir lafaculté de s~avancer,
etc., pOUl':en induire que l'administration, pouvant
ne pas céder, doit à plus forte raison avoir le droi~
de ne le faire que sous des conditions et de la
manière dont elle seule restera juge; ce :serai~ en
effet mal interpréter cette disposition uniquement
décrétée pour laisser à l'autorité administrative la
faculté ~e conserver le terrain si elle le croit con-
�488
Tl\.AI'fÉ
venable, malS non pour l'investir du pouvoir
d'en disposer à son gré entre les voisins lorsqu'une
fois elle a pris le parti de le retrancher comme
étant inutile à la voie publique; de ce qu'elle n'est
pas contrainte de le céder lorsqu'elle présume en
avoir besoin, il ne s'ensuit pas qu'elle soit maîtresse d'en gratifier l'un au préjudice des aulres
quand il est reconnu qu'elle doit en faire l'abandon. - En cinquième lieu, le défaut de qualité
opposé à la dame Brun, à raison de ce qlle tant
qu'elle u'avait pas acheté de la ville, elle ne 'pouvait,intenter \lne action en partage devant les tribunaux, tombe devant cette considération que les
voisins d'une voie publique, dont une partie doit
être cédée, ont un droit acquis à l'obtenir chaclln
vis-à-vis soi, qnoique le prix n'en soit encore ni
réglé, ni payé; droit qui peut devenir la base 'et la
cause d'une action judiciaire contre ceux qui '\'oudraient se l'approprier en tout ou en pal-tie au mépris des règles posées par la loi et la jurisprndenée.----.
Enfin le dernier motif de l'arrêt, tiré de ce que la
juridiction de l'autorité administrative aurait été
reconnue par les pétitions qui lui avaient été
adressées, est sans force dans une affaiœ d'incompétence ratione materiaf! qui tientà l'ordre public
et sur laquelle les parties ne peuvent transiger.
La même question s'étant présentéé entre un
M. Boucheporn et une dame Denys devant le tribunal de première instance de Chaumont, il intcr.
, 1
1
• 8"
.
'Vlnt ega emen l, e 12 aout 1 2':}; un Jugement
�DU DOMAINE PUBLIC.
489
d'incompétence suivi, le 9 auût 1825, d'une ordonnance en conseil d'état, qui procéda au partage
entre les parties du terrain retranché de la voie
publiqne, en ajoutant qu'il resterait grevé des
jonrs dont jOllissaientles deux maisons antérieurement; sur Je pourvoi de M. Boucheporn, une seconde ordonnance, à la date du 4 juillet 1827,
confirma la première par le motif, an fond,
ce qu'aux termes des art. 51, 52 et 53 de la loi
» du 16 septembre 1807, tou tes les qnestions con)' cernant les alignements, les ventes et cessions
" de terrain ct Jes droits. des tiers relativement
» allxdits alignements, doivent être résolues en
» conseil d'état sur le rapport du ministre de l'in" télieur ...... » Sur cette décision, nous ne ponvons que répéter ce que nous avons dit relativement à l'arrêt de Bordeaux, à savoir que les questions d'alignement ne sont du ressort de l'administration qu'autant qu'elles s'agitent entre l'autorité municipale et les riverains, et not) lorsqu'elles
ne concernent que ces derniers qui, en respectant
le tracé, discutent sur le mode de division de la
partie de terrain retranchée; autrement il faudrait
décla rel' aussi que les difficultés que nous avons
examinées sous les nOS 2,3, 4 et- 5 quiprécèdent,
seraient également dans les attributions, nouS ne
dirons pas seulement des cunseils de préfecture,
mais bien du conseil d'état, car c'est à ce tribunal
supérieur que la loi de 1807 attribue seul corn pé.
tence en fait d'alignements.
�490
TRAITÉ
7° L'alignement une fois arrêté, l'administration pent bien contraindre les propriétail'es à retirer sur la limite déterminée les constructions qu'ils
veulent élever en remplacement de celles en saillie
qu'ils ont fait démolir; mais pourrait-elle également les obliger à avancer celles qui sont en retraite?
La llégative est incontestable; aucune loi ne'
donne ce pouvoir, la raison J'utilité publique qui
autorise à empêcher des constructions qui nuiraient à la sûreté ou à la commodité du passage,
cesse d'exister lorsqu'il s'agirait de forcer à avancer une façade sor l'alignement; tout au plus l'administration pourrait-elle user du droit résultant
de l'art. 53 de la loi du 16 septembre 1807, ainsi
conçu: «Au cas où par les alignements arrêtés, un
» propriétaire pourrait recevoir la faculté de s'a» vancer sur la voie publique, il sera tenu de
» payer la valeur du terrain qt;li lui sera cédé .••.•.
» Au cas où le propriétaire ne pourrait pas
» acquérir~ l~administration pubLique est au» torisée à le déposséder de L~ensemhle de La
» propriété ~ » ce qui ne pourrait avoir lieu aujourd'hui que par voie d'expropriation dans la
forme réglée par la loi du 3 mai 184]; or il est
fort douteux que l'ou considère comme étant d'u.
tilité publique devant entraîner l'expropriation
d'un citoyen, l'avantage presque uniquement de
décoration et de régularité que produil'ait le l'C-
�DU DOMAiNE PUBLIC.
491
port SUl l'alignement d'une construction en retraite.
Le seul droit qu'aurait l'auto.rité· municipale,
serait de prescrire la clôture du terrain sur l'alignement par un mur ou une palissaùe, ponr faire
dispar,litre des renfoncements qlli, pouvant favorise.' la malveillance, nuisent aussi à la propreté
et à la beauté des rues et chemins.
C'est ce qui résulte, Iode l'avis des comités
réunis de législation et de l'intérieur, du 3 avril
1824, rapporté dans le Traité du domaine public~ nO 410, ci· dessus, à la note, et ainsi conçu: « Si
» les constructions ont été faites en retraite de l'a.
» lignement, il ne peut y avoir lieu d'cn requérir
» la démolition, mais seulement d'ordonner, pal'
:» voie administrative, la clôture de l'enfonce:>, ment irrégulier; » '.)..0 d'un arrêt de la Cour de
cassation du 19 août dB6 (Sirey, 37-1-406),
portant que ~( l'arrêté du maire de Saint-Germain,
» se fondant sur le danger que l'état actuel du ter» rain bordant la rue présente pour la sû.'cté pu» blique, a légalement enjoint au prévenu de
» le clore, et qu'il est dès·lors pleinement obliga» toire, tant qu'il n'aura pas été, s'il y a lieu,
» modifié ou rapporté par l'administration snpé» rieure; d'où il suit qu'en refusant de punir son
» inexécution sur le motif que la mesure prescrite
» dépasse les limites du pouvoir attribué à l'auto:» rité municipale et qu'elle porte une véritable at)' teinte au droit de propriété, le jugement dénoncé
�492
TRAITÉ
a faussement appliqué l'art. 159 Cod. d'inst.
» crim., commis un excès de pouvoir et une vio)' lation expresse tant. des règles de la compétence,
), que des lois des 24 août 1790 et 22 juillet 1791;
3° Ju passage suivant des Questions de droit administratffde M. de Cormenin (4 e édit.~ tom. 3,
page 498) « Si l'on a bâti sans autorisation sur une
» grande route, en arrière de l'alignement donné
;» par une ordonnance royale, il n'y a pas dans ce
» fait de contravention aux. réglemcnts de la
" grande voirie; on peut être seulement tenu de
» se clore dans l'aLignement ~ afin de faire dis» paraître des angles et renfoncements dangereux
» pour la sûreté publique (ordonnance du 4 fé ...
)' vrier ] 824, Legros); )' 4° et de l'opinion de
MM. Stourm et Gillon, dans le Code des muniei·
palités~ page 190, où ils disent que: cc l'aligne)' ment des maisons n'a pas pour senl but de pr~" curer à la circulation l'espace nécessaire; qu'il
» tend aussi à empêcher ces enfoncements où les
» malfaiteurs pourrcient se réfugier, et qui offri)' raient en même temps des dépôts d'immon,) dices. " C'est par le même motif que li! Cour de
cassation, notamment par arrêt dn 9 mars 1~J38
(Sirey, 33-1-803), a déclaré obligatoire un régiement municipal qui ordonnait la fermeture pendant la nuit des poI"tes d'aBées, de cours ou d'impasses.
Mais il faut que les arrêtés à cet égard aient
réellement pour Cause la sûreté ou ]a commodiré
»
l)
1
�DU DOMAINE PUBLIC.
493
du passage, car ils ne peuvent, en général, comme
décidé la Cour de cassation, par arrêt du 3 mai
1833 (Sirey, ':)3-1.808), dans une espèce où un
maire avait olllonné aux riverains d'un chemin de
creuser un fossé sur leurs héritages, porter aucune
atteinte aux droits de propriété d'un particulier en
lui imposant une s~rvitnde sur son fonds. Nous
qvons même souten li que les propriétaires de jardins situés au contre-bas du sol de la rue d'un villagp, n'étaient point tenus de se confonher à l'arrêlé du maire qui leur avait prescrit l'établissement
de ml1l's de soutenement formant parapet, parce
qlle la diffùence considérable de niveau ne provenait point de leur f.1it, mais de la disposition naturelle des lieux, ainsi Ciue de l'exhaussement" de la
voie publique tracée sur le flanc d'un coteau, et cette
défense a été accueillié tant par décision du ministre des travaux publics du 21 juillet 1333 qui a
cassé l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or approbatif
de l'arrêté municipal, qne par le tribunal correctionnel de Dijon, dont lè jugement, en date du31
août suivant, a réformé la sentence_du tribunal de
police ~le Fontaine-Française qui avait condamné
les contrevenants à l'amende et même à l'emprisonnement à cause de la récidive.
8° Les soins de l'administration devant se portel'
non-seulement sur l'élargissement et le redressement des voies publiques, mais encore sur leur
nivellement et sur l'aplanissement des rampes
qui en rendent l'usage dangereux ou difficile, il
l~a
•
�49Ji.
TRAITÉ
sera nécessaire, lorsque l'on pourra prévoir l''illilité
d~ travaux de cette dernière es.pèce, de ne pas se
horner seulement à donner l'alignement, c'est-àdire à tracer le plan vertical dans lequel devra être
établi le mur de face, mais il faudra encore déterminer le plan horizontal, au niveau ou à partir
duquel pourront être posés les seuils des portes
et les tablettes inférieures des fenêtres. - Autrement, et lorsque le nivellement de la rue ou du
c~emin s'exécuterait, les ouvertures des maisons
et des cours nc se trouveraient plus en rapport
avec le sol, ce qui, d'après ce que nous avons dit
au nO 570, pag. 346, ci-dessus, motiverait des
demandes en indemnité de la part des riverains.
Il serait à (h~sirer que la mesure prescrite pOUl'
Paris, par ravis du conseil d'état, du 30 août3 septembre IH!1 (a), afin d'évitel' cet inconvél1ient, fût étendue à toutes les voies publiques, et
qu'un plan de nivellement accompagnât toujours
celui d'aligncmen t.
9° JI est une autre servitude qui peut être imposée atlx constructions joignant la voie pnhlif]ue,
c'est celle qui ne permet de les élever qu'à une
hauteur déterminée; elle existe à Paris en vertu
de la déclaration du roi, du ] 0 avril 17H3, et des
leures- pa tentes du 25 août 1784.
(a) Voyez le texte de cet avis au nO 409 du Traité du domaine public, ainsi que la note que nous avons placée sous
le nO 413.
�DU DOMAIl'l~ PUBLIC.
495
Comme il est convenable de ne l'étahlir que
dans les villes très-populeuses où l'on cherche à
en tasser le plus de personnes dans le moindre
espace possible, nous nous bornerons à dire que,
contrairement à l'opinion du ministre de l'intérieur ( M. Davenne , Recueil des lois de voirie),
le droit de fixer la hauteur des bâtitnents rentre
dans les attributions de l'àutorité municipale, ainsi
que l'a jugé la Cour de cassation par deux arrêts,
l'un du 30 mars 1827 (Sirey, 27-1-477); conG,ernant un réglement fait à cet égard pal' le maire
de Lyon; et l'autre, du 8 août 1833, portant que
cc le droit de voirie a toujours compris, en France,
» le pouvoir notamment de régler l'alignement,
» la hauteur et la régularité des édifices, bâti.
"
» ments et constructIOns
e'1'
evees ou reparees,
» joignant la voie publique. )')
10° Nous avons dit plus haut que si l'autorité
municipale n'avait pas le droit de prescrire un
mode particulier d'architecture (arrêt de la Cour
de cassation, du 14 août 1830), elle pouvait défendre l'emploi de matériaux offrant des dangers
sous le rapport de la sûreté du passage ou des
incendies; c'est par suite de ce principe que par
divers arrêts, notamment des 29 décembre 1820
( Siadous), I l mars 1830 et 5 septembre J 835 ,
la même Cour a jugé que les arrêtés municipaux, qui défendaient de bâtir et réparer des
maisons en pans de bois ou colombage dans l'intérieur des villes, bourgs et villages, étaient ohli-
�496
TRAITÉ
gatoires. €E'pendant celle défense ne devrait pas
être étendue indistinetement à toutes les localités;
CC il Y a certaines villes de province, dit M. Da)f venne (Supplément au RecueiL des lois de
» voirie), où la rareté et le prix élevé de la pierre
.» ne permeUent pas généralement de bâtir autre» ment qu'en bois. Plusieurs décisions ministé.:.
» rieHes on t refusé, en conséq uence, d'approuver
» des projets de réglements de police tenùant à
» probib~r ce genre de construction, à moins
~> qu'il n'ait été expressément interùit par quelque
» acte de l'ancienne législation spécial aux loca» lités. »
11° Il ne faut ·pas confondre avec un arrêté
d'alignement, qui ne peut recevoir d'exécution
que par le fait de la démolition spontanée de la
part du propriétaire ou par l'état de ruine absolu
du bâtiment, le réglement par lequel l'autorité
municipale ordonnerait la suppression de bornes,
bancs on au tres saillies sur la voie pll blique; ce
réglement doit produire son effet illlmédiateinent,
sans attendre qu'il y ait lieu à remplacer les objets
dont il s'agit, ponr cause de vétusté. La Com de
·cassation l'a ainsi jugé par arrêt du 30 juin 1836
(Sirey, 36-1-847), dont voici les termes: cc At» tendu que le principe de la non rétroactivité
» des lois ne peut s'appliquer aux réglements de
» simple police, l'autorité municipale ayant le
» droit et le devoir de veiller en tout temps à ce
» qui peut intéresser l'ordre et la sûreté publique;
�DU DOMÀlNE PUBLIC.
497
que le maire de Dunkerque a pn, dans l'in» tél'êt général, in terdire les bornes déjà existantes,
» dans le but d'assurer la commodité du passage;
" d'où il suit qu'en refusant de reconnaître et de
" punir la con travention du sieur Coppens, quoique
» légalement constatée, sous le prétexte qu'il y
» aurait rétroactivité, le jugement attaqué a fait
» une fausse application des principes sur ce point,
» violé l'arrêté, etc..... " Cette décision est parfaitement juste; mais il nous semble que pour la
motiver, il n'était pas nécessaire de recourir au
principe contestable de la rétroactivité des arrêtés
de police; principe que la même Cour a repoussé
par un autre arrêt du 3 décembre 1840 (S., 41-183 ), en décidant que le réglement qui défendait
les couvertures en chaume ne pouvait s'appliquer
qu'aux constructions nouvelles et non à ccllesprécédemmeut établies de cette manière; le droit du
Iuaire à faire supprimer sur-le-champ les bornes,
résulLc évidemment de ce qne toute saillie sur la
façade des construcLÏons formant empiètement sur
le sol public n'existe jamais, comme l'enseigne
M. Proudhon (Traité du domaine public~ nO
366), qu'à titre précaire et en vertu d'une permis.,.
sion expresse ou tacite toujours révocable ad nutUJn. La différence entre un bâtiment en dehors
de l'alignement et dont l'autorité municipale ne
pourrait ordonner sur-le-champ le retranchement,
si ce n'est au moyen d'une expropriation, et une
borne, 1111 banc, un tuyau de poêle, etc., qu'un
» -
�498
'l'flAITÉ
ordre de la maIrIe peut faire enlever à l'instant
même, consiste en ce qne le premier, quoirl'Je sujet
à reculement, est possédé à tit·re de maître par le
riverain qui ne peut être dépouillé du sol que
moyennant indemnité, tandis que les autres ne
sont que des usurpations sur un terrain iOlprescriptihle, incapables de fonder aucun droit de propriété ou de possession animo domini pendant
quelque temps qu'elles aien t existé etiam per mille
annos~ et toujours sujettes à suppression sans expropriation ni dédom magcmen t.
. Pour qu'il y ait rétroactivité dans le sens légal
de ce mot, il faut qu'il y ait atteinte portée à un
droit acquis (a); or, comme les réglements de police, pour être obligatoires, ne peuvent avoir pour
objet que le maintien de l'ordre, de la sécurité et
de la salubrité, choses inaliénables, imprescriptibles, et qu'aucunes conventions ni possession ne
peuvent mettre en dehors de l'action et de la surveillance incessante du pouvoir municipal, ainsi
que le reconnaît la Cam de cassation, par ses arrêts ci-dessus rappelés, notamment par celui du
23 juillet 1836 (37-1-246), il s'ensuit que, même
en s'a~taquantà un fait antérieur et préexistant, un
(a) Voyez à cet égard la savante dissertation de M. Proudhon, dans son Trarté de l'état des personnes, chap. 4, ainsi
que les excellentes notes dont M. Valette, professeur à la faculté de droit de Paris, a enrichi la 3 e éJition de cet important
ouvrage.
�DU DOMAINE PUBLIC.
499
a1'rêlé de police corn pétemmen l pris ne peut jamais
avoir d'effet rt;troactif, c'esl·à·dire anéan lir un droit
ou une espérance légitimes. Il ne fait qne rappeler
à l'ordre, supprimer un abus, retirer une permission 011 révoquer un acte. de tolérance.
La dif1ërence que nons venons de signaler entre
ies entreprises sur le sol pnblic elles constructions
sur un terrain privé, donne lieu à une conséqnence
-qui peut êtl'e d'une application assez fréquente
-dans les villes; si en repavant une rue on déverse
,les eaux vers les portes d'une maison ou que l'on
re'ndc l'usage de ces portes incommode, il Ya lieu
à réparation du dommage; si au contraire on dé·
-chausse une borne, on fait tomber un banc, on
laisse en saillie un trapon de cave, ou que ce trapon se tl'Ouvant désormais en contre-bas, les eaux
s'y intl'Oduisent, le propriétaire ne pourra pas sc
plaindre. Dans un cas, il Y aura atteinte portée à
l'exercice d'une servitude contrairement à l'art.
701 du Cod. civ.; dans l'autre, il Y aura simplement cessation de tolérance, et retrait d'une permission révocable.
12° Bien que l'autorité du préfet et celle du
maire soient, en fait d'admiriistration, de même nature , quoiqu'à des degrés hiérarchiques différents,
et qu'en cas de refus ou de négligence de celui-ci,
le préfet puisse, aux termes de l'art. 15 de la loi du
18 juillet 1837, s'emparer du pouvoir municipal eL
l'exercer, cependant Je préfet ne pourrait donner
un alignement de petite voirie, pas plus que Je
�500
• TRAITÉ
maire ne pourrait en délivrer un de grande voirie.
La séparation des pouvoirs à ceL égard est établie
par de nombreux monnments de jllrisprndence
civile et adlllinistrative. Plusieurs arrêts du cons.·il
d'état, notammentdes3 mars 1825 (Cretté), d juillet suivant (Humhert), et 13jnillet dh8 (Julien),
ont. annulé des arrêtés préfectoraux qui avaient
fixé' l'alignement de rues ou chemins de commune et ont renvoyé les parties à se pourvoir de~
vant l'autorité municipale; comme aussi d'autres
arrêts du même conseil, en date des 20 novembre
18l!>, 29 août l~bl (Enjalhert) , 6 juin 1830
(demoiselle André), et6 août 18.10 (Icard) , ont
condamné, comme contrevenants, des propriétaires
qlji avaient construit le long de roules royales ou
départementales, en vertu d'alignemenls délivrés
par des maires; il a été de plus jugé que l'excuse,
même véritable, tirée de la Lon ne foi, ne pouvait
être .prise en considération. et enlever à la con travention son caractère. (Affaire André, ci·dessllsiarrêt de la Cour de cassaI. du 6 juillet 1837;Sirey, 37'1-686).
Les chemins vicinaux de grande communication,
sans appartenir à la grande voirie, élant cependant
placés par l'art. 9 de la loi du 21 mai 1836 sous
la-surveillance et l'autorilé directes du préfet, les
maires seraient, incompétents pom délivrer les alignements et les permissions de bàlil' sur leurs
bords; par arrêt du 29 ao(\t 1840 (Sirey, 40'1-815),
la Cour de cassation a décidé avec raison que ce
�501'
DU DOMAINE PUBLIC.
droit n'appartenait qu'au préfet; il en serait cependant autrement si, par l'arrêté général fait en vertu
de l'article 21, il Y avait délégation au profit des
mmres.
Lorsqu'une maison située au point de jonction
d'une route ou d'un chemin de grande eommunication et d'un chemil1~vicinal ordinaire, ou d'une
rue, a des façades sur chacune de ces voies publiques, il faut demander deux alignements, l'un
au préfet et l'autre au maire, l'autorité du premier
ne devan t pas absorber le pouvoir du second (arrêt du conseil du 7 mars l~hf).
Il est utile de rappeler ici que, d'après un avis
du conseil d'état du 18 janvier 1837 (Sirey" 37-2246), les rues qui sont la prolongation des chemins vicinaux: de grande communication dans la
traverse des communes, doivent être considérées
comme partie intégrante de ces chemins, et, à ce
titre, sont soumises aux mêmes règles, notamment
en ce qui concerne la nécessité de demander l'alignement aux préfets.
13° Lorsqu'un alignement a été donné par un
arrêté du maire, approuvé par le préfet, et que le
propriétaire s'y est conformé, on ne pourrilit ensuite le forcer à démolir pour se reporte l' sllr une
autre ligne qu'en l'indemnisant; c'est ce qu'enseigne M. Proudhon dans son Traité du dQmaine
public" nO 403, et ce que décident deux arrêts du
conseil d'état, des 12 décembre 1818 (Hazet),
TO]\'[. 1].
:12
\
-
�502
TRAITÉ
et 14 juin 1836 (ville de Broussac), -Sirey~
20-2-] 74, et 36-2-447· )
Celte solution devrait encore être appliquée da us
le cas où le propriétaire aurait construit en vertu
d'un simple,arrêté municipal qui, plus tard et après
que les travaux seraient terminés, aurait été réformé
par le préfet. Cette hypothèse s'est présentée à Dijon, et un arrêt du conseil d'état, rapporté par M.
Proudhon, loco citalo, l'a décidée de la sorte par le
motif que si l'arrêté du maire devait être soumis à
rapprobation du préfet, c'était à l'autorité municipale à l'obtenir et non an particulier. cc Attendu,
» en (lI'oit, porte également un al'fêt de la Cour
) de cassation, du ]6 avril 1836 (Sirey, 36-1» 656), qu'aux termes des art. 5 de l'éditdu mois
» de décembre 1607, 3, nO 1 er , tit. 11 , de la loi
er
» des 16-24 août 1790; 2.9 et 46, tit. 1 , de celle
» des] 9-22 juillet 1791 , le pouvoir de tracer les
» alignements de petite voirie appartient, dans,
» chaque commune, à J'autorité municipale; que
» ses arrêtés, en cette matière, sont définilifs
:D pour celui qui les a obtenus; tant qu'ils n'ont
» pas été modifiés ou réformés, avant leur exécu» tior{, par l'administration supérieure; d'où il
») résulte que celle-ci, lorsqu'elle n'use de son
'" 'droit de réformation qu'après que l'alignement
~) tracé a produit son effet, ne peut pas le re'ndre
» comme non avenu et ohliger l'impétrant à dé» molir les constructions par lui élevées en s'y
» conformant. » Ce qui, du reste, doit incontestablement et surtout d'après l'arrêt du conseil
�503
d'état du 14 juin suivant ci-dessus cité (Sirey,
DU DOMAINE PUBLIC.
36-2-447), s'entendre en ce sens seulement, que
la construction ne constituant pas une contravention, la démolition ne peut pas en être ordonnée
purement et simplement à titre de peine, mais que
l'administration n'a le droit de l'exiger que moyennant une juste et préalable indemnité.
La question résolue par la Cour de cassation
serait encore moins douteuse aujourd'hui, en ce
que, d'après l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837,
l'approbation préalable n'a plus lieu ; quand l'arrêté
n'est point permanent, il est exécutoire sur-Iechamp de plein droit; s'il est permanent, son exécution est seulement suspendue pendant un mois.
14° Mais si l'admiuistration, qui depuis l'autorisation pê;lr elle donnée a changé l'alignement, ne
demande pas la démolition immédiate des constructions élevées suivant son tracé, lesquelles désormais se trouveron t en saillie, le propriétaire qui
les a faite~ pourrait-il prétendre à une indemnité
et réclamer le droit d'y exécuter les réparations
qu'il jugera convenables?
L'affirmative a été adoptée par un premier arrêt
du conseil d'état, du 15 février 1833 (Sirey, 342-499), qui â seulement ajourné le réglement de
l'indemnité jusqu'au moment où les bâtiments
seraient 'reculés; mais une seconde décision du
même conseil., en date du 24 avril 1837 (Sirey ~
37-2-379), est revenue sur cette jurisprudence:
ct Considéran t, porte~ t-elle , que l'alignemen t dé» livré en IH30 à la dame d'Osmont, a été donné
�TRAITÉ
conformément au plan arrêté en exécution de
» la loi de 1807; qu'aux termes de l'art. 50 de
» ladite loi, le propriétaire, soit qu'il fasse volon» tairement démolir sa maison, soit qu'il soit
» forcé de la démolir pour cause de vétusté, n'a
» droit à une indemnité qne pour la valeur du
)~ terrain délaissé, si l'alignement qui 1ui est
•
» légalement donné le force à reculer sa cons» truclion; que cette disposition exclut toute pré» tention à une indemnité pour le préjudice
» résultant de la différence entre le plan arrêté en
» notre conseil d'élat et les alignements précé» dents. »
Cette dernière solution est sans doute fort dure,
elle serait même de la plus grande injustice si le
nouveau plan avait suivi de près le premier et si le
changement n'avait pas été motivé par quelque
.
.,.. ,
Clfconstanee grave et Imprevue; malS aUSSI n y
aurait-il pas d'autres inconvénients à poser en
principe l'immutabilité absolue et en quelque sorte
éternelle des alignements? Lesbesoins d'une époque
ne sont plus ceux d'une autre; le tracé suffisant
pour une petite ville ne conviendra plus lorsque le
commerce et l'industrie eu auront décuplé la population et la prospérité, comme au Hâvre, à Mul·
house, à Sainl-Etienne. Les propriétaires qui
verront accroître la valeur de leurs fonds, ne de·
nant-ils pas, par réciprocité, se soumettre aux
exigences nées des causes mêmes qui auront augmenté leurs capitaux? Nos lois positives, œuvres
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
505
de notre faiblesse, de notre imprévoyance et trop
souvent de nos passions, ne peuvent prétendre à
la fixité de celles de l'ordre physique ou moral que
l'auteur de toutes cboses a établies. Ne proposet-on pas en ce moment aux chambres législatives
de prohiber, par la prison et par des amendes, l'cxploitation d'une industl:ie que prescrivaient les
décrels des 25 mars 1Bl l et lb janvier 1812, et
que Napoléon encouragea par d'énormes sacrifices
pécuniaires ainsi que pardes récompenses nationales!
D'ailleurs la nécessité d'obtenir un alignement
résultant, dans toute la France, de l'édit de 1607,
et une immense quantité de constructions ayant
élé élevées depuis cette époque, il faudrait les
respecter aussi bien que celles postérieures à l'applicalion de la loi de 1807, c:;e qui rendrait l'exécution des plans impossible •.
15° Nous avons dit au nO 54°, pag. 248, ci-dessus, que par l'effet du jugement d'expropl'iation, le
propriétaire contre qui il avait été rendu, se ,trouvait dépouillé de sa chose quoique l'indemni.I-é
Apomt
· encore ete
" reg
, l'ee et payee;
' d ' ou, 1a conn 'eut
séquence qu'à partir de ce. moment il ne pourrait
plus l'hypothéquer, ainsi que l'enseignent d'ailleurs MM. Duvergier (Colleet. des lois~ vol.
de 1833, pag. 290') et Deialleau ( Traité de
lJexprop.~ UOS 356, 361 et suil/.); comme dans
le cas d'alignement, il n'y a poiDt de jugement à
rendre et que la servitude légale non aedijicandi
qui en résulte, est établie par l'ordonnance royale
�506
TRAITÉ
même, approbative du plan, ùoit-on en conclure
que la prohibition d'hypothéquer la partie retranchaLle remonte à cet acte P
,
On l' ~ prétendu, mais la Cour de cassation a
repoussé ce systême par un arrêt du 19 mars 1838
(Sirey, 38-1-212), ainsi motivé: cc Attendu que
» l'arrêt attaqué décide, en droit, que la fixation
» d'alignement (f..1ite par le préfet de la Seine) ,
') quoiquf' pouvantùonnerlieu à une indemnité (ré» gléeeffectivementdepuis), n'avait point eu pour
» effet de dessaisir actuellement Saucède de la pro» priété des portions de terrains retranchées sur
)) lesquelles il lui était interdit de bâtir, et qu'ainsi
» il avait pu les hypothéquer valablement; qu'une
') pareille aécision, loin de violer les articles de lois
» invoqués, a fait, des principes sur la mati~re,
" la plus juste application. " En effet, dans ce
genre d'expropriation passive, c'est-à-dire qui
s'exerce non par voie d'action, mais seulement de
prohibition, le dessaisissement et la transmission
de la propriéLé au profit de la commune ne s'o'pèrent qne du jour ùu paiement de l'indemnité
on de Itoffre' qui en est régulièrement faite. La
simple signification de l'alignement n'a point pour
résultat d'investir celle-ci de la propriété qu'elle
veut réunir au domaine public, elle ne constitue
de sa part qutun acte conservatoire dont la consé'quence ntest réalisée et ne peut lui être définitivement acquise que par la numération de l'indemnité ; dès-lors, et jusqu'à ce dernier fait, le pro-
�DU DOMAINE PUBLIC.
507
pnetaue peut valablement consentir hypothèque
sur la partie soumise à retranchement, et il, ne
saurait ensuite faire à une autre personne le transport des intérêts courus dans l'intervalle de la signification de l'alignement au paiement, et qui,
comme accessoires du prix de la vente, ont. la qualité de valeur immobilière.
16° Ces principes son t exacts en ce qni concerne
la transmission du droit de propriété en lui.même,
mais il ne faudrait point les étendre à l'usage que
le maître du fonds peut faire de sa chose, ni au
point de vue sous lequel elle doit être considérée
en ce qui concerne la voirie; par une fiction indispensable, pour prévenir la fraude si ingénieuse en
celle matière, la portion de bâtiment sujette à retranchement est dès le moment de sa démolition,
censée réunie à la voie publique et en former une
partie intégrante ayant le même caractère que le
surplus, quoique la valeur du sol n'en ail pas encore été réglée et le prix payé.
En conséquen.ce, le propriétaire, après avoir démoli, ne pourrai.t reconstruire àl'aligQement sans
demander d'autorisation sous le prétexte que sa
nouvelle façade est séparée.de la voie p,ublique par
un terrain qui lui appartient encore puisqu'il n'en
est pas payé: cc Attendu, endroit, dit en effet un
» arrêt de la Cout: de cas~ation du 4 octobre 1834
» (Sirey~ 35-1-233) ,que dès l'instant où Bérard
» a volontairement exéèuté l'arrêté d'alignement
". en effectuant le reculement de la faç,ade de sa
�50S
TRAITÉ
maison, toute la portion du terrain dont l'opé~
ration devait élargir la voie publique s'est trOlll) vée incorporée à celle-ci, comme si elle en avait
» toujours fait partie; qu'ilue pouvait donc pas
l) légalement entreprendre les travaux dont il s'a~
» git, sans y avoir été préalablement autorisé pal'
l) l'autorité municipale; que dès-lors, en le re» laxant de la poursuite exercée contre lui à ce
l) sujet, SUl' le motif qu'il continue d'être proprié» taire du terrain en question tant que la mairie
» ne lui en aura pas pay~ la valeur, et que, par
» suite, il n'avaIt pas dû obtenir l'autorisation
» précitée, le jugement dénoncé a faussement in» tt'rprété l'art. !:Jo de la loi du 16 septembre
» 1807; casse.•. ;» mêmes principes dans un se~
cond arrêt du 27 janvier 1837 (SireYJ 37-1-173),
sur lequel nous reviendrous plus tard .
Ainsi encore et à pl us forte raison, ce terrain
destiné à la voie publique est-il censé en faire
partie par rapport aux voisins qui ne peuvent poiut
exciper du défaut de paiement du prix; une maison
saillante sur la route de trois mètres s'est écroulée , le propriétaire la reconstruit en se retirant SUi'
l'alignement; il laisse dès-lors au - devant une
place ville SUl' laquelle la maison' voisine a un mur
laléral qui a été endommagé par la chute de la première maison. Le propriétaire de.ce pignon se
.croit autorisé à le réparer sans prendre de permission préaLhle, s'agissant d'une portion de mur
qui ne s'élevait pas le long de la route et parallèlel)
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
509
ment à son axe, puisqu'elle y tombait au contraire à
angle choit; cependant, comme c'était toujours nn
DHl\' joignant la route, un arrêt dn conseil d'état
du 8 tllai 1822 a condamné le 'propriétaire, le sieur
Riou, à l'amende pour l'avoit, réparé sans autorisation.
Il faudt'ait en direde même ducas où l'alignement
retrancherait une maison en totalité et dans toute
son épaisseur; aussitôt qu'elle serait démolie, la
maison située par denière se trouverait joindre la
voie publique, et aucuns travaux ne pourraient y
être faits sans permission.
Mais pour qu'une maison soit censée démolie,
faut-il qu'elle soit rasée jusqu'au niveau du sol r
Non, parce que, d'une part, il serait trop facile de
se soustraire à la loi en laissant subsister les murs
à quelqnes mètres de hauteur, et parce que, d'un
autre côté, l'abaissement d'un mur devant être
considéré comme tendant à le consolider, il Y a
lieu d'en ordonner la démolition totale, ainsi que
l'a jugé la Cour de cassation le 8 janvier' 1830 (Sirey, 31-1.325), cc rien n'étant plus propre, comme
" le déclare l'arrêt, à prolonger la duréed'uo mur,
» que d'en diminuer la hauteur et le poids, et à
;»
maintenir ainsi sa conservation au-delà du terme
;)' probable de son existence. »
17° Lorsqu'une voie publique appartenant à la
grande voirie, telle qu'une route ou un chemin vicinal de grande communication, traverse des rues, des
chemins vicinaux ou des places plus larges que cette
�510
ll{AlTÉ
voie, tout ce qui excède est du ressort soit de l'autorité municipale, en ce qui concerne la délivrance
des alignements (arrêts du conseil d'état des 16
janvier 1828 et 26 août 1836, Girard; - Sirey,
36-2-542; et Traité du domaine public, nO 246,
tom. 1 er , pag. 303, en note, 2 e édit.), soit des
tribunanx de police, en ce qui a trait à la répression des contraventions qui y sont commises. Ce
dernier point résulte d'un arrêt de la Cour de
cassat. du 16 mai 1~G9 (Sirey, 40-1-459), ainsi
motivé: cc Attendu que le jngement attaqué C011S" tate seulement que la place où est située la maison
" du sieur Denis, est traversée par la grallde route,
» mais non que la superficie de cette place et celle
» de la grande route ne feraient qu'une seule et
» même superficie et que ladite place appartien,~) drait à la grande voirie dans toute sa largeur
» devant la maison du sieur Denis; ce qui serait
» nécessaire pour que la contravenlÎon dont s'agit,
\» commise par le propriétaire de ladite maison,
» ressortît de la juridiction de la grande voirie;
» -qu'aux termes de la loi du 28 pluviôse an 8 ,
~) et de celle du 29 floréal an 10, la juridiction des
» conseils de préfecture n'embrasse que le sol des
» routes royales, et ne peut, dès-lors, s'étendre
~) auX portions adjacentes de la voie publique qui
» dépendent de la petite voirie ~).
18° L'alignement doit nécessairement être
donné par écrit; non·seulementle propriétaire qui
bâtit .ne pourrait être admis à faire la preuve par
�DU nOlVIAINE PllliUC.
511
témoinsde la ligne qui lui aurait été indiquée, mais
il ne pourrait encore suppléer à l'arrêté préalable
par Il n certificat postérieur du maire; c'est ce qui
a été jllgé par un arrêt du conseil d'état du 23 février 1839 (Sirey, 40-2-39) et par divers arrêts de
la Cour decassaLÏon deS2.o octobre 1835 (S., 36·1:1.34); 6 inillet 1837 (S., 37-1.687); 19 j uillet1838
(S., 39-1-69), et 13 mars 1841 (S., 42-1-576); ce
cas se présente fréquemment dans les campagnes.
Aucune autorisation d'ailleurs ne peut tenir lieu
de la permission de l'autorité municipale; vainement l'architecte-voyer aurait tracé l'alignement
en disant au propriétaire qu'il pouvait bâtir; ce
.fait ne pourrait remplacer la permission exigée
(arrêt de la Cour de cassat. du 17 novembre 1831,
Sirey, 32-1'284).
19° Mais si un maire refusait de donner l'ali·
gnement, ou apportait des retards préjudiciables
dans sa délivrance, quels moyens aurait le propriétaire pour faire cesser cet état de choses et pour
obtenir~Ja réparation du dommage?
Il pourrait d'abord s'adresser au supérieurimmédiat, c' est-à-dir~ au préfet qui enjoindrait ail maire
de faire droit à la demande et qui, en cas de refus,
aurait lui·même qualité pour donner l'alignement,
aux termes de l'art. 15 de la loi du 18 juillet 1837
portant que' cc dans le cas où le maire refuserait ou
»négligerait de faire un des actes qui lui
» sont prescrits par la loi, le préfet, après l'en
�512
TRAITÉ
avoir requis, pourra y procéder d'office par
» lui-même ou par un délégué spécial,>.
Ensuite, et s'il était résulté un dommage du
rètard, le propriétaire, aurait une action en indemnité; ce point n'est pas douteux, mais ce qui l'est
davantage, c'est de savoir devant quelle juridiction
la demande devrait être portée'. Un arrêt du
conseil d'état, du 19 décembre 1838 (Sirey, 39-2b48), a maintenu un arrêté de conflit revendiquant
la connaissance de la cause pour l'autorité administrat~ve, par le motif que cc la demande en in» denmité du sieur Hédé ne tendait point à obte» nif un dédommagement pour expropriation;
» qu'elle était exclusivement fondée SUi' les actes
» de l'administration, qui auraient causé le préju;»
dice; qu'ainsi elle tendait à déférer à l'autorité
» judiciaire la connaissance et le jugement d'actes
» administratifs. »
Ce dernier moyen ne nous para1t pas exact; il ne
's'agit point ici d'interpréter un acte administratif,
mais de prononcer sur l'existence et les conséquences d'une tàute alléguée et sur l'application
de l'art. 13tb du Cod·, civ.; or l10qs ne connaissons aucune loi qui ait déféré ces sortes d'affaires
aux conseils de préfectnre dont la compétence est
limitée aux seuls objets qui leur ont été spécialement attribués; aussi nous donnerions la préférence à la décision rendue dans la même cause par
la Com Royale de Paris, le 26 mars 1838 (Sirey, 382-4 8 7), si, comme le dit M. Daviel (Traité des
»
�DU DOMAINE PUllLle.
51.3
Cours d'eau, nO 43~), les conjlits n'avaient pas
encore plus de vertu que les meilleures raisons
du monde; cc Considérant, porte l'arrêt, que Hédé
» s'était plaint devant les premiers juges de ce que
» la ville de Paris avait refusé de statuer sur la
» demande d'alignement qu'il avait formée à
» l'effet d 'élever des constructions, et de ce que,
» par ce refus qui portait atteinte à sa propriété,
~> la ville lui avait cnusé un préjudice qu'elle était
') tenue de réparer; qu'il ne s'agissait donc ni de
" réformer, ni d'interpréter nn acte administratif,
~) ni de statuer sur ses conséquences, mais seule» ment d'examiner si le refus de l'administration
» pouvait donner lien à des dommages et intérêts,;
» que l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an 8 est
.. sans application dans la cause. »
20° Lorsqu'une construction faite sans autorisation anticipe sur la voie publique, la démolition
doit en être ordonnée par le Tribunal de police
accessoirement à la condamnation à l'amende et
à titre de réparation civile, ainsi que nous le dirons
plus loi n ; mais la demande en démolition pûurraitelle être· formée seulement et principalement à
fins civiles par le maire devant le tribunal de premiere instance r
Dans un cas analogue, celui où il s'agissait d'une
maison menaçant ruine, dont la démolition avait
été ordonnée par arrêté municipal, approuvé par le
préfet, la Cour de cassation, en confirmant nne
décision de la Conr de Montpellier du 2!> mai 1830
�514-
TRAITÉ
(Sirey, 31-2-51), a jugé le 14 août 1832 (8., 321-739), cc que deux actions se présentaient pour
» arriver à ce but; l'action publique tendant à
réprimer la contravention, et l'action civile;
» que l'une pouva~t être suivie, abstraction faite
» de l'autre; qu'ainsi l'arrêt attaqné (qui avait
» accueilli la demande en démolition formée
» par le maire devant le tribunal civil) n'a ni
» violé la loi, ni empiété sur l'autorité admi» nistrative,» et en outre que ce magistrat avait
pu se pourvoir de pIano, et de son chef, par le
motif cc que, dans l'espèce, la commune n'agissait
» pas comme corps moral; qu'il ne s'agissait pas
» de ses propriétés et de ses intérêts matériels; que
» c'est le maire, dans les limites des pou voirs
» généraux attachés à cette qualité, qui a intI'Oduit
» l'action; qu'ainsi l'autorisation préalable du
» conseil de préfecture n'était pas nécessaire. »
Nous pensons que la même solution devrait être
adoptée dans l'hypothèse d'une constl'Uction élevée
en saillie sur l'alignement, et que le dernier motif
qui vient d'être rappelé serait également appli.
cable,quoiqlle les intérêts matériels de la commune
se trouvent engagés et qu'il puisse se présenter une
question de propriété, parce qu'ici l'objet direct
et principal de l'action est de procurer la liberté et.
la sûreté du passage, en vertu des lois des 24
août 1790 et 22 juillet 1791.
21° Mais le maire pourrait.il, comme lorsqu'il
s'agit de prévenir le danger de la chute d'un bâti-
»
�DU llOMAINE PUBUC.
515
ment men'açant rlline, faire opérer lui-même avant
tout jugement, soit civil, soit de police, la démolition de la construction élevée en contravention à
son arrêté d'alignement?
L'affirmative résulte de deux arrêts du conseil
d'état, rendus l'un dans une affaire Aumeunier, et
dans les motifs duquel il est dit que le maire auraitdû
ordonner d'office la démolition des constructions,
et l'autre, le 13 juillet 1828, dansl'afiaireJulien;
mais nous ne saurions admettre cette marche expéditive, et on peut dire despotique, qui tend à
confondre les compétences et qui prive les citoyens
de toutes garanties en mettant leur fortune à la
discrétion de l'administration. A cette partie de la
puissance publique appartient essentiellement le
droit de tracer les alignements, de déclarer J'utilité publique, de faire, en un mot, la loi, mais
l'exécution doit être réservée aux tribunaux ordinaires chargés d'appliquer la peine et de statuer sur
la propriété; si en cas de péril imminent, le maire
ou le préfet peut tout à la fois déclarer le danger
et y porter remède par la démolition, il ne fait en
cela qu'exécuter la plus impérieuse des lois, la nécessité, et se conformer à la règle, princi pe de son
pouvoir, salus populi suprema tex esto; il agit
alors comme lorsque, pour arrêter les ravages d'un
incendie, il ordonne et fait exécuter sur-le-champ
la démolition de bâtiments; mais on ne peut pas
concevoir nne pareille urgence en fait de contra·
vention aux lois de la voirie; il Y a toujours
�516
TRAITÉ
possibilité de recourir aux trihnnallx : cc CclIIi qni
» est administrateur, dit M. Proudhon ( Traité
re édit., ou
» da Domaine public, nO 436 de la 1
» note à la page 607 du tom. 1 er de la 2,e), ne doit
» pas être en même temps juge des choses immé» diatement soumises à son administration; el il
~) Y a quelque chose de l'hél'ésie condamnée par
» l'art. 5 du Cod. civ., à admellre qu'un maire,
» comme administrateur, puisse prendre, en ma» tière de petite voirie, lin arrêté obligatoire pour
» l'ordre judiciaire, et qu'il puisse ensuite se cons» titller légalement juge de l'exécution de son pro» pre arrêté. ~'est comme si le roi voulait juger
» de tout le contentieux administratif sur l'exé>l clltion de ses ordonnances; c'est comme si les
» ch,ambres législatives voulaient s'arroger le Jl'Oit
» de juger toutes les contestations qui s'élèvent
» sur l'exécution des lois. » La prépondérance
que le régime impérial a accordée à l'administration dans certains cas, n'est plus en harmonie avec
les principes d'un gouvernement constitutionnel.
N'est~il pas exorbitant, comme nous en avons fait
la remarque dans la note ci· dessus rappelée de la
2,e édition du Traité du Domaine public, que
le mail'e d'une petite commune rnrale puisse toutà-la-fois, comme législateur, faire le régfement
ou la loi, comme officier de police judiciaire,
constater la contravention, comme juge, yappliquer la peine, et enfin, comme administratenr, exécuter sa propre sentence?
�TRAITÉ
DU
DOMAINE PUBLIC.
TOME II.
�A PARIS,
CHEZ
JOUBERT,
LIBBAIRE, RUE DES GRÈs,
14.
A STRASBOURG,
CHEZ
LAGIER je,
LlBR. , RUE MERCIÈRE,
10.
DIJON, IMrB.. DE FRANTIN.
�20086
r
TRAITE
DU
DOMAINE PUBLIC
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉS PRINCIPALEMENT PAR RAPPORT AU DO.MAINE PUBLIC;
l'AR
J.-B.- VICTOR PROUDHON,
OFFICIER DB LA LÉGION D'SONNEUR, AVOCAT A LA COUR ROYALE
ET DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT nE nIJOK.
SECONDE ÉD! rION ,
REVUE, MISE EN HARMONIE AVEC LA LÉGISLATION ACTUELLE,
El' AUGMENTÉE D'UN COMMENTAIRE DE LA LOI SUR LES
CHEMINS VICINAUX, AINSI QUE DES RÈGLES
RELATIVES A L'ALIGNEMENT;
PAR
M.
VICTOR
DUMA Y,
CltEVALtE; DE LA LÉGION n'HONNEU:&, AVOCAT A LA. COUA lOyALE
ET MAIR}: DE LA VILLE DE DUaN.
TOME SECOND.
2"
PARTIE.
A DIJON,
CIIEZ VICTOR
LAGIER,
LIB.-ÉDITEUR, PUCE ST.-ÉTlENNE.
1843.
��517
DU DOMAINE PUBLIC.
Aussi dans 'le cas qui nous occupe, celui de la
démolition de constructions élevées saDS autorisation ou contrairement à l'alignement, est-il de
jurisprudence aujourd'hui qu'aux tribunaux de
police seuls appartient le pouvoir de l'ordonner;
on peut citer les arrêts -du conseiL d'état, des I l
févrièr 1820, 4 septembre 1822, ceux de la Cour
de cassation, des 15 septembre 1825 (Sauer),
2 décembre suivant (Sirey~ 26-1-297), 4 juillet
1828 (Fadinet Tellier), 18 septembre même
année (S., 29-1-78), 26 avril 1834 (S., 341-553), et notamment celui du 12avrill~h2
(S., 22-1-377), où on lit ce motif: cc Attendu
» que s'il appartient à l'autorité municipale d'ol";» donner
la démolition d'édifices menaçant
) ruine, sauf le recours devant .l'autorité supé" rieure, c'est parce que ces édifices exposent
» la sûreté publique que cette autorité doit spé) cialement protéger et maintenir; mais que celte
» attribution, pour ce cas pa,.ticulier~ ne mo» difie d'aucune manière celle des tribunaux de
» police relativement aux anticipations ou bien
» aux formes ou modes des constructions qui ont
» été entreprises contre les règles fixées dans les
» arrêtés de l'administration municipale. »
La questioD a été décidée encore plus explicitement en ce sens par un avis du comité de l'intérieur, à la date du 14 novembre 18:1.3, rapporté
dans le Répertoire de M. Favard, VO Plans des
villes ~ et dont voici un extrait: cc Les memhres
TOM.
II.
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TlW.TÉ
du conseil du roi, composant le comité de
l'in térieur et du commerce, consuhés par le
ministre de l'intérieur sur la question de savoi...
si la démolition Je M.timents et travaux exécutés en contravention à des arrêtés de police, en
matière de petite voirie, doit être ordonnée
d'office par le maire du lieu, ou bien si le con..
trevenant doit être traduit devant le tribunal
de police municipale, pour s'y voir condamner
à la démolition en même temps qu'à l'amende
encourue pour la contravention, conformé·
ment à l'art. 161 du Code d'instruct. crim.
Vu, etc..... Considérant, e~c ..... Sont d'avis
qu'il appartient aux maires, ainsi que l'a décidé
l'ordonnance royale du 31 juillet 1817, Je
donner et de faire exécuter les ·alignements
dans les rues des villes, bourgs et villages qui
ne sont pas routes royales et départementales;
que, par conséquent, c'est à eux à faire significl'
à la partie l'arrêté par lequel L'alignement a été
fixé et à faire tracer en sa présence sur le terrain
les points principaux de cet alignement, en
dressant un procès - verbal de. cet acte; que
c'est à eux, si les constructions sont élevées sur
d'autres lignes que celles qui ont été fixées,
à signifier à la partie l'injonction de les démolir
dans un délai déterminé et de se conformer à
l'alignement accordé; mais que si, malgré celle
sommation, les constructions élevées contrairement à l'alignement sont continuées ou ne sont
�DU DOM.AlNE PUBLIC.
519
)' pas démolies dans le délai fixé, le droit de
" prononcer la démolition de ces constructions,
" ensemble l'amende encourue pour la désobéis» sance aux sommations du maire, est dévolu au
" tribunal de simple police. .,
22° Ce point de droit, déjà annoncé au commencement du S 20 ci-de~sus, que le tribunal de
police peut et doit ordonner la démolition des
constructions faites en contravention à l'alignement, a été longtemps controversé; mais il est
aujourd'hui consacré par une série d'arrêts de la
Cour de cassation, qui ne permettent plus le
doute; on peut, en effet, recourir à ceux des 29
décembre 1820 (Bulletin de la Cour~ année
1820, pag. 466); -12 avril 1822( Sirey~ 22-1377) ; - 2 décembre 1825 (S.~ 26-1-297); - 18
septembre 1828 (S., 29-1-78); -7 août 1829 (S.,
29-1-394); -3 janvier 1830 (S., 31-1-325);26 mars suivan t ( S., 30.1.304) et notammen t à
celui rendu le 10 mai 1834 en audience solennelle
(S., 34-1-414) et qui parait avoir fait cesser toute
dissidence d'opinions.
L'avant-dernier de ces arrêts résume très-clairement, en peu de mots, les principes à cet égard;
cc Attendu, pone-t-il, que les tribuuaux de simple
" police sont tenns, d'après l'art. 161 du Cod.
" d'instruct. crim., non-seulement de prononcer
)' les peines attachées par la loi aux contraventions
" dont ils sont saisis, mais encore de statu~r par
» le même jugement sur les demandes en resLÏ-
�520
TRAITÉ
'» tution et en dommages et intérêts; attendu
» qu'en cette matière la restitution et les dom-
mages-intérêts ne sont que la destrnction des
travaux qui ont ~té faits au mépris des lois et
;);) réglements; qu'infliger l'amende dont cette
;);) contravention est passihle, sans prescrire en
» même temps la démolition qui peut seule la
» faire disparaître, c'est manquer à la disposition
» la plus essen LieHe de la loi pénale; attendu,
» dans le fait, que le ministère public avait forc)' mellement requis que le prévenu fût condamné
'>, à remettre les choses dans l'état où elles étaient
» avant son entreprise; qu'en omettant de statuel'
» sur cette partie de ses conclusions, le tri'bunal a
» violé l'art. 161 du Cod. d'inst. crim. précité.
».- Casse. »
Une objection -qui n'a été proposée dans aucune
des espèces des arrêts ci-dessus et qui, cependant,
llUrait pu être faite avec quelque apparence de
fondement, consisterait, non à contester les pl~n
cipes posés par la Cour de cassation et qui résuhent
formellement de l'arl. 161 du Cod. d'iostr. crim.,
mais à prétendre que, puisque la démolition des
constructions indûment élevées constitue une réparation civile et forme l'indemnité du dommage
causé à la voie publique, l'action, à cet égard, ue
peut pas appartenir au ministère public qui n'a
qualité que pour requérir l'application de la peine;
qu'alors le maire, administrateur de la commune
et seul défenseur de ses biens et de ses droits par»
»
�DU DmIAlNE PUBLIC.
521
ticuliers, devrait nécessairement intervenir comme
partie civile, en vertn de l'art. 3 du Cod. d'instruct. crim., et après y avoir été autorisé par le
conseil municipal et le conseil de préfecture, serait
seul recevable à conclure à la démolition du bâtiment et à la restitution du terrain usurpé.
Cette fin de non-recevoir opposée au ministère
public, ne pourrait être accueillie, en ce qu'ici la
destruction des travaux n'est pas seulement la réparation d\m dommage privé, comme, par exemple,
l'indemnité qui est accordée à celui qui a été
frappé, mais fait aussi el principalement partie de
la peine, et offre le seul moyen de faire cesser et
<;!isparaître la contravention qui, sans cela, se
perpétuerait et ne trouverait certainement pas une
répression suffisante dans une faible amende, dont
la quotité n'est point en rapport avec les avantages
que le contrevenant aurait à enfreindre la loi.
Telle est la réponse que la Conr de cassation,
qni a pressenti l'objection, ya faite dans l'un des
arrêts ci-dessus cités, celui du 8 janvier 1830,
dans lequel on lit les motifs suivants : ~(Attendu ..•
» que le tribunal doit, en prononçant la peine,
» statuer par le même jugement sllr les demandes
» en restitution et en dommages-intérêts; attendu
» qu'en matière de voi~ie, le dommage est évi» demment dans l'existence des constructions ou
" travaux exécutés au mépris des réglem nts; que
» la réparation de ce dommage est la conséquence
» n0ccssaire de la reconnaissance ei de la répres-
�522
TlI.AI1'É
sion de la contravention; que celle réparation
ne peut être que la démolition des constructions
» ou travaux dont il s'agit; que s'il en était
» autrement, si, moyennant une amende de un
» à 5 fr., prononcée par la loi, on laissait subsister
» les travaux faits en contravention, et· qu'on
» conservât ainsi à leurs auteurs le fruit d'une
» violation con pable des réglemen ts destinés à
» main tenir la sûreté, la salubrité des voies pu» bliques et à amener progressivement et à l'aide
» du temps la décoration des cités, les réglements
» de voirie, ainsi que les lois qui les protègent de
» toute leur autorité, seraient aussi impuissants
» que dérisoires. )~
.
Peu importe, au reste, que la démolition des
travaux faits indûment cause un préjudice considérable au contrevenant, le tribunal de simple
police n'en est pas moins compétent pour l'ordonner, ainsi que l'a jugé la même Cour, par arrêt
du 27 juillet 1827 (Sirey., 27-1-502), dans une
espèce où il s'agissait de la suppression d'une manufacture insalubre étahlie malgré le refus d'autorisation. cc Attendu, portcn t les motifs, que la
» compétence des tribunaux de police se détermine
» par la quotité de l'amende et non par la valeur
"»
des dommages-intérêts qui peuvent suivre la
)~ condamnation; - que la démolition des maisons
» ou établissements élevés en contravention aux
» réglements de police, étant considérée comme
» domll13ges-intérêts, peut toujours, quand elle est
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
523
}) requise, et par suite de la condamnatio~ à l'a» mentie, être prononcée par le tribunal de police,
» quelle que soit la perte, pour le èondamné,
» résultant de cette démolition; d'où il suit
» que le tribunal de police de Soissons a méconnu
» les règles de sa compétence et formellement
» violé l'ordonnance royale du 14 janvier 1815,
» le décret du 15 octobre 1810, les lois des 24
» août 1790 et 22 juillet 1791, ainsi que l'art. 161
» du Cod. d'instr. criminelle. - Casse. » -Seulement, et aux termes de l'art. 172 du Cod. d'instr.
crim., le jugement sera susceptible d'appel si la
valeur de la perte occasionnée par la démolition,
jointe à l'amende, excède cinq francs, ou si,
comme il arrive toujours en pareil cas, elle est
indéterminée.
Lorsque la démolition est ordonriée par un jugement passé en force de chose jugée, l'officienlu
ministère public près le tribunal de police la fait
opérer si le con trevenant ne l'effectue pas lui.même,
et le recouvrement des frais qui ont été faits à ce
sujet a lieu contre celui-ci, an moyen d'un exécutoire décerné par le juge à vue des quittances
des ouvriers; si le condamné était insolvable et le
prix des matériaux provenant de la démolition
insuffisant pour couvrir la dépense, la perte serait
pour le trésor public et non pour la commune, à
raison de ce qu'il s'agit ici de l'exécution d'un
jugement de police.
Le maire pourrait aussi faire faire la démolition,
�524
TRAITÉ
mais alors les frais, dans le cas d'impossibilité de
recouvrement, en retomberaien t à la charge de la
commune qui aurait agi dans son intérêt.
23° Quoique à la rigueur toutes les constructions indûment fàites doivent être indistinctement
démolies, comme le décide expressément, en matière de grande voirie, l'arrêt de réglement du 27
février 1766 et que l'ont jugé divers arr~ts du.
conseil d'état, notamment des 20 novembre 1815
( .chéradame); 17 juin IS 18 (Sire.y ~ 18-2-327);
29 :lOût Ilhl (Macarel~ tom. 2, pag. 323), et de
la Conl' de cassation, des 12 avril 1822 (Sirey,
22-1-377) et 2 décembre 1825 (S., 26-1-297);
cependant il y a lieu de fail'e une distinction indiquée par la raison et par l'équité et dont
M. P.'oudhon a parfaitement démontré la nécessité
dans son Traité du domaine puhlic ~ n 08 248 et
suiv.~
446 et suiv.
Si par la construction il y a eu anticipation sur
le sol de la voie publique ou si des réparations
confortatives ont été faites dans la façade d'une
maison snjelte à reculement, il n'y a pas de doute
que la démolition ne doive être- ordonnée; mais si
au contraire la construction, qnoique faite sans
autorisation, est dans les limite~ exactes de l'alignemen t, ou si les réparalions opérées dans le mur
en saillie 11' on 1 poin t le caractère confortatif, il y
aurait excessive rigueur et par cela même injustice,
d'après l'adage summum ius~ summa iniuria~ à
en exiger la destruction, puisqu'après avoir démoli,
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
525
le contrevenant devrait nécessairement obtenir
l'autorisation de réédifier sur les mêmes fondations
ou de refaire de la même manière ce qu'il avait
déjà fait; l'administration, pas plus que les particuliers, ne doit se livrer gratuitement à des actes
dommageables, malitiis non est indulgendum;
l'amende suffit à la répression dans ce cas où il
n'y a pas usurpation de la chose d'autrui, mais
simple désobéissance à la loi; de nombreux arrêts
du conseil d'état se sont prononcés en ce sens
dans des affaires même de grande voirie, où il
s'agissait de travaux reconnus n'être pas conf01'·
tatifs. Voyez notamment ceux des la août 1828
(Autichamp); 17 du même mois ( Lecoq); 26·
octobre 1828 (Moyse-Lyon); 14 juillet 1831
(Sirey., 32-2-21); 8 juin 1832 (Ministre de
l~intér. ); 5 décembre 1834 (Bertrand); 20 janvier 1865 (BoiLaud); 4 février 1~B5 (Bertaud);
26 mars 1835 (Lafitte); 26 mars 1836 (Mouroult); 21 décembre 1837 (Legrand); 15 mars
1838 (Guyot), et 23 juillet, 1838 (S., 39-2-272);
un arrêt rendu par la Cour de cassation, les
cbambresréunies, le la mai 1834, dans une affaire
Bourdry ~ a aussi décidé que cc s'il est déclaré et
» reconnn par le juge qu'une construction sur la
» voie publique, dont le ministère public demande
» la démolition
tant que vicieuse et non auton risée, ne cause et ne peut causer à l'avenir
) aucun dommage à celte voie, il a pu se dispenser
) d'en ordonner la démolition, sans violer l'art.
en
�526
TllAITÉ
471 , nO 5, du Cod. p(:na1." Nous verrons
cependant plus loin qu'il u'appartient qu'à l'autorité administrative et nullement aux tribunaux de
reconnaître et de juger si des travaux. sont ou oon
conforta tifs.
24° La loi romaine (2, tit. 8, livre 43, ff.)
accordait l'interdit, quo vetatur quidfieri in. vU
puhlicd quo deterior jieret~ à l'eHèt d'obtenir
la réparation de tous les dommages causés à la voie
publique et la cessation de tous les obstacles apportés à son libre usage.
Cet interdit était perpétuel et populaire ~ c'està-dire qu'il pouvait être exercé par tout citoyen,
ce qui était indispensable dans une organisation
sociale où il n'y avait pas, comme en France, des
officiers publics spécialement chargés de la poursuite des crimes, délits et contraventions.
Aujourd'hui les particuliers peuvent bien, aux
termes des art. 1 el' et 3 du Cod. d'inslru-ct. crim.,
pOUJ'suivre devant la justice répressive les infractions à la loi ou se porter parties civiles dans les
procédures dirigées à requête du ministère public;
mais comme la réquisition de la peine ne leur
appartient pas, il faut qu'ils aient un intérêt personnel et appréciable, en un mot qu'ils aient souffert du dommage dans leur personne, leur honneur ou leur bien; autrement leur action serait
non-recevable.
D'après cela, pour savoir si un habitant peut se
:»
�DU DOMAINE PlffiLiC.
521
plaindre en justice des contraventions en fait
d'alignf'ment, il faut faire une distinction:
L'affirmative n'est point douteuse fli l'infraction,
telle qu'une anticipation sur la rue ou le chemin,
est de nature à nuire aux droits de servitude, de
vue, de passage ou d'égoût, que nous avons dit
que les riverains d'une voie publique y avaient;
ceux-ci pourront alors ou citer directement le contrevenant devant le tribunal de police, ou se
porter parties civiles dans la poursuite que le ministère public aura dirigée. (Arrêt de la Cour de
cassat. du 6 octobre 1837' - S., 38-1-96.)
Mais il en serait autrement si l'anticipation
n'était pas nuisible à l'usage de la rue et s'il n'y
avait qu'écart de l'alignement ordonné; le maire
ou le ministère public pourrait seul agir; c'est ce
qu'a jugé un arrêt du conseil d'état, du 14 avril.
Ilmr.i 1807 (Sirey, 16-2-253), ainsi conçu:
<c Considérant qu'il résulte des vérifications faites
» sur les lieux, que les constructions de la veuve
» Morgue ne nuise~t point à l'usage public de la
» rue; que néanmoins l'anticipation de cette veuve
» semble être probable, et que les poursuites pour
» sa répression appartiennent au maire de la ville
,> d'Hérisson. - Décrétons. - L'arrêté du préfet,
» du ..... en ce qui touche les sieurs..... (déclarés
» non recevables dans leur poursuite), est cou» firmé; néanmoins le maire de la ville d'Hérisson
» poursuivra, pardevant les autorités compétentes,
�528
,> la restitution des terrains anticipés par la veuve
» Morgue, si cette an ticil'a tion a eu lieu. "
Cependant il est un cas où la contravention,
sans être susceptible d'être poursuivie de pIano et
de prime~abord par un tiers, ponrrait devenir la
.hase d'une action de sa part, c'est celui où elle
aurait occasionné un accident et par suite un dommage; d'après les lois, on répond du préjudice
causé par cas fortuit si l'événement a été précédé
d'une faute et à plus forle raison d'nne contravention, siculpa praecesserit casum. Nam ( ajoute
la Loi 30, S3, ff. ad Leg. aquil.) et qui occasionem praestat, damnum fecisse videtur.
Supposons, par exemple, qu'un propriétaire ait
fait sans autorisation, dans une rue suffisamment
large, un dépôt indu de matériaux ou une excavation au-devant de son domicile; un citoyen
quelconque n'aura certainement pas d'action pour
la répression de cette contravention que le maire
ou le commissaire de police pourra seul po!lfsuivre;
mais si pendant la nuit une personne vient à se
heurter ou à tomber et qu'elle se blesse grièvement,
elle sera parfaitement fondée à former une demande
en dommages ct intérêts, qui ne pourrait être
accueillie s'il n'y avait point. eu contraven tion,
c'est~à-dire si le dépôt ou l'excavation n'eussent
pas été faits contrairement à la loi ou aux réglements. «Vous n'êtes pas répréhensible, dit Touln lier (tom. XI, nO 164, dans une excellente
" dissertation sur ce que l'on doit entendre par
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
529
.faute), d'avoir fait, dans votre pré, une fosse
» pour y prendre des loups ou autres bêtes féroces.
" Si mon bœuf y tombe, se tue ou se blesse, vous
» ne répondez point de ce dommage, quoique
» arrivé à l'occasion de la fosse que vous avez
» creusée. Mais vous en répondrez si 'Vons l'avez
» creusée dans un chemin, dans un sentier où les
» bestiaux ont l'habitude de passer (L. 28, ff. ad
» !eg. aquil. ). Il en est Je même si la fosse est
') L'lÎte Jans un lieu où vous n'avie~ pas le droit
» de la creuser. » C'est ainsi qu'en imprimant,
par une prohibition à un fait en apparence indifférent, le caractère de contravention, un arrêté
municipal souvent resté sans exécution, tombé en
désuétude et complètement ignoré du public,
,peut avoir une· portée immense et produire les
conséquences les plus imprévues et les plus graves
par rapport à la fortune des citoyens; presque
jamais ces arrêtés ne remplissent la condition
exigée par Bacon de toute loi, oportet ut moneat
priusquàmftriat.
25° Les contraventions relatives à l'alignement
sont-elles susceptibles de prescription P
Une distinction est à faire entre l'action tendant
à obtenir la répression, -la peine pl'Oprement dite
prononcée par les tribunaux, - et enfin la démolition des travaux exécutés sans autorisation ou
contrairement à l'arrêté.
L~actionpublique et l~ action civile sc prescril'ont, conformément à l'anicle 640 dn Cod. d'ins-
�530
TRAITÉ
tl'Ucllon criminelle, par une année révolue, à comp·
ter du jour où la contravention aura été commise,
même lor5qu'il y aura eu procès -verbal, instruction ou poursuite, si ,dans cet intervalle, il n'est
point intervenu de condamnation; s'il y a eu un
jugement définitif en premier ressort, la prescription s'accomplira par le même laps de temps, mais
alors elle ne partira que de la notification de
l'appel qui en aura été interjeté.
Dans le cas où l'arrêté du maire, prescrivant la
démolition d'une construction indûment faite,
amait accordé un délai pour l'opérer, la prescription ne courrait qu'à dater de l'expiration de ce
délai (arrêt de la Cour de cassat., du 2!> mars 1830.
-Sirey~
30-1-273).
Il Y aurait aussi suspension de la prescription,
si, après la contravention commise, il Y avait eu
instance au civil, soit devant les tribunaux ordinaires, soit devant l'administration, sur des questions préjudicielles; le délai ne reprenclrait son
cours qu'à dater du jour où ces questions auraient
été définitivement jugées (arrêt de lad. Cour, du
10 avril 1835. - Sirey~ 35-1-387).
La prescription ne courrait pas non plus tant
que les travaux seraient en exécu tion (arrêt de la
Cour de cassat., du 25 novembre 1837.-8irey,
38-1-915); mais elle ne serait ni interrompue pal'
un arrêté municipal, ordonnant la démolition des
constructions indûment élevées (arrêt de la même
Cour, du 15 mai 1835. - S., 36-1-864), ni sus-
�DU DOJ\IAINE PUBLIC.
531
pendue par le recours exercé devant l'autorité
supérieure contre l'arrêté ou réglement municipal,
auquel il a été contrevenu (autre arrêt de lad.
Cour, du 1er juillet 1837' - S., 38-1-918).
Sous le prétexte que la contravention est
continue et ses effets sans cesse actuels, on ne
pourrait, s'il n'y avait poin t eu de poursuites,
prétendre que la prescription n'a pu commencer à
-comir tant que le fait matériel qui la constitue
subsiste; la permanence de la construction ne peut
faire assimiler un tel fait à un délit successif,
ne comportant la prescription qu'à compter du
jour où l'infraction a cessé. C'est ce qu'ont formellement jugé deux arrêts de la même Cour; l'un
'qui vient d'être cité, du 10 avril 1835, et l'autre,
du 23 mai suivant (Sirey~ 35-1-387 et 781).
Les peines ~ soit d'amende, soit d'emprisonnement pour le cas de récidive, prononcées par jugements, seront, aux termes de l'art. 639 dn même
Code, prescrites après deux ans révolus, savoir,
pour celles prononcées en dernier ressort, à compter du jour des jugements, et à l'égard de celles
résultant de sentences rendues en premier ressort,
à dater du jour où l'appel ne sera plus recevable.
Quant à la démolition des constructions élevées contrairement à l'alignement et qui constitueraient une anticipation snI' la voie publique,
le droit de la faire opé~er peut toujours être exercé,
quelque laps de temps qui se soit écoulé, parce
que le sol de ces voies est imprescriptible; la
�53:2
TRAITÉ
prescription, dans ce cas, ne peut atteindre que
l'amende, ainsi que l'ont déciJé deux arrêts du
conseil d'état, du 13 avril ]842 (Sirey~ 42-2329 et 330), dont l'un est ainsi conçu: cc Cousin dérant que J'existence du pan de bois établi sur
» le mur de soutènement de la· route, constitue
» une infraction permanente dont la répression,
» quel que soit le laps de temps écoulé, peut et
» doit être poursuivie dans l'intérêt toujours sub» sistant de la viabilité; mais considérant que le
» fait d'avoir construit, en contravention aux lois
» et l'églements, seul passible de l'amende porlée
,.> auxdits réglements, remonte à une époque an·
» téricure de plus d'une année à la constatation
» de ladite contravention; que dès-lors, aux termes
» de l'art.. 640 du Cod. d'inst. crim., l'action pu» blique à l'égard de ladite amende était pres» crite. »
Ces principes, aussi enseignés par M. Proudhou
(Traité du domaine public~
nOS
275 et 81H),
ont été appliqués par le même conseil aux chemins
vicinaux, par arrêt du 4 septembre IH41 (Sirey,
42-2-1H2), aux chemins de halage par arrêts des
6 février 182H, 13 mai IH36 (S., 36-2-373) et 2
janvier 1838 (S., 38-2-226), et aux constructions
que prohibent les lois sur les servitudes militaires·,
par arrêt du 27 février 1836 (S., 36-2-232); le
motif de ces décisions est l'imprescriptibilité du
domaine public.
26° Les amendes de grande V'oirie, qui sont
�533
DU DOMAIl\"E PUBLIC.
pl'Ononcées par le conseil de préfecture, n'ont pas
un caractère purement pénal; elles participent
aussi de la nature des dommages et intérêts, à tel
point que dans la législation sm cette matière,
notamment daos l'ordonnance du 4 août 1731,
dans l'art. 4 de la loi du 29 floréal an x , dans l'art.
27 de celle du 16 septembre 1807 et dans l'art. 7
de l'ordonnance dn 23 décembre 1816, elles sont
qualifiées de dommages et intérêts ou simplement
de dommages.
Il résulte de là, d'une part, que les mahres sont
garants et responsables de celles prononcées contre
leurs domesliques, ouvriers et préposés (susdite
ordonnance royale, du 4 août 1731; arrêt du cons.
d'élat, du 29 janvier 1841, ajJaire Odent), tandis que, d'après l'art. 1384 du Cod. civ., les personnes responsables civilement ne sont tenues que
des dommages et non des amendes (arrêt de la
Cour de cassation ,du 28 septembre 1838. -Sirey,
39- 1 -445).
En second lieu, qu'une solidarité existe entre le
propriétaire et le fermier d'un immeuble, nonseulement pour la réparation du dommage causé
à la route, mais aussi pour le paiement de l'amende; .
à l'égard de l'administration, c'est celui qui est en
possession du fonds, à quelque titre que ce soit,
de propriétaire, d'usufruitier ou de locataire, qui
est réputé auteur de la contravention et auql1el
elle s'adresse même pour l'amende, saufle recours
dn condamné contre celui qui a réellement commis
TOll!. II.
34
�534le fait; ainsi, en cas de construction sans autorisation, le propriétaire ou le locataire peu t être
indistincteme~t poursuivi ct condamné, sans examiner quel est celui qui a fait faire les travaux
(arrêts du conseil d'état, des 16 juillet 1817,
Cossin; 4 mai 182.6, T.ardif; 16 mai 1837,
Min. des trâv. pub.; 2.7 février 1840, veuve
Dunoguès, et 2.3 février 1841, de Lyonne).
En troisième lieu, que la démolition des constrnctions et travaux, exécutés en contravention,
peut être poursuivie non-seulement contl'e ceux
qui les ont fait exécuter eux-mêmes, mais aussi
contre les tiers qui on t acquis la propriété (arrêt
du conseil d'état, du b décembre ü\.J9' de Lous·
tal).
Enfin, que lorsqu'il s'agit de contraventions
permanentes et Iluccessives, telles que la cmlstruction de maisons ou murs et )a plantation d'arbres
sans alignement, la prescription ne court pas plus
contre le chef de l'action relalif à l'application de
l'amende, que contre celui ayant pour objet la
suppression des travaux et la restitution du sol.
Quelques auteurs et le conseil d'élat lui -même,
par deux arrêts du 2.7 février 1836 (Pozzo di
Borgo et Frapeto) , avaient d'abord fait une distinction à cet égard; mais la jurisprudence s'est étahlie dans un sens contraire en se fondan t avec raison
sur ce que l'action en réparation du dommage dans
lescasdegrande voirie, comprenant aussi l'amende,
doit durer dans toutes ses parties autant que le fait
�DU DOMAINE PUBLIC.
535
qui y sert de fondement. Voyez sur ce point les
arrêts du conseil, des I3 mai J 836 ( Pierre) ;
er novenJbre sui2 janvier 18'~8 (Lerehours); 1
vant (Clisson), et 16 juillet 1840 (ridaI).
Aucune de ces solutions n'est applicable aux:
amendes de 1 à 5 fr. et de [J à 15 fr., prononcées par les art. 471, nOs 4, 5 et 15, et 479, nO 1 l,
du Cod. pénal, pour contraventions de petite
voirie et particulièrement en fait d'alignement,
parce qu'ici l'amende eoSt purement vénale et par
suite se trouve soumise à toutes les règles posées
par les art. l , 2, 3, 4, 639, 640 et 642 du Cod.
d'instruct. crim.
A.insi elle ne pOUrI'a êtrc prononcée que contre
l'auteur de la contravention, peccata igitur suas
teneant auetores .... A lieni seeleris pœnam nemo
sentiat. (L. 22, cod. de pœnis, lib. 9, tit. 47')
Elle ne pourra l'être contre le possesseur de la
chose, si c'est le propriétaire qui a fait les travaux,
ou vice verstî; non plus que contre les héritiers
ou tiers acquéreurs, à moins qu'ayant été sommés,
avant l'expiration du délai de la prescription, de
détruire ce qui avait été indûment fait, ils ne
se soient pas conformés à l'injonction, parce que
leur refus les rend alors complices de la contravention.
Elle ne pourra l'être encore, comme nous
l'avons dit plus haut, si le temps fixé pour la
prescription est accompli.
Dans ces divers cas les constl'Uctions indùment
�536
l'R.Afl'É"
faites devrGntseulement ê~re détruites; mais
comme le tribunal de police 'ne peut connaître de
la réparation civile qu'accessoir~ment à l'a'pplication de la peine (a), et qu'ici il n'y a plus de.peine
à prononcer, Ja poursuite en démolition devra
être .portée'<levant le tribunal'civil, à requête de
la commune, comme nous l'avons expliqué cidessus, S 20.
Il Y a cependant ce point d'analogie entre les
amendes de grande et de petite voirie, savoir, que
le fait matériel de la contravention, sans él';arcl.
à sa moralité, c'est-à-dire à -l'intention et à la
honne foi du contrevenant, y donne lieu; c'est
ce qu'ont jugé en matière de .grande voirie deux
décisions du conseil d'état, des 31 décembre 1838
(Ferté) et 26 novembre 1840 (Finet), et relativement à la petite voirie, une troisième entre
(a) C'est un principe incontestable que, devant les tribunaux
correctionnels et de police, l'action civile est entièrement subordonnée à l'action publique et ne peut s'exercer sans son appui;
'ce n'est qu'en cas de condamnation à l'amende ou à l'emprisonncment, que ces tribunaux peuvent connaitre des réparations
civiles, et alors ils doivent nécessairement prononcer par 'un
seul et même jugement sur les deux actions. (Voy. les deux
arrêts de la Cour de cassation, des 11 septembre 1818 et 9
juin 1832, et les neuf du 31 décembre 1835.) Il n'y a que les
Cours d'assises qui, aux termes des art. 358 et 359 du Cod.
d'inst. crim., puissent statuer S\lr les dommages et intérêts, soit
en faveür de l'accusé, soit aù profit de la partie civile dans le
cas même où la déclaration négative du jury ne laisse plus de
peine à appliquer.
�DU DOMAINE PUBLIO.
537
autres du même conseil, dit 6 juin 1830 (demoiseLle André), ainsi qu'un arrêt rendu par la
Conr de cassation, le 6 juiUat 1837, les chambres
réunies, et dans lequel un lit: cc Attendu que le
» juge ne peut méconnaître l'existence d'une con» tl'aveotion constatée par un procès-verbal régu» lier, dressé par l'officier public compétent, ni
» refuser d'appliquer la loi pénale et de prononcer
» les condamnations qui sont la conséquence de
). la contravention, en se fondant sur la bonne
:» foi des contrevenants ) (Sirey, 37--1-687);
il en est, sous ce rapport, des amendes de voirie,
comme de celles en matière forestière (arrêts de
la Cour de cassation, des 1er mai 1829; Sirey,
29-1-374, - et 2 mai 1833; S., 33-1-792) , en
fail de douanes ( arrêt de la même Cour, du 19
juillet 1831; S., ~h-1-419)' ou pour contraventions .aux lois snI' les con tributions indirectes (arrêts
encore de la même Cour, des 31 mai 1822, S., 231-38; - I l février. 1825, S., 25-1-342.; -.. 10 dé'cemhre 1825, S., 26-.1.319; --,. 7' juin 1833, S.,
33-1 -805).
L'art. 55du Cod. pénal, qni établit la solidarité
contre tous les individus condamnés à raison d'un
même fait punissable, pour les amendes, les restitutions, les dommages-intérêts et les' frais, ne
s'appliquant qu'aux crimes et délits, il en résulte
qu'elle ne peut avoir lieu relativement aox condamnations pour contraventions de police et· entre
autres d'alignement.
�538
TRAITÉ
27° Dans les délits ordinaires, lorsque le fait
'matériel est établi, l'exception la plus péremptoire
que puitlse proposer le prévenu est de dire jure
./éci, ce qui peut avoir lieu soit lorsqu'il prétend
que la chose I]u'on l'accuse d'avoir enlevée où
, usurpée ll1i appartient, soit lorsqu'il soutient que
le fdit qu'on lui reproche ne constitue pas'un délit
ou nne contravention.
Le premier moyen de défense est le seul, en général, qui donne lieu à ce que l'on appelle une question préjudicielle, c'est-à-dire à un incident ou
instance particulière qui doit être jugé par un
tribunal autre 'lue celui qui est saisi, avant que ce
dernier, qui est incompétent ROUI' reconnaître le
mérite de l'exception, puisse statuer sur le fait
qui lui est déféré.
Quant au second moyçn, il ne nécessite pas
ordinairement un renvoi ou un sursis; son appréciation renlre dans les. atlributions du tribunal de
justice répressive qui est chargé non-seulement de
COlJstater le fait matériel, mais aussi de déclarer
s'il tombe sous le conp de la loi pénale.
La règle en matière de questions préjudicielles,
se trouve inscrite dans l'art. ]82 du Cod. forestier,
qu'un arrêt de la Cour de cassation, du J 9 mars
1835 (Sirey J 35- 1 -563), a déclaré applicable à
toutes les aifaires qui sont dévolues soit aux
triounaux correctionnels, soit à ceux de
simple police; cct article porte: ce Si dans une
» instance en réparation de délit ou de con tra-
�DU DOMAINE PUBLIC.
539
vention, le prévenu excipe d'un droit de pro» priété ou autre droit réel, le tribunal, saisi de
» la plainte, statuera sur l'incident etl se confor» mant aux rè~les suivantes: l'exception pré» jndicielle ne sera admise qu'autant qu'elle sera
» fondée, soit sur un titre apparent, soit sur des
» faits de possession équivalents, personnels au
» prévenu et par lui articulés avec précision, et si
)' le titre produit ou les faits articulés sont de
» nature, dans le cas où ils seraient reconn us par
'" l'autorité compétente, à ôter au fàit qui sert de
» base aux poursuites, tout caractère de délit ou
» de contravention. Dans le cns de renvoi à
" fins civiles, le jugement fixera un bref délai
)' dans leqnel la partie qui aura élevé la qùestion
» préjudicielle, devra saisir les juges compétents
)' de la connaissance ùu litige, et justifier de ses
)' diligences; sillon il sera passé outre. Toutefois,
» en cas ùe condamnation, il sera sursis à l'e:té), cution du jugement sous le rnpport -de l'empri» sonnement,. s'il était prononcé, et le montant
:>, des amendes, restitutionl! et dommages-intérêts,
» sera versé à la caisse des dépôts et consignations,
» pour être remis à qui il sera ordonné par le tri» bunal qui statuera sur le fond du droit. »
Il résulte de là que pour qu'il y ait lieu à renvoi
à fins civiles, par le tribunal de justice r.épressive,
il faut, premièrement, que le point articulé soit de
nature à repousser toute idée de délit; autrement
le jnge devrait statuer immédiatement d'après la
»
�MO
TRAITÉ
maximefrustrà probatur quod prohatum non
reLeyat; et Toutes les fois, dit Merlin, Répert.~
» VO Bigamie~ qu'un accusé oppose un fait qui,
» supposé vrai ou envisagé comme il l'articule,
» détruit toute idée de crime, et sur lequel il
» s'élève des contestations, le juge criminel ne
» peut prononcer sur ce fait et doit en renvoyer la
» connaissance aux juges civils. » Ainsi la question préjudicielle ne doit être admise que dans le
cas où elle porte Sur un droit de propriété, d'usufruit, de hail, de servitude ou d'usage.
Secondement, que le prévenu ne se borne pas
à une allégation vague, mais qu'il montre un titre
apparent ou qu'il pose des faits de possession équivalents.,« Les trihunaux correctionnels et ceux
» de simple police, ajoute l'arrêt du J9mars 1~B5,
» ci-dessus cité, sont appréciateurs du mérite de
» la question préjudicielle élevée devant eux par
» le prévenu .. :., et ils ne peuvent légalement sur» seoir à statuer jusqu'après le jugement de l'ex:» ception, qu'autant qu'ils la reconnaissent fondée
» et déclarent que ce jugement aurait nécessaire» ment P?ur résulLat, s'il était favorable, de
» légitimer le fait constitutif de la prévention dont
» ils sont saisis; d'où la conséquence que, lors» qu'une exception préjudicielle est vaguement et
» dilatoirement proposée, comme dans le cas où
» sa décision ne saurait soustraire l'inculpé à l'effet
» de la poursuite exercée contre lui, les tribunaux
» de répression doivent la déclarer non recevable
�DU DOl\fAL''iE PUllLIC.
541
ou mal fondée, et ordonner qu'il sera immédiatement procédé à l'examen du fond. »
Troisièmement enfin, que le préve u prenne à
sa charge la poursuite devantle tribunal de renv,)i;
les art. 187. et 189 du Cod. forestier l'exigent impérieusement en matière forestière dans tous les
cas, que l'action correctionnelle ou de police soit
dirigée par le ministère public, par l'administration
des eaux et forêts ou pal' un simple particulier,
Mais cette nécessité existe·t~elle par rapport à
d'autres matières r
Plusieurs arrêts de la Cour de cassation, notamment des 23 avril 1824, 15 septembre 1826, 23
avril, 27 juillet et 3 août 1827, 9 aoùt 1828 et
plus explicitement celui ci-dessus cité, .du 19
mars 1835, avaient d'abord adopté l'affirmative;
quelques tribunaux et entre autres la Cour royale
d'Orléans, par arrêt du 10 mars 1829 (Sirey, 292-138), avaient jugé le contraire, et, d'après la
maxime quod contrà rationem juris introductum est, non est producendum ad consequentias, avaient décidé ce que, de droit commun,
;» l'une des parties ne peut, à l'aide d'un procès,. verbal, changer la position dans laquelle son
;>~ adversaire et elle se trouvent plaGés, quant à la
" nature et au mode de l'action que l'un ou l'aul1'e
:» peu t se croire en dr:oit de diriger. »
Enfin la Cour de cassation, par un arrêt postérieur, du 12 août 1837 (Sirey, 37-1-1021), en
reconnaissant que le principe posé par les art. 182
»
»
�l'RAlTÉ
et 189 du Cod. forestier était spécial à la matière
sur laquelle ils statuent, a fait une distinction
entre le cas où la poursuite a lieu à la requête du
ministère puhlic qni n'aurait point qualité pour intenter l'action civile et celui où elle est dirigée par
un particulier aussi bien recevable que son adversaire à faire joger la question au civil; disLÏnction
qui, nous devons le dire en passant, n'est point approuvée par tous les jurisconsultes, notamment par
MM. Curasson (Traité de la comp. des juges de
pai.r~ 2e édit., t. 1 er , p. 92), et Sirey, dans son
recueil (27'1-519)' ce Attendu, porte l'arrêt, que
')' dans les au lres malières le principe consacré par la
» jurisprudence, qui met à la charge du prévenu,
» dans le cas où il élève une question préjudicielle
» de propriété, l'obligation de saisir,dans un délai
:>3 déterminé, les tribunaux compétents pour dé·
,. cider cette question, s'applique aux délits ou
3') con traventions poursuivis dans l'in térêt de l'état
» on de la société, à la requête du ministère
» public, lequel serait sans qualité, sans pouvoir,
» sans 'intérêt pour saisir les tribunaux civils et
" plaider devant eux une cause qui lui est étran» gère; mais qu'on ne pourrait, sans de graves
» inconvénients, étendre ce principe au cas où il
» n'e§t question que d'intérêts privés .•.; que, dans
» une telle position, les tribunaux correction» nels ..... ne doivent, en renvoyant les parties à
» fins civiles, rien préj uger sur la nature de
» l'action qu'elles auront à intenter, ni sur la
�DU DOlWNE PUBLIC.
543
question de savoir à qui sera imposée la charge
» de la preuve, et que ces parties doivent être
» laissées, à cet égard" dans la plénitude de leurs
" droits. »
Ces principes de droit commun en fait de questions préjndicielles élant posés, nous avons à recherche.' s'ils peuvent, et, en tous cas, dans quelle
mesure ils doivent s'appliquer à la matière spéciale
et exceptionnelle de la voirie et de l'alignement.
A cet effet, il oons faut examiner les diverses
hypothèses qui peuvent se présenter, et établir
pour chacune J'ell~s les distinctions que nécessite
la différence de natnre des voies publiques.
Le prévenu d'une cùnu'avention de voirie peut
se défendre en soutenant ou que le terrain sur
lequel il a construit 011 planté lui appartient, ou que ce' terrain n'est point compris dans les
limites de la voie publique, - ou qu'il n'a fait
qne suivre l'alignement qui lui a été donné, ou enfin que les travaux qu'il a exécuté; dans un
bàtiment ou mur reconnu être en saillie, ne sont
point confortatifs et sont dès~lors du genre de
ceux perrrns.
»
1
re
HYPOTHÈSE. -
Contestation sur la propriété.
Elle peut se présenter dans l'espèce d'un chemin
vicinal classé, d'une rue pour laquelle il y a plan
d'alignement ou nécessité de demander l'autorisation, ou enfin d'un chemin public non clas&é.
S'agit-il d'un chemin vicinal proprement dit,
porté sur le tahleau à ce destiné ou déclaré tel
�TRAITÉ
par arrêté du préfet, l'exception de propriété ne
peut faire surseoir au jugement de la contravention
de police, parce que, fût-elle justifiée par les titres
les plus positifs et fût-elle en définitive accueillie
par une décision irréfragable, elle ne pourrait enlever le caractère d'infraction, au fait reproché;
en effet, suivant l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836,
<c les art'êlés du préfet, portantl'econnaissance et
» fixation de la largeur d'un chemin vicinal, attri:" buent définitivement aux chemins le sol compris
;»
dans les limites qu'ils déterminent; le droit des
on propriétaires riverains se résol1 t en indemnité; »
en sorte que, quand il serait avéré que la commune
n'est pas propriétaire du sol du chemin, ce sol
u'en serait pas moins en dehors du domaine de
propriété privée, et toute entreprise qui y serait
faite u'en constituerait pas moins une cont.raveution passible de ia peine d'amende et de démolition; tout ce qui aniverait alors, c'est que le
propriétaire, ainsi dépossédé de sa chose, aurait
droit à une indemnité pécuniaire. Il ne pourrait
même prétendre qu'ayant été laissé en jouissance,
il aurait prescrit le droit d'y rester, puisque, aux
termes de l'art. la de la même loi, cc les chemins
» vicinaux reconnus et maintenus comme tels sont
» imprescriptibles; »ce sont là des points de droit
incontestables et qui sont consacrés par une jurisprudence constante; parmi les arrêts de la Cour
de caseation, on ne citera que ceux des 24 août
1833 (Deneyers~ au. 1833, 1-372) et 4 août 1836
�DU DO:r.lA.INE PUBLIC.
545
( Sirey;> 37-1-411); ce demier ainsi conçu: « Vu
» les art. 16 de la loi du 21 mai 1836, et 182 Cod.
" foresl. - Attendu qu'il résulte de la' combinai» son de ces deux dispositions: lOque le classe') men t 'd'un chemin, parmi les voies vicinales, a
>J pour effet de lui attribuer définitivement le sol
') compris dans ses limiles; 2° que le droit des
» riverains, lors même qu'ils en seraient ensui le
» dédarés propriétaires, se résout en une indem» Dilé; 3° qu'ils ne peuvent pas dès·lol's exciper
" utilement de leur prétenlion à sa propriété,
» pour, échapper aux conséquences des contra') ventions qu'ils y ont commises; 4° que les tri)} ·bunaux devant lesquels ces contl'aventions sont
» poursuivies, doivent dODe les réprimer immén dia te men t, quand leur existence est certaine,
') puisque le jugement de l'exception proposée,
') fût·il favorable au prévenu, ne sam'ait avoir
» pour résultat de l'affranchir de la peine pal'
» 1ui encourue. »
Mais aussi, par réciprocité, la Q,éclaratiùn administrative de vicinalité ne peut avoir aucune influence sUl'la question de propriété qui se présentera intacte devant les tribunaux civils et qui, si elle
ne peut jamais se résoudre par la réintégration du
mahre dans la possession effective de son fonds,
lui donnera le droit d'en exiger lavaIenr en argent;
on peut dir~ qu'il y a indépendance complète et
liberté entière pour chacune des deux &utorit({s
administratiyc et judiciaire (arrêts du cons. d'élat,
�5.1-6
TRAITÉ
des 11 janvier 1837 (Sirey, 37-2.-246) et 10 mai
1839 C' S., 40-2-88 ), de la Cour de Bourges,
du 3 janvier 1831 (S., 31-2.-315), et de la Cour
de cassat., des 2.6 février 1833 (S., 33-1-391) et
18 août 1838 (S., 38-1-685 ). - TouIlier, tom. 3,
nO 504; Proudhon, Dom. pub., 1 Te édit., nO 485,
et M. Garnier, Tr. des chemins, pag. 2.80).
Si des doutes s'élevaient sur la qualité du
chemin et que le tableau des voies vicinales on
l'arrêté d Il préfet ne pût c1airemen t les dissi pel',
il Y aurait alors question préjudicielle qui devrait
être renvoyée non devant le conseil de préfecture,
mais devan t le préfet seul, chargé de déclarer la
vicinalité et par suite d'interpréter et d'appliquer
son arrêté de classement (arrêt du cons. d'état,
du 9 mars 1836. -Sirey, 36-2.-301).
Mais ponr qu'il y ait lieu à ce renvoi, il faut
que les doutes soient sérieux, car lorsqne la régularité, l'esprit el la portée d'un acte administratif
sont manifestes, les tribunaux peuvent en faire
l'application implédiate sans s'arrêter à l'exception
de l'uue des parties qui prétend qu'il est irrégnlier
ou n'a pas le sens que lui prête la partie adverse;
en un tel cas les juges ne sont pas tenus de renvoyer devant l'autorité administrative pour obtenil'
une interprétation dont ils n'ont pas besoin; c'est
ce que, d'après les termes et l'esprit de l'art. 13,
tit. 2., de la loi du 16 août 1790 et de la loi du 16
fructidor an III, la Cour de cassation a décidé par
arrêts l des 16 janvier 1832 (Sire.y, 32-1-747);
�DU DOMAINE PUBLIC.
547
26 février 1834 (S., 34-1-314); 8 décembre 1835
(S., 36-1-114); 20 décembre 1836 (S., 37-1159); 6 mars et 16 avril J838 (S., 38-1-383 et
623); 4 décembre 1839 (S., 40-1-50); 22 août
et 11 novembre 1840 (S., 40-1-825 et 1001);
8 février, 22 et 23 novembre 1841 (S., 41-1192, 8t4edh5). Cependant celte règle est attaquée par M. Chauveau, professeur à la Faculté de
droit de Toulouse, dans ses Principes de compétence et de juridiction administratives (tom. l ,
pag. 127, nO 453), ou il proclame l'iucompétence
absolue du pouvoir judiciaire « toutes les fois que.
» l'interprétation, l'explication ou l'application
» des actes administratifs produisent une <liscus» SIon. »
Lorsqu'au lieu d'un chemin vicinal, il est question d'une rue figurée SUI' un plan d'alignement
général ou par rapport à laquelle il y a lieu de
demander un alignement an maire, la décision
'lIoit être absolument la même, parce qu'il y a
pour l'autorité judiciaire la même impossibilité
légale de s'ingérer dans cette opération et de modifier ou rectifier le tracé de l'administration. Le
plan général ou l'arrêté spécial d'alignement produisent pour ces sorles de voies le même effet que
le tableau ou l'arrêté du préfet pour les chemins
vicinaux; ils réunissent aussi de plein droit, an
sol de la rue, les parcelles des propriétés riveraines
marquées de la ligne rouge; la seille différence est
que, relativement aux chemins, l'expl'opriation esL
�M8
'l'l\AITÉ
ipsofacto consommée, et que sU1'-le-champlacom~
mu ne peut se mettre en possession, comme aussi
le riverain peut exiger le paiement de l'indemnité,
tandis que, par rapport aux rues, la commune ne
pent prendre le sol des constructions sujettes à
retranchement, que lorsqu'elles tombent de vétusté ou que le propriétaire les fait volontairement
démolir, ayant cependant et jusque-là le droit
d'empêcher toute réédification ou réparations confortatives.
Admettons enfin que l'anticipation prétendue
soit relative à une d.es voies publiques pour lesquelles il n'y a ni arrêté du préfet, ni plan d'alignement, ni ohligation de se pourvoir d'une
autorisation de bâtir, comme sont les chemins
ruraux ou chemins publics non vicinaux, ainsi
que, selon plusieurs auteurs, les rues des bourgs,
villages et hameaux.
« Dans ce cas, dit M. Curasson ( Traité de la
comp. des juges de paix" 2 e édit., tom. 1 er ,
pag. 87), dont nous rapporterons ici l'opinion à
laquelle nous donnons notre plein assentiment,
si le propriétaire soutient que le chemin qu'il est
accusé d'avoir dégradé ou anticipé est un chemin
privé, alors' il est bien évident que le juge de
paix (siégeant comme juge de police) doit surseoir
et renvoyer au tribunal la question préjudicielle.
Nous croyons même qu'en ce cas il ne doit
exiger du prévenu la production d'aucun titre
pour pron~ncer le renvoi, parce qu'il existe dans
�519
DU D01\1A.INE PUlIUC.
les communes des tableaux non-seulement des
chemins vicinaux, mais des chemins ou sentiers
ruraux (a); et l'absence du chemin en litige sur
le tablean est une grave présomption que le chemin n'est qu'une propriété privée, nn passage de
tolérance. Chaclln sait, d'ailleurs, que, dans la
plupart des communes, les habitants oi1t la prétention de faire considérelo comme voies publiques
les chemins ou sentiers que le propriétaire a tolérés
dans son fonds. Quoi qu'il en soit, ce n'est point
au tribunal de police à statuer sur la propriété; il
J.oit donc surseoir jusqu'au jugement qui sera rendu
sur cette question préjudicielle, soit au possessoire,
soit au pétitoire. »
Un peu plus loin, le même auteur ajoute: cc Mais
il peu t arriver que le terrain signalé dans le procès.
verbal, comme faisaut partie soit d'un chemin,
soit d'Ulle rue ou place, ne soit qu'un communal
dont le sol, situé pIns haut ou plus bas que la voie
publiqne, n'en fasse éVIdemment pas partie: alors
on ne croit pas que le j nge de police ait besoin de
renvoyer à un autre tribunal la question préjudicielle de propriété. En effet, ce n'est que l'usurpation ou la dégradation d'un chemin pnblic que
la loi puuit comme contravention; l'occupation
d'une partie de communa,l ne peut donc donner
(a) Nous avons dit, au nO a32, ci-dessus, pag. 187, que
l:e tableau avait été prescrit par une circulaire du ministre de
l'intérieur, du 16 novembre 1839.
-rO:lL
II.
35
�550
'l'lUITÉ
lieu qu'à une action civile: transf01'mer ce fait en
délit, ce serait ajouter à la loi; le jnge de paix ne
.
.
pourrait, en ce cas·, prononcer une peme san1>
excès de pouvoit', et d'après l'art. 159 du Cod.
d'inst. crim., il doit annuler la citation. Mais le
tribunal de police ue peut statuer 'ainsi que clans
le cas où, d'après la discnssion et l'examen des
lieux, il est reconnu qne l'endroit qui est l'objet
de la plainte ne fait évidemment pas partie cie la
voie publique; car, pour peu qu'il y ait de doute,
alol's il s'élève une question préjudicielle dont la
décision doit être renvoyée à l'autorité compétente.
Sur quoi il est à observer que, si l'usurpation d'un
terrain communal étranger à la voie pnblique;
n'est pas un délit, cependant l'art. 479, nO 12,
du Cod. pén., punit d'une amende de I l à 15 fi'.
u ceux qui, sans y être dùment autorisés, auront
» enlevé des chemins publics, les gazons, tenes
" ou pierres, ou qui, dans les lieux apparte.;.
n nant aux communes ~ auraien t enlevé les terres
" ou matériaux, à moins qu'il n'existe un usage
n général qui l'autorise. >, - Observons aussi que,
dans les communes rurales, les terrains bordant
les murs de clôture et les babitations sllr les rues
et places publiques, son t légalemen t présumés eu
faire partie, et par cela même sont imprescriptibles (a). Cependant si, sur un procès-verhal
d'anticipation ou d'encombrement de la Yoie
(a) Voyez, à cet égard, nO 533, pag. 191 , ci-dessus.
�DU DOMAINE PUBLIC.
551
publique, l'habitant soutenait que, loin de faire
parlie de la rue, le terrain qu'il occupe est une
dépendance de sa maison, il élèverait par là même
une question préjudicielle SUl' laquelle le tribunal
de police ne pourrait statuer et devrait surseoir;
car il n'en est pas ici comme des chemins publics,
dont la reconnaissance est faite et la largeur fixée
par l'administration. Cette fixation, pour la plupart
des rues et places, n'existe pas dans les communes
rurales. "
Quoique dans ce qui vient d'être dit nous ayons
constamment assimilé les rues des bourgs, villages
et hameaux aux chemins publics non vicinaux,
appelés simplement chemins ruraux, il Y a une
différence essentielle à faire entre ces deux classes
de voies: c'est que si, par rapport aux premières,
il existe un plan d'alignement homologué par
ordonnance royale, ou si même le maire a pris un
arrêté prohiba
toute construction sans autorisation préalable, le prévenu de contravention ne
pourra pas plus élever la question préjudicielle de
propriété que s'il s'agissait ·d'une rue de ville,
parce que l'alignement dans les communes rurales,
lorsqu'il est obligatoire, produit les mêmes effets
que dans les lieux où il est impérieusement prescrit
par la loi du 16 septembre 1807 et que partou t il a
pour effet, en frappant de la serviludè non aedificandi~ les portions de bâtimen ts désignées pOil r êlre
soumises au retranchement, de les réunir, quand
on les démolira, à la voie pnhliqne, moycnnan~
�552
1'HAlTÉ
·le paiement "de la valeur de leur sol. Lorsqu'il s'a";.
git au contraire de simples chemins ruraux, aucune
autorité n'a le droit de réunir d'office et sans expropriation préalable ou acquisition amiable, à leur
sol, une portion quelconque des propriétés rive.raines: ni le préfet don t le pou voir, à cet é~ard ,
est restreint, pal' l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836,
aux seuls chemins viciriaux déclarés tels, ni le
roi qui ne peut homologuer que des plans de
rues, ni encore moins le maire qui n'a qualité
ponr tracer des alignements que par rapport aux
hâtiments des villes, bourgs et villages et non aux
héritages ruraux.
Si donc un arrêté municipal défend de construire
ou planter le long des chemins ruraux d'une commune, sans avoir préalablement obtenu l'alignement, cette mesure sera utile pOUl' prévenir les
an'ticirations, en mettant les riverains dans la nécessité d'appeler le maire à la dél itation de leurs
fonds d'avec la voie publique. Elle devra, en
outre, les fi.ire condamner à l'amende pour déso'héissance dans le cas où il y aurait construction ou
plantation sans autorisation, mais elle laissera
parfaitement intacte la question d~ propriété, lors
mênJe qu'il existerait un plan du chemin ou un
tableau indicatif de son placement et de sa largeur;
le riverain sera toujours fondé il soutenir que l'emplacement SUl' lequel il a construit ou planté lui
appartient, et on ne pourra repousser péremptoirement sa prétention en lui disant, comme dans le
�DU DOMAINE PUBLIC.
553
cas d'alignement des rues Ou d'anticipation sur la
largeur fixée par le préfet d'un chemin vicinal, que
le sol, à supposer qu'il lui appartienne, est réuni de
plein cIroit à la voie publique, et que son droit de
propriété est converti en une indemnité pécuniaire,
dont le défaut de paiement ne pouvait l'autoriser
à user en maître de son fonds ( arrêts de la Com'
de cassat., des 28 mai 1841, Dalloz., 41-1.:139;
- 10 septembre 1840, Dalloz., 40-1-439;-.
arrêts du cons. d'état, des 25 avril 1839, Bellegarde., Dalloz., 40-3 -40; - et 30 juin 1839,
Renaud., Dalloz., 40-3-56). Dans l'hypothèse qui
110US occnpe, l'exception de propriété est l'élévatoire, puisque, si elle est fondée, elle fait disparaître toute idée d'usurpation. Letribnnal de police
devra donc l'accueillir, et la question sera portée,
soit au possessoire, soit au pétitoire, devant les juges
civils, seuls compétents pour la décider, ainsi que
le déclare la cil'culaire ministérielledll 24 juin 1836,
et que J'ont jugé trois arrêts de la Conr de cassat.,
des 23 juillet 1839, 10 août et 2 juillet 1840
(Sirey, 39-1-8f)8; 40-1-302, et Dalloz, 40-1260 ). Si, par suite, il intervient un jugement favol'able au prévenu, il Y aura toujours lieu à le
condamner à l'amende, en vertu de l'art. 471,
nOS 6 et 10 du Cod. pén., pour n'avoir pas obtenu
l'alignement préalable que prescrivaill'arrêté municipal à litre de mesure de police, mais la démo~
lition ne pourra être prononcée; eHe ne devrait
l'être que si l'anticipa lÎon était reco;ll1ue, et alors
�55!"
TRAITÉ
ce serait conformément à l'art. 479, nO I l , dn
même Cotie, comprenant sous la dénomination
générique de cheminspublics aussi bien les simples
chemins ruraux que ceux classés formellement
parmi les vicinaux ( arrêts de la Cour de cassat.,
des 2 mars 1837, Sirey., 37-1-77lj-et21 avril
1841, Dalloz., 41-1-366).
e HYPOTHÈSE. -
Contestation sur le placement du
chemin. Tout en reconnajssant que près du point
où le fait signalé comme contravention a eu lieu,
il existe un chemin public ou une rue, le prévenu
peut prétendre que cetie voie n:a pas la véritable
direction qui lui est assignée ~ et qu'elle doit être
reportée du côté opposé; celte exception devrat-elle motiver un sursis ~ et quelle autorhé sera
compétente pour en apprécier le mérite?
Il faut encore ici distinguer:
S'agit-il d'un chemin vicinal délimité par des
bornes ou figuré sur un plan de manière à. ne
laisser aucune incertitude sur son placement?
il n'y aura pas lieu à renvoi, et le juge de police
devra prononcer comme dans l'hypothèse précéden le où l'existence même du chemin est contestée;
la prétention de faire rectifier l'acte administratif
ne peut donner lieu à un sursis, sauf ensuite au
condamné à porter l'aff~ire devant les tribunaux
civils pour obtenir, en cas de succès, une indemnité conformément à l'art. 15 de la, loi du 21 mai
1836; Les principes sont tellement rigoureux à cet
égard que, par arrêt du 2 août 1839 (Dalloz~
2
�r
DU DûM.ÀINE PUBLIC.
555
40-1-360), la Cour de cassation a jugé que le déclassement (et il en serait de Olême de la rectifi.,
cation) d'un chemin vicinal, opéré par le préfet
postérieurement à une plantation illégale d'arbres
ou à toute autre contravention qui y aurait été
commise, ne saurait avoir pour effet de faire disparaître la contravention qui doit être appréciée
d'après l'état où se trouvait le chemin au moment
où l'entreprise a eu lieu.
Dans le cas où, par suite du défaut de plan ou
de repères certains, il Y aurait doute sérieux sur
l'emplacement que le chemin doit occuper, )e
tribunal devrait surseoir jusqu'à ce que le préfet,
à qui est confié le pouvoir d'en fixer la direction
et les limites, se fût prononcé; le conseil de préfectme sel'ait incompétent pour interpréter ou
appliquer l'arrêté de vicinalité ou le tableau des
chemins, ainsi que l'a jugé avec raison le conseil
d'état, par arrêt du 9 mars 1836 (affaire Barré;
- Dalloz, 36-3-88).
Si la difficulté s'élevait par rapport à une rue
comprise dans u~ plan d'alignement ou habituel.
lement soumise dans toute sa largeur au passage
du public et bordée d'une manière régulière de
bâtiments, il n'y aurait pas lieu à sursis, et la
condamnation à l'amende, ainsi qu'~ la démolition
immédiate de tout ce qui dépasserait le tracé du
plan ou la possession, devrait être prononcée nolIobstant l'exception.
.
Il n'est pas" inutile , en renvoyant à ce que"nous
�556
TRAITÉ
avons dit ci-dessus 1 nO 533, sur la consistance de
ces Sortes de voies publiques, d'ajouter que par
un nouvel arrêt du 1 er mars 1842 (Dalloz~ 42-1119), la Cour de cassation a encore décidé que
tou t l'espace, quelque large qu'il soit, corn pris
entre les constructions alignées à droite ct à gauche
d'une rue, est réputé de plein droit affecté primitivement au sol de. celle rue et en faire partie
intégrante.
Le seul cas où il y aurait question préjudicielle
de nature à faire surseoir à la condamnation, serait
celui où la rue, comme dans certaines communes
rurales, n'aurait point de limites fixes et pourrait
être confondue avec des cours ouvertes ou espaces
libres qu'il serait constant que les propriétaires
auraient laissés au-devant de leurs habitations pour
en faciliter la desserte et sur lesquels on est dans
l'usage de faire des dépôts de bois, de fumiers ct
quelquef~is même de planter des arbres ou d'établir des constnlctions accessoires, tels que tecs·àporcs, fours, hangars, etc.
Dans cette hypothèse, ainsi que dans celle où
une pareille difficulté s'élèverait par rapport à un
chemin public non classé, la question préjudicielle
de placement et de délimitation serait une question
ordinail'e de' propriété et de bornage qui devrait
être portée devant les tribunaux civils et non
devant l'administration à laquelle il n'appartien t
de statuer que quand il y a déclaration de vicinalité
'Ou alignement obligatolre, comme nous l'avons dit
�DU DOMAl'NE PUBLIC.
557
plus haut, parce qu'alors il y a acte adlllinisll'alif
qu'elle seule peut appliquer ou interpréter.
3e HYPOTHÈSE. - Contestation sur l'arrêté d'alifinement. Une autre question préjudicielle peut
naître de ce que le prévenu de contravention à cet
arrêté prétendrait qu'il s'y est, au contraire, exactement conformé.
Dans ce cas, le tribunal de police devrait surseoir,
ainsi que l'a décidé la Cour de cassation, par l'arrêt
suivant, en date du 6 octobre 1832 (Sirej'~ 33-1296): cc Vu l'art. 13, tit. 1 er , de la loi du 16-24;»
août 1790 et la loi du 16 fructidor an III; » Attendu qu'aux tennes de ces dispositions, l'au1»
torité judiciaire ne peut, sous aucun prétexte,
» interpréter ni modifier les actes légalement
:» émanés de l'autorité municipale, et attendu que,
;» dans l'espèce, Facquer a été traduit devant le
» tribunal de simple police, pour avoir contrevenu
» à l'alignement que le maire d'ALbevi1le lui
» avait fixé par sa lettre du 5 juin dernier; qu'en'
:» soutenant le contraire, il avait soulevé une
:» question' préjudicielle qui ne pouvait être décidéè
;» que par l'administration supérieure; que ce
;» tribunal était donc tenu de surseoir à statuer
;» au fond, jusqu'à ce que la décision à intervenir
» sur ce point lui fût rapportée, et de fixer le
;» délai dans lequel ledit Facquer devait la pro;n duire; d'où il suit qu'en déclarant ql1ece der;» nier s'est entièrement conformé audit aligne) ment, et en le renvoyant oc J'action exercée à
�558.
1'1lAITÉ
son égard, le jugement attaqué a commis un
cxces de pouvoir, méconnu les limites de sa
:» compétence et violé les articles précités.,. Casse. " .
Deux décisions analogues ont encore été rendues
par la même Cour, les 28 avril 1.827 (Sirey, 271-518) et 4 octobre 1839 (Dalloz, 40 - 1 -419);
dans la première, il s'agissait d'un mur condamné
par l'autorité administrative, et dont la démolition
partielle avait été jugée suffisante par le juge de
police. cc Attendu, porte nn des motifs, qu'il
» résulte des faits constatés par le procès-verbal,
" que le mur extérieur dont il s'agit, n'a été
" démoli qu'en partie, tandis qu'aux termes de la
" sommation (administrative) il devait l'être en
" entier, comme tombant en ruine; qu'en déci" dant que le pignon qui subsiste encore ne tombe
" pas en ruine et ne présente aucun danger,
" puisqu'il ne penche nullement sur la voie pu» hlique, le tribunal de police s'est attribué l'exa" men d'un fait dont la connaissance lui était
» interdite et rentrait exclnsivement dans le do» maine de l'administration. »
Nous pensons que la question préjudicielle
devrait être portée devant les tribunaux civils si
l'alignement avait été donné par le maire pour une
construction ou une plantation le long d'un chemin rural non classé, parce que, dans ce cas,
comme 110US l'avons déjà laissé pressentir plus
hant, la fixation de la limite du chemin ,. bien que
»
»
�DU DŒ\1A.INE PUBLIC.
559
qualifiée d'ali~nement, n'en a point les effets,
notamment celui de réunir de plein droit à son sol
une partie du fonds voisin et de convertir le droit
réel de propriété du riverain en une créance personnelle d'indemnité; à notre avis, un pareil ar, , d' a1·Ignement n "est qu une espece
.
d e b 01'l'ete
nage fait par le maire seul, moins comme agent
de l'administration centrale que comme tuteur. ,de
la commune et son repré'sent~nt; bornag'e qui,
n'étant point contra'dictoire, peut être contesté
pardevant les tribunaux civils, juges de son exactitude et de sa régularité, et chargés de déterminer
en défini Live la ligne de séparation du chemin et
du fonds privé voisin.
4e
HYPOTHÈSE. - . Contestation, sur la nature et
les effets des réparations. Quoique l'effet de' l'alignement soit de frapper les portions de hâtiments
sujettes à recule men t , c'est-à-dire don t le sol doit
être réuni à celui de la voie publique, d'une 'espèce
de servitude ayant pour objet d'empêcher toute
reconstruction ou réparation, la jurisprudence a
cependant, par rapport à ces dernières, établi une
distinction entre celles qui sont de nature à prolonger la durée de l'édifice en le consolidant, et
celles qui, en ne faisant qne faciliter au propriétaire
l'usage de sa chose, ne la rendent pas plus solide
et ne lui assuren t pas une plus longue existence;
les premières, qualifiées de colifortatives ~ sont
sévèrement défendues et doivent être supprimées;
les autres, au contraire, sont permises moyennant
�560-
TRAiTÉ
autorisation, et, dans tOllS les cas, ne sont pas
sujettes à dén101ition quand elles ont été faites
sans permission;. €Iles donnent lieu' seulement à
la condamnation à l'amende.
Nous tâcherons de déterminer pIns loin le
caractère des unes et des autres; mais dès.à-présent
on conçoit qne cette appréciation doit donner lieu
à une question préjudicielle consistant à reconna1tre, d'une part, si le propriétaire, autorisé à
exécuter un ouvrage, s'est conformé à la prescription qui lui avait été faite ou s'il l'a outre-passée,
et, d'un autre côté, si, lorsque des travaux quel~
conques on t été faits sa ns permission, il Y a lieu,
outre l'amende, à en ordonner la destruction.
Quelle sera l'autorité compétente pOlU statuer
sur ces points?
En matière de grande voirie la solution est facile.
Le conseil de préfecture, jnge de la contravention,
l'est aussi de l'exception, et il a le droit d'a pprécier,
soit de ~On chef, soit après expertise, la nature des
travafx ( arrêt du Conseil d'état, du 18 janvier
1831; dame Dherbecq); il n'est pas obligé de
renvoyer la question à l'administration active,
c'est-à- dire a u préfet, de qui seul cependa nt doit
émaner l'autorisation de construire ou de réparer
(antre arrêt du même conseil, du 2.7 août d34o;
Auhanel), parce qu'étant lui-même placé dans
l'ordre administratif et ayant dans ses attributions
tout le contentieux, il n'y a pas danger d'empiétement du ponvoir judiciaire sur le pouvoir admi·
nistra Lif.
�DU Dm.1AINE PUBLIC.
561
Mais d'autres principes sont applicables en fait
de petite voirie; le tribunal de police, chargé de
prononcer sllr la contravention, est sans qualité
pour jng('r la qncstiUl1 préjudicielle; il doit nécessairement renvoyer la décision de ce point à l'administration. Par deux arrèts, l'un de la Cour de
cassation, du 10 mai ]834, rapporté ci-dessus,
page 525, et l'autre, de la Cour de Colmar,
du 16 février 183ï (Sirey ~ 37·2~309 ) , il avait été
jugé que les tribnnaux de police pouvaient se dis'penser de prononcer la démolition ;si, en l'absence
de toute déclaration contraire de l'autorité administrative, ils reconnaissaient qne les travanx ne
-son t pas conforta tifs; mais cette j ~ ris prudence a
été complètement changée, et le principe ci·dessus
posé a enfin prévalu, ainsi qu'il résulte des arrêts
de la Conr de cassation, des 10 octobre 1832
( Sirey, 33-1-59° ); - 18 septembre 18jb (S., 361-112); - 25 juin 1836 (S., 36~1-653); - 10
novembre 1836 (S., 37-1-7°7); - 17 févrie.'
üi37 (S., 38-1-95) ; - 21 juillet 183B (S., 39-169); - 16 juillet 1840, Ch. réunies (S., 40-1745); - et 1 er décetnbre 1842. De ces diverses
décisions, nous ne ra pporterons que celle cl u 25
juin 1836, dans laquelle le point de doctrine,
relatif à la séparation absolue des deux pouvoirs
judiciaire et administratif, nous paraît développé
d'une manière plus précise que dans les autres.
Après cassation d'uo jugement du tribunal de police
de Mulhouse, qui avait renvoyé M. Kœchlin-
�562
Ti\.AITÉ
Dollfus d'une poursuite pour construction sans
autorisation, le tribunal d'Altkirch se borna à
prononcer contre lui l'amende, mais refusa d'ordon~er la su ppression des travaux, par la raison
que, consistant dans des ouve.'tures, ils n'étaient
pas confortatifs, ce qui donna lieu à un second
pourvoi. Après le rapport de M. Ruperou, M. le
procureur gé~éral Dupin, protégeant le jugement.
attaqué de toute la vigueur de sa logique, s'ellt
attaché à signaler les abus qui nahraient de l'exa*
gération du principe, que besogne mal plantée
sera abattue; il a revendiqué en faveur des
citoyens Je bienfait de la protection des tribunaux
con tre l'es prétentions quelquef9is injustes et outrées
de l'autvrité municipale; il a pensé aussi que, dans
l'espèce, le tribunal d'Altkirch n'avait pu commettre d'excès Je pouvoir en déclarant les travaux
non confortalifs, ni préjudiciaLles, puisqu'ils
n'étaient qualifiés ainsi ni par une défense écrite
du maire, ni par le procès-verbal. Néanmoins,
après nn long délibéré, la Cour, les sections réunies,
a prononcé la cassation par les motifs suivants:
Attendu que les arrêtés des maires, en matière
» de voirie, tant qu'ils n'ont pas été réfol'més par
l'autorité supérieure, doivent recevoil' leur exél) cution; que le tribunal de police doit, en
prononçant la peine contre ceux qui sont conl) vaincns de contravention à ces arrêtés, statuer
» par le même jugement sur la demande en
» restitution et en dommages-intérêts; que la
t(
l)
l)
�DU DOlIAIl'Œ PUBLIC.
563
destruction des travaux exécutés en contravention anx lois et réglements sur la voirie et aux
» arrêtés de police municipale, quand elle est
» requise, est la conséquence nécessaire de la
» contravention; que c'est à l'autorité admi» nistrative qu'il appartient exclusivement d'ap» précier si les travaux qu'on entreprend ou désire
» entreprend re à des bâtiments sujets à reculemen t
), sont ou non susceptibles de prolonger, au
» préjudice de l'intérêt public, la durée de ces
" bâtiments; - qu'ainsi les tribunaux sont incoDl» pétents SUl' ce point. et doivent, après avoir
» constaté l'existence d'un nouvel œuvre, se
» horner à ordonner, par application de l'art. 161
» du Cod. d'inslruct. criminelle, la démolition
» qui est requise des travaux exécutés en contra» ven tion ..... Casse. »
Ces tribunaux ne pourraient pas même ordonuer
d~expertise préparatoire (arrêts de la même Cour,
des 5 octobre et :2 décembre 1837, et 4 janv~el' 1839, DalLoz, 38-1-177 et 420, et 39-1.387);
Ils pourraient encore moins motiver leur refus
d'ordonner la démolition, sur ce que les travaux
seraient sans aucune espèce d'importance, comme
un crépissage, et par suite ne seraient évidemment
pas confortatifs (arrêt de la Cour de cassat." du 4
août 1 838) , ou que même, loin de consolider le
mur, ils ne feraient qu'cn diminuer la solidité
(la plupart des arr~ts ci-dessus cités, notamment ceux des'25 juin et 10 novembre 1836, et
21 juillet 1838).
»
»
�564
TRAITf:
De plusieurs des décisions citées dans ce S et
notamment d'un autre arrêt de la Cour de cassation, du ] 9 décembre 1828, on aurait pu induire
que le juge de police était obligé de prononcer
immédiatement la démolition des travaux, sauf au
condamné à s'adresser ultérieurement à l'administration, afin d'en obtenir le maintien; mais un
arrêt, à la date du 28 septembre 1838 (Sirey" 391-911 ), a jugé qu'il en était autrement; que le
sursis devait être accordé lorsqu'il était requis, et
que, bien que dans tous les cas l'amende dût être
prononcée, il devait nécessairement porter aussi
sur ce chef, parce qu'aux termes formels de l'art.
161 du Cod. d'inst. crim., il ne peut être statué
que par un même jugement sur le tout.
L'excessive rigueur que met la Cour suprême à
maintenir la compétence exclusive de l'administration pOll,r statuer sur toutes les questions préjudicielles de voirie, d'alignement et surtout de
travaux confortatifs, non-seulement tient à la volonté de faire respecter la ligne de démarcation si
sagement tracée par l'Assemblée constituante entre
le pouvoir administratif el le pouvoir judiciaire,
puisque nous avons vu plus haut qu'elle s'était
singulièrement départie de cette inflexibilité lorsqu'il s'agissait de l'interprétation etde l'application
des ventes, baux et autres actes administratifs,
mais est aussi et principalemen t déterminée, comme
le remarque M. CoteHe (Cours de droit adm."
2" édit., tom. 3, pag. 260, nO 13), « par la mo.
�565
DU DOl\fAINF. l'Ullue.
dicité des amendes prononcées pal' le Code
" pénal, qui formeraien t une pénalité illusoire
" sans l'obligation de démolir; ~ obligation,
ajouterons-nous, qu'il' répugnera toujours au juge
de paix, tenant le tri1?unal de police, d'imposer
à cause des conséquences tres-graves qu'elle peut
avoir en de certaines circonstances.
28 0 Si, comme on vient de le voir, la matière
des travaux confortatifs a donné lieu, en droit, à de
graves difficultés qui paraissent aujoUl'd'hui aplanies, elle en présente en fait qni sont loin d'être
résolues, aucune loi ne les ayant prévues, et une
jUl'i'sprudence fixe ne pouvant même s'établir à ce
sujet à raison de la diversité des circonstances.
POUl' atténuer les conséquences, il faut en convenir, très-onéreuses de la servitude d'alignement
et pour conciliel' jusqu'à un certain point les inté:rêLs privés avee l'intérêt public, l'usage s'est intl'O.Juit de distinguer les travaux qui peuvent être faits
aux bâtiments ou portions de bâtiments sujets à retranchement en denx catégories Ca): Ceux qui, en
»
(a) On a prétendu que cet usage avait son fondement dans
les dispositions législatives et réglémentaires suivantes, concernant les constructions sur le bord des voies publiques:
L'ordonnance du prévôt de Paris, pour la voirie, du 22
septembre 1600, porte défense <i d'innover aucune chose
li au devant des maisons et autres lieux où il' Y a saillie ou
» pam de bois, iceux réédifier, ne faire ouvrag'e en Icelles
li qui les puisse conforter. conserller ou soutenir.
L'édit de Henri IV, de décembre 1607, défend au grandl)
TO:U. II.
36
•
�;Jû6
reconfol'lant ou consolidant les constructions, peuven l prolonger indéfinimen tlellr durée ou an moins
en l'eculer le terme, et ceux qui, sans produire cct
voyer de permettre « qu'Il soit fait aucune saillie, avance et
" pans de bois, et même à cellX où il y en a à présent, de
» contraindre les réédifier, ni faire ouvrages qui les puissent
» confirter, conserver et soutenir, et pourvoir à ce que les rues
» s'embellissent et élargissent au mieux que faire se pourra. »
L'ordonnance des trésoriers de France, du 1 er avril 1697,
\
prohibe « de faire, ni faire faire aucuns ouvrages qui puissent
» conserver ou confirter les saillies, traverses et avances sur
" rues, voies et places publiques.... , rétablir aucune maison .....
" sans, au préalable, en avoir pris permission..... »
Une autre ordonnance du bureau des finances de Paris, du 29
mars 1754, fait défenses « de construire ou reconstruire, soit
" en entier, soit en partie, aucun bâtiment, sans en avoir pris
" alignement; » lad'ite ordonnance confirmée et étendue à tout
le royaume par l'arrêt du conseil du 27 février 1765, contenant inhibition « de 'construire , reconstruire ou réparer aucuns
» édifices ..... sans en avoir obtenu les alignements ou pern, missions. })
Une autre ordonnance des trésoriers de France, du 30 avril
1772, porte défense « de construire ou reconstruire, soit en
Il entier, soit en partie, aucuns bâtiments, sans en avoir pris
Il les alignements. Il
L'arrêt du conseil, du 7 septemhre 1755, en approuvant des
plans d'alignement pour la ville de Châlons-sur-Marne, « 01'Il donne que lesdits plans seront exécutés, dc la part des pro" priétaires, dans le cas seulement où par vétusté, incendie
" ou autres accidents survenus à leurs btltiments, lesdits pro" priétaires seront obligés de les reconstruire, - et fait défense
» auxdits propriétaires de maisons, murs et autres édifices qui
» doivent être retranchés et reculés en conséquence !lesdits
�DU DOl\fAIl'IE PUBLIC.
561
effet, permettent au propriétaire d'y opérer des
changements utiles on ngréables; ceux-ci sont
autorisés par l'administration; les premiers sont
défendus et doivent être détruits lorsque par fraude
ils ont été exécllté&. M. Garnier, Traite des chemins, pag. l3I et 132, 4e édit., explique ainsi cette
différence: cc L'obligation imposée aux riverains
» d'obtenir un alignement préalable.... est dictée
» par la nécessité d'em pêcher les constructions
» dans l'espace de la ronte on la consolidation des
» façades de bâtiments à supprimer. Les répara» tions qu'on y ferait, en les fortifiant, ajonrne» raien t indéfinimen t l'établissemen t ou l'élargis» sement. C'est pour ne pas payer des indemnités
considérables et ne débourser que la valeur du
» terrain, que l'administration attend la chute des
» bâtiments par vétusté. Il est donc indispensahle
» qu'on prohibe tous l~s ouvrages qui prévien)J
alignements, d'en reconstruire les faces, même d'y faù'e des
répara/ions tenant lùm de reconstruction, à peine de démon lition d'icelles et de 50fr. d'amende et de tous dépens. Il
Enfin la déclaration du roi, du 12 juillet 1779, concernant
la ville de Versailles, exige Il que tous les édifices qui seront
Il entrepris, soit par construction entièrement nouvelle, soit
» par réparation plus ou moins entière, ne puissent être
» commencés que d'après l'attache et permission du grandIl voyer, sur les plans,
profils et élévations qui lui serout
» présentés par les propriétaires ou leurs entrepreneurs et dont
» il fer.. faire la vérification ..... et à raisoll desqueh il sera
n prescrit par le grand-voyer, pour les cas qui l'exigeront,
Il toute retraite nécessa ire.
l>
l>
»
�568
TRllTÉ
draient ou· retarderaient celle chute; - d'un
aut-re côté, la propriété est un droit sacré qui
» mérite aussi quelque favenr. Il convenait donc
» d'autoriser les -réparations qui, sans l'econforter
» le bâtiment, avaient pour but de procurer au
:n possesseur la jouissance d'un héritage encore en
» bon état. »
Telle est la théorie qui paraît assez simple; mais
~n pratique et'dans l'application, comment discerner
les ouvrages qui doivent être rangés dans l'une ou
l'autre classe; à quel caractère certain peut-on les
reconnaître!' voilà ce qu'aucune mesure législative
ne saurait préciser, car c'est de ce cas surtout que
l'on doit dire exjacto jus oritur.
A défaut de principes positifs, nous extrairons
des circulaires ministérielles et de la jurisprudence,
.quelques règles qui pourront servir de guide dans
les cas analogues.
La durée d'une construction dépendant essentiellement de la solidité des fondations et du rezde-chaussée, on en a induit que les propriétaires
ne doivent reculer sur l'alignement leurs bâtiments
qu'an tant qu'ils touchent à ces parties, mais que
'lorsqu'elles sont reconnues solides, ondoitautoriser
]a réparation et l'en tretien des étages supérieurs,
notamment par ravalements, peintures et badigeons, changements.de corniches, d'entablements,.
l'emplacements de poutres, réfections de- combles,
de cha.rpentes et couvertures, percements et suppressions de baies et autres onvrages de celle
»
»
�DU DOMAINE rUBLle.
569
nalurè. cc La dégradation d'un étage supérieur,
» dit une circulaire ministérielle du 1-3 février
n 1806, ne peut être ua motif pour condamner
» les parties inférieures. De ce qu'une façade
» devra être recnlée, il n'en résulte pas qu'on ne
» doive pas entretenir les parties supérieures; car
» s'il en était ainsi, du moment où le nouvel
» alignement serait arrêté, on pourrait interdire
» au propriétaire tout entretien, même de la
» cou~erture élablie sur cettc façade. Cette doc» trine serait attentatoire à)a propriété, elle serait
» contradictoire avecle principe même qui l'établit;
• »car on n'ajourne la démolition que pour épargner
» à l'état, ou à la commune, la nécessité de payer
» l'immeuble, dans la supposition que le pro~) priétaire n'ayant à le démolir que lorsqu'il
» tombera de lui-même en ruine, il subira une
» petite perte. Mais, si l'on hâte celte ruine, en
» empêchant le propriétaire de soignel1 même les
» parties supérieures de sa maison; et si, parce
» qu'elles sont défectueuses vers le toit, on exige
» qu'il démolisse le tout, on rendra illusoire
» l'ajournement accordé pour sa démolition, et
» l'on J'entrera ainsi dan-s le cas de l'obligation:
» Iode faire juger par Je gonvernement qu'il est
» nécessaire de détrtllre sur-le-champ l'édificc;
» 2° de payer le prix avant de commencer la dé.,.
» molition. » (Code administratif par Fleurigeon, ~o voirie. ) C'est ce qui résulte pgalcment
de quatre arrêts du conseil d'état, des..10 avril
�570
TRAITÉ
1783, 2.0 aoùt 1784, 22 join 1811 et 14 juillet
1831 (lJ!layet). - « L'administration, dit
» M. Garnier dans le traité qui vient d'être cité,
e
;» p. 133, 4 édit., ne permet pas de réparer les
fondations et le rez·de-chaussée des bâtiments
;» sujets à reculenlent , lorsque ces réparations
» tendent à consolider la façade ..... ; l'autorité ne
» peut refuser la permission de reconstruire ou
» réparer les étages su périeurs, ta n t qne les
,);) fondations et le rez-de-chaussée sont en bon
» état..... ; dès qu'on en interdit la consolidation
)) (de ces derniers objeLs), les intérèts de l'admi» nistration sont garantis et l'existence de ce
» bâtiment est limitée au terme J~ muins éloigné
;»
possible, car la chute de la façade oblige le pru;»
pl'iétaire à démolir son bâtiruent, une construc» tian sans mur de face étant inutile et souvent
» dangereuse. »
Ces principes, anssi enseignés dans le Co.urs de
droit administratif de M. Cotclle, tOI1l. 3,
pag. 243, 2 e édit., sont pIns amplement expliqués
dans une lettre écrite par le ministre de l'intérieur,
le 3 juillet 1~27, au préfet de la Seine, pour répondre aux objections qu'avait faites ce magistrat
contre la distinction entre les réparations du rl'zde-chaussée et celles des ltages supérieurs; M. le
ministre lui dit: « Ainsi ces règles seraient, selon
.;» vans, tantôt trop nuisibles, tantôt trop favo» rable~ aux intérêts de la propriété privée; " quels que soient les inconvénÎt}ots dont vous les
»
�DU DO:\lAL'E PUBLIC,
571
jugiez susceptibles, je ne puis cepend:l.l1t con» sen tir à ce qu'il y soit apporté aucune modifica» tion qui s'écarterait des bases établies pa l' la loi,
» bien que le système de prohibition, suivi par
» l'administration, ne soit textuellement indiqué
» par aucun des actes de l'ancienne ni de la nO\)» velle législation portant réglement pour la
» voirie, on ne saurait méconnaître que ce sys» tème a un fondèment légal. L'édit de 1607, la
» déclaration de juin 1693, l'arrêt du conseil du
» 27 févrie,' 1765 et tous les réglements subsé» quents, ont établi et confirmé la défense de bâti!» ct de réparer les édifices le long des voies
" publiques, sans la permission de l'autorité
» compétente. Ce principe posé, l'administration
» a dû se tracer une marche propre à substituer,
» autant qu'il est possible, une règle conciliatoire
» à un arbitraire absolu. Investie du pouvoir d'in» terdire la réparation des bâtiments dont l'exis» tencè s'bppose à ce que les files s'embellissent
.» et s'élargissent au mieux que faire se pourra
" (pour me servir des expressions employées dans
» les anciennes ordonnances), l'autorité adminis» tralÎve a pensé qu'il était équitable de res» treindre l'interdiction aux seuls travaux qui
» tendraient à pl'Olonger la durée des construc» tions, savoir la consolidation des fondations et
» du rez-de-chaussée. Cette règle est suivie
» partout sans opposition, hien qu'elle n'ait été
» établie d'une manière généraJe pâr aucun acte
»
�572
»
»
:»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
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»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
TRAITÉ
de l'autoriIé souveraine....• Au surplus, vous
reconnaÎIrez que la règle dont il s'agit n'est
point inconciliable avec vos propres doctrines;
en effet, la prohibition qui frappe le rez-dechaussée n'est point absolue et n'empêche pas
qu'on ne permette les travaux d'appropriaIion
et toute espèce de changements, tels que ouvertures de baies, suppression de trumeaux, etc.,
qui n'ajoutent rien à la solidité du mur de face,
à charge par le propriétaire de se conformer
aux indications de l'autoriIé locale; et c'est
d'il près ce principe que j'ai, dans plusieurs
cas, approùvé des décisions par lesquelles vous
aviez autorisé, soit la substitution de pOleaux
eu bois, d'une dimension déternânée, aux
anciens supports d'une maisou sujette à retranchement, soit des ouvrages analogues au rezde-chaussée d'autres bâtiments dans la même
position, quand ces sortes d'ouvrages ne devaient
point en changer J'état, sous le rapport de la
solidité. - D'une autre part, Jes permissions
que les administrations locales sont antorisées à
accorder pour les réparations des étages supérieurs, sont toujours subordonnées à la condition expresse que les fondations et le rez-dechaussée auront été reconllUS solides. Ce n'est
donc pas indistinctement que ces répamtions
sont tolérées .•.•. - Il résulte des observations
qui précèdent: 1 0 que les prohibitions en
matière de voirie s'appliquent exclusivement
�DU DOMAINE PUllLIC.
573
aux fondations et au rez-de-chaussée des bâtimcnts, sans s'étendre toutefois aux ouvrages
» de conservation et d'appropriation qui peuvent
» être permis avec les précautions convenables
» pour empêcher toute consolidation proprement
), dite; 2° que les parties supérieures, à partir du
" cordon du pl'emier étage jusqu'aux combles
" inclusivement, doiven t être dégagées de l'in" terdiction de consolider; 3° mais que l'autorité
)' municipale est lihre de refuser toute permission,
)' soit pour le rez-de-chaussée, soit pou l' les étages
» su périeu rs , s'il résulte du ra pport des gens de.
)' l'art que l'ensemble de la construction manque
» d'une sulidité suffisante; le recours de dl;oit
)' demeurant ouvert aux parties. »
C'est d'après cette doctrine, avec laquelle nous
devons convenir cependant que quelques décisions
du conseil d'état, notamment des 8 septembre
1832 (Lafitte) et 12 décembre 1834, ne paraissent
pas s'accorder parfaitement, qu'il a été jugé que
même dans les parties inférieures des bâtiments
on devait autoriser:
1 ° Les simples badigeons et les pein tures; ces
sortes d'ollvr.lges ne servant pas à consolidel' l",s
constructions, mais seulement à les conserver.
2° Les cr~pis et ravalements qui évidemment
ne tendraient pas il consolider ( arrêt du cou'"
seil, du 14 octobre 1836; Ramond~ DalJ()z~
38-3-215), comme ceux, par exempJp, appliqués
à des construclions en pierre cie taille (3l'fêt du
:»
»
�57fl.
TllAITj~
même, conseil du 22 février 1838) ; ca r s'ils avaieu t
un effet conforta tif, tels que des enduits pleins ou
des plâtrages, ils seraien t prohibés, ainsi Cl nd' a décidé le même conseil par arrêts des 22 février 1821 ;
23 mai et 4 juillet 1827, 26 octobre 1828; 12 avril
ct 1er septembre 1832; 22 février 1838 (Dalloz,
39-3-78), et la Cour de cassation, par·arrêts des 23
juillet 1!)35 (Dalloz, 35-1-381 ) et 19 novembre
1840 (Dalloz, 41-1-363).
3° Les percements dfl haies, portes et croisées,
avec simples encadrements en bois et non en pierre
de taille, moëllons et voûtes; les reprises ou raccordements de maçonnerie antour des cadres ne
devant d'ailleurs être faits que sur la largeur
strictement nécessaire pour l'exécution du travail
(arr. du cons., du .6 février 1839, Dalloz, 403- 2 7 ).
4° Les travaux devenus nécessaires par suite de
la chute de la maison voisine, pour remettre seulement les choses dans l'état où elles étaient avant
l'accident; car si ils ne suffisaient pas pour la
solidité du hâtiment, il y aurait lieu à le démolir
(arrêt du cons. d'état, du 8 mai 1822; -.- DaI·
loz, Recueil alph., tom. 12, p. 981 , nO 7; -
Davennes ).
bO La réparat~on de la portion désormais en
saillie d'un ctlté, du mur mitoyen sépara tif de
deux maisons, dont l'une a, par suite de réédi~
cation de sa façade, subi le reculemept indiqué
'par l'alignement. Quan t à la reconstruction totale
de cette portion détruite lors de la démolition du
�DU DmIAINE PUBLIC.
575
mur de face, elle ne peut être autorisée que sous
les conditions suivantes, savoir: dans la hauteur
du rez-de-chaussée, au moyen d'une maçonnerie
en briques à plat, ravalée des deux côtés, et en
contre-haut de cette partie par un pj~eonnage de
huit centimètres d'épaisseur (décision du ministre
de l'intérieu ,du 19 août dh5, approbative d'un
rapport du conseil des bâtiments civils du même
jour, - arrêt du conseil d'état, du 24 juin 1816,
Delime [a]).
[a] Dans une lettre du 24 mars 1823, le ministre de l'intérieur écrivait au préfet de la Seine, qui lui avait adressé des
observations sur une décision analogue du 4 décembre précédent: « En droit, tont propriétaire doit être autorisé à se clore,
)) tant que ses constructions Ile sont pas or.riv~es à un degré de
» vétusté leI qu'il y ait péril à les conserver. La maison de la
)) dame Cornuot, examinée par un des membres du conseil
)) des bâtiments civils, a paru suffisamment solide pour n'ins)) pirer aucune crainte; on ne pouvait dOliC. sans injustice
)) en ordonner la démolition, et le rétablissement du mur
)) détruit était une conséquence de la conservation; - je ne
l) pense pas qu'un mur de 40 centimètres d'épaisseur, adhérent
)) simplement à la façade et sans aucune Haison avec celle-ci,
)) puisse consolider le bâtiment; le conseil des bâtiments civils,
)) qui a proposé ce moyen, en a la même opinion. Toutefois,
» pour ne rien donner à l'arbitraire et fonder à l'avenir les
» décisions à rendre en pareille matière sur des antécédents
)) légalement établis, il me parait utae de prendre pour base,
)) dans les cas semblables qui pourraient se présenter par la
)) s'lite, le système de construction indiqué par les décisions et
)) l'ordohnance reHdues dans l'affaire du sieur DelilPc, et qui
)) consiste à fair", dans la hauteur du rp:.-de-chaussée, un
)) mur de briques à plat, ravalé des deux côtés, et dans le
» surplus un cloisonnage de hUlt centimètres d'épaisseur. »
�576
TRAITÉ
6° La constrllction d'un pan de hois sur la partié .
retranchable ,s'il ne se rallache par ancun lien de
fer au mnr de face (arrêt du cons. d'état, du 12
juillet 1837, BouLlard, - Dalloz, 38-3-220).
7° La reprise en moëllons faile à l'inté.'ieur
dans un mur mitoyen, lorsque de tout temps
ce mur a été soutenu par une ch îl1e (arr. du
cons.,du 22 août 1838; - Dalloz, 39-3-142);
mais s'il y avait adossement au mur de face d'un
nouveau bâtiment, se reliant immédiatement avec
ce mur, il Y aurait consolidation prohibée (art'.
<lu cons., dn 14 juin 1837, Forgeron,-Dalloz,
38-3-220); il en serait de même du redressement
d'un plancher ct d'applications d'enduits au mur
de face dans l'intérieUl' de la maison (arrêt du
cons., dn 12 juillet 1837, PIé, - Dalloz, 38·
3-221 J.
8° La con&truction d'un mur de refend· perpendiculaire au mur de face, si le propriétaire a laissé
ou consent à laisser entre les deux murs un intervalle qui sera rem pli seulement avec du plâtre
(arr. du cons., du 12 juillet 1837, Dalloz., 38...
3· 221 ).
9° L'établissement de devantures de boutiques
et le placement dans le mur de poteaux à cet effet
(arrêt de la Cour Je Paris, du 19 juillet 1834 ~
Langlois, - Dalloz, 35-2-36).
10° Le placement sur toute la longueur de la
façade, d'une pièce de charpente neuve :lssemblée
avec les poutres du plancher du pt·emier étage, et
�DU DOMAINE PUBLIC.
577
destinée à en remplacer une autre formant la base
des élages supérienrs, qui se trouvait en saillie sur
le rez-de-chaussée (arrêt du cons., du 22 février
1838, -
Dalloz, 39-3-78).
Mais on devrait prohiber les travaux ci.après,
qui sont considérés comme conforlalifs :
1 ° Le remplacement, par des colonnes en fonle,
d'nn poteau de buis qni servait de soutien au poitrail de la baie d'une boutique (arrêls du cons"
des 23 octobre 1836, Letourneur, - Dalloz,
36-3-53; - 11 avril 1837, Basset~ - Dal/oz,
38-3-2.20, - 5 septembre 1836; - Desorme,-
Dalloz, 38-3-222).
2° Le redressement et la pose, sur un dé neuf
-en pierre, d'nn poteau en bOlS exislant à la baie
d'une porte (arr. du cons., du I l avril 1837 ,
Chaudeall~
-
DaLLoz~
38-3-220).
3° La substitution de colonnes en fonle à d'anciens pilastres en fer et de nouveaux demi-poitrail,s
à d'auciens (arr. du cons., du 22 février 1838,
Leroy, -
Dalloz ~ 39-3-71 ).
4° L'élablissement d'un plancher dans une ancienne cage d'escalier formant l'angle d'une rue
et ayant pour effet de soutenir le mur de face
(arrêt du cons., du 17 août 1836, Martin, Dalloz~
38-3-215).
5° Le placement d'une chaîne eu fer et d'un
tirant avec son ancre, dans un mur de côté, pour
retenir la iambe étrière du mur de face isolée par
la démolition de la maison voisine ( arr. du cons.,
du 22 août 1838; - Bligny, DaLloz~ 39-3-1112).
�578
-------..
'IltAlTÉ
6° Les ouvrages exécu tés à nne maison qui se
détériore par suite de la rupture de l'assise snpérieure de la jambe étrière (arr. du cons., du 11
avril 1837; - Farina, Dalloz, 38.3'220).
7° L'introduction dans le mur de face de tol1S
pieds-droits, jambages et linteaux en matér'ianx
neufs ou vieux autres que bois d'une épaissenr déterminée par un arrêté de la voirie (Cours de droit
adm. de M. Cotelle, tom.3, pag. 245, 2,e édit.).
8° L'abaissement ou la réduction de hauteur
d'un mur, comme il a été dit ci-dessus, p:lge 509'
Si cet abaissement est considéré comme consolidation, par suite de la décharge qu'il procure à
la partie inférieure du mur conservée, devl'ait-on
décider à contrario que la surélévation doit être
autorisée?
Pour l'affirmative, on peut dire que l'exhaussement, en produisant une surcharge, est de nature
à accélérer la ruine dumur; que c'est par Ge motif
que l'art. 658 du Cod. civ. soumet le copropriétaire du mur mitoyen, qui veut l'élever, à une
indemnité; que l'arrêt du conseil, du 27 février
1765, ne s'oppose pas à ce que ce genre de travail
soit autorisé; que ceux des 10 avriI17~G, 25 août
1784 et 22 juin 1811 (Guibert et Comheguilles),
ne défendent de toucher qu'aux fondations et au
rez.de-chaussée; qu'enfin un derniel' arrêt de cc
même conseil, du 18 juillet 1821, rapporté par
lVL Garnier, qui y donne son approbation (Tr.
cnem., p:1g. 143, 4 e édit.) , a maintenu une sur·
des
�DU DOMAINE l'VIlLie.
579
élévation faite à un mur sujet à reculement, en
condamnant seulementà l'amende pour défaut de
permission préalable.
Nonobstant ces raisonnements et autorités, nous
ne pensons pas que la permissiou doive être accordée dans tous les cas; d'une part, il est possible
que l'exhaussement, en se reliant à d'autres constructions ou en donnant plus de résistance à la
poussée d·une voûte, soit une véritable consolidation, et, d'un autre côté, il ne faut pas perdre de
vue que la défense de réédifier ou réparer sur la
partie retranchable a non-seulement pour but de
hâter le moment de la réunion de celle partie à la
voie publique, mais aussi d'empêcher qu'elle n'acquière une valeur plus considérable dont la commune serait obligée de payer le montant si, au
lieu d'attendre la démolition par le propriétaire,
elle voulait obtenir le l'élargissement immédiat de
la voie publique, au moyen de l'expropriation;
on conçoit, en effet, qu'en élevant sur le ml1l' de
clôture d'un jardin ou d'une cour une façade de
bâtiment, ou en transformant en maison d'habitation un hangar ou un magasin, on en rendrait
l'acquisition beaucoup plus onéreuse à la ville,
que si on eût laissé les choses dans leur premier
état; tel est aussi l'avis des auteurs du Journal
des communes, tom. 8, pag. 93.
Ail reste, nous le répétons, tout dans celle
matière dépend des circomtances; les Jiverses
décisions que nous venons de rapporter ne sont
�580
TRAITÉ
point des règles invariables, cil es ne doivent être
considérées que comme des précédents susceptibles de modifications et seulement utiles à consulter (a). En effet, telle répal'ation (un enduit,
par exemple) qui n'est pas confortative, mais
---------------------(a) Nous citerons encore au même titre les articles ci-après
du réglement de grande voirie, pour le département de la
Côte-d'Or, approuvé par M.le préfet, le 23 septt;mbre 1839.
" Art. 4. - L'ouverture de portes et de croisées dans les
fa«;ades des maisons en saillie ou en retraite sur l'alignement,
pourra être a\ltorisée , mais aux conditions suivantes:
1° De n'entourer que de cadres. en bois les ouvertures nouvelles;
2° De ne reprendre les ma«;onneries autour des cadres, que
sur la largeur strictement nécessaire pour l'exécution du travail;
3° De ne point armer les poutres formant recouvrement des
ouvertures, et de ne pas les consolider par arcs-boutants destinés à les empêcher de fléchir à leur milieu.
Dans les maisons en charpente ou dont les ouvertures seraient
déjà garnies de cadres en bois, nulle modification d'ouverture
Ile pourrait être autorisée, si ces bâtiments étaient en saillie ou
en retraite sur l'alignement. »
." Art, 5. - L'exhaussement d'un bâtiment en saillie ou en
retrait~ sur l'alignement, devra être autorisé toutes les fois que
les fondations et les murs du rez-de-chaussée sont en état dc
supporter le nouvel étage.
On pourra aussi permettre la réparation ou reconstruction
des entablements, corniches ou attiques, dans un M.timent dont
le rez-de-chaussée serait solidement établi. »
« Art. 6. - Les crépissages ou rejointements ne devront ~tre
autoris~s que dans les constructions en pierre de taille.
Les hadigeonnages ou hlanchissages au lait de chaux pourront toujours être permis. "
�DU DOMAINE PUBLIC.
581
seulement d'ornement, si eite est appliquée à une
constrl1ction neuve, devient une consolidation
véritable lorsqu'eHe est faite à un mur en mauvais
état ou qu'elle est exécu tée avec certains ma tériaux:
ou certaines précautions; aussi, comme le recommande avec beaucoup de raison M. CoteHe ( Cours
de dr. adm., tom. 3, pag. 245, 2e édit. ), cc la
" difficulté étant, en général, très-grande pour
') empêcher l'emploi des moyens confortatifs , les
') hommes de l'art ch[,rgés d'exercer cette surveil" lance pOUl' l'administration, ne sauraient être
') trop circonspects dans l'appréciation des ouvrages
') projetés et P<?tlr lesquels ou demandera une
') permission, de même que dans la vérificatio~
» des travaux exécutés, pour pr.évenir l'abus qu'on
» fait fréquemment des pel'missions, dont on
') dépasse les limites, ou par lesquelles on es&aie
') de couvrir tout ce qu'il plah d'entreprendre. "
L'unique garantie du maintien des règles étahlies
consiste, d'une part, dans la prohibition absol ne
de faire sans permission on alignement, aucune
espèce d'ouvrages, même évidemment non confarta tifs ,ce dont les particuliers ne doivent jamais se
rendre juges; d'un autre côté, dans le soin trop
souvent négligé, de la part des agents de l'adininistration, de procéder, :lprès 1:1 constl'uctÎon ou
la réparation, à un recollement exact et rninuti~ux:
de ce qui a été fait, et enfin daus la pours'uite et la
répression fermes,' générales et impartïillei des
contraventions.
TO.:\1.
II.
�582
TRAITÉ
Malgré les raisons déduites dans les passages cidessus rapportés du Traité des chemins de M.
Garnier et des circulaires ministérielles des 13
février 1806 et 3 juillet 1827, pour justifier la
distinction relative aux travaux conforta tifs et à
ceux qui sont réputés ne point avoir ce caractère,
nous ne pouvons donnel' notre assentiment à cette
théorie. Sans parler des difficultés inextl'icables
qu'elle présente dans l'application, des fraudes
auxquelles elle donne naissance, du pouvoir arbitr~ire dont elle investit les agents de l'administration parties intéressées et cependant juges nécessaires et exclusifs des questions, nous pensons
qu'elle n'a rien de légal et de rationnel.
Deux moyens sont ouverts pour arrive l' à la
rectification ou au l'élargissement des voies puhliques : l'un consiste à s'emparer sur-le-champ
des portions de hâtiments n~cessaires à ce bu t,
en en payant sur-le-champ aussi et même préalahlementla valeur intégrale, c'est l}expropriation;
l'autre, à n'en acquérir que le sol successivement
et à mesure que, par un fait indépendant de la
volonté de l'administration, c'est.à-dire par accident, vétusté OH démolition spontanée de la part
du propriétaire, les constructions élevées SUl" la
s.~rface viennenl,à êl.rp. détrlljtes, c'est L'alignement emportant c.omme .conséquence nécessaire
la prohib~tion de œconstruire 011 réparer} puisque
s'il en était autrement, on reéulerait ~ volonté et
par suite indéfiniment, l'époque de la réunion à
�DU DOMAINE PURLIC.
583
la voie publique, des panies sujettes à retranchement.
Quelques personnes, poussant à l'excès le respect
ponr le droit de propriété et ne tenant aucnn
compte de l'intérêt public, regardent la servitude
d'alignement comme inique et vexatoire et voudraient que, dans tous les cas,l'adminiiuation
n'employât que le moyen de l'expropriation; nouS
ne partageons point cet avis, et nouscroyonsqu'en
relour des avantages que les riverains des voies de
communication en retirent, il est juste qu'ils soient
soumis à quelques charges et à quelques sacrifices;
mais tel n'est pas le point que nousexaminons;il n'est
pas nécessaire de ~emonteraussi haut; tous les bons
esprits ont aujourd'hui fait justice de ces exagérations, et, comme le dit M. CateHe (Cours de dr.
adm.?tom. 3, pag. 227, 2 e édit.),ccdece libéralisme
» d'apparat, ainsi que de ces sympathies, si vives en
}) apparence, que l'espritd'opposition a manifestées
» pendantlongtemps en faveur de la propriété (a).»
Ca) Voici comment s'explique à cet égard M.. le conseiller
d'état Tarbé de Vauxclairs, dans soh Dictionnaire des travaua:
puhlics, 'j°alignement, pag. 14.
" Les partisans de l'exercice illimité du droit de propriété,
li ne cessent de réclamer contre l'applicalioll des réglements de
» voirie, surtout en ce qui concerne la police des alignements
li et des réparations de façades de maisons. Il est vrai que,
» lorsqu'elle ne porte que sur des propriétés autres que la
» leur, ils se taisent, parce qu'ils en profitent avec l'univerli snlÏté des
habitants; mrlis quand leurs 'intérêts privés se
�584
TRAITÉ
Le droit d'alignement qu'il faudraitcréer, s'il n'existait pas, étant consacré, nous nous demandons seulement si, entre ce moyen et celui de l'expropriation, on en admelll'a un troisième, ou plutot si on
subdivisera le premier sous le rapport de l'étendue
et de la portée de la prohibition qui en forme la
sanction; il ne nous parahrait pas qu'il dût en être
ainsi. D'après nons , la défense de touchel' aux
constructions devrait être générale ct sans disli nction entre les tl'avaux destinés à les conserver ou
à en faciliter la jouissance, et ceux qui pourraien t
avoir pou.r effet de les consolideret d'en prolongel'
la durée. Du moment que l'on veut agir par tin
systême de gêne et d~entraves, pourquoi le borner
à certains cas et s'en départir dans d'autres qui
ne sont pas plus favorables? pourquoi, en défendant la conservation de la, chose, en faciliter la
possession? pourquoi permettl'e des modifications
qui tendent à la rendre plus agréable et plus
productive, et empêchel' <:elles qui auraient POill'
effet d'en assurer la solidité? pourquoi admettre
trouvent menacés ou compromis, c'est alors qu'ils réclament
vivement, et ils ne manquent pas de trou ver des défenseurs
Il habiles qui, à l'aide
de sophismes spécieux, cherchent à
» renverser des prillcipc5 dc honnc administration, sans lesquels
» la France serait demeurée plongée dans son ancien état de
» barbarie. On ne devrait jamais oublier que dans cette matière
» il s'agit d'une servit~de imposée à la propriété dans l'intérêt
" de tous, et qui, comme les servitudes militaires, Se trouve.
l> implicitement comprise dans l'art. 650 du Cod. civ. »
Il
»
�585
DU DOMAINE PUBLIC.
une diffërence qui dépt>nd uniquement du hasard,
et laisser le propriétaire d'une maison solidement bâlÎe ,maitre de l'approprier à ses besoins ,
à ses intérêts, à sa commodité et jUSl:Ju'à ses
caprices, tandis que le possesseur d'une construction moins bonne devra la laisser périr complétement sans qu'il lui soit permis d'y porter remède;
le riche pourra embellir et améliorer son hôtel, et
le pauvre devra se laisser ensevelir sous les ruines
de sa chaumière; il faudrait dire à tous deux:
jouissez de vos. bâtiments dans leur état actuel,
tant qu'ils pourront subsister; tout changement
quelconque, de nécessité, d'utilité ou de simple
ornement, y est également interdit; gardez-les
comme ils sont, ou démolissez-les, sint ut sunt ~
aut non sint.
Mais on fait plusieurs objections contre celle
règle absolue, qui a cependant pour elle. le 'tripie
avantage d'une extrême simplicité, d'une grande
facilité d'application et d'une p~rfaite égalité.
El d'abord, selon la cif(~ulaj,re du 13 février
1806, elle sel'ait attentatoire à la propriété; 'on nc
le nie pas, mais c'est uniquement par ce moyen
là même, sans lequel il est impossible de la co'neevoir, qu'opère la servitude d'alignement ; empêèher
un propriétaire de soutenir ~i\ TIlaison qui ~H~nâce
.
"
. '. . ...
rnme, ce n est assureme111 pas porte.~ une attéIDte
moins grave à son droit dèpropriétéque de loi
défeuJre d'y ouvrir des portes et des' fenêtres' ,: de
la hadigeonner, etc.
,
.'
,
..
�586
mAlTÉ
En second lieu, la même circulaire prétend qu'une
pareille )'ègle est contradictoire avec le principe
qui l'établit, puisque, en hâtant la chute de l'édifice par l'impossibilité d'y faire des réparations, on
force l'état ou la commune à effectuer plutôt un
paiement que Je mode d'acquisition par voie d'alignement avait, au contraire, pour but de reculer.
- Il ya ici confusion d'idées; l'avanlage de l'alignement n'est pas de différer l'acquittement de
l'indemnité, puisqu'en le retardant il y a aussi
retard dans l'amélioration, ce qu~est un véritable
inconvénient; il consiste à ne payel' que la valeuI'
du sol, au lieu de celle du sol et de la construction,
comme dans le cas de l'expropriation; aucune
administration ne se félicitera de n'avoir à payer
que dans 50 ou 100 ans la valeur du sol d'une
constmction qui obstrue le passage ou nuit à sa
commodité; le bénéfice n'est pas dans le délai, il
exisle seulement dans le mode d'évaluation.
Mais, dit la circulaire du 3 juillet 1827, cc bien
;) qué le système de prohibition, suivi par l'ad=» ministration (c'est-à-dire modifié par la dis') tinction des travaux confortatifs et' non confor') tatifs), ne soit.textuellement indiqué par aucun
') des actes de l'ancienne ni de la nouvelle légis') lation, on ne saurait méconnaître qu'il a un
') fondement légal. ') Nous soutenons, au contl'ajl'e, !J'ue ce système est clairement indiqué pal'
tons les monu'menlS législatifs, mais pOUl' le proscrin::, ct non pour l'adopter; nous avons rapporté
�DU DOl\IAll'iE PUl;LIC.
587
plus haut, en note, le texte des divers édits et
réglements sur la matière. Or, tous défendent
également de conforter:J conserver et soutenir
les constructions en dehors de l'alignement, de
les réparer et de les reconstruire :J soit en entier,
soit en partie; expressions qui, dans lenI' génél'alité, comprennent également toutes les répara,tions de quelque nature qu'elles soient, confortatives ou non; nous ne connaissons aucun texte
qui, de près ou de loin, autorise cette distinction
que l'on ne trouve que dans les décisions de l'autorité administrative, dans quelques arrêts des
tribunaux et dans les auteurs (a); le fondement
en est donc seulement dal une jurisprudence
assez récente et non dans la loi.
(a) L'un des plus anciens auteurs où on trouve cette distinction, est Perrot, dans son Dictionnaire de voirie, publié en 1782,
et où il s'explique ainsi: « L'alignement n'est pas requis seu» lemellt pour construire ou reconstruire sur la voie publique;
» on doit de même l'obtenir pour les ouvrages qui tendent à
» conforter les hâtiments. S'il en était autrement) on ne par» viendrait jamais à donner aux rues les directions et largeurs
» dont elles sont susceptibles pour la commodité et l'utilité
» publiques, parce que chaque propriétaire qui se trouverait,
» dans le cas d'éprouver un retranchement nuisible à ses
» intérêts, au lieu de reconstruire d,,~s un temps la totalité
" de sa maison, entreprendrait à diverses fois les parties par
" sous-œuvre sur les anciens vestiges et éluderait par ce moyen
» un retranchement nécessaire: c'est une ruse qui se pratique
" tous les jours, surtout dans les rues de la ville de Paris où le
" terrain est plus précieux:.»
�;388
TllÂlTÉ
L'administration, ajoute la même circulaire,
» a dû se LJ'acer une marche propre à substituer,
» autant qu'il étaÎl possible, une règle concilia» toire à. un arbi traire absolu. ~ Que la distinction dont il s'agit, soit conciliatoire en ce sens
qu'elIe permet de faire il peu près ce que l'on
AVO
lontlers;
·
veut, c ,est ce que nous reconnaltrons
mais loin d'y tl'ouver un motif d'approbation,
nous y voyons a Il con traire la raison qui doit la
faire proscrire. Qllelle est donc la valeur d'une
règle qui doit se pli.. r à tous les cas particuliers,
qui maintient dans l'un ce qu'elle défend dans
l'autre? Par l'exposé succinct que nous avons présenté plus haut de ,1 jurisprudence sur la matière,
on a vu que la même réparation, perlJ1ise au premier éwge, était prohibée au rez-de-chaussée,
autorisée dans une maison réputée solide, ùevait
être empêchée dans un bâtiment jugé ruineux;
que la snbstitl1tion du bois à la pierre était tolérée,
comme si une pièce de chêne neuf, mise à la place
d'une pierre délitée, ne prolongeait pas évidemment Ja durée de la construction; que le percement d'onverlllrcs et l'exhaussement des mllrs
devaient être autorisés, comme si, selon les circonstances, les précautions employées et la ualUre
des matériaux, ces lI"avaux oe pouvaient jamais
avoir l'effet de comolider; nous avouerons, d'ailleurs, que nous ne comprenons pas bien la différence entre des ouvrages qni conservent simplement la chose sans en augmen ter ]a cl urée, et
cc
�DU DOMAINE rUBLlC.
589
ceux qui prolongent cette durée, et en admettant
qu'elle existe dans certains cas, comment en juger,
et qui en sera le juge? ce ne sera p'as un tribunal
qui prononcera après discussion, ce sera le plus
souvent un agent subalterne sans responsabilité,
dont le travail est forcément adopté de confiance
par l'administrateur en titre; si, comme le dit
l'illustre chancelie)' d'Angleterre (aphor., Set46),
optima lex est quae minimitm relinquitarbitrio
judicis; optimus judex qui minimitm sibi, il
faut con venir que le principe de la gisLinctiOl~ des
réparationsest bien vicieux, car il n'yen a point qui
soit aussi vagne et aussi élastique; celuiJela prohibition complète est bien plus net et plus précis; il
peut être sévère, mais il ne doit pas encourir au
moins le reproche injuste que lui adresse la circulaire, d'être d'un 'arbitraire absolu.
Nous verrons, au S suivant, que M. le ministre
a lui-même reconnu dans un cas analogue, les
inconvénients d'un systême qui n'a rien de fixe
et dont l'application est entièrement subordonnée
aux faits et aux circonstances. Une loi, _quelque
dure qu'elle soit, sera plus facilerùent ex'écutée
lorsqu'elle s'appliquera à tous indistinctement,
que lorsqu'elle ne frappera que quelques-lins.
La dernière considération que la c~r~ulaire
dont il s'agit fait valoir en faveur de la' restriction de l'interdiction, aux seuls travaux qui tendraient ,à prolonger la durée des bâtiments, est
L'équité.
�590
TRAITÉ
~c
Rien, dit le savant président Bonhier, dans
» nne dissertation trop peu connue, insérée dans
» ses Obseryat. sur la cout. de Bourgogne,
» (ch. 2, n0 8 43 à54,tom. )er,pag.373etsuiy.),
» rien n'est plus commun dans la bouche de tout
:» le monde que ce beau mot d'équité, qui doit
» faire le fond de tout honnète homme et plus
» particulièrement du juge, soivant la règle du
» droit: aequitas in omnibus quidem rehus,
» maximè tamen in jure spectanda est, mais
» il n'y a rien où l'on soit si sujet à se tromper,
» 'qne. sur la vi'aie intelligence de ce mot; » en
effet, il ne sert le plus souvent qu'à déguiser l'arhi traire, à favoriser l'injustice et à justifier la violation de lont principe, qui tantitm naturae tribuant ut jus omne ad aequitatem arbitrariam,
rationemque privatam reyocant..... jus in incerto ponunt, quia faciunt arbitrarium. cc C'est
e
» une fausse équité, ajoute Daguesseau ( g merl) Cllr. ), que celle qui n'est ingénieuse à pénétrer
» dans l'intention du législateur, que pour l'élu» der, qui la sonde en ennemi captieux, plutôt
»qu'cn ministre fidèle, qui combat la lettre par
» l'esprit et l'esprit pal' la lettre, afin qu'au milieu
»deceuecontradiction apparente,la véritééchappe,
» la règLe disparaisse et le juge demeure
» maître. » En législation, le plus grave des inconvénients n'est pas toujours la sévérité des dispositions, 'c'est plutôt l'absence de toute disposition ou , ce fJui est équivalent, l'incertitllde et le
.
'.
�DU Dü:\IAIJ.'Œ PUBLIC ••.
591
vague de celles qui existent, car, comme Je dit
Quintilien (déclam. 264), quid interest nullae
sint. an incertae leges lD'ailleurs, c'est vainemeut que nous cherchons
l'équité de la mesure dout il s>git; pour qu'elle
existât, il faudrait que le tempéramment proposé
s'étendît à tous le~ cas, et que tous les citoyens
pussent également l'invoquer; mais tel 1)'est point
l'effet de la restriction de la p.rohibition; absolument inutile pour ceux dont les bâtiments ne sont
pas solides et qui se trouveraient dans la nécessité
d'y faire des réparations, elle ne profite qu'aux
propriétaires d'éJifices en bon état, qui veulen~
les améliorer, les embellir et en tirer un meilleur
parti; contrairement aux principes, la faveur est
pourcesderniers qui certant de lucro captando,
tandis que les rigueurs sont réservées à celui qui
certat de damno vitando. Comme on le voit,
cette règle, qualifiée de conciliatoire par la circulaire, ne concilie rien, à.vrai dire; trop facile pour
les uns, sa rigueur reste inflexible pour les autres;
elle ne forme pas un terme moyen entre deux
extrêmes; sans doute elle peut être commode pour
l'administration qui, nous en avons la conviction,
ne se sert ordinaireruellt du pouvoir arbitraire
qu'elle lui laisse, que pour atténuer, dans certains
cas qui paraissent le réclamer, les conséquences
fâcheuses d'un principe absoln, mais elle n'est
point équitable en elle-même; ce ne serail que par
une application fausse, détournée ct abusive.
•
•
�592
t: •
TRAITÉ
qu"elle pour.ni~t,l~ devenir, si toutefois il y avait
jamais éq~llté"à s'fcarter des dispositions d'un
texte précis ,t'c',si , contre la maxime de Dumoulin,
homo :debetsiqyi aequitatem legis ~ non proprii
capitis ~ le il~'gè ou l'admi nistratenr pouvait substituer ses idies pe~sonneJles de justice, à la justice
de la loi.
Enfin on ne, doit pas se dissimuler que par la
tolérance résültant de la distinction que nous
combattons"on manque en partie le double but
que l'on veut atteindre par l'alignement: d'une
part, celui d'amener, par une gêne dans la jouissance de ses droits, le propriétaire à se décider,
'po'ur en recouvrer lot libre possession, à un reculement immédiat, et, d'un autre côté, celui de
l'empêcher d'améliorer sa chose et par suite d'augmenter la valeur de l'indemnité que l'administration serait dans la nécessité de lui payer si, pour
hâter l'améliora tion, elle voulait user du moyen
,d'e l'expropriation..
~
.En résumé, nous pensons qu'à part les simples
réparations d'entretien des toits, qui sont ordinairement annuelles et de peu de conséquence, tous
ies travaux et changements quelconques sans dis~inction de leur nature, de leur importance, de
leu;" mode d'exécution, des parties auxquelles ils
s'appliqueraient, devraient être prohibés dans les
portions de bâtiment sujettes à reculement.
29° Une autre question qui a une certaine analogie avec celle que nous venons d'examiner, est
�DU DOMAINE PUBLIC.
593
de savoir si on ne devrait pas admettre aussi une
différence dans la nature des réparations à autoriser
selon qne l'utilité du l'élargissement ou de la
rectification de la voie publique est plus ou moins
urgente; en effet, tous les alignements n'ont pas
le même caractère de nécessité; il en est qui sont
principalement déterminés par des vU,es d'embel.
lissement et de régularité, lorsque les rues, par
cxèmple, son t suffisammen t larges et qu'elles .présentent seulement des courbes ou des saillies qu'il
est sans donte tl'ès-convenable de faire·.disparaître,
mais qui, cependant, ne nuisent pas ,essentiellement à la commodité du passage" tandis que
d'autres sont d'une exécution véritablem'ent indispensable à raison du peu de largeur de 'la voie
puhlique, insuffisante pour une circu~ation libre
et sûre. Ne conviendrait-il pas, pour '~~rriver à h
prompte réalisation de ceùx.-ci, d'interdire avec
rigueur toute espèce de réparation, tandis qne
relativement aux autres, une' plus gra~çle liberté
serait laissée aux p1'Opriétaires qui seulel'ne~t , lors
de la rec011struction totale de leurs façades, seraient
obligés de les reporter sur la ligne arrête(); mais
qui, jusque-là, pourraien t y effectuer toutes les.
rériarations et modifications partielles qu'ils jugeraient utiles à leurs intérêts.
Ici la distinction reposerait sur des hases'certaines, fixes et connues à l'avance, la largeur de-s
rues, distribuées sous ce rapport en deux classes;
elle ne dépendrait pas uniquement du hasard,
�59!;.
TRAITÉ
c'est-à-di"e du plus ou moins de solidité des constructions, elle aurait, au contraire, son fondement
dans une raison d'utilité puhlique, la s1Îreté et la
commodité du passage; dégagée de tout arhitraire,
elle serait, en outre, d'nne application simple et
facile. Par la généralité de la prohibition qu'elle
comporterait dans une des hypoihèses et par l'assi·
milation de position de tous les propriétaires d'une
même catégorie, la gêne en résnltant, parahrait
moins grave à chacun et trouverait une espèce de
compensation dans les avantages de la simultanéité
d'ex'éétllion que produirait la nécessité, pour tous,
•
temps.
des ' y soumettre presqu ,en rneme
Malgré ces considérations fondées en raison et
en équité, basées sur l'intérêt public et bien autrement puissantes, on ne peut en disconvenir, que
celles par lesquelles on essaie de jnstifier la théorie
<les réparations confortatives, la distinction dont
il s'agit n'a point été accueillie par l'autorité snpérieure; chargé par le conseil municipal de Dijon
de .consulter à cet égard M. le ministre de
l'intérieur, nous avons reçu, en réponse à la demande que nons lui avons adressée et dans laquelle
étaient exposés avec quelque développement, les
avantages el les inconvénients de ce système inter- .
médiaire, une lettre en date du 2 jnillet J 841,
don"t voici les principaux passages:
cc Sans vous prononcer formellement, M. le
» maire, pour ou contre le mode indiqué par le
» conseil municipal, mais en rappelant néanmoins
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
')
')
»
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»
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"
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»
»
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»
»
»
»
»
l>
»
595
les principes qui paraissent s'opposer à ce qu'il
reçoive son application, vous m'invitez à vous
faire connaître mon avis particulier, afin qu'il
serve de base à la détermination à intervenir. »
« Tout en appréciant les motifs qui ont dicté
la demande du conseil municipal et qui prennent
leur source dans le désir d'alléger autant que
possible pour la propriété privée, les sacrifices
qu'imposent les servitudes de voirie, je dois
vous faire observer, M. le maire, que la distinction que voudra"it établir ce conseil, ne
trouve sa justification dans aucun des précédents
-qui régissent la matière. Ce qu'il importe en
effet d'éviter dans l'application des réglemcnts
restrictifs des droits de propriété, ce sont surtout les exceptions; car les lois étant de leur
nature essentiellement impartiales, les charges
qu'elles imposent doivent être également distribuées: or, ce serait déroger à ce principe de
toute équité que de contraindre, d'nn côté, les
propriétaires à se soumettre aux conditions d'un
pHm d'alignement arrêté, tandis qne de l'autre,
à certains d'entre eux, serait en quelque sorte
réservée la faculté d'échapper, par tons les subterfuges dont sait habituellement profiter l'interêt privé, au préjlldiceqlli pèsera inévitablement sur leurs voisins. Il faut reconnaître, en
effet, que par celte faculté on ajournerait à une
époque très-incertaine et beaucoup trop reculée
des améliorations, qui, si elles ne sont pas aussi
�596
TlWTÉ
hautement réclamées que les autres pal' les
besoins actuels de la circulation, sont cepen» dant des-à-présent réputées utiles par le conseil
» municipal lui-même, et qui, d'un jour à l'autre,
» peuvent devenir indispensables. Ce serait, d'ail» leurs, n'envisager qu'un c8té de la question
» dans une ville importante, si l'administration
» se bornait à provoquer l'élargissement de la voie
» publique là où elle est insnffisan te pom le
» passage; d'autres intérêts non moins graves,
" ceux de la salubrité, Ode la sûreté puLlique,
» exigent aussi des améliorations qui ne peuvent
u ètre laissées à l'abandon; et il n'est pas indiffé» rent, non plus, que l'administration saisisse
» l'occasion que lui présente la confection dn
» plan d'alignement, pour arriver, en se renfer» mant dans les limites d'une sage mesnre, aux
» ernbellissemen ts q1lÏ résultent pou r une ville,
» de la régularité de ses voies publiques. Tout an
» plus y amait· il lieu de fail'e exception, à l'égard
» des constructions riveraines des places pu» bliqut's, ainsi que le conseil d'état l'a établi
» dans plusieurs circonstances.
» En résumé, M. le maire, le conseil municipal
» ne conteste pas que les améliorations du passage
.., ne soient également nécessaires au droit des
» maisons qu'il voudrait placer dans l'exception:
» un motif d'u tilité se réunit donc ici à des vues
» de salubrité, d'embellissement et de régularité,
» pour que l'exécution du plan ne rencontre.:
»
»
�597
DU DŒ\lAINE PUBLIC.
aucun autre obstacle que cel ui qui résnltera
» forcément de l'état de conservation où se trou» vent ces maisons. »
Ces observations, basées sur les vrais principes J
et au'xquelles il est impossible de ne pas dODner
son adhésion, sont, comme nous l'avons annoncé
au S précédent, la condamnation la plus péremptoire de la jUl'isprudence administrative concernant les réparations confortatives ou non confortatives, en même temps que .la réfutation la plus
énergique des motifs sur lesquels elle s'appuie.
30° Dans les lieux où l'alignement est ohligatoire, il étend son action nOD-seulement sur les
rues et places proprement dites, mais aussi sur les·
ruelles ou rues étroites pour lesquelles même il est
le plus nécessaire, ainsi que sllr les impasses et
passages, pourvu toutefois qu'ils dépcndcn t du
domaine public; ce principe est certain, et il ne peut
y avoir de difficultés que relativement à la nature
et au caractère de ces emplacements lorsque les
voisins en réelament la propriété à titre de cours
communes ou de dépendances de leurs maisons.
Ou peut voir à cet égard ce que dit M. Proudhon,
Traité du domaine public ~ nOS 352, 353, 354 et
355, ainsi que les arrêts de la Cour de- Bourges du
15 décembre dh9, du Conseil d'état du 1{) novembre 1($29, Delaunay (Dalloz, 29-3-15), et
de la Cour de cassation des 4 août 1837, Paté
(Dalloz, 37-1-534), et] 9 novembre 1840 (Sire,y,
42-1-72.). La présomption en cette matière est que
»
TOM. II.
3:)
�598
ces ruelles, passages et im passes appartiennent au
domaine public, lorsqu'il~ sont ouverts constamment, qu'ils sont fréquentés par tout le monde et~
que surtout quelques réparations, travaux, ou actes
de police y ont été faits par l'autorité municipale;
leur exclusiou des limites des propriétés voisines
et leur assujettissement à un usage général doit, à
moins de titres positifs contraires, les faire réputer
publics, nonobstant la possession plus spéciale des
riverains qui ne doit être considérée que comme
le résultat de la tolérance; l'administration ayant
peu d'intérêt à empêcher ces derniers d'y faire des
dépôts, ou d'y prendre des aisances f)ui seraient
prohibés dans des rues ou places fréquentées par la
généralité des habitants; cc attendu, porte le der,> nier de ces arrêts, que les impasses font, comme
" les rues et les places publiques, panie du do" maine municipal des villes, bourgs et villages,
" et qu'ils ne sauraient par conséquent appartenii'
. .
",.
""
,
" pnvatlVcment aux propnel<ures rlverams; qu on
" n'a pu dès.lors, sans se rendre passible de la
:» peine prononcée par l'art. 471 Cod. pén., recl'é» pidadite façade (donnant sur l'~mpasse), etc .... »
Comme l'ont jugé les autres décisions aussi précédemment citées, la seule posses·sion des riverains
ne pourrait donnel' lieu à une question préjudicielle capable de suspendre l'action en répression
d'empiétements ou de travaux de construction
exécutés sans autorisation préalable.
Quant aux promenades pnbliques, elles ne
1
�DU DOMAINE PL'1ILlC.
599
jouissent point du privilége de l'alignement proprement dit; leurs limites ne peuvent être déterminées que par un bOl'l1age ordinaire qui en diftère
essentiellement par la forme et par les effets.
Par la forme, en ce que le bOl'l1age ne peut
~tre opéré que du consentement des deux voisilJS
ou, à détàut, en vertu d'unedécision.de la justice
qui, en connaissance de cause, supplée celui du
récalcitrant; tandis que l'alignement est tracé par
l'autorité seule et sans le concours réel du riverain
qui, 10l's des informations préalables, a simplemen t la faculLé de fournir ses observations auxquelles on n'a que tel égard que de raison; l'un e~t
dans la forme des actes synal~agmaliques,.l'autre
n'est qu'unilatéral.
Par les tirets, le bornage est seulement déclaratif de l'étendue et de la limile d'héritages contigus. Il ne transfère, en droit, aucune partie de la
. propriété de l'un à l'autre; il dit seulement hic
ager est meus; ille tu us ; l'alignement, au r.ontraire, est aussi attributifde propriété, c'est-à-dire
que, selon que le commande l'utilité publique, i,l
enlève aux héritages privés des portions qu'il réunit
ipso facto au domaine public, à la charge seulement d'une indemnité pécuniaire cn laquelle,
d'après les termes énergiques de l'art. 15 de la loi
du 21 mai 1836, il résout le droit {les riverains;
d'ü111a conséquence, que dans l'un la question de
propriété est essentiellement préjudicielle, puisque
l'on ne peut fixer les limitesd'nn fonds qne lorsque
�600
TllAI1'É
son étendue, son assiette ct sa consistance sont
préalaLlement déterminés, tandis que dans l'autre,
le jugement de l'exception de propriété ne doit pas
nécessairement précéder l'opération, du moment
qu'il ne peut avoir aucune influence sur ses résultats, et que, f'ùt-il décidé que la portion de terrain
réunie à la voie puLlique par l'alignement est la
propriété du voisin, elle ue devrait pas moins y
rester incorporée sauf indemnité; le premier n'a
que les effets d'un partage; le second emporte souvent aussi l'expropriation du sol.
La raison de la différence sous ce rapport, entre
les voies publiques et les promenades, est que
l'élargissement et ~a recl.Îfication des unes sont
de plein droit réputésd'ntilité publique comme
répondant à nn besoin social, tandis que l'agrandissement ou l'amélioration des autres est de pur
agrément et ne pourrait donner lieu à expropriation
que si la nécessité, ce qui n'est guère à présumer,
en était déclarée par une ordonnance royale spéciale.
Mais si, à cet égard, les promenades publiques
sont dans une condition moins favorable que les
chemins, elles ont aussi un f'rivilége particulier qui
n'existe point en faveur de ceux-ci, 110\1S voulons
parler de l'impossibilité, nOll-seulementd'y prendre
de plein droit des jours, issues, passages et autres aisances, mais même d'yen acquérir par prescription;
cc il faut remarquer, dit M. Troplong, Traité de la
)) prescription) nO 165, la différence qu'il:y a entre
�DU DOl\UlNE PUBLIC.
601
» des allées ouvertes au public pour sa promenade
)' et des chemins livrés à la circulation pour les
» besoins de l'agriculture et du commerce. Lespre-,
» mièl'es ont un usage plus restreint; elles ne sont
') pas destinées à être fréquen tées en voiture, à être
» dominées par des servitudes de jours, de portes,
» d'issues, comme les grandes et petites l'OU tes,
» les rues et places des villes. Je ne pense donc pas
» Il u'on puisse acquérir su r une promenade, par
» la prescription, les servitudes légalement pres.
» criplibles qui nuir,aient à l'ornement, à la com~
» moc!ité et à la sûreté de ceux qui ont droit de la
» fréquenter. L'ornement et la commodité des
» chose!' publiques ont aussi leur droit à l'impres» criptibilité: quia publicorum usus ~ dit d'Ar» gen tré, non solitm ex commodo ~ sed ex or» natu etiam et fade aestimatur. Mais, si une
» servitude ne nuisait en rien à la destination de
» la promenade, j'incline à penser que la prescrip» tion. la ferait maintenir» Cette opinion, aussi
adoptée P3:r M. Proudhon, _Tr. du dom. puh.~
nO 356, a été consacrée pal' un arrêt de la Cour de
PoilirfS, ou 31 janvier 1837 (Sirey ~ 38-2-78),
portailt flue cc le terrain des Giliers ayant été trans» formé en promenade publique par l'autorité COln» pétente, celle destination a eu pout: effet de le
)' retrancher du nombre des choses qui sont dans
» le commerce, et qu'en ne peut prescrire les
» choses qui ne sont pas dans le commerce. "
Ainsi donc, si la commune est obligée d'appeler
�602
TRAITÉ
en bornage pardevant les tribunaux les voisins des
promenades pnbligu('s, et si ces derniers ont le
droit, lorsque la ligne de leurs héritages est déterminéE', d'y établir des murs et constructions sans
demander d'alignement et de permissious de construire, le mail'e pourra anssi, non-senlement les
forcer à se conformer aux dispositions des articles
671 et suivants du Cod. civ. relatifs à la distance
dE's plantations, des vnes, elc., mais encore faire
supprimer l('s servitudes de cette nature, quelque
anciennes qn'elles soient, qui nuiraient à la destination de cette partie du domaine public communaL
Inutile d'ajouter que la voie de l'alignement
peut encore moins être employée pour déterminer
les limites des aulres propriétés communales, tels
que terres, prés, bois, pâturages, terrains vains et
vagues, ele.; pour ces héritages, les communes
sont sonmises aux mêmes obligations, et jouissent
des mêmes droits que les parliculiers; la délimilatiûn, notamment, ne peut s'en faire qne d'un
commun accord ou judiciairement d'après les règles
du droit commun, telles que nous les avons exposées dans PAppendice au traité de la compé. tence des juges de paix de M. Curasson, 2 e édit.,
et dans le Traité des, actions possessoires, etc.,
du même auteur, pag. 469 et suiv.
31° L'alignement pl'Odnisant deux effets fort
graves pour le propriétaire dont le bâliment est
sujet à reculement, l'un de l'empêcher 'd'y faire'
�DU DOMÂlNE PUBLIC.
603
des réparations et améliorations, et l'autre de
réunir lIe plein droit, lors de la démolition, la
portion retranchable à la voie publique, moyennant
une indemnité équivalente à la simple valeur du
sol nu, sans égard à la dépréciation que cette
distraction peut causer au surplus de la propriété,
il s'agit de savoil' si, pour ces sortes de préjudices,
il peut y avoir lieu à garantie de la part de l'acquéreur con tre le vendeur, conformémen t aux art.
1626 et 1638 du Cod. civ.
La question doit être examinée dans les diffé.
rentes hypothèses où elle peut se présenter.
Supposons d'abord qu'il n'existe aucun plan
d'alignemen t, et q ue l'acquéreur d'nne Illaison
vOlllant la reconstruire, en demande la permission
à l'autorité municipale qui lui ordonnera de reculer
plus ou moins; il Y aura-t-il Jieu à garantie pour
un tel préjudice r
Non assurément" car cette évictiou résultant
d'une loi générale, était présumée connue. cc Peu
~, importe,dit M. Troplong, Traité de. la vente,.
)' nO 418, d'où vienne la "connaissaucequ'a l'ache» tenr du danger de l'éviction. Si celte connais» sance existe positivement, elle snffit pour que
" l'acheteur ne puisse rien reprocher aU vendeur
» au sujet d'une éviction à laquelle il a dû s'at" tendre (Pothier, Tr. de la vente, nO 188 ).)' La loi 27, Cod. de evict, me paraît décis~·ve.
» . Elle ne s'enquiert qne d'une cho~e. L'acheteur
» a-t-il connu le péril (Scïens) r .Ce point une fois
�60i
TRAITÉ
') constaté, elle ne recherche pas quelle est la voie
') qui a conduit l'acheteur à ces informations; c~r
') cec.i,est indifférent. En effet, c'estle cas de répé:>J 1er avec Cicéron: Ubi judicium emptoris est-,
»
ibi fraus venditoris quae potest esse? -
Et
c'est en partant de cette idée, que l'ancienne
jurisprudence décidait que l'acheteur n'avait pas
" de recours en garantie pour l'éviction causée par
;» le retrait lignager (Pothier., n° 88); car ce
» retrait procédait d'une loi municipale que nul
,> n'était censé ignorer: Ex consuetudine notd
» lippis et tonsoribus, comme dit Tiraqneall,
» (de ret. gent. ., 5 12, glos.' l , n° 6. )-Voilà
» aussi pourquoi le retrait successoral, consacré
)~ par l'art. 841 du Cod. civ., ne donne pas ouver,,' ture à la garantie (M. Duranton., t. 16, nO 259)'
» C'est une canse d'éviction présumée connue. -,...
" Enfin la règle qui veut que le vendeur ne soit pas
». tenu des servilUr1es apparen tes ( 1638 C. c. ) et
» des défa u ts visiLles de la chose ( 1642 ) , est la
» conséquence de ce principe. »
Aussi, par arrêt du 21 janvier 1835 (Sirey, 352-247), la Cour royale d'Orléans a-t-elle, dans un
cas de cette nature, rejeté une demande en garantie en adoptant les motifs suivants: cc Considé» raut que l'éviction, daos le sens de la loi, 'l'epose
,> essentiellement sur Je droit d'un tiers, qui 'pré,> tend, pour tau t ou partie, avoir la prùpriété qu'il
» revendique, et en force le délaissement; ~,
» qu'il n'y a aucune identité entre J'éviction qui
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
605
» constitue la recherche en garantie contre un
venJeur, et la perte qu'un propriétaire peut
éprouver par suite des alignements que l'autorité
» muni~ipale est dans le droit d'accorder; -que
» si la loi de l ~07 a vOlllu faire cesser tout arbi» traire dans une matiel'e aussi délicate, elle n'a
)' point créé un droit nouveau; - que si tout pro» priétaire de maison ne peut bâtir sans obtenir
» un alignement, celte obligation est de droit
. » CODlmun et inhérente à la pl'Opriété, dans l'in:» térêt des villes ~t des communes; qu'il suffit
» d'ailleurs que l'indemnité du terrain soit payée
» par la ville, dans le cas de· démolition volontaire
» ou forcée par la vétusté, pour que le délaisse» ment forcé ne soit qu'à la charge d'une véritable
» indemnité; qu'il suffit enfin qu'il n'y ait
» aucune identité entre le principe ordinaire des
» évictions et la question de voirie qui est de
» droit public, pour en tirer la conséquence que
» l'acquéreur n'est pas fondé dans sa demande. »
Nous pensons que la solution devrait être identique lors même qu'il existerait un plan d'alignement arrêlé antérieurement à la ven le , et d'où
résulterait la nécessité du reculement, parce que
l'acqnéreur devrait être présumé en avoir eu
connaissance et serait en tort de ne l'avoir pas
consulté; l'existence de ces plans arrêtés par ordonnances royales et précédés d'informations faites
. avec une grande publicité, étant une chose nOloire
dans la commune.
)l
ct
�606
l'nA1TÉ
Dans une ·espèce analogne, la Conr royale oe
Grenoble a,· suivant arrêt du 2 jllillet 1840
(Sirey~ 41-2-191) et malgré une promesse géné.
l'ale de garantie, rejeté le recours de l'acqnéreur
contre le vendenr dans les termes sllivants : « At·
~~ tendu que lorsque Crozat a acqnis, df's héritiers
" Faure, la maison dont il s'agit, il ne pon vait
~~ ignorer qlle la ville de Valence avait été classée
)~ comme place de guerre par la loi de juillet 1791;
~) il savait, d'ailleurs, que cette maison était
~~ confinée par le rempart, ainsi qlle cela est énoncé
» dans son acte d'acquisition, et qu'il s'exposait,
~, par conséquent, à tous les inconvénients ou
" préjudices résultant du voisinage des fortifica" tions; - Attendu, oès-lors, qu'il est évident
') que la garantie n'a été slïpulée que pOUf' le cas
» d'éviction de la chose vendue, procédant du
» fait des vendeurs eux-mêmes, et non pour le
» fait du gouvernement, à raison d'une simple
» servitude militaire apparente qui était indiquée
" dans l'acte d'acquisition, oùJa maison est dite
" tantôt adossée aux remparts, tantôt confinée au
" nord par le rempart ....; Déclare l'état proprié». taire de la partie du mur d'enceinte contre la» quelle est adossée la maison de Croz:!t; déclare
" celle partie du mur franche de tout droit de
" mitoyenneté ou d'appui; condamne, en cou" séquence, Crozat à dégarnir et rendre libre
» cette partie du mur d'enceinte, sauf à lui à
" clore et consolider sa maison de ce côté par un
�DU DD:lIAINE PUllLIG.
60'1
contre·mm' construit entièrement sur son sol
» et sans appui sllr le mur de l'état; met les hé·
» J'iliers Faure hors de cour sur la demande en
,> garantie. »
Enfin nous admettrons une troisième hypothèse,
celle où, à défaul de plan général arrêlé, le vendeur aurait, antérieUl'ement à l'aliénation, demandé un alignement partiel qui lui aurait été
délivré pal' le maire, avec la condition de reculer,
mais dont il n'aurait point donné connaissance à
son acqllél'enr.
Notre avis est que, dans ce cas, on devrait
accorder la garantie contre le vendeur, parce qu'il
y aurait de sa part dissimulation et fi'aude, et que,
d'ailleurs, l'éviction'se trouverait consommée avant
la vente; pour qu'une charge ne donne lieu à
aucun recours, il faut que le vendeur et l'acquéreur
l'aient également connue si sciens à sciente
emerit, dit Tiraqeau (de retract. gent., S 12,
glas. l , nOs 7 et 8); il faut que les deux positions soien t égides; quand on achète une maison
dans une localité où il n'y a point d'alignement
arrêté, on pOUl'ra, à la vérité, être assujetti à un
reculement quand, plus tard, on voudra rebâtir,
mais il y a incertitude; l'acquéreur court des
chances favorables ou défavorables; il n'en est
plus de même ici, puisqu'il y a décision prise et
éviction réalisée; la maison n'est plus entière, et
une partie n'en existe désormais que précairement;
la v<lleur du sol sera payée, il est vrai, lors de )a
»
�C08
TRAITÉ
dépossession effective, mais elle ne nous parah
pas former une indemnité suffisante, et nous n'ap:prouvons pas le motif donné à cet égard, par
l'arrêt de la Cour d'Orléans qui vient d'être
cité; le dédommagement est trop peu en rapport
avec le préjudice éprouvé, surtout lorsqne,
comme dans notre espèee, il Y a mauv<lise foi,
L'expropriation pour cause d'utilité publique ne
dOlJne pas plus lieu à la garantie que l'alignement,
n'lais c'est à la condition qu'elle n'aura pas été
opérée aV<lnt la vente. c< L'éviction, dit M. Tro» plong (Traité de la vente~ nO 423), dont le
» principe est postérieurau contrat, reste pour le
» compte de l'<lcquéreur. Ainsi, si je snis exproprié
:» ponr canse d'utilité publique el. en vertu de me» sures d'administration, ordonnées après la
;»
vente ~ je n'alll'ai pas de recours contre vous;. »
d'où, à contrario ~ il Y aurait lieu à ce recours si
l'ex propria tion était antérieure, et qu'on l'eût dissimulée à l'acquéreUl'.
::520 An reste, 10rsfJu'une propriété est assujelti~
à un retr<lnchement par suite, soit d'un plan
d'alignement approuvé par ordonnance royale,
soit d'un arrêté particulier du maire, soit d'un
arrêté du préfet rendu en vertu de l'arL. 15 'de la
loi du 21 mai 1~36 s'il s'agit d'un chemin vicinal;
l'indemnité en résultant doit appartenir à l'acquéreur, à moins fJue le vendeur n'ait fait à cet égard
une réserve expresse; c'est ce qni a été décidé par
un arrêt du conseil d'état, du 20 novembre 1840
�DU DOMAINE PlffiIJC.
609
(Sirey, 41-2-157), dans une espèce où il s'agissait d'une indemnité due. par l'état à raison de
donHllages occasionnés par des travaux publics
antél'lemement à la vente, mais dont le réglel11ent
n'av<.Jit eu lieu que postérieurement; cc sur le moyen
» tiré, porlent les motifs, de ce que les sieur et
» dame Maillart n'auraient acquis les propriétés
» dont il s'agit que depuis la construction dn
?) déversoir, et, par suite, n'auraient pas qualité
~) pOUl' réclamer une indemnité à raison de celte
'3) construction: considérarit qu'il est reconnu
)~ par l'administration qu'en vendant aux sienr
~) et dame Maillart les propriétés dont il s'agit,
» leurs auteurs n'ont fait aucune réserve; que
» dès-lors les requérants ont acquis tous les droits
;»
mobiliers et immobiliers attachés auxdites pro» priétés, et notamment celui de réclamer, le
» cas échéant, l'indemnité en litige..... »
33° Par application des mêmes principes, les
portions de. terrain qui, au moyen de l'alignement,
se trouveraient retranchées de la rue ou du chemin,
devraient appartenir à l'acquéreur, à la charge d'en
payer le prix à la commune, conformément aux
art. 53 de la loi du 16 septembre 1807, et ] 9 de
celle du 21 mai 1836, sans que le vendelll' puisse
les conserver pour lui.
Vainement ce dernier prétendrait-il que, la présomption étant que la voie publique a été originairement formée aux dépens de sa propriété, c'est à
S011 profit que doit avoir lien la restitution par suite
�610
'mAlTÉ
de la résolution de sa dépossession causd datd,
causd non secutd, du moment que le motif d'utilité publique qui l'avait fait dépouiller n'existe
plus; et que c'est même à l'aide de cette présomption que M. le comte Roy, rapporteur de la loi
du 21 mai 1~36, a justifié la disposition de l'art.
19 qni consacre le droit de préférence accordé aux
rtVeralllS.
Nous pensons, au contraire, que c'est au profit
du possesseur actuel que, par une sorte d'accroissemeut de re, ad rem, doit s'opérer la cession du
terrain désormais inutile à la voie publique; d'une
part, et lors même qne la présomption invoquée
serait exacte, le véritable motif qui a détenn'iné le
privilége de préemption en faveur des voisins, et
qui est de ne pas permettre l'interposition d'un
tiers entre la rue ou le chemin et le voisin qui y
touchait précédemment, s'opposerait l.Oujollrs à ce
que la parcelle abandonnée tombât en d'autres
mains que celles du propriétaire du fonds contigu
qui, autrement, se trouverait privé de ses jùurs et
de ses issues. « Il ne serait pas tolérahle, dit
» M. le comte Roy dans le même rapport, qne
:n par la suppl'ession du chemin, des étrangers
» pussent venir s'établir au nlilieu de la propriété
:» (du riverain) et quelquefois même 311 milieu
» de sa cour; » c'est aussi principalernen t par cette
considération que MM. Delalleau ( Traité de l'exprop., nO 711 ) et Cotelle (Cours de droit adm.,
tom. l , pag. b27' 2 8 édit.) se décident en faveu!'
�DU DOMAINE PUBLIC.
611
de l'ncfluéreur dans une hypothèse bien moins
favorable que la nôtre, celle de la rétrocession
en vertu de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841 des
terrains expropriés, mais non employés 'aux travaux pour lesquels ils étaient destinés; cc nous
n croyons, dit le premier de ces autcm:s, que
» l'acquéreur est l'ayant-droit de l'ancien pro" priétaire pour tout ce qui tient à l'immeuble
)' par lui acquis, ct que c'est à luiqu'appâl'lient
» le droit d'exiger la rétrocession. Cette intcrpré» tation est d'ailleurs la plus conforme à l'équité.
)' Si le canal ou la l'ante devait traverser la propriété
» et la diviser en deux, serait-il juste que le ven» deur pût se rendre, par privilége, acquéreur du
» terrain intermédiaire? et son seul but ne serait» il pas Je forcer l'acquéreur de lui racheter cc
» terrain à un très-haut prix? En aliénal~t le sur» plus de sa propriété, il il nécessairement trans» mis tacitement à l'acquéreur tous les droits qui
" se l'attachaient à cet immeuble, et par conséquent
» celui de réclamer éventuellement la remise du
» surplus du terrain, s'il n'était pas employé aux:
» travaux d'utilité publique projetés. »
D'un autre côté, s'il peut arriver qu'une voie
publique ait été originairement établie aux dépens
des propriétés qu'elle traverse, nous sommes loin
de regarder cette hypothèse comme la plus génél'ale; lors de la division du sol entre les premiers
possesseurs, les chemins nécessaires à son exploitation ont été bissés en dehors des diŒ~rents lots,
�612
TIWTÉ
et alors ce sont les principes de l'alluvion qui
doivent être appliqués quand ces chemins viennent
à être supprimés) rétrécis ou l'dressés; or, en
pareil cas., les terrains conquis sur les eaux appartiennent, à moins de stipulations contraires) à
l'acquéreur) ainsi que l'a jugé la Cour ùe cassation,
le 11 novembre 1840 (Sirey, 40-1-1001), en
rejetant le pourvoi formé contre un arrêt ùe la
Cour de Rouen du 30 janvier 1~B9 ( Sirey, 392-252,) qui portait que ce les modifications éven» welles (du fonds) sont au profit comme au
» détriment des acquéreurs ....; que si la réclama» tion (du vendeur) était accueillie, elle aurait
,
,
d'
» pour etrange conseqlle.nce e reserver aux ven» deurs successifs..... le droit de revendiquer les
» extensions provenant de la retraite des eaux,
» sans être tenus de supporter les retranchements
» opérés par l'envahissement du fleuve ..... »
34° L'acquisition des terrains nécessait'es à
l'établissement, au l'élargissement ou à l'alignement des chemins vicinaux de grande et .de petite
communication n'est passihle, aux termes de l'art.
20 de la loi du:u mai 1836, que du droit fixe
d'un franc, pour l'elll'egistremen t. N OIlS sontenons
même (nOS 640 et 572, pag. 266 et 410, cidessus) que cette formalité doit être remplie
gratis lorsque l'acquisition, aulieu d'être amiabl.e,
a été opérée par voie d'e~propriation, en vertu de
l'art. 16 de la même loi.
Un avis du conseil d'état du 18-25 janvier 1837
�DU DmIAINE PUBLIC.
613
et une circulaire du ministre de l'intérieur du 10
décembre 1839, ayant décidé qu'au préfet appartenait le droit de donner les alignements en vertu
de la même loi, dans les rues des hourgs et villages servant au passage des chemins vicinaux de
grande communication, on doit en induire que
les cessions de terrains nécessitées par ces aligne.
menls ne sont également passihles que du droit
fixe d'un franc.
Comme l'ouvel'lure des rues nouvelles dans les
villes, bourgs et villages, ne peut guère avoir lieu
qu'au moyen de l'expropriation, il en résulte, aux:.
termes de l'art. !l8 de la loi du 3 mai 1841, une
exemption complète des droits de mutation et de
timbre pour les cessions de bâtiments et de terrains
faites dans ce but; il n'est pas même nécessaire que
le jugement d'expropriation ait été prononcé par
le tribunal, il suffit qu'il y ait ordonnance royale
déclarative de l'utilité publique, suivie de l'arrêté
ou préfet déterminant les propriétés qui doivent
être c.édées.
En sera-t·il de même pour les cessions des parties
de terrains et de bâtiments qui, d'après un plan
d'alignemen t approuvé par ordonna~ce r.:>yale,
doivent être réunies au sol des-rues et des places des
villes, bOUl'gs et villages qui ne sont traversées ni
par de grandes routes, ni pal' des chemins vicinaux:.
de grande communication?
.
Un jugement du tribunal de première instance
<le Caen, ÙU 25 août 1842., rapporté dans le ReTOllY.
II.
�614
TRAITÉ
cueil des lois, arr~ts, etc., surl'enregistrement,
le t~mhre, etc., par M. Roland (art. 6561, tom.
4, pag. 733), adopte la négative et soumet le
monlant de l'indemnité revenant au propriétaire
au droit de mutation de 5 et demi---p.
non
compris le dixième, sur le motif que la loi du 22
frimaire an VII n'admet aucune distinction entre
les acquisitions faites par les communes et celles
faites par les particuliers; que si l'art. 7 de la loi
du 16 juin 1824 avait déclaré que les commune'sne
paieraient qu'un droit fixe de JO fI'. pour enregistrement et t~anscription , lorsqu'il s'agirait d'une
destination d'utilité publique, cette faveur a été
retirée par l'art. 10 de -la loi du 18 avril 1831;
que l'affranchissement de tout droit par l'enregistl'cment gratis, n'est accordé par la loi du 3 mai
1841, qu'aux. contrats et actes faits eu vertu de
cette loi et à la condition expresse qu'avant l'acquisition il sera obtenu un arrêté du préfet pour
les autoriser; que cette exception est de droit étroit
et que l'ordonnance royale qui homologue un plan
d'alignement ne peut être l'équivalent de la condition don~ il s'agit.
Nous ne pouv~ns donner notre assentiment à
cette décision qui aurait pour effet de soumettre
à une exception qu'aucune raison particulière ne
justifie, une hypothèse évidemment pareille à
celles dont nous avons, à dessein, présenté le rapprochement ci-dessus.
Si nous demandons l'exemption des droits d'en-
ot,
"
.
•
�DU DOMAINE !'UBLIC.
615
registrement pour la transmission des terrains à
réunir à la voie publique au moyen d'alignements,
ce n'est point en verLU d'un privilége spécial en
faveur des communes et à raison de leur qualité
de corps moraux, c'est parce que l'opération dont
il s'agil est une véritable expropriation pour cause
d'utilité publique, qu'elle en revêt toutes les
formes) .qu'elle en offre toutes les garanties et
qu'au fond elle en produit tous les effets. Ce qui
constitue l'expropriation et ce qui la différencie des
ventes ordinaires, c'est la déclaration d'utilité puhlique résultant d'une loi ou d'une ordonnance
royale rendue après l'accom plissement de certaines
formalités; or, ces conditions ne sc rencontrentelles pas toutes dans l'alignement? n'y a-t-il pas,
à vue de plans, enquête dans Ja forme prescrite
par le réglement d'administration publique du 23
août J835, et ensuite ordonnance royale qlli approuve le tracé et en déclare l'utilité publiqlle?
n'y a-t-il pas lieu, conformément à la circulaire
ministérielle du 23 août 1841, de recourir au jury
spécial pOUl' fixer l'indemnité, si un accord n'intervient pas entre la commune et Jes pa"ticuliers?
Aussi cette circulaire, apl'ès avoir rappelé que les
informations prescrites par celle du 29 octobre
1812 , comme préliminaire à l'approbation des.
plans d'alignement, différaient des enquêtes exi.:.
gées en cas d'expropriation par J'ordonnance'
royale du 23 août 1841, continue·t-elle ainsi:
cc Puisqne les plans d'alignement approuvés par
�616
TRAITÉ
') le roi sont appelés à avoir la m~me valeur et
" les m~mes '!flets qne les ordonnances déclara" tivesd'ntilitêpnblique (en cas d'expropriation),
» il est nécessaire qne les dispositions légales,
» particulières à la p;océdurcqui précède l'obten" tion des unes, soient appliquées à celle qui est
»' suivie à l'égard des autres. »
Les légères différences que l'on n'a pu faire
disparaître ne tiennent pas au fond des choses,
ruais seulement à des circonstances particulières
et accessoires. Par exemple, si le préfet n'a point
à prendre d'arrêté après l'ordonnance et ensuite
d'une nouvelle enquête, pOUl' déterminer les propriétés à céder, c'est que le plan parcellaire et
l'enquête d'application du projet au terrain ont
précédé cette ordonnance qui en contient l'approhation spéciale et formelle et pal' suite la désignation des terrains; si un jugement n'est point
nécessaire (et d'ailleurs l'art. 58 de 1:1 loi du 3
mai 1841 n'en fait pas une cqndition pour l'exemption du droit d'enregistrement), e'est que dans·
l'alignement on n'a pas besoin de déposséder instantanément, el, on peut en quelque sorte dire,
violemment, le propriétaire qui, après la démolition de son bâtiment, se trouve dans la nécessité
de faire de lui·même l'aband6n du sol pour obtel1Îr la permission de reconstruil'e sur la ligne qui
lui a été tracée. Ponrquoi alors l'assimilation de
valeur et d'effets résultant de l'identité de but, de
formes et de garanties, ne s'étendrait-elle pas au
�DU DOMAlNE PUBLIC.
611
hénéfice de l'exemption des droits d'enregistrement?
Il nous semble d'onc que c'est sans motifs sumo
sants que l'on veut distinguer deux: choses idel~'
tiques et que, par une espèce de jeu sur les mots,
on retire à la partie le privilège que ron accorde
au tout. Nous avons l'espoir que si la q.uestion
était soumise à la Cour de cassation, elle serait
résolue dans un sens plus conforme, non ·seulement
à l'esprit de la loi qui a voulu favoriser les entreprises d'utilité publique et affranchir les communes
de droits onéreux: pour des acquisitions de propriétés qui ne sont point productives de revenus,
mais encore à son texte qui attache le hénéfice de
l'exemption à la seule déclaration,d'utilité publique
faite par le pouvoir souverain. Au reste, elle a déjà
été décidée d'une manièl'e conforme ~ notre avis
par un jugement du tribunal civil de la Seine, du
6 janvier 1841, rapporté également dans le recueil
de M. Roland' (art. 6142, tom. 4, pag. 572).
Dans l'espèce de cette sentence, le plan d'alignement n'avait pas même été approuvé par ordonnance royale, parce qu'il s'appliquait à une localité
dont la population, était inférieure à 2,000 habitants et pour laquelle, par conséqnent, la loi du
J6 septembre 1807 n'était point obligatoire. Il ya
même plus, c'est qu'un ancien maire de Vaise
ayant, par une pétition adressée à la chambre des
députés, demandé une loi qui diminuât les frais
de c~ssion des parcelles de terrain pal' suite d'ali-
�618
TRAITÉ
guement, la chambre a passéà l'orche du jourdans
la séance du 15 féYrier 1842>, en adoptant les couclusions ùe sa commission ainsi motivées par
M. Ternallx, rapporteur: « Une circulaire émanée
» du ministre de l'intérieur, en date du 23 août
~) 1 H41 , a reconnu que le réglemen t des indem» nités dues pour terrains 'retranchés devait avoir
» lien dans les formes et suivant les règles tracées
» par la loi du 3 mai 1841; cette nouvelle manière
~) de procéder évitera encore des frais Gonsidérahles
,> aux communt:s, puisqu'en vertu de l'arLicle 68
>J de celte loi, tous les actes que son application
» entraîne sont exemptés des droits de timbre et
» d'c-nregistrement. » (frloniteur du 16février
1843, nO 47, pag. 283. )
Si cependant on admeuait que le droit de mutation fût dû, il faudrait dire, d'une pal't, qu'il
lierait à la charge exclusive de la commune en sa
qualité d'acquéreur, conformément aux art. 1593
du Cod. civ. et 31 de la loi du 22 frimaire an VII,
et, en second lieu, qu'il ne serait prescriptible que
par trente années, à moins que la transmission
de propriété ne se trouvât mentionnée dans un
acte soumis à l'enregistrement, eas auquel la prescription s'accomplirait par le laps de deux ans,
suivant le nO 1 er de l'art. 60 de ladite loi. Les 3Q
années conrraient du jour même de l'acte constatant la mutation de propriété, parce que le maire
l'ayant signé, il devient authentique et acquiert
une date certaine.
�DU DOMAINE PUBLIC.
619
Par les raisons déduites au nO 569, pag. 340,
ci-dessus, nous pensons que les cessions de terrains à faire aux riverains par les villes et communes, en exécution d'alignements, ne sont point
exemptes du droit d'enregistrement, comme, selon
nons, doivent l'être celles en sens inverse.
35° La réunion par voie d'alignement, au domaine puLlic, de parcelles de propriétés privées
ne pouvant avoir pour effet de les affranchir des
hypothèques grevant le fonds dont elles sont distraites, il Yaura lieu à remplir les formalités prescrites par la loi pour opérer la purge; cependant,
comme ces parcelles sout souvent d'une valeur
très-faible, une ordonnance royale du 18 avril
1842 a établi à ce slljet les règles suivan tes :
« Art. 1 er. Les maires des communes, auto» risées à cet effet par délibérat}ons des conseils
» municipaux, approuvées par les préfets, pour» l'ont se dispens~r de remplir les formalités de
» purge des hypothèques, lorsqu'il s'agira d'ac» quisitions d'immeubles failes de gré à gré etdont
» le prix n'excédera pas 100 francs. Art. 2. A
» l'égard des acquisitions faites en vertu de la loi
» du 3 mai 1841, sur l:expropriation pour cause
» d'utilité publique, les maires seront tenus de
» se pourvoir également de l'autorisation des
» conseils municipaux et de l'approbation des
» préfets, avant d'exercer la faculté donnée par
:')) l'art. 19 de la susdite loi, de ne point purger
» les hypothèques pour les acquisitions dont la
�620
TRAITÉ
;);) valcur ne s'éleverait pas au-dessus de 500 fI'. ;» Art. 3. En conséquence, les receveurs muni;») cipaux pourront acquitter les mandats délivrés
;»
par les maires pour le paiement des acquisitions
') mentionnées dans les deux articles précédents,
') pourvu que ces mandats indiquent la délibéra) tion du conseil municipal, approuvée par le
;» préfet, qui autorise le maire à ne pas procédel' à
;» la purge des hypothèques. Art. 4. L'ordon» nance royale du 23 avril 1823 est rapportée
') en ce qui serait contraire à la présente. »
36° Nous avons dit, au S 2.8, page 582 ci·dessus,
que deux moyens étaient ouverts à l'administra·
tion pour arriver à l'étahlissement et à la rectification des voies pubJiqucs de toute espèce, routes,
chemins ou rues: celui de l'expropriation et celui
de l'alignemcnt. Le premier est général: il peut
être employé dan~ tous les cas; mais il n'en est pas
de même du second, qui est restreint dans de certaines limites souvent fort difficiles à détcnuiner,
et que cependant l'autorité ne doit jamais dépasser.
Pour bien saisit- l'impurtance de la distinction,
non moins que pour posel-Ies principes destinés à
servir de base aux soIn tions des diverses espèces, il
est indispensable de présenter dans un court parallèle, les points de dissemblance qui existent entre
ces deux moyens ayant également pour résultats
définitifs une aueinte à la propriété privée.
Ils diffèrent da ns leur principe, dans leur portée,
par leur 'mode d'action et par l'époque de leU\'
�DU DOl\UINE PUBLIC.
exercice, par la nature de l'indemnité qu'ils entraînent, enfin par les formes dont ils sont entou,
res.
l'expropriation dérive
Dans leur principe:
seulement du contrat social général et de la règle
de droit universel qui veut que l'intérêt d'un seul
cède à l'intérêt de tous, selon, comme le dit Grotius (/iv. 3, chap. 20, S 7, nO 2), l'intention raisonnablement présumée de ceux qui ontftrmé
les sociétés. - L'alignement, au contraire, a
sa source dans un quasi-contrat spécial d'une sorte
de communauté de fait entre l'administration et les
propriétaires riverains; en construisan t sur la voie
puhlique, ces derniers y acquièrent gratuitement
des droits d'issues, de jours, d'écoulement d'eaux
et de passage, en échange desquels il est juste qu'à
leur tonr, ils soient soumis à tous les réglements de
police qui ont pour ohjet le hon état de viahilité,
la sécmité et la saluhrité puhliques, ce qui emporte
l'ohligation implicite de fournir, aux dépens de
leurs propriétés, les portions de terrain nécessaires
pour atteindre ces huts; tirant plus que tous les
autres citoyens des avantages immédiats des voies
de communication pour eux et le us héritages, il
faut, par réciprocité, qu'ils se trouvent assuj'cttis,
dans l'intérêt du chemin, à des charges pins onéreuses que cellês qui pèsen t sur les propriétaires de
fonds privés de pareils hénéfices.
Dans leur portée:
l'expropriation s'applique
d'une manière générale à toute espèce de propriété,
=
/
621
=
�622
TRAITÉ
quelles que soient sa situation~ son importanceetson
étendue; selon les besoins et les circonstances, elle
l'attaque dans son ensemble ou dans ses parties;
quand elle ne prend pas le fonds en totalité, elle le
di vise en en rendan t souvent une des portions
inaccessible ou improductive, en enlevant, par
exemple, des bâtiments à une exploitation rurale,
des terres à une métairie, la force motrice à une
usine. L'alignement, au contraire, ne porte
presque jamais que snI' une parcelle du fonds,
qu'il entame seulement sllr nn de ses bords sans le
morceler et sans en détruire l'ensemble, procurant
même quelquefois une plus-value importante à ce
qu'il laisse.:;:::: Par l'une, le domaine public· se
trouve augmenté d'un fonds qui incontestablement
ne lui a jamais appartenu; an moyen de l'autre,
l'administration ne fait souvent qu'obtenir le relâchement d'ant.icipations commises à une époque
où les constructions n'étaient soumises à aucune
règle ni à aucune surveillance. :;:::: La première est
nécessairemen t et dans tous les cas une acquisition;
le second n'est pour ainsi dire qu'une mesure de
police et une restitution. :;:::: Ce dernier a pu être
prévu; celle-là vient frapper inopinément le propriétaire. cc Dans le premier cas, dit M. Cotelle
» (Cours de droit administratif; tom. 3, p.225,
» ze édit.), la condition de la propriété se trouve
» suhitement changée par une circonstance im.
» prévue, et il y a sacrifice complet, privation
)) d'une partie de la propriété dans son état pré-
�:pu DOMAINE l'UBLle.
623
sent; dans le second cas, le droit de propriété se
» trollve modifié pal· l'exercice d'une charge anté» rieurement imposée sur le fonds, qui le pla» çaitJans unecondilion exceptionnelle et connue
» du propriétaire. »par leur mode d'action et par l'époque de
leur exercice. = L'expropriation produit son effet sur-le-champ et simultanément par rapport à
tous les fonds qu'elle corn prend; aussitôt que les
formalités qui la constituent sont remplies, elle en·
lève du même coup la propriété etla possession.L'alignement n'opère qu'à la longue et successivement; en rendant la propriété précaire et en la tenant sous le coup d'une menace perpétuelle, il
respecte cependant la jouissance. = L'une est active, elle s'empare de la chose et démolit; l'autre
est en quelque sorte passif, il se borne à interdire
et laisse agir le temps, qui seul lui procure son
exécution. = Avec l'une on fait rapidement de
grands travaux nouvellement conçus; avec l'autre
on se borne à améliorer lentement ce qui existe. =
Quand l'autorité supérieure a déclaré l'ut"lité publique, le propriétaire ùu fonds compris dans le
projet d'expropriation a une action directe pOOl'
for~er, dans un délai déterminé, l'administration
à le mener à fin et à lui payer son indemnité
(art. 14, 2 e alin., et 55 de la loi du 3 mai 1841);
il n'en est pas de même du maître du bâtiment ou
de l'héritage sujet à reculement ou à retranche·
ment: il ne peut agir en justice pour ex.iger SOIl
»
�624
TRAITÉ
paiement, il n'a que le moyen indirect, après avoir
,démoli, de demander à reconstruire. = Quelques
mois suffisent pour consommer l'une; des années
et souvent des siècles sont nécessaires pour que
l'autre ait entièrement produit son effet et arrive
à son terme.
Par la nature de l'indemnité à laquelle ils
donnent lieu:
Celle en cas d'expropriation est
complète; elle doit être de la valeur vénale de la
chose dans son état actuel, y compris les constructions ou plantations, et en outre comprendre l'équivalent de la dépréciation du surplus de la propriété, en ayant toutefois, et par réciprocité, égard
à l'augmentation de valeur immédiate et spéciale
que .ce surplus pourrait, d'nu autre côté ou d~ns
d'autres circonstances, recevoir des travaux.- L'alignement, au contraire, ne donne lieu qu'au paiement du prix du sol nu, sans égard :lUX constructions qui le couvraient, non plus qu'au dommage
que le retranchement opéré peut causer au reste du
terrain. = CetLe différence est nettement exprimée
dans letj.deux articles suivants de la loi du 16 sep~
tembre 1807'
cc Art. 49. Les terrains nécessaires pour l'ou» verture de canaux, de routes, de rues, la for» mation de places et autres travaux reconnus
» d'une utilité générale, seront pa'yés à leurs pro» priétaires, et à dire d'experts d'après leur
» valeur avant l'entreprise des travaux (a). -
=
(a) Disposition qui cst expliquée et complétée par les art. 51
�DU DOMAlNE PUBLIC.
625
50. Lorsqu'un propriétaire fait volontairement démolir sa maison, lorsqu'il est forcé de
la démolir pour cause de vétusté, il n~a droit à
» Art.
»
»
" indemnité que pour la valeur du terrain.
" DÉLAISSÉ, si l'alignementqlli lui est donné par
" les autorités compétentes le force à reculer sa
" construction."
Une autre différence essentielle, qui pellt encore
rentrer dans celle de la nature et de l'étendue de
l'indemnité, consiste en ce que, dans le cas d'expropriation, la plus légère atteinte portée à un bâtiment, ou le morcellement, dans de certaines
conditions, d'une autre propriété, met l'administration dans la nécessité d'acquérir le tout si le propriétaire l'exige (art. 50 de la loi du 3 mai 1841);
tandis qu'en fait d'alignement, il faudrait que la
lJortion laissée an propriétai.re ne fût plus susceptible, par son exiguité, de recevait, aucune espèce de
constl'Uction, pour que l'état ou la commune pùt
être contraint d'acheter autre chose que ce qui est
et 52 de la loi du 3 mai 1841, ainsi conçus: Ct Art. 51. Si
» l'exécution des travaux doit procurer une augmentation de
" valeur immédiate et spéciale au restant de la propriété, cette.
Il augmentation sera prise en considération dans l'évaluation du
" montant de l'indemnité. )) - Ct Art. 52. Les constructions,
)) plantations et améliorations ne donneront lieu à aucune in" demnité, lorsque, à raison de l'époque où elles auront été
» faites ou de toutes autres circonstances dont l'appréciation
1) lui
est abandonnée, le jury acquiert la conviction qu'elles
)) ont été faites dans la vue d'obtenir une indemnité plus
J) élevée. "
�626
TRAITÉ
rigoureusement nécessaire pour l;élargissement ou
la rectification de la voie publique.
Enfin par la forme. = La procédure d'expl'Opriation se compose, d'après la loi du 3 mai I~4I,
de trois p~rties distinctes: la première, en tièremen t
administrative, ayant pour objet de faire déclarer
l'utilité publique et d'appliquer contradictoirement
avec les intéressés, le projet au terrain; la seconde,
du ressort exclusif des tribunaux civils gal'diens-né
de la propriété et seuls investis du pouvoir de la
transférer en suppléant la volonté du maitre refusant, après s'être préalablement assuré que toutes
les formes protectrices des droits privés ont été observées; enfin la dernière attribuée au jury chargé,
seulement e~ qualité d'expert, de la fixation du
chiffre de \'indemnité.-De ces diverses mesures;
celles comprises dans la 1re et la 3 e périodes sont
senles applicables à l' alignemen t, et encore les
formes de la première son t-elles sim plifiées, puisque
les deux enquêtes sont réduites à urle seùle, et que
l'ordonnance royale, qui dans tous les cas suffit,
déclare l'utilité publique en même temps qu'elle
(ait directement l'application dn projet .aux propriétés part.iculières, sans renvoi, pour ce second
objet, soit à la commission instituée par l'art. 8 de
la loi du :1 mai 1841, soit au conseil municipal et
au préfet en conseil de préfecture, conformément
aux art. 11 et 12 de la même loi Ca). Quant à
Ca) El encore cette partie des formes de l'expropriation, sur
�DU DOMAINE PUBLIC.
627
l'intervention de l'autorité judiciaire, elle n'est
point utile à l'administration, en ce que" celle-ci
ne se trouve jamais dans le cas de se mettre de vive
force en possession de la parcelle de propriété destinée au l'élargissement de la voie publique, le sol
de cette parcelle s'y réunissant forcément par le
fait à raison de l'impossibilité pour le propriétaire
d'y élever -de nouvelles constructions après la démolition de celles qui y existaient et dont il lui
était interdit Je prolonger la durée par des réparations.
Ces principales différences entre l'expropriation
et l'alignement, étant signalées, abordons la questionqui fait l'objet de ce S, et recherchons, à l'aide
des notions ci.d.essus, quand la voie de l'alignemen t
peut ou non être employée.
Selon nous ,-le principe est qu'il ne doit y avoir
lieu à alignement que lorsqu'il s'agit du l'élargissement d'une voie publique ou d'une légère recli.
ficalion ayant pour but de faire disparahre d.es
saillies, des renfoncements ou des courbes; mais
que quand l'administration veut ouvrir une rue
nouvelle, former une place ou opérer uu redressclaquelle nous reviendrons plus tard, n'a-t-elle été étendue à
l'alignement que par analogie et récemment en vertu de la circulaire ministérielle qu 23 août 1841; auparavant tout se bornait à une enquête moins solennelle que celle organisée par
l'ordonnance royale du 23 août 1835, et à une estimation pal'
experts, à vue de laquelle statuait le conseil de préfecture, conformément aux art. 56 et 5i de la loi du 16 septembre 1807.
�628
TRAITÉ
ment tel que dans une partie notable il faillé
abandonner le tracé existant pour y en substituer
un différent, elle doit nécessairement recourir à la
voie de l'expropriation.
Les cas d'application de chacun de ces moyens
sont assez nettement indiqués, relativement aux
chemins vicinaux, par les al't. 15 et 16 de la loi du
21 mai 1836, dont les dispositions doivent, pal'
analogie, servir de règles pour les routes et les
rues: cc Les arrêtés des préfets portant reconnais:» sance et fixation de la largeur d'un chemin
» vicinal, dit le 1er de ces articles, attribuent dé» finilivement au chemin le sol compris dans les
» limites qu'ils déterminent. Le droit des proprié» taires riverains se résout en une indemnité qui
» sel'a réglée à l'amiable ou par le juge de paix du
» canton, sur le rapport d'experts nommés confor» mément à l'art. 17.-Les travaux d~om'erture
» et de redressement des chemins, déclare le 2",
). seront autorisés par le préfet. LOl'sque pour
» l'exécution du présent article, il Yaura lieu de.
» recourir à l'expropriation, le jury spécial chargtS
» de régler les indemnités ne sera composé que de
» quatre jurés, etc .... ,. » Dans l'hypothèse du
premier, concernant un simple l'élargissement, il
Y a alignement; dans le second, qui comprend la
création d'une voie nouvelle ou, comme nous
l'avons expliqué nO 534 ci.dessus, la substitu tion
d'un tracé en ligne droite à une ligne courbe ou
sinueuse qui est abandonnée, on est obligé de re;
courir à l~expropriation.
�629
DU DOMAINE PUBLIC.
La différence de formes et d'effets entre les deux
cas n'est point le résultat de l'arbitraire; elle re- .
pose sur la raison et sur le droit; pour s'en convaincre iL suffit de rappeler quelques-uns déS traits
du parallèle présenté plus haut. Lorsqu'on joint une
voie publique, on en a retiré pendan tlongtem ps les
avantages; en retour, ou' doit aussi supporter les
charges qu'entraîne sa proximiLé; on a d'aiJleurs
pu etdû prévoir ces charges; l'acquéreur du fonds
voisin a nécessairement pris en considération
l'élat de la voie qui le dessert, et il a fixé son
prix en conséqnence; si le chemin ou la nie était
étroit et incommode, la propriété avait moins de
valenr, soit à cause de la difficulté d'y abordp.r, soit
par la prévision d'un l'élargissement à opérer aux
dépens des héritages joignant; en général, le retranchement exigé est peu considérable, il ne porte
que sur une des rives du fonds; loin de déprécier
le surplus, iL lui procure souvent une plus-value
importante; enfin, OI'dinairement ce retranchement
n'est qu'une restitution. 01' rien de pareil quand
l'administration ouvre une voie nouvelle ou forme
une place; le propriétaire dépouillé n'a point profité antérieurement de leur voisinage, iL n'en jouira
pas à l'avenir, puisque son fonds lui est enlevé en
totalité, on que, s'il lui en reste une portion, on
lui fait tenir compte de ce dont elle s'est améliorée;'
il n'a pu supposer le nouveau projet et, par suite, y'
avoir égard lors de son acquisition; il subirait donc
une perte évidente s'il était obligé de céc1cl' nne
TO!l1. II.
40
�G30
l'RAITi~
partie de sa maison moyennant le prix. dn sol nu
qui lui sera pris et sur la légitimité de la possession
duquel il ne peut cependant s'élever aucun doute.
Il est donc impossible que deux positions aussi
dissemblables soient soumises aux mêmes règles et
aux mêmes exigences; le droit civil nous offre un
exemple de la différence que produisent. dans les
effets, des circonstances de natures diverses analogues à celles que nous venous de signaler; lorsqu'une rivière se retire insensiblement de l'une de
ses rives en se portant SHI' l'autre, le propriétaire
envahi ne peut, aux termes de l'art. 557 du Code
civil, ni réclamer son terrain, ni prétendre à aucnne
indemnité, parce que, ayant joui des avantages
que procure la contiguité d'un cours d'eau, il doit
en subir les inconvénients, qui d'ailleurs sont
prévus. Il existe, disait M. Portalis en exposant
» les motifs de cet article, une sorte de contrat
" aléatoire entre le propriétaire du fonds rive" rain et la nature, dont la marche pent à chaqnc
» instant ravager ou accroître ce fonds.» Mais si,
au lieu d'une simple corrosion des bords, il Y a
formation d'un nouveau cours au milieu d'un héritage, le propriétaire prend à titre d'indemnité,
en vertu de l'art. 563 du même Code, l'ancien lit
abandonné; et cette indemnité, que les luis romaines n'accordaient pas, a été introduite par la
jurisprudence française comme équitable en ce
qu'ici rien ne compense la perle qui survient subi~
. pu s, y atteu d l'c.
tcment el sans qn ,on aIt
c(
�DU DOMAINE PUBLIC.
631
Lors de la discussion de la loi du 7 juillet 1833,
un député ayant proposé un amendement tendant
à empêcher qu'au moyen de la disposition de la
loi du 16 septembre 1807 sur les alignements, on
éludât J'attribution qui allait être faite au jury du
réglement de l'indemnité, M. Legrand, commissaire du roi, fixa avec beaucoup de précision)a
ligne de démarcation entre les deux hypothèses.
« Une semblable application; dit.iI, de laloi de 1807
» me paraît tout à fait illégale, et, pour ma pal't, je
» ne connais pas un seul cas où l'administration
)} chargée des travaux qui s'exéculent sur les fonds
» de l'élat, l'ait appliquée dans ce sens. Il ne &uffit
" pas que le projet d'une communication nouvelle
» soit arrêté pour que les terrains et bâtiments qui
» se trouvent sur la ligne de celte communication
» soient, dès ce moment même, frappés des ser» vitudes esselltiellementinhérentes aux bâtiments
» et terrains situés le long des routes déjà ouver» tes. Ces serviludes ne sont que le prix des avari» tages que procure la jouissance de la communi» cation; si les avantages n'existent pas (et ils
» n'existent pas, si la communication n'est pas
» ouvert~), les servitudes ue peuvent pas être in» vaquées. En un mot, les servitudes ne peuvent
» pas être antérieures à l'ouverture de la roule, du
" canal ou de la rue nouvelle, puisqu'elles ne dé·
» rivent que de l'existence même de ces commu" nications. Quand il s'agit de les ouvril' pOllr la
.~} premiè>re fois, ce n'est ras par mesure d'aligne..
�632
TRAITÉ
" ment qu'on doit procéder, mais pal' voie d'ex» propnaLIon. Il faut, dans ce cas, acheter et
» payer dans leur entière valeur les tel'l'ains et bâ') timents qui doivent servir d'emplacement aux
» travaux, et toute interdiction de bâ.lir ou de ré» parer qui reposerait sur un plan uniquement ar» rêlé dans le cabinet, et lorsqu'il n'y a encore ni
» route, ni canal, ni rue, serait une interdiction
" contraire à l'esprit de la loi.» (Moniteur du
lofévrier 1833, pag. 340.) Mêmes principes dans
la circulaire du ministre de l'intériem du 23 août
1H41; après avoir, conformément à un avis du
conseil d'état du 1 er avril précédent., étendu aux
plans d'alignement la nécessité de l'enquête prescrite par l'ordonnance royale du 23 août 1835
comme préalahle à l'expropriation, elle ajoute: Il
» ne suit pas de là, toutefois, que les administra» tions locales soient dispensées de procéder, en
» cas d'ouverture et de formation de rues ou au» tres voies publiques nouvelles, aux enquêtes
» spéciales et autres formalités prescrites par le
» titre 2 de la loi du 3 mai 1841 et par les ius·
» truetions antérieures, notamment par celle du
» 23 janvier 1836, qui établit à cet égard une dis» tiucLÎon utile à maintenir. Les dispositions de h
» présente circulaire ne s'appliquent qu'aux pro» prié tés riveraines des voies anciennes soumises à
» la loi générale des alignements; c'est un point
» sur lequel je dois particulièrement insister (a)."
C(
(a) Dès 1829, le ministre de l'intérieur avait émis la même
�DU DOMAINE PUBLIC.
633
A la vérité, l'article 52 de la loi du 16 septembre
1807 semLle mettre sur la même ligne l'ouverture
des rues nouvelles et l'élargissement des anciennes,
et appliquer à l'un et l'autre cas le moyen de l'adoctri~e dans une lettre adrcssée au préfet de la Seine qui lui
demandait une décision sur le projet d'Une rue à ouvrir depuis
la place de l'Hôtel-de-Ville jusqu'à la rue de la Coutellerie:
" L'ourerture d'une nourelle voie publique, disait-il, étant
» soumise à des règles différentes de celles qui s'appliquent
» au redressement des anciens alignements par mesure de voi..
» rie, le projet dont il s'agit devra faire l'objet d'une instruc» tion spéciale. Il convient d'abord que le conseil municipal
» délibère sur la dépense à faire pour l'acquisition immédz'ate
}) et simultanée de tous les immeubles que doit trarerser la
» nourelle rue ....• ; lorsqu'on sera tombé d'accord sur la ques» tion d'alignement, vous aurez à faire procéder aux firma» lités pres.crites par la loi du 8 mars 1810 (art. 7 et suiv. ),
» lesqu~lIes devront précéder l'ordonnance du roi qui déclarera
» l'utilité publique. » -Aussi M. Davenne, qui, dans son Recl/eil des lois sur la voirie, avait d'abord professé une opi.nion
contraire, est·il revenu aux vrais principes dans son Supplément
publié en 1830, où il dit: " L'interdiction des grosses répara» tions ne s'applique, d'après les anciens réglements généraux
» restés en vigueur, qu'aux pr~priétés bâties qui bordent les
» rues et les autres 'Voies existantes dont l'élargissement ou
» le redressement est reconnu nécessaire. Les réglements ne
» disent nulle part que cette inlerdietion puisse affecter les bâ» ti
nts au travers desquels on jugerait à propos de percer
Il des rues ...... J~es édifices dont la démolition est nécessaire
» pour effectuer le percement d'une rue nouvelle, doivent être
» acquis suivant le systêlI\e de la loi du 8 mars 1810, et c'est
» ce quc des décisions ministérielles ont établi dans beaucou:p
» de cas. );
�63~
TRAITÉ
lignement; mais, à supposer que l'on dût entendre
ainsi cet article, qui, venant après les artides 49
et 60, lesquels traitent distinctement de l'expropriation et qe l'aligl}ement, ne nous paraît avoir éLé
décrété que pom attribuer compétence aux maires
pour tout ce qui ne tient pas il la grande voirie, il
est évident que sa disposition, à peu près iortiffërente dans une législation qui confiait aussi l'expropriation à l'autorité administrative, et qui SOllmettait aux mêmes formes toutes les atteintes à la
propriété privée, aurait été abrogée par la loi du 8
mars 1810; etsurtoutpar celles des 7 juillet 1833
et 2 mai Ü>41, qui ont créé des garanties spéciales
et plus étendues pour l'expropriation proprement
dite, en la plaçant notamment dans les attributions du pou voir jlldiciaire.
C'est faute d'avoir fait cette distinction, sur laquelle nous avons dû insist.er en en recherchant
le principe, à raison de son extrême importance,
que des tribunaux etla Cour de cassation elle-même
ont quelquefois commis de graves erreurs, et SO\H
restés longtemps sans jurjsprudence fixe et ceF..
taine.
Un sieur Chandesais était propriétaire, dans la
ville de Tours, d'une maison touchant à la place
du Marché, et à laquel1e. tennit, du côté opp sé à
la voie publiflue, nn terrain clos de mnT. Le
maire, dans des vues d1ilmélioration , c1'utilité ou
d'embellissement (:lela ville, Corma le projet d'employer la presque totalité de cette propriété à la
�DU DOM.A.INE PUBLIC.
635
prolongation de la place, et un plan d'alignement
approuvé par ordonnance royale lui donna effecti·
veUlent cette destination au moyen du tracé de la
ligne rouge.
Nonobstant le tracé, Chandesais éleva sur ce
terrain, et de l'autre côté de sa maison qu'il laissa
intacte, une construction à une certaine distance
de la voie publiq ne telle qu'elle existait réellement;
procès-verbal; arrêté du maire, confirmé par le pré~
fet, qui ordonne la démolition; refus de Chandesais de s'y conformer; jugement du tribunal de police qui anoulle la citation parce que cc le terrain
» clos dont il est encore propriétaire, n'ayant pas
» reçu, de fait, le caractère de voie publique, l'at)' rêté du maire avait excédé ses pouvoirs en Ol'» donnant la démolition. )' Pourvoi de la part du
ministère public; enfin arrêt de la Cour suprême,
en date du 2 août 1828 (Sirey, 28-1-396), qui
casse le jugement par les motifs suivants .: cc At» tendu qu'aux termes de l'art. !J2 de la loi du
» 1 6 septembre 1807, nul ne peut élever des
') constrnctiôns nouvelles on faire exécuter des
» travaux sur les terrains destinés dans les villes à
" l'ouverture des nouvelles rues, à l'élargissement
» des anciennes, sans avoir demandé et obtenu
» l'alignement, que les maires sont tenus de don» ner, conformément aux plans {ldoptés et anêtés
)' par l'autorité royale, en exécution des disposi') tions de la même loi .... ; attendu quo c'est sans
') aucun fondement que les propriétaires préten-
�636
:»
'l'RAlTÊ
0 raient pouvoi,' s'affranchir de l'exécution de ces
plans, sous le prétexte qne le terrain ou les édi» Lices snI' lesquels ils élèven t, ou auxquels ils
» ajoul~n t des constructions nouvelles, ou exécu.
" tent oes travaux propres à en conserver la durée
)J ali-delà du l~rnJe présumé de leur existence, ne
» son t pas immédiatenlentJiés avec la voie publique
.» actuclJe et en sont séparés par un espace plus ou
JJ moins prolongé; qne la voie pllbliq ue est celle
J) qui est déclarée telle par les ordonnances royales
» reUtlnes en con formité de la loi; que ces ordon» nanees règlent aussi invariablement que légale» Dlent l'avenir, en laissant néanmoins au temps
JJ le soin d'amenel' progressivementJeur exécution;
» que, quoifJu'il y ait des objets intermédiai.res
» en tre le point qui sert actllellemen t au passage
» du public et celui qui est destiné à élargir lIU
» jour ce passage et à le rendre J'lus commode,
» plus convenable ct plus sûr, le propriétaire ne
J) peut. arrêter la marche du telllps par des travaux
» ou construclions nOllvdles; que dès le moment
" de la publication des ordonnances royales, son
» terrai n a 10us les ca ractèl es et est soumis à tou les
JJ les charges de la voie publique; qu'un système
); contraire rendrait illusoire l'art. 52 de la loi du
» 16 septembre 1807 et paralJserait l'exécntion
» des motifs d'ordre public, des viles salulaires et
» bienfaisantes qui onl délclluiné ses Jisposilions;
» - attendu qu'en félit il eM constaté que le; pré» venu a élevé, sans avoir pris l'alignement, une
JJ
�DU DOMA.INE PUBLIC.
637
') construction nouvelle sur un terrain marqiJé sur
» le rlan pour servir à la, prolongation de la place
:» du Marché, etc.... »
Par suite, l'affaire ayant été renvoyée devant le
triLunal de police de Montbazon, ce tribunal jugeacomme celui de Tours, ce qui donna lieu, de
la part du ministère public, à un nouveau ponrvoi
que la Cour de cassation, les chambres réunies, re..jeta par un arrèt du 25 juillet 1829 (Sirey~ 29-1302), ainsi motivé: cc Attendu, en droit, que les
» terrains appartenant aux particuliers, et néces» saires pour l'ollverture des rues ou la formation
» des places projetées par les plans d'alignement
» des vi II es, ne peu ven t devenir la propriété de
» ces villes qu'à l'aide de l'une des deux voies in» cliquées par les arl. 49 et 50 de la loi du 16 sep» temble 1807; - que l'art. !n de la mème loi,
» qui a transporté aux maires des villes l'attribu» tion antérieurement conférée aux trésoriers de
» France, et pIns anciennement au grand-voyer,
» de donner les alignements, n'astreint d'aiHeurs
" les propriétaires à demander aucune autorisation
» pour construire; que, d'après les anciens ré» glements auxquels cette loi n'a pas dérogé, les
» propriétaires elles archi tcctes, ou au tres ouvriers
') constructeurs, ne sont tenus de demander auto» risation avant d'entreprendre ou de cornmellCCl'
» les travaux que lors(fll'il s'agit de constructions
~) à établit, sur la voie publique~ou de réparations
;»
à faire aux murs déjace sur route ou sur rue;
�638
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»
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'fltAlTÉ
mais qu'aucune autorisa lion préalable n'a besoin
d'être requise pour construire ou réparer, dans
l'intérieur, des portions qui n'auraient pas pour
objet de consolider le mur deface, ou qui ne
'toucheraient pas à la voie publique actuelle,
lors même que les propriétés sont destinées, par
des plans arrêtés en conseil d'état, à faire, dans
un temps plus ou moins éloigné, partie de la
voie publique future; - qu'on ne peut, en effet, entendre par voie puhlique que l'emplacement devenu tel au moyen de l'acquisition consommée par l'autorité, soit anx conditions de
l'art. 49, soit à celle de l'article 50, et par suite,
dans ce dernier cas, de la démolition volontaire
des édifices ou de leur destruction ohligée pour
cause de vélusté; - attendu, en fait, qu'il résu Ile du jogemen t attaqué: 1 ° que Chandesais
n'a fait aucune reconstruction du mur de face
de sa maison dont l'emplacement est destiné ,
par le plan d'extension future du marché de la
ville de Tours, à. faire un jour, mais ne fait pas
encore partie de la voie puhLique j - 2° qu'il a
seulement remplacé par lin mur de maçonnerie
la clôtnre en bois d'un appentis existant dans
l'intérieur de sa propri4lé; 3° qu'il n'a en aucune façon consolidé son mur de face sur La
rue actuelle; d'où il suit qu'il n'était aucune~
ment astreint à demander autorisation de construire, et que l'arrêté du maire de Tours, qui,
fante par lui d'avoir demandéautorisatioo, a 01'-
�DU
Dm~.A.INE
PUBLIC.
639
donné que sa constrnction serait démolie, a été
rendu, pal' cet administrateur, hltrs des limites
» de sa compétence, et qu'en le déclarant ainsi, le
» tribunal de police municipale, séant à Montba» zon, n'a violé aucune loi; rejette, etc. »
La solution résultant de cet arrêt solennel est
parfüitement exacte; il est seulement fâcheux, et
nous verrons bientôt les conséquences qui en ont
découlé, qu'au lien d'avoir été motivée sur une
considération insignifiante, elle ne se soit point
appuyée sur la raison péremptoire que fournissait
l'espèce, savoir: que la maison et le clos du sieur
Chandesais étant destinés au prolongement de la
place du Marché, c'est-à-dire à la création d~une
voie nouyelle, bien différente du simple rélargissement d~une rue existante~ c'était par la voie
de l'expropriation~et non par celle de l~aligne
ment~ que la ville de Tours devait se les procurer.
En effet, cette proposition, aussi nouvellement'
admise par le conseil d'état (a), que l'on peut faire
»
»
(a) Le premier arrêt de ce conseil qui l'a consacrée est du
1 er septembre 1832, dans l'affaire Laffitte (Sirey, 33-.2-166).
« Considérant, porte-t-il , qu'aucune loi ne défend aux proprié» taires de maisons sujettes à reculement de faire des travaux
» dans l'intérieur, même sur la partie retranchable, pourvu que
» ces travaux u'aient pas pour effet de reconfol'ter le mur de
» face ..... L'administration ayant en tout temps le droit de vé» rifler si lesdits- travaux ont été confortutifs du mur de face,
» et d'en poursuivre, s'il y a lieu, la démolition .•.. li
Cet arrêt a été suivi de plusieurs autres, en date des 12 dé~
cembre 1834, 25 mars et 28 mai 1835; le premier de ceux-ci
�6'..0
TRAl1'I~
des conslructions sur la portion de terrain retranchable, pourvu qu'elles ne tendent pas à reconforter le mur de face et qu'elles ne joignent pas immédiatement la voie publique, ne saurait se justifier
. ni par les anciens réglements, auxquels l'arrêt renvoie à tort, ni par la raison.
Par les anciens réglements : Pour s'en con ...
vaincre, il suffit de recQurir à l'analyse exacte que
nous en avons donnée ci-dessus, pag. 565; on n~y
voit aucune distinction de cette espece; au con. traire, tau te réédification~ soit en entier ~ soit
en partie~ toute réparation plus ou moins entière de maisons faisant saillie, sont également interdites.
Par la raison: Le bu t quet'on se propose pari'alignement est d'arriver au l'élargissement jugé' nécessaire de la voie publique, etc'est parce motifd'in tél'êt
général qu'une servitude tres-onéreuse est imposeèà
la propriété privée; or elle doit s'étendre à toute la
partie dont on a besoin, et on ne voit pas pourquoi
on la restreindrait au simple mllr de face, puisque
la parcelle située de l'autre côté n'est pas moins
destinée que son emplacement même, à faire pal'tie
de la rue; autrement on favorise la f,'aude, on
éloigne indéfiniment l'amélioration et on vexe
ajoutant seulemen t à la réserve de vérification de la nature des
travaux, celle « d'ordonner la destruction de tous les ouvrages
Il construits dans la partie retranchable dans le cas, où le mur
Il de face viendrait à tomber ou à compromettre la si'creté de la
voie publique.."
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
641
les citoyens en pure perte; si on ne prohibe que la,
réparation du mur de face, le propriétaire ne mauquera jamais, lorsqu'il le verra péricliter, d'en
élever un antre par derrière, à quelques centimètres de distance; le premier démoli et celui. ci venant encore, apl'ès des siècles, à menacer ruine, un
troisième, hâti d'avance, se trouvera sur un nou,-eau plan, et ce sera ainsi, demi-mètre par demimètre (car telle est ordinairement l'épaisseur de
ces murs), qu'il faudra conquérir l'espaceindispensahle à la bonne viabilité; ce sera, pendallt plusieurs
générations, une lu tte fatigante et onéreuse POlU les
propriétaires, sans résultats utiles pour le public, ct
peu digne et pen convenable pour l'administration.
Nous n'adoptons pas plus ce moyen terme, source,
féconde d'arbitraire, que celui de la distinction des
réparations confol'tatives et non coufortatives
contre lequel nous nous élevions naguères; cn
toute cil'constance, nous voulons, autant que possible, une règle nette et précise qui nous montre
la limite de notre droit et qui nous dise: Usque
hùc
venies~
et non procedes ampliùs.
Il est vrai que pour essayer de remédiel' à ces inconvénients qui ne lui ont pas échappé, le conseil
d "etat, par d'Ivers arrets, notamment par ceux a 1a
date des l) septembre 1~G2 et 12 décembre 1834,
cités ci·dessus en note, réserve à l'administration
le droit, d'une part, de vérifier à chaque instant si
les travaux faits à l'intérieur tendent à consolider
le mur ùe face, et, d'autre part, cl'ûn!onncr la.
A
,
�642
TRAITÉ
démolition de tous les ouvrages compl'is dans la
partie retranchable lorsque ce mur vient à être démoli; de son c8té, la Cour de cassation, pal' deux
arrêts des 1er décembre 1832 et 4 mai 1833, dont
nOlls parlerons dans un instant, avait paru vouloir
décider que la nouvelle construction élevée sur la
partie retranchable en dedans d'une clôture déjà
existante, ll'est exempte de contravention qu'autant qu'elle n'a pas été faite dans le but de remplacer immédiatcment la clôture ancienne et afin
de servir de limite à la voie publique actuelle;
mais ces moyens sont ou illusoires et inexécutables, ou en opposition avec la faculté qu'on prétend résulter des anciens réglemen ts. Comment, en
effet, reconnaît re avec certitude, si des travaux faits
dcrrière un mur et exécutés avec art, le consolident
ou non; si, en les construisant, l'intention a été
d'en faire une nouvelle clôture pour la substituer
à l'ancienne; et, dans tous les cas, à quel titre
prescrire la démolition d'ouvrages établis en vertu
de ce que l'on reconnaît être un droit? C'est le
propre des mauvaises mesures de donner lieu,
pour en atténuer les conséquences, à des cOfl'ectifs
aussi vicieux qu'elles et qui ne font souvcnt qu'aggraver le mal: ln vitium dueit eulpœfuga, si
caret atle. Selon nous, il n'y a pas de milieu, il
fant renoncer complètement à la servitude d'alignement et à la prohibition de construire et de réparel' sur les parties retranchahles, qui la constitue,
ou il faut en exiger la rigoureuse exécution; tons
.,
�DU DOl\lAINE PUBLIC.
643
les moyens de conciliation auxquels la jurisprudence a eu recours, sout aussi vexatoires, et manquent entièrement le but Ca).
Quoi qu'il en soit du mérite de ce motif, que
(a) Aussi, pendant que le conseil d'état adoptait la restriction
de la défense de consolidation aux seuls murs de face, la Cour de
cassation l'abandonnait à son toUr et revenait sur son arrêt du
25 juillet 1829 qui l'avait consacrée: C< Attendu, porte sa déci» sion du 5 juillet 1833 (Sirey, 33-1-863), que l'effet immédiat
» et nécessaire de l'ordonnance d'alignement a été d'empêcher
II que les terrains qu'elle a jugés devoir être réunis à la voie
» publique puissent, en attendant qu'ils en fassent effectivement
~l partie, recevoir une destination préjudiciable à l'intérêt géné» l'al par elle reconnu et déclaré; qu'il n'est dès-lors permis d'y
» entreprendre :lUcunes constructions quelconques, sans avoir,
II au préalable, demandé et obtenu l'alignement, quand bien
» même ces constructions ne toucheraient pas immédiatement à
II la voie publique actuelle et s'en trouveraient séparées par un
» espace plus ou moins considérable, puisque décider le con» traire, ce serait attribuer aux propriétaires dcsdits terrains le
II droit de paralyser l'exécution de la loi ci-dessus rappelée, et
." rendre impossible l'accomplissement des vues d'utilité com» mune qui ont déterminé ses dispositions
II Ces principes,
ensuite admis par un arrêt du conseil d'état du 24 décembre 1835
(Dela/lIye), ont été depuis constamment suivis par la Cour de
cassation, comme il résulte de son arrêt du 13 juillet 1838
(Sirey, 39-1-146), et plus positivement encore de celui du
16 juillet 1840 (Sirey, 40-1-745), dans lequel elle a soin de relever cette circonstance que, C< d'après le plan d'alignement, la
II maison de la veuve Delalonde est sujette à retranchement, non
II pour l'oufJerture d'une voie noufJelle à une époque indétermiII née, mais pour l'élargissement de la voie publique actuelle à
II une époqae déterminée d'avance par les lois et réglements. »
�TRAITÉ
nous avons dû discuter incidemment, on pouvait
supposer que désormais la question principale
était résolue d'une manière irrévocable; cependant
il en a été al1tremeu t. Fau le d'une règle certaine,
non·seulement la chambre criminelle de la Cour de
cassation a persisté da DS ] a doctrine de ]'arrêt du
2 août 1 ~hH , mais, ce qu'il y a de pl liS extraordinai,'e, toutes les sections réunies y sont revenues
dans une seconde affaire coucernant encore la ville
de Tours.
Dn sieur Hautin, propr~étai,'e d'une maison
sise au fond d'une impasse destinée à être prolongée et convertie en rue, fit dans sa cour, et
à deux mètres en arrière du mUl' de clôture, une
nouvelle construction; poursuivi pour ce fait, un
jugement du tribunal de police, appuyé sur le dernier arrêt Chandesais, le renvoya de la plainte et
fut cléfé"é à la Cour suprême, qui le cassa le 1 er décembre 1832, en renvoyant l'affaire au tribunal de
Vauvray; le ùouveau jnge de police ayant adopté
le même système que le premie,', il y eut pourvoi
contre sa sen tence, et cassation par arrêt solennel
du 4 mai 1833 (Sirey~ 33-1-465), rendu contre
les conclusions de M. le procmem'-général Du pi n,
qui sou Lint, avec beaucoup de raison, que le citoyen
qui travaiJle chez lui, sm' son terrain, ne peu t en
être empêché tant qu'il n'a pas été exproprié, sous
le prétexte que son fonds entre dans]e plan des
travaux publics, et que la ville, à llne époque plus
ou moins rapprochée, sera dans le cas de l'acheter
pour l'exécution de ses projets.
�645
DU DOMAINE PUTILIC.
La Cour royale d'Orléans, sur le renvoi qui lui
fut fait de la cause, rendit, classihus consullis,
un anêt à la date du I l juillet de la même année
1833 (Sirey, 33-2-562), qui condamna le sieur
Houtin à l'amende d'nn franc et à la démolition,
par le motif «qn'il avait construit sur un terrain
>, désigné pour faire un jour partie de la voie pu» blique
; qu'en agissant ainsi, îl n'avait eu
» pour but que de substituer une nouvelle clôture
>, à celle qui existait précé.demment, et qui, joi.
>' gnant la voie publique, ne pouvait, même en
>, reculant, être réparée ni reconstruite sans auto» risation du maire ...•. »
Si, aux termes de la loi du 30 juillet 1828, cet
arrêtétait inattaquable, il ne lui était heureusement
pas réservé cependant de fixer la jurisprudence; la
Cour de cassation ayant été de nouveau saisie de la
question, l'a résolue dans un sens opposé par trois
arrêts en date des 24 novembre 1837 (Sirey, 37-1967.), J7 mai 1838 (S.,38-1-932), et 16 juillet 1840
(S., 40-1-745), dont le premier est ainsi conçu:
«Attendu que l'édit du mois de décembre 1607 et
:» l'arrêt du conseildtl17févricrI765 n'obligentles
» propriétaires qui veulent construi,;e ou réparer
" des bâtiments, à demauder une autorisation ou
" la fixation de l'alignement qu'autant que les édi» fices sujets aux réparations, ou les terrains sllr
» lesquels les constructions doiven t avoi,' lieu,
" joignent la voie puhlique; - que par ces mots
» voie puhlique, on ne doit entendre que l'em ..
TOM.
II.
41
�616
Tl\.AITlt
" placement actuellement affecté à la circulation,
» et non les terrains qui sont désignés par les
" plans pour fOl'mer, à une époque indéterminée,
)' une voie publique nouvelle; - attend Il que la
» loi du 16 septembre 1807 n'a pas étendu leStEs» positions de l'édit de 1607; que l'art. 52 de cette
» loi, qui pone que, pour l'ouverture des nou» velles rues comme pour l'élargissement des an» CIennes, les alignements seront dOllnés par les
,. maires, se rapporte aux articles précédents, no» tamment à l'art. 49, qui exige que les telTains
» nécessaires pour l'ouverture des nouvelles
» rues soient payés à leurs propriétaires; que dès)' lors l'art. 52, en parlant.de l'alignement à'don" ner pour l'ouverture des nouvelles rues, suppose
» nécessairemen l l'acquisition préalahle et le paie') ment, conformément à l'al't. 49, des terrains sur
" lesquels ces rues nouvelles doivent. être ouvp.rt, au surp1us, que 1a consequence
'
" t es; ce qm"
n es
» du principe posé dans l'art. 9 de la Charte et
» dans l'art. 546 du Code civil, que nul ne peut
" être contraint de céder sa propriété, si ce n'est
" pour cause d'utililé publique, et moyennant une
" juste et préalable indemnité; - attendu que,
)' jusqu'à ce que l'acquisition des terrains désignés
» pour former une voie publique nouvelle ait été
» consommée, les propriétaires de ces terrains ne
» doivent éprouver aucune gêne dans l'exercice
» légal de leur droit de propriété.... "
Espérons que cette doctrine, dont nous aVOIH
\
�DU DOl\iMNE PUBLIC.
,647
posé le principe, indiqué la raison et démon tré
l'équité dans le parallèle placé au commencement
de ce S, ne sera plus méconnue et recevra, daus les
différents cas qui se présen teront, une application
fi'anche et sans détour; la difficulté qu'elle a eu à
prévaloir nous fournit une preuve des erreurs auxquelles expose l'absence d'une règle positive et basée snI' le fond même des choses; on penl sans doule
~\pprocher de la vérité, l'atteindre même, mais
comme c'est par l'effet du hasard, rien ne garantit la persévérance dans la honne voie (a).
Ca) La solution donnée dans ce § rend sans but la disposition
de la circulaire ministérielle du 18 août 1808, qui prescrit d'indiquer, sur les plans d'alignement, les rues à percer, leur direction, leur largeur et les bâtiments qu'il faudrait détruire, ou
du moins ces indications ne seraient utiles que comme vues d'avenir ou projets proposés aux administrations futures; mais
alors il serail bon d'avertir qu'elles n'ont aucun effet légal,
qu'elles ne grèvent la propriété d'aucdne servitude ou prohibition, et que les améliorations auxquelles elles s'appliquent ne
pourront se réaliser qu'au moyen de l'accomplissement de toutes
les mesures constituant l'expropriation pour cause d'utilité puhlique.
Nous pensons que non-seulement la formule qui termine ordinairement les ordonnallçes royales approbatives des plans.d'alignement: « Il est expressément interdit aux propriétaires de
" réparer ou de reconstruire les bâtiments existants sur les tei':"
» rains qui, d'après le plau ci-joint, doivent un jour faire partie
» de la voie publique, ces hâtimcnts devant être démolis lors» que leur état de vétusté sera reconnu dangereux; » nous
pensons, disons-nous, que non-seulement cette formule n\lUra
aucune valeur par rapport aux projets de rues et places à ou"rir,
�648
TRAITÉ
0
37 Au reste, lorsqu'il s'agit du cas de véritable
alignement , c'est-à-dire du simple rélargissemen t,
quelle qu'en soit l'étendue, de la voie publique existante, il n'y a pas lieu de distinguer entre l'hypothèse où il comprendrait la totalité ou presque
totalité de l'emplacement d'une maison et celle où
ilu'en enlèverait qu'une faible partie, qui ne nuirait pas à l'usage du surplus; dans l'une comme
dans l'autre, le droit de l'administration serait le
même pour empêcher tous travaux snI' la partie
puisque le pouvoir royal ne peut créer de servitudes en dehors
des cas prévus par la loi, mais encore que l'ordonnance
approbative d'un plan d'alignement n'aurait l'effet de celle exigée par l'art. 3, 2" alinéa de la loi du 3 mai 1841, et ne pourrait en conséquence servir de base à une expropriation qu'autant qu'elle aurait été précédée de toutes les formalités en pareil
cas voulues, et qu'elle autoriserait formellement à exproprier.
En effet, selon noUs, la simple approbation de l'alignement ne
conférerait point aux communes le droit imméd'iat de se procurer par expropriation les portions de bâtiments et de terrains
nécessaires, soit à l'ouverture de rues ou places nouvelles, soit
même au rélargissement des anciennes; c'est ainsi qu'une ordon..
nance qui approuverait les statuts d'une société anonyme pour
l'ouverture d'une rue déterminée, ne serait pas suffisante pout
requérir l'expropriation des terrains destinés à cette rue (Tl'. de
l'expl'opr., deM. Delalleau, pag. 76, 2" édiL.); c'est ainsi encore que le conseil d'état a jugé, le 19 décembre 1821, que
l'approbation donnée par ordonnance royale au budget de la
ville de Tours, qui comprenait l'allocation de la dépense pOUl'
le changement d'une fontaine, n'équivalait pas à une déclaration
d'utilité publique autorisant l'expropriation, parce que ce n'éta il
qu'une mesure d'ordre ct de comptabilité (A{acarel, tom. 2,.
page 606.)
..
�DU DOMAINE PUBLIC.
649
retranchable, ct elle ne pourrait être contrainte
d'acquérir sur-le-champ la totalité par voie d'expropriation.
On conçoit en effet que sa position et ses droits
ne peuven t changer par l'effet d'une circonstance
accidentelle, imprévue et dépendant du hasard,
qui ne doit avoir aucune influence sur le principe;
autrement il y uurait deux modes de procéder,
deux sortes d'indemnités, deux époques différentes
d'entrée en jouissance; les plus petites maisons seraient des obstacles insurmontables, tandis que l'on
couperait aisément les grands bâtiments. Viendraient ensuite les difficultés inextricables de l'application; comment déterminer la limite en deçà
de laquelle il y aurait lieu à alignement et à la servitude non aedifz·candi qu'il entraîne, tandis qu'audelà, la voie de l'expl'opriation pourraiueule être
employée? Quand un terrain serait-il-, par son exiguité, sa configuration et sa position, réputé impropre ou non à recevoir de nouvelles constructions ? La règle, nous ne cesserons de le répéter,
doit être une, inflexible et égale pour tous; vainement.dirait-on que le maître d'une chaumière étant
présumé moins riche que le possesseur d'un vaste
hôtel, il Y aurait peu d'inconvénient à ce qu'il
jouît d'une faveur refusée à celui-ci; dans la justice
commutative on ne doit faire aucune accep~ion des
personnes, de leur condition et de leur état de fortune : Pauperis non misereheris in judicio
(Exod., ch. 23, 11· 3); autrement les jugements
seraient incertains et arbitraires.-
�650
TnAITÉ
Un sieur Martin, propriétaire, à Paris, d'nne
maison ayant- 5 mètres 20 centimètres de profondeur, sur laquelle l'alignement prenait 3 mètres
90 cent., assigna la ville devantle tribunal civil Je
la Seine pour qu'elle eût à la lui acheter en totalité, parce qu'on en avait prescrit la démolition
pour cause de vétusté, et qu'étaut empêché de la
reconstruire sur ses anciennes fondations, il lui
était imposslble de tirer parti d'une bande de terrain réduite à 1 mètre 30 cent. de largeur. En réponse, la ville soutint que, s'agissant ici d'un cas
d'alignement, elle ne devait payer que quand elle
prendrait possession, et, au surplus, que l'indemnité ne pouvait être que du prix dn sol nu de la
partie à réunir à la yoie.publjque; cette défense fnt
accueillie comme elle devait l'être, par jugement
_ du J 4 septembre 1827, portant: « Attendu que
» l'art. 50 de la loi du 16 septembre 1807, traite
» du cas où le propriétaire fait volontairement
abattre sa maison, comme de celui où il y est
» forcé par la vétusté des constructions; tandis que
» l'art. 5 1., an con traire, l'applique uniquemen tau
» propriétaire qui est obligé de céder à la commune
» ou à l'état toutou partie de sa maison p01l1' cause
» d'utilité publique; - qu'il a été décidé par l'an=» torité compétente que la maison du sienr Mar» tin devait être abattue à Ca\lSe de sa vétusté, et
» que, par suite, celui-ci se trouve évidemment
» dans la première de ces positions, le déboute de
» sa demande. »
):>
�DU DOMAINE PUBLIC.
651
Une question analogue ayant été portée pardevant la Cour royale de Nîmes, fut résolue dans le
même sens. Le sieur Spale, acquéreur de l'emplacement d'une maison située à Lille (Vaucluse), et
démolie pendant les troubles civils; voulut y élevel'
un nouveau bâtiment, mais il en futempêché par le
maire, qui, au moyen du plan d'alignement, avait
fait comprendre la presque totalité du terrain dans
le l'élargissement dela voie publique; c'est sur l'instance qu'il intenta en main·levée de cette opposition, qu'intervint un arrêt rapporté en ces tel'mes
dans la Gazettedes Tribunaux du 31 décembre
1828: cc Attendu que les ouvrages commencés pal'
» Spale sontde véritables co'nstructions; -attendu
» qu'nne ordonnance royale ayant prescrit un
» alignement pour la place sur laquelle sont situés
» les terrains qui font l'objet de la contestation,
» le sieur Spale n'a pu élever de constructions
:» sur cette place sans l'autorisation de l'autorité
» municipale; que dès-lors le maire est bien fondé
» à s'opposer à la continuation des ouvrages com» mencés; rejette la denlande du sieur Spale et le
;n condamne aux dépens. »
La même opinion est aussi professée pal' M. Davenqe, dans son Supplément au recueil des lois
de voirie, pag. 37, où, répondant à l'objection
tirée de ces expressions finales de l'art. 50 de la loi
du 16 septembre 1807, recuLe,r sa construction,
qui sembleraient indiquer qne l'alignement ne
peut que retrancher une partie, mais 110n enlever
�652
la totalité, il dit:
»
»
~
»
»
»
»
»
»
»
»
:»
»
»
:»
»
:»
»
»
:»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
TRAiTÉ
« S'il est constant que l'administration ait le droit de prendre la plusgrande partie
possihle des bâtiments, il fant en conclure qu'elle
pen t les prendre en entier, car il suffirait, pour
faire évanouir tout sCl'llpule , de laisser an propriétaire la moindre parcelle de son terrain; ce
serait une dérision. Admettons pourun moment,
l'hypothèse d'un plan d'alignement qui s'exécuterait suivant le principe contesté; il pourrait
arriver que, dans l'élargissement d'une rue 011
d'une place puhlique importante, les plus petites
maisons devant être emportées en totalité, fussent exceptées de l'application des réglements de
voirie, parce que la ville se serait réservé de les
acheter intégralement, ne le pouvant actuellement faute de ressources, tandis que d'autres
maisons plus considérables, mais dont l'alignement enlèverait les neuf dixièmes de la surface,
bien qu'en réalité elles dussent disparaîtreeutièrement comme le" premières, resteraient néanmoins soumises aux prohibitions et à toutes les
conditions onéreuses dont celles - ci seraient
exceptées; - on se demande comment, dans ce
cas, l'administration justifierait aux yeux des
propriétaires lésés, la rigueur don t on se serait
exclusivement servi envers eux. Ne s'exposeraitèlle pas au reproche d'arhitraire et d'injustice,
en poursuivant la répression des contraventions
dont ils se seraient rendus coupahles, afin d'éviter l'application des réglements, déjà très-pré-
�DU DOM.A.l'"!\E PUBLIC.
653
judiciahles aux intérÉhs privés, et qui devicnuen t
odieux s'ils ne sont observés également pal'
» tous P» Il ajoute que cette opinion a prévalu depuis 1807 jusqu'à ce jour, et il cite à l'appui une
décision ministérielle du 6 mars üh2, au sujet
des plans d'alignement de Sommières et de Saint~
Hilail'e-du-Harcou rt.
38° Nous avons dit, au commencement du
S 36, pag. 624 ci· dessus ,en établissant le parallèle
entre l'cxpropriationell'aligneme11t, que dans ce
dernier cas l'indemnité ne devait être que de la
valeur du sol nn de la partie de terrain réunie à la
voie publique, sans égard à la dépréciation du surplus; ce principe, qui a été contesté et qui a même
donné lieu à une sérieuse disside.nce dans le sein
de la Cour suprême, a besoin d'être justifié. L'art.
50 de la loi du 16 seplembre 1807 est, il est vrai,
hien positif, puisqu'il porte que le propriétaire
»
»
n~a
droit à indemnité que pour la vaLeur du
terrain délaissé; mais il est suivi de' près par un
antre, le 53 e , qui, clans l'hypothèse inverse, celle
où le voisin reçoit l'autorisation d'avancer, veut
que l'estimation comprenne aussi la valeur relative,
c'est-à-dire ait égard aux avantagl"s et aux inconvénients produits par l'opération (a); or, dit-on,
(a) C'est aujourd'hui un point hien constant, que l'indemnité
en cas d'expropriation proprement dite doit être intégrale, c'està-dire doit réparer tout le dommagê causé, de manière que le propriétaire ne ressente plus, et sous quelque rapport que ce soit,
aucune espèce de lésion; cette vérité ressort non-ieulement du
�TRAITÉ
il Y a là deux corrélatifs qui doivent être soumis à
la même règle; les principes applicables au dernier,
s'étendent aussi nécessairement au premier; la:
position de la commune ne peut être différente
lorsqu'elle acquiert que lorsqu'elle vend; elle ne
peu t se servir cl e deux poids et deux mesn res ; c'est
évidemment la valeur complète qui doit être
payée, d'autant plus que la loi de 1810 et surtout
celles de 1833 et 1841, en prescrivant une indemnité intégrale, auraient au besoin modifié l'art. 50
que nous eXam1l1011S.
~.
Nonobstant ces raisons habilement cMvelùppées
par Me Odilon-Barrot, dans l'intérêt d'un sieur
Villette, don tla mai:)on avait été démolie, comme
menaçant ruine, par ordre du maire, et qui n'avait
obtenn l'autorisation de la reconstruire qu'en se
retirant sur l'alignement, la Conr suprême, après
terme pluriel indemnités employé par les art. 16 de la loi du
8 mars 1810 et 53 de celles des 7 juillet 1833 et 2 mai 1841,
mais aussi et principalement de l'esprit de ces lois, et du rapprochement de plusieurs de leurs dispositions. Aussi la jurisprudence et les auteurs sont·ils d'accord à ce sujet. Voyez l'arrêt
de la Cour de cassation du 21 février 1827 (Sirey, 27-1-162),
celui du conseil d'état du 24 janvier précédent (S., 27-2-271),
M. Delalleau (Tr. de l'expropr., tÎt. XI, 2e édit., pag. 249 et
suiv.). -Des lettres-patentes de Charles VI, d'avril 1407, portaient déjà que le sacrifice d'une propriété privée ne pouvait être
exigé par l'état que moyennant une condigne récompensation. '"
du loyal prix .... et juste valeur..... et des autres intérêts et
loyaux coustemens. (Maximes du droit public, in-4°, tom. 1"r,
page 86.)
,'
�DU DOl\lAlNE PUBLIC.
655
partage d'opinions, a cassé, par arrêt du 9 juillet
l~h9 (Sirey.) 29-1-308), celui de la Cour de
Douai qui avait accordé une indemnité? uon-seulemen t pOUf la valeur du sol, mais encore pour la dépréciation de l'édifice et pour les frais de la reconstruction sur Je nouvel ;llignemeut; voici les motifs
de cette décision importante: cc Attendu que l'ar» rêté du DJaire l'eu trait dans l'application dela loi
» du 16 septembre 1807. qui, dans ses art. 50 et
» 52, renferme des dispositions spéciales relatives
" aux alignements dans les villes et aux démoli:» tiODS ordonnées pour cause de vétusté, et non
" dans ce)Je de la loi du 8 mars 1810, dont les
» dispositions sont étrallgel'es au cas particulier
" dont il s'agit; - attendu que des dispositions
» combinées des art. 50 et 52 de la loi du 16 sep" tel1Jbre 1807, il résulte: 1 0 que daus le cas de
" démolition de tout ou de partie d'un bâtiment
" pour cause de vétusté, sa reconstruction ne peut
" avoir lieu qu'à la charge par le propriétaire de se
» conformer à l'ali;'nement
arrêté [)ar l'autorité
b
" administrative compétente; 2° que l'indemnité
~) duc au propriétaire, qlli, par l'effet de cet alignc» meut, se trouve forcé Je reculer sa nouvelle
» construction, consiste uuiqueruentdans la valeur
») du terrain par lui délaissé; qu'en jugeant le
contraire, et cn décidant, pal' application de
) l'art. 20 de la loi cl li 8 mars 1 8, 0, que l'indem) nité due au sieur Villclle, à raison Ju recule» ment qui lui a été imposé par l'alignenlCùt,
)J
�656
TRA.lTl~
devait être évaluée, non sur la v;lleur dn terrain
délaissé, mais d'après tout le dommage résultant
» ponr lui dudit reculement, la Cour royale de
» Donai a fait à la cause nne fausse applicati0l1 de
::" la loi du 8 mars 1810 et a violé les art. 50 et 52
:» de la loi du 16 septembre 10°7; casse ... »
Cette solution pourrait paraître sans obiet, aHjourd'hui que les indemnités en cas d'alignement
doivent être réglées par le jury qui n'a point à
rendre compte des motifs et des éléments ùe son
évaluation, si nous n'avions l'espoir que celte belle
institution repoussera comme un présent funeste,
l'omnipotence dont on veutl'investir, et qui, la pla~
'çant au-dessus des lois,la compl'Omettraitaux yeux
des peuples, pal' son irresponsabilité même. « En
» effet, où en serait-on, dit le président Bouhier
» (Dis~ert. citée pag. 590 ci-dessus), s'iL était
~, permis aux magistrats de préférer, en jugeant,
)' ce qu'ils s'imaginent être Je plus équitable, à ce
» qui est ordonné par le législateur? >, Après leur
avoir adressé ce reproche du savant d'Argentré,
»
::»
cur de lege judicas J qui sedes J ut secundùm
legem judices? on finirait par ajouter avec lui:
aut igitur sedere desinant J aut secundùm leges
judicent (a).
(a) Voyez, sur cet abus" les judicIeuses observations d'un
savant magistrat de la Cour royale de Dijon, M. De Lacuisine,
dans son ouvrage: De l'administration de la justice criminelle
en France depuis la réforme, de la législation, notamment
pages 17 et suÎv.
�DU DOMAINE PUBLIC.
657
L',estimation du tel'fain réuni aux rues des villes,
bourgs ct villages devra être faite au prix vénal
des terrains à bâtir dans la même localité, en prenant dès-lors en considération l'importance de la
population, celle de la voie publique et du commerce qui y est établi, la situation et ce qu'on
appelle le pas de la maison. Mais on ne devra avoir
aucun égard ni à ce que cette maison sera privée
de ses aisances, ni à ce qu'étant plus étroite, elle
sera moins commode et d'une plus faiLle valeur,
"ni à la dépréciation résultant "de ce que pendant
très-longtemps et jusqu'à ce que les constructions
voisines se retirent aussi sur l'alignement, elle se
trouvera dans un renfoncement, ni à l'abandon
.par le propriétaire de tout ou partie de ses caves,
on substructions, de ses puits, fosses d'aisances, etc.,
ni à la nécessité de reconstruire à grands frais de
nouvelles et profondes fondations. En un mot, le
terrain devra être estimé comme vagueet nu, à son
prix intrinsèque, abstraction faite de ses rapports de
nécessité, d'utilité, de convenance et d'agrément
avec le bâtiment dont il est retranché, absolument
comme s'il avait toujours formé à lui seul, une propriété complète et isolée.
IJe propriétaire ne pourra en outre, à la différence de ce qui a lieu en cas d'expropriation, contraindre la commune à lui acheter ses matériaux;
il aura seulement la faculté de retirer tous ceux
qui pourront lui être utiles, el de combler les souterrains jusqu'au nive.m du sol, avec les déblais et
�658
TRAITÉ
décombres produits par la démolition; s'il y avait
des plantations, il pourrait aussi les enlever.
39° Quant à l'étendue supedicielle du terrain,
par rapport à laC\llelle l'indemnité devra être calculée et payée, elle ne doit comprendre que ce
dont le propriétaire jouissait à titre de maître et
exclusivement, c'est-à-dire tont ce qui était enveloppé pal' les murs de sa maison,de sa cour,de sou
jardin, etc., y compris, bien entendu, l'épaisseur
enticre desdits murs dont la commnne ne saurait
être admise à réclamer la mitoyenneté, puisqu'ils·
forment une dépendance des propriété.s riveraines
et non de la voie publique.
La limite devra ètre déterminée au niveau du
sol, par la ligne que formera l'in tersection de son
plan horizontal par celui vertical du paremel t
extérieur du mur, sans égard à l'inclinaison en avant
ou en arrière qm: présenterait la partie supérieure
de ce mur, soit par suite dc vétusté, soit parce
qu 'originaireOleb t il a II rait été ainsi construit, non
plus qu'à s911 empatement ou saillie de ses fondations sons tClTe, car pour les murs, comme pOUl' les
arbres,c'esL à la surface même du sol naturel que la
démarcation de la possession doit être faite.
Il suit de la que l'on ne devra tenir aucun
compte au propriétaire, ni de l'emplacement des
hancs, bornes, marches d'escaliers, perrons, trotoirs, tambours, becs d'évier, etc., appliqués au
mur de face, ni de celui des descentes de caves,
sonpiranx, souterrains, puits, citernes, lieux d'ai-
�DU DOMAINE PUBLIC.
659
sances s'élf.'ndant sous la voie publique, ni enfin'de
celni correspondant aux corniches, balcons, auvents, encorbellements ou avances des étages supérieurs sur le rez-de-chaussée, parce que toutes
ces s"illies n'existent que par toléran~,e, et qu'elles
forment autant d'anticipations qui ne peuvent
être maintenues par, la prescription, quel que soit
le temps depuis lequel elles existent et encore,
qu'elles aient été même formellement autorisées
par l'admiujslration, ainsi que nous l'avous expli-qué ci-dessus, p"g. 122 et 476.
Si, comme d'anciennes constructions en offrent
des exemples, l'avance que fait sur le rez-de-chausée, l'étage supérieur était soutenu par des piliers
en pierre ouen bois, placés dans la rue de manière
à former une espèce de passage couvert pour
les piétons, nOllS pensons que cet esp~ce ne
devrait point être réputé une dépenda'nce de la
maison, pourvu qu'il fût au même niveau que la
voie publique, et qu'il n'en fût séparé pal' aucune
clôture.
Mais il en serait autrement du cas où, au lieu de
piliers isolés, il Y aurait, ainsi que cela existe dans
la l'ne de Rivoli, à Paris, uue série d'arcades formaut la base des façades, se liant avec elles et en
faisant évidemment partie, parce qu'alors ce serait
une disposition particulière de la coustrnclion et
non une anticipation sur la rue.
L'administration, autorisant pour la décoration,
l'application au mur de face, de pilastres, socles,
�660
TRAITÉ
colonnes et autres ornements ti'architecture ou de
sculpture, ces saillies ne constituent pas un droit
au profit du propriétaire qui, lorsqu'il voudra reconstruire, ne pourra, à moins d'une nouvelle autorisaLÏon, dépasser le nu du mur.
40° De ce que, comme nous l'avons dit, l'alignement n'est point, ainsi que l'expropriation, nne
charge nouvelle, imprévue et accidentelle imposée
par u ne volon té su périeure à la proprihé, mais
constitue une servitude nécessaire, préexistante,
connue à l'avance et résultant d'un quasi-contrat
ancien, on doit en induire que le droit à l'indemnité ne s'ouvre que par sa réalisation et sa mise à
exécution effectives ct matérielles, et non par sa
simple déeIaraLÏon ou manifestation au moyen d'un
plan et d'nn réglement de voirie; en effet, en
dressant ct en promulguant ces actes,l'administration publique ne cha nge pas la condi tion de la'
propriété privée, elle ne fait qu'en déterminer
l'état; elle ne lui impose aucun sacrifice nouveau,
et par suite ne se soumet pas à l'indemnité préalable décrétée pal' les art. 545 tlu Cod. civ. et 10 de
la Charte constitu'tionnelle.
Ces principes ont été consacrés par l'arrêt suivant de la Cour de cassation du 7 août 1~h9
(Sire.Y~ '29-1-394): cC Attendu que, d'après les
» art. 50 et 52 de la loi du 16 septembre 1tl07,
» les propriétaires des maisons et édifices qui
» doivent, en ton t ou en partie, être compris dans
» les alignements arrêtés et être rendus à la voie
�661
DU D01\fAINE PUBLIC.
)' publique ~ ne sont pas à l'instant dépossédés de
n leur pl'Opriété, ni tenus de se reculer ou de
;>, démolir de suit~; qu'ils continuent, au contraire,
)' de jouir de leurs maisons ou bâtiments dans
» l'état où ils se trouvent, jusqu'à ce que ces édi» lices soient sujets à être démolis pour cause de
» vétusté, on que volontairement ils les démo» lissent eux-mêmes; qu'alors seulement, c'est-à» dire au moment de la démolition, ils ont droit
" à l'indemnité de la valeur du terrain à délaissel' ;
)' mais qu'à dater de la signification de l'ordon» nance fixant les alignements, les propriétaires
)' des édifices sUJets à cet alignement ne peuvent
» ni faire de nouvelles constructions, ni exécuter
» des ouvrages tendant à consoliùer, reconforter
» ou réparer les murs et bâtiments faisant face à la,
» rue, sans avoir demandé et oLten u la permission
» du maire. »
Il suit du principe q ni a servi de base à cette décision, d'une part, que l'estimation du terrain
retranché doit être faite suivant sa valem', non au
jour où l'alignement a été demandé eLla démolition
commencée, mais à l'époque où, par suite de son
achèvement et de l'enlèvement de tous les matériaux, la commune a pris ou pu prendre posses-'
sion; et d'uu autre côté, que c'est aussi il 'Ilartir'
du même moment que les in,térèts de l'indemnité
doivent commencer à courir.
41° Quand le terrain est libre et déblayé, la
commune pourrait-elle difft;l'er le paiement de l'inTOM:. II.
42
... ,.,.......
~
'"
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....
'. ~,.,
.,
�662
TRMTÉ
dcmnité; et si, faute de fonds disponibles, il lui
était impossible de l'effectuer sur-le-champ, le
propriétaire serait-il fondé à refuser de prendre
l'alignement et alors à reconstruire sur ses anciennes limites?
La solution de ces questions était facile sous
l'empire de la loi du 8 mars 1~10, dont l'art. 20
portait, relativement aux acquisitions par expro~
pl'iation, cc si des circonstances particulières em~~ pêchent le paiement actuel de tout ou partie de
» l'indemnité, les intérêts en seront dus à compter
» du jour ùe la dépossession, d'après 1't;valuatioH
» provisoire et définitive de l'indemnité, et payés
» de six mois en six mois, sans que le paiement
~~ du capital puisse être rctardéau·delà dc trois ans,
» si les pro priétaires n'y consen ten t. »
C'est am.si en se fondant sur cette disposition,
que, par sa circulaire du 16 mai 1825, le ministrc
de l'intérieur avaIt porté la décision suivante: « Il
0
:n fan t distinguer ici deux cas: 1
cel ui où le pro» priétaire fait ùémolir volontairement; 2° celui
~~ où il y est contraint par la ruine de son édifice."»
Dans la première hypothèse, la ville est certai~
» Dement en droit J'ajourner le paiement de l'in~) demnité due pour la valeur du terrain cédé,
» puisque le propriétaire est libre de conserver la
» jouissânce de ce terrain, et que les alignements
» arrêtés par les plans généraux ne sont censés
» exécutables que par mesure de voirie, c'est-à» dire quand -les bâtiments atteints par les projets
�DU DOMAINE PUBLIC.
663
sont arrivés au terme de leur durée; elle peut
" donc en pareille circonstance, et sans blesser les
» droits des tiers, subordonner le remboursement
" du prix des terrains ab:l11donnés, aux moyens que
» l'état de ses finances et des besoins plus pres» sants lui permettent d'adopter. Dans le cas
" de démolition pour raison de sûreté publique,
" l'indemnité est plus rigoureusement exigible;
» mais comme le besoin de cette démolition n'a pu
» être prévu à l'avance, que la somme nécessaire
» pour solder le prix du terrain réuni à la voie
» publique peut ne pas figurer dans le budget de
» la ville, le paie men t est encore susceptible d'a» journement; toutefois il convient, dans l'es" pècc d'équité qui doit présider aux actes de
» l'administration, de ne pas retarder au-delà du
» temps nécessaire ponr régularise,' l'allocation
" du crédit, la liquidation et le paiement de l'in» ùemni té. »
Mais aujourù'hui que l'article ci-dessus rapporté
de la loi du 8 mars 1810 a été abrogé par les
chartes de 1814 et de 1830, âinsi que par les lois
des 7 juillet 1833 et 3 mai 1841, et qu'à la faculté
dont il investissait l'administration, a succédé l'application rigoureuse du principe de l'indemnité
préalable posé dans l'art. 545 du Code civ., il est
cerùin qué la distinction indiquée par la circulaire
ne peut pll;ls être admise, et que, dans le cas où le
propriétaire démolit spontanément, comme dans
celui où il est contraint de le faire, l'indemnité
»
�66!l.
TRAITÉ
doit lui être payée, sinon avant la démolition, ce
qui serait impraticable, au moins aussitôt que la
commune peut prendre possession; cependant encore faudrait-il accorder, en outre, le temps nécessaire pour vot.er le crédit, le faire approuver par
l'autorité supérieure, et se procurer les fonds si aucune allocation ,n'était portée à cet égard dans le
hudget. Notre .proposition, en effet, que le paiement de l'indemnité doit être immédiat, ne peut
-s'entendre qu'en ce sens que le droit à l'obtenir
existe, que la dette est exigiple et obligatoire, et
'<Ille tous les moyens ouverts par la loi pour contraindre à son acquiuemen t peuvent être employés;
mais il doit se rencontrer, enfait~ des causes de retard constituant une impossibilité matérielle, aux
conséquences de laquelle le propriétaire sera obligé
de se -soumettre. Tout ce qu'il 1ui serait sans doUle
loisible de faire alors, ce serait de retenir la possession de son terrain jusqu'à cc qu'il soit désintéressé; mais quelque prolongé que soit ce retard,
il ne pourrait jamais s'cn' prévaloir, soit POlU'
reconstruire sur sés anciennes fondations, soit
même pour effectuer des réparatîons prohibées,
parce qu'il y a ici un motif d'ordre pllhlic el d'intérêt général p~rpétuel qui doit faire taire tou te
consi,lération particulière, et dont la puissance nc
peUL être paralysée par une circonstance accidentelle et passagère.
Le seul cas dans lequel il serait peut-être permis
de revenir à la solution donnée par la circulaire,
�DU
DO}IAINI~
665
PUBLIC.
pour la première hypothèse qu'elle prévoit, serait
celui que nous avons, du reste, Vil se présenter, où,
dans le but d'empêcher le l'élargissement, jugé nécessaire, d'un chemin vicinal burdé par des terrains
d'une grande valeur, des jardins par exemple, tous
les propriétaires riverains, ayan~ la certitude que
la commune n'a pas les ressources suffisantes ponr
les solder sur-le-champ, s'entendraient pour demander en même temps l'alignement, à l'effetd"amener indirectemen t l'administration à se départir
de son projet.
.
Nous pensons qu'une pareille manœnvre devrait
être déjouée; que si le tracé' était véritablement
utile, il devrait être maintenu, l'alignement donné
en conséquence et l'indemnité liquidée i mais que,
quant au paiement, l'autorité supérieure;. sa!1s.1a
permission de laquelle on ne peut, aux termes de
l'art. 46, 3 e alinéa, de la loi du l'~ juillet 1837.,
faire aucun acte d'exécution sur le.s biens meu'bles'
et immeubles des communes, aurait la faculté dt(Ie
répartir en plusieUl's termes cl de le snbQrdonner
à la réalisation sllCcessive des ressources possibles
de la commune résultant d'emprunts, d'impositions
extraordinaires, etc.
C'est snns doute la crainte d'exposer les petites
communes à des. embarras flnanciers,de cette nature, soit provoqués à dessein, soit même sutvcnan t
'naturellement, qui a déterminé le minisir~~ à 'n
prescrire, par ses circulaires des 17 août lih~' et
7 avril dh8, la confection des plans généraux d'a-
..
'
�666
TRAITÉ
lignement que dans les villes ct hourgs ayaut 1l11C
population de plus de deux mille habitants; sallf~
dans les autres, à ne donner les alignements qu'à
mesure des demandes ct en subordonnant les l'élargissements ct rectifications aux moyens actuels
de payer les indemnités qui en résulteraient Ca).
420 Nous avons indiqué dans les SS précédents
les difierences impo'rtantcs qui existent entre l'indemnité en cas d'expropriation et celle quiest due
au propriétaire dont on prend une partie et quelquefois ~ême la totalité de sa propriété par voie
, d'aligne'ment; d'au tres, non moins remarquables,
sont à signaler entre celle-ci et celle à la charge
de ce propriétaire, lorsqu'au lieu de reculer,
il est obligé de s'avancer; cette dernière hypothèse est réglée par la loi du 16 septembre 1807,
ainsi qn'il suit:
cc Art. 53. Au cas où, par les alignements ar", » rêtés, un propriétaire pourrait recevoir la faculté
» de s'avancer sur la voie publique, il sera tenu
» de payer la vale1.ll' du terrain qui lui sera cédé.
» Dans la fixa tion de cette valeur, les experts all» l'ont égard à Ce que le plus ou le moins de pro". .
, (a) Ces circulaires paraissent cependant avoir été modifiées
. par celle du 29 juillet 1823, qui se termine en ces termes:
'« ' Ainsi, M. le préfet, je vous invite à faire la même instruci) tipn pour ces rues (celles des communes rurales) que s'il s'agissait de routes départementales ou de plans d'alignement
» des villes, et à ne fixer qu'après la délibération des conseils
» municipaux la largeur à donner à ces rues. "
l),
�DU DOMAINE PUBLIC.
667
fondeur du terrain cédé, la nature de la pro~) priété , le reculement du reste du terrain bâti ou
» non bâti loin de la nOllvelle voie, peut ajouter
» ou diminuer de valeur relative pour le pro prié» taire. »
» Au cas où le propriétaire ne voudrait point
» acquérir, l'administration publique est autorisée
» à le dépossédel' de l'ensemble de sa propriété,
» en lui pa)'ant la valeur telle qu'elle était avant
» l'entreprise des travaux. La cession et la revente
» seront faites comme il a été dit en l'art. 51 ci» dessus. »
On voit qu'ici il ne s'agit plus de la valeur absolue et vénale, mais d'une valeUl' l'dative et de \
convenance pour la fixation de laquelle la loi veut
que l'on prenne en considération trois choses:
0
1 l'importance superficielle du terrain; une bandé
de quelques centimètres de largeur ajoutant peu
de prix ft une maison déjà suffisamment large et
ayant du vide par derrière, tandis qu'un emplacement assez considérabledont onaura la faculté de
faire nne cour, un jardin, ou sur lequel on élèvera
des aisances, pourra singulièrement améliorCl' une
maison étroite et sans dépendances; 2 0 la nature
de la· propriété, à laquelle le terrain doit être
réuni, en ce que l'agrandissement d'une boutique
ou d'un bôtel est certainement plus avantageux
que celui d'un hangar, d'une grange, d'un chantier, d'nne eour; nous pensons que ce chef doit
comprp.ndre aussi la situation qe la maison et l'im»
l
�668
l'RAlTÉ
portance de la l'ne sous le rapport du passage, du
commerce, des habitations qui la bordent, de sa
position centrale et à proximité des établissements
publics., etc.; 3 0 enfin les avantages ou les inconvénients que la réunion du nouveau telTain à
la propriété voisine peut produire, en éloignant,
par exemple de la rue, une boutique établie dans
une maison solide et que rien ne déterminait à
reconstruire, ou, au contraire, en permettant de
réédifier dans des dimensiolls convenables un bâtiment trop exigu qui était sur le point de tomber
de vétusté.
Ce mode d'évaluation étant évidemment plus
juste que celui à la valeur absolue, prescrit par
l'art. bo, pour le cas de reculement, puisque la
valeur des choses est de convention et dépend
presque uniquement de leur utilité, on peut demander quels ont été les motifs de la diffénence et
pourquoi il n'a pas été adopté également dans les
deux hypothèses qui paraissent tout·à·fait identi.
.
.
qnes, qUOIque en sens IOverses.
La réponse est facile: d'une part, lorsqu'il y a
lieu à reculement, le propriétaire n'estpas le maître
de céder ou non son terrain, il doit nécessairement
l'abandonner, et on conçoit que dans cette situation, le moins qu'on puisse faire est de le lui payer
selon son prix vénal, sans recherche,' s'il lui était
plus ou moins iuutile pour le présent ou pOUl' l'avenir; quand il s'agit, au contraire, d'avancer, la
cession est facultative pour la ville, et l'acquisition
�\.
"
DU DOMAINE l'VBue.
obljg~e
669
pour le propriétaire; on ne pourrait, sans
injustice, le forcer à acheter, moyennant sa valeur
absolue, une chose qui, pour lui, ne présente.
peut-être aucun avantage; le contraignant à la
prendre contre son gré, il faut ne lui demander
que l'équivalent du bén,éfice qu'il peut en tirer. Il
est vrai que la valeur relative pourrait quelquefois
être fixée au-dessus de la valeur absolue; mais ce
cas ne se présen tera ja mais quand le propriétaire
fera des difficultés pour acquérir et démon trera
ainsi son peu d'intérêt; il ne pourra guère avoir lieu
que quand il sollicitera la cession ; et alors on ne
lui causera aucun préjudice en lui faisant payer
la convenance. D'un autre côté, il ne faut pas se
dissimuler que la loi d'alignement a été conçue
et a dû l'être, comme ayant pour objet l'utilité
publique, dans l'intérêt des villes, et en prenant
en leur faveur toutes les mesures de prudence; on
a dû notamment ne pas les exposer à des chances
trop considérables de perte, et à des dépenses dont
il aurait été impossible de prévoir à l'avance le
.chiffre; or, c'est ce qui serait cependant arrivé si on eût admis le principe de plus-value en cas de
reculement; on n'aurait eu aucune base pour
apprécier l'étendue des sacrifices à faire; une commune eût pu, .selon certaines circonstances, se
trouver ruinée par suite de l'adoption d'un alignement, tandis qu'il est toujours facile de déterminer approximativement la valel1l' vénale d'une
sllperficiedonnée. Le même danger n'est pas à
�GiO
TRAITÉ
redouter dans l'hypothèse inverse où la ville a des
tenains à céder; elle ne peut courir que la chance
de moins gagner etde ne pas retirer toute la vnlel1r
de sa chose; mais elle ne contractera jamais des
engagements au-delà de ses moyens.
,
C' est d
onc 'a tort que, d!lns l" espece rapportee
S 38, pag. 654 ci.dessus, l'ha hile déf~nseur du
sieur Villette argumentait de la disposition Je
l'art. 53, au cas de reculement. Le législateur,cherchant àconcilier la justice avec la prudence,a établi
deux principes différents: l'un, d'une évaluation
absolue et non susceptible d'être modifiée par des
circonslances extrinsèques; l'autre, d'une estimation relative, aléatOire, et par suite variable selon
les lieux, J'état et la position des fonds voisins.
U ne antre différence entre les deux hypothèses
. consiste en ce que dans celle du reculement la
cession est forcée aussi bien de la part du cédant
que de celle du cessionnaire,c'est-à.dire que quand
le bâtiment est démoli, la ville ne pourrait pas plus
refuser d'acheter que le voisin ne pourrait se dispenser de vendre; tandis que dans l'autre, l'administration municipale n'est point ohligée de céder
le terrain retranché; elle peut le conserver, soit
pour donner' plus de largeur à cette partie de la voie
puhlique, soit surtout pour empêCher qu'elle ne se
trouve rétrécie ou interceptée lorsque les maisons
situées de l'autre côté, et qui,d'après le plan, doivent
reculer, ne sont pas encore sur le point d'être démolies; notre inticle ne peut laisser aucun doute
�DU DOMAINE PUBLIC.
67'1
à cel égard; il accorde une faculté, mais il n'impose point une obliga tian, ce dans le cas, porte-t.il,où
.» un propriétaire pourrait recevoir la faculté Je
» s'avancer.•..• » Il fant appliquer ici ce que nous
avons dit nO 568 ci-de.ssus, par rapport à la suppression ou au rétrécissement des chemins vicinaux.
Il suit, comme conséquence de l'entière liberté
laissée à cet égard aux villes:
1 ° Que si Je terrain retranché avait quelqu'e
étendue, et que la propriété voisine n'y eût ni porle
ni fenêtres, qu'il joignît, par exemple, un mur de
cour, de jardin ou de hangar, il pourrait et devrait
même être vendu avec conciurence et p!Jblicité;
les voisins ne pourraient se prévaloir du droit de
préemption qlle leur accorde l'art. 19 de la loi du
21 mai 1836, spécial pour les chemins vicinaux;
il en serait autrement, bien entendu, si l'emplacement était trop peu profond pour qu'on pût y
élever un bâtime\lt, ou si il était grevé, dans l'intérêt de la maison voisine, de droits de passage et
de vues que nOlls avonsdit, nO 570 ci-dessus, exister
à titre de véritable servitude Ca); ces droits devant
(a) Plusieurs auteurs, E:t notamment M. Husson, dans le
Traité de la législation des trafJaux publics> qu'il a publié en
1841 (tom. 2, pag. 465 et suiv. ), soutiennent le contraire en
se fondant mal-à-propos sur le principe de l'imprescriptibilité
des rues et chemins, et faute de distinguer entre les servitudes
contraires à la destination de ces voies et celles qui rentrent
dans leur destination.
�672
TRAITÉ
être ré~ervé's, il Y aurait impossibilité de vendre
à des tiers;
2°' Qti~la ville, en cédant le terrain anx riverains,
peut faire les réserves et imposer les servitudes qui
lui paraissen t r.éclamées par l'intérêt public; telles
que de bàtir dans un délai fixé, suivant nn dessin
d'architectUl'e donné, à une hauteur déterminée, etc; maîtresse de ne pas vendre, elle peut ne
le faire que sous certaines conditions dont la charge
seulement devra être prise en considération.lors de
la fixation du prix.
Dans le cas où l'alignement entame les proprie':.
tés situées sur les bords de la voie puLlique, le
moyen d'exécUlion est facile ; l~ maison étant dé.;..
molie par une cause quelconqne, le propriétaire
ne peut la reconstruire que sur la nouvelle limite,
et ainsi s'opère, par le fait, la rénnion à la l'ne de la
partie retranchaLle; si, nonobstant le plan, il voulait réédifier sur ses anciennes fondations, il serait
traduit devant le tribunal de police qui ordonnerait la démolition de l'indue construction. Il n'en
est pas de même dans le cas inverse où le riverain
doit s'avancer; les lois peuvent bien empêcher directementde faire, mais elles ne peuventcontraindre directement à faire, nemo potes! praecisè
cogi ad /àctum. « Par respect pour la liberté,
" 'ainsi que le dit Toullier (tom. 6, nO 217 ) , elles
" n'ont point étendu jusque-là leur pouvoir coer» citif. )' Com~e il était cependant nécessaire que
l'~dministration.nese trouvât point paralysée par le
�DU DOMAINE PUBLIC.
673
mau vais vouloir du riveràin, lorsque, à raison
d'une des causes indiquées ci-dessus, le terrain ne
peut être cédé à un tiers., l'art. 53, (fue nous examinons, don 11e te d l'oit 'de le déposséJer de l'ensemble de sa propriété en lni en payant la valeur
telle qu'elle était avant l'en trep"ise des travaux.
Quoique, depuis plus de 3b ans que cette disposition a été promulguée, il n'y ait. pas un seul
exemple de son application, toujours l'ad minis'tration s'ét·ant montrée facile, et les riverains em,pressés d'augm,- ù ter leurs propriétés, il convient
de préseuter sur la manière dont clle devrait être
~xécutée, le cas échéant, quelques observations
,d'autant plus nécessaires qu'il n'existe à cet égard
ni d trine des auteurs, ni monuments dejurispru·dence.
Nous pensons d'abord que la dépossession dont
'il s'agit ne pourrait pas être prononcée par suite
d'une action ordinaire portée devant les tribunaux,
soit administratifs, soit judiciaires" et que c'est la
voie de J'expropriation, telle qu'elle est organisée
.par la loi du 3 mai 1841, qu'il faudra~t prendre.
cc La dépossession du propriétaire qUI ref,-!se d'avan» cel', dit M. Delalleau (1 re édition de son Traité,
» publiée avant la loi du 7 juillet 1833), est cer» tainement une expropriation, et le propriétaire
» qui doit en être atteint serait en droit, selon
» nous, d'exiger que l'on remplit à son égard
» toutes les formalités de l'expropriation, car la
" loi du S mars 1810 les exige généralement et
�674
TRAn~
» sans aucune exception pour. le cas qni nous
» occupe.» Seulement, comme le droit de déposséder le voisin estformellement écrit dans l'art. 53
de la loi de 1807, et que l'ordonnance approbative
du plan d'alignement se réfère nécessairement à
cette disposition, il ne serait pas nécessaire d'obtenir une ordonnance spéciale d'expropriation,
comme nous avons dit à la note de la pag. 647, cidessus, qu'il faudrait le faire en cas de reculement.
La différence vient de ce que le retranchement pal'
alignement ne doit s'opérer que successivement et
à mesure de la démolition des maisons, tandis
qu'aucune condition de cette nature, ni aucun
autre délai ne sont imposés à la ville qui veut faire
avancer les propriétés riveraines jusqu'au no velu
tracé; tout dépend ..d e la ·volonté de l'administration et des ressources dont elle peut disposer pOUl'
payer l'indemnité; aussitôt qu'elle somme le propriétaire de se conformer à la loi, celui-ci doit
s'exécuter sous peine de dépossession.
En conséquence, il n'y aura pas lieu de faire
l'information prescrite par l'ordon Dance du 23
août 1835, et qui, d'ailJeurs, a déjà dû précéder
l'approbation du ,plan; la procédure commencera
pal' une délibération spéciale du conseil municipai,
approuvée par le préfet, ensuite de laquelJe on
remplira sur-lé-champ les formalités prescrites
par les art. 4,5, 6, 7, 12 et suivants de la loi du
3 mai 1841.
Si le propriétaire riverain prétendait ne pas se
•
�DU DOMAINE l'UlILIC.
675
trouver dans le cas d'êt,'e dépossédé, ou s'il élevait
quelque contestation sur l'étendue des ohjets Jont
il peut être exproprié, ces points seraient décidés
par le tribunal ci vil, lorsque le procureur du roi
requérerait le jugement d'expropi'iation ; le tribunal ne devant prononcer l'expropriation que quand
non-seulement les formalités ont été remplies,
mais encore quand le droit existe et la loi est applicable,il aurait certainement le pouvoirde refuser
si on lui demandait la dépossession Jans des cas où.
elle ne doit pas avoi,' lieu, ou si on voulait l'appliquer à des fonds qui n'en seraient point passibles.
Nous pensons, en second lieu, que le prix du
telTain cédé au propriétaire devrait être fixé par le
jury, conformément à la même loi du 3 mai 1841 ,
-et non plus, soit par le conseil de préfecture après
rapport d'experts, suivant la loi du 16 septembre
1807, soit par le tribunal lui-même, en vertu
de celle du 8 mars 1810; ces deux lois, en
effet, sont entièrement abrogées par la nouvelle
qui les remplace dans tous les cas où elles étaient
applicables, et dont l'art. 60 pose un principe général de compétence pour les hypothèses analogues.
Toutefois le jury devra, dans son estimation, suivre les bases posées par la loi de 1807 et expliquées
au commencement de ce S.
Nous pensons enfin que l'obligation imposée par
notre art. 53, au voisin de s'avancer" n'est autre
�676
TlWTÉ
que celle- d'acquérir le terrain, mais non de. rapporter ses constructions sur le bord de la rue, à
moius que la condition ne lui en ait été faite par
la cession.
Cependant, lors même qu'il serait devenu propriétaire sans cette charge, l'administration pourra
toujours, par mesure de police, le contraindre à
clore son fonds sur l'alignement, si le renfoncement présentait des dangers et des inconvénients
sous le rappol't de la sûreté ou de la propreté du
passage, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, S 7,
pag·49 1 •
43° La plus grande difficulté que présente l'alignement dans le cas où certains riverains doiv~nt
s'avancer, a lieu lorsque la maison de quelques
autres fait depuis longtemps saillie, et que dans
les mnrs latéraux il existe des portes ou des fenêtres donnant sur le terrain qui doit être cédé à
ceux qui sont en arrière.
La ville ou les riverains, ses cessionnaires, pourraient-ils porter devant les tribunaux civils ou
administratifs une action négatoire tendant il faire
supprimer, comme iudues, ces servitudes? Nous
nous sommes prononcés pour la négative, pag. 343
et suiv., ci.dessus, où nous avons étahli qu'il ne
s'agissait point ici d'une faculté précaire et de tolérance, mais bien d'un véritable droit dont les
propriétaires ne pouvaient êu'e privés sans indemnité.
Ponrra-t-on agir par voie d'expropriation P Non
�677
DU DOMAINE PURLlC.
encore, puisque des droits incorporels ne peuvent
être expropriés isolément, et abstraction faite de
l'immeuble dont ils dépendent activement ou passivement, et que pour faire fermer une fenêtre,
on ne pourrait évidemment pas obtcnirl'exprupriation de la maison entière. Il n'y aurait d'exception
que si celle maison était disposée de telle sol'te
qu'eHe joignît ,seulement la voie publique par le
terrain mis en dehors de l'aÜgneml>l1t, et qu'en
le cédant à un autre voisin, elle se trouvât entièrement enclavée et privée de ses jours et de ses
issues; il faudrait alors sans doute en déposséder
.le propriétaire.
Mais si l'on n'avait besoin que de supprimer des
portes ou des fenêtres non indispensables, nous
croyons que le seul parti à prendre de la part de la
ville serait, après avoir fait offre au propriétaire
d'une indemnité déterminée ouà régler par
experts, et après lui avoir donné un certain délai
pour exécuter dans sa maison les changements
.que la suppression pourrait entraîner, de céder
Je terrain au voisin avec le droit exprès d'y élever les constructions ayant pour effet d'opérer
cette suppression. Malgré l'arrêt de la Cour de
cassation du 12 juillet 1842, rapporté pag. 348
. ci-dessus, et que nous pel'sistons à regarder comme
anéantissant le principe de la séparation des pou.voirs judiciaires et administratifs, nous croyons,
avec le conseil d'état (arrêt du 24 févriel' 1825,
Sirey, 26-2-343), que les tribunaux ne pourTOM. II.
43
�678
TllAlTÉ
raient ordonner la destruction des travaux, et
qu'ils devraient se hornel' à reconnaÎlre si les
offres sont suffisantes et dans tous les cas à régler
J'indemnité, comme dans l'hypothèse où c'est
l'administration elle-même qui, en nivelant les
rues ou rontes, nuit aux maisons voisines; l'affaire
se réduirait alors à une question de dommage
causé par un acte administratif dont l'autorité judiciaire peut hien apprécier, en argent, les conséquences, mais qu'elle ne saurait ni réformer, ni
entraver, ni modifier.
.
Si il défaut d'offre préalable d'indemnité, le
propriétaire, dont les servitudes seraient supprimées, se pourvoyait par action possessoire, le juge
de paix pourrait sans doute connahre de l'action,
mais seulement pour constater l'existence de la
servitude et reconnaître le droit au préjudice duquel aurait eu lieu la voie de fait. Ilue devrait pas
aller pIns loin et ordonner, par exemple, la discontinuation ou la destruction des travaux, parce
qli'en cela, il contrarierait l'acte administratif d'alignament et commettrait un véritable excès de
ponvoIrs.
Quant à l'autorité administrative supérieure, à
laquelle la mesure entraînant la suppression de la
servitude de la maison voisi.ne, pourrait être compétemment déférée, nous ne doutons pas qu'elle
ne dûtla maintenir, parce que celte mesure reutre
pnrfaitement dans l'esprit et dans les termes de
notre art. 53, qui, allant jusqu'à autoriser l'expro-
�DU DOMAINE PUBLIC.
679
])riation d'nne maison entière pour faciliter l'alignement et faire disparaître les renfo\1cements,
doit, à plus forte raison, permettre dans le même
but une simple suppression de servitudes, sans laquelle il serait impossible de l'atteindre. D'ailleurs,
si l'alignemen t peu t bien opére.' la destruction des
portes, fenêtres et égoûts de toits qui existentlatéralement dans une maison en saillie sur les autres
qlle l'on filit reculer, on ne voit pas pourquoi il ne
produirait pas le même effet, lorsque, sans toucher
au bàtiment qui possède ces droits, on fait avancer
à son niveau ceux qui l'avoisinent. Dans l'un
comme dans l'autre cas, l'intérêt de la recLification
de la voie publique et de la régularité des constructions qui la bordent doit avoir le même résultat et
par suite autoriser l'emploi des mêmes moyens.
Cependant, comme la nécessité peut seule motiver la suppression d'un droit légitimement établi,
s'il était possible, sans trop nuire au propriétaire
astreint à s'avancer, de réserver sur le terrain qui
doit lui être cédé un espace suffisant pOl1l' l'exercice des servitudes acquises à la maison voisine,
par exemple, un emplacement libre devant les fenêtres, ou une rnelle pour le passage, et SUl' laquelle pourrait encore s'étendre le premier étage,
la ville devrait le faire, et elle y aurait même
intérêt pour s'affranchir de l'indemnité qu'elle serait dans le cas de payer, car cette indemnité )a
concernerait personnellement, à moins que par
l'acte "d'abandon du terrain en retraite, elle ne la
�680
'l'RAITÉ
mît à la charge du voisin comme conoition de la
vente ou en déduction du prix, ce qui reviendrait
toujours à peu près au même .
.Qnand nous disons que les portes, fenêtres et
égoûts de toits qne ll's maisons en saillie peuvent
avoir par côté, sur les renforcements qu~ présente
la rue, existent à titre de vraie servitude, cela ne
·,
' autant que ces c
' "ete
s enten d
re qu
rOltsl ont
Ù Olt
établis en vertu de la permission expresse ou tacite
-de l'autorité municipale avant le tri.lcé de l'aligne'ment général; car, à .partir de celle opération, les
tel'l'ains mis en dehors, quoique continuant matériellement à faire partie de la voie publique, ne
doivent plus être censés, en droit, en dépendre, et
par conséquent il n'est plus permis aux voisins de
côté d'y ouvrir des portes et des fenêtres, ou si ils
'yen pratiquent, elles ne se'ront réputées exister que
précairement et par tolérance, en attendant que les
prupriétaires des maisons en retraite s'avancent
.lorsqu'ils prendront l'alignement. Cependant,
comme, par l'effet mêmede ce déclassement formel,
.,
11
d ans l' avenu"
. (es
1 questIOns
.
de
1'1 pOil l'raIt
s C'1cver
. prescription, les administrateurs des communes fel'on t bien, soit d'empêcher les p.ropriétaires des maisons anciennement sur l'ali~nell1ent,de prendre de
semblables droits, soit d'im poset', comme nous le
. recommandons au S 2 ci-df'ssus, une prohibition
expresse à cet égard à ceux qui demanderaient la
permission d'avancer leurs nouvelles constructions.
�DU DŒ\IAI:'Œ PUBLIC,
681
44° Lorsque le l'élargissement de la voie publique s'opère au moyen de l'expropriation immé-.
diate .de la portion t'etranchable, le propriétaire dont
le bâtiment est entamé peut, en vertu de l'art, 50
de la loi du 3 mai 1841, con traindre la ville à le
lui acheter en totalité; l'administration serait-elle
fondée à user de réciprocité et à demander, contre
le gré de ce· propriétaire, l'expropriation de la toUtlité
hâtiment touché, sm le motif qu'elle trouverait, dans la possession de la partie restant en·
dehors de l'alignement et dans la faculté d'y reconstruire une maison qu'elle vend,'ait eusuite,
l'indemnité (rUne partie de la dépense que lui
cause le l'élargissement?
Cette question, qui ne se présentera que rarement quand il s'agira d'un simple l'élargissement,
à moins qu'il ne s'exécute sur une grande longueur,
q\lQ les portions restantes soient trop étl'Oites pour
être utilement employées par chaque voisin isolément, ou que la ville ne veuille en même temps
établir un systeme unifurme d'architecture; cel te
question, disons-nous, sera presque toujours soulevée dans le cas de percement d'une l'ne non velle
à travers une·He de bâtiments. On conçoit alors le
grand intérêt que l'administration, ou plutôt la
compagnie concessionnaire, aùra à se procurer de
droite et de gauche des emplacements sur lesquels
elle éli:vera des constructions régulières dont la
valeur couvrira en partie les frais toujours consi, b'l es qu ' entramera executIOl1 d' un pareI'1 1'1'0d cra
œil
A
\ ' , .
�682
TRAITÉ
jet et notamment le prix du terrain destiné à la
rue.
Pour la négative, on dira que l'on ne doit être
dépouillé de sa propl'iété que pour cause dtutilité
publique dûment constatée, et que, s'il peut y avoir
une semblable utilité à ouvrir la voie nouvelle, ce
motif ne se rencontre pas dans l'allégement de dé·
penses espéré par la ville on la compagnie; - que
le législateur a tellement respecté le droitde propriété privée, que, lors mème que l'expropriation est
consommée, le propriétilÏre peut, aux termes de
l'art. 60 de la loi cl u 3 mai 1841, exiger la remise de
la partie de son fonds non employée aux travaux,
moyennant nn prix qùi ne devra jamais excéder
celui de la cession originaire, de telle sorte que si
on avait exproprié une largeur de terrain plus
grande que celle qui est nécessaire à la rue même,
il pourrait, après le tracé exécuté, requél"ir la rétrocession du surplus; - que s'il est vrai que l'ouverture de la rue améliore la portion de son fonds non
employée, le j ury prendra cette circOllstance en
considération lors de la fixalÎon de l'indemnité,
conformément aux art. 54 de la loi du 16 septemhre 1807 et 51 de celle du 3 mai 1~41; - que
d'ailleurs une semblable prétention ayant été élevée par la compagnie qui avait projeté le percement
de la nouvelle rue du. Prince-Ro'yal~ à Orléans,
elle a été rejetée par le conseil d'état.
Nonobstant ces raisons dont nous ne nous dissimulons pas la force, no~s inclinons cependant
�683
à pense!' avec M. Delalleau (Traité de l'ea;propriation, nO 71), que cc dès qu'il est bien constant
DU DOMAINE PUBLIC.
" que le percement d'une rue ou la création d'une
)' place sont d'utilité publique, si l'administration
" a la conviction que ces travaux ne peuvent se
" faire qu'en autorisant l'expropriation d'uue cer" taine étendue de terrains voisins nécessaires pour
" les maisons que l'on devra y construire, elle ne
" doit pas hésiter à autoriser cette expropriation,,,
à moins toutefois, ajouterons-nous, que les propriétaires ne consentent, dans ·le procès-verbal
d'enquête> à céder gratuitement la portion de leur
propriété destinée au sol de la rue ou de la place.
Sans rapporter ici te;xtuellement les motifs déduits par ce judicieux auteur, nous dirons, en répondant aux objections opposées, lOque l'exécution
d'une l'Ile consiste non-seulement dans l'objet matériel indispensable à son établissement,c'est-à.-dire
,dans le terrain sur lequel elle doit être ouverte,
mais encore dans l'ensemble des moyens pécuniaires, soit pour acquérjr ce terrain, soit pour subvenir aux autres dépenses qu'entraine sa mise en
état; que, voulant le but, il faut autoriser les
moyens d'y arriver; que proposer à une commune
sans ressources de faire des frais qu'elle ne pourra
jamais supporter, c'est exiger l'impossible; c'est
empêcher d'une manière absolue une opération
que nous supposons cependant d'utilité générale
et urgente, de nécessité même; c'est moralement
lai imposer un obstacle aussi insurmontable que
�68~
TllAITÉ
si physiqncment on voulait lui faire faire un canal
en remblais sans chaussées ou francs-bords, sous
prétexte que ces dépendances ne sont pas destinées
à un usage public; l'expropriation dans un but
donné doit porter non-seulement sur le terrain
nécessaire à la chose principale, mais encore sur
celui affecté aux accessoires sans lesquels cette
chose ne pourrait exister. Ici l'accessoire obligé de
la rue, dont la privation rendrait l'exécution impraticable, est le terrain voisin; - 2° que l'argument
tiré de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841 sur la rétroccssio~i est plus spécieux que solide, puisque
l'on ne peut pas regarder comme inutiles aux travaux, des terrains sans lesquels nous supposons au
contraire qu'ils ne sauraient être exécutés; que,
dans le cas de l'art. 53 de la loi du 16 septembre
1807, la maison du propriétaire riverain qui refuse
d'acquérir la portion de terrain en face retranchée
de la voie puhlique, est encore bien moins directe.
ment nécessaire à la viahilité, ce qui n'empêche
pas que, nonobstant le susdit article, elle ne puissc
être expropriél:', parce que c'est Je seul moyen de
prévenir la perte pour la ville de la valeur du terrain en dehors de l'alignement, comme aussi d'obtenir une amélioration, qui cependant n'est presque toujours que de simple embellissement; . 3° que l'obligation imposée sans aucune espèce de
sanction ni de contrôle au jury, d'avoir égard, dans
l'évaluation de l'indemnité, à la plus-value que les
travaux entrepris peuvent donner au restant de la
�685
propriété, ne paraîtra pas à l'administration ou à
DU llOMAlNE l'unIe.
ses concessionnaires, une garantie aussi certaine
et aussi rassurante que celle que leur om-e la
spéculation projetée sur les terrains voisins;
qu'au reste, le moyen le pIns juste d'estimer celte
plus-value est de la soumettre à une sorte de licitation entre les deux parties ,en donnant à la
ville ou à la compagnie la faculté de se l'attribuer
en payant l'immeuble à toute sa valeur intrinsèque,
ou au propriétaire le droit de la conserver en aban:donnantgratuitement le terrain qui, par sa conversion en rue, doit la produire ; ~ 4° enfin que la
décision rendue par le conseil d'état, relativement
aux concessionnairès de la nouvelle rue d'Orléans,
ne prouve rien, comme le rfJmarque très·bien
M. Ddalleau, en ce que la prétention d'obtenir
une largeur partout égale de 2'0 mètres de terrain
de chaque côté de la rue, aux risques d'entamer,
dans le seul intérêt de la compagnie, des propriétés
éloignées, ct de laisser. d'autre part, en dehors, des
parcelles désormais inutiles à leurs propriétaires,
.était exorbitante et injuste, et ne peut se comparer
à la faculté que nous pensons qui devrait ~eulcment
être accordée d'obtenir les portions restantes telles
.qu'elles se trouveraient, des bâtiments directement
atteints par le tracé de la rue.
46° Nous avons expliqué précédemment, S 36,
que la voie de l'alignement ne pouvait être prise
que pour le l'élargissement et la rectification des
rues existantes, mais jamais dans le but de créer
�686
TRAITÉ
une voie nouvelle, pour l'ouverture de laquelle il
fallait forcément recourir au moyen dé l'expropria~
tion. Or, pour se soustraire à cette nécessité, une
ville ne pourrait-elle pas acheter amiablement un~
suite de maisons étroites, les démolir, puis ouvrir
sur leur emplacement un passage tel quel, EIue
l'on rectifierait, redresserait et rélargirait ~nsuite à
l'aide de l'alignement?
Ce moyen indirect serait impraticable en ce que,
d'une part, il résulte de l'art. 52 de la loi du 16
septembre 18Q7 et de la circulaire ministérielle du
7 août 1~h3, qu'aucune rue nouvelle ne peut être
ouverte, soit par les communes, soit par les particuliers, si ce n'est en vertu d'une ordonnance
royale donnée en conseil d'état (a); et en ce que,
d'un autre côté, une semblable autorisation n'est
accordée qu'autant que le conseil municipal délihère l'acquisition immédiate et simultanée de tous
les terrains atteints par le projet, ou que le particulier s'engage à les livrer à ses frais; c'est ce que
portent formellement tant la lettre du ministre de
l'intérieur,en date de 1829, citée plus haut, p. 632,
à la note, que l'art. 2 d'une ordonnance royale du
(a) La déclaration du roi du 10 avril 1783, exigeait déjà l'autorisation du souverain, par lettres-patentes, pour le percement
de nouvelles rues dans la ville et les fa.ubourgs de Paris, et
prescrivait une l~rgeur minimum de 9 mètres 75 cent., à laquelle les anciennes rues devaient aussi être successivement portées au moyen de l'alignement. Aujourd'hui, l'administration
n'accorde point d'autorisation à moins de 12 mètres.
�DU DOMAINE PUBLIC.
687
6 mai 1827, ainsi conçu: cc L'ouverture de ladite
:» rue (partant de la rue Mouffetard, à Paris)
» est déclarée d'utilité publique. Il ne pourra néan» moinsètre pr\Jcédé pal' voied'aligllementàl'égard
» des propriétés nécessaires à cette ouverture, les» quelles devront être acquises de gré à gré, ou, s'il'
» y a lieu, conformément à l'art. 51 de la loi du
» 16 septembre 1807 et il la loi dn 8 mars 1810. »
Cependant il y a qneJoques exemples d'autorisations accordées en laissant subsister en dedans du
tracé, des saillies dépendant de bàtiments qu'il eût
été trop dispendieux d'acquérir sur·le-champ , et
qui d'ailleurs n'étaient pas de naturè à nuire essentiellement à. la circulation; mais alors ces saillies
n'étaient point frappées de la servitude d'alignement, et ne pouvaient toujours disparaître qu'au
moyen d'acqui.sition amiable ou d'expropriation,
sans que, jusque-là, les propriétaires fussent empêchés d'y faire des répar~tions.
Au reste, ce n'est qu'en parfaite connaissance de
cause, que les autorisations d'ouvrir des rues nouvelles, et d'acquérir les propriétés nécessaires à leur
établissement, SOI1 t données; voici les mesures
prescrites à cet égard par l'avis du conseil d'état du
3 septembre 1811 : « Considérant que, conformé') ment à l'art. 52 de la loi dn 16 septembre 1807,
» le conseil de S. M. ne peut autorisel' des acqui» sitions pour l'ouverture de nouvelles rues, pour
» l'élargissement des anciennes, on pour tout
» autre objet d'utilité puhlique, que pour les corn-
�688
TRAITÉ
" munes dont les projets de plans auront élé arr~
" tés en conseil d'état; EST n'A VIS: que le mi nislre
" de l'intérieur soit invité, avant de proposer à
» S. M. un projet d'acquisition de maisons ou ter» rains nécessaires à l'embellissement ou à l'utilité,
» soit de la ville de Paris, soit de toute autre ville
» ou commune de l'empire, à faire· précédel' cette
" .demanJe, soit du plan des alignements'déjà ar" rêlés légalement, s'il y en a Cil ,soit d'U,ll [>J'Ojet
» de plan d'alignement, pour ledit plan être arrêté
"'en conseil d'élat, en exécuLioll de J'art. 52 de
" la loi du 16 septémbre 180-7' »
Le fait d'ouvrir une rue nouvelle sans autorisation, constituerait une contravention de voirie,
suscepLible d'être poursuivie devant les tribunaux
de police et, à Paris, devant le conseil de préfecture, ainsi qn'il résulte de deux arrêts du conseil
d'élat, l'un du i9 juin l~h8 (Guyotet Baudran),
ct l'autre, postérieur, concernant la Compagnie
Delaunay. En effet, l'administration, juge naturel de tOtH ce qui a trait à l'intérêt public, doit
avoir les moyens d'empêcher ce qui pourrait compromettre cet intérêt.
46° Quand une ville a arrêté un plan quelcon.que d'ouverture ou d'alignement de rue ou de
place, elle ne devient point obligée par là envCl's
les particuliers qui pourraient avoir intérêt à son
exécution, ni à le suivre, ni à aucun dédommage·ment pour le cas où, pal' un motif quelconque, elle
s'abstiendrait de réaliser son pl'Ojet; 11 n'y a,point
�DU DOMAINE PUllLIC.
689
ici de droit acquis au profit des tiers qui. n'ont pu
concevoir qu'une simple espémnce non susceptible de fonder en leur faveur un droit de nature. à
être réclamé en justice; les spéculations que l'on a
pu faire à cc sujet, étaient nécessairement éventuelles, aléatoires et aux risques et péi'iLs de 'ceux
{jui s'y sont livrés ; e'est ce que décide, à peu près
Jans les termes même que nous venons d'employer,
un avis donné, le' 2.6 juillet .821, par les comités'
réunis de législation, de l'intérieur et des finances,
à l'occasion d'un projet de rue anêté que la ville
(}e Paris avait abandonné pendant quelque temps.
Le conseil d'état est même allé plus loin en décidant, par son arrêt du 16 août 1832 (Sirey, 33Q.-219), « que L'état, en acquérant ponr cause
» d'ntilité publique, obtient, comme l'obtiendrait
» un acquéreur privé, la plénilUcle des droits de
" propriété, et reste seul juge de l'exécution des
» plans d'utilité publique, comme des modifica" tions qu'ils peuvent recevoir. - Que dès-lors les
» anciens propriétaires des terrains acquis par
)' l'état ne peuvent être admis à contester cette
» exécution ou ces modifications, sauf toutefois
') l'exercice des ser_vitudes dOlltle droit leur serait
» réservé par des dispositions cxpl'esses des con., trats d'acquisitions. » Et cepcndant il est possible que dans l'évaluation des terrains dont les propriétaires ont été forcés de faire la cession, le jury
ait eu égard à la plus-vaIlle qui devait resulterpoUf'
la portion restant il ces propriétaires de l'exécution
�690
TR.AITÉ
des travaux, et qu'il ait en conséquence fixé l'indemnité à une somme inférieure à celle qui aurait
dù être allouée sans cette circonstance; par exemple, dans le cas où la partie d'une propriété aurait
été expropriée ponr l'ouverture d'une rue destinée
à établir une importante communication, et qui
n'aurait été en définitive exécutée que sur nne
faible étendue. (Voyez, au surplus, à ce sn jet le
Traité de l'expropriation de M. Delalleau,
nO~ 7 0 4 et suiv., 2 e édit.).
47 0 La matière des alignements et de l'expropriation pent donner lieu, en ce qui concerne les
locataires, à diverses questions que nons ne devons
pas laisser sans solution.
Supposons J'abord que pour le percement ou le
l'élargissement d'm'le rue, la ville EXPBOPRI ],'la totalité du bâtiment amodié, il y aura de plein dl'oit
résiliation du bail, et le locataire qui aura été appelé
par le propriétaire, ou qui, snI' l'avertissement
donné par celui-ci à l'administration, aura reçu la
notification d'offres, discutera directement avec
celle dernière le montant de l'indemnité qui lui est
due, en obtiendra la liquidation, et, quel qu'en
soit le chiffre, devra s'en contenter sans pouvoir
exercer de recours contre son bailleur pour un
plus ample dédommagement (art. 21, 23 et 39 de
la loi du 3 mai 184], et 1148 et 1722 du C. c.).
Si le propriétail'e avait négligé d'appeler son locataire ou de le faire connaître à l'administration,
il to'ucheraitla lotalitédu prix de son fonds comme
�DU DOMAINE PUBLIC.
691
s'il en eût été en pleine jouissance, mais il resterait
alors chargé envel's ce locataire de l'indemnité
lui revenant, et qui sel'ait réglée par les tribunaux
ordinaires.
Si de celte hypothèse assez simple, nons passons
à celle où l'expropriation n'aurait porté que sur
une portion de la chose louée, nous dirons qu'aux
termes de l'art. 1722 du Cod. civ., le preneur
pourra, suivant les circonstances, demander ou la
résiliati(lll même du bail, ou une diminution du
prix, sans que dans l'un et l'autre cas il y ait lieu
à aucun dédommagement à la charge uu propriétaire; il n'aurait même, en continuant sa jouissance
réduite, pIns aucun dl'Oit à la diminution du prix,
s'il avait ohtenu de l'administration une indemnité,
laquelle doit nécessairement représenter la perte
épl'Ollvée par lui jusqu'à sa 'sortie; seulement le
haillenr sel'ait tenu de faire dans la portion de son
immeuble non atteint par l'expropriation, ce qui
serait nécessaire pour la continuation du bail.
cc C'est, ditM. Duvergier (du Contrat de louage,
» tom. l er ,n0332),laconséquence de l'obligation
» qui lui est imposée de maintenil' la chose louée
" enétatde servir à l'usage auquel elleêst destinée,
» et d'y faire toutes les réparations convenables.
» Vainement le bailleur opposerait que l'art. 1722
» n'oblige pas le propriétaire à la reconstruction
» de la partie de la chose louée, détruite paT cas
» fortuit. On lui répondrait, avec un arrêt de la
» COUl'roynledc Paris (du 12 février 1833,-
�692
»
TR.A.ITÉ
Sirey, 33-[-606), que celle disposition ne lui
» ~t
pas applicable; que'l'analogie n'est pas com~
pIete entre la destruction par cas fortuit de la
» chose louée, et la dépossession d'une portion.
» d'immeuble pour cause d'utilité publique; puis» que dans ce dernier cas, le prop"iétaire reçoit
» une indemnité qui sc hase tout-à·1a-fois sur la
» valeur de la portion enlevée et sur les travaux à
» faire ponr continuer la jouissance de la portion
» restante, tandis que tout est perte pour le pro» priétllire dépouillé par un événement de force
» majeure dans le sens de l'art. 1722 C. C. »
M. Troplong, dans son Traité de l'échange et
du louage, nOS 219 et suiv., nou-seulement adopte
cette solution, mais encol'e rejette la distinction
établie par la Cour de Paris et par M. Duvergier,
entre le cas où la perte partielle de la chose louée
est suivie d'indemnité et celui où le propriétaire
11'a aucun dédomm.agement à espérer; il pense
que les arl. 1719 et 1720 du Cod. civ. se lient à
l'art.· 1722, et que, dans tous les cas, le bailleur
doit faire les réparations nécessail'es à la continuation du bail; qu'autrement, c'est à lui qu'appartieridait danslefaitl'option que l'art. 1722 n'accorde
cependant qu'au preneur. Toutefois, et contrairement à cette doctrine, un arrêt de la Conr royale
deParis, du 5 mai 1826 (Sirey, 28-2-18), a rejeté
la prétention d'un preneur qui exigeait des réparations propres à assure,' sa jouissance dans une
espèce où. le bailleur dont la maison avait été in»
�DU DOMAlr-.rn PUBLIC.
693
èenc1iée en partie, avait reçu une indemnité' de la
compagnie d'assur<Jnces; M. Delalleau ( Traité de
lJexprop.J nO 7 03 ) pense aussi que les tribunaux.
ne peuvent contraindre l'état ou la ville, à faire,
dans aucun cas, des réparations, sauf néanmoins
à accorder au locatail'e une indemnité plus ou
moins forte, selon que ces réparations seraien t faites
ou non.
De l'alternative que l'art. 1722 offre d'une manière absolue au locataire de demander, dans le cas
de perte parliel1e de la chose,ou une diminution de
prix, ou la résiliation du Lail, nous ne pensons pas
qu'on puisse induire que cette résiliation doive
nécessairement être prononcée, lors même que le
dommage causé serait peu important et ne nuirait
pas essentiellement à la jouissance; c'est ainsi que
la qilestion était résolue dans l'ancien droit,au rapport de Bourjon (Droit commun de la France,
tît. .,., chàp. 4, nO 7), qui enseigne que « la dé~> molition de pal,tie d'une maison n'anéantit le bail
Il qu'autant que la suppression est considérable et
» gêne' notablement le locataire; et que hors ce cas,
» elle n'opère qu'une diminution du prix, parce
» qu'i.l hut se prêter à un tel événement. >~ A quoi
il ajoute en note: cc J'ai entendn décider au Châ» telet, que 'la face d'une maison ayant été re~ulée
» par autorité de justice, ceLLe diminution de
~> terrain ne donnai.t pas lien à une résolution de
» bail, mais à nne diminution proportionnée du
TOM.
II.
�69'-
TRAITf:
" prix d'icelui. Dans l'espèce, le locataire pouvait
» continuer son commerce dans la maison, no» nohstalll le retl'anchement dn terrain; circon" stance qui sontînt le bail. » Nous croyons que
la même décision devrait encore être portée sous
l'empire de l'art. 1722 dn Cod. civ., dont la rédaction vicieuse vient de ce que l'on a voulu dire que
le loca taire seul, et non le propriétaire) pourrait
demander la résiliation. Selon nous, il faudrait appliquer le principe posé dans l'art. 1656, d'après
lequel il n'y a lieu à résolution de hi vente pour
cause d'éviction partielle, que IOl'sque la partie enlevée estde telle conséquence relativement au tout,
que sans elle l'acquéreur n'eût point acheté. L'art.
1722 ne dit pas d'ailleurs que la résiliation sera
·ou de~'ra ~tre prononcée, mais que le preneur
-pourra la demander; ce qni laisse les juges libres
Je \'acconl.f'r ou non, selon les circonstances; lin
léger retranchement fait par suite d'alignement
dans tlne cour ou un jardin, parf'xemple, ne pou-.
Vanl évidemment entraîner la résiliation du hail
·pour la totalité; c'est dans ce sens que Delvincollrt,
·M. Duvel'gier (Traité du louage, nO 55), ct
M. Troplong (même Traité, nO 210), entendent
-l"optlOnaccord'ee au prr.'oeur.
Quels seraient les droits du locataire dans le cas
où le propriétaire, usantde la faculté quelui confère
l'art. 60 de la loi du .j mai] 841, contraindrait la
ville à lui acheter en totalité la maison amodiée,
dont la portion ~nlevée ne rendrait pas le surplus
�DU DOMAINE PUBLIC.
695
inhabitable? POllnait-il demander à conserver la
jouissance de ce qui n'aurait pas été employé pour
le l'élargissement de la voie puhliquc?
L'<JlTèt ci-dessus cité,du 12 féVl"ier 1833, adopte
l'affirmative par les motifs suivants: cc •••• Consi» déraut que lorsque le propriétaire veut user de
" lalacultéque lui accorde la loi,il faut distinguer
» entre l'acquisition de la portion nécessaire aux
>. (ravaux et celle du surplus. de l'immeuble; que
» la première...•. donne à l'état une propriété
» pleine, en tière, dans. un bu t spécial, et qui doit
» par cela même emportel' la résiliation des baux
" que le vendeur avait pu consentir snI' ladite
» portion; mais que l'acquisition du surplus de
» l'immeuble ne constituant qu'un acte voloutaire
» de la part du vendeur auquel l'état 'succède, et
» dunt il prend la place comme simple acquéreur,
» doit être régie par les principes ordinaires du
» droit, et laisser subsister les droits acquis aux:
» tiers dans les termes de leurs conventions, si
» l'état des choses le permct; considérant, dès-lors,
» que, dans tous les cas où le locataire des lieux
» acquis par l'état, se refuse à la résiliation du bail
» de laporLion de l'immeuble non nécessaire aux
» tl'avaux d'utilité publique, il y aura lieu, pour
» les tribunaux, à apprécier les circonstances, et
0
:» conséquemmen t, 1 à vérifier si cette portion
» peut en effet suffire à l'objet de la location pri0
» mitive; 2 à examiner la nature et l'importance
» des travaux à faire par l'état ponr la continuation
�696
.'
l1UI'l'É
du Lail; 3° à fixer audit cas de contination , la
dimiu ution de prix, résultant de la privation de
:» jouissance de la portion en~evée. »
Le second des points que préjuge JaConr, ~elui
concernant l'obligation poul'l'état ou ponr la ville,
acquéreurde la totalité de la'mni~on,.d'exéclltercertains travaux, afin de rendre possible la continuation du bail,estcritiqué par M. Duvergier (lococitato), qui cependant, comme nons l'avons vu plus
haut, ne fait poin t de difficulté de sou mettre à cette
obligation le haillenr lorsqu'il couservt' le surplus
de son immeuhle. Selon cet auteur,)e locataire
n~aurait aucune action ni contre l'état, qui, n'étant
que successeur à titre particulier, n'est point ten Il
des charges auxquelles le propriétaire vendeur était
assujetti, ,ni contre ce dernier, qui ne peut être
contraint à exécuter des travaux SUI' un fonds -qui
~e lui appartient pins; il est d'ailleurs présumé
avoir obtenu, dans l'indemnité de résiliation, l'équivalent de toutes ses pertes. Ces raisons nous lOuchent peu et ne 110US paraissent pas justifier la différence de solution dans les deux cas. Que le
propriétaire conserve le reste de sa maison ou qu'il
forc~ l'administration à le lui acquérir, la position
du preneu r doit être la même; s'il était vrai q ne
l'état ne dût pas succéder à l'uLlig~tion du baillcnr,
qu'en résulterait-il? que celle obligation serait
~teinte? Non, assurément; elle continuerait alors
à peser sur ce dernier qui" s'il ne pouvait plus exéqlter les réparations parce qu'il ne posséderilit
»
»'
�DU DOMAINE PUBLIC.
69'1
plus, n'en devrait pas moins les dommages- intérêts
représentatifs du préjudice que leur délàut aurait
causé. La considération tirée de l'indemnité est absolnment insignifiante, en ce que le locataire reçoit aussi, bien 'un dédommagement quand Je propriétai~e conserve le surplus de son fonds, que
lorsqu'iJ.le cède en totalité, et que rien n'établit
que l'étendue et le montant en soient différents
dans Jes deux hypothèses. Nous croyons donc que
cette disposition de l'alTêt est tout à la fois légale
et équitable.,
Al'I'ivons maintenant aux: conséquences de la
servitude d'. LIGNEMENT par rapport au locataire.
De quelque manière d'abord qu'elle lui. cause
du préj'ldice, soit en empêchant de r~parer:, soiten
diminuant l'étendue de la maison comprise dans le
baillorsqu'apr.ès démolition volontaire ou. forcée,
on voudra la reconstruire, il est certain que l'administration ne lni devra aucune indemnité, puisqu'aux: termes de l'art. 50 de la loi,du 16 septembre
1~o7, elle n'est tenue que de payer la valeur intrinsèque du sol nu, qué la maison soit ,occupée
par le propriétaire lui-mèm.e ou qU,'elle soit amo:
diée.
.1
"1 ever qu ' entre
·
L es questlOns
ne peuvent (,Jonc
se
Je preneur et le propriétaire. Examinons snccessi..,
vement les différents cas qui peuvent se présenter.
Impossihilité de réparer.-D'après l'art. 1720
du Code civil, le bailleur cst tenu de faire, pendant la durée du hail, ,toutesJes r~parat~ons à la
�698
TltAlT.É
chose louée, autres cependant que les locatives;
s'il en est empêché parce que la maison n'est pas
dans l'alignement, son locataire aura-t-il contre lui
une action en. indemnité?
L'art. 1721 du Code civil semblerait l'y soumettre, en décidant d'une manière générale que:
<c 11 est dû garantIe an preneur pour tons les vices
» ou défauts de la chose louée qui en empêchent
» l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas
» connus lors du hail , et que, s'il résulte de ces
» vices ou défauts quelque perte pour le preneur,
» le bailleur est tenu de l'indemniser. » Cependant les auteurs et la jurisprudence font une exception trop juste pOUl' n'être point admise, quoique
non écrite dans la loi. cc Aucune garantie, dit
» M. Dnvergier ( Contrat de louage, nO 342),
» n'est due pour les vices apparents au moment
» du contrat, que le preneur a connus, ou qu'il a
), dû apercevoir par l'inspection qu'il a t'lÏte de la
)' chose louée. Il est présumé avoir voulu la pren)' dre avec le vice dont elle était atteinte, et avoir
,,' calculé le prix du bail sur l'utilité qu'elle lui of)' frait. " Il cÏle à l'appui Pothier, du Louage,
nO 113, et un al'rêt de la Cour de Colmar du 14
novembre 1~h5 (Sirey, 26-2-1~h). M. Troplollg
(du Louage" nO 198) adopte le même avis: cc Pour
a, qne le'Jocateur, dit-il, soit tenu de garantir, il
» faut que le preneur n'ait pas eu connaissance des
" défauts et des vices. Ainsi, c'est tant pis ponr
» VOllS, locataire , ..... si VOllS avez su que les
�DU DOMAINE PUBLIC.
699
cheminées de ma maison fument habituelle» luent. »
Faisant application de ces principes à notre espèce, on doit dire qne le bailleur ne devra aucuns
dommages et intérêts, p<lrce que le vice de la chose
consistant dans l'impossibilité de la réparer, a dû ou'
pu être connu du locataire, à qui il a été loisible
de consulter le plan d'alignement et .de s'assurer
si la maison était sujette ou nou à reculement.
La difficulté serait plus grande si dans la localité
il n'y avait pas de plan général arrêté par ordonl1ance royale, et que les alignements fussent encore
délivrés par le maire ou le préfet à mesure des demandes en autorisation de construire ou de réparel'; on pourrait prétendr.e alOl's que le preneur
n'a pu conna1tre le vice, et que si le propriétaire a
été aussi dans la même ignorance, sa bonne foi ne
peut lui profiter. en présence des termes positifs-de
l'art. 1721, qui le soumet à la garantie dans le cas
formellement exprimé où il n'aurait pas connu
les défauts de la chose qui en emp&hent fusage. Cependant nous ne pensons pas qne l'on
doive admettre cette distinction, dont les conséquences seraient trop rigoureuses pour le bailleur.
Si le localaire n'a pas su précisément que la maison
était assujettie au reculement, il n'a pu néanmoins
ignorer que la défense de réparer les bâtiments
joignant la rue est de droit public en France, et
que l'autorité a la faculLé d'empêcher les réparations dans certains cas; par la sim pIe inspection des
»
�700
TRAITÉ
lieux, il a pu juget' à peu près exactement si la maison était sujctte à retranchement; enfin il aurait
pn filire expliquer l'administration d'une manière
officielle à ct'tégard en luidemandant l'align~ment.
A notre avis, dans .les deux cas , l'art. 1722 est
applicable, et le défaut de réparations ne donnera
lieu, au profit du locataire, que soit à la résiliation,
du bail, si le préjudice est considérable, soit à une
simple diminution de prix, s'il n'y a pas impossibilité à continuer de jouir de}a chose; mais le tout
sans domma~es.intérêts.
Il y a plus, c'est que, comme l'enseigne M. Tro~
plong (du Louoge, nO 210) : c( Le fait de force
» majeure dunt s~ plaint le preneur (ici l'impossi» bilité de réparer)' doit lui occasionner un dom» l1iage grave. Si plùs quom tolerabile sit, disait
» le jurisconsulte Gains (L. 25, S 6, fi: loc.
» cond.); sans quoi une simple gêne, une légère
» diminution des avantages du hail, ne serait pas
:;) une cause de résiliation on d'allégement du
:;) prix. Modicum damnum ferre dehet colonus,
:;»
ajoutait Gains, cui immodicllm lucrum non
» ollfertur..• .... Le juge n'aura aucun égard aux
» destructions trop minimes pour affecter la jouis:;) sance. )'
Diminution ou privation complète de jouissance par suite de démolition volontaire.Suivant l'art. 1723 du Code civil, le propriétaire
ne pouvant Caire, pendant la dUl'ée du bail, aucun
changement à la chose louée, sans le consentement
�DU DOMAINE
punuc.
701
'du locataire, il ne saurait sèprésenter, sur les conséquences d'une démolition volontaire, d'autres
questions que celles résultant de l'interprétation
de la convention intervenue entre les parties; si;
d'accord de reconstruire la maison, il y avait'em...,
pêchement à le faire par l'alignement, ou si l'étendue était diminuée, le locataire ne serait pas
adI~is à se plaindre, puisqu'il aurait consenti;vo-'
lenti nonfit injuria.
Il ne pourrait y avoir de difficulté que dans le cas
où le bailleur,usant de la faculté que lui donne l'art.
1724 du Code civ., aurait, en faisant des réparations
autorisées, compromis la solidité de la ma,ison et
rend Il .nécessaires sa reconstruction ou d'antres réparations défendues comme confortatives; il de~
vrait alors supporter la. peine de son imprévoyance.
cc Il ne faudrait pas, dit M. Troplong ,du Louage,
:>, nO 216), confondre avec la force majeure ame.
:>, née par le fait du prince, l'ordre de l'autorité
:» qni empêcherait de réparer un mur non aligné;
lO) dont la solidité aurait été .compromise par les
!»
travaux du propriétaire lui.même. Le fait de ce
» dernier serait ici la seule cause originaire du,pré)' judice éprouvé par le locataire .qui serait privé
)' d'une partie de la maison. Je crois que.ce der)' nier pourrait obtenir, s'il y avait lieu, des dom ..
» mages et intérêts. - L'arrêt de Bordeaux (du
» 4 octobre 1831, Dalloz, 32'2-28), qui m'a
» fourni cette espèce, n'a pu se refuser à adjuger
), des dommages-intérêts que par une appréciation
�702
1'1lAITÉ
spéciale des faits de la cause. Autrement cet ar:'"
» rêt ne serait pas juridique.»
»
Diminution ou privation de jouissance par
suite de démolitionjôrcée. - Lorsque l'autorité
or<lonne la démolition totale d'une maison pour
cause de rnine imminente, Je bail est de plein
droit résilié (art. 1741); le preneur ne pourrait
exi~er que le bailleur reconstruisît celte maison, de
même que celui-ci ne pourrait retenir le locataire
dans les liens du contrat, en offrant d'opérer la
réédification (MM. Duvergier, tom. l , nO 521,
et Troplong~ nO 213). Selon nous, il ne serait
point dû de dommages et intérêts malgré la Jécision contraire rendue par le tribunal 'Civil de la
Seine, entre les sieurs Bryon et Gillelte, et le sieur
Lasnes, et que la Gazette des Trihunaux dn
4 août 1832 rapporte en ées termes: cc Considérant
que l'orôonnance de police qui prescrit la dé:1) molition d'une maison ponl' cause de vétusté,
est la conséquence des vices on défauts de la
chose qui en empêchent l'usage, et dont le
:Il bailleur est .responsable, aux termes de l'arlicle
» 1721.» En effet, c'est ici un cas de force majeure dont on ne peut rendre le propriétaire responsable. Si le tribunal a prononcé autremen t,
c'est que~les circonstances dela cause l'y ont déterminé, en ce qu'il s'agissait d'un concert entre la ville
de Paris etlesiellr Lasnes, par suite duquel la ville,
quoique ayant réellement acquis de ce dernier la
maison, faisait rcndre contre lui, resté propriétaire
)l
)l
)l
�DU DOMAINE PUBLIC.
703
apparent, l'arrêté de démolition, afin de pouvoir
expulser les locataires. « Il en serait de même, dit'
» également M. Troplong, nO 216 (c'est-à-dire le
» preneur pourrait obtenir des dommages-intérêts),
» si l'autorité eût ordonné la démolition de la mai;n son sur les instances du propriétaire lui-même, '
•• qui aurait provoqué l'alignement (Bordeaux,
» 24 décembre 1833. Dalloz, 34-2-7°) ..»
Dans le cas où la démolition ordonnée ne serait,'
que partielle, le locataire aurait, comme nous l'a~
~ons dit plus haut, l'option ou rl~ continue~ le bail
avec diminution de prix, ou de faire prononcer la
résiliation (M. Troplong, nOS 213 et 215. - Arrêts de la Cour de Bordeaux du 4 octohre 1831,
Dalloz, 32-2-28, et de la· Cour de cassation du
25 juillet 1827, Sirey, 27-1-49° ).,
Ce droit lui serait ouwert même dans le cas où la
démolition ne porterait que sur un accessoire,
pourvu qu'il fût d'une certaine importance, et
qu'il ait dû être pris en considération lors du bail;
M. Troplong, nO 2.J 7, cite l'exemple suivant: c( Je
)~ tiens à loyer une maison. qui a sur la voie publi..
" que un balcon sur lequel je puis me promener
» et jouir d'une vue agréable etd'unllirpur. Tout)~ à-coup un arrêté de l'autorité municipale 01'» donne la suppression de ce balcon, parce qu'il
)~ faisait saillie sur la rue. Privé d'un des agré)' ments les plus précieux de mon appartement,
:>~ j'aurai droit Je me prévaloir de la disposition Je
» l'art. J722. »
�·
.'
7ût
'l'lUITÉ
" Après àvoirexplioué les effets de Fexpropriation
et de l'alignement, quand ils s'appliquent à la mai~
son même qui fait l'oLiet du bail, il nous l'l'ste à
dire un mot du cas où, portant sur un bâtiment
voisin, ils cau~er.aient néanmoins du préjudice'à
~elte maison.
Lor~que, par suite d'ali~nement, UFle maison
doit avancer ou reculer, et qu'il. en résulte un
préjudice pour la maison voisine, soit en la plaçant
dans un renfoncement, soit en diminuant la.lu'hlière dont elle jouissait, soit même en· cansant un
dommage matériel à ses mUl's (S 4 ci.dessus), le
propriétêlire de cetlè dernière maison ne peut demander d'indemnité, ni à la ville qui use,de SOG
droit, ni au voisin qui se conforme à la loi et à l'arrêté. Mais il n'en est pas de même du locataire
,qui, dans un cas semblable, a une action con tre
son bailleur :
Supposez, par exemple, dit
:» M. Troplong, nO 199, qti'un ]Jorloger" qui a
:», besoin" d"un logement très-éclairé pour exercer
» son:art, vous ait loué une boutique qtli, lors du
» contrat, remplissait celte condition; mais il ar» rive que, depuis, le propriétaire d'un site voisin
,,;élève un bâtiment considérable qui rrwsqne le
» jour. Vous ne pouvez vous empêcher d'accorder
,)à cet horloger décharge de sqn bail; car il
» éprouve, par suite du vice dont la chose ~st at» ,teinte, un empêchement qui Je prive de l'avan» tage qu'il. s'était promis en contractant avec
» vous (Pothier, nO 112). C'est la décision de
c(
�DU DOMAINE PUBLIC.
». Gaïus dan& la loi
25, S
2,
705
ff. loc. cond. ; et ce
»
jurisconsulte ajoute que, si "le locataire consen t'
»
à 'ne pas demander la résiliation du bail, du
moins il a droit à obtenir une diminution sur le
»
" loyer.» Cette opinion est conforme à celie de
Doma t (Iiv. 1 er , tit. 4, sect. 3, nO 6), qui déclare
Je bailleur garant du trouble résultalll pour le 10':'
cataire du fait d'un voisin qni, en élevant son bà:ti~
ment, diminue l'air et la lumière pour la maison
louée.
A pIns forte raison, le propriétaire serait-il ,tenu
de la garantie, si c'était lui qui eût causé personneUementle préjudice, IOl'smême qu'il eût pu faire
ilUl)unément la même chose à l'égard J'un voisin,
par·exemple, si, possesseur de la maison joignant
celle louée, il l'avançait en la reconslrllisant, et que
pal' là il diminuât les jours de celte dcmière ; vai'1ement il prétendrait avoir des droits distincts
-comme maître des deux bâtiments, et que s'il est
,obligé de laisser celui qu'il a amodié dans l'état Otl
il se trouvai t au moment du bail, à raison de ses
engagements avec 'le prenenr, il est resté libre
d'user du second, comme le serait tout autre propriétaire; qu'il pent donc y' apporter toutes les
rno'difications qui ne sont pas contraires aux dispositions qui règlent les rnpports entre voisins. Le
locataire se prévaudrait avec avantage de ce qu'en
acceptant l'amodiation, il a été déterminé par les'
avantages que lui présentait l'état des lieux, et
" 1Ion
'
cl"e a pense.' qu 'anClln
c l e ceux SUl' ,
fJU "1
1 a ete
�706
i
TRAITÉ
lesquels il a compté, ne lui serait enlevé, par le
fait du bailleur, soit cn qualité de propriétaire du
fonds loué, soit en qualité de maître du fonds
VOISID.
48° Les rapports du nn-propriétaire avec l'usufruitier ~tant tout autres que ceux du bailleur avec
Je locataire, et se trouvant régis par des principes
diffél'ents, les décisions, en ce qui concerne l'ali..
gnement, doivent aussi être différentes; dans un
des cas, les principes de la vente ét de la garantie
dominent; dans l'autre, ce sontceuxde la communion ou de l'association de fait.
Ainsi, par exemple, dans une hypothèse analogue
à celle qui vient de nous occuper en dernier lieu, le
propriétaire de deux maisons, dont l'une serait
grevée d'usufruit, 'pourrait faire dans l'autre des
constructions qui auraient ponr effet de diminuer
les jours de la première, pourvu que celle-ci filt
encore suffisamment éclairée; c'est ce que décide
M. Proudhon (Traité de Pusufruit ~ nO 879),
d'après la loi 30, ff. de lJsufruct. , liv. 7, tit. l ,
qui est très-positive et qui pose nommément l'espece.
Lorsqu'une maison grevée d'usufruit est expropriée en tout ou en partie, une seule indemnité est
réglée par le jury eu égard à sa valeur totale, et
le propriétaire et l'usufruitier exercent leurs droits
sur la somme allouée, au lieu de l'exercer snI' la
chose; dans tout autre usufruit l[Ue celui légal des
père et mère, l'usufrllilic," serait tenu de donner
�DU DOMAINE. PUBUC.
70'1
~aution
, encore qu'il en ait été dispensé pal' le titre
constitutif, ou encor~ qu'il en eût déjà fourni
une. (Art. 39, S 2. et3 de la loi du3 mai 1841.MM. Pl'Oudhon, Traité de Pusufruit" nO 870,
et Delalleau, Traité de Pexpr." nOS 434, 435 et
436.) Si au lieu d'un usufruit, il s'agissait d'un
droit d'habitation Ile portant que sur une portion
de la maillon, les intérêts de l'indemnité se diviseraient entl'e les deux p:lrties, dans la proportion
·de l'étenlloe de leur jouissance respective.
Les mêmes solutions seraient applicables à l'indelImité payée par suite d'alignement.
Si la maison grevée d'un usufruit à titre parti-enlier, était détnlÎte en totalité par suite d'expropriation ou d'alignement, J'.l1sufruit serait éteint
complètement, et l'usufruItier ne conserverait pas
le droit de jouir des matériaux et de ce qui restp.rait du sol. Il ne pourrait non plus prétendre exercer
son droit sm le nouveau bâtiment que le propriétaire aurait réédifié à la place de l'ancien. (L. 5,
S 2, et loi 10, SI, fT. quib. modo uslffr. amitt."
lib. 7, tit. 4, et M. Proudhon, Tr. de l'usu}r.,,
nOS 252 7, 2 542, 25 43 et 2550.)
Dans le cas où la destruction de la maison ne
serait que partieJle, comme s'il y avait lieu seulément à reculer la façade sur l'alignement, l'usufruit continuerait à exister, si eui insuloe usu-
j'ruetus legatus est; quamdiù quaelihet portio
hujus insulae remanet" totius soli usumfructum
retinet (L. !J3 et 10, ff. de usujr., lib. 7, tit. 1);
�108
•
TIUlTÉ
et les frais occasionnés par cette opération devraient, comme charge imposée par l'autorité publique, être supportés par le propriétaire et l'usufruitier, pour l'un, quant au capital, et pour l'autre,
quant à l'intérêt (même Traité de Pusup'uit"
nO lS7 0 )'
49° L'art. IS de la loi dll '21 mai 1836 fixe à
deux années, le délai' après lequel sera prescrite
l'action en indemnité des propriétaires pour les
terrains qui auront servi à l'étahlissement ou au
l'élargissement des chemins vicinaux. Cette dis'position étant spéciale pour la matière, et aucune
autre analogue n'ayant été portée pour le prix des
terrains à céder par voie d'alignement de la part
des riverains à la "ille, ou vice versd" on doit dire
que, ce prix ne sera prescriptihle que par le laps de
30 ans, conformément à l'art. 2262 du Cod. civ.,
qui contient la règle à suivre toutes les fois qu'il
n'y a pas une exception formelle.
Ceue prescription pourra au sur pins être intérrompue, comme celle résultant de l'art. 18 cidessus, par la présentation du mémoire exigé par
l'art. 51 dela loi du 18 juillet 1~G7'.
50° D'apres des leures.patentes dn 22 octobre
1733, rapportées dans le Dictionnaire de voirie"
de Perrot, et dans le supplément au Traité de la
poLice,,'de Delamare,les permissions de construire
étaient périmées et devenaient nulles de plein droit
<lprès une année, et ceux qui n'en avaient pas usé
dans ce délai étaient tenus d'en obtenir dc nol.1-
�709
DU DOMAINE PUBLIC.
velles. Ce réglement, porté exclusivement dans des
vues de fiscalité, ne doit pIns avoir d'cffet aujourd'hui; c'est ce qui paraît résulte.' d'un arrêt du conseil d'état du 16 juillet 1840 (Lagnier.=Dalloz,
41-3-57) ; Llans tous les cas, il ne serait ras obligàtoire hors du ressort de l'ancienne généralité de
Paris. Les préfets ct les màires ponrraient peut-être
encore, dans des circonstances spéciales et par des
motifs d'ordre et de police, prescrire un délai pour
l'exécution de lems arrêtés; mais ce droit dériverait des pouvoirs gél1(~raux qui leur sont conférés
comme administrateurs, et non de l'acte législatif
ci-dessus.
51° La loi du 16 septembre 1807, ni aucune
autre, ne contenant de disposition particulière sur
les intérêts du montant de l'indemnité, il faut s'en
référer, à cet égard, au droit COmmun établi par
l'art. 16&2 du Cod. civ., et dire en conséquence
que ces intérêts ne seront dus que dans les cas suivants: 1° si dans la convention intervenue entre la
ville et le riverain, sur le chiffre de l'indemnité, il .
ya stipulation expresse; - 2° s'il ya eu mise en ~c
meure de la ville par la présentation d'un mémoire,
conformément à l'art. 51 de la loi du 18 juillet
1837, ou du riverain par nne somm:ltion de
payer (a); - 3° enfin si la chose vendne et livrée
-------_.---------------Ca) A la différence du cas prévu par l'arL 1153 C. c. , une
simple sommation, sans commandement ni demandc en justice,
sufftt pour faire courir les intérêts du prix d'une vente;
l'art. 1652 est expliqué par l'art. 1139. (MM. Duranton,
tom. 16, nO 341 , et Troplong, Tr. de la 'Vente, nO 601. )
TO~T. II.
45
�710
•
TRAITÉ
produit des fruits ou autres revenus, ce qui ne
peut avoir lieu que quand c'est la commune qui
cède un terrain sur lequel le voisin construit une
maison ou établit un jardin ou une culture, car on
doit considérer comme improductif celni qui est
au contraire abandonné pOUl' le l'élargissement de
la voie publique.
Quand l'indemnité, aU lieu d'être réglée amiahlement, est fixée par le jury, l'intérêt, indépendamment des causes ci·dessus qui y donnent lieu,
court de plein droit, aux termes de l'art. 55 de la
loi du 3 mai 1841, après l'expiration du délai de six
mois, à partir de la décision de ce jury.
52° Dans les places de guelTe, l'autorité civile
doit, suivant l'art. 75 du décret du 24 décembre
1811 , concerter avec l'autorité militail'e les nouveaux plans d'alignemerHs, 1° des rues qni :;ervent
de communication directe avec la place d'armes,
les bâtiments ou étahlissements militail'es, et la
rue du rempart; 2 6 des rues, carrefours et placesqui environnent ces Lâtiments ou établissements,
ou qui sont consacrés, par le temps et l'usage, aux
exercices ou rassemblements des tl'oupes.
D'uu autre côté, l'art. 30 de l'ordonnance du
1 er août 1821 , sur les servitudes militaires, défeoù
aux propriétaires des bâtimen ts et clôtures, situés
dans les limites de la rue du rempart ou des zôncs
de servitudes, de les réparer sans avoir préalahlement obtenu une déclaration et un certificat
constatall t que les constructions ou répara tions
�DU DOMAINE PUBLIC.
711
projet~es
ne sont dans aucun des cas de prohibitions prévus par les lois des 10 septembre 1791 et
17 jnillet 1~h9; en sorte qu'une double demande
d'alignement doit être formée: à l'autorité civile,
sous le rappol'l de la voirie urbaine, et à l'autorité
militaire, en ce qui concerne les servitudes défensIves.
53° Par les motifs de salubrité qui, depuis la
fin du ) siècle, avaient déterminé à prescrire l'éloignement des lieux de sépulture, des habitations Ca), le décret du 7 mars 180H a fixé à 100
mètres, il partir des nouveaux cimetières transférés
hors des communes en vertu des lois et réglements,
la distance à laquelle il est défendu, d'une manière
générale, d'élever, de restaurer ct d'angmenter
se
Ca) L'arrêtderéglement du parlement de Paris du 21 mai t 765,
et la déclaration du roi du 10 mars 1776, ordonnent l'établissement de cimetières en dehors des villes. L'art. 9 du décret du
6-15 mai 1791 s'occupe de la vente de ceux supprimés; l'article 1 er de celui du 12 frimaire an 2 pose le principe d'un lieu
d'inhumation commun pour tous les citoyens d'une même localité; enfin les art. 1, 2, 8 et 9 du décret impérial du 23 prairial
an 12, en prohibant les inhumations dans l'enceinte des villes et
bourgs, prescrivent l'établissement de nouveaux cimetières à la
distance de 35 à 40 mètres au moins de cette enceinte, en remplacement des anciens, dont il ne devra être fait aucune espèce
d'usage pendant cinq ans, et qui, à partir de celte époque,
pourront être seulement plantés ou ensemencés, sans qu'il soit
permis d'y faire aucune fouille ou fondation pour des constructions de bl\.timents, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, '.
c'est-à-dire, et d'après jurisprudence ministérielle, avant un
nouveau délai de cinq <lUS.
1;
�712
TRAITÉ
aucune habitation, ou de creuser aucun puits;
les anciens puits existant dans cette limite pouvant même, après visite contradictoire d'experts,
être comblés, en vertu d'ordonnance ùu préfet ùu
départemént, ml' la demande de la police locale.
C'est encore là nne servitude analogue à celle
d'alignement, en ce que la prohibition qni la
constitue, ct dont l'infraction entraînerait l'application des peines de police -et notamment la démolition, ne peut être levée que par nne autorisationspéciale, sur laquelle le décret ne s'explique
pas, mais qui, selon nous, ne peut émaner que du
maire, dont l'une.des attributions les pius essentielles est de veiller à ce qui intéresse la salubrité
publique.
Pour prévenir les contraventions que l'ignorance
ou l'ouhli de cette sage mesure pourrait entraîner,
il sera convenable de tracer sur les plans d'alignement, la zône dans laquelle la prohibition ci·dessus
existe, et par suite, la pel'mission de construire
devra être obtenue.
64° La nécessité de demander l'alignement n'est
pas limitée au seul cas ùe construction et de réparation de bâtiments 011 de murs de clôture, ellc
s'étend auslliàcenx de plantations de haies et d'al'hres, d'étahlissement, d'entretien et de curcment
ùe fossés joignant les grandes routes, les rues e.t les
chemins; c'est ce qui est prescrit textuellemen t,
pour les premières de ces voies de communication,
par lcs:art. 91, 92 et 109 du ol:cret dn 16 déccllI-
�DU DOMAINE PUBLIC.
713
bre 1811, ct ce qui a été consacré par les arrêts du
conseil d'état des 25 avril 1828, 8 novembre 1829
et 9 juin l~Bo.
55° De la faculté accordée aux cornmll nes, par
les art. 3 de la loi du 21 avril 1832, et 43 de celle
du 1 a juillet 1837, dè percevoir à leur profit, d'après un tarif arrêté par ordonnance royale, un
droit de voirie à raison de certaines constructions
ct saillies mobiles établies même dans les rues traversées par les grandes routes, on av:ait voulu induire que le droit de permettre ces constructions et
saillies dans ces rues, appartenait aussi à l'autorité
municipale; mais le conseil d'état a émis, le 20 novembre 1839, l'avis: cc Que le droit d'autoriser OH
» d'interdire les saillies, de quelque nature qu'elles
» soient, sur la partie des voies publiques qui dé» pend de la g-rande voirie, appartient aux préfets,
» chargésde donner l'alignement; » mais cepen ...
dant : " que l'approbation dont cct arrêté (du
» maire) a été revêtu, peut être considérée comme
~) lui ayant conféré toute l'autorité d'un acte pré» fectoral, et qu'ainsi les permissions donuées
» conformément à cet arr.êté, l'ont été régulière~) ment.»
Nous admettons complètement cette décision du
conseil d'étaten ce qui concerne les autorisations~
parce que celui-là seul qui a le pouvoir de fixer la
largeur des routes, doit avoir le droit de permettre
l'établissement de 'constructions ou sailli.es ayant
pour effet nécessaire de diminuer cette largen'r ~
�714.
TRAITÉ
mais nous croyons qu'il devrait en être autrement
de l'interdiction, qui, loin de restreindre J'étendue du passage, tend au contraire à l'augmenter et
à améliorer la viabilité; nons pensons que l'alignement donné par le préfet n'est qu'un minimum et
une fixation de la largeur indispensable à procurer
aux frais de l'état, mais que, par des motifs de plus
grande sécurité on commodité du passage, de régnlarité, de salubrité el d'embellissement, J'autorité
municipale peut ensuite prescrire, aux frais de la
ville, de nouvelJes dispositions, pourvu qu'elles
lai,;sent partout intacte la dimension fixée par la
gra nde voirie; que, par exemple, elle peu t exiger,
par son plan d'alignement, un reculement plus
considérable des maisons, la suppres!lion d'angles,
de courbes et autres irrégularités, et aussi défendre
des saillies d'escaliers, de devantures de boutiques,
d'entrées de caves, de corniches, d'anvents, d'étalages, etc., à l'égard desfJuelJes l'arrêté du préfet
doit être considéré moins comme conférant le droit
de faire, que sim plemen t comme n'empêchant pas.
Les dl'Oits et les devoirs des deux autorités sonLd'un
ordre tlifférent, ne dérivent pas du même principe,
•
1)lIt: 1'"Interet
et n ,ont pas exactement 1e meme
d·'une vial)ilité suffisamment commode e~t le senl
mobile Je·l'autorité préfectorale, tandis que l'auiorité municipale a en outre à pourvoirà ceux de la
.salubJité, d'uue cnliere sécllrité et JUême de J'emhellissement. L'une ne doit se déterminer que par
des motifs tle nécessité; l'antre (envisa.gée, bien enA
�DU DOlllAINE PUJ3LIC.
715
tendu, dans l'ensemble de ses degrés hiérarchiqnes, et alors comprenant aussi le préfet) doit encore avoir égard à l'utilité, à l'agrément et à la
décoration. Cette distinction est tellement fondée,
que dans plusieurs départements, notamment dans
celui de la Côte#d'Or, les arrêtés de grande voirie
se terminent tous pal' une disposition de renvoi au
maire, afin que celui-ci prescrive ce qui lui parahra
convenable sous le rapport de la voirie urbaine.
56° Nous termine l'Ons les notions que nous
avons cm devoir présenter sur la matière difficile
et d'une utilité pratique journalière, des alignements et des permissions de bâtir, par un exposé
sommaire des formalités relatives à l'établissement
et à l'approbation des plans généraux, à la délivrance des autorisations· individuelles et aux réglements des indemnités. Ces tmis points formeront le
sujet du préselll S et des deux suivants:
ETABLISSEMENT ET APPRODATION DES PLANS GÉ-
Quelques différences existant entre la voirie U1'baine, la grande voirie et la voirie vicinale,
il est nécessaire de traiter Je chacune séparément.
NÉRA.UX.
PLANS D'ALIGNE./tlENTS DES VILLES ~ BOURGS ET
VILLAGES.
Confection des plans. -
Dix circulaires rappelées par leurs dates, page 460 ci-dessus, et dont
les prescriptions, encore en vigueur, se trouvent
résumées dans l'instmction en 14 articles, annexée
à celle du 2 octobre 1815, règlent tout ce qui con·
cerne la rédaction et la forme matérielle des plans
�716
TRAITÉ
qni doivent être dressés à l'échelle de deux miIlimèlrcs par mètre pour ceux de division ou de rues,
et J'Ull demi-millimètre par mètre pOUl' ceux généraux ou d'assemblage (a).
(a) L'art. 6 de cette instruction porte: « Il sera proposé des
noms aux rues, places, etc., qui n'cn ont pas; le ministre
» statuera. » Mais s'il s'agissait, après le plan approuvé, de
changer le nom existant, il Y aurait lieu aux distinctions suivantes: 1° si la dénomination avait été donDée par ordonnance
royale, il faudrait une Douvelle ordonnance pour y en substituer
un autre; 2° si le nom n'existait que par suite d'un ancien usage,
au maire seul, en vertu de son pouvoir de police, et non au
conseil municipal, appartiendrait le droit de le cbanger, sauf
approbation de l'arrêté par le ministre ou par le préfet, selon
que la commune serait assujettie ou non à avoir UD plan d'alignemeDt (Cl'rculaire du ministre de l'intérieur du 3 août 1841);
3° si la dénominatioD projetée était un honneur que l'on voulût décerner, soit de son vivant, soit après sa mort, à un
citoyen, l'arrêté du maire ou le vœu du conseil municipal nc
seraient exécutoires, aux termes de l'ordonnance du 10 juillet
1816, qu'autant qu'ils seraient approuvés p:l.r UDe ordonnance
royale; 4° enfin s'il s'agissait de donner à un.e rue le nom du
propriétairc ou de l'entrepreneul' qui l'aurait fait ouvrir, ce ne
serait pas le cas de l'approhation du roi, n'y ayant poiDt ici de
récompense ou d'hommage publics; l'arrêté du maire devrait
seulement être approuvé, comme il est dit au DO 2 ci-dessus,
par le ministre ou par le préfet (susdite Circulaire).
Les écriteaux ou noms des rues ne datent que de 1728; av.ant
cette époque, la tradition seule désignait les voies publiques;
ces écriteaux sont à la charge des communes (art. 2 du décret
du 23 mai 1806), et l'obligation de souffrir leur placement et de
ne porter aucune atteinte à leur conservation, est une servitude
municipale que doivent supporter l(:s maisons désignées par
l'autorité pour les rccevoir.
Les plans d'alignement clcnont aussi indiqucr lcs numéros
»
�DU DOl\WNE l'LJlILJC.
717
Sur ces plans, levc;s en triple expédition, le maire
fait tracer, péll' l'architecte-voyer ou autre homme
de l'art, les projets d'alignements, en évitant autant gne possihle, ainsi que le recommande l'article 5 de l'instruction,de faire avancer les maisons
snI' la voie actuelle, et de viser à un parallélisme
hon à obtenir dans des rues nouvelles, mais souvent inutile dans les rues ancienneso
Lorsqu'il y aura lieu à l'élargissement, il conviendra de se conformer à l'instruction donnée par
le ministre de l'intérieur au préfet de la Seine,
dans uneOlettre du 24 mars 1828, ainsi conçue:
cc Le conseil des hàtiments civils a appelé mon at» tention snI' la nécessité de prendre une détermi» nation à l'égard de la question de savoir si, dans
» certains cas, il y a lieu à faire su pporter exclusive» ment par un des côtés, le retranchement que peut
» exiger l'élargissement de la voie pnhliqueo 'V ous
» reconnaissez que le principe de l'égalité de ré» partition n'est point ahsolu, et qu'il peut fléchir
» s'il s'agit, par exemple, de déplacer l'axe d'une
des maisons. L'opération du numérotage prescrite par l'ordonnance du roi du 1er juillet 1 ï68, a été organisée pour la ville de
Paris, par décret du 15 pluviose an 13 (4 février 1805), et
étendue à toute la France par ordonnance royale du 23 avril
1823. Il faudrait ne jamais changer le numéro des maisons, ou,
si l'on se trouvait dans l'absolue nécessité de le faire, dresser
au moins un procès-verbal authentique pour établir la corrélation des nouveaux numéros avec les anciens; le défaut de cette
précaution entraîne une perturbation fâcheuse, en jetant de la
confusion dans les titres privés et dans les registres publics.
�718
l1tAlTÉ
rue dans l'intérêt de la circulation, on hien cncore de respecter des édifices publics ou des pro» prié tés considérables nouvellement bâties; je
» partage cette opinion. Toutefois, en admettant
» que, hors le cas de nécessité contraire, il est dans» l'équité de f.1ire porter également le retranche» ment à opérer sur les deux côtés de la me, je
» cl'Ois allssi qu'il y au rait des incon vénients à dqn» nel' une trop grande irnportance à cette objection
dans la rédaction du projet d'alignement, et à y
» subordonner des redressements désit'ables. »
Nous partageons entièrement cet avis, et'nous pensons aussi que la recommandation faite par les anciennes ordonnances sur la voirie, cc de faire sup:» porter avec justice et égalité les retranchements
» qui peuvent être nécessaires, aux deux côtés de
» la rue, » doit céder non-seulement devant les
considérations ci.dessus, mais surtout devant celles
de doubler le dommage, qui est plus souvent en
rapportavecle nombre des maisons entamées, qu'avec la quantité de terrain prise à chacnne, el par
suite de retarder indéfiniment l'avantage du l'élargissement et de la régularité,
Le tracé ainsi préparé doit être, malgré le silence à cet .égard de la loi du 16 septembre 1807,
soumis au conseil municipal, dontle concours, formellement exigé par l'art. 19, nO 7, de celle du
18 juillet 1837, serait d'ailleurs toujours indispensable, puisque les rectifications des voies publiques
ne peu\'ent s'effectuer qu'au moyen de la cession ou
»
»
l)
�DU DOM.A.INE PUBLIC.
'119
de l'acquisition de parcelles de terrain plus ou
moins étendues, que le maire ne peut faire seul,
comme entraînant, soit une dépense, soit l'aliénation·.d'nn fonds communal.
Enquêtes. - .Le plan en cet état est soumis à l'enquête prescrite par les art. 3 et 4 de l'ordonnance
royale du 23 août 1835, ainsi conçus: cc Art. 3. Le
)' projet sera déposé à la mairie pendant quinze
» jours, pour qùe chaque habitant puisse en pren·
» dre connaissance; à l'expiration de ce délai, un
» co~mnissaire désign{par le préfet recevra à la
)' mairie, pendant trois jours consécutifs, les décla)' rations· des habitants sur l'utilité pu ique des
)' travaux projetés. - Les délais ci-dessus pres» crits pour le dépôt des pièces à la mairie et pour
» la durée de l'enquête, pourront être prolongés
:» par le préfet. -Dans tous les cas, ces délais ne
» courront qu'à dater de j'avertissement donné par
» voie de publication et d'affiches.-Il sera justifié
» de l'accomplissement de cette fOl'malité par un
» certificat du maire.
» Art. 4. Après avoir clos et signé le registre de
» ces déclarations, le commissaire le transmettra
» immédiàtement au maire, avec son avis motivé
)', et les antres pièces de l'instruction qui auront
.» servi de base à l'enquête. - Si le registre d'en» quête contient des déclarations contraires à l'a» dûplion du projet, ou si l'avis du commissaire
» lui est opposé, le conseil municipal sera appelé
" à les examiner, et émettra son avis par une déli-
�7iW
TRAITÉ
bération motivée, dont le procës-vcrbal sera
» joint aux pièces. Dans tous les cas, le maire
» adressera immédiatement les pièces au sous» préfet, et celui-ci au préfet, avec son avis mo) tivé. »)
L'instruction ministérielle ÙU 29 octobre 1812
prescrivait des formalités un peu différen tes pour
cetle enquête, mais clle a été abrogée par la circulaire du 23 août 1841, qui, à raison de ce que
l'ordonnance approbative des plans d'alignement
doit avoir les mêmes effets que celle d'expropriation , et servir comme elle de base à une décision
du jUl'Y, ige que l'on se conforme exactement au
réglement d'administraLÏon publique du 23 août
l83b, dont parle l'art. 3 de la loi du 3 mai 18.11,
ainsi qu'aux instructions contenues dans la circulaire ministérielle cl Il 21 septem bre de la même
année 1835 Ca).
Comme on le voit, le conseil municipal pourra
être apFelé à délibérer une seconde fois, mais ce
ne sera plus sur l'ensemble des alignements; après
l'enquête, il n'aura qu'à s'occuper des points qui
amont donné lieu aux oppositions des parties ou
à l'avis contraire du commissaire.
La procédure relative aux plans d'alignements,
ayant, comme nous l'avons fait remarquer pag.
626 ci-dessus, pour double objet, tout à la fois, et
la déclaration d'utilité publique du tracé proposé,
»
(a) Cette circulaire du 23aoilt 1841 est rapportée, pour la
majeure partie, dans la 2·, note sous le n° 426 ci-dessus.
�DU DOM,UNE PUlILIC.
721
,et l'application de ce tracé à chaque propriété particulière, il aurait fallu régulièrement que la seule
enquête qni la constitue, eût embrassé les mesures
et les formes, tan t de celle préalable à l'ordonnance' prescrite par les articles pins haut transcrits
li n réglernent d'administration publique du 23 aoùt
1835, que de celle subséquente, organisée par les
al't. 5, 6et 7 de la loi du 3 mai 1841.
Les differences entre ces deux enquêtes consistent en ce qne, 1 0 la première s'ouvre sur un projet
DÙ l'on doit faire connaître le but de l'entreprise,
le tracé des travaux ~ les dispositions principales
<les ouvrages, et l'appréciation sommaire des dé.penses, tandis que dans la 2 e , il faut un plan
des propriétés particulières indicatifdes noms
de chaque propriétaire ~ tels qu~ils sont inscrits
sur la matrice des r61es; 2° le délai de la 1 re ,
est de quinze jours ~ à l~expiration duquel un
comm;ssaire~ désigné par le prifet ~ reçoit à la '
mairie ~ pendant trois jours consécutifS ~ les déclarations des habitants sur l~atilité publique
des travaux projetés; tanùis que le délai de la
e
2 est, en tout, de huit jours, pembntlesquels le
commissaire ~ qui est le maire, mentionne sa!'
un procès-verbal qu~iL OUVïe à cet4fet~ et que
les parties sont requises de s~f{ner~ les déclarations et réclamations qui lui sontfaites verbaLement.. et y annexe celles qui lui sont
transmises par écrit; 3° aucuns lieux spéciaux,
ni aucunes formes n..c sont prescrits pOllr les pub1i-
�722
TRAITÉ
cations et affiches qui doi vent précéder ]a première,
tandis qne pour la seconde, F avertissement doit
iltre publié à son de trompe ou de caisse dans
La commune ~ ajfiché tant à la principale porte
de l~église du lieu ~ t7u~à celle de la maisoncommune ~ et en outre inséré dans l~un des
journaux pubLiés dans l~arrondissement ~ ou,
s~il n~en existe aucun, dans l~un des journaux
du département; 4° dans la seconde, le maire,
qui reçoides déclarations, n'a pointd'avisàémellre,
tandis que dans la 1 re , Le commissaire déLégué
par le préfet doit donner son avis motivé.
Rien assurément n'aurait été plus facile que de
combiner ces di verses mesures en adoptant celles
qui produisaient le plus de garantie et qui rentraient le mieux dans le but proposé; il suffisait de
prendre, tant dans l'ordonnance du 23 août 1835,
que dans le tit. 2 de la loi du 3 Dlai 184 l, celles des
dispositions que nous présentons ci-dessus en caractères italiques, et de les réunir. Mais comme d'après
cette idée, on ne retranche aucune des prescriptions de l'ordonnance qui sont d'une application
possible aux plans d'alignemept,que l'on ne fait seulement qu'yen ajouter quelques autl'es empruntées
à la loi, et qu'il est de principe que ce qui abonde
ne vicie pas, on pense q"ue, bien que ]a circulaire
du 23 août 1841 n'en impose pas l'obligation, il
sera convenable et parfaitement dans l'esprit de la
législation, d'exécuter, en fait, la combinaison don t
nous venons de parler, et qui en définitive n'ajoll-
�DU DOMAINE PUBLIC.
723
lera à la marche prescrite, que ces tl'ois poinls :
1 0 l'inscription, sur le plan ou sur un tableau y
annexé, des noms de chaque propriétaire, tels qu'ils
-sont inscrits sur la matrice des rôles; 2° la publi-cation à son de trompe ou de ca~sse, dans la comnI une, de l'avertissement relatif au dépôt des pièces
,à la mairie, et son affiche tant à la principale porte
de l'église du lieu, qu'à celle de la maison-com'mune; 3° et son insertion dans l'un des journaux
,de l'arrondissement on, à défaut, dans un de ceux
du département.
Approbation par ordonnance royale. et Le préfet .... ,
'»
continue l'ordonnance sus-mentionnée du 2~
» .août 1836 (art. 5), enverra le tout (c'est-à-dire le
» plan, l'enquête, l'avis du commissail'e, la délibé» ration ùu conseil municipal etl'avisdu sous-pré» fet) au ministre de l'intérieur, avec son avis mo» tivé .... ~) Ce ministre est dans l'usage de consulter le conseil des bâtiments civils, dont le travail
donne souvent lieu à des observations qui nécessitent de nouvelles études, un nouveau tracé ct une
nouvelle instruction. Il y aurait également lieu,
aux termes de l'art. 7 de la même ordonnance,
à en référer au ministre des finances, si quelques
alignemenls entraînaient l'application de l'avis
dn conseil d'état du 9-21 février 1808, sur la
cession aux communes de tout ou partie d'un bien
de l'élat Ca).
Ca) Dans le cas de cession d'un bien de l'état proprement dit,
il y a perte de produit ou de jouissance de valeur :Jppréciable,
�72!j.
TRAITÉ
Enfin, et ces préliminaires remplis, les plans sont
soumis an conseil d'état, sur l'avis duquel intervient l'ordonnance royale approbative.
C'est ainsi que se trouve exécuté l'art. 52 de la
loi du 16 septembre 1807'
Jusqu'à l'ordonnance, tontes les réclamations
penvent être présentées; mais lorsqu'elle est rendue, clle ne peut être attaquée, ni par voie contentieuse (arrêts du conseil d'état des 91uin 1 ~h4,
2 août 1826 et 4 juillet 1827;=Macarel~6.2998.498- 9.388), soit d'opposition, soit de tierce opposition (arrêt dudit cons. du 4 juin dh3) , parce
qu'il n'y a point ici application d'un titre qui ait
conféré un droit aux propriétaires riverains, et que
l'ordonnance constitue un réglement d'administration publique, ni même par voie de supplique
ou de pétition, parce que l'alignement assure aux
tiers des droits que l'on ne peut remettre indéfiniment en question.
Il n'y aurait d'exception que dans le cas où les
formalités relatives à l'enquête aurai(mt été omises
ou 'l'régulièrement remplies; alors, et sans que
et, pal' suite, véritable aliénation; alors l'avis du conseil d'état
en question doit être appliqué comme il l'a été, par ordonnance
royale du 2 février 1831, pour la vente à la ville de Dijon
d'une partie du Palais des Etats, à l'effet d'y établir la mairie;
il en serait autrement s'il s'agissait d'un fonds dépendant du domaine public; les cessions à en faire pour cause d'utilité pnhlique ne constituent ni aliénation ni expropriation; clIcs ne
forment qu'un changement de destination el une nouvelle affectation.
�725
DU DOMAINE PUBLIC.
pour ce motif, il y ait davantage lieu à la voie contentieuse, on devrait se pourvoir par Opposilion
devant le ministre de l'intérieur, sur le r<lpport dnqnel le roi, en son conseil, statuerait conformément à l'art. 52 Je la loi du 16 septembre 1807_
Le roi, au surplus. appréciateur suprême de
l'intérêt puhlic, que des circonstances imprévues
peuvent sans cesse mot1ilier, conserve toujuurs et
cn tout état de canse, la factilté de changer le plan,
· après avoir fait procéder, bien entendu, à une nouvelle instl'Uction tians les formes ci-dessus indiquées, et sans néanmoins pouvoir porter atteinte
aux droits acquis.
PLANS GÉNÉRAUX D'ALIGNEMENT DE GRANDE YOIRIE.
L'ordonnance du bureau des finances de la généralité de Paris du 29 mars 1754, dont l'arrêt du
conseil du 27 février 1765 étendit les dispositions
à toute la France, suppùsait l'existence de plans généraux déposés au greffe du bllreau des finances,
·et auxquels les trésoriers de France devaient se
conformerlorsde la délivrance des alignements partiels; ces plans, qui étaient ordinairement rendus
exécutoires par arrêts du conseil, ne furent levés
que pour certaines localités; dans celles où, au moment de la révolution, 11 n'en existait pas de définitivement approuvés, des arrêtés préfectoraux et
· des décisions ministérielles fhèrent seuls les alignements pendant une période de vingt ans. Ce ne
fut qu'en 18°9, et en exécution de la simple instruction du 22 juin de cette année, anjOllrd'hni
TOM. II.
46
,
�726
TRAITÉ
encore l'unique règle obligatoire en cette matlere,
que l'administration résolut de soumettre les plans
" deToutesau 1'01- enconsel-} (l" etat,comme
generaull
cela se pratiquait déjà pour ceux des rues des villes
depuis la loi du 16 septembre 1807Confection des plans. -Conformément à l'instruction du ministre de l'intérieur du 13 thermidor
an 6 (31 juillet 1798), et aux circulaires du directeur-général des ponts et chaussées des 22 juin
1809 sus mentionnée, et 3 août )833, les plans
généraux des traverses des villes, bourgs et villages,
sont dressés, sur des bandes séparées pour chacune,
par les ingénieUl's des pon ts et chaussées, à l'échelle
de cinq millimètres pour mètre; les pL ns des diverses traverses de la même ville doivent être
présentés ensemble, el être accompagnés J'un plan
général snr une pIns petite échelle; quelques cotes
ou des profils en long, doivent faire connaître les
différenees de niveau.
A ces plans, ton jours en triple expédition, l'une
pour le conseil d'état, l'autre pom l'administration
des ponts et chaussées, et la troisième pour le département, et SUl' lesquels sont inscrits, selon le
vœu de l'art. b de la loi du 3 mai 1841, les noms
de chaque proprié,taire, tels qu'ils sont portés SUI'
la matrice des tôles, il faut joindre, 1 0 un tableau
cc indiquant l'état actuel des maisons limitrophes
» par des lettres initiales ou autres signes qui dé» notent si la construction en est bonne, mauvaise,
;l) médiocre, neu ve, en pierre, bois, etc. ; si elles
�DU DOMAINE l'UBLIC.
727
sont couvertes en ardoises, tuiles, paine, etc.;
» le nombre d'éta~es dont elles sont composées;
u enfin tous les détails intérieurs et extérieurs qui
» peuvent servir à bien déterminer les alignements
» à moindl'es frais et dommages, et qui doivent
~~ être consignés dans un mémoire motivé pOUl!
» fixer l'opinion des examinatenrs sur l'ensemble
" du projet;» 2° un autre tableau ou ce légende où
~) les divers alignements sont définis, soit pal' la
» position de leurs extrémités rapportées à des
» points fixes, soit par leur distance à des lignes
» déterminées .... , afin de prévenir toute incerti» 1ude sur les tracés arrêtés, et toute difficulLé
» dans lenr application. »
Enquête. - L'enqu~te à laquelle les plans d'alignenlent Je grande voirie sont soumis, n'est point
une Je celles prescrites préalablement à la Jéclaration d'utilité publique, soit par l'ordonnance du
1~ février 1834 pOllr les travaux de l'état ou des
départements, soit par l'ordonnance du 2j août
) 835 pour les travaux communaux et pour les plans
d'alignemeu t de petite voirie, ainsi que nous l'avons
vu plus haut, c'est celle subséquente, et on pourrait dire d'application, organisée par les art. 5, 6,
7, 8, 9 et 10 de la loi du 3 mai 184 l , exactement
conformes à ceux correspondants de la loi du 7
juillet 1833. La circulaire du directeur-général des
ponts et chaussées, du 3 août de cette dernière
année, est précise à cet égard, et transcrit liltéralement ces dispositions. Par une seconde, en date
»
�728
TRAITÉ
du 16 décembre suivant, nO 32, ce haut fonction"
naire va plusloin, en disant qne l'accomplissement
exact des formalités prescrites par ces articles,
suffit pour que l'ordonnance royale qui intervient
ensuite et qui fixe les alignements des traverses
des villes, bourgs et villages faisant partie d'une
route royale ou départementa1e, devienne ie titre
d'après lequf'l l'administration est autorisée, en
observant d'ailleurs les autres formes établies par
la loi du 7 juillet 1833 (aujourd'hui du 3 mai.
1841), à exprnprier les propriétaires ri verains don t
leshàlimen ts sont sujels à reculer; pa rune troisième
circulaire, sous la datt> dn 20 octobre 1836, il ne
fait d'exception à la marche qu'il avait iudiquée,
que lorsqu'il s'agit d'lin changement dc direction
à opérer dans une route. cc Il suffit, dit-il, de l'ac» complissement des formalités du tit. 2 de la loi
» du 7 juillet 1~33, pour arrêtel' le système des
» alignements d'une traverse déjà dépendante de
» la grande voirie; mais il n'en est pas de même
» quand il s'a~it de changer la direction de cette
» mème traverse. Ce changement, en effet, con» trarie des habitudes anciennes, touche à des
». droits acquis, et tend à créer des servitudes spé» ciales pour les riverains. Il est évident, dès-lors,
» qu'un projet de cette nature ne peut recevoir
» son exécution qu'autant que l'utilité publique en
>" a été dûment constatée,·à la suite de l'enquête
» ordonnée par l'a 1'1. 3 de la loi du 7 juilletl833,
» et dont les formes ont été réglées par rordol)~
» nance royale du 18 février 1~34.
�DU DOMAINE PUBLIC.
729
" Le principe même du changement de dîrec" tion doit être soumis à l'enqnête exigée par
" l'art. 3 de la loi de 1833, et ce n'est qu'après que
" ce principe sera définitivement: adopté par J'ad~, mi nistra tion su périeure, que l'on pourra pro-.
." céder ut.ilement aux formalités contenues dans
:» le tit. 2 de la même loi. »
Si nous admettons complètement cette dernière
doctrine, il n'en est pas de même de celle contenue dans la circulaire du 16 décembre 1833; nQUS
Groyons que Jans le cas où l'on voudrait se servir
de l'ordonnance d'alignement pour exproprier, il
faudrait que préalablement tontes les formalités
presérites raI' le réglement d'administration publique du 18 février 1834, eussent été suivies sans
distinction entl'c l'hypothèse où la inaison dont on
voud l'ai t immédiatemen t déposséder le propriétaire,
ne sera'Ït destinée qu'au simple l'élargissement ou
red. essement d'une route ancienne, et celle où,son
emplacement serait nécessaire à l'ouverture d'une
DOl1velle direction. L'art. 3 de la loi du 3 mai 1841
qui porte que l'ordonnance d'expropriation devra être précédée d'une enquête dans les furmes
déterUlinées par un réglement d'administration
publiqne, étant général et absolu, il ne parait
pas possible que celte formalité soit omise. Il est
vrai que l'art. 14 ne donne pas le droit aux tribunaux d'examiner si elle est régulière, ni même si
elle existe (M. Delalleau, Tr. d'exprop. ~ nO 306),
mais alors la sanction se trouve dans la respOnsa...
�730
TRAITÉ
hilité du ministre signalaire de l'ordonnance, et
qui serait compromise s'il autorisait une atteinte
à la propriété privée, en dehors des cas prévus par
la loi, ou en mettant ùe côlé les garanties qu'elle
eXige.
Après l'enquête reçue par le maire, toutes les
pièces, s'il s'agit d'aliguement dans l'intérieur
des villes, bourgs et villages, doivent être soumises
au conseil municipal, afin.qu'il donne son avis ~
_conformément au n 3 de l'art. 21 de la loi du 18
juillet 1837; avanl que cet article en eût fait une
obligation précise, la jurisprudence du conseil
d'état, rappelée dans la circulaire du 3 août 1833,
exigeait déjà qu'il en fûl ainsi.
Comme la manifestation que doit faire ici le
conseil municipal, n'est Clu'un simple avis et non
une déLihération ou décision, ainsi que le veut
l'art. 19,no 7, de la même loi, dans le cas tout
différent J'alignement de petite voirie, nous pen~
sons qu'dIe devra intervenir avant la réuuion de
la commission dont il-va être parlé, parce que ce
n'est qu'nn des documents de l'enquête à pen près
semblable aux oppositions on obsprvations des par;
ticoliers, snI' lesquels celle commission aura à
statuer.
La commission, qui, en fait d'alignement de
granJe voirie, a toules les attributions dévolues au
conseil municipal, lorsqu'il-ne s'agit que de ceux
de voirie urhai ne, se compose, sous la présidence
-du sous· préfet, de quatre membres du conseil géÛ
J
�DU DOMA.INE PUBUC.
731
néral du département oud'arrondissement,dési.gnés
par le préfet, ou maire de la commune et de l'nn
des ingénieurs qui ont tracé les alignements; cHe
se réunit au chef-lieu de la sous-préfecture, et ell~
ne peut délibérer qu'an nombre de cinq membres;
la voix du président est prépondérante en cas, de
partage, et aucun des propriétaires intéressés ne
peut en faire partie. Elle reçoit, pendant huit jours,
les observations des propriétaires, qu'elle peut
d'aillt~nrs appeler lorsqu'elle le juge convenable,
don ne ensuite son avis, el doit dore le dixième jour
ses opérations, dont le procès-verbal est adressé
immédiatement par le sous-préfet au préfet; si ces
opérations n'étaient point terminées au terme prescrit, le sous- préfet devrait, dans les trois jours,
transmettre au préfetles documents recueillis, avec
son procès-verbal, constatant que la commission,
quoiqne composée, n'a pas rempli sa .mission ou
achevé son travail. EArl. 8 et 9 de la loi du 3 mai
184J· )
Si la· commi.ssion proposait quelqnes changements au tracé soumis à l'eI)quête, le sous-préfet
d,ev rait en donner immédiatement avis aux propriétaires que ces changements pourraient intéresser,
en se conformant, pour cct avertissement, aux
prescriptions de l'art. 6. Pendant hl~itaille, à dater
de sa publication, le procès-verbal et les pièces
resteraient déposés à la sous-préfecture, ponr que
les panies 1ntéressées puissent en prendre communication sa os déplacement et sans f,'ais, et fournir
�732
TRAlTÉ
leu rs observations écrites, après quoi, et dans les
trois jOll rs suivan ts, le sous-préfet transmettrait
tnutes les pièces à la préfecture. (Art. la de ladite.
loi. )
Celte enquête partielle, en cas de changements
proposés par la commission, est indispensable pour
que les particuliers lésés par Je nouveau tracé,
puissent faire entendre leurs observations, et pour
qu'après leur avoir soumis un projet, on ne vilmne
pas en faire adopter un autre dont ils n'auraient eu
au Cllne connaissance. Si J'ordonnance du 23 août
1835, à laqueJJe seule renvoie la circulaire du 23
août 1841, pour les alignenlents de petite voirie,
n'inlpose pas la nécessité de celte seconde enqnête
relativement aux modifications qui pourraient être
apportées par Je conseil municipal faisant fonctions
de la commission instituée par l'art. 8 de la loi du
3 mni 1841, c'est sans doute à raison de ce que ce
conseil ayant déjà approuvé le tracé du maire avant
la mise à l'enquête, ce qne n'a pu faire la commission, on a regardé comme pel] proLable que lorsqu'il serait aPl'elé une seconde fois à délibérer sur
les 01!Positions des particuliers, il ferait des changements à un projet qu'il a déjà examiné et qu'il
s'est approprié. Cependant, si par suite de ces oppositions, ou mêmespontanément, il croyaitdevoir en
opérer, nous n'hésitons pas à décider qu'il f.ludrait
recommencer l'enquête sur les points modifiés; il
ya, en effet, analogie complète entre les deux cas;
aucune condamnation, d'ailleurs, ne devant être
�DU DOMAINE PUBLIC.
733
prononcée, ni aucune mesure prise, sans que celui qui en est frappé ou qui peut en éprouver du
préjudice, ait été mis à même de se défendre et ùe
faire valoir ses droits. Reltm enim non audiri,
disait un ancien (Ammien Marcellin), latrociniltm est, non judicium, «nul ne peut être jugé
:» qu'après avoir été entendu ou légalement ap:» pelé», portait aussi l'nrt. I l de la déclarafion
des droits de l'homme, du 5 fructidor an 3, en reproduisant presque textuellement une consLÏtution
de Clotaire 1er , ùe l'an 560.
L'instruction préparatoire, dont nous venon,s de
tracer la marche, est.plus rapide et moins compliquée que celle qui, en conformité des art. 2, 3, 4,
5,6,7, 9 et 10 de l'ordonnance du 18 février 1834,
doit précéder l'expropriation pour cause d'utilité
publique poursuivie dans l'intérêt de l'état ou des
dépa rtemen ts.
Il est à regretter que, relativement aux alignements de petite voirie, la circulaire du 23 août
1841, au lieu de renvoyer à l'ordonnance du 73
août 1835, remplaçant pour les travaux d'intérêt
communal, celle ci-dessus du 18 février 1834, ne se
soit pas également réfërée aux art. 5,6, 7 et 12 de
la loi du 3 mai 1841. Il Y aurait eu moins dc disparate entre deux procédures, qui, ayant le même
but et étant ici employées plus dans l'intérêt des
citoyens dont les propriétés sont menacées, qno
dans celui des administrations, devaient, à notre
avis, êlre en tout point semblables.
�734
TRAITE
Appro6ation par ordonnance royale. - L'instruction·
étant achevée, le préfet traosmet toutes les pièces,
avec son avis, à l'administration supérieure qui
prépare le rappOI't ministériel d'après lequel il est
statué par le roi.
Quoique aucune loi n'en impose l'obligation positive, c.omme pour les plans de petite voirie, le
directeur~général des ponts et chaussées s'est fait
une règle qe soumettre au conseil d'état les alignements généranx dans la traverse des villes et fauhourgs; la jurisprudence du conseil elle-même
para1t tendre à imposer cette nécessité à l'administration ; c'est ce qui résulte de son arrêt du 29 juin
1832 (Bartier et Rousseau), qui, bien qu'il ne
s'applique pas à l'alignement d'une rOUle, mais à
celui ù'un canal, n'en consacre pas moins le principe, 'puisque la loi est muelle dans un cas comme
dans l'autre.
Ces orJonnances, au reste, ne sont pas pins
que celles en matière de petite voirie, susceptibles
d'opposition par la voie contentieuse, parce qu'en
fixant l'alignement, l'administration use ù'un pouvoir disclélionnail'e sous sa seule responsabilité,
et n'attaque aucun droit privé résultant J'un
titre. (AlTêts du conseil des 25 septembre 1834, et
8 janvier 1836.)
Comme nous l'avons dit plus haut, nous pensons, contrairement à la circulaire du directeurgénéral du 16 décembre 1833, et à ce qui s'cst praliqué plusieurs fois, que, pour qu'unc ordonnance
�DU DOMAINE PUBLIC.
'135
approbative d'un plan d'alignement pût servir à
une expropriation proprement dite, il faudrait,
d'une part, qu'elle eût été précédée ùe l'enquête
et autres mesures prescrites par le réglement d'administration publique du 1~ février 1834; d'un
autre côté, qu'elle contint l'autorisation d'agir par
cette voie, et enfin qu'elle flît suivie de l'arrêté du
préfet, mentionné dans l'art. I l de]a loi dn 3 mai
:/.841, qui déclare cessibles les propriétés atteintes;
les seules formalités qui nous paraîtraient pouvoir
être omises, comme ayant été déjà remplies expressément ou virtuellement, seraient celles de la
levée d'un plan parcellaire, de l'enquête etde l'avis
de la commission de sept memhres, exigées par ]es
articles 4 à 10 inclusivement de la loi du 3 mai
1841 •
PLANS D'ALIGNEMENT DES CHEMINS rICINAUX.
Une circulaire du ministre de l'intérieur du 10
décembre 1839, dont nous allons présenter ]'analyse, a réglé d'une manière formelle cê't objet en
ce qui concerne les parties de chemins vicinaux de
grande communication traversant les boürgs et villages ayant moins de 2,000 habitants.
Reste actuellement à savoir quellë m,trche est à
suivre: 1° pour les rues traversées par les mêmes
chemins, des bourgs et villes dont la population excède 2,000 ames; 2,0 pOUl' les rues des villes, bonrgs
et villages, quelle qu'en soit la population, qui penvent être considérées comme traverses des chemins
vicinaux ordinaires ou de petite communication;
�736
'l'HAtTÉ
3° enfin, pour les portions de chemins de' g"'ande
ou de peLite commnnications situées dans la campa~ne et en dehors des agglomérations d'habitations.
Relativement aux deux premières cbsses, il n'y
a pas d'aulnls formes que celles tracées tant par.
l'il 1'1. :'2 de la loi d Il 16 septembre ) 307, qne par
l'ordonna nee royale d~ 23 août) 835, et que nons
avons rapportées ci·dessns; c'est ce qui résulte,
pour la première, expressément, de la même circulaire, et pOlir la seconde, implicitement,des principes posés plus haut, nO 475, sur lesquels nous l'eviendrons dans un instant, en indiquant de qui
doit émaner l'approbation des plans.
Enfin, quant à la deFnière classe, nous pensons
que, pal' analogie, il y a lieu de suivre les formes
prescrites par la susdite circulaire du 10 décembre
1839, ct dont voici l'exposé:
Confection des plans. - Ils seront dressés par l'agen L-voyer uu par un géomètre, à l'échelle de cinq
millimètres par mètre, et ils devront présenter, soit
sm la feuille ou bande même qui les conrienl, soit
dans un tableau 0\1 mémoire annexé, tous les renseignements ct énQnciatioDs prescrits pour les plans
d'alignements de grande voirie, et que nous avons
indiqués ci-dessus, pag. 726.
La légende en marge rappellera en outre le nom
du département, de l'arrondissement, de la commune, le numéro et la désignation dn chemin;
ainsi que les opérations géométriques qui ont servi
�DU DOMAINE l'UELle.
737
à tracerles alignements, afin de pouvoir placer, au
besoin, sur les lieux, des points de repère (a).
D'après le ra pport de l'agent-voyer sur l'étude des
localités, on tracera, « de chaque côté de la rue (ce
» sont les termes mêmes de la circnlail'e) llne ligne
(a) Dans les plans de villes importantes, où il est essentiel,
surtout à raison du nombre ct de l'irrégularité des rues, d'obtenir la précision la plus rigoureuse, il faudra faire précéder le
travail géométrique d'une opération trigonométrique qui lui servira de base; mais la même exactitude étant superflue pour les
plans des chemins, on devra se borner au moyen ci-après, d'une
exécution facile, et que nous avons vu souvent employer.
Pour chaque chemin, on tracera une ligne brisée qui en suivra les principales inflexions et en déterminera l'axe général.
Chaque portion droite de cette première ligne deviendra ellemême l'axe de la partie de chemin correspondante; ces diverses
portions seront mesurées exactement, ainsi que les angles qu'elles
forment entre elles; et les 10llgueurs, avec le nombre de degrés et fractions de degrés, seront cotés sur le plan. Les distances des axes à tous les angles saillants et renh-ants que présentent les limites des propriétés riveraines, ou les ordonnées de
toutes les courbes qu'elles forment, prises perpendiculairement
auxdits axes, seront indiquées sur le plan par des lignes ponctuées et cotées, séparées par des intervalles exactement mesurés
et é~alement cotés; par là, la position de tous les points des
lignes droites, courbes ou brisées, constituant les limites du chemin, sera parfaitement déterminée par rapport à son axe, et
comme, d'un àutre côté, les positions d'un ou de plusieurs points
de cet axe pourront être fixées en les rapportant à des points de
repère invariables, il s'ensuit que, quels que soient les changements qui puissent survenir dans l'état des lieux, on sera toujours à même, au moyen d'une opération très-simple, de retrouver sur le terrain l'emplacement d'un point, quel qu'il soit.
�738
1'llAITÉ
rouge continue qui indiquera pl'Ovisoirement la
limite :J\l-delil de laquelle h:s c:onslrnctions ne
» devront pas avancer. Il serait à désirer que ces'
» deux ligne~ fussent parallèles; mais cette condi» tian n'est pa'i de rigueur, surtout dans les rues
» aneiennes et si celte disposition devait donner
» lieu à des avances on à des retranchements trop
» considérables, car il importe de concilier les io» térêts des propriétaires riverains avec les besoins
» de la viabilité; le point le plus important, c'est
') qne la voie publique ait une largeur suffisante,
» sans trop s'attacher à une parfaite régularité, dans
» son tracé, si cetle régularité reocontra~t trop
» d'obstacles. »
Enquêtes. - Le pIao ainsi préparé, sera déposé à
la mairie; avis de ce dépôt sera donné aux habitan ts
par les moyens ordinaires de publica.tion , et ils seront prévenus que, pendant un mois, ils pourront
remettre au maire les oppositions qu'ils auraient à
faire valoir contre les alignements projetés; il importera snrtout qu'ils soient mis à portée de hien
comprendre qu'après l'homologation du plan, aucune construction ne pourrà être établie sur le sol
compris entre les deux lignes rouges qui y sont
tracées, et que lorsque le propriétaire démolira les
constructions ou clôtures existantes,il devra suivre;
en les rétablissant, l'alignement indiqué .par ces
lignes.
Le mois du dépôt expiré, un commissaire, nommé
par le préfet et choisi, autant que possible, parmi les
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
(
739
membres du conseil général ou d'arrondissement,
se rendra dans la commune à un jour dont les
habitants auront été prévenus à l'avance, à l'effet
d'y procéder à une enquête; il recevra les dires et
contredil'es de toos l·>s intél'essés, et en dressera un
'procès-verbal qu'il terminera en y consignant son
avis personnel, tant snI' le projet du plan d'aligne-ment, que sur les réclamations dont ce plan aura
été l'objet. Il devra être assisté de l'agent-voyer, rédacteur do plan, qui lui donnera tous les éclaircissemen ts nécessaires.
Lorsque l'enquête sera close, le conseil municipal sera appelé à donner son avis, tant sur les
alignements proposés, que sur les réclamations ,
qu'ilsauront motivées. Il pourra proposer les modifications qui lu~ paraîtraient clevoir être .apportées
,au tracé; il examinera les réclamations, en discutera l'objet, et émettra son avis snI' leur admission
'Ou leur rejet; l'agent-voyer, rédacteur du plan,
pourra, au besoin, être appelé à la séance pour y
-donner des explications.
Le plan et tontes les pièces de l'instruction,
c'est-à-dire le procès-verbal d'enquête, les réclamations et la délibération du conseil, seront ensuite adressés an préfet par J'intermédiaire du
sous-préfet qui y joindra son avis motivé.
Approbation. - L'instruction ministérielle du 24
juin 1836, avait posé en principe que les plans
d'alignement des traverses des chemins vicinaux de
grande communication devaient être homologués
�140
" . une conscc[ltence
,
par ord onnance roya l e; CelaIt
de la jurisprudence dn conseil d'état, qui avait
constamment fait une distinction en tre les chemin's
vicinaux et les rues des communes qui sont la prolongation de ces chemins, en déci<lant que les
règles de voirie relatives aux. uns, n'étaient point
applicables aux antres; mais son avis du 25 janvier
18ï7, ayant modifié cette doctrine quant aux chemins de grande communication, et d'un autre
côté, l'art. 21 de la loi du 21 mai 1~B6, confiant
alllt préfets le soin de statuer sur tont ce qui est
relatif aux alignements le long des chemins vicinaux, il s'ensuit qu'à ces magistrats appartient
l'approhation des plans d'alignement des traverses
des grandes voies vicinales, au moins pour les localités ayant nne population agglomérée de moins
de 2,000 ames, cal' dans celles où le nombre d'habitants est supérieur, comme l'établissement d'un
plan pour toutes les rues est obligatoil'e, la même
ordonnance qui est nécessaire pOUl' approuver l'alignement de ces dernièl'es, statnera naturellement
sur celui des rues faisant suite aux chemins de
grande communication.
D'après l'examen que le préfet fera des pièces à
ll1i transmises, il pourra être dans le cas de UloJifier les parties d'alignement qui 'auront été l'objet
de réclamations de la part des intéressés ou des
observations du commissaire; s'il croit devoir opél'cr des changements an tracé, il indiquera par des
lignes bielles, celui qu'il alTêtera définitivement; il
�741
nu nmfAlNE PUBLIC,
prendra alors un arrêté par lequel, en visan tla loi
du 21 mai 1H36, l'avis du conseil d'état SilS mentionné, et la circulaire du 10 décembre 1839, i~
approuvera le plan qu'il signera, ne varietur, et
qui restera déposé aux archives de la préfecture; il
en fera fai re aussitôt deux copies qu'il enverra, l'une
à la sons-préfecture et l'antre à la mairic, pour y
être conscrvées dans leurs archives respectives,
où les intéressés pourront en prendre communication.
Une observation commune à tous les alignements, est qne s'il s'agissait de places de guerre, ou
si le tracé entamait nn bien de l'état, il fal1draitse
conformer à ce qne nons avons dit à cet égard,
pagel> 710 et 723, ci-dessus.
57 0
DÉLIVRANCE DES ALIGNEl\IENTS PARTIELS.
Pour plus de clarté, nons appliquerons à ce S la
division principale suivie dans le précédent.
ALIGNEMENTS PARTIELS DE rOIRIE URBAINE.
0
Lorsqu'il e:lJÏste un plan général approuvé par
ordon nance royale, le waire en· porte la connaissance an pnblic par un arrêté permanent, rendu
dans la forme prescrite par l'art. I l de la loi du 18
juillet 1837, et dans lequel il imlique les réparations prohibées, la furme à suivre pour obtenir
les permissiuns de construire, et règle les dimensions des saillies permanen tes ou mobiles qui pourront être tolérées snI' les façades.
Ensuite, el. lorsque des alignements partiels lui
sont demandés, seul, et sans l'intervention du con~
1
TOM. II.
47
�TRAITÉ
seil municipal, 11 les délivre, conformément au
plan, en désigna nt, d'aprhs le l'apportde l'al'chitectevoyer, soit par des mesures exactes, soit mieux
encore pal' des points de rt'ppre pris sur les bàliments voisins, la ligne il suivre. 11 fera même bien
d'ordonner que cette ligne soit d'ahord tracée par
cet architecte, sur le terrai Il, en présence du propriétair'e, au moment de la pose des premières
assises des fondalions, et qu'ensuite, et lorsque les
murs semnt à h:wteur de retraite, c'est-à·dire dépasseront le niveau du sol, il soit procédé à un
réculement, suivant la sage prescription, fort
remarquable pour l'époque ct trop souvent négligée aujonrd'hui, de l'éJit de décemhre 1607.
Sa mission a'étan 1 que defixer la limite entre le sol
public de la rue et la propriété riveraine, il commettrait, ainsi que le déclare le ministre de l'intérieur; dans une lettre du 27 novembre 1837, au
maire de Pont-t'Abbé, un excès de pouvoir, et un
déni de justice en subordonnant la délivrance de
1'alignement an dépôt du plan de la maison ou du
dessin de sa faç>.tdè; on a vn, en effet, rag-. 473
ci-clessns, qnc~ pOUf tont ce qui lieot à la décoration ct à la symé! rie des constructions, l'autorité
municipale ne pouvait user, d,JUS J'état actuel de
la législation, crlle de la voie Je conseils, mais non
de celle d'ordres ou cie p,'ohibitioo.
Le riverain qui se p,'étendrait lésé par l'élpplication que le maire ferait à sa pl' p-riété du plan
approuvé, peut recourir, de ce magistral au préfet,
�DU DOMAINE PUBLIC.
du préfet ail ministre, et du ministre au rOI en
conseil (l'étal, pal' la voie contentieuse; cette dernière voie est ici ouverte, parce qu'il s'agit d'appliqUf'I' lUI tilre commun à l'administration et aux
propl~étàirt·s, qui fait leur loi, et qui impose à l'une
des obligations, en nième temps qu'il confère des
dl',)its aux élUtres. La violation on mauvaise application de ce titre, entraîne la lésion d'un droit
acq \lis et vérili~ble qui rend possible le reconrs au
conseil d'état.
0
2. Quand il fI,' existe pas de plan général apP,'ouvé,
les maires, nonobstant plusieurs ùécrets et ordonnances qui ne leur accordaieo t qU'II ne faculté provisoire et penùant des délaIS successivement prolongés, mais expirés depuis le It'r mai 1819, n'en
sont pas moins restés en possession du droit de
délivrer les alignements partiels à mesure qu'ils
sont demandés. Ce droit résultant des fltLribulions
générales qui lellr sont confiées, et d'après lesquelles ils doivent pourvuir à la sûreté et à la commodité du passage dans les rues,- est formellement
reconnu par les actes législatifs, ainsi que par les
monuments de jurisprudence jUlliciaire etadruinistrative que nous avons rapportés en note, soit sons
le nO 410 du Traité du domaine public de .M.
Proudhon, soit à la pag. 461 du présent vol.
Malgré l'opinion contraire de ce profond jurisconsulte et des auteurs qu'il cite, nous n'hésitons
pas à dire que ce droit, dans Je cas qui nous occupe,
ne se borne pas, comme ils le prétendent, à re-
�TitAnE
·connahre et constater uniquement la limite de la
possession actuelle, mais qu'il consiste aussi à
la modifier dans l'in térêt de la viabilité, soit en
abandonnant aux riverains les portiolls retranchées de la voie publique, soit surtout én les forçan t à reculer leurs constructions lorsqu'ils voudront les réédifier. Les raisons données pour refuser un pouvoir sans lequel le droit d'align.ement
serait inutile et n'existerait phs, ne sauraient f~ire
impression; il est, en effet, impossible d'admettre
que dans un pays et dans un siècle civilisés comme
les nôtres, on punisse la négligence des administrateurs et on les contraigne à remplir lell!' devait,
. en autorisant les particuliers à reconstruire d'une
manière nnisible à la sûreté, à la commodité et à la
salubrité puLliques; comme si l'intérêt général,
qui est imprescriptible ct inaliénable, devait souffrir· du retard qu'un maire ou une commune
met à se conformer à la loi, et qui souven t tient
à des causes, au défaut d'argent, pal' exemple,
qu'il ue leur est pas donné de vaincre; comme si
une faute momentanée (en supposant même qu'il
y ait faute), imputable à un homme ou à un conseil municipal, pouvait comprometlre, pour des
siècles, des droits permanents et immuables;
conllue si l'administration supérieure ne trouvait
pas Jans la législation existante, notamme.nt dans
les dispo sitions des art. 15 et 30, S 18 de la loi du
18 juillet 1837, des moyens coercÎlifs, plus directs,
plus puissants e·t plus prompts de faire exécuter ses
�'145
DU DOMAINE PUBLIC.
ordres, que celuidétourné, inefficace ct digne des
temps de barbarie, de fl'a pper l'administratenrdan's
les intérêts qu'il est chargé de protéger et de c1éfeildre. Le défaut de gal'::H1tie de stabilité des alignements partiels que relève, avec beaucoup de
force, M. Favardde Langlade, est s3.11sdoutc un
inconvénient réel qui doit déterminer la haute administration à hâter, par tons les moyens qui sont
en son pouvoi,', la confection des plans généraux;
mais c'est mal y remédie.', que de proscrire d'une
manière absolue les rectifications et améliorations
dont le besoin est le rlns évident et la nécessité
même, non contestée.
00 conçoit que, pour la fixation des alignements
partiels, il est impossible de procéder à Fenqnête
exigée pondes plans généraux; seulement, comme
aux termes des nOS 3 et 7 de l'art. 19 de la loi du
18 juillet. 1837, les conseils municipanx doivent
délibérer sUl'les projets d'alignements de voirie
municipale, sans dislincli-ou de ceux généraux. on
iudividuel's, ainsi que sur les ac.qllisitÎ"ons aliénations et échanges des propr~étés ,"ommunaZes" il faudra que l'alignement proposé par le
maire, soit soumis à leur approbation ;_ si, par arrêt
du 6 août 1837 (Sirey" 37-1-1001 ), la Cour ~le
cassation a décidé ce que les maiFes des villes sont
» seuls compétents, et sans intervention du
» conseil municipal" pour statuer snI' les cas (le
'»
petite voirie et pour donner des alignements
" partiels... , n il est à remarquer, d',unc part, que
j
�746
l'lUITÉ
dlOS l'espèce, ]'arrpté était à la date (lu 1 er avril
1834, par conséCjnent anté/jenr à la loi des attrihlliions mUDIcipal 's, et d'un antre côté, qlW le
rejet du ponrvoi Jirigé contre 1<' i"~f'Ol(,O'- du ti·ihunal .le Nl'vcrs a, en q,wlqnc sorte, sanctionné
la Jisposition de ce jugenlcnl, porlan! 'lue le COllseil municipul était fondé à contesler l'évaluation
du tel'r<lin, faite par le main>, après expertise. Ce
demier point a été encore plus formellemc,lll reconon par nn alrêt du conseil d'élat du 3 février
183!> (Bernard.=DaLioz .. 35.3-45), qui porle
que les alignemenls donnés provisoiremenl par les
main's, ;lH'C pertl'lssion d'avanc~r sllr la voie puhliqne, ne peuvent avoir pour effet (l'emporter de
plein droit la cession aux riverains du terrain retrunché; que Jans ce cas, la transmission ne pent en
être faile que suivant les formes vonlnes par les
lois, pour l'ahénation des propriétés cornmu nales.
Les aligllrml"nts partiels, ainsi délivrés par les
maires, nt' peuvent, même après avoir été atlaqués
innlilt'llIcnt dt'V:lot IH préfet et le o,inistre, devenir l'objet d'un r;"conrs par voie conten1Ïcllse au
cooseil d'élat, soit de la part du riveraio qui veut
cor'slruire (<trrêts des 9 janvier 1832- GelleL~ el
16 mars (836), soit de celle des propriétairl:s de
maisons joinnaol, Oll bitlH:es de l'autre c:ôté de la
•
,
'(
•
1
rue et allln's InleleSS('S
arr('\.
<lU
29 J'el'em b re
e
1~40, v fJervé). La diffén·nce p.ntre ce cas et
celui examiné plus haut, où, quand il y a nn plan
général arrèté 1 on attaque seuleOlen lI'aligncmen t
�DU DOMAINE PUBLIC.
747
partiel dn maire comme n'y étant 'pas conforme,
provient Je ce que, dans cette dernière hypolhese,
il y aurait, comme nons l'avons expliqué, violation d'lin dmit acquis résultant d'un titre, gui est
If:' plan, tandis que dans l'autre, l'administration,
n'étant liée par rien et ayant la faculté de fixer la
ln r~ell r et les limites de la rue sous sa seule responsabilité, le voisin ne pent invoquer aucnn titre et
se plaindre d'une atteinte à nn droit véritablt>; la
voie est la mêwe pour attaquer un alignement
partiel donné à défaut de plan général dont il
tient alors lieu,. que pour se pourvoir contre ce
plan générâl.
Toutefois, et toujours eu l'absence d'un plan
général, soit les tiers in téresséi, soit le propriétaire
à qui l'alignement partiel a été donné, pel1v~nt se
pourvoir au conseil d'élat par la voie administrative
non contenti(~use; c'est ce qu'ont décidé, pour les
premi('rs, un arrêt de ce conseil, du 27 juillet 18o~
(Recueil de M. Davenne, tom. l , pag. 66 ),
et pour le second, une ordOl~nance réglementaire,
qnali6ée de décision royale, du 29 février 1816
(m~me Recueil ~ pag. 67), ainsi qu'un arrêt du
4 novembre ,836 ( Sirey ~ 36-2-543).
Qnand l'arrèté d'alignement partiel, rendu par le
maire ct approuvé expressément ou tacitcluent par
le préfet, n'a point été attaqué dt>vant l'autorité
administrative supérieure, ou qne le pourvoi dont
il a été l'objet, a été rejeté, il a, d'après la j urisprudence bien constante de la Cour de cassation et
�,748
'l'nAITÉ
du conseil d'état, la même force et les mêmes effets
qu'une ordonnance royale, et est ohligatoire pour
les tribunaux qui, sans examiner son mérite au
fond, et sans -pouvoir le réformer, le modifier ou
en snspendre l'exécution, doivent punir son infraction des peines d'amende et de démolition (les travaux exécutés con trairemen t à son prescrit.
ALIGNElfIENTS PARTIELS DE GRANDE rOIRIE.
Lorsqu~il existe
un plan général approuvé,
les alignements partiels que délivrent les préfets,
n'en sont que des extraits indiquant des points de
repère ponr faciliter le traeé sur le {erra~n.
Ainsi qu·il a été expliqué précédemment, S 17,
l'attribution donnée à ces administrateurs, en ce
qui conceme la fixation des alignements dans la
traverse descommuncs, est limilée par le sol même
de la route, de telle sorte que les places traversées
on bordées par ces s<?rtes de voies, ne doivent pas
être considérées comme dépendant de la grande
voirie. Cependant lorsqne, comme cela arrive
assez souvent, elles ont été comprises dans le
plan général, quoique mal à propos, les préfets,
jusqu'à rectification de cette erreur, restent COrI\pétents pour y donner les aliguemen'rs.
En L~absence d>un pLan général> les préfe~s
peuvent, pour les grandes routes, comme les
maires, pour les rnes ordinaires, délivl'erdes alignements partiels aux riverains qui veulent construire,
pla n ter ou Cl'euser des fossés sur leurs bords, soit
dans la traverse des villes, bourgs et villages, soit
�749
DU DOlHAh'iE PUBLIC.
dans la campagne; ce droit, fondé sur la nécessilé,
ne saurait être contesté (lois des 7 sept. et 7 oct.
1790, et arrêtsdu conseil d'état, des 26 août 1829,
15 février 1833, 2 août 1836 et 7 août 11340);
les décisions sont prises sur la demande des parties
et d'après Je rapport des ingénieurs, auquel est
joint ordinairement un plan à l'échelle générale
de 5 millimètres par mètre, ou d'uu à 200.
Quoique l'usage soit contraire, nous croyons que
ces alignements partiels, lorsfju'ils ont pour ohjet
des propriétés situées dans l'intérieur des villes,
bonrgs et villages, devraient être soumis, comme
le sout les plans généraux, au conseil IDunicip~l,
afin d'avoir son avis. Le nO 3 de l'art. 21 de la loi
du 18 juillet 1837.. en parlant des projets d"alignement de grande voirie.. ne distinf;;lle pas, et
les soumet tous également à celle formalité; la partie d'un tracé, quelque minime qu'elle soit, ne
devant pas plus en être affranchie que le tout.
Ce que nous avons dit plus haut du mode de
pourvoi contre les arrêtés d'alignement partiel de
petite voirie ct de leur foree obligatoire, est entièrement applicable à ceux de grande voirie .
.ALIGNEMENTS
PARTIELS
LE
LONG
DES
CHEMINS
rICINAUX.
Soit qu'il y ait un plan général, soit qu'il n'en
existe pas, ees ~lignements sont délivrés, comme
nous l'avons expliqué pag. 466 et 499, S 12, ci.dessus, par les préfets, lorsqu'il s'agit de constructions
sur les bords d'un chemin vicinal de grnncle com-
�750
TRAITÉ
municalion, même dans les traverses àp.s viJlps,
bourgs et vilbges, pourvu que la population de la
commune soit inférieure à 2,000 habitants, et par
les mairl~s , lonifJu'il est question dl' chemins vicinaux ordinaires, ou même de rues de bourgs et villes
ayant une population supérieure, el qlli pourr" ient
être considérées comme traverses de chemins vicinau& de grande communication.
La prescription des formes et des précautions..
avec leslJuelles ces alignements pa"tieh doivent être
" etant l' un (les
J
..J
'1 l'ment a' c
'
0 h'Jets IlU
reg
litJre
de'/.Ivres,
par les préfets en vertu de l'art. 21 de la loi du
21 mai J 836, nous Dl' pouvons rien dire de géuéra1 à cel égard; seulenlP.nt., et aux termes dn n" 7
de l'art. 19 de la loi du 18 juillet 1837, auqllelles
préfets ne peuvent déroger par lelJr réglement, nous
pensons que ces alignements devront nécessairement être soumis à la déliLération du conseil municipal.
b8°RÊGLEMENT DES INDEMNITÉS. Sous l'ancienne
monarchie, on ne payait d'indemnité que lorsque
l'administration ordonnait, pour l'ouverture ou le
l'élargissement d'une rue, la démolitiun immédiate
d'une maison.
S'il s'agissait d'élargir d'un seul coup toule une
rue, une portion de l'indemnité restait à la charge
des propriétaires slljets aux retranchements; une
aulre plus forte élait impo!>éc aux propriélai,'es non
allcinls, il raisun de la plus-value qu'en recevaient
leurs maisons, et le surplus était payé par la ville
�DU DOMAINE
pm~LIC.
751
ou par l'état; (~'e:.t ainsi tin moins que l~s choses se
pi1sb.,ient à P<lris, car, dans les provinces, sonvent
l'indl'Dlni.é était ('nlit~rellleDt mise an compte oe la
Co 111 III Il ue , COI1JUlè il est arrivé pOlir la ville de
Dijon, lorsqu'elle a voulu faire redresser et rélargir une de bt:S rues principalt:'s, la rlle de Condé, en
verlU de deux arrêts du conseil rapponés ci-dessus,
pag. 199'
Quand l'élargissement s'opérait à mesure de la
reconstruction des maisons par suite de ruine, de
démolition spontanée de la part du propriétaire ou
d'incendie,on ne payait aucune indemnité. « Les
» retranchements (disait Pel'rot, Dictionnaire de
O
;» voirie" V
indemnité) qui s'opè,'ent par l'effet
;» des alignements, lors des constructions ou re;» constructions des maisons et édifices, qui t.en;» dent à snpP,imer les plis ou coudes, redresser
;» les rues ou leur procurer llne plus grande lar» geur, sont en pure perte pour les propriétaires
;» qlli les sllbibsen t; ils ne peuvent prétendre, dans
» ce cas, aucune indemnité, parce que le circuit
» continuel d'actions qu'il faudrait admettre serait
» d'une discussion infinie, et que, d'ailleurs, l'in» demnilé ne devant être supportée que par ceux
» qllï profitent des changements et en raison tics
» ava[llagc~ qu'ils en reçoivenl, il scrilit aussi im» possible de régler le nombre jmte des contribua) hles,qllctic fixer la proportion dont chacun d'enx
" rOll/l'ait être tcnu dans j'indemnité. » Prost de
Royer donne une autre raison dans son Diction . . .
�752
TRAITÉ
naire de jurisprudence: cc S'il ne s'agit que de
» reculer quand on bâtit ou reconstruit, porle
» un paragraphe de son article alignement.. il
» n'est rien dû absolument: on a dù s'y attendre
» quand on a acquis sur une rue étroite. On a
» douté jadis, et cette incertitude a coûté beaucoup
» aux municipalités chargées de la voirie. Auiour» d'hui la loi nouvelle (la déclaration du 10 avril
» 1 783), en ne parlant pas d'indemnité, lève toute
» difficulté; il n'est rien dû. »
A l'égard des chemins, nn arrêt du conseil, du
26 mai 17°5, avait réglé le mode des indemnités
relatives à leur établissement, et quoique, aux
termes de cet arrêt, toute la dépense fClt à la charge
'de l'état, l'usage s'était introduit de n'accorder
d'indemnité qne pour les maisons, les prés, les
bois et les vignes, 111ais jamais pour les SImples
terres labourables qui étaient assujetties à fournir
gratuitement le sol des routes, d'après les principes du droit public d'aIOl's, selon lesquels le roi,
grand-voyel' de France, était en même temps considéré comme ayant le domaine éminent de tout
le royaume; par suite, dans la fixation du prix des
autres propriétés, on faisait la défalcation d-c la valeu l' qu'elles au raien t eue si elles eussen t été affectées à la culture des céréales, et on ne payait ainsi
que la plus-val ne que l'industrie de l'homme y
avait ajoutée; cette injustice donnait lien à de
vives réclamations.
Depuis 1789' on est re\7enu à des idées pIns
�DU DOMAINE PURLle.
'753
justes sur le drQit de propriété; les constitutions
de 1791 et 1793, le Code ci vil, les Chartes de dh 4
et de 1830, en un mot, toutes les lois sm la ma~
.tière proclament que nul ne pent ètl'e privé de sa
.propriété, quelle qu'elle soit, ~ans recevoir un
dédommagement complet.
Tontefois, ce principe laissé dans l'oubli pendant
de longues années de troubles, n'a reçu d'applica~
.tion réelle aux cessions forcées de terrain, en vertu
.d'alibnements, que par la loi du 16 septembre 1307,
,dont nous avons Mjà expliqué la théorie concernant les bases de la fixation des inde!Unités, aux.
SS 36 et suivants ci· dessus ; nous n'y reviendrons
pas dans le présent S où nous nous proposons seulement d'indiquer la forme dans laquelle doit avoir
lieu cette fixation, en maintenant tOlljours,d'après
la méthode suivie jusqu'ici, la division des trois
espèces de voiries.
>t1fODE DE
FIXATION DES INDEMNITÉS DE rorRIE
URBAINE.
D'après l'art. 56 de la loidu 16 septembre 1807,
les indemnités étaient réglées par le conseil de
préfecture, sur un rapport d'experts nommés dans
·une forme déterminée; la loi du 8 mars l~ho ayant
subsLÏtué le ponvoir judiciaire à l'autorité administrative, ce réglement fut dévolu ·aux tribunaux
civils. Quoique, à lenr tour, ceux-ci eusseut, aux
termes de la loi du 7 juillet dB3, été remplacés par le jury pour l'évaluation des indemnités
d'expropriation, et que plusieurs juriscons':lltes
�'15.t
TRAITÉ
en eussent indnit, avec raison, que le même mode
..levait être suivi en ce qui concernait les ahgneDI('uts, il parait que, soit les conseils de préfecture,
soit It's tribunaux civIls, continnèrent à stiltuer SI r
l •
J ' l'
. d Il conset'1 d' e"
,
cet on]et;
ce Tl , Pit qoe uepms
aVIs
tat, nl1 1 er avril 1841, qne la question a été nettement et g?néral/'rnellt résolue en faveur dn jury•.
Cette décision est pa rCaitement exacte, et, an fond,
elle rentre émillt' ) ment dans l'esprit de nos insti. tutions; nOlis ""grettons seulement que pour ce
cas> q ni ('st t res.fl éq lIeo t, qui prés.,o te peu de dif1 'Iqne en genera
, '1 qn ,.a d es
, et qlli ne S 'app
fiH'1l l tes
inlérèts minimes, je législateur n'ait point institué
un jury particl liel" composé dlun moins grand
nomhre de membres, comme îll'a fail par l'art. 16
de la loi du 21 mai ]836, pour l'expropriation en
matière de chemins vicinaux; la nécessité Je réunir au chef-lieu d'aITondissement, sous la présiJence d'un des juges du tribunal, vingt citoyens
choillis exprès par les chambres assemblées de la
COtH royale, est, en effet, un mode de procéder,
trop solennel, trop compliqué, tl'OP long, et surtoo t trop dispendieux pour régler des indelU nilés
dont le c4ifl're n'est ordioaire01enl ql1e Je quelques
centaines de francs et souvent de beaucoup moins;
il faut se garder d'abuser d'une institution aussi
, .
l' d egouler
,.
. 1al l'epense
precIeuse
ct (en
pal" ]' COlllll,
et la perte de temps qu'entraînent de trup fréquentes convocations.
Qlt~nd le plan d'alignement a été approuvé par
�DU DOMAINE PUULIe.
"755
-ordonnance royale, l'admillistl'al.ion, comme le
l'enJarque très·hien M. le ministre, pal' sa circulaire (\u 23 août 1841 contl:'uant notification aux
préfets, de l'avis du ~onseil d'état du 1 er ilvril précédent, remplit exactement la première condition
exigée par la loi du 3 mai 1841, et elle est, dèslors, Lien fondée à en demander l'application.
D'après celte circulaire, c'est pOlJr prévenir le
refus qu'amail pu fail'c le procureur du roi, de re-qnérirla réunion du jury, si toutes les formalités
préalahles n'avnient p:Js été remplies, qu'il est nécessaire que l'ordonnance approhative du plan soit
précédée d'une enquête dans la fOI'me indiquée pal'
le réglement d'administration publique du 23 août
1835; on a, sans aucun doute, en raison de calquer, autant que possihle, la marche à suivre dans
cecas particulier sm ceUeusitéeen fait d'exproprialion, el de profiter de la circonstance pOUl' en pres-crire l'emploi; mais il est évident que le défaut
d'accomplissement de ce préliminaire est indifférent ponr l'autorité jndiciaire qui prend son point
de départ de J'ordonnance, sans s'occuper de ce qui
a précédé; l'art. ] 4 de la loi du 3 mai 184 l , lui
refusant les moyens de connaître celte procédure
antérieure el d'en vérifier la régularité, l'ohjection
ne pou l'rait venir que du conseil d'état, mais non
du procureur du roi ou du tribunal.
Celle observation résout beaucoup mieux que
l'autorité des précédents~qui estdepeude valeur
en jurisprudence, lorsque la loi est contraire, la
�756
TIIAITÉ
question de savoir si le nouveau mode prescrit peut
s'appliqueran réglementdes indemnités pOlir aligne~
l1Jcnts résultant de plans anciennement approuvés,
et dont l'homologation par ordonnance royale
avait été précéMè de l'enquête organisée par la
circulaire du 29 octobre 1 SI 2, qui difftbre, sous
divers rapports, de celle voulue par le réglement
d'administration puLlique du 23 août 1835. Du
moment qu'il y a une ordonnance, l'autorité judiciaire ne pent remonter au-delà.
Nous admettons également, avec la même circulaire, que le rcfus de l'intervention ou jury ne
pourrait être basé sm' Je défaut d'accomplissement
des mesures qui fonl l'objet dn lit. 2 de la loi du
3mai 1841, mais ce n'est pointà raison du dernier
S, ajouté nouvellement à l'art. 14, et qui suppose
le consentement des deux parties, puisque nous
croyons qu'il n'en serait pas autrement, lors même
'°1'
. pomt
.
l'
qUI
n y auraIt
accor,d entre eI
es;
c est
uniquement par la force des choses et par e motif
qu'en fait d'alignements, la double enqnête sur la
recon naissance de l'u tilité pu bliqne, et sur l'application du projet aux propriétés privées, se confond
en une seule, nécessairement préalable à l'ordonnance.
Dans l'expropriation ordinaire, l'enquête postérien re il l'ordonna nce est indispensable dans l'intérêt des propriétaires atteints, paree que cette ordonnance' ne les désigne point, et qu'elle porte seulement d'nne manière générale, qu'une route, nn
�DU DOMAINE l'DIlLle.
757
chemin de fer ou un canal, sera étahli de tel pCJint
à tel antre point, sans en présenter le tracé précis
et sans pouvoir faire counaître les propriétés privées
à entamer ou à céder; tandis qu'au moyen du
plan qui y est joint et qui en fait partie intégrante,
l'ordonnance approbative de l'alignement signale
en mesures exactes, ce qui doit être retranché de
chaque propriété particulière nominativement
désignée, en même temps qu'elle déclare l'utilité
pnbliquedu tracé donnantlien à ce retranchement.
U ne seconde enquête serait donc absoillmen t superflue, puisque le préfetu'a plusà prendre d'arrêté
pour désigner les propriétés particulières à céder;
c'est même à raison de la prédominance bien marquée de ce caractère de spécialité d'a pplication, que
nous aurions voulu, comme nons l'avons dit plus
haut, qu'en pareil cas l'enquête préalable eût,
ainsi que cela se pratique pour la grande voirie,
été faite dans la forme du titre 2 de la loi du 3
mai 1841, plutôt que dans celle de l'ordonnance
du 23 août 1835.
Jusqu'ici donc, point de difficultés sérieuses.,
Mais ensuite, M. le ministre en soulève une, se .
référant au cas où i~ n'existe pas de plan général
homologué par ordonnance royale et qui n'est pas
sans gravité. Il se demande alors comment il fautirait agir si, «à J'occasion d'un alignement partiel
~) délivré pal' le maire, en vertu du pouvoi[" qu'il
» tient, d'après la jurisprudence établie, de la loi
» générale qui règle sa compétence, ~~ il naissai t
TOM.
n.
�158
TlU.tTÉ
nuc contestation entre la ville et le propriétairè,
soit SUI' l'alignement en lui· même, soit sur la
quotité du dédommagement. Selon ce haut fonction naire, le seul moyen de la l'ésondre, serait d'exi~
gel' à l'avenir que les maires fisseut précéder leurs
arrêtés de l'enquête et des autres formalités prescrites par l'ordonnance du 23 août 1835, après
quoi on provoqnerait une ordonnance royale qui
statuerait sur l'alignement de la rneou du quartier;
conformément à l'avis du conseil d'état du 3 septembre lHll, et en vertu de laquelle le jury d'expropriation pourrait être légalellJent saisi. cc Dans
» ce système, ajollte-t-il, ledl'Oit attribué aux mail'es
» en matière d'alignement; .est respecté, et mes
» prescriptions ont seulement pour effet d'en régler
» l'exercice de manière à rattacher l'action du
» pouvoir municipal, comme celle de ,l'autorité
» souveraine elle-même, à l'exécution de la loi du
» 3 mai 1841, base désormais unique des mesures
» administratives qne cette matière comporte. »
Ce moyen sera sans doute fortlégal ; mais au lieu
de respecter le droit attibué aux maires en
matière d~alignement~ et qu'ils tiennent d'après la jurisprudence établie de la loi générale qui règle leur compétence, il en entl'a1ne
l'annihilation la pluscomplète et la plus absolue en
le frappant d'inefficacité et en y substituant dans
tous les cas, contrairement à cette jurisprudence,
la nécessité d'une ordonnance royale.
Or, nous ne saurions admettre qu'il doive en
�DU DOMAINE PUBLIC.
759
être ainsi; il n'est pas douteux d'abord qu'nn
arrêté municipal qui a déterminé un alignement,
suffit à lui seul, et indépendamment de l'ordonnance royale, ponr empècher le propriétaire de
reconstruire ou réparer en dehors de la ligne fixée;
pE'I'SOnne, assurément, n'oserait aujourd'hui soutenir le contraire en présence de la série d'arr(~ts
de la Cour suprême etdu conseil d'état consacrant
à cet égard, le droit des maires. Ce premier point
acquis, la partie la plus ardue de la difficulté disparaît, et désormais elle ne doit plus consister que
dans le mode de fixation de l'indemnité résnltant
de la cession de terrain. Réduite à ces termes, il
faut l'examiner dans les deux positions ol1.elle peut
se présenter: s'agit-il d'abord d'une parcelle de
terrain à réunir à la rue pOUl' son l'élargissement,
ce sera évidemmen t le riverain dépossédé, ou , ce
qui est la même chose, privé du droit de recontruire,
qui aura intérêt à demander le paiement de l'il1demnité; il Y aura donc nécessairement consentement de sa part à ceque la liquidationen soit opérée
le plus promptement possible; s'agit-il de l'hypothèse inverse, dans laquelle la ville veut lui céder,
au contraire, une portion retranchée de la voie
publique; alors, de deux choses l'une, ou il est
d'accord de l'acquérir, et dans ce cas, il ya encore
consentement à en payer le prix et, par suite, à en
faire déterminer le chiffre, ou il n'en veut pas, et
dans cette supposition, le moyen ouver,t .par la loi,
'n'est pasde lecontraindre au paiement, mais hicnde
�760
TltAIT.É
l'exproprier de la totalité de sa maison; il ne s'agira
plus de réclamer ùe lui des indemnités, il faudra,
au contl'aire, lui en payer une qu'il aura le plus
grand intérêt à exiger.
On voit donc que dans toutes les circonstances
il y aura nécessairement consentement du riveraiu
à ce que l'indemnité soit réglée; or, s'il en est ainsi,
on rentre dans le cas d'application duS final de l'art.
14 de la loi du 3 mai 1841, d'après leqnel le tribunal n'a plus d'expropriation à prononcer, et ne fait
plus, en donnant acte de l'accord, que de désigner
le magistrat-directeur du jury, salIS examiner si les
formalités préalables ont été remplies.
Il est vrai que l'on pourrait prétendre que la
disposition dont il s'agit ne dispense que de l'accomplissement des meSUl'es prescrites par le titre
.2 de la loi, c'est-à-dire de l'enquête pour l'application du projet, et non de l'ordonnance royale
dont l'ahsp.nce autoriserait le tribunal à refuser la
nomination du magistrat.directeur du jury. Mais
nous croyons qn'en fait, ce refus n'existera jamais
quand il y aura accord entre les parties, et qu'en
droit, il ne serait pas fondé, puisqu'il y a ici expropriation véritaLle, et que l'alTèté du maire
l'opérant aussi bien que le ferait une ordonnance
Hlyale, il est impossible, en lui donnant cet effet
principal et assurément le plus important, de ne
pas lui accorder celui secondaire de servir de hase
à un jugement d'expédient qui ne fait que désigner un juge commissaire. Dès l'instant où il y a
�DU DOMAINE PUBLIC.
761
expropriation consommée, n'im porte par quel acte,
il y a nécessairement lieu à indemnité, et, pal' suite,
à fixation de son chiffre d'après le mode déterminé
par la législation, c'est-à-dire par le jury; le même
acte ne peut être valable pour dépouiller, et inefficace pour fobder le droit au dédommagement;
cette conséquence est tellement nécessaire, qu'elle
devrait être appliquée même dans le cas oll il n'y
aurait pas de consentement, et où dès-lors on ne
pourrait invoquer la disposition finale de l'art. 14,
comme si, par exemple, c'était la ville qui, tout
eh profitant de l'arrêté prescrivant le reculement,
refusait de liquider l'indemnité, ou le riverain qui,
en s'emparant du terrain vetranché de la voie publique, entendait le conserver sans en payer la valeur; n ilS pensons que, nonobstan t Je défaut de
consentement de l'une des parties, il n'yen aurait
pas moins lieu, dans cc;>s diverses espèces, à convocation du jury, quoiqu'il n'y ait pas d'ordonnance
roynle.
Telle est anssil'orillion delVI. Delalleau dans son
Traité de l~expropriationpOlir cause d~utilité
publique~ où, après avoir énuméré différents cas
d'expropriation tacitel:ésultant d'arrêtés préfectoraux, et avoÏl' uotamment cité, aux nOS 886 et 888,
ccluide l'alignement, il ajoute, nOS 88'9 et suivants:
cc Dans les divers cas où il ya expropriation tacite,
» la nature des choses ne permet pas que l'expro» priation soit judiciairemcn t prononcée; mais si
» le propriétaire se trouve par là privé de l'une des
�762
TRAITÉ
') garanties que la loi lui assurait, ce ne peut être
un motif pour lui refuser les autres; ce serait
;» plutÔt une raison pour lui cn accorder de nou') velles, s'il en avait besoin ..••. A notre avis, noo;» seulement l'expropriation tacite doit donner au
;» propriétaire les mêmes droits à dne indemnité
:» qu'une expropriation prononcée selon les formes
;» judiciaires, mais encore cette indemnité doit être
» établie sur les mêmes bases et réglée par la roème
" autorité. La Joi du 8 mars 1810 avait attribué à
» l'autorité j lldiciaire la fixation des indemnités
;» dues daus les cas d'expropriation, et, par snite, la
;» fixation des indeID>u.Ïtés en cas d'expropriation
» tacile devait aussi appartenir à l'autorité judi') ciaire; c'est pourquoi les parties ,étaien t toujonrs
» n~t1vo)'ées à ce.t égard, devant les tribunaux 01'» dinaircs. Mais main tenan t que la loi cl Il 7 juiiJet
» 1833 a confié an jury spécial le réglement de
» toutes les indemnilés lIues par suite d'expropria» tion, c'est ce jury qui doit évaluer les indemni» tés réclamées par suite d'une expropriation ta') cite, comme il prononcerait sur les indemnités
» résnlt: nt d'une expropriation fOI'mdle,»
Ainsi, et sans recourir au moyen indiqué par la
circulaire que nous examinons, cel ui d'une ordonnance royale, impraticaLle à rnison des lenteurs
qu'il entraînerait, l'application du plincipe de l'estimation par le jury se trouvera conciliée avec le
dwit incontesté des maires de délivrer les aligne~
;»
�DU DOMAINE PUBLIC.
763
ments partiels en l'absence de plans généraux (a).
Reste à indiquer la marche à suivre:
Lorsqu'il y aura accord entre la commune et le
propriétail'e sur la cession du terrain, et que les
parties seulement n'auront pu s'entendre sur le
prix, l'arrêté du maire sera transmis au procureur
du roi par Je préfet qui le revêtira de son approbation, afin de satisfaire, en tant que de besoin, aux
prescriptions de l'art. I l de la loi du 3 mai] 841 ;
à la \,ue de ces arrêtés et de l'adhésion du propriétaire, le tribqnal statuera conformément au dernier
alinéa de l'art. lf}, en donnant acte du consentement, et en désignant le magistrat-directeur du
Jury.
Si, au contraire, il y a refns de la part de J'une
des parties de consentir à la fixation de l'indemnité,
le préfet pOHrrait sans doute, sur la demande de
l'autre, transmettre sur-le-champ, de même que
(a) Dans un résumé q1J.i s'accorde peu avec ce qui le précède,
la circulaire semble revenir à notre opini<tn en disant: « En
résumé, et si, comme je viens de l'établir, il ne peut ('xisler
» de débat judiciaire entre l'administration et le propriétaire que
» surIe prix du terrain, cédé.... , le moyen le plus simple d'arriver à la convocation du jury sera de produire devant le tribunal
une expédition de l'arrêté qui fixe l'alignement sollicité par
le propriétaire qui veut reconstruire; dans le eas où cet arrêté aurait été pris par l'autorité municipale, il serait ap» prouvé par vous..... Vous demanderiez acte, au. tribunal, de
cettc production, par l'intermédiaire du ministère public, et
» vous requerriez la nomination du magistrat-directeur du
» jury.
Alors, où est ta nécessité d'une ordonnance royale?
)l
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)l
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�764
TRAITÉ
dans le cas précédent, les pièces au procureur dn
roi, qui requérerait la nomination du magistrat directeur du jury. Mais comme, par suite du litige
sur le principe même de l'indemnité, elle ne pourrait être payée ou reçue, et que, conformément à
l'art. 49 de ladite loi, ce magistrat devrait en or··
donner la consignation, en renvoyant les parties devant les tribunaux pour y être statué sur le droit,
il sera beancoup plus convenable, afin d'éviter une
opération d'estimation qui pourrait être en pure
pt'rte, et aussi de ne pas gêner la partie refusante dans sa défense devant le jury, de faire décider préalablement par l'autorité judiciaire le fond
de la contestation.
Alors la partie intéressée à poursuivre· actionnerait l'autre devant le tribunal civil, savoir, le riverain sans autre formalité, et la commune après le
dépôt du luémoire exigé par l'art. 51 de la loi du 18
juillet ü;37, ensuite de quoi le débat s'engagerait,
soit sur la convenance de l'alignement, soit SUl' la
propriété du terrain retranché ou abandonné, soit
sur la préten tian élevée à un titre quelconque de
n'en point payer la valeUl'.
Dans le cas où la contestation porterait sur l'alignement, « les tribunaux, comme le dit très-bien
:>~ la circulaire du .23 août 1 H11, n'auraient pas
:» qualité ponr en connaître, attendu que l'arrêté
:>~ qui fixe l'alignement est un acte administratif
" qui ne pent être apprécié que par l'administra» tion elle-même. IJe propriétaire récla m:ll1 t ne
�DU DOlVlllNE PUBLIC.
765
;).) pourrait, suivant la jurisprudence invariable du
» conseil d'état, que se pourvoir administrative» ment auprès de l'autorité supérieure, » comme
nous l'avons expliqué pag. 746 ci-dessus.
Si, en admettant l'alignement, la propriété du
terrain qu'il entame ou qu'il abandonne, ou encore
le droit d'cn exiger la valeur,étaient les seuls objets
de la difficu1Lé, ce seraient autant de questions de
propriété, de servitude ou d'interprétation de conventions, qui seraient exclusivement du ressort des
tribunaux, et qui devraient être décidées par eux
en suivant les degrés ordinaires de juridiction.
Enfin le point litigieux, quel qu'il soit, étant résolu, le jugement ou l'arrêt, an lieu de fixer, à l'aide
d'une expertise, le montant de l'indemnité, nommera le magistrat-directeur du jury qui sera chargé
de le déterminer. La procédure d'envoi des pièces
par le préfet au procurenr du roi, et de réquisition
de ce magistrat au tribunal, tracée par les art. 13,
6 e alinéa, et 14, leI' alinéa, de la loi du 3mai 1841,
11' est indispensable que lorsqu'il s'agit d'une expropriation formelle; dans notre espèce, comme dans
toutes celles d'expropriations tacites, le jury peut
être saisi incidemment à une instance principale
portée devant les tribunaux civils sur le principc
même de l'indemnité. (C. d'éta t 23 février 1839.)
Les délais d'un au et de six mois avant l'expiration desquels, aux termes des art. 14, 2 e alinéa, et
5b de la susdite loi, les propriétaires menacés d'expropriation ne peuvent pas requérir, soit le juge-
1
�766
TRAITE
ment qui la prononce, soit le réglement de l'iodem""
nité t sont évidemment inapplicables au cas d'alignement, où, par la force des choses, la prise de
possession est toujours préalable, à la différence ùe
celui de l'expropriation expresse, dans lequel eHe
ne peut avoir lieu, au contraire, qu'après le paiement ou la consignation de l'indemnité; aussitôt
après la démolition du bâtiment et le déblaiement
du sol, le riverain pourra agir.
Lorsque l'administration municipale et les propriétaires soumis au retranchement ou obligés de
s'avancer, tombent d'accord, non-seulement sur la
nécessité même de la cession, mais encore sllr le
prix, alors il n'y a besoin de l'intervention ni des
tribunaux ni du jury; ,tout se règle par une convention amiable qui, nous le pensons, devra être
conclue dans la forme et avec les autorisations
prescrites pal· l'art. 13 de la loi sus-mentionnée du
3 mai 1841 quand il y aura lieu à cession de terrain par un mineur, un interdit, un absent, une
femme mariée sous le régime dotal, un département, une commu~le, un établissement public,
l'état ou la couronne.
Ces formes en ce qui concerne les communes,
consistant dans une délibération du conseil municipal approuvée par le préfet en conseil de préfecture, sont évidemment applicables au cas où la
ville cède aux propriétaires voisins, clcs parcelles cn
dehors du tracé, quelle qu'en soit la valeur,
puisque c'est ponr canse d'lltilit~ pnbljeI'lc consa-
�nu nOMAlNE PUBLIC.
767
crée p:lr l'art. 53 de la loi du 16 septembre 1807,
qne l'abandon en estfait. Les mêmes formesdevron telles être employées et seront-eHessuffisantes, lorsqu'au lieu de cé.tier, la ville acquerra du terrain?
L'affirmatiwe ne sera d'abord pas douteuse daus
l'hypothèse la plus générale, où le montant de l'indemnité ne dépassera pas le taux de 20,000 fI'.
pour les villes ayant plus de 100,000 fI'. de revenu,
(:t de 3,000 fI'. pour les autres, puisque, dans ces
limites, l'art. 46 dela loi du 18 juillet lS37 n'exige
rien autre chose pour toutes les aliénations et ucquisitions, même non nécessair.es, des communes.
Nous pensons qu'elle devrait aussi être adoptée, et
qu'il n'y aurait pas lieu à recourir à une ordo.nnance
royale silechiffre,cequiseraexcessivementrare, dé·
passait 3,000 ou 20,000 fr., selon les distinctions
ci·dessus. La raison en est que l'alignement étant
une fois fixé, les acquisitions de terrain pour son
exécution sont nécessaires et se trouvent virtuelle·
ment autorisées par l'acte qui l'a approuvé. Par un
arrêt à la date du 3 février 1835 (Besnard.
Dalloz, 35-3-45), le conseil d'état a admis celle
solution quand il y a un plan homologué par ordonnance, en la rejetant dans le cas contraire.
Nous ne sommes pas d'avis de cette distinction, du
moment que le droit qu'ont les maires de délivrer
des alignements partiels en l'absence d'un plan général, est consacré et reconnu. Nous croyons même
que, soit dans ce cas, soit dans celui où l'indemnité
est inférieure à 20,000 ou à 3,000 fr., la délibéra-
=
�76'S
TltAl'fÉ
tien du conseil municipal, approuvée par le préfef
seul, sans le concours 'du conseil de préfecture, serait suffisante; les formalités prescrites par l'art. 46
plus haut rappelé n'étant exigées que pour les aliénations volontaires, et non pour celles qui sont la
conséquence d'une mesure légale et forcée. Cependant, comme l'approbation en conseil de préfecture
n'entraînera ni frais ni retard, et que ce qui abonde
ne vicie pas, il sera convenable de prendre cette
précaution, que le législateur a considérée comme
offrant plus de garantie.
broDE DEFZX.JTrON DES INDEMNITÉS DE GR.ANDE rOIRIE•
.Quoique l'avis du conseil d'état du 1 er avril 184J ,
base de l'instruction ministérielle du 23 août suivant que nous venons d'examiner, ne paraisse
s'appliquer qu'aux indemnités d'alignements de
voirie urbaine, il est certain que, pal' identité de
raison, il doit être étendn à celles de grande voirie. Un arrêt du conseil d'état du 31 août 1828
pose en principe que ces indemnités doivent être
fixées conformément à la loi sur 1'expropriation,
qui alors attribuait compétence aux tribunaux, ce
qui exclut les conseils de préfecture. Lors de la discussion de la loi du 7 juillet 1833, le rapporteur
ainsi que le commissaire du roi reconnurent que
désormais le jury serait chargé de ces évaluations
(Moniteur du JO février 1833, pag. 340); aussi
depuis, les ordonllances approbatives des plans
de traverses imposent-elles formellement à l'admi.
nistration l'obligation d'acquérir. les terrains pm~
�DU DOMAINE PUBLIC.
1'69
venant des reculements fntnfs, en se conformant
aux titres 3 et suivants de la loi sur l~expro
priation.
La marche à suivre pour le réglement amiable
ou judiciaire des indemnités relatives aux alignements des l'outes royales et départementales, sera
absolument la même que ~el1e ci-dessus tracée pour
la voirie urbaine. Seulement, dans le cas de cession
aux voisins, des parcelles en dehors del'alignement,
il faudra se conformer aux dispositions des art. 2,
3 et 4de la loi du 24 mai 1842, que nous avons
rapportée plus haut, pag. 316.
1.'état ou le département ne pourra du reste,
jamais contraindre les voisins à acquérir les porlions retranchées; ceux-ci devront seulement être
constitués en demeure de les acheler, à défaut de
quoi, elles seront vendues à des tiers, en réservant les passages nécessaircs. Dans l'intérieur des
villes et faubourgs, l'administration municipale
pourrait seule user de ce droit de contrainte que
lui confère l'art. 53 de la loi du 16 septembre 1807
en lui donnant, en cas de refus, la faculté d'exproprier la maison joignant.
U ne observation essentielle déjà faite, et qu'il
convient de rappeler, c'est que, quand une ruf' ancienne d'une ville a été affectée à la traverse d'une
route royale ou départementale, les porlions en
dehors de l'alignement ne cessent pas d'appartenir
à la commune, dans la caisse de laquelle, eu consé{Iuencc/ le prixde la cession qui en est consentie aux
�770
TRA.I'I'É
riverains doit être versé, et non dans celle de l'état
ou du dépal-teIllent. C'est ce que reconnaît formellemen t une circulaire d~ ministre de l'intérieurdu 19
février 1828, rapportée en partie pag. 269ci.dessus,
et ce qu'a décidé un arrêt de la COllr de cassation du
10 m~,i 1841 (Sirey~ 41-1-439), cité au même endroit, qui dit daus nn de ses motifs, cc que si l'ali» gnement a été et rlû être donné au sieur Mouth
;»
(le voisin) par le préfet, investi de cette attribu;»
lion en matière de grande voirie, le droit de po;»
lice ct de surveillance exercé par l'administration
') le long d'es l'Outes et rues à la charge de l'état,
» n'implique pas à son profit le droit à la propriété
» des terrains qui bordent ces r()utes et rues sans
);) en faire partie. »
1110DE DE FIXATION DES INDEMNITÉS DE YOIRIE
rICINALE.
Qu'il s'agisse de chemins de grande ou de petite
communication, les indemnités pour l'élargissements ou rectifications par voie d'alignement sont,
conformément à l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836
que nons avons expliqué précédemment, nOS 524 et
suivants, réglées par le juge de paix sur le rapport
d'experts nommés, l'un par le sous-préfet, l'autre
pal' le propriétaire, et, s'il y a discord, le tiers par
le conseil de préfecture. Dans tous les cas, le montan t de cette indemnité, même pour les cheminsde
grande communication, est à la charge de la commune sur le territoire de Inquelle ils sont situés, et
�DU
DOll~INE
PUBLIC,
771
'{]ui profiterait <le leur sol s'ils venaient à être déclassés comme inutiles.
Quoique l'article dont il s'agit n'ait eu certainement en vue que des l'élargissements à opérer aux
dépens de propriétés nOn bâties, ou du sol de mai'sons que le maÎlre f<Jit spontanément démolir, ce
Gui, clans ces deux hypothèses, ne peut entraîner
que de faiLles indemnités, cependant, comme il ne
'contient ni distinction ni restriction, il faut recon1.1aître, avec la circulaire du ministre de l'intéricUl'
-du 10 déc~mble 1839 déjà citée, qu'il serait anssi
-.a pplicable même au cas où, s'agissa Dtd'en ta mer
une maison, on voudrait la démolif sUf-le-champ,
-et où dès-lors le dédommagement serait considérahIe, Cette conséquence, à laquelle le législateur n'a
sans doute pas pensé, a acquis de l'importance de'puis que la traverse des chemins de grande communication dans les villes, bourgs et villages dont
la population est inféfieure à 2,000 habitants a été
soumise, par l'avis du conseil d'élat du 18-25 janvier 1~37, à toutes les règles concernant les chemins vicinaux en rase campagne. On peUL dire que,
pour les propriétés bordant ces chemins, le système
de la loi du 16 septembre 1807, abrogé dans tous
les autres cas par les lois des 8 mars 1810, 7 juillet
1833 et 3 mai 1841, a été complètement rétabli,
contrairement à l'esprit denotre législation actuelle;
voilà à quelles incohérences conduisent des modifications faites sans ensemble et par parties, selon
les besoius dn moment.
�772
TRAITÉ
Ainsi que nous l'avons expliqué au nO 569 cidessus, pag. 324 et suivantes, le même mude ne
devra pas être suivi pour l'abandon aux riverains
des portions de chemins laissées en dehol's de l'alignement : si la cession en est consentie amiablement, il faudra se conformer entièrement aux dispositions de l'art. 46 de la loi du 18 juillet 1837, et
recourir à une ordonnance royale dans le cas où le
prix excéderait If,)s ta!lX de 3,000 et 20,000 fr.,
fixés par cet article; s'il n'y a poin t accord, l'affaire
ne pourra plus être soumise au juge de paix, et sera
décidée, comme nous l'avons dit, par les experts,
agissant alors en qualité d'arbitres, sauf à porter
les incidents qui surviendraient, devant le conseil
de préfecture ou le tribunal civil, selon leur nature
et les circonstances.
I.Jes riverains des chemins vicinaux ne pourl'ont, pas pIns que ceux des grandes rontes,
être jamais contraints à acquérir les portions
retranchées, ni à avancer leurs bâtiments sur
l'alignement. La cil'cplaire sus-mentionnée du
10 décembre 1839 le déclare expressément en
ces termes: cC Je dois aussi vous faire observer
» que, lors de la reconstruction d'un hâtiment qui
." est en arrière de l'alignement, on ne peut con·
» traindre le propriétaire à avancer sa construction
» jusqu'à la lin:;ite de l'alignement, car la viabilité
» n'y est pas intéressée, et on agirait alors par des
» consid~rations d'embellissemen t et de régularité
» qui ne suffisen t pas pour avoir le droit d'impo.
�DU DOMAINE
PUBLIC~
773
sel' des servitudes à la propriété. Tout ce que
» l'administration peut e3iger, dans un intérêt de
» police et de salubrité publique, c'est que le pro·
» priétaire se close à la limite de l'alignement, soit
» par un mur, soit par une grille ou nne haie, se·
» Ion l'usage des localités. Si en effet, il restait un
» enfoncement devant une construction, il s'y for» filerait bientôt un dépôt d'immondices on de
» fumiers nuisibles à la salubrité. " Il est bien évident que celte obligation ne pourrait être imposée
au riverain qu'autant qu'il joindrait sans intermédiaire le chemin; autremen t ce serait à la commune à prendre elle-même ces mesures, en réservant les passages nécessaires.
Quant à la prétention, très-fréquemment élevée
par les riverains, de s'approprier sans indemnité,
au-devant de leurs maisons, des emplacements
qu'ils qualifient de cours ou d'aisances, et dont
parle la même circulaire, il faut recourir à ce que
nous en avons dit, nO 5j3, pag. 191 ci·dessus.
»
Nous terminerons ici l'exposé des notions que
nous avons cru utile de présen ter sur la matière des
alignements en général. L'extension que nous lui
avons donnée, et les développements dans lesquels
nous sommes entrés ponr sa parfaile intelligence,
paraîtron t sans doute justifiés par son im portance,
son utilité pl'atique, les di fficul tés qu'elle soulève,
et la nécessité de réunir et de coordonner entre
clles,les nombreuses décisions dont elle a été l'objet. Amené, par les termes de l'art. 21 de la loi
TOl\'[. II.
�TIUITÉ
du 21 lllai IH36, à nous occuper des alignements
des voies vicinales, nous avons dû remonter aux
principes, en suivre l'application, réunir et classer
les questions qui en naissent, son mettre à une critique im partiale les solutions qu'elles on t reçues,
enfin essayer de déduire de la jurisprudçnce, des
règles claires et précises, d'après ce conseil dè l'illustre chancelier d'Angleterre: Colligendae sunt
regulae~ non tantàm notac et vulgatae~ sed et
·aliac magis suhtiles et reconditae ~ quae ex
legum ~ et rerum judicatarum harmonid ex· trahi possint (De just. lLnivers.~ aphor. 82). Non
· moins qu'une pratique de tous les jours, ce travail,
résultat aussi d'études théoriques, nons a fait sentir l'urgence d'une loi qui, groupant et combinant
des élémen ts épars, incohérents et peu connus,
offrirait, dans quelques dispusitions positives et
méthodiques, un complément indispensable à notre
'législation encore si incomplète, quoique souvent
remaniée, sur l'expropriation pour cause J'utilité
générale, ainsi que sur les rapports de la propriété
privée avec le domaine public et les travaux des
villes et de l'éta t. Nous ne cesseronsde faire des vœu x
pour la prompte réalisation de cette œ_uvre, qui,
dans l'état actuel des choses et avec les matériaux
que l'on possède, ne présenterait rien de difficile et
·serait un service éminent rendu au pays.
Revenons actuellement à la suite de notre article 2], et donnons quelques explications sur les
derniers objets que devra. comprendre le réglement général.
�DU DOMAINE PUBLIC.
6°
DÉTAILS DIVERS
DB
'1'15
SURVEILLANCE ET DE
Pour ces points, la loi
a laissé la pIns grande latitude aux préfets, dont le
pouvoir n'est limité que parles dispositions prohibitives ou impératives du droit commun, auxquelles il ne leur sera pas permis de déroger; ils
doivent garder un juste milieu entre l'absence de
toute prescription et la prétention de tout prévoir,
non moins qu'entre une résistance systématique
aux améliorations et le désir de tout innover. Les
mesures qui ont pu 0\1 qui pourraient encore entrer dans le réglement général, dépendant essentiellement des localités ct des circonstances, nous ne
pouvons en présenter le tableau complet; nous nous
bornerons en conséquence, à indiquer les principales et celles dont l'utilité est le moins contestable.
1 0 Plusieurs lois et réglements anciens (a)défendent d'ouvrir des carrières ou depratiquerdesexcavations, à moins d'une certaine distance des voies
publiques. L'art. 4 de la déclaration du 17 'mars
1780, porte que cc l'exploitation des carrières à
» plâtre, pierres et moellons, ne pourra à l'avenir
» ~tre continuée qu'à la distance de huit toises
CONSERVATION DES CHEMINS.
(a) Voyez notamment une ordonnance de police du 10 septembre 1600, des arrêts du conseil des 9 mars 1633,14 mars
li41, 5 avril et 15 septembre 1772, 4 avril et 4 juillet 1777,
29 juillet et 19 septembre 1778, un arrêt du Parlement du 29
septembre et un réglement dn 12 novembre 1778, une déclaration du roi du 17 mars 1780, enfin une ordonnance du bureau
des finances de Paris du 17 juillet 1781, art. 15.
�776
TRAITÉ
(15 mètres 59 cent.) des deux extrémités ou cô» lés de la largeur des chemins de traverse ou vi»: cinaux fréquentés, » et en même temps rappelle -« les défenses d'ouvrit, aucune carrièrè à
» pierres de taille, moellons, plàlre, glaise -et aul> tres, de quelque espèce que 'Ce soit, snI' les bords
)~ et CÔlés des roules et grands chemins, sinon à
)' lrente toises (58 mètres 47 cent.) de distance du
» bord, mesuré du pied des arbres; et, lorsqu'il
)' n'y aura ni arbres ni fossés, à ti'ente-deux toises
» (62 mèlres 37cent.) de l'extrémité de la largeur,
» sans pouvoir, en aucun cas, pousser les rameaux
» ou rues desdites carrières du côté <lesdits che» mins
Le tout à peine de 300 livres d'al> mende
»
Il serait bon de renouveler, quant aux chemins
vicinaux, celle mesure tombée en désuétude quoique propre à prévenir des accidents, S1lrlout pen,.ldant la nuit, en réduisant toutefois la distance
prescrite, et en permettant d'y suppléer par des
murs, des haies, 011 par tOllt autre obstacle capable d'arrêter les voitures ou les piétons qui se détourneraient du chemin (a).
»
~
(a) L'art. 88 du réglement pour la Côte-d'Or, en date du
8 juin 1837, postérieur de près d'un an à la première édition du
présent commentaire, où ce vœu était déjà émis dans les termes
ci-dessus, porte: .. TI est interdit de pratiquer, dans le voisinage
" des chemins, des excavations, si ce n'est à la distance de
" 3 mètres, à partir du bord extérieur des fossés desdits chemins,
" pour les carrières, marnières, argilières, sablières et excava-
�DU DOMAINE PUBLIC.
777
La disposition du réglemenl préfe.ctoral qui
prescrirait des précautions à ce sujet, l'en trerait
dans les vues du législateur, qui, par le nO 4 de
l'article 479 du Code pénal, prononce une amende
de 11 à 15...Ji13ltCS contre ceux qui auront. occasionné la mort 011 la blessure des animaux ou hestiaux appartenant à autrui, par l'encombrement 011
l'excavation dans ou près les rues, chemins,
places ou voies publiques. Ces expressions, L~excà
ration près les rues, c'est-à-dire sur Je sol des
propriétés voisines, et que quelques auteurs ont
signalées comme très-extraordinaires, se référaient
évidemment, dans l'intention du législateur de
18J 0, aux prohibitions résultant des anciennes ordonnances et déclarations ci-dessus citées, et donneron t une sanction aux dispositions analogues que
les préfets pourront insérer daus lems réglements.
Ici se présente la question de savoir si l'établissement de cette servitude sur les fonds voisins des
routes et chemins pourrait motiver une demande
en indemnité de la part des propriétaires. Ce point
a donné lieu à de graves difficultés dans une espèce
où un arrêté du préfet avait défendu aux concessionnaires de la mine de houille de Couzon, de
li
li
li
»
li
l>
tions du même genre. - Les maires pourront en outre imposer aux propriétaires de ces excavations, l'obligation de les
entourer ou couvrir, suivant le cas, de clôtures propres à
prévenir tout danger pour la sûreté publique. Ces mesures
de sûreté seront prises par nous pour les chemins de grande
communication. »
�778
TlLUTÉ
poussel' leurs galeries à moins de 20 ou 30 mètres
du chemin ùe fer de Lyon à Saint-Etienne; un al',,:,
rêt de la Cour de Lyon, du 12 août 1835, s'étant
prononcé pour la négative, a été cassé, le 18 juillet
1837 (Sirey. 37-1-664), par la Cour suprême, qui
a renvoyé l'affaire devant la COUI' de Dijon, où elle
a reçu, le 23 mai It$3~ (S." 38-2-469), la même
solution qu'à Lyon; sur un nouveau pourvoi J cet
arrêt a été, contrairement aux conclusions trèsremarquables et très-savantes de M. le procureurgénéral Dupin, cassé le3mars 1841 (S." 41-1-259),
par le motif: « ••••• que tout. propriétaire a droit à
» une indemnité, non· seulement lorsqu'il est
» obligé de subir l'éviction entière de sa propriété,
» mais aussi lorsqn'il est privé de sa jouissance et
» de ses produits pour cause d'u tilité publique; que
» seulement ùans ce 'cas, l'indemnité n'est pas
» préalable ; ..•. qu'à la vérité, l'art. 50 de la loi du
» 21 avril 11)10 confère à l'autorité administrative
» le droit de pourvoir, par des mesures de sûreté
» publique, à la conservation des puits, à la soli» dité des travaux de la concession, et à la sûreté
» des habitations de la surf.'\ce ; mais que celle dis» position n'altère en lien le droit de propriété du
:» concessionnaire, et ne lui impose pas l'obligatioll
» de subir la perte d'une partie de sa concession
» à raison de la création d'un établissement oou» veau, sallS cette juste indemnité.... »
En faisant abstraction de l'influence que la nature tout exceptionnelle de la propriété souter-
1
�DU DOMAINE PUBUC.
779
raine des mines peut avoir dans cette espèce, nous
pensons que la question d'indemnité pour cause de
prohibition des excavations en général, doit être
résolue d'après la distinction que nous avons déjà
indiquée, nO 479 ci.dessus, entre cc qui est interdit par le droit commun en vertu des lois qui'
règlent les rapports de la propriété privée, et ce
qui ne l'est pas.
Les prohibitions de la première espèce ne peu-'
vent jamais, selon nous, motiver d'indemnité,
cc car, comme le disait M. Dupin dans le réquisi)) toire-dont il a été parlé plus haut, on ne peut pas
» appeler dommage, dans le sens d'une réparation
» qui s'y attache, un préjudice de fait qui. est la
:» conséquence d'un engagement subi en présence
» d'un droit plus puissant qu'on e.st tenu de res-.
» pecter.»
Ainsi, et comme d'après la disposition de la loi.
de Solon CL. ult.,ff.fin. reg.), faisant la règle en
cette ma~ière, le propriétaire d'un fonds ne peut y ,
pratiquer de fouilles près de l'héritage voisin sans
laisser sur le bord un espace au moins égal :\Ia profondeur de l'excavation, il s'ensuit que le riverain,
d'un chemin vicinal ne serait pas fondé à prétendre,
à un dédommagement pour la défense que ferait,
l'arrêté du préfet de creuser des carrières, mar-.
nières, sablières, etc., dans cet intervalle. Mais il
en serait autrement dans le cas où l'arrêté exigerait
une distance plus considérable; cette prescription
devrait motiver une indemnité, parce qu'elle cons-,
�780
'mAlT!,
tituerait alors une mesure d'intérêt général, prise
aux dépens de la propriété privée, en d'autres termes, nne espèce d'expropriation pour cause d'utilité
pulJlique dont la charge ne doit pas tomher sur un
seul.
2° Par leoouhle motifde la sûretédes voyageurs
et de l'assainissement des chaussées gue l'humidité
entretenue par les arbres, dégrade, l'art. 3 du titre
28 de l'ordonnance du Illois d'août 1669 avait
prescrit l'essartement des forêts le long des routes
sur u ne largeur de 60 pieds (J 9 mètres 49 cent.)
de chaque bord; ce qui n'a pas été généralement
exécuté, même dans les forêts domaniales, quoique
un avis du conseil d'état du 18 novelJJbre 1824 se
soit prononcé en faveur de l'application de la
mesure.
Le réglement préfectoral pourrait, selon les circonstances, établir une prescription de ce genre,
nlais comme elle constituerait une servitude trèsonéreuse, q ni, selon nous, ne devrait être imposée
que lYI(Jyennant une préalable indemnité, ainsi que
l'à recon n Il u ne lui du 2 brumaire an 8, citée par
erreur sOllsla date <:lu 18, pag. 202 ci-dessus, on
conçoit que l'on ne devrait y r~couril' que dans le
cas où de puissantes considérations en dCIllontreraient J'absolue nécessité.
Il en serait de même de la prohibition, créée par
un réglement du conseil d'Artois du 13 jl1illet1774,
et que Merlin (Rep., VO .lrlolliin) regarde encore
COllllne obligatoire clans cette partie de la France,
�DU DOMAINE PUBLIC.
781
de cOllstruire, à moins d'nne certaine distance du
chemin, des moulins à vent, qui peuvent, par leur
hruit et le mouvement de leurs ailes, occasionner
des acçidents en effrayant les chevaux.
3° Nous désirerions voir adopter nne mesure qui,
sallS tenir directement à la bonne viabilité des
chemins, offre cependant de grands avantages aux
voyageurs, et a déjà été adoptée dans un assez
grand nombre de communes; ce serait de placer,
soit su l' lei dernières maisons des villages, soit snrtont sllr des poteau:x plantés aux embranchements
des chemins, des inscriptions indicatives du lieu où
ils conduisent et même des distances. On éviterait
ainsi des embnrras, des erreurs et des accidents
qui résnllent assez fréquemment de l'ollhlide cette
précaulion, que le directeur-général des ponts et
chausilées a recommandée pour les routes, par sa
circulaire du 5 novembre 1833.
Il serait très-convenable aussi d'étendre aux chemins vicinam le système des bornes milliaiJ'es usité
chez les Romains (PLin., xv, 18; - Tit.-Liv.,
:XXVI, 10), et introduit cn France sous Louis XV
par Perl'Oonet, premier ingénieur des ponts et
chaussées, qui fit placer sur toutes les routes, de
mille en mille toises (1949 mèt. 3 cent.), des
pierres cylindriques numéroléeS à partir du parvis
Notre-Dame, à Paris.
4° La question de l'utilité de la plantation des
routes a été vivement controversée dans ces derniers temps; si les arbres servent à diriger les voya-
�782
TR.AJ.TÉ
geuFs pendant la nuit et dans la saison des neiges,,'
s'ilsfournissent aux constructions et au charronnage
des matériaux qui deviennent de jour en jour plus
rares, par la facilité déplorahle avec laquelle on a
autorisé le défrichement des forêts, les ingénieurs,
d'un autre' côté, se plaignent de l'humidité que.
leur ombrage entretient SUl' les chaussées, et qui
en cause promptement la dégradation. Dans ce
-conflit de considérations, les préfets ne devront,;
~'elativement aux chemins vicinaux, se déterrniner
que d'après une connaissance .exaète des localités
et avec une extrême prudence; au lieu de disposer
les plantations en lignes con tinues, on pourrait
étahlir de distance en distance, SUi' des terrains
réservés en dehors de la chaussée pour un but qui
sera signalé plus bas, des groupes d'arbres qui suffiraient pour indiquer la direction du chemin, en
offrant à ceux qui le parcourent un lieu de repos
et un abri contre la chaleur (a); par ce moyen, on
obtiendrait les avantages que produisent les arbres,
sans que les routes en éprouvassent du dommage;
les campagnes ne seraient pas privées de leur plus
. hel ornement, et les communes s'assureraient une
ressource précieuse, don l, en général, elles on t le
(a) Jadis, dans plusieurs localités, on avait coutume de ménager de distance cn distance, le long des c11emins, de semblables
espaces destinés à faire reposer les voyageurs et les troupeaux
(voyez à cet égard la savante Histoire des Franfais des dû'ers
états au,>: ânq derniers siècles, par M, Monleil, 14" siècle,
ép'tt. 42, tom. 1er ,pag 197).
�DU DOMAINE PUBLIC.
783
plus grand hesoin : ornamentum pacis ~ helli
suhsidilLm~ arhores
(a).
Les terrains dont nous parlons pourraient surtout être utilement employés à l'entrepôt et à la
préparation des matériaux, dont les amas sur les
accotements ne sont pas seulement une cause con,.
tinuelle d'accidents, mais nécessitent encore une
augmentation de largeur aussi nuisible à l'écoulement des eaux, qu'onéreuse à l'agriculture par
l'absence de tout produit; en SnÎsse et en Angleterre, les route,s. sont étroites. ct on place les
pierres destinées à leur entretien, sur de petits
espaces de terrain méuagés de loin en loin, en
ddlors de Jeur aligne~ent général.
Ca) On ne saurait trop recommander aux administrateurs des
communes, de faire des plantations particulièrement sur les terrains inutiles, qui s'en trouveraient améliorés par la suite, et
qui, en attendant, ne présenteraient plus un pénible aspect d'abandon. " Tous .les maires, dit M. Dupin, avec cette justesse
» d'esprit qui le caractérise (Introduction aux lois des com» munes, pag. 130), n'ont pas la puissance d'ériger des tem» pIes, des écoles, des bains publics, des statues; mais chacun,
» en usant sobrement et avec intelligence des ressources de
» la localité, peut contribuer à l'ornement de son pays. Ne fît-il
» planter qu'un ou deux arbres au-devant de l'église ou sur une
» place, il aura accompli le vœu du grand Sully, dont les vieux
» tilleuls ombragent encore la plupart de nos villages. » Selon
Dulaure, Histoire de Paris, tom. 2, pag. 472, les ormes plantés
devant les églises, étaient d'un usage général autrefois; c'était
sous leur dôme de verdure que les juges rendaient la justice,
que l'on payait les rentes, et qu'après les offices, les babitants sc
réunissaient llour traiter les affaires de la communauté.
/
�TRAITÉ
50 L'opération la plus util"e pour les chemins
vicinaux, sera leur délimitation avec les fonds voisins, au moyen de bornes plantées à tous les points
où ils forment des angles ou des courhes. Malheureusement aucune loi ou instruction n'a indiquf$
ni la marche à suivre en pareil cas, ni l'autorité
compétente pour décider les difficultés qui pour;raient s'élever. Le seul monument de jurisprudence
que nous avons pu découvrir sur la matière, est un
arrêt de la Cour de cassation à la date du 15 novembre 1831 (Larché c. la commune de Beire.
Sirey~ 32-1-13), qui décide seulement que les
questions de propriété relatives aux chemins classés ou non, sont exclusivement du ressort des tribun lX civils, et que la disposition de l'art. 6 de la
loi du 9 ventôse an '13, en fixant la largeur des
voies vicinales à 6 mètres, n'autorise pas les riverains à s'emparer du surplus.
Si le chemin a, en fait, la largeur nécessaire, on
que tous les riverains consentent à la lui donner,
le maire plantera avec ceux-ci des bornes dont la
position sera mentionnée dans un procès-verbal,
qui, après avoir été signé par toutesles parties, sera
sOlHnis à l'approbation du conseil municipal et
ensuite à celle du préfet. Quoique l'art. 46 de la
loi du 18 juillet 1837 ne comprenne pas nommément le bornage au nombre des actes pour lesquels l'avis du conseil de préfecture soit nécessaire,
cependant, comme cette opération peut, jusqu'à un
certain point, être assimilée au partage, et qu'eHe
=
�DU DOMAINE l'mILle.
'185
emporte presque toujours, pour la rectification
des limites, une aliénation de quelques parcelles,
nous pensons que la disposition de l'article dont il
s'agit devl'ait être complètement exécutée.
S'il n'y a pas accord, voici comment nous -pensons qu'il conviendra d'opérer.
Il f.'lUdra d'abord dresser, dans la forme indiquée
pages 736 et suivantes ci-dessus, le plan d'alignement du chemin, ce qui lè~era toutes les difficultés
sur les limites, puisqu'aux termes de l'art. 15 de la
loi du 21 mai 1836, le préfet a le droit de les fixer
définitivement, abstraction faite de toute question
de propriété, <"t qne son arrêté produit l'effet de
convertir le droit réel des riverains, même le plus
incontestable, en une simple indemnité pécu'niaire.
Sons ce point de vue, là présence et le concours
de ces riverains pourraient paraître inutiles, mais
cependant comme leur expropriation ne doit avoir
lieu qu'à charge d'indemnité, qu'ils peuvent d'ailleurs contester l'exactitude du tracé ou prétendre
que telle ou telle parcelle comprise dans les limites
du chemin Jeur appartient, et qu'ils auraient, ainsi
que nous le dirons ci-après, une action possessoire,
sinon ponr se faire réintégrer dans leur jouissance
annale, au moins ponr la faire constatel' officiellement, notre avis estqne l'application du plan au terrain ne doit être faite que contradictoirement avec
eux ou qu'après qu'ils amont. été dûment appelés.
S'ils so-présentent, le débat s'ouvrira nécessaire-
�786
TRAITÉ
ment sur l'un de ces trois points: on ils eonlesteront la justesse de l'application du plan au terrain,
on, en la reconnaissant, ils soutiendront qu'nne
parcelle englobée parle tracé, dépendde leurs fonds
et leur appartient, ou enfin, étant d'accord avec
la commune sur la propriélé du corps même de
cette parcelle, ils différeront sur sa dismensul'ation
ou sur sa valeur.
Au premier cas, il faudra recourir au préfet,
qui, après avoir chargé, soitl'agent-voyer, soit un
expert qu'il désignera, de visiter les lieux et de lui
faire un rapport, statuera sur le tracé en le maintenant ou le modifiant. Ayant le pouvoir exclusif de
déterminer les limites du chemin, il est seul compétent pour interpréter son arrêté et pour le faire
exécuter et appliquer; ejus est legem interpretari., cujus est condere ({frgum. ex Leg. 12,
Cod. de Leg.).
Dans la seconde supposition, il y aura question
de propriété qui ne pourra être" résolue que par les
tribunaux ordinaires, et. qui ne sera point de nature
à empêcher le bornage, puisqne, de quelque manière qu'elle soit résolue, le chemin ne devra pas
moins être maintenu dans les limites qui lui sont
:lssignées par l'autorité administrative, sauf indeml1ilé si le terrain contesté est reconnu appartenir au
l'lveram.
Seulement, si la commune avait besoin de se
mettre sur-Ie-cbamp en possession de l'objet du
litige et d'y f:lire des travaux qui en alLérassent la
�ru
DOMAINE PUBUC.
''787
forme, il conviendrait d'en dresser un élat descriptif très-exact, pour que les tribunaux puissent y
puiser les renseignemen ts nécessaires; cette pré<:aution sera surtout utile s'il y avait lieu à action
posseSSOlre.
Enfin, dans la dernière hypothèse, l'affaire devra
,être portée devant le juge de paix, conformément
·à J'art. 15 de la loi du 21 mai 1836.
Si, au contraire, les riverains 'ou quelques-uns
·d'entre eux font défaut, la question de compétence
sera pl us difficile, parce que leur silence laissera
'<lans le doule la nature de l'exception qu'ils pourront avoir à présenter plus tard. Cependant on
conçoit que l'opération ne devra pas en être entra'Vée; nous pensons qu'alors une action en bornage
ordinaire devra être portée devant le juge de paix,
conformément au 2 e S de l'article 6 de la loi du
'25 mai 1838.
.
Cette dernière marche devrait aussi être suivie si
le riverain était incapable de consentir au bornage,
'par exemple, s'il était mineur, interdit, etc., etc.,
ou si c'était la commune qui refusât d'y procéder
sur la demande du voisin.
Quoique, dans ces divers cas, le juge de paix
'fasse moins l'office de juge que d'officier public
chargé seulement de constater un fait, puisqu'il ne
peut rien décider, la commnne n'en deVl'a pas
-moins être autori5ée à procéder, conformément à
l'art. 49 de la loi du 18 juillet 1837, dont les
termes généraux u'admettent d'autre exception
�788
que celle contenue dans l'art. 55, relativement
aux actions possessoires. Le riverain qui vonJl'ait
se porter dem,mdeur en bornage serait anssi dans
la nécessité de présenter le mémoire exigé par l'article 51 de la mêmè loi.
Au reste, comme les efforts de !'adll1inistration
municipale devront toujours tendre à prévenil' une
instance judiciaire dispendieuse et occasionnant
des retards, le maire qui voudra procéder au bOl'nage d'uu chemin, fera bien d'indiquer, par am.
ches et publications, les jours où l'opération aura
lieu de tel point à tel autre point, en invitant les
riverains à se tfOuver sur les lieux, assistés d'experts de leur choix; en cas de résislance de quelques-uns, il ne faudra pas moins en terminer avec
ceux qui seront d'accord, saufà reveni,' ultérieurement aux récalcitrants, qui souvent, entraînés par
l'exemple et se voyant en petit nombre, finissent
par céder. C'est en suivant cette marche,que la ville
de Dijon est parvenue à acquérir, sans expropriation, le droit de faire passer l'aqueduc de ses fonlaines publiqnes dans 543 parcelles de terrains de
diverses natures, et situées sur cinq communes
différentes; mais pour réussir dans de pareilles
négociations, il faut les soumettre à une règle égale
pour tous, et dont ancune considération particulière ne fasse dévier. Une sévère impartialité est,
on pent l'affirmer, le moyen le plus sûr de succès.
6° Parmi les mesures de conservation des chemins que peut prescrire le réglemcnt général, on
�789
DU DOMAINE PUBLIC.
ne doit pas comprendre celles qui auraient pour
objet Je déterminer la forme et la dimension des
roues des voitures destinées à les parcourir. Dans
l'état aclncl Je notre législation, les préfets n'ont
pas le pouvoir d't-~tablir des dispositions constitutives J'une police du roulage sur ces voies publiqnes, ni d'y rendre obligatoires les prescriptions
l' "
dans
l " Interet
, . d es grau d es routes;
· (eerctf'es
cl es 1OIS
mais on discute en ce moment, à la Chambre des
députés, tlne loi qui f,?tol'iserait cette extension
aux chemins vicinaux de grande commnnication,
sur l'avis motivé des conseils de département.
La généralité des termes de l'ordonnance royale
du 29 octobre 1~h8, relative à la longueur des
moyeux des voitures de roulage et autres, circulant dans toute f'étendue du royaume.. nous fait
penser qu'elle serait exécutoire sur les chemins
vicinaux de toute nature.
Moins à titre de dispositions susceptibles de
faire partie du réglement général, que comme indication de mesures recommandées à la sollicitude
des admiuistrateurs , nous présenterons les observations suivantes, par lesquelles nous terminerons
le commentaire de notre article 21.
Les frais de construction et de réparation
des chemins dépassant généralement la valenr
même du sol sur lequel ils sont établis, il conviendrait, à moins d'accidents très - pr.ononcés
TOM:. II.
50
�790
•
TRAITÉ
de terrain, de les redresser et de les établir en ligne
droite SUl' toute la distance qui sépare une commune d'une autre. Cinq kilomètres de chemin,
de six mètres de large, n'occupent qu'une superficie de 3 hectares, dont le prix moyen ne s'élèverait pas au·dessus de 1500 francs. Cette somme,
sur laqnelle il y aurait à déduire le prix de revente
de la partie abandonnée, n'est presque rien en
comparaison de la dépense qu'entra~nentl'empier
rement et l'entretien d'une pareille longueur de
chemin. Indépendammen"t Ode la quantité de terres
qui serail rendue à l'agriculture, et de la l'apidité
qu'acquerraient par là les communications, il Y
aurait une économie considérable sur les frais de
première mise en état et de réparations annuelles.
Il y aurait aussi un grand avantage à niveler autant que possible les chemins, ou au moins à
adoucir les rampes trop rapides que la plupart présentent, en abaissant, souvent à peu de frais, les
hauteurs dont les déblais seraient reportés dans
les bas - fonds. Lorsque l'élévation serait trop
grande, et que le sol présenterait trop de difficultés, il n'y aurait d'autre moyen que de tourner
au pied de l'éminence. La règle de la diminution
de longueur devrait céder dans ce cas.
Un point non moins important est. ]a suppression d'un assez grand nombre de chemins, qui,
sans être tout-à-fait iuutiles, ne sont pas cependant d'une indispensable né~essité. Il n'est pas
rare de trouver deux uu trois chemins conduisant
�DU DO:MÀINE PUBLIC.
791
d'un village à un autre, etqui, tous mal entl'etenlls; seraient remplacés avec avantage parun seul
en bon état.
e.'< Les chemins sont malheureusement trop nom» breux, disait M. Thiers, président du conseil, à
" la séance de la Chambre des pairs du 28 avril,
» on en a beaucou p trop tracé; toutes les com» munes sont toujours teutées d'en multiplier le
» nombre.•... Il y en aura beaucoup à abandon» ner, et tout amendement qui aura pour but d'é» lendre la classification, ne sera pas bon. »
Quand trois communes, par exemple, ne sont
pas exactement situées sur la même ligne, il Y a
ordinairement trois chemins, deux communiquant
des communes extrêmes à celle du ~ilieu , et un
autre joignant les deux premières entre elles. Si
l'angle est très-ouvert et la déviation peu considél'able, il conviendra de snpprimer ce troisième
chemin, en ne conservant que celui qui traversera
les trois communes. L'inconvénient de la longueur
est compensé bien au-delà par les avantages du bon
état de viabilité.
Ce sera peu d'avoir créé une législation spéciale
sur les chemins vicinaux et d'avoir établi de sages
réglements pour leur police et pour leur conservation, si l'on n'enseigne en iuême temps les moyens
de les construire et de les rép~rer. Dans les campagnes, un utile emploi des ressources ne sera pas
llloins difficile à obtenir que les ressources ellesmêmes; et sans nne bonne direction des travaux,
�792
TRAITÉ
les dépenses énormes qui serout failes chaque
année, au lieu de produire les heureux résultats
que l'on doit en attendre, deviendront un sujet
malhc1lI'eusement trop bien fondé, cie plaintes et
dedécouragement.Rien n'est plus pénible,en effet,
qu'un travail iHlp,'oductif, et l'on ne parviendra à
faire exécutel' la loi, qu'autant que les avantages
-qui en résulteron t seron t en ra pport avec les sacri·ficcs qu'elle impose; aussi l'un des principaux
soins de l'autorité supérieure, soit les préf~ts pour
leurs départements respectifs, soil plutôt le ministre
pour la France entière, devrait être de faire rédiger,
par des gens de l'art, une instruction claire et à la
portée de toutes les intelligences, dans laquelle on
résumerait, en quarante ou cinquante articles, les
principes les pIns simples et les méthodes les pins
économiques pour le tracé, la construction, l'entretien annuel el les réparations des chemins vicinaux. Un semblable ouvrage, adressé à toutes les
communes, serait le seul moyen de donner aux
habitants des campagnes et à leurs administrateurs
imOlédiats,des notions qui leur manquent, et qu'ils
n'il'Ont certainement pas chercher dans des traités
volumineux, qu'ils ne pou n'aient souvent pas
comprendre, lors même qu'ils auraient les moyens
el la volonté de se les procurer.
Enfin, persuadés que nous sommes, comme
Tlons l'avons déjà laissé pressentir plus d'une fois,
que la loi eût été. d'autant meilleure qu'elle eût
moins laissé de latitude à l'autorité municipale,
�DU DOMAINE PUBLIC.,
793
trop disséminée en France, nous insisterons vivement pour que les préfets, se réservatlt la part la
plus brge dans l'administration des voies qui nous
occupent, centralisent antant que possible, en un
fonds commun, les ressources qui leur sont applicables,. et surtout fassent partir d'un centre unique
la direction et l'exécution de tous les travaux. Si,
au lieu de ce mécanisme simple et d'un usage fa- '
ciJe, on persistait à laisser l'élément communal
dans un état d'isolement et d'indépendance, on
créerait une machine compliquée, dont les rouages
mal assortis et obéissant à des forces divergentes,
Ile pourrllient jamais fonctionner avec ensemble
et régularité.
AR TrCLE XXII.
»
~,
578. cc Toutes les dispositions de lois antéricures demeurent abrogées en ce qu'ell-cs auraient de contraire à la présente loi. »
Ce n'est pas sans un vif sentiment de regre~ que
nous voyons nos lois se terminer invariablement
par cette formule banale, qui, loin de simplifier la lé·
gislation, en fait un chaos inextricable, dans lequel
les jurisconsultes même les plus exercés ont peine
à se reconnahre. Vainemen t on proclame dans
les Chambres, que la codification doit être l'œuvre
des compilateurs; nous pensons, au contraire, que
ce serait un devoir du législateur de reproduire les
Jiverses dispositions antérieures auxquelles il veut
�416
TRAITÉ
suite s'appliquer aux mêmes ubjets; là où il y aUra
lieu à procédure sommaire, il devra y avoir lieu
aussi à réduction des droits d'enregistrement.
Une conséquencë importante de la disposition
de ce second alinéa de l'art. 20., et qui vraisemblablement a déterminé les auteurs de la loi à l'adjoindre au premier comme tendant au même but,
est que les dépens des instances relatives aux chemins vicinaux doivent être taxés dans la forme
prescrite par l'art. 67 du tarif arrêté par le décret
impérial du 16 fév.rier 1807; article qui n'alloue
aux avoués. ni droits de consultation, de correspond·ance et d'ét~ts, ni honoraires de plaidoiries
d'avocats, ni frais d'écritures, et qui se borne à
ac~order une somme unique proportionnelle cependant à, l'importance de l'affàire évaluée par Je
juge taxai eur J et plus ou moins forte, selon la
classe à laquelle appartient le tribunal.
ARTICLE
5'14.
cc
XXI.
Dans l'année qui suivra la promulga-
» tion de la présente loi, chaque préfet fera, pour
~, en assurer J'exécution, un réglement qui sera
)' communiqué au conseil général et transmis
)' avec ses observations au ministre de l'intérieur
» pour être approuvé s'il y a lieu.
» Ce réglement fixera dans chaque département
» le maximum de Ja largeur des chemins vicinaux;
" il fixera en outre les délais nécessaires à ]'exécll-
�DU DOMAINE PUBLIC.
417
tion de chaque mesure; les époques auxquelles
les prestations en nature devront être faites; le
» mode de Jeur emploi ou de leur conversion en
» tâches, et statuera en même temps sur tout ce
»qui est relatif à la confection des rôles, à la
» comptahilité, aux adjudications et à leur forme,
ln aux alignements, aux autol'isations de construire
» le long des chemins', à l'écoulement des eaux,
» aux. plantations, à l'élagage, aux fossés, à leur
»curage et à tous autres détails de surveillance
» eol de conservation. :»
:»
»
-Cel article, par lequel le législateur, comme
fatigué de la lâche qui lui était imposée, et ayant
hâte d'en finir, a cherché à suppléer aux lacunes
qu'illaissait dans son œuvre, investit les préfets de
pouvoirs immenses, plus étendus même, en certains
points, qu·e ceux qui appartiendraient au Roi en
pareille matière; il est certainement très-fâcheux
que pour des objets aussi importants que ceux auxquels s'applique la disposition qui nous occupe,
on ait ainsi substitué la volonté du magistrat à la
volonté de la loi qui seule devait commander l'obéissance.
Si nous le regrettons , c'est moins parce que
nous 'redoutons des abus que le contrôle du conseil
général et l'approbation ministérielle éraient de
nature à prévenir, que parce que ce mode de régler
une matière qui intéresse toule la France, tend
à modifier le principe politique si utile et dont
�418
TRAITÉ
l'application était ùepuis si longtemps réclamée, de
l'unité de la législation, le plus heureux résultat
de la révolution de 1789 (a).
On peut sans doute, en effet, avoir des réglemen ts a ussi bons que l'eût été la loi; mais ils son t
an nomb.'c de 86, et par là font renaître les inconvénients attachés à la diversité ùes anciennes
coutumes, quiaussiétaient peut-être plus conformes
aux mœurs, aux habitudes et aux besoins des provinces qu'elles régissaien t, que la loi générale portée
depuis. Dans l'impossibilité d'arriver à la perfection,
nous eussions préféré quelques v~olel1ces faites aux
habitudes locales, et certaines mesures d'une exécution un peu moins facile dans les commence"
ments, à des règles variant de pays à pays, ne
présentant aucun ensemble, et ne dérivant d'aucun
principe général. A notre avis, le despotisme de la
loi ~st encore plus tolérable que l'arbitraire de
l'homme.
Nous admettrions, si l'on veut, que le besoin
d'approprier les mesures légales à chaque contrée
(a) Cette idée de former un corps de droit unique a préoccupé
dans les temps anciens et modernes les meilleurs citoyens ellcs
plus grands hommes d'Etat: Cicéron, Pompée, César, Justinien
chez les Romains; Clovis, Charles VII, Louis XI, L'hospital,
Lamoignon et Daguesseau en France, se sont livrés à cet immense
travail qu'il a été donné à Napoléon d'accomplir pour la plus
grande partie dans ses codes, et qui forme certainement son
titre de gloire le moins contesté et le plus impérissable.
�DU DOMAINE PUBLIC.
419
eût pu faire abandonner le principe de l'uniformité
de législation , si on eût attein t réellemen t le bu t
proposé, et si la loi eût dû être d'une application
plus jnste et plus commode. Mais on n'a pas fait
attention que la circonscription des départemellts
déterminée dans des vues politiques, et d'après
'des b3ses statistiques, n'a aucun rapport avec la
constitution physique des diverses régions de la
France, qui seule peut avoir de l'influence sur la
manière d'établir ou de réparer les chemins. Il est
peu de départements dont le territoire n'offre des
différences très-marquées, à tel poin t que certaine
_partie ressemble beaucoup plus à telle antre d'un
département fort éloigné, qu'à un canton voisin
ressortissal1tdela même préfecture. Pour appliquer
le principe dans toute son étendue, il aUl'ait falln
·dire que chaqnecommune,ou même que chaque section de commune aurait son réglement particulier.
Si les préfets avaient voulu faire des réglements
appropriés aux besoins et aux usages, ils auraient
été obligés de fractionner leur ressort en plusieurs
catégories, ayantleur fondement dans les accidents
du sol, la nature des terrains, le genre de culture,
l'état de la civilisation et de l'industrie; les prescriptions pour un pays de plaine ne pouvant s'appliquer aux parties montagneuses quoique situées
dans le même département. 01', si c'est sous cc
point de vue qu'il fallait diviser la France, c'était
à la loi on aux ordonnances royales à disposer, el
non aux administrateurs des lieux, qui n'ont pas
�,,.20
TRAITÉ
dû être moins embarrassés pour un seul département, que le législateur l'eût été pOUl' tout le
royaume.
On s'exagère d'ailleurs beaucoup trop les nécessités locales et les exigeuces en quelque sorte individuelles pour lesqllelleson montre tant de respect.
Elles ont généralement bien moins d'importance
.
d' autres
qll '
on1
ne e suppose; nous n ' en vou d nons
preuves que les difficultés et les procès engendrés
pal' les renvois que le Code civil a faits, particulièrement en ce qui concerne les servitudes, aux anciennes contumes. Les tribunaux sentent presque
parlout le besoin d'en revenir aux règles fixées par
ce Code à déf~ll1t d'usage particulier, même dans
les lieux où ces usages existaient; par exemple, .
relativement à la distance en fait de plantation
d'arbres, nous sommes convaincu que dans les dixneuf vingtièmes de la Fl~ance, on obsel've celle de
deux mètres fixée par l'art. 671 du Code civil. La
dispositiou de l'art. 678, qui exige 19 décimètres
pour l'ouverture de fenêtres d'aspect, a, malgré les
diHërences qui existaient autrefois pour cet objet en
France, fait naître certainement moins de procès,
et, par conséquent, produit plus de bien, précisément parce qu'elle est absolue et générale, que
celle plus flexible qui concerne les arbres. Récemment encore, lorsque la loi du 20 mai J 838 a soumis les cas rédhibitoires dans les ventes d'animaux
domestiques, à des règles uniformes substituées aux
usages nombreux, variables et incertains qui avaien t
�421
DU DOMAINE PUELIC.
été maintenus par l'aIt. 1648 du Code civil, a-t-on
fait f'lltend re qnelques plai n tes, et cette sage mesure
n'a-t-elle pas au contraire été acr,ueillie avec empressement et reconnaissance? Depuis longtemps
nuus faisons des vœux pour voir remplacer de
mème, par des dispositions générales et précises,
celles des art. 645,671, 674, 1736 et 1762, de
ce Code, gni, à notre avis, déparent, en en détruisant l'nnité, le pIns beau monnment de législation qu'ait encore él,evé le génie de l'homme.
Les 360 coutUmes locales qui régissaient autrefois le nord de la France, pouvaient convenir dans
un temps où, fautede moyens de communication,
chaque pays .était isolé et n'avait que des rapports
rares et difficiles avec ceux qui l'avoisinaient; mais
aujourd'hui que notre sol est sillonné e~ tous sens
par des grandes routes et des canaux, et le sera
probablement bientôt par de nombreuses lignes
de rails-va ys ; qu'à l'aide de la loi qui nous occupe,
il faut l'espérer, un réseau de chemins de moindre
importance Je couvrira complétement et fera
pénétrel' l'instruction et les bonnes méthodes
jusque dans' les endroits les plus écarlés; que
l'aisance se répand partout avec la civilisation, les
moyens d'opérer sur les chemins vicinaux doivent
. 'a peu pres
. partout 1es memes, et c 'A
"
elre
eul etc
une idée féconde, même pour l'industrie agricole,
que de chercher à les rendre généraux, à les populariser eu quelque sorte, au lieu.de les spécialiser
et de les renfermer dans d'c.~lroiles limites. Si la
A.
TOll1.
II.
'
�1~22
TRAITÉ
loi doit se plier jusqu'à un certain point aux mœurs
et aux habitudes des nations, elle doit aussi chercher à les rectifier et à les rendre meilleures;
l'abandon que chacun est alors obligé de fail'e d'une
partie de sa liberté individuelle, tourne à l'avantage
de tOI1S, et est le plus sû'r garant de la liberté générale.
Que les préfets eussent été 'chargés de fixer les
délais nécessaires à l'exécution de chaque mesure,
les époques auxquelles les prestations en naturè
devront être faites, le mode de leur emploi ou de
leur conversion en tâches, on le conçoit: ce sont
des mesures de détail et d'exécution qui ne touchent en rien à la propriété privée et qui n'inté~
ressent que peu les citoyens•
. Mais il en est bien différemment de la fixation
du maximum de largeur des chemins, des alignements, des autorisations de construire le long des
voies publiques, des plantations, de l'élagage, des
fossés. Quel(~ues principes généraux appropriés
aux diverses natures de sol et de culture dans toute
la France, et non pas appliqués à une certaine
étendue de territoire prise en bloc, auraient très"
facilement réglé ces points et auraient pu êU'e
accompagnés d'instructions dressées par des gens
de l'art, approuvées par le ministre, et qui auraient
descendu dans des détails d'art et d'exécution
qu'une loi ne peut convenablement comporter.
Il aurait dû en être de même relativement à la
confection des rôles, à la comptabilité, aux adju-
�DU DOMAINE PUBLIC.
423
dications et à leur forme; points sur lesquels on
ne conçoit pas que la localité puisse exercer Ilne
influence telle, qu'il aIt été indispensable de s'en
référer à cet égard aux préfets.
Le ministre de l'intérieur l'a tellement senti
que dans sil circulaire du 24 juin dB6, il a prescrit
à ces fonctionnaires des règles nniformes, qui
auraient été beaucoup mieux placées dans la loi ou
dans une ordonnance générale. Il dit sous l'art. 4,
p. 40 de l'édition officielle: « Les époques des
» travaux et leur mode d'exécution peuvent sans
»doute varier dans les diverses régions du
;n royaume; mais la rédaction des états-matrice,
» la confection des rôles, les formes de la libéra;»
tion des contribuables, enfin la reddition des
) comptes, ce sont là des détails qui peuvent et
) doivent être réglés uniformément. n Sous l'article 21 , page 104, il ajoute: <c Parmi les matière
» sur lesquelles la loi vous donne l'initiative pour
) la rédaction de votre réglement, il en est uu
» certain nombre à l'égard desquelles la diversité
» des localités est évidemment sans inflnence; ce
» sont: 1° la confection des rôles, 2° la compta» bilité, 3° les adj udications et leurs formes ~
» 4° les alignements et autorisations de construire.
) Le dernier de ces objets n'est que l'application
» de principes généraux. dont l'administration ne
» saurait s'écarter; les trois autres doivent être
» soumis à des règles uniformes, afin de faciliter
» l'établissement de comptes réguliers et de perI
•
�42~
TllAlTÉ
mettre à l'autorité centrale d'exercer le droit
» de surveillance que la loi n'a pas vouln lui en» lever. Je vais donc vous tracel', SUl' chacune
» de ces pa l'lies du service, des règles don t je vODS
» invite à ne pas vous écarter. ),
N'est-ce pas là la plus forte critique qlle l'on
pOllvait faire de la disposition qui nous occupe?
Cependant l'auteur du Cours de droit administratif'appliqué aux travaux publics s'élève
co·ntre notre manière de voir à ce sujet. ce Nous
» ne saurions partager, dit-il (tom. 3, pag. 406,
e
» 2 édit. ), la crainte qu'éprouve uu jurisconsulte
» de voir sortir de ces -règlements locaux 86 Codes
.» différents -, dont la confilsion égalerai t celle de
» nos ancieunes coutumes. Les objets qu'énonce
» l'art. 21 étaient, en effet, pllltôt<1U ressort des
» réglements que du domaine de la loi; ail sllrpllls,
» ces réglements des préfets ne manqueront p<1S
» de toute espèce d'harmonie et de conformité
') entre eux, puisqu'ils sont soumis à l'approbation
» du n1Ïnistrc de l'intérieur. De là, celle riche
» moisson de renseignements dont se compose le
» rapport faitannllellement au roi, d'après lesquels
» le ministre pourra discerner les mesures suscep» tibles de s'appliquer à toutes les localités qui sc
» trouveront dans des circonstances analogues et
» qni pourront former des catégories distinctes,
» telles que les pays de plaine, les pays de mon') tagnes; l'expérience recommandera telle mesure
» comme commode et favol'able dans telle nature
» cie climat, dans un pays plutôt agricole qu'in»
�425
DU DOMAINE PUBLIC.
dustriel, ou réciproquement, ct les dépane» ments se feront -des emprunts réciproques. "
N oùs ne pourrions, à notre tour, adopter en
partie ces idées qu'autant que la disposilion qui
nous occupe serait-considérée comme une mesure
d'essai, d'élude et de transition, destinée à préparer, pour un avenir peu éloigné, une loi OH une
ordonnance générale plus parfaite; mais si après
qnelq,;es années d'expérience on ne procédait pas
à une refonte en un seul corps de tous les régIemen ls particuliers, nous n'en persisteriotls qu'avec
plus de force dans notre avis; d'ailleurs l'examen
que nous avons fait de plusieurs de ces arrêtés nous
donne la certitude que l'œuvre que nous proposons et que nOllS avions eu un instant le projet
d'en lreprend re, ne serait ui longue ni difficile;
jointe à la révision de la loi du 21 mai] 836, à
l:rquelle il conviendrait d'ajonter les artieles en
petit n'ombre des lois antérieures, non abrogés,
elle procurerait un Code complet de la vicinalité.
575. En descendant de ces réflexions gén(~
l'ales suggérées par l'esprit de notre article, à l'examen de ses dispositions, nous avons à nous expliquer sur le caractère du l'églem~lIt qu'il prescrit,
à indiquer la sanction qui doit en assurer l'exécution et enfin à présenter quelques observations
sur les plus iniportants des points qu'il est destiné
, ,.
a regll'.
Et d'~bol'd, <JuoiCJl1e ce ré~lement doive contenir plusicurs dispositions qui rentrent clans le
domaine du législateur, il u'est toujours qu'un
»
\
�426
TRAITÉ
acte de l'administration, et n'a pas le caractère
de stabilité qui appartient à la loi. Dressé à la hâte,
dans un très-court délai, et ayan t une portée immense, il est impossible qu'il ait atteint du premier coup, le degré de perfection dont il est
susceptible. Il a donc fallu laisser la faculté, nonseulement d'y apporter quelques lDodificatilms,
mais encore de le changer en totalité si l'expériçnce
en démontrait la nécessité.
.
A la séance de la chambre des députés du 8
mars, un membre ayant demandé: « Si passé
» l'année; ou venait à jnger convenable de mo» di fier le réglement, la modification pourrait
» être faite suivan t les mêmes· fOl'mes, »
le
rapporteur répondit: Cc La modification est de
» droit; » ce qui fut appuyé par un autre membre
en ces mots: cc Non-seulement la modification,
» mais même le réglement. » C'est-à-dire que
ce réglement pourra être changé en totalité.
Mais pour que le changement soit obligatoire,
il, faudra qu'il soit OpéTé en suivant exactement
la marche tracée par l'art. 21 pour la confection
du premier réglement, c'est-à-dire, qu'il devra
être communiqué au conseil général et transmis,
avec ses observations,' au ministre de l'intérieur
qui y donnera son approbation; à défaut de ces
.formalités, il ne l'en trerait pas datis la classe des
réglements faits par J'autorité administrative, qui
reçoivent la sanction portée en J'art. 471, S ] 5 du
Cod. pénal; c'est c~ qu'a décidé la Cour de cassa-
�DU DOMAINE PUBLIC.
tion par trois arrêts des 15 et 27 décembre 1838
et 8 août 1840 (Sirey, 39-1-816); par l'avanfdernier, elle a jugé ce en droit que le réglement
» général, fait en exécution de l'art. 21, aLroge
:» virtuellement, par le seul fait de sa puLlication
» dans chaque département et ponr tous les cas
» qni s'y trouvent prévus, les anciens réglements;
» que les préfets ne pen veut dès-lors pas ensuite,
» se référant à ces anciens réglements, les faire
» revivre et rendre nulles et de nul effet une ou
» plusieurs dispositions de leur réglement général,
» par un arrêté spécial qui n'a été préalablement
» ni soumis à la délibération du conseil général,
» ni approuvé par le ministre auquel la loi du
» 21 mai 1836 a réservé le pouvoir de le rendre
» obligatoire. »
M. Cotelle commet une erreur lorsqu'il dit
( pag. 408 de son Cours de droit administratij;
e
2 édit.) que le nouvel arrêté pris par le préfet,
même avant son approbation par le ministre,
abroge les dispositions de l'al~cien, pourvu qu'il
ait été communiqué au conseil général, quoique
cep'endant il ne soit point obligatoire dans les
dispositions suLstituées aux anciennes. Nous ne
voyons pas sur quoi pourrait se fonder celte distinction. L'effet du réglement est indivisible; sans
autorité pour disposer, il n'a pas plus de valeur
ponr abroger; l'arrêt de.la Cour de cassation du 15
déc'embre 1~38, cité par cet autenr, ne vient nulle.
ment à l'appui de son opinion; il dédare, au con-
�428
TRAITÉ
traire, l'inefficacité com pIète du réglement tant q n'il
n'l'st pas revêtu de toutes les formes prescrites.
Si le préfet ne peut seul modifier son réglelllent
généra J, le maire le pourra encore moins, ainsi
que l'a jugé la Cour de cassation dans l'affaire
:Bollvyer, le 27 j nin 1 ~39; il Y a pIns, c'est que
nous pensons, avec la même Conr (arrêt du 5
aoùt 1l537), qne l'autorité municipale a été dépou illée, par l'art. 21 qui nous occupe, du droit de
fdire des arrêtés s~r les points qui y sont mentionnés, lors même que le préfet, auquel ce droit a
été spécialement et exclnsivemel1l confié, aurait
omis d'y statuer. Dans ce cas, ies anciens réglements seraient seuls 'obligatoires, un arrêt de la
Cour snprêl"ne ayant décidé, le 22 JUIllet 1837,
qn'ils conservaient leur effet jusqu'a la promulgation du DOUVeal1.
En pareille matière, le maire ne redeviendrait
compétent que si le l'ég!emeDt général lui réservait
quelques points a régir; alors'il tiendrait son pouvoir non de la loi. directement, comme pour les
objets confiés à sa vigilance par les lois des 16-24
aoùt 179°,19-22 jniliet 1791 et 18 juillet 1837,
maisd'une délégation spéciale dn préfet, approuvée
par le conseil général et par le ministre.
576. Pour connaître ]a peine dont est passible
l'infraction au réglement dn préfet, il faut distin"
guer.
Lorsque cette infraction constitue un délit déja
prévu par le Code pénal ou par toute autre loi ae-
�DU DOMAINE PUBLIC.
429
tuellement en vigueur, la peine portée par ces lois
doit être appliquée comme dans les cas des art. "437
pour destruction de ponts, dignes ou chaussées,
44 5 ,446, 447 et 448 pour arrachement ou mutilation d'arbres, 456 pOUl' cornblement de fossés,
bris de clôture J destruction d~ haies, suppression.
de bornes, 457 pour inondations de chemins par
sur-élévat\on de déversoirs d'usines J 479 J nO 4,
pour encombrement, excavation ou telles autres
œuvres dans ou près les rues, chemins, places
ou vuies publiques, sans les précautions ou signaux ordonnés ou d'usage, et qui auraient occasionné la mort ou les blessures d'animaux ou
bestia IlX.
Lorsqu'il s'agit de dégradations ou de détériorations des chemins, de quelqne nature qu'elles
soient, d'usurpations sur leur largeur J ou d'enlèvement, sans autorisation, de gazons, terres ou
pierres pris dans ou sur leur sol, les numéros I l
et 12 ajoutés à l'art. 479 du Code pénal par la loi
du 28 avril 1832, punissent celle contravention
d'une amende de I l à 15 francs, et, en cas de
récidive, d'un emprisonnement de cinq jours,
Enfin, lorsque le fait défendu par l'arrèté du
'c
",
,
J'
• ,
, • 1
prelet
na
ele prevu
0 une mamere specla e pal'
aucun texte formel, llamende d'uu à cinq francs
avec emprisonnement pendant trois jonrs, en cas
de récidive, doit être prononcée en vertu, soit du
nO 5 de l'a!'t. 471 du Code pénal, soitdu r}0 lb nouvellement ajouté audit article J et ainsi conçu:
�430
TRAIT.É
Seront punis d'amende, depuis un franc jusqu'à
cinq francs inclusivement, ceux qni auront con~) trevenu aux réglements légalement faits pal~
~) l'autorité administrative. "
Quant à la question de savoir quelle est l'autorité compétente pour statuer sur les contraventions relatives aux chemins, nons la traiterons en
examinant dans le commentaire de l'art. suivant
si l'art. 8 de la loidu 9 ventôse an XIII, concernant
les usurpations sur leur sol, est encore en vignenr.
577. Les points dont notre article 21 confie
le réglement aux préfets, peuvent être rangés en
deux classes: les uns comprenant les mesures relatives à l'entretien périodique des chemins, et les
autres ayant trait à la propriété de leur sol et aux
droits et servitudes nécessaires à leur usage, à leur
conservation ou à leur amélioration.
Les premiers son t relatifs à la fixation
1 ° Des délais nécessaires il l'exécu tion de chaque
mesure ,
2° Des époques auxquelles les prestations en
nature rlevron t être faites,
3° Du mode de leur emploi ou de leur conversion en dl.ches ,
4° De celui de la confection des rôles,
5° De la manière dont la comptahilité doit êtl'e
établie,
6° Et de la forme des adjudications Ca).
«
»
Ca) Pour les cahiers de charges des travaux d'art ou de
�DU DOMAINE PUBLIC.
431
Les seconds concernent
1 ° La largeur à donner aux diverses espèces de
chemins,
2° Les fossés et leur cur~ge,
3° L'écoulement des eaux,
4° Les plantations et l'élagage,
5° Les alignements et les autorisations de construire,
6° Enfin tous autres détails de surveillance et
de conservation. _
Nous n'examinerons pas séparément chacun
des points de la première catégorie, parce que,
comme le dit très-bien M. Garnier ( pag. 1 iode
son Supplément à la 4e édit. du TraiU! des
chemins), ils sont plu~ du domaine de j'administration pratique que du jurisconsulte, et que, d'ailleurs, ils ont élé suffisamment expliqués daüs
l'instruction miuislériel1è du 24 juin 1836.
Nons nous bOl'l1erons seulement à présenter
quelques observations sur une opinion que M. Prondhon a émise au nO 514 de la 1 re édition du Traité
du domaine public., par rapport au mode d'exécution des prestations en nature; il prétend que
terrassements, on pourra consulter celui de·l'administratiol~
des ponts et chaussées, arrêté le 25 août 1833 (Sirey, 36-2-518);
celui pour les ouvrages de la ville de Paris et celui pour le
génie militaire, rapportés textuellement l'un et l'autre dans
le Code des architectes> par M. Fremy-Lig~eville, pag. 335
et 353.
/
�432
TRAITÉ
les communes ne peuvent, comme autrefois, du
temps de la corvée, sous-diviser les travaux à faire
sur les chemins eu divers lots, exécutés chacun
par un certaiu nombre d'habitants, et que toutes
les journées doivellt être conférées en commun ou
en masse, sans égard à aucune division tracée sur
le sol.
Nous ne sam'ions partager cet avis, et le système
contraire que le réglement préfectoral pourra prescrire, la loi nouvelle n'y mettant aucun obstacle,
nous paraît de beaucoup préférable.
En effet, le travail exécuté sur une étendue
déterminée, par un certain nombre d-'ouvriers,
sera pins utilement et mieux fait gue si tous les
habitants étaient rassemblés dans on même endroit.
Réunis en trop grand nor~lbre, ils se noisent réciproquement, et sont d'alltant moins disposés à
utiliser lem' tf'lllPS, qu'il devient impossible d'exercer one sorveillance sur chacun, et que la paresse
des uns est contagieuse pour tous. Nous pensons
même qoe le meIlleur moyen serait cell.i déjà
adopté dans plnsienrs communes, d'évaluer les
prestations en tâches que chacun pourrait faire aux
jours etaux heures qui lui conviendraient le mieux,
quoique cependil11t dans un délai déterminé.
Ce mode, sans compliquer beanconp plus la
comptabililé, exigp.rail moins de surveillance,
gênerail moins la liberlé inoiviouelle, répartirait
la charge d'ulle manière pius exacte, et produirait
environ un lÏers d'ouvrage de plus; il est recorri..:
�DU DOMAINE PUBLIC.
433
mandé avec beaucoup d'insistance par le ministre
sa circulaire du 24 juin 18:16;
et à la séance du 29 avril précédent, M. HumhlotConté en a fàit le plus grand éloge, en rappelant
les heureux résultats qu'il avait eus dans plusieurs départements. Examinant la question de
savoir si la prestation contre laquelle plusieurs
membres s'étaient élevés, rapportait en fait tout
ce qu'elle pouvait rendre: (c Non, dit-il, quand
» elle sera exécutée de la manière dont s'exécu')' laient les corvées. Il est bieI~ certain que lors:J) qu'on ordonne à tous les habitants de se rendre
)' à un jour donné sur le chemin, pour exécutel'
» leur prestation, celte prestation est très-impar» faitement exécutée. Dans quelques communes
» qui ont le bonheur d'avoir un maire très-zélé,
» celui-ci, en prenant les habitants pal" pelotons,
..
.
,
.
..
.,
» SI Je pOlS nl expnmer a111sI, et en aSSIstant a
» leurs travaux, peut en tirer un bon parti; mais
" lorsque les maires sont moins zélés, ils font ve» nir tous les habitants à la fois, ct alors le travail
)' se fait excessivement mal. C'est pour prévenir les
)' inconvénients d'un pareil mode, que l'on a Îma» giné dans certains départements de convertir la
» prestation en tâches .... Les assujettis à ces pres" tations exécutent les travaux et les transports
" dans le temps qui leur convient le mieux; et tout
» le monde sait que dans les campagnes il y a un
» grand nombre de jours dont les habitants ne
» trouvent pas l'emploi. C'est précisément de ces
oe l'intérieur dans
�43~
TRAITÉ
jours que les cOlnribuables profitent pour ac:» quitter leur prestation en nature. LOI'sque le
» délai est expiré, et ce délai est toujours assez
:t> loug, le maire, accompagné de quelques autres
" personnes, vient SUl' le chemin, fait la recon» naissance de tous les travaux, et puis, à un jour
» donné, il convoque les autres habitants et leur
» fait répandre la pierre... Quand la prestation en
» nature se fera par le moyen de tâches, comme
» ce mode n'exige pas la présence du maire plu» sieurs jours de suite sur le chemin, qu'il ne der
» mande que des ordres et des instructions, les
» maires s'y prêteront facilement. »
Comme nous l'avons déjà dit aux nOS 481 et 494
ci-dessus, il n'est pas, selon nous, de moyen plus
onéreux, moins efficace et moins productif pout
la réparation des chemins, que la prestation en
nature telle qu'clle existait autrefois et qu'elle a
été conservée par la loi nouvelle.
Passons actuellement aux points de la seconde
catégorie ayant trait au corps du chemin en luimême et à ses accessoires.
1° LARGEUR. Ce n'est point la largeur de tous
les chemins de son département, que le préfet doit
déterminer par le réglement général; il doit seulement fixer un maximum qui, à moins de révision de ce réglement dans les formes prescrites par
notre art. 21 , ne peut pas être dépassé et le liera
lui-même dans l'exel'cice du droit qui lui est con:t>
�DU DOlVWNE PUBIJC.
435
féré Sans bornes par les art. 16 et 16 de la loi du
21 mai 1l536.
Ainsi, après cette fixation, il aura à déterminer
pour chaque chemin en particulier, lors de l'approbation qu'il donnera soit au tableau général dressé
pal' le conseil municipal, soit aux délibérations
spéciales de ce conseil relatives à l'établissement
ou au rélargisse~ent d'une nouvelle voie vicinale,
la largeur qu'il devra avoir, en prenant en considér~tion l'importance de la communication, la nature et la disposition du sol, la valeut' vénale des
propriétés à traverser et surtou t les ressources de
:ta commune; cette disposition de son réglement,
'destinée à prévenir des abus et il empêcher l'influence des considérations personnelles, remplacera
seulehlent l'art. 6 de la loi du 9 ventôse an I3, qui
statuait d'une manière uniforrne pour toute la
France, que/ cc l'administration publique fera re» chercher et reconnaître les anciennes limites
" des chemins vicinaux et fixera d'après cette re» connaissance leur largeur, suivant les localités,
n sans pouvoir cependant ~ lorsqu'il sera néces» saire de l'augmenter, la porter au;"delà de six
,> mètres~ ni faire aucun changement aùx chemins
» vicinaux qui excèdent actuellement celte di men» sion.»
Il résulte de là, d'une part, qu'une commune ne
pourra, en vertu de ce seul réglemellt général, exproprier, en suivant les formes tracées par les art.
16 et 16, les terrains nécessaires pour porter ses
�436
TRAITÉ
chemins à la largenr déterminée, el: qu'illni faudra
encore un arrêté spécial et formel, et, d'un autre
côté, qu'elle ne pourra, lorsque p<lr la suite il s'élèvera des dontes et des contestations sllr la largenr d'nn chernin, invoquer, même comme présomption, la disposition contenue dans le réglement.
La loi~n'ayant parlé que du maximum, il s'ensuit qu'aucun minimum ne doit être fixé à l'a
vance; dans certains cas spéciaux, rarps, à la vérité,
mais q ni cppcl1l1é\nt pourron t se rrésen ter, le préfet anra la faculté de déclarer vicinal un simple
sentÎel' de l'ieLl n'ayant qu'nn mètre, ou mème
moins, de largeur.
Le réglement qoit déterminer non-seulement la
largelll' de la chaussée, mais encore celle des talus
quand le chemin est en remblais ou en tranchée,
ainsi qlle ceJIe des fossés et emplacements destinés
au dépôt des matériaux; en cas d'omission à cet
égard, les riverains seraient fondés à prétendre que
le tOllt doit être pris dans les limites du seul maximum fixé.
Voici les instructions que la circulaire du :l.4
juin 1~B6 contient par rapport à cette partie du
réglement: cc Six mètres ponr les simples chemins
" vicinaux, dit M. le ministre, me paraît une lar» geur qu'il convient de ne pas dépasser; il est
" bien rare qne les besoins de la circulation exigent
" davantage; et aller au-delà, c'est augmenter la
» difficnlté cl'obtenir des propriétaires riverains
�DU DOMAINE PUBLIC.
431
» l'abandon gratuit ùcs parcelles nécessaires anx
»
l'élargissements..... Quant aux chemins vicinaux
de granùe communication, le maximum de la
largellr me paraît convenablement fixé à huit
mètres, et je vous en~age fortement à ne pas la
dépasser; il en résulterait trop de difficulLés ponr
obtenir les terrains nécessaires aux rélargissements. Ici, tout en donnant ce maximum
comme indication générale, vous devez, pour
chaque ligne et au moment même où elle sera
classée, arrêter la largeur précise qu'elle devra
»
aVOIr. »
»
»
:»
»
»
»
»
»
»
Ce ne sont là, comme on le voit, que des conseils qui ne doivent point lier les préfets lorsque
des circonstances particulières leur feront seuLÎr
j'utilité d'en agir autrement; cepenùant dans les
divers réglements qui sont venus à notre connaissance, nous n'avons pas remarqué que la dimension de huit mètres ait été dépassée; seulement la
largeur des fossés a été généralement pris'e en
sus; l'art. 2 du réglement pour le déparLement
de la Gironde, dit que cc la largeur des chemins ne
» pourra être portée au-delà de huit mètres, à
» moins d'une autorisation spéciale. » Nous ne
savons ce que l'on a entendu par ces dernières expressions; si elles se réfèrent au préfet seul, elles
nous paraissent contraires à la loi, puisque pOUl' ces
cas spéciaux, il n'y amait ni avis du conseil génél'al, ni approbation du ministre en connaissance
de cause, ce que notl'e article 21 exige néanmoins
Tü:l1. II.
28
�438
'l'lUITÉ
d'une manière positive; si elles ont pour objet, au
contraire, de soumettre l'exception à tontes les
formes du réglement même, elles sont sllperflnes.
2° FossÉs ET 1.EUR CURAGE. PI'esqllc partout et à moins que le chemin, comme ct"la arrive
dans certaines montagnes, ne soit étahli snI' le l'OC
vif, les fossés sont de la plus hallle utilité ~oit pOlll'
assainir le sol, soit pour prévenir les dég~ls dans
les propriétés voisines, soil surtout pour empêcher
que les riverains ne COl11rnettent des anticipations,
ou que, même sans intention d'envahissement, ils
ne condnisentleurs charrues jusque snI' la chaussée
et ne la couvren t ainsi de terre, ce qui n'est pas
tolérable lorsqu'il ya nn empierrement. Dans les
pays bas, où les matériaux solides -manquent, le
produit du repurgerncut des fossés peut être employé avec avanta~e pour réparer les ornières et
excavations qui se forment dans le chemin et surtout pour en exhansser le sol et en bomber le milieu de manière à f<lciliter l'écoulement des eaux.
Un chemin, même tout en terre, est praticable
lorsque la surface en est sèche et bien battue.
Comme partie intégrante du chemin , le~ fossés
devront être portés avec leurs dimensions en largeur et longuenr sur le lableau prescrit par la circulaire du 7 prairial an 13; de même que la
chaussée, ils sont imprescl'iptihles et tloivent être
entretenus aux frais Je la COtlllllllne et avec les ressources créées par la loi dn 21 mai ]836; le réglement général ne pourra mettre leur curage et leur
�DU DOMAINE PUBLIC.
439
entretien à la charge des riverains, ltlnsi que le
prescrivaient, pal" rapportà ceùx des rootes royales,
les dispositions des arrêts do c'onseil dès 26',mai
1705 ct 3 mài 1720 (arl. 4)'; ainsi qu'e dës édits des
16 févrIer 1776 (art. ~), lt li jùillét J78t, implicitcment abrogées par l'art'. 2 de la: loi du 9 ventôse an i3, puis ten'odvelées pdr les art. lè'9 et
110 du décret du J6 dé'cerri})re 18il, à lei1l1 tour
remplacés' par l'art. 2 de la loi do 12 mai J825,
ainsi conçu: cc A dater dil ier j<:üivr r l~h'i; le cu» rage et l'entretien des fossés qùÎ' foril p'à'rtie de
» la propriété des routeS royales èt aé~artëmen
» tales seront opérés par les soins de l'a'dmioistra» tion publique' el ml' les forkls a'ffëctés an niain» tien de la: viabilité destlitc's rdute's. );
Cet" articlè n'a malhéureusement pas I~ésol'u'; par
rapport au curage des fosSés dés routeS rdyiJés ét
départementales, u'ne a'ulrl? qùestion qui se présente
aussi relativ'ément' aiix chëiiiins vidùaux, cëll~ de
. savoir si les ri'vèdiins' pe'i.lv'éni être c'dntr'<iinrs de
recevoir sans! indernriité' Silr le'urs pl~oprÎétés! Fe ptoduit de ct! éuhige~
•
On avait induit ta: négdiivè au réglemen:t dressé
par l'administration des ponts et chaussées po dt fe
service des Càutonniers, ét q'ui pa'rte que c'es ngents
devront jeter les térres dés fossés sdf les tel:raiùs
voisins s~il n'~y a pas d~opp'osiiiort.
Mais par sa circulaire du 30 juillet 1~335, M. fe
directeur général a combattu cette interprétation:
cc Avant la loi du 12 ll13i 1~h5, dit-il, les proprié-
�440
TRAITÉ
taires riverains avaient la double obligation de
» curer les fossés et de recevoir SUi' lenr sol le
» produit du cnrage. Cette 'Ioi les a déchargés de
» la première de ces ohligations, mais elle se tait
» sur la secoude; ct comme une servitnde légale» ment établie ne peut être abrogée ·que par un
» texte précis de la loi, il est évident que la dis» position des anciens arrêts, relative au dépôt des
." terres provenant du curage des fossés, subsiste
» encore aujourd'hui. Mais en cas d~opposition
» d'un riverain, le cantonnier, qui ne peut être
» juge de la question, doit évidemment s'abstenir
,»
jusqu'à ce que le débat ait été tranché par l'au» torité compétente; c'est dans ce sens seulement
» qu'il faut entendre les mots : s'il n~y pas
» opposition, inséré dans l'art. 5 du réglemcnt
» su r les cantonniers. »
Aucune loi ancienne n'ayant 'imposé la même
obligation aux riverains des chemins vicinaux,
l'argument de M. le directeur général ne peut lenr
être applicable; aussi doit-on dire qu"en cas d'opposition, les communes ne seraient point fondées
à fail'e jeter le produit du curage sur les héritages
joignant.
Voyez, au surplus, ce que nous avons dit nO 478
ci-dessus, sur la propriété des fossés existant le
long des chemins vicinaux: et les distances à observer lors de leur établissement.
3° ECOULEMENT DBS BAUX ........ Ce point corn·
prend tout à la fois le déversement des eanx du
)!)
�DU DD:\'1AINE PUBLIC.
~·41
chemin sur les propriétés riveraines et vice vetsd
celui des eaux des héritages voisins sur la voie puhlique; ni l'une ni l'autre de ces hypothèses ne
peut être réglementée d'une manière générale pal'
l'arrêté que prescrit notre art. 21 ; tout dépend en
effet des circonstances et des l'ocalités.
Comme nous l'avons dit ci-dessus, nO 570, pag.
362, l~es propriétaires de fonds joignant un chemin' ne pourront s'y procurer une issue en comhlant le fossé; pour ne pas nuire à l~écoulement
des eaux, ils devront jeter sur son ouverture un
pouceau dont il appartiendra an préfl~t de déterminer l'étendue ct le modede construction; ce magistra t devra prescrire les formes' à suivre pour l''obtention de cet te faculté,et tous les frais que son exercice.
occasionnera, seront à la charge du propriétaire.
S'il s'agit de pratiquer un aqueduc sous 1:1n chemin vicinal pour faciliter l'écoulement des eaux
d'nn de ses bords à l'autre, le travail d'evra être
fait par la commune, ou s'il est réclamé' dans l'intérêt d'un particulier, celui-ci ne pourrait y procéder qu'en vertu de l'autorisation accordée par
le conseil municipal et par le préfet et sous la sur·
veillance de l'agent-voyel' qui aurait à prescrire les
mesures propres à assnrer la sécurité du passage.
NOliS avons dit plus hant que si les chemins
et rues étaient assujettis, à titre de vél'itable servitude, aux aisances des voisins, compatibles avec
la destination de cette partie du domaine public,
telles qne les vues, les issues et passages, il en était
�TRA1TÉ
autrement de celles qui y étaient contraires et à
l'égard desquelles aucun titre ni aucune prescription ne pouvaient jamais être invoqués; de ce
nombre serait évidemment l'écoulement, sur le
chemin, d'eaux ménagères ou (l'ateliers qui aurait
pour effet de le dégrader, de le rendre malpropre
et d'occasionner des accidents dans ]a saison des
gelées; si dans certaines localités cet usage existe,
c'c&t en vertll d'une tolérance de la part de l'administration qui quelquefois est obligée, par des
considérations particulières et pour éviter d'autres
inconvénients, de, ne point user de son pouvoir à
la rigueur et de dire avec le poète: Meliora video
proboque ~ deteriora sequor; mais il n'y a point
de droit proprement dit, ainsi que semblerait le
reconnaître Toullier, tom. 3, nO 48 t, et que
l'enseigne formellement M. Daviel, Traité des
cours d~eau~ nO 946, où il pose en principe que
« tous les propriétLlil'es riverains des voies pu" bliqùes ont la facnlté d'y laisser écouler leurs
:» eaux ménagères. Que cependant l'exercice de
» celte faculté peut être soumis, dans l'intérêt
~) public, à certaines mesures de garantie et qu'il
~) peut même être entièrement interdit à certaines
~) professions, comme aux tripiers, bouchers, etc.,
» et dans certains temps, par exemple pendant
» les gelées. )~
Nous croyons qu'il n'existe de servitude que par
rapport à l'écoulement des eaux. pluviales des toits,
que l'art. 681 du Cod. civil autorise expressément
�DU DOMAINE PIrnLlC.
443
à diriger sur la voie publiC(ue; les édits, arrêtés
de police et ordonnances royales concernant spécialement la ville de Paris, cités par l'auteur à
l'applli de son opinion, ne sont évidemment pas
la reconnaissance d'on droit au profit des riverains;
ils ne foot C(lIe réglementer un état de choses qu'il
était impossible de détruire sans occasionner une
perturbation complète dans la presque totalité des
constrnctions d'une ville étendue; on ne peut pas
plus argumenter dl~ ces actes de J'autorité en faveur de J'existence d'une servitude, que l'on ne
ponrrait en iuduire \lue au profit des étalagistes
~ur les places et dans les l'Iles, dps divers arrêtés
qui out déterminé la forme etla saillie des auvents,
étaux, bontiques, etc.
Nous n'hésitons pas, en conséquence, à préférer l'opinion contraire, professée par M. Proudhon (Traité du domaine public ~ nO 365) et
par M. Troplong (Traité de la prescription ~
nO 14 0 ); elle repose d'ailleurs sur un arrêt de
la COllr de cassation, du 13 février 1828 ( S. ,
28-1-253), où les vrais principes SOllt posés:
« Attendu, portent' les molifs , qn'il est constaté
» ell fail: 1° que de la manufacture du deman» cleur (le sieur Heclh) découlent des eaux mal.
» saines qui incommodent le voisinage; 21) que ces
» eaux, avant d'arriver au fossé dit des O"phelins,
~ traversent, an moyen d'nn aqued'.Jc souterrain,
» l'une des rues de la ville..... Attendu qu'une
» rue est 11ne propriété publique, hors du com-'
�TRAITÉ
merce, qui n'appartient à personue, snI' laquelle,
» pal' conséqnent, personne ne peut acquérir
:» aucun droit de propriété; Attendu que la
:» police en appartierit au corps municipal, et que,
» chargé par la loi de faire jouir les habitants de
» la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de
:» la tranquillité dans les rues et places publiques,
» le maire de la commune peut faire tons les
» réglements et prendre tOlltes les lllf'SUreS néces:» saires pour atteindre ce but; qu'ainsi, en sup» primant, comme l'a fait la municipalité de St.ras:» bourg, un égoÎlt qui répanr\ait des exhabisons
» malsaines, il n'a pas privé le demandenr d'un
» dl'oit de servit.ude, puisqlle personne n'en peut
:» acquérir sur lea rues ~t les places publiques;
;» Rejette ..... »
Ainsi, par son arrêté, le p,'éfet pourra prohiber
l'écoulement, Sllr les chemins vicinaux ou dans
les foss(:s qni les hordent, des eaux ménagères,
de fil miel', d'ateliers et de manufactures; les maires
de chaque commune le pourront également, parce
qne le pouvoir oc police qui leur est conféré pal'
les lois des 24 août 1790 et 22 juiJlet1791 (depuis
con firDJé par la loi cl u 1 ~ jnil1et 1837), pour tout
ce qui il trait à la sécurité du passage cl à la salubrité, ne leur a point été retiré par l'art. 21 de la
loi du 21 lllai 1836, ainsi que l'a reconnu \ln arrêt
de la Conr de cassation, du 4 janvier 1840. Les
mesures prises à ce sujet ne oonneront lieu à aucnne indemnité contre la commune, lors même
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
445
qu'elles causeraient du préjudice aux nverams,
parce flu'il ne peut y avoir lieu à indemnité que
lorsqu'il y a privation d'un droit acquis ou snppr'ssion d'nne servitnde, et que tout ce qni est
conlraire à l'ordre, à la sécnrilé ou à la salnbrité,
ne conslitue jamais un droit qnelque longue que
soit la possession; C'(:'Sl un abus qui ne se prescrit
jamais el qni peut toujours être réprimé; perpetllô
clamat. ( Arrêt de la Cour de cassat. du 23 juillet
1836. -
Sirey~
37-1-245.)
Qnant à l'écoulement des eaux naturelles, soit
de SOlll'Ct', soit pluviales, que notre article 21 a
en principalement en vue,' il est extrêmement
difficile de poser des règles applicables à toutes les
localités et à toutes les circonstances; ce qne nous
ponvons dire, c'est que, soit dans les mesures
générales que le réglement aura à prescrire, soit
dans cellcs spéciales (l"i seront prises dans chaque
espèce parliculière, les préfets devront se conformer aux dispositions du droit commun établi
par l'art. 640 du Cod. civ., ainsi conçu: « Les
» fonds inférienrs sout assujettis, envers cenx qui
') sont plus élevés, à recevoil' les caux qui en
» découlent naturellement, sa'ns que la main de
') l'homme y ait contribué; - le propriétaire io" férieul' ne pent point élever de digne qui em·
" pêche cet écoulement; - le propriétaire supé" ricnr ne peUL rien faire qni aggl'ave la servitude
" dn fonds inférieur. " Ainsi quand la chaussée
d'un chemin établi sur le flanc d'un coteau, far-
�4!i6
TRAITÉ
mera digue et empêchera l'éconlement des eaux
des héritages supérieurs, il f:'ludra construire un
aqueduc transversal qui procurera cet écoulement;
ainsi encore on ne pOllrra faire écouler, soit sur le
chemin, soit dans les fossés, les eaux de manière
à les conduire et à les déverser en un point où la
pente naturelle du terrain ne les dirigeait pas;
ainsi, ~nfin, un liverain inferiellrnc pourra se s(Jlyir
du chemin ct de ses fossés ~omll1e d'un canal de
dérivation, pour s'affranchir de l'obligation de
recevoir les eaux qui, sans cela, arriveraient sur
sa propl'iété. Si quis~ porte la loi 2, S 26 et 27,
ff. ne quid in Joc. pu blic., cloacam in viam
publicam immitteret exque ed re minàs lwhilis
via per cloacam fiat ~ teneri eum Laheo serihit..... Pro in dl! , et si fossam quis in fundo
suo fecerit, et ihi aqua collecta in viam decurrat, hoc interdicto tenebitur.
Si par l'établissement du chemin on était absolument forcé de changer l'état naturel des lieux
et de modifier d'une' ma nière préj udiciable pour
les voisins le régime d'écoulement ordinaire des
eaux, soit en en dirigeant qui n'y seraient point
arrivées, soit en les déversant d'une mauière nuisible, on pourrait sans doute le faire parce que
l'intérêt général doit l'emporter sur l'intérêt pa"ticnlipr et va jusqu'à autoriser l'expropriation du
fonds; mais alors il y aurait lieu à indemnité, comme
nous l'avons expliqué au nO 570 ci-dessus, parce
que c'est à la commune tout entière, ~t non à un
�DU DOMAIl'IE PUBLIC.
447
seul citoyen, à supporter la charge créée dans un
intérêt commun. Quand une chose est d'utilité
générale, elJe peut et doit être exécutée même au
préjudice des intérêts privés, sans distinction de
leur nature et de leur légilimité; il n'échet d'examiner ces derniers points que lorsque l'on en vient
à la question d'indemnité; si cet intérêt a ponr
hase un droit acquis de propriété ou de servitude,
le dédommagement est dÎt et doit être accordé;
s'il ne repose, au contraire, que SUl' un abus, une
tolérance op un usage, il n'y a rien à payer; c'est
ce qui explique Ja différence de solution dans les
deux cas que nous venons d'examiner: celui de la
surpression de l'écoulement d'eaux ménagères ou
fétides et celui de l'écoulement d'eaux natureJles;
au premier, il Y a usage abusif de la chose qui ne
peut être maiutenu par la prescription qnelque
laps de temps qu'il ait duré; au second, il Y a
droit formel résulLant de la loi, dont on ne peut
être contraint de faire l'abandon que pOllr cause
d'utilité publique et moyenn,ant indemnité.
Nous différons, à cet égard, d'opinion avec notre
savant ma'ître M. P:-oudhon, qui, au U O 1307 de
son Traité du domaine public ~ dit: cc Toutes
» les fois que, pour cause d'utilité publique, l'a<1» ministration juge convenable de donner qne
» direction particulière et nouvelle au cours des
» eaux, de quelque nature qu'elles soient, les
» propriétaires sont obligés de s'y soumettre, parce
» que Finlérêt privé doit toujours céder à l'intérêt
�448
TRA.ITÉ
»
général: Cassius autem seribit, si qua opera
»
aquae mittendae eallsd publied auctoritate
jaeta sint, in aquae pluviae arcendae actionem non venire (L. 2., S3, tf. de aqud et
aquae pluv. areend.). C'est alors une sf'rvitude
»
»
»
imposée au fonds infërieur, par l'autori.té civile,
pour cause d'utilité publi.que. C'est ainsi que
» pour prévenir la dégradation des routes et grands
» chemins, l'on y pratique des rigoles pour en
» dévoyer les eaux pluviales et les rejeter soit sur
» les fonds adjacents qui sont pins bas, soit d<tns
» les fossés latéraux, et, quel que soit le dommage
» qui puisse cn résulter pour les propriétés voi» sines, leurs maîtres ne sont point recevables à
» s'en plaindre. » Il aurait pB encore appuyer sa
décision sur les ordonnances des trésoriers de
France, des 13 février 1741 et 22 juin 17!H, qui
défendent, sous peine de 5-0 liv. d'amende, aux
riverains inférieurs des chemins, d'interrompre
le cours des eaux en provenant, soit par la clôture,
soit par l'exhaussement de leurs terrains. Mais ni
l'avis de Cassins, ni ces ordonnances ne nous
touchent; celles· ci , parce qu'elles ne sont obligatoires et n'ont été maintenues pal' l'art. 484 du
Cod. pénal que dans les pays où elles avaient été
publiées avant 1789; et la loi romaine, parce que,
comme le rema l'que très ·bien Cujas (Recit. Pauli
ad edict., lib. 49, SI), elle ne prohibe que
l'action aquae pLuviae arcendae (de mème que
nOlis n'admettrions pas non plus ici une action
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
449
ayant pour objet de paralyser l'acte administratif),
mais ne s'oppose pas à ce que le voisin lésé ne se
pourvoie, en vertn de la loi des douze Tables, en
réparation du Jommage qu'il éprouve, ut damnum
quod jamfactum est domino sarciatur~ solvatur~ praestetur. Dans une affaire Ledos, qui, tant
devan t la Cour royale de Ronen qu'au conseil d'état,
a donné lieu à une question de compétence trèscontroversée et où il s'agissait du déversement des
eaux d'uné route sur un fonds privé, l'administration ne refusait pas en principe l'indemnité; on
.plaidait seulement pour savoir quelle antorité la
réglerait.
Il arrive fréquemment dans les campagnes que
les voisins des chemins recueillent avec soin les
eaux pluviales gni s'y écoulent, soit pour l'irrigation de leurs fonds, soit pour obtenir le limon
qu'elles charrient et dont ils se servent comme
engrais; si la commune venait à changer l'état des
lieux et par suite le point d'écoulement, il est évident que le propriétaire qui serait privé de ces
eaux ne pourrait réclamer d'indemnité, lors même
que depuis plus de 30 ans il aurait fait sur le chemin ou dans ses fossés des ouvrages apparents pour
se les procurer, parce que les eaux pluviales, coulant sur les voies publiques, sont res nullius qui
ne peuvent appartenil' à celui qui en jouit qu'à
titre de premier occupant, ce qui fail gue son droit
s'évanouit lorsque, par une cause quelconque, la
possession 1ui est enlevée; il résulte de là: lOque
�450
TRAITf~
la commune peut disposer, cdinme elle le juge
convenable, de ces eaux, nonobstant toute possession contrairé Ca) ; les travanx anciennement faits
sur son chemin, non-seulement ne pouvant lui
être opposés, mais devant même être détruits avec
application, contré leur possesseur, des peines prononcét's par le nO 1 l' de l'art. 479 du Cod. pénal, s'ils
avaient cansé qnelque inonâation du dommage
à la voie publiCJue, àinsi que l'a décidé fa Cb'ur de
cassation, p<ir arrêt du 3 octobre 183b (Sirey,
36-1-213); 2° qn'à l'~gard des propriétaires riverains entre eux, nn1 rie peut se faire pareille'lneù't
un titre des ouvrages par lui pratiqués afin de
dériver le cours Je ces mêmes èatix sur soh fonds,
pour prétendre .qu'il a acqdis par prescription le
droit de les dériver toujours (CalJolla, tract. 2,
cap. 4, nO 99. - Arrêt du 5 avril 1710. - Dunod, Traité des presctip't..J pag. 88. - Henrion
de Pansey J Comp. des juges de pa/x" ch. 26,
pag. 2b5, ge édit. - MM. Duranton, tom.
b, nO ] 59; Troplong, de la prescription.J
nO 147; Davier, Traité des cours dJeau, nO 800;
Solon, des servitudes, nO 46; Proudhon, dom.
publ., nO ]318; Garnier, régime des eaux J
(a) MM. Proudhon, Traité du domaine public) nO 1336, ct
Daviel, Traité des cours d'eau, nO 802, enseignent contrairement à l'avis de M. Duranton (tom. 5, nO 159) que les communes peuvent disposer par bail ou autrement des eaux pluviales qui coulent sur la voie publique.
�DU DOMAINE PUBLIC.
451
tom. 3, nO 717; Pardessus, des servitudes ~
et Curasson, compét. des juges
de paix, tom. 2, pag. 299, 2 e édit. - Arrèts
de Rennes, du 10 lévrier 1826, Sirey, 28-2-74;
- de Limoges, des 22 janvier 1839 et I4 j ui11et
1840, S., 39-2-284, et 41-2-1 ; - de cassation,
des 14 janvier l~h3, S., 23-1-173; et 21 juillet
1825, S., 26-1-4°7)'
4° PLANTATIONS ET ÉLAGAGES. - La matière
des plantations le long des voies de communication, a de tout temps donné lieu à de nomhreuses questions soit de police, soit de propriété, qui sont loin d'être aplanies, quoique des
lois spéciales aient statué sur cet objet.
D'anciennes ordonnances ont enjoint aux pro.priétaires riverains des grands chemins, de planter
le long de leurs bords; la première, de François 1er , est de février 1520; cette injonction fut
renouvelée par une déclaration d'Henri II, du 19
janvier 1552, rendue pour remédier à ]a disette
des bois de charronnage, puis par l'art. 336 de
l'ordonnance de Blois de 1579' L'édit de janvier
1583 exigea qu'il y eût la distance de 24 pieds au
moins d'un arbre à l'antre. L'arrêt du conseil,
du 26 février 17°5, fit défense aux particuliers de
plan ter sur leurs héritages, à moins de trois pieds
de distance des fossés des chemins.
L'édit du 3 mai 1720 porta cette distance à une
toise au moins du bord extérieur des fossés, et l'espacement des arbres à 30 pieds, en déclarant que,
se édit., nO 79,
�452
TRAITÉ
faute par les riverains d'exécuter les plantations,
les seigneurs auxcplels appartenait le dl'Oit de
voirie pOlll'raient les faire à leurs frais dans l'étendue de lems jl1l'idiclions, et qu'en ce cas les arbres leur appartiendraient; un arrêt du conseil,
du 17 aVl'il 1775, interpréta cet édit, en ordonnant que les seigneurs ne pourraient planter qu'à
défaut, par les propriétaires, d'avoir fail les plantations dans un an à compter du jonr où les chemins aurai~nt été entièrement tracés et les fossés
ouverts.
Le 18 messidor an x survint l111 arrêté du gouvernement qui, plaçant sous la surveillance de
l'ad mi nistration des forêls les arbres des grandes
rOUles et des canaux, la chargea de la plantation,
de l'élagage et de l'ex.ploitation de ces arbres; les
alignements des plantations étant seulement réservés aux ingénieurs des ponts cl chaussées.
La loi du 9 ventôse an XIII décréta, dans ses
cinq premiers articles, que des plantations d'arbres
fruitiers ou forestiers seraient faites snI' le sol des
routes par les riverains qui auront la propriété
desdits arbres et de leurs produits, mais qui ne
pourront néanmoins les cou pel' ou arraeher que
sur une autorisation de l'administration préposée
à la conservation des l'antes.
Ce régime fut changé par le décret du 16 décembre l~hl, dont les art. ~6, SH, 89,9° et 93
déclarèrent l'état propriétaire de tous les arbres
existants SUl' les routes, à l'exception de ceux
�DU DOMAINE PUBLIC.
453
plantés en vertu de la loi du 9 veutôse an XIII,
et iHlposèrent aux riverains l'obligation d'en
planter sur leurs propres fonds à un mètre au
.
moins Ju Lord extérieur des fossés.
Enfin la loi du 12 mai 1825, en laissant subsis.
ter la charge de la plantat.ioll sur les riverains,
corrigea seulement le décret de 1811 en ce qui
concerne l'attribution à l'état des arbres plantés
antérieurement à l'an XIII, faisant revivre ainsi
les titrés dont les riverains pourraient exciper et
sur l'a pplication desquels les tribunaux civils furen t
appelés à prononcer par l'art. 10.
Avant 1836, ces dispositions s'étendaicn t-elles
aux chemins vicinaux? Merlin, Répert.., VO chemin public, se prononce pour la négative: cc Les
» réglements généraux, dit-il, et notamment l'ar» rêt du conseil de 1720 qui oblige les riverains des
» routes à en planter les bords, ne sont évidem» ment applicables qu'aux chemins royaux qui
)) conduisent de province à autre ...• » Abciennement la plantation des chemins vicinaux n'était
que facultative, et celle faculté n'appartenait
qu'aux seigneurs par suite des droits de police et
de voirie qu'ils y avaient; les propriétaires rive-.
rains et les communes ne pouvaient planter que
sur leurs fonds, ou s'ils plantaient sur les chemins, ce n'était que du consentement exprès ou
tacite de ces seigneurs; aucune distance fixe n'était, en général, prescrite; seulement ceux-ci ne
pouvaient planter de manière à nuire aux rive'TOM. Il.
�454-
l'MITÉ
rains, ni les riverains de manièl:e à uuire à la voie
publique ou aux plantations qui s'y trouvaient;
cependant, pour la Normandie, il existait trois
arrêts de réglement, des 28 avril 167 l , ] 7 août
1761 et 17 juin 17 6 7, qui avaient fixé des Jistances, mais ils n'étaient obligatoires que dans le
ressort de ce parlement.
L'abolition de la féodalité entraîna la suppression de ce droit seigneurial; la loi du 26 jnillet15 août 1790, en le proclamant pour l'avenir,
statua, par rapport aux arbres plantés par les seigneurs, que ceux existants sur le sol des chemins
resteraient leur propriété, sauf au-x communes à les
racheter ou il prouver que c'étaient elles qui avaient
fait la plantation, tandis que ceux plantés sur les
fonds des riverains appartiendraient à ces derniers,
à la charge du seul remboursement des frais de
plantation; mais cet état de choses fut de' courte
durée: il survint, le 28 août 1792, une nouvelle
loi dont les articles 14,15,16 et 17, en dépouillant
les ci-devant seigneurs de leur droit de propriété
ainsi que de toute indemnité,déclarèrent: 1° que les
arbres existants Sllr les fonds riverains appartiendraient aux maÎtl'es de.ces fonds, même à l'exclusion des commnnes qui auraient été dans l'usage
de se les approprier; 2,0 que ceux plantés sur le
sol même des rues et chemins' seraient encore
attribués aux riverains, à moins que les communes
ne prouvassent en être propriétaires; 3° enfin que
cellès-ci auraient la propriété exclusive des plan-
1
�DU DOMAINE PUBLIC.
455
tations faites sur les places publiques et autres
propriétés communales.
Le Code civil, sans s'explique!' spécialement sur
la propriété des arbres plantés le long des chemins,
contient, daus son art. 553, un principe général
qui leur est applicahle et duquel il résulte que, sauf
preuve contraire, c~ux plantés sur lem sol appartiennen t aux communes propriétaires des chemins,
tandis que ceux plantés sur les fonds adjacents en
forment une dépendance et SOnt la propriété du
maître de ces fonds. C'était une question fort controversée que:de savoir si les dispositions des art.,
670' 671, 672 et 673 du même Gode, concernant
les distances à observer dans les plantations, pouvaient être invoquées relativement aux chemins,
soit par les comIIJunes, soit par les riverains.
M. Garnier, dans son Traité des chemins" 4e édiJ.,
pag. 313, et dans la 1 re édit. Je son SuppLément,
L'lisait une distinction et enseignait que la com mune
devait, dans ses plantations, se retirer à la distance
voulue par le Code, tandis que Je voisin, au contraire, pouvait plaliter des arbres ou des haies SUI'
la limite extrême de son héritage; il citait à l'appui
les art. 38 et 404 du second projet de C,üJe rural,
ainsi qu'un arrêtdnconseil d'état du 18 février 1826
( Quesney); mais M. Proudhon (1 re édit. du
Domaine public, nO 498) et le minisll'e de l'intérieur> dans sa circulaire d'octobl'e 1824, pour
l'exécution de la loi du 28 ju'illet précédent, émettaient nne opinion contraire et pensaient que dans
�456
TRàlTÉ
les deux hypothèses il y avait lieu à l'application
du droit commun; nous verrons plus Las qu'au
moyen du pouvoir attribué au préfet par l'art. 21
de la loi dn 21 mai 1836, cette controverse n'a plus
d'ohjcten ce qui concerne la plantation en ellemê·me.
Depuisle Code civil, il n'est plus intervenu sur la
matière que l'art. 7 de la loi du 9 ventôse an XIII
(28 février 1805), ainsi conçu: cc A l'avenir Dul
» ne pourra planter SUI' le bord des chemins vici» Daux, même dans sa propriété, sans leur con» servel' la largeur qui leur aura été fixée en exé» cutionde l'article précédent; » disposition qui,
selon quelques jurisconsultes, était relative aux
localités où, en vertu d'anciens usages, les riverains
avaienlle droit de planter sur le sol des chemins,
et, selon d'autres, M. Proudhon notamment (loco
citato), signifiait qu'une fois que le préfet avait déterminé la largeur du çhemin vicinal, le propriétaire riverain, snI' le fonds duquel cette largeur
devait être prise, ne pouvait plus planter la partie
destinée à ce complément, sans commettre une
anticipation punissable.
Aujourd'hui, la loi du 21 mai lève la plup;)rt
des difficultés, en donnant, par son art. 21, le
droit aux préfets de régler tant la distance à laquelle
les propriétaires riverains pourront, à partir du
bord des chemins, planter des arbres ou des haiesvives, que ce)Je dont les plantations des chemins
devront être éloignées des fonds adjacents; ces
�DU DOMAINE PUBLIC.
45'1
hauts administrateurs ont à cet égard un pouvoir
discrétionnaire, don t le contrôle du conseil général
et l'approbation du ministre préviendraient, au
besoin, suffisamment les· ahns.
Nous n'aurons, en conséquence, que quelques
courtes observations à présenter sur cet objet.
10 Nous pensons, avec M. Garnier (2" édit. du
Supplément à la 4" édit. du Traité des chemins, pag. 113), que le pouvoi~ de réglementer
les plantations ne pour.rait s'étendre jusqu'à, contraint/'re les propriétaires à plan ter des arbres ou
haies le long des chemins vicinaux; ce serait, en
effet, créer là une servitude personnelle qui, lein
d'améliorer la viabilité, ne pourrait qu'y nuire et
gêner. l'agriculture.
2C} Comme le recommande la ~: cuIaire dn 24
juin 1836, les préfets feront bien, en réglant les
distances, de se renfermer dans les limites posées
par le Code civil pour les plantations entre puoprié tés voisines; mais ce n'est là qu'un conseil
dont, en cas d'utililé évidente, ils pourront s'écarter, ainsi que l'ont décidé un avis du conseil
cl' éta t du 9' mai 1838 et la circulaire du ministre
de l'intérieur., du la octobre 1839' Si cependant
ils dépassaie.nt ces limites, nous persistons à penser,
comme nous l'avons dit nO 479 ci-dessus, qu'ils
donneraient lieu à une indemnité au profit des
voisins dont la position serait aggravée. M.Garnier,
qui, dans la 1 re édition de son Supplément,
pag. 74, paraissait soutenir le contraire, n'a point
�458
TRAITÉ
reproduit cet avis dans la 2" édit., où il émet des
principes opposés en parlant d'nn objet analogue,
l'écoulement des eaux: c( Si les préfets, dit-il,
" cl'Oyaient devoir introduire dans le réglement
" qui leur est demandé quelques dispositions à
» cet égard, ils devraient se rappeler que le Code
» civil contient des principes dont il n'est pas
" pernlis de s'écarter et auxquels ils doivent se
" conformer dans tous les cas spéciaux sur lesquels
» ils auront à statuer; " ce qui, évidemment,
ne peut s'entendrè que saune droit toujonrs ouvert
d'expropriation expresse ou tacite moyennant indemnité.
3° Le ré~lement, de même que la loi, ne s-aurait avo~r d'effet rétl'Oactif; il ne pourrait prescrire
l'arrachement es arhres ou haies actuellement
existants, par cela seul qu'ils ne seraient pas à la
distance voulue; il devra se borner à défendre leur
renouvellement, comme on prohibe la reCùllstruction des bâtimenls qui dép:lssent l'alignement lorsqu'ils viennent à lOmber ou qu'ils sont démolis
volootairement par les propriétaires.
4° Par rapport aux plantations et à l'élagage,
le réglement aura à déterminer non-seulement la
distance entre les bonIs du chemin et les arbres
ou haies plantés soit sur ce chemin, soit sur les
fonds voisins, mais encore l'espacement à observer
entre les arLres, le mode de' leur -abattage, la
hauteur des haies, la période après laquelle l'élagage sera obligatoire, la saison de l'année où il se
�DU DOMAINE PUBLIC.
459
fcra, les moyens d'y procéder ~n cas de refus ou
de négli~ence des riverains, etc., etc.
La plupart des réglements ont fait, relativement
à l'espacement des arbres· entre enx, une omission
provenant de ce (lll'ils se sont bornés à énoncer le
minimum de distance des arbres au chemin, sans
fixer nn second intervalle dans lequel l'espacement serait obligatoire; il résulte de là ou que l'on
peut ne pas l'observer en se retirant de quelques
décimètres au.delà de ce minimum, ce qui rend
la prescription illusoire, on que quelque distance
qne l'on laisse entre le chemin et les arbres, fûtelle de lilusieurs décamètres, on est toujours obligé
de se conformer à l'espacement voulu entre les
arbres; ce qui serait tomber dans un excès contraire et créer J sans utilité, nne servitude trèsonéreuse. Ponr remplir cette lacune, il faudrait
dire que les a:rbres à haute tige seront plantés au
moins à telle distance du bord du chemin, et qu'à
partir de celte distance, jusqu'à telle autre, ils
devront être espacés entre eux de tant de mètres.
Quoique l'édit de janvier 1583, l'arrêt du conseil du 3 mai 1720, art. 6, et l'ordonnance du
hur.eau des finances de Paris, du 29 mars 1754,
qui ont aussi fixé l'espacement des arbres plantés
dans les fonds riverains des grandes routes, pré.
sen Len t la même omission que celle que nous
signalons dans les arrêtés des préfets, 'la difficulté
dont il s'agit ne peut plus se présenter depuis la
promulgation de la loi du 9 ventôse an XIII, dont
�TRAITÉ
l'art. 5 pone: cc Dans les gl'andes routes dont la
), largeur ne permettra pas de plunter sur le ter» rain appartenant a l'état, lorsque le particulier
» riverain voudra planter des arbres sllr son propre
» terrain, à moins de 6 mètres de distance de la
" route, il sera teuu de demander et d'obtenir
» l'alignement à suivre, de la préfeclnre du dé" partement. XI Cette distance de six. mètres forme
ici la seconde umite au-delà de laquelle le propriétaire du fonds peut faire la plantation comme il
juge convenable.
Si, en suivant l'espacement prescrit par l'arrêté
prérectol'al, un arbre se trouvait à une distance
moindre que celle exigée par l'art. 671 du Cod.
civ. du fonds d'un voisin, celui-ci pou1'rait-ille
faire arracher conformément à l'art. 672?
L'affirmative n'est pas douteuse, en ce que la
plantation le long des chemins vicinaux étant purement facultaLive, le riverain ne doit planter que
lorsqu'il a de chaque côlé un espace suffisant;
mais il en serait autrement si, au lieu d'un chemin, il s'agissait d'une roule royale ou départemenLale, à l'égard desquelles l'obligation de planter,
résultan L des art. 88 et 90 du décret du 16 décembre 18 •• , constitue une servitude toujours
subsistante.
50 ALIGNEMENTS J!T AUTORISATIONS DE CONS-
Dans les villes pour lesquelles un plan
général a été dressé, en conformiLé de l'art. 52 ùe
la loi cl u 16 septembre 1807, ainsi que des circuTRUIRE. -
�DU DOMAINE PUBLIC.
461
laires ministérielles des i 8 aoùt 1808, 16 novembre 1811,29 octobre 1812, 17 juillet et 17
aoùt 1813,23 février et 2 octobre 1815, 7 avril
18d5 ,. 30 mai 1831, et 23 aoùt 1841, les difficultés que fait naître cette partie importante de la
voirie se trouvent aplanies, puisque le maire n'a
qu'à suivre l'alignement tracé, et que les contestations qni pourraient s'élever sur son opération
se réduiraient à une question de fait, sl~sceptible
d'être jugée par une simple vérification.
Mais il n'en est pas de même dans les villes en
grand nombre, où cette loi n'a pas encore été exécutée. Le droit d'opérer, par voie d'alignement,
des retranchements sur les propriétés rivel'aines,.
est alors con testé aux maires qui ne pourraient
que reconnaître et fixer contradictoirement avec
les voisins l'état de leur possession et opérer ainsi
une espèce de bornage dans les limites de la jouissance actuelle; on peut voir, à ce sujet, la dissertation de M. Proudhon, nOS 410 et suivants,
ci-dessus, du Traité du domaine pu61ic, ainsi
que nos notes sous le 1 el" de ces numéros (a).
(a) Le droit de l'autorité municipale, à cet égard, est fondé
sur les dispositions législatives et arrêts suivants:
Droit ancien. - Edit de Henri IV, du mois de décembre
1607, enregistré au Parlement de Paris, le 14 mars suivant
(art. 3 <1t 5) ; - arrêt du conseil d'état, du 5 aoûl 1682; - déclaration du roi, du 16 juin 1693; - édit du mois de novembre
1697; - déclarations du roi, des 18 juillet 1729 et 18 a011t
1730; - arrêts du conseil, du 6 octobre 1733, revêtu de'
�1~62
TRAITÉ
Les principes étaient encore moins positifs par
rapport aux chemins vici naux, à l'égard desquels
la législation était aLsol ument mueLLe; quelques
mOllumentsde jurisprudence Ca) avaient cependant
lettres-patentes du 22 du même ~ois, enregistrées le Il mai
1735, et du 27 février 1765; - déclaration du roi, du 8 juillet
1783 (art. 3); - ordonnances du bureau des finances de Paris,
des 27 mars 1754, 18 juin 1765, et 17 jn illet 1781 ; le tout
maintenu et confirmé par le 2e § de l'art. 29, tit. 1er de l~ loi
du 19-22 juillet 1791.
Droit intermédiaire. - Art. 50 f't 60 de la loi du 14 décembre 1789; - nO 1er de l'art. 3, tit. Il, de celle du 16-24
aoftt 1790 ; - lois des Il septembre et 14 octobre 1790, relatives à la grande voirie; - art. 18, 29, § 2, et 46, tit. 1 de
celle déjà citée, du 19-22 juillet 179l.
Droit nouveau. - Art. 544 et 545 du Cod. eiv. ; - art. 52
de la loi du 16 septembre 1807; - décret du 27 juillet 1808;
- ordonnances royales, des 2~ février 1816, 31 juillet 1817,
18 mars et 3 juin 1818; - art. 19, nO 7, de la loi du 18 juillet 1837.
Jurisprudence. - Arrêts du conseil d'élat, du 3 avril 1824 ,
et de la Cour de cassation, des 12 avril 1823 ; 6, 12 etl8 septembre 1828 (Sirey, 29-1-76 et 77); 18 juin 1831 (S., 31-1252); 6 octobre.1832; 8 août 1833 (S., 34-1-407); 10 mai
lR34 (S., ibid.); 6 avril et 6juillet 1837 (S.; 37-1-687-1001 );
15 mai 1835 (S., 35-1-801); 17 décembre 1836 (S., 37-1905), et 13 janvier 1841.
'
(a) Un arrêt de la Cour suprême, dU'l er février1833 (Sirey,
33-1-51~8), a cassé un jugement du tribunal correctionnel de
Saint-Omer, qui avait renvoyé un prévenu de contr""clltion
à l'édit de 1607, pour avoir construit Bllns autorisation sur le
bord d'un chemin 'Vicinal, et ce par le motif, « qu'il est de
» principe de droit public en France, qu'aucune construc-
�DU DOMAINE PUBLIC.
463
décidé que l'édit de 1607, la déclaration du roi
de 1693 et l'ordonnance du bureau des finances
de Paris de J754, leur étaient applicables, mais
ce poi nt était COI:! lesté. La loi nouvelle, en char·
gean l les préfets de comprendre dans leûn; ré·
glemcnts ce qui concerne les alignements, a levé
les doules et donnera lieu à l'établissement de
règles, sinon uniformes dans toute la France, au
moins fixes et certaines pour chaque département.
Mais les difficultés resteront tOIl jours les mêmes,
en ce qui concerne les alignements dans les bourgs
et villages, pour les rues qni ne sont pal> traverses
de chemins vicinaux de grande communication,
puisque, d'une part, la loi du 16 septembre
1807 Ca) leur est étrangère, et que, d'un autre
côté, nous avons vu, nO 475 ci.dessus, que celle
s\ll'les chemins vicinaux n'était point applicable
aux rues et places qu'ils renferment, d'où la con·
séquence nécessaire que le réglement prescrit par
tion ne peut être légalement entreprise sur .ou joignant immédiatement la voie publique, qu'après avoir demandé et
» obtenu, à cet effet, l'autorisasion de l'autorité compétente; »
pareille décision de la même Cour, du 14 septembre 1827
(Sirey, 28-1-86). Plusieurs arrêts du conseil d'état avaient prononcé dans le même sens ; voy. ceux des 3 juin 1818( Coudray);
18 novemhre 1818 (Andreossy); 8 mai 1822 (Routier); 21
mai 1823 (Grehche) , et 28 juillet 1824 (Délétang).
»
»
(a) Art. 52 de ladite loi, et circulaires ministérielles, des 17
août 1813, 7 avril 1818 et 30 mai 1831, desquelles il résulte
que le plan d'alignement n'est ohligatoire que dans les localités
dont la population excède 2,000 habitants,
�TRAITÉ
l'art. 21 ne s'étendra pas à cette partie de la voirie,
snI' laquelle- il n'existe, d'ailleurs, que doute ct
incertitude (a).
Etcependant quel objet méritait mienxd'éveiller
la sollicitude du législateur, puisCJue l'esprit d'envahissement,. si naturel. aux habitants des campagnes. et le mauvais goût qui caractérise leurs
œuvres, les portent sans cesse à anticiper sur la
voie publiqne et à établir sur ses bords des cons~
tmctions aussi nuisibles au passage que désagréables
à J'œil pal' leur irrégularité.
Le seul moyen de suppléer à cette· lacune'-de la
loi, serait de faire prendre paI: les maires des communes rurales des arrêtés pour interdire toutes
constructions snr les rues ~t places des bourgs et
villages, sans s'être pourvu d'alignements. Celte
mesure qui devrait être provoquée par les pl:éfets,
rentre parfaitement dans les attributions des maires
chargés, par les lois des 24 août 1790 et 22 juillet 1791, d'exercer lem' snrveillance sur tOtlt ce qni
intéresse la sûreté, la commodité et la salubl'ité
dans les rues, places et voies publiques. Rien ne
touche assurément de plus près à ces objets di(a) Voyez., sur la nécessité de demander l'alignement, les
arrêts cités dans la note de la page 462 ci-dessus et, en outre,
M. eotelle, Cours de droit administratif, 3" édit., tom. 3,
pag. 419 et suiv., et pour l'opinion contraire, MM. Proudhon , Dom. puhlic, nO 397, l'n fine; Daveunc, Ilecueil des
lois et réglo de voirie; Favard, Répert., ,"0 alignem,ents, et
surtout M. Garnier, Traité des chemins, 4" édit., pag. 364
ct sniv.
�DU DOMAINE PUBLIC.
465
rects et essentiels de la vigilance municipale, que
les constructions qui, par leur man vaise disposition,
peuvent gêner la circulation de l'air et rendre le
passa'ge dangereux ou incommode.
€ette marche tracée par le ministre de l'intérieur, Jans sa circulaire du 24 juin 1 H36, et sanctionnée par deux arrêts de la Cour de cassation
des 10 octobre et 16 novembre 1832, est aussi conseillée pal' M. Garnier (Traité des chemins" pag.
367, 4e édiL.).
Dans le cas où, après avoir été mis en demeure
de prendre des arr'êtés à cet égard, les maires négligeraient ou refuseraient de dresser un réglement, les préfets puurraient, en vertu de l'art. 15
de la loi du 18 iuillet 1837, le faire d'office.
Les agents-voyers rempliraient dans les communes rurales les mêmes fonctions que les architectes-voyers dans les villes, et ce sel'ait d'après
leur avis et le plan qu'ils dresseraient, que les ali-'
gnements seraient donnés par les maires sous l'approbation des préfèts.
Cette mesure nous paraît de la plus haute importance, tant dans l'intérêt général, que comme
moyen de prévenir les difficultés, les haines et les
procès que le voisinage engendre si souvent dans
les campagnes. Nous insistons vivement sur son
adoption (a).
(a) Ce vœu, que nous avions déjà émis dans la première édition de ce commentaire publiée au mois de juillet 1836, n'a pas
�466
TRAIT~
Le réglement général du préfet devra défendrè
de construire, reconstruire, établir, relever même
en partie, réparer de quelque manière que ce soit;
aucun hâLiment, mur, haie-morle ou palissade, ni
de faire aucune plantation J'arbres ou haies-vives,
non plus qu'aucun recrépissage ou hadigeonnagé
de mur avant d'en avoir préalablement demandé
et optenu la permission de l'autorité compétente.
Cette permission devra émanel' du maire, pour
les chemins vicinaux ordinaires, et du préfet pour
ceux: de gran.de communication, que l'art. 9 de la
loi du 21 mai 1836 place spécialemen t sous son
autorité, ainsi que l'ont décidé l'avis du conseil
d:élat du 18-25 janvier 1837 ci·dessus rapporté,
nO 475, pag. 20, et un arrêt de la Cûur de cassation
du 29 août 1840 (Sirey, 40-1-815). Cependant
DOlJS pensons avec M. Cotelle (Cours de droit
administratif, tom. q, pag. 421), que ces
C(
tardé à se réaliser pour la Côte-d'Or; par une circulaire du 9
octobre suivant, M.1e préfet Chaper, dont la longue et habile
administration a créé, dans ce département, d'utiles institutions
et laissé les plus honorables souvenirs, avait engagé les maires et
les conseils municipaux à faire dresser les plans d'alignements de
tous les bourgs et villages; un arrêté du 26 août 1838 leur en
a fait une obligation précise qui esl déjà exécutée dans la
moitié environ des communes; ces plans lev;és à l'échelle d'un
à 2,000 pour l'ensemble et d'un à 500 pour les détails, 500t,
comme ceux prescrits par l'art. 52 de la- loi du 16 septembre
1807, soumis à une enquête, puis à la discussion du conseil municipal, et enfin approuvés par ordonnances royales.
�DU DOM.AlNE PUBLIC•
~·67
..) fonctionnaires ne doivent pas absorbel'les pouvoirs de surveillance qui apparLÏennent natu» rellement aux maires, comme défenseurs des
» intérêts locaux, et qu'il sera convenable dès-lors
» que Jes préfets ne donnent les alignements par» tiels sur les chemins de grande communication
» qu'après avoir consulté l'autorité municipale,
". à laquelle il appartient de prévenir l'encombre» ment de la voie publique et de délivrer, du
» reste, les permissions de petite voirie. » l,a
même prescription est faite par la circulaire du 24
Juin 1036, dans laquelle le ministre dit aux préfets : cc Pour les chemins vicinaux de grande corn·
" muoication qui sont placés sous votre autorité
» immédiate, voUs ferez bien de donner vous)) même les alignements, sur la proposition des
» maire~~ le rapport de l'agent-voyer et la propo» sition du sous-préfet. ..... »
Nous ne savons par quels motifs et dans quel
but cette circulaire, au lien d'essayer de corriger le
vice que nous reprochons plus haut à J'art. 21, et
qui consiste à substituer des règles spéciales pour
chaque département à des dispositions générales
embrassant toute la France,l'a au contraire aggravé par la recommandation suivante adressée aux
préfets : ce Vous voyez que ces divers modes de
)) procéder (ceux résultant de la nature des di» veraes contraventions dont les chemins vicinaux
» pe\.1Vent être l'objet ) présupposent que dans
» chaque commune le maire aura pu blié, dans les
»
�468
TRAITÉ
formes accoutumées, un arrêté portant défense
» de construire aucun bâtiment ou mur le long
» d'un chemin vicinal, sans avoir demandé aligne» ment; c'est le seul moyen de rendre cette dé» fense obligatoire, et de mettre le tribunal de
~~ police à portée d'exercer sop action. Vous devez
» donc inviter les maires à remplir cette formalité,
» et VOllS vous assurerez de son accomplisse~
» ment. »
Ainsi, et seulement pour confirmer un principe
que, par son arrêt du premier février 1833, la
Cour de cassation avait consiùéré comme étant de
droit public en France, à savoir que l'on ne peut
construire près des rues et chemins sans avoir préalablement obtenu l'alignement, il faudra plus de
37,000 arrêtés particuliers, qui seront nécessairement conçus dans des termes différents, qui auront plus on moins de portée et relativement à
chacun desquels il faudra produire la preuve d'une
publication régulière, tandis que, soit les 86 réglements prescrits par notre article 21 , soit mieux
encore, une courte disposition ajoutée à cet article,
auraient parfaitement suffi; la loi cependant ne va
pas si loin, elle investit au contraire les préfets
du pouvoir d'ordonner d'eux-mêmes et directe~
ment, en disant que leur réglement.. " STATUERA
..... sur tout ce qui est relatif. .... aux alignements ~ aux autorisations de construire le long
des chemins...... etc. La mesure à prendre à cet
égard n'est pas assurément susceptible de recevoir
»
�DU DOM.à.INE PUl3LIC.
469
des modifications de l'élal des localités on des hahitudes et des mœurs des habitants;ce n'est p~int
à l'établissement d'nne règle aussi simple qll'il
fallait app'lierner le prohlème de législation générale que Joseph de Maistre ne propose qne ponr
~es ohjets d'un ordre plus élevé, tels que les lois
politiques et criminelles el celles qui statuent sur
l'état civil des citoyens, la dévolution de leurs
hiens par succession, etc. : cc Etant données, la po" pulation, les mœurs, la religion, la situation
:» géographique, les relations politiques, les ri» chesses, lcshonneset les mauvaises qualités d'une
» certaine nation, ll'OUVer les lois qui lui con)' viennen t. )'
La circulaire fait évidemment el'reur lorsqu'elle
avance que l'arrêté du maire est le seul riloyen de
rendre la défense obligatoire; les arrêtés des préfets pris dans les limites de leur compétence,
COUlme serait cel ui prescrit pa l' l'a rt. il de la loi·
du 21 mai 1836, trouvent également lelll' sanction
dans l'art. 471, nO 15 du Code pétial, ainsi conçu:
cc Seront punis d'amende, depuis un franc jusqu'à
) cinq francs inclusivement ....... ceux qui auront
" contrevenu aux réglements légalement faits par
» l~ autorité administrative et ceux qui ne se
C"
l Clllents ou arretes
A'
) seront pas conlOrmes
aux reg
» puhliés par l'autorité municipale ..... "
A la d1ffp.rence de ce qui a lien pom les plantations, les lois et réglements concernant la grande
voirie n'ayant prescrit la demande d'autorisation
'1'011'1. Il.
30
�470
TlUITf.
que pour les constructions sises le long et joignant les routes, il s'ensuit qu'il n'yen a pas
hesoin pour celles élevées en retraite de l'alignement, ne fût-ce qne de quelques centimètres; c'est
ce qu'ont décidé quatre arrêts du conseil d'état
des 20 novembre I~15 (Chéradame); 6 mars 1816;
24 février 1824 (Legros); 2 avril 1~h8 (Marteau
d'Autry) et trois, dont deux solennels, de la Cour
de cassation des 24 novembre 1~37 (Mallez);
25 juillet 1 ~h9 (Chandesais) et 28 luin 1839. Les
arrêts du conseil de 1744 et 1772, qui étendaient
jusqu'à 30 toises la surveillance de l'autorité administrative et son droit de .s'opposer à ce qu'il fût
fait sans au torisation, aucunes constructions le long
des routes, ont été considérés comme tombés en
désuétude par le conseil d'état, lors du jugement
de l'affaire Marteau d'Autry.
On devrait décider de même par rapport aux
chemins vicinaux et aux rues des villes, à moins
que le réglement du préfet ou du maire n'impose
l'/?bligation d'obtenir l'autorisation jusqu'à une
certaine distance; cas auquel il y aurait contravention pour ne l'avoir pas demandée, ainsi que
l'a jugé la Cour de cassation par arrêt du 15 novembre 1833 (Si.rey, 35.1-237) dans une espèce où
le maire avait pris un arrêté portant que: cc tout
» propriétaire qui voudra faire construire, soit
" dans les rues et places, soit dans le voisinage
" des voies puhliques, est tenu de demander un
" alignement. »
�DU D/;>?tIAINE PUBLIC.
471
D'après cela, on voit qu'il sera essentiel que le
réglement prescrive la demande d'autorisation pour
les constructions en dehors du chemin; mais pour
ôter le vague que laisse le ruot de voisinage ou autre
analogue, il faudra déterminer une limite au-delà
de laquelle, de chaque côté, il ne sera plus nécessaire de s'en pourvoir. Cette obligation, du reste,
imposée aux riverains, n'emporte pas le droit au
profit de l'autorité d'empêcher les constructions;
elle lui donne seulement la faculté de les surveiller et de provoquer une expropriation s'il était
de l'intérêt de ]a commune de se procurer le terrain pour un changement de direction ou un redressement non prévus dans le tracé primitif.
Si l'arrêté impose l'obligation de demander l'au·
torisation de bâtir, non-seulement au propriétaire,
mais encore aux entrepreneurs, maçons et ouvriers
qui doivent exécutel' l'ouvrage, ceux-ci sont passibles de l'amende pour n'avoir pas personnellement rempli la formalité, en cas de négligence de
la part de celui pour le compte duquel ils travaillent (arrêts du cons. d'état du 28 février 1839 et
de la Cour de cassat. des 13 juin et 3 juillet IH35,:
Sirey~ 35-1-93°, et 26 mars 1841, Audrusseau).
Quoique les constrtictions qui son t su l' l'alignement puissent toujours être rétablies ou réparées,
et <Ille même des travaux· non conforta tifs soient
permis dans oelles en saillie et sujettes à reculement, le réglement pourra défendre de faire sans
autorisation aucun changement ni aux unes ni a,.n:
�472
TRA.lTÉ
autres, ce qui s',;tendra même aux simples travaux
de peinture ou de hadigeonnage. Deux arrêts de la
Cour de cassation des 20 j nillet et 7 septembre
11:LH~ (Sirey, 39.1-68 et 69), rendus dans des es,pèces 0\1 un arrèté municipal portait dijense de
toucher sur le ·deyant des maisons en aucune
sorte et manière ~ pour (es raccommoder ou
réédifier.en tout ou en partie ~ sans en avoir demandé et obtenu la permission ~ \'on t décidé
la
sorte.par les 1110 li fS'q \le «ces cxpressionselllbrassent
» pal' leur généralité la prohihilion de hadigeon» ner la façade tles maisons, puisqu'uo hadigeoo"i
». nage est. un changement d'une natlH'e quelcoo» que qui peut quelquefois dissimuler des travaux
» plus importanls, bien qu'il soit posé en fait par
/) le jugement attaquéqu'il n'a été fait aucune autre
» espèce de réparation; que ce réglement n'ex." cède pas les pouvoirs attrihués à l'autorité mu" nicipale, sanftoutefois le droit de l'autorité ad.)' ministralive supérieure de changer les arrêtés
» des lliaires s'ils avaient pris telle ou telle dispo» sition '1,,'11 paraîlrait u1Ïle de rernplacer par des
» disposili.ons différentes ..... ; qneledi.t réglement
." n'ét1lhlil aucune dislinction entre )('s maisons
» sujeHes à reculement et celles qui se trouve,. raient construites dans l'alignement arrêté par
'). l'administration publique ; qu'il défend d'effec» tuer indistinctement aux unes et :lUX autres tout
») changement qui n'amait pas été préalablement
.» autorisé par l'autorité municipale•.••. »
ae
�DU DOMAINE PUBUC.
473
Cette prohibition de faire sans autorisation préa-'
lable aucun changement aUK constructions, utile
seulement pour mettre l'administration à portée
d'empêcher que, sons prétexte de hadigeonnage ou
de rccrépissage, on ne se livre à des travaux confortatifs,. ne peut s'étendre jnsqu'à l'autoriser à
prescrire une coulenl' pour les façades des maisons
ou à défendre une teinte dont l'éclat ponrrait fali-'
guer ou blesser la vue; par arrêt du 25 août 1832
(Sirey, 33-1.429), la Cour de cassation a pensé que
cet ohjet ne· rentrait dans aucun de ccux confiés à
la vigilance de l'ant0rité municipale.
NQus croyoos qn'il fll1drait porter la même décision relativement à l'obligation qu'imposeraient:
soit un réglement général de construire les façades
Sur un dessin donné, soit des arrêtés spéciaux de,
faire tels ou tels Ol'Ilemen ts , d'observer telle ou
telle disposition dans le placernc>ut des ouvertures
pour maintenir la régll1arité et la symétrie; on ne
pourrait plus appliquer en France la loi 6" lIt. 12,
liv. SduCodedeJuslinien, portant: diruendasunt
omnia quae in pub/ieo quoeunque loco" contrà
ORNATuMeteommodumae DEeORAM FAeIE11I civitalis e.rtructa noseuntul; nOlis regrettons vivement qne cette disposition et plusieurs autres analogues, qui avaient fait de Rome la reine des cités
ctl'Qbjet Je l'admiration du mOl1l1e enlier"ne soient
point passéo!: dans notte législation mùderne (a);
(a) M. Proudhon, Traité du domaine public, nOS 365 et 368;'
'paraît cependant incliner pour l'opinion contraire que partagellt
�474
T~
dans un pays civilisé, l'embellissement des villes
est un Lesoin qui exerce une influence salutaire
P
Leclerc-Dubrillet (continuation du Traité de la police), et M.
Daubenton ( Code de la voirie des villes, page 39, à la note).
Selon nous, le seul avantage que produira l'obligation, d'ailleurs très-légale, imposée par un réglement aux riverains des
rues et places, de soumettre aux maires les plans et dessins des
constructions projetées, sera de fournir à ces magistrats les
moyens d'éclairer par leurs conseils basés sur les avis de l'architecte-voyer, les propriétaires et de les amener par voie de persuasion à faire, sinon des constructions élégantes, au moins quelque chose qui ne dépare pas trop la voie publique; mais le refus de se conformer aux: indications données ne constituerait
jamais une contravention dc nature à être réprimée par les tribunaux de police qui, comme nous le dirons plus bas, doivent
examiner si la prescription municipale a été faite dans les limites des pouvoirs attribués par la loi à cette autorité.
C'est même une question très-cont.roversée qne de savoir si,
dans un but de pur embellissement, l'état ou les communes
pourraient requérir l't'xpropriation pour cause d'utilité publique. M. Davenne ( RecueiL des lois de La 1Joirie) dit lJ1Je la jurisprudence ministérielle est 6xée dans ce sens j M. Isambert
prétend que le contraire a été jugé da~s l'affaire de la ville
d'Orléans; MM. Sirey (du conseil d'état selon la charte, pag.
538) et Delalleau (Traité de l'expropriation, pag. 21, 2" édit.)
paraîtraient repousser la jurisprudence ministérielle que M.
Daubenton (Code de la voirie des villes, pag. 37) adopte au .
contraire. La discussion qui a eu lieu r1evant les chambres législatives sur l'amendement proposé à la loi du 3 mai 1841
tendant à autoriser l'expropriation des monuments histl'riques,
d'antiqùité-nationale ou d'art, au lieu de _rlir à résoudre ce
point intéressant, n'a offert que confusion et contradictions;
quant à nous, il nous paraîtrait fâcheux, on pourrait même
dire barbare, de poser en principe qu'il n'y a jamais lieu de
déclarer utile ce qui est beau.
�DU DOMAlNE PUBLIC..
47,1)
sur les mœurs des habitants et que le législateur
devrait favoriser; il faudrait seulement que la loi
ne devînt pas tyrannique en prescrivant de faire et
en imposant par suite des dépenses qui seraient
souvent au-dessus des moyens de cenx qui cons,truisent ; elle devrait se horner à donner le droit
d'empêcher ce qui serait mal el ce qui blesserait le
goût et la régularité. Qu'y aurait-il d'inj Ilste ou
d'attentatoire au droit de propriété tel que, dans
les rapports de particulier à particulic.', il est consacré par nos lois civiles, à soumettre les rivel'ains
des chemins et des rues à quelcJues sujétions qui
ne seraient pas moins dans leur intérêt bien entendu, que dans celui du public, en retour des
droits de vue, d'égoût et de passage qui leur sont
accordés gratuitement et qu'un voisin ordinaire
pourrait, aux termes des art. 678, 679, 681 et 6~h
du Cod. civ., leur refuser d'une manière absolue
.
. d' argent.
ou ne 1eur conce'd el' qu ,.a prIX
Si l'autorité municipale est sans droit pour prescrire la forme extérieure que doivent avoir les
constructions hordant les rnes et chemins, il en
,serait autrement en ce qui concerne la nature des
matériaux si leur emploi pouvait présen 1er quelques
dangers sous le rapport des incendi~s ou de la
sûreté du passage; c'est ainsi que les art. 13 et 22
de l'ordonnance du 24 décembre 1823 défendent
l'élablisseln<"!l1t de corniches en plâtre, que l'action
de J'humidité et des gelées peut faire tomber;
c'est ainsi que la Cour de cassation a jugé, les 23
�476
TRAITÉ
avril 1819 (Sirey, 19-1-426), I l septembre 1840
40-1-9~h) et 3 décembre suivant (S., 41-183), que J'arrêlé <lu maire, qui prohibe non-seulement sur le bord des rues, llJais encore dans
toute l'étendue de la COmmllDp., les couvertures
en chaume ou roseaux, était pris dans le cercle
des attributions municipales. Propreté, salubrité
et sécurité, voilà les troIS objets de Ct'S attributions.
Nous avons dit, au nO 511 ci-dessns, que les
riverains des voies publiques n'avait'l1t pns le droit
d'y faire ou d'y conserver soit des caves ou souterrains (a), soit des constructions qui lesconvl'i raien t
en tout ou en partie; il ne sera pas inutile que le
réglement deru;lOdé aux préfets par l'art. 21 contienne une disposition forIUelle à cet égard.
(S.,
(a) Il n'y aurait d'exception, comme le fait remarquer
M. Proudhon, Traité du domaine public, nO 367, qu'autant
que le souterrain ft'rait saillie sur l'alignement, par suite du
reculement de la maison, opéré pour le l'élargissement de la rue.
Un arrêt du conseil, du 3 août 1685, porte également: « Le
» roi, élant en son conseil, a ordonné et ordonne que les propriélaires des maisons retranchées et à retrancher, suivant
» les :Irrêls de son conseil, joniront des caves qu'ils ont sons
}I les rues, conformément anx contrats faits entre enx et les
» prévôts des marchands et échevins de la ville; les voûtes
" desdites caves préalaMenient vues et visitées par les trésoriers
» de France, com;nis à cet effet: » - L'édit de décembre] 607
disait déjà cependant: « Faisons défenses à toutes personnes
» de faire et creuser aucuues caves. sous les rues.
l)
1)
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
477
A la rigueur, on pourrait aussi empêcher ces
riverains d'établi.' aueunes saillies sur la voie publique, telles que bornes, bancs, b<llcons, pilastres,
auvents, corniches, enseignes, volets, escaliers,
trapons de ca ves, etc. Cependant l'usage est de les
permettre dans de certaines limites et avec certaines précautions ; l'ordonnance royale, déja citée,
du 24 décembre 1823, modifiant celle du bureau
des finances, du 14 décélllLre 1725, et les leures-pa·
tentes du 31 décembre 1781, contient un réglement détaillé, a cet éganl, pour la ville de Paris
et donne lien à la perception d'lin orait de voirie
établi par l'édit de novembre 1697' muintenu par
l'art. 29, lit. leI, de la loi du 19-22 juillet 1791,
et tarifé par le décret du 27 octobre 1808; droit
dont l'art. ::> de la loi de finances, du 28 avril 1832,
permet l'établissfnllent au profit de tontes les communes qui feront approuver des tarifs par le gouvernement. Le réglernent préfectoral pourra conteni'r des dispositions analogues, quoique moins
rigoureuses, POIH' les constructions q1\i seraient
élevées le long des chemins vicinaux, particulièrement en ce qui concerne les avances de toits, les
portes d'hébergeagcs s'ouvrant en dehors, les
escaliers extérieurs, les potences d'enseignes ou de
lanten~es, les tuyaux de poêle, etc., etc.
Après cette indication ùes principaux objets que
devra emLrnsscr la partie du réglemènt. relative aux
aLignements et aux permissions de construire~
il n'est pas inutile de passer rapidement en revue
�478
TRAITÉ
quelques-unes des difficultés que cette matière fait
naître le plus ordinairement, et que l'exercice,
depuis dix années, de fonctions municipales dans
une ville où, pendant cette période, de nombreuses
constructions Ol~t été faites, nOU5 a mis dans le
. cas d'étudier et de résoudre.
0
1 Lorsque, par suite d'un alignement arrêté, les
voisins d'un côté devront reculer, et ceux de l'autre
côté avancer, il faudra avoir la ptécaution d'exprimer dans l'acte approba tif que ceux-ci ne pourront Je faire que quand les premiers se seront
exécutés, parce qu'autrement la voie publique
pourrait se trouver rétrécie ou même in terceptée;
cette condition prudente a été insérée dans les
ordonn:lllces royales approuvant les alignements
de la rue de Larochefoucault et <les abords de la
Madeleine à Paris; des discussions s'étant élevées
à ce sujet, le comité de l'intérieur du conseil
d'état, qui en a été saisi, a posé en principe:
Cl. qu'une ordonnance d'alignement ne confère de
» droit aux propriétaires que dans les termes et
» sauf l'accomplissement des conditions qu'elle
:» renferme, et qu'en certains cas, il est juste et
» nécessaire, pour conserver la liberté de la voie
) publique, d'ordonner que ceux à qui le nouvel
)' alignement accorde la faculLé d'avancer, ne
» l'exercent qu'après que les propriétaires opposés
» auront reculé les leurs. »
2 0 Si lln propriétaire obtiel1tl'alltorisation d'avancer sa maison, sa cour ou son clos sur un
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
479
chemin destiné à être rétréci ou reporté du côté
opposé, défense devra lui être faite d'ouvrir laté,ralement, c'est-à·dire dans les murs perpendiculaires à la façade, des portes ou des fenêtres, ou
d'établir l'égout de ses toits dans ce sens, parce
que plus tard les voisins se trouveraient dans l'impossibilité de venir se placer sur l'alignement, à
moins qne la commune ne payât nne indemnité
pour obtenir la suppression des droits acquis sur
la voie publique. Nous avons même vu, nO 570,
pag. 348 ci-dessus, qu'un arrêt de la Cour de
cassation, du 12 juillet 1842, était allé, quoique
i~compétemment selon nous, jusqu'à ordonner
la démolition des ouvrages qui avaient pour effet
d'anéanlÏr ces servitudes.
3° Dans le cas où, par l'effet de l'alignement,
le propriétaire qui reconstruit est autorisé à s'avancer sur la voie publique, quoique en général
il ne puisse le faire qu'exactement sur la largeur
dn front de sa propriété, ainsi qu'on l'a expliqué
à la fin du nO 567 ci.dessus; cependant, s'il est
séparé de son voisin par un mur mitoyen, on pense
qu'il pourra prolonger ce mur en ligne droite et
en lui conservant toute son épaisseur, sauf à en
céder la miloyenneté à ce voisi.n lorsque celui-ci
avancera aussi ses constructions; autrement, et si
le parement extérieur du nouveau mur ne devait
pas dépasser la ligne partant du milieu de l'épaisseur du mur mitoyen, il arriverait que plus tard
�480
TRAITÉ
le voisin, en en acquérant la mitoyenneté, aurait
plus que la largeur du front de sa propriété.
4° Dans l'hypothèse inverse, où il y a lieu a
reCUlell1en t, le propriétaire, qui, en reconstrnisa nt,
est obligé de retirer sa façade, ne pen t démolîr
jusqu'à la moitié de son épaisseur la portiun du
mur mitoyen restant en saillie qui snpporte la
maison ou clot J'héritage de son, voisin, parce
qll ,un mur n ,est pas susceptl'Il
) e (l' un parta~e matériel sectione corporum dans le sens dé son
épaisseur, et qu'co en dénl0lissant une partie ,. ce
'serait le détruire en to.talité; seulemen t le P1opliélaire qui reconstruit, pourra, au moyen d'une
tranchée f.·tÏte avec préca II tion et par parties, in fixer
les pierres de sa façade jusqu'à la moitié du mur,
afin que le voisin, quand il viendra à reconstruire,
ne comprenne pas dans le parement extérieur de
sa. façade l'épaissclll' entière dn mnr mitoyen.
Si cett.e portion de mur formant saillie éiait: en
un état de vétusté tel fJue, mise à nu et p"ivée de
l'appui de la façade du voisin, elle ne pttt pas
subsister sans des réparations que l'autorité mnni.
cipale refuserait de permettre, ce voisin, qui 0' aurait
fait qu'user de son droit en reconstl'Uisant et se
soumettre à lIne nécessité l~gale en se retirant, ne
serait passible d'aucune indemnité envers celui qui
se trouvera par là obligé à son tour de releve~ sa
façade etùe la reporter en arrière sur l'alignement;
c'est ce qu'a jugé la Cour royale de BOI'deaux,
par un arrêt du 25 novembre 1831 (Sirey, 32-2·
�DU DOlVTA1NE PUBLIC.
345), ainsi conçn:
481
Allendu CJlle Battut, en
» reconstruisan t la façade de sa maison si tuée rue
» du Loup, a fait tout ce que demandait l'intérêt
,> des appelants, afin que celle qui y est contiguë,
» et qui leur appartient, ftlt endommagée 'le moins
» tpossihle; que, sans dou te, L' écharpemen t qui
» :s'est manifesté dans le mur des appelants, joi," gnant celui de l'intimé, n'a en lieu que parce
'll> que
Battut' a reculé lors de sa construction;
) mais que Bal.lnt ne pouvait se dispenser de suivre
.» l'alignemen t q ni Illi avait été don né pal' la pol iée;
:» que pour qu'il cessât d'être pas1>ible d'aucune
» action, il suffit qu'il ait fait effectuer, ainsi
» qu'il l'a fait réellement, des ouvrages et des
» réparations au moyen desquels il a été pourvu,
)' autant qn'il dé[wmlait de lui, à la solidité des
.
.,
» ll1a1son8 VOlS1nes. l>
Il devrait en être autrement si, avec dessein,
.par négligence ou simple défaut de pl'éci1Ution, il
Y avait en tl~gratlation en délllolissant.; eommc
dans ce cas l'autorité n'en serail pas moins fundée
à empêcher toute réparation, ainsi que l'a décidé
un arrêt de la Cour de cnssation, du 2 aolÎt 1839
(Sirey, 40-1-19°), le voisin, obligé par suite à
reconstruire et à recnler sur-le-champ, anrait
incon tesLahlel1len t droit., en vertu de l' arl. 13~h
du Cod. civ., à exiger de l'auteur dn dommage
une indemnité calcnlée, non-seulemen t -en raison
des frais de reconstruction, mais aussi de la nécessité où il se trouverait d'abandonner immédiacc
�482
TRAITÉ
tement une partie de sa propriété dont, sans cela,
il aurait pu continuer à jouir pendant plus ou
moins de temps.
5° Quoique l'héritage du voisin de celui qui
reconstruit en se rctirant, soit en retour d'équerre
sur la nouvelle façade, néanmoins des fenêtres
pourront être pratiquées dans cette façaùe à moins
de six décimètres de distance de la ligne séparative
des deux fonds, quoiqu'elles forment des vues
obliques, soit parce que l'intervalle est un tel'l'ain
dépendant du domaine public, sur lequel des jours
peuvent être pris en toutes circonstances, ainsi que
11011S l'avons dit nO 570, page 356, ci-dessus, soit
parceque la portion d'héritage en saillie sur l'alignement qui n'est que tolérée momentanément doit,
par rapport au voisin qui s'est retiré par nécessité,
être considérée comme appartenant déjà à la voie
publique; c'est dans cette espèce même que nous
avons obtenu l'arrêt de la Cour royale de Dijon,
du 13 mars 1840, cité au numéro qui vient d'être
rappelé.
6° A quelle autorité appartient-il de prononcer
snI' le partage, entre les voisins, des portions de
.terrain [retranchées de la voie publiqne pal' suite
d'un alignement qui les oblige à avancer? L'article
52 de la loi du 16 septembre 1807, qui,
après avoir prescrit l'approbation, par le conseil
d'état, de.5 plans d'alignement, ajante: cc En cas
» de réclamation de tiers intéressés, il sera statué
» de même en conseil d'état sur le rapport du
�DU DOMAINE PUBLIC.
483
cc ministre de l'intérieur; » est-il applicable à
ce cas?
Nous Jle le pensons pas; une fois que l'alignement est tracé, l'administration se trouve entièrement désintéressée, et nous ne voyons point à quel
titre elle vieudrait s'entremettre dans un litige
ayant pour objet un tenain qui n'appartient plus
au domaine public et qui est de même nature
qu'une alluvion formée par le déplacement d'un
cours d'eau; les réclamations des tiers intéressés,
dont parle la loi du 16 septemhre 1807, sont évidemment celles élevées contre l'alignement pour
le faire modifier, mais non celles qui surviennent
à la suite de l'alignement, lorsqu'il est définitivement agréé par les parties ou fixé par l'autorité;'
il ne s'agit plus ici de règler les rapports des citoyens avec la voie publique, puisque nous su pposons qu'ils le sont par le plan légalement arrêté;
il est question seulement de régler les rapports
de particulier à particulier, à l'occasion, il est vrai,
d'une modification de cette voie, mais pour une
panie qui a perdu ce caractère pour rentrer Jans
le domaine privé. Que l'administration fasse exécuter l'alignement tel qu'il a été approuvé et qu'elle
le surveille, on conçoit alors son intervention qui
est jnstifiée par son intérêt; mais si le mode d'exécution met en conflIt des intérêts privés, on ne
voit plus sur quoi elle peut fonder sa prétention à
statuer sur des contestations auxquelles se rattachent presque toujours d'aillenrs nne appréciation
�48~
TRAITÉ
de litl'es et de droits <.1<' propriété ou de sel'vitudes, qui est incontestablement (lu n'ssort des tri·
hllnanx civils. cc L'adllJinistratioll, dit M, Tsarllbert
» (Traité de la voirie ~ tom. 3 , pag. 358), ne
» peut rien concéder en fait de llroits r1'ivés; elle
» ne peut qlle meUre le terrain publie à la Jispo» sitiùn -des propriétaires, sauf à cellx-ci à se de» mander réciproquement des indemnités, si, par
» le fait, ils innovent dans les servitudes pri» vées. »
Cependant la Cour de Bordeaux a décidé le contraire par un arrêt dn If> juin l824. dont voici les
motifs: c< Considérant que tont ce fJlli a trait aux
» alignements des voies publiques est cxclusive» ment du ressort de l'administration, et qu'en
)) lui conférant cette attribution, la loi a dé ter» miné la marche qu'elle devait suivre ponr que
» les intéressés pussent faire les réclamations qu'ils
» jugeraient nécessaires à la conservalion de leUl'S
)) droits; que l'alignement des fos&és Saint Eloi
» a été définitivcmen t arrêté il près l'oLsel'va -.
» tion des formes prescrites; que les façades des
» maisons fornlant le côté sud de ces fllssés sont
» en arrière de cet alignement; qne le tel'l'ain
» compris entre cet alignement et la façade dé)) pend de la voie pnbliqne et appartient à la ville,
» et qne les propriétairf's riverains ne peuvent en
» disposer' pour établir les nOll~!;:JI<'8 {aç:Jdes de
» leurs maisons qu'après l'avoir acquis d'elle, Con» formément à la loi du 16 septembre 1807; -
�DU DOMAINE PUBLIC.
,
485
" considérant que pour que ce terrain pnisse être
» occnpé par les intéressés, il faut qne le m"ire
" le concède, en fasse la distribution, détermine
;» la quantité qlli doit être acquise par chacun
» J'eux et la ligne qui doit être suivie pour l'en·
» clore et élever les murs de séparation; que si,
» dans ces opérations qui se lient essentiellement
» à l'exécution du plan approuvé, le maire adopte
;» qnelque disposition qui blesse les intéressés,
» c'est devant l'administration et non devant les
» tribnnallx que ces derniers doivent porter leurs
» réclamations; considérant que les tribunaux
» n'auraient pu connahre de la contestation qui
» s'est élevée qu'autant qu'elle aurait pour objet
» une question de propriété ou de servi tude; que
» celte question n'a nullement été agitée; que la
» réclamation de la dame Bmn ne se rapportait
» qn'au dommage que lui causerait l'exécution des
» dispositions adoptées' par l'administration, et
» qu'elle ne pourrait en élever relativement au
» droit de propriété, puisqu'elle n'a pas encore
» acquis le terrain qui longe la façade de sa l'uai» son; que sous ce rapport, elle n'avait pas qualité
» pour iutenter une action devant les tribunaux:
), contre lês appelants; qu'en prononçant sur celte
» réclamation, le tribunal a évidemment empiété
';). sur les âttribulions de l'adminisLration; que,
» d'ailleurs; la dame Brun avait reconnu la com» pétence de cette dernière, puisqu'~He lui avait
TOM. II:
31
�486
TRAITf:
" présenté plusieurs pétitions pour qu'elle prît une
" décision ..... "
Nous ne saurions admettre cette doctrine qui
repose sur une confusion d)iJées et sur plusieurs
errenrs faciles à démontrer; et d"abord ,que tout
ce qui a trait aux alignements soit de la compétence de l'administration, c'est ce que nous concédons lorsqu'il s'agit de l'opération en elle-même,
c'est-à-direde la fixation de la ligne séparative dela
proprihé publique d'avec la propriété p"ivée; mais
lorsqu'une fois cette délimitalion est faite, 'la répartition entre les riverains du tenain retranché
n'a plus trait à l'alignement et ne constitue plus
qu'un partage ordinaire d'un fonds particulier.......
En second lieu, si la loi a déterminé la marche à
suivre Je la part des intéressés, c'est seulement
lorsqu'iJ:, réclament contre l'alignemen t,et non lorsqn'en l'exécutant ils discutent entre eux sans rien
contester à la commune; les termes mêmes de l'art.
52 de la loi de 18071e démontrent, la réclamation
dont il est parlé est une critique du tracé propose
par l'adlllinistration et non une demande en partage ou une résistance à la prétention d'un particulier. - En troisième lieu, s'il est vrai que pour
que le terrain puisse être occupé par les intéressés, il faut que p,'éalahlement le maire le leur concède, on ne peut également en coüclure que ce
magistrat doive aussi en faire la distribution, sauf
le recours au tribunal administratif s'il adopte
quelque disposition qui blesse let~rs droitSc; le fonds
�DU
Dm~E
PUBLIC.
487
pne fois sorti du domaine de la commune, celleci n'a plus d'iutérêt à le suivre entre les mains des
acquéreurs et partant, doit cesser la compétence
du conseil d'état qui n'a qualité que pour jugel'
les differends où l'administration est partie ou a
intérêt; c'est ainsi qu'en cas de vente de domaines
nationaux, les conseils de préfecture pouvaient
seuls interpréter les actes qui, de l'état, avaient
transmis les biens aux particuliers, mais étaient
incompétents pour connaître des difficultés qui
s'élevaient dans le partage entre les acquéreurs ou
à raison des reventes ultérieures. - En quatrième
lieu, la Cour a tort de dire que la contestation
n'avait point pour objet une question de propriété
ou 'de servitude, mais se rapportait à un simple
dommage, puisque nous avons démontré, nO 570,
que les droits qu'exerçaient les riverains sur la voie
publique constituaient de véritables servitudes
dont ils ne pouvaient pas être arbitrairement privés par l'autorité; vainement on voudrait se prévaloir d.es termes de l'art. 53 de la loi du 16 septembre, qui portent que dans le cas où un propriétaire pourrait recevoir lafaculté de s~avancer,
etc., pOUl':en induire que l'administration, pouvant
ne pas céder, doit à plus forte raison avoir le droi~
de ne le faire que sous des conditions et de la
manière dont elle seule restera juge; ce :serai~ en
effet mal interpréter cette disposition uniquement
décrétée pour laisser à l'autorité administrative la
faculté ~e conserver le terrain si elle le croit con-
�488
Tl\.AI'fÉ
venable, malS non pour l'investir du pouvoir
d'en disposer à son gré entre les voisins lorsqu'une
fois elle a pris le parti de le retrancher comme
étant inutile à la voie publique; de ce qu'elle n'est
pas contrainte de le céder lorsqu'elle présume en
avoir besoin, il ne s'ensuit pas qu'elle soit maîtresse d'en gratifier l'un au préjudice des aulres
quand il est reconnu qu'elle doit en faire l'abandon. - En cinquième lieu, le défaut de qualité
opposé à la dame Brun, à raison de ce qlle tant
qu'elle u'avait pas acheté de la ville, elle ne 'pouvait,intenter \lne action en partage devant les tribunaux, tombe devant cette considération que les
voisins d'une voie publique, dont une partie doit
être cédée, ont un droit acquis à l'obtenir chaclln
vis-à-vis soi, qnoique le prix n'en soit encore ni
réglé, ni payé; droit qui peut devenir la base 'et la
cause d'une action judiciaire contre ceux qui '\'oudraient se l'approprier en tout ou en pal-tie au mépris des règles posées par la loi et la jurisprndenée.----.
Enfin le dernier motif de l'arrêt, tiré de ce que la
juridiction de l'autorité administrative aurait été
reconnue par les pétitions qui lui avaient été
adressées, est sans force dans une affaiœ d'incompétence ratione materiaf! qui tientà l'ordre public
et sur laquelle les parties ne peuvent transiger.
La même question s'étant présentéé entre un
M. Boucheporn et une dame Denys devant le tribunal de première instance de Chaumont, il intcr.
, 1
1
• 8"
.
'Vlnt ega emen l, e 12 aout 1 2':}; un Jugement
�DU DOMAINE PUBLIC.
489
d'incompétence suivi, le 9 auût 1825, d'une ordonnance en conseil d'état, qui procéda au partage
entre les parties du terrain retranché de la voie
publiqne, en ajoutant qu'il resterait grevé des
jonrs dont jOllissaientles deux maisons antérieurement; sur Je pourvoi de M. Boucheporn, une seconde ordonnance, à la date du 4 juillet 1827,
confirma la première par le motif, an fond,
ce qu'aux termes des art. 51, 52 et 53 de la loi
» du 16 septembre 1807, tou tes les qnestions con)' cernant les alignements, les ventes et cessions
" de terrain ct Jes droits. des tiers relativement
» allxdits alignements, doivent être résolues en
» conseil d'état sur le rapport du ministre de l'in" télieur ...... » Sur cette décision, nous ne ponvons que répéter ce que nous avons dit relativement à l'arrêt de Bordeaux, à savoir que les questions d'alignement ne sont du ressort de l'administration qu'autant qu'elles s'agitent entre l'autorité municipale et les riverains, et not) lorsqu'elles
ne concernent que ces derniers qui, en respectant
le tracé, discutent sur le mode de division de la
partie de terrain retranchée; autrement il faudrait
décla rel' aussi que les difficultés que nous avons
examinées sous les nOS 2,3, 4 et- 5 quiprécèdent,
seraient également dans les attributions, nouS ne
dirons pas seulement des cunseils de préfecture,
mais bien du conseil d'état, car c'est à ce tribunal
supérieur que la loi de 1807 attribue seul corn pé.
tence en fait d'alignements.
�490
TRAITÉ
7° L'alignement une fois arrêté, l'administration pent bien contraindre les propriétail'es à retirer sur la limite déterminée les constructions qu'ils
veulent élever en remplacement de celles en saillie
qu'ils ont fait démolir; mais pourrait-elle également les obliger à avancer celles qui sont en retraite?
La llégative est incontestable; aucune loi ne'
donne ce pouvoir, la raison J'utilité publique qui
autorise à empêcher des constructions qui nuiraient à la sûreté ou à la commodité du passage,
cesse d'exister lorsqu'il s'agirait de forcer à avancer une façade sor l'alignement; tout au plus l'administration pourrait-elle user du droit résultant
de l'art. 53 de la loi du 16 septembre 1807, ainsi
conçu: «Au cas où par les alignements arrêtés, un
» propriétaire pourrait recevoir la faculté de s'a» vancer sur la voie publique, il sera tenu de
» payer la valeur du terrain qt;li lui sera cédé .••.•.
» Au cas où le propriétaire ne pourrait pas
» acquérir~ l~administration pubLique est au» torisée à le déposséder de L~ensemhle de La
» propriété ~ » ce qui ne pourrait avoir lieu aujourd'hui que par voie d'expropriation dans la
forme réglée par la loi du 3 mai 184]; or il est
fort douteux que l'ou considère comme étant d'u.
tilité publique devant entraîner l'expropriation
d'un citoyen, l'avantage presque uniquement de
décoration et de régularité que produil'ait le l'C-
�DU DOMAiNE PUBLIC.
491
port SUl l'alignement d'une construction en retraite.
Le seul droit qu'aurait l'auto.rité· municipale,
serait de prescrire la clôture du terrain sur l'alignement par un mur ou une palissaùe, ponr faire
dispar,litre des renfoncements qlli, pouvant favorise.' la malveillance, nuisent aussi à la propreté
et à la beauté des rues et chemins.
C'est ce qui résulte, Iode l'avis des comités
réunis de législation et de l'intérieur, du 3 avril
1824, rapporté dans le Traité du domaine public~ nO 410, ci· dessus, à la note, et ainsi conçu: « Si
» les constructions ont été faites en retraite de l'a.
» lignement, il ne peut y avoir lieu d'cn requérir
» la démolition, mais seulement d'ordonner, pal'
:» voie administrative, la clôture de l'enfonce:>, ment irrégulier; » '.)..0 d'un arrêt de la Cour de
cassation du 19 août dB6 (Sirey, 37-1-406),
portant que ~( l'arrêté du maire de Saint-Germain,
» se fondant sur le danger que l'état actuel du ter» rain bordant la rue présente pour la sû.'cté pu» blique, a légalement enjoint au prévenu de
» le clore, et qu'il est dès·lors pleinement obliga» toire, tant qu'il n'aura pas été, s'il y a lieu,
» modifié ou rapporté par l'administration snpé» rieure; d'où il suit qu'en refusant de punir son
» inexécution sur le motif que la mesure prescrite
» dépasse les limites du pouvoir attribué à l'auto:» rité municipale et qu'elle porte une véritable at)' teinte au droit de propriété, le jugement dénoncé
�492
TRAITÉ
a faussement appliqué l'art. 159 Cod. d'inst.
» crim., commis un excès de pouvoir et une vio)' lation expresse tant. des règles de la compétence,
), que des lois des 24 août 1790 et 22 juillet 1791;
3° Ju passage suivant des Questions de droit administratffde M. de Cormenin (4 e édit.~ tom. 3,
page 498) « Si l'on a bâti sans autorisation sur une
» grande route, en arrière de l'alignement donné
;» par une ordonnance royale, il n'y a pas dans ce
» fait de contravention aux. réglemcnts de la
" grande voirie; on peut être seulement tenu de
» se clore dans l'aLignement ~ afin de faire dis» paraître des angles et renfoncements dangereux
» pour la sûreté publique (ordonnance du 4 fé ...
)' vrier ] 824, Legros); )' 4° et de l'opinion de
MM. Stourm et Gillon, dans le Code des muniei·
palités~ page 190, où ils disent que: cc l'aligne)' ment des maisons n'a pas pour senl but de pr~" curer à la circulation l'espace nécessaire; qu'il
» tend aussi à empêcher ces enfoncements où les
» malfaiteurs pourrcient se réfugier, et qui offri)' raient en même temps des dépôts d'immon,) dices. " C'est par le même motif que li! Cour de
cassation, notamment par arrêt dn 9 mars 1~J38
(Sirey, 33-1-803), a déclaré obligatoire un régiement municipal qui ordonnait la fermeture pendant la nuit des poI"tes d'aBées, de cours ou d'impasses.
Mais il faut que les arrêtés à cet égard aient
réellement pour Cause la sûreté ou ]a commodiré
»
l)
1
�DU DOMAINE PUBLIC.
493
du passage, car ils ne peuvent, en général, comme
décidé la Cour de cassation, par arrêt du 3 mai
1833 (Sirey, ':)3-1.808), dans une espèce où un
maire avait olllonné aux riverains d'un chemin de
creuser un fossé sur leurs héritages, porter aucune
atteinte aux droits de propriété d'un particulier en
lui imposant une s~rvitnde sur son fonds. Nous
qvons même souten li que les propriétaires de jardins situés au contre-bas du sol de la rue d'un villagp, n'étaient point tenus de se confonher à l'arrêlé du maire qui leur avait prescrit l'établissement
de ml1l's de soutenement formant parapet, parce
qlle la diffùence considérable de niveau ne provenait point de leur f.1it, mais de la disposition naturelle des lieux, ainsi Ciue de l'exhaussement" de la
voie publique tracée sur le flanc d'un coteau, et cette
défense a été accueillié tant par décision du ministre des travaux publics du 21 juillet 1333 qui a
cassé l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or approbatif
de l'arrêté municipal, qne par le tribunal correctionnel de Dijon, dont lè jugement, en date du31
août suivant, a réformé la sentence_du tribunal de
police ~le Fontaine-Française qui avait condamné
les contrevenants à l'amende et même à l'emprisonnement à cause de la récidive.
8° Les soins de l'administration devant se portel'
non-seulement sur l'élargissement et le redressement des voies publiques, mais encore sur leur
nivellement et sur l'aplanissement des rampes
qui en rendent l'usage dangereux ou difficile, il
l~a
•
�49Ji.
TRAITÉ
sera nécessaire, lorsque l'on pourra prévoir l''illilité
d~ travaux de cette dernière es.pèce, de ne pas se
horner seulement à donner l'alignement, c'est-àdire à tracer le plan vertical dans lequel devra être
établi le mur de face, mais il faudra encore déterminer le plan horizontal, au niveau ou à partir
duquel pourront être posés les seuils des portes
et les tablettes inférieures des fenêtres. - Autrement, et lorsque le nivellement de la rue ou du
c~emin s'exécuterait, les ouvertures des maisons
et des cours nc se trouveraient plus en rapport
avec le sol, ce qui, d'après ce que nous avons dit
au nO 570, pag. 346, ci-dessus, motiverait des
demandes en indemnité de la part des riverains.
Il serait à (h~sirer que la mesure prescrite pOUl'
Paris, par ravis du conseil d'état, du 30 août3 septembre IH!1 (a), afin d'évitel' cet inconvél1ient, fût étendue à toutes les voies publiques, et
qu'un plan de nivellement accompagnât toujours
celui d'aligncmen t.
9° JI est une autre servitude qui peut être imposée atlx constructions joignant la voie pnhlif]ue,
c'est celle qui ne permet de les élever qu'à une
hauteur déterminée; elle existe à Paris en vertu
de la déclaration du roi, du ] 0 avril 17H3, et des
leures- pa tentes du 25 août 1784.
(a) Voyez le texte de cet avis au nO 409 du Traité du domaine public, ainsi que la note que nous avons placée sous
le nO 413.
�DU DOMAIl'l~ PUBLIC.
495
Comme il est convenable de ne l'étahlir que
dans les villes très-populeuses où l'on cherche à
en tasser le plus de personnes dans le moindre
espace possible, nous nous bornerons à dire que,
contrairement à l'opinion du ministre de l'intérieur ( M. Davenne , Recueil des lois de voirie),
le droit de fixer la hauteur des bâtitnents rentre
dans les attributions de l'àutorité municipale, ainsi
que l'a jugé la Cour de cassation par deux arrêts,
l'un du 30 mars 1827 (Sirey, 27-1-477); conG,ernant un réglement fait à cet égard pal' le maire
de Lyon; et l'autre, du 8 août 1833, portant que
cc le droit de voirie a toujours compris, en France,
» le pouvoir notamment de régler l'alignement,
» la hauteur et la régularité des édifices, bâti.
"
» ments et constructIOns
e'1'
evees ou reparees,
» joignant la voie publique. )')
10° Nous avons dit plus haut que si l'autorité
municipale n'avait pas le droit de prescrire un
mode particulier d'architecture (arrêt de la Cour
de cassation, du 14 août 1830), elle pouvait défendre l'emploi de matériaux offrant des dangers
sous le rapport de la sûreté du passage ou des
incendies; c'est par suite de ce principe que par
divers arrêts, notamment des 29 décembre 1820
( Siadous), I l mars 1830 et 5 septembre J 835 ,
la même Cour a jugé que les arrêtés municipaux, qui défendaient de bâtir et réparer des
maisons en pans de bois ou colombage dans l'intérieur des villes, bourgs et villages, étaient ohli-
�496
TRAITÉ
gatoires. €E'pendant celle défense ne devrait pas
être étendue indistinetement à toutes les localités;
CC il Y a certaines villes de province, dit M. Da)f venne (Supplément au RecueiL des lois de
» voirie), où la rareté et le prix élevé de la pierre
.» ne permeUent pas généralement de bâtir autre» ment qu'en bois. Plusieurs décisions ministé.:.
» rieHes on t refusé, en conséq uence, d'approuver
» des projets de réglements de police tenùant à
» probib~r ce genre de construction, à moins
~> qu'il n'ait été expressément interùit par quelque
» acte de l'ancienne législation spécial aux loca» lités. »
11° Il ne faut ·pas confondre avec un arrêté
d'alignement, qui ne peut recevoir d'exécution
que par le fait de la démolition spontanée de la
part du propriétaire ou par l'état de ruine absolu
du bâtiment, le réglement par lequel l'autorité
municipale ordonnerait la suppression de bornes,
bancs on au tres saillies sur la voie pll blique; ce
réglement doit produire son effet illlmédiateinent,
sans attendre qu'il y ait lieu à remplacer les objets
dont il s'agit, ponr cause de vétusté. La Com de
·cassation l'a ainsi jugé par arrêt du 30 juin 1836
(Sirey, 36-1-847), dont voici les termes: cc At» tendu que le principe de la non rétroactivité
» des lois ne peut s'appliquer aux réglements de
» simple police, l'autorité municipale ayant le
» droit et le devoir de veiller en tout temps à ce
» qui peut intéresser l'ordre et la sûreté publique;
�DU DOMÀlNE PUBLIC.
497
que le maire de Dunkerque a pn, dans l'in» tél'êt général, in terdire les bornes déjà existantes,
» dans le but d'assurer la commodité du passage;
" d'où il suit qu'en refusant de reconnaître et de
" punir la con travention du sieur Coppens, quoique
» légalement constatée, sous le prétexte qu'il y
» aurait rétroactivité, le jugement attaqué a fait
» une fausse application des principes sur ce point,
» violé l'arrêté, etc..... " Cette décision est parfaitement juste; mais il nous semble que pour la
motiver, il n'était pas nécessaire de recourir au
principe contestable de la rétroactivité des arrêtés
de police; principe que la même Cour a repoussé
par un autre arrêt du 3 décembre 1840 (S., 41-183 ), en décidant que le réglement qui défendait
les couvertures en chaume ne pouvait s'appliquer
qu'aux constructions nouvelles et non à ccllesprécédemmeut établies de cette manière; le droit du
Iuaire à faire supprimer sur-le-champ les bornes,
résulLc évidemment de ce qne toute saillie sur la
façade des construcLÏons formant empiètement sur
le sol public n'existe jamais, comme l'enseigne
M. Proudhon (Traité du domaine public~ nO
366), qu'à titre précaire et en vertu d'une permis.,.
sion expresse ou tacite toujours révocable ad nutUJn. La différence entre un bâtiment en dehors
de l'alignement et dont l'autorité municipale ne
pourrait ordonner sur-le-champ le retranchement,
si ce n'est au moyen d'une expropriation, et une
borne, 1111 banc, un tuyau de poêle, etc., qu'un
» -
�498
'l'flAITÉ
ordre de la maIrIe peut faire enlever à l'instant
même, consiste en ce qne le premier, quoirl'Je sujet
à reculement, est possédé à tit·re de maître par le
riverain qui ne peut être dépouillé du sol que
moyennant indemnité, tandis que les autres ne
sont que des usurpations sur un terrain iOlprescriptihle, incapables de fonder aucun droit de propriété ou de possession animo domini pendant
quelque temps qu'elles aien t existé etiam per mille
annos~ et toujours sujettes à suppression sans expropriation ni dédom magcmen t.
. Pour qu'il y ait rétroactivité dans le sens légal
de ce mot, il faut qu'il y ait atteinte portée à un
droit acquis (a); or, comme les réglements de police, pour être obligatoires, ne peuvent avoir pour
objet que le maintien de l'ordre, de la sécurité et
de la salubrité, choses inaliénables, imprescriptibles, et qu'aucunes conventions ni possession ne
peuvent mettre en dehors de l'action et de la surveillance incessante du pouvoir municipal, ainsi
que le reconnaît la Cam de cassation, par ses arrêts ci-dessus rappelés, notamment par celui du
23 juillet 1836 (37-1-246), il s'ensuit que, même
en s'a~taquantà un fait antérieur et préexistant, un
(a) Voyez à cet égard la savante dissertation de M. Proudhon, dans son Trarté de l'état des personnes, chap. 4, ainsi
que les excellentes notes dont M. Valette, professeur à la faculté de droit de Paris, a enrichi la 3 e éJition de cet important
ouvrage.
�DU DOMAINE PUBLIC.
499
a1'rêlé de police corn pétemmen l pris ne peut jamais
avoir d'effet rt;troactif, c'esl·à·dire anéan lir un droit
ou une espérance légitimes. Il ne fait qne rappeler
à l'ordre, supprimer un abus, retirer une permission 011 révoquer un acte. de tolérance.
La dif1ërence que nons venons de signaler entre
ies entreprises sur le sol pnblic elles constructions
sur un terrain privé, donne lieu à une conséqnence
-qui peut êtl'e d'une application assez fréquente
-dans les villes; si en repavant une rue on déverse
,les eaux vers les portes d'une maison ou que l'on
re'ndc l'usage de ces portes incommode, il Ya lieu
à réparation du dommage; si au contraire on dé·
-chausse une borne, on fait tomber un banc, on
laisse en saillie un trapon de cave, ou que ce trapon se tl'Ouvant désormais en contre-bas, les eaux
s'y intl'Oduisent, le propriétaire ne pourra pas sc
plaindre. Dans un cas, il Y aura atteinte portée à
l'exercice d'une servitude contrairement à l'art.
701 du Cod. civ.; dans l'autre, il Y aura simplement cessation de tolérance, et retrait d'une permission révocable.
12° Bien que l'autorité du préfet et celle du
maire soient, en fait d'admiriistration, de même nature , quoiqu'à des degrés hiérarchiques différents,
et qu'en cas de refus ou de négligence de celui-ci,
le préfet puisse, aux termes de l'art. 15 de la loi du
18 juillet 1837, s'emparer du pouvoir municipal eL
l'exercer, cependant Je préfet ne pourrait donner
un alignement de petite voirie, pas plus que Je
�500
• TRAITÉ
maire ne pourrait en délivrer un de grande voirie.
La séparation des pouvoirs à ceL égard est établie
par de nombreux monnments de jllrisprndence
civile et adlllinistrative. Plusieurs arrêts du cons.·il
d'état, notammentdes3 mars 1825 (Cretté), d juillet suivant (Humhert), et 13jnillet dh8 (Julien),
ont. annulé des arrêtés préfectoraux qui avaient
fixé' l'alignement de rues ou chemins de commune et ont renvoyé les parties à se pourvoir de~
vant l'autorité municipale; comme aussi d'autres
arrêts du même conseil, en date des 20 novembre
18l!>, 29 août l~bl (Enjalhert) , 6 juin 1830
(demoiselle André), et6 août 18.10 (Icard) , ont
condamné, comme contrevenants, des propriétaires
qlji avaient construit le long de roules royales ou
départementales, en vertu d'alignemenls délivrés
par des maires; il a été de plus jugé que l'excuse,
même véritable, tirée de la Lon ne foi, ne pouvait
être .prise en considération. et enlever à la con travention son caractère. (Affaire André, ci·dessllsiarrêt de la Cour de cassaI. du 6 juillet 1837;Sirey, 37'1-686).
Les chemins vicinaux de grande communication,
sans appartenir à la grande voirie, élant cependant
placés par l'art. 9 de la loi du 21 mai 1836 sous
la-surveillance et l'autorilé directes du préfet, les
maires seraient, incompétents pom délivrer les alignements et les permissions de bàlil' sur leurs
bords; par arrêt du 29 ao(\t 1840 (Sirey, 40'1-815),
la Cour de cassation a décidé avec raison que ce
�501'
DU DOMAINE PUBLIC.
droit n'appartenait qu'au préfet; il en serait cependant autrement si, par l'arrêté général fait en vertu
de l'article 21, il Y avait délégation au profit des
mmres.
Lorsqu'une maison située au point de jonction
d'une route ou d'un chemin de grande eommunication et d'un chemil1~vicinal ordinaire, ou d'une
rue, a des façades sur chacune de ces voies publiques, il faut demander deux alignements, l'un
au préfet et l'autre au maire, l'autorité du premier
ne devan t pas absorber le pouvoir du second (arrêt du conseil du 7 mars l~hf).
Il est utile de rappeler ici que, d'après un avis
du conseil d'état du 18 janvier 1837 (Sirey" 37-2246), les rues qui sont la prolongation des chemins vicinaux: de grande communication dans la
traverse des communes, doivent être considérées
comme partie intégrante de ces chemins, et, à ce
titre, sont soumises aux mêmes règles, notamment
en ce qui concerne la nécessité de demander l'alignement aux préfets.
13° Lorsqu'un alignement a été donné par un
arrêté du maire, approuvé par le préfet, et que le
propriétaire s'y est conformé, on ne pourrilit ensuite le forcer à démolir pour se reporte l' sllr une
autre ligne qu'en l'indemnisant; c'est ce qu'enseigne M. Proudhon dans son Traité du dQmaine
public" nO 403, et ce que décident deux arrêts du
conseil d'état, des 12 décembre 1818 (Hazet),
TO]\'[. 1].
:12
\
-
�502
TRAITÉ
et 14 juin 1836 (ville de Broussac), -Sirey~
20-2-] 74, et 36-2-447· )
Celte solution devrait encore être appliquée da us
le cas où le propriétaire aurait construit en vertu
d'un simple,arrêté municipal qui, plus tard et après
que les travaux seraient terminés, aurait été réformé
par le préfet. Cette hypothèse s'est présentée à Dijon, et un arrêt du conseil d'état, rapporté par M.
Proudhon, loco citalo, l'a décidée de la sorte par le
motif que si l'arrêté du maire devait être soumis à
rapprobation du préfet, c'était à l'autorité municipale à l'obtenir et non an particulier. cc Attendu,
» en (lI'oit, porte également un al'fêt de la Cour
) de cassation, du ]6 avril 1836 (Sirey, 36-1» 656), qu'aux termes des art. 5 de l'éditdu mois
» de décembre 1607, 3, nO 1 er , tit. 11 , de la loi
er
» des 16-24 août 1790; 2.9 et 46, tit. 1 , de celle
» des] 9-22 juillet 1791 , le pouvoir de tracer les
» alignements de petite voirie appartient, dans,
» chaque commune, à J'autorité municipale; que
» ses arrêtés, en cette matière, sont définilifs
:D pour celui qui les a obtenus; tant qu'ils n'ont
» pas été modifiés ou réformés, avant leur exécu» tior{, par l'administration supérieure; d'où il
») résulte que celle-ci, lorsqu'elle n'use de son
'" 'droit de réformation qu'après que l'alignement
~) tracé a produit son effet, ne peut pas le re'ndre
» comme non avenu et ohliger l'impétrant à dé» molir les constructions par lui élevées en s'y
» conformant. » Ce qui, du reste, doit incontestablement et surtout d'après l'arrêt du conseil
�503
d'état du 14 juin suivant ci-dessus cité (Sirey,
DU DOMAINE PUBLIC.
36-2-447), s'entendre en ce sens seulement, que
la construction ne constituant pas une contravention, la démolition ne peut pas en être ordonnée
purement et simplement à titre de peine, mais que
l'administration n'a le droit de l'exiger que moyennant une juste et préalable indemnité.
La question résolue par la Cour de cassation
serait encore moins douteuse aujourd'hui, en ce
que, d'après l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837,
l'approbation préalable n'a plus lieu ; quand l'arrêté
n'est point permanent, il est exécutoire sur-Iechamp de plein droit; s'il est permanent, son exécution est seulement suspendue pendant un mois.
14° Mais si l'admiuistration, qui depuis l'autorisation pê;lr elle donnée a changé l'alignement, ne
demande pas la démolition immédiate des constructions élevées suivant son tracé, lesquelles désormais se trouveron t en saillie, le propriétaire qui
les a faite~ pourrait-il prétendre à une indemnité
et réclamer le droit d'y exécuter les réparations
qu'il jugera convenables?
L'affirmative a été adoptée par un premier arrêt
du conseil d'état, du 15 février 1833 (Sirey, 342-499), qui â seulement ajourné le réglement de
l'indemnité jusqu'au moment où les bâtiments
seraient 'reculés; mais une seconde décision du
même conseil., en date du 24 avril 1837 (Sirey ~
37-2-379), est revenue sur cette jurisprudence:
ct Considéran t, porte~ t-elle , que l'alignemen t dé» livré en IH30 à la dame d'Osmont, a été donné
�TRAITÉ
conformément au plan arrêté en exécution de
» la loi de 1807; qu'aux termes de l'art. 50 de
» ladite loi, le propriétaire, soit qu'il fasse volon» tairement démolir sa maison, soit qu'il soit
» forcé de la démolir pour cause de vétusté, n'a
» droit à une indemnité qne pour la valeur du
)~ terrain délaissé, si l'alignement qui 1ui est
•
» légalement donné le force à reculer sa cons» truclion; que cette disposition exclut toute pré» tention à une indemnité pour le préjudice
» résultant de la différence entre le plan arrêté en
» notre conseil d'élat et les alignements précé» dents. »
Cette dernière solution est sans doute fort dure,
elle serait même de la plus grande injustice si le
nouveau plan avait suivi de près le premier et si le
changement n'avait pas été motivé par quelque
.
.,.. ,
Clfconstanee grave et Imprevue; malS aUSSI n y
aurait-il pas d'autres inconvénients à poser en
principe l'immutabilité absolue et en quelque sorte
éternelle des alignements? Lesbesoins d'une époque
ne sont plus ceux d'une autre; le tracé suffisant
pour une petite ville ne conviendra plus lorsque le
commerce et l'industrie eu auront décuplé la population et la prospérité, comme au Hâvre, à Mul·
house, à Sainl-Etienne. Les propriétaires qui
verront accroître la valeur de leurs fonds, ne de·
nant-ils pas, par réciprocité, se soumettre aux
exigences nées des causes mêmes qui auront augmenté leurs capitaux? Nos lois positives, œuvres
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
505
de notre faiblesse, de notre imprévoyance et trop
souvent de nos passions, ne peuvent prétendre à
la fixité de celles de l'ordre physique ou moral que
l'auteur de toutes cboses a établies. Ne proposet-on pas en ce moment aux chambres législatives
de prohiber, par la prison et par des amendes, l'cxploitation d'une industl:ie que prescrivaient les
décrels des 25 mars 1Bl l et lb janvier 1812, et
que Napoléon encouragea par d'énormes sacrifices
pécuniaires ainsi que pardes récompenses nationales!
D'ailleurs la nécessité d'obtenir un alignement
résultant, dans toute la France, de l'édit de 1607,
et une immense quantité de constructions ayant
élé élevées depuis cette époque, il faudrait les
respecter aussi bien que celles postérieures à l'applicalion de la loi de 1807, c:;e qui rendrait l'exécution des plans impossible •.
15° Nous avons dit au nO 54°, pag. 248, ci-dessus, que par l'effet du jugement d'expropl'iation, le
propriétaire contre qui il avait été rendu, se ,trouvait dépouillé de sa chose quoique l'indemni.I-é
Apomt
· encore ete
" reg
, l'ee et payee;
' d ' ou, 1a conn 'eut
séquence qu'à partir de ce. moment il ne pourrait
plus l'hypothéquer, ainsi que l'enseignent d'ailleurs MM. Duvergier (Colleet. des lois~ vol.
de 1833, pag. 290') et Deialleau ( Traité de
lJexprop.~ UOS 356, 361 et suil/.); comme dans
le cas d'alignement, il n'y a poiDt de jugement à
rendre et que la servitude légale non aedijicandi
qui en résulte, est établie par l'ordonnance royale
�506
TRAITÉ
même, approbative du plan, ùoit-on en conclure
que la prohibition d'hypothéquer la partie retranchaLle remonte à cet acte P
,
On l' ~ prétendu, mais la Cour de cassation a
repoussé ce systême par un arrêt du 19 mars 1838
(Sirey, 38-1-212), ainsi motivé: cc Attendu que
» l'arrêt attaqué décide, en droit, que la fixation
» d'alignement (f..1ite par le préfet de la Seine) ,
') quoiquf' pouvantùonnerlieu à une indemnité (ré» gléeeffectivementdepuis), n'avait point eu pour
» effet de dessaisir actuellement Saucède de la pro» priété des portions de terrains retranchées sur
)) lesquelles il lui était interdit de bâtir, et qu'ainsi
» il avait pu les hypothéquer valablement; qu'une
') pareille aécision, loin de violer les articles de lois
» invoqués, a fait, des principes sur la mati~re,
" la plus juste application. " En effet, dans ce
genre d'expropriation passive, c'est-à-dire qui
s'exerce non par voie d'action, mais seulement de
prohibition, le dessaisissement et la transmission
de la propriéLé au profit de la commune ne s'o'pèrent qne du jour ùu paiement de l'indemnité
on de Itoffre' qui en est régulièrement faite. La
simple signification de l'alignement n'a point pour
résultat d'investir celle-ci de la propriété qu'elle
veut réunir au domaine public, elle ne constitue
de sa part qutun acte conservatoire dont la consé'quence ntest réalisée et ne peut lui être définitivement acquise que par la numération de l'indemnité ; dès-lors, et jusqu'à ce dernier fait, le pro-
�DU DOMAINE PUBLIC.
507
pnetaue peut valablement consentir hypothèque
sur la partie soumise à retranchement, et il, ne
saurait ensuite faire à une autre personne le transport des intérêts courus dans l'intervalle de la signification de l'alignement au paiement, et qui,
comme accessoires du prix de la vente, ont. la qualité de valeur immobilière.
16° Ces principes son t exacts en ce qni concerne
la transmission du droit de propriété en lui.même,
mais il ne faudrait point les étendre à l'usage que
le maître du fonds peut faire de sa chose, ni au
point de vue sous lequel elle doit être considérée
en ce qui concerne la voirie; par une fiction indispensable, pour prévenir la fraude si ingénieuse en
celle matière, la portion de bâtiment sujette à retranchement est dès le moment de sa démolition,
censée réunie à la voie publique et en former une
partie intégrante ayant le même caractère que le
surplus, quoique la valeur du sol n'en ail pas encore été réglée et le prix payé.
En conséquen.ce, le propriétaire, après avoir démoli, ne pourrai.t reconstruire àl'aligQement sans
demander d'autorisation sous le prétexte que sa
nouvelle façade est séparée.de la voie p,ublique par
un terrain qui lui appartient encore puisqu'il n'en
est pas payé: cc Attendu, endroit, dit en effet un
» arrêt de la Cout: de cas~ation du 4 octobre 1834
» (Sirey~ 35-1-233) ,que dès l'instant où Bérard
» a volontairement exéèuté l'arrêté d'alignement
". en effectuant le reculement de la faç,ade de sa
�50S
TRAITÉ
maison, toute la portion du terrain dont l'opé~
ration devait élargir la voie publique s'est trOlll) vée incorporée à celle-ci, comme si elle en avait
» toujours fait partie; qu'ilue pouvait donc pas
l) légalement entreprendre les travaux dont il s'a~
» git, sans y avoir été préalablement autorisé pal'
l) l'autorité municipale; que dès-lors, en le re» laxant de la poursuite exercée contre lui à ce
l) sujet, SUl' le motif qu'il continue d'être proprié» taire du terrain en question tant que la mairie
» ne lui en aura pas pay~ la valeur, et que, par
» suite, il n'avaIt pas dû obtenir l'autorisation
» précitée, le jugement dénoncé a faussement in» tt'rprété l'art. !:Jo de la loi du 16 septembre
» 1807; casse.•. ;» mêmes principes dans un se~
cond arrêt du 27 janvier 1837 (SireYJ 37-1-173),
sur lequel nous reviendrous plus tard .
Ainsi encore et à pl us forte raison, ce terrain
destiné à la voie publique est-il censé en faire
partie par rapport aux voisins qui ne peuvent poiut
exciper du défaut de paiement du prix; une maison
saillante sur la route de trois mètres s'est écroulée , le propriétaire la reconstruit en se retirant SUi'
l'alignement; il laisse dès-lors au - devant une
place ville SUl' laquelle la maison' voisine a un mur
laléral qui a été endommagé par la chute de la première maison. Le propriétaire de.ce pignon se
.croit autorisé à le réparer sans prendre de permission préaLhle, s'agissant d'une portion de mur
qui ne s'élevait pas le long de la route et parallèlel)
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
509
ment à son axe, puisqu'elle y tombait au contraire à
angle choit; cependant, comme c'était toujours nn
DHl\' joignant la route, un arrêt dn conseil d'état
du 8 tllai 1822 a condamné le 'propriétaire, le sieur
Riou, à l'amende pour l'avoit, réparé sans autorisation.
Il faudt'ait en direde même ducas où l'alignement
retrancherait une maison en totalité et dans toute
son épaisseur; aussitôt qu'elle serait démolie, la
maison située par denière se trouverait joindre la
voie publique, et aucuns travaux ne pourraient y
être faits sans permission.
Mais pour qu'une maison soit censée démolie,
faut-il qu'elle soit rasée jusqu'au niveau du sol r
Non, parce que, d'une part, il serait trop facile de
se soustraire à la loi en laissant subsister les murs
à quelqnes mètres de hauteur, et parce que, d'un
autre côté, l'abaissement d'un mur devant être
considéré comme tendant à le consolider, il Y a
lieu d'en ordonner la démolition totale, ainsi que
l'a jugé la Cour de cassation le 8 janvier' 1830 (Sirey, 31-1.325), cc rien n'étant plus propre, comme
" le déclare l'arrêt, à prolonger la duréed'uo mur,
» que d'en diminuer la hauteur et le poids, et à
;»
maintenir ainsi sa conservation au-delà du terme
;)' probable de son existence. »
17° Lorsqu'une voie publique appartenant à la
grande voirie, telle qu'une route ou un chemin vicinal de grande communication, traverse des rues, des
chemins vicinaux ou des places plus larges que cette
�510
ll{AlTÉ
voie, tout ce qui excède est du ressort soit de l'autorité municipale, en ce qui concerne la délivrance
des alignements (arrêts du conseil d'état des 16
janvier 1828 et 26 août 1836, Girard; - Sirey,
36-2-542; et Traité du domaine public, nO 246,
tom. 1 er , pag. 303, en note, 2 e édit.), soit des
tribunanx de police, en ce qui a trait à la répression des contraventions qui y sont commises. Ce
dernier point résulte d'un arrêt de la Cour de
cassat. du 16 mai 1~G9 (Sirey, 40-1-459), ainsi
motivé: cc Attendu que le jngement attaqué C011S" tate seulement que la place où est située la maison
" du sieur Denis, est traversée par la grallde route,
» mais non que la superficie de cette place et celle
» de la grande route ne feraient qu'une seule et
» même superficie et que ladite place appartien,~) drait à la grande voirie dans toute sa largeur
» devant la maison du sieur Denis; ce qui serait
» nécessaire pour que la contravenlÎon dont s'agit,
\» commise par le propriétaire de ladite maison,
» ressortît de la juridiction de la grande voirie;
» -qu'aux termes de la loi du 28 pluviôse an 8 ,
~) et de celle du 29 floréal an 10, la juridiction des
» conseils de préfecture n'embrasse que le sol des
» routes royales, et ne peut, dès-lors, s'étendre
~) auX portions adjacentes de la voie publique qui
» dépendent de la petite voirie ~).
18° L'alignement doit nécessairement être
donné par écrit; non·seulementle propriétaire qui
bâtit .ne pourrait être admis à faire la preuve par
�DU nOlVIAINE PllliUC.
511
témoinsde la ligne qui lui aurait été indiquée, mais
il ne pourrait encore suppléer à l'arrêté préalable
par Il n certificat postérieur du maire; c'est ce qui
a été jllgé par un arrêt du conseil d'état du 23 février 1839 (Sirey, 40-2-39) et par divers arrêts de
la Cour decassaLÏon deS2.o octobre 1835 (S., 36·1:1.34); 6 inillet 1837 (S., 37-1.687); 19 j uillet1838
(S., 39-1-69), et 13 mars 1841 (S., 42-1-576); ce
cas se présente fréquemment dans les campagnes.
Aucune autorisation d'ailleurs ne peut tenir lieu
de la permission de l'autorité municipale; vainement l'architecte-voyer aurait tracé l'alignement
en disant au propriétaire qu'il pouvait bâtir; ce
.fait ne pourrait remplacer la permission exigée
(arrêt de la Cour de cassat. du 17 novembre 1831,
Sirey, 32-1'284).
19° Mais si un maire refusait de donner l'ali·
gnement, ou apportait des retards préjudiciables
dans sa délivrance, quels moyens aurait le propriétaire pour faire cesser cet état de choses et pour
obtenir~Ja réparation du dommage?
Il pourrait d'abord s'adresser au supérieurimmédiat, c' est-à-dir~ au préfet qui enjoindrait ail maire
de faire droit à la demande et qui, en cas de refus,
aurait lui·même qualité pour donner l'alignement,
aux termes de l'art. 15 de la loi du 18 juillet 1837
portant que' cc dans le cas où le maire refuserait ou
»négligerait de faire un des actes qui lui
» sont prescrits par la loi, le préfet, après l'en
�512
TRAITÉ
avoir requis, pourra y procéder d'office par
» lui-même ou par un délégué spécial,>.
Ensuite, et s'il était résulté un dommage du
rètard, le propriétaire, aurait une action en indemnité; ce point n'est pas douteux, mais ce qui l'est
davantage, c'est de savoir devant quelle juridiction
la demande devrait être portée'. Un arrêt du
conseil d'état, du 19 décembre 1838 (Sirey, 39-2b48), a maintenu un arrêté de conflit revendiquant
la connaissance de la cause pour l'autorité administrat~ve, par le motif que cc la demande en in» denmité du sieur Hédé ne tendait point à obte» nif un dédommagement pour expropriation;
» qu'elle était exclusivement fondée SUi' les actes
» de l'administration, qui auraient causé le préju;»
dice; qu'ainsi elle tendait à déférer à l'autorité
» judiciaire la connaissance et le jugement d'actes
» administratifs. »
Ce dernier moyen ne nous para1t pas exact; il ne
's'agit point ici d'interpréter un acte administratif,
mais de prononcer sur l'existence et les conséquences d'une tàute alléguée et sur l'application
de l'art. 13tb du Cod·, civ.; or l10qs ne connaissons aucune loi qui ait déféré ces sortes d'affaires
aux conseils de préfectnre dont la compétence est
limitée aux seuls objets qui leur ont été spécialement attribués; aussi nous donnerions la préférence à la décision rendue dans la même cause par
la Com Royale de Paris, le 26 mars 1838 (Sirey, 382-4 8 7), si, comme le dit M. Daviel (Traité des
»
�DU DOMAINE PUllLle.
51.3
Cours d'eau, nO 43~), les conjlits n'avaient pas
encore plus de vertu que les meilleures raisons
du monde; cc Considérant, porte l'arrêt, que Hédé
» s'était plaint devant les premiers juges de ce que
» la ville de Paris avait refusé de statuer sur la
» demande d'alignement qu'il avait formée à
» l'effet d 'élever des constructions, et de ce que,
» par ce refus qui portait atteinte à sa propriété,
~> la ville lui avait cnusé un préjudice qu'elle était
') tenue de réparer; qu'il ne s'agissait donc ni de
" réformer, ni d'interpréter nn acte administratif,
~) ni de statuer sur ses conséquences, mais seule» ment d'examiner si le refus de l'administration
» pouvait donner lien à des dommages et intérêts,;
» que l'art. 4 de la loi du 28 pluviôse an 8 est
.. sans application dans la cause. »
20° Lorsqu'une construction faite sans autorisation anticipe sur la voie publique, la démolition
doit en être ordonnée par le Tribunal de police
accessoirement à la condamnation à l'amende et
à titre de réparation civile, ainsi que nous le dirons
plus loi n ; mais la demande en démolition pûurraitelle être· formée seulement et principalement à
fins civiles par le maire devant le tribunal de premiere instance r
Dans un cas analogue, celui où il s'agissait d'une
maison menaçant ruine, dont la démolition avait
été ordonnée par arrêté municipal, approuvé par le
préfet, la Cour de cassation, en confirmant nne
décision de la Conr de Montpellier du 2!> mai 1830
�514-
TRAITÉ
(Sirey, 31-2-51), a jugé le 14 août 1832 (8., 321-739), cc que deux actions se présentaient pour
» arriver à ce but; l'action publique tendant à
réprimer la contravention, et l'action civile;
» que l'une pouva~t être suivie, abstraction faite
» de l'autre; qu'ainsi l'arrêt attaqné (qui avait
» accueilli la demande en démolition formée
» par le maire devant le tribunal civil) n'a ni
» violé la loi, ni empiété sur l'autorité admi» nistrative,» et en outre que ce magistrat avait
pu se pourvoir de pIano, et de son chef, par le
motif cc que, dans l'espèce, la commune n'agissait
» pas comme corps moral; qu'il ne s'agissait pas
» de ses propriétés et de ses intérêts matériels; que
» c'est le maire, dans les limites des pou voirs
» généraux attachés à cette qualité, qui a intI'Oduit
» l'action; qu'ainsi l'autorisation préalable du
» conseil de préfecture n'était pas nécessaire. »
Nous pensons que la même solution devrait être
adoptée dans l'hypothèse d'une constl'Uction élevée
en saillie sur l'alignement, et que le dernier motif
qui vient d'être rappelé serait également appli.
cable,quoiqlle les intérêts matériels de la commune
se trouvent engagés et qu'il puisse se présenter une
question de propriété, parce qu'ici l'objet direct
et principal de l'action est de procurer la liberté et.
la sûreté du passage, en vertu des lois des 24
août 1790 et 22 juillet 1791.
21° Mais le maire pourrait.il, comme lorsqu'il
s'agit de prévenir le danger de la chute d'un bâti-
»
�DU llOMAINE PUBUC.
515
ment men'açant rlline, faire opérer lui-même avant
tout jugement, soit civil, soit de police, la démolition de la construction élevée en contravention à
son arrêté d'alignement?
L'affirmative résulte de deux arrêts du conseil
d'état, rendus l'un dans une affaire Aumeunier, et
dans les motifs duquel il est dit que le maire auraitdû
ordonner d'office la démolition des constructions,
et l'autre, le 13 juillet 1828, dansl'afiaireJulien;
mais nous ne saurions admettre cette marche expéditive, et on peut dire despotique, qui tend à
confondre les compétences et qui prive les citoyens
de toutes garanties en mettant leur fortune à la
discrétion de l'administration. A cette partie de la
puissance publique appartient essentiellement le
droit de tracer les alignements, de déclarer J'utilité publique, de faire, en un mot, la loi, mais
l'exécution doit être réservée aux tribunaux ordinaires chargés d'appliquer la peine et de statuer sur
la propriété; si en cas de péril imminent, le maire
ou le préfet peut tout à la fois déclarer le danger
et y porter remède par la démolition, il ne fait en
cela qu'exécuter la plus impérieuse des lois, la nécessité, et se conformer à la règle, princi pe de son
pouvoir, salus populi suprema tex esto; il agit
alors comme lorsque, pour arrêter les ravages d'un
incendie, il ordonne et fait exécuter sur-le-champ
la démolition de bâtiments; mais on ne peut pas
concevoir nne pareille urgence en fait de contra·
vention aux lois de la voirie; il Y a toujours
�516
TRAITÉ
possibilité de recourir aux trihnnallx : cc CclIIi qni
» est administrateur, dit M. Proudhon ( Traité
re édit., ou
» da Domaine public, nO 436 de la 1
» note à la page 607 du tom. 1 er de la 2,e), ne doit
» pas être en même temps juge des choses immé» diatement soumises à son administration; el il
~) Y a quelque chose de l'hél'ésie condamnée par
» l'art. 5 du Cod. civ., à admellre qu'un maire,
» comme administrateur, puisse prendre, en ma» tière de petite voirie, lin arrêté obligatoire pour
» l'ordre judiciaire, et qu'il puisse ensuite se cons» titller légalement juge de l'exécution de son pro» pre arrêté. ~'est comme si le roi voulait juger
» de tout le contentieux administratif sur l'exé>l clltion de ses ordonnances; c'est comme si les
» ch,ambres législatives voulaient s'arroger le Jl'Oit
» de juger toutes les contestations qui s'élèvent
» sur l'exécution des lois. » La prépondérance
que le régime impérial a accordée à l'administration dans certains cas, n'est plus en harmonie avec
les principes d'un gouvernement constitutionnel.
N'est~il pas exorbitant, comme nous en avons fait
la remarque dans la note ci· dessus rappelée de la
2,e édition du Traité du Domaine public, que
le mail'e d'une petite commune rnrale puisse toutà-la-fois, comme législateur, faire le régfement
ou la loi, comme officier de police judiciaire,
constater la contravention, comme juge, yappliquer la peine, et enfin, comme administratenr, exécuter sa propre sentence?
�TRAITÉ
DU
DOMAINE PUBLIC.
TOME II.
�A PARIS,
CHEZ
JOUBERT,
LIBBAIRE, RUE DES GRÈs,
14.
A STRASBOURG,
CHEZ
LAGIER je,
LlBR. , RUE MERCIÈRE,
10.
DIJON, IMrB.. DE FRANTIN.
�20086
r
TRAITE
DU
DOMAINE PUBLIC
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉS PRINCIPALEMENT PAR RAPPORT AU DO.MAINE PUBLIC;
l'AR
J.-B.- VICTOR PROUDHON,
OFFICIER DB LA LÉGION D'SONNEUR, AVOCAT A LA COUR ROYALE
ET DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT nE nIJOK.
SECONDE ÉD! rION ,
REVUE, MISE EN HARMONIE AVEC LA LÉGISLATION ACTUELLE,
El' AUGMENTÉE D'UN COMMENTAIRE DE LA LOI SUR LES
CHEMINS VICINAUX, AINSI QUE DES RÈGLES
RELATIVES A L'ALIGNEMENT;
PAR
M.
VICTOR
DUMA Y,
CltEVALtE; DE LA LÉGION n'HONNEU:&, AVOCAT A LA. COUA lOyALE
ET MAIR}: DE LA VILLE DE DUaN.
TOME SECOND.
2"
PARTIE.
A DIJON,
CIIEZ VICTOR
LAGIER,
LIB.-ÉDITEUR, PUCE ST.-ÉTlENNE.
1843.
��517
DU DOMAINE PUBLIC.
Aussi dans 'le cas qui nous occupe, celui de la
démolition de constructions élevées saDS autorisation ou contrairement à l'alignement, est-il de
jurisprudence aujourd'hui qu'aux tribunaux de
police seuls appartient le pouvoir de l'ordonner;
on peut citer les arrêts -du conseiL d'état, des I l
févrièr 1820, 4 septembre 1822, ceux de la Cour
de cassation, des 15 septembre 1825 (Sauer),
2 décembre suivant (Sirey~ 26-1-297), 4 juillet
1828 (Fadinet Tellier), 18 septembre même
année (S., 29-1-78), 26 avril 1834 (S., 341-553), et notamment celui du 12avrill~h2
(S., 22-1-377), où on lit ce motif: cc Attendu
» que s'il appartient à l'autorité municipale d'ol";» donner
la démolition d'édifices menaçant
) ruine, sauf le recours devant .l'autorité supé" rieure, c'est parce que ces édifices exposent
» la sûreté publique que cette autorité doit spé) cialement protéger et maintenir; mais que celte
» attribution, pour ce cas pa,.ticulier~ ne mo» difie d'aucune manière celle des tribunaux de
» police relativement aux anticipations ou bien
» aux formes ou modes des constructions qui ont
» été entreprises contre les règles fixées dans les
» arrêtés de l'administration municipale. »
La questioD a été décidée encore plus explicitement en ce sens par un avis du comité de l'intérieur, à la date du 14 novembre 18:1.3, rapporté
dans le Répertoire de M. Favard, VO Plans des
villes ~ et dont voici un extrait: cc Les memhres
TOM.
II.
33
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du conseil du roi, composant le comité de
l'in térieur et du commerce, consuhés par le
ministre de l'intérieur sur la question de savoi...
si la démolition Je M.timents et travaux exécutés en contravention à des arrêtés de police, en
matière de petite voirie, doit être ordonnée
d'office par le maire du lieu, ou bien si le con..
trevenant doit être traduit devant le tribunal
de police municipale, pour s'y voir condamner
à la démolition en même temps qu'à l'amende
encourue pour la contravention, conformé·
ment à l'art. 161 du Code d'instruct. crim.
Vu, etc..... Considérant, e~c ..... Sont d'avis
qu'il appartient aux maires, ainsi que l'a décidé
l'ordonnance royale du 31 juillet 1817, Je
donner et de faire exécuter les ·alignements
dans les rues des villes, bourgs et villages qui
ne sont pas routes royales et départementales;
que, par conséquent, c'est à eux à faire significl'
à la partie l'arrêté par lequel L'alignement a été
fixé et à faire tracer en sa présence sur le terrain
les points principaux de cet alignement, en
dressant un procès - verbal de. cet acte; que
c'est à eux, si les constructions sont élevées sur
d'autres lignes que celles qui ont été fixées,
à signifier à la partie l'injonction de les démolir
dans un délai déterminé et de se conformer à
l'alignement accordé; mais que si, malgré celle
sommation, les constructions élevées contrairement à l'alignement sont continuées ou ne sont
�DU DOM.AlNE PUBLIC.
519
)' pas démolies dans le délai fixé, le droit de
" prononcer la démolition de ces constructions,
" ensemble l'amende encourue pour la désobéis» sance aux sommations du maire, est dévolu au
" tribunal de simple police. .,
22° Ce point de droit, déjà annoncé au commencement du S 20 ci-de~sus, que le tribunal de
police peut et doit ordonner la démolition des
constructions faites en contravention à l'alignement, a été longtemps controversé; mais il est
aujourd'hui consacré par une série d'arrêts de la
Cour de cassation, qui ne permettent plus le
doute; on peut, en effet, recourir à ceux des 29
décembre 1820 (Bulletin de la Cour~ année
1820, pag. 466); -12 avril 1822( Sirey~ 22-1377) ; - 2 décembre 1825 (S.~ 26-1-297); - 18
septembre 1828 (S., 29-1-78); -7 août 1829 (S.,
29-1-394); -3 janvier 1830 (S., 31-1-325);26 mars suivan t ( S., 30.1.304) et notammen t à
celui rendu le 10 mai 1834 en audience solennelle
(S., 34-1-414) et qui parait avoir fait cesser toute
dissidence d'opinions.
L'avant-dernier de ces arrêts résume très-clairement, en peu de mots, les principes à cet égard;
cc Attendu, pone-t-il, que les tribuuaux de simple
" police sont tenns, d'après l'art. 161 du Cod.
" d'instruct. crim., non-seulement de prononcer
)' les peines attachées par la loi aux contraventions
" dont ils sont saisis, mais encore de statu~r par
» le même jugement sur les demandes en resLÏ-
�520
TRAITÉ
'» tution et en dommages et intérêts; attendu
» qu'en cette matière la restitution et les dom-
mages-intérêts ne sont que la destrnction des
travaux qui ont ~té faits au mépris des lois et
;);) réglements; qu'infliger l'amende dont cette
;);) contravention est passihle, sans prescrire en
» même temps la démolition qui peut seule la
» faire disparaître, c'est manquer à la disposition
» la plus essen LieHe de la loi pénale; attendu,
» dans le fait, que le ministère public avait forc)' mellement requis que le prévenu fût condamné
'>, à remettre les choses dans l'état où elles étaient
» avant son entreprise; qu'en omettant de statuel'
» sur cette partie de ses conclusions, le tri'bunal a
» violé l'art. 161 du Cod. d'inst. crim. précité.
».- Casse. »
Une objection -qui n'a été proposée dans aucune
des espèces des arrêts ci-dessus et qui, cependant,
llUrait pu être faite avec quelque apparence de
fondement, consisterait, non à contester les pl~n
cipes posés par la Cour de cassation et qui résuhent
formellement de l'arl. 161 du Cod. d'iostr. crim.,
mais à prétendre que, puisque la démolition des
constructions indûment élevées constitue une réparation civile et forme l'indemnité du dommage
causé à la voie publique, l'action, à cet égard, ue
peut pas appartenir au ministère public qui n'a
qualité que pour requérir l'application de la peine;
qu'alors le maire, administrateur de la commune
et seul défenseur de ses biens et de ses droits par»
»
�DU DmIAlNE PUBLIC.
521
ticuliers, devrait nécessairement intervenir comme
partie civile, en vertn de l'art. 3 du Cod. d'instruct. crim., et après y avoir été autorisé par le
conseil municipal et le conseil de préfecture, serait
seul recevable à conclure à la démolition du bâtiment et à la restitution du terrain usurpé.
Cette fin de non-recevoir opposée au ministère
public, ne pourrait être accueillie, en ce qu'ici la
destruction des travaux n'est pas seulement la réparation d\m dommage privé, comme, par exemple,
l'indemnité qui est accordée à celui qui a été
frappé, mais fait aussi el principalement partie de
la peine, et offre le seul moyen de faire cesser et
<;!isparaître la contravention qui, sans cela, se
perpétuerait et ne trouverait certainement pas une
répression suffisante dans une faible amende, dont
la quotité n'est point en rapport avec les avantages
que le contrevenant aurait à enfreindre la loi.
Telle est la réponse que la Conr de cassation,
qni a pressenti l'objection, ya faite dans l'un des
arrêts ci-dessus cités, celui du 8 janvier 1830,
dans lequel on lit les motifs suivants : ~(Attendu ..•
» que le tribunal doit, en prononçant la peine,
» statuer par le même jugement sllr les demandes
» en restitution et en dommages-intérêts; attendu
» qu'en matière de voi~ie, le dommage est évi» demment dans l'existence des constructions ou
" travaux exécutés au mépris des réglem nts; que
» la réparation de ce dommage est la conséquence
» n0ccssaire de la reconnaissance ei de la répres-
�522
TlI.AI1'É
sion de la contravention; que celle réparation
ne peut être que la démolition des constructions
» ou travaux dont il s'agit; que s'il en était
» autrement, si, moyennant une amende de un
» à 5 fr., prononcée par la loi, on laissait subsister
» les travaux faits en contravention, et· qu'on
» conservât ainsi à leurs auteurs le fruit d'une
» violation con pable des réglemen ts destinés à
» main tenir la sûreté, la salubrité des voies pu» bliques et à amener progressivement et à l'aide
» du temps la décoration des cités, les réglements
» de voirie, ainsi que les lois qui les protègent de
» toute leur autorité, seraient aussi impuissants
» que dérisoires. )~
.
Peu importe, au reste, que la démolition des
travaux faits indûment cause un préjudice considérable au contrevenant, le tribunal de simple
police n'en est pas moins compétent pour l'ordonner, ainsi que l'a jugé la même Cour, par arrêt
du 27 juillet 1827 (Sirey., 27-1-502), dans une
espèce où il s'agissait de la suppression d'une manufacture insalubre étahlie malgré le refus d'autorisation. cc Attendu, portcn t les motifs, que la
» compétence des tribunaux de police se détermine
» par la quotité de l'amende et non par la valeur
"»
des dommages-intérêts qui peuvent suivre la
)~ condamnation; - que la démolition des maisons
» ou établissements élevés en contravention aux
» réglements de police, étant considérée comme
» domll13ges-intérêts, peut toujours, quand elle est
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
523
}) requise, et par suite de la condamnatio~ à l'a» mentie, être prononcée par le tribunal de police,
» quelle que soit la perte, pour le èondamné,
» résultant de cette démolition; d'où il suit
» que le tribunal de police de Soissons a méconnu
» les règles de sa compétence et formellement
» violé l'ordonnance royale du 14 janvier 1815,
» le décret du 15 octobre 1810, les lois des 24
» août 1790 et 22 juillet 1791, ainsi que l'art. 161
» du Cod. d'instr. criminelle. - Casse. » -Seulement, et aux termes de l'art. 172 du Cod. d'instr.
crim., le jugement sera susceptible d'appel si la
valeur de la perte occasionnée par la démolition,
jointe à l'amende, excède cinq francs, ou si,
comme il arrive toujours en pareil cas, elle est
indéterminée.
Lorsque la démolition est ordonriée par un jugement passé en force de chose jugée, l'officienlu
ministère public près le tribunal de police la fait
opérer si le con trevenant ne l'effectue pas lui.même,
et le recouvrement des frais qui ont été faits à ce
sujet a lieu contre celui-ci, an moyen d'un exécutoire décerné par le juge à vue des quittances
des ouvriers; si le condamné était insolvable et le
prix des matériaux provenant de la démolition
insuffisant pour couvrir la dépense, la perte serait
pour le trésor public et non pour la commune, à
raison de ce qu'il s'agit ici de l'exécution d'un
jugement de police.
Le maire pourrait aussi faire faire la démolition,
�524
TRAITÉ
mais alors les frais, dans le cas d'impossibilité de
recouvrement, en retomberaien t à la charge de la
commune qui aurait agi dans son intérêt.
23° Quoique à la rigueur toutes les constructions indûment fàites doivent être indistinctement
démolies, comme le décide expressément, en matière de grande voirie, l'arrêt de réglement du 27
février 1766 et que l'ont jugé divers arr~ts du.
conseil d'état, notamment des 20 novembre 1815
( .chéradame); 17 juin IS 18 (Sire.y ~ 18-2-327);
29 :lOût Ilhl (Macarel~ tom. 2, pag. 323), et de
la Conl' de cassation, des 12 avril 1822 (Sirey,
22-1-377) et 2 décembre 1825 (S., 26-1-297);
cependant il y a lieu de fail'e une distinction indiquée par la raison et par l'équité et dont
M. P.'oudhon a parfaitement démontré la nécessité
dans son Traité du domaine puhlic ~ n 08 248 et
suiv.~
446 et suiv.
Si par la construction il y a eu anticipation sur
le sol de la voie publique ou si des réparations
confortatives ont été faites dans la façade d'une
maison snjelte à reculement, il n'y a pas de doute
que la démolition ne doive être- ordonnée; mais si
au contraire la construction, qnoique faite sans
autorisation, est dans les limite~ exactes de l'alignemen t, ou si les réparalions opérées dans le mur
en saillie 11' on 1 poin t le caractère confortatif, il y
aurait excessive rigueur et par cela même injustice,
d'après l'adage summum ius~ summa iniuria~ à
en exiger la destruction, puisqu'après avoir démoli,
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
525
le contrevenant devrait nécessairement obtenir
l'autorisation de réédifier sur les mêmes fondations
ou de refaire de la même manière ce qu'il avait
déjà fait; l'administration, pas plus que les particuliers, ne doit se livrer gratuitement à des actes
dommageables, malitiis non est indulgendum;
l'amende suffit à la répression dans ce cas où il
n'y a pas usurpation de la chose d'autrui, mais
simple désobéissance à la loi; de nombreux arrêts
du conseil d'état se sont prononcés en ce sens
dans des affaires même de grande voirie, où il
s'agissait de travaux reconnus n'être pas conf01'·
tatifs. Voyez notamment ceux des la août 1828
(Autichamp); 17 du même mois ( Lecoq); 26·
octobre 1828 (Moyse-Lyon); 14 juillet 1831
(Sirey., 32-2-21); 8 juin 1832 (Ministre de
l~intér. ); 5 décembre 1834 (Bertrand); 20 janvier 1865 (BoiLaud); 4 février 1~B5 (Bertaud);
26 mars 1835 (Lafitte); 26 mars 1836 (Mouroult); 21 décembre 1837 (Legrand); 15 mars
1838 (Guyot), et 23 juillet, 1838 (S., 39-2-272);
un arrêt rendu par la Cour de cassation, les
cbambresréunies, le la mai 1834, dans une affaire
Bourdry ~ a aussi décidé que cc s'il est déclaré et
» reconnn par le juge qu'une construction sur la
» voie publique, dont le ministère public demande
» la démolition
tant que vicieuse et non auton risée, ne cause et ne peut causer à l'avenir
) aucun dommage à celte voie, il a pu se dispenser
) d'en ordonner la démolition, sans violer l'art.
en
�526
TllAITÉ
471 , nO 5, du Cod. p(:na1." Nous verrons
cependant plus loin qu'il u'appartient qu'à l'autorité administrative et nullement aux tribunaux de
reconnaître et de juger si des travaux. sont ou oon
conforta tifs.
24° La loi romaine (2, tit. 8, livre 43, ff.)
accordait l'interdit, quo vetatur quidfieri in. vU
puhlicd quo deterior jieret~ à l'eHèt d'obtenir
la réparation de tous les dommages causés à la voie
publique et la cessation de tous les obstacles apportés à son libre usage.
Cet interdit était perpétuel et populaire ~ c'està-dire qu'il pouvait être exercé par tout citoyen,
ce qui était indispensable dans une organisation
sociale où il n'y avait pas, comme en France, des
officiers publics spécialement chargés de la poursuite des crimes, délits et contraventions.
Aujourd'hui les particuliers peuvent bien, aux
termes des art. 1 el' et 3 du Cod. d'inslru-ct. crim.,
pOUJ'suivre devant la justice répressive les infractions à la loi ou se porter parties civiles dans les
procédures dirigées à requête du ministère public;
mais comme la réquisition de la peine ne leur
appartient pas, il faut qu'ils aient un intérêt personnel et appréciable, en un mot qu'ils aient souffert du dommage dans leur personne, leur honneur ou leur bien; autrement leur action serait
non-recevable.
D'après cela, pour savoir si un habitant peut se
:»
�DU DOMAINE PlffiLiC.
521
plaindre en justice des contraventions en fait
d'alignf'ment, il faut faire une distinction:
L'affirmative n'est point douteuse fli l'infraction,
telle qu'une anticipation sur la rue ou le chemin,
est de nature à nuire aux droits de servitude, de
vue, de passage ou d'égoût, que nous avons dit
que les riverains d'une voie publique y avaient;
ceux-ci pourront alors ou citer directement le contrevenant devant le tribunal de police, ou se
porter parties civiles dans la poursuite que le ministère public aura dirigée. (Arrêt de la Cour de
cassat. du 6 octobre 1837' - S., 38-1-96.)
Mais il en serait autrement si l'anticipation
n'était pas nuisible à l'usage de la rue et s'il n'y
avait qu'écart de l'alignement ordonné; le maire
ou le ministère public pourrait seul agir; c'est ce
qu'a jugé un arrêt du conseil d'état, du 14 avril.
Ilmr.i 1807 (Sirey, 16-2-253), ainsi conçu:
<c Considérant qu'il résulte des vérifications faites
» sur les lieux, que les constructions de la veuve
» Morgue ne nuise~t point à l'usage public de la
» rue; que néanmoins l'anticipation de cette veuve
» semble être probable, et que les poursuites pour
» sa répression appartiennent au maire de la ville
,> d'Hérisson. - Décrétons. - L'arrêté du préfet,
» du ..... en ce qui touche les sieurs..... (déclarés
» non recevables dans leur poursuite), est cou» firmé; néanmoins le maire de la ville d'Hérisson
» poursuivra, pardevant les autorités compétentes,
�528
,> la restitution des terrains anticipés par la veuve
» Morgue, si cette an ticil'a tion a eu lieu. "
Cependant il est un cas où la contravention,
sans être susceptible d'être poursuivie de pIano et
de prime~abord par un tiers, ponrrait devenir la
.hase d'une action de sa part, c'est celui où elle
aurait occasionné un accident et par suite un dommage; d'après les lois, on répond du préjudice
causé par cas fortuit si l'événement a été précédé
d'une faute et à plus forle raison d'nne contravention, siculpa praecesserit casum. Nam ( ajoute
la Loi 30, S3, ff. ad Leg. aquil.) et qui occasionem praestat, damnum fecisse videtur.
Supposons, par exemple, qu'un propriétaire ait
fait sans autorisation, dans une rue suffisamment
large, un dépôt indu de matériaux ou une excavation au-devant de son domicile; un citoyen
quelconque n'aura certainement pas d'action pour
la répression de cette contravention que le maire
ou le commissaire de police pourra seul po!lfsuivre;
mais si pendant la nuit une personne vient à se
heurter ou à tomber et qu'elle se blesse grièvement,
elle sera parfaitement fondée à former une demande
en dommages ct intérêts, qui ne pourrait être
accueillie s'il n'y avait point. eu contraven tion,
c'est~à-dire si le dépôt ou l'excavation n'eussent
pas été faits contrairement à la loi ou aux réglements. «Vous n'êtes pas répréhensible, dit Touln lier (tom. XI, nO 164, dans une excellente
" dissertation sur ce que l'on doit entendre par
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
529
.faute), d'avoir fait, dans votre pré, une fosse
» pour y prendre des loups ou autres bêtes féroces.
" Si mon bœuf y tombe, se tue ou se blesse, vous
» ne répondez point de ce dommage, quoique
» arrivé à l'occasion de la fosse que vous avez
» creusée. Mais vous en répondrez si 'Vons l'avez
» creusée dans un chemin, dans un sentier où les
» bestiaux ont l'habitude de passer (L. 28, ff. ad
» !eg. aquil. ). Il en est Je même si la fosse est
') L'lÎte Jans un lieu où vous n'avie~ pas le droit
» de la creuser. » C'est ainsi qu'en imprimant,
par une prohibition à un fait en apparence indifférent, le caractère de contravention, un arrêté
municipal souvent resté sans exécution, tombé en
désuétude et complètement ignoré du public,
,peut avoir une· portée immense et produire les
conséquences les plus imprévues et les plus graves
par rapport à la fortune des citoyens; presque
jamais ces arrêtés ne remplissent la condition
exigée par Bacon de toute loi, oportet ut moneat
priusquàmftriat.
25° Les contraventions relatives à l'alignement
sont-elles susceptibles de prescription P
Une distinction est à faire entre l'action tendant
à obtenir la répression, -la peine pl'Oprement dite
prononcée par les tribunaux, - et enfin la démolition des travaux exécutés sans autorisation ou
contrairement à l'arrêté.
L~actionpublique et l~ action civile sc prescril'ont, conformément à l'anicle 640 dn Cod. d'ins-
�530
TRAITÉ
tl'Ucllon criminelle, par une année révolue, à comp·
ter du jour où la contravention aura été commise,
même lor5qu'il y aura eu procès -verbal, instruction ou poursuite, si ,dans cet intervalle, il n'est
point intervenu de condamnation; s'il y a eu un
jugement définitif en premier ressort, la prescription s'accomplira par le même laps de temps, mais
alors elle ne partira que de la notification de
l'appel qui en aura été interjeté.
Dans le cas où l'arrêté du maire, prescrivant la
démolition d'une construction indûment faite,
amait accordé un délai pour l'opérer, la prescription ne courrait qu'à dater de l'expiration de ce
délai (arrêt de la Cour de cassat., du 2!> mars 1830.
-Sirey~
30-1-273).
Il Y aurait aussi suspension de la prescription,
si, après la contravention commise, il Y avait eu
instance au civil, soit devant les tribunaux ordinaires, soit devant l'administration, sur des questions préjudicielles; le délai ne reprenclrait son
cours qu'à dater du jour où ces questions auraient
été définitivement jugées (arrêt de lad. Cour, du
10 avril 1835. - Sirey~ 35-1-387).
La prescription ne courrait pas non plus tant
que les travaux seraient en exécu tion (arrêt de la
Cour de cassat., du 25 novembre 1837.-8irey,
38-1-915); mais elle ne serait ni interrompue pal'
un arrêté municipal, ordonnant la démolition des
constructions indûment élevées (arrêt de la même
Cour, du 15 mai 1835. - S., 36-1-864), ni sus-
�DU DOJ\IAINE PUBLIC.
531
pendue par le recours exercé devant l'autorité
supérieure contre l'arrêté ou réglement municipal,
auquel il a été contrevenu (autre arrêt de lad.
Cour, du 1er juillet 1837' - S., 38-1-918).
Sous le prétexte que la contravention est
continue et ses effets sans cesse actuels, on ne
pourrait, s'il n'y avait poin t eu de poursuites,
prétendre que la prescription n'a pu commencer à
-comir tant que le fait matériel qui la constitue
subsiste; la permanence de la construction ne peut
faire assimiler un tel fait à un délit successif,
ne comportant la prescription qu'à compter du
jour où l'infraction a cessé. C'est ce qu'ont formellement jugé deux arrêts de la même Cour; l'un
'qui vient d'être cité, du 10 avril 1835, et l'autre,
du 23 mai suivant (Sirey~ 35-1-387 et 781).
Les peines ~ soit d'amende, soit d'emprisonnement pour le cas de récidive, prononcées par jugements, seront, aux termes de l'art. 639 dn même
Code, prescrites après deux ans révolus, savoir,
pour celles prononcées en dernier ressort, à compter du jour des jugements, et à l'égard de celles
résultant de sentences rendues en premier ressort,
à dater du jour où l'appel ne sera plus recevable.
Quant à la démolition des constructions élevées contrairement à l'alignement et qui constitueraient une anticipation snI' la voie publique,
le droit de la faire opé~er peut toujours être exercé,
quelque laps de temps qui se soit écoulé, parce
que le sol de ces voies est imprescriptible; la
�53:2
TRAITÉ
prescription, dans ce cas, ne peut atteindre que
l'amende, ainsi que l'ont déciJé deux arrêts du
conseil d'état, du 13 avril ]842 (Sirey~ 42-2329 et 330), dont l'un est ainsi conçu: cc Cousin dérant que J'existence du pan de bois établi sur
» le mur de soutènement de la· route, constitue
» une infraction permanente dont la répression,
» quel que soit le laps de temps écoulé, peut et
» doit être poursuivie dans l'intérêt toujours sub» sistant de la viabilité; mais considérant que le
» fait d'avoir construit, en contravention aux lois
» et l'églements, seul passible de l'amende porlée
,.> auxdits réglements, remonte à une époque an·
» téricure de plus d'une année à la constatation
» de ladite contravention; que dès-lors, aux termes
» de l'art.. 640 du Cod. d'inst. crim., l'action pu» blique à l'égard de ladite amende était pres» crite. »
Ces principes, aussi enseignés par M. Proudhou
(Traité du domaine public~
nOS
275 et 81H),
ont été appliqués par le même conseil aux chemins
vicinaux, par arrêt du 4 septembre IH41 (Sirey,
42-2-1H2), aux chemins de halage par arrêts des
6 février 182H, 13 mai IH36 (S., 36-2-373) et 2
janvier 1838 (S., 38-2-226), et aux constructions
que prohibent les lois sur les servitudes militaires·,
par arrêt du 27 février 1836 (S., 36-2-232); le
motif de ces décisions est l'imprescriptibilité du
domaine public.
26° Les amendes de grande V'oirie, qui sont
�533
DU DOMAIl\"E PUBLIC.
pl'Ononcées par le conseil de préfecture, n'ont pas
un caractère purement pénal; elles participent
aussi de la nature des dommages et intérêts, à tel
point que dans la législation sm cette matière,
notamment daos l'ordonnance du 4 août 1731,
dans l'art. 4 de la loi du 29 floréal an x , dans l'art.
27 de celle du 16 septembre 1807 et dans l'art. 7
de l'ordonnance dn 23 décembre 1816, elles sont
qualifiées de dommages et intérêts ou simplement
de dommages.
Il résulte de là, d'une part, que les mahres sont
garants et responsables de celles prononcées contre
leurs domesliques, ouvriers et préposés (susdite
ordonnance royale, du 4 août 1731; arrêt du cons.
d'élat, du 29 janvier 1841, ajJaire Odent), tandis que, d'après l'art. 1384 du Cod. civ., les personnes responsables civilement ne sont tenues que
des dommages et non des amendes (arrêt de la
Cour de cassation ,du 28 septembre 1838. -Sirey,
39- 1 -445).
En second lieu, qu'une solidarité existe entre le
propriétaire et le fermier d'un immeuble, nonseulement pour la réparation du dommage causé
à la route, mais aussi pour le paiement de l'amende; .
à l'égard de l'administration, c'est celui qui est en
possession du fonds, à quelque titre que ce soit,
de propriétaire, d'usufruitier ou de locataire, qui
est réputé auteur de la contravention et auql1el
elle s'adresse même pour l'amende, saufle recours
dn condamné contre celui qui a réellement commis
TOll!. II.
34
�534le fait; ainsi, en cas de construction sans autorisation, le propriétaire ou le locataire peu t être
indistincteme~t poursuivi ct condamné, sans examiner quel est celui qui a fait faire les travaux
(arrêts du conseil d'état, des 16 juillet 1817,
Cossin; 4 mai 182.6, T.ardif; 16 mai 1837,
Min. des trâv. pub.; 2.7 février 1840, veuve
Dunoguès, et 2.3 février 1841, de Lyonne).
En troisième lieu, que la démolition des constrnctions et travaux, exécutés en contravention,
peut être poursuivie non-seulement contl'e ceux
qui les ont fait exécuter eux-mêmes, mais aussi
contre les tiers qui on t acquis la propriété (arrêt
du conseil d'état, du b décembre ü\.J9' de Lous·
tal).
Enfin, que lorsqu'il s'agit de contraventions
permanentes et Iluccessives, telles que la cmlstruction de maisons ou murs et )a plantation d'arbres
sans alignement, la prescription ne court pas plus
contre le chef de l'action relalif à l'application de
l'amende, que contre celui ayant pour objet la
suppression des travaux et la restitution du sol.
Quelques auteurs et le conseil d'élat lui -même,
par deux arrêts du 2.7 février 1836 (Pozzo di
Borgo et Frapeto) , avaient d'abord fait une distinction à cet égard; mais la jurisprudence s'est étahlie dans un sens contraire en se fondan t avec raison
sur ce que l'action en réparation du dommage dans
lescasdegrande voirie, comprenant aussi l'amende,
doit durer dans toutes ses parties autant que le fait
�DU DOMAINE PUBLIC.
535
qui y sert de fondement. Voyez sur ce point les
arrêts du conseil, des I3 mai J 836 ( Pierre) ;
er novenJbre sui2 janvier 18'~8 (Lerehours); 1
vant (Clisson), et 16 juillet 1840 (ridaI).
Aucune de ces solutions n'est applicable aux:
amendes de 1 à 5 fr. et de [J à 15 fr., prononcées par les art. 471, nOs 4, 5 et 15, et 479, nO 1 l,
du Cod. pénal, pour contraventions de petite
voirie et particulièrement en fait d'alignement,
parce qu'ici l'amende eoSt purement vénale et par
suite se trouve soumise à toutes les règles posées
par les art. l , 2, 3, 4, 639, 640 et 642 du Cod.
d'instruct. crim.
A.insi elle ne pOUrI'a êtrc prononcée que contre
l'auteur de la contravention, peccata igitur suas
teneant auetores .... A lieni seeleris pœnam nemo
sentiat. (L. 22, cod. de pœnis, lib. 9, tit. 47')
Elle ne pourra l'être contre le possesseur de la
chose, si c'est le propriétaire qui a fait les travaux,
ou vice verstî; non plus que contre les héritiers
ou tiers acquéreurs, à moins qu'ayant été sommés,
avant l'expiration du délai de la prescription, de
détruire ce qui avait été indûment fait, ils ne
se soient pas conformés à l'injonction, parce que
leur refus les rend alors complices de la contravention.
Elle ne pourra l'être encore, comme nous
l'avons dit plus haut, si le temps fixé pour la
prescription est accompli.
Dans ces divers cas les constl'Uctions indùment
�536
l'R.Afl'É"
faites devrGntseulement ê~re détruites; mais
comme le tribunal de police 'ne peut connaître de
la réparation civile qu'accessoir~ment à l'a'pplication de la peine (a), et qu'ici il n'y a plus de.peine
à prononcer, Ja poursuite en démolition devra
être .portée'<levant le tribunal'civil, à requête de
la commune, comme nous l'avons expliqué cidessus, S 20.
Il Y a cependant ce point d'analogie entre les
amendes de grande et de petite voirie, savoir, que
le fait matériel de la contravention, sans él';arcl.
à sa moralité, c'est-à-dire à -l'intention et à la
honne foi du contrevenant, y donne lieu; c'est
ce qu'ont jugé en matière de .grande voirie deux
décisions du conseil d'état, des 31 décembre 1838
(Ferté) et 26 novembre 1840 (Finet), et relativement à la petite voirie, une troisième entre
(a) C'est un principe incontestable que, devant les tribunaux
correctionnels et de police, l'action civile est entièrement subordonnée à l'action publique et ne peut s'exercer sans son appui;
'ce n'est qu'en cas de condamnation à l'amende ou à l'emprisonncment, que ces tribunaux peuvent connaitre des réparations
civiles, et alors ils doivent nécessairement prononcer par 'un
seul et même jugement sur les deux actions. (Voy. les deux
arrêts de la Cour de cassation, des 11 septembre 1818 et 9
juin 1832, et les neuf du 31 décembre 1835.) Il n'y a que les
Cours d'assises qui, aux termes des art. 358 et 359 du Cod.
d'inst. crim., puissent statuer S\lr les dommages et intérêts, soit
en faveür de l'accusé, soit aù profit de la partie civile dans le
cas même où la déclaration négative du jury ne laisse plus de
peine à appliquer.
�DU DOMAINE PUBLIO.
537
autres du même conseil, dit 6 juin 1830 (demoiseLle André), ainsi qu'un arrêt rendu par la
Conr de cassation, le 6 juiUat 1837, les chambres
réunies, et dans lequel un lit: cc Attendu que le
» juge ne peut méconnaître l'existence d'une con» tl'aveotion constatée par un procès-verbal régu» lier, dressé par l'officier public compétent, ni
» refuser d'appliquer la loi pénale et de prononcer
» les condamnations qui sont la conséquence de
). la contravention, en se fondant sur la bonne
:» foi des contrevenants ) (Sirey, 37--1-687);
il en est, sous ce rapport, des amendes de voirie,
comme de celles en matière forestière (arrêts de
la Cour de cassation, des 1er mai 1829; Sirey,
29-1-374, - et 2 mai 1833; S., 33-1-792) , en
fail de douanes ( arrêt de la même Cour, du 19
juillet 1831; S., ~h-1-419)' ou pour contraventions .aux lois snI' les con tributions indirectes (arrêts
encore de la même Cour, des 31 mai 1822, S., 231-38; - I l février. 1825, S., 25-1-342.; -.. 10 dé'cemhre 1825, S., 26-.1.319; --,. 7' juin 1833, S.,
33-1 -805).
L'art. 55du Cod. pénal, qni établit la solidarité
contre tous les individus condamnés à raison d'un
même fait punissable, pour les amendes, les restitutions, les dommages-intérêts et les' frais, ne
s'appliquant qu'aux crimes et délits, il en résulte
qu'elle ne peut avoir lieu relativement aox condamnations pour contraventions de police et· entre
autres d'alignement.
�538
TRAITÉ
27° Dans les délits ordinaires, lorsque le fait
'matériel est établi, l'exception la plus péremptoire
que puitlse proposer le prévenu est de dire jure
./éci, ce qui peut avoir lieu soit lorsqu'il prétend
que la chose I]u'on l'accuse d'avoir enlevée où
, usurpée ll1i appartient, soit lorsqu'il soutient que
le fdit qu'on lui reproche ne constitue pas'un délit
ou nne contravention.
Le premier moyen de défense est le seul, en général, qui donne lieu à ce que l'on appelle une question préjudicielle, c'est-à-dire à un incident ou
instance particulière qui doit être jugé par un
tribunal autre 'lue celui qui est saisi, avant que ce
dernier, qui est incompétent ROUI' reconnaître le
mérite de l'exception, puisse statuer sur le fait
qui lui est déféré.
Quant au second moyçn, il ne nécessite pas
ordinairement un renvoi ou un sursis; son appréciation renlre dans les. atlributions du tribunal de
justice répressive qui est chargé non-seulement de
COlJstater le fait matériel, mais aussi de déclarer
s'il tombe sous le conp de la loi pénale.
La règle en matière de questions préjudicielles,
se trouve inscrite dans l'art. ]82 du Cod. forestier,
qu'un arrêt de la Cour de cassation, du J 9 mars
1835 (Sirey J 35- 1 -563), a déclaré applicable à
toutes les aifaires qui sont dévolues soit aux
triounaux correctionnels, soit à ceux de
simple police; cct article porte: ce Si dans une
» instance en réparation de délit ou de con tra-
�DU DOMAINE PUBLIC.
539
vention, le prévenu excipe d'un droit de pro» priété ou autre droit réel, le tribunal, saisi de
» la plainte, statuera sur l'incident etl se confor» mant aux rè~les suivantes: l'exception pré» jndicielle ne sera admise qu'autant qu'elle sera
» fondée, soit sur un titre apparent, soit sur des
» faits de possession équivalents, personnels au
» prévenu et par lui articulés avec précision, et si
)' le titre produit ou les faits articulés sont de
» nature, dans le cas où ils seraient reconn us par
'" l'autorité compétente, à ôter au fàit qui sert de
» base aux poursuites, tout caractère de délit ou
» de contravention. Dans le cns de renvoi à
" fins civiles, le jugement fixera un bref délai
)' dans leqnel la partie qui aura élevé la qùestion
» préjudicielle, devra saisir les juges compétents
)' de la connaissance ùu litige, et justifier de ses
)' diligences; sillon il sera passé outre. Toutefois,
» en cas ùe condamnation, il sera sursis à l'e:té), cution du jugement sous le rnpport -de l'empri» sonnement,. s'il était prononcé, et le montant
:>, des amendes, restitutionl! et dommages-intérêts,
» sera versé à la caisse des dépôts et consignations,
» pour être remis à qui il sera ordonné par le tri» bunal qui statuera sur le fond du droit. »
Il résulte de là que pour qu'il y ait lieu à renvoi
à fins civiles, par le tribunal de justice r.épressive,
il faut, premièrement, que le point articulé soit de
nature à repousser toute idée de délit; autrement
le jnge devrait statuer immédiatement d'après la
»
�MO
TRAITÉ
maximefrustrà probatur quod prohatum non
reLeyat; et Toutes les fois, dit Merlin, Répert.~
» VO Bigamie~ qu'un accusé oppose un fait qui,
» supposé vrai ou envisagé comme il l'articule,
» détruit toute idée de crime, et sur lequel il
» s'élève des contestations, le juge criminel ne
» peut prononcer sur ce fait et doit en renvoyer la
» connaissance aux juges civils. » Ainsi la question préjudicielle ne doit être admise que dans le
cas où elle porte Sur un droit de propriété, d'usufruit, de hail, de servitude ou d'usage.
Secondement, que le prévenu ne se borne pas
à une allégation vague, mais qu'il montre un titre
apparent ou qu'il pose des faits de possession équivalents.,« Les trihunaux correctionnels et ceux
» de simple police, ajoute l'arrêt du J9mars 1~B5,
» ci-dessus cité, sont appréciateurs du mérite de
» la question préjudicielle élevée devant eux par
» le prévenu .. :., et ils ne peuvent légalement sur» seoir à statuer jusqu'après le jugement de l'ex:» ception, qu'autant qu'ils la reconnaissent fondée
» et déclarent que ce jugement aurait nécessaire» ment P?ur résulLat, s'il était favorable, de
» légitimer le fait constitutif de la prévention dont
» ils sont saisis; d'où la conséquence que, lors» qu'une exception préjudicielle est vaguement et
» dilatoirement proposée, comme dans le cas où
» sa décision ne saurait soustraire l'inculpé à l'effet
» de la poursuite exercée contre lui, les tribunaux
» de répression doivent la déclarer non recevable
�DU DOl\fAL''iE PUllLIC.
541
ou mal fondée, et ordonner qu'il sera immédiatement procédé à l'examen du fond. »
Troisièmement enfin, que le préve u prenne à
sa charge la poursuite devantle tribunal de renv,)i;
les art. 187. et 189 du Cod. forestier l'exigent impérieusement en matière forestière dans tous les
cas, que l'action correctionnelle ou de police soit
dirigée par le ministère public, par l'administration
des eaux et forêts ou pal' un simple particulier,
Mais cette nécessité existe·t~elle par rapport à
d'autres matières r
Plusieurs arrêts de la Cour de cassation, notamment des 23 avril 1824, 15 septembre 1826, 23
avril, 27 juillet et 3 août 1827, 9 aoùt 1828 et
plus explicitement celui ci-dessus cité, .du 19
mars 1835, avaient d'abord adopté l'affirmative;
quelques tribunaux et entre autres la Cour royale
d'Orléans, par arrêt du 10 mars 1829 (Sirey, 292-138), avaient jugé le contraire, et, d'après la
maxime quod contrà rationem juris introductum est, non est producendum ad consequentias, avaient décidé ce que, de droit commun,
;» l'une des parties ne peut, à l'aide d'un procès,. verbal, changer la position dans laquelle son
;>~ adversaire et elle se trouvent plaGés, quant à la
" nature et au mode de l'action que l'un ou l'aul1'e
:» peu t se croire en dr:oit de diriger. »
Enfin la Cour de cassation, par un arrêt postérieur, du 12 août 1837 (Sirey, 37-1-1021), en
reconnaissant que le principe posé par les art. 182
»
»
�l'RAlTÉ
et 189 du Cod. forestier était spécial à la matière
sur laquelle ils statuent, a fait une distinction
entre le cas où la poursuite a lieu à la requête du
ministère puhlic qni n'aurait point qualité pour intenter l'action civile et celui où elle est dirigée par
un particulier aussi bien recevable que son adversaire à faire joger la question au civil; disLÏnction
qui, nous devons le dire en passant, n'est point approuvée par tous les jurisconsultes, notamment par
MM. Curasson (Traité de la comp. des juges de
pai.r~ 2e édit., t. 1 er , p. 92), et Sirey, dans son
recueil (27'1-519)' ce Attendu, porte l'arrêt, que
')' dans les au lres malières le principe consacré par la
» jurisprudence, qui met à la charge du prévenu,
» dans le cas où il élève une question préjudicielle
» de propriété, l'obligation de saisir,dans un délai
:>3 déterminé, les tribunaux compétents pour dé·
,. cider cette question, s'applique aux délits ou
3') con traventions poursuivis dans l'in térêt de l'état
» on de la société, à la requête du ministère
» public, lequel serait sans qualité, sans pouvoir,
» sans 'intérêt pour saisir les tribunaux civils et
" plaider devant eux une cause qui lui est étran» gère; mais qu'on ne pourrait, sans de graves
» inconvénients, étendre ce principe au cas où il
» n'e§t question que d'intérêts privés .•.; que, dans
» une telle position, les tribunaux correction» nels ..... ne doivent, en renvoyant les parties à
» fins civiles, rien préj uger sur la nature de
» l'action qu'elles auront à intenter, ni sur la
�DU DOlWNE PUBLIC.
543
question de savoir à qui sera imposée la charge
» de la preuve, et que ces parties doivent être
» laissées, à cet égard" dans la plénitude de leurs
" droits. »
Ces principes de droit commun en fait de questions préjndicielles élant posés, nous avons à recherche.' s'ils peuvent, et, en tous cas, dans quelle
mesure ils doivent s'appliquer à la matière spéciale
et exceptionnelle de la voirie et de l'alignement.
A cet effet, il oons faut examiner les diverses
hypothèses qui peuvent se présenter, et établir
pour chacune J'ell~s les distinctions que nécessite
la différence de natnre des voies publiques.
Le prévenu d'une cùnu'avention de voirie peut
se défendre en soutenant ou que le terrain sur
lequel il a construit 011 planté lui appartient, ou que ce' terrain n'est point compris dans les
limites de la voie publique, - ou qu'il n'a fait
qne suivre l'alignement qui lui a été donné, ou enfin que les travaux qu'il a exécuté; dans un
bàtiment ou mur reconnu être en saillie, ne sont
point confortatifs et sont dès~lors du genre de
ceux perrrns.
»
1
re
HYPOTHÈSE. -
Contestation sur la propriété.
Elle peut se présenter dans l'espèce d'un chemin
vicinal classé, d'une rue pour laquelle il y a plan
d'alignement ou nécessité de demander l'autorisation, ou enfin d'un chemin public non clas&é.
S'agit-il d'un chemin vicinal proprement dit,
porté sur le tahleau à ce destiné ou déclaré tel
�TRAITÉ
par arrêté du préfet, l'exception de propriété ne
peut faire surseoir au jugement de la contravention
de police, parce que, fût-elle justifiée par les titres
les plus positifs et fût-elle en définitive accueillie
par une décision irréfragable, elle ne pourrait enlever le caractère d'infraction, au fait reproché;
en effet, suivant l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836,
<c les art'êlés du préfet, portantl'econnaissance et
» fixation de la largeur d'un chemin vicinal, attri:" buent définitivement aux chemins le sol compris
;»
dans les limites qu'ils déterminent; le droit des
on propriétaires riverains se résol1 t en indemnité; »
en sorte que, quand il serait avéré que la commune
n'est pas propriétaire du sol du chemin, ce sol
u'en serait pas moins en dehors du domaine de
propriété privée, et toute entreprise qui y serait
faite u'en constituerait pas moins une cont.raveution passible de ia peine d'amende et de démolition; tout ce qui aniverait alors, c'est que le
propriétaire, ainsi dépossédé de sa chose, aurait
droit à une indemnité pécuniaire. Il ne pourrait
même prétendre qu'ayant été laissé en jouissance,
il aurait prescrit le droit d'y rester, puisque, aux
termes de l'art. la de la même loi, cc les chemins
» vicinaux reconnus et maintenus comme tels sont
» imprescriptibles; »ce sont là des points de droit
incontestables et qui sont consacrés par une jurisprudence constante; parmi les arrêts de la Cour
de caseation, on ne citera que ceux des 24 août
1833 (Deneyers~ au. 1833, 1-372) et 4 août 1836
�DU DO:r.lA.INE PUBLIC.
545
( Sirey;> 37-1-411); ce demier ainsi conçu: « Vu
» les art. 16 de la loi du 21 mai 1836, et 182 Cod.
" foresl. - Attendu qu'il résulte de la' combinai» son de ces deux dispositions: lOque le classe') men t 'd'un chemin, parmi les voies vicinales, a
>J pour effet de lui attribuer définitivement le sol
') compris dans ses limiles; 2° que le droit des
» riverains, lors même qu'ils en seraient ensui le
» dédarés propriétaires, se résout en une indem» Dilé; 3° qu'ils ne peuvent pas dès·lol's exciper
" utilement de leur prétenlion à sa propriété,
» pour, échapper aux conséquences des contra') ventions qu'ils y ont commises; 4° que les tri)} ·bunaux devant lesquels ces contl'aventions sont
» poursuivies, doivent dODe les réprimer immén dia te men t, quand leur existence est certaine,
') puisque le jugement de l'exception proposée,
') fût·il favorable au prévenu, ne sam'ait avoir
» pour résultat de l'affranchir de la peine pal'
» 1ui encourue. »
Mais aussi, par réciprocité, la Q,éclaratiùn administrative de vicinalité ne peut avoir aucune influence sUl'la question de propriété qui se présentera intacte devant les tribunaux civils et qui, si elle
ne peut jamais se résoudre par la réintégration du
mahre dans la possession effective de son fonds,
lui donnera le droit d'en exiger lavaIenr en argent;
on peut dir~ qu'il y a indépendance complète et
liberté entière pour chacune des deux &utorit({s
administratiyc et judiciaire (arrêts du cons. d'élat,
�5.1-6
TRAITÉ
des 11 janvier 1837 (Sirey, 37-2.-246) et 10 mai
1839 C' S., 40-2-88 ), de la Cour de Bourges,
du 3 janvier 1831 (S., 31-2.-315), et de la Cour
de cassat., des 2.6 février 1833 (S., 33-1-391) et
18 août 1838 (S., 38-1-685 ). - TouIlier, tom. 3,
nO 504; Proudhon, Dom. pub., 1 Te édit., nO 485,
et M. Garnier, Tr. des chemins, pag. 2.80).
Si des doutes s'élevaient sur la qualité du
chemin et que le tableau des voies vicinales on
l'arrêté d Il préfet ne pût c1airemen t les dissi pel',
il Y aurait alors question préjudicielle qui devrait
être renvoyée non devant le conseil de préfecture,
mais devan t le préfet seul, chargé de déclarer la
vicinalité et par suite d'interpréter et d'appliquer
son arrêté de classement (arrêt du cons. d'état,
du 9 mars 1836. -Sirey, 36-2.-301).
Mais ponr qu'il y ait lieu à ce renvoi, il faut
que les doutes soient sérieux, car lorsqne la régularité, l'esprit el la portée d'un acte administratif
sont manifestes, les tribunaux peuvent en faire
l'application implédiate sans s'arrêter à l'exception
de l'uue des parties qui prétend qu'il est irrégnlier
ou n'a pas le sens que lui prête la partie adverse;
en un tel cas les juges ne sont pas tenus de renvoyer devant l'autorité administrative pour obtenil'
une interprétation dont ils n'ont pas besoin; c'est
ce que, d'après les termes et l'esprit de l'art. 13,
tit. 2., de la loi du 16 août 1790 et de la loi du 16
fructidor an III, la Cour de cassation a décidé par
arrêts l des 16 janvier 1832 (Sire.y, 32-1-747);
�DU DOMAINE PUBLIC.
547
26 février 1834 (S., 34-1-314); 8 décembre 1835
(S., 36-1-114); 20 décembre 1836 (S., 37-1159); 6 mars et 16 avril J838 (S., 38-1-383 et
623); 4 décembre 1839 (S., 40-1-50); 22 août
et 11 novembre 1840 (S., 40-1-825 et 1001);
8 février, 22 et 23 novembre 1841 (S., 41-1192, 8t4edh5). Cependant celte règle est attaquée par M. Chauveau, professeur à la Faculté de
droit de Toulouse, dans ses Principes de compétence et de juridiction administratives (tom. l ,
pag. 127, nO 453), ou il proclame l'iucompétence
absolue du pouvoir judiciaire « toutes les fois que.
» l'interprétation, l'explication ou l'application
» des actes administratifs produisent une <liscus» SIon. »
Lorsqu'au lieu d'un chemin vicinal, il est question d'une rue figurée SUI' un plan d'alignement
général ou par rapport à laquelle il y a lieu de
demander un alignement an maire, la décision
'lIoit être absolument la même, parce qu'il y a
pour l'autorité judiciaire la même impossibilité
légale de s'ingérer dans cette opération et de modifier ou rectifier le tracé de l'administration. Le
plan général ou l'arrêté spécial d'alignement produisent pour ces sorles de voies le même effet que
le tableau ou l'arrêté du préfet pour les chemins
vicinaux; ils réunissent aussi de plein droit, an
sol de la rue, les parcelles des propriétés riveraines
marquées de la ligne rouge; la seille différence est
que, relativement aux chemins, l'expl'opriation esL
�M8
'l'l\AITÉ
ipsofacto consommée, et que sU1'-le-champlacom~
mu ne peut se mettre en possession, comme aussi
le riverain peut exiger le paiement de l'indemnité,
tandis que, par rapport aux rues, la commune ne
pent prendre le sol des constructions sujettes à
retranchement, que lorsqu'elles tombent de vétusté ou que le propriétaire les fait volontairement
démolir, ayant cependant et jusque-là le droit
d'empêcher toute réédification ou réparations confortatives.
Admettons enfin que l'anticipation prétendue
soit relative à une d.es voies publiques pour lesquelles il n'y a ni arrêté du préfet, ni plan d'alignement, ni ohligation de se pourvoir d'une
autorisation de bâtir, comme sont les chemins
ruraux ou chemins publics non vicinaux, ainsi
que, selon plusieurs auteurs, les rues des bourgs,
villages et hameaux.
« Dans ce cas, dit M. Curasson ( Traité de la
comp. des juges de paix" 2 e édit., tom. 1 er ,
pag. 87), dont nous rapporterons ici l'opinion à
laquelle nous donnons notre plein assentiment,
si le propriétaire soutient que le chemin qu'il est
accusé d'avoir dégradé ou anticipé est un chemin
privé, alors' il est bien évident que le juge de
paix (siégeant comme juge de police) doit surseoir
et renvoyer au tribunal la question préjudicielle.
Nous croyons même qu'en ce cas il ne doit
exiger du prévenu la production d'aucun titre
pour pron~ncer le renvoi, parce qu'il existe dans
�519
DU D01\1A.INE PUlIUC.
les communes des tableaux non-seulement des
chemins vicinaux, mais des chemins ou sentiers
ruraux (a); et l'absence du chemin en litige sur
le tablean est une grave présomption que le chemin n'est qu'une propriété privée, nn passage de
tolérance. Chaclln sait, d'ailleurs, que, dans la
plupart des communes, les habitants oi1t la prétention de faire considérelo comme voies publiques
les chemins ou sentiers que le propriétaire a tolérés
dans son fonds. Quoi qu'il en soit, ce n'est point
au tribunal de police à statuer sur la propriété; il
J.oit donc surseoir jusqu'au jugement qui sera rendu
sur cette question préjudicielle, soit au possessoire,
soit au pétitoire. »
Un peu plus loin, le même auteur ajoute: cc Mais
il peu t arriver que le terrain signalé dans le procès.
verbal, comme faisaut partie soit d'un chemin,
soit d'Ulle rue ou place, ne soit qu'un communal
dont le sol, situé pIns haut ou plus bas que la voie
publiqne, n'en fasse éVIdemment pas partie: alors
on ne croit pas que le j nge de police ait besoin de
renvoyer à un autre tribunal la question préjudicielle de propriété. En effet, ce n'est que l'usurpation ou la dégradation d'un chemin pnblic que
la loi puuit comme contravention; l'occupation
d'une partie de communa,l ne peut donc donner
(a) Nous avons dit, au nO a32, ci-dessus, pag. 187, que
l:e tableau avait été prescrit par une circulaire du ministre de
l'intérieur, du 16 novembre 1839.
-rO:lL
II.
35
�550
'l'lUITÉ
lieu qu'à une action civile: transf01'mer ce fait en
délit, ce serait ajouter à la loi; le jnge de paix ne
.
.
pourrait, en ce cas·, prononcer une peme san1>
excès de pouvoit', et d'après l'art. 159 du Cod.
d'inst. crim., il doit annuler la citation. Mais le
tribunal de police ue peut statuer 'ainsi que clans
le cas où, d'après la discnssion et l'examen des
lieux, il est reconnu qne l'endroit qui est l'objet
de la plainte ne fait évidemment pas partie cie la
voie publique; car, pour peu qu'il y ait de doute,
alol's il s'élève une question préjudicielle dont la
décision doit être renvoyée à l'autorité compétente.
Sur quoi il est à observer que, si l'usurpation d'un
terrain communal étranger à la voie pnblique;
n'est pas un délit, cependant l'art. 479, nO 12,
du Cod. pén., punit d'une amende de I l à 15 fi'.
u ceux qui, sans y être dùment autorisés, auront
» enlevé des chemins publics, les gazons, tenes
" ou pierres, ou qui, dans les lieux apparte.;.
n nant aux communes ~ auraien t enlevé les terres
" ou matériaux, à moins qu'il n'existe un usage
n général qui l'autorise. >, - Observons aussi que,
dans les communes rurales, les terrains bordant
les murs de clôture et les babitations sllr les rues
et places publiques, son t légalemen t présumés eu
faire partie, et par cela même sont imprescriptibles (a). Cependant si, sur un procès-verhal
d'anticipation ou d'encombrement de la Yoie
(a) Voyez, à cet égard, nO 533, pag. 191 , ci-dessus.
�DU DOMAINE PUBLIC.
551
publique, l'habitant soutenait que, loin de faire
parlie de la rue, le terrain qu'il occupe est une
dépendance de sa maison, il élèverait par là même
une question préjudicielle SUl' laquelle le tribunal
de police ne pourrait statuer et devrait surseoir;
car il n'en est pas ici comme des chemins publics,
dont la reconnaissance est faite et la largeur fixée
par l'administration. Cette fixation, pour la plupart
des rues et places, n'existe pas dans les communes
rurales. "
Quoique dans ce qui vient d'être dit nous ayons
constamment assimilé les rues des bourgs, villages
et hameaux aux chemins publics non vicinaux,
appelés simplement chemins ruraux, il Y a une
différence essentielle à faire entre ces deux classes
de voies: c'est que si, par rapport aux premières,
il existe un plan d'alignement homologué par
ordonnance royale, ou si même le maire a pris un
arrêté prohiba
toute construction sans autorisation préalable, le prévenu de contravention ne
pourra pas plus élever la question préjudicielle de
propriété que s'il s'agissait ·d'une rue de ville,
parce que l'alignement dans les communes rurales,
lorsqu'il est obligatoire, produit les mêmes effets
que dans les lieux où il est impérieusement prescrit
par la loi du 16 septembre 1807 et que partou t il a
pour effet, en frappant de la serviludè non aedificandi~ les portions de bâtimen ts désignées pOil r êlre
soumises au retranchement, de les réunir, quand
on les démolira, à la voie pnhliqne, moycnnan~
�552
1'HAlTÉ
·le paiement "de la valeur de leur sol. Lorsqu'il s'a";.
git au contraire de simples chemins ruraux, aucune
autorité n'a le droit de réunir d'office et sans expropriation préalable ou acquisition amiable, à leur
sol, une portion quelconque des propriétés rive.raines: ni le préfet don t le pou voir, à cet é~ard ,
est restreint, pal' l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836,
aux seuls chemins viciriaux déclarés tels, ni le
roi qui ne peut homologuer que des plans de
rues, ni encore moins le maire qui n'a qualité
ponr tracer des alignements que par rapport aux
hâtiments des villes, bourgs et villages et non aux
héritages ruraux.
Si donc un arrêté municipal défend de construire
ou planter le long des chemins ruraux d'une commune, sans avoir préalablement obtenu l'alignement, cette mesure sera utile pOUl' prévenir les
an'ticirations, en mettant les riverains dans la nécessité d'appeler le maire à la dél itation de leurs
fonds d'avec la voie publique. Elle devra, en
outre, les fi.ire condamner à l'amende pour déso'héissance dans le cas où il y aurait construction ou
plantation sans autorisation, mais elle laissera
parfaitement intacte la question d~ propriété, lors
mênJe qu'il existerait un plan du chemin ou un
tableau indicatif de son placement et de sa largeur;
le riverain sera toujours fondé il soutenir que l'emplacement SUl' lequel il a construit ou planté lui
appartient, et on ne pourra repousser péremptoirement sa prétention en lui disant, comme dans le
�DU DOMAINE PUBLIC.
553
cas d'alignement des rues Ou d'anticipation sur la
largeur fixée par le préfet d'un chemin vicinal, que
le sol, à supposer qu'il lui appartienne, est réuni de
plein cIroit à la voie publique, et que son droit de
propriété est converti en une indemnité pécuniaire,
dont le défaut de paiement ne pouvait l'autoriser
à user en maître de son fonds ( arrêts de la Com'
de cassat., des 28 mai 1841, Dalloz., 41-1.:139;
- 10 septembre 1840, Dalloz., 40-1-439;-.
arrêts du cons. d'état, des 25 avril 1839, Bellegarde., Dalloz., 40-3 -40; - et 30 juin 1839,
Renaud., Dalloz., 40-3-56). Dans l'hypothèse qui
110US occnpe, l'exception de propriété est l'élévatoire, puisque, si elle est fondée, elle fait disparaître toute idée d'usurpation. Letribnnal de police
devra donc l'accueillir, et la question sera portée,
soit au possessoire, soit au pétitoire, devant les juges
civils, seuls compétents pour la décider, ainsi que
le déclare la cil'culaire ministérielledll 24 juin 1836,
et que J'ont jugé trois arrêts de la Conr de cassat.,
des 23 juillet 1839, 10 août et 2 juillet 1840
(Sirey, 39-1-8f)8; 40-1-302, et Dalloz, 40-1260 ). Si, par suite, il intervient un jugement favol'able au prévenu, il Y aura toujours lieu à le
condamner à l'amende, en vertu de l'art. 471,
nOS 6 et 10 du Cod. pén., pour n'avoir pas obtenu
l'alignement préalable que prescrivaill'arrêté municipal à litre de mesure de police, mais la démo~
lition ne pourra être prononcée; eHe ne devrait
l'être que si l'anticipa lÎon était reco;ll1ue, et alors
�55!"
TRAITÉ
ce serait conformément à l'art. 479, nO I l , dn
même Cotie, comprenant sous la dénomination
générique de cheminspublics aussi bien les simples
chemins ruraux que ceux classés formellement
parmi les vicinaux ( arrêts de la Cour de cassat.,
des 2 mars 1837, Sirey., 37-1-77lj-et21 avril
1841, Dalloz., 41-1-366).
e HYPOTHÈSE. -
Contestation sur le placement du
chemin. Tout en reconnajssant que près du point
où le fait signalé comme contravention a eu lieu,
il existe un chemin public ou une rue, le prévenu
peut prétendre que cetie voie n:a pas la véritable
direction qui lui est assignée ~ et qu'elle doit être
reportée du côté opposé; celte exception devrat-elle motiver un sursis ~ et quelle autorhé sera
compétente pour en apprécier le mérite?
Il faut encore ici distinguer:
S'agit-il d'un chemin vicinal délimité par des
bornes ou figuré sur un plan de manière à. ne
laisser aucune incertitude sur son placement?
il n'y aura pas lieu à renvoi, et le juge de police
devra prononcer comme dans l'hypothèse précéden le où l'existence même du chemin est contestée;
la prétention de faire rectifier l'acte administratif
ne peut donner lieu à un sursis, sauf ensuite au
condamné à porter l'aff~ire devant les tribunaux
civils pour obtenir, en cas de succès, une indemnité conformément à l'art. 15 de la, loi du 21 mai
1836; Les principes sont tellement rigoureux à cet
égard que, par arrêt du 2 août 1839 (Dalloz~
2
�r
DU DûM.ÀINE PUBLIC.
555
40-1-360), la Cour de cassation a jugé que le déclassement (et il en serait de Olême de la rectifi.,
cation) d'un chemin vicinal, opéré par le préfet
postérieurement à une plantation illégale d'arbres
ou à toute autre contravention qui y aurait été
commise, ne saurait avoir pour effet de faire disparaître la contravention qui doit être appréciée
d'après l'état où se trouvait le chemin au moment
où l'entreprise a eu lieu.
Dans le cas où, par suite du défaut de plan ou
de repères certains, il Y aurait doute sérieux sur
l'emplacement que le chemin doit occuper, )e
tribunal devrait surseoir jusqu'à ce que le préfet,
à qui est confié le pouvoir d'en fixer la direction
et les limites, se fût prononcé; le conseil de préfectme sel'ait incompétent pour interpréter ou
appliquer l'arrêté de vicinalité ou le tableau des
chemins, ainsi que l'a jugé avec raison le conseil
d'état, par arrêt du 9 mars 1836 (affaire Barré;
- Dalloz, 36-3-88).
Si la difficulté s'élevait par rapport à une rue
comprise dans u~ plan d'alignement ou habituel.
lement soumise dans toute sa largeur au passage
du public et bordée d'une manière régulière de
bâtiments, il n'y aurait pas lieu à sursis, et la
condamnation à l'amende, ainsi qu'~ la démolition
immédiate de tout ce qui dépasserait le tracé du
plan ou la possession, devrait être prononcée nolIobstant l'exception.
.
Il n'est pas" inutile , en renvoyant à ce que"nous
�556
TRAITÉ
avons dit ci-dessus 1 nO 533, sur la consistance de
ces Sortes de voies publiques, d'ajouter que par
un nouvel arrêt du 1 er mars 1842 (Dalloz~ 42-1119), la Cour de cassation a encore décidé que
tou t l'espace, quelque large qu'il soit, corn pris
entre les constructions alignées à droite ct à gauche
d'une rue, est réputé de plein droit affecté primitivement au sol de. celle rue et en faire partie
intégrante.
Le seul cas où il y aurait question préjudicielle
de nature à faire surseoir à la condamnation, serait
celui où la rue, comme dans certaines communes
rurales, n'aurait point de limites fixes et pourrait
être confondue avec des cours ouvertes ou espaces
libres qu'il serait constant que les propriétaires
auraient laissés au-devant de leurs habitations pour
en faciliter la desserte et sur lesquels on est dans
l'usage de faire des dépôts de bois, de fumiers ct
quelquef~is même de planter des arbres ou d'établir des constnlctions accessoires, tels que tecs·àporcs, fours, hangars, etc.
Dans cette hypothèse, ainsi que dans celle où
une pareille difficulté s'élèverait par rapport à un
chemin public non classé, la question préjudicielle
de placement et de délimitation serait une question
ordinail'e de' propriété et de bornage qui devrait
être portée devant les tribunaux civils et non
devant l'administration à laquelle il n'appartien t
de statuer que quand il y a déclaration de vicinalité
'Ou alignement obligatolre, comme nous l'avons dit
�DU DOMAl'NE PUBLIC.
557
plus haut, parce qu'alors il y a acte adlllinisll'alif
qu'elle seule peut appliquer ou interpréter.
3e HYPOTHÈSE. - Contestation sur l'arrêté d'alifinement. Une autre question préjudicielle peut
naître de ce que le prévenu de contravention à cet
arrêté prétendrait qu'il s'y est, au contraire, exactement conformé.
Dans ce cas, le tribunal de police devrait surseoir,
ainsi que l'a décidé la Cour de cassation, par l'arrêt
suivant, en date du 6 octobre 1832 (Sirej'~ 33-1296): cc Vu l'art. 13, tit. 1 er , de la loi du 16-24;»
août 1790 et la loi du 16 fructidor an III; » Attendu qu'aux tennes de ces dispositions, l'au1»
torité judiciaire ne peut, sous aucun prétexte,
» interpréter ni modifier les actes légalement
:» émanés de l'autorité municipale, et attendu que,
;» dans l'espèce, Facquer a été traduit devant le
» tribunal de simple police, pour avoir contrevenu
» à l'alignement que le maire d'ALbevi1le lui
» avait fixé par sa lettre du 5 juin dernier; qu'en'
:» soutenant le contraire, il avait soulevé une
:» question' préjudicielle qui ne pouvait être décidéè
;» que par l'administration supérieure; que ce
;» tribunal était donc tenu de surseoir à statuer
;» au fond, jusqu'à ce que la décision à intervenir
» sur ce point lui fût rapportée, et de fixer le
;» délai dans lequel ledit Facquer devait la pro;n duire; d'où il suit qu'en déclarant ql1ece der;» nier s'est entièrement conformé audit aligne) ment, et en le renvoyant oc J'action exercée à
�558.
1'1lAITÉ
son égard, le jugement attaqué a commis un
cxces de pouvoir, méconnu les limites de sa
:» compétence et violé les articles précités.,. Casse. " .
Deux décisions analogues ont encore été rendues
par la même Cour, les 28 avril 1.827 (Sirey, 271-518) et 4 octobre 1839 (Dalloz, 40 - 1 -419);
dans la première, il s'agissait d'un mur condamné
par l'autorité administrative, et dont la démolition
partielle avait été jugée suffisante par le juge de
police. cc Attendu, porte nn des motifs, qu'il
» résulte des faits constatés par le procès-verbal,
" que le mur extérieur dont il s'agit, n'a été
" démoli qu'en partie, tandis qu'aux termes de la
" sommation (administrative) il devait l'être en
" entier, comme tombant en ruine; qu'en déci" dant que le pignon qui subsiste encore ne tombe
" pas en ruine et ne présente aucun danger,
" puisqu'il ne penche nullement sur la voie pu» hlique, le tribunal de police s'est attribué l'exa" men d'un fait dont la connaissance lui était
» interdite et rentrait exclnsivement dans le do» maine de l'administration. »
Nous pensons que la question préjudicielle
devrait être portée devant les tribunaux civils si
l'alignement avait été donné par le maire pour une
construction ou une plantation le long d'un chemin rural non classé, parce que, dans ce cas,
comme 110US l'avons déjà laissé pressentir plus
hant, la fixation de la limite du chemin ,. bien que
»
»
�DU DŒ\1A.INE PUBLIC.
559
qualifiée d'ali~nement, n'en a point les effets,
notamment celui de réunir de plein droit à son sol
une partie du fonds voisin et de convertir le droit
réel de propriété du riverain en une créance personnelle d'indemnité; à notre avis, un pareil ar, , d' a1·Ignement n "est qu une espece
.
d e b 01'l'ete
nage fait par le maire seul, moins comme agent
de l'administration centrale que comme tuteur. ,de
la commune et son repré'sent~nt; bornag'e qui,
n'étant point contra'dictoire, peut être contesté
pardevant les tribunaux civils, juges de son exactitude et de sa régularité, et chargés de déterminer
en défini Live la ligne de séparation du chemin et
du fonds privé voisin.
4e
HYPOTHÈSE. - . Contestation, sur la nature et
les effets des réparations. Quoique l'effet de' l'alignement soit de frapper les portions de hâtiments
sujettes à recule men t , c'est-à-dire don t le sol doit
être réuni à celui de la voie publique, d'une 'espèce
de servitude ayant pour objet d'empêcher toute
reconstruction ou réparation, la jurisprudence a
cependant, par rapport à ces dernières, établi une
distinction entre celles qui sont de nature à prolonger la durée de l'édifice en le consolidant, et
celles qui, en ne faisant qne faciliter au propriétaire
l'usage de sa chose, ne la rendent pas plus solide
et ne lui assuren t pas une plus longue existence;
les premières, qualifiées de colifortatives ~ sont
sévèrement défendues et doivent être supprimées;
les autres, au contraire, sont permises moyennant
�560-
TRAiTÉ
autorisation, et, dans tOllS les cas, ne sont pas
sujettes à dén101ition quand elles ont été faites
sans permission;. €Iles donnent lieu' seulement à
la condamnation à l'amende.
Nous tâcherons de déterminer pIns loin le
caractère des unes et des autres; mais dès.à-présent
on conçoit qne cette appréciation doit donner lieu
à une question préjudicielle consistant à reconna1tre, d'une part, si le propriétaire, autorisé à
exécuter un ouvrage, s'est conformé à la prescription qui lui avait été faite ou s'il l'a outre-passée,
et, d'un autre côté, si, lorsque des travaux quel~
conques on t été faits sa ns permission, il Y a lieu,
outre l'amende, à en ordonner la destruction.
Quelle sera l'autorité compétente pOlU statuer
sur ces points?
En matière de grande voirie la solution est facile.
Le conseil de préfecture, jnge de la contravention,
l'est aussi de l'exception, et il a le droit d'a pprécier,
soit de ~On chef, soit après expertise, la nature des
travafx ( arrêt du Conseil d'état, du 18 janvier
1831; dame Dherbecq); il n'est pas obligé de
renvoyer la question à l'administration active,
c'est-à- dire a u préfet, de qui seul cependa nt doit
émaner l'autorisation de construire ou de réparer
(antre arrêt du même conseil, du 2.7 août d34o;
Auhanel), parce qu'étant lui-même placé dans
l'ordre administratif et ayant dans ses attributions
tout le contentieux, il n'y a pas danger d'empiétement du ponvoir judiciaire sur le pouvoir admi·
nistra Lif.
�DU Dm.1AINE PUBLIC.
561
Mais d'autres principes sont applicables en fait
de petite voirie; le tribunal de police, chargé de
prononcer sllr la contravention, est sans qualité
pour jng('r la qncstiUl1 préjudicielle; il doit nécessairement renvoyer la décision de ce point à l'administration. Par deux arrèts, l'un de la Cour de
cassation, du 10 mai ]834, rapporté ci-dessus,
page 525, et l'autre, de la Cour de Colmar,
du 16 février 183ï (Sirey ~ 37·2~309 ) , il avait été
jugé que les tribnnaux de police pouvaient se dis'penser de prononcer la démolition ;si, en l'absence
de toute déclaration contraire de l'autorité administrative, ils reconnaissaient qne les travanx ne
-son t pas conforta tifs; mais cette j ~ ris prudence a
été complètement changée, et le principe ci·dessus
posé a enfin prévalu, ainsi qu'il résulte des arrêts
de la Conr de cassation, des 10 octobre 1832
( Sirey, 33-1-59° ); - 18 septembre 18jb (S., 361-112); - 25 juin 1836 (S., 36~1-653); - 10
novembre 1836 (S., 37-1-7°7); - 17 févrie.'
üi37 (S., 38-1-95) ; - 21 juillet 183B (S., 39-169); - 16 juillet 1840, Ch. réunies (S., 40-1745); - et 1 er décetnbre 1842. De ces diverses
décisions, nous ne ra pporterons que celle cl u 25
juin 1836, dans laquelle le point de doctrine,
relatif à la séparation absolue des deux pouvoirs
judiciaire et administratif, nous paraît développé
d'une manière plus précise que dans les autres.
Après cassation d'uo jugement du tribunal de police
de Mulhouse, qui avait renvoyé M. Kœchlin-
�562
Ti\.AITÉ
Dollfus d'une poursuite pour construction sans
autorisation, le tribunal d'Altkirch se borna à
prononcer contre lui l'amende, mais refusa d'ordon~er la su ppression des travaux, par la raison
que, consistant dans des ouve.'tures, ils n'étaient
pas confortatifs, ce qui donna lieu à un second
pourvoi. Après le rapport de M. Ruperou, M. le
procureur gé~éral Dupin, protégeant le jugement.
attaqué de toute la vigueur de sa logique, s'ellt
attaché à signaler les abus qui nahraient de l'exa*
gération du principe, que besogne mal plantée
sera abattue; il a revendiqué en faveur des
citoyens Je bienfait de la protection des tribunaux
con tre l'es prétentions quelquef9is injustes et outrées
de l'autvrité municipale; il a pensé aussi que, dans
l'espèce, le tribunal d'Altkirch n'avait pu commettre d'excès Je pouvoir en déclarant les travaux
non confortalifs, ni préjudiciaLles, puisqu'ils
n'étaient qualifiés ainsi ni par une défense écrite
du maire, ni par le procès-verbal. Néanmoins,
après nn long délibéré, la Cour, les sections réunies,
a prononcé la cassation par les motifs suivants:
Attendu que les arrêtés des maires, en matière
» de voirie, tant qu'ils n'ont pas été réfol'més par
l'autorité supérieure, doivent recevoil' leur exél) cution; que le tribunal de police doit, en
prononçant la peine contre ceux qui sont conl) vaincns de contravention à ces arrêtés, statuer
» par le même jugement sur la demande en
» restitution et en dommages-intérêts; que la
t(
l)
l)
�DU DOlIAIl'Œ PUBLIC.
563
destruction des travaux exécutés en contravention anx lois et réglements sur la voirie et aux
» arrêtés de police municipale, quand elle est
» requise, est la conséquence nécessaire de la
» contravention; que c'est à l'autorité admi» nistrative qu'il appartient exclusivement d'ap» précier si les travaux qu'on entreprend ou désire
» entreprend re à des bâtiments sujets à reculemen t
), sont ou non susceptibles de prolonger, au
» préjudice de l'intérêt public, la durée de ces
" bâtiments; - qu'ainsi les tribunaux sont incoDl» pétents SUl' ce point. et doivent, après avoir
» constaté l'existence d'un nouvel œuvre, se
» horner à ordonner, par application de l'art. 161
» du Cod. d'inslruct. criminelle, la démolition
» qui est requise des travaux exécutés en contra» ven tion ..... Casse. »
Ces tribunaux ne pourraient pas même ordonuer
d~expertise préparatoire (arrêts de la même Cour,
des 5 octobre et :2 décembre 1837, et 4 janv~el' 1839, DalLoz, 38-1-177 et 420, et 39-1.387);
Ils pourraient encore moins motiver leur refus
d'ordonner la démolition, sur ce que les travaux
seraient sans aucune espèce d'importance, comme
un crépissage, et par suite ne seraient évidemment
pas confortatifs (arrêt de la Cour de cassat." du 4
août 1 838) , ou que même, loin de consolider le
mur, ils ne feraient qu'cn diminuer la solidité
(la plupart des arr~ts ci-dessus cités, notamment ceux des'25 juin et 10 novembre 1836, et
21 juillet 1838).
»
»
�564
TRAITf:
De plusieurs des décisions citées dans ce S et
notamment d'un autre arrêt de la Cour de cassation, du ] 9 décembre 1828, on aurait pu induire
que le juge de police était obligé de prononcer
immédiatement la démolition des travaux, sauf au
condamné à s'adresser ultérieurement à l'administration, afin d'en obtenir le maintien; mais un
arrêt, à la date du 28 septembre 1838 (Sirey" 391-911 ), a jugé qu'il en était autrement; que le
sursis devait être accordé lorsqu'il était requis, et
que, bien que dans tous les cas l'amende dût être
prononcée, il devait nécessairement porter aussi
sur ce chef, parce qu'aux termes formels de l'art.
161 du Cod. d'inst. crim., il ne peut être statué
que par un même jugement sur le tout.
L'excessive rigueur que met la Cour suprême à
maintenir la compétence exclusive de l'administration pOll,r statuer sur toutes les questions préjudicielles de voirie, d'alignement et surtout de
travaux confortatifs, non-seulement tient à la volonté de faire respecter la ligne de démarcation si
sagement tracée par l'Assemblée constituante entre
le pouvoir administratif el le pouvoir judiciaire,
puisque nous avons vu plus haut qu'elle s'était
singulièrement départie de cette inflexibilité lorsqu'il s'agissait de l'interprétation etde l'application
des ventes, baux et autres actes administratifs,
mais est aussi et principalemen t déterminée, comme
le remarque M. CoteHe (Cours de droit adm."
2" édit., tom. 3, pag. 260, nO 13), « par la mo.
�565
DU DOl\fAINF. l'Ullue.
dicité des amendes prononcées pal' le Code
" pénal, qui formeraien t une pénalité illusoire
" sans l'obligation de démolir; ~ obligation,
ajouterons-nous, qu'il' répugnera toujours au juge
de paix, tenant le tri1?unal de police, d'imposer
à cause des conséquences tres-graves qu'elle peut
avoir en de certaines circonstances.
28 0 Si, comme on vient de le voir, la matière
des travaux confortatifs a donné lieu, en droit, à de
graves difficultés qui paraissent aujoUl'd'hui aplanies, elle en présente en fait qni sont loin d'être
résolues, aucune loi ne les ayant prévues, et une
jUl'i'sprudence fixe ne pouvant même s'établir à ce
sujet à raison de la diversité des circonstances.
POUl' atténuer les conséquences, il faut en convenir, très-onéreuses de la servitude d'alignement
et pour conciliel' jusqu'à un certain point les inté:rêLs privés avee l'intérêt public, l'usage s'est intl'O.Juit de distinguer les travaux qui peuvent être faits
aux bâtiments ou portions de bâtiments sujets à retranchement en denx catégories Ca): Ceux qui, en
»
(a) On a prétendu que cet usage avait son fondement dans
les dispositions législatives et réglémentaires suivantes, concernant les constructions sur le bord des voies publiques:
L'ordonnance du prévôt de Paris, pour la voirie, du 22
septembre 1600, porte défense <i d'innover aucune chose
li au devant des maisons et autres lieux où il' Y a saillie ou
» pam de bois, iceux réédifier, ne faire ouvrag'e en Icelles
li qui les puisse conforter. conserller ou soutenir.
L'édit de Henri IV, de décembre 1607, défend au grandl)
TO:U. II.
36
•
�;Jû6
reconfol'lant ou consolidant les constructions, peuven l prolonger indéfinimen tlellr durée ou an moins
en l'eculer le terme, et ceux qui, sans produire cct
voyer de permettre « qu'Il soit fait aucune saillie, avance et
" pans de bois, et même à cellX où il y en a à présent, de
» contraindre les réédifier, ni faire ouvrages qui les puissent
» confirter, conserver et soutenir, et pourvoir à ce que les rues
» s'embellissent et élargissent au mieux que faire se pourra. »
L'ordonnance des trésoriers de France, du 1 er avril 1697,
\
prohibe « de faire, ni faire faire aucuns ouvrages qui puissent
» conserver ou confirter les saillies, traverses et avances sur
" rues, voies et places publiques.... , rétablir aucune maison .....
" sans, au préalable, en avoir pris permission..... »
Une autre ordonnance du bureau des finances de Paris, du 29
mars 1754, fait défenses « de construire ou reconstruire, soit
" en entier, soit en partie, aucun bâtiment, sans en avoir pris
" alignement; » lad'ite ordonnance confirmée et étendue à tout
le royaume par l'arrêt du conseil du 27 février 1765, contenant inhibition « de 'construire , reconstruire ou réparer aucuns
» édifices ..... sans en avoir obtenu les alignements ou pern, missions. })
Une autre ordonnance des trésoriers de France, du 30 avril
1772, porte défense « de construire ou reconstruire, soit en
Il entier, soit en partie, aucuns bâtiments, sans en avoir pris
Il les alignements. Il
L'arrêt du conseil, du 7 septemhre 1755, en approuvant des
plans d'alignement pour la ville de Châlons-sur-Marne, « 01'Il donne que lesdits plans seront exécutés, dc la part des pro" priétaires, dans le cas seulement où par vétusté, incendie
" ou autres accidents survenus à leurs btltiments, lesdits pro" priétaires seront obligés de les reconstruire, - et fait défense
» auxdits propriétaires de maisons, murs et autres édifices qui
» doivent être retranchés et reculés en conséquence !lesdits
�DU DOl\fAIl'IE PUBLIC.
561
effet, permettent au propriétaire d'y opérer des
changements utiles on ngréables; ceux-ci sont
autorisés par l'administration; les premiers sont
défendus et doivent être détruits lorsque par fraude
ils ont été exécllté&. M. Garnier, Traite des chemins, pag. l3I et 132, 4e édit., explique ainsi cette
différence: cc L'obligation imposée aux riverains
» d'obtenir un alignement préalable.... est dictée
» par la nécessité d'em pêcher les constructions
» dans l'espace de la ronte on la consolidation des
» façades de bâtiments à supprimer. Les répara» tions qu'on y ferait, en les fortifiant, ajonrne» raien t indéfinimen t l'établissemen t ou l'élargis» sement. C'est pour ne pas payer des indemnités
considérables et ne débourser que la valeur du
» terrain, que l'administration attend la chute des
» bâtiments par vétusté. Il est donc indispensahle
» qu'on prohibe tous l~s ouvrages qui prévien)J
alignements, d'en reconstruire les faces, même d'y faù'e des
répara/ions tenant lùm de reconstruction, à peine de démon lition d'icelles et de 50fr. d'amende et de tous dépens. Il
Enfin la déclaration du roi, du 12 juillet 1779, concernant
la ville de Versailles, exige Il que tous les édifices qui seront
Il entrepris, soit par construction entièrement nouvelle, soit
» par réparation plus ou moins entière, ne puissent être
» commencés que d'après l'attache et permission du grandIl voyer, sur les plans,
profils et élévations qui lui serout
» présentés par les propriétaires ou leurs entrepreneurs et dont
» il fer.. faire la vérification ..... et à raisoll desqueh il sera
n prescrit par le grand-voyer, pour les cas qui l'exigeront,
Il toute retraite nécessa ire.
l>
l>
»
�568
TRllTÉ
draient ou· retarderaient celle chute; - d'un
aut-re côté, la propriété est un droit sacré qui
» mérite aussi quelque favenr. Il convenait donc
» d'autoriser les -réparations qui, sans l'econforter
» le bâtiment, avaient pour but de procurer au
:n possesseur la jouissance d'un héritage encore en
» bon état. »
Telle est la théorie qui paraît assez simple; mais
~n pratique et'dans l'application, comment discerner
les ouvrages qui doivent être rangés dans l'une ou
l'autre classe; à quel caractère certain peut-on les
reconnaître!' voilà ce qu'aucune mesure législative
ne saurait préciser, car c'est de ce cas surtout que
l'on doit dire exjacto jus oritur.
A défaut de principes positifs, nous extrairons
des circulaires ministérielles et de la jurisprudence,
.quelques règles qui pourront servir de guide dans
les cas analogues.
La durée d'une construction dépendant essentiellement de la solidité des fondations et du rezde-chaussée, on en a induit que les propriétaires
ne doivent reculer sur l'alignement leurs bâtiments
qu'an tant qu'ils touchent à ces parties, mais que
'lorsqu'elles sont reconnues solides, ondoitautoriser
]a réparation et l'en tretien des étages supérieurs,
notamment par ravalements, peintures et badigeons, changements.de corniches, d'entablements,.
l'emplacements de poutres, réfections de- combles,
de cha.rpentes et couvertures, percements et suppressions de baies et autres onvrages de celle
»
»
�DU DOMAINE rUBLle.
569
nalurè. cc La dégradation d'un étage supérieur,
» dit une circulaire ministérielle du 1-3 février
n 1806, ne peut être ua motif pour condamner
» les parties inférieures. De ce qu'une façade
» devra être recnlée, il n'en résulte pas qu'on ne
» doive pas entretenir les parties supérieures; car
» s'il en était ainsi, du moment où le nouvel
» alignement serait arrêté, on pourrait interdire
» au propriétaire tout entretien, même de la
» cou~erture élablie sur cettc façade. Cette doc» trine serait attentatoire à)a propriété, elle serait
» contradictoire avecle principe même qui l'établit;
• »car on n'ajourne la démolition que pour épargner
» à l'état, ou à la commune, la nécessité de payer
» l'immeuble, dans la supposition que le pro~) priétaire n'ayant à le démolir que lorsqu'il
» tombera de lui-même en ruine, il subira une
» petite perte. Mais, si l'on hâte celte ruine, en
» empêchant le propriétaire de soignel1 même les
» parties supérieures de sa maison; et si, parce
» qu'elles sont défectueuses vers le toit, on exige
» qu'il démolisse le tout, on rendra illusoire
» l'ajournement accordé pour sa démolition, et
» l'on J'entrera ainsi dan-s le cas de l'obligation:
» Iode faire juger par Je gonvernement qu'il est
» nécessaire de détrtllre sur-le-champ l'édificc;
» 2° de payer le prix avant de commencer la dé.,.
» molition. » (Code administratif par Fleurigeon, ~o voirie. ) C'est ce qui résulte pgalcment
de quatre arrêts du conseil d'état, des..10 avril
�570
TRAITÉ
1783, 2.0 aoùt 1784, 22 join 1811 et 14 juillet
1831 (lJ!layet). - « L'administration, dit
» M. Garnier dans le traité qui vient d'être cité,
e
;» p. 133, 4 édit., ne permet pas de réparer les
fondations et le rez·de-chaussée des bâtiments
;» sujets à reculenlent , lorsque ces réparations
» tendent à consolider la façade ..... ; l'autorité ne
» peut refuser la permission de reconstruire ou
» réparer les étages su périeurs, ta n t qne les
,);) fondations et le rez-de-chaussée sont en bon
» état..... ; dès qu'on en interdit la consolidation
)) (de ces derniers objeLs), les intérèts de l'admi» nistration sont garantis et l'existence de ce
» bâtiment est limitée au terme J~ muins éloigné
;»
possible, car la chute de la façade oblige le pru;»
pl'iétaire à démolir son bâtiruent, une construc» tian sans mur de face étant inutile et souvent
» dangereuse. »
Ces principes, anssi enseignés dans le Co.urs de
droit administratif de M. Cotclle, tOI1l. 3,
pag. 243, 2 e édit., sont pIns amplement expliqués
dans une lettre écrite par le ministre de l'intérieur,
le 3 juillet 1~27, au préfet de la Seine, pour répondre aux objections qu'avait faites ce magistrat
contre la distinction entre les réparations du rl'zde-chaussée et celles des ltages supérieurs; M. le
ministre lui dit: « Ainsi ces règles seraient, selon
.;» vans, tantôt trop nuisibles, tantôt trop favo» rable~ aux intérêts de la propriété privée; " quels que soient les inconvénÎt}ots dont vous les
»
�DU DO:\lAL'E PUBLIC,
571
jugiez susceptibles, je ne puis cepend:l.l1t con» sen tir à ce qu'il y soit apporté aucune modifica» tion qui s'écarterait des bases établies pa l' la loi,
» bien que le système de prohibition, suivi par
» l'administration, ne soit textuellement indiqué
» par aucun des actes de l'ancienne ni de la nO\)» velle législation portant réglement pour la
» voirie, on ne saurait méconnaître que ce sys» tème a un fondèment légal. L'édit de 1607, la
» déclaration de juin 1693, l'arrêt du conseil du
» 27 févrie,' 1765 et tous les réglements subsé» quents, ont établi et confirmé la défense de bâti!» ct de réparer les édifices le long des voies
" publiques, sans la permission de l'autorité
» compétente. Ce principe posé, l'administration
» a dû se tracer une marche propre à substituer,
» autant qu'il est possible, une règle conciliatoire
» à un arbitraire absolu. Investie du pouvoir d'in» terdire la réparation des bâtiments dont l'exis» tencè s'bppose à ce que les files s'embellissent
.» et s'élargissent au mieux que faire se pourra
" (pour me servir des expressions employées dans
» les anciennes ordonnances), l'autorité adminis» tralÎve a pensé qu'il était équitable de res» treindre l'interdiction aux seuls travaux qui
» tendraient à pl'Olonger la durée des construc» tions, savoir la consolidation des fondations et
» du rez-de-chaussée. Cette règle est suivie
» partout sans opposition, hien qu'elle n'ait été
» établie d'une manière généraJe pâr aucun acte
»
�572
»
»
:»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
TRAITÉ
de l'autoriIé souveraine....• Au surplus, vous
reconnaÎIrez que la règle dont il s'agit n'est
point inconciliable avec vos propres doctrines;
en effet, la prohibition qui frappe le rez-dechaussée n'est point absolue et n'empêche pas
qu'on ne permette les travaux d'appropriaIion
et toute espèce de changements, tels que ouvertures de baies, suppression de trumeaux, etc.,
qui n'ajoutent rien à la solidité du mur de face,
à charge par le propriétaire de se conformer
aux indications de l'autoriIé locale; et c'est
d'il près ce principe que j'ai, dans plusieurs
cas, approùvé des décisions par lesquelles vous
aviez autorisé, soit la substitution de pOleaux
eu bois, d'une dimension déternânée, aux
anciens supports d'une maisou sujette à retranchement, soit des ouvrages analogues au rezde-chaussée d'autres bâtiments dans la même
position, quand ces sortes d'ouvrages ne devaient
point en changer J'état, sous le rapport de la
solidité. - D'une autre part, Jes permissions
que les administrations locales sont antorisées à
accorder pour les réparations des étages supérieurs, sont toujours subordonnées à la condition expresse que les fondations et le rez-dechaussée auront été reconllUS solides. Ce n'est
donc pas indistinctement que ces répamtions
sont tolérées .•.•. - Il résulte des observations
qui précèdent: 1 0 que les prohibitions en
matière de voirie s'appliquent exclusivement
�DU DOMAINE PUllLIC.
573
aux fondations et au rez-de-chaussée des bâtimcnts, sans s'étendre toutefois aux ouvrages
» de conservation et d'appropriation qui peuvent
» être permis avec les précautions convenables
» pour empêcher toute consolidation proprement
), dite; 2° que les parties supérieures, à partir du
" cordon du pl'emier étage jusqu'aux combles
" inclusivement, doiven t être dégagées de l'in" terdiction de consolider; 3° mais que l'autorité
)' municipale est lihre de refuser toute permission,
)' soit pour le rez-de-chaussée, soit pou l' les étages
» su périeu rs , s'il résulte du ra pport des gens de.
)' l'art que l'ensemble de la construction manque
» d'une sulidité suffisante; le recours de dl;oit
)' demeurant ouvert aux parties. »
C'est d'après cette doctrine, avec laquelle nous
devons convenir cependant que quelques décisions
du conseil d'état, notamment des 8 septembre
1832 (Lafitte) et 12 décembre 1834, ne paraissent
pas s'accorder parfaitement, qu'il a été jugé que
même dans les parties inférieures des bâtiments
on devait autoriser:
1 ° Les simples badigeons et les pein tures; ces
sortes d'ollvr.lges ne servant pas à consolidel' l",s
constructions, mais seulement à les conserver.
2° Les cr~pis et ravalements qui évidemment
ne tendraient pas il consolider ( arrêt du cou'"
seil, du 14 octobre 1836; Ramond~ DalJ()z~
38-3-215), comme ceux, par exempJp, appliqués
à des construclions en pierre cie taille (3l'fêt du
:»
»
�57fl.
TllAITj~
même, conseil du 22 février 1838) ; ca r s'ils avaieu t
un effet conforta tif, tels que des enduits pleins ou
des plâtrages, ils seraien t prohibés, ainsi Cl nd' a décidé le même conseil par arrêts des 22 février 1821 ;
23 mai et 4 juillet 1827, 26 octobre 1828; 12 avril
ct 1er septembre 1832; 22 février 1838 (Dalloz,
39-3-78), et la Cour de cassation, par·arrêts des 23
juillet 1!)35 (Dalloz, 35-1-381 ) et 19 novembre
1840 (Dalloz, 41-1-363).
3° Les percements dfl haies, portes et croisées,
avec simples encadrements en bois et non en pierre
de taille, moëllons et voûtes; les reprises ou raccordements de maçonnerie antour des cadres ne
devant d'ailleurs être faits que sur la largeur
strictement nécessaire pour l'exécution du travail
(arr. du cons., du .6 février 1839, Dalloz, 403- 2 7 ).
4° Les travaux devenus nécessaires par suite de
la chute de la maison voisine, pour remettre seulement les choses dans l'état où elles étaient avant
l'accident; car si ils ne suffisaient pas pour la
solidité du hâtiment, il y aurait lieu à le démolir
(arrêt du cons. d'état, du 8 mai 1822; -.- DaI·
loz, Recueil alph., tom. 12, p. 981 , nO 7; -
Davennes ).
bO La réparat~on de la portion désormais en
saillie d'un ctlté, du mur mitoyen sépara tif de
deux maisons, dont l'une a, par suite de réédi~
cation de sa façade, subi le reculemept indiqué
'par l'alignement. Quan t à la reconstruction totale
de cette portion détruite lors de la démolition du
�DU DmIAINE PUBLIC.
575
mur de face, elle ne peut être autorisée que sous
les conditions suivantes, savoir: dans la hauteur
du rez-de-chaussée, au moyen d'une maçonnerie
en briques à plat, ravalée des deux côtés, et en
contre-haut de cette partie par un pj~eonnage de
huit centimètres d'épaisseur (décision du ministre
de l'intérieu ,du 19 août dh5, approbative d'un
rapport du conseil des bâtiments civils du même
jour, - arrêt du conseil d'état, du 24 juin 1816,
Delime [a]).
[a] Dans une lettre du 24 mars 1823, le ministre de l'intérieur écrivait au préfet de la Seine, qui lui avait adressé des
observations sur une décision analogue du 4 décembre précédent: « En droit, tont propriétaire doit être autorisé à se clore,
)) tant que ses constructions Ile sont pas or.riv~es à un degré de
» vétusté leI qu'il y ait péril à les conserver. La maison de la
)) dame Cornuot, examinée par un des membres du conseil
)) des bâtiments civils, a paru suffisamment solide pour n'ins)) pirer aucune crainte; on ne pouvait dOliC. sans injustice
)) en ordonner la démolition, et le rétablissement du mur
)) détruit était une conséquence de la conservation; - je ne
l) pense pas qu'un mur de 40 centimètres d'épaisseur, adhérent
)) simplement à la façade et sans aucune Haison avec celle-ci,
)) puisse consolider le bâtiment; le conseil des bâtiments civils,
)) qui a proposé ce moyen, en a la même opinion. Toutefois,
» pour ne rien donner à l'arbitraire et fonder à l'avenir les
» décisions à rendre en pareille matière sur des antécédents
)) légalement établis, il me parait utae de prendre pour base,
)) dans les cas semblables qui pourraient se présenter par la
)) s'lite, le système de construction indiqué par les décisions et
)) l'ordohnance reHdues dans l'affaire du sieur DelilPc, et qui
)) consiste à fair", dans la hauteur du rp:.-de-chaussée, un
)) mur de briques à plat, ravalé des deux côtés, et dans le
» surplus un cloisonnage de hUlt centimètres d'épaisseur. »
�576
TRAITÉ
6° La constrllction d'un pan de hois sur la partié .
retranchable ,s'il ne se rallache par ancun lien de
fer au mnr de face (arrêt du cons. d'état, du 12
juillet 1837, BouLlard, - Dalloz, 38-3-220).
7° La reprise en moëllons faile à l'inté.'ieur
dans un mur mitoyen, lorsque de tout temps
ce mur a été soutenu par une ch îl1e (arr. du
cons.,du 22 août 1838; - Dalloz, 39-3-142);
mais s'il y avait adossement au mur de face d'un
nouveau bâtiment, se reliant immédiatement avec
ce mur, il Y aurait consolidation prohibée (art'.
<lu cons., dn 14 juin 1837, Forgeron,-Dalloz,
38-3-220); il en serait de même du redressement
d'un plancher ct d'applications d'enduits au mur
de face dans l'intérieUl' de la maison (arrêt du
cons., dn 12 juillet 1837, PIé, - Dalloz, 38·
3-221 J.
8° La con&truction d'un mur de refend· perpendiculaire au mur de face, si le propriétaire a laissé
ou consent à laisser entre les deux murs un intervalle qui sera rem pli seulement avec du plâtre
(arr. du cons., du 12 juillet 1837, Dalloz., 38...
3· 221 ).
9° L'établissement de devantures de boutiques
et le placement dans le mur de poteaux à cet effet
(arrêt de la Cour Je Paris, du 19 juillet 1834 ~
Langlois, - Dalloz, 35-2-36).
10° Le placement sur toute la longueur de la
façade, d'une pièce de charpente neuve :lssemblée
avec les poutres du plancher du pt·emier étage, et
�DU DOMAINE PUBLIC.
577
destinée à en remplacer une autre formant la base
des élages supérienrs, qui se trouvait en saillie sur
le rez-de-chaussée (arrêt du cons., du 22 février
1838, -
Dalloz, 39-3-78).
Mais on devrait prohiber les travaux ci.après,
qui sont considérés comme conforlalifs :
1 ° Le remplacement, par des colonnes en fonle,
d'nn poteau de buis qni servait de soutien au poitrail de la baie d'une boutique (arrêls du cons"
des 23 octobre 1836, Letourneur, - Dalloz,
36-3-53; - 11 avril 1837, Basset~ - Dal/oz,
38-3-2.20, - 5 septembre 1836; - Desorme,-
Dalloz, 38-3-222).
2° Le redressement et la pose, sur un dé neuf
-en pierre, d'nn poteau en bOlS exislant à la baie
d'une porte (arr. du cons., du I l avril 1837 ,
Chaudeall~
-
DaLLoz~
38-3-220).
3° La substitution de colonnes en fonle à d'anciens pilastres en fer et de nouveaux demi-poitrail,s
à d'auciens (arr. du cons., du 22 février 1838,
Leroy, -
Dalloz ~ 39-3-71 ).
4° L'élablissement d'un plancher dans une ancienne cage d'escalier formant l'angle d'une rue
et ayant pour effet de soutenir le mur de face
(arrêt du cons., du 17 août 1836, Martin, Dalloz~
38-3-215).
5° Le placement d'une chaîne eu fer et d'un
tirant avec son ancre, dans un mur de côté, pour
retenir la iambe étrière du mur de face isolée par
la démolition de la maison voisine ( arr. du cons.,
du 22 août 1838; - Bligny, DaLloz~ 39-3-1112).
�578
-------..
'IltAlTÉ
6° Les ouvrages exécu tés à nne maison qui se
détériore par suite de la rupture de l'assise snpérieure de la jambe étrière (arr. du cons., du 11
avril 1837; - Farina, Dalloz, 38.3'220).
7° L'introduction dans le mur de face de tol1S
pieds-droits, jambages et linteaux en matér'ianx
neufs ou vieux autres que bois d'une épaissenr déterminée par un arrêté de la voirie (Cours de droit
adm. de M. Cotelle, tom.3, pag. 245, 2,e édit.).
8° L'abaissement ou la réduction de hauteur
d'un mur, comme il a été dit ci-dessus, p:lge 509'
Si cet abaissement est considéré comme consolidation, par suite de la décharge qu'il procure à
la partie inférieure du mur conservée, devl'ait-on
décider à contrario que la surélévation doit être
autorisée?
Pour l'affirmative, on peut dire que l'exhaussement, en produisant une surcharge, est de nature
à accélérer la ruine dumur; que c'est par Ge motif
que l'art. 658 du Cod. civ. soumet le copropriétaire du mur mitoyen, qui veut l'élever, à une
indemnité; que l'arrêt du conseil, du 27 février
1765, ne s'oppose pas à ce que ce genre de travail
soit autorisé; que ceux des 10 avriI17~G, 25 août
1784 et 22 juin 1811 (Guibert et Comheguilles),
ne défendent de toucher qu'aux fondations et au
rez.de-chaussée; qu'enfin un derniel' arrêt de cc
même conseil, du 18 juillet 1821, rapporté par
lVL Garnier, qui y donne son approbation (Tr.
cnem., p:1g. 143, 4 e édit.) , a maintenu une sur·
des
�DU DOMAINE l'VIlLie.
579
élévation faite à un mur sujet à reculement, en
condamnant seulementà l'amende pour défaut de
permission préalable.
Nonobstant ces raisonnements et autorités, nous
ne pensons pas que la permissiou doive être accordée dans tous les cas; d'une part, il est possible
que l'exhaussement, en se reliant à d'autres constructions ou en donnant plus de résistance à la
poussée d·une voûte, soit une véritable consolidation, et, d'un autre côté, il ne faut pas perdre de
vue que la défense de réédifier ou réparer sur la
partie retranchable a non-seulement pour but de
hâter le moment de la réunion de celle partie à la
voie publique, mais aussi d'empêcher qu'elle n'acquière une valeur plus considérable dont la commune serait obligée de payer le montant si, au
lieu d'attendre la démolition par le propriétaire,
elle voulait obtenir le l'élargissement immédiat de
la voie publique, au moyen de l'expropriation;
on conçoit, en effet, qu'en élevant sur le ml1l' de
clôture d'un jardin ou d'une cour une façade de
bâtiment, ou en transformant en maison d'habitation un hangar ou un magasin, on en rendrait
l'acquisition beaucoup plus onéreuse à la ville,
que si on eût laissé les choses dans leur premier
état; tel est aussi l'avis des auteurs du Journal
des communes, tom. 8, pag. 93.
Ail reste, nous le répétons, tout dans celle
matière dépend des circomtances; les Jiverses
décisions que nous venons de rapporter ne sont
�580
TRAITÉ
point des règles invariables, cil es ne doivent être
considérées que comme des précédents susceptibles de modifications et seulement utiles à consulter (a). En effet, telle répal'ation (un enduit,
par exemple) qui n'est pas confortative, mais
---------------------(a) Nous citerons encore au même titre les articles ci-après
du réglement de grande voirie, pour le département de la
Côte-d'Or, approuvé par M.le préfet, le 23 septt;mbre 1839.
" Art. 4. - L'ouverture de portes et de croisées dans les
fa«;ades des maisons en saillie ou en retraite sur l'alignement,
pourra être a\ltorisée , mais aux conditions suivantes:
1° De n'entourer que de cadres. en bois les ouvertures nouvelles;
2° De ne reprendre les ma«;onneries autour des cadres, que
sur la largeur strictement nécessaire pour l'exécution du travail;
3° De ne point armer les poutres formant recouvrement des
ouvertures, et de ne pas les consolider par arcs-boutants destinés à les empêcher de fléchir à leur milieu.
Dans les maisons en charpente ou dont les ouvertures seraient
déjà garnies de cadres en bois, nulle modification d'ouverture
Ile pourrait être autorisée, si ces bâtiments étaient en saillie ou
en retraite sur l'alignement. »
." Art, 5. - L'exhaussement d'un bâtiment en saillie ou en
retrait~ sur l'alignement, devra être autorisé toutes les fois que
les fondations et les murs du rez-de-chaussée sont en état dc
supporter le nouvel étage.
On pourra aussi permettre la réparation ou reconstruction
des entablements, corniches ou attiques, dans un M.timent dont
le rez-de-chaussée serait solidement établi. »
« Art. 6. - Les crépissages ou rejointements ne devront ~tre
autoris~s que dans les constructions en pierre de taille.
Les hadigeonnages ou hlanchissages au lait de chaux pourront toujours être permis. "
�DU DOMAINE PUBLIC.
581
seulement d'ornement, si eite est appliquée à une
constrl1ction neuve, devient une consolidation
véritable lorsqu'eHe est faite à un mur en mauvais
état ou qu'elle est exécu tée avec certains ma tériaux:
ou certaines précautions; aussi, comme le recommande avec beaucoup de raison M. CoteHe ( Cours
de dr. adm., tom. 3, pag. 245, 2e édit. ), cc la
" difficulté étant, en général, très-grande pour
') empêcher l'emploi des moyens confortatifs , les
') hommes de l'art ch[,rgés d'exercer cette surveil" lance pOUl' l'administration, ne sauraient être
') trop circonspects dans l'appréciation des ouvrages
') projetés et P<?tlr lesquels ou demandera une
') permission, de même que dans la vérificatio~
» des travaux exécutés, pour pr.évenir l'abus qu'on
» fait fréquemment des pel'missions, dont on
') dépasse les limites, ou par lesquelles on es&aie
') de couvrir tout ce qu'il plah d'entreprendre. "
L'unique garantie du maintien des règles étahlies
consiste, d'une part, dans la prohibition absol ne
de faire sans permission on alignement, aucune
espèce d'ouvrages, même évidemment non confarta tifs ,ce dont les particuliers ne doivent jamais se
rendre juges; d'un autre côté, dans le soin trop
souvent négligé, de la part des agents de l'adininistration, de procéder, :lprès 1:1 constl'uctÎon ou
la réparation, à un recollement exact et rninuti~ux:
de ce qui a été fait, et enfin daus la pours'uite et la
répression fermes,' générales et impartïillei des
contraventions.
TO.:\1.
II.
�582
TRAITÉ
Malgré les raisons déduites dans les passages cidessus rapportés du Traité des chemins de M.
Garnier et des circulaires ministérielles des 13
février 1806 et 3 juillet 1827, pour justifier la
distinction relative aux travaux conforta tifs et à
ceux qui sont réputés ne point avoir ce caractère,
nous ne pouvons donnel' notre assentiment à cette
théorie. Sans parler des difficultés inextl'icables
qu'elle présente dans l'application, des fraudes
auxquelles elle donne naissance, du pouvoir arbitr~ire dont elle investit les agents de l'administration parties intéressées et cependant juges nécessaires et exclusifs des questions, nous pensons
qu'elle n'a rien de légal et de rationnel.
Deux moyens sont ouverts pour arrive l' à la
rectification ou au l'élargissement des voies puhliques : l'un consiste à s'emparer sur-le-champ
des portions de hâtiments n~cessaires à ce bu t,
en en payant sur-le-champ aussi et même préalahlementla valeur intégrale, c'est l}expropriation;
l'autre, à n'en acquérir que le sol successivement
et à mesure que, par un fait indépendant de la
volonté de l'administration, c'est.à-dire par accident, vétusté OH démolition spontanée de la part
du propriétaire, les constructions élevées SUl" la
s.~rface viennenl,à êl.rp. détrlljtes, c'est L'alignement emportant c.omme .conséquence nécessaire
la prohib~tion de œconstruire 011 réparer} puisque
s'il en était autrement, on reéulerait ~ volonté et
par suite indéfiniment, l'époque de la réunion à
�DU DOMAINE PURLIC.
583
la voie publique, des panies sujettes à retranchement.
Quelques personnes, poussant à l'excès le respect
ponr le droit de propriété et ne tenant aucnn
compte de l'intérêt public, regardent la servitude
d'alignement comme inique et vexatoire et voudraient que, dans tous les cas,l'adminiiuation
n'employât que le moyen de l'expropriation; nouS
ne partageons point cet avis, et nouscroyonsqu'en
relour des avantages que les riverains des voies de
communication en retirent, il est juste qu'ils soient
soumis à quelques charges et à quelques sacrifices;
mais tel n'est pas le point que nousexaminons;il n'est
pas nécessaire de ~emonteraussi haut; tous les bons
esprits ont aujourd'hui fait justice de ces exagérations, et, comme le dit M. CateHe (Cours de dr.
adm.?tom. 3, pag. 227, 2 e édit.),ccdece libéralisme
» d'apparat, ainsi que de ces sympathies, si vives en
}) apparence, que l'espritd'opposition a manifestées
» pendantlongtemps en faveur de la propriété (a).»
Ca) Voici comment s'explique à cet égard M.. le conseiller
d'état Tarbé de Vauxclairs, dans soh Dictionnaire des travaua:
puhlics, 'j°alignement, pag. 14.
" Les partisans de l'exercice illimité du droit de propriété,
li ne cessent de réclamer contre l'applicalioll des réglements de
» voirie, surtout en ce qui concerne la police des alignements
li et des réparations de façades de maisons. Il est vrai que,
» lorsqu'elle ne porte que sur des propriétés autres que la
» leur, ils se taisent, parce qu'ils en profitent avec l'univerli snlÏté des
habitants; mrlis quand leurs 'intérêts privés se
�584
TRAITÉ
Le droit d'alignement qu'il faudraitcréer, s'il n'existait pas, étant consacré, nous nous demandons seulement si, entre ce moyen et celui de l'expropriation, on en admelll'a un troisième, ou plutot si on
subdivisera le premier sous le rapport de l'étendue
et de la portée de la prohibition qui en forme la
sanction; il ne nous parahrait pas qu'il dût en être
ainsi. D'après nons , la défense de touchel' aux
constructions devrait être générale ct sans disli nction entre les tl'avaux destinés à les conserver ou
à en faciliter la jouissance, et ceux qui pourraien t
avoir pou.r effet de les consolideret d'en prolongel'
la durée. Du moment que l'on veut agir par tin
systême de gêne et d~entraves, pourquoi le borner
à certains cas et s'en départir dans d'autres qui
ne sont pas plus favorables? pourquoi, en défendant la conservation de la, chose, en faciliter la
possession? pourquoi permettl'e des modifications
qui tendent à la rendre plus agréable et plus
productive, et empêchel' <:elles qui auraient POill'
effet d'en assurer la solidité? pourquoi admettre
trouvent menacés ou compromis, c'est alors qu'ils réclament
vivement, et ils ne manquent pas de trou ver des défenseurs
Il habiles qui, à l'aide
de sophismes spécieux, cherchent à
» renverser des prillcipc5 dc honnc administration, sans lesquels
» la France serait demeurée plongée dans son ancien état de
» barbarie. On ne devrait jamais oublier que dans cette matière
» il s'agit d'une servit~de imposée à la propriété dans l'intérêt
" de tous, et qui, comme les servitudes militaires, Se trouve.
l> implicitement comprise dans l'art. 650 du Cod. civ. »
Il
»
�585
DU DOMAINE PUBLIC.
une diffërence qui dépt>nd uniquement du hasard,
et laisser le propriétaire d'une maison solidement bâlÎe ,maitre de l'approprier à ses besoins ,
à ses intérêts, à sa commodité et jUSl:Ju'à ses
caprices, tandis que le possesseur d'une construction moins bonne devra la laisser périr complétement sans qu'il lui soit permis d'y porter remède;
le riche pourra embellir et améliorer son hôtel, et
le pauvre devra se laisser ensevelir sous les ruines
de sa chaumière; il faudrait dire à tous deux:
jouissez de vos. bâtiments dans leur état actuel,
tant qu'ils pourront subsister; tout changement
quelconque, de nécessité, d'utilité ou de simple
ornement, y est également interdit; gardez-les
comme ils sont, ou démolissez-les, sint ut sunt ~
aut non sint.
Mais on fait plusieurs objections contre celle
règle absolue, qui a cependant pour elle. le 'tripie
avantage d'une extrême simplicité, d'une grande
facilité d'application et d'une p~rfaite égalité.
El d'abord, selon la cif(~ulaj,re du 13 février
1806, elle sel'ait attentatoire à la propriété; 'on nc
le nie pas, mais c'est uniquement par ce moyen
là même, sans lequel il est impossible de la co'neevoir, qu'opère la servitude d'alignement ; empêèher
un propriétaire de soutenir ~i\ TIlaison qui ~H~nâce
.
"
. '. . ...
rnme, ce n est assureme111 pas porte.~ une attéIDte
moins grave à son droit dèpropriétéque de loi
défeuJre d'y ouvrir des portes et des' fenêtres' ,: de
la hadigeonner, etc.
,
.'
,
..
�586
mAlTÉ
En second lieu, la même circulaire prétend qu'une
pareille )'ègle est contradictoire avec le principe
qui l'établit, puisque, en hâtant la chute de l'édifice par l'impossibilité d'y faire des réparations, on
force l'état ou la commune à effectuer plutôt un
paiement que Je mode d'acquisition par voie d'alignement avait, au contraire, pour but de reculer.
- Il ya ici confusion d'idées; l'avanlage de l'alignement n'est pas de différer l'acquittement de
l'indemnité, puisqu'en le retardant il y a aussi
retard dans l'amélioration, ce qu~est un véritable
inconvénient; il consiste à ne payel' que la valeuI'
du sol, au lieu de celle du sol et de la construction,
comme dans le cas de l'expropriation; aucune
administration ne se félicitera de n'avoir à payer
que dans 50 ou 100 ans la valeur du sol d'une
constmction qui obstrue le passage ou nuit à sa
commodité; le bénéfice n'est pas dans le délai, il
exisle seulement dans le mode d'évaluation.
Mais, dit la circulaire du 3 juillet 1827, cc bien
;) qué le système de prohibition, suivi par l'ad=» ministration (c'est-à-dire modifié par la dis') tinction des travaux confortatifs et' non confor') tatifs), ne soit.textuellement indiqué par aucun
') des actes de l'ancienne ni de la nouvelle légis') lation, on ne saurait méconnaître qu'il a un
') fondement légal. ') Nous soutenons, au contl'ajl'e, !J'ue ce système est clairement indiqué pal'
tons les monu'menlS législatifs, mais pOUl' le proscrin::, ct non pour l'adopter; nous avons rapporté
�DU DOl\IAll'iE PUl;LIC.
587
plus haut, en note, le texte des divers édits et
réglements sur la matière. Or, tous défendent
également de conforter:J conserver et soutenir
les constructions en dehors de l'alignement, de
les réparer et de les reconstruire :J soit en entier,
soit en partie; expressions qui, dans lenI' génél'alité, comprennent également toutes les répara,tions de quelque nature qu'elles soient, confortatives ou non; nous ne connaissons aucun texte
qui, de près ou de loin, autorise cette distinction
que l'on ne trouve que dans les décisions de l'autorité administrative, dans quelques arrêts des
tribunaux et dans les auteurs (a); le fondement
en est donc seulement dal une jurisprudence
assez récente et non dans la loi.
(a) L'un des plus anciens auteurs où on trouve cette distinction, est Perrot, dans son Dictionnaire de voirie, publié en 1782,
et où il s'explique ainsi: « L'alignement n'est pas requis seu» lemellt pour construire ou reconstruire sur la voie publique;
» on doit de même l'obtenir pour les ouvrages qui tendent à
» conforter les hâtiments. S'il en était autrement) on ne par» viendrait jamais à donner aux rues les directions et largeurs
» dont elles sont susceptibles pour la commodité et l'utilité
» publiques, parce que chaque propriétaire qui se trouverait,
» dans le cas d'éprouver un retranchement nuisible à ses
» intérêts, au lieu de reconstruire d,,~s un temps la totalité
" de sa maison, entreprendrait à diverses fois les parties par
" sous-œuvre sur les anciens vestiges et éluderait par ce moyen
» un retranchement nécessaire: c'est une ruse qui se pratique
" tous les jours, surtout dans les rues de la ville de Paris où le
" terrain est plus précieux:.»
�;388
TllÂlTÉ
L'administration, ajoute la même circulaire,
» a dû se LJ'acer une marche propre à substituer,
» autant qu'il étaÎl possible, une règle concilia» toire à. un arbi traire absolu. ~ Que la distinction dont il s'agit, soit conciliatoire en ce sens
qu'elIe permet de faire il peu près ce que l'on
AVO
lontlers;
·
veut, c ,est ce que nous reconnaltrons
mais loin d'y tl'ouver un motif d'approbation,
nous y voyons a Il con traire la raison qui doit la
faire proscrire. Qllelle est donc la valeur d'une
règle qui doit se pli.. r à tous les cas particuliers,
qui maintient dans l'un ce qu'elle défend dans
l'autre? Par l'exposé succinct que nous avons présenté plus haut de ,1 jurisprudence sur la matière,
on a vu que la même réparation, perlJ1ise au premier éwge, était prohibée au rez-de-chaussée,
autorisée dans une maison réputée solide, ùevait
être empêchée dans un bâtiment jugé ruineux;
que la snbstitl1tion du bois à la pierre était tolérée,
comme si une pièce de chêne neuf, mise à la place
d'une pierre délitée, ne prolongeait pas évidemment Ja durée de la construction; que le percement d'onverlllrcs et l'exhaussement des mllrs
devaient être autorisés, comme si, selon les circonstances, les précautions employées et la ualUre
des matériaux, ces lI"avaux oe pouvaient jamais
avoir l'effet de comolider; nous avouerons, d'ailleurs, que nous ne comprenons pas bien la différence entre des ouvrages qni conservent simplement la chose sans en augmen ter ]a cl urée, et
cc
�DU DOMAINE rUBLlC.
589
ceux qui prolongent cette durée, et en admettant
qu'elle existe dans certains cas, comment en juger,
et qui en sera le juge? ce ne sera p'as un tribunal
qui prononcera après discussion, ce sera le plus
souvent un agent subalterne sans responsabilité,
dont le travail est forcément adopté de confiance
par l'administrateur en titre; si, comme le dit
l'illustre chancelie)' d'Angleterre (aphor., Set46),
optima lex est quae minimitm relinquitarbitrio
judicis; optimus judex qui minimitm sibi, il
faut con venir que le principe de la gisLinctiOl~ des
réparationsest bien vicieux, car il n'yen a point qui
soit aussi vagne et aussi élastique; celuiJela prohibition complète est bien plus net et plus précis; il
peut être sévère, mais il ne doit pas encourir au
moins le reproche injuste que lui adresse la circulaire, d'être d'un 'arbitraire absolu.
Nous verrons, au S suivant, que M. le ministre
a lui-même reconnu dans un cas analogue, les
inconvénients d'un systême qui n'a rien de fixe
et dont l'application est entièrement subordonnée
aux faits et aux circonstances. Une loi, _quelque
dure qu'elle soit, sera plus facilerùent ex'écutée
lorsqu'elle s'appliquera à tous indistinctement,
que lorsqu'elle ne frappera que quelques-lins.
La dernière considération que la c~r~ulaire
dont il s'agit fait valoir en faveur de la' restriction de l'interdiction, aux seuls travaux qui tendraient ,à prolonger la durée des bâtiments, est
L'équité.
�590
TRAITÉ
~c
Rien, dit le savant président Bonhier, dans
» nne dissertation trop peu connue, insérée dans
» ses Obseryat. sur la cout. de Bourgogne,
» (ch. 2, n0 8 43 à54,tom. )er,pag.373etsuiy.),
» rien n'est plus commun dans la bouche de tout
:» le monde que ce beau mot d'équité, qui doit
» faire le fond de tout honnète homme et plus
» particulièrement du juge, soivant la règle du
» droit: aequitas in omnibus quidem rehus,
» maximè tamen in jure spectanda est, mais
» il n'y a rien où l'on soit si sujet à se tromper,
» 'qne. sur la vi'aie intelligence de ce mot; » en
effet, il ne sert le plus souvent qu'à déguiser l'arhi traire, à favoriser l'injustice et à justifier la violation de lont principe, qui tantitm naturae tribuant ut jus omne ad aequitatem arbitrariam,
rationemque privatam reyocant..... jus in incerto ponunt, quia faciunt arbitrarium. cc C'est
e
» une fausse équité, ajoute Daguesseau ( g merl) Cllr. ), que celle qui n'est ingénieuse à pénétrer
» dans l'intention du législateur, que pour l'élu» der, qui la sonde en ennemi captieux, plutôt
»qu'cn ministre fidèle, qui combat la lettre par
» l'esprit et l'esprit pal' la lettre, afin qu'au milieu
»deceuecontradiction apparente,la véritééchappe,
» la règLe disparaisse et le juge demeure
» maître. » En législation, le plus grave des inconvénients n'est pas toujours la sévérité des dispositions, 'c'est plutôt l'absence de toute disposition ou , ce fJui est équivalent, l'incertitllde et le
.
'.
�DU Dü:\IAIJ.'Œ PUBLIC ••.
591
vague de celles qui existent, car, comme Je dit
Quintilien (déclam. 264), quid interest nullae
sint. an incertae leges lD'ailleurs, c'est vainemeut que nous cherchons
l'équité de la mesure dout il s>git; pour qu'elle
existât, il faudrait que le tempéramment proposé
s'étendît à tous le~ cas, et que tous les citoyens
pussent également l'invoquer; mais tel 1)'est point
l'effet de la restriction de la p.rohibition; absolument inutile pour ceux dont les bâtiments ne sont
pas solides et qui se trouveraient dans la nécessité
d'y faire des réparations, elle ne profite qu'aux
propriétaires d'éJifices en bon état, qui veulen~
les améliorer, les embellir et en tirer un meilleur
parti; contrairement aux principes, la faveur est
pourcesderniers qui certant de lucro captando,
tandis que les rigueurs sont réservées à celui qui
certat de damno vitando. Comme on le voit,
cette règle, qualifiée de conciliatoire par la circulaire, ne concilie rien, à.vrai dire; trop facile pour
les uns, sa rigueur reste inflexible pour les autres;
elle ne forme pas un terme moyen entre deux
extrêmes; sans doute elle peut être commode pour
l'administration qui, nous en avons la conviction,
ne se sert ordinaireruellt du pouvoir arbitraire
qu'elle lui laisse, que pour atténuer, dans certains
cas qui paraissent le réclamer, les conséquences
fâcheuses d'un principe absoln, mais elle n'est
point équitable en elle-même; ce ne serail que par
une application fausse, détournée ct abusive.
•
•
�592
t: •
TRAITÉ
qu"elle pour.ni~t,l~ devenir, si toutefois il y avait
jamais éq~llté"à s'fcarter des dispositions d'un
texte précis ,t'c',si , contre la maxime de Dumoulin,
homo :debetsiqyi aequitatem legis ~ non proprii
capitis ~ le il~'gè ou l'admi nistratenr pouvait substituer ses idies pe~sonneJles de justice, à la justice
de la loi.
Enfin on ne, doit pas se dissimuler que par la
tolérance résültant de la distinction que nous
combattons"on manque en partie le double but
que l'on veut atteindre par l'alignement: d'une
part, celui d'amener, par une gêne dans la jouissance de ses droits, le propriétaire à se décider,
'po'ur en recouvrer lot libre possession, à un reculement immédiat, et, d'un autre côté, celui de
l'empêcher d'améliorer sa chose et par suite d'augmenter la valeur de l'indemnité que l'administration serait dans la nécessité de lui payer si, pour
hâter l'améliora tion, elle voulait user du moyen
,d'e l'expropriation..
~
.En résumé, nous pensons qu'à part les simples
réparations d'entretien des toits, qui sont ordinairement annuelles et de peu de conséquence, tous
ies travaux et changements quelconques sans dis~inction de leur nature, de leur importance, de
leu;" mode d'exécution, des parties auxquelles ils
s'appliqueraient, devraient être prohibés dans les
portions de bâtiment sujettes à reculement.
29° Une autre question qui a une certaine analogie avec celle que nous venons d'examiner, est
�DU DOMAINE PUBLIC.
593
de savoir si on ne devrait pas admettre aussi une
différence dans la nature des réparations à autoriser
selon qne l'utilité du l'élargissement ou de la
rectification de la voie publique est plus ou moins
urgente; en effet, tous les alignements n'ont pas
le même caractère de nécessité; il en est qui sont
principalement déterminés par des vU,es d'embel.
lissement et de régularité, lorsque les rues, par
cxèmple, son t suffisammen t larges et qu'elles .présentent seulement des courbes ou des saillies qu'il
est sans donte tl'ès-convenable de faire·.disparaître,
mais qui, cependant, ne nuisent pas ,essentiellement à la commodité du passage" tandis que
d'autres sont d'une exécution véritablem'ent indispensable à raison du peu de largeur de 'la voie
puhlique, insuffisante pour une circu~ation libre
et sûre. Ne conviendrait-il pas, pour '~~rriver à h
prompte réalisation de ceùx.-ci, d'interdire avec
rigueur toute espèce de réparation, tandis qne
relativement aux autres, une' plus gra~çle liberté
serait laissée aux p1'Opriétaires qui seulel'ne~t , lors
de la rec011struction totale de leurs façades, seraient
obligés de les reporter sur la ligne arrête(); mais
qui, jusque-là, pourraien t y effectuer toutes les.
rériarations et modifications partielles qu'ils jugeraient utiles à leurs intérêts.
Ici la distinction reposerait sur des hases'certaines, fixes et connues à l'avance, la largeur de-s
rues, distribuées sous ce rapport en deux classes;
elle ne dépendrait pas uniquement du hasard,
�59!;.
TRAITÉ
c'est-à-di"e du plus ou moins de solidité des constructions, elle aurait, au contraire, son fondement
dans une raison d'utilité puhlique, la s1Îreté et la
commodité du passage; dégagée de tout arhitraire,
elle serait, en outre, d'nne application simple et
facile. Par la généralité de la prohibition qu'elle
comporterait dans une des hypoihèses et par l'assi·
milation de position de tous les propriétaires d'une
même catégorie, la gêne en résnltant, parahrait
moins grave à chacun et trouverait une espèce de
compensation dans les avantages de la simultanéité
d'ex'éétllion que produirait la nécessité, pour tous,
•
temps.
des ' y soumettre presqu ,en rneme
Malgré ces considérations fondées en raison et
en équité, basées sur l'intérêt public et bien autrement puissantes, on ne peut en disconvenir, que
celles par lesquelles on essaie de jnstifier la théorie
<les réparations confortatives, la distinction dont
il s'agit n'a point été accueillie par l'autorité snpérieure; chargé par le conseil municipal de Dijon
de .consulter à cet égard M. le ministre de
l'intérieur, nous avons reçu, en réponse à la demande que nons lui avons adressée et dans laquelle
étaient exposés avec quelque développement, les
avantages el les inconvénients de ce système inter- .
médiaire, une lettre en date du 2 jnillet J 841,
don"t voici les principaux passages:
cc Sans vous prononcer formellement, M. le
» maire, pour ou contre le mode indiqué par le
» conseil municipal, mais en rappelant néanmoins
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
')
')
»
')
»
»
»
"
)'
»
»
)'
»
»
»
»
»
l>
»
595
les principes qui paraissent s'opposer à ce qu'il
reçoive son application, vous m'invitez à vous
faire connaître mon avis particulier, afin qu'il
serve de base à la détermination à intervenir. »
« Tout en appréciant les motifs qui ont dicté
la demande du conseil municipal et qui prennent
leur source dans le désir d'alléger autant que
possible pour la propriété privée, les sacrifices
qu'imposent les servitudes de voirie, je dois
vous faire observer, M. le maire, que la distinction que voudra"it établir ce conseil, ne
trouve sa justification dans aucun des précédents
-qui régissent la matière. Ce qu'il importe en
effet d'éviter dans l'application des réglemcnts
restrictifs des droits de propriété, ce sont surtout les exceptions; car les lois étant de leur
nature essentiellement impartiales, les charges
qu'elles imposent doivent être également distribuées: or, ce serait déroger à ce principe de
toute équité que de contraindre, d'nn côté, les
propriétaires à se soumettre aux conditions d'un
pHm d'alignement arrêté, tandis qne de l'autre,
à certains d'entre eux, serait en quelque sorte
réservée la faculté d'échapper, par tons les subterfuges dont sait habituellement profiter l'interêt privé, au préjlldiceqlli pèsera inévitablement sur leurs voisins. Il faut reconnaître, en
effet, que par celte faculté on ajournerait à une
époque très-incertaine et beaucoup trop reculée
des améliorations, qui, si elles ne sont pas aussi
�596
TlWTÉ
hautement réclamées que les autres pal' les
besoins actuels de la circulation, sont cepen» dant des-à-présent réputées utiles par le conseil
» municipal lui-même, et qui, d'un jour à l'autre,
» peuvent devenir indispensables. Ce serait, d'ail» leurs, n'envisager qu'un c8té de la question
» dans une ville importante, si l'administration
» se bornait à provoquer l'élargissement de la voie
» publique là où elle est insnffisan te pom le
» passage; d'autres intérêts non moins graves,
" ceux de la salubrité, Ode la sûreté puLlique,
» exigent aussi des améliorations qui ne peuvent
u ètre laissées à l'abandon; et il n'est pas indiffé» rent, non plus, que l'administration saisisse
» l'occasion que lui présente la confection dn
» plan d'alignement, pour arriver, en se renfer» mant dans les limites d'une sage mesnre, aux
» ernbellissemen ts q1lÏ résultent pou r une ville,
» de la régularité de ses voies publiques. Tout an
» plus y amait· il lieu de fail'e exception, à l'égard
» des constructions riveraines des places pu» bliqut's, ainsi que le conseil d'état l'a établi
» dans plusieurs circonstances.
» En résumé, M. le maire, le conseil municipal
» ne conteste pas que les améliorations du passage
.., ne soient également nécessaires au droit des
» maisons qu'il voudrait placer dans l'exception:
» un motif d'u tilité se réunit donc ici à des vues
» de salubrité, d'embellissement et de régularité,
» pour que l'exécution du plan ne rencontre.:
»
»
�597
DU DŒ\lAINE PUBLIC.
aucun autre obstacle que cel ui qui résnltera
» forcément de l'état de conservation où se trou» vent ces maisons. »
Ces observations, basées sur les vrais principes J
et au'xquelles il est impossible de ne pas dODner
son adhésion, sont, comme nous l'avons annoncé
au S précédent, la condamnation la plus péremptoire de la jUl'isprudence administrative concernant les réparations confortatives ou non confortatives, en même temps que .la réfutation la plus
énergique des motifs sur lesquels elle s'appuie.
30° Dans les lieux où l'alignement est ohligatoire, il étend son action nOD-seulement sur les
rues et places proprement dites, mais aussi sur les·
ruelles ou rues étroites pour lesquelles même il est
le plus nécessaire, ainsi que sllr les impasses et
passages, pourvu toutefois qu'ils dépcndcn t du
domaine public; ce principe est certain, et il ne peut
y avoir de difficultés que relativement à la nature
et au caractère de ces emplacements lorsque les
voisins en réelament la propriété à titre de cours
communes ou de dépendances de leurs maisons.
Ou peut voir à cet égard ce que dit M. Proudhon,
Traité du domaine public ~ nOS 352, 353, 354 et
355, ainsi que les arrêts de la Cour de- Bourges du
15 décembre dh9, du Conseil d'état du 1{) novembre 1($29, Delaunay (Dalloz, 29-3-15), et
de la Cour de cassation des 4 août 1837, Paté
(Dalloz, 37-1-534), et] 9 novembre 1840 (Sire,y,
42-1-72.). La présomption en cette matière est que
»
TOM. II.
3:)
�598
ces ruelles, passages et im passes appartiennent au
domaine public, lorsqu'il~ sont ouverts constamment, qu'ils sont fréquentés par tout le monde et~
que surtout quelques réparations, travaux, ou actes
de police y ont été faits par l'autorité municipale;
leur exclusiou des limites des propriétés voisines
et leur assujettissement à un usage général doit, à
moins de titres positifs contraires, les faire réputer
publics, nonobstant la possession plus spéciale des
riverains qui ne doit être considérée que comme
le résultat de la tolérance; l'administration ayant
peu d'intérêt à empêcher ces derniers d'y faire des
dépôts, ou d'y prendre des aisances f)ui seraient
prohibés dans des rues ou places fréquentées par la
généralité des habitants; cc attendu, porte le der,> nier de ces arrêts, que les impasses font, comme
" les rues et les places publiques, panie du do" maine municipal des villes, bourgs et villages,
" et qu'ils ne sauraient par conséquent appartenii'
. .
",.
""
,
" pnvatlVcment aux propnel<ures rlverams; qu on
" n'a pu dès.lors, sans se rendre passible de la
:» peine prononcée par l'art. 471 Cod. pén., recl'é» pidadite façade (donnant sur l'~mpasse), etc .... »
Comme l'ont jugé les autres décisions aussi précédemment citées, la seule posses·sion des riverains
ne pourrait donnel' lieu à une question préjudicielle capable de suspendre l'action en répression
d'empiétements ou de travaux de construction
exécutés sans autorisation préalable.
Quant aux promenades pnbliques, elles ne
1
�DU DOMAINE PL'1ILlC.
599
jouissent point du privilége de l'alignement proprement dit; leurs limites ne peuvent être déterminées que par un bOl'l1age ordinaire qui en diftère
essentiellement par la forme et par les effets.
Par la forme, en ce que le bOl'l1age ne peut
~tre opéré que du consentement des deux voisilJS
ou, à détàut, en vertu d'unedécision.de la justice
qui, en connaissance de cause, supplée celui du
récalcitrant; tandis que l'alignement est tracé par
l'autorité seule et sans le concours réel du riverain
qui, 10l's des informations préalables, a simplemen t la faculLé de fournir ses observations auxquelles on n'a que tel égard que de raison; l'un e~t
dans la forme des actes synal~agmaliques,.l'autre
n'est qu'unilatéral.
Par les tirets, le bornage est seulement déclaratif de l'étendue et de la limile d'héritages contigus. Il ne transfère, en droit, aucune partie de la
. propriété de l'un à l'autre; il dit seulement hic
ager est meus; ille tu us ; l'alignement, au r.ontraire, est aussi attributifde propriété, c'est-à-dire
que, selon que le commande l'utilité publique, i,l
enlève aux héritages privés des portions qu'il réunit
ipso facto au domaine public, à la charge seulement d'une indemnité pécuniaire cn laquelle,
d'après les termes énergiques de l'art. 15 de la loi
du 21 mai 1836, il résout le droit {les riverains;
d'ü111a conséquence, que dans l'un la question de
propriété est essentiellement préjudicielle, puisque
l'on ne peut fixer les limitesd'nn fonds qne lorsque
�600
TllAI1'É
son étendue, son assiette ct sa consistance sont
préalaLlement déterminés, tandis que dans l'autre,
le jugement de l'exception de propriété ne doit pas
nécessairement précéder l'opération, du moment
qu'il ne peut avoir aucune influence sur ses résultats, et que, f'ùt-il décidé que la portion de terrain
réunie à la voie puLlique par l'alignement est la
propriété du voisin, elle ue devrait pas moins y
rester incorporée sauf indemnité; le premier n'a
que les effets d'un partage; le second emporte souvent aussi l'expropriation du sol.
La raison de la différence sous ce rapport, entre
les voies publiques et les promenades, est que
l'élargissement et ~a recl.Îfication des unes sont
de plein droit réputésd'ntilité publique comme
répondant à nn besoin social, tandis que l'agrandissement ou l'amélioration des autres est de pur
agrément et ne pourrait donner lieu à expropriation
que si la nécessité, ce qui n'est guère à présumer,
en était déclarée par une ordonnance royale spéciale.
Mais si, à cet égard, les promenades publiques
sont dans une condition moins favorable que les
chemins, elles ont aussi un f'rivilége particulier qui
n'existe point en faveur de ceux-ci, 110\1S voulons
parler de l'impossibilité, nOll-seulementd'y prendre
de plein droit des jours, issues, passages et autres aisances, mais même d'yen acquérir par prescription;
cc il faut remarquer, dit M. Troplong, Traité de la
)) prescription) nO 165, la différence qu'il:y a entre
�DU DOl\UlNE PUBLIC.
601
» des allées ouvertes au public pour sa promenade
)' et des chemins livrés à la circulation pour les
» besoins de l'agriculture et du commerce. Lespre-,
» mièl'es ont un usage plus restreint; elles ne sont
') pas destinées à être fréquen tées en voiture, à être
» dominées par des servitudes de jours, de portes,
» d'issues, comme les grandes et petites l'OU tes,
» les rues et places des villes. Je ne pense donc pas
» Il u'on puisse acquérir su r une promenade, par
» la prescription, les servitudes légalement pres.
» criplibles qui nuir,aient à l'ornement, à la com~
» moc!ité et à la sûreté de ceux qui ont droit de la
» fréquenter. L'ornement et la commodité des
» chose!' publiques ont aussi leur droit à l'impres» criptibilité: quia publicorum usus ~ dit d'Ar» gen tré, non solitm ex commodo ~ sed ex or» natu etiam et fade aestimatur. Mais, si une
» servitude ne nuisait en rien à la destination de
» la promenade, j'incline à penser que la prescrip» tion. la ferait maintenir» Cette opinion, aussi
adoptée P3:r M. Proudhon, _Tr. du dom. puh.~
nO 356, a été consacrée pal' un arrêt de la Cour de
PoilirfS, ou 31 janvier 1837 (Sirey ~ 38-2-78),
portailt flue cc le terrain des Giliers ayant été trans» formé en promenade publique par l'autorité COln» pétente, celle destination a eu pout: effet de le
)' retrancher du nombre des choses qui sont dans
» le commerce, et qu'en ne peut prescrire les
» choses qui ne sont pas dans le commerce. "
Ainsi donc, si la commune est obligée d'appeler
�602
TRAITÉ
en bornage pardevant les tribunaux les voisins des
promenades pnbligu('s, et si ces derniers ont le
droit, lorsque la ligne de leurs héritages est déterminéE', d'y établir des murs et constructions sans
demander d'alignement et de permissious de construire, le mail'e pourra anssi, non-senlement les
forcer à se conformer aux dispositions des articles
671 et suivants du Cod. civ. relatifs à la distance
dE's plantations, des vnes, elc., mais encore faire
supprimer l('s servitudes de cette nature, quelque
anciennes qn'elles soient, qui nuiraient à la destination de cette partie du domaine public communaL
Inutile d'ajouter que la voie de l'alignement
peut encore moins être employée pour déterminer
les limites des aulres propriétés communales, tels
que terres, prés, bois, pâturages, terrains vains et
vagues, ele.; pour ces héritages, les communes
sont sonmises aux mêmes obligations, et jouissent
des mêmes droits que les parliculiers; la délimilatiûn, notamment, ne peut s'en faire qne d'un
commun accord ou judiciairement d'après les règles
du droit commun, telles que nous les avons exposées dans PAppendice au traité de la compé. tence des juges de paix de M. Curasson, 2 e édit.,
et dans le Traité des, actions possessoires, etc.,
du même auteur, pag. 469 et suiv.
31° L'alignement pl'Odnisant deux effets fort
graves pour le propriétaire dont le bâliment est
sujet à reculement, l'un de l'empêcher 'd'y faire'
�DU DOMÂlNE PUBLIC.
603
des réparations et améliorations, et l'autre de
réunir lIe plein droit, lors de la démolition, la
portion retranchable à la voie publique, moyennant
une indemnité équivalente à la simple valeur du
sol nu, sans égard à la dépréciation que cette
distraction peut causer au surplus de la propriété,
il s'agit de savoil' si, pour ces sortes de préjudices,
il peut y avoir lieu à garantie de la part de l'acquéreur con tre le vendeur, conformémen t aux art.
1626 et 1638 du Cod. civ.
La question doit être examinée dans les diffé.
rentes hypothèses où elle peut se présenter.
Supposons d'abord qu'il n'existe aucun plan
d'alignemen t, et q ue l'acquéreur d'nne Illaison
vOlllant la reconstruire, en demande la permission
à l'autorité municipale qui lui ordonnera de reculer
plus ou moins; il Y aura-t-il Jieu à garantie pour
un tel préjudice r
Non assurément" car cette évictiou résultant
d'une loi générale, était présumée connue. cc Peu
~, importe,dit M. Troplong, Traité de. la vente,.
)' nO 418, d'où vienne la "connaissaucequ'a l'ache» tenr du danger de l'éviction. Si celte connais» sance existe positivement, elle snffit pour que
" l'acheteur ne puisse rien reprocher aU vendeur
» au sujet d'une éviction à laquelle il a dû s'at" tendre (Pothier, Tr. de la vente, nO 188 ).)' La loi 27, Cod. de evict, me paraît décis~·ve.
» . Elle ne s'enquiert qne d'une cho~e. L'acheteur
» a-t-il connu le péril (Scïens) r .Ce point une fois
�60i
TRAITÉ
') constaté, elle ne recherche pas quelle est la voie
') qui a conduit l'acheteur à ces informations; c~r
') cec.i,est indifférent. En effet, c'estle cas de répé:>J 1er avec Cicéron: Ubi judicium emptoris est-,
»
ibi fraus venditoris quae potest esse? -
Et
c'est en partant de cette idée, que l'ancienne
jurisprudence décidait que l'acheteur n'avait pas
" de recours en garantie pour l'éviction causée par
;» le retrait lignager (Pothier., n° 88); car ce
» retrait procédait d'une loi municipale que nul
,> n'était censé ignorer: Ex consuetudine notd
» lippis et tonsoribus, comme dit Tiraqneall,
» (de ret. gent. ., 5 12, glos.' l , n° 6. )-Voilà
» aussi pourquoi le retrait successoral, consacré
)~ par l'art. 841 du Cod. civ., ne donne pas ouver,,' ture à la garantie (M. Duranton., t. 16, nO 259)'
» C'est une canse d'éviction présumée connue. -,...
" Enfin la règle qui veut que le vendeur ne soit pas
». tenu des servilUr1es apparen tes ( 1638 C. c. ) et
» des défa u ts visiLles de la chose ( 1642 ) , est la
» conséquence de ce principe. »
Aussi, par arrêt du 21 janvier 1835 (Sirey, 352-247), la Cour royale d'Orléans a-t-elle, dans un
cas de cette nature, rejeté une demande en garantie en adoptant les motifs suivants: cc Considé» raut que l'éviction, daos le sens de la loi, 'l'epose
,> essentiellement sur Je droit d'un tiers, qui 'pré,> tend, pour tau t ou partie, avoir la prùpriété qu'il
» revendique, et en force le délaissement; ~,
» qu'il n'y a aucune identité entre J'éviction qui
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
605
» constitue la recherche en garantie contre un
venJeur, et la perte qu'un propriétaire peut
éprouver par suite des alignements que l'autorité
» muni~ipale est dans le droit d'accorder; -que
» si la loi de l ~07 a vOlllu faire cesser tout arbi» traire dans une matiel'e aussi délicate, elle n'a
)' point créé un droit nouveau; - que si tout pro» priétaire de maison ne peut bâtir sans obtenir
» un alignement, celte obligation est de droit
. » CODlmun et inhérente à la pl'Opriété, dans l'in:» térêt des villes ~t des communes; qu'il suffit
» d'ailleurs que l'indemnité du terrain soit payée
» par la ville, dans le cas de· démolition volontaire
» ou forcée par la vétusté, pour que le délaisse» ment forcé ne soit qu'à la charge d'une véritable
» indemnité; qu'il suffit enfin qu'il n'y ait
» aucune identité entre le principe ordinaire des
» évictions et la question de voirie qui est de
» droit public, pour en tirer la conséquence que
» l'acquéreur n'est pas fondé dans sa demande. »
Nous pensons que la solution devrait être identique lors même qu'il existerait un plan d'alignement arrêlé antérieurement à la ven le , et d'où
résulterait la nécessité du reculement, parce que
l'acqnéreur devrait être présumé en avoir eu
connaissance et serait en tort de ne l'avoir pas
consulté; l'existence de ces plans arrêtés par ordonnances royales et précédés d'informations faites
. avec une grande publicité, étant une chose nOloire
dans la commune.
)l
ct
�606
l'nA1TÉ
Dans une ·espèce analogne, la Conr royale oe
Grenoble a,· suivant arrêt du 2 jllillet 1840
(Sirey~ 41-2-191) et malgré une promesse géné.
l'ale de garantie, rejeté le recours de l'acqnéreur
contre le vendenr dans les termes sllivants : « At·
~~ tendu que lorsque Crozat a acqnis, df's héritiers
" Faure, la maison dont il s'agit, il ne pon vait
~~ ignorer qlle la ville de Valence avait été classée
)~ comme place de guerre par la loi de juillet 1791;
~) il savait, d'ailleurs, que cette maison était
~~ confinée par le rempart, ainsi qlle cela est énoncé
» dans son acte d'acquisition, et qu'il s'exposait,
~, par conséquent, à tous les inconvénients ou
" préjudices résultant du voisinage des fortifica" tions; - Attendu, oès-lors, qu'il est évident
') que la garantie n'a été slïpulée que pOUf' le cas
» d'éviction de la chose vendue, procédant du
» fait des vendeurs eux-mêmes, et non pour le
» fait du gouvernement, à raison d'une simple
» servitude militaire apparente qui était indiquée
" dans l'acte d'acquisition, oùJa maison est dite
" tantôt adossée aux remparts, tantôt confinée au
" nord par le rempart ....; Déclare l'état proprié». taire de la partie du mur d'enceinte contre la» quelle est adossée la maison de Croz:!t; déclare
" celle partie du mur franche de tout droit de
" mitoyenneté ou d'appui; condamne, en cou" séquence, Crozat à dégarnir et rendre libre
» cette partie du mur d'enceinte, sauf à lui à
" clore et consolider sa maison de ce côté par un
�DU DD:lIAINE PUllLIG.
60'1
contre·mm' construit entièrement sur son sol
» et sans appui sllr le mur de l'état; met les hé·
» J'iliers Faure hors de cour sur la demande en
,> garantie. »
Enfin nous admettrons une troisième hypothèse,
celle où, à défaul de plan général arrêlé, le vendeur aurait, antérieUl'ement à l'aliénation, demandé un alignement partiel qui lui aurait été
délivré pal' le maire, avec la condition de reculer,
mais dont il n'aurait point donné connaissance à
son acqllél'enr.
Notre avis est que, dans ce cas, on devrait
accorder la garantie contre le vendeur, parce qu'il
y aurait de sa part dissimulation et fi'aude, et que,
d'ailleurs, l'éviction'se trouverait consommée avant
la vente; pour qu'une charge ne donne lieu à
aucun recours, il faut que le vendeur et l'acquéreur
l'aient également connue si sciens à sciente
emerit, dit Tiraqeau (de retract. gent., S 12,
glas. l , nOs 7 et 8); il faut que les deux positions soien t égides; quand on achète une maison
dans une localité où il n'y a point d'alignement
arrêté, on pOUl'ra, à la vérité, être assujetti à un
reculement quand, plus tard, on voudra rebâtir,
mais il y a incertitude; l'acquéreur court des
chances favorables ou défavorables; il n'en est
plus de même ici, puisqu'il y a décision prise et
éviction réalisée; la maison n'est plus entière, et
une partie n'en existe désormais que précairement;
la v<lleur du sol sera payée, il est vrai, lors de )a
»
�C08
TRAITÉ
dépossession effective, mais elle ne nous parah
pas former une indemnité suffisante, et nous n'ap:prouvons pas le motif donné à cet égard, par
l'arrêt de la Cour d'Orléans qui vient d'être
cité; le dédommagement est trop peu en rapport
avec le préjudice éprouvé, surtout lorsqne,
comme dans notre espèee, il Y a mauv<lise foi,
L'expropriation pour cause d'utilité publique ne
dOlJne pas plus lieu à la garantie que l'alignement,
n'lais c'est à la condition qu'elle n'aura pas été
opérée aV<lnt la vente. c< L'éviction, dit M. Tro» plong (Traité de la vente~ nO 423), dont le
» principe est postérieurau contrat, reste pour le
» compte de l'<lcquéreur. Ainsi, si je snis exproprié
:» ponr canse d'utilité publique el. en vertu de me» sures d'administration, ordonnées après la
;»
vente ~ je n'alll'ai pas de recours contre vous;. »
d'où, à contrario ~ il Y aurait lieu à ce recours si
l'ex propria tion était antérieure, et qu'on l'eût dissimulée à l'acquéreUl'.
::520 An reste, 10rsfJu'une propriété est assujelti~
à un retr<lnchement par suite, soit d'un plan
d'alignement approuvé par ordonnance royale,
soit d'un arrêté particulier du maire, soit d'un
arrêté du préfet rendu en vertu de l'arL. 15 'de la
loi du 21 mai 1~36 s'il s'agit d'un chemin vicinal;
l'indemnité en résultant doit appartenir à l'acquéreur, à moins fJue le vendeur n'ait fait à cet égard
une réserve expresse; c'est ce qni a été décidé par
un arrêt du conseil d'état, du 20 novembre 1840
�DU DOMAINE PlffiIJC.
609
(Sirey, 41-2-157), dans une espèce où il s'agissait d'une indemnité due. par l'état à raison de
donHllages occasionnés par des travaux publics
antél'lemement à la vente, mais dont le réglel11ent
n'av<.Jit eu lieu que postérieurement; cc sur le moyen
» tiré, porlent les motifs, de ce que les sieur et
» dame Maillart n'auraient acquis les propriétés
» dont il s'agit que depuis la construction dn
?) déversoir, et, par suite, n'auraient pas qualité
~) pOUl' réclamer une indemnité à raison de celte
'3) construction: considérarit qu'il est reconnu
)~ par l'administration qu'en vendant aux sienr
~) et dame Maillart les propriétés dont il s'agit,
» leurs auteurs n'ont fait aucune réserve; que
» dès-lors les requérants ont acquis tous les droits
;»
mobiliers et immobiliers attachés auxdites pro» priétés, et notamment celui de réclamer, le
» cas échéant, l'indemnité en litige..... »
33° Par application des mêmes principes, les
portions de. terrain qui, au moyen de l'alignement,
se trouveraient retranchées de la rue ou du chemin,
devraient appartenir à l'acquéreur, à la charge d'en
payer le prix à la commune, conformément aux
art. 53 de la loi du 16 septembre 1807, et ] 9 de
celle du 21 mai 1836, sans que le vendelll' puisse
les conserver pour lui.
Vainement ce dernier prétendrait-il que, la présomption étant que la voie publique a été originairement formée aux dépens de sa propriété, c'est à
S011 profit que doit avoir lien la restitution par suite
�610
'mAlTÉ
de la résolution de sa dépossession causd datd,
causd non secutd, du moment que le motif d'utilité publique qui l'avait fait dépouiller n'existe
plus; et que c'est même à l'aide de cette présomption que M. le comte Roy, rapporteur de la loi
du 21 mai 1~36, a justifié la disposition de l'art.
19 qni consacre le droit de préférence accordé aux
rtVeralllS.
Nous pensons, au contraire, que c'est au profit
du possesseur actuel que, par une sorte d'accroissemeut de re, ad rem, doit s'opérer la cession du
terrain désormais inutile à la voie publique; d'une
part, et lors même qne la présomption invoquée
serait exacte, le véritable motif qui a détenn'iné le
privilége de préemption en faveur des voisins, et
qui est de ne pas permettre l'interposition d'un
tiers entre la rue ou le chemin et le voisin qui y
touchait précédemment, s'opposerait l.Oujollrs à ce
que la parcelle abandonnée tombât en d'autres
mains que celles du propriétaire du fonds contigu
qui, autrement, se trouverait privé de ses jùurs et
de ses issues. « Il ne serait pas tolérahle, dit
» M. le comte Roy dans le même rapport, qne
:n par la suppl'ession du chemin, des étrangers
» pussent venir s'établir au nlilieu de la propriété
:» (du riverain) et quelquefois même 311 milieu
» de sa cour; » c'est aussi principalernen t par cette
considération que MM. Delalleau ( Traité de l'exprop., nO 711 ) et Cotelle (Cours de droit adm.,
tom. l , pag. b27' 2 8 édit.) se décident en faveu!'
�DU DOMAINE PUBLIC.
611
de l'ncfluéreur dans une hypothèse bien moins
favorable que la nôtre, celle de la rétrocession
en vertu de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841 des
terrains expropriés, mais non employés 'aux travaux pour lesquels ils étaient destinés; cc nous
n croyons, dit le premier de ces autcm:s, que
» l'acquéreur est l'ayant-droit de l'ancien pro" priétaire pour tout ce qui tient à l'immeuble
)' par lui acquis, ct que c'est à luiqu'appâl'lient
» le droit d'exiger la rétrocession. Cette intcrpré» tation est d'ailleurs la plus conforme à l'équité.
)' Si le canal ou la l'ante devait traverser la propriété
» et la diviser en deux, serait-il juste que le ven» deur pût se rendre, par privilége, acquéreur du
» terrain intermédiaire? et son seul but ne serait» il pas Je forcer l'acquéreur de lui racheter cc
» terrain à un très-haut prix? En aliénal~t le sur» plus de sa propriété, il il nécessairement trans» mis tacitement à l'acquéreur tous les droits qui
" se l'attachaient à cet immeuble, et par conséquent
» celui de réclamer éventuellement la remise du
» surplus du terrain, s'il n'était pas employé aux:
» travaux d'utilité publique projetés. »
D'un autre côté, s'il peut arriver qu'une voie
publique ait été originairement établie aux dépens
des propriétés qu'elle traverse, nous sommes loin
de regarder cette hypothèse comme la plus génél'ale; lors de la division du sol entre les premiers
possesseurs, les chemins nécessaires à son exploitation ont été bissés en dehors des diŒ~rents lots,
�612
TIWTÉ
et alors ce sont les principes de l'alluvion qui
doivent être appliqués quand ces chemins viennent
à être supprimés) rétrécis ou l'dressés; or, en
pareil cas., les terrains conquis sur les eaux appartiennent, à moins de stipulations contraires) à
l'acquéreur) ainsi que l'a jugé la Cour ùe cassation,
le 11 novembre 1840 (Sirey, 40-1-1001), en
rejetant le pourvoi formé contre un arrêt ùe la
Cour de Rouen du 30 janvier 1~B9 ( Sirey, 392-252,) qui portait que ce les modifications éven» welles (du fonds) sont au profit comme au
» détriment des acquéreurs ....; que si la réclama» tion (du vendeur) était accueillie, elle aurait
,
,
d'
» pour etrange conseqlle.nce e reserver aux ven» deurs successifs..... le droit de revendiquer les
» extensions provenant de la retraite des eaux,
» sans être tenus de supporter les retranchements
» opérés par l'envahissement du fleuve ..... »
34° L'acquisition des terrains nécessait'es à
l'établissement, au l'élargissement ou à l'alignement des chemins vicinaux de grande et .de petite
communication n'est passihle, aux termes de l'art.
20 de la loi du:u mai 1836, que du droit fixe
d'un franc, pour l'elll'egistremen t. N OIlS sontenons
même (nOS 640 et 572, pag. 266 et 410, cidessus) que cette formalité doit être remplie
gratis lorsque l'acquisition, aulieu d'être amiabl.e,
a été opérée par voie d'e~propriation, en vertu de
l'art. 16 de la même loi.
Un avis du conseil d'état du 18-25 janvier 1837
�DU DmIAINE PUBLIC.
613
et une circulaire du ministre de l'intérieur du 10
décembre 1839, ayant décidé qu'au préfet appartenait le droit de donner les alignements en vertu
de la même loi, dans les rues des hourgs et villages servant au passage des chemins vicinaux de
grande communication, on doit en induire que
les cessions de terrains nécessitées par ces aligne.
menls ne sont également passihles que du droit
fixe d'un franc.
Comme l'ouvel'lure des rues nouvelles dans les
villes, bourgs et villages, ne peut guère avoir lieu
qu'au moyen de l'expropriation, il en résulte, aux:.
termes de l'art. !l8 de la loi du 3 mai 1841, une
exemption complète des droits de mutation et de
timbre pour les cessions de bâtiments et de terrains
faites dans ce but; il n'est pas même nécessaire que
le jugement d'expropriation ait été prononcé par
le tribunal, il suffit qu'il y ait ordonnance royale
déclarative de l'utilité publique, suivie de l'arrêté
ou préfet déterminant les propriétés qui doivent
être c.édées.
En sera-t·il de même pour les cessions des parties
de terrains et de bâtiments qui, d'après un plan
d'alignemen t approuvé par ordonna~ce r.:>yale,
doivent être réunies au sol des-rues et des places des
villes, bOUl'gs et villages qui ne sont traversées ni
par de grandes routes, ni pal' des chemins vicinaux:.
de grande communication?
.
Un jugement du tribunal de première instance
<le Caen, ÙU 25 août 1842., rapporté dans le ReTOllY.
II.
�614
TRAITÉ
cueil des lois, arr~ts, etc., surl'enregistrement,
le t~mhre, etc., par M. Roland (art. 6561, tom.
4, pag. 733), adopte la négative et soumet le
monlant de l'indemnité revenant au propriétaire
au droit de mutation de 5 et demi---p.
non
compris le dixième, sur le motif que la loi du 22
frimaire an VII n'admet aucune distinction entre
les acquisitions faites par les communes et celles
faites par les particuliers; que si l'art. 7 de la loi
du 16 juin 1824 avait déclaré que les commune'sne
paieraient qu'un droit fixe de JO fI'. pour enregistrement et t~anscription , lorsqu'il s'agirait d'une
destination d'utilité publique, cette faveur a été
retirée par l'art. 10 de -la loi du 18 avril 1831;
que l'affranchissement de tout droit par l'enregistl'cment gratis, n'est accordé par la loi du 3 mai
1841, qu'aux. contrats et actes faits eu vertu de
cette loi et à la condition expresse qu'avant l'acquisition il sera obtenu un arrêté du préfet pour
les autoriser; que cette exception est de droit étroit
et que l'ordonnance royale qui homologue un plan
d'alignement ne peut être l'équivalent de la condition don~ il s'agit.
Nous ne pouv~ns donner notre assentiment à
cette décision qui aurait pour effet de soumettre
à une exception qu'aucune raison particulière ne
justifie, une hypothèse évidemment pareille à
celles dont nous avons, à dessein, présenté le rapprochement ci-dessus.
Si nous demandons l'exemption des droits d'en-
ot,
"
.
•
�DU DOMAINE !'UBLIC.
615
registrement pour la transmission des terrains à
réunir à la voie publique au moyen d'alignements,
ce n'est point en verLU d'un privilége spécial en
faveur des communes et à raison de leur qualité
de corps moraux, c'est parce que l'opération dont
il s'agil est une véritable expropriation pour cause
d'utilité publique, qu'elle en revêt toutes les
formes) .qu'elle en offre toutes les garanties et
qu'au fond elle en produit tous les effets. Ce qui
constitue l'expropriation et ce qui la différencie des
ventes ordinaires, c'est la déclaration d'utilité puhlique résultant d'une loi ou d'une ordonnance
royale rendue après l'accom plissement de certaines
formalités; or, ces conditions ne sc rencontrentelles pas toutes dans l'alignement? n'y a-t-il pas,
à vue de plans, enquête dans Ja forme prescrite
par le réglement d'administration publique du 23
août J835, et ensuite ordonnance royale qlli approuve le tracé et en déclare l'utilité publiqlle?
n'y a-t-il pas lieu, conformément à la circulaire
ministérielle du 23 août 1841, de recourir au jury
spécial pOUl' fixer l'indemnité, si un accord n'intervient pas entre la commune et Jes pa"ticuliers?
Aussi cette circulaire, apl'ès avoir rappelé que les
informations prescrites par celle du 29 octobre
1812 , comme préliminaire à l'approbation des.
plans d'alignement, différaient des enquêtes exi.:.
gées en cas d'expropriation par J'ordonnance'
royale du 23 août 1841, continue·t-elle ainsi:
cc Puisqne les plans d'alignement approuvés par
�616
TRAITÉ
') le roi sont appelés à avoir la m~me valeur et
" les m~mes '!flets qne les ordonnances déclara" tivesd'ntilitêpnblique (en cas d'expropriation),
» il est nécessaire qne les dispositions légales,
» particulières à la p;océdurcqui précède l'obten" tion des unes, soient appliquées à celle qui est
»' suivie à l'égard des autres. »
Les légères différences que l'on n'a pu faire
disparaître ne tiennent pas au fond des choses,
ruais seulement à des circonstances particulières
et accessoires. Par exemple, si le préfet n'a point
à prendre d'arrêté après l'ordonnance et ensuite
d'une nouvelle enquête, pOUl' déterminer les propriétés à céder, c'est que le plan parcellaire et
l'enquête d'application du projet au terrain ont
précédé cette ordonnance qui en contient l'approhation spéciale et formelle et pal' suite la désignation des terrains; si un jugement n'est point
nécessaire (et d'ailleurs l'art. 58 de 1:1 loi du 3
mai 1841 n'en fait pas une cqndition pour l'exemption du droit d'enregistrement), e'est que dans·
l'alignement on n'a pas besoin de déposséder instantanément, el, on peut en quelque sorte dire,
violemment, le propriétaire qui, après la démolition de son bâtiment, se trouve dans la nécessité
de faire de lui·même l'aband6n du sol pour obtel1Îr la permission de reconstruil'e sur la ligne qui
lui a été tracée. Ponrquoi alors l'assimilation de
valeur et d'effets résultant de l'identité de but, de
formes et de garanties, ne s'étendrait-elle pas au
�DU DOMAlNE PUBLIC.
611
hénéfice de l'exemption des droits d'enregistrement?
Il nous semble d'onc que c'est sans motifs sumo
sants que l'on veut distinguer deux: choses idel~'
tiques et que, par une espèce de jeu sur les mots,
on retire à la partie le privilège que ron accorde
au tout. Nous avons l'espoir que si la q.uestion
était soumise à la Cour de cassation, elle serait
résolue dans un sens plus conforme, non ·seulement
à l'esprit de la loi qui a voulu favoriser les entreprises d'utilité publique et affranchir les communes
de droits onéreux: pour des acquisitions de propriétés qui ne sont point productives de revenus,
mais encore à son texte qui attache le hénéfice de
l'exemption à la seule déclaration,d'utilité publique
faite par le pouvoir souverain. Au reste, elle a déjà
été décidée d'une manièl'e conforme ~ notre avis
par un jugement du tribunal civil de la Seine, du
6 janvier 1841, rapporté également dans le recueil
de M. Roland' (art. 6142, tom. 4, pag. 572).
Dans l'espèce de cette sentence, le plan d'alignement n'avait pas même été approuvé par ordonnance royale, parce qu'il s'appliquait à une localité
dont la population, était inférieure à 2,000 habitants et pour laquelle, par conséqnent, la loi du
J6 septembre 1807 n'était point obligatoire. Il ya
même plus, c'est qu'un ancien maire de Vaise
ayant, par une pétition adressée à la chambre des
députés, demandé une loi qui diminuât les frais
de c~ssion des parcelles de terrain pal' suite d'ali-
�618
TRAITÉ
guement, la chambre a passéà l'orche du jourdans
la séance du 15 féYrier 1842>, en adoptant les couclusions ùe sa commission ainsi motivées par
M. Ternallx, rapporteur: « Une circulaire émanée
» du ministre de l'intérieur, en date du 23 août
~) 1 H41 , a reconnu que le réglemen t des indem» nités dues pour terrains 'retranchés devait avoir
» lien dans les formes et suivant les règles tracées
» par la loi du 3 mai 1841; cette nouvelle manière
~) de procéder évitera encore des frais Gonsidérahles
,> aux communt:s, puisqu'en vertu de l'arLicle 68
>J de celte loi, tous les actes que son application
» entraîne sont exemptés des droits de timbre et
» d'c-nregistrement. » (frloniteur du 16février
1843, nO 47, pag. 283. )
Si cependant on admeuait que le droit de mutation fût dû, il faudrait dire, d'une pal't, qu'il
lierait à la charge exclusive de la commune en sa
qualité d'acquéreur, conformément aux art. 1593
du Cod. civ. et 31 de la loi du 22 frimaire an VII,
et, en second lieu, qu'il ne serait prescriptible que
par trente années, à moins que la transmission
de propriété ne se trouvât mentionnée dans un
acte soumis à l'enregistrement, eas auquel la prescription s'accomplirait par le laps de deux ans,
suivant le nO 1 er de l'art. 60 de ladite loi. Les 3Q
années conrraient du jour même de l'acte constatant la mutation de propriété, parce que le maire
l'ayant signé, il devient authentique et acquiert
une date certaine.
�DU DOMAINE PUBLIC.
619
Par les raisons déduites au nO 569, pag. 340,
ci-dessus, nous pensons que les cessions de terrains à faire aux riverains par les villes et communes, en exécution d'alignements, ne sont point
exemptes du droit d'enregistrement, comme, selon
nons, doivent l'être celles en sens inverse.
35° La réunion par voie d'alignement, au domaine puLlic, de parcelles de propriétés privées
ne pouvant avoir pour effet de les affranchir des
hypothèques grevant le fonds dont elles sont distraites, il Yaura lieu à remplir les formalités prescrites par la loi pour opérer la purge; cependant,
comme ces parcelles sout souvent d'une valeur
très-faible, une ordonnance royale du 18 avril
1842 a établi à ce slljet les règles suivan tes :
« Art. 1 er. Les maires des communes, auto» risées à cet effet par délibérat}ons des conseils
» municipaux, approuvées par les préfets, pour» l'ont se dispens~r de remplir les formalités de
» purge des hypothèques, lorsqu'il s'agira d'ac» quisitions d'immeubles failes de gré à gré etdont
» le prix n'excédera pas 100 francs. Art. 2. A
» l'égard des acquisitions faites en vertu de la loi
» du 3 mai 1841, sur l:expropriation pour cause
» d'utilité publique, les maires seront tenus de
» se pourvoir également de l'autorisation des
» conseils municipaux et de l'approbation des
» préfets, avant d'exercer la faculté donnée par
:')) l'art. 19 de la susdite loi, de ne point purger
» les hypothèques pour les acquisitions dont la
�620
TRAITÉ
;);) valcur ne s'éleverait pas au-dessus de 500 fI'. ;» Art. 3. En conséquence, les receveurs muni;») cipaux pourront acquitter les mandats délivrés
;»
par les maires pour le paiement des acquisitions
') mentionnées dans les deux articles précédents,
') pourvu que ces mandats indiquent la délibéra) tion du conseil municipal, approuvée par le
;» préfet, qui autorise le maire à ne pas procédel' à
;» la purge des hypothèques. Art. 4. L'ordon» nance royale du 23 avril 1823 est rapportée
') en ce qui serait contraire à la présente. »
36° Nous avons dit, au S 2.8, page 582 ci·dessus,
que deux moyens étaient ouverts à l'administra·
tion pour arriver à l'étahlissement et à la rectification des voies pubJiqucs de toute espèce, routes,
chemins ou rues: celui de l'expropriation et celui
de l'alignemcnt. Le premier est général: il peut
être employé dan~ tous les cas; mais il n'en est pas
de même du second, qui est restreint dans de certaines limites souvent fort difficiles à détcnuiner,
et que cependant l'autorité ne doit jamais dépasser.
Pour bien saisit- l'impurtance de la distinction,
non moins que pour posel-Ies principes destinés à
servir de base aux soIn tions des diverses espèces, il
est indispensable de présenter dans un court parallèle, les points de dissemblance qui existent entre
ces deux moyens ayant également pour résultats
définitifs une aueinte à la propriété privée.
Ils diffèrent da ns leur principe, dans leur portée,
par leur 'mode d'action et par l'époque de leU\'
�DU DOl\UINE PUBLIC.
exercice, par la nature de l'indemnité qu'ils entraînent, enfin par les formes dont ils sont entou,
res.
l'expropriation dérive
Dans leur principe:
seulement du contrat social général et de la règle
de droit universel qui veut que l'intérêt d'un seul
cède à l'intérêt de tous, selon, comme le dit Grotius (/iv. 3, chap. 20, S 7, nO 2), l'intention raisonnablement présumée de ceux qui ontftrmé
les sociétés. - L'alignement, au contraire, a
sa source dans un quasi-contrat spécial d'une sorte
de communauté de fait entre l'administration et les
propriétaires riverains; en construisan t sur la voie
puhlique, ces derniers y acquièrent gratuitement
des droits d'issues, de jours, d'écoulement d'eaux
et de passage, en échange desquels il est juste qu'à
leur tonr, ils soient soumis à tous les réglements de
police qui ont pour ohjet le hon état de viahilité,
la sécmité et la saluhrité puhliques, ce qui emporte
l'ohligation implicite de fournir, aux dépens de
leurs propriétés, les portions de terrain nécessaires
pour atteindre ces huts; tirant plus que tous les
autres citoyens des avantages immédiats des voies
de communication pour eux et le us héritages, il
faut, par réciprocité, qu'ils se trouvent assuj'cttis,
dans l'intérêt du chemin, à des charges pins onéreuses que cellês qui pèsen t sur les propriétaires de
fonds privés de pareils hénéfices.
Dans leur portée:
l'expropriation s'applique
d'une manière générale à toute espèce de propriété,
=
/
621
=
�622
TRAITÉ
quelles que soient sa situation~ son importanceetson
étendue; selon les besoins et les circonstances, elle
l'attaque dans son ensemble ou dans ses parties;
quand elle ne prend pas le fonds en totalité, elle le
di vise en en rendan t souvent une des portions
inaccessible ou improductive, en enlevant, par
exemple, des bâtiments à une exploitation rurale,
des terres à une métairie, la force motrice à une
usine. L'alignement, au contraire, ne porte
presque jamais que snI' une parcelle du fonds,
qu'il entame seulement sllr nn de ses bords sans le
morceler et sans en détruire l'ensemble, procurant
même quelquefois une plus-value importante à ce
qu'il laisse.:;:::: Par l'une, le domaine public· se
trouve augmenté d'un fonds qui incontestablement
ne lui a jamais appartenu; an moyen de l'autre,
l'administration ne fait souvent qu'obtenir le relâchement d'ant.icipations commises à une époque
où les constructions n'étaient soumises à aucune
règle ni à aucune surveillance. :;:::: La première est
nécessairemen t et dans tous les cas une acquisition;
le second n'est pour ainsi dire qu'une mesure de
police et une restitution. :;:::: Ce dernier a pu être
prévu; celle-là vient frapper inopinément le propriétaire. cc Dans le premier cas, dit M. Cotelle
» (Cours de droit administratif; tom. 3, p.225,
» ze édit.), la condition de la propriété se trouve
» suhitement changée par une circonstance im.
» prévue, et il y a sacrifice complet, privation
)) d'une partie de la propriété dans son état pré-
�:pu DOMAINE l'UBLle.
623
sent; dans le second cas, le droit de propriété se
» trollve modifié pal· l'exercice d'une charge anté» rieurement imposée sur le fonds, qui le pla» çaitJans unecondilion exceptionnelle et connue
» du propriétaire. »par leur mode d'action et par l'époque de
leur exercice. = L'expropriation produit son effet sur-le-champ et simultanément par rapport à
tous les fonds qu'elle corn prend; aussitôt que les
formalités qui la constituent sont remplies, elle en·
lève du même coup la propriété etla possession.L'alignement n'opère qu'à la longue et successivement; en rendant la propriété précaire et en la tenant sous le coup d'une menace perpétuelle, il
respecte cependant la jouissance. = L'une est active, elle s'empare de la chose et démolit; l'autre
est en quelque sorte passif, il se borne à interdire
et laisse agir le temps, qui seul lui procure son
exécution. = Avec l'une on fait rapidement de
grands travaux nouvellement conçus; avec l'autre
on se borne à améliorer lentement ce qui existe. =
Quand l'autorité supérieure a déclaré l'ut"lité publique, le propriétaire ùu fonds compris dans le
projet d'expropriation a une action directe pOOl'
for~er, dans un délai déterminé, l'administration
à le mener à fin et à lui payer son indemnité
(art. 14, 2 e alin., et 55 de la loi du 3 mai 1841);
il n'en est pas de même du maître du bâtiment ou
de l'héritage sujet à reculement ou à retranche·
ment: il ne peut agir en justice pour ex.iger SOIl
»
�624
TRAITÉ
paiement, il n'a que le moyen indirect, après avoir
,démoli, de demander à reconstruire. = Quelques
mois suffisent pour consommer l'une; des années
et souvent des siècles sont nécessaires pour que
l'autre ait entièrement produit son effet et arrive
à son terme.
Par la nature de l'indemnité à laquelle ils
donnent lieu:
Celle en cas d'expropriation est
complète; elle doit être de la valeur vénale de la
chose dans son état actuel, y compris les constructions ou plantations, et en outre comprendre l'équivalent de la dépréciation du surplus de la propriété, en ayant toutefois, et par réciprocité, égard
à l'augmentation de valeur immédiate et spéciale
que .ce surplus pourrait, d'nu autre côté ou d~ns
d'autres circonstances, recevoir des travaux.- L'alignement, au contraire, ne donne lieu qu'au paiement du prix du sol nu, sans égard :lUX constructions qui le couvraient, non plus qu'au dommage
que le retranchement opéré peut causer au reste du
terrain. = CetLe différence est nettement exprimée
dans letj.deux articles suivants de la loi du 16 sep~
tembre 1807'
cc Art. 49. Les terrains nécessaires pour l'ou» verture de canaux, de routes, de rues, la for» mation de places et autres travaux reconnus
» d'une utilité générale, seront pa'yés à leurs pro» priétaires, et à dire d'experts d'après leur
» valeur avant l'entreprise des travaux (a). -
=
(a) Disposition qui cst expliquée et complétée par les art. 51
�DU DOMAlNE PUBLIC.
625
50. Lorsqu'un propriétaire fait volontairement démolir sa maison, lorsqu'il est forcé de
la démolir pour cause de vétusté, il n~a droit à
» Art.
»
»
" indemnité que pour la valeur du terrain.
" DÉLAISSÉ, si l'alignementqlli lui est donné par
" les autorités compétentes le force à reculer sa
" construction."
Une autre différence essentielle, qui pellt encore
rentrer dans celle de la nature et de l'étendue de
l'indemnité, consiste en ce que, dans le cas d'expropriation, la plus légère atteinte portée à un bâtiment, ou le morcellement, dans de certaines
conditions, d'une autre propriété, met l'administration dans la nécessité d'acquérir le tout si le propriétaire l'exige (art. 50 de la loi du 3 mai 1841);
tandis qu'en fait d'alignement, il faudrait que la
lJortion laissée an propriétai.re ne fût plus susceptible, par son exiguité, de recevait, aucune espèce de
constl'Uction, pour que l'état ou la commune pùt
être contraint d'acheter autre chose que ce qui est
et 52 de la loi du 3 mai 1841, ainsi conçus: Ct Art. 51. Si
» l'exécution des travaux doit procurer une augmentation de
" valeur immédiate et spéciale au restant de la propriété, cette.
Il augmentation sera prise en considération dans l'évaluation du
" montant de l'indemnité. )) - Ct Art. 52. Les constructions,
)) plantations et améliorations ne donneront lieu à aucune in" demnité, lorsque, à raison de l'époque où elles auront été
» faites ou de toutes autres circonstances dont l'appréciation
1) lui
est abandonnée, le jury acquiert la conviction qu'elles
)) ont été faites dans la vue d'obtenir une indemnité plus
J) élevée. "
�626
TRAITÉ
rigoureusement nécessaire pour l;élargissement ou
la rectification de la voie publique.
Enfin par la forme. = La procédure d'expl'Opriation se compose, d'après la loi du 3 mai I~4I,
de trois p~rties distinctes: la première, en tièremen t
administrative, ayant pour objet de faire déclarer
l'utilité publique et d'appliquer contradictoirement
avec les intéressés, le projet au terrain; la seconde,
du ressort exclusif des tribunaux civils gal'diens-né
de la propriété et seuls investis du pouvoir de la
transférer en suppléant la volonté du maitre refusant, après s'être préalablement assuré que toutes
les formes protectrices des droits privés ont été observées; enfin la dernière attribuée au jury chargé,
seulement e~ qualité d'expert, de la fixation du
chiffre de \'indemnité.-De ces diverses mesures;
celles comprises dans la 1re et la 3 e périodes sont
senles applicables à l' alignemen t, et encore les
formes de la première son t-elles sim plifiées, puisque
les deux enquêtes sont réduites à urle seùle, et que
l'ordonnance royale, qui dans tous les cas suffit,
déclare l'utilité publique en même temps qu'elle
(ait directement l'application dn projet .aux propriétés part.iculières, sans renvoi, pour ce second
objet, soit à la commission instituée par l'art. 8 de
la loi du :1 mai 1841, soit au conseil municipal et
au préfet en conseil de préfecture, conformément
aux art. 11 et 12 de la même loi Ca). Quant à
Ca) El encore cette partie des formes de l'expropriation, sur
�DU DOMAINE PUBLIC.
627
l'intervention de l'autorité judiciaire, elle n'est
point utile à l'administration, en ce que" celle-ci
ne se trouve jamais dans le cas de se mettre de vive
force en possession de la parcelle de propriété destinée au l'élargissement de la voie publique, le sol
de cette parcelle s'y réunissant forcément par le
fait à raison de l'impossibilité pour le propriétaire
d'y élever -de nouvelles constructions après la démolition de celles qui y existaient et dont il lui
était interdit Je prolonger la durée par des réparations.
Ces principales différences entre l'expropriation
et l'alignement, étant signalées, abordons la questionqui fait l'objet de ce S, et recherchons, à l'aide
des notions ci.d.essus, quand la voie de l'alignemen t
peut ou non être employée.
Selon nous ,-le principe est qu'il ne doit y avoir
lieu à alignement que lorsqu'il s'agit du l'élargissement d'une voie publique ou d'une légère recli.
ficalion ayant pour but de faire disparahre d.es
saillies, des renfoncements ou des courbes; mais
que quand l'administration veut ouvrir une rue
nouvelle, former une place ou opérer uu redressclaquelle nous reviendrons plus tard, n'a-t-elle été étendue à
l'alignement que par analogie et récemment en vertu de la circulaire ministérielle qu 23 août 1841; auparavant tout se bornait à une enquête moins solennelle que celle organisée par
l'ordonnance royale du 23 août 1835, et à une estimation pal'
experts, à vue de laquelle statuait le conseil de préfecture, conformément aux art. 56 et 5i de la loi du 16 septembre 1807.
�628
TRAITÉ
ment tel que dans une partie notable il faillé
abandonner le tracé existant pour y en substituer
un différent, elle doit nécessairement recourir à la
voie de l'expropriation.
Les cas d'application de chacun de ces moyens
sont assez nettement indiqués, relativement aux
chemins vicinaux, par les al't. 15 et 16 de la loi du
21 mai 1836, dont les dispositions doivent, pal'
analogie, servir de règles pour les routes et les
rues: cc Les arrêtés des préfets portant reconnais:» sance et fixation de la largeur d'un chemin
» vicinal, dit le 1er de ces articles, attribuent dé» finilivement au chemin le sol compris dans les
» limites qu'ils déterminent. Le droit des proprié» taires riverains se résout en une indemnité qui
» sel'a réglée à l'amiable ou par le juge de paix du
» canton, sur le rapport d'experts nommés confor» mément à l'art. 17.-Les travaux d~om'erture
» et de redressement des chemins, déclare le 2",
). seront autorisés par le préfet. LOl'sque pour
» l'exécution du présent article, il Yaura lieu de.
» recourir à l'expropriation, le jury spécial chargtS
» de régler les indemnités ne sera composé que de
» quatre jurés, etc .... ,. » Dans l'hypothèse du
premier, concernant un simple l'élargissement, il
Y a alignement; dans le second, qui comprend la
création d'une voie nouvelle ou, comme nous
l'avons expliqué nO 534 ci.dessus, la substitu tion
d'un tracé en ligne droite à une ligne courbe ou
sinueuse qui est abandonnée, on est obligé de re;
courir à l~expropriation.
�629
DU DOMAINE PUBLIC.
La différence de formes et d'effets entre les deux
cas n'est point le résultat de l'arbitraire; elle re- .
pose sur la raison et sur le droit; pour s'en convaincre iL suffit de rappeler quelques-uns déS traits
du parallèle présenté plus haut. Lorsqu'on joint une
voie publique, on en a retiré pendan tlongtem ps les
avantages; en retour, ou' doit aussi supporter les
charges qu'entraîne sa proximiLé; on a d'aiJleurs
pu etdû prévoir ces charges; l'acquéreur du fonds
voisin a nécessairement pris en considération
l'élat de la voie qui le dessert, et il a fixé son
prix en conséqnence; si le chemin ou la nie était
étroit et incommode, la propriété avait moins de
valenr, soit à cause de la difficulté d'y abordp.r, soit
par la prévision d'un l'élargissement à opérer aux
dépens des héritages joignant; en général, le retranchement exigé est peu considérable, il ne porte
que sur une des rives du fonds; loin de déprécier
le surplus, iL lui procure souvent une plus-value
importante; enfin, OI'dinairement ce retranchement
n'est qu'une restitution. 01' rien de pareil quand
l'administration ouvre une voie nouvelle ou forme
une place; le propriétaire dépouillé n'a point profité antérieurement de leur voisinage, iL n'en jouira
pas à l'avenir, puisque son fonds lui est enlevé en
totalité, on que, s'il lui en reste une portion, on
lui fait tenir compte de ce dont elle s'est améliorée;'
il n'a pu supposer le nouveau projet et, par suite, y'
avoir égard lors de son acquisition; il subirait donc
une perte évidente s'il était obligé de céc1cl' nne
TO!l1. II.
40
�G30
l'RAITi~
partie de sa maison moyennant le prix. dn sol nu
qui lui sera pris et sur la légitimité de la possession
duquel il ne peut cependant s'élever aucun doute.
Il est donc impossible que deux positions aussi
dissemblables soient soumises aux mêmes règles et
aux mêmes exigences; le droit civil nous offre un
exemple de la différence que produisent. dans les
effets, des circonstances de natures diverses analogues à celles que nous venous de signaler; lorsqu'une rivière se retire insensiblement de l'une de
ses rives en se portant SHI' l'autre, le propriétaire
envahi ne peut, aux termes de l'art. 557 du Code
civil, ni réclamer son terrain, ni prétendre à aucnne
indemnité, parce que, ayant joui des avantages
que procure la contiguité d'un cours d'eau, il doit
en subir les inconvénients, qui d'ailleurs sont
prévus. Il existe, disait M. Portalis en exposant
» les motifs de cet article, une sorte de contrat
" aléatoire entre le propriétaire du fonds rive" rain et la nature, dont la marche pent à chaqnc
» instant ravager ou accroître ce fonds.» Mais si,
au lieu d'une simple corrosion des bords, il Y a
formation d'un nouveau cours au milieu d'un héritage, le propriétaire prend à titre d'indemnité,
en vertu de l'art. 563 du même Code, l'ancien lit
abandonné; et cette indemnité, que les luis romaines n'accordaient pas, a été introduite par la
jurisprudence française comme équitable en ce
qu'ici rien ne compense la perle qui survient subi~
. pu s, y atteu d l'c.
tcment el sans qn ,on aIt
c(
�DU DOMAINE PUBLIC.
631
Lors de la discussion de la loi du 7 juillet 1833,
un député ayant proposé un amendement tendant
à empêcher qu'au moyen de la disposition de la
loi du 16 septembre 1807 sur les alignements, on
éludât J'attribution qui allait être faite au jury du
réglement de l'indemnité, M. Legrand, commissaire du roi, fixa avec beaucoup de précision)a
ligne de démarcation entre les deux hypothèses.
« Une semblable application; dit.iI, de laloi de 1807
» me paraît tout à fait illégale, et, pour ma pal't, je
» ne connais pas un seul cas où l'administration
)} chargée des travaux qui s'exéculent sur les fonds
» de l'élat, l'ait appliquée dans ce sens. Il ne &uffit
" pas que le projet d'une communication nouvelle
» soit arrêté pour que les terrains et bâtiments qui
» se trouvent sur la ligne de celte communication
» soient, dès ce moment même, frappés des ser» vitudes esselltiellementinhérentes aux bâtiments
» et terrains situés le long des routes déjà ouver» tes. Ces serviludes ne sont que le prix des avari» tages que procure la jouissance de la communi» cation; si les avantages n'existent pas (et ils
» n'existent pas, si la communication n'est pas
» ouvert~), les servitudes ue peuvent pas être in» vaquées. En un mot, les servitudes ne peuvent
» pas être antérieures à l'ouverture de la roule, du
" canal ou de la rue nouvelle, puisqu'elles ne dé·
» rivent que de l'existence même de ces commu" nications. Quand il s'agit de les ouvril' pOllr la
.~} premiè>re fois, ce n'est ras par mesure d'aligne..
�632
TRAITÉ
" ment qu'on doit procéder, mais pal' voie d'ex» propnaLIon. Il faut, dans ce cas, acheter et
» payer dans leur entière valeur les tel'l'ains et bâ') timents qui doivent servir d'emplacement aux
» travaux, et toute interdiction de bâ.lir ou de ré» parer qui reposerait sur un plan uniquement ar» rêlé dans le cabinet, et lorsqu'il n'y a encore ni
» route, ni canal, ni rue, serait une interdiction
" contraire à l'esprit de la loi.» (Moniteur du
lofévrier 1833, pag. 340.) Mêmes principes dans
la circulaire du ministre de l'intériem du 23 août
1H41; après avoir, conformément à un avis du
conseil d'état du 1 er avril précédent., étendu aux
plans d'alignement la nécessité de l'enquête prescrite par l'ordonnance royale du 23 août 1835
comme préalahle à l'expropriation, elle ajoute: Il
» ne suit pas de là, toutefois, que les administra» tions locales soient dispensées de procéder, en
» cas d'ouverture et de formation de rues ou au» tres voies publiques nouvelles, aux enquêtes
» spéciales et autres formalités prescrites par le
» titre 2 de la loi du 3 mai 1841 et par les ius·
» truetions antérieures, notamment par celle du
» 23 janvier 1836, qui établit à cet égard une dis» tiucLÎon utile à maintenir. Les dispositions de h
» présente circulaire ne s'appliquent qu'aux pro» prié tés riveraines des voies anciennes soumises à
» la loi générale des alignements; c'est un point
» sur lequel je dois particulièrement insister (a)."
C(
(a) Dès 1829, le ministre de l'intérieur avait émis la même
�DU DOMAINE PUBLIC.
633
A la vérité, l'article 52 de la loi du 16 septembre
1807 semLle mettre sur la même ligne l'ouverture
des rues nouvelles et l'élargissement des anciennes,
et appliquer à l'un et l'autre cas le moyen de l'adoctri~e dans une lettre adrcssée au préfet de la Seine qui lui
demandait une décision sur le projet d'Une rue à ouvrir depuis
la place de l'Hôtel-de-Ville jusqu'à la rue de la Coutellerie:
" L'ourerture d'une nourelle voie publique, disait-il, étant
» soumise à des règles différentes de celles qui s'appliquent
» au redressement des anciens alignements par mesure de voi..
» rie, le projet dont il s'agit devra faire l'objet d'une instruc» tion spéciale. Il convient d'abord que le conseil municipal
» délibère sur la dépense à faire pour l'acquisition immédz'ate
}) et simultanée de tous les immeubles que doit trarerser la
» nourelle rue ....• ; lorsqu'on sera tombé d'accord sur la ques» tion d'alignement, vous aurez à faire procéder aux firma» lités pres.crites par la loi du 8 mars 1810 (art. 7 et suiv. ),
» lesqu~lIes devront précéder l'ordonnance du roi qui déclarera
» l'utilité publique. » -Aussi M. Davenne, qui, dans son Recl/eil des lois sur la voirie, avait d'abord professé une opi.nion
contraire, est·il revenu aux vrais principes dans son Supplément
publié en 1830, où il dit: " L'interdiction des grosses répara» tions ne s'applique, d'après les anciens réglements généraux
» restés en vigueur, qu'aux pr~priétés bâties qui bordent les
» rues et les autres 'Voies existantes dont l'élargissement ou
» le redressement est reconnu nécessaire. Les réglements ne
» disent nulle part que cette inlerdietion puisse affecter les bâ» ti
nts au travers desquels on jugerait à propos de percer
Il des rues ...... J~es édifices dont la démolition est nécessaire
» pour effectuer le percement d'une rue nouvelle, doivent être
» acquis suivant le systêlI\e de la loi du 8 mars 1810, et c'est
» ce quc des décisions ministérielles ont établi dans beaucou:p
» de cas. );
�63~
TRAITÉ
lignement; mais, à supposer que l'on dût entendre
ainsi cet article, qui, venant après les artides 49
et 60, lesquels traitent distinctement de l'expropriation et qe l'aligl}ement, ne nous paraît avoir éLé
décrété que pom attribuer compétence aux maires
pour tout ce qui ne tient pas il la grande voirie, il
est évident que sa disposition, à peu près iortiffërente dans une législation qui confiait aussi l'expropriation à l'autorité administrative, et qui SOllmettait aux mêmes formes toutes les atteintes à la
propriété privée, aurait été abrogée par la loi du 8
mars 1810; etsurtoutpar celles des 7 juillet 1833
et 2 mai Ü>41, qui ont créé des garanties spéciales
et plus étendues pour l'expropriation proprement
dite, en la plaçant notamment dans les attributions du pou voir jlldiciaire.
C'est faute d'avoir fait cette distinction, sur laquelle nous avons dû insist.er en en recherchant
le principe, à raison de son extrême importance,
que des tribunaux etla Cour de cassation elle-même
ont quelquefois commis de graves erreurs, et SO\H
restés longtemps sans jurjsprudence fixe et ceF..
taine.
Un sieur Chandesais était propriétaire, dans la
ville de Tours, d'une maison touchant à la place
du Marché, et à laquel1e. tennit, du côté opp sé à
la voie publiflue, nn terrain clos de mnT. Le
maire, dans des vues d1ilmélioration , c1'utilité ou
d'embellissement (:lela ville, Corma le projet d'employer la presque totalité de cette propriété à la
�DU DOM.A.INE PUBLIC.
635
prolongation de la place, et un plan d'alignement
approuvé par ordonnance royale lui donna effecti·
veUlent cette destination au moyen du tracé de la
ligne rouge.
Nonobstant le tracé, Chandesais éleva sur ce
terrain, et de l'autre côté de sa maison qu'il laissa
intacte, une construction à une certaine distance
de la voie publiq ne telle qu'elle existait réellement;
procès-verbal; arrêté du maire, confirmé par le pré~
fet, qui ordonne la démolition; refus de Chandesais de s'y conformer; jugement du tribunal de police qui anoulle la citation parce que cc le terrain
» clos dont il est encore propriétaire, n'ayant pas
» reçu, de fait, le caractère de voie publique, l'at)' rêté du maire avait excédé ses pouvoirs en Ol'» donnant la démolition. )' Pourvoi de la part du
ministère public; enfin arrêt de la Cour suprême,
en date du 2 août 1828 (Sirey, 28-1-396), qui
casse le jugement par les motifs suivants .: cc At» tendu qu'aux termes de l'art. !J2 de la loi du
» 1 6 septembre 1807, nul ne peut élever des
') constrnctiôns nouvelles on faire exécuter des
» travaux sur les terrains destinés dans les villes à
" l'ouverture des nouvelles rues, à l'élargissement
» des anciennes, sans avoir demandé et obtenu
» l'alignement, que les maires sont tenus de don» ner, conformément aux plans {ldoptés et anêtés
)' par l'autorité royale, en exécution des disposi') tions de la même loi .... ; attendu quo c'est sans
') aucun fondement que les propriétaires préten-
�636
:»
'l'RAlTÊ
0 raient pouvoi,' s'affranchir de l'exécution de ces
plans, sous le prétexte qne le terrain ou les édi» Lices snI' lesquels ils élèven t, ou auxquels ils
» ajoul~n t des constructions nouvelles, ou exécu.
" tent oes travaux propres à en conserver la durée
)J ali-delà du l~rnJe présumé de leur existence, ne
» son t pas immédiatenlentJiés avec la voie publique
.» actuclJe et en sont séparés par un espace plus ou
JJ moins prolongé; qne la voie pllbliq ue est celle
J) qui est déclarée telle par les ordonnances royales
» reUtlnes en con formité de la loi; que ces ordon» nanees règlent aussi invariablement que légale» Dlent l'avenir, en laissant néanmoins au temps
JJ le soin d'amenel' progressivementJeur exécution;
» que, quoifJu'il y ait des objets intermédiai.res
» en tre le point qui sert actllellemen t au passage
» du public et celui qui est destiné à élargir lIU
» jour ce passage et à le rendre J'lus commode,
» plus convenable ct plus sûr, le propriétaire ne
J) peut. arrêter la marche du telllps par des travaux
» ou construclions nOllvdles; que dès le moment
" de la publication des ordonnances royales, son
» terrai n a 10us les ca ractèl es et est soumis à tou les
JJ les charges de la voie publique; qu'un système
); contraire rendrait illusoire l'art. 52 de la loi du
» 16 septembre 1807 et paralJserait l'exécntion
» des motifs d'ordre public, des viles salulaires et
» bienfaisantes qui onl délclluiné ses Jisposilions;
» - attendu qu'en félit il eM constaté que le; pré» venu a élevé, sans avoir pris l'alignement, une
JJ
�DU DOMA.INE PUBLIC.
637
') construction nouvelle sur un terrain marqiJé sur
» le rlan pour servir à la, prolongation de la place
:» du Marché, etc.... »
Par suite, l'affaire ayant été renvoyée devant le
triLunal de police de Montbazon, ce tribunal jugeacomme celui de Tours, ce qui donna lieu, de
la part du ministère public, à un nouveau ponrvoi
que la Cour de cassation, les chambres réunies, re..jeta par un arrèt du 25 juillet 1829 (Sirey~ 29-1302), ainsi motivé: cc Attendu, en droit, que les
» terrains appartenant aux particuliers, et néces» saires pour l'ollverture des rues ou la formation
» des places projetées par les plans d'alignement
» des vi II es, ne peu ven t devenir la propriété de
» ces villes qu'à l'aide de l'une des deux voies in» cliquées par les arl. 49 et 50 de la loi du 16 sep» temble 1807; - que l'art. !n de la mème loi,
» qui a transporté aux maires des villes l'attribu» tion antérieurement conférée aux trésoriers de
» France, et pIns anciennement au grand-voyer,
» de donner les alignements, n'astreint d'aiHeurs
" les propriétaires à demander aucune autorisation
» pour construire; que, d'après les anciens ré» glements auxquels cette loi n'a pas dérogé, les
» propriétaires elles archi tcctes, ou au tres ouvriers
') constructeurs, ne sont tenus de demander auto» risation avant d'entreprendre ou de cornmellCCl'
» les travaux que lors(fll'il s'agit de constructions
~) à établit, sur la voie publique~ou de réparations
;»
à faire aux murs déjace sur route ou sur rue;
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mais qu'aucune autorisa lion préalable n'a besoin
d'être requise pour construire ou réparer, dans
l'intérieur, des portions qui n'auraient pas pour
objet de consolider le mur deface, ou qui ne
'toucheraient pas à la voie publique actuelle,
lors même que les propriétés sont destinées, par
des plans arrêtés en conseil d'état, à faire, dans
un temps plus ou moins éloigné, partie de la
voie publique future; - qu'on ne peut, en effet, entendre par voie puhlique que l'emplacement devenu tel au moyen de l'acquisition consommée par l'autorité, soit anx conditions de
l'art. 49, soit à celle de l'article 50, et par suite,
dans ce dernier cas, de la démolition volontaire
des édifices ou de leur destruction ohligée pour
cause de vélusté; - attendu, en fait, qu'il résu Ile du jogemen t attaqué: 1 ° que Chandesais
n'a fait aucune reconstruction du mur de face
de sa maison dont l'emplacement est destiné ,
par le plan d'extension future du marché de la
ville de Tours, à. faire un jour, mais ne fait pas
encore partie de la voie puhLique j - 2° qu'il a
seulement remplacé par lin mur de maçonnerie
la clôtnre en bois d'un appentis existant dans
l'intérieur de sa propri4lé; 3° qu'il n'a en aucune façon consolidé son mur de face sur La
rue actuelle; d'où il suit qu'il n'était aucune~
ment astreint à demander autorisation de construire, et que l'arrêté du maire de Tours, qui,
fante par lui d'avoir demandéautorisatioo, a 01'-
�DU
Dm~.A.INE
PUBLIC.
639
donné que sa constrnction serait démolie, a été
rendu, pal' cet administrateur, hltrs des limites
» de sa compétence, et qu'en le déclarant ainsi, le
» tribunal de police municipale, séant à Montba» zon, n'a violé aucune loi; rejette, etc. »
La solution résultant de cet arrêt solennel est
parfüitement exacte; il est seulement fâcheux, et
nous verrons bientôt les conséquences qui en ont
découlé, qu'au lien d'avoir été motivée sur une
considération insignifiante, elle ne se soit point
appuyée sur la raison péremptoire que fournissait
l'espèce, savoir: que la maison et le clos du sieur
Chandesais étant destinés au prolongement de la
place du Marché, c'est-à-dire à la création d~une
voie nouyelle, bien différente du simple rélargissement d~une rue existante~ c'était par la voie
de l'expropriation~et non par celle de l~aligne
ment~ que la ville de Tours devait se les procurer.
En effet, cette proposition, aussi nouvellement'
admise par le conseil d'état (a), que l'on peut faire
»
»
(a) Le premier arrêt de ce conseil qui l'a consacrée est du
1 er septembre 1832, dans l'affaire Laffitte (Sirey, 33-.2-166).
« Considérant, porte-t-il , qu'aucune loi ne défend aux proprié» taires de maisons sujettes à reculement de faire des travaux
» dans l'intérieur, même sur la partie retranchable, pourvu que
» ces travaux u'aient pas pour effet de reconfol'ter le mur de
» face ..... L'administration ayant en tout temps le droit de vé» rifler si lesdits- travaux ont été confortutifs du mur de face,
» et d'en poursuivre, s'il y a lieu, la démolition .•.. li
Cet arrêt a été suivi de plusieurs autres, en date des 12 dé~
cembre 1834, 25 mars et 28 mai 1835; le premier de ceux-ci
�6'..0
TRAl1'I~
des conslructions sur la portion de terrain retranchable, pourvu qu'elles ne tendent pas à reconforter le mur de face et qu'elles ne joignent pas immédiatement la voie publique, ne saurait se justifier
. ni par les anciens réglements, auxquels l'arrêt renvoie à tort, ni par la raison.
Par les anciens réglements : Pour s'en con ...
vaincre, il suffit de recQurir à l'analyse exacte que
nous en avons donnée ci-dessus, pag. 565; on n~y
voit aucune distinction de cette espece; au con. traire, tau te réédification~ soit en entier ~ soit
en partie~ toute réparation plus ou moins entière de maisons faisant saillie, sont également interdites.
Par la raison: Le bu t quet'on se propose pari'alignement est d'arriver au l'élargissement jugé' nécessaire de la voie publique, etc'est parce motifd'in tél'êt
général qu'une servitude tres-onéreuse est imposeèà
la propriété privée; or elle doit s'étendre à toute la
partie dont on a besoin, et on ne voit pas pourquoi
on la restreindrait au simple mllr de face, puisque
la parcelle située de l'autre côté n'est pas moins
destinée que son emplacement même, à faire pal'tie
de la rue; autrement on favorise la f,'aude, on
éloigne indéfiniment l'amélioration et on vexe
ajoutant seulemen t à la réserve de vérification de la nature des
travaux, celle « d'ordonner la destruction de tous les ouvrages
Il construits dans la partie retranchable dans le cas, où le mur
Il de face viendrait à tomber ou à compromettre la si'creté de la
voie publique.."
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
641
les citoyens en pure perte; si on ne prohibe que la,
réparation du mur de face, le propriétaire ne mauquera jamais, lorsqu'il le verra péricliter, d'en
élever un antre par derrière, à quelques centimètres de distance; le premier démoli et celui. ci venant encore, apl'ès des siècles, à menacer ruine, un
troisième, hâti d'avance, se trouvera sur un nou,-eau plan, et ce sera ainsi, demi-mètre par demimètre (car telle est ordinairement l'épaisseur de
ces murs), qu'il faudra conquérir l'espaceindispensahle à la bonne viabilité; ce sera, pendallt plusieurs
générations, une lu tte fatigante et onéreuse POlU les
propriétaires, sans résultats utiles pour le public, ct
peu digne et pen convenable pour l'administration.
Nous n'adoptons pas plus ce moyen terme, source,
féconde d'arbitraire, que celui de la distinction des
réparations confol'tatives et non coufortatives
contre lequel nous nous élevions naguères; cn
toute cil'constance, nous voulons, autant que possible, une règle nette et précise qui nous montre
la limite de notre droit et qui nous dise: Usque
hùc
venies~
et non procedes ampliùs.
Il est vrai que pour essayer de remédiel' à ces inconvénients qui ne lui ont pas échappé, le conseil
d "etat, par d'Ivers arrets, notamment par ceux a 1a
date des l) septembre 1~G2 et 12 décembre 1834,
cités ci·dessus en note, réserve à l'administration
le droit, d'une part, de vérifier à chaque instant si
les travaux faits à l'intérieur tendent à consolider
le mur ùe face, et, d'autre part, cl'ûn!onncr la.
A
,
�642
TRAITÉ
démolition de tous les ouvrages compl'is dans la
partie retranchable lorsque ce mur vient à être démoli; de son c8té, la Cour de cassation, pal' deux
arrêts des 1er décembre 1832 et 4 mai 1833, dont
nOlls parlerons dans un instant, avait paru vouloir
décider que la nouvelle construction élevée sur la
partie retranchable en dedans d'une clôture déjà
existante, ll'est exempte de contravention qu'autant qu'elle n'a pas été faite dans le but de remplacer immédiatcment la clôture ancienne et afin
de servir de limite à la voie publique actuelle;
mais ces moyens sont ou illusoires et inexécutables, ou en opposition avec la faculté qu'on prétend résulter des anciens réglemen ts. Comment, en
effet, reconnaît re avec certitude, si des travaux faits
dcrrière un mur et exécutés avec art, le consolident
ou non; si, en les construisant, l'intention a été
d'en faire une nouvelle clôture pour la substituer
à l'ancienne; et, dans tous les cas, à quel titre
prescrire la démolition d'ouvrages établis en vertu
de ce que l'on reconnaît être un droit? C'est le
propre des mauvaises mesures de donner lieu,
pour en atténuer les conséquences, à des cOfl'ectifs
aussi vicieux qu'elles et qui ne font souvcnt qu'aggraver le mal: ln vitium dueit eulpœfuga, si
caret atle. Selon nous, il n'y a pas de milieu, il
fant renoncer complètement à la servitude d'alignement et à la prohibition de construire et de réparel' sur les parties retranchahles, qui la constitue,
ou il faut en exiger la rigoureuse exécution; tons
.,
�DU DOl\lAINE PUBLIC.
643
les moyens de conciliation auxquels la jurisprudence a eu recours, sout aussi vexatoires, et manquent entièrement le but Ca).
Quoi qu'il en soit du mérite de ce motif, que
(a) Aussi, pendant que le conseil d'état adoptait la restriction
de la défense de consolidation aux seuls murs de face, la Cour de
cassation l'abandonnait à son toUr et revenait sur son arrêt du
25 juillet 1829 qui l'avait consacrée: C< Attendu, porte sa déci» sion du 5 juillet 1833 (Sirey, 33-1-863), que l'effet immédiat
» et nécessaire de l'ordonnance d'alignement a été d'empêcher
II que les terrains qu'elle a jugés devoir être réunis à la voie
» publique puissent, en attendant qu'ils en fassent effectivement
~l partie, recevoir une destination préjudiciable à l'intérêt géné» l'al par elle reconnu et déclaré; qu'il n'est dès-lors permis d'y
» entreprendre :lUcunes constructions quelconques, sans avoir,
II au préalable, demandé et obtenu l'alignement, quand bien
» même ces constructions ne toucheraient pas immédiatement à
II la voie publique actuelle et s'en trouveraient séparées par un
» espace plus ou moins considérable, puisque décider le con» traire, ce serait attribuer aux propriétaires dcsdits terrains le
II droit de paralyser l'exécution de la loi ci-dessus rappelée, et
." rendre impossible l'accomplissement des vues d'utilité com» mune qui ont déterminé ses dispositions
II Ces principes,
ensuite admis par un arrêt du conseil d'état du 24 décembre 1835
(Dela/lIye), ont été depuis constamment suivis par la Cour de
cassation, comme il résulte de son arrêt du 13 juillet 1838
(Sirey, 39-1-146), et plus positivement encore de celui du
16 juillet 1840 (Sirey, 40-1-745), dans lequel elle a soin de relever cette circonstance que, C< d'après le plan d'alignement, la
II maison de la veuve Delalonde est sujette à retranchement, non
II pour l'oufJerture d'une voie noufJelle à une époque indétermiII née, mais pour l'élargissement de la voie publique actuelle à
II une époqae déterminée d'avance par les lois et réglements. »
�TRAITÉ
nous avons dû discuter incidemment, on pouvait
supposer que désormais la question principale
était résolue d'une manière irrévocable; cependant
il en a été al1tremeu t. Fau le d'une règle certaine,
non·seulement la chambre criminelle de la Cour de
cassation a persisté da DS ] a doctrine de ]'arrêt du
2 août 1 ~hH , mais, ce qu'il y a de pl liS extraordinai,'e, toutes les sections réunies y sont revenues
dans une seconde affaire coucernant encore la ville
de Tours.
Dn sieur Hautin, propr~étai,'e d'une maison
sise au fond d'une impasse destinée à être prolongée et convertie en rue, fit dans sa cour, et
à deux mètres en arrière du mUl' de clôture, une
nouvelle construction; poursuivi pour ce fait, un
jugement du tribunal de police, appuyé sur le dernier arrêt Chandesais, le renvoya de la plainte et
fut cléfé"é à la Cour suprême, qui le cassa le 1 er décembre 1832, en renvoyant l'affaire au tribunal de
Vauvray; le ùouveau jnge de police ayant adopté
le même système que le premie,', il y eut pourvoi
contre sa sen tence, et cassation par arrêt solennel
du 4 mai 1833 (Sirey~ 33-1-465), rendu contre
les conclusions de M. le procmem'-général Du pi n,
qui sou Lint, avec beaucoup de raison, que le citoyen
qui travaiJle chez lui, sm' son terrain, ne peu t en
être empêché tant qu'il n'a pas été exproprié, sous
le prétexte que son fonds entre dans]e plan des
travaux publics, et que la ville, à llne époque plus
ou moins rapprochée, sera dans le cas de l'acheter
pour l'exécution de ses projets.
�645
DU DOMAINE PUTILIC.
La Cour royale d'Orléans, sur le renvoi qui lui
fut fait de la cause, rendit, classihus consullis,
un anêt à la date du I l juillet de la même année
1833 (Sirey, 33-2-562), qui condamna le sieur
Houtin à l'amende d'nn franc et à la démolition,
par le motif «qn'il avait construit sur un terrain
>, désigné pour faire un jour partie de la voie pu» blique
; qu'en agissant ainsi, îl n'avait eu
» pour but que de substituer une nouvelle clôture
>, à celle qui existait précé.demment, et qui, joi.
>' gnant la voie publique, ne pouvait, même en
>, reculant, être réparée ni reconstruite sans auto» risation du maire ...•. »
Si, aux termes de la loi du 30 juillet 1828, cet
arrêtétait inattaquable, il ne lui était heureusement
pas réservé cependant de fixer la jurisprudence; la
Cour de cassation ayant été de nouveau saisie de la
question, l'a résolue dans un sens opposé par trois
arrêts en date des 24 novembre 1837 (Sirey, 37-1967.), J7 mai 1838 (S.,38-1-932), et 16 juillet 1840
(S., 40-1-745), dont le premier est ainsi conçu:
«Attendu que l'édit du mois de décembre 1607 et
:» l'arrêt du conseildtl17févricrI765 n'obligentles
» propriétaires qui veulent construi,;e ou réparer
" des bâtiments, à demauder une autorisation ou
" la fixation de l'alignement qu'autant que les édi» fices sujets aux réparations, ou les terrains sllr
» lesquels les constructions doiven t avoi,' lieu,
" joignent la voie puhlique; - que par ces mots
» voie puhlique, on ne doit entendre que l'em ..
TOM.
II.
41
�616
Tl\.AITlt
" placement actuellement affecté à la circulation,
» et non les terrains qui sont désignés par les
" plans pour fOl'mer, à une époque indéterminée,
)' une voie publique nouvelle; - attend Il que la
» loi du 16 septembre 1807 n'a pas étendu leStEs» positions de l'édit de 1607; que l'art. 52 de cette
» loi, qui pone que, pour l'ouverture des nou» velles rues comme pour l'élargissement des an» CIennes, les alignements seront dOllnés par les
,. maires, se rapporte aux articles précédents, no» tamment à l'art. 49, qui exige que les telTains
» nécessaires pour l'ouverture des nouvelles
» rues soient payés à leurs propriétaires; que dès)' lors l'art. 52, en parlant.de l'alignement à'don" ner pour l'ouverture des nouvelles rues, suppose
» nécessairemen l l'acquisition préalahle et le paie') ment, conformément à l'al't. 49, des terrains sur
" lesquels ces rues nouvelles doivent. être ouvp.rt, au surp1us, que 1a consequence
'
" t es; ce qm"
n es
» du principe posé dans l'art. 9 de la Charte et
» dans l'art. 546 du Code civil, que nul ne peut
" être contraint de céder sa propriété, si ce n'est
" pour cause d'utililé publique, et moyennant une
" juste et préalable indemnité; - attendu que,
)' jusqu'à ce que l'acquisition des terrains désignés
» pour former une voie publique nouvelle ait été
» consommée, les propriétaires de ces terrains ne
» doivent éprouver aucune gêne dans l'exercice
» légal de leur droit de propriété.... "
Espérons que cette doctrine, dont nous aVOIH
\
�DU DOl\iMNE PUBLIC.
,647
posé le principe, indiqué la raison et démon tré
l'équité dans le parallèle placé au commencement
de ce S, ne sera plus méconnue et recevra, daus les
différents cas qui se présen teront, une application
fi'anche et sans détour; la difficulté qu'elle a eu à
prévaloir nous fournit une preuve des erreurs auxquelles expose l'absence d'une règle positive et basée snI' le fond même des choses; on penl sans doule
~\pprocher de la vérité, l'atteindre même, mais
comme c'est par l'effet du hasard, rien ne garantit la persévérance dans la honne voie (a).
Ca) La solution donnée dans ce § rend sans but la disposition
de la circulaire ministérielle du 18 août 1808, qui prescrit d'indiquer, sur les plans d'alignement, les rues à percer, leur direction, leur largeur et les bâtiments qu'il faudrait détruire, ou
du moins ces indications ne seraient utiles que comme vues d'avenir ou projets proposés aux administrations futures; mais
alors il serail bon d'avertir qu'elles n'ont aucun effet légal,
qu'elles ne grèvent la propriété d'aucdne servitude ou prohibition, et que les améliorations auxquelles elles s'appliquent ne
pourront se réaliser qu'au moyen de l'accomplissement de toutes
les mesures constituant l'expropriation pour cause d'utilité puhlique.
Nous pensons que non-seulement la formule qui termine ordinairement les ordonnallçes royales approbatives des plans.d'alignement: « Il est expressément interdit aux propriétaires de
" réparer ou de reconstruire les bâtiments existants sur les tei':"
» rains qui, d'après le plau ci-joint, doivent un jour faire partie
» de la voie publique, ces hâtimcnts devant être démolis lors» que leur état de vétusté sera reconnu dangereux; » nous
pensons, disons-nous, que non-seulement cette formule n\lUra
aucune valeur par rapport aux projets de rues et places à ou"rir,
�648
TRAITÉ
0
37 Au reste, lorsqu'il s'agit du cas de véritable
alignement , c'est-à-dire du simple rélargissemen t,
quelle qu'en soit l'étendue, de la voie publique existante, il n'y a pas lieu de distinguer entre l'hypothèse où il comprendrait la totalité ou presque
totalité de l'emplacement d'une maison et celle où
ilu'en enlèverait qu'une faible partie, qui ne nuirait pas à l'usage du surplus; dans l'une comme
dans l'autre, le droit de l'administration serait le
même pour empêcher tous travaux snI' la partie
puisque le pouvoir royal ne peut créer de servitudes en dehors
des cas prévus par la loi, mais encore que l'ordonnance
approbative d'un plan d'alignement n'aurait l'effet de celle exigée par l'art. 3, 2" alinéa de la loi du 3 mai 1841, et ne pourrait en conséquence servir de base à une expropriation qu'autant qu'elle aurait été précédée de toutes les formalités en pareil
cas voulues, et qu'elle autoriserait formellement à exproprier.
En effet, selon noUs, la simple approbation de l'alignement ne
conférerait point aux communes le droit imméd'iat de se procurer par expropriation les portions de bâtiments et de terrains
nécessaires, soit à l'ouverture de rues ou places nouvelles, soit
même au rélargissement des anciennes; c'est ainsi qu'une ordon..
nance qui approuverait les statuts d'une société anonyme pour
l'ouverture d'une rue déterminée, ne serait pas suffisante pout
requérir l'expropriation des terrains destinés à cette rue (Tl'. de
l'expl'opr., deM. Delalleau, pag. 76, 2" édiL.); c'est ainsi encore que le conseil d'état a jugé, le 19 décembre 1821, que
l'approbation donnée par ordonnance royale au budget de la
ville de Tours, qui comprenait l'allocation de la dépense pOUl'
le changement d'une fontaine, n'équivalait pas à une déclaration
d'utilité publique autorisant l'expropriation, parce que ce n'éta il
qu'une mesure d'ordre ct de comptabilité (A{acarel, tom. 2,.
page 606.)
..
�DU DOMAINE PUBLIC.
649
retranchable, ct elle ne pourrait être contrainte
d'acquérir sur-le-champ la totalité par voie d'expropriation.
On conçoit en effet que sa position et ses droits
ne peuven t changer par l'effet d'une circonstance
accidentelle, imprévue et dépendant du hasard,
qui ne doit avoir aucune influence sur le principe;
autrement il y uurait deux modes de procéder,
deux sortes d'indemnités, deux époques différentes
d'entrée en jouissance; les plus petites maisons seraient des obstacles insurmontables, tandis que l'on
couperait aisément les grands bâtiments. Viendraient ensuite les difficultés inextricables de l'application; comment déterminer la limite en deçà
de laquelle il y aurait lieu à alignement et à la servitude non aedifz·candi qu'il entraîne, tandis qu'audelà, la voie de l'expl'opriation pourraiueule être
employée? Quand un terrain serait-il-, par son exiguité, sa configuration et sa position, réputé impropre ou non à recevoir de nouvelles constructions ? La règle, nous ne cesserons de le répéter,
doit être une, inflexible et égale pour tous; vainement.dirait-on que le maître d'une chaumière étant
présumé moins riche que le possesseur d'un vaste
hôtel, il Y aurait peu d'inconvénient à ce qu'il
jouît d'une faveur refusée à celui-ci; dans la justice
commutative on ne doit faire aucune accep~ion des
personnes, de leur condition et de leur état de fortune : Pauperis non misereheris in judicio
(Exod., ch. 23, 11· 3); autrement les jugements
seraient incertains et arbitraires.-
�650
TnAITÉ
Un sieur Martin, propriétaire, à Paris, d'nne
maison ayant- 5 mètres 20 centimètres de profondeur, sur laquelle l'alignement prenait 3 mètres
90 cent., assigna la ville devantle tribunal civil Je
la Seine pour qu'elle eût à la lui acheter en totalité, parce qu'on en avait prescrit la démolition
pour cause de vétusté, et qu'étaut empêché de la
reconstruire sur ses anciennes fondations, il lui
était imposslble de tirer parti d'une bande de terrain réduite à 1 mètre 30 cent. de largeur. En réponse, la ville soutint que, s'agissant ici d'un cas
d'alignement, elle ne devait payer que quand elle
prendrait possession, et, au surplus, que l'indemnité ne pouvait être que du prix dn sol nu de la
partie à réunir à la yoie.publjque; cette défense fnt
accueillie comme elle devait l'être, par jugement
_ du J 4 septembre 1827, portant: « Attendu que
» l'art. 50 de la loi du 16 septembre 1807, traite
» du cas où le propriétaire fait volontairement
abattre sa maison, comme de celui où il y est
» forcé par la vétusté des constructions; tandis que
» l'art. 5 1., an con traire, l'applique uniquemen tau
» propriétaire qui est obligé de céder à la commune
» ou à l'état toutou partie de sa maison p01l1' cause
» d'utilité publique; - qu'il a été décidé par l'an=» torité compétente que la maison du sienr Mar» tin devait être abattue à Ca\lSe de sa vétusté, et
» que, par suite, celui-ci se trouve évidemment
» dans la première de ces positions, le déboute de
» sa demande. »
):>
�DU DOMAINE PUBLIC.
651
Une question analogue ayant été portée pardevant la Cour royale de Nîmes, fut résolue dans le
même sens. Le sieur Spale, acquéreur de l'emplacement d'une maison située à Lille (Vaucluse), et
démolie pendant les troubles civils; voulut y élevel'
un nouveau bâtiment, mais il en futempêché par le
maire, qui, au moyen du plan d'alignement, avait
fait comprendre la presque totalité du terrain dans
le l'élargissement dela voie publique; c'est sur l'instance qu'il intenta en main·levée de cette opposition, qu'intervint un arrêt rapporté en ces tel'mes
dans la Gazettedes Tribunaux du 31 décembre
1828: cc Attendu que les ouvrages commencés pal'
» Spale sontde véritables co'nstructions; -attendu
» qu'nne ordonnance royale ayant prescrit un
» alignement pour la place sur laquelle sont situés
» les terrains qui font l'objet de la contestation,
» le sieur Spale n'a pu élever de constructions
:» sur cette place sans l'autorisation de l'autorité
» municipale; que dès-lors le maire est bien fondé
» à s'opposer à la continuation des ouvrages com» mencés; rejette la denlande du sieur Spale et le
;n condamne aux dépens. »
La même opinion est aussi professée pal' M. Davenqe, dans son Supplément au recueil des lois
de voirie, pag. 37, où, répondant à l'objection
tirée de ces expressions finales de l'art. 50 de la loi
du 16 septembre 1807, recuLe,r sa construction,
qui sembleraient indiquer qne l'alignement ne
peut que retrancher une partie, mais 110n enlever
�652
la totalité, il dit:
»
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»
»
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»
TRAiTÉ
« S'il est constant que l'administration ait le droit de prendre la plusgrande partie
possihle des bâtiments, il fant en conclure qu'elle
pen t les prendre en entier, car il suffirait, pour
faire évanouir tout sCl'llpule , de laisser an propriétaire la moindre parcelle de son terrain; ce
serait une dérision. Admettons pourun moment,
l'hypothèse d'un plan d'alignement qui s'exécuterait suivant le principe contesté; il pourrait
arriver que, dans l'élargissement d'une rue 011
d'une place puhlique importante, les plus petites
maisons devant être emportées en totalité, fussent exceptées de l'application des réglements de
voirie, parce que la ville se serait réservé de les
acheter intégralement, ne le pouvant actuellement faute de ressources, tandis que d'autres
maisons plus considérables, mais dont l'alignement enlèverait les neuf dixièmes de la surface,
bien qu'en réalité elles dussent disparaîtreeutièrement comme le" premières, resteraient néanmoins soumises aux prohibitions et à toutes les
conditions onéreuses dont celles - ci seraient
exceptées; - on se demande comment, dans ce
cas, l'administration justifierait aux yeux des
propriétaires lésés, la rigueur don t on se serait
exclusivement servi envers eux. Ne s'exposeraitèlle pas au reproche d'arhitraire et d'injustice,
en poursuivant la répression des contraventions
dont ils se seraient rendus coupahles, afin d'éviter l'application des réglements, déjà très-pré-
�DU DOM.A.l'"!\E PUBLIC.
653
judiciahles aux intérÉhs privés, et qui devicnuen t
odieux s'ils ne sont observés également pal'
» tous P» Il ajoute que cette opinion a prévalu depuis 1807 jusqu'à ce jour, et il cite à l'appui une
décision ministérielle du 6 mars üh2, au sujet
des plans d'alignement de Sommières et de Saint~
Hilail'e-du-Harcou rt.
38° Nous avons dit, au commencement du
S 36, pag. 624 ci· dessus ,en établissant le parallèle
entre l'cxpropriationell'aligneme11t, que dans ce
dernier cas l'indemnité ne devait être que de la
valeur du sol nn de la partie de terrain réunie à la
voie publique, sans égard à la dépréciation du surplus; ce principe, qui a été contesté et qui a même
donné lieu à une sérieuse disside.nce dans le sein
de la Cour suprême, a besoin d'être justifié. L'art.
50 de la loi du 16 seplembre 1807 est, il est vrai,
hien positif, puisqu'il porte que le propriétaire
»
»
n~a
droit à indemnité que pour la vaLeur du
terrain délaissé; mais il est suivi de' près par un
antre, le 53 e , qui, clans l'hypothèse inverse, celle
où le voisin reçoit l'autorisation d'avancer, veut
que l'estimation comprenne aussi la valeur relative,
c'est-à-dire ait égard aux avantagl"s et aux inconvénients produits par l'opération (a); or, dit-on,
(a) C'est aujourd'hui un point hien constant, que l'indemnité
en cas d'expropriation proprement dite doit être intégrale, c'està-dire doit réparer tout le dommagê causé, de manière que le propriétaire ne ressente plus, et sous quelque rapport que ce soit,
aucune espèce de lésion; cette vérité ressort non-ieulement du
�TRAITÉ
il Y a là deux corrélatifs qui doivent être soumis à
la même règle; les principes applicables au dernier,
s'étendent aussi nécessairement au premier; la:
position de la commune ne peut être différente
lorsqu'elle acquiert que lorsqu'elle vend; elle ne
peu t se servir cl e deux poids et deux mesn res ; c'est
évidemment la valeur complète qui doit être
payée, d'autant plus que la loi de 1810 et surtout
celles de 1833 et 1841, en prescrivant une indemnité intégrale, auraient au besoin modifié l'art. 50
que nous eXam1l1011S.
~.
Nonobstant ces raisons habilement cMvelùppées
par Me Odilon-Barrot, dans l'intérêt d'un sieur
Villette, don tla mai:)on avait été démolie, comme
menaçant ruine, par ordre du maire, et qui n'avait
obtenn l'autorisation de la reconstruire qu'en se
retirant sur l'alignement, la Conr suprême, après
terme pluriel indemnités employé par les art. 16 de la loi du
8 mars 1810 et 53 de celles des 7 juillet 1833 et 2 mai 1841,
mais aussi et principalement de l'esprit de ces lois, et du rapprochement de plusieurs de leurs dispositions. Aussi la jurisprudence et les auteurs sont·ils d'accord à ce sujet. Voyez l'arrêt
de la Cour de cassation du 21 février 1827 (Sirey, 27-1-162),
celui du conseil d'état du 24 janvier précédent (S., 27-2-271),
M. Delalleau (Tr. de l'expropr., tÎt. XI, 2e édit., pag. 249 et
suiv.). -Des lettres-patentes de Charles VI, d'avril 1407, portaient déjà que le sacrifice d'une propriété privée ne pouvait être
exigé par l'état que moyennant une condigne récompensation. '"
du loyal prix .... et juste valeur..... et des autres intérêts et
loyaux coustemens. (Maximes du droit public, in-4°, tom. 1"r,
page 86.)
,'
�DU DOl\lAlNE PUBLIC.
655
partage d'opinions, a cassé, par arrêt du 9 juillet
l~h9 (Sirey.) 29-1-308), celui de la Cour de
Douai qui avait accordé une indemnité? uon-seulemen t pOUf la valeur du sol, mais encore pour la dépréciation de l'édifice et pour les frais de la reconstruction sur Je nouvel ;llignemeut; voici les motifs
de cette décision importante: cc Attendu que l'ar» rêté du DJaire l'eu trait dans l'application dela loi
» du 16 septembre 1807. qui, dans ses art. 50 et
» 52, renferme des dispositions spéciales relatives
" aux alignements dans les villes et aux démoli:» tiODS ordonnées pour cause de vétusté, et non
" dans ce)Je de la loi du 8 mars 1810, dont les
» dispositions sont étrallgel'es au cas particulier
" dont il s'agit; - attendu que des dispositions
» combinées des art. 50 et 52 de la loi du 16 sep" tel1Jbre 1807, il résulte: 1 0 que daus le cas de
" démolition de tout ou de partie d'un bâtiment
" pour cause de vétusté, sa reconstruction ne peut
" avoir lieu qu'à la charge par le propriétaire de se
» conformer à l'ali;'nement
arrêté [)ar l'autorité
b
" administrative compétente; 2° que l'indemnité
~) duc au propriétaire, qlli, par l'effet de cet alignc» meut, se trouve forcé Je reculer sa nouvelle
» construction, consiste uuiqueruentdans la valeur
») du terrain par lui délaissé; qu'en jugeant le
contraire, et cn décidant, pal' application de
) l'art. 20 de la loi cl li 8 mars 1 8, 0, que l'indem) nité due au sieur Villclle, à raison Ju recule» ment qui lui a été imposé par l'alignenlCùt,
)J
�656
TRA.lTl~
devait être évaluée, non sur la v;lleur dn terrain
délaissé, mais d'après tout le dommage résultant
» ponr lui dudit reculement, la Cour royale de
» Donai a fait à la cause nne fausse applicati0l1 de
::" la loi du 8 mars 1810 et a violé les art. 50 et 52
:» de la loi du 16 septembre 10°7; casse ... »
Cette solution pourrait paraître sans obiet, aHjourd'hui que les indemnités en cas d'alignement
doivent être réglées par le jury qui n'a point à
rendre compte des motifs et des éléments ùe son
évaluation, si nous n'avions l'espoir que celte belle
institution repoussera comme un présent funeste,
l'omnipotence dont on veutl'investir, et qui, la pla~
'çant au-dessus des lois,la compl'Omettraitaux yeux
des peuples, pal' son irresponsabilité même. « En
» effet, où en serait-on, dit le président Bouhier
» (Dis~ert. citée pag. 590 ci-dessus), s'iL était
~, permis aux magistrats de préférer, en jugeant,
)' ce qu'ils s'imaginent être Je plus équitable, à ce
» qui est ordonné par le législateur? >, Après leur
avoir adressé ce reproche du savant d'Argentré,
»
::»
cur de lege judicas J qui sedes J ut secundùm
legem judices? on finirait par ajouter avec lui:
aut igitur sedere desinant J aut secundùm leges
judicent (a).
(a) Voyez, sur cet abus" les judicIeuses observations d'un
savant magistrat de la Cour royale de Dijon, M. De Lacuisine,
dans son ouvrage: De l'administration de la justice criminelle
en France depuis la réforme, de la législation, notamment
pages 17 et suÎv.
�DU DOMAINE PUBLIC.
657
L',estimation du tel'fain réuni aux rues des villes,
bourgs ct villages devra être faite au prix vénal
des terrains à bâtir dans la même localité, en prenant dès-lors en considération l'importance de la
population, celle de la voie publique et du commerce qui y est établi, la situation et ce qu'on
appelle le pas de la maison. Mais on ne devra avoir
aucun égard ni à ce que cette maison sera privée
de ses aisances, ni à ce qu'étant plus étroite, elle
sera moins commode et d'une plus faiLle valeur,
"ni à la dépréciation résultant "de ce que pendant
très-longtemps et jusqu'à ce que les constructions
voisines se retirent aussi sur l'alignement, elle se
trouvera dans un renfoncement, ni à l'abandon
.par le propriétaire de tout ou partie de ses caves,
on substructions, de ses puits, fosses d'aisances, etc.,
ni à la nécessité de reconstruire à grands frais de
nouvelles et profondes fondations. En un mot, le
terrain devra être estimé comme vagueet nu, à son
prix intrinsèque, abstraction faite de ses rapports de
nécessité, d'utilité, de convenance et d'agrément
avec le bâtiment dont il est retranché, absolument
comme s'il avait toujours formé à lui seul, une propriété complète et isolée.
IJe propriétaire ne pourra en outre, à la différence de ce qui a lieu en cas d'expropriation, contraindre la commune à lui acheter ses matériaux;
il aura seulement la faculté de retirer tous ceux
qui pourront lui être utiles, el de combler les souterrains jusqu'au nive.m du sol, avec les déblais et
�658
TRAITÉ
décombres produits par la démolition; s'il y avait
des plantations, il pourrait aussi les enlever.
39° Quant à l'étendue supedicielle du terrain,
par rapport à laC\llelle l'indemnité devra être calculée et payée, elle ne doit comprendre que ce
dont le propriétaire jouissait à titre de maître et
exclusivement, c'est-à-dire tont ce qui était enveloppé pal' les murs de sa maison,de sa cour,de sou
jardin, etc., y compris, bien entendu, l'épaisseur
enticre desdits murs dont la commnne ne saurait
être admise à réclamer la mitoyenneté, puisqu'ils·
forment une dépendance des propriété.s riveraines
et non de la voie publique.
La limite devra ètre déterminée au niveau du
sol, par la ligne que formera l'in tersection de son
plan horizontal par celui vertical du paremel t
extérieur du mur, sans égard à l'inclinaison en avant
ou en arrière qm: présenterait la partie supérieure
de ce mur, soit par suite dc vétusté, soit parce
qu 'originaireOleb t il a II rait été ainsi construit, non
plus qu'à s911 empatement ou saillie de ses fondations sons tClTe, car pour les murs, comme pOUl' les
arbres,c'esL à la surface même du sol naturel que la
démarcation de la possession doit être faite.
Il suit de la que l'on ne devra tenir aucun
compte au propriétaire, ni de l'emplacement des
hancs, bornes, marches d'escaliers, perrons, trotoirs, tambours, becs d'évier, etc., appliqués au
mur de face, ni de celui des descentes de caves,
sonpiranx, souterrains, puits, citernes, lieux d'ai-
�DU DOMAINE PUBLIC.
659
sances s'élf.'ndant sous la voie publique, ni enfin'de
celni correspondant aux corniches, balcons, auvents, encorbellements ou avances des étages supérieurs sur le rez-de-chaussée, parce que toutes
ces s"illies n'existent que par toléran~,e, et qu'elles
forment autant d'anticipations qui ne peuvent
être maintenues par, la prescription, quel que soit
le temps depuis lequel elles existent et encore,
qu'elles aient été même formellement autorisées
par l'admiujslration, ainsi que nous l'avous expli-qué ci-dessus, p"g. 122 et 476.
Si, comme d'anciennes constructions en offrent
des exemples, l'avance que fait sur le rez-de-chausée, l'étage supérieur était soutenu par des piliers
en pierre ouen bois, placés dans la rue de manière
à former une espèce de passage couvert pour
les piétons, nOllS pensons que cet esp~ce ne
devrait point être réputé une dépenda'nce de la
maison, pourvu qu'il fût au même niveau que la
voie publique, et qu'il n'en fût séparé pal' aucune
clôture.
Mais il en serait autrement du cas où, au lieu de
piliers isolés, il Y aurait, ainsi que cela existe dans
la l'ne de Rivoli, à Paris, uue série d'arcades formaut la base des façades, se liant avec elles et en
faisant évidemment partie, parce qu'alors ce serait
une disposition particulière de la coustrnclion et
non une anticipation sur la rue.
L'administration, autorisant pour la décoration,
l'application au mur de face, de pilastres, socles,
�660
TRAITÉ
colonnes et autres ornements ti'architecture ou de
sculpture, ces saillies ne constituent pas un droit
au profit du propriétaire qui, lorsqu'il voudra reconstruire, ne pourra, à moins d'une nouvelle autorisaLÏon, dépasser le nu du mur.
40° De ce que, comme nous l'avons dit, l'alignement n'est point, ainsi que l'expropriation, nne
charge nouvelle, imprévue et accidentelle imposée
par u ne volon té su périeure à la proprihé, mais
constitue une servitude nécessaire, préexistante,
connue à l'avance et résultant d'un quasi-contrat
ancien, on doit en induire que le droit à l'indemnité ne s'ouvre que par sa réalisation et sa mise à
exécution effectives ct matérielles, et non par sa
simple déeIaraLÏon ou manifestation au moyen d'un
plan et d'nn réglement de voirie; en effet, en
dressant ct en promulguant ces actes,l'administration publique ne cha nge pas la condi tion de la'
propriété privée, elle ne fait qu'en déterminer
l'état; elle ne lui impose aucun sacrifice nouveau,
et par suite ne se soumet pas à l'indemnité préalable décrétée pal' les art. 545 tlu Cod. civ. et 10 de
la Charte constitu'tionnelle.
Ces principes ont été consacrés par l'arrêt suivant de la Cour de cassation du 7 août 1~h9
(Sire.Y~ '29-1-394): cC Attendu que, d'après les
» art. 50 et 52 de la loi du 16 septembre 1tl07,
» les propriétaires des maisons et édifices qui
» doivent, en ton t ou en partie, être compris dans
» les alignements arrêtés et être rendus à la voie
�661
DU D01\fAINE PUBLIC.
)' publique ~ ne sont pas à l'instant dépossédés de
n leur pl'Opriété, ni tenus de se reculer ou de
;>, démolir de suit~; qu'ils continuent, au contraire,
)' de jouir de leurs maisons ou bâtiments dans
» l'état où ils se trouvent, jusqu'à ce que ces édi» lices soient sujets à être démolis pour cause de
» vétusté, on que volontairement ils les démo» lissent eux-mêmes; qu'alors seulement, c'est-à» dire au moment de la démolition, ils ont droit
" à l'indemnité de la valeur du terrain à délaissel' ;
)' mais qu'à dater de la signification de l'ordon» nance fixant les alignements, les propriétaires
)' des édifices sUJets à cet alignement ne peuvent
» ni faire de nouvelles constructions, ni exécuter
» des ouvrages tendant à consoliùer, reconforter
» ou réparer les murs et bâtiments faisant face à la,
» rue, sans avoir demandé et oLten u la permission
» du maire. »
Il suit du principe q ni a servi de base à cette décision, d'une part, que l'estimation du terrain
retranché doit être faite suivant sa valem', non au
jour où l'alignement a été demandé eLla démolition
commencée, mais à l'époque où, par suite de son
achèvement et de l'enlèvement de tous les matériaux, la commune a pris ou pu prendre posses-'
sion; et d'uu autre côté, que c'est aussi il 'Ilartir'
du même moment que les in,térèts de l'indemnité
doivent commencer à courir.
41° Quand le terrain est libre et déblayé, la
commune pourrait-elle difft;l'er le paiement de l'inTOM:. II.
42
... ,.,.......
~
'"
,.
:'
....
'. ~,.,
.,
�662
TRMTÉ
dcmnité; et si, faute de fonds disponibles, il lui
était impossible de l'effectuer sur-le-champ, le
propriétaire serait-il fondé à refuser de prendre
l'alignement et alors à reconstruire sur ses anciennes limites?
La solution de ces questions était facile sous
l'empire de la loi du 8 mars 1~10, dont l'art. 20
portait, relativement aux acquisitions par expro~
pl'iation, cc si des circonstances particulières em~~ pêchent le paiement actuel de tout ou partie de
» l'indemnité, les intérêts en seront dus à compter
» du jour ùe la dépossession, d'après 1't;valuatioH
» provisoire et définitive de l'indemnité, et payés
» de six mois en six mois, sans que le paiement
~~ du capital puisse être rctardéau·delà dc trois ans,
» si les pro priétaires n'y consen ten t. »
C'est am.si en se fondant sur cette disposition,
que, par sa circulaire du 16 mai 1825, le ministrc
de l'intérieur avaIt porté la décision suivante: « Il
0
:n fan t distinguer ici deux cas: 1
cel ui où le pro» priétaire fait ùémolir volontairement; 2° celui
~~ où il y est contraint par la ruine de son édifice."»
Dans la première hypothèse, la ville est certai~
» Dement en droit J'ajourner le paiement de l'in~) demnité due pour la valeur du terrain cédé,
» puisque le propriétaire est libre de conserver la
» jouissânce de ce terrain, et que les alignements
» arrêtés par les plans généraux ne sont censés
» exécutables que par mesure de voirie, c'est-à» dire quand -les bâtiments atteints par les projets
�DU DOMAINE PUBLIC.
663
sont arrivés au terme de leur durée; elle peut
" donc en pareille circonstance, et sans blesser les
» droits des tiers, subordonner le remboursement
" du prix des terrains ab:l11donnés, aux moyens que
» l'état de ses finances et des besoins plus pres» sants lui permettent d'adopter. Dans le cas
" de démolition pour raison de sûreté publique,
" l'indemnité est plus rigoureusement exigible;
» mais comme le besoin de cette démolition n'a pu
» être prévu à l'avance, que la somme nécessaire
» pour solder le prix du terrain réuni à la voie
» publique peut ne pas figurer dans le budget de
» la ville, le paie men t est encore susceptible d'a» journement; toutefois il convient, dans l'es" pècc d'équité qui doit présider aux actes de
» l'administration, de ne pas retarder au-delà du
» temps nécessaire ponr régularise,' l'allocation
" du crédit, la liquidation et le paiement de l'in» ùemni té. »
Mais aujourù'hui que l'article ci-dessus rapporté
de la loi du 8 mars 1810 a été abrogé par les
chartes de 1814 et de 1830, âinsi que par les lois
des 7 juillet 1833 et 3 mai 1841, et qu'à la faculté
dont il investissait l'administration, a succédé l'application rigoureuse du principe de l'indemnité
préalable posé dans l'art. 545 du Code civ., il est
cerùin qué la distinction indiquée par la circulaire
ne peut pll;ls être admise, et que, dans le cas où le
propriétaire démolit spontanément, comme dans
celui où il est contraint de le faire, l'indemnité
»
�66!l.
TRAITÉ
doit lui être payée, sinon avant la démolition, ce
qui serait impraticable, au moins aussitôt que la
commune peut prendre possession; cependant encore faudrait-il accorder, en outre, le temps nécessaire pour vot.er le crédit, le faire approuver par
l'autorité supérieure, et se procurer les fonds si aucune allocation ,n'était portée à cet égard dans le
hudget. Notre .proposition, en effet, que le paiement de l'indemnité doit être immédiat, ne peut
-s'entendre qu'en ce sens que le droit à l'obtenir
existe, que la dette est exigiple et obligatoire, et
'<Ille tous les moyens ouverts par la loi pour contraindre à son acquiuemen t peuvent être employés;
mais il doit se rencontrer, enfait~ des causes de retard constituant une impossibilité matérielle, aux
conséquences de laquelle le propriétaire sera obligé
de se -soumettre. Tout ce qu'il 1ui serait sans doUle
loisible de faire alors, ce serait de retenir la possession de son terrain jusqu'à cc qu'il soit désintéressé; mais quelque prolongé que soit ce retard,
il ne pourrait jamais s'cn' prévaloir, soit POlU'
reconstruire sur sés anciennes fondations, soit
même pour effectuer des réparatîons prohibées,
parce qu'il y a ici un motif d'ordre pllhlic el d'intérêt général p~rpétuel qui doit faire taire tou te
consi,lération particulière, et dont la puissance nc
peUL être paralysée par une circonstance accidentelle et passagère.
Le seul cas dans lequel il serait peut-être permis
de revenir à la solution donnée par la circulaire,
�DU
DO}IAINI~
665
PUBLIC.
pour la première hypothèse qu'elle prévoit, serait
celui que nous avons, du reste, Vil se présenter, où,
dans le but d'empêcher le l'élargissement, jugé nécessaire, d'un chemin vicinal burdé par des terrains
d'une grande valeur, des jardins par exemple, tous
les propriétaires riverains, ayan~ la certitude que
la commune n'a pas les ressources suffisantes ponr
les solder sur-le-champ, s'entendraient pour demander en même temps l'alignement, à l'effetd"amener indirectemen t l'administration à se départir
de son projet.
.
Nous pensons qu'une pareille manœnvre devrait
être déjouée; que si le tracé' était véritablement
utile, il devrait être maintenu, l'alignement donné
en conséquence et l'indemnité liquidée i mais que,
quant au paiement, l'autorité supérieure;. sa!1s.1a
permission de laquelle on ne peut, aux termes de
l'art. 46, 3 e alinéa, de la loi du l'~ juillet 1837.,
faire aucun acte d'exécution sur le.s biens meu'bles'
et immeubles des communes, aurait la faculté dt(Ie
répartir en plusieUl's termes cl de le snbQrdonner
à la réalisation sllCcessive des ressources possibles
de la commune résultant d'emprunts, d'impositions
extraordinaires, etc.
C'est snns doute la crainte d'exposer les petites
communes à des. embarras flnanciers,de cette nature, soit provoqués à dessein, soit même sutvcnan t
'naturellement, qui a déterminé le minisir~~ à 'n
prescrire, par ses circulaires des 17 août lih~' et
7 avril dh8, la confection des plans généraux d'a-
..
'
�666
TRAITÉ
lignement que dans les villes ct hourgs ayaut 1l11C
population de plus de deux mille habitants; sallf~
dans les autres, à ne donner les alignements qu'à
mesure des demandes ct en subordonnant les l'élargissements ct rectifications aux moyens actuels
de payer les indemnités qui en résulteraient Ca).
420 Nous avons indiqué dans les SS précédents
les difierences impo'rtantcs qui existent entre l'indemnité en cas d'expropriation et celle quiest due
au propriétaire dont on prend une partie et quelquefois ~ême la totalité de sa propriété par voie
, d'aligne'ment; d'au tres, non moins remarquables,
sont à signaler entre celle-ci et celle à la charge
de ce propriétaire, lorsqu'au lieu de reculer,
il est obligé de s'avancer; cette dernière hypothèse est réglée par la loi du 16 septembre 1807,
ainsi qn'il suit:
cc Art. 53. Au cas où, par les alignements ar", » rêtés, un propriétaire pourrait recevoir la faculté
» de s'avancer sur la voie publique, il sera tenu
» de payer la vale1.ll' du terrain qui lui sera cédé.
» Dans la fixa tion de cette valeur, les experts all» l'ont égard à Ce que le plus ou le moins de pro". .
, (a) Ces circulaires paraissent cependant avoir été modifiées
. par celle du 29 juillet 1823, qui se termine en ces termes:
'« ' Ainsi, M. le préfet, je vous invite à faire la même instruci) tipn pour ces rues (celles des communes rurales) que s'il s'agissait de routes départementales ou de plans d'alignement
» des villes, et à ne fixer qu'après la délibération des conseils
» municipaux la largeur à donner à ces rues. "
l),
�DU DOMAINE PUBLIC.
667
fondeur du terrain cédé, la nature de la pro~) priété , le reculement du reste du terrain bâti ou
» non bâti loin de la nOllvelle voie, peut ajouter
» ou diminuer de valeur relative pour le pro prié» taire. »
» Au cas où le propriétaire ne voudrait point
» acquérir, l'administration publique est autorisée
» à le dépossédel' de l'ensemble de sa propriété,
» en lui pa)'ant la valeur telle qu'elle était avant
» l'entreprise des travaux. La cession et la revente
» seront faites comme il a été dit en l'art. 51 ci» dessus. »
On voit qu'ici il ne s'agit plus de la valeur absolue et vénale, mais d'une valeUl' l'dative et de \
convenance pour la fixation de laquelle la loi veut
que l'on prenne en considération trois choses:
0
1 l'importance superficielle du terrain; une bandé
de quelques centimètres de largeur ajoutant peu
de prix ft une maison déjà suffisamment large et
ayant du vide par derrière, tandis qu'un emplacement assez considérabledont onaura la faculté de
faire nne cour, un jardin, ou sur lequel on élèvera
des aisances, pourra singulièrement améliorCl' une
maison étroite et sans dépendances; 2 0 la nature
de la· propriété, à laquelle le terrain doit être
réuni, en ce que l'agrandissement d'une boutique
ou d'un bôtel est certainement plus avantageux
que celui d'un hangar, d'une grange, d'un chantier, d'nne eour; nous pensons que ce chef doit
comprp.ndre aussi la situation qe la maison et l'im»
l
�668
l'RAlTÉ
portance de la l'ne sous le rapport du passage, du
commerce, des habitations qui la bordent, de sa
position centrale et à proximité des établissements
publics., etc.; 3 0 enfin les avantages ou les inconvénients que la réunion du nouveau telTain à
la propriété voisine peut produire, en éloignant,
par exemple de la rue, une boutique établie dans
une maison solide et que rien ne déterminait à
reconstruire, ou, au contraire, en permettant de
réédifier dans des dimensiolls convenables un bâtiment trop exigu qui était sur le point de tomber
de vétusté.
Ce mode d'évaluation étant évidemment plus
juste que celui à la valeur absolue, prescrit par
l'art. bo, pour le cas de reculement, puisque la
valeur des choses est de convention et dépend
presque uniquement de leur utilité, on peut demander quels ont été les motifs de la diffénence et
pourquoi il n'a pas été adopté également dans les
deux hypothèses qui paraissent tout·à·fait identi.
.
.
qnes, qUOIque en sens IOverses.
La réponse est facile: d'une part, lorsqu'il y a
lieu à reculement, le propriétaire n'estpas le maître
de céder ou non son terrain, il doit nécessairement
l'abandonner, et on conçoit que dans cette situation, le moins qu'on puisse faire est de le lui payer
selon son prix vénal, sans recherche,' s'il lui était
plus ou moins iuutile pour le présent ou pOUl' l'avenir; quand il s'agit, au contraire, d'avancer, la
cession est facultative pour la ville, et l'acquisition
�\.
"
DU DOMAINE l'VBue.
obljg~e
669
pour le propriétaire; on ne pourrait, sans
injustice, le forcer à acheter, moyennant sa valeur
absolue, une chose qui, pour lui, ne présente.
peut-être aucun avantage; le contraignant à la
prendre contre son gré, il faut ne lui demander
que l'équivalent du bén,éfice qu'il peut en tirer. Il
est vrai que la valeur relative pourrait quelquefois
être fixée au-dessus de la valeur absolue; mais ce
cas ne se présen tera ja mais quand le propriétaire
fera des difficultés pour acquérir et démon trera
ainsi son peu d'intérêt; il ne pourra guère avoir lieu
que quand il sollicitera la cession ; et alors on ne
lui causera aucun préjudice en lui faisant payer
la convenance. D'un autre côté, il ne faut pas se
dissimuler que la loi d'alignement a été conçue
et a dû l'être, comme ayant pour objet l'utilité
publique, dans l'intérêt des villes, et en prenant
en leur faveur toutes les mesures de prudence; on
a dû notamment ne pas les exposer à des chances
trop considérables de perte, et à des dépenses dont
il aurait été impossible de prévoir à l'avance le
.chiffre; or, c'est ce qui serait cependant arrivé si on eût admis le principe de plus-value en cas de
reculement; on n'aurait eu aucune base pour
apprécier l'étendue des sacrifices à faire; une commune eût pu, .selon certaines circonstances, se
trouver ruinée par suite de l'adoption d'un alignement, tandis qu'il est toujours facile de déterminer approximativement la valel1l' vénale d'une
sllperficiedonnée. Le même danger n'est pas à
�GiO
TRAITÉ
redouter dans l'hypothèse inverse où la ville a des
tenains à céder; elle ne peut courir que la chance
de moins gagner etde ne pas retirer toute la vnlel1r
de sa chose; mais elle ne contractera jamais des
engagements au-delà de ses moyens.
,
C' est d
onc 'a tort que, d!lns l" espece rapportee
S 38, pag. 654 ci.dessus, l'ha hile déf~nseur du
sieur Villette argumentait de la disposition Je
l'art. 53, au cas de reculement. Le législateur,cherchant àconcilier la justice avec la prudence,a établi
deux principes différents: l'un, d'une évaluation
absolue et non susceptible d'être modifiée par des
circonslances extrinsèques; l'autre, d'une estimation relative, aléatOire, et par suite variable selon
les lieux, J'état et la position des fonds voisins.
U ne antre différence entre les deux hypothèses
. consiste en ce que dans celle du reculement la
cession est forcée aussi bien de la part du cédant
que de celle du cessionnaire,c'est-à.dire que quand
le bâtiment est démoli, la ville ne pourrait pas plus
refuser d'acheter que le voisin ne pourrait se dispenser de vendre; tandis que dans l'autre, l'administration municipale n'est point ohligée de céder
le terrain retranché; elle peut le conserver, soit
pour donner' plus de largeur à cette partie de la voie
puhlique, soit surtout pour empêCher qu'elle ne se
trouve rétrécie ou interceptée lorsque les maisons
situées de l'autre côté, et qui,d'après le plan, doivent
reculer, ne sont pas encore sur le point d'être démolies; notre inticle ne peut laisser aucun doute
�DU DOMAINE PUBLIC.
67'1
à cel égard; il accorde une faculté, mais il n'impose point une obliga tian, ce dans le cas, porte-t.il,où
.» un propriétaire pourrait recevoir la faculté Je
» s'avancer.•..• » Il fant appliquer ici ce que nous
avons dit nO 568 ci-de.ssus, par rapport à la suppression ou au rétrécissement des chemins vicinaux.
Il suit, comme conséquence de l'entière liberté
laissée à cet égard aux villes:
1 ° Que si Je terrain retranché avait quelqu'e
étendue, et que la propriété voisine n'y eût ni porle
ni fenêtres, qu'il joignît, par exemple, un mur de
cour, de jardin ou de hangar, il pourrait et devrait
même être vendu avec conciurence et p!Jblicité;
les voisins ne pourraient se prévaloir du droit de
préemption qlle leur accorde l'art. 19 de la loi du
21 mai 1836, spécial pour les chemins vicinaux;
il en serait autrement, bien entendu, si l'emplacement était trop peu profond pour qu'on pût y
élever un bâtime\lt, ou si il était grevé, dans l'intérêt de la maison voisine, de droits de passage et
de vues que nOlls avonsdit, nO 570 ci-dessus, exister
à titre de véritable servitude Ca); ces droits devant
(a) Plusieurs auteurs, E:t notamment M. Husson, dans le
Traité de la législation des trafJaux publics> qu'il a publié en
1841 (tom. 2, pag. 465 et suiv. ), soutiennent le contraire en
se fondant mal-à-propos sur le principe de l'imprescriptibilité
des rues et chemins, et faute de distinguer entre les servitudes
contraires à la destination de ces voies et celles qui rentrent
dans leur destination.
�672
TRAITÉ
être ré~ervé's, il Y aurait impossibilité de vendre
à des tiers;
2°' Qti~la ville, en cédant le terrain anx riverains,
peut faire les réserves et imposer les servitudes qui
lui paraissen t r.éclamées par l'intérêt public; telles
que de bàtir dans un délai fixé, suivant nn dessin
d'architectUl'e donné, à une hauteur déterminée, etc; maîtresse de ne pas vendre, elle peut ne
le faire que sous certaines conditions dont la charge
seulement devra être prise en considération.lors de
la fixation du prix.
Dans le cas où l'alignement entame les proprie':.
tés situées sur les bords de la voie puLlique, le
moyen d'exécUlion est facile ; l~ maison étant dé.;..
molie par une cause quelconqne, le propriétaire
ne peut la reconstruire que sur la nouvelle limite,
et ainsi s'opère, par le fait, la rénnion à la l'ne de la
partie retranchaLle; si, nonobstant le plan, il voulait réédifier sur ses anciennes fondations, il serait
traduit devant le tribunal de police qui ordonnerait la démolition de l'indue construction. Il n'en
est pas de même dans le cas inverse où le riverain
doit s'avancer; les lois peuvent bien empêcher directementde faire, mais elles ne peuventcontraindre directement à faire, nemo potes! praecisè
cogi ad /àctum. « Par respect pour la liberté,
" 'ainsi que le dit Toullier (tom. 6, nO 217 ) , elles
" n'ont point étendu jusque-là leur pouvoir coer» citif. )' Com~e il était cependant nécessaire que
l'~dministration.nese trouvât point paralysée par le
�DU DOMAINE PUBLIC.
673
mau vais vouloir du riveràin, lorsque, à raison
d'une des causes indiquées ci-dessus, le terrain ne
peut être cédé à un tiers., l'art. 53, (fue nous examinons, don 11e te d l'oit 'de le déposséJer de l'ensemble de sa propriété en lni en payant la valeur
telle qu'elle était avant l'en trep"ise des travaux.
Quoique, depuis plus de 3b ans que cette disposition a été promulguée, il n'y ait. pas un seul
exemple de son application, toujours l'ad minis'tration s'ét·ant montrée facile, et les riverains em,pressés d'augm,- ù ter leurs propriétés, il convient
de préseuter sur la manière dont clle devrait être
~xécutée, le cas échéant, quelques observations
,d'autant plus nécessaires qu'il n'existe à cet égard
ni d trine des auteurs, ni monuments dejurispru·dence.
Nous pensons d'abord que la dépossession dont
'il s'agit ne pourrait pas être prononcée par suite
d'une action ordinaire portée devant les tribunaux,
soit administratifs, soit judiciaires" et que c'est la
voie de J'expropriation, telle qu'elle est organisée
.par la loi du 3 mai 1841, qu'il faudra~t prendre.
cc La dépossession du propriétaire qUI ref,-!se d'avan» cel', dit M. Delalleau (1 re édition de son Traité,
» publiée avant la loi du 7 juillet 1833), est cer» tainement une expropriation, et le propriétaire
» qui doit en être atteint serait en droit, selon
» nous, d'exiger que l'on remplit à son égard
» toutes les formalités de l'expropriation, car la
" loi du S mars 1810 les exige généralement et
�674
TRAn~
» sans aucune exception pour. le cas qni nous
» occupe.» Seulement, comme le droit de déposséder le voisin estformellement écrit dans l'art. 53
de la loi de 1807, et que l'ordonnance approbative
du plan d'alignement se réfère nécessairement à
cette disposition, il ne serait pas nécessaire d'obtenir une ordonnance spéciale d'expropriation,
comme nous avons dit à la note de la pag. 647, cidessus, qu'il faudrait le faire en cas de reculement.
La différence vient de ce que le retranchement pal'
alignement ne doit s'opérer que successivement et
à mesure de la démolition des maisons, tandis
qu'aucune condition de cette nature, ni aucun
autre délai ne sont imposés à la ville qui veut faire
avancer les propriétés riveraines jusqu'au no velu
tracé; tout dépend ..d e la ·volonté de l'administration et des ressources dont elle peut disposer pOUl'
payer l'indemnité; aussitôt qu'elle somme le propriétaire de se conformer à la loi, celui-ci doit
s'exécuter sous peine de dépossession.
En conséquence, il n'y aura pas lieu de faire
l'information prescrite par l'ordon Dance du 23
août 1835, et qui, d'ailJeurs, a déjà dû précéder
l'approbation du ,plan; la procédure commencera
pal' une délibération spéciale du conseil municipai,
approuvée par le préfet, ensuite de laquelJe on
remplira sur-lé-champ les formalités prescrites
par les art. 4,5, 6, 7, 12 et suivants de la loi du
3 mai 1841.
Si le propriétaire riverain prétendait ne pas se
•
�DU DOMAINE l'UlILIC.
675
trouver dans le cas d'êt,'e dépossédé, ou s'il élevait
quelque contestation sur l'étendue des ohjets Jont
il peut être exproprié, ces points seraient décidés
par le tribunal ci vil, lorsque le procureur du roi
requérerait le jugement d'expropi'iation ; le tribunal ne devant prononcer l'expropriation que quand
non-seulement les formalités ont été remplies,
mais encore quand le droit existe et la loi est applicable,il aurait certainement le pouvoirde refuser
si on lui demandait la dépossession Jans des cas où.
elle ne doit pas avoi,' lieu, ou si on voulait l'appliquer à des fonds qui n'en seraient point passibles.
Nous pensons, en second lieu, que le prix du
telTain cédé au propriétaire devrait être fixé par le
jury, conformément à la même loi du 3 mai 1841 ,
-et non plus, soit par le conseil de préfecture après
rapport d'experts, suivant la loi du 16 septembre
1807, soit par le tribunal lui-même, en vertu
de celle du 8 mars 1810; ces deux lois, en
effet, sont entièrement abrogées par la nouvelle
qui les remplace dans tous les cas où elles étaient
applicables, et dont l'art. 60 pose un principe général de compétence pour les hypothèses analogues.
Toutefois le jury devra, dans son estimation, suivre les bases posées par la loi de 1807 et expliquées
au commencement de ce S.
Nous pensons enfin que l'obligation imposée par
notre art. 53, au voisin de s'avancer" n'est autre
�676
TlWTÉ
que celle- d'acquérir le terrain, mais non de. rapporter ses constructions sur le bord de la rue, à
moius que la condition ne lui en ait été faite par
la cession.
Cependant, lors même qu'il serait devenu propriétaire sans cette charge, l'administration pourra
toujours, par mesure de police, le contraindre à
clore son fonds sur l'alignement, si le renfoncement présentait des dangers et des inconvénients
sous le rappol't de la sûreté ou de la propreté du
passage, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, S 7,
pag·49 1 •
43° La plus grande difficulté que présente l'alignement dans le cas où certains riverains doiv~nt
s'avancer, a lieu lorsque la maison de quelques
autres fait depuis longtemps saillie, et que dans
les mnrs latéraux il existe des portes ou des fenêtres donnant sur le terrain qui doit être cédé à
ceux qui sont en arrière.
La ville ou les riverains, ses cessionnaires, pourraient-ils porter devant les tribunaux civils ou
administratifs une action négatoire tendant il faire
supprimer, comme iudues, ces servitudes? Nous
nous sommes prononcés pour la négative, pag. 343
et suiv., ci.dessus, où nous avons étahli qu'il ne
s'agissait point ici d'une faculté précaire et de tolérance, mais bien d'un véritable droit dont les
propriétaires ne pouvaient êu'e privés sans indemnité.
Ponrra-t-on agir par voie d'expropriation P Non
�677
DU DOMAINE PURLlC.
encore, puisque des droits incorporels ne peuvent
être expropriés isolément, et abstraction faite de
l'immeuble dont ils dépendent activement ou passivement, et que pour faire fermer une fenêtre,
on ne pourrait évidemment pas obtcnirl'exprupriation de la maison entière. Il n'y aurait d'exception
que si celle maison était disposée de telle sol'te
qu'eHe joignît ,seulement la voie publique par le
terrain mis en dehors de l'aÜgneml>l1t, et qu'en
le cédant à un autre voisin, elle se trouvât entièrement enclavée et privée de ses jours et de ses
issues; il faudrait alors sans doute en déposséder
.le propriétaire.
Mais si l'on n'avait besoin que de supprimer des
portes ou des fenêtres non indispensables, nous
croyons que le seul parti à prendre de la part de la
ville serait, après avoir fait offre au propriétaire
d'une indemnité déterminée ouà régler par
experts, et après lui avoir donné un certain délai
pour exécuter dans sa maison les changements
.que la suppression pourrait entraîner, de céder
Je terrain au voisin avec le droit exprès d'y élever les constructions ayant pour effet d'opérer
cette suppression. Malgré l'arrêt de la Cour de
cassation du 12 juillet 1842, rapporté pag. 348
. ci-dessus, et que nous pel'sistons à regarder comme
anéantissant le principe de la séparation des pou.voirs judiciaires et administratifs, nous croyons,
avec le conseil d'état (arrêt du 24 févriel' 1825,
Sirey, 26-2-343), que les tribunaux ne pourTOM. II.
43
�678
TllAlTÉ
raient ordonner la destruction des travaux, et
qu'ils devraient se hornel' à reconnaÎlre si les
offres sont suffisantes et dans tous les cas à régler
J'indemnité, comme dans l'hypothèse où c'est
l'administration elle-même qui, en nivelant les
rues ou rontes, nuit aux maisons voisines; l'affaire
se réduirait alors à une question de dommage
causé par un acte administratif dont l'autorité judiciaire peut hien apprécier, en argent, les conséquences, mais qu'elle ne saurait ni réformer, ni
entraver, ni modifier.
.
Si il défaut d'offre préalable d'indemnité, le
propriétaire, dont les servitudes seraient supprimées, se pourvoyait par action possessoire, le juge
de paix pourrait sans doute connahre de l'action,
mais seulement pour constater l'existence de la
servitude et reconnaître le droit au préjudice duquel aurait eu lieu la voie de fait. Ilue devrait pas
aller pIns loin et ordonner, par exemple, la discontinuation ou la destruction des travaux, parce
qli'en cela, il contrarierait l'acte administratif d'alignament et commettrait un véritable excès de
ponvoIrs.
Quant à l'autorité administrative supérieure, à
laquelle la mesure entraînant la suppression de la
servitude de la maison voisi.ne, pourrait être compétemment déférée, nous ne doutons pas qu'elle
ne dûtla maintenir, parce que celte mesure reutre
pnrfaitement dans l'esprit et dans les termes de
notre art. 53, qui, allant jusqu'à autoriser l'expro-
�DU DOMAINE PUBLIC.
679
])riation d'nne maison entière pour faciliter l'alignement et faire disparaître les renfo\1cements,
doit, à plus forte raison, permettre dans le même
but une simple suppression de servitudes, sans laquelle il serait impossible de l'atteindre. D'ailleurs,
si l'alignemen t peu t bien opére.' la destruction des
portes, fenêtres et égoûts de toits qui existentlatéralement dans une maison en saillie sur les autres
qlle l'on filit reculer, on ne voit pas pourquoi il ne
produirait pas le même effet, lorsque, sans toucher
au bàtiment qui possède ces droits, on fait avancer
à son niveau ceux qui l'avoisinent. Dans l'un
comme dans l'autre cas, l'intérêt de la recLification
de la voie publique et de la régularité des constructions qui la bordent doit avoir le même résultat et
par suite autoriser l'emploi des mêmes moyens.
Cependant, comme la nécessité peut seule motiver la suppression d'un droit légitimement établi,
s'il était possible, sans trop nuire au propriétaire
astreint à s'avancer, de réserver sur le terrain qui
doit lui être cédé un espace suffisant pOl1l' l'exercice des servitudes acquises à la maison voisine,
par exemple, un emplacement libre devant les fenêtres, ou une rnelle pour le passage, et SUl' laquelle pourrait encore s'étendre le premier étage,
la ville devrait le faire, et elle y aurait même
intérêt pour s'affranchir de l'indemnité qu'elle serait dans le cas de payer, car cette indemnité )a
concernerait personnellement, à moins que par
l'acte "d'abandon du terrain en retraite, elle ne la
�680
'l'RAITÉ
mît à la charge du voisin comme conoition de la
vente ou en déduction du prix, ce qui reviendrait
toujours à peu près au même .
.Qnand nous disons que les portes, fenêtres et
égoûts de toits qne ll's maisons en saillie peuvent
avoir par côté, sur les renforcements qu~ présente
la rue, existent à titre de vraie servitude, cela ne
·,
' autant que ces c
' "ete
s enten d
re qu
rOltsl ont
Ù Olt
établis en vertu de la permission expresse ou tacite
-de l'autorité municipale avant le tri.lcé de l'aligne'ment général; car, à .partir de celle opération, les
tel'l'ains mis en dehors, quoique continuant matériellement à faire partie de la voie publique, ne
doivent plus être censés, en droit, en dépendre, et
par conséquent il n'est plus permis aux voisins de
côté d'y ouvrir des portes et des fenêtres, ou si ils
'yen pratiquent, elles ne se'ront réputées exister que
précairement et par tolérance, en attendant que les
prupriétaires des maisons en retraite s'avancent
.lorsqu'ils prendront l'alignement. Cependant,
comme, par l'effet mêmede ce déclassement formel,
.,
11
d ans l' avenu"
. (es
1 questIOns
.
de
1'1 pOil l'raIt
s C'1cver
. prescription, les administrateurs des communes fel'on t bien, soit d'empêcher les p.ropriétaires des maisons anciennement sur l'ali~nell1ent,de prendre de
semblables droits, soit d'im poset', comme nous le
. recommandons au S 2 ci-df'ssus, une prohibition
expresse à cet égard à ceux qui demanderaient la
permission d'avancer leurs nouvelles constructions.
�DU DŒ\IAI:'Œ PUBLIC,
681
44° Lorsque le l'élargissement de la voie publique s'opère au moyen de l'expropriation immé-.
diate .de la portion t'etranchable, le propriétaire dont
le bâtiment est entamé peut, en vertu de l'art, 50
de la loi du 3 mai 1841, con traindre la ville à le
lui acheter en totalité; l'administration serait-elle
fondée à user de réciprocité et à demander, contre
le gré de ce· propriétaire, l'expropriation de la toUtlité
hâtiment touché, sm le motif qu'elle trouverait, dans la possession de la partie restant en·
dehors de l'alignement et dans la faculté d'y reconstruire une maison qu'elle vend,'ait eusuite,
l'indemnité (rUne partie de la dépense que lui
cause le l'élargissement?
Cette question, qui ne se présentera que rarement quand il s'agira d'un simple l'élargissement,
à moins qu'il ne s'exécute sur une grande longueur,
q\lQ les portions restantes soient trop étl'Oites pour
être utilement employées par chaque voisin isolément, ou que la ville ne veuille en même temps
établir un systeme unifurme d'architecture; cel te
question, disons-nous, sera presque toujours soulevée dans le cas de percement d'une l'ne non velle
à travers une·He de bâtiments. On conçoit alors le
grand intérêt que l'administration, ou plutôt la
compagnie concessionnaire, aùra à se procurer de
droite et de gauche des emplacements sur lesquels
elle éli:vera des constructions régulières dont la
valeur couvrira en partie les frais toujours consi, b'l es qu ' entramera executIOl1 d' un pareI'1 1'1'0d cra
œil
A
\ ' , .
�682
TRAITÉ
jet et notamment le prix du terrain destiné à la
rue.
Pour la négative, on dira que l'on ne doit être
dépouillé de sa propl'iété que pour cause dtutilité
publique dûment constatée, et que, s'il peut y avoir
une semblable utilité à ouvrir la voie nouvelle, ce
motif ne se rencontre pas dans l'allégement de dé·
penses espéré par la ville on la compagnie; - que
le législateur a tellement respecté le droitde propriété privée, que, lors mème que l'expropriation est
consommée, le propriétilÏre peut, aux termes de
l'art. 60 de la loi cl u 3 mai 1841, exiger la remise de
la partie de son fonds non employée aux travaux,
moyennant nn prix qùi ne devra jamais excéder
celui de la cession originaire, de telle sorte que si
on avait exproprié une largeur de terrain plus
grande que celle qui est nécessaire à la rue même,
il pourrait, après le tracé exécuté, requél"ir la rétrocession du surplus; - que s'il est vrai que l'ouverture de la rue améliore la portion de son fonds non
employée, le j ury prendra cette circOllstance en
considération lors de la fixalÎon de l'indemnité,
conformément aux art. 54 de la loi du 16 septemhre 1807 et 51 de celle du 3 mai 1~41; - que
d'ailleurs une semblable prétention ayant été élevée par la compagnie qui avait projeté le percement
de la nouvelle rue du. Prince-Ro'yal~ à Orléans,
elle a été rejetée par le conseil d'état.
Nonobstant ces raisons dont nous ne nous dissimulons pas la force, no~s inclinons cependant
�683
à pense!' avec M. Delalleau (Traité de l'ea;propriation, nO 71), que cc dès qu'il est bien constant
DU DOMAINE PUBLIC.
" que le percement d'une rue ou la création d'une
)' place sont d'utilité publique, si l'administration
" a la conviction que ces travaux ne peuvent se
" faire qu'en autorisant l'expropriation d'uue cer" taine étendue de terrains voisins nécessaires pour
" les maisons que l'on devra y construire, elle ne
" doit pas hésiter à autoriser cette expropriation,,,
à moins toutefois, ajouterons-nous, que les propriétaires ne consentent, dans ·le procès-verbal
d'enquête> à céder gratuitement la portion de leur
propriété destinée au sol de la rue ou de la place.
Sans rapporter ici te;xtuellement les motifs déduits par ce judicieux auteur, nous dirons, en répondant aux objections opposées, lOque l'exécution
d'une l'Ile consiste non-seulement dans l'objet matériel indispensable à son établissement,c'est-à.-dire
,dans le terrain sur lequel elle doit être ouverte,
mais encore dans l'ensemble des moyens pécuniaires, soit pour acquérjr ce terrain, soit pour subvenir aux autres dépenses qu'entraine sa mise en
état; que, voulant le but, il faut autoriser les
moyens d'y arriver; que proposer à une commune
sans ressources de faire des frais qu'elle ne pourra
jamais supporter, c'est exiger l'impossible; c'est
empêcher d'une manière absolue une opération
que nous supposons cependant d'utilité générale
et urgente, de nécessité même; c'est moralement
lai imposer un obstacle aussi insurmontable que
�68~
TllAITÉ
si physiqncment on voulait lui faire faire un canal
en remblais sans chaussées ou francs-bords, sous
prétexte que ces dépendances ne sont pas destinées
à un usage public; l'expropriation dans un but
donné doit porter non-seulement sur le terrain
nécessaire à la chose principale, mais encore sur
celui affecté aux accessoires sans lesquels cette
chose ne pourrait exister. Ici l'accessoire obligé de
la rue, dont la privation rendrait l'exécution impraticable, est le terrain voisin; - 2° que l'argument
tiré de l'art. 60 de la loi du 3 mai 1841 sur la rétroccssio~i est plus spécieux que solide, puisque
l'on ne peut pas regarder comme inutiles aux travaux, des terrains sans lesquels nous supposons au
contraire qu'ils ne sauraient être exécutés; que,
dans le cas de l'art. 53 de la loi du 16 septembre
1807, la maison du propriétaire riverain qui refuse
d'acquérir la portion de terrain en face retranchée
de la voie puhlique, est encore bien moins directe.
ment nécessaire à la viahilité, ce qui n'empêche
pas que, nonobstant le susdit article, elle ne puissc
être expropriél:', parce que c'est Je seul moyen de
prévenir la perte pour la ville de la valeur du terrain en dehors de l'alignement, comme aussi d'obtenir une amélioration, qui cependant n'est presque toujours que de simple embellissement; . 3° que l'obligation imposée sans aucune espèce de
sanction ni de contrôle au jury, d'avoir égard, dans
l'évaluation de l'indemnité, à la plus-value que les
travaux entrepris peuvent donner au restant de la
�685
propriété, ne paraîtra pas à l'administration ou à
DU llOMAlNE l'unIe.
ses concessionnaires, une garantie aussi certaine
et aussi rassurante que celle que leur om-e la
spéculation projetée sur les terrains voisins;
qu'au reste, le moyen le pIns juste d'estimer celte
plus-value est de la soumettre à une sorte de licitation entre les deux parties ,en donnant à la
ville ou à la compagnie la faculté de se l'attribuer
en payant l'immeuble à toute sa valeur intrinsèque,
ou au propriétaire le droit de la conserver en aban:donnantgratuitement le terrain qui, par sa conversion en rue, doit la produire ; ~ 4° enfin que la
décision rendue par le conseil d'état, relativement
aux concessionnairès de la nouvelle rue d'Orléans,
ne prouve rien, comme le rfJmarque très·bien
M. Ddalleau, en ce que la prétention d'obtenir
une largeur partout égale de 2'0 mètres de terrain
de chaque côté de la rue, aux risques d'entamer,
dans le seul intérêt de la compagnie, des propriétés
éloignées, ct de laisser. d'autre part, en dehors, des
parcelles désormais inutiles à leurs propriétaires,
.était exorbitante et injuste, et ne peut se comparer
à la faculté que nous pensons qui devrait ~eulcment
être accordée d'obtenir les portions restantes telles
.qu'elles se trouveraient, des bâtiments directement
atteints par le tracé de la rue.
46° Nous avons expliqué précédemment, S 36,
que la voie de l'alignement ne pouvait être prise
que pour le l'élargissement et la rectification des
rues existantes, mais jamais dans le but de créer
�686
TRAITÉ
une voie nouvelle, pour l'ouverture de laquelle il
fallait forcément recourir au moyen dé l'expropria~
tion. Or, pour se soustraire à cette nécessité, une
ville ne pourrait-elle pas acheter amiablement un~
suite de maisons étroites, les démolir, puis ouvrir
sur leur emplacement un passage tel quel, EIue
l'on rectifierait, redresserait et rélargirait ~nsuite à
l'aide de l'alignement?
Ce moyen indirect serait impraticable en ce que,
d'une part, il résulte de l'art. 52 de la loi du 16
septembre 18Q7 et de la circulaire ministérielle du
7 août 1~h3, qu'aucune rue nouvelle ne peut être
ouverte, soit par les communes, soit par les particuliers, si ce n'est en vertu d'une ordonnance
royale donnée en conseil d'état (a); et en ce que,
d'un autre côté, une semblable autorisation n'est
accordée qu'autant que le conseil municipal délihère l'acquisition immédiate et simultanée de tous
les terrains atteints par le projet, ou que le particulier s'engage à les livrer à ses frais; c'est ce que
portent formellement tant la lettre du ministre de
l'intérieur,en date de 1829, citée plus haut, p. 632,
à la note, que l'art. 2 d'une ordonnance royale du
(a) La déclaration du roi du 10 avril 1783, exigeait déjà l'autorisation du souverain, par lettres-patentes, pour le percement
de nouvelles rues dans la ville et les fa.ubourgs de Paris, et
prescrivait une l~rgeur minimum de 9 mètres 75 cent., à laquelle les anciennes rues devaient aussi être successivement portées au moyen de l'alignement. Aujourd'hui, l'administration
n'accorde point d'autorisation à moins de 12 mètres.
�DU DOMAINE PUBLIC.
687
6 mai 1827, ainsi conçu: cc L'ouverture de ladite
:» rue (partant de la rue Mouffetard, à Paris)
» est déclarée d'utilité publique. Il ne pourra néan» moinsètre pr\Jcédé pal' voied'aligllementàl'égard
» des propriétés nécessaires à cette ouverture, les» quelles devront être acquises de gré à gré, ou, s'il'
» y a lieu, conformément à l'art. 51 de la loi du
» 16 septembre 1807 et il la loi dn 8 mars 1810. »
Cependant il y a qneJoques exemples d'autorisations accordées en laissant subsister en dedans du
tracé, des saillies dépendant de bàtiments qu'il eût
été trop dispendieux d'acquérir sur·le-champ , et
qui d'ailleurs n'étaient pas de naturè à nuire essentiellement à. la circulation; mais alors ces saillies
n'étaient point frappées de la servitude d'alignement, et ne pouvaient toujours disparaître qu'au
moyen d'acqui.sition amiable ou d'expropriation,
sans que, jusque-là, les propriétaires fussent empêchés d'y faire des répar~tions.
Au reste, ce n'est qu'en parfaite connaissance de
cause, que les autorisations d'ouvrir des rues nouvelles, et d'acquérir les propriétés nécessaires à leur
établissement, SOI1 t données; voici les mesures
prescrites à cet égard par l'avis du conseil d'état du
3 septembre 1811 : « Considérant que, conformé') ment à l'art. 52 de la loi dn 16 septembre 1807,
» le conseil de S. M. ne peut autorisel' des acqui» sitions pour l'ouverture de nouvelles rues, pour
» l'élargissement des anciennes, on pour tout
» autre objet d'utilité puhlique, que pour les corn-
�688
TRAITÉ
" munes dont les projets de plans auront élé arr~
" tés en conseil d'état; EST n'A VIS: que le mi nislre
" de l'intérieur soit invité, avant de proposer à
» S. M. un projet d'acquisition de maisons ou ter» rains nécessaires à l'embellissement ou à l'utilité,
» soit de la ville de Paris, soit de toute autre ville
» ou commune de l'empire, à faire· précédel' cette
" .demanJe, soit du plan des alignements'déjà ar" rêlés légalement, s'il y en a Cil ,soit d'U,ll [>J'Ojet
» de plan d'alignement, pour ledit plan être arrêté
"'en conseil d'élat, en exécuLioll de J'art. 52 de
" la loi du 16 septémbre 180-7' »
Le fait d'ouvrir une rue nouvelle sans autorisation, constituerait une contravention de voirie,
suscepLible d'être poursuivie devant les tribunaux
de police et, à Paris, devant le conseil de préfecture, ainsi qn'il résulte de deux arrêts du conseil
d'élat, l'un du i9 juin l~h8 (Guyotet Baudran),
ct l'autre, postérieur, concernant la Compagnie
Delaunay. En effet, l'administration, juge naturel de tOtH ce qui a trait à l'intérêt public, doit
avoir les moyens d'empêcher ce qui pourrait compromettre cet intérêt.
46° Quand une ville a arrêté un plan quelcon.que d'ouverture ou d'alignement de rue ou de
place, elle ne devient point obligée par là envCl's
les particuliers qui pourraient avoir intérêt à son
exécution, ni à le suivre, ni à aucun dédommage·ment pour le cas où, pal' un motif quelconque, elle
s'abstiendrait de réaliser son pl'Ojet; 11 n'y a,point
�DU DOMAINE PUllLIC.
689
ici de droit acquis au profit des tiers qui. n'ont pu
concevoir qu'une simple espémnce non susceptible de fonder en leur faveur un droit de nature. à
être réclamé en justice; les spéculations que l'on a
pu faire à cc sujet, étaient nécessairement éventuelles, aléatoires et aux risques et péi'iLs de 'ceux
{jui s'y sont livrés ; e'est ce que décide, à peu près
Jans les termes même que nous venons d'employer,
un avis donné, le' 2.6 juillet .821, par les comités'
réunis de législation, de l'intérieur et des finances,
à l'occasion d'un projet de rue anêté que la ville
(}e Paris avait abandonné pendant quelque temps.
Le conseil d'état est même allé plus loin en décidant, par son arrêt du 16 août 1832 (Sirey, 33Q.-219), « que L'état, en acquérant ponr cause
» d'ntilité publique, obtient, comme l'obtiendrait
» un acquéreur privé, la plénilUcle des droits de
" propriété, et reste seul juge de l'exécution des
» plans d'utilité publique, comme des modifica" tions qu'ils peuvent recevoir. - Que dès-lors les
» anciens propriétaires des terrains acquis par
)' l'état ne peuvent être admis à contester cette
» exécution ou ces modifications, sauf toutefois
') l'exercice des ser_vitudes dOlltle droit leur serait
» réservé par des dispositions cxpl'esses des con., trats d'acquisitions. » Et cepcndant il est possible que dans l'évaluation des terrains dont les propriétaires ont été forcés de faire la cession, le jury
ait eu égard à la plus-vaIlle qui devait resulterpoUf'
la portion restant il ces propriétaires de l'exécution
�690
TR.AITÉ
des travaux, et qu'il ait en conséquence fixé l'indemnité à une somme inférieure à celle qui aurait
dù être allouée sans cette circonstance; par exemple, dans le cas où la partie d'une propriété aurait
été expropriée ponr l'ouverture d'une rue destinée
à établir une importante communication, et qui
n'aurait été en définitive exécutée que sur nne
faible étendue. (Voyez, au surplus, à ce sn jet le
Traité de l'expropriation de M. Delalleau,
nO~ 7 0 4 et suiv., 2 e édit.).
47 0 La matière des alignements et de l'expropriation pent donner lieu, en ce qui concerne les
locataires, à diverses questions que nons ne devons
pas laisser sans solution.
Supposons J'abord que pour le percement ou le
l'élargissement d'm'le rue, la ville EXPBOPRI ],'la totalité du bâtiment amodié, il y aura de plein dl'oit
résiliation du bail, et le locataire qui aura été appelé
par le propriétaire, ou qui, snI' l'avertissement
donné par celui-ci à l'administration, aura reçu la
notification d'offres, discutera directement avec
celle dernière le montant de l'indemnité qui lui est
due, en obtiendra la liquidation, et, quel qu'en
soit le chiffre, devra s'en contenter sans pouvoir
exercer de recours contre son bailleur pour un
plus ample dédommagement (art. 21, 23 et 39 de
la loi du 3 mai 184], et 1148 et 1722 du C. c.).
Si le propriétail'e avait négligé d'appeler son locataire ou de le faire connaître à l'administration,
il to'ucheraitla lotalitédu prix de son fonds comme
�DU DOMAINE PUBLIC.
691
s'il en eût été en pleine jouissance, mais il resterait
alors chargé envel's ce locataire de l'indemnité
lui revenant, et qui sel'ait réglée par les tribunaux
ordinaires.
Si de celte hypothèse assez simple, nons passons
à celle où l'expropriation n'aurait porté que sur
une portion de la chose louée, nous dirons qu'aux
termes de l'art. 1722 du Cod. civ., le preneur
pourra, suivant les circonstances, demander ou la
résiliati(lll même du bail, ou une diminution du
prix, sans que dans l'un et l'autre cas il y ait lieu
à aucun dédommagement à la charge uu propriétaire; il n'aurait même, en continuant sa jouissance
réduite, pIns aucun dl'Oit à la diminution du prix,
s'il avait ohtenu de l'administration une indemnité,
laquelle doit nécessairement représenter la perte
épl'Ollvée par lui jusqu'à sa 'sortie; seulement le
haillenr sel'ait tenu de faire dans la portion de son
immeuble non atteint par l'expropriation, ce qui
serait nécessaire pour la continuation du bail.
cc C'est, ditM. Duvergier (du Contrat de louage,
» tom. l er ,n0332),laconséquence de l'obligation
» qui lui est imposée de maintenil' la chose louée
" enétatde servir à l'usage auquel elleêst destinée,
» et d'y faire toutes les réparations convenables.
» Vainement le bailleur opposerait que l'art. 1722
» n'oblige pas le propriétaire à la reconstruction
» de la partie de la chose louée, détruite paT cas
» fortuit. On lui répondrait, avec un arrêt de la
» COUl'roynledc Paris (du 12 février 1833,-
�692
»
TR.A.ITÉ
Sirey, 33-[-606), que celle disposition ne lui
» ~t
pas applicable; que'l'analogie n'est pas com~
pIete entre la destruction par cas fortuit de la
» chose louée, et la dépossession d'une portion.
» d'immeuble pour cause d'utilité publique; puis» que dans ce dernier cas, le prop"iétaire reçoit
» une indemnité qui sc hase tout-à·1a-fois sur la
» valeur de la portion enlevée et sur les travaux à
» faire ponr continuer la jouissance de la portion
» restante, tandis que tout est perte pour le pro» priétllire dépouillé par un événement de force
» majeure dans le sens de l'art. 1722 C. C. »
M. Troplong, dans son Traité de l'échange et
du louage, nOS 219 et suiv., nou-seulement adopte
cette solution, mais encol'e rejette la distinction
établie par la Cour de Paris et par M. Duvergier,
entre le cas où la perte partielle de la chose louée
est suivie d'indemnité et celui où le propriétaire
11'a aucun dédomm.agement à espérer; il pense
que les arl. 1719 et 1720 du Cod. civ. se lient à
l'art.· 1722, et que, dans tous les cas, le bailleur
doit faire les réparations nécessail'es à la continuation du bail; qu'autrement, c'est à lui qu'appartieridait danslefaitl'option que l'art. 1722 n'accorde
cependant qu'au preneur. Toutefois, et contrairement à cette doctrine, un arrêt de la Conr royale
deParis, du 5 mai 1826 (Sirey, 28-2-18), a rejeté
la prétention d'un preneur qui exigeait des réparations propres à assure,' sa jouissance dans une
espèce où. le bailleur dont la maison avait été in»
�DU DOMAlr-.rn PUBLIC.
693
èenc1iée en partie, avait reçu une indemnité' de la
compagnie d'assur<Jnces; M. Delalleau ( Traité de
lJexprop.J nO 7 03 ) pense aussi que les tribunaux.
ne peuvent contraindre l'état ou la ville, à faire,
dans aucun cas, des réparations, sauf néanmoins
à accorder au locatail'e une indemnité plus ou
moins forte, selon que ces réparations seraien t faites
ou non.
De l'alternative que l'art. 1722 offre d'une manière absolue au locataire de demander, dans le cas
de perte parliel1e de la chose,ou une diminution de
prix, ou la résiliation du Lail, nous ne pensons pas
qu'on puisse induire que cette résiliation doive
nécessairement être prononcée, lors même que le
dommage causé serait peu important et ne nuirait
pas essentiellement à la jouissance; c'est ainsi que
la qilestion était résolue dans l'ancien droit,au rapport de Bourjon (Droit commun de la France,
tît. .,., chàp. 4, nO 7), qui enseigne que « la dé~> molition de pal,tie d'une maison n'anéantit le bail
Il qu'autant que la suppression est considérable et
» gêne' notablement le locataire; et que hors ce cas,
» elle n'opère qu'une diminution du prix, parce
» qu'i.l hut se prêter à un tel événement. >~ A quoi
il ajoute en note: cc J'ai entendn décider au Châ» telet, que 'la face d'une maison ayant été re~ulée
» par autorité de justice, ceLLe diminution de
~> terrain ne donnai.t pas lien à une résolution de
» bail, mais à nne diminution proportionnée du
TOM.
II.
�69'-
TRAITf:
" prix d'icelui. Dans l'espèce, le locataire pouvait
» continuer son commerce dans la maison, no» nohstalll le retl'anchement dn terrain; circon" stance qui sontînt le bail. » Nous croyons que
la même décision devrait encore être portée sous
l'empire de l'art. 1722 dn Cod. civ., dont la rédaction vicieuse vient de ce que l'on a voulu dire que
le loca taire seul, et non le propriétaire) pourrait
demander la résiliation. Selon nous, il faudrait appliquer le principe posé dans l'art. 1656, d'après
lequel il n'y a lieu à résolution de hi vente pour
cause d'éviction partielle, que IOl'sque la partie enlevée estde telle conséquence relativement au tout,
que sans elle l'acquéreur n'eût point acheté. L'art.
1722 ne dit pas d'ailleurs que la résiliation sera
·ou de~'ra ~tre prononcée, mais que le preneur
-pourra la demander; ce qni laisse les juges libres
Je \'acconl.f'r ou non, selon les circonstances; lin
léger retranchement fait par suite d'alignement
dans tlne cour ou un jardin, parf'xemple, ne pou-.
Vanl évidemment entraîner la résiliation du hail
·pour la totalité; c'est dans ce sens que Delvincollrt,
·M. Duvel'gier (Traité du louage, nO 55), ct
M. Troplong (même Traité, nO 210), entendent
-l"optlOnaccord'ee au prr.'oeur.
Quels seraient les droits du locataire dans le cas
où le propriétaire, usantde la faculté quelui confère
l'art. 60 de la loi du .j mai] 841, contraindrait la
ville à lui acheter en totalité la maison amodiée,
dont la portion ~nlevée ne rendrait pas le surplus
�DU DOMAINE PUBLIC.
695
inhabitable? POllnait-il demander à conserver la
jouissance de ce qui n'aurait pas été employé pour
le l'élargissement de la voie puhliquc?
L'<JlTèt ci-dessus cité,du 12 féVl"ier 1833, adopte
l'affirmative par les motifs suivants: cc •••• Consi» déraut que lorsque le propriétaire veut user de
" lalacultéque lui accorde la loi,il faut distinguer
» entre l'acquisition de la portion nécessaire aux
>. (ravaux et celle du surplus. de l'immeuble; que
» la première...•. donne à l'état une propriété
» pleine, en tière, dans. un bu t spécial, et qui doit
» par cela même emportel' la résiliation des baux
" que le vendeur avait pu consentir snI' ladite
» portion; mais que l'acquisition du surplus de
» l'immeuble ne constituant qu'un acte voloutaire
» de la part du vendeur auquel l'état 'succède, et
» dunt il prend la place comme simple acquéreur,
» doit être régie par les principes ordinaires du
» droit, et laisser subsister les droits acquis aux:
» tiers dans les termes de leurs conventions, si
» l'état des choses le permct; considérant, dès-lors,
» que, dans tous les cas où le locataire des lieux
» acquis par l'état, se refuse à la résiliation du bail
» de laporLion de l'immeuble non nécessaire aux
» tl'avaux d'utilité publique, il y aura lieu, pour
» les tribunaux, à apprécier les circonstances, et
0
:» conséquemmen t, 1 à vérifier si cette portion
» peut en effet suffire à l'objet de la location pri0
» mitive; 2 à examiner la nature et l'importance
» des travaux à faire par l'état ponr la continuation
�696
.'
l1UI'l'É
du Lail; 3° à fixer audit cas de contination , la
dimiu ution de prix, résultant de la privation de
:» jouissance de la portion en~evée. »
Le second des points que préjuge JaConr, ~elui
concernant l'obligation poul'l'état ou ponr la ville,
acquéreurde la totalité de la'mni~on,.d'exéclltercertains travaux, afin de rendre possible la continuation du bail,estcritiqué par M. Duvergier (lococitato), qui cependant, comme nons l'avons vu plus
haut, ne fait poin t de difficulté de sou mettre à cette
obligation le haillenr lorsqu'il couservt' le surplus
de son immeuhle. Selon cet auteur,)e locataire
n~aurait aucune action ni contre l'état, qui, n'étant
que successeur à titre particulier, n'est point ten Il
des charges auxquelles le propriétaire vendeur était
assujetti, ,ni contre ce dernier, qui ne peut être
contraint à exécuter des travaux SUI' un fonds -qui
~e lui appartient pins; il est d'ailleurs présumé
avoir obtenu, dans l'indemnité de résiliation, l'équivalent de toutes ses pertes. Ces raisons nous lOuchent peu et ne 110US paraissent pas justifier la différence de solution dans les deux cas. Que le
propriétaire conserve le reste de sa maison ou qu'il
forc~ l'administration à le lui acquérir, la position
du preneu r doit être la même; s'il était vrai q ne
l'état ne dût pas succéder à l'uLlig~tion du baillcnr,
qu'en résulterait-il? que celle obligation serait
~teinte? Non, assurément; elle continuerait alors
à peser sur ce dernier qui" s'il ne pouvait plus exéqlter les réparations parce qu'il ne posséderilit
»
»'
�DU DOMAINE PUBLIC.
69'1
plus, n'en devrait pas moins les dommages- intérêts
représentatifs du préjudice que leur délàut aurait
causé. La considération tirée de l'indemnité est absolnment insignifiante, en ce que le locataire reçoit aussi, bien 'un dédommagement quand Je propriétai~e conserve le surplus de son fonds, que
lorsqu'iJ.le cède en totalité, et que rien n'établit
que l'étendue et le montant en soient différents
dans Jes deux hypothèses. Nous croyons donc que
cette disposition de l'alTêt est tout à la fois légale
et équitable.,
Al'I'ivons maintenant aux: conséquences de la
servitude d'. LIGNEMENT par rapport au locataire.
De quelque manière d'abord qu'elle lui. cause
du préj'ldice, soit en empêchant de r~parer:, soiten
diminuant l'étendue de la maison comprise dans le
baillorsqu'apr.ès démolition volontaire ou. forcée,
on voudra la reconstruire, il est certain que l'administration ne lni devra aucune indemnité, puisqu'aux: termes de l'art. 50 de la loi,du 16 septembre
1~o7, elle n'est tenue que de payer la valeur intrinsèque du sol nu, qué la maison soit ,occupée
par le propriétaire lui-mèm.e ou qU,'elle soit amo:
diée.
.1
"1 ever qu ' entre
·
L es questlOns
ne peuvent (,Jonc
se
Je preneur et le propriétaire. Examinons snccessi..,
vement les différents cas qui peuvent se présenter.
Impossihilité de réparer.-D'après l'art. 1720
du Code civil, le bailleur cst tenu de faire, pendant la durée du hail, ,toutesJes r~parat~ons à la
�698
TltAlT.É
chose louée, autres cependant que les locatives;
s'il en est empêché parce que la maison n'est pas
dans l'alignement, son locataire aura-t-il contre lui
une action en. indemnité?
L'art. 1721 du Code civil semblerait l'y soumettre, en décidant d'une manière générale que:
<c 11 est dû garantIe an preneur pour tons les vices
» ou défauts de la chose louée qui en empêchent
» l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas
» connus lors du hail , et que, s'il résulte de ces
» vices ou défauts quelque perte pour le preneur,
» le bailleur est tenu de l'indemniser. » Cependant les auteurs et la jurisprudence font une exception trop juste pOUl' n'être point admise, quoique
non écrite dans la loi. cc Aucune garantie, dit
» M. Dnvergier ( Contrat de louage, nO 342),
» n'est due pour les vices apparents au moment
» du contrat, que le preneur a connus, ou qu'il a
), dû apercevoir par l'inspection qu'il a t'lÏte de la
)' chose louée. Il est présumé avoir voulu la pren)' dre avec le vice dont elle était atteinte, et avoir
,,' calculé le prix du bail sur l'utilité qu'elle lui of)' frait. " Il cÏle à l'appui Pothier, du Louage,
nO 113, et un al'rêt de la Cour de Colmar du 14
novembre 1~h5 (Sirey, 26-2-1~h). M. Troplollg
(du Louage" nO 198) adopte le même avis: cc Pour
a, qne le'Jocateur, dit-il, soit tenu de garantir, il
» faut que le preneur n'ait pas eu connaissance des
" défauts et des vices. Ainsi, c'est tant pis ponr
» VOllS, locataire , ..... si VOllS avez su que les
�DU DOMAINE PUBLIC.
699
cheminées de ma maison fument habituelle» luent. »
Faisant application de ces principes à notre espèce, on doit dire qne le bailleur ne devra aucuns
dommages et intérêts, p<lrce que le vice de la chose
consistant dans l'impossibilité de la réparer, a dû ou'
pu être connu du locataire, à qui il a été loisible
de consulter le plan d'alignement et .de s'assurer
si la maison était sujette ou nou à reculement.
La difficulté serait plus grande si dans la localité
il n'y avait pas de plan général arrêté par ordonl1ance royale, et que les alignements fussent encore
délivrés par le maire ou le préfet à mesure des demandes en autorisation de construire ou de réparel'; on pourrait prétendr.e alOl's que le preneur
n'a pu conna1tre le vice, et que si le propriétaire a
été aussi dans la même ignorance, sa bonne foi ne
peut lui profiter. en présence des termes positifs-de
l'art. 1721, qui le soumet à la garantie dans le cas
formellement exprimé où il n'aurait pas connu
les défauts de la chose qui en emp&hent fusage. Cependant nous ne pensons pas qne l'on
doive admettre cette distinction, dont les conséquences seraient trop rigoureuses pour le bailleur.
Si le localaire n'a pas su précisément que la maison
était assujettie au reculement, il n'a pu néanmoins
ignorer que la défense de réparer les bâtiments
joignant la rue est de droit public en France, et
que l'autorité a la faculLé d'empêcher les réparations dans certains cas; par la sim pIe inspection des
»
�700
TRAITÉ
lieux, il a pu juget' à peu près exactement si la maison était sujctte à retranchement; enfin il aurait
pn filire expliquer l'administration d'une manière
officielle à ct'tégard en luidemandant l'align~ment.
A notre avis, dans .les deux cas , l'art. 1722 est
applicable, et le défaut de réparations ne donnera
lieu, au profit du locataire, que soit à la résiliation,
du bail, si le préjudice est considérable, soit à une
simple diminution de prix, s'il n'y a pas impossibilité à continuer de jouir de}a chose; mais le tout
sans domma~es.intérêts.
Il y a plus, c'est que, comme l'enseigne M. Tro~
plong (du Louoge, nO 210) : c( Le fait de force
» majeure dunt s~ plaint le preneur (ici l'impossi» bilité de réparer)' doit lui occasionner un dom» l1iage grave. Si plùs quom tolerabile sit, disait
» le jurisconsulte Gains (L. 25, S 6, fi: loc.
» cond.); sans quoi une simple gêne, une légère
» diminution des avantages du hail, ne serait pas
:;) une cause de résiliation on d'allégement du
:;) prix. Modicum damnum ferre dehet colonus,
:;»
ajoutait Gains, cui immodicllm lucrum non
» ollfertur..• .... Le juge n'aura aucun égard aux
» destructions trop minimes pour affecter la jouis:;) sance. )'
Diminution ou privation complète de jouissance par suite de démolition volontaire.Suivant l'art. 1723 du Code civil, le propriétaire
ne pouvant Caire, pendant la dUl'ée du bail, aucun
changement à la chose louée, sans le consentement
�DU DOMAINE
punuc.
701
'du locataire, il ne saurait sèprésenter, sur les conséquences d'une démolition volontaire, d'autres
questions que celles résultant de l'interprétation
de la convention intervenue entre les parties; si;
d'accord de reconstruire la maison, il y avait'em...,
pêchement à le faire par l'alignement, ou si l'étendue était diminuée, le locataire ne serait pas
adI~is à se plaindre, puisqu'il aurait consenti;vo-'
lenti nonfit injuria.
Il ne pourrait y avoir de difficulté que dans le cas
où le bailleur,usant de la faculté que lui donne l'art.
1724 du Code civ., aurait, en faisant des réparations
autorisées, compromis la solidité de la ma,ison et
rend Il .nécessaires sa reconstruction ou d'antres réparations défendues comme confortatives; il de~
vrait alors supporter la. peine de son imprévoyance.
cc Il ne faudrait pas, dit M. Troplong ,du Louage,
:>, nO 216), confondre avec la force majeure ame.
:>, née par le fait du prince, l'ordre de l'autorité
:» qni empêcherait de réparer un mur non aligné;
lO) dont la solidité aurait été .compromise par les
!»
travaux du propriétaire lui.même. Le fait de ce
» dernier serait ici la seule cause originaire du,pré)' judice éprouvé par le locataire .qui serait privé
)' d'une partie de la maison. Je crois que.ce der)' nier pourrait obtenir, s'il y avait lieu, des dom ..
» mages et intérêts. - L'arrêt de Bordeaux (du
» 4 octobre 1831, Dalloz, 32'2-28), qui m'a
» fourni cette espèce, n'a pu se refuser à adjuger
), des dommages-intérêts que par une appréciation
�702
1'1lAITÉ
spéciale des faits de la cause. Autrement cet ar:'"
» rêt ne serait pas juridique.»
»
Diminution ou privation de jouissance par
suite de démolitionjôrcée. - Lorsque l'autorité
or<lonne la démolition totale d'une maison pour
cause de rnine imminente, Je bail est de plein
droit résilié (art. 1741); le preneur ne pourrait
exi~er que le bailleur reconstruisît celte maison, de
même que celui-ci ne pourrait retenir le locataire
dans les liens du contrat, en offrant d'opérer la
réédification (MM. Duvergier, tom. l , nO 521,
et Troplong~ nO 213). Selon nous, il ne serait
point dû de dommages et intérêts malgré la Jécision contraire rendue par le tribunal 'Civil de la
Seine, entre les sieurs Bryon et Gillelte, et le sieur
Lasnes, et que la Gazette des Trihunaux dn
4 août 1832 rapporte en ées termes: cc Considérant
que l'orôonnance de police qui prescrit la dé:1) molition d'une maison ponl' cause de vétusté,
est la conséquence des vices on défauts de la
chose qui en empêchent l'usage, et dont le
:Il bailleur est .responsable, aux termes de l'arlicle
» 1721.» En effet, c'est ici un cas de force majeure dont on ne peut rendre le propriétaire responsable. Si le tribunal a prononcé autremen t,
c'est que~les circonstances dela cause l'y ont déterminé, en ce qu'il s'agissait d'un concert entre la ville
de Paris etlesiellr Lasnes, par suite duquel la ville,
quoique ayant réellement acquis de ce dernier la
maison, faisait rcndre contre lui, resté propriétaire
)l
)l
)l
�DU DOMAINE PUBLIC.
703
apparent, l'arrêté de démolition, afin de pouvoir
expulser les locataires. « Il en serait de même, dit'
» également M. Troplong, nO 216 (c'est-à-dire le
» preneur pourrait obtenir des dommages-intérêts),
» si l'autorité eût ordonné la démolition de la mai;n son sur les instances du propriétaire lui-même, '
•• qui aurait provoqué l'alignement (Bordeaux,
» 24 décembre 1833. Dalloz, 34-2-7°) ..»
Dans le cas où la démolition ordonnée ne serait,'
que partielle, le locataire aurait, comme nous l'a~
~ons dit plus haut, l'option ou rl~ continue~ le bail
avec diminution de prix, ou de faire prononcer la
résiliation (M. Troplong, nOS 213 et 215. - Arrêts de la Cour de Bordeaux du 4 octohre 1831,
Dalloz, 32-2-28, et de la· Cour de cassation du
25 juillet 1827, Sirey, 27-1-49° ).,
Ce droit lui serait ouwert même dans le cas où la
démolition ne porterait que sur un accessoire,
pourvu qu'il fût d'une certaine importance, et
qu'il ait dû être pris en considération lors du bail;
M. Troplong, nO 2.J 7, cite l'exemple suivant: c( Je
)~ tiens à loyer une maison. qui a sur la voie publi..
" que un balcon sur lequel je puis me promener
» et jouir d'une vue agréable etd'unllirpur. Tout)~ à-coup un arrêté de l'autorité municipale 01'» donne la suppression de ce balcon, parce qu'il
)~ faisait saillie sur la rue. Privé d'un des agré)' ments les plus précieux de mon appartement,
:>~ j'aurai droit Je me prévaloir de la disposition Je
» l'art. J722. »
�·
.'
7ût
'l'lUITÉ
" Après àvoirexplioué les effets de Fexpropriation
et de l'alignement, quand ils s'appliquent à la mai~
son même qui fait l'oLiet du bail, il nous l'l'ste à
dire un mot du cas où, portant sur un bâtiment
voisin, ils cau~er.aient néanmoins du préjudice'à
~elte maison.
Lor~que, par suite d'ali~nement, UFle maison
doit avancer ou reculer, et qu'il. en résulte un
préjudice pour la maison voisine, soit en la plaçant
dans un renfoncement, soit en diminuant la.lu'hlière dont elle jouissait, soit même en· cansant un
dommage matériel à ses mUl's (S 4 ci.dessus), le
propriétêlire de cetlè dernière maison ne peut demander d'indemnité, ni à la ville qui use,de SOG
droit, ni au voisin qui se conforme à la loi et à l'arrêté. Mais il n'en est pas de même du locataire
,qui, dans un cas semblable, a une action con tre
son bailleur :
Supposez, par exemple, dit
:» M. Troplong, nO 199, qti'un ]Jorloger" qui a
:», besoin" d"un logement très-éclairé pour exercer
» son:art, vous ait loué une boutique qtli, lors du
» contrat, remplissait celte condition; mais il ar» rive que, depuis, le propriétaire d'un site voisin
,,;élève un bâtiment considérable qui rrwsqne le
» jour. Vous ne pouvez vous empêcher d'accorder
,)à cet horloger décharge de sqn bail; car il
» éprouve, par suite du vice dont la chose ~st at» ,teinte, un empêchement qui Je prive de l'avan» tage qu'il. s'était promis en contractant avec
» vous (Pothier, nO 112). C'est la décision de
c(
�DU DOMAINE PUBLIC.
». Gaïus dan& la loi
25, S
2,
705
ff. loc. cond. ; et ce
»
jurisconsulte ajoute que, si "le locataire consen t'
»
à 'ne pas demander la résiliation du bail, du
moins il a droit à obtenir une diminution sur le
»
" loyer.» Cette opinion est conforme à celie de
Doma t (Iiv. 1 er , tit. 4, sect. 3, nO 6), qui déclare
Je bailleur garant du trouble résultalll pour le 10':'
cataire du fait d'un voisin qni, en élevant son bà:ti~
ment, diminue l'air et la lumière pour la maison
louée.
A pIns forte raison, le propriétaire serait-il ,tenu
de la garantie, si c'était lui qui eût causé personneUementle préjudice, IOl'smême qu'il eût pu faire
ilUl)unément la même chose à l'égard J'un voisin,
par·exemple, si, possesseur de la maison joignant
celle louée, il l'avançait en la reconslrllisant, et que
pal' là il diminuât les jours de celte dcmière ; vai'1ement il prétendrait avoir des droits distincts
-comme maître des deux bâtiments, et que s'il est
,obligé de laisser celui qu'il a amodié dans l'état Otl
il se trouvai t au moment du bail, à raison de ses
engagements avec 'le prenenr, il est resté libre
d'user du second, comme le serait tout autre propriétaire; qu'il pent donc y' apporter toutes les
rno'difications qui ne sont pas contraires aux dispositions qui règlent les rnpports entre voisins. Le
locataire se prévaudrait avec avantage de ce qu'en
acceptant l'amodiation, il a été déterminé par les'
avantages que lui présentait l'état des lieux, et
" 1Ion
'
cl"e a pense.' qu 'anClln
c l e ceux SUl' ,
fJU "1
1 a ete
�706
i
TRAITÉ
lesquels il a compté, ne lui serait enlevé, par le
fait du bailleur, soit cn qualité de propriétaire du
fonds loué, soit en qualité de maître du fonds
VOISID.
48° Les rapports du nn-propriétaire avec l'usufruitier ~tant tout autres que ceux du bailleur avec
Je locataire, et se trouvant régis par des principes
diffél'ents, les décisions, en ce qui concerne l'ali..
gnement, doivent aussi être différentes; dans un
des cas, les principes de la vente ét de la garantie
dominent; dans l'autre, ce sontceuxde la communion ou de l'association de fait.
Ainsi, par exemple, dans une hypothèse analogue
à celle qui vient de nous occuper en dernier lieu, le
propriétaire de deux maisons, dont l'une serait
grevée d'usufruit, 'pourrait faire dans l'autre des
constructions qui auraient ponr effet de diminuer
les jours de la première, pourvu que celle-ci filt
encore suffisamment éclairée; c'est ce que décide
M. Proudhon (Traité de Pusufruit ~ nO 879),
d'après la loi 30, ff. de lJsufruct. , liv. 7, tit. l ,
qui est très-positive et qui pose nommément l'espece.
Lorsqu'une maison grevée d'usufruit est expropriée en tout ou en partie, une seule indemnité est
réglée par le jury eu égard à sa valeur totale, et
le propriétaire et l'usufruitier exercent leurs droits
sur la somme allouée, au lieu de l'exercer snI' la
chose; dans tout autre usufruit l[Ue celui légal des
père et mère, l'usufrllilic," serait tenu de donner
�DU DOMAINE. PUBUC.
70'1
~aution
, encore qu'il en ait été dispensé pal' le titre
constitutif, ou encor~ qu'il en eût déjà fourni
une. (Art. 39, S 2. et3 de la loi du3 mai 1841.MM. Pl'Oudhon, Traité de Pusufruit" nO 870,
et Delalleau, Traité de Pexpr." nOS 434, 435 et
436.) Si au lieu d'un usufruit, il s'agissait d'un
droit d'habitation Ile portant que sur une portion
de la maillon, les intérêts de l'indemnité se diviseraient entl'e les deux p:lrties, dans la proportion
·de l'étenlloe de leur jouissance respective.
Les mêmes solutions seraient applicables à l'indelImité payée par suite d'alignement.
Si la maison grevée d'un usufruit à titre parti-enlier, était détnlÎte en totalité par suite d'expropriation ou d'alignement, J'.l1sufruit serait éteint
complètement, et l'usufruItier ne conserverait pas
le droit de jouir des matériaux et de ce qui restp.rait du sol. Il ne pourrait non plus prétendre exercer
son droit sm le nouveau bâtiment que le propriétaire aurait réédifié à la place de l'ancien. (L. 5,
S 2, et loi 10, SI, fT. quib. modo uslffr. amitt."
lib. 7, tit. 4, et M. Proudhon, Tr. de l'usu}r.,,
nOS 252 7, 2 542, 25 43 et 2550.)
Dans le cas où la destruction de la maison ne
serait que partieJle, comme s'il y avait lieu seulément à reculer la façade sur l'alignement, l'usufruit continuerait à exister, si eui insuloe usu-
j'ruetus legatus est; quamdiù quaelihet portio
hujus insulae remanet" totius soli usumfructum
retinet (L. !J3 et 10, ff. de usujr., lib. 7, tit. 1);
�108
•
TIUlTÉ
et les frais occasionnés par cette opération devraient, comme charge imposée par l'autorité publique, être supportés par le propriétaire et l'usufruitier, pour l'un, quant au capital, et pour l'autre,
quant à l'intérêt (même Traité de Pusup'uit"
nO lS7 0 )'
49° L'art. IS de la loi dll '21 mai 1836 fixe à
deux années, le délai' après lequel sera prescrite
l'action en indemnité des propriétaires pour les
terrains qui auront servi à l'étahlissement ou au
l'élargissement des chemins vicinaux. Cette dis'position étant spéciale pour la matière, et aucune
autre analogue n'ayant été portée pour le prix des
terrains à céder par voie d'alignement de la part
des riverains à la "ille, ou vice versd" on doit dire
que, ce prix ne sera prescriptihle que par le laps de
30 ans, conformément à l'art. 2262 du Cod. civ.,
qui contient la règle à suivre toutes les fois qu'il
n'y a pas une exception formelle.
Ceue prescription pourra au sur pins être intérrompue, comme celle résultant de l'art. 18 cidessus, par la présentation du mémoire exigé par
l'art. 51 dela loi du 18 juillet 1~G7'.
50° D'apres des leures.patentes dn 22 octobre
1733, rapportées dans le Dictionnaire de voirie"
de Perrot, et dans le supplément au Traité de la
poLice,,'de Delamare,les permissions de construire
étaient périmées et devenaient nulles de plein droit
<lprès une année, et ceux qui n'en avaient pas usé
dans ce délai étaient tenus d'en obtenir dc nol.1-
�709
DU DOMAINE PUBLIC.
velles. Ce réglement, porté exclusivement dans des
vues de fiscalité, ne doit pIns avoir d'cffet aujourd'hui; c'est ce qui paraît résulte.' d'un arrêt du conseil d'état du 16 juillet 1840 (Lagnier.=Dalloz,
41-3-57) ; Llans tous les cas, il ne serait ras obligàtoire hors du ressort de l'ancienne généralité de
Paris. Les préfets ct les màires ponrraient peut-être
encore, dans des circonstances spéciales et par des
motifs d'ordre et de police, prescrire un délai pour
l'exécution de lems arrêtés; mais ce droit dériverait des pouvoirs gél1(~raux qui leur sont conférés
comme administrateurs, et non de l'acte législatif
ci-dessus.
51° La loi du 16 septembre 1807, ni aucune
autre, ne contenant de disposition particulière sur
les intérêts du montant de l'indemnité, il faut s'en
référer, à cet égard, au droit COmmun établi par
l'art. 16&2 du Cod. civ., et dire en conséquence
que ces intérêts ne seront dus que dans les cas suivants: 1° si dans la convention intervenue entre la
ville et le riverain, sur le chiffre de l'indemnité, il .
ya stipulation expresse; - 2° s'il ya eu mise en ~c
meure de la ville par la présentation d'un mémoire,
conformément à l'art. 51 de la loi du 18 juillet
1837, ou du riverain par nne somm:ltion de
payer (a); - 3° enfin si la chose vendne et livrée
-------_.---------------Ca) A la différence du cas prévu par l'arL 1153 C. c. , une
simple sommation, sans commandement ni demandc en justice,
sufftt pour faire courir les intérêts du prix d'une vente;
l'art. 1652 est expliqué par l'art. 1139. (MM. Duranton,
tom. 16, nO 341 , et Troplong, Tr. de la 'Vente, nO 601. )
TO~T. II.
45
�710
•
TRAITÉ
produit des fruits ou autres revenus, ce qui ne
peut avoir lieu que quand c'est la commune qui
cède un terrain sur lequel le voisin construit une
maison ou établit un jardin ou une culture, car on
doit considérer comme improductif celni qui est
au contraire abandonné pOUl' le l'élargissement de
la voie publique.
Quand l'indemnité, aU lieu d'être réglée amiahlement, est fixée par le jury, l'intérêt, indépendamment des causes ci·dessus qui y donnent lieu,
court de plein droit, aux termes de l'art. 55 de la
loi du 3 mai 1841, après l'expiration du délai de six
mois, à partir de la décision de ce jury.
52° Dans les places de guelTe, l'autorité civile
doit, suivant l'art. 75 du décret du 24 décembre
1811 , concerter avec l'autorité militail'e les nouveaux plans d'alignemerHs, 1° des rues qni :;ervent
de communication directe avec la place d'armes,
les bâtiments ou étahlissements militail'es, et la
rue du rempart; 2 6 des rues, carrefours et placesqui environnent ces Lâtiments ou établissements,
ou qui sont consacrés, par le temps et l'usage, aux
exercices ou rassemblements des tl'oupes.
D'uu autre côté, l'art. 30 de l'ordonnance du
1 er août 1821 , sur les servitudes militaires, défeoù
aux propriétaires des bâtimen ts et clôtures, situés
dans les limites de la rue du rempart ou des zôncs
de servitudes, de les réparer sans avoir préalahlement obtenu une déclaration et un certificat
constatall t que les constructions ou répara tions
�DU DOMAINE PUBLIC.
711
projet~es
ne sont dans aucun des cas de prohibitions prévus par les lois des 10 septembre 1791 et
17 jnillet 1~h9; en sorte qu'une double demande
d'alignement doit être formée: à l'autorité civile,
sous le rappol'l de la voirie urbaine, et à l'autorité
militaire, en ce qui concerne les servitudes défensIves.
53° Par les motifs de salubrité qui, depuis la
fin du ) siècle, avaient déterminé à prescrire l'éloignement des lieux de sépulture, des habitations Ca), le décret du 7 mars 180H a fixé à 100
mètres, il partir des nouveaux cimetières transférés
hors des communes en vertu des lois et réglements,
la distance à laquelle il est défendu, d'une manière
générale, d'élever, de restaurer ct d'angmenter
se
Ca) L'arrêtderéglement du parlement de Paris du 21 mai t 765,
et la déclaration du roi du 10 mars 1776, ordonnent l'établissement de cimetières en dehors des villes. L'art. 9 du décret du
6-15 mai 1791 s'occupe de la vente de ceux supprimés; l'article 1 er de celui du 12 frimaire an 2 pose le principe d'un lieu
d'inhumation commun pour tous les citoyens d'une même localité; enfin les art. 1, 2, 8 et 9 du décret impérial du 23 prairial
an 12, en prohibant les inhumations dans l'enceinte des villes et
bourgs, prescrivent l'établissement de nouveaux cimetières à la
distance de 35 à 40 mètres au moins de cette enceinte, en remplacement des anciens, dont il ne devra être fait aucune espèce
d'usage pendant cinq ans, et qui, à partir de celte époque,
pourront être seulement plantés ou ensemencés, sans qu'il soit
permis d'y faire aucune fouille ou fondation pour des constructions de bl\.timents, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, '.
c'est-à-dire, et d'après jurisprudence ministérielle, avant un
nouveau délai de cinq <lUS.
1;
�712
TRAITÉ
aucune habitation, ou de creuser aucun puits;
les anciens puits existant dans cette limite pouvant même, après visite contradictoire d'experts,
être comblés, en vertu d'ordonnance ùu préfet ùu
départemént, ml' la demande de la police locale.
C'est encore là nne servitude analogue à celle
d'alignement, en ce que la prohibition qni la
constitue, ct dont l'infraction entraînerait l'application des peines de police -et notamment la démolition, ne peut être levée que par nne autorisationspéciale, sur laquelle le décret ne s'explique
pas, mais qui, selon nous, ne peut émaner que du
maire, dont l'une.des attributions les pius essentielles est de veiller à ce qui intéresse la salubrité
publique.
Pour prévenir les contraventions que l'ignorance
ou l'ouhli de cette sage mesure pourrait entraîner,
il sera convenable de tracer sur les plans d'alignement, la zône dans laquelle la prohibition ci·dessus
existe, et par suite, la pel'mission de construire
devra être obtenue.
64° La nécessité de demander l'alignement n'est
pas limitée au seul cas ùe construction et de réparation de bâtiments 011 de murs de clôture, ellc
s'étend auslliàcenx de plantations de haies et d'al'hres, d'étahlissement, d'entretien et de curcment
ùe fossés joignant les grandes routes, les rues e.t les
chemins; c'est ce qui est prescrit textuellemen t,
pour les premières de ces voies de communication,
par lcs:art. 91, 92 et 109 du ol:cret dn 16 déccllI-
�DU DOMAINE PUBLIC.
713
bre 1811, ct ce qui a été consacré par les arrêts du
conseil d'état des 25 avril 1828, 8 novembre 1829
et 9 juin l~Bo.
55° De la faculté accordée aux cornmll nes, par
les art. 3 de la loi du 21 avril 1832, et 43 de celle
du 1 a juillet 1837, dè percevoir à leur profit, d'après un tarif arrêté par ordonnance royale, un
droit de voirie à raison de certaines constructions
ct saillies mobiles établies même dans les rues traversées par les grandes routes, on av:ait voulu induire que le droit de permettre ces constructions et
saillies dans ces rues, appartenait aussi à l'autorité
municipale; mais le conseil d'état a émis, le 20 novembre 1839, l'avis: cc Que le droit d'autoriser OH
» d'interdire les saillies, de quelque nature qu'elles
» soient, sur la partie des voies publiques qui dé» pend de la g-rande voirie, appartient aux préfets,
» chargésde donner l'alignement; » mais cepen ...
dant : " que l'approbation dont cct arrêté (du
» maire) a été revêtu, peut être considérée comme
~) lui ayant conféré toute l'autorité d'un acte pré» fectoral, et qu'ainsi les permissions donuées
» conformément à cet arr.êté, l'ont été régulière~) ment.»
Nous admettons complètement cette décision du
conseil d'étaten ce qui concerne les autorisations~
parce que celui-là seul qui a le pouvoir de fixer la
largeur des routes, doit avoir le droit de permettre
l'établissement de 'constructions ou sailli.es ayant
pour effet nécessaire de diminuer cette largen'r ~
�714.
TRAITÉ
mais nous croyons qu'il devrait en être autrement
de l'interdiction, qui, loin de restreindre J'étendue du passage, tend au contraire à l'augmenter et
à améliorer la viabilité; nons pensons que l'alignement donné par le préfet n'est qu'un minimum et
une fixation de la largeur indispensable à procurer
aux frais de l'état, mais que, par des motifs de plus
grande sécurité on commodité du passage, de régnlarité, de salubrité el d'embellissement, J'autorité
municipale peut ensuite prescrire, aux frais de la
ville, de nouvelJes dispositions, pourvu qu'elles
lai,;sent partout intacte la dimension fixée par la
gra nde voirie; que, par exemple, elle peu t exiger,
par son plan d'alignement, un reculement plus
considérable des maisons, la suppres!lion d'angles,
de courbes et autres irrégularités, et aussi défendre
des saillies d'escaliers, de devantures de boutiques,
d'entrées de caves, de corniches, d'anvents, d'étalages, etc., à l'égard desfJuelJes l'arrêté du préfet
doit être considéré moins comme conférant le droit
de faire, que sim plemen t comme n'empêchant pas.
Les dl'Oits et les devoirs des deux autorités sonLd'un
ordre tlifférent, ne dérivent pas du même principe,
•
1)lIt: 1'"Interet
et n ,ont pas exactement 1e meme
d·'une vial)ilité suffisamment commode e~t le senl
mobile Je·l'autorité préfectorale, tandis que l'auiorité municipale a en outre à pourvoirà ceux de la
.salubJité, d'uue cnliere sécllrité et JUême de J'emhellissement. L'une ne doit se déterminer que par
des motifs tle nécessité; l'antre (envisa.gée, bien enA
�DU DOlllAINE PUJ3LIC.
715
tendu, dans l'ensemble de ses degrés hiérarchiqnes, et alors comprenant aussi le préfet) doit encore avoir égard à l'utilité, à l'agrément et à la
décoration. Cette distinction est tellement fondée,
que dans plusieurs départements, notamment dans
celui de la Côte#d'Or, les arrêtés de grande voirie
se terminent tous pal' une disposition de renvoi au
maire, afin que celui-ci prescrive ce qui lui parahra
convenable sous le rapport de la voirie urbaine.
56° Nous termine l'Ons les notions que nous
avons cm devoir présenter sur la matière difficile
et d'une utilité pratique journalière, des alignements et des permissions de bâtir, par un exposé
sommaire des formalités relatives à l'établissement
et à l'approbation des plans généraux, à la délivrance des autorisations· individuelles et aux réglements des indemnités. Ces tmis points formeront le
sujet du préselll S et des deux suivants:
ETABLISSEMENT ET APPRODATION DES PLANS GÉ-
Quelques différences existant entre la voirie U1'baine, la grande voirie et la voirie vicinale,
il est nécessaire de traiter Je chacune séparément.
NÉRA.UX.
PLANS D'ALIGNE./tlENTS DES VILLES ~ BOURGS ET
VILLAGES.
Confection des plans. -
Dix circulaires rappelées par leurs dates, page 460 ci-dessus, et dont
les prescriptions, encore en vigueur, se trouvent
résumées dans l'instmction en 14 articles, annexée
à celle du 2 octobre 1815, règlent tout ce qui con·
cerne la rédaction et la forme matérielle des plans
�716
TRAITÉ
qni doivent être dressés à l'échelle de deux miIlimèlrcs par mètre pour ceux de division ou de rues,
et J'Ull demi-millimètre par mètre pOUl' ceux généraux ou d'assemblage (a).
(a) L'art. 6 de cette instruction porte: « Il sera proposé des
noms aux rues, places, etc., qui n'cn ont pas; le ministre
» statuera. » Mais s'il s'agissait, après le plan approuvé, de
changer le nom existant, il Y aurait lieu aux distinctions suivantes: 1° si la dénomination avait été donDée par ordonnance
royale, il faudrait une Douvelle ordonnance pour y en substituer
un autre; 2° si le nom n'existait que par suite d'un ancien usage,
au maire seul, en vertu de son pouvoir de police, et non au
conseil municipal, appartiendrait le droit de le cbanger, sauf
approbation de l'arrêté par le ministre ou par le préfet, selon
que la commune serait assujettie ou non à avoir UD plan d'alignemeDt (Cl'rculaire du ministre de l'intérieur du 3 août 1841);
3° si la dénominatioD projetée était un honneur que l'on voulût décerner, soit de son vivant, soit après sa mort, à un
citoyen, l'arrêté du maire ou le vœu du conseil municipal nc
seraient exécutoires, aux termes de l'ordonnance du 10 juillet
1816, qu'autant qu'ils seraient approuvés p:l.r UDe ordonnance
royale; 4° enfin s'il s'agissait de donner à un.e rue le nom du
propriétairc ou de l'entrepreneul' qui l'aurait fait ouvrir, ce ne
serait pas le cas de l'approhation du roi, n'y ayant poiDt ici de
récompense ou d'hommage publics; l'arrêté du maire devrait
seulement être approuvé, comme il est dit au DO 2 ci-dessus,
par le ministre ou par le préfet (susdite Circulaire).
Les écriteaux ou noms des rues ne datent que de 1728; av.ant
cette époque, la tradition seule désignait les voies publiques;
ces écriteaux sont à la charge des communes (art. 2 du décret
du 23 mai 1806), et l'obligation de souffrir leur placement et de
ne porter aucune atteinte à leur conservation, est une servitude
municipale que doivent supporter l(:s maisons désignées par
l'autorité pour les rccevoir.
Les plans d'alignement clcnont aussi indiqucr lcs numéros
»
�DU DOl\WNE l'LJlILJC.
717
Sur ces plans, levc;s en triple expédition, le maire
fait tracer, péll' l'architecte-voyer ou autre homme
de l'art, les projets d'alignements, en évitant autant gne possihle, ainsi que le recommande l'article 5 de l'instruction,de faire avancer les maisons
snI' la voie actuelle, et de viser à un parallélisme
hon à obtenir dans des rues nouvelles, mais souvent inutile dans les rues ancienneso
Lorsqu'il y aura lieu à l'élargissement, il conviendra de se conformer à l'instruction donnée par
le ministre de l'intérieur au préfet de la Seine,
dans uneOlettre du 24 mars 1828, ainsi conçue:
cc Le conseil des hàtiments civils a appelé mon at» tention snI' la nécessité de prendre une détermi» nation à l'égard de la question de savoir si, dans
» certains cas, il y a lieu à faire su pporter exclusive» ment par un des côtés, le retranchement que peut
» exiger l'élargissement de la voie pnhliqueo 'V ous
» reconnaissez que le principe de l'égalité de ré» partition n'est point ahsolu, et qu'il peut fléchir
» s'il s'agit, par exemple, de déplacer l'axe d'une
des maisons. L'opération du numérotage prescrite par l'ordonnance du roi du 1er juillet 1 ï68, a été organisée pour la ville de
Paris, par décret du 15 pluviose an 13 (4 février 1805), et
étendue à toute la France par ordonnance royale du 23 avril
1823. Il faudrait ne jamais changer le numéro des maisons, ou,
si l'on se trouvait dans l'absolue nécessité de le faire, dresser
au moins un procès-verbal authentique pour établir la corrélation des nouveaux numéros avec les anciens; le défaut de cette
précaution entraîne une perturbation fâcheuse, en jetant de la
confusion dans les titres privés et dans les registres publics.
�718
l1tAlTÉ
rue dans l'intérêt de la circulation, on hien cncore de respecter des édifices publics ou des pro» prié tés considérables nouvellement bâties; je
» partage cette opinion. Toutefois, en admettant
» que, hors le cas de nécessité contraire, il est dans» l'équité de f.1ire porter également le retranche» ment à opérer sur les deux côtés de la me, je
» cl'Ois allssi qu'il y au rait des incon vénients à dqn» nel' une trop grande irnportance à cette objection
dans la rédaction du projet d'alignement, et à y
» subordonner des redressements désit'ables. »
Nous partageons entièrement cet avis, et'nous pensons aussi que la recommandation faite par les anciennes ordonnances sur la voirie, cc de faire sup:» porter avec justice et égalité les retranchements
» qui peuvent être nécessaires, aux deux côtés de
» la rue, » doit céder non-seulement devant les
considérations ci.dessus, mais surtout devant celles
de doubler le dommage, qui est plus souvent en
rapportavecle nombre des maisons entamées, qu'avec la quantité de terrain prise à chacnne, el par
suite de retarder indéfiniment l'avantage du l'élargissement et de la régularité,
Le tracé ainsi préparé doit être, malgré le silence à cet .égard de la loi du 16 septembre 1807,
soumis au conseil municipal, dontle concours, formellement exigé par l'art. 19, nO 7, de celle du
18 juillet 1837, serait d'ailleurs toujours indispensable, puisque les rectifications des voies publiques
ne peu\'ent s'effectuer qu'au moyen de la cession ou
»
»
l)
�DU DOM.A.INE PUBLIC.
'119
de l'acquisition de parcelles de terrain plus ou
moins étendues, que le maire ne peut faire seul,
comme entraînant, soit une dépense, soit l'aliénation·.d'nn fonds communal.
Enquêtes. - .Le plan en cet état est soumis à l'enquête prescrite par les art. 3 et 4 de l'ordonnance
royale du 23 août 1835, ainsi conçus: cc Art. 3. Le
)' projet sera déposé à la mairie pendant quinze
» jours, pour qùe chaque habitant puisse en pren·
» dre connaissance; à l'expiration de ce délai, un
» co~mnissaire désign{par le préfet recevra à la
)' mairie, pendant trois jours consécutifs, les décla)' rations· des habitants sur l'utilité pu ique des
)' travaux projetés. - Les délais ci-dessus pres» crits pour le dépôt des pièces à la mairie et pour
» la durée de l'enquête, pourront être prolongés
:» par le préfet. -Dans tous les cas, ces délais ne
» courront qu'à dater de j'avertissement donné par
» voie de publication et d'affiches.-Il sera justifié
» de l'accomplissement de cette fOl'malité par un
» certificat du maire.
» Art. 4. Après avoir clos et signé le registre de
» ces déclarations, le commissaire le transmettra
» immédiàtement au maire, avec son avis motivé
)', et les antres pièces de l'instruction qui auront
.» servi de base à l'enquête. - Si le registre d'en» quête contient des déclarations contraires à l'a» dûplion du projet, ou si l'avis du commissaire
» lui est opposé, le conseil municipal sera appelé
" à les examiner, et émettra son avis par une déli-
�7iW
TRAITÉ
bération motivée, dont le procës-vcrbal sera
» joint aux pièces. Dans tous les cas, le maire
» adressera immédiatement les pièces au sous» préfet, et celui-ci au préfet, avec son avis mo) tivé. »)
L'instruction ministérielle ÙU 29 octobre 1812
prescrivait des formalités un peu différen tes pour
cetle enquête, mais clle a été abrogée par la circulaire du 23 août 1841, qui, à raison de ce que
l'ordonnance approbative des plans d'alignement
doit avoir les mêmes effets que celle d'expropriation , et servir comme elle de base à une décision
du jUl'Y, ige que l'on se conforme exactement au
réglement d'administraLÏon publique du 23 août
l83b, dont parle l'art. 3 de la loi du 3 mai 18.11,
ainsi qu'aux instructions contenues dans la circulaire ministérielle cl Il 21 septem bre de la même
année 1835 Ca).
Comme on le voit, le conseil municipal pourra
être apFelé à délibérer une seconde fois, mais ce
ne sera plus sur l'ensemble des alignements; après
l'enquête, il n'aura qu'à s'occuper des points qui
amont donné lieu aux oppositions des parties ou
à l'avis contraire du commissaire.
La procédure relative aux plans d'alignements,
ayant, comme nous l'avons fait remarquer pag.
626 ci-dessus, pour double objet, tout à la fois, et
la déclaration d'utilité publique du tracé proposé,
»
(a) Cette circulaire du 23aoilt 1841 est rapportée, pour la
majeure partie, dans la 2·, note sous le n° 426 ci-dessus.
�DU DOM,UNE PUlILIC.
721
,et l'application de ce tracé à chaque propriété particulière, il aurait fallu régulièrement que la seule
enquête qni la constitue, eût embrassé les mesures
et les formes, tan t de celle préalable à l'ordonnance' prescrite par les articles pins haut transcrits
li n réglernent d'administration publique du 23 aoùt
1835, que de celle subséquente, organisée par les
al't. 5, 6et 7 de la loi du 3 mai 1841.
Les differences entre ces deux enquêtes consistent en ce qne, 1 0 la première s'ouvre sur un projet
DÙ l'on doit faire connaître le but de l'entreprise,
le tracé des travaux ~ les dispositions principales
<les ouvrages, et l'appréciation sommaire des dé.penses, tandis que dans la 2 e , il faut un plan
des propriétés particulières indicatifdes noms
de chaque propriétaire ~ tels qu~ils sont inscrits
sur la matrice des r61es; 2° le délai de la 1 re ,
est de quinze jours ~ à l~expiration duquel un
comm;ssaire~ désigné par le prifet ~ reçoit à la '
mairie ~ pendant trois jours consécutifS ~ les déclarations des habitants sur l~atilité publique
des travaux projetés; tanùis que le délai de la
e
2 est, en tout, de huit jours, pembntlesquels le
commissaire ~ qui est le maire, mentionne sa!'
un procès-verbal qu~iL OUVïe à cet4fet~ et que
les parties sont requises de s~f{ner~ les déclarations et réclamations qui lui sontfaites verbaLement.. et y annexe celles qui lui sont
transmises par écrit; 3° aucuns lieux spéciaux,
ni aucunes formes n..c sont prescrits pOllr les pub1i-
�722
TRAITÉ
cations et affiches qui doi vent précéder ]a première,
tandis qne pour la seconde, F avertissement doit
iltre publié à son de trompe ou de caisse dans
La commune ~ ajfiché tant à la principale porte
de l~église du lieu ~ t7u~à celle de la maisoncommune ~ et en outre inséré dans l~un des
journaux pubLiés dans l~arrondissement ~ ou,
s~il n~en existe aucun, dans l~un des journaux
du département; 4° dans la seconde, le maire,
qui reçoides déclarations, n'a pointd'avisàémellre,
tandis que dans la 1 re , Le commissaire déLégué
par le préfet doit donner son avis motivé.
Rien assurément n'aurait été plus facile que de
combiner ces di verses mesures en adoptant celles
qui produisaient le plus de garantie et qui rentraient le mieux dans le but proposé; il suffisait de
prendre, tant dans l'ordonnance du 23 août 1835,
que dans le tit. 2 de la loi du 3 Dlai 184 l, celles des
dispositions que nous présentons ci-dessus en caractères italiques, et de les réunir. Mais comme d'après
cette idée, on ne retranche aucune des prescriptions de l'ordonnance qui sont d'une application
possible aux plans d'alignemept,que l'on ne fait seulement qu'yen ajouter quelques autl'es empruntées
à la loi, et qu'il est de principe que ce qui abonde
ne vicie pas, on pense q"ue, bien que ]a circulaire
du 23 août 1841 n'en impose pas l'obligation, il
sera convenable et parfaitement dans l'esprit de la
législation, d'exécuter, en fait, la combinaison don t
nous venons de parler, et qui en définitive n'ajoll-
�DU DOMAINE PUBLIC.
723
lera à la marche prescrite, que ces tl'ois poinls :
1 0 l'inscription, sur le plan ou sur un tableau y
annexé, des noms de chaque propriétaire, tels qu'ils
-sont inscrits sur la matrice des rôles; 2° la publi-cation à son de trompe ou de ca~sse, dans la comnI une, de l'avertissement relatif au dépôt des pièces
,à la mairie, et son affiche tant à la principale porte
de l'église du lieu, qu'à celle de la maison-com'mune; 3° et son insertion dans l'un des journaux
,de l'arrondissement on, à défaut, dans un de ceux
du département.
Approbation par ordonnance royale. et Le préfet .... ,
'»
continue l'ordonnance sus-mentionnée du 2~
» .août 1836 (art. 5), enverra le tout (c'est-à-dire le
» plan, l'enquête, l'avis du commissail'e, la délibé» ration ùu conseil municipal etl'avisdu sous-pré» fet) au ministre de l'intérieur, avec son avis mo» tivé .... ~) Ce ministre est dans l'usage de consulter le conseil des bâtiments civils, dont le travail
donne souvent lieu à des observations qui nécessitent de nouvelles études, un nouveau tracé ct une
nouvelle instruction. Il y aurait également lieu,
aux termes de l'art. 7 de la même ordonnance,
à en référer au ministre des finances, si quelques
alignemenls entraînaient l'application de l'avis
dn conseil d'état du 9-21 février 1808, sur la
cession aux communes de tout ou partie d'un bien
de l'élat Ca).
Ca) Dans le cas de cession d'un bien de l'état proprement dit,
il y a perte de produit ou de jouissance de valeur :Jppréciable,
�72!j.
TRAITÉ
Enfin, et ces préliminaires remplis, les plans sont
soumis an conseil d'état, sur l'avis duquel intervient l'ordonnance royale approbative.
C'est ainsi que se trouve exécuté l'art. 52 de la
loi du 16 septembre 1807'
Jusqu'à l'ordonnance, tontes les réclamations
penvent être présentées; mais lorsqu'elle est rendue, clle ne peut être attaquée, ni par voie contentieuse (arrêts du conseil d'état des 91uin 1 ~h4,
2 août 1826 et 4 juillet 1827;=Macarel~6.2998.498- 9.388), soit d'opposition, soit de tierce opposition (arrêt dudit cons. du 4 juin dh3) , parce
qu'il n'y a point ici application d'un titre qui ait
conféré un droit aux propriétaires riverains, et que
l'ordonnance constitue un réglement d'administration publique, ni même par voie de supplique
ou de pétition, parce que l'alignement assure aux
tiers des droits que l'on ne peut remettre indéfiniment en question.
Il n'y aurait d'exception que dans le cas où les
formalités relatives à l'enquête aurai(mt été omises
ou 'l'régulièrement remplies; alors, et sans que
et, pal' suite, véritable aliénation; alors l'avis du conseil d'état
en question doit être appliqué comme il l'a été, par ordonnance
royale du 2 février 1831, pour la vente à la ville de Dijon
d'une partie du Palais des Etats, à l'effet d'y établir la mairie;
il en serait autrement s'il s'agissait d'un fonds dépendant du domaine public; les cessions à en faire pour cause d'utilité pnhlique ne constituent ni aliénation ni expropriation; clIcs ne
forment qu'un changement de destination el une nouvelle affectation.
�725
DU DOMAINE PUBLIC.
pour ce motif, il y ait davantage lieu à la voie contentieuse, on devrait se pourvoir par Opposilion
devant le ministre de l'intérieur, sur le r<lpport dnqnel le roi, en son conseil, statuerait conformément à l'art. 52 Je la loi du 16 septembre 1807_
Le roi, au surplus. appréciateur suprême de
l'intérêt puhlic, que des circonstances imprévues
peuvent sans cesse mot1ilier, conserve toujuurs et
cn tout état de canse, la factilté de changer le plan,
· après avoir fait procéder, bien entendu, à une nouvelle instl'Uction tians les formes ci-dessus indiquées, et sans néanmoins pouvoir porter atteinte
aux droits acquis.
PLANS GÉNÉRAUX D'ALIGNEMENT DE GRANDE YOIRIE.
L'ordonnance du bureau des finances de la généralité de Paris du 29 mars 1754, dont l'arrêt du
conseil du 27 février 1765 étendit les dispositions
à toute la France, suppùsait l'existence de plans généraux déposés au greffe du bllreau des finances,
·et auxquels les trésoriers de France devaient se
conformerlorsde la délivrance des alignements partiels; ces plans, qui étaient ordinairement rendus
exécutoires par arrêts du conseil, ne furent levés
que pour certaines localités; dans celles où, au moment de la révolution, 11 n'en existait pas de définitivement approuvés, des arrêtés préfectoraux et
· des décisions ministérielles fhèrent seuls les alignements pendant une période de vingt ans. Ce ne
fut qu'en 18°9, et en exécution de la simple instruction du 22 juin de cette année, anjOllrd'hni
TOM. II.
46
,
�726
TRAITÉ
encore l'unique règle obligatoire en cette matlere,
que l'administration résolut de soumettre les plans
" deToutesau 1'01- enconsel-} (l" etat,comme
generaull
cela se pratiquait déjà pour ceux des rues des villes
depuis la loi du 16 septembre 1807Confection des plans. -Conformément à l'instruction du ministre de l'intérieur du 13 thermidor
an 6 (31 juillet 1798), et aux circulaires du directeur-général des ponts et chaussées des 22 juin
1809 sus mentionnée, et 3 août )833, les plans
généraux des traverses des villes, bourgs et villages,
sont dressés, sur des bandes séparées pour chacune,
par les ingénieUl's des pon ts et chaussées, à l'échelle
de cinq millimètres pour mètre; les pL ns des diverses traverses de la même ville doivent être
présentés ensemble, el être accompagnés J'un plan
général snr une pIns petite échelle; quelques cotes
ou des profils en long, doivent faire connaître les
différenees de niveau.
A ces plans, ton jours en triple expédition, l'une
pour le conseil d'état, l'autre pom l'administration
des ponts et chaussées, et la troisième pour le département, et SUl' lesquels sont inscrits, selon le
vœu de l'art. b de la loi du 3 mai 1841, les noms
de chaque proprié,taire, tels qu'ils sont portés SUI'
la matrice des tôles, il faut joindre, 1 0 un tableau
cc indiquant l'état actuel des maisons limitrophes
» par des lettres initiales ou autres signes qui dé» notent si la construction en est bonne, mauvaise,
;l) médiocre, neu ve, en pierre, bois, etc. ; si elles
�DU DOMAINE l'UBLIC.
727
sont couvertes en ardoises, tuiles, paine, etc.;
» le nombre d'éta~es dont elles sont composées;
u enfin tous les détails intérieurs et extérieurs qui
» peuvent servir à bien déterminer les alignements
» à moindl'es frais et dommages, et qui doivent
~~ être consignés dans un mémoire motivé pOUl!
» fixer l'opinion des examinatenrs sur l'ensemble
" du projet;» 2° un autre tableau ou ce légende où
~) les divers alignements sont définis, soit pal' la
» position de leurs extrémités rapportées à des
» points fixes, soit par leur distance à des lignes
» déterminées .... , afin de prévenir toute incerti» 1ude sur les tracés arrêtés, et toute difficulLé
» dans lenr application. »
Enquête. - L'enqu~te à laquelle les plans d'alignenlent Je grande voirie sont soumis, n'est point
une Je celles prescrites préalablement à la Jéclaration d'utilité publique, soit par l'ordonnance du
1~ février 1834 pOllr les travaux de l'état ou des
départements, soit par l'ordonnance du 2j août
) 835 pour les travaux communaux et pour les plans
d'alignemeu t de petite voirie, ainsi que nous l'avons
vu plus haut, c'est celle subséquente, et on pourrait dire d'application, organisée par les art. 5, 6,
7, 8, 9 et 10 de la loi du 3 mai 184 l , exactement
conformes à ceux correspondants de la loi du 7
juillet 1833. La circulaire du directeur-général des
ponts et chaussées, du 3 août de cette dernière
année, est précise à cet égard, et transcrit liltéralement ces dispositions. Par une seconde, en date
»
�728
TRAITÉ
du 16 décembre suivant, nO 32, ce haut fonction"
naire va plusloin, en disant qne l'accomplissement
exact des formalités prescrites par ces articles,
suffit pour que l'ordonnance royale qui intervient
ensuite et qui fixe les alignements des traverses
des villes, bourgs et villages faisant partie d'une
route royale ou départementa1e, devienne ie titre
d'après lequf'l l'administration est autorisée, en
observant d'ailleurs les autres formes établies par
la loi du 7 juillet 1833 (aujourd'hui du 3 mai.
1841), à exprnprier les propriétaires ri verains don t
leshàlimen ts sont sujels à reculer; pa rune troisième
circulaire, sous la datt> dn 20 octobre 1836, il ne
fait d'exception à la marche qu'il avait iudiquée,
que lorsqu'il s'agit d'lin changement dc direction
à opérer dans une route. cc Il suffit, dit-il, de l'ac» complissement des formalités du tit. 2 de la loi
» du 7 juillet 1~33, pour arrêtel' le système des
» alignements d'une traverse déjà dépendante de
» la grande voirie; mais il n'en est pas de même
» quand il s'a~it de changer la direction de cette
» mème traverse. Ce changement, en effet, con» trarie des habitudes anciennes, touche à des
». droits acquis, et tend à créer des servitudes spé» ciales pour les riverains. Il est évident, dès-lors,
» qu'un projet de cette nature ne peut recevoir
» son exécution qu'autant que l'utilité publique en
>" a été dûment constatée,·à la suite de l'enquête
» ordonnée par l'a 1'1. 3 de la loi du 7 juilletl833,
» et dont les formes ont été réglées par rordol)~
» nance royale du 18 février 1~34.
�DU DOMAINE PUBLIC.
729
" Le principe même du changement de dîrec" tion doit être soumis à l'enqnête exigée par
" l'art. 3 de la loi de 1833, et ce n'est qu'après que
" ce principe sera définitivement: adopté par J'ad~, mi nistra tion su périeure, que l'on pourra pro-.
." céder ut.ilement aux formalités contenues dans
:» le tit. 2 de la même loi. »
Si nous admettons complètement cette dernière
doctrine, il n'en est pas de même de celle contenue dans la circulaire du 16 décembre 1833; nQUS
Groyons que Jans le cas où l'on voudrait se servir
de l'ordonnance d'alignement pour exproprier, il
faudrait que préalablement tontes les formalités
presérites raI' le réglement d'administration publique du 18 février 1834, eussent été suivies sans
distinction entl'c l'hypothèse où la inaison dont on
voud l'ai t immédiatemen t déposséder le propriétaire,
ne sera'Ït destinée qu'au simple l'élargissement ou
red. essement d'une route ancienne, et celle où,son
emplacement serait nécessaire à l'ouverture d'une
DOl1velle direction. L'art. 3 de la loi du 3 mai 1841
qui porte que l'ordonnance d'expropriation devra être précédée d'une enquête dans les furmes
déterUlinées par un réglement d'administration
publiqne, étant général et absolu, il ne parait
pas possible que celte formalité soit omise. Il est
vrai que l'art. 14 ne donne pas le droit aux tribunaux d'examiner si elle est régulière, ni même si
elle existe (M. Delalleau, Tr. d'exprop. ~ nO 306),
mais alors la sanction se trouve dans la respOnsa...
�730
TRAITÉ
hilité du ministre signalaire de l'ordonnance, et
qui serait compromise s'il autorisait une atteinte
à la propriété privée, en dehors des cas prévus par
la loi, ou en mettant ùe côlé les garanties qu'elle
eXige.
Après l'enquête reçue par le maire, toutes les
pièces, s'il s'agit d'aliguement dans l'intérieur
des villes, bourgs et villages, doivent être soumises
au conseil municipal, afin.qu'il donne son avis ~
_conformément au n 3 de l'art. 21 de la loi du 18
juillet 1837; avanl que cet article en eût fait une
obligation précise, la jurisprudence du conseil
d'état, rappelée dans la circulaire du 3 août 1833,
exigeait déjà qu'il en fûl ainsi.
Comme la manifestation que doit faire ici le
conseil municipal, n'est Clu'un simple avis et non
une déLihération ou décision, ainsi que le veut
l'art. 19,no 7, de la même loi, dans le cas tout
différent J'alignement de petite voirie, nous pen~
sons qu'dIe devra intervenir avant la réuuion de
la commission dont il-va être parlé, parce que ce
n'est qu'nn des documents de l'enquête à pen près
semblable aux oppositions on obsprvations des par;
ticoliers, snI' lesquels celle commission aura à
statuer.
La commission, qui, en fait d'alignement de
granJe voirie, a toules les attributions dévolues au
conseil municipal, lorsqu'il-ne s'agit que de ceux
de voirie urhai ne, se compose, sous la présidence
-du sous· préfet, de quatre membres du conseil géÛ
J
�DU DOMA.INE PUBUC.
731
néral du département oud'arrondissement,dési.gnés
par le préfet, ou maire de la commune et de l'nn
des ingénieurs qui ont tracé les alignements; cHe
se réunit au chef-lieu de la sous-préfecture, et ell~
ne peut délibérer qu'an nombre de cinq membres;
la voix du président est prépondérante en cas, de
partage, et aucun des propriétaires intéressés ne
peut en faire partie. Elle reçoit, pendant huit jours,
les observations des propriétaires, qu'elle peut
d'aillt~nrs appeler lorsqu'elle le juge convenable,
don ne ensuite son avis, el doit dore le dixième jour
ses opérations, dont le procès-verbal est adressé
immédiatement par le sous-préfet au préfet; si ces
opérations n'étaient point terminées au terme prescrit, le sous- préfet devrait, dans les trois jours,
transmettre au préfetles documents recueillis, avec
son procès-verbal, constatant que la commission,
quoiqne composée, n'a pas rempli sa .mission ou
achevé son travail. EArl. 8 et 9 de la loi du 3 mai
184J· )
Si la· commi.ssion proposait quelqnes changements au tracé soumis à l'eI)quête, le sous-préfet
d,ev rait en donner immédiatement avis aux propriétaires que ces changements pourraient intéresser,
en se conformant, pour cct avertissement, aux
prescriptions de l'art. 6. Pendant hl~itaille, à dater
de sa publication, le procès-verbal et les pièces
resteraient déposés à la sous-préfecture, ponr que
les panies 1ntéressées puissent en prendre communication sa os déplacement et sans f,'ais, et fournir
�732
TRAlTÉ
leu rs observations écrites, après quoi, et dans les
trois jOll rs suivan ts, le sous-préfet transmettrait
tnutes les pièces à la préfecture. (Art. la de ladite.
loi. )
Celte enquête partielle, en cas de changements
proposés par la commission, est indispensable pour
que les particuliers lésés par Je nouveau tracé,
puissent faire entendre leurs observations, et pour
qu'après leur avoir soumis un projet, on ne vilmne
pas en faire adopter un autre dont ils n'auraient eu
au Cllne connaissance. Si J'ordonnance du 23 août
1835, à laqueJJe seule renvoie la circulaire du 23
août 1841, pour les alignenlents de petite voirie,
n'inlpose pas la nécessité de celte seconde enqnête
relativement aux modifications qui pourraient être
apportées par Je conseil municipal faisant fonctions
de la commission instituée par l'art. 8 de la loi du
3 mni 1841, c'est sans doute à raison de ce que ce
conseil ayant déjà approuvé le tracé du maire avant
la mise à l'enquête, ce qne n'a pu faire la commission, on a regardé comme pel] proLable que lorsqu'il serait aPl'elé une seconde fois à délibérer sur
les 01!Positions des particuliers, il ferait des changements à un projet qu'il a déjà examiné et qu'il
s'est approprié. Cependant, si par suite de ces oppositions, ou mêmespontanément, il croyaitdevoir en
opérer, nous n'hésitons pas à décider qu'il f.ludrait
recommencer l'enquête sur les points modifiés; il
ya, en effet, analogie complète entre les deux cas;
aucune condamnation, d'ailleurs, ne devant être
�DU DOMAINE PUBLIC.
733
prononcée, ni aucune mesure prise, sans que celui qui en est frappé ou qui peut en éprouver du
préjudice, ait été mis à même de se défendre et ùe
faire valoir ses droits. Reltm enim non audiri,
disait un ancien (Ammien Marcellin), latrociniltm est, non judicium, «nul ne peut être jugé
:» qu'après avoir été entendu ou légalement ap:» pelé», portait aussi l'nrt. I l de la déclarafion
des droits de l'homme, du 5 fructidor an 3, en reproduisant presque textuellement une consLÏtution
de Clotaire 1er , ùe l'an 560.
L'instruction préparatoire, dont nous venon,s de
tracer la marche, est.plus rapide et moins compliquée que celle qui, en conformité des art. 2, 3, 4,
5,6,7, 9 et 10 de l'ordonnance du 18 février 1834,
doit précéder l'expropriation pour cause d'utilité
publique poursuivie dans l'intérêt de l'état ou des
dépa rtemen ts.
Il est à regretter que, relativement aux alignements de petite voirie, la circulaire du 23 août
1841, au lieu de renvoyer à l'ordonnance du 73
août 1835, remplaçant pour les travaux d'intérêt
communal, celle ci-dessus du 18 février 1834, ne se
soit pas également réfërée aux art. 5,6, 7 et 12 de
la loi du 3 mai 1841. Il Y aurait eu moins dc disparate entre deux procédures, qui, ayant le même
but et étant ici employées plus dans l'intérêt des
citoyens dont les propriétés sont menacées, qno
dans celui des administrations, devaient, à notre
avis, êlre en tout point semblables.
�734
TRAITE
Appro6ation par ordonnance royale. - L'instruction·
étant achevée, le préfet traosmet toutes les pièces,
avec son avis, à l'administration supérieure qui
prépare le rappOI't ministériel d'après lequel il est
statué par le roi.
Quoique aucune loi n'en impose l'obligation positive, c.omme pour les plans de petite voirie, le
directeur~général des ponts et chaussées s'est fait
une règle qe soumettre au conseil d'état les alignements généranx dans la traverse des villes et fauhourgs; la jurisprudence du conseil elle-même
para1t tendre à imposer cette nécessité à l'administration ; c'est ce qui résulte de son arrêt du 29 juin
1832 (Bartier et Rousseau), qui, bien qu'il ne
s'applique pas à l'alignement d'une rOUle, mais à
celui ù'un canal, n'en consacre pas moins le principe, 'puisque la loi est muelle dans un cas comme
dans l'autre.
Ces orJonnances, au reste, ne sont pas pins
que celles en matière de petite voirie, susceptibles
d'opposition par la voie contentieuse, parce qu'en
fixant l'alignement, l'administration use ù'un pouvoir disclélionnail'e sous sa seule responsabilité,
et n'attaque aucun droit privé résultant J'un
titre. (AlTêts du conseil des 25 septembre 1834, et
8 janvier 1836.)
Comme nous l'avons dit plus haut, nous pensons, contrairement à la circulaire du directeurgénéral du 16 décembre 1833, et à ce qui s'cst praliqué plusieurs fois, que, pour qu'unc ordonnance
�DU DOMAINE PUBLIC.
'135
approbative d'un plan d'alignement pût servir à
une expropriation proprement dite, il faudrait,
d'une part, qu'elle eût été précédée ùe l'enquête
et autres mesures prescrites par le réglement d'administration publique du 1~ février 1834; d'un
autre côté, qu'elle contint l'autorisation d'agir par
cette voie, et enfin qu'elle flît suivie de l'arrêté du
préfet, mentionné dans l'art. I l de]a loi dn 3 mai
:/.841, qui déclare cessibles les propriétés atteintes;
les seules formalités qui nous paraîtraient pouvoir
être omises, comme ayant été déjà remplies expressément ou virtuellement, seraient celles de la
levée d'un plan parcellaire, de l'enquête etde l'avis
de la commission de sept memhres, exigées par ]es
articles 4 à 10 inclusivement de la loi du 3 mai
1841 •
PLANS D'ALIGNEMENT DES CHEMINS rICINAUX.
Une circulaire du ministre de l'intérieur du 10
décembre 1839, dont nous allons présenter ]'analyse, a réglé d'une manière formelle cê't objet en
ce qui concerne les parties de chemins vicinaux de
grande communication traversant les boürgs et villages ayant moins de 2,000 habitants.
Reste actuellement à savoir quellë m,trche est à
suivre: 1° pour les rues traversées par les mêmes
chemins, des bourgs et villes dont la population excède 2,000 ames; 2,0 pOUl' les rues des villes, bonrgs
et villages, quelle qu'en soit la population, qui penvent être considérées comme traverses des chemins
vicinaux ordinaires ou de petite communication;
�736
'l'HAtTÉ
3° enfin, pour les portions de chemins de' g"'ande
ou de peLite commnnications situées dans la campa~ne et en dehors des agglomérations d'habitations.
Relativement aux deux premières cbsses, il n'y
a pas d'aulnls formes que celles tracées tant par.
l'il 1'1. :'2 de la loi d Il 16 septembre ) 307, qne par
l'ordonna nee royale d~ 23 août) 835, et que nons
avons rapportées ci·dessns; c'est ce qui résulte,
pour la première, expressément, de la même circulaire, et pOlir la seconde, implicitement,des principes posés plus haut, nO 475, sur lesquels nous l'eviendrons dans un instant, en indiquant de qui
doit émaner l'approbation des plans.
Enfin, quant à la deFnière classe, nous pensons
que, pal' analogie, il y a lieu de suivre les formes
prescrites par la susdite circulaire du 10 décembre
1839, ct dont voici l'exposé:
Confection des plans. - Ils seront dressés par l'agen L-voyer uu par un géomètre, à l'échelle de cinq
millimètres par mètre, et ils devront présenter, soit
sm la feuille ou bande même qui les conrienl, soit
dans un tableau 0\1 mémoire annexé, tous les renseignements ct énQnciatioDs prescrits pour les plans
d'alignements de grande voirie, et que nous avons
indiqués ci-dessus, pag. 726.
La légende en marge rappellera en outre le nom
du département, de l'arrondissement, de la commune, le numéro et la désignation dn chemin;
ainsi que les opérations géométriques qui ont servi
�DU DOMAINE l'UELle.
737
à tracerles alignements, afin de pouvoir placer, au
besoin, sur les lieux, des points de repère (a).
D'après le ra pport de l'agent-voyer sur l'étude des
localités, on tracera, « de chaque côté de la rue (ce
» sont les termes mêmes de la circnlail'e) llne ligne
(a) Dans les plans de villes importantes, où il est essentiel,
surtout à raison du nombre ct de l'irrégularité des rues, d'obtenir la précision la plus rigoureuse, il faudra faire précéder le
travail géométrique d'une opération trigonométrique qui lui servira de base; mais la même exactitude étant superflue pour les
plans des chemins, on devra se borner au moyen ci-après, d'une
exécution facile, et que nous avons vu souvent employer.
Pour chaque chemin, on tracera une ligne brisée qui en suivra les principales inflexions et en déterminera l'axe général.
Chaque portion droite de cette première ligne deviendra ellemême l'axe de la partie de chemin correspondante; ces diverses
portions seront mesurées exactement, ainsi que les angles qu'elles
forment entre elles; et les 10llgueurs, avec le nombre de degrés et fractions de degrés, seront cotés sur le plan. Les distances des axes à tous les angles saillants et renh-ants que présentent les limites des propriétés riveraines, ou les ordonnées de
toutes les courbes qu'elles forment, prises perpendiculairement
auxdits axes, seront indiquées sur le plan par des lignes ponctuées et cotées, séparées par des intervalles exactement mesurés
et é~alement cotés; par là, la position de tous les points des
lignes droites, courbes ou brisées, constituant les limites du chemin, sera parfaitement déterminée par rapport à son axe, et
comme, d'un àutre côté, les positions d'un ou de plusieurs points
de cet axe pourront être fixées en les rapportant à des points de
repère invariables, il s'ensuit que, quels que soient les changements qui puissent survenir dans l'état des lieux, on sera toujours à même, au moyen d'une opération très-simple, de retrouver sur le terrain l'emplacement d'un point, quel qu'il soit.
�738
1'llAITÉ
rouge continue qui indiquera pl'Ovisoirement la
limite :J\l-delil de laquelle h:s c:onslrnctions ne
» devront pas avancer. Il serait à désirer que ces'
» deux ligne~ fussent parallèles; mais cette condi» tian n'est pa'i de rigueur, surtout dans les rues
» aneiennes et si celte disposition devait donner
» lieu à des avances on à des retranchements trop
» considérables, car il importe de concilier les io» térêts des propriétaires riverains avec les besoins
» de la viabilité; le point le plus important, c'est
') qne la voie publique ait une largeur suffisante,
» sans trop s'attacher à une parfaite régularité, dans
» son tracé, si cetle régularité reocontra~t trop
» d'obstacles. »
Enquêtes. - Le pIao ainsi préparé, sera déposé à
la mairie; avis de ce dépôt sera donné aux habitan ts
par les moyens ordinaires de publica.tion , et ils seront prévenus que, pendant un mois, ils pourront
remettre au maire les oppositions qu'ils auraient à
faire valoir contre les alignements projetés; il importera snrtout qu'ils soient mis à portée de hien
comprendre qu'après l'homologation du plan, aucune construction ne pourrà être établie sur le sol
compris entre les deux lignes rouges qui y sont
tracées, et que lorsque le propriétaire démolira les
constructions ou clôtures existantes,il devra suivre;
en les rétablissant, l'alignement indiqué .par ces
lignes.
Le mois du dépôt expiré, un commissaire, nommé
par le préfet et choisi, autant que possible, parmi les
»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
(
739
membres du conseil général ou d'arrondissement,
se rendra dans la commune à un jour dont les
habitants auront été prévenus à l'avance, à l'effet
d'y procéder à une enquête; il recevra les dires et
contredil'es de toos l·>s intél'essés, et en dressera un
'procès-verbal qu'il terminera en y consignant son
avis personnel, tant snI' le projet du plan d'aligne-ment, que sur les réclamations dont ce plan aura
été l'objet. Il devra être assisté de l'agent-voyer, rédacteur do plan, qui lui donnera tous les éclaircissemen ts nécessaires.
Lorsque l'enquête sera close, le conseil municipal sera appelé à donner son avis, tant sur les
alignements proposés, que sur les réclamations ,
qu'ilsauront motivées. Il pourra proposer les modifications qui lu~ paraîtraient clevoir être .apportées
,au tracé; il examinera les réclamations, en discutera l'objet, et émettra son avis snI' leur admission
'Ou leur rejet; l'agent-voyer, rédacteur du plan,
pourra, au besoin, être appelé à la séance pour y
-donner des explications.
Le plan et tontes les pièces de l'instruction,
c'est-à-dire le procès-verbal d'enquête, les réclamations et la délibération du conseil, seront ensuite adressés an préfet par J'intermédiaire du
sous-préfet qui y joindra son avis motivé.
Approbation. - L'instruction ministérielle du 24
juin 1836, avait posé en principe que les plans
d'alignement des traverses des chemins vicinaux de
grande communication devaient être homologués
�140
" . une conscc[ltence
,
par ord onnance roya l e; CelaIt
de la jurisprudence dn conseil d'état, qui avait
constamment fait une distinction en tre les chemin's
vicinaux et les rues des communes qui sont la prolongation de ces chemins, en déci<lant que les
règles de voirie relatives aux. uns, n'étaient point
applicables aux antres; mais son avis du 25 janvier
18ï7, ayant modifié cette doctrine quant aux chemins de grande communication, et d'un autre
côté, l'art. 21 de la loi du 21 mai 1~B6, confiant
alllt préfets le soin de statuer sur tont ce qui est
relatif aux alignements le long des chemins vicinaux, il s'ensuit qu'à ces magistrats appartient
l'approhation des plans d'alignement des traverses
des grandes voies vicinales, au moins pour les localités ayant nne population agglomérée de moins
de 2,000 ames, cal' dans celles où le nombre d'habitants est supérieur, comme l'établissement d'un
plan pour toutes les rues est obligatoil'e, la même
ordonnance qui est nécessaire pOUl' approuver l'alignement de ces dernièl'es, statnera naturellement
sur celui des rues faisant suite aux chemins de
grande communication.
D'après l'examen que le préfet fera des pièces à
ll1i transmises, il pourra être dans le cas de UloJifier les parties d'alignement qui 'auront été l'objet
de réclamations de la part des intéressés ou des
observations du commissaire; s'il croit devoir opél'cr des changements an tracé, il indiquera par des
lignes bielles, celui qu'il alTêtera définitivement; il
�741
nu nmfAlNE PUBLIC,
prendra alors un arrêté par lequel, en visan tla loi
du 21 mai 1H36, l'avis du conseil d'état SilS mentionné, et la circulaire du 10 décembre 1839, i~
approuvera le plan qu'il signera, ne varietur, et
qui restera déposé aux archives de la préfecture; il
en fera fai re aussitôt deux copies qu'il enverra, l'une
à la sons-préfecture et l'antre à la mairic, pour y
être conscrvées dans leurs archives respectives,
où les intéressés pourront en prendre communication.
Une observation commune à tous les alignements, est qne s'il s'agissait de places de guerre, ou
si le tracé entamait nn bien de l'état, il fal1draitse
conformer à ce qne nons avons dit à cet égard,
pagel> 710 et 723, ci-dessus.
57 0
DÉLIVRANCE DES ALIGNEl\IENTS PARTIELS.
Pour plus de clarté, nons appliquerons à ce S la
division principale suivie dans le précédent.
ALIGNEMENTS PARTIELS DE rOIRIE URBAINE.
0
Lorsqu'il e:lJÏste un plan général approuvé par
ordon nance royale, le waire en· porte la connaissance an pnblic par un arrêté permanent, rendu
dans la forme prescrite par l'art. I l de la loi du 18
juillet 1837, et dans lequel il imlique les réparations prohibées, la furme à suivre pour obtenir
les permissiuns de construire, et règle les dimensions des saillies permanen tes ou mobiles qui pourront être tolérées snI' les façades.
Ensuite, el. lorsque des alignements partiels lui
sont demandés, seul, et sans l'intervention du con~
1
TOM. II.
47
�TRAITÉ
seil municipal, 11 les délivre, conformément au
plan, en désigna nt, d'aprhs le l'apportde l'al'chitectevoyer, soit par des mesures exactes, soit mieux
encore pal' des points de rt'ppre pris sur les bàliments voisins, la ligne il suivre. 11 fera même bien
d'ordonner que cette ligne soit d'ahord tracée par
cet architecte, sur le terrai Il, en présence du propriétair'e, au moment de la pose des premières
assises des fondalions, et qu'ensuite, et lorsque les
murs semnt à h:wteur de retraite, c'est-à·dire dépasseront le niveau du sol, il soit procédé à un
réculement, suivant la sage prescription, fort
remarquable pour l'époque ct trop souvent négligée aujonrd'hui, de l'éJit de décemhre 1607.
Sa mission a'étan 1 que defixer la limite entre le sol
public de la rue et la propriété riveraine, il commettrait, ainsi que le déclare le ministre de l'intérieur; dans une lettre du 27 novembre 1837, au
maire de Pont-t'Abbé, un excès de pouvoir, et un
déni de justice en subordonnant la délivrance de
1'alignement an dépôt du plan de la maison ou du
dessin de sa faç>.tdè; on a vn, en effet, rag-. 473
ci-clessns, qnc~ pOUf tont ce qui lieot à la décoration ct à la symé! rie des constructions, l'autorité
municipale ne pouvait user, d,JUS J'état actuel de
la législation, crlle de la voie Je conseils, mais non
de celle d'ordres ou cie p,'ohibitioo.
Le riverain qui se p,'étendrait lésé par l'élpplication que le maire ferait à sa pl' p-riété du plan
approuvé, peut recourir, de ce magistral au préfet,
�DU DOMAINE PUBLIC.
du préfet ail ministre, et du ministre au rOI en
conseil (l'étal, pal' la voie contentieuse; cette dernière voie est ici ouverte, parce qu'il s'agit d'appliqUf'I' lUI tilre commun à l'administration et aux
propl~étàirt·s, qui fait leur loi, et qui impose à l'une
des obligations, en nième temps qu'il confère des
dl',)its aux élUtres. La violation on mauvaise application de ce titre, entraîne la lésion d'un droit
acq \lis et vérili~ble qui rend possible le reconrs au
conseil d'état.
0
2. Quand il fI,' existe pas de plan général apP,'ouvé,
les maires, nonobstant plusieurs ùécrets et ordonnances qui ne leur accordaieo t qU'II ne faculté provisoire et penùant des délaIS successivement prolongés, mais expirés depuis le It'r mai 1819, n'en
sont pas moins restés en possession du droit de
délivrer les alignements partiels à mesure qu'ils
sont demandés. Ce droit résultant des fltLribulions
générales qui lellr sont confiées, et d'après lesquelles ils doivent pourvuir à la sûreté et à la commodité du passage dans les rues,- est formellement
reconnu par les actes législatifs, ainsi que par les
monuments de jurisprudence jUlliciaire etadruinistrative que nous avons rapportés en note, soit sons
le nO 410 du Traité du domaine public de .M.
Proudhon, soit à la pag. 461 du présent vol.
Malgré l'opinion contraire de ce profond jurisconsulte et des auteurs qu'il cite, nous n'hésitons
pas à dire que ce droit, dans Je cas qui nous occupe,
ne se borne pas, comme ils le prétendent, à re-
�TitAnE
·connahre et constater uniquement la limite de la
possession actuelle, mais qu'il consiste aussi à
la modifier dans l'in térêt de la viabilité, soit en
abandonnant aux riverains les portiolls retranchées de la voie publique, soit surtout én les forçan t à reculer leurs constructions lorsqu'ils voudront les réédifier. Les raisons données pour refuser un pouvoir sans lequel le droit d'align.ement
serait inutile et n'existerait phs, ne sauraient f~ire
impression; il est, en effet, impossible d'admettre
que dans un pays et dans un siècle civilisés comme
les nôtres, on punisse la négligence des administrateurs et on les contraigne à remplir lell!' devait,
. en autorisant les particuliers à reconstruire d'une
manière nnisible à la sûreté, à la commodité et à la
salubrité puLliques; comme si l'intérêt général,
qui est imprescriptible ct inaliénable, devait souffrir· du retard qu'un maire ou une commune
met à se conformer à la loi, et qui souven t tient
à des causes, au défaut d'argent, pal' exemple,
qu'il ue leur est pas donné de vaincre; comme si
une faute momentanée (en supposant même qu'il
y ait faute), imputable à un homme ou à un conseil municipal, pouvait comprometlre, pour des
siècles, des droits permanents et immuables;
conllue si l'administration supérieure ne trouvait
pas Jans la législation existante, notamme.nt dans
les dispo sitions des art. 15 et 30, S 18 de la loi du
18 juillet 1837, des moyens coercÎlifs, plus directs,
plus puissants e·t plus prompts de faire exécuter ses
�'145
DU DOMAINE PUBLIC.
ordres, que celuidétourné, inefficace ct digne des
temps de barbarie, de fl'a pper l'administratenrdan's
les intérêts qu'il est chargé de protéger et de c1éfeildre. Le défaut de gal'::H1tie de stabilité des alignements partiels que relève, avec beaucoup de
force, M. Favardde Langlade, est s3.11sdoutc un
inconvénient réel qui doit déterminer la haute administration à hâter, par tons les moyens qui sont
en son pouvoi,', la confection des plans généraux;
mais c'est mal y remédie.', que de proscrire d'une
manière absolue les rectifications et améliorations
dont le besoin est le rlns évident et la nécessité
même, non contestée.
00 conçoit que, pour la fixation des alignements
partiels, il est impossible de procéder à Fenqnête
exigée pondes plans généraux; seulement, comme
aux termes des nOS 3 et 7 de l'art. 19 de la loi du
18 juillet. 1837, les conseils municipanx doivent
délibérer sUl'les projets d'alignements de voirie
municipale, sans dislincli-ou de ceux généraux. on
iudividuel's, ainsi que sur les ac.qllisitÎ"ons aliénations et échanges des propr~étés ,"ommunaZes" il faudra que l'alignement proposé par le
maire, soit soumis à leur approbation ;_ si, par arrêt
du 6 août 1837 (Sirey" 37-1-1001 ), la Cour ~le
cassation a décidé ce que les maiFes des villes sont
» seuls compétents, et sans intervention du
» conseil municipal" pour statuer snI' les cas (le
'»
petite voirie et pour donner des alignements
" partiels... , n il est à remarquer, d',unc part, que
j
�746
l'lUITÉ
dlOS l'espèce, ]'arrpté était à la date (lu 1 er avril
1834, par conséCjnent anté/jenr à la loi des attrihlliions mUDIcipal 's, et d'un antre côté, qlW le
rejet du ponrvoi Jirigé contre 1<' i"~f'Ol(,O'- du ti·ihunal .le Nl'vcrs a, en q,wlqnc sorte, sanctionné
la Jisposition de ce jugenlcnl, porlan! 'lue le COllseil municipul était fondé à contesler l'évaluation
du tel'r<lin, faite par le main>, après expertise. Ce
demier point a été encore plus formellemc,lll reconon par nn alrêt du conseil d'élat du 3 février
183!> (Bernard.=DaLioz .. 35.3-45), qui porle
que les alignemenls donnés provisoiremenl par les
main's, ;lH'C pertl'lssion d'avanc~r sllr la voie puhliqne, ne peuvent avoir pour effet (l'emporter de
plein droit la cession aux riverains du terrain retrunché; que Jans ce cas, la transmission ne pent en
être faile que suivant les formes vonlnes par les
lois, pour l'ahénation des propriétés cornmu nales.
Les aligllrml"nts partiels, ainsi délivrés par les
maires, nt' peuvent, même après avoir été atlaqués
innlilt'llIcnt dt'V:lot IH préfet et le o,inistre, devenir l'objet d'un r;"conrs par voie conten1Ïcllse au
cooseil d'élat, soit de la part du riveraio qui veut
cor'slruire (<trrêts des 9 janvier 1832- GelleL~ el
16 mars (836), soit de celle des propriétairl:s de
maisons joinnaol, Oll bitlH:es de l'autre c:ôté de la
•
,
'(
•
1
rue et allln's InleleSS('S
arr('\.
<lU
29 J'el'em b re
e
1~40, v fJervé). La diffén·nce p.ntre ce cas et
celui examiné plus haut, où, quand il y a nn plan
général arrèté 1 on attaque seuleOlen lI'aligncmen t
�DU DOMAINE PUBLIC.
747
partiel dn maire comme n'y étant 'pas conforme,
provient Je ce que, dans cette dernière hypolhese,
il y aurait, comme nons l'avons expliqué, violation d'lin dmit acquis résultant d'un titre, gui est
If:' plan, tandis que dans l'autre, l'administration,
n'étant liée par rien et ayant la faculté de fixer la
ln r~ell r et les limites de la rue sous sa seule responsabilité, le voisin ne pent invoquer aucnn titre et
se plaindre d'une atteinte à nn droit véritablt>; la
voie est la mêwe pour attaquer un alignement
partiel donné à défaut de plan général dont il
tient alors lieu,. que pour se pourvoir contre ce
plan générâl.
Toutefois, et toujours eu l'absence d'un plan
général, soit les tiers in téresséi, soit le propriétaire
à qui l'alignement partiel a été donné, pel1v~nt se
pourvoir au conseil d'élat par la voie administrative
non contenti(~use; c'est ce qu'ont décidé, pour les
premi('rs, un arrêt de ce conseil, du 27 juillet 18o~
(Recueil de M. Davenne, tom. l , pag. 66 ),
et pour le second, une ordOl~nance réglementaire,
qnali6ée de décision royale, du 29 février 1816
(m~me Recueil ~ pag. 67), ainsi qu'un arrêt du
4 novembre ,836 ( Sirey ~ 36-2-543).
Qnand l'arrèté d'alignement partiel, rendu par le
maire ct approuvé expressément ou tacitcluent par
le préfet, n'a point été attaqué dt>vant l'autorité
administrative supérieure, ou qne le pourvoi dont
il a été l'objet, a été rejeté, il a, d'après la j urisprudence bien constante de la Cour de cassation et
�,748
'l'nAITÉ
du conseil d'état, la même force et les mêmes effets
qu'une ordonnance royale, et est ohligatoire pour
les tribunaux qui, sans examiner son mérite au
fond, et sans -pouvoir le réformer, le modifier ou
en snspendre l'exécution, doivent punir son infraction des peines d'amende et de démolition (les travaux exécutés con trairemen t à son prescrit.
ALIGNElfIENTS PARTIELS DE GRANDE rOIRIE.
Lorsqu~il existe
un plan général approuvé,
les alignements partiels que délivrent les préfets,
n'en sont que des extraits indiquant des points de
repère ponr faciliter le traeé sur le {erra~n.
Ainsi qu·il a été expliqué précédemment, S 17,
l'attribution donnée à ces administrateurs, en ce
qui conceme la fixation des alignements dans la
traverse descommuncs, est limilée par le sol même
de la route, de telle sorte que les places traversées
on bordées par ces s<?rtes de voies, ne doivent pas
être considérées comme dépendant de la grande
voirie. Cependant lorsqne, comme cela arrive
assez souvent, elles ont été comprises dans le
plan général, quoique mal à propos, les préfets,
jusqu'à rectification de cette erreur, restent COrI\pétents pour y donner les aliguemen'rs.
En L~absence d>un pLan général> les préfe~s
peuvent, pour les grandes routes, comme les
maires, pour les rnes ordinaires, délivl'erdes alignements partiels aux riverains qui veulent construire,
pla n ter ou Cl'euser des fossés sur leurs bords, soit
dans la traverse des villes, bourgs et villages, soit
�749
DU DOlHAh'iE PUBLIC.
dans la campagne; ce droit, fondé sur la nécessilé,
ne saurait être contesté (lois des 7 sept. et 7 oct.
1790, et arrêtsdu conseil d'état, des 26 août 1829,
15 février 1833, 2 août 1836 et 7 août 11340);
les décisions sont prises sur la demande des parties
et d'après Je rapport des ingénieurs, auquel est
joint ordinairement un plan à l'échelle générale
de 5 millimètres par mètre, ou d'uu à 200.
Quoique l'usage soit contraire, nous croyons que
ces alignements partiels, lorsfju'ils ont pour ohjet
des propriétés situées dans l'intérieur des villes,
bonrgs et villages, devraient être soumis, comme
le sout les plans généraux, au conseil IDunicip~l,
afin d'avoir son avis. Le nO 3 de l'art. 21 de la loi
du 18 juillet 1837.. en parlant des projets d"alignement de grande voirie.. ne distinf;;lle pas, et
les soumet tous également à celle formalité; la partie d'un tracé, quelque minime qu'elle soit, ne
devant pas plus en être affranchie que le tout.
Ce que nous avons dit plus haut du mode de
pourvoi contre les arrêtés d'alignement partiel de
petite voirie ct de leur foree obligatoire, est entièrement applicable à ceux de grande voirie .
.ALIGNEMENTS
PARTIELS
LE
LONG
DES
CHEMINS
rICINAUX.
Soit qu'il y ait un plan général, soit qu'il n'en
existe pas, ees ~lignements sont délivrés, comme
nous l'avons expliqué pag. 466 et 499, S 12, ci.dessus, par les préfets, lorsqu'il s'agit de constructions
sur les bords d'un chemin vicinal de grnncle com-
�750
TRAITÉ
municalion, même dans les traverses àp.s viJlps,
bourgs et vilbges, pourvu que la population de la
commune soit inférieure à 2,000 habitants, et par
les mairl~s , lonifJu'il est question dl' chemins vicinaux ordinaires, ou même de rues de bourgs et villes
ayant une population supérieure, el qlli pourr" ient
être considérées comme traverses de chemins vicinau& de grande communication.
La prescription des formes et des précautions..
avec leslJuelles ces alignements pa"tieh doivent être
" etant l' un (les
J
..J
'1 l'ment a' c
'
0 h'Jets IlU
reg
litJre
de'/.Ivres,
par les préfets en vertu de l'art. 21 de la loi du
21 mai J 836, nous Dl' pouvons rien dire de géuéra1 à cel égard; seulenlP.nt., et aux termes dn n" 7
de l'art. 19 de la loi du 18 juillet 1837, auqllelles
préfets ne peuvent déroger par lelJr réglement, nous
pensons que ces alignements devront nécessairement être soumis à la déliLération du conseil municipal.
b8°RÊGLEMENT DES INDEMNITÉS. Sous l'ancienne
monarchie, on ne payait d'indemnité que lorsque
l'administration ordonnait, pour l'ouverture ou le
l'élargissement d'une rue, la démolitiun immédiate
d'une maison.
S'il s'agissait d'élargir d'un seul coup toule une
rue, une portion de l'indemnité restait à la charge
des propriétaires slljets aux retranchements; une
aulre plus forte élait impo!>éc aux propriélai,'es non
allcinls, il raisun de la plus-value qu'en recevaient
leurs maisons, et le surplus était payé par la ville
�DU DOMAINE
pm~LIC.
751
ou par l'état; (~'e:.t ainsi tin moins que l~s choses se
pi1sb.,ient à P<lris, car, dans les provinces, sonvent
l'indl'Dlni.é était ('nlit~rellleDt mise an compte oe la
Co 111 III Il ue , COI1JUlè il est arrivé pOlir la ville de
Dijon, lorsqu'elle a voulu faire redresser et rélargir une de bt:S rues principalt:'s, la rlle de Condé, en
verlU de deux arrêts du conseil rapponés ci-dessus,
pag. 199'
Quand l'élargissement s'opérait à mesure de la
reconstruction des maisons par suite de ruine, de
démolition spontanée de la part du propriétaire ou
d'incendie,on ne payait aucune indemnité. « Les
» retranchements (disait Pel'rot, Dictionnaire de
O
;» voirie" V
indemnité) qui s'opè,'ent par l'effet
;» des alignements, lors des constructions ou re;» constructions des maisons et édifices, qui t.en;» dent à snpP,imer les plis ou coudes, redresser
;» les rues ou leur procurer llne plus grande lar» geur, sont en pure perte pour les propriétaires
;» qlli les sllbibsen t; ils ne peuvent prétendre, dans
» ce cas, aucune indemnité, parce que le circuit
» continuel d'actions qu'il faudrait admettre serait
» d'une discussion infinie, et que, d'ailleurs, l'in» demnilé ne devant être supportée que par ceux
» qllï profitent des changements et en raison tics
» ava[llagc~ qu'ils en reçoivenl, il scrilit aussi im» possible de régler le nombre jmte des contribua) hles,qllctic fixer la proportion dont chacun d'enx
" rOll/l'ait être tcnu dans j'indemnité. » Prost de
Royer donne une autre raison dans son Diction . . .
�752
TRAITÉ
naire de jurisprudence: cc S'il ne s'agit que de
» reculer quand on bâtit ou reconstruit, porle
» un paragraphe de son article alignement.. il
» n'est rien dû absolument: on a dù s'y attendre
» quand on a acquis sur une rue étroite. On a
» douté jadis, et cette incertitude a coûté beaucoup
» aux municipalités chargées de la voirie. Auiour» d'hui la loi nouvelle (la déclaration du 10 avril
» 1 783), en ne parlant pas d'indemnité, lève toute
» difficulté; il n'est rien dû. »
A l'égard des chemins, nn arrêt du conseil, du
26 mai 17°5, avait réglé le mode des indemnités
relatives à leur établissement, et quoique, aux
termes de cet arrêt, toute la dépense fClt à la charge
'de l'état, l'usage s'était introduit de n'accorder
d'indemnité qne pour les maisons, les prés, les
bois et les vignes, 111ais jamais pour les SImples
terres labourables qui étaient assujetties à fournir
gratuitement le sol des routes, d'après les principes du droit public d'aIOl's, selon lesquels le roi,
grand-voyel' de France, était en même temps considéré comme ayant le domaine éminent de tout
le royaume; par suite, dans la fixation du prix des
autres propriétés, on faisait la défalcation d-c la valeu l' qu'elles au raien t eue si elles eussen t été affectées à la culture des céréales, et on ne payait ainsi
que la plus-val ne que l'industrie de l'homme y
avait ajoutée; cette injustice donnait lien à de
vives réclamations.
Depuis 1789' on est re\7enu à des idées pIns
�DU DOMAINE PURLle.
'753
justes sur le drQit de propriété; les constitutions
de 1791 et 1793, le Code ci vil, les Chartes de dh 4
et de 1830, en un mot, toutes les lois sm la ma~
.tière proclament que nul ne pent ètl'e privé de sa
.propriété, quelle qu'elle soit, ~ans recevoir un
dédommagement complet.
Tontefois, ce principe laissé dans l'oubli pendant
de longues années de troubles, n'a reçu d'applica~
.tion réelle aux cessions forcées de terrain, en vertu
.d'alibnements, que par la loi du 16 septembre 1307,
,dont nous avons Mjà expliqué la théorie concernant les bases de la fixation des inde!Unités, aux.
SS 36 et suivants ci· dessus ; nous n'y reviendrons
pas dans le présent S où nous nous proposons seulement d'indiquer la forme dans laquelle doit avoir
lieu cette fixation, en maintenant tOlljours,d'après
la méthode suivie jusqu'ici, la division des trois
espèces de voiries.
>t1fODE DE
FIXATION DES INDEMNITÉS DE rorRIE
URBAINE.
D'après l'art. 56 de la loidu 16 septembre 1807,
les indemnités étaient réglées par le conseil de
préfecture, sur un rapport d'experts nommés dans
·une forme déterminée; la loi du 8 mars l~ho ayant
subsLÏtué le ponvoir judiciaire à l'autorité administrative, ce réglement fut dévolu ·aux tribunaux
civils. Quoique, à lenr tour, ceux-ci eusseut, aux
termes de la loi du 7 juillet dB3, été remplacés par le jury pour l'évaluation des indemnités
d'expropriation, et que plusieurs juriscons':lltes
�'15.t
TRAITÉ
en eussent indnit, avec raison, que le même mode
..levait être suivi en ce qui concernait les ahgneDI('uts, il parait que, soit les conseils de préfecture,
soit It's tribunaux civIls, continnèrent à stiltuer SI r
l •
J ' l'
. d Il conset'1 d' e"
,
cet on]et;
ce Tl , Pit qoe uepms
aVIs
tat, nl1 1 er avril 1841, qne la question a été nettement et g?néral/'rnellt résolue en faveur dn jury•.
Cette décision est pa rCaitement exacte, et, an fond,
elle rentre émillt' ) ment dans l'esprit de nos insti. tutions; nOlis ""grettons seulement que pour ce
cas> q ni ('st t res.fl éq lIeo t, qui prés.,o te peu de dif1 'Iqne en genera
, '1 qn ,.a d es
, et qlli ne S 'app
fiH'1l l tes
inlérèts minimes, je législateur n'ait point institué
un jury particl liel" composé dlun moins grand
nomhre de membres, comme îll'a fail par l'art. 16
de la loi du 21 mai ]836, pour l'expropriation en
matière de chemins vicinaux; la nécessité Je réunir au chef-lieu d'aITondissement, sous la présiJence d'un des juges du tribunal, vingt citoyens
choillis exprès par les chambres assemblées de la
COtH royale, est, en effet, un mode de procéder,
trop solennel, trop compliqué, tl'OP long, et surtoo t trop dispendieux pour régler des indelU nilés
dont le c4ifl're n'est ordioaire01enl ql1e Je quelques
centaines de francs et souvent de beaucoup moins;
il faut se garder d'abuser d'une institution aussi
, .
l' d egouler
,.
. 1al l'epense
precIeuse
ct (en
pal" ]' COlllll,
et la perte de temps qu'entraînent de trup fréquentes convocations.
Qlt~nd le plan d'alignement a été approuvé par
�DU DOMAINE PUULIe.
"755
-ordonnance royale, l'admillistl'al.ion, comme le
l'enJarque très·hien M. le ministre, pal' sa circulaire (\u 23 août 1841 contl:'uant notification aux
préfets, de l'avis du ~onseil d'état du 1 er ilvril précédent, remplit exactement la première condition
exigée par la loi du 3 mai 1841, et elle est, dèslors, Lien fondée à en demander l'application.
D'après celte circulaire, c'est pOlJr prévenir le
refus qu'amail pu fail'c le procureur du roi, de re-qnérirla réunion du jury, si toutes les formalités
préalahles n'avnient p:Js été remplies, qu'il est nécessaire que l'ordonnance approhative du plan soit
précédée d'une enquête dans la fOI'me indiquée pal'
le réglement d'administration publique du 23 août
1835; on a, sans aucun doute, en raison de calquer, autant que possihle, la marche à suivre dans
cecas particulier sm ceUeusitéeen fait d'exproprialion, el de profiter de la circonstance pOUl' en pres-crire l'emploi; mais il est évident que le défaut
d'accomplissement de ce préliminaire est indifférent ponr l'autorité jndiciaire qui prend son point
de départ de J'ordonnance, sans s'occuper de ce qui
a précédé; l'art. ] 4 de la loi du 3 mai 184 l , lui
refusant les moyens de connaître celte procédure
antérieure el d'en vérifier la régularité, l'ohjection
ne pou l'rait venir que du conseil d'état, mais non
du procureur du roi ou du tribunal.
Celle observation résout beaucoup mieux que
l'autorité des précédents~qui estdepeude valeur
en jurisprudence, lorsque la loi est contraire, la
�756
TIIAITÉ
question de savoir si le nouveau mode prescrit peut
s'appliqueran réglementdes indemnités pOlir aligne~
l1Jcnts résultant de plans anciennement approuvés,
et dont l'homologation par ordonnance royale
avait été précéMè de l'enquête organisée par la
circulaire du 29 octobre 1 SI 2, qui difftbre, sous
divers rapports, de celle voulue par le réglement
d'administration puLlique du 23 août 1835. Du
moment qu'il y a une ordonnance, l'autorité judiciaire ne pent remonter au-delà.
Nous admettons également, avec la même circulaire, que le rcfus de l'intervention ou jury ne
pourrait être basé sm' Je défaut d'accomplissement
des mesures qui fonl l'objet dn lit. 2 de la loi du
3mai 1841, mais ce n'est pointà raison du dernier
S, ajouté nouvellement à l'art. 14, et qui suppose
le consentement des deux parties, puisque nous
croyons qu'il n'en serait pas autrement, lors même
'°1'
. pomt
.
l'
qUI
n y auraIt
accor,d entre eI
es;
c est
uniquement par la force des choses et par e motif
qu'en fait d'alignements, la double enqnête sur la
recon naissance de l'u tilité pu bliqne, et sur l'application du projet aux propriétés privées, se confond
en une seule, nécessairement préalable à l'ordonnance.
Dans l'expropriation ordinaire, l'enquête postérien re il l'ordonna nce est indispensable dans l'intérêt des propriétaires atteints, paree que cette ordonnance' ne les désigne point, et qu'elle porte seulement d'nne manière générale, qu'une route, nn
�DU DOMAINE l'DIlLle.
757
chemin de fer ou un canal, sera étahli de tel pCJint
à tel antre point, sans en présenter le tracé précis
et sans pouvoir faire counaître les propriétés privées
à entamer ou à céder; tandis qu'au moyen du
plan qui y est joint et qui en fait partie intégrante,
l'ordonnance approbative de l'alignement signale
en mesures exactes, ce qui doit être retranché de
chaque propriété particulière nominativement
désignée, en même temps qu'elle déclare l'utilité
pnbliquedu tracé donnantlien à ce retranchement.
U ne seconde enquête serait donc absoillmen t superflue, puisque le préfetu'a plusà prendre d'arrêté
pour désigner les propriétés particulières à céder;
c'est même à raison de la prédominance bien marquée de ce caractère de spécialité d'a pplication, que
nous aurions voulu, comme nons l'avons dit plus
haut, qu'en pareil cas l'enquête préalable eût,
ainsi que cela se pratique pour la grande voirie,
été faite dans la forme du titre 2 de la loi du 3
mai 1841, plutôt que dans celle de l'ordonnance
du 23 août 1835.
Jusqu'ici donc, point de difficultés sérieuses.,
Mais ensuite, M. le ministre en soulève une, se .
référant au cas où i~ n'existe pas de plan général
homologué par ordonnance royale et qui n'est pas
sans gravité. Il se demande alors comment il fautirait agir si, «à J'occasion d'un alignement partiel
~) délivré pal' le maire, en vertu du pouvoi[" qu'il
» tient, d'après la jurisprudence établie, de la loi
» générale qui règle sa compétence, ~~ il naissai t
TOM.
n.
�158
TlU.tTÉ
nuc contestation entre la ville et le propriétairè,
soit SUI' l'alignement en lui· même, soit sur la
quotité du dédommagement. Selon ce haut fonction naire, le seul moyen de la l'ésondre, serait d'exi~
gel' à l'avenir que les maires fisseut précéder leurs
arrêtés de l'enquête et des autres formalités prescrites par l'ordonnance du 23 août 1835, après
quoi on provoqnerait une ordonnance royale qui
statuerait sur l'alignement de la rneou du quartier;
conformément à l'avis du conseil d'état du 3 septembre lHll, et en vertu de laquelle le jury d'expropriation pourrait être légalellJent saisi. cc Dans
» ce système, ajollte-t-il, ledl'Oit attribué aux mail'es
» en matière d'alignement; .est respecté, et mes
» prescriptions ont seulement pour effet d'en régler
» l'exercice de manière à rattacher l'action du
» pouvoir municipal, comme celle de ,l'autorité
» souveraine elle-même, à l'exécution de la loi du
» 3 mai 1841, base désormais unique des mesures
» administratives qne cette matière comporte. »
Ce moyen sera sans doute fortlégal ; mais au lieu
de respecter le droit attibué aux maires en
matière d~alignement~ et qu'ils tiennent d'après la jurisprudence établie de la loi générale qui règle leur compétence, il en entl'a1ne
l'annihilation la pluscomplète et la plus absolue en
le frappant d'inefficacité et en y substituant dans
tous les cas, contrairement à cette jurisprudence,
la nécessité d'une ordonnance royale.
Or, nous ne saurions admettre qu'il doive en
�DU DOMAINE PUBLIC.
759
être ainsi; il n'est pas douteux d'abord qu'nn
arrêté municipal qui a déterminé un alignement,
suffit à lui seul, et indépendamment de l'ordonnance royale, ponr empècher le propriétaire de
reconstruire ou réparer en dehors de la ligne fixée;
pE'I'SOnne, assurément, n'oserait aujourd'hui soutenir le contraire en présence de la série d'arr(~ts
de la Cour suprême etdu conseil d'état consacrant
à cet égard, le droit des maires. Ce premier point
acquis, la partie la plus ardue de la difficulté disparaît, et désormais elle ne doit plus consister que
dans le mode de fixation de l'indemnité résnltant
de la cession de terrain. Réduite à ces termes, il
faut l'examiner dans les deux positions ol1.elle peut
se présenter: s'agit-il d'abord d'une parcelle de
terrain à réunir à la rue pOUl' son l'élargissement,
ce sera évidemmen t le riverain dépossédé, ou , ce
qui est la même chose, privé du droit de recontruire,
qui aura intérêt à demander le paiement de l'il1demnité; il Y aura donc nécessairement consentement de sa part à ceque la liquidationen soit opérée
le plus promptement possible; s'agit-il de l'hypothèse inverse, dans laquelle la ville veut lui céder,
au contraire, une portion retranchée de la voie
publique; alors, de deux choses l'une, ou il est
d'accord de l'acquérir, et dans ce cas, il ya encore
consentement à en payer le prix et, par suite, à en
faire déterminer le chiffre, ou il n'en veut pas, et
dans cette supposition, le moyen ouver,t .par la loi,
'n'est pasde lecontraindre au paiement, mais hicnde
�760
TltAIT.É
l'exproprier de la totalité de sa maison; il ne s'agira
plus de réclamer ùe lui des indemnités, il faudra,
au contl'aire, lui en payer une qu'il aura le plus
grand intérêt à exiger.
On voit donc que dans toutes les circonstances
il y aura nécessairement consentement du riveraiu
à ce que l'indemnité soit réglée; or, s'il en est ainsi,
on rentre dans le cas d'application duS final de l'art.
14 de la loi du 3 mai 1841, d'après leqnel le tribunal n'a plus d'expropriation à prononcer, et ne fait
plus, en donnant acte de l'accord, que de désigner
le magistrat-directeur du jury, salIS examiner si les
formalités préalables ont été remplies.
Il est vrai que l'on pourrait prétendre que la
disposition dont il s'agit ne dispense que de l'accomplissement des meSUl'es prescrites par le titre
.2 de la loi, c'est-à-dire de l'enquête pour l'application du projet, et non de l'ordonnance royale
dont l'ahsp.nce autoriserait le tribunal à refuser la
nomination du magistrat.directeur du jury. Mais
nous croyons qn'en fait, ce refus n'existera jamais
quand il y aura accord entre les parties, et qu'en
droit, il ne serait pas fondé, puisqu'il y a ici expropriation véritaLle, et que l'alTèté du maire
l'opérant aussi bien que le ferait une ordonnance
Hlyale, il est impossible, en lui donnant cet effet
principal et assurément le plus important, de ne
pas lui accorder celui secondaire de servir de hase
à un jugement d'expédient qui ne fait que désigner un juge commissaire. Dès l'instant où il y a
�DU DOMAINE PUBLIC.
761
expropriation consommée, n'im porte par quel acte,
il y a nécessairement lieu à indemnité, et, pal' suite,
à fixation de son chiffre d'après le mode déterminé
par la législation, c'est-à-dire par le jury; le même
acte ne peut être valable pour dépouiller, et inefficace pour fobder le droit au dédommagement;
cette conséquence est tellement nécessaire, qu'elle
devrait être appliquée même dans le cas oll il n'y
aurait pas de consentement, et où dès-lors on ne
pourrait invoquer la disposition finale de l'art. 14,
comme si, par exemple, c'était la ville qui, tout
eh profitant de l'arrêté prescrivant le reculement,
refusait de liquider l'indemnité, ou le riverain qui,
en s'emparant du terrain vetranché de la voie publique, entendait le conserver sans en payer la valeur; n ilS pensons que, nonobstan t Je défaut de
consentement de l'une des parties, il n'yen aurait
pas moins lieu, dans cc;>s diverses espèces, à convocation du jury, quoiqu'il n'y ait pas d'ordonnance
roynle.
Telle est anssil'orillion delVI. Delalleau dans son
Traité de l~expropriationpOlir cause d~utilité
publique~ où, après avoir énuméré différents cas
d'expropriation tacitel:ésultant d'arrêtés préfectoraux, et avoÏl' uotamment cité, aux nOS 886 et 888,
ccluide l'alignement, il ajoute, nOS 88'9 et suivants:
cc Dans les divers cas où il ya expropriation tacite,
» la nature des choses ne permet pas que l'expro» priation soit judiciairemcn t prononcée; mais si
» le propriétaire se trouve par là privé de l'une des
�762
TRAITÉ
') garanties que la loi lui assurait, ce ne peut être
un motif pour lui refuser les autres; ce serait
;» plutÔt une raison pour lui cn accorder de nou') velles, s'il en avait besoin ..••. A notre avis, noo;» seulement l'expropriation tacite doit donner au
;» propriétaire les mêmes droits à dne indemnité
:» qu'une expropriation prononcée selon les formes
;» judiciaires, mais encore cette indemnité doit être
» établie sur les mêmes bases et réglée par la roème
" autorité. La Joi du 8 mars 1810 avait attribué à
» l'autorité j lldiciaire la fixation des indemnités
;» dues daus les cas d'expropriation, et, par snite, la
;» fixation des indeID>u.Ïtés en cas d'expropriation
» tacile devait aussi appartenir à l'autorité judi') ciaire; c'est pourquoi les parties ,étaien t toujonrs
» n~t1vo)'ées à ce.t égard, devant les tribunaux 01'» dinaircs. Mais main tenan t que la loi cl Il 7 juiiJet
» 1833 a confié an jury spécial le réglement de
» toutes les indemnilés lIues par suite d'expropria» tion, c'est ce jury qui doit évaluer les indemni» tés réclamées par suite d'une expropriation ta') cite, comme il prononcerait sur les indemnités
» résnlt: nt d'une expropriation fOI'mdle,»
Ainsi, et sans recourir au moyen indiqué par la
circulaire que nous examinons, cel ui d'une ordonnance royale, impraticaLle à rnison des lenteurs
qu'il entraînerait, l'application du plincipe de l'estimation par le jury se trouvera conciliée avec le
dwit incontesté des maires de délivrer les aligne~
;»
�DU DOMAINE PUBLIC.
763
ments partiels en l'absence de plans généraux (a).
Reste à indiquer la marche à suivre:
Lorsqu'il y aura accord entre la commune et le
propriétail'e sur la cession du terrain, et que les
parties seulement n'auront pu s'entendre sur le
prix, l'arrêté du maire sera transmis au procureur
du roi par Je préfet qui le revêtira de son approbation, afin de satisfaire, en tant que de besoin, aux
prescriptions de l'art. I l de la loi du 3 mai] 841 ;
à la \,ue de ces arrêtés et de l'adhésion du propriétaire, le tribqnal statuera conformément au dernier
alinéa de l'art. lf}, en donnant acte du consentement, et en désignant le magistrat-directeur du
Jury.
Si, au contraire, il y a refns de la part de J'une
des parties de consentir à la fixation de l'indemnité,
le préfet pOHrrait sans doute, sur la demande de
l'autre, transmettre sur-le-champ, de même que
(a) Dans un résumé q1J.i s'accorde peu avec ce qui le précède,
la circulaire semble revenir à notre opini<tn en disant: « En
résumé, et si, comme je viens de l'établir, il ne peut ('xisler
» de débat judiciaire entre l'administration et le propriétaire que
» surIe prix du terrain, cédé.... , le moyen le plus simple d'arriver à la convocation du jury sera de produire devant le tribunal
une expédition de l'arrêté qui fixe l'alignement sollicité par
le propriétaire qui veut reconstruire; dans le eas où cet arrêté aurait été pris par l'autorité municipale, il serait ap» prouvé par vous..... Vous demanderiez acte, au. tribunal, de
cettc production, par l'intermédiaire du ministère public, et
» vous requerriez la nomination du magistrat-directeur du
» jury.
Alors, où est ta nécessité d'une ordonnance royale?
)l
)l
)l
)l
)l
)l
)l
�764
TRAITÉ
dans le cas précédent, les pièces au procureur dn
roi, qui requérerait la nomination du magistrat directeur du jury. Mais comme, par suite du litige
sur le principe même de l'indemnité, elle ne pourrait être payée ou reçue, et que, conformément à
l'art. 49 de ladite loi, ce magistrat devrait en or··
donner la consignation, en renvoyant les parties devant les tribunaux pour y être statué sur le droit,
il sera beancoup plus convenable, afin d'éviter une
opération d'estimation qui pourrait être en pure
pt'rte, et aussi de ne pas gêner la partie refusante dans sa défense devant le jury, de faire décider préalablement par l'autorité judiciaire le fond
de la contestation.
Alors la partie intéressée à poursuivre· actionnerait l'autre devant le tribunal civil, savoir, le riverain sans autre formalité, et la commune après le
dépôt du luémoire exigé par l'art. 51 de la loi du 18
juillet ü;37, ensuite de quoi le débat s'engagerait,
soit sur la convenance de l'alignement, soit SUl' la
propriété du terrain retranché ou abandonné, soit
sur la préten tian élevée à un titre quelconque de
n'en point payer la valeUl'.
Dans le cas où la contestation porterait sur l'alignement, « les tribunaux, comme le dit très-bien
:>~ la circulaire du .23 août 1 H11, n'auraient pas
:» qualité ponr en connaître, attendu que l'arrêté
:>~ qui fixe l'alignement est un acte administratif
" qui ne pent être apprécié que par l'administra» tion elle-même. IJe propriétaire récla m:ll1 t ne
�DU DOlVlllNE PUBLIC.
765
;).) pourrait, suivant la jurisprudence invariable du
» conseil d'état, que se pourvoir administrative» ment auprès de l'autorité supérieure, » comme
nous l'avons expliqué pag. 746 ci-dessus.
Si, en admettant l'alignement, la propriété du
terrain qu'il entame ou qu'il abandonne, ou encore
le droit d'cn exiger la valeur,étaient les seuls objets
de la difficu1Lé, ce seraient autant de questions de
propriété, de servitude ou d'interprétation de conventions, qui seraient exclusivement du ressort des
tribunaux, et qui devraient être décidées par eux
en suivant les degrés ordinaires de juridiction.
Enfin le point litigieux, quel qu'il soit, étant résolu, le jugement ou l'arrêt, an lieu de fixer, à l'aide
d'une expertise, le montant de l'indemnité, nommera le magistrat-directeur du jury qui sera chargé
de le déterminer. La procédure d'envoi des pièces
par le préfet au procurenr du roi, et de réquisition
de ce magistrat au tribunal, tracée par les art. 13,
6 e alinéa, et 14, leI' alinéa, de la loi du 3mai 1841,
11' est indispensable que lorsqu'il s'agit d'une expropriation formelle; dans notre espèce, comme dans
toutes celles d'expropriations tacites, le jury peut
être saisi incidemment à une instance principale
portée devant les tribunaux civils sur le principc
même de l'indemnité. (C. d'éta t 23 février 1839.)
Les délais d'un au et de six mois avant l'expiration desquels, aux termes des art. 14, 2 e alinéa, et
5b de la susdite loi, les propriétaires menacés d'expropriation ne peuvent pas requérir, soit le juge-
1
�766
TRAITE
ment qui la prononce, soit le réglement de l'iodem""
nité t sont évidemment inapplicables au cas d'alignement, où, par la force des choses, la prise de
possession est toujours préalable, à la différence ùe
celui de l'expropriation expresse, dans lequel eHe
ne peut avoir lieu, au contraire, qu'après le paiement ou la consignation de l'indemnité; aussitôt
après la démolition du bâtiment et le déblaiement
du sol, le riverain pourra agir.
Lorsque l'administration municipale et les propriétaires soumis au retranchement ou obligés de
s'avancer, tombent d'accord, non-seulement sur la
nécessité même de la cession, mais encore sllr le
prix, alors il n'y a besoin de l'intervention ni des
tribunaux ni du jury; ,tout se règle par une convention amiable qui, nous le pensons, devra être
conclue dans la forme et avec les autorisations
prescrites pal· l'art. 13 de la loi sus-mentionnée du
3 mai 1841 quand il y aura lieu à cession de terrain par un mineur, un interdit, un absent, une
femme mariée sous le régime dotal, un département, une commu~le, un établissement public,
l'état ou la couronne.
Ces formes en ce qui concerne les communes,
consistant dans une délibération du conseil municipal approuvée par le préfet en conseil de préfecture, sont évidemment applicables au cas où la
ville cède aux propriétaires voisins, clcs parcelles cn
dehors du tracé, quelle qu'en soit la valeur,
puisque c'est ponr canse d'lltilit~ pnbljeI'lc consa-
�nu nOMAlNE PUBLIC.
767
crée p:lr l'art. 53 de la loi du 16 septembre 1807,
qne l'abandon en estfait. Les mêmes formesdevron telles être employées et seront-eHessuffisantes, lorsqu'au lieu de cé.tier, la ville acquerra du terrain?
L'affirmatiwe ne sera d'abord pas douteuse daus
l'hypothèse la plus générale, où le montant de l'indemnité ne dépassera pas le taux de 20,000 fI'.
pour les villes ayant plus de 100,000 fI'. de revenu,
(:t de 3,000 fI'. pour les autres, puisque, dans ces
limites, l'art. 46 dela loi du 18 juillet lS37 n'exige
rien autre chose pour toutes les aliénations et ucquisitions, même non nécessair.es, des communes.
Nous pensons qu'elle devrait aussi être adoptée, et
qu'il n'y aurait pas lieu à recourir à une ordo.nnance
royale silechiffre,cequiseraexcessivementrare, dé·
passait 3,000 ou 20,000 fr., selon les distinctions
ci·dessus. La raison en est que l'alignement étant
une fois fixé, les acquisitions de terrain pour son
exécution sont nécessaires et se trouvent virtuelle·
ment autorisées par l'acte qui l'a approuvé. Par un
arrêt à la date du 3 février 1835 (Besnard.
Dalloz, 35-3-45), le conseil d'état a admis celle
solution quand il y a un plan homologué par ordonnance, en la rejetant dans le cas contraire.
Nous ne sommes pas d'avis de cette distinction, du
moment que le droit qu'ont les maires de délivrer
des alignements partiels en l'absence d'un plan général, est consacré et reconnu. Nous croyons même
que, soit dans ce cas, soit dans celui où l'indemnité
est inférieure à 20,000 ou à 3,000 fr., la délibéra-
=
�76'S
TltAl'fÉ
tien du conseil municipal, approuvée par le préfef
seul, sans le concours 'du conseil de préfecture, serait suffisante; les formalités prescrites par l'art. 46
plus haut rappelé n'étant exigées que pour les aliénations volontaires, et non pour celles qui sont la
conséquence d'une mesure légale et forcée. Cependant, comme l'approbation en conseil de préfecture
n'entraînera ni frais ni retard, et que ce qui abonde
ne vicie pas, il sera convenable de prendre cette
précaution, que le législateur a considérée comme
offrant plus de garantie.
broDE DEFZX.JTrON DES INDEMNITÉS DE GR.ANDE rOIRIE•
.Quoique l'avis du conseil d'état du 1 er avril 184J ,
base de l'instruction ministérielle du 23 août suivant que nous venons d'examiner, ne paraisse
s'appliquer qu'aux indemnités d'alignements de
voirie urbaine, il est certain que, pal' identité de
raison, il doit être étendn à celles de grande voirie. Un arrêt du conseil d'état du 31 août 1828
pose en principe que ces indemnités doivent être
fixées conformément à la loi sur 1'expropriation,
qui alors attribuait compétence aux tribunaux, ce
qui exclut les conseils de préfecture. Lors de la discussion de la loi du 7 juillet 1833, le rapporteur
ainsi que le commissaire du roi reconnurent que
désormais le jury serait chargé de ces évaluations
(Moniteur du JO février 1833, pag. 340); aussi
depuis, les ordonllances approbatives des plans
de traverses imposent-elles formellement à l'admi.
nistration l'obligation d'acquérir. les terrains pm~
�DU DOMAINE PUBLIC.
1'69
venant des reculements fntnfs, en se conformant
aux titres 3 et suivants de la loi sur l~expro
priation.
La marche à suivre pour le réglement amiable
ou judiciaire des indemnités relatives aux alignements des l'outes royales et départementales, sera
absolument la même que ~el1e ci-dessus tracée pour
la voirie urbaine. Seulement, dans le cas de cession
aux voisins, des parcelles en dehors del'alignement,
il faudra se conformer aux dispositions des art. 2,
3 et 4de la loi du 24 mai 1842, que nous avons
rapportée plus haut, pag. 316.
1.'état ou le département ne pourra du reste,
jamais contraindre les voisins à acquérir les porlions retranchées; ceux-ci devront seulement être
constitués en demeure de les acheler, à défaut de
quoi, elles seront vendues à des tiers, en réservant les passages nécessaircs. Dans l'intérieur des
villes et faubourgs, l'administration municipale
pourrait seule user de ce droit de contrainte que
lui confère l'art. 53 de la loi du 16 septembre 1807
en lui donnant, en cas de refus, la faculté d'exproprier la maison joignant.
U ne observation essentielle déjà faite, et qu'il
convient de rappeler, c'est que, quand une ruf' ancienne d'une ville a été affectée à la traverse d'une
route royale ou départementale, les porlions en
dehors de l'alignement ne cessent pas d'appartenir
à la commune, dans la caisse de laquelle, eu consé{Iuencc/ le prixde la cession qui en est consentie aux
�770
TRA.I'I'É
riverains doit être versé, et non dans celle de l'état
ou du dépal-teIllent. C'est ce que reconnaît formellemen t une circulaire d~ ministre de l'intérieurdu 19
février 1828, rapportée en partie pag. 269ci.dessus,
et ce qu'a décidé un arrêt de la COllr de cassation du
10 m~,i 1841 (Sirey~ 41-1-439), cité au même endroit, qui dit daus nn de ses motifs, cc que si l'ali» gnement a été et rlû être donné au sieur Mouth
;»
(le voisin) par le préfet, investi de cette attribu;»
lion en matière de grande voirie, le droit de po;»
lice ct de surveillance exercé par l'administration
') le long d'es l'Outes et rues à la charge de l'état,
» n'implique pas à son profit le droit à la propriété
» des terrains qui bordent ces r()utes et rues sans
);) en faire partie. »
1110DE DE FIXATION DES INDEMNITÉS DE YOIRIE
rICINALE.
Qu'il s'agisse de chemins de grande ou de petite
communication, les indemnités pour l'élargissements ou rectifications par voie d'alignement sont,
conformément à l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836
que nons avons expliqué précédemment, nOS 524 et
suivants, réglées par le juge de paix sur le rapport
d'experts nommés, l'un par le sous-préfet, l'autre
pal' le propriétaire, et, s'il y a discord, le tiers par
le conseil de préfecture. Dans tous les cas, le montan t de cette indemnité, même pour les cheminsde
grande communication, est à la charge de la commune sur le territoire de Inquelle ils sont situés, et
�DU
DOll~INE
PUBLIC,
771
'{]ui profiterait <le leur sol s'ils venaient à être déclassés comme inutiles.
Quoique l'article dont il s'agit n'ait eu certainement en vue que des l'élargissements à opérer aux
dépens de propriétés nOn bâties, ou du sol de mai'sons que le maÎlre f<Jit spontanément démolir, ce
Gui, clans ces deux hypothèses, ne peut entraîner
que de faiLles indemnités, cependant, comme il ne
'contient ni distinction ni restriction, il faut recon1.1aître, avec la circulaire du ministre de l'intéricUl'
-du 10 déc~mble 1839 déjà citée, qu'il serait anssi
-.a pplicable même au cas où, s'agissa Dtd'en ta mer
une maison, on voudrait la démolif sUf-le-champ,
-et où dès-lors le dédommagement serait considérahIe, Cette conséquence, à laquelle le législateur n'a
sans doute pas pensé, a acquis de l'importance de'puis que la traverse des chemins de grande communication dans les villes, bourgs et villages dont
la population est inféfieure à 2,000 habitants a été
soumise, par l'avis du conseil d'élat du 18-25 janvier 1~37, à toutes les règles concernant les chemins vicinaux en rase campagne. On peUL dire que,
pour les propriétés bordant ces chemins, le système
de la loi du 16 septembre 1807, abrogé dans tous
les autres cas par les lois des 8 mars 1810, 7 juillet
1833 et 3 mai 1841, a été complètement rétabli,
contrairement à l'esprit denotre législation actuelle;
voilà à quelles incohérences conduisent des modifications faites sans ensemble et par parties, selon
les besoius dn moment.
�772
TRAITÉ
Ainsi que nous l'avons expliqué au nO 569 cidessus, pag. 324 et suivantes, le même mude ne
devra pas être suivi pour l'abandon aux riverains
des portions de chemins laissées en dehol's de l'alignement : si la cession en est consentie amiablement, il faudra se conformer entièrement aux dispositions de l'art. 46 de la loi du 18 juillet 1837, et
recourir à une ordonnance royale dans le cas où le
prix excéderait If,)s ta!lX de 3,000 et 20,000 fr.,
fixés par cet article; s'il n'y a poin t accord, l'affaire
ne pourra plus être soumise au juge de paix, et sera
décidée, comme nous l'avons dit, par les experts,
agissant alors en qualité d'arbitres, sauf à porter
les incidents qui surviendraient, devant le conseil
de préfecture ou le tribunal civil, selon leur nature
et les circonstances.
I.Jes riverains des chemins vicinaux ne pourl'ont, pas pIns que ceux des grandes rontes,
être jamais contraints à acquérir les portions
retranchées, ni à avancer leurs bâtiments sur
l'alignement. La cil'cplaire sus-mentionnée du
10 décembre 1839 le déclare expressément en
ces termes: cC Je dois aussi vous faire observer
» que, lors de la reconstruction d'un hâtiment qui
." est en arrière de l'alignement, on ne peut con·
» traindre le propriétaire à avancer sa construction
» jusqu'à la lin:;ite de l'alignement, car la viabilité
» n'y est pas intéressée, et on agirait alors par des
» consid~rations d'embellissemen t et de régularité
» qui ne suffisen t pas pour avoir le droit d'impo.
�DU DOMAINE
PUBLIC~
773
sel' des servitudes à la propriété. Tout ce que
» l'administration peut e3iger, dans un intérêt de
» police et de salubrité publique, c'est que le pro·
» priétaire se close à la limite de l'alignement, soit
» par un mur, soit par une grille ou nne haie, se·
» Ion l'usage des localités. Si en effet, il restait un
» enfoncement devant une construction, il s'y for» filerait bientôt un dépôt d'immondices on de
» fumiers nuisibles à la salubrité. " Il est bien évident que celte obligation ne pourrait être imposée
au riverain qu'autant qu'il joindrait sans intermédiaire le chemin; autremen t ce serait à la commune à prendre elle-même ces mesures, en réservant les passages nécessaires.
Quant à la prétention, très-fréquemment élevée
par les riverains, de s'approprier sans indemnité,
au-devant de leurs maisons, des emplacements
qu'ils qualifient de cours ou d'aisances, et dont
parle la même circulaire, il faut recourir à ce que
nous en avons dit, nO 5j3, pag. 191 ci·dessus.
»
Nous terminerons ici l'exposé des notions que
nous avons cru utile de présen ter sur la matière des
alignements en général. L'extension que nous lui
avons donnée, et les développements dans lesquels
nous sommes entrés ponr sa parfaile intelligence,
paraîtron t sans doute justifiés par son im portance,
son utilité pl'atique, les di fficul tés qu'elle soulève,
et la nécessité de réunir et de coordonner entre
clles,les nombreuses décisions dont elle a été l'objet. Amené, par les termes de l'art. 21 de la loi
TOl\'[. II.
�TIUITÉ
du 21 lllai IH36, à nous occuper des alignements
des voies vicinales, nous avons dû remonter aux
principes, en suivre l'application, réunir et classer
les questions qui en naissent, son mettre à une critique im partiale les solutions qu'elles on t reçues,
enfin essayer de déduire de la jurisprudçnce, des
règles claires et précises, d'après ce conseil dè l'illustre chancelier d'Angleterre: Colligendae sunt
regulae~ non tantàm notac et vulgatae~ sed et
·aliac magis suhtiles et reconditae ~ quae ex
legum ~ et rerum judicatarum harmonid ex· trahi possint (De just. lLnivers.~ aphor. 82). Non
· moins qu'une pratique de tous les jours, ce travail,
résultat aussi d'études théoriques, nons a fait sentir l'urgence d'une loi qui, groupant et combinant
des élémen ts épars, incohérents et peu connus,
offrirait, dans quelques dispusitions positives et
méthodiques, un complément indispensable à notre
'législation encore si incomplète, quoique souvent
remaniée, sur l'expropriation pour cause J'utilité
générale, ainsi que sur les rapports de la propriété
privée avec le domaine public et les travaux des
villes et de l'éta t. Nous ne cesseronsde faire des vœu x
pour la prompte réalisation de cette œ_uvre, qui,
dans l'état actuel des choses et avec les matériaux
que l'on possède, ne présenterait rien de difficile et
·serait un service éminent rendu au pays.
Revenons actuellement à la suite de notre article 2], et donnons quelques explications sur les
derniers objets que devra. comprendre le réglement général.
�DU DOMAINE PUBLIC.
6°
DÉTAILS DIVERS
DB
'1'15
SURVEILLANCE ET DE
Pour ces points, la loi
a laissé la pIns grande latitude aux préfets, dont le
pouvoir n'est limité que parles dispositions prohibitives ou impératives du droit commun, auxquelles il ne leur sera pas permis de déroger; ils
doivent garder un juste milieu entre l'absence de
toute prescription et la prétention de tout prévoir,
non moins qu'entre une résistance systématique
aux améliorations et le désir de tout innover. Les
mesures qui ont pu 0\1 qui pourraient encore entrer dans le réglement général, dépendant essentiellement des localités ct des circonstances, nous ne
pouvons en présenter le tableau complet; nous nous
bornerons en conséquence, à indiquer les principales et celles dont l'utilité est le moins contestable.
1 0 Plusieurs lois et réglements anciens (a)défendent d'ouvrir des carrières ou depratiquerdesexcavations, à moins d'une certaine distance des voies
publiques. L'art. 4 de la déclaration du 17 'mars
1780, porte que cc l'exploitation des carrières à
» plâtre, pierres et moellons, ne pourra à l'avenir
» ~tre continuée qu'à la distance de huit toises
CONSERVATION DES CHEMINS.
(a) Voyez notamment une ordonnance de police du 10 septembre 1600, des arrêts du conseil des 9 mars 1633,14 mars
li41, 5 avril et 15 septembre 1772, 4 avril et 4 juillet 1777,
29 juillet et 19 septembre 1778, un arrêt du Parlement du 29
septembre et un réglement dn 12 novembre 1778, une déclaration du roi du 17 mars 1780, enfin une ordonnance du bureau
des finances de Paris du 17 juillet 1781, art. 15.
�776
TRAITÉ
(15 mètres 59 cent.) des deux extrémités ou cô» lés de la largeur des chemins de traverse ou vi»: cinaux fréquentés, » et en même temps rappelle -« les défenses d'ouvrit, aucune carrièrè à
» pierres de taille, moellons, plàlre, glaise -et aul> tres, de quelque espèce que 'Ce soit, snI' les bords
)~ et CÔlés des roules et grands chemins, sinon à
)' lrente toises (58 mètres 47 cent.) de distance du
» bord, mesuré du pied des arbres; et, lorsqu'il
)' n'y aura ni arbres ni fossés, à ti'ente-deux toises
» (62 mèlres 37cent.) de l'extrémité de la largeur,
» sans pouvoir, en aucun cas, pousser les rameaux
» ou rues desdites carrières du côté <lesdits che» mins
Le tout à peine de 300 livres d'al> mende
»
Il serait bon de renouveler, quant aux chemins
vicinaux, celle mesure tombée en désuétude quoique propre à prévenir des accidents, S1lrlout pen,.ldant la nuit, en réduisant toutefois la distance
prescrite, et en permettant d'y suppléer par des
murs, des haies, 011 par tOllt autre obstacle capable d'arrêter les voitures ou les piétons qui se détourneraient du chemin (a).
»
~
(a) L'art. 88 du réglement pour la Côte-d'Or, en date du
8 juin 1837, postérieur de près d'un an à la première édition du
présent commentaire, où ce vœu était déjà émis dans les termes
ci-dessus, porte: .. TI est interdit de pratiquer, dans le voisinage
" des chemins, des excavations, si ce n'est à la distance de
" 3 mètres, à partir du bord extérieur des fossés desdits chemins,
" pour les carrières, marnières, argilières, sablières et excava-
�DU DOMAINE PUBLIC.
777
La disposition du réglemenl préfe.ctoral qui
prescrirait des précautions à ce sujet, l'en trerait
dans les vues du législateur, qui, par le nO 4 de
l'article 479 du Code pénal, prononce une amende
de 11 à 15...Ji13ltCS contre ceux qui auront. occasionné la mort 011 la blessure des animaux ou hestiaux appartenant à autrui, par l'encombrement 011
l'excavation dans ou près les rues, chemins,
places ou voies publiques. Ces expressions, L~excà
ration près les rues, c'est-à-dire sur Je sol des
propriétés voisines, et que quelques auteurs ont
signalées comme très-extraordinaires, se référaient
évidemment, dans l'intention du législateur de
18J 0, aux prohibitions résultant des anciennes ordonnances et déclarations ci-dessus citées, et donneron t une sanction aux dispositions analogues que
les préfets pourront insérer daus lems réglements.
Ici se présente la question de savoir si l'établissement de cette servitude sur les fonds voisins des
routes et chemins pourrait motiver une demande
en indemnité de la part des propriétaires. Ce point
a donné lieu à de graves difficultés dans une espèce
où un arrêté du préfet avait défendu aux concessionnaires de la mine de houille de Couzon, de
li
li
li
»
li
l>
tions du même genre. - Les maires pourront en outre imposer aux propriétaires de ces excavations, l'obligation de les
entourer ou couvrir, suivant le cas, de clôtures propres à
prévenir tout danger pour la sûreté publique. Ces mesures
de sûreté seront prises par nous pour les chemins de grande
communication. »
�778
TlLUTÉ
poussel' leurs galeries à moins de 20 ou 30 mètres
du chemin ùe fer de Lyon à Saint-Etienne; un al',,:,
rêt de la Cour de Lyon, du 12 août 1835, s'étant
prononcé pour la négative, a été cassé, le 18 juillet
1837 (Sirey. 37-1-664), par la Cour suprême, qui
a renvoyé l'affaire devant la COUI' de Dijon, où elle
a reçu, le 23 mai It$3~ (S." 38-2-469), la même
solution qu'à Lyon; sur un nouveau pourvoi J cet
arrêt a été, contrairement aux conclusions trèsremarquables et très-savantes de M. le procureurgénéral Dupin, cassé le3mars 1841 (S." 41-1-259),
par le motif: « ••••• que tout. propriétaire a droit à
» une indemnité, non· seulement lorsqu'il est
» obligé de subir l'éviction entière de sa propriété,
» mais aussi lorsqn'il est privé de sa jouissance et
» de ses produits pour cause d'u tilité publique; que
» seulement ùans ce 'cas, l'indemnité n'est pas
» préalable ; ..•. qu'à la vérité, l'art. 50 de la loi du
» 21 avril 11)10 confère à l'autorité administrative
» le droit de pourvoir, par des mesures de sûreté
» publique, à la conservation des puits, à la soli» dité des travaux de la concession, et à la sûreté
» des habitations de la surf.'\ce ; mais que celle dis» position n'altère en lien le droit de propriété du
:» concessionnaire, et ne lui impose pas l'obligatioll
» de subir la perte d'une partie de sa concession
» à raison de la création d'un établissement oou» veau, sallS cette juste indemnité.... »
En faisant abstraction de l'influence que la nature tout exceptionnelle de la propriété souter-
1
�DU DOMAINE PUBUC.
779
raine des mines peut avoir dans cette espèce, nous
pensons que la question d'indemnité pour cause de
prohibition des excavations en général, doit être
résolue d'après la distinction que nous avons déjà
indiquée, nO 479 ci.dessus, entre cc qui est interdit par le droit commun en vertu des lois qui'
règlent les rapports de la propriété privée, et ce
qui ne l'est pas.
Les prohibitions de la première espèce ne peu-'
vent jamais, selon nous, motiver d'indemnité,
cc car, comme le disait M. Dupin dans le réquisi)) toire-dont il a été parlé plus haut, on ne peut pas
» appeler dommage, dans le sens d'une réparation
» qui s'y attache, un préjudice de fait qui. est la
:» conséquence d'un engagement subi en présence
» d'un droit plus puissant qu'on e.st tenu de res-.
» pecter.»
Ainsi, et comme d'après la disposition de la loi.
de Solon CL. ult.,ff.fin. reg.), faisant la règle en
cette ma~ière, le propriétaire d'un fonds ne peut y ,
pratiquer de fouilles près de l'héritage voisin sans
laisser sur le bord un espace au moins égal :\Ia profondeur de l'excavation, il s'ensuit que le riverain,
d'un chemin vicinal ne serait pas fondé à prétendre,
à un dédommagement pour la défense que ferait,
l'arrêté du préfet de creuser des carrières, mar-.
nières, sablières, etc., dans cet intervalle. Mais il
en serait autrement dans le cas où l'arrêté exigerait
une distance plus considérable; cette prescription
devrait motiver une indemnité, parce qu'elle cons-,
�780
'mAlT!,
tituerait alors une mesure d'intérêt général, prise
aux dépens de la propriété privée, en d'autres termes, nne espèce d'expropriation pour cause d'utilité
pulJlique dont la charge ne doit pas tomher sur un
seul.
2° Par leoouhle motifde la sûretédes voyageurs
et de l'assainissement des chaussées gue l'humidité
entretenue par les arbres, dégrade, l'art. 3 du titre
28 de l'ordonnance du Illois d'août 1669 avait
prescrit l'essartement des forêts le long des routes
sur u ne largeur de 60 pieds (J 9 mètres 49 cent.)
de chaque bord; ce qui n'a pas été généralement
exécuté, même dans les forêts domaniales, quoique
un avis du conseil d'état du 18 novelJJbre 1824 se
soit prononcé en faveur de l'application de la
mesure.
Le réglement préfectoral pourrait, selon les circonstances, établir une prescription de ce genre,
nlais comme elle constituerait une servitude trèsonéreuse, q ni, selon nous, ne devrait être imposée
que lYI(Jyennant une préalable indemnité, ainsi que
l'à recon n Il u ne lui du 2 brumaire an 8, citée par
erreur sOllsla date <:lu 18, pag. 202 ci-dessus, on
conçoit que l'on ne devrait y r~couril' que dans le
cas où de puissantes considérations en dCIllontreraient J'absolue nécessité.
Il en serait de même de la prohibition, créée par
un réglement du conseil d'Artois du 13 jl1illet1774,
et que Merlin (Rep., VO .lrlolliin) regarde encore
COllllne obligatoire clans cette partie de la France,
�DU DOMAINE PUBLIC.
781
de cOllstruire, à moins d'nne certaine distance du
chemin, des moulins à vent, qui peuvent, par leur
hruit et le mouvement de leurs ailes, occasionner
des acçidents en effrayant les chevaux.
3° Nous désirerions voir adopter nne mesure qui,
sallS tenir directement à la bonne viabilité des
chemins, offre cependant de grands avantages aux
voyageurs, et a déjà été adoptée dans un assez
grand nombre de communes; ce serait de placer,
soit su l' lei dernières maisons des villages, soit snrtont sllr des poteau:x plantés aux embranchements
des chemins, des inscriptions indicatives du lieu où
ils conduisent et même des distances. On éviterait
ainsi des embnrras, des erreurs et des accidents
qui résnllent assez fréquemment de l'ollhlide cette
précaulion, que le directeur-général des ponts et
chausilées a recommandée pour les routes, par sa
circulaire du 5 novembre 1833.
Il serait très-convenable aussi d'étendre aux chemins vicinam le système des bornes milliaiJ'es usité
chez les Romains (PLin., xv, 18; - Tit.-Liv.,
:XXVI, 10), et introduit cn France sous Louis XV
par Perl'Oonet, premier ingénieur des ponts et
chaussées, qui fit placer sur toutes les routes, de
mille en mille toises (1949 mèt. 3 cent.), des
pierres cylindriques numéroléeS à partir du parvis
Notre-Dame, à Paris.
4° La question de l'utilité de la plantation des
routes a été vivement controversée dans ces derniers temps; si les arbres servent à diriger les voya-
�782
TR.AJ.TÉ
geuFs pendant la nuit et dans la saison des neiges,,'
s'ilsfournissent aux constructions et au charronnage
des matériaux qui deviennent de jour en jour plus
rares, par la facilité déplorahle avec laquelle on a
autorisé le défrichement des forêts, les ingénieurs,
d'un autre' côté, se plaignent de l'humidité que.
leur ombrage entretient SUl' les chaussées, et qui
en cause promptement la dégradation. Dans ce
-conflit de considérations, les préfets ne devront,;
~'elativement aux chemins vicinaux, se déterrniner
que d'après une connaissance .exaète des localités
et avec une extrême prudence; au lieu de disposer
les plantations en lignes con tinues, on pourrait
étahlir de distance en distance, SUi' des terrains
réservés en dehors de la chaussée pour un but qui
sera signalé plus bas, des groupes d'arbres qui suffiraient pour indiquer la direction du chemin, en
offrant à ceux qui le parcourent un lieu de repos
et un abri contre la chaleur (a); par ce moyen, on
obtiendrait les avantages que produisent les arbres,
sans que les routes en éprouvassent du dommage;
les campagnes ne seraient pas privées de leur plus
. hel ornement, et les communes s'assureraient une
ressource précieuse, don l, en général, elles on t le
(a) Jadis, dans plusieurs localités, on avait coutume de ménager de distance cn distance, le long des c11emins, de semblables
espaces destinés à faire reposer les voyageurs et les troupeaux
(voyez à cet égard la savante Histoire des Franfais des dû'ers
états au,>: ânq derniers siècles, par M, Monleil, 14" siècle,
ép'tt. 42, tom. 1er ,pag 197).
�DU DOMAINE PUBLIC.
783
plus grand hesoin : ornamentum pacis ~ helli
suhsidilLm~ arhores
(a).
Les terrains dont nous parlons pourraient surtout être utilement employés à l'entrepôt et à la
préparation des matériaux, dont les amas sur les
accotements ne sont pas seulement une cause con,.
tinuelle d'accidents, mais nécessitent encore une
augmentation de largeur aussi nuisible à l'écoulement des eaux, qu'onéreuse à l'agriculture par
l'absence de tout produit; en SnÎsse et en Angleterre, les route,s. sont étroites. ct on place les
pierres destinées à leur entretien, sur de petits
espaces de terrain méuagés de loin en loin, en
ddlors de Jeur aligne~ent général.
Ca) On ne saurait trop recommander aux administrateurs des
communes, de faire des plantations particulièrement sur les terrains inutiles, qui s'en trouveraient améliorés par la suite, et
qui, en attendant, ne présenteraient plus un pénible aspect d'abandon. " Tous .les maires, dit M. Dupin, avec cette justesse
» d'esprit qui le caractérise (Introduction aux lois des com» munes, pag. 130), n'ont pas la puissance d'ériger des tem» pIes, des écoles, des bains publics, des statues; mais chacun,
» en usant sobrement et avec intelligence des ressources de
» la localité, peut contribuer à l'ornement de son pays. Ne fît-il
» planter qu'un ou deux arbres au-devant de l'église ou sur une
» place, il aura accompli le vœu du grand Sully, dont les vieux
» tilleuls ombragent encore la plupart de nos villages. » Selon
Dulaure, Histoire de Paris, tom. 2, pag. 472, les ormes plantés
devant les églises, étaient d'un usage général autrefois; c'était
sous leur dôme de verdure que les juges rendaient la justice,
que l'on payait les rentes, et qu'après les offices, les babitants sc
réunissaient llour traiter les affaires de la communauté.
/
�TRAITÉ
50 L'opération la plus util"e pour les chemins
vicinaux, sera leur délimitation avec les fonds voisins, au moyen de bornes plantées à tous les points
où ils forment des angles ou des courhes. Malheureusement aucune loi ou instruction n'a indiquf$
ni la marche à suivre en pareil cas, ni l'autorité
compétente pour décider les difficultés qui pour;raient s'élever. Le seul monument de jurisprudence
que nous avons pu découvrir sur la matière, est un
arrêt de la Cour de cassation à la date du 15 novembre 1831 (Larché c. la commune de Beire.
Sirey~ 32-1-13), qui décide seulement que les
questions de propriété relatives aux chemins classés ou non, sont exclusivement du ressort des tribun lX civils, et que la disposition de l'art. 6 de la
loi du 9 ventôse an '13, en fixant la largeur des
voies vicinales à 6 mètres, n'autorise pas les riverains à s'emparer du surplus.
Si le chemin a, en fait, la largeur nécessaire, on
que tous les riverains consentent à la lui donner,
le maire plantera avec ceux-ci des bornes dont la
position sera mentionnée dans un procès-verbal,
qui, après avoir été signé par toutesles parties, sera
sOlHnis à l'approbation du conseil municipal et
ensuite à celle du préfet. Quoique l'art. 46 de la
loi du 18 juillet 1837 ne comprenne pas nommément le bornage au nombre des actes pour lesquels l'avis du conseil de préfecture soit nécessaire,
cependant, comme cette opération peut, jusqu'à un
certain point, être assimilée au partage, et qu'eHe
=
�DU DOMAINE l'mILle.
'185
emporte presque toujours, pour la rectification
des limites, une aliénation de quelques parcelles,
nous pensons que la disposition de l'article dont il
s'agit devl'ait être complètement exécutée.
S'il n'y a pas accord, voici comment nous -pensons qu'il conviendra d'opérer.
Il f.'lUdra d'abord dresser, dans la forme indiquée
pages 736 et suivantes ci-dessus, le plan d'alignement du chemin, ce qui lè~era toutes les difficultés
sur les limites, puisqu'aux termes de l'art. 15 de la
loi du 21 mai 1836, le préfet a le droit de les fixer
définitivement, abstraction faite de toute question
de propriété, <"t qne son arrêté produit l'effet de
convertir le droit réel des riverains, même le plus
incontestable, en une simple indemnité pécu'niaire.
Sons ce point de vue, là présence et le concours
de ces riverains pourraient paraître inutiles, mais
cependant comme leur expropriation ne doit avoir
lieu qu'à charge d'indemnité, qu'ils peuvent d'ailleurs contester l'exactitude du tracé ou prétendre
que telle ou telle parcelle comprise dans les limites
du chemin Jeur appartient, et qu'ils auraient, ainsi
que nous le dirons ci-après, une action possessoire,
sinon ponr se faire réintégrer dans leur jouissance
annale, au moins ponr la faire constatel' officiellement, notre avis estqne l'application du plan au terrain ne doit être faite que contradictoirement avec
eux ou qu'après qu'ils amont. été dûment appelés.
S'ils so-présentent, le débat s'ouvrira nécessaire-
�786
TRAITÉ
ment sur l'un de ces trois points: on ils eonlesteront la justesse de l'application du plan au terrain,
on, en la reconnaissant, ils soutiendront qu'nne
parcelle englobée parle tracé, dépendde leurs fonds
et leur appartient, ou enfin, étant d'accord avec
la commune sur la propriélé du corps même de
cette parcelle, ils différeront sur sa dismensul'ation
ou sur sa valeur.
Au premier cas, il faudra recourir au préfet,
qui, après avoir chargé, soitl'agent-voyer, soit un
expert qu'il désignera, de visiter les lieux et de lui
faire un rapport, statuera sur le tracé en le maintenant ou le modifiant. Ayant le pouvoir exclusif de
déterminer les limites du chemin, il est seul compétent pour interpréter son arrêté et pour le faire
exécuter et appliquer; ejus est legem interpretari., cujus est condere ({frgum. ex Leg. 12,
Cod. de Leg.).
Dans la seconde supposition, il y aura question
de propriété qui ne pourra être" résolue que par les
tribunaux ordinaires, et. qui ne sera point de nature
à empêcher le bornage, puisqne, de quelque manière qu'elle soit résolue, le chemin ne devra pas
moins être maintenu dans les limites qui lui sont
:lssignées par l'autorité administrative, sauf indeml1ilé si le terrain contesté est reconnu appartenir au
l'lveram.
Seulement, si la commune avait besoin de se
mettre sur-Ie-cbamp en possession de l'objet du
litige et d'y f:lire des travaux qui en alLérassent la
�ru
DOMAINE PUBUC.
''787
forme, il conviendrait d'en dresser un élat descriptif très-exact, pour que les tribunaux puissent y
puiser les renseignemen ts nécessaires; cette pré<:aution sera surtout utile s'il y avait lieu à action
posseSSOlre.
Enfin, dans la dernière hypothèse, l'affaire devra
,être portée devant le juge de paix, conformément
·à J'art. 15 de la loi du 21 mai 1836.
Si, au contraire, les riverains 'ou quelques-uns
·d'entre eux font défaut, la question de compétence
sera pl us difficile, parce que leur silence laissera
'<lans le doule la nature de l'exception qu'ils pourront avoir à présenter plus tard. Cependant on
conçoit que l'opération ne devra pas en être entra'Vée; nous pensons qu'alors une action en bornage
ordinaire devra être portée devant le juge de paix,
conformément au 2 e S de l'article 6 de la loi du
'25 mai 1838.
.
Cette dernière marche devrait aussi être suivie si
le riverain était incapable de consentir au bornage,
'par exemple, s'il était mineur, interdit, etc., etc.,
ou si c'était la commune qui refusât d'y procéder
sur la demande du voisin.
Quoique, dans ces divers cas, le juge de paix
'fasse moins l'office de juge que d'officier public
chargé seulement de constater un fait, puisqu'il ne
peut rien décider, la commnne n'en deVl'a pas
-moins être autori5ée à procéder, conformément à
l'art. 49 de la loi du 18 juillet 1837, dont les
termes généraux u'admettent d'autre exception
�788
que celle contenue dans l'art. 55, relativement
aux actions possessoires. Le riverain qui vonJl'ait
se porter dem,mdeur en bornage serait anssi dans
la nécessité de présenter le mémoire exigé par l'article 51 de la mêmè loi.
Au reste, comme les efforts de !'adll1inistration
municipale devront toujours tendre à prévenil' une
instance judiciaire dispendieuse et occasionnant
des retards, le maire qui voudra procéder au bOl'nage d'uu chemin, fera bien d'indiquer, par am.
ches et publications, les jours où l'opération aura
lieu de tel point à tel autre point, en invitant les
riverains à se tfOuver sur les lieux, assistés d'experts de leur choix; en cas de résislance de quelques-uns, il ne faudra pas moins en terminer avec
ceux qui seront d'accord, saufà reveni,' ultérieurement aux récalcitrants, qui souvent, entraînés par
l'exemple et se voyant en petit nombre, finissent
par céder. C'est en suivant cette marche,que la ville
de Dijon est parvenue à acquérir, sans expropriation, le droit de faire passer l'aqueduc de ses fonlaines publiqnes dans 543 parcelles de terrains de
diverses natures, et situées sur cinq communes
différentes; mais pour réussir dans de pareilles
négociations, il faut les soumettre à une règle égale
pour tous, et dont ancune considération particulière ne fasse dévier. Une sévère impartialité est,
on pent l'affirmer, le moyen le plus sûr de succès.
6° Parmi les mesures de conservation des chemins que peut prescrire le réglemcnt général, on
�789
DU DOMAINE PUBLIC.
ne doit pas comprendre celles qui auraient pour
objet Je déterminer la forme et la dimension des
roues des voitures destinées à les parcourir. Dans
l'état aclncl Je notre législation, les préfets n'ont
pas le pouvoir d't-~tablir des dispositions constitutives J'une police du roulage sur ces voies publiqnes, ni d'y rendre obligatoires les prescriptions
l' "
dans
l " Interet
, . d es grau d es routes;
· (eerctf'es
cl es 1OIS
mais on discute en ce moment, à la Chambre des
députés, tlne loi qui f,?tol'iserait cette extension
aux chemins vicinaux de grande commnnication,
sur l'avis motivé des conseils de département.
La généralité des termes de l'ordonnance royale
du 29 octobre 1~h8, relative à la longueur des
moyeux des voitures de roulage et autres, circulant dans toute f'étendue du royaume.. nous fait
penser qu'elle serait exécutoire sur les chemins
vicinaux de toute nature.
Moins à titre de dispositions susceptibles de
faire partie du réglement général, que comme indication de mesures recommandées à la sollicitude
des admiuistrateurs , nous présenterons les observations suivantes, par lesquelles nous terminerons
le commentaire de notre article 21.
Les frais de construction et de réparation
des chemins dépassant généralement la valenr
même du sol sur lequel ils sont établis, il conviendrait, à moins d'accidents très - pr.ononcés
TOM:. II.
50
�790
•
TRAITÉ
de terrain, de les redresser et de les établir en ligne
droite SUl' toute la distance qui sépare une commune d'une autre. Cinq kilomètres de chemin,
de six mètres de large, n'occupent qu'une superficie de 3 hectares, dont le prix moyen ne s'élèverait pas au·dessus de 1500 francs. Cette somme,
sur laqnelle il y aurait à déduire le prix de revente
de la partie abandonnée, n'est presque rien en
comparaison de la dépense qu'entra~nentl'empier
rement et l'entretien d'une pareille longueur de
chemin. Indépendammen"t Ode la quantité de terres
qui serail rendue à l'agriculture, et de la l'apidité
qu'acquerraient par là les communications, il Y
aurait une économie considérable sur les frais de
première mise en état et de réparations annuelles.
Il y aurait aussi un grand avantage à niveler autant que possible les chemins, ou au moins à
adoucir les rampes trop rapides que la plupart présentent, en abaissant, souvent à peu de frais, les
hauteurs dont les déblais seraient reportés dans
les bas - fonds. Lorsque l'élévation serait trop
grande, et que le sol présenterait trop de difficultés, il n'y aurait d'autre moyen que de tourner
au pied de l'éminence. La règle de la diminution
de longueur devrait céder dans ce cas.
Un point non moins important est. ]a suppression d'un assez grand nombre de chemins, qui,
sans être tout-à-fait iuutiles, ne sont pas cependant d'une indispensable né~essité. Il n'est pas
rare de trouver deux uu trois chemins conduisant
�DU DO:MÀINE PUBLIC.
791
d'un village à un autre, etqui, tous mal entl'etenlls; seraient remplacés avec avantage parun seul
en bon état.
e.'< Les chemins sont malheureusement trop nom» breux, disait M. Thiers, président du conseil, à
" la séance de la Chambre des pairs du 28 avril,
» on en a beaucou p trop tracé; toutes les com» munes sont toujours teutées d'en multiplier le
» nombre.•... Il y en aura beaucoup à abandon» ner, et tout amendement qui aura pour but d'é» lendre la classification, ne sera pas bon. »
Quand trois communes, par exemple, ne sont
pas exactement situées sur la même ligne, il Y a
ordinairement trois chemins, deux communiquant
des communes extrêmes à celle du ~ilieu , et un
autre joignant les deux premières entre elles. Si
l'angle est très-ouvert et la déviation peu considél'able, il conviendra de snpprimer ce troisième
chemin, en ne conservant que celui qui traversera
les trois communes. L'inconvénient de la longueur
est compensé bien au-delà par les avantages du bon
état de viabilité.
Ce sera peu d'avoir créé une législation spéciale
sur les chemins vicinaux et d'avoir établi de sages
réglements pour leur police et pour leur conservation, si l'on n'enseigne en iuême temps les moyens
de les construire et de les rép~rer. Dans les campagnes, un utile emploi des ressources ne sera pas
llloins difficile à obtenir que les ressources ellesmêmes; et sans nne bonne direction des travaux,
�792
TRAITÉ
les dépenses énormes qui serout failes chaque
année, au lieu de produire les heureux résultats
que l'on doit en attendre, deviendront un sujet
malhc1lI'eusement trop bien fondé, cie plaintes et
dedécouragement.Rien n'est plus pénible,en effet,
qu'un travail iHlp,'oductif, et l'on ne parviendra à
faire exécutel' la loi, qu'autant que les avantages
-qui en résulteron t seron t en ra pport avec les sacri·ficcs qu'elle impose; aussi l'un des principaux
soins de l'autorité supérieure, soit les préf~ts pour
leurs départements respectifs, soil plutôt le ministre
pour la France entière, devrait être de faire rédiger,
par des gens de l'art, une instruction claire et à la
portée de toutes les intelligences, dans laquelle on
résumerait, en quarante ou cinquante articles, les
principes les pIns simples et les méthodes les pins
économiques pour le tracé, la construction, l'entretien annuel el les réparations des chemins vicinaux. Un semblable ouvrage, adressé à toutes les
communes, serait le seul moyen de donner aux
habitants des campagnes et à leurs administrateurs
imOlédiats,des notions qui leur manquent, et qu'ils
n'il'Ont certainement pas chercher dans des traités
volumineux, qu'ils ne pou n'aient souvent pas
comprendre, lors même qu'ils auraient les moyens
el la volonté de se les procurer.
Enfin, persuadés que nous sommes, comme
Tlons l'avons déjà laissé pressentir plus d'une fois,
que la loi eût été. d'autant meilleure qu'elle eût
moins laissé de latitude à l'autorité municipale,
�DU DOMAINE PUBLIC.,
793
trop disséminée en France, nous insisterons vivement pour que les préfets, se réservatlt la part la
plus brge dans l'administration des voies qui nous
occupent, centralisent antant que possible, en un
fonds commun, les ressources qui leur sont applicables,. et surtout fassent partir d'un centre unique
la direction et l'exécution de tous les travaux. Si,
au lieu de ce mécanisme simple et d'un usage fa- '
ciJe, on persistait à laisser l'élément communal
dans un état d'isolement et d'indépendance, on
créerait une machine compliquée, dont les rouages
mal assortis et obéissant à des forces divergentes,
Ile pourrllient jamais fonctionner avec ensemble
et régularité.
AR TrCLE XXII.
»
~,
578. cc Toutes les dispositions de lois antéricures demeurent abrogées en ce qu'ell-cs auraient de contraire à la présente loi. »
Ce n'est pas sans un vif sentiment de regre~ que
nous voyons nos lois se terminer invariablement
par cette formule banale, qui, loin de simplifier la lé·
gislation, en fait un chaos inextricable, dans lequel
les jurisconsultes même les plus exercés ont peine
à se reconnahre. Vainemen t on proclame dans
les Chambres, que la codification doit être l'œuvre
des compilateurs; nous pensons, au contraire, que
ce serait un devoir du législateur de reproduire les
Jiverses dispositions antérieures auxquelles il veut
�DU DOMAINE PUBLIC.,
793
trop disséminée en France, nous insisterons vivement pour que les préfets, se réservatlt la part la
plus brge dans l'administration des voies qui nous
occupent, centralisent antant que possible, en un
fonds commun, les ressources qui leur sont applicables,. et surtout fassent partir d'un centre unique
la direction et l'exécution de tous les travaux. Si,
au lieu de ce mécanisme simple et d'un usage fa- '
ciJe, on persistait à laisser l'élément communal
dans un état d'isolement et d'indépendance, on
créerait une machine compliquée, dont les rouages
mal assortis et obéissant à des forces divergentes,
Ile pourrllient jamais fonctionner avec ensemble
et régularité.
AR TrCLE XXII.
»
~,
578. cc Toutes les dispositions de lois antéricures demeurent abrogées en ce qu'ell-cs auraient de contraire à la présente loi. »
Ce n'est pas sans un vif sentiment de regre~ que
nous voyons nos lois se terminer invariablement
par cette formule banale, qui, loin de simplifier la lé·
gislation, en fait un chaos inextricable, dans lequel
les jurisconsultes même les plus exercés ont peine
à se reconnahre. Vainemen t on proclame dans
les Chambres, que la codification doit être l'œuvre
des compilateurs; nous pensons, au contraire, que
ce serait un devoir du législateur de reproduire les
Jiverses dispositions antérieures auxquelles il veut
�794
TUAITÊ
conserver la force légale. Ce n'est qu'à-cette condition que la fiction nécessaire, d'apres laquelle tons
les citoyens sont supposés connaître la loi, sera
jnste, et ne dégénérera pas en tyrannie. Il [.,1Ut, dit
Bacon, que la loi avertisse avant de frapper: Ut
moneat Lexoportetpriusquamjeriat(Aphor. 8 ;
mais comment cet avertissf'ment peut-il exister,
lorsqne l'on est obligé de rechercher et de suivre,
dans le dédale du bulletin des lois et des collections an térieures, des dispositions incohéren 1es et
souvent contradictoires, qni consti tuent ce que l 'on
appelle notre législation sur telle ou telle matière?
Du moment qu'il fant nécessairement étudier et
apprécier toutes les luis antérieures lorsqu'on en
fait tlne Douvelle, il en coûterait bien peu au législateur de reproduire celles qu'il entend conserver;
il a mait encore par là la faei lité, ee qni ne serait pas
un faible avantage, de pouvoil' coorùonner, au
moyen de légers changements et souvent d'un seul
mot, les dispositions qlli, portées dausdes circonstances difIéren les de celles où il se trouve, se heurtent av c son ol1vra~e, on ne s'y rattachent qu'avec la pins grande diHicuhé. Pour la matière qui
nO\ls occnpe, sPpt ou huit articles empruntés aux
lois, préexistantes, et particulièrement à celle du
23 juillet J 824, nOlis eussent doté d'un code com~ ':plet, dont. l'intelligence et les nJOyens d'application
., eussent été accessibles à tout le monde.
Ces observations, que nous avions déjà consignées dans la première édition du présent r.om-
(
�DU DOMAINE PUBLIC.
795
mentaire, ont été reproduites depuis, avec plus
d'énergie, pal' M. Dllvergicl', dans une note du
volume de sa Collection complète des lois, etc.,
qui a paru en ] ~37' c< Deux choses, dit-il, tom. 36,
» pag. 136, sont à considérer dans la confection
:» des lois: les règles que l'on se propose d'établir,
» et l'expression de la volonté législative. L'exa:» men et la critique des dispositions considérées
» en elles-mêmes ont sans donte un grand degré
~) d'intérêt et d'importance; beaucoup croiraiel1t
:» même déroger et descendre des hauteurs où ils
» se placent s'ils consacraient quelque attention à
:» la forme de la loi, Cependant celle mission est
" encore élevée et difficile, qui consiste à revêtir
:» d'une expression juste et claire les commande:» men ts de la loi, à établir le lien et l'harmonie
:» entre le passé et le présent, à marquer d'un signe
:» certain ce qui, de la législatiou ex~stante, survit
;» après une loi nouvelle; à dire, en un mot, ce
» qui est abrogé et ce qui ne l'est pas. J'ai fait
» souvent remarquer avec quelle inconcevable
" négligence nos législateurs accomplissent cette
:» partie de leurs devoirs. Ils sont tellement effrayés
» des difficultés de la tâche qui leur est imposée,
" qu'ils n'osent pas les regarder en face, et ils se
» tirent de l'embarras de leur situation pal' cette
»banale disposition : Toutes les lois anté»
rieures demeurent ahrogées en ce qu'elles
auraient de contraire à la présente loi. Ces
»
réflexions ne pouvaient jamais être présentées
»
�796
~,
TRAITÉ
pins à propos qn'ici. Une loi du 28 juillet 1~h4
)' règle çe Il ui est l'da tif a \lX chemins vicinaux. En
" 1~G6, nne loi non velle paraît l1écessaire; elle
" conlÎenlnn grand nonlbrc d'arlÎcles; elle repro" duit plusieurs dispositions de celle dc 1~h4;
" elle en omet ll'antres, el laisse ainsi les juriscon» Snlll'$ et les fonctionnaires dans l'embarras lors" Cju'll fant savoir si quelCjues articles de la loi de
') 18240ntsurv(.cll à celle de 1836,f'lquelssont
" ces ilrlicles. » Ji eite ensuite l'opinion de M. le
député Vivien, qni avait insisté ponr que l'on reproduisit les dispositions maintenues; puis il termine
en disant : (~ J'avais espéré trouver, dans la circu» Jaire millislérielJe, quel/lnes édaircissements.
" Elle dit :.elliement que l'art. 5 de la loi Je 1~h4
" subsiste en ce qui touche le mode de recouvre" men t. »
579. DI;jà, dans le conrs de cet ouvrage, nous
avons eu soin de signaler celles des dispositions des
lois précéden les qne nous c.royons être encore en
vigueur et applicables. Leul'rappl'ochement nous
paraissant utile punI' fêJire saisir dans son ensellJble
l'esprit de la l(:gilliatioll SUl' la matière, nons allons
les réunir, en les félf'peJant , soit sommairement,
soit avec queJqncs explications.
1 0 Le préfet déclarera, par un arrêlé pris d'après
les déliLéralÎoDs des conseils municipaux, la vicinalilé des chemins reconnus être nécessaires à la
com mu niea tian des communes (art. 1er de la Loi
du 28 juillet Ilh4).
�DU DOMAINE PUlILIC.
797
2° L'aclministration centrale, remplacée par le
préfet, fera dresser un état général des chemins
vir.in.illx de son arrondissement, prononcera ]a
suppression de ceux reconnuS inutiles, et en rendra
l'emplacement à l'agricu1L11l'e (A-"r~té du directoire du 23 messidor an 17; loi du 9 ventôse
an XIII; Instr. minist. du 7 prairial an XIII).
3° Le recouvrement de la valeur des prestations
non acquittées en nature, ainsi que tles cinq cen'"
times additionnels, sera poursuivi comme pour les
contributions directes, les dégrèvements tlevront
être prononcés sans frais, et les comptes rendus
comme pour les autres dépenses communales
(Art. 5 de la loi du 28 juillet 1824).
4° Les travaux indispensables qui ne pourraient
être exécn tés avec le produit des presta lions, le
serontà l'aide de contributions extraordinaires, imposées, confcJrrnément aux lois, par des ordonnances royales (Art. 6 de ladite loi).
5° Les chcrnins vicinaux sont affranchis de toute
contribution foncière, aux termes de l'art. 103 de
la loi du 3 frimaire an VII, portant que "les rues,
'» les places publiques servant aux foires et mar:» chés, les gl'unJes routes, les chemins publics
» vicinaux et les rivières, ne sont point cotisables.»
6° Par les clécrcls des 13 fructidor an XIII, 20
frvrieret 20 juin 1810,4 août 18lI, 22 décembre
1812, 31 janviel' 1813, ainsi que par les ordonnances royales des 27 févI'ier Ith5, 18 septembre
l~h6 et 28 décerllbre 1828, sur la création et les
'
�798
TRAITf;
pouvoirs de la commission mixte des travaux publics, l'établissement des cbemins vicinaux traversan t les fonifica tions est assujelli à certaines règles
et à certaines précautions, auxquelles il n'a poinl été
dérogé par la loi du 21 mai 1836; c'est ce qui résulte du rejet d'un amendement proposé pour lem'
abrogation; on fit remarquer avec beaucollp de
raison, qu'il s'agissait ici d'une matière spéciale, à
laqueHe on ne devait toucher qu'après un mûr
examen.
L'art. 27 de l'ordonnance royale du tel' août
1821, sur les serviludes Irlililaires, en indiquant les
réparations qui ne peuvent être autorisées allx hâtiments situés dans ou près les places de guerre,
conlient, par la manière dont il esl rédigé, une
rè~le générale SUl' les réparatious prohibées en fait
J'alignelbcnt, et qui confirme les décisions de la
jll1'isprudence que nous avons raprorlée~ pag. 568
el suivantes, ci-dessus: cc Les bâtimeuts,clôtllres ~t
~~ autres constrnclions en maçonnerie, porte-t-il,
~) qui seraient situés.... (tIans telle zônc désignée),
~) ne pourront être entretenus qu'avec les rcstric» tians légalement prescrites en matière de voirie
» urbaine, c'est-à-dile sous la condition expresse
» de ne poi n t faire à ces consu'uelions de reprises
, •
d
,""".
» en sous-œuvre, Dl meme . e grosses reparatIOns,
» ou toute autre espèee de travaux conforta tifs,
» Soit à leurs fondations et à leur l'ez-de-chaus» sée, s'il s'agit ùe bâtiments d'habitation;
» Soit, pour les simples clôt11res, jusqu'à moitié
�DU DOMAL."i'E PUBLIC.
'199
de leur hauteur, mesurée sur leur parement ex» térienr;
,> Sail, pour toutes autres constructions, jusqu'à
» trois mètres au-dessus du sol extérieur. »
A quoi l'art. 28 ajonte : cc ...... Les restrieLÏons
» (prescrites par l'article précédellt) ne porteront
» que SUl' les parties de biLirnents ou de clôtures
» qui dépassent l'alignement de la rue. "
7° C'est une question très-controversée entre les
auteurs, que de savoir si l'art. 23 du Code de Pl'Océdnre ci,ile est applicaLle; en d'autres termes, si
l'action possessoire est admissible en fait de che. ..
11Hns VICInaux.
Il faut l'examiner dans les deux hypothèses où
elle peut se présenter: dans celle où l'action serait
intentée par la commnne contre le riverain d'un
de ses chemins, et, dans la snpposition inverse, où
ce serait ce dernier qui voudrait agir contre la commune.
Au premier cas, la voie de la complainte POUl'rait paraître inutile, puisqu'aux termes de l'article
15 de laloidl1 21 mai 1836, lepréfetayal1tle droit
de reconnaître les anciennes limites des chemins
vicinaux, ou de lenr en assigner de nouvelles, il
s'agirait ici d'une affaire tout administrative, sur
laquelle le juge de paix serait incompétent pom
prononcer.
Cependant la jurisprudence et plnsieursautenrs,
au nombre desquels est 1\'1. Proudhon (Dom. pub' J
nOS 237 et 627), ne font aucnne difficulté de l'ue»
�800
TtLUTÉ
corder, parce qne si le préfet a Lien le pOllvoir deréunir au chemin des parcelles des propriétés voi.'
sines, el d'en tra[ sférer ipso facto le domaine à la
commune, ce n'est qu'à la charge d'une indemnité
dont celle-ci se trollverait aŒranchie si elle établissait qu'elle en est propriétaire; et comme le snccès
au possessoire est, dans la plupart des cas, surtout
lorsqu'il s'agit de limites, un nlOyen presque assuré d'obtenir gain de cause au pétilOire, on voit
l'immense intérêt q~le la commnne pent avoir il se
faire maintenir judiciairement en jouissance, indépendamment du droit que lui confère l'arrêté ad,ministralif, de comprendre, à tout événement, le
terrain litigieux dans les limites de son chemin et
de ses dépendances.
Rien ici ne s'oppose d'ailleurs,. en droit, à l'exercice de cette action, puisque si les communes ne
peu ven t pas perd re le sol de leurs chemins vicinaux
par la prescription, elles peuvent très-Lien l'acquérir par ce moyen, ainsi que le déclare formellement un arrêt du conseil d'état du 27 juillet 1814,
inséré an Bulletin des lois, et rapporté dans le
Traité du Dom. puhlic~ nO 23~; il leur importe
donc de conserver les avantages du possessoire
comme aeheminement à l'acquisition de la propriété. Ainsi, lorsque l'administration municipale
trace les limites d'un chemin, si un des riverains
y met obstacle en fait, ou notifie quelque acte par
lequel il élève la prétention d'être propriétaire de
tout 011 partie du terrain compris dans ses limites,
�DU DüllIAINE PUBLIC.
sot
-le maire, au lieu de se borner à passer outre ou à
agir administrativement, fera bien d'intenter la
complainte; celle "oie lui sera incontestablement
OUVerte.
Mais on prétend qu'il doit en être antremënt
dans l1 deuxième hypotbèse, celle où ce serait le
riverain qui vond.'ait se porter demandeur. A part
-le cas où, par suite, soit J'une déclaration exp.'esse
de l'autorité, soit d'un abandon complet d'usage,
..il Y aurait eu déclassement du chemin (nO 510 ci.desslJs), les auteurs et certains monnments de ju-ris prudence lui refusent l'action possessoire, par
le motif que la cbose qui en fait l'objet doit être
pff~scriptibJe de sa nature, ce qui n'a pas lieu par
-l'apport aux voies vicinales, dont l'art. 10 de la loi
DU 21 mai déclare au contraire l'imprescriptibilité
t~nt qu'elles sont classées; telle est en effet l'opinion de MM. Proudbon, IDe. eit.~ et de Cormènin, tom. l , pag. 507, 4e édit., qui cite deux arrêts
du conseil d'état des 6 février 1828 (Lemoine) ct
.5 septembre 1336 (Lavaud).
Cette solution n'est point exacte dans sa généra.lité; il faut faire une distinction. Nons l'admettQns
complètement en ce qui concerne le maintien ou
la réintég.'ation que Je voisin voudrait obtenir dans
la jouissance d'une partie quelconque du sol déclaré vicinal; en effel, l'action n'aboutirait à rien,
puisque le chemin étant imprescriptible, la possession qu'il s'en ferait adjnger ne pourrait jamais,
pl;lndant quelqne temps qu'ellE:) se soit prolongée,
�802
TRAITÉ
lui procurer la propriété; elle aurait en outre l'inC()I1\(~nicnt d'entraver l'exécution d'un acte administratif, ce qui ne saurait être permis (Arr~ts du
cons. d'état des 1 8 juillet 1821, 22janflier Ifh4,
16 février 1825 et 7 juin 1826;
26 9).
Sirey~
27-2-
Mais si les concln.!.ions de ce voisin, sans porter
en l'il'o pour l'avenir snI' la jonissance matérielle du
sol d,:tinilivelllent acqllise à Ja commune, avaient
sClllement rom hut Je faire reconnahre qu'antériellrement elle existait à son profil à l'effet d'en
indliire Id preuve de sa propriété, et par suite d'ob.
tenir nne inJcOlnité représentative de sa valeur,
nons ne voyons pas comment on pourrait repousjler une action qui serait nécessaire, qui ne paralyserait
en aucune facon le droit de l'autorité admi.
nistrativc, et à laquelle le principe de l'imprescriptibilité ne saurait èlre opposé à titre de fin de
non-recevoir. Seulement le juge de paix devrait,
comme du reste le trihunal civil serait obligé de le
faire ail pétitoire, se bomer à déclarer le filit de
possession, et s'abstenir avec le plus grand soin de
rien prononcer qui pût nuire à l'exécution de l'arrêlé administratif, par exemple, défendre au maire
de continuer le tl'Ouble, ou ordonner, soit la destruction des travaux commencés, soit la réinté•
gran d e; c ,est ce qu ,a cl'eCl'd'e 1a COUI' suprerne
par
un arrêt du 21 février 1~42 (Sirey~ 42-1-276), qui
mOlivc ainsi la cassation d'un jugement rendu par
appel au possessoire: cc Attendu que, s'il appar"
.
�DU DOMAINE PUBLIC.
803
tient aux tribunaux de statuer sllr tontes J(;S
questions de propriété, il appartient à l'autorité
» administrative de reconnaître J'existence et de
» déterminel' la situation et les limites des che» mins vicinaux; attendu qlle l'effet de l'acte
» administratif qui déclare un chemin vicinal, est
» de meUre le public en jouissance de ce chemin;
» attendu que, s'il s'élève des questions de pro» priété sur le sol, ces questions doivent être ju» gées par les tribunaux; mais quc les dl'oits
» du propriétaire du sol devant, d'après les lois
» spéciales sur la matière, se résoudre en indem» nité, il en résulte que les tribunaux ne peuvent
» réintégrer un particulier dans la possession d'un
» terrain déclaré former un chemin vicinal, sans
» porter atteinte à l'acte administratif qui a attri» bué au public la jonissance de ce chemin. »
Si les conclusions du demandeur étaient trop
étendues et portaient mal à propos sur la maintenuc ou la réintégrande , ce ne serait point un motif pour que le juge de paix s'abstînt de prononcer;
il devrait, en rejetant ce chef, se borner à déclarer
à qni appartenait la possession annale, ainsi qu'il a
été jugé pour le pétitoire, par un arrêt de la Cour
de Paris du 23 janvier 1830 (Sirey.. 30-2-149). Il
ne pourrait pas non plus,. sous le prétexte qu'il y
a décision antérieure de l'autorité administrative, .
se dessaisir et renvoyer d'une manière absolue, les
parlies à celle autorité (Al'l'êt de la Cour de cassat.
du 30 mars üb9;-Sirey? 29-1-192).
>J
»
�804
TRAIn:
L'avis que nous émetlons ici sur l'admissibilité,
pal' rapport aux chemins vicinaux, de la complainte
en tant que destinée simplement à constater le fait
de la possession, et que nous avions déjà embrassé
dans la première édition de ce corn men taire,
pag. 184, est également adopté par nos honorables
confrères MM. Serrigny (Traité de la compétence administrative, nO 694) et Belime (Traité
du droit de possession, etc.:! nO 226 J. Il est
égillement consacré, par plusieurs arrêts de ]a
COlll' de cassation des 30 mars et 8 j nillet 1829;
26 février' et 4 décembre 1833; 12 décembre 1836;
22 mars 1837et6jnillet 1841 (Sirey, 29-I-192et
356; 33-1.39J; 34,1-38; 37'1.326 et 406 ; ti1-1-
730).
. nons, qne (1Olt
.
. d' apres
C' est d ans cc sens aUSSI,
être entendu un autre arrêt de la même Cour, du
18 avril 1838 (Sirey, 38.1-686), quoique l'al'l'êtisle
ait, par une note dans laquelle il distingue le cas
où il s'agit de l'econnaître si un chemin est ou non
vicinal, de celui où la contestation ne porterait que
sur le point de savoir si une parcelle de terrain en
fait ou non panie, paru supposer qne la question
serait nécessairement administrative dans la première hypothèse, et judiciaire dans ]a deuxième;
aux deux cas elle est également administrative on
judiciaire, selon qu'elle a pour objct l'affectation
du terrain à l'usage du public ou siruple01cnt la reconnaissance dn droit de propriété ou de possession
an protlt, soit de la commune, soit du pal'liculier;
�805
DU DOMAINE PUBLIC.
la compétence est la même, qu'il s'agisse de statuer
sur la partie ou sur le toot, sur la qualité du chemin ou sur ce qui doit le constituer.
Ainsi, et lorsqu'une commune se tronvera dans
le cas de comprendre dans un chemin une :portion de terrain dont un des ri...-erains sera en p~s
session depuis plus d'un an, il faudra qu'avant de
commencer aucuns travaux, elle lui notifie l'arrêté
du préfet déterminant la limite, et qu'en même
tem ps, si elle ne prétend pas à la propriété, elle lui
fasse offre de lui en payer la valeur, soit à un prix
qu'elle déterminera, sauf contredits, 'soit à dire
d'experts, conformément à l'art. If> de la loi du
21 mai, ou, si elle soutient, au contraire, que le
terrain lui appartient, elle assigne en revendication; autrement elle s'exposerait à une action possessoire dans laquelle elle succomberait infailliblement et dont elle paierait lès fr-ais .
. Lorsque les limites du chemin ne sont pas déterminées d' llne man'ière précise, soit pardesbornes,
soit par un plan d'alignement, il ne peut être statué
sur la maintenue ou la réintégration du' voisin
dans la portion de terrain qui y a été compritre
avant que l'administration ait reconnu que tout ou
partie de ce terrain e"st effectivement en dehors du
tracé; pour pen qu'il y ait de doute, le juge de
paix ne peut, soit par lui-même, soit par des experts qu'il nommerait, procéder à cette assignation
de limites, qui ne doit être faite que par le préfet,
auquel appartient le droit exclusif de fixer la larTOM.
II.
51
•
�806
•
'l'RAITÉ
geur et la situation du chemin; dans un cas semhlahle, ce juge se hornera à déclarer la possession, ou, s'il veut statuer sur la maintenue ou la
réintégrande, il faudra qu'il surseoie jusqu'à ce
que la délimitation ait été opérée administrativement, et ce ne sera qu'ensuite qu'il pourra ordon~
ner le relâchement de ce qui excédera le sol de la
voie puhlique.
D'a-près cela, on doit décider, avec uh arrêt de
la CoUt' de cassation du 17 janvier 1831 (Sirey)
31-1-193), que les riverains d'un chemin vicinal,
qui ont épronvé quelques dommages dans leurs
fonds, des travaux de réparation entrepris sur ce
chemin par ordre du maire, par exemple des atteintes portées à un mur, peuvent citer les ouvriers
et entrepreneurs devant le juge de paix, par voie
d'action possessoire ou en réparation de dommage.
Des arrêts du conseil d·état ayant considéré les
travaux des chemins vicinaux comme travaux pu·
hlics, il s'ensuit que les entrepreneurs pourraient
également, dans ce cas, être traduits devant le
conseil de préfecture, comme nous l'avons dit
nO 549 ci·dessus, surtout si les dommages n'étaient
que temporaires, ou variahles et discon Linus quoi.
que permanents (pag. 408, suprà).
Voyez aussi, au nO 550, les circonstances dans
lesquelles les extractions et dépôts de matériaux,
les occupations de terrain, etc., pourraient donner
lieu à action possessoire.
Au surplus, il n'est pas inutile de noter ici que,
�DU DOMAINE PUBLIC.
807
par arrêt du 26 décembre 1826 (Sirey, 27-1-65),
la Cout de cassation a décidé que Cl le trouble ne
» pouvait résulter de l'abornement (c'est-à.dire du
» simple fait de la plantation de bornes le 1911g
» d'un chemin par la commune seule, en l'absence
» du propriétaire), et de l'apposition d'affiches
» autorisée par la loi du 9 ventôse a1113, dans le but
» de rechercher et de fixer les limites des anciens
:» chemins vicinaux:; que ces actes, ayant unique» ment pour objet d'avertir les cÏloyens et de les
» engager à présenter leurs réclamations, s'ils en
» ont à faire, De peuvent constituer le trouble à
j> la possession; que, dans l;espèce, le demandeur
~ n'avait encore aucune action à porter devant les
» tribunaux:, mais seulement des réclamations à
» présenter à l'autorité administrative; sauf à
:h faire juger ensuite, par les tribunaux civils, la
» question de propriété qu'il se croirait fondé à
» réclamer après la fixation définitive du chemin
» vici nal. »
Si, lorsque le déhat relatif à un chemin classé
comme vicinal s'agite entre un riverain et la commune, le juge de paix doit se borner à reconnaître
le fait de la possession sans rien prescrire qui pnisse
porter atteinte aux travaux entrepris, ou aux limites
matérielles fixées par l'administration, il en est
autrement quand le litige. a lieu en l'.absencè de
la commune, entre deux particuliers, dont l'un se
plaint d'ouvrages exécutés parl'autre sur le sol de
la voie publiqne, et qui aur::tient pour effet de lui
1
�808
TltAlTÉ
nuire personnellement; par exemple, le comhle.ment des fossés de ceue·voie faisan t rejeter les ·eaux
sur sa propriété, non assujettie à les recevoir. Dans
ce cas, où i~ ne s'agit pas de l'intérêt puLlic, on
ne peut contester à la partie lésée le droit de s'adresser aux tribunaux pour oblenir la réparation
du dommage ou le maintien en possession de sa
,propriété franche de toute servitude, sous le prétexte que l'action .portée devant eux aurait pour
)'ésultat de les appeler à statuer sur des dégradations ou empiétements commis sur un chemin
vicinal, et encore que .plus tard la commune
puisse avoir elle-même à demander la répression
de ces fails. Ce point, implicitement jugé par un
al'fêt Je la Cour de Nismes dl125 marSl829 (Sirej/~
29-2-142), et par un de la Cour de cassation du
8 juillet suivant (S., 29-1-356), a été formellement
décidé par un second arrêt de cette même Cour en
date du 22 juin 1835 (S., 35-1 -505).
Cependant si le tl'Ouhle reproché au défendeur
consl.stait seulement dans l'usage qu'il aurait fait
du cbemin mêwe, sans que, par suite, il eût,
comme dans le cas précédent, causé du dommage
à la propriété riveraine du demandeur cn complainte, ce défendeur serait recevable à opposer,
par voie d'exception, que le terrain litigieux est un
chemin public non susceptible de possession privée, et le juge de paix, ainsi que l'a décidé la Cou:·
de cassation le 24 février 1841 (Sirey~ 41-1-492),
pourrait, sans cumuler le possessoire avec le péti-
�DU DOMAINE PlJBLlC.
809
toire, et sans violer les lois qui ne confèrent qu'à
l'autorité municipale l'exercice des actions communales, juger que le complaignant n'a pas la possession de l'objet litigieux, à raison de ce que cet objet
est à l'état de voie publique, et q-Il'affecté à l'usage
de tous, il ne peut être privativemcnt P9ssédé par
un seul. Cette solutiOl'l, au surplus, n'est'que le corollaire du principe, plusieurs fois reconnu par la
même Cour" que le juge du possessoire peut se
fonder sur ce que l'objet litigieux est imprescriptible, pour en induire que le demandeur. n'a pu en
avoir une possession utile, quoiqu'il en ait la détention de fait (auêts des 24 juillet 1837, Sirey, 371-885, ...,.....et 25 février 1840, S., 40-1-341).
Nous avons expliqué, pag. 366 ci-dessus, les cas
dans lesquels un particulier pouvait, ut singulus
et nomine proprio, revendiquer en iustice l'usage
d'un chemin vicinal; la distinction el les principes
que nous avons posés d'une manière générale 'à cet
égard sont spécialement applicables à l'action. possessoir-e; ils sont entièrement adoptés par M. Belim,e dans son. Traité déj~ cité du. droit de possession et des actions possessoires, nO 233.
8° Une antre disposition de la législation antérieure il 1836, qui est encore incontestablement
subsislan te, est celle de l'art. 41, Lit. 2, de la loi du
28 septembre...,..... 6 oClobre' 1791 SUI' la police rurale, portant: cc Tout voyageur qui déclorra un
» cllamp pour se faire un passage dans sa route,
)' pai,era le dommage fait au propriétaire, ct, de
�810
TRAITt
') plus, une amende d~ la valeur de trois journées
:7> de travail; à moins que le juge de paix du can" ton ne décide que le chemin public était impra') t\cable; et alors, les dommages et les frais de
" clôture seront à la charge de la communauté. ')
Cette disposition, empruntée à la législation romaine Ca), et qui alors était fondée sur cc que l'entretien des 'chemins publics était une charge ou
servitude réelle des fonds riverains, non personarum sed locorum munera., comme disait la loi 14,
(a) Cum 'L'ia publica, vel fluminis impetu, vel ruinit
amissa est, vicinus proximus 'Viam prœstare debet (L. 14,
§ ult., ff. quemad. serv~ amia.), ce qui est la reproduction
de la loi des XII Tables: Si via per amseg~tes , (il(os quorum
secetes viam tangunt 2immunita ( na,! refecta) escit ( Sil) quâ volet,
jumentum agita (Tab. 8, cap. 9). Cette règle, dont on trouve
déjà des traces dans la bible, et qui a été admise par la législ'!tiQQ anglaise, était enseignée par presque tous les anciens auteurs français: Poquet de Livonnière (règle 17, tit. des S ervi-:
tudes); Dupont ( sur la coutume de Blois, t(Jm. 3, art. 7, § viis
publicis); Godefroy, Berault, Basnage, Flaust ( sur l'art. 622
de la cout. de; Normandie); Domat (tit. 2, sect. 13, nO 8), etc.
Seulement on n'était pas d'accord Sllr le point de savoir si cet
assujettissement devait avoir lieu moyennant indemnité; ce der:nier jurisconsulte se prononçait pour la négative, par le motif
qu'il s'agissait ici d'un cas fortuit, tandis qu'au contraire,
Ferrière (Dict. de droit, VO chemin, nO 3), Legrand (sur l'art.
130 de la cout. de Troyes), Delalande (sur l'art. 25 t de la
cout. d'Orléans) et Basnage, admettaient le principe de l'indemnité. -D'autres décidaie'!1t que le passage était dû par les
riverains alternativement; d'autres enfin en grevaient les fond~
Quverts, de préférence à ceul\: en état Je cl8ture.
�DU DOMAINE PUBLIC.
811
S 2, ff de mun. et hon., constituait na~uëres, il
faut le dire, la seule sanction de l' ohligation imposée aux communes de réparer leurs voies de
communication; on concevra aisément qu'elle ét::.it
loin d'thre suffisante, puisqu'elle se trouvait subordonnée au fait d'un individu, qu'elle était accidentelle et qu'elle entraînait des enquêtes, des expertises et des procès, dont les frais, toujours plus
considérables que ceux des réparations, ne produisaient point èFamélioratious effectives.
Quoiqu'il soit à présumer qu'au moyen de la
nouvelle loi, les chemins seront mis en bon état
de viabilité, s'il ar~ivait cependant que quelques
parties devinssent impraticables, fante de réparations et d"entretien, et non par cas fortuit, comme
il sera dit ci-apres, le voyageur, et par ce mot on
doit entendre toute personne domiciliée ou non
dans le lieu, ayant à se rendre d'un poiut à un
autre, qui se trouverait arrêté, pourrait passer dans
la propriété voisine., même en en détruisant la clôture, et ce serait la commune qui devrait payer les
frais de réparation aiusi que les dommages et intérêts •.
Lorsque le fait d'impossibilité de passage par le
chemin est constaté, la commune n'est pas simplement tenue par voie de garantie au profit du voyageur, condamné personnellement; c'est elle-même
qui doit être condamnée directement, le voy~gèur
préalablement mis hors de cause avec dépens contrtt
elle.
�812
TRAIT}':
Dans une semblable instance, la commune peut
êlre appelée en garantie, soit par l'individu préve.nu
d'avoir causé le dommage, soit par le mahre du
fonds qui l'a éprouvé; nous croyons même que ce
dernier, sans poursuivre le voyageur, pourrait s'adresser en premier lieu et uniquement à la commune , et qu'il devrait obtenir gain de cause s'il
prouvait, d'une part, que son héritage a été endommagé par des faits de passage, et , d'un autre côté,
que le chemin était réellement impraticable, et que
'
c , est a, cette cause qu ,est d Ile l a perte qu '"1
1 eprouve.
La présence d'une tierce personne, qui doit nécessairement être mise hors de cause, est absolument
inutile, et ne peut avoi.' aucune influence sur le
sort dn procès, qui doit alors se juger entre le propriétaire riverain et la commune.
Le voyageur pourra aussi, en justifiant que le
chemin était impraticable, demander à être surJe-champ renvoyé de l'action, sans attendre que les
longues formalités établ'es par la loi pour mettre
les communes en jugement, aient été remplies.
Nous estimons que la demande doit être portée
devant le juge de paixducantoll,lors même qu'elle
excéderait deux cents francs, ou qu'elle serait
d'une valenr indéterminée, parce que c'est ici une
attribution de juridiction faite spécialement aux
jllges de paix parun texte formel non abrogé, etque,
d'un autre côté, cette action rentre dans celles pour
dommages aux champs, flUits et récoltes, pour
lesquelles la loi du 24 août 1790, l'article 3 du
�DU DOMÂ.J."NE PUBLIC.
813
Code de procédure civile, et l'art. 5, S 1 er , de la·
loi du 25 mai] 838, attribuent compélence aux
juges de paix, à quelque somme que le chiffre
puisse s'élever.
L'action contre le vOJageur peut encore être
poursuivie devant le tribunal de simple police ou
devant le tribunal correctionnel. Dans ces cas, aucune amende ne devra être prononcée contre lui,
même avec recours contre la commune, parce qu'il
n'a fail qu'user d'un droit légitime; que, par conséquent, il n'a commis aucune contravention, et
que l'amende est une peine qui n'est encourue
qu'en cas d'infraction à la loi. Le législateur a si
, qu '°1'
peu enleu d u que l ,amen d e fiAut prononcee,
1 na
mis que les dommages ét les frais de clôture à la
charge de la commune, sans parler de l'amende,
laquelle, bien certainement, ne dèvrait pas rester
au compte du voyageur.
Celui-ci doit sonir indemne:
0
1 Quel que soit le genre de clôture qu'il ait été
obligé d'ouvrir, soit haies vives ou sèches, cloisons
cn planches, soit même murs et portes si la nécessité l'exigeait, sans toutefois que ce droit puisse
s'étendre jusqu'à démolir un bâtiment, la loi ne
parlant que de clôtures et de champs.
2 0 En quelque nature que soit le fonds sur lequel il aura passé; par arrêt du 16 août 1828, la
Cour de cassation a décidé que, malgré la défense
portée dans l'ordonnance des eaux et forêts, et
l'art. 147 du Code forestier, le passage d'un voitu-
�su
TRAITÉ
rier dans une forêt ne pouvait constituer un délit,_
dès l'instant que le grand chemin joignant cette
forêt avait élé reconnu impraticahle (Sirey, 29-138. - Réperl., VO voies de fait, S l, art. 2,
nO 5).
3 0 Non-seulement lorsqu'il a passé il. pied, mais,
encore avec chevaux et voitnres, sans qu'on puisse
lui objecter qu'il aurait dû abandonner sa voiture
sur la voie publique, et aller chercher des secours
et des relais pour surmonter les obstacles que la
route présentait.
40 Et lors même qu'en passant, il aurait occasionné plus de dommage qu'il n'était indispensable
d'en causer, comme si, par exemple, il avait traversé une vigne ou un champ ensemencé plntôt
qu'un pré, s'il avait fait un détour un peu pIns
grand qu'il n'était nécessaire, pourvn toulefois
qu'il n'ait pas agi avec esprit de malice et dans l'iutention de nuire, id non vastandae rei alicujus
animo, sed cogente necessitate facere intelligitur, dit Pontanus sur l'art. 17 de la Coutume
de Blois; néanmoins le voyageur doit, autant que
possible, se coufol'mer à la règle tracée par les articles 683 et 684 du Code civil, en suivantla ligne
la plus courte et la moins dommageable pour le
propl'iétaire; il ne pourrait, par exemple, pratiquer
un second passage s'il y en avait déjà un de frayé,
détruire une clôture si le fonds de l'autre côté était
ouvert, etc.
Nous pensons avec M. Isamhert (Traité de la
�DU DOMAINE PUBLIC.
vozrze,
re
815
1
part., pag. 370), contrairement à l'opinion de M. Garnier (Traité des chemins, pag.
49 6 , 4e édit.), qne la disposition de la loi de 1791
s'applique également aux rues des bourgs et villages, et qne tout encombrement, toute excavation, en \ln mot, tout fait qui rendrait ces rues impraticables, donnerait au voyageur à pied, ~ cheval
ou en voiture, le droit de'chercher un passage parwut, même en causant quelque préjudice aux
murs, aux arbres voisins ou aux objets déposés sur
la voie publique, sauf indemnité à la charge de la
commune.
Le premier de ces auteurs étend le principe de la
responsabilité des COlllmunes en pareil cas, jusqu'à
les contraindre à payer toute fracture et accidents
arrivés aux marchandises, aux bestiaux et aux individus, par suite du mauvais état du chemin. 11
applique rigoureusement la disposition de l'art.
13~b du Code civil, qui porte que tQut fait quelconque qui cause à autrui 1)n dommage, astreint
son auteur à le réparer.
L'obligation de garantie imposée par la loi de
1791 aux communes, dérivant de la faute qu'elles.
commettent en négligeant de réparer leurs chemins et de les tenir en bon état, il en résulte
qu'elles ne sauraient être condamnées à aucune
indemnité lorsque le chemin, bien que public,
n'a point été formellement déclaré vicinal, parce
que aucune disposition de loi ue les oblige à. l'en.
l.reÜcn de ces sortes de voies, dont les particuliers.
�816
TRAITÉ
usent à leurs risques et périls; en sorte que si, en
les pratiquant,. il leur arrive quelque accident, 0\1
s'ils Céwseflt quelque dommage aux propriétés riveraines, ils doivent en supporter toutes les conséquences personnellement et sans recours, faute par
eux de s'être assurés préalablement de l'état du
chemin :, Qui in loco periculoso se commise!it"
de se quaeri debet (L. 1 1, fI' de Lege Aquilid"
Üv.' 9, tÏt. 2). C'est ce qu'a jugé Je la manière la
plus explicite la Cour de cassation, par arrêt du 17
février 1-841 (Sirey" 41-1-246). Nous devons cependant dire que M. Dalloz jeune, Jans son Dic-
tionnaire de jurisprudence" VO voirie" nOS 297
et 395, critique cette déüision, par les motifs que
la loi de 1791, parlant des chemins publics en
général, ne doit point être limilée aux chemins
vicinaux proprement dits,comme le reconnaibsent,
du l'este, les auteurs qui en étendent le principe
au cas d'inviaLilité d'une grande route; que c'est
là une disposition d'intérêt public ayant pour objet
principal d'assurer la liberté de la circulation; la
question d'indemnité n'étant que secondaire, et
qu'enfin on ne peut contraindre un voyageur qui
s'engage dans un chemin ouvert et pratiqué, à s'informer préalablemen t s'il est ou non porté su l' le
tableau des chemins vicinaux de la commune. Dans
une note sons un 31Têt de la même Cour, tIn 24décembre )839 (Sirey" 40-1-559), qui, tout en
posant la question, la laisse indécise, l'arrêliste
érneLlait aussi l'avis que le voyageur ne pouvait
�,
DU DOMAINE PUBIJC.
817
p;is être condamné, et que l'indemnité devait rester
à ]a charge des riverains assujettis à l'entretien du ~
chemin qlli leur est utile, quoique celle Cour eût
déjà ùl~cidé, le 4 juillet précédent (8.,40-1-420),
que la loi Je 1791 n'était point applicable aux chemins de desserte tracés dans les forêts ponr l'exploitation des coupes, et gue le voiturier qui s'en
était écarté, à raison de leur mauvais élat, n'en était
pas moins passible des l'eines prononcées par les
articles 39 et 147 du Code forestier.
Toujours du principe posé plus haut, que le dédommagement mis à la charge de la commnne
conlltitue une peine de sa négligence, on doit encore induire, d'une part, que si l'obstacle a·u passage est le résultat, non du mauvais étatdu chemin,
mais d'un encombrement momentané causé par
un voisin ou par toute autre personne, l'indemnité
ne peutêtre réclamée que contre ces derniers, sans
recours contre la commune, qui n'est point en
faule; et, d'nn autre côté, qu'aucune réparation
n'est due, soit par celle-ci, soit par le voyageur,
au propriétaire dont le fonds a été traversé, lorsque
le passage -est intercepté par un accident de force
majeure, tel qu'une avalanche, une inondation, un
éboulement de rochers, cIe.; c'est à cette hypothèse que s'applique incontestablement le passage
suivant Je Domat : et Si pal' quelque cas fortuit,
» comme d'un débordement, un chCrilin public
>') est emporté ou rendu inutile, les voisins doivent
» le chemin, mais sans pouvoir vendre ce qu'ils
�818
" perdent; car c'est un cas fortuit qui falt un chemin de leurs héritages ou d'une partie, et cette
" situation les engageait à souffrir cet événement.»
(Til. 2, sect. 13, nO 8.)
Mais si, au lieu d'une interception momentanée et accidentelle de passage à laquelle seule se
réfèrent la loi de 1791, ainsi que les explications
qui viennent d'en être données, il s'agissait de la
destruction complète et définitive dn chemin, arrivée même par force majeure, nous ne pourrions
adopter l'opinion de ce savant jurisconsulte, et
nous pensons que la commune devrait se procurer
la 'nouvelle voie de communication qui Ini serait
nécessaire, en suivant la marche tracée par l'art. 16
de la loi dn 21 mai 1836, et en payant le prix du
terrain employé à son établissement; en effet, les
chemins vicinaux ne sont pas fournis à titre de servitude par les fonds qu'ils traversent; le sol même
en appartient à la comnume Ca), et lorsqu'il ,vient
»
(a) Jusqu'à la loi du 28 juillet 1824, la question de propriété des chemins vicinaux a été fort douteuse. L'ancienne
jurisprudence et la plupart des coutumes en réputaient les sei.t.
gneurs propriétaires, par le motif que, lors de la conquête des
Gaules par les rois francs, qui en partagèrent le territoire entre
leurs officiers, ceux-ci se trouvèrent seuls propriétaires des
terres comprises dans leurs lots, en sorte que ce seraient eux, oU
les seigneurs leurs ayant-cause, qui, dans le principe, auraient
fourni le terrain des chemins; aussi le trésor qui y était trouvé
sc divisait-il entre eux et l'inventeur (Beaumanoir, Coutumes
de Beaw)oisis de l'an 1283; - Fréminville, Pratique deJ terl'iers) tom. 2, p:lg. 449). Depuis, l'art. 1er de la loi du 15 aotÎt
�DU DOMAINE PUBLIC.
819
à être détruit, la perte en tombe sur elle; si elle est
obligée de s'en procurer un autre, ce n'est point
simplement en reportant le droit de passage snr le
terrain voisin, mais en achetant l'emplacement;
fonds et tré-fonds, destiné à l'établir. Il n'en est
pas ici comme du hallage, qui, n'étant pour le ri1790, en abolissant la fJôdalité, déclara que nul ne pourrait
prétendre à ce tltre, ,/ la propriété des chemins publics, rues et
places, mais sans dire à qui elle était attribuée. Une loi du
1er décembre suivant considère les chemins publics, rues et
places, comme des dépendances dù domalne public. Cependant,
le 6 octobre 1791, l'entretien des chemins vicinaux est mis à la
'charge des communes, et la loi du 10 juin 1793 les excepte, par
tson art. 5, du partage des communaux; toutefois, nonobstant
'ces dispositions et celles confirmatives des lois des 16 frimaire
an '2 -et il frimaire an 7, un arrêté du ministre des finances du
-4 germinal an 7, ordonne, au profit de l'~tat, la vente des chemins vicinaux supprimés; mais cette doctrine est repoussée par
le décret du 16 octobre 1802, qui déeIare les chemins, propriété
communale. Survint ensuite le Code civil, lors de la disèussion
duquel Regnauld de SaintJean-d'Angely et Treilhard, posèrent, à
la vérité,:en principe que les chemins publics, rues et places, qui
ne sont pas grandes routes, appartiennent aux communes, mais
-aucune disposition positive ne vint sanctiolmer leur opinion; seulement l'art. 538 se borna à comprendre au nombre des choses
du domaine national, les chemins, routes et rues à la charge dé
la nation. La Cour de Metz a consacré êette distinction par arr~t
du 28 thermidor an 13, et l'on peut invoquer dans le même
sens un décret des consuls du 24 vendémiaire an Il, ainsi que
]a jurisprudence du conseil d'état résultant d'un grand nombre
de décrets, notamment des Il août 1808, 14 avril, 22 août
1813, etc., qui ont autorisé des communes à échanger ou à
vendre à leur profit, le terrain des chemins suppcimés.
�820
l'MITÉ
'Vcrain qu'une charge réelle de sa proprIete, doit
être livré sur la partie qui en reste, lorsque celle sur
laquelle il s'exerçait primitivement a été détruite.
Sans doùte, si, par un cas fortuit, un chemin
vicinal vient à être supprimé, le voisin devra livrer
provisoirement le passage parce qu'il y a nécessité,
mais cc ne sera que moyennant indemnité lorsque
l'affectation à ce nouvel usage, au lieu d'être passagère, sera définitive ou se prolongera au-delà du
temps indispensable pour former une autre voie de
cOlllmunication; ainsi le veulent l'équité, l'arl. 545
du Code civil et la Charte, qui ne permettent pas
que la charge des établissements utiles à tous soit
supportée sans dédommagelll~nt,par un senl, (( at:» tendu, porte aussi on 'arrêt de la Cour de cassa» tion du 11 août 1835'(Sirey, 3b-I-577), que,
» suivant les principes consacrés par l'ancienne
» jurisprudence, auxquels il n'a pas été dérogé
:>, par la nouvelle législa tion , lorsqu' u n chemin
:» public est détruit par l'impétuosité d'un fleuve
::» ou par tont autre événement de force majeure,
» le nouveau chemin peut être pris sur les héri» tages voisins; - que si la femme Del py se croyait
" fondée à réclamer une indemnité pour la valeur
» de la langue de terre qui lui appartenait, et qui
» a été employée à la formation du uouveau che» min , c'était contre la comm une, propriétaire
» duait chemin, que son action devait être
» intentée
» Le dernier motif pone qu'elle
ne pouvait l'être contre les maîtres de l'usine,
�DU DOMA.INE PDnLIC.
821
à la de~serte de laquell~ le chemin était indispensable.
Ce principe, que les communes ont, à moins de
titre exprès contraire, la propriété même du sol de
lenrs chemins, résout pél'emptoirement une autre
question qui nous paraît avoir été mal à propos
soulevée sous l'empire de notre droit nouveau,
celle de savoir à qui, d'elles ou tIes riverains de
l'autre côté, doit profiter l'alluvion formée le long
d'un chemin vicinal joignant précédemment sans
moyen, une rivière; malgré l'opinion de Crepolla
(part: 2, cap. 36, nO 1), de Barthole (Scriptum Ùt
flumin., p. 132 et 133), de Vionius (Inst. de rer.
div., 5'22), de Maynard (Iiv. 10, ch. 3), de Duperrier (Quest. notables de droit, liv. 2, quest.
3), de Forcades (Dialogue 86, p. 193, nO 6), de
Richer (tom. 3, pag. ]42), de Brillon (VO Alluvion), de Fou'rnel (Lois rurales, tom. l , pag. 14);
de MM. Dobreuil (Législation sur les eaux), et
Decamps (.1J1"anuel des propriétaires rivetains,
p. 82, 93 et 94), et l'autorité d'un arrêt du Parlement de Toulouse du 17 août 1784, ainsi que de
deux autres de la Conr de la même ville, des 26
110vembre 1812 et 9 janvier 1829 (Sirey, 22""2231,29-2'19°), nons n'hésitons pas à penser, avec
MM. Garnier (Ré[{ime des eau.'X, tom. 1er ,
nO 83, p. 102), Chardon (Traité du droit d'alluvio!', p. 264, nO 159), Proudhon (Tr. du Dom.
puh.,no 1271) et Daviel (TraiÛdescoursd'eau,
e
nO 133, 2 édit.), que l'atlérisscment formé le long
TOll'I. Il.
52
�822
TlWTÉ
d'un chemin vicinal ne peut apparteuir qu'à la
commune. Cette opinion se trouve, au surplus,
consacrée aujourd'hui par de~x arr~ts précis de
cassation des 12 décembre 1832 et 16 février 1836
(Sirey.. 33-1-5 et 36-1-405), rendus, l'un dans
l'p.spèce d'un chemin vicinal, et le second dans
celle d'une grande route.
Avant de terminer les observations que nous a
suggérées l'examen de l'art. 40, tit. 2 du Code
rural de 1791 , il nous paraît utile de faire remarquer que, bien que cet te disposition ne parle nommément que de la destruction de clôtures opérées
par le voyageur arrêté dans son ehemin, elle ne
doit cependant pas être limitée à ce cas qui n'a
été indiqué que par forme d'exemple et comme
étant le plus grave. Ainsi que nous l'avons dit dans
une. note sous le' nO 264 du Traité du t/omaille
puhlic de M. Proudhon (tom. 1, page 335, 2 e
.édit. ) , en réfutant l'opinion contraire de ce savant
jurisconsulte qui nous paraît s'être trop rigoureusement attaché à la leure de la loi, tout dommage,
quelque faible qu'il soit, doit être réparé lorslJu'il
est le résultat de la faute ou de la pégligence; ici
le propriétaire riverain éprouvant un préjudice, et
la commune ayant à s'imputer le mauvais état de
son chemin qui en est la cause, nous ne voyons
~s à quel titre l'un subirait la perte sans recours,
et l'autre se trouverait affran<:hie de toute rel>ponsahilité.
90 La dernière question que nous avons à exa-
�823
DU DOMAJr\E PUBLIC.
miner sur l'art. 22 de la loi ,du 21 mai 1836, est
relative à la compétence des autorités judiciaire et
administrative en fait d'usurpation de chemins vicinaux, et consiste à savoir si, par l'art. 21 de cette
loi, ainsi que par le dernier S ajouté en 1832 à
l'art. 479 du Code pénal, l'attrihution que les articles 6,7 et 8 de la loi du 9 ventôse an 13 avaient
faile aux conseils de préfecture, de certaines contraventions, est toujours subsistante.
Pou,r en saisir la portée et pour apprécier les
raisons de décider, il est indispensable de présenleI' un aperçu rapide de la législation et de la jurisprudence sur la matière.
Daus l'ancien ordre de choses, sous l'empire
duquel les pouvoirs judiciaire ct administratif
étaient confondus, la compétence dépendait uniquement de la nature du chemin.
La police tant administrative que judiciaire des
grandes routes, ainsi qùe des ru~s qui' en forment
le prolongement, était dans les attributions spéciales d'un trihunal d'exception, créé dans chaque
généralité ou province, sous le nom de Bureau
des finances, et composé de magïstrats appelés
trésoriers de France et grands-voyt;Jrs; celle,
au contraire, des chemins vicinaux, était exercée
par les tribunaux ou magistrats ordinaires, prévôts, baillis, sénéchaux, etc•., sauf l'appel aux
Parlements.
Ces deux ordres de tribunaux, chacun 'dans sa
)i~\1e, remplissaient la double fonction d'adminis1
�82\.
-
TRAITÉ
tratenrs et de juges: eH la premiè.oe qualité, ils
faisaient des réglements généraux POUi' la sûreté et
]a commodité dn passage, en fixaient la largeur,
ordonnaient les réparations, donnaient les alignements et les permissions de bâtir; an deuxième titre, ils réprimaient les anticipations et dégradations, poursuivaient et jugeaient les contrevenants
et leur appliquaient les peines et amendes. On
conçoit qu'avec une pareille organisation, les conflits, depuis si fréquents entre l'administration et
le ponvoir judiciaire, étaient impossibles.
Après avoir supprimé ces juridictions et posé
comme règle fondamentale, p<lr l'art. ~3, tit. 2 de
la loi du 16-24 août 1790, que les fonctions judiciai~es ne pouvaient jamais être cumulées avec
celles administratives, l'assemblée constituante
ajouta, dans une loi du I l septembre suivant,
que (.. l'administration en matière de grande voirie
» appartiendra aux corps administratifs; et la 1'0" lice de conserv~tion,tant pour les grandes routes
" que pour les chemins vicinaux, aux juges de
" districts. "
Moins d'un mois s'était écoulé, que l'on fut
obligé de recourir au pouvoir législatif pour apla.nir une difficulté qui, clans l'exécution, avait
surgi entre l'administration départementale de la
Haute-SaÔne et le maire de Gray; un décret du 7
octobre même année, la résolut en ces termes:
« L'administration en matière de grande voirie,
» attribnée aux corps administratifs par l'art. 6,
�DU DOMAINl!. PUBLIC.
825
tit.' 14 du décret sur l'organisation judiciaire
(du 11 septembre 1790) comprend, dans toute
:n l'étendue du royaume, l'alignement des rues
» des villes, bourgs el villages qui servent de grande
" route. »
Vint ensuite la loi du 6 octobre 179 1 qui, par
son art. 40, tit. 2, ajouta la sanction d'une peine
de 3 à 24 livres d'amende, non compris la répa,'ation et la restitution, à prononcer par les tribunaux
ordinaires de police simple ou correctionnelle,
contre ceux. ce qui auront dégradé ou détérioré, de
» quelque mani~re que ce soit, les chemins publics,
» ou usurpé sur leur largeur. ».
Les choses restèrent en cet état jusqu'à la nOI1v~lle organisation donnée tant à l'ordre judiciaire,
qu'au régime administratif, par la loi du 28 pluviôse an 8, qui porle : cc Art. 3. Le préfet sera
,> chargé seul de l'administration,» et, cc art. 4,
» le conseil de préfecture prononcera sur..... les
» difficultés qui pourront s'élever en matière de
» grande voirie; » demière disposition qui fnt expliquée par la loi du 29 floréal an 10, dodt l'art. 4
attribua expressément aux conseils de préfecture
la répression des contraven tions relatives aux
grandes mutes.
Trois ans plus tard, fut promulguée la loi du 9
ventôse an 13,.concernant la plantation des grandes
l'OU tes et des chemins vicinaux, ainsi que la recherche et la reconnaissance par l'administration,
des anciennes limites de ces dernières voies, et
n
n
�826
TRAITÉ
qui se termine par la disposition suivante, siège de
la question que nous examinons: Cl Les poursuites
;» en contravention aux dispositions de la préseute
;» loi, seront portées devant les conseils de préfec>~ ture, sauf le recours au conseil d'état•."
Cet article mal rédigé et jeté à la fin d'une série
de prescriptions diverses et sans liaisons entré elles,
ne tarda pas à soulever, dans l'exécution, de nombreuses et graves difficultés dont nous emprunterons en partie l'exposé à une excellente note que
M. Devilleneuve a placée à la suite de l'arrêt de
cassation du 2 mars 1837 (Sirey, 37-1-771 ).
On se demanda d'abord si cet ariicle avait enlevé
toute juridiction à l'autorité judiciaire, relativement aux contraventions commises sur les chemins vicinaux ou même sur les chemins puhlics en général, ou si l'attribution donnée aux
conseils de préfecture était restreinte à la répression
des usurpations commises seulement par suite de
plantations d'arbres; on se demanda aussi si la juridiction de ces conseils devait être limitée au pouvoir d'ordonner le rétablissement du chemin dans
sa largeur primitive ou légale, si leurs décisions
pouvaient être sanctionnées par l'application de
peines corporelles ou d'amende, ou, si au contraire, ces peines ne pourraient être prononcées,
comme par le passé, que par les tribunaux de
police.
Sur ces différen ts points, la jurisprudence, soit
de l'administration, soit des tribunaux, notam-
�827
ment celle de la Cour de cassation, n'ont pas été
d'accord; l'autorité administrative elle-mên;w a
beaucoup varié.
Plusieurs arrêts du conseil d'état posèrent d'a-.
bord en principe, que l'article dont il s'agit devait
être entendu dans un sens restreint et seulement
attributifaux conseils de préfècture, de la connaissance des usurpations commises à l'aide de plantations, et que tous les autres délits et contraventions, "telles que dégradations et suppressions
complètes, étaient toujours de la compétence des
tribuuaux de justice répressive ordinaires ( arrêts
des 4 et 18 août 1~07, - Sirey, 16-2-290;
15
janvier 18°9, - S., 17-2-99;
5 mars 1811,
S., 37-1-773;
26 mars 1812.
Mais cette jurisprudence, qui avait déjà éprouvé
quelques variations (arrêts des 3 septembre et 16
août 1808; 6 juin iBIl; 27 août 1817), a changé
définitivement en 1821, et depuis, tous les arrêts
décident d'une manière univoque que la juridiction administrative s'etend indistinctement aui diverses espèces de contraventions,qu'il s'agisse d'empiétements p~r l'effet de plantations on de toutes
autres usurpations, anticipations ou même de dégrada tions (arrê ts des 2~ novembre 1821, Sirey,
37-1-773 ;=2 février 1825, S., 26-2.-340; = 31
mars 1825, S., 37-1-773; = 10 août 1825,
Paillette, = 1 mars 1826, S., 26-2-351; = 6
septembre· 1826, Damonneville;
28 février
1~h8, BayoU:&.j = 25 avril et 1 er juin 1828;=
DU DOMAINE PUBLIC.
=
=
=
=
�828
TllAITÉ
=
=
19 août l~h9; = 6 juin 1830;
25 janvier 1831;
=3 mai 1032, DeI6n:ne; = 23 novembre 1832;
1 mars 1833, de Rogemont;
17 mai 1833,
Coste;
Il novembre 1833;
28 mai 1835,
Dutoyo; = 23 décembre 1835, lIfauget; = 23
avril 1836, ve Lahoussaye; = 13 mai 1836,
, Demiannay).
=
=
=
Il n'y a qu'un point qui soit resté invariable,
quoique quelques auteurs professent une opinion
différen te (M. Serrigny, Traité de la compétence
administrative:1 nO 7°3); c'est que la répression
pénale, consistan t dans l'application des amendes
et de l'emprisonnement, appartient exclusivement
aux tribunaux; les conseils de préfecture ne pouvant la prononcer qu'en matiere de granùe voirie
(arrêts des 1.5 juin 1812; 1 er mars et 15 novembre 1826; 16 mai 1827; 25 janvier 1831; 2
juin J 032 et 7 j \lin J 842.; SireY:1 42-2-230 ).
Cependant la Cour de cassation,qui, des l'origine,
avait reconnu la compétence des tribunaux, a depuis persisté dans cette jurisprudence qui est énergiquementétaLlie dans plusieurs arrêts, notamment
des 30 janvier J 807 (SireY:1 8-1-323)'7 avril 1827,
(S':1 29-1-36); 2 août 1828; 24 avril 1829, et
à laquelle la plupart des auteurs ont donné leur
assenLÏment (MM. Garnier, Traité des chemins:1
4e édit., pag. 394 et suiv.; Proudhon, Tr. du
dom. pub., Ife édit., nO 570; Foucart, Elém. de
droit puM. et adm':1 tom. 2, pag. 427; Dalloz,
Jurisp. gén. alph., t. 12, p. 1012; Merlin, .R.,
Vis Chem. vic. - Yoiri~.
�DU DOMAINE PUllLIC.
829
C'est en cet état de choses, 'que deux modifications importantes sont survennes dans lalégislation;
l'une est l'adjonction, par la loi du 28 avril 1832,
à l'art. 479 du Code pénal, d'un nouveau S reproduisant, eu abaissant seulement le taux de la
peine, l'art. 40, tit. 2 du Code rural du 6 octobre
1791, et qui est ainsi conçu: Ct Seront punis d'une
» anlende de I l à 15 francs ....., ceux qui auront
:» dégradé ou détérioré, de quelque manière que
:» ce soit, les chemins publics, ou usurpé sur leur
;» largeur; )') et l'autre est la disposition de l'art.
21 de la loi du 21 mai 1836, qui, en chargeant les
préfets de la promulgati~n d'un réglement général
sur tout ce qui concerne la police et la conservation des chemins vicinaux, a paru abroger par là
tou tes les mesures prescrites snI' ces objets par les
lois précédentes et notamment par les art. 6 et 7
de la loi dn 9 ventôse an 13.
Nonobstant ces éléments nouveaux de décision,
au surplus regardés déjà comme insignifiants pOUl'
la solution de la question par l'instruclion ministérielle du 24 juin 1836, le conseil d'état n'a pas
changé d'avis, et sa jurisprudence, bien constante
aujourd'hui, est en faveur des cOD_seils de préfecture, dont il reconnaît la compétence exclusive
pour le rétablissement des chemins vicinaux usurpés, interceptés ou dégradés par quelques moyens
que ce soit; c'est ce qni résulte de ses arrêts des
5 seplembre 1836 (Lapeyrade et Lavaud), 6 fé·
vrier 1837 (Sirey, 37-1-775, en note), 14 août
�830
TRAITÉ
même année, 22 février 1838 (Mauget), 14 juillet id. (Andrieux), 26 jnillet id. (39-'Z0266), 25
avril 1839 (Bataille), 2 septembre ,1840 (S., 412-152), 26décembre id. (Grltter), et 7 jnin 1842,
ci-dessus cité (S., 4202-230).
M. de Cormenin (Questions de droit. ad.ministratif, tom. l , p. 483, 4 e édit.) défend avec
force cette doctrine, qni, sel-on Ini, a l'avantage de
soustraire les contraventions à la juridiction des
tribunaux de police, c'est-à-dire à l'impunité,
ruais qui, n'investissant pas l'administration d'un
pouvoir assez étendn, donne lieu à une donble
poursuite et expose à .des recours en interprétation
et à des conflits que la concentration de l'action
.administrative e~ de la juridiction contentieuse
dans les mains du maire, du préfet et du conseil de
préfecture, préviendrilit d'une manière aussi simple que rationnelle.
En s'attachant davantage aux textes positifs,
M. Cotelle (Cours de droit admin., tom. 3,
page 433, 2 6 édit.) pense également que la compétence des conseils de préfecture doit être maintenue tant qne la loi dn 9 ventôse an 13 ne sera pas
formellement abrogée; enfin M. Serrigny, dans
une longue et habile discussion (Traité de la
compétence administ., nOS 701 à 710), cherche à
démontrer que ni le S I l de l'art. 479 dn Code
pénal qui n'est que la reproduction textuelle, sauf
l'ahaissement du taux de l'amende, de l'art. 40 de
la loidu6 octobre 1791, ni l'ar.t. 21 de la loi du
�DU DOMAINE PUBLIC.
831
21 mai 1836, qui n'ajoute rien aux pouvoirs qu'avaient précédemment les préfets concernan t les
chemins vicinaux, n'ont porté aucune atteinte à
la loi de l'an 13, dont l'art. 8, attributif de juridiGlÏon aux tribunaux adjoints à l'administration, doit continuer à recevoir son application
pour les cas d'anticipation et d'empiétement;. en
outre, et comme nous l'avons déjà annoncé, il
soutient, contrairement à la jurisprudence, qu'entendue dans son véritable sens, cette loi, qui se lie
à celle du 29 floréal an 10, et dont le but évident
est d'assimiler, quant à la répression des contraventions, les chemins vicinaux aux gran~es routes,
confère également, dans les deux cas, le droit
aux conseils de préfecture de prononcer les amendes ;ce qui ferait tomber l'objection la plus grave
con tre Je système actuel du cOQseil d'état, ceIJe
p\l~sée dans la nécessité d'une double poursuite
devant deux juridietions différentes.
Quoi qu'il en soit, trois nouveaux arrêts de la
Cour suprême, l'Iln à la date du 2 mars 1837
(Sirey~ 37-1-771), prononçant la cassation d'un
jugement de police pour contravention à l'art. 479
du Code pénal, et les deux autres de rejet des
8 février et 10 septembre 1840 (S.~ 40-1-28t et
92.3), motivés sur la loi du 21 mai 1336, se prononcent de la manière la plus formelle pOllr l'abrogation complète de l'art. 8 de la loi dn 9 ventôse
an 13; et notamment le second, dans l'hypothèse
.même spécialement prévue par celte loi, d'usur-
�832
TRAITÉ
pation an moyen de plantations; en 'sorte que la
dissidence la plus complèle ct la plus tranchée
existe sur la question, entre les deux premierscorps jndiciaires de l'état .
.D ans ce conflit, dont il est difficile de prévoir
l'issne, nous pensons qu'il ne fiwt pas confondre,
comme on le fait, ce qui est, avec ce que l'on
pourrai t désirer voir se réaliser.
Sous ce dernier rapport, nous ne serions pas
éloigné de nous ranger à l'opinion que M. de Cornlenin émet en ces termes (Quest. de droit\ ad..
minist.~ tom. 1", p. 485, 4e édit.) : « Il aurait
» fallu laisser. au maire à prononcer en première
» instànce, par voie de police municipale, la ré» pression des empiétements, avec une légère
» amende, sallf reconrs, sur simple mémoire et sans
» frais, au conseil de préfecture qui aurait statué
» définitivement, si ce n'est le pourvoi au conseil
» d'état pOUl' incompétence ou excès de pouvoir ..» Maire, préfet etconseil de préfecture; c'est entre
» ces trois auto'rités que devraient se conso~mer
» l'action administrative et la juridiction conten» tieuse dans cette matière. »
Mais cc serait là l'objet d'une loi nouvelle par
laquelle toutes les contraveutions relatives aux.
chemins vicinau~, usurpations, anticipations et
dégradations, devraient, à notre avis, êlre soumises à la même juridiction qui, en statuant sur
la réparation civile, aurait aussi le pouvoir de donner à ses jugements la sanction d'une répression
�DU DOMAINE PUnLIC.
SH3
pénale, et qui surtout serait saisie par les réquisitions d'officiers publics spéciaux, tels qu'agentsvoyers ou commissaires-inspecteurs, plus inclépendants-que ne peut l'être l'autorité locale~
En attendant, et dans l'élat de vague et d'incertitude où la législation actuelle a laissé le régleruent de la compétence en cette matière, nous
n'hésitons 'pas à adopter la solution franche, claire
et rationnelle admise constamment par la Cour de
cassation.
Comme Jeremarque,en effet, très-jlldicieusement
un jurisconsulte cité pIns hallt, quels avantages
-pourrait-on espérer ponr'les chemins vicinaux, d'on
système bizarre, hétérogène, fondé SUI' une disposition restreinte au cas spécial des empiétements
par plantations, ayant ponr résultat de diviser
. la jlll'idiction répressive entre deux autorités, dont
les lilpites échappen t ~ ton te détermina tion exacte:
l'une, les conseils de préfecture, ne connaissant
que des anticipations partielles, mais non des dégradations et des usurpations ou destl'llctions t9tales, ne faillant qu'ordonner le rétablissement du
chemin, sans pouvoir punir les contrevenants,
sans avoir même le droit de faire exécutel' ses
jugements; l'autre, les tribunaux. de police, ayant
qnalité pour appliquer la peine, sans qu'il lenr
soit loisible, en quelque sorte, de s'assurel' de la
réalité de la contravention, puisqu'il leur est interdit de reconnaître l'existence du chemin et d'en
rechercher les limites.
�83~
•
TRAIn
CepenJan l, quels que soient ces inconvénients
el ces anomalies, nous nous hâtons de proclamer
qu'il faudrait les subir, s'il existait un texte précis;
mais la seule loi que l'on oppose est loin d'avoir la
portée qu'on lui donne, et que le conseil d'état ne
lui a reconnue que successivement; intitulée seulement Loi relative aux plantations des grandes routes et des chemins vicinaux" rien, dans
les huit articles qui la composent, n'indique
qu'elle ait étendu ses prévisions à d'autres objets;
les cinq premiers et le septième ne parlent, en
effet, que des plantations, et si le sixième impose
à l'administration le devoir de rechercher les liinites des chemins vicinaux et de fixer leU!' largeur, il est impossible de trouver là, pour les par.
ticuliers, une prescription dont l'inexécution
constitue la contravention, Jont l'article 8 atLribue
la connaissance aux conseils de préfecture. 'Précédemment, d'après le Code rural de 1791, les trihunaux de police avaient dans leurs attrihutions
exclusivès toutes les atteintes portées aux diverses
espèces de voies de communicalion; or, pour les
dessaisir, en ce qui avait trait aux chemins vicinaux, il aurait fallu une disposition aussi explicite
que celle de la loi du 29 floréal an 10, concernant
les grandes l'OU tes. Commen tdonc ind uire de ter,mes
aussi restreints et spéciaux, la compétence générale
des conseils de préfecture pour toutes les anticipations ct d('.gradations, de quelque cause qu'elles
proviennen l, et encore quelle est la juridiction
�DU DOMAINE l'UBLIC.
835
dont on veut ainsi étendre les pouvoirs? Une juridiction exceptionnelle dont Henrion de Pansey
(Compétence des juges de pai.L'~ pag. 298) a
tracé .la circonscription en ces termes : « Les tri» bllnaux extraordinaires ne peuvent connaître
» que des affaires qui leur sont allrihuées par une
" loi formelle et spéciale; et les questions relatives
" à leur compétence sont plus de fait que de droit,
" c"est-à·dire que toutes se réduisent au point de
» savoir s'il existe une loi qui, faisant exception au
)' droit commun', en allrihue la connaissance au
" tribunal extraordinaire que l'on veut en saisir.
), - J.. . orsqu'il s'élève une difficulté sur le point de
» savoir si une question doit être soumise aux con» seils de préfecture, le problème est donc hien
)' facile à résoudre: il ne s'agit que de voir si quel" que loi leur confère le droit d'en connaitre; ct
)' l.'on évitel'ait bien des incertitudes, et même
" bien des conflits, si on leur imposait l'obligation
» de rapporter, dans chacune de leurs sentences,
)' la loi qui les autorise à la rendre. )'
A défaut de la lellre, M. de Cormenin invoque,
à la vérité, l'espritdelaloidel'an 13; mais,d'une
part, ce n'est point à l'aide de con jeetures snI' l'esprit d'une loi que chacun prétend exister en sa fa.
veut', que l'on crée une compétence, et que l'on
distrait un prévenu de ses juges naturels; d'un
autre côté, il y a peu'c1e similitude entre unedégradation quelconque faile à un chemin, souvent par
un' étranger et avec l'intention de nuire, et la
�836
plantation operee pal' un. riverain, en dehors de
limites qu'il pouvait ignorer; enfin le savant au-·
teur, qu'une profonde conviction nous force à combattre, admet lui-même une distinctiou entre les
usurpations et les dégradations, dont il attribue
la connaissance à des tribunaux différents, quoiqu'il soit cependant forcé de convenil' que le même
fait pourra, selon qu'il paraitra rentrer plus ou
moins dans l'uue ou l'autre catégorie, être déféré,
soit au conseil de préfecture, soit aux tribunaux de
police (tom. l , p. 479, 494et 495, 4e édiL); mais
alol's quelle autorité déterminera la légère nuance
qui opérera le dessaisissement de l'une ou de l'autre
juridiction r Le conseil d'état n'a pu trancher cette
. inextricable difficulté qu'eu décidant, en demier
lieu, que les dégradations et les anticipations
étaien t égalemen t du ressort exclusifdes conseils de
préfecture (voy. ci-dessus, pag. 827 et 829)'
Toutefois, ajoute-t-on, l'autorité administrative
ayant seule le drpit de recherchel' et, au besoin,
de déterminer les limites, sa ns la fixa tion préalable
desquelles il ne peut y avoir répression, il est natUl'el que, seille aussi, elle soit juge de la contravention. èet argument n'aul'ait de fOl'ce qu'antant
que ce serait celui qui peut appl'écier les éléments
du délit, qui aurait. le droit d'en prononcer la répl'ession; or, il n'en est point ainsi; au préfet seul
appanient la fixation des limites du chemin et de
sa largeur, tandis qn'au conseil de préfecture est
résel'vt~ le pouvoir d'en O\'donuer le rétahlissement;
�831
DU DOl\1AINR PUBLIC.
il faut toujours ainsi le concours de deux autorités distillctcs et indépendan tes; la simplification
et l'unité invoquées n'existent donc pas en droit.
En vain, encore, Mo' de Cormenin prétend-il
que les juges de paix sont pen aptes à appliquer
des actes administratifs; que les conseils de préfecture sont plus près qu'eux des préfets, et qu'il ne
fau t pas mêlel' les formes lentes, acerbes et ruineuse~ lIe la procédure, à la matière des chemins
vicinaux dont le contentieux ressort, à plein et à
fond, de l'administration. En admettant même
ces idées, il n'appartiendrait pas aux juges de corriger les vices de la législation actuelle, en, la faussant et en lui dOl1nant une extcnsion que ses termes
repoyssent; tout ce que l'on pourrait en induire,
c'est qu'il y aurait lien de la soumettre à Ilne réforme
qui est effectivemen t nécessaire; car, malgré les
améliorations apportées.par la loi du 21 mai 1836,
il en reste beaucoup d'autres à opérer, et ses dispositions trop écotll'tées, laissent malheureusement
encore dans toute leur force, sur une infinité de
poinl~, les plain tes que le conseil d'élat consignait
en ces termes dans un avis du 6 novembre 1815:
cc Considérant que les difficulLés,se multip'lient sur
» tous les poinls de l'Empire; au grand préjudice
>, des particuliers, des communes et de l'agricul" turc ; qu'elles ont leur source dans l'imperfection
» des lois, qui n'ont ré~lé ni la forme de procéder,
» ni la compétence des autt>ritës administratives et
~) judiciaires, ni la pl'Opriété des terrains sur ]es» quels exislenllcs chemins vicinaux. »
TOllY.
II.
53
�838
TltAlTÉ
CHAPITRE XXXI.
Compétence et attributions des diverses·autorités'en matière de
petite voirie.
580.
Après avoir expliqué la lai du
21
mai
'1836, ainsi que les art. 50,51, b2, 53 et 54 de
'celle tlu 16 septembre 1807, nous croyons utile,
en résumant les notions gue rcnferiuent les quatre
chapitres précédents, de présenier dans un tableau
en quelque sorte synoptique, les règles de compétence des diverses autorités qui ont à exercer un
pouvoir par rapport aux rues des villes, Lourgs et
villages et aux "?ies vicinales.
Ce pouvoir, qui consiste à les cl'éer, les conserver, les aligner et les administrer; à décider les
questions de propriété et de servitudes auxquelles
'elles peuvent donner lieu; à rechercher et constater les délits et contraventions dont elles sont trop
souvent -l'objet, et à en punir les auteurs, est réparti entre l'administration proprement dite et la
juridiction contentieuse, et s'exerce pàr de nombreuses autorités que nous classerons d'après cette
divisiou priocipale, en rappelant sommairement
les attrihutions de chacune.
PREMIERE PARTIE.
ADMINIS':fRATION l'ROPREMENT DITE.
...
581. Elle ,est confiée aux autorités ci-après :
0
1
Le's maires'.ct adjoints des communes;
�o
DU DOMAINE PUBLIC.
839
° Les conseils municipaux;
3° Les sous-préfets;
4° Les conseils d'arrondissements;
5° Les préfets et conseils de préfecture;
6° Les conseils généra ux;
7° Le ministre de l'intérieur;
,8° Le conseil d'état ( comités administratifs);
9° Et le Gouvernement.
Reprerions ce qui concerne chacune d'elles.
1°
MAIRES ET ADJOINTS.
582. Il àppartient ft ces fonctionnaires:
1 ° De veiller à cc tout ce qui intéresse la sûreté
» et la commodité du passage dans les rues, quais,
» places et voies puhliques; ce qui compreud le
» nettoiement, l'illumination, l'enlèvement d-es
~) encombrements, la démolition ou la réparation
:»des bâtiments menaçant ruine, l'interdiction de
') rien exposer aux fenêtres on autres parties des'
') bâtinÎen ts qui puisse n uii'e par sa 'chute; et celle
" de rien jeter qui ptlisse blesser ou endommager
" les passants,ou causer des exhalaisons nuisibles.»
(Art. 3, tit. XI de La loi dU:24 aot1t 1790. ) Et
en conséquence de prendre des arrêtés sur ces
divers obj'ets ( (trt. 18 et 46 de la loi dit 22 juillet
1791, et art. 9, S3, la, S 1 er , et 11 de la Loi du .
18 juillet 1837);
2° De dressel', comme gardiens et sUl'veillants
de la petite voirie, et officiers de police judiciaire,
des procès-verbaux pour constater les délits et
�840
l'ltAITÉ
contraventions commis sur les chemins vicin x,
ou qui y cau~cnt du dommage (ArriJ·ts du conseil
d~état des 6. décembre 182'0; Louis J et'z8 février 1828; Bal/oux)) ou sur les Tues ~t places.
Le maire prend ensuite ùn arrêté particlliierpour
enjoindre aux contrevenants de rétablir les lieux
dans leur.premie1' éta,t) faute de quoi, et passé le
délai qu'il a fixé, il doit envoyer ses procès-verbaux à
l'autorité compétente pour statuer sU1'la répression,
c'est-à·dire au procureur du roi, lorsque le délit
est de la compétence du tribunal 'corrcctionnel;
au ministère public près le tribunal de simple
police, quand il ne s'agit que d'une contravention,
et'enfin, selon la jurisprudence du conseil d'état
que n'admet point la Cour de cassation, an conseil
de préfecture, si le fait reproché consistait dans une
anticipation sur un chemin vicinal classé. Mais il
ne pourrait, sans abus de pouvoir, faire procéder
de son chef et· avant que 1e tribunal de police eût
prononcé, à la démolition des constructions et
ouvrages qui anticiperaient sur la voie puLlique; il
ne doit que fai1'e meUre à exécution le jugement
lorsqu'il est rendu (présent volume ~ 'pag.5 J 4
ci-dessus).
Le droit de constater l~s délits et contraventions.
l'elatifs aux chemins vicinaux, n'est pas exclusivement attribué aux maires et adjoints; il appartient
également à tous les autres officiers de police judiciaire ~ tels que commissaires de police, gardeschampêtres, etc., ainsi qu'aux gendarmes et aux
�DU DOMAINE PUBLIC.
841
agents-voyers institués par l'art. Il" de la loi du 2 t
mai 1836;àe ces divers uuxili-aires, les commissaires
tIe police seuls peuvent dresser des rapports pour
iufraction aux: lois et réglements de voirie urbaine.
Les architectes-voyers Ca) qui existent dans
toutes les grandes villes, n'ont aucun caractèrè
public qui leur donne le droit de dresser des procèsverbaux. Ce sont des hommes de l'art,chargésde la
direction et de la surveillance des travaux munici':
paux, ainsi que de donner leur avis sur tout ce qui
a rapport à la voirie, aux alignements et aux permissions de construire; sans avoir le même caractère officiel, ils remplissent près des maires, les
fonctions attribuées aux ingénieurs des ponts et
chaussées près des préfets.
3 0 De prendre des mesures pour la détuolition
·des édifices menaçant r-uine et particll"ièrém~nt
des mur~"de face, lorsque, conformément aux déclarations du roi, des 18 juillet 1729 et 18 août
(a) Le mot VOYER, en latin viarius, vient de VOIE ( via)
que l'on écrivait autrefois voye; un réglement de 1459, pour
la ville de Paris, en donne une autre étymologie dans son
article 2 ainsi conçu: " Le voyer de Paris, si est appelé voyer,
" pour ce qu'il doit VOIF et regarder que l'on fasse raison et
" mesure à la voirie et au Chatelet de Paris, si que les chemins
,. ne soient encombrés. ni que l'on n'y fasse nulle chose, si
» ce n'est par les congés. , , - On appetle indistinctement
ces employés, qui sont à la nomination des maires , en
vertu de l'art. 12 de la loi du 18 juillet 1837, architectes,
voyers, commissaires-voyers, ingénieurs-voyers, ou simple:
ment voyers.
�842
TRAITÉ
1730, ainsi qu'à un arrêt dn conseil du 19 mars
1823 (Macarel ~ tome 5, pag. 2°9), l'inclinaison
et le surplomb de ces murs excèdent la moitié de
leur épaisseur (voyez à cet égard les nOS 449 et 450
du Tr. du dom. puhlic de M. Proudhon, ainsi
que nos notes sur ces nOS ).
Dans ce cas, et à la différence de celui où il ne
s'agit que d'anticipation, les maires etadjoints peuvent, s'il ya urgence, faire exécuter directement
la démolition, sans attendre le jugement du tribunal de police, parce que c'est là uue nl-esure qui
intéresse au plus haut poiot, la sûreté publique(Ardtsda conseil du 16 juin 1824,-Macarel~
tom. 6,pag. 331; et de la Cour de cassation du
12 avril 1ti22, Dalloz~ 1822, pag. 373).
4° De donnel' des alignements et permissions
pour les constructions, fossés et plantations, Sl~r les
chemins vicinaux ou dans res rues et places des
villes et villages;
5° De faire enlever les matériaux qui obstruent
et gênent la circulation (Arr~t du conseil du 8
mars 1811; comm. de Lyon-sur-Mer), et d'ordonner, par mesure de police municipale, le comhlement des fossés pratiqués sur la voie publique
(Arr~ts du conseil des 4 juin 1809; 21 mai
1823, Rougier; - 14 décembre 1825, Presson),
ou l'enlèvement des bornes plantées sans alignement (Arr~t du conseil du 18 110V. 1818; Andréossy). Voyez, sur la différence du droit des
maires en ce qui regarde les voies publiques et les
�843
DU DOMAINE PUBLIC.
autres propriétés communales, le Traité du domaine public} nO 390 ;
6° De représenter, en demandant ou en défen-,
dant, la commune dans tous les procès civils:
ayant pour objet l'existence et la conservation in·,
tégrale des chemins vicinaux, rues et places pu.,
bliques;
7° De représenter également la commune dans
les instances en expropriation forcée des terrains.
nécessaires à l'ùuverJure, au redressement ou au
l'élargissement des rues et des chemins, ainsi que
- dans celles ayant pour objèt de pl'ocu~er les matériaux destinés à la confection, à l'entretien ou à
la réparation d~ces chem~ns ;
8° De dresser, contradictoirement ave'c les propriétaires d'exploitations industrielles ou d'usines,
des procès-verbaux de reconnllissance de l'état des
chemins 'exposés à des dégradations de la part de
ces exploitations ou usines (Art. 14 de la Loi
du
21
mai 1836).
IIo
"
CONSEII$ MUNICIPAUX.
583.. Ces conseils ont à délihérer :
0
1
Sur l'ouverture ou le redressement des chemins dont la vicinalité doit être déclarée par le
préfet .(Art. 1 de la loi du 2~ juillet 1824);
2. 0 Sur les prestations en nature et centimes spéciaux additiounels jusqu'à concurrence de cinq,
nécessaires pour la confection et l'entretien des
chemins vicinaux (Art. 2. de la loi dU21 mai 1836);
3° ~ur les contributions extraordinaires qu'il
�844'
TRAITÉ
fauJr.:lit ajouter au produit des prestations et centimes, si ce produit était insuffisant pour des travaux indispensables; dans ce cas, si la commune
avait moins de 100,000 fr. de r~venlls, le conseil
devrait ,ètre assisté des plus imposés, en nombre
égal à celui de ses ~embres (Art. 39 et 41 de la
loi du 15 mai 1818, 6 de la loi du 28 juillet '
1824, et 39, 4;, 41 et 42 de celle du 18 juillet 1837);
4° Sur l'établissement du rôle des prestations de
trois journées de travail, prescrit par l'art. 3 de la
loi de 1036,
5° Sur la fixation des bases et évaluations de
travaux d'après lesquelles s'opérera la conversion
en tâches, tIes prestations non rachetées en argent (Art. 4 deladite loi) ;
6° Sur la désignation des communes qui devront
concourir à la construction ou à l'entretien d'un
chemin vicinal ordinaire, intéressant plusieurs
localités, et sur la fixation de la proportion dans
laquelle chacune desdites communes sera appelée
à J contribue,' (Art. 6 id.) ;
7° SUI' l'o'pportunité d'élever au rang de cheInins de 'grande communication, des chemins vici~
naux ordinaires, ainsi que sur la direction de ces
chemins, leurs largeurs et limites, la désignation
des communes qui doiven't co'ntribuer à lenr construction on entretien, la fixation de la proportion
dans laquelle chaque commune doit concourir aux
l"éparations de la ligne vicinale dont elle dépend
(Art. 7 id.) ;
�DU DOMAINE PUBLIC.
81~5
8° Sur la nécessité du déclassement d'nn chemin vicinal et sur l'emploi à en faire, soit en le
conservant comme chemin public,soit en en cédant
le terrain aux propriétaires riverains (Art. 19) ;
9° Sur les procès civils que les communes pourront avoir à soutenir ou à intenter relativement a
]a propriété de leurs chemins vicinaux, rues ou
places (.Art. 19, nO 10, et art. 49 et suiv. de la
loi du 18 juillet 1B37);
Sur l'ouverlure des rues et places publiques
et les projets d'alignements, soit généraux, soit
même partiels, de voirie municipale (Art. 19, nO 7,
de ladite loi du 18 juillet 1837). Quant aux
projets d'alignement de grande voil'ie ,_ ils n'ont
qu'un avis à donner, et encore faut-il qu'il s'agisse
des traverses des villes, hOl,)rgs et villages (Art. 21,
10°
3 de ladite loi) ;
11° Sur les acqt,lisitions, aliénations et échanges
des terrains destinés aux rues et chemins (Art. 19,
nO 3, et,art. 46 de ladite loi; art. 13, 4" aLin.
de la loi du 3 mai 1~41).
nO
111°
SOUS-PRÉFETS.
584. Indépendamment des avis que ces fonctionnaires sont appelés à donner sur tous les actes
d'administration concernant leur arrondissement, .
ils sont spécialement chargés, par l'art. 17 de la loi
dn 21 mai] 836, de nommer, dans l'intérêt des
communes, un expert pour les cas prévus par ledit
arlicle et par les I4 e , 15 e et 1ge •
�8-lG
TRAITÉ
IVo
CONSEILS D'ARRONDISSEMENTS.
585. Les attributious de ces conseils sont trèslimitées, elles se boment :
0
1
A proposer· annuellement la fixatton de I~
valeur en argent des prestations en natllFe pOUl'
chOaque espèce de juurnée et par catégories de com-'
munes (Art. 4 de fa loi de 1836);
0
2
A émettre leur avis sur l'établissement et la:
direction des chemins vicinaux de grande comrriu~
nication, et sur la désignation des communes. qui
doivent contribuer à leur construction et à leur
entretien (Art. 7 id.).
Vo
PRÉFETS ET CONSEILS DE PRÉFECTURE.
586. L'Es PRÉFETS SEULS, et sans le concours
du conseil de préfecture, sont chargés:
IoDe déclarer et de reconnaître la vicinalité des
chemins existants, d'ordonner rouverture de nouveaux chemins, de pres.crire leur redressement, de
fixer· leur Jargeu r et leurs limites , d'eu opérer le
bornage, sans préjudice, dans tous ces cas, des
questions de propriété foncière qui peuvent s'élever à raison du sol et par rapport à une viabilité
plus Jarge qui leur serait assignée (Art. 1 er de la
loi du 28juifLet 1824; art. 15 et 16 de celle dit
mai 1836);
21
2. 0
De faire dresser dans le département un état
des chemins vicinaux, en se conformant aux dispositi.ons de l'instruction du ministre de J'intérieur
du 7 prairial ,Ill 13 (AT;t. l de l'arriJté du Direc-
�DU DOMA.INE PUBLIC.
847
taire du 3 messidor an 5; art. 6 de la loi du
9 ventôse an 13, et 1 de la loi du 28 juillet
1~h4);
,
3° De déclasser les chemins vicinaux ordinaires,
soit en leur laissant toujours la qualité de chemins
.publics, soit en les supprimant comme inutiles, et
cn en faisant ainsi passer le sol, du domaine puhlic dans le domaine communal, pour le rendre à
l'agriculture (Art. 3 et 4 de Parrdté du. Direc-
toire du 23 messidDr an 5);
4° D'imposer d'office la commune dans le~ li·
mites du maximum des prestations et ~entimes,
pour le cas où le conseil municipal, mis en demeure, n'a pas voté dans la sessioI). désignée à,cet
effet, les prestations et centimes; ou de faire exécuter les travaux, si la commune n'a pas fait emploi,
dans les délais prescrits, ,des ressources votées
(Art. 5 de la loi de 1836);
5° De désigner, sur l'avis des conseils munici..
paux, les communes qui doivent concourir à la
constructiou et à l'entretien d'uu chemin qui les
intéresse, et de fixer la proportion pour laquelle
chacune d'elles doit y contribuer (Art. 6 id.);
6° De proposer au conseil général les chemins
qu'il convient de classer parmi ceux. de grande
commuuication, en indiquant leur direction et
les communes qui doivent contriBuer à leurs cons·
truction et entretien (Art. 7 id.); _
7° De fixer la largeur et les limites des chemins
de grande commun.Ïcation, de déterminer annuel.
�8~·8
TRAITÉ
.
Iement la proportion dans laquelle chaque com~
roune doit concourir à l'entretien de Ja ligné
vicinale, et de statuer sur les offres faites par les
particuliers) associations. ou communes (Art.
'7 id.);
8° De distJ1ihuer ent:re les communes les sul;Jventions destinées aux chemins de grande commu~
nicalÎon (Art. 8 id.);
9° D'exercer une surveillance spéciale sur· les
chemins de grande communÏ.çation, de régler tout
ce qui les concerne, et par suite de donner les alignements pour construire sur ces chemins (Art.
9 id.);
10° De nominer des agents-voyers, tbrsqu'ils
croiront ne p.a~ devoir employer les ingénieurs et
agents des pon ts et chaussées, et de recevoir Id
serment de ces voyers (Art. 11 ) ;
11° De dresser Je rôle spécial d'après lequel les
propriétés de l'état contribueront aux dépenses des
chemins 'Vicinaux ( Art. 13);
12° D'autoriser les extractions de matériaux;
les dépôts ct occupations temporaires de Lerrain
pour les réparations des chemins vicinaux (Art.
17 );
13° De choisi.. , comme faisant les fonctions de
sous-préfeLs'dans les arrondissements où il n'yen
a pas, l'expert qui, avec celui nommé par le propriétaire, cloï t régler les indem nités dans le cas des
art. 14, 15, 17et]9 (Art. 17);
. 14° De faire, sousl'approha Lion du ministre de
l'intérieur, le réglement qui doit comprend ..~ les
�DU DO!tIilINE PUBLIC.
8~9
objets énumérés dans l'art. 21 de la loi du 21 mal
1836;
1.5 0 D'homologuer et de rendre exécutoires les
rôles faits par les conseils municipaux, soit pout' la
distriLution des prestations, soit pOllr là levée des
centimes additionnels (Art. 5 de la loi du 28
juiLLet .dh4 ) ;
16 0 D'ordonner le rétablissement provisoire
des chemins vicina llX sn pprimés ou interceptés
(Arr#ts du conseil d'état des 17 prairial an.
XIII; 11 avriL 1810 ; 19 mai 1815;1 'djuillet 1821,
J-6fellrier 1~h5 et 1er màrs 1826) ;'
17° De transmettre a u conseil municipal le
mémoire que tonte personne qui veut intenter un
procès contre une commune, doit p"éalablement
présenter, aux termes del'al'l. 51 de la loi du 18
juillet dG7 (a) ';
(a) Voy_ nO 558, p. 300 ci-dessus, nos observations sur
~Ieffet
interruptif de ce mémoire; la disposition de l'art. 51 ,
<2<. alln. ·de la loi du l8 juillet 1837, sur l'administration
·communale, qui en pose le principe, est empruntée à la
loi des 28 octobre-5 novembre 1790, dont l'art. 15, tit. 3,
prescrit le même préliminaire et avec le même effet, pour les
actions à intenter contre l'état; l'art. 37 de la loi du 10 mai
1838, en a aussi étendu la nécessité aux demandes à former
contre les départements, mais avec cetie différence inexplicable,
'que dans ce cas le mémoire suspendra seulement le cours de la
prescription au lieu de ['interrompre, ce qui permettra de réunir au temps antérieur, celui écoulé depuis l'expiration du
délai de ,deux mois. Ce d~rnier système nous paraît hien préférable au premier; il est seulement fâcheux qu'à dix mois
d'intervalle, la législation offre une pareille disparate.
�850
L
18° De vérifier
TRAITÉ
déclarer si un chemin est
public ou privé, s'il est vicinal ordinaire ou de
grande communication, vicinal ou route départementale, vicinal ou grande route (Arrêts du conseil d'état des 7 octobré 1807, Matte; - 24 mars
1819, Rémont; ~ 23 juin 1819, commune de
Mautry;- 15 août l(hI, commune de Reil;:20 février l~h2, Dervaux; - 18 juin 1823,
Raimbaux; --- Arrêt de ca,ssation du 14- thermidor an 13);
."
0
19 D'autoriser un particulier à construire un
aqueduc sous la voie publique (Arrêt du conseil
d'état du 26 octobre 182!>, Riboud);
2.0 0 D'aliéner, en vertu d'autorisation du conseil
général, les parcelles de fQnds du départemen t, dont
l'expropriation est poursuivie pour l'ouverture ou
le redressement des chemins vicinaux, ou d'accepter
les offres de la commune (Art. 13, 4e alin. de la
loi du 3 mai 1841);
21 0 En cas d'expropriation, de transmettre aù
procureur du' roi l'arrêté désignânt les terrains à
exproprier, ainsi que les autres pièces (1Jl~me
art. 13) ;
22° D'approuver les délibérations des conseils
municipaux fi~antJ à défaut de plan général,les alignelhents partiels.•
011
LES PJlÉF.E7,'S EN CONSEIL DE PRÉFECTURE,
Règlent les abonnements de subvention à la
charge des exploitations et entreprises qui dé1
0
�DU DOMAINE PUBLIC.
:851
-gradent les chemins (Art. 14 de la loi du
2 [
-mai 1836);
Déterminent, après enquête, les propriétés
. qui doivent être expropriées dans l~.s cas d'ouver.ture ou de redressement des chemins' vicinaux.
2°
(Art. 16 de la loi du 21 mai
celle du 3 mai 1841) ;
1836, et I l
et 12 de
3° Approuvent les délibérations des conseIls
münicipaux et des conseils d'admin1stratÏ"on des
'autres établissements ayant pour objet, soit la
:cession de terraius dans les mêmes cas ou les ac-ceptations d'offres (art. 13 de ladite loi du 3
-mai 1841) , so~lll:'s acq uisitions, ventes, échanges,
prrrtages el bornages amia.Lles des communes,
lorsque la valeur Il'excèJe pas trois mille francs,
si la commUtle a moins de cent mille francs de
revenus, et vingt mille francs, si ce revenu est ~u
pél'ieur (art. 46 de la loi du t 8 juillet 1837),
soit les transactions sur objets mob~liers d'une
valeur inférieure à trois mille francs, dans lesquelles les communes sont intéressées (Art. 59 de
ladite loi) ;
4° Prononcent sur les réclamations contre le
tracé provisoire des travaux d'utilité. purement
communale qui entraînent l'exp1'Opriation ponr
canse d'utilité publique (Art. 12 de ladite loi
du 3 mai 1841 ) ;
LES CONSEILS DE PRÉFECTURE,
Indépendamment des f<inClions consultatives
�852
TRAITÉ
gui viennent d'être ruppelées(a), sont encore investis Je celles de tutelle par rapport aux communes,
pour les autot'isations de plaider, eu demandant
ou en défendant devant les tribunaux judiciaires
dans toutes les instances autres que les affaires
possessoires (Art. 49, 52 et 55 de la loi du 18
juillet IIB7)'
Dans ce cas, le conseil de préfecture ne donne
pas seulement an préfet, un avis que celui-ci est
libre de suivre ou non; c'est le conseil qui, en
vertu d'un pouvoil' ~ llli propre, et dès-lors, même
en l'absence du préfet, accorde ou refuse l'autorisation.
VIo CONSEILS GÉNÉRAUX.
587. La loi du 21 mai 1836 a confëré aux
conseils généraux un assez gt'and nombre d'attributions, dont quelques-unes même rentrent dans
le pouvoit, d'administration.
0
1 Ils fixent annuellement la valeur de chaque
espèce de jour,née, pal' catégories de communes,
.. tin de faciliter la ~onversion en argent de la prestation en nature (Art, 4) ;
2° Ils reçoivent chaque année, et examinent
l'état des impositions établies d'office par les préfets, pour les communes qui ont négligé ou refusé'
de voter les prestations et centimes nécessaires, ou
d'en faire emploi (Art. 5) ;
Ca) Voyez, sur la différence entre les arr~tés des conseils de
préfecture et ceux des préfets en conseils de préfecture, ce que
nous avons dit ci.dessus, nO 523.
�853
DU DOMAINE PUBLIC.
3° Ce sont eux qui, sur la proposition du préfet
et d'après l'avis des conseils municipaux et des
conseils d'arrondisse men t, fon t passer da ns la classe .
des chemins de grande communication les che1flins
déjà déclarés vicinaux par le préfet, et qui, en en .
déterminant la direction, désignent les communes
qui doivent contribuer à leur construction et à
leur entretien (Art. 7)'
4° Sur les mêmes proposition et avis, ils déclassent les chemins vicinaux de grande communication, en leur laissant le caractère de chemins
vicinaux ordinaires;
5° 1\s votent annuellement, jusqu'à concurrence
d'un maximum déterminé ausbi chaque année par
la loi de finances, les centimes spéciaux destinés à
fournir, avec1es centimes facultatifs ordinaires, des
subventio~s pour les chemins de grande communication, et, dans les cas extraordinaires, pour les
simples chemins vicinaux (Art. 8 et 12);
6° Ils reçoivent chaque année le compte que les
préfets doivent leur ,rendre de la distribution des
subventions entre les différentes communes
(Art. 8);
7° Ils fixent le tl'aiternent des agents-voyers
(Art. Il);
8° Ils ont été appelés à présenter leurs ohservations sur le réglement que l'article 21 a chargé le
préfet de faire dans le cours de l'année, et leur
concouts serait encore nécessaire s'il s'agissa~t d'ap-
,
TO~1.
II.
"4
',:j
)
�8M
TRAITE
"porter des modifications aux réglements actuCls
(Art 21).
VIIo MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.
588.
Ce ministre est comp(;tent dans les cas
:
1 ° Pour recevoir l'appel des arrêtés des préfets
. qui ont fixé la largeur et le classeme'nt (les chemins, déclaré lem vicinalité, tracé leur direction,
ordonné leur établissement nu suppression (Arrêts
du conseil d't!tat des 24 décemb. Itb3, 13 juil.
let 1825 et 7 fcyrier 1834), sauf recours, s'il y a
lieu, au conseil d'état (Arrêt id. du Il mars 1 th6).
Le recours dcvant le ministre n'est pas suspcnsif
(Arrêts du même conseil de décembre Ith5 et
du 1 er mars 1826). S'il Y avait en, de la part.des
préfets, excès de pouvoirs ou de compétence, le
recours pourrait ètre directement porté au conseil
d"état (Arrêt du 1 er mars 1 ~h6);
2° Pour approuver le réglement genéral que
chaque préfet 'cst chargé de faire, par l'art. 21 de
la lQi de. 1836, ainsi que les modifications qui y
seraient apportées;
3° PO\ll' régler ce qui concernerait les chemins
vicinaux ordinaires ou de grande communication
qui s'êt.·;ndraient sur deux communes situées dans
deux départements différents.
~suivan's
VIlIo
CoNSEIL D'ÉTAT
(par 'IIoie administrative).
589. 1° Comme nous l'avons expliqué cidessus, pag. 747, les propriétaires riverains des
�DU Dü:\IAINE PtJIILIC.
855
rues et'places, ainsi que les tiers intéressés, peuvent
se pourvoir au conseil d'état par voie administrative non contentieuse, pour contester les aligneme~lls donnés en l'absence de plans généraux.
2° C'est encore par voie non contentieuse, et
seulf'ment sur le rapport du ministre de l'intérieur,
qu'aux lermes de l'art. "52, 2 e alin. de la loi du 16
St'ptemLre 1807' le conseil d'état arrête les plans
généraux d'alignement et statue en eas de réclamation de tiers inléressés.
3° Le conseil d'état doit délibé.'er sur }('s pt;Ojets des o)'donnances royales cOntenant réglement
d'administration pu61ique (Constit. du 22 frimaire an S, art. 52 ;-Réglement du 5 nivôse an
8, art. ll;-Ordonnance du J 8 septembre dt:>9'
art. 16, SI ;-Prçjet sur le conseiL d~état du
1 er février IlS40 , art. 17' ) Le caractère distinctif
de ces réglements consiste dans Ja délibération de
l'assemblée généraJe du conseil d'étal, après instruction préalable; il en est fait mention confor';
'-- mément à J'an. 25 de J'ordonnance précitée du 18
septembre 1839, ainsi conçu: cc Lés ordonnances
» rendues après délibération de l'assemblée géné» l'ale du conseil, men Lion nent que lé conseil d'état
» a été entendu. Cette mention n'est insérée dans
». aucune autre ordonnance. » Si l'objet sur lequel
'statue J'ordonnance royale après délibération du
conseil d'état, n'a pas un caractère d'intérêt génél'al, elle est dite rendue dans la forme des réglements d~administration publique. Au resteb.
�856
TllAITÉ
délibération ùu conseil J'étatn'cst, dans ces deux
cas, qu'un avis" et n'a pas l'effet de lier le gouvernement, qui reste toujours seul responsable.
4° Il faut encore ranger dans la classe des
matières administratives non contentieuses, les autorisations de plaider, sur lesquelles sta tue le
conseil d'état allIer et au ~e degré pour les départements (loi du 10 mai 1838, art. 36), et an
e
2 degré seulement pour les commnnes, les hospices, les burea llX de bienfaisance, -les fabriques,
les Cl1l'es, les 18él!:inaires et autres étahlissements
publics (Loi du i 8 juillet 1837, art. 49;A rr~té du 7 messidor an 9, art. 13; - Décret
du 30 décembre 1809, art. 77; - Décret du
6 novembre 1813, art. 14 et 70)' L'art. 50 de.1a
loi du Il) juillet 1837, etl'art.17, S 4de l''ordon-nance du 18 septembre 1.839 ~ disent pesitivement
que celle matière est purement administrative
non contentieuse (Arrhs du conseil d'état des
2 mai et 2 juin 1837' Com. de Naltiers et
com. de f7oray). - Par une singnlière inconséquence, lorsque le préfet exerce les actions de
l'état, il-n'a besoin ni de l'autorisation du roi, ni
de celle d'aucun corps délibérant (Loi du 28
octobre-;- 5 novemore 1790, -lit. 3, çzrt. I3, 14
et 15; - Avis du conseil d'état du 28 aotit
J 823 ).
IX'
.-
LE GOUVERNEMENT.
590. _ C'est au gouvernement, c'est-à-dire au
roi, qu'il appartient:
1° D'auloriserl'expropriation forcée des terrains
�DU DOMAINE PUBLIC.
857
nécessaires à l'ouverture des l'Iles et des places
(Loi du 3 mai IH41 , art. 3, 2 e alin. );
2° D'arrêter les plans d'alignement dcsditcs
rues et p1;Ices, ainsi que des grandes routes, et de
statuer snI' les réclamations des tiers intéressés
(Art. 52 de La loi du 16 septembre 1807);
3° D'autoriser les aliénations, acquisitions,
échanges, partages et tr-ansactions relatifs aux propriétés immobilières des communes, dans les cas
p~évus par les art. 46 et 59 de la loi du 18 juillet
183 7 ;
4° D'autoriser les contributions extraordinaires
ct les emprunts votés par les conseils municipaux,
aussi dans les cas prévus par les art. 40 et 41 de la
même loi;
5° De régler, par ordonnance rendue dans la
forme des réglements d'administration publique t
les tarifs des droits de v-oirie ( Art. 43 de ladite
loi ).
D'APRÈS l'énumération que nons venons Je présenter
des autorités charp-ées
de L~administration
•
n
proprement dite, on voit qu'à tons les degrés de
notre organisation politique" il existe simultanément, et sur deux lignes paralleles, un jonctionnaire ou magistrat (a) unique, délégué du pou(a) Cette qualification de magistrat (qui magis potest) convient.
aux administrateurs qui ont le commandement, comme aux fonctionnaires de l'Ol'd~e judiciaire; aux 'organes du ministère pu- ,
�858
l'UArrÉ
voir .exécutif, nommé par Je roi et essentiellement
révocable, et un corps délihérant" produit de l'élection, savoir: _
Daos la COMMUNE, le maire et le conse.il muni-
cipal;
Dans
l'ARRONDISSEMENT,
Je sous-préfet et le
conseil d"arrondissement;
Dans Je
DÈPARTEMENT,
Je préfet et le conseil
général;
Dans
l'ÉTAT,
le roi et les ministres et les cham-
hres législatives.
Près <les préfets et du gOllvernement, il'y a en
outre deux conseils consultatifs, le conseil de
prtflecture ~t le conseil d"étot" qui ont aussi, et
indépendammeotdecettefondion,des attributions
comme juges, mais qui, sous ce point de vue,
appartiennent au contentieux dont nons allons
parler, et non plus à l'administration proprement
dite, objet de cette première partie.
hlic, comme aux juges. Ainsi que l'a dit M. le procureur-général
Dupin, dans un de ses réquisitoires les plus remarquables
(Journaldudroitcriminel, art. 2106) : " La vraie définition du •
" magistrat, ce qui le constitue véritablement tel, c'est quand
il est dépositaire de l'autorité publique par la délégation de
III loi, avec le droit d'ordonner en son nom. Il est donc
exact de dire que le préfet est le premier magistrat du dépnrtement, et le maire le premier magistrllt de la cité. Plusieurs dispositions de lois, notamment l'article 222 du Code Fénal, emploient l'expression de magistrat de l'ordre administratif, pour
désigner l.es administrateurs proprement dits.
)l
)l
)l
�DU DOMAINE PUBLIC.
859
DEUXIÈME PARTIE.
JURIDICTION CONTENTIEUSE.
591. Cetle juridiction s'applique au régleme,nl'
des intérêts civils et à la répression des délits et
contreventions; d:où )a division en :
Contentieux civil,
Et contentieux criminel ou de répression.
SEC'rION 1re •
CONTENTIEUX CIrIL.
592.
La connaissance en est déférée,
Soit à l'au lorilé administrative,
Soit aux tribunaux ordinaires.
§ 1.
Conten#eux civil administratif.
593. Deux tribunau~ d'exception connaissent
de ce contentieux:
0
1
Les conseils de préfecture,
Et 2° Le comité du contentieux, du conseil
d'état.
1°
CONSEILS DE PRÉFECTURE.
594. La j-uridi~lion de ces conseils, non plus
en qnalité de comités (~onsuhatifs~, llll!is comme
tribunaux, s'étend aux cas suivanls :
1 0 Ils prononcent sans frais sur )esde~anJesen
dégrèvement de prestations (Art. 5 de la loi du
28 juilLet 1~b4);.
2 0 Ils règlent annuellement, sur )a demande
�860.
1'IlAITi~
des communes "et après des expertises contradictoires, les subventions à la charge des exploitations
et entreprises qui dégradent les chemins (Art. 14,
loi de 1836);
3~ Ils fixent, sur rapport d'experts, les indemnités dues pour extraction de matériaux, dépôts
ou en lèvemen ts de terre et occu pations temporaires
de terrain (Art. 17 id.);
4° Ils nomment le tiers expert dans les cas prévus par les art. 14,15,17 et 19 de ladite loi de
1336;
5°
Ils déclarent si un contrat de vente nationale
comprend un chemin vicinal litigieux entre deux
acquéreurs ou entre un acqnéreuret nnecommune,
ou si le procès-verbal d'adjudication grève ou affranchit spéc:ialement l'acquéreUl' d'une servitude
de passage (Loi du 28 pLuviôse an 8, art. 4;-
ArriJts du conseil d'état des '24 décembre 1818,
Legache; - 23 juin 1319, Rellillé; - 18 septembre 1319, Fauquez; - IH juin 1823, H'arlé;
-31 janvier 1827, Conty ;-6 décembre 1~h7"
Allard; - 'd février 1831 , Cottey);
6° Ils statuen"t sur la réparation des dommages
temporaires, <;lu même permanents pourvu qu'ils
soient discontinus et variables, qui résuhent de
J'exécution de travaux publics ou communaux: et
notamment de l'abaissement ou de l'exhaussement
du sol des voies puhliques ( /Toy. ci-dessus~ pag.
389 et suivantes) ;
7° Ils prononcent sur les difficultés qui peuvent
�861
DU DOMAINE PUBLIC.
s'élever relativement aux souscriptions faites pour
l'établissement ou l'entretien des chemins vicinaux
de grande communication (nO 504, pag. 101, ci-
dessus ).
ces conseils seraient incompétents pour
rechercher, reconnaître et classer les chemins vicinaux, fixer leur ~rgeur, leur direction, leurs
limites, en approuver les états, recevoir les oppositions aux arrêtés des préfets ou leur appel ( ArriJts
MAIS
du conseil d~état des 1 er novembre 1820, Lieh ;
- 24 octobre l~hl, Ferrand; - 1 er mai l~h2,
Chdtelain ; - 27 aoilt 1828~ de Montillet;-'
17 mars 1 ~h5, commune de Précigné; - 15
octobre 1826, Savy; - 16 décembre 1830,
Dionis;-21 aoilt 1832, Sédard) , ou les inter·
préter (Arr. du cons. du 9 mars 1836 i BarrI);
Pour déterminer le mode de réparation et d'entretien des ponts sllr les chemins vieinaux ( Arr.
du cons. d~état dU.,17 décembre
Pilltérieur) ;
l~h3;
min. de
Pour condamner les voituriers à réparer les
dommages causés à un chemin public par le simple
usage, car ce serait créer un impôt que la loi seule
pent établir (Arr. du cons. du 14 janvier 1824;
min. de l'int. ) ;
.
Pour ordonner le rétahlissement d'un ancien
chemin vicinal abandon n~ ou supprimé; ce serait
administrer et non pas juger (Arr. du cons. des
29 janvier 1814, Reynegons; - 1 er mars 1822,
Chatelais) ;
�862
TllAITÉ
Pour anouler les alignements -donnés par un'
maIre;
Et pour statuer sur les questions de propriété
( Arrhs du cons. des 15 aodt ) 821 , Be!grand;l
- 9 juiLLet 11h4, Dilling'ham; - 24 octobre,
1827' rochelet).
QUE
doit·on déciùer relativement aux. <liffienl-tés élevées entre les communes et les cntrepre, . et a, l' enterpréta.
neurs re1atlvement
a, l'execllllOn
tion des marchés ou adjudications de travaux"
notamment pour la construction ou l'entretien des
chemins, rues, etc. PLa connaissance en appartient
elle aux conseils de préfecture, à l'exclusion des
trihu naux civils P
Cette question est Il ne des plus .controversées, et
sa solution l'este entièrement incertaine, malgré
trente-sept arrêts du conseil d'état et de)a Cour
de cassation. En effet, quatorze SOtll en faveur de
la compétence des tribunaux., et vingt-trois at-,
tribuent au contraire juridiction aux conseils de
préfectu re.
Des premiers, dix émanent du conseil d'état eti
sont en date des 29 août l~:hl, (Mathé); - 17
avril 1822 (corn. d'AngUs-); -16 février Jlh6
(Meilhou ) ; - 19 décembre 1827 (Costain);
-25 a Vl'il 1828 (Ur/jain); - 19 juin id. (Peraidi);-12 avril 1829 (Sirey, 29-2-359);-2'
septembre id. ( ville de Dunlcerque); - 16 dé.:
cetnbre 1830 (Souchon et Louzon) i - 31 décembre 1831 ( Benard) ; et qua tre de la Cour de
�863
DU DOMAINE PUlILIC.
cassation des 17 janvier 1831 (Sirey J 31-1'193);
-,- 12 déc('IlILre id. (S'J 32-1-275); Il mars
1839 ( S.) 39-1-180), ct 3 février 1841 (S.) 41-
1-120 ).
Parmi ceux qui attribuent compétence aux con·
seils de préfecture, un seul, à la date du 27 août
1839 ( Sirey) 39-] -lh9 ) , a été rendu par la Com
de cassation; les vingt-deux antres l'ont été par
le conseil d'état, savoir: les 7 février 1809 (S.,
17-2-111); - 12 mars 18u (Vernie!"); ~ 23
janvier 1 lho (Péré); - 24 décembre 1823 (Jullien); - 24 mars 1824 (Dufour); -13 juillet
1825 (Sirey J 26-2-345, Bourguignon); - 7
décembre id. (Pierron); - 16 novembre 1835
(Perrin); - 9 novembre I~B6 (François) ; .20 juin 1 H37 (Perrin); - Il janvier 1838 ( Grulet); - 12 avril id. (com. d'Auxon); - 3 r
décémbre ,id. (Bourges); - 23 février 1839
(Delcambre); - 8 jan'vier 1840 (com. de Cro. , tenay); - 22 mai id. (Borey); - 8 juillet id.
(Mongrard); - 2 scptcmbreid. (S.) 41-2-155);
-même date (S.) 41-2-156); - ] 0 décembre
1840 (S., 41-2-195 ); - 5 IlIars 1841 ( ve Lecointre) ;-' 30 novembre 1841 (S'.J 42-2-187),
ces cinq' derniers sm conflits.
L'arrêt de cassation du 27 août 1839, résume
assez exactement les motifs 'lui '- pris collectivement ou isolément, servent de base aux décisions
du conseil d'état favol'ables aux conseils de préfecture : « Attendu, porte-t-il, que les travaux de
1
�864
'l'lWTÉ
)' cette route ( chemin vicinal de grande commu~
" nication), avaient un bnt d'utilité publique et
;» ne se rattachaient pas uniquement aux besoins
" d'une propriété communale.; - qu'ils intéres" saient plusieurs communes et mêmes Je dépar" tement du Nord, qui a supporté uue partie
') notable des dépenses auxquelles ces travaux· ont
» donné lieu; - que les plans et devis, dressés pal'
» les iflg'énieurs du département, avaient été ap-:
» . prou vés par le ministre de l'intérieur; - que la
» confection et l'entretien de la route dont il s'agit,
»ont été L'objet d'une adjudication passée, parle
), préfet, avec toutes les formes prescrites pOllr
» l'adjudication des travaux publics; - que l'exé» cution devait en être, et en a été surveillée par
» les ingénieurs des ponts et chaussées, délégués
), à cet effet par rautorité supérieure; - qu'ainsi
), l'adjudicataire de ces travaux était, à cet égard,
), entrepreneur de travaux publics ;-que dès-lors,
" aux termes de l'art. 4 de la loi du 2.8 pluviôse
), an 8, les difficultés qui s'élevaient sur le sens·ou)' l'exécution des clauses du ;marché, relatif à ces
» travaux, étaient de. la compétence administra~, live. »
De ees divers caractères,. don t le conoours a dé.
terminé la Cont' de cassation, un seul, le premier,
nous paraî~' devoir être pris en considération ,.
à savoir qu'il s'agirait de travaux d~utilité puhlique municipale, ct non pas senlemen t d'onvrages relatifs au domaine patrimonial communal
�DU DOl\1AINE PUllLIC.
865
comprenant les fonds susceptibles d'amodiation ou'
productifs de revenus; c'est aussi à 'Celui-là que
s'attache exclusivement
M. . Serrigny
,
. ( Traité dé
la 'Comp. adm. ~ nOS 566 et sui~")' pOllr fonder la
solution qu'il propose et qui c.onsistel'alt i.: admettre
la compétence dn conseil de préfecture toutes les
fois que la nature des travaux pourrait donner lieu
à l'expropriation pour cause d'utilité publique en
vertu de l'art. 12 de la loi du 3,mai 1841. Ce
moyen, qui, dans la pratique, aurait l'i~men-se
avantage de faire cesser une incertitude r.xtr~me
ment fâcheuse tant pour les communes que pour
ceux qui ont à faire il elles, se justifie en droit par
-des raisons qui nous semblent solides.
.
En effet, l'administration ayant seule le pouvoir
de reconna-ître et d'exécuter ce qui est d'utilité
-publique, elle doit aussi seule, être investie des
moyens nécessaires pour atteindre ce btll'; autrement, et si le jugement des contestations qui
-peuvent s'élever sur l'interp~étation et l'ex.écution
des actes émanés d'elle eu cette matière, appartenait aux tribunaux ordinaires, elle se tl'Ouverait
souvent gênée ou paralysée dans son action; ayant
'voulu, par exemple, qu'un travail, pOUl' remplit,
.Ia destination projetée, fût exécuté de telle ma·
nière et dans tel temps, il pourrait n'niver que ces
tribunaux décidassent que l'entrepreneur a dû le
faire de telle autre manière et dans tel autre délai;
dès-lors, ce seraient eux qui, en définitive et contrairement aux principes les pins certains de notrq
�866
TRAITÉ
droit public, deviendraient les luges suprêmes de
l'utilité publique et de tout ce qui s'y rapporte.
Les mêmes motifs qui on t fait attribuer aux conseils
de préfecture, la connaissance des difficullés entre
}'état et ses en trepreneurs, e1i~tent donc lorsqu'il
s'agit de travaux d'utilité puhliqne communale,
peu importe l'administration qui fait la dépense,
état, t1épat'lemcnt ou commune; c'èst l'objet des
travaux ct la nature dn domaine sur le sol duquel
ils sont faits, qui seuls doivent être" pris eu considération, le domaine puhlic étant unique dans sou
essence et clans sa deslinution, quoique géré et
en treten Il par dcs administrations" différentes, selon
l'importance pins ou moins grande des avantagés
qu'elles en retirent.
Voilà le seul caractère auq'uel on puisse raisonnahlement s'alTêter pour fixer "la compétence des
conseils de préfecture en fait de travaux communaux, car, quant à tous les alllies qui ont été relevés par les nomhreuses décisions ci-dessus citées,
savoir, que les travaux intéresseraient plusieurs
communes, qu'ils aoraien t été mis en délivrance.
devant le" préfet, approuvés par le ministre, surveillés par les ingénieurs des ponts et chaussées,
subventionnés par l'état ou le dépal'tement, etc.,
elc., ils sont absoluplen t insigniHa n ts, puisqu'ils
dépendent de causes accidentelles, variables et
extrinsèques.
Il en est aussi de même, quoique pal' un autre.
motif, de la clause insl:réc dans l'adjudication·, et
�DU DOMAINE PUBLIC.
..
867
'qui attribuerait expressément la connaissance des
contestations au conseil de préfecture; en effet,
les juridictions sont d'ordre public, et ne peuvent
--être modifiées au gré des parties, surtout lorsque
,l'une d'elles est incapable de souscrire un compromis; c'est là un point de droil constant (arrêts du
.conseil d~t!tat des J 9/ëyrier 1823, Guérardj19 décemhre id.~ Sirey~ 24-2-144; - ID juin
1829, S.~ 29-2-357;'- même date~ S.~ 29-2-358;
2 septemhre id.~ Dunkerque;- 16 drJcemhre
1~Bo, Souchon; -31 décemhre 1831, Bénard;
' - 9 et 29 mars 1832, Sirey~ ::h-2-317 et 3l8;'12 ayriL 1837., S.~32-2·463;=de la Cour de cas,sation des J2 décembre 1831 , Sirey~ 3Z-1-275;
'-et 1'1 mars 1839, S.~ 39-1-Ùh).
La question de compétence, relativement aux
'tl'avaux comUlunaUX,est d'autant plus importante,
'que le Jéc1inatoire peut être proposé pour la première fois ùevant la Cour de oassalion, mênie pal:
'celui qui avait d'abord reconnu la juridic.tion des
tribunaux, ainsi qu'il résulte de deux arrêts de
ceUe Cour en date des 3 janvier l~h9 (Sire,y, 291:-57) et 27 août 1839 (S.~ 39-1-829)'
411 moyen des conflits, cette ultima ratio du
pouvoir administratif, il est à présumer que les
conseils de préfecture conserveront et étendront
encore la compétence que le ,conseil d'état leur
attribue à tort, selon nous, dans certains cas, et
avec raison dans d'autres, notamment chus tous
ceux où il s'agit de marchés et df> travaux relatifs
�868
TRAITÉ
aux chemins vicinaux de grande ou de petite communication, aux rues et aux places publiques.
VOYEZ, sur le mode de procéder en matière contentieuse devant les conseils de préfecture, sur la
forme de leurs décisions, les voies de recoors dont
elles sont susceptibles, la manière dont elles doiven t être mises à exécution, le Traité de la
compétence administrative de M. Sen'igny, nO$
9 06 à 945.
110 CONSEIL D'ÉTAT
(Comité du contentieux).
595. Ce conseil est chargé de statue.' par voie .
con ten tieuse :
1° Sor les décisions du ministre·de l'intérieur
confirmatives des arrêtés des préfets, qui ont lésé
les intfrêts des communes ou des particuliers, ou
qui ont statué incomP1temment sur des questions
qui appartiennent soit aux conseils de préfecture,
soit aux tribunaux (arr~t du cons. du ,1 er mars
1826; Paulée) ;
2° Sur les délibérations des conseils généraux
relatives au .classement des chemins vicinaux de
grande communication, lorsqu'il y a eu excès de
poovoir, comme lorsqu'un chemin vicinal a été
élevé à cette classe, et qu'une partie de la dépen%e
a été mise à la cha.'ge d'une commune, sans que
son conseil municipal ait été préalahlement consulté ( arr~t du cons. d'état du 19 février 184o,
Sirey> 40-2-328);
3° Sur les arrêtés des conseils de préfecture at·
�8G9
DU DOMAINE PUBLIC•
•
taqués par les parties soit ail fond, soit ponr excès.
de pouvoir (ar;it du 27 avril 1826; Blanchet);
4° Sur les mêmes arrêtés attaqués par le mini~tre
de l'intérieur, dans l'intérêt de la loi;
5° Sur les demandes formées par les communes.
ou par les particuiÎers, en maintenue provisojre
des chemins dont la propriété est contestée, jusqu'au jugement définitif (arrêts des 17 prairial
an 13; 24 mars 1309; 3octohrè 1811; 13, 21
janv. et 7 fëvrier dh3; 20 et 23 janvl.er l~ho;
6 septenihre, 1826, Ammoneville; 2. aot1t id. ,
St.-Didièr; ~ de la Coür de cassat. des ·16
mai 1~h'7 et 2~ fêvrier 1828);
6° Sur les conflits positifs 011 négatifs entre
l'ai.1torité judiciaire et les conseils de préfecture
(Lois des 1-14 octohre 1790, nO 3; 21 fructidor
an 3, art. 27; réglement des consuls du 5 nivôsê an 8, art. I l ; décret du 13 brumaire an 10;
ordonnances des 29 juin 1814, art. 9; 23 aot1t
dh5,aft.13;eti er juin 1828.-Voy. sur cette
matière, Je Traité dit dom. puhlic de .iW. Proudhon, nOS 163 et suiv., et le Tl". de la comp.
6ldm. de M. Serrigny, nOs 164 à 234).
5 2.
Contentieux civil judiciaire.
596~
Ce contentieux. est dans les auributions :
IoDes jtiges de paix,
2° Des tribunaux civils de première instance,
3° Des jurys spéciaux institués p~d; loi du 3
T.QM. Il;.
.
55
/
�870
l1lAlTÉ
. mai 1841 et par l'article 16 de -ceBe
1836;
4° Des Cours royales,
5° Et de la Cour de cassation.
lIIl 21 Illa-I .
}o IUGES DE l'AIX.
59'1. 10:C'est par ces magistrats qu'est réglée)
sur rapport d'experts nommés conformément à
l'art. 17 de la loi du 21 mai 1836, l'indemnité eh
laquelle se résout le droit des propriétaires riverains d'un chemin vicinal qui a été élargi aux dépe!ls Je leur fonds (art. 15 de ladite loi);2° Ils peuvent 'être désignés par l(~ tribunal civil
pour présider et diriger le j ury chargé de régler les .
indemnités, en cas J'ouverture ou ~e redressement d'un chemin vicinal (art. 16 id.) ;
3° Ils connaissent des actions possessoires qui
peuvent être intentées par rapport aux chemins
vicinaux, rues et places publiques, dans les cil'constances et sous les restrictions expliquées au
nO 579, pag. 799, ci-dessus;
4° Des actions en bornage des chemins vicinaux
. dans le cas prévu au nO 577, pag. 787;
5° Des demandes en indemuité forrn€es par les
riverains des chemins vicinaux, lorsque, par suite
du mauvais état de ces chemins, ceux qui les suivent sont obligés de passer slIr les fouds voisins et
d'y causer du dommage (Voy. ci-dessus, nO 579,
pag. 809 et suiv.). L'exception qui est proposée
Jans ce cas par le défeulleur n'est pas,seulement
préjudicielle, dIe est justificative, et par cons(~-
�DU Uœ,1AlNE rUBLlC,
811
quent elle doit être appréciée pal' le trihunal de
police même (Arr~t de cassation du 6 septembre
1838; Journal du droit criminel, nO 2389)'
Ho
TRiBUNAUX CiVILS DE PRE~UÈRE INSTANCE.
598. L'office des tribunaux civils, par rapport
aux voies publiques dépendant de la petite voirie,
peut être invoqué dans les cas snivants :
1° Ce sont ces Hibl1nauK qui~ lorsqu'il s'agit de
la formation ou du l'élargissement antreme-nt que
par voie d'alignement, d'une l'ne ou place, prononcent l'expropriation pOUl' cause d'utilité i)ublique des terrains et bâ.timents nécessaires, ct désignent un de leurs membres en qualité de directeur
du jury d'expropriation. Lelll's jugements, dans ce
cas, bien que purtant SUI' des valeurs indétenninées, ne s~nt pas susceptibles d'appel; ils ne peu_1
vent etre attaqnes que par VOIe ue recours en cassation (art. 14 et 20 de la loi du 3 mai 1841).
2,0 Il en es.t ahsolument de même en faÏ1d'expropriation des terrains nécessaires à l'ouverture 0\1au redressement ·des chemins vicinaux; seulement
le tribunal peut à wn gré désigner, soit un de ses
membres, so_il le juge de paix du canton, pour pré.sider le jury (art. 16 de La Loi du 21 mai IB36).
3° Dam; Je cas où des biens de mineurs, d'interdits, d'absents, on d'au tres incapables, coo,uue ùans
celui où des immeubles dotaux ou affectés à un
majorat, son t d~si~nés pour être ex pro priés , Jes
représentants de ces incapaLles 011 les propriét:li.-es
de ces ill1mcnLles, peuvenl, après antol'Isasion du
A
,
•
�872
l'lunÉ
tribunal, donnée SUl' simple requète en la chamhre
·dll conseil, le ministère public entendu 1en 'consentir la cessation amiable (art, 13 de ladite loi),
ou' aceepter les offres faites par l'administration
(art. 25).
4° Dans les départements qui ne sont pas le
siège d'une Cour royale, c'est la premiére chambre
du trihunal du chef-lieu judiciaire qui choisit, eu
la chambre du 'conseil, les 16 jnrés titulaires et les
4 supplémentaires qui doivent composer le jury
d'expropriation (art. 30 de üzd. loi). Lorsqu'il
sjagit de chemins viëinaux, le tribunal est, dans
. tou's les cas, chargé de désigner les 4 jurés titulaires et les 3 supplémentaires (art. 16 de la loi
du 2.1 mai 1836).
50 L'art. i5 de la 19i du 8 mars 1810, SUI" l'expropriation pour cause d'utilité 'publiqne, portait:
cc Si le t:ibunal pronoD<~e que les formes (prcscrilés
» par cette loi) n'ont pas été remplies, il sera in:.
'fi .
. ,
,...
l,
" de nlment surSIS a toute executlOD, Jusqu a ce
" qu'elles l'a~ent été, et le pr'ocureur impérial, par
" l'interm'édiaire du procureur général, en in for·
» mera le grand-juge, qui fera connailre à l'empè~
" reur l'atteinte portée à la propriété par l'admi)' nislratioo.» C'est en se fondant sur celte dispc>sition, que M. Proudhon, dans son Traité du
domaine puhlic (nOS 422 et 599 de la 1 re édit;),
décidait que si, avant d'avoir rempli les formalités
prescrites pour l'expropriation, ou après n'eil avoir
reulpll qu'une partie, l'administration s'emparait
�DU DOMAINE l'UllLI6.
873
d'un immeuble,' le propriét:lil'c devrait assigner
l'administrateur qui se p~rmettrait cette voie de'
fait, devant le tribunal civil', pOUl' être maintenu
dans sa jouissance, avec défense de continner le
trouble, et injonction de rétahlir les lieux; il ajoutait que c< c'est au. tribunal d'arrondissement, et
» non pardevant le juge d-e paix, que cette action
» cn trouble au possessoire devrait être portée,
» parce que ce n"est .q\l~à ce tribunal- que la loi a
» délégué le pouvoir -d'arrêter les effets des expro» priations pour cause d~ulÎlité publiqu~, lorsque
» !es formalités voulues par les l"is n'ont pas été
» accomplies.)
Nous partageons cet a~is; mais est-il applicable
à toutes les hypothèses qui peuvent se présenter?
On peut, cn effet, en concevoir deux principales:
Celle où, après avoir obtenu la loi ou l'ordonl1ance d'expropriation, l'administration resterait
dans l'inact~on , et laissel'ait ainsi sous le coup
d'une, menace indéfinie,. une propriété 'lui s'en
trouverait, par suite, dépréciée.
Et celle où, soit avant d'avoir ohten u celte loi ou
cettc onionnance, soit même après, mais sans avoir
rempli les autres formalités prescrites, l'administration s'empar~rait(l'une propriété pl'ivée.
La première n'avait été- prévue ni par la loi du
16 septembre 1807, ni par celle du 8 mars 18l0;
l'art. 55 de la'loi dU7 juillet 1833 disait st'nle!H~tit
que si, dans les six mois du jugement ù"expro~u'ia-
�874
TRAiTÉ
tion~ l'administration ne poursuivait pas la fixation
de l'indemnité, les parties pourraicnt exiger qu'il y
fût procédé, mais rien n'obligeait l'administration
à o,btenir lc jugement, et, en conséquence, le propriétaire restait toujours dans uncincertitude dont
il n'avait aucun moyen de sortir; c'est pour com11er celte lacune, que, lors de la révision qui a élé
faite de celte loi, en 1841, la commission de la
chambre des députés a ajouté à l'art. 14 un paragraphe portant que si, dans l'année de l'arrêté du
pré~et, l'expropriation n'était point poursuivie, le
propriétaire pounait présenter requête au tribunal,
qui statuerait dans les trois jours de l'envoi des
pièces par le préfet constitué en demeure au moyen
de la communication de celle requête à la diligence
du procureur du roi.
n y a là sans donte déjà amélioration, mais,
comme le faisait remarquer le commissaire du roi,
dIe est loin d'être suffisante, puisque le délai ne
courra que lorsque l'art:êlé aura été pris pal' le
préfet, et que l'administraI ion peut suspendre indéfiniment cet arr~té. POUl' donncl' une garantie
certaine aux citoyens, il aurait fallu fixer Je temps
dans lequel, à partir de la loi ou de l'ordonnance,
les formalités prescrites par le titre 2 de la loi du
3 mai 1841 devraient être rempJies et J'arrêté pris;
on. aurait eu ainsi un système complflt qui aurait
prévenu tout arbitraire et donné les moyens de
vaincre une inaction.calculée.
Quant à la ~econJe hypothèsé, celle, au COIl-
�DU DOMAINE PUBLIC.
},
875
traire, d'une trop grande précipital~'l,Pde la part de
l'admiHistralion qui s'cmpart'l:ait (je la propriété
sans l'accomplis,sement des formes prescl'iles, la loi
est entièremenl muette; M. Delalleau, s'en occupant aux nOS S93 à ~96 de son Troité de l~expro
priation, signale deux cas qui y donnent lieu,
l'urgence et nn abus de pouvoir ou une mauvaise
illterprétatiende la loi, el dans tous deux il propose
]a même solution, savoir, que le propriélai,'e dé,possédé c( est en droit de réclamer une indemnilé,
» qui sera réglée comme s'il y avait eu une expro» priation régulière. De ce que, ajoute-t-il, l'ad:)\ minislralion a privé ce propriétaire de quelques-.
:» unes des garantiesque les lois lui assuraient, il
» ne résulte nullement qu'elle puisse le priver des
» autres garanties qu'il est encore à mêm~ d'invo» quer.»
NOliS admettons voJontiersceue opinion lorsqu'il y a urgence, par exemple dans les cas d'incendie, d'inondation, de défense de place de
guerre, elC., parce qu"ainsi que le déclarait
M. Legrand, commissaire du roi, lors de la discl1s, sion de la loi du 7 juillet ,]833 (M-oniteurdu S
juùt, pag.' J 608) : Cl Il ya ici une loi supé~iellre à
» toules h~s aUlres, c'est celle de la nécessité, et,
:J) l'on peut dire que les cas d'nrgence S~ font jus» tice il eux.-mêmes, ')) salus popttfi suprema lex
esto; nolis l'admettrons pg;t1t'IUl'n llorsqlle le propriélaire, par ignorance de se!) Ji'oits 011 aUlremenl,
se sera laissé dépossédt'f, ou q-ue l'cuucl'rise <le
�876
TIlAIT{~
l'admiuistratibn aura été tellement soudaine qu'il
aura été impossible de l'arrêter, et que les choses
ne pourront être rétablies dans leur premier état.
Mais la question a plus d'étendue; il s'agit, en
effet, de savoir aussi et principalement si ce propriétaire
moyens
d'empêcher sa dé. aura quelques
.
,
possessIOn.
L'affirmative n~est pas douteuse, et quant à la
marche à suivre, nous pensons qu'il faut faire une
distinction entre le cas où il y a ordonnance royale
prononçant l'expropriation, mais seulement omission des formalités suLséquentes, et celui où l'or·
~
• pas ete
" l'en
d ue.
/ .oonnance u ,'aura meme
C~est au premier que~ selon nous, s'appliquera ]a
procédure tracée par M. Proudhon, parce qu'ici le
principe de l'expropriation existant, ct le tribunal
étant nommémeut chargé, par l'an. 14 de la loi du
3 mai 1841, de vérifier si les formalités ullérieures
ont été remplies, il Y il " à cet égard, déJé/iation
spéciale' par rapport à laquelle cette autorité n~
pent êtr~ remplacée par aucuue autre.
Il en sera différemment dans le second cas;
comme il n"y aura pas seulement alors inobservation de to"ut ou partie des formes prescrites par le
titre 2 de la loi du 3 mai 1841, mais que la base
même de la dépossession légitime, c 1est.à-dire J'ordonnance, manquera, il est éviden t que J'on ne
devra voir, dans Pentrcprise de J'administration,
qu'une voie de fait ordinaire, telle qne celle qui
serait cpmIlli~e par tout autre usurpateur, et ainsi
�DU DOMAINE PUBLIC.
877
on pourra employer, pour sa répression, les divers
moyens ouverts par la loi, soit poursuites corr~c
tionnelles ou en simple police, soit action possessoire devant le juge de paix, soit enfin actions en
revendication, ou in factum conformément à l'article 1382 du Code civil, devant le tribunal de première instance. La différence entre les deux
hypothèses est immense: dans l'une on ne peut
reprocher qu'une irrégularité dans les formes,
dans l'autre il y en a ahsence totale; dans la première, l'administration manifeste au moins l'intention de se conformer à la loi; dans la dcuxième,
ellè agit uniquemcnt par violence et en dehors de
toute autorisation.
Trois arrêts du conseil d'état, en date des 14 octobre 1836 (Sirey, 37-2-124) et 30 décembre 1841
(S" 42-2-232), sembleraient, à s'en rapporter au
sommaire qui les précède dans le recueil qui vient
d'être cité, se trouvet' en opposition avec la solution ci-dessus, et 'avoir décidé cc que lorsqu'un
» entrepreneur de travaux publics ~ agissant dans
» les limites de son devis ou tracé et d'après les
~~ ordres de son administration, a commencé ses
') ouvrages sur une propriété privée avant l'accom» plissement des form~lités prescrites pour l'ex;), propriation, et sans déclaration préalable de
» l'utilité puhlique , les tribunaux sont incornpé:.
;), tentspour ordonner la destruction des ouvragcs
» ainsi elécutés, et que celte destruction ne peut
;» être ordonnée que par l'administration. » Mais
�878
TllAITÉ
cn exami nan Lles espèces cL les mOLifs de ces difcisions, on esL bientôt convaincu que leur dc,JctrilJe
n'est poinl conLraire à notre avis; qu'elle le con.firme pluLôt, et que l'attl'ibution Je compéLence
exclusive à l'administraLion, ne concerne que
l'entrepreneur personnellement, en .tan; qu'agent
qui s'est confOllIlé aux ordres de ses. supérif'urs :.
cc Considérant, porLe en effet le preluiel' de ces
» arrêLs, qu'il étaiL allégué et qu'il a été reconnu
"
~) que l ,ouvrage" d' art execute
par l' entrepreneur
» Joly, comprend, dans les limiLes de son tracé,
~) lIne portion du sol donL le sieur Leballe avait
» la possession à titre de propriétaiJ'e, possession
:» qni aurait été troublée sans qu'à l'égard de ladite
» parcelle il Y eût eu déclaraLion d'uLilité publique
» et accomplissement des formalités antérieures à
» l'expropriation; que l~autorité udiciaire
» était compétente pour statuer s r cette ques:J) tion de posGession~ et pour al/Hanner que le
» sieur Lehalle serait ~ sur le-<-v"u de sa déci» sion, RÉINTÉGRÉ dans sa po~se'ssis!n, sauf le
~) jugement ulLérieur de la question \de propriété
» par les trihullaux, et l'accomplissement par l'ad·
J> ministration, des formalités voulnes par les lois ,
» mais que l'entrepreneur Joly ~l'ayant agi,
», dans l'espèce, que d'après un tracé adopt.é et des
» ordres ddnnés par l'administration, ledit juge» ment ne pouvait ni presèrire des règles con0»
traires anxdits actes, ni prononcer contre l'enn trepreneul- allcuuecondamnation de.dollunages.
�DU DO;\JAINE l'VIlLIe.
~,
879
intérêts; - que l'administration seule pouvait
~, prononcer la révocation des mesures qu'clic
» avait prescrites, et la destruction des travaux
» opérés par ses ordres; que, d'autre part, le
)' conseil de préfecture était seul compétent pour
» statuer sur ce recours dirigé contre le sieur Joly,
,. comme entreRreneur de travaux publics. "
Ainsi, dan-s le cas où un maire, sans ordonnance royale d'expropriation Ou sans arrêté du
préfet, pris dans les termes des art. 15, 16 et 17 de
la loi du 21 mai 1836, pol'leraitatLeinte à une propriété privée, pour l'ouverture, le redressement ou
le l'élargissement d'une rue, d'une place ou d'un
chemin, il pourrait être directement et personnellement poursuivi devant les tribu~aux ordinaires,'
soit civils, soit de "épression, à moins qu'il n'eût
agi en vertu d'une délibération du conseil munici·
pal, cas auquel l'action devrait; incontestahlement
être dirigée contre la commune (arrêt de la Cour de
Toulouse du l,pr juin 1827; Sirey, 27-2-205).
Un arrêt de la Cour de cassation du 19 avril] 836
(Sire.y, 37-1-163), confirmatif d'une décision de
la COUI' royale de Dijon du 21 mars 1836, rendue
contre les habitants de Messigny, dont nous avions
Illaidé la canse en première instance et en appel,
a mèr~lc jugé qU~l1ne commune peut être déclarée
responsable des actes dommageables pour autrui,
fails dans son intérêt à titl'e conservatoire et en cas
d'urgence par son maire, agissant en cette qualilé,
quoique ces actes n'aient été ni autorisés, ni ap-
�880
TlWT:É
prouvés pal' le conseil municipal; les maires u'ay-ant
pas besoin d'autorisation expresse des corps muni:.
paux pour exercer de pareils actes, et le' droit de
les faire dérivant de la nature même de leurs fonctions d'administrateurs des biens communaux.
Cependant un arrêt de la Cour de Bourges du
20 août 1828 (procès Rolland d~A.rbousse~ cité
en note dans le recueil de Sirey, 41-2-436), a dé·
cidé qu'un maire-qui avait fait, sans autorisation,
arracher une haie pour él'argir un chemin, était
seul responsable envers le propriétaire de la haie;
et un autre arrêt, en date du 18-ma~ 18-41, émané
de la Cour de Bordeaux (loco citato), a aussi jùgé
cc que les comm.unes ne sont responsahles que des
» actes qui ont été faits par leu rs maires, lorsqu'ils
» agissent légalement et dans les limites de leurs
» attributions; que dans l'ordre donné par le maire
» de Bordeaux, de ('lire vendre les terreaux (les
» Loues) appartenant aux appelants, et d'en opérér
» le paiement danslesmains du commissaire depo» lice (devenu insolvable), il n'a pas agi au nom de
» la ~ommune, mais comme magistrat de police
» ehargé de veiller à la saluhrite puhlique; que,
) sous ce rapport, il est seulement moralement
» responsable, et que l'action intentée contre la
» ville est mal fondée. »
Au reste, lorsque la commnne se trouvera engagée par nn fiât dommageable pour autl'1lT; exécuté
en son nom, elle ponrra, si ce .fait constitue un
délit ou une C~nlro.venlidn,êtretraduite dev1.\ntles
/
�DU DOMAINE PUBLIC,
881
.trinu na ux de j Ilstice répressive, notam men t d eva nt
le triLunal correctionnel, quoique la seule peine
applicable soit l'emprisonnement (par exemple,
,dans les cns prévus .pades art. 444 à 451 du Code
,pénal), et qllecette peine ne puisse être pronon.cée ni contre elle, à raison de sil qualité d'être
;Dlornl, ni contre les agents qui ~uront agi d;après
les ordres de ses représentants légaux; il n'y aura
,pas pour cela incompétence, comme dans le cas où
on conclurait à des réparations civiles, sans qu'il y
.eût lieu à action publique (-1rr~ts de la Cour de
cassation des 30 août 1810,30 avri11813, 9 juin
:1.815,3 novemhre d:b6, 7 mai 1831), soit parce
que le maitre responsable aurait été cité sal~S le dé·
'linquant (Arr~t de l-adite Cour du 9 juin l~th),
soit parce que Je .tribunal serait incompétent pour
appliquer la peine (id. id. des 12 mai 1827 et 17
mai 1834) ; ici le délit existe, seulemen t la peine
ne peut être cnco~rue, et le jugement doit se bor,ner à condamner aux dommages.intérêts et aux
frais; c'est ce qui a été jugé sur nnt1'e plaidoirie,
.par arrêt de la Cour royale de Dijon du 9 mai
. 1838, dans l'intérêt d'un sieur Me;nbre contre la
'commune de Perrigny,
: 6° L'admini~tration ayant bien ie dmit de déclarer on de reconnaître l'utilité pnbliquc, mais
jamais de pOl'ter atteinte à,la propriété des citoy~ns,
il en résulte que toutes les fois qne, par rapport 'au
terrain de tont ou partie d-un chemin vicinal, il
. s'élèvera une question de propriété, cette question
c
�•
882
TRAITÉ
devra être portée au tribunal civil, el jugée entre
le maire représentant la commnne, et l'individu
qui prétendra à la propriété.
La décision rendue par l'autorité administrative
ne devra avoir aucune espece d'influence sur'là
question soumise au tribunal, et ne pourra priver
le propriétaire de sa chose, ou au moins de son
équivalent en argent, comme aussi le jugement du
tribunal ne pourra mettre obstacle à l'exécution
de l'arrêté administratif, dont l'utilité, la convenance ou l'opportunité ne sauraient être légalement
appréciées par l'autorité judiciaire.
Ce principe, sur lequel nous aVons déjà insisté
plusieurs fois, notamment au nO 579, pag. 802 cidessu~, a été consacré par trois décisions du conseil
d'état des 7 juin 1826 (Sirey, 27-2-269), 5 septembre 1~B6 (S., 37<1,.57), et 14 février 1842
(S. ~42'2- 286), ainsi que par deux arrêts, l'un de la
COl1l'de P.tris du 23 janvier 1830(S., 30-2'149), et
l'autre Je la Cour de cassation du 21 février 1842,
rapporté ci·dessus (loco citato) (S., 42.1-276):
7° Le tribunal civil sera aussi seul juge de la
question de savoir à qui, des riverains ou des
communes, appartiennent les al'bres plantés sur les
chemins vicinaux (Arrdts du conseil des 21 décemhre 1808; 19 avril 1809, Malherhe; 7 avriL
J 8 13; 24 décemhre 181S et 28 aot1t 1827,
Bre.çson).
8° Il en sera de même encore du point de savoir
si les hale5 Ol! les fossés sont mitoyens on forment
o
�DU DOMAINE l'VIlLIe.
883
"la propriété exclusive de la commune Oll des rive·'
'·ralns.
9° C'est également ail tribunal civil 'à stat':ler snI'
les contestations élevées à l'égarcl des simples sentiers ou chl:'Ipins d'aisan~e, de viùange Nd'exploitalion (Arrêts du conseil d'é!nt des 27 vendfimiaire an 12'; '28 jëvrier rtl09; 15 mai 1813,
. c ommllne d'Esclar01i; 23 juin
26 décembre 1027, Bernard); ùes passages dans les viHes (Arr.
'23 avril 1 ~ 18, Durand),; - sur
1819, RévilM;
sur b propriété
du conseil du
les chemins réclamés non ,à titre de vicinalité, mais de servitude
'conventionnelle de passage à travei-s ll:'s propriétés
privées (Arrêts du conseil des 12 mars 1 S 1 4; 18
;n'ovembre 181H, Farel; 23 juin 1819, Gerdret;
'11
aot1t 18J 9, Martin; ] 8 avriL 182], Ferrand);
- ou de seI'vitude légale ponr l'exploitation des
fonds enclavés (Art. 682 Cod. civ. - Arrêts du
conseil des 18 nivôse an Il, 5 floréal an d, et
17 aotlt ] 825, Picard) ; - enfin sur le provisoire
de jouis:iance d'un chemin litigieux entre deux
particuliers, et non réclamé par la commnne, soit
comme partie principale, soit comme partie intel'venante (Arrêt, dudit conseil du 28 septembre
1'816, commune de Clichy).
10° Les qnestions de servitude élevées par les
riverains d'une rue ,ou d'un chemin supprimés
(Arrêt du conseil du 10 decembre 1817; Gué- ,
rin), ainsi que celles relatives au partage entre l~s
mêmes riverains, des pOl'lions de !C;lrrajn retran~
�884
TRAITÉ
chées des voies publiques, par suite de leur rétrécissement ou delenr redressement( Foy. suprà,
nO 577, page 482), sont également du ressort
exclusifdes tribunaux 'civils.
11° Nous plaçons pareillement dans les attributions de c~s tribunau~, les questions d'indemnités
pour dommages permant:nts continus, causés aux
riverains par des travaux d'exhaussement ou d'ahaissement du sol des rues, places et chemins
(nO 57 o ,pag. 370 et suiv., ci-dessus).
12° Les tribunaux civils statuent aussi sur l'appel
des sentences rendues par les juges de paix, soit au
}lossessoire, soit en matière personnellc et mobilière (Loi du 25 mai) 838).
MAIS ces tribunaux n'ayant de compétence que
pour statuer sur les questions depropriété et de
servitude, il suit qu'ils ne peuvent: _
Déclarer si un chcmin est vicinal 011 grande
route, vicinal ou privé, et ordonner son rétablissement on sa suppression (Arr. du conseil des 14
thermidor an 13, 12 juillet 1806 et I9jévrier
1808) , et, par suite, ordo~ner à cet effet des' expertises on enquêtes (Arr. dudit conseil du 16
aozlt 11308; Danielon);
Fixer les alignements dans les rues et chemins
(Arr. du conseil des 21 aot1t 1816; Husson;8 mai 1822; Routhier);
Et réintégrer le,s particuliers dans la possession
des terrains affectés à un chemin ou à une rue par
l'autorité administrative (Arr~ts du conseil d'état
�885
DU DOl\IAlI'iE PUBLIC.
,
.des 6 féf/rier 1828, Lemoine; et 5 septembre
1836, Laf/aud).
EN RÉSUMÉ, l'étendue et les limites de la compétence des tribunaux civils se trouvent dans ces
deux prop~sitions :
L'une, qu'~tant institués seulement pour appliquer la loi aux espèces particulières résultant de
faits
accomplis, ils ne peuvent administrer et pro.
noncer par voie de disposition générale et réglementaire (art. 5 du CoçlC:' civil);
Et l'autre, cc qu'il n'y. a pas de maxime mieux
» avérée en France, comme le dit M. Proudhon
» (Traité du Domaine public ~ nO 421), que
» celle qui veut que toutes les questions de pro» priété soient exclusivement porlées devaBt les
» tribunaux, sa ns qn 'i.l soit jamais permis à l'ad» ministràtion d'en cbnnaÎlre. »
.
III·
JURYS D'EXPROPRIATION.
599. }O C'est au jury spécial, créé par la loi.
(lu 7 juillet 1833, et maintenu par celle du 3 mai
1841, qu'est dévolue Ja fixation des i11c1emnités
dues aux propriélail'es dépossédés pom ouvertme
de rues et de places, ou pour leur redressement ou
l'élargissement par voie suit d'expropriation, soit
même d'alignement, comme aussi de celles revenant aux villes, bomgs et villages, pour cessions
aux riverains, des pOrlions rctl'anchées des l'lle~ et
ptaces (Loi du 3 mai 1841 ~ art. 29 et suùants;
- Circulaire du ministre de IJintérieur du 23
TOllI.
II.
56
.•
�TllAITÉ
886
aot1t 1841. - Voyez suprà l pages 753 et suivantes).
2 0 C'est également à un jury spécial, mais alors
seulement composé de quatre membres titulaires
au lieu de seize, et de trois supplémentaires au
lieu de quatre, choisi par le tribu nal de première
ins.tance et non par la Cour royale 1 et présidé par
Un juge de ce tribunal 'ou par le juge de paix, qu'il
'appartient de régler les indemnités pour ouverture
ou redressement, autrement que par simple l'élargissement, des chemins vicinaux (Art. 16de la loi
'tiu 21 mai If336. - Voyez suprà, nOS 539 et
-54o,pages 225 et 250.)
IV·
COURS ROYALES
(Chambres cUJiles).
600. 1 0 En fait de rues, places et chemins,
ces Cours sont appelées à statuer 'Sur l'appel des
jugements des tribunaux de première instance,relatifs à des questions de propriété ou de servitudes,
ou d'indemnités pour dommages permanents continus, lorsque l'objet de la demande est indéterminé, ou porte soit sur une valeur ex.cédant
1,500 fr., soit sur un fonds dont il ne sera pas
prouvé par bail que le revenu est inférieur à 60 fI'.
{Art.
1
er
de la loi du
Il
avril J.838).
2° Dans les départements qui sonlle siège de ces
Cours, c'est la première chambre qui 'choisit les
seize jurés.tilulaires elles qllatr~ supplémentaires,
. formant le jury spécial chargé de régler les in·
demnités, en cas d'expropriation autre que celle
�DU
DO~JAIl'i:E
PUBLIC.
887
ponr ouverture ou redressement Iles chemiusvicinaux (Art. 30 de La loi du 3 mai 1841).
v·
COUR DE 'CASSATION
(sections cIPiles).
601. Celle COllr, placée à la tête de l'organisation judiciaire pour maintenir' l'unité dans la
lé~isJation ,
1° Statue sur les pourv'ois formés contre les jugements et arrêts en dernier ressort éruanés des
justices dé paix, des tribunaux de prenJière instance et des Cours royales de toute la France et des
colonies;
0
2
Juge également ceux dirigés soit contre les
jugements qui prononcent l'expropriation ,. soit
contre la décision du jury et l'ordonnance du magistrat-dirl"cteur qll~ fixent l'indemnité.
Le pourvoi n>est admissihle contre la décision
du trihunal que pour incompétence, excès de
pouvoirs ou viec de forme du jugement, et contre
la,décision du jury et l'urdonnance d'exécution,
que pour violation dn 1 er S de l'art. 30, de Part. 31,
des 21' et 4f' 5S de l'art. 34, et etes arl. 35 à 40 de
la loi du 3 mai 1841 (Art. 20 et 42 de ladite loi,
et art. 16 de celle du u mai ItS36).
SECTION II.
CONTENTIEUX CRIMINEL OU DE RÉPRESSION.
602. Comme le contentieux civil, celui de répression esl allribué,
SOil aux tribunaux administratifs,
Soit aux tribunaux ordinaires.
�888
TRAITÉ
§ 1-
Contentieux de 1'épression, administratif.
.603. Il est dévolu aux: conseils de préfectnre ct
au conseil·d'étal.
1° et 11°
)
CONSEILS DE PRÉFECTURE ET CONSEIL D'ÉTAT.
•
ont tOUjours
·été reconnus compétents pour réprimer les délits
et contraventions relatif~all sol des grandes routes
.proprement- dites; y compris les rontes départementales; mais il y a dissidence entre le conseil
d'état et la Cour de cassation sur leur juridiction,
quant aux: portions de ces grandes voies publiques
gui traversent !.es villes, bourgs et villages ; - le
·conseil d'état leur attribue exclusivement la répression·des contraventions qui ,y sont commises, sur
le motif que la loi du 29 floréal an 10 compr~nd
tontes les routes, conséquemment les rues qui leur
serv~nt·de ,prolongement (Arrêts des 22 fév.rier
et.31 juillet ]~h2; ministre de lajustice; - 17
-l
/
o
LES
CONSEILS
DE
PRÉFECTURE
novembre 1 ~h4, Viguier; - 15 juillet 1 ~35 ; 30 juin 1839, min. des trav. pub.;-22aotltid.,
Blanpain). La Cour Je cassation., au contraire,
juge Cjn'il y a concurrcnee d'auribl1rions entre eux
et Je tribunal d~ simple police, saufà appliquer au
condamné la maxime non bis in idem; qu'ainsi
les dépôts ou eucolllhrements dans les rues-traverses de grandes routl'S, peuvent constitue'l' une
donble contravention, et donner lieu soit à une
poursuite devant le tribunal de police, s'ils sont
�DU DOMAINE l'UBue.
889
q'ualifiés de contravention aux lois sur la police ur·
haine, soit à une poursuite devant le conseil de
préfecture, s'ils sont fJllalifiésde contravention aux,
lois et réglements sm la grande voirie ;'quc la voie
publique ne cessant pas d'ètre rue par cela. seul
qu'elle,devient route, le tribunal de 'police, saisi
d'nne contravention de son ressort, ne peut se
déclar.er incompétent pOUl: en connaître, SOllS le
pré tex te que le conseil de préfecture a, de son côté,
juridiction pour y statller (Arrêts de ladite Cour
des 13 juin 1811 , Sirey~ 12-1-64; -, 15,avril
18~4,
S., 24- 1-3 34; - 7 décembre db6;-7
juillet ) 83~, S., 39-1'0138, ~t 8 avril 1 ë39' ce
deriûer, les chambres réunies, S., 39-1-413).
La concurrence cesserait, bien entendu, si le fait
avait exc1usivementle caractère, de COlltf'avention
Je grande voirie, telle qu'une anticipation par
constrt~clion sur le sol ~e la rue-traverse, ou une
détérioration, ou si, an contraire,..il constiluait uniquement une infraction à un réglcment municipal,
pris ponr la sûreté ou la commodité cl u passage,
par exemple ,le défaut J'éclairage de matél'ianx ou
d'ex.cavations autorisées; ail 1 er cas, le conseil de
préfecture serait seul compéle~t; au 2 e , ce serait le
tribunal de police ( Arrêt de la Cour de cassation du 25 avril 1839 ,Sirey, 40-1-459).
La eour de cassa lion jl1ge aussi que les conseils
de préfectnre ne petlve!Jt <henrtre 1f'1Ir juridiction
sur les portions adjacentes des grandes roules, dépenllanl (le la petite voirie (Arrêt.de cassat. dit
16 mai 1839, rapporté ci· dessus" page [HO).
�890
TitAITÉ
A part, au reste, les questions relatives à la
portée territoriale de la j~ridicLÏon de ces conseils,
leur compétence s'étend aux contraventions commises par les particuliers qui, sans avoir préalablement obtenu par écrit les alignements et autorisations nécessaires, ont construit, reconstruit, rél'
"sure
1 eve' l 1es e'd'l1ees,
fi
pare, reeonlor1e,
augmen1e,
maisons et bâüments, étant \e long des- grands
chemins ou les joignant, soit dans les traverses des
villes, bourgs et villaw's, soit en pleine campagne
( drrêt du conseil dJétat du ~7lëvtier t765;
lettres-patentes du 25 - aodt 17tl4; lois des 22
f
f
juilLet 1791 et 29 floréal an 10; arrêtés des 18
thermidor an 11, 8floréal an 12; arrêts du conseil des 25 thermidor an 12, 3 juiltet 18ô6, I l
janYier 180/1,20 novembre 1815,6 mars 1816,
20 janYieret 8 septembre 1819, 2?févrieret 30
mai 1 ~h l, 8 mai 1'822, 19 mars 1823,4 mai 1 ~h6,
d~ janYier 1831, 12 ayril I~B2, 30 juin et 23
décembre 1835, 2 aodt et 14 octobre 1836); ou contrevenu aux permissions restrictives des
préfets (ArrtJts des 4 septembre l~h2 et 15 juillet 1835); - ou enfreint l'ali~nemell't (Arrêts
des 15 décembre 1824 et 15 juiLLet
1~)35);
ou ohstrné la voie publique par des dépôts de pierres, hois, mt'ubles Olt matériaux, sur les quais,
routes ou rues formant /,l'Olongement des routes
royales OIi département.lles (Arrêts t/es 22jëyrier
et 31 juillet 1822, 17 noyembre 1824, et 15
juiLlet ~835); -,
_ ou compromis la Sûl'cté par d e&
�891
DU' DOMAINE PUBLIC.
constructions contraires aux règles de l'art (Arr~ts
des 6 juillet 1825 et 4 mai 1~h6); - ou reconforté des murs de face sujets à retJ:l\Qchement (Ar-
rhs des 2 aodt 1826 ~ 8 janvier,_
mai ~ 2 aodt et 17 aodt 1836).
Il
février ~ 6
La juridiction des conseils de préfecture comporte le pouvoir d'ordonner la d.émolition des ouvrages, etc., ainsi que la confisçation des matériaux, et de condamner les.contrevenantsà l'amende
et aux frais (Ardt du, conseil du 27 févrien 765 ;
lois des 29jloréaLan 10, 9 vent6se an 13; décret du 13 aod! 1811; - arr~ts du cons. des 20
mars 1816, 1 er et 8 septemhre 1819,20 juillet
1820, 30 mai ~ 20 juin et 18 juillet 182 l , 8 lllai
I~b2 et 4 novemhre 1835), et même au paiement
dépenses faites d'office par l'administration,
pour la réparation des dégradations commises sur
les grandes routes.(Arrgts des l,l ianl'ier~ 16 septemhre 1808 et 16 juitlet 1~St7); mais illenr est
interdit de prQnQncer 4es peines corporelles; en"
conséquence, au cas de Qél~t, ils ne'peuvent statuer que surIce qui est de \~ur Gomp~tepce, et ponr
le surplus, ilsrdoivent rep"loyer devantlc tribunal
correctionnel Circ~laiT;es ·du ministre de la
(les
«
justice et du dù:e.oteur sles p,O(lts et chaussées
des 28 vendémiair,: et I3f~im(lirean I l ; arrgts
du oons. ,des 23 juin 1806" :u m.,ars e.t 23 avril
1807, P ovail/on; '2 fé.v.rier ,et 28 (lodt 1808, 4
mars 1809, 17 juillet l~h~, 19févrieret 21 décemhre 1825).
�892,
TRAITÉ
Naguères les conseils de préfecture avaient été
privés du pouvoir de modérer les ~lllendes, souvent
exorbitant.es, décrétées par l'ancienne législation;
le conseil d'él,at seul· usait de ce droit de gràce;
mais par la loi du 23 mars 1842, une assez grande.
latitude leur a été accordée; d;après l'art. l er ,les
amendes fixes prononèées par les réglements de
grande voirie, antérieurs à la loidl1 19-22 juillet
1791 ,peuvent être réduites au 20 e , sans cepen.
dant descendre au-dessous de 16 fr., et celles arbitraires pourront varier de 16 à 300 fI'.
Les con traven lions dp. grande voirie constituan t
des délits spéciaux, n'admettent point l'excu~e,
tirée ùe l'intention et de la bonne foi; le tribunal
administratif n'a que le fait matériel à vérifier
(voyez slIprà, page 536).
Sans distinction entre les faits'qui, d'après la
ci~ssification établie par les art. 137; 638 et 640
du Code d'instruction 'criminelle, constitueraient
des délits ou de simples contraventions, la pl'es'cription applicable, dans tous les cas, aux infractions de grande voirie, est, conformément à ce tlernier article, d'un an pour la poursuite, et de deux
aIlS pour l'amende prononcée (A;'r~ts du conseil
. d'état des 27 fëvrier 1836 ; Pozzo di B otgo ; et 13 mai id.; Pierre). Quant au poin\ de savoir
s'il faut distinguer entre les contraventioDs perm'anentes et celles temporaires, entre le chef de l'amende et celui de la démolition, voyez suprà,
pages 529 et suivantes.
�DU DmIAINE PUBLIC.
893
2° Relativement aux chemins vicinaux, nous
avons ra pporté ci-dessus, pages 822 et suiv., la
controverse qui existe s'ur le point de savoir si la
répression des contravcntions qui les concernent,
est encore de la compétence des conseils de préfecture.
D'après la jurisprudence du conseil d'état, le
conseil de préfecture aurait à reconnahre et déclarer le fait illicite d'anticipation, de suppression et
de dégradation sur les chemins, classés comme vicinaux au moins _au moment 'de l'examen de l'affaire, et à ordonner la suppression de l'cmpiétement
qui serait restitué à la diligence de l'autoritéadmi11istrative. I.Je tribunal de police anquel la poursuite serait renvoJée, ne pounait remettre en qnestion l'existence de la contravention, et serait dans
la nécessité de prononcer sans examen l'amende
étahlie par l'al't. 479, nO I l du Code pénal; mais
sur lm renvoi de cette sorte, la Cour de cassation
a décidé, le 10 septerrJhre 1840 (Sirey 1 40-1-923),
que l'arrêté du conseil de préfecture ne saurait lier
le tribunal de police, et l'obliger, par cela qu'il
est produit, a prononcer J'amende; la oonscience
du magistrat devant, en effet, toujours rester libre
et indépendante.
Au reste, la controverse dont il s'agit n'a ponr
objet que les contraventions mentionnées dans
l'art. 479, nO I l du Cod. pénal, et nullement celles
que prévoit le nO 5 de l'art. 471, lesquelles sont incontestablement de la compétence des tribunaux
�894
TRAITÉ
de police, et comprennent notamm'en~ le fait de
construction sans avoir obtenu l'alignement du
Plaire, s'i' s'agit d'nn chemin vicinal ordinaire (arr!ts de la COUT: dt! c'!ssat. des 17 octobre 1838,
2 aotlt 1839 et 30 avril 1840), ou du préfet, si le
chemin est de grande communication ( arr!t de la .
m!me Cour du 29 aotlt 1840, Sirey, 40-1-815.)3° Suivant le projet de loi relatif à la police du
roulage qui se discute en ce moment, les chemins,
vicinaux de grande communication pouvant, dalJs
certains cas, être assimilés aux routes royales et départementales, il s'ensuit que les conseils de préfecture seraient aussi chargés de ]a répression des
contraventions en cette matière pour ce qui les
concerne.
.{..Z CONSEIL D'ÉTAT remplit, par rapport aux
décisions des conseils de préfecture, l'office nonseulement de Cour de cassation, ayant Je droit de
les casser pour excès de pouvoirs ou violation. des
formes et de la loi, mais aussi de Conr d'appel,
pouvant apprécier le fond du litige et faire ce que
les premiers juges auraient dû faire eux-mêmes.
Aucune limite de souveraineté n'ayant été établie pour la juridiction des conseils de préfecture,
il faut en induire que leurs décisions sont toujonrs
sujettes à recours, quelque faible que soit la peine
prononcée.
Dans les affaires dont il est saisi, le conseil d-état peut modérer les amendes et même cn faire remise (arr~ts du cons. d'étàt des 2 janvier 1838,
�DU DOMAINE PUBLIC.
~95.
Lerebours; - 22 (eV rier 1 H38, Rousseau et trois
az;tres ;. - 30 juin 18j9' Cossin ct autres; - 6
août 1 S4o, (aussat, et,c., etc. ); il jonit ainsi,
en réalité, du Jroit Je faire grâce; mais il n'en résnJte aucune atteinte à la prén'gative inscrite dans
l'art. 58 de la charte, en ce que, n'ayant point de
j nridiction à lili propre, c'est le roi qni est censé
jllg,~r en son conseil et par conséql1ent accorder
lui-même la grâce·ou la commutation.
Au reste, les arrêts du conseil (que nous qn~
lifions ainsi avec le décrel du 7 février 1809 et l'ordonnance royale du 29 jûin 1814, arl. 9) emportent, de même que les arrêtés des conseils de préfect ure, l'hypothèque judiciaire et l'exécution parée même par voie de contrainte par corps (Avis
du conseil d'état des 16 thermidor an 12, 29
octobre 1811, et 24 mars 1812, inséré~ au Bu}letin des lois).
Les règles de la procéùure à, suivre devant le
conseil d'élat en matière contentieuse cri.mincHe
ou civile, sont tracées dans le décret du 22 juillet
~806 ..
§ 2.
Conlentieux de répression, judiciaire.
603 his. Les t.-ibunau,ç suivants en sont chargés:
1 ° Le trihunal de police municipale;
2° Le trihunal correctionnel et la Cour royale;
3° La Conr d'assises;
4° Et la Cour de cassation.
�896
TRAITÉ
Jo TlIl1IUNAUX DE POLICE ~WNICIPALE.
003 ter. Ces tribunaux, qui sont composés soit·
du juge de paix, soit du mair~, selon les distinctions établies par les art. 139 et sIiivants du Code
d'instruction €l'iminel1e t et g.ui ont compétence
poùr statnpr sur toutes les contraventions qui l'eu~
vent donner lien à une amen,!e de lb fI'. et'an-dessous, on à un emprisonnement de cinq jours où
au-dessons ,. qllf'l1e que soit la g'uotité d\'s réparationsciviles (suprà~ pag. 522), connaissent:
1° Des contraventions aux nOS 4, 6, 7 de l'art.
47 1 ; - 3, 4 et [) (le l'al't. 475, et 4 de l'art. 479
du Cotie pénal, par rappOl't à. toutes les voies publiqnes;
.
0
2 De la négligence ou du refus d'exécnter les
régleriten ts ou arrêtés concerna nt la petite voirie;
des con traven tions aux téglemen [.s légalcOien t faits
par L'autorité administrative, notamment à l'arrêté
général du préfet, dressé en vertu de l'art. 21 de
la loi du 21 mai 1836; enfin des infractions aux
'arrêtés publiés par 1''ilUtorité municipale, conformément à l'art. 3, tit. I l de la loi du 16-24 août
1790, et à l'art. 46, iit. 1er de celle du J 9- 22 juillet
1791 (a) ( Cod. pén.~ art. 471, nOS 5 et If»;
(a) Voici le texte de ces articles si souvent cités:
Loi du 16-2,. aoltt 1790, lit. XI.
Art. 3. Les objets de police confiés à la vigilance et à J'autorité des
corps municipaux, sout :
1 0 Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans
les rues, qnais, places et voies publiques; ce qui compreud le nettoiement, J'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition
\
�DU DOMAINE l'Uilue.
897
3° Des dégt'adulions ou détériorations, de quelque manière qu'elles aie~télé faites, des cheOlins
publics, ainsi que de l'usurpation sur It'l.lr largeur
ou la rép~ration dcs bâtiments mena'Çant ruine, l'interdiction de rien
exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments qui puisse nuire
par sa chute; et c.lle de rien jder qui puisse'hlesser ou endommager
les passants, ou causer. des exhalaisons nuisih1es;
_2 0 Le soin de rérrimer el punir les déli ts contre la tranquillité
publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'ameutements
dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique,
les bruits et attroupements nocturnes qui troublçut le repos des
citoyens;
30 Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands
nissembleOlents d'bomm:es, tels que foires, marchés, réjouissances et
cérémonies publiques, spectacles, jeux, calés, églises et lIutres lieux
publics;
40 L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se -vendent
au poids, à l'auue ou à la mesure, et sur la salubrité des comestibles
'exposés ell vente publique;
50 Le soin de prévenir, par les précaution~ convenables, -et celui
de fair-e cesser, par la distribution des secours uécessaires, les accidents
et les fléaux calamiteux, tels que les inccndies, lcs épidémies, les
épizooties, en provoquant aussi, dans ces deux èlcrniers cas, l'autoritc
des administratious de département et de district;
60 Le soiu d'obvier ou 'de remédie-r aux événements fâcheux qui
pourraient être occasionnés par les lusensés ou les furieux laissés Cil
liberté, et par la divagation des animaux malfaisants ou féroces.
L'art. 4 est relatif aux spectacles.
Loi du '9-22 juillei '79 t, tit Ier.
Art. 46. Aucull tribunal de police municipale, ni aucun corps municipal, ne pourra faÏt'e de réglements; le corps municipal, néanmoins,
pourra, sous le nom et l'iutitulé de délibération, et sauf la réformation, s'il y a lieu, par l'administration dn département, sur l'avis de
celle du district, faire des arrêtés sur les objets qui suivent:
1 0 Lorsqu'il s'agira d'ordonner les précautions locales sur les objets
confiés " sa vigilance et à SOll autorité, par les art. 3 et ,~ du titre XI
du décret du 16 août sur l'organisation judiciaire;
2 0 De publier de nouveau les lois et réglements de police, ou dc
j-appeler les citoyens à leur observation.
A ces dispositions, il convient d'ajouter celles analogues de
�898
'l'RAl'l'È
(Code pénal, art. 479, nO
pag. 82'2 et suiv., et 893 );
I l ; .....:-
v~yez
suprà,
4°
De l'eulèvement des ~azons, terres ou pierres,
des chemins publics, à moins d'autorisation (C'ode
pénal, art. 479, n.0 ] 2);
.50 Du fait de passage, avec destruction de clôture on autre dommage, sur les fonds voisins d'un
chemin vicinal impraticablè (voyez suprà, pag.
809 et suiv., et 870);
J.' APPLICATION des réglements de police mUlllci pale , donnant lieu à de' nombreuses qnestions
la loi du 18 juillet 1837 sur l'administration municipale, et qui
sont ainsi conçues:
Art. 9. Le maire est chargé, sous l'autorité de l'administration supérieure:
) 0 De la publication et de l'exécution dés lois et réglements j
30 De l'exécution des mesures de .sûreté générale.
Art. 10. Le maire est chargé, sous la surveillance de l'administration
supérieure:
1 0 De la police municipale, de la police rurale et de la voirie 1l1U·
nicipale, et de pourvoir à l'exécution des actes de l'autorité supérieure qui y sont. relatifs.
Art. 11. Le maire prend des arrêtés à l'effet,
1 0 D'ordonner les mesures locales sur les objets confiés par les lois
à sa vigilance et li son autorité;
2 0 De publier de nouveau les lois et réglements de police, ct de
l',. ppeler les citoyens à leur observation
Les àrrêtés pris par Il' maire sont immédiatement adressés au
sous-préfet. Le préfet peut les annuler ou eu suspcndre l'exécution.
Ceux de ces arrêtés qui portent réglement pHmanent ne seront
exécutoires qu'un mois après la remise de l'ampliation constatée par
les récépissés donnés par le sous-préfet.
�DU DOMAINE PUBLIC.
899
souvent fort difficiles, il 110US paraît nécessaire de
réunir ici quelques principes sur celte importante
matière.
0
1 C'est aujourd'hui un point de jurisprudence
à l'abri de toute controverse, que les tribunaux de
police né doivent appliquer les arI'êtés des maires
qu'autant qu'ils ont été pris dans le cercle des attributions confiées à l'autorité municipale pàr un
texte de loi formel, notamment par les articles cidessus cités en note des lois des 16,24 août 1790,
19-22 juillet 1791 et 18 juillet 1837; en conséquence, ceux qui se trouveraient en dehors de ces
-attributions, encore qu'ils eussent été approuvés
par le préfet et non rapportés par l'autorité supérieure) ~le seraient obligatoires ni pour les particuliers ni pour les tribunaux. En appréciant le
mérite de l'acté administratif sous le rapport de la
légalité, l'autorité judiciaire ne commet point
-d'empiétement" elle ne fait que reconnaitre les
bornes de sa propre compétence; ne pouvant, en
effet, appliquer de peines qu'en vertu d'une loi, et
dans les cas qui y sont formellement exprim~s, elle
se trouve dans la nécessité de rechercher si le maire
s'est renfermé dans les termes de la délégation qui
lui est faite par celte loi, puisque s'il s'en est,écarté,
l'infraction à son réglement n'est plus une contravention punissable; refuser en cc ca,s d'en procurer l'exécution, ce n'est ni réformer ni modifier
un acte du pouvoir exécutif, c'est s'abstenir de.
prêter à une mesure illégale, la sanction de la jus-
�900
l'HAlTÉ
tice, c'est éviter de commettre u fi excès de pouvoir. A la différence de ce qui a lieu en matière
civile, où les tribunaux ordinaires ne peuvent jamais interpréter ou annuler les actes administratifs, le juge criminel doit préalablement s'assurer
de la légalité de ceux dont l'exéc~LÎon lui est demandée, parce que ~ on le l'épète, n'ayant qualité
ponr prononcer une peine que quand elle.résulte
ruédiatement ou immédiatement de la loi, son
untorité cesse quand cette loi se tait, ou, ce qui
est leI même chose, lorsque le magistrat qui a reçu
d'cUe, d'une manière restreinte et limitée, le
pouvoil' de stalller sur certains cas déterminés,
outrepasse les limites de son mandat; aussi la jurisprudence de la Cour de cassation est-elle -constante sur ce point ( vo.yez notamment ses arriJts
des 20 novembre 1818, - 13 aotlt et 26 novembre 1819, Sirey, 19-1-388, ~ 27 janvier et 24jevrier 1820, - 1 er avril, 6 mai et 16 décembre
l~h6, - 21 aotlt dh9' S., 29-1-345, -14 aotlt ,
1830,- 26 mars 1831, - 1 6jevriel'l 833, - 18
janvier 1834, -18 janvier 1838, S., 30-1.319,
- 4 janvier 1'039, S., 39-1-7°9)'
Mais anssi, quand les arrêlés sont compétemment pris, ils lien t le jllge, quelque illj u8tes qu'ils
snicnt, et lors même qu'ils contiendraient au fond
u ne fausse application ou une violation de la loi(a);
Ca) Voy. plusieurs arrêts de la Cour de cassation, entre autres
des 11 mai 1810 (Sirey, 11-1-15), 24 juin ct 20 octobre 1831
(S.,..31-1-398 et 32-1-283). - Celte Cour a poussé l'applica-
�901
DU DOMAINE PUlILIC.
en effet, les tribunaux n'ont pas plus le droit de
s'immiscer dans les actes de l'administration, que
celle-ci ne pOUl'rait entraver le cours de la justice
ou en réformer les décisions; la séparation con-'
stitutionnelle des pouvoirs s'y'opposed'une maniè:'e
absolue, et les art. 127, S 2, 12S et suivants du
Code pénal portent des peines très-graves ~n cas
d'e~piétement.
Il en est diffëremment en Angleterre, où l'autorité royale elle-même n'a que le droit de faire des
proclamations pour l'exécntion des lois, sans y
pouvoir apporter la moindre modification ou dérogation; les tribunaux, gardiens-nés de la liberté et
du droit commun, do~vent, aux termes de la constitution, quiest pour eux la première loi et qui leur
défend de prêter main-forte à des tentatives illégales, recherchel' d'abord si l'acte du pou voir royal ou
administratif est conforme à la loi; s'ils recon naissent le contraire, leur devoir est de le déclarer et
tion de ce principe jusqu'à décider que la sanction de la loi pénale
ne pouvait être refusée à des arrêtés qui, hien que pris en apparence dans l'intérêt du maintien du hon ordre, n'avaient
évidemment au fond d'autre hut que de créer un monopole en
faveur des communes, et de leur procurer des ressources pécuniaires; par exemple, à ,ceux par lesquels des maires, après
avoir amodié le droit exclusif de faire danser et jouer les jours
de fête, prennent, par suite de cet engagement, un arrêté défendant la danse et les jeux ailleurs que dans le local tenu par
l'adjudicataire (Arrets des 19 janlJier 1837, Sirey, 38-1",,906,
et 23 décemhre 1842; ce dernier, les chamhres réunies, cassant
un jugement du tribunal de police de Dijon).
1'01\1. Il.
57
�D02
TRAITÉ
dc renvoyer aLsous le citoyen qu'aucune peine nc
peut frapper, à raison de ce qu'il se serait refusé à
l'exécution d'un acte illégal (Blackstone~ lois civ.~
lir. l , chap. 7; - Delolme, constitution d~/In·
gleterre~ chap. b); dans ce système, les citoyens
gagnent en garanlÏès et en in.dépcndance ce que
le pouvoir perd e~l force et en moyens d'action.
Toutefois chez nous, il ya une disti~ctionà faire
entre les anciens l'églements de police et les nouve~ux, c'est-à-dire èeux rendus depuis 1790; pour
que ces derniers lient les tribunaux, il faut absolument qu'ils se renferment dans les limites posées
par la législation actuelle, tandis que pour -qlle les
an<:iens soient restés exécutoires, il suffit qu'ils
ne soient pas abrogés, et qu'ils soient relatifs à une
matière non réglée par les lois nouvelles.
On peut citGr comme exemples d'arrêtés rentrant dans l'exercice légal du pouvoir de police et
, de voirie, ceux qui, dans l'intérêt de la sûreté et de
la viabilité de la voie publique, mettent à la charge
des prop'riétaircs riverains l'entretien des rues non
pavées, saufle droit des préfet!> de disposer, suivant
la loi ou l'usage ancien, à l'égard des frais de pre...
'miel' pavage c't d'entretien du pavé (Cour de cas.sation, 17 mars 1838; Journal du droit criminel
'de M. Morin, nO 2139); - ceux qui ordo'nnent
l'extraction de bornes établies devant une maison
'et leur remplacement par des troltoirs (Cour de
càssation, 3 juin 1830 et 18 décembre 1 8 40 ;
Journ. crim. -' nOS 439 et 2912); ou l'arrache·
�DU DOMAINE PUllLlC.
ment d'herbes croissant dans la rue devant les
maisùns (Id., 17 décemhre 1824; Sirey, 25-1188); - ceux qui ordonnent la clôture d'un terrain joignant la voie publique (Cour de cassat.,
2 fiivrier 1837; JOUTll. crim., 2042, et suprà,
pag. 491 et 772); - ceux qui défendent aux propriétaires de cabriolets de remise de les faire stationner, sans y être préalablement autorisés, dans
des lieux ouverts attenants à la voie publique
(Cour de cassation, 21 décembre 1838, Sirey,
39-1-117); - ceux qui déterminent le mode de
station!1ement de certaines voitures, dans les rues
et places d'une ville, certains jours de la semaine
(Courdecas., 23 mars 1832et21mai 1 836; Journ.
crim., nOS 846 et l~h2); ceux enjoignant à
uu habitant d'enlever des terres éhoulées de sa
propriété daus un chemiu public (Cour de cassation, 7 juillet 1836; JOUTlL. crim., nO 2000); CCllX prescrivant aux propriétaires de mai.sons d'établir des gouttières sous les toits et des condujts
sur le pavé (Cour de cassation, 21 novemhre
1834 et 30 mai 1840; JOUfn. crim., nO 1438);ceux défendant le passage sllr rine rivière, lorsqu'ils ont pour objet cl' assurer la slÎrelé des citoyens
(Cour de cassation, 16 oüobre ~835; Journ.
crim.,no 1732; -19 mars lo36,Sirey,36-1- 62 4;
-18 avril 1837, S., 37-1-460); - ceux qui, pour
prévenir les incendies, in terdisenl les construcLÎOJlS
en hais (Courde cassat., 11 mars 183Q ; JOUTIl.
crim., nO 386, et suprà, p. 495); ou les couver-
�90~
TRAITÉ
tures en chaume (suprà" pag. 47 6); - ceux qui
ordonnent à un particulier d'enlever un grillage
par lui -placé -à l'endroit où les eaux entrent dans
sa propriété (Cour de cassation, 29 mars 1838;
Journ. crim." 2204).
Mais on considérerait comme illéga-ux et non
obligatoires ceux qui prescriraient un mode particulier d'architecture, ou une couleur pour le badigeonnage des maisons (suprà"pag. 473 et 742);
- ceux qui subordonneraient tout encomorement de la rue à l'obtention d'une autorisation
préalable, le nO -4 de l'art. 471 du Code pénal ne
prononçant de peine que contTeceux qui encombrent la voie publique sans néc~ssité (Arrhs de
la Cour de cassation des 10 décemore 1824,
Sirey" 25-1-234; 16fëvrier 1833, S., 33-1-318,
et 10 avril 1841 , S., 42-1-43) ; - ceux qui prescriraient une illumination, non pour pourvoir à la
sûreté publique,. mais afiu de solenniser une fête,
ou qui ordonneraient aux habitants de tapisser le
devant de leurs maisons pour une procession ( ArrAts de la mAme Cour du 20 novemhre 1818,
S." 18-1-412; et du 27 novembre 1819, sf/ctions
réunies; S." 20-1-23), ou d'arborer un drapeau
le jour d'une fête (id." 27 janvier 1820; S." 20-1i-58) ; - ceux qui créeraient, pour assurer leur
exécution, des taxes ou contributions non autorisées par les lois (id., 22jëvriet 1825, S." 25-1341); - ceux qui porteraient atteinte au droit de
propriété d'un particulier en lui imposant une seritude sur son fonds (suprà) page 492), etc., elc.
�905
DU DOMAINE POllue,
Au reste, quand un réglement contient tout à
la fois des dispositions prises en dehors. du cercle
des attributions municipales et d'autres 'rentrant
dans les -limites de ce pouvoir, il fant les distinguer et. n'accorder force qu'à celles-ci, en tenant
seulement les premieres pour non avenues, sans
déclarer le tont inefficace. Eu effet) ct chaquè dis)) position dont on vient demander aux tribunaux
) la sanction pénale, doit être examinée dans sa
» valeur intrinsèque et dans ses rapports de con;»
f<.>rmité avec la loi qui a conféré à l'autorité ad» ministrative le droit de faire d~s réglemcnts sur
» des matières déterminées») (Arrgts de la Cour
de cassation des 1 8 janvier 1838, Sirey~
319; et 2 j;tin.1838 , S., 38-1"936).
38~1
2° Les arrêtés qui disposent sllr une matière réglée pur une loi, ne peuvent soit en restreindre ou
cn étendre les dispositions (Cour de cassation ~
10 décembre 1824 et 16 février 1833, Sirey-,
25-1-234) et 33-1-318), soit modifier la peine prononcée par cette loi ou en établir une autre (id..,
20février 1829, Journal du dr. crim.~ nO i 19),
à moins qu'ils ne soient basés sur d'anciens régIements, édits ou ordonnances) dont la pénalité excéderait celle fixée par l'art. 466 dn Code pénal,
cas auquel ils devraient l'y réduire (id.., 11 juùz
1818,17 janvier 1829,12 novem6re,183o, 19
=
janvier 1837 et 17 décembre 1841;
Journal
du dr. crim. ~ nOS 95 et 651, et Sirey.~ 18-1-363.l
30-J-392, = 37-1-831, et 43 -1. '76),.
=
�906
TRAITÉ
Toutefois, et quelles que soien t les dispositions
de l'arrêté sous ce rapport, soit qu'aucune peine
n'y ait été rappelée ( Cour de Douai, 22 aot1t
1828,8.., 29-2-5; C. decassat., 17 janvier 1829;
Jo~rnal du dr. crim., nO 99, et 20 février 1829 ,
8.,30-1-159), soit que celle mentionnée excède
le tauX déterminé par la loi (Arrdts de lad. Cour
des 30 juillet 1806, 4 mai 1810, 12 novembre
1813,10 al'riI1819,'8irey, 19-1-310, et 10 avril
1823), pourvu qu'au fond il soit légalement pris,
les tribunaux de police ne peuveI)t se déclarer incompétents, et ils doivent appliquer l'uue des
peines qui sont di}ns leurs attributions, sans égard
à celle portée dans l'arrêté ou à l'omission qu'il
aurait été faite; omission que le ministre prescrit
même aujourd'hui aux maires, afin d'éviter toute
erreur (Arrdts ci-dessus).
,3° Le point jadis controversé, de savoir si les
,,'
-.
,., ,
arretes munICIpaux ne sont execlltOlres qu apres
l'approbation expresse des préfets, est nettement
résolu aujourd'hui par les deux derniers paragraphes de l'art. I l de la loi du 18 juillet 1837,
qui ne sont que l'application des principes posés
dans une instl'Uction de l'assemblée nationale, approuvée par le roi le 14 décembre 1789 (Note sous
le nO 158 du Tr. du dom. pub. de M. Proudhon., tom. 1 er ). Les expressions de l'art. 50 de"
la loi du même jour, et qui portent que les fonctions propres au pouvoir municipal, sont de faire
jouir les habitants des avantages d'une-bol1ne-po-
�DU DOMAINE PUBLIC.
907
lice, démontrent assez que les maires ont en eux
tm pouvoir suffisant, sans être' obliges de recourir
à l'autorité des l'réfets; car, comme le dit M. Hen~
l'ion de Pansey, cc il est de l'essénce de tout pou~
» voir légalement institué, d'avoir en lui-même le
" degré.d'énergie nécessaire ponr commander l'ou béissance, autrement ce pouvoir n'en serait pas
» un; il Y aurait contradiction dans les mois
» comme dans les choses. "
Cette règle de l'e1l:écution provisoire des réglemen ts de police, sauf seulement la faèulté de réformation par l'autorité supérieure, existait, ail
l'este, déjà dans. notre ancien droit public, ainsi
qùe l'atteste Loyseau, des Seigneuries~ chap. 3,
nO 12, Où il dit: cc Le l'oy ne pouvant tout. scavoir
» ny estre partont, et, par' conséquent, ne 1ui
» estant possible de pourvoir à toutes les menues
» occllrrences qui adviennent en tous les endroits
» de son royaume el qui requièrent d'estre réglées
» promptement, permet à ses principaux officiers
'»
soit d'cs Cours soüveraines, soit ties villes, de
» faire qes !'églements, chacun' au f.'lit de leurs
» charges, qui ne sont pourtant que provisoires ct
faits sous le bon plaisir du roy, auquel seul ap:.
» partient de faire loix absolues et immuables.
)) Mais ces réglements ont Jorce GÎnon jusqu'à
» tant qu'ils soient révoqués soit par le roy, on
» par les successeurs des magistrats qui les ont
» faits ou eocore par eux-mesmes. »
La dispositIon Ci·dessus rappelée, de la loi <.Ill
)1)
�908
,
TRATI'É
18 juillet 1837, fait cependant encore naître une
difficulté, qui est de savoir si, en donnant sur-lechamp son approbation expresse à un arrêté permanent, le préfet Je rend obligatoire avan't l'expiration du délai d'un mois mentionné audit article.
Par deux arrêts eu date des 7 et 20 juillet 1~38
(Sirey~ 38-1-741, eI39-1-206), la Conr de cassa-tion s'était d'abord prononcée pour la négative,
mais par un 3 e du 3 décembre 1840 (S.~ 41 - 1-747),
clle est, mal à propos selon nous, revenue à l'opinion contraire, parce que ce dé.Jai est en faveur des
tiers, et ponr leur donner le temps de se pourvoi.'.
Au reste, le préfet ne pent qu'annuler l'arrêté
ou en suspendre l'exécution, mais il ne lui serait
pas loisible de le modifier; c'est ce qui résulte du
rejet par la chambre des députés, d'un amendement
admis par la chambre des pairs, et qui lui conférait
ce dernier droit, par suite duquel le pouvoir du
maire amait été réduit à celui de faire une simple
proposition.
4° Les préfets pourraient-ils de leur chef et de
plaTta. faire un arrêté de police intérieure pour
toutes les communes de leurs départements? Henl'ion de Pansey leur refusait ce droit, prétendant
que la police appartenait exclusivement aux mai.
l'es. Dans son Introduction aux lois des communes, page 47, M. Dupin adoptaitle même avis,
mais plusieprs arrêts de la Cour de cassation, notamment des 6 février 1824 (Sirey ~ 25-1 -93),
7 octobre Ifh6 (Dalloz~ 27-1-362), 18 janvier
�DU "DOMAINE PUBLIC.
909
1828 (Dalloz, 28-1-99), et 23 avril 1835 (Sirey,
35-1-736), avaientdécidé le contraire.
, Aujourd'hui rart. "15 de la loi du 18 juillet 1837
nous paraît avoir levé la difficulté en restreignant
le droit des préfets au cas où, non pas seulement
il y aurait absence de réglement municipal, mais
où, après en avoir été requis fùnnellément par eux,
les maires refuserai.ent ou négligerai.en t de prendre
l'arrêté; le rejet de l'amendement proposé par la
chambre des pairs, et doni nous "avons "parié plus
haut, démontre évidemment que lè législateur a
voulu que le pouvoir municipal conservât des attrihutions propres et spéciales, dans l'exercice des~
quelles l'autorité administrative supérieure ne peut
se substituer à son gré.
Les seuls cas dans lesquels les préfets pomraient
prendre de piano des arrêtés, sont, d'une part, lorsque la loi les en charge spécialement (par exemple
l'article 21 de la loi du 21 mai 1836), d'un autre
côté, lorsqu'il s'agirait de l'intérêt général du département, et enfin, lorsque des circonstances
particulières, telles qu'une maladie épidémique ou
une épizootie, nécessiteraient une-.. m~sure qui,
pour être efficace, devrait étendre son influence SUl'
plusieurs communes. Ces fonctionnaires agiraient
alors, noo en vertu dü pouvoir municipal dont ils
ne sont point investis,mais en leur qualité d'administrateurs et comme agents du poucvoir exécutif,
auquel seul il appartient de faire les réglements qui
concernent l'ordre public et la sûreté générale.
�910
TUAlTÉ
D'après l'art. 17 de la même loi Ju 18 juillet
1837, les conseils municipaux peu\Tent'allssi faire,
pour ies ohjets qui' y sont prévus, des réglemérils
dout une ordonnance royale, en date du 18 décembre 1838, détermine le mode de publication et
de misé à exécution.
,5° Pour qu'un réglemcnt de police soit ohl!gatoire, il faut, à l'exemple de la loi, que ses dispo~
.Bitions compl'ennent la généralité des personnès
ou l'univérsalité des choses sur lesquelles il statne
omnes homines, resve, et qu'en même temps
elles ne s'appliquent qu'à l'avenir : cc Les ré" glements, comme dit encore Loyseau, plus haut
» cité (des' Seigneuries, chap. 3, nO 14)~
» ne diffèrent de la loi qu'en deux points: l'un,
» que la loi est faite par le souverain, et le régle» nient par le magistrat; l'autre, quela loi est pom
» tons ceux de l'état, et le réglement n'est que
» pour ceux de la juridiction du magistrat; » autrement ce ne serait plus ul? réglement, mais un
vrai jugement. La différence entre ces actes consiste en ce que l'nn dispose snI' des masses et
l'autre sur des individus ou choses particulières;
le premier s'occupe essen tillement de Pavenir, ct
le second se rapporte principalement à des faits
passés; enfin, celui-ci est une disposition d'utilité, tandis que celui-là est un'e détermination de
ce qui est droit.
Delàill'ésulte, d'une part, cc que les dispositions
» d'un arrêté de police, relatives à des individus
�DU DOMAINE
l'mILle.
911
considérés privativement, ne partiCIpent point
l'autorité et de l'effet que la loi attribue aux
» réglements de police; » ce sont les termes
mêmes d'un arrêt de la Cour ùe ,cassaLÎon du 24
aoùt 1821-, qui a décidé, avec beaucoup de raison,
que l'adjudicataire d'un bail pour l'enlèvement des
illlmondi4Cs d'une ville, ne peut être condamné à
des peines de police pour contravention aux dispo·.
s~tions d'un arrêté municipal, qui déterminent ses
obligations (a), ct, d'un autre côté, que lorsqu'il
ex~ste un réglement général, le maire même qui
en est l'auteur, ne peut dispen&er un citoyen de
l'exécuter, tellement que la permission contraire
la plus formelle qu'il aurait donnée, Ile doit pas
empêcher le tribunal de police de prononcer la
peine encourue (.Arr~tsde la Cour de cassat.
des 18 avril 1828 , Sirey, 28-1-440; - 1 er juillet 1830, Sirey, 30-1-365; - 30 juin I~B2,
S., 32-1-640; - 19 décemhre 1833 ~ S., 34-1»
» (lé
262; - 23 avril et 29 mai lH35, S . ., 35-1-7 36 ;
- et 15 déèemhre 1836, S., 37-1-827), parce que
ce serait faire· un téglement spécial pour un individu, en l'exemptant de se conformer -au réglement général, et ainsi créer un privilége (priva
lex) que n'admet pas l'égalité devant la loi proclamée par l'art. 1 er de la Charte et pal' l'art. 3 dü
.Code civil.
(a) Sirey, 22-1-49, et autre arr~t de la même Cour du 16
février 1833, S., 33-1-776; Legraverend, Légis. crim., tom.
2, pag. 304.
�912
TlWTÉ
Cependant il est des circonstances dans lesql.!elles un maire peut prendre nn arrêté relatif à
un seul individu, comme lorsqu'il lui ordonne
d'enJever des dépôts indûment faits sur la voie
publique, ou de démolir un bâtiment menaçant
ruine ou constl'llit en dehors de l'alignement,
etc., etc. ; mais alors c'est moins un arrêté proprement dit, qu'un procès-verbal par lequel le magistrat municipal, en constatant une contravention
à une loi ou à un arrêté préexistant, constitue le
contrevenant en demeure, et lui fait sommation
de rétabl~l' les choses dans leur ancien état; c'est
mal à propos que cet acte est revêtu de la forme
"
d es arretes, ce n est, au 10n
rd
' une
exteneure
,qu.
injonction, valable comme se référant à un réglement antérieur, mais sans effet, si elle avait pour
but de prescrire une mesure même utile et de la
compétence de l'autorité municipale, qui n'aurait
point été précédemment ordonnée par une loi 011
par upe disposition d'intérêt public et général consacrée par l'administration (Arr~ts de la Cour
de cassat. des 15 avril et 2 octobre 1824; Dalloz~ Bec. alph.~ vo. auto munici.~ p. 14:?o et 147;
- 19 aot1t~ 8 octobre et 15 décembre d~36, Sire'y~ 36-1-406, et 37-1-451 et827; - et 2jéYJ:ier
1837, S. ~ 37-1.827)'
6° Du principe d'Încon testable vérité inscrit dans
les lois romaines (notamment dans la L. 6, cod.
de oper. pub.), et rappelé par Dunod (tr. des
prescript. ~ page 7]), ainsi que par M. Troplong
À'
,
�913
DU DOMAINE PUBLIC.
(même traité,
134, 139 et 140) , que
l'on
.,> ne prescrit pas contre les lois de police géné" l'ale, soit que ces lois aient pour objet la sûreté
" ou la salubrité publiques, soit qu'elles ne con» cernent que l'ornement et l'embellissement
" d'une cité; » praescriptio longi temporis juri
publico non debet obsisteïe, il découle plusieurs
conséquences importantes:
La Ire, que les réglements de police ne s'abrogent point par simple désuétude ou défaut 'de mise
à exécution, quelque temps qu'ait duré le non
usage, et que si ]a peine ou les dommages-in térêts,
pour ce qui est"accompli, sont prescriptibles, il n'en
peut résulter le droit de renouveler les faits qui
constituent l'infraction (Arrêt de la Cour de
nOS
cc
cassat. du 23 juillet 1836, Sirey, 37-1-245).
La 2 e , que même un usage positif contraire,
quoique ancien et général, ne saurait prévaloil'
contre les dispositions prohibitives d'un réglement
intervenu dans un intérêt d'ordre public; la possession immémoriale n'étant d'aucune considémtion en cette matière, et la bonne foi résultant de
la tolérance de l'autorité et de Pexemple du plus
grand nombre, ne pouvant jamais être admise
comme motif d'excuse (Arrêts de la Cour des
23juilletl836, Sirey, 37-1-271; et 22 septembre
suivant, S., 37-1-600).
La 3 e , que l'arrêté municipal, ou le fait de son
exécution, ne pourrait être pris pour tl'Ouble par
celui que l'on voudrait contraindre à s:y confor-
�9U'
TRAITÉ
mer, et ainsi'ne saurait donner lieu à <lction possessoire; cette action n'étant recevable que là où
]a prescription est admissible ( Curasson" traité
de la compétence des juges de'paix" ').8 édit."
tom. ler,pag. 61, et tom. 2, pag. 373).
On ne pourrait pas davantage exciper contré un
réglement pris dans le cercle des attl:ibutions municipales, soit d'un titre exprès qni conférerait la
faclilt'é de faire ce qu'il défend ou de s'abstenil' de
ce qu'il prescrit, soit du droit de 'jouissance et de
disposition qui appartient, de la manière la plus
étendue, au maitrc sur sa chose, ét que les lois
romaines qualifiaient même de jus abutendi.
cc Quelqu'absolu que soit le droit de pràpri~té,
» dit le jurisconsulte qui vient d'être cité (tom. 1 er,
» pag. 61);' son exercice demeure néanmoins
» soumis aux restriction!> que peuvent y apporter
» les lois et réglements dans un intérêt général
:» (art. 544 ,Cod. cil'.); si, par exemple, certains
» dépôts sont prohibés sur des teJ:rains joignantla.
» voie publique, ou qu'il soit défendu d'y étaler
» des marchandises, le propriétaire dirait cn vain
" que chacun est libre de faire de sa propriété çe
» qui lui convient; cette liberté peut êtl'e' res» treinte par des mesures de police tenant à la sa~
» Illbrité, à la sùreté publique ou à l'ordre que
» l'autorité municipale a le droit d'établir. » Dl1nod, à l'endroit ci-dessus cité, en donne pour
raison, que cc le public et les souverains ont tou» jours mi domaine éminent et supérieur, auquel
�DU DOl\IAli'iE PUD-UC.
;,
"
"
"
"
915
lès particuliers sont censés avoir consenti quand
ils ont formé les sociétés, et qu'ils peuvent, en
vertu de ce domaine, disposer des biens des particuliers, quand la nécessité et l'utilité du puhlic le demandent; » mais il ajoute, que c'est
cc à la charge toutefois de les dédommager. "
7 0 Cette dernière réfle~ion nous conduit à examiner si effectivement, lorsque l'exécutÎon d'un
arrêté de police cause quelque dommage allx citoyens qu'il ~tteint, ceux-ci peuvent être fondés 'à
réclamer une indemnité.
Il est d'abord une certaine catégorie de ces arrêtés, et c'est la plus nombreuse, par rapport à
laquelle la question ne saurait même s'élever; nous
vonlons parler des mesUl~es prises par l'autorité
municipale relativement à l'usage, soit de la voie
-puhlique, soit des propriétés, édifices ou établissements communaux. Comme ces objets n'appartiennent pointaux particuliers, il est bien certain que
l'~utorilé peut, ou, en en pennettantla jouissance,
y apporter telle restriction qui lui paraît utile, ou
même la retirer complétement, sans qu'ilY ait lieu
à aucun dédommagement; c'est ainsi 'que les réglements relatifs à la sûreté du passage dans les
rues, et concernant les saillies, les étalages, les
gouttières, les encombrements, les' dépôts momentanés, les enseignes, le jet ou .t'exposition audevant des maisons d~ choses de nature à nuire par
leur chute, la conduite des chevaux et voitures,
etc., etc., ne peuvent jamais, quelque rigoureux,
�916
TRAITÉ
gênants on dommageables qu'ils soient, motiver
a ncu ne demande en indemnité, parce qu'ici le maire
agit non-seulement en vertu de son droit de police, mais aussi comme usant du droit de propriété
de la commune, et que, par suite, les particuliers
n'éprouvent aucune lésion dans ce qui leur ap.
partient pri~ativement.
Il est bien vrai, ainsi que nous l'avons reconnu
suprà~ nO 570, pages 343 et suivantes, que les riverains des voies publiques y prennent leurs vues et
leurs issues à titre de servitude proprement dite;
mais comme ces dl'Oits ne sont eux-mêmes que le
résultat d'une concession gratuite qui est faite par
la loi, il est certain que le législateur a pu y imposer la condition de n'en jouir que sous les restrictions qui seraient commandées par l'intérêt
public, et jugées nécessaires par l'autorité locale;
en sorte qu'il n'y a jamais privation d'un droit
acquis et absolu.
Quant à la seconde catégorie, comprenant les
mesures par lesquelles l'autorité municipale porterait atteinte, dans l'intérêt général, à une propriété privée, en en restreignant le mode de jouis7
sance et la disposition, il faut distinguer entre
celles qui auraient pour objet de procurer un avantage au public, et celles qui tendraient senlemen.t,
au contraire, à réprimer un abus, ou à etnpêqher
une chose nuisible à la sùreté, à l'orJre ou à la salubrité publiques.
Ces dernières, qui, aux lermes des lois de 1790,
�917
DU DOMAINE PUBUC.
1791 et 1837, ci·dessus citées, peuvent seules
constituer un réglement de police proprement dit,
ne doivent jamais donner lien à indem'nité pour
les privations qu'elles im posent, parce qu'en pareil
cas, il ne saurait y avoir de droit acquis soit par
titre, soit par possession. Quelqu'absolu qne soit
le droit de pl'Opriété , il ne confère pas la faculté
de jouir de sa chose d'une manière nuisible à autrui ct surtout ail public; l'art. 544 l'exprime
positivement par ces mots: «Pourvu qu'on n'en
» fasse pas un usage prohibé par les lois et par les
» réglements.» Ainsi, et après une tolérance
même de plusieurs siècles, l'a utorité peu t défendre,
dans l'intérieur des 'villes, les constructions en bois
et les couvertm'es en chaumc, l'élévation des hâtiments au-delà d'une certaine hauteur, la préparation des feux J'artifice, l'entrepôt ou la fabrication
de matières produisant des exhalaisons nuisibles,
L. détention d'animaux tels que porcs, lapins, etc., répandant une odeur insalubre, le curage des lieux
d'aisances pendant le jour et sans certaincs précautions, la suppression de privés et d'égOûls
donnant dans un cloaque commun, le débit. ct
même la simple exposition cn vente de substances
nuisibles à la santé ou de viandes malsaines, etc.,
etc. Ces prohibitions portent, en effet, sur autant
d'abus qui ne se prescrivent jamais et qui appellent
sans cesse une réforme: c( Le temps, quelque long
" qu'il soit, dit Dunud, loc. cit.~ ne cOllvre pas
» l'abus et ne l'autorise pas: abusus enim perTOM. II.
58
�91'8
TUAITÉ
petuo clamat; il peut toujours être proposé et
» réformé, en choses importantes et qui blessent
» la discipline, Je bon ordre et le droit public. On
» ne prescrit point contre la police générale, l'uti·
» lité et la sûreté publique....• » Vainement on
exciperait mêrilc d'une permission formelle; elle
ne saurait lier l'autorité qui-l'aurait donnée, et
pourrait toujours être révoquée soit par celle-ci,
soit par 'ses supérieurs, parce que nul pouvoir n'a
qualité pour consentir un pacte perpétuel de cèttc
l1ature et pour compromettre des droits .inaliénables; il ya plus, C'est que l'autorisation n'en serait
pas moins essentiellement précaire, lors même
qu'eUe aurait été accordée à prix d'argent; elle ne
se convertirait pas pOUl' cela en droit, et pour la
retirer, il ne serait pas besoin d'expropriation proprement dite; un simple ordre de l'administration
suffirait; seulemen t la somme versée devrait être
restituée, condictione caustl dattl, callstl non
secutd, parce qu'elle se trouverait sans cause entr~
les mains de celui qui l'aurait reçue (a).
»
.
,
(a) Au reste, un semblable pacte serail également nul, mais
alors pour défaut de cause, si la chose qui en fait l'objet n'avait
rIen de nuisible et n'était point prohibée; c'est ce qu'a jugé la
Cour de Bruxelles, le 22 février ]811, par l'arrêt suivant, rapporté au Recueil alphabétique de Dallo.z (tom. 12, VO voirie)
pag. 1010) : Attendu que, par la convention du 29 messidor
» an 11, les appelants se sont engagés, envers le maire de Rep» pelen , à payer à la commune une somme annuelle de 600 fI'.
1> pour prix de la permission que ce maire leur donnait, par le
Cl
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
919
Si, au contraire, les mesures prescrites par l'autorité municipale, et porlant atteinte à la propriété
privée, avaient ponr objet, non de réprimer nn
abus, mais de procurer un avantage ail puLlic et
de faire une amélioration, alors, quoique prises
sous la forme d'arrêté, elles ne constitueraient
point un réglement de police proprement dit,
dies équivaudraient à une expropriation, et,
par suite, donneraient lieu à une indemnité
ponr réparation du dommage;. c'est ainsi que
la modification apportée au niveau du sol d'tl11e
» même acte, de biltir un moulin à vent dans la commune et
" sur leur propriété particulière; -qu'il n'entre pOlnt dans les
» attributions du maire de refuser ou d'accorder, pour une
" somme d'argent, à un propriétaire, la faculté de faire sur son
fonds une construction quelconque, pourvu qu'elle ne soit
.. pas contraire aux lois sur la police ni au bien public; " qu'il a été reconnu, par l'autorité supérieure, que la construc" tion dont il s'ngit n'était pas en opposition avec les lois et les
.. réglements sur la police, et qu'elle ne compromettait point la
.. sûreté publique; qu'il s'ensuit qué cet établissement ne devait
trouver aucun obstacle dans la personne du maire; que cen lui-ci, en mettant un prix il une permission de bâtir, qu'il
» ne pouvait ni accorder ni refuser, et, en la vendant aux ap" pelants pour une rente, a induit ceux-ci à s'imposer une
" obligation sans cause; ce qui, d'après l'art. 1131 du Code
n civil, détruit l'effet de la convention. »
Ainsi, il ne peut jamais y avoir tra~action en ce qui touche
il l'ordre public, car de deux choses l'une: ou le fait sur lequel
on pactise moyennant une somme, est défendu, et alors la convention est-nulle comme ayant une cause illicite; ou il est permis, et alors il n'y a plps de ~::illse.
l)
�920
TRAITÉ
voie publique, et qui aurait po'ilr effet de priver les
propriétés riveraines de leurs issues ou de quelques aisances; que la suppression de fenêtres ou
portes, nécessitée par la rectification d'un alignement; que l'essartement d'une forêt sur une certaine étendue le long d'une route; que l'obligatiou
pour un .propriétaire dont le sol est naturellement ,plus bas que celui de la rue joignant, d'élever un mur de soutenement ·avec parapet; que la
,défense,'imposée par l'arrêté du pré.fet aux riverains
des chemius yicinault, de planter des arbres ou
haies sur leurs bords si cen'est à une distance excédant celle prescrite par le Code civil, entraîneraient
un déllommagement, parce que, dans tous ces cas,
il y a attein te portée à un droit légitime et acquis,
tort causé à 'une propriété privée, création d'un
-avantage pour le public, et non pas seulement répression d'un abus et rétablissement des choses
ilans leur état normal. C'est à ces hypothèses
. seules que s'applique évidemment le passage de
Dunod 'que nous avons rapportéci.dessus, el dans
lequel il fait principalement allusion à l'expropriation pour cause d'utilité publique.
8° Les arrêtés de police peuvent-ils avoir, à la
différence des lois, un effet rétroactif? - Voyez,
à cet égarJ, suprà ~ pag. 496 et suiv.
9° Lesréglemeuts municipaux obligent en général
tous ceux' qui se trouvent, même momentanément,
sllr le territoire de la commune pour laquelle ils
ont été pris; c'est une application de J'art. '3 du
�DU DOllfAINE PUBLIC.
921
Code' ~ivil, qui, en parlant de ceux qui habitent
le territoire, entend évidemment y comprendre
les personnes mêmes qui ne font qu'y passer. cc Un
» souverain ne peut commander qu'à ses sujets,
» dit Toullier, tom. le'l', nO 112; sa puissance ne
» s'étend point sur les étrangers. Cependant, s'ils
» viennent habite)' son territoire, 's'ils y voyagen t,
>, ils sont ceilsés se soumettre aux lois et aux sou» verains du pays. Les lois de l'hospitalité, 'lui
» dérivent du droit naturel, exigent que tout
» étranger respecte les lois du pays où il passe ou
D
d'ans lequel il, réside, et qu'il s'y son mette ;
" d'autant mieux que d'ans le cours de son voyage,
» et pendant le temps pl~s ou moins long de sa
" résidence, il est protégé par 'ces lois.» Romae
si viveris, romano viyito more. Toutefois, par
rapport aux réglements de police, il fant faire une
exception pour les faits qui nc sont pas de nature
à s'accomplir complètement sur le territoire même
de la commune, ct qui ne SOIlt, an contrai,te, q~e
la continualion de faits indivisibles, licites en euxmêmes, ayant commencé et devant se continuel'
ailleurs; il'cst évident alors que le réglemcntlocal
ne saurait les atteindre; cette restriction forcée explique un arrêt de 'la Cour de cassation dn.23 avril
1842 (Sirey, 42-1-878), quia rejetéle pourvoi contre nn jugement d'nn tribunal de police, ainsi motivé: cC Considérant que les réglements émanés de
" l'autorité municipale ne sont ohligatoir'cs que pour
~, les habitants de la commune pour lesquels ils
�922
ont été faits; que, dès-lors, ils ne sauraient SOllmeUre à leur empire des individus étrangers ~
:n la commune et qui se trouvent momentanément
» sur le territoire. " Le principe ainsi posé d'une
manière générale est évidemment faux; mais l'application qui en avait été faite dans l'espèce ne
pouvait encourir la censure de la Cour suprême,
en ce qu'il s'agissait d'un arrêté du maire de Dun':
kerque qui interdisait aux voitures de charge de
circuler dans la ville sans être munies d'un long
timon et d'une plaque portant le nomet Je domicile
du propriéLaire; conditions véritablement inexécutahles pour les voitures venant du dehors.
10° Quand l'application d'un arrêté de police est
contestée devant le tribunal, ilfaut, pour résoudre
la difficulté, faire plusieurs distinctions tirées de
la nature du moyen proposé.
Si l'exception est fondée sur ce qu'en droit~
l'arrêté aurait été pris en dehors des attributions
de l'autorité municipale, Je juge doit y statllerlui·
même, ainsi qu'on l'a vu suprà~ pag. 899Si c'cst parce qu'en j'ait ~ l'arrêté ne porterait
partlr tel objet ou nc s'étendrait pas à telle personne, le juge de police est encore compétent pour
'prononcer, parce qu'il s'agit ici d'une interprétation, et que le trihunal saisi d'une contestation, a
le droit d'interpréter la loi ou le réglement qui en
tien t lieu.
Si c'est parce qu'un pourvoi aurait été formé
cont~e J'arrêté, le trihunal devrait passer outr~,
»
»
�DU DOM.A1NE l'Ullue.
923
parce que le réglement doit être exécuté tant qu'il
subsiste, et qu'un recours, quoique légalement
constaté, ne peut ni suspendre l'exécution des mesures prescrites, ni soustraire ceux qui ont négligé
ou refusé de s'y conformer, aux peines encourues
par leur con traven tion (A rr~t de la Cour de cassation ~u 9 mai 1~b8).
Si c'est parce qu'on soutiendrait l'incapacité du
fonctionnaire qui aurait. pris l'arrêté, par exemple,
d'un conseiller municipal ayant agi à la place du
maire, il y aurai\; lieu de surseoir et de renvoyer à
l'autorité administrative (Arr!tde la m~me Cour
du 3 janvier 1830).
Si c'est enfin parce que le contrevenant
proposerait une exception préjudicielle, le juge
devrait, selon les cas exposés ci-dessus, pag. 538,
et suivantes, ou surseoir ou statuer sur-lechamp.
11 0 Aucune autorité n'a le droit de dispenser de
l' exécu tion des arrêtés pris légalernen t; ainsi l'entrepreneur des travaux du génie ne peut se soustraire'à la peine par lui encourue pOlir contravention de police, sur le motif qu'il n'aurait fait
qu'exécuter les ordres de l'autorité militaire (Arr.
de la Cour de cassat. du 28" aot1t 1829; Journ.
du droit criminel, nO 212, - 13 novemh. 1835,
Sirey, 36-1-31 1, - et 25 juin 1836, chambres
réunies; S., 36-1-846). Cependant, et par une
excepti01~ fondée sur la nature du scrviee qu'elles
font, les malles-postes ne sont soumises qu'aux ré·
�924
TlLUTÉ
glements de l'administration spéciale qui les dirige,
et les arrêtés des administrations locales, non plus
que les dispositions de l'ordonnance royale du 16
juillet 1828 sur les voitures publiques, ne leur sont
point applicables (Arr. de lad. Cour des 25 avriL
1840 et 4 novembre 1841; Sirey.. 41-1-240 et
42 - 1 -7 1 ).
12° Les tribunaux de police ne pcuvent ni ad'7
mettre l'excuse tirée de la bonne foi (voy. suprà..
pag. 536, et Cour de cassat ... 23 juillet 1836;
S ... 37-1-271) ; - ni refuser d'appliquer un réglement, parce qu'il entraînerait des inconvénients ou
qu'il scrait d'une exécution difficile (mgme Cour
des 24 juin 1831, Sirey.. 31-1-398; - 20 octobre 1831 , S ... 32-1-283); - ni relaxer le con trevenant sur le motif qu'avant de comparaître devant
le tribunal, il aurait exécuté l'arrêté (Id... 14 mars
1833,'S., 33-1-488);-ni suspendre l'exécution des
réglemeuts en accordant au prévenu un délai déterminé pour se conformer à ses dispositions, parce
qu'en cela ils usurperaient une portion du pouvoir
mu nicipal, juge exclusif de l'opportunité et'de l'urgence de la mesure (Id... 18 décembre 1840, S~ ..
41-1-139; et mgme date.. S., 42-1-73). Mais ils
doivent examiner la question de discernement par
rapport aux prévenus de contravention âgés de
moins de .seize ans (Arr. de la Cour de cassat.
des 20 janvier lS37, Sirey, 3~.1-906; et 10 juin
1842, S ... 42-1-832). cc La règle consacrée par
» l'art. 66 du Çode pénal, disent les auteurs de la
.
�DU DOMAINE PUBLIC.
»
Théorie de ce
Code~
925
MM. Chauveau et Hélie,
» tom. 2, pag. 187, résulte en effet de la nature
des choses; elle se puise dans les lois de la naturc humaine, dans l'étude des progrès de l'in..,
" telligence de l'homme. C'est une' loi générale
» qui domine toutes les lois, une règle commune
»' qui plane sur toutes les législations, car elle
» prend son origine dans un fait commun à toutes
» les actions de l'homme, son ignorance présumée
'» de la criminalité 'de ces actes jusqu'à l'âge de
'» seize ans accomplis. ». Cependant MM. Carnot
(Comm. du Code pén.) et Le Sellyer (Tr. des
act. pub. et priv., tom. 1, !LOlOS) professent une
opinion contraire. Au reste, le prévenu acquitté
pour défaut de discernement, doit être condamné
aux frais (Arr. ci-dessus~ et autres de la fniJme
»
»
Cour des 18jëvrier 1841, S., 42-1.189,- et
d~
,;u:irs 1842, S.~ 42'1-46!».
1
3° Outre la condamnation à l'amende' et aux
dommages-intérêts pécuniaires, les jugéments
doivent ordonner la démolition de ce qui a été fait
en contravention à l'arrêté (voyez sup., p. 519)'
14" Il résulterait d'un arrêt du conseil d'état du
25 septembre 1834 (Sire'y~ 35-2-507)' <lu'un arrêté municipal ne serait plus susceptible d'être
réformé, ni par le préfet, ni par le ministre, ni par
le conseil d'état, lorsqu'il aurait servi de base à des
condamnations passées en force de ~hose jugée
contre le réclamant.
15° Quand la contravention a été eonmme par
�926
TRAITÉ
un domestique ou un ouvrier, eu exécution des or·
dres de son maÎlre, celui-ci est lui·même punissahIe comme auteur de l'infraclion, et non pas
seulement civilement responsable (Cour de cassat.~ 6 mars 1834, Sire'y~ 34-1-443); il n'est
pas même nécessaire qu'il y ait ordre exprès lorsque le maître exerce une industrie que les régleluenrs soumettent à certaines obligations, parce
qu'alors il doit veiller à leur exécution, et que sa
négligence constitue seule, et indépendamment de
t.out :fait actif personnel, la contravention (mdme
Cour, 15 janvier 1841, S.J 4]-1-149, et 4 juin
1842, S., 42-1-885). Mais à part ces cas, où il y
a faute i~putahle à celui qui n'est pas l'auteur direct de la contravention, la condamnation ne peut
être prononcée que contre ce dernier, lors même
qu'il serait mineu l' sous la puissa nce de ses père et
mère, qui alors sont seulement responsables civi-:
]ement (même Cour, 2.8 septemh. 1838, S., 391-445).
16° Le 2 e alinéa de l'art. 483 du Code pénal,
qui rend applicable aux contraventions de police
l'art. 463 du même Code, sur la réduction de la
peine en cas de circonstances atténuantes, s'étend
à tous les cas, qu'il Y,ait ou non récidive (ArrQt
de la Cour de cassat. du 1 er jëvrier 1833; S."
33-1-319)' au moyen de quoi les art. 471, 473,
474 ~ 47 5 , 476,478,479,480 et 482, ne formen~
- plus, sons le rapport du minimum ~ qu'une seule
disposition dans laquelle le juge pent choisi., de 1
�DU DOMAINE rUBLIC.
927
franc à 15 fr. d'amende, et d'un jour à cinq jours
d'emprisonnement la peine à appliquer selon les
circonstances; la seriJe différence avec l'art. 606
du Co(le du 3 brumaire an 4, qui n'avait établi
pour tous les cas qu'une seule catégorie de peines,
limitée par unmaximum ct un minimum uniques,
c'est qu'aujourd'hui les contraventions sont divi:
sées en trois classes ayant chacune son maximum
de pénalité que le juge ne peut excéder; mais ponr
tau tes, le minimum est égalemen t de 1 fI'. d'amende.
17<> Les dispositions relatives à la complicité,
dont les caractères généraux sont définis par les
art. 59, 60, 61 et 62 du Code pénal, ne s'appliquent qu'aux crimes et délits-, ct nullement aux
simples contraventions, à moins d'nn texte formel,
comme celui unique dans ce Code, du nO 8 de son
art. 479 (Arr. de la Cour de cassat. du 21 avril
1826; Bullet. crim.~ nO 80). - Il en est de même
de la solidarité prononcée par l'art. 55 du même
Code (voy. suprà, pag. 533).
18° Nous terminerons ces notions sur les arrêtés municipaux et sur leur application par les tri}moaux de police, en disant que l'article 365 dn
Code pénal, qui prohibe le cumul des peines, est
général, et par snite applicable aux simples contraventions comme aux délits (mdme Cour ~ 2.3
mars 1837, S.~ 37-1-365;=22février 184o;=ei
15janvierI841, S.~ 41'1,146).
�928
TRAITÉ
110 TRIBUNAUX CORRECTIONNELS ET COURS
ROYAI.ES
(.chambres.,
correctionnelles).
603 quater.
Lzs
TRIBUNÂUZ DZ
poucz·
COJlRZC-.
ont dans leurs attrihutions :
Les appels des jugements des. tribunaux de
police municipale qui prononcent un emprisonnement ou des amendes, restitutions et autres réparations civiles excédant la somme de 5. fr., outre
les dépens (art. 172, Cod. d~inst. crim.). Ce
qu.'il y a de particulier en cette matière, c'est que
ce n'est point la quotité de la demande qui détermine le premier ou le dernier ressort, mais hien
celle de la condamnation; en sorte, qu'en cas d'ah·
solution il ne peut y avoir appel;
. 2° La répression de tous les délits relatifs aux
chemins publics, l'IleS, ainsi qu'à la destruction
des arhres, fossés, haies; hornes, travaux d'art, etc.,
qui so~!. punis d'une peine excédant 15 fI'. d'amende ou cinq jours d~emprisonnement, notamment dans les cas prévus par les art. 444, 445,
446, 448, 466 et 457 du Code pénal.
M. Garniel' (Traité des chemins~. pag. 447,
e
4 édition) pense que l'art. 438 du Code pénal
relatif à ceux qui, par voies de fait, se seront opposés à la confection de travaux autorisés par le
gouvernemcnt, n'cst ,point applicable aux travaux
exécutés sur les chemins vicinaux ou à }'extraction des matériaux destinés à ces voies, si ce n'est
peut-ètre que lorsque Îes ouvrages auraient été
TIONNZLZ.Z
.
1°·
�DU DOMAiNE PUBLIC.
929
autorisés et adjugés dans la forme suivie pour ceux
du gouvel'llement.
Dans tous les cas, il est hors de doute. que la
simple opposition à l'exécution de travaux publics
ne cODs-tituerait pas un délit, s'ils étaient entrepris
sur le terrain d'un particulier avant que les for.
malités prescrites soit par la loi du 3 mai 1841, soit
parles art. 15, 16et 17delaloidu21 mai 1836,
eussent été remplies (Arr~ts de la Courdecassat.
du 4 mars 1825, et du cons. dJétat du 16février
1826, Meiihou); il en serait autrement cepen~~lDt des travaux préparatoires 'de levée de plans
autorisés par arrêté du préfet.
3° ta répression même des simples contraventions de police qui leur sont directement déférées,
lorsque la partie publique ou la partie civile ne
demande pas le renvoi (Art. 192, Cod. dJinstr.
Cril'(l.j.
LES CHAMBRES CORRECTIONNELLES DES COURS ROYALES
connaissent de l"appel de tous les jugements des
tribunaux correctionnels, quelle que soitla quotité
de la peine requise ou prononcée; ces tribunaux,
en effet, ne jugent jàmais en dernier ressort (art.
199, Cod. dJinst. crim.) , si ce n'est sur l'appel
des sentences des tribunaux de police municipale,
ou lorsqu'ils statuent de pIano sur une simple
contravention, conformément à l'art. 192 dn même
Code d'in st. crim.
111°
603 quinquiès.
COURS D'ASSISES.
Le seul crime relatif aux
�930
'l'UAITÉ
voies publiques est celui de destruction 0\1 renversement volontail"e, par quelque moyen que ce soit,
en tout ou en parLÎe, des ponis, digues, chaussées
ou autres constructions Je cette nature élevées
pour leur usage ou leur protection. La peine prononcée dans ce cas par ltart. 437 du Code pénal, est
la réclusion et une amen Je qui ne peut excéder
le quart des 'restitutions et indemnités, ni être audessous de 100 fr.
IVo
COUR DE CASSATION
603 sexiès.
(section criminelle).
Les arrêts et jugements rendus en
dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle ou de police, ainsi que l'instrucLÎon et les
poursuites qui les ont précédés, peuvent être annuIlés pat la Cour de cassation dans les cas et avec
les formes déterminées par les art. 408 à 442 du
Code dtinstruc. crim. (art. 407 dudit Code) .
•
�DU DOMAINE PtJllLIC.
931
CHAPITRE XXXII.
Des chemins publics autres que les grandes routes et les
chemins vicinaux.
604. Comme on l'a vu dans les chapitres qui
précèdent, les chemins vicinaux sont ceux qui ont
été établis ponr ouvrir 0\1 faciliter les communications rurales les plus importantes, ou pour correspondre entre les chefs-lieux de canton, ou chefslieux de marchés, et arriver aux grandes routes.
Mais, outre cette première .espèce de chemins
ruraoux, qui a reçu une classification légale à part,
il en existe une autre beaucoup plus nombreuse,
et qui comprend toutes les voies de communications publiques établies soit pour l'usage intérieur
des communes, soit ponr le passage d'un village à
un autre, sans qu'on aperçoive ou qu'on sache qu'il
y .ait eu aucune iutervention de la part de l'autorité publique pour en ordonnel' l'établissement
ou pour les classer au rang des chemius vicinaux.
C'est de cette seconde espèce de chemins publics
que nous avons à nous occuper dans le présent
chapitre Ca).
(a) Ces chemins sont généralement connus sous le nom de
chemins de traperse; expressions que l'art. 448 du Code pénal
emploie par opposition à celle de vicinal.
Les Romains les désignaient sous le nom de trames., et Bou~
thillier, en sa Somme rurale, pag. 497, sous celui de lrapers.
Les coutumes avaient d'autres dénominations: on l~s appe-
�932
TRAITÉ
. Il n'y a pas de commune, si petite qn'elle soit,
qui n'offre dans son territoire plusieurs voies publiques formées par. le temps pour commun.iqller
avec les villages voisins, et souvent les moindres
hameaux sont traversés dans tous les sens par ces
sortes de chemins. Or on sent que pour réglementer d'une manière positive et spéciale la direction
et l'entretien de lous ces chemins, il faudrait descendre dans des détails si multipliés, que l'administration publique ne pourrait y suffire; c'est
pourquoi les soins de cet entretien son t abandonnés aux officiers municipaux et aux hahitants des
lieux, sauf recours à l'autorité supérieure lorsque
les èirconstances exigent à ce sujet J'approbation
de certaines mesures ou de dépenses auxquelles il
nepollrrait pas être suppléé par le moyen de la
corvée volon taire.
605. Le vœu de nos lois par rapport aux chemins vicinaux n'a jamais été de comprendre dans
cette classe toutes les communicaLÏuns publiques
qui existent dans les campagnes, mais seulement
célles qui seraient reconnues être les plus importantes; et quels que soient les soins apportés par
lait finerots en Bourgogne, carrières ou charrières dans le Valois, l'Artois et le Beauvoisis, cltarruaux en Poitou, châtelains
dans le Boulonais, chemins de terroir aussi en Artois, voisinaux
en Touraine, sentiers, sentes ou pié-sentes en d'autres en....
droits, etc. , etc.
Dans sa circulaire du 16 novembre 1839, le' ministre les
qualifie de chemins ruraux.
�933
DU DOMAINE PUBLIC.
les préfets pour faire celte reconnaissance, il ne
faut pas douter qu'il n'en existe encore un graml
nombre qui ne leur auront point été signalés, et
que les officiers municipaux, de concert avec les
habitants, aUl'Ont voulu laisser à l'écart, pour se
soustraire aux ùépenses d'établissement et d'ent,retien, dont le rôle serait renùu exécutoire contre
eux si le chemin était déclaré vicinal.
'
Souvent même cette omission' ne pour:rait être
le'sujet d'un juste repl'O~he : car, quel que soit le
sentiment de générosité qui doit,nous porter vers
le bien public, celui de l'intérêt personnel sera
toujours le premier, comme le plus prochain. Or
comI).lent pourrait. on accuser de défau,t.de pat~io
tisme des habitants de petits villages qui, à raison
de leur pauvreté, n'ayant point ou presque point
d'exportation de produits à faire, se seraient ?Pposés à ce qu'on établît, à leurs dépens, sm leur territoire, nn large chemin de lnxe, tandis que leurs
petites charrières suffisent à tous leurs hesoins? ..
Au surplus il est sans difficulté que les maires
des communes de la situation de ces petits chemins
peuvent toujours se pourvoir pardevant le préfet
pour les faire classer au rang dès chemins vicinaux,
sur délibération des conseils mnuicipaux, conformément à l'art. 1 er de la loi du 2.8 juillet 1824encore en vIgueur.
Ces explications préliminaires ~données, nons
diviserons ce chapitre en cinq sections:
Dans la pn~rnière, 110ns indiqnerons quels sont
TOM. II.
59
�1'llAITÎ~
93'"
les caractères distillctifs des chemins don t il s'agit
ICI;
Dans 1\1 secoude,n,o,us ferons "oir d~ns quel
doit les classer;
Dans la troisième, nous traiterons de leur police
Téglementaire;
Dans la quatrième, il sera qu~sliou de la police
répressive des conlraveu~ions qui peuvent. y être
commIses;
Da\lS la cinquième enfin, DOUS nous occuperons
des contestat\ons purement -civiles qui peuvent
, '1 ever a' 1eur sUJet.
•
se
domnin~ on
SECTION PREMIÈRE.
1Ju caractire distinctif des chemins publics autres que les
grandes routes et les chemins vicinaux.
606. Le vrai c~ractère des choses doit s'app.récier d'après leur genre commun et la diversité
de leurs espèces.
Chemins destil~és ou consacrés ail libre usage
de tous ceux qui se trouvent à portée de s~en servir,
ou, en un mot, chemins puhlics, tel est ici le
genre.
Les grandes routes et les chen?-ins vicinaux dont
nou~ avons traité dans les chapitres qui précèdent, sontles deux espèces générales les plus importantes du genre; les chemins ruraux en formentla troisième.
Quoique J'étanlissement des routes et des chemins
,:ici\}a,ux.soit nécessairementJondé sur des décrets
�· DU DOMAINE PUBLIC.
935
de l'autorité, tandis que les chemins ru~aux; ne
doivent le plus souvent leur création qu'à l:usage
pratiqué par les habitants des lieux, leur existence de voie publique n'en est pas moins légale, soit comme étant un effet de l'ancienne
coutume: lnveterata consuetudo pro (ege non
immerità custoditur (1), soit comme éta~t ~e.
résultat de la prescription acquisitive d'1 fqnds
possédé à titre ·de maître par le corps moral que
no,us appelons le puhlic.
Ainsi, quoique les grandes routes et les chemins
vic}nau~ soient fondés en titre et plus importanls
en eux-mêmes, néanmoins, considérés sous le rapport de l'usage, ils ne sont pas plus des voies publiques que les moindres chemins ruraux, puisque
~es uns et les autres 'sont également consacrés- au
sèrvice du public.
Mais, puisque les titres manquent communément ici, à quelles circoustances de fait doit-on
s'attacher pour reconn,aître le caractère de ces chemins? et comment doit-on les distinguer soit des
chemins communaux, soit des chemins de servitll,de ? .
607. Leur car.a~lère pl'opre consiste en ce qu'ils
sont établis pour servir de communication entre
des l~eux habités, pour cirouler de tou te manière
de paroisse à paroiss~, de village. à village" d'une
~eetipa à une-autre s,ect\otl de la mêwe ÇOIllJllUJ;le,
(1) L. 32, § 1, ff. de legibus, lib. 1, tit. 3.
�936'
TRAITÉ
d'un village à queJque hameau, ou même d'une
l'oute à une autre. C'est par ce caractère visible et
cerlain qu'on doit les distinguer pour les' classer
au rang des voies publiques.
En effet, toute r.ommunication libre entre des
lieux habités n'est destinée qu'aux passages ou aux
allées et venues des'habitants, et au transport des
deDl'ées et effets don t ils peu ven t a~oir besoin, on
des marchandises qui' peuvent être consommées
ou débitées sur les lieux; 01', en tout cela, l'on
ne voit qu'un service directement et généralemen~
établi pour l'utilité des personnes: par conséquent
la destination civile du chemin n'est consacrée
qu'au profit du public Ca).
Les petits chemins dont nous parlons ici sont
essentiellement différents des chemins communaux
pl'oprement dits, qui feront l'objet d'un autre
chapitre.
Ces del'l1iets, son t Ceux qu'on trou ve établis
dans les communes, et qui~ partant de leur sein,
(a) Mais il faut bien se garder d'attribuer le caractère de
chemin public à tous ces petits chemins ou sentiers qu'on voit
pratiqués près des communes, à travers champs, par des habitants qui, pour s'épargner quelques centaines de pas, veulent
couper au plus court vers leurs habitations ou vers la voie puhlique, sans aucune nécéssité pour eux.
Dans ces cas, loin d'y avoir un droit à réclamer ou à maintenir, il n'y a au contraire que des abus à réprimer; voyez ce
que nous avons dit à cet égard suprà, nO 532, pag. 184.
�DU DOl\IAIl"Œ PUBLIC •
937
.servent à conduire les habitants sur les fonds dont
la jouissance leur appartient en eommun : tel est
le chemin qui, sortant de la ville ou du village,
aboutit à la fontaine, au lavoir, à l'abreuvoir _cùmmuns, ou par lequel on mène les bestiaux au
.pâturage dansun communal en nature de parcours,
ou enfin par lequel on exploite et défruite la forêt
communale. On sent, parcett€ seule indication,quc
cette dernière espèce, entièrement.concentrée.dans
le territoire des communes, est totalement différente de celle des chemins établis pour la commù·
nication de village à village, ou en tee des lieux
habités.
608. Enfin nos petits chemins ruraux-publics
sont encore essentiellemen1 differents des simple's
chemins de servitude, dont nous parlerons plus
has, et l'on ne doit point les confondre, quelle
qne soit d'ailleurs leur similitude sous le rapport
de la largeu 1', de"la construction et de l'entretien'En,effet, les chemins de servitude ne son t établis
que pour l'exploitation, la jouissance et la desserte
de' certains fonds ou immeubles. spécialement
connus et désignés; tandis que les chemins en
question sont affectés à l'usage général de tous
ceux qui peuvent avoir besoin ou envie de s'en
serVIr.
Dans les chemins de servitude," c'est un fonds
qui est débiteur de l'autre; la charge en est toute
-réelle, qu'on la considère activement ou passivc'ment, puisqu'clle ne peut être imposée ni à la
�938
TRAITÉ
personne, ni en laveur de la personne, mais
seulement à un fonds et pour un fonds (C. c.
686); tandis qu'ici c'est comme droit personnel à
tout venant que l'l1sage des chemins rurauX. est
dû à quiconque se pl'é~et'lte pour en profiter.
Le chemin de servitude ne peut être légitimement pratiqué que par le propriétaire d'l fond~
dominant, ou par celui qui exploite ce fonds
nom du propriétaire, tandis que 'les a'ntres SO\.1't
également à l'usage de tous.
Les chemins de servitude ne sont que des éh'emins privés, puisque le droit n'en appartIent qu'à
certains propriétaires, à titre de dépendance de
leurs héritages; tandis qu'ici ce sont des che-mins
pub.1ics dont l'usage. appartient également à tout
le monde, à l'étl'anger comme à l'habitant du liéU,
el à celui qui ne possède aucun hérifa{;e foncier,
cOD;lme à celui qui en possède beaucoup.
Enfin le chemi'n de servitude ne doit en général,
êtte exercé que dans les saisons où l'exploitation
du f~)Ods dominant l'exige; tandis que nos chemins
de communications rurales sont légitimement
pratiqués ell toutes les saisons de l'année, l'hiver;
comme liété, la n'nit comme le joUi'.
609. Au reste il faut .bien remarquer que ~e
caractère distinctif de cette classe de. chemins
. publics ne dépend que de l'us..age auquel ils sont
consacrés 0'11 jsser~is, et non pas de leur plus ou
illoins grandè largeur: car uue petite ruelle ouverte
à tout le monde, ct établissant une communication.
au
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
939
etllre de'ux voies publiques, est aussi bie'n dans le
domaine puhlic que la plus grande rue.
610. Un simple sentier peut donc avoir aussi
la 'nature de chernin public, et pour cela il suffit
que, servant de 'communication 'entre des lieux
habités, l'usage en appartienne égâletnent à tout
venant. Ecoutons là dessus ce que nous enseigne
ULPIEN: «Les c~mins privés ou petits chemins
» sont, dit-il, de deux sortes :,lès uns ~ont dans
» les terres auxquell~s on en a imposé la servitude
" pour arriver au fonds d'autrui; les autres cOlin duisent aussi à des domaines; mais tout le mondè
" peut y passer en quittant le graod chemin; en
:n sorte que si, apr,ès le, grali'd chemin, on troùve
» une voie, un sentier ou un passage qui conduit
» à une métairie, je pense que ces chemins 'ou
» passages qui conduisent du grand chemin da'ns
» les métairies ou dans les 'villages' sont aussi 'des
» chemins publics : Privat48 viae duplicitef
» accipi possunt: veZ hœ quae simt in agris
» qiûbus imposita est servitus~ ut aâ agrum
,. aitetius duc'ant; ve'l hae quae ad agros
)~ ducunt~ per quas omnious permeare liceat,
» in quibüs exiiur de viti cotzsula'ri~ et sic
» post illalti 'excipit via, vel iter~vel actus~ ad
» villam ducens. Has ergo quae post consulal) rem excipiitnt in villas~ vel in alias co'lo» nias d([centes~ putem etiam ipsas puhlicas
» esse (1). ~)
(1) 1. 2, § 23, If, ne 'lllir! in loco pllblico, lib. 43, tit. 8.
�940'
TRAITÉ
Il est hien démontré par ce texte de la loi romaine , que ce qui distingue le chemin de servitude
du chemin public ne consiste pas dans le plus ou
le moins de largeur de l'un ou de l'autre, mais
uniquement dans cette circonstance que la servitude se borne aux besoins de l'exploitation du fonds
dominant, tandis que l'usage du chemin établi
pour communiquer avec nn lieu habite appartient
universellement à tons ceux qui veulent s'en servir,
lesquels ont le droit de le pratiquer en toute saison
. comme
, l'h'Iver comme l'"ete, et 1.a nUIt
(e
l l ,annee,
le jour.
Mais, dira-t-on, comment concevoir qu'un chemin qui sort d'un village, ou qui quitte une grande
route pour conduire à une métairie isolée, sans
passer outre, soit autre chose qu'un chemin de
servit ude P N'est· il pas, en effet, éviden t que la
maison du métayer est le fonds dominant, tandis
que les terres à traverser pour y,parvenir sont les
fonds servants P
Malgré cette apparence on doit tenir pour constant, d'après la loi romaine, qu'une telle espèce de
traverse constitue nn vrai chemin public, attendu
que les servitudes ne s'établissen t pas en faveur des
personnes, et qne le passage dont il s'agit ici n'est
directement établi que pour former une communication publique avec les hahitants de la maison,
ou toute personne étrangère qui pent s'y trouver;
. . ne peut
qu"en consequence celle commUOlCatlOn
être qu'une voie publique, puisqu'elle est ouverte
�DU DOMAINE PUBLIC.
941
à tout le monde, l'été comme l'hiver, la nuit
comme le jour, et que chacun a également le droit
de s'en servi.', qu'il soit ou non habitant ou pro~_
priétaire dans la contrée.
SECTION II.
Dans quel domaine doit-on classer les chemins ruraux, objet de ce chapitre?
. 611. La réponse à cette question n'est que
l'expression de la conséquence directe des principes qu'on vient de développer sur le caractère
spécifique de ces chemins; et, q\!loique d'une importance inférieure, on doit dire qu'ils sont placés
dans le domaine public, et qu'ils appartiennent
aussi rigoureusement à ce domaine qué les grandes
routes et les chemins vicinaux " parce qu'ils sont
, lement consacres
' a'1' usage d e tout venant, et
ega
qu'il est impossible que ce qui est également, et au
même titre, perpétuellement asservi à l'usage com-mun de la société tout entière, soit la propriété
exclusive de personne.
On doit les classer dans cette fraction du do'maine public que nous appelons le domaine municipal, èu égard à ce qu'ils sont à la charge des comDllmes ou des habitants des lieux de leur situa tian,
comme réciproquement ils leur sont aussi plus particulièrement utiles.
.
Mais, nous le répétons, il suffit qu'ils aient le
caractère ou la nature de chemins publics pOllr
qu'on doive placer le sol sur lequel ils se pratiquent, en dehors du domaine de. propriété , et au
�94-2
,.
"
.
TRAITÉ
rang des fonds du domaine public; Piam-. plthli~
cam dicimus ~ cujus etiam solum puhlicum est:
non enim sieuti in vid priyatd J ita et in puhlicd aceipimus. riae priyatae soluni ,t:'ilienum'est~
jus tantàm eundi et a,gendi nohis competit;
viae autem puhlioae solum puhlie",-m 'est ~ relietum ad direetu'm èertis jinihus latitudinis ah
co qui jus puhlicandi hahuit ~ ut cd puhlicè
.
' lte qu ' on
lretur,
commearetur (\
I J ; d" ou l'1 'Tesu:
doit appliquer' au sol de ces chemins les principes.
que nous avons posés au chapitre 16, sur l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité du domaine public.
612. Ce n'est donc que .par une erreur grossière que certains auteurs, estimables d'ailleurs,
confondent les chemins publics dont il s'agit ici,
ainsi que les rues des villes, bourgs et villages,
avec les biens-fonds propriétairement possédés par
les communes -de la situation.
Ils fondent leur opinion sur ce que ces chemins
et ces rues sont à la charge des communes, et sur
ce que les habitants de ces commUnes en profit~nt
prin~ipalement;mais, si cette étrange conséquence
pouvait être admise, il faudrait dire aussi tIue les
grandes routes appartiennent propriétairement à
l'état, etque le sol en est prescriptible comme celui
de tous les fonds nationaux, attendu que les terrains sur lesquels eUes sont tracées ont été acquis
par le gouverntllnent, et que leur ·établissemeu t,
--------------------~
(1) 1... 2, § 21 , ff. ne 'luid in loco publù:b ) lib. 43, tlt. 8.
�DU DOMAINE pUlIue.
943
ai'nsi 'que leur entretien, sont à la charge du trésOl'
de Fétat.
Il faut donc toujours en revenir à ce ,principe,
que ce n'est ni à raison de la charge qui peut en
résulte l' pour les .localités particulières qui cn sont
traversées, ni par les avantages que ces localités
eh retirent ,qu'a peut être permis de comprendre
les chemins 'parmi leurs biens patrimoniaux; au
contrairè, on doit les en exclnre pour les placer
dans le domaine pnblic, par cela seul qu'ils sont
destiués et civilement 'consacrés au service de tout
venant, ou de la société tout entière.
En un mot, le domaine de propriété ne s'applique ql,l,'à ce qui nous est propre à l'exclusIon de
tous autres; or nul n'est exclu de la jo.uissance de
ces chemins, qu'il soit habitant de la commune ou
étranger, peu importe; étant ouverts à tout le
monde, et tous en jouissant au même titre, ils ne
sont point et ne peuvent être dans le domaine de
propriété.
SECTION III.
De la police r'ég l~mentaire des chemins puhlics qui ne sont ni.
grandes routes, ni clas~és pa1'mi les chemins 'Vicinaux.
'613. Si l'on considère spécialement leschemin.s
dont il s'agit, on ne trouvera sans doute dans 'éiUcun d'eux en particulier la même importance que
dans Jes routes et les voies vicinales; mais en les.
prenant en masse, J'on sera bientôt forcé de convenir qu'ils sont anssi, et peut-être plus, nécessaires au service de la société que les plus grands
�TRAITÉ
chemins, 'puisqu'ils servent de communication su~
tous les points du royaume, et qu'il serait impossjble de s'en passer.
.
614. Cela étant ainsi, il faut dire que, ~ans.IG
système de nos lois qui chargent l'autorité ,àdrpi,.
nistrative de pourvoir à tous les services pllbEç~.,
c'est à elle qu'appartient nécessairement la poliçè ..
réglementaire de cette partie de la voirie, et "
c'est effectivement ce que nous trouvons décrété
d'une manière formelle dans les art. 2 et 3, section
6 , de la loi du 6 octobre 1791 , ainsi conçi.ls :.
".
ARTICLE 2.
Les chemins reconnus par le directoire de dis» trict (aujourd'hui le soùs-préfet), pour être né,;.
» cessaires à la communication des paroisses, se», l'ont rendus pratîcablesetentretenus aux dépens
;»
des comlllunautés sur le territoire desquelles ils
» sont établis.. Il pourra y avoir à cet effet une im3) position au marc la livre de la contribution foncière. »
" .
Quoique l'on considère cette disposition législative c01l1nîe
. \ étant aussi relative aux chemins vicinaux, il est' ~,vjdent que son application la plus di·recte et la plus"s'péciale se fait. à no.s peiiriS'~ chemins ruraux des campagnes. " . 1 , . 1 .
cc
;)J
"1
ARTICLE 3.'~
Cc
'!
Sur la réclamation d'nne des communes ou
» sur celle des particuliers, le directoire de dépar»
tement (aujourd'hui le préfet), après avoir pris
�DU DOMAINE PUBLIC.
945
)' 'l'a"vis de celui" du district (du sous-préfet), 01'donnera l'amélioration d'un mauvais chemin,
» afin que la communication ne soit interrompue
» tians aucune saison, et il en déterminera la lal'» geur. »
On voit encore par la généralité des termes de
cet article qu'il s'applique à tous nos chemins puLlics des ca!ppagnes, et qu'ainsl l'on doit dire
qu'au préfetappartîent le droit d'ordouner et régler tontes les mesures nécessaires ou convenables
poU\' en procurer la plus facile et la plus sûre viabilité.
615. D'antre part, il n'y a pas en France deux
éspèces de pouvoir municipal; il n'y en a qu'nne,
et ce pou~oir est de même nature dans les cam-"
pagnes et dans les villes. Dès-lors on doit, suivilllt
les circonstances, lui appliquer les règles que nous
avons rappelées dans le chapitre précédent.
Nous disons suivant les circonstances, attend LI
qlle le pouvoir municipal ne s'étend pas à autant
d'objets ni à des oLjets aussi importants dans les
campagnes que dans les villes; mais son action
doit avoir la- même efficacité lorsqu'elle [l'apre sur
des choses qui sont également de sa compétence:
ainsi, comme le maire d'une ville peut ordonner
l'enlèvement d'un dépôt permanent ou d'un encombrement placé dans une rue, de même le
maire d'un village peut pl'enclre un arrêté pour
ordonner à un particulier d'enlever le dépôt que
celni-cia fait sur un chemin rural et public, et qui
»
�946
.TRllTÉ
en obstrue le passage, on le rend dangerc1)x. Dans
l'un comme dans l'autre cas, l'auteur du dépôt
, b
'
, sera ega
, 1ement pasno
lemperant
pas a'l" arrete,
sible de l'·actio.n publique, et devra ê~re traduit au
tribunal de police pour s'y voir condamner à l'amende .d'un franc à cinq francs, étl\bli~ par l'article 471, S5 5 et 15 du Code pénal.
Lorsque l'arrê.té du maire ne porte que sur l'exé·
cution des lois ou réglements de voirie, comme
celui qui serait pris pour ordonner l'enlèvement
d'une clôture par laquelle on aurait voulu intercepter un chemin, il doit être exécutoire de plein
droit tant qu'il ti'a pas été attaqué par un recours
.au préfet, attendu que les ordonnances de cette
nature ne s'appliquent à rien qui excède les limites de la compétence du fonction~a~re qui les
a rendues Ca).
.
616. Mais lorsqu'il s'agit de pourvoir à l'entretien, aux réparations, à l'amélioration ou à la
rectification du chemin, et qu'il es.t nécessaire
d'en venil' à une adjudication de travaux, à l'impôt de la prestation en nature ou à une levée de
centimes additionnels, un arrêté du maire ne serait plus suffisant pour l'exécution de ces mesures,
parce que ce fonctionnaire n'est pas le dispensateur des deniers ni des ressources de la commune.
Dans tous ces cas, le maire doit d'abord provo-
(a) Voy. l'art. 11 de la loi
du 18 juillet 1837.
�947:
DU DOMAINE PUBLIC.
quel' une délibémtion du conseil municipal sur ce
qui est à faire.
Si la commune a des revenus libres, et que le
conseil municipal soit d'avis de les appliquer à cet
objet, sa délibération devra être soumis~ au plléfet pour en obtenir l'autorisation de pro,r,M,er à
l'adjudic.ation des travaux, parœ que les, communes, essentieUement placées sous la tptelle du.
roi, dont le préfet est ici le mandataire, doivent
toujours être autori:sées pOllr contracter ~alaQle-,
ment.
617. Si l'on veut procéder à l'exécu;tion d~
travail par le moyen de la prestation en nature, et
que les hahitaQ,ts, s'y soumettent volontairement,
comme cela arrive assez squvent dans les ~eti.t.es
communeS rurales, la chose se termine là , e~ c;et.
accoFd tient lieu de toutes les o.rdonnances de-l'antorité; mais dans les grandes communes, où desintérêts épars et divergents rendent impossibl<:; la
même unité de vue&de la partdeto,Us 1eshabitants,
si l'on veut em ployer le Jl.lo.yen, de l~ prCilstatioo ,,le
conseil municipal devra prendr~ ~ne délib~r~tion
motivée à ce sujet, et ensuite composer un rôle
po,l'tant l"estimation des journées, pour ceux qui
préféreraient s'acquitter en argent, et présenter e,nsuÏle ce rôle au préfet povr l'approuve~ et le re.nLtre
,
.
.
executOlre.
Enfin, si l'on veut en venir à UP impôt par centimes add~tioDnels à la contribution f~ncière, il
fauùra procéder de même par un rôle fait en con-
,
.
�948
TR.AITÉ
seil municipal avec l'assistanGe des plus imposés en
nombrc é~al à celui de ses membres, et ce rôle sera
de même soumis au préfet pour en obtenir l'homo',
logation et l'ordonnance d'cxécution.
Cest.à-dire, en un mot, que, dans tous ces cas,
on doit procéder ainsi qu'on le fait fjuand il s'agit
des réparations ou améliorations des chemins vicinaux, parce que, dans une hypothèse comme dans
l'autre, les besoins et les intérêts des communes
de la situation des chemins sont absolument les
mêmes, et que les lois ne tracent pas d'autre
marche à suivre pOl1l' y satisfaire (a).
(a) On peut douter que les moyens indiqués par l'auteur
soient applicables aux chemins qui n'ont point été déclarés vicinaux. Voici comment M. le ministre de l'intérieur s'explique
dans son instruction ,du 24 juin 1836, relativement à l'art. 1 er
de la loi du 21 mai précédent: « Les communes ne sont tenues
" d'entretenir que les chemins vicinaux légalement reconnus.
" C'est sur ceux-là seulement que peuvent être appliquées'les
» ressources ordinaires et extraordinaires des communes; c'est
" sur ceux-là seulement que les citoyens peuvent être légale» ment requis de porter le travail personnel, la prestation en
» nature que la loi leur impose. Appliquer les ressources des
» communes à la réparation des chemins qui n'auraient pas été
» classés dans la forme voulue, seraIt s'exposer au reproche de
" faire une application irrégulière dcs revcnus communaux, et
» peut-être même à une accusation de détournement des fonds
" des communes. Requérir les citoyens de porter leurs presta» tions sur des chemins non classés, serait s'exposer à un refus
» de service qui trouverait sa justification dans le texte formel
li de la loi. »
Nous partageons entièrement l'avis de M. le ministre sur ce
�9~9
DU DOMAINE PUBLIC.
SECTION IV.
"
De r autorité compétente pour statuer, par voie de polie;
répressive, sur lès contralJentions commises relativement
aux chemins publics qui ne sont ni grandes routes, ni
classés parmi les chemins vicinaux.
618.
On doit d'abord écatter
ICI
les conseils
dernier point, parce qu'en effet , les citoyens ne peuvent être assujettis à un impôt ou à un service personnel qu'en vertu d'un
texte précis de loi, qui n'existe pas pour les chemins publics
autres que ceux déclarés vicinaux. Mais nous pensons que le
conseil municipal, juge des besoins de la localité, pourrait employer les fonds disponibles de l~ cai~se municipale à la réparation et à l'entretien des chemins publics qui, bien que non vicinaux, seraient d'une utilité générale, de même qu'il pourrait
les appliquer à i'entretieq ou à l'amélioration d'tine promenadc,
d'une avenue, ou de toute autre propriété communale. Ce sera
le seul moyen de pourvoir à la conservation de ces sortes de
chemins que la loi n'a pas entendu forcer les communes à supprimer, et qui cependant, seraient supprimés de fait s'il était
interdit aux conseÎls municipaux de les réparer.
L'ent~etlen de ces ·chemins pourrait-il élie mis, par un arrêlé
du maire, 111a charge des propriétaires riverains cllacun cri droit
soi?
La question a été résolue pour l'affirmative relativement à des
rues non pavées de Paris, par un arrêt de la Cour de cassation
du 17 mars 1838 (Sirey, 38-1-369), dont les motifs paraîtraient s'appliquer à toute espèce de chemins, puisqu'ils on't
pour Lase le § 1 de l'art. 3 du tit. XI de la loi du 16-24 août
1790., qui parle, non-seulement des rues, quais et ptaces, mais
aussi, et d'une manière générale, des voies puhliques. <t Vu,
porte ledit arrêt, les art. 3, tit. XI de la loi du 1~-24 août
» 1790; 46, tit. 1er de celle des 19-22 juillet 1791; 471, nO 0,
C. pén.; 161, C. d'luslr. crim., et 37 de l'ordonnance du
l)
l)
TOM. Il.
60
�950
TRAITl!.
de préfecture, dont les attributions ne s'étendeut
aucunement sur cette espèce de chemins.
La polica de répression, en ce qui touche aux
contraventions affectant leur matériel, appartient
lout entière aux tribunaux de police simple, et
nous n'~vons que peu de mots à dire à ce sujet.
Suivant le paragraphe 4 de l'art. 471 du Code
pénal, ce tribunal doit condamner à une amende
de un franc à cinq francs inclusivement cc ceux qui
» auront embarrassé la voie publique, en y dépo» sant ou y laissant, sans uécessité, des matériaux
préfet de police du 8 a0l1t 1829. - Attendu qu'il est dans les
droits comme dans les devoirs de l'autorité municipale de faire
desréglements sur tout ce qui intéresse la sûreté et la commo~
dité du passage dans les t'ues , quais, places et voies publiques; que ces réglements font essentiellement partie de la
petite voirie., ct que la négligence ou le refus de s'y conformer donne lieu à l'application des peines déterminées par
n l'art. 4i1, nO 5, du Code pénal. -Attendu qu'il s'agit, dans
» l'espèce, des obligations imposées aux propriétaires riverains
" des rues non pavées, de combler les trous ou excavations pron venus devant leurs maisons; que l'ordonnance précitée de
li police a eu pour objet de rétablir la sûreté et la commodité
» du passage et la facilité de la circulation, en appliquant les
" Tègles de la police urbaine, et en faisant un réglement dc peli tite voirie; que cette ordonnance a été légaleroent et compé" temment rendue; d'où il suit, qu'en ne réprimant pas la conn travention dont il a été saisi, le tribunal de simple police a
,
'1'1 l '
,.,
Casse. .... li •
» expressement
VIO e es OIS precItees. Il en serait autrement du pavage d'une rue; un arrêt de la
mème Cour et du même jour a décidé que la charge ne pouvait
en être imposée aux riverains surtout par un arrêté municipal.
"
"
"
"
"
"
"
�DU DOMAINE PUBLIC.
951
ou des choses quelconqnes qui empêchent on
diminuent la liberlé on la sûreté du passage. »
Comme tous les chemins deslinés à un service
géDéral rentrent sous la dénomination de voie
pzthlique, il ne faut pas douter que ce texte ne
soit applicable à ceux dont nous nous occupous.
619. Aux termes du paragraphe Ii de l'article
479 du même Code, amendé par la loi du 28
avril 1832, le tribunal de police simple doit punir
d;~l11e amende de onze à quinze francs inclusivement cc ceux qui auront dégradé ou détérioré,
» de quelque maniere que ce soit, les chemins
» publics, ou usurpé sur leur largeur. »
Il faut tirer de là la conséquence que celle
amende ne doit pas être encourue seulement par
ceux qui auraient pratiqué quelques affouillements
dans ces chemins, mais encore pour un fait qui
arrive plus communément, et qui consiste à déverser, depuis les fonds voisins, dans le chemin,
des eaux qui n'y afflueraient pas naturellement, et
sans que la main de l'homme s'en fût mêlée: c'est
peut-être là l'abus le pIns grave et le plus fréquent
que l'on commet au préjudice des chemins, qui se
trouventtôtou tard, et quelquefois promptement,
ravagés par les eaux qu'on y dirige ainsi.
620. A cela le paragraphe 12 ajoute que la
même amende doit être prononcée contre cc ceux
» qui, sans y être dûment autorisés, auront ~n
» levé des chemins publics les gazons, terres ou
» pierres, ou qui, daus les lieux appartenant aux
»
»
�952
TRAITÉ
)' communes, auraient enle'vé des terres ou matéH
riaux, à moins qu'il n'existe un usage géné,'al
" qui l'autorise. ')
Il est visible que par les mots oheminspublics ~
répétés dans ces deux paragraphes, sans aucune
. expression limitative, il faut entendre même les
chemins de la troisième catégorie, dont nous
traitons ici, et que l'application de la pein'e doit
être pl'ononcée par le tribunal de police simple
contre tous ceux qui seraient convaincus d'avoir
commis les contraventions signalées dans cet
article.
SECTION V,
Del 'contéstations civiles qui peuvent s'élever à l'occasion des
chemins turaux.
1
621. U ne règle générale, et sans exception ,.
est que, partout où il s'agit de statuer sur. le droit'
de propriété foncière, c'est parde'vant les tribu~
naux de première instancù,. et ènsuite par appel
devant les Cours royales, que les débats doivent
être portés; en sorte que, si l'existence d'un chemin est contestée, et que l'administration ne l'ait
point classé au rang des chemins vicinaux, c'est
aux trihunaux ordinaires qu'on doit s'adrcsscl'
pour en faire ordonner la suppression, parce qu'il
y a nécessairement là une questioh d~ propriété.
'
'
Ainsi,. en admettant qu'un oU pll1sieurs particuliers soutiennent qu'un chemin qui traverse
leurs héritages, et auquel on voudrait attribuer la '
�DU DOMAINE PUBLIC.
953
qualité de chemin public, n'est en réalité qu'nn
simple passage de servitude ou de tolérance, dont
le sol leur- appartient, c'est pardevant les tribunaux oroinaires que la contestation devra être
port-ée.
Ainsi encore, à supposer que celui- qui est
traduit au tribunal de police pour avoir dégradé
un chemin public, excipe de son droit de propriété
pour soutenir qu'il n'a pu com~ettre au~une contraven lÎon répFéhensible en usan t de sa chose, le
tribunal de police devra surseoir au jugement, et
renvoyer-Ia question préjudicielle de propriété pardevant le tribunal civil', sauf à en r-evenir à la
poursuite de l'action· publique dans le cas où le
prévenu ne parviendrait pas' à se faire déclarer
libre propriétaire. d Il fonds (1).
622. Mais alors quel est le contradicteur légitime pour agir ou défendre dans l'intérêt dn chemin public, soit relativement à son usage, soit ell
cequi.a trait à·la propriété- du sol·?·
Supposons d'abord que la contestation s'élève
seulement sur l~ltsage du chemin public, dont
l'existence légale n'est d'ailleurs pas déniée: en
ce cas l'action ne' sera que personnelle entre l'individu qu'on aura voulu empêcher de jouir de
(1) Voy. l'arrêt du conseil d'4Îtat du 7 août 1810, dans le recueil de la Jurisprudence de ce conseil, par Sirey, tom. l , page
388, et un autre du 22 septembre suivant, pag. 399. Voy. aussi
suprà, pag. 548 du présent volume.
�95!"
TRAITÉ
son passage dans le chemin, et celui qui aura
causé l'empêchement, parce qu'elle n'aura pour
objet que d'assurer l'exercice d'uu droit qui,
comme public, doit être dans la faculté indivi.
duelle de tous; en conséqnence toute personne
empêchée d'en jouir doit avoir le droit de se
plaindre de l'injure personnelle commise.envers
elle par l'obstacle qu'on lui oppose: et c'est par
ces considérations que la loi romaine établit expressémen t, en ce cas, l'acLÏon individuelle et
personnelle': Cuilibet in puMicum petere pe/'lllittendum est id quod ad usum omnium pertineat: veluti vias publicas, itinera puMica ;
et ideo ~ quolibet postulan(e ~ de bis interdicitur (1). S'il en était au trement, les particuliers
seraient exposés à voir l'exercice de leurs droits
individuels paralysé sur tous les points du royaume,
à moins que l'administration puhlique ne soit
partout et toujours prêle à intervenir pour eux
dans les moindres débats élevés sur l'usage des
chemins: or c'est là ce qui ne doit pas être, et ce
que'ne veut pas la loi ci-dessus, qui n'est ici que la
raison écrite.
623. Supposons actuellement que l~e:;r;istence
légale du chemin soit elle-même contestée, ou
qu'il s'agisse d'une anticipation matérielle comJn ise sur ses hords par un propriétaire riverain;
que, par exemple, le propriétaii'e du fonds tra(1) Dig. lib. 43, tit. 7, 1. 1 , de laels et itineribuspubliees.
�DU DOMAINE PUBLIC.
955
versé soutienne que l'existence n'en est point légale,
que ce n'est qu'un passage de tolérance l1'affectant son fonds d'aucune servitude, et qu'il ne doit
plus en supporter la charge, ou bien qu'il le
supprime de fait en l'interceptant par un fossé ou
autre clôture, quel sera le contradicteur légitime
pour faire réprimer l'anticipation, ou pour agir en
revendication totale de ce chemin, que'nous classons dans le domaine public, eu égard à ce qu'il
sert de communication d'un village à un autre?
S'il s'agissait d'une grande route dont la propriété du sol fût contestée, c'est le préfet du
département de la situation du terrain en litige
qui dev'I'ait intenter l'action ou y défendre pardevant les tribunaux, attendu que les grandes routes
sont à la charge clu trésor public, et qu'aux termes
de l'art. 89 du Code de procédure, c'est ce fonctionnaire qui doit représenter l'état dans toutes
les actions réelles qui intéressent le gouvernement,
chargé lui-même de la conserVation du domaine
puhlic.
Comme le sol de nos petits chemins fait aussi
partie du domaine public, et comme la surintendance de l'administration préfectorale s'étend également sur la petite voirie, ainsi qu'on l'a fait
voir précédemment, on pourrait dire que le préfet
a ici le même droit qu'à l'égard des routes; mais,
s'il lui fallait appliquer immédiatement ses soins,
aux divers débats qui s'élèvent chaque jour, dans
toutes les localités particulières, relativement ame
�956
TRAITÉ
petits chemins, il jeterait son administration
dans des embarras si nombreux qu'die en serait
entravée: en sorte que la loi de la nécessité devrait
déjà seule faire abandonner ici la marche suivie à
l'Jgard des grandes routes.
Mais il est nne autre raison, celle des intérêts
locaux, qui nous renvoie sur ce point à l'action
immédiate des admillistrations secondaires; etl'on
doit regarder comme constant que les maires des
communes sur le territoire desquelles passent les
chemins publics de troisième classe, ou ~ la communication desquelles ils servent, peuvent, sur la
délibération des conseils municipaux, et avec
l'autorisation des conseils de préfecture, agir en
revendication du fonds contre ceux qui anticipent
sur ces chemins, ou défendre, intervenir et
. prendre fait et cause en main contre ceux qui
tenteraient d'en faire ordonner l'interdiction ou
d'en opérer la suppression.
Et en effet, quoiqu'il s'agisse ici d'un' chemin
public, on ne saurait se dissimuler qu'il y a, dans
l'usage local que J'on en fait, un intérêt collectif
spécial à revendiqnel' à titre de réciprocité et
comme compensation des charges aussi collectives
qui pèsent sur les communes pour l'entretien de
'ces' sortes de chemiils.
624. Telle est aussi la marche qu'on suit et
qU'OIl doit régulièrement suivre à l'égard des chemins vicinaux, comme nous l'avons établi plus
�DU DOMAINE l'Ullue.
957
haut Ca), et cependant le sol de ces chemins est
hien certainement dans le domaine pnblic. La
raison en est qu'à l'exception des routes royales et
départementales, tous les chemins publics en sous~
ordre sont à la charge des communes de leur
situation, et à l'usage desquelles ils servent. Fautil en établir quelques-uns, c'est aux communes
qui doiveut en être traversées à fournir à leurs frais
le terràin nécessaire. Vient-on à en supprimer'
d'autres comme inutiles, c'est dans le doma.ine,
de propriété communale de )a situation que rentre
l~ sol qu'ils occupaient. Faut-il pourvoir à leurs
réparation et entretien, c'est sur les communes
qu'en pèsent les charges. Enfin, bien que, comme
chemins publics, l'usage en appartienne en droit
à tout venant, en fait, ils sont néanmoins d'une
utilité toute spéciale ponr les communes auxquelles
ils servent immédiatement; et de là il résulte que
tontes les actions qui ont pour objet la conservation de cette partie du domaine puhlic devant être
agitées et jugées dans l'intérêt immédiat et plus
particulier des communes, c'est à elles à les intenter on à y défenùre dans les formes et suivant les
règles ordinaires, comme c'est à l'administration
supérieure à agir et à défendre pour Ja conservation du domaine public national,. quand il s'agit
des grandes routes.
(a) Voy. suprà, pages 16 et 843, et sur la propriété du sol
au profit des communes, pag. 818.
�958
TRAITÉ
Quoique l'on puisse dire alors que la commune·
agit véritablement dans l'intérêt commun de la
société pour lui conserver le domaine public du
chemin en litige, néanmoins elle procède compé.
temmellt, parce qu'étant chargée par les lois de
pourvoir à l'entretien et à la conservation des
chemins de cette espèce, il faut bien qu'elle ait
aussi la facuhé de remplir ce devoir en recourant
à l'autorité de la justice pour en faire maintenirl'existence; elle a un ÎJltérêt propre et spécial, et
par suite qualité.
Ce devoir des communes sur la conservation des.
chemins publics leur est d'autant plus sévèrement
imposé, qu'aux termes de l'article 41, titre 2, de
la loi du 6 octobre 179 l , lorsqu'un voyageur vient
à déclore un champ vour s'ouvrir un passage dans
sa route, il se -rend passible d'une amende, outre
le dédommagemen t qu'il doit payer au propriétaire du champ, à moins que le juge de paix du
canton ne décide que le chemin public était
impraticable; et alors Le dommage et lesftais
de clôture seron·t à la charge de La comQLUnauté. Les anticipations commises sur un chemin,
par le moyen de la culture ou d'autres travaux,
son t les causes les plus ordinaires des ohstacles
de viahilité qui autorisent les voyageurs à s'ouvrir
un passage sur l'héritage voisin; en sorte que la
commune est ici rendue garante du dommage
particulier qui résulte de ces anticipations; et dèslors comment pourrait-oll lui refuser l'action né~
cessaire pour s'y opposer ou les faire réprimer r
�DU DOMAINE PUBLIC.
~59
625. Le maire est donc incontestablement
légitime contradicteur pour faire déclarer eu justice le droit du puhlic par rapport à l'existence
d'uu chemin traversant le territoire de sa commune,
comme encore pour faire réprimer toute anticipation commise sur ses bords; et, à cet effet, agissant au pétitoire, il pourra se prévaloir, nonseulement des titres ou des anciennes reconnaissances, s'il y en a, ainsi que des jugements qui
auraient déjà été rendus sur le même objet, mais
aussi des mesures prises par la commune ellemême en fait d'entretien et de police; il pourra
également exciper des actes par lesquels les particuliers auraient désigné le chemin pour limite
de leurs héritages ; du témoignage de ceux
qui l'auraient pratiqué, et surtout des anciens
plans du territoire publiquement levés, des anciens
livres d'arpentement, et des plans du cadastre:
car les monuments de cette nature sont encore
d'une importance prédominante sur la preuve
vocale;, et c'est bien le cas d'appliquer ici la loi
romaine portant que cellSUS et monumenta puMica potiora testihus esse, senatus censuit ( 1 ).
626. Dans ces sortes d'e débats, le maire de la
commune, pour s'élever contre les entreprises de
celui qui aurait intercepté le chemin, peut agir
non·seulement au pétitoire pardevant le tribunal
d'arrondissement, mais encore au possessoil'e par(a) L. 10, ff. de prohat.
J
lib. 22, tit. 3.
�960
TRAITÉ
devant le juge de paix du canton, attendu qu'cn
ce cas la possession du public s'applique au terrain
lui. même, c'est-à-dire au sol public du chemin (a);
qu'il ne pent être ici question d'une simple se~vi
tude de passage qui, n'étantqu'l1n droit incorporet~
et discontinu, ne serait pas susceptible du possessOlre, m'ais bien d'un vrai droit de propriété sur·
un fonds matériellement considéré dont on de-.
mande le ma'intien et la conservation dans le·
domaine public (1).
En un mot, l'être collectif que nous appelons
le public, est en possession de son chemin, sol et
superficie, et le possède à titre de ma1tre, comme
l'être collectif que nous appelons commune, possède son terrain communal; en sorte que l'un
aussi hien que l'autre doit être sous la protection
du possessoire.
Que si, pour écarter Faction du maire,
partie
adverse voulait soutenir que le chemin qu'eHe a·
sa
(a) Yiam puhlicam eam dicimus cujus etiam solum puhlicum est. L. 2, § 21 , ff. ne quid in loc'J publico , lib. 43, lit.
S. - Un arrêt de la Cour de BOl.l.rges, du 30 janvier 1826
( Sirey, 27-2-62), et un autre de la Cour de Dijon, rapporté
suprà, pag. 22, ont jugé qu'un chemin, de privé qu'il était
dans. l'orr:gr:ne, peut devenir public, par la prescription, ce
qui suppose que la possession du passage par le public, fait
acquérir à la commune non-seulement un droit de servitude,
mais la propriété même du sol. Voy. la question discutée sous
le rapport du pétitoire, n 05 631-633.
(1) Voy. au chap. 17,sous le na 238.
1
�DU DOMAINE PUBUC.
961'
intercepté ntest qu\m passage qui ne pourrait avoir
tout au plus que le caractère d;une servitude disconLÏnue à l'égard de laquelle le possessoire est inadmissihle, ce genre de défense devrait être repoussé par la considération que les communications de village à village, ayant nécessairement le
caractère de voies publiques, ne doi vent et ne peuvent jamais être assimilées à de simples voies agraires
qui s'établissent, non pour aller au dehors, mais
seulement pour l'exploitation intérieure de quelques fonds.
62'1. Et encore, la théorie du possessoire ne
devant être entendue que secundùm subjectarn
materiarn, il faut dire ici que, régulièrement parlant, il n'est pas permis au défendcUl' à l'action du
maire de doubler l'interdit, èomme dans les cas
ordinaires, entreparticuliers.
Pour expliquer notre pensée à cet égard, supposons qutun individu en assigne un autre pardevant le juge de paix pour se faire maintenir dans
l,a libre possession dtune vigne, dans laquelle il sc
plaint d'être troublé par l'individu assigné, et que
ce dernier, comparaissant sur cette citation, soutienne que c'est lui, a u con traire, qui a la POSSèS-·
sion annale et paisible du terrain litigieux, et qn'en
conséquence il demande à y être maintenu.
Dans ce cas, l'interdit possessoire se trouvera
doublé en ce que chacun des deux contendants
sçra tont à la fois demandeur et défendeur, et éga-
�962
TIlAITÉ
lement apte à obtenir l'objet de sa demande, en
administrant la preuve de sa possession.
Mais, si nous supposons que le maire d'une commune ait assigné au possessoire, le propriétaire riverain d'un chemin public, pour le faire condamner au relâchement d'une anticipation commise dans l'année, et au rétablissement des lieu~
daus leur, état primitif, le défendeur à cette demande ne pourra pas, comme dans l'hypothèse
précédente, soutenir que c'est lui qui a la possession annale du terrain qualifié d'anticipation, et
qu'en conséquence il doit êU'e maintenu dans sa
jouissance. Ici l'interdit possessoire est simple, et
le défendeur n'est point recevable à le doubler en
demandaut que sa prétendue possession soit-déclarée civile et légitime, attendu qu'il s'agit d'un sol
qui appartient au domaine public, -et sur lequel on
ue peut acquérir aucun droit de possession, par la
raison qu'il est imprescriptible de sa IJature : lnterdicta simplicia sunt, veluti cùm praetor prohihet in loco sacro" vel influmine publico -' in
ripdve ejus" aliquidjieri ..... Nam actorest qui
desiderat ne quidfiat" reus est qui aliquid./acere conatur(l). Pour qu'il en fût autrement, il
faudrait que le chemin eût été déjà tellernent dé:"
naturé dans son ensemble, qu'il dût être dès-lors
considéré comme un terrain ordinai,'e et prescrïp-
(1) Instit. de interdicris, § 7, lib. 4, tit. 15.
�DU DOMAINE PUBLIC.
963
tible, suivant les explications'que nous avons consignées sur ce point dans le chapitre 16.
628. Ce n'est pas là le seul cas où l'interdit
possessoire ne puisse être doublé, ou, en d'antres
termes, éciproquement intenté: qu'un propriétair e plaig:ne de ce qu'un tiers a pratiqtié un
passage à travers son fonds, et le fasse citer. pardevant le juge de paix pour être gardé et maintenu
dans la possession de son héritage, natul'ellement
libre et franc ùe tou te servitnde et charge réelle,
son action en complainte au possessoire sera bien
certainement admissible pour faire défendre à
l'autre d'exercer à l'avenir le passage auquel ceillici prétend avoir droit; mais que le défendeur à
cette assignation se présente devant le luge, et que,
sans produire aucun titre constitutif ou récognitif
de la servitude, il demande à être maÎntenuluÎmême dans la possession du droit de passage par
lui prétendu, il ne sera point recevable dans cette
action, par la .raison qu'un droit de servitude discontinue n~ peut s'acquérir par la seule possess.ion.
629 et 630. Les maires non-seulement peuvent pourvoir à la conservation des petits chemins
publics, en invoquant l'antorité judiciaire par actions purement civiles, soit au pétitoire, soit au
possessoire, mais ils sont fondés à exercer aussi
nne action répressive pardevant les tribunaux de
police, pour faire prononcer l'amende de I l à 15
francs contre ceux qui auraient dégradé ou détérioré, de quelque manière que ce soit, les chemins
•
�964
TRAITÉ
publics, ou usurpé ~ur leur largeur, ainsi qu'on
J'a expliqué dans la section 3 ci-dessus (a).
'6.31. Mais un chemin public pourrait-il être
elabli par le moyen de la prescri ption or(!inaire?
Quoi.que la solution de cette question'liloive déjà
se (>':essentir, d'après ce qui a été dit plus h t sur
b possessoire, il ne sera pas inutile d'entrer encore
ici dans quelques développements à ce sujet.
li s'est formé un chemin à travers un ou plusieurs fonds soit communaux, s~it de particuliers:
ce chemin sert de communication entre des lieux
habités, ou d'un village à un autre village; dans
le principe; ceux qui l'ont établi par le fait n'en
---_.----_._-(a) Dans le nO 630, supprimé, l'aùtetlr disait <lue lé màiie o'tl
l'adjoint, remplissant les fonctions de ministère public près le
tribunal de police, pouvait, tout à la fois, en cette qualité, requérir la peine, et ensuite, comme représentant la commuue et
habile à exercer ses actions, conclure à la réparation du dommage
causé à son chemin; c'est une erreur. Si effectivement le tribunal doit brdonner la démolition des constructIons indûment faites
sur les chemins ou l'enlèvement des dépôts et encombrements,
c'est toujours à titre de répression pénale, comme nous l'avons
expliqué suprà, page 520, et non parce que l'officier du ministère public, qui le requiert, est en même temps l'administrateur
de la commune; en cette dernière qualité, il faudrait qu'il fût
autorisé par le conseil municipal et le conseil de préfecture, et
d'ailleurs il est rare que le maire, qui exerce les fonctions du mi.
nistère public, soit l'administrateur de la commune qui a éprouvé
• le préjudice: on sait, en effet, que ces fonctions sont remplies
dans les villes par le commissaire de police, et dans les cantons
ruraux par le maire ou l'adjoint du chef-lieu, et jamais par les
maires des 3ulres communes.
•
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
965
avaient pas le droit: le propriétaire ou les propriétaires des fonds qui en sont traversés ont gardé le
silence pendant plus de trente ans, et depuis ce
temps il a été constamment et publiquement pratiqué; ces propriétaires seraient-ils encore fondés à en
interdire l'usage? ne pourrait-on pas, au contraire,
leur opposer que, par la possession trentenaire, il
ya eu prescription acquisitive du chemin au profit
du domaine public?
Si l'on devait appliquer, à ce chemin, la même
règle qu'aux voies agraires ou chemins de servitude établis pour l'exploitation des terres, il
faudrait résoudre la question dans nn sens négatif, puisque, aux termes de l'art. 691 du Code, les
servitudes discontinues ne peuvent s'établir que
par titre, et que la possession même immémoriale
ne suffit pas pour leur donner une existence légale.
Mais cet article serait-il applicable à l'espèce?
Nous ne le croyons pas.
Il faut remarquer, en effet, que; dans tout le.
titre du Code où cette imprescriptibilité se trouve
décrétée,il n'est question que des servitudes, et nullement des chemins publics, qoi sont soumis à un
aotre régime; que l'article 691 se réfère nécessairement à la disposition de l'art. 637 qui, définissant ce qu'on doit entendre par les droits de
:servitude dont il va être question dans le titre, déclare que la servitude consiste dans nne charge
imposée sur un héritage, pour l'usage et l'utilité
TOM. n.
61
�966
TRAITÉ
d'un héritage appartenaut à un autre prop"iétaire;
que éelte définitiou ue peut nullement convenir à
un chernin public établi pour la communication
lIe plusieurs lieux habités, tels que seraient deux
villages ou deux secLÎons de la même commune,
parce qu'ici le chemin n'est ouvert que pour la
cîrcnlation du commerce et des personnes, et que
d'ailleurs l'on n'y trouve pas de fonds servant mis
en relation avec un antre fonJs dominant: d'où il
résulte évidemment que l'article 691 n'est point
applicable à celle espèce.
632. Les principes posés plûs haut en ce qui
concerne les chemins publics, et ceux qui régi~sent
les simples servitudes, nous conduisent aussi à des
conséquences tout opposées sur le fait de la prescription qui uous occupe.
'
Et d'abord, relaLÎvement à la prescription acquisitive, il fau t se rappeler que, comme nous l'avons
fait voir, le sol SUI' lequel repose nn chemin public est puLlic lui-même, et appartieut au domaiue
public: Viam puhlicam dicimus eam cujus
etiam solum puhlicum est; qu'en conséquence
la possession exercée par le public s'a ppliq ue ici au
fonds lui-même, et que n'ayant rien de précaire,
elle doit opérer la prescription du sol pour le faire
passer dans le domaine public Ca).
Ca) Cette opinion est aussi professée par M. Isambert, Traité
de la 'Voirie, liv, 1er , chap. 2, sect. 4, nOS 308 et 309, en ces
termes: "Admettre la prescription par voie de possession du
terrain sur lequel passe le chemin en litige, est sans doute un
�DU DOMAINE PUBLIC.
96'1
Au contraire, la servitude de passage n'est qu'un
droit incorpo,'el qui s'exerce sllr le fonds d'autrui
et qui n'emporte point au profit de celui qui en
moyen d'éluder l'application de l'art. 691 du Cod. civ. Mais
cet article est exceptionnel et contraire au droit commun.
Ensuite il y. a toujours une grande distinction à faire entre la
propriété et le dr,oit de servitude; c'est au propriétaire qui veut
conserver son droit, à faire, par des travaux d'art, ou par des
reconnaissances expresses, constater sa propriété. "
« Si l'on n'attribuait aux communes que les chemins ou les
rues pour lesquels elles justifieraient de titres, elles en perdraient la majeure partie; car il est certain quelles chemins ont
été faits pour la plupart aux dépens des propriétés riveraines ~
et par suite d'abandons volontaires.
" Sans doute, si le propriétaire avait un titre formel et récent
de sa propriété, la commune, en prouvant le fait du passage,
ne détruirait pas le titre, et ce ne ~erait plus qu'une servitude; si elle sc trouvait soumise à l'empire de l'art. 691
du Cod. civ. , cette servitude, à défaut de titres, ne serait plus
"Iu'un passage de simple tolérance, et il pourrait ·être supprimé; il ne resterait à la commune d'autre moyen de le conserver
à l'usage du public que d'en acquérir la propriété.
» Mais si celui qui revendique la propriété d'un terrain
converti de fait en chemin, n'a pas de titre, alors la commune
peut opposer avec avantage tous les faits de possession; l'art.- 691
ne peut plus être invoqué contre elle; car, jusqu'au jugement, il
y a doute de savoir qui a usurpé, d'elle ou de celui qui revendique.
" La possession, dans ce cas, est, comme dans toutes les
questions de propriété rurale, la principale, et l'on doit toujours
se pourvoir au possessoire. La commune y a d'autant plus d'intérêt, que le seul élat du chemin 'est une présomption en sa
faveur, excepté quand ce chemin n'ab!)utit, comme les avenues
des châteaux, qu'à une habitation particulière. "
.-
�968"
'l'lUnÉ
jouit la propriété du sol sur lequel il pOl'te : Viae
autem privatae solum alienum est, et jus tantàm eundi et agendi nobis competit; or,comme
la loi qualifie de précaire la jouissance d'un pareil
droit lorsqu'elle est discontinue, il en résu1Le que,
quelque prolongée qu'elle soit, il n'yen a pas
moins imprescriptibilité.
Ainsi, en ce qui concerne la prescl'iption acquisitive, les deux espèces sont régies par des pl'incipes
tout différents.
63'3. Cette différence existe égalemen t pal'
, rapport à la pr~scription extinctive du droit, puisque, aux termes de l'art. 706 du Code, tonte
servitude, (luel qu'en soit le caractère ou'la na(ure, s'éteint par le non-usage pendant trente
âns; tandis que le sol d'ùn chemin public, tant
que son caractère n'a pas été aboli par un décret
de'l'autorité, ou tant qu'il n'a pas été matériellement et entièrement dénaturé, reste imprescriptible, comme, placé hors du commerce: Viam
publicam populus non utendo amittere non
potest (1).
Concluons donc que,. quand un chemin qni sert
de communication entre plusieurs lieux habités a
été publiquement ouvert et librement pl'utiqué,c'est-à-dire paisiblement possédé par l'être moral
ët collectif que nous appelons le public, pendant
plus ,des trente ans qui constillfelll aujourd'hui la
(1) Voy,. SIlprà, sous le n~ 224,
�DU DOMAINE PUBLIC.
969
durée de notre prescription la plus longue, lè
chemin est acquis an domaine public de la commune (1), sans que pour la validité de cette acquisition et l'irrévocabilité de l'affectation qui en
• est]a suite, il soit nécessaire qu'il intervienne un
décret formel de l'autorité; tous les chemins rnraux qui existent aujourd'hui ne s'étant établis
que par l'usage et la possession.
• Déjà nous avons f!lit voir, au chapitre 17, nO 238,
qu'il résulte bien positivement d'un arrêt du conseil d'état du 27 juillet 1814, que la possession
exercée par le gouvernement-, au nom de la société, sur les grandes routes, suffit pour que la
propriété du sol reste acquise au domaine public
par voie de prescription, lorsque cette possession a duré pendant l'espace de trente années. Or
les principes du droit sur: celte matière sont les
mêmes pour toute espèce de chemins publics:
donc tous peuvent être acquis par- la voie de la
prescription.
63-4. Mais, quoique )a,solution que nous donnons ici soit évidente en droit, elle peut présenter
des difficuhés plus ou moins nombreuses en fait
relativement à l'appréciation des circonstances caractéristiques d'un vrai chemin public.
llour les résoudre ilfc1ut rechercher :
Quelle est l'importance du tracé matériel du
(1) Voy. ellpore sous les
~os
237 et 238.
�970
TRAiTÉ
chemin, et son apparence sous le rapport. "de l'ancienneté;
A quelle communication il sert habituellement,
et quels sônL.les besoins sociaux qui paraissent en
avoir exigé la création;
S'il a élé ferré ou muni de fossés, ce q~li le
mettrait hors de la catégorie des simples chemins
de tolérance;
S'il a été r~paré et entretenu par la commune
comme le sont les chemins publi,cs;
S'il est constamment pratiqué pour arriver d'un
village à un au.tre, ou pour communiquer avec une
section de commune;
Depuis quelle époque il est soumIS aux usages
publics;
,
S'il est signalé dans le cadaslre ou dans les
anciens plaus comme chemin public;
S'il est, sous la mème qualité, douné dans les
titres particuliers pour confin des fonds privés.
Telles sont les principales circonstances laissées
~ l',appréciation du juge, et dont le concours pent
servir à constituer une possession capable d'opérer
la prescription acqnisitive du sol (a).
(a) Voyez de plus amples explications, suprà ,no 532.
C'est pour prévenir les difficultés si fréquentes relativement
llUx. chemins ruraux., que, par sa circulaire du 16 novembre
1839, 'le ministre a exigé que chaque commune e~ dressât un
état analogue à celui des chemins vicinaux..
�DU DOMAINE PUBLIC.
971
CHAPITRE XXXIII.
D~s_ I;hemins communaux.
635. L'espèce pa,rticulière que nous voulons
désigner par ces expressions (a) ne comprend
point les voies de co.mmunications établies dans
l'intérieur des villes, bourgs ou villages, entre les
habitations, car ces voies forment des rues, qui
appartiennent au domaine public, ainsi que nous
l'avons établi plus haut (1), et qui dès-lors ne sont
pas dans le domaine de propriété communale .
. (a) Cette dénomination de chemins communaux, qu'aucun
auteur n'a employée dans le ,sens déterminé ici, était nécessaire
et est parfaitement exacte. Dans la loi du 28 juillet 1824, on
s'était servi indistinctement des expressions de chemins vicinaux
et chemins communaux> pour désigner tous les chemins publics
de commune à commune régulièrement classé~. Lo~s de la présentation, à ia chambre des députés, du projet de la loi du 21
mai 1836, M. le ministre proposait d'appele.r vicinaux les
,chemins servant à plusieurs communes, et communaux ceux
dont l'utilité se restreignait à une seule. Cette classification a
été changée par la chambre des pairs qui n'a admis que la désignation de chemins vicinaux en les divisant en chemins de
grande et .de petit,e communication. Dans l'état actuel de notre
légis1atiolJ, l'expression de chemins communaux, appliquée aux
voies, objet du présent chapitre, ne peut donner lieu à aucune
confusion; on voit qu'il en était autrement, lorsque M. Proudhon l'a employée en 1833. Les chemins communàux sont des
chemins privés à l'usage des communes et dont le sol même leur
appartient au même titre que leurs autres propriétés patri,mQniales.
(1) Voy. sous le' nO 346.
�972
TRAITÉ
636. Les chemins communaux sont ceux qlll
existent en dehor$ des viUe$, hourgs ou villages,
et qui sOll:t affectés au service des propriétés de
la commune, ~u des ohjets dont l'usage appartient
généralement à tons les habitants du lien, tels
que ceux servant à la traite des bois de la forêt
communale, à la c01.1duile des hesli~ux dans les
pâturages communs, on au passage pour arriver
à une fontaine ou à uu ahreuvoir communs situés
hors du groupe des hahitations.
Le sol des çhemin~ de cette classe n'appartient
point ordinairement au domaine public, mais
seulement au domaine de propriété communale:
on doit les considérer comme ayant été laissés à
l'usage de tous les habitants d.u lieu l.ors du paK:tage des terres de la commune, parce qu'on n'aurait pu jouir autremen t des fonds ou droits comIllunaux pour le service ou l'exploitation desquels
~ls «;>nt été originairement réservés.
Nous disons or,dinairement" car en cette matière, il n~y a rien d'absolu ~ et si, par sa direction
ou sa p'osition, un chemin communal n'est que la
cont~nuation d'ub chemin puhlic, ou se confond
avec un cpemin pub.lic traversa.nt la commune ou
le terrain COffin; u nal, il est cbemin puhlic lui-mêm.e,
et appartient au domaine puhlic, comme ceux dont
nous avons traité dans le chapitre précédent; seulement on ne devra le placer au rang des chemins
puhlics que quant à la partie qui se confond avec
la voie de commuuication entre la commune de la
situation et les autres lieux hahités.
.
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
637.
973.
Les chemins communaux diffèrent essentiellement soit des chemins publics ruraux, soit
des simples chemins de servitude, qui sout fort
lllulLipliés dans les campagnes.
Ils diffèrent des premiers, en ce que ceux-ci,
servant à la circulation générale entre les lieux
habités, sont asservis à l'usage de tout venant: ce
qui, comme nous l'avons dit, doit en faire placer
le sol dans le domaine public municipal; tandis
que les chemins communaux ne sont établis que
pour servir aux habitants de la commune dans
l'exercice des droits patrimoniaux d'usage qui leur
sont communs, 011 dans l'exp~oitati()n de leurs
héritages parliculiers ; motif pour lequel ces che.
mins doivent être regardés connne faisant partie
du domaine communal, dont la jouissance n'appartient qu'aux habitants du lieu, à l'exclusion des
étrangers.
Il y aurait sans doute peu de couve·nance à
arrêter nn étranger sur un chemin communal, en
lui disant qu'il n'a pas le droit d'y passer; mais il
n'en est pas moins vrai que, tout en se plaignant
hautement de celte impolitesse, il n'anrait point
d'action en justice pour demander vengeance d'un
tort à lui fait, comme s'il s'agissait d'un cliemin
public, où le droit d'aller et de venir appartient
également à tout le monde.
638. D'autre part, les chemins communaux
diffèrent essentiellement des simples chemins de
servitude, en ce que cCllx-ci ne sont étahlis sur
�974
'TRAITÉ
les fonùs de quelques propriétaires que poU\' l'milité ou le service d'héritages appartenant à d'autres
propriétaires; tandis que les chemins communaux
sont ouverts sur le.terrain communal même, et
pour le service de fonds appartenant seulement
au corps de la même commune, ou à la collection
de ses habitants: ce qui exclut toute idée de servitude, suivall t la maxime Res sua nemini servit.
Cette différence entraîne deux conséquences.
très-remarquables: l'une, que c'est aux frais des
communes que doivent être entretenus et réparés
les chemins comm unaux, suiva n tic mode arrêté pal'
le conseil municipal,' avec l'approbation du préfet, s'il y a des dépenses à autoriser Ca); etl'autre,
que le maire de la commune est le contradicteur
légitime pour s'opposer à leur suppression, ainsi
qu'aux anticipations et embarras que les proprié.
taires voisins ou tous autres pourraient yc.ommetlre
ou y causer; tandis que si ce n'étaient que des
passages ou chemins de servitude privés, les frais
d'entretien ct toutes les contestations auxquels
leur usage donnerait lieu ne pourraient concerner
que les particulie~'s prétendant y avoir droit, et les
propriétaires des fonds qui en sont traversés.
(a) Ar~. 30, § final de la loi du 18 juillet 1837; mais on ne
pourra employer à ces réparations, les prestations en nature et
centimes additionnels autorisés par la loi du 21 mai 1836,
parce que ce sonl des impMs dont le produit est spécialement
~ffecté à l'entretien des chemins vicinaux, et dont il n'appartient;' aucune autorité de changer la desti{lation.
�DU DOMAINE PUllIJC.
975
639. Mais à quoi doit-on précisément s'attacher
pour en faire la distinction r
Lll solution de cette question dépendant essen'"
tiellernent des circonstances de position et de faits
relatives soit au tracé et à la destination du chemin, soit aux intérêts de ceux qui en profitent,
,
, d que1
110usne pouvons que presenter
a, cet egar
ques aperçus généraux.
1 ° S'il 'Y ·a des titres, transactions, reconnaissances, jiJgements ou autres actes constatant que
le chemin a été étahli non-seulement dans l'intérêt
des particuliers, mais aussi dans celui de hcommune en corps, ou qu'il a été reconnu tel, il
T)ourra être revendiqué par elle comme chemin
communal.
2° Le caractère de chemin communal peut sc
démontrer aussi par l'usage où la eOllimune aurait
été de l'entretenir et de le réparer.
3° Lorsqu'un chemin est étahli cn forme de
ruelle entre des clôtures, s'il sert à l'usage de
quelque droit communal, il doit être présumé
communal, comme ayant été séparé de tous les
héritages particuliers, auendu que le droit comlJ,.lunal doit toujours l'empo,·ter sur le droit privé,
par la raison que les terres ontété communes avant
d'être partagées, et qu'en conséquence le sol-non
occupé par des particuliers est censé être resté dans
sa première condition.
4:1 Lorsqu'un chemin, clos ou non clos en forme
de ruelle, s~rt de communication avec un terrain
�916
TRAITÉ
communal,' 011 est établi pOUT arriver à une fon·
taine ou à un abreuvoir commnns, il doit évidem~
•
"
,ment etre
repute
communa1.
.5° S'il est ouvert pour: communiqucr de la v.Qie
publique à des maisons habitées, il n'est plus seulement communal, mais il doit être considéré,
ainsi que nous l'avon's dit plus haut, comme chemin public appartenant au domaine public mllni~
ci pal.
Au reste, qu'il s'agisse soit d'un vér,ÏtabJe chemin public, soit d'un simple chemin communal
établi pour communiquer avec un terrain commun, dans l'un et l'autre cas il est égale~ent et
incontestablement grevé de la servitude de passage
pour l'e:<ploitation des fonds de la contrée qu'il
traverse.
CHAPITRE XXXIII
BIS.
Appendice aux sept chapitrés précédents.
L'établisscment, l'entretien ct l'usage des voies
de communication dépendant de la petite voirie,
donnent lieu à deux questions intéressantes qui,
pouva n t se présenter relativemen t à chacune d'elles,
n'ont pu être traitées à fond dans aucun des cha":
pitres précédents, et doiven t trouver leur place dans
le présent appendice.
PREMIÈRE QUESTION •
. 641.
Uil chemin (et il faut en di.'e de même
�DU DOMAINE PUnLIC.
971
d'une rue) est établi le long d'un tcuain en pente;
il est appuyé, à son bord infërieur, par un mnr de
soutenement qui vient à s'ébouler sur la vigne ou
le pré adjacents: qui est·-ce qui' devra faire re-_
construire le mur? Est-cc la commune., comme
chargée de l'en tretien du chemin? Et le propriétaire
de la yigne ou du pré aura-t-il une action pour l'y
con traindre-?
Pour obtenir la solution de ces questions, il
faut distinguer entre le cas où le mur aurait été
construit pour soutenil' les matériaux disposés à
main d'homme sur le chemin, à l'effet d'en établir
la chaussée, et celui où il n'aurait été fait qUe pour
empêche\' l'éboulement qui serait la suite natu'l'elle de quelques excavations ou fouilles pratiquées
dans le fonds infërieUl'.
Si l'on peut reconna1tre que le fonds inférieur a
été creusé au bord, le propriétaire de cc fonds
doit, jusqu'à concurrence des affouillements qu'il
y a faits, être chargé de la reconstruction, attendu
que c'est pal' suite de son ouvrage que l'existence
du soutenement est devenue nécessaire.
Mais, si l'on ne remarque aucune excavation 0\1
fouille pratiquée dans le fonds inférieur ~ c'est uni(Jlwment sUl'la commune que doit peser la charge
de reconstruire le mut' qui doit soutenir les matériaux apportés à main d'homme, ou pris dansleflanc
du coteau pour établir la chaussée horizuntalement
dans le sens de sa largeur; et il ne faut pas douter
que le propriétaire voisin n'ait une action contre
�978
TRAITÉ
la COIn mu né pour la faire condamner à enlever les
débris éboulés sur son fonds, faute d'entretien du
mur: cal', si, conformément à l'article 41, tit. 2,
de la loi du ,60clObre 1791, rapporté plus haut (1), .
la commune est responsable du dommage causé
par le voyageur qui., par suite de la dégradation du
chemin, s'est ouvert un passage SUI' le fonds joignant, à pl us forte raison 'doi t-on accorder la même
action contre la commUIie· qui ·ne .répare pas son
mur de soutencruent.
SECONDE QUESTION.
642. On voit quelquefois s'élever devant les
tribunaux des débats sur le 'point de savoir quels
sont les droits que les habitants des communes
peuvent, en leur propre et privé nom; revendiquer
sur les chemins existants dans l'étendue de leurs
territoires·. Cette question est importante et mérite
d'être approfondie.
.
Suivant les dispositions du droit rOluain, qui est
ici no~re législation primordiale, ce qui est dû ou
ce qui appartient au corps de la co~mune n'est pas,
pOUl' cela, dû/à chacun des habitants qui la COIUposent; et réciproquement les delles du corps de
la commune ne sont point les delles individuelles
des habitant:. : Si quid universitati dehetur~ singulis non dehetur, nec quod dehet universitas
singuli dehent (2). De là on a tiré la conséquence
(1) Voy. sous le nO 264, et pag. 809 <lu présent vol.
(2) L. 7, § t , fi. quod cujllscunque llniversitatis nomine,
lib. 3, tit. 4.
�DU DOMAINE PUBLIC.
979
que lorsqu'une communauté a quelque litige à soutenir à raison de son domaine communal, elle ne
peut agir ou défendre que par le ministère d'un
syndic ou d'un agent délégué par elle, pour la représenter dans la lutte judiciaire où elle doit figurer en corps: Quibus autem permissum est habere corpus collegii, societatis, sive cujusque
alterius eorum nomine, proprium est, ad exemplum reipuhlicae hahere res communes, aream
communem, et actorem sive syndicum; per
quem, tanquam in repuhlicd, quod communi- ,er agi, fierique oporteat, agatur,fiat (1).
Mais, chez' les Romains, pour que le syndic pût
valablement compromettre en justice sur les intérêts de la commune, il fallai,t qu'il y fût autOl:isé
par une délibération qui ne pouvait être légale
qu'autant que la généralité des habitants y avait
été convoquée; la délibération devait être prise à
la majorité des votes de tous les membres de la
commune: Quod major pars curiae tffecit, pro
eo hahetllr ac si omnes egerint (2) ; et cette majorité devait être portée aux deux tiers du nombre
des habitants, à moins qu'il n'y eût d'ailleurs une
délégatiou spéciale de la loi: Nulli permittitur
nomine civitatis veL curiae experiri, nisi ei cui
Lex permittit, aut, cessante lege, ordo dedit?
càm duae partes adessent aut, ampLiàs quàm
duae (3).
(1)L. 1, § 1, fI. quodcujuscunque uniIJersitatis, lib. 3, tit. 4.
(2) L. 19, if. ad municipalem, lib. 50, tit. 1.
(3)" L. 3, if. quod cujuscunque umi>ersitatis , lib. 3, tit. 4.
�980
643,
TRATI'É
Le syndic dont parle la loi romaine est
'aujourd'hui le maire de la commune (a); et c'est
à l'imitation de celle ancienne pratique des Romains que fut porté l'édit du mois d'avril 1603,
défendant aux communautés d'habitants d'inten" ter aucune action, ni commencer aucun procès,
») tant en cause principale que d'appel. •..• sans
" en avoir auparavaotoLtenu le consentement des
» habitants dans une assemblée générale, dont
» l'acte de délibération, est-il ajouté, sel'a con" firmé et autorisé d'une permission par écrit du
» sieur commissaire départi en la généralité (1). "
Sur quoi il convient de remarque,' qu'aujourd'hui
ce sondes conseils municipaux seulement qtlÎ sont
appelés à délibérer sur les actions relatives aux:.
,communes, comme sur tous antres intérêts qui
Cl(
(a) ta loi du 29 vendémiaire an 5 portait: « Le droit de suivre
les actions qui intéressent tmi<tû~mentles communes, est con'» fié ame agents desdites communes (remplacés par les maire.,
» suivant l'art. 13 de la loi du 28 pluviôse an 8), ct, à leur dé·
» faut, àleurs adjoints. » - L'art. 69, § 5 du Code de procédure
~it : « seront assignés
, les communes, cula personne ou au do» micile du maire
» - Enfin l'art. 10, § 8 de la loi du 18
juillet 1837, est ainsi conçu: « Le maire est chargé, sous la
" surveillance de l'administration supérieure..... de représenter
" la commune en justice, soit en demandant, soit en défen... dant. » - Les art. 19, § 10, et 49 et suivants de la même
loi règlent la forme des autorisations de la part du conseil mllnicipal et du cQnseil de'pré(ecture.
»
. (I)Voy,aurecueildeNéron,t.2,p.182,col.2.
�'981
DU DOMAINE PUBIJC.
peuvent les concerner. Les agitations causées dans
l'intérieur de la France par quarante ans de révolution, nous ont suffisamment démoutré comhien
il serait dangereux pour la paix publique de réunir
trop souvent la masse des citoyens pour délibérer
sur des affaires quelconques.
644. C'est donc une chose avérée en droit, que,
quand il s'agit de parahre en justice ordinaire
pour y compromettre sur le domaine communal
soit cri demandant, soit en défendant, on ne peut
trouver de contradicteur légitime que dans la personne du maire, ou, à défaut, des adjoints, les
uns et les autres dûment autorisés à intenter op à
soutenir l'action., et que les simples habitants du
lieu, considérés ut singuli, ne seraient pas recevables à figurer dans un~ cause de cette patl1re.
Cependant il est incontestable aussi que ces
mêmes habitants, considérés ut sirzguli, ont un
droit de jouissance personnelle sur tout ce qui appartient au domaine commu nal; que chacun d'eux,
par exemple, a personnellement le droit d'user des
chemins communaux qui sonJ. sur le territoire de
la commune: comment faudrait-il donc concilie.'
,cette fin de non-recevoir qui, d'une part, les re~
pousse de l'action en revendication du chemin,
,avec le droit qui, d'autre part, leur est personnellement acquis pour en user r Si le maire refuse ,<;l'agir pO,ur faire reconnaître le domaine communâ..l
du chemin qu'un particulier envahit pour se l'approprie.:, les autres hahitants seront-ils donc obliTOM. Il.
62
�982
TUAITÉ
gés de souffrir en silence la perte du droit d'y passer et de s'en servir?
Pour résoudre cette question dans toute la généralité qu'elle peut comporter, il faut observer
'qu'elle peut se présenter dans trois hypothèses
différentes:
1° Celle où la nature du domaine communal du
'sol occupé par le chemin n'est pas contestée, mais
où on s'oppose seulement à ce qu'un particulier y
·exerce son usage;
2° Celle où la nature de la voie communale est
contestée, et où le particulier qui prétend yexer~er son usage n'agit que comme simple habitant
du lieu, sans :\voir d'antre titre à invoquer en sa
faveur;
3° Celle, enfin, où, comme dans le cas précédent, la nature Ju domaine communal est contestée, mais où le particulier qui prétend y exercer
-son passage fonde son droit sur une cause qui lui
.est personnellement acquise, et qui est autre que
la simple qualité d'habitant de la commune.
645. SUPPOSONS, en premier lieu, que la na ture
ou la qualité de la voie communale ou puhlique
ne soit pas méconnue, et que néanllloins l'on s'oppose à ce qu'un particulier y exerce son passage:
'cet habitant sera certainement recevahle à se pourvoir en justice ordinaire contre celui ou ceux qui
l'auront empêché de jouir d'un droit commun à
tous, et à demander réparation du lort qu'on lui
-aura fait souffrir: Sed in omnibus his casibus
�DU DOl\IAINE' PUBLIC.
·983
injuriarum actione utendum est (1). La raison
.,
dfJu
' une
en est que son a.ctlOn
n aura pour c
lon cment
cause à lui propre et personnelle, et dans l'allégation de laquelle il n'aura point à se prévaloir des
tlroits d'autrui. C'est une voie de fait au sujet de
làquelle on ne peut refuser d'entendre sa plainte,
et voilà tout (a).
, 646. SUPPOSONS, en second lieu, que la nature
ou la qnalilé de la voie publiq oe soit con testée par
quelqu'un qui l'a interceptée pour la réunir à son
héritage, prétendant que le terrain lui en appar~
tient, et qu'il n'e&t grevé d'aucune servitude de
passage; mais que, d'autre pari, le pat·ticulier qui
veut y revendiquer un droit de passage ne se présente devant la justice que comme simple habitant.
du lieu, pour soutenir que le terrain dont il s'agit
étant une voie communale établie dans l'intérêt
de tous les habitants, il doit avoir le droit d'en
user; qu'en un mot, il élève cette prétention sans
avoir d'autre titre ni invoquer d'autre cause du
droit par lui revendiqué que ceux qu'il fait résulte~
de sa qualité d'habitant, il devra être déclaré non·
recevable, attendu qu'alors la question n'aura pOUl'
(a) Voy. suprà, pag. 363 et suiv., et aussi l'iut. 5 du décret
du 9 brumaire an 13, qui accorde aux habitants, ayant droit 'à
la jouissance des biens communaux, le recours ut singuli au
conseil d'état, contre les délibérations des conseils municipaux
qui auraient· pour objet le changement du mode de cette jouissance.
(1) IJ. 2, § 9, ff. ne qllid in loco pllblico, lib. 4:3, 'tit. 8.
�984
/
TRAITÉ
objet que la qualité du tcrrain à revendiquer~
comme dépendant du domaine communal, ce qui
fait que, quant au fond" l'action, rentrant entièrement dans l'intérêt de la commune, ne pourra
plus être régulièrement intentée ou soutenue que
par le maire, comme délégué du corps municipal.
En procédant ainsi, par le moyen d'un seul contradicteur pour toute la commune, il n'y a qu'un
·procès à avoir, en sorte que si le maire succombe,
tous les habitants de la commune soot passibles de
la chose jugée contre lui; et qu'au contraire, s'il
sort victorieux de la lutte, tous part:ici.pent au bénéfice de son succès; tandis que, si les habitants
n'étaient pas représentés par un a~ent unique pour
le fait de leur procès, tous pourraient le renouveler les uns après les autres, ou il faudrait les appelcr tous ensemble dans la cause, ce qui opèrerait une perturbation. générale dans la commune,
et finirait par tout dévorer en frais de procédure.
Mais ce n'est pas seulement par ces r-aisons de
bon ordre, de paix et d'économie de temps et d'argent, qne, dans ces sortes de causes, les habitants
doivent avoir nn syndic dans la personne de leur
maire, délégué pour agir et défendre au nom du
corps de la commune, la nature de la propriété
liùgieuse est telle qu'eUe exige elle-même cette
forme de procéder.
647. Il faut, en effet, bien se garder de confondre un fonds communal avec un héritage dont
lCs habitants actuels seraient auta,nt de coproprié-
�DU DOMAINE PUBLIC.
985
taires. par indivis: car, si l'on devait voir en eux
autant de copropriétaires qui dussent être appelés
dans le procès dont le fonds communal est l'objet,
chacun. d'eux pourrait en.demander le partage pOUl'
revendiquer en. pr<>pr,e sa portion indivise dans le
touJ; mais.tels Ile sont pas les droits des habitants:
ils n'ont nuiJement la qualité de copropriétaires,
et ils ne peuvent exiger le partage du fonds communal, parce que, suivant l'expt:ession de la loi
romaine, ce fonds n'appartient qu'au corps de ]a
.commune :. Si quid universit.ati dehetur, singulis. non dehetur, et qu'il. est destiné à rester attaché à ce corps pOUl' servir aux générations futures, comme il sert à la génération actuelle.
64-8.. A la vérité, le pal'liculier qui intenterait
une semblable action aurait bien un intérêt à ce
que l'existence de la voie publique fû~ reconnne
pour pouvoir s'en servirensuitc; mais il ne suffit
pas d'avoit, intérêt à une chose pour être admis à
en demander l'adjudication en justice, il faut encore avoir qualité :. or, la T.l~vendication du domaine
municipal ou communal n'est attachée. ou attribuée
.qu'au corps qui est revêtu de ce domaine, comme
]a reven4ication d'un fonds parüculier n'appartient
.qu'à celui qui peut agir en qualité de propriétaire,
parce qu'il n'y a toujours que celui qui a le domaine de la chose qui soit capable de l'engager
valablement dans le compromis judiciaire: d'où
,il résulte qu'une action de cette natme ne penl
être exercée qu'au nom et pOUl' le corps de la com:-
�986
TRAITÉ
mune, sur lequel repose le domaine municipal 011
. communal de la chose.
Et ce qu'il faut bien remarquer, c'est que le par..
ticulier qui voudrait faire déclarer communal un
fonds sur lequel il entend exercer son usage, et
qui n'agirait qu'en sa qualité de simple habitant
du lieu, ne revenùiquerait qu'un droit purement
social; il ne réclamerait qu'un droit qui ne saurait lui apparteni,' qu'autant qu'il lui serait commun avec tous les autres habitants. : or, en demandant pour lui- même une participation de
jouissance dans le fonds, et ne la demandant que
comme sociétaire dans la chose, il agirait nécessai remen t dans l'intérê t de ton t le corps social; et',
comme il n'en est pas le délégué, il ne pourrait
être recevable à le représenter dans la lutte judiciaire qu'il vouùrait engager.
Dans cette hypothèse, il faut de toute nécessité
l'intervention du maire pour faire déclarer communal le terrain en litige, et en faire ouvrir par
ce moyen l'entrée aux habitants (t).
649. SUPPOSONS, en troisième lieu, que, comme
dans l'hypothèse précédente, la qualité du sol public soit contestée; que celui qui s'est emparé
d'une portion de terrain ayant les apparences d'un
chemin communal pour la joindre à son héritage,
ou pour en jouir privativement, soutienne que ce
(1) Voy. sur ce point un arrêt de la Cour de cassation du 15juin 1829, au Journal des audiences, vol. de 1829, pag. 271.
�DU DOMAINE PUBUC.
98'1
terrain est à lui, et qu'il a le droit de l'enfer.
mer; et que, d'autre part, le particulier qui vient
s'opposer à celte entreprise se fonde pour cela SUl'
une cause q~i lui soit propre et personnelle, et qui
soit autre que sa simple qualité d'habitant; que,
par exemple, possesseur d'une maison ou de tout
autre héritage adjacent à ce terrain, qu'il soutient
être un ancien chemin public ou un communal ,il
revendique la faculté d'y exercer toutes les servi.
tudes de passage nécessaires aux aisances de sa
maison, ou il l'exploitation d'un héritage d'autre
nature; dans ce cas il n'y aura plus de fin de nonrecevoir à lui opposer, parce qu'alors ce ne sera
point un droit social appartenant par sa nature aq
corps de la commune, mais bien seulement un
droit individuel et à lui propre, qui fera l'objet de
son action.
Nous Ile devons pas répéter ce que nous avons
dit dans la dissertation qui forme la section 2 du
chapitre 24; il suffit d'y renvoyer le lecteur (1) , et
de rappeler ici, comme une chose constante en
droit, que quiconque possède une maison ou un
autre héritage joignant une voie ou place publique,
ou même une place ou un terrain communal, a
le droit d'y exercer, à titre de servitude, tous les
passages qui sont nécessaires à la jouissance de sa
maison ou à l'exploitation de son héritage, et d.'ouvrir il cet effet sur le terrain commun toutes les
(1) Voy. sous les nO' 363 et suiv., et 570.
,
�988
TRAITÉ
portes' et fenêtres qu'il juge convenables à l'exercice de son droi t. Or, celui qui revendique l'exercice d'une servitude due à son fonds, revendique
par là même l'in tégralité de cet héritage, puisqué
la servitnd~ active cn fait partie: c'est comme propriétaire de son fonds et non comme hahitant du
lieu qu'il agit; et il serait aussi absurde de soutenir que c'est un droit communal qu'il demande,
que de. dire que l'héritage qui lui appartient en
propre est un terrain communal; il ne saurait être
déclaré non-recevable dans son action.
65(). Peu importe que celui qui réclame un
droit de servitude réelle sur un terrain communal
ou une voie publique dont la nature est contestée
soit obligé, pour parvenir à ses fins, de prouver
que ce terrain est véritablement une voie puhlique
ou communale: cal' il ne faut pas confondre la
chose revendiquée avec le moyen cm ployé pour en
exercer la revendication; il suffit que le droit réClamé ne soit pas'un droit communal, mais- bien
un droit privé; il suffit que ce droit soit fondé sur
une cause particulièrement acquise au réclamant,
pour que son action soit recevable; et quoique,
pour arriver à ses fins, il offre de prouver que le
terrain sur lequel il prétend exercer son droit de
-servitude est un fonds communal- ou une rue publique, on ne peut toujours pas dire qu'il excipe
des droits d'autrui, puisqu'il n'agit en cela que
demonstrationis gra#d; qu'il ne demande toujours que ce qui lui appartient privativement, et
�DU DOMAINE PUBLIC.
989
qu'il ne poursuit pour lui - même l'adjudication.
d'aucun communal, en demandant la jouissance,
d'une servitude dont la cause lui est propre et étrangère à tout autre.
Supposons, par exemple, qu'ayant acquis de
Paul un droit d'usage ou de servitude qùelconque
sur un fonds par lui posséd~, une tierce personne
vienne ensuite s'opposer à l'exercice de mon droit
d'usage ou de servitude, et qu'à l'appuidè son op':':
position elle allègue que c'est elle, et non Paul,
mon cédant, qui était propriétaire du fonds prétendu asservi, il est bien incontestable que l'on ne
me l:efusera. pas la faculté de prouver que ce fonds
appartenait réellement à Paul lors de la concession
qu'il m'a faite du droit de servitude, et qu'au
moyen de cette preuve, mon droit me sera conoservé. Pourquoi donc en serait-il autrement à l'é.gard de celui qui prétend exercer un droit de m.ême
nature sur une voie publique 011 communale, dont
:Sa partie adverse conteste la nature?
Ail surplus, la doctrine que nous professons ici
est confirmée par la jurisprudence de la Cour de
cassation, comme on peut le v.oir dans divers 31°rêts par elle rendus Ca).
(a) Voy. suprà, page 366 et suivaI)tes, où nous faisons re:marquer la. modification apportée sur ce point à la législation
ancienne par l'~rt. 49, 3" et 4· alinéas de la loi du 18 ju;IIe,t
IH37; modification que M. Isambert, Traité de la voirie, nQ'
330 et suiv., regardait comme nécessaire au moins en ce qui
concernait les chemins.
.
�99Q
TllAITÉ
,
~~~~~"iNIo W
..........
'''l'MV"~W\'II,.
CHAPITRE XXXIV.
Des· chemins de servitude et des voies ·agraires.
651. L'objet de cet ouvrage ne se rapportant
qu'au domaine public, on sent qu'on ne doit point
s'attendre à y trouver un traité sur les servitudes.
Néanmoins nous devons en dire quelque chose, ne
fût-ce que pour faire ressortir la différence $le caractère qui existe entre les chemins établis. à ce
titre et ceux dépendant du domaine public.
Les chemins de servitude sont ceux qui ont été
ou qu'on trouve imposés sur certains fonds pOUl'
l'utilité, les aisances et agréments, ou l'exploitation d'héritages appartenant à d'autres maîtres.
On leur donne la dénomination de voies
agraires lorsqu'ils servent à l'exploitation de fonds
agricoles.
Au reste, que le droit de passage soit imposé sur l'héritage d'un particulier, sur un fonds communal, ou SUl' un sol public, peu importe, il n'est
toujours qu'un droit de servitude, du moment
qu'il n'est établi que pour l'utilité ou l'avantage
d'u n ou de plusieurs héritages particuliers app_trtenant à d',autres propriétaires.
Les chemins servant de cOID.munication entre
des lieux habités appartiennent au domaine public, parce que tout le monde a également Je droit
de s'en servir; et, nonobstan t cette circonstance,
�DU DOMAINE PUBLIC.
991
les lois les melten t à la charge des communes de la
situation, parce qu'elles en profiten t plus spécialement, qu'elles ont un intérêt particulier à leu~
entretien, et qu'elles constituent, dans chaque lo'l'
cali té, une fraction notable du public auquel appar~
tiennent ces chemins. Il n'en est pas de même des
voies agraires ou des chemins de servitude: ici tout
est nécessairemcn t dans le domaine privé, puisqu'il
n'y a que des propriétaires de fonds déterminés qui
aient le droit d'user d'un passage qui n'est établi
que pour eux, et qui, par conséquent, ne peut être
qu'a leur charge particulière.
652. Ainsi tout chemin qui pénètre dans un
finage illnS passer outre, ou tout chemin qui
n'est établi dans l'intérieur des terres que pom
leur exploitation, et qui ne sert pas ou ne sert
qu'accidentellement de communication entre des
lieux habités, doit être considéré comme un simpl~
passage de ~ervitude, dont l'établissement, la conservation, l'entretien et l'usage ne regardent que
les propriétaires des héritages qu'il traverse, et ceux
-des fonds au serVIce desquels il est destiné, puis'"
que son existence et sa cause sont entièrement daos
l'intérêt privé.
)
Nous disons que tout chemin qui ne sert pas ou
qui ne sert qu/accidentelLementde cOllllllunication entre des lieux habités n'est qu'un passage de
servitude: car, pom qu'il y ait chemin public, il
faut que le chemin ait été destiné au service du pu:'
blic; qu'on voie dans son usage la satisfaction d'll~
�992
TRAITÉ
hesoin puhlic, et qu~il soit habituellement pratiqué
par le public: autrement il n~y aurait pas de sentier qu~on ne plÎt qnalifier de chemin public, s~il
suffisait pOUF cela qu'en poursuivant sa marche on
parvînt à arriver à un lieu habité Ca).
'
(a) Des explications données dans çe chapitre et surtout de
leur rapprochement avec celles contenues dan~ les trois précédents, il semblerait résulter deux choses : l'une que le sol de
tous les chemins public~ ou communaux, c'est-à-dire servant
de communication entre des lieux habités, ou destinés à l'usage
de tous les habitants, appartient nécessairement en pleine propriété au~ communes; et l'autre, au contraire, que les voies qui
ne servent qu'à l'exploitation des fonds des particuliers ne. constituent jamais que de simples servitudes.
•
Ces deux propositions ne sont point exactes dans leur généralité.
D'abord, en ce q~i con.cerne la première, indépendamment
des chemins vicinaux, trois espèces de passages peuvent intéresser les eommunes: 10 ceux destinés à lier. entre eux des lieux
habités et qui sont ouverts à tout venant ; cesont les petits chemins
publics ou chemins ruraux dont il a été parIe au chapitre 32 ;
2 0 ceux appelés communaux, qui servent aux habitants pour
se rendre à une fOI~t.aine·, à un abreuvoir ou à un lavoir commUDs, ou pour l'exploitation d'une forêt ou d'uD pâtis dont les
produits se per'5oivent en nature et se partagent entre les ayant
droit; ils forment l'objet du 33 e chapitre. Enfin les passages
affectés à la desserte de fonds patrimoniaux, tels que terres,
prés, vignes, maisons, etc., que la commune amodie et dont
les fermages au loyers sorit versés dans la caisse municipale.
Nous admettrons volontiers, avec l'auteur et par les
raisons qu'il a déduites, qu'en ce qui a trait aux deux premières espèces, la présomption doit être que le sol même,
sur lequel s'exerce le droit, appartient en pleine propriété à
�DU DOMAINE PUllLIC.
993
. 653. En fait de dépenses nécessaires àl'exel'cice
des droits de servitude, il faut' d'abord observer
la commune, comme ayant été laissé originairement et lors
du partage primitif, en dehors des fonds particuliers pour
satisfaire à des besoins publies; mais, selon nous, ce n'est là
qu'une présomption juris tanlitm qui doit céder ,devant la
preuve du contraire, résultant soit de titres, 'soit de circonstances
particulières; on conçoit, en effet, que le corps moral d'une
communauté puisse, comme un individu, stipuler une charge
réelle sur des fonds particuliers pour son utilité et son avantage,
telle que celle de pecaris ad aquam appulsus,. citée par M.
Dupin, dans son Inlraduction aux lois des communes, pag. 127.
On pourrait même induire des termes de l'art. 650 du Cod. civ.,
que le législateur d'alors supposait que les chemins publics
~'étaient en génér~l étahlis que de cette manière; et en réalité,
ce n'est que depuis la loi du 28 juillet 1824, ainsi que nous
l'avons expliqué dans la note de la page 818 ci-dessus, que le
droit de pleine, propriété des communes sur leurs chemins a été
formellement consacré. Rien donc ne nous paratt s'opposer, en
droit, à ce qu'un passage, soit public, soit affecté à la desserte
d'un communal dont les fruits ou les avantages seper/iioivent en
nature, existe à l'état de simple servitude; mais, nous le répétons, il faut que la preuve de sa constitution à ce titre soit c1ail'ement établie; autrement la commune qui en serait en possession
devrait être réputée propriétaire du sol même sur lequel il s'exerce.
Telle est aussi l'opinion de M. Isambert, qui, d;ms plusieurs
passages de son Traité de la voirie, enlre autres aux n0 5 267
et suiv. et 403 , parle spécialement des chemins privés, grevés,
de servitudes publiques, donne des règles pour déterminer
l'étendue du dr6it, et engage les administrateurs à en joindre
l'état à celui des chemins vicinaux proprement dits.
Quant aux passages pour la desserte et l'exploitation de fonds
amodiés, les communes so'nt dans la même position que les,
simples particuliers; la nature du droit qu'elles peuvent récla-'
�TRAITÉ
que le propriétaire du fonds asservi ne doit pas y
contribuer: Servitutum non ea natura est ut alimer, dépend entièrement des titres ou des circonstances; la
présomption de propriété n'existerait qu'autant que les fonds
dont il s'agit seraient d'anciens patis ou bois communaux
défrichés et mis en culture; les chemins alors réputés en
pleine propriété qui les desservaient dans leur premier état,
auraient conservé leur caractère après la modification que ces
fonds ont subie, et ce serait à ceux qui soutiendraient que le
passage n'est dû qu'à titre de servitude, à l'établir.
En second lieu, nous ne pouvons pas admettre davantage sans
restriction la seconde proposition ci-dessus, savoir: que tous
les chèmins .destinés à l'exploitation des fonds ruraux ou productifs de revenus appartenant à des particuliers, et qui ne
servent point de communication entre des lieux habités ou des
voies publiques, sont de simples passages à titre de servitude,
indistinctement qualifiés de ce nom, ou de voies agraires.
Nous pen~ons que ce caractère est loin d'être exclusif, et
qu'il y a une distinction importante à faire. Sans doute lorsqu'un
chemin traversant une prairie ou même un héritage en culture',
et uniquement destiné à l'exploitation et au défruitement d'un
héritage de même nature situé. dans une partie plus éloignée
du finage, n'est pratiqué qu'à certaines époques de l'année~ et
dans des circonstances telles que l'usage qui en est fait n'empêche pas le propriétaire de l'héritage traversé de recueillir tout
ou partie des fruits qui croissent sur son sol, on ne doit le
considérer que comme créé à titre de servitude, à moins qu'il
n'apparaisse d'un titre contraire, parce que son tracé, l'usage
qui t;n est fait, le beso.in auquel il répond, le produit qne le
propriétaire dont il traverse le fonds, continue à en retirer, démontrent qu'il a été établi sur un fonds, au profit d'un autre
fonds, et que, créé pour un besoin limité, le sol n'a pas cessé
d'en appartenir au propriétaire de l'héritage qui le fournit. C'est
�DU DOMAINE PUlILIC.
995
quid faciat quis; ..... sed ut aliquid patiatur~
aut non faciat (1), attendu que la charge est ici
o
alors que s'appliquent les divers principes et solutions posés par
M. Proudhon dans ce chapitre.
. Mais lorsque le chemin, au lieu de traverser certains héri~ages , leur sert de limite, lorsqu'il est constamment frayé, que
l'usagc- qui en est fait empêche les propriétaires riverains d'y
recueillir des produits, lorsqu'il dessert un grand nombre d'héritages de différents genres de culture qui exigent nn passage fréquent et continuel pendant toute l'année, tels que sont, par
exemple, les chemins ou sentiers destin~s à l'exploitation des
vignes, nous pensons qu'alors il ne doit pas être réputé établi
]t titre de simple servitude, mais qu'il doit être considéré comme
:une propriété commune et indivise entre tous ceux à la desserte
des héritages desqu"els il est affecté. On doit admettre que cha~un des intéressés a abandonné une faible partie de lia propriété,
~fin d'obtenir une exploitation facqe et commode, ou bien que
le chemin a été créé par l'effet d'une sorte de destination du
père de famille: de grandes propriétés s'étaient autrefois trouvées réunies dans la même main; des chemins ou des sentiers
avaient été établis par le maître; ces moyens d'exploitation in.
dispensables ont continué de subsister après la vente ou la
~ivision de la propriété. Voilà l'origine des chemins de desserte
auxquels nous pensons que doit être appliquée plus particulièrement la dénomination de 'Voies agraires, que M. Proudhon
a peut-être étendue mal à propos aux simples chemins de servitude, généralement qualifiés de passages, de dessertes, ou de
droits de servitude. Etablies par un consentement exprès ou ta~ite, ati moyen de la contribution de plusieurs, les véritables voies
agraires ne sont pas la propriété d'un seul grevée d'une charge
réelle au profit de ceux auxquels elles sont utiles, mais bicn la
'. (1) L. 15, § l , ff. de servÎtlltihus, lib. 8, tit. 1.
�996
'l'lWTÉ
toute foncière; en sorte que c'estle fonds lui-même
qui en est le débiteur envers un autre héritage (637
et 686 C. c. ).
copropriété de tous, quelles que soient les mutations que les
héritages environnants aient subis dans la 'suite. Prélevées sur
les fonds de tous, ou laissées en dehors des lots de partage, dans
un but commun d'utilité, elles appartiennent à tous au même
titre, quoique dans des proportions différentes, et relatives à
l'avantage qu'elles procurent à chacun; elles forment une dépen~
dance commune et indivise des différents fonds qu'elles desservent, sans qu'il y llit lieu à appliquer les dénominations de
fonds servant et de fonds dominant.
Ce caractère de copropriété ~tait jadis consacré dans les coutumes qui n'admettaient pas de servitudes sans titre, ainsi qu'on
peut le voir dans Pocquet de Livonière Jur l'art. 449 de la
coutume d'Anjou> et dans Germain Guyot sur l'art. 94 de la coutume de Mantes et Meulan. Lalaure, dans son Traité des serpitudes> /ipre 3, chap. 7, p. 233, rega.rde les sentiers d'exploitation de terres, de vignobles, oÙ de prairies, comme des sentiers
communs à tous ceux qui ont des terres, des vignes et des prés
joignant ces voies d'exploitation. Dans le dt-oît nouveau,
Fournel (du voisinage> Vo actions possessoires); et Pardessus
( Traité des serlJitudes, nO 217), reconnaissent également que
les voies agraires sont souvent des propriétés communes. Ce
dernier auteur dit notamment, u que les questions qui s'élèvent
» sur les passages destinés à la desserte des héritages, sonl du
Il ressort des tribunaux qui doivent, suivant les circonstances,
Il observer les principes sur la propriété indivise ou sur les
li servitudes conventionnelles.
»
Par divers arrêts, notamment des 29 novembre 1814, et 19
novembre 1828 (Sirey> 16-1-225, et 29-1-110), la Cour de
cassation a également reconnu que les sentiers d'exploitation
étaient moins une sel'Pitude discontinue> que l'e.xécution d'UM
�99'1
DU DOMAINE P1IDLIC.
Dans l'hypothèse où il ne s'agit que d~ chemins
de servitude, et surtout, de voies agrai,:es, la charge
conllention supposée, entre les propriétaires '1Joisi~s pour l~ desserie de leurs héritages, '
, ' ..
Nous avons cru devoir insister sur cette tlistinction entre les
chemins à titre de servitude " et ceux à titre de copropriété,
parce que, à l'égard de ces derniers, disparaissent i'u.contes'abl~
ment toutes les difficultés qui 'peuvent s'élever par rapport à
l'admissibilité de l'action possessoire et de' la pre~criptio~;
points qui ne donnent lieu aux questions discutées dans le
présent chapitre, qne lorsqu'il' s'agit de simple passage à titre
,
'
.
.
de servitude.
.
.Il· résulte de là une conséquerice, qui, pour être exh:aordinaire, n'en est pas moins vraie; c'est 'que, soit aù pétitoire, lor~
que la question de prescription s~ présente, soit au poss~ssoire,
le sort du procès dépend souvent de la manière dont la demande
est formulée; si l'on r~cIame un passage à titre de servitude, on
ne pou~ra ni' réussir dans l'action en complainte, ni exciper
d'autre chose que d'un titre, sauf les cas de contradiction ou
d'ouvrages appa~ents dOlit il se;a parlé ph~s bas J et lJ~li sou:lèvent encore de graves controverses, tandis que si l'on prétend
à la propriété ou même à la simple copropriétt< du sol d~l passage, on sera recevable à agir en maintenue posses30irc et on
pourra invoquer la prescription ( arrêts de la Cour de cassation
des 14 janvier et 17 novembre 1840, - Sù'ey, 41-1-88 et 150);
il en est de même dans d'autres cas: par exemple, si je soutiens
avoir un droit de puisage li uue fontaine
à un puits, je dois
succomber, li moins que je ne rapporte un titre; si je me prétends
au contraire copropriétaire de la source, et que je prorive une
jouissance. trentenaire, je gagnerai infailliblement mon procès.
Par arrêt du 22 novembre 1841 (Sirey, 42-1-191), la Cour
de cassation, en rejetant le poul'voi contre une décision de la·
Cour de Riom, a également ju'gé que le droit de percevoir les
secondes herbes d'un' pré pouvait', selon les circons.tances,
ou
TOM:.
n.
63
�998
'l'MITÉ
des frais d'entretien ne doit peser que 'su'r les particuliers qui s'en servent pour l'exploitation de
çonstituer, au lieu d'une servitude de vaine pâture qU:i ne saurait
s'établir par prescription, un droit de copropriété susceptible
d'~tre acquis par une possession trentenaire.
On ne peut toutefois se dissimuler que éette manière d'envisager certains droits, ne présente des inconvénients; elle tend
évidemment à éluder le principe de l'imprescriptibilité des servitudes discontinues ou occultes; en effet, toute servitude réelle
emporte nécessairement un droit de copropriété puis'qu'elle
donne au maître du fonds dominant le droit d'user, dans certaines limites, du fonds servant; mais cette espèce de copropriété,
qui est uné conséquence naturelle et forcée de la servitude, n'en
change pas la nature et devrait rester soumise, soit pour son
acqùisition, soit pour so~ extinction, aux règles sévères concernant les servitudes j autrement il n'y a pas de servitude discontinue-ct par suite imprescriptible qui ne puisse ~tre transformée en un droit de copropriété 'qu'i pourra s'acq'il.érir sans
titre, au moyen d'une possession trentenaire.
Quoi qu'il en soit, on voit d'après cela combien, en ces matières, il est important de faire dresser les conclusions à insérer
dans l'exploit introductif d'instance par un praticien instruit,
et de ne'pas eu abandonner la rédaction à un huissier qui.,
par un seul mot, peut compromettre les droits les plus cert:lins.
Cependant si une maladresse doit infailliblement faire succomher , il ne faut pas croire à -contrario que dans tous les cas l'hahilité fa,sse réussir. Les juges, en effet, ne sont pas obligés de
donner gain de cause au demandeur, par cela seul qu'il allègue
un droit de propriété ou de communauté j'ils pourront trouver,
soit dans les énonci~tlons des titres, soit dans des reconnaissances,. soit dans les fiJ.its de l'affaire, la preUve que le droit
auquel il prétend ll'est qq'une simple servitude, et leur del'oir
sera de le déclarer, l)1algré sa prétention actuelle à la propriété;
ils ont pour cette appréciation un pouvoir souverain.
�999
DU DOMAINE PUBLIC.
leurs fonds, et' ils ne doivent successivement contribuer à cette charge que pOUl' la partie du chemin qui s'étend depuis leurs héritages jusqu'il la
voie publique, attendu que ce n'est que de ce point
que chacun d'eux, individuellement pris, jouit de
la ser'vitude sur les fonds des autres.
Et comme, en ce cas, il ne s'agit que des intérêts privés et individuels de ces divers particuliers,
s'il stélève entre eux des difficultés SUl' le réglemen t de leurs contributions respectives aux réparations reconnues utiles, c'est en justice ordinaire
que leurs débats devront être portés.
.
654. Cependant, si le mauvais état d'un chemin de défruitement était tel qu'il pût en résulter
des dangers dans la saisou des récoltes, comme
cela peut arrivel' souvent dans les vignobles, où il
faut traverser des tel'rains accidentés et présentant
des pentes rapides, nous croyons que le maire, en
sa qualité de gardien du bon ordre et de tout cc qui
concerne la sûreté des habitants, pourrait,. par u~
arrêté pris à vue d'une visile des lieux et en con-, .
naissance de cause, crdonner a~x particuliers chal'gés de l'entretien du chemin d'avoir à y exécute.'
les réparations nécessaires pour qu'on puisse y passer et en user en toute sûreté J comme il peu t enjoindre au propriétaire d'une maison menaçant
ruine de la démolir, pour prévenir les dangers
qu'entraînerait sa chute. En cas de refus ou de né'gligence d'obtempérer à ses ordres dans un délai
raisonnahlement fixé, il pourrait faire ex~cuter
1
�1000
TRAITÉ
l'ouvrage à leurs frais ,par des ouvriers auxquels il
l'aurait publiquement adjugé au ·rabais.
Mais il ne faut pas perdre de vue;qu'en pareille
circonstance, la mesure prise par le maire. ne peut
être qu:un acte Je police pour la sûreté publique,
,
.
et qu "en consequence sa competence
ne s "eten d raIt
-pas jusqu'à faire 'la répartition de la charge, et à
déterminer le contingent que chaèUQ des propriét-aires intéressés devrait en supporter: ici l"intérêt
.de sûreté publique n'est plus. pour rien dans l'af.faire, qui, sous ce rapport, doit être l'envoyée en
justice ordinaire ,s'il n'y a ,pas d'arrangement
amiable (a) .
.(a) Sans doute, si le chemin destiné à la desserte d'un certain nombre d'héritages était dangereux et pouvait occasionner
des accidents, le maire, comme chargé de veiller à la sûreté
des personnes, même d'une classe limitée, ou dans une localité
déterminée, pourrait et devrait même prendre un arrêté pour
ordonner la réparation dû. chemin, ou pour en interdire l'usage,
jusqu'à ce qu'il ait été rétabli (Cour de cassat., 17 mars 1838,
suprà J pag. 949); mais on pense que son droit ·.s'arrêterait là,
et qu'il ne pourrait, ainsi que l'enscigne M. Proudhon, faire
.faire les réparations, même par adjudication publique, parce
que, ne s'agissant ici que d'unc propriété privee et non commu~
nale, il ne pourrait intervenir comme partie civile, au nom' de
la commune, pour se faire autoriser à payer la dépense, et à
en obtenir ensuite le recouvrement sur les copropriétaires dé.biteurs. Il ne pourrait non plus dresser un rôle de répartition,
parce que, d'une part, comme le remarque M. Proudh~n, il
se rendrait juge d'une question civile du ressort de l'autorité
judiciaire, et parce que, d'un autre côté, toutes nos lois approbatives des budgcts se terminent par une prohibition formelle
�DU DOMAINE PUBLIC.
1001
655. Quant au fond, les divers contiFlgents de
frais'doivent être, autant que possible, proportionnés au nombre des actes de dégradation commis
faile à toutes l'es autorités, d'établir des impôts ou de permettre
le recouvrement de ceux qui ne résulteraient point d'une 101
expresse.
La seule sanction que pourrait donc avoir l'arrêté du maire,
ordonnant les réparations ou prescrivant l'interdiction du chemin, serait l'amende prononcée par le nO 15 de l'art. 471 du
Code pénal, ainsi que les pcines énoncées dans l'art. 474 du
même Code, en cas de récidive, ou de résistance prolongée.
Les intéressés à l!usage du chemin, et qui ne seraient point
chargés de la dépense d'entretien, ou qui auraient offert préalablement d'en supporter leur. part, pourraient aussi, en se
constituant parties civiles devant le tribunal de police appelé à
prononcer sur la contravention résultant de la désobéissance à
l'arrêté du maire, se faire autoriser à effectuer eux-mêmes la
réparation aux frais de ceux qui la doivent, et contre lesquels
exécutoire leur serait décerné. Ces intéressés pourraient aussi,
~implement, en se· prévalant de l'arrêté municipal qui interdit
l'usa~e d'un chemin qui leur est utUe., ou q!1i constate la ~é
cessité de sa réparation, se pourvoir directement devant l'autorité judiciaire, à l'effet de contraindre les débiteurs de la charge
d'entretien, à l'exécuter.
Mais évidemment, le maire ne serait pas fêndé à suivre la
marche qui lui est tracée par M. Proudhon, et à commencer
par adjuger la réparation. En effet, il ne pourrait, de son autorité privée, mettre le prix de celte adjudication à la charge
de l~ caisse municipale, et obliger la commune à intenter un
procès contre les débiteurs pour en obtenir le remboursement;
il ne' pourrait non plus, n'ayant pas le droit d'en faire la répartition entre les divers intéressés, les indiquer' d'une manière
générale pom débiteurs à l'adjudicataire, sauf à celui-ci à les
�1002
TRAITÉ
sl~r le chemin pour l'exploitation des héritages
dominants: ce qui nous conduit à une division
proportionnelle à l'étendue productive de ces hé.
ritages.
Si les propriétaires des fonds dominants ne s'entendent pas sur la manière de réparer le chemin,
et que les uns veuillent satisfaire à cette charge
par le moyen de la prestation en nature, tandis
que les autres préfèrent s'acquitter en argent, il
faudra en venir à la dis tribu tion des parts de chacun
d'eux; et ceux qui voudront s'acquitter par la prestation pourront le faire, tandis que les portions
des autres seront délivrées à leur folle enchère, si
mieux ilsn'aiment ymettre eu,,-mêmes desouvrÏers
pour faire exécuter le travail.
656. No'us renouvellerons ici une observation
que nous avons déjà consignée plus hant, nO 641 ,
c'est qne toutes les fois qu'un chemin ou passsage
public ou privé se trouve tracé le long d'un terrain
en pente, et qu'il est nécessaire d'en protéger l'existence par un mur de soutenement, c'est au propriétaire du fonds inférieur à le réparer ou reconstruire en cas d'éboulement, si l'on reconnaît qu'il
ya eu dans ce fonds des travaux de fouilles ou de
çreusement qui aient nécessité l'établissement du
Foursuivre devant les trihunaux, pour les faire condamner
à payer leur part contrihutoire. Quand un maire procède à une
;ldjudication, il faut que le montant de la dépense qu'elle doit
entrainer soit préalablement mis à sa disposition par un vote
du cO~lseil municipal dûment approuvé.
�DU DOMMNE l'UllLIC.
1003
pour soutenir les terres qui sont au·dessus ;
tandis que, dans le cas contraire, l'entretien et le
rétablissement en sont à la charge de ceux qui
doivent entretenir- le chemin, dont ce mur n'est
,
. . ,
.
qu une partIe Integrante on acceSSOIre.
657. La principale question qui sc présente à
examiner en cette matière consiste à savoi,r comment on doit reconna1tre si les petits chemins de
servitude ont une existence légale , et dans quelles
circonstances les parties intéressées peuvent en
demander la conservation ou la maintenue.
Cette question se rattache à l'application de
l'art. 691 du Code civil, suivant lequel les servitudes discontinues ne peuvent plus s'acquérir
que par titre, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui celles qui étaient déjà établies
par la possession, dans les pays où elles pouvaien t
se constituer de cette manière.
A cet égard il est nécessaire de rappeler qu'il y
avait en France des provinces où la possession de
trente ans était suffisante pour l'établissement des
servitudes discontinues, d'autres où la prescription
n'en était acquise 'lue par la possession immémoriale, d'autres enfin où il f:111àit déjà un titre.
Il résultait de là une grande différence dans le
so!'t des propriétai!'es pour leur sécurité dans
l'avenir: car ceux qui habitaient les lieux où le
titre était nécessaire savaient qn'ils devaient en
avoir un, et qu'ils devaient le conserver ou y
suppléer par quelques actes de reconnaissance;
B1Ul'
�1004
l'1\AITÉ
tandis' que ceux qui étaient propriétaires dans
les provi ilces où la prescription était admise, pouvaient. se reposer' tranquillement sur le fait de
leur possession, sans' qu'on pût leur reprocher
r.
•
}"
(etre
en Iaute
pour n , aVOIr
pas conserve, d~
titre.
Quoiqu'il y ait plus de trente ans que cette
partie du Code civil' soit exécutoire, on pourrait
:l
sans loute
prouver encore qu ,.a 1"epoque d e s?promulgation, une serviiude discontinue était
déjà acquise par la prescription trentenaire, dans
les provinces où ce mode d'acquérir ces sortes de
servitudes était admis: car il suffirait que les témoins en tend us pussen t déposer d'environ soixantedix al1s,et c'estlà unechosedont on conçoit facilemen L la possibilité.
Mais si notls' DOUS plaçons dans une province
où il fallait établir une possession immémoriale,
la difficulté de la preuve 'vocale sera déjà bien
grande aujourd'hui, et dans quelque temps elle
deviendra insurmontable.
Suffirait-il donc un joUI' de dénier toutes les
servitudes discol1ti,nues, pour dire'qu'il n'en res'te
plus, à moins qu'on n'en produise des titres là' où
l'on n'en devait pa's même supposel' l'existence,
par la raison qu'on n'en avait pas besoin pour que
le droit de la servitude fûi légitimement acquis?
Et si cela doit êCre ainsi, comuient justifier pleinement aux yeux de l'équité, la disposition du Code
à cet égard?
�DU DOMAINE PUBLIC.
1005
Pour résoudre généralement ces questions, il
faut considérer successivement la servitude soit par
rapport à la nécessité ou aux besoins qui ont dû en
occasionner l'établissement, soit par rapport à l'état.
matériel des lieux qui peut en attester l'ancienneté,
soit enfin par rapport aux causes qui peuvent en
avoir fait bu en faire cesser l'imprescriptibilité.
658. 1 0 CONSIDÉRÉE relativement à l~ nécessité
ou aux hesoins qui ont dû ~n occasionner l'établis~
scinellt, il faut fàire une distinction entre la servitude de passage qui n'est qu'arbitraire ou de
luxe, et celle qui est fondée sur une' cause de né.,
cessilé plus ou moins rigoureuse.
Lorsqu'il s'agit d'un passage qui n'est qu'arbi~
traire ou de luxe, et que nous appelons ainsi
parce qu'il n'est point nécessaire à celui qui le réc1a).lle, c'est le cas d'appliquer rigoureusement la
disposition du Code civil, qui veut qu'il y ait un
tilre, à défaut duquel la présomption doit être que
l'usage ne s'en est établi que par tolérance et par
familiarité (a).
(a) Dans l'ancien droit, la nécessité du passage était déjà une
condition essentielle de son maintien. Dunod, Traité des prescriptions , pag. 84 1 en rapporIant 1 d'après Bégat 1 un ancieI\l
arrêt qui avait jugé que, quoiqu'on eût passé pendant plus de
30 ans sur un héritage voisin du grand chemin, l'on n'avait pas
acquis le droit de continuer à y passer malgré le propriétaire,
donne pour motif « qu'on n'était pas, présumé, dans la' cir» constance du voisinage du grand chemin, l'avoir fait pa1,'
» servitude. JI Louet, entre autres arrêts, en cite un du 2q
mars 1588, rendu sur son rapport, qui rejeta la poSSes~iOll
�f 006
TRAITÉ
Cette disposition de notre Code est très-sage e~
éminemment propre à maintenir la paix patmi les_
hahitants des campagnes : car, s'il suffisait de
immémoriale d'un passage dans un pré, parce que l'on pouvait
passer ailleurs, et qu'alors les actes de passage n'avaient eu
lieu que precarid.-Même doctrine dans Raviot, Chopin et
Larocheflavin. « Le voisin, dit ce dernier auteur (Zif!. 6 de
ses arrêts, tit. 79, § 1er ) n'est tenu de donner passage par" son pré, même en payant, si celui qui le demande peut
"passer ailleurs, encore qu'avec grandissime difficulté. li
- Bannelier sur Davot, Traité du Droit fiançais à l'usage de .
la Bourgogne, s'explique dans le même sens à la page 489 du
tome 8, édition in-12: « Le passage sur l'héritage voisin, dit-il ,.
» n'acquiert aucun droit qu'on puisse prescrire; ce passage
» n'étant qu'un acte de familiarité, n'attribue aucun droit ,.
» sinon dans le cas où il n'y aurait absolument point d'autre
» chemin. »
Enfin, la jurisprudence du .J;larlement de Bourgogne était
constante à cet égard, et résultait d'une multitude de d~cisions,
notamment de deux arrêts de réglement des 2 mai 1608 et 9
juin 1611, « défendant à toute personne, non·seulement de
» faire, mais de souffrir être fait aucun nouveau chemin dans
» les vignes, terres et prés; » et d'autres des 21 juin 1763
(Vauge c. Focillon); 21 juin 1769 (frères Poncet c. le cur.é
de Belleydoux); 22 mars 1780 ( le seigneur de Véronnes, c.
Perriquef) j 13 mai 1783 (l'Mpital de Chantilly, c. les haln'..,
tants de Larrey); 14 juillet même année (Chahut C, Mauchamps); 1er février 1787 (Bordat c. Merle). Par tous ces arrêts, la preuve de la possession même immémoriale du passage
avait été rejetée, parce que des rapports d'experts ou des actes
d'évidence étahlissaient que les héritages pour lesquels ce passage
était réclamé, pouvaient se desservir par des chemins publics,
quoique plus longs, plus difficiles, mal entretenus et même
dangereux;.
�DU DOMAINE PUBLIC.
.1 007
passer arbitrairement et sans nécessité sur le fonds
d'autrui pour qu'il pût en résulter l'acquisition
d'un droit de servitude, les propriétaires manqueraient rarement d'attaquer quiconque se serait
permis celte espèce de voie de fait sur leurs fonds,
ce qui anéantirait en eux. l'esprit de bon voi.sinage
et de tolérance, et âurait en outre le grave inconvénient de multiplier les procès parmi ceux. pour
lesquels la concorde est d'autant plus nécessaire
que leur position les rapprocbe sans cesse les uns
des autres.
Assurément ces considérations d'intérêt public
sont bien suffisantes pour justifier le système
adopté par les auteurs dn Code, et qui n'a rien
d'injuste ,même pour les provinces où les servitudes discolltinues s'établissaient sans titre et pal'
la seqle possession en ce que ceux qui en avaient
acquis de cette manière, on t eu ·le moyen, lors
du changement de législation, d'en faire reconnaître ou constater l'existence en temps utile, et
ainsi ne pourraient s'en prendre qu'à eux-mêmes,
s'ils avaient négligé de se conformer à la maxime
Jura vigilantibus suhveniunt,
659. Mais lorsque la nécessité plus ou moins
rigoureuse d'un passage est reconnue, le titre se
trouve dans l'exigence des choses, sans qu'on soit
obligé d'eu produire uu autre; et, loin qu'en ce
cas le Code civil refuse sa protection au maintien
d'un ~hemin déjà établi, au contraire il veut que
tout propriétaire dont le fonds est enclavé puisse
�1008
TRAITÉ
s'en faire ouvrir un là où il n'yen avait pas encore(Mhe-. c.), à la charge d'une indemnité, dont l'action est prescriptible, quoique le chemin reste dû.
(685 C. c.); et tel était déjà le prescri t de la loi romaine, qui, p'ar une disposition très-sage, et qu'on.
devrainuiyre encore aujourd'hui, laissait la question d'opportunité ou de convenance locale à l'arbi·.
trage du juge: Praeses etiam compellere dehet·
justo_pretio iter ei praestare, ita tamen ut ju-.
dex etiam de opportunitate loci prospiciat, ne.
vicinus magnum patiatur detrimentum (1).
Lorsque le Code civil, ainsi que la loi romaine,
portent que le propriétaire dont le fonds n'a aucune issue sur la voie puhlique peut exiger un:
passage sur le fonds voisin, il n'ya pas là seulement
décision d'un cas spécial, il faut y voir aussi l'ex..
pression du principe d'une nécessité plus ou moins
absol ue, qui doit servir de titre à la servitude.
660. Supposons, par exemple, qu'il s'agisse
d'un fonds limité par une rivière, sur le bOl'd op'"
posé de laquelle il existe une grande route y touchant également, et sans intermédiaire; certes il
serait, à la rigueur, possible à ce propriétaire de
franchir le cours d'eau pour atteindœ la ronte qui
est de l'autre côté, etde pourvoir ainsi à l'exploitation de- son héritage sans traverser les autres fonds
qui sont situés par derrière, joignant le sien; mais
(1) L. 12 in fine princip. , fT, de religiosis Sltmpt., lib. 11 ,
tit. 7.
�DÛ DOMAINE PUBLIC.
1009'
'Sera-t~il ohligé d'en user ainsi? Sera~t-il· obligé
<l'avoir et d'entretenir ilne harqne SUl' la ri,vière,
par cela 'senl qu'il possède un fonds à côté l' Serat-il obligé de subir tous les dangers attachés à cette
manière d'exploiter son fonds? Nous ue le croyons
'pas, et nous pensons au co'ntraire qu'il aura un
motif de nécessité suffisant pour exiger un aulre
-passage à titre de servitude Ca).
(a) Presque tous les auteurs sont d'accord quê la circonstance
qu'un .passage public est actuellement impraticable, et qu'il ne
pourrait être l;nis en état de viabilité qu'avec des frais considél'ables, ou qu'il est d'ull usage dangereux ou très-difficile, devrait suffire pour le faire considérer comme n'existant pas, et
pour autoriser en conséquence les tribunaux à appliquer la disposition de l'art. 682, C. civ. , surtout si l'héritage qui devra
être assujetti au passage n'est pas très-précieux, et que le maître
n'en éprouve pas une notable incommodité. Ce sont l'opinion et
les termes mêmes de M. Garnier, Traité des chemins, pag. 482,
4" édit. C'est également la doctrine de Merlin', Rép., 'V0 voi;inage, § 4 , nO 4 ; et de MM. Pardessus, Traité des servitudes,
n~ 218; Favard, Rép. de jurisprudence, 'V 0 servitude, sect. 2,
'§ 7; Rolland, Rép, du notariat, 'V 0 passage; Dalloz, V Oservitudes , sect. 3, art. 6, nO 1. Diverses Cours l'ont aussi jugé de
la sorte, notamment celle de Itouen, le 16 février 1821 (Sirey,
21-2-153), et la Cour de cassation les 23 août 1827 (S., 281-111), et 16 février 1835 (S., 35:"1-806). Cependant d'autres
arrêts ont décidé qu'il fallait que le passage fût impossible, et
qu'une extréme difficulté n'était pas suffisante (Cour de cassat.
du 31 mai 1825, S., 26-1-220; Rennes, 22 mars 1826, S., 282-74; Besançon, 23 mai 1828, S., 28-2-308; Rouen, 16 juin
1835 , S., 36-2-87). Pour résoudre la question, M. Isambert,
Traité de la voirie, nO 3'26, distingue entre les rivières navigables ou flottables et celles qui ne le sont pas; selon lui, le che-
�1010
~t
661. Supposons, en seconcllieu, qu'il s'agisse
d'un fonds qui, situé à l'extrémité d'un finage,
aboutit immédiatement à un chemin public conduisant à un autre village. Dans cette hypothèse,
dont il n'est pas rare de voir des exemples, le cultivateur sera-t-il obligé de faire un détour et de
passer par le village voisin pour y prendre le chemin aU moyen duquel il pourra revenir sur son
héritage et l'exploi ter? Qui est-ce qui pourrait hésiter à dire que les autres propriétaires sont tenus
de lui livrer un passage pour arriver directement
de son village sur son fonds, plutôt que de l'obliger à aller passer par la commune voisine?
Ainsi) et sous ce premier rapport, nous voyons
déjà qU'e l'existence de la servitude peut être justimin de halage ,qui accompagne les premières, constitue une desserte naturelle, sauf indemnité au profit des propriétaires sur les
fonds desquels ce chemin est pris, li r<Jison de l'aggravation de
la servitude; quant aux autres, elles ne peuvent pas, en généraI, et à moins de circonstances particulières, être considérées
comme un obstacle au passage; nous devons cependant dire que,
contrairement à la première.partie de cet avis, deux arrêts, l'un
de la Cour de Toulouse du 19 janvier 1825 (Si'rey, 25-2"119);
et l'autre de celle de Bordeaux du 15 janvier 1835 (S., 36-2334), ont décidé « que le marchepied qui constitue une setvi" tude légale, d'après l'art. 650 du Cod. civ. , a une destina:» tion spéciale; que l'intérêt de la navigation, comme celui des
» propriétaires des fonds assujettis à cette servitude, s'oppose à
» ce qu'il puisse être converti en un chemin d'exploitation avec
» bœufs et char~ettes; Il que dè;;-lors il ne peut être offert comme
desserte, et ne fait pas cesser l'enclave.
�'DU DOMAINE PUBLIC.
1011
fiée par la possession qui en a eu lieu quand elle
était fondée sur une -èause de nécessité plus ou
moms rIgoureuse.
662. 2° CONSIDÉRÉE da-ns l'état matériel des
lieux, si la servitude apparaît ,comme ayant uùe
très-ancienne existence, le droit d oit en être maintenu, dès qu'on n'a pas cessé '4'en jouir depuis la
-promulgation du Code.
faut hien remarquer, en effet, que tout 'en
nbolissant pour l'avenir la prescriptibilité acquisitive des servitudes discontinues, le Code a positi'"vement conservé les droits antérieurement acquis
même par la seule possession : d'où il résulte
qn'on ne pourrait ,sans s'exposer à lui donner un
effet rétroactif, ordon ner la suppression de cellès
'qui se présentent avec des caractères matériels
d'ancienneté, et qui sont soutenues d'ailleurs par
'la possession que le maître du fonds asservi a consenti à souffrir lorsqu'il aurait pu s'y opposer ~i les
choses avaient été encore entières: en sorte qu'il
est juste de- regarder ce propriétaire comme ayant
l'econnu tacitement que le dl'Oit de servitude était
déjà acquis lors de la promulgation du Code.
Quand on en vient à l'application de notre loi
nouvelle en ce qui a trait aux chemins de servitude
anciennement établis pour l'exploitation des terres,
il ne faut pas perdre de vue que le législateur n'a
été partout guidé que par un esprit de conservation
des droits anciens; que, s'il a voulu proscrire un
système tendant à imposer à la propriété des servi-
n
�1012
TRAITÉ
tudes arbitraires et de luxe, il n'a pu vouloir l'abolition 'de celles qui généralement. sont indispensàbles ou d'une évidente utilité pour l'agricultnre;
que ces voies d'exploitation des terres se sont pour
ainsi dire créées d'elles-mêmes par l'effe~ du besoin; que,.formées par l'usage, il n'yen a communément pas eu d'autre titre constitutif que celui
résultant de l'accord tacite des propriétaires intéressés; que, surtout quand il s'agit de voies agraires
pénétrant dàus des masses de fonds poU\' servir à ,
leur exploitation, les traces qni en attestent l'ancienneté sont les témoins les plus sûrs qu!on puisse
invoquer soit sur la possession déjà immémoriale
avant la promulgation du Code, soit sur l'utilité
locale qui lui avait seni de fondement.
Ainsi encore, et sons ce second point de vue,
il est juste que ces traces anciennes d'une servitude
qu'on a constamment possédée puissent suppléer
au titre qui n'est pas représenté.
663. 3° CONSIDÉRÉES par rapport aux 'causes
qui penven t en faire cesser l'imp.'escriptibilité, il
faut remarquer que, si les servitudes discontinues ne peuvent plus s'acquérir par la p.'escription, c'est par la raison que la loi veut qu'on pré, d e possume que l "usage qll on en a eu ,et }' espece
session qu'on en a exercée ne sont que le résnltat
de la tolérance et du précaire: d'où il suit que
chaque fois que cette présomption vient à cesser,
parce 'qu'il est constant, ou que le propriétaire du
fonds dominant a entendu jouir de cette servitude
�1013
DU DOMAINE PUBUC.
à. titre de maîtrè , ou que le propriétaire du fonds
servant a reconnu le droit, la raison veut que l'on
admette, comme dans les autres cas, la prescription trentenaire.
Aussi es.t-çe un point de jurisprudence constant
que le propriélaire du fonds qOI~inant qui acquiert
d'un tiers, non la propriété de· tout l'héritage ser-'
vant, mais un droit de passag~'SUl'~cet héri~age,
peut, en vertu de son titre, exercer la compl~inte
pardevant le juge de paix, pour se faire maintenir
dans la jouissance de ce droit, et, par suite, pres-.
crire la servitude, quoique discolltinue, contre
le propriétaire du fonds qui en est grevé; la raison
en est, qu'au nloyen de son titre il reste avéré
qu'il entendait jouir comme maître du droit par
lui acheté, et qu'il ne regardait pas sa possession
comme étant seulement l'effet de' la tolérance ou
de la complaisance du voisin (a).
(1) Le point de droit posé ici par l'auteur, ne doit pas ~tre
modifié par la décision de la Cour de cassation du 10 décl1mbre
1834 (Sù'ey, 35-1-24), qui, cassant un arrêt de la Cour royale
de Dijon dans une affaire où nous avions consulté et plaidé, déclare que les servitudes ne peuvent s'acquérir par la prescription de 10 et de 20 ans. En adoptant cette solution depuis confirmée par divers arrêts (notamment de la Cour d'Orléans du 31
décembre 1835, Sirey, 36·2-5 ;=de celle de Lyon du..... février 1837, S., 37-1-506;=de Limoges des 14 et 20 février'
1837, S., 37-1-507;= de Bordeaux du 29 mai 1838, S., 382-342 ;=et de la Cour de cassation elle-même des 20 décembre
1836, S., 37·1-145 ;=28 mars 1837, S., 37-1·506 ,=et 16
avril 1838, S., 38·1-756), et en admettant que les servitudes
TOM. II.
64
�1014
l'lWTÉ
Aiùsi encol'e ,'si le propriétaire du fonds dominant, assigné par celui du fonds servant pour
qu'il ait à s'abstenir désormais d'un passage dans
c~ntillues et.apparentes ne puissent, dans tous les cas, s'acquérir
que par le laps de 30 ans, il faudra toujours, pour prescrire
celles discontiilUes ou non apparentes, un titre qui alors ne servira pas comme condition essentielle de la prescription trentenaire, laquelle, en général, n'exige pas de titre, mais aura s~u
l~fnent pour objet de caractériser la nature de la possession, et de
la purger du vice de précarité ou de tolérance toujours supposé
exister lorsqu'il s'agit de servitudes qui ne s'exercent que par intervalles et au moyen du faif de l'homme, ou qui ne présentent
aucune trace de leur existence; c'est ce que fait remarquer avec
bea'ticoup de raison M. Favard , (Rép. dejurisprudence, VO servitude, sect. 3 , § 5, nO 2). Dans ce cas, le titre sert non à abréger le temps de la prescription, mais seulement à caractériser la
possession.
J.. a question de savoir si le titre émané à non d.omino peut devenir la base de la prescription acquisitive des servitudes discontinues ou non apparentes, est résolue affirmativement par tous
les auteurs anciens et modernes, notamment par Malleville
(Commentaire sur l'art. 691), Toullîer(tom. 3, nO 629), Proudhon (Usuji'uit, tom. 8 ,pag. 280), M. Favard (Rép., VO servitude, sect. 3, § 5, nO 2), etc., à l'exception cependant
de MM. Vazeille (tom. 1er , nO. 416), et Troplong (Tr. de la
prescript. , nO 857), dont l'opinion ne nous paraît pas devoir être
admise.
Il est bien entendu, au reste, qu'il faut que le titre émane du
possesseur ou maître apparent du fonds servant j la vente que le
proprié~ire de l'héritage dominant aurait faite de la servitude
active qu'il dirait y être attachée ~ ne formerait qu'une simple
énonciation n'ayant point les caractères du juste titre; c'est ce
que déclare avec raison Toullier, tom. 3, n° 631.
�DU DOMAINE PUBLIC.
1015
l'exercice duquel il stest ingéré, répond à celui-ci
qu'il est fondé eu droit pour jouir et user de la servitude qu'on voudrait lui dénie!' , et que par suite
il en continue la pratique pendant trente ans,
sans que l'autre ait renouvelé son opposition, ou
rompu le silence par quelque acte de procédure,
il y aura prescriptiotl acquisitive de la servitude,
par la raison que, comme le dit Dunod (1), les
contradictions ouvrent la carrière de ta prescription à tout ce qui peut dtre prescrit activement et passivement. Or, telles son t bien les servitudes' des diverses classes: car, puisqu'elles ne
sont que dans le droit privé,.on ne peut pas dire
qu'elles soient imprescriptibles .de leur nature,
comme quand il s'agit de choses qui appartiennent
au droit ou au domaine publics. Si donc celles qui
sont discontinues ntont pas été soumises à la même
règle que les autres quant à la prescription acquisitive, c'est qu'en thèse générale il ya présomptioa
, " exerce que par to l erance
.
que l , usage n ,en a ete
:
tl'où il résulte que la prescription doit avoir lieu
toutes les fois qu'il est prouvé, par des actes de
contradiction ou par d'autres circonstances, que
ce n'est point précairement el pal' familiarité
qu'elles ont été pratiquées Ca).
(1) Traité des prescriptions t pag. 37.
(a) Même opinion dans le Traité de l'usufruit, n OO 3583 et
;3585; elle est également professée par M. Troplong ( Traité de
la prescription, nOS 359 et 393). Mais elle est combattue par
�1016
TRAITÉ
664. Ainsi, à supposer que le chemin ait (hé
ferré ou pavé; à supposer q~'il ait été creusé à
main d'homme le long d'un tertain en pente pour
le rendre praticable; à supposer qu'on ait conslr,uit
un mur de soulenement pour l'appuyer sur le
penchant d'un coteau, dans tous ces casla possession trentenaire doit suffire pom la prescription
acquisitive du droit de passage, soit parce qu'alors
la jouissance s'applique non pas seulement à un
droit incorporel de servitude, mais encore à un
droit de superficie susceptible d'une espèce de
possession continue, soit parce qu'on ne peut pas
supposer que le propriétaire du fonds asservi yaurait laissé, par pure complaisance ou tolérance,
pratiquer des ouvrages de cette nature: d'où l'on
doit èonclure qu'il ne les a soufferts que parce
qu'il avait l'opinion ou la croyance que le passage
était dû, et par là il en a tacitement reconnu le
droit (a). C'est ainsi qu'en fait de coms d'eau
MM. Vazeille (Traité des prescript!"ons > tom. 1er , nO 414); Curasson sur Proudhon (Traité des droits d'usage, nO 1031) , et
Bdime (Traité du droit de possession> nO 257) ; elle est aussi
Împiicitement repoussée par un arrêt de la Cour de cassation du
8 août 1837 (Sirey> 37-1-679). Il est, en effet, difficile de
considérer comme titre dans le sens de l'art. 691 du Cod. civ.
un simple exploit signifié à requête du propriétaire du fonds
dominant.
(a) Cette exception à l'imprescriptibilité des servitudes discontinues, proposée pour la première fois par Dumoulin (Note
sur l'art. 230 de la coutume de Blois), est admise dans l'ancien
droit par Coquille (sur l'art. 186 de la cout. de Paris), par Fer-
�DU DOMAINE PUBLIC.
1017
t1él'ivant de la source qui jaillit dans le fonds supérieur, quoique la jouissance la plus longue que
le propriétaire de l'héritage infëriellr en aurait elle
ne puisse lui en assurer l'usage définitif par le
rière (sur le même article, glos. 1, nO 10), par Lalaure (Tr.
des servitudes, p,age 170), par Bourjon (Droit comm. , Tit. de~
servît. , sect. 3), qui di~.: « Quoique les servitudes ne puissent
» s'acquérir sans titre, néanmoins s'il y a incorporation, inédi..
» fication dans l'héritage voisin, la possession de trente ans .....
» vaut titre; c'est exception à la règle, fondée sur qu'en cecas,
» c'est plus propriété que servitude; » et enfin, par divers arrêts
~apportés par Brodeall sur Louet (Lettre S., sect, 1 ,no, 5 ).
Elle a été également adoptée, depuis la promlllglltioll du Coclc
civil, paÏ' Toullier (tom. 3, nOS 622 et 623), par M. IsmnLert
(Tr. de la voù'ie, nOS 299 et 300), par l\'I:. Rolland de Villargues
(Rép. du not., VO servitudes, § 7, n°, 130) , et par un arrêt de la
Cour de cassation cité par Toullier.
Cependant d'autres auteurs également recommandables repoussent toute prescription des servitudes discontinues, même
lorsqu'elles s'exercent au moyen de travaux apparents faits SUl'
l'héritage servant; de cc nombre sont MM. Fayard (Rép. , VO
servitudes, sect. 3-, § 5, nO 2), Duranton (tom. 5, nO 577) ,
Carré (Justices de paix, tom. 2, nO 1416), Malleville (tom. 2,
pag. 123). Un arrêt de la Cou,r de cassation, en date du 24
novembre 183:> (Sirey, 36-1-52), a aussi jugé qu'une porte
ouverte dans un mur joignant le fonds d'un voisin rendait bien
la servitude apparente, mais n'empêchait pas qu'elle ne restât
discontinue et par suite imprescriptible. A la vérité, dans l'espèce, le mur paraissait être la propriété exolusive de celui qui
réclamait le droit de passage; en sorte qu'il n'y avait point d'ouvrage sur le fonds même du voisin, ce qui est très-différent du
cas mentionné par M. Proudhon, où des travaux de pavage,
d'empierrement ou de nivellement ont été ~xécutés sur l'héritag'e prétendu asservi.
�t 018
TRAITÉ DU DOMAINE PUBLIC.
moyen de la prescription, néanmoins, aux termes
de l'art. 642 du Code, le droit lui en est acquis,
à titre de servitude, par une possession de 30
ans, à compter du moment où il a fait et terminé
dans le fonds supérieur des ouvrages apparents et
destinés à faciliter la chute du ruisseau dans son
héritage, parce qu'alors on doit considérer sa
possession comme n'ayant plus été une chose précaire et de pure toléra:nce.
Telles sont les notions dont nous croyons qu'on
ne doit pas .s'écarter pour faire, suivant les circonstances, une juste application de l'art. 691 dn
Code civil.
FIN DU DEUXIÈME VOLUME.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/252/RES-200861_Traite-domaine_Vol3.pdf
8e2bb7d746e8c3100a8cc57e7b3ff96a
PDF Text
Text
20086
,
TRAITE
DU
DOMAINE PUBLIC
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉs PRINCIPALEMENT PAR RAPPORT AU DmIAINE PUBLIC;
PAR J.-B.-VICTOR
PROUDHON,
OJ'FICr:ER nE LA LÉGION n'HoNNEUR, AVOCAT A LA COUR ROYALE
ET DOYEN DE LA. PACULTÉ DE DROIT DE DIJON.
SECONDE EDITION,
l1EVUE, 1I11SE EN HARMONIE AVEC LA LÉGISLATION ACTUELLE,
ET AUGMENTÉE n'UN COMMENTAIRE DE LA LOI SUR Ll:S
cHElI1INS VICINAUX, AINSI QUE DES
RÈGLES
Tome 3
RELATIVES A L'ALIGNEMENT;
PAR
1\'1.
VICTOR
D UMA Y,
CUEV.UIEr. nE LA LÉGION n'HONNEUR, A.VOCAT A LA. COU. ROYALE
ET MU,E DE LA. VILLE DE DUON.
TOME TROISIÈME.
A DIJON,
CHEZ VICTOR
LAGIER,
LIBR.-ÉDIT., PLACE Sl'.-ÉTIENNE.
1843.
�20086
,
TRAITE
DU
DOMAINE PUBLIC
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉs PRINCIPALEMENT PAR RAPPORT AU DmIAINE PUBLIC;
PAR J.-B.-VICTOR
PROUDHON,
OJ'FICr:ER nE LA LÉGION n'HoNNEUR, AVOCAT A LA COUR ROYALE
ET DOYEN DE LA. PACULTÉ DE DROIT DE DIJON.
SECONDE EDITION,
l1EVUE, 1I11SE EN HARMONIE AVEC LA LÉGISLATION ACTUELLE,
ET AUGMENTÉE n'UN COMMENTAIRE DE LA LOI SUR Ll:S
cHElI1INS VICINAUX, AINSI QUE DES
RÈGLES
RELATIVES A L'ALIGNEMENT;
PAR
1\'1.
VICTOR
D UMA Y,
CUEV.UIEr. nE LA LÉGION n'HONNEUR, A.VOCAT A LA. COU. ROYALE
ET MU,E DE LA. VILLE DE DUON.
TOME TROISIÈME.
A DIJON,
CHEZ VICTOR
LAGIER,
LIBR.-ÉDIT., PLACE Sl'.-ÉTIENNE.
1843.
��TABLE
DES CHAPITRES,'SECTIONS ET PARAGRAPHES
CONTENUS DANS LE TROISIÈME VOLUME.
Pag.
CHAPITRE XXXV.
Des eaux dans leur rapport avec le d.omaine puhlic.
De la distinction des diverses
espèces "d'eaux. . . , •. , , , .. , , . '.'
SECT. 2. Des lois' et réglements concernant les
eaux qui appartiennent au domaine pl~bHc.·
5
SECTION 1 re.
6
J
4
CHAPITRE XXXVI.
De la mer en général, et de .ses lais et relais.
De l.a mer généra(ement considérée . • , . '.' .• '.' ',' . . . ..
SECT. 2, Des lais et relais de la mer
29
SECTJON . 1 re.·
~9
32
CHAPITRE XXXVII.
Des rivières navigahles , et dé leurs accessoires
Des rivières navigables considérées
en elles-m~mes, et comme faisant 'partie du
domaine public. . . . . , , , . . . . . . •.
SECTION
1
52
re,
52
§
I. Etendue du domaine puhlic sur les cours d'eau
navigahles etflottables. en ce 'lui concerne leur largeur. . . • • . • . . . . . . . . . . . • . . •.
§. ,,~ Etendue du domaine public sur les cours d'eau
navigahles et flottahles'! en ce 'lui concerne leur longueur. . , . . • . . . . . . . •l' • • • . • • • .
S.. CT. 2: Des frais de mise en état de navigabilité, et des dépensès d'entretien des rivières
navigables. . . . • .'. . . . . . . • . . .,
SECT. 3. Des francs-bords et chemins de halage
des rivières navigables
"
§
60
80
86
92
r. Autorité compétente pour statuer sur l'établisse-
ment et l'alignement ties chemins de halage . . . . '
99
�696
TAilLE.
s
Pag.
~.
Caractères Jes chemins de halage, et nature du
sol 'lu'ils occupent• • , • , , • . , • .
S 3, Largeur des chemins Je halage. • .
100
I I t,
CHAPITRE XXXVIII.
Des canaux de navigation intérieure. . ,
CHAPITRE XXXIX.
Des autorités compétentes pour statuer snr ce qui
concerne les rivières na vigahles et leurs accessoires,
ainsi que les canaux de navigation. . . . . . . .
SECTION
1 re.
Compétence du pouvoir législa-
tif. . . . . . , .. , . , . . . . . . . . ..
Compétence du pouvoir exécutif' ou
de l'administration active. . . • . . . . , . ,
SECT. 3. Compétence des conseils de préfecture . . . . . ~ . • . . . . . . . . • . . . ,
SECT. 4. Compétence des tribunaux de police
correctionnelle et de justice criminelle. .
SECT. 5. Compétence des tribunaux civils.
SECT.
134
134
2.
135
142
159
163
" CHAPITRE XL.
1
Des grandes rivières qui ne sont que flottahles.
Notions générales sur l'état, l'usage et la classification des rivières qui ne sont
que flottables. . . • . . . . . . . . • . . .
SECT. 2. Du régime de police' et de domanialité des rivières .flottables sous l'ancienne .législation, et des conséquences à tirer des changements opérés depuis, dans leur état, par nos
lois nouvelles. . . . ,'. . . . . . . .'. , . ,
SECT. 3. De la manière, d'après l'état actuel
de notre législation, de pourvoir aux frais
d'entretien des rivières qui ne sont que .flot:
tables.
. ..' . .
SECT. 4. De la nature et de l'étendue du
'95
SECTION JIe.
'96
202
209
�697
TABLE.
Pag.
marchepied sur les hords des ril/ières flottables. •. . . . . • . . . . . • • . . . • . .
SECT. 5. Des autorités compétentes pour con·
nattre des difficultés qui peul/ent s'élel/er sur
la nature et l'usage des ril/ières flottables al/ec
trains et radeaux. • • • . . • • • • . • • •.
SI.
§
2.
213
217
~ 17
Compéte'(ce du poupoir: âd"linistratif. • •
Compétence du poupoir judiciaire.
"19
CHAPITRE XLI.
Des droits domaniaux que l'état perçoit à raison des
grandes rivières • . . . :. '. . .'. • . . • • .
De la piche dans les ril/ières dépendant entièrement du doma-lne public
SECT. 2. De l'octroi 4e nal/igation..
SECT. 3. Du droit de bac. • • .
SECTION
242
1 re ;
242
254
'263
CHAPITRE XLII.
Des rivières qui ne sont ni navigables, ni flottables
avec trains et radeaux, et du domaine public dans
•. • • • . 280
lequel on doit les placer • . . : .'.
CHAPITRE XLIII.
De la nature des droits 'que les propriétaires riverains '
peuvent exercer sur les rivières' qui:' If~ sont ni
navigahles, ni flottables avec trains et 'radeaux.
322
l
.
.~)
CHAPITRE XLIV.
~
Des torrents
OHAPITRE
XLV.
'.
338
De la po!!c~ de prévoyance ou ~églellléntaire des pe-.
tites rIvIères et des torrents . . • . . '. . . . '.. 347
CHAPITRE XLVI.
,J
De la déclaration de navi~abilité, .et de la mise .en
état' de navigat~on des rivières. . . . . . . . .\ .•
363
�69S
TABLE.
Pag,
CHAPITRE XLVII:'
Du curâge des rivières non navigables, et dès' r~i>ara~
tions dés dignes nécessaires pour en r;tenir ies
eaux dans leur Iit. . . . . . . . . . • . . . . "
371
CHAPITRE XLVIII.
De l'élargissement et de la rectification du lit déS petites rivières. ' '. . . . . . .
. . . . "
39:>
CHAPITRE XLIX.
De la permiSSIOn de construire _d~s usines sur l~~,
petites rivières. . . . . • . . . ~
398
CHAPITRE L.
Iles cours d'eau naturels ou artificiels servant au roulement des usines. . : • . . . . . . . • . . . •.
41 7
CHAPITRE LI.
Des réclamations auxquelles peuvent donner lieu
l'établissement et l'existence d-es usines 'sur. les
rivières. .
r..
J
Des débats élevés à raiSOn de la
p{ivatir:n fj~un g,ain par fuite de la construction
,d'uTle usine _. . . • ','.,' . • . _. . . ',' "
479
SRCT, 2. Des Téclamations alfxquelles peul donner lieu l'étahlissement d'une usine, et qui auraient pour objet une lésion réelle opél'ée dans"
les propriétés ,v;ois.ine~ • • . . , . . . . . . . 49 3
S~9T. 3., Des, dé~Fts entr~ lt;s propriétaires d'u_
sines voisines, principalement de celles établies sur le m€me .cours d'eau: , , . '. • •. 517
SECTION
j
-
,
~
•
§ 1. Conjlitdintérlts sous le'rapportde la concurrence.
§·2. Conjlit d'intérêts' sous le rapport de dit/sage du
cours .d'ea~. : : : ,,,. , ',' ", J
f'
•
- .' ,
• "
518
52 2
�TABLE,
,-
699
Pag.
CHAPITRE LU.
Des autorités compétentes pour statuer sur,les déhats
ayarit pour cause des constructions et roulements
d'usines étahlies sur les cottrs d'eau., , .'. . . . , 532
1 re. De la compétence de l'administration active relativement à la construction des
usines. " " . . . . . . . . • . . .' . • . . .
SECT. 2. De la compétence des conseils, tIe
préfecture sur l'usage des cours d'eau, ainsi que
sur les construètio~s et ouvrages qui peuvent y
'Gtre faits . . . • • . . . . . • . " . • . '. "
SECT. 3. De la compétence du tribunal de po·
lice correctionnelle en fait de contraventions
aux réglements relatifs à l'usage des cours
d'eau. . . . . . . . . . . • . . . . • .
SECT. A. De la compétence des tribunaux civils en ce qui concerne les débats qui peuvent
s'élever entre les m'at'tres d'usines et les pro·
priétaires voisins, sur les dommages ressentis
par ceux-ci. . . . . .
. . . . .
SECTION
533
542
545
546
CHAPITRE LIlL
De la suppression ou du déplacement et des modifications des usines étahlies sur les cours d'eau . . "
.569
De la suppression des usines pour
procurer un avantage public. . , . . . . . . . 570
SECTION
§
) re.
De la suppression des usines sur les rivières navi·
gables etflottables pour procurer des avantages génél'aux, et spécialement pour améliorer le service public
auquel ces cours d'eau sont destinés. . . . • • • •.
§. 2. De la suppression des usines établies sur les petites rivières ou ruisseaux pour faciliter des tr~vaux
d'utilité publique. . •• , .• , . . • • . . • • ' .
1.
Des cas où la suppression d'une
usine serait demandée uniquement pOltr préve.
SECT.
?..
571
582
�700
TAnU~.
i>ag.
nir, dans l'intérêt public, des dommages tels
qu'inondations ou insalubrité. . . . • • . . . 591
SECT. 3. Des diverses autorités compétentes pour
stçtlTtf:r surles demandes en modification ou sur
pression d'usines. • . . . . . . . . . . .
605
CHAPITRE UV.
De la destruction accidentelle des usines sur les cours
. .... "
641
d'eau. . . . . . . . • . . . .
CHAPITRE LV.
Du flottage à Mches perdues, sur les
p~ti.te8
rivières.
FIN DE LA TABLE DU TROISIÈME VOLI1ME.
650
�����TRAITÉ
DU
DOMAINE PUBLIC,
ou
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉs PRINCIPALEMENT PAR RAPPOR'r AU nmIAINE PUBLIC,
CHAPITRE XXXV.
Des eaux dans leur rapport avec le domaine public,
665. Dans les chapitres qui précèdent, nous
avons traité du domaine public en tant qu'il est
relatif à la terre ferme; il nous reste actuellement à
examiner comment il s'applique aux eaux.
En expliquant cette matière, nous ne nous bornerons pas à parler des cours d'eau qui appartiennent
exclusivement à ce domaine d'une manière plus ou
moins rigoureuse; prenantnotre point dedépart de la
mer, nous passerons en revue jusqu'aux plus petits
ruisseaux, et nous signalerons avec tout le soin possible les droits publics ou privés qu'on peut exercer
OU dont on peut jouir sur chaque espèce.
Le présent chapitre " qui n'est, à proprement
par,ler, que préliminaire, sera divisé en deux sections.
L'indication des diverses espèf~es d'eaux formera
l'objet de la première.
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�6
TRAITÉ
Dans la seconde nous ferons connaître les principales dispositions législatives concernant notre
sujet, afin, tout à la fois, de montrer leur esprit
général, et d'éviter des répétitions par le renvoi
dans les chapitres subséquents au texte des lois déjà
rapportées.
SECTION PREMIÈRE.
De la distinction des diverses espèces d'eaux.
La distinction que nous allons présenter des diverses espèces d'eaux n'a principalement trait qu'à
leur état matériel. Quant à celle résultant de la nature du domaine dont elles dépendent, nous l'avons
déjà indiquée au chap. 15 ci-dessus (1).
666. La MER, quoique nous n'ayons que peu de
chose à en dire, doit être ici notre point de départ:
elle consiste dans le vaste réservoir des eaux qui en·
tourent le- globe terrestre; diverses dénominations
lui sont données, suivant les parties du continent
entre l~squelles elle est située.
C'est ainsi que la grande mer qui de l'Europe
s'étend à l'Amérique, porte le nom d'Océan; que celle
qui nous sépare de l'Afrique s'appelle Médîtermnée;
et qu'on nomme Baltique celle qui, dès le passa&e du
Suud, se trouve entre les états d'Allemagne et la
Suède.
La mer est en même temps le principe et la fin de
(1) Voy. sous le nO 207.
�DU DOMAINE PUlllJC.
7
tout ce qui touche à l'action puissante qu'exercent
les eaux dans le règne de la nature.
C'est des évaporations opérées sur sa surface par
la chaleur du soleil, que se forment les nuages qui "
poussés par les vents sur le continent, viennent y
donner naissance aux sources ei aux fleuves 'par lesquels se reportent en grandes masses dans la mer
les eaux qui en étaieIltsorties sous forme de vapeurs'.
667. LES FLEUVES sont les grands cours d'eau
qui, après avoir reçu les rivières et les ruisseàux qui
affluent dans leur lit, portent leurs eaux et conservent leurs noms jusqu'à la mer: tels sont le RhÔne,
la Seine, le Rhin, la Loire, le Danube, etc.
668. LES RIVIÈRES sont aussi de grands cours
d'eau, quoique Iiloins considérables que les fleuves.
669.. LES RUISSEAUX sont les cours d'eau d'un
ordre inférieur encore, qui, après un trajet de peu
d'étendue, voI1t se jeter dans les rivières où les
fleùves.
La rivière se distingue du simple ruisseau soit
par sa grandeur et son plus gros volume·d'eau, soit
par la dénomination qu'elle a reçue, d'après le jugenient qu'en ont porté les habitants de la contrée
qu'elle traverse: Flumen à rivo magnitudine discernendum est aut existimatione circumcolentium (1); c'est
par cette dénomination que se trouve établie sa possession d'état.
670. LE TORRENT diffère du fleuve, dela rivière
J
(1) L. 1, § 1, ff. de fluminibuJ J lib. 43, tit. 12.
�8
TRAITÉ
et du ruisseau par la discontinuité de son cours: là
où ce cours n'est pas pérenne, quelle que soit la
quantité d'eau qui s'écoule dans les saisonsd'hivel'
ou de grandes pluies, ce n'est qu'un torrent, et non
pas une rivière proprement dite : Item .fluminum
quœdam sunt perennia ~ quœdam torrentia : perenne est
quod semper fluat; torrens~ id esiJtierne fluens. L'expres.sion torrent nous vient du verbe latin torrere~ dont
le participe présent est torrens ~ qui s'appliqù'e à ce
.qui est brûlé et desséché, parce que le torrent n'a
principalement de vie qu'en temps d'hiver, hieme
fluens) et que c'est durant les chaleurs de l'été qu'il
se trouve réduit à sec,
TI suit de là que, quand.un cours d'eau est habituellement continu, il ne cesse pas d'être dans la
classe des rivières, quoiqu'il se trouve accidentellement desséché par l'effet des chaleurs longues et .
extraordinaires de certains étés: Si tamen aliquâ œstale
exaruerit quod alioquin perennè fluebat ~ non ideà minùs
perenne est (1).
671. On appelle RIGOLE l'incision qui est faite
sur le bord d'une rivière ou d'un ruisseilu , pour en
faire dériver l'eau sur les terres voisines: Incile est
autem locus depressus ad tatus fluminis) ex eo dietus quàd
incidatur. Inciditur enim véllap'Îs vet terra undè primùm
aqua ex flumine agi possit (2).
Par opposition de fonctions, le BARRAGE est, 3U
(1) L. 1, § 2, ff. de fluminilJlt$~ lib. 43, ût. 12.
(2) L. 1 , § 4, fT. de rilJi.r, lib. 43, tit. 21.
�DU DOMAINE PUBIJC.
9
contraire, un ouvrage construit en travers du lit
d'une rivière ou d'un ruisseau, pour y arrêter ou
en élever les eaux jusqu'à une certaine hauteur, et
en opérer la chute ou la dérivation qu'on se propose d'obtenir: Septa sunt, quœ ad incile opponuntuf',
aquœ derivandœ compellendœve ex flumi1,e causâ, sive ea
lignea sint, sive lapidea, sive quâlibet aliâ materiâ sint,
ad continendam transmittendamque aquam excogitata (l).
672. LE CANAL est un fossé pratiqué à main
-d'homme sur le terrain aboutissant à la rivière~ ou
au ruisseau, pour y, faire passer les eaux nécessaires
à la fin qu'on se propose d'atteindre dans une entre~
prise: Fossa est receptaculum aquœ, manufacta.
673. UN LAC est un grand réservoir formé par
la nature, où l'eau se perpétue par quelques sources
"Ou courants qui y affluent, et dont le trop plein s'é,..
chappe ou au moyen de l'évaporation des eaux, ou
ar quelques courants qui y prennent leur nais~
'sance: Lacus est quod perpetuam habet aquam (2.):
674. L'ÉTANG est un réservoir moins considérable, construit à main d'homme, contenant des
eau~ dormantes qui s'y amassent ordinairement dùrant l'hiver et par les grandes pluies, ou qui yaPfluent par le versement de quelques petites sources,:
Stagnum est quod temporalem contineat aquam ibidem stagnantem, quœ quidem aqua plcrumquè.hieme cogitur (3).
(1) L. 1, § 4, ff. de rifJis, lib. 43, tit. 21(2) L. 1, § 3, ff. ut in flumine publico, lib. 43, tit. 14.
(3) D.l. 1, § 4, ff. ut influmine puMico, lib. 43, tit. 14.
�10
l'RAll'f:
La destination des étangs est d'y nourrir du poisson: c'est là le principal produit qu'ils donnent au
propriétaire. Le sol peut aussi en être cultivé après
la pêche, comme cela se pratique dans la plupart
des localités.
Dans les étangs, les eaux sont ordinairement
stagnantes, et alors le bassin doit être' établi de mànière à les conserver jusqu'à ce qu'on en lève la
bonde pour le mettre en pêche.
.
Lorsqu'ils sont traversés par un courant, des
grilles placées aux extrémités y retiennent le poisson.
On voit par là qu'il ne faut pas classer au rang
des étangs proprement dits les écluses qu'on trouve
construites sur des ruisseaux pour servir au. roulement de quelques usines, puisqu'elles ne sont destinées ni à être peuplées de poisso~, ni àarrêter, mais
seulement à élever momentanément le cours des
eaux: et c'est conformément à cette distinction que
l'article 30 de la loi du 15 avril 1829 sur la pêche
fluviale déclare qu'on ne considère comme étângs
ou réservoirs que les fossés et canaux appartenant à
des particuliers, et dont les eaux cessent naturellement de communiquer avec les rivières.
675. LE VIVIER est un bassin fermé et rempli
d'eau, destiné à recevoir le poisson après la pêche,
e~ à le conserver jùsqu'au moment de la vente ou de
la consommation.
Il y a cette différence entre un étang et un simple vivier, que les poissons renfermés dans ce der-
�11
DU DOMAINE PUBLIC.
nier réservoir sont immédiatement dans la possession
du maître du fonds, comme choses mobilières,
tandis que ceux qui sont dans un étang conservent
leur liberté naturelle jusqu'au moment de la pêche,
comme le gibier qui est dans un parc conserve la
sienne jusqu'à ce qu'il soit pris en chasse. Il n'entre
dans la possession immédiate du propriétaire du
fonds que quand celui..,ci a fait lever la bonde de
son étang pour le mettre en pêche (a) : Item feras
bestias quas vivariis ineluserimus, et pisoes quos in piscinas eonjeeerimus, à nobis possideri,. sed eos pisees, qui
in stagno sint, mlt feras quœ in silvis eireums-Cl'iptis va~
gantm', à nobis non possideri, quoniam relicti sunt in
liber/ate naturali (1).
676. Sous le rapport de l'usage auquel sont
destinés les cours ou amas d'eau, ils sont civilement,
rangés dans trois classes, dont la première comprend
ceux affectés directement ou indirectement à la navigation; la .seconde ceux employés aussi directe..
ment ou indirectement au flottage des bois; et la
troisième, ceux qui ne servent ni à la navigation ni
au flottage.
Les deux premières espèces sont entièrement placées dans le domaine public, en sorte qu'à raison de
(a) Cependant, d'après les art. 388 et 452 du Code pénal, le
vol ou l'empoisonnement de poissons dans les étangs est, sous
tous les rapports, assimilé aux mêmes délits commis dans les
viviers ou réservoirs.
(1) L. 3, § 14, If. de acquirend. poss., lib.
11, tit. 2.
�12
TRAITÈ
leur destination, il n'est permis à personne d'y
prendre, sans l'autorisation du gouvernement, des
dérivations d'eau qui pourraient avoir pour effet
d'en diminuer le volume ou le courant, et d'en dé...
grader les bords.
La troisième classe reste au contraire dan$ le domaine privé, quant à tous les usages qui peuvent
être utiles aux propriétaires riverains.
Cette différence de qualité des cours ou àmas
d'e~u, sous le rapport du domaine dans lequel ils
.gont classés, ne dépend ni du volume et de la quantité d'eau, ni de'la circonstance que l'eau .est courante ou stagnante, mais uniquement de leu~
affectation directe ou médiate à la navigation ou al'l
flottage.
C'est ainsi que les moindres ruisseaux .où les
étangs dont les eaux sont prises pour alimenter les
canaux de navigation appartiennent, comme ceuxci (1), au domaine public, p088unt autem hœc etiam esse
publica (2), tandis qu'une rivière d'une certaine importance, qui ne serait utile ni à la navigation ni
au flottage, resterait dans le domaine privé.
(1) Sifissa manufacta sit per quam fluit publicum flumen,
m1âlhominùs puhlica fit, et ideo, si quid ibi fiat, Ùl flumine
. puhlico factum lIJidetur (L. 1, § 8, ff. de fluminJhus, lib. 43,
tit.12).
(2) L. 1, § 6, ff. ut in flumùie puhli.co, lib. 43, tit. 14.Voy. sur ce sujet l'art. l or , tit. 1er du décret du 22 février 1813;,
bullet., 4e l'érie, tome 18, p. 3!:JO.
�DU DOMAINE PUBLIC.
13
677. Suivant la loi romaine, que nous aimons
toujours à rappeler, parce qu'en général elle est la
source la plus pure de notre législation, toute rivière pérenne était du domaine public: Flumina
autemomnia et portu8 publica sunt (1).
Comme on vient de le voir, la législation fran"
çaise accorde plus d'avantage, au domaine privé, '
puisque, quant à divers droits d'usage que nous signalerons ailleurs, elle ne range dans le domaine
public quelesfleuves et rivières navigables ou flottables; mais lorsqu'il est question de rendre navigable
une rivière qui ne l'était pas, nous rentrons dans la
disposition du droit -romain, le gouvernement
ayant alors le droit de s'empàrer de la rivière sans
accorder, à raison de cette 0ccupation, aucune in'"
demnité aux propriétaires riverains; d'où il résult~
qu'on ne regarde point ceux-ci comme étant expropriés, et que la rivière elle-même, quoique non
navigable, est considérée, quant/au fo~ds, comme
étant du domaine public; et c'est_ainsi que le droit
romain, qui fut notre législation primordiale, règle
encore nos usages sur ce point.
678. Lorsqu'il est question de définir les cours
d'eau qui font partie du domaine public, et d'en
signaler l'étendue matérielle, ce n'est pas simplement le fluide qui passe et se succède sans cesse jusqu'à ce qu'il soit enfin versé dans la mer, qu'on
doit envisager, mais bien le corps du fleuve ou de
(1) Instit., § 2, de rerum divisione.
�TRAITÉ
la rivière, avec son lit et ses rivages; c'est le terrain, et principalement la partie occupée pai' le
cours de l'eau, dont on doit estimer la consistance
quand il s'agit d'apprécier l'étendue du domaine
public sur cette espèce de route liquide créée par la
nature. Or on doit regarder comme rives du fleuve,
et par conséquent comme limites de ce domaine,
les bords qui servent à contenir les eaux de la rivière
quand elles,sont arrivées à leur plus grande élévation sans débordement ~ Ripa ca putatm' esse quœ ple'nissimum {lumen continet (1). ,
Chez les Romains, la pêche était généralement
permise à tous dans les rivières ~ Flumina autem omnia
et portuspublica sunt : ideoque jus piscandi omnibus
commune est in portu et {lmninibus (2); nous verrons
les modifications que ce principe a éprouvées dans
notre droit.
SECTION II.
Des lois et réglements concernant les eaux qui appartiennent
au domatne puhlic.
619. Comme, dans les chapitres qui vont suivre, nous aurons beaucoup à parler des diverses
espèces de cours d'eau, notamment de ceux qui
sont destinés à un service public, il importe' d'indiquer d'abord les règles, générales de la police de
prévoyance qui les gouvernent, et de faire connaître
(1) 1. 3, § 1, ff. defluminibus, lib. 43, tit. 12.
(2) Instit., § 2, de rerum dÙllsione.
�DU DO:\1:AINE PUBLIC.
15
les principales mesures de précaution prescrites
pour leur conservation, et l'entretien du service auquel ils sont destinés; c'est ce que nous allons
exposer.
Si l'on voulait réunir tous les actes législatifs qui
ont été portés sur cette matière, un de nos volumes
ne suffirait pas pour en contenir la collection. Une
telle entreprise ne peut entrer dans notre plan, "et
nous ne devons faire autre chose que de présenter ici
une analyse succincte des principales dispositions
des lois et réglements concernant l'usage et la con~
servation des eaux publiques.
680. Par le droit des gens, dit la loi romaine,
les fleuves et leurs rivages sont destinés à l'usage de
tous: Riparm1t usus publicus est Jure gentium, sicut
ipsius fluminis (1). Il est défendu de construire aucun édifice, de faire aucun dépôt dans un fleuve ou "
sur ses bords qui puisse en gêner l'accès ou la navigation : Ait prœtor : Ne quid in flumine publico ripâve
ejus facias; ne quid in flumine publico ripâve ejus immittas quo statio itel've Mvigio detel'it~s sit (2.). Tout ouvrage, tout dépôt qui peuvent gêner l'usage de la
navigation ou la rendre plus difficile doivent être
démolis et enlevés: Deindè ait prœtor : Quod in flumine
publico ripâve ejus fiat, sive quid in flumen ripamve ejus
immissum habes quo stati? iterve navigio deteriot, sit,
,'estituas (3). Il est même défendu aux constructeurs
(1) L. 5, if. de divisione rel'um, lib. 1, tit. 8.
(2) L. 1, if. de fluminihus , lib. 43, lit. 12.
(3) Dict. 1. 1, § 19.
�16
TRAITÉ
de s'opposer à ce que le navigateur détruise ou démolisse l'ouvrage qui gêne le libre cours de la navigation : UtiLe interdictum competere ne vis ei fiat qUQminùs id opus quod in aLveo fluminis ripâve ejus factum sit,
ut iter cursûs fluminis deterior sit fiat toUere, demoLiri"
purgare, restituere viri honi arbitratu possit (1).
681. Point de possession à alléguer contre l'administration publique pour conserver un ouvrage
de cette espèce, parce que le fleuve, étant inaliénable, est aussi imprescriptible commetoutes les autres
choses destinées aux usages publics: Prœscriptio Longœ
possessionis ad obtinenda loca juris gentium publica concedi non solet (2). Ainsi, quelque ancienne que soit
la construction faite par quelqu'un de sa propre autorité, elle n'en est pas moins sujette à être démolie,
à quelque époque que le gouvernement juge à pro"':
pos de ]a faire supprimer, parce qu'il serait absurde
qu'un particulier eût acquis le droit de nuire au
public.
682. Ce que l'on dit ici de toutes espèces de
chaussées, écluses ou barrages construits sur le bord
ou dans le lit d'une rivière, sans la permission du
gouvernement, est également applicable à l'érection
d'un pont: Quœsitum est an is qui in utrâque ripd fluminis puhlici domus habeat, pontem privati juris facere
potest. Respondit non posse (3).
(1) Dict. 1. 1, § 12.
(2) L. 45, ff. de usucap., lib. 41, tit. 3.
(3) L. 4, ff. de fluminihus, lib. 43, tit. 12.
�17
DU DOMAINE PUBUC.
Celle décision est fondée sur deux raisons: la
première, que les piles du pont reposeraient sur le
sol de la rivière, qui est dans le domaine public,
dont l'occupation est prohibée à tout particulier;
et la seconde, que, comme le porte l'article 552 du
Code civil, la propriété du sol emporte celle du
dessus; en efIet, pour réprimer la construction
d'un ouvrage qui an ticipe sur antrni, on ne doit
pas s~nlement s'attacher au sol, mais encore à
l'espace vide qui est au-dessus: In opere novo, non
tam soli quàm cœli mensura fadenda est (1) ,
parce que, le sol qui est libre devant avoir aussi
son ciel libre, celni qui étend ou établit un bâtiment au-dessus anticipe aussi réellement qne si
tou te la base de l'édifice reposait sur la tel're: Quia
cœlum quod supra id solum intercidit liberum
esse debet (1).
683. On voit, par ce rapprochement des lois
romaines, que toujours elles préfèrent l'intérêt
public à l'intérêt privé, et que, loin de donne'r aux
propriétaires des écluses .ou barrages construits
pour servir à leurs usines, une action en garantie
contre les flotteurs ou navigateurs, c'e~t au'contraire à ceux-ci qu'elles accordent le droit d'agir
contre les premiers, pour qu'ils aient à débarrasser
le cours des rivjères, et à en rendre l'usage libre
de toutes entraves.
(1) 1. 21, § 2, if. quod vi aut clàm, lib. 40, tit. 24.
(2) L. 1, ff. de serlJitut. prœd. urhan., 1ib. 8, lit. 2.
TOl\'[. III.
2
•
�18
TRAITÉ
En accordant au flotteur ou batelier le droit de
faire démolir et enlever tonte construction qui
forme obstacle au passage de S011 train ou de ses
bateaux, la loi serait absurde et contradictoire si
elle lui ordonnait de rétablir ce que ce même train,
gêné dans son passage, aurait endommagé, sans
affectation des condncteurs, et par l'impnlsion
naturelle qu'il reçoit de l'élémen 1 qui le transporte.
Ainsi, d'après le droit romain, nulle responsabilité ne pèse sur le flotteur ou le batelier à l'égard
des constructions privées appartenant à des paniculiers propriétaires d'usines; nulle action contre
lui en réparation des dommages qui pourraient
résulter de l'usage de la navigation, sans être immédiatement causés par son fait, ou sans être la
suite d'une faute grave de sa part. Voyons actuellement si les lois françaises se sont écartées de ces
principes,de la raison écrite.
684. La haute importance de la navigation intérieure et les entraves que les propriétaires d'usines y on t apportées dans tous les temps, ont
aussi constamment provoqué des réglements trèsnombreux sur cette matière.
Par une ordonnance de François 1er , de 1515,
il fut défendu à toute personne de construire sur
les rivières navigables ancune usine, moulin, cc ou
» au tre empêchement nuisible et préjudiciable au
» fil et cours desdites rivières, sur peine d'a» mende arbitraire, et de rendre et restituer
�DU DOmlNE PUBLIC.
19
"
"
')
"
"
"
toutes les pel'tes, dépens, dommages et intérêts
qui, pour raison desdits empêchements, pourraient en suivre, et aussi sur peine de payer tous
tels frais et dépens qu'il conviendra faire, pour
iceux empêchements ôter ou faire démolir et
abattre. "
685. L'article 3 de cette ordonuahce règle les
devoirs des propriétaires d'usine, et fixe les conditions sous lesquelles on doit laisser subsister les
constructions faites avec ]a permission du souverain. Il est ainsi conçu: cc Et combien que sem~
» blabiement les arches, gords, bords, pertuis et
" autres passages étant sur lesdites rivières,doivent
" avoir vingt-quatre Fieds de lé, pour passer et
" repasser lesdits nefs, bateaux, vaisseaux et mar" chanclises; toutefois pour ce qu'ils sont souvent
» mis et faits plusieurs em pêchemen ts, tant en les
,~ étrécissant, comme autrement, au grand retar" clement, préjudice et dommage de ladite mar» chandiseetdu bien public,ordonnons qu'aucun
» n'empêche lesdits arches, voies, gords, pertuis
» ou autres passages, soit en les étrécissant ni au») trement comme que ce soit, et que chacun sur
» son héritage souffre, fasse et maintienne conve) nablement le chemin d'iceux dndit lé de vingt" qnatre pieds, sur lesdites peines (1), » c'est-à-
~
(1) Voy. dans Îa conférènce des ordonnances,liv. l1;til. 13;
96 etsuiv.
�20
TRAITE
dire sous peine d'amende arbitraire et de dommages~inlérêts.
686. C'est en exécution de cette ancienne
ordonnance que le parlement de Paris, par arrêt
du 26 février 1569, ordonna à tous possesseurs de
moulins ou forges d'avoir pertuis pour le flottage
dl] bois, et permit aux marchands d'en faire faire
où ils n'en trouveraient pas sur leur passage, avec
défense à toute personne quelconque d'arrêt leurs
marchandises dans le trajet.
Semblable loi protectrice de la navigation et du
flottage fut portée par Charles IX, à Paris, le 9
octobre 1570, et par Henri III, au mois de ja~vier
1583 (1).
687. Vient ensuite l'ordonnance de 1669, renfermant plusieurs dispositions sur le même objet.
L'ARTICLE 40 du titre 27 porte que cc ne seront
» tirés terres, sables et au tres matériaux à six toises
)) près des rivières navigables, à peine de cent
» Livres d'amende. »
688. L'ARTICLE 42 ajoute: cc Nni, soit proprié» taire ou engagiste, ne pourra faire moulins,
:» batardeaux,éc1uses,gords, pertuis, murs, plants
» d'arbres, amas de piert'e ,.de terre etdc fascine,
» ni autre édifice ou empêchement nuisible au
» cours de l'eau dans les fleuves et rivières naviga» bles et flottables, ni. même y jeter aùcune 01'» dure, immondice, ou les amasser sur les quais
(1) Voy. dans la conférence des ordonnances,liv. 11, tit. 13,
§ 96 et
�21
DU no!llAINR PUBLIC.
" et rivages, à peine d'amende arbitraire. En» joignons à toutes personnes de les ôter dans trois
» mois du jour de la publication des présentes; et
» si aucuns se trouvent subsister après ce temps,
» voulons qu'ils soient incessamment ôtés et enle» vés à la diligence de nos procureurs des maîtrises,
" aux frais et dépens de ceux qui les auront faits
» ou causés; Sl!H peine de cinq cents livres d'a'» mende tant contre les particuliers que contre le
» juge et notre procureur qui auront négligé de le
» faire, et de répondre, en leurs privés noms, des
» dommages et intérêts. »
L'amende, arbitraire dont il est question dans
cet article, comme dans plusieurs autres, ne rentre
plus dans notre système de pénalité; c'est pourquoi, par arrêt du conseil du 3 août 1811,rapporté
par M. Garnier, en son Traité des rivières J sous
le nO 263, il a été décidé que les conseils de préfecture ne pourraient prononcer que l'amende de
500 fI'. à raison des contraventions prévues dans
cet article de l'ordonnance Ca).
1
(a) Par divers arrêts du conseil d'état des 20 avril et 8 juillet 1840 et 11 août 1841 (Sirey> 40-2-476; 41-2·43 et 42-2137), il avait été même décidé qu'en ce cas aucune amende ne
pouvait plus être prononcée par les conseils de préfecture, qui
devaient se borner à ordonner la réparation du dommage; mais
la loi du 23 ma!s 1842 a abrogé cette jurisprudence en déclarant que « les amendes dont le taux, d'après les réglements de
» grande voirie antérieurs à la loi des 19-22 ;lliUet 1791, était
» laissé à l'arbitrage du juge, pounont varier entre un minimumde 16 fl. et un maximum de 300 fI'.
l)
l)
�22
'mAlTÉ
689.· ARTICLE 43. cc Ceux qui outfait bâtir des
» moulins, écluses, vannes, gords et autres édi" fices dans l'étendue des fleuves et rivières na vi» gables et flottahles, sans en avoir ohtenu la pern mission de nous ou de nos préclécesseurs, seront
» tenus de l~s démolir; sinon le seront à leurs
» fl'ais et dépens, »
690. ARTICLE 44. cc Défendons à toutes per" sonnes de détourner l'eau des rivières navigables
" et flottables, ou d'en affaiblir et altérer le cours
n par tranchées, fossés et canaux, à peine, contre
" les contrevenants, d'être punis comme usurpa" teurs, et les choses réparées à leurs dépens."
Cette défense avait été levée par l'art. 4, titre 1el',
de la loi du 6 octobre 1791; mais elle {l été rétablie
par les lois postérieures, et notamment par l'arlicle
644 du Code civil.
691. Pal' l'ARTICI':E 46, le chômage occasionné
dans les moulins, à l'occasion de la navigation ou
du flollage, est fixé à quarante sous pour vingtquatre heures., cc faisant très-expresse défense à
" toute personne d'en exiger davantage, ni, de re" tarder en aucune manière la navigation et l~
» flottage, à peine de mille livres d~ amende,
outre les dommages et intérêts, frais et dépens." .
Sur quoi il faut observer que cette indemnité
de chômage a été élevée à quatre francs pOUl'
vingt-quatre heures, par la loi du 28 juillet
1824 (1), qui n'a qu'un seul taux ponr tous les
)J
(1) Voy. au b·nllet., t. 19, p. 67, 7- série.
�DU DOM.AlNE PUBLIC.
23
moulins, quel que soit le nombre de leurs tournants Ca).
692. Par une ordonnance du 27 juillet 17?3,
cc il est défendu à tOltS mariniers, voituriers par
~) eau et conducteurs de trains ùe faire passer leurs
» bateaux et trains de bois par les arches dans les') quelles on travaille aux piles, arches et radiers,
» et à leI autre ouvrage que ce puisse être; de faire
» aucun dommage aux batardeaux, ponls de ser» vice, cintres, pieux, échafauùs et autres prépa)~ ratifs pour lesdits uuvrages, à peine de trois
) centsfrancs d~amende.,outre le dédommage) ment des entrepreneurs., à dire d~expérts. »
693. C'est toujours par Jes mêmes principes
d'administration publique que le conseil d'état a
rendu divers alTêts sur la navigation intérieure,
pour la protéger cOJ!tre les atteintes~ incessantes des
propriétaires d'usines. Par un premier, du 27 septembre 1729, il fut défenùu de construire, sans la
permission du roi, moulins ni aucun genre d'édi·
fices dans les rivières navigables et flottahles, ou au
bord d'icelles (1).
694-. Un autre, du 24 juin 1777,ARTICLE 1 er ,
c( f.1it défense à toute personne, de quelque qualité
)~ et condition qu'elle soit, de faire aucun moulin,
» pertuis, vanne, écluse, arche, bO,uchis, gord et
(a) Dans la pratique, cette indemnité ne se fixe point par
fraction de journée; la journée commencée se paie entière.
(1) Voy. dans l'ancien répertoire, au mot moulin, § 39, t. 1 J,
p.715.
�24
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
TRAITÉ
pêcherie, ui antre construction ou autre empêchement quelconque, sur et au long des rivières
navigables, à peine de mille livres d'amende
et de démolition desdits ouyrages. »
695.- ARTICLE 3. cc Ordonne pareillement, sa
majesté, à tous riverains, mariniers ou antf(~s,
de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux,
débris de bateaux et autres empêchements étant
de leur fait ct à leur charge dans le lit desdites rivières ou snI' leurs bords, à peine de 500 livres
d'amende ~ confiscation desdits matériaux
où débris, et d'être en outre contraints au
paiement des ouvriers qui seront employés
auxdits enlèvements et nettoiements. »
696. ARTICLE 9. cc Défend très-expressément,
sa majesté, aux propriétaires ou meuniers
d'exiger ou recevoir des mariniers ou marchands
qui auront causé le chômage des moulins, autres et plus forts droits que ceux fixés par les
ordonnances, et de retarder en aucune façon la
navigation et Je flottage; leur ordon ne, sa majesté, de tenir les passages de leurs pertui~ et
bouchis ouverts en tous temps, quand il y aura
deux pieds d'eau en rivière, et lorsqne , les eaux
étant plus basses, les passages seront bouchés,
de les ouvrir toutes les fois qu'ils en seront requis, et de les laisser ouverts pendant un temps
suffisant pour que les bateaux ou trains de bois
puissent profiter du flot (1). »(1) Voy. dans l'ancien répertoire, au mot narigation, t. 12,
p.33.
�DU DOMALNE PUBLIC.
SlS
Il est donc itérativement défendu aùx propriétaires d'usines d'exiger des flotteur~ autre chose
que l'indemnité du chômage réglée par l'ordonnance de 1669, aujourd'hui par la loi du 28
juillet 1824.
697. Par une troisième, du 23 juillet 1783,
titre 3, article I l , c< ordonne, sa majesté, à tous
)) propriétaires, de quelque qualité et condition
») qu'ils soient, à toutes communautés, laïqnes ou
" ecclésiastiques, qui auront titre suffisant pour
») avoir moulins, forges, fourneaux, autres usines
)' et pêcheries, d'entretenir en bon état les digues,
cbaussées, épanchoirs et passelils ou pertuis qui
)) servent ou doivent servir au passage des bateaux,
» radeaux et bois mis àflot. »
Ces dernières expressions, et bois mis à flot,
sont remarquables en ce qu'elles s'appliquent aussi
au flottage à bûches perduf;s.
698. ARTICLE 12. cc Les passelits seront mis,
» si fait n'a été, dans les emplacements les plus
» convenables relativement au conrs de l'eau, etle
» plus à proximité des usines, afin que le service
» en soit plus prompt et plus sûr. Les bajoyers,
» qui devront avoir chacun trente-six pieds de
)' IQllgueur, laisseront entre eux un passage de
» ingt-quatre pieds de largeur franche; leurs
» seuils, tant supérieurs qu'inférieurs, seront fixés
» solidement à qllatre pieds au-dessous des plus
» basses eaux. Les propriétaires feront faire elen-.
» tretiendront, si le local l'exige, un canal à par)l
�26
TRAITÉ
tir de l'exlrémité inférieure desdits bajoyers,
jusqu'à la rencontre du grand lit de la rivière;
" lequel canal aura vingt-quatre pieds de largeur,
» et au moins trois pieds de profondeur; le tout
» mesuré de la ligne des basses eaux; ordonne pa» reillement, sa majesté, aux propriétaires de mou) lins, forges, fourneaux et autres usines où il
» n'existe pas de passelits ou pertuis, d'en faire
" construire à travers les digues ou chaussées, et
:» d'ouvrir des canaux au-dessous, comme il est
» dit ci·dessus. »
ARTICLE 13. cc Dès que les conducteurs de ha» teaux, radeaux et de hois mis à flot, se présente" l'ont pour passer, les personnes chargées de la
» conduite desdites usines, et leurs préposés ou
» serviteurs, déboucheront lesdits passelits ou per» tuis. »
ARTICLE 15. cc Chaque moulin, forge ou four» neau, autre usine ou pêcherie, sera pourvu d'un
" nombre d'hommes convenable pOUl' la remonte
» et descente des bateaux ou radeaux, aussi.tôt
" qu'ils seront arrivés aux passelits ou pertuis des" dils établissements, faute de tout quoi, et en cas
» oe retard, seront lesdits propriétaires tenus des
» dommages et intérêts envers les marchands et,
". maîtres des bateaux ou radeaux et marchan ' es,
» naufrage arrivant faute de bon travail. » .
699. ARTICLB 17. cc Les meuniers, maîtres de
» forges, leurs valets et autres, seront tenus de
» laisser couler l'eau en telle quantité que la navi»
:»
�DU DOMAlNE PUBLIC.
21
gation des bateaux, radeaux et bois mis à .flot
puisse se faire facilement d'un passelit ou pertuis
» à l'autre. Fait, sa majesté, expresse défense aux
» meuniers, leurs valets et tous autres, d'exiger
» aucun denier, marchandises ou denrées, de mal'·
~, chands, mariniers ou passagers, pour ouvrir les
:» d,igues, passelits ou pertuis, à peine de restitution
" du quadruple, et de punition corporelle. >, Et
l'article 18 ~xcepte de cette défense ceux qui seraien t fondés en titre'dûmen t vérifié (voyez dans
l'ancien répertoire, au mot navigation) tome 12.,
page 98).
700. Par un arrêté du directoire exécutif du
19 ventôse an 6 (1), prescrivant l'exécution des
lois anciennes, il a été enjoint à. chaque administra~
tion départementale de faire faire par les ingénieurs en chef la visite de toutes les rivières navi~
gables et flottables de leurs arrondissements, et de
constater l'état des ponts, chaussées, digues, écluses, usines, moulins et autres empêchements nuisibles au cours de l'eau. Il est ordonné, par l'art. 3,
à tous propriétaires d'usines, écluses, ponts et batardeaux, de produire leurs titres de propriété.
L'administration doit faire un état de tous les éta..
hlissements qui seraient dangereux ou nuisibles à
la navigation et au libre cours des caux; et elle
doit ordonner la destruction, dans le mois, de ceux
qui ne se trouveraient pas fondés en titres, ou qui
>')
;»
(1) Voy. au bullet, , t, 5,2' série, nO 1776.
�28
TRAITÉ
n'auraient pour cause que des concessions féodales.
Par l'article 9, il est enjoint aux. administrations
centrales et municipales, et aux commissaires du
directoire exécutif près d'elles, de veiller avec la
plus sévère exactitude à ce qu'il ne soit établi pal'
la suite aucun pont, aucune chaussée, permanente
ou mobile, aucune écluse ou usinè, aucun batardeau, moulin, digue ou autre obstacle quelconque
au libre cours des eaux dans les rivières navigables
et flottables, sans autorisation préalable du gouvernement.
Quant à la mel' el à ses lais et relais, c'est dans
l'ordonnance de la marine du mois d'août 16~h
que sont consignées les règles de notre droit public
sur cet objet, comme nons le verrons plus bas.
Telle est la série des réglements généraux faits
.pour la protection de l'usage des eaux publiques
servant à la navigation et au flottage; ·Nous aurons /
plusieurs fois occasion d'y revenir en examinant
diverses questions particulières.
�DU DOMAINE PUBLIC.
29
CHAPITRE XXXVI.
De la mer en général, et de ses lais et relais.
SECTION PREMIERE.
De la mer généralement considérée.
701. Comme nous l'avons dit au commencement du chapitre qui précède, la mer étant le
principe et la fin de tous les cours d'eau, c'est par
elle qu'il convient de commencer notre traité sllr
celle matière, quoique nous n'ayons que peu de
chose à dire concernant cet immense réservoir des
eaux du globe.
Les bords de la mer servent de limites à la terre
ferme des états adjacents. Sous ce point de vue, le
littoral maritime, en tant qu'il s'appuie sur le
continent', est soumis à l'empire du souverain quî
y règne; et, comme il est également destiné à l'usage de tOIlS ceux qui peuvent y aborder, il est
nécessaire de dire qu'il fait par~ie du domaine
public: Littora in quae populus romanus im-
perium hahet ~ populi romani esse arhitror.
Mais, si de là nous nous transportons jusque snr la
haute mer, il faut dire qu'elle est, comme l'air et
la lumiere, au raDg des choses qui restent communes à tout le genre humaiu , et qui sont indistinctement destinées au sel'Vlce de tous, sans
�30
TRAITÉ
appartenir aux uns plutôt qu'aux autres, ni être
subordonnées à l'empire d'une nation plutôt qu'à
celui d'une autre; Maris commumlm ,usum om...
nihus nominihus , ut aiJris (1) .
.Lors même que nous serions ici privés de l'appui
de ces principes du droit écrit, ceux du raisonnement nons suffiraient seuls pour démontrer cette
vérité; car, comme. nous l'avons fait voir ailleurs (2),
]a propriété dut son origine au fait du premier occupant, qui, en prenant la possession permanente
d'un champ qui n'appartenait encore à personne,
dut avoir le droit de]e conserver pour jouir d~ ]a
culture qu'il y avait exercée. Or la' haute mer n'est
pas susceptible d'une pareille occupation ; donc
elle n'est pas sl~sceptible non plus de recevoir l'application du droit de propriété (a). Quand on ne
considérerait d'ailieurs que son immensité et la
maSse do fluide qu'elle renferme, fluide qui, par
sa surabondance, éxcède infiniment ce qui est
nécessaire à tous les besoins du genre humain,
cela seul suffirait encore pour démontrer que l'au..
teur de la nature ne l'a créée que pour rester
commune à tous•
. Il n'y a donc, aux yeux du droit naturel, rièn:
de plus absurde que les prétentions d'uue nation
(1) L. 3, ff. ne rjuid in loco puhlico, lib.
(2) Voy. sous les na' 31 et 32.
43,
tit. 8.
-(a) Voy. le na 142 du Traité de la prescription de M. Tro-"
plong, qui cite à cet égard un beau passage du chap. 4 de laCorinne de Mme de Staël.
�DU DOMAINE PlffiLIC.
31
(lui veut que le sceptre des mers lui appartienne,
parce qu'elle a un plus grand nombre de vaisseaux
pour y faire la guerre à ceux des autres peupies; c'est comme si celui qui est le pl~s fort pouvait se dire propriétaire d'une route publique, par
la raison qu'il s'y place pour détrousser les passants Ca) !
702. Mais, quoique les bords de la mer soient
les limites naturelles des états adjacents, il faut observer que, suivant les principes dQ droit des gens,
tels qu'ils sont reçus et pratiqués entre les nations
policées, toute puisauce dont l'état touche à la mer
est considérée comme étendant son empire jusqu'à \
la plus grande portée du canon, à partir des terres,
et cet espace forme ce qu'on appelle la mer territoriale de cette puissance (h).
Cet espace de mer est regardé comme un lieu
d'asile inviolable par tout~ puissance avec laquelle
l'état voisin n'est point en guerre.
De là on a tiré cette conséquence que les prises
(a) Plusieurs peuples anciens et modernes, notamment les
Carthaginois, les Athéniens, les Romains, les Vénitiens, les Danois, les Espagnols, et surtout les Anglais, avaient élevé cette
prétention qui est aujourd'hui généralement abandonnée; c'est
pour répondre au traité de Selden, Mare clausum, publié en
faveur de la Grande-Bretagne, que, dans l'intérêt de la Hollande, Grotius composa son ouvrage de Mari Zihero, dans lequel il soutient avec force la doctrine des lois romaines.
(h) Barbeyrac sur Puffendorf, Droit de la nature, liv. 4,
chap. 5, § 7; Vattel, § 289; Azuny, Droit maritime, tom. 2,
pag. 285; arrêt de la Cour de cassat., du 14 ventôse an 7.
�32
TRAITÉ
maritimes qui seraiel1t légalement faites dans la
ha ute mer par les vaisseaux d'une nation sur ceux:
d'une autre avec laquelle elle est en guerre, sont
au contraire. illégales si le navire capturé s'était déjà
réfugié près du continent et dans 1<1.. mer territoriale
d'une puissance avec laquelle le gouvernement du
capteur n'était pas en guerre (1).
703. Les bords de la mer sont fixés d'une manière déterminée par les points du sol jusqu'auxquels s'élèvent les plus hautes marées; et vis-à-vis
les fleuves et les rivières y affluant, la limite est,
aux termes de l'art. 3 de la loi du 15 aVI'il 1829 (2)
sur la pêche fluviale, la même que celle de l'inscriptiou maritime; toutefois la pêche qui se fait
au-dessus du point où l'eau cesse d'être salée, est
soumise aux règles de _police et de conservation
établies pour la pêche fluviale.
SECTION II.
Des lais et relais de la mer.
70~.
Les lais et relais de la mer consistent
dans les parties littorales de 1<1. terre ferme qui sont
alternativement couvertes et délaissées parles
flots.
Sui\ant l'article 538 du Code civil, les rivages,
lais et relais de la mer, les ports, les havres, les
(1) Voy. dans le répertoire~ au mot prises maritimes.
(2) Voy. au bullet., t. 10, p. 225, 8e série.
�nu
33
DOMAIl\'!E PUBLIC.,
rades, et généralement tfmtes ies portions 011 territoire national qui ne sont pas susceptibles d'une
propriété privée, sont considérées comme une dépendance du domaine public: d'où il résulte que
toules entreprises pratiquées, sans autorisation du
roi, sur les fonds ou terrains de cette classe,-peuvent toujours être réprimées.
705. Mais, quoiqu'en thèse générale, le littoral
de la mer fasse partie du domaine public, cependant, comme il n'y a rien d'absolu dans les choses
humaines, il n'est pas impossible, il n'est même
pas très-rare, comme nous le verrons plus bas, de
trouver des propriétés· communales ou privées
jusque sur les dunes, qui sont bien certainement le
sol des lais et relais maritimes. Lorsque ces propriétés proviennent J'anciennes concessions on
d'autres causes légitimes, elles doivent être respectées.
706. D'après la loi romaine, le littoral, qui
comprend les lais et relais de la mer, se compte à
partir de l'endroit où elle èesse de porter so.n flux
dans les plus hautes marées: Littus est quoltsque
maximusfluctus à mari pervenit (1) ; et c'est cet
espace, alternativement couvert et découvert par
les eaux, qui appartient au domaine public: Littu9
puhlicum est ~ eaten~$ quà lllaxim~ fluctus
exaestuat (2).
(1) L. 96, if. de verb. signifient.
(2) L. 112, if. eodem.
Tml. III.
3
�34
TJlAITÉ
L'ordonnance oe la marine du mois d'août 1681
s'exprime à cet égard encore avec plus de précision,
parce qu'clle a été conçue d'après des observations
qui paraissent n'avoir pas été faites par les Romains; elle porte, livre 4, titre 7, article 1 er , que
« sera réputé bord et rivage oe la mer tout ce
» qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles
» et pleines lunes, et jusque où le grand flot de
» mars se peut étendre snI' les grèves. » Telles sont,
d'après notre droi~ français, les limites des lais et
relais de la mer.
707. Sur quoi il faut observer que cette disposition de l'ordonnance ne doit s'entendre que de
ce qui arrive périodiquement et dans le cours ordinaire des chose~ ; on en ferait en effet une trèsfausse application si l'on voulait comprendre dans
les relais les terrains plus éloignés sur lesquels la
mer peut quelquefois, et fort accidentellement,
lancer ses eaux pendant les fortes tempêtes, 1'01'f10nnance mesure l'étendue SUl' l'effet ordinaire
et périodique des marées.
708. L'article suivant de la même ordonnance
ajoute: cc Faisons défense à toute personne de bâ» Lir sur les rivages de la mer, d'y planter aucun
» pieu, ni faire aucun ouvrage qui puisse porter
;»
préjudice à la navigation, à peine de démolition
» des ouvrages, de confiscation des matériaux, et
» d'amende arbitraire. »
Ici la loi française n'est pas conçue dans le même
esprit que le droit romain, qui classait les relais de
�DU DOMAINE PUllIJC.
35
la mer au rang des choses qui, n'étant à personne,
llont naturellement destinées à devenir la propriété
du premier qui viendra les occuper par la construction de quelque édifice : Quod in littore
quis aedificaverit J ejus erit : nam littora J puMica non ita sunt J ut ea quae in patrimonio
sunt populi; sed ut ea 'luae primum à naturli
prodita sunt et in nullius adhuc dominium
pervenerunt; nec dissimilis conditio eorum estJ
atque piscium et ferarum; 'luae simul at'lue
adprehensae sunt J Sine duhio ejus J in cujus
potestatem puvenerunt J dominiijiunt (1). En
cela les rivages de la mer sont, suivant les dispositions du droit romain, d'une conditiun totltediffércnte de celle des Lords intérieurs des fl~uves ,
qui font, ainsi que le corps des rivières, partie du
domaine public de l'éta t, et qui ne deviennent
point la propriété du premiel' occupant: Qui autem in ript1 fluminis aedijicat J non suum facit (2).
Mais, quoique le littoral immédiat de la mer fût
au rang des choses qui, n'appartenant. à personne,
s'acquéraient par le droit d'occupation, sans qu'il
fût nécessaire de l'acheter, il fallait néanmoins obtenir la p(~rmissiol1 du préteur pou r pouvoir en
jouir légalement: Quamvis 'luod in littore puMico veZ in mari extruxerimus J nostrum fiat ..
(1) L. 14, if. de acquir. rerum domin., lib. 41, tit. 1.
(2) L. 15, if. eodem.
�36
TRAITÉ
tamen decretum praetoris adhibendum est ut
idfacere liceat. Imo etiam manuprohibendus
est si cum incommodo caeterorum id faciat.
Nam~ civilem eum actionem defaciendo nullam habere, non dubito (1). Le décret du préteur était nécessaire, parce que celui qui voulait
ainsi s'emparer d'un terrain qui ne lui appartenait
pas ne pouvait avoir jusque là aucun droit d'agir
civilement comme propriétaire, et qu'en conséquence il fallait qu'il fût préalablement vérifié par
l'autorité pl'Otectrice de tous, d'une part, si les
constructions projetées ne nuiraient à personne,
afin de les défendre dans le cas où elles porteraient
quelque préjudice aux propriétaires des fouds voi~ .
sins : Si cum incommodo caeterorum idfaciat,
et, d'un autrccôté, si elles ne porteraient point obstacle à l'exercice de l'usage public de la navigation:
. In littore jure gentiumaedificare licere nisi
usus publicus impediret (2). Dans le droit français, la question est bien mieux tranchée, puisque
chez nous les relais de la mer ne peuvent s'acquérir par le droit du premier occupant. L'usage de la
navigation en est mieux protégé, et il doit en être
ainsi, parce qu'elle a aujourd'hui une tout autre
importance qu'elle n'avait autrefois, et que par
suite les droits ont dû être modifiés en conséquence
des nouveaux intérêts survenus dans les sociétés.
(1) L. 50, ff. de acquirend. rerum dominio, lib. 41, tit. 1.
(2) L. 4, ff. ne quid in loco publico, lib. 43, tit. 8.
�DU DOl\lAINE PUBLIC.
31
109. Quoi qu'il en soit, on voit que, par la
disposition de l'ordonnance de 1681, il est bien
positivement défendu d'occuper les lais et relais de
la mer, et d'y pratiquer aucun ouvrage de manière
à porter préjudice à l'usage de la navigation: mais
serait-il permis aux particuliers d'en enlever les
galets et d'y faire quelque excavation?
Nul doute que le gouvernement n'ait le droit
d~empêcher ces sortes d'entreprises, quand même
on n'apercevrait pas d'abord qu'elles fussent nuisibles à la navigation, puisqu'clics n'en altéreraient
pas moins l'état matériel de la chose publique, à
laquelle nul ne doit toucher que pour s'en .servir
conformément à sa destination.
110. Mais les propriétaires des fonds riverains
pourraient-ils aussi, par action privée, mettre
obstacle aux enlèvements et fouilles dont il s'agit?
le pourraient-ils par le motif qu'cn rapprochant de
leurs héritages les eaux de la mer par des fouilles
pratiquées dans son littoral, ou en enlevant les
galets qui servent de digue pour arrêter on amortir
l'impulsion des flots, on les exposerait au danger
de voir, tôt on tard, leurs fonds envahis par les
eaux de la mer?
Nous croyons que cette question doit recevoir
uJ;1e solution affirmative, parce qu'il est défendu à
tout particulier, agissant de sa propre autorité et
sans la pe1'lnission de la loi ou du prince, de rien
faire dans un lieu public qui puisse causer du dom, mage à des tiers: Ne quid in loca puhlicajacia~
�38
1'llAlTÉ
inpe éum locum immittas qud ex re quid iUi
dam ni detur, praeterquàm quod Lege) senatt1sconsulto) edicto) decretO(le principum libi
concessum est (1).
Ce qui s'applique à Lous les lieux publics quelconques, et à tout ce qu'on peut y faire de nuisi·
bIc à a Il tmi : Ad ea igitur loca hoc interdictum
pertinetquae publico usui destinata sunt ; utsi
quidiUicjiat quodpripato noceretpraetorintercedere interdicto suo (2). Il faut par conséquent cn
faire l'application aux entreprises qui seraient pratiquées snI' les rivages de la mer comme en tons autres lieux puLlics, et qui po\l1'raient être dans l'avenir la cause d'nn danger ponr les fonds riverains:
Adversùs eum qui molem in mare proj eeit interdictum utile competit ei cui fortè haec T'es
nocitura sit (3). Cette décision n'est pas seulement
fondée sur ces textes de la loi romaine, elle se justifie encorp, par le principe éternel d'équité qui ne
permet pas à l'u11 de porter préjudice à l'autre.
Il y a plus: lorsqu'une personne se présente de·
vant le gouvernement pour solliciter de lui l'auto)'isation de faire quelques ouvrages dans un lieu
public, sa demande ne doit être accueillie qu'autant qu'elle ne causera aucun préjudice à des tiers,
et le décr~t du prince doit en contenir la réserve
(1) L. 2, If. ne quzd in (oco puhlico, lib. 43, tit. 8.
(2) L. 2, § 5, ff. eodem.
(3) L. 2, § 8, ff. eodem.
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
39
ou expresse, ou sous-entendue, et c'est par cette
nison qu'on doit préalablement procéder à une
enquête de commodo et incommodo, afin <le prévoir, autant que possible, le danger de& dommages
futurs; mais, comme les erreurs dans cette inves'tigation préalable ne pourraient être une juste
cause de porter impunément préjudice à autrui, la
charge de l'indemnité doit rester la même: Merita
ait practor, qud ex re quid illi damni detur :
nam quotiescumquè aliquid in publico fieri
permittitur, ita op 0 rtet permitti lit sine injurid
cujusquam fiat; et ita solet princeps, quoâes aliquid novi operis instituendum petitur,
permittere (1).
711. La loi cl u 29 floréal an 10, qui sera ra pportée plus bas, ne s'occupant que des entreprises
faites et des contraventions commises au bord des
rivières navigables ou dans leur lit, pour en attribuer la répression aux conseils de préfecture, il en
résulte que celles qui auraient lieu sur les relais de
la mer doivent être portées devant les tribunaux
ordinaires.
712. Lorsqu'il s'agit d'un fleuve navigable, les
héritages riverains sont de dl'Oit soumis à la servitude <les chemins de halage nécessaires il la traite
des bateaux; il n'en doit pas être de même à l'égard
des fonds situés sur les bords de la mer': ici les
vaisseaux ne se tirent point par des cordages et par
(1) L. 2, § 10, ff. ne quid in locopublieo, lib, 43, tit. 8.
�40
'fl\AlTÉ
l'action des chevaux, comme les bateaux le long
des fleuves; en conséquence, au-delà des relais
maritimes, les héritages particuliers ne sont point
assujettis au halage, sauf à supporter le marchepied
qui pourrait être nécessaire à l'exercice de la pèche
ou aux mesures à prend-re en cas d'approche de
quelques bl1timents, ou au sauvetage des effets
naufragés. Dans ce dernier cas, les possessenrs ne
pourraient en interdire l'entrée à ceux qui auraient
à réclamer leurs marchandises et autres effets.
713. Lorsque la mer se relire et laisse (les atterrissemen ts sur ses bords, les terrains ainsi mis à
découvert ne restent pas dans le domaine public,
parce qu'ils ne sont point soumis à l'nsage de tous;
et, comme le bénéfice de cette espèce d'alluvion
ne doit pas profiler aux propriétaires de:, héritages
riverains (art. 557 C. c. ), il entre dans ce qu'on
appelle le domaine de l'étal ou le domaine national.
"
Cependant l'aliénation de ces sortes de terrains
n'est pas exactement soumise aux mêmes règles que
celle des autres propriétés de l'état; les ventes de
celles-ci, en effet, ne peuvent avoir lieu qu'en ver·
tu de lois qui les aient spécialemen t autorisées (1) ;
ici il en est autrement, d'après l'art. 41 de la loi
du 16 septembre l~o7, sur lequel nous avons
quelques observations à faire. Il est conçu dans les
termes suivants:
(1) Voy. l'art. 8 du décret du 22 novembre, sanctionné le
décembre 1790.
le~
�DU DOMAINE PUBLIC.
41
714. cc Le gouvernement concèdera, aux con) ditioDs qu'il aura réglées, les marais, lais et re» lais de la mer, le droit d'endigage, les accrues,
» atterrissements et alluvions des fleuves, rivières
;» et torrents, quant à ceux de ces objets qui
» forment propriété publique ou domaniale (1). »
Legouvernement concèdera, etc., etc. : cette
disposition, qui permet au gouvernement d'aliéner
les terrains dont il s'agit par un simple acte de
concession, sans recourir à la voie des enchères;
comme cela se pratique dans les ventes de domaines
nationaux ordinaires, est fondée SUI' ce que ces
sortes de fonds sont toujours plus ou moins marécageux; que la concession n'en doit être faite que
sous la condition de le~ assainir; que, comme
moyen de salubrité puhlique, les desséchements
de marais sont dans les attributions du pouvoir
exécutif; qu'en conséquence il est naturel que ce
pouvoir soit investi de la faculté d'aliéner les terrains qui peuvent être à dessécher ou à planter sur
le littoral de la mer, pour les rendre propres à la
culture OU à la production des hois.
, Il résulte de cette disposition que les relais de la
mer, une fois abandonnés par les marées, étant déclarés aliénahles, sont par là même reconnus prescriptihles.
(1) Voy., pour les formalités à observer dans ces sortes de
concessions, l'ordonnance cl u 23 septembre 1825, bullet., t. 3,
p. 229, 8e série.
�:42
715.
TRAITÉ
Le droit d}endigage
c'est-à-dire le
droit d'élever des digues contre les envahissements
de la mer, ou de renfermer et d'encaisser dans des
travaux les rivières qui se répandent sur une trop
grande surface de terrain, el, par suite, de gagner ou d'acquérir les portions de littoral ou de lit
qu'on aurait fait abandonner aux eaux pour les
convertir en terres productives (1).
, Ainsi, concéder le droit d'endigage sur une partif:
du littoral de la mer ou du bord d'un fleuve, c'est
accorder au concessionnaire le droit de convertir
en propriété privée, et d'acquérir pOUl' lui la partie
du sol public qu'il aura soustraite à l'empire des
eaux au moyen des digue,s qu'il devra construire et
entretenir à ses fl'ais, en se conformant au plan qui
.lui aura été donné.
716. On voit par là qu'il ne faut pas confondre
le droit d'endidage avec celui d'alluvion, et il ya
en' effet une différence essentielle entre l'ùn et
l'autre.
Le droit d'alluvion ne s'applique qu'au terrain
spontanément abandonné par les eaux et déj~
desséché. Quand une accrue de cette nature s'est
formée au bord d'un fleuve, elle est acquise au
propriétaire riverain, parce qu'elle a ce,ssé de f.1ire
partie du sol public qui sert de lit à la rivière: d'où
il suit que le gouvernement ne pourrait en faire la
concession à nul autre.
(1) Voy. l'art. 6 de l'ordonnance du 8 juin 1832, bullet., t. 4,
sect. 1, p. 795, g~ série.
�DU DOMAINE PUBUC.
43
Le droit d'endidage s'applique au contraire au
sol public sur leqllella rivière n'a pas cessé d'étendre ses eaux. Ici il n'y a point encore d'alluvion
formée; rien n'est encore acquis au propriétaire
riverain, puisque le terrain n'a pas cessé d'être
public; par conséquent le gouvernement peut
faire, au profit d'une personne autre que ce propriétaire, la concession du 'droit d'endigage pour
réprimer les écarts du fleuve, et mettre en état de
production des terres qui jusque là étaien t restées
stériles.
717. Les accrues ~ atterrissements et alluvions desfleuves ~ rivières et torre·nts : quel est
le sens de ces expressions Pet à quoi s'appliquentelles P Aux termes de l'article 556 du Code civil,
les accrues et alluvions qui se forment au bords de
toutes les rivières, sans distinction, ne doivent
profiler qu'aux propriétaires riverains; comment
donc le gonvernement pourrait-il avoir le droit de
concéder à d'autres ces propriétés particulières P
Autrefois les agents du fisc avaient prétenciu
que, par uue conséquence de ce que l'ordonnance
de la marine répute bords et rivages de la mer tout
le terrain qu'elle couvre et découvre pendant les
nouvelles et pleines lunes, on devait aussi comprendre daus le domaine de la conronne toutes les
alluvions formées aux bords des fleuves affluents,
à partir du point où le regonflement des eaux, s'y
faisant sentir daos les plus hautes marées, vient
momentanément couvrir aussi les alluvions flu-
�TR...UTÉ
viales; mais, sur la résistance des parlements, la
jurisprudence contrail'e prévalut même au conseil
d'état. Henrion de Pansey nous rapporte, dans ses
dissertations féodales ~ au mot cause ~ S VI,
plusieurs arrêts solennels rendus à ce sujet; et,
comme o~ ne doit pas être plus fiscal aujourd'hui
qu'on ne l'était alors, il faut dire aussi qu'actuellement les propriétaires riverains des fleuves doivent, en thèse générale, profiter du bénéfice de
l'alluvion, jusqu'au point de chute dans la mer.
718. Nous disons en thèse générale: car,
comme le droit d'alluvion n'a pas lieu sur la mer
au profit des propriétaires riverains (art. 557 C. c.),
si des accrues de cette nature s'y étaient déjà formées vel's l'embouchure d'une rivière qui viendrait
les traverser, les alluvions latérales du fl~uve, et
con tigilës au terrain national, seraient elles-mêmes
nationales aussi.
On en doit dire autant encore de toutes les alluvions qui peuvent se formel' aux bords des fleuves
et rivières qui traversent quelques propriétés de
l'état, on qui les COI finent.
719. Quantàceux de cesobjetslfuiforment'
propriétd publique ou domaniale: c'est-à·dire
que la concession à faire par le gouvernement ne
doit directement porter que sU\' les alluvions appartenant à l'état, suivant la distinction que nous
.venons d'indiquer, et qui est absolument conforme
,au dispûsitif des lettres-patentes rapportées, sans
-indication de date, au même endroit, par Henrion
de Pansey.
�DU DOMAINE PUBLIC.
45
Ordonnons, y est-il dit, que l'enregistrement,
fait de noll'e très-exprès commandement, le 30
mai dernier, de nos lettres-patelùes du 14 mai
dernier, concernant la recherche et la vérification des Hes, îlots, atterrissemen ts, alluvions et
relais formés dans les rivières de Gironde, Garonne et Dordogne, et sur la côte de Médoc, depuis la pointe de Ja Grange jusqu'à Soulac, sera
exécuté· selon sa forme et teneur; ordonnons en
conséquence au grand-maître des eaux et forêts
de Guienne de procéder aux procès-verbaux et
arpen tages prescrits par nosdites lettres-paten tes,
sans néanmoins qu'on puisse en induire que les
alluvions, atterrissements et relais formés sur
les bords desdites rivières ni d'aucune rivière
navigable puissent appartenir qu'aux propriétaires des fonds adjacents à la rive desdites
rivières, et à nous, lorsque la rivière sera
cc
»
»
»
»
»
»
»
n
~)
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
adjac'ente à des fonds de terrefaisant partie
de notre domaine. N'entendons pas que, sous
prétexte de rechercher et vérifier les terrains
» dépendants de notre domaine, on trouble l~s
» propriétaires dans la possession et jouissance des
» fiefs, terres, seigneuries et autres propriétés
» qu'ils possèdent d'anciennete, par eux ou par
» leurs auteurs, et que ricn n'ann.once faire pàrtie
» de notre dunlaine. n
720. D'après cela on voit clairement à quoi il
fant s'en tenir sur l'appJication del'art. 41 de la loi
du 16 septembre 1Ho7, relalif à la concession di»
�46
TRAITÉ
recte qui peut être faite par le gouvernement des
terrains d'alluvion des grandes rivières.
Nous disons la concession directe des terrains
J
d alluvion des grandes rivières: car, lorsqu'il
s'agit de faire une concession non de propriété
exclusive, mais d'un simpIe desséchemen t de marais
pour arriver à une participati~n dans la propriété;
elle peut être consentie par le gouvernement même
sur les marais appartenant à des particuliers qui se
refuseraient à les dessécher, comme nous le verrons
dans un autre lieu •.
721. Outre les terres d'alluvion marécageuses
qui se forment au hord de la mer, et surtout au
confluent des grands fleuves, les lais et relais maritimes comprennent aussi ce qu'on appelle les dunes,
qui sont les bords plus ou moins escarpés en rochers, galets ou sable, contre lesquels les flots
viennent s'arrêter.
La partie de ces dnnes qui cst en sable est naturellement susceptihle d'une extension plus ou moins
grande, suivant l;action des eaux; en certains lieux
elle embrasse des plages et collines considél'ables
dont le voisinage est dangereux, parce que la mer,
agissant contre un sol aussi meuble, menace sans
cesse les terres qui sont par derrière. Dans la vue
de leur donner une consistance et une stabilité
protectrices, et de les rendre en même temps pro~
duclives, un ingénieur des ponts et chaussées (1)
(1) M. Brémontier.
�DU DOMAIN]! PUBLIC.
47
avait imagmc d'y faire des semis et plantations
d'herbes, al'brisseaux et arbres qui sont de nature
à crohre dans les terrains de sable; et l'on rapporte
que les essais qu'il tenta à ce sujet, cn 1787, ont
eu le plus complet succès.
Voilà encore un cas d'application de l'article 41
de la loi du 16 septembre 1807, rapporté plus haut,
en vertu duquel il est permis au gouvernement de
faire des concessions de dunes à planter, aux conditions qu'il aura réglées, lorsqu'il veut se débarrasser du soin de les faire directement pJanter luimême.
722. C'est ainsi que pour provoquer l'attention
des entrepreneurs qui, à défaut de propriétaires
intéressés, pourraient se présenter dans la suite, le
gouvernement impérial a porté sur cet objet un
décret du 14 décembre 1810, dont la teneur
suit (1) :
ARTICLE 1 er. ceDans les départements maritimes,
» il sera pris des mesures pour l'ensemencement,
» la plantation et la culture des végétaux reconnus
» les pIns favorables à la fixation des dunes. »
ART. 2. cc A cet effet les préfets de tous les dé» partements dans lesquels se trouvent des dunes
(1) Ce décret,
rapporté dans le
l'intérieur, tom.
Duvergier, tom.
ments de marais
qui n'est point inséré au bulletin des lois, est
Recueil officiel des circulaires du ministère de
2, pag. 244; dans la Collection des lois de
17, pag. 244, et dans le Code des desséchede M. Poterelet, pag. 240, en note.
�48
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TRA.ITÉ
feront dresser, chacun dans leur département
respectif, par les ingénieurs des ponts et chaussées, un plan des dunes qui sont susceptihles
d'être fixées pardes plantations appropriées àleur
nature. Ils feront distinguer sur ce plan les dunes
qui appartiennent au domaine, celles qui appartiennent aux communes, celles enfin qui sont la
propriété des particuliers. "
ART. 3. cc Chaque préfet rédigera, ou fera rédiger
à l'appui de ces plans, un mémoire sur la manière
la plus avantageuse de procéder, suivant les localités, à l'ensemencement et à la plantation des
dunes; il joindra à ce rapport un projet de réglement, leqnel contiendra les mesures d'administration puhlique les plus appropriées à son
département, et qui pourront être utilement
employées pour arriver ail but désiré.
ART. 4. cc Les plans, mémoires et projets de réglements, levés et rédigés en exécutiou des articles précéden ts, seront envoyés par les préfets au
ministre de l'intérieur, leqnel pourra, sur le
rapporl du directeur-général des ponts et chaussées, ordonner la plantation, si les dunes ne
renferment ancune propriété privée, et, dans le
cas contraire', nous en fera son rapport, pour
être par nous statué, en conseil d'état, dans la
forme adoptée pour les réglements d'administration publique. »
723. ART. 5. cc Dans le casoùles dunes seraient
la propriélé de particuliers ou des communes,
l)
�49
DU DOMAINE PUBLIC.
»
»
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»
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»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
)'
"
"
»
)'
»
les plans devront être publiés et affichés dans les
formes prescrites par la loi du 8 mars 1810; et
si lesdits particuliers ou communes se trouvaient
hors d'état d'exécuter les travaux commandés,
ou s'y refusaient, l'administration puhlique
pourra être autorisée à pourvoi,' à la plantation à
ses frais; alors elle conservera la jouissance des
dunes, et recueillera les fruits. des coupes qui
pourront être faites, jusqu'à l'entie,' recouvrement des dépense~ qu'elle aura été dans le càs
de faire, et des intérêts; après quoi lesdites
dunes retourneront aux propriétaires, à charge
d'entretenir convenablement les plantations.»
ART. 6. ce A l'avenir aucune coupe de plants
d'oyats, roseaux de saLles, épines maritimes,
pins, sapins, mélèzes et autres plantes résineuses
conservatrices des dunes, ne pourra être faite que
d'après une autorisation spéciale du directeurgénéral des ponts et cbaussl5es, et sur l'avis des·
préfets. )'
ART. 7' .. 11 pourra être établi des gardes pour
la conservation des pla n tations existant actuellement sur les dunes, ou qui y seront faites à l'avenir. Leur nomination, leur nombre, leurs
fonctions, leur traitement) leur uniforme, se·
l'ont réglés d'après le mode usité pour les gardes
de bois communaux. Les délits seront poursuivis
devant les tribunaux, et punis conformément
au Code pénal. »
ART. 8. Ct' N'entendons rien innover, par le préTOM.
III~
4
�50
TRAITÉ
sent décret J à ce qui se praLique pour les pIantations qui s'exécutent sur les dunes du dépar» temeut des Landes et du département de la
» Gironde.»
124. Outre le sol même, qui, comme on le
voit par tout ce qui précède, peut quelquefois appartenir à des particuliers ou à des communes sur
les bords de la mer, et jusqu'au milieu de ses lais
ct relais, il est encore un droit d'usage sur le guëmon ou varech dout les co;nmunes limitrophes
son t en possession de temps immémorial, et que les
lois reconnaissent leur appartenir.
Le (huit de varech ou goëmon consiste dans la
faculté de recueillir les herbes maritimes qui croissent sur ou con tre les rochers habituellemen t
haignés par les lllarées. Si la récolte de ces plantes
est .considérée par les habitants du pays comme
très-importante ponr èux, soit parce qu'ils les emploient à l'engrais de leurs tert'es, soit parce qu'on
eu tire une substance" propre à la fabrication du
verre, d'un autre côté leur existence au bord de la
mer est extrêmement utile à la reproduction du
poisson qui s'y retire pendant le temps du frai;
c'est pourquoi tout le titre 10 de l'ordonnance de
la marine de 1681, ainsi qu'une déclaration du roi
du 30 mai 1731, sont consacrés à régler la manière
d'en faire la récolte, et les saisons durant lesquelles il est :ermis de l'exécuter (1).
»
u
(1) Voyez dans le commeBtaire de VALIN sur l'ordonnance de
1681, liv. 4, tit. 10, et la déclaration qui suit.
�DU DOMAINE PUBUC.
51
Aujourd'hui, et par suite d'un êtrrêté du gouvernement du 18 thermidor an 10, c'est aux: préfets
des lieux à déterminer, par dei réglements conformes aux lois, tout ce qui est relatif à ce genre de
récolte (1).
725. Il arrive quelquefois que ces herbes sont
arrachées, amoncelées et rejetées en tas par la violence des flots sur les bords de la mer; alors elles
sont considérées comme devant appartenir au premier occupant.
(1) Voyez au bullet., t. 6, p. 556, 3" série.
�52
TRAITÉ
'CHAPITRE XXXVII.
Des rivières navigables, et de leurs acéessoires.
Nous diviserons ce chapitre en trois sections.
Dans la première nous traiterons des rivières
navigables, considé!'éesen eUes-mêmes, et comme
appartenant au domaine public.
Dans la seconde nous verronssommaircineQt
comment doivent être supportées les dépensés qui
y sont relatives.
Dans la troisiinne nous parlerons des francsbords et chemins de hàlage, qui en forment 1es acceSSOIres.
SECTION PREMIÈRE.
Des ri(Jières naIJigahles J considérées en elles-mImes J et comme
fai.Hlnt partie du domaine public.
726. Les rivières navigables sont celles qui
portent bateaux et qui sont affectées à l'usage de
tons.
Destinées à faciliter les communications commerciales ct à servir au transport des hommes ct
ùes denrées d'un lieu ou d'une contrée dans une
autre, elles remplissent les fonctions de routes par
eau, comme les chemins établis sur le sol remplisseut celles de routes par terre Ca) : c'est pourquoi
(a)
UnfleuIJe est un chemin qui marche.•...
a dit un poète dans un éloge en vers fort remarquable de
Pascal.
�DU DOMAINE PUBLIC.
53
elles appartiennent au domaine public comme les
grandes routes; et c'est pourquoi encore on ~ pplique à l'usagl> de ces rivières, comme à celui des
grandes routes, les divers réglements sur la police
de grande voirie, ainsi qu'on le vena plus bas.
PoU\' mieux expliquer ce que c'est que les rivières navigables, et faire voir comment en France
elles appartiennent au domaine public, il nons suffira de remonter à la disposition de l'article 41 dn
titre 27 de l'ordonnance d'e 1669, 9insi conçu:
727. cc Déclarons la propriété de tous les
» fleuves et rivières portant bateaux de lems fonds,
» sans artifice et ouvrage de main', dans notre
» royanme et terres de notre obéissance, faire pal'» tie du domaine de notre couronne, nonobstant
» tous titre et possession contraires; saufles droits
» de pêche, moulins, bacs et autres usages que les
» particuliers peuvent y avoir par titre et posses» sion valables, auxquels ils seront maintenus. »
Cet arlicle mérite plusieurs ol)servations ; l'eprenons-en les principallx termes.
La propriété de tous les fleuves et rivières:
ces expressions doivent s'étendre aussi aux îles,
îlots et atterrissements formés dans le sein de ces
rivières, puisqu'ils font partie dn lit, qui est généralement déclaré être une propriété de la couronne.
Cependant, quoique la propriété des Hes et atter·
l'issements ait alors été comprise dans le domaine
de la couronne, ces objets ne fonl pas aujourd'hui,
et d'après notre droit actuel, partie du domaine
�5.\0
TRAITÉ
public,' mais de celui de l'état, a10Sl <Jue nous
l'expliquerons plùs b,as.
Il faut encore tirer de ces expressions limitatives
de la loi cette conséquence remarquahle, qu'alors
les rivières qui n'étaient que flottahles n'étaient
. point dans le domaine de la couronne ou daus le
domaine public.
728. Sans artifice et ouvrage de main: il
ne.faut pas croire qu'il résullç de l~ qu'une rivière
qui aurait été canalisée à main d'homme par ordre
du gouvernement lui·même, ne serait pas entrée
dans le dQmaine public par le fait même de sa
canalisation: car, comme on vient déjà de le faire
remarquer, il est incontestahle qu'elle serait dèslors publique; mais, comme elle ne serait pas naturellement navigable, et qu'elle ne le serait devenue qu'a une époque fixe et déterminée, il/ensuit que les atterrissements, ~les et îlots précédemment formés dans son sein devraient rester aux
particuliers qui' s'en trouveraient possesseurs par
droit d'alluvion.
729. Au reste, quand le gouvernement introduit l'usage de la navigation dans une rivière, il
arrive souvent que la voie nautique qu'il y établit
ne suit pas son cours naturel dans tous ses détours,
mais qu'au contraire, adoptant un système rectiligne, il fait creuser à main d'homme des canaux de correspondance pour éviter les courbes,
en sorte que la navigation s'exerce tantôt sur la
rivière elle-même, tantôt sur des parties de canaux
�DU DOMAINE PUBLIC.
55
artificiels servant à la jonction des sinuosités
qu'elle forme.
Mais, malgré celte adjonction de canaux arlificiels à son cours naturel, le fleuve n'en doit pas
moins être considéré COlOme corps unique, comme
appartenant, dans son tout et dans toutes ses parties, à la classe des rivières navigables, et connue
dépendant elHièrement du domaine public à partir
du point où l'usage de la: uavigation y a été établi:
en sorte que toutes les îles qui peuvent s'y former
depuis ce point doivent appartenir à l'état.
730. Sauf les droits de p§che, moulins,
bacs et autres usages que les particuliers peuvent y ayoir par titre et possession valables:
l'explication de cette disposition est donnée par di·
verses ordon nances et leures-palen les-postérieures.
Dans ses lettres-patentes du mois d'avril 1683,
Louis XIV commence pal' exposer que, cc comme
» les grands fleuyes et riYières navigables ap» partiennent en pleine propriété aux l'ois et aux
» souverains, par le seul titre de leur souveraineté,
» tout ce qui se trou~e renfermé dans leurs lits,
» comme les îles qu'ils forment en diverses ma» nières, les accroissements et atterrissements,
» les péages, passages,· ponts, harques, bateaux,
» pêche, moulins et autr~s choses ou droits qu'ils
» produisent, nous appartiennent, et personne
» n'y peut prendre aucun droit sans un titre exprès,
» et possession légitime, etc., etc. "
On voil qu'il ne s'agit toujours là que des fleuve!!
�56
1'lwti
et rivières nayigables" dans le sensdel'ordonnance
de 1669, et nullement de ceux qui ne seraientque
flottables.
731. A quoi le roi ajoute plus bas qu'il confirme dans leurs droits de propriété des îles et îlots,
droilS de moulins, de bacs el autres usages ceux
qui en auraient obtenu la concession des rois ses
prédécesseurs avant l'année 1566; el, qnant aux
simples possesseurs cc desdiles îles, îlots, fonds,
» édifices ct droits sur lesdites rivièrès, depuis les
» lieux où elles sont navigables sans éclzise
)' ni artifice, qui apporteront seulement des actes
. " authentiques de possession commencée sans .vice
er
» avant le 1
avril 1566, et continuée sans troll)' hie, vOilIons, y est-il dit, que leurs héritiers,
,"-" successeurs et ayant-cause demeurent confir" més, comme nous les confirmons, en leur pos- .
» session, sans qu'à l'avenir ils puissent y être
» troublés; à condition néanmoins de nons payer
,. annuellement, à commencer du 1 et: janvier de la
» présente année, entre les mains et sur la quit'), tance du fermier de notre domaine, par forme
» de redevances foncières, le vingtième du revenu
" annuel desdites îles, Hots, et autres droits et
» choses susdites (1). "
On voit par là que c'est avec raison que nous
avons dit précédemment que la rivière navigable
n'appartient au domaine public que jusqu'au point
(1) Voy. dans le recueil de RESSAYRlI, t. 1, p. 142.
�DU DOMAINE PUBLIC..
57
où les bateaux peuvent remonter, puisque c'est
ainsi que Louis XIV, qui était l'auteur de l'ordonnance de ) 669, l'a expliqué lui-même dans ses
lettres-patentes de 1683: d'où il résulte que, dans
la partie supérieure, la rivière reste sous le régime
ou droit commun; c'est d'ailleurs ce qui, au rapport d'Henrys (livre 3, question 49), avait été
déjà jugé par le parlement de Paris le 9 décemhre 1651.
732. Vint ensuite l'édit du 21 décembre
1693 (1), qui, ne parlant toujours nominativement
que des rivières nav;gahles, confirme ce qui
avait été prescrit par les lettres-patentes de 1683,
ct ajoute quelques mesures de finance pour la perception des sommes imposées aux possesser.rs des
îles, atterrissements et moulins, et autres droits
d'usage dans ces rivières.
733. Enfin, parl'édit du mois d'avril i713, il
fut encore exigé un supplément de finances des
propriétaires possesseurs et détenteurs tles iles,
îlots, atterrissements et moulins, et autres droits
d'usagesur les rivières navigahles du royaume (2).
C'est ainsi que partout la qualité de rivière navigahle est considérée comme étant le fondement
de la do~anialité de son lit; et c'est par l'effet de
ces diverses lois de finance et autres successivement
(1) Voy. dans le recueil de
REssAYRE, t. 2, p. 519.
(2) Voy. au tom. 2, p. 935, du recueil des édits enregistrés au
parlement de Besançon.
�TRAITÉ
'promulguées pour procurer des ressources au u'ésor,
qu'un grand nombre d'îles et Hots existant dans les
fleuves navigables avaient déjà anciennement passé
dans le domaine privé, comme il y avait aussi une·
multitude de droits de moulins et autres droits
d'usage acquis à différentes personnes SUI' ces
mêmes fleuves.
734. Ces lois furent-portées, dans les temps
anciens, pour obliger les possesseurs des îles, îlots
et atterrissements formés dans les rivières navigables à diverses prestations, sous peine de réunion
au domaine, quelque longue que fût d'ailleurs leul'
possession, s'ils n'avaient pas un titre de concession
antérieur à 1566. Elles étaient fondées sur ce principe,. que le domaine de la couronne , étant inaliénable, devait être imprescriptible; d'où on avait
conclu que les possesseurs, quoique fondés en titre
de concession, ne devaient être considérés que
comme des engagistes, surtout lorsqu'il s'agissait
d'objets d'une valeur considérable.
cc L'inaliénabilité du domaine, dit Dunod (1),
)) étant en France Ulie loi qui intéresse la police et
)' la conservation du royaume, les aliénations qui
» s'en fon t, même par des édits et dans des cas de
" nécessité, ne sont que des engagements: en
» sorte que le roi peut toujours retirer ses do·
» maines aliénés, en remboursant les acquéreurs,
:» sans avoir égard à aucune approbation, cooti(1) Traité des prescriptions, pag. 275.
�DU DOMAINE PUBLIC.
59
" nuation ou laps de temps, quand il serait de
" plusieurs siècles. ')
Mais aujourd'hui ces règles anciennes sont con·
sidérablement modifiées, et l'on a changé jusqu'à
la dénomination des choses: car ce qu'on appelait
le domaine de la couronne ou du roi, se rapporte
actuellement à deux classes d'objets très-distinctes.
La première comprend les fonds du domaine
pnblic, qui, consacrés à l'usage de tous, ne sont
la propriété de personne, tels que les rivières navigables et les grandes routes, ct qui, par rapport
à leur destination, sont inaliénables et imprescriptibles.
La seconde s'applique aux fonds du domaine national ordinaire, qui sont propriétairement possédés par l'état, et qui, comme les propriétés particnlières, peuvent être irrévocablement aliénés,
lorsque la vente s'en fait en vertu d'un décret du
pouvoir législatif.
A l'égal1d de la prescription des biens de' cette
seconde classe, l'article 2227 du Code civil veut
que l'état soit sur ce point soumis aux mêmes
règles que les particuliers: d'où il résulte qu'aujourd'hui les atterrissements qui se trouvent dans
les fleuves et rivières navigables sont assujettis à la
prescription acquisitive comme tous les autres fonds
de l'état, ainsi que le décide d'aillems formellement l'article 560 du même Code, portant que
les îles, îlots et atterrissements qui se forment dans
le lit des fleuves ou rivières navigables appartien-
�60
TRAITÉ
nent à l'état, s'il n'y a titre ou prescription con.
traires. ,
735. Mais quand il s'agit du fleuve considéré
en lui-même et comme agent de navigation, il est
imprescriptible en tout ce qui le compose sous ce
point de vue, parce que ce n'est plus simplement
un immeuble du domaine de l'état, mais bien un
fondsdu domaine public, qui, étant asservi à l'usage
de tous et placé hors du commerce, n'est pas soumis
aux règles de la propriété et de la prescl'iption (art.
2226 C. civ.).
, Ainsi toute anticipation pratiquée sur les bords
d'une rivière navigable on flottable, tont ouvrage
établi dans son lit, tout canal fait pour y prendre
une dérivation d'eau, tous ponts ou écluses, mo'u1Ïns
ou bâtiments qni y seraient construits par des particuliers, ne pourraient toujours y exister que précairemen t et de fait, sans qne, vis-à-vis du gouvernement, le droit pûten être aèquis par la prescription, même après la possession la plus longue.
736. L'ÉTENDUE du domaine public, en fait
de rivières navigables, doit être déterminée soit
par rapport à la largeur du fleuve, soit relativement
à la longueur du cou,rs de sa viàbilité.
L'examen de ces deux points, étant snsceptibYe
de quelques développements, formera l'objet de
deux paragraphes distincts.
§ 1er , Etendue du domaine public sur les cours d'eau nalligahles et flottaMeJ, en ce qui concerne leur LARGEUR.
CODlllle il est souvent trèsilllportant de connaître
�DU DOMAINE PlffiUC.
.,.
61
ce qu'on doit statuer à l'égard des terrains vagues
qui sont sur les rivages de ces cours d'eau, nous
nous livrerons à une discussion approfondie de
cette matière; et à cet effet nous commencerons
par rappol'ler ce qu'en dit l'auteur ùu répertoire,
au mot rivière, S l , nO 6.
« La propriété des rivières navigahles ou flotta» bles en traine~ t-elle, dit-il, celle de leurs rivages?
» Chez les Romains il n'y avait aucune consé)} quence à tirer de l'une à l'autre: car les bords
»' des rivières 'qui appartenaient au puhlic étaient
» considérés comine le patrimoine des propriétaires
,. des terrains adjacents, et le public n'en avait
,) que l'usage: Riparum quoque usas publicus
)) est jure gentium, sicut ipsius fluminis : itaque naves ad eas appellere,junes arhoribus
>:> ihi natis religare, onus aliquod in his repo» nere cuiLibet liherum est, sicut per ipsum
» flumen navigare; sed proprietas il/arum
» eorum est quorum praediis haerent. Qud de
» causd arhores quoque in iisdem natae eo» rumdem san,t. » ( S 4, Instit., de rerum divisione ).
»
Il est important de remarque l' ici sur-le-champ
que, dans le syst' e de l'auteur, cette application
dn texte des institutes est tOllt-à-fait erronée:
cal' si le terrain qui est au bord de la rivière navigable appartient aux propriétaires des fonds rivel'a1ns, et si le droi t romain le déclare ainsi, ce n'est
qu'en tant que ce terrain est pris en dehors de la
�62
TRAIn
ligne extérieure du lit du fleuve: ce qui ne s'applique point au sol qui, depuis cette ligne, forme
un plan incliné vers -le lit propremeni dit; et c'est
cependant de cette espèce de talus intérieur qu'il
s'agit ici, et non du terrain extérieur, sur lequel,
d'après ce texte des institutes, il n'est dû qu'un
droit d'usage pour l'exerèice de la navigation.
'737. cC En France, continue le même auteur,
» les opinions variaient là-dessus avant le Code
» civil.
» Les uns, se fondant sur l'article 7 du titre 28
)) de l'ordonnance des eaux et forêts de 1669, et
sur l'article 3 du chapitre 1 er dê l'ordonnance
» du ~ois de décembre 1672, concernant les ap" provisionnements de Paris, qui assujettissent les
" propriétaires des h~ritages aboutissant aux ri» vières navigables à laisser le long des bords un
» chemin de halage, soutenaient que ces bords
» eux-mêmes faisaient partie de ces héritages, et
:» appartenaient par conséquent aux propriétaires
)) de ceux-ci, sous la charg"(,} d'une servitude envers
» le puhlic.
» D'autres attribuaient au domaine de l"état les
» mêmes droits de propriété sur les bords que sui'
» les rivières.
» Bacquet, dans son traité des droits de justice,
» disait que tout ce qui était destiné à l;usage du
» puhlic était censé appartenir au roi; et il en
Xl donnait pour exemple les fleuves et leurs bords;
» flumina et ripae.
)1
�DU DDMAINE PUBLIC.
63
Sahaing, de l'usage des fiefs, liv. ], chap. 37,
après a'foir rappelé un article des concessions du
» dauphin Humbert IJ du 14 mars 1349, en vertu
» duquel les seigneurs hauts-justiciers qui avoisi» naient l'Isère s'étaient longtemps prétendus
» propriétaires de cette rivière ct de ses bords,
') ajoute: Mais, comme les droits de la couronne
» doivent être uniformes dans tout le royaume, et
» que les ordonnances faites pour les eaux et fo» rêts ne sont pas moins pour le Dauphiné que
» pour les autres provinces, cet article des libertés
» delphinales a cessé d'être en usage pour ce re» gard: en sorte qu'on ne doute plus que la pleine
» seigneUl'ie du lit de l'Isère et de ses bords n'ap» partienne à sa majesté.
» Le parlement de Grenoble s'était écal,té de
» cette opinion en confirmant, par arrêt du 8
» août 1716, une sentenee du bureau des 6nan» ces de la même ville du 18 septembre 1715, qui
» avait maintenu le chapitre de Romans dans la
» possession du rivage de la rivière d'Isère, de
» chaque côté, depuis le Rionsel jusqu'au vieux
» monastère, et dans le droit d'y passer tous les
» alhergements, sanS préj udice de la propriété
» de ladite rivière appartenant à sa majesté. .Mais
» l'inspecteur-général des domaines a formé à cet
» arrêt une opposition dont il a fait évoquer la
» connaissance an conseil. Il a soutenu que c'était
» une con tradiction d'accorder au chapitre la prol ' priété du
rivage, tandis qu'on reconnaissait le
»
»
�64
TRAIT{~
roi pour propriétaire de la rivière. On ne peut,
» disait-il, être propriétaire de la rivièr,e sans
» l'être en même temps de ses deux bords; et le
» conseil l'a jugé ainsi par -son arrêt du 8 juillet
" 1726, infirmatif de la \sentence du bureau des
» finances de Grenoble.
» On voit que dans cette espèce il était reconnn
» que les bords,de l'Isère n'appart€naient pas aux
» propriétaires des terrains aboutissants à cette ri~) vière, et que la propriété n'en était contestée
» qu'entre l'état et un seigneur particulier: ainsi
;) le parlement de Grenoble lui-même avait,
" par sou arrêt du 8 août 1716, abandonné le
" système du droit romain, ct avtlitembrassé celui
" de Bacquet en le modifiant.
" De ces deux systèmes c'est celui du droit 1'0" main qui a [irévalu dans le Code civil. L'art.
" 630 de ce Code place l'obligation de laisser un
» marchepied le long des rivières navigables ou
" flottables au nombre des servitudes établies par
» la loi pour l'u tilité publique, et par là il re» connaît Lien clairement que la propriété de
» ce marchepied ne fait pas partie du domaine
)' public. »
Cette dissertation nous iaisse encore daos le
vague sur la question (lui est à résoudre; et si, par
la conclusion générale qui la termine, l'auteur a
voulu donner à entendre que tout le terrain qui
l'este à découvert sur les Lords -des ri vières navigables appal'lient toujours et sans distinction aux
»
�65
DU DOMAINE PUllIJC.
propriétaires des héritages riverains, non· seulement sa décision ne serait conforme ni à l.. loi romaine ni ail Code civil, mais au contraire elle se
trouvcraiten opposition directe avecl'une ed'autre
.de ces législations.
IL est bien certain que le terrain placé à l'extérieur du fleuve et au-delà de ses bords est un sol
privé, sur lequel il n'est dû qu'un droit d'usage
pour les services publics don t la rivière est affectée;
mais quel est l'emplacement qu'on doit assigner à
]aligne séparative de ce terrain et du lit de la
:rivière, qui est un sol public r voilà ce qui est à
éclaircir.
Afin de faire mieux sentir l'importance de la
qncstion, il fa Il t nettemen t indiquer son ohjet , et
en conséquence donner une idée juste des localités
à l'égard desquelles elle peut naître; c'est ce que
nous allons essayer tle faire.
738. Chacnn sait que les rivières sont sujettes
à des crues plus ou moins considérables, et qu'il y
a toujours certaines parties de leur cours ou elles ne
son t pas encaissées par des hOl'ds élevés servant à
en renfermer continuellement le courant sur la
même place.
Dans ces parties non encaissées, l'espace de terrain occupé par les eaux s'élargit progl'essivement
à mesure que le niveau du flellve s'élève; et réciproquement, à mesure que ce niveau s'abaisse, le
courant se ressenc sU\' lui-même, et laisse plus de
largeur au rivage, qui se trouve alors à découvert.
'fOl\'l. Ill.
5
�66
TRAITÉ
Celte retraile CJui laisse le terrain à sec val'le
c.:ontinuellemen t suivant les saisons, et la nature
du sol dans lequel le lit est creusé.
Ainsi elle est plus considérable lorsque la
rivière coule dans la plaine, et qu'elle n'est pas
, profondément encaissée; dans ce cas, le moindre
exhaussement du niveau de ses eaux, ne fût-il que
de quelques centimètres, suffit pOUl' en étendre le
cours à une grande distance; et cela doit an-iver
principalement 101'squ'elle longe d'un côté nne
montagne, des rochers, on tont antre sol tellement
fixe qu'elle ne peut le franchir ou le ronger, parce
que, trouvant là une résistance insurmontable à
son impétuosité, il faut bien qu'elle se jette du côté
de la plaine.
739. Pour écarter tout ce qui est étranger à la
question que nous avons à résoudre, nous ferons
remarquer encore qu'il ne faut pas confondre ce
sol du lit alternativement couvert ou délaissé par
les eaux avec ce qu'on appelle un terrain d'alluvion,
qui vient augmenter les propriétés riveraines.
L'alluvion en effet, comme elle est définie par
l'article 556 du Code et par la loi romaine, consiste
ùans l'accroissement qui s'ajoute successivement et
imperceptiblement au fonds riverain par l'aclion
des eaux: Per alluvionem autem videtur adjici
quod ita paulaûm adjicitur ~ ut intelligere non
possimus quantltm et quo quo momento temporis adjiciatur (1).
(1) L. 7, § 1, fI. de acqllirend. rerum dominio J lib. 41, tit. 1.
�DU DOMAINE PUBLIC.
67
L'alluvion peut avoir lieu de deux manières: ou
lorsque le fleuve, opéral,lt des affouillements imperceptibles d'un côté, y attire son liL en abandonnant insensiblement le bord opposé pour n'y
plus rev.enir, ou lorsque, dans les crues d'eau, et
par leur impulsion, il se fait vers un fonds riverain
des dépôts de vase ou de limon qui, arrêtés par
quelque arbrisseau ou autre obstacle, s'y conservent et s'y accroissent successivement jusqu'à ce
qu'ils arrivent à s'élever au-dessus du niveau de
la rivière.
Le plus ordinairement l'alluvion a ljeù par le
concoors de œs deux causes; mais c'est surtont la
première qui produit les effets les plus sensibles.
740. Ce genre d'accroissement des fonds riverains se caractérise par le concours de quatre circonstances qu'il faut bien remarquer pour avoir
une idée exacte du d,'oit d'alluvion.
La première consiste en ce que le terrain d'alluvion ne doit être qu'une création du jeu naturel
des eaux: il faut qu'il se soit formé lui-même sans
le seconrs de la main de l;homme.
La seconde consiste dans la lenteur avec laquelle il est produit, puisque, aux termes de la
loi, tant ancienne que nouvelle, le terrain d'alluvion 'n'est autre chose qUè l'accroissement qui s'ajoute successivement et imperceptiblement aux
fonds riverains par l'action on la retraite des eaux.
La troisième consiste dans l'abandon que les
eaux on t fait de ce terrain pour n'y plus revenir,
�68
TRAITE
ou du moins n'y plus revenir qu'extraordinaircIuent, et non habituellement; car, comme le dit
la loi romaine, c'est par la raison que cette accrue,
étant arrivée à l'état de dessiccati'on, et ayant ainsi
cessé d'être soumise à l'usage public qui affecte le
'fleuve', elle se trouve réunie aux propriétés riveraines, et consolidée avec elles: Et ideo citm
exsiccatus esset alyens" proximorumjit" quia
jampopull!s eo non utitur (1).
La quatrième consiste dans le revêtissement
qui se forme à la superficie lorsqu'elle se eouvre
d'herbages ordinaires: c'est par cette végétation,
qui n'existe pas sons le coursdu fleuve,quel'aban" .
don des eaux se trouve démontré, et c'est par la
formation de ce gazon que la nature vient consolider son œuvre, et la rend apparente.
Nous disons se couvre d J herbages 'Ordinaires:
car ce ne serait pas à la vue de quelques plantes
aquatiques qu'on devrait se décider à dire qu'il y
a réellement alluvion, puisque ces sortes de'plantes,
naissant même sous les eaux, ne peuvent être un
signe certain et caractéristique de la retraite du
fleuve.
Il en serait de même de quelques arbrisseaux se
montl'ant ç~ et là dans la partie du lit de la rivière
qui ne serait pas continuellement occupée par les
eaux.
(1) L. 30,
tit. 1.
§ 1 ,fi'. de acquirend. 'rèrum domùuoJ)ib. 41,
�DU DOMAINE PUJ3UC.
69
741. Or on sent que ces caractères du droit
d'alluvion ne peuvent, sous aucun point de vue,
conv~nir aux terrains vagues qui, suivant les saisons, se trouvent tantôt couverts et tantôt abandonnés par les eaux du fleuve dans l'intérieur de
son lit, puisque ces changements n'ont lieu que
dans l'état ùes eaux elles-mêmes; qu'ils se font
presque toujours avec rapidité; qu'ils n'apportent
au terrain aucun accroissèment qui le fasse surgir
au-dessus du conl'an t dans les temps de son élévation; et qu'en un mot, loin que ces portions de lit
soient définitivement délaissées par le fleuve qui
aurait pris un autre cours ponr n'y plus revenir,
ou n'y revenir que rarement, c'est qu'au contraire
'1
.
.,
, 1
'
1 cont111no a s en emparer et a es soumettre periodiquement à· sa domination.
Ces portions littorales des rivières peuvent être
d'une grande étendue en longueur, et souvent elles
sont aussi d'une largeur considérable: il est done
très-important de savoir quels sont à leur égard les
droits du domaine public.
A cet égard examinons si le sol du lit des rivières
n'est pas réellement un fonds du domaine public,
. et, en cas d'affirmative, quelles doivent être les
limites de ce domaine foncier.
742. Le sol du lit des rivières, généralement
considéré, est-il nn fonds appartenant au domaine
puhlic?
L'affirmative de cette question ne peut souffrir
de difficulté, ni d'après les principes du raisonne-
�70
TlIAITÉ
ment, ni d'après les dispositions de la loi romaine,
ni d'après celles du Code civil.
Et d'abord, en ce qui concerne le raisonnement,
dès qu'il est avéré que les rivières navigables font
partie du domaine public, il faut en conclure que
leurs lits appartiennent a,ussi à ce domaine, attendu
qu'une rivière ne peut être conçue sans rives ni
fond et comme suspend \Je en l'air; que le sol où
elle coule; et sans leq ne! elle ne saurait exister, en
fait lui-même la partie la plus essentielle; et qu'cllfin toutes les parties d'une chose appartenant nécessairement à celui auque11a totalité de la chose
appartient, il faut bien que le tout soit ici dans le
domaine public.
Si l'on examine e\l&uite la question J'après la
disposition du droit romain, notre solution n'est
pas moins au-dessns de toute contradiction. On y
trouve en effet que le jurisconsulte Ulpien, raisonnant même dans l'hypothèse où un fleuve se
forme un nouveau lit en s;emparant d'un fonds de
. particulier, décide que la conquête s'en trouve
légitimemen t faite au profit du domaine public,
parce (Ju'il est impossible, dit-il, que le lit d'ûn
fleuve public ne soit pas public lui-même: Ille.
etiam alveus quem sibi flumen fédt, etsi privatus antè fuit, incipit tamen esse pub/ieus;
quia impossi6ile est ut alveus .fluminis pub/ici
non sit pub/ieus (1).
(1) l. 1, § 7, ff. de fluminibus, lib. 43, tit. 12.
�DU DOMAINE PUBLIC.
71
En droit français" et suivant les dispositions
du Code, la décision doit encore être tout·à-fait la
même, soit parce que la concession du droit d'alluvion, que l'art. 556 fait aux propriétaires des
fonds riverains et qui a pour effet d'ajouter un
terrain à leurs héritages, suppose que le sol de
cet accroissement ne leur apparlenait pas encore auparavant; soit parce que l'article 563
veut que, « si un fleuve ou une rivière navigable,
» flottable ou non, se forme un nouveau cours en
» abandonnant son ancien lit, les propriétaires
» des fonds nouvellement occupés prennent, à
)? litre d'indemnité, l'ancien lit abandonné, cha» cun dans la proportion du terrain qui lui a été
» enlevé. » Il fal1t donc que le lit abandonné ne
soit pas considéré comme appartenant aux propriétaires des héritages riverains, mais comme
faisant partie du domaine public, parce que,
autrement ,_ il Y aurait une évidente injustice à
faire peser sur ces particuliers le poids de l'indemnité que la loi a jngé convenable d'accorder
aux propriétaires privés du nouveau lit acquis au
domaine public.
Il faut même remarquer que ces dispositions,
soit du droit romain, soit du Code civil, s'ar;·
pliquent également à toutes les rivières; mais nous
ne nous occupons encore ici que des rivières navi·
gables ou flottables; nous traiterons plus bas des
autres.
Il est donc parfaitement démontré que le lit des
�72
l'n.ArrÉ
rivières navigables ou fl~ttables est un fo~ds du
domaine public; mais il faut en déterminer la largeur et les limites, et c'est là l'objet d Il second
point que nous avions à examiner.
743. Ici la loi française n'est pas explicite,
mais nous avons vu qu'elle se rapporte aux dispositions du droit romain sur la première question;
et, comme les principes de ce d l'oit son t en ce point
parfaitement conformes à la nature des choses, et
qu'ils ont servi de Lase à notre législation, il faut
croire que nos législateUl's ont voulu nous renvoyer
ici à ce Code de la raison écrite, puisqu'ils se SOnt
abstenus d'établir des règles autres que celle que
nous y trouvons.
Or la loi romaine veut que le domaine public
embrasse tout le lerrain dominé par le cours des
eaux, et qu'il s'étende jusques et compris les
hords qui servent à les contenir lorsqu'elles sont
arrivées à leur plus grande élévation, sans être ac·
cidentellement débordées: Ripa ea pTttalTtr quae
plenissimumflumen continet(I).
Le domaine public doit s'étendre jusque là,
parce que c'est jusqu'à ce point que le fleuve porte
.
.
,
son acllOn ct exerce son empHe, et que ce n est
que par cette ligne extrême qu'on peut dire qu'il
est entièrement limité: Ripa autem dicitur qTtod
flumen continet .. naturalem cTtrsils sui rigorem
tenens (2). Mais on doit le bornel' là, sans qu'il
,
(1) L. 3, ~ 1, ff. de fluminihu$J lib. 43, lit. 12.
(2) L. 1, § 5, ff. eodem.
�DU DOMAINE PUBLIC.
,n
soit permis de regarder les rives ou limites du
fleuve comme devant être encore reculées lorsque"
par quelque causelJassagère~ il vient à déborder:
Caetepùm si quando imhribus~ veZ mari~ vel
qud a/id ratione ad tempus crevit ~ ripas non
lflutat; autrement il faudrait dire qu'en Egypte
tout le Delta fait partie du lit du Nil; ce que p.ersonne n'a jamais prélendu (a) : Nemo enim dixit
(a) Cette limite de la largeur d'une rivière est encore un sujet
de controverse;' un arrêt de la Cour de Rouen du 16 décembre
1842 (Sirey, 43-2-409) décid~ " qu'il résulte des règles de la
» matière et des documents du procès, que la limite du lit d'un
» fleuve doit être déterminée par la hauteur qu'atteignent ses
» eaux moyennes; li tandis que la Cour de Lyon, suivant en
cela l'avis de Lefèvre de la Panche (Traité du domaine, liv. 1er ,
chap. 3), de M. Daviel (do Cours d'eau, tom. 1er , nO 48), et
de M. Proudhon (dissertation ci-dessus), a jugé, par arrêt du
25 février 1843 (Sirey) 43-2.-315), que la limite d'une rivière
navigable doit être fixée au point où arrivent ses plus hautes
eaux dans l'état normal, et au-dessus Juquel il y aurait commencement de débordement, et non pas seulement jusqu'au
point où la rivière est na~igable par le halage; voici quelques
considérants de ce dernier arrêt parfaitement motivé: " Attendu
» que tout cours d'eau a une me~ure normale de croissance ou
" de décroissance qui règle naturellemcnt l'étendue du lit qui
lt le renferme et le contient; qu'ainsi son lit ne comprend pas
" seulement le sol couvert par les eaux d'une manière perma» nente, ce qui en restreindrait les limites aux lignes baignées
.. par les plus basses eaux; qu'il embrasse, cnmme une dépen» dance nécessaire, les p3rties du sol alternativement couvertes
» et découvertes, suivant la crue ou l'abaissement des eaux,
» sauf toutefois le cas de débordement; que ces parties du sol,
" ainsi soumises à l'habitude du retour des eaux, sont en géné-
~
�TRAITÉ
lViZam, qui incremento sao AEgyptam operit,
ripas saas mutare veZ ampliare (1). Il faudrait
décider autrement si un fleuve avait n~çu, par
quelque cause naturelle, un accroissement qui dût
être perpétuel, ,comme si une antre rivière était
venue s'y réunir; les limites du domaine public
seraient alors reculées de tout le terrain nécessaire
au passage du vollllue deseallx nouvellement augmenté : Si tamen naturaliter evenerit ut perpetuam incrementam nactam sit, vel alioflamine
admixto, veZ qud alid ratione, duhio procal
l'al frappées d'une stérilité absolue, caractère essentiel de leur
" sujétion; que leurs limites se manifestent au contraire presque
Il toujours par un revétissement de 'Yégétation auquel on recon.. naît que là finit la domination habituelle et normale du
JO fleuve; qu'en un mot le lit d'un fleuve ou d'une rivière com.. prend toute la partie du sol sur lequel se répand son cours,
Il lorsque le fleuve ou la rivière coule il pleins bords, c'est-à-dire
" lorsque les eauX s'élèvent au point au-dessus duquel elles ne
.. peuvent monter sans commencer à déborder; - que c'est'
.. cette ligne extrême qui marque l'élévation normale des eaux,
» et qu'elle doit être considérée, par conséquent, comme la
» ligne séparative du domaine public et des propriétés rive" raines
puisque c'est jusqu'à cette ligne extrême que le
» fleuve porte la rigoureuse action de son empire; qu'on ne
» saurait adopter, en effet, la ligne marquée par la hauteur
» moyenne des eaux, car ce serait substitue, une ligne de déIl marcation toute fictive et dès-lors arbitraire à celle que la
Il nature elle-même a tracée..... » Suivent plusieurs autres considérants sur la manière de tracer, selon la nature des bords et
les différents accidents de terrain, cette ligne des plus hautes
eaux.
Il
(1) L. 3, § 5, ff. de fluminibus, lib. 43, tit. 12.
�DU DOMAINE PUllUC.
75
dicendum est ripas quoque commutasse (l}.
Ce serait ici un événement de force majeure dont
les conséquences devraien t être subies par tous sans
recours ni indemnité: Fis major seufatale dam-
num cui humana infirm.itas resistere rtequit(2).
144. Ces principes une fois connus, il ne peut
plus y avoir, sur la fixation de la ligne séparative
du domaine public et des fonds riverains, que
quelques difficultés de fait de I1ature à être e-pcore
aisémen~ aplanies par une expertise qui devra être
judiciairement exécutée, attendu que les débats,
p,ortant sur une qlJestion de propriété, doivent être
renvoyés en justice ordinaire (a).
La mission des experts sera facilement fixée par
le tribuual, qui n'aura qu'à prescrire la reconnaissance de l'état de la rivière quand elle est à pleins
hords dans les endroits où elle se trouve encaissée,
sans qu'il y ait ce qu'on appelle un débordement.
Il faudra faire cette vérification aux points les plus
rapprochés des lieux à délimiter; on connaîtra par
(1) L. 3, § 5, ff. de fluminihus, lib. 43, tit. 12.
(2) L. 18 princ., ff. commodo - 1. 1, § 4, deohlig. etact.
(a) M. Daviel, dans son Traité de la législation et de la pratique des cours d'eau, nO 93, dit que cette question n'a rien
de judiciaire, et que c'est exclusivement à l'administration qu'il
appartient de déclarer ce qui est une dépendance de la rivière
navigable, et dans quelle direction doit être établie la chaussée
de halage. - Sans doute l'administration est seule compétente
pour déclarer ce qui est utile au service public; mais seuls aussi
les tribunaux peuvent décider à qui appartient le terrain destiné
à ce service.
�76
TllAITÉ
là quelle est la plus grande hauteur des grandes
eaux, prises dans leur cours naturel et habituel.
Ce niveau une fois déterminé par le moyen
qu'on vient d'indiquer, il faudra jalonner les bords
de l'eau courante dans les parties du littoral qui
sont en plaine, et l'on aura ainsi la ligne exacte de
démarcation du domaine public, pour le tracé de
laquelle les experts pourront aussi st~ider de l'as~
pect des localités.
Dans une pareille opération il ne faut pas.
perdre de vue que les fonds riverains sont toujours
inoffensifs envers la rivière, tandis que la rivière
est dans un étal habituel d'hostilités envers eux ,.
et que trop souvent elle anticipe sur leur superficie;
qu'en conséquence il y aurait de l'injustice à agir
en toute rigueur avec les propriétaires de ces
fonds, attendu qu'ayant été exposés à souffrir fréquemment dans leurs hél'itages des invasions du
fleuve, et des autres incommodités résultant de son
voisinage, l'équité veut que, par réciprocité, ils
,soient traités avec plus de ménagemen ts que s'il
s'agissait de délimitations ordinaires.
Ainsi, en traçant dans la' plainè la ligne de démarcation dont il s'agit, on ne devrait pas s'attacher à suivre scrupuleusement les sinuosités des
hords de l'eau, il faudra procéder plus largement
par des lignes droites, autant que le terrain et les
grandes inflexions du fleuve peuvent le permettre,
en laissant en dehors ct dans le domaine \privé
toutl'S les saillies ou anfl'acluositésqui ne seraient.
pas'd'une importance notable.
�DU DOMAINE PUBLIC.
'17
745. La limite du cours (le l'eau ainsi tracée
avec les modifications d'équité dont on vient de
parler, tout ce qui se trou.vera du côté du fleuve,
même les bords de la terre ferme que les eaux
baignent, sera. du domaine public. Car, comme
les douves d'un tonneau ou d'une cuve constituent
le vase dans lequel on a placé du liquide, de
même les bords qui retiennent ici les eaux font
partie intégrante du corps de la rivière; c'est
pourquoi la loi romaine, s'expliquant sur ce sujet,
dit que flumina pub/ica quae fluunt, ripacque
eorum pub/ica sunt (1); c'est de cette manière
qu'ou doit estimer ce que l'on est convenu d'appeIcI' le rivage d'un fleuve: soit qu'il se trouve creusé •
à pic, soit qu'il présente un plan incliné, et aille
en s'affaissant jusqu'aux eaux les plus ba'sses, il
appartient nécessairement au domaine public, par
la raison que le fleuve 'ne peut pas plus être sans
.appui sur ses bords que dans le milieu de son lit;
il faut dès-lors que tout le terrain qui s'incline vers
l'intérieur, et qui est destiné à contenir le cours
des eaux quand elle:s s'accl'Oissent, soit considéré
comme faisant panie du lit même, puisqu'il en
remplit les fonctions, el que, par une conséquence
ultérieure, il fasse partie du domaine puhl~c comme
le fleuve, dont il est un accessoire essentiel: Secundùm ripas fluminum loca omnia publica
sunt, cùm ripae cedant ex quo primàm èplano
(l)L. 3, ff. defluminibus, lib. 43, tit. 12.
/
�78
TRAITÉ
vergue incipit usque ad aquam (1). Voilà pOUl'
ce qui concerne le côté intérieur à la ligne démarcative du domaine public, ciest-à-dire -qui a son
versant ou sa pente vers les eau~ du fleuve.
746. Quant à l'autre côté, c'est-à·dire à celui
de la rive extérieure, dont le terrain fait partie des
héritages particuliers limitrophes, c'est là que doit
être pris le chemin de halage ou le marchepied sie
navigation, attendu que, ce éhemin devant être
praticable même dans la saison des grandes eaux,
il serait impossible de l'établir dans l'intérieur du
fleuve.
Après avoir démontré que les terrains vagues renfermés vers l'intérieur du fleuve navigable par la
ligne délimitative dont nous avons indiqué l'emplacement, sont de véritables dépendances du do"'maine public comme le fleuve lui-même, il nous
reste à en déduire plusieurs conséquences:
747. La première" c'est que tout ce qui peut
croitre s.ur ce terrain vague tantôt couvert d'eau et plus souvent à sec, doit appartenir à l'état comme
étant un produit du domaine public, et qu'ainsi les
arbres, arbrisseaux ou broussailles qui y viennent
doivent être coupés -ou essartés dans l'i-ntérê! et
aux frais du gouvernement, puisque c'est sur lui
que pèse la charge d'en tretènir les cours d'eau navigables;
748. La seconde" que si le gouvernement juge
(1) L. 3, § 2,
ff. defluminihus, lib.
43, tit. 12.
�DU DOMAINE PUBLIC.
19
à p,;opos de faire des endignges pour encaisser le
fleuve dans des limites plus étroites, à l'effet, soit
de mettre- obstacle à ses écarts, soit de procurer
plus de facilité à la navigation en resserrant ses
enux, et en les forçant à s'élever en plus gros
volume dans le même passage, les terl'aihS vagues
laissés en arrière des digues se trouveront classés
au rang des propriétés ordinaires de l'étal; ils
seront aliénables et prescriptihles, el le gouvernement pourra les vendre en suivant les formes requises pour ce genre d'aliénation;
'149. La }roisième~ qu'après J'endigage opéré,
les héritages particuliers qni bordaient le fleuve
quand il était dans son état primitif, s'en trouvant
séparés, et ayant cessé d'être riverains du cours'
d'eau, demeurent p~r là même affranchis de la
servitude du chemin de halage, et rentrent dans
leur état de liberté naturelle;
"
'150. La quatriJme j que quand il s'agit d'aliéner le terrain conquis par l'endigage, la vente
n'en doit être faite qu'à la charge par l'acquéreur
de supporter le chemin de halage, puisql,l'il ne
peut plus être pris que là;
'151. La cinquième enfin, que, les fonds pré.
cédemment riverains du fleuve étant rendus à leur
liberté naturelle, le chemin de habge qui y eKis• ta' ne devra pas même être employé pour J'avenir
à l'exploitation de la propriété formée par l'endigage, parce qu ,autre c h ose est d" etre asserVI..a un
marchepied de navigation, et autre chose est de
j
�80
TRAITÉ
supporter lé passage des voitures et des ~estiaus:
allant et venant pour l'exploitation des terres; ct
qu'en fait de servitude, tout doit s'interpréter rigoureusement en faveur de la liberté.
La propriété de nouvelle création devra donc
être desservie par elle-même, à moins qu'elle ne
se trouve enclavée dans les autres, cas auquel le
possesseur pourra, suivant les règles du droit commun, exiger un passage d'issue sur la voie publique en indemnisant le propriétaire de l'hérltage
par lequel il devra pratiquer son chemin d'exploitation.
§ 2. Etendue du domaine public sur les cours d'eau narigaMes
etflottables ~ en ce qui concerne leur LONGUEUR.
752. Les rivières même ~es pIns grosses ne sont
pas naturellement navigables ni flottables à partil"
de leur source; le peu de volume de leurs eaux à
leur naissance, les cascades qu'elles f'Ûrment dans
les pays de montagne, sont des obstacles que la
nature elle·même oppose à leur navigabilité. Quel
est alol;s l'état de cette partie. de leur cours jusqu'au point où elles commencent à pOl'ter bateaux?
Appartiennent-elles déjà an domaine public dans
cette partie supérieure? ou ne doit-on les considérer comme incorporées dans ce domaine qu'à partir du point où elles commencent à être flotta les
ou à porter bateaux?
On doit dire que cel.le partie su pél'ieure de la rivière est dans un état mixte, c'est-à-dire qu'elle
�81
DU DOMAINE PUBLIC.
n'est encore ni entièrement dans le domaine puhlic, ni totalemen t étrangère à ce doma,ine.
D'une part, le titre du ,domaine puhlic n'étant,
pour tous les usages du flcuve) fondé que sur la
navigabilité de la rivière, il est évident que là où
cette qualité manque, il ne peut 'Y avoir une entière occupation au profit de ce domaine; et c'est
ainsi qu'on trouve la question décidée par les
lettres-patentes de 1683, dont nous avons rapporté
le texte plus haut (1).
753. D'autre part, il n'est pas moins certain
qu'une rivière ne devient navigable dans ses parties inférieures qu'au moycn des eaux qui s'écoulent dans son lit depuis la source: il faut donc,
pour lui donner ou conserver sa navigahilité, que
l'administration puLlique puisse défendre de pratiquer dans sa partie supérieure, même dans les
ruisseaux y affluant, les prises d'eau que la loi pel"
met pour l'irrigation des fonds riverains' dans les
ruisseaux ou rivières qui ne sont ni navigables ni
flottahles (art. 644 C. civ.); il faut que l'administration puisse faire celte défense toutes les fois
qu'elle est jugée nécessaire à la marche et à l'entre~
tien du service public de Li navigation,. parce
qu'elle ne doit pas souffrir que les moyens ·en
soient .atténués de quelque manière qu~ ce, soit;
Si jlumen navigabile sit .. non oportere' praetorem concedere deductionem ex eofieri .. Labeo
(I)Voy. sous les nO' 731, 732,738 et 734,
TOM. III.
.•
6
�82
TRAITÉ
ait, quae flumen minàs nal'igahile tifliciat.
I demque est si per hoc aliudflumen fiat nal'igahile (1). D'où l'on doit tirer les deux consé~
quences suivantes:
754.
La première J c'est que l'administration
ehargée de protéger et d'entretenir le service public de la navigation doit avoir le -droit de prohiber
les prises d'eau pour irrigation ou autres usages
dans la partie supérieure au point où s'arrêtent les
bateaux, et qu'elle doit porter cette défense toutes
les fois qùe le détournement des eaux en atténuerait le volume d'une manière dommageable à la
facilité des transports qui s'exel'cent plus bas.
755. La seconde ~ c'est que partout où l'administration n'a pas jugé à propos de faire cette
défense, les propriétaires riverains de la partie supérieure de la rivière et des ruisseaux y affluant
restent sous la règle du droit commun, qui leur
permet de faire, de plein droit, des prises d'ean
pour l'irriga tion de leurs héritages, puisqu'il est
vraide dire que vis-à-vis d',eux la rivière n'est pas
encore navigable.
756. Mais cette del'11ière conséquence ne doit
point être admise à l'ég~rd des propriétaires riverains des ruisseaux affluant dans les canaux de navigation faits à main d'homme : ici, les prises
d'ean pour irrigation ou autrés usages sont toujours
prohibées de plein droit; et elles le sont par cela
(1) L. 10, § 2, ff. de aqudet aquœ, lib, 39, tit. 3.
�DU DOMAINE PUBLIC.
83
seul que les ruissaux ont été affectés à l'alimentation du canal (1), sans préjudice toutefois des concessions qui peuvent en être faites par l'administration, lesquelt'es sont essentiellement révocables,
et restent toujours subordonnées aux besoins du
canal.
La raison de celte différence est que les rivières
ont presque toujours une quantité d'eau suffisante
pour remplir leur lit; tandis que les canaux, qui
ne sont alimentés qu'artificiellement, ont hesoin
de toutes les eaux qui y sont dirigées.
757. C'est ainsi que, sous le rapport de la disponibilité des eaux, la partie supérieure des rivières navigahles doit être considérée comme étant
déjà affectée au service public qui s'exerce plus
has, puisque l'administration peut y prohiber
toutes prises d'eau pour irrigation; tandis que sous
le rapport ..le la franchise de tout chemin de halage, sous celui du droit de pêche et autres usages
permis par les lois dans les rivières ordinaires,
ainsi que du droit d'alluvion appartenant aux propriétaires riverains pou~ s'emparer des îles et atterrissements qui pourraient se former dans le sein
du cours d'eau, cette partie dê rivière reste dans le
domaine privé, sauf néanmoins les modifications
que nous indiquerons plus bas en traitant des rivières qui ne sont ni navigables ni flottables.
(1 ) Voy. à cet égard le décret du 22 février 1813, hul1et.,
t. 18, p. 389, 4e série.
�8~
TItAl.TE
758.' Mais lorsqu'une rivière est une fois reconnue ou déclarée navigable depuis un point
quelconque, toute la partie inférieure de son cours
se trouve incorporée dans le domaine puhlic; en
sorte que, si elle' vient à se diviser plus bas en
plusieurs bras qui se réunissent ensuite plus loin,
et qu'une seu-le de ses branches reste employée à
la navigation, les autres ne rentrent point dans
le domaine privé, quoique par elles-mêmes elles
ne soient pas navigables, parr.e qu'elles 'ne cessent
pas d'être la suite et 'de faire partie du corps du
fleuve qui est en totalité placé dans le domaine
public (1).
Cette décision ressort d'ailleurs pal' 'voie de conséqueIlce directe, de la disposition de nos lois re(l'ative au droit des riverains sur le's Bes qui se forment dans les rivières: puisque, à part le cas tout
à fait spécial prévu par l'article 567. du Code civil,
l'île qui surgit dans le sein de la rivière appartient
ou aux riverains s'il s'agit d'une rivière ordinaire,
ou à l'état s'il est question ·d'un fleuve navigable
ou flottable; ce -qui ne peut évidemment avoir lieu
daus cette dernière hypothèse, qu'autant qlle les
deux bras qui enveloppent l'île, et sans l'un desquels on n'en concevrait pas l'existence, font euxmêmes partie du domaine public.
(1) Voy. à cet égard les arrêts du conseil d'état des 22 janvier 1824 et 21 juin 1826, dans MACAREL, t. 6,p. 32, et t. 8,
p. 304. - Ainsi que celui du 10 août 1694, Dalloz, ,,0 propriété, p.. 46~, nO 7.
�DU DOMAINE PUBLIC.
85
Néanmoins, tant que la navigation et le flottage
ne s'exercent pas dans l'un de ces bras, les fonds
qui y touchent ne doivent pas habituellement le
chemin de halage, sauf toutefois le sentier ou le
passage qui est nécessairement dû pour J'exercice
de la pêche.
759. Nous disons habituellement: car si, dans
le bras où la navigation s'exerce plus spécialement,
les bateliers trouvaient des obstacles qui les obligeassent à changer de route pour pa$ser dans l'autre
hras, nous croyons qu'ils le pourraient, sans s'exposer à aucun dédommagement envers les propriétaires riverains, parce qu'ils ne feraient toujours
qu'user d'une servitude légale qui ne peut cesser
d'être due par tous les héritages voisins au cours
d'eau, qui est. ici l~ fonds dominant, et à toutes
ses partiefr: Quaecùmque servitusfundo debetur,
omn~bus
ejus partibus debetur (1).
760. Nous venons de parle l' de l'hypothèse où
les bras d'un fleuve se réunissent après avoir formé
une He; mais que devrait-on décider dans le cas où
ils continueraient à couler séparément dans diverses contrées? Si, en fait, l'un de ces bras n'était ni liavigahle ni flottable, devrait-on le considérer toujours comme éJant dans le domaine
puhlic r
Nous croyons que la petite rivière qui se serait
ainsi séparée du fleuve navigable pour porler ses
(1) L. 23, § 3, if. de seri,il. prœd. rustie., lib. 8, tit. 3.
�86
THAITÉ
eaux.. dans une autre région cesserait, à partir de
son point de séparation, de faire partie du domaine
public, tant que l~ gouvernement ne l'y aurait
pas replacée par des ouvrages propres à la rendre
navigable.
La raisou en est qu'elle aurait, depuis son point
de dérivation, une existence propre et séparée., et
qu'ayant définitivement <:ossé de faire partie du
fleuve navigable, sans être par elle-même propre
à la navigation, on ne verrait plus de canse à laquelle il fût possible de se rattacher pour la comprendre encore dans le domaine public; en sorte
que ce ne- serait plus qu'un simple ruisseau ou
une rivière ordinaire,à l'égard desquels les propriétaires riverains pounlaicnt exercer leur droit de
prise d'eau, d'alluvion, de pêche, etc., suivant
les règles du droit comm nn.
SECTION II.
Des fiais de mise en état de navigahilité J et des dépenses
d'entretien des rivières navig ables.
161. Les dépenses dont il s'agit ici ne p~uvent
être que fort considérables, par rapport à la grandeur des objets auxquels elles s'appliquent.
Et d'abord, quand on établit l'usage de la navi·
galion sllr nne rivière où il n'existait pas, il est
nécessaire d'y construire de nombreux ouvrages
d'art très-dispendieux, à raison des grandes difficul tés qui son t presque toujours à vaincre pour leur
donner une solide assise; il faut payer d~s indem-
�DU DOMAINE PUBLIC.
87
nités aux usines qui étaient fondées en titre, et
qu'on est obligé de supprimer; il faut payer à leurs
maîtres le prix des îles et îlots qu'on est dans la nécessité de faire enlever pour ouvrir le passage de la
navigation; et dans tous les cas il fant indemniser
les propriétaires riverains sur le terrain desquels on
va établir les chemins de halage.
Mais ce n'est pas tout encore: car, dès qu'une
fois l'on est parven u à rendre une rivière navigable,
il filUt de plus pourvoir à l'entretien de tous les
ouvrages établis, ainsi qu'au curage ou, en terme
de navigation, au balisage du cours d'eau partout
où cela peut être nécessaire à la slÎreté de la marche
et au libre passage des bateaux.
La question de savoil' qui est-ce qui doit supporter les dépenses de ce genre n'est en quelque
sorte qu'un coroBaire de ce qui a été dit dans la
section précédente: car, du moment qu'une rivière
navigable appartient au domaine pnblic avec tous
ses accessoires, il en résulte que les frais don t on
vient de parler doivent, en thèse générale, et sauf
quelques exceptions que nous indiquerons ci-après,
peser sur le trésor de l'état, chargé de l'administration el de la conservation des choses de cette
nature.
En traitant des grandes routes, qui sont aussi à
la charge de l'état., nous avons vu qu'anciennement
c'est par le ~oyen de la corvée qu'il était pourvu à
leur confection et à leur entretien: cela se pouvait
ainsi, eu égard aux travaux de simple m.ain.d'œuvre
�88
qui suffisent presque toujours à ces sortes d'établissements. Il n'en peut être de même des ouvrages à
faire dans les rivières pour les rendre navigables:
ici presque tous les travaux doivent être immédiatement dirigés par l'art; il faut par conséquent
qu'ils s'exécutent, à prix d'argent, par des hommes
capables d'en bien concevoir les plans, et assez hahiles pour les suivre fidèlement.
762. Mais quoique, en thèse générale, les dépenses d'entretien des rivières navigables pèsent
sur Je trésor public, cette charge se trouve néanmoins allégée par l'emploi ou le concours de l'imIlôt indirect qui est perçu SUl' la navigation.
Aux termes de la loi du 20 floréal an 10, cc il
» doit être perçu, dans toute l'étendue de la répu» hlique (ou du royaume), sur les fleu't'es et rivières
. » navigables, un droit de navigation intérieure,
» dont les produits seront spécialement et limita" tivement affectés au balisage, à l'entretien des
» chemins et ponts de halage, à celui des pertuis,
» écluses, barrages et autres ouvrages d'art établis
» pour l'avantage de la navigation (1). »
Comme nous ne nous sommes proposé que d'indiquer ici la manière dont il est pourvu à l'entretien des rivières navigables, nous ne nous étendrons pas davantage sur ce qui concerne cet octroi
de navigation intérieure, dont nous traiterons
particulièrement dans la suite.
763. Mais nous devons cependant faire remar(1) Bullet. des lois, t. 6, p. 328, 3" série.
�DU DOMAINE PUlILIC.
89
quer que, dans le texte que nous venons de rappor·
ter, il ne s'agit uniquement que des rivières
navigahles ~ et nullement de celles qui ne seraient
que flottahles~ même avec trains et radeaux:
d'où il suit naturellement qu'à l'égard de celles-ci
les dépenses de curage et d'entretien restent, suivant la règle du droit commun, à la charge des
propriétaires riverains, comme on l'expliquera
dans mi autre chapitre.
. Ainsi, et d'après ce qu'on vient de dire, chaque
fois qu'il s'agit de réparer les pertuis et passelits ,
les chemins et ponts de halage, les écluses et autres ouvrages d'art établis pour l'usage de la navigation, c'est à l'administration à y pourvoiq comme
encore si, pour curer le lit de la rivière, il est nécessaire d'en enlever des îles ou atterrissements,
c'est toujours par les soinsde l'administl'ation active
et aux frais du. trésor que ces opérations doivent
être faites; et, dans ce dernier cas, il fau t une ordonnance spéciale du roi.
764. Mais on doit excepter de cette règle générale le cas où il est question de réparer ou reconstruire une écluse qui sert tuut à la fois au roulement d'u ne usine et à l'exercice de la navigation;
alors les fra·is des ouvrages ne doivent être snpportés qu'en partie par le trésor public, le surplus est
à la charge des propriétaires d'usines, que l'administration peut forcer à y concourir (1). Et l'on doit
(1) Voy. à cet égard l'arrêt du conseil d'état du 10 janvier
1821 dans le recueil de MACAREL, t. 1. p. 34.
�90
TllITÉ
dire de même qu'en cas de curage à opérer dans ces
rivières,les prop,oiétaires d'usines doiven t contribuer
\à la dépense pour le travail qui s'exécute au-dessus
de leurs barrages et en remontant jusqu'au point
où cesse la stagnation produite dans les eaux par les
écluses. Cette décision est fondée sur deux raisons.
La première est que la réparation ou la reconstruction des écluses, ainsi que le curage de la rivière, doivent spécialement profiter à ces propriétaires eux".nèmes, et que l'état, ne leur devant
rien, ne peut èt,oe tenu de faire des dépenses pour
leur utilité personnelle.
La seconde est que, les barrages et écluses d'un
moulin étant la cause naturelle des amas de vase ou
de graviers qui ont dû s'arrêter en amont, il est juste
que le propriétaire qui, en construisant son usine,
a établi la cause même du dommage, contrihue
au moins à en réparer les suites: Qui ocpasionem
praestat, damnumfeclsse videtuf (1).
765. Sur quoi se présente la question de savoir
par qui et comment cette contribution de dépense
doit être réglée?
'11 nous paraît d'abord évident que cette opération
ne peut être judiciaire, puisqu'il s'agit de régler
]a charge d'un impôt pour cause d'utilité publiqne,
et que ces sortes de matières sont absolument en
dehors de la compétence des tribunaux ordinaires.
Ce n'est pas non pIns au conseil de préfecture
(1) L. 30, § 3, ff. ad legem aquiliam, lib. 9, tit. 2.
�91
qu'on pourra s'adl'csser : car, quoique ce conseil
soit compétent pour prononcer, dans les causes
. ordiuaires, sur les demandes en dégrèvement
d'impôts, il ne lui appartient de statuer ni sur la
nécessité d'opérer le curage d'une rivière, ni sur
le réglcment d'administration publique qui doit
intervenir à cet égard, ni sur la confection du rôle
des frais à payer, ni surtout sur la part à en mettre
à la charge du trésor.
La contribution aux dépenses dont il s'agit ne
peut donc être légalement arrêtée que par l'autorité
administrative, et elle doit régulièrement l'ê.tre
dans le réglemcnt d'administration publique pal'
lequel le roi, en son conseil, ordonne le curement
de la rivière.
Cette décision est d'ailleurs conforme au principe
consigné Jans les articles 33 et 34 de la loi du 16
septembre 1807, ainsi conçus ~
ART. 33.
Lo~squ'il s'agira de construire des
,> digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières,
» torrents navigables ou non navigables, la néces» sité en sera constatée par le gouvernement, et la
,> dép~use supportée par les propriétés proté,> gées ~ dans la proportion de leur inlérêt aux:
" travaux, sauf les cas où. le gouvernement
". croirait utile et juste d'accorder qes secours
,> sur lesfonds publics. ')
ARTICLE 34. cc Les formes précédemment éta» blies et l'intervention d'uue commission seront
» appliquées à l'exécution du précédent article.,
DU DOMAINE PUBLIe.
C(
�92
TJUITÉ
Lorsqu'il y aura lieu de pourvoir aux dépenses
') d'entretien ou réparation des mêmes travaux,
» curage de canaux qui sont en même temps
') de navigation et de dessèchement, il sera fait
') des réglements d'administ~ation publique qui
» fixeront la part contrihutive du gouvernement et des propriétaires. Il en sel'a de
') même lorsqu'il s'agira de levées, de barrages,
de pertuis, d'écluses, auxquels les, propriétaires
') de moulins ou d'usines seraient intéressés (1). »
Enfin ce principe de compétence administrative
que la contribution de l'état ne peut être réglée
que. par le pouvoir exécutif ou par l'un de ses
agents, se tronve encore, quoique sous des rapports bien moins importants, reproduit dans l'article 13 de la loi du 21 mai 1836 sur les chemins
vicinaux, où il est dit que cc les propriétés de l'état
') productives de revenus, contribueront aux dé" penses des chemins vicinaux, dans les mêmes
" proportions que les propriétés privées, et d'après
» un rôle spécial dressé par le préfet. »
»
:Il)
:Il)
SECTION III.
.Des .francs-hords et chemins de halage des rillières nalll"gahles.
766. Quelle que soitla fra nchise de toutes charges ou servitudes privées .dont doivent jouir les
(1) Voy. encore à ce sujet l'arrêt du conseil du 10 jam'icr
1821, dans MACAREL, t. 1, p. 33.
�DU DOMAINE PUBLIC.
93
bords de 'ces rivièr~s, il n'est cependant défendu à
. l' eau neces,
personne d ' en appl'oc h el' pour y pUlser
saire à son usage personnel, ou y faire abreuver
ses bestiaux; et nulle permission de l'autorité ne
lui est nécessaire à cet égard, parce que l'ean courante est, comme l'air que nous respirons, un élément destiné à l'usage de tous les hommes: Et
quidem naturali jure communia sunt omnium
aer et aq"Ua profluens (1); et que les usages de
ce genre restent entièrement dans le domaine du
droit naturel qui les autorise Ca).
767. Pareillement celui qui, habitant d'un côté
de la rivière navigahle, possède une He dans le
fleuve, ou des héritages sur le bord opposé, peut y
avoir une barque, non pour l'employer à. un passage commun, mais pour la faire servir à l'exploitation de ses fonds et à son usage particuliei', parce
qu'alors le fleuve est comme la voie publique pOUl'
(1) Instit., § 1, if. de rerzim dipisione.
(a) Ce qui a fait dire à Virgile, AEnéide,liv. , :
Littusque rogamus
lnnocuum et cunctis undamque auramque patentem.
Et à Ovide (Métam., liv. 6, fab. 3, vers 37 et suiv.) :
Quidprohibetis aquas il usus communis aquarum est,
Nec solem proprium natura, nec aera fecit,
Nec, tenues undas; adpublica munera veni.
Cicéron dit aussi dans ses Offices,liv. l't, ch. 16: Quidquid
sine detrimento possit commodari, id tribuatur cuique 'Vel
ignoto; ex quo sunt illa communia, non prohibere aquam proJluentem : pati ab ignc ignem capere, si quis vetit.
�94
TRAITÉ
lui; c'est là un objet sur lequel nous reviendrons
plus tard.
768. Mais il est défendu par l'article 644 du Code
civil, d'y faire aucune prise dÎeau par des rjgoles,
et cela non-seulement pour ne pas diminuer les
moyens de navigation, mais encore et surtout pour
empêcher que les rivages et chemins de halage ne
soient dégradés par des fossés qui , sans cet,te défense, pourraient y être pratiqués, par les possesseurs de fonds ad jacen ts pour opérer des irrigations,
ou par tout autre individu qui voudrait établit,
quelqne usine à proximité.
769. Lorsqu'il s'agit de moulins ou autres
usines dont le rouiement doit avoir lieu par le
moyen des eaux de la rivière, quelque avantageux
que leur établissement paraisse pour le public, ils
ne peuvent être construits qu'avec la permission
expresse du gouvernement (1) , et qu'en -sc conformant an plan par lui approuvé, ainsi qu'à toutes
les conditions prescrites par l'acte de concession;
et encore le consentement de l'administration publique ne doit régulièrement intervenir qu'après
une enquête de commodo et incommodo, nécessaire pour avertir les tiers intéressés, et les mettre
à portée de faire leurs réclamations contre l'entreprise projetée, attendu qu'il n'y aurait pas de justice à occasionner du mal à l'un pour procurer url
avantage a, l'autre.
'"
(1) Voy. l'art. 9 de l'arrêté du 19ventôsean6
�DU DOMAINE PUBLIC.
95
Il est à plus forle raison défendu d'éta-blir, dans
le lit même des rivières navigables, sans l'expresse
autorisation du gouvernement, aucun barrage ou
digue, sous quelque dénomination que ce soit,
comme on peut le voir dans les textes de loi rapportés au chapitre 32 (1).
770. Mais· un propriétaire riverain ne pourrait-il pas au moins faire sur les bords de son héritage des ouvrages de protection pour le soustraire
à l'action des eaux qui viennent le dégrader r
Pour l'affirmative, on peut dire que, la défense
de soi-même ou de son propre bien étant de droit
naturel, il ne peut rien y avoir de répréhensible
tians le fait de celui qui, ~ans commettre aucune
anticipation sur le lit de la rivière, n'a construit
son ouvrage, contre son propre terrain, que pour
empêcher qu'il ne füt affouillé ou envahi par les
eaux.
Néanmoins, comme nul ne peut se constituer
j lige dans sa propre cause; comme il n'appartient
pas à un tel constructeur de décider si son entreprise peut ou non être ou devenir nuisible à' la
navigation; et comme enfin il est généralement
défendu de rien pratiquer dans les rivières naviga-:
bles ou sur leurs bords, sans y être autorisé par
l'administration, il en résulte que, faute d'obtenir cette autorisation, il se rendrait coupable d'un
délit en agissant ainsi de sa propre autorité, ct
(1) Voy. sous les nO' 688 et 689.
�96
TlW'fÉ
qu'il serait paisible d'une amende, lors même que
ses ouvrages seraient reconnus inoffensîfs; seulement, dans ce demier cas, l'administration uedevrait point en ordonner la démolition pal' le seul
motif que leur établissemen t aurait été illégal, attendu que ce serait faire ,un mal gratuitement:
telle est la jurisprudence du conseil d'état (1).
771. Au reste, lorsqu'un ouvrage de cette nature a été préalablement autorisé ou est reconnu inoffensif en ce qui touche à la navigation, l'approhation de l'administration suffit bien pour mettre
l'eli.tl'eprise à couvert des effets de l'action puhlique, mais elle ne saurait prévenir et paralyser
les actions privées qui peuvent appartenir aux
autres propriétaires riverains du cours d'eau, parce
qu'il est possible que l'ouvrage, quoique inoffensif
à l'égard du fleuve ou de la navigation, soit cependant préjudiciable aux autres fonds du voisinage.
C'est pourquoi la loi romaine veut que celui qui
entreprend un ouvrage de celte nature, c'est-à·dire
un ouvrage qu'il ne considère que comme défensif
de sa propriété, soit tenu à tout évènement, de
foumir, tant à ses voisins qu'à ceux qui possèdent
des fonds sur Je bord opposé de la rivière, un cau-
(l)Voy. un arrét du conseil du 16janvier 1828 dansMAcAREL,
Voy. sllprà, tom. 1er , pag. 305, et tom. 2,
pag. 524, une décision analogue pour les constructions faites
sans autorisation le long des routes, rues et chemins.
t. 10. p. 79, -
�97
tionnement pour la sûreté des réparations de dommages qui leur seraient ducs en cas qne la' construction vînt à leur causer du préjudice dans le cours
de dix années: Is autem qui ripam vult munire~
de damno futuro debet veZ cavere veZ satisdare
secunditr;z quaZitatem personae ~ et hoc interdicto expressum est, ut damni injecli in annos
deceift viri boni arbitrata veZ caveatur veZ sa·
tisdetur. J)abitur autem salis viciais ~ sed et
his qui trans jlumen possidebunt (1). Cette décision de la loi romaine étant rigoureusemen t conforme aux principes de la justice, il n'y aurait pas
de raison de s'en écarter dans la pratique, puisque
nos lois fr.ançaises ne contiennent pas de dispositions contl'aires Ca).
DU DOMAINE PUBLIC.
(1) L. unie.,
§ 3 et 4, ff. de ripâ muniendâ, lib. 43, tit. 15.
(a) tette re"triétion de l'auteur n'est, pour ainsi dire, que la
traduction du principe posé par Vlpien dans la loi 1, § 7, ff. ne
quid in flumi'ne, et qui est ainsi conçu: « Oportet in hujusmodi rehus lltilitatem et tutelam facientis spectari sinè injuriâ
utique accola rum;
principe à double face, comme le dit
M. Daviel (TI"ailé de la pratique des eaux, nO 693), qui décèle
l'hésitation de la loi cntre deux intérêts opposés plutat qu'il ne
fournit un moyen sûr de décider dans les divers cas qui peuvent
se présenter. Car, ainsi que le fait très-bien sentir cet lmteur, le
propriétaire de l'héritage entamé par l'irruption des eaux, et qui,
pour prévenir un plus grand dommage, établit une digue, a
précisément pour objet de contrarier ce nouveau cours et de reporter l'action de l'eau de l'autre caté. Il ne peut en effet défendre ou reconquérir son terrain qu'à cette condition. M. Daviel
pense qu'il faut chercher la solution de ces doutes dans le § 6
l)
TOllI. lIl.
7
�98
TRAITÉ
772. EN CE QUI CONCERNE les chemins de
halage nécessaires à l'exercice de la navigation et
qui forment l'objet principal de cette section, trois
points se p"ésentent ici à examiner:
.
de la même loi, qui attribue au préteur, c'est-à-dire aux tribunaux, une très-grande latitude d'appréciation à cet égard, en'
leur donnant la mission de balancer les PQsitions respectives des
iutéressés, et de peser les inconvénients qui peuvent exister de
part et d'autre, leur devoir étant, en définitive ,d,~ maintenir
tous ouvrages qui sont pour l'un d'une nécessité éviaente, sans
causer aux voisins d'autre préjudice que la privatio.n des relais
• qui s'opéraient de leur côté, aux dépens de la rive opposée.
Dans son Traité de l'allwlJion, nO 200, M. Chard.on , en adoptant à peu près les mêmes idées, et en en précisant J.nieux, 11 notre
avis, l'explication, fait observer que dans un pareil eas les riverains combattent contre un ennemi commun, qu'ils ont les mêmes
droits 11 conserver, les mêmes chances à courir;: et il en induit
qu'ils doivent se tolérer récriproquement.et ne s,e contrarier que
lorsqu'il y a évidemment abus de la faculté coml nune à tous.
Quant à nous, notre opinion est plus tranchétl, et nous pensons que lorsque, sans anticipation aucune sur 1e lit naturel de
la rivière, le propriétaire d'une des rives ne fait que la revêtir
de constructions propres 11 empêcher la corrosio1ll des e~ux, il
ne peut pas être tenu à la ~émolition de ces oU'vrages et àÏndemnité envers les yoisins de la rive opposée HUI' laquelle le
courant s'est reporté, parce qu'il n'a fait qu'n.ser d'un droit
naturel en se défendant, et que l'autre riverain doit s'imputer de
n'avoir pas de son côté protégé sa propriété par des travaux semblables. Quamris jluminis naturalem eursum opere manujàeto
alià non lieeat arertere, lamen ripam suam adrersùs rapidi
amnis impetum munire prohibitum non est (1. t, Cod. de allurionibus, lib. 7, tit. 41). Leprincipe, qui en cette matière nous
paraît devoir être appliqué, est que le riverain peut jlumen
arcere non repel/ere.
�DU DOMAINE PUBLIC.
9~
Quelle est l'autorité compétente pour statuer sur
len!' établissement et sm lenr alignemen t ou leur
rectification?
Le terrain sur lequel ils sont tracés appartient-il
au domaine public?
Enfin quelle doit être leur largeur?
§ 1. Autorité compétente pour statuer sur l'étahlissement et
l'alignement des chemins de ha lage.
Il n'appartient qu'à l'administration active,
c'est-à-dire au préfet, en premier ordre, de reconnaître l'ntilité de ces sortes de chemiQs, et
d'ordonner les mesures pour leur établissement. Il
en est de cette création ou alignement comme de
l'établissement ou du tracé des grandes routes:
dans l'une et l'autre hypothèses tout est également
et exclusivement dans les attributions de l'adm,inistration active; et, comme il n'y a rien ici de
con tcntienx, uelles que soient les oppositions ou
réclamations que la mesure puisse faire nahre,
l'affaire ne doit point être portée au conseil de
préfecture (1).
. Il en serait de même, et par les mêmes raisons,
si, pour éviter de canser de trop grands dommages
à des propriétés riveraines, il s'agissait de retrancher une partie de la lar~eur légale du chemin.
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 26 août 1818, dans le recueil
de la jurisprudence du conseil, par SIREY, t. 4, p. 427.
�100
l'MITÉ
§ 2. Caracteres des chemins de halage, et nature du sol qu'ils
occupent.
Le terrain occupé par ces chemins est-il public
comme celui d'une l'Oule ordinaire ?"
Celte question doit recevoit' une solution négative; et il faut dire que les chemins de halage,
il'étant établis que pour l'usage spécial de la navi.
.,.
..
gaqon, qUI n eXige pas nnè occupatIOn contInue
Ju sol, comme cela est nécessaire ponr les roules,
ne sont aulre chose qu'une servitude de passage
résultan t na tUl'ellemen t de la situation des lieux,
et s'exerçant pour cause d'utilité publique sur les
fonds riverains dont la propriété fonc:ière reste dans
les mains de leurs maîtres Ca).
(1) L'établissement de cette servitude donne-t-il lieu à une
indemnité au profit des propriétaires riverains? Il faut distinguer si la rivière était anciennement navigable ou si elle n'a été
déclarée telle que récemment. Au premier cas 1 n'y a pas lieu
à payer d'indemnité, lors même qu'une longue interruption
aurait existé j le droit de l'état U:'aurait point été prescrit, ainsi
que le décide un arrêt du conseil d'état du 5 août 1829, l'apporté
par Macarel, t. 11, pag. 300.
Au second cas, il Yaurait lieu à indemnité; c'est ce que porte
l'article 3 d'un décret du 22janvier 1808, qui déclare l'art. 7 dll
titre 28 de l'ordonnance de 1669 applicable à toutes les rivières.
navigables de l'empire. Cet artiele 3 est ainsi conçu: Il sera payé
» aux riverains des fleuves ou rivières où la navigation n'existait
» pas et où elle s'établira, une indemnité proportionnée au dom» mage qu'ils éprouveront, et cette indemnité sera évaluée
» conformément aux dispositions de la loi du 16 septembre
» dernier (1807). "
Par un arrêt à la date du 30 mai 1843 (Sirey, 43-2·333), la
�DU DOMAINE PUBLIC.
tOto
Par le droit des gens, dit la loi romaine, l'usage
des bords d'une rivière est public comme celni dn
fleuve; en sorfe qu'il est libre à chacun d'y ama\'Cour royale de Nancy paraît avoir repoussé cette distinction, et
posé en' principe qu'il n'y avait lieu à aucune indemnité lorsqu'il ne s'agissait que d'une simple servitude, quelque onéreuse
qu'elle fût : ~ Considérant, dit-elle dans une espèce où le voisin
}) d'un cimetière nouvellement établi demandait à la ville une
l) indemnité de dépréciation à raison de la servitude non œdifi.. candi créée par le décret du 7 mars 1808, que pour obtenir
}) l'indemnité du préjudice à elle causé, l'appelante a vaine" ment invoqué les principes consacr~s par les art. 8 et 9 de la
}) Charte sur l'inviolabilité des propriétés; qu'en effet ce pri'l}) cipe est exclusivement applicable au sacrifice complet, c'est}) à-dire à la dépossession matérielle d'une partie du sol, doht
Il l'état ne peut s'emparer dans l'intérêt général qu'à charge
" d'une inaemnité; - que la preuve de cette restriction légale
" ressort de toutes les lois spéciales sur la matière, qui, soit
" relat,ivement à l'établissement des cimetières, soit en ce qui
}) concerne les rillières déclarées napigables, les forêts de partili culiers devenues forêts de l'état, les chemins communaux
li érigés en routes royales, enlin les fortifications des places de
}) guerre, n'ont jamais accordé d'indemnité, ni pour les servi" tudes légales, ni pour les dépréciations de valeur occasionnées
» aux propriétés voisines de ces établissements; que c'est là,
" comme l'ont très-bien dit les premiers juges, une conséquence
» pénible, mais impérieusement nécessaire de la civilisation
" progressive, qui journellement expose.les propriétés privées à
.. des chances de diminution on d'augmentatian de valeur, selon
Il que le cours imprévu des événements amène à leur portée des
" ,établissements publics, qui tantôt lcur nuisent, et qui quelque:" fois leur profitent, .... "
Quoi qu'il en soit de celte t1écision contraire au texte formel
�102
TRAITÉ
rer ses navires et de les attacher aux arbres qui
s'y trouvent; comme encore d'y deposer ses marchandises. Mai~ la propriété cl u tI~rrain qui existe
au·delà de la partie occupée par les eaux n'en reste
pas moins acquise à ceux Cf ui possèdent les fonds
riverains; c'es t pourquoi les arbres qui s'y trou ven t
plantés leur appartiennent aussi : Riparum quo-
que usus publicus est jure gentium sicuti ip'sius
fluminis : i~aque naves ad eas appellere~funes
arboribus .ibi natis religare ~ onus aliquod in
his rep6nere ~ cuilibet liberum est ~ sicut per
flumen navigare; sedproprietas earum ilforum
est ~ quorum praediis haerent: qud. de causd
arbores quoque in iisnatae ~ eorumdem sunt (1).
du décret ci-dessus, spécial pour la servitude de halage, la loi
du 16 septembre 1807, dont l'article 57 attribuait juridiction
aux conseils de préfecture pour régler les indemnités, cn cas
d'expropriation ou de dommage indistinctement, ayant été en
partie abrogée par la loi du 8 mars 1810, qui a investi les trihunaux civils de la connaissance des expropriations foncières
et des dommages permanents, et qui a été elle-même remplacée successivement par celles des 7 juillet 1833 el 3 mai
1841, . organiques d'un jury d'expropriation, il se présente
aujourd'hui la question de savoir par laquelle de ees trois
autoritês, les conseils de préfecture, les tribunaux civiJs ou le
jury, devra être réglée l'indemnité revenant au propriétair,e riverain à raison q,e la servitude de halage établie sur son fonds.
Voyez, sur cette question très-,controversée, les dévelollpemcnts étendus dans lesquels nous sommes entrés ci-dessl tS ,
nO 571, tom. 2, pag. 370 à 407, et aussi, infrà, les nOS 837 .et
suivants.
(l)Instit., § 4, de rerum divisione.
�DU DOMAINE PUBLIC.
103
Ce principe de servitude légale, admis dans le droit
romain J est aussi consacré par notre droit français,
et notamment par les articles 556 et 650 du Code
civil, qui classent le marchepied ou le chemin
de halage le long des rivières NAVIGABLES ouflottables au rang des servitudes légales établies
pour cause d'utilité publique.
Cependant, comme celle servitude est un démembrement de la propriété, et que son établissement
produit une diminution dans la valeur de l'héritage sur lequel elle est prise, nous pensons que les
créanciers, ayant hypothèque sur le fonds, auraient
droit d'exiger, suivant le rang de leurs hypothèques, la distr~bution de l'indemnité pécuniaire
accordée par le gouvernement à raison de la création du chemin, puisque celte indemnité ne serait
que compensatoire d'un préjudice qui, en dernière
analyse vielldl'ait retomber sur eux (a).
773. CE qui nous reste à dire sur la nature dn
chemin de halage peut se résumer dans les corollaires des quatre prop'ositions suivantes, savoir:
la Que le chemin d~ halage est une simple servitude et non une propriété foncière;
2° Que cette servitude est destinée au service de
la navigation et de la rivière;
3° Qu'elle est exclusivement dans l'intérêt oe la
navigation et de la rivière;
(a)
Cet alinéa faisait partie du
nO 784 de la 1 re édition.
�104
TRAITÉ
4
0
Enfin qu'elle est indispensahle et impérieusement voulue par la loi.
Déduisons les conséquences de chacune de ces
propositions.
PREMIÈRE PROPOSITION.
Le chemin de halage est une simple servitude
dont le so'l ne cesse point d'appartenir au
propriétaire riverain.
De là il résulte:
'1'14 (a). 1° Que le riverain sur lequel celle
voie est tracée n'est point tenu d'en laisser le terrain inculte, puisque c'est toujours sa propriété,
et qu'il ne doit supporler que l'exercice d'une servitude pendant les saisons propres à la, navigation;
'175 (h). 2 0 Que le propriétaire a le droit de
faire faucher et recueillir à son profit les herhes qui
y croissent, de même que l'état est dans l'usage
d'affermer au profit du trésor celles qui viennent
le long des chemins de halage et des tal us des ca·
naux de navigation, dont le sol fait partie du domaine puhlic; mais ce droit ne peut s'exercer qu'à
la charge du service public de la navigation, et
seulement pour l'utilité qu'il peut présenter après
que ce service est satisfait.
3° Que si entre ce chemin et le flel,lve qui est à
CÔlé il se forme quelques atterrissements, le hé(a) No 773 de la
(b) N° 776 de la
1re édition.
l ro édition.
�DU DOMAINE
PUBLI~.
'105
néfice de l'alluvion doit profiter aux. propriétaires
des fonds sur lesquels la servitude s'exerce; c'est
ce que décide expressément l'art. 656 du Code
civil, sauf néanmoins la charge de laisser toujours
l'usage du marchepied voulu par les réglements Ca).
'176 Cb). 4° Que le trésor, on toute autre chose
qui pourrait être découverte par quelque fouille
pratiquée dans ce chemin doit appartenir au pro.
priétaire du sol.
777 Cc). 5° Que si la navigation venait à cesser
dans le fleuve, les héritages adjacents resteraient
entièrement libres entre les mains de leurs maîtres;
de même si un fleuve était divisé en plusieurs bras,
dont quelques-uns ne serviraien t pas actuellemeut
à la navigation, l'exercice du halage ne pourrait y
être prétendu, tant que le gouvernement u'aurait
prescrit aucune mesure pOllr l'y introduire, sauf
. néanmoins leli cas de nécessité qui forceraient les
bateliers à s'y ouvrir un passage.
'178 Cd). 6° Que si, pour rendre le chemin praticable, il est nécessaire de le ferrer ou le paver
dans quelques parties, de le soutenir par des murs,
ou d'y faire des ponts pour le continuer sur des
ravins ou des ruisseaux, ce n'est point aux frais des
propriétaires des fonds, mais hien .aux dépens du
gouvernement, que ces mesures doivent être exécu(a) Cet alinéa faisait partie du nO 773 de la 1re Mition.
(b) No 777 de la 1 re édit.
(c) No. 778 et 783 de la 1re édition.
(d) No 780 de la 1r~ édition.
�106
TRAITÉ
r
tées, parce qu'il est de principe, en fait de servi~
tude, que le propriétaire de l'héritage qui la supporte n'est tenu à autre chose qu'à la souffrir et à
s'abstenir de tOtH ouvrage qui pourr~it en empêcher l'usage, sans être obligé de rien faire pour en
faciliter l'exercice: 'Servitutum non ea natura
est ut aliquid quis faciat, sed ut aliquid patiatur aut non faciat (1). C'est ainsi qu.e le décide
l'an. ler'de la loi du 10 prairial an 10, 'lue nous
avons rapportédans la section 2 du présentchapitre.
Néanmoins, s'îI a cru snI' le bord o'u dans l'intérieur de ce chemin des arbres ou arbrisseaux qni
puissent gêner le service de la navigation, le propriétaire dn fonds peut être condamné à les coupel', comme il pourrait être condamné à enlever
tout dépôt permanent qu'il aurait fait sur le même
lerrain aù préjudice de la libre viabilité du chemin,
attendu que, dans l'un et l'autre cas, il s'agirait
également de choses lui appartenant, et que par
conséquent ce serait à lui à les enlever.
DEUXIÈME PROPSITION.
Le chemin de halage est destiné au serflice de
fa navigation et de la riflière.
On doit induire de cette proposition :
.
'1'19 (a). 1 0 Qu'il doit être proportionné il l'é~
tendue des besoins de ce service public; qu'il doit,
(1) L. 15, § 1, ff. de serllitutibus J lib. 8, tit. 1.
(a) No 775 Je la 1re édition.
�DU DOMAINE PUl3LIC.
107
en toutes saisons, s'étendre sur toude terrain nécessaire à la navigation; que si la rivière comporte
des extensions habituelles par rapport aux marées
ou autres accroissements clans les eaux, la largepr
de ce chemin doit être fixée, non à partir, d'un
point immuable au bord du fleuve; mais en prenant un terme moyen entre les basses eaux et leur
plus grande extension sur le terrain, et que c'est à
partir de ce terme moyen que le propriétaire du sol
doit le tenir libre de tout ce qui pourrait entraver
le passage des navigateurs (1).
780 (a). 2° Que le propriétaire du fonds assujetti ne peut rien y faire qui gêne l'exercice de la
servitude; qu\l ne lui serait pas permis, par
exemple, d'en empêcher l'usage en le cultivant et
y faisan t des semailles ou des plantations en temps
inopportun, et il suffirait que le labourage qu'on y
aurait pratiqué fût reconnu nuisible comme causant de l'embarras .pour le passage des hommes,
chevaux ou voitures employés à l'usage de la navigation, pour qu'on pût recourir au conseil de préfectme, à l'effet de faire condamner ce propriétaire
à l'amende et aux dommages-intérêts, pour avoir
au moins causé du retard à la marche des trains
et bateaux (2).
(1) Voy. à ce sujet la décision du conseil d'état du 24 décembre 1818, dans SIREY, L 5, p. 35,
ca) Ne.781 de la 1re édition.
(2) Voy. à cet égard l'art. 3 du décret du 29 mai 1808 sur la
police ùe la ri vière de Sèvre, bulIet., t. 8, l" 339, 4 e série.
•
�108
TUlTÉ
En ce cas, ceux qui, pour l'usage de la navigation, se verraÎen t forcés d'exercer leu r passage sur
le chemin qui aurait été cultivé, pourraient impunément y fouler les blés on la moisson qu'ils y
trouveraient sur pied, sans que le propriétail'e fût
fondé à s'en plaindre (a), puisque, d'une part, les
navigateurs, ne faisant qu'user de leur droit de
passage, seraient sous la protection de la règle
Nemo damnum (acit ~ nisi idfacit quodJacere
jus non habet (l), et que, d'un autre côté, ce serait par une conséquence de sa propre faute que le
cultivateur éprouverait du domm~ge dans sa récolte : Quod quis ex culpd sud damnum sentit,
non intelligitur damnum sentire'(2),
Mais il est de principe aussi que celui qui exerce
un droit de servitude doit en user avec discrétion,
et en causant le moins de dommage possible au
maître du fonds asservi: d'où il résulte que
tout navigateur qui aurait, sans hesoin réel, foulé
l'herbe ou la moisson existant sur le foncls livré au
(a) Il Y a ici analogie avec le ·cas prévu par l'art, 41, tit, 2,
de la loi du 6 octobre 1791 , d'Olprès lequel le voyageur qui se
trouve arrêté dans sa route par suite du mauvais état de la voie
publique, peut impunément passer sur l'héritage voisin et même
le déclore. L'hypothèse du chemin de halage est plus favorable
encore pour l'auteur du dommage, puisque c'est le fonds riverain qui doit le passage, et que c'est le propriétaire de ce fonds
qui l'entrave. Voy. suprà, tom. 2, pag. 809.
(1) L. 151, If. de regul. jur.
(2) L. 203, If. eoJem.
�DU DOMA'.NE PUBLIC.
109
passage. serait passible d'une action en dommagesintérêts envers le propriétaire lésé; et, comme cette
'lCtlon n'aurait pour objet que les intérêts privés cie
(lcnx individus, dont l'un se plaindrait de la faute
de lrautre, c'est en justice ordinaire et pardevant
le juge de paix, qu'aux termes du S 1 er de l'art. 5
ùe la loi du 25 mai 1838, l'action devrait être
portée.
Pour prévenil' toutes les collisions d'intérêts sur
ce point, il faut que le propriétaire du sol s'abstienne d'y établir aucune plantation ni autre ouvrage, et d'y exercer aucune culture autrement
qu'avee l'autorisation du préfet, qui pourra, suivant
les circonstanees de localités et les besoins d'uoe
navigation plus ou moins habituelle ou rare, la
permettre 011 non.
781 (a). 3 0 Que le propriétaire du fonds doit
souffrir tout ce qui se rattache à la navigation du
neuve, ou qui peut rentrer dans l'usage ct les aisances de cette navigation, notamment la circulation des voitures qui peuvent être employées, soit
pour amener dans les dépôts de relâche les marchal1liises et effets à charger sur les bateaux, soit
pour opérer les déchargements ct enlever les effets
jusque là transportés par eau; soit ponI' transportel' par terre tout ce qui peut être nécessaire
au radoubage ou à la réparation des bateaux,
soit enfin ponr effectuer le sauvetage et l'eolève(a) No 782 de la 1re édition.
�110
TRAITÉ
ment de tous les matériaux et marchandises. provenant des bateaux et trains naufragés ou1risés;.
et c'est sans doute pour cela que les lois ont toujours voulu que le chemin dont il s'agit fût d'une
largeur très-considérable, et même qu'il fût libre
de tonte plantation d'arbres et de toutes clôtures
nuisibles à sa destinatio:1 et à son usage.
782(a). 4° Que les marchands el navigateurs
peuvent faire sur le chemin, autant que le besoin
peut l'exiger, tout dépÔt momentané de marchandises ou autres choses transportées ou à transporter
par eau, soit que ces dépôts aient lien par suite
du déchargement des bateaux, et jusqu'à ce qu'on
pnisse commodément en enlevelr les objets, soit
qu'ils aient lieu en attendant le chargement et jusqu'à ce qn'ils puissent être embarqués. Tout cela
n'est toujours qu'une conséquence de la règle rapportée plus haut : Riparum usus publieus est
jure gentium sieut ipsiusJluminis. Itaque navem
ad eas appellere ~funes arboribus ibi nalis religare~ relÏa sieeare et ex'>nari redueere~ onus
aliquod in iis reponere~ euilibet liberum est;
sieut pel' ipsum flumen navigare. Sed proprietas illorum est quorum praediis haerent. C'est
là le princi pe qui nous a été tracé par la loi romaine
sur l'usage Cie celle servitude, et que nous devons
suivre encore, parce qu'il n'yen a pas d'autre.
Nous disons que, pour satisfaire aux besoins de
(a) No 784 de la 1re édition.
�DU DOMAINE PUlILIC.
. 111
la navigation, les marchands et navigateurs peuvent faire tout dépôt momentané sur le chemin
de halage; mais il ne leur serait pas permis d'y éta.
bli.' un port fixe et permanent d'abordage ou de
dépôt, parce que ce serait, outre mesure, aggraver
la servitude du fonds riverain, et en même temps
gêner le passage, et c'est ainsi que la question a été
décidée par le conseil d'état le 26 août ISiS (1).
Mais, comme il faut toujours protéger la marche
libre de la navigation sur les bords du fleuve, les
dépôts... même momentanés, ne peuvent jamais être
licitement faits sur la partie du chemin joignant
immédiatement son lit; ils doivent avoir lieu du
côté opposé, le plus loin possible de la rive, et conformément à ce qui peut être prescrit par les régIements particuliers sur la J.?avigation (2).
A cet égard, il faut observer que, dans les saisons où les eaux du fleuve se retirent et laissent à
sec des terrains vagues entre elles et le chemin de
halage, il n'en est pas moins permis de faire sur ce
chemin même les dépôts dont il s'agit, parce qu'il
faut toujours que les marchandises ct effets déposés
soient placés en lieu de sûreté, et que ce n'cst que
là qu'ils peuvent être mis hors ç1es atteintes d'une
crue subite.
(1) Voy. dans SIREY, t. 4, p. 435, et encore au bulletin des
lois, t. 7, p. 378, 7" série.
(2) Voy. l'art. 12 du décret précité, sur la navigation de la
rivière de Sèvre.
�112
TRAITÉ
TROISIÈME· PROPOSITION.
es~ exclusivement établi
dans !'intérÙ de la navigation.
Le chemin de halage
'
:
D ,ou, 1a cousequence
783 Ca). Que ce chemin ne doit être usité
que pour les faits qui se rapportent aux services que le public a le droit d'exercer sur le
fleuve, lesquels services consistent principalement
dans ce qui concerne l'usage et les aisances de la
navigation, et dans les passages qui peuven t être
pratiqués à raison des faits de puisage pour les besoins de l'homme ou des animaux, ainsi qu'e pOUl'
passage servant à l'exercice de la pêche, et à la
traite des b~teaux et filets des pêcheurs: car la règle
Riparum quoque ususpublicus est, p1'Oclamée par
la loi romaine, comme fondée sur le droit naturel,
n'est point abrogée dans notre droit: loin de là, la
loi française en a positivement consacré l'application en lui donnant une grande extcnsion par l'étahlissement de nos larges chemins de halage.
Mais, ces chemins ne devant sc l'vil' qu'à la destination qu'on vient d'indiquer, les propriétaires des
fonds asservis ne pourraient être tenus de souffrir
gratuitement qu'on les soum1t à d'autres usages (h).
(a) N· 779 de la 1re édition.
(h) Du même principe que le chemin de halage ne constitue
qu'une servitude dans l'intérêt exclusif de la nDvigation, il résulte encore:
Que si l'héritage est clos de tous les autres côtés, conformé~
�113
DU DOMAINE PUBLIC.
o
~
Nous disons gratuitement: car, en cas d'enclave, et moyennant indemnité, les propriétaires
des fonds enclavés pourraient, comme sur tous autres fonds, s'y faire ouvrir des chemins d'exploitalion.
ment aux dispositions de l'art. 6, sect. 4, tit. 1 er , de la loi du
6 octobre 1791; il doit, nonobstant le défaut de clilture du cilté
du fleuve, et la possibilité en fait d'y entrer de ce cilté, être .
réputé complètement clos en ce qui concerne l'interdiction du
droit de vaine pâture, la faculté' de chasser, celle de vendanger à volonté dans les pays où il existe des ~ans de vendange, etc., etc., parce que l'ouverture dans la clilture n'existant
que par force majeure, et pour un objet spécial, nul ne peut
s'en servir, ni en exciper pour un autre objet. Le fonds doit être
réputé inaccessible à tous autres qu'à ceux qui se livrent à la
navigation ou à la pêche svr la rivière. La question, en ce qui
concerne le droit de vaine p~ture , a été jugée dans ce sens par
un arrêt de la Cour royale de Dijon, rendu le 12 janvier 1827,
qui adopte les motifs d'un jugement du tribunal de Beaune,
du 30 décembre 1824, ainsi conçus: « Considérant que si les
» intimés n'ont point continué leurs fossés sur l'extrémité de
» leur héritage, joignant la rivière de Sailne, sur une -largeur
" de trois mètres et demi, leur clilture n'en est pas moins suf» fisante , puisque, d'une part, cette portion de terrain fait
» partie du lit de la rivière lorsque les eaux sont à une certaine
» hauteur, et que, d'autre part, il Y a nécessité de laisser libre
.. l'espace prescrit pour l'exercice du droit de halage, qui doit
.. avoir au moins dix pieds de largeur de ce côté; - que les inti,. més ayant fait tout ce que la loi pouvait exiger pour clore leur
» héritage et pour le soustraire au parcours public' du bétail de
» la commune, il est juste de débouter les habitants de cette
» commune de leur prétention. - Idem, Toulouse, 19 janvier
.. 1825, et. Bordeaux, 15 janv. 1835 (S., 25-2-119; 36-2-334). »
TOM. III.
S
�114
TRAITÉ
QI!ATRIÈME PROPOSITION.
Le chemin de halage est indispensable et
impérieusement voulu par la loi.
Ce qui nous amène à conclure:
784 Ca). Que si les eaux du fleuve opèrent des
affouillemen ts con tre le terrain qui en est grevé, la
servitude ne cessera pas d'être due, et le chemin
devra être maintenu dans toute sa la~geur, ~t reporté- plus loin au préjudice du propriétaire riverain Cb), qui sera obligé de le souffrir ainsi, sans
indemnité pour le sol, attendu l'effet de la force
majeure; comme, dans le cas contraire, il aurait
le bénéfice de l'alluvion sans en payer le prix, si
ce don de la fortune lui était arrivé .
.
§ 3. Largeur des chemins de halage.
785. A qui appartient-il de fixer cette largeur?
et quelle elle doit être?
Remarquons' d'abord, sur le fait de la compétence, que, s'agissant ici d'une matière purement
administrative, c'est au préfet qu'on doit s'adresser
pour détermiuer la largeur du che~in de halage,
chaque fois que quelques obstacles locaux peuvent
exiger qu'on modifie l'étendue qu'il doit avoir d'après la règle du droit commun.
(a) No 774 de la 1re édition.
(h) L. 14, ff. quemadmodum serlJit. amitt., et Godefroy sur
celte loi; - Freminville , Pratique des terriers, tom. 4, p. 70;
- arrêts du conseil des 4 juin 1746 et 4 juillet 1827.
�DU DOMAINE PUBUC.
115
Quant a'lt fond ~ il doit y avoir, autant que
possible ~ deux chemins de halage au bord des
rivières navigables: l'un principal, établi sur le
côté depuis lequel l'usage est de tirer les bateaux;
l'autre, moins considérable, appelé de contre-halage~ établi sur la rive opposée.
Par l'ordonnance du mois de mai 1520, François 1er , s'occupant seulement du chemin principal,
en avait fixé la largeur à vingt-quatre picds (7 m.
80 cent. ); mais l'article 7 du titre 28 de l'ordonnance des caux et forêts de 1669 a réglé la dimension de l'un et de l'autre dans les termes suivants :
« Lcs propriétaires des héritages aboutissant aux
» rivières navigables laisseront le long des bords
» vingt-quatre pieds au moins de place en
» largeur pour chemin royal et trait de chevaux,
» sans qu'ils puisse!lt planter arbres ni tenir c1ô,., turc ou haies plus près que trente pieds (9 mèt.
)'> 74,cent.) du côté que Les bateaux se tirent~
» et dix pieds (3 mèt. 25 c.) de l'autre bord, à
'» peine de cinq cents livres d~amende ~ colifis" cation des arbres, et d'être les contrevenants
» contraints de réparer et remetlre les chemins en
» état à leurs frais. » C'est cette disposition de
l'ordonnance de 1669 qui nous régit encore sur ce
point, n'ayant jamais été abrogée, et ayant été au
contraire de nouveau confirmée par le décret du 22
janvier 1808 (t).
(1) Voy. au bullet., t. 8, p. 39, 4- série.
�116
TllAlTÉ
Pour faciliter l'intelligence de cet article, nOlls
allons en reprendre quelques expressions.
786.
Aboutissant aux rivières navigables...
Il est évident qu'il ne s'agit là que des rivières na- \
vigables avec bateaux, et nullement des rivières
fl?ttables, même avec trains et radeaux. Cependant,
comme on peut le voir dans l'article 3, titre 1 er , et
dans l'article 42, titre 27, de la même ordonnance,
les mesures,de police sont généralement prescrites
de la même manière à l'égard de ces deux. classes
de rivieres. Pourquoi donc n'est-il ici fait mention
que de l'une d'elles?
La raison en est qu'il n'y a que les rivières navigables pour lesquelles il soit dû un véritable
chemin. de halage; quant'à celles qui ne sont que
flottables, on ne peut exiger, pOUl' lem' service,
qu'uu simple tl'Olloir 0\1 marchepied à l'usage des
ouvriers employés à la direction des trains, comme
nous le dirons aillelll's.
187. Vingt-quatre pieds au moins de place
en largeur. Telle est l'étendue de cette servitude,
que les pl'Opl'iétaires doivent, en thè$e générale,
pour le passage' des chevaux de ~rait et pour les
aisances de la navigation: nn chemin de 7 mèt.
80 cent. de largeur du côté où s'exerce la traite des
hateaux, et en ouI re un espace d'un mètre 95 cent.
libre de toute clôture et plantation d'arbres.
. Nous disons en thèse générale: car, si l'on
rencontre des obstacles dans la nature du terrain,
il faut bien en subil' la loi; et même, aux termes
�nu. DOMAINE
PUBIJC.
11'1
de l'article 4 du décret précité, l'administration
peut, lorsque le service n'en souffre pas notablement, restreindre la largeur des chemins de halage,
surtout quand il y aurait des clôtures, murailles
et travaux d'art ou des maisons à détruire.
788. Du c8té que les bateaux se tirent: il
résulte de là que si, conformément à un ancien
usage, la traite des bateaux avait lieu sur les deux
côtés de la rivière, il devrait y avoir un chemin de
pareille largeur de chacun de ces côtés, puisque la
même servitude aurait été établie sur les deux
rives, comme résultat de la nécessité pour satisfaire aux mêmes besoins.
Et dix pieds de Il aùtre Dord: il doit 'donc y
. avoir tout à la fois, le long de la yivière navigable,
autant que les localités peuvent le permettre, un
premier et principal chemin de halage de 7 mètres
. Ho cent, de largeur du côté où la traite des bateaux
est établie, et un autre de contre· halage de 3
mèt. 25 cent. de largeur sur le bord opposé.
Ainsi, à supposer que l'administration juge à
propos de faire transporter d'un rivage à l'autre
le grand chemin de halage, elle ne pourra, dans
cette nouvelle situation, lui assigner ses 7 mètres
80 centimètres de largeur', sans indemniser le
propriétaire du fonds, puisqu'on étendra la servitude an-delà des bornes que la loi lui avait primitivement imposées.
789. Il résulte de ce qu'on vient de dire que
celui qui a le projet de faire des constructions ou
1
�118
TRAITÉ
des plantations vers les bords du chemin de halage,
sur son fonds, doit demander l'alignement au
préfet, pour que ses ouvrages aient véritablement
une existence légale, comme fondés sur un titre
émané de l'autorité compétente.
C'est d'après ces principes que, par arrêt du 20
novembre 1822, le conseil d'état a jugé que celui
qui construit au bord d'un chemin de halage,
comme celui qui construit au bord d'une grande
route, sans avoir demandé d'alignement, se rend
passible d'amende, quoiqu'il ne commette aucune
anticipation (1).
790. Ici se présente la question de savoir si,
en supposant que la rivière ait, par des affouillements, détruit ou réduit à une largeur insuffisante
le chemin de halage, et qu'il soit nécessaire de le
reprendre ou rélargir sur le surplus du fonds riverain, il sera dû par,l'état une indemnité au propriétaire de cet héritage.
Déjà nous avons dit qu'il ne peut être dû d'indemnité pour l'envahissement du sol (2), attendu
qu'il n'-est que le résultat de la force majeure; mais
en ce qui concerne les plantations et constructions
qu'il serait nécessaire de détruire pour rétablir
le chemin, nous croyons qu'on doit faire ici l'application des règles, que 110US expliquerons plus
bas, relativement à la suppression des usines, et
(1) Voy. dans MACAREL, t. 4, p. 4:35. Sirey, 38-2-273.
(2) Voy. sous le nO 784.
�DU DOMAINE PUBLIC.
'119
dire que, comme il est dû une indemnité pour la
suppression de celles qui avaient été établies par
suite de concession de l'autorité compétente, de
même il en doit être dû une pour la suppression
des plantations ou des bâtiments qui n'auraient
été établis que par l'autorisation du pouvoir administratif, parce que le même titre doit comporter
la même garantie de la part de celui qui l'accorde,
et que, dans la question qui nous'occupe, il serait
difficile de supposer que l'administration publique
n'eût pas quelque faute de négligence à s'imputer
pour avoir omis de munir le rivage du fleuve (a).
791. ON trouve souvent des îles dans l'intérieur des fleuves navigables, et alors se présente
encore la question de savoir si le chemin de halage
est dû aussi sur leurs bords.
Pour l'éclaircissement de cette question, nous
ne croyons pouvoir faire mieux que de commencer
par transcrire ici les deux rapports pour et contre
qu'on trouve sous les nOS 202 et 397 de l'appendice
qui termine le Traité sur la pratique des eaux
par M. DAVIEL (h); après quoi nous ferons connaître notre opinion personnelle sur le tout.
(a) Cette opinion est conforme aux décisions du directeurgénéral des ponts et chaussées des 19 mai et 29 octobre 1818, et
27 juillet 1823.
(b) Voy. le nO 98 de la 2· édition, où cet auteur enseigne que
les propriétaires d'îles ne sont point assujettis à fournir un chemin de halage, mais qu'ils s~nt soumis au marehepied de
contre-halage; M. Garnier, Traité des eaux J nO 29, pense que
le chemin de 7 mèt. 80 cent. est dû de plein droit sur les îles.
�126
TlL<\.ITÉ
Les tIes de la Seine, y est-il dit sous le nO 202,
sont-elles sujettes à la servitude légale d'amar- .
rage ou de marchepied?
» Dubourg avait amarré son bateau à des arbres
de l'île Brouilly, près Rouen, et y avait stationné
peodant plusieurs jours. Lallèmaut, propriétaire
de l'île, lui i\ltenta une action en dommagesintérêts i le t~ibunall.'accueillit, et la Cour de
cassl;ltion rejeta le pourvoi contre le jugement,
cc
»
~,
»
~,
~,
"
"
~, attendu que IJfte Brouilly est une propriété
» privé~,
qu'aucun titce de serv#ude nJest
» rappor.té par Dubourg, et ql!-e l'am,arrage
" n Ja pas eu liezt pOl{-r: Cf,ll{-se (le péril imminent
" (ll jui(t 1822).
~'J
"
»
:»
»
)0)
»
Les conducteurs de coches d'eau étaient dans
l'usage, en sortant du port de Rouen pour re·
gagner l'autre rive, d'atterrer sur l'île Lacroix,
et de jeter des envergures en s'aidant de sa rive
com~e d'un marchepied. Action en dommagesintérêts de la part du sieur l3rémontier, propriétaire de cette' île; la Cour de Rouen l'accueille,
" attendu qu'aucun acte administratffnJéta» Mit te marchepied sur cette tie (2 décembre
» 1 tb3). Adde arrêts du parlement de Rouen des
" 30 août 1676 et 28 juin 1717; ct sentences de
» la vicomté de l'eau des 5 juillet 169_2, 2,mars
» 1768, 17 août 1787 et 30 janvier 17~8.
" Néanmoins on trouve dans le recueil des édits
" des eaux et forêts par Rousseau de Basoche
" (note sur l'article 3 de l'édit de 1520) un arrêt
�DU DOMAINE PUBLIC.
'121
~)
du parlement de Paris du 28 février 1581, qui
» juge que les iles. situées dans une rivière navi» gable, et notamment dans la Seine, doivent
» avoir le lez de vingt-quatre pieds pour le trait
» des chevaux. »
On voit par là qu'en général les tribunaux ne se
sont pas montrés favorables pour l'admission des
chemins ou marchepieds de halage sur les îles qui
se trouvent dans les rivières navigables; mais celte
jurisprudence, qu'on a fait ressortir entièrement
des règles du droit privé, est-elle bien conforme'
à la vraie doctrine d'une matière qui est toute dans
le droit public? Ecoutons le rapport que le même
auteur fait sous le nO 397.
cc Les pl'Opl'iétait'es des îles situées dans les
» rivières navigables sont-ils astreints de pleilt
» droit à fournir le terrain nécessaire pour le
» marchepied ou pOUl' le chemin de halage? On
» a Vu ci-dessus, nO, 202, les principes professés
» par les tti.bunaux. L'administl'ation, aü con» traire, regarde l'article 7 , titre 28, de l'ordan» nance de 1669, et l'arrêt du conseil du 24 juin
» 1777, comme soumettant de plein droit les
» propriétaires des îles à la servitude du marche» pied.
" Un arrêté du préfet éle Seine-et-Oise du 28
» juillet l~h2 ordonnait l'étahlissement du halagt}
» sur l'île Géboin. Réclamation des propriétaires,
» qui s'opposent à cet arrêté, et subsidiairement
» demandent une indemnité. Sl1r ce" lettre du di-
1
�122
TRAITÉ
recteur-général des ponts et chaussées à M. Je
» préfet de Seine-et-Oise: Lespropriétés situées
»
le long de l'ile Géboin doivent subir les con» séquences de leur position. Rien ne peut les
» soustraire à la servitude dont elles sont gre» yéespar l~ordonnancè.de 1669 et l'arrêt de
» 1777. Les riyerains de l~iLe de Géboin, pour
» avoir été jusqu'à présent, comme ils le pré» tendent, exempts du chemin de halage, ne
» sont pas pour cela dispensés de cette seryi» tude, et ils ne sont nullement fondés à pré» tendre à des indemnités pour le terrain qu'ils
" doiyentfournir. Le droit de r état, conservé.
» par les lois sur la navigation, n'ayant pas
» cessé d'exister, c~est à tort qu'ils invoquent
» à l'appui de leur prétention ParticLe 3 du
" décret du 22 janvier 1808, qui ne s~applique
" qu~aux rivières où la navigation n'existe pas.
» Les propriétaires étant déjà assuj(:ttis au
» marchepied (3 mètres 25 centimètres), ils ont
» dtllaisser cet espace libre, et ils n~ont pas
» droit à indemnité pour la destruction des
. ,,' arbres et autres plantations existant iLléga» lement dans cette largeur; mais il paraît
» juste de les indemniser pour les arbres et
» autres plantations qui se trouveront au-delà
» de cette ligne J et dont l'arrachage deyra.
» avoir lieu afin de fournir l~esp~ce n'l!ces» saire au chemin de halage. (Lettre du 3
» janvier db4, délibérée en conseil des ponls et
»
» chaussées).»
�DU DOMAINE PUBIJC.
123
192. On doit le dire, cette lettre est parfaitement conforme aux principes de la matière:
1° L'ordonnance de 1669 veut impérieusement
que les propriétaires des héritages ahoutissant
aux rivières navigables laissent un chemin de
halage de 7 mèt. 80 cent. de largeur du côté où les
bateaux se tirent, et de 3 mèt. 25 cent. sur l'autre
côté. Or les Bes qui sont dans un fleuve aboutissent
bien certainement d~ tous côtés sur les eaux de la
rivière: donc elles sont frappées de la servitude
légale des chemins dont il s'agit, et eu sont frappées dans tous les sens suivant lesquels la navigation peut s'exercer; sans fraude ni affectation.
La loi a voulu qu'il y eût, des de~x èôtés du
fleuve, deux chemins parallèles pom se servir mutuellement de secours. Si donc il se trouve une île
dans le milieu de la rivière, c'est sur le flanc de cet
atterrissement et vis-à-vis du grand chemin de
halage, que celui de 3 mèt. 25 c'ent. doit êtr~ pris,
attendu que ces deux chemins ne pourraient être
en correspondance mutuelle s'il fallait depuis l'un
franchir par-dessus l'île pour atteindre l'autre.
Quelque respect qu'on doive à la propriété des
îles qui se sont formées dans les rivières navigables, on ne peut se dissimuler qu'ayant fait, dans
leur origine, partie du domaine public, et qu'étant
toujours la cause plus ou moins immédiate -<les
difficultés qu'on éprouve dans l'exercice de la
navigation, il n'y a aucune injustice à les asservir
aux chemins et marchepieds de halage, dans toutes
,
�'124
les circonstances où les besoins de la' navigation
peuvent l'exiger.
793. Deux observations sont r-ependant à faire
ICI:
La première'" c'est que si la rivière n'était pas
reconnue navigable jusqu'au point de hauteur où
se trouve l'île, il faudrait avant tout l'e-eourir à
l'administr.ation pour faire statuer sur la question
préjudicielle de l'état du fleuve, et reconnaitre par'
là si l'île est ou non sujette à la servi tude légale
du marchepied.
La seconde -' c'est qu'en supposant même que
l'état de navigabilité de la rivière fût constant ct
reconnu, il faut encore admettre en fait une différence remarquable entre le chemin de halage qui
s'exerce sur le bord extérieur du fleuve, et celui
qui peut avoir lieu snI' le rivage des îles.
Le chemin qui est établi au bord du fleuve,
étant invariable et fixe, est dû de la manière la
plus ahsolue; tandis qu'il n'y a pas la même fixité
dans celui qui s'exerce sur les îles, dont.l'existel1ce
est accidentelle, et en quelque sorte perpétuellemeut variable, ces îles pouvant en effet se "multiplier, disparaître, ou se modifier dans le cours d'un
certain nombre de saisons; et, comme eUes ne
doivent supporter le marchepied qu'en tant qu'il
est nécessaire ou réellement utile à l'nsage de la
navigation, il est possible que, suivant la disposition des lieux et à J'égard de quelques-unes d'ellcs,
ce point d'utilité puisse faire l'objet d'une con lcs-
�DU DOlVIAUŒ PUBLIC,
125
tation; alors le débat qui s'élèvera entre le propriétaire et les navigateurs sur la nécessité ou l'utilité du chemiu pour le service public devra être
. p,réjudïciellement porté panlevant l'administration,
c'est·à-dire devant le préfet en premier ordre.
U ne fois qu'il aura été ainsi décidé par l'autorité
compétente que le chemin.est dû, le propriétaire
de l'île sera obligé d'en supporter la charge sans se
plaindre et sans prétendre à aucune indemnité,
puisque c'est là une servitude établie par la loi;
par suite il sera obligé' d'enlever tous les arbres,
plantes, buissons et broussailles qui pourraient se
trouver dans la distance déterminée par les réglements, puisque c'est un chemin libre qu'il doit
laisser.
Nous croyons, par ce qui a été dit ci-dessus,
avoir indiqué et mesuré dans tous les sens l'étendue du domaine public en'E'lit de rivières navigables
et de leurs accessoires: il ne nous reste plus à traiter que de la démarcation des pouvoirs civils auxquels leur régime est confié; mais ce sera là l'objet
du. chapitre XXXIX ci-après.
'
�1
126
TRAITÉ
CHAPITRE XXXVIlL
Des canaux de navigation intérieure.
794. Les canaux de navigation intérieure ne
sont pas, comme les rivières, l'œuvre de la nature
seule, puisqu'ils sont construits à main d'homme;
lorsqu'ils sont établis par le gouvernement pour le
service public, comme cela a lieu communément,
ils font essentiellement partie du domaine public:
Si fossa manu/acta sit -' per quam fluit pllhlicum flumen -' nihilominùs puhlica fit. Ideo si
, quid ihifiat -' in flumine puhlico factum vide·
tur (1). Ils son t alors, comme les routes ordinaires,
asservis à l'usage commun, et on ne peut les établir qu'au moyen de l'expropriation des fonds,
nécessaire pour les faire sortir du domaine
privé (2).
, Il résulte de là que pour la création des canaux
de navigation intérieure, comme pour celle' des
routes, il faut le concours du pouvoir législatif,
qui doit décrétel'les fonds nécessaires à la dépense,
et du pouvoir exécutif chargé d'opérer leur tracé,
et que, dans l'une et l'autre hypothèses, on doit
procéder de même, quan t à l'expropriation des héri(1) L. 1, § 8, ff. de fluminihus > lib. 43, tit. 12.
(2) Voy. l'art. 49 de la loi du 16 septembre 1807, bull., t. 7,
p. 138, 4" série.
�DU DOMAINE PUBliC.
127
tages particuliers destinés à être occupés par ces
Deux espèces de voies publiques.
On doit regarder comme publics non-seulement
le canal fait à main d'homme, avec le fluide qu'il
renferme pour servir de véhicule au navigateur,
mais encore les ruisseaux, sources, rigoles et réservoirs supérieurs d'où l'on fait découler les eaux
pour l'usage de la navigation, puisque c'est de là
que dérive l'élél!1ent nécessaire à la viabilité du
canal.
795. Le gouvernement peut donc tonjonrs, .
moyennant indemnité compétente, s'emparer des
sources et ruisseaux qui se trouvent dans les terrains supérieurs, et qui peuvent servir à alimenter
le canal.
Mais cette hypothèse fait naître !a double question desavoir, 10si c'est par expropriation judiciaire,
proprement dite, ou seulement par voie d'indcmnité administrativement réglée J qu'on doit procéder avec le propriétaire de la source ou du ruisseau, 2° ct si l'on doit comprendre dans cette
indemnité l'équivalent du dommage qu'il souffrira
par la privation de l'usage des eaux qu'il pouvait
employer à l'irrigation de ses héritages.
Et d'abord doit-on, en ce cas ,procéder par voie
d'expropriation foncière, conformément au prescrit de la loi du 3 mai 1841 , remplaçant aujourd'hui celles des 8 mars 1810 et 7 juillet 1833?
Nous croyons que cette première question doit
être résolue dans un sens affirmaLif, attendu qne,
�J28
Tl~ITÉ
d'une part, le terrain sur lequel coulent les simples
ruisseaux. appartient incon'testablement aux prop"iétaires des héritages traversés pal' le cours d'eau,
ainsi que nouS l'ex pliquerons dans la suite, et que,
d'autre côté ,.le corps du ruiss~au ne saurait être
incorporé dans le domaine public sans qu'on y
comprenne tant le sol sur lequel il coule que les
hords intérieurs qui servent à en retenir et diriger
les eaux :_ d'où il résulte qu'il y a véritablement là
une expropriation foncière Ca).(a) Cette solution n'est point en opposition avec le système, .
développé au nO 571 ci-dessus, tom. 2, p, 376. Dans l'espèce
'par rapport il. laquelle il est opposé, il n'y avait point occupation du lit de la rivière vis-à-vis les propriétés du réclamant,
par la ville de Dijon, mais simple détoul'llcment en amont
d'une partie des eaux qui s'y jetaient précédemment; tout se
réduisait donc à un dommage sans expropriation du sol, tandis
que M. Proudhon suppose, dans le cas ci-dessus, que l'état, en
s'emparant des eaux: à l'extrémité inférieure de leur cours,
s'empare aussi du corps même et du lit du ruisseau, c'est-à-dire
du terrain sur lequel il coule, ainsi que de celui de ses rives,
pour soumettre le tout à un régime particulier incompatible
avec la propriété privée des riverains, Cette distinètion entre
l'expropriation du sol foncier ct la simple prise des eaux est
clairement posée par l'article 1,r du décret du 22 février 1813,
relatif à la police et à la conservation des canaux de Loing et
d'Orléans; cet article est ainsi conc:;u : lt Toutes les eaux: qui
" tombent naturellement ou par l'effet des 6uvrages d'art, soit
lt dans les canaux, soit dans leurs rigoles nourricières, soit
II enfin dans leurs réservoirs ou étangs, seront en entier à la
II disposition dcs canaux, et ce nonobstant toute jouissance ou
" usages contraires. - En cas qu'il y ait lieu il prendre ou à
�129
DU DOMAINE PUBIJC.
'196.
Mais le juri appelé à fixer le prix de
cette expropriation devra-t-il comprendre dans son
estimation le monlant des dommages que les propriétaires ressentiro(lt de la privation des eaux
qu'ils employaient précédemment à l'irrigation de
leurs héritages?
Nons croyons que celle seconde question doit
être résolue dans un sens négatif, attendu que s'il
y a, -dans la nature, une chose qui doive être
rangée dans la classe de celles qui u'appartiennent
,
a, personne, c'est
surtout l'eau courante; qu ,aux
termes de l'art. 714 du Code civil, l'usage de ces
choses est commUD à tous, et que les lois de police
règlent souverainement la manière d'en jouir:
d'où il résulte qu'en faisant entrer un ruisseau
dans le domaine puhlic pour servir à l'alimen t d'un
canal de navigation, l'autorité,ne fait qu'en ramener les eaux à leur destination naturelle, qui est
de servir à l~usage commun de tous; mais c'est
là un point de doctrine sur le principe duquel
nous aurons lieu de revenir encore dans la suite.
'197'. Les canaux de navigation intérieure se
rejeter des eaux, la décision appartienùra â l'administration
supérieure, saufle recours à notrc conseil d'état.- En cas qu'il
" y ait lieu à expropriation de terrains, maisons ou usines, il
» sera procédé conformément à la loi du 8 mars 18ïo. » , Dans le premier des deux cas prévus on suppose que l'état ne
prendra que le fluide sans le lit ou canal qui le contient, et dans
le second qu'il s'emparera du sol même dans lequel est creusé
ce lit et qui forme son fond et ses bords.
»
l)
Tml. III.,
9
�130
TUAITÉ
constl'll' sen t CJuclqnefois aux frais de c.ompagnies
d'entrepreneurs auxquelles la concession en est
faite, et qui, aux terme's de leur traité, doivent en
avoir la posspssion à perpétuité, ou pour un temps
limité. Quoique ces aliénations ne soient qu'imparfaites, comme on va le dire, néanmoins, dans ces
cas, le Goncours de l'autorité législative nous paraît
nécessaire pour les sanctionner: car si l'intervention de ce pouvoir est requise pour la vente d'un
fonds qnelcùnque de, l'état, à plus forte raison
doit-on y recourir. pour l'espèce d'aliénation ou
d'engagement que comporte la concession d'un
canal.
Au reste ces concessions faites, même à des entrepreneurs, se rapportent plutôt à la possession et
à la jouissance de l'octroi de navigation qu'à l'aliénation du canal lui-même, attendu que ces sortes
d'établissements, étant placés dans le domaine
public, sont naturellement inaliénables et imprescriptibles, tant que la destination n'en a pas été
légalement changée: d'où il faut tirer cette conséquence, que toutes les aliénations qui peuvent en
être consenties de la parf-du gouvernement, à la
charge par les acquéreurs ou les concessionnaires
de les entretenir dans leu'r état de viabilité publique,
ne sont pas de véritables actes de vente opérant une
transmission parfaite et incommutable de la propriété du fonds; qu'elles ne son t au contraire que
dC's actes d'engagement révocables, suivant les circonstances, en remhoursan t les acquéreurs qui,
�DU DOMAINE PlffiLIC.
131
jusque là , exerceo t les actions du maître sans être
cux-mêmes de vrais propriétaires fonciers: d'où il
, 1te encore que 1es canaux, meme
•
'1'es a,
resu
concec
perpétuité, conservent toujours leur nature de voie
publique; que, comme tels, ils restent soumis aux
servitudes de vue et autres compatibles avec leur
nature, envers les fonds voisins; et que toutes les
contestations qui peuvent avoi,' pour objet ces servitudes doivent être portées devant les tribunaux'
ordinaires (1).
En traitant du dessèchement des marais, nous
verrons qu'il peut y avoir aussi des canaux qui;
quoique servant à quelque partie de navigation intérieure, sont néanmoins la propriété foncière des
particuliers qui les on t fait creuser à leurs frais et
sur leurs propres héritages; mais ce sont là des cas
d'exception rares.
798. -Quant aux chemins de halage, il ya une
J
diftërence essentielle entre cenx des canaux faits à
main d'homme et'ceux qui sont établis Je long des
rivières navigable~.
Nous avons dit plus haut (2) que ces derniers ne
font point, quant au sol,' partie du domaine public;
~
(1) Voy., sur ce point de notre droit public, 1° le préambule
(le la loi du 21 vendémiaire an 5, bullet., t. 3, nO 83, 2' 3éric ,
- 2° l'art. 4 du décret du 22 février 1813, bullet., t. 18;
p. 389, 4' série; - 3° l'arrêt' du conseil d'état du 27 avril
1826, dans MACAREL, t. 8, p. 227; - 4° l'arrêt de la Cour de
cassation du 29 février 1832, dans DALLOZ, p. 129. .
(2) Voy. sous les nOS 772, § 2, 774 et suiv.
�132
TRAITÉ
qu'ils ne sont que des chemins de servitude légale,
dérivant de l'état et de la situation des lieux, attendu que les bords extérieurs du fleuve ne sont publics
que quant à l'usage seulement: Riparum quoque
usus publicus ex jure gentium (i); que cette
charge, qui pèse naturellement sur les fonds riverains, est aussi compensée, jusqu'à un certain
point, par le voisinage du fleuve, qui peut leur
apporter les bénéfices de l'alluvion et que~ques autres avantagei; qu'en un mot le fonds dominant,
qui est ici le fleuve, étant l'œuvre de la nature, il
faut bien' que les héritages adjacents en subissent
la loi, abstraction faite de toute convention hu.
mame.
Il n'en peut être de même des chemins dé halage
qui sont établis le long des canaux de navigation
creusés à main d'homme: ici point de préexistence
dans le fonds dominant; point de charge imposée
par la nature ou par la situation des lieux, comme
lorsqu'il s'agit d'un fleuve, puisque tout est l'œuvre
d~ l'homme; ici enfin point d'espoir. d'alluvion
possible: il faut donc que le terrain privé finisse là
où 'l'on a fixé le bord extérieur du chemin de halage
et de ses accessoires; il faut que ce chemin entre
totalement dans le domaine public, comme une
route ordinaire, et que le prix du sol en soit payé
au propriétaire, de gré à gré, ou par suite d'expl'o·
priation judiciaire; autrement il y aurait injustice
(1) Jnst. ,
§ '1, de rerum dillisione.
�DU DOMAINE PUBLIC.
133
à le forcer de se contenter d'une indemnité qui serait moins considérable, si elle n'était due qu'en
dédommagement de l'exercice passager d'une simple servitude •.
Il résulte de là que l'expropriation qui a lieu pour
l'établissement d'un canal à main d'homme, doit
comprendre non-seulement le terrain dans lequel
est creusé le canal même, mais encore to~t celui
qu~ est occupé par les chemins latéraux et leurs
talus ou empatements.
799. Nous terminerons ce chapitre en faisant
remarquer qu'outre les règles générales de grande
voirie qui s'appliquent aux canaux de navigation
intérieure, il ra, pour l'usage de chacun d'eux,
des règles de police particulières dont nous n'avons
pas à nous occuper ici, parce que ce sont des: spé.
cialités locales qui sont hors de notre sujet, et dans
lesquelles il sel'ait trop long d'entrer. On peut
voir, entre autres réglements sur les détails minutieux de cette espèce de voirie, le décret du 22 février 1813, au bullet., t. 18, p. 389 de la 4e série,
ainsi que le grand nombre d'édits, d'ordonnances
et d'arrêts de réglement llui y sont cités.
�134
TRaITÉ
CHAPITRE XXXIX.
Des autorités compétentes pour statuer SUl' ce qui concerne les
rivières nav.igabIes et leurs accessoires, ainsi que les canaux
de navigation.
SOO. Il pellt y avoir ici, suivan t la diversité des
circonstances, cinq autorités diffërentes auxquelles
on est dans le cas de ~adresser
Le pouvoir législatif;
L'administration active;
Les conseils de préfecture;
Les tribunaux de police;
Et les tribunaux civils.
'SECTION PREMIÈRE.
Compétence du pouvoir législatif.
SOL Comme aucune levée d'impôt ne peut
avoir lien si elle n'a été consentie par la législature,
il faut dire qu'aucun canal de navigation ne peut
être établi sans que les fonds nécessaires à l'opération aient été votés par ce pouvoir suprême.
Et connue aucune concession ou aliénation de
fonds publics ue peut être légalement faite sans le
concours de la même autorité, sauf quelques exceptions que nous avons indiquées en parlant des
relais de la mer (1), il faut dire encore que toutes
(1) Voy. sous le nO 713.
,
�DU DOMAINE PUBLIC.
135
aliénations ou concessions, pour entreprises de
canaux de navigation intérieure, doivent être soumises à l'approbation des chambres (1).
SECTION II.
Compétence du pouvoir exécutifou de l'adminùtration active.
802. Lorsque les fonds pour l'établissement
d'un canal ont été accordés par la législature, c'est
à l'administration active à en faire opérer le tracé,
comme c'est à elle à faire faire le tracé des grandes
'foutes, et à remplir, à ce sujet, les formalités voulues parla loi du 3 mai 1841, pour parveuir à la dépossession légale des propriétaires des héritages qui
devront être occupés par la route, ou le canal et
ses chemins de halage.
Dans l'une et l'autre hypothèses, c'est il ce même
pouvoir à faire régler les travaux de l'établissement
, .
eta. en procurer l' execut!ou.
_~
C'est à la puissance exécutive ou administrative,
c'est-à·dire au roi en son conseil, qu'il appartient'
de déclarer navigable une rivière qui ne l'était pas,
et de faire établir de chaque côté les chemins de
halage nécessaires, comme c'est à la même auto·
rité à prescrire toutes les mesures propres à faciliter
la navigation, tels que les enlèvements d'lies et
îlots qui pourraient y mettre obstacle, ou l'établissement des ouvrages d'arl destinés à la rendre praticahle.
(1) Voy. il cc sujet sous le nO '274.
�136
TRAITÉ
Ce point de notre droit public, posluvement
consac é par le décret du 22 janvier I80S (1), ne
pent être contesté, puisque c'est là un moyen de
gouvernement intérieur qu'on ne saurait refuser à
l'administration, qui est chargée de "pourvoir à la
circulation du .commerce. Il résulte de là deux'
conséquences remarquables SUl' le point de compétence qui nous occupe;
S03. La première.1 c'est que la connaissance
de toute contestation qui peut s'élever snI' la question de savoir si une rivière est navigable ou non,
en tout o~ en partie, et j.usqu'~ quel point il f:1ut
lui attribuer ce caraetère, doit être renvoyée devant
l'adminis.tration active, puisque c'est là une matière qui est exclusivement placée dans son domaine; et, en ce cas, c'est. au préfet à décider d'ahord, sauf J.'ecours au m~n.istre de l'intérieur (2).
S04. La seconde.1. c'est que s'il s'élève' des
réclamations contre l'ordonnance du roi qui, dérogeant à l'état actuel des choses, établit la navigation dans une rivièJ:e qui n'était pas uavigable, c'est
encore devant l'administration active qu'elles doivent être portées, parce qu'il faut bien que cette
administration puisse elle-même vaincre les obstacles qu'on voudrait opposer à SOl) action; 011 doit
alors s'adresser, par l'entremise du préfet et du
(1) Voy. au bullet., t. 8, p. 39, 4· série.
(2) Voy. l'arrêt du conseil du 27 décembre 1820, dans le
recueil de SIREY, t. 5, p. 508.
�DU DOMAINE PUBLIC.
137
ministre, au roi, qui prononce en conseil d'état,
comité de l'intérieur.
Nous disons comité de Pintérieur, et non pas
comité du contentieux: car, du moment que le
pouvoir exécutif est ici le mahre absolu de faire ce
qu'il juge le plus utile à l'administration qui lui est
exclusivement confiée, il ne saurait ressorLÏr de ses
actes aucune question contenLÏeuse dans la discussion de laquelle les.particuliers réclamants puissent
être recevables à s'opposer aux vues du gouvernement, de. manière à le faire condamner à s'en
désister.
805. Il Y a néanmoins ici un point qui rentre
dans le contentieux, dont l'administration active
n'est pas juge; c'est la fixation du montant de l'indemnité. qu'on doit accorder aux propriétaires riverains pour l'établissement du chemin de halage,
ct pOllr la privation du droit de pêche, parce qu'il y
a, quant à ces objets, des droits acquis à raison
desquels les parties intéressées peuvent contester,
non pour s'opposer à ce que le fleuve soit rendu
navigable, mais pour obtenir une indemnité équitable.
Il en serait de même à l'égard des propriétaires
des îles dont on aurait ordonné l'enlèvement pour
faciliter le cours de la navigation. Ils auraient droit
au dédommagement que les lois accordent à tous
ceux qui sont expropriés pOUl' cause d'utilité puhlique, et ce dédommagement devrait être judiciairement fixé avec eux, à déf,1ut de convention
amiable.
�138
TRAITÉ
806. Mais, comme le corps des rivières et le
tréfonds de leur lit, même quand elles ne sont pas·
navigables, ne sont pas rigoureusemen t dans le
domaine privé des propriétaires riverains, ainsi
que nous le démontrerons plus bas, on ne doit à
ces propriétaires aucune indemnité à ce sujet,
parc;e qu'on ne peut pas dire qu'ils en soient expropriés par l'acte qui déclare ces rivières navigables; c'est ce qui résulte des articles 2 et 3 du décret
du 22 janvier 1808 (1), qui ne leur accorde de
dédommagemen t qu'à raison des chemins de halage
qu'ils seront obligés de souffrir sur leurs héritages.
En effet, ces articles portent que les propriétaires
riverains, e~ quelque temps que la navigation ait
été ou soit établie, son t tenus de laisser le passage
pour le chemin de halage; mais qu'il sera payé
aux riverains des fleuves ou rivières où la navigation n'existait pas, et où elle s'établira, une in
r
demnité proportionnée au dommage qu'ils
éprouveront. Il est évident que cette indemnité
n'est relative qu'aux chemins de haiage, puisqu'il
n'est question que du préjudice que leur établissement peut faire éprouver, et non de celui résultant
de la privation du lit même d~ la rivière; il yaurait d'ailleurs impropriété dans les termes, qui ne
parlent que de dommages causés sur les bords,
tandis que ~ s'il pouvait y avoir expropriation du
fonds de la rivière, ce n~ serait plus un simple
(1) Voy. au bullet., t. 8, p. 39, 4' série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
139
dommage qu'il y aurait à compenser, mais bien le
prix d'un immeuble qu'il faudrait payer.
S07. De ce que c'est au gouvernement à déclarer navigahle une r~vière qui ne l'était pas, il faut
tirer la conséquence que c'est également à lui qu'il
appartient de fixer le point à partir duquel la pêche
appartient à l'état dans les fleuves publics.
Au reste si, par un décret du gouvernement, la
navigation venait à être supprimée, l'état priro.itif
des choses revivant pour l'avenir, les propriétaires
riverains se trouveraient replacés dans les termes
du droit commun, et ren treraien t en pleine jouissance de la liberté de leurs fonds ct des avantages
attachés au voisinage des cours d'eau non navigables.
SOS. La compétence de l'administration publique n'cst pas bornée aux choses dont on vient de
parler.
C'est au gouvernement seul qu'il appartient de
permettre les constructions d'usines sur les rivières,
et d'en prescrire le mode et les conditions.
C'est à lui à ordonner le curage des fleuves et
rivières, et à fixer la portion contributive que les
propriétaires d'usipes doivent supporter dans les
frais qu'il occasionne, et dont une partie est à leur
charge, même quand il s'agit de rivières du domaine public (1).
(1) Voy. sousle nO 765.
�140
TJUITÉ
C'est à lui à déterminer l'emplacement des }lacs
dé passage public.
e'est à lui à régler les temps, saisons et heures
de la pêche dans tous les cours d'eau, et la forme
des engins ou instruments avec lesquels elle peut
être licitement pratiquée.
Les préfets peuvent, sauf recours au ministre
de l'intérieur, prescrire des mesures réglementaires
et locales sur la police des ealtx des rivières navigables et flottables (J).
Ils sont aussi compétents pour ordonner directement la destruction des ouvrages et constl'Uctions
illégalemeut faits dans une rivière (2).
809. Nous avons vu plus baut qu'aux termes
des réglements, il doit y avoir, dans toutes les
écluses d'usines constl'Uites sur les rivières navigahIes et flottables, des ouvertures ou passelits de
7 mètres 80 cenl. de largeur, et que ces ouvertures
doivent êlre établies de manière à faciliter le plus
possihle le passage des bateaux et radeaux mis en
rivière (3). C'est au préfet, comme exerçant l'administration active sur les lieux, à prescrire aux propriétaires d'usines la construction de ces passelils
dans les endroits où il n'yen aurait pas, et à en
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 22 février 1820, dans le recueil
SIREY, t. 5, p. 322.
(2) Voy. l'arrêt du conseil du 2 mai 1827, dans MACAREL ~
t. 9, p. 228.
(3) Voy. Juprà) sous le nO 698.
de
�DU DOMAINE PlmLIC,
141
ordonner les réparations on le replacement, et la
direction de manière à en rendre les fonctions plus
utiles à la navigation.
810. Nous 'avons vu aussi que les mêmes réglements veulent que démolition soit faite des usines
et moulins construits sans titre, ou sans autorisation du gouvernement, sur les rivières naviga.
bles (1), et que l'arrêté du directoire exécutif du
13 ventôse an 6 chargeait les administrations de
département d'en faire exécuter la destruction (2);
les préfets ,sont encore investis de cette commission, comme ayant succédé aux directoires de dé·
partement, quant à l'administration active, et
quant aux mesures de prévoyance à prescrire pour
la conservation et l'usage libre de la navigation intérieure.
A l'égard des usines et autres constructions qui
sont fondées en titre, et qui néanmoins seraient
reconnues nuisibles à la navigation, comme on ne
saurait les démolir sans une indemnité préalaLle,
nous pensons que les préfets ne pourraient'par euxmêmes en ordonner la démolition , m~is qu'il faudrait à cet égard une ordonnance royale; et c'est
sans doute par ce motif que l'arrêté du directoire'
exécutif qu'on vient de citer n'enjoignait aux administrations cen traIes que de faire détruire seulement les constructions non fondées cn titre. Mais
1
(1) Voy. sous le nO 689.
(2) Voy. sous le nO 700.
�14~
TRMTE
c'est là une maLÏère sur laquelle nous reviendrons
dans un autre chapitre.
SECTION III.
Compétence deJ Conseils de Préfecture.
811. La compétence des conseils de préfecture,
pour la répression des contraventions en matière
de grande voirie, embrasse deux points: la condamnation aux amendes encourues par les contrevenants, et la réparation des lieux qui auraient
, , d'egrad'es.
ete
Comme il y a beaucoup de cas de détail dans
lesquels les lois n'ont point étahli d'amende, ces
conseils n'en peuvent point prononcer; mais ils
n'en sont pas moins compétemment saisis ,pour
ordonner la réparation des dégradations faites SUl'
les routes ou dans Jes rivières navigables et lems
chemins de habge.
Au reste nous devons ici, comme pour les routes, remon ter encore à la loi du 29 floréal an 10,
dont l'article 1 er est conçu dans les termes suivan-ts :
" :Les contraventions en matiè're de grande
» voirie, telles qu'anticipations, dépôts de fumier
» ou autres objets, et toutes espèces de détériora» tions commises SUI' les grandes routes, sur les
» arbres qui les borde~t ; sur les fossés, ouvrages
» d'art et ma tériaux destinés à leur en tretien ; sur
» les canaux, fleuves et rivières navigables, leurs
» chemins de halage, francs-bords, fossés et ou-
�DU DûrlIAINE PUBLIC.
143
vrages d'art, seront constatées, réprimées et
» poursuivies par voie administrative (1). ,~
Pour être parfaitement saisie, cette disposition,
que nous avons déjà rapportée en traitant des
grandes routes, a besoin de nombreuses annotations : nous allons en conséquence en reprendre
successivement les principales expressions.
812. Les contraventions: les auteurs de la
loi se sont abstenus d'employer ici le mot de délit~
par la raison que les conseils de préfecture ne
peuvent jamais prononcer que les réparations ct les
amendes encourues par des faits de contravention
ilUX lois, et non des peines corporelles ou d'emprisonnement applicahles aux délits proprement
dits.
813. En matière de grande voirie: les canaux et les rivières navigables remplissent véritablement les mêmes fonctions que les grandes
l'olltes, puisqu'ils servent également à la circulation du commerce et au transport des personnes et
des choses d'un lien en nn autre: aussi le législateur les a-t-il pLacés sous la protection de la même
autorité Ca).
»
, 814. Telles qu~antieipations~ dépôts de
fumier" etc." etc. : ainsi tont ce que nous
(1) Voy. au bullet., t. 6, p. 324,3" série.
(a) Les rivières navigables et les canaux étant, aussi bien que
les routes', compris dans la grande voirie, la loi du 23 mars
1842, qui permet la réduction des amendes pour contraventions
en cette matière, leur est également applicable.
�TIwTÉ
avons dit plus haut relativement aux embarras
d
'
qu ,on peut causer snr I
es gran
es routes
au·
preJudice de leur viabilité est également' àpplicable ici;
et toutes les anticipations et lésions matérielles du
solon des arbres plantés aux bords des chemins de
halage doivent être réprimées par la même voie.
815. Sur les fossés, ouvrages d~ art et matériaux destinés à leur entretien; sur les canaux:
c'est surtout à l'égard des canaux qu'il yale pins
d'ouvrages d'art à protéger, puisque tout y est fait
~t
établi à main d'homme.
Et ce qu'il faut bien considérer sur l'ensemble de ce texte, c'est que tous les réglements
de police établis pour l'usage et la conservation des
grandes routes et de leur complète viabilité sont,
par cette loi, rendus applicables à la voirie nautique, dans tous les points qui peuvent être susceptibles d'en recevoid'exécution.
Les fleuves et rivières navigables: ces expressions sont surtout remarquables en ce qu'elJes
démontrent que la disposition qui nous occupe ne
s'applique point aux rivières qui ne sont que flottables.
Leurs chemins de halage; il Y a encore dans
ces termes confirmation de la remarque qui précède; attendu que,relativement aux rivièresqui ne
sont que flottables, il n'est dû et il n'existe ,sur
leurs bords qu'un simple marchepied ou sentier
de 13 décimètres de largeur, auquel on ne pourrait, sans une extension abusive des termes, donner
816.
�145
DU DOMAINE PUBLIC.
la dénomination de chemin de halage, chemin qui
est établi près d_es rivières navigables pour le service des chevaux, et qui doit avoir la même lar, geur qu'une grande route.
81'1. Il faut remarquer encore généralement
sur celle disposition de la loi de l'an 10, qu'elle
ne s'applique qu'aux faits qui portent quelque préjudice au service public, et qu'/elle n'a aucun rapport aux. actions qui pourraient être intentées par
des pal'liculiers dans leur intérêt privé: en sorte
que c'est toujours SUI' l'action puhlique, et rien
que sur cette action, que les conseils de préfecture
son t appelés à statuer; dès-lors, quand il s'élève des
plaintes à raison de faits ou actes qui touchent à
l'usage des canaux ct rivières navigables, la règle
générale est que c'est au conseil de préfecture à
prononcer sur toutes les contraventions qui auraient eu lieu dans ces cours d'eau ou SUI' leurs
francs·bords et chemins de halage, au détriment
de l'intérêt public; et que dans les espèces où cet
intérêt ne se trouverait point compromis, la cause
doit être renvoyée dévantles tribunaux Cl): .
.
Ainsi, lorsqu'un batelier, ou tout autre, a causé
du dommage à un pont, ou a dégradé des ouvrages
d'art construits pour l'usage de la navigation; lorsque, au mépris des réglements, l'on a commis des
dégradations sur les bords du fleuve; lorsqu'on y
(1) Voy. l'arrêt du 28 juillet 1819, dans le recueil de la jurisprudence du conseil d'état, par SIREY, t. 5 , p, 178.
TOl\'[. III.
1
10
�146
TRAITÉ
pratiqué quelques ouvrages sans autorisation;
lorsqu'on y a jeté des terres ou déblais, ou qu'on a
embarrassé les chemins de halage par des dépôts,
par des plantations ou des clôtures qui ne seraient
pas à la distance voulue par les lois; lorsqu'on s'est
permis de faire des fouilles dans ces chemins, ou
d'y pratiquer des rigoles pour opérer des prises
d'eau d'irrigation; toutes les demandes en rétablissement des lieux et en réparation des dommages doivent être poursuivies par action publique,
et ponées comme matière de grande voirie, au
conseil de préfecture en premier ressort.
818. Ainsi encore si, sans 'la permission du
gouvernement, quelqu'un construit ou reconstruit
un moulin ou toute autre usine sur le bord d'une
rivière navigable, même du côté où la navigatioll
ne s'exerce pas, ou si celui qui avait obtenu la
permission de construire ne s'est pas conformé aux
conditions qui lui avaient été prescrites, la contravention devra être déférée au conseil de préfecture,
comme on lui dénoncerait la construction d'une
maison nouvellement bâtie avec anticipation SUL'
le bord d'une grande route; et ce tribunal administratif devra ordonner la démolition du nouvel
œuvre, en condamnant le contrevenant à l'amende
de trois cents livres, par application de l'arrêt de
réglement du 27 février 1765, que nous avons
rapporté plus haut, par rapport à l'alignement des
routes (1).
il
(1) Voy.l'arrêt du 20 juin 1821, dans
MACAREL,
t. 2, p.97.
�DU DOMAlNE PlfflLIC.
147
Mais s'il s'agissait J'une. construction paisible, d epUIs
. p1us (t' une annee
" revoment consommee
lue , l'action pénale résultant de la con tra ven tion
se trouvant alors prescrite, suivant l'article 640
du Code d'instruction criminelle, ne pourrait plus
être portée devant le conseil de préfecture, et ce
serait au préfet à ordonner la démolition de l'ouvrage ou de l'édifice, conformément à l'arrêté du
directoire exécutif du 19 ventôse an 6 Ca).
819. Outre ce qu'on vient de dire relativement
aux canaux et rivières navigables, les conseils de
préfecture sont encore investis du droit de pro(a) Les voies publiques, soit terrestres, soit tluviales, étant
imprescriptibles, il est bien certain que les ouvrages tendant à
en gêner le service, et faits en contravention aux réglements,
doivent être détruits, quelle que soit leur ancienneté. C'cst
ce qu'a décidé un arrêt du conseil d'état du 6 février 1828,
qui a annulé un arrêté du couseil de préfecture de la Meuse refusant d'appliquer l'art. 7, tit. 28, de l'ordonnance de 1669,
à des riverains dont les plantations empiétaient sur le chemin de
halage de la rivière, et ce à raison de la grande ancienneté des
prétendues anticipations; le conseil d'état a décidé que du moment que les anticipations étaient constantes, elles devaient être
réprimées; -mêmes décisions en date des 13 mai 1836 (Sirey,
36-2-373) et 2 janvier 1838-( id., 38-2·226).
Voyez, au surplus, tant sur ce point quc sur les diverses
questions que peut présenter la prescription de 1'action pénale et
de la peine, ce que nous avons dit suprà, tom. 2, pag. 529 ct
sui v., et 892.
Suivant l'art. 25, tit. 32, de l'ordonnance de 1669, les
amendes pour contraventions concernaiJt les eaux et rivières
ne sc prescrivaient que par dix ans.
�148
TRAITÉ
noncer sur les contraventions commises àu détriment des ouvrages faits pour les dessèchements' de
marais et des digues construites contre les torrents
ou contre l'action des flots de la mer, pour la protection des terres adjacentes. Ce nouveau puint de
compétence sè trouve consigné dans l'article 27 de
la loi du 16 septembre 1807, portant que (( la
»conservalÎon des travaux de dessèchement,
» celle des digues contre les torrents, rivières et
» fleuves, et sur les bords des lacs et de lamer,
» est commise à l'administration. Toutes répara.
» tions et d'Ommages seront poursuivis par voie
» administrative comme pour les objets de grande
»
VOlne.
Les délits seront poursuivis par les voies 01'» dinaires, soit devant les tribuna~x de police cor») rectionneUe, soit devant les cours de justice
») criminelle, en raison des cas .. »'
Le motif de cette attribution n'est pas difficile à
apercevoir : car,' comme les con~raven tions en
ma~ière de grande voirie n'ont été déférées à la
connaissance des conseils de préfecture qu'eu égard
à l'urgence et pour que le service public n'éprouvât
aucun retard, de même ici on n'a pas dû soumettre à la lenteur des formalités de la procédure ordinaire la poursuite de réparations dans l'exécuti'on
desquelles le moindre délai pourrait être souvent
la cause des plus grands ravages.
820. Nous ne,devons pas nous borner ici à indiquer l'autorité compétente pour connaître de la
»
�DU DOMAIl'ITE PUBLIC.
..
149
répression des contraventions aux réglements de
la navigation fluviale; nous avons encore à examiner denx points sur le fond de la matière.
Le premier consiste à exposer au moins sommairementles principes d'après lesquels on doit statuer
sur les causes de cette nature; et le second à présenter le détail des condamnations qui peuvent
être prononcées par les conseils de préfecture.
821. Sur I.e premier point nous·ferons remarquer en général qu'il ne suffit pas qu'il y ait un
dommage matériel pour conclure de là que l'individu au fait duquel il est ini puté se soit nécessairement rendu passible des peines établies par les
lois: il faut dire, au contraire, qu'il doit être absous toutes les fois qu'il n'y a pas eu de sa patt une
faute suffisante, attendu que là où n'y a pas de culpabilité bien reconnue dans le prévenu, la j~lstice
ne saurait lui infliger aucune peine;
Que dans l'appPéeiation des fautes, il faut soi..
gneusement distinguer celles qui sont de commission, de celles qui ne sont que d'omission, atlend u
que les premières sont naturellement plus graves
que les au tres; qu'ainsi, autan t l'on doit être sévère à l'égard d'un individu qui a dégradé le chemin de halage par le creusage d'un fossé ou d'une
rigole pour amener les eaux. du fleuve dans son
pré, autant on devra être circonspect pom prononcer sur l'inculpation de celui auquel on reprochera
seulement quP.\qlle négligence dans l'amarrage d'.un
radeau qui, faute d'être suffisamment attaché, aura
�150
TRAITÉ
" emporte, par 1es eaux, et aura cause'd u domete
mage à quelques constructions en aval;
Que les rivières navigables étant asservies à l'usage de tous, ce n'est pas de cet usage légitimement pratiqué, màis bien seulement de l'abns
qu'on en aurait fait, qu'il faut que Je ùOOJlllage
résulte, pom qu'on soit passible de l'obligation de
le réparer: autrement il faudrait décider aussi que
les conducteurs de diligences sur les routes son t
tenus de èombler et réparer les ornières qu'ils y
ont tracées;
Que la navigation qui s'exerce sur les rivières et
les canaux n'ayant lieu que moyennant le paiement de droits perçus à chaque station par les
agents du fisc, les bateliers doivent naturellement
être tl'aités d'une manière moins sévère que s'il ne
leur en coûtait rien;
Que qnand il s'agit de faits où l'on ne voit ni
malveillance, ni faute grossière l'on doit d'antant
plus être porté à absoudre, que le gouvernement,
qui est ici le locateur, ne doit pas être admis à rejeter les frais d'entretien de la chose louée sur les
particnliers, à moins qu'il ne soit bien constant que
ceux-ci sc sont rendus cou pables de fautes d'une
notable gravité;
Que tout ce qui, dans les rivières navigables, a
. d'h orume, pour l' avantage cl e 1a
, " eta bl"1 a\ mall1
ete
voirie, est nécessairement soumis à des dégl'adatians d'autant plus promptes que les ûuvragesd'art
sont ici continuellement exposés à l'action destruc-
�DU DOMAINE PUELIC,
151
!ive des eaux; et qu'en conséquence il ne doit pas
suffire qu'une construction de cette nature, déjà
rendue caduque par la main du temps, et peut-être
affectée de vices de construction qu'on n'apercevait
pas, se trouve renversée par le choc ou le fl'Ouement d'un bateau ou d'un radeau, pour que le batelier soit aussitôt rendu responsable d'une ruine
qui était déjà imminente;
Que le batelier ou le conducteur de J'adeau,
ayant à lutter lui-même contre le torrent qui l'entraîne, n'est pas toujours maître de ses mouvemen IS;
et que, tandis qu'il est subjugué par la force majeure, il ne peut évidemment être rendu respon. sable des événemen ts.
C'est à peser toutes ces considérations de principes qu'on doit s'attacher pOlir décider les questions de voirie nautique dont il s'agit ici, et c'est
aussi dans cet esprit que'la loi romaine veut qu'elles
soient résolues.
Si, dit- elle, votre vaisseau, précipité sur ma
chaloupe, l'a brisée; et qu'il soit question de savoir
si vous devez payer le dommage qu'il m'a causé,
il faut distinguer plusieurs circonstances' : si l'événement a eu lieu par la faute du pilote ou des matelots qui pouvaient empêcher le choc, vous êtes,
tenu de m'indemniser; mais si le vaisseau a rompu
le câble qui le retenait, ou si, quand il a été entraîné contre ma chaloupe, il n'était monté ni
dirigé par personne, il ne m'est dû aucun dédommagemen t : Si navis tua impacta in meam sca-
�152
'l'MITÉ
pham damnum mihi dedit" quaesitum est an
actio mihi competeret'l Et ait Proculus : Si in
potestate nautarum fuit ne id accideret" et
culpd eorum factum sit" Lege aquilid cum
nautis agendum; .quia parvi nifét" navem
immittendo" aut servaculum ad navem ducendo" an tltd manu damnum. dederis ; quia omnibus his modis per te damno atijicior. Sed si
fune rupto" aut cùm à nullo regeretur nlLvis "
incurrisset" cum domino agendunt no./L esse (1).
822. Actuellement reste à savoil' quelles sont
les amendes et condamnations pécuniaires que les
conseils de préfecture peuvent prononcer à raison
des contraventions commises sur les canaux et
rivières na vigables, et leurs accessoires.
Ici se présentent plusieurs observations prélinunaues.
La première" c'est qu'on- doit considérer la
voirie nautique comme soumise au'x règles de police et de conservation q.ui ont été portées pOUl' la
garantie des rOlltes et le maintien de leU!' libre
usage et de leur viabilité; c'est là un point de droit
incontestable, puisque la loi du 29 floréal an 10,
statuant dans les mêmes termes et de la même
manière sur ces deux espèces de voiries, nous
renvoie pour l'une et l'autre au même 'régime de
police.
(1) L. 23, § 2, ff. ad legem aquiliam, lib. 9, tit. 2.
�DU DOMAINE PUBLIC.
823.
153
La sec.onde., c'est qu'on doit, sur cette ~
matIere comme à l'égard des routes, recourir
encore à l'application des anciens réglements,
attendu qu'une loi doit être considérée comme
ex.istante tant qu'elle n'a pas été abrogée par une
autre ou par un usage contraire et universel, et
que d'ailleurs les anciens réglements sur la voirie
out été généralement maintenus, soit par l'article
29, titre 1 de la loi du 22 juillet 1791 , soit par
la loi du 21 septembre 1792, tant qu'ils n'auront
pas été formellement abolis.
824. La troisième, c'est que dans tous les
cas où les faits de contravention aux lois ou aux
réglements ont causé quelques embarras ou encombrements dans les rivières, ou quelques dégradations matérielles sur leurs bords ou sur les chemins de halage 1 les conseils de préfecture doivent
condamner les coupables à la réparation. des lieux
endommagés.
825. La quatrième., que les chemins de halage n'étant pa.s moins rigoureusement sous la
protection des lois que les routes ordinaires, on
doit, eu ce qui les regarde spécialement, prononcer
les mêmes amendes qne celles établies par les réglements contre cenx qui, au moyen de dépôts ou
d'embarras, entraveraient la libre circulation des
voies publiques, ou qui, sans autorisation, auraient
construit ou reconstmiLquelques clôtures ou édifices sans se retirer à la distance voulue par les
lois.
er,
�154
TRAITÉ
Cela posé, et en faisant application des dispositions législatives et réglementaires que nous avons
rapportées plus haut conèernant la police de grande
voirie, il faut dire que les conseils de préfecture
doivent condamner,
1° Celui qui aurait embarrassé le chemin de
halage' par des dépôts, - à l'amende établie pal"
l'article 471, nOs 4, 5 et 15 du Code pénal;
2° Celui qui aurait enlevé les gazons, les terres
ou pierres servant à l'établissement ou à l'entretien
de ce chemin, ou des bords d'nn canal, - à
l'amende prononcée par l'article 479, nO 12 du
même Code; sauf à renvoyer encore pardevant les
tribunaux, pour l'application de l'article 401 du
Code pénal, dans le cas où il y aurait vol de matériaux d'une valeur notable, tels que ceux qui
auraient été préparés pour des ouvrages d'art;
3° Celui qui aurait coupé ou mutilé les arbres
plantés sur le terrain public le long d'un canal,à une amende triple de la valeur des arbres, conformément à l'article 43, titre 2, de la loi du 6
octobre 1791 sur la police rurale, sans préjudice de
la peine d'emprisonnement prononcée parl'article
445 du Code pénal, pour l'application de laquelle
le coupable devrait être renvoyé au tribunal de police correctionnelle;
826. 4° Celui qui aurait tiré des terres, du sable
ou autres matériaux, près d'une rivière navigable,
à unc distance moindre de I l mètres 69 centimètres, -à l'amende de cent livres établie par
�DU DOMAINE PtrnLIC.
. 155
l'article 40 du titre 27 de l'ordonnance de 1669 (1).
On devrait aussi condamner, au moins à la répara-
1
tion des lieux et de tout dommage, celui qui, attaquant le fonds du domaine public, aurait creusé
daus le lit même de la rivière, où les excavations
peuvent opérer une perturbation dans le régime
des eaux au préjudice de la navigation;
50 Celu~ qui aurait construit, sans la permission
du gouvernement, sur les bords ou dans Je lit
d'une rivière navigable, des usines, batardeaux,
écluses, gords ou pêcherie, pertuis, murs ou autres ouvrages quelconques nuisibles à la navigation,
y aurait fait des plantatioils, ou commis quelque
anticipation, - à l'amende arbitraire portée en
l'art. 42., même titre, de la prédite ordonnance,
laquelle amende peut, suivant les circonstances,
être élevée jusqu'à mille livres, d'après l'arrêt du
conseil du 24 juin 1777 (a) ;
(1) Voy. encore le commentaire de Simon, sur cet article de
l'ordonnance.
(a) Voy. le texte de ces ordonnance et arr~t, suprà, na' 688
et 694.
On a dit, au na 758 ci...dessus, que les bras non actuellement navigables d'une rivière navigable ne faisaient pas moins
partie du domaine public: il résulte de là que le conseil de préfecture est compétent pour réprimer les contraventions commises
sur ces bras; c'est ce que l'on doit induire du 2" § de l'art. l or
de la loi du 15 avril 1829, et ce qui a été jugé par un arr~t de
la Cour royale de Dijon du 2 décembre 1826, dans l'affaire
Millot contre veuve Noirot.
Mais il en serait autrement des contraventions relatives à la
partie de la rivière au-dessus du point où elle cesse d'être navi~
�156
TRAITÉ
0
7 Celui qui aurait fait des plantations d'arbres
ou des clôtures le long des chemins de halage, plus
près de 9 mètres 74 centimètres de la rivière du,
côté que les hateaux se tirent, et de 3 mètres 25
centimètres de l'autre bord, - à cinq cents livres
d'amende, indépendamment de la confiscation des
arbres ou du rétablissemen t des lieux (article 7,
titre 28, de l'ordonnance de 1669);
827. 8° Celui qui aurait jeté des ordures ou immondices ,ou ma tériaux dans la rivière, - à )a
même amende, en vertu du même article de l'ordonnance;
9 0 Celui qUI, averti et sommé par les agentsde
la police d'enlever les ordures, immondices ou
matières par lui déposées et amassées sur les quais
gable; quoique, sous un certain rapport, cette partie dépende
du domaine public, ainsi qu'il a été expliqué ci-dessus, nO' 752
et suivants, cependant elle n'est point soumise à la juridiction
des conseils de préfecture, ainsi qu'il a été jugé par arrêts
du conseil d'état des 9 novembre 1694, 19 janvier 1825 (Violet),
29 juillet 1829 (Tondu), 31 mars id. (Harpier), 19 mars 1840
(Jouannet), 1er juillet id. (V- Hacot), et de la Cour de cassation
du 23 août 1819 (Sirey, 20-1-63). Toutefois, comme ces portions de rivières Ile peuvent être abandonnées aux envahissements des voisins, les préfets, en vertu du droit de surveillance et de police qui leur appartient, aux termes des lois des
22 décembre 1789,10 janvier 1790, sect. 3, art. 2, et 12-20
août suivant, chap. 6, pourront ordonner la destruction des
barrages et autres entreprises, et, en cas d'inexécution de leur
arrêté, les contrevenants devront être traduits au tribunal de
police, qui leur fera l'application de l'art. 471, nO 15, du Cod
pénal.
�DU DOMAlNE PUBLIC.
157
et bords de la rivière, n'aurait pas obtempéré dans
les trois jours à cette injonction, - à l'amende de
cinq cents livres portée par le même article (a);
0
10
Celui qui aurait causé quelques dommages
en faisant passer ses trains ou bateaux par les
arches, et à travers les échafaudages établis dans
la rivière pour servir à la construction de quelque
ouvrage public, -à l'amende de trois cents livres
et aux dommages et intérêts compétents (1).
828. 11 0 Celui qui aurait détourné les eaux de
la rivière ou des affluents d'uu canal, - à réparer
les lieux comme usurpateur (2);
0
12 Celui qui aurait laissé dans la rivière, ou
négligé lt'enlever des dép8ts de matériaux, débris
dehaleaux, pierres, bois et autresohjets,-àl'amende de cinq cents livres (h) .
.
(a) Plusieurs arrêts du conseil d'état des 24 avril 1837, 14février 1838; 4 juillet idem, 14 janvier 1839, 19 mars et 23 juillet 1840 (Sirey, 41-2-44), décident que cette compétence n'a
pas cessé depuis la promulgation de l'art. 479 du Code pénal,
révisé en 1832; la même décision a été rendue à l'égard des
dépôts de matériaux sur les grandes routes, par arrêt de ce con~
seil du 22 août 1839 (S., 40-2-187).
Si un quai servait aussi de rue, nous croyons que les tribunaux de police seraient également compétents pour réprimer les
contraventions résultant de dépôts et d'embarras; voyez suprà,
nO 603 , t. 2, p. 888; seulement, en cas de .concurrence avec les
conseils de préfecture, ceux-ci devraient avoir la préférence.
(1 ) Voy. sous le nO 692.
(2) Voy. sous le nO 695.
Cb) Voy. sous le nO 690.
Le rouissage du chanvre étant compris dans les prohibitions
�158
TRAITé
Mais,ainsi que nous l'avons déjà ditplushaut, les
conseils de préfectlll'c doivent se eonsidérer comme
des tribunaux tout paternels; et arbitrer souvent
de l'arrêt du conseil du 24 juin 1777 (art. 4), sous peine de
500 liv d'amende, ce fait est de la compétence des conseils depr~
fecture, comme contravention de grande voirie (arrêts du conseil
d'état des 4 février 1824; Bruard, et 4 novembre suivant;
Faucher), mais non plus comme délit de pêche, l'art. 83 de la
loi du 15 avril 1829 ayant abrogé les arrêts du conseil qui le
considéraient comme tel; en sorte qu'il ne serait punissable, dans
les rivières non dépendant de la grande voirie, qu'autant qu'il
aurait été défendu, comme nuisible à la salubrité publique,
par le préfet ou par le maire, en vertu des art. 2, nO 9, sect. 3,
de la loi du 22 décembre 1789-10 janvier 1790, et 3, nO 5 ,
tit. il, de celle du 16-24 août 1790, ainsi que de l'ordonnance
royale du 5 novembre 1826, qui range le rouissage exécuté en
grand dans la classe des établissements insalubres de première
classe, bien que dans son Traité d'hygiène publique (Mém. xxv),
Parent-DucMtelet prétende que le rouissage du chanvre n'a aucune action fâcheuse sur la santé des hommes, des quadru-'
pèdes et des oiseaux, et que l'eau qui en provIent ne paraisse
pas nuire essentiellement anx poissons.
Dans le cas où Ull des riverains d'un eours d'eau navigable
ou flottable y ferait de son eôté des travaux: ayant pour effet
de rejeter le eourant sur IJautre rive, le propriétaire lésé ou
menacé devrait s'adresser au conseil de préfecture pour faire
constater et réprimer l'entreprise, et ensuite au tribunal civil,
pour obtenir la réparation du dommage souffert; ce dernier
tribunal ne serait pas plus compétent pour statuer sur la
contravention en elle-même, que le premier n'aurait qualité
pour prononcer sur les réparations civiles; l'un, en effet, ne
pouvant jamais s'immiscer dans les matières administratives;
au nombre desquelles est tout ce qui concerne les rivières navio
�DU DOMAINE PUBLIC.
159
ex aequo et hono le taux de ces diverses condamnations, d'après la nature des faits, qui varient
à l'infini; telle est la marche suivie par le conseil d'état, qui modère les amendes lorsqu'elles
lui paraissent excessives, eu égard aux circonstances atténuantes Ca).
SECTION IV.
Compétence des Tribunaux de police correctionnelle et de
justice criminelle.
829. Dans les cas que nous venons d'énumérer,
et où il s'agit d'entreprises opérant quelques lésions,
soit dans l'état matériel on la navigabilité d'un
fleuve, soit dans des ouvrages de dessèchement ou
des digues construites contre des torrents, la ri!gle
générale est que la répression doit émaner des
conseils de préfecture; et cette règle, motivée par'
l'urgence ordinaire des circonstances, a été établie
pour que le service public ne soit ni retardé ni
suspendu, comme il pourrait l'être si l'on était
obligé de recourir aux formes lentes de la procédure judiciaire (1).
gables et flottables, et l'autre n'ayant jamais à s'occuper des intérêts privés (arrtts du conseil d'état des 20 juin 1821,22 janvier 1824, 19 octobre 1825 et 15 septembre 1831, et de la Cour
royale de Dijon du 2 décembre 1826; Millot contre V· Noirot).
Ca) Cette faculté de modérer les amendes dont usait le conseil
d'état, mais qu'il refusait aux conseils de préfecture, leur a été
accordée en matière de grande voirie par la loi du 23 mars 1842.
(1) Voy. sous le nO 137.
�'160
'l'llAITÉ
Mais quelle serait aujourd'hui l'autorité compétente ponr prononcer sur l'espèce de contravention
résultant de l'article 46, litre 27, de l'ordonnance
de 1669, qui, après avoir fixé l'indemnité' due po'ur
chômage ties usines par suite de la navigation
exercée dans la rivière, ajoute: 'CC Faisant très» expresses défenses à toutes personnes d'en exi» ger davantage, i1i de retarder en aucune ma» nière la navigation et le flottgge, à peine de
» mille livres d'amende, outre les dommages et
» intérêts, frais et dépens, qui seront réglés pal'
') nos officiers des maÎlrises, sans qu'il puisse y
» être apporté aucune modération? »
Nous croyons qu'en ce cas l'action ne doit être
portée qu'au tribunal de police correctionnelle,
qui, tout en prononçant snr l'amende ~ s'il estime
'les fails assez graves pOUl' qu'elle soit encourue,
statuer~- aussi sur les dommages et intérêts que
pourraient réclamer l'es parties civiles intervenantes,
La raison en est qu'une pareille instance, quoique occasionnée par l'exercice de la navigation,
n'a cependant pour cause immédiaLe qu'une diffi·
cl1lLé personnelle élevée entre le navigateur et le
meunier; qu'elle n'a pour objet que des dommages
civils réclamés d'une part et contestés de l'autre;
qu'elle ne prenel sa source dans aucune entreprise
on construction pratiquée sur le cours d'eau, ni
dans aucune lésion du matériel de la rivière ou du
,
cana,
l el qu ' en consequence,
n ,y ayant aucune
�·
161
DU DOMAINE PUBLIC.
réparation à ordonner dans ce matériel, la cause se
trouve placée en dehors de' l'intérêt public et de
l'urgence qui sont le fondement des attributions
du conseil de préfecture.
830. Quoique, en thèse générale, toutes les
entreprises qui attaquent matériellemeot le cours
d'eau ou tendent à j'embarrasser doivent être déférées au conseil de préfecture, néanmoins, chaque
fois qu'il est démontré par les circonstances qu'elles
ne sont pas de simples contraventions, mais qu'elles
prennent un caractére de criminalité, comme, par
exemple, si elles ont eu lieu par attroupement,
révolte et violence; les conseils de préfecture ne
Joivent pas se contenterde condamnc::r aux amendes
établies par les lois, et d'ordonner la démolition
ou réparation à faire pour remettre les lieux en
bon état; i s doivent en outre renvoyer les délinquants devant les tribunaux de police correctionnelle ou de justice criminelle, snivan t la g'ravité
des espèces.
Ainsi le veulent les dernières expressions de
l'article27de laloi du 16septembre 1807 rapportées
plus haut, ainsi que l'article' 114 du décret du 16
décembre l~h 1, d'après lequel doivent être ce renn voyés à la connaissance des tribunaux les via3> lences, vols de matériaux, voies de fait, 011
,. réparations des dommages réclamés par des par3> ticuliers Ca). ,>
(a) Les dispositions de ce décret) relatives aux voies de réTOM: •.III.
11
�162
TRAITÉ
Ainsi, quoique l'enlèvement des matériaux qui
auraient été préparés pour un ouvrage d'art à établir sur le chemin de halage, ou pour faire les
réparations ou reconstructions de quelques ponts
ou écluses, soit un fait dont la répression tombe
civilement dans les attributions du tribnnal administratif, néanmoins si ~et enlèvement avait les
caractères du vol, s'il avait été frauduleusement
fait par quelqu'nn pour s'en approprier les objets,
le conseil de préfecture, tont en condamnant à la
restitution des objets enlevés et au paiement des
dommages causés, devrait encore, pour la vindicte
publique, renvoyer le délinquant pardevant les
tribunaux de justice répressive pour qu'il lui soit
fait application de rarticle 401 du Code pénal.
831. En cas de voies de fait, violence, vol de
marchandises, ustensiles et autres objets, qui auraient eu lien au préjudice des marchands, meuniers
on autres particuliers, et qui auraient été commis
pression des contraventions concernant les grandes routes ont été
étendues aux canaux et rivières navigahles par celui du 10 avril
1812, ainsi con"u : te Vu la loi du 29 floréal an 10, relative aux
" contraventions en matière de grande voirie; vu le titre 9 du dé» cret du 16 décembre 1811, prescrivant des mesures répressives
de grande voirie, nous avons décrété: - Art. 1er • Le titre!) de
» notre décret précité est applicable aux canaux, rivlëres navi» gables, ports .maritimes de commerce et travaux à la mer,
sans préjudice de tous les autres moyens de surveillance 01'» donnés par les lois et décrets, et des fonctions des agents
» qu'ils instituent., (voy. aussi les arrêts du conseil d'état des
8 mai 1822 et 2 avril 1828. - Macard, 3-504, et 10-276).
)l
)l
�DU DmrAINE PUBLIC.
'163
sur les rivières navigables, sur leurs bords, ou dans
des barques et bateaux, les prévenus doivent être
renvoyés ou traduits dil'ectement pardevant les tribunaux de police correctionnelle 011 de justice cri..:
minclle, suivant la gravité des circonstances, sans
que les conseils de préfecture aient à s'en occuper,
attendu que les faits de celle uature n'apportent
aucune lésion matérielle à la navigabilité du fleuve.
Par la même raison les délits de pêche commis
dans les rivières ou canaux navigables doivent être
renvoyés aux tribunaux de police CO'T~ctionnelle,
sans qne les cbnseils de préfecture puissent en revendiquei'l'attribution Ca).
SECTION V;
Compétellce des trihullaux civils,
832. Les tribunaux administratifs n;ayant été
ëtablis que pour prononcer sur les débats dont les
objets tiennent imtnédiateme~t à l'état matériel du
fleuve oU de ses accessoires; et se trouvent par
suiÎe placés dans les causes d'intérêt public, la
conséquence qui en résulte est que toutes les actions qui ne portent que sur des intérêts privés, et
dans la discussion desquelles l'irHérêt public n'est
pas compromis, sont nécessairement qêvolues à la
(a) L'art. 48 de la loi du 15 avril 1829, sur la pêche fluviale,
déclare formellement que: « Toutes les poursuites exercées en
II réparation de délits pour fait de pêche seront portées devant
II les tribunaux correctionnels. ,)
�164.
TRAIn:
j tlstice ordinaire,· attendu que la loi générale doit
reprendre son empire dans tont ce qui n'en est
pas spécialement excepté.
Ainsi, à supposer que, dans la rencontre de bateaux descendant et remontant le fleuve ou le canal, l'un vienne à être brisé ou endommagé par le
choc de l'autre; ou encore que des marchandises
transportées par eau se trouvent avariées, toutes
les discussions qui pourront naître de ces faits entre
les maîtres ou conducteurs de bateaux et. les propriétaires des marchandises devront être portées en
justice ordinaire, comme n'étant que dans le droit
privé des parties intéressées Ca).
833. Ainsi, lorsque, pour l'exercice du flottage ou de la navigation dans une rivière, on est
obligé d'ouvrir les portières de l'écluse d'un moulin, et de mettre par là l'usine en chÔmage, s'il
s'élève des difficultés entre le batelier et le meunicr SUI' le montant de l'indemnité due à celui-ci,
en vertu de la loi du 28jlliJ1etI824,quien règle le
(a) Cependant, dans l'affaire Pagès et Caquet, la Cour de cassation, par arrêt du 5 janvier 1839 (Sirey, 39-1~159), et le
conseil d'état, par arrêt du 15 août suivant, ont décidé qne la
mauvaise direction donnée sur la Seine à un bateau à vapeur,
qui par suite avait causé une avarie à un autre bateau, constituait un fait de la compétence du conseil de préfecture, COl;nme
contravention à la libre et sûre navigation sur les fleuves et ri,
vières navigables et flottables, et comme rentrant par suite dans
les termes de l'art. 8 d~ l'arrêt du conseil du 24 juin 1777,
bien que cependant au fond il ne s'agît que d'intérêts privés.
�DU DOMAINE PUBLIC.
165
principe, c'est en jl1stice ordinaire qn'elles devron t
être porlées, parce qu'elles ne seront ton j'ours agitées que dans l'intérêt privé des parties.
Ainsi, et pal' la même raison, c'est en justice
ordinaire que devra être portée toute action ayant
pour objet des dégâts causés sur les fonds voisins
par les navigateurs.
Ainsi encore, et toujours par le même lllotif,
c'est en justice ordinaire que devrait être formée
par le meunier, on autre mahre d'usine, toute réclamation pour dommages causés par le choc des
bateaux
radeaux aux vannes ou bâtiments de
son' moulin, ou aux écluses établies sur un bras
non navigable de la rivière , et qnine serviraient
qu'au roulement de son usine, attendu que l'inlérêt public ne serait toujours ponr rien dans les
discussions individuelles de cette 'nature.
834. Mais s'il s:agissait' de dégradations commises dans une écluse servant tout à la fois au roulement de l'usine et à l'exercice de la navigation,
c'est au conseil de préfecture que devrait être
portée l'action en indemnité, eu égard à l'indivisibilité de la cause et à la prépondérance de l'intérêt du service puhlic. Dans ce cas le montant des
adjudications devrait être emplo)'é à la réparation
du dommage, ct être versé à la caisse qui aurait
fait l'avance des frais d'exécution des travaulC, et
, s'il y avait insuffisance, le déficit devrait être supporté concurremment tal1t par le gouvc'rncment
que par le propriétaire de l'usine; chacun dans la
ou
�166
TRAITÉ
proportion fixée par les anciens réglemcn ts, ou , il
défaut d'anciens réglements, par un décret d'administration publique rendu en conseil d'état (1).
835. Enfin il faut dire que t()utes les contestations qui peuvent s'élever SUl' la revendication ou
répétition des épaves de rivières sont encore dans le
domaine des tribunaux civils, ~t que, quelle que
soit la part que le fisc puisse y prétendre, elles n'en
doivent pas moins être portées en justice ordinaire, soit parce qu'elles ont un droit de propriété
pour objet, soit parce que, suivant l'art. 2, tit. 1 er ,
de l'ordonnance de 1669, elles étaient autrefois
attribuées aux juges des maîtrises, dont l'institution fut supprimée par les décrets des 6 et 7 septembre 1790, et remplacée, en verlu du décret du
19 octobre de la même année, pal' les tribunaux
de district, aujourd'hui les tribunaux civils ùe première instance.
836. Les conseils de préfecture sont toujours
incompétents pour stat.uer sur les débats ayant le
droit de propriété pour objet; et les questions de
cette nature ne peuvent jamais être soumises qu'à
la justice civile ordinaire (2) : c'est par suite de ce
(1) Voy, à ce sujet l'arrêt du conseil du 10 janvier 1821 ,
dans MACAREL, t. 1 ~ p. 33; - les articles 2, 3 et 4 de la loi
du 14 floréal an Il; - et les articles 33 et suivants de celle
du 16 septembre 1807.
(2) Voy. l'art. 47 de la loi du 16 septembre 1807, bullet.,
t. 7, p. 138,4- série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
167
principe que, lorsqu'une rivière est déclarée navigahIe, et qu'il y a lieu en conséquence d'acquérir la
servitude du chemin de halage sur les fonds adjacents, la contestation qui s'élève entre les propriétaires riverains par rapport au point de savoir quel
est celui auquel revient l'indemnité, doit être l'en·
voyée pardevant le tribunal civil, exclusivement
compétent pour statuer sur la question préjudicielle de propriété du fonds.
837. Suivant le système de nos loisantérieul'es
à celle du 8 mars 1810, c'est pardevant les conseils
de préfecture qu'on devait procéder aLJX expertises
à faire pour fixer les indemnités ducs aux particuliers, dans tons les cas où le sacrifice de leurs
droits était exigé pour cause d'utilité publique;
mais cette loi, et, depuis, celles des 7 juillet 1833
et 3 mai 1841, ont dérogé à cette attribution de
compétence en ce qui concerne les expropriations
,d'héritages, qui aujourd'hui doivent être faites par
autorité de justice, à l'aidé d'un jury spécial; et
comme on ne doit pas étendre la dérogation alldeJà du cas auquel elle s'applique nommément,
il en résulte que, pour toules espèccsd'inclemnités
autres que celle due à raison de l'expropriation
même du fonds, l'cxpertise doit encore en être
faite pardevant les conseils de préfecture (]).
(1) Voy. la discussion de celte question, tom. 2, nO 571,
pag. 370 et suiv., ainsi que inftâ, nOS 837 et suiv. Comme
1\'1. Proudhon, nous pensons qu'il n'y a pas lieu il estimation
•
�168
TRAITÉ
Cela posé, nous allons examiner plusieurs qûes':'
tions que fait naître l'établissement de la navigation dans une rivière précédemment non navigable,
et qui concernent soit la 'création des chemins de
halage, soit la suppression d'usines.
ET D'ABORD, pour fixer l'indemnité relative à
l'établissement du chemin de halage, doit-on procéder devant un jury, conformément à la loi du
3 mai 1841 ? ou doit-on au contraire se contenter
d'une simple estimation de dommages, administrativement faite en ex~cutiQn de la loi du 16 sep·
tembre 1807 ?
C'est ce dernier parti qui est le plus conforme
au système bien entendu de notre législation, par
le motif que ces chemins ne constituant qu'une
servilllde, comme nous l'avons dit plus haut( 1), et
leur sol restant toujours dans les mains du même
maître, il sel'ait impossible de concevoir comment
il y aurait expropriation là où il n'y a pas mutation
de propriété: d'où il faut nécessairement conclure
qu'on ne saurait appliqner à cette espèce, llne loi
qui n'a. été faite que pour l'expropriation du sol
. même (a).
par le jury; mais, contrairement à son opin.ion et à celle de
Serrigny, Traité de la compétence administratil'e> nO 583,
notre avis est que l'affaire est du ressort des tribunaux civils.
1\'[.
(1) Voy.
SOl.lS
les nOS 778 et suiv.
(a) La jurisprudence est fixée en ce sens; voy. un arrêt de la
Cour' de Caen du 16 mai 1840 (Sirey> 40-2-417), et les arrêt~
�DU DOMAlNE PUBLIC.
'169
838. MAIS qlle devrait-on décider dans le cas
où, pour l'établissement du chemin de 11alage, il
serait nécessaire de démolir des murs de clôture ou
des maisons d'habitatioQ ?
Lorsqu'il ne s'agit que de supprimer des clôtures, nous croyons encore qu'il n'y a lieu qu'à
une indemnité qui doit être administrativement
fixée, parce qu'il n'y a toujours là que simple dommage sans aucune expropriation foncière proprement di~e.
Si l'on va plus loin, et qu'on démolisse une
maison d'habitation, notre avis, au contraire, est
qu'on ne peut refuser au propriétaire la protection
de la .loi du 3 mai 1841, attendu que la maison
elle-même, superficiairement considérée, est un
véritable immeuble dont la jouissance est totalement différente de celle du sol vide; qu'en conséquence sa démolition entraine une expropriation
foncière proprement dite.
839. LORsQuB, pour rendl'c Ilne rivière navigahle, il est nécessaire de supprimer des moulins
ou au tres usines, ou de les déplacer ou modifier,
et que ces usines ont une eûstence légale, l'article
48 de la loi du 16 septembre 1807 veut, ainsi 'que
l'article 545 du Code civil, que les propriétaires en
soient ind'emnisés; et cela nous ramène encore,
du conseil d'état des 25 août 1835 (S. > 35-2-538),6 mai 1836
( S., 36-2-372), 2 janvier 1838 (S. > 38.2.226), et 25 août
1841 (S., 42-2-181).
�170
TRAITÉ
sous ce poin t de vue, à la question de savoir si
cette indemnité doit être réglée judiciairement ou
administrativement.
'
Quand il y a suppression de la totalité, de la
plus grande partie, ou de la partie la plus <:'ssen- .
tieUe du moulin ou de l'usine, il nous parait évident que c'est par la voie de l'expropriation qu'on
doit procéder: car nous ne voyons aucune différence essentielle entre le cas où, pour la canalisation d'une rivière, on vicnt occuper la place des
hâtiments d'un moulin construit par un particulier
sur son propre sol, et celui où il s'agirait de s'emparer d'un champ ou d'un pré pour l'établissement
d'un canal qui serait séparé de la rivière. Il f.1Ut
donc agir de la même manière dans les deux. hypothèses, puisqu'il ya même expropriation soufferte
et même atteinte à la propriété privée dans l'inlérêt
public.
Mais s'il ne s'agissait que de q~elques modifications à opérer dans l'usine ou son cours d'eau,
comme il n'y aurait que dommage causé, sans
occupation du sol, nous cl'Oyons que l'administration aurait qualité pour ordonner l'expertise.
840. UNE AUTRE question fort importante qui
se présente encore ici à notre examen, conr.iste à
savoir si, à supposer quele propriétaire d'un fonds
adjacent à une rivière navigable, ou même tout
autre particulier, ait construit, dans son lit, une
digue ou autres ouvrages avancés, desquels il peut
résuher, par le rejel <les eaux J un dommagé pour
�DU DOMAINE PUBLIC.
171
les autres propriétaires riverains; ceux-ci n'ont pas
le droit de s'en plaindre, et quelle cstl'autorité à
laquelle ils doivent s'adresser pour obtenir le redressement des torts par eux ressentis.
Faut-il admettre une distinction entre l'hypothèse où il s'agirait d'un fleuve navigable et celle
où l'ouvrage n'amait été pratiqué que dans une
petite rivière?
Quelle distinction y aurait-il encore à faire entre
le cas où le constructeur de la digue n'aurait agi
que de sa prop.'c autorité, et celui où, au ~ontrai.·e,
il aurait obtenu la permiesion du gouvernement?
Enfin, par quel genre d'action les réclamants
pourraient-ils se pourvoir contre une entreprise de
cette nature?
Avant de passer à ces détails, commençons par
poser le principe qui gouverne la question tout
entière: principe d'autant plus incontestable, qu'il
a son fondement dans le droit naturel, et qu'il est
uniformément consacré par nos lois positives tant
anciennes que nouvelles.
ce Si les eaux de pluie ou autres" dit Domat,
' l'e d' un h"en l age a• un autl'e ,.
» ont 1eur cours reg
'»
soit par la nature du lieu, ou par quelque régle;» ment, 011 par un titre, 011 par une ancienne
» possession, les propriétaires de ces héritages ne
» peuvent rien innover à cet ancien cours: ainsi
'» celui qui a l'héritage d'en haut ne peut changer
'»
le cours de l'eau, soit en le détournant, ou le
» rendant plus rapide, on y faisant d'autres chan-
�172
TltA1TÉ
gements au préjudice du maître de l'héritage qui
» est au.dessous ; et celui de l'héritage qui est au» dessous ne peut non plus empêcher que son hél'i" tage ne reçoive l'cau qu'il doit recevoir, et de la
') manière 'qui était réglée (1). » Ces règles sont
entièrement puisées dans les lois romainês, qui généralement aecordent une action pour faire supprimer tout ouvrage à main d'homme qui, détoumant
les eau(de leur cours naturel, porterait actuellement, on même pourrait porter dans l'avenir,
préjudice aux propriétés d'autrui: I-Iaec autem
actio locum hahet in damno nonditm Jacto,
opere tamen jam jacto, hoc est, de eo opere
ex quo damnum timetur; totiesque locum hahet, quoties manujacto opere, agro aqua nocitura est; id est eitm quis manu fecerit quo
aliterflueret quàm naturd soleret; si /ortè,
ùnmittendo eam, aut majoremjecerit,aut citatiorem, aut vehementiorem, aut si, comprimendo; redundare effecerit (2). Non.seulement
il CS! défendu· au maître du fonds supérieure d'y
rien ~ntreprendre qui, relativement au cours des
eanx, aggrave la condition des héritages inférieurs;
mais de leur côté, et par réciprocité, les propriétaires de ceux-ci ne peuvent rien pratiquer dans les
leurs qni empêche on retarde l'écoulement des
»
(1) L. civiles, liv. 2, tit. 8, section 3, nO 11.
, (2) 1. 1, § 1, ff. de aguâ et aguœ pluviœ arcendœ, lib. 39,
tit. 3.
'
�DU DOMAINE PUBLIC.
1'13
'Caux au préjùJice des fonds supérieurs, attendu
que c'est l'ordre de la nature qui fait ici également
la loi aux uns et aux autres: Item sciendum est
hanc actionem vel superiori adl'ersits in/ériorem competere, ne aquam quae naturéljluat,
opere facto inhibeat per suum agrum decurrere; et inj'eriori adversits superiorem, ne
aliter aquam mittat, quàm jluere naturél
solet (1).
-841. Telles sont les dispositions des lois romaines, que Domat nous démontre avoir déjà servi
de base à l'ancienne ju.risprudence française, et
que nous trouvons exactemen t reproduites par
l'article 640 du Code civil, ainsi conçu:
(~ Les fonds inférieurs sont assujettis, envers
~) ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux
» qui en découlent naturellement sans que la main
» de l'homme y ait contribué.
,
» Le propriétaire inférieur ne peut point élever
» de digue qui empêche cet écoulement.
:» Le propriétaire supérieur ne peut rien faire
» qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »
Ainsi, d'après, soit la loi romaine, soit le Code
civil, les propriétaires ne sont obligés de souffrir la
servitude des cours d'e'au qu'autant que le fluide,
est abandonné à son écoul~mentnaturel; et chaque
fois que, par un ouvrage fait à main d'homm~, ce
(1) L. l, § 13, ff. de aquâ et aquœ plulJiœ arcendœ, lih. 39,
tit. 3.
�1'1."
TRAITÉ
cours naturel est détourné ou modifié, celui qui
ressent du préjudice de ce changement est en droit
de s'en plaindre et d'en obtenir réparation.
Une fois que nous avons acquis la c~rtitude
quÔen cette matière les principes de notre droit,
tant ancien que nouveau, ne sont que l'expression
des lois romaines, nous sommes sûrs de ne pas
nous tromper en recourant à cette source pOUl' y
puiser des règles de décision sur le fond des débats
qui peuvent naître à raison des entreprises qui
seraient pratiquées dans le lit des fleuves et rivières
au préjudice des propriétaires riverains; il ne nous
restera plus qujà ajouter quelques ùbservations sur
la forme de procéder, et snr la compétence des
autorités qui peuvent connaître de ces débats.
842. Or nous voyons que par un interdit possessoire annal, qu'il crée, le préteur défend qujon
fasse ou iju'on avance rien dans une rivière puhlique on sur la rive, qui donne à l'eau un COUl's
différent de celui qu'elle avait J'été précédeut (1) :
Ait praetor : In jlumine publico inve tipl1 ejus
jacere,aut inidjlumen ripamveejusimmitete..
quo aliter tiqua fluat qùàm priote aestatë
fluxit, veto; et que son but est de pourvoir à ce
que les rivières ne soient pas réduites à sec par de
trop grandes prises d'eau, ou qu'on n'en change
pas le cours au préjudice des voisiüs : Hoc inter-
dicto prospexitpraetor ne derivationibus nimis
(1) L'étéprécédent, parce qu'il s'agit d'un interdit possessoire.
�DU DOMAINE PunLIC,
175
concessis, flumina exarescant~ vel mutatas
alveas, vicinis injariam aliquam afferat;
que cet iuterdit est relatif aussi bien aux rivières
navigables qu'à celles qui ne le sont pas: Pertinet
'autem ad flamina puhlica, sive navigahilia'
sint, sive non sint; et que généralement il y a
lieu de le proposer pour faire enlever tout ouvra~e
opérant dans le régime des eaux un changement
qui puisse, d'une manière quelconque, apporter du
préjudice aux. rivel'ains: Et generaliter dîcendam est ita demilm interdicto quem teneri, si
mutetur aqaae cursus per hoc quodfactam est,
dilm veldepressiorvel arctiorfiat aqua,ac pel'
.hoc expeditior sit cum incommodo accolentium; et si quod aliud vitii accolae ex jacto
ejus qui conl'enitlfr sentient, interdicto locus
erit.
Il y ~ plus, c'est que celui-là même qui, agissant de bonne foi, n'a exécuté des ou~rages qne
dans la seule vue de défendre son fonds contre
]'action des eau x, est eu'core passible de i'interdit,
si ce qu'il a fait pour sa propre protection l'en voie
le choc du torrent contre d'autres propriétés qui
ne le souffraient pas auparavant: Oportet ellim
in hujusmodi rehus utilitatem et tutelam spectari sine injurid utiquè acco/arum (1).
Voilà, qU3ntau fond du droit, les principes de
(l) Vide pel' totam legem unicam, If, ne quicl in flumine puhLico J lib, 43, tit. 13.
�176
TRAITt/
la m:1lière; il nous reste à en indiquèr le-s applications propres à chacune des hypothèses dans les•
quelles la question peut se p"ésenter.
843. SUPPOSONS d'abord qu'il s'agisse d'une
rivière qui ne soit pas navigable', et au bord ou'
dans le lit de laquelle un voisin ait, de sa propre
autorité, et sans nulle permission de l'admlnistra, tion publique, pratiqué un ouvrage avancé qui,
renvoyant l'aetion des eaux contre les héritage~ üu
bord opposé, les expose à en être dégradés pai la
suite: il est incontest~bleque les propriétaires de
ce,s héritâges se;'ont bien fo'ndés à intenter contre
lui une action pour faire supprimer la cause du
danger qu'ils souffrent, puisque c'est (tu contravention à toutes les lois rapportées plus h~ut que
ce riyerain aura agi; en conséquence'ils auront le
droit de faire ordonner le rétablissement des
lieux dans leur état primitif, puisque ,-l'ipterdit du
préteur est ici restitutoire : Hoc in,terdictum res·
titutorillm est.
8,U. Mais à quelle autorité devront-ils s'adresser pour obtenir justice i'
1
Evidemme~t ce n'est pas au conseil de préfecture, et cela par deux raisons péremptoires.
?"
La première, c'est que ces conseils n'ont- été
érigés en tribunaux administratifs que pour 'prononcer sur certains intérêts publics, et jamais sur
des intérêts privés de particuliers à pa~ticuliers ~I).
(1) Voy. sous le nO 138.
�177
DU DOM.!INE PUBLIC.
Or dans le cas actuel, il ne s'agit précisément que
des intérêts privés du constructeur de la digue et
des propriétaires qui se plaignent du dommage
qu'elle leur cause, ou dont elle les menace: il n'y
a donc rien qui rentre dans la compétence de ces
.tribunaux d'exception.
La seconde ~ c'est que les attribution~ que les
conseils de préfecture ont reçnes pour prononcer
sur les entreprises faites dans les rivières l1e sont
relatives qu'aux coms d'eau navigables, parce qu'il
n'y a que ceux-ci qui fassent partie de la grande
'voirie, et que les autres y sont tont-à-fait étran' , au transport d es d enrees
'
gel's, n "l'tant pas (l
cstll1es
on marchandises.
845. L'action dont il s'agit devra donc être
'portée en justice ordinaire; mais comment poürrat-elle être pl'Oposée?
Si l'on est encore dans l'année de la construction
de la digue, ceux qui ont à s'en plaindre peuvent
agir au possessoire pardevant le juge de paix de la
situation des fonds, puisque, aux termes de l'article
3, S 2, élu Code de procédure, ce juge connah
des entreprises~su~ les cours d~eau~ commises
dans Pannée} et de toutes autres actions possessoires ( 1 ).
Si la digue n'était encore qne commencée, ct
non terminée, ceux qui redoutent le danger que
(1) Voy. encore à ce sujet, dans Je recueil de la jurisprudence
du conseil d'état par SmEY, un arrêt du 6 décembre 1820, t. 5,
p. 499,
nO 3953.
TOM. III.
12
�178
TRAITE
la cOnSlrl1cLÏon ferait naître pour eux pourraient
agir par l'acLÏon qu'on appelle dénonciation de
nouvel œuvre" qui est aussi une action possessoire,
comme l'établît très-bien Hemion de Pansey (a),
(a) Compétence des juges de paix, chap. 38. - La dénon-.
ciation de nouvel œuvre telle que l'entend ce magistrat, c'està-dire différant de la complainte ordinaire, en ce tIue d'une
part elle ne serait plus recevable, même dans l'année, après que
les ouvrages sont achevés, et d'un autre côté le juge ne pourrait
que prononcer la suspension des travaux, exisle-t-elle encore
aujourd'hui dans notre droit, et est-ce dans ce sens et sous ces
conditions que l'art. 6 de la loi du 25 mai 1838 l'a rétablie ou
consacrée?
La Cour de cassation a varié sur ce point; par arrêts des 15
mars 1826 (Sirey, 26-1-349) et 14 mars 1827 (S., 27-1-383),
elle avait d'abord décidé qu'il y avait fin de non recevoir quand
les travaux étaient terminés; mais elle est reyenue à un sentiment contraire dans ses arrêts des 22 mai 1833 (S., 33-1-353),
27 mai 1834 (S., 34-1-423), 17 juin suivant (S., 34-1-541),
28 mars et 25 juillet 1836 (S., 36-1-538), et 5 février 1838
(S., 38-1-239); aussi est-il généralement admis aujourd'hui
que la dénonciation de nomel œuvre se confond complètement
avec la complainte ordinaire; qu'en conséquence elle est recevable même après l'achèvement des travaux, et que le juge peut,
à son gré, ordonner ou leur suspension, ou même leur destruction.
Cependant n'y aurait-il pas lieu à faire une distinction?
l.orsqu'il s'agit de travaux entrepris sur le sol de celui qui
prétend en avoir la possession annale, on conçoit que les conditions de la dénonciation de nouvel œuvre ne peuvent être
autres que celles de la complainte proprement dite, et que le
jugement doit avoir la même pQrtée, parce qu'il n'y a qu'un
fait matériel à constater, celui de la jouisance annale; l'erreur
n'étant pas trop possible en pareil cas, il y a peu d'inconvénients
�DU DOMAIl'\E PUBLIC.
179
et le reconnait formellement le S 1 er de l'article 6
de la loi du 25 mai 1838; à cct effet ils devraient
tonjours s'adresser an juge de paix à l'effet d'obtenir nn jugement portant interdiction des travaux
commencés, ou défense de les continuer, attendu
le trouble causé par cette œuvre indue à la possession des propriétaires inférieurs.
Sur quoi il faut bien remarquer que, quand on
dit que celui dont l'héritage est menacé d'un dommage, ou lésé par une entreprise de cette nature,
à donner au juge un pouvoir étendu, et l'entreprise de celui qui
attente il une possession caractérisée doit être réprimée, quelque
graves 'lue soient les conséquences dc la répression.'
Mais quand les travaux, aù contraire, sont exécutés sur un
terrain dont la possession et la propriété ne sont point contestées.
à celui qui les fait, et que l'on prétend seulement qu'ils peuvent
nuire à un voisin en le privant d'un droit de servitude ou en
l'exposant à une charge ou à un dommage, alors, comme la
question ne repose plus sur un simple fait matériel à vérifier,
qu'elle consiste à en déterminer les conséquences, ordinairement
difficiles à reconnaître et à apprécier, qu'en un mot elle se corn:
plique et devient UI1 problème qui souvent ne peut se résoudre
qu'fi l'aide d'expérien.ces délicates, ne serait-il pas prudent de
n'accorder que l'action en suspension des travaux jusqu'à la décision du fond par les tribunaux civils, au lieu d'investir le juge
de paix du droit exorbitant d'ordonner une destruction dont les
suites, en cas d'erreur, peuvent être irréparables.
Aussi quelques auteurs, tout en rejetant la dénonciation de
nouvel œuvre telle que la concevait Henrion de Pansey, admettent-ils que ]e juge n'est pas dans l'obligation nécessaire d'ordonner la destruction, ce qui est ]a consacrer indirectement en
autorisant seulement un arbitraire toujours fâcheux.
�180
TRAITÉ
peut se pourvoir par voie de complaiote possessoire, cela oe supposP. pas qu'il ait la saisine 00 la
possession do fonds même sur leq,~ella digue vient
d'être commencée ou a été récemment construite,
parce que sa terre peut être fort éloignée du lieu
de construction, et qu'il est possihle que lui-même
n'y ait jamais mis les pieds; mais sa plainte au possessoire n'en est pas moins fondée, en ce que les
eaux, dont le choc lui est renvoyé ,sont l'instrument du tronble qu·on lui cause dans la possession
de son héritage endommagé ou menacé de l'être Ca).
(a) On avait prétendu dans un teù1ps que l'action possessoire
proprement.p.ite ne pouvait pns être intentée à raison du seul fait
de l'établissement par un riverain sur son fonds de l'ouvrage de
nature à nuire par la suite à l'héritage situé de l'autre côté;
qu'il fallait encore qu'il y eût trouble ou dommage actuel;
qu'auparavant on pouvait SUllS doute se pourvoir par dénonciation de nouvel œuvre, mais alors à la condition que les travaux.
seraient en cours d'exécution et non achevés; qu'en effet chaque
riverain ayant la propriété du lit de la rivière non navigable
ou flottable jusqu'au milieu du cours, l'entreprise de l'ull sur sa,
moitié n'était une atteinte à l'héritage de l'autre qu'autant que
les eaux rejetées avaient réellement et m~tériellement cnusé du
dommage. Ce système a été avec raison proscrit par un arrêt de,
la Cour de cassation du 1er décembre 1829 (Sirey, 30-1;32),
portant: " Qu'ainsi que l'enseigne la loi 1re , § 1er , ff. de aquâet
Il aquœ plulJiœ arc., l'action possessoire est admissible toutes
Il les fois qu'un ouvrage fait de main d'homme peut nuire à la
" propriété d'autrui, quoique le dommage ne soit pas encore
Il arrivé: totiens loeum habet, quotiens manufaç[o opçre agro
" aqua nocitura est. - ...... Que lors même qu'il serait vrai
Il ql!.e les riverains des rivières non flottables ou navigables sont.
�DU DOMAINE PUBLIC.
181
Et de là il résulte que, si la riviere dans laquelle
la digue a été coustruite se trouve séparative de
deux cantons, c'est pardevant le juge de paix de
la situation de l'héritage lésé qu'on doit se pourvoir, pl~isque c'est là que le trouble est causé.
846. Si celui don t le fonds est endommagé par
suite de la construction de la digue a négligé de
former sa complainte dans l'année du trouble, il
n'aura plus les avantages qu'il pouvait espérer de
sa maintenue ail possessoire; mais il pourra encore agir au pétitoire devant le tribunal de la si-
" propriétaires, chacun par moitié, du sol sur lequel elles
èoulent, cette propriété serait grevée de la servituFJ.e natuII l'elle qui dérive de la situation des lieux, et qui, au~ termes
JI de l'art. 640 du Code civil, ne peut être changée ni rendue,
JI soit directElment, soit indirectement, plus onéreuse aux auII tres riverains..•.. »
QUOiqu6 l'action soit recevable, même avant le dommage,
nous pensons av~c M. Belime, Traité du droit de possession,
n 9 358, que l'almée utile, c'est-à-dire celle après laquelle elle devrait être déclarée tardive et périmée, ne courra que du jour Oll
le dommage a él~ causé, parce que jusque là les ouvrages,
quoique exécutés, étaient en quelque sorte :c1andestins, le propriétaire voisin pouvant ignorer l'effet qu'ils produiraient et s'ils
lui seraient nuisibles ; un arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 1833 (Sirty, 33-1-321) n'est point contraire à c~ttedoctrine,
parce que, s'il a relevé ia circonstance que le ba.rrage, cause du
dommage, avait été construit dans 1'année, on ne peut en induire à contrario, qu'il eût décidé autrement si l'étaMissemellt
en eût remonlé" à une époque antérieure sans avoir causé ùe
préjudice.
II
�182
TlIAITÉ
tuation de son héritage, tant que son action ne
sera pas prescrite.
Nous disons devant le tribunal de la situation
de son héritage, pal'ce que c'est ici une action
réelle en dégrèvement de servitude. C'est ce qu'on
a.pp.elle en droit l'action négatoire, qui a toujours été classée au rang des actions réelles (1),
et à juste titre, puisque celui qui la propose ne
fait autre chose que revendiquer son fonds tout
entier ou en toute franchise et li~erté.
841. Supposons actuellement ql1e la digue ait
été construite dans une rivière navigable, et que
la construction \it encore été faite ~ans aucune
permission du gouvernement: quelle sera, dans
ce cas, l'autorité à laquelle on devra s'adresser
pour en faire ordonner la suppression?
Sans doute celui qui, agissant de son chef, se
permet de construire une digue ou t~ut autre ouvrage dans un fleuve navigable, commet une con·
travention du genre de celles dont la connaissance
est attribuée aux conseils de préfecture par la loi
du 29 floréal an 10; mais, pour envisager la ques.
tion sous tous ses points de vue , il faut distinguer
ici deux actions, l'une publique et l'autre privée.
L'action publique à laquelle le fait donne lieu
appartient à l'administration active, c'est-à-dire
au préfet, qui doit en saisir le conseil de préfecture, pour obtenir de lui, dans l'intérêt général
de la navigation, un jugement condamnant à l'a(1) Vid. Instit. , § 2, de actioni6lts.
�DU DOM.AINE PUBLIC.
183
mende établie par les lois, a\'ec suppression de
l'ouvrage.
L'action privée est celle qui appartient aux propriétaires dont les fonds sont lésés, et qui a pour
hut d'obtenir soit la réparation des dommages
qu'ils peuvent avoir déjà ressentis, soit la suppression de la canse de ceux dont ils sont menacés
dans l'avenir.
Il en est ici comme du cas de tout délit ordinaire, qui donne nécessairement lieu à deux actions : l'une publique, exercée à la requête du
procureur du roi; et l'autre privée, intentée au
nom de la partie qui a été lésée par le délit.
Ces deux actions sont; essentiellement indépendantes l'une de l'autre: car le particulier lésé est
parfaitement maître d'intenter la sienne au civil
pour l'obtention de ses dommages.intérêts; tandis que le procnreur ùn roi, s'il s'agit d'un délit
ordinaire, ou le préfet, s'il s'agit d'une con.. travention en matière de voirie, peut garder le
silence snI' l''action publique; et réciproquement
ces fonctionnairessonll'un et l'autre maîtres d'agir par l'action publique, sans que l'inaction de la
partie lésée puisse les arrêter.
Non-seulement ces deux actions peuvent être
-ouvertes indépendamment l'une de l'autre, mais
elles sont encore essentiellement distinctes dans
leur objet.
848. En cas de délit ordinaire, le procureur
du roi ne poursuit le délinquant qne dans l'intérêt
�184
TRMTli
dè la vindic,te publique, sa.ns rien pou voit, requérir
,
d'office pour dommages .et intéréts au profit'de la
partie lésée; de même, dans le -cas de l'aNion puhliql'l6 administrati~e don·t il est ici q'~estion, le
préfet ne' peut ponrsuivre le constnicteur de ta
digue que dans l'intérêt public de la navigation,
ct il n'a ni Je droit, ni la fa,culté de rien requérir
daùs l'intérê~ des particuliers qui en souffrent
quelque préjudice: agissant en sa qualité d'admi.
nistrateur, il n'est chargé qne de Fadministra"tion
de la chose publique, et non de celle de la fortume
de ces particuliers, dont il n'est point le mandadataire.
. Cependant cette comparaison n'est pas encore
parfaiteme~t exacte, et il y a ici une différence
essentielle à noter, sous le rapport de la compétence, entre le cas où la poursuite par action publique est exercée en justice ordinaire, et celui où
elle a lieu pardevânt le tribunal admil1Ïstratif.
Dâns le 1 er, en effet, ceux qui ont été lésés par
un délit peuvent intervenir dans l'a cause pour
requérir, contr~ les délinquants, une condamnation à la réparation des dommages etintérèts qu'ils
ont soufferts, et alors les juges qui prononcent sur
la vindicte publique sont autorisés par la loi à
statuer aussi, comme juges civils, SIlI' la demande
,-queccs intervenants viennent leur soumettre pour
. obtenir l'indemnité qui lem' est due; tanùis qu'en
{a-i-t de contraventions dont l'action en répression
doit être portée devant les conseils de préfecture,
�DU DOMAINE PUBLIC.
185
les particuliers qui en ont souffert du dommage ne
seraient jlJllla' s fondés à y in tervenir incidemment
à l'acbion publique pour demander l'indemnité qui
leur est dqe , puisqne ces tribunaux administr\ltifs
n'ontlé~é établis que ponr statuer sur des inté.rêts
publics, et que, c6nfinés dans Jes limites de leur
institution, ils n'onf.:'jamais le droit de prononçer
sur des io lérêts privés de particulier à particulier (1).
-849. Ces principes une fois posés, revenons à
notre question.
U oe digne, ou tout autre ouvrage à main
d'homme a été construit dans Je lit d'un fleuve
navigable; les propriétaires des fonds riverains
ep ressentent ou en ont à craindre du préjudice:
que peuvent-ils faire pour obtenir réparation eu
sécurité?
Sans doute ces particuliers peuvent dénoncer le
fait au préfet, qui, à son tOt!r, pourra requérir un
arrêté du conseil de préfecture pOllr faire démolir
l'ouvrage: et alors de deux choses l'une, ou il n'y
a point encore de dommage physiquement causé
à Jeurs fonds, et dans cette hypothèse tout sera
terminé par l'arrêté du tribunal administratif; ou
le choc des eaux renvoyé conlre leurs héritages les
aura déjà endommagés, et dans ce second cas ils
auront une action en indemnité à intenter conjre
le constructeur; action qu'ils ne pourront porter
(1) Voy. suprà, sous le nO 138.
�TRAITÉ
186
qu'en justice ordinaire, puisque nous venons de
dire que les conseils de préfectUl'e étaient incompétents pour statuer sur les intérêts privés.
850. Mais il est possible que le préfet garde le
silence sur la dénonciation qui lui aura été adressée, parce que, par exemple, l'ouvrage ne portera
aucun préjudice à l'état actuel de la navigation, à
raison de ce qu'il ama été pratiqué dans un bras
non uavigable de la rivière, qui néanmoins ne laisse
pas de faire partie du domaine public, ainsi qu'on
l'a établi plus haut (1).
La dénonciation adressée au préfet par des propriétaires lésés n'est donc pas un moyen infaillible
pour eux d'obtenir justice. Cependant il est indispensable qu'ils en aient un, parce qu'ils ne peuvent
être obligés de supporter gratuitement le dommage
qui leur est causé par un fait illicite. Ici donc se
représente la question de savoir si ces propriétaires
ne doivent pas avoir la faculté d'invoquer directement la protection de la justice ordinaire contre le
constructeur, pour faire interdire l'ouvrage on en
ordonner la démolition?
Nous croyons que cette question doit être décidée dans un sens affirmatif, et que même on doit
dire que, sans adresser à l'autorité administrative
auoune dénonciation ni demande préalable, les
propriétaires lésés ont le droit de porter directemént leur action pardevant le tribunal de la situa-
(1) Voy. sous le nO 758.
�DU DOMAINE PUBUC.
187
tion de leur fonds, pour agir en démolition J contr~ le.constructeur, par les mêmes voies et de la
même manière que s'il n'était question que d'une
digue pratiquée dans un ruisseau ou dans une rivière non navigable.
Et d'abord il est certain que, quant aufimd,
les droits des parties sont absolument les mêmes,
attendu qu'il n'est pas plus permis d'abuser d,'un
lieu public que d'un fonds privé pour causer du
préjudice à autrui: Adversùs eam qui molem in
mare p'rojecit, interdictum utile competit ei cui
fortè res nocitura sit (1) ; que la construction,
ayant été faite ou entreprise saus l'autorisation du
gouvernement J ne peut être qu'un acte illicite;
que l'o,n ne conçoit point comment celui qui reçoit un dommage par suite d'un pareil fait n'aurait
pas le droit d'en demander lui-même la réparation; et que, soit qu'il s'agisse d'un fleuve navi-gable ou d'un simple ruisseau, la loi veut généralement, et sans exception, que les propriétaires
des héritages inférieurs ne soient soumis à en supporter la servitude qu'autant que le cours n'en a
été- détourné par aucun ouvrage exécuté à main
d'homme.
,851. Sous le rapport de la compétence judiciaire, il faut bie.n remarquer que, du moment
que la lésiou don t on se plaint n'est ni la conséquence d'une décision administrative, ni l'effet
(1) L. 2, § 8, lI. ne lJuid in loco puhlico, lib. 43, tit. 8.
�188
TRÂITÉ
d'un acte autorisé par l'administration, et qu'elle
n'a au contrail'e pour eanse qu'un fait illicite,
l'action à intentel' par ceux qui en souffrent ne doit
être qu'un~ action privée qui reste nécessairement
dans les attributions des tribunaux ordinaires;
Que, ne s'agissant point de l'action publique à
intenter dans l'intérêt de la voirie ou de la navigahilité du fleuve, mais d'une action purement
privée sur des intérêts de particulier à particulier,
l'administration publique ne peut avoir à s'en mê1er; qq'y fût-elle intéressée, son silence, en tous
cas, ne saur~it paralyser l'action des parties lé·
sées;
, 'Qu'enfin il faut bien que ceux qui souffl'ent le
dommage; et qui le'souffrent injustement, aient
le droit de s'adresser à une autorité quelconque'
pour en obtenir la réparaÎion. Or cette autorité ne
pent pas être le conseil de préfecture, puisque ce
tribunal administl'atif n'est compétent pour prononcer que sur l'action publique par rapport aux
lésions apportées à la navigabilité de la rivière, et
nullement sur aucun débat d'intérêt privé de particulier à particuliel', à tel point que, comme on'
l'a déjà dit, s'il était saisi, à requête dn préfet, de
la-connaissance de la contraven tion cle voirie, il ne
pourrait pas même ,recevoir l'intervention des propriétaires lésés pour statuer sur leurs réclama tions
en dommages et intérêts contre le constructeur de
la digue. Il faut donc tenir pom constant, ct la
nécessité des choses nous ramène à dire que c'est
�189
DU DO:.\lAŒE PlffiLiC.
en justice ordiuaire seulement que la question
d'indemnité et de destruction de la digue doit
êLre porLée à requête des propriétaires lésés (a).
(a) Nonobstant ces raisons, nous ne saurions partage!'" l'avis
de M. Proudhon sur la question de compétence; les rivières
navigable~ ou flottables étant exclusivement placées SOl].S la
surveillance des C(lrps administratifs, l'autorité judiciaire ne
peut s;immiscer en aucune manière dans tout ce qui concerne
leur état matériel, soit en prescrivant, soit en défendant des trava,ux dans leur lit ou sur leurs bords; autrement ce seraient les
tribunaux qui les gouverneraient. En cas d'entreprises faites p'lr
un des riverains, et portant préjudice au voisin opposé, celui·ci
doit, comme on l'a dit snprà, pag. 158, à la Ilote, se pourvoir
devant le conseil de préfecture pour en faire ordonner la S'Uppression; après quoi, et pour obtenir la réparation pécunia;re du
dommage qu'il aura éprouvé et qu'il ne pourrait demander au
tribunal administratif, il devra s'adresser aux tribunaux civils.
TeHe est la marche qui résulte d~ la jurisprudence, notamment
de l'arrêt de la Cour de nijon du ~ décembre 1826 ( Millot
c. veuve Noirot) déjà cité, ainsi que des arrêts du conseil d'élaf
des 20 juill. 1821 (de Lescaille); 2'2 janvier 1824 (Hache);
19 octobre 1825 (de Château-Renard), et 15 septembre 183-1
( Bertrand).
Cependant si la partie lésée, sans conclure à la suppression
des travaux, se bornait à demander des dommages-intérêts
pour le préjudice par eHe ressenti, comme la décision n inter..
venir n'aurait et ne pourrait avoir aucun effet sur l'état mâtériel
de la rivière, rien ne s'opposerait à ce qlJe, dans ces termlls;
l'action fût intentée devant les tribunaux civils, qui n'aura~e~t à
s'occuper que d'une question de dommages résultant de ;. t~
1382 du Cod. civ. et dont le jugement ne porterait,., en aucune
manière, sur un des objets exclusivement COTJü'é~ à l'adm"inrI~~
)
'.
,
On ne pourrait concevoir quelques- doutes qlle dans 'lé" as
�1~O
TRAITt
852 (a). La circonstance qu'il s;agit, au cas' ac~
tnel, d'un ouvrage pratiqué dans le lit d'un fleuve
public, n'est d'aucune considéralion, par le motif'
qu'on ne peut rien faire dans un lieu public quelconque au préjudice des propriélaires riverains,sans
qu'il y ait préalablement cause d'utilité publique
reconnue par l'administration, et indemnité assu,
., .
'
,
.
ree a ces proprietaIres: car aulrement tout parlIculier qui souffre du dommage d'une telle constmction est autorisé à recourir à la justice pour en faire
cesserl'en treprise : Propier quod" si'quod fortè
.
opus in pithlico fiet ,. quod ad privati damnum
redundet, prohibitorio iizterdicto potest conveniri" propter quam rem hoc interdictum propositum est (1); et la corn pétence de la justice
ordinaire est d'autant plus certaine, que, tout
ouvrage public, même ordonné par le gouvernement, mais dont l'exécution peut porler atteinte
où les dommages-intérêts ne seraient pas seulement réclamés à
titre de réparation d'un préjudice consommé et d'après l'estimation exacte qui en serait faite, mais où, prenant un caractère
pénal, ils seraient" fixés à l'avance à un taux arbitraire et comme
moyen coërcitif pour forcer le condamné à s'exécuter. Cependant il n'y aurait encore dans ce cas que simple condamnation
pécuniaire rentrant dans les attributions de l'autorité judiciaire,
ainsi que l'a décidé la Cour de Dijon, dans diverses affaires relatives à ~es manufactures incommodes; voy. suprà> la note
sous le n" 133, tom. 1er , p. 151.
No 853 de la 1re édition.
(1) L. 2, § 2 , if. ne quid in loco publico > lib. 43, tit. 8.
(a)
�DU DOMAINE PUBUC.
19t'
au droit de propriété des citoyens, nécessite au
préalable une enquête de commodo et incommodo, pour constater, à l'égard de tous les intéressés, la cause d'utilité publique; que, si l'on a
manqué aux formalités prescrites à ce sujet, les
art. lb de la loi du S mars 1810, et 14 de celle
du 3 mai 1841, permettent à ceux qui se croient
lésés de s'adresser aux tribunaux (1) pour faire
interdire les travaux jusqu'à ce qu'on ait légalement procédé avec eux, et qu'ils aient pu faire
entendre leurs réclamations. A plus forte raison
doit-il en être de même dans le cas qui nous
occupe, où il ne s'agit que de la répression d'une
entreprise faité sans autorisation, et qui dès-lors
est absolument illicite par elle-même.
853 (a). Qllan~ à l'espé'ce d'action ouverte à
ces propriéraires, on doit dire que, durant l'année
du trouble, ils peuvent d'abord agir au possessoire,
ou si les travaux ne sont pas entièrement achevés,
en dénonciation de nouvel œuvre, conformément
à l'article 3, 52, du Code de procédure, auS 1 er
de l'art. 6 de la loi du 25 mai 1 ()38, et à la loi l ,
S 17, ff. de operis novi nuntiatione, dont la
disposition, comme l'établit Henrion de Pansey;
a toujours été admise dans le droit français: Nuntiamus autem, porte-t-elle, quia jus aliquod
prohibendi habemus, vel ut damni infecti
(1) VO}·. nO 598, tom 2, pag. 872 et su1v.
(a) N" 852 deJa 1re édition.
�192
TRAITÉ
caveatur nobis ab eo qui fortè in publico veZ
in privato quid molitur: aut si quid contra
leges edictave principum, quae ad modum
aedificiorum {acta sunt,,!iet: veZ in sacra, veZ
in loco religioso, vel in publico, ripdve fluminis, quibus ex causis et interdicta propo- .
nuntur.
Ensuite si les parties intéressées ne se sont pas
pourvues daus l'année du trouble, elles peuven t
encore agir au pétitoire tant que leur acLÏon n'cst
pas prescrite; et le tribunal civil sera compétent
pour statuer sur lem demande en démolition de
l'ouvrage, parce que, comme on l'a dit, il n'aura
toujours, même snI' ce chef, qu'à décider une
question d'intérêt privé, et nl1l1em~nt à prononcer
sur l'action publique relative à la navigabilité du
fleuve.
854. MAIS que faudrait-il décider dans l'hypothèse où la digue aurait été construite avec la
permission ou par les ordres du gouvernement, et
après l'accomplissement de toutes les formalités de
l'enquête de commodo et incommodo?
Certainement les propriétaires dont les fonds
seraient ainsi mis en danger d'être entamés pal'
l'action des eaux pourraient bien réclamer contre
la mesure autorisée par le décret du prince; mais
ils n'auraient pour cela aucune action à intenter en
jnslice ordinaire, ni même devant l'administration
par voie contentieuse, parce que les actes de la
puissance exécutive ne sont soumis ni à la juridic-
�DU DOMAINE PUBLIC.
193
tion des tribunaux ordinaires, ni à celle des tribu~aux administratifs: ils ne pourraient qu'employer
par l'intermédiaire du préfet et du ministre la voie
de la supplique au roi ell son conseil, comité de
l'intérieur, afin d'éclairer sa religion, et d'obtenir
le rapport de sa première décision, en lui démontrant son erreur.
Mais si, malgré les motifs Md nits, le décret ét~it
maintenu, il Y aurait alors un droit d'indemnité
acquis au propriétaire qui en )'essentirait du dommage, par la raison que, aux termes de l'art. 640
du Code civil, les fonds inférieurs ne sont assujettis, e,nvers ceux qui sont plus élevés', à recevoir
les eaux qui en dérivent qu'an tant qu'elles en découlent naturellement, et sans que la main de
l'homme y ait contribué; cette indemnité serait à
la charge du gouvernement si les travaux avaient
.pour cause l'utilité publique; elle devrait au contraire être supportée pa'r le particulier qui profiterait de leur exécution s'ils avaient été autorisés
daus son intérêt personnel, par exemple pour l'étahlissement d'un moulin ()u antre usine, dont le
droit lui aurait été concédé, puisque l'innovation
opérée dans les lieux serait entièrement à son
avantage.
855. A ce sujet il
présent<:: encore ici la
question de savoir si c'est devant le conseil de préfecture, ou en justice ordinaire que devrait être
'réglé Je montant de l'indemnité.
Cette question ne nons paraît susceptible d'auTmi. m.
13
se
•
�19"-
TRAITÉ
cun doute au cas où la digue n'aurait été permise
que dans l'intérêld'un particulier pour la construction d'une usine: car, le litige ne portant alors·
que sur des intérêts privés, il est évident que c'est
devant la justice ordinaire que les parties devraient
se relÏrer pour y faire statuer sur le montant. des
dédommagements réclamés par les propriétaires des
fonds inférieurs•
Et, attendu qu'il ne s'agirait toujours que d'uue
indemnité due à ces propriétaires, sans qu'il y ait
expropriation de leurs héritages , c'est au conseil
de préfecture que l'expertise devrait être faite, en
procédant vis-à-vis du gouvernement, dans le cas
où la digue aurait été construite, par ses ordres,
pour cause d'utilité publique.
.
�DU DOMAINE PUBLIC.
195
CHAPITRE XL.
Des grandes rivières qui ne 'sont que flottahles (a).
Ce chapitre sera divisé en cinq sections, don t
voici les objets:
0
1
Nous présenterons des notions générales sur
l'élat matériel des rivières qui ne sont que floua.bles, et sur les différences qui les distinguent des
rivières navigables;
(a) Avant le 16" siècle, le hois nécessaire à la consommation
de Paris n'y était point amené par le flottage; il Y était conduit
par voitures ou par bateaux que l'on chargeait sur les ports de
Clamecy, Collange et Château-Censoy ; une ordonnance rendue
au parlement de Paris, le 31 juillet 1521 ; prouve que ce made
de transport était seul usité. Ce fut un bourgeois de Paris,
nommé Jean ROUVET, qui imagina en 1549 de rassembler les
eaux de plusieurs ruisseaux et rivières non navigables du
Morvant, d'y jeter les bois coupés dans les fo'rêts les plus éloignées; de les faire descendre ainsi jusqu'aux grandes rivières,
là, d'en former des trains et de les amener à flot et sans bateaux
jusqu'aux chantiers de la capitale; son invention regardée
comme impraticable avant l'exécution, ne reçut toitl le perfectionnement dont elle était susceptible qu'en 1566, par Réné
Arnoul. Pour reconnaître ce service, la ville de Clamecy a fait
placer, il ya quelques années, le buste de Rouvetsur im de scs
ponts. - M. Frédéric Moreau, syndic du commerce des bois'
de Paris, vient de pl~blier en un vol. in-8°, orné de lithographies, une Histoire du flottage en trains J comprenant celle de
Jean Rouvet et des principaux flotteurs anciens et modernes.
�196
TRAITÉ
2° En nons reportant à la législation ancienne,
nons examinerons qnels étaient alors soit les règles
de police, soit l'état de domanialité de ces rivières
du second ordre, et nous montrerons les conséquences qu'on doit tirer des changements opérés
par nos lois nouvelles;
3° Nous verrons comment, d'après l'état actuel
de notre législation, il doit être pourvu aux frais
d'entretien de ces rivières;
4.0 Nous dirons quelle est la nature et l'étendue du marchepied qui est dû sur leurs hords;
5° Enfin nôus indiquerons quelles sont les autOl,ités compétentes pour connaître des difficultés
qui peuvent s'élever sur la nature et l'usage de ces
mêmes rivières.
SECTION PREMIÈRE.
Notions ·gén.érales sur l'état> l'usage et la classification des
riIJlëres qui ne sont que flottahlt!,j.
856. Les rivières simplement flottables sont
celles qui, sans porter bateaux q.~·leur fond, servent
néanmoins à transporter le bois soit en trains ou
radeaux, soit à bûches perdues. On doit ranger
aussi dans ceLLe catégorie les simples ruisseaux,
lorsqu'ils sont affectés au même usage public.
Ce mode de transport est, sous trois points de
vue, essentiellement diffërent de celui qui s'exerce
par la navigation.
D'abord il ne sert que pour les choses, tandis
que la navigation est également employée pour les
personnes.
�DU DOM.AINE l'UBLIC.
197
En second lieu, le flottage ne se pratique en
général qu'en descendant le cours de l'eau, tandis.
que la navigation s'exerce indistinctement soit en
remontant, soit en descendant.
Enfin, on ne flolle que du bois dont la substance ne s'aval,ie pas ou ne s'avarie que peu par le
contact de l'eau, ~andis qu'on peut impunément
transporter en bateaux toutes sortes de denrées et
de marchandises.
Le flottage n'est donc que d'une utilité bien inférieure à celle de la navigation, et c'est pal' cette
considération que les mesures de police relatives
aux rivières sur lesquelles il s'exerce, ne sont ni
aussi étendues ni aussi rigoureuses que celles concernant les rivières navigables, comme nous le
ferons voir ci-après.
La position d'une 'rivière peut être· telle qne sa
mise en état de navigation n'offre qu'un faible intérêt, soit par rapport aux difficultés qui seraient
_à vaiJ;lcre, soit parce qu'elfe tl'averse des régions
en quelque sorte désertes, oùil n~y a pas de commerce, et avec lesquelles de-s moyens de grande
communication seraient saDS avantage réel pour
le public; mais il est peu de pays où la flottabilité
des rivières ne doive être utile, puisqu'elle sert à
la descente des bois qui s'exploitent sur les montagnes.
C'est ainsi que les ressources et les besoins des
localités, non moins que la consistance el la force
des cours d'eau, conduisent naturellement à les
�198
TRAITÉ
classer en rivières navigables et en nVIeres seulement flottahles; de même que les voies de com
mnnication par terre se divisent', d'après leur importance, en grandes rOUleS et en chemins d'un
ordre inférieur.
857. Il est essentiel de remarquer que les rivières flottables doivent être rangées dans deux.
classes très-distinctes: la première comprenanlles
cours d'eau où le floltage s'exerce par trains ou radeaux. , et la seconde ceux où il ne se pratique qu'a
hûches perdues.
On entend ici par trains, ou trains de bois J
les groupes ou faisceaux Je pièces de bois de 10ngueUI' plus ou moins grande, et réunies les unes
aux. au tres ·par des perches et des liens, afin qu'on
puisse les surveillel' ensemble comme on ferait
d'un corps unique lancé à flot.
Le mot de radeayx s'applique plus spécialement anx. trains composés de grands bois de char•
\
pente ou de mature.
Il est aisé de comprendre que cette espèce de
flottage ne pent s'exercer que dans les grandes rivières, où le volume des eaux est partout suffisant
pOUl' porter à flot les trains et radeaux, et dans le
lit desquelles on ne trouve ùi cascades ni rochers
qui embarrassent le cours d'eau.
858. Le flottage s'exerce à. btiches perdues J
10l'squ'on lance en rivière, bûche à bûche, des
bois de corde ou de moule, destinés au chauffage,
pour les faire dp.scendre jusqu'aux ports où l'on a
H
�DU DOMAINE PUBLIC.
199
construit des arrêts propres à retenir la flotte tandis qu'on la relire de l'eau.
On voit par là que cette derniere espèce de flottage peut être pratiquée sur toutes sortes de rivières, même sur des torrents el de simples ruisseaux, pourvu qu'il y ait un volume d'eau suffisant
pour supporter et entrainer des bûches qui ont
déjà reçu un certain degré de dessiccation; quoique les cascades ou les rochers qu'on trouve dans
le cours d'eau puissent causer quelques embarras
aux ouvriers qui suivent la flotte, pour rejeter à
flot les bûches qui s'arrêtent, cela n'empêche toujours pas que la rivière ou le ruisseau ne soit flottable à bûches perdues.
Les rivières navigables sont en même temps, et
à plus forte raison, flottables. A partir du point où
elles commencent à porter bateaux, on doit lem
appliquer toutes les règles de police dont nous
avons parlé dans les chapitres qui précède.nt, puisqu'elles sont en état de navigabilité; ct si dans la
partie supérieure à ce point elles servent ~éjà au
flottage, on doit, pour l'usage de cette partie,
suivre les règles dont nous avons à traiter dans le
présent chapitre.
Mais quoique les rivières qui sont navigables
soient à plus forte raison flottables, il faut observer toutefois que le flottage à bûches perdues peut
y être interdit par l'autorité administl'ative, eu
égard aux embarras qu'il pourrait causer dans l'exercice de la navigation et le libre usage des écluses.
�200
TRAITÉ
859. Parmi les dispositions législatives qui
avaient assimilé les rivières flottables aux rivières
navigables, pour les comprendre, les unes et les
antres, dans Je domaine public, aucune, avant la
loi du 15 avril 1~h9 sur la pêche fluviale, n'avait
bien défini ce qu'on doit entendre par le genre de
flottage nécessaire pour rendre publique la rivière
qui y est cm ploj'ée; niais l'article 1 er de ~ette loi
ne laisse plus aucun doute à cet égard; il porte:
cc Le droit de pêche est exercé au profit de l'état,
:» dans tous les fleu,ves, rivières, canaux et contre» fossés navigables ou flottables, avec bateaux,
» trains ou radeaux, et dont l'entretien eS,là la
» charge de l'état ou de ses ayant-cause. »
Il est dait"ement décidé par là qu'en ce qui regarde les ri~ières flottables, il n'y a que celles sur
lesquelles le flottage s'exerce avec trains et radeaux,
qui appartiennent, sous tous les rapports, an domaine public,. puisqu'il n'va, outre les fleuves
navigabl~s, que les rivières où le flottage s'exerce
de celte manière, cians, lesquelles la pêche ait lien
au profit de l'état; comme il n'y a qu'clles encore
dont les frais d'enlrelien soient à la charge du trésor public; et c'est ainsi que l'a expliqué le conseiller d'état Favard de Langlade, en présentant,
au nom du gouvernement, le projet de cette loi à
la chambl'e des députés. cc Vous remarquerez, mes:.
» sieurs, disait-il, que le projet ne se borne pas
» aux seules expressions de rivières navigahles ou
» flottables, qui ne présentent point une idée assez
J
�DU DOMAINE PUBUC.
201
précise; qu'il indique avec netteté le mode de
navigabilité ou de flottage. n
860. Comme nous l'avons dit, il Ya donc deux
espèces bien distinctes de rivières flottables :
La première comprend celles sur lesquelles le
flottage s'exerce par grosses masses de bois réunis
et enlacés en trains ou radeaux; et elle appartient,
sous lous ses rapports, au domaine public, comme
s'il s'ngissait de ri vières navigables (a) ;
La seconde s'appliqlle aux: rivières,. ou même
~ux gros ruisseaux, qui ne sont flottables qu'à
bûches perdues; ct cette dernière classe reste,
quant à tous ses usages, excepté celui 'de la flottabilité, dans le domaine privé des propriétaires ,rivel'ains qui sont, par réciprocité, chargés des impenses d'entretien de ces sortes de rivières, ainsi
qUe:) nous le verrons plus bas dans un autre chapitre.
Ce n'est qu'en passant que nous parlons ici du
flottage à bûches perdues; nous y reviendrons en
traitant des petites rivières, et là nous exposerons,
clan,s un chapitre spécial, les intéressantes questions auxquelles l'exercice de cet usage public des
conrs d'eau peut donner lieu.
»
n
Ca) Naviglï appellatione etiam rates continentur quia plerllmque et ratium llSU!S necessarius est. L. 1, § 14, ff. de flllm.
- Cependant M. Proudhon pense que les contraventions commis~s sur ces rivières ne sont pas du ressort de la justice administrative; voy. les nO' 292,816,875 à 886 inclusivement, e
pOUl' l'avis contraire, la note sous le nO 875.
�202
TRAITÉ
SECTION II.
Du régime de police et de domanialité des ripières flottables
sous ancienne législation, ct des conséquences à tirer des
changements opérés depuis dans leur état par nos lois noupelles.
r
861. Remarquons d'abord qu'en ce qui concerne la pêche seulement, le droit en était classé
au rang des droits seigneuriaux ou féodaux SUl'
toutes les rivières autres que les rivières navigables,
et par conséquent sm'les rivières qui n'étaient que
flottables; que dans la plupart des pays de droit
écrit, et encore sous plusieurs des anciennes coutumes, la pêche était dévolue au seigneur hautjusticier, à l'exclusion du seigneur du fief; mais
que, sous Jes coutumes qui ne contenaient pas de
semblables dispositions, on regardait le droit de
pêche comme un dl'Oit de fief appartenant au seigneur féodal du cours d'eau, quoique la justice
territoriale appartint à un autre seigneur (1).
Aujourd'hui le droit de pêche n'appartient plus
qu'à l'état sur les rivières flottables, comme sur
les rivières navigables; et dans toutes les autres,
ce sont les propriétaires riverains qui. en jouissent
exclusivement, comme nous l'expliquerons ailleurs.
Nous ferons seulement remarquer encore ici
que, la pêche n'étant qu'un droit de police honorifique entre les mains des anGiens seigneurs, il
(1) Voy. dans le répertoire, au mot PÊCHE, section 1 , § 1.
�DU DOMAINE PUBLIC.
203
n'y a aucune conséquence à en tirer pour conclure qu'ils dussent avoir alors la domanialité des
rivières flottables; comme de ce qu'ils avaient exclusivement le droit de chasse dans l'étendue de
leurs fiefs, on ne pourrait pas en induire qu'ils
devaient être propriétaires, ou qu'ils avaient le
domaine de tons les fonds qui y étaient situés.
862. En ce qui tient à l'administration, et
abstraction faite de toute usurpation de la part des
seigneurs, on doit dire qu'avant la révolution de
1789 les rivières flottables n'étaient déjà pas des
rivières seigneuriales, ct qu'elles restaient entièrement soumises à la juridiction royale et à la surveillance du gouvernement.
On sent sur-le-champ qu'il devait en être ainsi,
eu égard au service public auquel ces rivières sont
civilement consacrées et dont l'exercice ne peut
être efficacement protégé que par la puissance
du gouvernement.
Mais, outre cette preuve iÏrée de la nature
même des choses, la vérité de notre proposition
ressort encore des dispositions multipliées par lesquelles l'ordonnance de 1669 avait pourvu à tout
ce qui concerne l'administration et la police des
rivières qui ne sont que flottables, en les assimilant, sous ce double point de vue, aux rivières
navigables.
Aux termes de l'article 3, titre 1 er , toutes les
actions concemant les entreprises et prétentions
sur les rivières navigahles etjlottahles ~ à raison
�,204.
TRAITÉ
. tant de la navigation etflottage que des droits de
pêche, passage, pontonage et autres, sont placées
dans les attributions et compétences exclusives des
tribunaux de la maîtrise des eaux et forêts.
D'après l'article 23, titre 3, de la même ordonnance, les officiers de la maîtrise sont chargés de
visiter les rivières navigables et flottables" pour
connaître s"il y a des entreprises ou usurpations qui puissent emp~cher la navigation ou
le flottage" et y ~tre par eux pourvu in,cessamment" en faisallt rendre le cours d"eau
des rivières Lihre et sans . aucun emp~
chement.
L'article 43, titre 277 porte que tous ceux qui
auraient hâti des moulins ou fail d'autres construc-,
tions sur les rivières flottables, comme sur les rivières navigables, sans en avoir ohtenu la permission du roi, doivent être condamnés à les démolir
et enlever. Enfin, par l'article suivant, il est égale'ment défendu de faire aux bords des rivières navigable~u flottables des prises d'eau qui tendraient
à en affaiblir le cours ou à en altérer les rivages.
\. 863. Deux choses résultent de l'ensemble de
ces dispositions.
L'une, qu'avant la révolution de 1789, toutes
-les actions ayant pour ohjet la police de répression
pour contraventions ou délits commis dans les rivières flottables ou su'r leurs bords, au préjudice
du bon ordre et du service public, étaie,nt exclusivement dnns les attributions des tribunaux de la
�DU DOMAINE PUBLIC.
205
maîtrise des eaux et forêts; et ce point de compétence est très-important pour la solution d'une
grave difficulté qui sera examinée ci.après.
L'autre, que tout ce qui concerne la policé et
l'administration des rivières flottables était déjà,
comme aujourd'hui, directement et immédiatement placé dans les mains des officiers préposés
par le roi, et ce avec raison, parce que le gouvernement ne peut cesser d'être chargé de pourvoir à
l'exercice de tous les services publics.
Ainsi, ,et sous le double point de vue de la
juridiction el de l'administration, les rivières flottables n'ont jamais dû être assimilées aux rivières
seigneuriales, et c'est en toute justice que le directoire exécutif avait, par son arrêté du 19 ventôse an VI (1), ordonné aux administrations départementales de faire démolir tous les moulins ou
autres établissements élevés sans titre sur les rivières navigables ou flottables , ou qui n'aùraient
d'autres titres que des concessionsféodales ahoLies, attendu que ce n'est que par usurpation des
pouvoirs publics et par un abus de la puissance
féodale, qne les seigneurs avaien t pu se permettre
de faire de semblables concessions, et qu'on ne
prescrit jamais contre le droit public aussi patemment vioré.
864. Mais si, par ces diverses dispositions, les
rivières flottables ont été assimilées aux rivières na(1) Voy. au bullet. 190,
nO
des lois 1766, t. 5, 2 e série.
�206
vigables quant à l'administration et à la police, qui
sont des choses purement civiles et extérieures, et
si, sous ce double point de vue, elles ont été placées sous le même régime, cette assimilation ne
s'est jamais étendue jusqu'à la domanialité foncière, c'est-à-dire jusqu'à les confondre daus le
même domaine, en tant qu'il s'applique au fonds
matériellement considéré.
.
Nous voyons, en effet, que l'article 41, titre 27,
de l'ordonnance de 1669, statuant SUI' la propriété
foncière des grandes rivières, ne déclare appartenir
à la couronne que les fleuves et rivières portant
hateaux de leur fonds, sans artifice et ouvrages de main, cè qui certainement ne peut,
sous aucun rapport, être appliqué aux rivières qui
ne sont que flottables.
Si nous recourons à la disposition des édits, or..
. donuances el déclarations qui out été promulgués
ensuite, el que nons avons rapportés plus haut
sons les nOS 732 et suivants, nous ne voyons toujours dans le domaine public de la couronne que
les rivières navigables, et les Hes nées dans leur
lit; quanl aux rivières qui ne sont que flottables,
ainsi qu'aux îles qu'elles renferment, elles sont,
au contraire, toujours laissées en dehors, mnlgré
Je grand intérêt que le fisc aurait eu à s'en emparer.
Si de là nous passons à la loi dn 1 er décembre
1790, ayant pour objet spécial d'indiquer et d'énumérer les fonds du domaine public, nouS n'y
�DU DOMAINE PUBLIC.
207
voyons encore mentionnées que les rivières navigables, sans aucune expression qu'on puisse rapporter à celles qui ne sont que flottables.
Ce n'est qu'en arrivant à l'article 538 du Code
civil, que nous trouvons, pour la première fois,
les rivièresflottahles placées au nombre des fonds
qui doivent être considérés comme des dépen-
dances du domaine puhlic'. 865. Certes, si ancieunement on avait entendu
comprendre dans le domaine de la couronne même
les rivières qui ne sont que flottables, l'on n'aurait
pas manqué de leur appliquer les mesures fiscales
établies à l'égard des possesseurs des Hes et atterrissements dans les rivières navigables; et comme,
on ne l'a pas fait, il reste par là bien démontré que
cette espèce de rivières n'était point considérée
comme domaniale avant la promulgation du Code
civil.
866. Pour nous résumer, nous dirons que sous
l'empire de nos anciennes lois, les rivières qui ne
sont que flottables étaient dans une espèce d'élat
mixte; qu'en effet, d'une part, on ne peut prétendre qu'elles fussent tout-à-fait dans le domaine
privé, puisqu'elles étaient déjà asservies au flot-·
tage, qui consiste dans un service public an.alûgue
à celui de la navigation; que, nonobstant la
grande différence dans le mode et l'importance de
ees deux services, il n'en est pas moins vrai de dire
que la rivière flotla-ble sert à un usage public, aussi
bien que la rivière navigable, et que c'est par cette
•
�208
T1UITÉ
considération qu'aux termes de l'ordonnance de
1669, il est également 1éfendu de pratiquer sur
leurs bords aUcune rigole pOUl' prise d'eau, ni d'y
faire aucune construction d'usines sans l'autorisation du gouvernement: que dès-lors, quant à l'administralÏon et à la police de conservation, on doit
les considérer comme ayant été les unes et les
autres soumises en lOtIt au même régime.
867. Mais que d'un anlre dhé, sous le rappo;'t
de la domanialité proprement dite, c'est-à-dire de
leur propriété foncière, entière et absolue, il n'est
pas possible de les ranger dans la catégorie des rivières navigables, puisque, à cet égard, on les voit
toujours différemment classées dans les lois anciennes : d'où il résulte que, malgré la police par'ticulière à laquelle elles étaient soumises relativement au service du flottage, elles restaient"
quant au matériel de leur lit, sous la règle du d~oit
commun consignée dans les lois romaines, d'après
lesquelles les accroissemenls qui se forment au
hord des rivières ordinaires, ainsi que les îles et
Hots qui naissent dans leur lit, sont attribués en
toute propriété aux maîtres des fonds riverains, à
titre, d'alluvion.
868. Ainsi, et pour al'riVel' au dernier résultat
de nos lois sur ce point, on doit dire que tous les
îles et îlots nés ou formés avant la promulgation
du Code civil, dans le lit des rivières qui n'étaient
alors que flottables, ontdû rester en toute propriété
aux maÎlres des fonds riverains, comme leur ayant
�DU DûMAIi'lE PUBLIC,
209
été acquis en temps utile par le droit d'alluvion,
et que si l'article 560 de ce Code porte, par dérogation à l'ancien droit, que ces atterrissements appartiennent à l'état s'il n'y a tilre on prescription
contraire, l'application de cette disposition ne doit
être faite qn'à ceux qui seraient reconnus avoir
pris naissance depuis sa promulgation.
De ce que les rivièff~s flottables sont aujourd'hui
comprises dans le domaine public, comme celles
navigables, il faut tirer la conséquence qu'à l'égard
des unes et des autres toute anticipation pratiquée
sur leurs Lords, tout ouvrage établi dans leur lit,
tout canal fait pour en dériver une pOI,tion d'eau,
tous pont, écluse de monlin et bâtiments qui y
seraient construits par des particuliers, sans l'autorisation du gouvernement, n'auraient toujours
qu'une existence précaire et de fait, sans que le
droit de les conserver pût être acquis vis-il-vis de
l'état par prescription, même après la plus longue
jouissance (art. 2226 C. c. )
SECTION III.
De la mamëre, d'après l'état actuel de notre légùlation, de
pourlJoir aux frais d'entretien des rilJières qui ne sont que
flottables.
869. Quand il s'agit d'nue rivière navigable où
le service se fait avec des bateaux qui non-seGlement descendent, mais remontent aussi le cours
à'eau, il fant construire et C11lretenil' des écluses
et ouvrages d'art ponr le passage dans l'un et l'auTOM. III.
�210
TRAITÉ
tre sens, comme il faut allssi établir des chemins de
trait et de halage sur les bords; mais aucun de ces
établissements n'est utile dans une rivière qui n'est
que flottable.
Et J'abord il n'est pas nécessaire qu'il y ait des
écluses destinées au service de la remonte, puisque
le flottage ne s'ex.erce qu'à la descente du flenve.
Il suffit qu'il y ait dans les barrages des moulins des ouvertures à portières, pour faciliter le
transit des trains et radeaux; mais, comme la
constrùction de ces passelits est toujours une condition (1)
l'érection de l'usine, et qu'ils sout
la propriété du meuniel', seul intéressé à les entretenir, on voit qu'il ne peut y avoir jusque là
aucuue dépense à f~ire par le trésor public.
Il en est communément de même en ce qui
concerne le marchepied, qui n'est qu'une servitude légale pour l'exercice du flollage et de la
pêche, et dout l'établissement, ainsi qne l'entretien, ne supposent ordinairement aucuns déboursés ni dépenses.
Nous disons ordinairement: car il pourrait arriver que ce sentiel' fût intercepté par quelques dé~
pressions ou accidents du sol, ou par le confluent
de quelques cours d'eau sur lesquels il serait nécessaire d'établir des chaussées ou de.s ponts pour
pouvoir 81,1 ivre la flotte; et alors la dépense de ces
ouvrages, ne devant point être à la 'charge du
de
(1) Voy,
~ous
les nO' 685, 696, 697, 698 et 699.
�DU DOMAINE PUBU-':.
211
propriétaire riverain, serait nécessairement à celle
du trésor puLlic.
870. A l'égard des passelits qui n'auraient été
construits que dans l'in térêt du flollage, comme encore à l'égard des ports de chargemen t établis pour
y recevoir les dépôts permanents de bois avant de
les lancer à flot, ou de ceux d'abbrdage destinés à
les recueillir, les dépenses de construction, réparation et entretien en devraient être à la charge
de l'état, sauf la perception de quelques droits
à exigel' en indemnité sur les marchands et flot-,
teurs.
Mais que doit-on décider relativement au cmage
du cours d'eau, qui est la plus grande e~ la plus
dispendieuse des œuvres d'entreti~n des rivières?
Pour soutenir que le curage des rivières qui sont
flottables avec trains et radeaux doit être uniquement à la charge de l'état, on peut dire: - que
ce n'est là que la conséquence naturelle de ce que
ces rivières sont aujourd'hui enLÎèrement placées
dans le domaine public, attendu qu'il est dans
l'ordre du droit commun que ce soit au maître, et
au maître seul, à entretenir sa propre chose; que les propriétaires riverains, ne jouissant i~i ni
du droit de pêche, ni de celui de prise d'ean pour
l'irrigation de leurs fonds, ni de celui J'alluvion
et d'acquisition des îles qui naissent dans l'in térieur
de la rivière, doiven t être étrangers aux charges
d'entretien d'une chose dont ils ne perçoivent aucun émolument; - et que c'est par cette raison
1
�212
TRAITÉ
qu'aux termes de l'article 1 er de la loi du 16 avril
1829 (1), la pêche est exercée au profit du trésor
dans les fleuves et rivières navigables on jlottahles
avec trains ou radeaux -' qui sont la charge de
l'état ou de ses ayant-canse.
D'autre part on peut dire, pOUf la défense du
trésor public, - que la loi d II ]0 floréal an x (2) ne
met aux frais de l'état que l'entretieu des rivières
navigables, sur lesquelles seulement elle établit un
octroi de navigation qui ne se perçoit pas sur les
rivières qui ne sont que flottables; - et qu'aux.
termes de celle du 14 floréal an XI (3), c'est à la
charge des pl'Opriélés voisines et sujettes à être
inondées par le cours d'eau, que le curage des
rivières non navigables doit être opéré .
. Dans ce conflit, on sent de suite la distinction à '
faire pour arri ver à une concilia lion.
Si le curage de la rivière flottable ne doit être
bit que pOUl' enlever quelques obstacles d'atterris.sement formés dans l'intérieur, snI' le passage des
tl'ains et radeaux, qui ne peuvent plus franchir les
lieux obstrués, alors la.dépense doit être supportée
pal'l'état, comme n'ayalit--PQUf objet quele maintien de l'exercice du service public.
Si, au contraire, ce cura~e n'est deve'nu nécessaire que pour préserver la contrée des inonda-
a
(1) Voy. au bullet., t. 10, p. 225, 8' série:
(2) Voy. au bullet., t. 6, p. 328,3" série.
(3) Voy. au bullet., t. 8, p. 287, 3e série.
•
�DU DOMAINE PUlILIC.
2t3
tions auxquelles elle est exposée par défaut d'écouleme\1t des eaux, c'est aux fl'ais des propriétaires
du voisinage que l'opération devra avoir lien, conformément aux règles tracées par la loi du 14 flo}'éal an XI, attendu que l'entreprise n'aura été faite
que dans l'intérêt spécial de ces propriétaires.
Si, enfin, le curage doit avoir lieu ton t à la
fois dans l'intérêt du service public du flottage
et dans celui des propriétaires voisins, les f~'ais
devront en être supportés en partie par l'état et en
partie par ces derniers. Et alors c'est à l'administration publique qu'appartient le droit de fixer les
porlions contributives de la dépense à la charge du
trésor public ct des propriétaires intéressés (1).
SECTION IV.
De la Ilalure el de
rétendue
du marchepied sur les bords des
ririères flottables.
871. La natnre .légale du marchepied qui
s'çxerce le long des rivières flottables est déterminée par l'article 630 du Code civil, qui classe
celle espèce de trottoir au rang des servitudes établies par la loi elle-même: d'où il faut tirer cette
conséquence, que les propriétaires des fonds riverains soumis à ce passage ne , peuvent avoir à ce
(1) Voy. par analogie et identité de motifs sur cette fixation
de quo te , l~s articles 33 et 38 de la loi du 16 septembre 1807,
bullet. t. 7, p. 126, 4" série; et l'art. 8 dc celle du 28 juill ct
1824 , bullet. t. 19, p. 68, 7" série.
�214
TRAITÉ
sujet aucune indemnité à exiger ni du trésor puhlic, à raison de l'établissement de la servitude, ni
des flotteurs, à raison de l'usage qu'ils en font,
puisque c'est là un droit étaLli par la volonté toute
puissante de la loi, et que ce droit est consacré
soit au service de la société, dont les avantages
prédominent tous les intérêts privés, soit au profit
des flotteurs, et pour encourager ceux qui se livrent au commerce des bois.
S'il en est autrement en cc qui concerne le chemin de halage à établir près des rivières qu'on veut
rendre navigables, et si alors il est dû une indemnité à raison Je ce chemin, quoiqu'il n'existe
aussi qn'à titre de servitude, c'est qu'cu égard à. sa
grande étendue et à son nsage habituel et fréqnent, la justice/éclamait ici le dédommagement
qui est imposé par le décret du 21 janvier 1808,
et qui, n'ayant été presc'rit que ponr les chemins
de cette importance, ne doit point être étendu aux
simples sentiers pratiqués de loin en loin pour le
service du flottage (a).
(a) La raison tirée par l'auteur de la toute-puissance de la
loi pour prouver qu'il n'est dû aucune indemnité aux propriétaires riverains, à raison de l'établissement du marchepied destiné au service du flottage, n'est point satisfaisante, puisqu'un
principe de droit publie plus puissant, ~t fondé sur la justice,
veut que nul ne puisse être privé de sa propriété, même par
une loi, sinon pour cause d'utilité publique, et moyennant une
juste indemnité. Aussi un décret du 14 janvier 1810, rapporté
dans le recueil judiciaire de Sirey ( lome 25, 2· partie, p. 284),
Il
�DU DOMAINE PUBLIC.
215
Mais, pour tout préjudice causé par le floltem
sur les fonds adjacents à la rivière, autrement que
par le fait ordinaire du passage, le propriétaire
riverain an rait une action en indemnité, parce que
c'est l'usage, et non l'abus de la servitude, que la
loi accorde ct protège.
8'12. Quant à la largeUl' de ce marchepied, elle
doit être de treize décimètres; en sorte qu'il ne
peut y avoir aucune réclamation à élever de la
part des riverains, tant qu'une plus gt'ande étenn'autorise-t-ille flottage même simplement à bûches perdues,
sur certaines rivières où ce mode de transport n'était pas précédemment usité, qu'à la charge par le concessionnaire" d'in» demniser, ce sont les termes, les propriétaires riverains des
II préjudices et dommages qu'ils pourraient éprouver soit par
II l'encombrement et le flottage de ces bois, soit par l'établisII sement du marchepied de halaie , soit enfin par tout autre
Il motif provenant du fa'it dudit concessionnaire.
»
Sous ce rapport, il ne paraît donc pas qu'il y ait de différence entre le marchepied pour le flottage, et le chemin de
halage pour la navigation; l'établissement de l'un et de l'autre,
lorsque ces servitudes n'existaient pas précédemment, donnent
également lieu à indemnité.
Mais ces chemins ne constituant qu'une simple servitude
dommageable aux héritages riverains sans emporter transmission même de la propriété au profit de l'état, il s'ensuit qu'il
n'y a pas lieu à eXEropriation dans les formes prescrites par la
loi du 3 mai 1841, mais seulement à fixation d'indemnité,
conformément à celle du 16 septembre 1807,ainsi que le porte
l'art. 3 du décret du 22 janvier 1808, et que l'a décidé nlle
ordonnance du 4 juillet 1827, r<lpportée par MACAIIEL, tOIll, 9,
p. 373. Voy. aussi suprà, na 571.
�216
TRAITÉ
due de terrain n'a pas été foulée; et encore 11C- seraient-ils pas admis à se plaindre si le sentier n'était point praticable au bord de la rivièrc.
,., cette l
. d' une
Al a venlc,
argeur'
n est pas presente
manière générale par nos lois; mais nous voyons
que, suivant l'article 7, chapitre 17, d'une orJonnance du mois de décembre 1672, les propriétaires riverains des rivières et autres cours J'eau
affluant vers Paris, sont tenus de laisser nn chemin de quatre pieds (13 décimètres) le long des
hords pour le passage des ouvriers qui poussenlle
hois à l'eau (1); cl M. Fleurigeon, dans son trailé
de la grande voirie, page 25, rapporte un arrêté
du directoire exécutif du 13 nivôse an V (2 janvier
1797), qui établit la même obligation d'une manière générale pour toutes les rivièrçs et ruisseaux
flonables à bûches perdues.
Vainemen t opposerait-on que ces réglemcn lS ne
-statnant expressément quc sur ic marchepied le
long des rivières Oll ruisseaux flottables à bûches
penlues, leur disposition doit être considérée
comme inapplicable à celui qui est dû au bord des
rivières de grand flottage. On sent, en effet, que
cette objection serait sans fondement: car ce n'est
toujours qu'un sentier à l~usage d'hommes seulement qu'il faut le long de ces deux espèces de
cours d'eau; et loin qu'on dôive, dans ce dernier
cas, lui donner moins de largeur, il serait plutôt
(1) Voy. dans le répertoire, au mot flottage.
�DU DOMAINE PUBLIC.
211
11écessaire de lui en assigner davantage, parce que
le nombre d'ouvriers employés à la suite de la flotte
doit être naturellement plus considérable.
Au reste, les réglements dont on vient de parler n'assignent pas la servitude du marchepied sur
un des bords de la rivière plut8t que sur l'autre:
d'où ill'ésulte que cette servitude est due des deux
côtés, sans quoi, en effet, son but serait manqué,
ou ne pourrait être complètement atteint.
SECTION V.
Des autorités compétentes pour connaître des difJu:ultés qu i
peuvent s'élever sur la nature et l'usage des rivières flottables
avec trains et radeaux.
Il Y a ici deux institutions qui se partagent le
pouvoir: l'administration et l'ordre judiciaire.
§ 1er • Compétence du pouvoir administratif
813. Il est d'abord incontestable qu'à la puissance exécutive ou à l'administration publique
seule appartient le droit de déclarer flottable, avec
trains et radeaux, une rivière qui ne Pétait pas, et
de l'incorporer par là dans le domaine public,
comme elle peut ériger en rivière navigable un
cours d'ean ordinaire, attendu que, dans l'nn et
l'autre cas, cette mesure est un moyen de gouvernement qu'on ne saurait lui dénier.
Par la même r3ison , et par voie de conséquence
de celte première vérité, il est également incontestable qne c'esl à l'administration active à statuer
�218
TRAITÉ
sur tout débat qui pourrait s'élever sur la question'
de savoir si une rivière, en tout ou en partie, dOlt
être ou non considérée comme flottable.
Il est aussi incontestable qu'au roi seul appartient le droit d'autoriser les établissements de moulins et autres usines sur les rivières flottables, et
d'en ordonner la suppression s'ils étaient reconnus
nuisibles au service public du flottage.
Il est incontestable encore que c'est à ce même
pouvoir, et à lui seul, à prescrire toutes les mesures nécessaires ou utiles pour favoriser le flottage,
soit en ordonnaut l'enlèvement des objets qui y
formeraient obstacle, ou en prescrivant l'établissement de quelques ouvrages propres à le rendre
plus sûr ou plus facile, soit en faisant arriver
a'antres sources dans la riviere, afin d'en augmenter la force des eaux.
874. C'est encore à l'administration active à
. dét.erminer les localités où doivent être placés les
ports de flottage, parce' que leur établissement
est une mesure réglemenlaire du service public,
comme serait le tracé d'une gl'ande route.
Enfin c'est à l'administration active el locale
que les flotteurs à bûches perdues doivent s'adressel' pour obtenir l'usage des eaux lorsqu'ils se
proposent de lancer leurs flottes en rivière, parce
qu'il faut qu'il y ait à cet égard un ordre d'aménagement tel que plusieurs flottes ne puissent être
mises à flot sur le· même courant qu'à des intervalles de temps suffisants pour qn'cllcs ne puissent
�DU DOMAINE PUBLIC.
,
219
se mêler et se confondre; et qu'en conséquence
il est nécessaire que le permis ne soit accordé à
l'un que pour l'époque à laquelle le bois de l'autre
pourra être arrivé et recueilli au port.
Toutes ces mesures, et autres semblables, n'étant que réglementaires, sont exclusivement du
ressort de l'administration.
Mais l'autorité qui fait les réglements ne peut
être la même que celle qui est appelée à statuer
sur les coutraventions qui y sont commises; l'or·
dre pùblic exige qu'il y en ait deux, dont l'une
soit investie de l'empire, c'est-à-dire du droit
d'ordonner, et l'autre de l'exercice de la juridiction, attendu que le pouvoir législatif n'est point
institué pour juger les débats particuliers sur l'application des lois; il faut donc, sur le conflit des
coutestations particulières, recourir ici, comme
en toute autre matière, au pouvoir judiciaire. Reste
à déterminer quel est ce pouvoir et quelles sont ses
attributions.
§ 2. Compétence du pouvoir ju.diciaire.
875. Nous avons en France deux pouvoirs
judiciaires, qui sont, d'uu côté, les tribunaux
ordinaires, constitutionnellement établis pour statu.er sur les causes particulières rentrant dans l'application du droit commun; et, d'autre part, les
tribunaux administratifs, institués pour prononcer
snI' les difficultés que fait naître la marche des
services publics, comme nous l'avons expliqué
plusieurs fois.
�220
.
TRAITÉ
.
Il s'agit donc ici de savoir auquel de ces deux
pouvoirs judiciaires doivent être soumises les difficultés qui peuvent naître relativement à la police
répressive des rivières qui ne sont que flottables,
soit que ces difficultés aient pour objet quelques
lésions matérielles causées dans la rivière, soit
qu'elles portent sur l'exercice dn droit ou sm
l'usage du marchepied destiné au passage du flotteur.
Comme nous nous p.'oposons de combattl'e, snI'
ce point de doctrine, hl jurisprudence du conseil
d'état Ca), nOI1S serons obligé de ne rien négliger
dàns le rappel- des principes qui régissent la matière; et, d\h-on nons reprocher que-Iques répétitions, nous prendrons encore ici notre point de départ de l'ordonnance de 1 669,dontl'art. 1 er ,tit. 1 er,
s'occupant de la juridiction contentieuse attribuée
aux maîtl'ises des eaux et forêts, porte qne, cc les
» juges établis pour le fait de nos eaux et forêts
(a) La solution adoptée par M. Proudhon sUl'ceUc question
'et qu'il a déjà indiquée aux nOS 292 et 816 ci-dessus, nous
paraît en opposition avec la loi l , § 14, if. de flum. > l'art. 3,
tit. 1er, et les art. 42, 43, 44, tit. 27 de l'ordonnance de
1669, un arrêt de l'ancien conseil du 9 novembre 1694; l'art.
538 du Cod. civ., et l'art. 1er de la loi du 15 avril 1829. Aussi n'a-t-elle point été admise par les auteurs. - Voy.
Henrys, tom. 2, liv. 3, quest. 5; la Poix de Fréminville,
pratique des terriers> tom. 4, pag. 418; MM. de Cormenin,
tom. 1er , pag. 526; Daviel, tom. 1er , nO 142, et Serrigny,
Traité de la camp. adm. , nO 639.
�DU DOl\lAIl'IE PUBLIC.
221
connaîtront, tant au civil qu'au criminel, de
» ious différends qui appartiennent à la matiere
" des eaux et forêts, entre quelques personnes et
» pour quelqnes causes qu'ils aient été intentés. »
A qnoi l'art. 3 du même titre ajoute plus' spécialement: cc Seront anssi de leur cumpétence toutes
» les actions concernant les entreprises ou préten» tions sur les rivières navigables et flotta6les ~
» tant polir raison de la navigation etflottage~
» que des droits de pêche, passage, pontonnage
» et autres, soit en espèces ou en deniers, COn» duite, rupture et loyer des flottes (coches
» d'eau), bacs et bateaux, épaves sur eau, cons» trnction et démolition d'écluses, gOI'ds, pêche» ries, et moulins assis sur les rivières, visitation
» de poissons tant ès bateaux que boutiques et ré·
» servoirs, et de filets, engins et instrumen ts ser» vant à la pêche, et généralement de tout ce qui
» pent préjudicier à la navigation, charroi etflot» tage des bois de nos forêts; le tout néanmoins
» sans préj udice de la juridiction des prévôts des
» marchands ès villes où ils sont en possession
.,) de connaître de tout ou de partie de ces ma.) tières, etc., etc. »
On voit, par ces dispositions, qu'aux tribunaux:
de la grande maîtrise des eaux et forêts était spécialement attribuée la connaissance de toutes les
questions cont~ntieuses qui pouvaient s'élever sur
l'état ou l'usage des rivières flottables ou de leurs
accessoires, comme de tOutes celles qui seraient
relatives aux rivières navigables.
»
�222
'illAITÉ
876. Mais ces tribunaux d'exception furent,
avec plusieurs autres, supprimés par la loi du· I l
septembre 1790, et remplacés par ceux que venait
de créer la loi du 24 août précédent dont il est
essentiel de rapporter et .de commenter les art. 6,
7 et 10 du tit. 13.
ART. 6. « L'administration, en matière de
» grande voirie, appartiendra aux corps ad minis» tratifs, et la police de conservation, tant pour
» les grandes routes que pour les chemins vici» naux, aux juges de district. »
L~administration ~. etc ....• ~ voilà la part du
pouvoir réglementaire, qui appartient aujourd'hui
. aux préfets, successeurs des corps administratifs.
Et La police de· conservation ~ c'est-à-dire
celle ayant pour objet de punir les auteurs de dégradations et de les condamner à les réparer: voilà
le lot du pouvoir judiciaire.
Ainsi, en assimilant les rivières, considérées
comme moyen de transport, aux routes, ponr placer les unes et les autres sous le régime de la voirie, on voit déjà que l'autorité administrative n'a"ait alors reçu dans son partage que la faculté
d'administrer, et de prescrire tontes les mesures
réglementaires qui pourraient être nécessaires ou
utiles à la meilleure viabilité des routes ou des rivières; tandis que la justice ordinaire, investie de
la police de conservation ~ dont l'action, comme
on vient de le dire, consisle à infliger les peines
encourues par suile Je contravenlions, fut par là
�DU DOMAI;\"E PUBLIC.
223
même déléguée pour statuer SUI' le contentieux de
cette matière.
ART. 7, <c En matière d'eaux et forêts, la con» servation et l'administration appartiendront aux
» corps qui seront indiqués incessamment; il sera
» statué de plus sur la manière de faire les ventes
» et adjudi.cations des bois. Les actions pour la
» punition et réparation des délits seront portées
» devant les juges de district, qui auront aussi
» l'exécution des réglements· concernant les bois
» de particuliers et la police de la pêche, et qui,
» dans tons les cas, entendront le commissaire du
»
J'OI. »
On voit par là que l'administration est t~lljours
placée en dehors du pouvoir délégué pOUl' statuer
sur le contentieux de la police, et que ce pouvoir
reste dans les attributions des juges de district.
ART. la. c< Au moyen des dispositions conte» nués dans les articles précédents, les élections,
» greniers à sel, juridictions des traites, gruerie ,
» maîtrises des eaux et fort1ts, bureaux des fi» nances, juridictions et cours des monnaies, et
" les cours des aides, demeurent supprimés. »
C'est en exécution de ce nouvel ordre de choses
que, par l'article lb d'un autre décret du 10-19
octobre 1790, il fut déclaré que, les fonctions
des maîtrises et des eaux et forêts allant cesser
quant à l'exercice de la juridiction conten. lieuse, leurs archives judiciaires seraient remises
aux greffes des tribunaux de district, par lesquels
elles étaient remplacées.
�224
TRAITÉ
Il est donc jusque-là parfaitement démontré que
toute ]a juridiction contentieuse que les maîtrises,
comme tribunaux administratifs, exerçaient êvànt
]a révolution, tant sur les rivières navigables que
sur celles simplement flottables, fut supprimée en
J790, et qu'elle fut replacée dans le domaine de
la justice ordinaire, les tribunaux de district, auxquels out succédé nos tribunaux d'arrondissement.
Resle à savoir si la législation postérieure a apporté quelques dérogations à cet état de choses.
877. Or, dans nos· lois 'prom \lIguées depuis,
il existe deux dispositions rétablissaüt, en fait de
grande voirie, une juridictiôn exceptionnelle attribuée aux conseils de préfecture: ce sont les articles
4 de la loi du 28 pluvi8se an VIII, et 1 er de celle
du 29 floréal an x. Voyons ce qu'ils décrètent,
et comment ils doivent être entendus.
Le premier porte que les conseils de préfecture
prononceront sur les dijficultés qui pourront
$'
élever en -matière de grande voirie.
Le mot voirie nons vient du mot via, chemin
ou voie de communication. En langage de police,
on distingue la grande voiri~, qui s'applique aux
grandes routes, et la petite voirie, qui s'applique
aux chemins vicinaux et autres voies de communication d'un ordre inférieur.
Lorsqu'il s'élève des difficultés relatives à ta
grande voirie" la loi ci-dessus veut que, par dérogation à l'ordre des juridictions ordinaires, les
�225
DU DOMAINE PUBllC.
débats soient portés devant les conseils de préfecturc; mais en ce qui a trait à la petite voirie, les
contestations de même nature restent, suivant la
.règle du droit commun, dans le domaine des tribunaux ordinaires, puisqu'il n'y a que la grande
voirie qui ait été exceptionnellement soustraite à
leur j uridictiol}.
Nul doute que les Tivières navigables et les· canaux de navigation intérieure ne doivent, sur ce
point, être assimilés aux grandes routes et appartenir à la grande voirie, pnisque les lois le disent,
comme nous allons le voir; mais doit-on leur assimiler anssi les rivières qui ne sont qne flottables,
pOUl' les comprendre également dans cette voirie,
quoique les lois ne le disent pas? Voilà toute la
question: car, si les rivières simplement flottables'
n'appartiennent qu'à la petite voirie, tous les débats qui peuvent s'élever sur
Ill' usage restent
nécessairement dans la compétence des tribunaux
ordinaires.
Or, comment serait-il permis de comparer le
moyen de transport qni s'exerce par le simple flottage, àcelui qui a lieu par une grande route? Tout
n'est-il pas ici diffé,'ent et en opposition?
878. En effet, d'une part, le service Je la rivière flottable ne s'exerce qu'à la desceDle, tandis
que celui de la route se fait dans tous les sens: en
.sorte que, sous ce seul point Je vue, l'on ne voit
déjà que la pratique d'une· demi-voirie sur la rivière; et, d'un autre côté, non-scuJ~mel1tlesri- .
TD.lI. III.
15
�226
'l'RAlTÉ
Vleres qui ne sont que flottables ne servent point
au transport des personnes, ma~s elles ne servent
pas même au transpol't des marchandises et des
denrées les plus ordinaires, puisqu'on ne peut les
employer qu'au flottage dl{ bois: elles ne sont donc
pas même le moyen d'une demi-voirie.
Ainsi, puisqu'il est de toute évidence que ces
rivières ne sont, quant au service public, que de
l'intérêt le plus minime en comparaison de celui
des gra~des routes et des rivières navigables, comment pourrait-on raisonnablement identifier et confondre des choses qui sont naturellement si diffé.r~ntes
?
Ce n'est certainement point ainsi qu'on doit
l'entendre d'après l'art. 1 er de la loi du 29 floréal
an x, conçu da ns les termes suivan ts :
ce Les contraventions en matière de grande
» voirie, telles
l'anticipations, dépôt de fumier
ou d'autres objets, et toutes espèces de détério" rations commises sur 'les grandes routes, SUI' les
') arbres qui les bordent, sur les fossés, ouvrages
') d'art et matériaux destinés à leur entretien,
» sur les canaux, fleuves et rivières naviga h les , .
') leurs chemins d~ halage, francs-bords, fossés
,
,.,
,
» et ouvrages d art, seront constatees, repnmces et
)) ~rsuivies par voie administrative. "
En matière de grande voirie: la juridiction
exceptionnèlle n'est donc ici renvoyée aux conseils
de préfeclUl'e qu'en ce qui tient au service des
grandes routes et de la navigation intérieure, auJ)
�DU DOMAINE PUBUC.
221
quel, comme on vient de le voir, il n'est pas permis
de compal'cr le simple flottage.
Sur les canaux, fleuves et rivières navi. gables: ces tcrmes ne s'appliquent certainement
pas aux rivières qui ne sont que flottables; et,
puisque le législateur ne les a pas désignées,ilfaut
en conclure qu'il a voulu les laisser sous le régime
de la petite voirie, où elles sc trouvent naturellement placées.
Leurs chemins de halage: ces expressious seraien t encore, s'il était possible, plus clairement
exclusives des rivières qui ne sont que flottables,
puisqu'il n'y a point de chemin de halage établi
sur leurs bords pOUl' leur service.
879. Pour nous résumer : en fait, il est
constant qu'il n'existe dans nos lois aucune dispo- '
sition attributiye aux conseils de préfectme de
la connaissance des contraventions qni peuvent
avoir lieu ou des débats qui peuvent s'élever
dans le service des rivières simplement flottables.
En droit, il serait contraire à toutes les règles
d'étendre une juridiction essentiellement exceptionnelle à une matière pour laquelle elle n'amait
pas été positivement établie par les lois: donc les
conseils de préfecture sont incompétents pour statucr sur les débats dont il s'agit ici.
Ainsi, quoique la police réglemen taire et de
prévoyance qui s'exerce sur les rivières qui ne sont
que flottables appartienne toujours à l'administra-
�228
TRAITÉ
tian a<?tive, néanmoins toutes les actions de la
police contentieuse ct de répression pour les désordres causés dans le flottage, soit de la part des
flotteurs qui, par le dépôt de leurs bois ou autrement, auraient commis des dégradatious sur les
fouds riverains, soit de celle des propriétaires de
ces fonds, pour rigoles on prises d'eau par eux
faites sur les bords de la rivière, malgré la défense
de la loi ( art. 644 c. c. ) , soit pour constructions, '
encombrements ou embarras opérés dans le cours
d'eau, soit pour dégradations matérielles causées
dans le fleuve, ou pour hal'rages el empêchements
pratiqués au préjudice de la libre viabilité de la
rivière et du marchepied) doivent être portées en
justice ordinaire pardevallt les trihunaux civils ou
de police correctionnelle, suivantlcscit'cûnstances
Ju faiL
880. Ainsi encore, el à plus forte raison, si
l'on suppose qu'une flotte lancée en rivière vienne
se heurter contre les écluses où les vannes d'un
moulin ou aulre usine, ou con tre les piles ou piliers des portières, qui sont à la charge du meunier,
comme condition de sa construction, et qui sont
destinées soit au passage des flottes et radeaux,
soit à l'écoulement des grandes eaux, pour prévenir les inondations, el qu'il y soit causé quelques
dégradations dont le meunier ou le maître d'usine
croie avoir le droit de se plaindre contre le flotteur,
c'est en justice ordinaire qu'il devra portel' son
action; "et celte marche est encore ici fundée sur
.
�bu
DOMAINE PUBUC.
229
le motif que, dans une discussion de celle nature,
il ne s'agit de statuer qne sur les intérêts privés du
maître d'usine ou du flotteur, et non sur u.n intérêt
public, qui seul pourrait faire rentrer le débat
dans la compétence du conseil de préfecture (1).
Telle est la vraie théorie doctrinale sur la matière: cependant nous sommes obligés de reconnaître, en fait, que la jurisprudence du conseil
d'état est loin d'être en tout conforme à ce que
nous enseignons ici; et nonobstant notre profond
respect pour cette haute autorité, dont les décisions
nous ont vivement éclairé sur tant d'autres points,
nous croyons qu'il est de notre devoir d'exposer
ce que nous regardons ~omme les vrais pril~cipes
sur la matière.
881. C'est à la date du 8 mai) 822, que nous
trouvons un premier arrêt de ce conseil (2) rendu
contrairement à notre doctrine dans l'espèce suivante:
Le sieur Comte, propriétail'e d'un clos sur le
bord de la Moselle, qui n'est que flottable, avait
fait construire nn mur interceptant le marchepied
du flottage.
Ce fait de contravention fllt d'abord déféré au
cons('il de préfecture, qui se déclara incompétent;
mais son arrêté fut cassé au conseil d'état, par les
motifs suivants: cc Considérant que, par le décret
(1) Voy. sous le nO 138.
(2) Recueil de MA CAREL , tom. 3, pag. 504 et suiv.
�230
TRAITi~
avril 18I?;, les dispositions du décret du
» 16 décembre 1811, qui renvoie au conseil de
') préfecture le jugement des. contraventions de
') grande voirie, ont été rendues applicables aux
); canaux et rivières navigables, sans préjudice de
» tous les autres moyens de surveillance ordonnés
» par les décrets et lojs. »
. Remarquons, sans aller plus loin ,. que, par
cette première série de motifs, la question se trouve
entièrement déplacée, et que ce~ raisonnements
sont en outre contraires aux maximes de la plus
saine doctrine.
Et d'abord on va les puiser dans. le décret du 16
décembre l~h 1, dont l'art. 50 renvoie à la connaissance des tribunaux administratifs les contraventions commises sur les dnD~s et polders établis
au bord de la mer (1); certes il était difficile de
choisir une comparaison plus inexacte: car, d'Une part, une rivière flottable est bien loin d'être comparable à l'Océan; et, d'antre côté, les dunes,ql1i
n'existent ail bord de la mer que pOllr protéget'
l'intérieur des terres, ne remplissent nullement
les fonctions du marchepied établi ail bord d'une
rivière pour l'usage du flottage.
On se fonde, en second lieu, sur le décret du
10 avril '1812, qui, par rapport à la navigation intérieure, n'étend llomina LÏvemer;lt, et par conséquent restrictivement, la juridiction contentieuse
»
du
la
(1) Voy. cé décret au bullet. t. 15, p. 559, 4" série.
�DU DmtlAINE PUBLIC.
231
de fadministration qu'aux canaux, rivières navigahles et ports maritimes (1), sous la dénomination desquels on ne doit très-certainement pas
classer les rivières qui ne sont que flottables: en
sorte que la question est encore ici tout-à· fait déplacée.
Pour raisonner plus juste, nous dirons à notre
tour, que la juridiction contentieuse de l'administration, n'étant qu'exceptionnelle, ne doit être
appliquée qu'aux choses qui lui sont spécialement
et nominativement attribuées, et que le décret du
la avril 1812 ne la déclarant applicahle qu'aux
rivières navigables et ports maritimes: il s'en.
suit que tout ce qui concel'De les rivières simplement flottables reste en dehorsde sa sphère.
882. Poursuivons l'examen des motifs de cet
arrêt.
ce Considérant que la servitude des chemins de
halage et marchepieds le long des rivières navi» gables et flottables est établie par l'ordonnance
» de 1669 et par le Co,de civil; que dès-lors les
» contraventions à ladite servitude sur les rivières
» navigables et flottables sont de leur nature ma» tière de voirie, et doivent être répri~ées d'après
:al les mêmes règles. »
Mais il n'y a pas de rues de ville, bourg ou
village; il n'y a pas decheminsde communication de
commune à communê qui ne soient aussi de leur
7)
(1) Voy. ce décret au hullet. t. 16, p. 285, 4- série.
�232
TRAITÉ
nature~matière de
voirie: fandra-t-il donc conclure de là que la juridiction contentieuse de l'administration doit s'étendl'e à tons les débats qui
peuvent s'élever sur l'usage des plus peti ts chemins?
fandra-t-il donc effacer toute la distinction si soigneusement étahlie dans nos lois entre la grande
et la petite voirie? et qne pomrait-on répondre an
raisonnèment suivant?
La natnre des choses résiste à ce que le marchepied de servit ude existan ta nx bords ùes rivières qui
ne sont que flottables ,soit, comme nne grande
route, matière de grande voirie: 0:-, suivant
toutes les lois rapportées plus haut, la juridiction
contentieuse de l'administration ne s'applique
qu'aux matières de grande voirie: dOllc les déhats
qui peuvent s'élever s~r l'usage de ce marchepied
restent en dehors de la compétence des trihunaux.
administratifs.
883. Nous trouvons encore à la date du 4 février ] 824 (1) , un second arrêt rendu sur ce conflit
de compétence, et qui est sujet à la même crilique
que le précédent.
(c Dans l'espèce, y est-il dit ,le juge de paix du
» can Lon de Clamecy (Nièvre), a été saisi, en
~) juillet 1822, d'une plainte formée par la dame
~, d'Anhel contre le sieur Boutl'On, flotteur, ponr
» avoir disposé d'nn terrain à elle appartenant,
" sur les bords de l'Yonne, < fin d'y faire un ate(1) Recueil de Macarel, tom. 6, p. 69.
�DU DOMAINE PUBLIC.
» lier pour le flottage. Par jugement du
233
31 août
suivant, le juge de paix a condamné Boutron à.
payer à la dame d'Arthel dix francs de dom» mages-intérêts pour la dégradation par lui corn'""
» mise sur sa propriété. Le préfet de la Nièvre,
) l ayant eu connaissance de ce jugement, a élevé
» le conflit le 14 avril dh3.
» Ce conflit était fondé sur l'ordonnance de
» 1672, qui attribue à l'administration le sOIn
:1) d'indiquer les ports où doivent être déposés les
:» bois destinés à l'approvisionnement de Paris; et,
:l, par voie de conséquence, sur ce qne l'autorité
» administrative est seule compétente pour pro» noncer sur les contestations qui peuvent s'élever
;n relativement à la fixation de ces lieux de dépôt.
» Le conflit n'a pas paru fondé au garde des
» sceaux; il n'a été porté devant le tribunal de
» paix, disait le ministre, qu'une action en dom» mages et in térêts, à raison des voies de fait re» prochées par la plaignante ~u flotteur Boutron,
» laquelle action est du ressort des tribunaux 01'» dinaires.
n La question relative à l'étendue et à l'exis» tence du por~ est bien de la compétence admi" nistrative; mais cette exception n'ayant pas été
» mise en question devant le trihunal, l'adminis» tration est étrangère à l'objet de la contestation,
» et en l'état, il n'y avait pas lieu d'élever le
» conflit.
» Le conseil n'a pas partagé cette opinion, et
»
»
�234
TRAITE
~)
sur le rapport du comité du contentieux, vu
" l'art. 14, chapitre 17, de l'ordonnance du mois
» de décembre 1672, considérant qn'il est établi,
~~ en fait, qu'Edme Routron a agi comme flotteur
» pour l'approvisionnement de Paris; qu'aux tern mes de l'ordonnance de 1672,ci.dessus visée, les
" contestations qui s'élèvent en pareil cas entre les
~) flotteurs et les propriétaires riverains sont dans
» les attributions de l'autorité administrative, »
il a approuvé l'arrêté de conflit, du 14 avril 1823,
et a déclaré non avenus les jugements rendus par
le juge de paix.
Sous quelque rapport qu'on envisage les motifs
ùe cette décision, elle est évidemment erronée.
On voit, par l'exposé de la cause, que le conflit
était fondé sur ce que, suivant l'ordonnance de
1672, c'est l'administration qui doit avoir soin
d'indiquer les ports ok doivent ~tre déposés
les bois destinés à L'approvisionnement de
Paris. Arrêtons-nous d'abord quelques instants
sur ce point posé comme principe génél'ateur de la
décision.
884. 1° S'il avait été question de savoir quelle
est l'autorité compétente à l'effet d'établir, dans
une localité déterminée, un port permanent de
flottage soit pour servir au dépôtet à la dessiccation
des bois avant de les lancer en rivière, soit pour
les recueilli" après leur trajet et les exposer en
vente, c'est sans doute à l'administration active, et
à elle seule, qu'aurait appartenu le droit de stntuer
,
,
1
a cet egarl '.
�DU DOMAINE PUBliC.
235
Si, en supposant que l'administration active se
fût déterminée à fonder un pareil établissement, il
avait été question de régler l'indemnité due au
propriétaire du fonds, et de la mettre à la charge
du trésor public, eu égard à ce qu'on aurait voulu
établir un port fixe et permanent, c'est devant le
conseil de préfecture qu'on aurait dû procéder à
l'estimation de cette indemnité, à moins qu'il n'eût
été nécessaire d'exproprier une partie du fonds,
cas auquel il aurait fallu recourir aux formes tracées par la loi du 3 mai 184 I.
Or, on ne voit rien de semblable dans la cause;
en sorte que jusque-là, et sous ce premier point de
vue, il ne pouvait y avoir aucun motif de renvoyer l'action au contentieux de l'administration.
Cependant, commè c'est à l'administration active à reconnaître ou déclarer, au besoin, qu'un
cours d'eau doit être classé au rang des rivières
flollables, c'est à elle aussi à indiquer pal' ses réglemcnts les lieux les plus c?nvenaLles pour l'entrepôt des bois, et ces lieux une fois désignés, les
propriétaires du sol ne pourraient s'opposer à ce
que les flotteurs y fissent leurs dépôts; mais, comme
l'administration n'est pas mahresse de prendre le
bien à l'un pour l'attribuer à l'autre, le marchand
de bois doit alors payer une indemnité au mahre
du fonds, à raison du dommage qu'il lui a causé;
et c'est ainsi que cela est réglé par la loi du 28 juillet 1824 (1).
.:";
(1) Voy. au bullet. t. 19, p. 67, 7· série.
�236
TllA.ITÉ
Dans le cas où un fonds voisin de la rivière n'an~
rait pas été compris parmi ceux désignés par l'administration pour servir de port, tout dépôt qui
y serait formé ne serait qu'une v.oie de fait que le
propriétaire aurait le droit de faire cesser, et dont
il serait parfaitement.fondé à se plaindre en justice
ordinaire.
La cause de la dame d'Arthel ne pouvait se trouver que daUs l'un ou l'autre de ces cas, c'est-à'dire que bien certainement l'administration av~it
ou n'avait pas auparavant désigné son fonds pOUl'
recevoir le dépôt des bois de flottage. 0", quelle
que soit celle de ces deux hypothèses dans laquelle
on veuille se placer, il sera toujours évident qne
le litige était totalement étranger à la compétence
du tribunâl administratif.
Et, en effet, quel que soit le motif d'une action
individuelle in ten tée par un particulier con tre un
autre, la demande, comme action privée, reste
toujours dans le ressort de la justice ordinaire,
lors même qu'elle est agitée pour faits ou à l'occasion de faits ayant eu lieu dans l'exercice de la navigation on de la grande voirie, attendu que c'est
une maxime incontestable en celte matière, et
consacrée par un grand nombre d'arrêts du conseil d'état lui-même (1), que les conseils de préfecture n'ont jamais à prononcer que sur l'action
puhliqueintentée à raison de l'intérêt public et col·
(1) Voy. sous les nO' 138 et suiv.
�DU DOMAINE PUBLIC.
237
lectif de la société. Or, d'une part, les dommages",:
intérêts prétendus par la dame d'Arthel n'étaient
nullement répétés contre le trésor, mais seulement
contre le ~ieur Bou trOll ; et, d'autre côté, le tréSOr public ou l'état n'avait rien à exiger pour réparation de dommages causés dans un port à sa
charge, puisqu'il n'y avait pas même de port construit près de la rivière. Tous les débats étaient
tlonc -renfermés dans les intérêts privés des deux
contendants: d'où il résulte que la cause ne de- .
vait point être arrachée au domaine de la justice
ordinaire, n'y eût-il que cett,e seule l'aison po~r la
laisser sous l'ernpire des règles communes.
Inutilement objecterait-on que les rivières flottables SOnt, ainsi que leurs accessoires, dans le doIllaine public, ct qu'en conséquence on doit considérer le tout comme immédiatement placé sous
la dépendance du régime administratif: car les
fonds voisins de ces rivières n'en sont pas moins
dans le domaine privé, et par conséquent ils n'en
restent pas moins placés sons la protection de la
justice ordinaire, chargée de la répression de tont
dommage qui y serait causé pal' un individu quelconque.
Peu importe d'ailleurs que les fonds riverains
soient ou non grevés de la servitude du dépôt des
bois destinés au flottage: car, du moment qu'il
est constant en principe que touie contestation individuelle, n'ayant pour objet que des intérêts
privés, reste .exclusivement dans le domaine de la
�238
TRAITÉ
justice ordinaire, encore qu'elle ait pour cause
quelques faits ou actes de navigation ou de flottage,
notre solution doit être maintenue.
Vainemen t opposerait-on encore que l'exercice
du flottage sur les grandes rivières flottables avec
trains et radeaux est I1n véritable service public,
pour couclure de là que tout ce qui peut y avoir
rapport soit pour le favpriser, soit pour y mettre
obstacle, doit rentrer sous la compétence de l'administration : car le flottage à bûches perdues qui
s'exerce sur les petites rivières et jusque Sll\' les
ruisseaux, est aussi un service public; il est même
très-souvent le plus important pour les besoins de
la société; et cependant personne n'oserait soutenir que son exercice, et les débats qu'il peut occasionner, rentrent dans la compétence des conseils
de préfecture.
885. 2° Il Y a, dans l'arrêt contre lequel nous
cl'Oyons devoil' nous élever, une fausse applicalion
de l'ordonnance de 1672, dont la disposition attrihue à l'autorité administrative le soin d'indiquer'
les lieux de ports, improprement dits, où doivent
être déposés les bois destinés à l'approvisionnement
de la capitale: car cette disposition n'est qu'un
acte de la police réglemen~aire et de prévoyance 1
tandis que les débats de la cause n'appartenaient
qu'à la justice contentieuse, ce qui est tout différent, parce que l'autorité qui fait les réglements
on les lois est tout autre que le pouvoir judiciaire, institué pour prononcer ~ur les contraven-
�DU DOMAINE PUBLIC.
•
239
tions à l'ordre établi par ces lois ou par ces régIements.
A la vérité, on expose que c'est par voie de
conséquence de cette disposition réglementaire,
qu'on a pensé que l'autorité administrative devait
être seule compétente pour statner sur les débats
privés des parties; mais en cela même l'on a mé.,.
connu cet autre principe qui vent que toule juridiction exceptionnelle, comme celle des conseils
de préfeclure , soit rigoureusement bornée aux cspèccs qui lui sont attribuées, sans qu'il soit permis
de l'étendre à autre chose, mê e par voie de conséquence: Quod contra rationem juris receptum est ~ non est producendum ad consequentias (1), attendu que la règle doit conserver en
entier son empire dans tous les eas qui n'en sont
p~s légalement et formellement exceptés.
Et si, de ce que c'est à l'administration active à
prescrire telle ou telle mesure réglemen taire sur
une matière, l'on devait dire que, par voie de
conséquence~ c'est aux conseils de préfecture à
connaitre de tous les débats auxquels celle mesure
pourrait donner lieu, à quels errems un pareil système ne nous entraînerait·il pas?
C'est l'administration active qui fait ou réfol'me
tous les réglements de petite voirie; et cependant
toutes les contraventions commises en cette matière doivent être dénoncées à la justice ordinaire.
(1) L. 14, ff. de legibus J lib. 1, tit. 3; ct 1. 141, ff. de
regul. jur.
�240
TRAITÉ
C'est à l'administration active qu'est confié le
soin de faire tous les réglements concernant le
libre conrs des eaux: si donc les contestations qui
' 1ements
peuvent s ,e'1 ~ver Sllr l'"
executlon cl e ses reg
devaien t, par voie de conséquence, être portées
aux conseils de préfecture, il n'est pas une seule
servitude dérivant des cours d'eau qui, rela~iv~
ment aux débats que son exercice pourrait occasionner, ne rentrerait dans la compétence de ces trihunaux administratifs: et c'est cependant là ce que
,
versonne 11 "oseraIt soutel1lr.
886, 3° Mais, a-t-on dit, et c'est ici le motif
le plus explicite de l'arrêt, il est établi, en I,ût,
que Boutron a agi comme flotteur pour l'approvisionnement de Paris; et, aux termes de
l'ordonnance de 1672, les contestations qui
s'élèvelzt en pareil cas entre lesflotteurs et (es
propriétaires riverains sont dans les attributions de l'autorité administrative; comme si
tout le système de nos lois, sur la juridiction contentieuse des anciennes administrations, n'avait
pas été complètement aboli et changé dès 1790!
comme si l'on pouvait faire abstraction des diverses lois que nons avo~ls rapportées plus haut
dans ce chapitre, par lesquelles les tribl1naux orelin:lires ont été substitués à ces anciennes juridictions supprimées!
S'il est vrai que, SUI' une fonle d'objets, les réglements pa rticuliers et locaux, au tl'efois établis,
soient encore aujourd'hui maintenus en vigueur,
�nu
241
DOMAlNE PUBLIC.
comme beaucoup d'usages anciens le sont aussi, ce
n'est que quant à la police préventive et à la pénalité, mais lorsqu'il s'agit de l'ordre des juridictions
chargées de statuer sur les infractions commises,
il n'est plus permis de reconnahre d'autres autorités que celles établies ou recréées par notre
constitution.
Concluons donc que la jurisprudence du conseil J'état, sur le point de compétence que nous
venous de discuter, est tout·à.fait erronée.
..
TOM:. III.
16
�242,
TRAITÉ
CHAPITRE XLI.
Des droits domaniaux que l'état perçoit à raison des grandes
rivières.
-
887. L'état ,étant chargé de l'entretien des
grandes rivières, ainsi que de leurs pOfts, chemins
de halage, et généralemen t de tous les ouvrages
d'art établis dans l'intérêt de la navigation, il est
juste qu'il perçoive par compensation, .et comme
droits domaniaux, les revenus que cette partie du
domaine public est susceptible de produire.
Ces revenus se composent de trois droits princi.
paux:
Celui de la pêche ~
Celui de l'octroi de navigation,
Et cc1ui de bac.
SECTION PREMIÈRE.
De la pêche dans les ril'ières dépendant en(ièrement du domaine puhlie.
888. Tout ce qui concerne la pêche des petites
rivières sera traité dans un antre ~hapitre. Nous ne
nous- occuperons ici que de la pêche des rivières
navigabtes et flottables avec trains et radeaux.
Le principe général, en fait de pêche, est que
le droit en doit appartenil" à celui qui a la jouissance' du cours d'eau, puisque ce droit forme une
partie des avantages de cette jouissauce.
�DU DOMAINE PUBLIC.
243
C'est par suite de ce principe que, chez les Romains, les rivières étant généralement considérées
comme restées dans le patrimoine de tous et au
nombre des choses communes, le droit de pêche y
appartenait également à tous: Plumina autem
omnia et portus publica sunt ~ ideoque jus piscandi omnibus commune est in portu fluminibusque (1).
En France, après la chute de l'empire romain
dans les Gaules, on adopta un aùtre système fondé
snI' la distinction des rivières navigables et des petites rivières.
Les seigneurs s'emparèrent de celles de ces dei'.
nières situées dans l'enclave de leurs fiefs, et y devinrent les maîtres exclusifs du droit de pêche;
mais ce droit fut compris dans l'abolition des droits
féodaux prononcée en 1789 par l'assemblée constituante.
A l'égard des rivières navigables dont il s'agit
ici, elles furent toujours réputées faire partie du
domaine public de l'état; le droit de pêché n'y
appartenait qu'au roi, et ne pouvait y être exercé
qu'en son nom, comme il n'y peut être e'Xercé aujourd'hui qu'au nom de l'état et par ses fermiers.
On exceptait cependan t les particuliers ou corporations qui, ayant obtenu du roi la concession
du droit de pêche sur les rivières navigables, en
étaient maintenus en jouissance par les lois de
(1) Inst. § 2 ,de rerum divisione.
�244
TlWTÉ
l'époque. C'estce qui résulte du rapproche men t des
art. 41, titre 27, et 19, titre 31 , de l'ordonnance
de 1669 J et tIes lettres-patentes du mois 'd'avril
1683, rapportées plus hau t (1).
On a élevé dans ces derniers temps la question
de savoir si ces anciens concessionnaires devaient
être maintenus encore aujourd'hui dans la jouissance de leur droit; mais, comme il s'agit là tout à
la fois d'un droit domanial, dont l'inaliénabilité a
toujours été un principe de notre droit public, et
d'un droit de pêche, généralement frappé de suppression par les décrets de nos assemblées législa- .
tives, la négative a été avec raison décidée par div~rs arrêts du conseil d'état (2).
889. En ce qui regarde les ~ivières navigables,
l'administration et la police de la pêche avaient été
sommairement réglées par le titre 5 de la loi du
14 floréal an Xl (3); mais aujourd'hui toutes les
dispositions concernant ce droit, soit dans les rivières ql~i font partie' du domaine public, soit dans
tous les autres cours d'eau quelconques, sont consignées dans, la loi du 16 avril d~29 sur la pêche
fluviale J dont l'art. <53 prononce formellement l'abrogation de toutes les luis et de tons les réglements antérieurement rendus sur cette matière (4).
(1) Voy. sous le nO 727.
(2) Voy. dans SIREY, t. 4, p. 106, et dans MAGAREL, t. 5,
p. 10.
(3) Voy. au bullet. t. 6, p. 245, 3e série.
(4) Voy. au bullet. t. 10, pag. 225, 8e série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
245
Comme nous ne' nous occupons encore que des
rivières qui appartiennent au domaine public, nous
ne devons parler ici que du droit de pêche qui
1 l" etat sur ces nVleres,
. .,
.
s,exerce au nom (e
en llldiquant seulement, et d'une manièl'e très-sommail'e, les dispositions de la loi qui rentrent dans
notre objet.
890. Par l'art. 1 er , il est établi que cc le droi t
» de pêche sera exercé an profit de l'état,
0
» 1 Dans tous les fleuves, rivières, callaux et
» contre.fossés, navigables ou flottables, avec ba» teaux, trains ou radeaux, et dont l'entretien est
» à la charge de l'état ou de ses ayant-cause;
0
» 2
Dans les bras, noues, boires et fossés qui
» tirent leurs eaux ùes fleuves et rivières naviga» bles ou flottables, dans lesquels on peut en
» tout temps passer et pénétrer libl'ement en bal) teau de pêèheur, et dont l'entretien est égale» ment à la charge de l'état.
» Sont toutefois exceptés les canaux et fossés
» existants on qui seraient creusés dans des pro» priétés particulières, et en tretenus aux fra~s des
», propriétaires. »
Quoique ce texte ne parle explicitement que de
la pêche ou de la prise du poisson, néanmoins l'on
voit, par l'art. 44 dn cahier des charges, contenant
les condiLions de la mise en adjudication à titre de
bail de ce reven Il, qu'on y comprend aussi l'exercice du droit de chasse des oiseaux aquatiques qui
�24:6
TRAITÉ
peuvent être pris ou tués sur les rivières et cours
d'eau du domaine public~(l).
891. Le droit de pêche appartenant à l'état
parait plus étendu d'après celte loi que d'après
celle du I4 floréal an XI, qui ne le lui attribuait
nominativement que dans les rivières navigables;
toutefois, il faut remarquer que par ces expressions restrictives,Jlottables avec bateaux~ trains
et radeaux ~ on place en dehors du domaine puhlic toutes les rivières qui ne sont flottables qu'à
hûches perdues; et c'est pourquoi il est' immédiatement ajouté, pal' l'art. 2 , que, dans toutes les
rivières et canaux autres que;ceux qui sont désignés dans l'arLicle préçédent, les propriétaires
riverains auront, chacun de son côté, le droit de
pêche jusqu'au milieu du cours d'eau.
892. Suivant l'arl. 3, le gouvernement doit
déterminer, par des ordonnances rendues après
enquêtes de commodo et incommodo} quelles
sonlles parties des fleuves et rivières du domaine
public où le droit de pêche sera exerc,é au pl'Ofit de
l'état, ce qui se rapporte à ce que nons avons dit
ailleurs, que les rivières navigables ou flottables
n'appartiennent au 'domaine public que jusrju'au
point où elles commencent à porter bateaux, trains
ou radeaux, et qu'elles l'estent soumises au droit
privé dans leur partie supérieure: en conséquence
il y a u~e délil1litaLÎon à faire pOllr déterminer
-------"-----------(1) Voy. dans
DAYJEL,
p, 191, nO 282.
�DU DOMAINE PUBLIC.
247
dans èhaque rivière, même navigable, la partie supérieure où la pêche appartient encore aux pro-'
priétaires riverains.
Comme c'est au. gouvernement séul qu'appar. tient le droit de déclarer na vigable ou flottable une
rivière qui ne l'était pas, el de la faire entrer dans
le domaine public, l'on arrive nécessairemei.1t à
,
cette consequence,
que c ,est a'1"
Ul que d'
Olt appar~enir le pouvoir de fixer les points depuis lesquels
la partie inférieure de chaque rivière sera considérée' comme navigable ou flottable, pou r què la
pêche y soit pratiquée au profit de l'état; mais,
par un respect scrupuleux pour les droits des tiers,
la loi veut qu'il ne soit procédé à cette démarcation qu'après'une enquête de commodo et incommodo" au moyen de laquelle tOIlS les propriétaires
J'Ïverains seront avertis et mis à portée de faire
leurs réclamations et observations.
893. Lorsque le gouvernement déclare navigable ou flotta ble, avec trains et radeaux, une rivière, qui ne l'était pas, il est dû aux propriétaires
ri verains,à raison de la suppression de leur droit de
pêche, une indemnité qui doit être réglée de
manière que compensation soit faite des avantages
qu'ils pourront reti'rer de la nouvelle mesure prise
par le gouvernement (art. 3).
M1\is, outre que celle espèce de compensation
-ne peut être que fort difficile il établi", et qu'elle
doit, surtout dans l'estimation des avantages que
promet la navigation, en traîner une foule de dé-
�248
TRAITÉ
hats avec tous'les propriétaires riverains de chaque
côté du fleuve, nous pensons que la loi se montre
trop généreuse dans la concession de celte indemnité, puisque c'est d'elle seulement que les propriétaires riverains tenaient, à titre de don purement gratuit, la faculté de la pêche.
Cerles, en s'en rap,portant aux priricipes de l'équité ou du raisonnement, il ne devrait pas plus
être payé d'indemnité pour cet objet (lue pour la
privation de la prise des caux d'irrigation, à raisop.
de laquelle il n'en est point accordé. C'est donc là,
nous ne pouvons nous empêcher de le dire, un
syslème qui n'est d'accord ni aveclui..m~me ni avec
les in lérêls du trésor public.
La pêche, dans les rivières de l'état, ne doit
être pratiquée que par des porteurs de licence ou
par desfenniers qui s'en seraient rendus adjudicataires. Cependant il est permis à tout individtl d'y
pêcher à la ligne floltante tenue à la mail), le temps
du frai excepté (art. 5).
Les fermiers et porteurs de licence ne peuvent
user, sur les fleuves et canaux navigables, que du
chemin de halage; et, sur les rivières flottables,
que du marchepied, sauf à traiter de gré à gré avec
les propriétaires riverains sur l'usage des lenains
dont ils auraient besoin pour retirer etasséner leurs
filets (art. 35).
894. Les contes~a,tîons qui peuvent s'élever
pendant les opéralic de l'adjudication sur la validité des enchères, ou sur la solvabilité des enché-
os
�DU DOMAINE PUBLIC.
249
l'Ïsseurs et des cautions, doivent être immédiatement décidées par le fonctionnaire qui préside la
séance d'adjudication, à raison de l'urgence des
circonstances (art., 14).
Et tontes celles qui peuvent avoir lieu au sujet'
de la validité des surenchères doivent être portées,
non pas en justice ordinaire, mais au conseil de
préfecture (art. 20), attendu que jusque-là le contrat n'étant point encore définitivement formé, la
juridiction administrative doit rester saisie du droit
. de prononcer sur le mérite des stipulations exigées
pour la consommation du bail.
Mais une fois que la conven tion a été arrêtée,
toutes les contestations qui viendraient à surgir
entre l'administration ct les adjudicataires de la
pêche, relativement à l'interprétation et à l'exécution des baux d'adj lldication , et toutes celles qui
s'élèveraient entre elle ou, ses ayant-cause et des
tiers intéressés, à raison de leurs droits ou de leurs
propriétés, doivent être portées devant les tribunaux ordinaires (art. 4).
Sur quoi il n'est pas inutile de remarquer que
cette disposition de la loi du 15 avril dh9, qui
renvoie aux tribunaux ordinaires la solution des
débats qui peuvent s'élever sur l'interprétation des
baux de la pêche, quoique ce soien t des actes administratifs, n'est cepeudant pas une disposition
exceptionnelle du droit commun. On doit dire,
au cOl::!tl'aire, que les auteurs de la loi ont voulu
par là reconnaître et consacrer le principe géné-
�250
TRAITÉ
raI en vertu duquel c'est aux tribunaux à statuer
sur les débats ayant pOllr objet des droits de pro-'
priété ou l'applicati'on- et l'interprétation des contrats: aussi la jUl'isprudence constante du conseil
d'état est d'appliquer à tous les. baux administratifs la règle de compétence exprimée par cet article
de la loi de 1829 (1).
895. Les pOllrsuites des délits et contraventions, en fait de pêche, doivent être portées aux
tribunaux de police correctionnelle, comme celles
qui ont lieu à raison des délits forestiers (art. 48).
Ici se présente la question de savoir si un dépôt
de chanvre 'pour rouissage devrait être regardé
comme une contravention aux réglements de
grande voirie, dont la répression serait de la compétence du conseil de préfecture, chargé 'de prononcer SUI' les contraventions commises au préjudice de la libre viabilité de grande voirie soit terrestre (2), soit nau tique (3) , par des dépôts y apportant gêne ou empêchement, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, ou si l'on ne devrait pas
, plutôt considérer les dépôts de ce geUl'e comme des
délits de pêche, eu égard à ce qu'ils seraient de
nature à causer la mort du poisson, ct en consé-
(1) Voy. les arrêts du conseil du "1 mars 1821; du 8 mai,
des 4 et 18 décemhre 1822, dans MACAREL, t.l, p. 381; t. 3,
p. 392; et t. 4, p. 441.
(2) Voy. sous le nO 304, § 9.
(3) Voy. sous les nO' 688, 695 et 833.
�DU DOMAINE PUBLIC.
251
quence en renvoyer la connaissance à la justice 01'dihaire, conformément à rart. 25 de la loi que
110US commentons ici, lequel porte que quiconque
aura jeté dans les eaux des drogues ou appâts qui
sont de uatureà enivrer le poisson ou à le détruire,
doit être puni, par le tribunal de police correction~
nelle, d'une amende de trente à trois cents francs,
et d'un emprisonnement d'un à trois mois.
Il ne serait œrtainemcnt pas facile de décider
que, ùans l'espèce proposée, l'une de ces autorités
A
, 'll1voquee
"al 'exc1USlOn
. d e l' autre, et ce1a
etre
d ut
nous porte à dire que la première qui serait saisie
du'; débat devrait prononcer suivant les règles
pr~pres a sa j'urispl'Udence, sans qu'il fût permis de
recourir encore à l'autre, par suite de la maxime
Non bis in idem (a).
896. Le gouvernement exerce la surveillance
'et la police de'la pêche dans l'intérêt général.
En conséquence les gardes-pêche ou agents spéciaux par lui institués à cet effet, ainsi que les
gardes champêtres, éclusiers des canaux, agents forestiers, garùes généraux et gardes à cheval, peuventet doivent constater, par leurs procès-verbaux,
les délits de pêche commis, en quelques lieux que
ce soit, ,sur les rivières navigables et flottables et
les canaux de-navigation, et même sur les ruisseaux
ou cours d'eau quelconques (art. 23, 28 et 36).
(a) Voy. sur cette question la note (h) sous le nO 828 suprà,
pag. 157.
�252
.'
TRAITÉ
Les gal:des-pêche ont le droit de requérir directement la force publique pour la répression des
délits en matière de pêche, ainsi que pour la saisie
des filets prohibés et du poisson pêché en délit
(art. 43 ).
Ils doiven t écrire eux- mêmes leurs- procès-verbaux, les signer et les affirmer, au plus tard le
lendemain de leur clôture, pardevant le juge de
paix du canton, ou l'un de ses suppléants, ou pardevant le maire ou l'adjoint soit de la commune
de leur résidence, soit de eelle où le délit a été
commis ou constaté, le tout à peine de nullité.
Cependan t si, par suite d'un empêchement quelconque, le procès-verbal est seulement signé par
le garcle-pêche, mais non écrit en entierde sa main,
l'officier public qui en recevra l'affirmation devra
lui en donner préalablement lecture, et faire ensuite mention de celte formalité, le tout sous
peine de nullité du procès-verbal (art. 44 ).
. 89'1. Mais les procès-verbaux dressés par les
agents forestiers, les gardes généraux et les gardes à
cheval, soit isolément, soit avec le concours des
gardes-pêche royaux, ne sont point soumis à la formalité de l'affirmation dont on vient de parler
(art. 46).
Les procès-verbaux des gardes-pêche doivent, à
peine de nullité" être enregistrés dans les quatre
jours qui suivront celui de leur affirmation on celui
de la clôture du procès-verbal, quand il n'est pas
sujet à l'affirmation (art. 47).
�DU DOMAINE PUBLIC.
253
Toutes les poursuites exercées en réparation des
délits de pêche doivenJ être portées devant le tribunal de police correctionnelle; et l'acte de citation doit, à peine de nullité, con tenir la copie du
procès-verbal et de l'acte d'affirmalÎon (art. 48 et
49 ).
Les délits de pêche peuvent être prouvés soit par
procès-verbaux des gardes-pêche et des autres officiers de police judiciaire dé~ignés plus haut, soit
même par témoins, à défaut de procès-verbaux,
ou -en cas d'insuffisance de ces actes (art. 52).
898. Lorsque les procès-verbaux ont été dûment affirmés, et qu'ils sont d'ailleurs revêtus de
toutes les formalités énumérées c~-dessus, ils font
foi jnsqu'à inscription de faux; néanmoins ceux
qui ne seraient dre.ssés et signés que par un seul
agent ou garde-pêche) ne font preuve, jusqu'à
inscription de faux, que lorsqu'il s'agit d'un délit
qui n'entraîne pas une condamnation à !,llus de_
cinquante francs, tant pour amende que pour dommages-intérêts (art. 53 et 54).
Au reste c'est par des ordonnances royales que
doivent être déterminés les temps, saisons et heures
pendant lesquels la pêche doit être interdite dans
les rivières et cours d'eau quelconqpes, ainsi que
les instruments dont il est permis ou défendu aux
pêcheurs de faire nsage ( art. 26 ).
Cette analyse des disposition"s de notre loi surla
pêche fluviale pourrait être poussée plus loin; mais,
comme pour être utile il faudrait presque qu'elle
�254
TRAITÉ
reproduisit en entier le texte, nous préf~rons y
renvoyer.
899. Néanmoins nous ne quitterons pas ce sujet sans faire remarquer qu'aux termes de l'art. 74,
et: le~ maris, pères, mères, tuteurs, fermiers et
» porteurs ùe licences-, ainsi que tous propriétaires,
» mailres et commettants, seront civilement res» ponsables des délits, en matière de pêche,
» commis par leurs femmes, enfants mineurs, pn» pilles, ba telicrs et compagnons, et tous autres
» subordonnés, sauf tout 'recours de droit, » et
que cc cette responsabilité sera réglée Gonformé» ment à l'art. 1384 du Code civil. »
01', ce dernier article ne parlant què de la responsabilité à raison du dommage causé par les
,enfants ou les mineurs; ou autres subordonnés, on
ne doit point l'étendre ni aux amendes, ni encore
moins aux peines corporelles, parce qu'il est déjà
contraire à la règle du droit commun de rendre
'
une personne responsable du dommage causé par
le fait d'une autre: quod contrà rationem juris
receptum est" porte la loi 183, ff. de reg. juris"
\
non est producendum ad consequentias.
SECTION II..
De ['octroi de narigation.
900.
L'octroi de naviga lion intérieure est le
droit qui se perçoit au nom de l'état à raison des
choses qui sont transportées par e'au 8\.1 r les rivières
et canaux navigables.
�DU .DOl\IAIt'Œ PU1ILIC.
255
Ce droit n'a pas toujours été, comme il l'est au~
jourd'hui, exclusivemen t domanial, et il y a cu
dans nos lois, sur ce point, plusieurs variations
qu'il ~l'est pas inutile de signaler ici.
Avant la révolution de 1789 les seigneurs s'en
étaient emparés, èt. le percevaient sur la plupart
des rivières dans les limites de leurs terres; mais
l'abolition de la féodalité entraina sa suppression
qui fut spécialement prononcée par l'art. 13, tit. 2,
du décret du 15-28 mars 1790' Toutefois l'art. 15
en excepta ceux concédés comme prix ou dédommagement de construction de ponts, canaux et
autres travaux d'utilité publique, ou comme indemnité accordée aux propriétaires légitimes de
moulins, usines ou autres bâtiments supprimés
Jans l'intérêt de la navigation.
Vint ensuite la loi du 25 août 1792, décrétée
dans un esprit d'excessive liberté populaire, même
au préjudice des intérêts de rétat, et dont l'art. 9
porte que:
cc Les droits exclusifs de bacs et voitures d'eau,
» provisoirement conservés par l'art. 15, tit . .2 du
» décret du 15 mars 1790, sont pareillement suI'''
)) primés; de manière qu'il sera libre à tous ci» toyens de tenir, sur les rivières et canaux, des
» bacs, coches ou voitures d'eau, sous les loyers
» et rétributions qui seront fixés et tarifés par les
» directoires de département, sur l'avis des muni.
» cil'alités et directoires de district. »)
901. On voit par là que, dans cette abolition
�.
256
TR.llTÉ
générale et absolue, les auteul's de la loi ont compris même les droits de péage réservés par le décret
du 15 mars 1790 au profit des constructeurs de
ponts et can:l.Ux. Sans doute, ad apicem juris,
ils le pouvaient, eu égard à l'inaliél;ahilité. des
droits domaniaux; mais ils devaient réserver au
moins à ces derniers le droit à un remboursement
de leurs impenses, et c'est ce qui a été, en effet,
reconnu plus tard.
Quoi qu'il en soit, cette dernière loi, conçue
dans un esprit exagéré de liberté, n'était d'accord
ni avec les principes du bon ordre, ni avec ceux
d'une sage économie publique.
Elle n'était pas d'accord avec les principes du
bon ordre, parce que les transports par eau inté.
, ~
l
des perressent touJours
emmemment
a "
suret.e
sonnes et des chos~s qui en font l'objet, à raison
des dangers particuliers qu'ils présentent; c'est là
une matière de grande voirie qui doit être soumis,e
à l'inspect~on immédiate de l'administration publique.
Elle n'était pas d'accord non plus avec les principes d'une sage économie, en ce qu'elle entraînait ponr le trésor une perte qu'on ne sauralt justifier : car, du moment que les rivières et canaux
navigables font partie du domaine public, et que,
comme tels, ils sont à la charge de l'état pour tous
les travaux d'art et les dépenses d'entretien qui y
sont nécessaires, les règles d'une sage économie
exigent que ce soit le gouvernement qui, par réci-
�DU DOMAINE PUBLIC.
257
procité, perçoive lès bénéfices qu'on peut tirel' de
la navigation.
902. C'est pourquoi la loi du 30 floréal' an x,
revenant aux ,,·éritables principes, statue comme il
suit:
er
cc Art. 1 • Il sera perçu, dans toute l'étendue
» de la république, SUl' les fleuves et rivières navi» gables, un droit de navigation intérieure, dont
» les produits seront spécialemen t et limita tivemen t
» affectés au balisage, à l'en~retielydes chemins et
» ports de halage, à celui des pertuis,' écluses,
» barrages et autres ouvrages d'art établis pOUl'I'a» vantagc de la navigation.
» Ce droit sera aussi établi sur les canaux navi» gables qui n'y ont point cncvre été assujettis, et
» SI1\' ceux dont la perception des anciennes taxes
» serait actuellement suspendue. n.
Pour rendre la spécialité encore plus rigoureuse,
l'art. 2 veut que le produit soit limitalÎvement employé à l'améliofation de chaque rivière 011 canal
sur lequel la perceptiOll en aura été faite.
Aux termes de l'art. 3, il doit être arrêté par le
gouvernement, et dans la forme des réglements
d'administration publique, un tarif des droits de
navigation pour chaque fleuve, rivièl'e on canal,
suivant la nature et l'importance des chargements.
903. Enfin l'art. 4 ct dernier porte que ce les
» contestations qui pourront s'élever sur la pel'» ceplÎon des droits de navigation, seront décï~
TO:lI. III,
�258
TRAITÉ
~>'
clées administrativement par les conseils de pré» fecture (I). »
Ce droit d'octroi sé perçoit dans des bureaux établis de distance en distance sur les ports des rivières, en face desqnels il doit être placé un poteau
el une plaque portant l'inscription du tarif.
C'est au préfet, el non au couseil de préfecture,
qu'il appartient d'ordonner l'étahlisse;nent de ces
poteaux, et d'en fixer l'emplacement (2).
904. Il est à observer que, dans cette loi, il
n'est uniquement question que des rivières navigahles : d'où l'on doit conclure, qu'en ce qui concerne les autres rivières, il ne peut être dû aucun
octroi de la part de celui qui voudrait s'en servir,
et.qu'en cela nous sommes encore régis par l'art. 9
de la loi du 25 août 179 2 , puisque. celle du 30
' l an x n 'yc
'
, qll ,.a l" egar d d es flVlereS
.. .
fl orea
a leroge
-navigahles. Cette conséquence est d'autant moins
contestable, que Poctroi de navigation établi par la
loi. de l'an x n'est destiné qu'à l'entretien des ri.vières sur lesquelles il est perçu, à l'effet d'indemniser l'état des dépenses qu'il est obligé d'y.
fàire, et que, comme nous le ven'ons plus bas en
rapportant la loi du 14 floréal an XI, l'entretien des
rivières qui ne sont point navigables n'est pas ordinairement à la charge de J'état, mais hien à celle
des propriétaires de la contrée.
(1) Voy. au bullet., t. 6, p. 328,3" série.
(2) Voy. l'arr~t du conseil du 23 juillet 1825, dans MACAREL, t. 5, p. 538.
�DU DOMAINE PUBUC.
259
D'ailleurs, comment la perception d'un' droit
poulTait-elie en être faile là où il n'y a 11i tarifpour
eu fixer le mOntant, ùi bureau établi pour eu recevoir le paiement r
Ainsi il est libre à chacun d'user d'une rivière
non navigable pour le transport de ses bois, bateaux ou autres choses, sous la seule obligation
d'indemniser les propriétaires riverains des dommages qui pourraient êlre causés à leurs fonds.
905. Mais cette conséquence pourrait-elle être
élendue même aux coches ou voitures par CaJ.l
qn'un particulier voudrait établir pour le tl'aosport des voyageurs SUI' une partie de rivière non navigable? Pourrait-on dire ici que la loi de floréal
au x. n'ayant dérogé à celle de 1792 qu'en ce qui
touche aux rivières navigables, cette dernière doit
nous régir encore quant à )a permission qu'elle accorde à chacun d'établir des voitures par eau sur
toutes les rivières ou 'parties de rivières non navigables qui peuvent être susceptibles de ce service?
Nous ne )e croyon; pas, et il nous parah, au
contrail'e, que ce moyen de transport dont la l'êtriblltion doit, aux termes de la loi ùe ) 792, être
réglée par un tarif approuvé par le gouvel'l1ement,
est passible, comme celui qui s'effectue sur terre
par des voitures publiques, d;un impôt indirect
fixé proportionnellement au nombre et au prix: des
places.
906. Comme toute rivière qui est navigable est
�260
l'llAlTÉ
.en même temps flottable, cette double quali'té fait
naître ici ]a'question de savoir si le simple flottage,
exercé snr une rivière navigab]e, doit être sujet
au paiement de l'octroi comme la navigation par
bateaux.
.
Sa,ns dome, si celui qui veut faire transporter
son bois au moyen de III rivière, a soin de le
charger sur des bateaux pour mieux franchir les
écluses servant au trajet ùe la navigation, il sera
tenn de payer le droit d'octroi comme tout batelier
transportant d'autres denrées 0\1 marchandises;
mais c'est du flottage' qu'il s'agit ici.
Nous croyons qu'il faut faire nne distinction
entre le cas où le flottage s'exerce par trains et radeaux, et celui où il a lieu à bûches perùues, quand
les' réglemen ts ne s'y OppOSellt pas; que dans le
premier, le droit J'octroi est dû, mais non dans]e
second.
, 'Et d'aburd la loi du 30 fluréal an x, ci-dessus
rapportée, ne parle exp]icitemént que du droit dé
navigation; en sorte que ce n'est déjà que par
identité de Illotifqu'on en applique ]a disposition
ail 'flottage avec trains et radeaux: 01' ce serait
poùsser la cons~quence trop loin si l'on voulait l'étendre jusqu'à celui à bûches perdues, d'autant
plus que, pour l'exercice de cet usage, le gouver" d' operer
,
1
nement n ,est 0 bl'Ige
aucuns travanx (ans
les ri vières.
'
Aussi nons voyons qu'aucu ne des règles établies
pal' l'arrêté du 8 prairial an XI, pour l'exécution
�DU DOMAiNE PUBLIC.
261
de la loi du 30 floréal, ne convient aux transports
des flottes à huches perdues.
Suivant l'art. 5, il doit y avoir un tarif des droits
d'octroi à chaque Ibureau de perceptio"n, et trèscertainement ce tarif doit être pl'Oportionllé au
montant des chargements qui passent devant le
hureau: or le montant d'une flotte à bûches perd.ues n'est pas susceptible d'être vérifié, même pal'
approximation, de la part du receveur de l'octroi:
d.?nc cette disposition réglementaire ne saurait
être applicable à ce genre de transport.
907. Les art. 14 et 23, qui ne peuvent raisonnablement être appliqués qu'aux bateaux, trains
et radeaux accompagnés de conducteurs,et dont le
"
'
..
passage s opere:~lOstantallement et non StlCCeSSlVe- \
ment comme celui d'une flotte à bûches perdues,
viennent encore confirmer notre opinion.
908. Cependant les propriétaires de ces flottes
peuvent être obligés de payer au port de destination un droit d'o~troi municipal soit pour l'entretien des arrêts qui sont étaLlis et dont ils profitent, soit pour le dépôt de leur bois sur les terrains adjacents: mais ce n'est pas là un octroi de
navigation proprement dit.
L'arrêté de prairial an XI, rendu pour régler
l'exécu tian de la loi de floréal an x, con Lien t, sur
le classemen t des rivières et canaux; SUl' la manière
de percevoir les droits d'octroi, d'en afficher le
tarif et de constater les contraventions; sur les devoirs imposés aux recev,enrs, aux préfets ct alÎx in~..,
�262
TRAiT(;
génieurs, une foule de détails qu'il serait hors de
notre objet lIe rapporter ici, et qu'il faut voir dans
., lUl-meme
' .
()
l ,arrete
l,.
.
909. Nous ajouterons seulement qu'outre l'amende de cinquante francs imposée par l'art. 23 à
celui qui aurait dépassé le bureau sans payer l'octroi, il est porté encore, dans l'art. 24, qu'en cas
J'insulte on de violence, L~amende sera de cent
ftancs" indépendamment des dommages et intédts" et de peine plus grave" si le cas :Y échet;
et qu'alors l'art. 25 veut qlle le procureur qu roi
soit chargé de poursuivre, même d'office, devdnt
les tribunau:L"" les auteurs des insultes ou vioLences -qui pourraient être commises; et ce,
tant SUl' la clameur publique que sur les procèsverbaux dressés et affirmés par les préposés à l'octroi : de tout quoi il résulte que l'autorité administrative et l'autorité judiciaire ont ici chacune sa
part de compétence.
C'est au conseil de préfecture que doit être portée
l'action on la demande en condamnation aux
amendes, el aux réparations des dommages causés
au préjudice de l'in térêt public, telles que les dégradations qui auraient été faites aux ouvrages d'art
servant à la navigation
à la maison ou bureau
national 'du receveur préposé à l'octroi, attendu
que ce sont là de véritables contraventions en matière de grande voil"ie.
et
(1) Voy. au hullet., t. 8, p. 489, 3e série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
263
Mais, en cc qui a tl'ait soit aux dommages·inté~
rêts réclamés par des particuliers, soit à des peines
autres que les amendes dont on vient de parler,
l'affaire doit être renvoyée devant les tribunaux,
par actions civiles, en police correctionnelle ou en
justice criminelle, suivant la nature du fait Et la
gra vité des circonstances.
910. Les tribunaux sont encore seuls compétents pour prononcer sur la nature des titres de
celui qui serait en possession d'un droit d'octroi ou
de peage, ct statuer sur la question de savoir si ces
titres oula cause de cette possession seraient d'une
origine féodale, ce qui en traînerait la suppression
du droit sans indemnité; ou si la perception dérive
d'une autre cause, comme si elle n'est que le prix
d~ travaux, ou de propriétés cédées au gouvernement, on l'effet de toute autre acquisition à titre
onéreux faite par l'état; et si, en conséquence, elle
ne peut être supprimée qu'avec dédommagement.
Dans ce cas, la contestation doit êtl'e porlée en
justice ordinaire, parce qu'il s'agit alol's d'uoe
question de propriété (1).
SECTION III.
Du droit de hac.
911. Le droit de bac est un droit domanial qui
consiste dans la faculté exclusive d'avoir, snI' les
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 5 septembre 1821, dans MAt. 2, p. 364.
CAREL,
�264
TRAITÉ
rivières, en certains points déterminés où il n'y a
pas de ponts, des bateaux plats pOUl' servir au passage des personnes, des animaux, des voitUl'es,
ùes denrées et marchandises, moyennant la perception d'un prix de transit fixé par un tarif adapté à
chaque localité.
L'établissement d'un bac exige aussi celui d'une
maison ou logement ponr servir à l'habitation des
bateliers, qui d0ivent toujours être prêts à passer
la rivière qnand ils en sont requis.
Cet .établissement intéresse éminemment l'ordre
public, non-seulement par r,'pport à la libre et
prompte circulation des personnes et des denrées,
mais encore sous le rapport de la construction régulière et Ju bon entretien des bacs, qui doivent
être tels qu'il y ait sùreté dans le passage, et qu'on
puisse, autant qu'il est humainement' possible,
prévenir tous les accidents.
912. Autrefois la féodalité avait fait sa mainmise sur les droits de bac, el les seignéul's s'en
étaient emparés, comme de celui de pêche, dans
l'étendue de leurs terres.
Ils avaien t été maintenus dans cette possession
par l'art. 41, titre 27, de l'ordonnance de 1669,
pourvu toutefois que leur jouissance remontât alldelà de l'année 1566, comme cela fllt expliqué par
les lettres-patentes du mois d'avril 1683, que nous
avons rapportées pIns hallt (1),
(1) Voy. sous le nO 7:Ù.
�DU DOMAINE PUBLIC.
265
L'abolition des droits féodaux par l'assemblée
constituante, dut tÔt ou tard atteindre ceux de
bac; néanmoins ils furent encore provisoirement
maintenus par l'art. 15, titre 2, du décret du IS.
28 mars 1790' Mais peu après, ceux qui étaient
seigneuriaux furent abolis sans indemnité par l'article 9 de la loi du 25 août 1792, ci-dessus rapportée, qui certainement n'avait pas entendu priver
les simples particuliers des droits pour la possession desquels ils étaient fondés en titre légitime.
913. Mais enfin les droits de bac étahlis sur les
rivières navigaLles étant une charge imposée an
domaine puLlic, qui ne peut être, dans aucune de
ses parties,· engagé par aliéna tion irrévocable, et
l'usage de ce moyen de transport intéressant éminemmen t la sûreté des passagers, les principes
d'une bonne adJ?inistration exigeaient que ces
droits, possédés par des particuliers, l'en trassen t
dans la main du gouvernement, qui, étant seul
chargé de l'entretien des rivières navigables, doit
être aussi seul en possession des produits attachés
à ce genre de transports; et c'est là ce qui a été
opéré par la loi du 6 frimaire an VII, dont l'article
1 er est conçu dans les termes suivants:
cc Les dispositions de la loi du 25 août 1792, sur
» les bacs et bateaux établis pOUl' la traverse des
'» rivières, fleuves ou canaux navigable~, et du 25
» thermidor an III, sur les droits à percevoir aux" dits passages, ainsi qne toutes autres lois, tous
" nsages, concordats, engagements, droits com-
�266
»
,>
'l'RAITE
mnns, franchises, qui pourraient y être relatifs
ou en dépendre, son t abrogés (1). »
914. Pour la traverse des fleuves, rivières
Olt canaux navigables: ces expressions , qu'on
trouve encore répétées dans les art. 2 , 25, 31 et
64, font naître la question de savoir si la disposition dont il s'agit doit être également appliquée
à l'établissement des bacs sur les rivières qui ne
sont point navigables, ou si, à l'égard de celles-ci,
l'usage libre qui en avait été décrété par la loi du
.25 août 1792 ne reste pas encore le même aujourd'hui.
Sans doutela règle des inclusions tendraIt à faire
adopter la solution favorable à la liberté, si l'on ne
devait s'attacher qu'au fait de la domanialité du
fleuve; mais, comme nous l'avons déjà dit à l'égard
·des coches et voitures par eau, il faut considérer
que l'établissement des bacs publics intéresse trop
essentiellement la sûreté des passagers, pour qu'il
ne soit pas immédiatement placé sous l'autorisation
et la surveillance de l'administration; que ce mode
de transport rentre d'ailleurs dans les matières de
grande voirie qui sont soumises à l'autorité ad ministl'ative; que la perception d~s droits à payer par
les passants est une contribution indirecte qui ne
peut être imposée que par un décret de l'autorité
publique, en exécution d'un tarif par elle arrêté;
et qu'enfin le transport par bac ne pouvant, aux
(1) Voy. au bullet., 246, t. 7, 2' série.
�DU DOMAINE PUBLIC,
267
termes de la loi de 179'2, avoir lieu qu'au moyen
d'un tarif, qUe le gouvernement est toujours le
maître de refuser, sans qu'on puisse le contrain·
dre à l'accorder, il en résulte la nécessité de son
autorisation pour l'établissement des bacs, aussi
hien sur les rivières qui ne sont pas navigables,
que sur celles qui le sont.
Telle est aussi la jurisprudence constante du
conseil d'état, comme on peut le voir par divers
arrêts des 29 septembre 1810 (1),10 juillet 1822(2),
4 décembre suivant (3), 11 août 1824(4), etc., etc.
Tous out décidé que les bacs de passages publics,
même ceux établis sur des rivières non navigables,
ne peuvent appartenir à des particuliers, et qu'ils
sont placés Jans les attributions du directeur général des con tributions indirectes.
915. Tous concordats ~ engagements~ etc. ~
etc. ~ sont abrogés: celte abrogation est légitime,
puisqu'elle tend à rétablir en son entier le domaine
public; mais n'est-il dû aucune indemnité à ceux
qui 'sont ainsi dépossédés?
Pour résoudre cette question, il faut faire plusieurs distinctions, dans la double hypothèse où
le possesseur du bac n'aurait pour lui que sa possession, et où il serait encor~ fondé en litre.
(1) Voy. dans SIREY, t. 1, p. 410 et 41t.
(2) Voy, dans MACAREL, t. 4, p. 55.
(3) Voy. ibidem, p. 456.
(4) MACAREL, t. 6, p. 525.
�268
TRAITÉ
S'il n'a qu'une possessiôn ancienne et continue,
elle sera suffisante pour le faire maintenir dans la
propriété et jouissance de la maison et du logement
du batelier, de ses magasins, cordages, agrès et
bateau", parce que tous ces objets sont présumés
lui appartenir jusqu'à preuve contraire, et que tous
sont d'ailleurs soumis aux règles de la prescription;
il ne pourrait en conséquence en être privé sans
l'ece"voir une indemnité.
Mais si on "oLllait appliquer cette possession au
droit de bac 011 passage en lui-même, elle serait
sans effet, parce qu'on ne devrait la considérer
que comme ayant été exercée précairement et par
tolérance, ayant, sous ce point de VI,lC, pour objet
une chose qui appartient essentiellement au domaine pnblic, et qui est imprescriptible. Ici douc
la dépossession devl'ait avoir lieu sans aucun dédommagement.
916. Si, outre sa possession, celui qui jouit
d'un bac public, se trouve fondé en titre, il faut
encore distinguer le cas où ce titre, émanant d'un
ancien seigneur, est féodal, de celui où il aurait
été consenti par le gouvernement pour cause légitime.
Dans le pl'emier, une sous·distinction est encore
,
.
necessalre.
Lorsqu'il ne s'agit que d'une rivière non navigable, la concession ne doit point être retirée sans
indem nité, parce que, 'SOI1S le règne oe la féodalité,
les seigneurs avaient la possession des cours d'eau
�1
DU DOl\1A.INE PUBLIC.
269
qui n'appartenaient point au domaine de la couronne, et qu'ils y exerçaient légalement toutes les
actions du maître.
. S'il est question, au contraire, d'une rivière navigable , on doit appliquer, par iden tité de 'motifs ,
à la cause du possesseur du bac la disposition de
l'art. 5 de l'arrêté dUl9 ventôse an VI, relative aux
possesseUl's des usines établies au même titre, et
consi<.1érel· ce droit connue supprimé sans indemnité pal' les lois abolitives de la féodalité (1).
917. Mais ilest possible que le possesseur d'tin
bac en ait acquis le droit par un engagement à titre
onéi'eux, en verlU, par exemple, d'échange ou de
vente faits avec le gouvernement; alors sa dépossession ne poul;ra évidemment avoir lieu sans inden;mité; et, s'il y a contestation sur la nature et
la vali:dité des t~tres,cesànt autant de qnestions.qui
doivent être renv~yées préalablement à la décision
des tribunaux (2).
Ainsi, à supposer que le propriétaire du bac en
ait été dépossédé ou soit menacé de l'être par les'
administrateurs du domaine, il ne pourra 'se pourvoir devant les tribunaux pour demauder sa réintégration ou sa main tenue, puisque les lois ne veulent pas que les ~acs de passage public soient dans
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt du conseil du 11 août 1824, dans
t. 6, p. 525.
(2) Voy. l'arrêt du conseil d'état du 5 septembre 1821, dans
MACAREL, t. 2, p. 364.
MACAREL,
�2'10
TRAlTÉ
le domaine privé des citoyens (1) ; mais il devr.a f
conformémen\ à l'art. 2 de la loi qui nous occupe.,
se retirer pardevantl'administration, lui faire connaitre ses droits, et lui demander l'allocation d'une
indemnité, en concluant toutefois subsidiairement
à être renvoyé en justice ordinaire pour y faire
statuer sur la question de propriété, si l'administration croyait devoir lui contester la validité de ses
titres.
918. On trouve, au surplus, dans cette loi de
frimaire an VII, soit sur des circonstances transitoires qui ne son t pl us rien pour nous, soit su r
l'administration, la régie ou la mise en ferme des
bacs, un grand nombre de dispositions qu'il serait
hors de notre objet de rapporter ici. Nous remar..
querons seulemen t :
Qu'aux termes de l'article 25, le tarif des bacs
devait être réglé par le corps législatif; mais que,
suiva'nt l'al't. la de la loi du 14 floréal an XI, celui
de chaque bàc doit être aujourd'hui fixé par le gou'vernement dans la forme arrêtée pour les réglements d'administration publique;,
Que, suivant l'article 31, la police de perceptiùn
des droits de bac ayant été attribuée aux administrations centrales de département, c'est aux conseils
de préfecture que doivent être aujourd'hui portées
toute~ les contestations qui peuvent s'élever sur
(2) Voy. l'arrêt du 'Conseil d'état du 28 a011t 1827, dans
t. 9, p. 444.
MACAREL,
�DU DOMAINE PUBLIC.
271
l'intcrprétationdu tarif ct l'application qui en doit
être faite à ce genre de perception; mais que la
poursuite des' crimes et délits reste da us la compétence des tribunaux, cunformément au Code
pénal;
919. Que, d'après les arti les 32 et 33, lorsque
la rivière est séparative de deux départements, la
gare ou l'abri des bateaux ct le logement du batelier
doivent être établis du côté où se trouve la commune la pIns voisine, ou la plus populeuse en cas
d'égale distance, et que c'est par cette situation
de gare et de logement que se détermine la cum-'
pélence de l'administration, ainsi que celle des
tribunaux civils, criminels, de police et de justice
de paix, concernant les faits'd'administration, et
les actions qui peuvent avoir lieu à l'occasion de
l'établissement et de l'expluit:Jtion du bac;
920. Qn'au prescrit de l'article 11 et suivants,
c'est au gouvernement à déterminer les lieux cl'établissement des bacs, et à tracer les règles de lem'
exploitation;
921. Qu'en conformite des articles 51 et '54,
les adjudicataires entrepreneurs de bacs, et, sous
leur responsabilité, les personnes employées à leur
service, doivent, en cas de contraventions aux.
r.ègles de la police sur cette matière, être condamnés
aux réparations des suites de leur négligence, et en
ontre à une amende de la valeur de trois journées
de tl'avail ;
Qu'il leur est expressément défendu de rien exi.
�2'12
TnAITf~
gel' au-delà des taxes fixé~s par leU\' tarif, sons
peine d'être condamnés par le juge de paix à la
restitution des somrnes indûment perçues'; et en
outre, par voie de simple police, àune amende dq
la valeur d'une à trois journées de travail et d'un
à trois jours d'emprisonnement, sans préjudice de
peines plus graves à prononcer par le tribunal de
police correctionnelle, en cas de récidive (art. 52);
922. Que, si les exactions sont accomp3gnées
d'injures, menaces, violences ou voies de fait, le
tribunal de police c.orrectionnelle devra en con.damner les auteurs, outre les réparations civiles et
dommages-intérêts, à une amende qui pourra êtt'e
de cent francs, et à un emprisonnement qui ne
pourra excéder trois mois ( 3rt. 53) ;
923. Que toute personne qui se soustrairait au
paiement des sommes portées au tarif, devra être
condamnée par le juge de paix du canton, outre la
restitution des Jroits, à une amende d'une à trois
"journées de travail, et, en cas de récidive, à un
emprisonnement d'un à trois jours, avec affiche
du jugement (art. 56);
924. Que, si le refus de payet' est accompagné
d'injures, menaces, violences on voies de fait,
j'affaire doit être portée au tribunal de police correctionnelle, qui, ou lre les réparations èiviles,
condamnera à une amende qui pourra être de cent
francs, et à un emprisonnement qui ne pouna excéder trois mois (a rt. 57) ;
Qu'à déf.-:mt de consignatiou au greffe de la jus-
�273
DU DOMAINE PUBLIC.
tice de paix de ces diverses condamnations, lés voitures et chevaux seront arrêtés el placés en fourrière jusqu'a ]a consignation ou jusqu'à ]a -prestation d'une caution (art. 59 ).
925. Le droit de bac consistant dans la faculté
exclusive d'opérer, moyennant une rétribution, le
passage des rivières dans des localités où il n'y a pas
de pont, et où le gouvernement juge qu'il ést nécessaire d'établir ce moyen de transport pour satisfaire aux besoins publics, il en résulte deux conséquences en thèse générale: l'une, que personne
ne doit être admis à user de cette espèce de voie
sans payer la rétribution; l'autre, que nul ne peut
établir de sa propre autorité: sur les rivières, desbarques destinées à un passage public, puisqu'il
s'agit ici d'un droit domanial qu'il ne peut être permis d'usurper, et qu'on ne doit d'ailleurs souffril'
aucune entreprise rivale qui tendrait à ruiner la
perception sur les bacs légalement établis; mais ces
règles générales souffrent plusieurs exceptions et
modifications qui nous restent à signaler:
0
1
Aùx termes de l'art. 50 de la loi de frimaire
an VII, les juges des tribunaux, les juges de paix ,
les administrateurs et les commissaires du gouvernement, c'est-à-dire les préfets, sous-préfets et
conseillers de préfecture, les ingénieurs des ponts
et chaussées, lorsqu'ils se transportent ponr leurs
fonctions respectives; les cavaliers et officiers de
gendarmerie, les militaires en marche, les officiers
lors de la durée et dans l'étendue de leur cornTOM. III.
18
�274
TRAITÉ
mandement, ne sont point assujeltis au paiement
des droits de bac.
926-. 2° Nous croyons que, par identité de
raison, la même exemption est due aux curés et
desservants qui vaquent à l'exercice de leurs fonctions; et si elle o'cst pas inscrite dans la loi de
l'an VII, c'est évidemment par suite de l'abandon
où était alors l'exercic~ du culte catholique; elle
avait ~lé formellement pronol)cée par un arrêt du.
conseil du 24 juin 1727, cité dans le Répertoire
de Merlin, au mot Bac, nO 5.
Suivant le même recueil, nO 6, on doit étendre
encore l'exemption à d'autres cas: Plusieurs ar" rêts du conseil, y est-il dit, ont condamné les
» prétentions de différcn ts bateliers, lesquelles
» consistaient à vouloir assujettir les cavaliers qui
» passaient la riviere à gué à leur payer le pas» sage. Le béLail qui passe à gué ne doit de même
» aucun droit de passage: cela a été ainsi jugé en
" faveur des habitants de Voiron, par arrêt du
» parlement de Grenoble du 23 décembre 1510. »
927. 3° Aux termes des art. l) et 9 de notre
loi, ne sont point compris dans la prohibition ç< les
" bacs et bateaux non employés à un passag~ corlln JUUD, mais établis pour le seul usage d'nn par) ticulier ou pour l'exploitation d'une propriété
» circonscrite par les caux. Ils ne peuvent toute» fois être maintenus, il ne pourra même en être
)l établi de
nouveaux qu'après avoir fait vérifier
» leur destination et fail çonstater qu'ils ne peu(c
�DU DOMAINE PUBLIC.
275
ven t nuire à la navigation; et, à cet effet, les
» propriétaires ou détenteurs Jesdits bacs et ba» teaux établis ou à établir s'adresseront aux ad» ministrations centrales (aujourd'hui aux préfets)
» qui, sur l'avis de l'administration municipale,
» pourront en autoriser provisoirement la conscr') vation ou l'établissement, qui toutefois devra
» être confirmé pal' le directoire exécutif (le gou". vernemeUl), sur la demande qui lui en sera faite
» par l'administration centrale (le préfet), " et
sans doute aussi par les parties intéressées.
cc Ne sont point non plus compris dans la pro» hibition les barques; batelets et bachots servant
» à l'usage de la pêche et de la marine marchande
» montante ct descendante; mais les propriétaires
') et conducteurs desdites barques, batelets et ban choIs; ne ponrront point établir de passage à
)' heure ni lieu fixes. »'
928. Au l'este, il faut. bien remarquer que ces
mesures de vér.ificaLÏon de la destination des bateaux particuliers, et l'obligation de demander le
permis de les conserver ou de les établir son t prescrites plutôt pour prévenir tout danger de fÏ'aude,
que comme conditions sans lesquelles'l'usage en
serait illicite, et devrait être réprimé; c'est ainsi
que ces règles de police ont toujours été entendues,
soit avant, soit depuis nos lois nouvelles.
Et d'abord, pour les temps qui ont précéJé
1789' on trouve dans le Répertoire, ail mot Bac,
nO 3, un arrêt du parlement de Paris, du 9 janvier
»
�276
TRAITÉ
1758, reOllu contre le seigneur de Colonge, qui,
ayant droit exclusif de bac sur la Saône dans l'étendue de sa terre, prétendait que le sieUl' Bourdame, de Lyon, ne pouvait faire usage d'un bateau paniculier pour passer et repasser la rivière
vis-à-vis de sa maison de campagne, située à quatre
cents pas du bac, et qu'il devait, au contraire, se
servir du bac seigneurial. Sur la déclaration faite
par ce propriétaire qu'il n'entendait pas contester
le droit de bac de son adversaire, et qu'il n'avait
dessein de faire passer aucun étranger, la Conr
ordonna qu'il jouirait de la faculté de se servir de
son bateau pour aller et venil' sur la Saône, et la
traverser quand bon lui semblerait.
Cette rivière était déjà classée comme navigable,
et elle était en outre grevée cn cet endroit d'un
droit de bac seigneurial. Or, cette douhle circonstance n'ayant pas empêché le particulier d'être
maintenu dans l'usage de son passage privé, on
sent qu'il en doit être, à plus forte raison, de même
dans le cas où l'on n'opposerait an particulier que
la seule qualité de la rivière.
. 929. La même jurisprudence a été adoptée par
un arrêt du conseil d'état du lS'novembre dh6,
dans l'espèce suivante:
Les employés de la régie des contributions indirectes avaient saisi, pour prétcndue contl"avention
à la loi du 6 frimaire an VII, une barque établie
sans autorisation sur la rivière d'Adou, par le sieur
Got, propriétaire du moulin de la Bressole, pour
�DU OO:VIAlNE l'VIlLie.
277
l'exploitation de ~ette usine, et qui servait 'aussi
quelquefois au passage de ceux qui se présentaient,
moyennant un droit convenu. Le siem Got étant
décédé, ses héritiers ont fait assigner la régie en
nullité du procès-verbal dressé contre leur père,
ainsi que de la saisie de la barqu'e, attendu que la
rivière d'Adou n'est ni navigilble ni flottable, et
que la loi du 6 frimaire an VII n'était pas applicable à l'espèce.
Le directeur des contributions indirectes a proposé un déclinatoire fondé sur ce que la validité de
la saisie dépendait de la question de savoir si l'état peut ou non s'emparer d'un bac, dont le passage n'est accordé que moyennant salaire perçu et
exigé au profit du propriétaire, et sur ce que la solution de cette question appartenait exclusivemen t
à l'autorité administrative.
Le tribunal n'ayant pa~ accueilli le déclinatoire,
le préfet, sur l'appel, a élevé le conflit, en prétenLIant qu'il résultait de la jurisprudence consacrée
par plusieurs arrêts du conseil d'élat, que l'autorité administrative a seule le droit de prononcer
sur la question de savoir si la perception d'ull
péage établi à l'aide d'un bac, sur une rivière non
navigaLle, appartient exclusivement à l'état.
Mais, le 15 novembre 1826, le conseil d'état a
repoussé ce conflit par arrêt conçu Jans les termes
suivants:
H
Considérant que la contestation élevée entre
» les agents des contributions indirecles elles hé-
�218
TIWTÉ
)' riticrs Got a pour objet la saisie d'une barque dc
» passage, appartenant au sieur Got, sur la ri» vière d'Adou; que celle rivière n'est ni navi» gable ni flottahle; qu'aucun chemin public .n'a» boutit sur ce point; que l'une des rives dépend
» du moulin de.la Bressole, et que la l'ive opposée
» lui est assujettie pal' droit de servi.tude ; que la» dite barque n'a été établie par les héritiers du
» sicur Got que pour l'achalandage et le service
.,) habitnel de leur moulin; que s'ils passent quel» quefois ceux qui se présentent, et que, s'ils en
» reçoivent quelquc rétribution, ce passage et celte
» rétribution sont libres de part et d'antre, et ne
» constituent ni un service ni un salaire obligés;
» qu'il suit de là que ledit bac ne forme pas, dans
» le sens de la loi du 6 frimaire an VII, un passage
» public soumis à un tarif, et exclusif de tout
» autre passage qu'il plairait à l'administration
» d'établir; qne par conséquent la loi du 6 frillllaire
» an VII est inapplicable à l'espèce, et que les tri» bunaux étaient seuls compétents pOlir prononcer
» la main·levée (~n q ucstion (1). »
Le bac dont il s'agissait n'avait point été à la
véljté autorisé par l'administration; mais il a suffi
, qu'il ~'eût pas été établi dans une intention de
fraude et qu'il eût d'ailleurs pour motif l'excrcice
(1) Recueil de
MACAREL,
t. 8, p. 685.
�DU DOMAINE PUBLIC.
279
d'une servitude dépendante de la situation ùes
lieux, pour qu'il dût être maintenu.
On voit encore, par cet arrêt, que l'exel'cice
d'un passage privé sur une rivière qui n'est pas navigable r~ste dans la compétence des tribunaux
ordinaires; tandis que celui des bacs étaLlis sur
une rivière na vigable, ou pour un passage public
ou commun " même sur une rivière non navigable,
resterait toùjours dans Jes attributions de J'autorité
administratiye.
Enfin il en résulte bien positivement que ceux
qui, pour éviter de payer le droit de péage, passeraient la rivière à gué, au dessus ou ail dessous
du bac, ne seraient eXBosés à aucune poursuite de
la part de la régie, puisque le passage même e~ barque est permis à tout 'individu qui ne l'exerce que
pour son serVice persauD"l,
�280
TJ~AITÉ
CHAPITRE XLII.
Des rivières qui ne sont ni na,vigables, ni flottables avec trains
et radeaux, et du domaine d~ns lequel on doit les placer.
930. Nous allons nous occuper dans ce chapitre et dans les suivants, des petites rivières, qui
tiennent le milieu entre les rivières navigables, ou
floltables avec trains et radeaux, dont nous avons
traité plus haut, et les simples ruisseaux dont nous
parlerons ci-après, chapitre 60.
Il Y a, comme nous l'avons dit, tl'ois espèces gé,nérales de cours d'eau ;don\ chacune a son caractère particulier, et qu'il f~lll t bien distinguer.
Les grandes rivières âppel'ées aussi navigables ou
flottables sont celles sur lesquelles on exerce la
navigation ou le flottage avec trains et radeaux.
C'est par leurs fonctions qu'on les distingue,
comme c'est à raison de lem' haute importance
pour le service de la société qu'on les appelle
grandes, et non pas _seulement à cause du plus
gros volume de leurs eaux.
Réciproquement, c'est par suite de l'infétiorité
de leurs usages, et non de la plus fuiLle abondance
de leur cours,. que les autres prennent la qualification de petites rivières.
Comme on l'a vn plus haut, les premières appartiennent au domaine public, non-seulement
�DU DOMAINE PU.I\UC.
quant à leur corps et à leur lil, mais même quant
à tous leurs usages.
931. Les petites rivières au contraire sont dans
le domaine privé pour la jouissance des avantages
qn'on en peut tirer, attendu qne la loi en fait généralement abandon aux propriétaires riverains.
Il fauLnéanmoins excepter de cet abandon trois
facultés, 1° celle de prise d'eau pour service personnel; 2° celle dn flottage à bûches perdues,
3° et celle d'établir des moulins et autres nsines;
les deux premières restent dans le droit commun
sans appartenir exclusivement aux riverains; la 3 e
ne peut être exercée que par les personnes auxquelles le gouvernement l'a concédée.
932. Mais à quoi faut·il s'attachel' pour distinguer les petites rivières des simples ruisseaux r
On doit d'abord comprendre dans la classe des
petites ri vières les parties su périeures des fleuves,
depuis leurs sources jusqu'au point où ils commencent à être navigables ou flottables. Sauf la
défense qui peut être faite par l'administration d'y
pratiquer des prises d'eau préjudiciables à la navigalion, elles restent, sous tous antres rapports,
soumises au régime des petites rivières.
Quant aux autres cours d'eau, il faut se rappeler,
ce que nous avons déjà dit, qu'une rivière se distingue d'un simple ruisseau par deux circonstances,
c'est-à-dire par sa grandelll' et pal' la qualification
qu'elle a reçue de la part des habitants de la contrée qu'elle traverse: Flumen à riva magnitudine
�28~
TRAITE
discenzendum est ~ aut existimatione circum·
colentium (1).
Un autre caraclère essentiel à la rivière, c'est
qu'elle ait un cours pérenne ~ ou, en d'autres
termes, que le COUl'S de ses eaux soit continuel et
110n intermittent: Puhlicumjlumenesse Cassius
dtifinit ~ quodperenne sit (2); attendu qu'il n'y
1ent .que
a qu , un torrentl l'a ou. 1es eaux ne s"
ecou
dans les temps d'hiver ou de grandes pluies :jlu-.
. minum quaedam sunt pere11lnia J quaedam tor'rentia. Perenne est quodsemperjluat; torrens
hieme fluens (3).
C'est d'après ces te~tes de la loi romaine qué
Henrion de Pa nsey, en son Traité de la compétence des juges de paix, chapitre 16, S 3, dit
qu'on appelle ruisseaux les cours d'eau qui, formés
pal'la réunion des eaux pluviales, ou de quelques
sources intermittentes, coulent et se dessèchent
alternativement en tont ou tJn partie, et que ces
ruisseau"t appartiennent aux propriétaires des héritages sur lesquels ils coulent, qui peuvent dès-lors
en user pour l'irrigation de leurs prés.
Mais ce savant magistrat n'a pas assez fait attention qne ce n'est point à l'intermittence ou au
dessèchement' altcrnalif d'un cours ù'eau qu'on
doit s'attacher ponl' le ranger dans la classe des
siroples ruisseaux: car les mots ruisseau ou ruis(1) L. 1, § 1, ff. de jluminibus, lib. 43, tit. 12.
(2) Diel. leg. 1, § 2 et 3 de jlum.
(3) D. 1. t, § 2 et 3, ff. de fluminibus ) lib. 43, lit. 12:
�nu nŒIAI1"i1i: PUBLIC.
283
-seler signifient tellement une eau courante, qu'autrement ils n'auraient plus de sens. Il faut donc
s'en tenil' sur ce point à l'explication donnée par le
jurisconsulte romain, lorsqu'il dit que la rivière se
distingue du ruisseau par sa grandeur ct l'abondance de ses eaux ou p:J.r le jugement qu'en ont
porté les habitants du pays.
933. Comme ce sont les ruisseaux qui, par
leur concours ou leur réunion, forment ordinairement les rivières Jans les régions plus basses, on
doit admettre iei une dist"Ïnction semblable à celle
qUè nous avons faile à l'~gard des rivières navigabIcs, et dire que, de même que ces dernièl'es ne
doivent être classées qu'au rang des peLÏlcs rivières
dans la partie supérieure au point où elles commencenl à porter bateaux, les cours d'eau d'une
moindl'c importance 'ne doivent aussi être considérés que cornille de sihlples l'ùisseaux, tant que,
par leur téùnioîl, ils n'ont pas acquis la consistance et la dénomination de rivière. En fait, il
pourra bien y avoir de la difficulté dans l'application de celle règle à telle ou telle espèce; mais en '
droit, il n'yen a aücune sur la véritable intelligence cl u principe qui doit servir de guide en pareil
cas.
CeSe notions préliminaires posées, nous arrivons
à l'objet principal de ce chapitre, qui consiste à
savoir dans quel doma-ine on doit classer les petites '
rivières. Celle question est de la plus hante importance, puisqu'elle doit dominer toute la matière.
�284
TRAITÉ
Les rivières navigables sonl placées dans· le domaine public qui les embrasse entièrement soit
quant à la propriété de leur lit et de leur corps,
soit quant. à la jouissance de tous les usages qui en
dépendent ou qui s'y rattachent.
Il n'en est pas de même des petites rivières: iCI,
à l'exception du flottage à bûches perdues, et d'autres menus usages, tous les profits de jouissance en
sont abandonnés aux propriétaires riverains, à la
charge par eux de se conformer aux règles de
police qui gouvernent la matière; mais de ce que
cette concession de jouissance leur est expressément faite par la loi,est-il permis de conclure qu'on
doit les regarder aussi comme investis du droit de
propriété foncièl'e du lit et du corps de la rivière,
tandis que la loi n'en parle pas? ou ne doit-on pas
plutôt dire que la nue propriélé et le tréfonds, soit
du sol~on du lit, soit du corps de la rivière, restent
dans le domaine public, et que les propriétaires riverains n'ont autre chose à y exercer qu'un droit
d'usufruit perpétuel?
En nn mot, la différence entre l'état légal des
grandes et des petites rivières ne consiste-t-elle pas
seulement dans la disparité qui existe entre le cas
où ]a chose est possédée en plein domaine par son
mahre, et celui où ce maître, étan t privé de la
jouissance du fonds, n'en relient que la nue propriété?
934. Si nous remontons à l'ancien orùre de
choses, nOlls voyons que, sous le prétexte qne la
�nu nmIAL."IE PUBLIC.
285
police des petites rivières devait être soumise à la
juridiction des seigneurs, ceux-ci étaient parvenus
n s'emparer, sur elles, de toutes les actions du
maÎlre; qu'ils y avaient seuls le droit de pêche;
qu'ils en disposaient, soit en construisant euxmêmes des usines, soit en accordant à d'autres le
droit d'yen construire et de les posséder; qu'ils
vendaient même à prix d'argent la faculté de prendre l'eau nécessaire soit à l'usage particulier des
maisons, soit à l'irrigation des ten'es, et qu'ainsi
cet élément, créé pOUl' satisfaire aux besoins de
tous, était revendiqué par eux comme une propriété
dépendante ùe leurs seigneuries.
935. Nos rois eux-mêmes s'étaient emparés
oe cette ressource financière pour l'exploiter sur'
,.
,
C' est ce qu ,on
1es terres d ont 1'} s etaIent
seIgneurs.
peut voir dans un édit de Louis XIV, du mois
d'octobre 1694, inséré au commentaire de SIMON,
sur l'art. 44, tit. 27, de l'ordonnance de 1669' On
y trouve en effet que ce prince, voulant user,
dans ses fiefs 'particuliers, comme les autres seigneurs dans leurs terres, du droit de régler l'usage
des eaux soit des petites rivières, soit des ruisseaux,
soit des sources quelconques, autl'es néanmoins
que celles des fontaines publiques, fit établir un
tarif de perception des redevances qui étaient dues
à ce sujet, à raison de tant par ligne des eaux qui
seraient prises pour l'usage ou l'agrément de chaque
habitation, etde tant par arpent de terre pour celles
qui seraient destinées à l'irriga tion des fonds.
�286
1'RAITÉ
Il Ya encore beaucoup d'exemples qui montrent
que les seigneurs haut-justiciers s'étaient emparés
de droits considérables jusque sur les flellves ct rivières navigables.
Mais cet état de choses a disparu par l'abolition
de la féodalité, et aujourd'hui il s'agit d'examiner,
sous un nouveau point de vue, si c'est au domaine
public qu'on doit attribuer le corps et le tréfonds
'des petites rivières, ou si l'on ne doit pas plutôt
consid~rer ces rivières comme entièrement replacées dans le domaine pl'ivé des propriétaires rive..
l'mns.
Cette question a été résolue dans ce dernier sens
.par les auteurs nouveaux qui s'en sont occupés, et
qui sont assez nombreux (a).
(a) Parmi les auteurs qui soutiennent que les petites rivières
sont la propriété des riverains, on peut citer:
Dans L'ANCIEN DROIT:
Loyseau, des seigneuries (chap, 13, nO' 120 et 133) qui
dit: "les rivières non navigables sunt dominii prilJati, et appartiennent aux particuliers.
Bacquet , des droits de j ustiee (chap. 30, na 25), olt ii enseigne que sur ces rivières" le roi ni les seigneurs haut-justili ciers n'y ont non plus de droit que sur un autre héritage
li appartenant à des particuliers. li
Domat, lois cilJiles, liv. 2, til. 6, sect. 1, na 5, où on lit :
cc que les ruisseaux sont propres aux particuliers dont ils traversent les héritages.
Guypape, questions 171 et 514. - Joannes Faber, in inst.
de rerlun di"isione, § fluminum. - Boucheul, SUl' Poitou,
art. 40 ,.no 6. - Souchet, sur Angoumois, tom. 1er , p. 286.
)l
)l
)l
)l
�DU DOMAINE PUBLIC.
287
936. POUR soutenir que le corps des petites
rivières est une propriété foncière appartenant aux
-Gallon, sur le titre 31 de l'ordonnance de 1669. -Ferrière,
sur les Institutes, liv. 2, tit. 1er , § 2.
Dans le DROIT NOUVEAU:
. Toullier, Droit civil, t. 3, nO 144. - Carré, Cours de droit,
t. 2, nOS 1505 et suiv. - MM. Pardessus, des servitudes, nO
76. - Duranton , droit civil, t. 4, nO 23, et t. 5, nO 208. Garnier, des riviêres, t. 2. - Davie!,' Traité de la législation
et de la pratique des cours d'eau, nOS Il et 530, - el Troplong,
de la prescriptwn, nOS 14-5 et suiv.
Les auteurs qui ont enseigné au contraire que les rivières
non navigables ni flottables dépendaient autrefois du domaine
des seigneurs et aujourd'hui du domaine public, sont,
Dans L'ANCIEN DROIT:
Bouteillier, somme rurale, liv. 1er , tit. 73. - Loysel, Insti~
tutes, liv. 2, tit. 2, nO 5. - Coquille, sur Nivernais, tit. 16,
art.1 er .-Lebret, de la sOlweraineté, liv. 2, chap.15.Chopin, de domanio, liv. 1er , tit. 15. - Despeisses, des droits
seigneùriaux, tit. 5, sect. 9, art. 3. -La Poix de Fréminville,
pratique des terriers.
Dans le NOUVEAU DROIT:
Merlin, répertoire, VO ripière, § 2, nO 5, t. 17. - Henrion
de Pansey, Compétence des Juges de paix, p. 234 et 236.MM. Dalloz, discusswn à l'occasion d'un arrétde cassation du
11 février 1834 (recueil périodique, 34-1-108). - Foucart,
dissertation insér:ée dans la Repue de législation, t. 4, p. 194.
D'autres auteurs enfin, notamment Pothier, Traité de la propriété, nO 53, et Jousse, sous l'art. 41, tit. 27 de l'ordonnance
de 1669, pensaient que l'on ne pouvait établir aucune règle
générale et absolue sur la propriété des cours d'eau non navigables ni flottables, et que la solution devait dépendre uniquement des titres et de la possession.
�288
TRAITÉ
riverains, et qu'en conséquence il doit être soumis
aux règles générales qui gouvernent le droit de
propriété, sauf celles qui touchent à la police des
eaux, les au teurs qui ont adopté ce système,
disent:
Que le lit de ces flVleres doit être considéré
comme pris par les eaux sur les fonds riverains;
que, nonobstant l'occupation usagère du fluide,
Je fonds reste toujours dans le domaine de ses anciens maîtres; que c'est par cette raison qu'ils ont
toujours la facullé d'en reprendre la possession
utile, par droit d'alluvion, lorsqu'il est laissé à
découvert par les eaux, et de s'emparer aussi des
îles ou atterrissements qui se forment dans le sein
de ces rivières, et qui ne peuvent leur appartenir
de plein dl'Oit que comme faisant une parüe matérielle et intégrante de lems fonds;
Que les riverains n'ayant pas seulement dans la
rivière les avantages de l'alluvion, mais encore les
droits de pêche, de cours d'eau, d'irrigation et
autres droits utiles, il faut bien qu'ils soient exclnsivement propriétaires fonciers du tout, puisque,
par une jouissance exercée à titre de mahre, ils
perçoivent tout ce qui peut être à percevoir par le
vrai propriétaire du fonds;
Que ce principe de propriété particulière se
trouve positivement consacré par la loi romaine,
portant que la défense de constl'Uire aucun ouvrage
dans les fleuves publics ne s'applique point aux:
petites rivières, attendu, y est-il dit, qn'elles ne
�DU DOMAINE PUBLIC.
289
diffèrent en rien des autres fonds particuliers: Hoc
interdictum ad flumina puhlica pertinet; si
autem jlumen priyatum sit ~ cessabit interdictum : nihil enim di/fert à cat!teris locis privatis
flumen priyatum ( 1 ) ;
Que l'abolition de la. féodalité ayant 'profité au
domaine public pour tout ce qui pouvait se rapporter aux rivières 'navigables on flottables, a dû
de même profiter aux riverains des petites rivières, en ce qui conee·rne la réintégration dans
les droits de propriété du. fonds , comme clIc lenr
profite pour la rentrée dans-l'exercice des droits de
pêche, de cours d'eau et autres;.
Que les petites rivières étant à la charge des prao:
priétaires riverains, soit quant aux dommages qü'ils
en ressentent souvent, soit q~ant à l'obligation
d'en supporter les frais de curage, on doit réciproquement les en reconnaître propriétaires, parce
qu'il n'y a que le propriétaire qui soit chargé d'entretenir et de réparer son fonds;
Que lors de la discussion de la loi llu 15 avril
Iih9' plusieurs orateurs distingués ont soutetlu
avec force, dans la chamb.'e des pairs, con tre les
prétentions du ministre des fiüances, que le lit
des petites rivières appartenait aux propriétaires riverams;
Qu'enfin, si l'on consulte soit les anciennes Ordonnances de nos rois, soit nos lois nOllvelles; et
(1) L. 1, § 4, ff. de fluminibus , lib. 43, tit. 12.
TO:lI. III.
�290
TRAITÉ
entre autres l'art. 538 du Code civil, on y voit partout qu'on n'a jamais compris dans le domaine
public que les rivières navigables et flottables; que
dès-lors les autres cours d'eau en sont exclus, et
par suite considérés comme restant dans le domaine privé; qu'ils· doivent donc appartenir aux
propriétaires riverains, puisqu'ils ne sont d'ailleurs
placés ni parmi les fonds de l'ét:lt , ni au nombre
des propriétés des communes.
937. NONOBSTANT ces raisonnements, sur lesquels nous reviendrons plus tard, nous croyons,
comme chose constante, qne le corps et le tréfonds du lit des petites rivières font partie du domaine public.
Nous disons le corps et le tréfonds ~ parce
que si, d'une part, l'abandon pe"pétrtel des droits
d'alluvion, d'acquisition des Hes qui naissent dans
le sein des rivières, de pèche, de prise d'eau pour
irrigation, ainsi que d'autres avantages dont la loi
investit les propriétaires riverains, constitue pour
eux une espèce de domaine utile ou superficiaire ;
néanmoins, et d'autre part, il existe aussi des
droits d'un ~rdre supérieur, qui supposent nécessairement, pour le domaine public, la rétention
du dl'Oit tréfoncier sur le corps et le lit de la rivière. Telle est notamment la faculté de prise d'eau
pour boil'e, pour abreuver les bestiaux, pour hains
ct lavage, laquelle, étant fondée sur le droit naturel,
reste commune à tous cenx qui peuvent appl'Ocher
du cours d'eau; tel est. encore l'usage du flottage à
/
�DU DOMAINE PUBLIC.
291
hûches perdues, qui reste lihreà tous dans les
lieux où il peut être exercé sans inconvénient pour
la navigation; tel est, enfin, surtout le droit de
construire des usines sur Je hord des rivières qui,
loin d'être ahandonné par la loi aux propriétaires
riverains comme ceux de pêche ou de prise d'cau
pour irrigation, ne peut, au contraire, appartenir
qu'à l'individu qui en a spécialement reçu la concession du gouvernemeni.
Pour étahlir notre thèse que le domaine puhlié
retient encore le droit tréfoncier sur le corps et
le lit des petites rivières, quoique celui de superfi"
cie ou d'usufruit perpétuel, relativement à certains
avantages, soit concédé aux riverains, nouS examinerons la question d'après les principes du raisonnement, d'après les dispositions du droit romain et d'après celles du droit français; ensuite de
quoi nous répondrons aux ohjections, et nous
déduirons les conséquences de notre solution.
Examen de la question d'après les principes du raisonnement.
938. Si nous remontons jusqu'à l'origine de la
propriété foncière, il est incontestahle que la terre
ferme â été seule l'ohjet de l'occupation primitive
des hommes et du partage que, dans la suite des
temps, ils en ont fait entre eux; tout en exerçant
leurs usages sur les rivières, ils n'ont évidemment
pas eu l'absurde pensée de les morceler comme
ils pnt fait de leurs champs, à l'effet de placer dans
�292
TRAITÉ
le domaine de propriété exclusive un courant d'eau
qui échappait incessamment à leur main-mise et à
leur puissance. Il est sensible qu'il ne lem est pas
venu l'idée de rendre les riverains propriétaires et
maitres exclusifs d'une chose dont l'usage était nécessaire à tous.
'
Si nons fixons ensuite notre attention sur ce qui
s'est pass~ depuis la première division des propriétés foncières, nous voyons que, dans les' actes de
mutation des fonds adjacents aux rivières, c'est
leur lit qui est généralement donné pour con fin ;
or la contenance d'un fonds est toujourscircol1scrite par la limite qu'on lui assigne, et ne peut s'étendre plus loin; et, comme il est un, il n'y a que
ce qui est cohérent à la terre qui en fait partie:
Fundi nihil est-' ,ûsi quod terrd se tenet (1) :
' 1te que, 1e nouveau possesseur n ' aeque,
d ,ou"1
1 resu
rant jamais rien au-delà du confi.n qni lui est donné,
il serait impossible de concevoir comment le lit de
la rivièr.e, toujours placé en dehors de son titre,
pourrait néanmoins lui être propriétairement ac-
qUlS.
Dans l'ordre naturel des choses, telle est la puissance d'une rivière, qn'indomptable pal' aucune
force humaine, elle se plac,e d'elle-même hors de
la sphère du domaine de propriété, et ne peut être
soumise qu'au domaine public; mais, com1pe le
lit dont elle ~ fait la conquête, et.qu'elle domine
(1) L. 17, if. de actionih. empt. et 'vend. , lib. 19, tit. 1.
�DU DOMAINE PUBLIC.
293
impérieusement, en est une partie inséparable, 11
doit être de la même condition, quia ~ dit le jurisconsulte romain, impossibile est ut alveus fluminis puhlici non sit publicus.
A la vérité, lorsqu'il s'agit d'un simple ruisseau,
ou d'un canal construit par un propriétaire dans
son héritage, ils sont l'un et l'autre dansle domaine de propriété du maître des fonds qu'ils traversent, quoique l'eau courante qui les parconrt
soit un élément qui n'appartient propriétairernent
à p.ersonne; mais' s'il en est ainsi par rapport à
l'hnmble ruisseau, il en est tout autrement à l'égard d'un flenve que la volonté de l'homme ne peut.
maîtriser. Et voilà pourquoi les mêmes lois qui déclarent publics les fleuves et les rivières, placent
néanmoins les ruisseaux dans le domaine dé propriété privée, ainsi que nous le· ferons .voir plus bas.
939. Considérées au point de vue de l'économie publique, les rivières doivent éminemment
encore être placées au-dessus du domaine de propriété privée.
Le 'cours d'une rivière constitue une force_motrice offerte à l'industrie, pour exécuter des travaux qui seraient au-dessus de la puissance de
1'
. en
1'lomme;
c est par son moyen qne sont nus
mouvement les moulins et antres usines de diverses
espèces qui sont nécessaires au service de la société
tout entière, et dont, par celte raison, l'établisserüent doit toujours être sOllluis à l'approbation
et à la direction de l'autorité publique.
�294
1
mAlTÉ
940. A l'aide de· quelques travaux d'art faits
pour les rendre navigables ou flottables, les rivières offi'ent un moyen de transport par lequel le
superflu des productions d'une contrée est versé
dans d'autres pays moins favorisés, et ce mode
de transport, à un 'prix infiniment moindre que
celui par le roulage ordinaire, a, en outre, l'avan~
tage de ménager les routes, dont la confection et
l'entretien sont une des plus grosses charges du
trésor public.
La rivière, ne fût-eHe ni navigable ni flottable
avec trains et radeaux, sert encore au flottage' à
bûches perduès; et il semble que la nature, qui
fait sortir les cours d'eau du pied des montagnes
couro\lllées de forêts, ait exp.'ès placé le véhicule
à c8té de la richesse destinée à être transportée
dans ]a plaine pour servi.' aux besoins deses habitants.
Toutes les l'lVlereS forment en outre autant de
réservoirs qui, dans le poisson qu'on y prend, nous
fournissent un agréable et uLile aliment; et, sous
ce point de vue ,elles doivent encore être sotlmises
à des lois de police qui metten t obstacle à leur dépeu plemen t.
941. Mais cet agent, si utile quand il est bien
dirigé, devient souvent aussi le fléallie pins terrible
dont l'homme ait'à se garantir. Se tl'ouve-t-il en
trop grande masse et a-t.il rompu ses digues, c'est
un torrent dévastateur qui porte au loin la désolation; est· il anêté, même temporairement, il
�DU DOMAINE PUBLIC.
295
frappe de stérilité les terres qu'il submerge. Enfin,
est-il entièrement réduit à l'état de stagnation, il
se corrompt, et forme des marais pestilentiels.
942. Mais dans toutes les hypothèses, soit qu'il
s'agisse de profiter des avantages qu'offrent les rivières, so~t qu'il y ait lieu de prévenir les sinistres
qn'elles peuvent oœasionner, il faut, le plus ordinairement, l'emploi de moyens qui sont au.dessus
des facultés de quelques propriétaires riverains; il
Fant surtout ct nécessairement que la main de l'aUtorité publique soit saisie de la chose ponr diriger
,
, , 1e et d'"
ou executer
une œuvre genera
umte qu ,on
ne pourrait jamais obtenir de nombreuses individualités; il faut, en un mot, que le pouvoir suprême soit ici p~édominant, et qu'il vienne, par
;son action, imposer silence aux volontés et aux
in térêts particuliers, qui, sc croisan t en tout sel1s,
mettraient un perpétuel obstacle à tontes entrcprises, même les plus nécessaires au bien général.
943. C'est ainsi que, sous le rapport dc l'économie générale de l'état, les cours d'eau, même
des petites rivières, sont si intimement liés, età
tant de titres, aux intérêts de la' société tout entière, que quant au corps de la rivière qu'ils forment et au tréfonds du lit, ils doivent essentiellement rester dans le domaine de la loi.
Examen de la question suivant la législation ,romaine.
944.
D'après les principes du droit l'om aIII ,
�296
TRAITÉ
d'où le nôtre a tiré son origine, il est constant que
toutes les rivières, ayant un cours pérenne ou continuel appartenaient, saus distinction, an domaine
public: en sorte qlle chacun y avait droit de pêche,
ct pouvait y prendr,e d'autres usages qui ne nuisent
à personne: Flumina autem OMNIA et portus
publica sunt. Ideoque jus piscandi omnibus
commune est in por/u fluminibusque (1) : ce qui
suppose nécessairement, comme le remarque le
jurisconsulte Ulpien, que le lit de la rivière était
lui-même un terrain public: Ille etiam alyeus
quem sibi flume.'/. (ecit, etsi priyatus antè luit,
incipit tamen esse publicus; quia impossibile
est ut allleus Jlum-inis publici non sit publieus (2.); c'est-~l-djre que, dans le cas où la rivière,
abandonnant son ancicnlit, s'en formait un autre,
les fonds privés par_ elle nouvellement occupés se
trouvaient, par ce seul événement, incorporés au
domaine public, parce qu'on ne peut pas concevoir
l'idée d'un fleuve sans lit et séparé du sol sur lequel il coule; et qu'en conséquence il faut bien qne
ce s91 soit public comme le fleuve don t il fait essentiellemen.t partie. C'est ce qui fait dire au jurisconsulte Pomponius gue les rivières, sembl~bles en
cela aux agentsdu fisc, tantôt s'emparent des fonds
pri vés et les confisquent au profit du public, en
les occupant pOUl' leur cours, et tantôt les rendent
(1) Inst. , § 2, de rerum dzÎJisione.
(2) L. l , § 7, if. de flllminihlls > lib. 43, tit. 12.
�DU DOl\1AINE PUllLIC.
297
à la classe des terrains particuliers, lorsqu'en se
retirant elles les abandonnent, par forme d'alluvion, a l1X riverains sur lesquels elles les avaien t
pris : Flumina enim ~ dit-il, censitorum vice
funguntur ~ ut ex privato in puhlicum addicant, et ex puhlico in privatum. Itaque sicut
hicjim.dus ~ cz'tm alveus jluminis fac tus esset ~ fuisset pliblicus~ ita nunc privatus ejus esse
dehet:J cujlls'anteàjuit(l).
. 945. C'est par une conséquence de ce principe
que les lois romaines, parfaitement d'accord avec
elles.mêmes sur ce point, refusaient toute action
en délimitation des fonds adjacents aux rivières,
attendu que les propriétés riveraines de chaque
côté ne se touchant point, le;Jrs maîtres ne peuvent rien ayoir à se répéter les uns aux autres, ni
rien à revendiquer au·delà du sol en terre ferme
qu'ils possèdent chacun en droit soi: Si vero
flumen vel via puMica intervenit:J coiifinium
non intelligitur; et ideo finium regundorum
agi non potest. Quia magis in confinio meo via
puMica velflumen sit quàm ager vieini (2);
mais il n'en est pas de même dans le cas de l'interposition de simples ruisseaux, parce qu'ils sont,
sous tous les rapports, placés dans le domaine privé : Sed si rivus privatus intervenit :Jfinium regun,dorum agi potest (3).
(1) L. 30, § 3 in fine, ff. de acquirend. rerum dom. , lib.
41 , tit. 1.
(2) L. 4 in fine, et 1. 5, if. finium regundor., lib. 10, t. 1.
(3) 1. 6, ff. codem.
�298
TRAITÉ
Et qu'on ne croie pas qu'il y ait ici une distinction à faire entre les rivières navigables et celles
qui ne le sont. point: la loi romaine est si loin de
la supposer, que, dans le titre du digeste où elle
défend de pratiquer, dans un Jleuve public" aucun ouvrage qui puisse en gêner le cours, elle déclare expressément que cette défense s'applique à
tous les fleuves publics, qu'ils soient navigables ou
non: Pertinet autem interdictum ad Jlumina
puhlica sire narigahilia Sint" sire non sint (1).
Disons donc en toute assurance que, suivant
les dispositions du droit romain, les corps et lits
des petites rivières, comme ceux des plus grands
fleuves, apparténaient indistinctement au domaine
public.
Examen de la question il après les principes du droit
français.
946. Les lois françaises n'ont pas en tout adopté
.les dispositions du droit romain sur cette matière,
elles y ont dérogé principalement en deux points:
L'un, relatif au droit de pêche, qui, chez nous,
n'appartient qu'à l'état dans les rivières navigables
,et flottables, et seulement aux propriétaires riverains dans les autres rivières; tandis que, chez les
Romains, l'exercice en était commnn à tous sur
toutes sortes de rivières indistinctement;
L'autre, concernant les îles, qui étaient aban(1) L. 1 , §
'2" ff. ne'quid in flumine pnhlico, lib. 43, t. 13.
�DU DOMAINE PUllLIC.
299
données aux propriétaires riverains, dans les
grandes comme dans les petites rivières (1) ; tandis
qu'en France, celles qui se forment dans les rivières navigables ou flottables appartiennent exclusivement à l'état.
Mais,quantau domaine du corps de la rivière et
du lit dans lequel elle coule, nous n'avons pas
d'autres principes que ceux posés par les Romains,
en sorte que, chez nons comme chez eux, le corps
et le lit des petites rivières font partie du domaine
public, aussi bien que ceux des plus grands fleuves.
C'est ce que nous allons établir par une série de
preuves qui ne devront laisser aucun doute sur ce
point.
947. 1 0 Aux termes de l'art. 2, SS 5 et 6, section 3, de la loi du 1 er janvier 1790, les administrations de départements sont chargées, sous
l'inspection du roi, de la partie relative cc à la con·
» servation des propriétés publiques, à celle des
» forêts, rivières, chemins et autres choses com» mImes. » Voilà donc les rivières, sans distinction des gra~des et des petites, généralement
assimilées aux chemins publics et antres choses
communes; elles sont donc placées hors de la catégorie des propriétés privées, qui essentiellement
ne sont pas des choses communes. Voilà l'autorité
publique chargée de les administrer comme toutes
les autres choses communes. Or l'autorité puhlique
(1) Inst. § 22, de rerum dilJisione.
�300
l'MITE
n'est point et ne fu t jamais investie du soin de régir
les propriétés privées: donc elles ne sont pas dans
le domaine privé des riverains.
. 948. 2° Si nous consultons la loi du 3 frimaire
an 7, sur la répartition et l'assiette.dc la contribution foncière, nous voyons, à l'art. 103, que cc les
» rues, les places publiques servant aux foires et
» marchés, les grandes routes, les chemins pu-·
;»
blics, vil;inaux, et les riYières .. ne sont point
» cotisables (j). » Voilà donc les rivières généra-·
lement placées hors de la classe des propriétés foncières, qui tou tes sont soumises à l'impôt; les voilà
tou.tes indistinctement, et sans exception, assimilées aux rues et gl'andes routes qui n'appartiennent
qu'au domaine public.
D'ailleurs les rivières, qui rarement sont encaissées, et qui, surtout dans les plaines, y changent
souvent de lit, ne sont pas susceptibles par ce motif
de figurer d'une manière permanente dans la matrice des rôles de la contribution foncière.
949. 3° Comme nous l'avons déjà fait voir plus
haut, lorsque le gouvernement se saisit de la possession d'une petite rivière pour la rendre navigable, très-certainement ill'incorpol'e entièrement
dans le domaine public, néanmoins, aux termes
des articles 2 et 3 du décret du 22 jan viel' lS08, il
n'est dû aux propriétaires riverains que l'indemnité
(Il Voy. au bullet. t. 7, nO 2197, 2.' série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
301
lles dommages.qu'ils sonffrent par l'établissement
des chemins de halage; ct ,-puisqu'il ne leur est
rien dû, soit à raison du cours d'eau, soit à raison
du sol ou du lit même de la rivière, il faut bien
qu'ils n'en soient pas expropriés, et qu'ils n'en
aient pas été précédemment les maîtres fonciers ..
Vainement a-t-on voulu atténner le mérite de
celle preuve en disant que si la loi n'accorde aucune
indemnité pour l'expropriation du lit quand elle
déclare une rivière navigable, c'est par la raison que
le cours de l'eau constitue l'objet d'une sel'vilUde
naturelle qu'on est obligé de souffrir sans indemnité.
Ce raisonnement nianque tout· à-fait de justesse:
car, si les petites rivières étaient dans le domaine
de propriété des riverains, il leur serait nécessairement dû une indemnité soit pour l'expropriation
du corps permanent, soit pour celle du lit de la
rivière; et si la considération de la servitude d.n
passage des eaux pouvait rendre l'indemnité moindre, elle ne saurait l'annuler complètement, en
cc qui tonche à l'expropriation même du fonds.
Puisqu'on ne lenr cn accorde aucune, il faut nécessairement que la loi ne les reconnaisse pas ponr
propriétaires.
A la vérité, l'article 3 de la loi du 15'avriI1829,
sur la pêche fluviale,.a ajouté un autre genre 'd'indemnité non prévu par le décret de 1808, et qui
consiste dans le dédommagement pour privation
du droit (le pêche des rivel'ains, IOI'squ'une petite
�302
TRAlTÉ
rlVlere vien t à être déclarée navigable (1). Mais
que résulte- t-il de là PRien autre chose, sinon que
les auteurs de cette loi même, n~ont point cru
que les riverains fussent expropriés du lit de la
rivière, puisqu'ils n'ont voulu leur accorder aucune indemnité à cet égard.
950. 4° Suivant la disposition de l'article 563
du Code civil, cc si un fleuve ou une' rivière
.» navigable, flottable ou non" se forme un nou» veau cours en abandonnant son ancien lit, les
,> propriétaires des fonds nouvellement occup~s
prennent" à titre d"indemnité" l"ancien lit
" ahandonné" chacun dans la proportion du te~
»
rain qui lui a été enlevé. J> Très-certainement,
en accordant ce genre d'indemnité, les aul~urs du
Cede n'ont pu voir qu'un terrain public dans le
lit abandonné, attendu qu'autrement, et à supposer que ce lit dût appartenir aux propriétaires
riverains comx;ne Ilne dépendance et une continuation de leurs héritages, ils auraient consacré une
patente injustice en cédant ainsi le bien d'autrui
pour indemnité du nouveau lit occupé par la
ri vière.
951. 5° Si le lit des petites rivières appartenait
?>
(a) Cette disposition, peut-être trop favorable aux riverains,
comme le remarque ailleurs M. Proudhon, est contraire à un
avis du conseil d'état des 20-27 pluviôse an XIII, qui décide
formellement que dans le cas où une rivière est rendue navi.
gable, les riverains ne peuvent prétendre il aucune indemnité
pour le droit dc pêcbe dont ils se trouvent privés.
�DU DOMAIN]! PUlILIC.
303
a~lX ri'verains'de chaque côté, il serait un sol indi-
vis entre eux, et pal' conséquent chacun des communiers dans ce sol aurait le droit de prendre sa
part de l'alluvion formée sur un des bords, ce
qui est absolument contraire à la disposition de
notre Code, qui déclare (art. 557) qu'en cas de
relais formés par l'eau courante d'une rivière qui
se retire insensiblement de l'une de ses rives en se
portant sur l'autre, le propriétaire de la rive
découverte profite de l'aLLuvion, sans que le
riverain du c6té opposé :Y puisse venir réclamer
le terrain qu'il a perdu.
6° Vainement, pour répondre à cette ohjection,
voudrait-on supposer que le lit de la rivière appartient, comme le dl'Oit de pêche, à chacun des riverains, jusqu'au milieu du cours de l'eau, et qu'ainsi
l'un de ces riverains ne peut avoir le droit d'exiger
sa part dans l'alluvion formée vers l'autre bord.
Ce raisonnement ne porterait que sur une supposition dont la fausseté est démontrée par la dis'position même de la loi, puisqu'à mesure que le
'cours d'eau se retire d'un côté p"our se porter vers
l'autre, l'alluvion continue à se former au profit
du seul riverain dont l'eau s'éloigne de plus en plus,
et lui appartient toujours exc111sivcment, lors même
que le lit primitifde la rivière se trouve entièrement
déplacé et reporté plus loin.
952. 7() Lorsque, pour son seul avantage parli.- eulier, et sans qu'il y ait cause d'utili~é publique,
un propriétaire riverain veut construite un moulin
�30~
TR.A.lTE
ou autre usine SUI' le bord d'une petite rivière; il
lui suffit d'obtenir à cet effet l'autorisation du gouvernement, sans qu'il ait besoin du consentement
du voisin de la rive opposée (a). Cependant si le
barrage ou l'écluse transversale du constructeur
occupait un sol dont la pl'Opriété dût lui être commune avec l'autre, "il ne pourrait en faire la construction sans la permission de celui-ci; en sorte
que cet établissement n'ayant pas immédiatement
l'utilité publique pour cause, lui deviendrait impossible, par cela seul qu'un individu opiniâtre ct
jaloux ne voudrait pas y consentir.
C'est ainsi que le système que nous combattons
(a) Cette proposition est erronée; le riverain, d'un seul côté,
ne peut, au~ termes de l'art. 644 du Cod. civ., se servir de
l'cau que pour l'irrigation de ses p~'opriétés, à moins de consentement exprès du voisin opposé; il n'y a que le propriétaire des
deux rives ou celui qui a la permission des deux riverains, qui,
puisse établir une usine, 'si ambœ ripœ sunt, dille 2" c3pitulaire
de D3gobert, tit. 83, licentiam habeat. Si autem una alterius est,
aut roger, aut comparet. De quel droit d'ailleurs un de~ riverains irait-il appuyer son b3rr3ge sur le fonds situé de l'autre
côté? « Il est inouï, dit Henrys (Recueil d'arréts, lziJ. 3, ques!.
49 et 50), qu'un particulier puisse 3ppuyer une écluse sans
la permission du propriétaire sur lequel il prènd son appui. "
Plusieurs arrêts l'ont jugé de la sorte, notamment· des Parlements de Paris du 9 décembre 1651, de Rouen des 14 juillet 1735, 14 août 1760, 10 mars 1787; des Cours de Metz
du 11 juillet 1817, de Rouen du 6 mai 1828 (Sirey, 28-2317), et de la Cour de cassation du 17 mars 1819 (Journal
du Palais, tom. 54, p. 21).
l)
l)
�305
DU DOMAINE PUBLIC.
paralyserait partout les étahlissements industriels,
qu'il faut au contraire encourLlger; et c'est ainsi
que, sous le rapport pratique, il reste ~ncore bien
démontré que l'usage qui condamne ce système
n'est pas muins conforme anx principes de la justice qu'à ceux de notl'e droit public.
953" 8° Nous avons vu qu'en considérant la
manière dont l~s rivières envahissent et délaissent
tour à tour les terres, la loi romaine les compare
aux agen ts du fisc, qui convertissel1t en propriétés
publiques des propriétés privées, et vice verstl.
Or les dispûsitions de notre Code, en ce qui tonche
au jeu de ,l'alluvion qui a lieu sur les bords des rivières, sont en ,tout conformes à celles des lois
romaines: donc nos législateurs n'ont voulu que
consacrer sur cet objet lés principes du droit 1'0~ain , suivant lesquels les lits de toutes les rivières
appartiennent au'domaine public"comrne on l'a
démo,t1tré [Jlus haut.
", ,
954. 9° Si .les petites 'rivièreséLaient absolument dans le domaine 'privé des possesseurs riverains, celix-ci ne seraien t pas plus obligés' d'y
souffrir le flottage à bùches perdues sans indemnité
que le propriétaire d'une terre" n'est obljgé de livrer
passage gratuitement an maitr'e d'nu fonds enClavé
situé au-delà. Il faùdraitcertainement aller jusque.là, puisque nul ne pent se servir de la propriété
exclusive d'un autre sans qüe le propriétaire puisse
on l'en empêcher, on en exiger une indemnité.
Cependant, comme nOllS le démon Lrel'OnS daD's nn
TOM.
III.
;:'0
/
�306
TRAITÉ
autre chapitre, l'exercice du flollage n'impose aux
flotteurs d'autre obligation que celle de réparer les
dommages qu'ils peuvent canser par la lésion matérielle des propriétés riveraines, ou par le dépÔt
des bois snI' ces propriétés: donc l'usage gratuit du
flottage résiste à toute idée de propriété exclusive
de la rivière dans les possesseurs riverains.
955. 10° C'est de la loi civile que les propriétaires riverains tiennent la concession des droits de
pêche, d'alluvion, de cours d'eau, d'irrigation et
autres avaùtages doilt ils jouissent sur les petites
rivières. Or il n'existe aucune disposition législative qui leur accorde de même le droit de propriété
foncière dans ces rivières: donc ils ne doivent
point l'avoir; 'parce que, s'il est un principe audessus de toute contradiction, c'est celui qui veut
que jamais le don ne soit étendu au-delà des terme(du titl'e qui le confère.
Il y a plus: toutes les dispositions législ!ltives
qui accordent aux {ll'opriétaires riverains des droits
d'usage sur les petites rivières supposent, de la
manière la plus manifeste, que ces rivièl'es ellesrnêm<:s ne: leu'r appartiennent pas, parce qu'il serait absurde d'accorder à quelqu'un le droit de s~
servir de sa propre chose.
956. 11 0 Enfin, suivant l'art. 544 du Code
civil, cc la propriété est le droit de jouir et disposer
» des choses de la manière la plu~ absolue, pourC
» vu qu , on n , en lasse
pas un usage pro h'b'
1 e par
}} les lois et par les réglemeots. }) Ainsi le droit
�DU DOMMNE PUBLIC.
307
de disposer, comme celui de jouir, et à plus forte
raison celui d'administrer, sont les attributs essentiels de celui de propriété; or il est très-certain
que les propriétaires riverains ne jouissent pas du
lit même de "la rivière, dont le cours est continuel; et si nous' voyons qu'ils ont les droits de
pêche, de cours d'eau et d'irrigation, nous voyons
aüssi que', sous aucun rapport, ils n'ont celui de
disposer ni de la rivière, ni de son lit, ni même
de les adl:ninistrer : donc ils n'en ont pas la propriété.
. Le maître des fonds riverains pourrait-il aliéner
séparément, au profit d'un tiers, la rivière comme
il pourrait vendre isolément un champ qui serait
entre deux autres lui appartenant? Assurément
non, et cela ne s'est jam<lis vu : donc il n'a pas le
-droit de disposer de, la rivière même; donc il n'en
est pas propriétaire.
. S'agit-il de rendre navigable ûne petite rivière,
et de la soustraire entièrement au domaine privé,
c'est uniquement Pautorité publique qui dispose à
cel égard.
, S'agit-il de la curer, l'opération ne peut être
f..1ite qu'en exécution des ordres de l'administration supérieure, qui sfemp~re des matériaux extraits par le curage, et q~i enlève aux riverains
tout espoir sur l'île qui allait surgir, sans qu'il soit
question de les indemniser.
S'agit-il d'établir une usine ou même la moindre
machine hydraulique sur un cours d'eau; cela' ne
�308
,TRAITÉ
peut avoir lieu sans l'autorisation du gouvernement.
En un mot, et cç>mme on l,e verra encore mieux
par les lois qui seront rapportées ci-après, c'est
une vérité incontestable, que le goll'veruement n'a
pas seulement une simple autorité de police juridictionnelle sur les petites rivières, II,lais qu'il en
a aussi l'administration immédiate et entière, puisque c'est à lui à prescrire toutes les mesur~s nécessaires ou utiles pour ,préveni.' les dégradations
qui pourraient y être commises par des riverains
ou autres, pour en maintenir la largeur, el même
l'augmenter si le bien des localités l'exige; pour
en, opérer. le curage, en changer la direction ou
donner aux eaux le meilleur écoulement, pour y
permettre la construction des ponts et des usines
dont l'usage ou le roulelnent sont réclamés par les
besoins de la société; mais comment concevoir
qu'un fonds, qu'un' immeuble, ou une chose
quelconque, appartienne en toute propriété à un
ou plusieurs particuliers, sans que ceux-ci aient
aucun droit soit d'en disposer, soit même de l'administrer? pourrait-on soutenir qu'il y a là un droit
de propriété exclusive, sans tomber dans la plus
évidente des contradictions?
Il faut donc tcnir pOUl' constant que, sail d'après
les principes du raisonnement, S,oit d'après les dispositions les plus formelles du droit romain et des
lois françaises, le corps et le tréfonds du lit na...
turel des petites r~vières restent dans le domaine
public.
�DU DOIfAINE PUBLIC.
309
957. Nous· disons le tréfonds du lit naturel ~
parce que, ~omme nous le verrons plus bas,. s'il
s'agis~ait d'un canal de dérivation destiné à satisfaire à des intérêts privés, et exécnté à main
d'homme ~ travers des fonds particuliers, il n'appartiendrait certainemen t pas au domaine ptt.
blic.
OBJECTIONS ET RÉPONSES.
958 Assurément nous pourrions nous en tenir
à la démonstration qu~ précède; mais comme le
système contraire à la doctrine que nous profes-'
sons est soutenu par de nombreux auteurs qui; de
Jeùr côté, paraissent n'avoir conçu aucun doute
sur le mérite de leur opinion, nous croyons convenable de reprendre, par forme d'objections, les
différents arguments SUl' lesquels ils fondent leUl
système.
959. ON oppose, en premier lieu ~ que le lit
des rivières doit être considéré comme ayant été
envahi par les eaux sur les fonds riverains, et que
celle occupation nsagère on ùe servitude n'a rien
pu changer au droit de propriété, qui continue à
subsister malgré J'asservissement dans la partie cou·
verte par les eaux.
A moins qu'on ne soutienne que le droit d.e propriété foncière a été établi avant qu'il y eût des
fleuves et des rivières, comment une pareille objection serait·elle digne d'une réponse sérieuse?
960. ON objecte, en second lieu} qne le droit
�310
TJtAITÉ
d'alluvion, qui rend les riverains maîtres S9it du
sol délaissé au bord de la rivière, soit des îles et
attcrrissemen ts qui se forment au milieo , snppose
qu'ils restent tOltjonrs propriétaires fonciers du sol
occupé par les eaux, puisque toujours ils peuvent
~n reprendre la partie qui a cessé d'être submergée.
Mais cette argumentation n'est qu'une pétition
de principe, en ce que l'on suppose que le droit
d'alluvion n'est accordé aux riverains que po l' leur
restituer ce qui leur avait été pris; tandis qu'on
'doi, dire, au contraire, qu'il n'est qu'un don de la.
loi civile, formant lenr seul titre.
Une preuve que l'île née dans le sein de la rivière n'est pas accordée aux riverains à titre de restitution , c'est que, suivant la loi romaine, cette
espèce d'alluvion avait lieu même à l'égard des
fleuves navigables, dont le sol dépend bien certainement du domaine public, sur lequel les riverains n'avaient aucun droit de propriété préexistant à la formation de l'île; que si, suivant notre
Code, ce même droit n'existe plus en ce cas, il
n'est néanrnoins pas permis de dire que notre loi, '
quoique moins généreuse que celle des Romains,
aille jusqu'à consacrer une inj u.sLice , en refusant
une légitime restitution.
961. ON ()PPOSC, en troisième lieu, que les
propriétaires riverains jouissen t snI' la rivière, à
titre de maître, de tous les droits qui se rattachent
à la possession. de la propriété foncièr~; que par
�311
DU DOMAINE PUBLIC.
conséquent ils en stint eux· mêmes propriétaires
fonciers.
Mais tous les droits dont jouissent ces p"opriétaires se rattachent également à l'usufruit perpétuel ou au domaine utile qui leur appartient incontestablement, et qu'ils possèdent comme un don
, {le la loi civile: il suffit clone qu'ils soiellt investis
de cet usufruit, ponr avoir, et avoir jure proprio,
la même jouissance, sans être propriétaires trél.
fonciers.
. 962. ON oppose, en quatrième li~u, un te te
pris dans le quatrième p~ragraphe 'de la loi pFemière, au digeste de fluminihus, portant que
1
nihil enim differt à caeteris lods privatis jlamen privatum.
Mais cette objection, faite pal' quelques auteurs,
n'est pas fonc1éè : ce n'est là qu'une citation tronquée; et il suffit de jeter les yeux sur cc qui précède pour voir que ce passage ne s'applique qu'aux
torrents ou cours d'eau qui, n'étant pas continuels,
doivent être rangés hors de l~ classe des rivières,
comme cette loi l'explique eUe-même.
Il est tout -simple que le lit d'un ravin, qui
n'est pas pérenne, appartienne aux riverains, qui
en jouissent pendant l'intermittence des eaux. Et
de là ne doit-on pas conclure an contraire que le lif
de la rivière, don t le cours est continu, ne peut
appartenir aux riverains, qui n'en jouissent jamais?
Comment pourrait·on en effet décliner cette couséquence à vue du texte de la loi, qui veul que Je
�312
THAITÉ
droit"de jouissance soit un attribut essentiel de celui de propriété.
963. ON oppose, en cinquième lieu, que, par
l'abolition de la féodalité, ce sont les propriétaires
riverains qui ont dû se trouver réintégrés dans la
propriété df'S cours' d'eau des petites rivieres,
comme c'est le go.uvernernent qui s'est trouvé rétabli dans la pleine jouissance de$ rivières navigables sur lcsquelles les seigneurs avaient usurpé
quelques droits.
Cette objection:' ne repose que sur une fausse
idée de' l'ancien état des choses et des résultats
de la suppression de la féodalité.
En effet, il est ce(tain que jamais les anciens
seigneurs ne furent vraiment propriétaires' fonciers
du lit des petites rivières, quoiqu'ils affectassent
d'exercer toutes les, ,actions du maître sur ces
cours d'eau; et la preuve s'en tire de la disposition
mêrn~ de nos lois 'nouvelles, qui n'ont prononcé
aucnne confiscation de propriété foncière sur les.
anciens seigneurs : en, sorte que s'ils avaient été
propriétaires du lit des petites riviere~, eux ou
leurs héritiers le seraient encore. Les lois abolitives
de la féodalité ont bien supprimé la foule de droits
seigncuriaux qui pesaien~ sur le peuple et sur les
terres de fief; mais ces droits de servitude, ces
droits purement incorporels, dont les personnes
et les fonds ont été affranchis, sont tout autre
chose quë la propriété du sol, qui est demeurée
en dehol's de toute abolition ou suppression.
n
�DU DOMAINE PUBLIC.
313
n'y a que les communes qui aieut été réintégrées
dans les propriétés foncieres dont elles avaient été
dépollilfées par les abus de la puissance féodale :
il n'y a donc qu'elles qui auraient pu Sl:l trouver
rétablies dans la propriété du lit des petites rivieres,
puisqu'il n'y a eu aucune restitution de propriétés
foncieres qu'envers elles; or il est constant, dans
notre droit actuel, que les communes ne sont pas
propriétaires du lit des rivières, et que la suppression de la féodalité ne leul' a profité en rien sous
ce rapport.
Il faut donc dire que, les choses rentrant dans
leur ordre na turel et politique, 1; aholition de la
féodalité a dû avoir lieu tant dans l'intérêt public
que dans l'intérêt privé; qu'ainsi, et en supposant
même que, dans le temps de leur puissance, les
seigneurs aient été propriétaires fonciers des petites
rivières 1 ce sel'ait encore le domaine public qui se
trouverait aujourd'hui rétabli dans tous ses droits
sur le tréfonds de leur lit" com'me les propriétaires
riverains sont rentrés dans la jouissance d'e ces
, rivières, quant aux avantages que cette j-ouissauce
peut avoir pour eux, sans nuire à l'intérêt général.
964. ON oppose, en sixième lieu J que les
propriétaires riveraius étant obligés de souffrir les
dégâts souvent causés par la rivière, et d'en supporter en outre les frais de curage quand il est ordonné,
on doit, par réciprocité, les en réputer propriétairès,
parèe qu'il n'y a que le maître de la chose qui soit
obligé de l'entretenir et de supporter sans se plain'dre le,dommage qu'il en ressent.
�314
TRAITÉ
Mais ce ne sont là que des raisonnements sub...
stitués au lieu et place de la raison.
: Et d'abord, si les propriétaires rivemins sont
obligés de souffrir, saus se plaiudre, les sinistres
causés par les eaux, c'est un'iquement parce que
les pertes qu'ils éprouvent n'ayant pour cause que
la force majeure, personne n'en est responsable, ct
qu'ils ne peuvent s'cn prendre qu'à eux-mêmes
d'avoir voulu posséder des fonds dans une situation
périlleuse. D'ailleurs, s'ils sont exposés. à souffrir;
ils sont aussi dans une position à pouvoir gagner
par rapport aux ivantages que procure le plus sou~ent la proximité des eaux, et c'est eu cela que se
t.rùuve naturellement J'indemnité des dommages
qui résultent aussi parfois de cette proximité.
Si les frais du curage des petites rivières sont
8upportés par ceux qui possèdent des fonds dans
la contrée, il n'y a rien là que de juste, puisque
c'èst po~r assainir leurs héritages et les garantir
des inondations que cette mesure est ordonnée;
et, comme ce ne sont pas seulement les fonds
aboutissant à la rivière qui supportent cette dé· '
pense, mais encore ceux qui, plus reculés, souf·
frent aussi des inondations, ce serait une chose
fort étrange qu'on pût argumenter de celte charge
pour prouver que, par réciprocité, les mahres des
fQnds riverains doivent être considérés comme pro'"
priétaj~ell du lit de la rivière.
1'l)~Q~Jjl, flUX termes del'anicle 33 de la loi dUl6
sepl~~nh,re 10°7, lorsqu'il s'agit de COllstrt1~re des
,
/'
�DU DOMAINE pUllue.
31' •
digues à la mer ou contre les fleuves, rivières et)
torrents, navigables ou non navigables, la dépens
en doit être aussi supportée pal-les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux; et très-certainement il ne serait pas' permis
de conclure de là que le lit de la mer et des fleuves
navigables doit, par réciprocité, appartenir aux
propriétaircs riverains.
965. ON oppose, en septième lieu, que lorS'
<;le la discussion de la loi du 15 avril 1829 sur la
pêche fluviale, plusieurs orateurs très-distingués
ont soutenu, contre le ministrc des finances, à la
çhambre dcs pairs, que le lit des petites rivièroS',
devait être placé au rang des propriétés privées. _,1
Mais, quelque granùe et respectable que soit
l'autorité doctrinale de ces orateurs; il ne résulte
de ce fait que deux choses:
1
La première, que le lit des petites rivières n'en
est pas moins resté dans le domaine public, puii!
que la loi dont il s'agit ne l'en a 'point faît sortir:
nonobstant les réclamations des orateurs dOin o~
invoque l'opinion.
1
La seconde, qu'il est dangereux, dans la discussion des lois ,-d'élever incidemment de pareilles
questions, qùi, elles seules, méritent les médi~
tations les plus approfondies; et dont on ne doi!
pas hasarder la solu tian sur de premiers aperçus,
quelque brillantes quc, paraissent les improvisa~
tians dans lesquelles il~ sont présentés.
966. ON oppose enfin, et en h~itième lieu;
�316;
1'llAITÉ
que, soit d'après nos anciennes ordonnanees, so~'i
suivant l'article 538 du Code ,.civil , il n'y a jamais'
eu en France que .les rivières navigables et flolla-'
bles qui aient été placées dans le domaine public:
d'où doit suivre la conséquence que les autres n'en'
fan t pas partie.
Cette objection n'est pas pins relevante que les
autres: car, du moment qu'à l'égard des rivières
navigables et flottables, tous les usages en s~'nt
consacrés au public, tandis qu'au contraire les
usages utiles qui se rauachent aux petites rivières sont abandonnés ânx propriétaires riverains,
cette différénce suffit bien seule pour qu'on ait dû
les classer en de~x catégories distinctes.
. :
CONCLUSIONS ET APPLICATION§.
967. D'après ce qui vient d'être dit, on doit
tenir pour'consiant que le corps et le lit des petites
rivières restent, quant au tréfonds,dans le domaine
public, qui ,en, relient seulement le droit de nue
propriété.
,Voilà l,e principe: voyons-en les conséquences.
Il en résulte, lOque ces rivières doiven t immédiatement rester, quant à la poli c,- sous la direction réglementaire du gouvernement; et cela par
Je double motif de l'intérêt général de l'agriculture
et du droit de propriété foncière, comme faisant
partie du domaine public, dont le maintien est
confié à ses soins;
,
t
1
�DU DOMAINE PUBLIC.
317
_ 968. 2,0 Que "dans le cas où un propriétaire
riverain. ou 'tous autres, commettraient des anticipations sur le sol de la rivière, l'administration
active, ou. le préfet, soit comme ,spécialement
chargé de la conservation des rivières (1), soit
comme àgent généralement délégué pour représenter le gonvernement dans les débats judiciaires
ayant d~s actions réelles pour objet, serait contradicteur légitime pour en demander" la réparation
pardevant les tribunaux; "
969. 3° Que néanmoins les propriétaires riverains pou rraien t aussi", en leur nom propre, se
pourvoir en justice ordinaire pour faire réprimer
les anticipations commises par d'autres, ct qui feraient refluer les eaux d'une manière'dommageable
snr leurs propriétés,'parce qu'ils peuven t auss.i invoquer la protection des tribunaux pour obtenir
la garanti~ de leurs droits.
Mais il y a cette différence entre la voie ouverte
aux propriétaires riverains et celle qui' appartient
at~ préfet, que l'action de ceux-là serait périmée
par trente ans de silenc~, cornIPe n'ayant que des
droits privés pour objet; .tandis que J'action intentée à requête du préfet ne pourrait être repoussée par le moyen de la· prescription, attendu qUlf
ce serait une action publique ayant pour objet la
revendication d'une portion du domaine public,
qui est imprescriptible: en SOl'te qu'à supposer que
(1) Voy. l'art. 2, § 6, de la loi
d~
1er janvier 1790.
�318
TRAITÉ
les allciens bords du lit de la rivière fussent parfaitement reconnus, tout ce qui aurait été anticipé
par le riverain, au-delà des limites de son tel'rain ,
devrait être restitué au domaine pubiic, qùelque
longue qu~ait été d'ailleurs la possession de l'usurpateur: c'est ainsi que les anticipations faites SUl'
les bords d'une route sont toujours imprescrip.:.
tihles (1).
Si les îles et atterrissements sont prescriptibles,
c'est parce que, la loi les destinant à devenir autant
de propriétés privées, ils .sont soumis aux règles
générales de la prescription; thaïs il n'en doit point
'être ainsi à l'égard dnlit même de lâ rivière, dont
la loi veut impérieusement la conservation dans le
domaine public;
970. 40 Que les' propriétaires riverains, ni
autres, ne pourraient établir aucun pont permanent
sur ces rivières, sans la permission de l'administration, lors même qu'il ne s'agirait pas de le faire
servir à un passage public; attendu que, suivant
là maxime Qui habet solum habet et cœlum,
reproduite dans l'al'lide 552 du Code civil qui veut
que la propriété du sol emporte la propriété dn
dessus et du dessous, ln construction d'un semblable ouvrage ne saurait être faite, sans commettre
une vraie anticipation dans l'espace aérien, qui,
étant au-dessus du lit, doit être public comme lui;
et il faut, par la même raison, en dite autant de
(1) Voy. sous les nOS 226 et 509, 2°.
�DU DOMAINE PUBLIC.
3 t 9-
tout ouvrage construit en projection au-dessus de
la rivière, quoique non fondé sur le sol;
971. 5° Que, par identité de motifs, et même
à pl us forte raison, il ne peut être construit, sans
l'autorisation de l'administration pu'blique, aucune
usine dans le lit des petites riviëres ; et que toute
. . de cette nature, n"
,une d'ero"
autoflsatlOn
etant'qu
gation à la liberté du sol public, ne peut ja'mais être
étcndue à des constructions plus amples ou d'une
nature autre que celles qui auraient été spéciale..
ment permises: en sorte que celui auquel on aurait
accordé la faculté d'établir un moulin ne pourrait
eu construire un sccond, ni le convertir en une
forge, sans obtenir il cet effet une no~velle autorisation; parce qu'en fait de servitude, tout doit être
rigoureusement interprété dans l'intérêt du fonds
servant (a).
(a) Voy. l'arrêt du conseil du 29 aoô.t 1821, dans
t. 2, p. 295.
MAcAREL,
MM. Merlin, Répertoire, t. 19, VO Moulz'n; Pardessus,
Traité des serpitudes, nO 97 j Sirey, dans une consultation.
rapportée à la page 292, 2° partie du tome 22 de son recueil;
Troplong, Tr~ité de la prescription, tome 1or, nO 146, prétendent cepend~nt qU:'aucune loi ne donne au gouvernement l~
droit d'autoriser la création des usines sur les cours d'eau non
navigables. ni flottables; ~ue l;usage contraire qui s'est établi
n'est qu'un abus et un débris de l'esprit envahisseur de l'administration impériale j que tout le pouvoir de l'autorité administrative se borne à fixer la hauteur des eaux, et encore; qu'il
n'y a de peine, aux termes des art. 16, tit. 2, 'de la loi du 6
�320
TRAITÉ
Ce principe doit être ici appliqué d'autant plus
sévèrement, que, quand le gouvernement déclare
navigable une rivière qui ne l'était pas, il doit des
indemnités aux propriétaires d'usines légalement
établies, dont la suppression deviènt nécessaire; il
ne faut pas en effet que ceux-ci' puissent, oe lenr
propre aut()rité, donuer, d'avance et à to~t événement, à leur droit d'indemnité plus d'étendue qu'il
ne devrait en avoir; et c'est cependant ·ce. qui arriverait s'ils pouvaient à leur gré lllultiplier leurs
usines oules, convertir en d'autres dont la suppression, le cas a'rrivant, entraînerait des dédommagements plus considérables;
972. 6 0 Que, quand le gouvernement permet
de construire une usine quelconque sur une petite
rivière, la clause insérée dans l'acte de concession
portant qu'à quelque époque que la rivière soit
rendue navigable ou flottable, il ne sera dû au'cune indemnité au concessionnaire ou à ses ayantcause pour lé cas où l'usage de la navigation exigerait la su ppr~ssion partielle ou totale de cette
usine, est une clause très~légitime (1), et que c'est
octobre 1791, et 457 du Code pénal, contre ceux qui ont établi
des retenues sans autorisation administrative, qu'autant qu'il
'en résulte du dommage pour les propriétaires riverains ,'puisque
la peine De consiste que dans une m:nende proportionnelle au
dommage causé.
(1) JOJ. l'art. 14 du décret du 12 novembre 1811, Bullet.,
t. 15; p. 489 r 4< série; et l'art. 48 de la loi du 16 septembre
1807,·Bullet., t. 7,p.'126, memesérie.
�321
DU DOMAINE PUBLIC.
mal-à-pl'opoS que certai.ns auteurs ont voulu la
combatlre comme illégale: car, du moment que
le gouvernement, disposant d'un objet du domaine public; appose une condition à l'usage qu'il
en accorde, et qu'il pouvait incontestablement refuser, il fau t bien. que le concessionnaire qui l'accepte en subisse)a loi;
973. 7° Que, quand une usine est établie au
bord d'une rivière, l'écluse construi.te à travers
le lit se trouv~ incorporée dans le domaine public,
et en fait dès· lors partie, par une conséquence
i1écessaire de la maxime aedificium solo· cedit,.
sauf toutefois le droit de propriété usagère à exer~
CCI' de la part du meunier(a).
.
Ca) Une huitième conséquence dn principe posé par l'auteur,
est, qu'on ne peut avoide droit de pratiquer des extractions de
sable ou autres matériaux, même dans les petites rivières, sans
l'autorisation de l'administration, parce que leur sol dépendant
du ~omaine publie, nul ne peut licitement s'emparér de ce qui
ne lui appartient pas,. et que d'aille·urs une fouille· è:xécurée -en·
dehors des réglemcnts établis pour favoriser le libre écoulement
des ea~, pourrait opérer une perturbation souvent dangereuse
dans leur régime.
TOM. III.
. 21
�322
TIUITll
CHAPITRE XLIII.
De la nature des droits que les propriétaires riverains peuvent
exercer sur les rivières qui ne sont ni navigables, ni flottables avec trains et radeaux.
974. Nous venons de faÏre voir que le corps et
le lit des petites rivières restent, quant au tréfonds
et à la nue propriété, dans le 90maine public, et
que les riverains n'y exercent que des droits de
jouissance. Nous devons actuellement examiner
quelle est l'étendue de ces ~roits.
975. Si l'on excepte ceux de prise d'eau pour
boire et pour abreuver les bestiaux, de flottage à
bûches perdues et de construction d'usines, lesquels restent toujours dans la dépendance du
domaine public, comme signe du droit de nue
propriété domaniale dans le fonds, on doit dire que
les propriétaires riverains ont exclusivement, et à
tons autrps égards, le droit de jouissance entière
des petites rivières, droit dont nous traitero s plmï
tard en détail, et qui comprend celui de cours
d'eau et d'alluvion, la faculLé d'avoir une barque, .
de pêcher et de pratiquer des prises d'ean pour
servir à l'irri~ation des fonds adjacents.
Mais quelle est la nature propre de cette espèce
de jouissance? et quel est son caractère prédominant?
�DU DOMAINE PUBLIC.
323
Essayons J'abord de déterminer sa NATURE propre, en la considérant soit dans sa cause, soit dans
)a condition à laquelle elle se -rattache, soit dans
son objet.
976. Considéré dans sa cause) le droit don"t
il s'agit est absolument légal, puisque c'est la loi
civile qoi en fait la concession; et de là il faut tirer
la conséquence que ceux auxquels il est accordé
peuvent toujours en êtl'e privés pOUl' l'avenir, lorsque le législateur, usant de son domaine souverain, vient à changer la disposition de la'loi.
977. Considéré dans la condition à laquelle
il se rattache) il faut dire que c'est un droit de
servitude légale imposé SUI' le fonds du domaine
public, pour l'avantage des proptiétés adjacentes
à la rivière ,puisqu'il e$t indivisiblement attaché
il celles-ci; et cette dotation est entièrement dans
les principès ,de l'équité, comme n'étant souvent
. des d"egats que 1es eaux:.
qu , une l"egere com,pensatlOn
causent périodiquement à ces mêmes héritages.
978. Considéré dans l)objet auquel il s)applique) il faut dire que c'est Ull droit d'usufruit
01\ d'usage indéfini, établi sur nne chose qui n'appartient à personne, puisque telle est la nature de
l'eau courante, et que, quoique l'usage de ces
sortesdechoses soit naturellementconllnun à tous,
néanmoins, et aux termes de l'art. 714 du Code,
c'est à la loi civile qu'il appartient de ré~ler la ma·
nière d'en jouir..
.
979. Une conséquence pratique ct importante
�324-
. TRAITI!.
qui découle de ces considérations, c'est que, quand
le gouvernement déclare navigable une rivi.ère qui
ne l'était pas, il ne doit aucune' indemnité aux:
propriétaires riverains il raison de la privation qu'ils
vont souffrir du dl'Oit de prise d'eau dont ils jouissaient, par la &cnle disposition de la loi, pour l'ir.l'igation de leurs héritages, puisqu"il ne s'agit toujonrs là que de l'usage d'une chose qui, de sa na ..
ture, ne peut devenir la propriété de perso1)ne ,et
que, d'autre part, la volonté de' la loi pouvant
toujours changer au gré des circonstances d',ordre
public, il ne saurait y avoir un droit acquis à la
conservation d'une concession purement légale de
cette nature.
980. Ainsi, en considérant les propriétaires
riverains par opposition avec le gouvernement
qnand il déclare navigahle une rivière qui ne l'était
pas, l'on est forcé de reconnaître que leur jouis..
sance n'est que précaire, et qu'alors ils se trouvent
soumis à l'em pire de la règle qui veu t que la concession cesse d'avoir son eff(~t dès que le concédant la révoqne : Precarium est quod precihus
petentis ll'tendum conceditur tandiù quandiit
.is qui concessit ~ patitur (1); et cette règle doit
être applicable tontes les fois que Je gouvernement,
comme organe de la loi, viendrait à s'emparer, de
la direction des eaux pour les faire servi.' à un ouvrage d'utilité publique.
(1) L. 1 , if. de precario. lib. 43. tit. 26.
�DU DOMAINE PUBUC.
325
981. Mais, en considérall t les propriétaires riverains comparativement les uns aux autres, et dans
la discussion de leurs in térêts particuliers relatifs au
droit d'irrigation qne la loi leur accorde également,
il n'y a plus aucune cause de précaire à opposer à
l'uu par l'autre; ~t ici revient l'application de la
règle qui veut que le possesseur, même précaire,
jouisse des actions du maître à l'égard de toules
personnes autres que celle dont il tient sa possession: Qui precario jimdum possidet, is interdicto UTI POS8IDET18 ~ adversùs omnes praeter
eum quem rogavit~ uti potest (1). La raison en
est que personne ne doit être admis à se prévaloir
des droits d'un tiers.
982. C'est ainsi qu'en appliquant la règle
commune à l'usage des cours J'eau, l'on voit que
ce'qui, dans les mains d'un des riverains, peut
n'être qu'une jouissance précaire vis-à-vis du gouvernement, comporte néanmoins les attributs d'Oll
droit de propriété incommutable à l'égard des tiers,
qui Joiventle respecter sans se plaindre, au moins
tant qn'ils n'en ressentent pas personnellement
quelques dommages dans leurs fonds.
983. - C'est ainsi encore que, quelque anCienne
que soit la jouissance d'un cours d'eau exercée sans
titre par un particulier, ce cours d'eau reste né~n
moins dans le domail)c de la loi, et l'administration peut toujours en disposer librement, pour dcs
Cl) L, 17', if. de precario) lib. 43; tit. 26.
�326
TRAITÉ
motifs d'utililé publique, sans que le possesseur
puisse opposer le J!lOyen de la prescriplion, soit.
parce que sa possession n'était que précaire vis-à-.
vis dn gouvernement, soit parce qu'il s'agit ici
d'une chose de droit public contre l~quel on ne,
prescrit pas. : Praescriptio temporis juri puhlico.
non debet obsistere (1); tandis qlle, quand il est
question de déha ts élevés entre les propriétaires
riverains d'une rivière ou autre cours d'eau, l'on'
doit au contraire les considérer, les uns à l'égard
des aut~es, comme propriétaires des droits ll'usage.
par eux revendiqués; et la possession qu'ils en ont
est tellement civile et c:xenJple du précaire, que,
suivant l'art. 3, S 2 de notre Code de procédllrè, les
juges de paix sont appelés à CODnaÎlre des ~ntre
prises sur les cours d'eau commises dans l'année ,.
et de toutes autres actions possessoires Ca) : d'où il
résulte qu'alors la prescription peut avoir lieu de
l'un à l'autre.
984. Mais, à l'égard du gon vernemen t, la thèse
change de face lorsqu'il a fait c~ncession de l'usage
d'un cours d'ean : alors la servitude n'cst plus simplement légale, elle est devenue conventionnelle;
ce qui n'était que dans le domaine de la loi en est
sorti, par l'act.e de concession, pour entrer da ns le
patrimoine d'un partic~lier; et pen importe que
cet acle ait été consenti gratllitement on moyen(1) L. 6, cod. de operihus puhlicis, lib. 8, tit. 12.
(a) Voy. aussi l'art. 6,
§ 1 de la loi du 25 mai 1838.
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
327
nant un prix, du moment que ce qui nous est ac()uis par donation ne nous appartient pas moins légitimement que ce que nous avons acheté: dans
l'un/et l'autre cas il y a également convention, et
par conséquent servitude conventionnellement
acqmse.
985. Dans cette hypothèse le gouvernement
lui-même se trouve forcé de subir la loi du contrat
qu'il s'est imposé: si la chose avait été faite sans
son aveu, il lui serait libre d'en ordonner purement et simplement la suppression; mais ici il ne
pourrait plus qu'au moyen d'une juste et préalable
indemnité détruire l'établissement qu'il avait autorisé: Quod principis aut senatt1s jussu opus
factumfuerit .. in hoc judicium non venit (1).
S'il en était autrement, il donnerait l'exemple de
la mauvaise foi, ce qui est inadmissible.
986. C'est pal' application de ces principes
qu'aux termes de l'artide 45, titre 27, de l'ordonnance de 1669, relatif au cas de chômage de
moulins, occasionné par le passage des bateaux on
des bois de flotte sur les rivières navigables, il
n'est accordé d'indemnité qu:aux propriétaires de
ces usines qui seraient fondés en titres et concessions. La raison en est que, du moment que le
gouvernement permet de construire un moulin SUI'
une rivière navigable, il accorde par là même la
faculté de modifier, jusqu'à llll certain point, par
(1) L. 23, if. de aquâ et aquœ, lib. 39, tit. 3,
�328
TltAITf
l'éc1u~e qUI ~e§t un accessoire indispènsable, la
liberté du passage; et,comme, d'autre part, tout
navigateur a dans.la rivière, et par la disposition de
la loi, un droit de transit -dont ou ne pourrait le
priver sans supprimer la navigabilité du fleuve, il
faut, ·pour'concilier cette collision de droits opposés:, et ;aussi]légitimcs d'un côté que 'de l'autre,
en venir à la~col1lpensation du chômage de l'usine
par une indemnité pécuniaire; indemnité qui a
toujours été bien faiblement fixée.' Lorsque ,!:au contraire, le meunier a construit
. sonfmoulin sans la pef,missio~l du gouvernement,
l'auto'rité qui pouvait modifier la libcrté de la navigation n'étant poinLintervenue, il n'y a plus
égalité de droits entre l~s deux contendants, et
l'onvrag(illicitemcnt 'établi par l'un d'eux, sur lé
sol~public, ne peut être un: titre pour lui d'exiger
une prestation de la part de l'autre: Si in publico
aedificem, deindè hoc aedijicium ei obstet.,
'luod tu in publico aedijicaveras , cessare hoc
illterdictum, citm tu 'luoque ilLiéitè aed~ficave
ris, nisi forte tu jure libi concesso aedificaveras (1).
981. Lorsque ce sont deux propriétail'cs rive.,
rains qui se trouvent en collision d'intérêts sur le
droit de prise d'eau que la Joi leur accorde égalenient, ils sont, l'un par l'apport à l'autre, comme
denx propriétaires légitimes d'un droit d'usage
(1) L. 2, § 15, ff. ne 'lllld in loco publico, lib. 43, tit. 8.
�DU DOil-l1UNE pVBLlC.
329
qu'ils tiennent également de la concession de la 16i:
voilà pourquoi ils ont, comme particuliers ét vis-à~
vis l'un de l'autre, toutes les actions du m!lÎtre
pour la garantie de leur jouissance respective; mais
il ne peut en être de même entre celui qui exerce
lég~lem(~nt le droit de navigation, et le meunier';
dont l'usine n'a qu'une existence illicite. L'indemnité de chôm3ge ne peut être due à celui-ci, parce
qu'il n'y a de sa part qu'une voie de fait, pour
laquelle il ne saurait réclamer aucune garantie. '
988. Mais arrivons à une autre espèce d'application très-propre encore à faire sentir l'import3ncq
qu'il y a, dans tous les cas, d'obtenir la permission
du gouvernement pour la construction des usines. '
Supposons que, pour aliment.er un can31 de navigation, l'administi'ation publique s'empare des
eau"{ d'un ruisseau qui précédemment faisait rouler un moulin situé en aval du point de Jéri~ation ,
et qu'il soit question de savoir s'il est dû une in-'
demnité au meunier dont on a réduit l'usine à
l'inaction, en la privanl de sa force motrice.
'Si le moulin dont il s'agit a été dans son prin~ipe étal,li sans l'autorisation du gouvernement, il
ne sera dû aucune indemnité, parce qu'il n'aura
jamais eu qu'une existence iilégale et purement
précaire vis·à-vis de l'admini,stration publique.
Et, d'abord, il ne peut être dûd'indcmnité pour.
expropriation du fonds, puisque le sol elles bâtiments resteront tonjuurs dans les mains du même
maître, sans qu'il y ait aucune mutation de pro..,
�330
'Î'llAITÉ
priété foncière à cet égard; il éprouvera bien la
perte de son moulin comme usine; mais ce ne se'ra
pas par l'effet du transport de son fonds dans )e
domaine public.
Il n'y aura pas lieu non plus à indemnité à raison
de]a privation du cours d'eau, puisque,l'eau coul'ante, qui naturellement n'appartient à personne,
n'aura pas cessé d'être dans le domaine de ]a ]oi,
et que l'autorité, qui peut disposer de son usage,
n'en ayant jamais fait de concession, la jouissance
"1 e meumer
. n,
.etre qu , une ch
qu ,en avaIt
a pu
osel
(e
pure tolérance vis-à·vis de cette autorité.
989. Mais, si l'établissement du moulin a été
fondé en titre, il faut dire an contraire que le
meunier aura droit à une indemnité, à raison soit
de la privation de son cours d'eau, soit Je l'anéantissement de son usine.
On devra l'indemniser de )a privation de son
cours d'eau, puisqu'il en était devenu propriétaire,
quant à l'usage, par l'acte de concession qui lui en
avait été fait. N'iqlporte que le gouvernement ait
pu revenir contre cet acte, et se ressaisir du ruisseau pour l'introduire dans le canal de navigation:
car en cela on ne doit voir que l'application du
principe général qui vent que tout particulier soit
obligé de souffrir, moyennant indemnité, la privation de sa propriété pour cause d'utilité publique.
L'estimation de l'indemnité devra porter aussi,
et même principalement, sur l'anéantissement de
l'usine, pnr suite de la privation du cours d'eau,
�33J
DU DOl\fAIi'iE PUBLIC.
,attendu que les bâtiments du moulin, etlous autres
.
,
, ,
.
ouvrages accessOlres, n ayant ete constr1llts que
sous la foi de l'engagement pris avec le meunier,
il faut bien que le gouvernement qui y manque en
supporte les suites.
A la vérité,il n'y aUl'a pas d'expropriation judiciaire à opérer sur les hâtiments du moulin, puis, d
l'
que a, cet egar
a mesure
n en tramera pas une
mutation de propriété dans le sol; mais l'estimation de l'indemnité à fixer administrativement,
suivant la loi du 16 septembre 1807, n'en devra
pas moins comprendre toute la perte supportée par
le meunier à raison de' la dégradation foncière de
son usme.
990. Passons actuellement à des considérationsplus générales pour signaler dans sa cause le CARACTÈRE commun des droits' dont les propriétaires riverains jouissent sur les petites rivières, et indiquer.
la nature des actions. par lesquelles ils peuvent en
revendiquer l'usage.
Pour bien saisir ce que nous avons à dire à ce
sujet, il faut se rappeler qu'à l'exception de la faculté de prise d'eau pour boire et pour abreuver les
hestiaux, du flottage à bûches perdues, ainsi que
du droit de construction d'usine, et de quelqnes'
autres objets de peu d'importance dont on parlera
dans la suite, les propriétaires riverains ont, à tons
autres égards, le droit de jouissance entière des
petites rivières, et que cette dotation de la loi est
inséparablement attachée à leurs fonds.
A
�332-
TRAITÉ
Il résulte de la que les avantages qui leur sont·
. acquis doivent être considérés comme autant d'attributs ou dc dépendances d'un droit d'usufruit
légal, puisque, dans la cause commune à laquelle
se rattachent ces avantages, ils comportent la jouis-'
sance d'une chose dont la propriété appartient à
IHl antre.
Mais, en considérant cette espèce tonte parti-'
culière dans les caractères qnilui sont proprcs,
elle est bien différente de celle d'un droit d'usufruit ordinaire et présente beaucoup plus d'avantages' : car l'usufruit ordinaire n'est dù qu'à la
personne, et s'éteint avec elle, tandis que le droit
dont il s'agit ici est accessoirement inhérent aux
fonds riverains, et que, sauf la résolution qu'il peut
subir par la mise en navigabilité de la rivière, il est
perpétuei dans sa durée, et perpétllcllement transmissible avec ces fonds.
En un 1110t, c'est un droit d'usufruit qui, par la
singularité de son espèce, eplprunte le caractère
de la servitude réelle ou prédiale, puisque c'est aux
fonds riverains que la loi le rattache pOUl' ,en être
l'accessoire perpétuel et indivisible.
Et ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que
les attributs de cetlé espèce d'usufruit sont autant
de servitudes légales qui pèsent sur le corps de la
rivière, et qui n'ont d'autre cause efficiente que la
loi: d'où il résulte qne l'autorité publique pent
tOlljours y apporter les changements et lUodifica.
l 'llllel'ets
, . gene"
lIons
qn 'c.I I
e 'Jnge convena b
es aux
�DU, DOl\lAlNE PUBLIC.
333
ràllX des localités, ét cela sans devoir ancune indemnité, ce qu'dIe ne pourrait pas également faire
dans le cas où il s'agirait de servitudes conventionnelles, comme on l'a déjà remarqué plus haut.
991. On peut encore assimiler ce droit à celui
de supprficie, puisque ceux qui en sont investis
possèdent réellement et à titre de maître, vis·à-vis
des autres partielliiers, tout ce qui forme la superficie du corps et du sol de la rivière, dont le tréfonds seulement reste dans le domaine public;
. qu ,on l" t:nvlsage sons l" un ou sous l' autre d e
.mals
ces points de vue, peu importe, car il n'y aura
guère de différence que dans les mots, 'Puisqu'on
.
.
,
,
arnvera toujours a ceLLe consequence, qu aux propriétaires riverains appartient tonte l'utilité de l'usufruit de la rivière, dont le domaine puLlic ne
retient que la nue propriété; et de là rés~lltent encore plusieurs autres conséquences qui nons reste·nt à déduire.
,
992. La première, c'est que ces propriétaires
ont réellement toutes les actions dlÏ maître pour
revendiquer en leur nom propre tous les droits qui
leur appartiennent sur les petites rivières, puisqu'ils en ont l'usufl'Uit et toute l'utilité du domallle.
993. La seconde" c'est que les droits d'ilTigalion, de pêehe et autres, dont ils jouissent, sont
autant d'attributs du droit d'usufruit qui leur appartient, et qui les embrasse tons, çomme up tant
quelconque embrasse les diverses parties qui l~
\
.
•
1
�334
TltAITÉ
composent: d'où il suit que chacun de ces' droits
leur appartient, et qu'ils peuvent "le réclaIiIer au
même titre que le droit d'llsllfmit lui·même.
99.&.. La troisième, que pour la garantie de
jouissance de tous les droits qui leur appartiennent,
ils peuvent, suivant les circonstances, employer
le secours des actions possessoires à l'effet de re:'
pousser le trouble qui leur serait causé. "
Et en effet, soit qu'on les envisage comme usufruitiers perpétuels de la rivière, soit qu'on les as- '
simile à des superficiaires, ce qui, dans l'hypo~
thèse actuelle, ne diffère que dans les termes, il
sera toujours vrai de dil'e, que, vis-à-vis de tout
autre que le gouvernement, ils jouissent pro sua;
qne leur possession est véri tablemen t civile, puis.
qu'elle est exercée à titre d'usufruit ou de super'ficie; et qu'embrassant toute l'utilité du domaine
ou tout ce qui appartient au domaine utile, il faùt
Lien qu'ils aient aussi l'exercice de toutes les actions qui s'y rattachent.
Certes on ne doit pas accorder moins d'u"vantages
sur ce point à un droit d'usufruit perpétuel qu'à
celui qui n'est que temporaire; or le simple usufmitier ordiuair'e peut, comme le propriétaire luimême, agir au possessoire, ainsi que nous l'avons
démontré dans notre Traité des droits d'usufruit~ etc. (1); et, d'antre part, la loi confère
(1) Voy. au tom. 1er , sous le nO 32, et au tom. 3, sous les
1259 et suiv,
noa
�DU DOMAINE
punuG.
335
encore le même droit aux possesseurs de superficie, tels que sont ici les propriétairés riverains à·
l'égard de la rivière: Tuetl.tr. itaque praetor eum
'J ui supeTjiciem petiit, veluti utipossidetis interdicto (1) : donc ces riverains doivent avoir
l'exercice des actions possessoires pour se maintenir dans tous les droits qui font partie de la jouissance générale que la loi leur allribue, et celle
ressource doit être à leur disposition comme s'ils
étaien t eux-mêmes propriétaires tréfonciers et
possesseurs en plein domaine du lit et du corps de
la rivière.
995. Ainsi le propriétaire riverain peut agir en
trouble an possessoire contre tout étranger qui,
'
. de
sans son\ consentement, et avec l a pretentLOn
posséder lui-même, ou d'ex<:)rcer un droit qui lui
appartien t, se permettrait de pêcher' dans sa portion
de rivière, comme il pourrait agir de la même
manière contre celui qui, dans les mêmes circonstances, conduirait au pâturage un troupeau sur
son pré.
Nous disons àvec la prétention de, posséder
lui-m€me ou d'exercer un droit qui lui appartient: car autrement l'acte de ce tiers ne serait
plus qu'une simple voie de fait, ou un simple délit
de pêche à réprimer en police correctionnelle; et;
comme cet acte ne supposerait pas une contes~
(1) L. 1, § 2, tf. de superficiehus, lib. 43, tit. 18.
�336
TRAITÉ
tation sur la possession, ce ne serait pIns l'action
en complainfe au possessoire qu'on devrait iiltenter cuntre son auteur.
996.. La quatrième ~ qne, quoique, pour
écarter jusqu'à l'idée de tous droits qui auraient
quelque similitude avec ceuxde l'ancienne féodalité, nos lois nouvelles aient. voulu que les avantages qu'elles accordent aux riverains sur les petites
rivières soient indivisiblement unis an fonds bordant le cours d'eau, et ne puissent avoi," une existence séparée de ces fonds, de manière à être propl'iétairement possédés pa," d'autres que par les
maîtres des héritages adjacents (1); néanmoins il
pèu t y avoir en tre les propriétaires de chaque bord
des droits acquis à l'un à l'exclusion de l'autre,
pn'isqu'ils n'auraient toujours pas une -existence
isolée et séparée d Il fonds; et cette acquisi tian
pellt résulter soit de conventions faites entre les
parties, soit même de la prescription, puisque les
droits d'usufruit, de superficie ou de domaine
utile, peuvent être acquis même par l'effet de la
possession. Ainsi, à supposer que l'un des propriétaires riverains ait exclusivement joui, pendant
trente ans, de toute la pêche de la rivière jusqu'à
l'autre bord, il en aura acquis le droit à l'exclusion
(1) Voy. sur cette indivisibilité l'avis du conseil d'état du
11 octobre 1811, bullet. t. 15, pag. 474, 4- série; et encore
plus bas, au chapitre 56, section 3, sur le droit de pêche, les
nO' 1247 et Slli\'.
�DU DOMAINE PUBLIC.
.-
337
de l'autre, aux termes de l'article 2 de la loi du
15 avril 1~b9 'sur la pêche fluviale (a).
Il en serait autrement du cas où il s'agirait d'un
individu qui, sans avoir la possession des fonds
de l'un ou de l'autre bord de la rivière, y aurait
pêché ou fait pêcher. Il n'aurait pu rien acquérir,
soit parce que le droit de pêche est indivisible ment
uni aux fonds riverains, soit parce qu'il n'aurait
joui que d'une servitude discontinue, qui, par sa
nature est impre~criptible.
Nous verrons encore ailleurs plusieurs autres
applications des vérités de principe exposées dans
le présent chapitre et dans le précédent.
(a) Voy., sur l'interprétation de cet article, la note sous le
nO 1247 ci-après, et les nOS 1259 et suiv.
22
TO.\f. lU.
�338
TRAITÉ
CHAPITRE XLIV.
Des torrents.
997. Les tOlTents sont des cours d'eau intermittents qui, au lieu d'être alimentés par des
sources pérennes et d'eau vive, ne sont que le
produit des eaux pluviales ou de la fonte des neiges,
et se précipitent par intervalles dans les vallées et
les plaines qu'ils inonJent; ce qui fait_ qu'ils sont
ordinairement réduits à sec durant les chaleurs de·
l'été; Torrens est jluvius qui non de fonte,
neque de aqud vivd, sed pluviis, veZ de monti·
hus in valles descendit, aestate autem siccatur, aquis vero hiemalibus inundatur et cur-
rit (1).
L'étymologie du nom de torrent vient du mot
latin torrerel qui veut dire brùler, dessécher, en
sorte que c'est de l'état de ces sortes de cours d'eau
pendant les chaleurs de l'été, que la dénomina.
tion a été prise.
998. Sous le rapport physiCJue, il existe des
diffél'ences essentielles entre les rivières et les
torrcn ts.
Le cours des rivières étant produit par des
sOUl'ces d'eaux vives est continu; tandis que, sauf
(1) Vide apud
CALVINU)[,
verbo /orrens.
�DU DOMAINE PUBLIC. ,
339
l'écoulement du ruisseau, qui peut quelquefois
rester dans le fond du vallon, le cours ùu torrent
est inlermittent, n'ayant pOUl' canse qne les pluies
toujours irrégulières.
'
La rivière qui promène ses eaux à travers les
plaines qu'elle arrose et fertilise, n'emporte en
général que l'idée de l'abondance; tanùis qlle le
torrent ne nous présente que l'image de la dévasta lion.
La rivière, par son état uniforme et permanent,
nons foul'l1it les secours dont elle esl susceptible,
pOIlf les service.s publics de la navigation et du
flottage, ne fût-ce que ponr le floltnge à bûches
perdues; 'tandis que le torrent, iJupropre à tout
service u tilPo, ne se montre souven t que comme un
fléau et une source de malheurs.
999. Ces différences physiques en entraînent,
sous le rapport du droit, plusieurs autres que nous
ne pouvons mieux sig,naler' qu'en les puisant dans
la loi romaine, qui a pris soin de lesénurnérer.
Par l'édit du pi-éteur, il est interdit de faire
aucune construction dans une rivière puhlique,
ou sur ses bords, au préjudice de la libre navigabilité du cours d'eau ou du lihre usage de la rade :'
Ne quid in flumine puhlico
ript1.ye ejus fadas -' ne quid influmine puhLico-,
neve in ripd ejus immiuas -' quo statio iterye
nayigio deterius sit -' fiat (1). Mais à quoi doit-on
AIT PR.AETOR :
(1) L. 1 in princip. , ff. de fluminiblts , lih. 43; tit. 12.
�~HO
TRAITÉ
\
s'attacher pour savoir si une rivlere est publique
ou si elle ne l'est pas, et pOUl' user de cet in terdit,
que le prétem n'a établi qu'à l'égard des rivières
publiques r
Il y a, dit Ulpien, des rivières qui ont un Cours
continuel, et d'aut..res qu'on appelle torrents. Les
premières sont celles qui coulent toujours, sauf
néanmoins quelques dessèchements. accidentels
qui D'en changent pas la nature; tandis que les
torrents ne courent ordinairement que pendanL
l'hiver: Item jluminum quaedam sunt perennia,
quaedam torrenlÏa. Perenne est quod semper
.fluat: torrens, id est hieme fluens. Si tamen
aliquti aestate exaruelit, quod alioquin perennèjluehat, non ideà minàs perenne est (1).
Or, pour distinguer les rivières publiques de celles
qui ne le sont pas, on ne doit placer dans la première classe·qlle celles qui ont un cours continuel:
Fluminum quaedam publica sunt, quaedam
non: publicllm jlumen esse Cassius dtfznit,
quod perenne sit (2); ·et l'interdit du préteur ne
s'applique qp'aux rivières publiques; il ne conceme
pas Jes cours d'eau qui n'ont point un écoulement
continu, -et qui, par cette raison, ne sont considérés qne comme des fonds privés: Hoc interdictum adjlumina publica pertinet. Si autem
/lumen privatum sit, cessat interdictum: nihil
(1) L. 1 in princip. , § 2
§ 3.
('l) Ibid. ,
,-ff.
de jluminibus) lib. 43, tit. 12.
�DU DO!lWNE PUBLIC.
341
enim diffèrt à cœteris lods prÙ1atis .flumen
privatum (1); c'est-à.dire, en un mot, que les
torrents ne doivent point être classés au rang des
rivières publiques, et dans le domaine pllbEe.
Voilà les principes de la matière: voyons actuellement les conséquences qui en l"essortent.
1000. Il en résulte, 1° que le sol occupé par
le torrent n'est point un sol public comme celui
des rivières ordinaires, mais q~'au contraire il
reste toujours dans le domaine privé des propriétaires des fonds riverains, même quant à la partie
des terrains momentanément couverte dans le
tem ps de la crue des eaux: , puisque ces proprié'taires, pouvant toujours y exercer des actes de possessiou durant les sécheresses, ne sont jamais ab" d 'es. C' est une servIln
. d e qu "1
so1ument d cposse
1 s
sont seulement obligés de souffrir sur leurs héritages.
Néanmoins si le torrent avait absolument ruiné
le sol sur une vaste étendue, ct que personne n'y
eût pratiqué aucun acte de possession, on devrait
le classer au rang des biens vacants et sans mahres,
qui, suivant l'article 539 du Code, appartiennent
non au domaine public, mais à l'état.
1001. Il en résulte, 2° que le droit d'alluvion
ne doit pas avoir lieu le long des torrents comme
sur les bords des rivières; et celle conséquence
n'est que le développement de la précédente: car,
(1) L. 1 in princip., § 4 , if. de fluminibus , lib. 43, tit. 12.
�TILUTÉ
du moment que les rivàains conservent la propriété, et même la possession civile des héritages
qui ne sont que temporail'~ment envahis pal' les
caux, le relais qui a lieu ùans le temps où. elles
cessent de conler ne peut avoir d'autre effet que
de rendre toute liherté à leur jouissance jusqu'à cc
que l'eau revienne.
C'est sans doute par cette raison que le droit
d'alluvion n'est effecLÏvement accordé, par J'article 556 du Code civil, qu'à l'égard ùes fouos riverains desfleuves et des rivières Ca).
1002. On pourrait peut-être opposer à cet~e
décision la disposition de l'art. 41 de la loi du 16
septembre ] 807, portant que cc le gotlvérnement
:n concédera, aux conditions qu'il aura réglées,
;» les marais, lais, relais de la mer, les dl'Oits d'cn:>:> diguage, les accrues, atterrissements et allu>:> vions des fleuves, rivières et torrents, quant à
:>:> ceux de ces objets qui forment propriété publi>:> que ou domaniale. » Donc, dira-t-on, la loi
reconnaît le droit d'atterrissement et d'alluvion
aux bords des torrents comme aux bords des rivières.
(a) Barthole disait déjà ep. parlant des torrents: Si cursum
mutant J semper solum remanet ejus cujus prùno erat.
Si un torrent se trouve aux confins de deux héritages et que
les titres n'en donnènt pas la propriété exclusive à l'uu des
riverains, il devra être présumé commun entre eux, et si , plus
tard, il venait à ('hanger de direction, la ligne correspondante
au milieu de son ancien lit devrait être considérée comme la
limite des deux héritages.
�DU DOMAINE PUBLIC.
343
Mais il faut prendre garde que cette disposition
n'a rien de réglementaire sur l'exercice du droit
d'alluvion, ou sur la manière d~nt l'alluvion s'acquiert; qu'elle ne se rapporte, au contraire, qu'an
terrain d'alluvion pour régler la manière dont le
gouvernement peut en disposer quand il s'est formé sur une propriété domaniale.
Sans doute les torrents, parvenus dans la plaine,
doivent souvent y former des accrues considérables
par le dépôt des gravois et des terres qu'ils y p.'écipitent des montagnes; et c'est ainsi que le Delta
n'est qu'un vaste terrain d'accrues causées par les,
débordements du Nil; mais ces accroissements
dans la superficie n'opèrent aucune mutation dans
la propriélé du fonds. Le propriétaire primitif dU
sol reste propriétaire de l'augmentntion survenue
par superposition, parce qu'il n'y a toujours qU'llD
seul fonds; et c'est aux' terrains domaniaux [Iinsi
accrns ou augmentés en superficie près des rivages
de la mer que s'applique la loi de 1807, pour régler
la manière spéciale dont le gonvcl'I1cment peut les
aliéner.
1003. Les pl'Opriétaires riverains des divers
cours d'eau peuvent, comme nons l'expliquerons plus bas, pratiquer dans leurs héritages et
contre leurs bords, des ouvrages de protection
pour mettre obstacle aux envahissements des eaux:
sur quoi il faut faire une distinction entre les ouvrages de celle natnre exécutés au bord d'un torrent, et ceux qui seraient construits le long d'une
rivière ordinaire.
�344
TRAITÉ
Lorsqu'il s'agit J'un torrent, le pl'Opriétaire riverain peut construire sur son fonds une digue
pour en prévenir la ruine, et il a~ll'ait ce choit
quand même le couran t, ainsi repoussé, causerait
du dommage à un autre, pourvu toutefois qu'il
n'ait pas agi malicieusement et daos le dessein de
l1tlire à son voisin, mais seulement -dans la vue de
sa. propre défense : Idem Laheo ait: Si vicinus
flumen ·torrentem avertit ne aqua ad eum perveniat, et hoc modo sit 4Jectum ut viciTto noceatur, agicum eo aquae pluviae arcendae non
posse : aq uam enim arcere, hoc esse curare ne
ùifluat. Quae senten#a verior est, si modà non
hoc animo {ecit ut tihi noceat, sed ne sihi no·
eeat (1). La règle n'est pas exactement la même
lorsqu'il s'agit d'une rivière ayant un cours pérenne et régulier. Quoique ici le propriétaire riverain puisse construire, dans le lit de la rivière et
sur le hord de son fonds, tout ouvrage de protection qu'il i llge convenable pour le préserver de
l'envahissement des eaux , et qu'on n'ait pas le droit
de lui interdire ce moyen de défense légitime: Si
tamen muniendae ripae causd fiat,' interdicto
locus non sit (2); néanmoins, et même abstraction faite de l'action publique, iJ faut que son entreprise ne puisse pas deveni.' offensive à l'égard
(1) L. 2, § 9, ff. de aqui1 et aquœ plu/!. arcend., lib. 39,
tit. 1.
(2) L. l, § 6 , ff. ne quid in. flamine publico, lib. 43, t. 13.
�DU DOMAINE PUBUC.
345
des autres propriétaires riverains, en rejetant d'une
manière dommageable le cours des eaux vers leurs
fonds: car alors ceux qui auraient à craindre ce
danger, pourraient exiger ou la démolition de la
digne, si le péril était certain, ou un cautionnement d'indemnité éventllel1e, s'il n'y avait qu'une
crainte raisonnable de dommages possibles dans
l'avenir: Is autem qui ripam vult munire de
damno futuro dehet cavere vel satisdare secundùm qualitatem personae; et hoc interdicto
expressum est ut damni injécti in annos decem
viri boni arbitratu vel caveatur vel saûsdetur.
Dahitur autem salis vieinis; sed et his 'lui
transJlumen possidebunt (1).
Mais quelles sont le~ raisons de celte disparité
de décisions entre les deux cas? Pourquoi, dans
le premier, peut-on construire. une digue dont
l'existence serait dommageable au voisin, tandis
qu'on n'aurait pas la même faculté dans le second?
La raison s'en trouve dans la nature même des
choses, telles que nous les avons exposées plus
haut. En effet, quand il s'agit d'un torrent, celui
qui établit une digue sur ses bords ne construit
que sur un terrain qui lui appartient, il ne fait
qu'administrer sa propre chose et exercer nn droit
qui lui est propre; or celui qui use simplement
(1) L. 1, §§ 3 et 4, ff. de l'ipâ muniendil, lib. 43, tit. 15.
- Yoy. suprà, la note 2 sous len" 771.
�346
TRAITÉ
de son droit, sans agir par affectation et dans l~
vue de nuire à autrui, est réputé ne causer aucun
dommage à personne: Nemo damnumfacit, nisi
qui id/écit quodjacere jus non habet (1). Par
conséquent il ne peut être tenn à aucune réparation. Au contraire, lorsqù'il est question de l'éta..
blisscment d'un ouvrage dans le lit d'une rivière,
le constructeur ne peut pas dire qu'en le foudant
il ne fait qu'user de sa propre chose, puisque ce
lit est un sol public: d'où il suit que, du moment
que son travail porte atteinte à la possession et
jouissance des autres, par le changement qu'il
opère dans le cours des eaux, il faut rèconnaître,
qu'abnsant de la chose d'autrui, il doit être responsable des dommages qu'il aura causés.
Au reste, tout ce qui précède n'a d'application
directe qu'aux actions judiciaires et individuelles
des propriétaires voisins du torrent les uns à l'égard
des autres, et seulement tant que l'administration
publique n'a pas pris fait et cause en main ponr
établir, en faveur de l'agriculture, des ouvrages de
protection tendant à prévenir les ravages causés
par les eaux:; car, lo,'squ'une fois elle a prescrit,
en exécution des art. 33 et 34 de la loi du 16 septembre 1807 (a), l'établissement de quelques
digues ou autres ouvrages pour diriger les eaux
et en rendre le cours moins dommageables, les
(1) L. 151, If. de regul. jur.
(a) Voy. le texte de ces articles, sous le nO 1012 ci-après.
�DU DOMAINE PUBLIC.
347
propriétaires du voisinage n'ont plus qu'à se 'soumettre à ses orùres, sans pouvoir intenter aucune
action judiciaire en rétablissement des lieux dans
leur état primitif: Qzûdquid principis aut se
nattls jussu , opus factum Jiterit , in hoc judicium non venit (1).
CHAPITRE XLV.
De la police de prévoyance ou réglementaire des petites rivières
et des torrents.
1004. Dans les chapitres- qui précèdent , nou~
n'avons considéré le corps et le lit des petites rivières et des torr:ents que par rapport à leur état
matériel, et principalement pour indiquer l'espèce
de domaine auquel appartiennent ces cours d'eau:
Ici nous avons à nous occuper du régime légal sous
lequel ils sont placés , c'est-à-dire de la police d~
prévoyance et réglementail'e qui étend son action
sur eux.
Avantla révollltion, c'était au nomdes seigneUl's
des lieux que s'exerçaient immédiatement la juridiction et la police sur toutes les petites rivières et
sur les moindres cours d'eau; mais alljounl'hui
que, parl'abolition de la féodalité, ces jUl'idictions
sont retournées à Icnr source primitive, dans les
(1) L. 23, ff. de aquâ et aquœ, lib. 39, tit. 3.
�348
1'1~AI'l'E
mains du souvel'ain, et que nos justices de paix,
ainsi que nos administrations locales, on t succédé à
la foule de justices seigneuriales qui couvl'aient le
sol de la France, ce n'est plus qu'au nom du roi
que la police doit être exercée sur tous les cours
d'eau.Elle appartient exclusivement à l'administration publique, c'est-à-dire au préfet, sauf recours
au ministre de l'in té rieur, ct, lorsque le cas y échet,
au roi en son conseil.
1005. Les tribunaux, n'ayantà statuer que SUI'
des causes individuelles, sont.ici, par la natme de
leurs pouvoirs, absolument placés hors de ligne;
et il ne saurait en être autrement, parce que ce
qu'ils auraient jugé entre deux individus sur les \
rapports. particuliers, de ceux-ci ne pourrait qu'accidentellement et rarement convenir à la cause des
autres: en ~orte que l'action judiciaire introduite
en cette matière n'y enfanterait que du ttoublè et
de l'anarchie, fallte d'unité générale dans son application. Il faut donc, de toute nécesssité, qu'on
soit ici placé sous une autre autorité qui soit régu~
latrice pour tous les intéressés à la chose.
Cependant l'usage des cours d'eau dans les pe.
tites rivières fait naître aussi nn grand nombre de
questions qui doivent être portées devant les tribunaux; mais elles ne lem sonl dévolues que
comme touchant à l'exécution ou à l'application
des statuls réglementaires, et non comme comportant llne participation quelconque à l'él:1blissement
de ces statots,
�DU DOMAINE PUnLtc.
349·
Quoique ces deux \lOU voirs soien li ostitués pour
marcher parallèlement et sans empiéter l'un sur
l'autre, néanmoins il survient souvent entre eux
des collisions SUI' beaucoup de points dans lesquels
leur compétence respective se trouve difficile à déterminer; et c'est une tâche embarrassante que
d'entreprendre de les concilier, en attribuant exactement à chacun c~ qui lui appartient. Si, par les
règles que nous allons tracer, nons ne pouvons
nous flatter d'avoir complètement réussi, nons
espérons du moins qu'on nous tiendra compte de
nos efforts pour arriver à ce but.
En général c'est l'administration actiye qui est
investie llu pouvoir réglementaire, et ce sont les
tribunaux qui sont chargés de prononcer ks peines
encourues pour contraventions aux réglements
admi nistratifs.
.
Il est sensible que ';-e que nous disous ici de rad·,
ministration comme pouvoir réglementaire ne
s'applique point aux conseils de préfecture, qui,
n'étant classés que parmi les tribunaux, ne peuvent statuer que sur des causes particulières, et
jamais par voie de réglemeot (art. 5 C. civ.).
Commè l'ordl'e rationnel des idées exige .qu'on
' 1e.ment avant d" en vemr a, statuer
s,occupe.d
11 reg
'
b
' pourront n:lltre
Ae d
' .
sur 1es (e
son executlOn,
i ats qUI
c'est; le pouvoir administratif qui .doit former le
premier ohjet de notre examen. A cet égard il.convient d'abord de recoUl'ir aux notious générales
déjà consignées au chapitre 10, seclion 2.
�350
TliAITÉ
L'autorité administrative à laquelle appartient
le droit de prescrire toutes les mesures réglementaires sur la police préventive des rivières est ce
pouvoir de gouvernement qui, ne portant ses
regards que sur les masses, ne s'arrête point,
comme les tribunaux, à statuer sur des causes individuelles des citoyens, mais qui étend sa sphère
d'activité plus loin, et qui, comme l'a dit le célèbre Henrion de Pansey, cc peut disposer pou d'ave» nir, peut agir sans être provoqué, peut donnel'
» des décisions qui ne lui sont pas demandées, et
» prendre des mesures de conservation et de pré-" voyance sur les objets qui, par lenr nature, par
» leur destination, et par l'habitude et le be» soin d'en user, intéressent l'universalité des ci» toyens (1). »
1006. Ce sontles préfets qui, comme chargés
de l'administration active dans chaque département, ont à statuer, sauf recours au ministre de
l'intérieur, sur les mesures les moins impol'tante-s
à prendre relativement aux cours d'eau. Maisqnand
il s'agit d'opérations d'une haute porlée, quand il
est question, par 'exemple, d'ordonner un curage
de rivière; pour l'exécution duquel il y aura lieu
d'imposer une contribution aux propriétaires vOIsins; ou quand il faut construire une usine dont
l'établissement peut froisser plus ou moins d'intérêts
individuels et locaux, le préfet, dans ce cas, n'est
-
(1) Voy. compétence des juges de paix, ch. 27, p. 294.
�DU DOMAINB PUBUC.
351
chargé que de recueillir les documents nécessaires
pour éclairer le gouvcl'11ement; et c'est alors le l'oi
lui-même qui statue par ordonnance rendue en
conseil d'état.
1007. Quoique cette antorité administrative
et réglementaire aille, en remontant jusqu'à sa
source, se confondre avec un des pouvoirs de la
souveraineté même, elle est néanmoins soumise
à des règles qui assignent des bornes à sa compétence; et c'est ici nn point capital à éclaircil' sur
la matière des cours d'eau. Or cette compétence
est subordonnée à deux conditions.
Suivant la première, l'action du pouvoir administratif ne doit être déterminée que par des
motifs d'intérêts génJraux ou collectifs: et cela
, dérive de son essence, puisqu'il n'y a que les intérêts généraux de l'état ou des localités qui soient
immédiatement sorimis à sa direction, et qu'il
n'a nullement à administrer les biens des particuliers,
D'après la seconde,so"u action, en ce qui touche
au réglement des cours d'eau, ne s'applique qu'à
l'organisation matérielle des lieux, parce que la
direction est essentiellement ici subordonnée à la
disposition du sol, dont la pente, purement naturelle,ou modifiée par la main de l'homme, entraîne
le fluide du point le plus élevé vers la région inférieure; que telle est la loi de la nature touchant
les eaux; que ce n'est toujours qu'en agissant immédiatement sur le sol, pour l'orgauiser d'une
�352
TllAlTE
lllamere ou de l'autre, qu'on peut parvenir à les
diriger et à les utiliser. Cette organisation matérielle est surtout nécessaire dans les cas où il s'agit
d'ordonner ou de permettre des mesures pour
élever ou abaisser les eaux sur tels on tels points:
«al' tout ce qui touche à leur niveau, tout ce
qui tend à le modifier ou à le changer, se faisant
sentir au loin, et pouvant mettre en péril les intérêts généraux des localités, c'est nécessairement à
la prévoyance de l'administration p.ublique, et à
elle seule, qu'il appartient de le régler, parce
q~l'elle seule est à portée d'en apprécier les conséquences par les instructions préalables de ses
ingénieurs.
L'action du pou voir administratif, en ce qui a
trai~ aux réglements' des cours d'eau, est une
action de police préventive appliquée aux localités.
Quant aux intérêts individue1s des propriétaires et
aux débats qui peuvent s'élever entre eux; il ne
,
.,. "
sen occupe POlUt, et na pOll1t a sen occuper,
puisque sa tâche se borne à organiser le sol de manière à tirer des cours d'eau les plus gl'ands avantages pour les intérêts généraux du pays.
Pour faire voir comment ces conditionsrentrent
dans l'esprit général de nos lois relativement au
pouvoi,' qu'elles ont confié à l'administration sur
les cours d'eau, nous allons en rapporter ici la
, .
serIe.
1008. Aux termes de l'ar.ticle 2, section 3, de
la loi du 22 décembre 1789, les fonctions du pou-
�353
DU DOMAINE PUllLIC..
voir administratifs'appliquent, entre àutres choses,
à la conservation des rivières et des chemins.
Suivant J'art. 3, titre 1 er, du décret du 26 février4 mars 1790, " lorsqu'une rivière est indiquée
~ comme limite entre deux départements ou deux:
» districts, il est entendu que les deuxdépartements
» ou les deux districts ne sont bornés que par le
» miJieu du lit de la rivière, et que les deux direc» toires (aujourd'hui les deux préfets) doivent
» concourir à l'administration de la rivière. »
J usque.là le principe de la compétence administrative n'était que vaguement posé; mais l'assemblée constituante sentit bientôtla nécessité d'expliquer sa pensée d'une manière plus catégorique
ct plus r.irconstanciée, et c'est ce qu'elle fit dans le
chapitre 6 de la loi en forme d'instrùction sur les
précédentes, qui fnt décrétée le 12 et sanctionnée
le 20 août de la même année, où nous lisons ce
qui suit sur le devoir des administrations centrales
placées sous la direction du pouvoir exécutif,
comme le sont aujourd'hui les préfets:
cc Elles doivent aussi rechercher et indiqùer les
» moyens de procurer le libre cours des eaux;
» d'empêcher que les prairies ne soient submergées
" par la trop grande élévation des écluses -des
» moulins et par les antres ouvrages d'art établis
» sur les rivières; de diriger enfin, autant qu'il
» sera possible, toutes les eaux de leur territoire
» vers un but d'utilit~ générale-, d'après les prin» cipes de l'irrigâtion. »
TOM.
m.
21
�354-
TllAlnî
Celte disposilion doit être envisagée sous le
double 'point de vue de la fin que s'est proposée le
législateur, et de la nalure des mesures qu'il a
tracées pour y parvenir.
Lafin que s'est proposée le législateur consiste,
comme il le dit lui-même, à procurer l'écoulement
des eaux, ou à en diriger le cours dans un hut
dJutilité générale: ce qui, en d'autres termes,
signifie que l'administration ne doit envisager que
les intérêts collectifs de la masse des localités, et
que son aClion ne s'applique point à statuer sur
l'exécution des droits des particuliers, ou sur les
prétentions individuelles qui pourraien t être élevées
par les uns contre les autres, à raison des servitudes
dont leurs fonds pourraient être respectivement
grevés pour l'écoulement, la direction ou la retenue
des eaux.
1009. Quant aux mesures à tracer pour parvenir à ce but, elles se ra pporten t à trois objets princlpaux:
0
1 Rechercher les meilleurs moyens à prescrire
pour procurer le libre cours des eaux;
0
2 Ordonner l~abaissement des écluses et autres
obstacles qui occasionneraient des iuondations dans
le voisinage;
3° Régler le plus utilement pour l'irrigation la
direction des cours d'eau.
Or ces trois choses ne s'appliquent qu'au matériel des localités: d'où il résulte qu'à cet égard
l'action du pouvoil' administratif est absolument
�DU DûMAlNE PUBIJC.
355
bornée au réglement des lieux et à la direction des
ouvrages qu'il peut être nécessaire d'y faire ou d'y
établir, pour élever ou abaisser le nivéau des eaux,
ou leur donner latéralement une direction plus
facile à lenr écoulement ou plus avantagense ponr
la contrée. Et il ne sanrait en être autrement,
pnisque J d'une part, l'administration n'est chargée
que de pourvoir à la meillenre direction des eaux,
et que, d'autre côté, les lois de la ~ature ne permettent de diriger les eaux que pal' l'organisation
matérielle du sol sur lequel elles coulent.
Le tex.te ci-dessus s'applique littéralement au
cas où il s'agirait, non pas seulement d'opérer
quelques modifications dans le lit naturel du conrs
d'eau, mais aussi d'établir un canal artificiel, en
déplaçant le ruisseau, pour diriger les eaux d'un
territoire à Patttre vers un but d'utilité généraIe, d'après les principes de L'irrigation. .
Dans sa généralité, et suivant les circonstances,
cette disposition législative porte n"on.seulement
sur les cours d'eau des ruisseaux, mais encore sur
ceux des rivières, où s'établissen t principalement
les écluses, dont l'administration doit régler la
hauteur; et l'on doit en faire l'application à tou~
les traVi\UX à entreprendre, soit pour l'élargissement ou la rectification du lit d'une rivière, soit
pour rendre navigable celle qui ne l'était pas, soit
pour entretien et réparations des bords et des
ouvrages intél'ieurs de celle qui l'était déjà.
Mais J comme on le voit J l'action administrative
�356
l'lUiTÉ.
n'a toujours lieu que dans l'intérêt collectif de la
société, et ne s'applique qu'à l'organisation physiqne et matérielle des lieux: d'où il résulte évidem,
, d aucunemen t
ment que sa competence
ne s,eten
aux débats qui peuvent naître entre -les citoyens
à raison de la propriété ou jonissance, soit de leurs
fonds, soit des cours d'eau, à l'occasion desquels
ils élèveraient des prétentions les uns contre les
autres. Il est évident, disons. nous ,que tous débats
pareils, sur des droits privés entre particuliers,
restent en dehoFs des attributions de l'administration, puisque l'exercice de son autorité se borne ici
à régler l'organisation matérielle des lieux, à déterminer la hauteur à laquelle les eaux peuvent être
élevées, et à prescrire ce qu'il faut faire pour leur
procurer le cours le plus avantageux, non dans
l'intérêt de quelques individus, mais dans des vues
d'un ordre général qui plane au-dessus de tous
les intérêts privés.
Lorsque en exécution d'un réglement administratif, il s'opère un changement considérable dans
l'état matériel du sol, et qu'on donne une nouvelle
direction à l'écoulement des eaux, celte circonstance fait naître une nouvelle servitude imposée
aux héritages à travers lesq~els on les dirige, et
elle opère aussi l'affranchissement pu fonds qui en
supportait précédemment le passage; mais, tout
cela s'opéran t pour une cause d'utilité générale, à
laquelle doivent céder tous les intérêts privés, les
propriétaires des lieux ne seraient pas recevables à
�DU DOMAINE PUBLIC.
357
s'y opposer: seulement ceux dont le terrain serait
occupé pour la nouvelle direction des eaux, et qui
n'en ressentiraient pas eux-mêmes un avantage,
pourraient exiger une indemnité.
Il serait possible aussi que, par la nouvelle direction donnée au cours d'eau, les propriétaires
qui: jouissaient précédemment du bénéfice de l'irrigation s'en trouvassent privés, ce qui présente.
rait la question de savoir s'ils auraient droit à une
indemnité: question qui, suivant les principes établis dans le chapitre précédént, devrait recevoir
une solution négative, à moins que les plaignants
ne fussent fondés en titre valable; et alors l'indemllité devrait être à la charge de ceux auxqllels
le changement apporterait quelques bénéfices.
Cela nous donne lieu de faire remarquer, en
passant, la différence essentielle qui existe entre
le caractère de l'acLÏon jndiciaire et celni tIe l'action administrative. Les décisions de la justic~ ne
peuvent jamais que reconna1tre et consacrer des
droits préexistants, sans en produire de nouveaux;
tandis qu'au contraire les· réglcments administratifs peuvent, comme on vient de le vair, supprimer des droits anciens, et en créer d'autres qui
n'existaient pas auparavant.
Mais revenons à la série de nos lois.
1010. La première qui se présente dans l'ordre
chronologique est celle du 6 janvier 1791, qui
chilrge l'administration de pourvoir au dessèche.ment des marais, en faisant pratiql1~r snr le sol
�358
TRAITÉ
tou tes les rigoles nécessaires à l'écoulement des.
eaux, afin d'assainir le pays et de doter l'agriculture par le dessèchement de terrains qui jusque-là
étaient improductifs.
Vient ensnite l'art. 16, titre 2, de la loi du 6
octobre 1791, concernant la police rurale, qui
statue expressément sur l'obligation de garantie
imposée aux mahres d'usines, à raison des dommages causés par les eaux sur les fonds voisins;
nous trouvons dans cet article nn poin t spécialement signalé comme rentrant dans la compétence
régulatrice de l'administration: c'est la disposition
particulière qui veut que ce soit à l'administration
départementale, aujourd'hui représentée par le
préfet, à fixer la hauteur du déversoir' des écluses:
en quoi cet administrateur exerce un pouvoir réglementaire, puisqu'il règle bien réellement la
hauteur des eaux, et qu'il la règle da~s l'intérêt
général de la localité. Mais ici, comme dans ce qui
,précèlle, le réglement ne s'occupe toujours que de
l'état matériel des lieux, et toujours il n'est appliqué qu'à un intérêt génér~l ou collectif.
Nous disons à un intérgt généraL ou collectij,
>attendu que tont réglemenL doit, comme la loi,
avoir le caractère d'un commune praeceptum (a);
ct c'est là un principe sur l'application duquel
nous reviendrons dans la suite.
tott. Suit la loi du 14 floréal an XI, qui ren(a) L. 1, ff. de legihus, lib. 1, tit. 3. - Voy. suprà> nO
603 ter. > tom. 2, pag.910.
�DU DOMAINE PUBLIC.
359
ferme sur la matière que nous traitons ici trois dispositions remarq \lubIes.
D'après la première ~ il doit être pourV\l, par
ordre de l'administration, au curage des canaux et
rivières non na vigables, conformément aux anciens
l'églements; et, dans le cas où l'application de ces
,l'églements éprouveràit des difficultés sérieuses, le
gouvernement doit y pourvoir p~r on nouveau réglement d'administration publique rendu sur la
proposition du préfet du département. Mais ce
n'est toujours ià qu'un réglement de localité, et
qui ne s'applique qu'à quelques opél'ations mat':rieUes à exécu tel' sur le terrain.
Suivant la seconde disposition, il doit être fail,
. sous la surveillance du préfet, nn rÔle parlui rendu
exécutoire, contenant la répartition entre \es parties intéressées des sommes nécessaires à l'exécution des travaux. Ici l'autorité administrative,
agissant en vertu du principe qui lui réserve la
direction de tous les impôts directs, statue, à la
vérité, st~r le réglement des intérêts particuliers
des contribullbles; mais là se borne son action.
Par la troisième disposition ~ c'est au conseil de
préfecture que devraient être portées les réclamations en rectification- qui s'élèveraient au sujet de
cette contribution locale,. comme quand il s'agit
des_contributions générales: ce qui laisse toujours
les autres geures d'intérêts individuels en dehors
de la compétence soit de l'administration active,
soit même des conseils de préfecture.
�360
TRAITÉ
. '1012. Enfin la loi du 16 septembre 1807
pourvoit à l'établissement des digues destinées à
prévenir les inondations; voici les termes de l'article 33. de celle loi: cc, Lorsqu'il s'agirà de cons» trnire des digues à la mer ou contre les fleuves,
» rivières et tonents navigables ou non navigables,
» la nécessité en sera constatée par le gOllverne») ment, etla dépensé supportée par les propl'iétés
» protégées, dans la proportion de leur intérêt aux
» travaux, sauf les cas où le gouvernement croi» rait utile et juste d'accorder des secours sur les
» fonds publics. » A quoi l'article suivanLajoute :
« Lorsqu'il y aura lieu de pouf'voir aux dépenses
» d'entretien on de réparation des mêmes travanx,
» au curage des canaux qui sont en même temps
~) de navigation èt de dessèchement, il sera fait
» des réglements d'administration puhlique qui
» fixeront la part contributive du gouvernement
» et des propriétaires. Il en sera de même Jors» qu'il s'agira de levées, de barrages, de pertuis,
» d'écluses, auxquels des propriétaires de. moulins
» ou d'usines seraient intéressés. » On voit encore
par là, comme par tontes les dispositions précéden tes, que le réglcmcn t ad ministratif ne s'applique toujours immédiatement qu'à l'organisation
ou à la disposition physique des lieux; qu'én le
concevant et l'exécutant, l'administration n'a toujours en vue qu'un intérèt général ou collectif, et
qu'elle n'entend jamais disposer qu'au profil du
public; que si son réglement atteint aussi les inté-
�DU DOMAINE PUBLIC.
361
rèts individuels de quelques particuliers, ce n'est
que par voie de conséquence, et ponr ceux seulement qui doivent contribuer à la dépense des travaux à fai,'e, ou qui peuvent avoir des indemnités
à réclamer à raison de l'occupation de leurs Pl'Opriétés; mais toutes contestations individuelles de
particulier à particulier, sur des droits d~ propriété
OlT de servitude et d'usage, restent complètement
en dehors de la ,sphère du pouvoir adminisll'atif.
1013. Ainsi, et pour nous résumer, c'est à
l'administration publique à ordonner le curage des
rivières, l'élargissemen t ou l~ rectification de leur
lit; 'à prescrire les constructions et réparations -des
digues néces.'laires à la retenue des eaux dans la
direction la moins dommageable; c'est à elle qu'il
faut s'adresser ponr obtenir la permission de construire des usines, dont les plans ooivent être soumis à son approbation; comme c'est à elle à prescrire ou à approuver, pour leur établissement,
la confection des canaux de dérivation des eaux.
destinées à leur rOblement.
Mais, une fois que l'administration a fait son
réglement, sa tâche est finie et ses pouvoirs sont
-consommés, à moins que l'expérience ne démontre
qu'il y a ell erreur de sa part, et qu'il faut faire ill1
autre statut 011 modifier le premier; auquel cas elle
peut recommencer pour éviter les difficulrés
. pas' prevues,
,
.
qu 1 eII e n ' avaIt
et que l"çxpenence
est
,
venne signaler.
Quant aux contestations qui peuvent s'élever
�362
TRAITÉ
entre les particuliers sur l'exécution du réglement,
l'administration n'a point le droit d'en connaître,
parce qu'elle n'est pas revêtue du caractère de magistrature judiciaire ~ et que le roi lui-même n'a
aucun pouvoir de juger les contestations qui s'élèvent sur l'exécution des lois qu'il sanctionne et
promulgue.
Toutefois, comme le pouvoir, sans la permission
duquel on ne peut faire une chose, est aussi nécessairement investi du droit de la défendre, il n'y
a pas de doute que l'administration ne puisse directement interdire une eutreprise faite dans une
rivière contre le vœu des lois ou des réglements, et
ordonner la démolilion oe ce qui aurait déjà été
exécuté, parce qu'en cela elle ne dispose toujours
qu'en faveur du public, et qu'il faut bien qu'elle
puisse elle-même se maintenir dans sa propre autorité; mais s'il y avait une peine encourue par le
fait de l'entreprise illégalement commencée ou con·
sommée, le constructeur devrait être renvoyé
devant les tribunaux pour y voir statuer sur ce
chef(t).
'
Nous parlerons aussi de la compétence des trihunaux: sur les questions de détail, après avoir
donné, dans les chapitres qui vont suivre, plus de
développements à l'exposé des attributions admi.
nistratives.
(1) Voy. à ce sujelle décret du 12 novembre 1811, bullet.
t. 15, p. 489, 4· série.
�DU DOMAl;SE PUBLIC.
363
CHAPITRE XLVI.
De la déclaration de navigabilité, et de la mise en état de navigation des rivières.
1014. Ainsi qu'on l'a déjà dit plusieurs fois
dans cet ouvrage, c'est un point de droit public
avéré en France, et qui a été spécialement c~nsa
cré par l'art. 1 er du décret du 22 janvier 1808,
ainsi que par d'autres dispositions législatives ou
réglementaires (1), que la puissance exécutive
peut déclarer navigable ou flottable une rivière qui
ne l'était pas, ct en réunir par là et pour l'avenir
tous les usages et accessoires au profit du domaine
public, sauf l'indemnité due à raison de la privation du droit de pêche et de l'établissement de la
servitude du chemin de halage sur les fonds riverains, mais sans indemnité pour l'occupation du
lit rnêm.e de la rivière, dont le domaine public
avait déjà la nue propriété, comme on l'a démontré au chapitre 42.
Daus ce cas, toutes les îles qui étaient déjà formées dans le sein de la rivière lors de l'acte de réunion doivent rester dans le domaine privé des pro(1) Voy. au bullet t. 8, p. 338 1 4 e série; -l'art. 14 du
décret du 12 novembre 1811, bullet. t. 15, p. 492,mêmesé'rie; - l'article 3 de la loi du 15 avril 1829, bullet. t. 10,
p. 226, 8e série.
�364
TRAITÉ
priétaires riverains auxquels elles étaient aC,quises
par droit d'aHuvion, attendu qu'il n'y a que la rivière, comme agent de navigation, dont le gouvernement s'empare pour la consacre!' entièrement
anx usages publics; les atterrissements déjà formé,s
constituant nne chose distincte et séparée du cours
d'eau proprement dit.
Il résulte de là que, si, pour rendre le cours
d'eau navigable, il est nécessaire d'enlever quelques-unes de ces îles ou atterrissements, il yaura
expropri~tion pour cause d'utilité publique, et
qu'on devra en payer le prix à ceux qui en étaient
en possession, parce qne l'acte du gouvernement
qui s'empare de la rivière ne peut avoir d'effet rétroactif au préjudice des droits précédemment acquis à des particuliers.
1015.. Dans le cas où il s'élèverait des difficultés sur la question de savoir si la propriété cl'Ull
atterrissement ou d'une île est réellement et légalement acquise au riverain qui réclame une indemnité à raison de leur suppression, ce serait là une
question qui devrait être portée pardevant les
tribunaux, et débattue entre ce riverain et le
préfet.
Mais, quant au fond, à quoi devrait-on s'aLLacher pour résoudre la difficulté?
Trois circonstances principales sont à considérer
dans les caus~s de ce genre:
1° Comme l'alluvion ne doit être que l'œuvre de
la nature, s'il pouvait être reconnu que l'île ou
�DU DOMAINE PUBLIC.
365
les atterrisseinen ts n'on t été formés que par l'effet
de· déblais jetés ou d'ouvrages pratiqués dans la rivière, l'usurpateur devrait être débouté de sa demande en indemnité.
2° En admettant qu'il n'y eût aucun, reproche
d'anticipation, il fa'udJ'ait encore vérifier si l'alluvion a suffisamment passé à l'état de terre ferme,
et si le terrain est déjà assez élevé ou revêtu de
végétation, pour qu'on doive le 'considérer comme
sous,trait babituellement et définitivement à l'empire des eaux.
3° On devrait aussi et surtout s'attacher au fait
du possessoire exercé de bonne foi, par les réclamants, par~e que s'ils avaient été une fois nantis
par le fait de l'occupation que la loi autorise, il ne
manquerait plus rien à leur droit.
Mais s'il n'y avait encore eu aucune prise de
possession effective du fonds de la part des riverains, Jeur demande devrait être repoussée, attendu
que Je lit de la ~ivière appartenant au domaine puhlic, l'atterrissement, qui en est une dépendance
naturelle et matérielle, doit aussi faire partie du
même domaine, tant que la propriété n'en a pas
été détachée par l'exercice du droit d'occupation
qui permettait aux.river:ains de s'en emparer.
10i6.. En général toutes les contestations qui
peuvent s'6lever sur la délimitation du lit des rivières ,avec les proprié~aires riverains, ou sur les
anticipations qui seraient reprochées à ceux-ci,
doivent être portées en justice ordinaire, comme
ayant des droits de propriété fonciè,'e pour objet.
"
�36-6
TRAITÉ
Il en serait de même dans le cas où la difficulté
porterait sur la question de ~avoir si un cours d'eau
doit être classé au rang des rivières proprement
dites, ou s'il n'est qu'un simple ruisseau J attendu
que les lits des ruisseaux restent dans le domaine
de propriété des riverains, tant que le gouvernement ne s'est pas emparé de leurs eaux, moyennant
une indemnité, pour les faire servir à alimente'r
quelques canaux.
Mais si, tout en reconnaissant que le cours d'eau
est une rivière, un individu portait sa prétention
iusqu'à vouloir s'en faire adjuger propriétairement'
le lit, il n'appartiendrait plus aux tribunaux de
statuer sur une pereille demande, autrement que
par fin de non.recevoir, puisqu'il est avéré que le
lit de toutes les ri vièl'es n'appartient qu'au domaine
public. Ce -serait comme si le propriétaire d'un héritage adjacent à une gl'ande route voulait se faire
déclarer propriétaire de la route elle-même.
1017. Il peut aussi s'élever des contestations
sur le point de savoir si une rivière est, en tout ou
en partie J navigable ou non, et si en conséquence
les îles et atterrissements qu'elle renferme appartiennent à l'état ou aux riverains.
Dan'S ce cas la question, portant sur l'état même
de la rivière,est toujours préjudicielle, et il n'appartient qu'au pouvoir exécutif de la résoudre, c'està-dire au préfet, d'abord, puis au ministre pour
l'instruction, et enfin au roi, en son conseil d'état,
pour la décision, attendu que la question, en tant
�DU DOMAINE PUBLIC.
367
qu'elle li pour ohjet la qualification ou la classification de la rivière, n'est que purement administrative, et n'est pas même dévolue à la juridiction
contentieuse de l'administration publique: en sorte
que c'est au préfet, et non au conseil de préfecture,
que les débats doivent d'abord être portés (1).
C'est ainsi qu'aux lermes de l'article 3 de la loi'
du 15 avril 1829' sur la pêche fluviale, c'est au
roi à déterminer, par des ordonnances rendues
après enquête de commod.o et incommodo,
.qu'elles sont les parties des fleuves et rivières qui
appartiennent au domaine public, et où la pêche
doit en conséquence être exercée au profit de
l'état (2).
.
1018. Mais, quant au fond, à quoi l'administl'ation doit-elle s'attacher pour statuer sur cette
question préjudicielle r
Il y a, pour fixer ce classement de rivières, deux
moyens qui peuvent êtl'e aussi démonstratifs l'un
que l'autre: le titre quand il est reproduit, et la
possession d'état quand elle est constante.
Le titre consiste dans tout décret ou toute ordonnance émanée du, gouvernement, qui aurait
déclaré la rivière navigable ou flottable à partir de
tel ou tel point, ou qui aurait prescrit des mesures
pour en assurer la viabilité publique. A vue d'un
(1) Voy. à ce sujet l'a~rét du conseil du 27 décembre 1820,
dans le recueil de SIRET, t. 5 , p. 508.
(2) Voy. au bullet. t. 10, p. 225, 8e série.
�368
•
TlUlT!
acte de cette nature, il ne peut rester aucun doute
sur la qualité de la rivière , puisqu'elle pen t tau..,.
jours être déclarée navigable ou flottable par l'administration, lorsqu'elle le juge convenable au
bien du commerce.
1019, S'il n'y a pas de titre, mais que l'usage
oula possession d'état soient constants, la rivière
doit être qualifiée navigable ou floWl.ble.
Par possession d'état d'une rivière, nous entendons parler de l'emploi qui en est fait et 'du service
auquel elle est soumise par le public. La possession
en effet doit être le premièr guide en cette matière,
attendu que la navigation -a été pratiquée avant
qu'il y eût des lois pour e~ régle'r l'e~ercice. Aussi
l'art. 4i du titre 27 de'l'~rd~nnanceJ de~ 1669" qui
,.J
H
,;
ne comprend dans le domaine de la couronne que
les fleuves et rivières portant bateaux de leur
fond, sans •artifice ni oUl'ra'rJ.es
de mains, ne se
q h: "J
réfère qu'à la possession, et ne suppose nullement qu'il y ait eu préc~démment
un acte du goul ,
vernement déclaratif de la navigabilité ou étahlissant la' navigation.
'. '
. G(} 1>l~(Jl G',
JOU 1
.JI.,!'(1 ,"
•
1020, Eu aamettant que, par SUIte d une contestation de ceLLe nature, la rivière soit ,l depuis un
certain endroit, déclarée navig3ble ou flottable, la
décision du pouvoir administratif aUI:a immédiatement pour effet d'interdire en cette partie aux riverains, pour l'avenir, toute prise d'eau pour irrigation, l'exercic~ de la pêche, la facullé de construire aucu~ ouvrage ava~cé qui pourrait gêner la
�DU DOMAINE PUllLlC.
369
na vigation , et de pratiquer quoi que ce soit sur les
bords au préjudice des chemins de halage.
A l'égard des prises d'eau pour irrigation des
fonds riverains, qui pomraient être faites dans )a
partie du coms supérieur au point depuis lequel
la navigation est établie, l'on doit dire qu'elles
restent encore permises, conformément aux règles
du droit commun: car s'il en était autrement, cette
faculLé serait interdite dans presque tous les simples ruisseaux, puisqu'il y en a peu qui ne portent
pas, plus tôt ou pins tard, leurs .eaux dans les
grandes rivières où s'exerce la navigation. Cependant il ne but pas perdre de vue ce que nous avons
déjà dit ailleurs, qu'une rivière ne devient navigaLle dans sa partie basse que par le cours des eaux.
qu'elle reçoit de la région supérieure: en cçnséqqence de quoi l'administration peut to.ujours, si
les Lesoins du sel'vice public l'exigent, défendre
l~s prises d'cau de cette nilture . .
1021. En ce qui touche aux Bes 011 atterrissements qui auraient été précédemment formés
dans la rivière, et dont l~s riverains se trouveraient
qéjà en possession, ceux-ci ne pourraien t en être
l~galement d.épossédés en vertu çl'une décision administrative, parce que, comme on l'a déjà dit,
ce serait là une question de propriété qui reiltre
essentiellement dans la compétence de la justice
ordinaire; et quant ail fond, la possession.trentenaire serait certainement suffisante pour les rendre,
qans tous les cas, propriétaires incommutables,
TO]\'[.
III.
�370
puisque les immeubles de celte nature sont presC1'iptibles.
Si la possession dont il s'agit n'avait pas trente
ans de durée, il faudrait faire une distinction entre
le cas où le Jécret de l'administration publique
allribuerait, pour la première fois, la qualité de
navigable ou de flottable à une rivière, et celui où
il serait simplement déclar.:ttif de cet état antél'leur.
Dans le premier, il est incontestable que les rivcrains Jevraient conserver la propriété légalement
acquise des îles et atterrissements, sans égard à la
question de savoir s'ils en avaient pris possession
depuis plus o~ moins longtemps, attendu qu'un
décret qui est introductif d'un droit nouveau ne
doit jamais avoir d'effet rétroactif.
Mais dans le second cas, c'est-à-dire si la décision administrative n'était que déclarative de l'état
antérieur de la rivière, il faudraït une possession
trentenaire pour assurer la p~opriété des îles et
atterrissements entre les mains des possesseurs,
,
•
•
1
,
'. ,
pal'ce qu un pareI Jugement etan,t motIve sur nne
cause ancienne, ou sUl';m droit public préexistant,
on devl'ait natUl'ellement en rattacher les effets au
principe d'apres lequel il amait été rendu.
De ce que c'est au pouvoir aùministratif à déclarer navigable une rivière qui ne l'était pas, et à
reconnaître le point depuis lequel, en descendant,
elle doit être considérée comme telle, il faut til'er
,
.
cette conseqnence, que c ~st a ce~mernc pouVOIr,
,~"
�DU DOMAINE PUBLIC,
371
agissant en premier ressort par le préfet, à vérifier
l'existence des anciens ou à tracel' les nouveaux
chemins de halage voulus par les lois, .pour l'exer·
cice de la navigation; à reconnaitre leur utilité, et
à ordonner toutes les meslll'es nécessaires pour les
mettre et entretenir en bon état (l).
CHAPITRE XLVII.
Du curage des rivièr'es non navigables, et des réparations des
digues nécessaires pour en retenir les eaux dans leur lit.
1022. Le cura'e d~s petites rivières est une
des mesures les plus importantes de la police de
prévoyance de l'administtation puLlique.
Cette IDesure, qui s'exécute toujours dans tin
intérêt collectif, peut être nécessitée, soit pom
satisfaire à des be~oins sanitaires, en procuran t le
libre écoulement des eaux dont la stagnation produit des marais infects dans la contrée; soit pour
favoriser l'agriculture , en préservant les fonds
rivel'ains de.s inondation; 'auxqûelles ils sarH exposés.
Comme mesure de police réglementaire, le curage des rivières est entièrement du ressort do
l'administration. '
Il faut, 1° qu'il soit ordonné par elle, parce
(1) Voy. à ce sujet la décision du conseil d'état du 26 a011t
1818, dans SIREY) t. 4; p. 427.
�312
qu'~l
TRAiTÉ
entraîne la nécessité d'une imposition génél'ale; en effet, les pal'liculiel's, souvent très-nombreux, qui <!uront à en payer les frais en proportion des avantages que l'opération doit leur procurer, ne s'accorderaien t jamais pOUl' l'exécu ter
amiablement, et en conséquence l'intervention de
l'aulorité est nécessaire pOl:r imposer silence aux
récalcitrants.
Il faut, 2° que l'opération soit dirigée par les
ingénieurs des ponls et chaussées, qui sont, en
celte matière, les ag~nls' -de l'administration pu~
Llique. Leur coopération et leur surveillance sont
ici nécessaires, soit parce que les travaux du curage s'exécutent SUI' un sol 'Public, soit parce qu'il
faut donner il ces travaux la meilleure direction
possible pour procurer aux eaux l'écoulement le
plus convenàble.
Il faut, 3° faire dresser, puisarrèler et rendre
exécutoire un rôle des dépenses à supporter par les
parties intéressées; et c'est encore là une chose qui
rentre dans les attributions de l'administration.
1023. Il n'est' pas inutile de l'emarqucl' ici que
non-seulement le curage proprement dit d'une
rivière ne peut être effectué sans le concours de
l'administration, mais aussi que des fouilJes dans
ce même lit pour extraction de sable ou autres
lllaléri~ux, ne peuvent êlre pratiquées par qui que
ce soit sans autorisation.
.
Indépendamment de la raison donnée ci-dessus,
sous le nO 973, et qui est que le sol même des
�LV DOMÂlNE PUllLtC.
373
'petites rivières dépend du domaine public, il serait
à craindre qu'une fouille pratiquée imprudemment,
n'occasionnàt des dommages en causànt une perte
des eanx ou en nuisant à Jeur écoulement régulier.
Arrivons actuellement aux textes des lois relatives à l'ohjet de ce chapitre.
1024. Tout ce qui touchp au curage et à l'étahlissement ou à J'entretien des digues des petites
rivières est réglé par la loi du 14 floréal an XI (1),
dont nous allons rapporter ici le texte, avec quel...
ques annotations •
.ART. 1 er cc n sera pourvu ail curage des canaUx
.~ et rivières non navigables -' et à l~en tretien des
;);) digues et ouvrages d'art qui y correspondent,
;);) de la manière prescrite par les anciens régle;);) ments, ou d'après les usages locaux. »
IL sera po-urvu : ces termes impératifs nous démontrent <flle les opérations de cette nature ne
doivent pas avoir lieu seulement par suite de la volon lé ou de l'accord des parties intéressées, mais
qu'elles doivent être ordonnées par l'administration pnbli_que, même malgré les propriétaires ri·
verains, dès que le bien général de la localité
l'exige.
.
8'il en était autrement, et si de pareils travaux
ne pouvaient être exécutés que d'après le consentement de ces propriétaires, il suffirait de la mau(1) Voy. au bullet., t. 8, p. 287,3" série.
�37l
TIUITÉ
vaise volonté de quelques-uns pour paralyse.' une
mesure de hien public: ce qui n'est point admissible.
Ainsi, comme tons les citoyens sont placés sons
la protection de l'administration publique, et
(;;omme chacun d'eux a le droit de réclamer les
effets de cette protection, il suffit que les pl'Opriétaires vojsins de la rivière on quelques-uns d'eux
l'essentel1t un préjudice réel du gonflement des
eaux, soit par l'inondation de leurs héritages, soil,
à plus forte raison, par l'humidité répandue dans
lenrs habilations, pour qu'ils doivent être écontés
lorsqu'ils viennent invoq\ler l'aclion de l'autorité
administrative, et que le dommage dont ils sc
plaignent, a pour cause le défaut de curement de
la rivière.
1025. Des canaux et rivières. La mesure
s'applique aux canaux construits à main d'homme
ponr l'irrigation générale dt's fonds (1), ou pour
l'assainissement d'nne .contrée, parce qu'il y a
aussi, dans ce cas, un intérêt général de localité;
mais s'il ne s'agis:;ait que d'un canal de dérivation
,simplemen t construit pour le service deI quelques
fOlilds parlicnliers, ce ne senlit là que l'ohjet d'un
droit privé dont l'adminislration n'aurait point à
. qu."1 ne s' e' evat
l ' que 1ques qness,ü13cnper, a,moms
tions de salubrilé pour le pays, en tant qu'il serait
(1) Voy. l'article 2 de la loi du 23 pluviôse an XII, bull.
p. 359 , 3' série.
1.
9,
�DU DOMAINE l'UlIIJC.
375
11tile de donner de l'écoulement à des eaux sta hrr nantes et marécageuses (a).
t026. Non navigables. On voit, par ces ex~
pressions, que même les rivières fluttnbles avec
trains et radeaux sont comprises dans la mesure
qui est ici décrétée, puisqu'il n'y a qne les rivières
navigables qui en soient exceptées, comme nOLIs
j'avons déjà fait remal'quer au nO 763 ci-ùessus.
1027. Et à l'entretien des digues et ouvrages d'art qui y correspondent, c'est-à-dire
des digues et onvr3gcs constrnÎts aux bords des rivières et canaux ponr en régulariser le cours, et
pour met tre obstacle à ce qlle leur,débordement ne
porte ses ravages dans la contrée.
Et quoique ce lexte ne s'énonce explicitement
que sur l'entretien de ces digues ct ouvrages, il
fant tenir ponr conslant que la construction en
peut de même être ordonnée pal' l'administration
là où il n'yen a pas encore, et où le bien des
localités en exige l'établissement. C'est, en effet,
(a) Le curage de ces canaux partibhliers est à la char.ge des
propriétaires qui en profitent, par exemple, du maître de
l'usine dans l'intérêt de laquelle la dérivation a été opérée ;- à cet
égard le propriétaire riverain ou inférieur ne peut être obligé à
rien faire, mais il doit souffrir le passage du propriétaire du
canal pour opérer le curage. (L. 11 , ff. comm. prœd. , liv. 8,
tit. 4. - Arrêt du parlement de Paris, du 11 mai 1554, rapporté par Papon , liv. 14, tit. 1 , na 8, qui maintient le propriétaire supérieur dans le droit de faire couler les eaux dans
un pré inférieur, et pour cet effet d'entretenir et faire curer le
fossé existant dans ce dernier pré):
�376
TIl AITÉ
ce que l'on trouve formellement exprimé dans
l'art. 33 de la loi du 16 septembre lSo7 (1), por'tant que cc lorsqu'il s'agira de construire des
» digues à la mer ou contre les fleuves, rivières
:» et torrents navigable§ on non navigahles, la né" cessité en sera constatée par le gouvernement,
" et la dépense supportée par les propri~tés proté» gées, dans la proportion de leur in térêt au~
" travaux; sauf les cas où le gouvernement croi» rait utile et juste d"accorder des secours sur les
)~ fonds publics. » La construction et la réparation
de ces sortes de travaux sont donc, sous cc. rapport, mis sur la même ligne.
Il y a cependant entre les deux cas ce~te différence que, quand il' s'agit de la construction ou
reconstruction totale, dont la dépense doit être
toujours ou le plus souvent très-considérable, la
loi invite le gonvernement à y concourir; tandis
que quandîl ne s'agit que de réparations d'entre"tien, elle veut que les frais en soient totalement
supportés par les propriétaires riverains au'Xquels
les travaux sont utiles..
1028. De'la manièrepres.crite par les ancitins réglements. Ce .n'est donc que la manière
de répartil' la charge des travaux, ou 'de les exécuter par corvées ou autrement, qui est soumise
aux anciens réglements, et non pas l'obligation de
les entreprendre: en sorte que, quelle que soit la
disposition de ces réglements, et lors même qu'ils
~
(1) Voy. au bul1el., t. 7, p. 135, 4" série.
�DU DmlAINE PUBLIC,
ne contiendraient rien d'impératif sur l'exécution
des travaux, l'administration publique pourrait
toujours les ordonner, parce qu'elle ne peut cesser
d'être la maîtresse de prescrire une mesure exigée
ponr le bien général soi~ ôe l'état, soil d'une localité seulem'ent.
Les anciens réglements dont il est ici qucstiop,
penVel-lt se trouver, soit dans quelques arrêts du
, d
I I SOIt
. cl ans d es arrets
• re,
conSel'1 d' etat
e nos' l'OIS,
glementaires qui auraien télé' rendus par les anciens parlements ou les mahrises pour l'étendue de
: leurs ressorts, soit dans des ordo.nnanees des assemblées d'états ou des int(!Dtfants, soit enfin dans la
f.lisposilion écrire des coutumes de provinces.
1029. Ou r d~après les usages locaux. Les
usages locaux, comme nés des besoins des citoyens
et confirmés par leurs hhbitddes, doi vent être respectés aussi bien que la loi 'è1re-même dans les niatièr.es 'où le législateur l\'a pas voulu statuer différemment : Diuturna coYi1ûetudo pro jure et lege
in hts quae non ex Sëripto "descendunt ohser' .
d" autant
>~H 1 • p1ns d' egar
, d s,
van, so Let ()
t , Il S mentent,
qu'int;ouuits par le"consenlemênt des habitants,
ils sont une loi de cdHveh"îîon tacite pour eux: Sed
.
-'"f""
tet ea quae longél cOllsuetudine comprohata
sunt ~ ac pel' annosplurimos observata ~ vetut
tacita ciYium convenltio? non minùs quàm ea
quae scripta sunt jura ~ servantu1' (2).
(1) L. 33. ff, de legibus, lib, 1. tit. 3.
(2) L. 35, fI. codern.
�378
TRAITli
Mais si l'ancien usage n'était pas constant et reconnu faute d'être consigné dans un tp,x.te positif
des coutumes, ce serait là une question préjudi.
ciellc à résoudre par l'administration active, avant
d'en venir au rôle de répartition des frais de enrage; et dans le cas où, malgré la dénégation de
cet ancien usage, l'administration viendrait à en
re,connaitre. l'existence, elle devrait en ordonnet'
rexécuti011; dans l'hypothèse contraire, elle sernit
obligée d'y &uppléer par un réglement qu'clle fet'ait
.exprès.
1030. Nous terminerons nos annotations sur
~e premier article par une ubsclIvation essentielle:
c'est que, l'administration ne devant être saisie
.que comme autorité réglementaire des opérations
de cette nature, s'Hne s'agissait que d'un fait particulier d'encombrement subitement arrivé sur un
.point de la rivière pat' un éboulement de terres, ie
débordement d'un ravin ou autre cause accidentelle, le propriétaire qui serait, -par suite de cet
événement, exposé à voir ses héritages inondés, ne
,serait point obligé de recourir à l'administration
pour en obtenir la permission d'enlever la cause
du sinistre par lui redonté; et que, si le pt'opriétaire du fonds sur lequel l'éboulement aur(lit eu
.lieu vo,u.lait, pour conserver un principe d'alluvio n
pu pour tout antre motif, s'opposer à ce qu'on y
touchât, l'àction en rétablissement du lit de la rivière dans son état naturel et primitif, rentrerait
dans les attributions de la justice ordinaire, qui
�DU DOMAINE PUBLIC.
379
devrait permettre an propriétai,'c du fonds supé.
rieur de faire enlever la canse du dommage: Dieit
igitur Labeo aquae pluviae arcendae cum inferiore a/Ji posse~ ut aut ipse purgaret~ aut te
pateretur in pristinum statum eam redigere( 1).
La raison en est qu'il ne s'agirait alors que d'une
cause individuelle agitée entre ~eux pal'licnliers,
ct qu'iJ n'y aurait aucune répal'lition de dépenses
à mettre à la charge de ceux qui n'auraient point
figuré dans J'instance.
1031. ART. 2. " Lorsque l'application des ré» glements ou l'exécution du mode consacré par
), l'usageiéprouvera des difficultés, ou lorsque des
» changements survenus exigeront des dispositions
» nouveIJes, il Y sera pourvu par le gouvernement
)' dans un réglement d'administration publique
» rendu sur la proposition du préfet du départe·
» ment, de maniere que la quotité de la contri.
» bu lion de chaque imposé soit toujours relative
» au degré d'intérêt qu'il aura aux travaux qui de» vr0nt s,'effectner. » •
Lorsf}uci l'application. des. anciens régfements} etc..... C'est toujours à l'administration
pllbliqîle à modifier les anciens réglements quand
les difficultés d'exécution le demanden t, puisque
ici tout est réglementaire dans l'intérêt général des
localités.
Ou lorsque des changements survenus exige(1) L. 2, § l, ff. de aquâ et aquœ, lib. 39, tit. 3.
�380
TRAlTE
ront des dispositions nouvelles: par exemple,
lorsque postérieurement à la promulgation des' anciens réglements il a été construit sur la rivière des
lJsines qui n'y étaient pas alors, et dont les Larrages
ou écluses ont depuis contribué à arrêter lès gravois, qui, par leur accumulation, ont nécessité le
curage de la rivière.
Il y sera pourvu par le gouvernement dans
un réglement d~administration puMique Ca),
rendu sur la proposition du préfet du dép'a:rtement. Tant que les anciens réglements existent,
on doit les exécuter; mais si les dispositions n'en
sont pas équitables, si elle~ paraissent avoir été conçues par faveur, pour ménage,'l'intérêtde quelques
parties puissantes, au préjudice des autres, ou si on
est parti d'une fâusse base pour les ,établir, enfin
et surtout s'il s'est opéré quelques changements
dans les localités, les parties intéressées peuverrt
ton jours se pourvoir devant l'administration pour
faire modifier ou réformer les anciennes règles(l)~
1032. De manière que la quotité de la COlt',
tribution de chaque imposé soit toujours relative au degré d'intérêt qu~il aura aux travaux
qui devront s~effectuer. POUl' entendre justement
cette proportion d'intérêt, il ne faut pas perdre
(a) C'est-à-dire par une ordonnance rendue ensuite d'une
délibération de l'assemblée générale du conseil d'état, après
instruction préalable, Voy. suprà, na 589, tom. 2, p. 855.
(1) Voy. l'arrêt du conseil d'état du 9 avril 1817, dans
SIREY 1 t. 3, p. 546.
�'DU DOMA.INE PUBLIC.
381
lIe vue l'observation que nous avons déjà faite (1)
en traitant du curage des rivières navigables: c'est
qUé, quand il existe Sllr une rivière quelconque
un moulin ou autre usine dont on est obligé de
curer le biez ou la partie supérieure du cours d'eau,
les frais de ce curage doivent être supportés principaJement par le propriétaire de l'usine, à partir
du point où les eaux ùu fond commencent à être
stagnantes et cessent d'entraîner les gravois qui
s'amassent au-dessus de l'écluse (a).
(1) Voy. sous le
nO 764.
(a) Il faut remar,qu.eF i,ci ~~eil~ répartition de la dépense du
.>fr, 1 . , ' 1 r • r. , \
'"
curage ne d Olt
pas etre laIte SUivant 1"eten d ue d
e al
propriete,
le développement qu'elle offie'le IJng àe la rivière, ou l'importance des travaux dans la partie' qùi la joint. Les frais de l'opération, en général, doivent 'être mis en masse et répartis dans
la proportion de l'avantage qu'en doit retiret chaque propriété,
de ~elle sorte qu'un fonds ~ même non rjverain, peut l contribuer, et que, celui dans l'-étendue oll'lilong 'duquel ont été
exécutés les i;avaux les plus' difficiles et' les plus dispendieux,
peut n'en supporter que la plus faible part, si il n'en retire pas
le plus de profit. Le projet de loi sur les cours d'eau non navi.
gables, dont laChambre des députés a été saisie dans la session
de 1835, portait, art. 26: " Les. propriétaires riverains sont
" obligés de faire enlever en tout_temps, chacun en droit' soi,
" tous les éboulements de terre ou autrès obstacles au libre
..
,
» cours des eaux qui pourraient se former accidentellement. »
Cette base, approuvée par la commission « comme conforme à
" la fois au droit naturel et à l'intérêt des riverains eux» mêmes, » n'est pas celle de la loi de l'an XI; elle ne ~érait
aujourd'hui applicable que dans deux cas : l~ pt'emier, où l'encombrement ne serait pas' simplement l'effet d'un évèneÎnènt
~.
�382
TI~AITÉ
Cette obligation particulière e~t fondée sur deux'.
.
l' une, que c 1est a llSSl• pour l' avantage d e
raIsons:
.
l' autre, que c,est
,
.
1 usme que le curage s,opere;
par suite de la retenue des eaux opérée par sou
écluse que la rivière s'est exhaussée; et qu'il est de
principe que' c'est à celui dont les travaux ont
produit un obstacle, à lefaire disparaÜre (1):
il filUt donc, pour être juste, assigner au propriéfortuit, mais aurait été déterminé par un fait du riverain , par
exemple, l'éboulement d'une digue par lui construite, quoique
occasi<!nnée par un orvalle (arrêt de la Cour de cassation du
~9 novembre 1827. Sirey, 28-1-379); et le second, où il
s'agit, non du curage du lit même, mais de l'entretien des
berges destinées à maintenir l'eau; chaque riverain en effet doit
réparer les bords de la rivière de manière à préven'ir toute déperdition de l'eau au préjudice des usines inférieures (arrêts
du parlement de Rouen des 2 juillet 1687 et 4 juillet 1735,
cités par Chenilly sur Pesnelle sous l'art. 209 de la coutume
de Normandie, et autre arrêt rapporté par Houard, Dictionn.
de droit Normand, VO , prise d'eau). C'est une servitude naturelle dérivant de la situation des lieux, de transmettre les eaux,
aux propriétaires inférieurs, dans leur volume naturel et comme
on les a re<;ues soi-même du fonds supérieur. Si la berge à
réparer était un ouvrage d'art élevé dans l'intérêt exclusif de
l'usine, ce serait au propriétaire de celte vsine à en faire les
frais (ordonnance du 5 août 1818, Recueil d'Isambere, l824,
pag. 312). Si dans le principe elle avait été construite tant
dans l'intérêt de cette usine que dans celui des propriétés riveraines, la réparation devrait en être faite à frais communs
(Cochin, Consult., tom. 6, pag. 505. -Henrion de Pansey,
Comp. des juges de paix .. chap. 27).
(l) Voy. dans
MACAREL, t.
6, p. 547.
�DU nmlAINE PUBLIC.
383·
taire tle l'usine, dans la contribution, lin contingent tixé en raison composée de l'utilité qu'il devra ressentir du curage, et des dommages dont
son écluse est devenne la cause, pour avoir amené
la nécessité du curage: Qui occasionem praestat,
damnum jecisse videtur ( ().
Il serait possible même qu'on dût lui faire entièremeut supporter les frais de l'opération dans
cette panie, et la justice l'exigerait ainsi chaque
fois qu'il serait reconnu que l'exhaussement du lit
de la rivière ne doit point avoir eu d'autre cause
que la retenue produite par l'éclu,se de l'usine (2).
1033. ART. 3. cc Les rôles de répartition des
»- sommes nécessaires au paiement des travaux
» d'entretien, réparation et reconstruction, se)) ront dressés sous la surveillance du préfet, ren)) dus exécutoires par lui, et le recouvrement s'en
» CJpérera de la même manière que celui des con») tributions puhliques. »
Tout ce qui constitue la répartition de dépenses
ou de frais publics est par là même réglementaire,
puisque répartir une dépense c'e\s~ la régler entre
ceux qui doivent la supporter: c'est donc à l'administraLÏon active à en dresser ou à en fai.'e dresspr
les rôles par des commissaires-répartiteurs qu'elle
nOll1me à cet effet.
(1)L, 30, § 3, if. ad le{fem aquiliam, lib. 9, tit. 2.
(2) Voy. à cet égard la loi 4 , § 14 in fine, If. de vi bonorllm
raptor., lib. 47, tit. 8 ; - et l'art. 10 du décret du 12 novembre
1811, bullct. t. 15, p. 489, 4" série.
�384'
TllAlTE
Quoiqu'il s'agisse seulement ici de la répartition
d'une dépense qui 'n'est qu'à la chal'ge des habitants, néanmoins, comme cetle opération embrasse
des intérêts collectifs à régler, et comme, d'autre
part, elle est ordonnée ou imposée par l'autorité
supérieure, l'article ci-dessus veut que la mesure
soit exé~utée d'après les principes généraux établis
par les lois de 1790, qui ont attribué à l'administration active la confection des rôles de toutes les
con tribu tians directes.
C'est par application de ces principes que l'article
34 de la loi cl u 16 septembre 18°7, déjà citée,
\;eut que, quand les tl'avaux de celle nature intéressent l'état, les portions contributives de la dépense du gouvernement et des propriétaires soient
détermipées par' un réglement .d'administration
Jlublique.
- 1034., ART. 4. n Toutes les contestations re» latives au recouvrement de ces rôles, aux récla)' mations des individus imposés, et à la confection
» des travaux, seront portées devant le conseil de
» préfecture, sauf recours au gouverne~llent, qui
" décidera en conseil d'état. »
Quoique ici tout soit placé dans le ressort de
1'administration en général, l'on y trouve néanmoins
le concours de deux pouvoirs spéciaux qu'il faut
bien se garder de confondre: l'administration
active y remplit la fonction de régulateur, puisque
ses .réglements doivent être exécutés comme des
lois; et le pouvoir dont les conseils de préfecture
�DU DOMAINE PUBLIC.
385
sont revêtus en premier ressort forme l'autorité
judiciaire en cette mMière : or le législateur ne doit
jan13is être juge de l'application de ses lois, comme
le juge ne peut jamais faire la loi lui-même; et de
là il résulte que les fonctions de l'un et l'autre. de
ces pouvoirs, quoique touchant à la même matière,
s'exercent néal1moins sous des rapports totalement différents.
1035. Ainsi, quand le rôle de la contribution,
qui en est le réglemc,!1t, a été une fois arrêté par
l'administration active, c'est au pouvoir judiciaire
administratif à statuer sur toutes les' contesta-'
liôns relatives au 'recouvrement de ce r6le ~
comme, par exemple, Sllr les paiements qui sont
à faire aux ouvriers employés dans les travaux du
curage; snI' les mandats qu'on doit leur déli:vrer
pour toucher leur salaire des mains dn percepteur
chargé du recouvrement du rôle, et sur la,manière
dont celui-ci doit acquitter ces mandats.
Le même pouvoir judiciaire statue aussi sur
les réclamations des individus imposés~ c'està·dire sur les dégrèvements qui pourraient être
demandés de la part de cellx qui prétendraient que
leurs fonds sont, par comparaison avec d'autres,
trop imposés, eu égard au plus faible degré d'utilité
qu'ils ressentent de l'opération du curage de la
rivière.
1036. Mais si la prétention d'un réclamant ne
se bornait pas là; s'il soutenait que 50n fonds
n'aurait pas dû être comp"is ail rôle de répartition
TO!\'I. lU.
25 '
�'l'llAITj~
Je la dépense q ni est à faire, par le motif qu'il est
situé dans une région qui se trouve hors de toute
alleinte des 'dommages possibles résultant, pour
d'autres fonds, du débordement de la rivière, la
question, sous ce point Je vue, ne sortirait-elle pas
de la compétence du conseil de préfecture, en ce
qu'il s'agirait plutôt de corriger et refaire en quel~
que sorte le rôle de la contribution, que
statuel'
sor son application?
.
Dans ce cas-là même nous croyons que le conseil
de préfecture ne cesserait pas d'être compétent
pour rayer du rôle de cotisation les héritages qu'il
jugerait ne pas devoir y être compris d'après les
renseignements qu'il aurait obtenus sur leur. situation. La raison en est que la mission de ce conseil
l'investit génél'alement et sans restriction du droit
de corriger les erreurs qu'il reconnaît dans les
tôles de contributions puhliques. C'est ainsi qu'aux
termes de l'article 3 de la loi du 20 pluviôse an VIII,
le conseil de préfecture doit prononcer sur les
demandes de particuliers tendant à obtenir déchàrge complète, comme sur celles ayant seulement pour ohjet la réduction de leurs cotes de
contributions (1).
. Le conseil de préfecture pourra donc ordonner
que la contribution imposée sur le fonds qui aura
été reconnu n'en être pas passible sera répartie au
marc le franc sur les autres (a).
de
(1) Voy. sous le nO 123.
Si l'opposition df.)s riverains était mOlivée, non sur la
(a)
�DU DOMAINE PUBLIC.
387
1037: Enfin les conseils de préfecture soùt
chargés de statuer sur les difficulLés relatives à la
confection des travaux) c'est-à-dire qu'ils sont
revêtus de l'autorité nécessaire ponr condamner les
ouvriers ou entrepreneurs qui auraient mal ou insuffisamment exécuté l'entreprise, aux dommages
ct intérêts compétents, ou au supplément de travaux destinés à porter l'ouvrage à un degré de
perfection convenable.
1038. La loi dont nons venons de commenter
les articles, ne con tien t aucune disposi tion spéciale
SUI' la question de' savoir où et comment doivent
être déposés les déblais provena n l d Il cu rage : ce
qllÎ peut faire naître encore plusieurs difficultés
que nous ne devons pas omettre d'examiner.
Et d'abord on pourrait penser qu'en général, et
par analogie de ce qui se pratique lors du cnrage
fausse application qu'ils prétendraient avoir été faite à leur position personnelle des anciens réglements ou usages, mais sur ce
que la l'épart ition en général n'y serait pas conforme; en un mot,
s'ils attaquaient le principe même de l'arrêté préfectoral qui,
selon eux, aurait substitué de nouvelles bases aux anciennes,
l'affaire alors dèvrait être portée, soit au ministre de l'intérieur,
soit immédiatement au conseil d'état, pour excès de pouvoir
de la part du préfet, parce que des dispositions nouvelles en
cette matière ne peuvent aujourd'hui émaner que du Souverain et nullement de l'autorité administrative lOl'ale. (Arrêt duconseil d'élat du 20 novembre 1822. ) Le conseil de préfecture
n'est compétent que lorsque l'arrêté du préfet n'est pôint attaqué comme contenant des innovations.
�388
TRAITÉ
des fossés des grandes routes (a), les déblais dont
il s'agit doivent être rejetés sur les fonds riverains,
parce que c'est, en ce cas-ci comme dans l'autre,
11L1e conséquence de la servitude qui pèse sur ces
fonds : Si prope tuum fimdum jus est' mihi
aquam rivo ducere~ tacita haec jura sequuntur: ut reficere mihi rivum ficeat" ut adire"
quàprox§mè possim ad rtificiendum.eum, ego,
fabrique mei; item ut spatium relinquat mihi
domi!!us fi.mdi" quo" dextrd et sinistrd, ad
rivum adeam, et quo terram .. limum" lapidem,
arenam, calcemjacere possim (1).
,
Cependant cesJeux cas ne peuvent être assimilés
sous le rapport de l'importance Je leut ohjet,
attendu que les déblais provenant du curage d'une
rivière forment nne masse tout autrement importante que ceux à extraire du petit fossé d'une ronte,
ou d'un ruissean. Ou est donc forcé d'admettre
ici des tempéraments qu'on ne poun'ait proposer
à l'égard du fossé de la route; et, pour en truuver
l'application, il t'lut remonter au principe qui
préside.à ce genre d'opération.
1039. Le curage des petites rivières n'est fait
que' clans l'intérêt de la masse des pwpriétaires
dont il doit assainir les fonds. C'est dans cette vue
'qu'il est ordonné par l'administration qui en règle
elle-même l'exécution, de manière que les ftoais, en
O
(a) Voy. nOS 240 et 263, t.
(1) L. 11 , ff.
commU1i~a
l~r.
prœdiorum, liL. 8, tit. 4.
�DU DOMAINE l'UliLIC.
389
soient supportés pal' tous, Jans la proportion de
l'utilité qu'ils doivent en retirer. Voilà le principe, voyons-en les conséquences.
Les propriétaires voisins son l associés à tou te
l'opération du curage, et doivent en supporter la
charge dans la proportion du hénéfice qu'ils en
attendent: donc ils doivent contrihuer, dans la
même proportion, à l'indemnité qui pourra' être
dne à certains d'entre eux à raison des pertes et
dommages que causera le dépôt des déblais amassés
sur les héritages de ces derniers, allendu que le
tout rentre dans les frais d'une exécution qui pèse
sur tous.
C'est à l'administration active à réglet'la disposition matérielle des lieux, parce que c'est là l'objet
auquel s'applique son statut local: c'est donc à ce
même pouvoir à désigner, suivanl1es circonstances,
les endroits où les déblais du curage devront être
rejetés ,de manière à en rendre le dépôt le moins
dommageable et en même temps à ne pas augmenter les frais par leur transport à de trop granJes distances. Et en cas que les parties intéressées soient
en discordan-ce sur le choix des lieux de dépôt,
c'est encore à l'administration à statuer sur lenrs
débats, puisq'u'elle a le droit de fixer elle-même ce
'Jieu.
10Li.O. Ainsi celni sur le fonds duquel il est
àl'rêté qu'on mettra les prodnits du curage ne peut
plus s'y opposer, soit q ne la décision émane seule·
ment lln préfet, sans qu'on <lit formé reconrs au
�390
TllAlTÉ
ministre on au conseil d'état, soit que ce recours
ait été exercé sans succès. Mais ce propriétaire, ne
pouvant être forcé de souffrir en pure perte pour
lui-même, et seulement pour l'avantage des autres,
la dégradation faite à la superficie de son héritage
par le dépôt de gravois stériles, aura incontestablement dl'Oit à une indemnité, laquelle devra être
administrativement fixée par expertise réglée en
conseil de préfecture, comme le sont en général
les indemnités pour dommages causés par les travaux publics.
Ce sont les propriétaires voisins qui, cornme
associés aux frais du curage, devront aussi supporter en masse l'indemnité dont il s'agit, soit après
en avoir fixé de gré à gré le montant avecle Pl'Opriétaire du fonds, soit après l'avoir fait déterminer, ainsi qu'il vient d'être dit, en procédant
con tradictoiremen t avec lui, par l'in lermédiaire
d'un syndic qu'ils auront choisi pour les représenter Ca).
(a) Il n'est point dû d'indemnité aux riverains pour le simple
jet et le dép8t momentané des produits du curage sur leurs
fonds, non plus que pour lc passage des ouvriers et voitures
employés à l'opération; c'est là une charge générale que chacun
doit souffrir, et une servitude naturelle dérivant de la situation
des lieux. (L. 1, § 6, et L. 3, § 9, ff. de rivl:3 ; - Arrêt du
Parlement de Paris de 1709, cité par l,apoix de Fréminville,
du gO/lvernem. des hiens comm., p. 573 ;-Henrion de Pansey,
Camp. des juges de poix, ch. 27.) Lorsque cha~ue rivcrain
cure la rivière par lui-même, vis-à-yis sa propriété) il a droit
�DU DOMAINE PUBLIC.
391
1041. Mais une fois que la somme de cette
indemnité aura été déterminée, c'est au préfet
qu'il faudra recourir pour cn faire dresser le rôle
de répartition ei1tre tons les intéressés à la dépense,
puisque c'est cet aôministrateur qui est ehargé de
l'ép~rtir lcs frais généraux du curage sur tons l~s
propriétaires voisins qui doivent ressentir quelque
avantage de l'opération. Ces frais peuvent être
considérés comme des charges civiles imposées-ù
raison du voisi~age des petites rivières, puisque
e'estla loi civile qui les détermine et qui, en ordonne le paiement.
1042. Il est d'autres charges qui dérivent de la
nature seule, et qui sont encore plus onéreuses.
,Elles consistent non-seulement dans les affouillements que le courant de la rivière cause aux propriétés riveraines, dans l'enlèvement de leur, superficie et dans la formation de ravins, mais aussi
dans les inondations prod,nites eu diverses saisons
par la crue des eaux, et snrtont dans les dégâts
qui arrivent trop souvent lors de la débâcle des
glaces, à la fin des gros hivers.
1043. Le cnrage d'une rivière, dont le lit est
sujet à se d'épiucC", peut soulever l'importante
question de savoir quelle direction l'on devra donnel' an fossé qui est à faire ponr mieux fixer le cours
d'utiliser à son profit les terres et boues qu'il a extraites. Quand
le travail se fait par adjudication, les produits utiles doivent
être vendus, et le prix venir ell déduction des frais génér:lUx.
�392
'l'RAITE
Je l'eau à l'avenir, ou quel est, entre plusieurs,
celui des lits qu'on devra choisir pour le creuser
de préférence.
D'apres ce qui a été dh plus haut, c'est à l'administration seule qu'appartient le droit de prescrire toutes les opérations de nivellement nécessaires pour arriver au but qu'elle se propose, et à
déterminer aussi la direction du fossé de curage,
parce que tout cela rentre exclusivement dans sa
compétence; mais si, en suivant le plan d'opération qu'elle aura adopté, il s'élève des contestations
de la part des riverains qui se croiraient lésés dans
leur possession, ce sera autant de questions de propriété qui devront être renvoyées devant les trihunaux, non pas pour qu'ils s'immiscent dans
l'exécution du curage, mais pour qu'ils déclarent
le droit de propriété des contelldants, et qu'ils détermincn t, par voie de conséquence, ceux _auxquels
il pourrait être dû quelque indemnité.
�DU DOMAINE PUllLIe.
393
CHAPITRE XLVIII.
De l'élargissement et de la rectification du lit des petites
rivières.
1044. Les mêmes motifs d'utilité communale
qui nécessitent le curage d'une rivière pour mettre
obstacle à ce que ses eaux ne se répandent dans la
contrée, peuvent exiger aussi l'enlèvement des
îles .qui en obstruen t le cours et l' élargissemen t de .
son lit dans les endroits où le défaut d'espace laissé
au passage du fluide le fait regonfler, et occasione
de même l'inondation du pays.
Quoique la loi du 14 floréal an XI ne s'occripe
pas explicitement. de cette double cause de sinistres
'publics, on doit néanmoins y parer par tous les
~oyens qu'eUe indique, et en faire ici l'entière
application, parce qu'il importe peu qu'il s'agisse
de pourvoir à l'écoulement des eaux en creusant
ou en élargissant leur lit, du moment qu'il y a
nécessité de faire l'un ou l'autre, et que l'élargissement se trouve le plus convenable à la localité,
par exemple, lorsque le fond d~ ce lit est pavé de
roches.
L'administration publique peut donc incontestablement, en suivant les règles tracées dans le
chapitre précédent, ordonner l'enlèvement des îles
nuisibles au libt'e cours des eaux et l'élargissement
du lit d'une petite rivière, partout où l'utilité locale
�39~·
TlUITÉ
paraît exiger celle mesnre; et telle est la jurisprudence du conseil d'état (a).
1045. Mais cette hypothèse présente la question particulière de savoir si ct comment l'on doit
pourvoir à l'indemnité des propriétaires sur les
héritages desquels on reporte le lit de la rivière,
ou auxquels on enlève les îles qui leur étaient légalement acquises.
En principe général, il est incontestable que le
droit à une indemnité existe dans ce cas, parce
que Dul ne peut être tenu de sacrifier sa propriété
pour le salut de celle des autres, et que c'est ainsi
(a) Voyez, par analogie, l'art. 2 du décrct du 29 mai 1808,
hullet. L 8, p. 339, 4 e série. - Voy. aussi un arrêt du conseil
d'état du 18 août 1807 ( SÙ'ey, 16-2-283); :M. Chardon, du
droit d'alluvion, na 76, et .M. Daviel, des cours d'eau, 2" éd. ,
tom. 2, pag. 294, na 725.
Indépendamment du droit "qui appartient en ce cas à l'administration et qu'eHepeut exercer) soit spontanément, d'après
les rapports de ses agents, soit sur la demande des intéressés,
le propriétaire riverain, dont le fonds serait exposé à être inondé
par suite du rétrécissement de la. rivière en aval, occasionné
par l'établissement indu d'Un barrage, ou par des alluvions
"forcées et artificielles, pourrait actionner devant les tribunaux
civils l'auteur de ces entreprises, en suppression des ouvrages
et en rétablissement des lieux dans leur premier état, sans qu'il
ait à craindre· d'être repoussé par une exception d'incompétence puisée dans la loi du 14 floréal an XI, parce qu'il s'agit
ici, non d'nne opération générale à faire, mais de la réparation d'un dommage individuel; c'est ce qu'a jugé la Cour de
cassation par arrêt du 8 mai 1832 , rapporté par Sirey, tom. 32,
1re partie, pag. 398.
�DU
DOMAI~E
PUBLIC.
395
qu'on le pra tique dans les périls de mel' (1); mais
pour l'application de ce principe, il est nécessaire
de distinguer plusieurs hypothèses.
1046. 1° S'il est reconnu que le terrain pris
snI' le fonds riverain a formé de tout temps le bord
naturel de la rivière, ou que l'île qu'on doit enlever est de même une propriété déjà ancienne, nul
donte qu'une indemnité ne soit doe ao proprié-taire.
1047. 2° Si ces terrains ne sont que des allerl'issements de nouvelle 'form~tion, mais déjà suffisamment consolidés et élevés au-dessns du ni,.
veau des eaux, 'le propriétaire qui en a pris possession et qui est forcé de les relâcher, doit encore
être indemnisé, parce qu'ils lui appartiennent légitimement.
1048. 3° Si le terrain de l'alluvion ou de l'He
n'a encore qu'une consistance imparfaite, ~'il ne
surgit pas encore suffisamment au~dessus du niveau des eaux moyennes, s'il est encore nu de végétation de manière à faire voir qu'il forme toujours
une partie du lit de la rivière, il ne pent être dû
aocune indemnité pour son enlèvement, parce qu'il
.. . .
n y aura pas une vraie exprOprIatIOn.
1049. 4° Enfin, si l'île on le terrain d'alluvion n'ont été formés que par suite d'un dépôt de
matériaux:, de plantations ou autres ouvrages faits
dans la rivière ou SUI' son bord, il ne sera dû au-
..
(1) Voy. le tit. 12, liv_ 2, du Code de commerce.
�396
TRAITÉ
~ùne indemnité pOUl' leur enlèvement, qui ne sera
que la reprise d'uri terrain public injustement anticipé.
1050. Dans ces diverses circonstances, si les
possesseurs riverains soutiennent qu'ils sont légitime~ propriétaires du terrain qui est à prendre
pour servir à l'élargissement dû lit de la rivière,
et qu'ils n'ont rien pratiqué pour donner frauduleusement naissance aux îles et atterrissements
qui en obstruent le cours naturel, leur résistance
donnera lieu à une question de propriété, qui devra être portée en justi~e ordinaire, et débattue
contradictoirement avec le préfet, et même avec
les divers propriétaires sur lesquels devra tomber
la charge de l'indemnité d'expropriation en cas
qu'elle soit adjugée, sallf à ces propriétaires à figurer eux-mêmes et personnellement en cause QU pal'
le moyen d'un syndicat.
En ce q II i concerne la charge de l'indemnité,
, ., veut qu 'eIelpese
' sur ceux pour l'avantage
l ,eqmte
desquels l'élargissement et le déblaie men t du lit
de la rivièl'e sont exécutés. Lorsqu'il est question
de l'élargissement d'nn ehemin vicinal, et que,
pour lui donner les dimensiol.ls voulues, on est forcé
de s'emparer de quelques portions des fonds particuliers '1djacents, ce sont les communes de la si- .
tua tian qui doivent payer le prix des parcelles de
terrain expropriées, pal' la raison que tous leurs
hahitants sont également appelés à profiter du
chemin. Ici le même principe de jllstice s'appli-
�DU DOMAINE PUBLIC.
397
qne, mais d'une manierc pIns restreinte, en ce
que les seuls propriétaires voisins du cours d'eau
doivent supporter la dépen~e de l'élargissement de
la riviere, parce qu'il est exécuté dans leur intérêt
particulier.
Les règles que nous venons d'exposer sur le curage et l'élargissement du lit des petites rivières
doivent, par identité de raisons, être appliquées et
sui vies lorsqu'il est nécessaire d'en rectifier le
cours pour parer aux sinistres des inondations;
c'est aussi la jurisprudence de l'administration.
Nous terminerons ce chapitre en faisant remarquer que toutes les fois qu'il y a lieu à des occnpations et prises de terrains particuliers soit pour
élargir, soit pour rectifier le lit d'une rivière, l'indemnité àaccor~er aux propriétaires doit être judiciairement fixée, si les parties intéressées n'en
conviennent pas amiablement; mais qu'nne fois
déterminée, c'est à l'administration qu'il appar.tient d'en répartir la charge snI' ceux qui doivent
la supporter,
�398
TRAI1':ll
CHAPITRE XLIX.
De la permission de construire des usines
rivières.
~ur
les petites
1051. Aux termes de l'art. 43, !.it. 27, de l'ordonnance des eaux et forêts de 1669, « ceux qui
» ont fàit bâtir des moulins, écluses, vannes,
» gords et autres édifices dans l'étendue des fleuves
» et rivières navigables et flottables, sans en avoir
~) obtenu la permission de nous ou de nos pré» décesseurs, seront tenns de les démolir; sinon,
» le seront à leurs frais et dépens. »
Si l'on se demande pourquoi Louis XIV n'appliquait qu'aux rivières nav~gables et flottables la nécessité d'obtenir une permission du roi pOUl' y
construire des usines, la raison en est qu'avant la
J'évolution de 1789, les seigneurs étaient en possession des petits cours d'eau ainsi que du droit d'accorder la permission d'y· construire des usines.
C'est par suite de la police qui s'exerçait en lem
nom et en vertu de leur juridiction seigneuriale sur
les eaux, qu'ilsétaieol parvenus à s'attribuer toutes
les actions du maître en cette matière, et même à
se faire considérer comme propriétaires du lit des
petites rivières. Mais cet état de choses a dû changer par l'abolition des droits féodaux en France;
et, comme cette abolition n'a fait que reporter
vers leur source tous les pouvoirs qui en avaient
�DU DOMAINE PUBLIC.
.399
été démembrés et usurpés par les seigneurs, il faut
dire que par le seul fait de cette réunion des pouvoirs dans les mains du souverain, il resterait déjà
suffisamment démontré que les établissements dont
il s'agit ici n,e peuvent avoir lieu, sur les petits
comme sur les grands cours d'eau, que par la permission du gouvernement, lors même que celte
vérité ,ne résulterait pas de la manière la plus posi~
tive de nos lois nouvelles.
1052. Cependant celle transition d'une législation à'l'autre a fait naître la question de savoir
quel doit être'aujourd'hui le sort des usines construites avec l'autorisation des anciens seigneurs.
Sont-elles encore, sous le rapport du cours d'eau
ct de la force motrice qui les fait rouler, une propriété incommutable entre les mains de leurs possessel1rs?ou, en d'autres termes,ont-elles toujours
une existence vraiment légale?
Il faut faire ici une distinction entre celles qui
auraient été construites sur des rivières navigables
ou flottables, et celles qui n'existeraient que' sur
des petites rivières.
La permission de l'ancien seigneur n'est point
à considérer, et ne peut être constitutive d'un titre
légitime pour l'établissement d'une usine SUI' une
rivière navigable ou fl'ollable , attendu que ce n'est
que par une usurpation COl1traire au droit public
de l'état, que Je seig!1eur aurait pu se permettre
de disposer d'Un cours d'eau de cette nature; et
c'est ainsi qu'on trouve la question décidée par un
�400
TILUTÉ
arrêté du directoire exécutifdu 19 ventôse an VI (1),
qui, prescrivant aux administrations centrales des
départements les mesures nécessaires pour rendre
libres les cours d'eau dans les l'ivieres navigables
ou flottables, porte, art. 5, que ces administrations ordonneront, d<!ps le mois, la destruction
de toutes les usines qui ne se trouveront pas fondées en titre, ou qui n~auront d~autres titres
que des concessionsféodales abolies.
1053. Mais à l'égard des concessiçms faites par
les anciens seigneurs pour constructions 'd'usines
sur des rivières qui n'étaient ni navigables ni flottables, elles forment nn titre légitime, au moyen
duqllclles concessionnaires doivent être maintenus
dans la propriété de leurs cours d'eau, parce
qu'elles ont eu lieu dans un temps où, suivant le
droit commun qui s'était établi en cette .fnatière,
les seigneurs avaient été maîtres de les accorder,
et que la suppression du régime féodal n'a dû produire aucun effet rétroactif au préjudice des tiers
,dont les droits avaient été acquis en temps utile.
C'est ainsi que la question a été décidée par un arrêt
de la COll\' de cassatiun du 23ventôse an x, rendu
entre la commune de Greisemhach et le sieur Pres1er, contre les conclusions du procureur~général
Merlin, qui, dans une longue et très-savante dissertation, voulùt vainement soutenir que le droit
de cours d'eau d'une usine n'était pas un droit de
(I)Voy. au tom. 5, bullet. nO 190, 2·sérle.
�DU DOMAlNE PUBLIC.
401
propriété par lui~même; que, n'ayant été qu'un
pur droit. seigneurial, ·on·. devait le considérer
comme aboli, même· entre les mains du COl)CeSsionnaire, qui ne pouvaÎt pas être devenu sei~neur,
ni avoir reçu la faculté d'exercer un droit .féodal
après la suppression de la féodalité. En cela le savant magistrat partait d'un principe erroné: car le
droit d'usage, comme celui d'usufruit, ou comme
tout autre droi~ légitimement acquis, est une vr~ie
propriété pour celui qui en est investi.
Aussi la Cour suprême a considéré, au contraire,
que nos lois nouvelles, cc en supprimant les effets
J] Je la féodalite, n'ont jamais pu être applicables
» à la validité et à la conservation dJun drQit de.
]) propriété sur un cours d J eau J droit (lui apo:
)] partenait alors au pouvoir qui l'a cédé ;que les
» lois des 28 août 1792 et 10 juin 1793, en ~esti.
" tuant' aux communes leurs anciens droits, ont
fonnellemenl excepté de celle restitution ce qui
» avait été aliéné par le,s anciens seigneurs et ce
» qui était possédé par des tiers en vcrlt~ de ces
" aliénations (1). »
1054. l\Iais, quoique l'abolition de la féodalité
n'ait pas entra'îné l'anéantissement du droitld'usine
qui avait été accordé par l'ancien seigneur, elle a
néanmoins produit un effet importan t, c.n ce que~
la loi replaçant dans le droit commun l'usage de
l'eau 'courante, il est aujourd'hui permis à tout
]>
(1) Voy. dans les questions de droit, au mot cours d'eau,
§I.
TOM. II 1.
�402
TRAITÉ
propriétairc riverain d'cn fairc des prises dans la
rivière pom sel'vil' à l'irrigation de ses héritages
( art. 644 c. c. ), et que le propriétaire d'usine serait, comme tont autre, forcé de subir la loi d'un
réglement de distribution des eaux (art. 645 C. c,),
si lcm volume n'était pas assez abondant pour satisfaire pleinement aux besoins de tous.
Les 'considérations qu'on vient d'exposer en dernie l' lieu ne peuven t s'appliquer .aux perm.issions
d'établir des usines accordées pal' les anciens seigneurs sur les rivières navigables ou flottahles, attendu qu'en cc qui touche aux services publics et
autres usages de ces rivières, elles n'ont jamais entièrement cessé d'être dans ce qu'on appelait jadis
le domaine de la couronne, et que nous appelons'
aujourd'hui le domaine public: en conséquence
de quoi aucune usmpation quelco,nque sur ces rivièrl:'s, qui sont inaliénables et imprescriptibles,
n~a pll y établir des droits légitimes qui aient dû
être conservés entre les mains des particuliers.
1055. Par suite de la suppression de la féodalité, c'est à l'administration publique qu'appartient
aujourd'hui la police générale de tous les cours
d'eau, même de ceux qui ne sont ni navigables ni
flottables; et c'est à ce pouvoir, représenté par le
roi en son conseil, qu'on doit s'adresser pour obtenir une ordonnance de concession permettant de
construire les usines à eau : ordonnanc~ qui n'est
rendue qu'après l'enquête de commodo et incom·
modo voulue par les réglemcnts dans l'intérêt de
�DU DOMAlNH PUBLIC.
-403
tous ceux qui pourraient se croire fondés à s'opposer à)'établissement projeté.
Quand on dit 'lu'il est nécessaire de recourir à
l'autorité du roi pour établir un moulin ou autre
. au bore1 d' un conrs d' eau, ce n,
nSll1e
est .
pOlnt en
ce qui concerne les édifices desLinés à servir de
logement ou 'de magasins au meunier ou mahrc
de forge, attendu que tout propriétaire est mahre
de bâtir comme il le veut sur sôn propre terrain,
même quand il s'agit d'un sol adjacent à une
rivière; c'est uniquement dans les règles de la police des cours d'eau, ainsi que dans la considéra140n des droits qu'y exerce le domaine public,
qu'il faut rechercher la cause de la l1écessitl; Je
l'autorisation.
Pour mettre dans tout son jour le principe qn.i
gouverne cette matière, nons distinguerons deux
hypothèses, suivant qu'il s'agira d;établir l'usine
sur une rivière proprempnt dile ou sur un ruisseau.
1056. Si nous nOlls plaçons dans la première,
nous voyons qu'il y a trois moyens d'établir un
'molilin au bord et sur le conrs d'une rivière, savoir
ou en construisant une éc1l1se transversale, qui
élève les eauX', donlla chulcvicnt, par l'ouverture
des vannes, mettre en m~uvement les roues; on
en établissant le moulin sur bateau; ou enfin en
suspendan t Sil l' le cours na turel de la ri vière, par un
.moyen quelconque et plus ordinairement à l'aide
de chaînes; une roue qui, plongeant à la volonté
lu maître, 'ses ailes dans l'eau; transmet le mouve-
�40Ji.
TRAITÉ
met;lt' an mécanisme de l'usine renfermé dans le
bâtiment construit sur la rive. Or, quel qne 'soit
celui de ces trois modes de construction qu'on
veuille adopter, il est également incontestable que
l'établissement ne pe'ut être légalement fait sans
l'autorisatiOll du roi.
Pour justifier cette prop08ition, il suffit de faire
ici l'application' de ce qui a été exposé pIns haut
dans le chapitre où nons avons démontré qt1e le
lit et le corps même des petites rivières appuI';"
tiennent au domaine public, et d'ajouter ce principe non moins constant,'que nul ne pent légalement construire sur le terràin d'antrui sans le
consentement du maître.
1057. En effet, s'agit.il d'établir un ~monlin
à écluse, "le barrage en sera nécessairement construit à travers la rivière et dès-lors sur le sol public.
Or on ne peut' refllser au" gouvernement, qui a ici
tontes les actions du maître, le dmit qu'aurait un
simple particulier de s'opposer à ce qu'on en'vahisse son héritag~, ou qu'on le couvre d'une
construction quelconque, sans son consentement:
donc il faut ici un acte de concession du prince
pour légitimer l'établissement.
Il y a plus: c'est que les moulins qui sont ainsi
disposés ont une partie de leur appareil' dans la
rivière même; en sorte que,quanc1 on ferait abstraction de l'écluse, il y aurait encore une anticipation illicite sur le sol pnblic, si le coustrucLel1l'
ne s'était pas procuré une permission du gouverneJUPont lui nccordaut l'lisage de C0 sol.
�DU DŒIAlNE PlillLlC.
405
S'agit-il de illoniins construits sur bateaux, il
est toujours de même évident qu'ils reposent sur.
une rivière, dont le corps e~ le lit font partie
du domaine public, ct qu'en conséqnence il faut
également la permission du gouvernement PUUI'
les établir.
S'agit-il enfin~de mou,lins construis sans écluses
dans la rivière, mais seulement avec des roues suspendues sur le courant, nous retombons toujours
sons l'empire de la même nécessité, par application
du principe qui veut qué le propriétaire du sol soit
aussi propriétaire et seulmuître du dessus c~mme du
dessous, suivantl'adage : Qui habet soLum habet
et cœlum" traduit en ces termes par l'article 552
du Code civil: La propriété du sol emporte lil
propriété du dessus et du dessous: d'où il résulte
que, pour rendre licité et légale l'occupation de
l'espace aérien qui est au-desws du sol public, il
fautencorel'autoi'isationdu gouvernement, comme
s'il s'agissait d'occuper le sol lui-même (a).
1058. Si actuellement l'on suppose que l'étahlissement de l'usine doive avoir lieu sur un simple
l'oisseau, la nécessité d'~btenir l'autorisation du
roi ne sera sans doute pas f-ondée sur ce que,
comme dans les cas précédents, la construction ou
Ca) Voy. les nO' 511 , 970 et g71 , ainsi que la note sous ce
dernier n°, où sont cités les auteurs qui enseignent, contrairement à ce qui est dit ci-dessus, qu'aucune loi ~e confère au
gouvernement le droit d'autoriser la création des usines sur les
cours d'eau non navigables ni flottables.
�406
TJtAITg
l'appareil reposera SUl' nn sol public, puisque les
ruisseaux n'appartiennent qu'au domaine de propriété privée; mais les règles sur la police des cours
d'eau reparaissent ici avec toute leU!' exigence.
Comme on l'a déjà dit, c'est à l'administration
publique, dont le roi est le chef, qu'appartient, en
. France, la police générale de tous les cours d'eau,
même des plus petits ruisseaux, donda bonne ou
la mauvaise direction peut influer sur la pro.spé~
rité de l'agriculture.
La mission de l'administration publique à cet
égard fut, dès le pri~cipc ,de la révolution, consignée dans le chapitre 6 de la loi du 20 août 1790,
qui la charge cL de rechercheret indiquer les moyens
" de procurer le libre cours des eaux, d'empêchet"
:» que les prairies ne soient submergées par la trop
»> grande élévatic)U des écl uses des moulins et
» autres ouvrages d'art établis sUl'les rivières, de
» diriger enfin alItant que possible toutes les
» eaux du territoire vers un but d'utilité géné" rale.)J
1059. C'est pour aueimlre à la meilieure application de ces principes, qui dominent toute
la matière des eaux courantes, que, par l'art. I l ,
tit. 3, du décret impérial dn 7 fructidor an XII (1),
et pal' l'article 7 de l'ordonnance du ~ j nin 1832 (2),
(1) Voy. au bullet. t. 4, p. 17,4· série.
(2) Voy. au bullet. 166, p. 795, sectioll1 r. des ordonnances,
!Je série.
�DU DOMAINE
l'Ul~LlC.
407
les ingénieurs des ponts et chaussées sont, cn leur
qualité d'agents de l'administration, chargés d'indiquer les diverses mesures préventives de désordre,
lorsqu'il s'agit d'établir des usines qui doivent rouler par eau; et c'est pourquoi encore nous avons vu
plus haut que l'administration a le droit d'ordonnel' le curage des petites rivières. Or on sent qu~
s'il est dans les attributions de ce pouvoir de faire
lever les obstacles que la nature oppose elle-même
à l'écoulement des eaux, il doit à plus forte raison
avoir le droit d'empêcher qu'il Ile soit établi, à
main d'homme, dans le cours des rivières ou ruisseaux, des ouvrages qui, Gomme les écluses des
usines, peuvent produire des inondations dans les
contrées voisines.
1060. Aussi nous voyons qu'aux termes de
l'art. 16, t.Ît. 2, de la loi du 6 octopre 1791, sur
la police rurale, la hauteur des barrages des usines·
doit êtré fixée par l'administration, sans distinction des usines construites sur des rivières et sur
des ruisseaux, et qu'en cas de contravention à ce
qu'elle aura déterminé à ce sujet, cette loi veut que
le contrevenant soit condamné à une amende qui
ne pourra excéder la somme du dédommagement
des tiers qui en auraient souffert;
Que, par un arrêté des consuls du 30 frimaire
an XI (1), un sieur Hanci, qui avait commencé la
construction d'une usine sur un cours d'eau dé·
(1) Voy. au bullet. t. 7, pag. 294, 3" série.
�408
TlWTt:
tourné d'une rivière, sans en avoil' obtenn la permission, futcondamné à ùémolirdans la quinzaine;
Qu'un décret d Il' 12 novembre 181 l , tout en
accordan t, sous certaines conditions, à un sieur
Loison, la permission d'établir un moulin sur. uu
ruisseau traversant ses propriétés, et dérivé de la
rivière de Thérain, ordonne néanmoins qu'attendu la contravention par lui commise, en fdisant
d'abord construire son nsiHe sans autorisation légale, il serait renvoyé pardevant le procureurgénéral près la Cour d'Amiens, pour être poursuivi
conformément aux lois et réglements (1);
Qu'enfin l'on trouve dans le bulletin des lois
une foule de décrets et d'ordonnances rendus
pour des concessions de cette nature.
1061. Nous observerons ici en passant que,
quoique l'acte de concession émané du gouvernement pour l'établissement d'une usine puisse froisser divers intérêts individuels, et entraîner des
réclamations, néanmoins il n'a rien de commun
avec les ·décisions du conseil rendues en matière
con tentieuse : car;, quand il s'agit, cornille ici,
d'une concession faite par ordonnance dans la
forme :des~ réglements d'administration publique,
l'on ne pourrait imposer au gouvernement ]a loi
d'aucun[jugement contraire à sa volonté; il ne serait donc pas permis, en cc cas, de se pourvoir au
contentieux, par tierce opposition, contre l'ordon(1) Voy. au bnllet. t. 15, p. 489, 4- série,
�>
DU DOMAINE rUElle.
409
113uce de concession; et tout ce qlle les personnes
qni se croira~ent lésées pourraien t faire, ce serait
de recourir, par voie de supplique, au ministre et
au comité de" l'intérieur (1).
1062. Ce n'est pas seulement par rapport à la
surveillance que le gouvernement exerce sur le
libre cours des eaux, qu'on ne peut pas construire
d'llsinesans son autorisation. Ce point de notre
droit public est aussi fondé sur les principes d'une
police de p"évoya ncc d'un ordre encore plus étendu,
qui consiste soit à prévenir les accidents qui pourraient résulter de l'établissement de manufactmes
insal ubl'es, soit à s'assurer si, pour alimen ter la
nouvelle ùsine dans telle ou telle localité, on ne
soustraira pas aux besoins des habitants une quantité de combustible telle qu'ils puissent se voir exposés à manquer du nécess,aire.
. Celle dernière circonstance doit préoccuper le
gouvernement qui aura à examiner, si en faisant
la concession, il n'est pas utile d'imposel' au
concessionnaire l'obligation de consommer de la
houille, qu'on peut faire arriver de loin par le
moyen des cananx, plutôt que du bois, dont la
contrée pourrait être au dépourvu. C'est aussi sous
ce' rapport qu'il est spécialement statué, par l'article 73 de la loi du 21 avril 1810, que « les four» neaux à fondre les minerais'de fer et autres 811bs(1) Voy. à ce sujet l'ordonnance du 22 janvier 1823, dans
t. 5, p. 5.
MACARl!L,
�410
TllAI1'É
~)
tances métalliques, les forges el martinets pour
~) ouvre.' le fer et le enivre, les usines servan t de
» patouillets et oe bocards, celles poU\' le traite» ment des substances salines et pyriteuses, dans
~) lesquelles on consomme des combustibles, . ne
» pourront être établis que sur une permission
» accordée par un réglement d'administration pn» blique (1). »
Ainsi, quoique les patouillets à laver la mine,
et les bocards destinés à pulvériser celle en roche
avant oe la jeter dans les fourneaux, ne soient que
des machines en sous-ordre, accessoires à de plus
grandes usines, on voit néanmoins, par ce texte,
qu'il faut une ordonnance du prince pour en autoriser l'établissement.
n faut ici une ordonnance, parce que la construction projetée est destinée à faire partie d'une
usine qui, ponr avoir une existence légale, doit
être dans toutes ses parties et intégralement fondée
en titre.
faut une ordonnance, rendue d'après enquête
de commodo et incommodo, par cette autre raison encore, que l'établissement des patouillets et
lavoirs de mines participe des manufaotures insalubres, en ce qu'ils troublent et corrompent plus
ou moins les eaux qui s'en échappent, ct qui
peuvent devenir nuisibles à la contrée inférieure:
en sorte qu'il ya toujours là une question de 8alu-
n
(1) Voy. nu bullet. t. 12, p. 370, 4- série.
�DU DOl\IAINE PUllLIC.
411
brité à résoudre, et que, dans tous les cas, l'on
est forcé de recourir au pouvoir chargé de la direction de la haute économie publique.
1063. Eofin, s'il est vrai que les usines doivent
être en tel nombre qI/elles puissent abondamment
satisfaire aux besoins de la sociél~, et s'il est vrai
qu'il faille favoriser l'industrie autan t que possible,
il est certain aussi qu'aucun établissement de cette
nature ne doit être pe'rmis que sans préjudice des
droits des tiers, parce que la première et la plus
impérieuse de toutes les règles, est celle qui com.
maI} cl e' d "etre Juste.
Il résulte du concours de ces diverses considérations, qu'aucune usine ne peut être légalement
établie, même sur un simple ruisseau, sans une
aù~orisation'accordée par ordonnance du roi (1):
car ,puisque en cette matière tout est subordonné
'aux règles génél'ales de la policé préventive, dont
l'exercice est dans les attributions du pouvoir exécutif pour la faire servir à la protection de tous;
puisque, aux termes de la loi de 1790, qu'on vient
de rapportel', l'administration est chargée de diriger toutes les eaux.1 sans distinction, vers un
•
but d'utilité générale, il faut bien qu'elle soit frappée de toutes les demandes formées pour des établissements de cette nature, et qn'elle puisse ac-'
(1) Voy. à ce sujet les arrêts du conseil des 30 mars et 8
août 1821 , dans MACAREL, t. 1, p. 597, et L 2, p. 223;-,
voy. aussi dans F AVART DE LANGLADE, aux mots cours d'eau,
n° 6.
�412
TRAITE
quenr la connaissance des circonstances locales
qui doi.vent la porter soit à consentir ou à l'efuser
l'autorisation demandée, soit à en déterminer les
conditions, et à prescl'ire le mode d'exécution de
,
.
l entreprise.
1064. L'administration acquiert cette connaissance par le moyen de ce qu'on app~lle une ~n
quête de commodo et incommodo, dont les
formes ne sont pas,en tout et pour tous les cas;bicn
déterminées pal' les lois. Voici cepcnc\al.1t ce que
porte a ce sn jet l'article 74 de la loi d,e dho, dont
on vient déjà de transcrire l'article précédent:
cc La demande en permission sera adressée au
" préfet, enregistrée, le jour de la remise, surun
" registre spécial à ce destiné, et affichée pendant
" quatre mois dans le chef-lieu du département,
" dans celui de l'arrondissement, dans la com" mune où sera situé l'établissement projeté, et
" dans le lien du domicile du demandeur.
" Le préfet, dans le délai d'un nlOis, donnera
" son avis tant sur la demande que sur les oppo" sitions et les demandes en préférence qui se" raient survenues. L'administration ùes mines
" donnera le sien sur la quotité du minérai à
,. traiter; l'administration des forêts, sur l'établis" sement des banches à feu en ce qui concerne les
" bois, et l'administration des ponts et chaussées,
» sur ce qui concerne les cours d'cau navigables
» ou flottables Ca). »
(a) Voyez l'instruction du ministre de l'intérieur du 19 ther-
�413
DU DOMAINE PUBLIC.
On sent que ces mesures sont diversement applicables, suivant la diversité- des sujets: car, s'il
ne s'agissait que de l'établissement d'un moulin,
l'administration des mines, ni celle des forêts, ne
pourrait avoir d'avis à donner; mais, en ce qui
touche à la publicité de la demande, cette disposition de la loi serait obligatoire pour J'érection de
cette espèce d'usine comme pour celle de toute
antre, parce qu'il faut, dans tous les cas, que les
personnes qui pourraient en ressentir quelque préjudice soien t sùffisamment averties pOUl' pouvoir
former leurs oppositions.
Le maire de la commnne de la situation doit
mettre les propriétaires in téressés à portée de connaître le projet d'établissement qui est sollicité: il
doit en conséquence en faire afficher la pétition
durant le temps· qui est prescrit par le préfet, en
invitant ceux qui auraient des observations à proposer, ou une opposition à former, de les faire au
secrétariat de la mairie.
Et c'est ensuite, à vue des avis soit du maire, soit
des ingénieurs et autres fonctionnaires qui auraient
été consultés, suivant la nature de l'affaire, que
le préfet donne un avis motivé qu'il adresse au
ministre; et il doit ordonner )a suspension provimidor an VI, sur les formes à suivre pour l'établis5ement des
usines, écluses, batardeaux, moulins, digues, ponts et chaussées permanentes ou mobiles sur, les rivières navigables el flottables "canaux d'irrigation ou de desséchement généraux.
•
�414
TRAITÉ
soire de tous les travaux qui seraient déjà commencés, jusqu'à ce que l'autorisation soit intervenue.
1065. L'ordonnance de concession sur ces
sortes de demandes n'est point un jugement rendu
en matiere contel1 tieuse, quoiqu'elle ait repoussé
les oppositions qui avaient été formées: elle ne
constitue qu'un acte purement administratif, ainsi
qu'on l'a déjà dit ci-dessus, parce que le gouvernement est souverainement maitre d'accorder ou de
refuser l'établissement d'une usine utile au publi~,
et qu'on ne saurait à cet égard lier son pouvoir
par aucune décision judiciaire: d'où il résulte
qu'une pareille ordonnance ne pourrait être attaquée par le moyen de la tierce opposition,
qui n'est admise que dans les matières contentieuses(l).
'
Mais la voie de l'opposition simple est ouverte
contre les ordonnances rendues en matière purement administrative, pour les faire rétl'acter dans
l'intérêt de ceux qui n'avaient point été entendus
lorsqu'elles ont été rendues: car, aux termes de
l'article 40 du réglement du ?2 juillet lS06,
~( lorsqu'une partie se croil'a lésée dans ses droits
;» ou sa propriété par l'effet d'une décision de
» notre conseil d'état rendue en matière non
» contentieuse, elle pourra nous présenter une
» requête pour, sur le rapport qui nous en sera
)) fail, être l'affaire renvoyée, s'il y a lien, soit à
(1) Voy l'art. 40 du réglement dont il va être parlé.
�DU DoM.AlNE
PUBLIC.
415
)'), une section du conseil d'état, soit à une com» mission (1). »
1066. A ce sujet se présente 'la question de sa·
voir si les propriétaires de la commune de la situa•.
tion, qui avaient déposé au secrétarial de la mairie
leur acte en opposition à l'ordonnance de concession, seraient, par cela seul, non-recevables à en
demander la rétractation par voie de simple opposition, et conformément au réglcmcnt ci-dessus,
ou s'ils devraient y être admis comme' n'ayant pas
introduit pardevant.le conseil d'état un débat posi~
tif dans lequel ils auraient personncllement figuré
en qualité de cause.
Cette question nous paraît résolue par les articles
sllivan ts du même réglemel1t.
L'art. 27 porte que cc les décisions du conseil
» contiendront les noms et les qualités des parties,
» leurs conclusions et le vu des pièces princi» pales.» Il faut donc, pour être considéré comme
ayant été partie au procès, y avoir figuré en nom
dans les qualités de la cause, et y avoit, / pris des
conclusions: ce qui n'existe pas à l'égard de ceux.
qui n'ont fait que former leur opposition au secrétariat de leur mairie ou devant le préfet de leur
département.
Suivant l'article 28, les décisions du conseil ne
doivent être mises à exécution contre llne partie
qu'après avoit' été préalablement signifiées à l'avo(1) Voy. ce réglement au bullet. t. 5, p. 337, 4' série.
�416
T1t1\.lTE
cat au conseil qui a occupé pour elle. Or ceux qui
se sont bornés à déposer, soit an secrétariat de
leur mairie, soit à la préfectqre, leur opposition,
n'ont point eu d'avocat au conseil pour l'y faire
valoir: donc l'ordonnance de concession a été rendue par défaut à leur égard, et ils sont admissibles
à user de la voie de rétractation ouverte par l'article 29'
1067. Quant au fund, l'acte de concession
d'une usine, n'étant jamais consenti par le gouvernement qu'aux risques etpérils de L'impétr{lllt,
peut toujoUl's être modifié ou changé par une nouvelle ordonnance, suivant la gravité des dommages
qui seraient reconnus résnlter de l'établissement
au préjudice de moulins plus anciens ou d'autres
propriétés voisines (1).
(1) Vo.y. à ce sujet l'arr~t du conseil d~ 18 septembre 1807,
dans SIREY, t,l, p. 127; et un autre du 26 avril 1824, dans
MACAREL, t. 6, p. 250.
�417
DU DOMAINE PUBLIC.
CHAPITRE L.
Des cours d'eau naturels ou artificiels servant au roulement
des usines.
1068. C'est à l'administration, c'est-à-dire au
préfet d'abord, sauf recours au ministre, qu'appartient le droit de déterminer la position, et la
direction, et de fixer les dimension et largeur des
canaux et biez des moulins et usines, comme
aussi de régler la hauteur des déversoirs de leurs
éd uses (1) ; et elle ne d'oit porter de décisions à
cet égard qu'à vue des plans de nivellement des
li~I1X, levés pal' les ingénieurs ùes ponts et chaussées, qui ~on t ici ses agen ts pour tout ce qui concerne le matériel ùes localités.
1069. En réfléchissant sur celte matière, plus
intéressante qu'on ne le pense communement, on
reconnait "la lenteur des pr~grès du génie civil
non-seulement par cette foule d'améliorations
qu'un est obligé de faire aujourd'hui dans le tracé
des a~ci~nnes routes pour les rendre plus praticables, mais encore par la manière désastreuse
dont un grand nombre d'usines "se trouvent placées
au bord des rivières, lorsqu'il aurait été' possible
et facile de les disposer autremen t, et avec pins
'
d'avantage."
-----------
------------
(1,) •Voy. le décret du 2 juillet 1812, bullet. t. 17', p. 17,
4- serIe.
TO!lt.
III.
'2.7
�418
THAITÉ
6n voit, en effet, trop fréquemment des usines
établies sur le cours même de la rivière qui leur
sert de· biez; tamli s qu'en considérant les choses
sous le rapport de l'éc"onomie publique, c'est par
des canaux faits à main d'homme, latéralement au
cours naturel, qu'on devrait procéder, en remontant à un point assez élevé pour donne~ à la c~ute
des eaux une force suffisante; et il serait à désirer
qu'il y eût à ce sujet un système prescrit aux ingénieurs et aux préfets pour qu'ils eussent à l'adopter dans toutes les localités où il n'y aurait pas trop
de difficultés à vaincre.
La raison eri est qu'en suivant ce mode de
construction, toute la chute d'eau nécessaire au
roulement de l'usine se trouvel'ait établie dans le
canal; en conséquence il n'y aurait plus nécessité
d'élever dans la rivière, près du moulin, une
écluse qui, en faisant regonfler l'eau, opère sou...
vent des inondations désastreuses.
. 1070. L'établissement d'un canal latéral au
moyen duqctel on voudrait f..'lire , comme nous venons de le dire, la prise d'eau dans la partie supérieure de la rivière à une. distance plus ou moins
éloignée du moulin, peut intéresser les. propriétaires voisins de plusieurs manières, soit en restreignant leur droit d'irrigation sur le bord opposé
de la rivière dont le volume d'eau se trouvera diminué, soit en nuisant à la pêche, qui, pour l'aven il',
n'appartiendra plus qu'au meunier dans son canal, soit enfin par d'autres circonstances de voisinage.
�DU DOMAINE PUBLIC.
419
Nous verrons plus bas si ces inconvénients
peuvent ùonner à ceux qui les souffrent, ùroit à
quelques actions en dédommagement; mais en attendan t, leurs intérêts son t tels qu'ils doiven t être
entendus dans l'enquête de commodo et incommpdo préalable à l'établissement de l'usine, et qui
devrait encore être faite dans le cas même où ilnc
s'agirait que de construire de cette manière un
nouveau canal pour le r01l1ement d'une usine an·
Clenne.
Quelque système, au reste, qu'on adopte SUl'
ce poin t , c'est toujours à l'administration active
qu'appartient exclusivement le droit de régler le
mode de construction et les travaux; c'est à elle
à déterminer l'emplacement et les dimensions du
canal de dérivation, surtout à son embouchure;
c'est i. elle à décider toutes les questions de conve-.
nances locales qui s'y rattachent; c'est à elle, en
J"
l es aperçus dl"
,
un mot, a• ~l1XCI~, uapres
e mgenieur, tout ce qui est à faire pour opérer la prise
d'eau de la manière la plus avantageuse pour l'usine, el la moins dommageable pour le voisiuage.
Elle a pleinement ce droit, puisqu'elle est exclu, sivement chargée de pourvoir à tout ce qui concerne la direction et l'écoulement des eaux, comllle
on l'a expliqué dans le chapitre précédent.
1071. Mais, de quelque manière que le plan
d'établissement ait été conçu, il s'élève souvent
des difficultés entre les propriétaires riverains qui
veillent faire, dans les petites ri vières, des dériva-
"
�420
TltAITli
tions' pour l'irrigation de leurs héritages, et les
meuniers, qui s'y opposent, en soutenant que les
eaux leur sont entièrement dues, sans qu'il soit
permis de leur en soustraire une partie quelconque, à moins qu'il n'y ait du superflu pour eux;
et c'est à rechercher les principes de solution de
ces sortes de contestations que nous allons consacrer ce chapitre.
Pour atteindre notre but, en partant des notions
les plus élémentaires, nous rappellerons d'abord,
comme un point déjà établi plus haut en principe,
que le droit de propriété exclusive ne saurait avoir
ici pour objet le fluide lui-même: car il serait im.
possible de concevoir comment uue eau courante, .
qui s'échappe continuellement, et sans pouvoir
être retenue par au1cune puissance humaine, serait
néanmoius la propriété exclusive d'un meunier on
de tout autre. Le droit de propriété ne pent donc
se rattacher à la masse d'eau qui s'enfuit, et ce
n'est pas là ce qui peut être l'objet direct des prétentions soit du meunier, soit des propriétaires riverains.
Cependant nous pouvons avoir un dl'oit d'usage
sur une chose qui ue nous appartient pas, et qui
même n'appartient à personne; et c'est précisément parce que l'eau 'courante est dans ce dernier
cas, qu'il ne peut être question ici que d'un droit
d'usage exclusivement prétendu par l'nn contre les
autres •.
1072. En effet, d'une part, le meunier sou-
�DU DOMAiNE PUlILIC.
421
tient que cet usage doit lui être dévolu d'une manière absolue, parce qu'il constitue la force motrice
de son usine; que c'en est là une partie tellement
vitale, que sans elle il n'y aurait plus de moulin;
qu'elle doit donc être entièrement à lui, et qu'en
conséquence les propriétaires riverains supérieurs
doivent être exclus de la facuhé d'opérer des prises
d'eau qui lui seraient nuisibles, comme ils le seraiel-lt de la faculté de faire des anticipations sur un
"immeuble ordinaire.
D'autre part, les riverains prétendent que l'eau
courante n'étant dans le domaine exclusif de personne, son usage doit appartenir au premier occupant, soit d'après la loi naturelle, soit d'après la loi
positive; que c'est conformémen t à ce principe que
tout individu qui va puiser de l'cau dans la rivière
s'en attribue légitimement l'usage, à l'exclusion d.c
tous autres; qu'en conséquence ils peuvent, en
qualité de premiers occupants, s'en saisir dans la
partie supérieure à l'usine, pour la diriger sur lems
héritages, COmme principe vivifiant de la végétation.'
1073. Jusque là, COmme on le voit, il n'y a
que le droit d'usage du cours d'eau qui soit en
contestation. Or tel n'était pas l'état de la question
par rapport aux petites rivières, dans le temps de la
féodalité; alors ce droit, ainsi que celui d~ pêche,
étaient considérés, non comme de simples droits
accessoirement inhérentsaux fonds rivcrains;mais
comme des droits de propriété à part, ayant civi-
�TllAfl'É
lement une existence isolée, et appartenant au
seigneur du lieu sans qn'il possédIH aucun fonds snI'
les bords de la rivière; et il arrivait de là que
. c'était le seigneur lui·même qui accordait aux riverains le droit de prise d'eau pour l'irrigation de
leurs héritages, comme c'était encore lui qui con- '
. cédait le droit de cours d'eau à~celui qui voulait
hâtir un mouliu ou autre~usine de cette nature. Si
donc le meunier était devenu seul propriétaire du
cours d'eau, par la concession du seigneur, il avait
nécessairement un titre de prépondérance sur les
riverains pour ne leur laisser prendre, à l'usage de l'irrigation de leurs fonds, que les eaux qui ne lui
étaient pas nécessaires pour le roulement de son
usme.
Mais, quoique l'abolition de la féodalité n'ait
pas absolumen t anéanti, dans:les mains des meuniers, le qroit de cours d'eau des moulins légalement établis sou(cet ancien Ol'dre:de choses, néanmoins nos lois nouvelles ont considérablement
modifié le droit à l'usage des eaux courantes qui
peuvent servir à l'irrigation des terres, puisqu'elles
-l'ont accessoirement rattaché au service des propriétés riveraines: et elles ont pu établir généralement ce nouveau système, eu égard à ce que, par
le droit naturel, l'eau courante ni son usage n'ont
jamais pu être l'objet d'un droit de propriété proprement dite et absolue.
107~. Il résulte de là une conséquence trèsremarquable, et :qui est un point capital en cette
�DU DOM_UNE PUBLIC.
423
matiere, c'est qu'aujourd'hui les contestations 'qui
ont pour objet des droits de cpurs d'eau et d'irriga..
tion ne doivent plus être décidées, même à l'égard
des usines les-plus anciennes, en prenant pour
"base le titre de propriété exclusive qui avait été·
consenti en leur faveur, puisque, d'une part,
l'usage de l'eau courante n'a jamais pu cesser d'être
dans le domaine de la loi, et qne d'autre côté il
est, d'après notre"droit public actuel, accessoirement rattaché aux fonds riverains pou'r servir à
leur irrigation, à la charge de se conformer aux
réglements qui peuvent être fails pour concilier
équitablement les intérêts de tous cenx qui peuvent
y avoir droit ..
Ces poin ts une fois établis, il nous reste à examiner quels doiven t être, d'a près la disposition des
lieux, les droits soit du maître de l'usine, soit des
propriétaires riverains.
,
Or la question peuL se présenter dans quatre hypothèses différentes:
1 ° Si l'usine a été construite sur le cours naturel
de la riviere ;
2° Si elle a été établie sur un bras détaché,
mais naturellement séparé de la rivière;
3° Si, quoique construite près de la rivière, elle
n'est mise en mouvement que par les eaux coulant
d~ns un canal fait à main d'homme, et que ce
canal ait conservé sa direction et sa forme primitives;
4° Si ce canal artificiel n'a pas conservé ses djrection et forme premières.
�TRAITÉ
1075. PREMIÈRE HYPOTHÈSE.-Lorsqu'une
usine a été construite sur le bord du lit naturel de la rivière, en aval de l'écluse qui traverse le
cours d'eau pour l'élever, et le prépipiter ensuite,
par l'ouverture des vannes, dans le courant intél'ieur, où il va mettre en mouvement les l'dues, on
doit la considérer comme étant sans canal particulier dans sa partie supérieure, ou plutet comme
d 'autre cana 1 que la '
.. eIle-meme:
•
n 'ayant
nVlere
or
le sol de ce canal ne peut appartenir au meunier,
pas plus que le corps de la rivière qui coule audessus, puisque le tout appartient au domaine
public, ainsi que DOUS l'avons établi au chapitre 39;
Et de là il faut conclure:
lOQue le meunier ne peut se prévaloir ici d'aucun droit de propriété foncière, ni être cotisé au
rôle de la contribution immobiliaire à raison du
cours d'ean dont il s'agit, puisque ce cours d'eau
ou ce c:anal n'est autre chose que la rivière ellemême, qui n'est pas cotisable, et qui ne lui appartient ni quant au sol, ni quant à l'eau courante. Il
devra seulement être imposé pour son usine;
1076. 2 0 Que les propriétaires riverains de la
partie supérieure restent absolument sous la règle
du' droit commun pour l'usage d'un élément qui
n'appartient à personne, et qu'ils peuvent jouirpleinement des droits que leU!' accorde l'art. 644
du Code, de faire, par des rigoles, des prises d'~au
pour servir à l'irrigation de leurs propriétés, encore
�DU DOMAh"'E PUBLIC.
425
qne le roulement de l'usine puisse en souffJ;ir,
parce qu'ils sont les premiers occupants à l'égard
d'une chose' dont l'usage appartient à tous.
Vainement opposerait-on, de la part du meunier, qu'eJ;l ohtenan t la permission de construire
son usine, il a par là même obtenu la concession
exclusive de son cours d'eau, et que des-lors il
n'appartient plus à personne d~y portel' atleinte :
car ces sortes de concessions n'out toujours lieu
que sauf les droits d'irrigation, puisque l'art. 645
du Code civil le veut ainsi, pour l'intérêt de l'agriculture (a) ;
1077. 3° Q'ue, du moment que l'eau :courante
d'une rivière est destinée aux usages de tous ceuX.
qui sont à parlée de s'en servir sans qu'elle soit la
propriété e"ic1usive de personne, cet usage appartient certainement au maÎlre de l'usine comme aux
riverains, et même dans une mesure natureHemen't
plus large, soit parce que ses hesoins sont plus
étendus, soit parce qu'en construisant son écluse,
et en élevant par ce moyen les eaux dans le cou.[s
de la rivière qui est au-dessus, il a facilité l'irrigation des propriétés supérieures; et qu'il ne faut
pas qu'il ait travaillé pour elles sans construire
aussi et principalement pour lui-même; d'où il
résulte qu'alors le meunier peut à son tour invoCa) Cet alinéa portait e nO 1077 dans la première édition, et
celui ci-après, formant actuellement ce numéro, dépendait du
présent nO 1076.
�426
TRAITÉ
quer l'arl. 64b du Code, portant que, s'il s'élève
une contestation entre les propriétaires auxquels
les eaux peuvent être utiles, les tribunaux, en
prononçant, doivent concilier l'intérêt de l'agriculture avec le respect dû à la propriété; et que,
dans lous les cas, les réglements particuliers ou
locaux sur le cours et l'usage des eaux doivent être
;observés.
1
1078. Mais ce que J'on vient de dire n'est applicable qu'à la cause de ceux qui seraient restés
dans les tc"rmes du droit commun: car, s'il y avait
eu entre le meunier et les propriétaires riverains
~une convention par laquelle ceux-ci auraient renoncé, en favenr de l'autre, à la faculté de faire des
prises d'eau dans la rivière, ou de n'yen pratiquer
que~pendant queJque temps ou saisons de l'année,
une pareiJ1e transaction devrait être exécutée, et
les tribunaux ne pourraient manquer de J'ordonner
amSl.
1079. Il en serait de même encore si, sans
qu'il y eût eu de convention expresse entre les
parties, le meunier avait fait un acte de contradiction judi~iaire , ou formé en justice une opposition
·à la prise d'eau des riverains, et que ceux-ci s'en
fussent ensuite abstenus pendant trente ans; alors
ils seraient censés avoir renoncé à leur droit, qui
se trouverait éteint par la prescription (1).
1080. SECONDE HYPOTHÈSE.-Si, comme on
(1) Voy. sous les nO' 982 et 983.
�DU DOMAE'Œ PUBLIC.
'427
l'a annoncé, le moulin, au lieu d'être construit sur
le lit unique de la rivière, avait été établi sur un
bras produit soit par l'affaissement naturel dn
terrain, soit par la qualité plus meuble du sol qui
aurait permis aux eaux de s'y frayer un passage,
soit parce que une He s'étant formée au milieu du
lit, l'aurait divisé en deux bras, on devrait alors
appliquer à cette hypothèse tout ce que nous avons
. dit sur la précédente, parce qu'il n'y aurait toujours
}"a qu un cours.d' cau naturelqUI,
' n "etanta, personne,
doit profiter à tous, et dont le sol dépend du do-maine public.
10St. Le meunier ne serait pas fondé à soute. nir que le bras sur lequel son usine est construite
doit lui appartenir comme en formant nne partie
accessoire, parce que il n'a pas pll, par le fait de ses
conlitructÏons, changer le caractère de ce bras qui
est aussi naturel que l'autre, le détacher du domaine public et se l'approprier exclusivement; ses
-droits et sa position doivent être identiquementles
mêmes que si son moulin se trouvait sur le cours
unique d'une rivière naturelle.
1082. TROISIÈME HYPOTHÈSE. -C'est celle
'où il serait reconnu que le canal de l'usine aurait
été creusé de main d'homme, et aurait conservé
sa direction et sa forme primitives (a).
(a) C'est à cette espèce de canal que s'applique particulièrement la dénomination de hief ou hiez; ces mots écrits dans
les vieux manuscrits hie, bye, biel, hoire, hier, héal, viennent
. de ceux de la basse latinité hiezium, hierum, hedum, hedalC',
�428
TRAITÉ
Ici la cause du meunier se présente sous un tant
autre aspect: car on doit, jusqu'a la preuve contraire, considérer le canal comme lui appartenant
exclusivement, soit quant au sol du fond, soit
quand aux bords contenant les eaux, attendu que,
comme ledit Henrys, le moulin ne pouvant exister
sans prise d'eau, le canal qni lui porte sa force
motrice doit être réputé partie intégrante de l'usine, puisqu'illlJi donne la vie, et qu'il en constitue 1 éellement la partie essentielle (a).
hecium, et paraissent dérivés du celte Br, courir, couler, ou de
la contraction gascone via aquœ (Ducange , Court de Gebelin ;
Glossaù'e de la langue romane, par Roquefort J. Suivant
quelques autres étymologistes, ils tireraient leur origine de la
forme du canal, qui esl celle d'une bierre ou d'une auge.
(a) Voici le passage même d'Henrys (Recueil d'arréts , suite
du liv. 4. question 149): « Comme un moulin ne peut être
» moulin sans sa prise d'eau, il s'ensuit aussi que la prise d'eau
» 1ln est une part nécessaire, une parti· intégrante et presque
" la principale, puisq le, sans elle, le moulin serait inutile.
» D'où il faut pareillem"nt infért'r que le béaI ou canal qui con» (luit l'eau au moulin, n'est pas seulement un simple accessoire
» ou dépendance, mais plutôt c'en est une portion inséparable,
» et qui, prise conjointement avec les bâtiments, ne fait qu'une
» même chose. Par conséquent, que celui qui est propriétaire
" du moulin, l'est aussi du béaI ou canal qui conduit l'eau.
» Que le sol lui appartient et qu'il faut croire qu'avant de
» bihir le moulin il s'est assuré de la prise d'eau et du pas» sage d'icelle. Que c'est un droit primitif et qui a dû être le
» premier dans l'exécution, aussi bien que dans l'intention, parce
» qu'en effet celui-là serait ridicule qui, après avoir édifié un
» moulin, chercherait où prendre l'eau et où la faire passer. 11
» faut donc que cela précède, et il s'e'n doit Assurer, et c'est
�429
DU DO:'tIAlNE PUBLIC.
A la vérité, un canal, quoique fait à main
d'homme" n'en reste pas moins dans le haut do" pourquoi le béaI et l'endroit où il passe est toujours censé
Il joint au moulin ·et appartient au maître.
A l'appui de cette doctrine, l'auteur cite deux arrêts du Parlement de Paris) l'un du 13 décembre 1608, par lequel le voisin d'un cours d'eau qui demandait à être maintenu dans le ·e.roit
d'y faire une prise pour l'irrigation, en qualifiant lui-même ce
cours d'eau de bief de moulin, fut déb!luté de sa prétention; ct
l'autre, du 15 juillet 1656, qui .enjoignit à un sieur Allard de
boûcher les ouvertures faites du côté de son pré, le long du béaI
ou canal qU:i conduit les eaux aux moulins de Berardier j toutefois Henrys ajoute lui-même que ces décisions « furent rendu~s
sur des enquêtes et des descentes de lieux, et par conséquent que
ce fut plutôt quœstiofactiquam juris; ce qui \l'empêche pas
son commentateur Bretonnier, après avoir transcrit le texte de ces
arrêts, d'ajouter: « L'auteur rapporte ici deux arrêts qui. ont
". jugé que le propriétaire du moulin est réputé propriétaire du
canal par où passe l'eau qui le fait moudre.
. ,Cette présomption de droit a été admise par la plupart des au·
teurs anciens et nouveaux, notamment par Lacombe ( Dictionn.
de jurisprudence, 'obo ealtI, 1i0 2); - Lapoix de Fréminville
(Pratique des terriers, tom. 3, chap. 4, question 38) ; - Bannelier sur Davot (Traités de Droit fiançais à l'usage de la
Bourgogne, tom. 3, p. 300, nO 71) ;-Chenilly sur Pesnelle (SOltS
l'art. 209 de la Cout. de Normandie); - Curasson ( Traité de
la compétence des juges' de paix, 2" édit. ~ tom. 2, p. 284 et
288)j - Merlin, dans son Répertoire de jurispr., vbis moulins,
§ 12, et bief, où il dit: « Si le canal était pratiqué de main
Il d'homme, dans l'héritage d'autrui, le propriétaire de cet héritage pourrait-il regarder cet aqueduc comme une servitude?
" La négative ne doit pns souffrir de difficulté: le maître du caliaI serait censé propriétaire du terrain même où il aurait été
Il construit...
Enfin, par 1\'1. Pardessus ( Traité des serlJitudes,
l)
l)
l)
l)
l)
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l)
�430'
TRAITR
r
mai ne de état, quand il a été destiné à un ser_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _---" 1
nO 111), qui, après avoir enseigné que les propriétaires voisins
d'un ruisseau ou canal naturel peuvent faire des prises d'eau'
pour l'irrigation de leurs héritages, continue en ces termes :'
" .•..Mais nous pensons qu'il en devrait être autrement, si l'eau
" {raveriait l'héritage intermédiaire dans un canal construit de
" main d'homme, qui ne serait pas la propriété de celui à qui
" cet héritage appartient; son héritage ne toucherait pas immé" diatement l'eau; il en serait séparé par l'épaisseur du canal;
" il ne pourrait en user, c'est-à-dire y faire des prises slins eo" treprendre sur les bords de ce canal qui ne sont pas sa pro" priété. »
De nombreux arrêts sont venus confirmer cette théorie i on
peut voir à cet égard celui de la Cour de Colmar du 12 juillet
1812 (Sirey, 14-2-6), ceux des 28 novembre 1815, 9 décembre
1818, 14 août 1827, 3 mai 1830 et 5 juin 1832, rapportés
au recueil de Dalloz (année 1816, pag. 79; 1819, pag. 32;
1827, pag. 468; 1830, pag. 233, et 1832, pag. 371); eeux
de la Cour de Paris des 12 février 1830 (Journal du Palais,
86, pag. 412), et 24 juin 1834 (Dallo.z, 35-2-95), et de
la Cour de cassation, des 2 novembre 1815 (Sirey, 16-1-374),
et 14 août 1827 (S., 28-1-188). La Cour de DiJon, qui a été appelée une des premières à se prononcer sur la question, l'a aussi
constamment résolue dans le même sens; parmi ses plus anciennes décisions, on citera celles des 22 août 1810, entre les
sieurs Febre-James et Maire; et 10 janvier 1821 , entre le sieur
Prat et plusieurs habitants de Plombières.
Cependant des adversaires ont élevé la voix; parmi eux,
M. Daviel, en son excellent Traité des cours d'eau, nOS 833 et
suivants, a prétendu que dans un cours d'eau il fallait distinguer deux: choses, l'eau proprement dite, considérée comme
fluide constituant la force motrice des usines, ct le canal ou
espèce de vase allongé qui la contient et dans lequel elle passe
et se renouvelle sans cesse; il pense que le droit à l'usage des
�DU DO~ÜJNE l'Ullue.
431
vice public, comme sont les canaux de navigation
eaux est toujours un accessoire de l'usine, et que c'est à ce droit
seul que s'applique, dans toute sa force, le raisonnem~nt
d'Henrys et auteurs subséquents, savoir, que le constructeur
de l'usine, avant de la hâtir , a du s'assurer de la prise d'ealt
et du passage d'icelle, en sorte que l'existence de l'usine emporte la présomption, au profit de celui qui la possède, du droit
absolu à l'usage de l'eau nécessaire à son roulement; mais
qu'il en est autrement de )a propriété du canal lui-même
composé du sol qui en fait le fond et de ses bords; qu'il ne
suffit pas d'établir qu'il a été creusé de main d'homme, dans
l'intérêt de l'usine, pour démontrer qu'il est la propriété du maître
de cette usine; qu'il n'y a pas de présomption de droit portant qu'un aqueduc ouvert dans les fonds d'autrui est nécessairement la propriété de celui au profit duquel il a été creusé;
que l'art. 552 du Cod. civ. en pose une toute contraire; qu'il
a suffi que le constructeur du moulin se soit assuré de la prise
de l'eau et d'un passage pour l'amener sur ses roues, mais 'lu'il
a pu se procurer ce passage aussi bien à titre de servitude qu'en
achetant le sol même; qu'à défaut d'actes qui résolvent la question d'une manière précise, il n'y a pas plus de raisons pour
supposer une acquisition de propriété qu'une acquisition de
servitude, et que même on doit admettre seulement l'établissement d'une servitude; car, dans le doute ( et d'après la règle
semper in ohscuris qllOd minimum est sequimur, 1. 9, ff. de
reg. juris) , il faut présumer plutôt un simple asservissement
qu'un démembrement du fonds (M. Duran/on, tom. 5 , nO 240).
- Que c'est ainsi qu'en 1786, les entrepreneurs de la première
branche du canal des Alpines ont traité avec les propriétaires
sous la condition expresse « qu'ils n'acquerraient que la
" faculté de passage desdites eaux, et que la propriété tant du
" plat-fonds dudit canal que des douves restait en entier au prolO priétaire de la terre, qui pourrait, en usant de son droit de
Il propriété, planter, cultiver lesdites douves, sans néanmoins
�432
'1'ILAITF:
intérieure: Si fossa manu facta sit, per fJ.uam
» les affaiblir ni préjudicier audit canal.. .. " Que dans la loi 4,
if. si servitus vindicetur) Vlpien pose en principe que les ca~aux qui traversent l'héritage d'autrui appartiennent, quant
au tréfonds, au propriétaire de cet héritage: Loci corpus non
est dominii ipsizts cui servitus debetur. Et que Romagnosi dans
son traité si estimé en Italie: Della condotta delle aqlle) enseigne que si un canal de déri"ation vient il tarir, le lit appartiendra à celui dont il traverse l'héritage. -Que lors donc
qu'il s'agit d'un canal même artificiel traversant les fonds appartenant à d'autres qu'au propriétaire de l'usine, il n'y a point
de présomption abso~ue de propriété pour le maître de celle-ci
(Arrêt de la Cour de Bourges du 4 mars 1834 , contre lequel
le pourvoi a été rejeté le 13 janIJier 1835, Dalloz) 35-1154); et par suite il n'y a pas interdiction absolue de l'usage
des eaux pour les riverains; que seulement le premier, ayant
droit aux eaux nécessaires au roulement de son usine, peut s'opposer à toute disposition qui diminuerait son volume alimentaire, ou lui deviendrait nuisible d'une manière quelf.:onque;
mais que, sous la réserve de ces droits, les riverains peuvent
employer les eaux Il leur passage, de même qu'ils peuvent recueillir to.us les autres produits utiles tels que le droit de pêche,
celui de couper les roseaux, de planter le long des bords, etc.
(Arrêts de la Cour de Rouen du 21 février 1825. - Journal
des arrêts de cette Cour) tom. 1or, pag. 227; et de la Cour
de caSJation du 21 décembre 1R30; Gaz. des Trib. du 7 janIJier 1831). - Que lorsqu'il s'agit notamment d'un moulin
construit par un ancien seigneur, il faut rechercher si la coutume, comme celle de Normandie l art. 206), ne lui donnait
pas le droit de changer le cours naturel des rivières traversant
son fief, en le faisant passer sur les terrains de ses vassaux,
sans avoir besoin de les acquérir, et en vertu de son seul droit
féodal; que dans ce cas les représentants actuels de ce seigneur
n'auraient évidemment pas plus la propriété du canal dérivé
que celle de la rivière naturelle, p\lisque le canal n'aura)! été
�433
DU DOMAINE PUBlJC.
jluit publicum jlumen, nihilominàs publica
ajnsi établi que par suite de la puissance féodale aujourd'hui
abolie.
Nous ajouterons que lorsqu'il est évident qu'un canal a été
creusé de main d'homme à raison soit de sa direction rectiligne,
soit des rejets de terre apparents sur ses bords, il faut encore
distinguer entre le cas où il est unique, c'est-à-dire où il est le
seul lit par lequel la rivière suive son cours, et celui où la rivière dont il a été dérivé continue à subsister parallèlement et
sert, sous le nom impropre de fausse-rilJière, il faire écouler
la portion d'eau que ne peut contenir le canal artificiel.
Dans ce dernier cas, la dérivation doit être présumée n'avoir
été faite qu'en faveur de l'usi~e qu'elle met en mouvement, et
ainsi en former une dépendance nécessaire à titre soit de pro.
priété, soit de servitude, tandis que dans le premier il n'y a
qu'une simple rectification du cours d'eau opérée dans l'intérêt
de la contrée, pour éviter des inondations ou dans celui des
propriétaires riverains qui ont voulu rendre il l'agriculture
l'emplacement occupé par les sinuosités; ici rien ne fait penser
que c'est le maître de l'osine qui a acheté les terrains nécessaires au redressement, il est plus naturel de croire que ce sont
les riverains qui ont travaillé sur leurs propres fonds après
avoir fait entre eux les échanges convehables; là au contraire
le propriétaire de l'usine a seul eu intérêt à créer ce double
cours et à se procurer, au moyen d'uue dérivation, une chute
d'eau qu'il n'aurait point trouvée dans le lit naturel. Dans la
première hypothèse, la rivière, quoique rectifiée, n'en est pas
moins naturelle, il ya eu seulement substitution au lit primitif
d'un autre lit ayant le même caractère et la même nature; dans
la seconde, il Y a eu création d'un nouveau lit et adjonction à
celui naturel d'un autre entièrement artificiel. La circonstance
qu'un canal est évidemment creusé de main d'homme n'est'
donc pas seule suffisante pour le faire déclarer une dépendance
exclusive de l'usine construite sur ses bords: c'est ce qui a été
'}'Ol\'[. III.
28
�'l'lUITÉ
.fit; et ideo" si quid iM fiat, in flumine puhlico factum videtur (1); mais ici, le canal
n'ayant été établi que pour le service particulier
du moulin, on doit nécessairement le considérer
comme en formant la dépendance essentielle et indispensable,car, soit que le constl'Ucteur l'ait creusé
sur un terrain qui lui app'lrtenait antérieurement,
soit qu'à l'époque de la constrnctiop même, et
pOUT pouvoir l'exécuter, il ait été obligé de l'acquéril' préalablement d'un tiers, peu importe,
puisqu'il était dans la nécessité de s'en rendre
propriétaire ou de renoncer à son entreprise.
Le canal fait à main d'homme pour la conduite
des eaux sur les roues d'un moulin constitue donc
une partie intégrante de l'usine; et la vérité de
celte proposition n'est pas seulement fondée sur les
principes du raisonnement, elle l'est encore sur le
texte positif de l'article 523 du Code civil, qui veut
que les tuyaux servant à la conduite des eaux dans
une maison ou autre héritage soient considérés
comme faisant partie du fonds au sel'vice duquel ils
sont attachés.
1083. Mais un canal ne peut pas exister sans
avoir des bords, et les bords qui en font partie
doivent appartenir au maître du canal, c'est·àdire au maître de l'usine, parce que celui qui est
décidé avec beaucoup de raison par un arrêt de la Cour suprême du 25 mai 1840 (S., 40-1-631), confirmatif d'une dé.cision de la Cour de Nancy, et qui sera rapporté dans une
note subséquente, pag. 442, infrà.
(1) L. 1 , § 8, If. de flwninihus, lib. 43, tit. 12.
�DU DOl\1.AlNE PUBLIC.
435
propriétaire d'une chose est aussi propriétaire exclusif des diverses parties qui la composent Ca).
Ca) La présomption de propriété d'un espace de terrain de
.chaque côté d'un canal artificiel au profit du maître de l'usine
cst encore plus susceptible d'être contestée que celle de la propriété du canal. N'aurait-il pas suffi en elfet à çelui qui même
aurait acheté la pleine propriété du sol destiné il être o.ccupé
par l'eau, de s'être pr9curé à titre de simple servitude le droit
de passer sur les bords du canal et d'y jeter le produit du
curage sans avoir en même temps acheté des. portions de terrains qui ne peuvent lui présenter aucune autre utilité et (pli,
laissées aux riverains, continueraient à être cultivées sans trop
de perte avec le surplus de leurs héritages? La loi dernière,
ff. fin. regllnd., invoquée par M. Proudhon, n'est applicable
qu'au cas où le propriétaire d'un fonds veut creuser un fossé sur
son extrême limite; on ne concevrait pas alors qu'il achetât de
son voisin une servitude consistant il avoir le droit de faire
ébouler une partie de ses terres; voilà pourquoi on doit présumer qu'il s'est retiré sur lui d'un espace égal à la profondeur de'
son fossé; mais quand on établit un canal de dérivntion d'une
grande longueur il travers les terres d'n'utres propriétaires, ce
qui ne peut se faire qu'au moyen Je conventions avec eux,
pourquoi admettre qu'on aura acq\lis plus qu'il n'était nrcessaire? Les lois Il, § 1, If. comm. prœdior., et 4 Cod. de itin.
ac/ugue priv., citées plus loin, n'accordent au maître d'UD
aqut·duc que le droit, c'est-à-dire la simple sel'vitwle de cireuler et de déposer sur ses bords les matétia tix riécess'l ires à Il,!.
construction ou il la réparatiun. En fait, d'ailleurs, les choses
se passent presque toujours ainsi; avant l'arrêt de la Cour de
Dijon, du 22 août 1810, on n'avait jamais entendu parler en
BOUl'gogne de francs-bords à titrc dc propriété, quoique cependant Bannelier, coiUOle Oll l'a dit dans une note précédente,
admit la présomption de propriété du hief artificiel. Indépendamment de l'exemple du canal des Alpine., cité dans la mêmé
�436
TRAITÉ
Reste à savoir quelle largeur on devra leur supposer en l'absence de tout titre à cet égard.
note, et de celui des étangs de Maison-Dieu, dont on parlera
plus bas, on indiquera ce qui a cu lieu pour l'établissement des
fontaines publiques de Dijon. La ville ayant à dériver, par un'
aqueduc en maçonnerie de 12695 mètres, l'eau d'une source, .
s'est bornée à acquérir, des possesseurs des 543 parcelI~s qui
devaient être traversées, la propriété tréfoncière d'un espace de
deux mètres de largeur avec diverses servitudes de passage, de
dépôt de matériaux, de prohibition de planter et de hât,ir à une
certaine distance de chaque côté, mais sans aeheter à grands
frais la propriété même de francs-bords, et en laissant au contJ:aire -aux 'cédants celle superficiaire d'un mètre d'épaisseur,
au-dessus de la voûte de l'aqueduc. Quand l'usage le plus
ordinaire, on dira même général et exclusif, est d'agir de la
sorte, pourquoi supposer qu'autrefois et à uue époque où l'on
prenait moins de précautions qu'aujonrd'hui, on aurait, outre le
sol du/canal même, acquis encore des terrains de droite et de
gauche? ne doit-on pas plutôt présumer la servitude? Lorsqu'une fenêtre est ouverte du côté du terrain d'autrui ou qu'un
àrbr(est planté près de la limite d'un fonds, admet-on que le
maître de la maison ou du fonds est aussi par cela seul propriétaire d'un espace de 19 décimètres ou de 2 mètres au-delà de sa
fenêtre ou de son arbre, sur le motif qu'aux termes des art. 671
et 678 du Cod. civ. , on ne peut prendre des jours ou efl'ectùer
des plantations qu'à ces distances? en pareil cas on ~'en tienf
à la présomption d'une simple servitude acquise conventionnel.'
lement ou par prescription.
Aussi les auteurs sont-ils loin d'admettre unanimement la
propriété des francs· bords en faveur du maître de l'usine.
Merlin, tout en reconnaissant cette propriété, la restreint singulièrement par la définition qu'il donne du bief: ;, On appelle
» bicz, dit-il (Répertoire, Vo moulin, § 12), la partie du ruisseau'
» qui est la plus proche de la roue. C'est un canal formé de
�DU
DO~IAlrli
pUBue.
437
En .admellant que le canal ail été creusé par le
.. batardeaux de maçonnerie qui. joint immédiatement le mouIl lin, et dans lequel l'eau est plus resserrée afin qu'elle ait plus
.. d'action. " Telle est aussi l'opinion de M. Daviel, nO 837,
où il s'explique ainsi: " A défaut de chaussées arlificielles, si
.. le propriétaire du moulin avait fait relever, palissader. les
Il berges, s'il y avait fait planter des arbres aquatiques, s'il
avait exclusivement exercé le droit de pêche dans. le. cours
If d'eau, ;ce seraient autant d'indices de propriété. Mais si sa
.. possession sur les ber.ges se bornait à y avoir déposé, au mo.. ment des curages, les terres jeclisses qui en proviennent, il
Il avoir passé sur ces .berges pour opérer ces curages et couper
» les roseaux, ces actes et autres de celte nature ne seraient
». pas assez caractéristiques pour qu'il en résultât la preuve de
." la propriété des francs-bords. - Si donc le propriétaire de
» l'usine n'a, pour s'attribuer la propriété des bords, que la
» possession de l'eau, sa prétention doit être repoussée, les ri~
.. verains qui ont seuls .recueilli jusqu'à l'ean les p.rodnits du
» sol, ont ainsi acquis ou conservé 'la propriété des bords.
Il Chacun doit être maintenu dans le droit qu'il a conservé par
» sa possession. »
Curasson, dans son utile et pratique Traité de la Compétence
.des juges de paix> avait d'abord enseigné (tom. 2, pag. 220
.de la 1re édition) qu'à moins de titre ou de possession contraire,
le propriétaire du canal ne peut prétendre sur les bords qu'à
un droit de servitude pour l'usage qui lui est nécessaire, et si,
dans sa 2 e édition (tom. 2, pag. 285), il' paraît revenir sur
cette opinion, il est loin d'être affirmatif, et convertit en quelque sorte le point de droit en nne appréciation de faits.
Il D'après l'ensemble des arrêts, dit-il, cette question semble» rait abandonnée à l'arbitrage des tribunaux, suivant les cir» constances; cependant la présomption que l'auteur du Trailé
" du Domaine public fait résulLer de l'existence du canal arti,,' ficiel est considêrable; quoique cette présomption ne soit
l,
�438
meUDleJ'
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TltAITf:
:l
travers un terrain acquIs pour celte
écrite dans aucune loi, toujours est-il qu'elle sort de la
nature même des choses j celui qui a fait l'acquisition d'un
terrain pour creuser le canal, étant présumé avoir laissé un
certain espace pour. l'usage, l'entretien de son canal, et afin
d'empêcher l'éboulement des pr.opriétés riveraines. ~
Selon M. Duranton ( Droit fiançais> tom. 5, nO 240), la
présomption, non-seulement en ce qui concerne les francs-bords,
mais aussi relati vement au canal lui-même, serait en faveur de
la simple servitude, parce ql,le, dans le doute il vaut mieux
adopter l'opinion qui imposera une charge moins pesante.
Quoique Dubreuil (Anab'se de la législation sur les eaux>
édit. de 1842, nO 164, tom. 1, pag.'.291) admette, d'après
Henrys et Pecchius, lih. 2, cap. 11, nO. 10, que celui qui a
droit d'aqueduc doi,:"~., jusqu'à preuve du contraire, être réputé propriétaire du béaI ou canal construit à main d'homme
destiné à l'exercice de ce droit, il paraît ne point accorder de
francs-hords à titre de propriété et nc permettre de plantations
sur les bords qU'ill\til~~t qu'elles ne nuisent pas au fonds traversé par le canal.
La jurisprudence des tribunaux sur cette question n'est pas
moins incertaine.
D'un côté, comme on l'a déjà dit, la Cpur de Dijon a constamment jugé que le propriétaire d'un biez creusé à main
d'homme est aussi propriétaire des rivages ou francs-bords.
" Considérant, porte son premier arrêt, en date du 22 août
.. 1810, entre Febvre-James et Maire, que l'imagination se
.. refuse à concevoir qu'un Liez artificiel ait été et puisse être
" creusé sur toute la longueur de la propriété de l'individu qui
.. a fait ou qui ferait établir ce biez j - qu'il faudrait en effet
.. supposer, 1° que cet iJldiviùu pourrait extraire par une ou
" par les exlrémilés du canal toutes les lerres provenant du
" creusement, ou qu'il obtiendrait, soit de gré à gré, soit par
" autorité de justice, la faculté d'en faire Je dépôt ou la trait~
�DU DûMAIN1:\ PUULIC.
439
destinulion, la règle, dans les cas ordinaires,
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sur ou par les propriétés limitrophes, quelles que fussent CCi
propriétés; 2° que les deux bords du biez seraient naturellement disposés et arrangés de manière à contenir l'eau nécessaire au roulement de l'usine, sans aucun exhaussement ou
nivellement, sans écluse, ni déversoir, et sans qu'en aucun
temps les eaux puissent nuire aux héritages contigus; 3° que
les propriétaires riverains souffriraient que l'on fît couler l'eau
le long de leurs héritages, sans aucun terrain intermédiaire,
quand bien même ces héritages seraient clos par des murs;
4° que jamais il n'y aurait ni éboulemeut ni affouillements qui
nécessiteraient des réparations et même des murs de soutènement; réparations et murs que l'on ne saurait faire ou édifier
que sur les propriétés riveraines; 5° enfin que jamais encore
le biez n'aurait besoin d'être curé, ou que le propriétaire serait autorisé il déposer sur les héritages de ses yoisins les
boucs, sables, pierres, etc. , qui proviendraient du curage;
toutes suppositions inadmissibles; - qu'aussi n'existe-t-il
aucun biez d'usine quelconque qui. ne soit desservi par un
rivage ou trottoir, à moins que le propriétaire ne l'ait cédé
ou laissé prescrire en tout ou en partie; - qu'il est par conséquent certain qu'à s'en tenir au droit commun, Febvre tst
bien fondé à récll!lJl~r une chaussée le long des bords de son
biez...... »
Les arrêts subséquents ne sont pas moins explicites. « Considérant, dit celui du 14 juillet 1812, dans l'affaire de Mme de
Chateauvieux contre Challguyon, que celui à qui appartient
un bief ou canal est non-seulement propriétaire du sol sur
lequel l'eau coule, mais encore des deux bords de ce même
biez ou canal; - que ce point de droit est fondé sur l'opinion
de graves auteurs, sur plusieurs textes de droit écrit, et enfin
sur la jurisprudence de la Cour; - qu'enfin la supposition
contraire serait vraiment absurde, parce qu'il en résulterait
que le propriétaire du canal ne pourrait en approcher, soit
�·,,"0
l'JlArJE
aurait été <le laisser de chaque côté un espace
)) pour le curer ou le nettoyer, soit pour y faire les réparations
que ce genre de propriété exige, soit pour y pêcher. »
Semhlahles principes dans les arrêts Vaillant de Savoisy,
contre Nodot-Ballay; Perret et Prat, contre Chapuzot et divers
propriétaires de Plombières (10 jaDv~er 1821); Noël, contre
Quantin, etc. , etc.
Plusieurs autres. Cours ont admis la mêm.e presomption;
voyez les arrêts de celle de Paris, des 12 février 1830 ( S ., 302-138), et 2.4 juin 1834 (S. , 35-2-233), et de Toulouse du
30 janvier 1833 (S., 33-2-379).• Considérant, porte l'arrêt
» du 2" juin 1834, que la propriété d'un canal ou bief fait de
» main d'homme, pour conduire l'eau à un moulin, établiten
même temps la propriété des herges ou francs-hords du hief,
" sauf:1 régler leur largeur. » ~nfin la Cour de cassation ellemême, rejetant le pourvoi contre un jugement au possessoire
qui, sans preuve spéciale, maintenait le propriétaire d'un
hief dans la possession des berges à titre d'accessoire du canal,
a rendu, le 23 novembre 1840 (S. , 41-1-158), ,un arrêt
ainsi motivé : « Attendu que le jugement attaqué décide que
» Bernard avait, sans contestation, la possession annale du
» moulin et du canal dont il s'agit au procès, et que par suite
» il devait être présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir aussi
» la possession des francs-hords dudi't cana] qui en sont les
>l accessoires.... Attendu qu'en maintenant, dans ces circons» tances, Bernard dans la possession du moulin et de ses dé>l pendances, le jugement attaqué n'a fait qu'appliquer les lois
• de la matière..... »
D'un autre côté, des décisions non moins nombreuses et
imposantes, ou n'accordent qu'une simple servitude de passage
et de jet des terres provenant du curage, ou n'admettent qu'une
présomption de nature à être comhattue et facilement écartée,
ou même vont jusqu'à exiger qu'elle soit appuyée par des
preuves directes.
Un arrêt de la Cour de Bordeaux du 23janvier 1828 (S.,2R»
)J
�DU DOMAINE PUBlle.
d'une largeur au moins égale à la profondeur
2-104) reconnaît seulement au profit du propriétaire d'un canal artificiel, le droit de passage sur les fonds riverains pour le
curer, et 'celui de jeter sur ces fonds le produit du curage,
alors surtout que les possesseurs de ces héritages limitrophes
sont les représentants du vendeur même du moulin.
Par son arrêt du 4 décembre 1838 (S., 39-1-253), la Cour
de cassation motive ainsi le rejet du pourvoi contre un arrêt de
la Cour de Paris qui avait accordé des francs-bords: " Attendu
" que l'arrêt attaqué déclare que dans l'espèce le franc-bord
" réclamé par la dame Papillon est un accessoire inJispensable
." de l'usine et de son canal, accessoire dont l'aliénation de la pro" priété bordant le canal n'a pas dépossédé l'usine; que la Cour
royale de Paris n'a pas jàndé cette décision sur un principe
" général et absolu, mais sur une appréciation de titres et de
." faits qui lui appartenaient souverainement, et qu'en cela la" dite Cour n'a pu ni faussement appliquer ou interpréter l'ar" ticle 546 du Code civil, ni violer les âutres dispositions du
Il Code invoquées par le demandeur. '"
Dans une autre espèce, la Cour de Nancy avait écarté la prétention aux francs-bords par les motifs" que le canal est un
" bras naturel de la Meuse, canalisé par les propriétaires des
" usines; que les bords de ce cours d'eau naturel font partie in" tégrante des propriétés qui l'a"voisinent; qu'à la vérité la chausIl sée litigieuse a été établie par les propriétaires des usines pour
" retenir les eaux à une époque qui se perd dans la suite des
» temps, et que les droits de ces propriétaires sont assurés par
» une possession immémoriale, de telle sorte que la fabrique (pro" priétaire riveraine) doit souffrir tous les travaux de réparation
" et de consolidation, et s'abstenir de faire aucune prise d'eau
" pour l'irrigation de sa propriété; mais que les propriétaires
» des usines n'ont pas pour cela la propriété de la chaussée;
" qu'ils ont seulement un droit de servitude sur cette chaussée,
" qui, étant sut la prairie de la fabrique, reste la propriété de
)l
�442
du fossé
TfuUTÉ
Si scrobem joderit J quantùm pro-
.. cette dernière, avec d'autant plus de raison que la fabrique a
.. fait acte de propriété, en récoltant les herbes percrues sur
» ladite chaussée, tandis que les appelants n'y ont fait que des
travaux de réparation ... Le pourvoi contre cet arrêt a été
rejeté par la Cour de cassation le 25 mai 1840 (S., 40-1-631),
en ces termes: « Attendu que l'arrêt attaqué déclare en fait que
» le cours d'eau dont il s'agit n'est pas un canal artificiel fait
,. de main d'homme pour les usines des demandeurs "mais que
» c'est un bras naturel de la Meuse; que la conséquence légale
» de ce fait est celle déduite par la Cour royale que les bords de
» ce éours d'eau faisaient partie intégrante des propriétés rive» raines, sauf les droits acquis aux tiers par titres ou par pres» cription; - que les demandeurs n'invoquaient aucun titre, et
» qu'il n'a pas été établi qu'ils eussent joui exelusivement, à
» titre de propriétaires, pendant le temps suffisant, pour acqué» rir la prescl'iption des bords du cours d'eau sur lesquels ils
.. prétendaient avoir droit de propriété; - que dans ces cir.. constances, en rejetant leur prétention à cette propriété, la
.. Cour royale a fait une juste et régulière application des prin» cipes de la matière, et n'a pas violé les lois invoquées...
Un arrêt plus récent de la même Cour, du 22 février 1843
(S., 43-1-418), semble éviter de consacrer une présomption
légale en cette matière, « attendu, porte-t-il, que l'arrêt atta.. qué pour adjuger aux héritiers Missiessy la possession du
.. bord est du canal, s'est fondé sur les faits et sur les cir.. constances particulières de la cause, et qu'il n'a violé aucune
li loi, Rejette. ..
La plus positive des décisions de la Cour suprême dans le
sens favorable aux propriétaires riverains est celle qu'elle a rendue le 13 janvier 1835 (S., 35-1-278), en rejetant le pourvoi
contre un arrêt de la Cour rte Bourges du 4 mars 1834, qui
avait décidé qu'à défaut de titres, le propriétaire du canal, s'il
ne porte aucun vestige de chaussées, ne peut prétendre sur les
)l
�DU D01\YAr.rom PUllLlC.
funditatis habuerit, tantù';L spatii relinquirives qu'à la servitude nécessaire pour le curer et déposer les
vases qui en sont extraites; voici en effet les motifs de cette décision: « Attendu que l'article 546, Code civil, ni aucun autre
» du même Code, n'établissent la présomption légale de la
» propriété des francs-bords d'un canal artificiel en faveur du
» propriétaire de ce canal; qu'il ne résulte des termes de l'ar» ticle 546 qu'une présomption simple qui, de sa nature, cède
" à la preuve contraire; et qu'en décidant que le demandeur
» (le propriétaire du moulin) n'avait pas prouvé son droit
" de propriété sur les 9 pieds de terrain par lui réclamés sur
" les bords de son canal, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi.
" - Rejette. II
Nous ne savons ce que la Cour a entendu par la présomption
simple qu'elle admet en faveur du propriétaire du canal, puisqu'elle ajoute immédiatement pour justifier le rejet du pourvoi
de ce proprié~ire contre la décision qui lui avait refusé des
francs-bords, qu'il n'avait pas prouvé SOIl droit de propriété
sur l'espace latéral de terrain par lui revendiqué. En effet, si la
présomption admise était celle connue en droit sous le nom de
prœsumptio juris tan{ùm, elle aurait eu., aux termes de l'article 1352 du Code ci vil, pou,," rçsultat, de le dispenser de tout
autre preuve, ct par suite de mettre la preuve du contraire à la
charge des riverains. li faut que la Cour suprême ne reconnaisse
ici qu'une simple présomption hominis inadmissihle, suivant
l'art. 1353 du Code civil, dans les cas où la preuve testimoniale ne peut être reçue.
Dans ce conflit de graves autorités, nous serions assez disposé
. à n'attribuer au propriétaire du canal ou hief construit de main
d'homme, la propriété même des francs-hords que dans les limites et sous les restrictions posées par Merlin et par M. Daviel,
et pour le surrlus à ne lui reconllaître, d'après la maxime in obscuris, id quod semper minimum est sequimur, qu'un simple
droit de servitude dans les termes des lois Il, § 1, if. comm.
�4t.f.
TltAlTÉ
to (1). Cela· est absolument de rigueUl' pOUl' les fossés
de clôture lorsque les parois, au lieu d'être inclinées
sous un angle de 45 degrés, sont à pic ou perpendiculaires, parce qu'autrement le voisin.auraitlieu de
se plaindre de ce qu'en creusant trop près du bord.
de son terrain, on en provoquerait l'éboulement;
mais à l'égard d'un canal d'usine, on sent que cette
largeur de bords ne serait qu'une protection ~ien
insuffisante pour la garantie des héritages voisins,
attendu que le cours d'eau qu'on vient y illtro·duire sera une cause perpétuelle d'affouillements
et de dégradations. ponr ces fonds. Il faut d'ailleurs que le propriétaire de l'usine puisse aller et
venir le long de son canal pour le visiter et en re, 1ements, ce
connaltre etat; et, d" apres nos reg
A
}' ,
prœd., et 4, Cod. de itin. actuque priv.; droit qui consiste seulement à passer et repasser pour visiter et manœuvrer les
écluses, à curer le canal, à en déposer les sables et vases sur
les bords, et à faire tous autres travDUX d'entretien et de réparation destinés à faciliter le cours des eaux. Il nous paratt que
c'est aller trop loin que d'accorder dans tous les cas la pleine
propriété d'uu espace de deux ou trois mètres de large sur toute
la longueur d'un canal de dérivation qui a quelquefois 3 ou 4
kilomètres de développement, ainsi qu'il en existe de nombreux
exemples. C'est, nous en avons l'intime conviction, dépasser
dans les dix-neuf vingtièmes des espèces où la question est agitée,
l'intention originaire des parties, et étendre abusivement des
conventions dont, par l'effet destrncteur du temps, la preuve
ne nons est pas parvenue.
(1) L. ult., tr. .finium regundorum, lib. 10, tit. 1.
Cette disposition est attribuée à Solon.
�· DU DOMAINE PUBLIC.
445,
seul marchepied ne pourrait déjà être estimé à
une largeur moindre de treize décimètres. Mais il y
a pIns: il faut que le propriétaire du moulin fasse de
temps à autre curer son canal, et qu'il puisse, lors
de cette opération, rejeter sur les bords les déblais
provenant du curage: Item ut spatium relinquat
mihi dominus lundi ~ quo, dextrtl et sinistrd ,
ad rivum adeam, et quo terram ~ limum ~ lapidem~ arenam~ ca/cem jacere possim (1): or,
quand il n'y aurait que celte mesure d'entrelien et
d'administration à exécuter dans un canal, qui est
toujours d'une certaine dimension, et dans lequel
les, eaux déposent continuellemenl de la vase, on
comprend qu'il faut ici un emplacement d'une largeur tout autre que celle qui serait nécessaire le
long d'un fossé ordinaire; et l'on comprend encore
que, quand le conslructeur de l'usine a voulu acquérir le terrain de son canal, il était d'un intérêt
majeur pour lui de se rendre propriétail'e de largeurs latérales suffisantes pour pouvoir y prendre
toulesses aisances; comme il était aussi de l'inté_
rêt non moins pressant pour le vendeur d'en aliéner assez pOlir en recevoir le prix plutôt que de
voir le surplus de sa propriété gratuitement soumis
il des seryitudes aussi onéreuses que celles qu'on
vient de signaler (a).
-
(1) L. 11, § 1, ff. communia prœdiorum> lib. 8, tit. 4;
vide et 1. 4, ff. de itinere actuque prirato > lib. 13, tit. 19.
(a) La largeur des francs-bords doit. être déterminée d'une
�446
l~MTÉ
1084. Si l'on part d'une autre hypothèse, et
qu'on suppose que le constructeur de l'usine ait
été autrefois lui-même propriétaire du terrain à
travers lequel son canal a été creusé, on devra
encore procéder d'une manière plus large dans l'estimation des bords qui doivent lui rester; parce
qu'étant, dès le principe, pleinement maître de se
réserver tout ce qui pourrait lui être utile, on doit
manière iuffisante, non-seulement pour maintenir l'eau et en
q\lelque sorte pour former les bords d'un vase, mais aussi pour
faciliter l'exercice des droits de passage, de curage, de pêche,
d'endigage, etc .. « Apparet autem ex sequenlibus, dit Vinnius,
Il sur le § 4 des Institutes de rerum divisione, ripam non
" tam angustè, ut nonnulli faciunt, accipiendam esse pro
Il crepidine aut labro amnis.... Sed aliquanto laxiùs pro spatio
Il inter (lumen et vicina prœdia interjecto. " Par ses nombreux
arrêts sur la matière, la Cour royale de Dijon a constamment
accordé selon les circonstances, de un mètre 30 centim. à un
mètre 95 ctnt. de largeur.
Dans une des espèces rapportées en la note précédente, la
Cour de cassation a, par arrêt du 4 décembre iR38 (S., 39-1253), statué ainsi qu'il. suit: « Attendu que la Cour royale de
" Paris, en fixant à deux mètres de largeur des francs-bords
» que lei experts n'avaient pas jugé à propos de déterminer,
» et en indiquant dans les motifs de l'arrêt attaqué, que le canal
" n'avait pu s'exécuter qu'en laissant la distance d'usage entre
» les bords dùdit canal et la propriété des voisins, n'a point
» dépassé la limite de ses pouvoirs et n'a point contrevenu aux
» dispositions de l'art 7 de la loi du 20 avril 1R 10, rejette. "
L'importance du hief, sa profondeur, et l'étendue du rejet
des terres encore apparent, sont à prendre en considération en
pareil cas; tout ce qui est couvert par les terres provenant du
creusement doit être répnté une dépendance du canal.
�DU DOl\WNE PUBIlC.
447
croire qu'cu aliénant, par la suite, le surplus de
son fonds, il se sera conservé à lui~même de larges
francs-bords pour servir aux aisances et à l'administration de son canal et de son usine (a).
(a) L'auteur décide ici implicitement, ou plutôt regarde
comme ne pouvant donner lieu à aucun doute une question
souvent controversée, mais toujours résolue dans le sens qu'il
indique, savoir que quand le canal artificiel et les terres dans
lesquelles il est crcusé ont anciennement appartenu au même
maître, les francs-hords sont censés avoir été cédés en pleine
propriété au possesseur de ce canal, qui n'a pas seulement droit
à une servitude de passage.
Un arrêt du conseil d'état, du 26 mars 1812 (Sirey, Jurisp1'1ld. du cons. d'état, t. 2, pag. 40), par application du droit
d'interprétation des ventes de biens nationaux, avait dès cette
époque décidé, « qu'on ne peut pas raisonnablement supposer
" que l'intention de l'administration ait été de vendre les talus;
'l d'un hief aux adjudicataires des prairies, puisqu'alors, comme
" aujourd'hui, ces talus étaient ahsolument nécessaires pour la
li jouissance du canal.
li
Depuis, la Cou de Dijon a constamment adopté la même
solution, conséquence d'ailleurs presque nécessaire de sa jurisprudence sur la propriété des francs-hords en général; en effet,
si le maître du canal est réputé maître ahsolu d'un espace latéral
de terrain à l'égard des riverains qui ne tiennent pas leur droit
du même auteur, la présomption est encore plus forte lorsque
le tout a originairement été dans la même main, que la division
se soit opérée par l'effet d'un partage, ou d'une vente, d'ahord
de l'usine et ensuite des héritages voisins ou vice versâ, en
premier lieu de ceux-ci et en second ordre du moulin et de son
hief; voici deux arrêts dans des affaires où nous avons consulté
et plaidé. Des sieurs Beaune et consorts, propriétaires de la terre
de Gissey, vendent, le 18 janvier 1824, à un sieur Bertrand,
un moulin et ses dépendances, faisant partie du domaine; plus
�448
TRAITÉ
Concluons donc que tout canal fait à mam
tard, et le 29 avril 1835, ils transmettent aU sieur Abram un
pré de la contenance de près de 3 hectares joignant, est-il dit,
le hiefdu moulin; des difficultés Il'élèvent par rapport à l'irrigation entre ce dernier et le sieur Barbier, acquéreur de Bertrand; - 29 juin 1835, jugement du tribunal de première
instance de DiJon, qui déclare « que les francs-bords du moulin
.. de Gissey, le long du pré d'Abram, sont la propriété de
" Barbier, en tant qu'ils sont une dépendance dudit moulin
» pour retenir les eaux: du bief, pour y déposer les produits
» quelconques du curage et les matériaux nécessaires aux ré» parations, pour y abandonner sans indemnité les terres et
» boues retirées du bief, pour y passer et repasser à pied, vi!iter
» les bords du bief et faire toutes réparations nécessaires à l'u» sine et ses dépendances, enfin aller librement lever et fer» mer les vannes de décharge; - que néanmoins Abram a droit
» à ces francs-bords pour en percevoir à sou profit tous les
» produits utiles naturels ou industriels sans les détériorer, et
» de plus à une indemnité toutes les fois qu'il sera empêché de
jouir de ces fruits par les dépôts de pierres, sables ou matériaux autres que les terres et boues provatant du curage or" dinai~e; ordonne que les pierres, les sables, les matériaux et
» eu général toutes les substances nuisibles à la culture, que
Barbier aurait déposés ou serait obligé par la suite de déposer
» sur lesdits francs-bords, seront enlevés à ses frais dans le
» plus court délai possible, en passant d'abord sur les francs» bords si cela est praticable, sinon sur le pré d'Abram, tou» jours aux saisons où le passage sera le moins dommageable,
" à charge d'indemniser Abram des torts et dommages que les
dépôts prolongés sur les francs-bords et le passage pour les en·
" lever pourra occasionner; - dit qu'Abram a droit de conserver les rigoles d'irrigation pratiquées sur les francs-bords du
bief le long de son pré; de se servir de ces rigoles et d'ar»~ roser son pré avec l'eau prise dans le bief toutes les fois que
l)
l)
l)
l)
l)
l)
�DU DOMAINE PUBUC.
449
d'homme doit, en l'absence de titres contraires,
.. cet arrOliement ne pourra porter allcun préjudice notable au
" roulement de l'usine; qu'il sera obligé de tenir ses rigoles
" habituellement fermées, sans déperdition des eaux du bief,
l> et ne
pourra les ouvrir pour l'arrosement qu'après avoir
,. averti le possesseur du moulin à titre de maître ou de ferl> miel'; qu'il ne pourra au surplus pratiquer cet arrosement
.. que dans le temps et selon le mode qui sera ultérieurement
l> déterminé par une expertise, et qu'il ne pourra jamais, sauf
.. le cas de méëhanceté, forcer les possesseurs du moulin à rel> mettre l'eau dans le bief quand il sera nécessaire qu'il soit
,. vidé d'eau en tout ou en partie pour les réparations à faire
l> au moulin et à toutes ses dépendances; ordonne que l'indem'! nité il payer, par Barbier, pour dépôts accidentels sur les
l> francs·bords de choses impropres ou nuisibles à la culture
" ou aux produits naturels de ces francs-bords, et pour le
l> passage nécessaire pour les enlever, demeure compensé dès à
.. présent et pour l'avenir avec l'indemnité à payer par Abram
l> pour pouvoir exiger l'eau nécessaire à l'arrosement de son
.. pré.... » Suit une nomination d'experts à l'effet de déterminer
notamment le mode d'arrosement du pré.
Ce jugement qui, comme on le voit, supplée dans le partage
pur et simple de la propriété opéré par la vente du 18 janvier
1824, des conventions déduites de l'intention présumée du
vendeur et de l'acquéreur, ayant été frappé d'appel par les
deux partics, il est intervenu, lc 20 janvier 1837, un arrêt qui
l'a réformé en ces termes: « Considérant qu'il est de droit
» commun que la propriété du canal ou bief d'un moulin eml> porte celle d'une certaine étendue de terrain vulgairement
» appelée.francs-bords> nécessaire pour les réparations du ('an~l,
» le dépôt des terres provenant de son curage et la plantation
» d'arbres destinés à prévenir l'éboulement des terres; - que
» la vente du moulin de Gissey avec ses dépendances> faile à
l> Bertrand, comprend implicitement la vente des francs-bords
TOM.
Ill.
�450
l'IUlTÉ
être, de plein droit, réputé appartenir an proprié':
taire de l'usine; que les francs-bords de ce canal
du hief ou canal de dérivation étahli pour ledü moulin, et
qu'il eût fallu une clause expresse pour les retrancher dc
II ladite vente j retranchement qui aurait été contre toute raison,
" si l'on n'eût pas réservé sur le terrain formant les francs-hords,
II des servitudes dont l'usage aurait rendu leur jouissanc presII que nulle j que cette clause restrictive n'existant pas dans
II l'acte de vente, il faut revenir à la règle générale qui est que
» les francs-bords sont présumés de plein droit l'accessoire du
II bief j qu'il résulte des enquête et contre-enquête, qu'il
II existait sur les rives du hief et sur une certaine longueur
II des arhrf's, des ronces, des épines et des dépôts de terre qui
II y rendaient la croissance de l'herhe à peu près de nulle vaII leur; que l'enlèvement de ces herhes par le fermier ou le
" propriétaire du pré ne peut être regardé que comme une toII lérance; qu'en un mot il ne résulte des enquête et contre-enII quête
rien qui puisse autoriser à décider que les francsII bords n'étaient pas une dépendance du bief, et qu'ils n'ont
Il pas élé compris dans la vente faite à Bertrand. ConsidéIl rant que l'usage commun en Bourgogne est de fixer la largeur
II des francs-hords à 6 pieds, ancienne mesure, ou un mètre 95
II cent., à partir de la rive du hief; que dans le silence du contrat
» de venle cet usage doit être suivi •.. ' Il
Vne décision semblable, quant au corps du canal lui· même ,
quoique différente eu ce qui concerne les frilncs-hords à raison
de circonstances particulières, a été porlée dans l'espècesuivanle:
Les moilles de Citeaux, propriétaires de la terre de Maison-Dieu,
d'où dépendent six étangs, ont établi, en 1484, un canal de
près d'un myriamètre de longueur, à l'effet d'y amener l'eau
qui devait les alimenter. Pour la partie qui traverse la commune
de Saint-Aubin, ils avaient acquis de M. de "ienne, seigneur de
ce lieu, la propriété même du sol du canal sur une largeur de
dix pieds, avec simple faculté de rejeter le produit du creult
II
�DU DOMAINE PUBLIC.
451
lui appartiennent de même; et que, pOUl' estimer
justement leur largeur, il faut y comprendre de
sage et des curements sur les bords; quant à la portion traversant des bois leur appartenant, ils y avaient seulement creusé
le callal sur les dimensions de la pal,tie supérieure. Les étangs
de Maison-.Dieu ayant été vendus nationalement en 1792, aucUlle stipulation ne fut faite relativement au canal traversant
les bois conservés par l'Etat; M. Hernoux, à qui ces étangs appartiennent aujourd'hui, aynllt prétendu à la propriété du canal,
un procès s'éleva devnnt le tribunnl civil de Benune qui, sous
le bénéfice du consentement prêl~ par l'Etat de bisser écouler
par le canal en question l'cau nécessaire à l'alimentation des
étangs, le renvoya de la double demande de M. Hernoux,
tendante à obtenir tnnt la propriété même du cnnni SUl' une
largeur de 3 mètres 33 cent. , que des frnncs-bords de 2 mètres
de large sur chacune des rives; cette décision est motivée sur cc
que dans la vente nationale la pl'opriété du sol n'a point été
mentionnée, ct sur cc que si M. Hernoux a droit au cours d'eau
pour l'alimentntion d'étangs qui lui ont été vendus en cette
nature, la simple servitude d'aqueduc lui suffit pour obtenir
cette eau.
Appel. - Le :3 juillet 1841 , arrêt dé la première chambre de
la Cour royale de Dijon, qui confirme le jugement en ce qui
concerne les francs-bords, triais le réforme en accordant il
M. Hernoux ln propriété même du canal sur une largeur de
3 mètres 33 cent.
La question a été encore résolue, d'après les mêmes principes,
par l'arrêt ci-après de la Cour de Paris, du Il avril 1837, sur
lequel est intervenu celui confirmntif de la Cour de cassation
du 4 décembre 1838, rnpporté plus haut, pag. 441, en note:
Considérant que, dans l'espèce, il est coIislnnt que le proprié" taire ori~innire du moulin du Breuil a été en même temps
» propriétaire et du cnnal et des terres qui le bordent; que la
» dlvisiou du fonds en diverses mains n'a pas dénaturé l'lltl
�452
TRAITÉ
chaque côté une étendue de terrain assez considérable pour pouvoir satisfaire COll venablemenl à tous
les besoins qu'on vient de rappeler.
1085. Ce premier poin t, une fois décidé, la
conséquence. immédiate qui en résulte, c'est que
les propriétaires riverains du canal ne peuvent y
pratiquer aucune. rigole pour l'irrigation de leurs
fonds. Cette entreprise serait égalemen t condamnée
soit par les lois anciennes, soit par le Code, qui ne
veulent pas qne, même sous prétexte d'irrigalion,il
soit permis à l'un d'entamer la propriété de l'autre.
D'une part, en effet, si la loi romaine décide
que les eaux des rivières doivent servil' à l'irrigation
des fonds adjacents: Aquam de .flumine publieo
pro modo possessionum ad irrigandos agros
dividi oportere ~ elle ajoute immédiatement que
cela ne doit avoir lieu qu'autant qne pOUl' l'exécuter il n'y aurait aucune entreprise faite sur le
terrain d'autrui: Item rescripserunt aquam
ita domum permitti duei ~ si sine injuria alterius fiat (1); or les propriétaires voisins du canal
ne pourraient y pratiquer des rigoles pour amener
les eaux sur leurs héritages sans entamel' matériellement les francs-bords, qni sont la propriété du
Il sine toujours existante, et par conséquent ne l'a pas dépos" sédée de ses accessoires indispensables à son maintien, à moins
Il de clauses et conditions spéciales écrites qui ne se rencontrent
" pas dans la cause..•. déclare la veuve Papillon propriétaire
Il de son franc-bord ..•.. Il
(1) L. 17, fT. de servit. rllstic. prœd., lib. 8, tit. 3.
�DU OOl\'WNX pUllue.
453
meumcr : donc ils ne son t pas admissibles à le
faire.
D'autre part, l'anicle 644 du Code civil ne permet aux propriétaires de s'emparer de l'eau courante pour servir à l'irrigation de leurs héritages
qu'autant que leurs fonds bordent le cours d'eau
lui-même; or les voisins du canal d'une usine ne
sont pas dans cette position lorsque ce canal a été
fait à main d'homme, et qu'il conserve sa direction et sa forme primitives', puisque alors on doit
toujours admettre, entre le cours d'eau et leurs
héritages, des francs-bords d'une consistance quelconque qui appartiennent au meunier, et qui suffisent pour qu'on doive dire que leurs fonds ne
bordent pas l'eau courante: donc il résulte également de la disposition de la loi nouvelle que ces
propriétaires n'ont pas le droit d'irrigation.
1086. A ces principes de droit on oppose communément, pardevant les tribunaux, des moyens
qu'on fait dériver de la possession. Les propriétaires voisins du canal ne manquent pas d'alléguer,
que souvent ils y ont fait des prises d'eau pour
l'irrigation de lélurs prés; que lenrs fonds s'étendent jusqu'au canal mêm~; que toujours ils ont
poné leur possession jusque-là, soit en fauchant
les herbes jusqu'au bord de l'eau, soit en plantant
jusque-là des saules ou autres arbrisseaux dont ils
ont de même joui exclusivement; qu'en couséséquence ils sont dans les termes du Code, qui
pernlel la prise d'cau au propriétaire dont les héri-
�l'RAITÉ
tages en bordent le cours. Nous devons donc en.
core examiner la question sous ce non veau poi n t de
vue qui est celni du, possessoire, en faisant, bien
entendu, abstrac.lÏon de tous titres, dont les dispositions doivent toujours et en premier lieu être exécutées.
1087. En remontant aux principes de la matière, il Ya ici deux choses à remarquer, l'une en
fait, l'autre en dro\t.
En (fût) il est certain que le propriétaire qui
exploite son moulin n'a pas moins la possession de
Son canal que de son usine; que, propriétaire simultané des deux objets, et ne jouissant de l'un que
par le moyen de l'autre, s.a possession, en tan t
qu'elle s'applique à la propriété, est également in.
tégrale et continue à l'égard soit du canal, soit dn
surplus de l'usine.
En droit) il est constant que deux on plusieurs
personnes ne peuvent solidairement posséder la
même chose; E.2: contrario piures eamdem rem
in solidum possidere non possunt. Contra naturam quippè est ut càm ego aliquid teneam)
tu quoque id tenere videaris. L'uu pent bien
avoir une jouissance précaire d'un droit d'usage ou
de servitude sur un fonds dont un autre est possesseur; mais il serait aussi impossible de concevoir que la même possession fût simultanément à
deux, que de les concevoir debout ou assis l'un et
l'autre identiquement dans la même place; Non
magis enim eadem possessio apud duos esse po-
�DU DÛMAll'iE PUllLIC.
455
test, quàm ut tu stare videreris in eo loco in quo
ego sto ; vel in quo ego sedeo, tu sedere videaris (1). On doit donc considérer le meunier comme
n'ayant jamais cessé d'être seul en possession, et
par conséquent d'être seul propriétaire du canal de
son moulin et des francs-bords de ce canal, puisqu'on suppose que rien n'a été changé dans la direction et la forme primitives de cet ouvrage; et
toute la question se réduit à apprécier à leur juste
valeur les droits de sel'vitude que les propriétairel'
voisins prétendent y avoir acq'lÏs.
1088. Ils opposent, en premier lieu, qu'ils ont
recueilli ou fauché l'herbe des francs-bords, que
même ils y ont planté des saules et arbustes jusque
sur le bord de l'eau, et qu'ils ont paisiblement joui
de ces divers objets depuis pIns de trente ans;
mais, en supposant qu'à cet égard leur possession
n'ait point été une chose de simple familiarité de
leur part, ou de pure tolérance de la part du
meunier, qui n'avait qu'un intérêt minime à y
mettre obstacle, dans cette hypothèse-là même il
ne leur sera jamais permis de prétendre au droit de
prise d'eau pour l'irrigation de leurs héritages, cal'
on peut avoir le droit de recueillir de l'herbe et de
planter des arbres sur un t.erraiu sans en être propriétaire; il faudrait cependant qu'ils le fussent
devenus pour qu'ils pussent entamer le sol même
par des rigoles d'irrigation. Or il est impossible que
(1) L. 3, § 5, if. de acquirend. poss., lib. 41, tit. 2.
�456
TRAIn!
par des faits semblables ils parviennent à prouver
leur propriété foncière vis-à-vis le meunier, qui n'a
jamais cessé de posséder et le canal et ses francsbords en tout ce qui tient à leur destination natul'elle, consistant à lui conserver et à lui amener le
volume d'eau dont il peut avoir besoin; comme il
serait absurde encore d'admettre qu'en coupant des
herbes ils eUSSe\lt acquis le droit à une tout autre
servitude, qui serait celle de pratiquer des rigoles
dans le cana), pour en tirer l'eau, et la faire servir à l'irrigation de lems p.'és, al1,X risques d'arrêter
le moulill.
Et ce qu'il faut remarquer encore, o'est que
cette prétention au droit d'irrigation est d'autant
moins fondée et même raisonnable, que, si le canal n'avait pas été creusé par le meunier, les fonds
voisins n'auraient jamais été rapprochés du cours ,
d'eau, et que ce n'est bien certainement pas pour
leur utilité que l'entreprise a été faite.
1089. Les propriétaires riverains se prévalent
aussi de ce qu'ils ont pratiqué des rigoles d'irrigation sur les hords du canal du moulin, pour prétendre avoit' acquis le droit de continuer cet usage
à l'avenir, comme ils en ont joui par le passé.
Sans doute, partout où il y aurait des aqueducs
visibles et permanents, et étahlis depuis trente ans
ou plus, la prescription acquisitive de la servitude
devrait être admise (art. 689 C. c.) ; mais lorsqu'il
11'a été pratiqué sur le sol que quelques petites
tranchées qui disparaissent et s'effacent dans l'in-
�DU
DO:rvlA.I~E
PUBLIC.
1.. 57
tervalle d'nne saison à l'autre, les magistrats qui
ont à décider la question doivent apporter une attention toute particulière dans l'appréciation des
qualités et circonstances de la possession invoquée
par les riverains. Par exemple, si c'est seulement
de nuit que ces propriétaires se sont emparés d'une
partie des eaux du canal, leur possession, n'étant
que clandestine, n'a pn leur acquérir aucun droit;
le défaut d'ouvrages d'art et de fossés visibles et
permanents pour la formation des rigoles d'irrigation rendra leur possession équivoque et sans continuité suffisante.
Mais surtout leur prise d'eau, quoique publiquement faite sous les yeux et an vu et su du meùl1Ïer, ne pourra les conduire à rien, si elle n'a eu
lieu que dans les saisons des grandes eaux, en
.utiJisan t tout ou partie de ce qui excédait les besoins
de l'usine, parce qu'alors il n'y aura eu, dans une
pareille jouissance, qne familiarité, tolérance et
esprit de bon voisinage de part et d'autre; ce qui
ne peut encore serviJ' de fondement à l'acquisition
d'un droit de servitude Ca).
Il en serait autrement si les riverains avaient
pratiqué des rigoles d'irrigation malgré le propriétaire de J'usine, et en lui résistant, et que, depuis
un acte de contradiction judiciaire, notifié de part
ou d'autre, ils eussent continué leur jouissance
(a) Voyez à cet égard un arrét de la Cour de cassation, du
11 avril 1843 (8.,43-1-798).
�458
TRArrt~
pendant trente ans, parce qu'alors il ne serait plus
possible de dire que leur possession ne serait que
précaire et n'aurait eu que la tolémnce pour fondement (a).
(a) L'autenr, comme on le voit, pose en principe absolu, que
les l iverains d'un bief artificiel dont les francs-bords sont réputés appartenir au maître de l'usine ne pellvent par au<:un acte
de possession acquérir au moyen de la prescription, soit la
propriété de ces francs-bords, soit même, à moins de contradiction, la servitude de prise d'eau pour l'irrigation de leurs
propriétés.
Cette rigueur de principes a été longtemps appliquée par les
tribunaux, qui déclaraient ainsi les francs-hords imprescriptibles. Dans un arrêt du 30 janvier 1833 (S., 33-2-379), la
Cour royale de Toulouse le dit d'une manière très-explicite:
« Attendu que les sieurs Depeyre ne produisent aucun titre
Il de propriété; qu'ils veulent seulement établir des faits possessoires, non sur le moulin, n' sur le lit même du canal
" d'arrivage, mais sur les francs-bords, et s'attribuer ainsi la
" propriété des francs-bords à l'aide de la prescription trente" naire. - Attendu que la possession à r effet d'acquérir la
" propriété par la prescription, doit apoir été non-seulement
" continue, mais encore exclusipe de la part de celui qui veut
" s'en prépaloir, ce qui ne se vérifierait pas dans l'espèce,
" puisque, dès qu'il est reconnu que le sieur de Lordat n'a pas
" cessé de jouir du canal d'nrripage, il a nécessairement joui
" aussi des francs-hords sans l'usage desquels il n'aurait pu
" entretenir le canal et alimenter son mouhn; d'où il suit que
» la preuve offerte devant les premiers juges, et à laquelle les
" sieurs Depeyre ont joint de nouveaux faits devant la Cour,
l> doit être rejetée avec d'autant plus de raison que certains des
" faits articulés n'auraient pour cause qu'une simple tolérance,
" et que d'autres, tels que les prises d'eau, alléguées devant
la, Cour et pour la première fois, ne constitueraient, s'ils
t)
t)
�DU DOMAlNIi PUBLIC.
459
1090. QUATRIÈME HYPOTHÈSE. - Il s'agit
du cas où il serait reconnu que le canal de l'uétaient établis, que de simples droits de servitudes dont il ne
Il peut être question dans le procès actuel. -Attendu que les
" sieurs Depeyre ne prétendaient à la propriété des arbres ex" ploités par le sieur de Lordat, qu'en soutenant que leur
» propriété s'étend jusqu'au fil de l'eau du canal, et qu'ils ne
Il se disaient propriétaires des francs-bords sur lesquels étaient
Il radiqués les arbres dont il s'agit, que comme ayant acquis
Il par la prescription la propriété desdits francs-bords; mais
Il que cette prétention se trouvant mal fondée, comme cela
» résulte des motifs ci-dessus, toute vérification des lieux deI! vient inutile.... »
La Cour de Paris avait statué de même dans une affaire où
le riverain demandait à prouver qu'il avait con~tamment joui,
depuis plus de 30 ans, publiquement, paisiblement et sans
trouble, non-seulement des berges et des arbres qui y sont
plantés, et des herbes, rose:lUX et autres produits qui y croissent, .
en plantant et éh,'gant les arbres, en coupant et récoltant les
herbes et rosea1).JÇ, mais encore de la moitié du lit du canal, en
y exerçant le droit de pêche par lui-même ou en l'affermant à
un tiers. - " Considérant " porte son arrêt à la date du 24 juin
li 1834.( $,. , 35-2-233), que les faits articulés n'établissent et
Il ne peuvent établir une possession exchlsive et à titre de pro» priété de ces francs-bords, puisque le propriétaire du moulin
Il en avait la possession animo domini, par la conduite de l'eau
Il il laquelle le fond et les bords de ce canal servaient sans
Il interruption; mais que ces faits articulés constituent seuleIl ment des actes de simple tolérance et de bon voisinage... »
La jurisprudence de la Cour de Dijon a eu sur ce point
plusieurs variations; dans l'affaire Febvre-James, contre Maire,
son arrêt du 22 aont 1810. « Considérant que Maire prétend
Il que, depuis plus de 30 ans avant l'instance, il a joui des
Il extrémités de son jardin le long du biez jusqu'à l'eau; que
li
�460
TRAITÉ
sine a été originairement établi à main d'homme,
mais où il serait visible aussi qu'il n~aurait pas
les faits de jouissance qu'il articule annoncent qu'il les a
exercés animo domini, et sont très-suffisants pour acquérir et
.. établir la prescription; qu'aux termes de l'art. 2224 du Cod.
.. civ., la prescription peut être opposée en tout état de cause,
.. même devant les Cours. - Ordonne que Maire prouvera
.. que, pendant 30 ans avant l'instance, il a joui des bords
aux extrémités de son jardin du côté du hiez jusque contre
» l'eau, soit en les cultivant, soit y plagant des pierrailles et
.. déblais dudit jardin, soit par des plantations d'arbres, arbustes, et la récolte des fruits de ceux qui en portaient, soit
» en y coupant l'herhe, sauf preuve contraire. »
Il en fut encore de même par l'arrêt du 22 mai 1822, qui
autorisa les héritiers Marion à prouver que, depuis plus de 30
ans, ils avaient récolté les herbes et tondu les saules croissant
sur les francs-hords du hief de M. de Boulongne.
Cependant, peu avant ce dernier arrêt, des principes contraires avaient commencé à prévaloir; ils se trouvent déduits
avec heaucoup de développements dans l'arrêt déjà cité, du 10
janvier 1821, entre Perret et Prat et certains hahitants de Plombièrei : « Considérant, portent les motifs, que si, en thèse gé» nérale, toutes les choses qui peuvent être dans le cOJllmerce
» sont prescriptibles, il est néanmoins vrai de dire que les faits
» de possession capahles d'opérer la prescription peuvent va» riel' suivant les objets anxquels ils s'appliquent, et qu'ils doi.. vent être d'une nature plus expresse, plus particulière et plus
.. positive lorsqu'il s'agit de prescrire les francs-bords d'un hief
" artificiel; qu'en effet, la destination primitive et principale
li de cette espèce de propriété étant de contenir les eaux, de
» servir de passage, de faciliter les réparations, le curage du
" hiez et le dépôt des matériaux en provenant, la propriété de
" cette languette de terrain est présumée rester entre les mains
» du propriétaire du biez tant qu'il exerce et peut exercer ces
»
»
)l
)l
�DO
DO~[AlI'Œ
PUBLIC.
461
conservé sa direction et sa firme primitives.
Ce qui indique le mieux qu'un canal a été fait
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
»
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~)
"
"
"
»
"
"
"
lJ
"
"
»
différents actes pour lesquels a eu lieu la destination définitive
de ce terrain, et tant qu'on n'a pas porté un obstacle réel à
l'exercice de ces droits; que par èonséquent, pour prescrire
ces Lords, il faut des actes qui aient dénaturé le terrain, empêché réellement et constamment l'exercice des droits auxquels le propriétaire les avait destinés j que c'est déjà en ce
sens seulement que la Cour avait admis la possibilité de la
prescription dans l'affaire Febvre-James; que dès-lors, en
admettant que les bords d'un biez artificiel sont prescriptibles,
il Y a lieu néanmoins de décider que les sim pIes faits de possession qui n'auraient ni nui au propriétaire de l'usine dans
l'intérêt de l'usine, ni mis obstacle à l'exercicc des usages
pour lesquels les francs-bords avaient été primitivement destinés', ne peuvent être capables d'opérer la prescription, et
qu'il ne faut admettre comme tels que les faits qui, en portant
une atteinte réelle et soutenue à cette destination primitive, font
connaître publiquement la véritable et incontestable intention
de devenir propriétaire exclusif dans toutes ses parties de la·
dite languette de terrain; qu'ainsi, c'est d'après ces idées que
doit être admis le système de prescription en pareille matière,
et que doit être examinée l'enquête des intimés. - Considérant que celte enquête, loin de remplir les conditions ci-dessus, ne serait pas même suffisante pour faire admettre la prescription dans une hypothèse ordinaire; qu'en effet, à la forme
extérieure
qu'envisagée en son intérieur, elle n'est pas
plus satisfaisante, puisqu'elle ne porte point sur des faits de
culture, de plantation ou d'arrachement d'arbres, ni sur des
faits de clôture et de construction, mais uniquement sur ceux
de coupe d'herbes croissant spontanément, et de tonte d'arbres,
sans que ces actes qui présentaient peu d'intérêt pour le propriétairc des usines aient mis. obstacle au passage, au curage
du biez, au Mpôt des matériaux en provenant, aux répara-
�462
'l'RAuf:
à main d'ho.mme, c'est sa disposition rectiligne,
si elle existe encore. Cette direction a dû être adopl> tions, en un mot sans que ces actes aient empêché les pro" priétaires du biez de jouir des francs-bords suivant leur desl> tination primitive et principale; qu'ainsi cette enquête ne
)) peut légitimer la prétention des intimés. - Considérant d'ail.
" leurs que lors même que les faits de l'enquête directe pour)) raient être regardés comme d'une nature suffisante pour opérer
)) dans l'espèce particulière une prescription i il serait encore
)) vrai de dire que la possession alléguée ne serait pas acquise;
)) qu'en effet ilest de principe que, pour que la possession puisse
" opérer la prescription, il faut qu'elle ait été publique, pai" sible, exclusive, non interrompue, etc., pendant le temps dé)) terminé par la loi j l}ue dans l'espèce, la contre-enquête prouve
)) des fai ts interruptifs de la prescription de la part des proprié)) taires du biez; que les témoins déposent avoir coupé ou vu
» couper pour les propriétaires des usines, de tout temps, l'herbe
» qui était le long du biez et dans les limites qui comprennent
» nécessairement la partie des francs-bords qui joint le pré des
» intimés; que ce fait interruptif est d'ailleurs constaté par des
» procès-verbaux de gardes qui ont donné lieu à des poursuites
» correctionnelles; que ces mêmes témoins déposent encore avoir
» abattu des arbres sur lesdits bords pour le compte des proprié» taires du biez qui maintes fois en ont fait leur profit particulier;
Il que ces faits se rattachant à des époques antérieures au procès,
» joints à ceux de passage, de curage, de dépôts de matériaux,
)) de réparations par les propriétaires du biez, également attestés
)) et prouvés, formeraient des interruptions à la possession des
)) intimés, et anéantirailmt tout leur système de prescription;
)) qu'ainsi, encore sous ce rapport, la prétention des intimés n'est
» pas soutenable. »
Cette doctrine a, pendant de longues années, setvi de base aux
décisions de cette Cour et des tribunaux du ressort; pour invoquer la prescription des franés-bords, il ne suffisait plus d'a-
�DU DOMAINE PUBLIC.
463
tée par -le constructeur, soit parce qu'abrégeant
les distances elle donne lieu à moins de dépense,
voir cultivé et récolté jusqu'au bord de l'eau, d'avoir planté,
arraché et émondé les arbres, il fallait, de la part des riverains,
une possession absolue et exclusive qui ne pouvait résulter que
d'une clôture complèle du fonds.
Cependant, depuis quelque temps, un changement notable est
survenu dans la jurisprudence. Un sieur de Nansouty ayant réclamé, contre un grand nombre de riverains d'un bief arti6ciel
dépendant d'Une de ses usines, la propriété de francs-bords sur
plusieurs kilomètres de longueur, ces riverains prirent des
conclusions tendant à prouver, " que depuis plus de 30 ans,
.. avant l'instance, et même de temps immémorial, ils avaient
11 toujours possédé leurs héritages jusqu'à l'eau, soit en y ré11 coltant,~soit en plantant et coupant les arbres qui sont l'objet
11 du procès, soit en6n en les tondant de trois ans en trois ans,
11 selon l'usage. 11 Sans les admettre même à la preuve de ces
faits, qui d'ailleurs n'étaient pas déniés, la Cour de Dijon les
a renvoyés de la demande qui leur était formée, par arrêt du
31 juillet 1840, dont voici les termes assez remarquables :
" Considérant, en droit, que la circonstance qu'un cours d'eau
11 estarti6ciel, n'établit pas en faveur de celui qui en est proprié)) taire une présomption légale de propriété des francs-hords,
)) mais seulement uue simple présomption naturelle qui peut
11 être combattue et détruite par des preuves et même par des
11 présomptions c~ntraires; que la propriété ainsi présumée
11 n'est point inaliénahle; que conséquemment elle est suscep" tible d'être acquise en tout ou en partie par la prescription.
)) - Considérant, en fait, qu'il résulte suffisamment des documents produits, et sans qu'il soit hesoind'urdonner la preuve
11 subsidiaire offerte par les intimés, que ceux-ci ont acquis, IJaI'
)) une possession suffisante à prescription, la propriété des rives
)) du bief et du sous-hief dont il s':tgit, et que l'appelant n'a
11 conservé qu'une servitude avec tous droits inhérents, llotaml)
�TllAlTÉ
soit parce "qu'elle est ]a plus favorable à l'écoulement des eaux qui arrivent avec la pente ]a plus
"
"
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ment celui de passer sur lesdites rives, de jeter et laisser sur
icelles les déhlais provenant du curage des hiefs et sousbiefs, et d'y déposer les matériaux nécessaires aux réparations; droits qui ne lui sont pas contestés par les intimés.Met l'appellation à néant, ordonne que ce dont est appel
sortira effet liOUS le bénéfice de la déclar;;\tion faite par les
intimés dans leurs conclusions, de ne point contester à l'appelant une servitude d'aqueduc avec tous les droits inhérents,
li notamment celui de déposer sur les rives des biefs et sous-biefs,
" et de jeter sur icelles les déblais provenant du curage, et d'y
" déposer les matériaux nécessaires aux réparations. Il
Dans cette questioh extrêmement difficile que fait naître le
conflit de possessions simultanées et en quelque sorte parallèles
(question qui est. de nature à se présenter dans une infinité
d'autres espèces) , nous croyons qu'il faut se défendre d'une trop
grande rigueur dans l'~pplication des principes. A cet égard
nous adoptons la judicieuse doctrine de 1\'1. Troplong, que nous
rapporterons ici pour compléter nos explications sur l'imporlante
matière qui nous occupe: « Ce que nous avons dit au nO 239
" (Traité de la prcscrllJlùm, nO' 243 el 245) des différents de" grés. dont la possession est 5Usceptible, rendra facile la décili sion de la célèbre question qui consiste à savoir si deux ou
" plusieurs personnes peuvent avoir chacune pour le total in soli lzdum la possession d'une même chose. Cette question avait
li partagé les jurisconsultes romains; mais leurs opinions sont
" obscures, el l'on n'est pas d'accord sur la manière dont leurs
li dissentiments doivent ~tre interprétés. Aujourd'hui que nous
li consultons la raison bien plus que l'autorité d'anciens sys» tèmes, on résout cette controverse par des aperçus aussi simli pIes que satisfaisants. Il est certain qu'en principe la pos" session est exclusive. De ~nême que je ne peux pas occuper la
" l)lace où vous êtes, ct que vous ne pouvez pas vous asseoir
�465
DU DOMAINE PUllUc.
forte possible à l'usine qu'elles doivent mettre en
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"
sur le siége où je suis assis, de même deux personnes ne
peuvent à la fois posséder entièrement le même ohjet : une possession exclut nécessairement une autre possession ayant la
même nature et les mêmes prétentions. Si vous possédez à ma
place, je cesse de posséder; si je continue à posséder, vous ne
possédez pas. Néanmoins cette règle évidente doit être tempérée par une modification. Puisqu'il y a des possessions inégales, rien n'empêche qu'on ne les admette li concourir et:, s'échelonner les unes sur les autres. Par exemple, l'un peut avoir
la possession précaire, et l'autre la possession animo domini.
Vart. 2228 en offre la preuve dans la définition qu'il donne
de la possession. Mais ce qui est imposs:ble, c'est que deux
possessions égales et de même nature concourent sur le même
objet; l'une repousse nécessairement l'autre. - Lorsque, par
suite des complications si variées qu'amène le mouvement
des relations sociales, nous rencontrons plusieurs possessions
différentes superposées les unes sur les autres, il faut, pour
résoudre entre elles la quC!slion de prMérenee, considérer celle
qui est la plus parfaite, la plus entière, la plus caractéristique
du droit de propriété. La question peut n'être pas difficile à
l'égard des personnes qui se sont communiqué ces différents
genres de possession; mais à l'égard des tiers il y a quelquefois de l'embarras. Pour prendre un parti entre deux possessions qui lutlent l'une contre l'autre, on consultera d'abord
les faits. Il est rare qu'elles se balancent assez également pour
que l'une ne l'emporte pas sur l'autre par son insistance, sa
publicité, sa durée. - On pèsera aussi le caractère des deux
possessions. Si, par exemple, il y en a une qui ne soit qu'intentionneIle, tandis que l'autre est corporelle et manifestée par des
actes publics et paisibles, celle-ci l'emportera sur l'autre. Le
fait qui se produit au grand jour a plus d'énergie que l'inlention qui se lient cachée dans le secret de la conscience. 0/\
doit raisonnablement supposer qu'une _olonté de posséder,
TOM. III.
.,
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�46f>
'l'JUl'l'É
mouvement. Tout canal à main d'homme a donc
n qui est restée inerte pendant qu'une possession rivale venait
" se substituer à elle par des faits patents et non contrariés, a
li voulu s'abdiquer elle-même. C'est ce que n'a pas aper<;u
lt la Cour royale de Lyon, dans une espèce où Nicolas Foray,
n propriétaire d'un moulin et d'un canal avec ses francs·bords,
n avait, pendant 60 ans, négligé de se servir de ce moulin; de
li telle sorte que des tiers, profitant de la destruction des écluses
n qui jadis avaient servi à conduire l'eau dans le canal, avaient
" cultivé les francs-bords, et même une partie du canal, réduit
li à n'être plus qu'un petit filet d'eau pour l'irrigation des prai" ries. Le représentant de Nicolas Foray ayant formé contre les
" tiers détenteurs une demande en rétablissement du canal et
» de ses francs-bords, ceux-ci opposèrent la prescription. Leur
lt possession était incontestable, et il semblait qu'ils dussent
n triompher. Mais la Cour de Lyon, par arrêt du 17 juin 1830,
n confirmé le 6 décembre 1832 par la Cour de cassation (Dalloz,
» 33-1-110), pensa que, par cela seul que le canal n'avait
" jamais été entièrement à sec, les héritiers de Nicolas Foray
" en avaient conservé la possession. La Cour ne s'est livrée à au" cune réflexion pour justifier cette assertion. Il est probable que
li les vestiges du canal lui ont paru une continuation de possesli sion.intentionnelle suffisante pour faire triompher le droit du
» propriétaire; mais elle ne faisait pas attention que les riveli rains, par leurs empiétements et leurs travaux de culture,
» avaient aussi possédé ces vestiges; que d'ailleurs il n'était
II pas possible de faire prédominer une possession intentionnelle,
n posscssion inactive et presque désertée, sur la possession des
n tiers qui avaient joui, labouré, et récolté au grand jour, et en
n s'annonçant, pendant 60 ans, comme propriétaires. On repous» sera donc cet arrêt comme contraire aux principes. La Cour
» de cassation n'a rejeté la requête que parce qu'il lui a paru
li que la Cour royale s'était livrée à une interprétation sonveli raine des faits de la cause. li
Aimi lorsqnc, comme il arrive assez souvent, le maître d~
�DU DOMAINE PUBLIC.
467
dû être tracé d'abord en droite ligne partout où
l'usine n'a fait aucuns actes de possession sur les francs-bords
de son bief ou n'yen a fait que d'insignifiants, tandis qu'au contraire les riverains les ont cultivés, y ont planté et en ont récolté tous les produits, il ne ~uffit pas au premier, pour s'en faire
déclarer propriétaire et pour repousser l'exception de prescription, de dire qu'il en a joui autant qu'il pouvait le faire et selon
leur destination naturelle, par la retenue des eaux; cette simple
possession intentionnelle, et qui n'est manifestée par aucun acte
actuel émanant du fait de l'homme, ne peut évidemment l'emporter sur la jouissance matérielle, effective et caractérisée des
riverains. Pour que la possession du maître du canal lui conserve
son droit de propriété, il faut qu'elle consiste dans les faits de
soutènement, d'endigage ou de réparation des rives, de plantation d'arbres, de pêche exclusive, etc., énumérés par 1\1. Daviel
dans le passage ci-dessus rapporté, page 437, en note; ceux de
simple passage, de dépôt au moment des curages des terres jectisses qui en proviennent, de coupe des roseaux et autres de celte
nature, ne seraient pas, eomme le remarque très-bien cet auteur, assez caractéristiques pour lui donner la préférence sur les
riverains qui, en recueillant seuls jusqu'à l'eau les produits du
5~1, ont ainsi acquis ou conservé la propriété des berges.
L'hypothèse dei francs·bords d'un bief diffère essentiel1ement
de celle d'un chemin public qui, comme nous l'avons dit Sltprà, nO 510, pag. 119 du tom. 2, se conserve malgré l'occupation d'un particulier tant qu'il n'a pas été complétcment
dénaturé, parce que dans cette dernière il y a imprescriptibilité
légale qui ne commence il cesser que lorsque tous les vestiges
ont disparu et que la chose a complétement et absolument perdu
son caractère et sa destination. Aucune loi n'ayant déclaré les
francs-bords imprescriptibles, ils restent sous l'empire du droit
commun, d'après lequel une possession publique, paisible et il
titre de maître, conlinnée pl'Ildant le temps {'xi~f., ~1fffit ponI'
procurer la propriété.
�l'Ml'1'Z
les accidents du sol ne résistaient pas à cette direction (a).
(a) Le caractère ici indiqué par l'auteur est loin d'être exclusif
et général, et par conséquent ne peut former qu'un faible indice.
De même qu'il existe certaines rivières uaturelles dont le cours
est fort droit, de même aussi on pourrait citer un grand nombre de biefs incontestaLlement creusés de main d'homme, qui
présentent des sinuosités extrêmement prononcées. Cette disposition que ne justifieraient actuellement ni les principes de
l'économie, Iii les règles de l'hydraulique, a été adoptée à une
époque Olt la main d'œuvre était moins chère qu'aujourd'hui,
et où les propriétés foncières avaient moins de valeur, soit à
raison de la nature des terrains, soit pour ne pas diviser les
héritages, soit pour maintenir le canal dans les limites d'une
seigneurie, soit enfin pour procurer à l'usine un réservoir
plus considérable, Ce qu'il ya de furt singulier, c'est qu'on la
remarque non-seulement dans des canaux simplement creusés
dans le sol, mais aussi dans des aqueducs en maçonnerie, dont
la dépense a été ainsi bien gratuitement" augmentée; elle n'a
point échappé .\ M. Quatremère de Quincy, qui en donne les
motifs suivants: " Les Romains, dit ce savant, donnaient
Il beaucoup de pente au canal de leurs aqueducs, et, par suite,
» formaient leur direction par des lignes brisées en zigzags,
» afin de rompre la rapidité du courant de l'eau. On pourrait
• employer cc procédé par un autre motif, lorsqu'il s'agit, par
• exemple, de construire des aqueducs fort élevés dans une
• grande vallée ou dans une plaine, ct lorsque, par des motifs
• d'économie, on ne veut pas leur donner une trop grande
• épaisseur. Par ce moyen on augmente leur solidité de la
" même manière qu'on augmentc celle d'un paravent, qui, ne
.. pouvant se soutenir en ligne droite, se soutient solidement
" lorsqu'on lui fait faire des lignes brisées. "
L'a preuve la plus certaine qu'uo canal li été creusé de main
�DU DOMAlNl!. }'LlIUC.
469
Cette disposition est surtout remarquable quand
on voit que la rivière principale, laissée à son cours
d'homme, et la seule même qui puisse. avoir de l'importance
par rapport à la question qui 1l0US occupe d'après les raisons
déduites à la note Je la pag. 433 ci-dessus, c'est lorsqu'il est
accompagné d'un autre bras de rivière dont le niveau est inférieur, et par lequel dès-lors s'écouleraient toutes les eaux si
elles n'étaient maintenues dans le lit sur lequel est élablie l'usine
par des oUVl'age.s d'art, tels qu'une digue, un dé\'ersoir, des
empellements, etc. En effet, l'eau, par une loi invariable de la
nature, gagnant toujours les endroits les plus bas, il est évi.
dent que lorsque par suite d'un obstacle qui lui est opposé par
la main de l'homme, elle se trouve obligée de coulel' sur le
flanc d'un coteau parallèlement à l'axe de la vallée, elle ne
peut y être maintenue, couduite et dirigée que dans un canal
creusé artificiellement et dans l'intérêt de l'usine située au point
où, quittant brusquement sa direction première, elle se reporte
vers le bras inférieur en faisant une chute ou cascade qui produit la force motrice; aillsi toutes les fois qu'en enlevant les
digues ou déversoirs qui se trouvent à la tête du callul au
point de bifurcation, l'eau se précipiterait dans le bras improprement appelé fausse-rivière, et cessera.it d'a11er sur les roues,
on peut affirmer que ce cnnal 0).1 hief est dû à l'art, et a été
établi pour l'naine dont il forme dès-lors une dépendance à
titre soit de propriété, sQit de ser,vitude.
Pour que cet,te preuv,e soit péremptoire, il faut cependant
qu'il existe Ulle diffé(ence sensible de niveau entre le sol du fond
du bief et celui de la fausse-rivière; car il peut arriver q.u'une
rivière se qivise spolltanémellt en plusieurs bras, et que le
constructeur de l'usine, profitant de cette disposition naturelle
des choses" se soit borné à établir un barrage à l'origine de l'un
d'eux, pour forcer les eaux à passer pal' l'autre; on conçoit
qu'alors le lit pr.incipal, bien qu'accompagné par un autre lit
�470
TRAITÉ
natnrel, décrit des sinuosités plus ou moins prononcées, et que le constructeur de l'usine, profitant de cet état des lieux, est venu tracer son biez
comme une corde sous-tendant la courbe formée
par le cours ordinaire.
Mais, à moins que le canal n'ait été creusé dans
un terrain solide et résistant; qu'il n'ait été muni
d'ouvrages, le long de ses bords, pour le maintenir
dans sa position primitive, et protéger les fonds
adjacents, ou encore qu'il n'offre que peu de pente,
comme les canaux de navigation; il n'a pas dû
conserver longtemps sa direction rectiligne, attendu que les eaux qui le parcourent ont nécessairement opéré des affouillements pIns on moins conparallèle, et pourvu d'un déversoir, n'en resterait pai moins
une rivière naturelle; il serait possible aussi que les dépôts vaseux, favorisés par la retenue des empellemenls de l'usine et
par le passage d'une plus grande quantité d'eau, eussent, à la
longue, élevé le fonds sur lequel il coule au-dessus de celui de
l'autre bras exposé, au contraire, à être creusé par les eaux
torrentueuses auxquelles il sert de débouché en temps de crues.
Il fa udra donc en pareil cas faire une sérieuse attention il la différence de nive:JU et à la cause qui a pu la produire, soit le
comblement partiel d'nn des bras, soit le creusement accidentel
de l'autre; à cet effet, il conviendra d'opérer le nivellement en
travers du bassin en général, à différents points, et de rechercher,
par des fouilles pratiquées en plusieurs endroits du lit prétendu
artificiel, la nalure du terrain qui en forme le fond, afin de
distinguer le sol ancicn, solide et naturel de celui d'alluvion,
ordinairement composé de sables ou de terres meubles et sans
consistance ni agrégation.
�DU DOMAINE PUBLIC.
4'11
s~dérahles d'un côté ou de l'autre; que les terres
se trouvant les uues plus meuhles et plus faciles à
emporter, et les autres plus dures et plus difficiles
à déplacer, l'action du courant n'a pu être régulière et uniforme dans ses effets; qu'il a srÎffi que
le fluide ait rencontré un point de résistance d'un
côté, pour qu'il se soit rejeté de l'autre, et ait con·
verti, tôt ou tard, son lit droit et régulier, en un
cours sinueux semblahle à celui des ruisseaux dont
le trace n'a été que l'œuvre de la nature.
1091. Néanmoins, et malgré ces altérations ou
modifications accidentelles, effet de l'action prolongée des caux, le canal d'abord fait à main
d'homme, tout en changeant de forme, n'a pas
pour cela changé de maître, et on doit le regarder
comme restant toujours dans le domaine du meunier, puisque celui-ci en était propriétaire dans le
principe, et qu'il n'a pas cessé d'en avoir une
possession aussi constante que de son moulin, dont
il est la partie intégrante et vitale.
Mais les sinuosités qu'on y remarque à présen t
n'ayant pu se former qu'au préjudice des fonds
riverains qu'elles ont entamés, on ne peut plus
dire que, dans l'état actuel des choses, le propriétaire de l'usine ait. conservé les f,'ancs-bords
qu'il avait laissés de chaque côté du canal lorsqu'il le fit construire, parce que c'est snr ces
francs-bords que s'est d'abord portée l'action destructive des eaux, et que le déplacement survenu
dans le canal, tantôt à droite, tantôt. à gauche, a
�472
Ttul'l'B
nécessairement confondu toutes les iimiles primitives.
Il résulle de là qu'aujourd'hui, et par suite de
ce changement, les propriétés latérales doivent
souvent, et selon les circonstances, être considérées comme contiguës au canal même, du côté où
il s'est rejeté, et que le droit de prise d'eau pour
irrigation ne doit pas être interdit aux propriétaires
de ces fonds, comme d;lns l'hypothèse qui précède.
1092. Néanmoins il ne faut pas perdre de vue
que, dans ce cas-là même, le canal du moulin
appartenant toujours au meunier aux frais duquel
il a été creusé dans le principe, et sans l'établisscmen t duquel il n'y aurait pas d'irrigation possible
pour les fonùs adjacents, si les propriétaires de
ces fonds abusaient, en faisant des prises intempestives ou trop fortes, le meunier aurait le droit
de recourir il. la justice pour les, faire régler avec
lui; et dans ce partage des eaux, les prises qui en
seraient permises aux propriétaires riverains ùevraient, sous le rapport soit du temps, soit de la
quantité, être d'autant plus sévèrement restl'eintes,
qu'il s'agirait d'une dérivation à opérer non dans
une rivière n'appartenant à personne, mais bien
dans un canal qui serait la propriété du meunier.
1093. On voit, par ce qui a été dit dans
le présen t chapitre, qu'il y a sur le droit d'irrigation une grande différence entl'e le cas où il s'agit
du lit natur{'l d'un bras de rivière, et celui où un
�473
DU DOMAINE PUBUC.
canal a été creusé à main d'homme sur la partie
latérale d'un plus grand cours d'eau; or, en fait,
à quoi faut-il s'attacher pour distinguer l'une et
l'autre espèce? Quels sont les indices au moyen
desquels il peut être permis d'affirmer qu'un canal
a été fait à main d'homme, lorsqu'il n'existe aucune preuve par écrit de sa construction
Un premier indice civil de la propriété particulière du canal pourrait se trouver dans les faits de
pêche qui y auraient été exclusivement ex~rcés
par le meunier.
Un autre indice pourrait dériver du paiement de
la contribution foncière: car, aux termes de l'article l04 de la loi du 3 frimaire an VIl, les canaux destinés à conduire les eaux à des moulins,
forges ou autres usines, doivent être portés au rôle
de la contribution foncière à raison de l'espace
qu'ils occu pen t et sur le pied des terres qui les
hOI'dent; tandis que, suivant l'article précédent,
les rivières naturelles ne sout pas cotisables (1) :
d'où il résulte qne si le meunier était imposé à la
contribution foncière pour son canal, on devrait
l'en réputer propriétaire, parce que cette contribution ne doit peser que sur les maîtres des
fonds.
Un troisième indice pourrait s'induire encore
des faits d'admiuistration et de curage par le meunier du canal de son moulin.
r
(1) Voy. au hullet. 243, nO 2197 , t. 7, 2· série.
�474
TRAITÉ
1094. Enfin l'on peut aussi, par l'aspect des
lieux, juger avec plus ou moins d'assurance, que le
canal est naturel ou artificiel.
Si Iton voit que ce ntest que par l'effet de quelques accidents du sol qùe la rivière s'est elle-même
partagée en deux bras, pour suivre de droite et de
gauche la pente des opdulations du terrain, sans
avoir été dirigée par aucun ouvrage d'art, on doit
dire que le canal n'est que l'œuvre de la nature.
Si, au contraire, on trouve quelque barrage établi à l'embouchure du canal pour y amener une
partie des eaux de la rivière, ou s'il paraît qu'on
ya pratiqué, dans le même but, un creusage propre
à déterminer l'écoulement de ces eaux; en un mot,
si l'on reconnaît que des ouvrages d'art, de qùelque
natqre qu'ils soient, ont été exécutés sur ce point
pour favoriser la dérivation du cours de la rivière,
il Y a nécessité de reconnaître que le canal a été
autrefois fait à main d'homme (a).
On doit, à plus forte raison, porter la même dé·
cision lorsqu'on aperçoit dans le sol des traces certaines de l'excavation primitive, ou que le rejet des
terres provenant des fouilles existe encore en chaussées sur les bords.
1095. UNE QUESTION qui nous reste à examiner dans ce chapitre consiste à savoir si, lorsqu'il
s'agit d'un cours d'eau naturel dans lequel les propriétaires riverains ont le droit de faire au-dessus
(a) Voy. suprà, la note de la page 468.
�DU DOMAINE PUBLIC.
k75
du moulin des prises d'eau pour l'irrigation de
leurs prés, le maître de l'usine pourrait leur opposer que, n'ayant pas joui de cette faculté depuis
plus de trente ans, leur ancien droit est éteint par
la prescription.
Celle question doit recevoir une solution négative, attendu que le droit de prise d'eau qui appartient sur la rivière aux propriétaires voisins n'est pas
un droit de servitude exercé de leur part sur un
fond~ qui appartienne au meunier, et qu'en consé.
quence celui-ci ne peut pas dire que son héritage
demeure affranchi par le non-usage de la servitude
pendant trente ans.
Il suffit que la rivière reste perpétuellement dans
le domaine de la loi, quant aux prises d'eau pour
l'ilTigation, et que de son côté la loi accorde perpétuellement ce droit, comme elle le fait à l'égard
des petites rivières, pour que les riverains puissent
en user quand bon leur semble, puisque la loi, qui
est toujours la maîtresse, ne peut cesser d'être un
titre valable pour eux Ca).
1096. Sans doute, s'il avait été convenu entre
le meunier et les propriétaires riverains que ceuxci ne feraient jamais de prise d'eau dans la rivière
pour l'irrigation de leurs prés, une pareille convenCa) C'est là une faculté légale qui, de même que le bornage,
le partage, le droit de clôture, le cantonnement, etc., ne peut
se perdre par le non-usage, quelque temps qu'il ait duré. Voy. il
cet égard Dunod, Traité des prescriptions, 1re part., chap. 12~
pag.80.
�476
'l'lL-\.lTÉ
tion, ne renfermant rien d'illicite, devrait être exécutée; mais da us ce cas ce seraient les propriétaires
qui auraient imposé SUI' lems fonds une servitude
négative en faveur du moulin. On devrait encore
porter la même décision si '. sans convention
expresse, mais par suite d'une contradiction judiciaire formée Je la part du meunier, les propriétaires s'étaient abstenus penda n t tren te ans de tou te
prise J'eau, parce qu'alors, en acquiesçant aux prétentions du propriétaire de l'usine, il y aurait eu
entre les parties une convention tacite de renonciation au droit d'irrigation de la pan des uns en faveur de l'autre.
CHAPITRE LI.
Des réclamations auxquelles peuvent donner lieu l'établissement
et l'existence des usines sur les rivières.
1097., Les réclamations dont nous allons nous
occuper dans ce chapitre peuvent avoil' des causes
très-va riées :
0
1 Pour former l'établissement d'un moulin ou
autre usine, le constructeur s'est fait autoriser à
y amener les eaux par un canal de dérivation qu'il
a crensé sur ses fonJs et dans lequel, en sa qualité
de propriétaire, il exerce exclusi vemen t la pêche;
les propriétaires voisins de l'ancienne rivière seraient-ils recevables à se plaindre de ce que, par
l'émigration du poisson dans ce canal artificiel, les
�DU DOMAINE PUlILIC.
477
profits de la pêche qu'ils pratiquent sur la rivière
sont devenus moins abondants pour eux r
2° Dans la même hypothèse où le constructeur
de l'usine a fait sa prise d'eau par un canal latéral
à la rivière, s'il ne reste plus dans l'ancien cours
assez d'cau pour servit' à l'arrosement des prés
situés sur le bord opposé, les propriétaires de ces
prés seront-ils fondés à se plaindre de la privation
qu'ils souffrent de tout Oll partie de leur droit
d'irrigation, par suite de la diminution du volume
de l'ancienne rivière?
3° L'on a construit un moulin près du lieu où
il en existait déjà un; par suite de ce nouvel établissemen t l'ancien moulin se trouve désachalandé,
et a perdu la plus grande partie, 011, si l'on veut,
la totalité de sa c1ientelle : celui qui en est propriétaire pourrait-il intenter quelque action au
sujet de la perte qu'il éprouve?
4° Il est reconnu que par l'effet de la retenue et
de l'élévation ùes eaux que produisent les écluses
d'une usine nouvellement établie, des inGltrati()llS ont lien dans les, caves de la partie Lasse du
village 011 de la ville au-dessous de laquelle l'usine
est située; les propriétait,cs des maisons'dont les
caves sont ainsi inondées ou rendues mal-saines
peuvent-ils être tenus ùe suuffrir un pareil dom.
mage sans se plaindre? et à quelle autorité doiventils porter lenrs réclamations?
5° Dans la même hypothèse, le regonflement
des eaux en opère le débordement sur les fonds
�478
'l'lWTÉ
riverains, qui s'en trouvent souvent dégradés: comment les propriétaires de ces fonds pourront-ils se
faire garantir de cet inconvénient r
6° Les écluses pratiquées sur les rivières pour
l'établissement des usines sont ordinairement, et
presque toujours, construites suivant bne ligne
diagonale qui, partant d'un point plus élevé, vient
aboutir près des vannes du moulin: il ari·ive de là
un changement de direction clans le cours des
eaux, qui se répandent par-dessus le barrage, et
qui, se précipitant avèè force vers le bord opposé,
vont causer des affouillements et des dégradations
sur des fonds qu'elles n'entamaient point lorsque
leur courant était parallèle au bord de ces fonds.
Ne serait-il pas dil des indemnités aux propriétaires
de ces héritages
7° En construisant tm moulin en aval, et à
pl'oximité d'un autre, on a, par la trop grande
élévation de l'écluse, ralenti ou paralysé le mouvement de celui-ci: qu'elles peuveilt être les actions du propriétaire de l'usine su périeu re pour
faire cesser les dommages qu'il souffre par suite de
celte nouvelle construction r
Tels sont les principaux sujets de réclamations
qUè peuvent faire naître les constructions d'usines
sur les rivières; et c'est à rechercher les principes
de solution applicables à ces sortes de difficulLés
que nous consacrerons ce chapitre.
Les contestations de ce genre doivent être rangées en trois classes, suivant qu'elles portent:
r
.
�DU DOMAINE PUDLIC.
479
Sur la privation d'un gain ou d'un avantage que
le plaignant percevait auparavant, et dont il est
privé par suite des changements faits dans la
. "'
rlVlere;
Sur un dommage réel causé aux propriétés voisines du cours d'eau;
Ou enfin sur une simple opposItion d'intérêts à
raison du voisinage entre divers meuniers;
Ce qui nons couduit tout naturellement à divisel'
ce chapitre en trois sections dans lesquelles nous
tr<literons successivement de ces trois genres de
difficultés.
SECTION PREMIÈRE.
Des débats élelJés à raison de la prilJation d'un gain par
suite de la construction d'une usine.
1098. Pour établir les vrais principes de la
matière, commençons par écarter tout ce qui leur
est étranger.
Et d'abord, en fait de contraventions aux:obligalions contractuelles, les dommages et intérêts
dont se rend passible celui qui manque à ses engagements sont en général de la perte qu'éprouve
l'autre partie, et du gain dont elle a été privée
(art. 1149 C. c. ), lorsqu'ils sont u ne suite immédiate de l'inexécution de la convention (al't. 1151
C. c.); mais ce principe n'est spécialement établi
par la loi qu'en ce qui concerne l'exécution des
contrats. Ce serait par conséquent le porter au-delà
de ses limites que d'en étendre l'application an
�480
l'MITÉ
dommage résultant d'une privation de profit que
les propriétaires voisins auraient subie par suile de
l'é:ablissement d'une usine, attendu qn'il n'y a
entre eux et le constructeur aucune garantie contractuelle qui puisse servir de fondement aux actions qu'ils voudraient intenter contre celni-ci,
pour obtenir répal'ation de la pel'te d'un gain ou
d'nn avantage sur lequel il n'y aurait eu aucune·
spéculation convenue.
1099. Le principe général auquel il faut remonler ici, c'est qu'on n'est jamais responsable
du dommage ressenti par un autre fJue quand ce
dommage résnhe d'une chose qu'on n'avait pas le
droit de faire: Nemo damnum facit, nisi qui id
facit quod jacere jus tIon habet (1). En sorte
que quiconqne fait un ouvrage qu'il a le droit de
faire, et l'exécute sans imprudence ni faule, ne
peut être réputé causel' du tMt à autrui: Juris
enim executio non habet injuriam (2), ni conséquemment se rcndre passiLle d'aucune réparation de dommages.
Il suit de là que, qnel que soit le préjudice que
mon voisin puisse éprouver à raison d'un gain
ou d'un profit dont il jouissait auparavant, et dont
il reste privé pal' suite de la construction qu'il m'est
permis cl' établi .. sur la rivière, il ne sau rait s'en
plaindre, puisqu'il ne pent avoir la f.1culté de
mettre obstacle à l'exercice de mon droit.
(1) L. 151, if. de regul. jur,
(2) L. 13, S 1, if. de injul'Iù, lib. ~", tit. 10.
�DU DOM.liNE PUBLIC.
481
Nous disons à raison d}un gain ou d}un profit : car il ne peut jamais être permis de causer \lne lésion matérielle dans la propriété d'autrui, ni même de nuire à une servitude conventionnelle qui serait due à cette propriété, parce
que la facul té que nous avons de vaquer à telle ou
telle œuvre ne s'étend pas jusqu'à usurper ou détruire ce qui appartient à d'autres; en sorte que la
règle dont il s'agit ici ne s'applique qu'au préjudice que l'on peut éprouver par la privation d'un
avantage dont on jouissait auparavant, et dans le
cas où cet avantage ne nous était dû ni comme
frnit naturel du fonds, ni comme oLjet d'un droit
de servitude conventionnelle qui nous fût acquise,
et où la privation que nous en éprouvons ne ré.
sulte d'aucune anticipation ni d'aucune lésion
matériellement faite dans celte propriété. Ceci va
s'éclaircir par des exemples tirés des disposition,5
des Jais romaines.
t 100. Afin de faciliter l'intelligence de ce qui
va être dit, nous rappelleronS:que) par suite d'un
édit du préteur, on avait établi pourlrègle dans le
droit romain que celui qui possédait un édifice menaçant ruine et pouvant, par sa chute, causer un
dommage au voisin, comme encore celui qui avait
entrepris une construction de laquelle il y avait
lieu de craindre un préjudice pour d'autres, pouvait être forcé à fournir d'avance un cautionnement
de la réparation des pertes qui n'étaient pas encore
arrivées, mais qui étaient seulement à redouter
TOM.
III.
�....82
TRAITÉ
dans l'avenir; et c'est là ce qn'on appelait damni
ùifecti (sen nondùm facti) , satisdatio. Cette
stipulation de cautionnement devait avoir lieu SUI'
la crainte de tout dommage dont on doit être responsable. Elle ne pouvait, au contraire, être exi~ée
à raison des préjudices qui n'entraînent aucune
responsabilité contre celui pal' le fait. duquel ils
sont causés: ce qui nous conduit à distinguer ces
deux genres de dommages ou de préjudices d'après
la disposition de la loi romaine sur la garantie qui
se rattache à l'un et non à l'autre.
Voyo.ns, dit ULPIEN, dans quelles circonstances
le dommage causé se trouve compris dans la stipulation ÙI\ cautionnement, intervenu à raison du
vice de l'édifice, ou du lieu, ou de l'ouvrage dont
on redoute un préjudice: Item videamus quand?>
damnum dari videatur. Stipulatio enim hoc
continet ~ quod vitio aedium~ loci., operis damnum fit. Supposons, par exemple, que je creuse
un, puits dans~ma maison, et que par là je coupe
les veines d'cau qui allaient alimenter le v8tre : serai-je obligé en vertu de la stipulation de non préjudice intervenue avec vous P Ut putà in domo
med puteum aperio., quo aperto venue putei
tui praecisae sunt., an tenear? TREBATIUS répond
que je ne suis pas tenu, parce qu'il n'y a pas lien
de dire que je vous cause un tort par le vice d'une
construction dans laquelle je ne fais qu'user
de mon droit : Ait Trehatius non teneri me
damni infecti : neque enim existimari operis
�DU DOMAllŒ PUBLIC.
483
mei vitio damnum tibi dari in ed re in qudjure
meo usus sumo Mais cependant si je creusais si
profondément dans mon fonds que je fisse écrouler le mur de votre maison, alors il y aurait lieu
à déùommagement, et la stipulation d'indemnité
devrait produire son effet: Si tamen tam altè /0diam in meo, ut paries tuus stare non possit ~
damni injecti stipulatio committetur (1), al' cas].aurai
, . apporte, une l e'
ten d u qn ' en ce (l
ermer
sion matérielle à votre propriété.
Le même jurisconsulte décide encore d'une manière plus génér:l\c, et d'après PROCULTJS, que,
quoique un individu ait souscrit la stipulation d'indemnité, il n'est tenu d'aucun dommage quand il
n'a 'fait qu'user de son droit en pratiquant une
construction sur son terrain: Proculus ait ~ cùm
quis jure quid in suofaceret~ quamvis promisisset damni in/ccli vicino, non tamen eum teneri ed stipulatione. Comme si, par exemple,
vous avez anprès de ma maison un bâtiment libre
de toute servitude envers elle; el que vous jugiez à
propos d'élever ce bâtiment, suivant le droit que
vous en avez; ou si, ayantùn fonds au·dessus et
prèsdu mien, vous pratiquez une rigole ou un fossé
pour auirer les eaux pluviales sur votre héritage,
an préj udice du mien: efuti sijuxta mea aedificia haheas aedijzcia, eaque jure tua .altiù$
toLlas; aut si in vicino tua agro cunicltlo vel
r
(1) L. '24, fi. da damno infecto> lib. 39, lit. 2.
�484
TRAI'I'É
fossd aquam meam avoces; quoique dans le premier cas YOUS portiez préjndice aux jours de ma
maison, et que, dans le second, vous détourniez
les eaux qui fertilisaient mon héritage, je ne ponrrai VOIlS actionner en y'ertu de la stipulation J'indemnité que j'ai consen tie avec vous pOll l' des dom' enlm
. et h'lC
mnges d , une autre nall1re : Q
uamVlS
aquammihi abducaset itLieluminibus officias~
tamen ex ed stipulatione aetionem mihi non
eompetere. La raison de cette décision est qu'on
ne doit pas considérer comme un dommnge causé
à quelqu'un la simple privation d'un avantage
dont il jouissait auparavant, lors(}l1e celui qui a
cansé cette privation n'a fait qu'user d'un droit qui
lui était propre: Scilieet quia non debeat videri is damnumfacere (ei) qui eo veluti lucro
quo odhuc utebatur~ prohibetur (1). Car il y a
beaucoup Je différence entre souffrir une perte
réeHe dans sa chose, ou être seulement privé d'un
gain accidentel qu'on pouvait tirer à son occasion:
MulLùmque interesse utrltm damnum quis .faciat (sentiat) (2), an fuero quod adhue faeiebat ~ uti prohibeatur. Mihi videtur vera esse
Proculi sententia (3).
C'est donc une vérité de principe que celui qui,
(1) Voy" sur ce texte, Pothier, en ses pandectes.
~2) Voy. la grande ~lose sur cette élucidation.
(3) L. 26, ff. de damrw inficto> lib. 39, tit. 2.
�DU DOMAINE punLIC.
485
ne faisant que ce qu'il a le droit de faire, cause du
préj uJice à autrui, n'en est poin t responsable, et
n'est passible d'aucune condamnai ion à cet égard,
lorsque le dommage causé ne consiste pour celui qui
le souffre que dans la privation d'un gain on d'un
avantage dont il jouissait précédemment à l'occasion de sa chose, sans que d'ailleurs il y ait aucune
lésion matérielle opérée dans celte.chose. Et de là
il résulte:
1101. 1° Qlle si, pOUl' l'établissement d'une
usine, on a fait, avec l'autorisation administrative,
un canal latéral à la rivière pOUl' y faire la prise
d'eau à une certaine distance en amont, ct que,
par cette dérivation, le volume de la rivière soit
tellement diminué que les propriétaires des fonds
situés sur l'autre bord se trouvent privés du bénéfice de l'irrigation dont ils jouissaicn t auparavant,
ils seront non-recevables à s'en plaindre; attendu
que, d'une part, le constructeur de l'usine, exécutant sa constrnclion sui~ant le plan qui lui aura été
donné, ou qui aura été approuvé par l'administration, n'aura rien fait que ce qu'il avait le droit de
JO •
• , 1es rlverams
.
. n ,errou,
laIre;
et que, d' un autre cote,
vent aucune lésion matérielle dans leur pl'Opriété,
et restent seulement privés d'un bénéfice on d'un
profit accidentel dont ils jouissaient auparavant:
Quamvis enim et hic aquam mihi ahducas -' tamen ex ed stipulatione actionem mihi non
competere.
�486
TRAITÉ
L'emploi de l'eau pour l'i"rigation des fonrts,
comme pour. le roulement des usines, ou pour tout
autre usage, reste toujours dans le domaine de la
loi, en ce sens que le gouvernement, qui est chargé
de la direction de tous les cours d'eau, peut toujours en disposer suivant ce qu'exige l'utilité puhlique, puisque ce dro~t rentre essentiellement
dans sa mission.
Lorsque l'usine n'existe encore qu'en projet et
qu'on procède seulement à l'enquête de commodo
et incommodo, tous les propriétaires riverains
peuvent sans doute former leurs contredits, sur lesquels l'administration devra statuer; ils seraient
même recevables, après l'établissement achevé, a
recourir encore à celle autorité pour faire réduire
la prise d'eau à un moindre volume; mais une fois
que l'administration aura autorisé on définitivement maintenu la construction, tout sera fini, et
ces riverains ne pourront réclamer ni indemnités,
ni dommages et intérêts poU\' la privation du bénéfice de l'irrigation, dont ils jouissaient auparavant; attendu que, le gouvernement ne pouvant
cesser d'être le maître de la direction des eaux, ce
hénéfice ne pent être rigoureusement un droit de
propriété; qu'il n'est pour ceux qui en usent que
l'ohjet d'u ne servitude pureruen tlégale étahlie sur
la rivière au profit de leurs fonds, c'est-à-dil'e d'une
servitude qui reste tellement dans le domaine de la
loi, que l'autorité publique peut toujoursy déroger par les dispositions qu'elle juge à propos d'or-
�DU- DOMAINE rUl3LIC.
487
donner sur Je sol, comme étant les plus avantageuses aux intérêts généraux des localités (a).;
(a) M. Daviel, dans son Traité de la législation des cours
d'eau (nO 616, pag. 136 et suiv. du tom. 2, seconde édit.),
s'élève énergiquement et avec raison, selon nous, contre cette
solution: « Je ne comprends pas, dit-il, comment la privation
» d'un avantage attaché à une propriété n'est pas une lésion
» matérielle de cette propriété. N'est-ce donc pas une lésion
» matérielle pour le propriétaire, si sa prairie, privée désor» mâis d'arrosage, perd la moitié ou les trois quarts de son
» revenu, et s'il est désormais privé du produit de la pêche?
Il Ensuite, je comprends moins encore comment le droit con" féré, soit pour l'irrigation, soit pour le profit de la pèche,
» en un mot pour l'usage des eaux, à tout propriétaire dont
Il l'héritage borde une rivière, peut être assimilé à une faculté
Il précaire que l'administration peut ôter ou transférer à son
Il gré. C'est là un droit inviolable comme tous les autres droits
» qui constituent la propriété. Si l'administration peut quel» quefois le modifier suivant ce qu'exige l'utilité publique,
» c'est à condition d'une juste et préalable indemnité.... Enfin,
Il quand même, pour raison d'utilité publique, l'ad'ministraIl tion resterait mattresse absolue de la direction des eaux,
» l'établissement d'une usine particulière n'autoriserait jamais
Il à sacrifier ainsi les droits des uns au profit de l'autre.
Il
Il ajoute que le premier tort de l'hypothèse prévue par
M. Proudhon, est de se présenter d.ms des termes que le Code
civil ne peut admettre, puisque pour dériver les eaux à travers
son héritage, il faut être propriétaire des deux rives, ou avoir
le consentement des deux propriétaires, et en conséquence il
décide que si l'administration avait autorisé une telle illégalité,
le~ propriétaires ainsi lésés auraient un recours, soit par voie
de tierce-opposition contre l'ordonnance de concession (nO 640,
où il cite Ull arrêt du conseil d'état du 28 avril 1824), soit
par voie d'action ordinaire l1cvant les tribunaux civils, non, à
�488
TilAITÉ
0
Que dans l'hypothèse précéùente, les proprié·
taires voisins de l'autre Lord de la rivière ne pourraient pas se plaindre non plus de ce que, le poisson quittant le lit ancien de cette rivière pour se
retirer dans le bief du moulin, leur pêche est devenue moins abondante; attendu que ce préjudice
ne consiste pour eux que dans la diminution d'un
gain, et non dans la lésion matérielle de leurs propriétés foncières; que, de son côté, le meunier ne
fait que jouir de son droit de canal; que l'émigra.
tian du poisson n'est que la conséquence immé2
la vérité, en destruction des travaux opérés en vertu de l'autorisation administrative, si ces travaux y sont d'ailleurs conformes, parce que l'autorité judiciaire ne- peut rien prescrire
de contraire au~ mesurei adoptées par l'administration, mais
en dommages-intérêts qui, se perpétuant et se renouvellant sans
cesse, rendraient l'abandon dc l'usine bien moins onéreux que
sa conservation (ll os 545 et 546 ).
La jurisprudence la plus constante du conseil d'état (arrêts
des 11 février, 13 juillet et 6 mai 1829), ayant consacré le
principe que l'ordonnance d'autorisation d'une usine ne constitue qu'une simple permiMion accordée sous les rapports de
police et sans préjudice des droits relatifs à la propriété du sol,
à l'usage des eaux et aux autres droits des tiers, nous pensons également que les riverains d'un cours d'eau naturel qui
y ont divers droits de servitude et de cuprupriété assurés par
la loi, peuvent encore bien moins en être privés dans l'intérêt
d'une usine particulière à établir, que les voisins d'une voie
publique peuvent être privés, sans indemnité, des droits
d'issue, de jour, de passage, etc., qu'ils y exercent (voy.
$uprà, n 08 363 à 378, et p~. 343, 355, 671 et 916 du
tom. 2 8 ).
�nu
DOlYlAIJ.'Œ PUBLIC.
diate et nécessaire de la disposition adopt~e pal"
l'administration pour Il' réglement du conrs d'eau;
qu'enfin, le droit de rêch~ n'étant ici pOur tous
qU'llIl don de la loi, l'autorité publique, ~gissant
par des motifs généraux, peut toujours prendre des
mesures qui modifient ce droit dans l'intérêt de la
llouvclle usine (a).
Vainement opposerait-on la disposition de l'article 3, troisième alinéa de la loi du 15 avril dh9
SUI' la pêche fluviale, qlli vent qu'une indemnité
soit accordée à celni dont on vient à snpprimer le
droit de pêche en déclarant la rivière navigable,
car il ne s'agit pas ici de la suppression du droiten
lui-même, qui reste aux riverains tel qu'il était,
ruais seulement d'nne mesure qui peut indirectement et accidentdlement en diminuer le profit. Assurément on ne doit pas accueillir les exigences du
propriétaire riverain qui t~ndraieut à obliger le
Ca) Si l'auteur entend par là que le poisson, trouvant plus de
tranquillité et une nourriture pIns abondante dans le bief que
dans la fausse-rivière, s'y retire de préférence, nous partageons entièrement son avis; à ce cas s'applique textuellement
l'art. 564 du Code civil, qui porte qne, .. les pigeons, lapins,
" poissons, qui passent dans un autre colombier, garenne ou
" étang, appartiennent aux propriétaires de ces objets, pourvu
qu'ils n'y aient point été attirés par fraude et artifice Il Mais
si, comme il est probable, sa solution concerne l'hypothèse où
le poisson déserterait la rivière faute d'eau, il y aurait alors
privation d'lin droit qui, d'après les principes posés dans la note
précédente, donnerait lieu il opposition ct à indemnité.
)l
�490
TRAITÉ
gouvel'llcment à lui garantir la même quantité de
pOIssons.
Lorsqu'il s'agit d'une forge dont on demande
la construction dans la proximité d'une aulre, la
rivalité se porte principalement sur l'aeh::!t des
bois, dont une plus grande concurrence dans la
consommation fera nécessairement élever le prix.
Alors le motif de l'opposition du propriétaire de
l'ancienne usine Jevient plus sérieux, comme sc
liant à un intérêt général, en ce qu'il s'agit de savoir si, par un surcroh de consommation de combustible, la généralité des habitants ne se verra pas
exposée à manquer du nécessaire pour son chauffage; mais il n'y aura toujours là aucune lésion de
propriété particulière dont on puisse demander le
redressement, et l'opposition n'aura pour motif
qu'une diminution de gain à craindre pour l'opposant: par conséqllent l'administration restera toujours mahresse de statner comme ellc le jugera le
plus convenable, soit relativement aux besoins des
localités, soit à ceux du commerce et de la société
entière, et après sa décision il n'y aura toujours
aucune action en indemnité à intenter de la part de
l'un contre l'autre.
1102. Cependant, et dans tous les cas, s'il y
avait eu en tre les parties intéressées quelque convention par laquelle l'une, accédant à la demande
de l'autre, aurait renoncé à la faculté de construire
une nouvelle usine, ou se serait engagée à n'en
construire que d'unc certaine espèce déterminée,
�DU DOMAINE PUlILlC.
4·91
ou suivant tel on tel mode, une pareille convention serait valable, en tant qu'elle ne dérogerait à
ancun réglement général et administratif; et les
contestations élevées sur son exécution devraient
être renvoyées devant les tribunaux comme rentrant dans le droit privé des contractants (1) , sans
préjudice néanmoins des droits dc l'administration,
soit pour permettre ou refuser, dans l'intérêt puhlic,l':1 construction de l'usine, soil pour régler la
hauteur des barrages, afin de prévenir les dommages qui pourraient en résulter aux tiers.
Nous disons sans préjudice des droits de l~ad
ministration: car son action ne peut être liée par
une convention privée qui lui est étrangère. Néanmoins celle convention, quoique particulière à
ceux qui l'auraient souscrite, pourrait être prise en
considération par l'autorité pour refuser la demande d'établissement, qui serait faite contrairement à ses dispositions; et, comme le propriétaire
qui, pour l'avantage de l'usine déjà construite,
s'est engagé à ne pas en établir une autre à proximité, a pal' là même imposé une servitude négative sur son héritage, ni lui ni ses ayant-cause ne
ponrraien t obteni,', par la suite, la permission de
former l'établissement, sans se rendre passibles de
dommages-intérêts envers le meunier ou maitre
d'usine auquel on avait promis de s'en abstenir.
J
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt du conseil du 10 janvier 1821 ,
dans MACAIIEL , t. l , p. 30 et suiv.
�492
TlUlTÉ
Cette action en indemnité devrait être renvoyée
pardevant les tribunaux, seuls compétents pour
prononcer sur son mérite et ses conséquences.
1103. Lors même qu'il s'agil'ait d'une construction d'usine à faire sur une rivière navigaLle, ces
principes seraient toujours applicables à la convention sonscrite entre les propriétaires qui y auraient
un intérêt de voi.sinage, attendu que, quoiqu'un
fleuve navigable soit en lui·même et dans ses usages
entièrement placé hors du commerce, la convention in terven ue entre les deux particuliers n'en
serait pas moins valable dans leur intérêt privé, eu
tant que l'un aurait voulu arbitrairement, mais
librement, imposer une servitude à son héritage au
profit de celui de l'autre. Si, dit Ulpien , le maître
du fonds Géronien le vend à un autre sous la condition qu'il devra au fonds Botrien, qui est aussi
le sien, nne servitude en vertu de laquelle il ne
sera pas permis à l'acquéreur d'exercer la péehe du
thon près de ce dernier fonds: Venditor fundi
Geroniani fundo Botriano, quem retinebat,
legem dederat ne contra eum piscatio thynnaria exerceatur; quoique en général on ne puisse
par une convention particulière imposer une servitude SUI' la mer, dont l'usage appartient à tous, cependant, comme les conditions de la vente doivent être exécutées de bonne foi, cette clause sera
obligatoire entre les contractants et leurs successeurs dans la possession des deux fonds: Quaml'is
mari, quod naturtl omnibus patet, sen'ltus
�DU DOMAINE PUBLIC.
1.. 93
imponi privatd Lege non potest, quia tamen
bonafides dntracttls legem serl'ari venditionis
exposcit, personae possidentium, aut in jus
eorum succedentium per stipztlationis veZ venditionis legem obligantur (1). Dans ce cas encore, les actions personnelles résultant du contrat
des parties devraient être portées en justice ordinaire, toujours sans préjudice du pouvait, réglementaire de l'administration pour statuer sur tous
les poin ts de discussion qui pourraien t l'en trer dans
l'intérêt public, et sur lesquels il serait nécessaire
de requérir son intervention.
SECTION II.
Des réclamations auxquelles peut donner lien l'étahlissement
d'une usine, et qui auraient pour objet une lésion réelle
opérée dans les propriétés voisines.
1104. Il ne s'agit toujours ici que des actions
en dommages-intérêts qui peuvent être intentées
par les propriétaires voisins d'une usine à raison
des dommages causés par cet établissement, et
non de la demande en suppression qu'on pourrait
en faire: ce dernier objet sera traité plus tard.
Dans la section précédente nous avons fait voir
que ceux qui, par suite de l'érectiond'llne usine
dnns leur voisinage, n'éprouvent qu'une diminution de profit ou de gain, ne doivent avoir aucune action pour demander la répnratiou du préju(1) L. 13, ff. communia prœd., lib. S, lit 4.
�494
'l'RAITÉ
dice qu'ils souffrent; nous allons nous occuper
dans celle-ci des actions qui peuvent a artemr a
ceux qui, par l'effet du même établissem~nt, ressen tent quelque lésion matérielle ou perte réelle
dans leurs propriétés foncières.
On sent d'abord qu'il y a une grande différence
dans la position de ces deux classes d'indi vidus :
car, lorsqu'il ne s'agit que d'un gain à percevoir,
l'autorité publique, chargée de répandre l'aisance
partout, autant que possible, doit avoir le droit
de faire partager ce gain au plus grand nombre,
sans que personne soit fondé à se plaindre de la
concurrence des antres; mais il en est autrement
lorsqu'il s'agit d'atteintes portées au droit de propriété : ici l'administration publique n'est pas dispensatrice; elle n'est au contraire que conservatrice : il faut, sur ce second point, remonter à
d'autres principes dont les conséquences doivent
être différen tes.
Nous nolis proposons de démontrer que quiconqne éprouve dans sa propriété une lésion
matérielle causée par le voisinage d'une usine, soit
à raison du reflux ou regonflement des eaux, soit
à raison de la modification opérée, par l'établissement de l'écJuse,dans leur cours ou leur direction,
et qui occasionnera des dégradations et des affouillemen ts dans les propriétés inférieures, soit de
toute autre manière, est en droit d'en demander
réparation, ou d'exiger une indemnité il ce sujet.
1105. Un premier principe, puisé dans le droit
�DU DOMAINE PUBL1C.
495
de la na ture, c'est qu'il ne peut nous être permis
de rien faire sur notre fonds pour en augmenter la
valeur, qu'autant que nous n'apportons ou que
nous n'occasionnons aucune dégradation matérielle dans l'héritage d'autrui: Sic enim debere
quem meliorem agrum suum facere , ne vicini
deteriorem faciat (1). C'est en vertu de celte'
maxime d'équité naturelle, que, comme nous
l'avons déjà dit aillems, la loi romaine ne permet
au propriétaire voisin d'une rivière de fonder ùans
le lit, au bord de son héritage, des ouvrages de
protection pour en empêcher les affouillements,
qu'à la charge de fournil' à ses voisins, pendant
l'espace de dix ans, un cautionnement ponr la réparation des dommages que ceux-ci pourraient
éprouver dans leurs fonds à raison de la pel'lmbation occasionnée au cours des eaux: 1s autem
qui ripam vult munire , de damno futuro debet
vel ca vere veZ satisdare ~ secundZlm quaLitatem
personae. Et hoc interdicto expressum est ut
damni injécti in annos decem viri boni arbitratu veZ caveatur, veZ satisdetur. Dahitur
autem satis vicinis; sed et his qui transflumen
possidebunt (2). Or on sent que si un propriétaire riverain ne peut construire des ouvrages de
(1) L. 1, § 4, if. de aqud et aquœ plup. arcend., lib. 39,
tit. 3.
(2) L. unie. , §§ 3 et 4, if. de rpd muniendd, lib. 43, tit. 15.
_ Voy. JlIprà, la note 2, sous le nO 771, pag. 97 du présent
volume.
�496
protection contre son fonds, sur le bord de la
rivière, sans se rendre responsable des dommages
qui, éven tuellemen t, pourraien t en résulter pOUl'
les autres riverains, il doit en être au moins de
même à l'égard du constructeur d'une usine, dont
les barrages, établis en travers du lit de la rivière,
doivent y produire un regonflement des eaux,
et une perturbation notable dans lellr courant:
d'où il résulte qu'en cette dernière hypothèse,
on doit à fortiori reconnaître l'ohligation de l'indemnité que l'équité impose au constructeur envers
ceux qui souffrent des dommages causés par de
simples ouvrage~ en trepris pour la conservation et
la défense de son héritage.
Peu importe que, quand il s'agit ùe la construction d'une usine, le gouvernement l'ait autorisée,
puisque ces sortes de permissions ne sont jamais et
•
ne peuvent elre
accord'ces que SAUF LES DROITS
D'AUTRUI; cette clause en effet est toujours sonsentendue dans l'acte de concess,ion émané du
prince: .frierito ait praetor qud ex re quid ifli
damni detur; nam quotiescumquè aliquid in
pablico fieri permittitur ~ ita oportet permitti"
ut sine in;urùl cujusquamfiat~et ita solet princeps ~ quoties aliud novi operis instituendum
petitur" permittere (1). C'est de ceLLe disposition
du droit romain qu'on a tiré la maxime portant
que bentftciltm principis nemini debet esse
(1) L.
~,
§ 10, ff. ne quid in loco puhlico, lib. 43, tit. 8.
�DU DOMAINE PUBLIO.
497
damnosum : maxime aUSSi Juste que salutaire,
parce que le priuce ne peut jamais être le maître
de prendre à l'un ce qui lui appartieut pour en investir un autre (1).
Si de ces principes généraux, puisés dans l'ordl'e
public des sociétés, et consignés dans les textes du
droit romain, nous passons aux dispositions des
lois positives qui nous régissent, la question deviendra bien plus claire encore.
1106. Nous y voyons d'abord qu'aux termes de
l'article 545 du Code civil, confirmé parI'article 9
de la Charte, l'état lui-même ne peut, que pour
une cause d'utilité publique, et au moyen d'une
indemnité préalable, exiger le sacrifice d'une propriété privée quelconqne; or le constructeur d'une
usine ne peut certainement pas placer son intérêt
privé au-dessus de l'intérêt public, ni se prétendre
exempt d'une charge d'indemnité que l'état luimême serait obligé de supporter si c'était pour
l'avantage du corps social que l'entreprise eùt lien:
il doit donc se reconnaître passible de ]a réparation
des dommages que son établissement aura causés
aux fonds voisins, puisque les maîtres de ces héritages ne peuvent être tenus de souffrir aucun sacrifice sans avoir droit à une indemnité pour le cas
où l'exit>tence de l'usine viendrait à y occasionner
des dégradations: d'où il faut itéraLivcOlent con(1) Voy. l'arrêt du conseil d'état du 30 août 1814, dans
t. 3, p, 2.
SIRET,
TOM:.
III.
�;\.98
TllAlTR
clure que l'ordonnance de concession d'une usine
n'est toujours et ne peut être accordée que sauf
les droits d'autrui.
.
Nous' voyons, en second lieu, que, suivaut
l'article 640 du même Code, les fonds inférieurs
sont assujettis à recevoir les eaux qui découlent
de la région supérieure, et que les propriétaires de'
ces fonds ne peuvent point élever de digue qui
empêche cet écoulement. Or ce qUe le propriétaire
ne peut pas faire lui-même au préjudice de ses
voisins, pour ne pas causer l'inondation de leurs
héritages, l'administration publique ne saurait le
permettre non plus sans qu'il reste une obligation
de garantie à la charge du constructeur de l'usine
ou de ses ayant-cause, pour réparer les dommages
qui seront la suite de son établissement; elle ne le
peut, parce qu'elle u'a pas le droit d'enrichir l'un
aux dépens des autres.
11 07. Mais, dira-t-on, pourquoi, dans l'exercice de la servitude naturelle et légale dont s'occupe l'article 640 du Code, sur l'écoulement des
eaux, en serait-il autrement qu'à l'égard de la
jouissance des droits de pêche et d'irrigation, que
nous avons dit, dans la section précédente, pouvoir être atténués par suite des mesures prescrites
par l'administration, sans qu'il soit dû aucune indemnité aux propriétaires riverains qui en jouissaient? La servitude cn vertu de laquelle les fonds
inférieurs sont assujettis à supporter l'écoulement
des eaux: qui viennent de plus haut, n'est-elle
�DU DOMAINE PUBLIC.
499
pas une servitude légale comme celle en vertu de
laquelle les propriétaires exercent leurs droits
de pêche et d'irrigation sur la rivière P Très-certainement l'une de ces 'servitudes n'est pas plus
conventionnelle que l'autre: comment donc ne
seraient-elles pas soumises aux mêmes principes?
et pourquoi pourrait-on exiger u~e indemnité de
dommages à raison de l'obstacle apporté à l'-exercice
de l'une, tandis qu'on n'en pourrait pas prétendre
pour la privation de l'autre?
Quelque similitude qu'il paraisse, au premier
coup d'œil, y avoir entre les deux espèces, néanmoins la disparité est immense quant ail point de
droit qui nous occupe.
A la vérité c'est en vertu d'une douhle servitude
légale q ne les propriétaires riverains jouissent exclusivement des droits dc pêche et d'irrigation;
mais ces droits ne sont pour eux que de purs dons
de la loi civile, à la volonté de laquelle ils ne cessent
pas d'être encore soumis.
En effet, suivant le droit naturel, la pêche ap. partient à tous, par laraison que le poisson, en son
état de liherté naturelle, n'étant dans le domaine
de personne, doit devenir la propriété du premier
occupant: d'où il résuheqne les riverains ne jouissent du droit exclusif de pêche qu'en vertu de la
concession qui leur en est faite par la loi civile.
Il en est de même de celui d'irrigation, attendu
que l'eau cOUl'ante n'appartient à personne, qu'elle
est an nombre des choses indiquées par l'article
�500
'l'llAl1'É
714 du Code civil, comme restant perpétuellement dans le domaine des lois de police qui règlent
la manière d'en jouir; et que si les propriétaires
joignant le cours d'eau en ont exclusivement
certains usages, c'est parce que la loi les leur a
,
expressement
conce'd'es.
Or les dons de la loi civile ne peuvent être irrévocables, puisqu'une disposition législative peut
toujours être abrogée par une autre : tout ce qu'il
y a d'irrévocablement consommé dans les concessions qu'elle nous fait, c'est qu'en les retirant il
n'est plus en son pouvoir de revenir rétroactivement sur les jouissances passées.
C'est donc avec raison que nous avons décidé,
dans la section précédente, que lorsqu'on établit,
du consentement de l'autorité publique, un canal
latéral à la rivière pour faire rouler un moulin, si
ce genre de construction entra1ne, soit quant à la
pêche, soit quant au droit d'irrigation, une privation de profit au préjudice des pl'Opriétaires riverains, ils n'ont aucune indemnité à exiger.
Mais, quand il s'agit de la servitude de l'écoulement des eaux, on doit raisonner différemment,
puisque, en mettant obstacle à cette servitude, on
porte les ravages de l'inondation sur des propriétés
foncières qui ne sont point des dons que la loi
civile ait faits aux propriétaires, et qu'elle puisse
leur reprendre: il faut donc qu'il yait alors, pour
ces propriétaires, un recours en dommages et intérêts contre le constructeur de l'usine.
�DU DOMAll.'Œ PUBLIC.
501
S'il en était alltrement, et si le gouvernement
pouvait enrichir l'un au préjudice de l'autre, son
pouvoir ne serait plus une autorité de protection,
ce serait tine tyrannie; il manquerait à la loi de sa
propre nature, et cesserait d'avoir une existence
légitime.
Mais, sans nous al'l'êter davantage au développement de ces principes généraux, poursuivons
l'examen des textes de nos lois positives, et venons à ceux qui statuent d:une manière plus explicite encore sur la question dont il li'agit.
1108. L'ARTICLE lb, titl'e 2 , de la loi du 6
octobre 1791, sur la police rurale) est conçu dans
les termes suivants:
cc Personne ne pourra inonder l'héritnge de son
» voisin, ni lui transmettre volontaireme'nt les
» eaux d'une manière nuisible, sous peine de
» payel' le dommage, et une amende qui ne pourra
» excéder la somme du dédommagement. »
Personne ne pourra inonder l~héritage de
son voisin: ces expressions s'appliquent, par leur
généralité, à tous ceux qui, par quelque ouvrage
que ce soit, pratiqué dans le cours d'eau, en auraient causé le regonflcment ou paralysé l'écoulemen t naturel au préjudice des héritages inondé!',
que ce soit pour construction d'usine, barrage de
pêcherie ou antres motifs, peu importe, puisque la
défense est absolue et générale pour tous.
Ni lui transmettre 'volontairement les eaU:l:
d~une manière nuisible: ainsi, que le préjudice
�502
l'llAI'l'É
soit causé pal' inondation, infiltration ou autrement,
et de quelque manière que ce soit, l'action en répression et en dommages et intérêts doit être
admise dans tous les cas où il y a lésion opéré,e
dans la propriété d'autrui.
Sous peine de payer le dommage, et une
amende qui ne pourra excéder, etc., etc. : il y
a donc lieu à poursuivre aussi le délinquant eu
police correctionnelle, pour le faire condamner à
l'amende; et la raison qui sert ici de fondement
à l'action publique, c'est que les lois et réglements
de police couceruant les cours d'eau défendeut d'y
rieu pratiqllel' sans être autorisé par l'administration; en sorte qu'il n'y a pas seulement un quasidélit, mais bien un délit, ou une vraie contravention aux réglemcnts de la matière, dans le fait de
celui qui, agissant de sa propre autorité, abuse
volontairement d'un cours d'eau au préjudice de
ses voiSIns (1).
Cette disposition générale est encore rendue
plus explicite par l'article suivant, en ce qui tient
aux dommages causés par les usines.
cc ART. 16. Les propriétaires ou fermiers des
;»
moulins et usines construits ou à construire se» l'ont garants de tous dommages que les eaux
;» pourraient causel' aux chemins ou aux proprié» tés voisines, par la trop grande élévation du
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 1824, dans le recueil de eette jannée , par Dalloz,
p.460.
�DU DOMAINE PUIILIC.
503
) déversoir ou autrement. Ils seront forcés de
) tenir ces eaux à une hauteur qui ne nuise à •
» personne, et qui sera fixée par LIe directoire du
» départemen(( aujourd'hui le préfet). En cas de
:JlI contravention, la peine sera une amende qui ne
» pourra excéder la somme du dédommagement.n
Ce texte, qui a été reproduit en partie par l'art.
457 du Code pénal, relatif à l'application de l'action publique, mérite d'être spécialement médité.
1109. Les propriétaires ou fermiers ~ ou,
comme le porte ledit article 457, toute personne
jouissant de moulins ~ usines ou étangs. Ce
n'est donc pas seulementle constructeur de l'écluse
qui est passible de dommages et intérêts, comme
coupable de quelque faute dans sa construction,
c'est encore le simple possesseur de l'instrument
du dommage, quoiqu'il n'y ait aucune faute-personnelle à lui imputer dans l'établissement de la
cause des sinistres; en sorte que la garantie qui
pèse sur le possesseur est toute réelle, comme dérivant de la chose elle-même.
Cette garantie est et devait être toute réelle,
parce qu'elle est l'effet de la servitude imposée par
la nature et par la loi positive (art. 640 C. c.) aux
fonds inférieurs, qui sont chargés de recevoir les
eaux dérivant de la région supérieure, sans qu'il
soit permis à leurs propriétaires d'élever aucune
digue qui en empêche l'écoulement ou qui opère
des dommages que l'écoulement naturel [n'aurait
pas causés.
�504
1110.
l'llAl1'É
De moulins, usines ou étangs: il
n'est fait ici aucune distin,ction. La garantie des
réparations civiles est la même, soit qu'il s'agisse
d'usines qui auraient été construites ensuite d'une
ordonnance du roi, soit qu'il ne s'agisse que d'un
étang pour l'établissement duquel la même autorisation n'aurait pas été jugée nécessaire: en sorte
que le décret du prince ne suffit point ici pOUl'
mettre à couvert de l'action en réparation des dommages causés par l'existence de la construction.
t 111. Construits ou à construire,. Ces expressions générales nous indiquent encore hien
clairement que, sur la question des dommages, et
pour en ordonner la réparation, l'on ne doit pas
s'~ttacher au point de savoir si l'usine n'aurait
qu'une existence illégale, comme ayant été construite sans l'autorisation du gouvernement, ou si
elle aurait été légalement établie. Non-seulement
la loi ne fait pas cette distinction, mais elle la
repousse, en statuant dans des termes identiques
à l'égard des usines construites et à construire:
car il serait impossible de penser qu'elle supposât
partou t, soit dans le passé, soit dans le présent,
soit dans l'avenir, une existence illégale de toutes
les usines; et de là \ résultent deux conséquences
qu'il ne faut pas perdre de vue:
L'une, qu'encore que l'établissement d'une
nsine ait eu lien légalemen t, le propriétaire est
passible des mêmes réparations de dommages que
si elle n'avait qu'une existence illégale;
�505
DU DOMAU'Œ PUBUC.
L'autre, que les permissions de construire des
usines ne sont, comme nous l'avons déià fait voir
d'après les principes du droit romain, jamais accordées par le gouvernement que saufLe droit des
tiers ~ pu isque les concessionnaires ne cessent
jamais d'être tenus d'indemniser ceux.ci des
dommages qui leur auront été cansés ; que telle est
la condition exprimée ou sous-entendue dans tous
les actes de concession, et qu'il ne peut cu être
autrement, par la raison que le gouvernement,
n'étant qu'une autorité de protection pour les
droits de tous, ne saurait avoir la faculté d'attribuer
à l'un ce gui appartient à un autre, ni de permettre à personne de nuire impunément à autrui.
C'est là un point de notre droit public bien reconnu par le conseil d'état lui-même. (1).
1112. Serontgarants de tous les dommages.
Qui dit tous n'excepte rien: ainsi, que le domnlage
soit causé à une autre usine déjà établie en ralentissant ou en paralysant son mouvement, ou qu'il
porte sur des bâtimen ts don t les caves se troll ven t
envahies par le regonfle men t des eaux, ou qu'il
frappe des héritages situés au-dessus ou au-dessous
de l'écluse du moulin, peu importe, puisque la
l'ègle de responsabilité est la même pour tous les
cas.
(1) Voy. son arrêt du 30 août 1814, dans le recueil de SIREY,
t. 3, p. 2, sur la jurisprudence du conseil; comme encore ceux
des 10 janvier, 2 et 16 mai lR27, dans
228 et 265.
MACAllEL,
t. 9, p. 23,
�506
TRAITÉ
Cette garantie si étendue et si impérieusement
prononcée n'est toujours soumise, quant à celui
qui la doit, à aucune autre coudition que celle
d'être possesseur de l'instrument du dommage:
d'où il suit que, pour absoudre ou condamner le
meunier, on ne doit se livl'er à aucune investigation sur la question de sa voir s'il y aurait eu ou
non quelque faute personuelle à lui imputer, puisqu'il suffit que la coustruction soit reconnue
dommageahle par elle· même , pour le rendre garant des pertes éprouvées par des tiers.
Sans doute le possesseur d'usine qui, en néglig~ant d'ouvrir ses vannes de décharge, aurait occasionné ou aggravé l'inondation, devrait être plus
sévèrement traité qu'un autre; mais en admettant
que, bien qu'il eût pris cette précaution, l'inondation ait encore eu lieu, et ait eu pour cause
l'existence du surplus de l'écluse, sa responsabilité
n'en resterait pas moins entière, parce qu'il importe peu que la perte soit déterminée parla totalité
ou seulemen t par une partie de la chose à l'existence el à la possession de laquelle la loi en rattache l'obligation de garantie.
Que les eaux pourraient causer. Ces expres:'
sions confirment bien l'interprétation que nOllS
venons de donner: car, puisque le constructeur
est responsable des dégâts que les eaux pourraient
causer dans la suite, il en résulte que la seule possibilité des dommages à venir suffit pour en rendre
responsable le possesseur de l'usine, à laquelle
�DU DOMAINE PUBLIC.
507
cette garantie est inhérenle comme une servitude
passive dont elle a élé affectée par le seul fait de
sa construction; et il doit en être ainsi, par la raison que celui qui construit une usine, dont rexistence est toujours en lntte avec le cours de reau,
et qui se place dans un lieu où cette lutte peut
porter préjudice aux droits d'autrui, ne saurait
créer une cause perpétuelle de dangers pour ses
voisins, san'g être censé se soumettre à les indemniser: il était douc juste que la loi lui imposât,
ainsi qu'à son fonds, une charge pel'pétuelle de
garantie.
1113. Par la trop grande élévation du déversoir oU,autrement. Ces dernières expressions,
ou autrement, sont très-remarquables, parce qu'il
en résulte que la garantie du possesseur de l'usine
n'est pas hornée aux seuls dommages causés par un
déversoir trop élevé, puisque la loi veut que cette
garantie s'étende même aux, dommages qui seraient
causés autrement par l'existence de l'usine. Et
telle était déjà la conséq uence de la règle générale
posée par l'article 15 qui précède.
Ainsi il ne suffirait pas à la défense du possessenr de l'usine d'alléguer qu'il a exactement tenu
son déversoir à la hauteur déterminée par l'administrati0!l' et que, n'y ayant rien d'illicite dans
sa possession et dans l'usage qu'il en fait, il ne peut
être soumis à aueu De garantie~ On lui répondrait
en effet avec raison:
1 () Que la loi ne le rend pas seulement respon-
�508
'l'llAlTÉ
sable des dommages occasionnés pal' l'élévalion
d'une écluse portée au-dessus du point fixé par
l'administra tion, mais encore de ceux qui seraien t
causés autrement: ce qui n'a pas de bornes, et ne
comporte aucune exceplion;
2° Et que, suivant la jurisprudence du couseil,
consacrée par son arrêt du 10 février 1816, l'autorisation de construire un moulin et la fixation Je
la hauteur des eaux n'ont d'effet qu'en ce qui
tient à la police de cette matière et à l'intérêt administra Lif, et que, 110nobstan t cette autorisation,
les droits de propriété ou de servitude des riverains
restent intacts (1).
1114. Ainsi, à supposer que ce soit l'administration qui ait elle-même commis nne erreUl' en
permettant au COllstructeUl' de trop élever son
écluse, le propriétaire de l'usine n'en sera pas
moins tenu des dommages causés à ses voisins,
parce que le gouvernement n'ayant ni la volonté
ni le pouvoir d'accorder à l'un la permission de
nuire impunément à l'autre en portant atteinte à
la propriété de celui-ci, sa concession n'est toujours
faite que salYo jure atieno ~ et aux risques et périls de l'impétraut,
La nature des choses nous conduit elle·même à
celle conclusion: car il faut bien remarquer que.
le nombre des lieux propres à recevoir des cons·
(1) Voy. dans le recueil des décisions du conseil, par SIREY,
t. 3, p. 230 - Voy. aussi la note de la page 488 ci-des~us.
�DU DOMAINE PUBliC.
509
tructions d'usines est illimité et indéfini; 'que ce
n'est pas l'administration puhliquequi choisit l'emplacement de celles dont on sollicite l'établissement; qne conséquemment ce choix ne peut être
qu'al1X risques et périls du propriétaire qui le fait;
que si ce dernier s'est attaché à un local dangereux.
pour son voîsinage, il doit nécessairement s'imputer de n'avoir pas mieux. conçu son entrepris~ :
Qui in loco periculoso se commiserit" de se
queri dehet (1).
Ils seront forcés de tenir ces eaux à une
hauteur qui ne nuise à personne: voilà toujours
pOOl' les maîtres d'usines l'obligation d'écarter tout
danger de perte pour les voisins.
Qui sera fixée par le directoire de départe.ment" aujourd'hui le préfet; mais s'il y a erreur
dans la fixation déterminée par ce magistrat, les
particuliers qui en souffriront des dommages n'en
devront pas moins être indemnisés, parce que l'erreur ne crée jamais aucun droit, et qu'en conséquence elle ne peut être un titre ou une cause légitime d'absolution pour l'impétrant.
Si l'on s'est trompé dans le choix. de l'emplacement; si, luttant contre les lois de la nature, on
a voulu s'attacher à un liéu où il ne soit pas possible d'établir un barrage sans qu'il soit une cause
de ruine pour les fonds voisins, quelle qu'en soit
d'ailleurs la hauteur, la responsahilité du maître
(1) L. 11 , ff. de lege a'luiliiJ., lib. 9, lit. 2.
�5tO
TRAITÉ
de l'usine sera toujours la même, parce qu'il sera
vrai de dire qu'il ne peut lui être permis de causer
impunément du p,'éjudice à autrui, et qne ce n'est
toujours que salvo jure alienq que sa cç>ustruction a été autorisée par le gouvernement.
•
1115. En cas de contravention lapeinesera~
etc., etc. Cette dernière partie de l'article ne s'applique qu'à l'action publique qui doit être portée
au tribunal de police contre le possesseur d'usine
qui a trop élevé le déversoir de son écluse; et le
vague que les auteurs de cette loi y avaient laissé
pal' rapport à la pénalité qu'elle prononce a été COI'>rigé par l'article '457 du Code pénal, portant que
cc seront punis d'une amende qui ne pourra excén der le qùart des restitutions et des dommages et
» intérêts, ni être au-dessous de cinquante francs,
» les propriétaires ou fermiers, ou toute personne
» jouissant de moulins, usines ou étangs qui, par
" l'élévation du déversoir de leurs eaux au-dessus
" de la hauteur déterminée par l'autorité compé.
" tente, auront inondé les chemins ou les pro~, oriétés d'autrui.
" 'S'il est résulté du fait quelques dég."ada tions,
" la peine sera, outre l'amende, un emprisonne" ment de six jours à un mois Ca). "
l
Ca) Pour que cet article recsoive son application, il f;lut le
concours de trois circonstances: lOque le point de retenue des
eaux ait été fixé par l'administration; autrement on ne pourrait
invoquer qne l'art. 15 de l:a. loi du 6 octobre 1791; 2 que la
0
�DU
DOMA1J.~E
,
PUBLIC.
5U
On voit, par le rapprochement des tèxtes précités, qu'aux termes de l'article 15 de la loi de 1791,
quiconque, troublant le cours naturel des eaux,
les transmet volontairement et d'une manière
nuisible à son voisin, se rend passible de l'action
publique en condamnation àl'amende, et encourt
la peine par cela seul qu'il contrevient aux. règles
générales de la police sur celte matière; tandis
qu'au contraire, et malgré le ravage que les eaux
répanùùes par l'éffet de l'écluse d'un moulin peuvent causer sur les fonds voisins, le meunier n'est
passible de l'action publique qu'autant qu'il a ensurélévation ait causé une inondation, ca~ s'il n'yen avait pas eu"
on ne pourrait agir ni en vertu dudit article 457 , ni en vertu
de l'art. 15 de la loi de 1791', ni en demandant des dommagesintérêts, d'après l'art. 1382 du Code civ. ; on aurait seulement
une actio,n civile devant les tribunaux p,0ur faire ,réduire les barrages ou déversoirs conformément à l'ordonnance royale ( Caritot, sur l'art. 457, Cod. pén. - L. 1, §,1 , if. de agu. et aqu.
pluv. arc.-L.2, § 31, if. de quid in loc. pub. -Arrêts de la.
Cour de cassat. des 1er décembre 1829, S., 30-1-32. - 14
ao~t 1832, S., 32-1-733. - De la Cour de Riom du 10 février
1830, S., 32-2..574); 3° enfin que le dommage ait été volontaire de la part du possesseur de l'usine; s'il n'y a pas eu intention, i! n'y a pas délit punissable pllr les tribunau~ correctionnels,
mais simple responsabilité civile, injuriam hic accipinius ( dit la
loi, if. ad legem aquil. ) damnum culpâ datum ab eo qui nocere no luit , à moins toutefois que le préjudice ne soit la suite
d'un cas fortuit ou de force majeure dont on ne répond pas
même civilemeut (Dubreuil, AnaTyse de la législation Jur les
eaux, nO 185. - Dalliel, Tr. de la pratiqlte des coursd'ealt,
n· 408).
�512
TRAITÉ
freint la règle qui lui avait été spécialement imposée par la fixation de la hauteur de son déver-
.
SOlI'.
.
La raison de disparité entre ces deux espèces,
est que, dans la première, l'auteur du dommage,
agissant de sa propre autorité, n'a pu se placer de
lui-même au-dessus de la règle commune; tandis
que dans la deuxième il ne doit sc soumettre qu'à
la règle particulière qui lui a été tracée par l'autorité qui était compétente pour modifier la règle générale sur le conrs des eaux, et que, ne pouva n t
être responsable des erreurs de cette autorité, il ne
saurait être punissable par voie d'action publique
à raison dll reflux des eaux, du moment qu'il ne les
a pas élevées ail-dessus du point régulateur qui
lui avait été fixé par l'autorité.
Mais les actions civiles et privées intentées en
dommages et intérêts sont indépendantes de l'action publique, parce qu'elles ont une tout .autre
cause que l'infraction à un réglement de police, et
qu'elles ne se rappol'ten t qu'à des pertes matérielles,
abstraction faite de tout régiement spécial et partiCulier qui aurait été, ou non, fait à l'occasion de
l'usine.
La cause de ces actions est telle que l'administration publique ne pourrait elle-même y porter atteinte, puisqu'elle n'est pas la dispensatrice des intérêts des particuliers.
1116. Concluons donc généralement que toutes
les fois que l'existence d'une usine occasionne des
�513
DU DOMAINE PUBlJC.
dégradations matérielles, soit à d'autres usines
précédemment établies, soit à des fonds voisins dè
la rivière, les propriétaires qui éprouvent ces lésions, de quelque nature qu'elles soient, sont en
droit de s'en plaindre à la justice, et que leurs actions en dommages-intérêts doivent être admises
quoique l'usine dont l'existence leur est nuisible,
ait été établie avec l'autorisation du gouvernement Ca).
(a) Lorsque le possesseur d'une usine ou d'un étang n'a pas
dépassé la hauteur de retenue d'eau fixée par l'admini~tration,
il est certai~ qu~il ne peut être passiblè d'aucune peine correctionnelle,.. encore qu'il y ait eu in~ndation et dommage ( arrét de
la Cour de casso du 25 août 1808, S., 9-1-291); mais est-il
en ce cas"?ga1l"ment affranchi de toute réparation civile du préjudice eausé?- On vientlle voir que M. Proùdhon soutient
la négative .en disant que l'autorisation n'estJjamais ace9rdée
qu'aux risques et pér.ils· de celui qui l'obtient, et sauf le droit
des tiers dqnt l'autorité ne peut pas disposer; M. Davie!, au
nO 817 de son TI'. de la prat. des cours d'eau (tom. 2, p. 390),
semble adopter cet avis en ce qui concerne les étangs: « Si la
" hauteur.fixée (par ,un réglement· administratif), dit-il, n'est
" .pas dépassée et que cependant il y ait inondation, les prol> priétaires inondés pourront prendre la voie civile, car l'admi- .
nistration .ne pouvait .les grever d'une telle servitude; " et
il cite à l'appui deux arrêts de la Cour de cassation des 23 j~n-'
vier 1819 et 6 novembre 1824, rapportés par Dalloz, tom. 191-58, et tom ..24-1-455. Mêm"e décision encore au 11°999, oÙ on
lit: " La cause du mal serait dans le réglement administratif
" qui aurait permis de soutenir les eaux à une trop grande hattu leur, et alors il faudrait que le propriétaire du terrain inondé
» s'adressût à l'administration pour obtenir la réformation du.
Il réglernent, et, dans tous les cas, aux 'rilmllattZ ci~il.t pO'lû'
)1
TO!l1. III.
33
�5U
TRAITÉ
Cependant il faut remarquer que les textes de
lois que nous venons de commenter ne staluent
que sur les questions de droit, et non sur le point
,. obtenir des dommages-intérêts. Le tribunal de police correc.. tionnelle serait incompétent. " Cependanf, au nO 405, où il
s'occupe spécialement des usines, il émet une opinion contraire en
ces termes: « Pour que leur responsabilité (celle des proprié" taire! des usines autorisées) soit engagée, il faut qu'il y ait
,. abus. S'ils ne font qu'exploiter et maintenir leur établissement
dans les termes de la concession légale, c'est la concession
" même qui cause le dommage: c'est donc à elle seule qu'il faut
.. s'attaquer, suivant les formes et dans les cas déjà indiqués. Que
" si elle est devenue inattaquable, elle a, relativement aux tiers,
•• tout l'effet d'une servitude légale. Il n'y a plus dommage en» traînant responsabilité civile, damnum eulpâ datum. - Non
" injuria est ,quod Jure fit. » A l'appui il transcrit l'art. 596 de
l'ancienne coutume de Bretagne, portant que: « Si par mou" lins est fait dommage à autrui, ceux à qui appartiennent lesdits
" moulins n'en sont tenus s'ils ne sont en coulpe; » et il rapporte le commentaire suivant de d'Argentré, sur cet article:
Hic sedulà distinguendi sunt casus; nam si molendinum jure
habetur, et sua jure œdiJicatum ab antiqua habet do minus sllperial', si quid indè accidat, inter casus firtuitos habendum es t
qui a nullo prœstantur, et hic casus est hujus articuli. - Excipe si culpa prœcessit casum. Culpœ genus est malèfirmos aut
perJOssos aggeres tenuisJe, qui proptereà aquam continere non
pocuerintretenturi, si sartifufssent. - Yelcumaquarum emissaria (porLas vacant) in magnâ elullie non sunt aperta, aul
piscariœ altius, quam debuerint stmctœ, et aqua in aggerem
gralliori mole ità incubuit ut impelleret, et si solita more non
est permissa decurrere: nam quod quis in sua culpabiliterfacit, si indè nocÏlum sit 'IJicino, afacienle prœslatur. - Quod si
de nOI'o molendinllm est Slructum, si non jure factum est om-
»:
�DU DmlAINli PUBLIC.
515
en fait, de savoir si l'existence de l'usine est réellement la cause des dommages dont se plaignent les
voisins; qu'en conséquence, si ce point est dénié
nimodà prœstandum est a faciente, quocumque modo occasionem damni dederit. Sin jure habuit, videndum est an vitio
infirmi operis, an aliil culpâ acciderit. - .... Cœtera quœ sine
1Jitio operis aut domini culpâ contingunt, in flrtuitis habenda
sunt. Hœc advocati discant.
Quant à nous, nous pensons, avec M. Proudhon, que l'autorisation administrative exigée dans l'intérêt général et comme
mesure de police (vo)". la note de la page 488 ci-dessus) ne
peut avoir pour effet de rendre les voisins qui ont éprouvé lm
préjudice, non-recevables à s'en plaindre. Cependant nous ad~
mettrons que pour qu'il y ait lieu à réparation, il ne faut pas q ne
le dommage soit.le résultat d'une crue extraordinaire des eaux,
laquelle doit être évidemment considérée comme Un cas de force
majeure dont on n'est pas en général responsable.
Vainement1l\i. Chardon, nO 22 de son Traité du droit .d'alluvion, soutient que~lc propriétaire d'un étang ( et il faudrait en
dire de même d'une usine) ne peut alléguer en ce cas la force
majeure, parce que la retenue des eaux étant faite dans son intérê(, il aurait dû calculer les dimensions de es débouchés. de
mauière à prévenir toute espèce de dommage, e que c'est à celui
qui retire les avantages d'une chose, à en supporter les iuconvénients et la responsabilité.
Comme le démontre très-bien M. Daviel, nO 819, cette décision est trop rigoureuse; le cours des eaux a des vicissitudes
que la prudence humaine ne peut maîtriser j il faudrait renoncer à former aucun établissement sur les rivières si le propriétaire pouvait être garant des dégâts causés par des crues accidentelles et extraordinaires sur le motif que le dommage n'eût
pas eu lieu ou eih été moindre sans la retenue de l'usine.
En pareille circoustance, le seul point à considérer est si le
�516
par le meunier, c'est à ceux qui réclament des indemnitésà en administrer préalablement la preuve
par la double raison qu'ils ~gissent en qualité.de
propriétaire de l'étang ou de l'usine dont l'existence a contribué
li aggraver pour le voisinage l'inconvénient de la crue des eaux,
n'a aucune faute à s'imputer.
En cons~quence, il faudra examiner: 1° si, en établissant sa
chaussée ou son barrage, il a pourvu à tout ce que la prudence
ct l'art conseillaient et à tout ce qu'exigeait l'expérience acquise des inondations auxquelles Il' pays était ordinairement
sujet. A cet égard l'autorisation administrative, qui n'intervient
que sur le rapport d'habiles ingénieurs ct ensuite d'informations où tous les griefs et même les simples appréhensions peuvent se produire et sont presque toujours présentés avec exagération, formera en sa faveur une présomption qu'il sera bien
diŒcile de comb:lttre;
2° S'il a constamment entretenu son bief et ses chaussées en
bon état et dans les dimensions et avec les précautions prescrite~
ou existantes au moment de la vérifica 1ion fa ite~ par les ingénieurs lors de la mise en roulement; par exemple, si le bief
était curé et purgé des herbes qui y croissent, si les chaussées
'latérales n'étaient pas dé~raMI s, si des attérissements ne s'étaient pas form au-devant des vannes, si des hausses n'avaient
.
pas été placées sur le déversoir, etc., elc.;
3° Enfin si ,au moment de la crue, il avait levé toutes les vann'es
de décharge.
La c~utume de Provence soumet le maltre de l'usine à la responsabilité des dommages éprouvés par les voisins à raison du
déuordl'llIl'nl, à moins, dit Bomy dans ses Mélanges, pag. 21,
que ledit déhord provienne de quelque déluge d'eau, vu que le
~asfortuit ne peut être imputé à personne. Mais, ajoute-t-il, « sÎ
" l'eau fuit dudit fossé, à raison des brèches qu'il ya au bord,
.. ou pour n'être pas bien curé, ou pour n'avoir sa juste largeur
" et profondeur, ou autrement pOlr1l. faute dudit fossé, lemaltre
�nu DOMAINE PUBLIC:.
517
demandeurs, et qu'on ne doit pas de plein droit présumer que la construction est vicieuse.
Cette preuve pent au surplus résulter de la notoriété publique, comme lorsqu'il est bien reconnu
dans la contr~e que les hérilages qui n'étaient point
sujets à l'inondation auparavant, s'cn trouvent atteints depuis la construction d'une usine qui n'cst
pas très-ancienne.
Elle peut aussi résulter des rapports d'hommes
de l'art qni auraient été chargés de faire le nivellement des lieux et celui des eaux dans les temps de
débordement (a).
SECTION III.
Des débats entre les propriétaz'res d'usines voisines, principalement de celles établies sur le merne cours d'eau.
. 1117. Il ne s'agit encore ici que des réclamations individuelles eu dommages-intérêts qni peuvent s'élever entre les propriétai,'cs de diverses
usines rapprochées les unes des autres, ct nulle" est tenu. Il - D'Olive-, liv. 1", chap. 35, rapporte un arrêt
du parlement de Toulouse, du- 20 novembre 1613, qui condamne le propriétaire d'un moulin :lU dommage souffert par un
hateau emporté contre les piles par la violence de l'eau sortant
d'une hrèche existant dans l'écluse. Denisart, V O moulin, nOS 14
et 15, cite de semblables arrêts.
Ca) Il n'est pas nécessaire que les procès-verbaux établissant
l'inondation constatent en même temps le dommage éprouvé; le
plaignant peut demander à l'audience à faire cette preuve au
moyen d'une expertise, ainsi que l'a décidé la Cour de cassation
par arrêt du 4: septembre 1835 (S., 35-1-680).
�518
TR.AITÉ
lllent ùes acLÏons qui auraient pour objet la suppression de quelques-uns de ces établissements, demanùée par certains propriétaires contre d'autres.
Les usines peuvent se nuire sous le rapport de
leur produit, à raison de la concu(rence résultant
de leur voisinage.
Elles peuvent se nuire matériellement aussi dans
l'usage du cours d'eau qui les fait rouler, lorsque
l'une vient paralyser la force motrice qui donne la
vie à l'autre.
L'examen de ces deux hypothèses formera l'objet des paragraphes suivants:
~
J. -
Conflit d'intértts sous le rapport de la concurrence.
1118. Quand il s'agit d'un meunier s'opposant
à la construction d'un nouveau moulin, ou formant quelque plainte à ce sujet, sur le seul fondement qu'il se trouvera exposé à souffrir une diminution de clientèle, il est évident que cette réclamation n'étant fondée que sur la crainte de p.erdre
une partie des gains ou profits qu'il était précédemment dans l'usage de percevoir, on doit appliquer à sa cause les principes établis dans la première section de ce chapitre, et le débouter de sa
demande.
S'il en était aU~l'ement, il faudrait dire que les
hanalités seigneuriales de moulins étaient des droits
de propriété légitime, et CJue les lois qui les ont
supprimées sans indemnité ont consacré tlne injustice.
�DU DOMAINl !'UllUC.
519
Ainsi l'administration publique, exel'çant son
haut pouvoir discrétionnaire, reste toujours plei..
nement maîtresse d'accueillir ou de rejeter les oppositions de cette nature, suivant qu'elle le juge
convenable aux aisances des localités et aux besoins de la société; et le refus qu'elle aura fait d'admettre l'opposition du meunier ne pourra donner
lieu à aucune action ultérieure,
Néanmoins cette question était autrefois controversée, et l'on trouve cités par les auteurs (1) ,
des arrêts ordonnant la démolition de nouveaux
moulins à raison d(la concurrence qu'ils faisaient
à d'autres plus anciens, dont ils diminuaient les
revenus; mais cette opinion, qui pOllVait avoir
des approbateurs au temps où la faculté d'établir
un moulin était regardée comme un droit de propriété seignemiale et privilégiée, ne pourrait: plus
être admise aujourd'hui que la propriété des fonds,
et l'exercice de toutes sortes d'arts 'industriels,
ne sont régis que par les principes d'une corn'mune liberté, qui n'a d'autres homes que le point
où une entreprise quelconque pourrait nuire au
bien général de la société, quand d'ailleurs elle ne
porte pas matériellement atteinte à la propriété
d'autrui.
En fait de moulins, ]a (:oncurrence est utile en
ce qu'elle est une cause d'émulation qui porte les
(1) Voy, dans lIE
quest. 34.
YS
et son annotateur, livre 3, chap. 3,
�520
TllAll'Ê
meuniers à mieux fabriquer les uns que les autres,
et qui amène d'ailleurs en généraillue diminution
dans le prix de mouture.
Cependant, comme il n'y a rien d'absolu, etque,
suivant les circonstances, les mêmes causes peuvent
produire des résultats opposés, il pourrait arrivel'
que dans les campagnes isolées où il ne se fait aucun commerce de farines, et où l'on ne mout que
pour la consommation locale, l'établissement d'un
trop ~rand nombre de moulins produisît des effets
fâcheux pour le public en déterminant les meuniers
à employer des moyeus illicites pour se procurer le
gain qécessaire à leurs besoins et à ceux de leurs
familles. L'administration aura donc, comme on
'Vient de le dire, à peser ces diverses considérations
lorsqu'il s'agira d'autoriser de nouvelles usines Ca);
(a) Nous J,lç. pensons pas que, même par les considérations
d'intérêt général invoquées par M. ProudholJ et adoptées aussi
par M. Tarhé de Vauxclairs (Va moulin, au Répert. de nouv.
législat. de M. Favard de Langlade), l'autorité administrative puisse limiter le nomhre des étahlissements industriels qui,
comme les moulins, ne préslf'ntent aucun danger d'insalubrité
ou d'incommodité publique, parce que, comme il le reconnait
très-hien lui-même, cc seraÏ\t rétablir les anciennes banalités
féodales et réorganiser les m;litrises et les corporations dont
l'institution était motivée plus encore sur les intérêtslgénéraux
du pays que sur l'inlérêt privé.
Ainsi que le démontre M. Sirey dans une dissertation insérée
3 la page 92 de la 2c partie du tom. 22 de son recueil judiciaire, l'administration ne doit interveni ,en ce qui concerne
�DU DOl\WNE PUlILlC.
521
mais dans aucun cas, les particuliers ne sauraien t
être admis à les invoquer à l'appui d'une aClion
judiciaire.l'établissement d'une usine, que dans trois cas, auxquels nous
en ajouterons cependant deux:
1° Lorsque ceUe usine se trouverait dans la ligne des douanes
( Lois des 22 aout 1791 , art. 41 , tit. 13; 22 ventose an Xl, et
30 aiJril 1806 ) ;
2° Lorsqu'elle rentre dans la classe des établissements dan-.
gereux ou incommodes, spécialement désignés dans le décret
du 15 octobre 1810 et dans les décrets et ordonnances subséquents;
3° Lorsqu'ayant pour destination de façonner le bois ou devant en faire une grande consommation, on voudrait l'établir
à une certaine distan~e des forêts soumises au régime forestier
(Art. 151 et suÎiJants du Code forestier);
4.. Lorsqu'elle doit être mise en mouvement par l'eau, afin
de déterminer la hauteur de la retenue et de régler la force
motrice et le régime hydraulique (Lois des 12-20 août 1790.
-Cod. rural, art. 16, tit. 2);
5° Enfin lorsqn'il doit être fait usage d'une rivière navigable
ou flottable, ou de l'un de ses affluents, pour empêcher que l'éfablissement ne nuise au service public ou ne détourne les eaux
(Ordonnance de 1669, tit. 27, art. 42 et 43.-Arrélé du directoire du 19 ventôse an VI. - Instruction du ministre du 9
thermùlor sUlPant).
A part ces cas, et sous tous autres rapports, l'administration
n'a qu'un pouvoir de suriJeillance et non de tutelle ou de domination; son autorisation n'est pas nécessaire. C'est ainsi que
les machines à battre le blé, mues par des chevaux, sont chaque
jour établies sans autorisation, et qu'il en serait de même d'un
moulin à blé marchant au moyen d'un manége.
.
Un préfet qui, après avoir ré&lé le point de retenue des ea~,
s'opposerait à l'établissement d'un moulin sous le prétexte qu'il
�522
'l'RAll'E
§ 2. - Conflit d'intérêts sous le rapport de l'usage du cours
d'eau.
1119. Pour résoudre les difficultés qui peuvent
s'élever enlre les meuniers, nou plus sur la dimiy en aurait dans le pays un nombre suffisant, et que la création
de nouveaux pourrait nuire à l'intérêt public, commettrait un
manifeste excès de pouvoirs, parce que l'industrie est libre
aujourd'bui, et que la concurrence est encouragée, loin d'être
défendue ou restreinte.
Aussi divers arrêts du Conseil d'état, notamment des 5 janvier 1813, 14 mai 1817,22 juillet 1818 et 23 juin 1819, ontils l1écidé que Il la question de savoir si une manufacture sera
,. autorisée, n'est pas snbordonnée à des ~aisons puisées dans
» l'intérêt du commerce; qu'il s'agit uniquement de savoir si
,. l'établissement projeté n'est ni insalubre ni dangereux.... et
,. qu'un maître de verrerie n'est pas recevable et fondé à former opposition à la construction d'une verrerie nouvelle,
quelque dommage qui puisse résulter pour lui d'une concurrence future. » (Jurisprudence du Conseil d'état, tom.
2, pag. 181, et tom. 4, pag. 399).
Même avant la révolution, on rejetait, en général, les oppositions à l'établissement de nouveaux moulins, qui n'étaient motivées que sur les inconvénients de la rivalité et de la concurrence
(Arrêt du Parlement de Rouen, du 29 mars 1548, cité par Bel'ault, sous l'art. 210,deIa coutum. - Despeisses, des droits seigneuriaux, tit, 5, art. 3, nO 6. - Cœpolla, de servit., tract. 2,
cap. 4, nO 30). Dumoulin, sur l'ancienne cout. de Paris, art.
52, gl. 2, nO 7, dit, en examinant la question entre le seigneur
justicier et son vassal, que chacun est maître de tirer de son
hien tout l'avantage, tout le profit qu'il doit ou qu'il pellt naturellement fournir.
D'Argentré, sur l'ancienne coutume de Bretagne, propose,
relativement à la construction des moulini, deux règlCi coutul)
l)
l)
�DU DOMAINE POllue.
523
nution de lem clientèle, mais sur l'usage matériel du coms d'eau qui fait rouler leurs usines, il
faut se rappeler que, comme nous l'avons établi
au chapitre 40 (l),quoique la possessiou d'un cours
d'eau ne soit toujours que précaire vis-à-vis du
gouvernement, qui n'en a point fait de concession,
elle doit cependant être considérée comme exercée
à titre de maître, et l'usage du coms d'eau doit
être regardé comme une propriété légitime et incommutahle entre les mains de tout particulier
comparativement aux autres particuliers.
Rappelons encore que, quand le gouvernement
fait à quelqu'un la concession d'un cours d'eau
pour y établir une usine, il ne dispose que de ce
qui appartient à la surintendance de sa police sm
les eaux, en sorte que cette libéralité de sa part ne
doit jamais être exécutée que sauf les droits d'autrui (a).
Ces principes une fois posés, voyons·en les consémières qui confirment notre assertion: « Tout homme, soit
" noble ou roturier, peut faire moulin, pourvu qu'il n'en» dommage autrui en sa terre, ni ne préjudicie à autre qui en
)) ait auparavant lui, par regorgement d'eau ou autrement.» Ce n'est pas pour former intérêt ni juste cause d'opposition,
» de dire que la construction de nouveau moulin fera qu'il
)) viendra moins de moutaux à l'opposant. ))
Il en est de même en Angleterre. Voy. Blackstonne, Commentaire, liv. 3, chap. 4, nO 1 er.
(1) Voy. sous les nOS 980 et suiv.
(a) Voy. la note de la pag. 488 suprà, et le nO 1105.
�5i4
Tru\rrt
quences, dans les trois seules hypotl::èses qUl
peuvent se présenter:
10 Celle où les deux usmes son t également
fondées en titre;
2° Celle où ellcs en sont également dépourvues;
3 0 Enfin celle où l'une d'elles a été élablie avec
l'autorisàtion dn gouvernement, tandis que l'autre
, qu ,nne eXIstence
•
'11 / 1
na
1 ega e.
,1120. SUPPOSONS d'abord qu'il s'agisse de
deux mouLins dont IJexistence soit légale,
mais qne, lors de leur construction simultanée,
le gouvernement leur ail imposé nn réglement sur
leul' usage respectif du cours d'eau~' Dans .ce cas
les tribunaux devant lesquels seront portées les
contestations des deux meuniers n'auront autre
chose à faire qu'à ol'donner l'exécution ponctuelle
du réglement qui leur fllt imposé comme condition de leur établissement Ca).
Il en serail de même si le réglement, sans avoir
(a) Lorsque l'acte administratif est clair et positif, les trihunaux n'ont qu'à comp:lrer l'état :lctuel de l'usine avec ses dispositions; ils n'ont pas besoin de renvoyer les parties devant
l'autorité administrative pour faire reconnaître par elle s'il ya
infraction; le renvoi ne devi~hèrait nécessaire qu'autant ,que
par son obscurité ou son ambiguité, le réglement aurait besoin
d'interprétation. Voy., sur le principe général; les 'arrêts et
autorités cités sllprà, pag. 546 du tom. 2·, et s~r s~n application au cas parliculier un arrêt de la Cour de Bourges du 17
mai 1831. - Sirey, 32-2-30,
�DU DOMAINE PUIIUC,
525
été spécialement fait pour eux, se trouvait dans les
statuts de la police locale, ou dans l'ancienne
contu me de la province, parce que la construction des moulins n'aurait toujours été fa'Îte que
subordonoement à ces anciens réglements, que
nous voyous partout maintenus par nos lois, en ce
qui concerne les cours d'eau, tant qu'ils n'ont pas
"b
' .par d'aU,tres pus
l'
ete
a roges
reccnts.
Il y aurait encore lieu à semblable décision si
les meuniersàvaient précédemment fait quelques
conventions ou transactions sur l'objet de leur
litige, puisque, de l'un à l'autre, tout' est dans le
droit p'ri~{ (a).
'
(a) On doit appliquer à la destination du père de famille
ce que l'on dit de la' transar,tion expresse. Dans l'un et l'autre
cas, les tribunaux doivent faire exécutl"r la convention positive
ou tacite: « Attendu (por,te un arrêt de la C'Our de cassation du
» 22 frimaire a" VlIl, Sirey, 1-1.-27,1, annullant un jugement
Il qui avait refusé de connaître d',une t~ansaction relative à la
» fixation de la hauteur des eaux entre deux usines sur le fon» dement que c'était aux corps administratifs à prononcer sur la
• question de nivellement) qlr'il ne s'agissait dans la cause que'
Il de l'intérêt privé des parties; que la transQction faisait leur
JO loi, et que les difficultés qui pouvaient s'élever sur l'exécuIl tion entraient dans la compétence des tribunaux; -que d'ailIl leurs la question d'intérêt public sur la hauteur des eaux des
» usines, qui est allribuée à la décision des corps administra~
tifs par les lois sur la police rurale, n'avait été élevée par
Il aucune partie. Il
Les mêmes principes ont servi de base à un second arrêt de
la même Cour, du 4 juin 1834 (S, , 35-1-669) , ainsi motivé:
" Attendu que devant la Cour royale -de c.'len, toutcs les p;\r)l
�526
TRAITÉ
Enfin, à défaut ~e tout réglement légal ou conventionnel, les tribunaux auraient à statuer conII ties avaient hien le même intérêt, qui était que le cours
" d'eau servant à faire mouvoir leurs usines fût réglé de
» manière à ce qu'il n'en résultât de préjudice pour aucune;
" mais que l'autorité judiciaire n'avait pas, pour faire ce ré" glement, une compétence générale; qu'il lui appartenait
" seulement à l'égard de ceux des propriétaires qui invoquent
II les titres, de statuer sur leurs prétentions par application de
Il ces titres entre eux; qu'à l'égard de ceux qui n'en avaient
·11 pas; c'était à l'ilUtorité administrative, qui a dans ses attribuII tions la police des eaux, à prononcer sur leurs contestations
" dans un intérêt général; - que d'après cette distinction con" forme à la loi et il ln jurisprudence, cn, ce qui concernait
" 10 la demande de Lemoine , propriétaire d'une m.ine, contre
» Lefevre, propriétaire de l'usine inférieure, ladite demande
" tendante à ce que celui-ci fût tenu d'établir ses vannes de
" manière à empêcher le refluement des eaux sous l'usine de
» l'autre et à les tenir à telle hauteur, la Cour royale a dû,
II comme elle l'a fait, en
l' (lbsence .J-e titres, renvoyer cette
" demande à l'autorité administrative, qui avait à connaître
li de l'utilité de ces travaux, et aussi :1 les combiner dans un
II inté;êt plus général sur le cours entier de la rivière; que,
II dans cette partie de ses dispositions, l'arrêt né peut encourir
l> la censure; 2° en ce qui concernait la demande entre
l> Lefevre et Desprey-Boutry son vendeur; attendu qu'elle re» posait sur des titres; que l'acquéreur Lefevre concluait à
" ce que, en exécution des contrats de vente, à lui consentis,
II le demandeur en cassation, Desprey, fût tenu d'abaisser ses
li déversoirs et de faire d'au.tres changements; qu'il invoquait
» de plus, pour le maintien de l'état actuel de son usine,
" u.ne destination du père de famille; que cette branche de la
" contestation, ainsi qualifiée, était de la compétence judiciaire;
" que l'arrêt y a donc régulièrement statué, et que la décision
�DU DOMAINE PUBLIC.
527
fonnément aux principes de l'équité et aux règles
du droit commun Ca).
1121. SUl'l'OSONS,en second lieu, que, comme
il arrive le plus souvent à l'égard des petites nsur ce chef, rendue par application et interprétation des
" conventions des parties, ne peut donner ouverture à cassaI> tion; que ces conventions, faites dans des intérêts privés,
.. n'intéressaient nullement l'ordre public, mal à propos invo" qué au soutien du pourvoi. »
(a) L'arrêt de la Cour de cassation, du 4 juin 1834, rapporté dans la. note précédente, ainsi qu'un autre de la même
Cour, du 28 décembre 1830( S. J 31-1-45), décident que quand
la hauteur de la retenue n'est fixée ni par des conventions ni
par des réglements administratifs, la demande en abaissement
des vannes et du déversoir doit llécessairement être portée devant l'administration; suivant un troisième arrêt de la même
Cour, du 30 août 1830 (lS. ,31-1-44), les tribunaux ne pourraient, sans violer les règles de compétence, prescrire seulement
l'abaissement des vannes, mais ils auraient le droit d'ordonner
la destruction absolue du barrage illégal, en vertu des art. 1382
et 1383 du Code civil.
Ces divers arrêts sont difficiles à concilier et ne nous paraissent
reposer que sur une confusion de principes et d'attributions;
cc sans doute, comme le dit M. Daviel, 11° .666, l'autorité juII diciaire ne peut fixer à priori et définitivement une hauteur
II d'eau; mais s'agissant de la réparation du dommage causé
II par une retenue d'eau excessive, elle peut très-bien, provisoirement, et sauf réglement ultérieur de la part de l'admiII nistration, ordonner l'abaissement du
barrage, usquè dum
II non noceat. II Un des arrêts reconnaissant aux tribunaux le
droit d'ordonper la suppression complète, il est bien singulier
-qu'il lui refuse celui d'en prescrire l'abaissement, qui n'est rie.
autre chose qu'une suppression partielle.
»
)l
•
�528
TRliT~
vières, les moulins ne soient ni l'un ni fi autrt!
fondés. en titre, et qu'il y ait absence de tout réglement dans la coutume locale sur l'usage de leur
cours d'eau: c'est le moulin de la plus ancienne
construction qui devra obtenir la préférence jure
prioris occupationis J attendn flue, lors de .la
construcLÏon du second, l'on a dû respecter les
droits qui-lui étaient déjà acqllis : Molendina si
duo in eodem./lùmine possederint, quoadrestagna.tionem pacta et consuetudo primàm servantur; -/Lis deficientibus, qui prior aedificavit,
primas habet partes..:... 8uperior praeveniens
sive praeoccupans hoc jure sine dolo uti poterit Cr).
Ainsi, ~ snpposer qne le môulil1 sup~rieur eût
été cûnstl'llitle premier, et ql'_e l'écluse-du second
opérât dans les eaux un regonflement qui mît
obstacle à son roulement, ou qui le ralentît, le
propriétaire aurait à ce sujet une action en dommages-intérêts à faire valoil' devant les tribunaux Ca).-JOANNES HERIN GlUS ,tractatus de molendinis, ques{. 20,
10, édition de Lyon de 1663.
(1)
nO
Ca) Ces principes sont formellement consacrés par un arrêt
de la Cour de Çaen, du 28 septembre J 824, rapporté à lapage 279 du tom. 3 du Journal des arrêts de cette Cour:
" Considérant en fait, que les usines du sieur Hual'd avaient
.. été établies sur la rivière de Sienne, plusieurs années avant
" celles du sieur Elier; que le défaut d'autorisation du gouver,; nement, dans le principe-, pour l'établissement de ces usines.•
�&29
DU DOMAINB PUllue.
Ainsi encore, et dans la même hypothèse où le
moulin supérieur aura été étaLli le premier, si le
ne peut être un prétexte en faveur d'Elier pour l'autoriser il
du dommage à Huard; - qu'en effet l'autorisation
préalable qui doit être demandée au gouvernement pour formerdes établissements sur des cours d'eau est une mesure
de prévoyance introduite par forme de haute police pour
JI prévenir l'abus de l'usage des eaux et les contestations sans
" nombre auxquelles cet abus donnerait lieu; mais que ce serait
JI tirer une fausse conséquence de cette disposition, que de
Il soutenir que, par cela seul qu'un propriétaire d'un fonds
" supérieur a étahli , sans une autorisation préalable, une usine
" qui ne cause aucun dommage au propriétaire du fonds inféIl rieur, celui-ci a pu impunément établir à son tour, sans
" autorisation, une autre usine qui, au moyen d'un barrage
" trop élevé, fait refluer les eaux sous l'usine dc son voisin, et
" peut la mettre dans une inactivité eomplète. ..
La doctrine qui sert de base à cet arrêt est éminemment juste "
car l'autorisation des usines n'est prescrite que dans l'intérêt
public, et l'administration peut seule exciper de son absence.
Un particulier ne pourrait jamais s'en faire un moyen, lors
même que, possesseur d'une usine'supérieure autorisée, cette
usine éprouverait du dommage de l'usine inférieurc non autorisée, par suite du regonflement des eaux1 si cette dernière
existait ainsi depuis plus de 30 ans, ou si Une convention privée en autorisait l'existence, parce qu'ic~ la prescription ou la
conventio'il portent sur un intérêt purement privé (voy. , cn
ce qui concerne la prescription, le Traité de M. Troplong,
nO> 137 et 138; et relativement au dommage qu'une usine
située sur le cours d'eau qui en met en mouvement une autre
peut eauser il celle-ci, Du Fa il , Arrêt et rég. du Parlem. rde
Bretagne, liv. 2, ch. 171;-Salvaing, de l'usagedesjiejs,
ch. 63; - Coll~t, Statuts de Bresse, liv. 3, sect 2 , art. 12;
JI
"
"
"
"
cau~er
1'0.'11. III.
34 .
�530
TIlAl'l'É
mouvement n'en peut être qu'intermittant ct pal'
éclusées à cause de l'insuffisance des eaux:, le pl'O~
priétaire, agissant sans affectation et sans fraude,
ponrra retenir les eaux dans sou écluse pour ne les
lâcher qu'à sa cOII:lmodité, nonobstant le besoin
que l'autre pourrait en avoir.
1122. Mais si c'est, au contraire, le moulin
supérieur qui a été construit le dernier, il ne
pourrâ retenir à volonté les eaux dans son écluse
pour les faire attendre au moulin précédemment
établi pl us has, et qui avait déjà un droit acquis
à la jouissance du cours d'eau suivant son état primitif: Procurator noster ne quid contrà veterem
jormam atque solemnem morem innovetur"
providebit (1).
La post~riol'ité de construction dans le moulin
supérieur aura encore cet effet, que le pl'Opl'iétaire
ne pourra se plaindre du regonflement des eaux
produit par l'état ordinaire et préexistant de l'écluse
de l'usine inférieure, attendu qu'il ne pourrait
s'en prendre qu'à lui-même, d'avoir choisi un
mauvais local pour y placer son établissement:
_ De la Marre, Tr. de la police, tom. 3, liv. 5, tit. 40,
ch. 8, § 20;; - Bouvot, Quest. not. du Parlem. de Dlïon,
Va moulin, quest. 1re ;- Brodeau ,sur Louet, lettre M. , § 17,
na 9; -Bouchel, Bihlioth. du Dr. ft., Va moulin;-Boucheul, sur Poitou, art. 40; - Auroux des Pommiers, sur
Bourhonnais, art. 539; et Merlin, Rép., Va mOllHn, § 11. )
(1) L. 7 in fine, cod. de servitutihus et aquâ, lib. 3,
tit. 34.
�DU DOM.ilN~ PUBLIC.
531
Qui in loco periculoso se commissit, de se
queri debet (1).
Enfin il serait possible que les deux moulins
fussent assez anciens pour qu'on ne pût pas reconnaître lequel a été construit avant l'autre: et alors
les tribunaux: devraient, après avoir entendu les
deux meuniers, leur prescrire ex aequo et bono
un régle'ment à suivre dans l'averiir sur l'usage de
Jeur cours d'ea.u.
La justice ordinaire serait ici compéten te, attendu
qu'il ne s'agirait pas d'un réglement général fait
dans les intérêts collectifs d'une localité, mais
seulement d'un réglement des intét'êts individuels de deux meuniers sur la jouissance d'une
chose commune entre eux" comme lorsqu'il est
question d'opérer le partage de droits .successifs
o~ dépenda.nt d'une hérédité; et qui sont en litige
entre deu"{ héritiers.
1122 bis-. SUPPOSONS enfin que l'une des deux
usines soit seule fondée en titré; dans ce troisième cas la circonstance de l'antériorité de l'étahlissement doit encore déterminer la solution en faveur de celle qui est plus ancienne, attendu que tant
que l'administration publique souffre l'existence
d'un moulin, même construit sans sa permission,
tout propriétaire aux fonds duquel il n'est devenu
nuisible que par son propre fait et en raison seulement du nouvel établissement qu'ila créé, est tenu
(1) L. 11, if. ad legem aguiliam, lib. 9, tit. 2.
�532
-l'llAlTÉ
de le respecter comme propriété légitime entre" les
mains de son possesseur" Ainsi le maître d'un-moulin supérieur, construit sans autorisation, au fait une
action en d'ommages-intérêt"S contre celui quiaurait
établi postérieurement en aval, avec l'autorisation
ùu g"üuvernement, une usine dont l'écluse opérerait un regonflement des eaux, et mettrait, par
suite" obstacle au roulement de son moulin.
Inutile d'ajouter que si le titre légal venait se
joindre à l'4lntériorit~ de construction, le pruprié-.
taire de l'usine ainsi fondée en fait et en droit,
devrait lOtijours obtenir la préférence sur celle qui
seraii dans la position inverse (a).
CHAPITRE LU.
Des autorités compétentes pour statuer sur les débats ayant
pour cause des constructioDs et roulements d'usines établies
sur les eours a'éllu.
Les autorités dont il s'~git ici sont:
L'administration active,
Les cODseils de préfectu re ,
Les tribunaux: de police correctionnelle,
Et les tribunaux civils.
(a) La discussion de cette troisième hypothèse qui lie trouvait presque littéralement dans le second alinéa du nO 1121 de
la première édition, relatif au cas où aucune des usines n'est
autorisée, a été placée sous ce numéro supplémentaire, pour
plus d'ordre et de darlé.
�lJU 00MAIm! PUBLIC;.
533
SECTION PREMIERE.
De la compétence de l'admînistratÜJn active relativement â la
construction dei usine",.
1123.
1
Comme nous l'avons dit ailleurs, c'est
à l'administration active qu'appàrtient exclusivement le droit de régler, dans l'intérêt général de
l'état ou dans l'intérêt collectif des diverses contrées,.tout ce qui concerne les cours d'eau (l);d'y
autoriser la r.onsttuction des usines, et d'el~ fixer
la hauteur des écluses ou déversoirs.
Il y a à cet égard une distinction à faire entre ce
qui est relatif à l'établissement des moulins et
usines, et ce qui ne concerne que des mesures
moins importantes à prescrire seulemént pour di~
riger ou régulariser l'écoulement des eau~ •
.Quand il est question de construire un moulin
ou autre usine, l'établissement ne peltt én être légalement consommé qu'en vertu d'une ordonnance
du roi (2).
Mais lorsqu'il ne s'agit que de permettre l'exhaussement ou de prescrire l'abaissement d'une
écluse ou d'un déversoir, d'en agrandir ou modifier
les portières, de les déplacer pour les établir ailleurs,
ou de tout aulre changement à faire dans la construction pour donner aux eaux un plus facile
écoulement, il n'est pas nécessaire d'obtenir autant
d'ordonnances du roi sur ces objets de dét(liJ,
(1) Voy. au chapitre 42, sous les nO' 1005, 1006 et 1007.
(2) Voy. au chapitre 49, sous les nO' 1055, 1056 et 1058.
�'l1U1'l't
quoique ce lIoit toujours à l'administration active
à les prescrire par l'organe de ses agen ts, qui son t
les préfets et le m~nistre de l'intérieur_
Pour avoir des notions justes sllr la compétence
dont il s'agit ici, il faut considérer l'administration
sous le rapport soit du pouvoir dont elle est revêtue,
soit de& conflits d'intérêts qui peuvent s'élever
entre les particuliers sur l'exécution des mesures
par elle prescrites.
1124. CONSIDÉRÉE par rapport à son pouvoir,
on doit dire qu'en ce qui tient au réglement des
eaux, l'administration active agit en souveraine;
qu'elle seule est juge suprême des motifs qui la
déterminent dans les mesures;qu'elle prescrit pOUl'
les établissements d'usines comme pour d'autres
objets réglementaires. Son action alors est nne
action toute puhlique, qui ne peut apparteuir qu'à
un pouvoir de gouvernement agissant dans l'intérêt collectifde la société.
En effet, les établissemeuts de moulins et
àutres usines n'intéressent pas senlement les constructeurs et les propriétaires du voisinage: ils intéressent aussi, d'une manière plus ou moins
importante, la généralité du commerce, puisque
c'est pal- les fabrications qui s'y opèrent qu'on
parvient à satisfaire les besoins généraux de la
société. Il faut donc de toute nécessité, que le
gouvernement, qui es~ chargé de pourvoir à ces
mêmes hesoins, soit pleinement le maître d'employer les moyens qui se présentent à lui pour
parvenir à cette fin.
�DU DOMAINE PUliLIC.
535
Ainsi, lorsque SUl' la demande en établissement
d'une usine, l'administration a recueilli, par le
moyen de l'enquête de commodo et incommodo,
par le rapport de l'ingénieur des ponts ct ëhaus-'
sées, et par celui du préfet, tous les renseignements
qu'elle a pu se procurer pour éclaii'er sa religion
soit sur les conven<fnces publiques qui peuvent se
rattachel' à l'établissement demandé, soit sur son
opportunité et son utilité, elle statue nécessairement sans recours à aucune autre autorité, puisque
en pareille circonstance ce qu'elle permet, ordonne
ou défend, appartient à l'action même du gouvernement qui lui est confiée.
1125. Il résulte de là que, si cel!x qui se re~
gardent comme ayant intérêt à ce que l'établissement d'une u~ine n'ait pas lieu veulent former
opposition à la demande qui en est' faile, ou à
l'ordonnance de concession si elle est déjà rendue,
ils ne peuvent agir que par des remontrances
adressées à l'administration ae Live elle-même, pour
mieux l'éclaircI', et l'engager à rejeter la demande
ou à revenir sur sa première décision; mais qu'ils
ne pourraient se pourvoit' par opposition ou recours
au contentieux administratif ou jndiciaire, puisque
en cette matière nul ne peut avoir le dl'Oit d'imposer à l'administration active la loi d'un jugement
étranger à sa propre détermination.
Il n'y a d'exception à cette règle quedans le cas
où celui qui a demandé la p.ermission de constrl1Î l'e
l'usine, voudraitl'établir sur un terrain dont il ne
J
�536
'l'JlAl1'Ê
serait pas proprîJlaire : alors, el suivant le prescrit
des Jois ùes 8 mars 1810, 7 juillet 1833 et 3 mai
1841, le maitre du fonds envahi par le constructeur pourrait l'l'courir à la justice ordinaire .pOUl"
faire interdire et même démolir' les travaux.
H26. A supposer qu'un individu ait entrepris
la construction d'un moulin sur un cours d'eau
sans en avoir obtenu la permission du roi, l'administration active peut ordonner la destruction des
travaux commencés, ou la suppression de l'usine
déjà_construite (1), parce qu'elle n'agit alors que
par une action d'intérêt puLlic, pour réprimer l'atteinte portée à son autorité; qu'étant chargée du
régime des eaux, il faut bien qu'elle ait le droit
d'ordonner l'enlèvement de tout barrage formant
obstacle à leur libre cours, quand elle n'a point été
appelée à en vérifier préalablement les convemll1ces
et àZen approuver l'établissément. Mais quant aux
.peines qui pourraient être prononcées par les lois
contre le constructeur téméraire, ellc devra en
,renvoyer l'application à l'antol'ité jndiciaire qui
sera reconnue compétente d'après les circonstapl;es
du fait (2), attendu qu'elle ne peut exercer le pouvoir judiciaire ni ail criminel ni au civil.
Il résulte encore du principe posé plus haut que
si, dans la même hypothèse, le constructeur au(1) Voy. l'orret du conseil du 29 aol1t 1821, dans MACAREL,
2, p. 295.
(2) Voy. à cet égud le décret du 12 novembre 1811, bullt. 15, p. 489, 4" série.
t,
�531
quel il aura été ordonné de démolir n'exécutait
pas la démolition, l'administration publique pourrait la faire opérer à ses'frais; mais si, pour en payer
le montant, il fallait procéder à une saisie sur ses
biens, c~est aux tribunaux onJinaires que cette voie
d'exécution appar_tiendrait.
1127. Si l'on considère actllellement J'administration active relativement am: co'!flits d~inté
r&s particuliers que l~établissement d~une
71sine peutfaire naltre ~ on doit di re qu'elle est
ahsolument incompétente pour les juger.
Cette décision est fondée snI' deux raisons:
D'une part, les actes du gouvernement relàtif§
aux mesures qu'il prescrit en fait d'établissements
d'usines, sont autant de réglements d'administration puhlique Tendus sur l'usage des eaux, et qui
tiennent lieu de lois en celle matière, puisque les
lois veulent qu'on les exécute comme eJles-mêmes
partout où ils ont été compétemment établis: or
qua~d il s'agit de lois propremcn t dites, ce ne sont
. ni les chambres législatives, ni le roi lui-même, qui
sont chargés d'en faire l'application aux débats de
ceux qui se trouvent en conflits d'intérêts sur leur
exécution. Tout cela est, par le m:mdement d'exequatur qui les termine, renvoyé aux divers pouvoirs judiciaires et à chacun d'eux dans l'étendue
de sa sphère: autrement il y aurait nne cUllluIation de pouvoirs à laquelle résiste essentiellement
notre organisation politique.
D'autre pal't, l'action de l'administration ne doit
�538
TItAl1'É
être déterminée que par des motifs d'intérêt public, parce que telle est sa mission, n'ayant reçu
. ses pouvoirs de la constitution que pour agir dans
l'intérêt général de la société, ou dans celui collectif des diverses contrées ou localités du royanme:
d'où il résulte que les débats d'intérêts privés qui
s'élevent entre les particuliers, même à raison de
l'usage des cours d'eau, sont en dehors de sa compétence.
Vcnons actuellement à des applications.
Le sieur Pigeaux est p1'Opriétaire d'un moulin
sur la petite rivière de Nonette; ce moulin lui est
acquis médiatement en vertu d'un bail à cens fait
par le prince de Condé en 1788.
Plus bas, et à environ deux mille mètres, sur la
même rivière, est un antre moulin appartenant au
sieur .Marquis par suite de l'acensement consenti
par le-même prince.
Lors de ces actes de concession, la hauteur de
la retenue des eaux avait été déterminée par les
titres mêmes, auxquels le juge-gmyer de Chantilly
avait encore ajouté le réglement à observer par les
deux meuniers sllr l'usage du cours d'eau qui devait
leur être commun.
Cet état de choses existait depuis 1789, lorsque, '
CD l'an x, Marquis ayant élevé le saut de son moulin, et changé les repères qui lui avaient été donnés par le juge-gruyer, il en résulta un reflux considérable sous la l'Olle du moulin de Pigeaux_
Sur les plaintes de ce dernier, l'affaire fut portée
�DU DOMAIt'\!! l'OlILle.
539
pardevan t l'administration; et, après une longue
suite de procédure, dans laquelle intervint d'abord
uu arrêté du conseil de préfecture le 23 vendémiaire an XI, le préfet rendit, le 3 décembre 1813,
un arrêté définitif pour régler les droits des partics, edeur prescrire les mesures à suivre pour la
jouissance de leur cours d'eau et le roulement de
leurs usines.
'
Pigeaux, se regardant comme lésé par cette décision, se pourvutau conseil, qui, faisant droit sur
sa demande, r~ndit, le 28 septembre 1816, un arrêt
amSI conçu:
cc' Considérant gue la contestation entre les sieurs
" Pigeaux et Marquis ne concerne en aucune _
» manière Fintér~t public, et qu'il ne s'agit pas
» d~un réglement nouyeau sur l'usage des eaux de
» la rivière de Nonelte pour le mouvementdes deux
») moulins dont ils son t propriétaires,
mais de
» maintenir et appliquer des réglements et con" ventions antérieurs; qli'à cet égard les tribunaux
») ordinaires étaient seuls compétents, et que le
») consèil de préfecture et le préfet du départemen t
)) de l'Oise ont excédé leurs pouvoirs en statuant
)) par leurs arrêtés des 23 vendémiaire an XI, et 3
)) décembre 1813;
» Considérant que les sieurs Pigeaux et Marquis
)) ont, l'un et l'autre, mal dirigé leurs, demandes
)) devant l'autorité administrative,
» Ordonnons: Les al"rêtés susdits du conseil de
») préfecture et du préfet du département de l'Oiie
�510
TllAlT~
sont annulés; les sieurs Pigeaux ct Marquis sont
l'envoyés à procéde,', s'ils le jugent convenable,
» devantles tribunaux ordinaires compétents (1).»
1128. Si, au lieu d'être une petite rivière, la
Nonette avait été navigable ou floLLable, la cause
des deux meuniers se serait ,trouvée dans les attributions du pouvoir administratif, qui doit
statner dans l'intérêt collectif de la société sur ce
qui concerne les mesures à prescrire pour protégel'
et mai n tenir l'exercice des services publics qui
s'exécutent sur ces rivières. En voici un exemple:
Plusieurs moulins avaient été établis sur la rivière de la Creuse, qui est navigable, et pal' conséquent flottable.
Le sieur Ballereau possédait celui de St.-Martin.
Les sieurs Huard et Perusseault celui de Paly, supérieur au premier.
En l~ Il , Ballereau, ayant à répare,' son usine J
se pourvut pardevant le préfet, qui, par un arrêté
du 31 juillet de celte année, l'autorisa à changer
la position de la digue, et à faire les autres r(~para
tions nécessaires, sous la condition de conserver
le niveau de l'ancien déversoir et des pales.
Ces travaux terminés, Huard et Perusseault formèrent des plaintes, et prétendirent que les travaux
ayantoccasioné un l'efoulemel1td'eau,leuf moulin
ne pouvait plus fonctionner.
Après une longue discussion survint un arrêté
le
»
(1) Recueil des arrêts du conseil, par SIllEY, tom. 3, page
394.
�DU DOMAIl.'Œ PUllUG.
du préfet de l'Indre, du 15 septemb1'(~ 1 ~ 13, 01'donnant à Ballereau de réduire la hauteur de son
barrage.
Celui-ci se pourvoit contre cet arrêté, non par
un premier recours au ministl'e, mais directement
au conseil d'état, et il présente ft l'appui de son
recours, divers moyens d'incompétence contre la
décision préfectorale.
28 septembre 1816, arrêt par lequel ce conseil,
cc considérant que la contestation élevée en 18 1 3,
" au sujet des moulins situés sor ladite portion du
» cours d'eau de la Creuse, intéressait l'ordre pu» blic sous le rapport du flottage, de la navigation,
» du passage des gués, et pal' conséquent de la
» ,fixa Lion des diver~es hauteurs des eaux; - que
» les arrêtés des préfets, pris dans les bornes de
» leur compétence, ne peuvent être déférés à notre
» conseil qu'après avoir été préalablement soumis
" a~ ministre que la matière concerne; .•. :..•...•
» Rejette la requête du sieur Ballereau, sauf à lui
» à se pourvoir, s'il le croit convenable, contre
» ledit arrêté du préfet, devant notre ministre de
» l'intérieur, lequel ordonnera, s'il y a lieu, un
» réglement géné,'al des eaux à l'égard de toutes
» les usines que peutintéresser ladite contesfation,
» pour être ledit réglement soumis à notre appro» balion (1). »
On voit, par les premiers motifs de cet arrêt,
(1) Voy. dans le même recueil de SIREY, t. 3, p. 397.
t
�54·2
T1U1'1'.Il.
qui sont tirés du fond de la cause, qüe si, dans
celle circonstance, le conseil d'état a jugé que le
préfet avait été compétent pOUl' statuer sur la contestation des meuniers, c'est à raison de ce qu'il
s'agissait de régler l'usage tIes eaux dans une rivière
navigahle, et qu'ainsi son1 action rentrait dans l'intérêt public.
1129. En un mot, quand il est question de
rivières navigables, les contraventions qui y sont
commises au préjudice du matériel du fleuve ,on
des ouvrages d'art, sont essentiellement de la compétence du conseil de préfecture, suivant la loi
du 29 floréal an x; et, quoique le débat n'existe
qu'entre deux meuniers, la hauteur etle libre cours
des eaux doivent toujours être réglés, en premier
ressort, par le préfet, eu égard au service public
auquel leur usage est destiné: il n'y a donc alors
rien qui, sous l'nn et l'aulre de ces points de vue,
puisse rentrer dans le domaine de la justice ordinaire.
SECTION II.
De la compétence des conseils de préfecture sur l'usage dts
cours d'eau, ainsi que sur les conJtructions et ourrages qui
pezwent y ttre faits,
1130.
Il estde principe que cc sont les conseils
de préfecture qui sont investis du pouvoir judiciaire dans ce qu'on appelle le con ten lieux de
l'administration; ils l'exercen t en première instance, et sauf l'appel au conseil d'élal, comité du
contentieux.
,
�DU DOMAll"'Œ PUImC.
543
Lorsqu'il s'agit des rivières navigables, la compétence de ces conseils est très·étendue, puisqu'ils
sont chargés de prononcer sur les actions correctionnelles en répression de toutes les contraventions commises au préjudice du matériel du fleuve
et Je ses francs-bords, ou des ouvl'ages d'art servant à la navigation, et qui auraient été lésés par
le fait du contrevenant.
1131. Il n'en est pas de même à l'égard des
pe~îtes rivières: ici le tribunal administratif n'a
aucune compétence relativement aux faits par lesquels on aurait causé quelque lés-ion soit dans
. l'état matériel du cours d'eau, soit dans son' libre
llSage. La raison de celte différence consiste en
ce que c'est aux conseils de préfecture que sont attribuées la connaissance et la répression des contravenlions en matière de grande voirie, et que,
quand il s'agit de fleuves navigables, il ya un service de celte nature à protéger; service essen ticllement public qui doit être garanti par l'administration elle-même, chargée de son maintien pour
lequel il faui qu'elle ait près d'elle l'autorité juri.
dictionnelle qui doit sévir contre les contrevenants
avec toute la célérité possible, et sans l'emploi des
formes lentes de la procédure usitée devant les
tribunaux ordinaires; tandis qu'en fait de petite
voirie, où iln'y--a aucun granù service public et
régulier à mettre en activité, tom doit être sounlÎs
à l'application des règles du droit commun.
1132. Nons devons noter cependant en fait
�54.\
TH Arrf:
de petites rivières deux cas de compétence attri·
bués aux conseils de préfecture:
Le premier dérive des dispositions des art. 16,
tit. 2, Je la loi cl u 6 octobre 1791 et 457 du Code
pénal, rapportés plus haut, suivant lesquels les
possesseurs d'usines sont passibles d'une amende
et de réparations civiles à raison des dommages que
les eaux pOlHraient causer aux chemins par la
trop grande élévation de lems écluses: d'où il suit
que. si le chemin dégradé était une grande route,
c'est pardevant le trihunal administratif, chargé
de réprimer toutes les contraventions commises en
matière de grande voirie, que le possesseur de
l'usine devrait être traduit (a) .
. Le second cas est relatif aux réclamations pour
cause de surtaxe dans la répartition des frais
de curage. Cette demande doit être portée, aux
termes de la loi du 14 floréal an XI, devant
(a) Ce cas, selon l'opinion de M. Prouùhon, d'ailleurs contredite par M. Daviel, nO 440, qui excipe de l'art. 1 er de la loi
du 29 floréal an x, rentrerait dans la compétence du conseil
de préfecture, non !sous le rapport du cours d'eau, mais
sous celui de la grande route qui est inondée; ce serait la
chose atteinte par)es eaux, et non l'instrument du dommage,
que l'on prendrait en considération. Au reste, si la nature du
fait était telle qu'il y eût lieu à l'application de l'emprisonnement imposé par l'art. 457 du Code pénal, cette répression ne
pourrait pas être prononcée par le conseil de préfecture, qui ne
peut jamais appliquer de peines corporelles, et qui devrait
renvoyt-r ce chef aux tribunaux correctionnels. Voy. suprà,
Il'' 152.
�DU DOMAINE PUBLIC.
Je conseil de préfecture, ayant une compétence
générale pour tout ce qui concerne le recouvre-,
ment des impôts fonciers. L'urgence en pareille
matière était d'ailleurs seule suffisante pour déterminer celle exception (1).
SECTION III.
De la compétence du Tribunal de police correctionnelle en fait
de contraventions aux réglements relatifs à l'usage des cours
d'eau.
1133. Outre les délits ordinaires, qui sont du
ressort des tribunaux de police correctionnelle,
quel que soit d'ailleurs le lieu où ils ont été COIUmis, c'est à ces tribunaux que doivenl être portées
toutes les actions pour délits de pêche, et en réparation de ces délits (2).
C'est nussi devant ce tribunal que doivent être
dirigées les poursuites 'à raison du délit pré~u par
l'art. 457 du Code pénal, concernant les inondations causées par la tenne des eaux d'une usine en
contre·haut du point fixé par l'administration.
1134. Cet article fait naître la question de savoir si le meunier qui exhausse indûment son déversoir n'est pas sur-le-champ condamnable il
l'amende, ou s'il faut attendre l'épreuve de l'inondation pour pOnVOi1" le trnduire en police ·correctionuelle.
.
(1) Voy. sous les nO' 1034 et 1035.
(2) Voy. l'art. 48 de la loi du 15 avril 1829 sur la
fluviale, bullet. t. 10, png. 236, 8e série.
TOM. III.
35
~ehe
�546
TIlAlTÉ
Pour soutenir qu'il est immédiatement passible
de l'amende, on dira qu'il s'est rendu cou pable de
contravention par cela seul qu'il a porté son barrage au-dessus de la hauteur fixée, puisque c'est
en cela que consiste précisément l'infraction au réglement de l'administration, et que, là où il est
constant qu'il existe un délit aussi formel, il faut
bien que la punition s'ensuive: autrement la loi
resterait impuissante contre le délinquant qui l'a
ouvertement violée.
Néanmoins nous ne pensons pas qn'il doive en
être ainsi, puisque l'article en question ne prononce de peine que contre le maître d'usine qui,
portant son déversoir à une trop grande élévation,
aura inondé les chemins et les propriétés d'autrui.
Tout étant rigoureux en matière pénale, il faut que
le cas prévu se réalise et que dès-lors il y ait inondation effective; jusque-là l'administration ne peut
qn'ordonner l'abaissement du déversoir.
SECTION IV.
De la compétence des Tribunaux cÎlJils en ce qui concerne les
débats qui peulJent s'élelJer entre les maîtres d'usines et les
propriétaires lJoisins, sur les dommages ressentis par
celtx-c~.
1135. L'établissement de moulins et d'usines
sllr les rivières ou autres cours d'ea~l fait naître, de
la part des voisins, des débats civils de plus d'une
espece :
Ici c'est nn meunier qui se plaint de ce que l'écluse d'un moulin, inférieur, fait regonfler les
�I.lU DOMAINE PUBLIC.
~47
eaux. sous les roues du sien, et en paralyse ou ra.
len lit le mouvemen t ;
Là, c'est un propriétaire qui demande justice
contre le constructeur d'nne usine dont l'écluse,
établie diagonalement dans le fleuve, a fait prendre une nouvelle direction aux eaux, qui viennent causer des affouillements contl'e le bord de
son héritage, situé en aval.
Ailleurs, c'est la réclamation d'un on de plusieurs riverains, qui se plaignent de ce que, pal'
l'élévation donnée au cours de la rivière, et par
les infiltrations qui en sont la suite, leurs héritages
se trouvent souvent inondés, et leurs maisons
rendues mal saines.
Si, pour écarter entièrement dans l'avenir les
pertes que ces divers propriétaires souffrent, on
voulait en attaquer la cause elle-même en demandant la suppression de l'usine, ou, ce qui serait
ici la même chose , l'en tière démolition de ses
barrages, ee ne serait plus une simple question en
indemnité de dommages, telle que nous enlendons
la trailer ici, mais celle en suppression d'usine,
qui, en thèse générale, rentl'erait dans les attributions dn pouvoir administratif, et que nous examinerons dans le chapitre suivant.
1136. Alors nous verrons que, dans les débats
qui ont pour objet celte suppression, il peut y
avoir quelques distinctions de circonstances à faire;
mais ici, et par rapport aux dommages-intérêts, il
u'y en a aucune, et l'on doit dire qne toutes lell
�54
l'/tAn'!!
réclamations et demandes en indemnité fondées sur
des dégl'adations on des préjudices affectant matériellemen t les fonds voisins d'une usine, et occasionnés par ses barrages, rentrent exclusivement
dans la compétenr.e des tribunaux ordinaires, détermiüée pal' l'application des principes que nous
, 'd cmment poses.
'
avons prece
Et en effet, nons avons démontré d'une part,
dans la seconde sec lion du chapitre qui précède,
que les propriétaires de fonds et édifices voisins ont
le droil d'intentel'leurs actions en dommages-intérêts contre le propriétaire ou possesseur du
moulin, à raison de toutes les lésions matérielles
qui seraient occasionnées à leurs héritages ou bâti·
menls pal' l'existence de l'usine, comme suite de
sa posilion ou de la construction, de ses barrages
ou écluses.
D'autre part, il résulte de ce qui a été dit dans
la première section d Il présen t cha pitre, que l'ad.. .
. ,
.. .
mmlstratlûn active n a)'ant aucune partlc/paBon
au pouvoir iudiciaire à exercer entre les citoyens,
les débats d'intérêts pri vés dont ii s'agit sont nécessa irelllen l hors de ses attribll lions.
Enfin nous avons fait voir dans la section II que
les conseils de préfcctnre sont sans attributions
pOUl' staluer sur les débats dont il est ici question.
Il n'y a donc que les tribunaux ordinaires qui
soient compétents pour en connaître el les juger
d'après les règles du droit commun.
�1)U DOMAINE PUBLIC.
5\9
Telle est aussi la décision portée par l'article II
du décret du 15 octobre I~ho (1), et par un arrêt
du conseil d'état du 30 aofIt ü514 (2).
Ainsi c'est pardevant les tribunaux que, pOUl'
vérifier la cause d',une inondation qui aura eu lieu
dans le voisinage d\me usine, on devra procéder,
s'il est nécessaire, à une enquête en reconnaissance
de l'état comparatif des lienx, avalù et apl'ès la
cOl1strnction de l'usine, si elle n'est pas très-anQ cienne, à l'effet de reconnaître si les
fonds qui
sont aujourd'hui sujets à l'inondation n'en étaient
pas égalemcmt atteints avant que le moulin fût
étahli; comme on devra procéder judiciairement
encore à toutes opérations de nivt'lIement, soit
dans les saisons ordinaires, soit dans celles de débordement, pour s'assurer, autant que possible,
si les barrages du moulin sont, ou non, la c(\use
de l'inondation soufferte par les voisins qui se
plaignent: le tont afin de pmnoncer ensuite, en
pleine connaissance de cause, la condamnation ou
l'absolution du meunier.
1137. Nous observerons à cet égard, en passant, que, connue tout propriétaire qui a le libre
exercice de ses actions pent établir une ser\litude
pIns ou moins onéreuse sur son hérilagc,s'il y avait
eu entre le maître de l'usine et ses voisins une
(1) Voy. au bullet. t. 13, p. 397, 4 e série.
(2) Voy. dans la jll1ùprudenee du conseil, par
1.
3, p. 2.
SIllEY 1
�550
·l'l~.UTi
convention par laquelle il eût été permis 3U premier d'élever son écluse à telle ou telle hauteur,
ce pacte parfaitement valable, en tant que statuant
sur les intérèts privés des contractants, emporterait
la renonciation à toutes actions en dommages-intérêts pour dégradations causées par les caux aux
fonds voisins, ct ceux des propriétaires qui l'auraient souscrit seraient non-recevables à l'attaquer
ou à l'enfreind re (a).
Mais cette fin de non-recevoir, seulement proposable en justice ordinaire, çe produirait aucun
effet par rapport aux tiers, et dans tous les cas
n'aurait lieu que sans préjudice de l'action publique, qui ne peut cesser d'appartenir à l'administration, pour ordonner la suppression ou modification de tout établissement de cette natme
qu'elle jugerait contraire an hien de l'agriculture
ou autres intérêts de la société (1).
1138. Quant au fond, l'on doit considérer
qu'il n'en est pas de ces sortes de dommages qui
se reproduisent annuellement, comme de ceux qui
n'auraient lieu qu'une fois; que dans ce dernier
(a) Décret du 23 avril 1807. - Henrion de Pansey, Camp.
des juges de paix, ch. 27; - Dubreuil, Analy. de la législat.
sur les eaux, nOS 91 et 121 ; - M. Pardessus, Tl'. des serfJit. ,
nO 113; - M. Daviel, Tl'. de la pratig. des cours d'eau,
nO 570; - Arrêt de la Cour de cassation du 8 septembre 1814
( Sirey, 15·1.26).
(1) Voy. à cet égard l'arrêt du Conseil du 10 janvier 1821,
dans l\'IACAREL, t. 1 , p. 30.
�DU DOMAINE PUI\UC.
551
cas on ne pent pl'Oooncer qu'une seule indemnité,
tandis que dans le premier il convient de charger
le propriétaire de l'usine d'une rente annuelle au
profit des propriétaires d'héritages dont les produits sont chaqne a~ll1ée endommagés ou diminués,
ct que ce n'est qu'ainsi que la réparation peut être
vraiment proportionnée au préjudice qu'elle doit
compenser.
Aussi nous voyons que M. DAVIEL, dans son
appendiee sur les cours d'eau (a), nous indique,
sous le nO 356, d'après les arrêtistes du pays de
Bretagne, que telle était la jurisprudence du Parlement de cette ancienne province: cc La retenue
)' de l'ean d'un moulin, y est-il dit, regorgeait et
» restagnait sur un pré. Le possesseur s'en plaignit.
» Arrêt du Parlement de Bretagne du 10 avril
» 1566, qui ordonne qlle le moulin demeurera en
» l'état qu'il est, à la charge que le propriétaire
(a) Première édition. -Au nO 367 de la seconde, M. Daviel,
après avoir rappelé plus sommairement cette jurisprudence,
ajoute la réflexion suivante: « de cette manière, dans le cas où
" l'établissement viendrait ultérieurement à être supprimé, la
.n rente serait supprimée aussi; elle ne durerait qu'autant
n que le préjudice. Tandis qu'autrement on court risque d'éva" luer le capital de l'indemnité hors de toute proportion avec
" le dommage qui sera réellement causé. ,,- Même avis dans
le tTraité de la Compétence administrative· de M. Serrigny,
nO 871. -Ce mode d'évaluation des indemnité est ~ouvent suivi
en fait de dommages résultant d'établissements incommodes ou
nuisibles. Les :mêts de la Cour de Dijon, cités en note, pag.
553 ct 555, ci-après, en offrent des exemples.
�552
TlLUTÉ
paiera chacun an 60 livres de rente (Dllf:Jil,
» livre 2, chap. 51 ). Le même auteur, char. 280,
» rnpportc uu autre arrêt du 23 août 1566, fondé
» SUI' le même principe, et autoris[lnt aussi la
» conservation d'nn moulin dont la reteune d'eau
» était dommageable au propriétaire supérieur,
» moyennant une rente. »
Ainsi, quoique aujourd'hni l'établissement des
usines à eau soit dans les attributions de l'autorité
administrative, on voit que la question des dommages-intérêts à raison des perles matérielles que
les voisins pourraient en ressentir sur leurs héritages reste ton jours dans le domaine de la justice
ordinaire, connue étant entièrement claus le droit
privé Ca).
:..,;
»
Ca) C'est ce qui résulte de l'art. Il du décret du 15 octobre
1810, ainsi conçu: « Sauf les dommnges dont pourront être
" passibles les entrepreneurs de ceux qui préjudicient nux prou p.riétés de leurs voisins: les dO~lmnges seront ndjugés par les
u tribunaux ... Aussi la jurisprudence est-elle fixée en ce sens
pour tous les établissements dommngeahles, soit nlltérieurs, soit
postérieurs au décret ci-ùessus (voy. nrrêts de la Cour de cassation des Il et l() juillet 1826, et de la Cour de Nancy du
14 janvier 1830. - Sire;-, 27-1-236 et 30-2-80).
La compétence des tribunaux civils s'étend même jusqu'à
prononcer des dommages et intérêts pO,ur simple dépréciation de
'Valeur. M. de Cormenin est d'un avis opposé, à la png. 253
du tom. 1er , quoiqu'il semble décider le contraire l,la pag. 223,
nO 4 du même vol. : deux arrêts du Conseil d'état des 15 décembre 1824 ct 27 décembre 1826 (Sirey, 27-1-434) se prononcent aussi pour la négative, tandis que trois autreli des 6 sep-
�DU DOMAINf.
l'Ul~LlC.
553
t t39. EL qu'on ne dise pas que, par celle
théorie, nous parviendrions à replacer l'autorité
administrative sous le contrôle du pouvoir judiciaire, ou qne nous mettrions ces Jeux pouvoirs
en état d'hostilité perpétuelle entre eux: car l'action que 110US reconnaissons ici au second offre au
contraire l'appui d'une assistance nécessaire àu
juste Jéveloppement du premier.
Il faut, en effet, partir de ce principe d'équité,
tembre 1813,19 mars et 2 juillet 1823(S.,ibid.), admettent l'affirmative. Mais la Cour de cassation attribue dans tous
les cas et sans distinction, pal' son arrêt du 3 mai 1827 (S.,
27-1-436), compétence à l'autorité judiciaire; cette compétence est. ég:alement reconnue par deux arrêts de la Cour
royale de Dijon ùes 16 juillet 1836 et 7 lévrier 1844, dont le
premier est ainsi conçu: « Considérant que l'autorisation admi" uistrative, pour un établissement industriel, ne dispense pas
Il celui qui l'a obtenue de réparer le dommage qu'il cause;
Il que sur ce point de droit, la jurisprudence est établie de
" manière à ne. plus permettre de discussion; - qu'il serait
Il souverainement injuste de refuser au sieur Matiron de fixer
" pour l'afJenirla réparation qui lui sera due, t:mt que la cause
" du dommage subsistera, puisque ce serait l'exposer à cette
" alternative de souffrir le dommage sans en être indemnisé,
" ou de faire tous les jours un procès pour obtenir réparation ...•
" LA COUR .... faute par Bavelier d'avoir fait confectionner les
" travaux nécessaires pour faire cesser le dommage que son
" établissement cause ft la maison de Matiron, le condamne
" à 5 fI'. de dommages-intérêts par chaque jour de retard qu'il
" apportera à la confection desdits travaux; lesquels dommages" intérêts seront exigibles ft la fin de chuque mois, sans qu'il
." soit besoin de nouveau jugement. ,,- L'autre arrêt sera rapporté à la note suivante.
�55<J
TRAITÉ
qu'il n'enlre jamais dans les vues de J'administration de favoriser un particulier aux dépens ùes
autres; mais que les administrateurs peuvent être
induits en erreur par ceux qui leur demandent
des concessions d'usines; ct l'erreur est d'aulant
plus facile à concevoir en pareil cas qu'elle peut
être commise au préjudice d'absents; que les rapports de nivellement des ingénieurs les plus habiles
sont sou vent inexacts et démentis par l'expérience;
qu'en général ces ingénieurs s'occupent hien plus
d'une perfection apparente et extérieure dans les
ouvrages qu'ils sont appelés à exécuter, que des
questions d'in térêt matériel des propriétés voisines;
que, quelque précaution que l'on prenne pour
:maîLriser les eaux, les calculs et les prévisions sont
plus d'une fois suivis de graves mécomptes.
Il doit donc y avoir beaucon p de cas dans lesquels
il serait impossible d'affirmer en toute confiance
que l'établissement d'une usine ne sera pas, plus
ou moins, ruineux pour les propriétés du voisinage,
et cela malgré les promesses rassurantes que ne
manque jamais de faire le constructeur.
D'autre part, les opposants sont Olodinairement
portés à exagérer le danger des pertes qu'ils ont à
redonter, et il est possible que l'allégation de ce
Janger ne soit pour eux que le prétexte sous lequel
ils déguisent les motifs de rivalité ou de jalousie qui
les font réellement agir.
C'est au milieu de ces conflits de prétentions
qne l'administration sc trouve placée, lorsqu'elle
�555
DU DOMAIKE l'lJJ3Ue.
doit prononcer sur la concession qui lui est demandée; et comme, lorsqu'il s'agit d'un établissement utile au commerce et aux besoins publics,
elle ne doit pas se trouver arrêtée dans sa marche
par la possibilité de quelques dangers et de froissemen ts d'in térêts particuliers, elle fait la concession,
mais elle ne l'accorde qu'aux risques et périls de
l'impétrant, chargé de répondre anx actions en
dommages-intérêts qui pourront être dirigées
contre lui par les propriétaires du voisinage. C'est
ainsi qu'il est satisfait autant que possible au droit
de tous, et que le cOncot! rs du ipouvoir judiciaire
vient en aide à l'autorité administrative Ca).
(a) Cette distinction de la double action simultanée du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire, très-bien expliquée
par M. Serrigny ( Tr. de la Comp. ar/m., nO' R68 et suif).), se
trouve consacrée de la manière la plus explicite par un jugement du tribunal de Châloll du 2 août 1843, dont les motifs
ont été adoptés par l'arrêt de la Cour royale de Dijon du 7 février 1844, indiqué à la note précédente.
Attendu, portent
" ces motifs, qu'il résulte du rapport des experts, que la vi" dange des opératious de l'usine) qui a lieu tous les ùeux
" jours le matin, produit une odeur très-fétide; que l'usine
" continue le reste du temps à répandre des exhalaisons, à la
" vérité supportables et auxquelles les voisins sont accoutumés;
" qu'enfin l'odeur pénètre dans les appartements des deux
" maisons du sieur Laurent, même lorsqu'ils sont fermés;
" Attendu qu'il est évident que de pareils résultats portent,
" pour le présent et pour l'avenir, il la propriété du sieur J.Jau" reot, une notable dépréciation) et qu'ils n'ont d'autre cause
» que l'usine à gaz exploitée dans le voisinage du sieur Lau" rent;
" Attendu en droit, que tout fait quelconque de l'homme
(l
••••
�556
'rr.AlTft
1140. Au surplus, ce que nous venons de
dire, soit d'après les lois romaines, soit d'après les
.. qui cause à autrui un dommage, oblige son auteur à la ré.. paration de ce dommage; - que pour se refuser à cette répap ration vis-à-vis du- sieur Laurent, les propriétaires de l'u" sine à gaz se retranchent inutilement dans l'autorisation que
.. l'administration a donnée à leur établissement et dans l'en.. quête de commodo et incommodo qui a précédé cette auto" risatioIl, sans que le sieur Laurent y ait fait aucune récla" mation; - que l'administration, en effet, ne statue qu'au
.. point de vue et dans l'intérêt administratif; qu'elle est sans
.. compétence pour régler les intérêts privés entre eux, lesquels
.. ne relèvent que de la justice ordinaire, et ne peuvent être
" jugés que dans les formes de la procédure ordinaire, parties
.. entendues ou dûment apptlées par actes signifiés à leur per~
.. sonne ou à leur domicile; - qu'une enquête de commodo et
.. incommodo, évidemment équitable et protectrice quand l'adIO ministration la fait pour s'éclairer sur une décision d'ordre
.. public qu'il est dans son devoir de prendre, ne serait plus
Il qu'une déri~ion de la justice, si on prétendait y engager le
.. réglement des intérêts p"rement privés, sous le prétexte du
.. silence qu'auraient gardé les parties lors de cette enquête j
" silence qui peut provenir ou de ce que les parties étaient
.. absentes au moment de l'enquête, ou de ce qu'elles l'ont
.. ignorée, ou de ce qu'elles n'ont pas prévu les préjudices
Il de toute espèce que le voisinage de l'usine pouvait leur ocli casionner;
Il Attendn enfin qu'à tort les propriétaires de l'usine se
Il plaindraient de réclamations qu'ils auraient la prétention de
regarder 'comme jugées et repoussées d'avance par l'autori•
.. sation de l'administration; qu'ils devaient savoir que l'admi•
.. nistration, compétente pour décider ce qui blesse ou non
.. l'ordre public, est saos droit pour régler les intérêts privés
" entre eux; et que de ce qu'elle a reconnu que l'établissement
1)
�55'1
DU DOM.UNE l'UnLlC.
lois, françaises, sur la condition de non-préjudice
envers des tiers, sous-entendue dans tous les actes
de concession d'usines ou de barrages à construire
clans les rivières, comme encore sur la faculLé du
l'ecolll's en justice ordinaire, appartenant à ceux
qui en souffriraien t quelques lésions ou dommages
dans leurs propriétés, est allssi admis en règle de
jurisprudence pratique soit au conseil d'état,
COmme on peut le voir notamment par ses arrêts
des ~ septembre 1824 et 22 juin 1~h5 (1), soit
pal' la Conr de cassation, dans un arrêt en date du
14 février 1833 (2).
Nous terminerons ce chapitre par l'examen
quelques questions qui se rattachent il. la matière.
de
d'une usine dans telle ou telle localité ne compromettait ni
1; sûr~té ni la santé publiques, il ne s'e~suit aucunement
" qu'il ne pourra en résuller des dommages d'un ordre seconIl da ire, des dommages purement pri vés , il l'égard de quelques
" voisins dont il 'lui appartient sans doute de protéger les inté·
Il rêts, mais dont elle ne peut étouffer les droits ..... Condamne
II la compagnie de l'éclairage au gaz de la ville de Châlon.....
M 2° à payer aü sieur Laurent, pour réparation de la déprécian lion causée à sa propriété par le voisinage de l'usine, une
n indemnité de 100 fI'. par an, à compter du jour de la demande, et aussi longtemps que l'usine subsistera dans le voin sinagc dudit sieur Laurent n •••• ; dernière disposition que la
Cour a seule réformée en la,remplaçant par celle-ci: " tant que
" le dommage subsistera. Il
Il
»
I)
(1) Voy. dans l\'IACAREL, t. 6, p. 589, et f. 7, p. 309.
(2) Voy. an recueil de Dalloz, p. 138.
,.
�558
TlUrrll
PRBMIÈRE QUESTION.
Lorsque le déversoir d'un moulin se trouve
élevé au-dessus du point régulateur qui
avait été.fixé par l'administration, et qu'il
en est résulté des inondations sur lesjo'nds
voisins, est-ce le propriétaire de /'usine,
ou est-ce le fèrmier pendant le hail duquel
les dommages sont arrivés, qui doit dtre
traduit, pour ce lait, au trihunal de police
correctionnelle?
1141.
La solution de cette question nous parait se trouver dans l'article 457 du Code pénal,
portant que « seront punis d'nne amende
.
» les propriétaires ou fermiers, ou toute per" sonne jouissant de moulins, nsines ou étangs
» qui, par l'élévation du déversoir de leurs eaux
:" "au-dessus de la hauteur déterminée par l'auto» rité compé(l~nte, auront inondé les chemins ou
., , d' autrUI.....
.
» 1es propnetes
»
Avoir inondé les fonds voisins par la trop
grande élévation des barrages du moulin, voilà le
délit dans sa cause et ses effets, il ne s'agit plus
que de rechercher le véritahle auteur que la justice
doit atteindre.
0
1 Si c'est le propriétaire qui, en construisant
son usine, en a élevé l'écluse au-dessus du point
qui Ini avait été fixé par l'administration, c'eslllli
qui Jevra être poursuivi et condamné au tribunal
de police correctionnelle, parce qu'il sera l'auteur
ùe l'infraction au réglemcnt.
�DU DOMAINE PUBLIC.
559
Si c'est le fermier ou l'usufruitier qui, après
son entrée en jouissance, a exhaussé les barrages
du moulin au.dessus de la hauteur légale, c'est lui
qui devra être poursuivi seul et condamné comme
~tant l'auteur du délit.
3° Si, lors de son entrée en jouissance ou depuis, mais avant l'évènement de l'inondation, et
dans un temps où l'on pouvait encore parer au
sinistre, le fermier a été instruit de la trop grande
élévation des barrages de son moulin, il pourra
être condamné solidairement avec le maître, en
qualité de complice et comme s'étant sciemment
se,rvi .de l'instrument du dommage, sans avoir
requis le propriétaire d'en changer la disposition.
4° Si, comme cela doit arriver le plus souvent,
le fermier était daus l'ignorance du vice de construction, c'est le propriétaire seul qui devra être
condamné, parce qu'il aura été Je senJ auteur de
l'infraction au réglement, et qu'il serait injuste
que le fermier qui, de bonne foi, a pris les choses
dans l'état où il les a trouvées, pût être poursuivi à
raison d'un fait qui n'est pas Je sien: Peccata
igitur suos teneant autores , nec ulteriits progrediatur metus quàm reperiatur delictum ,(1).
Mais il faut observer aussi que, dans ce cas, il
ya souventbeauconp de circonstances qui accusent
directement le fermier, et qui ne peuvent être ql,l'à
sa charge co~me régisseur de l'usiue. En effet,
les règles d~ l'arl exigent qu'il y ait (tans la cons2°
(1) L. 22, cod. de pœnis , lib. 9, tit. 47.
�566
l'lUIT1i
truction d'unc llsine à eau un étaLlissement de
portières ou vannes placées de manière à procurer
le plus efficaccment possible l'écoulemeut des eaux
quand elles sont trop abondantes, ct à prévenir
par là le danger des inondations. Or on sent que
c'est au fermier qui exploite, et non au propriétaire, qui peut être très-éloigné, à ouvrir ces
moyens de décharge: ce serait donc alors à lui
seul à répondre de son défant de précautions.
Il résulte de là que, pour agir avec prudence
lorsqu'on prend à ferme une usine, on doit avoil'
le plus grand soin de faire constater l'état légal de
ses barr:lges, puisqu'il peut y flvoir, dans l'intérêt
respectif des parties, des conséquences iOlpOI'tan tes qui se rattachent à ce fait pour les cas d'inondation.
DEUXIÈME QUESTION.
Lorsqu~iln-y a
eu aucune contravention commise par l'élévation de l'écluse au-dessus
du point régulateur que lJadministration a'
Jzxé ~ ni aucun lait de négligence imputable
auférmier, et que néanmoins les voisins se
plaignent de dommages causés par lJexistence de l~usine, est-ce à ce fermier à défendre à leur action et à supporter les
dommages-intér~çs qui peul-'ent en résulter?
et alors n Ja-t-il pas au moins une action en
garantie contre Le propriétaire?
1142. Il Y a cette différence entre la prlkédente hypothèse et celle-ci, que, dans la première,
�,561
DU DOl'rllL."Œ PUllUe..
Il s'agit d'un délit dont la poursuite ne peut être
justement faite que contre celui qui, en le commettant, s'est personnellcmeutobligé à en réparer
les suites; tandis qu'ici le préjudice dont on demande la réparation n'est point le résultat d'une
obligation personnelle, mais seulement la conséquen~e matérielle de l'existence de la chose nuisible qui l'occasiouue accidentellement: c'est un
dommage innocemment causé : Pauperies est
damnum sine injuria jacientis datum (1) , don t
la réparation n'est due que par la raison que telle est
la condition de responsabilité inhérente aux: actes
de concession d'établissements d'usines.
C'est ici que revient l'application de l'article 16,
tit. 2, de la loi du 6 octobre 1791, portant,: « Les
» propriétaires ou fermiers des moulins et usines
» construits ou à construire seront garants de tous
" dommages que les eaux pourraient causer aux.
" chemins ou aux propriétés voisines par la trop
» gmnde élévation du déversoir ou autrentent.
» Ils seront forcés de tenir ces eaux à une hautem'
" qui ne nuise à personne, et qui sem fixée par le
» directoire du départemel1l (aujourd'hui le pré" fet), d'après l'avis du direct9ire du district (du
" sous-préfet). En cas de contravention, la peine
» sera une amende qni ne pOUl'ra excéder la'
» somme du dédommagement. »
1143. Comme on le voit, d'après celle dispo(1) L. 1 , § 3, ft. si quadrupes pauperiem, lib. 9, tit. 1.
TOM.
III.
36
�562
TIiAI'l'É
'sitioù, il s'agit non-seulement des dommages résultant de la trop gl'ande élévation du déversoir,
'mais encore de ceux qui sel'aien t ca usés autrement,
et dès·lors non·seulement de délits a poursuivre
'contre un délinquant personnellement, mais de
'dégâts occasionnés pal' l}11 étaLli~scment fait à
-main d'homme, et qui, par sa position, se trouve
nuisible aux autres fonds. La charge de garantie
'ponr la réparation dn préjndice est donc ici toute
réelle comme inhérente à l'existence et à l'exploitalion d'e l'usine: voilà pourquoi la loi veut que
'celle eharge suive la chose, mème entre les mains
du fermiel', comme affectant sa jouissance, afin.
']u'on puisse régulièrement intenter contre lui
l'action en réparation des pertes causées par les
'caux, et provenant de l'e'Xistence de l'usine.
' parait
. ngoul'cuse
'
d d' un
S·Icelle d
oclrme
a, l" egat'
fermier,il fautremarquer, d'nue part, que celui'c;i devant s'Hlte~dre ail danger des pertes dont il
s'agit, a dû les fàire entrer en consiJération dans
Je prix du Laill1u'il a stipulé, ct d'un autre CÔlé,
'quc les propriétaires voisins ne doivcntnattll'clle, prenl1re, pOlir la "
,.
'ment sen
reparallon cl es preJ'ldices qui leur sont causés, qu'à celui CJl1i est pré-sent à .J'usine; que c'est ici nne action réelle ponr
l'excrciee de laquelle on n'aurait pu les contraindre à aller chercher nn léponJant plus loin. Ces
motifs suffiraient assurément pour justifie.', s'il
était nécessaire, Je système de la loi.
Mais ne devrait-on pas au moins accorder nu
�nu
DOMAINE- PUBLIC.
563
fermier une action récursoire contre son propri~taire.
.
La solution de cette question subsidiaire dépend
- du poin~ de savoir si la cause ponr laquelle le
fermier se trouve poursuivi en réparation de domIlwges pourrait être, ou non; considérée comme
r.ésultant ~'un yi,ce caehé de la chose prise à ferme.
.Or l'influence des pluies sur l'état du cours d'eau,
la situation et la disposition de l'usine, aiüsi que de
ses barrages, "sont dcs choses tellement connues
ou ,évillelltes et dont on pent tellement apprééier
l'effet quant aux il)onL1ations des fonds voisins,
qu'il serait très-difficile <le considérer la cause du
domm[lgc comme un vice c~ché dans l'usin~ amo·
diée: il nous paraît <1&s-lors qu'à moins de cir~
consta.nces tout·à·fait particulières, le fermier. ne
devrait avoil' ancun recours contre le propriétaire-.
Il en serait de même de la garantie qu'lln acquérel'.r de l'usine voudraiL, pOilr le même motif,
,exerce-r contr-e son vendeur.
"
T1\OlSIÈl\'lE QUlI:,STION",
"Dans le cas où une cave 'inondée par l'injil..
tration des eaux regonflées au-dessus de
l'éc1us·en'a été construite que postérieurement à l'établissement de l'l/sine, Le propriétaire de cette èave aurait-il une action
en dommages-intér8ts contre le meunier?
1144. Nous ne croyons pas que la responsabilité du mennier doive s'étendre jusqne-Ià, at..;
�56<1
TII.A.lTÎ
tendu que lors de l'établissement de l'usine le
danger d'un tel dommage était hors de toute prévision possi.ble, et que d'ailleurs le meunier pourrait, en ce cas, se prévaloir de la règle Qui prior
pst tempore J potior est jure Ca).
QUATRIÈME QUESTION.
Les propriétaires voisins d'une usine peuvent.
ils J à perpétuité J se plaindre des dommages
qu"ils en ressentent dans leurs fonds? S'ils
avaient gardé le silence pendant trente ans"
toute action en indemnité de leurs pertes ne
serait-elle pas prescrite?
1145. S'il s'agissait de dommages graves occasionnés à tout une contrée, et que les propriétaires riverains en voulussent attaquer la cause
même en réclamant la suppression de l'usine,
c'est au roi en son conseil que celte demande de(a) M. Daviel, Tr. de la pratique des cours d'eau, nO 656,
n'adopte cette solution que dans le cas où il existe u,n réglement
de la retenl1e de l'usine et où la hauteur fixée par l'administration n'a poiut été dépassée; il n'admet pas l'application à
ceUe espèce de la règle citée prior tempore J en ce que la
preoccupation pour un propriétaire d'usine, importante lor3qu'il s'agit de l'usage du cours d'eau en lui.même, ne peut
aller jusqu'à paralyser pour les fonds voisins l'exercice du droit
de .propriété de leurs possesseurs. Cependant nous avons vu
souvent appliquer cette règle à la cause de voisins d'établissements nuisibles à raison de la fumée par exemple, et qui se
plaignaient du dommage qu'ils en ressentaient dans leurs maisons
nouvellement construites.
�DU D01UAlNE PUBLIC.
565
vrait être adressée, comme on l'élablira plus bas,
dans la seclion 4 du chapilre suivant; et alors aucune prescription ne pourrait être opposée pa.' le
.
,
. .
meumer, parce qu aucune prescnptlOn ne peuL
paraIyser l'action publique. Dans le cas où il serait question seulement d'apporter quelques modifications à l'usine, comme, par exemple, de faire
établir des vannes de décharge dans l'écluse où
il n'yen avait pas, ou de faire élargir celles exis,:,
tan les , c'est au préfet qu'on devrait en adresser la
demande; et il n'y aurait toujours pas de prescription à opposer par le meunier.
Mais si l'on s'occupe de l'action en dommagesintérêts appàrtenant aux propriétaires voisins du
moulin, la canse en est toute judiciaire, et d'intérêt privé, par conséquent prescriptible. Si donc
ces propriétaires avaient gardé le silence pendant
trente ans, sans rien exiger ni faire aucun acte
conservatoire de leurs droits, on devrait leur appliquer la règle d'après laquelle le créanciel' de la
rente qui a négligé pendant t.'ente ans de s'en faire
payel' les arrérages, en perd le capital par la prescription, parce qu'il y a dans les deux cas identité de motifs.
C'est. ainsi encore qu'en fait de servitude de
,.
. d' encl ave, l" actIOn
passage necessall'e
par eUlte
en indemnité se prescrit, quoique la servitude
conlinue à s'exercer: d'où il résulte aussi 'que
pal' application de l'article 61)5 du Code civil,
le meunier serait en (hoit de continuer la jouis-
�!lM
TI.I AlT.É
sance de son moulin J sans craindre aucune recherche de la part des propriétaires riverains qui
auraien t laissé prescrire leur action en indem ni té J
puisque la loi considère cette action comme étant
a,p,so,lument distincte de celle ayant pour objet la
constitution même de la servitude (a).
- (a) Voy. inji'à, nO 1181. -M. Toullier, Droit civil, tom. 3,
nO 138, adopte la même solution. - M. Garnier, des Rivières,
2," part. ,'nos 109 et 310, en propose une contraire, fondée sur
cc qu'il s'agit ici d'une serviLude discontinue qui est dès-lors
imprescriptible.
M. Troplong, de la Prescription, nO' 136, 137 et 138, prend
le motif de sa détermination Jans le principe qui ne permet pas
de prcscrire contre les lois de police; partant de là, il distingue
le cas où la rclem,lc, cause de l'inondation, a été autorisée, de
cellii où [elle ne l'a pas été; au premier', il pense qu'il n'y a
pas de :!prescription possible, parce qu'un délit ne peut sc
transformer .en droit par cela seul qu'il s'est plusieurs fois réitéré, qu'il a bravé longtemps la vindicte puhlif{ue et qu'il s'est
aggravé par une lo,;gue suite ~e récidives; il cite à l'appui un
arrêt de la Cour de cassation dn 19 décembre 1826 ( Sirey ,
27-1-325) et un arrêt du Conseil d'état du 17 janvier 1H31
(Dalloz, 31~3-55). Au second cas, Il admet la prescription,
pourvu que la servitude s'annoncc par des ouvrages apparents
et permanents, tels qu'mie digue ou tout autre travail artificiel,
parce qu'alors elle serait visible et continue, -et par suite prescriptible, aux termes df's articles 64i, 688 et suiv. du Code
civil; il rapporte un arrêt de la Cour de Nancy, du 29 janvier
1834, qui aurait préjugé ce point de droit,
1\'1. Davie!, à son tour, TI'. de la prat. des cours d'eau,
nO 544, s'appuJant sur un arrêt de la Cour de cassation du
19 frimaire an VIII (Sl'rq, 1-1-271), pense que, .. de même
" que deux riverains d'un eours d'eau peuvent traiter entre
�DU DOMAINE
punI.le.
561
1146. 11 peut cependant y avoir ici des difficultés sur la question de savoir à partir de quelle
époque la prescription courra. Est-ce de la construction' même du moulin? ou seulement depuis
le jour des premieres inondations détern'linées par
l'existence de son écluse?
A supposer qu'il s'agisse d'inondations qui n'arrivent que de loin en loin, et dont la première a
pu n'avait' lieu que longtemps après la construction de l'usine, il nous paraît que c'est seulement
à dater du sinistre qu'on devrait calculer le temps
de la prescription, parce que c'est seulement depuis ce temps qne le préjudice s'est fait ressentil',
et qu'il aurait été impossible d'ouvrir une action
en indemnité il raison de dommilges non encore
éprouvés, et qne l'on ne pouvait peut.être pas
même prévoir (a).
Restent encore d'autres questions de fait. il
exammer pour fixer ici le point de départ de la
prescription.
eux et régler la 'hauteur à laquelle l'un pourra soutenir les
eaux devant l'héritage de l'autre, ils peuvent, à l~encontre
l'un de l'autre, obtenir, par une possession continue ct suffisamment contradictoire, la faculté de soutenir les eaux il
Il un niveau
déterminé. « Quant à nous, distinguant avec
M. Proudhon entre l'action publique et celle des particuliers,
nous admettons ceUe solution,.conforme d'ailleurs à la jurisprudence anglaise, qu'il y ait ou non autorisation.
Ca) Voyez, sur une question analogue reh:üi\-e au possessoire,
le nO 845 suprà, et- surtout la note de la page 180 du prél!Cnt tome.
"
..
"
..
�568
Il est rare que les maîtres d'usines llîaintiennent
'fidèlemen t l'élévation légale de leurs écluses, et
souvent encore ils étendent leurs constructions sllr
la rivière au-delà des limites qui leur avaient été
assignées lors de leur établissement: or on sent
très-bien que da,us ces cas la prescription libérative
ne devrait courir à lem avantage que depuis l'époque des changements qu'ils auraient opérés soit
Jans leurs écluses, soit dans leurs bâtiments fondés sur le sol de la rivière.
Enfin on doit encore rechercher, en L1it,
si, lors
1
de l'inondation, le maître de l'usine avait eu soin
de lever tontes les portières ou vannes et d'ouvrir
tous les passelits de son écluse, comme il y était
obligé, attendu qu'aucune prescription pour les
temps passés ne pourrait servir à l'absoudre des
effets de la faute qu'il viendrait de commettre.
Il y a plus: c"est que, quand même le meunier n'aurait jamais ouvert ses portières, il ne
pourrait avoir prescrit le droit de les tenir fel'll1ées
pendant la crue des eaux, pnisque les lois et réglements sont tOlljours là pour l'obliger à les
ouvrir; c'est ici un~ mesure d'intérêt général et
d'ordre public contre laquelle il ne peut y avoir
aucune prescription à opposer; en conséquence
il ne peut jamais cesser d'être responsable des
dommages causés aux propriétés voisines par le
regonflement des eaux, lorsqu'il a négligé cette
précaution et qu'il est reconnu que le défaut d'ouverture lie tous les moyens de décharge a occa-
�DU DOMA1:Nll PUDLIe..
569
sionné 011 augmenté l'inondation Jes hél'itages
d'alentour Ca).
CHAPITRE LIlI.
De la suppression ou du déplacement et des modifications
des usines établies sur les cours d'eau.
1141. Après avoir traité de la manière dont on
peut régulièrement établir les usines sur les cours
d'eau, et de la garantie doe aux. propriétaires du
voisinage pour les dommages qu'ils pourraient
ressentir de ces sortes d'établissements, l'ordre
naturel des choses nous conduit à pader de leur
suppression et des modifications qu'on peut être
obligé d'y faire.
La suppression d'une usine est l'effet d'un ordre
,
" d' une aotonte
. competente, en execul egal 'emane
tion duquel on doit en démolir ou détruire les
harrages et écluses, ou tournants.
Nous disons les harrages et écluses ~ ou. tournants: car ce son t ces on vrages qui constitnen t
exclusivement l'établissement considéré comme
usine; et, lorsquè l'on conserverait intacts les bâl"
,
Ca) D'a.illeurs le fait de tenir les vannes baissées est discontinu et peut n'avoir pas été apparent.' C'est par ce motif que
quatre arrêts de la Cour de Dijon ont décidé que le meunier qui,
pendant 30 ans, a placé des hausses mobiles sur son déversoir
n'a', pas prescrit le droit de les conserver encore qu'il existe sur
la crête des crampons fixes, qui n'ont pas d'autre destination
q~e de les recevoip.
�5'10
t~ments
servant à l'habitation du meunier, on ail
placement de ses magasins, le moulin n'cn serait
pas moins supprimé par la seule démolition de ses
écluses ~t tournants.
La question de savoi.' si une usine doit être supprimée~ et si la suppression donne ou non liel~ à
une indemnité en faveur du propriétaire, peut se
présenter dans deux hypothèses différenles :
0
1 Dans celle ollla suppression serait nécessail'C
pour procurer un avantage public, par exemple
pour faciliter le service de la navigation ou du flottage, 0\1 ponr mettre à exécution des travaux d'u, , 1e;
tl'1"1 te gcnera
0
2
El dans celle où la suppression ne serait demandée que pour prévenir, dans l'intérêt public,
des dommages tels qu'inondations ou insalubrité.
Après, l'examen des principes qùi doivent servir
à la solution de ces questions, nous rechercherons
quelle est l'autorité compétente pour statuer sur
les débats que peut faire naître celle matière.
Ce chapitre sera cn conséquence divisé en trois
sections.
SECTION PREMIÈRE.
De la suppression des usines pOlir procurer un avantage
puhlic.
La nature du cours d'eau devant avoir de J'influence sur la solution, il est nécessaire d'examiner
la question soit par rapport aux rivières navigables
ou flottables, soit relativement aux petites rivières
ct antres cours d'cau d'un ordre inférieur.
�DU DOMAINE l'UllUC.
~71
§' 1", De la suppression des usines srir les rilJières nalJigables
et flollables pour procurer des alJûnlages généraux, et spé.
cialement pour améliorer le serlJice public auquel ces cours
d'eau sont destinés (a).
t 111·8. Ici nons prendrons notre point de dé~
part dans l'article 43, titre 27, de l'ordonnance
de 1669, déjà l'appelé plus hant, et qui est conçu
dans les termes suivanls: (c Ceux qui auront fait
:n bâtir des moulins, écluses, vannes, gords et
») aulres édifices dans l'étendue des flenves et ri» vières navigahles et flo tta hies, sans en avoir
») oblenn la permission de nous ou de nos prédé~
») cesseurs, seront tenus de les démolir; sinon le
» seront à leurs frais et dépcns. »
Dcux choses sont principalement à remarq,ier
sur cct arlic~c :
L'une, qu'il ne s'applique pas seulement aux
monlins ou· autres usines, mais encore à tontes
autres espèces de constructions qui tendraient à
gênel' la viabilité et le libre usage de la rivière:
l'ordre de suppression porte sur toutes les espèces
sans distinction;
(a) Quoique dans les développements de ce paragraphe, l'auteur ne se soit spécialement occupé de la suppression de5 usines
que sous le rapport des améliorations que cctte mesure doit
procurer à la navigation ou au flottage dans le cours même du
fleuve, il est certain que les solutions qu'il donne sont. également applicables à l'hypothèse où la destruction de l'usine serait
riécessaire pour l'exécution d':mtres travaux d'utilité générale t
tels que canaux de navigation ou de dessèchement, ett':.
�TUrl'E
La seconde, que cette disposition de l'ordonnance n'est relative qu'aux rivières navigaLles et
flottables, eu égard au service public auquel elles
sont assujetties par le gouvernement, ct non pas
aux cours d'eau d'un ordre inférieur, qui, comme
nous l'avons déjà expliqué plus haut (1), étaient
alors soumis au régi'me féodal.
Quoiqu'il semble qu'à raisol) du temps qui s'est
écoulé depuis l'époque où fut portée cette ordonl1ance, clle ait dû recevoir son entière exécution,
cependant il n'cn est pas ainsi, ct nous cn trouvons
la preuve dans un arrêté du directoire exécutif du
19 ventôse an VI (9 mars 1798), rendu pour en
presser l'application (2), et qui lui-même n'a jamais été ponclUellement exécuté partout; arrêté
dont il impol'le cependant de commenter sommairement les dispositions ainsi conçues:
1149. cc ARTICLE 1 er. Dans le mois de la publi» cation du présent arrêté, chaque administration
» départementale nommera un ou plusieurs ingé» nieurs et un ou plusieurs propriétaires pour,
» dans les deux mois suivants, procéder, clans
» toute l'étendue de son arrondissement, à la vi.
» site de toutes les rivières navigahles et flot» tables, de tous les canaux d'inigation el de des» sèchements généraux, et d'en dresser procès» verbal à l'effet de constater,
0
» 1
Les ponts, chaussées, digues, écluses J
(1) Voy. sous les n " 934, 935 et 963.
(~) Voy. an bull. 190, 2· série.
�DU DOMAlNR l'UIlLIC.
»
513
usines, moulins, plan tations, utiles à la navigation, à l'industrie, au dessèchement et à l'irri» ga tion des terres;
» 2° Les établissements de ce genre, les batar» deaux, les pilotis, gords, pertuis, murs, amas
» de pierres, terres, fascines, pêchcries, filets
"»
ùonnants et à mailles ferrées, réservoirs, engins
» permanents,et tOIlS autres empêchements nnisi» bles au cours de l'cau. »
On voit par là que cet arrêté se réfère d'abo~d à
l'ordonnance de 1669, et qu'il a été conçu pour la
mettre en vigueur partout où l'exécution en avait
été négligée au détriment de la viabilité des rivières
navigables et flottables. Si les auteurs de ce régIement en ont étendu les dispositions aux canaux
d'inigation et de· dessèchement généraux, ils le
pouvaient, par la r~ison que ces sol'les d'établissemen tsson t aussi soumis à un service puhlic, comme
les rivières navigables 011 flotlables, que d'ailleurs l'autorité administrative est généralement
compétente pour réglel' les cours d'eau dans l'intérêt de l'état, ou dans celui collectif des diverses
contrées ou localités.
cc ARTICLE. 2. Copie de ce procès-verbal sera
» envoyée au ministre de l'intérieur. »
1150. cc ARTICLE 3. Les administrations dépar» tementales enjoindrQnt à tous les propriétaires
:» d'usines, écluses, ponts, batardeaux, etc., de
» faire connaître leurs titres de propriété, età cet
» effet, d'en dépQser des copies authentiques aux
»
�57'"
.
1'1lAl'i'Ê
secrétariats 'des administrations 111unicipales, qni
)) lés tmnsmettront anx administrations départe)' luentales. )~
Le propriétaire de l'usine n'avait pn l'établir,
des le principe, que sous la condition d'en avoir
préalablement obtenu la permission du gouvernement: c'est donc àlui à rapporter la preuve de cette
concession, pour qu'il puisse êtl'econsidéré comme
possesseur légitime d'un établissement fait snr un
sol public, qui est ton jours présurilé franc de
cette servi tnde; il doit doue rep,'oduil'e son titre
sans é~ard à sa possession, quelque longue qu'elle
ait été, paréé qu'il snf(it qu'il s'agisse d'un sol ou
d'un droit 'public pOUl' qu'on ne puisse en présumer
l'aliénation, et encore pour que la prescription acquisitive n'en soit pas opposahie : Praescriptio
longae possessionis ad ohtinenda Joca juris
gentium publica concedi non solet (1). Jusquelà tout est purement pl'écaire dans sa jouissa.nce
vis-à-vis du gouvèrnement (2).
'La production de l'acte de concession est exigée
là deux fins; soit pour savoir si l'usine doit êtl'C
conservée, en cas qu'elle soit reconnue n'ètre pas
'nuisible à· la navigation, sÇ>it pour attribuer au
propriétaire nue indemnité dans le cas ::>ù le libre
exercice de la navigation en exigerait la suppressJOn.
11 51. Quoique celle théorie paraisse fort sim»
,
(1) L. 4.5, fI. de llJucapionihuJ) lib. 41 ,tit. 3.
(2) Voy. som les Il'''' 983 cl 9g4.
�DU DOMAINR: PUBLIC.
575
piè, on peut' néanmoins rencontre}' én cette matiè"e de graves difficllités sur la question de savoil'
ai, lors de l'établissementd'uneusine, il ya en ou
non un acte de concession de la part du gouver,
nement: car de ce qu ' on ne rel'resente
pas uu
titre, l'on ne peut pas cn conclure avec certitude
qu'il ri'y en ait jamais eu, puisqu'on sait très·bien
que; dans 11 ne suite de temps plus ou moins longue ,il a pu se perdrc par une infinité d'accidents.
A cet égard il fallt remarquer que, s'il est vrai
que la seule possession du meunier n'e suffit pas
pour snppléer au titre, parce qu'il s'agit ici d'une
chose imprescriptible, il est certain aussi que la
'perte du tilr~~ ne doit pas nécessairement cntraîner
b perte du droit lui·mêmc 1 parce qllC l'un n'est
pas la même chose que l'autre: Amissis instru-
mentis qllae intercesserant ~ non toUi $uhstantiam veritatis placuit (1) : le prop"iétaii'e de
l'usine doit donc être admis à prouver l'ancienne
existence de son titre et la réalité de son dtoit;
et il pourra les établir, soit par des actes de re-
connaissance qni en auraient été passés, soit par
les q~lÎltances de paiement des redevances dnes
en vertu du titre, soit par d'auires ·actes authentiques dans lesqnel:S on en aurait consi~né la
·relation : .,Nec oberit ·libi amissio instrllmenl.
torum ~ si modo man!/èstis prohationibus eO$
debitores esse apparuerit (:L).
\
(1) L. 10, cod. de fide instmmentorum, lib. 4, tit. 21.
(2) L. 1, coù. codem.
�5'1 Ô
'filAIT?
1152. Mais la preuve vocale serait-elle admi§~
sible en pareille cil"constance ?
Il'nons paraît qu'en ce cas l'on ne devrait pas
être plus difficile que lorsqu'il s'agit de suppléer
aux actes de l'état civil ou au titre d'une créance
ordinaire perdu par le créancier (art. 46 et 1348,
S 4, C. c.); qu'en conséquence et en indiquant
l'événement qui aurait occasionné la perte du
titre, le propriétaire devrait êll"e admis à faire sa
preuve par les déclarations de témoins qui au~
raient tenu et lu l'acte de concession (1): car,
quoique la possession seule ne sllŒse pas ici, ce.pendant, comme on doit plutôt la présumer légale
qu'illégitime, il serait inj Ilste de refuser au meunier
la facullé de suppléer à la perte de son titre par le
moyen des prenves dont on vient de parler.
Il y a plus, nous croyons que celte preuve de- vrai!. être reçl1c lors même qu'on n'indiquerait pas
positivement par quel événement Je titre aurait
disparn, s'il s'agissait d'une usine don t l'existence
remontât très.haut; parce que l'ancienneté de la
possession tendrait à prouvel" tont à la fois la légalité de l'établissement et la probabilité de la
perte du titre..
1153.. cc ART. 4. Les administrations départe" mentales dresseront un état séparé de toutes les
» usines, moulins, chaussées, etc., reconnus dan(1) Voy. LEGRL",n, sur l'art. 168 de la coutume de Troyes,
glose -i, nO 9.
"
�VU DO~IAlNH PUBLIC.
571
~
gereux ou nuisibles à la navigation, au libre
cours des eaux. ou au dessèchement, à l'irriga» lion des terres, mais dont la propriété sera
» fondée en li tre. »
'. Deux conséquences découlent de celte disposiLlon:
. La première~ que si l'usine est fondée en litre,
,ct qu'elle ne se trouve point préjudiciable à l'eicr,cice de la navigation ou du cours d'eau, elle doit
être maintenue;
La seconde~ que si, au contraire, elle est reconnue nuisihle à la viabililé du fleuve, ou au service public auquel J~ cours d'eau est, JesLÏné, la
suppression peut en être ordonnée, quoiqu'clic soit
fondée en titre; et il Joilen être ainsi par la raison
que l'intérêt général doit toujours prévaloir sur
l'intérêt privé: en sorte que, dans les matières de
cette nalure, le rescril même du prince qui avait
accordé la conèession est toujours essenli~llement
révocable suivant l'exigence des circonstances:
»
Sed nec rescripta quidem juri puMico obsistere possunt. Atque ideo diruenda sunt ornnia
qu,ae per diversas urbes vel Ùt foro, vel in pu,Mico quocunque loco contrà ornatum et corn·
modum ac decoram faciem civittitis 8xstructa
noscuntur (1). Mais, comllle cn ce cas il ya eu aequisilion.·légilime faite par le meunier ou ses auteurs, celui-ci se trouve investi d'un droit de pro(1) L. 6, cod. de operihus puhlicis , lib. 8, tit. J 2.
TOM.
III.
�578
TRAITÉ
priété dont il ne doit pas être dépouillé sans indemnité; c'est pourquoi l'administration inférieure
n'est point autorisée à faire opérer la démolition
avant que le gou~ernement ait lui-même pris con~
naissance de l'affail'e, pour statuer en définitive
comme il le jugera convenable.
1154. cc ART. 5. Elles (les administrations dé» partementales) ordonneront la destruction dans
» le mois de tous ceux de ces établissemeuts qui ne
» se trouveront pas fondés en titre, ou qui n'au» raient d'autres titres que des concessions féodales
» abolies. »
.
Ici l'administration inférieure est chargée de
faire procéder immédiatement à la destruction de
l'usine, sans recourir à l'autorisation du gouvernement, attendu qu'il est constant en ce éas qno la
construction de l'usine n'a été qu'une usurpation
commise sur le domaine public, qui est imprescriptible, et qu'en conséqnence l'établissement
ne peut avoir qu'une existence absolument illégale.
Cependant il pourrait parahre an premier coup
d'œil que cette disposition réglementaire, rig'ourensement exécutée, devrait entrainer de graves
injustices, en ce qu'à l'égard des usines non autorisées, elle ne prescrit aucune distinction à faire
entre celles qni seraient reconnues nuisibles à l'usage Je la navigation et celles qui n'y ap.porteraient aucun obstacle ni danger, comme, par
exemple, lorsque l'établissement est situé sllr la
�DU DOMAINE PUllLIC.
579
rive du fleuve par où les bateaux ne se tirent pas,
ou mieux encore, SHI' un des bras de la rivière dans'
lequel la na vigation ne g' exerce poin t.
est certain, en effet, dira- t-on, qu'il existe
sur les rivières navigahles beaucoup d'usines qui
portent si peu de préjudiee au service de la navigation, qu'on' permet chaque jour d'yen établir de
nouvelles. Or, si le meunier se trouve placé dans
celte position, et qu'on'vienne détruire son usine,
quoiqu'elle soit absolument inoffensive, ce sera
faire le mal pour le mal, sans intérêt pour le public.
C'est sans doute par cetle raison d'équité 'lue la
loi n'a 'jamais élé rigoureusement exécutée sur ce
point; et il serail difficile d'accusel' de négligence
les agents de l'administI'aLion, parce qu'ils n'an-,
raien t pas voul u faire procéder irn média ternen t à
la destruction d'établissemenls utiles au public, et
dont la privation devait entraîner la ruine de leurs
propriélaires. Celle conduite de leur part est d'autant moins hlâmahle que, s'L1gissant ici d'une chose
imprescripLible, l'on sera toUjOlll'S à temps de faire
ce que les circonstances exigeront par la suite.
1155. Cependant il faut considérer d'autre part
qu'une trop grande tolérance a pOUl' effN de fàvol'iser les envahissements du dor~Jajne publicrquc
ce qui ne paraît pas actuellement nui~iLle ~l la na-.
vigation peut lui porler préjudice dans la suite; que
le sy:;tème du gouvernement doit toujours tendre
à préserver la chose publique des atteintes de la cu·
pidité particulière; que c'est I.à son devoir; que ce
n
�580
/
TnMTÉ
qui est imprescriptible, eOt n'~ qu'une existence il~'
légale, ne peut ~tre sous la protection de la justice
contre le gouvernement qui l'a toléré; qu'ainsi, et
à ,supposer qu'il soit constant que l'usine ait été
c'onstruite sans la permission de l'autorité compétente, le propriétaire n'a ,pu ignorer, dès le principe, que sa possession n'était que précaire, et per, pétuellement amovible dans ses mains. An surplus,
et pOUl' justifier complétement la' disposition de
l'arrêté du directoire qui prescrit la destruction, il
suffit de dire que les délais que doit en trainer l'exécution sont. tels que, même en snpposant la pins
grande rigueur, le propriétaire de l'usine menacée
aurait toujours un temps plus que suffisant pour re<~ourir au gouvernement à l'effet d'en obtenir le titre
qui lui manque, après qu'il aurait été constaté que
son établissement n'est pas nuisible à la navigation.
1156. Il nous reste à remarquer sur cet article, que, suivant ses dernières expressions, le
titre du meunier doit être autre qu'un acte de
concession féodale émané d'un ancien seigneur.
La raison en est qu'il s'agit ici de grands cours
d'ean destinés à des services publics; dont la police a toujours appartenu au ~ouvernement, même
dans les tcmps où celle des rivières était ent.re les
mains des seigneursJes lieux en vertu de leurjuridictiou féodale (1) : d'où il suit que les concessions
de cc genre, faites par ces derniers sur les rivières
(1) Voy. sous le nO 862.
�DU DOMAINE PUBLIC,
581
. navigables ou flottaLles, n'ont pu être dès le principe que des actes d'usurpation que le temps n'a
point légitimés, par suite de l'imprescriptibilité, de
la mat~ère; tandis qu'ainsi qne nous l'avons vu plus
, haut, les mêmes concessions d'usines, faites aussi
par des seigneurs sur les petites rivières, doivent
être maintenues aujourd'hui (1), comme ayant eu
, lieu légitimement, suivant les règles du droit ct
l'usage en vigueUl' alors.
Nous terminerons en faisant remarqnel' que si le
meunier soutenait que son titre n'est point de natme féodale, ce serait là une question de propriété
à renvoyer pardevant les tribunaux.
1157. En résumé, sur cette première hypothèse, on doit dire,
'
lOQue, qnand l'existeuce d'une usine établie
SUl' une rivière navigable ou flottable ~pportc quelque entrave ou dommag~ dans le service public du
cours d'eau, le roi peut en ordonne.' la suppression, lors 'même qu'elle aurait été fondée eù titre;
'mais qu'en ce cas le propriétaire a d.roit à une Indemnité contre l'état;
2° Que toute usine établie' sans titre sur les
mêmes rivières ne peut être, vis-à-vis du. gouvernement, que l'objet d'une jouissance purement
précaire dans les mains de celui qui l'exploite, et
qu'en conséquence elle peut toujours être sUPl;riruée sans indemnité., même par les ordres des pré(1) Voy. sous le nO 1053.
�582
l'llAlTÉ
fets, qui ont remplacé les administrations départcmen talcs;
3 0 Qu'cn cas de perte du titre dont la production
donnerait lieu à une indemnité, il pent y être
·suppléé par toutes preuves juridiques propres à
constater son ancicllne existence.
§ 2, De la suppression des usines établies sur les petites
rivières ou ruisseaux pour faciliter des tral'aux d'utilité
pub/ique.
,
1158. Tout ce qui a rapport à cette hypothèse
est régi par l'article 48 cIe la loi du 16 septembre
1807, conçu dans les termes suivants:
cc Lorsque, pour exécuter un dessèchement,
» l'ouvel'lure d'une nouvelle navigation, un pont,
» il sera question de supprimer des moulins ou
» autres usines, de les déplacer, modifier, ou de
» réduire l'élévation de leurs eaux, la nécessité en
» sera constatée par les ingénieurs des ponts et
» chaussées. Le prix de l'estimation sera payé
» par l'état lorsqu'il entreprend les lr'avaux; lors» qu'ils sont entrcpris par des concessionnaires, le
») prix de l'estimation set'a payé avant qu'ils puis» sent faire cesser le travail des moulins et usines.
» Il sera d'abord examiné si l'élaLlissement des
») moulins et usines est légal, ou si le litre d'éta») blissemen t ne sou Illet pns les propriélaires à voit,
» démolir leurs établissements sans indemnité, si
» l'Ulilité publique le requiert (1). »
(1) Voy. au bull. t. 7, p. 138,4· série.
/
�DU DOM.A.1NE PUBLIO.
583
Pour bien entendre cet article, il est nécessaire
d'en reprendre et commenter successivement les
expressions principales.
Lorsque~ pour exécuter un dessèchement~ l~ouverture d'une nouvelle navigation~
un pont, etc., etc. : il est éviùent qu'il ne s'agit
1159.
pas là des barrages d'une usinc dont la destruction
serait demandée pour prévenil'les inondations plus
ou moins fréquentes qu'ils occasionneraiènt dans
le voisinage. Sans doute, comme nous le dirons
dans la sectio~l suivante, les dégâls causés par
l'existence des usines peuvent aussi autoriser à en
demander la suppression; mais ce n'est point à ces
cas particuliers quc se rapporte le texte qne nous
expliquons, ct il est de toute évidence que les auteurs dc la loi n'ont envisagé, en la portant, que les
cas génél'aux d'intérêt, public, auquel l'intérêt pl'ivé doit toujours êtrc subordonné.
1160. Les dispositions de l'ordonnance de 1669
et de l'arrêté du airectoire, rapportées sur l'hypothèse précédente, sont différentes de celles de la
loi du 16 septembre 1807, soit quan t aùx objets
auxquels elles s'appliquent, soit quant à leur fin
immédiate.
Quant à leur ohjet, en ce que les unes ne sont
relatives qu'aux rivières déjà anciennement navigables, tandis que l'autre s'applique au contraire à
l'ouverture de nouvelles navigations qui n'e}.istaient pas encore.
Quant à leurfin~ cn ce que là il s'agit de répl'i-
�58·-\.
mer les usurpations (lui avaient été faites sur le do:.
maine public, tandis qu'ici il est question an
contraire d'acqnérir pour ce domain<; ce qui ne lui
3ppartenait pas, on ce qui ne lui appartennit qu'imparfaitement auparavant.
,
1161. Il sera question de supprimer des
moulins ou autres usines: il est éviden t que ces
éxpressions s'appliquent aux moulins et usines
établis sur les plus petits ruisseaux, comme à ceux
qui se trouveraient sur des rivières, puisqu:elles
statuent dans le sens le plus général, ct sans la
moindre exception ni restriction.
De les déplacer, modifier, Olt de réduire
l'élévation de leurs eaux: c'est-à-dire que l'in~
demnité, quand elle a lieu, doit être proportionnéè
au dommage causé au meunier par le dérangement
opéré dans son usine.
1162. Le prix de L'estimation sera payé
par l'état, lorsqu'il entreprend les tràvau.x :
c'est l'état qui doit payer, parce que c'est lui qui
est acquéreur de la chose qu'il fait entrer dans le
domaine public.
Lorsqu'ils sont entrepris par des concessionnaires, le prix de l'estimation sera payé,
etc. : dans ce cas-là même c'est lOujours l'état qui
est acquéreur, et c'est toujours lui qui est censé
payer le prix, parce que, vis-à-vis des entrepreneurs, l'estimation de leurs travaux a été portée
d'autant plus haut.
1163.
lIsera d'ahord examiné si l;ttahtis-
�DU DOMAIl'Œ l)UIIJ.lC.
585
sement des moulins et usines est légal: c'està-dire s'il y a en dans le temps, de la part du
gouvernement, un acte de concession pour les
étaLlir.
En prescrivant cette reconnaissance préalable
de l'existence légale des usines qui sont à supprimer, les auteurs de la loi ont nécessairement préjugé qu'il n'y aurait pas d'indemnité à prétendre à
raison de celles dont l'existence serait reconnue
illégale, parce qu'autrement cette vérification serait tout-à-fait inutile, _et que d'ailleurs les lois,
qui condamnent géuéralement les usines non
a~torisées,ne peuvent en même temps accorder
une prime d'indemnité aux constructeurs qui sont
en contravention à une prescription d'ordre puhlic (a).
_(a) M. Daviel, Tr. de la pratiq. des cours d'eau, nG 568,
en critiquant la solution donnée par M. Proudhon, dans son
nG 1009, pag. 357, suprà, d'après laquelle il ne serait dû d'indemnité au voisin d'une rivière que l'administration croirait
devoir déplacer dans des vues d'amélioration qu'autant que ce
propriétaire serait fondé en titre pour son droit de prise d'eau,
et ce, sur le motif que l'usage des eaux fait par le ri verain est
fondé sur le droit commun, qui est le meilleur des titres, ajoute
.que, suivant lui, ces principes devraient être appliqués même
aux usines. Cependant il reconnaît que l'art. 48, ci·dessus commenté, et la jurisprudence administrative sont contraires à ce
.système, et qu'en conséquence les usines postérieures à 1790,
qui n'ont point été formellement autorisées, peuvent être détruites ou.privées de leur force motrice sans- indemnité; celles
antérieures aJant l'équivalent J'un titre légitime dans la concession féodale ou dans la prescription.
.
�586
1~n~
Ce qu'il importe de remarquer encore, c'est que
la disposition de celte loi s'appliquant généralement à tou tes les usines, sans distinction en tre
celles qui auraient été établies sur des rivières ou
sur de plus petils cours d'eal;, il en résulte que les
unes comme les autres ne peuvent avoir d'existence légale qu'autant queleurconstruction aurait
eu lieu ensuite d'une permission du gouvernement:
ce qui con firme ce q ne nous avons ~1it plus haut (1),
que celte permis5ion est nécessaire pour construire
régulièrement des moulins ou autres usines, même
sur les plus peti~s ruisseaux Ca).
1164. Ou si le titre d'établissement ne soumetpas lepropriétaire à voirdémolir,etc.,etc.:
lorsque, par le titre d'établissement, on a prévQ.
que la suppression ou des modifications pourraient
être exigées dans la suite pOUl' cause d'utililé puhlique, et que la concession n'a été faite que sous
(1) Voy. sous les nO' 1060, 1061 et 1062.
(a) L'affirmative paraît aujourd'hui constante. M. de Cormenin, Quest. de droit administ., 4" édit., tom. 2, p. 359,
rapporte à cet égard un avis du Conseil d'état du 31 octobre
1817, et cite des arrêts des 30 mai 1821 (Bertrand), 8 a0l1t
suivant (Hutrel), 2 a()ût 1826 (Bache/as), et 3 juillet 1828
. (Duhoë-Pan); ce dernier annniant un arrêté du préfet qui s'était déclaré incompétent pour fixer la hauteur des retenues sur
un cours d'eau non navigable ni flottable. Un autre arrêt du
30 avril 1828 (Sarrest) décide que la même autorisation est
Qécessaire pour construire une simple digue ou un réservoir sur
ces rivières. -Voy. la note sous le nO 971, suprà, pag. 319
du présent volume.
�DU DOMAINE PUBLIC.
587
-la condition que, ce cas arrivant, il n'y aurait pas
d'indemnité à réclamer, la convention doit être
exécutée comme elle a été faite: et de là il résulte
qu'à défaut de cette condiLion le gouvernement
doit ail concessionnaire une indemnité soit pour
suppression, soit pour modification, déplacement
qu réduction de son usine (a).
(a) M. Favard de Langlade, noulJeau Rép. J eI\seigne également que la condition de suppression de l'usine sans indemnité peut être apposée dans l'autorisation de son établissement
sur une petite rivière. M. de Cormenin, Quest de dr. adm. J
4- éd. J tom. 2 , pag. 300, pense que si aucune condition de
,cette nature n'a été insérée dans l'ordonnance, on ne pourra
détruire l'usine que moyennant indemnité, à moins que ce ne
soit pour cause de préjudices aux propriétés voisines, cas auquel
il n'est dû aucun dédommagement (Arrêt du Conseil du 24
janlJier 1834, - Lamhin); mais que le gouvernement ::t toujours le droit de stipuler une semblable réserve. Cependant, plus
loin, pag. 369, il paraît s'élever contre celte faculté: « L'état,
," dit-il, n'agit pas ici comme propriétaire; il agit comme gou" vernement; il ne concède pas une faveur" il fait un acte de
Il police; il intervient comme tuteur, comme arbitre, comme
., homme de l'art, dans l'intérêt commun des riverains, pour
" t>llsage des eaux, dans l'intérêt public de la salubrité et du
Il libre écoulement des eaux, pour la hauteur des déversoirs,
" des constructions et des communications; les autres clauses
" qu'il ajoute sont surrérogatoires ; elles sortent de sa compé.. tence, parce qu'elles sont en dehors de la police administra.. tive, et les tribunaux, dans l'examen de l'indemnité, ne s'y
Il arrêteraient pas. Voy, arrêts des 11 avril 1821 et 15 mars
.. 1826 ( Gauthier ).11 faut ajouter avec M. Tarbé, qu'aujourIl d'hui la clause de renonciation il toute idée de dépossession
�588
'l'RAni
La production du titre de concession est donè
ici de la plus haute importance, puisque c'est delà
que l'eut dépendre le droit de l'indemnité pré.. n'est plus insérée dans les ordonnances d'autorisation d'l'isinl'S
» sur les cours d'eau non navigables ni flottables. »
MM. Isambert" Tr. de 'Voirie, tom. 1, pag. 219; Garnier,
Régime des eaux, nO 193, et Daviel, Tr. de la prat. des cours
d'eau, nO 191, soutiennent que la clause dont il s'agit n'est
.valable et légitime que par rapport aux fleuves ou rivières navigahles et flottables, parce que, en ce cas, la concession ne
peut jamais avoir le caractèrc d'une aliénation proprement dite
( Dumoulin, Cout. de Pans, § 2, g los. 4, U O 16. - Bacquet,
,édit. de 1744, tom. 1, p. 605;.- Pecquet, LozS forestières,
art. 42, tit. 27, ordonn. de 1669. - Pardessus, des servitudes,
,nO 77); mais que, relativement' aux cours d'eau privés, rien
n'autorise à mettre au prix d'une expropriation éventuelle, sans
indemnité, leréglement d'eau qu'un propriétaire demande pour
construire sur son propre fonds, et qui ne pourrait lui être refusé arbitrairement, comme lorsq.u'il s'agit d'une concession sur
le domaine public. u Nous pensons très-fermement, ajoute
" M. Daviel, que lorsque ces cours d'eau sont canalisés, et que
Il par suite la modification ou la destruction des usines léga" lement existantes devient nécessaire, il est dû indemnité aux
· .. propriétaires, nonobstant la clause en question.- Aucune
" loi ne l'autorise (l'instruct. ministérielle du 19 thermidor
» an VI, qui l'a d'abord prescrite, n'est relative qu'aux cours
· " d'eau navigables et flottables); aucune loi nc pourrait l'aù" toriser, car elle est formellement :contraire à notre ~roit
" public et au droit naturel de propri€té. Peu importe qu'elle
· " ait été imposée dans l'acte d'autorisation, dès que ce n'est
· " pas librement que le concessionnaire l'a acceptée, un :lbus
" de pouvoir ne peut engendrer de droit. ,,- Lors de la discussion de la proposition de M. de Montville à la chambre des
o
�DU DOMAINE PUBLIC.
589
tendue 'par le meunier; mais, comme nous l'avous
fait remarquer dans nos observations sur l'hypothèse précédente, les titres les plus légitimes
peuvent s'être perdus par divers accidents, et alors
il doit être permis de recourir à la justice pour y
suppléer,. autant que possible, dans les circonstances et par les moyens indiqués pIns haut (1).
, 1165. Une question intéressante encore qui se
présente ici à notre examen, consiste à savoir si,
pour obtenir son indemnité, sans la production
d'aucun acte positif de:concession , et sans ~ffrir la
preuve de l'ancienne existence de ce titre, le meunier pourrait se prévaloil' uniquement' de la possession dans laquelle il aurait été depuis plus de
trente aus, et si ce moyen serait seul suffisant pour
i ustifier sa .demande et la fai.,c accueillir•
. J Nous avons· établi
plus haut, et la Cour de
cassation a jugé (2) que les titres 4e conces~.ion
. tl'usine p~ssés ancieI.lUement par les seign~~rs
devaient être maintenus comme conformes, aux l~is
et usages. du temps, qui rép\ltaient les seig l1 eurs
pl'Opriétaires de tous les cours d'eau qui ,n'étaient
Pairs, le' directeur général des ponts 'et chaussées recomlaissait que cette clause n'avait pas encore été exécutée, et qu:elle
n'~tait considérée que comme comminatoire (Moni,teq,r. 1828,
nO 160). - L'opinion de M. Pcoudhon tient évidemment à
c:elle sur la proprié!é des petits cours d'eau qu'il range dans le
.
domaine public. Voy. sltprà, nOS 935 à 973.
(1) Voy, sous les nOS 1151 et 1152.
(2) oy. sous le nO ,1053.
Y
�590
1'llAlTÉ
ni navigables ni flottables. Or, de ce que ces cours
d'eau, même en les considérant comme agents de
mouvement, ou comme force motrice, étaient,
'suivant les lois de ce temps déjà ancien pour nous,
réputés la propriété individuelle et particulière des
seigneurs, et de ce que cette propriété était aliénable
polil' toujours ct irrévocablement de lem part, il
faut en conclme q,"'elle était aussi pr~scriptihle
contre eux, comme chose étant alors dans le commerce : J'où il faut, avec M. Garnier, tirer la
conséqllence ultél'ieurè que, pour tous les établissements antérieUl's il 1790, le mo-yen de la prescription déjà acquise à cette époque, doit tenir lieu
d'un titre légitiüle (a):
.
.
(a) Même opinion dans le Tr. des Servitud. de M. Pardessus, na 94, et dans celui de la pratiq. des cours d'eau de
M. Daviel, na 610. Sous les coutumes qui réput:lÏent les seigneurs propriétaires des cours d'eau traversant leurs seigneuries,
la prescription a pu êlre acquise contre eux, puisqu'ils pouvaient
aliéner ce'genre. de propriété. Quand le moulin était très-ancien,
la concession féodale était présumée (Legrand, sur Troyes,
art. 179; glos. 1, na 8 et art. 180). Dans les pays où le principe de la propriété des riverains s'était maintenu, la jouissance
.de l'usine pendant 30 ans, sans trouble de leur part, en avait
également consacré l'existence.
Cette consécration, par le temps, du droit de conserver les
anciens moulins, ne fait pas obstacle au pouvoir conféré à l'ad.
ministration, notamment par la loi du 6 octobre 1791, qui
s'applique également à ceux construits et à construire, de les
soumettre à uue sorte de réformation en leur imposant des
déversoirs, des repères, de nouveaux débouchés pour les eaux,
des modifications de leurs retenues et toutes autres mesures
�DU DmlAINE PUBLIC.
59t
En résumé, sur cette seconde hypothèse, nous
dirons:
lOQue généralement les usines étahlies sur
toutes sortes de cours d'eau peuvent être sn'pprimées ou modifiées chaque fois que cette mesure
est nécessaire pour l'exécutiou de qnelques étahlissements ou travaux d'utilité générale ordonnés
par le gouvel'llement ;
2° Qu'alors il n'est pas dû d'indemnité aux pro"
priétail'es à raison de celles qui ne se trouvel'aient
pas fondées en titre;
3° Qu'il en est de même à l'égard de celles dont
le titre constitutif n'aurait été consenti par le
gouvel'llement que sous la condition que, le cas
arrivant, elles seraient démolies sans indemnité;
4° Enfin, qu'il doit être payé une indemnité
pour-la suppression ou modification de. celles qui
se trouveraient fondées SUI' un titre pur et simple,
et qui ne seraient pas elles-mêmes la cause des si·
nistres à raison desquels la suppression en serait
ordonnée.
SECTION II.
Des cas où, la suppression d'une usine serait demandée
lllliquement pour prél'enirdans l'itttérétpublic des dommages
tels qu'inondations, ou insalubrité.
1166.
A pal't les établissements de moulins
propres à préveuir des inondations ou à opérer une meilleure
distribution des eaux dans l'intérêt génér1l1 ( arrêts du Conseil
des 2 juillet 1820,21 mai 1823, 26 août 1824, 17 janvier
1831, 20 juillet 1832, 24 janvier 1834, i3 novembre et 23
décembre 1835).
�592.
TllA.rr~1
sur bateaux, et quelques autres cas particuliers,
une usine n'est construite sllr un COl1r$ d'cau
qu'au moyen d'nne écluse qui, arrêtant les eaux,
les élève à une hauteur suffisante pour que, se précipitant ensuite par l'ouverture des vannes, sur
des rones hydrauliques, elles mettent en mouvement le mécanisme.
Mais cette modification apportée au régime naturel du cours d'eau peut devenir funeste pour le
pays; soit en faisant refluer les eaux vers des ha})itations qu'elles rendent mal-saines, soit en formant sur les bords deJa rivière des marécages insalubres pour la généralité des habitants dela contrée, soit en occasionnant des inondations qu.i,
dans les diverses crues d'eaux, causent des dommages sur'une étendue plus ou moins considér~ble
des fonds voisins; et alors se présente la ,question
de savoir si, pour prévenir ces sinistres, l'autorité
compétente n'est pas en droit de faire abaisser les
hat'r3ges du moulIn, ou même d'en ordonner l'cntière suppression dans le cas où, pour parer à tous
les dommages, il faudrait en venil' à cette extrémité. Ces modifications de barrages et suppressions d'usines pourraient-elles être ordonnées lors
même que le moulin' aurait été légalement établi,
ct que depuis sa construction l'on n'y aurait fait
tlucun changement?etdans (ousles cas n'y auraitil pas lieu il une indemnité pour le meunier ?,..
1167. - Il est d'abord incontestable que, 1ans
tonte espèce de conrs d'cau navigable ct flollable
�593
DV DOMÀlNE l'VELle.
ou non, l'administration aurait le droit 'de pres-'
crire l'abaissement de l'écluse au-dessous du niveau qui avait été assigné dans le prihcipe, et
même d'ordonner l'entière suppression du moulin
si cela était reconnu indispensable pour procurer
un libre cours aux eaux, à l'effet d'assainir la contrée ou de prévenir les inondations; elle aurait,
disons-nous, Incon testablemen t ce droit, puisque, .
d'une. part, elle est chargée d~arrêter toutes les mesures nécessaires ou utiles au libre écoiJlement des
eaux, et qu'il faut bien qu'elle ait la faculté d'accomplir son devoit, sur cet important objet; que,
d'autre part, la concession primitive du droit d'établir l'usine n'a pu être qu'un acte essentiellement
subor.donné à son pouvoir réglementaire en cette
matière. Or tout ce qui tient à un réglement peut
toujours être abrogé par un autre réglemen t, comme
une loi peut être abrogée par une autre loi; et ce'
n'est là que la conséquence du principe qui veut
que les lois et les réglements puissent toujOl1l'S être
modifiés oU"changés, suivant ce qu'exige l'intérêt'
public (a) ..
. 1168. En ce qui concerne la question d'indemnité, il faut d'abord tenir pour constant qu'il
.,
. ' SI. l" eXIstence (] u
n ,en peut etre
rec1ame' aucune,
moulin est illégale pour n'avoir pas été fondée. en
titre, parce' que, comme on l'a déjà dit souvent
nO
(a) Idem, M. Daviel, Tr. de la 'prat, des cours d'eau,
577.
'fOl\!, III.
38
�TRAITÉ
plus haut, les lois n'accordent jamais de dédommagement pour suppression ou modification d'usines dont le propriétaire ne reproduit pas le titl'e
de concession légitime, ou ne supplée pas à celle
production au moyen des preuves que nous avon;
indiquées dans le S 1 er de la section 1 re du présent
chapitre.
1169. Jusque-là il ne peut y avoir de doutes
sérieux; la véritable difficulté commence à naitre
quand le propriétaire de l'usine représente son till'e
de concession en bonne forme.
Pour soutenir qu'il a droit à une indemnité, on
peut dire que son moulin, étan t fondé en titre,
est une propriété légitime entre ses mains; que cette
propriété n'a d'existence utile qu'au moyen du
cours d'eau qui en met les roues en mouvement;
que lui ôler la force motrice, c'est le priver du
moulin lui-même; qu'il y a donc expropriation,
et que conséquemment il est en droit d'invoquer
la protection de la loi, qui veut généralement que
tont particulier qui est dépouillé de sa propriété
pour cause d'utilité publique soit indemnisé.
Que s'il s'agit seulement ici de prévenir les inon.
dations ou autres sinistres qui affectent particulièrement la contrée voisine, il ne peut résulter de
là qn 'il ne soit dû aucune indemnité, puisque le
moulin n'en est pas moins une propriété légitime,
fondée sur un titre valable; que tout ce qu'on peut
conclure de celle circonstance, c'est qu'alors l'indemnité ne doit point peser SUI' le trésor public,
�DU DOMAINE PUBLIC.
595
mais seulement sur les propriétaires du voisinage,
dont les fonds se trouveront améliorés par la suppression de l'usine.
Que si, comme nons l'avons décidé pl us haut (1),
il est dû une iudemnité au propriétaire riverain
d'une petite rivière sur le fonds duquel on prend
une porLÏon de terrain pour en élargir le lit, atin de
remédie-r aux inondations de la contrée en donnant aUx eauX un plus ample et plus facile écoulement, il en doit être de même lorsqu'on détruit
l'écluse d;un moulin pour prévenir les mêmes sinistres, parce qu'ici il y a également atteinte aux
droits du propriétaire, et que, dans l;un comme
dans l'autre cas, c'est pareillement à l'effet de
procurel' aux eaux un plus large débouché et un
cours plus rapide, que l'opération est ordonnée par
le gouvernement dans l'intérêt de la localité.
1170. Nonobstant ces raisonnements, nous
croyons que la décision coi1traire doit être adoptée,
comme étant plus rationnelle et mieux fondée,
Commençons par poser nettement la question,
en la dégageant de tous objets de comparaison
qui sont étrangers à son espèce particulière.
La suppression du moulin est ordonnée pour
faire cesser les dégâts qui résultent de l'établissement de ses barrages: c'est donc le premier constructeur, et après lui ses successeurs dans l'usage
de l'usine et dans l'entretien de l'écluse, qui ont
(1) Voy. sous le nO 1045.
�596
TUAITÉ
successivement donué lien aux SIOlstres dont se
plaint le voisinage; et telle est la responsabilité
dont ils se sont chargés à cet égard, soit en construisant, soit en mettant en usagp. cet instrument
de dommage, qu'aux termes des lois et aux yeux
de la j!lstice, ils doivent être considérés comme
étant la cause immédiate des préjudices qui jusquelà ont frappé la contrée: Verum est... eum qui
causam praebuit damni dandi, damnum dedisse (1). Et peu importe le temps pendant lequel
cet état de choses a duré, puisque le mahre pri'mitif de l'usine et ses successeurs n'ont jamais pu
acquérir le droit d'en faire un fléau pour le pays.
Ce qu'il faut bien remarquer, c'est qu'alors la
suppression de l'nsine est ordonnée non pas seulement pour satisfaire à quelcrues intérêts individuels
ou privés qui soient prescriptibles de leur nature,
mais pour prévenir les dommages que ressent la
société elle-même, dont les intérêts sont imprescriptibles; que si les intérêts particuliers, distributivement considérés, sont prescriptibles, il n'en
est pas de même de ceux du public, quand la
masse des pertes s'élève ,au point qu'on doive la
juger absolument contraire au bien collectif de la
contrée 7 parce qu'alors il y a lésion dans les droits
de la société elle-même; que l'administration,
supprimant le moulin comme nuisible aux intérêts
généraux de la localité, ne procède qu'en exécu(1) L. 4, § 14 in fine, if. de vi bonomm raptcr., lib. 47,
tit. 8.
�DU DOMAINE PUBLIC.
591
tion de l'action publique qui lui est cOllfiée. Or il
n'est aucune possession, quelque longue qu'elle
soit, qui puisse arrêter l'effet de cette action toujours souveraine dans sa marche quand il s'agit de
mettre obstacle au mal.
La question ainsi entendue dans son véritable
sens, il faut dire que l'indemnité du meunier ne
doit consister qu'en ce qu'il sera libéré, pour l'avenir, de toute responsabilité envers la société· à
raison des dégâts causés auparavant par son usine,
et que rien autre chose ne peut lui être dû, puisqu'il est jugé que lui-même doit le sacrifice de son
moulin pour mettre fin à ces sinistres; que comme
on ne peut avoir le droit de faire du dommage à
la société, de même on ne peut prétendre à une
récompense à raison de la mesure qui en fait cesser
la cause.
1171. Vainement argumenterait-on de ce que,
le moulin étant fondé SUl' un titre en bonne forme,
il est, entre les mains du meunier, une propriété
légitime dont on ne saurait le priver sans lui en
payer le prix.
Ce raisonnemel1t ne prouve rien contre notre
thèse: car l'administration publique, ou le gouvel'11ement, n'ayant pas le pouvoir de disposer des
hiens des particuliers, ni d'abuser des intérêts Je
la socièté" les concessi~ns pour établissements d'usines ne sont toujours faites que sous la condition
exprimée ou sous-entendue que des tiers n'en ressentiront point de dommage:· Merito ait proetor
�598
TRAITÉ
qud e::1: re quid illi damni detur: nam quoties
aliquid in puhlicofieri permittitur~ ita oporret
permitti~ ut sine injuritl cujusquefiat. Et ita
solet princeps ~ quoties aliquid nOl'i operis instituendum petitur~ permittere (1). A plus forte
raison est-il toujours bien entendu que l'entreprise
ou l'établissement projeté ne causera pas de préjudice aux intérêts généraux d'une localité tont entière, soit en ce qui touche à l'agriculture, soit en
ce qui concerne l'état de saI ubrité des hahitations :
d'où il résulte que l'existence d'une usine autorisée par le gouvernement ne cesse point d'être subordonnée à cette condition d'ordre public, qu'il
n'en résultera aucun dommage grave pour la région voisine, et qu'ainsi la chose reste toujours
aux risques et périls de l'impétrant, qui n'a obtenu
la permission de former son établissement que sous
cette obligation; qu'en conséquence ce genre de
propriété n'est jamais absolu, mais toujours résolubie, arrivant le cas des sinistres graves qui peuvent en rendre la suppression nécessaire (a).
(1) L. 2, § 10, if. ne quid in. [oco publico, lib. 43, tit. 8.
(a) L'application spéciale de ces principes aux usines remonte
à une époque très-ancienne.
Dès les premiers temps où l'industrie s'empara de l'eau comme
force motrice, le législateur s'occupa de réprimer les abus et
de prévenir les dommages que pouvait faire naître l'emploi de
cette utile découverte.
Le titre 84 de la loi des Allemands, faite sous Clotaire II, et
promulguée sous Dagobert vers l'an 630, ayant pOUl' rubrique:
�DU DOMAINE PUBLIC.
599
Il est donc toujonrs vrai de dire que, du 1ll0- 1
ment que l'existence d'nne usine estl'econnUe dommageable à la contrée, et que, pour cette cause,
la suppression en est ordonnée, le propriétaire qui
en doit le sacrifice pour faire cesser les préjudices
qu'elle cause ne pent devenir créancier d'aucune
indemnité à ce sujet, puisqu'il ne fait que ~ubir
les effets de la commise qu'il a encourue, ou de la
condition résolutoire à laquelle son étahlissement
n'a jamais cessé-d'ètre soumis.
Celte doctrine a été positivement consacrée en
principe par une loi du I l septembre 1792, por.tant que: « Lorsque les étangs, d'après les avis et
» procès-verbaux des gens dOe l'art, pourront oc» casionner, par la stagnation de leurs eaux, des
» maladies épidémiques ou épizootiques, ou que,
~) par leur position, ils seront sujets à des inonda» tions qui envahissent et ravagent les propriétés
» inférieures, les conseils généraux des départe» ments sont autorisés à en ordonner la destruc» tion, sur la demande formelle des conseils gêné» l'aUX des commuues, et d'après les avis des ad» ministrateurs de districts. »
De eo qui aliquam clausllram in aquam facere 'Voluel'it et ibi
aliquid negaperit (id est submerserit. V. Ducange, 'V 0 negare),
porte:
Si quis mulinum aut qualem cllmque clausuram in aquam
facel'e voluerit > sic faciat ut nemim' non nocent. Si autem nocuerit, rumpatur usque dum non noceat.
(IV. capitulaires de Baluze, tom. 1, p. 79; - Lindembrog,
leges antiqllœ, tom. 1 , p. 385; - Hérold, p. SQ.)
�600
TRAITÉ
01', d'un côté, et en lait, que ce soit par suite
de l'existence de la chaussée d'un étang ou de l'écluse d'un moulin que la contrée éprouve des sinistres, il faut également y remédier en supprimant la cause du mal.
D'autre part, et en dro#, lorsque cette loi fut
portée, il était déjà reconnu en principe, par la
constitution de 1791, que nul ne doit le sacrifice
de sa propriété pour cause d'utilité publique qu'au
moyen d'une juste ct préalable indemnité, et cependant cette loi n'en accorde aucune aux propriétaires des étangs dont elle ordonne la destruction:
ce qui ne peut être fondé que sur ce que l'établissement de ces étangs était lui-même la cause des
sinistres qu'il s'agissait de faire disparaître.
1172. Reste à répondre encore aux deux raisonnements qui on t été présentés en premier ordre
à l'appui du système contraire.
Le premier consiste à dire que le moulin, étant
fondé en titre, est une véritable propriété foncière
entre les mains du meunier; que dès-lors sa suppression constitue une vraie expropriation; qu'en
pareil cas, et suiva n t l'écunomie générale de nos
lois, il doit y avoir lieu à indemnité, puisqu'il ya
dépossession pour cause d'utilité publique; que si
ce n'est qne pour une utilité locale quela suppression est ordonnée, il en résulte seulement que ce
n'est pas par le trésor public, mais par les propriétaires voisins, que l'indemnité doit être supportée,
comme cela se pratique lorsque, pour l'établisse-
�DU DO;\fAINE PUllLIC.
Got
ment d'un chemin vicinal, on s'empare de fonds
particuliers dont IE\ prix ne doit être payé que pal'
les communes de la situation Ca).
Ce raisonnement n'est que spécieux, et il pèche
en ce que cette espèce d'expropriation n'a pas véritablement lieu pour cause d'utilité publique dans
le sens ordinaire, et encore en ce que la suppression du moulin n'est elle-même que l'indemnité
due aux fonds voisins: ce qui, sous l'un et l'autre
point de vue, offre une immense disparité entre le
cas dont il s'agit ici et ceux d'expropriations ordinaires pour cause d'utilité publique proprement
dite.
En effet, lorsque le gouvernement, voulant étahlir une route ou uu canal de navigation, s'empare des fonds privés qui doivent servir à leur em·
placement, ou qu'il ordonne la confection d'un
chemin vicinal à travers des fonds de particuliers,
il ya d'ahord expropriation de propriété fonci-ère ,
en ce que les héritages ainsi occupés se trouvent
incorporés dans le domaine puhlic; il Y a aussi, et
dans un sens légal et rîgollreusemen t exact, cause
d'utilité publique ou communale, en ce que le
corps social ou les communes n'-acquièrent ces
fonds que pour les convertir en une source de ri·
-chesses et de bien-être pour l'état ou pour elles.
Mais lorsque l'abaissement ou la suppression de
l'écluse d'un moulin est nécessité pour parer aux
(a) Voy. suprà, nO 500, tom. 2, p. 89.
�602
'l'HAlTE
sinistres qui affligent la contrée, la question est si
loin d'être la même, qu'clle se présente dans une
hypothèse tout inverse, attendu qu'alors ce n'est
pas pour procurer un bénéfice au public ou à la
localité que la mesure est prise, mais au contraire,
pour détruire la cause du dommage qu'épl'Ouvent
les fonds voisins. Dans ce cas il n'y a aucune propriété nouvelle à incorporer dans le domaine puhlic, comme quand il s'agit de l'établissement d'qne
route ou d'un chemin vicinal; la suppression de
l'usine n'est en réalité que l'indemnité naturellement due aux héritageSt voisins, qui ne doivent
souffrir le cours des eaux qu'autant qu'elles se
portent sur eux d'elles-mêmes et sans que la main
de l'homme y ait contribué (art. 640, C. c.).
Or toutes ces circonstances qui caractérisent le
cas particulier son t absolument étrangères à celui de
l'expropriation pl'Ononcée pour des causes véritables
d'utilité publique, etqui nedépossèdeque ceuxdont
les fonds n'étaient passibles d'aucune garantie ou
ohligation d'indemnité: donc on ne doit point
faire à l'une des hypothèses l'application des p' cipes relatifs à l'autre.
11'13. MAIS comment concilier cette solution
avec la doctrine que nous avons exposée plus
haut, suivant laquelle, lorsque, pour prévenir les
inondations qui sc font sentir dans une contrée, ou
est obligéd'élargirle litd'une rivière, il estc1ù uue
indemnité aux propriétaires sur les héritages desquels on exécute le l'élargissement? Pourquoi n'en
�DU DOMAINE PUBLIC.
603
serait-il pas également dû une au meuDier dont on
vient' prendre et supprimer l'usine pour prévenir
les mêmes sinistres?
La disparité qui existe entre ces deux cas est encore très-sensible, et résnlte de la nature même des
choses.
Dans le premier, la cause des sinistres est due à
la situation naturelle des fonds, l'existence des
uns se trouvant incompatible avec la conservation
ou la prospérité des autres. Les propriétaires sont
parfaitement égaux en droits; il s'agit, poudes nns
comme pour les autres, de possessions également
affrancbies de tout précaire et de toute condition;
c'est la nature qui a tont fait, sans que la main de
l'homme s'en soit mêlée, et sans qu'il y ait de reproche à faire à personne: et de là il résulte que si
le sacrifice de quelques-uns des héritages est exigé
pour le salut des autres, l'équité veut que ceux
pour l'avantage desquels il a eu lieu restent chargés d'une indemnité envers le perdant, comme cela
se pratique dans le péril de mer.
Mais si l'on arrive à la comparaison du meunier
avec les habitants du voisinage, on est loin de
trouver une parfaite égalité de droits entre eux,
pnisque c'est de l'existence dn monlin que résultent les dommages, tandis que les autres fonds
sont inoffensifs; l'usine n'est point une œuvre de
la nature, mais un ouvrage de main d'homme qui
n'est jamais sans responsabilité; quelque légale
que soit sa pl"Opriété, il n'a jamais été permis à
�TRAITÉ
son possesseur d'en user que salvo jure alieno;
en un mot les voisins du meunier sont des propriétaires incommutables dont les fonds ne doivent rien à son moulin, tandis qu'au contraire
l'usage de l'usine est toujours révocable de la part
de l'autorité, en tant qu'il reste subordonné à la
éondition im posée dès le principe à sa concession
d'opérer les changements qui peuvent être prescrits
par le gouvernement dans le but de prévenir les
sinistres dont il serait la cause;
On est donc toujours ramené à ce point que,
l'usine étant la cause matérielle des dommages qui
en nécessitent ]a suppression, et l'autorisation de
l'établir n'ayant jamais été accordée que sous ]a
condition exprimée ou sous-entendue du salvo
jure alieno, on ne doit voir dans l'acte qui prononce cette suppression que la simple adjudication
de l'indemnité due aux propriétaires et habitants
du voisinage, laquelle dès-lors ne peut à son tour
donnerlieu à une garantie contre ces derniers Ca). (
(a) M. Daviel, Tr. de la pratique des cours d'eau, nO 568,
adopte, sur la question q~i vient d'être discutée sous les cinq numéros ci-dessus, l'opinion de M. Proudhon, qu'il résume très-nettement en ces termes: « Il y a dans les effets des mesures admiII nistratives (relativement à la suppression des usines) une dis" tinction il faire suivant qu'elles sont nécessitées par des chanII gements naturels survenus dans le cours des eaux et auxquels
II il faut pourvoir, sons peine de voir l'intérêt public comproII mis, ou qu'elles sont lcs résultats spontanés de plans d'amé.. lioration adoptés dans des vues d'utilité générale... Au premier cas le l'écime des usines peut être modifié sans indemnité,
�DU DoMAINE PUBLIC.
605
SECTION III.
Des diverses autorités compétentes pour statuer sur les demandes
en modification ou suppression d'usines.
1 t 74. I. Les modifications à opérer dans le
roulement d'une usine, eu égard au cours d'eau
sur lequel elle est établie, ne peuvent se rapporter
qu'à trois choses, savoir:
1 ° Le plus ou le moins de hauteur à donner à
l'écluse ou au déversoir pour retenir les eaux à un
point déterminé;
,
2° L'établissement et les dimensions des portières de secours ou vannes de décharge, pOUl'
pl'ocurer l'écoulement des eaux dans les saisons
Je grande crue;
3° La Jirection des courants établis d'un côté
plut8t que Je l'autre de la rivière, pour faciliter
le débit des eaux.
soit qu'elles aient été primitivement autorisées, soit qu'une
possession immémoriale en ait consacré l'existence, parce que
dès l'origine leur établissement n'a été permis qu'à la condition
essentielle qu'elles ne pourraient nuire (arrêts du Conseil des
26 août 1824, 4 juillet 1827, 24 janvier 1834). Mais au
deuxième cas il y aurait lieu à indemnité, parce que ce serait
là une véritable éxpropriatioll pour cause d'utilité publique (arrêt du même conseil du 20 novembre 1815 ,Sirey, 18-2-85;M. Chardon, de l'alluvion, nO 83 ).
Nous 'avons admis et développé la même théorie, suprà,
nO 603 ter. (page 915 du tome 2), en examinant la question
analogue de savoir si, lorsque l'exécution d'un arrêté de police
cause quelque dommage aux citoyens qu'il atteint, ceux-ci sont
fondés à réclamer une indemnité.
�606
Or nous voyons que les administrations c("utraIes de département, auxquelles les préfets ont
succédé, avaient été spécialement chargées, par les
lois de 1790 et 1791 , de statuer, entre autres, sur
ces trois points: c'est donc au préfet qu'on doit
aujourd'hui adresser les demandei ou réclamations
à cet égard, pour y être par lui statué d'abord, sauf
recours au ministre.
En effet nous lisons, dans la loi du 20 août
1790, que les administrations centrales doivent
« rechercher et indiquer les moyens de procurer
» le libre cours des eaux; d'empêcher que les prai» ries ne soient submergées par la trop grande
» élévation des écluses des moulins et par les
»
»
autres ouvrages d~art établis sur les rivières;
de diriger enfin, autant qu'il sera possible,
toutes les eaux de leur tClTitoire vers un butd'u.
» tilité générale, d'afrès les principes de l'irriga» tion. n A quoi l'article ]6, titre 2, de la loi du
6 oCLobre 1791 sur la police rurale, ajoute que les
propriétaires et les fermiers des moulins et usines
seront forcés d'entretetiil' les eaux à une hanteur
qui ne nuise à personne, et qui serafixée par le
»
directoire du département,
directoire de district.
d~après l~avis
du
Il est donc incontestable que tont ce qui concerne les modifications à opérer dans le roulement
des usines à eau se trouve, en thèse générale, placé
dans les attributions des préfets, qui doivent statuer en premiel" ressort après avoir recueilli, soit
�DU DOMA.INE PlJllLIC.
601
par les rapports des ingénieurs, soit par tous autres
moyens, les renseignements qui leur sont nécess_aires pour décider.
Il faut se garder de croire que les textes de lois
qu'on vient de rapporter ne doivent recevoir d'application qu'aux cas où il s'agirait seulement d'écluses et barrages d'usines non fondés en titres,
puisqu'ils n'établissent aucune distinction: c'est
pourquoi il faut dire que les préfets peuvent ordonner les modifications dont il s'agit, même dans
les écluses des moulins ayant l'existence la plus
légale; et ce n'est là que la conséquence du principe qui veut que l'administration puisse toujours
déroger à son premier réglement quand les changements survenus dans les lieux, ou les erreurs que
l'expérience aurait fait apercevoir dans le premier
réglement de l'élévation onde la direction du cours
d'eau, démontrent la nécessité de la modification.
1175. II. Lorsque, pour écarter, dans l'avenir, les dommages que les habitants du voisinage
attribuent à l'existel?ce d'une usine, on veut en attaquer la cause elle-même, en demandant la suppression du moulin ou l'entière démolition de ses
barrages 1 et qu'il s'agit d'pn établissement fondé
en exécution d'une ordonnance du roi, il est évident qu'en remontant à l'ancienne règle NihiL tam
naturale est quàm eo genere quidque dissolvere quo colligatum est (1) , on doit dire que l'u(1) L. 35, ff. de regul. .iUl'.
�608
TRAITÉ
sine ne peut êtrè supprimée que par une ordon...
nance du roi rendue après toutes les enquêtes et
solennités qui avaient, dans le temps; précédé et
aécompngné son établissement. Il nt y a en effet que
le roi qui puisse révoquer les ordonnances qu'il a
rendues, et la suppression d'une usine ne peut être
prononcée en connaissance de cause qu'en procédant, comme stil s'agissait de l'établir, à ltexamen
des convenances et des intérêts qui peuvent en solliciter le maintien, et des prétentions quton cherche
à faire valoir en sens contraire. C'est par application de ces principes qu'a été rendu un arrêt dn
Conseil du 23 août '1821, ainsi motivé: cc Considé») rant que' la révocation d'une autorisation d\i)) sine ne peut être prononcée que par nous, dans
)) les cas prévus par les lois ou par l'acte dtautori)) sation, et après avoir observé les formalités pres») crites pour lesdites autorisations (1). » ,
Si' l'établissement d'un moulin n'avait eu lieu
que par ]a permission du ministre, il faudrait dire
encore, d'après ce même arrêt, que le préfet ne
pourrait ni en ordonner la suppression, ni le condamner à un chômage perpétuel, attendu qu'il
n'appnrtient point à l'autorité inférieure de réformer les actes de l'autorité supérieure.
Il faudrait portCl' une autre décision dans le cas
où ]a suppression d'une usine serait demandée par
la raison que le constructeur aurait manqué de se
(1) Voy. dons
MACAREL,
t. 2, p. 294.
�609
DU DOMAINE PUBLIC.
conformer aux conditions prescrites par l'ordonnallce de concession. Comme en ce cas le propriétaire du moulin serait pris en contravention, il
pourrai t être condam né à démolir soit par le préfet,
s'il ne s'agissait que d'une petite rivière, soit, s.i
la contravention avait été commise snI' une rivière
navigable on flottable (1), par le conseil de préfecture qui pourrait aj'outer à la peine de démolition
celle de l'amende prononcée par l'article 42, titre
27, de l'ordonnance de 1669'
Mais alors ces autorités ne révoqueraient pas
l'ordonnance de conc~ssion : elles ne feraient au
contraire qne ramener à sa stricte exécution.
Au reste, lorsqu'il n'est point encore intervenu
d'ordonnance perruettan t l'érection d'un moulin,
les ouvrages commencés sans autorisation légale
peuvent ~treint~rdits par arrêté du préfet, confirmé
par 1«:1 ministre (2).
Il en serait de même s'il ne s'agissait que de
quelques modification,s de barrages qui auraien tété
faites ou entreprises sans autorisa"tion; la ju:,ispru'"
dence du conseil d'état est que les préfets et le ministre peuvent immédiatement en ordonner la démolition pour canse d'intérêt de localité (3).
(1) Voy. l'arrétdu Conseil du 20 juin 1821, dans
MACAREL,
t. 2, p. 97.
. (2) Voy. l'arrét du Conseil du 29 août 1821 , dans MACAREL;
.
(3) Voy. à ce sujet l'arrét du Conseil du 29 août 1821; -,
celui du 11 août 1824; - celui du 2 mai 1827, dans MACAREL, t. 2, p. 295; t. 6, p. 522; t. 0, p. 228.
t. 2, p. 295.
TOllI. n I ,
39
�610
TllAl'1'E
1176. Ill. En supposant maintenant qu'il s'agisse non de la démolition de quelques ouvrages accessoires du moulin, mais de la suppression d'une
usine plu(on moins ancienne, dont le propriétaire
est en possession non contestée; que cette usine
se tronve établie sur une petite rivière ou autre
cours d'eau, sans qu'il soit prouvé 0\1 qu'il paraisse
qu'elle ait été construite avec l'autorisation du gouvernement, si les intérêts sanitail'es ou agricoles de
la contrée en exigent la démolition, les habitants
des lieux pourront toujours la demander; mais
pour l'obtenir, c'est au roi, en son conseil, qu'ils
devront s'adresser.
A cet égard nous devons nous livrer à quelques
dév"eloppemen ts.
D'un côté, il faut remarquel' que la suppression
d'une usine est un acte administratif de la plus
haute importance ; que, dans l'hypothèse qui nous
occupe, l'on ne doit y procéder qn'avec la pIns
grande circonspection, puisqu'elle doit avoil' pour
effet l'expropriation d'un meunier qui se trouve
dans une position d'autant plus favOl'able qu'il lutte
contre sa ruine absolue, puisqu'il ne lui sera dù
aucune indemnité; que le propriétaire d'une ancienne usine, dont on a souffert la construction et
la jouissance, ayant acquis les avantages d'un paisible possessoire, a dû croire que son immeuble
était placé sous la protection du gOl1vernemen t,
et qu'il semble qu'il y ait une espèce de surprise indigne d'un pouvoir paternel, à le contraindre au
�DU DOMAINE PUBLIC.
611
déguerpissement; que l'existence de cet établissement industriel peut être d'un haut intérêt non'Seulement par sa valeur intrinsèque, mais encore
par l'importance de sa fabricatioll soit pour le COlnmerce, soit ponr satisfaire aux besoins indispensables de la contrée.
D'autre part, comme il n'y aurait pas de justice
à mettre l'intérêt individuel d'un maître d'usine
au-dessus des intérêts collecLifs de la contrée, l'on
est forcé de convenir que, si les dommages dont se
plaint le voisinage sont graves et constants, il est
_du devoir de l'administration d'écollter la plain te,
·et de faire vérifier si l'existence de l'usine est réell~ment la cause des pertes ressenties par les voisins,
ainsi que d'examiner si ces préjudices SO~lt tels que
leur importance doive balancer l'inconvénient qu'il
y aurait à supprimer le moulin.
.
S'il est possible qu'une usine soit; par sa fabrication, d'un grand intérêt pom le commerce, il
peut arriver aussi qu'eHe n'ait qu'une valeur intrinsèque très.faible, et que d'ailleurs elle occasionne
d'immenses.dommages à l'agriculture.
Enfin, quand les motifs de plaintes du voisi-nage sont fondés sur l'insalubrité que le refoule'ment des eaux produit dans les habitations, ou
sur l'urgence de faire disparaître des marécages
mal-sains pour le pays, le sort du moulin se
trouve encore plus particulièrement compromis,
parce qu'avant tout il faut pourvoir au salut des
hommes.
�612
TRAITÉ
On voit, par' ces aperçus généram" que, qnand
la suppression est demandée pour satisfaire aux:
exigences ou aux: intérêts collectifs d'une localité,
la question est hors de tout, débat individuel,. et
n'a pour objet qu'un intérêt qui ~'étend et se gé~
uéralise: d'où il résulte d'abord qu'elle est entièrement administrative, parce qu'il n'y a que le pouvoir. administratif qui ait le droit de statuer sur.les
intérêts généraux: ou collectifs pour en régler la
marche et en assurer la conservation; mais, comme
il s'agit en même temps ici d'une mesure qui participe de l'expropriation forcée; que, dans tous
les cas, il n'y a que le chef de l'état qui ait le droit
de faire constater et d~admettre les causes d~u
tUité publique (1); qu'enfin il n'y a que lui qui
puisse donner une existence légale à l'usine, s'iL
juge qu'elle doive être conservée, nous arrivons eu
dernière ,analyse à cette conclusion, que, dans
notre hypothèse, la suppression cl u moulin ne peut
être ordonnée que par le roi en son conseil.
1177. Quant à la forme de procéder, la justice
vent impérieusement que l'ordonnance n'intervienne qu'après que toutes les parties intéressées
, , cnten dues, ou d'ument appe l'ces pour d'eont ete
duire leurs raisons, faire valoir leurs réclamations;
et former leur contredit: en conséquence l'on ne
doit pas se contenter de l'avis des ingénieurs; il
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt du Conseil du 24 décembre 1818 ,
dans le recueil de SrREY, t. 5, p. 42.
�•
DU DOllIAINE PUllLIC.
613
faut recouril' à l'enquête de commodo et incommodo, puisque cette mesure est nécessaire pOUl'
l'établissement de toutes les usines à eau, et que
l'ordonnance de mainLÎen de celle dont on demande la destruction serait pour elle l'équivalent
d'une ordon nance de concession.
Ce n'est'que par l'emploi de ces divers -moyens
d'instruction que le conseil d'état pourra s'assurer
s'il y a ou non des exagérations de rivalité dans les
plaintes des voisins. Et selon les circonstances, il
aura encore la faculté de n'ordonner la conservation de l'usine qu'à la charge par le propriétaire de
pourvoir à quelques travaux d'assainissement, propres à satisfaire en même temps tous les intérêts.
1178. IV. Lorsque l'usine, sUI'l'existence de
laquelle s'élèvent des réclamations par rapport aux
dommages qu'elle canse dans son voisinage, a été
construite sans autorisation du gouvernement sur
une rivière navigable ou flottable, ce n'est encore
qu'à l'administration qu'on peut s'adresser pour en
demander la suppress~on, quand même cette demande ne serait fondée qne sur un intérêt purement privé et particulier; la raison en est qu'alors
la démolition des barrages portant sur le matériel
de la rivière, ce n'est que par la volonté et les
ordres de l'administration que les travaux pourraient être faits , puisqu'elle seule est chargée de
pourvoil' immédiatement à l'entretien des rivières
de ce genre et à celui du service public de la navigatiou ou du grand flottage.
�614
TRAITÉ
Dans cette hypothèse il n'est point nécessaire de
recourir à une ordonnance dn roi, parce que les
usines ainsi construites indûment sur les rivières
navigables ou flottables sont de plein droit condamnées à la démolition par l'article 43, titre 27, de
l'ordonnance de 1669, et qu'aux termes de l'article
5 de l'arrêté du directoire exécutif du ) 9 ventôse
an VI, rapporté plus haut, les administrations centrales de département ont été chargées d'ordonner
immédiatement ces sortes de démolitions, sans re·
courir à aucune instruction préalable.
Ainsi les préfets, qui ont succédé aux administrations de département, quant aux pouvoirs de
l'administration active, peuvent ordonner aujourd'hui de leur chefles suppressions dont il s'agit,
sans avoir besoin de l'approbation de l'autorité supérieure, saufcependant le recours que pourrait former le propriétaire de l'usine près de cette autorité, pour lui demander la réformation de l'arrêté
du préfet, et même pour solliciter la concession du
titre qui lui manque.
1179. V. Quelque ancienn~ qu'on suppose
l'existence d'une usine don t on ne reproduit pas le
titre constitutif, les propriétaires du voisinage qui
ont à se plaindre des dommages qu'elle leur cause
peuvent toujours s'adresser à l'administration pour
en faire abaisser les barrages, ou même pour en
faire ordonner la suppression totale dans les cas et
en suivant la marche expliqués ci-dessus.
Ici la prescription n'est pas opposable, et ne
�DU DOM.AlNE l'U1JI.IC.
615
peut remplacer titre ,~attendu que c'est par action
publique que l'administration agit dans ce qu'elle
ordonne pour le bien général de l'état ou dans l'intérêt collectif des localités, et que la prescription
ne pent avoir lieu contre le droit public: Pres-
criptio temporis juri puhlico non debet obsistere (a); et encore par la raison què le propriétaire
d'une usine construite sans autorisation n'en a
'vis-à-vis du gouvernement qu'une possession précaire et incapable de servir de fondement à la prescription contre les droits d'une autorité qui peut
toujours ordonner la destruction d'une œuvre
qu'elle n'avait point permise, et pour laquelle cependant il fallait son autorisation.
VI. Enfin, quelle que soit la nature des harrages
construits à travers une petite rivière, qu'ils aient
été faits pour amener les eal;lX sur les rot;le$ d'un
moulin, pOtlr servir à l'usage de la pêche, ou- pOUl'
faciliter l'irrigation, s'ils n'ont été construits qu'en
conséquence des ordres de l'administration, ou par
sa permission, les tribunaux ne petIyent pas plus
en ordonner la snpprelision, qu'ils Ile pourraient
prescrire quelque chose de contraire ~ux dispositions d'un réglement administratif sur l'usage géuéral des eaux (b).
(a) L. 6, cod. de operibus publicis , Jib 8, tit. 12. - D'Argentré dit aussi, sur l'article 226 !le la coutUl1le de Bretagne,
que la prescription n'a pas lieu quand elle regarde l'utilité puhlique.
(h) Ils ne pourraient, par exemple, ordonner l'ouverture
�616
l1lAlTÉ
Si, comme on le verra dans le paragraphe 9 ciaprès, un préfet avait pris incompétemment un
arrêté pour interdire ou pour permettre un barrage,
cc n'est toujours pas à la justice ordinaire, mais à
l'administrati<;>n. supérieure, c'est·à-dire au Conseil
d'état, comité du contentieux, qu'il faudrait s'adresser pour faire réformer sa décision.
La raisol) en cst que, comme nous l'avons fait
voir ailleurs (}.), l'administration ne doit être troublée dans l'exercice de ses fonctions par aucun
acte du pouvoir judiciaire, et que d'ailleurs les
tribul)aux ne peuvent jamais statuer pal' voie l'églemen tail'e.
1181. VII. Jusqu'ici nous ne nous sommes
occupé de la suppression des usines sur les ped'un~, vanne que l'administration a prescrit de tenir fermée
(Arr. du Cons. du 28 juillet 1820), preicrire la suppression
d'un hatardeau construit par ordre de l'administration (Arrêt
du Cons. du 22 janvier 1824), ou enjoindre:lie l' ab~isser (Arrêts
de la Cour de cassation des. 13 mars 1810, Szrey, 10-2-215,et 31 janvier 1826, Journal du Palais, tom. 77, pag. 4(18),
ordonner le curage d'uD ruisseau ( Arrêt de la Cour de cassat.
du 4. février 1807), ou la destruction des travaux établis par
ordre d'un maire ou d'un sous-préfet, quand même l'excès
de pouvoir serait évident (Arrêt du Cons. du 19 mars 1808,
Sirey, 16-2-318), ni autoriser un changement, quelJ qu'il
soit, au régime des eaUX régl~ par l'administration (Arrêts du
Conseil du 19 mars 1820, - de la Cour de cassat. des 8 septemhre 1814, Journal du Palais, tom. 5,1815, p. 214 ,:et
24 aout 1815 , Sirey, 15-1-397).
(1) Voy. sous lei n05 167 et suiv.
�DU DO;\UINE f'UIlue.
617
tites rivièl'es qu'en la considérant dans I~s termes
les plus généraux et en tant qu'elle est dans la
compétence du pouvoir administratif; mais le pouvoir judiciaire n'a-t-il pas aussi quelques attributions en cette matière P C'est là ce qui nous reste à
expliquer.
Remarquons d'abord qu'il y a ici une grande
différence entre les actions judiciaires et l'action
administrative; cette différence consiste en ce que
les premières, ne pouvant être que particulières et
individuelles, sont toujours prescriptibles, tandis
qu'au contraire l'action administrative, étant puhlique, ne peut jamais se prescrire.
. Ainsi, à supposer qu'un particulier ait construit
un moulin dont la retenue d'eau cause du domm~ge au fonds d'un autre propriétaire, si ce dernier a gardé le silence pendant plus de trente ans,
il Y aura pour le meunier prescription lihérative
des effets de la servitude apparente et continue, et
le maître du fonds lésé restera privé de toutes ses
actions judiciaires en dommages-intérêts (nO 1145
ci.dessus, et la note pag. 566 ) , sauf néanmoins les
restrictions et réserves expliquées au é 1146;
tandis que l'administration pourrait toujours ordonner la suppression du moulin et de. son écluse,
s~l y avait des causes d'utilité \1ublique qui la rendissen t nécessaire.
Mais si la construction n'a pas encore trente
années d'existence, et si même elle n'a eu lieu
qu'illégalement, le propriétaire qui en est lésé
�618
TRAITE
pourra-t-il s'adresser à la justice ordinaire pour lui
demander la suppression des écluses'du moulin?
et les tribunaux seraient-ils compétents pour l'ordonner?
Dans la vue de rendre l'action autant privée
ou judiciaire que possible, admettons qu'il s'agisse
d'un individu qui de sa propre autorité ait construit un moulin au-dessous d'un autre, et à une
distance si rapprochée qu'il paralyse les mouvements de celui-ci par le regonflement des eaux;
admettons encore que la disposition des lieux soit
telle qu'il ne se trouve aucun propriétaire intermédiaire qui ait à se plaindre de la nouvelle
construction; les débats seront-ils alors véritablement judiciaires comme paraissant purement individuels et d'intérêts privés entre les deux propriétaires d'usines?
1182. Pour l'affirmative, on dira:
Qne là où l'objet du litige ne se rattache à aucun
intérêt collectif de la contrée ou de la localité, il
n'y a plus qu'un débat individuel, qui doit êtr~
exclusivement porté en justice ordinaire; attendu
que l'administration n'est et ne peut être juge des
contestations privées qui s'élèvent entre particuliers;
Que celui qui, conll'aircment à l'article 640 du
Code civil, établit de sa propre autorIté une digue
faisant refluer les eaux d'une manière dommageable pour son \Ioisin , se rend coupable d'une voi~
de fait, contre laquelle il faut hien que ceux qui
�DU DOMAINE PUBLIC.
619
en souffrent aient un recours ouverl en justice ordinaire, paut' faire ordonner la suppression de la
cause du dommage;
Qu'en effet l'administration ne peut jamais être
forcée d'accueillir les demandes qui lui sont
adressées; tandis que les juges sont obligés, sous
peine de forfaiture, de statuer sur les débats
portés pardevant eux ; qu'ainsi, en admettant qu'il
y eût incompétence de Ja part de~ tribunaux, et.
que J'administration ne voulùt pas statuer ellemême, on arriverait au point de voir des dommages
reiter en permanence, sans que celui qui les
souffre ait aucun moyen de les faire cesser;or c'est
là ce que rien ne saurait justifier;
Qu'enfin la constmction d'un barrage d'usine
qui occasionne du préjudice aux fonds voisins
n'est autre chose que l'établissement d'une servi.,
tnde sur ces fonds. Or toute contest.ation qui a pour
objet une servitude foncière porte par là même sur,
une question de propriété dont la décision es~
exclusivement dans les attributions des tribunaux,
ordinaires.
1183. Ponr soutenir au contraire que c'est
uniquement à l'autorité administrative que doit
être adressée la demande en démolition de toute
écluse d'usine établie sur une rivière, on pent
alléguer,
Qu'ordonner la de~truction de cet ouvrage, c'est
nécessairement, et par le fait, ordonner la suppression de l'usine elle.même;
�620
l.'RAITi;
Que néanmoins l'existence régulière et incommutable, ou la non-existence légale d'un moulin
à eau ne peut toujours dépendre que du bon vouloir de l'administration, puisqu'à elle seule appartient le droit d'en autoriser ou approuvCl' l'élablissemen t ;
Que Je droit exclusif d'approuver une chose comporte aussi, et de même exclusivement, le droit de
l ,·Improuver;
Que ce droit exclusif est ici tellement inhérent
à l'administration, qu'elle seule est chargée de
pourvoir aux mesures propres à favoriser Ja circulation du commerce, et la fabrication des choses qui
en sont l'objet;
Qu'il est possible que l'usine nouvellement construite de honne foi, soit d'une haute importance,
soit par sa valeur intrinsèque, soit par son produit
de fabrication, tandis que celle à raison de laquelle
on en demande Je sacrifice ne serait que d'un intérêt heaucoup moindre, et que J'administration
est toujours le souverain juge des conveuances et
opportunités qu'il peut y avoir, dans l'intérêt puhlic, de maintenir l'une plutôt que l'autre;
Qu'el11fin l'administration active, pouvant à
chaque instant ratifier et rendre légale l'œuvre qui
avait été d'abord faite sans la consulter, peut par
là même paralyser toute action judiciaire qui serait
intentée pour en demander la suppression; qu'elle
a donc ici une autorité tellement prépondérante,
_que c'est à elle seule qu'on doit s'adresser pOUl'
�DU DOMAINE PUBLIC.
621
obtenir l'ordre de démolition aussi bien que la
permission d'établissement.
Il est vrai que pour accorder cette ratification,
l'administration devrait préalablement procéder ~
l'enqnête de commodo et incommodo ~ dans laquelle on entendrait le meunier lésé, ainsi que
tous ceux qui auraient à se laindre de pertes
éprouvées dans la jouissance e leurs héritages;
mais cette circonstance ne fait que confirmer la
compétence exclusive du pouvoir administratif,
qui seul aurait à prononcer en définitive d'après les
résultats de l'information.
1184. Dans ce conflilde raisonnements opposés,
et pour sortir du vague qu'ils laissent sur la question, il faut faire une distinction entre l'action en
tant qu'elle s'applique aux dommages-intérêts répéLés par la partie lésée, et celle ayant directement
pour objet la démolition de l'écluse; et, pour assignet' exactement sa part à chacune des autorités
administrative et judiciaire, il faut dire que l'action ayant pour objet direct l'indemnité des parties
lésées est exclusivement de la compétence des tribunaux ordinaires; mais que l'ordre portant directement et principalement sur la démolition de
l'écluse ne peut compétemment émaner que du
pouvoir administratif. Qu'en un mot les tribunaux,
statuant snI' la cause du propriétaire de l'usine reconnue nuisible, peuveut bien le condamner au
paiement d'une indemnité, si mieux il n'aime démolir pour sc libérer dans l'avenir; mais qu'ils ne
�622
'fUAll'H
peuvent eux-mêmes directement en ordonner la
démolition.
La compétence des tribunaux ordinaires, en ce
qui concerne l'allocation des dommages~intérêts,
ayant été suffisamment démontrée par ce qui a été
dit plus haut, ne doit plus nous occuper ici : reste
donc seulement l question de démolition.
A cet égard, et pour la traiter sous tous ses points
de vue, nous rappellerons d'abord diverses vérités
de principe dont la solution que nous avons à
donner ne sera que le corollaire.
La première, c'est que, quand il s'agit de statuer sur la demande en démolition d;une construction, il faut d'abord s'assurer si le constructeur
a bâti sur son propre terrain, ou s'il s'est placé sur
le terrain d'un autre.
Dans le premier cas ,etsi aucune anticipation n'a
été commise sur le sol d'autrui, la règle générale
e'st que le demandeur cn démolition doit être déclaré non-recevable, à moins qu'il n'ait un titre
exceptionnel en sa faveur.
Si, au contraire, on reconna~t que le constructeur s'est placé sur un terrain qui ne lui appartenait
pas, et qu'il ait agi sans la permission du propriétaire qui demande la démolitiou, elle devra être
ordonnée, sans égard à la valeur, plus ou moins
grande de l'ouvrage; en sorte que la plus magnifique construction, élevée sur le sol le moins précieux, mais appartenant il autrui, devra être forcément démolie snI' la demande du prop"iétail'e
�DU DOM.A..INE PUBUC.
623
foncier, parce que, suivant l'art. 555 duCode civil,
le droit de propriété est sacré et inviolable (a).
(a) Ces principes ne sont pas en contradiction avec l'opinion
émise par l'auteur au nO 952, suprà, pag. 303, d'après laquelle
le riverain d'un seul côté d'un cours d'eau pourrait yétablir un
barrage en travers avec la seule autorisation du Roi, sans avoir
besoin du consentement du propriétaire de la rive opposée, parce
que, selon lui, le lit de la rivière n'appartient poillt aux riverains, mais bien au domaine public dont le gouvernement à la
faculté de dislJoser. Nous avons, avec divers arrêts et autorités
cités dans la note sous ce numéro, combattu cette proposition
en faveur de laquelle on pourrait cependant invoquer deux arrêts
du Conseil d'état des 20 juillet 1808 (Mtu:arel, 1824, p. 589),
et 10 mars 1825 (Lemoine) , qui ont permis à des propriétaires
d'usines d'appuyer leurs barrages sur la rive opposée, en indemnisant de gré à gré, ou à dire d'experts, les propriétaires de cette
rive.
M. Curasson, Tr. de la Comp. des juges de paix, 2· édit.,
tom. 2, p. 185, partage au~si notre avis: « Si le barrage, dit-il,
" ou toute autre construction, est pratiqué sur l'héritage d'au" trui, le propriétaire est fondé à se pourvoir en complainte ou
" dénonciation de nouvel œuvre, sans qu'on puisse lui opposer
" que le barrage élant autorisé, les tribunaux sont incompétents
" pOUl' en ordonner la destruction..... Il ne peut appartenir à
" l'administration d'autoriser une entreprise sur le fonds d'au" trui. " Cependant il ajoute: « souvent il a-rrive que, sur la
" plainte des communes ou des riverains, l'administration prcs" crit, dans l'intérêt de la localité, des mesures que le proprié" taire d'une ancienne usine exécute à grands frais à son détr:.
" ment plutôt qu'à son avantage. S'agissant alors d'un véritable
" réglement d'eau, il semblerait par trop rigoureux d'ordonner,
" par voie de compIoainte, la destruction de travaux que le
" propriétaire de l'usine a pratiqués, au vu et su d'un voisin,
" sous le prétexte qu'ils empiètent sur le fonds de celui-ci; la
�624
1'RAlTÉ
La seconde vérité est que, comme on l'a établi
au chapitre 39, le sol sur lequel èoulent toutes les
.. justice en ce cas exigerait que le 'droit de ce dernier fût réduit à une indemnité. Ce qu'il y a de certain, c'est que là devrait
.. se borner sa prétention, s'il ne s'agissait que Je l'agrandis" sement d'un' ouvrage préexistant, d'une écluse ou de vannes
par. exemple, appuyant déjà sur le fonds du voisin, et que
.. l'ad~inistratio.n aurait ordonné d'élargir pour facilitet la
direction des eaux: de la servitude antérieurement acquise,.
résulte nécessairement le droit d'en user suivant les mesures
.. que l'administration juge convenable de prescrire dans l'in"'!
.. térêt du cours d'eau. "
Tout en reconnaissant qu'en' générllll'on ne peut pas construire sur le fon~ d'un autre sans son consentement, quelques
auteurs admettent contre la demande en démolition que formerait par suite ce dernier une fin de. non-recevoir résultant du
silence qu'il aurait gardé pendant le cours des travaux. « Si
quelqu'un, dit Basnage (Contum. de Normandie; des S erlJitudes) , avait bâti sur un fonds où il n'avait pas .de droit,
Il ou s'il faisait quelque chose qui fût nuisible à son voisin,
Il serait·il tenu de démolir? Sur cela l'on fait ces distinctions:
Il ou le propriétaire du fonds a formé empêchement contre l'enIl treprise que l'on voulait faire, et en cc cas, si l'on n'a pas
" laissé de passer outre, nonobstant les défenses qui avaient été
faites, il faut réparer l'innovation et remettre ,les choses ,au
premier état;· ou il n'a fait aucune complainte ni dénonciation, ct, en ce cas, il ne peut demander la.,démolition , parce
.. qu'on présume qu'il a relâché ses actions; mais il peut seuIl lement. demander son dédommagement. .. Voët ( in pandect. , lib. 8, tit. 6, nO 5, et lib. 39, tit. 3, nO 5), 'dit aussi,
non actioni (de aquâ et aquœ plulJiœ arcendœ) locus est, si
factum ex patientiâ et permissione lJicini cui nocetur non errancis neque decepti; dernière res~riction que fait également
Potlliet· (Append. au TI'. de société, nO 238) 1 en ces termes:
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�625
DU DOMAINE POlILle.
nVleres, soit grandes, soit petites J fait partie cl Il
domainè public.
" Il peut y avoir lieu à cette action (de aq. et aq. pl. arcend. ),
" quoique l'ouvrage ait été fait au vu et su du voisin qui s'en
» plaint, s'il n'a pas alors compris le préjudice qu'il lui
II ferait; c'est pourquoi Lahéon ayant dit :' si patiente vicino
II opus faciam ex quo ei aqllà nocet, non teneri me actione
» aquœ pllwiœ arcendœ (1. 19, d. tit.) , Pomponius le reprend
» ainsi: S ed hoc ità, si non per errorem aut z'mperitiam decepII tus fuer;,t, nulla enim voluntas errantis èst (1. 20, ff. dict.
II lit.). II Dunod, Tr. des Prescript. , part. ·2, ch. 2, p. 129,
adopte la solntion de Basnage, conforme d'ailleurs à celle que
donne d'Argenlré sous l'art. 371 de l'ancienne Coutume de Bretagne : " Celui, dil-il, qui a vu ou pu voir élever un édifice
II qui lui préjudicie, ne peut pas en demander la démolition;
II il a seulement le droit de demander ses dommages-intérêts,
II si celui qui a bâti l'a fai~ sur son fouds ou sur un fonds com)) ronD. ))
Celte doctrine, que l'on appuie encore sur la loi 13, § 17, ff.
de damno infect. , et sur l'autorité 'de Grotius ( Manuale jllrisp.
holl., lib. 2, cap. 37, nO 34), a été plusieurs fois consacrée par
la jurisprudence.
Un arrêt du Parlement de Normandie, du 3 avril 1785
( Jouma l des arréls de Rouen et de Caen, tom. 8 , pag. 132),
déclara non-recevable la demande en démolition que le propriétaire d'un tour d'échelle de trois pieds de large avait formée, moins de deux mois après l'achèvement des travaux, contre
son voisin qui avait élevé nn hâtiment à 32 ponces de distance
de son mur-goutterot, anticipant ainsi de 4 pouces ou d'un décimètre sur le terrain qu'il s'était réservé; le motif fut qu'il avait
connu les travaux et qu'il ne s'y était pas opposé pendant la
construction.
Pareillement, la Cour d'appel de Dijon rejeta la demande en
TOl\L III.
40
�626
TRAITÉ
Du rapprochement de ces deux premières vérités
il résulte déjà que celui qui a établi les écluses de
_suppression d'une entreprise qu'avait faite dan~'une cour commune l'un des copropriétaires au vu et su de son communier, par
l'arrêt suivant, à la date du 20 décembre 1809: " Considérant
" que, suivant la disposition de la loi S ahinus , ff. communi
" dividundo, celui qui possède un héritage en commun avec
" un autre, et qui, ayant connaissance que son communier élève
" quelques constructions sur le fonds commun, lui laisse achever
" lesdites constructions sans réclamer et sans y former opposi" tion, ne peut plus en demander la démolition et ne peut prél' tendre qu'à une indemnité; - que cette lo.i pleine de raison et
" d'équité a été admise dans notre jurisprudence; - que dès" lors les faits dont l'appelant offre la preuve dans ses conclu" sions subsidiaires sont rélévatoires et admissibles;· LA CO~JR
" ordonne, avant faire droit, que Gaspard Joly prouvera,
" 1° qu'avant d'élargir son bâtiment, il a commencé par avertir
II Jules-Alexandre Verdin de son 'projet, 2° et que ledit
" Verdinest arlé plusieurs fois à Riel·les·Eaux pendant que l'on
" travaillait aux nouvelles constructions de Gaspard Joly, et
II qu'il a été reçu plusieurs fois chez celui-ci. II
Voici au surplus le texte entier de cette loi romaine (lib. 10,
tit. 3, 1. 28 ff.) qui est souvent citée: S ahinus in re commlln.i
~eminem domino/'um juré facere quicquam, invito altero posse;
~tTldè manijêstum est prohihendz' jus esse; in re enim paripo- .
tiorem causam esse prohihentis constat. Sed et sl in communi
prohiheri socius à socio, ne quidfaciat potest: ut tamenfactum
opus toUat, cogi non potest, si cum prohihere poterat, hoc pl'œ. termis.it. Et ideô pel' communi dividundo actionem damnum
sarciri potel'it. Sin autem facienti consensil : nec pro damno
hahet actionem. Quod si quid ahsente socio ad lœsionem ejus
ftcit, tune etiam foUcre cogilur.
.
M. Daviel (Tl'. de la pratiq. des cours d'eau, nO 369)
~dmet il cet égard, avec beaucoup dc raison, selon nous, une
,
�DU DOMAINE PUBLIC.
627
son moulin dans une riviè.·e quelconque a fait sa
construction sur le sol d'autrui; d'où suit la coméquence que, s'il n'y a pas eu d'ordonnance de concession pour la rendre légale, la haute administration , qui exerce toutes les actions du mahre
distinction entre le cas où il s'agit d'acquérir un droit, surtout
de propriété, au préjudice d'un tiers, et celui où il n'est question que de se libérer d'une servitude. Au premier il faut quc
la prescription s'accomplisse avec toutes ses conditions, notamment celle du temps fixé par la loi. Dans le second, au contraire,
l'équité ne permet pris que le propriétaire du fonds dominant, qui
a eu une connaissance certaine des travaux exécutés au préjudice de sa servitude, et qui n'a pas réclamé, quoiqu'il aIt pu en
apprécier immédiatemeut toutes les conséquences, vienlle tendre
en quelque sorte un piège à son voisin en lui laissant achever
des ouvrages dispendieux pour se donner ensuite le plaisir de
les faire détru ire.
Telle esl également, par rapport a cette dernière hypothèse,
l'opinion de M. Toullier (Dr. ft., tom. 3, n 0 674), qui, d'après
les lois et les auteurs ci-dessus rappelés, pense qu'un consentement tacite résultant du silence pendant un laps de temps même
beaucoup moindre de 30 ans est ~uffisant pour rendre non-re~evable la demande en démolition, sauf à la convertir en une
action en indemnité pécuniaire; jl repousse sur ce point l'avis
contraire de M. Pardessus ( Tr. des SeN'itudes, nO 428), que
cependant depuis, M. Duranton il adopté dans son Cours de
droit cilJil, tom. 5, nO 172.
La même distinction nous paraîtrait pouvoir aussi être admise
d'après la loi Sahinus et l'arrêt de la Cour de Dijon, entre le cas
où la construction serait élevée sur un fonds OÜ le constructeur
n'a évidemment aucune espèce de droit, et celui où il s'agirait d'un
héritage commun sur lequel on prétendrait qu'un~' légère anti..
cipation aurait été commise par l'un des communiers.
�628
l'MITÉ
cn ce qui r~garde le domaine public, peut ordonner la démolition du moulin, et que le pou'(oil'
judiciaire, auquel ne sont attrihuées que les questions de propriété, ne peut rien avoir à statuer ici,
puisqu'il ne participe en rien au gouvernement du
domaine public.
1185. Une troisième vérité dans l'ordre de
notre droit civil , c'est que tout ce qui tien t au régime des,cours,ù'eau , petites rivières ou autres, est
exclusivement placé dans les attrihutions du pouvoir administra tif (1).
Enfin une quatrième vérité, qui n'est qu'un corollaire de la précédente, c'ést que la' faculté de
construire des usines sur les cours d'eau n'appartient pas de plein droit aux riverains, comme celle
de la prise des eaux pour irrigation; qu'ici il faut
une permission spéciale, et qu'il n'y a que le pouvoir exécutif et gouvernemental qui ait le droit de
pennettre ces constructions, non-seulement sur les
rivières, mais même sur lés plus petits ruisseaux (2);
et ce non-seulement par la raison que partout c'est
à ce pouvoir à protéger les cours d'cau, et à faire
lever les obstacles qui s'opposeraient au libre écolllem&nt d'un fluide donde regonflement peut occasionner des dommages et des dangers, mais encore
parce que la construction des usines, itttéressant
immédiatement le commerce, qui est une chose
(1) Voy. sous le nO 1008.
(2) Voy. sous le nO 1058.
�DU DOMAINE PUBLIC.
629
vitale pour la société, rentre par là même dans les
attributions de la haute administration.
Du rapprochement de ces deux dernières vérités
il faut conclure, comme conséquence nécessaire,
que c'est exclusivement à l'administration active à
prononcer sur, la demande en suppression d'une
usine qui aurait été construite même sur nn simple
ruisseau, soit'avec, soit sans la permission du gouvernement, parce que la légalité de son existence
ne peut dépendre que de cette autorité; que, n'y
ayant qu'elle qui puisse l'approuver, il ne doit y
avoir qu'elle qui ait le droit de l'improuver; que
le jugement ou l'ordonnance de maintenue de tout
établissement sur un ruisseau ou SUl' une rivière,
devant remplacer le titre qu'on avait négligé d'obtenir avant sa construction, ne peut consister que
dans une ordonnance royale; que nécessaire men t
l'on doit arriver jusque-là, parce qu'autl'ement il
faudrait dire que, sans examiner le fond de la chose,
toute usine attaquée devrait. être condamnée, par
cela seul qu'on en demanderait la suppression,
même par des motifs de pure jalousie, ce qui conduirait jusqu'à l'absurde; qu'enfin il est incontestable que l'ordre de supprimer, comme la perp1Ïssion de construire une usine, rentrent l'un et l'autre, et l'un comme l'autre, dans la classe des actes
qui appartiennent au régime des eaux: d'où il faut
conclure qu'ils ne peuvent légalement émaner que
de l'autorité qni est exclusivement chargée de
�630
l1\AITÉ
pourvoir à cc régime, ce qui nons ramène toujolirs
à la hante administration du rbi Ca).
1186. VIII. Si celui qui demande la suppression d'une usine étàit personnellement fondé en LÏ(a) M. Day iel ( Traité de la pratiq. des <;ours d'eau, nO 668)
combat, en ce qui concern~ les usines non autorisées, cette décision par les motifs suivants: 1° en fait de dommage, peu importe le lieu où est située la chose qui le cause; la partie lésée
peut en demander la réparation,jus aliquodprohihendi hahemus.
vel ut damni infecti calJeatur nohis, ah eo qui forte in puhlico
veZin prilJato quid mali/ur (L. 1, § 16, ff. de oper. nOIJ. nunciat.).
Ainsi la raison tirée de ce que le lit des petites rivières dépend
du domaine publ~ est inadmissible lors même que ce point de
droit serait const~nt. 2° On ne peut poser e~ principe que tout
ce qui tieut au régime des rivières soit exclusivement du re'ssort
de l'administration; témoins du ,contraire les entreprises sur les
cours d'eau qui motivent l'action p<;>ssessoire, les questions de
dommage causé, de servitudes, de conventions, et de possessions privées, etc. 3° On ne comprend pas cette nécessité logique
que la même autorité qui peut permettre soit aussi la seule qui
puisse improuver; c'est précisément parce que l'autorisation est
nécessaire pour la construction d'une usine, que s<;>n établissement sans cette :;tutorisation n'est plus qu'une voie de fait dont
les tribunaux peuvent prononcer la répression lorsqu'il est nuisible (1 des tiers. - Au reste ce n'est que dans ce dernier cas de
dommag'e privé, et sur la dcmande de la partie lésée, que l'autorité judiciaire peut en connaître, et non d'une manière générale
el dans l'intérêt public. - La compétence des tribunaux est, dans
ceUe hypothèse, consacréc par l'opinion de Merlin (Quest. de
droit, 1'0 poulJoir judiciaire, § 10) , et par un arrêt de la Cour
de cassatiou-du 18 messidor an VIII (Sirey, 1-2-256), ainsi que
par deux arrêts d~ Conseil d'état des 19 octobre 1808 ( S., 172-29), et 23 mai 1810.
�DU DOMAINE PUBLIC.
631
tre pour en obtenir la démolition, c'est-à. dire s'il y
avait eu avec lui t11.~e convention ou une transaction
par laquelle le constructeur se serait obligé à ne
pas l'ét.ablir ou à la surpr~ll1er, alors ce denlier aurait imposé sur son héritageadjaceot à la rivière une
liervitude négative pour l'avantage de la propriété
voisine; et, comme il n'y aurait rien d'illicite ni
de contraire aux lois dans une pareille convention,
eUe serait parfaitement obligatoire; en cas de contrav~ntion à ses engagements, c'est pard~vant les
tribunaux qu'il devrait être traduit par sa partie ad..:
verse, pour le forcer à démolir ou à s'abstenir de
faire sa construction.
C'est ainsi que cette question a été jugée par arrêt de la Cour de cassation du 6 thermidor an XIII,
confirmatif d'un premier arrêt rendu par la COIll'
d'Orléans (1).
La raison d.e cette décision est que celui' qui
s'engage à démolir se condamne p,ar là lui-même
à la démolition, sans qu'il soit nécessaire d'in voquel' contre lui aucune autre autorité que celle de
la loi qu'il s'est imposée par son contrat, et que,
:;nivant les principes dn droit commun, c'est aux
tribunaux à connaître de tous les Jébats qlli peu"cnt s'élever sur l'exécution on l'inexécution des
con ven tions.
Cependant, dansee cas-la même, le gouvernement
pourrait, pour caus~ d'Iltilité pllbliqlle par lui l'C(1) Voy. dans le
§ 8.
RÉPERTOIRE
au mot monliri, à la fin du
�632
TRAITÉ
connue, aUloriscl' ou ordonner l'établissement de
l'usine, mais à la charge d'une juste indemnité au
profi.t de l'opposant.
1187. IX. Dans cc qui tient à l'établissement
des moulins et usines à cau, le concours de l'administration publique est toujours nécessaire,
parce que les incérêls sociaux qui se rattachent aux
manufactures sonl essentiellement de son ressort (a).
On doit en dire de même du cas où il ne s'agi- .
rait que de simples barrages de pêcherie ou autres
petites écluses à exécuter Jans les rivières navi.gabIcs ou flottables. Eu éganl à la haute importance
des services publics auxquels ces sortes d'ouvrages
pourraient porter aueinLe, il est défendu d'en étahlil' aucun sans l'expl'esse autorisation dn roi,
sous peine de les voir démolir par les ordres de l'administration (1).
.
(a) Ceci est parfaitement exact à l'égard de l'état; mais les
particuliers ne peuvent se prévaloir du défaut d'autorisation
pour nuire à l'usine qui n'en est pas pourvue; voy. suprà,
nO. 981 et suiv., 1121 ~t ta note sous ce numéro, et inftà .•
nO 1452. M. Daviel (Tr. de la prat. des cours d'eau, nO 541 )
émet la même opinion et blâme un arrêt de la Cour de Caen, du 10
juillet 1835, qui,\distinguant le dommage causé à une propriété
Î'urale et celui porté à une usine non autorisée, refuse par
ce motif une action en réparation au maître de celle-ci. Il s'élève
aussi avec raison contre la doctrine professée dans le même sens
à la fin du présent numéro, et qui est en contradiction avec celle
qes numéros ci-dessu~ cités.
(1) Voy. sous les nO' 1148 et 1154.
�DU DOMAINE PUBLIC.
633
Mais il en est autrement des pêcheries et de
leurs barrages, ainsi que des écluses qui peuvent
être faites pour l'usage du droit d'irrigation, lorsqu'il s'agit de petites rivières: alor~ la faculté de
former ces établissements est abandonnée aux propriétaires riverains, pour en jouir conformément
à l'étendue de leurs droits d'usage sur la rivière Ca).
(a) Jusqu'à ce jour on avait fait une distinction entre le cas
où il existait un réglement administratif probibant tout barrage et celui où aucun arrêté de cette espèce n'avait été pris.
Au premier, les auteurs, notamment MM. Daviel (Tr. de la
pratiq. des cours d'eau, tom. 2, nOS 559,561 et 745), et
Garnier (Régime des eaux, tom. 4, nO 1145 ), ainsi que la
jurisprudence (voy. l'indication de cinq arrêts de la Cour de
cassation, ct de neuf dù Conseil d'état, Sirey, 43-2-428, à la
note), étaient d'accord que to.ut cours d'eau, dès qu'il est sorti
du fonds où il prend naissa;ce, peut devenir l'objet d'un réglement administratif, obligatoire pour les riverains; au second,
ils admettaient l'opinion ci-dessus de M. Proudhon, reproduite
encore aux nOS 1232 et 1260 inftà (MM. Daviel, susdit nO 745,
et Garnier, ibid, tom. 3, nO 677). Mais un arrêt du Conseil
d'état du 20 mai 1843 (Sirey, loco citato, 43-2-428) vient
de décider d'une manière absolue, et quoique dans l'espèce il n'y
. eût point de réglement général exigeallt l'autorisation préalable,
.. qu'aux termes' des lois ci-dessus visées (des 12-20 octobre
" 1790 et 6 octobre 1791 ), l'administration a le droit et le
" devoir d'assurér la conservation et le libre cours des eaux,
" et qu'aucun barrage ne pel,l.t être construit sur une rivière
non napigable, sans une autorisation préalable; - que dès" lors le préfet de la Vendée est resté dans les limites de sa
compétence et de ses pouvoirs, en prescrivant, par son arrêté
" du 26 octobre 1840, la suppression des barrages établis sans
l)
l)
�634
TRAITÉ"
En conséquence les contestations qui peuvent
s'élever entre eux à cet égard. doivent être portées
.. autorisation par le sieur Bonneau, sauf i!. lui à se pourvoir
" deyallt l'administration pour obtenir; s'il y a lieu, la con" servation de tout ou partie de ses ouvrages.
Sous le rapport de la question de compétence, le ministre des
travaux publics présentait les observations suivantes en réponse
au pourvoi du sieur Bonneau: « Nul doute que les tribunaux
ordinaires ne soient aptes à connartre des difficultés élevées entre
deux 'particuliers, au sujet des dommnges résultant d'uu abus
des eaux; mais si la voie judiciaire est ouverte aux parties, elles
peuvent également suivre la voie administrative, et demander
à l'admînisfration d'exercer le droit de police et de réglement
qu'elle tient de la loi. La différence entre les deux juridictions,
c'est que la première peut statuer sur les dommages et accorder
des réparations civiles, tandis que la seconde se borne à régler
l'avenir, à faire la part de chacun, d'après les principes d'équité.
Le sieur Pachete:).u pouvait donc actionner le sieur Bonneau
devant le 'tribunal civil, mais il a pu, non moins valablement,
s'ad.resser il l'administration. "
La))écessité de l'autorisation peut-elle être.également imposée
par un, réglement administratif pour les simples prises d'eau à
l'aide de saignées que l'art. 644 du Code civil autorise les riverains d'une rivière non navigable ni flottable à faire pour l'irrigation de leurs propriétés? M. Daviel (Traité ci-dessus,
nO 580) se prononce pour la négative: • Le droit, dit-il, qui appnrtient à tout riverain d'une rivière non navigable d'en utiliser
" les eaux pour l'arrosement de ses fonds, n'est pas une simple
" faculté précaire et subordonnée à la permisSion ne l'adminis.. tration; c'est un droit absolu, une conséquence inséparable
" du droit de proprjété... M. Pardessus (des Serl'ltudes, nO 109)
semble aussi n'accorder, en ce cas, compétence qu'aux juges de
paix et aux tribunaux civils, en se fondant sur l'article 10,
tit. 3 de la loi du 24 août 1790. _- Au contrnire, Dubreuil et
1)
I)
�DU DOMAINE PUBLIC.
635
en iustice ordinaire; et U?IlS trouvons, dans le bulletin des lois, un décret du 12 avril1B12 qui couson annotateur M. Estrangin, dans l'édition de 1842 de l'Analyse rflisonnée de la législation sur les eaux 7 tom. 2, p. 34:
et sui"., démontrent qu'il est impossible d'admettre que l'administration reste étrangère à l'exercice de ce droit dont les rive. rains feraient promptement abus; que l'autorité doit avoir la
faculté d'intervenir pour régler entre eux, dans le plus grand
intérêt commun, dans celui de l'agricultnre et de l'industrie "
dans celui aussi de la sûreté et de l'utilité publique, les prises
d'eau que comporte la rivière pour chacun des propriétaires qui
bordent son cours, à la condition toutefois de respecter les titres
ou droits acquis que peuven avoir quelques-uns d'entre eux
à un volume d'eau, à un ce in mode de jouissance déjà établi.
Tel parait être aussi l'avis de Merlin (Répert. > 170 moulin> § 13,
pag. 408), et de Henrion de Pansey (Camp. des juges de paix,
chap. 27, pag. 301); c'esteufin ce que vient de déclarer trèspositivement la Cour de cassation par un àrrêt du' 9 mai 1843
0( Sirey> 43-1-769), dont voici le motif: "Attendu qu'il faut
distinguer entre le droit de juger et celui de réglementer;
» que l'administration a seule le droit de juger les questions
relatives aux rivières navigables; que les tribunaux ont seuls
le droit de juger les questions l'datives aux rivières non na» vigables; mais que les unes et les autres intéressant essen» tiellement la police et l'ordre public, il appartient à l'admi" nistration de régler tout ce qui peul les concerner; que ces
réglements sont obligatoires pour les tribunaux, car le poul> voir de les faire est conféré par la 16i du 24août 1790 et par
» toutes les lois qui régissent la matière; que, par conséquent,
l> l'arrêté du 15 messidor an VlIl et celui du 18 thermid()r an IX,
» pris par le préfet d'Eure-et-Loire (lesquels, portant régle• ment sur les cours d'eau du département, défendaient soit
» de détourner les eaux à volouté, soit de Jaire des saignées
sans autorisation préalable), l'ont été dans les termes de lia
compétence. "
1)
1)
1)
1)
1)
1)
�636
TRAITÉ
sacl'e positivement ce point de compétence ': il est
conçu dans les termes suivants:
( Vu la requête du sieur Royre, tendant à ce
» qu'il nous plaise annuler un arrêté du préfet du
» Canlal, du 30 mai I811, qui, sur la plainte de
» plùsieurs riverains, et sur le rapport de l'ingé» nieur ordinaire et de l'ingénieur en chef des'
» ponts et chaussées, ordonne la démolition d'une
» digue que ledit Royre a construite à travel'S la
» rivière de CÈRE, et qui forme barrage permanen t
» pour la pêche de ladite rivière;
» Considérant que la rivière de Cere n'est poi~t
» navigable; que, par l'a
de notre Conseil d'é» tat, approuvé le 30 pluviôse an XIII, et inséré
» au Bulletin des Lois, les contraventions aux ré» glemen ts de police sur les rivières non uavigables,
» canaux et autres petits cours d'eau, doivent, se» Ion les dispositions du Code civil et les lois cxis» tantes, être portées, suivant leur nature, devant
:» les tribunaux de police municipale ou correc» tionnellc, et les contestations qui intéressent
» les propriétaires, devant les tribunaux ci» l'ils;
, » Que la loi du 14 floréal an XI n'attribue à l'au,. tOI,ité administrative que les mesnres relatives au
» curage des canaux et rivières non navigables, et
») à l'entretien des digues et ouvrages d'art qui y
» correspondent, au rôle de répartition et au re» couvre ment des sommes nécessaires au paiement
» des travaux d'entretien, réparations ou recons» tructions;
�DU DOMAINE PUBLIC.
637
Qu'il ne s'agit, dans l'espèce, que d'une digue
nouvelle dont l'effet serait d'attribuer au sieur
» Royre la pêche exclusive du saumon et des autres
» poissons qni remoùtent la rivière de Cère, au
» préj udice des propriétaires riverai ns ;
» Décrétons:
» L'arrêté dn préfet dn Cantal du 30 mai l~h 1
» est annnlé pour canse d'incompétence, et les
») parties s'Ont renvoyées à se pourvoir devant les
» tribnnaux (1). »
Quoique ce décret n'ait été rendu qu'à l'occasion' d'un barrage de pêcherie, il est évident que
l'application en doit être faite, par identité de motifs, à tous ceux constl'Uits pour l'exercice de l'irrigation et aptres usages des propriétaires riverains,
SUI' les petites rivières de la classe dont il s'agit.
En effet il ne fa,ut pas perdre de vue que ces
propriétaires qui, à raison de leurs fonds, exercent la faculté de la pêche ou de prise d'eau pour
l'irrigation ou pour d'autres avantages que les lois
leur accordent sur le cours de la rivière, ne fout en
cela tIue revendiquer la jouissance et la possession
des servitudes légales et foncières activement inhé·
rentes à leurs propriétés, et passivement imposées
sur le cours d'eau; que ces droits, étant les accessoires de leurs héritages, sont autant de droits de
propriété foncière naturellement soumis à la juridiction des tribunanx ordinaires; qu'aux termes de
»
:»
(1) Voy. au bull. t. 16,p. 294, 4" série.
�638
l'nAITÉ
l'article 637 du Code civil, celui auquel est due
une servitude ayant le droit de faire tous les ori~rages nécessaires pour en user et la conserver, on
doit en tirer la double conséquence qu'il est permis aux propriétaires riverains des petites rivières
d'y construire des barrages de pêcherie ct d'irrigation salis abuser les uns envers les autres, ei qu'en
cas de contestations sur ce fait, c'est en justice civile ordinâire, comme le veut le décret ci-'dessus
transcrit, que les débats doivent être portés, pal'ce
qu'ils rentrent dans la catégorie ·des 'questions de
propnete.
- Mais lorsqu'il s'agit de créer un banage qlldconque dans le cours d'une rivière navjgable ùu
flouable,comme il n'y a plus ici de droits de pêche
ùu d'irrigàtion à exercer de la part du riverain, il
faut dire aussi qu'il Ile pourrait, autrement que par
la permissioil de l'administration., établi., cet ouvrage,ct qu'il serait non·recevl1ble à en réclamer le
droit devant les tribunaux.
.
Par identé de principes et de motifs, il faut·dire
encore que quand il s'agit de construction de barrages ou écluses pour servir à l'établissement de
quelque usine à eau, même sur une petite rivière,
nul ne peut en revendiquer Je droit en justice ordinaire, puisque personne ne peut l'exercer qu'avec
lapermissioll du roi Ca). Ici il n'y a pas de servitude
.,
?
.
(a) Voy. la note sous le 1·' alinéa du présent numéro, p. 632,
ci-dessus.
�DU DOMAINE PUllue.
639
légaleà prétendre, comme quand il s'agit du dfoit
de pêche ou d'irrigation; l'affaire est entièrement
sous la dépendance et dans les attributions de l'administraiion publique, à laquelle seule appartient
exclusivement la faculté de régler, prescrire ou pel"
mettre ce qui concerne ce genre d,'établissem'ents.
1188. X. Il y a encore d'autres cas dans lesquels des questions incidentes à celle de la sup,pression des usines doivent être portées en justice
.ordinaire. En effet, comme nous l'avous dit plus
haut en commentant l'article 3 de l'alTêté du directoire exécutif du 19 ventôse an VI, et la l~i du
16septembre 1807 (1), la règle générale est qu'en
cas de suppression d'usine pour cause d'utilité publique, il n'est dû d'indemnité au propriétaire
:qn'al'ltant que l'établissernent a eu originairement
lieu d'une manière légale , c'est-à-dire par liautorisation du gouvernement; mais que, la perte' du
,titre ne devant pas nécessairement entraîner celle
du droit lui-même, il doit être permis de faire par
les voies que nous avons indiquées (2) preuve de
'l'ancienne existence de l'acte de concession, pour
y suppléer: or c'est pardevant les tribunaux qu~on
doit procéder pour acquérir cett.e preuve, puisqu'aJorsc"est une question de droit de propriété qui
est à résoudre à raison de l'indemnité prétendue
Ad' nSlOe.
.
par.l e malLre
(1) v.oy., sous les nOS lI50et 1152.
(2) Voy, sous le nO 1165.
�640
TRArrÉ
1189. XI. Si la question portalt sur la validité
ou la nnllité de l'acte de concession qui seràit pro~
duit par le meunier, et contre lequel on s'élèverait
par l'apport à quelq ues irrégularités, serait-ce encore en justice ordinaire que la cause devrait être
portée? Suivant M. Garnier, en son Traité du
régime des eaux -' première partie, nO 37; c'est
au conseil de préfecture à prononcel' en première
instance snI' la validité ou la nullité des .anciens
titres de concession pou l' l'établissemelH des usines,
attendu, dit-il, qu'ils ne sorH toujours qlledes actes
administratifs dont la connaissance est interdite
aux trihunaux, soit par la loi du 24 aO,ût 1790,
article 13, titre 2, soit par celle du 16 fructidol'
an III; mais c'est là une erreur échappée à cet esti·
mable auteur, et qui est positi"emcnt condamnée
par l'article 27 de la loi du ] 4 ventôse an VII (1).
Il suffit, au contraire, qu'il s'agisse de l'application d'anciens titres portant sur des questions de
propriété, pour que les débats qui en naissent
doivent être renvoyés pardevant les tribunaux ordinaires (2), comme encoi'e lorsque, pour obtenir
, son indemnité, le meunier soutient, par exemple,
CIlle son titl'e n'est pas nul quoiqu'on prétende qu'il
soit entaché de féodalité.
,
(1) Voy. au bull., nO 263,2" sérJe.
(2) Voy. à ce sujct un arrêt du Conseil d'état du 22 juill
1810, dans SIREY, t. 1et, p. 380; - un autre du 18 juillet
1821; - un autre du 22 juin 1825; - un autre du 28 octobre, même année, dans MACA REL, t. 2, p. 168; 1. 7, p. 324
et p. 624.
�,
641
DU DOMAINE PUBLIC.
CHAPITRE LIV.
De la destruction accidentelle dcs usines sur les cours d'eau.
1l90. Il Y a destruction accidentelle d'une
usine lorsqu'elle se trouve renversée ou démolie
par un accident de force majeure, tel qu'un incenuie, une irruptiou de l'ennemi Ou le débordement
'des eaux.
C'est par suite de circonstances de cetté nature
qu'on trouve quelquefois dans les rivières navi'gables et autres, des vestiges plus ou moins impor'tants d'anciens ba'rrages ou d'anciennes écluses
ayant fait partie des constructions de monlins ou
,usines qui, par ia suite des telnps, on t ~té détruites
ou sont tombées en ruine, sahs qu'elles aient été
reconstruites ct relevées depuis; ce qui don ne lieu
à diverses questions dont le but est de savoir,
1 ° Si cet état des lieux.. ne doit pas fail'e présumer
que l'ancienne usine àurait été détruite par ordre
'de l'administration;
2° Si le ~euLfaii de l'existence des anciens harr~ges suffit pour que celui qui en est recon'nu
propriétaire ait conservé le droit de reconstruire ou
réparer l'usine dont ils dépendaient;
3° Si l'on pourrait lui refuser la faculté de reconstruire sans qu'il lui fût dû une indemnité;
4° Enfin quel est le genre de prescription qu'on
TOM. III.
41
�TRAITÉ
11 91. Une in finité de cas de force 'majeure,
tels q ne le feu du ciel, ou autre causé d'incendie,
l'invasion de l'ennemi, et, plus que tout cela,
l'inévitable caducité d'une construction qui, mal
entretenue par défaut de moyens ou d'intelligence
du propriétaire, doit succomber sous le choc des
eaux ,ne permettent pas de presumer que', par
·cela seul qu'une usine n'existe plus, elle ait élé
détruite par les ordres du gouveruement. On doit
'au contl'aire admettre que sa suppression est due à
lou~e autre cause, si ses barrages subsistent encore,
même en partie seulement, parce que dans le cas
d'un ordre de l'administration, la mesure qui
n'aurait pu être prescrite qu'afin de dégagel' le lit
de la rivière pour en faciliter le cours qu'on trouve
encore embar~assé, eût été certainement compléleUlent exécutée.
�DU DOMAINE l'UllLIC.
643
DEUXIÈME QUESTION.
L'existence matérielle des restes d'une afl,cienne usine ou de ses barrages que le
propriétaire possédait paisiblement, lui suffirait.elle pour qu'iL puisse la réparer ou la
reconstruire de sa propre autorité?
Il faut d'abord distinguer le cas où l'«sine ,était
dépourvue d'autorisat:Ïon; de celui.où elle avait au
contraire une existence légale.
1°, Hypothèse où l'usiné était dépourpùe d'aütorisation~
1192. Du 'moment que le propriétair~ n'était
auparavant que possesseur sans titre, la reCGOStruction ou' réparation entreprise par lui de sa
.propre autorité ne sera toujours qu'lIu faiL illégal
que l'administration publique peut igll()rer ou
!olérer, mais qu'elle peut aussi péremptoirement
interdire, sans qu'il soi~ dû au possesseur aucune
. indemnité à r;lÏs~n de cette jnterdiction.
Si donc cet ancien propriétaire veut agir .léga..,
lement et en tonte sûreté, il devra recouril' au
gouvernement pour en obtenir le titre de conees,sion qui lui manqne; et quelle que soit l'ancienneté de son étabiissement ; la solution de la question doit toujours être la même, attendu que, visà-vis de l'aclminis.tratton, sa possession n'a jamais
; ,
,.
. . . .
ete que precaIre.
11°. Hypothèse où l'usine étqit qutorisée.
1193.
Cette hypothèse comporte une sous-dis.t
�TilAl'rk
tÏnction entre le cas où il s'agit d'une riviere navigable ou flottable,' et celui où l'usine était établie
Bur une petite rivière.
'
• '1 0 S~i{s~ agit d~un.e 'rivière navigable ouflottah,le ~ ou même d'un bras d'une de ces 'rivièfes
par lequel la navigation ne s'exerce pas actuellement, le 'meunierlle pourrait mettre la main' à
l'œuvre pour reconstruire son usine ou y faire aucune grosse réparation ayant pour objet la direction
des eaux, sans le concours de l'administr'ation,
parce qu'il s'agirait d'une chose destinée à un service public sur lequel cette aùtorité est obligée
d'exercer la surveillance la plus active.
Néanmoins, comme on ne peut être tenu à
l'impossible, il peut y avoir des cas d'urgence tels,
que Je meunier ne serait pas répréhensible pour
avoir cherché à prévenir sa ruine en exécutant des
travaux sans en avoir préalablement obtenu la permission de l'autorité administrative.
Mais à l'égard des simples reparations d'entretien qui pourraient être néce'ssaires ou utiles dans
l'intérieur de l'usine et de ses cou.rants, comme elles
n"intéresseraient que la propriété du meunier, sans
parler, aucune atteinte à l'exercice de la navigation,
celui-ci pourrait licitement les faire de sa propre
autorité.
2'0
Si la rivière
n~est ni
navigahle 'ni flotta-
hIe ~ la position du propriétaire serà différente,
selon qu'il n'aura que des l'éparations à faire à son
usine" ou qu'il voudra la reeonsl mire en totalité
DU en presque totalité.
�DU DOMAINE PUllLIG.
645
Quant aux réparations. - I l faut dire généralement que le propriétaire peut, de sa propre autorité, pourvoir à tontes celles des dégradations
partielles qui arriveraient à son usine; et la raison
en est que celui qui obtient du gouvernement, su'rtout d'après une enquête de commodo et incommodQ,- la permission d'établir une usine quel':'
conque, acquiert par là même et nécessairement
le droit de la conserver, et par conséquent celui
de la réparer lorsqu'elle arrive partiellement à
un état ruineux: dès-lors il ne peut avoir besoin
de se procurer un duplicata de la permission qu'il
a déjà; autrement le bénéfice de la concession dégénérerait en une cause de ruine pour lui si, lol's~
qu'il vient à se former une brèche dans son écluse,
minée par les eaux ou ébranlée par la débâcle des
glaces, il fallait d'ahord qu'il recourilt à l'adminis.tration pour arrêter les progrès d'un mal qui pçlUrrait être enLÎèremeut consommé pal' quelques
jours ou même par quelques heures de retard à J
apporter remède (1).
1194. En ce qui a trait à la r~constructiOlt
totale ou presque. totale de l'usine: _. L'ancien
acte de, concession n'ayant jamais été révoqué, et
subsistant par conséquent toujours, il n'y aurait
pas sans doute nécessité d'en obtenir lin nouveau
avec toutes les solennités requises pour ces sortes
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt du conseil du 30 mai 1821 , dans
t. 1, p. 591.
M"'CAREL,
�646
d'actes; -mais le propriétaire ne pourrait toujours
pas reconstruire de sa propre autorité, sans avertir
,préalablement l'administration pour la mettre aLl
moins à portée de juger si l'expérience du passé
n'aurait pas démontré pour la localité quelque inconvénient dans l'existence de l'établissement; s'il
ne serait pas nécessaire ou utile d'intl'Oc1ui r e dans
la nouvelle construction quelques modifications;
et, quand tout aurait été parfait dans l'ancienne
usine et ses barrages, il faudrait encore que les
agent~ dtd'administration fussent appelés à véritier
si le constructeur sc co~fOl~me exactement au plan
primitivement arrêté. Pour ces divers moLif~ le recours à.l'administration est nécessaire.
S'il en est autrement <lans le cas d'une simple
réparation partielle, c'est qu'~lle ne comporte aucune modification essentielle du corps de l'établiss~ment général, el que d'ailleurs il peut y avoi~
npe urgente nécessité à l'exécuter.
. . qu
•aux termes d Il reg
' 1ement d Il 27
C'.est alllSl
février ~765~ pour la grandevoirie, il est défendu
?e recons~ru.ire des édifices iur le pord des grandes
l'outes sans avoir de 110uveau demandé l'aligne..
ment, attendu que, personne nepouvant se rendre
justice à soi-même, il faut que l'administration soit
appelée pom vérifier si les limites ne sont pas déIpssées (1), et cependant, ce recours à l'administration ne serait pas nécessaire si, a 1.1 lieu' d'une
reconstruction totale, il n'était question que ~e
(1 ) Voy. sous le nO 246.
�DU DOMA.INE l'UllLlC.
quelques réparations d~intérieur. On voit pal' là
que-les cas de reconstruction erttièl'e ou de ~im
pIes réparations d'entretien, forment denx espè~€s qui .ne sont pas ,absolument soumises aux
mêmes règles. Aussi, dans le commentaire de l'ordonnance de 1669, soit par Jousse, soit par Si,~ôn
et Segauld, trouve-t·on cités sous l'article 43, titre
'.27, divers réglements suivant lesquels il faut l'a'utorisation du gouvernement pour.rétablir ~e,nou
veau un ancien moulin tombé en ruine, ou pour
changer le local de l'·établissement.
.
TROISIÈME QUESTION.
Pourrait-on refuser au meunier fondé en titre
lafaculté de reconstruire son usine.sans lui
pa..yer lI-ne indemnité?
t195. La négative cst incontestable, puisque
l'acte de concession primitive en vertu duquel on
iuppose qu'il veut réparer ou relèver son établissement était. pOUl~ lui un titre légitime de propriété,
dont les effets lui restent encore acquis.
lui
devra donc une indemnité proportionnelle à la valeur du cours d'ea'u, qui, qnant à l'us~lge, est
toujours le s~en , e't ii aura en outre incontestablemen t la faculté d'cnlèvel' les matériaux II tiles qui
peuvent re~ter sur les lieux (a).
On
(a) D'après ce que l'on a dit plus haut, nO' 1160 et suiv. , il
n'y aurait cependant pas lièu à indemnité si Je refus de permettre le rétablissement était fondé sur de graves inconvén.ientli
qu'entraînerait, pour la contrée, l'existence de l'usine liOUS le
rapport des inondations ou de J'insalubrité.
�648
nU.lTK
QUATRIÈME QUESTION.
'--
Quel est le genre de prescription quAon pourrait opposer à lJ'{ézcien propriétaire de Pusine tombée en ruine., soitpour repousser sa.
'demande en indemnité ~ soit PÇJUI' Pempd, cher de reco.nstruire autrement quJ-en vertu
dJune nouvell(J> conces#o~ dl!' gouverne.
ment?
'
1196~ La solution de cette quesdon rentre sous
l'empire des règles communes en matière de servitudes, attendu <{ue le droit d'avoir une usine o~
des ba,rrag,es sur les bords d'un fleuve ou dans une
rivière quelconque ne comporte certa~nement pas
l'aliénation du sol public lui-même; qu'en conséquence il ne peut être qu'un simple droit de servitude apparente et continue, puisqu'elle 8~ manifeste par des ouvrages extérieurs., et qu'elle n'a
pas besoin du fait actuel de l'homme ponr êtr~
exercée. Or, suivant l'art. 706 du C.ode civil, toute
servitude, de quelque nature qu'elle soit, s'éteiilt
par le non.-usage pendant trente ans; et, aux termes
de l'article 707, les trente ans courent, pour celles
continues, depuis le jour où il a été fait un acte
qui y était contraire. Voilà le principe.
Ainsi la solution d.e la question se réduit à une
simple vérification de fait, consistant à s'assurer
si l'administration publique, ou quelque,autre partie intéressée, aurait fait exécuter ou uon depuis
plus de trente ans des ouvrages incompatibles avec
l'existence de la servitude.
�DU DOMAINE l'UBUC.
ED admettant qu'il fût reconnu qu'après la ruina,
ou la chute de l'usine, l'administration ou autres
iniéressés, voulant débarrasser le cours de la rivière,
en eussent fait enlever les hilfrages en tout ou en
partie, et qu'il se fût écoul~ trente ans 'depuis ceué
opération, sans réclama lion de la part de l'ancien
propriétaire, il Yaura prescription extinctive de la
servitude, et celui-ci aura perdu le droit d'exigel'
aucune indemnité pour le cas où le gouvernement
ne lui permettrait pas de reconstruire ou de restaurer son établissement, encore qu'il y eût titr~
anCIen.
Si l'on suppose au contraire qu'on n'ait fait'
opérer à main d'homme aucune démolition dans
les anciens harrages, le proprié~aire aura conservé
tous s,cs droits, quoique dans la suite des temps, et,
par le choc ou l'affouillement des eaux, l'écluse,
non entre.enue, ait éprouvé des dégradations plus
ou moins considérables. L'état actuel sera en effet,
dans ce cas, le résullat de la force majeure, qui ne
peut par elle-même rien chaqgcrdans les droits des
parties, puisque la loi veut que, pour les interver-:
tir, ce soit le propriétaire du fonds asservi, ou to~t
'autre intéressé, qui se soit lui-même, et par son
propre fait, remis en pleine possession de la liberté
de ce fonds, en faisant des actes contraires à la
servitude (a). '
'
(a) C'est un principe incontestable que le simple non-usage
d'une chose n'en fait pas perdre le droit ou la propriété, surtout
�~50
CHAPITRE LV.
Du flottage, à hûches perdues, ,ur les petites rivières.
_ l
1197. Ainsi que nous l'avons déià dit au.
nO 858, le flollage à hùches perdues est celui qui
s'exerce lorsqu'on lance en rivière, hùche à hûche~
~'il existe des vestiges de son ancienne destination; la conti':
nuité de ]a possession résulte suffisamment de ces vestiges.
« Per signa enim taNa, alio non prohibenle reslituere, relinelui'
juris possessio, dit d'Argentré sur Bretagne, art 368, p. 1549
et 1550. PER SIGNUM ENIM RETINETUR SIGNATUM. Sunt enim ista,
actus permanentes et ideo continui.... Quœquum apparent,
instaurandi jus est, et cuique licet el possessione!n conservare
et possessorù's omnibus concludere retinendœ, recuperandœ et
talibus. Quare consulunt auctores scolastiei ut dirutis œdificiis,
tjuam ma"ximè paN, ridicœ et vestigia conservantur; quia in
tabous consislit et conservaluI' possessio. Nam.ex tolo deletis
Jit interruptio naturalis et jus amitti(IU.... Quare manente
signo, nemo liberlatem contra habentem prœscribit, PROPTER
RETENTIONEM POSSESSIONIS IN SIGNO PERMANENTE, nisi prohibitio
antecesserit. II Même décision de la part de Cœpolla, de S ervitut. , trast. 2, cap. 4, nO 94, où il dit: Quis retinet servitutem
aquœ etiam quando œdiflcia in flumine sunt diruta, dz:mmodo
remaneant aliqua retentionis signa; de Mornac (ad leg. unus,
if. de serv. prœd. rust.); de Pecchius (lib. 4, quœst. 63); de
Julien: nouveaux Statuts de Provence, tom. 2, p. 555, nO 17;
ae Dunod (Traité des prescript., pag. 19 et 154); de Merlin
( Rép., Vo prescript., pag. 511); de MM. Vazeille (TI'. des
preseript., tom. 1", pag. 44, nO 41); Troplong (de la Preseriptüm, nO' 343 et 550); et Davie! (TI'. de la pratiq. des eoUrs
,leau,no·192etsuiv.et680).
_
C'est ainsi -qu~ l'on décidait autrefois que la possession du
�nTJ DOMAINE Î'U1ILlC.
651
des hois de corde ou de moule destinés au charif·
fage, pOUl' les faire. descendre jusqu'au port Otl
droit d'avoir un colombier était conservée tant que les murailles
ou des vestiges se faisaie~t apercevoir, éncore que pendant cent
ans il n'y ait pas eu de pigeons ( d'Argentré, loco citat. , p. 1168,
na 12); c'est ainsi encore que, par arrêt du IR août 1710, le
Parlemen~ de Besançon autorisa un sieur de Rén. a rétablir
un moulin détruit depuis plus' de cent ans et que Mme de
Conflandé voulait l'empêcher de reconstruire; la circonstance
qUG les vestiges de l'écluse paraissaient encore dans la' rivière
détermina le gain de son procès (Dunod .. loc. cit.).
Plusieurs arrêts récents ont admis la même doctrine; o.n citera
ceux de la Cour d'Aix, du 29 juin 1827 (Dalloz, 31-1-67); de
la Cour de Nîmes, du 9 novembre 1830, relatif â une porte
murée, m~is restée apparente ( Dalloz J 31-2-32); de Nancy,
du 23 avril 1834, concernant un chemin (Troplong J de la
prescript. , na' 338 et 343); eufin de la Cour de cassation, des
26 janvier 1835, spécial pour une usine (Dalloz, 36-1-199),
et 28 novembre 1838 (Sirey, 39"-1-47).
C'est donc contrairement aux principes qu'un arrêt du Cons'eil d'état, du 12 juin: 1781, dans la vue de faciliter l'établissement d'un canal de n;l.vigation sur la Dive, avait considéré
comme supprimés sans indcII\nité tous les moulins qui u'avàient
pas fonctionné depuis dix ans. Pour que la prescription puisse
être ellcourue, il faut, comme l'établit avec raison M. Proudhon,
'ou qu'il ait été· fait, aux termes de l'art. 707 du Cod. civ., un
acte contraire à l'exercice du droit, tel qne la destruction totale
~t absolue des ouvrages indispensables à l'existence de l'usille,
nam ex toto deletis fit interruptio naturalis et jus ami/titur
( d'Argentré J loc: cit., art. 568), ou bien que la destruction
partielle soit le résultat d'nne injonction de l'autorité ou d'un
intéressé, manente signo, nemo lihertatem contra hahentem
prœscrihit propter retentionem posseuionis in signa permanen!flA
nisi prohihiti{) antecesserit ( ihid. ).
�65i
'l'MITÉ
se trouvent des arrêts établis à l'effet de les retenir'
pendant qu'on les relire de l'eau.,
Ce flottage, n'exigeant qu'un petit volume d'eau,
peut être pratiqué non-seulement dans les grandes,.
mais encore dans les petites rivières, et même dans
les ruisseaux un peu abondants.
Quan il s'agit des fleuves navigables ou f1ol~
tables avec trains et radeaux, leur entretien,
comme on l'~ expliqué aux chap. 37, sect. z,et4o,
sect. 3, est à' la cbarge de'l'état, parce qu'ils ,dépendent entièrement du domaine public; en couséquence, c'est au gouvernement à les organiser et
li y faire tous les ouvra'ges d'art nécessaires pour
qu'ils puissent remplir leurs fonctions; copme c'est
réciproquement au profit du trésor, et pour sa~is-,
faire à cet entretien, que se perçoivent les droits
de navigation.
Il en est autrement des petites rivières ou' cours
d'eau qui ne sont f10ttahles qu'à bûches perdues.
Ici, à l'exception de ce genre de service, de la pêche
ct des prises d'eau pour boire ou pour abreuver les
bestiaux, tous les autres usages et avantages qu'ils
présentent restent dans le domaine privé, et ap-'
partiennent de plein droit aux propriétaires riverains, qui, réciproquement, sont chargés des frai~
de curage, comme on l'a établi plus haut.
Les grandes rivières exigent des dépenses cO,osidérahles pour les rendre navigables ou flottables
avec trains et radeaux, et pour les entretenir en
bon état de service; il en est autrement de ce qui
�DU nûMAlNE PUBLIC.
653
concerne le flottage à hûches perdlles. Ici', s~uf les
,arrêts destines à' retenir le hois au'lien où il doit
être extrait de l'eau, tout est ahandonné.à l'œuvre
et à la puissance de la nature, parce que les bûches
peuvent franchir les cascades et les rochers qu'élles
rencontrent, pourvu qu'e les ouvriers chargés de
suivre la flotte aient soin de les rejeter à l'eau
chaque fois qu'elles se trouvent accidentellemént
arrêtées.'
,
. 1198. La plus intéressante des questions què
nous ayiolls à examiner dans ce chapitre consiste à
savoir si, pour qu'il soit permis de flotter à bûches
perdtiés sur une rivièré ou sur un rUIsseau, il est
nécessaire que le cours d'eau ait été reconnu ou
d'éclaré; p'ar l'autorité puhlique , affecté à ce genre
de service.'
.
. . Nous ne le pensons pas, et nous' croyons' ~IÏ
contraire que la faculté de flotter à hûches perdues
existe de pleiu droit sur tous les cours d'eau où il
est possible de l'exercer.
.
Il est incontestahle en effet que pour la traite
des hois' exploités dans les forêts, soit sur lés montagnes, soit en plaine, il doit y avoir des 'chemins
destinés' à les conduire au lieu de la'consommation;
c'est là une nécessité. Si l'on veut ne voir dans
l'usage de ces chemins que l'exercice d'nne servitude activement inhérente aux forêts, l'on sera
toujours forcé de convenir que le droit en est dû
soit par rapport à la situation des lieux, soit pat
rapport à l'utilité puhlique; mais, suivant les prin-
�654
" ,
TRAITÉ
cipes de b tnatière, la s,ervitude doit être elt-ercé6
par l'endroit où le passage doit généralement cau..
sel' le moins de dégradations au fonds assujetti;
en sorte que la règle du droit commun nous con.,
duit déjà au bord de la rivière Ou du ruisseau dlf
flottage pour y lancel' le bois, comme présentant
la voié la moins d~mmageable pour~te!i héritages
qui en sont tra\'ersés.
D'autre part, c'est une vérité incontestable que
l'eau courante, c'e,shù·dire cet elémentliquide qui
sc presse, fuit et s'échappe sans que nous puissions
Je retenir;~t 110US en rendre maîtres, n'est dans
le dO Dlaine de ,personne: d'où il résulte que l'u~age
doit eu appartenir à tous. Or c'est cette qualité
d'eau courante et.indomptaWe qui précisément la
rend propre au transport des objets qu'on l.ui con.
lie : d'où il suit encore <que; sous ce rapport, 110U5
$ommes toujOllr$ rame.nés, 'par le,dr.oit de nature;
nu hord de la rivière ou do ruisseau, 'Pour y exerèer
le flottage comme sllr unJchemio créé dans ce but,
.
a'l' usage commun d e 10US••
1199. Qu'on suppose, si l'on v.eut, qu'à 'raison
de l'enclave, de la forêt, il puisse être dû une in..
demnilé pour l'exercice du passage destiné. à la
traite des- .bois, jusqu'à ce qu'on parvienne à la
voie publique, il n;en sera toujours pas moins vrai
de dire qu'alTivé au bord de la rivière, le flotteur
sera pal' là même pai'venu à la voie puhlique offerte
par la nature au transpor.t de son bois.
A ces considérations, on peut ajouter que la fa-
�DU
DO~IAINE
PUBLIC.
culié du flottagé à bûches perdues J'enlre' prétisé..
ment dans l'.appli<:ation du grand principe de liberté
, "
d ecrcle,
sur l' usage des eaux courantes" par
~~rtic1e 9 de. la loi du 25 août 1792, ,dont la disposiLion n'a,été abrogée par aucune autre loi, en
-ce qui touche au flottage.
1200. Lorsqu'il s'agit du droit de navigatioQ.
'()ll de grand floHage ,avec trains et radeaux, -il pellt
.être fondé sur une longue possession 011 .u~ anc,ien
'lIsage qui en auraient consacré l'exercice: on sen,t
:qu'il en doit êlre de même, et à plus forte raison,
.lin simple flottage à bûches perdues, puisqu'il est
d'une nature moins Qnéreuse pour les riverains qui
.en on t laissé jouir les flotteurs.
. A défaut de longue; possession, le droit de navi",
.:gation ou de grand flottage ne peut être régulièrement établi que par un décret de l'administration
snpérièure,.parce qu'il s'agit alors de faire passer
.tptalementdans le 'domaine public une rivière.dont
les div.ers usages étaient aupara;vant dans le domaine
privé des propriétaires riverains, qui désormais s'en .
,trouveront expropriés.
Mais, quand il n'est question flue' dù flottage à
.bûches: perdues, la différence est immensc f puisque s~n établissement n'opère aucun changement
dans l'usa'ge de la rivière, et ne prive point les propriétaire~ ri:verains des. droits de pêche, de prise
,d'eau, 9'irr,igation, d'alluvion SHI' la formation des
tics, ou àutres avantages qui sont e~lti~rement
mai~tenus; il n'y a donc ici ni nécessité, ni motif
�TRAIT!
-d'obtenir de l'administration publique une' déela'"
ration de flottabilité à bûchès perdues, et nouS
'restons à cet égard sous l'empire- de la règle du
droit 'naturel, suivant laquelle l'eau courante n'é·
tant à personne, son usage doit 'appartenir à tous,
dès que la ~oi positive n'en a pas disposé autrement.
1201. Cette différence entre les' grandes et les
petites rivières n'est pas la s~uie qui soit' à remarquer, cal' la nature ùes choses nous cond'uit à faire
encore une distinction essentielle entre la faculté
dù flottage et les droits dont ics propriétaires riverains jonissen t sur la rivière.
En effet, lorsqu'il s'agit des d.roits de pêche,
-d'irrigation et d'alluvion, la loi a pu en doter' ex<:1usiveill'ent les riverains, pa~ce que chacun d'eux
peut les exe'rcel' privativement ~ tous autres, vis'à-vis son héritage,' tandis que le flottage n'est pas
snsceptiblè d'un usage restreint à l'étendue de
chaque' propriété; et, comme il ne peut àvoir lieu
-que par un trajet franchissant les' bords d'un trèsgrand nombre de fonds, il serait impossible d'en
faire un'" droit propre à chaque' riverain en face
du sien seulement: autrement ce serait lui aècorder la faéulté de le supprimer, au' préjudice des
'
hesoins p~blics, ce qui ne peut êt~e.
'1202. Les preuves qui l'essortent des raisonne'ments ci·dessus sont positivement confirmées,
.!oit par les anciennes ordo'nnances rappelées plus
�DU DOMAINE !'UllLIC.
651,
,
haut (1), soit par l'article, 52 , lit. 15, de l'ordodnance de 1669, portant qu~ « le transport, pas;, sage, voiture ouJlottage des 'hois" 'tant par
•
• h'con.
» terre que par eau, ne pourra elre
empec
,» ârrêté, sous qtlelq lie' prétexte de droits <.~e tra» vers, péage, pontonages ou autres, par quel» que particulier que ce soit, à peine de répondre
» de tous les dépens, dommages et intérêts des
» marchands; sauf à ceux qui prétendent avoir
» titres pou .., lever aucuns dr~its, de se poUl'voil'
';, pardevant le grand-maître, qui y pourvoira
» àinsi 'qu'il àppartiendra. ,»
,
éomme on lè voit 'par la généralité de ses expres.
sions, cè texte s'applique également à tous les cours
· d'eau, sans aucune disti;lction èntre les rivières et
les simples ruisseaux: en sorte que partout où il y
a possibilité, le flottage est telJemen t permis de
plein d'l'oit., qu'il est généralement défendu à tout
particulier d'y mettre obstacle.
Certains auteurs ont prétendu qu'cu égard à cc
que cette disposition se trouve au titre où sont
réglées les ventes des hois de la couronne, on ne
devait en faire l'application qu'au flottage des bois
· du roi ou de l'état.
. 'Mais, d'une part, cette opinion ne pourrait être
· soutenue qu'en aCCllsan't de monopole l'auteur de
-l'ordonnance, comme ayant voulu, par ce moyen,
augmenter le prix de la venle des bois royaux an
(1) Voy. 'sous le nO 686.
TOM. III.
�658
TRAITÉ
détriment de çeu~ des parti<;uliers. Etj d'aJ1t~e
c8té, elle est formellement repo\l~sée .par le téxte
même de la loi, dans lequel un, voit que celle défense d'entraver nulle part ·le flot~.ag~ des.b.Gi~ se
rattache à une cause d'~tilité publique, puisqu'elle
est littéralement portée en fa,veur d~s marchands,
ct par conséquent ~u cQmmer~~ de pelte deprée
de prçniière nécessité (a).
C'cst 'par suite de celle dispo~itiQn qu.e J'art •. 6
du chapitre 17 d'une autre '01:l~ollDance à la ~late
dC1672 permet positivement aux marchands de
faire jeter leurs bois à flots perdus dans h:s, rivières
et ruisseaux, en avertissant les seigneurs dix jours
auparavant, par publication aux pr8nes des m~ses
paroissiales (h), depuis le lieu du jet jusqu'à cèlui
de l'ar~'èt, à la charge de les dédomm~ger des dé·
1c cas ec
' h'eaot: par oJ,J.. l' on ,VOlt
. qu"1
gl'3(1allOns,
1
, d u• pour l' nsage d u fl ottage 1"
11 ,est rIen
m-meme,
puisque lé propriétaire des fonds traversés n~ peut
exiger que la simple réparation des dégradations
qni y aura.ient été accidenteHement c~usées.
Suivant PUl'ticle 8 du même c1:lapitre. de cette
ordonnance, il est permis aux lli;trchands de faire
passer leill's Lois par les étang9 ,et fos~és ;tppane,
.f
(a) Différents arrêts du Conseil, notamment,des 27 août 1668
'et 17 octobre 1741 '. permettent aux adju!licataires de bois appartenant à des particuliers ou à des abbayes 1 de faire flotter
le produit de leurs coupes sur des ruisseaux ou rivières.
(h) Cette publication doit êtré faite aujourd'hui par les ordres
" ]e.
. , mun?clpa
de l ,autorlle
�DU DOMAINE PUIlue.
nant aux particuliers, qui seront tenus de faire faire
ouverture de leurs parcs et basses.cours aux ou- '
vriers, moyennant dédommagement (a).
Il résu'tte de là <.leux conséquences très-remarquables .pour notre sujet:
, La première, c'est que le flottage doit être
considéré comme étant dp. droit public par tous les
lieux où il est possible de l'exercer, puisque 'ce'
service peut être forcément exigé 1 même sur les
eaux ql1isont du domaine' privé, telles que celles
des étangs et des fossés qui appartiennent à des
particuliers.
.
La seconde, c'est que, la loi n'imposant au',
floltcur l'obligation de payer aucnn droit pour
'l'Ils,age de l'eau en elle· même, sauf à il1JernDi~cr
des dOllllÎlages causés aüx propriétés riveraines, il
fant diré q~le le flottage s'<:x~rce véritflblement
d'Ulie manière gratuite (1). ,
.
t 203. Il est vrai qu~ celte '~ernièr~ or~lpl,lpiln,ce
n'est principalemept rela~~y:~ .qu'pllX, apnl;ovisio.~
qClUents de F<lris; I!Jais, comme elle Ile fail.quc
<1éterminer les règles d'êxéèlltion Je celle ~e 1669,
qui est générale" on doit en reg~rdcr les disposit\oris
comme fais~nt partie de notre droit public et commun iiqr. cette' matière, sur,tout d'après .le prin-(a) Ils peuvent même ouvrir des canaux dans les propriétés
privées. - Voy. de plus grands détails sur l~ette ord,Qnnance
d:ms le répertoire, au mot FLOTTAGE, et à la fin du pr~ent
chapitre.
{l) Voy., lur tout cela, sous les nO' 697, 698 et 699.
�660'
'l1lAl'l'É
cipe consacré par. l'article 9 de la loi du 25 août
179 2 •
Il fant donc :reconnaître que la faculté de flotter,
à hûchés perdues existe de plein droit sur tontes les
rivières, torrents et gros ruisseaux dont les oours
d'eau sont suffisants pouf_-cet usage, ct que, pour
l'e,xercer, on n'a poii1t à rechercher si elle y a
déjà été ou non pratiquée, ou s'il y aeu quelques.
act.es de: l'administration puLlique qui l'aient établie; cn un mot on doit tenir pour constant que le.
flottage est de droit public par~oul où il peut être.
exel'cé et où l'administration n'aurait pas prohibé
de le meH1'e en usage (a).
(a) Au 'nO 317 de son Traité de la pratique des cours d'Calf.,
M. Daviel professe une opinion contraire à celle ci-dessus. Il
prétend que l'article 15 du titre 52 de l'ordonnance de 1669
n'est applicab'le qu'aux rivières sur lesquelles le flottage est lé""
gaIement établi, et qu'alors les seigneurs ne peuvent l'empê- .
cher sous prétexte de droits de barrage, pontonage et autres
droits féodaux qui leur appartiendraient; il ajoute que l'ordonnance de 1672, spéciale pour l'approvisionnement de Paris,
ne concerne que les afHu~nts de la Haute-Seine, tellement que
pour la rendre exécutoire en aval de cette ville et dans le ressort
du parlement de Rouen, il a fallu une déclaration spéciale du
roi, du 24 octobre 1724. Il conclut de là que, pour établir le
flottage' sur des rivières par rapport auxquelles il n'existerait
pas d'actes administratifs ou de conventions qui l'autoriseraient,
il faudrait une -déclaration d'~tilité publiqne avec indemnité
préalable. - Enfin il ajoute que la règle à suivre par l'administration dans les,arrêtés (Iu'elle prend, relativement au flottage,
doit être de ne ricn changer aux points d'~au ni au régime des
ponts, éèluses, etc. ; deTù;re les t'éserve.s'nécessaires au 5crvice
�DU DOMAINE l'UJa.tC.
: 661
1204. MAIS' le droit- de flottage ne peuL pas
. exist'er par l'emploi nniqne du cours d'eau. De
quelque manière qu'il s'exerce, il faut anssi sUr
les hords de la- rivière un chemin ou marchepied
'pour l'usage des surveillants de la flotte ;il en faut
-, un surtout pour le passage des ouvriers qui doivent
diriger l'alTi vage des 'hois lancés en rivière, parce
qu'il est nécessaire de rejeter sans cesse à flot les
Ihûches' qui s'arrêtent sur ou vers les hords. Le droit
de flottage: emporte donc aussi la servitude de ce
, chemin, puisque l'un ne pourrait être pratiqué sans
l'autre: ils sont par conséquent dus l'un et l'autre
au même titre. Mais quelle doit être la largeUl' de
ce chemin?
.
La loi du 15 avril 1829, statuant SUl' un point
'analogue relatif à l'exercice de la pêche dans les
rivières du domaine puhlic, consacre l'existence
de la servitude par son article 35, où il est dit que
les fermiers df'!' la pêche ou les porteurs de licence
ne pourron t user, sur les fleuves, rivières et canaux navigahles, que du chemin de halage, et sur
les rivières et cours d'èau flottables, que- du
marchepied. Il faut donc recourir à d'autres dispositions pour conna1tre quelle doit être la largeur
de cette espèce de trottoir.
M. 'Fleurigeon, en son Code de la grande et
des moulins et bateaux; de ne rien préjnger sur les indemnités
q-ue les propriétaires d'usines', fondés en titres, peuvent réclamer
conformément aux lois pour chômages, etc.
�662
TJ~l\l'l'E
petite vome, page 25, rapporte un ari'été' du
3 pivôsean v,qui n'a point été inséré 'au buJ1etin des
lois, et qui fixe la largeur du chemin de flott'age à
un mètre trois' décimèll'cs.
.
Si nous remontons encor,eà l'ordonnance de
1672, déjà citée J nous voyons dans Particle 7 dl~
chapi,tre 17 que les pl'0pl'iéLail'es des héritages adjaccnts aux deux CÔLés des ruisseaux sont tenus de
laisser un chemin de qua lre pieds ( 1'3 d,écimètres)
pour le passage dcs ouvricrs préposés par les 'marchands pour la conduiLe des flottes.,
Enfin il est incoutestablement dû un chemin
pour le flotlag~ , comme. pour ]a pêche', le long des
rivière's flottables, puisque sans cela ,ces droits ne •
pourraient pleinement s'exercer. Toute la'question
se réduit donc à savoir quelle doit être la la';geur
du lerrain soumis à l'usage de cette servitude,' Or,
quand même on ~le trouverait aucun réglement
, positif qui l'eût déLerminée, on ne pourrait pas
.l'estimer à m,oins, de trcizedécimèlres (a) : donc il
là.
faut
. s'en tenir
.
1205. Mais est.il dû une indemnité aux riverains à raison de ce passage r
Puisque \e chemin ne doit avoir que treiie décimètres de large, il fàu,t d'abord en conclure qu'en
toute rigueur les floLleurs ne I?Qurraiént user d'un
espace plus considérable sans se rendre passibles
,
(a) Voy, l'indication de ces réglements J nO 872 ci-déssUJ,
pag. 216 du présent volume.
)
�DU DOMAINE PUllLle.
663
,d'indemnités envers les propriétair'es à ltégard des~
quels ils auraient abusé.
Ils sont en outre responsables des dégradations
ca,:!sées dl1115 les proprié'tés ,voisines par les flolles
ou les ouvriers qui les conduiscn t (1), à moins
qu'il,ne s'agisse dc dOlnmages qui seraient reconnus être l'effet immédiat de la force majeure; mais
quan~ au passage fui-même ou au simple d'l'oit
de traus~t dans la limite des treize décimètres, nous
croyons qu'il n'est dû à cet égard aucune ind'emnité aux riverains.
Pour se convaincre de 'là justesse d~ celle décision, il suffit de'se rappeler qne le éhemin (Jont
il s'agit est dû au même titre que le droit de flottage, dont il n'est qu'une conséquence nécessaire;
que le flottage même à bûches perdues est un vrai
service puhlic d'une graude importance pOUl' la
société, puisque, sans l'emploi de ce moyen ,PQoe '
des aenrées les plus nécessaires à l'homme resterait '
dans une surabondanceslerile s'ur les montagnes,
tandis qu'on, èn ressentirait une fâcheuse diselle
dans la plaine. On doit donc considérer le chemin
en question comme formant l'objet d'une servitude
établie pour cause d'utilité puhliqu.e, et c'est ainsi
que Fa décidé l'article 650 du Code,' qui çlasse
sans distinction dans celte catégorie le marchepied
le long des rivières flottables. Mais dès que la
(1) Voy. l'article 8'du décret du 25 janvier 1807, bull. \. fi,
p', '35, 4" série.
�664
TRAITÉ
servitude existe de plein droit, et qu'elle est due'
par les fonds riverains, soit à cause d'un service
public, soit par rapport à la situation des lieux,
il n'y a plus n~cessité de l'acquérir, ni de payer
aucune indemnité pour l'exercer.
Dans le cas où l'on pourrait en exiger ùne pour
le passage des ouvriers conduisant la flotte, on se_. eg,a
, 1ement lOn
e d'
, 1amer pour l' usage
rait
e a\ en l'CC
du cours d'eau lui-même, qui sert au transport du
hois flotté; or, s'il en était ainsi, ce véhicule fourni
par la nature pour l'avautage de la société serait à
peu pras inutile, par la raison que.les propriétaires
riverains pourraient sans cesse en paralyser,l'eril- ,
ploi, et ainsi le flottage deviendrait impraticable,
par l'impossibilité de concilier les divers intéressés'
et de s;ltisfaire à toutes leùrs exigences, ou par la
nécessité d'avoir des procès presque avec chacu~
des propriétaires riverains dont le nombœ peut être
Jmmense. ,
1206. Le mat:chepied dont nous parlons, n'étant le plus souvent exercé que de loin ~n loin, se
. trouve.amplement compensé par les avantages des
droits de pêche, d'irrigation et autres que la loi
accorde aux riverains.
On argumenterait va'inement ici par comparaison ,de ce qui se l'l'utique pour les chemins de halage; lorsque, le gonvernement déclare navigable
urie rivière qui ne l'étai t pas: cette argn men ta tion
n'aurait d'exactitude ni en fait ni en droit.
En fait# parce qu'îl ya une immense différence
�DU DOMAINE PUBLIC.
665'
entre un simple sentier à pielilevé, qu'on ne pra·
tique souven t que de loin en loin, et un chemin
permanent sur une largeur de 7 mètres 80 centi-.
mètres, tel que celui qui doit être établi le long
des rivières navigahles.
En droit, parce que, d'après l'article de l'ordonnance de 1672 qu'on vient dç rapporter, il n't~st
alloué aucune indemnité pour ce petit chemin de
, flottage; qu'il n'existe aucune autre loi qui en ;'lit
"accordé une; que celle du 15 avril 1829,qui veu,t,
, 'par son art. :;, que; dans le cas où un cours d'eau
est déclaré navigable ou flottable avec trains et radeaux, les propriétaires reçoivent un dédommagementà raison de la perte du droitde pêche, concède
aU,contr'aire, par son article 35, le marchepied nécessaire à l'usage de la pêche, sans son mettre les pêcheurs àd'autre obligation que celle'de traiter Je gi"é
à gré avec les riverains à l'égard des terrains dont ils
auront hesoin ponr retirer et asséner leurs filets;'
qu'enfin l'article 3 du ,décret du 22 janvier 1808
ne s'occupe exclusivement que des cherÎlins de'halage, lorsqu'il allone une indemnité à ce sujet.
Aïnsi, loin qu'on puisse argumenter 'de ce qui
se pratique en fait de chemins de halage, POtll·'
soutenir qu'il doit être pareillement dû une indemnité à raison dn marchepied de flottage, il faut dire
au contraire que, l'indemnité pour l'établissemcnt
des premiers n'étant cxigible que par la raison que
la loi l'a expressément déclaré eu égard à leur grande
importance, il n'cn peut être réclamé ~oUl'le se~
�666
TRAITÉ
cond bien moi~s onérepx et à,l'égard duquel aucune co.ndilion de cette natl1re,n'a été imposée Ca).
1207. ,Mais lespropriétair~sriveJ:ains,s,ansdroit
à. une i~demnité à raison du passage exer;cé sur
leurs fonds pOUl' soigne,' les flOUes' à bûche,s perdpes, pourraient-ils en prétendre une pqur l'exercice en lui-même de cette cspèce de navigation r
Cette question doit recevoir encore une sollltion
_ négative, en çe que le droit de navigation, quel
qu;il soit, ne peut jamais être perçu qu'à titre d'inlpôt et dès-lors au profit d~l trésor public, par la
raison que l'eau courante n'appartenant il ' personne, Son ns~ge ne saurait être loué ou donné à
ferme par des particulicrs, qui n'ont aucun droit
de propriété privative sur un élément fugitif l~ur
~chappant \lussitôt qu'il est paryc~u' vis-à-vis de
leurs fonds. Il serait d'ailleurs impossible d'établir
un aussi grand nombre de cotisations individuelles;
et s'il fallait en v,euir Iii. , le flottage deviemlrait absulument impraticable.
Il fant même remarquer qu'en thèse générale le
gouvernement ne doit percevoir aucun tribu~ pOlIr
l'exercice du flottage à bûches perdues, attendu
qu'il n'est point dans l'usaged'entretenir,etsurtout
à ses frais, les petites rivières ou les ruisseaux sur'
lesquels ce mode de transport s'exerce.
(a) L'auteur émet déjà, au nO 871 suprà, la' même opinion
pour le marchepied ~e long des fleuves ou rivières de grand flottage; mais voyez la note sous ce numéro, page 214 du présent
volnme, ainsi que le décret du 14 jan.vier 1810 qui y est cité.
�DU DOMAINE l'UllLlC.
667
Nous disons en thèse générale ~ parèc qu'il
peut. y avoir des localités où son importance
'lOi't t'elle que, pour le faciliter, le gouvernement
doive p..endre des m.esures analogues à celles qui se
pratiquent à l'égard des rivières de grand flottagé.
C'est ainsi qu'on trouve le droit de navigation établi
par le décret daté de Varsovie le 25 janvier 1 ~07 ,
, pOlll' le flollage à bûches perdues qui a lieu sur les
ruisseaux et canaux qui coulent dans 1; vallée de
Ne,llstadt (1).
'
Sous le 'règne de la féodalité, et qüand les seigneurs étaient en possession de l'usage des divers
cours d'eau flottables, ils imposaient bien des droits
de péage nux marc~ands qui y pratiquaient le flot- .
tage de leurs bois;' ~ais depuis la révolution de
1789, ce droit seigne'mial a d~sparu comme tous les
autres.
1208.' Cependant, lorsque, pour favoriser le
passage d'une flone, il el"t nécessaire d'arrêter Jè
mouvement d'un moulin légalement établi~sur la
rivière, le meunier peut exiger une indemnité de
1
, chômage, èt son droità cet égard est fondé non·
seulemc'nt sur l'equité, mais. encol'e SIlI' lé texte
formel des lois tant anciennes que nouvelles.
L'article 45, titre 27, de l'ordonnance <i.e 1669,
statue SUI' ce point d,ms les termes suivànts :
Régl<;ms et fixons }-e 'eh'ômage de chacun») moulin qui se trOll vera établi sur les rivières
C(
.(1) Voy. ce décret au bull. t. 6, p. 35, 4' s~rie.
�668
'1'lW1'É
navigahles et flottahles, avec droit, titre et con·
) cession, à quarante sous pour le temps de vingt» quatre heures, qui seront payés aux propriétaIres
» des moulins, ou leurs fermiers ct meuniers par
» ceux qui causeront le chômage pour leur nayi;) gation etjlottage, faisant très-expresse défense
» à toutes personnes d'en exiger davantage, ni de
» retarder en aucune manière la navigation et le
;) .flottage, à pei'ne de mille li~res d'amende, outre
» les dommages et intérêts, frais et. dépens, qui
~ seront réglés par nos officiers de l'naîtrise, sans
)) qu'il puisse y être apporté aucune modéra» tion. ,)
On voit par là que l'indemnité n'est accordée
qu'en faveur des moulins fondés en titre, parce que
la loi ne doit sa protection qu'à ce qui est licile 'ou
légal (a).
1209. On voit également qu'elle n'est fixée
qu'à raison du chômage occasionné par le passagè
des flottes de bois; qu'en conséquence, si le roulement du moulin avait cessé par suite de quelques
travaux entrepris, même par le gouvernement,
dans le lit de la rivière, il faudrait recourir à une
expertise pour estime~ le dédommagement du meu»
(a) Idem, ordonnance de 1672, ch. 17, art. 13; -arrêt du
Parle~ent de Paris du 30 décembre 1785; - M. Dupin, Code
du commerce. de bois et'de charbons, p. 552.
On .verra inji'à, nO 1224, qu'il en est autrement de la répar~tion des dommages causés par une flotte à une usine non au-
torisée.
�DU DO'MAINE PUBL1C.
669
nier: car autre chose est un chômage qui peut ne
durer que quelques moments à raison du passage"
cl'unè flotte,; et autre chose est celui qui peut se
prolongel" très-longtemps à cause de travaux dont
le terme est indéfini: c'est pourquoi la disposition
de la loi spéciale pour l'une des espèces ne pourrait
être appliquée à l'autre sans blesser l'équité, et
nlême sans violer le texte de l'ordonnance•
. 1210. L'estimation de l'indemnité pour chôm,age durant le passage des Hottes avait d'abord été
réglée aquarànte ~ous par jour de chômage de moulin, quel qu'elùoit d'ailleurs le nombre des roues,
par l'oraonnance de 1672, qui paraît avoir été
principalement Tendue pOUl' faciliter les approvision nemcn'ts de Paris (1); mais le' chiffre en .a -été'
élevé aü double par l'article 1 er de la loi du 28 juil:'
let 1824 (2), statuant que cc les d.'oits réglés par
» les articles 13 et 14 du chaflitre 17 de l'ordon» nance' du iuois de décemhre 1672 serout pOl,tés
." à quatre francs, au lieu de qual'ante sous, pour
>,' chômage d'un 'moulin pendant vingt'-quatre
>; hetireir, 'qll:el qùe soit le nombre des tournants. "
1211. Cette indemnité étailt 'fondée sur le
dommage calisé aux, intérêtsrprivés du meunier,
doit-on dé,cider, par identité de. motifs , qu'elle se'rait due aus'si et que le.' taux en serait lemêine
potîr le chômage dè to'u'te autre espè'ce:' d'usine
ayant une existence légale?
, (1) Voy" dans le répertoire, aux mots cMmage et flottage.
(2) Voy. au bullet. t. 19, p. 67, 7' série.
�67&
Tl\AIT-É
'Bien certuineme'nt il est dû une indemnité pou"r
le chômage de toutes sortes d'usines fondées en'
titre, attendu que partout on doit "épurer le dom'mage causé à autl'Ui; mais, comme les lois et ordonnances qu'on vient de rapporter ne parle'nt
spécialement que des moulins, dont le roulement
exige ordinairement peu J'ouvriers, et conHue
d'autre part le chômage des grandes tisines, telles
que les .forges et fourneaux, est d'une tout autre
importance, en égard au nombre des ouvriers etr
aux grands approvisionnements qu'elles exigent,
ainsi qu'aux avaries que la suspension de travauX:
pellt causer' dans les objets. qui sont en cours de
fabrication, il nous paraît que l'on ne devrait pas
s'en tenir à la modique indemnité spécialement
fixée pour,les moulins, et qu'il y aurait lieu à faire
_ régler en justice ordinaire, contradic~ojrement
avec le flollcur, le montànt du dédommagement (a).
(a) Les contestations qui peuvent s'élever eiltre les flotteurs
et les propriétaires d'usines sur la fixation de l'itldemnité réclamée par ces derniers, soit pour chômage de moulins (nO' 1208
et suiv, , suprà) ou autres usines (nO 1211). soit pour dépôts
de Lois de flottage (nO 1213 infrà), sont·eIles du ressort des
conseils de préfecture ou des tribunaux ordinaires?
Si le chômage ou les dépôts de matériaux avaient pour cause
des travaux enlrepris par l'administration, il n'y a pas de doute
que la juridictio'n administrative serait seule compétente; il en
serait encore de mêmè s'il y avait refus de la part des riveraIns
de so~ffrir le passage ou les d~pôts , parce qu'il y aurait entraves apportées à un service public que l'administration doit
protéger; mais lorsque la difficulté ne porle (flle sur le quantum
�DU DOMAINE l'UBue.
671
-1212. .Une autre question consiste il savoir si
Je réglcment d'indemnité de ehômnge fixe par la
loi dn 28 juillet 1824, est applica,hle dans tout le
royaume, on s'il est spécial aux moulins situés sur
les cours d'ca'\] affluant à la Seine.
M. Garnier- dé~ide que c'est dans ce dernier
sens qu'on doit entendre la doi du 28 juillet, et
voici en somme ses motifs:
La loi du 28 juillet 1824 dit expressément, dans
sQn arlickpremier ,.que ie.s droits réglés par les
articles d.et '14 du chapitre 17 de l~ordon
·nalJ.(:e du mois de décemore 1672 seront portés
au tloljble.; or cette ordonnance, rendue princi,
paIement. dans l'intérêt desapprovisionnemenls de
.Pa6s, ,ne. s'était occupée que lle l'indemnité du
"
de,I'JI}.demnité, on doi,t oire que les tribunaux ordinaires doivent seuls en connaître. Vainement prétendrait-on qu'il s'agit
ici d'un dommage causé à l'occasion d'un service public, et que
les flotteurs doivent être assimilés à des agents ou entrepreneurj;
de l'administration pour les faits desquels il y a attribution aux
conseils de préfecture par les art. 4 de la loi du 28 pluviôse an'
VIII. et 5 de l'arrêté du 7 floréal an IX; en réalité l'administra'tion est ici complétement désintéressée; les flotteurs ne peuvent,
sous le prétexte qu'ils n'ont fait qu'exécuter ses ordres, exercer
un recours contre elle. Il faut donc reconnaître que le litige
n'a qu'un objet d'intérêt purement privé (Arrêt de la Cour, de
casso du 18 novembre 1823. --Sirey, 24-1-219). Concerneraitil même le trésor, que la décision n~ serait point différente dl}
momènt que le tarif est inscrit dans la loi, car ce sont les tri-;
bunaux qui .ont la mission i1'appliquer les tarifs, ainsi qu'il a
été jugé cn matière de contributions indirectes par un arrêt d~
Conseil d'état du 21 juin 1826.
�672
TRAITÉ
chômage des moulins situés sur la Seine et ses affluents: donc c'est seulement à leur égard que les
législateurs de 1824 ont voulu augmenter l'indemnité du chômage; donc, dans tout le surplus de la
France, on doit encore s'en tenir à la laxe généralement réglée par l'arlicle:45, titre 27, de l'ordonnance de 1669, rapporté ci-dessus.
Ce raisonnement est assurément très-spécieux;
mais, quand nous considérons que la disposition
de l'ordonn'ance de 1672, sur cette estimation de
.chômage, n'est que la reproduction et pour ainsi
dire une nouvelle proIDulgaLÎon de l'ordonnance
.de 1669, etque dès·lors eUes se confondent; quand
nous considérons que tous les meuniers doivent
naturellement jouir de la même protection des lois;
que le prix des choses s'étant partout élevé dans
la même proportio.n depuis 1669,J'équité demande
'partout la même augmenlation dans les indemnités
de chômage; quand nOllS consi~érons. enfin q~e
celle indemnité est encore extrêmement faible
quoique tloul,>1ée, ,nous nepollvollS nous défendre
9'adopter l'opinion contraire à celle de M. Garnier,
et de décidel' que la)oi du 28 juillet l~b4,doit recevoir son exécution dans loutle royaume Ca).
(a) Dans le coU:r~ dc la disc}lssitm de la loi du 28 juillet 1824
à :la Chambre des pairs, le directeur des ponts et chaussées,
c~mmissail:e du ~oi, exposa que l'ordonnan~e de déce'mbre 1672
et par conséquënt la loi nouvelle n'étaient applicables qu'au
co~merce d.es bois destinés à l'approvisionnement de Paris, et
que partout ailleurs 'l'art. 45; tit. 27 de l'ordonnance de 1669,
�673
DU DOMAINE PUllLIC,
1213. UN AUTRE point qui peut encore do~ner
lieu à une question d'indcmnité, est lc dépôt des
bois destinés au flottage.
Ces bois ne se jetant pas cp rivière au fur et jt
mesure de l'arri véc des voitures qui tes amènent, il
fàut préalablemcnt les amassel' et les déposer sur
les fonds riverains jusqu'à ce qu'on puisse tes lancer
sirnullanément à flot.
Si la coupe en a été nOllvellement faite, il faut
en outre les laisser dans le chantier jusqu'à ce qu'ils
soient devenus assez légers, par la dessiccation,
.pour qu'on soit assuré qu'ils sUl'l1ageront au lieu de
s'enfoncer. Enfin les inconvénients de l'entrepôt
p_cuvent encore être singulièrement aggravés pal' la
prolongation de sa durée provenant de circonstal~ces même indépendantes de la volonté dn flotteur, puisque d'une part on est obligé d'attendre la
crue des eaux; ct que ,l'un autre dhé, suivant les
fixant l'indemnité à 2 f. , conservait son empire. Un arrêt de la
Cour de cassation 'du 27 juillet 1808 (Sirey, 9-1-374) avait
précédemment déclaré, illégale toute évaluation faite par les
tribunaux au-delà de 10 sols par jour.
S'il existait, entre les flotteurs et les usiniers des conventions
qui fixeraient l'indemnité ù un taùx moindre que celui de l'ordonnance et de la loi, ces traités, quelqu'onéreux qu'ils fussent.
devenus par suite des changements dans la valeur du numéraire,
devraient être encore aujourd'hui exécutés. L'art. 13 de l'oi-·
donnance de 1672 portait Mià que les marchands n'étaient
pas tenus de payer d'après le tarif qu'elle étoblissait, [orsqu'iiJ
étaient en possession de payer moindre somme; auquel calsem payé sui"ant l'ancien usage.
'f01l1. Ill.
43
�674.
1'!lAITÉ
règles de la police du flottage, pour mettre en rivière une flotte à bûches perdues, il faut avoir
obtenu de l'administration l'usage des eaux durant
un te~ps donné; et, s'il y ,a -plusieurs flotteurs,
ils ne doivent l'avoir que successivement, pour
prévenir les désordres qui naitraient du mélange
des flottes lancées simultanément. Or ne serait-il
dû, à raison de ce dommage, aucune réparation
anx propriétaires qui l'éprouvent P
Cette question est sans difficulté, puisque les lois
l'ont rés91ue en fixant elles-mêmes l'iudemnité en
. ce cas. ,
L'ordonnance de 1672 n'avait porté à cet égard
-qu'une estimation très-faible, suivant la valeur des
-choses dans les temps passés; mais la loi du 28
Îuil1et dh4 l'a fixée à dix centimes par corde (ou
{lemi-décastère) de bois empilée sur une terre cp.
labour, et à quinze centimesqlland Je fonds est en
nature de pré; et lorsque les piles ne sont pas élevées à la hauteur ,prescrite par l'art. 15 du chap. 17
de l'ordonnançe (2 mètre 60), l'indemnité doit
. être payée pour les couches incomplètes à l'aison
de là qua~tité de cordes qu'elles eontiendraient si
elles étaien t à ladite hauteur (1.); dernière disposition qui nous porte à décider, par identité de motifs,
que l'indemnité devrait être double si le dépôt cl tlrait deux saisons au lieu d'une seule.
Ces règles législatives ,sur l'indemnité due aux
(1) Voy. au bull. t. 19, p. 67, 7· série.
�DU
DOllIAL~E
PUBLIC.
675
propriétàir'es riverains à raison des dépôts de bois
supposent que ceux-ci sont obligés de les souffrir,
et qu'ils ne pourraient empêcher les flotteurs de les
fàire, attendu que la facullé du flottage est de droit
public.
1214. Si pal' l'effet du transport par voilUres
des Lois de la floue, il était causé du dommage sur
les terres voisines, il en serait dû aussi une indemnité, à moins que le flotteur ou le propriétaire de
. ,a cet egal'(
,
1 l' usage J' une servItu
. de
" n ,eut
1a foret
légalement établie.
1215. Ici se représente encore une question
semblable à celle que nous avons examinée cidessus, consistant à-savoir si, de même que pour le
chômage des usines, la loi du 28 juillet 1824 est
applicable dans tout le royaume quant à la taxe
oe l'indemnité duc pour l'entrepôt des bois sur les
fonds voisins du cours d'eau.
Comme l'ordonnance géDél'ale de 1669 ne contient aucune disposition à ce sujet; que celle de
1672'.. qui la première avait fixé l'indemnité des
propriétaires des fonds riverains à Un sou par c~l'de
empilée SIH une terre en labour, et à dix-huit de·
niers sur celle en pré, ne paraît avoir été reudue
qu'en vue du flottage destiné aux approvisionnements de Pal'is; que la loi du 24 juillet 1824, qui
est venue y dél'ogcr en doublant la taxe d'indemnilé, ne constitue qu'une simple modification à
celte dernière ordonnance, ct par conséquent doit
Lomer SOIl empire à l'arl'Ondissement que celle-ci
o
�676
régissait; qu'enfin il u'existe aucune loi générale du
royaume sm' ce point, nous estimons, avec M. Ga 1'- ,
nier, que la loi de .1824 ne doit être ici regardée
que com::ne dérogatoire à l'onlonnance de 1672-;
que dès-lors il n'y a que le flottage exercé sur la
Seine et ses affluents, pour les approvisionnerneuts
de la capitale, qui soit soumis à celte taxation
légale ~ et que, pour toutes les antres parties de la
France, l'indemnité doit être fixée d'après les règles du. droit commun.
1216, LES CIRCONSTANCES dont nous venons
de nous occuper ne sont 'Pas les seules dans lesqnelles les prupriétaires riverains puissent ressentir quelques incommodités du flottage qui s'exerce
sur une rivière.
Si, par exemple, une flolle lancée dans le cours
d'eau sc. trouve portée au loin SUI' les fonds de la
contrée par l'effet d'un débordement subit; ou
si., brisant les arrêts du port, elle est jetée c'ont re
les vannages d'une usine ou contl'e d'autres édifices, ou dans des hérit:,1ges en clôture, l'article 2
d'un arrêté du 7 floréal an IX, qui ne contient que
l'expression du droit commun, veut qne les bois
ainsi emportés puissent être c< repris par les mar". chands et propriétaires, leurs commis ou p,'épo». sés, Slll' les îles, tClTes, prés, jardins, fossés et
»- autres héritages, moulins, écluses, ponts, van»J nages, pertuis et lieux circon voisihs, francs ct •
». quines de tous dommages et intérêts ou indem». nité que pourraient prétendre les propriétaires
�DU DOMAIl'"E l'VIlLIe.
677
,,: d'héritages et édifices sous prétexte de dégâts,
» dommages et ruptures que pourraient avoir sOl1f» ferts leurs possessions, attendu l'évènement de
» force majeure (a). »
1217: Ce qu'on dit ici des hois d'une flotte
doil, par identité de motifs, êlre entendu aussi de
tous aulres effets entra1nés par la violence du courant dans les cas d'inondation ou de débâcle; mais,
quoique le propriétaire puisse alors revendiquer
ses hois ou autres eff<~ts sans payer les dommages
causés par l'impétuosité des eaux, si, en les enlevant, il occasionnait de nouvelles dégradations au
fonds où il va les reprendre, il serail ten u de les
réparer: De his autem quae vifluminis importata sunt ~ an interdictum dari possit quaeritur.
Trebatilts rtifèrt ~ cùm Tiberis abundasset ~ et
res mullas multorum in aliena aedificia detulisset~ interdictum à practore datum ~ ne
vis fieret dominis quominùs sua tollerent~
aziferrent ~ si modà damni infecti repromitterent(l). La raison pour laquelle celte seconde espèce d'indemnité est due, c'est que le dommage
qu'elle doit compenser n'est plus l'effet de la force
majeure, mais l'œuvre de l'homme (b).
Ca) Beaucoup d'anciens édits et de sentences du bureau de
la ville de Paris, rapportés par M. Dupin dans son Code du
.commerce de bois et de charbons J notamment celle du 18 mars
1760, p. 335, avaient déjit posé cette règle très-juste.
(1) L. 9, § l, ff. de damna infecta J lib. 39, tit. 2.
(b) Le propriétaire dont les bois ou autres objets ont été en-
�678
l'IIAITt:
1218. Soit que les bois jet~s à flot dans' la rivière en suivent le cours, soit que, par quelque
tratnés, est admis à les revendiquer pendant trois ans, conformément à la loi 5, § 4 , ff. ad exhibendum, et à l'art. 2279 du
Code civil, à moins qu'il n'ait été mis en demeure par le propriétaire du fonds sur lequel ils ont échoué, de les enlever dans
un plus court délai, et qu'il n'llÎt laissé écouler ce délai sans
les reprendre.
Dans les cas, où aueun propriétaire ne viendrait revendiquer
les objets- ainsi entralnés par les eaux, ou encore dans celui où
la personne qui se présenterait ne pourrait pas justifier de son
droit de propriété, ces objets devraient appartenir au maltre du
fonds où ils sont déposés, ct non au premier occupant, comme
le décidait le Droit romain, parce que chez nous les rive!! desfleuves ne sont point publiques, mais forment des propriétés
privées.
Contre l'avis de 1\1. Proudhon, qui décide d'une manière générale que celui dont les bois ont été entralnés par une inondatioD peut le~ reprendre sans payer d'autre dommage que celui
causé par le fait de l'enlèvement, M. Daviel dit, au nO 175 du
_Traité de la pl'atùjue des cours d'eau, que le maître de la chose
..enlevé\, n'est affranchi Je la réparation du dommage qu'elle a
causé, qu'autant qu'il l'abandonne ; mais que s'il la revendique,
il doit réparer le préjudice occasionné non-seulement par l'enlèvement, mais aussi par l'apport. Nous ne saurions partager cette
opinion; celle de M. Proudhon nous parait préférable, en ce
que, dans un ,accident semblable, résultat de la force majeure, aucune 'des parties ne doit de garantie à l'autre, et que
chacune doit supporter la portion de dommage que le hasard a
mise à ia charge.
Seulement, celui qui veut reprendre sa chose doit l'enlever
en totalité, et il ne pourra, parmi les débris, faire un choix de
ce qui aura quelque valeur, et laisscrle surplus sur place (L. 7,
§ ult.• et 1. 9, §§ l , 2 et 3 , ff. de damna infecta).
�679
DU DOMAINE l'UBLIC.
débordement, ou quelque débâcle arrivée Jans les
arrêts du port, ils aien t été entraînés sur les terrés
ùes environs, il est également défendu à toute personne de se les approprier, et ceux qui les ont recueillis sont obligés d'en faire leur déclaration devan t les administrations locales, à peine d'être
poursuivis conformément aux lois relatives à la répression des délits cn matière criminelle et correctionnelle (1); et, pour prévenir plus sûrement
toutes soustractions de ces bois, les inspecteurs de
la navigation ou gardes de rivière commissionnés et
, sont aulonses
·"
1el' a'd es reassermentes
a 'proeel
cherches ct perquisitions domiciliaires, en se faisant accompagner d'u11 officier, agent ou adjoint
municipal, ou d'un commissaire de police, pour
découvrir ceux q ni auraien 1 été soustraits on cachés,
et en dresser leurs pl'Ocès-verbaux comme lorsqu'il
s'agit de bois volés en forêt (2).
Mais 101'sque les' particuliers n'ont recueilli les
bois que pOUl' les soustraire au ùanger, le propriétaire, en les réclamant, est ohligé de payçr les frais
de sauvetage et de transport en lieu de sûreté, et
cela est de toute justice. (3).
(1) Voy. l'article -4 du
m~me arr~té ci-dessus
indiqué.
(2) Voy. l'article 1er de l'arr~té du 26 nivôse an v, bullet.
103, t. 3, 2e série, comparé avec l'arr~té du 4 du m~me mois,
ihidem, bullet. 98. - Voy. aussi l'art. 18 du décret du 25 janvier 1807, bull, t. 6, p. 38, 4e série.
(3) Voy. l'article 7' du décret du 29 mai 1808, bullet. 1. 8,
p. 340, 4e série.
f
�680
l1\AlTÉ
1219.
Au reste tons les débats qui peuvent s'élever par rapport à l'exercice du flottage à bûches
perJues sur les petites rivières, à raison des dép8ts
de Lois destinés à être flottés; des dégradations des
terres environnantes; du chômage des usines pendan tles passages des flottes; du mélange Je flottes
qui, nppartcnant à plusieurs maîtres, anraient été
simultanémt'nt lancées en rivière; de la reprise des
b.ois emportés par le torrent des caux; en un mot,
des diverses circonstances rappelées ci-dessus, et
autres semblables, doivent être portés en justice
ordinaire, attendu que, dans tons ces cas, il ne
s'agit de statller que sur des intérêts privés, et que
les conseils de préfecture, connne j Ilges du contentieux administratif, ne peuvent connaître que des
causes qui ont un intérêt puLlic pOil\' objet (a).
1220. Il en est de même encore des demandes
qui seraient formées de la part Jes propriétaires
d'usines, pom' dommages causés à leurs établissements, quand les flottes lancées en rivière viennent
se heurter contre les éd uses oules vannes de leurs
moulins, et y callsen t des dégradations: parce qu'il
n'y a toujours là en jeu que les intérêts privés du
meunier et du flotteur, et que l'état est absolument sans intérêt Jans le litige (6).
(a) Voy. le nO 138 et la note sous le nO 1211(h) Voy, sur cette question de compétence, un arrêt déjà
cité de la Cour de cassation du 18 novembre 1823 (Recueil de
Sirey, 24-1-219, où est rapportée textuellement une ordon-
�DU DOMAINE l'VELle.
681
1221. Mais, en ce qui touche à ces sortes d'actions, qui sont ordinairement d'nne grande importance, nous n'aurions rempli qu'une partie de
notre tâche si nous nous bornions à indiques' la
compétence de l'autorité 'devant laquelle elles doivent être portées: il fant allssi parler des moyens
de résoudre lps difficultés qu'elles comportent, et
. firequemment
'
, '1 ever d ans 1es 1oca l"ltes
qu ,on VOit
sc
où s'exerce le flottage à bûches perdues.
Quant nu fond, et dans les cas de plaintes pour.
dommages causés à des vannes 011 écluses, il faut
spécialement fixer son attention, non sm'la cause
immédiate des dégradations alléguées, mais bien
sur la question de savoir si le flotteur, ou les ouvriers dont il est responsable, se seraient rendus
coupables de fautes positives et assez graves pOllr
appeler sur eux la garantie des évènements.
En cas d'affirmative, nul doute que le proprié.
taire de la flotte ne doive être condamné à réparer
les suites de ces fautes, parce que telle est la règle
du droit commun.
Si au contraire le dommage parait n'avoir été
causé que par le choc des bois, comme on doit toujol1l's le présumer, tanl qu'on ne démontre pas qu'il
ya en faute, aucune réparation ne peut être prononcée, parce qu'on ne doit le considél'er qne
nance de l'intendant de Limoges du 22 avril 1788, concernant le flottage et les réparations des digues sur la rivière de
Vienne).
�682
TRAITÉ
eomrile un' résultat de la force majeure, ainsi que
le décide l'article 2 de l'arrêté du 7 floréal an IX,
rapporté plus haut (1).
En effet, d'une part ilfaut bien remaI;quer que le
fait de lancer une flotte en rivière ne constitue ni
faute ni injustir.e envers personne, puisqu'il s'agit
de l'exercice d'un droit public, conformément à la
destination des choses: Is qui jure puhlico uti-
tur, non videtur injuriae jaciendae causd hoc
facere : juris enim executio non hahet injuriam (2), et que c'est une règle génél'ale qne ceilli
qui ne fait qu'user d'un droit que la loi lui accorde
ne pent, quelles que soient les suites de son acte,
être réputé agir d'ulle lIla11ière dommageable pour
autrui, ni encourir de responsabilité: Nemo dam-
numjacit, n~si qui idfecit quodfa cere jus non
hahet(3). Ainsi, et jusque-là, il n'y a évidemment
aucun reproche à adressel' au flotteur, quoique sa
flotte soit devenue accidentellement la callse matérielle de quelque dégât. .
D'un autre côté on doit encore considérer que
le bois mis en rivière n'ayant, surtout dans le flottage à bûches perdues, d'autre guide immédiat que
le courant, ne fait plus qu'un même tont avec l~
corps de la rivière, dont l'action né peut êtl'e soumise à la garantie de personne: Aquarum mag(1) Voy. sous le nn1216.
(2) L. 13, § 1 , If. de injuriis, lib. 47, tit 10.
(3) L. 151, If. de regul. jur.
�DU DmI.-\INE PUBLIC•
683
.,ûtudines à lzemine praestantur (1); qu'il n'est
pas même nécessaire qu'il y ait débordement ou
granJe crue des eaux pour que les dégâts survenus
soient réputés être l'effet de la force majeure: P"is
Jlumirûs ètiam sine tempestate accipienda
est (2), parce que les dommages de ce genre, élant
toujours r.a usés par les élémen ts, son t l'œuvre de la
na ture, el non celle de l'homme.
1222. Il Y a plus, c'est que, jusqu'à I1n certain
point, le propriétaire de l'usine peut être considéré
comme ayant contribué à produire les ùommages
dont il, se plaint, puisque c'est 111i, et non la
nature, qui l'a établie dans le lieu où cHe se trouve;
01' quiconque se place volon~airement dans un endroit périlleux ne peut s'en prendre qu'à lui·même
lorsque son choix fait avec imprévoyance lui devient
'lluisible:; Qui in Loco periculoso se commiserit
de se queri debet(3).Si l'Être suprême, destinant
tout aux avantages de l'homme, lui permit d'user
des éléments pour les asservir à ses besoins, ce n'est
toujôurs qu',à condition qu'ils resteraient soumis
aux lois immuables qu'il leur a imposées; le meunier ne peu t donc arrêter les fla ux pour les diriger
Slll' les roues de son usine, qu'à la charge de Sllp~
(1) L. 23, fI. de regul, jur.
(2) L. 2, § 7, ff. si quis cautionibus in judid, lib. 2, tit.
11.
(3) L. t t , fI de lege aquiiL'â, lib. 9, til. 2.
�684
l'ltAlTE
porter les effets Je leur impétuosité sans pouvOIr
s'en prendre à personne Ca).
(a) Voy. à cet égard l'art. 3 de l'arrêté du directoire du 9
ventôse an VI , bullet. 189, nO des lois 1751 , t. 5, 2" série.
Cette décision est susceptible d'être contestée, et aussi' estelle critiq née par lVi. Daviel (Traité de la pratiq. des cours
d'ean, nO 306), qui fait remarquer que le droit d'établir des
usines sur les cours d'eau est aussi naturel que celui d'y faire
flotter des bois; que l'un ne doit pas prédominer sur l'autre;
que l'on ne saurait assimiler aux dégâts causés par les grandes
eaux les dommages occasionnés par les flottes, parce que ce n'est
pas suivant une loi immuable de la nature, mais par la main
de l'homme, que les eaux d'une rivière sont chargées de bois, et
qu'il est de toute justice que le floUeur réponde des dégâts auxquels donne lieu son ouvrage; - que si les intérêts des propriétaires d'usines étaient entièrement subordonnés au service du
flotlage, parce que la nature n'a pas construit les llsineJ, on ne
comprend pas comment ces propriétaires pourraient réclamer
des indemnités de c~ômage, et encore moins pourquoi, du
moment que la législation leur en accorde dans ce C'lS, on leur
en refuserait pour celui bien plus onéreux de dommages causés
aux artifices de leurs établ issements.
On peut cependant répondl'e en faveur de .l'opinion de
M. Proudhon, que les deux droits de flotter et d'avoir des
usines, dérivant pareillement de la loi, doivent être égaux et
jouir de la même faveur; que s'il est avéré qu'aucune faute n'e"t
:imputable soit au flotteur pour mauvaise direction de sa floUe,
soit à l'usinier pour vice de disposition de ses barrages ou
trop petite ouverture de leurs débouchés, il faut considérer le
dommage survenu comme un cas de force majeure, dont les
conséquences doivent être supportées par celui qui l'éprouve,
sans recours contre personne; que si le maltre d'usine a droit â
une indemnité pour chômage pendant le passage de la flotte,
c'est parce qu'une loi positive l'a ainsi formellement déclaré
.J
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
685
"1223-. Cette doctrine"est parfaiteiuent d'àccord
avec la pratiqne judiciaire dans les matières semblables; car, ponr obtenir la réparation d'un
dommnge, on exige que l't'xislence en soit préalabh~lJIent constatée; mais, pOllr l'apprécie .. au juste,
il faudrait connaître l'état où était précéJemment
la chose lésée: il faudrait donc des reconnaissances
comparatives faites avant et après le flottage, à
moins flue le bon état des lieux n'eût été évident
par lui.même, ce qui doit être "rare. Or la recon.
naissance préalabl-ede l'état de toutes les usines qui
peuvent être sur une rivière flollable serait une mesure impossiLle à pratiquer cntrc les divers flottéurs et chaque propriétaire: d'où il résultc que le
système contraire au n8tre aurait encore l'inconvénient d'eiüraîner dans son eX"écuLÏon des difficultés sonvel}l insnrmontables Ca);
en en fixàrit d'ailleurs le chiffre à un taux très-bas, mais que
l'on ne pcut argumenter dé ce cas qui est prévu à un autre qui
ne l'est pas, et qui dès-lors doit rester sous l'empire des règles
générales; q,j'enfin, dc même que le meunier ne doit pas répÔlldre de la perte du bois que l'existence de SOli moulin aurait
pll déierminer eri le faisant dériver dans la plaine inondée, de
m"ême aûssi le flotteur ne saurait être assujetti à réparer le
dommage oCl:asionné aux vannages ct éclu~es par sa flotte.
(a) Cependant les art. 11 ét 12, chap. 17 de l'ordonnance de
1672, veulent qu'avant de jeter leur bois en rivière, les flot- "
teurs fassent dresser, contradictoiremént avec les propriétaires
d'usines et d'écluses, ou eux dûment appelés, procès-verbal de
l'état des artifices extérieurs de ces ouvrages, et après le flot
passé en fassent faire un i'écolement également contradictoire;
�686
TRAITl~
1224. Mais si nous revenons à l'hypothèse où
llOC faute serait imputée au flotteur ou à ses agents,
cl où par conséquent il doit être en génét'al soumis
à une ):esponsahilité d'après les principes du droit,
n'y a-t-il pas lieu à faire une exception pour le cas
où l'usine n'aurait pas été légalement autorisée; et
Je flotteur ne pourrait-il pas se prévalait' de cette
absence de titre, ponr demander que le meunier
fût déclaré nOll'rrecevable dans son action en
dommages et intérêts r
Pour l'affirmative, on dira que le meunier, en
exploitant une usine illégalement établie, est luimême chaque jour en flagrant délit, et qu'une
chose qui est illicite ne peut être le fondement
d'aucnn droit pour celui qni en est le détenteur,
parce que le droit ne pent être fondé que sur la
justice; que c'est ainsi, et par une conséquence des
qne lorsqu'à la visite il paraît qu'il yà des réparations à fai~e aux
pertuis, elles soient exécutées immédiatement soit par les pro-'
priétaires, soit après une constitution en (lemeure de cenx.-ci,
et à leurs frais, par les agents du commerce des hois.
A défaut de la visite préliminaire, les propriétaires de pertuis
peuvent refuser le passage aux flotteurs, ou hien , s'ils laissent
passer le flot, ces derni~rs seront tenus de payer toutes les réparations qui pourront paraître nécessaires ensuite, -sans' pouvoir prétendre que les dégradations existaient auparava_nt.
(Lettre du directeur général des ponts et chaussées au préfet
de la Nièvre, du 29 octobre 1807, rapportée par lVi. Dupin dans
son Code du commerce de bois et de charbons, pag. 758.)
Le principe de la responsahilité des flotteurs est posé dans un
arrêt du Conseil du 7 septemhre 1694.
�DU DOMAINE PUBLIC.
68'1
mêmes principes, qu'il n\lst dû aucnne indemnité
de chômnge au meunier non fondé en titre, lorsque" par rapport au passage d'une flolle , le roulement de son usine est interrompu.
Nonobstant ces raisonnements, il faut repousser
la fin de non-œcevoir, parce qu'une usine, construite même sans la permission du prince, n'en est •
pas moins la propriété de son mallre, qui peut
tOllfours obtenir de la part de l'administration publique l'au torisation de la conserver, N parlà se procurer l'équival<:lot du titre primitif qui lui manque;
que, si le gouvernement peut, !orsque l'usine est
reconnue nuisible·au flollage, en ordonner la déJUoliLion', c'est une faculté qui n'appartient qu'à
lui, à raison de ce que lui seul est juge de ce qui
convient au service public de la rivière, et que,
tant l}u'il en permet l'existence et la laisse dans la
poss~ssion de son maître, c'est une véritable propriété que tout particulier, flotteur ou autre,
doit respecter, en s'abstenant de voies de fait tendant à la dégrader.
Ainsi, loin que le flotteur soit fondé à opposer
'à la demande du meunier une fin de non· recevoir
fondée sur l'illégalité de l'existence de l'usine, c'est
au contraire lui qui serait non-recevahle à opposer
celle illégalité, tant que le gouvernement croit de~
voir souffrir l'établissement et s'abstient d'en ordonner la démolition Ca).
(a) Vaslin, sur l'ordonnance de 1681 (de la Compétence~
art. 6), enseigne également que les navigateurs qui, par leur
�688
l'lUtTÉ
Vainement on essaierait d'assimiler ce cas ~ celui
où le meunier, non fondé en titre, prétendrait
néanmoins exiger une indemnité de chômage: car
cette dernière réclamation u'estfondée snI' au~une
faute C91l1mise par le flotteur; elle a seulement
pour canse l'impossibilité momentanée de faire
concourir le service public de la rivière avec le
roulement de l'nsine : d'où il résulte que si le
monlin n'a qu'une existence illégale, ce service ne
doit point en souffrir, et pas même snpporter la
charge J'une indemnité de chômage, attendu qne
le meunier s'y est volontairement exposé; mais au,
contraire, dans la présen te hypothèse, le dommage
éprouveS est le résultat d'une faute commise par
ceux auxquels on l'impute: il faut donc qn'ils en
subissent les conséquences Ca).
faute, ont fait des avaries à une pêcherie, en doivent la réparation, sans pouvoir rechercher si elle est autorisée ou non.Il n'y aurait d'exception qu'autant que les flotteurs prouveraient
que les pertuis de l'usine n'avaient pas les dimensions nécessaires, et que le dommnge a été enusé par une mauvnise disposition des artifices, ou au moins que cette mauvaise disposition
l'a aggravé.
(a) Pour compléter ce qui concerne le f10tlage à MIches perdues, nous réunirons ici diverses dispositions et notions puisées dans les ordonnances ou réglements, et qui ~'ont llU trouver
leur place dans le cours des notes sous le présent chapitre.
1° La pratique du flottage à bûches perdues ne fail pas tomber les rivières ou ruisseaux sur lesquels il s'exerce dans le
domaine public; c'est une simple servitude d'utilité publique
imposée aux héritages qui ne sont pas pour cela expropriés.
:.-~ au nO 1197
Cette Yérité, que 1\1. Proudhon n'a f;·;t ,; :'
�689
DU DOMAINE PUBLIC.
ci~dessus, ayant été contestée par les agents du fisc, il nous
paraît utile de la démontrer par quelques développements et
par le rapprochemènt des textes de notre législation déjà' plusieurs fois cités dans le cours de l'ouvrage.
Avant 1789, la disposition de l'art. 41, tit. 27 Je l'ordonnance "de 1669, empruntée au § 2 des Institutes de rerum divi..
sione, portant flumina publica sunt, plaçait les rivières navigables, c'est·à·dire portant bateaux de leur fonds, sans artifice
et ouvrage de mains dans le domaine de la couronne qui alors se
confondait avec le domaine public; seulement les particuliers',
lorsqu'ils étaient fondés en titres, pouvaieiIt y avoir des droits
de pêche, de bac, d'usines, etc.; et comme c'était 'la navigabilité qui déterminait la domanialité, on en induisait que les rivières navigables n'appartenaient au roi que du point où elles
commençaient à porter bateaux (Henrys, tom. 2, tit. 3, quest. 5,
pag. 229). Cependant quelques auteur3, notamment Daguesseau,
tom. 7, pag. 116, reconnaissant que pour que la navigation puisse
être facilement exercée il fallait que la police qui la protège s'étendît au-dessus du point où elle a réellement lieu, concluaient de
la navigabilité en aval à la domanialité en amont; mais cettè
opinion n'avait point prévalu, ainsi que nous l'attestent La Poix
de Fréminville, Pratique universelle des droits seigneuriaux,
tom. 4, pag. 425, et Merlin, Répertoire, Vo rivière, § 1er •
Plus tard on 'prétendit que le flottage avec trains ef radeaux
était une espèce de navigation qui, à raison de son importance
commerciale, exigeait la surveillance habituelle de la police; et
le 9 novembre 1694, il intervint un arrêt du Conseil qui le décida ainsi, en étendant aux rivières navigables par radeaux la
disposition Je l'ordonnance de 1669.
La loi du 22 novembre 1790, en déclarant, par son article 2,
que les fleuves et rivières navigables sont une dépendance du
domaine public, ne modifia en rien la législation antérieure;
il en fut de même de l'art. 538 du Cod. civ., qui,'à la dénomination de navigables, ajouta seulement celle de flottables, laquelle ne pouvait évidemment être prise que dans le sens de
l'arrêt du Conseil de 1694, c'est·à-dire avec trains ct radeaux.
TOM. Ill.
44
�690
TRAITÉ
; Néanmoins l'art'. 4 d'un arrêté du directoire du 13 nivôse an
déClara que les ruisseaux servant au flottage des bois destinés à l'approvisionnement de Paris sont propriétés nationales;
mais cette énonciation dans un acte purement réglementaire non
inséré au bulletin des lois, et qui ne peut tirer sa force que dcs
lois dont il prescrit l'exécution, n'a pu évidemment attribuer à
ces ruissea-ux le caractère domanial que notre ancienne législation ne leur conférait pas; aussi un avis du Conseil d'état du 21
février 1822, rapporté dans le Recueil de Sirey (25-2-251),
décide-t-il que les dJ;oits de l'état ne portent que sur les cour;;
d'eau floUables avec trains et radeaux .
. Toutefois une décision ministérielle du 6 novembre 1820,
ayant ordonné l'amodiation de la pêche dans toutes les rivières
flottables, même à bûches perdues, la question de domanIalité
Je ces rivières fut déférée aux tribunaux... Elle fut d'abord ré!>olue dans un sens favorahle à l'état par un jugement en dernier
ressort du tribunal de Troyes, du 24 décembre 1822, dans
l'affaire Thollois; mais sur le recours de l'administration contre
Ulle autre sentence du même tribunal, qui avait changé d'avis,
la Cour de cassation, par arrêt du 22 août 1823(Sz'reJ',24-1-1),
r~jeta ·le pourvoi par le motif,
qu'en jugeant que l'art. 538
" (lu Cod. civ. ne s'étend pas aux rivières et ruisseaux sim.. plement flottables à bûches perdues, le tribunal n'a pas violé
n cet article. " En sorte qu'aujourd'hui la question ne saurait
plus faire de difficultés.
Uo L'art. 14, chap. 1er de l'ordonna:nce de 1672, n'ayant
assujetti à la servitude d'entrepôt des bois de chauffage que les
pt:.opriétés ouvertes; un arrêt du Conseil d'état du 14 juillet
181!) a décidé avec raison que les propriétés clôses ne pouvaient
y être soumises qu'en suivant les formes de l'expropriation pour
.
cause d'utilité publique.
0
, III Par la raison de droit commun, que toute servitude doit
se re,nfermer dans les termes du titre constitutif, on doit reconnaître, avec une décision du comité du contentieux du C~nseil
d'état, rapportée par M. Isambert(Recueil de lois, 1819, App.,
pag. 502, à'la note), ql1C' les flottents ne pen vept entreposer sur
"v'
(t
�DU DOMAINE PUBLIC.
691
les terres VOlSlnes que les bois destinés au chauffage, et non
ceux de construction et autres matières; ce privilége n';tyant
été d'ailleurs établi que pour approvisionner la capitaie d'un
objet de première nécessité.
·IVo Un arrêt du Parlement de Toulouse, du 28 juin 1572
(recueilli par Brillon, Va port), porte: " Ne pourront tous les
" marchands de bois, gardes-ventes, voituriers ou autres, poser
". et empiler leurs bois ct marchandises sur les ports qu~à une
» distance suffisante des bords de la rivière, afin d'éviter l'é» houlement des terres. "
Cette distance, aussi exigée pour que les marchepieds soient
libres, est fixée diversement par les réglcments; elle est de
5 mètres 85 centimètres pour la rivière de l'Ourcq (réglement
de police du 17 février 1784; M. Dupin, Cod. du comm. du
bois et du charbon, pag. 465); de 13 décimètres sur les ruisseaux de Vcndy et de Jeune-Clotilde ( décision du 29 juin 1812,
ibld. , pag. 821).
Va L'art. 15, chap. 17, de l'ordonnance de 1672, porte: Il Et
" afin que lesdits propriétaires puissent être payés par chacun
» dés marchands ~<iui auront des hois dans un flot, seront tenus
" lesdits marc1lands de faire marquer leurs hois de leur marque
" particulière, de les faire triquer et empiler séparément sur
» lesdits ports flott~bles , et de flfire faire les piles' de huit pieds
)( (2 mètres 60 cent.) de buut " sur la longueur de 15 toises
» (36 mèt. 54 cent. ), ne laissant entre les piles que deux pieds
» (65 centimètres) de distance; et ne pourront lesdits marchands
" fair~ travailler à la confection de leurs trains qu'après avoir
»' payé ladite occupation, à l'effet de quoi seront lenus de faire
)' compter et mesurer lesdites piles pat les cotnpteur~ des ports,
" en présence des propriétaires des'dils Ilérltagcs et prés, ou
" eux dûme~t appelé!>. " On a vu pluSJhaut que, d'après l'art. 2
de la loi du·28 juillet 1824, les piles qui n'auraient pas la hauteur voulue seraient néanmoins comptées comme cômplètes.
VIa Su~vant l'art. 9 du même dlap. de ladite ordonnance, les
marchands peuvent, pendant' quarante jours après le passage
des flottes, faire pêcher les bois canards, sans que pour celte
�692
TRAITÉ
cause les propriétaires riverains puissent prétendre aucune indemnité.
VIIo L'art. 1er du chap. 1er de la même ordonnance, déclarée
encore applicable par une.décision du ministre de l'intérieur du 6
fructidor an IX, que cite M. Dupin, dans son Code du commerce
du bois et du charhon, pag. 659, défend à toutes personnes de
détourner le cours de l'eau des rivières et ruisseaux flottables;
d'en affaiblir ou altérer les eaux par fossés, tranchées, canaux
ou autrement; et, en eas'de contravention, ordonllede détruire
les ouvrages et de réparer les lieux aux frais des contrevenants,
à la diligence de l'inspecteur de la Il'avigation, sans préjudice
des poursuites à exercer pour la condamnation à l'amende et aux
dommages-intérêts envers les marcbands de bois.
VIIIo La largeur des varines et pcrtuis doit être de 24 pieds
(7 mètres 80 centimètres) au moins, suivant l'art. 5 du chap. 1er
de la susdite ordonnance de 1672, et une instruction du 24 pluviôse an v, rapportée pâr Poterlet (lois et réglements concernant les ponts et chaussées, pag. 72), à moins qu'il n'existe
des réglements particuliers qui aient réduit cette dimension,
comme l'arrêt de réformation du.26 février 1569 qui l'a fixée
à 7 ou 8 pieds (2 mètr. 27 cent. à 2 mètr. 60 cent. ); et un
a~lre arrêt du 10 mai 1723 qui exige 12 pieds (3 mètr. 90·cent.)
(Confér. de Guénois, tit. des eaux et firêts).
Des ordonnances spéciales à chaque co~rs d'eau rè~lent le
temps où ces vannes et pertuis doivent ê~re tenus ouverts ou
fermé';, suivahtIa hauteur des eaux (Ordonnance de 1672, chapitre l" r , art. 5. - Arrtt dit Conseil dit
jltin 1777; article 9).
Les frais de réparation et de reconstruction desdits pertuis
sont à la charge des flotteurs et des usin iers dans une proportion
déterminée par des réglements d'administration publique ou
par des transactions entre les agents du commerce des bois et les
propriétaires. Les actes de cette espèce pour les affiuents de la
Haute-Seine sont rapportés pag. 413, 437, 637, 741 .. 817, 831
et 841 de l'ouvrage plusieurs fois cité ci-dessus, de M. Dupin.
Lorsque ce sont d'anciens réglemcnts qui ont déterminé cette
24
�DU DOMAINE PUBUC.
693
contribution, l'administration peut les modifier dans de certaines circonstances, eu égard à la faible valeur des usines, par
rapport à l'importance des r€parations à faire ( Décret du Il
décembre 1812 ;..,.- Arrtté du préftt de l' Yonne du 11 novembre
1814, rapportés dans led.Ît ouvrage de M. Dupin.
IXo La responsabilité des flotteurs n'est pas restreinte aux
dommages causés aux usines; un arrêt èe la Cour royale de
Paris du 5 mars 1829" rapporté dans le nO 1115 de la Gazette
des Tribunaux, l'a étendue aussi à ceux provenant d'inondations des propriétés voisines déterminées par la négligence des
agents du flottage dans la disposition ou l'usage des barrages
d'arrêt.
Xo La servitude de passage gratuit sur le bord des rivières
flottables à bûches perdues ne peut être réclamée qye pour les
cours d~eau où cette espèce de flottage a été établie sous l'empire
de Fart. 52, tit. 15 de l'ordonnance de 1669. - Quant aux autres où elle n'était poin; anciennement pratiquée, elle ne peut
être créée qu'à charge d'indemnité.
La faculté dejflottage doit être restreinte-·de manière à causer,le moins de dommage possible aux propriétés riveraines; en
conséquence il convient de ne l'accorder que pendant les mois
d'hiver.'
.
Enfin il importe de prohiber l'excessive longueul' des bûches
flottantes.
Ces tro!s points, dont le premier a déjà été discuté sous les
nO' 1205 et 1206 ci.dessus , sont consacrés par un décret du 14
janvier 1810, rapporté dans le Recueil de Sirey (25-2-284) et
. ainsi conçu:
er
<t Art. 1 • Les rivières de Vergenette, Vouise et Tarde,
depuis Venège jusqu'au confluent du TaI'de dans le Cher, sont
» déclarées flottables à hUches perdues, en réduisant chaque
» bûche à la longueur de 23 décimètres, et seulement depuis
le 1er novembre jusqu'au 31 mars de chaque année.
Il En conséquence le sieur Antoine Dupuychant est autorisé
Il .1 se servir du cours desdites rivières pom le transport des
" hois qu'il fait exploiter dans la forêt de Favaud, à la churge
)1
)l
�;'
69!"
TRAITÉ DU DOMAINE PUBLIC.
par lui d'indemniser les propriétaires riverains des·préj'udices
.. et dommages qu'ils pourraient éprouver soit par l'encombrement et le flottage de ses bois, soit par rétablissement du
" marchepied de halage, soit enfin par tout autre ~otif prove" nant du fait du sieur Dupuychant.
" Art. 2. - Les propriétair~s ou fermiers des moulins établis
» sur le cours desdites rivières seront tenus de favoriser le flottage d~s bois confiés à leurs courants, en laissant chômer
" leurs moulins pendant tout le temps que le flottage àura lieu,
" ·à la charge par le sieur Dupuychant ou autres, qui pour" raient causer le chômage, d'en indemniser les meuniers. »
XIo Pour être reconnus par les propriétaires d'usines et des
terrains joignant les cours d'eau, les flotteurs doivent être ilOrteurs de licences administratives. L'art. 32 du Réglement de
1593 et l'ordonnance de mai 1597 défendent" à tous meuniers,
marchands et voituriers, de transporter, par eau ni par terre,
aucuns bois de chauffage, merrei~ et autres, sans avoir cer.. tilicat authentique des officiers des eaux et forêts des lieux,
et du marchand ventier, ou des propriétaires, qui auront
baillé, chargé et délivré ledit bois (Voy. Conférences sur
l'ordonnaru:c de 1666, tom. 2, pag. 909).
XlIo Un décret impérial du 25 janvier 1807, inséré au Bulletin des lois, 4· série, nO 136, contient, par rapport au flottage
des bois sur les ruisseaux et canaux qui coulent dans la vallée
de Neustadt, des dispositions qu'il peut être utile de consulter,
en ne perdant pas de vue cependant que cet acte législatif
ayant été fait pour un pays conquis, le chef du gouvernement
d'alors pouvait avoir des raisons politiques pour s'écarter, en
cette circonstance, des règles suivies en France.
l)
l)
l)
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l)
l)
l)
FIN DU TROISIÈME VOLUME.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/252/RES-200861_Traite-domaine_Vol4.pdf
ecfe8c705d6b41f04709e8d6b249e122
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Text
Tome 4
���TABLE
DES CHAPITRES, SECTIONS ET PARAGRAPHES
CONTENU!\ DANS LE QUATR,rhlE VOLUME.
"!'
Pag.,
CHAPITRE LVI.
Des d'roits appartenant aux propriétaires riverains des,
• petites rivières. , , , , " ' , , . , •. , , . , ,
5
Des ouvrages que les propriétaires
riverains peuventfaire sur les bords de la n-
SECTION 1 r.
.,
VIere.
• • • • • • • • _. ... • • •
Du droit de cours d'eau. • . '," i ' ,
SECT, 3, Du droit de pdche. , , , . • • • . . •
S,ECT. 4,. ,Du droit d'avoÙ une barque sur la ri, pière,~ .' . , , • :'. , : . . • . . . .
SECT, 5. D1!droitde prise d'eau pour itrz'gation.
SECT. 6,. Du droit de rec1!eillir les plantes qui'
croissent çans. le.lit de 'la rivière.
'.
'-SECT, 7' bu dr.oit d';lb~vion.
SECT. 2.
-f
l'
-
.H.'. .
6
16
44
66
68
CHAPITRE LVH.
Des eaux pluviales.
l" D~ l'autorité compétente pour stamer sur le.f. contestations relatives aux eaux pluviales, et de la nature das
actions auxquelles ces eaux peuvent donner lieu. • . '
S 2. Des eaux pluviales considérées comme constituant
une CHARGE, et des conditions de la servitude réciproque
qui règlent leur écoulement entre les propriétaires supérieur et inférieur. • • • • • , • • . • • • • • • ••
§ 3. Des eaux pluviales considérées comme procurant une
UTILITÉ, et des conditions de la participation aux avanlaces qu'elles produisent• • • . • . , • • . • . , , .
§
149
15,·
17 2
�TÂllLE·.
701
Pag.
CHAPITRE LVIII.
Des puits, des citernes et des égouts publics. • . , .
186
CHAPITRE LIX.
Des sources d'eau vive, de leurs diverses espèces, el
des droits des propriétaires de fonds où elles se
trouvent et dont elles sortent. • • . • • . • • .• 208
1 re •
Dessourcesordinairesd'eaudouce. 210
Des sources d'eau salée. • • • • . •• 277
SECT. 3. Des sources cI'eaux thermales et miné·
raIes. • • . • • . . . • • • • .
302
SECTION
SECT.
2.
CHAPITRE LX.
Des ruisseau~ et peti.ts cours d'eau considérés principalement comme moyen d'irrigation. . ... . . •• 311
1 re • Ce que c'est qu'un ntisseau, et à
quel domaine il appartient. • • • • • . . .• 313
SECT. 2. Des droits du propriétaire dont l'héritage borde. le ruisseau d'un seul ct1té. • • •• 320
SECT. 3. Des droits dupropriétairedontlefonds
est traversé par le cours d'eau. • • . . . • .• 329
SECT. 4. Des ouvrages quipeuvent dtre faits dans
les ruisseaux par les propriétaires riverains Ca). 348
SECTION
Ca)
de la loi du 29 avril 1845, sur les irrigations.
Texte de la loi, et historique. • • . . . • . . . . • •. 363
Article I"r. • • • • • • • • • . • . • . • . • • . • • . • 365
Art. 2. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 424
Art. 3. . • • • . . . • . . . • . . . . • • . . • . .
600
Art. 4· . . . . . . . . . . . . • . . • • . .
490
Ârt. 5 et dernier.. •• • . . • . • • . • • • • • •
507
COMMENTAIRE
�702
TAilLE.
Pag.
CHAPITRE LXI.
De la compétence des autorités qui peuvent être appelées à statuer sur les difficultés ralatives aux ruisseaux ou cours d'eau servant à l'irrigation.••• , 436
1 Te. Du pouvoir réglementaire de l'administration en ce qui concerne les cours d'eau
en général, et spécialement ceux naturels d'irrigation. • • • . . • • • • • • • • • • . • ••
SECT. 2. De la compétence des conseils de préfect~re. • • . . • • • • • . • • • . . • •.••
SECT. 3. De la compétence des tribunaux de
police correctionnelle. • . • . • • . . • • •.
-SECT. 4. De la compétence des tribunaux civils.
SECTION
S 1"
§
2,.
Actions possessoires. • • • • • • •
Actions au pétitoire. • . • . • • • • • • • . • ' .
436
453
459
460
460
l.68
CHAPITRE LXII.
Des canaux artificiels établis pour l'irrigation ,des
533
t-eI'res. '. . . . • . .
CHAPITRE LXIII.
Des eaux souterraines. • • • . . - . • .
547
1 Te. Lorsque, par suite desjouillespratiquées dans un fonds, les eaux souterraines cessent d'arriIJer dans l'hélitage voisin, le propriétaire de cet h'éritage a-t-il le droit de s'en
plaindre? . . • .. . • • . . • • . • .. • • •. 548
SECT. 2. Lorsque, par suite d'ouvrages quelcongues pratiqués dans l'intérieur d'un fonds, les
SECTION
�TAliLE.
703
Pag.
eaux souterraines dérivent d'une manière dommageable dans un lieu ùifélieur, le propn"étaire
de ce dernier est-ilfondé d s'en plaindre? et dans
quelles circonstançe.s peut-il le flûTe? •. •
559
CHAPITRE LXIV.
Des lacs et des étangs. • • •
SECTION
SEC'C.
Des lacs ..
Des étangs . .
1 re •
2.
CHAPITRE LXV.
Des marais et de leur desséchement.•
re
• De la manière dont on doit agir
pour demander la concession d'un desséchement
de matais• . . • . . . • • • . . . . . . . .
SECT. 2. De la nature de l'acte de concession•.
SECT. 3. Des mesures qui, après l'acte de concession, sont prescrites comme préparatoires à
l'exécution des travaux. . • • . • . • . . • • 638
SECT. ·4. De la vérification des travaux de desséchement, pour fixer l'indemnité revenant
aux entrepreneurs. . . . . . . • . • . . • . •
SECT, 5. Des mesures prescrites après le desséclz.ement, pourparvenir à la répartition de l'indemnité due aux entrepreneurs. • . . . • . . 652
SECT. 6. De la nature et des saretés de l'indemnité due aux entrepreneurs. . . . • • . . . . 655
SECT. 7' De la nature propre des canaux de
dessécnement. . . . . . . . . . .
666
SECTION 1
�704
TABLE.
Pal;.
8. Des autorités compétentes pour statuer
sur les déhats relatifS aux marais et à -tellr desséchement. • •••••• , ' . . . .
SECT.
§
§
§
§
§
§
Complftence du préfet, •
Compétence des syndics. •
Compétence de la commission.
Compétence du conseil de préfecture.
Compétence des tribunaux de police.
'Compétence d~s tribunaux cipils. • • •
1",
!l,
3.
4.
5.
6.
l'l'N DE LA ï'ABLl! DU QUATRiÈME ET DERNIER VOLU)!E.
67 1
671
673
674
68!1
685
685
�TRAITÉ
DU
DOMAINE PUBLIC,
OU
DE LA DISTINCTION DES BIENS
CONSIDÉRÉS PRINCIPALEMENT PAR RAPPORT AU DOMAINE PUBLIC.
CHAPITRE LVI.
Des droits appartenant aux propriétaires riverains des petites
rivières.
1225. En traitant des petites rivières dans les
chapitres qui précèdent, nous ne les avons considérées qu'en elles-mêmes comme dépendant du
domaine pnblic, et en ce qui concerne les règles
de police qui les régissent: ici nous les envisageons principalement sous le rapport du domaine
de propriété privée, en indiquant aux particuliers
les droits qu'ils peuvent y prétendre.
Nous nous sommes déjà occupé de ces droits
an chapitre 43, mais seulementd'nne manière générale, en recherchant leur cause et les actions qui
peuvent en dériver; actuellement nous voici' arrivé au lieu où nous avions annoncé que nous les
examinerions à fond et en détail.
Ils consistent dans ceux:
De faire certains ouvrages silr les bords de la
...
nVlcre ;
�6
TRAITÉ
De cours d'cau;
De pêche;
D'avoir une barque;
Deprise J'cau pour irrigation;
De recueillir les plantes croissant dans le lit de
la rivière;
.
Enfin d'alluvion.
C'est de ces sept espèces de droits ou avantages
que nous nous proposons de traiter dans autant de
.
sections distinctes (a) .
SECTION P REMIERE.
Des 'oullrages que les propriétaires rillerains peuvent faire sur
les hords de la rivière.
1226. Lorsqu'il s'agit de rivières navigables ou
flotl~bles, les propriétaires riverains IÎé peuven t
rien pratiquer snI' leurs bords sans y être autorisés
par l'administré.\tion. Cette défense ne leur est pas
seulement faile pour prévenir des anticipations
possihles sllr le fonds du domaine puhljc; elle a
surtout pour but d'écarter tout ce qui pourrait être
actuellement ou devenir par la suite nuisible à la
navigation: en sorte que la rigueur des principes
en cette matière s'oppose à ce qu'ils construisent
de leur propre a'utorité même des ouvrages. pnreCa) Il en est un huitième très-accidentel, celui de recueillir
les effets mobiliers entraînés par les eaux eu cas d'inondation
et de naufrage; mais nous en avons parlé suprà, nO 1217,
tom. 3, pag. 677, en sorte qu'illt'y a plus lieu d'y revenir.
�DU DOMAINE PUBLIC.
7
ment défensifs et de simple protection pour garantir leurs héritages contre Paction des eaux, comme
nous l'avons dit plus haut, nO 770; et l'on est forcé
de reconnaître que cette police est sage, même
jusque dans sa sévérité, parce que, s'il en était
autrement, le service public qui a lieu sur ces ri.
vières se trouverait embarrassé par une foule de
travaux entrepris par la cupidité, et faits sans
précaution le long de leurs bords.
1221. En ce qui concerne les petites rivières,
il y a, comme on l'a déjà laissé pressentir, fplu~ .
sieurs distinctions à faire.
Et d'abord nous trouvons ici, comme à l'égard
des grands cours d'cau, une défense générale de
construire des usines sur leurs rives, sans en avoir
expressément obtenu la permission de l'administration; suivant les formes établies par les lois (a);
cette prohibition ~st fondée sur ce que de pareils
établissements ne se rapportent pas' seulement au
matériel du sol, mais encore au mouvement de
l'industrie sociale, et par conséquent au gouvernement politique des personnes.
Ail contraire les droits de flollage à' bûches perdues, de prise d'eau pour boire et abreuver les
bestiaux, pour faire des lavages et se haigner, restent, suivant la disposition de la. loi naturelle,
communs à tous, et sont comme autant de signes
(1) Voy. tom. 3, pag. 319 et 520, notes.
�8
TRAITÉ
indicatifs du domaine public auquel apparlient le
tréfonds du cours d'eau.
Mais si de là nous passons dans l'ordre civil et
de droit privé, .110US reconnaissons qu'il n'y a pas
de service public à protéger sp~cialement au bord
des petites rivières; qu'ici l'administration n'a poin t
la police coercitive qu'elle exerce sur les grands
cours d'eau; que tous les usages utiles qui se rattachent au voisinage de la rivière sont abandonnés,
à la jouissance des propriétaires riverains; que par
conséquent tout doit rester sous la règle du droit
commun, soit e\l ce qui 19'1che aux ouvrages de
protection que ces propriétaires péuvent pratiquer
aux bords d~ leurs héritages , soitmêm~ en ce qui
concerne les anti.cipalions qui pell~ent être commilles dans le lit des rivières.
On doit donc reconnaître dans toute son é~en
due, à l'égard des petites riv,ières, le principe qui
veut que la défense soit de droit naturel, et qu'en
conséquenee les propriétaires riverains puissen t licitement, de leur autorité privée, faire au bord de
leurs hét'itages tous ouvrages de protection nécessaires ou utiles pour mettre obstacle aux ravages
ou dégradations que le courant des eaux pourrait
leur causer, pourvu néanmoins que ces ouvrages,
ne portent point atteinte aux droits d'autres propriétaires riverains.
A cet égard il faut remarquer que les ouvrages
de celle nature doivent être distingués en deux
classes, suivan t qu'ils seraien t construils paralle-
�DU DOMAINE l'UlILle.
9
lement au cours de l'eau, et sans faire de saillie
dans le lit de la rivière, ou qu'aucontraire ils y
formeraient une avance ou anticipation.
Au premier cas, ils ne sauraient donner lieu à
aucune plainte contre celui qui les a faits, puisque
leurs fonctions sont purement défensives, et qu'ils
Ile peuvent avoir que l'effet d'amortir le choc ou
le frollement des eaux, el de les contenir dans,
leur lil naturel.
Ainsi, quoiqu'il n'appartienne qu'à l'autorité
publique de faire construire ou de permettre dans
une rivière quelques digues ou barrages qui en détournent le cours, néanmoins tout propriétaire riverain peu t incon leslablemen t élablir au bord de
son fonds et appuyer contre son terrain, parallèlement à la rivière, des ouvrages tels que glacis de
pierre, pilotis, fascines, ou des plantations d'arbrisseaux, qu'il peut juger convenables à sa protection, et alors il ne fait qu'user du droit de la
légitime défense (a) :, Quamllis fluminis naturalem cursum opere manujacto alio non liceat
avertere , tamen ripam 3uam adversàs rapidi'
t,lmnis impetum munire prohibitum non est (1).
1228. Ainsi encore, et à plus forte raison"
tau t propriétaire ri verain peu t établir, sur son
~errain et au-dessus du bord de la rivière, une
digue en terre, fascines ou pierres, pour empêc~er
(a) Voy. suprà la note a sous le nO 771 , tom. 3, pag. 97.
(1) L. 1, cod. tie allllrioniblls J lib, 7,. tit. 41.
�10
TRAITÉ
l'inondation à laquelle son fonds peut être exposé'
en cas de débordements, ct en même temps p,'atiquel' daus celte digue des ouvertures ave'c vannes
pour y laisser passer à volonté la quantité d'eau
seulement nécessaire à l'irrigation.
'
A la vérité, quand il s'agit d'une digue à établi.;
dans l'intérêt collectif d'une localité, c'est par les
ordres de l'administration publique qu'elle doit
être exécutée, parce que c'est cette administration
qui en prescrit la construction (1); mais cela n'empêche pas que chaque propriétaire riverain ne
puisse, pour son avantage personnel, et sans attendre les ordres de l'autorité, établir sa propre digue, pourvu qu'il ne fasse que se défendre, et qu'il
ne canse aucun dommage à autrui.
1229. Dans le deuxième cas, relatif à des ouvrages qui présenteraient quelque masse plus ou
moins avancée dans le lit de la rivière ponr empêcher plus efficacement l'action nuisible des eaux.
en les amortissant, il faut appliquer la distinction que nous avons faite ci-dessus en traitant des
torrents, et à laquelle nous renvoyons pour ne pas
nous ,:épétc,' (2).
1230. Non-seulement le propriétaire riverain
peut, suivant les rôgtes -qu'on vient d'èxpliquer,
faire au bord de SOli héritage les ouvrages de protection nécessaires ou utiles pour mettre obstacle,
(l) Voy. sous le nO 1012.
, . (2) Voy. sous le nO 1003..
�DU DOMAINE PUBLIC.
11
dans l'avenir, aux llégradations et affouillements
que pourrait causer le courant, mais nous croyons
encore, d'après lejllrisconsulte romain, qu'e celui
dont le fonds a été partiellement enlevé ou envahi
peut, tant 'qu'il reste en possession dn surplus,
pratiquer aussi des ouvrages avancés dans la rivière
pour rentrer peu à peu daps la jouissance intégrale
de sa propriété par le moyen de l'alluvion que sa
digue pourra lui procurer. Cependant il faut tou·
jours que ces ouvrages soient exécutés de maniere
à ne por,ter aucun dommage ases voisins, puisque,
aux termes du droit commun, il ne peut lui être
permis de chercher son avantage dans ce qui serait
une cause de ruine pour les autres. Mais, dit Ulpien, si, indépendammenvde la défense du bord
même de son fonds, ]e riverain a encQre I1n intérêt
majeur à établir une digue dans la rivière même:
Sed et si alia utilitas vertatur ejus qui quid
in.flumine publico Jecit; si, par exemple, cette
digue lui est nécessaire pour empêcher les eaux de
se répandre périodiquement sur la surface de son
héritage et de le dégrader, pourquoi ne l'au toriserait·ou pas' à la construire? Pone enùn grande
damnumflumen ei dare solitum , praedia ejus
depopulari, si jôrtè aggeres vel quam aliam
munitionem adhibuit, ut agrum suum tueretur,
eaque res cursum fluminis ad aliquid immutavit, cur ei non consulatur? Du reste c'est au
préte1ll' à juger si, par des entreprises de cette nature, le propriétaire riverain a excédé les bornes
�12
TRAITÉ
de la légitime défense: Hoc autem jure utimur
ut praetor ex causd aeslÎmet; mais dans tous
les cas il faut absolument que les ouvrages que le
constructeur fait ainsi pOllr son utilité propre et la
défense de son héritage ne causent aucun préjudice aux autres voisins de la rivière : Oportet
enim in hujusmodi rehus utilitatem et tutelam
jacientis spectari, sine injurid utiquè accolarum (1).
Cependant le droit devant toujours finir là où
l'usurpation commence, les propriétaires riverains
ne peuvent se permcure aucune anticipation sur le
lit naturel de la rivière, dont le tréfonds appartient au domaine public.
1231. RESTE à savoir qùelle eSll'autorité compétente pour statuer sur la répression des antici·
pations de cette nature.
Et d'abord ce n'est pas au conseil de préfecture
qu'on pourrait s'adresser, parce que ce conseil n'a
dans ses attributions que la répression des contraventions en matière de grande voirie, et nullement
de celles relatives aux rivières où il n'existe ni navigation ni flottage.
Ce n'est pas non pins ail tribunal ùe police correctionnelle, attendu que l'anticipation ne portant
préjudice à aucun service public, n'est qualifiée
délit pal' aucune de nos lois, comme cela a été re(1) Voy. 1. 1, §§ 6 et 7, ff. ne quid inJlumine publico,..
lib. 43, tit. 13.
�DU DOIIIAINE PUBLIC.
13
connu par le ministère public, et jugé par arrêt de
la cour de cassation du 29 juin 1813 (1).
Ce ne serait donc là que l'objet d'une action
purement civile, qui devrait être portée en justice
ordinaire comme toutes les autres questions de
propriété; et, puisque le tréfonds de la rivière ap·
partient au domaine public, la demande en désis':'
tement devrait être poursuivie à requête du préfet,
contradicteur légitime dans toutes les actions immobilières qui intéressent l'état.
Sans doute les riverains qui auraient à souffrir
quelques dommages causés par l'anticipation pourraient aussi s'cn plaindre dans lenr intérêt propre
et fail'e ordonnel' en justice le rétablissement des
lieux dans lem état pl'imitif; mais cela n'empêche'
pas que l'action puhlique n'appartienne directement au préfet qui pourrait toujours l'exercer, soit
qu'il n'y ait aucun dommage causé, soit que les.
parties lésées gardassent le silence.
La difficulté des questions de cette nature n'cst
pas dans le droit; elle est dans le fait de là délimi.
tation du lit de la rivière : car ce n'est qu'au
moyen de cett~ délimitation qu'on peut s'assurer
s'il y a, ou non, anticipation commise sur Je sol
public. A cet égard il faut recourir à ce que nous
avons dit plus haut, nOs 742 et suiv. ('2), eOl1cernant la largeur naturelle du lit des rivières.
(1) Voy. dans le répertoire, il u mot RI VIÈRE, § 2, u" 4.
(2) Tom. 3, pag. 69 à 80.
�14
TRAITÉ
1232. Les propriétaires riverains, ayant, comme
on le dira ci-après, le droit de pêche dans la rivière,
ont aussi, et par une conséquence nécessaire, celui
de construire dans son lit même les ouvrages de
pêcherie, gords et autres barrages qu'on est dans
l'usage de pratiquer pour son exeFc~ce (a). Mais
il ne faut pas que ces barrages soient tels qu'ils
puissent rendre stérile le droit de pêche des propriétaires supérieurs : c'est pourqu.oi l'article 24
de la loi du 15 avril 1~h9' sur la pêche, fluviale,
défend, sous des peines sévères, de les établir de
manière à empêcher ~ntièrement le passage du
pOIsson.
A ce sujet il L'lut observer ençore qu'abstrac.tion faite de l'action publique devant le tribunal
correctionnel don,t est passible le délinquant, la
partie qui croi_t avoir à se plaindre du barrage
peut aussi, par act\on pri v:ée, agit, au; clvil; et aux
termes du décret du. 12 avril ~Sl,2 (1), c'est en
justice o,rdinaire qu'eHe doit porter sa réclamation.
1<233. Il est sal;ts difficuJté que tout propriétaire d'usines légalement établies sur une rivière
peut y faire, ainsi que qat;l~ leurs coqrants, vannages
(a) Voy. sur cette opinion, encore reproduite au nO 1260 ciaprès, la note souille troisième alinéa du nO 1187, tom. 3, pag.
633, où nous rapportons un .arrêt du Conseil d'état du 20 mai
1843 qui y est contraire.
(1) Voy, aubullet.t. 16,p. 294, 4· série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
15
et écluses, toutes sortes de répa.'ations, pourvu
qu'il ne change rien au plan de construction qui
lui avait été p~imitivement donné, atlendu qu'il
ne saurait lui être défendu d'entretenir ce qu'illl1i
avait été permis de construire (a).
Mais quand une ancienne usine détruite par un
incendie ou autre accident, n'a pas été reconstruite
immédiatement, et qu'il n'en reste plus que d'al1~
ciens vestiges, le propriétaire pbut-illa rebâtir en
tout temps, de sa propre autorité, et sans demander une nouvelle autorisation?
C'est là une question sur laquelle nous renvoyons
il ce qui a été dit plus haut (1).
(a) Voy. suprà, nO 1193,2°, tom. 3, pag. 644, et aussI trois
arrêts du Conseil d'état des 3 janvier 1838 (S;rey, 38-2-275),
20 avril 1839 (S., 40...2-45), et 16 juillet 1842 (S., 42-2-506),
qui décident que, même en ce qui concerne les fleuves et ri~ières navigables et flottables, t< les réglements relatifs à leur
» police ne contiennent, à l'égard des moulins dont l'existence
II est fond~e en titre, ou de ceux dont la conservation a été
>. tolérée, aucune disposition en vertu de laquelle les propriéII taires desdits moulins soient tenus de sc pourvoir d'une per» mission préalable auprès de l'autorité administrative toutes
II les fois qu'il devient nécessaire de réparer leurs usines.....•.. ;
II que le propriétaire peut faire exécuter lesdites réparations
» sans autorisation, mais, en ce cas, à ses risques et périls, et
» sauf le droit qui appartient toujours à l'administration dc
II prendre les mesures nécessaires pour assurer le libre cours
» des eaux 'et le service de la navigation. »
(1) Voy. suprà, nO' 1193 et 1194, tom, 3, pag. 643 et
645.
�16
l'UAITÉ
SECTION Ii.
Du droit de cours d'eau.
1234. Tant qu'illl'y a pas d'oi,dollnance contraire, l'usage du cours d'eau et·de tous les avantages qui s'y rattachent appartient aux maîtres des
fonds adjacents aux petites 1 rivières, chacun
en
.
droit soi; mais à cet égard la nature n'est pas
égalementlibérale envers tous: car le cours d'eau,
tantôt rapide, tantôt 'ralenti, n'est jamais constant
et uniforme.
Il est utile à tous, d'abord en ce quin constitue le
moyen par lequel le poisson, dont la pêche leur
appartient également, peut remonter la rivière, et
s'y répandre en tous les sens.
Dans les endroits élevés et rapides, il leur est
avantageux pour y faire des prises d'eaù d'irrigation; tandis que dans les parties basses, où le courant s'est creusé un lit plus profond, et a fait des
affouillements et des excavations, il forme un
réservoir naturel datls lequel la pêche est plus
fructueusè.
1235. Mais le plus grand aVàntage que présentent les cours d'eau consiste dans la force
motrice au moyen de laquelle on peut mettre en
mouvement les diverses usines ou machines
hydrauliques qu'on voudrait établir sur leurs
bords Ca).
(a) La puissance d'ull cours d'eau, ou la mesure du travail
mécanique qu'il représente, csl égale au produit du volume dé-
�DU DOMAINE PUllLIe.
17
Or, la faculté d'usel' de cette force motrice doi telle être considérée cOI!lme un droit de propriété
apparten!ln t aux maîtres des fonds' riverains? Telle
bité da~s ~n temps déterminê par la hauteur de chute; elle
s'exprime en la comparant avec le moteur le plus ,généralement
connu, le cheiJal, et aujourd'hui le chevaZ":'vapeur qui indique
une' force"dynamique ou un moteur capable d'élever 75 kilogrammes à un mètre en une seconde. Cette unité équivalente
à environ' six fois et demie le dyname proposé par M. Charles
Dupin (mille mètres cubes d'eau élevés 11 un mètre en 24
hem:es, ou Il kilogr. 574 élevés à un mètre cn une seconde),
a été établie, d'après des expériences faites sur des chevaux
anglais de choix, dont la foree est moyennement double de
celle des chevaux français; et commé un éheval ne travaille
pas plus de 8 heures par jour, tandis que la machine peut fonctionner sans interruption pendant 24 heures, il en résulte qu'une,
machine de la force nominale d'un cheval-vapeur produit réellement l'effet de six chevaux ordinaires,.
Dans les localités où l'état de l'industrie permet d'employer
ulilelnent les forces motrices naturelles, les cours d'eau se
vendent à un prix 'déterminé par force de cheval (7 à 8' mille
francs) ou par centimètre de hauteur de chute en raison de
chaque mètre cube débilé en une seconde (660 :. 740 fI'. le
mètre cube' par cClltimètre de chute). En employant ce dernier
système d'évaluation, le prix; au lieu d'être le même pour
chaque centimètre, sans égard à l''importance de la chute, ct
alors de former une moyenne calculée SUl' la hauteur la plus
ordinaire, devrait augmenter dans la proportion des carrés ùes
hautèurs 'exactes, parce que, selon la loi de la chute des graves,
déc(Hlverle par Galilée, et appliquée peu à près, en 1643, parson
disciple Toricelli, à l'écoulement des fluides, les forces d'un liquide qui tombe perpendieulairemént, croissent dans ce rapport
tellement que la force motriee produite par une chute de 2, 3;
TO~r.
IV.
�18
TRArrÉ
est la principale ct, pour ainsi dire, l'unique
question que nons ayons à examiner ici.
-1 ou 5 mètres, n'est pas simplement double, triple, quadruple
ou quintuple de celle d'u?e chute d'un mètre, mais est 4 ~ 9, 16
ou 25 fois plus grande.
Comme on le voit, la puissance d'un cours d'eau résulte de
la combinaison de deux éléments, le volume et la chute, sur
lesquels il est essentiel de présenter quelques notions.
Le VOLUME s'évalue en pouces d'eau. Le pouce d'eau ~ aussi
appelé pouce de fintaimer, est la quantité d'eau qui s'écoule
librement dans l'air par un orifice circulaire d'un pouce
(0 Dl 02706994) de diamètre percé dans une paroi verticale
plane très-mince, contre laquelle le fluide se tient constamment
à une ligne (0 Dl 00225583) au-dessus du sommet de cet ori}ice, ce qui fait une pression d'eau de sept lignes (0 Dl 01579080 )
comptées du centre de l'ouverture.
On n'a jamais été parfaitement d'accord sur le produit de cet
écoulement dans un temps donné; cependant en général il
était ;lutrefois, comme il l'est encore aujourd'hui, évalué à 14
pintes, ancienne mesure de Paris, ou à 13 litres 330044 par
minute (la pinte équivalant à 48 pouces cubes ou 0 lit. 952146),
ce qui donne 19195 litr. , 26 par 24 heures.
Si la hauteur de la pression était de plus ou moins de sept
lignes au-dessus du centre de l'orifice, il faudrait en calculer
le produit d'après la loi de la chute des corps proportionnellement aux racines carrées des hauteurs, c'est·à·dire, par exemple,
que 28 lignes de pression au lieu de 7 donneraient un produit
double j 63 en donneraient un triple, parce que les racines carrées de 63, 2fl SOllt le triple, le double de la racine carrée de
7; la hauteur 7 étant représentée par un, la hauteur 28 sera
4; celle 63 sera 9, dont les raciues ca.rrées sont l , 2, 3.
Le ponce d'eau se subdivise en demis', quarts, etc., qui correspondent aux quantités d'eau écoulées en une minute par des
orifices circulaires ayant toujours leur centre à 7 lignes
�DU DOMAINE PUBLIC.
19
Sa solution est de la plus haute importance:
car s'il était recdnnll qne la force motrice d'Ilu
(OmOI579) au-dessous de la surface du liquide, mais dont le
diamètre est la moitié, le quart ou toute autre fraction du pouce.
La vitesse d'écoulement étant la même dans ces différents cas à
cause de l'égalité de pression, les volumes d'eau obtenus en
temps égaux sont proportionnels aux surfaces des orifices circulaires, lesql~elles sont entre elles dans le rapport du carré
de leurs diamètres; ainsi ùn demi~poitce donne le quart du
volume d'un pouce; un quart ou 3 lignes donne le 16"; nn
12" ou la ligne donne le 144".
Cependant ces résultats ne sont pas rigoureusement exacts,
en ce que l'expérience a déinontré que ia grandeur de l'orifice,
sa forme circulaire, carrée ou oblongue, son rapprochement
ou son éloignement des faces latérales et du fond du. réservoir
dont l'eau s'échappe, exerçaient une influence particulière assez
sensible sur la quotité du débit;
Pour mettre le mode de jaugeage des eaux courantes en harinonie avec notre systême illétrique et décimal, M. de Prony,
dans un Mémoire publié en 1Ro2, cité plus bas; a ,proposé de
substituer au pouce d'eau une nouvelle unité appelée module
d'eau, éq~ivalanle à dix mètres cubes produits par un écoulement continu en 24 heures. I,è double de cette unité, généralement employé aujourd'hui par les ingénieurs au lieu du pouce
dé fontainier, dont il ne diffère que de 805 litres en plus) s'obtient exactement par uri orifice de 2, centimèlres de diamètre
percé dans une paroi verticaJe plane de 17 millimètres d'épaisseur avec charge d'eau de 5 centiinètr'es SÙr' le centre. Un
appareil de ce genre est établi à la machine de Ma~ly. (Voy.
Mém. de ['Académie des Sczënces, année 1817.)
On peut aussi évaluer la quantité d'eau écoulée par l'observation de sa vitesse faite au moyen de la mesure de la distance
parcourue en un temps donné, par un corps flottant; mais ce
moyen assez simple n'est qu'approximatif à raison de la difficllltJ
�20
TltAITÉ
cours d'ean conslilùât un droIl de pro"priélé, ou
qu'élle fût l'objet d'un droit ù'us:Jge exclusivement
de déterminer exactement cette vitesse qui varie" dans les diverses
couches ou tranches horizontales, et d'ailleurs est plus grande
vers le milieu du courant que sur les bords à' cause du frottement du liquide' contre les parois du canal.
Le résumé de 110S connaissances actuelles sur l'écoulement'
de l'eau 'et l'indication des procédés ponI' en faire J'appréciation
exacte, se trouvent dans un Mémoire publié en l'an x par M. de
Prony, membre de l'In'stitut, sur le jaugeage des eaux coul'antes, auquel il faut joindre le Traité d'hydraulique à l'usage
des ingénieurs, par J,-F. d'Ai.Jbuisson des Voisins, in-RD, 1840.
Oh peut également consulter le Traité de Julius Frontinus ,
traduit en 1820 par M. Rondelet; l'Architecture hydraulique
de Bélidor, Paris, 1737-1753,4 vol. in-4°, dont M. Navier
a donné une nouvelle édition avec des notes; l'Hjdrodynamique
de Daniel Bcr.nouilly; le Traité théorique et expérimental d'hydl'odJ"lamique de Bossut, Paris, 1796, 2 vol. in-8°; les Principes d'hydraulique de Dubuat; l'Histoù-e du canal du Midi
par"Audréossy; Lespinasse, Mém. de l'Académie de Toulouse, ,
1784; les Traités' de mécanique de MM. de Prony, Poisson et Francœur; la Nouvelle Architecture hJ'dr~uliqlle de
M. de Prony, Paris, 11790-1796, 2 vol. in-4 o ; Bidone (Mém.
de l'Acad. de Turin, 1823,1824,1828,1829); Eytel.wein,
Manuel de mécanique et il' hydraulique, 1823; Hachette, Traité
élémentaire des machines, 1828; Langsdorf, Systéme complet
de la science des machines, 1826; Christian, Traité de mécanique industrielle j Poncelet et Lesbros, Expériences hydrauliques, 1832; l'Essai sur la solution nun;,érique de quelques
problémes relatifs. au . mouvement permanent des eaux courantes, par J,oB. Belanger, ingéuieur des ponts et chaussées,
1828, et l'Histoire de l'établissement des jàntaines à Toulouse,
par M. J'Aubuisson des Voisins.
Pour connaître le véritable débit d'une'source, c'est claus la
�DU DOMAINE PUBLIC.
2l
propre aux maîtres desfonds riverains et à chacnn
cl' eux vÎ<;·à· vis son hérité'ge, il en résulterait,
saison où elle est le moins abondante, c'est-à·dire sur la lin de
l'été, qu'il faut la jauger. Aussi U1pieu, en prohibantsur les rivières tout ouvrage capable d'en détourner le cours, dit·il dans
la loi 1re , § 8, If. tit. 13, lib. 43, interdiclo tenetnr qui aliter
fecitjluere quam PRIORE JESTATEjluxit•••• quia semper cerlior
est natnralis cursus jluminum JESTATE potius quam hreme...
œstas ad œquinoxiwn anlumnale refèrtur...
La CHUTE est due à la pente ou à l'inclinaison du sol du lit de
la rivière; comme c'est à cet état que la pente produit un effet
véritablement utile en tant que force motrice, il faut qu'elle soit
convertie en chute. Pour. at~eindre ce but, on est obligé, lorsque le lit ne présente pas une cascade naturelle, de briser en un
point quelconque sa ligne inclinée continue, et de ramener par
des travaux d'art ses deux parties à un plan à peu près horizontal, en réunissant en ce point les différences de niveau qui ~e
trouvaient précédemment disséminées d'une manière uniforme
sur toute la longueur. Le procédé le plus généralement. usité
consiste à dériver, au moyen d'un barrage ou déversoir élevé au
point où commence la pente dout on veut disposer, tout ou partie du. cours d'eau dans un canal creusé presque horizontalement
sur le flanc d'un côteau voisin, puis il l'endroit où l'usine doit
être construite, de le terminer brusquement pour en établir un
autre retournant au lit naturel, mais à un niveau inférieur et il
peu près le même que celui de. ce lit à l'endroit où,. finit la
pente dont on a la disposition; nous disons à peu près le
même, parce que, pour prévenir le remous d~ l'eauqtti réagirait sur la chute et la neutraliserait d'autant, il est nécessaire de
ménager dans le canal de fuite une légère inclinaison variable
selon les circonstances locales propres à augmenter le frollement, telles fille les inégalités du lit et les sinuosités des ri,"cs, mais (lui, dans les. petits cours d'eau, ne peut pas être
�22
TJtAl1'J~
1° Qu'en général on ne pourrait établir sur une
petite rivière aucun ouvrage tendant à diminuer la
au-dessous de 3 dix millièmes ou de trois millimètres par
10 mètres.
,
La hauteur de la chute se mesure de surface à surface de
l'eau, c'est-à-dire en prenant la distance perpendiculaire qui
existe entre le niveau superficiel de l'eau, en tête de la chute,
à quelques mètres en amont, et le niveau superficiel de la
tranche d'eau dans le coursier. A défaut d'indication contraire,
c'est d'après cette hase que doivent être interprétés les actes qui
contiennent des stipulations sur les chutes d'eau ou sur les
pentes.
.
On détermine la pente entre deux usines par une ligne droite
partant du fond du coursier de l'usine supérieure sous l'axe de
la roue et aboutissant sur le seuil de la vanne motrice de l'usine
en aval.
Il y a cette différence entre la vente d'une chute ou d'une
pente de même hauteur, que dans le premier eas le vendeur
dort livrer la chute entiè,re, déduction faite de la pente en aval
nécessaire au libre écoulement de l'eau, tandis que dans le second il suffit qu'il donne une portion de cours d'eau qui, d'un
point à un autre, présente uue différence de niveau de la hauteur promise, sauf à l'acquéreur à déduire de la hauteur de sa
chute la pente destinée à faciliter la fuite de l'eau au-dessous.
• Parfois, dit M. Daviel (Traité de la pratique des cours
tieau, nO 659, infine), auquel nous avons emprunté quelques-unes des notions qui précèdent, on se borne à déterminer
dans les actes l'épaisseur de la tranche d'eau passant sur la
vanne motrice. En pareil cas, pour prévenir toute difficulté ultérieure, les parties doivent prendre le soin .de préciser comment se mesurera l'épaisseur de cette tranche d'eau: si c'est la
rivière coulant dans son cours et son volume naturels; si c'est
la vanne motrice entièrement levée ou la vanne trempant, et,
dans ce cas, de combien la vanne trempera; si c'est la roue
�DU DOi'IAlI.'Œ l'UIILH': •
23
• rapidité de l'eau vis·à-vis le terrain d'nn antre,
sans le consentement de celui·ci, on sans se rendre
passible d'une action.
marchant ou la roue arrêtée. Suivant toutes ces conditions diverses, la tranche d'eau variera d'épaisseur. Si la vanne trempe,
elle exerce une retenue, et, de même, la vîtesse plus ou moins
grande de la roue influe nécessairement sur la dépense d'eau.
et, par conséquent, sur le niveau de l'eau dans le hief supé:
rieur. - Quand les parlies ont omis de s'expliquer à cet
égard, il semhle que l;épaisseur de la tranche d'eau doit se
mesurer quand l'usine marche suivant son régime et son activité ordinaires: car c'est l'effet utile produit par celte tranche
d'eau dont il a été disposé par la convention, et cet effet est
produit, non pas suivanlla force motrice de la rivière coulant
dans son cours et son volume natnrels, mais suivant la force
motrice résultant de la disposition du coursier et du régime de
l'usine. La tranche d'eau doit donc être mesurée à l'état où
elle est amenée par le régime de l'usine pour produire. l'effet
utile sur lequel l'àcquéreur ou le locataire a dû compter au
moment où il contractait. - Cette solution reposant sur ce que
c'est l'usine organisée suivant telles conditions qui a été achetée ou louée, et sur ce que, dès-lors, il ne faut pas sortir de
ces conditions pour juger les difficultés élevées entre les parties, il est presque superflu de dire qu'elle ne devrait pas s'appliquer dans le cas où un propriétaire, vendant ou louant un
terrain traversé par un cours d'eau pour la construction d'une
usine, g~rantirait une épaisseur d'eau de tant de centimètres.
Comme alors on traiterait, non en vue du régime d'une usine
qui n'existerait pas encore, mais en vue de la force motrice
disponiblc sur le terrain, la tranche d'eau devrait être mesurée, au point indiqué par la convention, la rivière coulant
de son cours naturel el sans s\lbir l'influence d'aucnne reletiue. "
�TltAITÉ
2° Que le gouvernement" ne pO~fl'ait lui-même.,
sans donner lieu à une indemnité à payer par l"i~.,
pétrant, permettre à un particulier de construire
snI' le cours d'une rivière une usine dont les barrages, en ralentis,sant la chute de l'eau dans la
partie supérieure, priver,!ient les propriétaires rive- ,
rains de celte partie, de leur droit de force motrice sans laquelle il leur serait désormais impossible
d'établir eux-mêm~s des lls~nes aux borcls de leurs
fonds.
Mais ce droit de propriété e~iste-t-iJ ? Nous, ne
le pensons {lits.
" 1236. En effet c'est uu pTincipe ,eonstant que
l'eau courante ne pent être la propriété exclusive
de personne: Quidem natu1'ali jure cqmmunia
sun't Qmnium ha,ec ~ aer ~ aqua prcifluens 7,
m(zre, etc. (1), Et ~i elle a été ainsi placée par le droit
naturel en de}lOrS J u domaine Je propriété, c~est
parce qu'il n'est donné à nullé puissance humaine
de s'en rendre maître et ùe la retenir en sa possession; c'est parce que la force motrice, qu~ est sa
quali,té constitutive, l'en traîne irrésistiblemen t, et
la soustrait à toute domination; <;)1' il y aurait une
contradiction choquante ,à regarder comme propriétairement appartenant à quelqu'un, un~ chose
qui échappe à toute détention, caractère essentiel
du droit de propri~té : donc la force motrice résultant de la pente d'un éours d'eau, fjllclle qu'en
pnisse être l'utilité, n'est point un droit de pro-,----~-,--
(1) § 1, inst. de remm dirisione) lib 2 , tit, 1,
�DU DOMAINE llUBLIC.
25
priété pour les maîtres de,s héritages adiacco ts à la
rivière.
Suivant l'article 714 du Code civil,'C( il est des
» choses qui n'appartienqent à personne, el dont
>l l'usa-ge est ~ommun à tous. Des lois d,e police
>l règlen t la manière d'en jouir.. » Cerlainemen t
l'cau courante est comprise dans cette catégorie.
'Toujours en mouvement, loujours changeante
dans sa position, toujours plus ou lI)oins in,docile,
el souvent indomptable dans ses écarts et dans la
direction qu'elle se donne, elle est, pat' son ess.ence
même, ph.cée au· dessus des règles pacifiques de la
propriété, pour oe rester soumise qu'aux prescriptions de la police générale qui gouvernent l'usage
<le cet élém,ent alitant qu'elles peuvent l'atteindre.
, comlJle
L ' usage cl.c l' cau courante, conSI"cl'cree
teUe, est donc toujours et demeure. essentiellement
dans le domaine dès lois de la police généi'ale, sans
jamais être par lui· même un droit de· propriété
exclusif pour personne; et de là résultent plusieurs
cons~quences pratiques qui nous restent à si'
gnaler (a).
(a) La solution législative de la question très-délicate de la
propriété des pentes a été l'objet d'un des articles de ta prnposi:"
tion faite à la chambre des députés en 1834, concernant les cours
d'eau non navigables, par MM, Aroux et Barbet, députés de la
Seine-Inférieure j proposition sur laquelle M. Rauter, député du
Bas-Rhin et professeur à l'école de droit de Strasbourg, a fait, à
la séance du 22 mai 1835, au nom de la commission chargée
de l'examiner, un rapp.ort dont il nous parait utile d'extraire
�26
mAlTÉ
1237. La première 1 c'est que, l'établissement
des usines à eau devant emporter l'acquisition sur
quelques passages donnant des notions' très-exactes, selon nous,
sur la matière.
« L'eau des rivières, dit-il, a toujours, en législation, été
considérée sous deux aspects:' so.us l'un" c'est un volume fluide
continu, se précipitant habituellement vers les lieux iuférieurs,
et, par cela même, peu susceptible d'être possédé autrement
que par la possession du fonds sur lequel il coule et des rives
qui le' bordent. Sous l'autre , c'est une agglomération de parties
fluides susceptibles d'être séparées du volume entier, et par
'Conséquent d'être possédées comme telles. Sous ce dernier rapport, à cause ,de l'utilité de cet' élément pour l'homme, de la
nécessité même où il est de s'en servir, l'eau des rivières, des
ruisseaux, a partout, ainsi que-l'air, ainsi que la lumière, été
considérée comme une chose commune à tous; elle n'appartient
à personne exclusivement, mais chacun peut en faire usage,
'en se conformant aux lois qui règlent cet usage.•.... LI\ pente
de l'eau est à la fois une qualité du cours d'eau et un effet du
lit du cours d'eau même. Elle dépend à la fois de l'eau consÎ;.
dérée comme chose commune à tous, du cours d'eau considéré
comme une masse fluide contenue et renfermée dans de certaines
limites, et du lit dq cours d'eau considéré comme propriété
exclusive des riverains~ La pente d'eau est donc d'une nature
mixte; et si l'on ne peut pas dire d'une manière absolue qu'clIc
appartient en toute propriété aux riverains, on ne peut pas dire
non plus qu'elle ne leur appartient pour rien du tout...... La
propriété du cours d'eau, en tant qu'elle s'identifie avec celle
du lit, forme ainsi un objet complexe, et est .grevée, dans
celle de ses parties qne l'on distingue particulièrement SOU);
les noms de l'eau, du cours et de la pente, de servitudes lé-.
gales qui ont une nature particulière.. ..
:Malheureusement, la proposition n'ayant point été convertie
~n loi, les difficultés qu'elle avait pour but d'aplanir, et dOJJ~
l)
�DU DOMAINE PUBUC.
27
le COl1l'S lie la rivière d'un droit d'usage exclusivement possédé par leurs propriétaires ou exploitants,
les réflexions qui précèdent signalent les points principaux, restent entières, et elles sont si graves que l'administration, cependant assez souvent disposée à se porter juge des questions
de propriété, s'est toujours abstenue de les résoudre, et les a renvoyées à l'autorité judiciaire. En effet la jurisprudence la plus
constante du eonseil est que l'ordonnance autorisant la construction d'une usine sur un cours d'eau non navigable ni flottable, ne COf!.stitue qu'une simple permissi(JlI auordée sous les
rapports de la police, et sans préjudice des droits relatifs à la
propriété du sol J à l'usage des eaux et aux autres droits des
tiers. (Arrêts des 28 avril 1824, de Torcat c. Montaut; -13
juillet 1828, de Lirac; - Il février 1829 , Laroque, et 6 mai
1829, Delamne.)
Quant aux tribunaux civils, ils ont en général admis l'opinion ci-dessus de M. Proudhon; et ne trouvant aucun texte de
loi qui alt~ibue aux riverains d'une petite rivière la pente existant le long de leurs fonds à titre d'accessoire au de partie intégrante de leur propriété, ils ne voient dans la fixation de la
hauteur des retenues pour le service des usines qu'un réglement
de l'usage des eaux essentiellement dans le domaine de l'administration chargée de déterminer celte hauteur. Telle est la
hase des diverses décisions rendues en cette matière et notamment de celles ci-après les plus explicites que nous offrent les
recueils.
Un sieur Martin, propriétaire d'un héritage sur les bords de
la petite rivière de Notre-Dame-des-Champs, s'étant pourvu
contre le sieur Adeline, qui avait été autorisé i, disposer, pOUl'
l'établissement d'une usine, de la pente existant devant la propriété du demandeur, il intervint, le 16 janvier 1830, un jugement du tribunal de Rouen, confirmé le 15 mars 1831 p:,r la
Cour royale de celte ville, ct qui est ainsi conçu: " Attendu,
que le volume et la pente des eaux d'une x:ivière ne paraissent
�28
TILUfE
il faut que ceux-ci en obtiennent la concession,du
gouvernement, puisqu'il s'agit J'acquérir une
chose qui est placée dans le domaine de la loi de
susceptibles d'aucune propriété ou copropriété pnvee; que
d':lbord cette attribution ne pourrait résulter que de la loi qui
ne la consacre dans aucun texte; que ce qui se conçoit seule..:
ment, c'est l'usage de ces eaux, le droit acquis à cet usage
dans ses rapports avec un service, une utilité quelconque,
positive ou spéciale, tels qu'une usine ou l'intérêt de l'irrigation ; - Attendu que les tribunaux apprécieront bien cc droit,
réprimeront, comme doit le faire p'lfticulièrement le juge de
paix, l'entreprise nouvelle dont se plaindrait un riverain, parce
qu'il s'agit évidemment du préjudice porté par ce nouvel œuvre
à un objet d'intérêt privé, et encore, ainsi que s'en explique
l'art. 615 C. civ. , sous la condition de respecter les réglemenh.
s'il en:cxÎste, toutes choses inconciliables avec l'idée d'une propriété vague et abstraite de telle ou telle pente de ces eaux;Attendu que ce qui démontre de plus en plus l'inadmissibilité de la prétention du sieur Martin, c'est la législation sur les
pouvoirs de l'autorité administrative en matière de jouissance
de cours d'eau, puisqu'à cette autorité seule appartient formellement la haute police de ces ea~l.X, leur direction, la fixation
de leur hauteur, l'autorisation des usines nouvelles, avec concession de tout ce qui est nécessaire à la mise en activité; que,
s'il en est ainsi, aucun propriétaire ne peut donc se dire maître
de la bauteur des eaux; les eaux ne sont donc, sous quelque
rapport que ce soit, dans le domaine privé; s'il en était autrement, l'administration serait affranchie de toute surveillance
étrangère, de tout pouvoir de s'immiscer dans la conduite des
eaux, et de faire les réglements dont parle l'art. 64'5, parce que
tel est le caractère invariable, essentiel du droit de propriété;
- Attendu que les attl'ibutions données à l';ulorÎlé administratIve le sont pnr des motifs faciles à saisir et déduits nettement
�DU DOMAINE l'UBUC.
29
l)olice 'générale dont la haute administration 'est
)'orrrane'
h
,
1238. La seconde ~ que le gouvernemel1l est
par le législateur lui-nième, c'est-à-dire l'illlportance dont il
est pour l'utilité générale de favoriser les établissements industriels pO'ur le plus grand développement des richesses territoriales; d'où résulte que rien ne peut neutral iser ces considérations,
et c'est ce qui arriverait, et toute l'économie de la loi 'deviendrait illusoire dans l'hypothèse d'une reconnaissance de vraie
propriété ou de la propriété privée de la hauteur actuelle d'une
rivière; - Attendu qu'aucune législation n'a jamais établi deux
juridictions distinctes, indépendantes l'une de l'autre, avec le
moyen cependant de faire annuler par celle-ci la décision
rendue par celle-là; qu'en supposant, pour un moment, défillitive, exempte de tout pourvoi la mesure administrativement
prise, le sieur Martin, si son action actuelle était foudée, ferait
infirmer tous ses arrêtés, puisque telle deviendrait la conséquence de la déela,'ation de copropriété qui rendrait le tribunal
juge suprême de l'administration placée dans son plus haut
degré; que ce serait là un véritable chaos d'où sortirait le défaut absolu de stabilité· dans les actes d'un pouvoir régulier,
stabilité nécessaire aux citoyens et à l'ordre public. »
Le pourvoi formé contre l'arrêt confirmatif de ce jugement
a été rejeté par la Cour de cassation le 14 février 1833, eli
ces termes: « Attendu que la pente des eaux non navigables
ni flottables doit être rangée dans la classe des choses qui,
suivant l'art. 714 du Cod. civ., n'appartiennent privativement à
personne, dont l'usage est commun à tous et réglé par des lois
de police; -Attendu que la prétention du demandeur d'tmè
propriété absolue sur la pente du cours d'eau dont il s'agit, n'est
appuyée sur aucune concession spéciale ou possession ancienne,
ce qui pourrait seul modifier l'application de l'art. 71'1; Attendu d'ailleurs qu'aux termes dcs'lois Je 1790 et 1791, sur
�30
1'ilAl1'É
pleinement le maître d'accorder aux propriétaires
riverains d'une rivière, et en cas de concurrence,
la matière, l'administration a droit d'autoriser les établissements
d'usines sur les riviêi'es navigables ou non navigables, et de
fixer la hauteur des eaux; que si ,par suite des mesures aùtorisées par l'administration, les riverains éprouvent" quelques
dommages, ils peuvent même, sans attaquer cet acte; réclamer
des dommages-intérêts et les réclamer devant les tribunaux;
mais que s'ils se plaignent qiIe les établissements autorisés par
l'administration oilt diminué la hauteur des eaux qui traversent
leurs propriétés, ou en ont rendu la pente plus ou moins rapide , cette réclamatiori, qui tend à faire révoquer ou modifier
l'acte administratif, doit être portée devant i'aùtofité administrative. » (Slrt!lJ 33-1-4l8. )
Dans plusieurs endroits de son Traité de la pratique deI cours
d'eau, M. Daviel s'élève avec force contre cette doctrine qu'il
prétend n'avoir été consacrée par ies arrêts précédents qu'à raison de l'extrême faveur du fait qui fit outrer les principes. Selon lui, nO 538, u la pente des rivières, c'est-à-dire la force
li motrice qui rbulte de l'inclinaison du lit et de la disposition
li des berges, appartient aux riverains, à titre d'accessoire inhé» rent au fonds que le cours d'eau tra'verse (art. 552, C. civ.).
" L'art. 644 complète à cet égard la démonstration. Le proprié.
" taire riverain peut changer le lit dans l'étendue de sa proprié» té, et ce droit de disposition entraîne nécessairement la dis," position de la pente... Le pouvoir qui appartient à l'adminis» tration de régler le cours et la hauteur des eaux, dans l'inté» rêt général, ne peut pas aller jusqu'à transporter à un proli
priétaire riverain la pente qui existe sur le fonds d'un autre
" riverain, si cette pente peut être au premier d'une utilité
" quelconque, et si aucun intérêt prédominant n'en réclame le
» déplacement. » Il ajoute qu'il ne comprend pas comment la
pcnte ou chute naturelle existant dans l'étendue d'une propriété
peut être l'l'gardée comme étant d'un usage commun à tOIlS;
�DU DoMAINE PUl3LH:.
31
à ceux d'entre eux qu'il Juge à propos de préfërer,
la faculté d'établir des usines sur leurs fonds; sans
comment un autre que le propriétaire du fonds où elle se trouve
naturellement pourrait s'en emparer, pu.isque pour la transporter ailleurs il faudrait qu'il creusât le lit de la rivière ou qu'il
relevât le niveau des eaux devant les héritages qui ne lui appartiennent pas; à ses yeux, la Cour de cassation a confondu l'eau
considérée comme élément offert aux besoins naturels de tous,
avec la force motrice qui est l'accessoire des fonds que le cours
d'eau traverse et qui appartient au maître de ce fonds, indépendamment des concessions de l'administration et de toute réalisation d'usine. En autorisilnt une usine, l'autorité ne concède pas
un drJit nouveau; elle ne ait que régler, par voie de police, un
droit préexistant; elle surveille et réglemente dans l'intérêt général , mais 'eHe ne dispose pas de particulier à parti.culier.
Cependant, plus loin, na 565, il reconnaît que l'exercice de
ce po,uvoir, en quelque sorte providentiel de l'administration,
pertt modifier les droits privés; qu'il ne doit pas être arrêté dans
sa marche par leur considération; qu'il peut faire table rase de
tous les titres et de toutes les anciennes possessions; qU,e le gouvernement, tenant de la loi du 6 octobre 1791 la faculté de régler le niveau des eaux, il aussi, par là même, comme le remarque très-bien lU. Tatbé de Vanxclairs (Répert. dé TiOllV. législat., va moulin), celle de changer l'état primitif des lÎeux,
parce qu'il n'y aurait rien à régler si l'on ne pouvait rien modifier. Partant de là, il admet (nOS 624) que l'on ne doit point s'arrêter à l'opposition des riverains motivée sur la suppression tlë
la pente devant leurs héritages, lorsque, par une cause quelconque, telle que le peu d'inclinaison du sol, l'extrême division
des fouds, l'escarpement du bord de la rivière, et surtout cette
circonstance que la rive opposée appartenant au constructeur de
l'usine, son voisin vis-à-vis n'aurait pas le droit d'en établir une
de son côté, etc., il est évident que cette penle ne pourrait être
utilisée et sera it .perùue pour lous ; que ,dans ces cas il sùfJit que
�32
TH..Al'l'É
qu'à raison du cours d'ean 'concédé à l'un,
lèS
autres pnissent se plaindre d'aucune lésion; ni réles ~iverains qui ne peuvent tirer des eaux aucun avantage in'dustrieZ, continuent 11 jouir, comme par le passé, des autres avantages de ce voisinage et n'éprouvent aucun préjudice de la diininution de hi pente, si, par exemple, le cours d'eau conserve toujours un écoulement suffisant, si aucune stagnation, aucune
i~ondation ne sont à craindre, et si les mêmes facilités' pour
l'irrigation continuent de subsister.
Tel est aussi à peli près l'a,:is d'e M. de Cormenin sur ce point.
li
Il faùi, dit-il ( Questions de droit administratif, t. 2, page
322, 4" édùion), résoudre négati nent la question de savoir
si le gouvernement peut disposer, au profit d'ùn tiers, de tout
ou partie de la pente d'un cours d'eau non compris dans les déJlendances du domaine public. Cette opinion se fonde sur le
principe qu'uue pareille disposition serait ~u'e espèce d'expropriation indirecte que réprouveraient d'ailleurs les art. 640 et 644du Code civ. - Toutefois nous pensons qu'il y a lieu de distinguer; et nous embrasserions volontiers la doctrine des ponts
et chaussées sur ce point délicat. - Cette doètrine est que la
}lropl'iété des pentes existantes vis-à-vis des propriétés ,riveraines
ne peut être utilement et exclusivement employée que par celui
qui serait propriétaire des deux rives, sur une assez grande
longueur, pour que cette pente puisse devenir une force motrice.
Mais cc cas est fort rare; ordinairement c'est le propriétaire
d'une rive qui se propose de construire une usine) ce qu'il ne
peut faire qu'en disposant d'une partie de la pente corre.pon- ,
Jante âttx propriétés voisines. Il est impossible, 11 l'exception de
grandes propriétés, d'élablir une usine sans dénaturer plus on
moins le régime primitif des eaux. Mais cette considération n'a
jamais arrêté l'administration quand l'état des lieux peut être
changé sans un préjudice notable. En effet, une pente nécessaire
pour faire motivoir une usine, correspond à
grand nombre
de propriétés, et, sous le rapÎlOrt de la force motrice; elle sel":'Iit
un
"
�DU DO:\IAINE l'UllUC.
clamel' aucune indemnilé soit contre l'état, :soit
contre le concessionnaire, puisque le droit de force
"
perdue pour tous, si elle était morcelée. De tous temps l'administration a reconnu quc, pour encourager l'industrie, le gouvernement avait le droit de disposer de la pente en faveur de
celui qui la réclame le premier, ou qui po;sède la plus grande
étendue de propriété littérale; tuais elle n'accorde l'autorisation
qu'après s'être bien assurée que le changement fait au rég'ime
des eaux ne peut portet préjudice aux tiers. "
Au reste, quand l'art. 644 du Code civ., ~tabl;ssant les droits
des riverains des fours d'eau et distinguant entre les propriétaires
qui le bordent d'un seul côté et ceuX qui le joignent des deux,
n'accorde aux uns que le droit d'irrigation, tandis qu'il permet
aux autres un usage plus étendu consistaut dans la faculté de
s'en servir même pour mettre en mouvement des usines, il est
~vident qu'il ne parle des premiers que distributi vement, chacun
considéré en particulier; car si deux riverains opposés réunissent leurs intérêts, ils ont ensemble les mêines droits qu'aurait
le propriétaire dont le fonds unique serait traversé pnr la rivière,
et par conséquent ils peuvent établir aussi une usine, pourvu
qu'à la sortie de leurs héritages ils rendent l'eau à son cours naturel. Qu'importe en effet aux maîtres des fonds inférieurs que
la propriété de chaque rive repose en deux mains différentes?
C'est là un pur accident qui ne peut leur conférer des droits et
qui d'ailleurs est de nature à disparaître contre lenr volonté l'ail'acquisition que ferait l'un des rivernins du fonds situé de l'autre
côté de la rivière; nous n'hésitolls donc pas à préférer, à l'opinion contraire de M. Proudhon au nO 1436 ci-après en ce «ui
concerne l'irrigation, celle de la Cour de, Besançon, consignée dans son nrrêt du 24 mai 1828 (Sirey, 28-2-346) et
basée sur l'avis de 1\1. Pardessus (Traité des serVzllldcs,
nO 105).
Nous pensons même qu'ull l'ive;ain <i;un seul côté pourtait se
10.:\1. IV.
::>
�34
TRAITÉ
.motrice concédé au premier ne leur appartenait pas
propriétairement;
1239. La troisième" que dans l'hypothèse
précédente, quoique les barrages ou écluses de
l'usine autorisée par le gouvernement paralysent la
chute d'eau et la force du courant vis-à-vis des héritages .supérieurs, et en traînen t, pour leurs propriétaires, la privation de la faculté de profitel' euxmêmes de la force motrice du cours d'eau, pour le
cas où ils voudraient aussi construire quelques
machine" hydrauliques dans la suite; néanmoins
ces propriétaires' ne seraient pas, par celte seule
raison, fondés à s'opposer à l'ordonnance de concession, ni à prétendre à aucune indemnité; parce
qu'ils ne seraient en cela privés d'aucun droit de
propriété leur appartenant exclusivement;
La quatrième, que quand le gouvernement
accorde la permission d'établir des usines, l'acte
de concession confere à l'impétrant un droit absolu
et parfait à l'usage du cours d'eau destiné à les
servir de l'eau pour autre chose que pour l'irrigation, s'il ne
causait aucun préjudice au propriétaire du fonds opposé, soit en
le privant d'une partie du volume de la rivière, soit en rejetant
le courant sur lui; rien ne s'opposerait, par exemple, ce nous
semble, à ce que sur la moitié du lit qui joint son fonds, il établît
un moulin sur bateau, ou même fixe sur pilotis, pourvu qu'il
mt à roue pendan'te ou à eau plate, c'est.à-di;e sans retenue ni
barrage. Un arrêt de la Cour de Toulouse du 6 juin 1832 (Sà'o/,
32-2-413) l'a décidé de la sorte dans une espèce où l'axe de !l,
roue reposait snI' un rocher qui se trouvait dans III rivière.
�DU DOMAINE PUlIUC.
35
mettre en mouvement; puisque l'autorité publique
est la dispensatrice légale et nécessail'e des usnges
de celte nature, et que celui qui les obtient d'elle
:en fait une acquisition tellement valable que l'on
ne pourrait plus l'en priver, et par suite suppl'imel'
son établissement sans l'iildelllniser d'U11 droit qui
lui était légitimement acquis;
1240. La clilquième ~ qu'en l'absence de tout
titre, et toutes choses égales d'ailleurs; lorsque,
par le fait, deux propriétaires se trouvent en collision d'intérêts, comme possédant SUI' la même
rivière des usines dont l'existence simultanée est
incompatible, c'est celui dont l;établissement est
le plus ancien qui doit l'emporter, puisqu'il a en
sa faveur le droit de premier occupant;
, 1241. La sixième; q'ue dans les débats qui
,s'élèvent entre les divers propriétaires d'usines, le
gouvernement peut toujours iiltèrvenir pour leur
imposer un réglement sur la jouissance et l'usage
du couts d'eau, à moinsqlle les titres de quelquesuns n'y fassent obstacle;
1242. Enfin, quoique un cours d;c:lIl, comme
nous le considérons ici, ne soit point l'objet d'une
propriété excI usi ve pour les possesseurs des fonds
adjacents à la rivière, ceu~-ci peuvent néanmoins
•• PI'lVCS,
.•
s,.Imposer entre eux, ~t d
ans l
cnrs'wicres
dcs réglemcnts de jouissance qu'il ne leur serait
pas permis de violer dans,la suite, attendu qne
chacun est ma1tre d'imposer à son fonds toute
servitude qui peut être utile à celui d;lln autre;
�TRAITÉ
.~
c'est ce que décide positivement la loi romaine dans
l'espèce suivante:
Un pl'opriétaîre possède deux fonds voisins
'connus sous les dénominations, l'un de Géronien, et l'antre de Botrien, tous deux situés
ail bord d'une partie de la mm' où se fait la pêche
du thon. Il vend le premier avec la servitude pour
l'acquéreur' de ne point venirpêche,' près du
fonds non vendu; or, quoique en général on ne
puisse, par une convention particulière, établir
une servitude sur la mer, dont l'usage appartient
naturellement à tout le monde,cependnl'it, comme
ici la servitude est imposée sur le fonds vendu; et
comme les conditiOlls de la vente doivent être
exécullies de bonne foi, celle clause oblige personnellement le possesseur de la terre, ainsi
que ses snccesseurs et ayant-cause : J7enditor
fundi geroniani fzmdo botroiano, quem retinebat, legem dederat, NB CONTRA EUM PISCATIO THYNNARIA BXERCEATUR, quamvis mari, quod naturd omnibus patet, servitus imponi privatd lege non potest, quia tamen bona
fides contracttls Legem servari venditionis exposcit, personae possidentium, aut in jus
eorum succedentium, per stipulatiollis veZ
venditionis legem obligantur (1).
Tnbs-certainement les conven tians de cette nature, n'ayant rien qui soit contraire aux lois ou
(1) L. 13 in princip. , ff. communia prœd. , lib. 8, tit. 4.
�DU DOMAIl'iE PUBLIC.
37
aux bonnes mœurs, doivent être exécutées chez
nous comme elles l'étaien t chez les Romains; et
de là il faut conclure,
1243. 1° Que toutes les fois qu'cntre lesdiffé-.
l'ents propriétaires d'usines établies sur des cours
d'eau, ou cntre les propriétaires des fonds riverains, il est intervenu des conventions sur l'usage.
des eaux, soit qu,c le partage de la jouissance en
ait été arrêté entre eux dans une certaine proportion, soit que l'un y ait totalement renoncé pour
l'avantage de l'autre, les réglements de cette nature son t obligatoires, et doivcn t être exéèutés
entre ceux qui les 0\1t souscrits, ainsi que par leurs
successeurs et ayant-cause;
2° Que les déhats qui peuvent s'élever SUI' l'exécution de ces sortes de conventions doivent être
porlés en justice ordinaire, comme n'ayant ponr
ohjet que des intérêts privés.
1244. U oe question que nous avons vue s'élever, et qui doit natUl'ellemenl trouver ici sa'place,
consiste à savoir si un maîlre d'usine pourrait,
.con Ire le gré d.e~ prop,riétaires de fonds joigna nt la
rivière et vis-à-vis ces fonds, se servir du cours
d'eau comme moyen d~ tl:.ansport, pour amener
près de son usine t~usJes approvisionnements de
hois, charbons et autrés, nécessaires à son roulement?
S'il S,' agissai t de passages de pure fa n taisie tlu' Il n
tiers prétendrait avoir Je droit d'exercer, nOlis
croyons que le riverain, qui est usufmitier de )a ri-
�38
narrÉ
vière, serail fondé à s'y opposer, parce qu'en géné~
raI il n'est rien dû sur le cours d'eau à ceux qui ne
le joignent pas on qui n'ont aucun service utile ~
lui demander.
Mais ici c'est tout autre chose, parce que le ser~
vice en question est utile à celui qui l'e-xerce et
qu'il se rattache médiatemeQt à l'utili,té puhlique
du commerce: nous cl'Oyons donc que, sa uf les
dommagés-intérêts qui pouri'aient être dus pour
dégradations causées aux héritages adjacents à la
rivière pal' les conducteurs de bateaux, le pt:opriétaire d'usine doit avoir le droit de pl'oGter du
cours J'eau pour le faire servir à ses approvisionnements; et mème au transport des' marchandises
qu'il y aurait l11anufar.turées.
Cette décisiol} n'est qu'une conséquence immédiate de ce qui a été dit, tant dnns le présent cha~
pitre que dans le précédent, sur le droit de flottage
à hûches perdues.
En effet il ne fau t pas perilre de vue que; snivan t
le Droit romain" qui a été notre lêgislation -primordiale, les rivières et ,leur cours d't}all étaient
indistinctement et génémlement soumis à l'usage
de tous: PLumina autem omniaet portus pu·
Mica sunt, ideoque jus piscandi omnibus com~
mune est in porUt jluminihusque (1); q ne, par,
1 ce d
' d' usage commun a,
une consequence (e
'l'olt
tous, chacun avait aussi la faculté de condnire ses
1
(1) Instit., § 2, de rërum dirisione, lib. 2, tit. 1.
�39
UU DOMAINH l'VIlLIe.
barques ou bateaux sur la rivière, de les attacher
aux hords, el d'y exercer tous les droits de passage
et antres nécessaires à leur conduite: Riparum
quoque usus publicus est jure gentium ~ sicuti
ipsiusflttminis : itaque naves ad eas appellere,
fimes arborihus ihi natis religare, onus aliquod
in his reponere~ cuilihet liberum est, sicut per
ipsum (lumen navigare (J) ;
Que, la féodalité, qui s'était emparée des petites
rivières (a), étant aujburd'hui abolie, nous nons
(1) Instit., § 4, de rerum dilJisione, lib. 2, tit. 1.
(a) Le droit de banalité d'une rivière consistait à la tenir
continuellement en défense, et à empêcher qu'on n'y pdt aucun
droit ou usage quelconque. « La banalité, dit Bretagne sur la.
» Coutume de Bourgogne, édit. de 1736, pag. 551 f est une
» exemption et une exclusion de tous droits d'usage et de ser» lJitude sur les bois et rivières de cette qualité.
Despingles,
commentant l'art. 2, tit. 13 de la même Coutume, s'explique
d'une manière non moins positive, en ces termes: li Le droit
.. de banalité en rivière s'entend que par la défense du sei" gneur haut-justicier, les sujets ni autres n'y peuvent pêcher,
" divertir l'eau, ni en prendre aucune commodité, sinon celle
" de boire et abreuver le bétail, à peine de l'amende. Il
C'est en vertu de ces principes également enseignés par Ta.isana, sur le même article, par Davot (Traùés de Droit jranFaù, tom. 3, page 297, nO 62), et par le président Bouhier
(OhserlJ. sur la Cout. de Bourg., tom. 2, ch. 62), que le
Parlement de Dijon proscrivit, par arrêt du 13 août 1779, la
prétention élevée par la dame de Seyssel et autres, d'établir sur
la rivière de Furans en Bugey, affectée de banalité au profit
cle la dame de Longecombe, un radeau pour le transport de bois
il Lyon.- Un autre arrêt du même Parlement, du 8 mai 17H9,
)J
�40
TRAITÉ
trouvons replacés sous ces règles Je la législation
romaine, qui ne ·sont antre chose que l'expression
du droit naturel, suivant lequel l'eau courante
n'appartient à personne, et l'usage en doit être
'}'cre,
commun a, tous; que 1c cours d''eau, COnSl(
comme moyen de transport, doit rester commun,
parce qu'ii n'est pas suscepti.ble J'appartenir exl ' qu "a l' autre (a ) ;
,
C l uSlvemenl
a, l' un putot
Que non-seulement il n'existe aucune disposition d:ms nos codes qui suppose que les propriétaires riverains puissent empêcher l'exercice de cet
usage; 111ais qu'au contraire, et comme on l'a vu
plus haut (1), nos lois sur le fhttage à bûches perdues, et notamment l'article 9 Je celle du 25 août
1792, en COnsacrent la liberté (~),
--------~-_.
alla plus loin en défendant à un sieur Degré de ~rambon, de
transporter avec un bateau d~s fers d'un caté à l'autre de la rivière hanale de Bèze, appartenant en toute justice à M. de
Grosbois. Ce seigneur, outre les moyens de droit, faisait valoir
commè considération les dommages que le passage réclamé causerait anx bords de sa rivière, la surveillance qu'il serait obligé
de faire exercer S\lr les batel~ers pour prévenir des délits de pêche et autres, enfin l'obstacle que le passage x;éitéré Jes bateaux
mettrait à l'exercice de son droit de pêc~e, notamment en dérangeant et brisant les filets.
(a) Licet ergo jure gentium, dit Dumoulin (Cons. XIV de trajectu Rheni), enapigare et transmiuere et jlumen jure gentium
omnibus conceditur uti non impediendo napigationem aliorum.
(1) Voy. ~urlout dans la, section 2 du chapitre 41 , des droits
domaniaux sur les rivières, sous le nO 904.
(h) Nous ne saurions admettre la distinction faile par M. Proudhon entre le passage dans un but utile et celui de pure fantaisie;
�DU DOJIAINE PUBLIC.
41
Quant à la compétence de l'autorité, c'est en
nous pensons avec M. Daviel (T,.. de la pratiq. des cours d'eau,
551), que, dans tous les cas, les dispositions ci-dessus citées
du Droit romain, ainsi que des lois spéciales concernant le flottage il bûches perdues, sont étrangères aux cours d'eaù qui ne
sont ni navigables ni flotta hies , et que u les propriétaires rive» rains (d'une petite rivière), ce sont ses termes, soit que le
» cours d'~au traverse, soit qu'il borde leurs béritages, ont
" droit d'empêcher que des voisins circulent en bateau dans la
» partie qui leur appartient; qu'ils peuvent en défendre l'accès,
» comme l'accès de toute autre propriété; et que revendiquer
» pareille faculté de circul~tion serait voulo;r établir sur l'hé» ritage d'autrui une véritable servitude de passage. » En effet, comme le dit U1pien (L. l ,ff. de flllm. ), un cours d'eau
privé ne diffère en rieu des autres propriétés particulières, nill!'l
'enim diJfert a cœteris locis pl'ùJatis flumen pl'ipatum ; ce qui est
incontestable, au moins quant à l'usage, dans le cas même où
l'on admettrait que les riverains n'ont pas la propriété tréfoncière du lit; car cet usage n'appartient point de plein droit
au public qui ne peut le réclamer, en ce qui concerne notam'ment le flottage et la navigation, qu'antant que l'autorité l'a for.
mellement permis en déclarant la rivière navigable ou flottable.
(Voy. la note SO/lS le nO 1203, supl'à, tom. 3, pag. 660.) ,
Ainsi il nous paraît constant que si le propriétaire d'uu héritagc traversé ou bordé par une rivière non navigable ni flottable fait dans le lit ou sur les bords, des ouvrages de nature à
empêchcr la circulation des barques ct bateaux, tels que barrages,
plantation de pieux, établissement de chaînes, etc., nul ne
pourra le contraindre il les enlever ct il livrer le passage, de
même que l'on ne pourrait ohliger le maître d'un pré ou d'Un
champ à supprimer les obstacles qu'il y aurait établis pour empêcher qu'on ne le parcourût il pied ou avec voiture, lorsque du
reste il n'ya point de servitude, soit légale pour cause d'enclavé,
soit cOllventionnelle. D'après la loi romaine, le propriétaire
pouvait déjà s'opposer il ce que l'o'n entrat sur son fonds, qui
nO
•
�'l'l\AlTÉ
justice ordinaire que toute contestation sur cette
alienumJandum ingreditur, potest a domino, si id prœlJù1erit ,
prohiheri ne ingrediatur.
1\lais pourrait-on aller plus loin, et le propriétaire riverain
aurait:"il, indépendamment de cette faculté de placer des obstacles matériels ,'lc droit d'actionner en justice celui qui voudrait
circuler sur la rivière avec une barque pour lui faire intimer
l'ordre de s'en abstenir?
L'affirmative de 1a question ne ferait pas le moindre doute
dans le Droit anglais, selon lequel le fonds de chaque particulier est censé clos et séparé de celui de son voisin par une borne
id'éale et fictive, à défaut de clôture matérielle et visible; de
telle sorte que toute entrée sur le terrain clos ou non clos d'autrui, sans le consentement du propriétaire, est déclarée injure
pour celui-ci et est qualifié délit par la loi; Cl le droit du tien et
~ du mien, ou la propriété des terres une-fois établie, dit Blaks" tonne, lois cilJ., liv. 3, ch. 12, il s'ensuit, par une consé" quence nécessaire, que ce droit doit être exclusif, c'est-à" dire que le propriétaire doit retenir pour lui seul l'usage
" et la jouissance de son terrain. Ainsi, toute entrée qui s'y
" fera, sans l'aveu du propriétaire, et spécialement contre son
.. ordre t'xprès, est une transgression de la loi. " La réparation
de ce tort s'obtient par une action de délit entraînant uue condamnation à des dommages-intérêts dont le chiffre est fix.é eu
égard à l'intention du délinquant et à la quotité du préjudice
réel causé. Dans le cas où le propriétaire ne peut spécifier aucune
perte, le statut ou writ en indique une générale, celle provenant
de l'herbage foulé.
Il en est autrement en France, et quant à la qlJestion spéciale qui nous occupe, nous pensons qu'une distinction est à
faire:
Si l'héritage traversé ou bordé par ]e cours d'eau est ouvert
de toutes autres parts, le lit de la rivière est de 1a même natureque le surplu:> du fonds sur lequel on peut toujours passer, ilmoins qu'il ne soit préparé ou ememencé (1I1't. 471, n' 13 d.\
�DU
DO~rAINE
PUllLlC.
43
espèce de navigation devrait être portée, attendu
qu'il ne s'agirait ici que de débats d'intérêts individuels 'et purement privés Ca).
Code pén. ), ou chargé de récoltes (art. 475, nO 9). Le propriétaire n'aurait donc aucune action, soit de police, soit civile, pour
empêcher le fait du passage en lui.même, sauf cependant celle en
dommages-intérêts, dans le cas accidentel où on lui aurait causé
un préjudice réel et appréciaLie , tel que dégradation des bords,
bris de filets ou engins de pêche, etc., de même qu'il ne pourrait se plaindre du simple passage à pied ou en voiture sur le
reste de son héritage dépouillé de sa récolte, à moins qu'il n'en
eût éprouvé en même temps quelqu'autre tort; c'est ici le cas
de l'a'pplication de la règle d'U1pien, nihil dijfert a cœterÎs lods
prù:atis flumen privatum: le passage sur un fonds ouvert et
non cultivé ne constitue 11 lui seul, et indépendamment de toute
~ircon~tance accessoire, ni contravention, ni trouble civil dont
on puisse demander en justice la prohibition ou la réparation.
Mais si au contraire l'héritage était clos dans tout le surplus
de."son. périniètre, nous pens'ons q'ue la circulation en bateau
sur la J;'ivjère qui le horde ou le traverse, devrait être assimilée
~ I~llle violati0l} de clôture, qui, si à elle s,eule et abstraction
faite de t ut délit commis par son moyeu, ne forme pas une con~
r
• 1pume
.' par l e C
' l , n' en est pas moms
. un trou hl'c0 d
e pena
traventlOn
de'nalure à fonder une acti6n judiciaire. On pourrait alors agir
contre 1 le Là teIler' comme contre celui qui, sans intention de
cnmmelÏtre un. 'Vol, escaladerait le mu!" ou la baie d'un clos:
c\lr une rivière qui borde une propriété ferméè, fai t partie in~
tégrante ,et complémentaire de sa clôture, tellement que le fonds
d~Ù ~lre réputé entièrement clos (1\'1:. Pardessus, des Servitudes,
n~ 139, et suprà, note b du nO 783, tom. 3, pag. 112), et il
ii'est pas plus permis' de franchîr, sans le consentement du proprié! if-e', l'uue que les autres àvec'des échelles ou uile barque..
(t!) Voyez sur ce droit de navigation envisagé d'une maniére
plus étendue et dans diverses hypo.thèses~, la section IV ci-après
du présent chapitre, nO~ 1255 et 1256.
A
•
�TRAlTÉ
SECTION III.
Du droü de pêche.
1245. Dans le système des lois romaines,
l'exercice de la pêche était libre à chacun dans
toutes les rivières; mais celte grande liberté, qne
les Romains avaient considérée comme dérivant
1
dn droit des gens, fut anéantie chez nons par le régime féodal, que les Francs établirent après leur invasion dans les Gaules, et au moyen duquel lês seigneurs s'attribuèrent exclusivement la pêche dan,s
les petites rivières. Un décret de la convention nationaledu 30 jllillet 1793, rétablit les choses'da~s
leur ancien état en déclarant que ce droit seigneurial avait été compris dans l'.abolition générale"-~'e
la féodalité.
1246~ Cepen<1ant 'ce décret, ni au'clin antre,
n'avait encore stalUé sllr le point de savoir si Ir
l'avenir chacun alhait le libre exercice de la I~êéhè
conllue sons la législation rOl11ain~, 'ôu s{"l.'pn ri~
devrait pas la·considé.rer coml'ne devant être l,'obje~
d'un droit communal appartenant à chaqlle muqicipalité dans l'étendue de 'son territoire; ou si: ennn,
elle ne devait pas être plutôt réputée 'nne dépendance dcs héritages riverains. C'est ce del'Oiel'.s~
tème qui fut adopté par un avis du Const;il d'éi~!
,du 27 ni~ôse an XIII, appl'Ouvé le 3 plu~iôs<t:;le~
quel, ({ considérant, 1 0 qll~ la pêche des 1~.fi~res
:» non navigahles faisaiepanie des droits féodaux,
�DU DOMAINE PUBLIC.
puisqu~el1e
45
était réservée en France, soit au sei\ » gneur haut-justicier, soit au seigneur du fid;
» 2° que l'abolition de la féodalité a été faite, non
» au profit des communes, J!lais au profit des
» vassaux qui sont devenus lihres dans leurs per" sonnes et da,us leurs propriétés; 3° que les pro-'
» priétaires riverains sont exposés à tous les incon» vénicnls attachés an voisinage des rivières non
» navigables (ooot les lois d'ailleurs n'ont pas ré» servé les avant-haros dcstinés aux usages pu.
» blics);que les lois et arrêtés du gouvernement
» les assujettissent à la oépense du curage et à l'en,,' tretien de ces rivières, et que, dans les principes
" de l'équité naturelle, celui qui supporte les
» charges doit aussi jouir du bénéfice; 4° enfin,
» que le Llroit de pèche des rivières non navigahles
» accordé aux communes serait une servitude
» pour les propriétés des particuliers, et que cette
» servilUllen'existe pointaux termes clu Cocle civil,
» EST n'AVIS que la pêche des rivièl'es non navi» gables ne peut, dans aucno cas, appartenir auX
» communes; que les propriélail'es riverains doi» vent èn jouir, sans pouvoir cepe.ndant exercer ce
» droit qu'en sc conformau~ aux lois générales,
» 011 réglements locaux, concernant la pêche, nt
» le conserver lorsque, pal' la suite, une rivière,
» aujourJ'hni réputée non navigable, ocvienL!ra
» navigahle, et qu'en conséquenee tOitS les actes
» Ile l'autorité administrative qni auraient mis des l»
�46
TRAITÉ
communes en possession de ce droit doivent être
" décbrés nuls Ca). »
»
Ca) Deux décrets des 6 juillet 1793 et 8 frimaire an 11, rendus au sujet de pétitions par lesquelles on demandait qu'il fût
permis à chacun de pêcher le long de ses héritages, se hornèrent; comme celui du 30 juillet, à déclarer que le droit
féodal de pêche était aboli, sans décider il qui li appartenait.
Cette question de propriété du droit de pêche avait été ~oulevée
presque immédiatement après l'abolition de la féodalité. Un
député de Dijon, l'avocat André-Remi Arnoult (né à Bèze le 10
août 1734,. mort au même lieu le 28 août 1796) , la traita dans
un rapport très-remarquable, en 29 pag. in-8°, qu'il fit, le 23
avril 179(, à l'assemblée constituante, au nom de ses comités
féodal, des domaines, de l'agriculture et du commerce, « La
" faculté de pêcher, disait-il, pag. 25, doit-elle être accordée
» indistinctement à tous les citoyens? n'appartiendra-t-elle qu'à
» ceux dont les propriétés \lont baignées par les cours d'eau?
» Ce droit formera-t-il la propriété spéciale des mnnieipalités
» dont le territoire est traversé par les riviè!es? convient-il
' genera
" 1 de l' emplrc
' clê soumettre l a ~ec
• he 'a un re•
» au h len
» gime qui soit, tout à la fois, utile aux finances de l'état, et
" profitable aux subsistances puhliques? » Après discussion de
ces divers partis, le rapport sc prononce pour le dernier en fa"eur duquel il présente les réflexions suivantes: « Considérez,
» Messieurs, que l'ahandon de la pêche ne procurerait aucun
" llvantage réel à vos concitoyens; considérez que la liberté
» indéfinie de pêcher serait une source intarrissable de désor" dres et même de procès; considérez que le produit de toutes
» les rivières du royaume formera, dès à présent, un revenu'
" très-considérahle qu'une police sévère et de bonnes lois ne
» peuvent manquer d'améliorer j consultez l'état de vos finances;
» consultez la masse effrayante de vos impositions j peut-être
» alors le plan que vos comités vous proposent mérItera: votre
» approbation. " Suivait un projet de décret dont les art. 1 et
�DU DOM.AlNE PUBLIC.
47
Voilà donc un droit de propriété bien assuré
en lre les mains des possesseurs des héritages riverains, et par suite duquel aucun étranger ne
pourrait prendre le poisson vis-à· vis de leurs héritages sans se rendre coupable d'un délit de pêche,
à moins qu'il n'agisse de leur consenterncnt exprès
ou tacite.
1247. Mais quelle est la n~tllre spéciale <le ce
droit de propriété? et comment doit-on le caractériser? Peut-il avoir une existence isolée et indépendante du fonds? ou y est-il iuséparablement
attaché?
Dans le temps de la féodalité, il avait incontestablement son existence propre et sans rapport avec
la possessiou des héritages riverains, puisqu'il appartenait au seigneur dulien, lors même que celuici n'était pas propriétaire de ces héritages; aujourd'hui il en est tout autrement, ce n'est plus qu'un
droit d'usage ou d'usufruit, servitude réelle et légale
établie sur le corps de la rivière pour l'utilité ct
l'avantage des fonds riverains, et qui par consé3 du tit. 3 étaient ainsi conçus: " La p~che dcs fleuves et des riN vières est une propriété commune et nationale; à la nation ap» partient le droit d'en régler l'exercice et l'u;,age. -Les fruits
" de la p~che étant un moyen général de subsistance, la pêche
" drs fleuves et des rivières sera exercée au nom de la nation
" et au profit du trésor public. " La discus;,ion de cette proposition ayant été ajournée à la prochaine législature, la question resta sans solution positive jusqu'à l'aYÎs du Conseil d' t .
ci-dessus transcrit.
�48·
THAITt
quent en est inséparable, attendu qu'une sel'vitude
foncière ne peu t exister que là où il y a un fonds
servant et un héritage dominant Ca).
C'est encore dans nn avis du conseil d'état du I I
octobre 1811, approuvé le 19, que nous trouvons
(a) Cette définition, ou plutôt cette opinion de l'auteur sur
la nature du droit de pê~he, est une conséquence nécessaire de
celle qu'il a émise plus haut, nO' 936 et suivants, par rapport
au droit qui appartient aux riverains sur les rÎvières non navigaLles ni f1ottahles. En leur refusant le droit de propriété du
sol de la rivière, et en l'altribuant au domaine public, il est
évident que le droit de pêche, consacré à leur profit par toutes
les lois nouvelles, ne peut être qu'un droit de servitude réelle.
Mais si on admet au contraire que les petites rivières sont dans
le domaine privé des riverains, il faut, d'après la règle nemini
res sua servit> reconnaître que c'est à titre d'accessoire ou de
fruits de la propriété foncière des cours d'eau, qu'ils en jouissent.
Telle était l'opinion de MM. iVlesladier ct de Malleville, rapporteurs de la loi du 15 avril 1829, l'un à la chambre des députés, et l'anlre à celle des pairs; opinion du reste partagée
dans le cours de la discussion par le ministre des finances.
La solution quelle qu'elle soit de cette difficulté relative à la
véritable nature du droit de pêche ne peut au surplus aider à
résoudre la question examinée dans la Ilote sous le nO 1250
ci-après, et qui est de savoir comment le droit de pêche pent
se prescrire; car si c'est uu droit de servitude, comme cette
servitude est discontinue, elle est imprescriptible aux termes de
l'art. 691 du Code civil; et si c'est un accessoire de la propriété , on ne pourrait le prescrire indépendamment du fonds
auquel il ('st attaché, que comme droit incorporel, c'est-àdire toujours comme servitude dont la possession ne pourrait
ê
que discontinue et par conséquent impropre à procurer la
prescription.
�DU DOMAINE l'UBLIC,
49
cette solution bien explicitement énoncée poU\' la
première fois. « Le conseil d'état, y est-il dit, qni,
» d'après le renvoi ordonné par S. M. , a entendll
» le rapport de la section de l'intérieur sur celui
); du ministre de ce département, tendant à faire
» approuver l'acquisition à titre d'échange, par
» la commune de Condé-sur-Iton (Enre), d'une
» maison pon.' servir de presbytère, à la charge
» par la commnne Je céder en contre-échange,
~) 10 des biens communaux ;'2 0 le droit de pêche
» dans la rivière d'Iton, le long du terrain com" munal appelé les Prés-Morins; le tont estimé
" ûeux mille deux ceu t5 francs;
» CONSIDÉRANT que le droit de pêche appal'tc" nant à la commune sur la rivière d'Iton résulte
" pOUl' elle de la propriété des terrains comlllU·
» naux, et en est une dépendance indivisible;
» qu'elle ne pellt aliéner'à perpétuité ce droit ex» clusif ùe pêche, en conservant la propriété du
" terrain d'où ce droit dt~conle,
1) EST D'AVIS, 10 qn'iln'y a pas lieu à autoriser
» ledit échange; 2 0 et que le présent avis soit in» séré au hnllctill des lois. »
Cet avis ne fut que la conséquence et comme la
déclaration explicite du point de droit déjà décrété
par l'article 686 du Code civil, qui, pOUl' écarter
tOllt retour de (lroits semblables à ceux de la féodalité, vent qu'on ne puisse plus établir de services
fonciers en Frallçe qu'autant qn'ils ne seraient
imposés ni à'la personne 7 ni en faveur de la
4,
TOllL IV.
�50
TRAITÉ
personne, mais seulement à un fonds et pour
un autre fonds.
1248. Si nons arrivons à la loi du 15 avril
187,9, sur la pèche fluviale, nous y trouvons toujours le même esprit ressortant notamment avec
évidence de l'art. 2, ainsi conçu:
cc Dans toutes les rivières et canaux autres que
n ceux qui sont désignés dans l'article précédent
»
»
(c'est-à-dire autres que ceux qui sont du
domaine puhlic), les propriétaires riverains
auron t, chacun de son côté, le droit de pêche
» jusqu'au milieu du cours de l'eau, sans préju» oice des droits con traires établis par possession
» ou titre. »
Les propriétaires riverains: ce n'est donc
toujours qu'au fonds que le droit est attaché
comme servitude activp, puisqu'il n'est accordé à
la personne qu'eu sa qualité de propriétaire de
l'héritage riverain; en sorte que, si cet héritage
.
,
VIent
a" etre a1""
!eue, c,est l'acquereur
qm. sera 1e
propriétaire riverain, et qui dès-lors jouira exclusivement ou droit de pêche.
Jltsqu'au milieu du cours de Peau: et non
pas jusqu'au milieu du lit de la rivière, parce que
c'est daus l'eau même que s'exerce la pêche; eJl
sorte que, si, COmme il arrive dans beaucoup de
rivières, le conrs d'eau venait à se retirer d'un
côté pour se 'Porter vers l'autre, l'exercice du droit
de pèche devrait le suivre, n'étant pas fixé sur lesol,
et de là il résulte que les délimitations que les pro-
n
�UU DOMAINE PUIlLIC.
51
priétaires des deux bords opposés de la rivière
pounaient faire à ce sujet ne seraient que provisoires, et seulement pour le temps pendant leqnel
le cours d'eau resterait dans la même situation.
1249. Sans préjudice des droits contraires
étabtis par possession ou titre: il ne faut pas
croire qu'il résulte de ces termes que le droit de
pêche puisse, par titre ou possession; recevoir une
existence propre et absolument indépendante du
fonds riverain; car on ne doit pas les isoler' de la
disposition qui ptécède; il en résulte seulement
qu'nn des riverains peut avoir; dans la pêch,e, des
droits acquis par titre ou possession, plus étendus
que ceux de l'autre; comme on conçoit que cela
pourrait arriver par l'effet d'un partage, d'une
cession ou d'une reilonciation; alors les droits de
l'un, transférés à l'autre, n;appartiendraieht toujours qu'an propriétaire de l'héritage riverain auquel ils auraient été conventionnellement attachés,
comme lorsqu'il s'agit de toute antre servitude ac-·
quise par titre ou possession.
1250. Mais; dira-t-on, si le droit de pêche
était et ne pouvait être qu'un droit de servitude, il
ne constituerait qu'une servitude discontinue,
puisqu'il a hesoin du fait actuel de l'homme pour
être excercé, et dès-lors comment pourrait~on lui
appliquer celle réserve des droits contraires établis
par possession ou par titre, puisqu'il est constant
que, dans les p"incipes de notre législation, les servitudes discontinues ne s'établi~scnt que par titre?
�52
TJl.A.ll'É
Cette difficulLé disparaît lorsque l'on considère
que, ne s'agissant dans notre article que de propriétaires riverains comparés entre eux, celui f]ui ac-"
quiert une prépondérance de droit s;lr l'autre, n'est
jamais privé de toute espece Je titre capable de
servir de fondement à la prescription. S'il n'a pas
nn tilre dans une convention expresse intervenue
entre lui et son voisin, il en a un dans la loi, qui
confère généralement le droit de pêche aux propriétaires riverains; la possession de ce droi t s'exerce
simultanément avec celle de l'héritage Jont il est
une dépenJance; elle n'est Jonc précaire ni par
l'apport à cet héritnge, ni par rapport au droit accessoire que la loi y rattache: elle doit par conséquent opércravcc le temps les cHèts de la prescription dans toule l'étendue qui a été donnée à sou
cx~rcice Ca).
Ca) Celte raison n'est ri~n moins que satisfaisante, puisque
la loi n'est un titre pc:.rr chaque propriétaire riverain que jusqu'au milieu du cours de l'eau, et nullement pour la totalité de
la rivière. L'objection ti rée de l'im prescriptibili té Mg'ale des servitudes discontinues reste donc dans toute sa force. Cependant,
comme il faut bien concilier avec l'article 691 du Code civil
l'article 2 de la loi du 15 avril 1829, dans lequel le cas de
prescription, d'abord omis, puis ajouté, ensuite retranché, a
été enfin rétabli, on dira que la prescription sera admissible
lorsqu'il y aura eu contradiction, ce qui équivaut à un titre, ou
lorsque, comme l'enseigne M. Daviel au nO 937 de la Pratique
des cours d'eau, il y aura eu exercice ou appropriation bien
positive et bien notoire de la pêche dans toute la "largeur du
cours d'eau, par des ouvrages apparents et permanents, par
•
�DU DOMAINE PUIlue.
53
Lc droit de pèche est un tles attributs ct comme
une partie de celui d'usufruit perpét~lel que la loi
accorde aux propriétain~s rivel'nins : d'où il résulte
qlle,qlland un de ces propriétaires possède pins 'lue
son voisin, et qne celui-ci garlle le silence, c'est lin
des deux usufruitiers qui prescrit contre l'antre.
exemple par quelque établissement visible et à demeure de
pêcherie, s'étendant d'une rive à l'autre et exploité exclusivement par un des riverains.
IV!. Troplong (Tr. de lapreserip., nO 139), sans s'occuper
du reste de la disposition finale de l'3rt. 2 de la loi du 15 avril
1829, pense que, même dans ce cas, la prescription ne pourr3it
s'accomplir, parce que le fait de pêche sur 3utrui, et dès-lors audelà de la moitié de la rivière, étant un délit, ne constituerait
qu'une possession vicieuse incapable de faire acquérir un droit;
il cite à l'appui un arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 18~0
(Dalloz, 30-1-233) qui, selon lui, r3U1'ait jugé de la sorte;
mais en examinant l'espèce, on voit qu'il s'agissait moins de
la pêche que de la propriété du canal même à laquelle \lrétendait le riverain.
MM. Garnier (Tr. des aet. possess., pag. 339), et Belime
(1,. du droit de possession, nO 268), n'3dmettent aucune des
opinions ci-dessus; ils pensent que l'art. 2 de la loi précitée, en
accordant aux riverains le droit de pêcher jusqu'au milieu de
la rivière, sallf les dr.oits contraires aeqnis par possession ou par
titres, n'entend parler que des droits de propriété acquis par des
tiers sur le cours d'eau lui-même, comme, par exemple, par des
meuniers qui l''luraient converti en bief pour leur usine. « On
" sait, ajoute le dernier de ces auteurs, qne la jurisprudence
.. re'connaît même en leur faveur une présom ption de propriété.
Il C'est alors que les riverains de chaque côté perdraient leut'
" droit de pl~chc, s'ils laissaient lemcunier, par des travaux ct
,. des actes de maître, prescrire 13 propriété du cours d'eau. u
�54
1251. Le droit de pêche dans les pelites ri..,
vières n'est donc qu'un droit d'usufruit, ou, si l'on
veut, un droit d'usage ~llimité, faisant partie d'uu
droit d'usufruit, servitude réell,e établie par la loi
sur le cours d'eau, et activement attachée aux f~>Dds
riverai~s. VoiJ~ le principe :. voyons-en les consé(Iuences.
Il cn résulte, lOque, dans le ças J'aliénation du
fonds riverain, le droit de pêche passe entre les
mains de l'acquéreur comme une dépendance insé·
parable de l'héritage aliéné;
0
2
Que, dans le cas de constitntion d"usufruit
sUr le fonds riverain, .l'usufruitier aura aussi la
jouissance du droit de pêche, confo~'mémenlà l'article 597 du Code, qui veut que l'usufruitier jouisse
de lous les dro~ls de servitude attachés au fonds;
3° Et que le preneur par hail à ferme de l'hérilage riverain doit avoir aussi" comme accessoire
du fomls amodié" la jouissance du droit de p~che,
à moins de réserve expresse contraire Ca).
(a) La question est là même pour la pêche que pour la chass~ ;
et elle a donné lieu à une vive discussion entre les auteurs.
MM. Duranton, tom. 4, nO 286; de Gasparin, Guide des
propriétaires des biens ruraux affermés, pag. 388; Ph. Dupin,
Dissert. ùLSérée au Jour!!. des Cons. municipaux, 2" année,
pag. 1; Odillon-Bllrrot, Hennequin et Crémi.eux, Consult. l:nsérée au méme Journal, 2" année, pag. 117; Vaudoré , Droit
rural, nO' 241 et 281; Duvergier, Traité du louage, nOS 70 et
suiv. et 75; Davie!, Tl'. de la pratique des cours d;eau, nO
685; et, jusqu'à un certain point, M. Dalloz, 11° chasse, page
133, soutiennent qu'à défaut de réserves expresses contraires le
�DU DOMAINE l'UBLlC.
55
1252. Mais, quoique servitude activement in.
hérente au fonds riverain, le droit ùe pêche n'est
bail d'un domaine emporte de plein droit transmission des droits
de chasse et de pêche au fermier, et qu'à ce dernier appartient
l'action en répression des délits commis à cet égard par des
tiers. M. Duranton paraît croire que le propriétaire et le fermier peuvent chasser concurremment. JJes motifs qui déterminent
ces auteurs, sont que la chasse et la pêche, autrefois simples droits
honorifiques attachés essentiellement à là qualité de seigneur, et
incessibles à des roturiers, sont aujourd'hui considérés comme un
produit utile du fonds qui doit passe,!' à celui qui a la perception
des fruits; que le fermier doit d'autant mieux en jouir, que l'un,
lc droit de chasse, se confond avec la faculté de détruire le gibier pour la conservation des récoltes qui lui est formellement
accordée par l'art. 15 de la loi du 28-30 avril 1790, et que
l'autre n'est qu'une indemnité du dommage que causent les eaux
aux récoltes, ainsi que des frais d'entretien et de curage des rivières; que le fermier ayant seul action pour réparation du dommage fait aux fruits, doit avoir ceUes résultant des délits de
chasse et de pêche portant préjudice aux récoltes.
Mais tous les autres auteurs, MM. Toullier, ton;. 4, nO 19;
Favard de Langlade, Noul'. rép. de jurisprudence ,.1)0 cirasse,
nO 15; Rolland de Villargues, Rép. ,du notariat, '1)0 ptche;
Zacharire, tom. 3, p. 7, §366, not. 2, etsurtoul M. Troplong, du
Louage, nO' 161 et suivants, se sont élevés contre cette doctrine,
et leur opinion a été consacrée par la jurisprudence, ainsi qu'il
résulte ~es arrêts de la Cour de Paris du 19 mars 1812 (Sirey ,
12-2-323); de celle d'Angers du 14 août 1826 (S., 27-2-4);
de la Cour de cassation du 12 juin 1828 (S., 28-1-351); de
la Cour de Paris du 8 janvier 1836 inédit. En effet, selon
eux, la chasse et la pêche, sans être des dr~its honorifiques exclusivement réservés à la classe privilégiée, sont cependant des
droits voluptuaires qui, à part le cas où ils font l'objet principal
de l'exploitation du fonds, Hne garenne, un vivier, par exemple,
�56
TlU.lŒ
cependant pas une simple servitude COllll1le serait
celle de passage, qui ne consiste que dans la faculté
ne sont point des produits utiles ni des fruits ordinaires, 'lJenationem fiuetus lundi negavit esse (L. 1, if. de usuris). Or le
bail n'est que la ces,ion des produits utiles j et si le fermier profite accessoirement de certaines faveurs, comme de loger daus les
bâtiments, de parcourir librement les héritages, ce n'est qu'à
titre de corollaire de s.on obligation de surveiller la chose et
d'en jouir en bon père de famille j obligation dans laquelle ne
peuvent, sous aucun rapport, rentrer l'exercice de plaisirs propres au contraire à détourner d.u travail et par là même à nuire
à une bonne exploitation: 'lJenatores, dit un canoniste (m: PERU510, de srndieatu au tract., t. 7, p. 228, nO' 40 et suiv. ) ,
legih.us et canonious sllnt odiosi decr:etum dicit nul/um venatorem legihus ftre sanatum
Venalio deviat ah omni bano
opere.. : Esaü venator erat quia peecator erat. - Sans doute
le fermier a le droit de détruire les animaux qui causent du
dommage à ses récoltes, mais il y a de là, à ln chasse ordinaire
une distance immense qui ne permet pas d:assimilcr ces deux facultés et de conclure de la concession de l'une à celle de l'autre;
sans doute aussi c'cst au fermier qu'appartient l'indemnité pour
dégâts commis dans ses récoltes par des chasseurs, et par suite
le droit de se plaindre devant les tribunaux correctionnels des
délits de chasse que des tiers commettraient sur les terres qu'il
exploite (arrêts de la Cour de Bruxelles du 6 novembre 1822 j
de la Cour d'Angers du 20 janvier 1836, Sirey, 38-1-269; de
la Cour de cassation du 9 avril tR36, Sirey, 36-1-844); mais
il n'y a encore aucune corrélation entre ceUe indemnité et le
droit de chasse qui ne doit pas toujours et nécessairement s'exercer avec dommages pOllr les fruits. Toutes les dispositions de la
loi de 1790 supposent d'ailleurs que la chasse appartient au
propriétaire; les mots même aux jèrmiers, que renferme l'article
J 5, ne peuvent laisser aucun doute à cet égal'd.- Quant à la
pêclJC, il n'est pas exact d'a"ancel' que les dégâts causés par les
�DU DOl\'IAINE PUBLIC.
57
dé traverser lin héritage pour arriver à un autre,
il est quelque chose de plus, puisqu'il comporte
par lui-même les émoluments d'un revenu se percevant par la prise d 11 poisson; el, sons ce point
vue, il peut être l'objet spécial et isolé d'une conventiun.
Ainsi le propl iétai ..e riverain peut, sans alllo-
oe
eaux, et les frais de curage soient à ln charge du fermier qui,
pal' réciprocité, doit jouir du produit du poisson; les graves
inondations retombent sur le propriétaire (art. 1769 et suiv. du
Code civ. ), qui aussi est chargé des frais des curages extraordinaires.
Nous nous rangeons entièrement à l'avis de ces derniers auteurs, et nous pensons avec eux que les droits de chasse et de
pêche appartiennent exclusivement au propriétaire, à moins, 1
qu'il n'y ait clause contraire dans le bail; 20 ou que le produit
principal, ordiiJaire et régulier du fonds., ne soit précisément
la chasse ou la pêche, computari venatio in fruclu, dit Dua....
l'en dans son Commentaire sur la loi 26, ff. de usuris, lib. 4,
cap. 1, n" 8, pag. 218, si prœdiifruclUS ex venalione constel,
idest, si solitum est ex prœdio quotannis alz'quid lucri cOlific i .
Et si paterjhmilias non habebat venationis rationem in ji'uctiblls
suis, sed cÎtm illi p lac uisset , ut jèrè fit, tunc venabatllr, in
frUClU esse non dicetur. Quiet voluptatis potiùs quam lucri causâ
videbitllr 'iJenari.
Il Il'est pas douteux que le locataire d'un château avec parc,
pièces d'eau ou rivières traversant cc parc, y aurait les droits de
chasse et de pêche, à moins de stipulation contraire. La chasse
des oiseaux,d'eau nous paraît aussi comprise dans l'amodiation
d'un étang; enfin nous croyons que le fermier d'un moulin doit
avoir la pêche dans le hief artificiel qui' met en mouvement son
usine, parce que c'est là un réservoir qu'il entretient, et dont,
sous tous les rapports, il doit avoir la libre disposition.
0
�58
TllAlTÉ
dier son fonds, donner seulement à ferme le droit
de pêche, comme tout usufrnitier peut affermer le
droitde jouissance qu'il a SUI' une propriété quelconque. Mais il ne pourrait, sans aliéner en même
temps son héritage, vendre isolément le droit de
pêche, pOUl' lui donner à jamais une existence distincte et séparée du fonds; toute transaction à cet
égard n'aUl'ait po~r effet que le transport de l'usage
personnel du drQit; usage qui ne passerait point.
aux héritiers de l'acquéreur, à raison de ce que ,le
droit lui·même restant toujonrs et essentiellement
inhérent au fonds riverain, l'usufruit ou l'usage
entier de ce droit ne saurait en êLre séparé à perpétuité Ca); et si, dall~ l'acte, il était dit que l'acquéCa) MM. DuranLon, t. 4, nO 300; Garnier, des rivières, 2part., nO 161, et Troplong, de la prescription, nO 139, enseignent également que le droit de pêche est nécessairement iuhérent à la propriété du fonds riverain, et qu'il ne peut en être
séparé à perpétuité, soit au profit d'une personne et de ses des. cendants, soit même en faveur d'un fonds non attenant à la
rivière.
M. Daviel, Traité de la pratique des cr;JUrs d'eau, nO 932
d suivants, professe une doctrine contraire en s'appuyant, dans
l'ancien droit, sur la loi 13, if. communia prœdiorum, sur l'avis
d'Houard, Dictionnaire de Droil normand, VO pêche, sur un
;lrrêt du Parlement de Dijon du 13 août 1718, rapporté par
Lalaul'e, des servit., liv. 1, chap. 12, et dans le Droit nouveau, de ce que le droit de pêche, pouvant être affermé par le
propriétaire au profit d'un Liers, peut lui être concédé à titre de
servitude, ce qui augmenterait l'avantage ou l'utilité d'un fonds
voisin auquel ee produit serait ajouté. - Même décision dan.
�nu
DOMAIN!': l'UULIC.
59
reur stipule et entend l'acquérir tant pour tui que
pour ses héritiers, les effets de cette clause dele Répertoire du notariat, 'V 0 péche, nO 25, de M. Rolland: de
Villargues. .
Nou~ ne saurions admettre cette doctrine formellement re~
poussée par l'avis du Conseil d·état du 11-19 octobre 1811,
( ci~é suprà " nO 1247), et qui ne tendrait rien moins qu'à faire
:l'evivre le çlroit honorifique et personnel de pêche et de chasse
abrogé par les lois abolit'ives de la féodalité. Avec le système
contraire, de riches propriétaires auraient promptement acquis
des propriétaires riverains, souvent peu aisés, ce droit sur tout
le cours d'un ruissea~ ou d'une rivière traversant le territoire
d'une commune, et ainsi renaîtraient les abus que la révolution
de 1789 a voulu proscrire.
IL est vrai que M. Daviel atténue cet inconvénient en ajoutant,
~u nO 935, que pour que la servitude active de pêche puisse être
établie au profit d'un fonds non attenant à la rivière, il faudrait
le consentement des autres riverains, parce qu'il en est de ce
droit comme de celui d'irrigation, et que les riverains seuls SOfl:t
appélés à participer aux avantages de la richesse commune. Nous,
n'admettons pas davantage les motifs de celte rentriction qui'
assimilerait le droit de pêche à l'usage personnel, puisque s'ils
étaient fondés, il e~ résulterait que le droit de pêche ne pourrait
non plus être loué sans la même autorisation.
Le seul cas dans lequel le droit de pêche puisse être aliéné.
séparément du fonds dont il dépend, c'est, comme il a été dit
plus haut, lorsqu'il est transmis au propriétaire de l'autre rive,
de manière à ce que celui-ci en jouisse sur la totalité de la largeur de la rivière, parce que dans ce cas il n'a pas une existence
isolée, il se rattache toujours à un fonds riverain dont il n'est
que l'accessoire, quoique dans une mesure plus étendue que
celle qu'il comporte ordinairement. C'est à cette hypothèse seule
que se rapportent les termes de l'art. 2 de la loi du 15 avril
1829, sans préjudice des droits contraires établis par posses.,"
�60
1'IIAITÉ
vraient encore être bornés aux héritiers du premier degré, comme on l'entend dans les transactions qui ont un droit J'usufruit pour objet Ca).
1253. Apres ces explications sur la nature du
droit de pêche, il pourrait paraitre cOllvçnable d'indiquer les regles de police auxqnelles l'exercice en
est subordonn~; mais comme des développements
étendus à ce sujet sortiraient des limites d'un traité
sur la distinction des biens, nous nous bornerons
à une courte analyse des principales dispositions de
la loi du 15 avril 11)29, et nons dirons seulement
qu'aux termes de son art. 5, les délits de pêche,
dans les petites rivieres et le5 rnisscanx, entraînent,
comme dans les rivieres du domaine public, la
même peine correctionnelle, qui est de 20 francs
au moins, et de 100 francs au plus, indépenJammentdes don.magcs-intérêts;qu'il y a lieu en outre
à la restitu tion cl lI· prix du poisson, ct 'lue la confiscation des filets et engins de pêche peut être prononcée, ce qui paraît être laissé à l'arbitrage du
illge(b);
sion ou par titres. La discussion aux chambl'es le démontI:e de
la manière la moins équivoque. M. Daviel en convient lui-même au nO 936, in fine j seulement il ajoute: « Mais ee qu'il
" faut conclure de ces circonstances, ce n'est pas que la loi a
" entendu exclure le bénéfice de la possession au profit des
" tiers, c'est seulement qu'elle ne s'en est pas occupée.)l
•
Ca) Voy. Tr. des droits d'usufruit, etc., nOS 309, 317 et 329,
infine.
Ch) Avant la loi du 15 avril 1829, le fait de pêche en temps
non prohibé, sans engins défendus, ne constituait, de même qu~
�DU DOMAINE PUllLlC.
61
Que ce même article se montre plus sévère relativement aux ruisseaux et aux petites rivières, en
le délit de chasse en des circonstances analogues, qu'un délit
dont la poursuite appartenait exclusivement aux propriétaires riverains, et non au ministère public. Celui-ci n'avait
action, indépendamment de la plaintë des propriétaires intéressés, que lorsque le fait avait été commis soit en temps prohibé,
soit avec engins défendus. (Jousse, sur le titre 31 de l'ordonnance de 1669; - Art. 1er de la loi du 30 avril 1790; Rép. de
Merlin, 'V 0 péc/te j - Arrêts de cassation des 5 février 1807,
21 février 1812, et 23 janvier 1813). Mais il en est autrement
aujourd'hui; le ministère public a qualité pour poursuivre d'office tous les délits de pêche fluviale, sans distinction de ceux
commis au préjudice des particuliers ou de l'état; M. Mangin
(de l'Action publique, nOS 54 et 159), ainsi l'fu'un arrêt de la.
Cour de cassation du 7 mai 1830 (Sircy, 30-1-336), avaient
cependant décidé le contraire; mais celte Cour est revenue à un
autre sentiment par son arrêt du 17 octobre 1838 (Sù'e)", 39-1425), qni casse une décision de la Cour d'Amiens, en ces termes: « Vu les art. 1 et 4 du Code d'instr. crim.,et 36 de la loi
" du 15 avril 182!). - Attendu en droit que ces deux premiers
» articles investissent le' ministère puhlic du droit absolu de
1> poursuivre d'office la répression de tous les délits; que la loi
1> précitée, loin de déroger à ce principe général, l'a formelle» ment sanctionné , en ce qui conèerne la pêche fluviale, puis1> qu'après avoir prononcé la peine des faits l'fu'elle défend même
1> sur les ruisseaux et COUl'S d'cau quelconques, quand ils n'ont
1> pas été permis par celui ù qui le droit de pêche appartient
» (art. 5), elle déclare que le gou vernement exerce la surveil1> lance ct la police de la pêche dans l'intérêt généra 1, et que
1> les officiers de la vindicte publique exercent, conjointement
.1> avec les agents spéciaux par' lui institués à cet effet, toutes
-1> les poursuites et actions en réparation de ces délils, en quelIl ques lieux qu'ils soient commis (art. 36); que l'art. 67 de
pri~-é
�TRAITÉ
ce qu;il ne permet pas à chacun d'y prendre ie poisson à la ligne flottante tenue à la main, tandis qu'il
" la même loi ne modifie nullement ces règles, puisqu'il ne fait
>1 qu'accorder en cette matière, aux parties intéressées, l'action
.. civile qui, dans les délits de droit commun, leur est oilverte
JI par les art. 1 et 3 du Cod. précité; d'où il suit que le minisJI tère public a la faculté de poursuivre directement aussi bien
" la répression des délits de pêche qui lui sont signalés au pré» judice des particuliers que ceux qui sont commis au détriment
.. de l'état..• ; qu'en le déclarant non-recevable dans son action,
" parce qu'elle n'a pas été exercée au nom desdites communes
" (propriétaires), l'arrêt dénoncé a faussement interprété l'ar" ticle 67 de la loi, et commis une violation expresse des dis" posÎtions d.dessus visées. »
--'- Un arrêt de la Cour royale de Dijon du 24 janvier 1838,
('ll réformant un jugement du tribunal correctionnel de la même
ville; il décidé, sur notre plaidoirie, que la disposition d'un arrêté du préfet qui défendait toute espèce de pêche le dimànche,
pouvait être invoquée par le fermier de la pêche dans une rivière du domaine public, contre des individus qui avaient pêché ce jour-là à la simple ligne flottante, quoique le ministère
public eût refusé de poursuivre; jugeant par là que l'arrêté dont
il s'agit, bien que porté dans un intérêt pnblic et de. police,
constituait un droit au profit du particulier fermier qui pouvait
en demander le maintien au moyen de dO'\lmages-intérêts.
- L'art. 30 de la loi du 15 avril 1829, qui punit d'une
amende quiconque péchera, colportera ou débitera des poissons n'ayant pas les dimensions déterminées, à moins qu'ils
ne proviennent d'étaugs, de réservoirs, de fossés ou de canaux dont les eaux cessent naturellement de communiquer avec
les rivières, a moins de portée et est moins rigoureux que l'article 4 de la loi du 3 mai 1844 'qui interdit de mettre en 'lJeltte,
de vendre, d' acheler, Re transporter et de colporter du gibier penclant le temps où la chasse est défendue; en effet; d'une part, la
�DU DOl\1AINE PUBL1C.
63
le permet dans les eaux du domaine public, le
temps du frai excepté (a);
peine n'est applicable qu'aux personnes qui colportent ou déhitent
du poisson n'ayant pas les dimensions voulues, mais non à celles
qui ne l'achètent qUe pour leur consommation t Arr. de la Cour
de Riom du 28juin lR43, Sirey, 43-2-571); tandis que la loi
sur la chasse prohibe même l'achat du gibier pour son usage
personnel. - D'un autre côté le poisson de dimensions prohibées provenant d'étangs, réservoirs; ete., peut être vendu; colporté ou :tcheté; seulement c'est au prévenu à établir la
provenance légitime de ce poisson (Arrêt de ia Cour de cassaI
tion du 13 juin 1833, Sirey, 33-1-775), tandis que, bien qu'aux
termes de l'art. 2 de la loi du 3 mai 1844, le propriétaire ou
possesseur puisse chasser en tout temps dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d"une clôture continue, cependant il n'aura pas plus que tout autre, la faculté de vendre
ou de transporter son gibier, dont en conséquence l'origine lé·
gitime la mieux établie ne sera jamais un motif d'absolution
( Circul. du ministre de lCf: Just. du 9 mai 1844).
- La loi du 15 avril 1839 n'est poi~t applicable aù fait de
pêche dans un étang ou réservoir; ce fait constitue un vol; et
dès-lors il est passible des peines prononcéès par l'art. 388 du
Code pénai (Arrêt de la Cour.de cassation du Il décembre 1834;
S., 35-1-374).
(a) M. Isambert, au nO 202 de son Traité de lli 'Voirie, étend
au profit de tous, même sur les rivières qui ne sont ni navigables
ni flottables, le droit de. pêcher à la ligne flottante, parce que,
selon lui, la pêche est un produit naturel qui reste dans la communauté primitive et qui n'est point dans le domaine prîvé des
riverains.
Nous ne saurions, pas plus que M. Daviel (Traité de la pra"
tique des cours d'eau, nO 688), partager ceUe opinion, et nous
pensons que l'::trticle !l de la loi du 15 avril 1829 est limitatit
et contient une concession spéciale aux rivières du domaine pu-
�64
l11.Al1'É
Que,d'aprèsl'arlicle 2.3, nul, et par conséquent
aussi le riverain, ne peut exercel'le droit de pêche,
blic, qui ne peut être étendue aux autres cours d'eau j c'est en
ce sens que Favard de Langlade s'exprimait en présentant,
comme commissaire du roi, à la séance de la chambre des députés du 10 février 1829, l'exposé ·des motifs du Code de la pêche
fluviale. « Il est pourtant, disait-il, un mode de pêche que les
" pénalités ne doivent pas atteindre; c'est celui de la ligne /lotI>
tal,lte tenue il la main. Toutefois il ne jouit de ce privilége que
" dans les rivières et canaux où la pêche est exercée par l'état,
" et il constituerait une contravention pUllissable s'il avait lieu
" dans les cours d'eau dont la pêche appartient aux propriétaires
" riverains. " Denizart, V O pdche, n° 10, et d'aulres anciens
commentateurs le décidaient déjà de la sorte SOllS l'empire de
l'ordonnance de. 1669. Un urrêt de la Cour de Caen du mois
d'octobre 1826, rapporté dans la Gazette des Tribunaux du 13
de ce mois, nO 312, avait aussi jugé que les lois des 15 floréal
an x et 17 nivôse an XIl , n'autorisaient la pêche à la ligne flottante tenue il la main que dans les rivières du domaine public,
et nou dans celles qui ne sont ni navigables ni flottables. Au
surplus le droit de pêchcr de cette manière n'emporte pas celui
de pêcher il la main en plongcant (Arrêt de la Cour de cassation
du 7 août 1823, Sirey, 24-1-61).
Loin de favoriser cette faculté, qui ne correspond à la satisfaction d'aucun besoin réel, nous pensons au contraire qn'il conviendrait de l'abroger, parce qu'elle est pour les classes peu aisées
un encouragement à l'oisiveté età la dissipation; qu'elle est une
cause continuelle de contraventions; qu'elle fait le plusgrand tort
aux adjudicataires de la pêche, et par suite, réagit sur leprix des
baux au détriment de l'état; qu'en un mot elle blesse l'intérêt
gélléral sans tourner au profit de l'intérêt particulier. Les considérations présentées par le député Arnoult (suprà, page 46, à
la note) sont très-judicicuses ct n'ont rien perdu de leur force
aujourd'hni.
�G5
DU DOMAINE l'Uln.W.
même dans les petites rivières et ruisseaux, qu'en
se conformant anx dispositions de police généralement prescrites sur la matière;
Que, par l'article 24, il est interùit, sous peine
de 50 à 500 fI'. d'amende, outre les dommages-·
intérêts, d'établir ùans les rivières et ruisseaux aucun barrage de pêcherie ayant pour objet d'empêcher entièrement le passage du poisson (a);
Que, suivan t 'l'art. 25, quiconque aurait jeté
dans les eaux des drogues ou appâts de nature à
enivrer le poisson on Je détruire, doit être pnni
d'uoe amende de 30 à 306 fr., et de l'emprisonnemenl d'nn à trois mois;
Qu'enfin, et aux termes des art. 26,27 et 28, il
est défendu, sous diverses peines, d'exercel' la
pêche hors des temps, saisons et hemes désignés
pal' les ordon nances, ni de se 'servil' ùe filets,
(a) Par arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 1837
(Sirey, 38-1 ..933), il a été jugé, 1° que cette disposition s'applique non-seulement aux barrages établis dans le but unique
de la pêche, mais aussi à ceux d'une usine qui peuvent én
même temps servir à la pêche; 2° qu'elle comprend ceux qUi
n'empêcheraient la remonte du poisson que même pendant une
partie de l'année; 3° qu'elle s'étend même aux établissements
existant lors de la promulgation de la loi, en vertu de titres
ou d'une possession ancienne; 4· que la décision sur le point
de 'savoir si un barrage a pour résultat d'empêcher entièrement le passage du poisson est souveraine et ne peut offrir ou..
verture à cassation; 50 enfin que la citation donnée en temps
utile à l'auteur principal. du délit, conserve l'action vis-à·vis
du complice.
TOl\1. IV.
5
�66
TRAIT!
engins ou instruments qu'elles auront prohibés, etc., etc.
1254. Pour de plus amples détails il faut recj)uri .. aux dispositions mêmes, 1 ° de la loi du 15 avril
1829, 2° de celle du 6 juin 1840, qùi a modifié les art. 10, 14, 16 et 21 de
précédente,
3° de l'ordonnance d'exécution du 15 uovembre
1830 Ca), 4° et de celle du 10 juillet 1835, qui
fixe les limites entre les pêches fluviale et maritime, et détermine les cours d'eau où la pêche
sera exercée au profit de l'état.
la
SECTION IV.
Du droit d'apoir une harque sur la ripière.
1255.
Le propriétaire riverain ayant le droit
(a) Les art. 1 et 2 de ceUe ordonnance, en déterminant sans
autre précaution deux dimensions demaillespourlesfilets.selon les espèees de poissons qu'ils sont destinés à prendre, rend
impossihle l'application de la prohibition portée par le premier
toutes les fois que le pêcheur n'est pas trouvé nanti de poissons
d'une espèce supérieure à celle que comportait la largeur des
mailles de son filet. Voy. à cet égard deux arrêts rendus sur
notre plaidoirie par la Cour royale de Dijon les 4 janvier 1837
et 21 décembre 1842 (Sirey, 43-2-12 et 13).
Nous adresserons, au surplus, aux dispositions des art. 5,6,
7 et 8 de cette ordonnance, qui laissent aux: préfets le soin de
régler dans chaque d6partement les temps, saisons et heures,
ainsi que les filets, engins, procédés et modes de pêche pendant
ou avec lesquels il sera défendu de pêcher, le reprollhe que
nom avons déjà fait suprà, tom. '2, pag. 417 et 51liv. , à l'arL
21 de la loi du 21 mai 1836.
�DU DOMAINA PUBLIC.
67
de pêche dans la rivière vis·à-vis de ses héritages,
doit avoir aussi, et par voie de conséquence nécessaire, le droit d'y tenir une barque pour s'en
aider dans la prise du poisson. Il peut même s'en
servir dans d'autres buts, soit d'utilité, soit de
simple agrément, pour la promenade par exemple,
de même que l'usufruitiel' Ol'llinaire peut user du
fonds dont il a la jouissance pour tous les avantages bu commodités qu'il peut en retÏrpr.
Ainsi, en supposant qll'il possède des fonds de
chaque côté de la rivière, il aura le droit de passer
et repasser en barqne de l'un à l'autre~ S'il est
mal'tre d'usines, il aura la rnênie faculté pour tout
ce qui tiendra à leur exploitation, an passage des
personnes et voitures, ainsi qn'a~ transport des
denrées et objets de fabrique ou d'approvisionnements nécessaires ou utiJes au service, à J'entretien
et au roulement de sa manufacture Ca).
1256. Mais l'exercice de ce droit doit être bor,
. , et l' on ne pOl1rra~[
. 1" etenc1re
ne aux usages pnves,
à un passage commün : autrement ce serait établir
un bac public, qui est un droit domanial ne pou.,
'
.
.. ,
vant apparlcmr qu au gouvernement, amSl qu 011
l'a dit plus haut (h).
-
(a) Voy. JIlprà, nO 1244 et nos observations en note, pag.
40 et s~iv., ainsi que le Journ. des Communes, tom. 9; pag. 93.
(h) Voy. snprà, les nO' 911 , 914, 925, 928 et 929, toin.
3, pag. 263, 260, 273, 275 et 276.
La loi du 6 frimaire an Vil, qui a fait du droit de hac uo
droit domanial, ne statue expressément qu'en ce qui coneerue
�68
TilAn'"
Cet exercice doit aussi être subordonné aux
règles de la police, pour qu'il ne dégénère pas en
moyen de fraude au préjudice soit de l'octroi, soit
des douanes dans les localités où ces sortes de perceptions existent.
SECTION V.
Du droit de prise d'eau pour irrigation.
1257.
L'eau employée comme force motrice
l'one le mouvement et la vie dans les usines et les
manufactures; tandis que considérée en tant que
les fleuves et rivières navigables. Mais l'administration en a
étendu les dispositions à tous les cours d'eau traversant une
route royale ou un chemin viCinal sur le' motif que, dans ces
cas, le bac de passage se rau-ache essentiellement au service
public dont la régularité et les conditions ne doivent pas être à
la discrétion des particuliers. 11 est ind ispensable, en effet, que
l'autorité publique intervienne pour régler le tarif et pour s'assurer que toutes les précautions dans l'intérêt de la sûreté du
passnge ont été prises. (Voy. les avis du Conseil d'état des 2
septembre 1819 et 2 avril 1829; - et ses arrêts des 29 décembre 1810, 10 juillet et 4 décembre 1822, 11 août 1824,
et 28 décembre 1825. )
Par un autre arrêt du 15 novembre 1826 , rapporté avec les
faits, suprà J nO 929, le même conseil a jugé qu'un meunier,
qui, pour l'achalandage de son moulin, avait établi un bateau
traversant d'une rive à l'autre, avait pu, accidentellement et
moyennant rétribution, donner passage à des personnes qui
n'allaient pas à son usine, « attendu, porte l'arrêt, que ce pasli sage et cette rétribution sont lihres de part et d'autre, et ne
" constituent ni un service ni un salaire obligés, et qu'aucun
" çhemàt public n.' aboutit sur ce point. II
�DU DOMAINE PUBLIC.
69
moyen d'irrigation, elle répand la fertilit~ SUl' les
terres voisines.
Le droit d'irrigation se rattache plus particulièrement aux petits cours d'eau. Si nous nous en occupons ici, ce n'est qu'en passant, et pour signaler
ce qu'il a de spécial quand la prise d'eau est faite
dans le cours des rivières. Nous n'en traiterons
avec quelques développements que quand nons
parlerons des eaux pluviales et des ruisseaux.
Aux termes de l'article 644 du Code, cc celui
:- dont la propriété borde uue eau courante autre
)' que celle qui est déclarée dépendance du do» maine public par l'art. 538, an titre de la disJJ tinction des biens, peut g' en servir à son pas,. sage pour l'irrigaxion de ses propriétés.)J .
Cette disposition est certainement applicable au
voisinage des rivières qui ne sont ni navigables ni
flottables. Reprenons-en les expressions principales.
CeLui dont La propriété borde :il n'y a donc
que lès fonds qni touchent immécliatement à la
rivière, dont les propriétaires aient le droit de
pratiquer cetle prise d'eau; comme il n'y a réciproquement que ces fonds qui soient exposés à
être entamés et dégradés par la rapidité du courant.
Ainsi, celui dont la propriété est plus reculée
ne pourrait pas forcer le voisin immédiat de la rivière à lui fournir, par une rigole GU un canal,
-le passage de l'eau nécessaire à l'irrigation de son
fonds, puisque l:l1sage ne lui en est point dû.
�70
TRAITÉ
Ainsi encore, et par la même raison, lorsque le
propriétaire du fonds -adjacent à la rivière ya fait
dériver des eaux pour son irrigation, son voisin
de l'autre côté ne pourrait le forcer à les lui transmettre, au lieu de les rendre plus bas à leur cours
naturel.
Ainsi enfin le propriétaire qui De joint pas immédiatement la rivière ne pourrait être forcé de
recevoit' sur son héritage les eaux que celui qui le
précède aurait fait dériver sur le sien, parcc que
l'héritage inférieur ne doit supporter la servitude
des eaux qui lui sont nuisibles q,u'autant qu'elles
découlent natLHcl1enwnt, sàns être anv~nées par la
main de l'homme.
1258. Mais dans ces cas et autres semblables,
ne pourrait-il pas intervenir entre les. divers propriétaires voisins un accord ayant pour objet d'étendre le bienfait de l'irrigation à des fonds qui
n'en jouissaient pas précédemment?
La disposition du Code qu'on vient de transcrire
ne s'applique pas seulement aux rivières assez
fortes pOllr satisfaire largemen t aux besoins de tous,
mais encore aux ruisseaux dans. lesquels l'ean est
souvent insuffisante pOllr l'irrigation des seules
propriétés riveraines: en conséquence il y a Jicu
de faire une distinction entre ces deux/cas.
Au premier, la convention faite entre les propriétaires pour étendre l(~s avantages de l'irrigation
devra recevoir son exécution, parce que l'usage
de l'eau étant ici Jans le droit privé, rien u'empê-
�DU DOMAINE l'lmLlC.
71
che qu'il ne soit l'objet d'une transaction entre
ceux qui y ont intérêt, ct que d'ailleurs si, comme on l'a dit plus haut, c'est le fonds immédiatement
adjacent à la rivière qui est le plus sujet à être endommagé par les eaux, ceux qui sont éloignés se
trouvent aussi quelquefois exposés aux inondations
dans les temps de débordements: il ya dès-lors
aussi un principe d'équité à les rendre, par réciprocité, participants du bénéfice de l'irrigation quand
on peut le leur attribuer.
Mais il faut que cela puisse s'exécuter sans blesser les droils d'autrui: en conséquence on devra
rendre les eaux non absorbées par l'irrigation aIl
cours naturel de la rivière, de manière à ne point
submerger ni endommager les fonds inférieurs.
Si au contraire la prise d'eau est faite dans un
ruisseau qui n'en fournil pas suffisamment pour les
besoins de tous, il est évident que la convention
ayant pour objet d'étendre l'ir.·igation sur les héritages non riverains ne pourra être exécutée au préjudice de ceux qui touchent le ruisseau soit d'un
côté, soit de l'autre, et même qui sont situés plus
bas, parce qu'on ne saurait les priver du bénéfice
de l'irrigation que la loi leur accorde aussi expressément.
1259. Ici se présente encore une autre questian, qui consiste à savoir si, en cas de partage
d'un fonds qui, comme touchant à la rivière, aurait droit à l'irrigation pour sa totalité, il n'y a que
le lot imID;édiatement adjacent au cours d'eau qui
doive conserver cet avantage pour l'avenir?
�72
TltAITi:
Nous croyons que la solution doit ètre cn faveur
de la portion dn fonds qui, par l'effet du partage,
se trouve la plus éloignée de la rivière, puisque
l'usage de l'eau appartenait à tout l'héritage avant
que la division en fût faite; et qu'aux termes de
l'article 700 du Code, cc si l'héritage pour lequel
» la servitude a été établie vient à être divisé, la
~) servitude reste due pour chaque portion, sans
~) néanmoins que la condition du fonds assujetti
» soit aggravée. » D'où il faut tirer encore la conséquence que si, sans qu'il y ait un partage proprement dit, le maître du fonds riverain du cours
d'eau en aliène une ou plusieurs parties qui ne
soient pas contiguës à ce cours, l'acquéreur, ou
chacun des acquérenrs, anra droit à la transmission des eaux d'irrigation sur la portion de l'héritage par lui acquise, puisque la ~ervitude qui est
due à un f(mds est, par cela seul, due h tontes les
parties du même fO~lds Ca): Quaecumque servi·
(a) La question ci-dessus peut se présenter par rapport. aux
copartageants ou coacqllérel.lrs. entre eux seulement, ou à
l'égard cle ceux-ci respectivement aux autres propriétaires riverains.
Dans ce dernier cas les autres riverains ne peuvent élever aucune difficulté, lors même que le propriétaire originaire n'aurait
pas usé de son droit pour la totalité de son héritage et spécialement pour les portions qui en ont été détachées, parce que ce
droit elit accordé par la loi d'une manière générale à tous les
fonds riverains, et ne peut, de même que les autres facultés naturelles ou légales, être étein,t et périmé par le simple défaut
d'exercice, quelque prolongé qu'on le suppose. « Le cours dei
�DU DOMAINE PUBLIC.
73
tusfundo debetur ~ omnibus ejus partibus debetur; et ideo ~ q uamvis particulaûm venierit ~
omnespartes servitus sequitur~ et ita ut singuli
rectè agant ~ jus sibi esse jundi (1).
1260. Mais revenons à la suite de notre texte:
Borde une eau courante autre que celte qui
est déclarée dépendance du domaine public:
il s'agit donc ici non·seulementdes petites rivières,
objet du présent chapitre, mais encore des simples
ruisseaux, dont nous traiterons plus tard •.
.. eaux, dit Cochin (Consult., tom. 6, pag. 505), est de droit
" public, et l'on ne prescrit pas contre le droit de ceux à qui
» ces eaux appartiennent dans l'ordre de la natu,re.ll-" Quand
" la nature ou la loi, peu,t-on ajouter d'après Henrys (Arrêts,
" li v. 4, question 91 ) , permet de faire quelque chose, le titre
" en est perpétuel, aussi bien que le pouvoir qu'elle en donne,
" si.ce n'est qu'elle-même le limite. La source de ce droit sub.
" sistllut toujours, l'effet en peut toujours procéder, et la nature
,,,. le permet auss~ bien après 40 ans que le premier jour, " car
(elon la judicieuse réflexion de Despeis~es.: Il ne seraitpas juste
. que l'effet de ma liberté m'apportât une servitude.
Il en serait au.trement en ce qui concerne les copartageants
ou coacquéreurs entre eux; si, pour jouir de l'irrigation, ceux.
qui sont le plus éloignés, étaient dans la nécessité de faire passer
l'eau sur les portions des autres; comme il y aurait là établissement d'une servitude non plus seulement sur le cours d'eau,
mais encore sur un fonds privé, il' faudrait, pour qu'elle fût
maintenue, ou que la réserve en eût été faite daus les actes
de partage ou de vente, ou que des rigoles ou autres ouvrages
apparents pussent douuer lieu à l'application des art. 692, 693
et 604 au Cod. civ., relatifs à la destination du père de famille.
(1) L. 23, § 3, ff. de servit. rustic. prad., lib. 8, tit. 3.
�74
THAITÉ
Peut s'en servir à son passage pour IJirriga-:
tion de ses propriétés: mais si le niveau de ta.
rivière était en con tre-bas de la su perficie de l'héritage, le propriétaire de cet héritage pourrait-il.
élever les eaux au moyen d'un barrage? le pourraitil sans y être autorisé par l'administration active?
Pour la négative, on peut dire que c'est l'administration qui est exclusivement chargée de toutes
les mesures à prendre pour la direction et l'écoulement des eaux; que le tréfonds du l~t des rivières
dépendant du domaine public, il ne peut appartenir à des particuliers d'y construire aucun ouvrage,
ou de l'occuper par aucun établissement sans la
permission de l'autorité administrativ.e.
Nonobstant ces raisonnements, nous croyons
que le propriétaire riverain aurait le droit de faire,
dans la rivière, un barrage propre à élever les
eaux jusqu'au point qu'il faudrait atteindre pour
les dirigel' sur ses fonds, pourvu toutefois que par là
il ne porte pas préjudice aux droits d'autres propriétaires, el que surtout il ne trouble pas l'écono. gencra
" 1 encours
d
d' ea;u.
mIe
La raison eu est qu'ayant incontestablement un
droit de servitude sur la rivière pour sa prise d'eau
d'irrigation, il doit a voir, par une conséquence nécessaire, et aux termes de l'art. 697 du Code civil,
la faculté de pratiquet' tous les ouvrages indispensables à l'exercice de ce droit.
1261. . S'il est nécessaire de recourir à l'administration pour obtenir son au,lOrisation, quand
�DU
DO~IAINE'
PUBL1C.
75
il s'agit d\jtablir sur une rivière des barrages IDU
écluses d'usines, il en est autrement pour de simples barrages d'irrigatio,n ou de pêcherie, ainsi que
nous l'avons fait voir plus haut (a).
Néanmoins, dans tous les cas, l'administraLÏon
publique pourrait, pour des motifs d'intérêt général ou collectif des localités, faire supprime,: des
barrages de cette nature qui troubleraient l'économie générale du cours de la rivière, ou occasioneraient des stagnations d'eau ou des inondations
dans la contrée.
Mais s'il n'y avait que quelques particuliers qui
se plaignissent d'uu semblable harrage comm,e
préjudiciant à leur droit d'irrigation, c'est pardevan 1 les trilmuaux que leur réclamation de\'I'ait être
portée.
SECTION VI.
Du droit de, recueillir les plantes qui croissent dans le lit de la,
rivière.
1262, En traitau t de l'étendue en largeur (lI's
rivières navigables et flottables, nous avons fait
(a) Voy. Juprà, ne, 1187 et 1232. - Mais il en serait autre·
ment si un anêté général défendait J"établir des barrages sans
une autorisation préalable. Voy. à cet égard la 2" partie de la
note, sous le nO 1187, tom. 3, pag. 634, où il convient derectilier une erreur concernant M. D~viel, lequel, au nO 593 de
son Traité de la pratique des cours d'eau, émet une opinion
conforme et non contraire il la doctrine de l'arrêt de la CouJ;
de eassation du 9, mai 1M3 (Sirey, 43-1-769).
�'16
1'RAlTÉ
voir que le sol du domaine public doit comprendre
tou t le terrain qui est recouvert par les eaux lorsqu'elles soot dans leur plus g.'ande crue sans del>ordement, et que c'est là qu'on doit fixer le rivage du fleuve, suivant l'expression de la loi romaine: Ripa ea putatur quae plenissum jlumen
continet. - Secundum ripas fluminum loca
omnia publica sunt -' cùm ripae cedant ex quo
primum è plano vergere incipit usque ad
aquam (1).
Nous avons vu aussi que, dans les pays de
plaine, les rivières, faute d'être encaissées, tendent
à agrandir plus on moins Jeur lit, suivant que le
sol est plus ou moins plat, et que les crues sont plus
ou moins fortes et fréquentes.
Il arrive de là que, dans ces pays, il y a toujours,
aux bords des rivières, des terrains vagues, alternativement couverts et laissés à sec par les eaux.
Cet état de choses peut donner lieu à quelques
difficultés sur la fixation des vraies limites du sol
public et des fonds riverains; mais ce n'est pas là
ce qui doit nous occuper ici, puisque ces accidents
sont les mêmes dans les petites rivières que dans
les grandes; et que nous avons traité de ee genre
de délimitation, en parlant des rivières navigahles
et flottables (2).
1263. Cette section anra pOUl' objet l'examen
de la question de savoil' il qui doit profiter le pro(1) L. 3, §§ 1 et 2, ff. de fluminihus, lib. 43, tit. 12.
(2) Voy. sous les n·... 736 et suiv., tom. 3, pag. 60 et suiv.
�DU DOMAINE PUBLIC.
71
duit des herbes ou des plantes et arbrisseaux qui
peu ven t croître sur ces terrains vagues, alternativement couverts et laissés à sec par les eaux.
Lorsqu'il s'agit de rivières navigables ou flottables, nul doute que ce faible produit n'appartienne
à l'état, ainsi qu'on l'a fait voir plus hau t; mais
nous croyons aussi, comme chose inconlestable,
que c'est aux: propriétaires riveràins à le percevoir
sur les bords des petites rivières, attendu qu'en
lem qU:llité d'usufruitiers perpétuels de la rivière
et de son lit, ceux-ci doï ven t en avoir toute 1'11 tilité
et tous les avantages; qu'à parties prises d'eau pour
boire et abreuver les bestiaux, qui sont à la disposition de tous; qu'à part encore le flottage à bûches
perdues, réservé par la loi comme service public
au protit de la société Ca); totlt ce qui se rattache
à la jouissance des petites rivières est généralement
et sans exception ahamlonné aux propriétaires riverains, quoique le domaine public en retienne
la nue-propriété, ainsi que nous l'avons démontré
élU chapitre 42, UOS 935 à 973.
SECTION VII.
Du droit d'A lltUJion.
1264. Nous prenons ici le mot alluvion dans
le sens le plus large; en sone que nous entendons
l'appliquer à tous les avantages qui résultent, pOol'
les propriétaires riverains, soit des atterrissemen ts
(n) Voy. suprà, nO 1203, tom. 3, pag. 659, el la note sous
ce numéro, pag. 660.
�,78
TRAIT!
qui se for"ment sur les bords des rivières, soit des
-iles qui naissent dans leur sein (a).
(a) Les changements qui surviennent dans les cours a'eau ap;portent des modifications aux propriétés riveraines; tantôt ils
enlèvent aux particuliers une partie de leurs fonds, tantôt au
contraire ils en augmentent la superficie; aussi le jurisconsulte
Pomponius compare-t-il dans la loi 30, § 3, ff. de acquir. rer.
dom. les fleuves et rivières aux agents du fisc ou voyers qui
rendent public le terrain qu'ils enlèvent aux particuliers et privé
celui qù'ils leur donnent à prendre sur le domaine public: Cen-;'
sitorum vicefimguntur, ut ex privato in pllblicum addicant, et ex
publico in priÎ>atum. « Les fleuves, dit également Henrys; liv. 3,
" quest. 74, sont comme la fortune, ils donnent et ils ôtent. "
Ils disprnsent capricieusement le bien et le mal, sans autre loi
constante que la perpétuelle inGOnstance de leurs cours.
Ces changements s'opèrent de diverses manières qui forment
:mtant de degrés d'accession, savoir: par les alluvions, les atterrissements et les ou\'ertures de nouveaux lits, la formation
d'îles ou îlols et les inondations.
1Il L'ALLuVION est l'accroissement lent et insensihle que reçoit
successi\'ement le fonds limitrophe par l'effet du déplacement du
cours d'eau: fncrementulTt latens, quod Îta pauLatim adjù:itur
ut inteL/ilfi non pouÎt quantiun qUOqllO temporis m6mento adjiciatur (§ 20, inst. de rel'. div. - L. 7, § 1, ff. de acquir.
rel'. dom. j.
Il s'opère ou par l'addition d'uu terrain au fonds riverain;
alors on l'appelle lais, et il forme l'objet de l'art. 556 du Code
civil,
Ou par la retraite de l'eau d'une rive sur l'aulre, cas auqnel
il est qualifié de relais, et est régi par l'art. 557.
.
2° L' ATTERRJSSE~ŒNT ne diffère de l'alluvion qu'en ce qu'il est
produit instantanément et d'un seul coup, vi jlUniùlù j c'est un
terrain qui apparaît subitement dans toute SOli étendue audesslls de la surface des eaux, soit que la rivière apporte contre
•
�DU DOMÀ.INE PUllLIC.
79
On a parfois critiqué, même avec quelque amertume, le système de notre législation, en ce qu'elle
accorde aux propriétaires riveraIns les terrains
d'alluvion que les cours d'eau laissent sur un de
leurs bords, lorsqu'elles s'en éloignent pour se
porter sur l'autre; pourquoi, a·t-on dit, la loi ne
'permet-elle pas au propriétaire de la rive nouvellement envahie de venir reprendre sur la riv'e délaissée l'équivalent du terrain qui lui est enlevé?
y a-t-iL de la justice'à laisser ainsi les limites des
,fonds et le droit de propriété livrés au caprice
aveugle du cours des rivières?
Un mot suffit à la réfu talion de ce raisonnemerlt:
\
c'est qu'en toute ehose la loi doit adopter le pani
le p{us conforme au repos et à la paix publiqne,
et qu'on ne verrait que discussions, procès et
troubles dans les pays de rivière, s'il suffisait à tout
,propriétaire riverain de prétendre què le cours
d'eau lui a enlevé quelques parcelles de son terrain,'
la rive uné portion reconnaissable d'un héritage voisin ou un
amas de vase ou de sable, soit qu'elle délaisse aussi une partie
de son lit.
Dans le premier cas, il est désigné sous lenom d'atterrissemcn t
par juxtà-position, et dans le deuxième sous celui d'atterrissement par extension ou de lit abandonné. Les art. 559, 560 et
561 s'occupent du premier, et l'art. 563 du second.
3° LA FORMATION D'tLES :ET tLOTS est soumise aux dispositions
des art. 560, 561 et 562.
4° Enfin quant à L'INOlSDATION, l'art. 558 n'en parle qu'à ré·
gard drs la~s et étangs,
�80
TIWl'l!
pour qu'il lui fût permis d'aller en revendiquer
autant de l'autre côté.
1265. Le droit d'alluvion est fondé sur l'équité
en ce que non· senlement il paraît juste que l'accroissement apporté par le jeu des éaux profite au
propriétaire qui, dans la chanc"C contraire, serait
exposé à souffrir l'affouillement de son. fonds par
leur irru ption; mais il repose encore, et même
principalement, su!' ce que le lit des rivières étant
un sol public, la loi pent en disposer au profit ~es
riverains, tandis qu'elle ne pourrait 'pas le fail'e
légitimement, ou sans injustice, si ce lit n'était
qu'un terrain commun et indivis entre les propriétaires possédant les fonds adjacents de c,haql1e
côté (a).
(a) Ce second motif donné par l'auteur ne repose pas même
lIur un fnit exact, car la rivière ne formant ordinairement une
alluvion d'un côté qu'en produisant des érosions et des affouil":'
lements de l'autre, la portion qui se réunit à un fonds, est
moins donnée aux dépens du domaine public, c'est-à-dire du
lit de la rivière qui n'en conserve pas moins sa largeur, qu'au
détriment de l'héritage opposé.
Le principe de l'alluvion se justifierait au contraire beaucoup
mieux par l'opinion qui attribue aux riverains le sol des rivières
non navigables ni flottables, puisque celui dont l'alluvion vient
augmenter l'héritage ne ferait que reprendre la plénitude de la
jouissance d'un sol qu'il possédait déjà propriétairement, mai~
qui était couvert par les eaux.
J
A nos Jeux, la véritable raison qui légitime le droit d'alluvion, quel que soit l'avis que l'on adopte sur la grande question de la propriété publique ou privée du lit des petites riviè-
�81
DU DOMAINE PU BUC.
On doit donc dire que le droit d'alluvion, d'un
côté., et la domanialité du lit du cours d'eau, d'antre pan, sont deux corrélatifs dOlit l'un rappelle
l'antre; en sorte que, comme la loi n'établit ce
droit que par rapport aux rivières, et non en ce
qui concerne les simples ruisseaux, il n'y a aussi
que le lit des unes qui appartienne au domaine
public; tandis qne ceux des autres restent dans
le domaine privé des propriétaires à travers les
fonds desquels ils sont crensés.
Les dispositions législatives qui régissent cette
matière sont contenues dans les articles 556 à 563
inclusivement du Code oivil, que nons allons rapporter et commenter successivement.
1266. 1 ARTICLE 5fJ6. « Les atterrissements et
» accroissements qui se forment sncceGsivem~ntet
» imperceptiblement aux fonds riverains d'un
» fleuve ou d'une rivière s'appellent alluvion.
» L'alluvion profite an propriétaire riverain,
» soit qu'il s'agisse d'un fleuve 011 d'une rivière
» navigable, flottable ou non; à la charge, dans
res, est que si l'on accordait le terrain abandonné par les eaux
sur une rive au propriétaire du fonds opposé vers lequel le cours
d'eau s'est reporté, on interposer;it llne propriété étrangère
entre la rivière et le riverain qui, .par là, se trouverait privé
de tous les droits utiles, tels que de pêche, d'irrigation, etc.,
qu'il avait précédemment j ce qui serait pour lui un véritable
préjudice, et une spoliation de droits d'une valeur souvent
considérable et bien ~upérieure à celle intrinsèque du terrain
objet de l'alluvion.
TOM. IV.
6
�82
TRAITÉ
le premier eas, de laisser le marchepied 011
» c.hemin Lle halage, conformément aux régle» Inen ts. »
Les atterrissements et accroissements qui se
forment: La loi il employé ces dernières expressions parce que tout doit être ici l'œuvre de la
nature, et que, dn moment qu'il est défendu au
propriétaire riverain de commettr<' aucupe anticipation sur le lit de la rivière dont le tréfonds appartient au domaine public, il lui est par là même
interdit de se créer aucun atterrissement; la loi ne
lui attribuant que celui qui a lieu naturellement Ca).
»
(a) MM. Dubreuil (Législation sur les eaux, nO 67) et
Daviel (TI'. de la pratique des cours d'eau, nO 127), pensent
qu'il est permis aux riverains de se procurer des alluvions
pourvu qu'ils ne rejettent point par là les eaux sur la rive opposée; car, dit ce dernier auteur, qui pourrait se plaindre
qu'un propriétaire améliorât son héritage sans causer préjudice à personne?
C'est précisément à raison de l'impossibilité de remplir eeUe
dernière condition en se procurant artificiellement une alluvion,
quenousrefusous aux riverains le droit d'en créer. En effet,lors
même que l'on pourrait avoir la certitude que dans certaines circonstances données, de crues extraordinaires par exemple, le
rétrécissement du lit de ia rivière d'un côté ne déterminera pas
des affouilltments dc l'autre; toujours est-il qu'il y a atteinte
au droit de mitoyenneté par l'un des copropriétaires qui, en
diminuant la largcur du iit, change de son autorité privée et
dans son intérêt exclusif la ligne séparative de son fonds et
ùe celui du ri"erain opposé, ail préjudice des ùroits de pêche et
autres appartenant à celui-ci jusqu'au milieu du cours de l'eau.
�DU DOMAINE PUBLIC.
83
Il Y a encore un autre motif qui est d'ordre
public: c'est que, s'il en était autremen t, et s'il
suffisait de praLÎquer des barrages dans les rivières
pour s'y créer des atterrissements extensifs des héritages riverains, tout serait bientôt dans le désordre, soit quant à l'état matérid de la rivière, soit:
pal' suite des contestations sans nombre qui s'élèveraient entre les propriétaires riverains.
Ainsi il n'est permis à aucuh riverain de jeter
dans la rivière des déblais ou matériaux, ou d'y
faire des plantations dans la vue de donner naissance à l'alluvion, ou. d'en favoriser l'agrandissement, puisqu'die doit être entièrement l'œuvre de
la nature.
1267. Mais à quelle autorité faudrait-il s'adresser pour se plaindre d'une entreprise de ce genre?
S'il s'agiss~lit d'une rivière navigable, l'administration active rerrésent~e par le préfet pourrait
elle-même et dircctemen t faire enlever tous les ouvrages et travaux tendant à gêner la navigation,
ou à commettre une anticipation sur' le lit du
fleuve, et en OlltÎ-e déférer la contravenLÎon au
conseil de préfecture, pour C1ire condamner le
M. Chardon ( Traité du .droit d'ailurÎon, nO' 49 et sUÎrants) ,
exige aussi que l'alluvion soit l'œuvre seule de la nature.
Comme nous l'avons dil dans la note du nO 771 ci~dessus (t(lm. 3,
pag. 97), le riverain d'un cours d'eau peut se défendre en
consolidant sa rive, mais il ne peut anticiper en lui faisant
faire saillie dans le lit: Potest fil/men arcere. sed non
repûlcre.
�- TRAITÉ
contrevenant à la peine portée pal' l'article 42,
titre 27, de l'ordonnance de 1669'
Si la rivière n'était que flottable, sans être navigable, le préfet pourrait encore ordonner directeB1ent la destruction des ouvrages qui auraient été
faits au préjudice du service public; mais, suivant
la doctrine que nous croyons avoir établie plus
haut, nO 870, ce n'est plus au conseil de préfecture qne le contrevenant devrait être renvoyé pour
se voir condamner à l'amende établie par les lois;
c'est au tribunal de police correctionnelle que l'affaire serait portée.
EnGn, quand il est queslion d'une peLite rivière,
l'action est jncontestabl~ment toute judiciaire,
et même toute civile, comme nons l'avons expliqué au commencement du présent chapitre, nO
1231 (a).
(a) Cettc action peut être portée, suivant- les circonstances,
dcyant le juge du pétitoire ou du_possessoire. Mais dans ce dernier cas peut-elle être formée par voie de complainte proprement dite, c'est-à-dire être intentée pendant tout le cours de
l'année, même lorsque les ouvrages sont entièrement terminés,
ou ne doit-elle être introduite qu'à titre de dénonciation de nouvel œuvre recevable seulement jusqu'à l'achèvement des travaux?
On avait prétendu que, le fait constitutif du trouble n'ayant
lieu quc sur le terrain du défendeur, cette de.rnière action ou
l'action pélitoire pouvait seule être admise, parce qu'il n'y avait
pas précisément trouble à la possession d'autrui, mais tout au
plus abus ou exercice trop étendu du droit de p~oprjété ; points
qui ne peuvent être évidemment appréciés que par le juge du
�DU DOMAINl( pUlIue.
85
1268. Cependant, comme il ne peut nous être
justement défendu de récupérer le bien qui nous
a été pris sans notre consentement, nous croyons,
pétitoire, ou qui ne peuvent donner lieu qu'à la dénonciation
tIe nouvel œuvre dont l'effet est uniquement tI'empêcher la continuation des travaux jusqu'à ce que le juge du fond ait statué;
- que dans le cas où la complainte proprement dite doit être
admise, celui où le trouble a été commis sur le fonds même du J
demandeur, il ne peut jamais y avoir contrariété de jugements,
entre le possessoire et le pétitoire, puisqu'en admettant que
l'auteur du trouble soit condamné au pqssessoire, et qu'il gagne
ensuite son procès au pétitoire, les deux décisions seront justes
~n cc qu'il y aura eu atteinte à la possession d'autrui par voie
de fait avant que la question de propriété ait été jugée, tandis
qu'au contraire, si le propriétaire, exerçant son droit de pro':
priété sur son propre fonds, est condamné au possessoire sur la
plainte d'un tiers, et qu'ensuite, démontrant qu'il n'a fait
qu'user de son droit dc propriété dans de justes Lornes, il soit
maintenu au pétitoire, il sera évident que h. première condamnation aura blessé la justice, en frappant celui qui n'a fait
qu'user de son ~roit et dans des limites ensuite reconnues lég'ifimes.
Nonobstant ces raisons nous pensons que le fait du riverain
qui a exécuté dans le lit de la rivière et contre son propre terrain des ouvrages propres à lui procurer une alluvion et à rejeter les eaux sur l'autre rive, pent être poursuivi par une
action en complainte proprement dite, lors même que ces
ouvrages seraient entièrement terminés, parce qu'en les pratiquant, d'une part il déplace la ligne séparative des fonds
déterminée par le milieu du cours de l'eau, et d'autre part
il porte ou peut portel' dommage direct:m sol même de la
propriété d'autrui; le C(}urs d'eau dont il change la dil'œtioll
élant par là eutre ses mains l'instrument au moyen duquel il
cause le dommage. Cette solution a été adoptée par plusieurs
�8G
TJtAlTÉ
ainsi qu'on l'a lléjà dit plus haut, que cc1ui auquel
une petite rivière aurait enlevé une partie de son
héritage ne ferait rieu d'illicite ni d'illégal en pratiquant sur ses bords quelques ouvrages inoffensifs, et seulemen t propres à le faire l'en trer peu à
peu dans son ancienne possession, attendu que ce
qui est seulement récupération ne saurait être taxé
d'usurpation, et que ce qui tend à rétabli l' le cours
naturel de l'cau ne peUL encourir la qualification
de désordre; mais il est superflu d'ajouter qu'il
faut que ces ouvrages ne puissent jamais causer de
préjudice aux tiers.
1269. Quand le nouveau terrain d'alluvion a
déjà pris une consistance ferme et solide, et que
l'eau a cessé de le, dominer, le propriétaire riverain peut sans doute y faire des plantations pour le
garantir de l'effet des eaux et s'en mieux assurer la
possession; parce qu'alors il n'ngit qu'afin de conserver ce qui lui est déjà acquis; mais, en supposant que l'alluvion récente soit encore susceptible
d'agrandissement, il doit laisser à la unture le soin
de l'étendre.
1270. Successivement et imperceptiblement:
la loi romaine, dans laquelle cet arti,cle de notre
Code a été entièrement puisé, avait déjà dit: Est
autem alluvio incrementum latens. Per alluarrêts de la Cour de cassation, notamment par deux assez précis
des 13 avril 1819 et 1er décembre 1829 (Sirq, 19-1-489, et
30-1-32). Voy Sllprà la not\) sous le n0845, tom. 3, pag. 180.
�DU DOMAINE PUBLIC.
81
viOllem autem id videtur adjici -' quod ita paulattm adjicitur-, ut intelLigi non possit quantùm quoquo temporis momento adjiciatur (1) :
ce qui désigne parfaitement l'œuvre produite par
. la nature, lorsque le cours d'eau vient insensiLlemen t déposer ver~ l'un de ses bords le limon qu'il
('ha rie.
Il résulte de là que, généralement parlant, l'accroissement de terrain dont il s'agit ici ne s'opère
chaque jour, ou dans chaque saison, que par les
petites couches qui viennent successivement se superposer les nnes aux autres.
Cepen9ant, quoiqt;e ce jeu de la nature ne
nlOn tre.pas ordinairemcn t ses effets d'une ma nière
sensiLle tant quc le dépôt des vases ou gravois réunis peu à peu au même end l'oit reste 'Caché sous les
eaux, il peut néanmoins arriver qu'à la suite d'un
débordement le terrain se trouve tout à coup élevé
au-dessus des eaux moyennes, et même au niveau
des bords de la ri vièl e ; et dans ce cas il y aurait
toujours lieu au droit d'alluvion, parce que ce
seraient les premières couches de gravier qni auraient servi à arrêtcr et fill.er le nouveau dépôt, et
qu'cn cela l'on ne pOUiTait .toujours voir. que le fait
de la nature achevant et manifestant l'œnv re Cl u'clle _
avait commencée dans le secl'et. D'ailleurs personne ne pourrait avoir de répétition ou de revendication à faire SUI' les portions de vase ou de gra. (1)
Il1sl. § 20, de rerllnl dÙJisione.
�88
TIlAlTÉ
vois amoncelées pal' le dernier déhordemen t, puisqu'il serait absolument impossible de les reconnat1re et d'en établir l'origine.
1271. .Aux fonds riverains : c'est-à-dire aux
fonds qui touchent immédiatement la rivière, et
qui n'ont point d'autres limites qui les en séparent.
La loi romaine avait déjà dit: In agris limitatis
jus alluyionis !ocum non. habere constat (1); et
de là il faut tirer celte conséquence que, chez nous,
s'il y avait un chemin public le long de la rivière,
les fonds situés de l'autre côté de ce chemin ne
devraient point participer au bénéfice de l'ail uvion,
puisqu'ils n.'auraienl pas la qualité de/onds riyerains à laquelle la loi attache cet avantage
Ainsi, et dans ceLLe h)'polhèse, la propriété dn
terrain d'alluvion serait dévolue, ou à l'état, si le
chemin était une grc1ndè 'route, ou au département, si, c'était unc route dépar.tementale, ou à
la commun.e de la situation, si c'était un chemin
v.icinal ou même simplement communal.
On trouve cependant Ut) auteur estimable qui
prétend qu'en ce cas le droit d'alluvion doit encore appartenir aux propriétaires dont. les fonds
sont situés de l'al)tre côté du chemin, et qui
appuie son opinion d'un arrêt de la. Cour royale de
Toulouse, qui l'a jugé ainsi; ~ais c'es.t là unc erreur palpable qui est échappée à celte Cour, par
(1) L. 16, II. de acquù·end. rerum domino > lib. 41 , tit. 1;
et 1. 1, § 6, II. de fluminibus > lib. 43, tit. t 2.
�DU DOMAINE PUBLIC.
89
suite du respect trop scrupuleux qu'ellu pOFte au
droit romain, dont le texte pal" elle invoqué n'a
servi qu'à la mettre en désaccord avec le s~stème
et les dispositions dc notre législation, aetuelle.(a).
Autrefois, dans. les payi de droit écrit, ou sous
l'empire du droit romain, la propriété des chemins
publics n'était pas, comme elle l'est aujourd'hui,
rigoureusement distincte de celle des fonds qui en
étaient traversés; en sorte que, si un chemin venait à être détruit par le cours de la rivière voisine,
ou autre cause, les propriétaires devaient, de plein
droit, en souffrir le transport et l'cxercice sur les
parties limitrophes de leurs fonds: (am via Pl{Mica" veL fluminis {mpetu" vel ruind ami'ssa
est" vicinus pr.oximus viam praestare debet (1)-:
(a) L'auteur dont parle M. Prou~hon est ou Fournel (Lois
rurales, tom. 1er , pag. 14), ou Dubreuil (Législation sur
les eaux, nOS 38 et 64, tom. 1er ,pag. 45 et 83, édit. de 184"2).
- Un arrêt du Parlement de Toulouse, du 17 août 1784·, et
deux d~ la Cour royale de la même ville, des 26 novembre 1812,
çt 9 janvier 1829 (Sirey, 2'2-2-231 et 29-2-190), ont,aussj
décidé que l'alluvion profitait au propriétaire du fonds situé de
l'autre çôt~ du chemin; mais cette Cour était revenue sur sa
jurisprudence par un troisième arrêt du 26 nover1lbre 1832
Dalloz, 33-2-120), avant que son second hrêt de 1829 eût été
cassé le 12 décembre 1832 (S., 33-1-5), par la Cour suprême
qui en a au surplus rendu un autre dans le même sens, le 16
février 1836 ( S., 36-1-405), eu cassant aussi un arrêt de la
Cour d'Orléans du 24 août 1832. - Voy. suprà, Sur <;ette
question même, le tom. 2, pag. 821.
(1) L. 14, § 1, ff. quemadm. servit. arnill.', lib. 8, tit.
q.
�90
TRAITE
d'où il arrivait que, par Je principe de réciprocité
qui veut que le bénéfice de l'alluvion soit adjugé à
celui qui, dans une chance contraire, aurait à
souffrir du voisinage de la rivière, c'est aux propriétaires des fonds situés de l'autre côté du chemin qu'on devait l'attribuer, comme on devrait
encore le faire actuellement si le chemin tracé le
long de la rivière n'était qu'un passage de servitude, par exemple celui de halage pour le service
de la navigation (a).
Mais, aujourd'hui que les grandes routes et les
chemins vicinaux sont nne propriété foncière qui
.:lppartient exclusivement an domaine public ou
municipal, ainsi que nous l'avons fait voir aillems (b); qu'ils sont absoluments distincts et délimités de tous autres fonds, et que leur entretien
et leur conservation ne sont nullement à la chal'ge
des propriélaires voisins, l'on ne pourrait, sans
faire une fausse application de notre Code, adjuger
l'alluvion formée sur leur bord aux propriétaires
des fonds situés de l'autre côté. Ainsi l'arrêt de la
Cour royale de Toulouse constitue une infraction
évidente aux vrais principes de notre droit nouveau, cùm non exemplis, sed legibus judicantfum sit (1),
1272. Pal' application des mêmes prmelpes"
(a) Voy. suprà, nO 775, tom, 3, pag. 104.
(h) Voy. suprà la noIe de la pag. 818 du tom. 2', et notre.
çommentaire de la loi du 21 mai 1836., pag. 950.
(1) L. 13 ~ cod. de sentenfiis et interloellt., lib. 7, lit. 45.
�DU DOMAINE l'UBLIC.
91
nous pensons que dans l'hypothèse inverse, où la
rivière portant son action contre Ja route l'aurait
détruite en tout ou en partie, le propriétaire du
fonds adjacent ne serait pas obligé de fournir sans
indemnité l'emplacement d'une route nouvelle,
parce que c'était au gouvernement à protéger sa,
chose, et qu'aucune garantie ne peut, à cet égard,
peser sur un propriétaire voisin. Seulement ce propriétaire serait tenu de souffrir accidentellement,
le passage des voyageurs sur son héritage, en attendant que le gouvernement eût pris des mesures
ponr le rétablissement de la voie publique, parce
qu'il y a là nécessité et force majeure Ca).
1273. I)~Tfn.fleuve ou d~une rivière. Il n'est
fail ici aucune mention ni des torrents intermit-'
tents, ni des simples ruisseaux ayant un cours continuel; rien dans ce·texte n'en rappelle même l'iJée; et, comme les dons, soit qu'ils nous viennent
de la loi, soi.t qu'ils procèdent d'une autre ~ause ,.
ne doivent pas être étendus au-delà des termes de
l'acte de donation, il fant en conclure que le droit
d'alluvion n'a pas lieu par rapport à ces sortes Je
conrs d'eau; que leur lit res.te dans le domaine privé
des riverains;, el ']u'aiosi chacun de ces propriétaires peut toujours reveocliqner contre l'autre la
vraieconlenance de sun héritage nonobslantledéplacement du torrent on du ruisseau.
- - - - --_.. _--------------(a) Voy. sur cette question, en ce qui concerne les chemins.
vicinaux, suprà, tom, 2, pag, 817.
�92
TllAlTÉ
Prqfite au propriétaire riverain ~ soit
rivière navigable ~.flottable
ou non (a).
1274.
qu~ils~agisse d'une
Les avantages accordés aux propriétaires riverains étant destinés à compenser les inconvénients
qne leur fait éprouver le voisinage des rivières, loin
d'en priver ceux dont les fonds sont placés à côté
<.les rivières navigables, le législa teur avait encore
plusde raison de les leur attribuer, puisque le voisinage d'ulle rivièl'e de cette classe est incomparablemen t pl us dom rnageable que cdui d' lIne petite riVlCre.
Au reste le bénéfice de l'alluvion ne peut être
incornmutablement acquis que lorsque l'atlel'fisse~
men t a cessé de fail'e partie du lit de la rivière, et
qu'il porle les signes caractéristiques qui seron t indiqués pl us bas.
1275. A fa charge de laisser le marchepied
Da chemin de halage. Le chemin de halage doit
toujours être laissé, puisqu'il est l'ohjet d'une sel'·
vitude indispensable pour l'usage de la naviga-
(a) Dans certaines coutum~s, les alluvions appartenaient
aux seigneurs comme hiens vacants (Voy. Coutume du Bourbonnais> art. 340; Henrys, t. 2, liv, 3, quest, 74).
En abolissant la féodalité, les lois de la révolution ont res·
pecté les anciennes possessions acquises à cet égard aux ci-devant seigneurs, et ne les ont restituées ni aux communes sur
!esquelles elles n'avaient point été usurp6~s, ni aux propriétaires riverains.
�')){) nmIAINI\ !>UBLIC.
93
tion Ca), et c'est là un motif d'équité de plus pour
accorder le droit d'alluvion au propriétaire riverain du fleuve navigable: car si au lieu d'augmenter la superficie de son héritage, la rivière venait
à l'échancrer, il faudrait reculerd'autantle chemin
de halage Sllr le SUl'plus, sans qu'il pût être exigé
à cet égard d'indemnité, attendu qu'il y a servitude légale nécessaire, et que ce ne serait là qu'un
événement de force majeure (b) : il est donc de
toute justice que réciproquement et en compensation d'une chance par l'autre, l'alluvion lui profite quand il s'en forme.
Au reste ·Je chemin de halage ne peut être transporté sur le terrain d'alluvion que quand le sol en
est suffisamment raffermi, parce qu'il faüt qu'il
SOil aisémen t praticable, et tant que la viabilité n'en
a pas été reconnue et constatée pal' l'administration) l'ancien chemin doit toujours être tenu libre
par le propriétaire du fonds, sans qu'il lui soit pe~4
mis de le planter pour en empêcher l'usage, ou de
Je labourer pour le rendre plus difficile.
1276. ART. 557' cc Il en est de même des re» lais que forme l'eau courante qui se retire io» sensiblement de l'une de ses rives en se portant
(a) Si le riverain fait sans autorisation sur le terrain d'alluvion une plantation qui embarrasse soit le halage, soit la navigation, il se rend passible d'amende aux termes de l'arrêt du
Conseil du 23 juillet 1783 , et de la loi du 29 floréal an x (Arrêt du Conseil du 2 février 1825, (Sirey, 25-2-353 J.
(b) Voy. suprà,no 784, t. 3,pag. 114.
�TRAITÉ
" snr l'autre. Le propriétaire de la rive découverte
" profite de l'alluvion, sans que le rivel'aiil du côté
,. opposé y puisse venir réclamer le terrain qu'il a
>J perdu.- Ce droit n'a pas lieu à l'égard des relais
de la mer. »
Il en est de mi!me : on voit par ces expressions
que le législateur n'a voulu qu'étendre à Ulie autre
espèce la règle posée dans l'arLicle précédent, sans
en changer ni le sujet, ni la canse; et que par
conséquent il ne s'agit toujours ici que de l'alluvion qui a lien au bord des rivières, sans qne le
même droit puisse être revenJigué par rapport aux
simples ruisseaux, comme on l'a remarqué ci-dessus, nO 1273, pag. 91.
1277. Se retire inseTlsi6lement: le caractère
essentiel de l'alluvion par relais~ est le retr,ait
imperceptible ou insensible du cours d'eau: d;où
il résulte que chaque fois qu'il" y aurail eu un changemen t brusque dans la rivière, (10n t le lit se
trouverait tout à coup visiblement déplacé ou reporlé en partie notable sur uri de ses côtés; après
II n débordemen t arrivé dans une plaine, sur un sol
mobile, le propriétaire du fonds envahi devrait
avoir le droit d'en aller reprendre autant sUl'la 6ve
opposée Ca).
7)
Ca) L'auteur nous paraît confondre ici le cas du changement
total de lit prévu par l'art. 563 du Code civil avec celui de l'alluvion, objet de notre article; il n'y il lieu à l'application du
premier que lorsque l'ancien lit a été cntièrement abandonné et
remplacé par un autre ouvert à quelque distancc; mais tant
�DU DOMAINE PUllUC.
95
Celle décision nous paraît inconvestabl~; puisqu'il ne pent y avoir droit d'allnvion au profit du
propriétaire de la rive délaissée qu'autant que la
qu'il continue :1 servir de passnge aux eaux, quoique modifié,
rélargi et reporté plus ou moins d'une de ses rives vers l'autrc,
en un mot, tant que le même corps de lit subsiste, le propriétaire du (onds joignnnt le bord qui s'augmente et s'étend a exclusivement droit à l'acc'roissement, et celui de i'héritage situé·
de l'autre côté, ne pourrait venir revendiquer le terrnin enlevé
sien qu'en vertu de l'art. 559, c'est-à-dire, ainsi qn'on le'
dira plus bas, nO 1283, qu'autant que la portion détachée serait importante et reconnaissable, et à la charge encore de la reprendre et de l'enlever comme chose mobilière.
Un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 1827 (Sirey,
27-1-402), a fort clairement exposé les caractêres de l'alluvion.
« Attendu que l'arrêt attaqué, porte-t-il , reconnaît que le tcr··
rain en litige s'est élevé successivement et insensiblement sous
li les eaux du Rhône dans un temps antérieur à'son apparition;
li qu'il ne s'est refusé à lui reconnaitre le caractère légal d'1l1» luvion, que parce que ce n'est qu'à la retraite des eaux d~·
» l'.inondation qu'il a cessé d'étre submergé et de faire partie
» du lit du fleuve, demeuré réuni à la propriété de ChoisitY
li fils, mais que cette circonstance ne présente rien qui soit desli truetif de l'alluvion prétendue; qu'il en résulte seulement que
li la retrnite des eaux a révélé :'t tous les yeux et mis entièreli ment à découvert l'alluvion qui s'était formée avec tous les cali raetères voulus par la loi dans un temps antérieur, d'après
» l'arrêt lui-même. Attendu d'ailleurs, que la Cour royale
li n'a constaté aucun fait d'où il résulterait que le terrain en
li litige soit une partie' reconnaissable de la propriété des défenIl deurs, laquelle nurait été enlevée pnr une force subite ct POl'Il tée vers la rive opposée; qu'elle n'a pns plus établi que le
li Rhône se soit formé un nouveau cours en abandonnant son
au
)l
�TIUITÉ
'l'etraite du cours d"eau a eu lieu insensiblement
et imperceptiblement, tandis que ùans le cas supposé, elle serait l'effet instantané d'une inondalÏon
de quelques jours répandue sur la contrée.
Il résulte encore de là que le droit d'alluvion ne
doit pas avoir lieu aux bords des torrents, attendu
que leurs changements sont ton jours brusques, et
que d'ailleurs leur lit n'appartenant point.au domaine publie, mais aux particuliers, il ne saurait
être à la libre disposition de la loi Ca).
1278. Le propriétaire de la rive découvertè
prC!fite de l'alluvion. Ici se trOllve signalé le second caractère essentiel de l'aIJuvion, qui ne peut
avoir lieu que par rapport à un terrain découvert et
laissé à sec par les eaux.
C~t abandon des eélUX, qui ne peut être que successif et imperceptihle, doit cependant arriver aupoin t hécessaire, pour que le terrain délaissé' sc
" ancien lit j 'que le contraire résulte inême de l'arrêt, puisqu;on
.. y lit que ce terrain a été abandônné par le fleuve et qu'il a
» fait partie du rivage qui en a été accru; qu'en repoussant
» dans ces circonstances l'action en revendication dudlt terrain,
» formée par le propriétaire de là rive découverte, et en main» tenant, par suite, en possession les riverains du côté op» posé, l'arrêt attaqué a fait uue fausse application des deux
" art. 559 et 563, et formellement contrevenu aux art. 556
» et 557 du Côde eiv. - Casse. »
(a) Voy. suprà, les nOS 1000, 1001 et 1002, totn. 3, page
341, et aussi l'lM. Charùon, ùu Droit d'alluvion, nO' 23 et
suivants j Dalloz <liné, VO propriété, nO 12, et Dalloz jeune, eodem, nO 217.
,
t
�nu
97
DOMAINE PUBLIC.
trouve desséché: Et ideo ~ cùm exsiccatus esset
alreus ~ proximorumfit (1); et ce n'est qu'alors
qu'il devient la propriété du riverain.
Mais faut-il que les choses soient arrivées à
un tel état que l'eau n'y revienne absolument
plus?
Nous ne le croyons pas: car si; pour qu'il y eût
alluvion, il était nécessaire que l'abandon du terrain fû.t tellement absolu, que, même dans les
grandes crues de la rivière, les eaux ne le couvrissent plus, il faudrait aller jusqu'à dire que les
terres qui en sont recouvertes lors des débordemen ts fODt aussi partie du lit de la rivière, ce qui
conduirait à l'absurde.
1279. Mais, si le terrain d'alluvion Lle doit pas
surgir au-dessus de~ eaux quand elles sont débordées, ne doit-il pas au moins s'élever jusqu'au niveau des bords extérieurs de la rivière; pour qu'on
doive le considérer comme définitivement acquis
au propriétaire riverain?
Nous ne pensons pas encore qu'il soit nécessaire d'aller jusque-là; surtout dans l'espèce d'alluvion qui a lieu lorsque la rivière se retire peu à
peu d'un de ses bords pour se portel' vers l'antre.
Dans ce cas, en effet,
le lit de la rivière, à pat'·
tir du bord délaissé, se présente en plan incliné
vers le cours qui se retire, ce n'est pas le tert'ain
ou
(1)
t.
30, § l, ff. de acqulrend. rerum dominio, lib. 41,
tit. 1.
TOM. IV.
7
�98
TRAITÉ
d'alluvion qui s'exhausse, mais le niveau des eaux
qui s'abaisse; et si cette retraite ne comporte par
elle-mêm'e qu'un abandon littoral, sans supposer
aucune accumulation de dépÔt, fait sur la partie qui
reste à nu, il est parfaitement indifférent que cette
partie ait été physiquement exhaussée, ou que sa
prédominance sur les eaux provienne de ce que la
rivière s'est abaissée par des affouillements pratiqués vers l'autre bord: car dans l'une et l'autre hypothèses l'effet est le même; il suffit donc, dans tous
les cas, qu'à l:étiage le terrain d'alluvion reste à
découverl, soit en surface horizontale, soit en
pente (a).
1280. C'est par l'aspect des lieux que la question doit être jugée, parce qu'ici tout est physique,
et que tout doit être en réalité notoire.
En quelque état que l'atterrissement soit à sa
superficie, revêtu ou non d'herbages, du moment
qu'on le trouve parvenu à la hauteur du bord de
la rivière, ou que, sans être absolument élevé à
celte hauteur, on reconnaît néanmoins qu'il est
an-dessus du niveau des eaux plus que moyennes,
(a) Par arrêt ùn 31 janvier 1838 (Sirey, 38-1-794), la
Cour de cassation a déclaré qu'il n'y avait ni violation ni fausse
application de la loi dans un arrêt qui avait jugé que, pour
que les terrains d'alluvion soient acquis par accession au propriétaire riverain, il suffisait que l'adhérence de ces terrains à la
propriété riveraine fût habituelle, bien qu'à certaines époques
de l'année ils en . oient séparés pal' un filet d'eau.
�99
DU DOMAINE l'VIlLIC.
on doit dire que le droit d'alluvion en est acqUIs.
Que s'il s'agit de l'espèce d'alluvion qui a lieu
pal' relais ou rèLraile du courant, tant que le sol
reste nu et dépouillé de végétation, il faut décider
qu'il reste aussi part.ie intégrante du lit de la rivière,
puisqu'il n'a pas, jusque-là, cessé d'être soumis à
la domination destructive des eaux.
On devrait encore adopter la même solution quoiqu'ou y trouvât quelques herbés ou plantes aquatiques qui, pouvant végéter sous les eaux, n'en
attesteraient pas, ou du moins pas suffisanH11en t, ]a
retraite.
lVIais une fois que cc même sol sc trouve recouvert d'un gazon, formé d'herbages ou de plantes
ordinaires dans la contrée, l'on doit dire qu'il y a
terrain d'alluvion, parce que c'est là le signe visible
et certain par lequel la nature rend son œuvre apparente.
Au reste, qu'il s'agisse des bords d'une petite
rivière, ou de ceux d'uu fleuve navigable, daus
l'un comme dans l'autre cas, les difficultés qui
peuvent se rencontrel' dans l'application de ces
principes sont exclusivement du ressort de la justice ordinail'c, puisqu'elles touchent à llué question
de propriété.
1281. ART. 550. cc L'alluvion u'a pas lieu à
» l'égard des lacs et étangs, dont le propriétaire
» conserve toujours le terraiu que l'eau couvre
)) quand elle est à la hautel1l' de la décharge de
•
�100
Tl\.AlTÉ
» l'étang (a) , encore que le volume d'eau vienne
" à diminuer (h).
»Réciproquement le propriétaire de l'étang
» u'acquiert aucun droit sur les terres riveraines
» que son eau vient couvri.' dans les crues eXlra» ordinaires. " Lacus et stagna ~ dit la loi romaine, licèt interditm crescant ~ suos tamen
terminos retinent; ideoque in his jus alluvionis non agnoscitur (1).
On doit dire que l'alluvion n'a pas lien non
plus lorsque les eaux: se relÎren t d'un héritage
qu'elles avaient temporairement inondé. Dans ce
cas le fonds reste toujours au même maître: Alia
causa est si cujus totus ager inundatus fuerit:
(a) Pour Ifxer le niveau des eaux et mesurer l'accinct d'un
étang, on doit prendre pour point de hauteur le seuil même de
la décharge et non le deS'Sus de l'ouverture sous le chapeau,
parce que c'est lorsque les eaux sont arrivées à ee seuil qu'elles
commencent à déverser (M. Daviel, Tr. de la pratiq. des cours
d'eau, nO 813; -Encyclop. des juges de paix, sect. 3, n° 11;
- Arrêt de la Cour de Paris du 10r jl\in 1812; - Joumal du
Palais, 1812, pa'g. 408). C'est à cettc hauteur plutôt qu'aux
~nonciations des titres qu'il faut s'arrêter (Arrêt de la Cour de
Nancy du 20 mars 1826, Sirq, 26-2-203).
(b) Des faits ,possessoires ordinaires résultant de pâturage, de
récoltes d'herbes, seraient insuffisants pour faire acquérir la
.prescription de ce terrain découvert accidentellement; ils seraient
considérés comme précaires. - Arrêts de la Cour de Bordeaux
du 28 mars 1831, Dalloz, 34-2-89, - de la Cour de cassation
des 23 avril 1811 , Sirey, 11-1-312, et 11 mai 1835, Dallo.• ,
.35-1-369.
(1) J... 12, ff. de acquir. rerum dom., lib. 41, tit. 1.
•
�DU DüMA li'lli l'lJIILIC.
101
neque enim inundatio fundi speciem mutal ..
et ob id .. si l'ecesserit aqua} palàm est eum
fundum ejus manere cujus juit Ca).
(a) Inst., § 24, de rerum divisione; ~ L. 7, § 6, L. 30, § 3,
et L. 38, ff. de acquir. rer. dom., lib. 41, tit. 1; - L. 24, ff.
quih. modo ususJruct. amitlit.; -L. 1, § 9, ff. deflumin.;Nouv. Brillon, va a!luvion, na 22; - Répert. de Merlin, vbù
q(terrissement et motte-jèrme; - Fournel, vbi ' inondation et
atterrissement; - Cœpola , de servit. , pars 2, cap. 4, nO 98.
C'est un principe aujourd'hui constant que l'inondation
passagère n'opère aucun changement dans.le droit de propriété.
Un arrêt du Conseil, du 10 février 1128 , contre les Chartreux
de Villeneuve-lès-Avignon, avait cependant décidé qu'un terrain inondé par une rivière navigable était acquis à l'état après
dix ans, lors même que les eaux n'ayant cou"ert qu'une partie
du fonds, le propriétaire aurait conservé, comme on dit, mollefirme; mais cette décision, critiquée par tous les auteurs, n'a pas
fait jurisprudence, et le Conseil lui-même a rendu un arrêt
absolument contraire le 25 juin '1770. Actuellement il n'est
.pas même nécessaire que le propriétaire ait conservé motte-ferme,
c'est-à-dire Rne partie de son fonds non inondée; il n'est pas non
plus nécessaire que l'inondation ait duré moins de 30 ans, pourvu
toutefois qu'il ne résulte, pas des circonstances que l'ancien
propriétaire a aLdiqué toute prétention sur son fonds; c'est ce
qui a été formellement jugé par quatre arrêts, l'un de la Cour
d'Amiens du 17 mars 1825, (Dalloz, 28-1), un second de la
Cour de Rouen du 6 février 1834 (Sirey, 35-2-19), et les
deux autres de la Cour de cassation des 26 juin 1833 (Sirey,
33-1-622) f et 20 janvier 1835 (S., 35-1-363), ce dernier
a~nsi conçu: et Attendu en droit que sans s'occuper des effets
n qui, soit sous l'ancienne, soit sous la nouvelle législation,
n et notamment d'après l'art. 563 du Cod. ci\'. , auraient pu ré" suIter d'un changement de lit de rivièl'e, relativement aux
�102
'l'HAtTÉ
1282. ART. 559' ({ Si un fleuve ou une rivière,
navigable ou non, enlève par une force subite
» une partie considérable et reconnaissable d'un
» champ riverain, et la porte vers un champ in» férieur ou sur la rive opposée, le propr.iétaire de
»la partie enlevée peut réclamer sa propriété;
» mais il est tenu de former sa demande dans
" l'année; après ce délai il ,n'y sera plus receva» ble, à moins que le propriétaire du champ au» quel la partie enlevée a été unie n'ait pas encore
» pris possession de celle-ci. »
»
riverains et aux anciens propriétaires du terrain occupé par
les eaux, il est 'certain qu'en cas d'inoudation, de quelque
» du.rée qu'elle ait été, le terrain inondé ne change pas de
» nature, et demeure toujours la propriété privée de so~ ancien
» maître, qui, par conséquent, à la ~etraite des eaux, ne fait
» que retenir ce qu'il n'a jamais perdu •.. :. ; que c'est à tort que
» les demandems en cassation ont excipé, pour la première fois,
» devant la Cour, d'une prétendue durée de l'inondation
» pendant plus de 30 ans, d'où ils tiraient une pI:escription du
» terrain inondé, d'abord au bénéfice de l'état, et ensuitè à
» leur propre profit..... ; que, de quelque temps qu'ait été la
» durée du débordement, il 'demeure toujours constant que:
» inundatio speciem fundi non mu/at, et ob id, cum recesserit:
» aqua, palam est (agrum) ejusdem esse, cujus fuit; d'où
» il suit que le moyen éta·t.... mal fondé. »
Celte doctrine est au snfplus adoptée par MM. Troplong, de
la prescription, nOS 270, 345 et 549, qui repolisse la prescription d'un an, Daviel, Tr. de la pratiq. des cours d'eau, nOS 147
et 148, et Proudhon, Traité de l'usufi'uit:, nO 2551, selon
l'avis duquel l'usufruitier perdrait son droit après 30 ans, si
dans l'intervalle il n'avait pas fait d'interpellation au nu-propriétaire qui alors aurait la propriété pleine ct entière.
»
»
�DU DOMAINE PUBLlC.
103
Et la porte vers un cflamp inférieur ou sur
la l'ive opposée: quel est précisément le sens de
ces expr~ssions r Ponr que cette espèce panlcnlière
d'alluvion ait lieu, faut-il que la portion détachée
du fonds supérieur se trouve unie à l'héritage inférieur par superposition visible <lu terrain? ou
suffit-il que la réunion paraisse faite, cn tout ou en
partie, par une adjonction latérale don nan t pl ns
d'étendue au fonds infél'ieur?
Nous croyons qu'il n'est point nécessaire que
celte espèce d'alluvion s'effectue par voie de superposition, etque, parût-elle opérée, en tout 011
en partie, par 'simple adjonction latérale, l'accroissement serait également acquis au propriétaire.
du fonds inférieur, attendu que les expressions
vers un champ injérieur.J employées dans la loi,
ne signifient poin t le fait de la superposition, m:lÏs,
au contraire, celui de l'adjonction latérale, c'està-dire pal' juxta-position.
Nous pouvons dire même que cette décision est
parfaitement conforme à l'œuvre de l'alluvion:
car, quand nne partie notable du fonds supérieur
vien t se fixer vers l'héritage inférieur, ou à côté de
cet héritage, ct s'y trouve unie par adjonction latét'ale, clle I:le s'arrête là que parce qu'elle' y rencontre un commencement d'alluvi.on qui lui sert
de base ou de fondement: autrement, et si le lit
de la rivière avait été profond en cel endroit, le
terrain venu de plus haut aurait passé outre, ou se
serait précipité et perdu dans les eaux. L'adjonc-
�104
TllAITÉ
tion latérale telle que nous l'entendons ici, ne fait
l" atterns,sement comm.e.nce:,
,
d one que comp l eter
près du fonds où elle se trouve arrêtée; et c.'est
pourquoi la loi ne voit dans le tout qu'un seul héritage.
1283. Il résulte de là que, s,i-la loi ajoute que
le propriétaire de la partie enlevée peut réclamer sa propriété ~ cela signifie non pas qu'il
puisse venir revendiquer et se faire adjuger une
partie du sol comme formant un seconù héritage
qui soit à lui, mais seulement qu'il a le droit de
reprendre et d'enlever les tct::res et débris reconnaissables provenan t de son fonds (ah et encore
doit-il à cet effet former sa répétition dans l'année.
Ca) Voy. M. Chard.on, du droit d'alluvion, ch. 2, Berthelot, Collat. des Institutes avec le Code civil, pag. 171 , et
M. Daviel, Trait., de la pratig. des cours d'eau, nO '5,5.
Cette solution vient confirmer la raison donnée dans la note,
soulile nO 1265 ci-dessus, pour justifier le droit d'alluvion.
L'enlèvement doit être complet, et le propriétaire qui- veut
reprendre &0/1 terrain ne pourrait faire un choix, prendre la
terre, par exemple , ~ laisser les pierres; c'est ce que 1'011 doit
induire des lois 7, § ult. et 9, §§ 1, 2 et 3, ff, de damna injècto,
qui portent que dans le cas où une maison s'est écroulée par
l'effort des eaux sur le fonds voisin '. le propriétaire de cette
maison doit enlever la totalité des matériaux ou les tous laissel': Julianus respondit, si dominus œdium quœ ruerunt, vellet
tollere : non aliter per!nittendztfT/-, quam ut omnia, id est et quœ
inutilia essent auferret....... vicinus compe,lletU/; oq.t toUere,
aut tatas œdes pro derelicto hahere. - Voy. suprà, note h,
sous le 1217, tom. 3, pag. 671, une décision semblable pour
les objets mobiliers entraînés sur le fonds d'autrui par l'effet
d'un débordement.
�,DU DOMAINE PUBLIC.
105
Si le propriétaire de l'héritage inférieur vûulait
en disposer sans attendre la fin de l'année, il aurait
le droit de requérir l'autre d'avoir à s'expliquer sur
la question de savoir s'il veut 0\ non enlever le
dépôt, et en conséquence lui faire impar.tir un
délai pour cet en.lèvement Ca).
1284. ART. 560. « Les iles, îlots, atterrisse» ments qui se forment dans le lit des fleuves
)? ou des rivières navigables ou flottables appar)? tiennent à l'état s'il n'y a litre ou prescription
» contraires. »
Ces sortes de terrains, n'ayant rien de commun
avec la navigabilité du fleuve, sont, comme tous les
autres fonds patrimoniaux de l'état, aliénables et
prescrip!ibles.
L'application de cet article, combiné avec l'article 556, pel,lt faire naître une question singulière,
dans la supposition où un terrain d'alluvion littorale viendrait à se former en même temps qu'une
île surgirait à quelque distance dans l'intérieur du
lit. En ce ca~, le propriétaire riverain serait-il
fondé à revendiquer le tout?
.
Si l'île avail pa ru la première, et que le gouver(a) Même décision ~~ns les ouvrages ci-dessus cités de
MM. Chardon, nO 88, et Daviel, nO 156. N ons pensons avec
D,elvincourt, tom. l , note 2 de la page 1~2, que cette prescription d'un an courrait même conIre un mineur, sauf son
recours contre son tuteur, parce qu'il en est ainsi pour toutes
les prescriptioJ;ls cmlf.tes, c'est-à-dire qui eJl;igent moins de dix
ans.
�106
TRAITÉ
nement en eût déjà pris possession, nul doute
qutelle ne dût rester à l'état.
Mais, dans le cas contraire, et si l'He et l'alluvion littorale ét ient d\llle formation tellement simultanée que l'on reconnût que l'one et l'autre ne
sont que les deux extrémités du même atterrissemen t, don t le milieu est prêt à stélever aus.si à la
surface de l'eau, nous croyons que le tout devrait
êtl'e adj ugé au propriétaire riverain, attendu que,
nty ayant qU\llle seule cause pour les deux objets,
l'e~fet ne pourrait en être scindé. On devrait surtout le décider de la sorte, si le terrain qui lie
l'alluvion à l'île cessait déjà dtêtre submergé dans
le temps des eanx moyennes Ca).
Ca) C'est ce qu'enst:igne également un ancien aul:eur qui a
fait un traité sur les eaux, Gobius (de aguis, quest. 26, nO 16),
ad exclud~ndumjus allufJionis haberi non debet in consideratione, si quandogue aliquantùm aquœ inter fitndum et augmentum a jlumine dimittatur. Il devrait encore en être de
même, quoiqu'il n'y ait pa!> submersion habituelle, si l'eau
avait peu de profondeur, était stagnante et ne permettait aucunc espèce dc navigation. Au rapport de Grotius (Manual.
ad jurisprud. , Holland, lib. 2, cap. 9, nOS 13 et 14, et de jure
belli, lih. 2, cap. 8, nO 14); et de Voët (in ff. , lib. 41, nO 17),
l'atterrissement n'appartient, en Hollande, an riverain que
lorsque le filet d'eau qui le sépare de la rive est assez peu pro.,.
foud pour qu'un chariot chargé puis,e le traverser à gué, ou.
assez étroit dans sa profondeur pour qu'un homme puisse, de
l'endroit où il est parvenu sans quitter pied, toucher l'atterrisse-,
ment d'une épée tenue à la main.
Un arrêt de la Cour de Nîmes, du 12 janvier 1825, confirmé
par la Cour de cassa,tion le 2 mai 1826.(Sirq, 27-1-247),,,
�DU DOMAINE l'UBLIC.
107
Cette question au surplus serait de la, compétence excluiive des tribunaux: civils ordinaires
puisqu'elle aurait pour objet un droit. de propriété Ca).
1285. ART. 561. cc Les îles et atterrissements
» qui se forment dans les rivières non navigables
» et non flottables appartiennent aux propriétaires
» riverains du côté où l'île s'est formée; si l'He
» n'cst pas formée d'un seul côté, elle. appartient
» aux propriétaires riverains des deux côtés, à par» tir de la ligne qu'on suppose tracée au milieu de
» la rivière. »
Appartiennent au:!; propriétaires riverains:
mais à quel titre? Est-ce comme formant une
partie de leurs fonds?
Certes on ne pourrait pas le décider ainsi, puisque, comme ou l'a établi plus haut, le sol du lit
des rivières, même des petites, dépend du domaine
public, et qu'il n'est nullement la continuation
des' propriétés privées adjacentes au cours d'eau.
On ne doit donc considérer cette acqnisition , 3n
profit des propriétaires riverains, que com~e nn
don qui leur est fait par la loi; ct ce n'est pas sans
fait une juste application de ces principes en refusant le carac-.
tère d'alluvion à un, terrain séparé de la rive par un bras de
rivière de 62 mètres de large qui recevait des bateaux par les
deux bouts en temps d'eaux moyennes.
(a) Voy. dans le Recueil de Sirey, tom. 1er , pag. 189,209
et 334, les arrêts du Conseil d'élat des 16 août et 22 octobre
IR08 et 10 mai 1809.
.
�108
TRAlTÉ
un juste motif que ce bénéfice leur est a~cordé,
puisqu'il est rare qu'une île se forme dans le sein
d'une rivière sans qu'on en voie le cours s'élargir
latéralement sur les héritages situés de chaque
côté; en sorte que la concession n'est au fond
qu'une indemnité de la perte qu'éprouvent d'autre
part les propriétaires de ces fonels.
Mais, l'atterrissement qui forme l'île n'étant
toujours qu'une partie matérielle du sol public, il
s'ensuit que cet objet de la libéralité de la loi civile
est aussi un fonds distinct et séparé de l'héritage
situé sur le bord de la rivière. Et on doit induire
de là que le droit d'hypothèque nominativement
constitué sur le fonds riverain ne doit point s'étendre à l'île, qui est un autre héritage, tandis
qu'il porterait sur une alluvion proprement dite
011 latérale, parce qu'alors il n'y a qu'extension
du même fonds Ca).
1286. Du c8té oit l'île s'estjormée: si pIc
qui s'est formée d'un coté de la "Îvière ne se
trouve placée que vis-à· vis d'un senl héritage, elle
(a) Si fundus hypothecœ datus sit> deindè allllrione.major
factus est> tO/ll.' oMigabitur> L. 16, ff. de pigno et hyp. , et
loi 18 eod. de pignorat. act. - MM. Grenier, Tr. des hyp. >
nOS 144 et 148: et Troplong, méme Traité> nOS 551 et 553,
ne font pas la distinction de M. Proudhon, ~t enseignent que
l'hypothèque s'étend non-seulement à l'alluvion latérale, mais
ellcore à l'île et à. to~s les autres genres d'accroissements prévus
~ar les art. 556 et suivant du Code civil.
Dans ces cas, dit
» 1\1. Grenier, le droit du propriélaire sera la mesure du dro~t
» attaché à l'hypothèque.
(l
Il
�DU DOMAINE PUBLIC.
109
appartiendra tout en tière au propriétaire de ce
fonds; et lIne fois que celui-ci en a pris possession
ct s'en est légitimement saisi comme de son bien
propre, si de nouveaux atterrissements viennent
l'accroître, ils seront encore à lui, quoiqu'ils s'étendent vers la rive opposée QU vis-à-vis les héritages des autres, parce qne ce n'est là que la conséquence nécessaire du droit d'alluvion, qui vient
identifier avec le fonds primitif l'accroissement de
nouvelle formation: Etiatn si ita accessit ut
procedéret insula contra ji'ontes vicinorum
superioris atque injérioris; veletiam ut pfOpior esset fundo ejus qui trans flumen habet(I). La raison cn est que l'île, constituant
elle-même un fOl1ds particulier touchant à ]a rivière, doit avoir aussi l'avantage naturel de l'accroissement par alluvion.
Et de là il résulte encore quc, si u'ne seconde He
vicnt à sUrgir entre la première et la rive opposée,
le propriétaire de cette première aura aussi ses
droits dans l'autre, si elle se trouve à une distance convenahle : Si insula in flumine nata tua
fuerit, deindè inter eam insulam et contrariam ripam alia insula nata juerït" mensura
eo nomine crit illstruenda à tud insuld" non
ab agro t!to ,propterquem ea insula tuafacta
fiœrit: nam quid interest, qualis ager sitJ"
(1) 1. 56 in fin. princip.. , ff. de acquir. l'crum domino , lib.
41, tit. 1.
�110
TRAITÉ
cujus propter propinquitatem posterior [nsula;
cu;us sil" quaeratur (1) r
128'1. Mais il est possible aussi qu'une île se
trouve formée vis:'à-vis le front de plusieurs héritages, et qu'elle soit dans une position mitoyenne
avant qu'auéun des propriétaires ait voulu ou pu
se l'attribuer seul; et alors se présehte la question
de savoir dans quelle proportion et éomment on
devra la pal'tager entre les parties intéressées ': devra-t-on, pour déterminer leurs parts, se conformer à la direction des lignes séparatives de leurs
héritages, eil les prol6ngean t jusque sur l'île, lors
même que ces lignes seraient plus ou moins obliques à l'égard de celle du lit du cours d'eau, ou
ne doit-on pas plutôt opérer le partage par des
lignes tirées des extrémités de chaque fonds; perpendiculairenien t à l'axe du cours de la rivière?
Nous croyons que c'est ce dernier parti qui doit
être adopté, parce qu'aux termes de la loi il suffit
d'avoir un héritage adjacent à la rivière pour avoir
aussi droit à l'île qui se forme vis-à-vis, et par
conséquent on ne doit pas admettre un système
suivant lequel, au moyen du prolongement fictif
de lignes obliques, ce propriétaire pourrait être
exclu de la propriété de l'He, tandis qu'on l'attribuerait à celui dont le fonds ne sel'ait même pas
directement situé vis-à-vis de l'endroit de la rivière
(1) L. 65, § 3, if. de acquirend. rerum domino
tit. 1.
>
lib. 41,
�nù
DOMAINE PUBLIC.
Hl
où elle se trouverait (a); c'est aussi de cette manière que la loi romaiùe paraît le décider: Inter
eos qùi secundùm unam ripam praedia habent;
insula in flumine nata ~ non pro indiviso com·
munisfit" sed regionibus quoque divisis. Quantùm enim ante cujusque eorum ripam est:
tantum veluti lineas in directum per insùiam
transductas" quisque eorum in ed hahehit
certis regionihus (1).
1288. Si l"îlë ne s"estpasforméedjuTtseul
côté: c'est donc uniquement à la formation de
l'île qu'il faut s'attacher, comme l'indique déjà le
commencement de cet article, pour juger si elle
doit appartenir aux propriétaires d'une seule rive
ou à ceux des deux; et de là il suit qu'une fois
formée d'uri côté, le propriétaire qui en a pris possession peut revendiquer, par droit d'alluvion,
tous les atterrissements qui viennent l'accroître
vers l'antre bord, ainsi qu'on l'a déjà dit.
Elle appartiendra aux propriétaires riverains des dëux côtés" à partir de la ligne qu"on
suppose tracée au milieu de la rivière: ce
n'est pas par une ligne supposée au !Jlilieu du lit,
mais bien au milieu de la rivière, c'est·à~dire du
cours d'eau, que le partage doit être fait. Et si ce
cours d'eau est sujet à de grandes variations, on
(a) Voy. infrà, le nO 1291 et la note en ce qui concerne le
partage de l'alluvion littorale.
(1) L. 29, if. de acquirend. rerllm domin., Ilb. 41, tit 1.
�112
Tl~AlTÉ
doit le p,oendre dans l'état où il se trouve <furant
les eaux moyennes, parce que, s'il en était aùtrement, il arriverait toujours, ou presque toujours,
que le propriétaire du côté de la plaine, sur laquelle la rivière s'élargit considérablement dans
les graudes crues, ne devrait avoir aucune participation à l'île, qui se trouverait trop éloig.née de son
fonds, tahdis que souvent c'est lui qui supporte la
plus grande part des dommages causés par les eaux,
1289. Il est à remarq';1er encore que, suivant
la disposition de ce texte, l'île qui se forme dans le
milieu plutôt que sllr un des bords de la rivière ne
doit pas être considérée comme un terrain indivis
ct commun dans un sens absolu, entre les proprié~
taires riverains de chaque côté, puisque la loi assigne elle-même à chacun d'eux le lot distinct qu'il
doit y avoir, et que pour opérer la séparation de
leurs possessions respectives, il n'y a qu'à tracer
snI' le sol la lign'e dont la direction est prescrite par
la loi qui elle-même règle et fait en quelque sorte
le partage; c'est dans ce sens que la loi romaine
disait déjà: Insula in flumine nata non pro indiviso communis fit.
1290, j\.RT. 562. cc Si une rivière ou un fleuve,
» en se formant un bras nouveau, coupe et em» brasse le champ d'un propriétaire riverain, et en
~, fait une île, ce propriétaire conserve la propriété
n de son champ, encore que l'île se soit formée
~) dans un fleuve ou dans une rivière navigable ou
" 1l0uable. »
�DU DOMAINE. PUBLIC.
113
Mais dans ce dernier cas, si le cbemin de halage
se trouve reporté snI' une partie du terrain où il
·n'était pas au paravan t, le propriétaire assujetti à
celle nouvelle servitude aura, à cet égard, droit à
une indemnité (a).
1291. ART. 563. Ct Si un flcuve ou une rivière,
» navigable, flottable on non, se forme nn nou» veau cours en abandonnant son ancien lit, les
» propriétaires des fonds nouvellem~nt occupés
" prennent, à titre d'indemnit~, l'ancien lit abanli> donné, chacun dans la proportion du terrain
» qui 1ui a été enlevé. »
La loi ne leur devait rien de 'plns, parce que
lcs pertes qu'ils peuvent souffrir en cette circons. tance ne sont que l'effet de la force majcmc, dont
person'ne ne doit être gàran t (b) .
..
(a) Voy. suprà la note sons le nO 772, tom. 3, pag. 100 et
suiv., et les nOS 791, 792 et 793 , même tome, pag. 119 et suiv.
La disposition de l'article 562 est conforme aux lois 7, § 4,
et 30, § 2, ff. de acquirend. rerum domino - Le propriétaire
.conservant sa propriété n'est pas obligé de faire la revendication dans 'l'année comme au cas de l'art. 559.
Cb) Il en était'autrement chez les Romains; d'après le § 23
des Instit. de rerum divis., et la loi 1, § 7, ff. de fluminib.,
. c'étaient les riverains qui profitaient de l'ancien lit. Cette disposition avait été vivement critiquée par les anciens auteurs, notamment par Vinnius ( ad InstÙ. , pag. 146), et par Prost de
Royer (nouveau Brillon, Vo alluvion, tom. 4, pag. 278 et
suiv. , édit. de 1784). Ils demandaient que l'ancien lit fût abandonné à titr~ d'indemnité à ceux qui se trouvaient obligés de
fournir le nouveau. Voy. également les protestations du parleTOM:. IV.
�114
'l'lal'l'J:;
Telle est la série des articles du Code qui se rapportent au droit' d'alluvion entendu dans le sens
le plus large. Pour compléter les explications que
ment de Bordeaux à cet égard, sur les lcttres-patentes du roi,
du 14 mai 1786, ainsi que les nouvelles lettres-patentes du 28
juillet suivant (Recueil des anciennes lois fr., XXVIII, pag. 173,
17get215.
Cette innovation dans la législation fait naître la question de
savoir si lorsque le changement de lit d'une rivière a commencé
IIvant le Code civil, mais ne s'est complétement opéré que
depuis, ses effets, relativement au propriétaire riverain et au
propriétaire du fonds occ~pé par le nouveau lit, doivent être
déterminés par les principes anciens.
L'affirmative a été adoptée implicitement par un arrét de la
Cour de Toulouse du 9 janvier 1829 (Sirey, 29-2-1(0), et
explicitement en le rapprochant des faits de la cause, par un
autre de la Cour de cassation du 26 février 1840 (S. , 41-1-54),
ainsi moti"é : Considérant que l'arrêt déclare en fait, que la
M Loire avait abandonné son lit avant l'émission du Code civil;
li qu'en déciùant en droit, qu'avant le Code civil introductif
li d'un droit nouveau, les dispositions de ce Code ne pouvaient
li recevoir d'application à l'espèce, et que c'étaient au contraire
li les anciens principes fondés sur la jurisprudence, l'arrêt n'a
» violé ni les principes invoqués par les demandeurs, ni l'arl> ticle 563 Cod. civ.
»
Si le lit abandonné offrait une superficie supérieure à.celle
du nouveau lit> la totalité n'en appartiendrait pas moins aux
propriétaires récemment envahis, sans que les riverains
puissent prétendre à l'excédant. Ceux-ci ne peuvent aussi exiger de servitude ùe rigole ou d'aqueduc sur le lit aballdOJ:iné ,
pour tirer les eaux du nouveau cours d'eau. Le terrain cédé à
titre d'indemnité est libre et franc de tous les droits qui existaient précédemmcnt SUI' la riYière.
Il
�DU DOMAINE rUELle.
115
leur examen nous a suggérées, nous ajouterons la
discussion de plusieurs questions importantes.
Une des plus essentielles et des plus difficiles
consiste à savoir comment les atterrissements qui
se forment au bord des rivières doivent être partagés entre les propriétaires des fonds aboutissants.
Depuis Bartllûle jusqu'à nos jours, les auteurs
' s ,en sont occupes,
, sans pou1es pl us renommes
voir s'entendre (a).
Les uns veulent que le partage sc fasse par des
lignes tirées du sommet des angles de chacun des
fonds, et dirigées perpendiculairement sur le terrain d'alluvion; d'autres prétendent que ce devrait
être plutôt par des perpendiculairesàl'axe ducours
de la rivière; d'autres enfin admettent diverses
modifications à ces deux: systèmes principaux:.
Ce qui fait naître la difficulté sur leur choix:,
c'est que les terrains d'alluvion, ainsi que les
coors d'cau, sont sujets à changer sans cesse de'
position, de forme et de direction, ct qu'ainsi les
lignes tirées pel'pendiculairemen t, soit sur les bords
des atterrissements, qui se succèdent, soit sur le
cours d'ean dont les sinuosités va~ient à J'infini,
auraient pour effet de produire les bizarreries les
(a) Voy. notamment Balde, Buléo, dissertatio de flw}iatieis insulis secundum jus cifJile difJidendis et geometriœ cognitio juris~
consulto necessaria, Aymus, les auteurs du nOflfJeaU Denizart,
l~ Cour de Grenoble dans ses observations sur le Code rural,
Dubreuil, sur lesealtx, tom. 1, png. 86, 2" édit., et M. Cotelle,
Cours de droit adnânistrallf, tom. 1, pag. 366.
�116
TJWTÉ
plus choquan tes dans le prolollgemen t des héritages
riverains, la ntôt s'étenda nt à droite, tantôt reporté
à gauche, pour obéir à la direction des lignes sans
cesse changées à chaque nouvelle alluvion, afin de
les rendre perpenciicnlaires, ou avec l'atterrissement récemment survenu, ou avec les sinuosités
formées en demier lieu par la rivière.
Ces difficultés ont été parfaitement signalées par
M. Chanlon, présiden t du tribunal civil d'Auxerre,
dans un savant tr[lité dn droit d'alluvion imprimé
à Paris en 1830, et dont nous nous plaisons à reconnaître le grand mérite, quoique nons ne soyons
pas d'accord avec l'auteur snI' plusieurs points importants de la matière.
Ce magistrat propose un troisième système,
suivant lequel le partage des alluvions serait exécuté par la prolongation des lignes latérales des
divers héritages voisins de la rivière, quelle qne
soit d'ailleurs la direction respective de ces lignes.
Une extrême simplicité et une grande facilité
d'exécution le recommandent assurément; mais
est-il bien conforme aux principes du droit et au
vœu de notre Code? C'est ce que nous ne pensons
pas.
Il en résulterait, en effet, que, dans le cas où
l'lin des fonds aboutissant à la rivière se trouverait
limité latéralement par des lignes convergentes, sa
participation au bénéfice de l'alluvion devl'ait cesser au point où elles viendraient se joindre; tandis qne celui qui serait phlCé eutre des lignes di-
�DU DOMAINE l'VIlLIe.
117
vel'gentes recevrait un accl"Oissement proportionné
à leur écartement; or c'est ce qui ne saurait être,
puisqu'un premier sol acquis I)ar alluvion doit avoir
sa part à· toute alluvion subséquente qui vient s'y
adjoindre, et ne doit y participer que Stol' l'é~en
due "de sa con tiguité à la rivière.
Déjà nous avons dit plus haut, nO 1287, que Je
partage des îles doit être fait, non p:lr le prolongement des ligl)es séparatives des héritages riverains,
mais par des perpendiculaires tirées snI' la rivière
depuis les angles aboutissants de ces héritages,
comme le veut la loi romaine; et après avoir trèssérieusement médité la question en ce qui louche
les alluvions, nO\1S cl"Oyons qu'on doit suivre le
même système Ca).
(a) Le principe qui domine le partage de l'alluvion est ainsi
posé par la loi 7, §§ 3 et 5, ff. de acq. rel'. dom. : « Diriditul'
pro modo lalitndinis cujusque prœdii quœ latitudo propè ripam
Sil. II Partant de ce que l'alluvion n'est qu'un accroissement formé contre la rive, il ne tient compte, pour sa division, que du
bord extérieur de cette rive; c'est le développement de la ligne
de ce bord qui doit donc seul servir de base à l'opération. Cette
règle est constante et généralement reconnue par les auteurs
qui ne diffèrent que sur son mode d'application.
Les uns, au nombre desquels est M. Chardon, Traité du
droit d'allur., pag. 275, ont proposé de prolonger simplement
les lignes sépal'atives des héritages dans la direction qu'elles ont.
Mais il résulte de là, comme le remarque très-bien M. Proudhon, que si elles ne sont pas parallèles, les fonds compris eutre
celles qui seront convergentes se termineront en pointe à un point
quelconque pris snI' le terrain. d'alluvion ct lie joindront plus
�118
TllAlTÉ.
1292. Après a voir expliqué ce que c'est en géuéral que le droit d'alluvion, quand et comment
la rivière, ou ne la joindront que sur un front moins étendu
qu'auparavant, tandis que les autres héritages dont les limites
latérales iront en s'évasant, absorberont presque tout l'atterrissement ct seront les seuls riverains du nouveau cours.
D'autres jurisconsultes, notamment Barthole dans sa Tibériade, élèvent des perpendiculaires à l'ancienne rive, aux extré~
mités des divers fonds, et allouent au propriétaire de chacun
d'eux le terrain compris entre ces lignes. Quand cette rive
ne forme qu'ur~e ligne droite, le système est trés-bon, mais
il produit des effets aussi injustes et aussi contraires à l'esprit
de la loi que le précédent lorsqu'elle est sinueuse et que certains
fonds joignaient la rivière par des courbes, les unes convexes,
les autres concaves; il est évident alors que les perpendiculaires
élevées sur les cordes de ces courbes sont enlre elles divergentes
et convergentes, et ne peuvent pas conserver à chaque propriété le iront qu'elle avait sur l'ancien lit.
Au lieu de tirer les perpendiculaires sur l'ancienne rive,
Aymus, Butéo et la Cour de Grenoble les élèvent sur l'axe du
nouveau lit, ce qui est encore inadmissible lorsque ce lit présente des sinuosités et que par conséquent l'axe forme une ligne
brisée.
lYaprès un ingénieur distingué (M. Olivier), l'auteur du
Cours de droit administratif appliqué aux travaux publics,
tom. 1 er , pag. 368, mesure la longueur de l'ancienne rive,
ainsi que de la nouvelle, et répartit celle-ci entre les divers
fonds situés vis-à-vis l'alluvion, dans la proportion de l'étendue littorale de ccs derniers cO'lltre l'ancien cours. Celte formule, d'une application facile et remplissant en général la condition imposée par la loi romaine, n'est cependant pas irréprochable lorsque le bord, soit de l'ancien lil, soit du nouveau,
présente une courbe concave ou convexe très-prononcée vis-àvis certains fonds, et par conséquent une ligne d'aboutissement
�DU DOMAINE PUBLIC.
119
il est acquis, il nous reste à indiquer les consé{)uences légales de ce mode d'acquisition, en dis··
bien supérieure à leur largeur réelle. C'est pour atténuer ce vice
que M. Cotelle conseille de rectifier le plus possible par des
moyennes la rive lorsqu'elle forme de nombreusei dentelures.
MM. Tardif et Cohen, annotateurs de l'Ana{rse raisonnée
de la législation sur les eaux, de Dubreuil, indiquent une
autre opération (tom. 1er , pag. 89) : « Elle consiste à diviser
" l'alluvion en tranches parallèles d'une largeur égale à celle
" qu'ont, sur le bord du cours d'eau, les héritages riverains,
Il latitudo quœ propè ripam est. Afin d'établir d'une manière
Il plus certaine ce parallélisme, on
n'a qu'à mener, par un
" 'point quelconque de la rive, une ligne exactement horizon" tale, et ensuite éiever sur celte ligne, depuis chaque point
" limite des champs riverains jusqu'au bord extrême des allu" vions, des perpendiculaires qui, par cela seul, sont parallèles
" entre elles. - Nous ne ;prévoyons, ajoutent-ils, contre ce
" système aucune objection possible. La règle du droit romain
" y est scrupuleusement suivie: la latitudo propè ripam sert
" de base unique à l'opération: celle-ci ne se complique d'au" cune difficulté, puisqu'~lle ne consiste qu'à tracer des droite~
" parallèles. Enfin aucun hétitage ne peut perdre les avantages
" qui résultent pour.lui de la vicinité du cours d'eau. - Ap» pliqué aux îles, notre système est aussi simple et aussi faci" lement réalisable. "
C'est à ce dernier mode que nous donnerons incoittestablement
la préférence, sans cependant affirmer, avec ses auteurs, qu'il
ne motive aucune objection possible; il en est au contraire une
fort grave, surtout .lorsqu'il s'agit du partage d'îles situées à
une grande distance du bord; elle résulte de la détermination
de celte ligne improprement qualifiée d' horizontale) sur laqudle
doivent être élevées les perpendiculaires vis-à-vis chaque limite, et qui dès-lors sert de base à toute l'opération : selon
�120
TRAiTÉ
tinguanl tantefois l'alluvion lillorale de celle opérée sous forme d'île.
L'alluvion littorale, telle qu'elle est établie par
les articles 556,et 557 du Code, doit être considérée comme une augmentation du fonds que la loi
attribue an propriétaire à mesure qu'elle s'y unit
et s'y incorpore, pour ne faire avec cet héritage
qu'un seul ct même tont; et de là il résulte,
lOQue toute action en revendication. ou en rap~
port à succession du fonds pl'imitif comprend aussi
qne son traeé., toujours arbitraire et extrêmement difficile quand
les sinuosités de la rive seront très-prononcées, affectera une direction plutôt qu'une autre, les droits des riverains changeroIlt
notablement. Aucune règle précise ne saurait être posée à cet
égard; la seule qui puisse être indiquée, c'est qu'il faudra
l'établir autant quc possible parallèlement à Faxe de l'ancien
lit, considéré dans son ensemble sur une assez longue étendue,
en faisant abstraction des sinuosités ou dentelures partielles,
secondaires ou accidentelles dues à l'érosion des eaux ou à de
précédents atterrissements qui l'ont modifié. Comme on le voit,
c'est une ligne moyenne et générale qu'il filpdra tâcher de
trouver, et que l'on ne pourra obtenir qu'au moyen d'une
étude approfondie des lieux faite sur le terrain ou sur un plan,
et mieux encore des deux manières; tout dépendra de la sagacité des experts et des juges. La ligne normale une fois étahlie,
le smplus de l'opération, consistant dans le partage de l'alluvion par tranches parallèles, est d'une rigoureuse· exactitude,
puisqu'il offre le seul procédé qui conserve à l'héritage sur le
nouveau lit la même étendue réelle de front qu'il avait sur
l'ancien, et à laquelle sont venues se réunir successivement- les
parcelles alluvionnaires.
�DU DOMAINE l'UIlUG.
l~augmentatlon
121
qui y est survenue par àUuvion :
Idem est si per alluvionem pars jundo. accessèrit (1) ;
2
0
Que l'alluvion ajoutée au propre d.e l'un des
"
• de communaute,
,malS
.
epoux
n est pas un aequet
doit rester exclusivement à celui propriétaire du
fonds: Si proprietati nudae in dotem datae
ususjructus accesserit ~ incrementum videtur
dotis ~ non alia dos., quemadmodùm si qlûd
a!luvione accessisset (2) ;
3° Que par la même rai&on l'accl'Oissement par
alluvion d'un fonds totalement ameubli~ doit être
un acquêt de communauté, comme si l'héritage
prinéipal avait été acquis durant le mariage;
1293. 4° Que l'hypothèque constituée sur un
fonds frappe aussi l'alluvion qui s'y est réunie
depuis le contrat (a): Si fundus hypothecae
datus sit , deindè aLiuvione major jactus est.,
totus obLigabitur (3) ;
5° Que" si l'alluvion S,llI;vient à un fonds légué,
après le testament fait, le légataire doit recueillir
le tout, parce qu'il n'y a toujours qu'un fonds, et
(1) L. 34, if. de rei 'Vindicat, , lib. 6, tit. 1.
(2) L, 4, if. de jure dotium, lib. 23, tit. 3.
(a) ~lus haut, nO 1285, fine, l'auteur enseigne qu'il doit
en être autrement de l'He, mais avec plusieurs auteurs nous
lie partageons pas cette opiuion; voyez la note $OUS ce numéro.
(3) L. 16 in princip. , if. de pignoribus , lib. 20, tit. 1.
�122
TRAITÉ
que le legs porle sur la chose telle qu'elle se trouve
au décès du testateur: Si quis post testamentum
j'actUln.,jitndo Titiano legato partem aliquam
adjecerit, quamfundi Titiani destinaret, id
quod adjectum est, exigi à legatario potest,
et similis est causa alLuvionis (1) ;
6° Que le legs d'usufruit d'un fonds emporte
aussi la jouissance de l'alluvion qui s'y est réunie
depuis l'ouverture du droit (a). Et placuit alLu",ionis quoque usumfructum ad fructuarium
pertinere (2) ;
1294. 7 0 Que la jouissance de l'île qui vient à
se former en face du fonds grevé d'usufruit, mais
qui en est détachée, n'appartient pas de même à
l'usufruitier, parce qne c'est un autre fonds (b) :
Sed si insula juxta/undum in.flumine nata sit,
ejus usumjructum ad ftuctuarium non pettinere Pegasius scribit, licet proprietati accedat j esse enim veluti proprium fllndum, cujus
, ususjructus ad te non pertinet (3). La différence
(1) L. 24, § 2, ff. de legato , lib. 30, lit. 1.
Ca) Voy. le Traité des droits d'usufruit, etc. , de l'auteur,
tom. 2, nO! 523 et suiv. , où il distingue cependant, par rapport à l'usufruitier à titre singulier, entre l'alluvion insensible
ct l'atterrissement formé lino impetu.
(2) L. 9, § 4, ff. de USlifructU, lib. 7, tit. 1.
(b) Voy. le susdit Tr. des droits d'uslIjr., etc., tom. 2,
nO' 524 et 525.
(3) L. g, § 4, ff. de llsuj'l'llcIU, lib. 7, tit. 1.
�DU DOMAINE PUBLIC.
123
entre ce dernier cas ct le précédent est fondée sur
deux motifs:
Le premier, que, lorsqu'il s'agit d'alluvion
littorale, l'atlerriss,ement qui vient s'uuir au fonds
riverain s'y incorpore physiquement, et d'une
manière tellement intime, qu'aux yeux de la loi il
ne peut y avoir qn'un fonds là où la nature n'a
voulu en faire qu'un; tandis que dans le cas de
l'île, il est impossible de l'iden tificr avec le sol
voisin de manière à ne voir qu'un seul fonds.
Le second, que le fonds du lit de la rivière restant dans le domaine publie, comme le décide la
loi romaine, et comme le reconnaît encore la loi
française, ainsi que nous l'avons démontré cidessus nOS 944 et suivants, on ne peut pas dire que
l'île qui s'y forme doive appartenir ~u propriétaire
riverain à titre d'accroissement ou d'accessoire du
sol sur lequel clle s'est élevée. Elle n'est évidemment pour lui qn'un pur don de la loi; or la loi qui
. le fait ne l'attribue qu'au propriétaire du fonds
voisin: il n'y a donc que lui -qui doive en profiter;
1295. 8° Que dans l'hypothèse où il s'agit
d'un fonds fidéicommissalremeot substitué, le
grevé doit, lors de l'ouverture du fidéicommis,
faire aussi la restitution de l'alluvion: Saepè legatum pleniits restituitur fideicommissario quàm
esset relictum ; veLuti si aLluvione ager auctus
esset,vel etiam illsula nata (1). Ici la loi ne
(1) L. 16,
fr. de
legatis, 3Q titulo, lib. 32,
.
\
�124
TRAITÉ
fait pas de distinction entre l'alluvion littorale et
l'atterrissement sons forme d'île, et c'est avec
raison, parce que jusqu'à l'ouvertUl'e du fidéicommis, le g,'evé est propriétai,'e, et que 101'8 de cette
ouverture, il doit restituer la prop,'iété foncière;
dont la loi veut qne l'He soit comme une espèce
d'accessoire;
9 0 Que, s'il s'agissait d'un bail pendant lequcl
il se serait formé des atterrissemen ts da ns la rivière,
on ne devrait pas adjuger au fermiAI' la jouissance
de l'île, puisque c'est un autre fonds; mais on
devrait lui laissel' la jouissance de l'alluvion Jittol'ale, comme ne faisant qu'un seul et mêmc tout
avec le fonds amodié Ca).
(a) Pothier, Traité du louage, nO 278, enseignait, contrairement à l'opinion de Carrocius, que le fermier n'a pas le droit
de jouir de l'alluvion littorale, parce que, n'existant pas encore
au moment de son bail, elle n'y est pas comprise. :l\'lais
MM. Chardon, de l'alluvion, nO 15.7 , Duvergier, du lOllage,
tom. 1or , n· 356, Duranton, tom. 17, nO 81, Troplong, du
louage, nO 190, Vaudoré, droit rural, tom. 1, nO 404, et
Daviel, Traité de la pratique des cours d'eau, nO 140 , sont
d'un avis contraire; seulement la plupart d'entre eux mettent
pour condition à l'extension de la jouissance du fermier, que
le prix de ferme sera augmenté dans Ulle proportion équivalente au hénéfice donné par l'alluvion; la raison qu'ils en
donnent est qu'en cas de perte ou de diminution par force majeure de l'héritage affermé, le preneur a droit à la résiliation
ou à une diminution correspondante, et qu'il doit y avoir réciprol'ité en cas de bénéfice. IVI. Troplong s'appuyant sur le
�DU DOMAINE l'VIlLIe.
1296.'
125
concernant l'acquisition
des alluvions peuvent encore se présenter sous
un autre point ùe vue, ~ellJi où il y a résolution
de l'acte d'aliénation dn fonùs qni a reçu l'accroissement durant la possession de l'a(~qué
l'eu r.
La donation d'un héritage se trouvant révoquée
par l'effet de la sUJ'venance d'enf.lllt, le bénéfice
LEs QUESTIONS
principe que les événements heureux qui augmentent les profits
du fermier contre toute espérance, ne sont pas une cause d'augmentation du prix de bail, refuse cette augmentation dans l'hypothèse de l'accroissement par alluvion. - M. Daviel, nO 141,
examinant l'espèce, où le fonds agrandi était assujetti à une
redevance, distingue entre la redevance en bloc et celle par
mesure, par chaque hectare, par exemple; au premier cas l'alluvion ne donne pas lieu à augmentation de prix; au second,
la redevance doit être augmentée au prorata j il cite à l'appui
de son opinlon l'annotateur de Duperrier, Quest. de droit 7
liv. 2, quest. 3, et le nouveau Denizart, Vo alluvion, nO 7,
qui appliquent à cette hypothèse la fameuse distinction des
champs limités et non hmités , agri limitali, indiquée par la
loi 16, ff. de acquirend. rerum dom., sur le vrai sens de
laquelle les jurisconsultes ne sont point d'accord; /cs annota-'
teurs de Dubreuil (tom. 1er , pag. 83, en note) prétendent. notamment qu'elle est seulement relative à la portion des fonds
conquis sur les vaincus qui était partagée entTe les soldats
romains et qui était ~éparée du surplus restant à l'état ou au
domaine public, par des bornes sacrées au-delà desquelles il
n'était pas permis de s'étendre (voy. sur celte délimitation religieuse le savant ouvrage de 1\'1. Giraud d'Aix: du droit de propriété thez les Romains, tom. 1, pag. 100).
�12G
TRAITÉ
de l'alluvion littorale ou de l'île qui s'est formée
dans la rivière doit-il rester au donataire?
Nous ne le pensons pas, à. raison de ce que la
donation doit être considérée n'avoir été consentie dès le principe qlle sous la condition que le donatelll' n'alll'ait pas d'enfant dans la suite; que la
condition l'évocatoire, depuis rJalisée, a un effet
rétroactif qui replace les droits des parties dans le
même état, que si la donation n'avait pas été faite,
et que c'est par ce motif que la loi (art. 963 C. c.)
veut que les biens donnés rentrent daus les mains
du donateur, libres de toutes charges et hypothèq ues créées pa l' le donataire, comme s'il n'avait
jamais été propriétaire.
1297. Nous croyons qu'on doit adopter la
même décision dans tous les cas où le contrat d'aliénation se trouve annulé par une canse rescisoire
quelconque : car la rescision a toujours un effet
rétroactif remontant jusqu'a sa cause.
On doit encore le jugel' ainsi relativement aux
, " : car a1Ol'S l' acquerenr
,
d evenu
ventes a, remere
n 'est
propriétaire que sons une condition résolutoire,
dont l'événement a aussi un effet rétroactif tel
que, suivant l'art. 1673 du Code civil, le fonds
rentre au vendeur, exeII,lpt des diverses charges et
hypothèques dont l'acquéreur aurait voulu le
grever.
Néanmoins Pothier avait professé l'opinion contraire; mais les raisons par lesquelles il la motive
ont été si solidement réftltée~ par M. Chardon,
�nu liüMAINl'. l'UllI.IC.
127
'que, malgré le respect qui lui est dl), nous n'avons
pas hésité à adopter la décision ci-dessus Ca).
(a) Voyez Pqthier, Traité du contrat de 'Vente, nO 402, et
Chardon, Traité du droit d'allul/ion, chap. 5 , nO 154. - QueLques auteurs, notamment Richeri, tom. 3 , § 557, pag. 143,
tout en reconnaissant que le vendeur à réméré devait prendre
l'alluvion, soutenaient, d'après les motifs déduits par Potbier,
qu'il devait en payer le prix à l'acquéreur; mais Tiraqueau ,
de retract. cortl-'ent. , nO 93, in fine, SI' prononce pour la négative en ces termes: Resoluld 'Venditione restituitur, et quod
'Venditioni accessit. Resolutd emptione nihi! œmpliùs consequatur, quam quod haberet, si 'Venditio ja.cta non esset.
LE
•
qui, selon nous, doit servir à résoudre toutes
les questions sur cette matière, est que la portion ajoutée au
fonds par l'alluvion suit en tout le sort et la condition du fouds
dont elle devient l'accessoire: Tanta 'Vis est alluvioms, dit
Richeri, ut incrementltm ejusdem indolis existimetur atque
eisdem legibus suhjiciatur quibus regitur ipse fundus. - Nec
istud incremenwm, dit aussi Dumoulin (in cons. Par., V Ofief,
§ 1, gl. 5, nOS 115 et 116), censetur nOl/us ager, sed pars
primi. Eodem Jure, eddem causâ et qualitate acquiritur et pos~
sidetur sicut ager cui adjicitur.
Et de là il résulte, en ce qui concerne certains points qui
n'ont pas été examinés par lVl. Proudhon,
1° Que celui qui a une action en re\'endication ou autre action réelle sur un fonds, peut aussi l'exercer sur l'alluvion qui
s'y est réunie (L. 15, if. de condict. indeb.);
2° Que celui qui a acquis par prescription un héritage a
également acquis l'alluvion lors même qu'elle ne se serait formée que la veille de l'expiration des trente ans (Dumoulin, Ùt
eonJutl. Paris., V O le fief, nO 115);
3" Que lorsque l'acquéreur intente l'action pour défaut de
contenance, on ne peut lui parfaire la mesure prom~e par
PRINCIPE
�128
'1'llAITf:
CHAPITRE LVII.
Des eaux pluviales (a).
1298. Les eaux pluviales sont celles qui
tombent du ciel, et qui, n'élant .pas absorbées
l'alluvion survenue depuis la veute (L. 7, if. de perie. et comm.
rei 'Vend. ; - Nouveau Brillon, V Oalluvion; - Richeri, tom.
3, § 557 à 561 ; -FOllrnel, V Oalluvion; - Garnier, tom. 1,
nO 247), parce qu'alors'eile profiterait au vendeur et non à lui;
4° Que lorsque des atterrissements dans les rivières navigaLles ont ~té concédés à des particuliers, même pour une contenance fixe et déterminée, les alluvions qui s'y réunissent appartiennent de plein droit au concessionnaire;
5° Que des murs, des haies, des fossés, des falaises ou rideaux de rochers le long des fleuves et rivières ne sont pas des
obstacles à ce que le propriétaire du fonds ainsi limité ne profite des alluvions survenues au-delà de sa clôture. L'autorité
contraire d'Houard, anc. Lois ft. , préface, pag. 24, et de
deux arrêts de la Cour de Rouen des 8 avril 1818 et 24 décembre 1827 cités par M. Daviel, nO 135, ne 1I0US paraissant,
pas plus qu'à ce dernier auteur, devoir faire admettre dans ce
cas une dérogation au principe gén'éral ayant pour objet nonseulement de réparer un préjudice consommé, mais aussi d'opposer des chances d'indemnité à des chances de dommages futurs et éventuels.
(a) Voy. sur cette matière: Dunod, Traité du Prescriptions,
p. 88; - Henrion de Pansey, Traité de la Compétence, g e éd.,
p. 255; - MM. Duranton, t. 5, nO 158; - Pardessus, Traité
des Servitudes, 8 e édition, nO 79, p. 188 et suiv. ; - Troplong,
des Prescriptions, t. 1er, p. 234 et suiv. ; - Curasson, Traité
de la Compétence des juges de paix, tom. 2, p. 225; - et
Daviel , Traité de la Pratique des cOU~'s d'eau J nO' 750 et suiv.
�nu
129
Do)IAINE PUBLIC.
par les terres, coulent sur la surface du sol :
Aquam pluviam dicimus quoe de cœlo cadit ~
atque imbre excrescit (1).
Toutes les eaux continentales qui forment les
sources, les ruisseaux, les rivières et les fleuves,
proviennent de la même cause; toutes sont tombées du ciel; et ce n'est qu'après avoir pénétré
dans les"terres, et s""être réunies dans des réservoirs
.
" h appent en
sOllterrams,
qu ,eIl es ressortent et sec
fontaines et ruisseaux.
Ici nous ne nous occuperons que de celles qui,
n'étant pas immédiatement imbibées, coulent sur
la surface du sol où elles sont tombées. Quant aux
autres qui vont se reproduire en sources et ruisseaux, il en sera parlé ailleurs.
Si lorsque l'on veut traiter une matière, il fallait toujours remonter aux causes premières, pour
prendre de là son point de départ, c'est par les
eaux pluviales que tout ouvrage sur les eaux devrait commencer, puisqu'elles c<mstituen t le principe générateur de tous les cours d'eau. Si, au
contraire, on devait subordonner l'ordre du travail
audegré d'importance du sujet,c'est par ces mêmes
eaux, en tant qu'elles s'écoulent à la surface du sol
à mesuré qu'il pleut, qu:on devrait terminer. Placés
en tre ces deux extrêmes, 110US avons pris le parti
d'intercaler ici ce chapitre.
(1) L. 1 in princip., if. de aquâ et aquce ·pluf.'. arccnd.,
lib. 39, tit. 3.
TOM:. IV.
9
"
�130
o.
TRAITÉ
1299. Il est de toute évidence que les eaux
qui se déchargent des nuages, ne sont départies à nul individu en particuliel'-, et qu'en conséquence leur usage appartient nécessairement au
premier occupant.
Si elles sont tombées sur un fonL1sprivé, le propriétaire de l'héritage qui les a reçues se trouve être
le premier occnpant à l'exclusion de tous autres,
en ce que personne n'a le droit d'entrer sur sa'
propriété pour s'en saisir (a).Bi elles sont tombées
sur la voie publique, c'est le premier qui s'en empare de fait qui en devient le maître.
1300. Les règles tracées par le Code civil relativement aux eaux pluviales sont peu nombreuses
et encore très-laconiquement énoncées; mais
comme elles ont été entièrement puisées dans les
lois romaines, c'est là que nous devons chercher
les développements que nous avons à présenter;
L'article 640 qui régit principalement cette matière est conçu dans les termes suivants:
cC Les fonels inférieurs sont assujettis envers ceux
» qui sont plus élevés, à recevoir les eaU"x qui en
» d.écoulent naturellement sans que la main de
» l'homme y ait contribué.
:>, Le propriétaire inférieur ne peut point élever
,,-de digue qui empêche cet écoulement.
» Le P!QPriétaire supérieur ne peut rien faire
>, qui aggra~e la servitude du fonels inférieur. »
(a) L. 1 , § 11 et 22, ff. de aq. et aq. plufJ. arcend.L. de rei vindicatione) eod.
�DU DOMAINE PUBLIC.
131
Reprenons les diverses parties de cette disposition.
Les fonds inférieurs sont assujettis enyers
ceux qui sont plus élevés: c'est là un assujettissement naturel qui existe indépendamment de
tôute convention,ou de tout acte de volonté des parties intéressées; c'est une servitude dont la cause
dérive impérieusement de la situation des lieux,
et dont on se plaindrait à tort, puisque les dommages qui peuvent en résulter pOUl' les fOl1ds inférieurs sont compensés par les avantages qu'ils
retirent des engrais qui leur arrivent des héritages
supérieurs: Atque hoc incommodllm naturaliter
pati injériorem agrum à superiore ~ compensareque debere cum alio commodo: sicut enim
omnis pinguitudo terrae ad eum decurrit ~ ita
etiam aqll;ae incommodum ad eum defluere (1).
C'est ainsi qu'en thèse générale, il Ya, par le seul
effet de la même loi naturelle, équilibre et compensation entre le bien et le mal.
1301. A recevoir les eaux: quoique ce texte.
ne pade explicitement que des eaux, l'on doit en
appliquer la disposition à l'éboulement des terres,
rochers et avalanches, pierrailles et graviers qui
se précipitent des collines, parce que la nécessité
de subir sans se plaindre ces accidents est la même
dans ces cas que dans celui de la chu te des eaux:
(1) L.1, § 14, if. deaquâ etaquœ plzw. arcend.,lib. 39,
tit. 3.
�132
TUAlTÉ
Ruic etiam appLicandum., nunquàm competere hanc actiollem., càm ipsius loci natura
nocet (1). Mais il faut toujours que ces sortes
d'éboulements ne proviennent pas du fait de
l'homme: autrement il y"aurait action contre celui qui les aurait arbitra.irement causés.
1302. Qui en découlent naturellement: il
est à remarquer qne le Code ne fait ici aucune distinction entre les eaux pluviales, les torrents ou
ra vins qui n'auraient pas de cours réglé, et les eaux
de source ou de ruisseaux ayant un écoulement
pérenne et un lit déterminé: Sempe r enim hanc
esse servitutem injeriorum praediorum., ut naturd prcifluentem aquam excipiant (2). La servitude est "toujours duc, parce que toutes les espèces
d'eaux sont soumises à la même 10i..
Sans que la main de l'homme y ait contribué: le fonds inférieur n'étant, de plein droit,
assujetti que par l'effet de la situation des lieux,
la disposition de la loi doit cesser dès que ce sont
des travaux à main d'homme qui donneraient lieu
à la servitude. Alors, et pour qu'elle eût une
existence légitime, il faudrait qu'elle fût fondée,
ou sur nne convention expresse intervenue entre
les parties intéressées., ou sur le consentement tacite que la possession fait présun~er lorsqu'elle
(1) L. 1, § 14, ff. de aqud et aquœ pluv. arcend. , lib. 39,
tit. 3.
(2) L. 1 , § 22 , ff. eodem.
�'DU DOMAINE l'UJILle.
133
s'est prolongée pendant le temps voulu po'ur opérer la prescription.
•
1303. Le propriétaire injërieur ne peut
point élever de digue qui emp&he cet écoulement: cette prohibition n'est que la conséquence
naturelle de la servitude, qui cesserait d'être due
s'il était permis d'en paralyser l'usage (a) : Item
(a) Cett.e prohibition au propriétaire inférieur, d'élever des
digues pour empêcher l'écoulement des eaux sur son fond~, n'est
relative qu'aux eaux pluviales et ne s'applique point il celles des
torrents et des rivières, ainsi que l'a jugé avec raison la Cour
d'Aix, le 19 mai 1813 (Sù'ey, 14-2-9) par' l'arrêt suivaflt:
« Considérant que les ouvrages, pour se garantir dans l'inté" rieur de sa propriété des débordements d'un fleuve ou d'un
" torrent, sont régis par d'autres principes que ceux sur les
" servitudes naturelles; que la. L. 2, § 9, ff. de aquâ 'et aq.
» plulJ. arcend., dispose dans le cas pa.rticulier , en ces termes:
.. idem Labeo ait...• Sed ne sibi noceat. '-Qu'il est expressé" ment décidé par cette loi, que chacun peut se préserver, dans
" sa propriété, des d~bordements d'un fleuve, lors même' que
" les' ouvrages faits pour s'en garantir porleraient préjudice
» au voisin, attendu, suivant les expressions de Cujas sur
" celte loi, id non facù hoc animo ut aquam immittat in agrum
» vic-ini, sed ut non recipiat in suo. S apientis patris familiœ et
» suum agrum munire adlJersus vim torrentium et Jluminum.
» - Considérant que lors même que la question devrait être dé» cidée par le Cod. civ. , l'art. 640, qui dérive aussi du droit
" romain, ne pourrait recevoir aucune application, parce que
" les débordements des rivières étant des cas surnaturels et de '
" force majeure, Ile peuvent être comparés au cours naturel
" des eaux j qu'en effet,'il en est des débordements des rivièris
» comme des incursions de J'ennemi, dont chacun' peut, par le
" droit naturel, songer à se garantir sans g' occuper du sort de
" son voisin qui n'aurait pas la même prévoyance. - Considé-
�134
TRAITÉ
sciendllm est hanc actionem veL sliperiori adversùs inferiorem competere" ne aquam qune
li
li
li
li
li
li
li
li
"
"
"
"
"
"
"
li
"
"
"
"
"
"
"
li
»
"
li
li
,.
l)
»
li
li
rant quece n'est donc pas par le préjudice que l'appelant pourrait souffrir des ouvrages de l'intimé, que la question doit
être décidée, mais par l'examen du fait, si ccs ouvrages sont
utiles et nécessaires à l'intimé pour préserver une partie de
son domaine des débordements du Rhône; qu'il est évident
que l'intimé n'a chang~ la forme et la direction de sa digue
principale que pour son propre intérêt et non pour nuire à
l'appelant. -Considérant que l'appelant ne peut se plaindre
de ce que l'intimé, en changeant l'emplacement de ses ouvrages, ait laisséJ!. découvert aux con/i,ns de leurs domaines
l'espace latéral de 127 mètres, puisqu'il n'avait aucun droit
à ]'.existence des anciens ouvrages entièremcnt construits dans
le fonds de l'intimé, n'ayant jamais contribué à la construction ni à l'entretien desdits ouvrages; que l'appelant n'est pas
fondé non plus il exiger que l'intimé rétablisse les anciens
ouvrages tels qu'ils étaient avant l'an 10; qu'en fait il n'avait
acquis aucun droit de possession ni de servitude sur lesdits
ouvrages; qu'en droit et d'après la loi 2 , § 5, titre précité,
l'appelant pourrait exiger seulement qu'il lui fût permis de
les rétablir à ses frais pour en profiter lui-même, pourvu que
ce rétablissement ne portât aucun préjudice à l'intimé, et
qu'il fût constaté que l'appelant ne peut les remplacer sur son
propre fonds avec les mêmes avantages, et qu'il serait injuste de condamner l'igtiftlé à rétaJllir lui-même à ses frais,
pour la seule utilité de l'appelant~ des ouvrages reCOnnus insuffisants pour les erues extraordinaires.•.. ; que chaque propriétaire peut faire tels ouvrages qui lui sont utiles et nécessaires sans s'occuper du sort de son voisin qui peut en faire
autant.... ; et que tous ouvrages établis hon des bords du
fleuve et dans l'intérieur des terres, ne peuvent pas mieux
être réputés offensifs que ne le seraient une garenne, un enclos, un bâtiment que chacun est libre de construire dans son
fonds. "
�DU DOMAINE PUBUC.
135
naturdfluat, opere facto inhiheat pel' suum
agrum deeurrere (1). Et, comme c'est moins à la
cause. qu'à l'effet qu'il faut s'attacher, il Y a lieu
d'en induire que ce que la loi dit ici d'une digue
doit être également entendu de tout autre ouvrage
ou obstacle, ne consistât-il qu'en plantations de
saules ou autl'es arbres qui formeraient empêchement au libre écoulement des eaux:' Si quis saHeta posuerit, et oh hoc aqua restagnaret,
aquae arcendae agi passe, si ed aqud vicino
noceret (2).
1304. La servitude dont il s'agit ici n'ayant
trl'it qu'à l'écoulement des eaux qui deviendraient
nuisibles si elles étaient retenues, et seulement
pour en imposer la charge aux fonds inférieurs,
il faut en conclUl'e que le fonds supérieUl' reste
libre à l'égard de celui qui est plus bas, et que
le propriétaire de ce dernier ue pOUl'rait exiger dll
premier la transmission des eaux pluviales qui lui
seraient utiles: Sieut autem opus factum ut
aqua pluvia mihi noceat, in hanc actionem
venit, ita pel' contrarium quaeritur an posset
aquae pluviae arcendae agi si vieùws opus ftcerit ne aqua quae alioquin decurrens agro
meo proderat, huic prosil? Ofilius igitur et
Labeo putant agi non posse, etiamsi intersit
med ad me aquam pervenire : hanc enim ac(1) L. 1, § 13, f{. de aquâ et aquœ plupiœ arcend.) lib. 39,
tit. 3.
(2) L. 1, § 6, fI. eod.
�136
TRAITÉ
tionem locum habere si aqua pluYia noceat,
non si non prosit (1). Ainsi, en' fait d'eaux pluviales, celui sur le fonds duquel elles tombent, ou
même sur le fonds duquel elles dérivent naturellement depuis un autre héritage, peut les retenil'
pour s'cn servir exclu.sivement à la formation d'un
étang ou de tout autre établissement: lidem
aiunt aquam pluviam in suo retiner(1, vel
supepcientem ex vieini ,in suum derivare ,
dùm opus in alieno nonfiat, omnibus jus esse;
attendu que l'usage de l'eau est un don et un
hienfait de la nature, dont chacun a le droit de
tirer profit tant qu'il ne nuit et ne porte préjudice
à personne: Prodesse em'm sihi unusquisque,
dùm alii non nocet, non prohibetur; nec
qllemquam hoc nomine teneri (2).
Il .résulte de là une conséquence remarquable:
c'cst CJue celui sur le fonds duquel les eaux pluviales tombent ou affluent y a tous les droits qu'un
propriétaire peut exercer sur les eaux de sa source;
et il doit ert être ainsi, altendu que, soit que les
eaux viennent d'en hant, soit qu'elles jaillissent
d'en bas, le propIiétaire du fonds ne les tenant
que de la nature; ne doit point être obligé d'en
rendre l'usage à d'autres.
1305. Le proprzétaire supérz'eur ne peut
rien faire qui aggrave La servitude du fonds
(1) L. l, § 21, ff. de aqui1 et a'luœ plurîœ àrcend. ,lib. 39, ..
tit. 3.
(2) L. 1, § 11, ff. eodem.
�DU DOlltAh'Œ PUBLIC.
lJ
t3'1
z'nlérieur: c'est là uue vérité Je principe.appl.icable
à l'usage de toutes les servitudes: en conséquence
il doit être défendu à l'une et à l'aut~e des parties
intéressées d'intervertir ou troubler, sans cause
légitime, l'ordre de la nature sur l'écoulement des
eaux :' Item sciendum est hane aetionem eOmpetere...•. et inftriori adversàs superiorem, ne
aliter aquam m#tat quàm jluere . naturIÎ
solet (1). Or il y a plusieurs manières dont la servitude pourrait être aggravée, et qui par conséquent
tombent son's la prohibition de la loi, par exemple
lorsqu'on corrompt les eaux: Velsi spurcam quis
immittat, posse eum impediri plerisque plaeuit (2); lorsque au moyen de certains ouvrages
on change notablement leur cours naturel; lorsqu'on les réunit en plus grande masse sur le mê me
point, et que parlà on donne à leur chute un effet
plus nui~ible que quand elles étaient divisées; lorsqu'en" modifiant leur direction, on imprime pIns
de rapidité et plus de violence à leU\' 'action; lorsqU"en arrêtant leur cours, on les fait refluer sur
un fonds qui n'est point bligé d'en supporter la
charge: Càm quis manufecerit quo aliterjlueret
quàm natura soleret; sijortè immittendo eam
aut majorem fteerit , aut citatiorem, aut vehementiorem, aut si eomprimendo redunilare
(1) L. 1, § 11, ff. de aquâ et aquœ pluIJ. arcend. , lib. 39',
tit. 3.
(2) L. 3 in pri~cip. , ff. de aquâ et aquœ , lib. 39, tit. 3 Aquam spurcam, de,l'eau sâle, chargée d'immondlces.
�138
TRAITÉ
tifJecer:it; maIs quand ce n'est que par l'effet
naturel des choses que l'eau porte préjudice dans
ces diverses circonstances, personne n'a le ~droi t
de s'en plaindre, pafce qu'il faut se soumettre
sans murmurer aux décrets de la Providence :
Quod si naturd aqua nocet, ed actione non
contineatur (1).
1306. Peu importe au reste d'où viennent les
caux, que ce soit d'un lieu public ou privé, il
sllffit qu'elles soient dirigées à main d'homme par
quelqu'un agissant de sa propre autorité, pour
que le propriétaire du fonds inférieur soit en droi.t
de s'opposer à la direction nuisible qui.leur a été
donnée: Nec illud quacramus undè oriatur:
nam et si ex publico oriens vel ex loco sacra
per fundum vieini descendat ~ isque opere
jacta in meum flfndum eam avertat ~ aquae'
pluviae arcendae eum teneri Labeo ait. (2).
La chute des eaux qui découlent des couverts
de maisons est soumise à la même règle, suivant
l'art. 6th du Code cIvil, portant que cc tout pro)) priétairc doit érablir ses toits de mani.ère que
) l~s eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou
)) sur la voie publique : il ne peut les faire verser
)) sur le fonds de son voisin (a). »)
•
(1) L. 1, § 1 , ff. de aquâ et aquœ plur. arcend. , lib. 39,
tit. 3.
(2) L. 1 , § 18, ff. eodem.
(a) Quoique cet article confère aux propriétaires rivcrains des
voics publiques le droit d'y jcter les eaux de leurs toils, eepen-
�DU DOMA.INE PUBIJC,
139
1307. Nous venons de dire qu'on ne peut,
sans cause légitime, intervertir ou modifier d'une
manière grave l'ordre de la nature sur l'écoulement
des eaux pluviales: or il peut y avoir deux canses
de cette espèce: le décret du prince, et l'intérêt
de l'agriculture.
Et d'abord, toutes les fois que pour motif d'utilité publi'que, l'administration juge convenable
de donner une direction particulière et nouvelle
au cours des eaux, de quelque nature qu'elles
soient, les propriétaires sont obligés de s'y soumettre, parce que l'intérêt privé doit toujours
céder à l'intérêt général: Cassius autem scribit,
si qua opera aquae mittendae causd publicd
auctoritate jacta, sint, in aquae pluyiae ar·
cendae actionem non venire (1). C'est alors
une servitude imposée au fonds inférieur par l'autorité civile, pour cause d'utilité publique.
C'eS't ainsi que, pour prévenir la dégradation
des routes et grands chemins, l'on y pratique
dant l'autorité municipale est fondée à régler l'exercice lie ce
droit de manière à \lrévenir la dégradation du SBI ou du pavé,
ainsi que l'incommodité oti les dangers que peut occasionner la
chute de l'eau d'une certaine hauteur; elle peut en conséquence
exiger que les eaux des couverts soient recueillies dans un chéneau et conduites jusqu'au niveau du sol au moyen de tuyaux
de descente. C'est ce qui a été jugé par arrêts de la Cour de
cassation des 14 octobre 1813 et 31 novembre 1834 (Dalloz,
35-1-9).
(1) L. 2, § 3, ff. de agui! et aguœ plllV. arcend., lib. 39.,
tit. 3.
�uo
THAITÉ
des rigoles transversales pour en dévoyer les eaux
pluviales, et les rejeter soit sur les fonds adjacents
situés plus bas, soit dans les fossés latéraux; et
quel que soit le dommage qui puisse en résultel'
pour les propriétés voisines, leurs maîtres ne sont
point recevables à s'en plaindre (a).
Ca) Des ordonnances des trésoriers de France, en date des 1~
février 1741 et 22 juin 1751 , contenaient des dispositions analogues: " Il est défendu aux propriét:lires dont les héritages
» sont plus bas que les chemins et en reçoivent le~ eaux, d'en
Il interrompre le cours, soit par
l'exhaussenlent, soit par la
.. clôture de leurs terrains, sauf à eux néanmoins à construire
.. et à entretenir à leurs dépens les aqueducs, gargouilles et
Il fossés propres à les débarrasser des eaux, conformément aux
» dimensions qui leur auront été données; le .tout sous peine
" de 50 livres d'amende, et d'être employé des ouvriers aux
Il frais des mêmes propriétaires pour la confection des ouvrages
" auxquels leur contravention aura pu donner lieu. Il
Mais cet,te servitude peut-eIte être encore aujourd'hui imposée, sans indemnité, aux propriétaires riverains des routes' et
d~s chemins vicinaux? Nous ne le pensons pas, ainsi que nous
l'avons déjà dit suprà> tom. 2, pag. 446, relativement à ces dernières voies, parce que les eaux provenant des chemins ne sont
pas seulement celles que l'héritage où elles s'écoulent aurait dû
naturellement recevoir; elles sont amenées souvent de très·loin,
et viennent même quelquefois d'héritages particuliers qui les
versent dans les fossés du chemin ou sur sa chaussée, ce qui est
une aggravation t~ès-onéreuse de la servitude; or il est de principe que nul n'est tenu de souffrir le sacrifice total ou partiel
de sa propriété, sans indemnité préalable.
La loi 2, § 3, If. liv. 39, tit. 3, invoquée par M. Proudhon,
porle bien que l'action aquœ plulJiœ arcendœ n'est point recevable relativement aux eaux dirigées par l'autorité publique;
�DU DOMAINE l'UllLlC.
141
1308. L'agriculture a aussi ses droits, qui, pàr
leur importance, doivent la placer au-dessus des
intérêts d'un ordre bien infërieur; en conséquence
Je propriétaire du fonds supérieur, agissant dans la
vue de le cultiver ou d'y faire' de plus abondantes
mais elle ne décide pas pOUl' cela, comme le "remarque trèsjudicieu5ement Cujas recit. Pauli ad edict., lib. 40, § 1 er ,
qu'une indemnité à raison des dommages qu'elles occasionnent
ne puisse être réclamée par une autre action.
Ce jurisconsulte enseignait que le riverain avait en ce cas,
en vertu de la loi des XII Tables, l'action ex damno jam facto,
in hoc scilicet ut noxa, id est, damnum quod jam factum est
domino sarcÎatur, solfJatur , prœstetur.
Nous pensons, même contre l'opinion de M. Daviel, Traité
de la pratique des cours d'eau, nO 761, qu'il y a lieu à indemnité, non-seulement dans les pays où ·les ordonnances des
trésoriers de France ci-dessus citées n'avaient pas été légalement
promulguées, mais encore dans ceux où elles l'avaient été,
parce que la position des propriétaires doit être la même par
toute la France, et que l'art. 650 du Code civil, en énonçant
que les servitudes relatives aux rivières et aux routes, sont régies par de5 lois et des réglemerlts particuliers, ne fait qu'indiquer un renvoi il des lois spéciales, mais n'a pas pour objet,
comme dans le cas des art. 645,671,674,1648, 1736,1762,
de rendre obligatoires les usages anciens, surtout lorsqu'ils sont
abusifs et contraires aux principes de notre nouveau droit publio
sur la garantie des propriétés.
Nous avons vu sllprà, nO 240, tom. 1er, pag. 293, et tom. 2,
pag. 438, que l'art. 2 de la loi du 12 mai 1825 avait abrogé
l'obligation de curer les fossés des grandes routes imposée aux
riverains par l'ordonnance du bureau des finances de Paris
du 17 mai 1686, les arrêts du Conseil des 26 mai 1705 et
3 mai 1720, les édits des 16 février 1776 et 17 juillet 1781,
etle décret du 16 décembre 1811 ,art. 109 et 110.
�142
'1'ltAlTÉ
récoltes, peut y tracer, avec sa charrue et en tous
sens, les sillons nécessaires pour procurer l'écoulement des eaux, et empêcher que leur stagnation
ne nuise aux céréales (a): De opere quod agri coLendi causd factum sit~ Quintus Mucius ait
non competere hanc actionem. Il snffit qu'il
agisse sans affectation et réellement dans l'intérêt
de l'augmentation des produits quelconques: Labeo ait etiam ea quaecumque jrugum fructuumque recipiendorum causd fiunt ~ extrà
hanc esse causam~ neque riferre quorumfructuum percipi~ndorum caustî id opusfiat (h).
Mais il faut que l'ouvrage soit fait en vue des récoltes à percevoir, et non pas simplement pour
(a) Comme le dit avec raison M. Pardessus, Tr. des serl'it. ,
nO 86, la culture étant l'état naturel des fonds, les changements
que cette opération apporte à l'écoulement des eaux ne sont pas
prohibés quand même ils auraient pour effet de les transmettre
avec plus de rapidité ou d'abondance aux héritages infér~urs.
L.l, §3, 4,5,7,8,9,15; L. 2, § 9;L. 3, §2;L. 24,princ.,
ff. de aq. et ag. - Cœpolla, tract. 2, cap. 4, nO 82.-Coquille,
surNil'ernais,chap. 10, art. l.-Pothier, Append. au contrat
de société, nO 236. -Duranton, Cours de droit, tom. 5, nO 156.
- Daviel, Tr. de la pratiq. des cours d'eau, nO 757. - Solon,
des S erl'itudes , nO 23. - Ce droit, bien entendu, ne doit pas
dégénérer en abus et ne peut être exercé que sous les restrictions
indiquées ci-dessus par M. Proudhon. Voët, ad Pandect., lih.
39, tit. 3, nO 4. - Pecchius, dans son fameux Traité de Aquœductu ( 4 tom. in-fo; Pavie, 1703, 2" édit.) , lib. 4, quœst. 65,
nO 40; Daviel, nO 758.
(h) L. 1 , § 7, if. de aquâ et aquœ piul!. arcend., lib. 39,
tit. 3, et L. 77, if. de 1Jel'b. signiJicat.
�DU DOMAINE PUBLIC.
143
'opérer des changements dans le fonds: T1'ehatius
autem non quod agri, sedquodfrumenti duntaxat quaerendi causd aratro factum sit solum
excipit (1). Cependant, comme il faut concilie l'
éqnitablemen t les in térêts opposés, le propriétaire
du fonds supérieur ne pèut y pratiquer des rigoles
'qui nuisent à l'autre, s'il lui est possible de le cultiver avantageusement sans cela : Sed et si quis
arare et serere possit etiam sine sulcis aquatiis, tene1'i eum, si quid ex his , licèt agri co.lendi caustî videatur jecisse. Quod si aliter
,serere non possit, nisi sulcos aquariosfecerit,
non teneri. Ofilius autem ait sulcos agri coiendi causâ directos, ita ut in unam peragant
partem jus esse facere (2).
1309. Ii est sans contredit encore que le propriétaire peut faire dans son fonds des fossés de
desséchement pour le rendre plus productif, ou en
faciliter la culLnre : Sed et fossas agrorum sic-
candorum causd jactas, Mucius ait fundi
colendi causd fie ri ; mais il ne pourrait pas convertir ces fossés en canaux de déri vallon qui précipiteraient les eaux d'une manière plus nuisible
sur le fonds inférieur: car il ne san rait lui être
permis de rendre sa condiLion meilleure en cansant
une dégradation physique et matérielle au fonds
voisin: Non tamen oportere corrivandae aquae
(1) L. 1, § 3, ff, de aquâ el aq. plulJ. arc, , lib. 39, tit. 3.
(2) L,l, § 5, ff, eodem.
�144
TRAITÉ
causl1.fieri. Sic 'tmim debere quem melioi'em
agrum suum facere, ne vieini deteriorem faciat (1).
1310. Nous disons en causant ùne dégrada..
tion physique et matérielle; car l'établissement
de fossés de desséchemênt peut indirectement
occasionner au fonds supérieur un préjudice dont
l'auteur ne serait aucunement responsable.
Supposons en effet que, par suite de l'état ~a
récageux du fonds inférieur, et du peu d'inclinaison dn sol, les eanx qui s'y amassent refluent de
temps à autre·sur le fonds supérieur, et servent, en
l'arrosant, à en augmenter la fécondité, certes cette
circonstance n'ôtera pas au propriétaire du fonds
inférieur le droit de faire dessécher son marais, et
eHe ne lui imposera, en ce cas, aucune obligation
d'indemnité envers le propriétaire supérieur.
Elle ne le privera d'abord pas de la faculté de
desséchement, puisque c'est là une opération qui
non-seulement tient essentiellement à son droit de
pl'opt'iété, mais qui, sous les rapports de saltlbritê
et d'économie. publique, est d'une importance si
hante, que tous les intérêts privés doivent céder
devant elle.
Elle ne lui imposera pas davantage l'obligation
d'indemniser, parce qu'il n'y avait aucun assujettissement à la charge de son fonds, qui n'~st tenu
que de supporter l'écoulement des eaux qui vien(1) L.·} , § 4, ff. de aquâ et aq. pluv. arc. , lib. 39, tit. 3.
�145
DU DOMAINE PUBLIC.
nent de plus haut, et que rien n'oblige à être disposé de manière à les faire refluer vers leur source.
1311. Merlin, dans son Répertoire, au mot
eaux pluviales, indique le sujet d'une question
qui, n'étant pas prévue par notre Code, ne trouve sa
solution que dans le droit romain. En supposant
que le propriétaire d'un fonds ait détruit une di~ue
qui y avait été anciennement construite à maia
d'homme pour retenir les eaux pluviales, on demande si le maître de l'héritage inférieur serait en
droit de se plaindre de ce fait, et d'en demander
réparation. La réponse du jurisconsulte romain est
négative, et iL la justifie par le motif que la condition du fonds infërieur est telle qu'il doit toujours,
et à tout événement, supporter les eaux dérivant de
l'héritage supérieur: Sed et si vicinus opus (1)
toLlat, et sublato eo , aqua natltraliter ad infèriorem agrum perveniens noeeat, Laheo exislimat aquae pluviae arcendae agi non posse;
semper enim hane esse servitutem inferiorum
praediorum, ut naturd pnifluentem aquam
excipiant. Mais comme, suivant les règles expliquées plus haut, le propriétaire de l'héritage supérieur ue doit rien y faire qui aggrave la servitude,
il ne pourrait, sans se rendre passible d'une action,
opérer partiellement la destl'Uction de la digue, en
n'y faisant que des ouvertures propres à augmenter
(1) Ce mot opus signifie hien clairement qu'il s'agit dans ce
texte d'une digue jadis construite à main d'homme.
TOM. IV.
10
�146
l'lUI'fÉ
l'action des eanx qni, se trouvant ainsi réunies t
viendraient se précipiter en ravins ou ruisseaux
sur le fonds inférieur; PZanè si propter id opus
sublatum vehementior aqua prcifluat veZ corrivetur, aquaeplaviae arcendae actione agiposse
etiam Labeo confitetur (1).
1312. Au reste, quoique le maître du fonds
supérieur ne puisse, comme on vient de le dire,
être forcé de rétablir la digue qui existai t sur son
héritage, néanmoins si cette reconstruction ne
doit lui canser aucun dommage, l'équité exige qu'il
ne forme point obstacle à ce que le propri.étaire
inférieur la l'établisse à ses frais·; Quanquam ta-
men d~ficiat aquae pluviae arcendae aclio,
attamen opinor ulilem actionem vel interdictum mihi competere adversùsvicinum,si velim
aggerem restituere in agro ejus quijactus mihi
quidem prodesse potest., ipsi vero nihil noeiturus est. Haec aequitas suggerit, etû jure
dejiciamur(2).
1313. Lorsque l'oU\'rage construit sU\' l'un
des fonds nuit à l'autre, soit en lui amenant des
eaux qu'il ne doit pas supporter, soit en faisant regonfler celles dont l'écoulement doit être laissé
libre, il faut, pour hien apprécier l'action à laqnelle
(1) L. l , § 22, ff. de aquâ et aquœ pluv. arcend., lih. 39,
lit. 3.
(2) L. 2, § 5, if. eodem. -(Voy. l'arrêt de la Cour d'Aix, du
19 mai 1813, rnpporté en note sous le n~ 1303 suprà pag. 133.
�DU DOMAINE PUBLIC.
147
le fait de construction donne lieu, l'envisager tant
par rapport à celui qui se trouve dans le cas de
l'intenter, que relativement à la personne contre
laquelle elle est dirigée.
Considérée activement, elle suit le fonds endommagé, parce que c'est le possesseur de ce fonds
qui souffre les dommages résultant de la constru~
tion illégale: Si quis priusquàm aquae pluviae
arcendae agat, dominium ad alium transtuleritfundi, desinit habere aquaepluviaearcendae
actionem: eaque ad eum transibit cujus ager
esse cœpit: cùm enim damnum futurum cont~
neat, ad eum qui dominus erit incpiet actio
pertinere; quamvis, cùm alterius dominium
esset, opus vicino factum sit (J).
Mais, considérée passivement, elle est toute
personnelle, comme ne se rattachant qu'au fait de
la personne qui a causé le dommage : Aquae
pluviae arcendae actionem sciendum est no,/.
in rem, sedpersonalem esse (2) : d'où il résulLe
que, quand c'est moi qui ai fait l'ouvrage nuisible
à mon voisin, c'est moi aussi qni suis obligé de
l'enlever; tandis que quand c'est un tiers qui a
agi sans mes ordres, encore qu'il l'ait construit
sur mon fonds, je ne serai point obligé de le démolir; je serai seulement tenu d'en souffrir la
(1) L. 6, § 4, fT. de aquâ et aquœ plup. arcend. , lib. 39,
tit. 3.
(2) § 5, ibidem.
�148'
TltAITÉ
destruction, attendu que, n'étant- point l'auteur
de la voie de fait qui porte préj udice à mon voisin,
je ne saurais en être responsable envers lui: Cels'us
scrihit: Si quid ipsefeci ~ quo tihi aqua pluvia
noceat~ met1 impenst1 tollere me cogendum. Si
quid alius qui ad me non pertinet ~ sufficere
ut patiar te tollere (1). Cependant, si l'auteur de
cette voie de fait était incoÎl nu, l'àction serai t
régulièrement dirigée contre moi, attendu que,
l'ouvrage ayant été exécuté dans mon intérêt, on
devrait, jusqu'à preuve contraire, le présumer fait
par mes ordres, d'après l'adage fecit iUe cui
prodest.
Nous terminerons ce chapitre par l'examen de
diverses questions importantes qne, pour plus de
méthode, nous rangerons sous trois paragraphes
distincts ayant pour objet:
L'uu, la compétence des autorités et la nature
des actions;
Le 2,e, les eaux pluviales considérées comme une
charge;
Le 3e ,.les mêmes eaux envisagées sous le Fapport des avantages qu'elles procurent (a).
(1) L. 6, § 7, if. de aquâ et aquœ plu/I. arcend., lib. 39,
tit.3.
(a) Cette division n'existait pas dans la première édition;
ell~ entraînera dans la série des numél'Os du chapitre un léger
'
chaugemcnt qui sera indiqué en son lieu.
�DU DOMAINE PVIILle.
§ 1er • - De l'autorité compétente pour statuer sur les contestations relatives aux eaux pluviales, et de la nature des
actions auxquelles ces eaux peuvent donner lieu.
.
PREMIÈRE QUESTION.
Quelles sont les attributions respectiyesdes
autorités administrative et judiciaire en ce
qui concerne les eaux pluviales ?
1314. L'autorité administrative et celle judiciajre exercées par les tribunaux ordinaires peuvent
être l'une et l'autre invoquées sur cette matière,
mais à des fins et sous des rapports bien différents.
De l}autorité administrative.
L'administration, exerçant sa police de prévoyan'ce, statue dans trois hypothèses générales:
1 0 Lorsqu'il est nécessaire d'établir des digues
pour protéger les terres contre l'action des torrents
et ravins provenant des eaux pluviales 011 autres;
c'est à l'administration à en ordonner les travaux
et à régler la proportion suivant laquelle les dé}lenSeS en seront supportéès par les propriétés protégées (1).
0
2
Il en est de même lorsque, pour cause de
salubrité, il Y a lieu de prescrire des travaux. de
desséchement (2).
(1) Voy. l'article 33 de la loi du)6septembre 1807, bull.
t. 7, p. 1'35, 4" série.
(2) Voy. les art. 35, 36 et 37 de la même loi.
�150
TRAITÉ
0
3 C'est encore à l'administration à ordonner
les mesures nécessaires pour empêcher les fonds
productifs d'être submergés même accidcn tellement, et pour donner aux eaux d'une contrée la
direction la plus propre à favoriser la fertilité des
terres parle moyen de l'irrigation (1).
De
l~autoi'Îté judiciaire.
1315. C'est exclusivement pardevant les tribunaux que doivent être portés tops les débats individuels qui s'élèvent entre les divers propriétaires
à raison des servitudes dont leurs fonds peuvent
être affectés, au sujet des eaux, les uns envers les
autres, parce que ce sont alors des questions de
propriété, dont la solution ne doit être soumise
qu'à la justice ordinaire.
Ainsi, à supposer que le propriétaire supérieur
ait pratiqué sur son fonds quelque ouvrage aggravant la servitude de l'écoulement des eaux, c'est
en justice ordinaire que le maitre de l'héritage
inférieur devra porter son action, pour le faire
condamner aux dommages-intérêts compétents,
et au rét'ablissement des lieu~ dans leur état pri•
mitif.
Ainsi, encore, c'est en justice ordinaire que le
propriétaire supérieur devra former sa plainte
contre celui inférieur, s'il l'accuse d'avoir fait re(1) Voy. le chap. 6 de la loi ,en forme d'instruction, du 20
août 1790.
�DU DOMAINE PUllLIC ol
151
fluer les eaux en mettant obstacle à leur écoulement à travers son héritage, attendu que jusque là
ce n'est tonj?urs qu'une question de propriété
comme la première. '
On voit p~r ce rapprochement des attributions
des pouvoirs administratifs et judiciaires, comment
ils agissent à des fins diverses et sous des rapports
distinct s et séparés.
1316. Quoiqu'en fait, l'autorité administI'htive
puisse être provoquée à prendre les mesures dont
on vient de parler, néanmoins elle n'est censée agir
que d'office, et de son propre mouvemen t, comme
se portant d'elle-même à ordonner ce que peut
exiger un besoin public; tandis que le pouvoir judiciaire doit toujours être mis en action par les
parties intéressées à recevoir sa décision, et ce n'est
qu'au moyen de leur demande qu'il est saisi du
droit de statuer sur leurs débats.
L'autorité administrative fait abstraction des
individus, pour n'envisager que les intérêts de la
masse; tandis que, dans les débats judiciaires,
tout est individuel et restreint au droit des parties qui figurent nommément dans les qualités de
la cause.
L'autorité administrative, statuant sur Je cours
des eaux, ne fait qu'un réglement matériel de localités, soit qu'il s'agisse d'établir, sur le sol, la
digue qui d~it maitriser le torrènt, soit qu'il y ait
lieu de tracer et de creuser le canal qui devra
servir à l'écoulement des eaux: dans l'une et l'autre
�152
TllAlTf~
de ces mesures, l'administration ne voit que le
réglement de la disposition matérielle des. lieux:
tel est le seul but qu'ell~ se prqpose d'atteindre;
en sorte que, mettant à part tout intérêt privé,
elle n'agit que pour donner aux eaux une meilleure
direction dans l'intérêt général; l'autorité judiciaire ne fait, au con traire, son réglement privé
que sur les droits des parties qui sont en litige
devant elle; et elle ne l'établit jamais sur la disposition des lieux qu'en égard aux droits de sel'vitude que l'un peut avoil' acquis sur le fonds de
l'autre.
L'autorité administrative statuant d'une manière réglementaire, ses actes peuvent, comme les
lois, imposer des obligations auxquelles on n'était _
pas précédemment soumis, et créer des droits qui
n'existaient pas auparavant; parce que les intérêts
privés sont subordonnés à la disposition qui ('st
jugée la pills favorable aux intérêts généraux: an
contraire, l'au~ofité judiciaire ne s'applique jamais
qu'à reconnaifre les droits préexistants, pour en
ordonner l'exécution.
1317. Afin de mieux faire sentir les conséquences de ce parallèle des deux autorités, prenons pour exempledans la matière qui nous occupe,
le cas où un canal servant à l'écoulement des eaux,
pluviales ou autres, à travers l'héritage inférieur,
vient à s'obstruer sans que la main de l'homme y
ait contribué, et occasionne un dommage à l'héritage supérieur sllr lequel les eaux refluent ou
restent en stagnatiol1.
�DU DOMAINE PUlILiC.
153
Si dans cette position, le propriétaire de l'héritage inférieur ne permet pas au voisin supérieur de
faire les travaux de curage nécessaires, celui-ci
• pourra recourir au tribunal de la situation du fonds
asservi, qui devra J'autoriser à rétablir à ses frais le
canal tel qu'il étaitavantd'avoirété obstrué, et même
à l'agrandir si les circonstances l'exigent (a). Telle
est la marche à suivre dans l'affaire, et telle est
rissne qu'elle devrait avoir en justice ordinaire.
Le propriétaire supérieur pour~ait aussi s'acIres.
sel' à l'administration, c'est-à.di.re au préfet, sauf
recours au ministre; mais en agissant ainsi il ne
ferait pas précisément rendre une décision sur
l'existence de la servitude prétendue d'une part et
déniée de l'autre, parce que le préfet n'aurait aucun pouvoir judiciaire pour statuer sur ce point de
contestation individuelle entre les denx contendants; il prierait seulement· cet administrateur
d'établir un réglement qui, pour canse de salubrité
ou d'intérêt général de localité, prescrirait il chaque
propriétaire d'entretenir et de curer sur son fonds
le fossé ou le ruisseau servant à l'écoulement des
eaux.
Da DS celle hypothèse le préfet ne serait pas
obligé de pr~ndre connaissance de la dénonciation
qu'on lui aurait adressée sous forme de pétition,
ni de statuer au fond sm" l'objet de la demande du
pétitionnaire, comme un tl'ibunal serait tenn de le
(a) Voy. inftà, nO 1327.
�154-
Tl\.AITÉ
faire sur les conclusions de l'assignation donnée
devant lui. La raison de la différence consiste en
ce qu'on ne doit prononcer par voie réglementaire
que conformément à ce qu'exigent les besoins généraux de l'état ou d'une localité; qu'il serait possible que, dans le cas supposé, le regonflement
ùes eaux ne nuisit absolument qu'au pétitionnaire,
ou que le dommage causé à quelques fonds particuliers ne fût que de peu d'import~nce par rapport aux intérêts généraux de la société, et qu'en
conséquence l'administration publiqne ne dûtpoint
prendre en considération la plainte portée pardevant elle.
Mais s'il ne s'agissait pas seulement du ùommage souffert par quelques particuliers individuellement dans leurs intérêts privés; si, ponr raison
de salubrité, il fallait remédier à la stagnation des
eaux; si, pour le bien général d'une localité, il
convenait de leur donner un cours plus utile, ou
une direction plus favorable au sol, alors Je préfet,
averti par la pétition qui lui, aurait été présentée,
ou instruit d'ailleurs, peu importe, pourrait, à
vue des renseignements dont il se serait entouré,
faire un réglement en vertu duquel chaque propriétaire serait tenu de creuser et entretenir sur son
héritage le canal jugé nécessaire; les circonstances
pounaient être telles qu'il fût de son devoir d'en
agit, ainsi pour faire cesser sans retour la cause
d'une calamité locale qu'on lui aurait signalée; et,
comme l'ohligation de curage imposée par son ré-
�DU DOMAINE PUBLIC.
155
glement aux divers propriétaires des fonds aurait
l'utilité publique pour cause, elle se trouverait pal'
là légitimée, sans que nul pût s'y soustraire.
Les choses arrivées à ce point, le propriétaire du
fonds supérieur pourrait, en vertu du réglement
de l'administration, citer, quand besoin serait, en
justice ordinaire, le maître du fonds inférieur pour
faire condamner celui-ci il curer son fossé; tandis
qu'auparavant il n'aurait pu, en agissant devant le
même tribunal, demander autre chose que la faculté d'en trer dans l'héritage in férie ur pour execu ter .
Je curage à ses propres frais; et c'est ainsi que le
pou voir réglementaire peut donner naissance à des
droits nouveaux, tandis que l'autorité judiciaire ne
saurait jamais que reconnaître et constater les droits
préexistants, pour en assurer l'exécution.
DEUXIÈME
QUESTION.
L'action possessoire est-elle recevable en
fait d'eaux pluviales?
13(8. La règle générale est que le fonds supé.
rieur ne doit rien au fonds inférieur: d'où il suit
que, sans des circonstances particulièl'es, Je propriétaire de ce dernier ne pourrait agir au possessoire contre le maître du fonds supérieur, pour
obtenir sa maintenue dans l'usage des eaux dont
. celui-ci lui aurait in tel'cepté le cours pour en jouir
lui.même; puisque, comme on le verl'a plus bas
nO 1334, cet usage seul, n'étant qu'une chose de
�156
'l'JlAlTE
pure faculté, ne peut être l'objet de la prescription
acquisitive au profit du fonds inférieur.
Nous disons sans des circonstances particulières :, car, si les parties s'étaient placées hors des.
règles du droit commun, s'il y avait eu, pal' exemple, quelque conven tion entre elles, par laquelle le
propriétaire du fonds supérieur eût renoncé à ]a
liberté de son héritage au profit du maître de l'héritage inférieur, en lui assurant l'usage du cours
d'eau Ca), si encore il avait été notifié des actes de
contradiction de ]a part de ce dernier, qui eussent
interverti le précaire de sa possession, il Y aurait
lieu à l'action possessoire, comme dans le cas de
toute servitude fondée en titre Ch).
1319. Mais à supposer que ce fût le propriétaire de l'héritage supérieur qui se plaignît du
trouble qui lui serait causé dans l'exercice de son
droit, par le maître du fonds inférieur, ou, si l'on
veut, par celui qui serait en possession d'un fonds
Je l'autre èôté de la voie publique, et qui viendrait
) ni intercepter et prendre ses eaux, l'action possessoire en maintenue serait admissible, parce qu'alors il n'y a rien de précaire dans la possession
d'une servitude continue et apparente à laquelle la
disposition de la loi sert de titre.
(a) Voy. infrà, la note sous le n" 1334.
(h) Sur l'effet de la contradiction, voy. 5llprà, n" 663, inji",e,
tom. 2, pag. 1015, et ~ussi la note de cette page.
c
�DU DOMAINE l'Ul\LIC.
157
§ 2. Des eaux pluriales considérées comme constituant une
CH.ARGE, et des conditions de la Jerritude réciproque qui règlent leur écoulement entre les propriétaires supérieur et-inférieur.
PREMIÈRE QUESTION.
Lorsque~ par
la disposition naturelle du solJ
les eaux sont retenues en stagnation sur le
fonds supérieur~ le propriétairè pourrait-il,
pour l'assainir et dessécher l'espèce de marais qui s'y seraitjôrmé~ ouYrir~ dans le terrain intermédiaire qZ;i lui appartient, une
tranchée pourjéûre découler les eaux sur le
fonds inferieur~ malgré le. propriétaire de ce
dernier héritage?
1320. Cette question, considérée sou~ le rapport individuel et privé, doit recevoir une solution
négative, puisqu'il est de principe que le fonds inf~rieur n'est tenu de recevoir les 'eaux dérivant de
la région supérieure, qu'autant qu'elles en découlent naturellement, et sans que'la main de l'homme
y ait contribué.
Si nous avons dit plus haut que le propriétaire
du fonds supérieur peut, suivant la loi romaine,
supprimerladigue qui retenaitles eauxdansson héritage, c'est qu'alors, en démolissant un ouvrage
construit jadis à main d'homme, il ne fait que rétablir le sol dans son état naturel, suivant la disposilion duquel la servitude est due par le fonds inférieur.
Mais si le propriétaire du fomis supérieur, sans
�158
1'lL-\lTR
agir par action privée, s'tétait adressé à Itadmi'nisu'ation active pour en obtenir la permission de faire
dessécher son marais, et que l~ gouvernement,
frappé de l'utilité de cette opération, soit pour assainir la contré~, soit pour donner de la fertilité à
un terrain stérile, eût accordé la permission demandée, alors ce maître du sol marécageux pourrait
en faire découler les eaux par des canaux pratiqués
à travers les fonds infériell.rs, même contre le gl'é
de leurs propriétaires, saufl'indemnité qui pourrait
être due à ceux-ci à raison du préjudice qu'ils en
éprouveraient Ca).
SECONDE QUESTION.
Est-il permis aux particuliers de faire dériyer
sur la voie publique les eaux pluviales qui
découlent de leurs fonds?
1321 {b) 1322. Suivant la loi romaine, il est
généralement défendu à tous, non-seulement de
construire aucun ouvrage dans un lieu public, mais
encore d'y envoyer ou faire avancer quelque chose
qui puisse l'endommager: Ne quid in loco pu-
Mico facias~ inve eum locum immittas, qud ex
.re quid illi damnum detur. Mais en ce qui concerne les eaux dont la dérivation serait opérée à
(a) Voy. la loi du 16 septembre 1807, particulièrement les
six premiers titres.
(h) La question traitée sous le nO 1321 de la première édition
a été reportée au § 3, ci-après, sous le nO 1329 his.
�DU DOMAINE PUBLIC.
159
1
'main d'homme sur la voie publique, elle fait une
distinction entre la voie urbaine et le chemin rustique ou rural.
Quant à la voie urbaine, l'interdit du préteur n'a
pas lieu de plein droit contre celui qui fait dériver
ses eaux dans la rue, attendn, dit le jurisconsulte,
qu'il faut suivre en cela les réglements de police
établis par les magistrats locaux : Hoc interdic-
tum tantùm ad vias rusticas pertinet~ ad urbi~
cas vero non : harum enim cura pertinet ad
magistratus (1). Mais en ce qui concerne les chemin& ruraux, l'aclÏon publique résultant de l'interdit du préteur doit avoir lieu contre quicouque
aurait fait déverser les eaux sur leur sol par un ouvrage à main d'homme. Proindè et sijossam quis
in jimdo suo fecerit ~ ut ihi aqua collecta in
viam decurrat ~ hoc interdicto tenebitur: immissum enim habere etiam hune videri (2). Cette
distinction fondée sllr la différe~ce des localités
doit être encore admise dans notre jurisprudence,
et nous la retrouvons consacrée soit par le Code,
soit par nos usages.
Et d'abord en ce qui a trait à la voie urbaine
prise daus le seus le plus large, pour toute rue ou
chemin existant dans une ville ou dans un bourg _
ou un village, l'arlÏcle 681 déclare généralement et
sans distinction que cc tout propriétaire doit établir
(1) L. 1, § 24, ff. ne quid in Zoco puhlico, lib. 43, tit. 8.
(2) L. 1 , § 9.7, eodem tt'ruZo.
�160
'l'JlAl'l'É
ses toits de manière que les eaux pluvialcs s'écouleut sur son terrain ou sur la voie publiquc; »
et il est génét'alement admis dans nos usages, que
quiconque construit au bord de son terrain un édifice dans une ville ou dans une campagne, peut
déverser les eaux de ses toits sur la voie publique Ca),
sauf l'observation des réglements locaux qui peuvent imposer aux propriétair~s de maisons d'établir
des cha1neaux et corps de de~cente pour éviter de
nuire aux passants dans la rue Ch).
1323. Si de là nous passons aux eaux pluviales
qui peuvent dans la campagne dériver des fonds
voisins sm un chemin rural, nous nous retrouvons
sous le priùcipe du droit commun, qui, d'une part,
n'assujeuit, aux termes de l'article 640 du Code,
le fonds inférieur à recevoir les eaux provenant de
ceux qui sont plus élevés que quand elles y affluent
naturellement, sans que la main de l'homme y ait
contribué, et d'un autre côté, défend à tOIH in di»
»
(a) M. Daviel, Traité de la pratique des cours d'eau, nO 763,
dit même que « dans les villes où les rues sont pavées, les prol> priétaires riverains sont dans l'usage incontesté de conduire
li sur la voie publique toutes les eaux pluviales, par des ou» vrages faits de main d'bomme , même lorsque la pente natuli l'elle du terrain ne les y porterait pas. li Nous pensons que
cet usage ne doit être maintenu que lorsqu'il n'en résulte aucun
inconvénient, mais que, dans le cas contraire, l'autorité municipale serait bien fondée à le faire cesser, si, par exemple, il
rendait les rues impraticables en temps de pluie, et s'il occa·
sionnait des inondations.
(b) Voy. suprà, la dernière note du nO 1306, pag. 138.
�DU DOMÂINE l'UIlLIC.
161
vidu de rien faire sur son fonds qui porte préjudice
à autrui. Or il est certain que les eaux qui coulent
sm les chemins contribuent très-activement à les
dégrader: donc le droit de les y faire dériver ne
peut apparteni,' à aucun particulier; donc les maires
des communes doivent s'élever contre les abus de
cette nature commis au préjudice des habitants
chargés de l'entretien des chemins ruraux par voie
de prestation en nature ou en argent (a).
A plus forte raison encore le maire aurait·il une
action en répression à exercer contre tout proprié.
taire de fonds adjacen ts à la voie publique, qui y
aurait pratiqué quelque condl1itd'eal1x malprop,'es,
telles que eaux ménag~res ou provenant de manu-
(a) Cet abus et les dégradations qui en résultent constituent
une contravention prévue par l'art. 479, § Il du Code pénal,
ainsi que a jugé un arrêt de cassation du 3 octobre 1835, Sirey>
36-1-213, qui décide que l'usage même immémorial où l'on
serait de faire déverser ainsi les eaux sur la voie publique ne
constitue pas'de droit', et n'empêche pas l'application de la
peine. - Tel est aussi l'avis de 1\'1. Daviel, Tl'. de la pratiq.
des cours d'eau> nO 799. - Il est bien entendu qu'il s'agit ici
d'eaux dirigées par des travaux à main d'homme, sans lesquels
elles ne seraient point venues sur le chemin; car si par la disposition des lieux elles devaient s'y écouler naturellement, la
commune ne pourrait se refuser à les recevoir, quelques dégradations qu'elles y causent, sauf à établir à ses frais des 'fossés' et
des aqueducs, et à empêcher le voisin d'aggraver la servitude
par la manière dont il disposerait ses rigoles (M. Daviel,
nO 763).
r
TOM. IV.
�162
TRAITI1
factures Ca) : Si quis cloacam in viam publicam
immitteret~ exque
ed re minus hahilis via per
eum Laheo scrihit: immisisse enim eum videri (1).
cloacamfiat~ teneri
TROISIÈME QUESTION.
L~autorité municipale
a-t-elle aussi une action
en répression contre le propriétaire qui-' possédant un fonds plus bas que le chemin -' y
aurait construit un mur ou une digue pour
emp~cher l-'écoulement des eaux dérivant
naturellement de la voie publique?
1324. Il ne peut y avoir aucun doute sur la
solution affirmative de cette question, puisque l'article 640 du Code, en imposant au propriétaire infërieur l'ohligation de snpporter l'écoulement de
touteslcs eaux qui dérivent naturellement de la région supérieure, lui défend positivement d'élever
aucune digue qui empdche cet écoulement (b).
Certes un chemin public n'est pas moins précieux
(a) Voy. $uprà, na 365, tom. l , pag. 505, et surtouttom. 2,
pag. 441 et suiv. Il n'existe pas de servitude naturelle du fonds
supérieur sur le fonds inférieur pour les eaux ménagères (arrêt
de la Cour de cassation du 15 mars 1830, Sirey, 30-1-271).
(1) L. 1, § 26, ff. ne quid in laca publica , lib. 43, tit. 8.
(b) Voy. par rapport au cas où les eaux que Fon voudrait
faire écouler sur les fonds riverains du chemin, ne seraient pas
seulement celles qui y dériveraient naturellement, $uprà, tom. 2,
page -i46.. et na 1037, à la note, présent tome, pag. 140.
�DU DO?tIAINK l'UULle.
163
que le fonds d'un simple particulier; il faut donc
que la justice lui accorde au moins la même protec~
tion. Non-seulement le regonflement des eaux sur
son sol nuit à sa viabilité totale ou partielle, mais
il le détériore nécessairement en l'imprégnant profondément d'humidité, ce qui l'expose davantage
à être entamé par les roues des voitures: en sorte
. qu'une pareille entreprise lèse essentiellement les
intérêts des habitants chargés de l'entretien des
voies de communication traversant leur territoire.
QUAT~IÈME QUESTION.
Si celui qui est assigné commepropriétaire, du
Jonds touchant au chemin allègue pour défense que les eaux versées sur la voiepublique proviennent d~un héritage situé au-delà
du sien., comment doit-il ~tre statué sur 1lactian en répression?
1325. Il faut faire une distinction: ou le propriétaire' du fonds riverain de la route, et sur lequel affluent les eaux provenant d'nn héritage plus
éloigné, est obligé de J~ souffrir ainsi, par l'effet
d'une servitude imposée sur son fonds, contre
l'exercice de laquelle il ne pourrait se défendre en
son propre et privé nom; ou il serait, au contraire,
en son pouvoir de forcer sou voisin à retenir ses
eaux sans les laisser ou les faire dériver sllr l'hél'i. tage par lequel elles viennent se répandre sur le
chemin.
Dans le premiel' cas, c'est contre le propriétaire
�16,~
'l'un;!!
du fonds plus éloigné que l'action doit être dirigée,
et c'est sur lui qu'elle doit peser, parce que c'est là
que se trouve le point générateur du dommage auquelle propriétaire voisin de la route ne pourrait
pa'rer lui-même: Planè sifundusviam puhLicam
contingat, et ex eo aqua deriyata deterior.em
'viamfaeiat, quae tamen aqua ex vicinifundo
in tuum veniat, si quidem necesse haheas eam
aquam recipere, interdictum locum habehit ad·
yersùs vieinum tuum (1).
Mais dans le second cas, c'est-à-dire lorsque le
propriétaire du fonds adjacent à la route n'est pas
obligé de recevoir les eaux provenant du fonds plus
éloigné, et d'en souffri~ le trajet sur son héritage,
c'est contre lui que l'action doit être dirigée, parce
qu'il a le moyen d'empêcher le dommage causé à
la route, et qu'en souffrant volontairement qu'il se
perpétue, il en devient au moins le complice: Si
autem necesse non sit, non teneri vicinum
tuum, te tamen teneri (2).
1326. Nous terminerons en faisant remarquel'
que toutes les fois qu'il s'agit Je grandes routes,
l'action publique il intenter contre celui qui y t'lit
dériver les eaux de SOD héritage doit être pOl,tée au
conseil de préfecture, suivant les règles de compétence expliquées dans la section 3 du chapitre 21;
(1) L. 1, § 28, ff. ne qltid in loca publico, lib. 43, tit. 8.
(2) Ibidem,
�DU DOMAINE PUllLIC.
165
.
DUlIS
"
qu "a 1" egar d de tous autres ch
COOlUS,
memt' des
chemins vicinaux, c'est en justice ordinaire qu'on
doit agir.
CINQUIÈME QUESTION.
Le propriétaire du fonds inférieur ne peut,
aux termes de l'article 640 du Code'3 élever
aucune digue qui/asse rtifluer les eaux vers
l'héritage supérieur; mais que doit-on décider dans le cas oit L'écoulement ne serait
arrêté que par le dijaut de curage de la rigole, engorgée par les vases qui S-:Y sont
accumulées faute de pente suffisante 1 et
sans que la main de l'homme3 ait contribué?
1327. Celle question peut se présenter également, qu'il s'agisse soit d'un simple écoulement
d'eaux pluviales, soit d'un ruisseau dont le cours
est continn et sans intermittence. La solution oe
l'une et de l'autre hypothèses dérivant des mêmes
principes, doit être identique.
Dans ces cas, dit Merlin (a), d'après le texte
du d l'oit romain, le propriétaire du fonds supérieur
peut contraindre celui du fonds inférieur, sinon à
curer le fossé, du mçins à le lui laisser curer à ses
frais: Apud Labe,onem proponitur[ossa vetus
esse agrorum siccandorum causd , nec memoriam extare quando [acta est; hanc injérior
vicinus non purgabat, sic/i.ebat ut ex restagna(a) Répertoire>
VO
eaux pluviales,
nO
3,
�166
TRAITR
lione ejus aqua fundo nostro noceret. Dicit
igitur Labeo aquae pluviae arcendae cum inferiore agiposse, ut aut ipse purgaret, aut te pateretur in pristinum statum eam redigere (1).
Lors même que ce texte serait moins posilif, le seul
rapprochement des principes en fait de servitudes
nous conduirait encore à la même solution.
' r c' est une ventë
""1
'
D,une part, en eflet,
e ementaire que les servitudes ne sont imposées que sur
les fonds, et non sur les personnes (art. 686 C. c.),
et que le propriétaire de l'héritage soumis à la servitude n'est lui-même assujetti qu'à l'obligation
négative d'en souffrir l'exercice sans rien faire pour
y mettre obstacle: Serritutum non ea natura est
ut aliquidfaciat quis . ... , sed ut aliquid patiatur aut nonjaciat (2). D'où il rçsulte que le
propriétaire du fonds inférieur ne pourrait être
précisément contraint à curer le fossé ou la rigole
qui sert de moyen d'exercice à la servitude dont
son héritage est grevé.
1328. Mais, d'autre parI, celui auquel une servitude est due a le droit,de faire tous les ouvrages
nécessaires pour en user et pour la conserver (article 697 C. c.) : il faut donc qu'en cas de refus du
propriétaire inférieur de curer le fossé, le propriétaire du fonds supérieur puisse le faire repurger
lui-même à ses frais, pour se maintenir en jouis(1) L. 2, § 1, ff. de aquâ et aquœ, lib. 39, tit. 3.
(2) l-. 15, § 1 , ff. de serl'it. , lib. 8, tit. 1.
�DU DOMAlNlr l'UlILle.
167
sance oe la servitude qui lui est due (a); et alors il
a, par voie de conséquence, le droit de pénétrer
avec ses ouvriers dans l'héritage inférieur, d'y faire
à dr·oite et à gauche du ruisseau l'entrepôt momentané des pierres et autl'es matériaux qu'il peut avoir
besoin d'employer dans ses travaux, et d'y laisser indéfiniment sur les mêmes bords le dépôt des vases
et déblais provenant du curage : Si prape tuum
fundum est mihi jus aquam riva ducere~ tacita
hnec jura sequuntur ~ ut rtJicere mihi rivum liceat; ut adire quà proximè possim ad rqiciendum' eum~ ego ~ fabrique mei; item ut spatium
relinquat mihi dominus fun di ~ quo dextrtî et
sinistrtîad rivumadeam, etquo terram, limum,
lapidem~arenam,calcem,jacere
p ossim (1).Ces
embarras peuvent être plus ou moins onéreux pour
le fonds inférieur, mais le propriétllire est obligé
de les souffrir sans se plaindre, parce qu~ c'est là
une charge accessoire qui fait partie de la servitude
dont son héritage est affecté.
1329. Il Y a des auteurs qui sont allés plus
loin, et qui ont prétendu que, par suite de la loi
du 14 floréal an 11 , les frais de curage du ruisseau
doivent être à la charge de tous les propriétaires
des fonds qui en sont traversés, et par conséquent
du propriétaire inférieur, commA du maître du
(a) L. 2, § 1 et 6, fT. de aquâ et aq. pluv. arcend., lib. 39,
tît. 3 i Domat, liv. 2, tit 9, sect. 2, nO 5; Merlin, R.épertoire ,
'!JO eaux pluviales, nO 3; Toul1ier, tom. 11, nO 327.
(1) L. 11, § 1, fT. commllniaprœdiorum,lib. 8, tit. 4.
�168
TRAITÉ
fonds supérieur Ca); mais c'est là une errelll',
parce que cette loi spéciale ne statue qne sur
les frais de curages ordonnés par le gouverne(a) Les auteurs donl parlc ici M. Proudhon sont MM. Pardessus ( Traité des Servit. , 4e édit. , nO 92, pag. 147) et Gar~
nier (Régime des eaux, nO 113, pag. 91), qui prétendent
que, d'après les principes nouveaux établis par la loi du 14
floréal an Xl , les riverains sont tcnus au curage chacun dans
l'étendue de sQn domaine; Toullier -réfute longuement leur
opinion au nO 327 de son tom. Il, et soutient que la loi qu'ils
invoquent leur est plus contraire que favorable, en ce qu'elle
étahlit la répartition des frais de curage proportionnellement
aux arc;ntQ,ges que chacun en retire, et non à l'étendue du fonds
traversé par le cours d'eau, comme le voulait l'art. 26 du projet de loi sur les cours d'eau, présenté en 1~35 à la Chambre
des députés.
M. Daviel ( Tr. de la pratiq. de" cours d'eau, nO 72R), en
admettant le principe de la loi de l'an Xl, qui, selon lui, a
changé celui de la loi 2, ff. de aq. et aq. pluv. arc. : aut ipse
purgaret, aut pateretltr, y apporte deux exceptions : l~ première, lorsque l'encombrement de la rivière est la suite ou d'un
fait immédiat du riverain, comme s'il avait jeté dans le lit, des
déblais, ou même d'un fait médiat, comme si une crue extraordinaire, en détruisant une digue lui appartenant, avait causé
l'obstaole. Dans ces cas l'affaire serait du ressort de l'autorité
judiciaire, et l'auteur du dommage serait seul tenu de le réparel', ainsi que l'a reconnu la Cour de cassation par arrêt du 29
novembre 1827 (Sirey, 28-1-379); et la deuxième, lorsqu'il
s'agit de fossés particuliers d'irrigation ou de canaux dépendants
d'usines et traversant à titre de servitude le fonds d'autrui, parce
que les riverai~s n'en tirant aucun profit, ne devraient pas en
supporler la dépense d'entretien. Il pense que hors ces deux cas
l'opération est du ressort de l'<ldminislration, en vertu de la loi
�DU DOMAINE l'VilLle.
1G9
ment el exécutés dans les petites rivières pour des
causes d'utilité collective des contrées qu'eUes
traversent. Si l'on devait en étendre les disposi;.
tions au cas d'intérêts individuels et de droit privé
dont il s'a~it ici, il faudrait aUer jusqu'à soutenir que ce serait au préfet à régler la répartition
des frais de curage du' plus petit ruisseau, et an
conseil de préfecture à statuer sur les réclaJllaLÏons
que .les parties intéressées pourraient élever au
sujet du rôle de cette répartition, ce (lui est imprat;cable et inadmissible.
Mais, disent les écrivains que nO\1S combattons,
il ne faut pas confondre les règles relatives à la
servitude conventionnelle avec celles qlli régissent
les servitudes dérivant du cours des eaux. En fait
de servitudes conventionnelles, il n'existe aucun
principe d'association entre le propriétaire du fonds
de l'an Xl ci-dessus citée, et ne rentre nullement dans les attributions de l'autorité judiciaire.
Nous n'adoptons cette dernière opinion que lorsque le curage
présentera une utilité générale et, à ce titre, sera ordonné
par l'administration, soit de son propre mouvemeut, soit sur la
demande des riverains; mais lorsqu'il n'intéressera que quelques particuliers, comme si le cours d'ean a peu d'étendue, ou
s'il ne s'agit que de l'écoulement des eaux pluviales, alors l'autorité administrative ne s'en occupant pas, il faudra bien porter l'affaire devant les tribunaux qui, nous le pensons, n~
pourront qu'appliquer les principes posés ci-:lessus par M. Proudhon, et également llllseignés par M. Durllnton, tom: 5, nO 161,
en note.
�170
TRAIT~
dominant et celui de l'héritage asservi, en sorte que
ce dernier ne peut être obligé à autre chose qu'à
souffrir l'usage de la servitude exercée par l'autre;
au contraire, dans la servitude du cours d'eau, il
y a un intérêt commun, et par conséquent un
principe d'association entre tous les propriétaires
des fonds qui sont travers~s pa~ le ruisseau, puisque les eaux (lui s'y écoulent sont successivement
à la disposition de tous, et que tous s'en se\:vent
ou peuvent s'en servir pour l'irrigation de leurs
'
' .
h entages
: d'"
ou resu 1te 1a consequence
que tous
aussi doivent concourir àux frais de cnrage du
ruisseau, ou l' exécu ter chacun dans le trajet qu'il
fait sur son fonds.
Ce raisonnement est loin d'être victorieux; car
il n'est autre chose qu'un déplacement de la question.
Sans doute quand il s'agit d'un canal artificiel
d'irrigation, tous les propriétaires qui se sont asso·
ciés ponr l'établir clans leur intérêt commun sont
obligés de concourir, chacun dans la proportion
de ce qu'il en profite, à son curage et à son entretien, puisqu'il s'agit alors de l'exécution d'un
contrat positif d'association, arrêté pour l'avantage
de toutes les parties.
Mais nous sommes ici dans une hypothèse toute
différente, puisque la décision que nons avons
" n c.st re1·
portee
atlVe qu "~ un cours d' eau nature ) ,
et que l'encombrement qui y est survenu n'est cucore quc l'œuvre de la nature, sans qu'il soit
�DU DOMAINE PUBLIC.
"
jamais intervenu de contrat d'association entFe les
propriétaires des fonds traversés par le ruisseau.
La communion, comme la collision d'intérêts
des propriétaires riverains du ruisseau, ne sont
que dans le fait, tandis que la société est toute
dans le droit. La nature n'établit ·point de société
entre les individus qui s'emparent de ce qu'elle
offre à tous, et il n'appartient qu'à ceux-ci de former un contrat qu'ellc ne leur impose pas.
H n'est donc pas vrai qu'il existe naturellement
une association entre les propriétaires riverains du
ruisseau pour en procurer le curage à frais communs.
Ce système d'association conduirait d'ailleurs
immédiatement à d'étranges conséquences.
Si, en effet, le propriétaire inférieur était ohligé
~ autre chose qu'à laisser passer et à laisser curer le
ruisseau à travers son fonds; si l'on pouvait en
outre le forcer à en faire le curage ou à y coopérer,
il serait par là tenu de se causer à lui·même du
préjudice, en procurant l'écoulement des eaux qui
autrement auraient pn servir à l'irrigation de son
héritage; et ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il
serait forcé à se nuire, par suite d'une association
qu'on suppose formée dans un but tout contraire,
puisque c'est uniquement pour satisfaire à l'irrigation de tontes les propriétés adjacentes que l'on
veut supposer entre tous les propriétaires une association pour pourvoir, à frais communs, au cnrage
du ruisseau.
�112
TRAITÉ
§. 3. - Des eaux pluviales considér-ées comme procurant une
UTILITÉ, et des conditions de la participation aux avantages qu'elles produisent (a).
PRElInÈRE QUESTION.
Le propriétaire d'un terrain iriférieur à un
fonds dans lequel il existerait un amas
Ca) Lorsque les eaux pluviales sont considérées sous le rapport des avantages qu'elles procurent, hien qu'elles aient par
leurs effets une assez grande analogie avec les eaux courantes
ou de source dont parlent les articles 644 et 645 du Code
civil, il faut bien se garder de leur appliquer les principes consacrés par ces dispositions. C'est ce qu'ont décidé d'une manière
formelle la Cour d'Aix, par arrêts des 5 mai et 13 août 1820,
et la Cour de cassation par autre arrêt du 14 janvier 1823 , ainsi
conçu: « Attendu qu'il s'agit dans la cause, non pas d'une eau
courante qui traverse ou qui borde des héritages, mais bien
" d'un égout qui reçoit les eaux pluviales qui découlent sur la
voie publique; qu'ainsi l'art. 644 du Code civil n'est pas
applicable à l'espèce. )l(Sirey,31-1-173.)
De cette vérité, fondée sur ce que la qualification d'eau COll'''
rante, employée par le Code, ne peut s'appliquer qu'aux eaux
de source et non aux eaux pluviales qui n'ont qu'une existence
ct un cours accidentels, qui ne sont pas susceptibles d'une possession permanente et régulière, et qui appartiennent entièrement et toujours au premier occupant, il résulte plusieurs
conséquences remarquables:
La première, que celui qui recueille les eaux, soit qu'elles
découlent des héritages sU'périeurs, soit qu'elles suivent un
chemin public, peut les absorber entièrement sans être tenu de
les rendre à la sortie de son fonds aux propriétaires inférieurs.
I..a seconde, que le riverain d'un chemin public peut transmettre les eaux en provenant à un voisin dont le fonds ne
)l
)l
)l
�DU DOMAlNE PUllLIC.
P/3
d'eaux pluviales sans issue, pourrait·ilpratiquer an canal ou une rigole pour amener
ces eaux sur son héritage malgré le propriétaire du marais ou de L'étang?
1329 bis. Ca) Sans doute le prop.riétaire du
fonds inférieur pourrait pratiquer une tranchée ou
un canal quelcouque à travers son héritage et jusqu'à sa limite supérieure, parce qu'en cela il ne
ferait de disposition que sur sa propriété; mais, de
son côté, le propriétaire de l'étang ou du marais
supérieur pourrait aussi établir sur le contin Je
son terrain une digue ou chaussée pour retenir ses
eaux s'il y avait intérêt, et ce par le double motif
d'une part qu'il ne ferait que disposer de sa chose,
et d'autre part que son héritage, étant le fonds
joint pas ce chemin, même au préjudice d'un riverain inférieur.
La troisième enfin, que pour le réglement de l'usage des eaux
pluviales entre les propriétaires riverains d'un chemin, lors
même que dans certaines sai~oIls de l'année elles présenteraient
un cours continu, les tribu.naux n'ont point, comme lorsqu'il
s'agit d'une rivière ou d'un ruisseau, un pouvoir discrétionnaire; le droit du propriétaire du fonds sur lequel tombent directement les eaux pluviales, ou dans lequel elles viennent se
réunir, étant un droit absolu de propriété que les juges ne
peuvent restreindre, ni modifier. (Favard, Rép. dejurisprud.)
v°'justices de paix; Carré, justices de paix) nO 1459; M. Daviel, Tr. de la'pratiq. des cours d'eau) nO 804. -Arrêt de la
Cour de Colmar, du 29 mai 1829, Sirey, 29-2-352.)
Ca) Ce numéro formait le 1321 e de la première édition.
�174
TllAITÈ
dominant, 11'est assujetti à rien envers les fonds
inférieurs.
SECONDE QUESTION.
Lorsque les eaux pluviales sont utiles au
fonds inférieur, et que le propriétaire de ce
fonds en a joui précédemment, peut-ilforcer
le propriétaire supérieur à Lui en continuer
la transmission?
1330. Les eaux pluviales qui tombent sur un
fonds sont comme celles jaillissant d'une source
qni y existeraif; c'est-à-dire que, tant que le propriélaire du sol les relient, il peut en user à volonté et à l'exclosion de toos autres. Pars enim
fundi videntur.
Il est donc le maître de les relenir pour en former des étangs, ou de les faire circuler pOU\' les
absorber sur son héritage, et il peut leur donner
dans Lous les sens la direction la plus ntile à son
serVlCe.
L'héritage inférieur, qui est ici le fonds assujetti,
doit sans doute les recevoir lorsqu'elles lui sont
transmises; mais le propriétaire de cel hérilage ne
peut en exiger la transmission, parce que le fouds
domiuant ne doit rien à celui qui supporte la
servitude. Telles sont les règles du droit commun.
1331. Cependant, comme il ne s'agit ici que du
droit privé, il est permis d'y déroger en établissant
une servitude par snite de laquelle les eaux pluviales du fonds supérieur devraient être transmises
�DU DOMAINE PUBLIC.
175
à l'héritage inférieur pour être employées à l'utilité de cet héritage : or on ne doit admettre
l'existence de celte servitude que dans les trois cas
suivants:
1 ° S'il Y a eu à ce sujet une convention valablement consentie entre les propriétaires des deux
héritages;
2° Si le propriétaire du fonds inférieur a tait
dans l'héritage supérieur des ouvrages apparents
destinés à lui en amener les eaux, et qu'il ait joui
depuis trente ~s du résultat de ces l~'avaux (a).
:)0 S'il Y a elncte de contradiction fait par le
propriétaire inférieur pour empêcher ceitli du
fonds supérieur d'en détourner les eaux, et qu'il
se soit écoulé trente années de possession paisihle
depuis la notification de cet acte (b).
Dans ces deux derniers cas la servitude sel'a acquise par la prescription, au profit du fonds inférienr, parce qu'il y aura eu possession civile exercée à titre de mahre durant le temps exigé pal' la
loi: c'est un point sur lequel nons reviendrons avec
plus de développements dans le chapitre suivant,
en traitant des droits des propriétaires de sources.
1332. Hors de ces trois hypothèses, le propriétaire du fonds inférieur ne peut exiger la transmis(a) Voy. suprà,no 1318 et infrà, na 1334.-Voyez aussi
un arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 181O-Sirt:r,
tom. 11, 1re part, pag. 164.
(h) Voy. suprà J Il· 663, infine J tom. 2, png.1015, et
la note.
�176
sion
'l'llAlTÉ
d~s
eaux pluviales dérivant du fondssllué àlJ"
des~us; et, quel que soit le temps durant lequel
l'usage lui en ait été laissé, il n'a pu en acquéril'
le droit par la prescription, attendu que les faits
d'une pareille jouissance, n'étant que des actes de
pure faculté et de tolérance, ne peuvent , aux termes de l'art, 2232 du Cod. civ., fonder ni posses, sion civile ni prescription Ca).
Il en est ici pour le propriétaire,de ces droits par
rapport à la disposition des eaux pluviales tombées
sur son fonds, comme de ceux sur les produits de
la vaine pâture après les premiers fruits levés: quoiqu'il ~it de temps immémorial abandonné ces produits à ses voisins, il n'en est pas moins fondé à les
en priv·er dès qu'il veut faire cloreson héritage; dans
un cas comme dans l'autre, il a toujours la même faculté etlamème liberté de garder pour lui seul tout
ce qui provient de son fonds: d'où il résulte que
le voisin n'a toujours aussi qu'une jouissance précaire et fondée sur la tolérance, et pal' conséquent
incapable de servir de fondement à la prescriplion
acquisitive de la servitude.
TRorsrÈME QUESTION.
Quels sont les droits des propriétaires riverains
relativement aux eaux pluviales qui coulent
sur La voie pu61ique?
1333.
Les eaux pluviales qui coulent sur la voie
(a) L. 1, § 21, de aq. et aq. plu". arc.-Bretonnier sur Henrys, quest. 189, liv. 4. - Pothier, sur l'art. 170 de la Cout.
d'Orléans. - Répertoire de Merlin, v· droits facultatifs.
�117
DU DOMAINE PUBLIC.
publique n'étant à personne, leur usage doit appartenir au premier occupant, en se conformant à
l'ordre suivant lequel la nature en offre ledon;cha-.
que propriétaire des héritages riverains peut s'en
saisir à mesnre qu'elles passent vis-à-vis de son
fonds, les y attirer et les faire servir à son irrigation.
Nous disons en se confOrmant à l'ordre suivant lequel la nature en offre le don; attendu
que le propriétaire supérieur, ayant pour lui l'avantage de la disposition des lieux, doit le premier recueillir ce bénéfice qui lui es~ offert cn premier
ordre; et qu'il ne peut être permis au propriétaire
inférie.ur de prolonger ses rigoles devant le fonds
supéri~ur, pour priver cehii-ci de la dérivation des
eaux, eu les attirant plus bas sur le sien.
1334. Il faut même remarquer que le long
usage du propriétaire inférieur qui aurait joui des
eaux découlant naturellement de la partie supérieure de la rue ou du chemin ne devrait être considéré que comme une chose de pure tolérance
qui, sans d'autres circonstances, ne produirait aucun droit pour lui; en sorte que le propriétaire
supérieur pourrait toujonrs revendiquer les avantages de l'irrigation vis-à-vis de sou fonds (a). Du-_
(a) Cette solution serait également applicable lors même que
le propriétaire inférieur aurait précédemment fait des travaux
pour employer les eaux à son profit; c'est ce qu'enseignent
MM. Pardessus, des serlJitudes> nO 79; Garnier, régime des
eaux> tom. 3, nO 717; Duranton, tom. 5, nO 159; Davie\, Tr.
de la pratiq. des cours d'eau, nO 800; Solon, des servitudes,
TOM. IV.
12
�178
TRAITÉ
nod rapporte àce sujet un arrêt du parlement de
Besançon qu'on trouve cité comme exprimant une
règle de jurisprudence constante dans tous les auteurs qui ont traité cette matière. « S'il n'y a point
» de servitude contraire, dit.il, le propriétaire du
» fonds supérieur peuL retenir ou détourner dans
:» son fonds l'eau qui coule dans ce fonds ou dans
) le chemin qui le touch~. Jean Vuillemin , d'Ar) çon, avait de temps immémorial détourné dans
» son verger l'eau qui coulait au voisinage le long
nOS 46 et 47; Zacharire, tom. 2, § 236, na 3; Curasson,
Traité de la compétence des juges de paix, tom. 2, pag. 299,
2" édit., et ce qu'ont jugé la Cour d~ cassation les 14 janvier
1823 (Sirey, 23-1-173) et 21 juillet 1825 (S., 26-1-407),
la Cour de Rennes, le 10 février 1826 (S., 28-2-74:), et celle
de Limoges, les 22 janvier 1839 (S., 39-2-284) et 14 juillet
1840 (S., 41-2-1). - Voy. aussi suprà, tom. 2, pag. 449.
M. Troplong, de la prescription, na 147, adopte aussi cet
avis lorsque les eaux coulent sur la voie publique; mais il pense
que la prescription pourrait s'en acquérir par 30 ans si elles provenaient d'un fonds privé, .et que le propriétaire inférieur eût
fail sur ce fonds des ouvrages destinés à les recevoir et à les diriger sur le sien. - Voy. dans le même sens, suprà, nOS 1318
et 1331; Curasson, loc. cit., pag. 301, et M. Coulon, Questions de droit, tom. 3, pag. 611.
Cependant M. Duranton, tom. 5, na 158, n'admet pas cette
distinction, trop imbu sans doute du princ.ipe admis par les
lois romaines, que les servitudes debent habere perpetuam causam (L. 28, if. de servit.; L. l , § 5, if. de aquâ quotidl'anâ et
œst., et L. 1, § 4, de fonte), principe repoussé par notre jurisprudence, ainsi que le démontrent les autorités citées infi'à, pag.
180 et suiv., dans la note, sous le na 1335, relative à la question
analogue de la destination du père de famille.
�DU DOMAINE PUBLIC.
179
') de la rue puLlique; le nommé Domier, qui avait
» un héritage supérieur, l'y fit couler; V uillemin
» se pourvut, et fut débouté, sans aucun égard à la
" possession qu'il alléguait, par arrêt rendu an
" rapport de M. Masson de Braisnans le 5 avril
» 1710, sur ce qu'il n'était censé avoir usé que par
» facuité, et qu'un autre habitant pourrait en user
» comme lui en se prévalant de l'avantage du
" lieu Ca). »)
(a) Traité des prescriptions, part. 1 re , chap. 12, pag. 88.Il cite à l'appui de cette décision Cœpola, de serlJit. rust. prœd.,
cap. 4; thesaurus, decis. 245; Bardet, tom. 1, liv. 1, ch. 65;
Basset, tom. 2, liv. 3, tit. 7, chap. 1; Dumoulin, ad consuet,
par. 69; Alex., vol. 5; Pecchius, cap. 9, guœst. 36, nO 54;
Mornac, ad. L. 6, § initium, ff. de edendo; Henrys, tom. 2,
liv. 4, quest. 35 et 189; Balbus, 2, p. 4, et Coquille, Coutume
de /vilJernais, tit. des maisons et servit. réelles, art. 2.
La Cour de cassation s'est prononcée dans le même sens par
deux arrêts, l'un du 14 janvier 1823 (Sirey, 23-1-173),
ainsi conçu: « Attendu qu'il s'agit dans la cause, non pas d'?ue
» eau courante qui traverse ou qui borde des héritages, mais
.. bien d'un égout qui reçoit les eaux pluviales qui découlent de la
» ville de Tretz sur la voie publique; qu'ainsi l'art. 644 du Code
.. civil n'est pas applicable à l'espèce, et ne peut dès-lors avoir
» été violé... Et l'autre du 21 juillet 1825 (S., 26-1-407),
dont voici les principaux motifs: « Attendu que si l'on peut
.. prescrire la possession de certaines eaux, soit activement, soit
.. passivement, en construisant des ouvrages d'art; pour en
II user ou pour s'en garantir, il est également certain que le~
" eaux purement pluviales dont le cours n'est qu'accidentel,
II eelles qui coulent sur la voie publique, ne sont pas susceptiII bles d'une possession exclusive, et peuvent être prises à leur
" passage par les propriétaires riverains, quand ils le jugent à
II propos.... II Voy. sur ce motif b. note ci-:tprès, pag. 182.
�180
l'UArrÉ
1335. Mais si ce propriétaire supérieur ne joignait pas immédiatement la voie publique, pourraitil s'emparer des eaux, en creusant une rigole ail
travers du fonds intermédiaire, avec la permission
du propriétaire P
On ne le pense pas: il faut regarder le chemin
'comme étaut lui-même un COUl'S d'eau, puisqu·'il
sert en quelque sorte de lit aux eaux qu'il reçoit.
En partant de cette première donnée, l'on doit
dire que, comme l'art. 644 du Code n'attribue l'usage des eaux courantes qu'à ceux dont les propriétés bordent le cours d'eau, il n'y a que ceux
dont les fonds joignent immédiatement le chemin
public qui puissent avoir le droît d'y faire les prises
d'eaux pluviales; qu'en conséquence il ne peut être
permis à personne d'aller prendre les eaux dont il
s'agit à un point supérieur, par des rigoles traversant un terrain communal ou privé, pour les amener sur son fonds, si ce fonds ne touche pas la voie
pnblique (a).
(a) D'après le principe posé plus haut dans la note sous la
rubrique du § 3 ci--dessus, et dans celle de la page précédente,
que l'article 644 du Code civil, concernant les eaux courantes,
c'est-à-dire les eaux de source, est inapplicable aux eaux pluviales, nous ne pouvons admettre cette dernière solution. Les
eaux pluviales étant res nullius et appartenant à ce titre au pre,,:
mier occupant, celui-ci, qui n'est point obligé de les rendre au
fonds inférieur, peut en disposer comme il le juge convenable,
soit'en les absorbant, soit en les transmettant à un de ses voisins,
riverain ou non de la voie publique.
Nous croyons devoir placer ici l'examen d'une question qui
�DU
DOMAINI~
PUBLIC.
181
QUATRIÈME QUESTION.
L'administration municipale pourrait - elle,
malgré les propriétaires riverains, disposer,
par bail ou autrement, du droit de recueillir
les eaux pluyiale9 qui coulent dans la voie
puhlique, ainsi que les boues ou engrais
qu'elles entratnent?
1336.
On peut dire pour la négative que dû
se rattache à la précédente, et sur laquelle les auteurs ne sont pas
d'accord, celle de savoir si, en fait d'eaux pluviales, il pour- rait y avoir lieu à la destination du père de famille; par exemple,
si lorsqu'un fonds, arrosé au moyen d'une rigole recevant les
eaux pluviales d'un chemin voisin, vient à être partagé, le
propriétaire du lot le plus éloigné de ce chemin pourrait contraindre le maître du lot le plus rapproché à lui continuer la
transmission de ces eaux comme précédemmënt.
M. Duranton, qui, au tom. 5, nO 158, pag. 154, enseigne
que les eaux pluviales sont res nultius non susceptibles d'être
acquises de particulier à particulier au moyen de travaux faits
depuis plus de 30 ans par le propriétaire inférieur sur le fonds
supérieur, se prononce cependant pour la destination du père de
famille, parce que, selon lui, la servitude s'annollsant par un
fossé, est apparente et même continue, quoiqu'il ne pleuve pas
toujours, puisque le fait de l'homme n'est pas nécessaire pour
son exercice.
La Cour dé Colmar a, au contraire, jugé la négative le 26
mai 1831 (Dallo;,) 32-2-205, et Journal du Palais, 1831,
tom. 3, pag. 554), par le motif puisé dans la loi l , § 5 , fF. de
. aq. quOI. et œstil'., que les eaux de pluie ne sont pas susceptibles dc possession à raison de la discontinuité de leur
cause.
M. Tr~plong, qui, au nO 148 du Traité de la prescription,
�182
1'llAITÉ
moment que les eaux pluviales ne sont à personne,
il ne peut être permis à l'autorité municipale de les
revendiquer elle-même comnle étant le patrimoine
admet la prescription de ces sortes d'eaux lorsqu'elles s'écoulent
d'un fonds privé dans un :lUtre fonds privé, se range à l'avis
de la Cour de Colmar (no 147), mais uniquement par la considération qu'elles sont l'es nullius; qu'un particulier ne peut par
c.onséquent y acquérir un droit privatif; que dès-lors la destination du père de famille manque de fondement, car eIte suppose
dans celui d~ qui elle émane une puissance certaine sur la chose
qui fait le siége de la servitude; que le riverain du chemin en
jouit seulement ainsi que l'explique très-bien Connanus (lib. 3,
cap. 2, nO 3, col. 1 ); non tanquam dominus, sed ut ci~is et
unus ex populo facere '!Jidetur.
II s'élève du reste avec force contre cette subtilité du Droit
romain qui a déterminé l'arrêt de la Cour de Colmar, ainsi que
celui de la Cour de cassation du 21 juillet 1825, rapporté dans
la note précédente, pag. 179, savoir que les servitudes ne peu,vent exister qu'autant qu'elles ont une cause perpétuelle.
.. Ces principes, continue-t-il, sont-ils reçus en France? Non
» sans doute. M. Pardessus dit très-bien dans son Traité des
.ll ser~itudes, nO 5 : nous n'arons pas considéré comme carac» tère essentiel aux serritudes la perpétuité de leur cause; et
" Merlin (Rép., '!JO ser~itudes, § 13) enseigne positivement la
» même doctrine. Il blâme Lalaure d'avoir soutenu avec la loi
» 23, § 1, if. de ser~. rustic. prœd., qu'on ne peut pas étahlir
» la servitude d'aller en hateau sur un lac qui tarit: le finde,_ ment de cette loi, ajoute M. Merlin, portait sur le prétendu
.. principe que la cause de la serritude doit être perpétuelle....
" Quoique Heineccius ait aussi adopté cette décision, elle n'en
» doit pas moins être rejetée. Quand un lac tarirait pendant
" plusiews mois de tannée,}'aurais toujours un intérêt
" sensihle à pouroir le trarerser pour aller à mon héritage
" durant les mois où il serait cou~ert d'eau; et cet intérêt sul-
�DU DOMAINE PUBLIC.
183
de la commune, pour les vendre ou céder à l'nn
de préférence aux autres; que quand il arrive que
ces eaux deviennent nuisibles aux fonds riverains,
Il fit pour qlt'il me soit permis d'y acquérir une serl/itllde. " C'est là le langage du bon sens, et il n'est personne qui ne
.. soit frappé de ce qu'il a de vrai et de convaincant; tandis
» qu'avec la meilleure volonté du monde, on échoue à com» prendre pourquoi la cause de la servitude doit être perpé» tuelle.... Toutes ces subtilités du Droit romain vont mal à la
» simplicité de notre jurisprudence, qui, partout où elle aperIl 150it un intérêt positif et licite, autorise un droit à le protéger.
» II faudrait, une fois pour toutes, renoncer à nous faire Romains malgré nous: S'il y a dans ies livres du Droit romain
" d'excellentes règles dont nous devons profiter, il en est aussi
» d'inapplicables dont il faut se défier; sachons choisir avec disIl cernement, et n'acceptons que sous bénéfice
d'inventaire.
" C'est ce que n'ont fait ni la Cour de cassation, ~i la Cour de
n Colmar; elles ont donné tête baissée dans le piége que leur
n tendaient les textes du Digeste; elles se sont égarées par trop
n de respect pour une grande autorité. "
M. Daviel, à son tour, en adoptant les motifs ci-dessus de
M. Troplong, pense cependant que tant qu'a.ucun autre ne
viendra s'emparer des eaux, et tant que la prise qu'en a établie le père de famille continuera de subsister, elle devra profiter à toutes les parties de l'héritage partagé dans les mêmes
proportions qu'avant le partage (TI'. de la pratiq. des cours
d'eau J nO S03).
Cette solution, sans doute très-équitahle , est moins conforme
à la rigueur des principes que celle de M. Troplong, et nous
paraîtrait difficilement pouvoir'être consacrée par les tribunaux.
Du moment que cen'est point comme accessoire réel du fonds que
les eaux :pluviales qui y sont dérivées du chemin appartiennent
au maître de ce fonds, et que celui-ci n'y a droit qu'à titre de
premier occupant d'une chose qui n'est encore dans le domaine
)1
�184
TRAITÉ
il faut bien que les propriétaires de ces héritages
souffrent les dégâts qu'elles y causent; qu'en conséquence il est juste que, par réeiprocité, ils en
profitent lorsqu'elles leur sont utiles.
1337. Nonobstant ces raisonnements, nous
croyons que les principes doivent nous conduire à
une solution contraire Ca).
de personne, non tanquam dominus, sed ut cilJis et llnUS ex
populo, on ne voit pas comment les autres copartageants, qui ne
tiennent à cet égard aucun droit soit de leur auteur, soit de la
chose même, pourraient y prétendre avoir part, quels que soient
les travaux existants.
Il en serait cependant autrement, et la destination du père de
famille devrait produire son effet s'il s'agissait d~eaux pluviales
recueillies non sur un chemin, mais dans le fonds même, objet
du partage, et à travers lequel l'auteur commun aurait établi
des fossés ou rigoles pour leur distribution; il Y a, selon
nous, lieu d'appliquer, à la destination du père de famille, la
distinction indiquée pour la prescription, suprà, note sous le
nO 1334, pag. 178.
Ca) Tel est aussi l'avis de M. Pardessus, des serlJitudes, nO 79,
et de M. Daviel, Tr. de la pratiq. des cours d'eau, nO 802, qui
cite à l'appui Boutaric, des Droits seigneuriaux, pag. 566;
Julien, sur le statut de Marseille, tom. 1 , pag. 508; Lapoix
de Fréminville, Pratiq. des terriers, tom. 3, ch. 4, quest. 46,
où est rapporté l'exemple diune pareille concession faite par le
roi; un avis. du Conseil d'Etat, cité au Manuel administratif,
tom. 3, p. 857, et un arrêt du même Conseil du 4 août 1824;
mais M. Duranton, tom. 5, nO 159, combat cette solution.
« Les eaux pluviales, dit-il, sont au premier occupant, et par
Il droit de nature et par la disposition du droit civil; conséIl quemment l'administration ne doit point pouvoir èn priver
» ceux à qui elles appartiennent.... ; et si elle le faisait, le pro-
;-
�DU DO;\1AINE l'UIILle.
135
Et d'abord, de ce que les caux pluviales n'appartiennent à personne, il est nécessaire de tirer
cette conséquence, que l'admit;istration municipale
peut s'clnparer de leur usage à titre de premier occupant, tant qu'elles courent sur le sol public, et
que nul n'est admis à s'y opposer, puisque nul n) a
de droit acquis.
En second lieu, si nous consultons la législation,
nous voyons qu'il résulte de l'art. 46, titre 1er , de
la loi du 22 juillet 1791, combiné avec l'art. 3,
titre I l ,de celle du 24 août 1790' sur l'organisation
judiciaire, que l'autorité municipale est, par ses
attributions de llolice, chargée de tont ce qui concerne la propreté, le nettoiement, la salybrité et la
sûreté des passages, tues, places et voies publiques;
qu'elle est autorisée à prendre des arrêtés sur cet
objet; et qu'aux termes de l'art. 471, nOs bet 15
du Code pénal, il y a nne amende d'un à cinq ft'ancs
contre ceux qui ne s'y conformeraient pas: d'où
l'on doit conclure qu'elle peut disposer de la conduite des eapx pluviales qui s'écoulent dans les rnes
et voies publiques, ainsi que des boues qu'elles entraînent.
1338. D'ailleurs, l'entretien des chemins étant
priélaire lésé dans ses droits pourrait incontestablement se
pourvoir, même devant les tribunaux. Il Ce motif ne nous
touche en aucune manière. Pourquoi la commune, qui a
sur les eaux tombées dans ses chemins le droit de premier occupant, ne pourrait-elle en disposer comme le ferait un simple
particulier? - Voy. slIprà, tom. 2, pag. 449.
Il
Il
�186
TRA.ITÉ
généralement à la charge des communes t en leur
atlribuant le petit revenu qu'elles peuvent tronver
dans l'amodiation des eaux et des boues qui y coulent, l'on ne faît qu'appliquer, par réciprocité, une
règle qui est de tOllte équité.
Notre solution serait surtout incontestable dans
le cas où les eaux courant sur la voie publique proviendraient t en tout ou en partie, de quelques
fontaines communales.
Cependant, comme en ces matières les anciens
usages doivent être respectés ,. l'administl'ation supérieure ne doit que rarement s'en écarter
en autorisant ces sortes de baux dans les com·
munes où les propriétaires riverains des voies publiques sont habitués à profiter des eaux dont il
s'agit, attendu qu'il est toujours dangereux de
mettre en rivalité d'intérêts des hommes qui doivent vivre ensemble, et dont les habitudes étaient
paisibles jusque-là.
CHAPITRE LVIII.
Des puits, des citernes, et des égouts publics.
1339. Les objets énumérés dans ce titre, ayant
les eaux pluviales pour cause plus ou moins immédiate, il convient d'en parler ici, et de rappeler, en
peu de mots, les principes de droit qui les concernent.
LE PUITS est une excavation pratiquée dans la
�DU DOMAINE PUllLIC.
187
terre, à main d'homme, pour y recueillir les eaux
provenant soit d'infiltrations, soit d'une source
souterraine.
Construire un POilS , c'est sc créer une source
au-dessous de la snrface du sol Ca).
674 du Code civil porte: " Celui qui fait creusel' UIl puits ou une fosse d'aisance près d'un mur mitoyen
" ou non.... est obligé à laisser la distance prescrite par les ré" glements et usages particuliers sur ces objets, ou à faire les
" ouvrages prescrits par les mêmes réglements et usages, pour·
" éviter de nuire au voisin. » Pour l'application de cette disposition, il faut recourir aux Coutumes locales. Celles d'Orléans,
art. 246; de Bretagne, art. 663, exigeaient entre des latrines
et un puits une distance de 8 ou 9 pieds (2 mèt. 598 mill. ou
2 mèt. 923 mill.); celle de Laon, art. 268, 17 pieds (5 mèt. 521
mill.); celles de Melun', art. 208, et de Rheims, art. 367,
donnaient l'option de laisser une distance de 8 ou 9 pieds, ou
de faire un contre-mur de chaux et de sable de deux pieds (649
millimètres) d'épaisseur. L'article 191 de la Coutume de Paris,
qui formait le droit commun de la France et était suivi dans les
pays où, comme en Bourg9gne, le statut municipal éty.it muet,
porte: « Qui veut faire aisances de privés ou puits contre un
» mur mitoyen, doit faire un contre-mur d'un pied (325 mill. )
d'épaisseur; et où il y a d'un chacun côté, puits d'un côté
" et aisance de l'autre, il sumt qu'il y ait 4 pieds (1 mèt. 299
" mil!.) de maçonnerie d'épaisseur entre deux, comprenant
" les épaisseurs des murs d'une part et d'autre; mais entre
" deux puits suffisent trois pieds (974 millimètres) pour le
.. moins. »
On était autrefois dans l'usage de construire les contre-murs
séparément du corps du mur principal; mais cette méthode,
prescrite par Desgodets (Lois des bâtiments, sur ledit art. 191),
a été rcconnue vicieuse, et les avocats du Parlement de Bour(a) 1° L'art.
Il
-J)
�188
1340.
'l'lIA lTÉ
LA
CITERNE
esl li n réservoir soulerrain
gogne, qui ont annoté cet ouvrage, disent au contraire que
l'on ne doit construire qu'un seul mur ayant l'épaisseur du mur
principal et des contre-murs réunis.
Si l'un des voisins faisait construire une fosse d'aisances vis-àvis un puits situé de l'autre côté du mur, il serait tenu de laisser un intervalle de 1299 millimètres entre le puits et la fosse;
mais s'il établissait le premier cette fosse, il pourrait ne laisser
qu'un contre-mur de 325 millimètres contre le mur, sans être
obligé plus tard de s'éloigner du puits nouvellement construit,
à 1299 millimètres (Curasson, Compétence des juges de paix,
2 e édit., tom. 2, pag. 499)..
Quelle que soit l'épaisseur du mur séparatif des deux terrains
dans chacun desquels existe un puits, le contre-mur de chaque'
côté qui est destiné à la conservation du mur doit toujours avoir
325 millimètres d'ûpaisseur, de telle sorte que si ce mur a plus
de 325 millimètres, la distance entre les deux puits devra excéder les 974 millimètres prescrits par la CoutUI)"lC.
Malgré l'observation des distances et l'établissement des contre-murs, le propriétaire de la fosse d'aisances qui infecterait le
puits voisin n'en serait pas moins tenu de faire tous les travaux
nécessaires pour prévenir cet inconvénient (Desgodets , Lois des
hâtiments, sur l'art. 191 de la Coutume de Paris; Camus, sur
le même article; Pardessus, Tr'aité des serlJitudes, nO 201;.
Toullier, tom. 3, nO 332; Curasson, Comp. des juges de paix,
2" édit., tom. 2, pag. 498); en sorte que, comme le remarquent
très-bien les annotateurs de Desgodets, « la disposition de l'arli ticle 191 ne parait pas fort utile aux propriétaires des fosses,
,. puisqu'en l'observant, ils n'en sont pas moins chargés des
" événements et des dommages. li C'est surtout à l'égard des
manufactures produisant une grande quantité d'eaux sâles ou
oorrompues, qu'il est fait application de ce principe; quelqu'éloignés que ces établissements soient des puits, il Y a lieu à réparation ou indemnité lorsllu'il est établi que l'eau est altérée;
�DU DOMAINE PUBLIC.
189
construit et cimenlé pour y recevoir et conser-plusieurs jUll:ements et arrêts du Tribunal de première instance
€t de la Cour rOY1l1e de Dijon l'ont décidé de la sorte, notamment
par rapport aux usines à gaz de celle ville et de Chalon, qui infectaient à uue grande distance les. puits au moyen de l'eau s'échappant de la cuve du gazomètre ou d'une fosse à goudron.
Vainement l'auteur du dommage prétendrait":il que de même
'que le propriétaire d'un fonds qui, en y creusant', coupe les
veines du puits ou de la source de son voisin, il ne fait que
disposer de sa chose et user de son droit. La difrërence est
grande entre les deux cas: on peut bien priver une propriété
voisine d'un avantage, mais on ne peut y causer un dommage
réel; le maltre d'une source qui, d'après l'art. 641 du Code civ.,
aurait le droit de la détourner aUJlréjudice du fonds inférieur, '
ne serait pas fondé à en corrompre les eaux. Il n'y a pas lieu non
• plus à l'examen de la question d'antériorité de l'établissement
nuisible. Le voisin ayant la propriété de son héritage à une profondeur indéfinie, doit pouvoir, lorsqu'il le juge convenable, y
faire des fouilles et y creuser des puits sans rencontrer des eaux
corrompues, qu'il n'est pas plus tenu de recevoir souterrainement qu'à la superficie du sol. Les dispositions des art. 663
de la Coutume de Bretagne, et 509 de celle du Bourbonnais,
qui n'admettaient les propriétaires de puits à se plaindre des
infiltrations qu'autant que les cloaques qui les produisaient étaient
'd'une construction postérieure, ne nous paraissent plus devoir
être suivies aujourd'hui; chacun ne devant user âe sa chose
qu'en respectant chez les autres l'exercice du même droit.
1
Les précautions prescrites par l'art. 674 du Code civ. étant
des mesures d'ordre et de sûreté qui tiennent à la police puhlique,
ou' ne peut invoquer la prescription à leur préjudice; c'est ce
qu'enseignent avec raison MM. Pardessus, des serritudes, nO 230;
Vazeille, Tr. des prescrip., tom. 1 , nO 117; Troplong, de la
prescrip., nO 139, ainsi que M. Davie!, Tr. de la pratiq. des
cours d'eart, nO 873 , qui cite un arrêt du Parlement de Paris
,
�190
TRAITÉ
ver les eaux: pluviales dérivant le plus ordinaire..
du 5 septembre 1780, par lequel il a été jugé que des voisins
n'avaient pu valablement déroger à l'article de la Coutume de
Paris fixant l'épaisseur dll contre-mur à construire entre uu
puits et un mur mitoyen; cependant, comme le remarque trèsjudicieusement Curasson, Loco citato J pag. 499 , il faut, pour
qu'il en soit ainsi, que l'intérêt public, la sécurité ou la salubrité soient compromis.
Une plus grande distance est exigée pour les puits que l'on
voudrait établir à proximité des lieux d'inhumation; le décret
du 7 mars 1808 porte: Art. 1er • « Nul ne pourra, sans autoli risation.,.. , creuser aucun puits, à moins de cent mètres des
li nouveaux cimetières transférés hors des communes, en vertu
li des lois et réglements; Il et art. 2. « Les puits (existants) pour" ront, après visite contradictoire d'experts, être comblés, en
li vertu d'ordonnance du préfet du département, sur la deli mande de la police locale. li (Voy. s~pràJ tom. 2, pag.
711 ).
11° La question de savoir si, en faisant des fouilles dans son
fonds, le voisin d'un puits peut impunément en couper les veines,
et le tarir, se reproduisant par rapport aux sources qui jaillissent
à la surface du sol, il en sera traité infrà, à la première section
du chapitre 63, nOS 1543 et suivants.
111° « Lorsqu'un propriétaire', dit Desgodets, Lois des Bâtim.,
" sur l'art. 1\)1 de la Coutume de Paris, nO 17, loue sa maison
li ou héritage, où il y a un puits ou apparence de puits, et qu'il
n est marqué par le bail y en avoir un, cela s'entend qu'il y
li vienne de l'eau en telle quantité que l'on en puisse tirer, c'estli à-dire au moins un pied (325 mill.) de profondeur dans les
li plus basses eaux; et si le puits était sans eau, ou que l'eau y
.. fût infectée, le locataire serait en droit de contraindre le proli pri~tairc de lui en fournir un avec de l'eau non corrompue,
li bien conditionné, ou demander la résolution du bail. li La
même décision se retrouve en termes à peu près iùentiques dans
�DU DOMAINE PUBLIC.
191
ment des toits des maisons voisines, jusqu'à ce que
le Commentaire de la Coutume de Paris, par Camus (art. 191,
nO 13). Voy., au surplus, sur son application en cas de force
majeure, les principes posés par M. Troploug, 'Trailé du louage,
nO 235.
IVo Les puits, comme les allées, les escaliers, les fosses d'aisances, etc. ,donnent souvent lieu à une difficulté assez grave sur
le point de savoir si ceux qui en usent y ont également des droits
de copropriété ou de communauté, ou si quelques-uns n'y exercent qu'un droit de simple servitude.
La différence de nature de ces droits produit deux effets importants:
L'un est relatif au mode d'acquisition par la prescription; DOUS
renverrons à cet égard aux observations qui terminent lâ Dote du
nO 652, suprà, pag. 997 et 998 du tom. 2.
Le,second concerne l'obligation de faire les réparations. Toullier, tom. 3, nO 469 bis, l'explique en ces termes: « Si j'ai un
» droit de servitude sur le puits de mon voisin, je ne puis le
Il contraindre à le réparer, comme aussi ilne peut me contraindre
" à contribuer aux réparations. Au contraire, si ce puits est en
" communauté entre nous, s'il est commun à nos deux maisons,
" nous avons respectivement le droit de nous contraindre l'un
" l'autre à contribuer aux réparations et impenses nécessaires au
" puits commun. Il Cette distinction est repoussée par M. Daviel, TI". de la pratiq. des Cours d'eau, nO 908, qui ne voit aucune raison pour la justifier, et qui prétend que, " dans la praIl tique, il a toujours été jugé que tous ceux qui profitaient de
Il l'usage d'un puits devaient contribuer à la réparation, à moins
» qu'ils ne renonc;assent à leur droit.- Bouvot (tom. 2, VO S er" l'itude, quest. 3), ajoute-t-il, cite un arrêt du parlement de
Il Dijon, de 1567, qui l'avait ainsi décidé pour la margelle du
» puits, et je l'ai vu aussi juger par un arrêt de ia Cour de
" Rouen, du 4 février 1828. "Nonobstant ces autorités, l'opinion de Toullier nous paraît plus conforme aux principes d'a-
�192
TItAlTÉ
le propriétaire les fasse puiser pour son servIce.
près lesquels le créancier d'une servitude ne peut être contraint
à faire des réparations, pour en jouir, si cela ne lui convient pas,
tandis que le communier est obligé de contribuer il l'entretien de
la chose commune, encore qu'il ne s'en serve pas, à moins qu'il
ne renonce définitivement à son droit: seulement le premier ne
pourrait reprendre l'exercice de la servitude sans rembourser
sa part de frais au propriétaire du puits qui l'aurait réparé et remis en état de remplir sa destination.
Pour reconnaître si l'usage d'un puits est à titre de copropriété ou de servitude et quelle est, au premier cas, l'étendue
des droits de chaque intéressé, Toullier trace des règles que nous
adoptons complétement. " L'usagc d'un puits à titre de servitude
Il on de communauté, dit-il, loca citato, étant le même, ne
Il suffit pas pour faire connaître et pour caractériser la nature
Il du droit de chacun de ceux qui s'en servent, lorsque les titres
1> ne sont pas représentés. Malheureusement les titres sont souto vent équivoques ou n'existent point. S'ils ne sont point équi" voques, si un titre contradictoire, quelqu'ancien qu'il soit,
Il attribue le puits à l'une des parties ou à ses auteurs, la pos» session la plus longue, la plus continue d'y puiser, n'en peut
Il donner à son adversaire la copropriété 'ou la communauté,
" quoiqu'on puisse acquérir un immeuble par la possession de
Il 30 ans, sans titre et nonobstant les titres de l'ancien proprié" taire; car le propriétaire du puits conserve sa propriété en
" continuant d'y puiser, et son adversaire ne peut acquérir un
» droit de copropriété par des actes qui ne caractérisent point
Il ce droit plutôt qu'un droit de servitude, et qui, d'ailleurs,
Il ne sont point exclusifs. Ces actes ne peuvent dOllc' être considérés que comme de pure tolérance ou de familiarité.
Dans le cas où il n'y a point de titres, s'il est reconnu ou
prouvé que le terrain envirollnant le puits appartient à l'nn
des contendants, la propriété du puits serait censée lui appartenir par droit ,d'accession, et les actes de puisage faits par
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�193
DU DOMAINE l'UI.\LIC.
Chacun est maître d'établir un puits ou uqe
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l'autre et par ses auteurs, seraient également regardés comme
de simple tolérance.
" Cependant si, outre la posJession du puisage, il était prouvé
que celui qui l'invoque en sa faveur a toujours contribué aux
réparations du puits, il devrait être jugé commun; car ce n'est
qu'en qualité de copropriétaire qu'il a pu être obligé d'y contribuer; en recevant sa contribution, l'autre est censé avoir
reconnu son droit .de communauté.
" Si les titres sont équivoques, on a recours à l'interprétation
qui est abandonnée à la sagacité des juges. Ces titres pourraient aussi, ,suivant les circonstances, être considérés comme
un commencement de preuve écrite, et faire admettre la preuve
testimoniale.
" Quant à l'étendue et à l'exercice du droit de chaque copropriétaire sur l'objet resté en communauté, s'il n'est pas réglé
on déterminé par les titres ou par la prescription, on doit
présumer que chacun a les mêmes droits et autant de droit
que les autres. L'înégalité de valeur des héritages, non plus
que le nombre des personnes qui occupent les étages ou les
maisons auxquels le droit de communauté est auaché, n'entre
point en considération pour fixer le plus ou moins d'étendue
du droit de chacun, non plus que la proportion dans laquelle
ils doivent contribuer aux réparations et exigences (Pothier,
Appendice au contrat de société> nO 228).... pour ce dernier
objet> on doit suivre les usages locaux qui ne sont point
abrogés par le Code, à l'égard des choses dont il n'a point
parlé. S'il n'en existe pas, la contribution est réglée en proportion du nombre des étages de la maison ou des maisons
auxquelles le droit de communauté est dû.
" Il ne peut être fait aucun changement aux choses coromunes qtie du consentement de tous les copropriétaires (L. 28,
TOM.
IV.
13
�194.
'l'RAIT!;
terne dans sa propriété, parce qu'en cela il ne fail
" if. comm. dû'id.), ou par l'alItorité de justice en cas de
dissentiment. »
Pour achever ce que nons avons à dire sur la communauté
des puits, il ne nous reste que trois observations à faire.
La première, c'est que bien que le partage des choses indi...
vises so"Ît d'ordre public et puisse toujours être demandé, nonobstant toute conv;ention ou possession contraire, cependant
il y a exception en cas d'indivisibilité de la chose commune,
c'est-à-dire lorsque cette chose, comme un puits, une allée
étroite, un escalier, etc., ne pourrait plus remplir sa destination
si elle était divisée (L. 19, § 1 , if. comm. dil'id.), " il est inoui
» dans la jurisprudence française, dit Toullier, loco citalo, que
» l'on ait forcé à partager ou à liciter ces objets lorsque les
» copropriétaires les ont laissés indivis pour l'usage commun
» des biens qui leur sont échus en partage. »
La deuxième, que les droits de communauté dans le puits dépendant d'une maison, ainsi que dans les autres accessoires analogues d'un immeuble, sont, comme ceux de servitude, attachés
au fonds et non pas dus à la personne: en' sorte que, d'une part,
en cas de mutation de ce fonds, ils passent avec lui au nouveau
propriétaire, quand même ils ne seraient pas mentionnés dans
le contrat, et ne pourraient pas être réservés par le vendeur;
d'autre part, ils sont spécialement attachés à l'immeuble pour
lequel ils ont été établis, et leur usage ne pourrait être exigé
pour des fonds qui y auraient été nouvellement réunis; enfin
ils peuvent être revendiqués par tous ceux qui habitent ou
exploitent le fonds dont ils dépendent, quel que soit le nombre
de ccs personnes, encore qu'il ait augmenté depuis la constitution du droit.
La troisième observation consiste en ce que les modes d'extinction des servitudes sont applicables à la communauté. Il résulte
de là que, par l'abandon de son droit, on peut s'affranchir des
réparations pour l'avenir; mais cette décharge n'est relative qu'à
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
195
qu'user de ce qui lui appartient; mais, relativement
celles provenant de la vétusté et de l'usage simple et légitime de
la chose, et non à celles occasionnées par le fait du renonçant,
ou des personnes dont il répond (Pothier, Appen. au contr. de
Société, nO 229; Bouvot, tom. 1er , partie 2, VO Privés; Ferrière,
sur Paris, art. 211 , nO 2, et Arrêt de la Cour de Rennes du 9
août 1810; -Journal des Arrêts de cette Cour, tom. 1, pag.
371 ).
Si le puits commun était situé à la limite des deux héritages,
et que son orifice se trouvât divisé en deux parties par leur ligne
séparative, l'un des communiers ne pourrait, en renonéant à son
droit, couvrir sa moitié, si par là- il rendait l'usage de l'autre
partie impossible ou trop difficile; il devrait établir sa clôture de
manière à ne point nuire à cet usage, par exemple, en ménageant
une niche de son côté.
.
-INDÉPENDAMMENT des puits ordinaires, où l'eau, soit de
source, soit d'égout des terres voisines qui les alimente, est à une
plus ou moins grande profondeur, il en exlste d'autres jaillissant
au-dessus du sol, et appelés arlésiens, du nom de l'ancienne province de Frànce, où ils étaient le plus anciennement connus.
Ils consistent en un trou pratiqué au moyen d'une sonde dans
la terre, et prolongé jusqu'à la rencontre d'une nappe d'eau rtSserrée entre deux couches de terrains imperméables venant, par
suite de leur inclinaison, apparaître, souvent à de grandes dis'tances, à la surface du sol, où enes reçoi vent les eaux des pl uies,
des lacs, des rivières ou des fleuves; ces puits, véritables siphons
à branches inégales, ont généralement une grande profondeur
et fournissent une eau abondante et intarissable: celui de Grenelle, à Paris, qUl s'élève à 30 mètres au-dessus du sol, au niveau duquel il débite vingt mille hectolitres par 24 heures , a
548 mètres de profondeur. Les expériences faites par MM. Arago
et Walferdin, sur la température de l'eau qui en sort, constatent
que l'accroissement de cette température est d'un degré centi-
�TltAl'nt
à l'emplacement de l'excavation, le propriétaire
grade par 32 mètres de profondeur, ce qui explique la chaleur
de certaines eaux thermales.
Ces sortes de puits formant de véritables sources, le propriétaire qui en a pratiqué un dans son fonds peut, aux termes de
l'art. 641 du Code civil, user de son produit comme il juge convenable, sans pouvoir êtré astreint à le transmettre en tout ou en
partie à ses voisins; mais, d'un autre côté, de pareilles sources
étant entièrcment dues à l'art, ces derniers ne sauraiènt être tenus
de donner passage à l'eau qu'elles débitent, puisque l'art. '640
n'impose cette charge aux fonds inférieurs qu'autant qu'il s'agit
d'eaux découlant naturellement des héritages plus élevés, et sans
que la main de l'homme y ait contribué. C'est ce qu'a jugé, le 8
janvier 1834 (Sirer, 34-1-169), la Cour de cassation, dans une
espèce où le propriétaire d'une cave envoyait l'eau qui s'yamassait sur la voie publique, d'où elle se répandait sur les fonds
voisins; aussi, lors de la discussion du projet de loi sur les cours
d'eaux présenté en 1835 à la chambre des députés, la cQmmission,
dans la vue de favoriser l'agriculture et l'industrie, proposait-elle, à
l'exemple de ce qui a lieu en Italie, d'après une loi du 20 avril
1804, rapportée par Romagnosi (Della condottadelle aque, part.
1re, liv. 1, § 16, et liv. 2, § 5), de contraindre les voisins à recevoir, moyennant indemnité, les eaux souterraines amenées à la
surface d'un fonds par son propriétaire.
Dans certaines localités, on se sert de puits forés jusqu'à une
lIappe d'eau inférieure à celle qui alimente les puits ordinaires,
mais non jaillissante, pour absorber les eaux sales ou infectes
sortant des manufacturcs, telles que féculeries, brasseries, etc. A
l'hôpital de Bicêtre, près Paris, dont la population n'est pas moinllre de 4 à 5 mille ames, un semblable puits, creusé à 15 mètres
au-dessous des sources des puits voisins, reçoit depuis 1790 les
immondices et les eaux dc toute nature de cet établissement, sans
qu.e l'on en ait reCOlJnU le plus léger inconvénient. Vers 1835,
lcs adjudicataires de la voirie de Bomly, pour se débarrasser dcs
�DU DOMAINE PUBLIC.
197
doit se conformer au vœu dc l'article 674 du Code,
qui ohlige à laisser la distance prescrite par les réglements ct usages particuliers, et à faire les contremurs et ouvrages de protection jugés nécessaires
pour ne pas nuire à son voisin (a) .
. Nous avons souvent dit que l'eau courante n'apeaux qui l'inondaieut, ayan.t fait forer à proximité un puits de
64 mètres de profondeur, perdant près de 200 mètres cubes
d'eau par 24 heures, le préfet de police fut effrayé des conséquences fâcheuses que pouvait avoir uIIe pareille masse de liquide infecte sur la salubrité des sources inférieures, et, après
aVoir fait fermer le puits, renvo.ra l'examen de l'affaire au Conseil de salubrité, qui commit plusieurs de ses membres pour l'examiner avec attention. Du rapport que Parent-DucMtelet rédigea
en son nom, et qui forme le g e Mémoire de son Traité d'hygiène
publique (tom. 1er , pag. 510 à 549), il résulte qu'en {ait la
quantité de liquide en putréfaction versée même dans la première
nappe d'eau, ne gâterait les puits que dans un rayon de quelques centaines de mètres; mais qu'introduite dans la deuxième,
elle ne peut en aucune manière altérer leur pureté non plus
que celle des puits jaillissants tirant leur eau d'une nappe de
beaucoup inférieure, et qu'en droit aucune disposition de notre
législation actuelle ne saurait mettre obstacle à l'emploi de ce
mode si puissant et si avantageux de desséchement.
(a) A moins de,réglements spéciaux dont nous ne connaissons
aucun exemple, les dispositions de l'art. 674 du Cod. civ., ainsi
que des coutumes et usages, relatives à la distance des lieux d'aisances ou des cloaques des propriétés voisines, et aux travaux
de protection et d'isolement, ne seraient point applicables aux
citernes qui ne contiennent que de l'eau pure, et qui, par leur
mode de construction, ne donnent lieu à aucune infiltration (Merlin, Rép., 1)0 Cloaque; Daviel, Tr. de la prat. des Cours d'eau,
na 875).
�198
TRAITÉ
partient à personne; il n'en est pas de même de
celle des puits et des citernes: elle est l'objet d'un
véritable droit de propriété, puisqu'eUe n'a été amas.sée que par les soins du propriétaire agissant dans
son intérêt propre, et qu'il la retient dans. sa possession sans qu'eUe puisse lui échapper.
Il résulte de là que personne ne peut avoir le
droit de puiser de l'eau dans le puits ou la citerne d'un autre, sans le consentement du propriétaire.
On doit néânmoins excepter les cas d'incendie,
dans lesquels, pour parer-au sinistre, il f1\ut hien
prendre l'eau partout où elle se trouve.'Les intérêts. et les besoins del'humanité sont alors trop audessus des règles étroites du droit privé, pour qu'on
doive, par un respect ou tré de celui de pl'Opriété,
s'abstenir de prendre un élément que -la nature
elle-même a destiné à éteindre l'incendie (a).
1341.. V.ÉGOUT estle canal ou conduit par où
l'on fait couler les ordures et eaux sales, pour
les envoyer dans le courant d'une rivière ou autre
lieu écarté des habitations: Cloaca est locus cavus per quem colluvles quaedamfluat; cloacae
appellatione et tuhus etfistula continetur (1).
La règle générale est que les habitants des lieux
quelconques peuvent faire dériver dans les rues pu(a) Le
même la
pénal, et
(1) L,
refus de fournir de l'eau en pareil cas constituerait
contravention prévue par l'art. 475, nO 12 du Code
punie d'une amende de 6 à 10 f. -Voy, infr., nO 1391.
1, §§ 4 et 6, fi. de Cloacis, lib. 43, tit. 23.
�, DU _DOMAINE PUBUC.
199
})liques, soit les eaux pluviales tombant des cou·
verts (art. 68 l , C. ci\'.), soit les eaux ménagères
qui découlen t de l'intérieur des maisons (a). Mais
comme il arrive souvent dans les villes et les
grandes communes que les rues n'ont pas une pente
uniforme et continue qui facilite l'écoulement des
eaux, on est alors forcé de pratiquer des canaux
souterrains soit par-dessous les murs d'enceinte,
soit par-dessous les maisons de quelques quartiers
de la ville; et c'est là ce qu'on appelle égouts
publics (b).
(a) Voy. suprà, tom. 2, pag. 437 à 441.
(h) EGOUT, en latin CLOACA, de cluo, clueo ou conluo, purger,
nettoyer; CLOAQUE, substantif masculin lorsqu'il s'applique au
lieu destiné à recevoir les immondices, et féminin quand il désigne le conduit voûté par où s'écoulent les eaux et les ordures
d'une ville.'
Denis d'Halicarnasse et Tite-Live (1 , 38) nous app~ennent
que Tarquin-l'Anden fut le premier qui commença à faire des
canaux sous la ville de Rome, pour en conduire les immondices
dans lè Tibre; le principal égout avec lequel les autres communiquaient, cloaca maxima, fut construit par Tarquin-le-Superbe (Tit.-Liv., 1, 56); le plus beau était dû à Agrippa, gendre d'Auguste, qui, pendant son édilité, le fit établir à ses frais
(PHn., 33,15 ): Ils étaient placés sous la protection d'une divinité spéciale appelée Cl~acine (saint Augustin, Cité de Dieu,
tif.'. 4, ch. 23). Ces conduits souterrains qui se ramifiaient sous
toute l'étendue de la ville étaient voûtés. Leur hauteur et le1.!r
largeur présentaient de telles dimensions qu'on pouvait y faire
passer un chariot chargé de foin, vehes fœni largè onusta, et
y conduire des barques; ils étaient arrosés d'une eau continuelle
qui empêchait les ordures d'y séjourner. Pline les appelle operum omnium dictu maximum 1 suffissis montibus, atque urhe
�200
1342.
TRAITÉ
La propreté et la salubrité dépen'dant
pensili, suhterque navigatil (36, 13). Tite-Live n'en fait pas
un moins bel éloge en ces termes: Receptaculum omnium purgamentorum urhis suh terril agendum curavit; cui operi vix
nopa n(ec magnificentia, quidquam adœquare potest. Cassiodore,
préfet du prétoire sous Théodoric, roi des Goths vers 470, assure
qu'on ne pouvait les considérer sans en être émerveillé (Variarl!m, lih. 3, cap. 30 j lih. 5, cap. 30, et lih. 8, cap. 211). On y
avait pratiqué dans les rues, à certains intervalles, des ouvertures pour recevoir les eaux et les immondices qui y étaient
amenées par des ouvriers chargés du balayage (Horat., sato 2, 3,
242; Plin. ,ep. 10, 41). La pente du terrain et l'abondance
des eaux leur rendaient ce travaÎl plus facile (Pline, 36, 15).
L'utilité de semblables établissements se concevra facilement
dans une ville aussi étendue et aussi populeuse que Rome, et
sous le ciel de l'Italie, lorsqu'on saura que, de même que dans
la plupart des villes actuelles du midi de la France, à Marseille,
par exemple, il n'existait pas de latrines dans les maisons particulières.
Dans l'origine, les égouts suivaicnt la direction des rues, per
puhlicum ductœ; mais après l'incendie de Rome par les Gaulois,
les maisons ayant été rétablies sur un autre alignement, elles se
tromèrent la plupart sur les voûtes mêmes (Tit.-Liv., 5, 55).
Pendant la république, les censeurs avaient l'inspection des
égouts j mais, sous les empereurs, ce soin fut confié aux Ediles
qui nommaient à cet effet des officiers appelés Cllra!ores cloacarum; ces constructions étaient entretenues au moyen d'une taxe
nommée cloacarùtm, dont parle Ulpien. Il était défendu, sous
les peines les plus sévères, de se livrer à des violences envers les
ouvriers chargés de les réparer et de les entretenir, ni de les gê.
ner dans leurs travaux, parce que, dit ce jurisconsulte: Utrumque et ad saluhritatem cipitatum et ad tutelam pertinet, nam et
cœlum pestilens et ruinas minantur immunditiœ cloacarum. Par
le même motif, les particuliers ne pouvaient s'emparer de l'eau
�DU DOMAINE PUBLIC.
201"
essentiellement de l'existence de ces sortes d'ûuqui refluait des réservoirs publics.... : Caducam neminem 'Vola
aquam, porte un rescript adressé au conservateur des aqueducs
de Rome, ducere, nisi qui meo beneficio aut priorum principum
habent, nam necesse est ex castellis aliquam partem' aquœ
ejJluere, cum hoc pertmeat non salum ad urbis nostrœ salubritatem, sed etiam ad utilitatem cloacarum abluendarum; et Frontin (de aquœduct. urbis Ramœ, nOS 105, 110 et 111), nous
apprend que ces co.ncessions d'eaux superflues n'étaient accordées
que très-difficilement: Impetrantur auterl! et hœ aquœ quœ caducœ 'Vocantur, id est quœ aut ex castellis ejJluunt, aut ex manationibus fistularum, qllod beneficium a principibus parcissimè
tribui solitum. Les concessions n'étaient même jamais que personnelles: Jus impetratœ aquœ, continue le même auteur, neque hœredem, neque emptorem, neque norllm dominum prœdiorum sequitur.
Sous Trajan et Nerva, les soins donnés aux cloaques n'étaient
pas llloins.grands, comme nous le voyons encore dans l'ouvrage
de Frontin: Ne prœtereuntes quidem aquœ otiosœ sunt, nam
immllnditiarum facies et impurior spiritus et causœ grarioris
cœli, quibus apud 'Veteres, urbis infamis aer fuit, s'unt remotœ;
mais, plus tard, les Barbares ayant saccagé la ville, les égouts
furent négligés ou détruits, et il en résulta des maladies qui décimèrent la population. Ce fut principalement pendant la résidence des papes à Avignon que le mal fut porté à son comble:
en peu de temps, le nombre des habitants se trouva réduit à
30,000. Léon X s'occupa avec activité de rémédier à ce fâcheux état de choses, en faisant construire de nouveaux égouts
et réparer les anciens: aussi à la fin de son pontificat, Rome
tomptait 80,000 ames.
Dans toutes les grandes villes modernes on a senti dès longtemps le besoin d'établir des moyens de décharge pour les eaux
pluviales des places et rues, ainsi que pour les immondices qu'elles
entraînent. C'est à Hugnes Aubriot, prévôt des marchands, et in-
�202
'l'J\AITÉ
vrage, ils ont toujours été soumis à dès réglements
tendant des finances sous Charles V, mort en 1382 à Dijon, dont
il avait en 1364 administré la mairie par ordre du duc de Bourgogne, qu'est dû le premier égout voûté de Paris, lequel descend
dU: quartier Montmartre au ruisseau de Menilmontant (Ântiquités de Par.is, par SauvaI, tom. 1 er , pag. 248 et suiv.). Depuis, il en a été établi Ull grand nombre parmi lesquels on doit
distinguer, à raison de sa solidité, de ses vastes dimensions et du
luxe de sa construction, celui de la rue de Rivoli. A la fin de
l'année 1836, Paris en possédait 70,708 mètres, dont plusieurs
renferment en même temps les tuyaux destinés à la conduite des
eaux des fontaines et du gaz.
Des villes de moindre importance ont imité l'exemple de la
capitale. La patrie de Hugues Aubriot, Dijon, qui ne possédait
aucun égout, car on ne peut appeler de ce nom un torrent qui
. traverse, sur une longueur de 1305 mètres, ses murs, partie
sous des voûtes, et partie à découvert, a profité de l'établissement
de ses fontaines publiques pour faire construire 5361 mètres d'égouts qui, partant du centre, rayonnent vers scs six portes, en circulan(sous les principales rues. Cet aqueduc, commencé en mars
1840, a 1 mètr. 75 cent. de hauteur sous la clef de la voûte, sur
90 centim. de largeur; il est pavé en cuvette; et une de ses parois est garnie de consoles en pierres sur lesquelles reposent les
tuyaux de distribution des eaux. Quoique construit avec d'excellents matériaux et de la chaux hydraulique, il ne revient pas
il plus de 40 fr. le mètre courant, les fouilles comprises.
En Angleterre, et particulièrement à Londres, les égouts sont
très-multipliés et ne servent pas seulement à assainir la voie publique, ils reçoivent aussi les eaux sâles et même les matières
provenant des lieux d'aisances de chaque maison. A cet effet ils
sont toujours construits au-dessous du niveau de leur étage inférieur dans lequel se trouvent les cuisines, les caves et les lieux de
dépôts divers. C'est dans ce souterrain que se rassemblent les
eaux sâles et impures, pour aller de là s'écouler dans les égouts
�DU D01'liAINE PUBLIC.
203
spéciaux. A Rome il y avait des magistrats parpar des rigoles venant y déboucher à 30 centimètres au moins
de leur radier et dont les cuvettes sont pourvues de diaphragmes
de façon à faire couler les liquides comme dans des siphons, et à
arrêter les exhalaisons désagréables et les rats qui ne manqueraient pas de s'introduire dans les habitations non protégées par
des dispositions de ce genre. Toutes ces eaux, ainsi que celles
de pluies, trouvent un écoulement facile dans les égouts dont
les principaux sont construits sur des dimensions très-grandes
et livrent passage à de véritables cours d'eau. Ce vaste ensemble
de constructions souterraines est une des plus remarquables curiosités de Londres, non qu'il ne puisse être justement ,critiqué
comme se composant de systèmes, is~lés d'abord, et de raccordements faits après coup; mais sous le rapport des constructions,
on ne saurait voir des travaux plus soignés et mieux appropriés
au but qu'ils remplissent ( lettre de l'ingénieur des mines du département du Rha,ne au maire de Lyon, transcrite à la suite du
savant rapport de ce magistrat au conseil municipal sur laàistrihution des eauz dans cette ville. Lyon, 1843, in-4° de 301
pages, pièce nO 15).
Pour de plus amples détails sur les égouts publics, on peut
re~ourir à l'excellent Essai sur les cloaques Olt égouts de la ville
de Paris, envisagés sous le rapport de l'hygiène publique et de la
topographie médicale de cette ville, par Parent_Duchâtelet, in.
séré dans son lfygiène publique, 1836, tom. l or , pag. 156 et
suiv., avec cette épigraphe résumant parfaitement les devoirs
de la magistrature municipale : Ut gubernatori cursus secundus, medico salus, imperatori victoria; sic moderatori reipuhlicœ ( civÎlatis) heata civium vÎla proposita est (Cicéron, de
repuh. , lih. 5).
- Un particulier peut-il acquérir pat prescription le droit de
ver~er ses eaux dans un égout public, de telle sorte que l'autorité municipale n'ait plus la faculté de supprimer l'égout
sans pourvoir à cet écoulement?
M. Daviel, qui se pose cette question (TI'. de la pratiq. des
,
�204
TRAITÉ
ticulièrement préposés à leur entrelÏen : His enzm
cours d'eau J nO 891), établit pour sa solution diverses distinctions.
S'il s'agit d'un aqueduc couvert dans lequel des réglements
de police défendent de pratiquer aucune ouverture ou communication, à moins d'une concession formelle, la prescription ne
pourra être invoqué.e, parce qu'on ne prescrit pas contre une loi
de police.
Si, pour arriver à l'égout, le conduit des eaux de la maison
devait traverser le sol d'une rue ou d'une place publique, comme
la voie publique est imprescriptible, la servitude n'aurait pu
encore s'acquérir sur l'égout, puisque l'espace intermédiaire
n'aurait pu être prescrit; il cite à ce sujet un arrêt de la Cour
de cassation du 13 février 1828 (Sirey, 28-1-253) qui, par
ce motif unique, rejette le pourvoi formé par les m~riés Hect
contre un arrêt de la Cour royale de Colmar du 28 mars 1826,
lequel était allé pIns loin, en disant que « le fossé des orphelins
II (objet du litige) était un aqueduc public destiné temporaireII ment à l'écoulement des eaux des riverains, et qu'à ce titre
II de chose publique, ces mêmes riverains ont bien pu en user
» d'une manière conforme à sa destination; mais que cette chose
Il publique n'a pu être l'objet d'une prescription
; que la
» ville, propriétaire de la rue ou de l'aqueduc, pent à son gré
» en changer la direction et la destination; qu'elle peut aliéner
II ses immeubles .... ; que les particuliers qui ont profité et joui
» de ces rues ou de ces égouts, tant qu'ils avaient cette destina» tion, et qu'à ce titre ils étaient chose publique, n'ont pas dû
» ignorer que ce droit, que cet usage étaient précaires; qu'ils
II étaient subordonnés au fait qu'il continuerait de convenir;l
» la ville, seule propriétaire, de maintenir cette destination;
" qu'ils ont dû s'attendre à ce que la ville, ainsi propriétaire,
usant de la latitude de son droit de propriété, changeât cette
» destination. "
Enfin, cn supposant un héritage riverain d'un égout consacré
,l
�DU DOMAINE PUBLIC.
205
cloacis quae ad pl/blicam curam pertinent,
à recevoir immédiatement les eaux. des propriétés voisines, l'auteur pense que cette destination ne pourrait être changée sans qu'il
fût pourvu par un autre mode d'écoulement ou sans indemnité
pour le propriétaire, obligé à d'autres dispositions pour se débarrasser de ses eaux.
Cette solution n'a point été admise par la Cour de cassation
-dans une espèce où les ri verains d'un égout consistant dans le
lit en partie voûté et même couvert de leurs maisons, d'un bras
de rivière à sec plus de la moitié de l'année, y possédaient nonseulement depuis des siècles des tuyaux de latrines et des écoulements d'eaux ménagères, mais encore prétendaient à la propriété, chacun en droit soi, de ce même lit considéré comme cours
d'eau naturel, en vertu de l'art. 644 du Code civ. Voici cet arrêt
qui est à la date du 24 août 1843 (Sirey, 43-1-824): « Attendu,
» en droit, que l'exception de propriété ne peut arrêter la pour» suite d'un délit ou d'une contravention que dans le cas où le
» droit de propriété, s'il était prouvé, ôterait au fait incriminé
» tout caractère de délit ou de contravention; - et attendu que
» les sieurs Barbier, Guindey, de Chalus et autres intervenants
» éta ient poursuivis pour avoir négligé de se conformer à un arrêté
» du maire de Dijon en date du Il juin 1842, dûment approuvé
» par le préfet du département de la Côte.d'Or, qui ordonllait
» la suppression de tous siéges et tuyatùc de latrines, gargouilles,
ouvertures et ouvrqges destinés au jet, au dépôt ou à l'écoule» ment, dans le bras de la rivière de Suzon qui traverse la ville,
" des eaux, matières et immondices provenant des propriétés
» particulières; - que cet arrêté pris, ainsi que l'énoncent ses
,. motifs, dans un intérétde salubritépublique, et pour détruire
» un cloaque infict d'où s'exhalent des miasmes de nature à
» 'porter atteinte à la salubrité publique, était, sous ce rapport,
» dans les attributions de l'autorité municipale; que dès» lors, en ce qui concernait les mesures de salubrité qu'il pres» cl'ivaÏt, les tribunaux devaient en assurer l'exécution; -
�206
1'UAITÉ
peifecti erant magistratlts singulares; qui CU.;.
RATORES CLO.4CARUM urbis vocantur (Pothier,
qu'en supposant que les sieurs Barbier et autres intervenants
eussent acquis, par titres, prescription ou autrement, des
" droits de propriété ou de servitude sur la partie du caual de
Suzon joignant leurs maisons, cette circonstance ne pouvait
ft pas les dispenser de se conformer à la disposition de l'arrêté
qui défendait de laisser écouler dans le canal des matières
infectes dont les exhalaisons pouvaient compromettre la
salubrité publique; - qu'alors même que les droits de
propriété ou de servitude invoqués par les intervenants
auraient été reconnus, lesdits intervenants n'en devaient pas
moins obéir à l'arrêté dans ce qu'il prescrivait relativement à la salubrité publique; - que dès-lors le tribunal de
police devait statUer au fond sur la contravention, sans s'arrêter à l'exception invoquée, et tirée d'un droit prétendu de
propriété ou de servitude; - qu'en ne le faisant pas, et, au
contraire, en ordonnant, sans distinguer entre les mesUres
de salubrité publique" dont l'exécution ne pouvait pas être
II paralysée, et les autres dispositions de l'arrêté du Il juin
lR42, qui auraient pu affecter le droit de propriété, qu'il
II serait sursis au jugement du fond jusqu'à ce que les sieurs
Barbier et consorts enssent fait statuer par les juges compétents sur la question de propriété, le tribunal de police correctionnelle de Dijon a faussement appliqué l'art. 182 du
Code forestier, et formellement violé l'article 471, na 15 du
Code pénal; - casse le jugement dudit tribunal du 23 mars
1843......
En ordonnant la sl,lppression des lieux d'aisances et autres ouvrages sans· astreindre la ville de Dijon il. payer une indemnité
aux propriétaires, cet arrêt confirme pleinement les principes
que nous avons posés ci.-dessus, tom. 2, pages 444 et 916, et
qui ressortaient déjà impli.citement de deux autres arrêts des 23
juillet 1836 (Sirey, 37-1-245), ct 2 juin 1838, ce dernier
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�DU DOMAINE PUBLIC.
Pandectes, tom. 3, p.
201
nO 9). En France,
:les soins qu'on doit en avoir rentrent généralement dans les attributions des officiers municipaux, chargés de tout ce qui concerne la propreté
des rues.
Dans l'es villes où il n'y a pas de réglements
particnliers sur cette matière, il est naturel d'adopter, autant qne les localités peuvent le permettre,
le régime décrété pour les égouts de Paris, par
un arrêt du Conseil du 22 janvier 1785, qu'on
trouve reproduit dans une ordonnance du 30 sep"tembre 1814, insérée au Bullelin des Lois.
Entre autres dispositions, l'on voit qu'aux termes de l'article 3, lorsque le sol du rez-de-chaussée des maisoDs, cours et jardins, se trouve en
contre-bas de celui de la l'rie, et qu'ainsi il y a
impossibilité reconnue de faire dériver les eaux
intérieures sur la voie publique par la pente naturelle du terrain, il peut être permis au propriétaire
d'établir une communication souterraine entre sa
maison ed'égout le"plus voisin, pour y conduire ses
eaux; mais que, dans tous autres cas, les connnunieations de ce genre sont prohibées Ca).
232,
relatif aussi à un égout de la ville de Chaumont (S., 38-1-
936).
'
Quant aux cloaques ou égouts privés, ce que nous avons dit
ci-dessus, pag. 187, à la note, relativement aux lieux d'aisances , leur est en tous points applicable.
(a) Suivant l'article 6, celte faculté n'est que temporaire et
seulement « jusqu'à l'époque de la reconstruction des mai-
�208
TRAITÉ
On trouve eocote dans cette ordonnal1èe heauconp de dispositions de détail auxquelles nous nous
bornerons à renvoyer le lecteur.
CHAPITRE LIX,
Des sources d'au vive, de leurs diverses espèces, et des droits
des propriétaires de fonds où elles se trouvent et dont elles
sortent.
1343, On entend par eaux vives celles qui se
reproduisent, dans un courant, par un mouvement
naturel et perpétuel, ou au moins habituel, uni ..
quement dû à la nature.
;Le mot source dérive du verbe sourdre" qui signifie sortir de terre ;.il s'applique donc à l'eau vive
qui jaillit au-dessus du sol en se reproduisant toujours, ou au moins hahituellement, ou qui, sans
s'élever à la surface, s'est ouvert un canal souterrain par lequel elle s'écoule.
Toutes les fontaines ont pOUl' cause première
sons en faveur desquelles les permissions auront été accor-·
dées: ce cas de reconstruction arrivant, les propriétaires sen l'ont tenus de relever le sol de leur terrain et d'en faire con- .
li corder le nivellement avec celui de la voie publique;
au
li moyen de
quoi toute communication avec les égouts leùr
n sera interdite, même pour les cuisines, basses-cours, huan,. deries, teintureries et autres établissements qu'ils jugeraient
li à propos de construire dans les souterrains de ces nouvelles
li bâtisses; ils sel'ont, en conséquence, tenus de détruire, à
li lcurs frais, celles qu'il leur avait été permis d'établir.
li
li
li
�DU DmIAINE PUBLIC.
209
les eaux pluviaies qui, s'imbibant dans le sol, vont
se réunir, en. plus ou moins g,'andes masses, dans
des excavations souterraines, d'où leur perpétuelle
mobilité les porte sans cesse à s'échapper par des
rigoles qu'elles se tracent sous terre, jusqu'à ce
qu'enfin elles puissent parvenir à la surface.
Il résulte de là que tOllte source, consistant dans
une reproduction perpétuelle d'eau vive, doit na·
turellement former un ruisseau ou courant plus ou
moins abondant, par lequel elle verse ses eaux vers la
région inférieure.
Au reste peu importe que la source sorte d'une
montagne, ou qu'elle jaillisse dans une plaine;
peu importe que, par ses propres forces, elle s'élève
au-dessus du sol, ou qu'au moyen de quelques
travaux le propriétaire du fonds ait été obligé 'de
l'aider dans son mouvement ascendant; peu importe même que, eu égard à la situation plus ou
moins basse du réservoir, on soit obligé, pour arriver à son niveau, de creuser nn puits, tOlltes
ces circonstances ~ont indifferentes quant à l'application des principes, parce qu'elles ne se rattachent qu'à la disposition accidentelle du terrain;
et, la source remplissant toujours les mêmes fonctions naturelles par la reproduction de ses eaux, on
doit également, dans tous ces cas, la considérer
comme soumise aux mêmes règles.
En fait de sources, comme dans toutes ses
autres productions, la nature varie ses largesses
pour en étendre le bienfait à tons les besoins de
TOM. IV.
�210
TRAITÉ
l'homme. Il Y en a d'eaux douces, d'eaux salées
et d'ea ux hi Lumineuses on minérales de diverses
sOl'tes.
Et, comme l'eau douce et froide' entre dans tous
nos aliments, et sert à ùne infinité d'usages, la nature nous en offre des sources à chaque pas, tandis
que les autres espèces sont plus rares, parce
qu'elles sont d'une utilité moins générale.
Nous diviserons ce chapitre en trois sections,
traitant successivement:
La première, des sources ordinaires;
La seconde, des sources d'eau salée;
Et la troisième, des sources d'eaux miuérales de
-diverses natures.
SECTION
PREMIE~.
Des sources ordinaires d'eau douee.
1344-. Généralement parlant, les droits des
propriétaires de fonds dans lesquels des sources
prennent naissance son t définis et caractérisés par
les articles 641 , 642 et 643 du Code civil, dont
nous allons l'apporter et commenter les dispositions.
ART. 641. cc Celui qui a nne soUrce dans son
» fonds peut en I1ser à vQ.lonté, saufle droit que le
» propriétaire du fonds inférieur pourrait avoir acquis par titre ou par prescription. "
Reprenons les diverses expressions de cet article.
Celui qui a ~ c'est-à·dire qui retient ou qui pas»)
�DU DOMAINE PUBLIC.
211
sède: car le dr~it exclusif que nous pouvons avoir
sur l'eau, considérée en elle-même et par quanti, d'etermmees
. , ou bornees,
'
J ' d'
tes
n ,est qu'un
urOlt usage pour le temps pendant lequel nous nousen servons: en sorte que, sous Ce point de vue, ce n'est
qu'une propriété passagère qui ne dure qu'autant
que. nous retenons la possession de la chose.
Cependant les lois veulent que l'eau jaillissante
soit considérée comme un produitdu fonds, parla
raison que le corps de la source en fait une partie
matérielle: Portio enim agri videtur aqua viva (1); et qu'en conséquence tous les avantages qui
peuvent jusque-là résulter de son usage apparLienA l(e.
] ' hentage.
' .
nent au mmtre
1345. Une source dans-sonfonds : voilà une
indication absolument générale et illimitée; une
indication qui s'étend à tous les cas, sans en exclure aucune espèce; il suffit, d'après ces termes,
que la source soit dans un fonds pour qu'on doive
la considérer comme en faisant partie par l'espace
qu'elle y occupe, et comme appartenant au mahre
de l'héritage, quel qu'il suit,. et quelle que soit la
nature et la qualité de la source.
Ainsi la source qui sort d'un terrain public est
elle·même publique; et celle qui sort d'un terrain
communal appartient à la commune, comme celle
qui jaillit d'un héritage privé appartient au particulier propriétaire de cet héritage.
(1) 1. 11 in princip, if. quod vi ail! clàm, lib. 43, tit. 24.
�212
TRAITÉ
Ainsi, qu'il s'agisse d'une source d'eau douce et
ordinaire, ou d'une source d'eau salée ou d'eau
thermale on minérale, peu importe: elle appartiendra toujours au propriétaire du fonds où elle
vieut jaillir, puisque la loi ne fait li cet égard aucune
distinction.
134.6. Peut en user à sa volonté: ici l'on
voit, à l'égard de la chose, un usage illimité et indéfini, et dans le propriétaire uu libre arbitre de
l'exercice qu'il juge à propos de faire de cet usage;
mais, comme le droit ·de propriété est toujours
borné à la faculté de jouir et disposer de la chose
en se conformant aux lois et aux réglements, il
faut dire que quand il s'agit des sources d'eau salée
ou minérale, le propriétaire reste soumis aux divers réglements qui seront indiqués dans les sec-.
tions suivantes (a).
Ainsi, en ce qui a trait aux sources d'eau douce,
le propriétaire du fonds a, sauf ce qui sera dit ciaprès,la liberté la plus étendue d'en disposer (h). Il
(a) Le droit de disposition absolue conféré par l'art. 641 du
Code civil au propriétaire de la source, ne peut être invoqué
que vis-à-vis des particuliers, mais non contre la société en général, et ne peut paralyser l'effet des mesures réglementaires
ayant trait à l'intérêt public, telles que celles de prévenir les
inondations ou d.e pourvoir à la salubrité du pays. Ainsi, bien
que le maître de la source puisse en perdre les e.1UX, il ne pourrait les répandre de manière à former des marécages insalubres,
ou les employer au rouissage en grand du ch:mvre, ete.
(h) Cette faculté illimitée pour le maître du fonds dans lequel jaillit une source, d'en disposer pour son avantage ou
�DU DOMAINE l'DELle.
213
peut en absorber le produit comme il veut et de la
manière la plus conforme à ses in térêts, puisqu'il ne
Lût alors qu'user de sa chose, sans rien prendre à autrui: Prodesse enim quisque3 dàm aliis non nocet3 nonprohibetlLr~ nec qu~nfqlLam hoc nomine
teneri (1). Il lui est évidemment loisible d'en agir
ainsi, puisque la loi le considère comme tellemen t
m~me pour son simple agrément, était déjà consacrée dans l'ancienne législation, en vertu de la loi 6, cod. de servit. et aqui!.
Dumonlin, dans ses notes sur les conseils d'Alexandre (vol. 5,
cons. 69), dit: Dominum posse suo commodo divertere, vel
retinere aquam, quœ oritur vel labitur in fundo suo in prœjudù:ium vieùli, qui etiam per lempus immemoriale llSltS est ei!dem aqui! in fundum suum lahente. Duval, de rehu$ dubiis
(tract. 8, nO 6) ajoute que le maître du fonds peut non-seulement s'en servir pour lui, mais encore la prêter à un autre,
aqua quœ in meo orla est.. .. , mea est et possum eam cui lihet
alii vicino eommodare. Si Mornac, sur la susdite loi 6, cite un
arrêt du 16 juillet 1605 qui a condamné un particulier pour
avoir détourné l'eau qui s'écoulait de sou fonds sur celui de
son voisin, il faut remarquer qu'il s'agissait d'un ruisseau d'ont
la source n'était pas chez lui. - Auzanet (liv. 2, ehap. 95) et
Bardet (tom. 1 , liv. 1 , ch. 75) rapportent un autre arrêt du 9
juillet 1619 qui a reconnu, de la manière Ill. plus forme]J.e, le
droit de disposition absolue au profit du maître de la source;
- Arrêts semblables du 15 août 1644 ( Henrys, liv. 4, quest.
189), de 1698 du Parlement de Bretagne (Perchambault, des
Servitudes), du 22 aoi.\t 1766 du Parlement de Paris (ane.
Rép.) VO Cours d'eau, nO 1 ). - Cette doctrine est aussi enseignée par tous les auteurs, notamment par Henrys ( loeo eitalo ),
Lapoix de Fréminville (Pratiq. des terriers, tom. 3, ch. 4,
quesi. 40), ainsi que par les jurisconsu!tes qt,'il cite.
(1) L. 1, § 11 , ff. de aqui! et aquœ) lib. 30, tit. 3.
�214
TlW'l'É.-
maître de l'ùsage entier de !ion ruisseau J qu'il n'en
doit rien à personne tant qu'il est sur son héritage. Il peut donc le faire serpenter à volonté SUI'
ses terres pour les fertiliser; il peut lui donner vers
le nord la directlo d.e sanie qu'il avait au midi,
si le maÎlre du fonds inférieur sur lequel il voudrait le faire dériver, ne s'y oppose pas; il peut,
en un mot, en recueillir et amasser les eaux dans
des étangs ou réservoirs à son usage, sans que les
propriétaires inférieurs, qui n'auraient pas <le titre,
soient fondés à se plaindre de la privation par eux
soufferte de tous ces changements, puisque le Code
ne leur suppose aucun droit de résister à ces dispositions, et que déjà la loi ancienne leur défendait
de former aucune entreprise sur le fonds de la
source pour s'y emparer des eaux, à moins qu'ils
n'eussent le consentement du propriétaire: Aquam
quae in alieno loco oritur~ sine vo/untate ejus
ad quem usus ejusdem aquae pertinet ~ praetaris edictum Tian permittit ducere (1).
13~7. Au reste l'importance de la faculté qui
appartient au propriétaire de la source d'en changer ct détournel' le coms est susceptible d'être
hien modifiée et atténuée par la disposiiion des
localités.
Il est possible que la source sorte du bord même
de son hét'itage, et que les eaux tombant immédia·
tement sur le fonds inférieur, le prop"iétaire de
(1) L, 4, cod. dB serrit, et aquâ, lib, 3, tit 34.
�DU DOMAINE l'VIlLIe.
215
celui-ci ne soit point obligé d'en acquérir le cours;
mais si, dans ce cas, le propriétaire de la source
achetait le fonds inférieur, ou si, au contraire, le
propriétaire du fonds inférieur acquérait celui de
la source, l'un ou l'autre pounait, à l'égard des
deux héritages réunis en un seul, user à volonté
du cours d'eau, puisque dans un cas comme dans
l'autre il serait toujours vrai de dire qu'il ne disposerait que d'une chose à lui appartenant.
1348. Il n'en serait pas de même si le propriétaire du fonds inférieur n'avait acquis de celui de
la source que le droit du cours d'eau pour arrosement (a) : alors cet acquéreur aurait bien la faculté
Ca) Pour arrosement: ces expressions qui semblent réduire
les principes exposés dans ~e numéro à l'hypothèse spéciale où
la cession, au lieu de porter sur la totalité du cours d'eau, ne
comprendrait que l'un des avantages qu'il procure, c'est-à-dire
le droit d'irrigation, laissent de l'incertitude sur la solution à
donner dans le cas où le propriétaire de la source aurait, par la
généralité des termes, essayé de transmettre tous les droits qui
lui appartiennent sur le cuurs d'eau. Or n.ous pensons que ces
principes et les développements qui y sont donnés par l'auteur,
sont vrais dans tous les cas, et doivent être appliqués à l'aliénation même la plus complète.
En effet, les droits accordés par l'article 641 du Code civil au
propriétaire du fonds dans lequel naît la source, sont essentiellement attachés il. ce fonds, et ne peuvent être transmis aux. maîtres
d'héritages inférieurs. Le droit absolu du propriétaire cesse aussitôt que les eaux ont quitté sa propriété; ce qui était une fontaine
et un ruisseau privé devient un ruisseau public, et les droits de
tous ceux dont ce ruisseau borde ou traverse les propriétés en
aval, prennent naissance. Le maître de la source ne peut faire
�216
'l'liAlTÉ
de se servir des eaux pOUl' l'irrigation, mais il de.
vrait ensnile les laisser à leur eoul'S naturel, sans
pouvoir en priver les propriétaires inférieurs. La
aucune concession du droit de disposition absolue qui lui appartient sur le ruisseau. La transmission qu'il ferait de ses droits,
dans quelqnes termes qu'elle soit conçue, ne produirait d'autre
effet que de lui enlever la faculté de donner aux eaux une autre
direction à l'issue ou à la limite de sa propriété j mais les eaux
parvenues sur le terrain du concessionnaire seraient régies par
l'article 644 du Code civil, et devraient nécessairement être
transmises aux fonds inférieurs.
Cette hypothèse de concession du seul cours d'eau, même
avec tous ses avantajt€s, diffère essentiellement ùe celle où, par
suite d'acquisition à un titre quelconque, le fonds dans lequel
nalt la source, et celui immédiatement inférieur, se trouvent
réunis dans la même main. Alors, et comme le dit très-bien
M. Proudhon au nO précédent, il n'y a plus qu'une seule propriété par la réunion des deux fonds, et celui qui les possède
jouit des droits attribués par l'article 641, aussi bien sur l'un
que sur l'autre. Cet article, en parlant du fonds dans lequel naît
la source; n'en fixe ni l'étendue ni l'origine j il suffit qu'il n'y
ait qu'un propriétaire; tout ce qui lui appartient dans le même
endroit ne forme qu'un fonds.
Dans l'hypothèse inv.erse, celle où le fonds qui produit la
source viendrait à être divisé par l'effet soit d'un partage, soit
d'une vente, nous pensons que le propriétaire de la partie dans
laquelle l'eau jaillirait de terre, aurait seul, par rapport aux
héritages inférieurs, autres toutefois que' ceux provenant du
partage ou de la vente, le droit absolu de disposition conféré
par l'article 641 du Code civil, et que les autres copartageants
ou acquéreurs seraient soumis aux obligations imposées par l'article 644 aux propriétaires de fonds simplement bordés ou traversés par un cours: d'eau, parce que les portions détachées
�DU DOMAINE PUBLIC.
217
raison cn est que le propriétaire de la source,
n'ayant plus aucun droit sur les eaux dès qu'elles
sont sorties de son fonds, n'a pu céder à un autre
celui d'en disposer pOUl' le temps où elles seraient
parvenuesdans cette position; et qu'en con~équence
la concession par lui faile au propriétaire inférieur
n'a d'aulre effet que de lui interdire à lüi·même
la faculté de détourner le ruisseau, ou de sc servir
des eaux au préjudice du cessionnaire, suivallt les
termes de ]a conven tion.
Il peut arriver aussi que le ruisseau se trouvant
dans le fond d'un ravin ou encaissé dans des rochers, il soit impossible atl'propriétaire de la source
d'en détourner Je cours; dans ce cas encore les
possesseurs d'héritages inférieurs n'auront besoin'
d'obtenir aucun titre pour s'assurer la jouissance
absolue et définitive des eaux, ni d'invoquer à cet
égard le secours de la prescription, puisque la nature aura tout fait ponr eux.
1349. Déjà la loi romaine, qui, dans presque
toutes les matières, est le type primordial de notre
du fonds où nait la source, deviennent, par le partage ou la
vehte, des fonds distincts et différents de celui où jaillit l'eau.
Nous disons par l'apport aux héritages inférieurs autres toutefois que ceux pro~enant du partage ou de la 'Vente, parce que,
relativement à ces derniers, il Y aurait destination du père de
famille conférant aux propriétaires qui les posséderaient un droit
de servitude sur le cours d'e:lU, ayant pour effet, comme on l'a
dit plus haut, d'empêcher le propriétaire de la source d'en changer
~e cours à leur préjuclice.
�218
TUAlTÉ
législaLion, con tenait une disposition :semblable à
celle de l'art. 641 du Code, en la motivant sur ce
qu'il y aurait trop de dureté et même une sorte de
cruauté à condamner à la stérilité le fonds même
qui produit la source, en la lui refusant complétement pour en porter le bénéfice SUI' les autres:
.Praeses provinciae usu aquae quam ex jônte
juris tui prcifluere allegas ~ contra statutam
consuetudinis formam carere te non permittet;
càm sit durum et crudefitati proximum ~ ex
luis praediis aquae agmen ortum.J sitientibus
agris tuis ~ ad aliorum usum vicinorum injurid
propagari (1). Mais il faut bien remarquer que
dans celte loi, ainsi que dans l'article de notre
Code, il n'est question que de l'usage des eaux de
la source, et que, quelqu'illimitée que soit à cet
égard la faculté du propriétaire du fonds, ce n'est
toujours qu'un droit de cette nature qu'il peut
exercer, c'est-à-dire un droit ùont il peut jouir
ùans toute son étendue pOllr lui-même et pour
son utilité propre, mais dont il ne peut pas abuser
in perniciem rei; parce que le droit d'usage comportaut essentiellement l'obligation de conserver
Ja chose, on ne conçoit pas commen t il serait permis à l'usager de la détruire sans utilité pour luimeme.
Delà on doit, selon nous, til'er la conséquence
que le propriétaire du fonds de la sonrce ne pour.
.
(1) L. 6, cod. de seNJitutibus et aqua> lib. 3, tit. 34.
�DU DOlVL\INR PUllLIC.
219
rait, sans un motif d'utilité réelle et bien reconnue pour lui-même, la combler ou en changer le
ruisseau, pour en perdre les eaux dans un entonnoil' sOllterrain , au préjudice des propriéta.ircs inférieurs auxquels elles pourraient être utiles, et à
l'avantage desquels elles étaient précédemmen~
employées (a).
1350. En effet, l'eau courante est un don offert
par la nature pOUl' l'utilité générale de ceux qui se
, d' en pro fi ter, et c'est
l 'a une ve,
trouvent a, portee
rité que la raison civile doit toujours respecter:
Quia cirilis ratio naturaLia jura corrumpere
non potest. (1), Ainsi, quoique le fonds supérieur
où est la source ne doive rien aux hérilages infé~
rieurs, et que le propriétaire de ce fonds puisse,
pou l', son usage le plus largemen t exercé, absorber
(a) Quoique le propriétaire d'un fonds puisse, en y creusant,
couper les veilles du puits de son voisin, il ne serait cependant
pas il l'abri de toute action en réparation, si au liel1 d'agir dans
un intérêt véritable il avait voulu seulement nuire à ce voisin;
voyez à cet égard, injrà J nO 1546.
Le propriétaire d~ la source pourrait encore moins étouffer
la source, si en la comblant il la faisait refluer souterrainement
d'une manière dommageable chez scs voisins; par exemple, s'il
inondait leurs caves ou rendait leurs terrains marécageux. On
peut sans doute, par suite de l'exercice de son droit de propriété, priverquc1qu'un d'un avantage qu'on ne s'est point-engagé à lui procurer ou à lui maintenir, mais on ne peut jamais
lui causer un dommage même pour lequel on ne lui aurait point
promis de garantie.
(1) L. 8, ff. de capit.
minl/l.
J
lib. 4, tit. 5.
�220
'l'HAITE
en partie, ou même en totalité, les eaux de la fontaine, si ses besoins s'étendent jusque là, cependant
les propriétaires inférieurs sur\lesquels les eaux se
portent par leur pente naturelle ont déjà une juste
espérance d'en pl'Ofiter, ct de recueillir au moins
le superflu non employé d'une manière utile par
l'autre; et cette espérance est d'autant plus légitime et liait d'autant mieux être respectée, que les
fonds inférieurs étant assujettis à recevoir ces
mêmes eaux quand elles leur sont nuisibles, l'éq uité demande qu'ils puissent aussi en profiter
quand elles présèntent des a~antages.
De ce qu'une chose nous appartient, il n'en résulte pas, comme conséquence nécessaire, que
nous puissions la détruire quand elle peut. être utile
à d'antres Ca). On ne pourrait mettre le feu à sa
moisson, ui même coupel' ses blés en herbe, on
faire ses récoltes d'une manière prématurée, sans
se rendre coupable envers la société: Si olivam
immaturam decerpserit,vel segetem desecuerit
immaturam -' veZ vineas crudas, aquiZid tenehitur (1); à pl us forte raison tau t abus semblable
doit-il être défendu à celui qui n'est qu'usager d'Lln
(~Iément comme l'eau, que la nature a destiné à satisfaire an besoin de tous.
1351. Enfin c'est et ce sera toujours en morale
•
»
l>
(a) « L'abus des choses qui nous appartiennent, dit Toullier,
tom. 3, nO 86, peut être impuni, mais il n'est jamais permis. Les lois et la police répriment ces abus en plusieurs cas.
(1) L. 27, § 25, de Lege aguilid) lib. 9, tit. 2 .
�DU JJOML\INE PUl;UC.
221
'une règle immuable que la justice ne doit jalUais
se montrer indulgeute quand il s'agit de réprimer
les effets de la malignité ou du mépris qu'un
homme peut affecter pour les autres (a) : Neque
malitiis indulgendum est (1); en conséquence
celui qui, comme dans le cas qui nous occupe,
snpprime, par affectation et sans intérêt ponr lui,
mêmeou pourautrui J unesource ou un cours d'eau,
pour empêcher que les propriétaires inférieurs n'en
profitent, se rend nécessairement coupable d'un
fait illicite, et peut être attaqué de la part de ceux
qui eu souffrent, ne fût-ce que par l'action de dol
inventée par le préteur pour les cas où tonte autre
action directe manque: Quae dolo ~alo facta
esse dicentur~ si de his rebus alia actio non
erit ~ et justa pausa esse videbitur~ judicium
daho (2).
1352. Mais, dès que les droits du propriétaire
d'une source ne s'étendent pas jusqu'à lui donner
la faculté cle.l'anéantir d'une manière purement
dommageable, à plus forte raison doit-on décider qu'il ne peut lui être permis d'en corrompre
les eaux: car c'est là une action qui a toujours
été regaïdée comme criminelle: Fit injuria con(a) Le précepte:
Ne facias alà's quœ tu, tihifacta, dolcres;
n'est pas moins une règle de droit qu'un principe dé religion
et de morale.
(1) 1. 38, ff. de rei vindic., lib. 6, tit. 1.
(2) 1. 1, § 1 , ff. de dolo malo, lib. 4, tit. 3.
�222
TItAlTE
tra bonos mores: veluti si quis jimo corrupto
aliquem peifuderit" caeno" luto oblinuerit,
aquas spurcaYer~t,jistulas" lacus, aliudye étliquid ad injuriam publicam contaminaverit, in
quos graviter animadverti solet (1). Et nos régIements d'administration publique prescrivent des
formalités ct des mesures scrupuleuses, même pour
l'établissement des manufactures ou ateliers dont
les eaux qui s'en écoulent peuvent incommoder le
voisinage par des odeurs insalubres (2).
En un mot, si les propriétaires des fonds inférieurs sont obligés de supporter la servitude de l'écoulement des eaux dérivant de la région supéricure"ce n'est qu'autant qu'elles leur parviennent
telles qu'elles sont produites par la nature, puisque
cette charge ne pèse sur eux que comme servitude naturelle: ils ne sont donc point tenus de les recevoir
lorsqu'elles ont été, d'uue manière dommageable
pour enx, corrompues par la main de l'homme: 8i
tamen aquam conriyat, vel si spurcam quis immittat, posseeum impediri plerisqueplacuit(3).
1353. A cet égard il faut encore observer que
si c'est comlliunément un avantage pour les fonds
inférieurs de recevoir l'eau d'un ruisseau quand elle
(1) L. l , § l , ff. de extraordinariis criminihus J lib. 47, tit.
11 ; idem L, 12, tit. 36. lib. 12, cod. de re militari.
(2) Voy. le décret du 15 octobre 1810, ainsi que les nombreuses ordonnances royales subséquentes.
(3) L. 3, ff. deaqllâetaq.p!zw. arcend., lib. 39, tit. 3.Voy. suprà, note a de la page 162, présent tome.
�DU DOMAINE PUBLIC,
223
est saine, parce qu'elle peut servir à les fertiliser
par le moyen de l'irrigation, il Y aussi des cas où
elle leur nuit en les rendant marécageux, ou en leur
portant quelqu'autre préjudice: alors revient la
règle établie par l'article 640, qui n'assujettit les
fonds inférieurs à recevoir les eaux dérivant des
fonds supérieurs qu'en tant qu'elles en découlent
naturellement, et sans que la main ,de l'homme
contribue à leur direction: d'où ill'ésulte qu'alors
il ne serait plus permis de diriger le cours du ruisseau, au préjudice du fonds inférieur, et que le
propriétaire de la sou l'ce serait lui-même obligé de
le laisser suivre sa pente naturelle, ou de le ramener à la sortie d'e son hélüage, au poi nt de passage
où les eaux s'étaient tracé lcur issue lorsqu'elles
étaient abandonnées à ellcs-mêmes; le propriétaire
du fonds inférieur serait en droit de réclamer pour
faire rétablir les choses dans leur état primitif, et
d'exiger tous dommages.i ntérêls com pétents con tre
le propriétaire de la sourcc. En conséquence il
pourrait agir, soit par action civile devant le tri·
bunal d'arrondissement, soit par dénonciation en
police correctionnelle, en vertu de l'article 15 du
titre 2 du Code rural, portant que « personne ne
» pourra inonder l'héritage de son voisin" ni lui
» transmettre volontairement ses eaux d'une ma» nière nuisible, sous peine de payCl' le dommage,
» et une amende qui ne pourra excéder la somme
» du dédommagement. »
1354. Cette décision devrait êtl'e admise même
�224-
l'JlAlTÉ
dans le cas où l'eau serait utile au fonds immédiatement inférieur à celui de la source, si ,après l'avoir traversé, elle devenait nuisible à ceux situés
plus bas, et qu'elle n'aurait pas atteints en la laissant dans son lit naturel, parce qu'il importe peu
qu'un dommage soit immédiatement causé par uu
seul, ou qu'iUe soit par 'le concours de plusieurs;
dans une hypothèse comme dans l'autre; celui qui
le souffre doit également avoir le droit d'en demander le redressement.
En ce cas, sile propriétaire de la source et celui
du fonds immédiatement inférieur s'étaient entendus pour opérer la dérivation du ruisseau, ils devaient être, comme complices, solidairement condamnés aux dommages-intérêts dus au p1'Opriétaire
inférieul'; mais, si la dérivation n'était que l'œuvre
du propriétaire de la source, sans que le voisin immédiat eût fait autre chose que de le souffrir, l'action en dédommagement ne devrait peser que sur
le premier (a).
1355. Salf! le droit que le propriétaire inférieurpeut avoir acquis: est-ce le seul propl'iétaire
du fonds immédiatement inférieur dont il s'agit
ici? Evidemment non, puisque la loi ne l'inrlique
pas d'une manière exclusive, et qu'il suffit d'avoir
(a) Sans doute il devrait en être ainsi dans les rapports respectifs des deux propriétaires supérieurs; mais entre ceux-ci et
le troisième, inférieur, n'y aurait-il pas lieu à appliquer la disposition de la loi 1; § 28, ne quid in loco pub, > rapportée cidessus, nO 1325?
�225
DU DOMAINE PUllLlC.
un fonJs plus bas, à quelque distance que ce SOil,
pour se dire justement propriétaire d\l1l fonds infëriellr.
Lorsqu'il y a des héritages intermédiaires, il ne
suffit pas an maÎlre du fonds le plus éloigné d'avoir pris des arrangements avec celui de la source,
il faut encore qu'il ait réglé avec les propriétail'cs
qui sont immédiatement au-dessous de ce dernicl'
la manière dont les eaux- lui seront pal' eux tl'ansmises; mais c'est là nu objet sur lequel nous reviendrons plus has.
1356. Peut avoir acquis par titre: le- titre
pcut être indifféremment un acte entre-vifs, on
une disposition il cause de mort Ca); il peut résul.
(a) Pourrait-on entendre par titre assurant l'écoulement des
eaux d'une source sur un fonds inférieur soit la permission accordée par un ancien seigneur pour l'établissement d'un moulin
wr ce fonds, soit un réglement fait ou homologué par l'administration entre les propriétaIres inférieurs pour la répartition
eutre eux de l'usage des eaux?
Dans son Traité des servitudes) nOS 93, 94 et 9B, M. Pardessus se prononce pour l'affirmative; mais, avec M, Daviel, Tl'.
de la pratiq. des cours d'eau, nOS 768 et 769, nous n'hésitons
pas à adopter l'avis contraire, parce que ce ne sont Iii que des
autorisations administratives données, sauf le droit des tiers,
seulement en considération ùeYintérêt général et dans les limites
du droit de police apte uniquement à reconnaître si l'établissement pcut ou non nuire à la l'SOciété, mais inefficace pour disposer de la propriété privée. Les anciens seigneurs qui avaient
la police des eanx ne pouvaient pas plus que l'administration actuelle qui leur a succédé sous ce rapport, exproprier d'une
source le maître du fonds d'où elle jaillit, et qui toujours en a
TOM:. IV.
15
�226
TRAITÉ
ter aussi de la destination du père de famille,
comme si, par exemple, le moulin ou le fonds situé plus has avait été acquis du propriétaire de la
source qui se servait des eaux de son ruisseau pour
l'irrigation de son héritage inférieur, ou pour le
roulement de son usine; alors ce serait le cas d'appliquer les art. 692 et 693 du Code, suivant lesquels la destination du père de famille vaut titre en
fait de servitudes continues et apparentes, quand
les fonds proviennent du même propriétaire qui
les avait mis en relation de service l'un avec
l'autre (a).
Il résulte de ce texte d'abord que, tant que le
cours d'eau est encore sur le terrain de la sonrce,
il n'en est civilement rien dû au fO,ods inférieur,
puisqu'il faut que le maître de ce fonds ait un titre
émané du propriétaire de la source pour avoir le
dl'oit de revendiquer contre celui-ci le service des
eaux:.
Il en. résulte, en second lieu, que le propriétaire
de la source, qui peut d'ailleurs en user et disposer à volonté tant que les eaux en sont sur son
été considéré comme le maître absolu. Il en serait autrement si
le seigneur avait eu la propriété foncière et non pas seulement
féodale du tcrrain dans lequel la fontaine prend naissance.
(a) L. 47, ff. de contract. empt.; Basnage, Cont. de Normandie , des servitudes; Duparc-Pou.lain, sur Bretagne, article 292, et Principes du Droit, tom. 3, pag. 310. - Arrêts
de la Cour de Bourges du 13 décembre 1825 (Sirey, 26-2-222),
et de celle de Pau du 28 mai 1831 (S., ~1-2-201 ).
�DU DOMAINE PUIlLIC.
22'1
terrain, ainsi qu'on l'a déjà dit plus haut, peut
aussi donnel' au ruisseau telle direction qu'il lui
plaît, même en l'écartant de son cours naturel,
ponr en faire la concession, soit à titre onéreux,
soit à titre gratuit, au profit d'un voisin sur lequel il ne passait pas auparavant, et à qui il serait utile. Cette décision est inéontestahle, puisque
le propriétaire du fonds inférieur, n'ayant aucun
droit aux eaux tant qu'il est sans titre, ne serait
pas recevable à contester la concession faite à un
autre.
Mais sile fonds, pOUl' l'utilité duquel on consent
à faire la dérivation de l'eau, n'était pas immédia~
tement contigu à celui de la source, il faudrait ob~
tenir encore le droit d'aqueduc à travers le fonds
ou les fonds in termédiaires; et ce droit pourrait
être acquis par la prescription, si la jouissance en
était établie par llD aqueduc pratiqué à découvert,
on an moins rendu suffisamment visible par des regards, parce qu'il porterait alors sur une set'V.itude
continue et apparente (art. 688 ct 690 C. civ.).
135'1. Au reste le titre de la concession faite
entre les propriétaires peut avoir deux objets trèsdistincts, et qu'il faut bien remarquer: l'un, de
fixer invariablement le point où le ruisseau doit ou
devra sonir du terrain de la solHce, sans que le
propriétaire de ce terrain puisse à l'avenir lui donner une autre direction; le second, d'interdire
ail ma1tre de la source tout usage de l'eau pour
l'~rrigation de son fonds ou autre ~ervice, ou de ré-
�2tS
TRAITj~'
gler les prises qu'il pourra en faife sans abus, pour
ne pas causer trop de déperdition dans la masse du
liquide, au préjudice de l'usine ou du fonds inférieur.
1358. Ou par prescription: la prescription
comporte aussi une véritable aliénation, après laquelle, comme après un acte de concession expresse, le propfiétaire de la source ne peut plus rien
changer dans la direction du ruisseau {Jar où les
eaux s'écoulent de son terrain.
Avant que le propriétaire de l'héritage inférieur
eût acquis le droit de cours d'eau, il n'y avait que
son fonds qui fût assujetti à la servitude naturelle
de recevoir le ruisseau dérivant du terrain supérieur; mais une fois que cette acquisition est faite,
la servitude devient réciproque entre les deux, en
sorte que, comme le fonds inférieur doit supporter
la chute des eaux qui lui sont envoyées du fonds
supùieur, lors même qu'elles lui deviendraient
plus ou moins uuisibles, de même et réciproquement ces eaux lui sont' dues et doivent lui être
transmises sans obstacle de la part du propriétaire
de la source, nonobstant la pfivation que celui-ci
pourrait eu souffrir.
1359. Mais cette aliénation du cours d'eau, à
quelq ne titre qu'elle soit faite, doit-elle être eonsidérée comme tellement totale et absolue, que le
ma1tre de la source ne conserve plus le droit de se
servir des eaux pour l'irrigation de son propre héritage?
�DU DOMAINE PUBLIC.
229
C'est par les circonstances de fait que celle question doit être décidée.
Il faut d'abord faire une distinction entre le cas
où l'aliénation aurait été consentie pour pourvoir
seulementà l'irrigation dufondsinférieur, et celui
où elle auraIt en lieu pOIll' fournir l'eau au roulement d'une usine.
Dans la première hypothèse on ne pourrait soutenir, sans une preuve hien positive, que le Pl'Opriétaire de la source eût voulu refuser à son propre
fonds un moyen de fertilisation accordé à celui d'un
tiers. On devrait croire au cont raire qu'il n'a entendu céder que le su perflu pOtll" satisfilil'e à des
hesoins qui sont toujours plus ou moins bornés pour
l'un comme pour l'autre.
Mais si l'on se place dans l'hypothèse où le conrs
d'eau aurait été acquis pour servir au roulemen t
d'un moulin, les motifs de décision ne doivent pas
être absolument les mêmes, parce que les besoins
d'une usine ne sont pas restreints, comme ceux
d'un fonds de terre,à l'il'l'igation d uql1el il s'l'git seulement de pourvoir dans ce l'laines saisons de l'année; en conséquence la concession faite en considération de l'utilité du fonds dominant devrait avoir
ici une tout autre étendue que dans le premier
cas: r,'est pourquoi nous pensons qu'il faudrait
alors s'attacher avec un peu plus de sévérité aux
règies suivantes.
1360. Si c'est à titre gratuit que la concession
a été faite, on doit donner à l'acte une interpré-
�230
'l'nAtTÉ
tation plus large en faveur du cédant, qui ne doit
pas être présnmé avoir voulu se dépouiller de tous
les avantages de l'irrigation pour lui-même, à
moins qu'il ne l'ait formellement exprimé. .
Si c'est à titre onéreux, la règle (art. 1602, C.
civ.) veut que l'acte en soit interpl'été contrele
cédant; et si à l'époque ùe sa passation, le propriétaire de la source n'était pas enCOl'e dans 1'11sage de se servir des eaux pour l'irrigation de son
fonds, la chose devant être livrée en l'état où elle
était au moment de la vente (art. 1614, C. civ.),
il ne lui sera plus permis de reprendre ce qu'il avait
aliéné et ce don t il a reçu le prix (a).
Dans le cas où le droit de cours d'eau auraIt été
acquis par prescription, il faudra appliquer la règle
tantùm praescriptum quanlùmpossessum, et dire
que si il est parfaitement prouvé que le propriétaire·
du moulin a eu sur le ruisseau une jouissance tellement exclusive qu'il n'y ait souffert aucune prise
d'eau pour l'irrigation du fonds supérieur, il devra
être maintenu dans le dl'Oit conformément à sa posseSSIOn.
Si cette possession exclusive n'est pas rigoureusement_ établie, le propriétaire du fonds supérieur
aura au contrail'e conservé son droit, pui&qu'il n'est
pas constant qu'il s'en soit laissé dépouiller.
(a) Un autre point à examiner encore avec attention lorsque
l'on interprète un titre relatifaux eaux qui parcourent divers héritages, est de savoir si l'écoulement est constitué à titre de servitude active au profit du fonds supérieur contre celui inférieur,
�DU DOMA.INE l'VIlLie.
231
1361. Mais dans tous les cas où le droit d'irrigation reste au maître Je la source, il doit lui être
interdit d'en abuser au préjudice du propriétaire
inférieur qui en a acquis le ruisseau à quelque titre
que ce soit, surtout quand il s'agit d'un cours d'eau
peu abondant. S'il survient des contestations entre
eux, ils devront s'adresser à la justice ordinaire qui
du reste aura rarement à faire une applicalion rigonreuse des principes ci-dessus, au moyen du
tempérament consigné dans l'article 645, d'apres
lequel on doit, dans les débats qui s'élèvent sur la
jouissance des eaux, concilier toujours autant que
possible l'intérêt de l'agriculture avec le respect
dù à la propriété (a),
ou si, vice versi1, ce n'est pas en faveur de ce dernier que la stipulation /1. été faite. Dans le doute résultant du silence de l'acte
et de l'absence de circonstances de fait, il faudra admettre la
première interprétation, parce que l'on ne doit pas facilemellt
~tre présumé avoir renoncé à un droit de propriété et s'être interdit la faculté de disposer des eaux à son avantage. Pour que
la servitude soit censée réciproque, il faudrait que les deux parties se fussent respectivement imposé l'obligation, l'une de ne
pas détourner l'eau, et l'autre de n'apporter aucun obstacle à
son écoulement.
La concession d'eau, même pOUl' des besoins essentiel/elntnt
personnels, par exemple pour boire, pour laver, pour des bains,
est, à moins de clauses ou de circonstances contraires, réputée
réelle ou attachée au fonds à perpétuité, et lion pas seulement
établie en fa veur des personnes qui occupaient le fonds au moment où elle a été consentie. En fait de servitudes, la;réalité est
le droit commml, la personnalité, l'exception.
Ca) La Cour de cassation a rcaonnll la compétence des tribu-
�232
TRAITÉ
1362. Comme on ne peut pas céder à l'un ce
qu'on adéjàcédéà un autre, sile propriétaire d'uné
source en avait aliéné le ruisseau tout entier au pro. fit du maÙre d'une usine située en aval, ou avait
fait quelques cessiuns de prise d'eau pOUl' l'irrigation
d'héritages inférieurs, il ne pourrait plus change,'
le cours de ce ruisseau, ni y accorder d'autres
prises d'eau au préjudice des premiers acquéreurs,
à.moins que ceux-ci n'y consentissent, ou que le
cours d'ean fût assez abondant pour qu'ils ne dussent ressentir aucune perte par suité de ces nouvelles concessiuns : ln concedendo jure aquae
ducendae., non tantttm eorum in quorum loco
aqua oritur, verttm eorum etiam ad quos ejlls
aquae USllS pertinet., voluntate exquiritur., id
est eorum quihus servitus aquae debebatur; nec
immeri'to: càm enim minuitur juseorum.,consequens fuit exquiri an consentiant; et genera~
liter., sive in corpore, sive in jure loci ubi aqua
oritur, vel in ipstt aqud habeat quis jus J voluntatem ejus esse spectandam placet (1) .
. 1363. Il ne faut pas perdre de vue que le choit
de prise d'eau pour irrigation n'est qu'un droit de
servitude (a), servitus aquae J comme l'appelle
naux civils pour faire un réglement dans ce cas, par deux arrêts
des 10 avril 1821 (Siro/', 21-1-316), et 20 mai 1R28 (S., 281-213). - Voyez également sur le droit qu'ont toujours les
tribunaux de faire un réglement enlre les riverains, un nutre
arrêt de la même Cour du 21 août 1844 (S., 44-1-737).
_ (1) L. 8, ff. de aqui!. et aquœ plulJ. arccnd., lib. 39,. tit. 3.
(a) Par l'arrêt ci.dessus cité du 20 mai 1828, la Cour de
�DU DOMAINE PUBLIC.
233
ce texte ùe la loi romaine, c'est-à-dire un droit
établi à raison des besoins ou pour l'utilité du fonds
inférieur, et qui dès-lors n'est dû qu'à ce fonds exclusivement. De là résultent deux conséquences
importantes:
La première est que, si après avoir acquis du
maître de la source une prise d'eau pour l'irrihation de l'héritage inférieur, le propriétaire de cet
héritage vient à l'augmenter par des acquisitions,
il ne pourra pas exiger une prise d'eau plus considérable que celle qui lui est due à raison du fonds
pour lequel le droit lui aura été primitivement c.oncédé, parce que la servitude doit être bornée aux:
besoins du fonds en faveur duquel seul elle a été
constituée.
La seconde est que, si le fonds créancier vient
ensuite à être partagé, le droit d'irrigation devra
appartenil' à toutes les parties prenantes qui ponrl'ont en revendiquer l'nsage, chacune sur sa portion, parce que la servitude estdue à tout le fonds
et à toutes les parties dn fonds: qu.aecumque servitusjundo debetur, omnibus ejus partibus dehetur, sauf aux copartageants à régler entre eux
la manière dont les rigoles d'irrigation devront traverser la portion ]a plus rapprochée du fonds sn·
périeur, pour distribuer les eaux sur les porlions
cassation a formellement reconnu que le droit acquis par prescription de prendre les eaux d'une source pour j'irrigation n'était pas uI! droit de propriété, mais seulemcnt de servitude, de
quelque manière qu'on ell ait usé.
�23<i-
TRAITÉ
plus éloignées: tamen opus est ut hi qui non
pro:âmas partes servienti fimdo hahebunt,
transitum per reliquas partes fundi divisi jure
habeant; aut si proximi patiantur, transeant (1).
136<i-.. Enfin si c'est le fonds d'où sort la source
qui est pa1'lagé entre les copropriétaires qui le pos~
sédaient indivisément, celui d'entre eux qui aura
dans son lot le lieu de la source devra supportêr à
cet égard la charge de toute servitude qui aurait été
précédemment établie au pl'Ofit des fonds inférieurs; et ses copartageants devront, de leur côté,
souffrir le passage des eaux si leurs lots se trouvent
situés entre le point d'émergence de la source et
les héritages auxquels la servitude est due.
A l'égard des coparta~eants considérés les uns
envers les autres, s'ils ont eu soin de régler, par
l'acte de partage, leur participation respective aux:
eaux de la source pour l'avenir, le réglement qu'ils
auront fait sera la loi qu'ils devront observer entre
eux.
S'ils n'ont rien stipulé à ce sujet, la sonrce sera,
comme le point d'où elle sort, exclusivement acquise au lot de sa situation, et le propriétaire de
cc lot pourra en user à sa volonté comme en étant
le seul maître.
•
Néanmoins, s'il y avait eu des rigoles tracées,
ou une direction quelconque donnée au I~uisseau
(1) L. 23, § 3, If. servit. prœd. rltstic., lib. 8, tit. 3.
�IlU DOMAINE l'UI\LlC. .
235
pour arroser les diverses parties du fonds lorsqu'il
était encore entier et indivis, ou pour en conduire
les eaux dans un réservoir ou dans un étang situés
daus un autre lot, 'et qu'on eùt divisé le fonds en
laissant ces rigoles d'irrigation, ou cette direction
du ruisseau, alors, comme ce seraien t là des signes
apparents de servitude, en devrait dire qu'il y a eu,
en vertu du partage même, constitution de servi~
tilde par destination du père de famille, conformément aux dispositions des articles 69'l., 693 et 694
ùu Cod; civil.
1365. ART. 642. « La prescription, dans ce
" cas, ne peut s'acquérir que par une jouissance
» non interrompue pendant Ilespace de trente an» nées, à compter du momen t où le propriétaire
» du fonds inférieur a fait et terminé des ouvrages
» apparents destinés à faciliter la chute et le cours
» de l'eau dans sa propriété. "
La prescription, dans ce cas, ne peut s'acquérir que: l'eau courante, considérée en ellemême et comme élément, s'acquiert par le droit de
premier occu pant, et c'est ainsi que les porteu rs
d'eau en deviennent propriétaires, à mesure qu'ils
vont la puiser dans la rivière; mais notre texte ne
statue pas sur l'acquisition de l'eau envisagée sous
ce point de vue: il ne se rapporte qu'à un cours
d'eau pris en eorps permanent, ce qui change entièrement l'objet de la question.
1366. Comme tel, l'usage en est laissé aux
fonds qu'il traverse ou qu'il borde, pour être em·
�236
TRAITÉ
ployé à leur irrigation, ou pour le roulement d'usines; mais cet avantage ne leur est accordé que
, . ,a l"egard d u maltre
~
1 1a
. , precaIre
(l , une mamere
le
source, qui peut en disposer autrement, tant que
les propriétaires des héritages inférieHrs n'en ont
pas a~quis vis-à-vis de lui le droit à titre de servitude.
Or, le Code déclare, d'une part (articJe 690
C. c.), que les servitudes continues et apparentes
s'acquièrent par la prescription; et, d\ll1 ~utre côté
(art. 68H C. c.), que la servitude de conduite ou
de cours d'eau est continue; il ne s'agit donc plus
que de déterminer, soit les conditions ordinaires
applicables à ce sujet de prescription, soit celles
spécialement requises pour rendre cette espèce de
servitude apparente aux yeux du propriétaire de la
source, et par conséquent prescriptible contre lui :.
et tel est le but de notre article 642.
1367. Par une jouissance non interrompue:
il faut que la prescription acquisitive n'ait été empêchée ni par l'interruption civile qui a lieu au
moyen d'une citation en justice, ili par l'interruption naturelle résultant du fait du propriétaire ou
de tout autre individu qui ~urait changé, pendant
plus d'un an (art. 2243 C. c.), la direction du
ruisséau, pOUl' priver le propriétaire inférieur de la
jouissance qu'il en avait.
Mais si la fontaine était intermillente, ou si le
ruisseau sc trouvait réduit à sec pendant un lelllps
que1con<l"e, il n'y aurait que discontinuité, et non
�DU DOMAINE PUBUC.
237
pas interruption de possession. Cependant dans
Je cas où cet état de choses se prolongerait pendant
un Japs de plus de dix ans, qui,suivantla doctrine
tIes auteurs, forme le temps nécessaire pour que la
discontinuité dans la possession en anéantisse les
effets, alors les droits cl u propriétaire Se trouveraiebl replacés dans leur état de liberté primitive.
1368. Pendant Fespace de trente années:
.attendu que c'est là le laps de temps nécessaire
pour la _prescription acquisitive des droits immobiliers, quand il n'y a pas de titre (arl. 2262 C. c.).
A compter du moment olt le propriétaire du
fonds injerieur: c'est-à-dire du fonds poud'avantage duquel la jouissance du ruisseau est réclamée~
à l'effet d'en employer les caux, soit à l'irrigation,
soit au roulement d'une usine située en aval.
Et ce qu'il faut bien remarquer, c'est que la
prescription ne doit avoir lieu qu'autant que c'est
le propriétaire du fonds inférieur qui a lui-même
construit les ouvrages dont il prétend se prévaloir,
et qu'ainsi le canal qui aurait été crensé par le maître de la source dans le fonds d'où elle sort, ne
supposerait point de droit acqnis au propriétaire
inférieur, et n'en produirait point pour lui, par la
raison que le propriétaire supérieur n'aurait fait
que jouir de sa propre chose, qu'il n'anrait travaillé
que pour lui et dans son intérêt personnel, en favorisant l'écoulement des eaux de son ruisseau (a).
(a) C'est évidemment au propriétaire du fonds inférieur Il
prouver que les travaux existant sur l'héritage d'où naît la
�238
TI{AITÉ
Aura tait et terminé: il ne suffit donc pas d'uu
commencement d'entreprise qui, ayant été délaissée, pourrait faire croire qu'elle n'était pas sérieuse,
'
"
i'
' d e l' a b anqu , on y a renonce,
ou
qu on a ete, lÜrce
donner. La loi veut qu'il y ait eu sur le ruisseau
une prise de possession positive, non équivoque et
visiblement exécutée dans l'intention de s'emparer
du cours d'eau, en un mot, un ouvrage de dérivation terminé au moins dans toute la partie qui
amène la chute des eaux dans le fonds inférieur.
1369. Des o'uvrages apparents: il faut que
les ouvrages aien t ce caractère, puisqu'il faut rendre
appareute la servitude qu'il s'agit d'acquérir, et que
ce n'est pas par le seul cours d'eau, mais par les
ouvrages destinés à l'asservi." que la servitude est
rendue visible: il faut que les ouvrages soient apparents encore, parce que nulle prescription acquisitive ne peut avoir lieu s'il n'y a publicité dans la
source ont été exécutés par lui et dans son intérêt, soit parce
qu'en invoquant la prescription, il est demandeur, soit parce que
les travaux assis sur un fonds en sont un accessoire, et, à moins
de preuve du contraire, sont toujours censés faits par le. propriétaire. Aussi Dupare-Poulain, sur l'art. 292 de la coutume de Bretagne, dit-il avec heaucoup de raison que l'existence de canaux
0\1 de fossés sur l'héritage qui produit la source '. est un intersigne très-équivoque de servitude active au profit du fonds inférieur d!lns lequel les eaux sont amenées, parce que" il peut
~ être difficile de découvrir si le canal a été fait pour le voisin,
Il ou seulement pour l'écoulement des eaux, et qu'on doit pré" sumer le second plutôt que le premier, puisque les servitudes
" ne se présument pas. "
�DU DOl\IAINE l'UnLlC.
239
possession (art. 2229 C. c.), et le premier élément
de cette publicité consiste ici dans l'apparence des
travaux au moyen desquels on a voulu entrer en
jouissance du cours d'eau, et le posséder.
Ainsi, tonte construction de canaux ou de conduits souterrains serait insuffisante pour ,remplir le
vœu de la loi, à moins qu'il n'y eût des regards extérieurs et tellement visibles qu'ils pussent donner
à la possession toute la publicité ,nécessaire.
Il réslll!e bien certainement de celte disposition
législative que, comme nous l'avons avancé plus
haut, la seule existence du ruisseau tracé par la nature et possédé par le propriétaire du fonds inférieur, ne suffit point pour lui assurer la propriété
incommutable du cours d'eau, et que, quelque
longue qu'ait été sa jouissance durant cet état naturel des choses, il peut toujours être privé de
l'avantage des eaux, par le fait dn maître de la
source, qui voudra en détourner le cours pour lui
donner une autre direction à la sortie de son terrain. Le propriétaire de la source, par rapport au
droit qu'il a d'en disposer à sa volonté et d'en
détourner le ruisseau ainsi qu'il lui plaît, est dans
la même position que quant à la faculté de mettre
son héritage en clôture; comme le droit de clôture
lui reste toujours acquis, quoiqu'il ne l'ait point
exercé, de même le droit de disposer de son eau,
en lui donnant une autre direction, lui ~ppartient
toujours, bien qu'il n'en ait jamais usé, parce que
ce sont là des actes de pure faculté, dont l'absence
�240
TRAITÉ
ne pcu t ServI!' de fondement à la prescription
contre lui (art. 2232 C. civ.) , la loi étant perpétuellement là pour les permettre, tant qu'il
n'y.a pas eu d'enlreprise contraire et capable de
produire, an profit d'UD tiers, le droit de les empêcher (a).
Ca) Voy. sur l'origine et la cause des facultés, sur la distinction entre celles qui dérivent de la nnture ou de la loi, et celles
résultant de la convention, sur les motifs de l'imprescriptibilité
des premières et de lu prescriptibilité des secondes, sur les atteintes que la contradiction peut apporter aux unes et aux autres, la
belle dissertation de 1\1. Troplong, dnn! son Traité des prNcriplions, no'112 et suiv. , où)l démontre qu'il n'y a de susceptibles
d'être prescrite! que les fncultés dovt l'exercice est subordonné
à une action contre un tiers, mais qu'il en est nutrement de celles
qui ne consistent que dans un fait sur sa propre chose, sans que
l'on ait besoin d'ag-ir coutre autrui pour en user.
Appliquant cette théorie à la cause du propriétaire de la source
qui veut en détourner le cours, il en induit que les dispositions
des arl. 641 et 642 du Cod. civ, sont parfaitement conformes aux
principes: « Le doute pourrait venir cependant, dit-il nO 114,
n in fine, de ce que le non usage de la source par le propriétaire
» du fonds supérieur a mis en jeu et engagé l'intérêt d'un tiers,
» et que cet intérêt ayant été consolidé par une jouissance tren» tena'ire, a droit à être respecté. Mais il faut répondre que tant
» que cette jouissance ne s'est pas appuyée sur des travaux ap» parents de nature à éveiller l'attention du propriÜaire et à
» lui montrer une volonté bien déterminée à limiter son droit, il
» a pu se reposer sur la faculté qu'a tout propriétaire d'user de
» sa chose à son bon plaisir. Il est vrai que cet usage occasionne
» un préjudice nu fonds voisin; mais il ne lui fait pas d'injus» tice: lVemo injuriam dat qui jure SIlO utifur. Suivnnt le droit
» naturel, chacun peut et doit disposer à sa volonté de ce qui
�-241
DU DOMAINE PUBUC.
En effet, s'il en était autrement, et s'il suffisait
p1'Opriétairc inférieur d'avoir joui, pendant un
long espace de temps, du ruisseau bordant ou traversant son héritage, ponr qu'on pût dire qu'il a le
droit d'empêcher le propriétaire de la source d'en
disposer au profit d'un autre, le texte du Code que
nous expliquons resterait sans application: car
bien avant sa promulgation, et depuis un temps
indéfini, les ruisseaux coulaient déjà dans leur état
naturel, et déjà aussi les propriétaires riverains
jouissaient, de temps immémorial, des avantages
résultant de leurs eaux (a).
Au reste les ouvrages apparents dont il est ici
question ne sont indiqués pour point de départ de
la prescription que parce que c'est an moyen de
lenr construction que le propriétaire inférieur a
voulu faire publiquement connaître qu'il entendait
jouir du ruisseau à titre ou en esprit de maître, et
non par simple faculté ou tolérance; c'est nne notification matérielle de sa volonté faite au propriétaire de la soùrce lui-rnême, en opéran t visiblement
des travaux sur le terrain de celui-ci.
~u
lui appartient; tout ce qui est défendu, c'est de nuire à autrui, en violant des droits acquis. Mais comment pourrait-il
y avoir des lésions là où il n'y a pas de droit?
Ca) La disposition de l'art. 641 du Cod. civ. qui attribue au
propriétaire de la source un droit absolu sur ses eaux, n'est
d'ailleurs pas introductive d'un droit nouveau: elle ne fait que
reproduire les anciens principes attestés par les auteurs cités
dans la note b du nO 1346, pag. 212, suprà J et dans celle du
nO 1374, infrà.
)1
)1
)1
)1
TOM.
IV.
16
�242
TRAITf;
1370. Mais que devrait-on décider dans le cas
où il paraîtrait constant, pal' l'aspect des lieux,
qu'autrefois, et à une époque inconnue, le ruisseau
avait naturellement, sur le fonds de la source, une
direction au tre que celle qu'il a aujourd'hui, et
~lu'on voit lui avoir été donu~e à main d'homme?
Celte circonstance suffirait-elle pour que le propriétaire du fonds inférieur pût exiger sa maintenue
dans l'usage des eaux comme en ayant joui de
toute ancienneté par suite du consentement donné
aux travaux qui lui en ont amené la chute?
Nous croyons que cette circonstance ne suffi.rait
pas seule pour assurer un droit au propriétaire inférieur, attendu qu'on devrait présumer, jusqu'à
preuve du contraire, que c'est le propriétaire de
la source qui aurait lui·même exécuté l'ouvl'age fait
à main d'homme dans son fonds, et que le texte
de notre Code exi~e au contraire qu'il SOlt prouvé
que c'est le ma_tre de l'héritage inférieur qui a fait
et terminé lui-même les travaux de cette nature.
1371. Au reste il n'cst pas dit dans ce texte
que la prescription ne pourra avoir lieu que par f:e
seul moyen: en conséquence il suffit que le précatre ait été, suivant la règle du droit commun,
--niterverti de la parl du propriétaire du fonds inférieur, pour que celui·ci doive prescrire, par la possession exercée en esprit de maître, postérieurement
au fait de la contrudiction (a). Ceci s'expliquera
(a) MM. Pardessui, Traité des sert'itudes, nO 95, et Daviel,
�DU DOMAINE PUllLIC.
243
par un exemple. Supposons que le propriétaire de
la source ait formé le dessein d'en changer Je cours
au préjudice du fonds inférieur vers lequel il est
naturellement dirigé; que, meltant la. main à
l'œuvre, il ait déjà commencé les travaux nécessaires à la nouvelle direction de son ruisseau; mais
que le propriétaire inférieur, averti de cette entreprise, lui notifie un acte par lequel il le requiert
d'avoir à la cesser, en fondant son opposition sur
ce qu'ayant un dmit d'usage acquis SUI' Je cours
d'eau, nul ne peut l'en priver, Si, dans cet état de
choses, le maître de la source, obtempérant à l'acte
de contradiction qui lui est notifié, discontinue
ses travaux, il s'opérera une intel'version au moyen
de laquelle la possession d.u propriétaire du fonds
inférieur devra être considérée comme exercée
anima domini et jure servitutis, et il prescrira
son droit d'usage par le laps de trente ans à dater
de son acte d'opposition, par la raison quc, suivant
l'art. 2238 du Code, le précaire de la jouissance
précédente se trouve anéanti, et que celle jouissance est clle.même intervertie et transformée en
Traité de la pratique des cours d'eall, nO 777, pensent au contraire que la simple contradiction ne suffit pas, et ils s'appuient
sur les termes mêmes de l'art. 642 du Code' civil, portant effectivement: La prescr~)tion, dans ce cas, ne peut s'acquérir
que par unc jOllissance, etc....
Voyez au surplus, sur l'effet de la contradiction en général,
le nO 663, ln fine, et la note page 1015, suprà, ainsi que le nO 113
du Traité des prescriptions de ~. Troplong.
�244
TRAITÉ
une vraie possession, par la contradiction oppo&ée
au droit du propriétaire, car, comme le dit Dunod (1), les contradictions ouvrent la carrière
de la prescription à tout ce qui peut dtre pres·
crit ~ activement ou passivement.
1372. Destinés à faciliter la chute et le
cours de l'eau dans sa propriété: ces expressions
finales de notre article sont surtout très-remarquables, en ce qu'elles nous démontrent que les
ouvrages dont il s'agit doivent être faits dans le
fonds supérieur où se tl'ouve la source, et y constituer une anticipation physique, matérielle, et
parfaitement visible, laquelle doit, d'après les
circonstances, remonter plus ou moins haut, suivant que la source est plps ou moins éloignée du
fonds inférieur, ou que le point jusqu'auquel il
fant aller pour se saisir du cours d'e~u en est aussi
lui·même plus ou moins distant; mais, dans tous les
cas, il est indispensable qu'elle soit assez patente
et assez caractérisée ponr qu'on ne puisse pas la confondre avec nne œnvre clandestine. C'est évidemment ce qu'exige la disposition qui nous occupe:
car, pour faciliter la chute et le cours de Peau
dans le fonds inférieu'r, il faut aborder le ruisseau
quand il est encore dans le fonds supérieur, et en
Jiriger le trajet de l'un à l'autre; or on ne remplirait pas cette condition si l'on se contentait ·de.
prendre simplement les eaux lorsqu'elles sont par(1) Traité des prescriptions, page 37.
�DU Dü;\iAINE l'VBLle.
245
venuesoans le fonds inférieur. Le Code n'est point
J'aillC'1lrs à cet égard introductif d'un droit IlOUveall; dans l'ancienne jurisprudence il fallait déjà
que les travaux eussent été exécutés dans le fonds
supérieur, aiosique nous l'apprend Dllnod, Traité des prescriptions ~ page 88 , « on peu t retenir,
Il ait-il, l'eau de la source qu'on a dans son héri" 'tage , quoiqu'elle ait coulé d'un temps immémo" rial dans ceux des voisins, et qu'ils s'en soient
» servis, à moins qu'elle n'y ait coulé par droit
» de servitude prouvée par acte, ou parce que les
» 'voisins auraientjtût un canal dans le ftnds
» dans lequel La source sort ~ pour en conduire
» l'eau dans les leurs (a). »
1373. Tant que l'eau est abandonnée à sa
pente naturelle sans que la main ùe l'homme s'en
soit saisie, le propri.étaire du fouds supérieur où
elle se trouve encore peut en disposer, parce que
son fonds ne doit rien au fonds inférieur: Tune dicendumesthabentesfundum superiorem posse
aquam divertere ~ quia tune aqua non videtur
discurrisse jure servitutis ~ sedpotiàsesse cujusdamfacultatis (1); mais quand le propriétaire du
fonds inférieur est entré dans l'héritage supérieur
et y a pratiqllédes ouvrages apparents, propres à
réunir et à conduire les eaux du ruisseau chez lui,
(a) Voy. suprà, nO 1346 et la note h au-dessous, page
212.
(1) Cœpola, tracta lu 'l, de urvil. rustic. prœd., cap. 4,
nO 56.
�246
TRAITÉ
ce sont là des actes faits à titre de maître, et non
de pure familiarité; il Ya en conséquence de sa
part une vraie prise de possession de l'usage des
caux, et il suffit que sa jouissance ait été publique.,.
ment exercée durant trente ans, pOUl' que la servitude lui soit acquise : Aut habtms fundum
inferiorem aLiquidfecit infimdo superiori in
quo aqua orÏlur-' putà per. !ô.ssatum aquam
duxit: vel si mundassetj09sata in fundo superiori, sciente et patiente domino; tune per istos
aetus vel similes videretur duci aqua jure servitutis -' potiàs quàm jure familiaritatis -' eùm
ista non possent infunda aLieno fieri eitrà jus
~I nomen seryitutis; et ideà dieendum est quàd
sijuit in istd quasi possessioneper longum tempus, etiam de jure non posse diverti (1).
D'ailleurs, pour prescrire' contre quelqu'un,
il faut s'emparer d'une chose qui lui appartienne;
or une fois q·ue le ruisseau est sorti du fonds supérieur, il n'appartient plus en rien au propriétaire
de ce fonds; il n'ya dès-lors aucune nécessité de le
prescrire contre lui, et il ne pourrait non plus y
avoir, vis-à-vis de lui, matière à prescription: ce
n'est donc, on le répète, qu'autant qu'on va s'emparer du cours d'eau sur son fonds même qu'on
peut le prescrire ~,son égal-d, et qu'en acquérant
de celle manière le droit d'usage des eaux, on peut
mettre obstacle à ce qu'il en dispose autrement.
(1) Cœpola, tractatu 2, de serI'. rustic. prœd., cap. 4,
nO 57.
�DU DOMAINE PuBLIC.
247
1374. Enfin, le propriétaire du fonds où est
la source n'étant point censé instruit de tous les
ouvrages qui pourraient être pratiqués plus bas et
hors de sa propriété à laquelle il n'a été porté aucune espèce d'atteinte, on ne pourrait pas lui opposer une publicité de possession telle qu'eHe est
requise pour pouvoir établir une servitude à son
préjudice; il Y a plus, c'est que quand même il les
aurait connus, comme il n'avait aucun moyen d'empêcher qu'on les th, on ne peut les lui opposer
pour anéantir ses droits par l'effet de la prescription.
Nous devons ajoulel' que la doctrine qne nOlls
, , consacree
, par un arret
• d e 1a
venons d ,exposer a etc
Cour de cassation du 25 août 1812, rapporté au
Journal des audiences, pag. 599 (a).
(a) Ce point de droit, que les travaux doivent être faits sur
le fond~ de la source, était constant dans l'ancienne jurisprudence et avait été admis par Henrys (Quest. 189, tom. 2, pag.
999), el son commentateur Bretonnier, par Crepolla ( Tractat.
2, oop. 4 , nOS 51 et 57 , par Dumoulin ( sur le 69· conseil
d'Alexandre, tom. 3,pag. 61), par Basnage( Cout. de Normandie, tit. 2, des serl'it., art. 607), par Voët (in Pandectas,
li/;. 8, tit. 3, ,ta 6) , et par Dunod (des Prescriptions, page
88).
La promulgation du Code civil est venue soulever des doutes
à cet égard; on a excipé de ses termes et de l'intention de ses rédacteurs; en effet, d'une part, l'art. 642 n'exige que des ouvrages
apparents, destinés à faciliter la chute et le cours de l'eau dans
la propriété inférieure, sans indiquer' le fonds sur lequel ils doi.
vent être faits, en sorte que l'on a été fondé à prétendre qu'il
n'était point pll'mÎs d'ajouter aux conditions qu'il prescrit; d'un
�248
TJlAlTÉ
1375. Ail'lsi, en admettant que le propnetaire
d'un des héritages inférieurs y ait construit \ln
moulin' mis en mouvemen t par la source sorlant
autre côté il résulte des observations du tribunat rapportées dans
le Réper/ÇJ/re de Fa vard de Langlade ( 170 servitud. , sect. 2, §
1), et de celles au conseil d'état deSt.-Jean d'Angely qui avait
proposé et fait adopter l'art. 612, quc l'on n'entendait parlel'que
de travaux sur le fonds inférieur sans qu'il fût même nécessaire
que ce fonds joignît immédiatement celui de la source: ", L'u-,
" sage a établi, disait ce dernier orateur ( Conférences du Cod.
" civ., tom. 3, pag. 222), que la propriété des eaux s'acquierf
» par la jouissance toutes les fois qil'il a été fait dans le finds
" Inférieur des constructions pour en proti ter. "
C'est en se fondant sur ces raisons, que Delvincouft ( Cours
de droit civil, tom. 1 ,pag. 551), M. Pardessus ( des S m'itudes, nO 102), et Favard (loco citato), ont soutenu que l'ancienne jurisprudéuce a mit été changée.
Cependant tous les autres auteurs ont a~opté l'opinion contraire: Henrion de Pansey ( Comp. des juges de paix, ch. 28, §
4) , Dubreuil (Analyse de la législation sur les eaux, 2e édit.,
tom. 1 er , pag. 91), Toullier (tom. 3, nO 635 de sa 3" édit.),
qui avait d'abord soutenu la thèse opposée j MM. Garnier (Régime des eaux, tom. 2, nO 48), Valoeille (de la Prescript., n°
402 ), Troplong (de la Prescript., nO 114) et Curasson ( Tr. de
la Comp. des juges de paix, 2" édit., tom. 2, pag. 261).
La jurisprudence de la Cour de cassation paraît aussi irrévocablement fixée dans ce dernier sens; indépendamment de l'arrêt
de 1812 mentionné par M. Proudhon et rapporté par Sirey ( 121-350), on peut citer ceux des 6 juillet 1825 (S., 26-1-406),
5 juillet 1837(S., 37-1-565) et 30 novembre 1841 (S., 411-805). Ce dernier décide même que les travaux faits par le
propriétaire inférieur dans le fonds supérieur sur un ruisseau
qui reçoit en amont une sour,~e sortant du même fonds, produisent
�nu DOMAINE rUHUC.
249
de l'héritage supérieur, tant qne le maître de celle
usine n'aura pratiqué dans le foncls qui lui fournit
l'eau aucun ouvrage destiné à la faire dériver vers
son établissement, le propriétaire de la source
pourra toujours en disposer à volon té; et, quel
que soit le temps durant lequel l'usine ait ainsi
roulé, il n'y aura pOUl' elle aucune prescription
acquisitive de la servitude. La raison seule, à défaut
de la loi positive, suffirait püur nons ap- rendre
bien l'acquisition par prescription des eaux de ce ruisseau,
mais non de celles de la sonrce sur laquelle aucun ouvrage n'a
été fait en particulier, et que le propriétaire peut en les détournant diminuer le volume d'eau dont jouissait celui qui a acquis
par prescription le droit de se servir du cours d'eau. « Attendu,
:, portent les motifs, qu'il est de principe qu'on ne pe\lt acqué" l'il' par la prescription des droits sur les eanx d'une source
» qui jaillit sur l'héritage d'autrui, qu'au moyen d'une posses» sion trentenaire manifestée par des travaux apparents prati» qués sur le fonds du propriétaire de la source, travaux
» de telle nature qu'ils aient pour objet et destination évidente
" de faciliter la chute des eaux au profit de celui qui entend
" prescrire; - attendu qu'il est constaté dans la cause que le
u demandeur ne produisait aucuns titres à l'appui de sa deu mande; qu'il se prévalait, il est vrai, d'un barrage appuyant
» sur le fonds du propriétaire de la souree; mais que ce bar" rage se trouvait placé à cent mètres de distance de la source,
" et que sa destination npparente était de dériver les eaux du
" ruisseau dans lequel arrivaient naturellementlc's eaux de la
» source; - attendu que la Cour royale, en décidant, dans un
» pareil état de choses, que la prescription des eaux du ruis.. seau, acquise au demandeur, ne s'étendait pas à tout ou par" tie des eaux de la SOttrce, il fait une juste application des
" lois de la matière; - Rejette, etc. »
�250
'l'RAITÉ
qu'il doit en êlre ainsi, puisqu'il esl évident que.
le propriétaire de la source n'a point à s'inquiétel'
de l'usage que l'on fait de l'eau après qu'elle est sortie de son fonds, si pour s'en servir on ne commet
aucune antioipation ou on ne fait aucun acte de
possession SUl' sa propriété.
1376. Mais si le meunier, voulant attirer les
eaux à son moulin, ou tout autre propriétaire in..,
férieur voulant se les assurer pour l'irrigation de
son héritage, avait seulement fait curer le ruisseau
sur le fonds où se trouve la source, et que les travaux: de curage, suffisamment répétés pour caractériser une possession continue du ruisseau, eussent eu lieu puLliquement et paisiblement depuis
plus de trente ans, on devrait interdire au propriétaire du fonds supérieur la faculté de disposer
autrement du cours d'eau, attendu qu'il serait vrai
de dire qu'il y aurait eu des ouvrages apparents des.
tinés à faciliter la chute des eaux vers le fonds
iuférieur. La loi, ne spécifiant pas l'espèce de
travaux: qu'elle exige pour donner lieu à la prescription, sa disposition doit comprendre aussi bien
un simple curage que tout autre travail fait publiquement dans le but d'ameuer les eaux, comme
l'enseigne CAEPOLA dans le passage ci-dessus rapporté nO 1373 (a).
Ca) Nous pensons au contraire avec MM. Pardessus, Traité
. des servitudes, nO 100; Daviel, Traité de la législation des
cours d'eau, nO 774, et avec deux arrêts des Cours de Bourges
du 11 juin 1828 (Den., 31-2-168), et de Caen du 18juillet
�nu
DOMAINt; PUBLIC.
251
1377. Enfin dans le cas où le fonds qui donne
naissance à la source aurait été augmenté par des
acquisitions, ou divisé par des partages ou des
ventes partielles, l'exercice de la servitude déjà
établie au profil des héritages inférieurs ne s'en
trouverait en rien modifié; mais si le propriétaire
de la source devenait acquéreur du fonds inférieur,
ou réciproquemen t si le propriétaire du fonds
infériem acquérait celui de la source, il Y aurait,
1831 (Journal des arrêts de cette Cour, tom. 14, p. 212), que
les ouvrages apparents dont parle l'art. 642, et pour la définition desquels on peut s'aider de l'art. 689, doivent être pennanents; qu'ainsi des barrages fai ts avec des branches d'arbres ou de
la terre, de simples curages ou quelques réparations sur les bords
du ruisseau ne suffiraient pas,quelqu'apparents qu'ils soient, pour
faire acquérir aucun droit par prescription, parce qu'ils mani.
festeraient plut&t l'intention de se procurer un avantage momentané et actuel ou d'éviter les inconvénients attachés au passage
des eaux que de s'en assurer la jouissance d'une manière permanente. Pour fonder la prescription il faut un acte de possession de nature à nuire au propriétaire, et que celui-ci ait par
conséquent lntérêt à empêcher ou à réprimer; or, quel intérêt
pourrait avoir le maître de la source à s'opposer à un curage
qui lui est utile, qui est la charge natulielle de la jouissance
précaire des eaux qu'il laisse au propriétair.e inférieur tant
qu'il n'eu change pas le cours, et qui enfin ne constitue pas un
de ces travaux en tout temps apparents, et indiquant clairement
à tous l'intention de s'emparer de la chose et d'en jouir à titre
de maître. On a même vu plus haut, nO' 1327, 1328 et 1329,
que le propriétaire d'une usine. ou d'un fonds riverain d'un cours
d'eau pouvait, lorsqu'il y a intérêt, se faire autoriser II procéder au curage de ce cours d'eau sur les héritages qui en sont
traversés.
�252
TRAITÉ
par celte coufusion, extinclion de la servituùe(art. 705 C. civ.).
1378. Les principes ci.dessus exposés doivent
recevoir, jusqu'à un certain point, leur application
cn cas de conflit entre le mahre d'un héritage
inférieur et les propriétaires dont les fonds son t
situés entre le sien et la s6urce; par exemple, dans.
l'hypothèse où le premier soutiendrait qu'il a sur
les fonds intermédiaires un droit de servitude au
moyen dllquell'usage du ruisseau Ini est exclusivement acquis sans qu'il soit permis aux propriétaires dei héritages qui en sont traversés, de lui
soustraire une partie des eaux, tandis que ceux-ci
prétendraient au contraire avoir le droit d'en jouir
à discrétion ponr l'irrigation de leurs prés.
Pour résoudre la difficulté, il faudrait d'abord.
examiner si le propriétaire inférieur a, ou non, un,
titre; s'il en produisait un, les juges n'auraient
qu'à en rechercher et ordonner la plus juste appli""
cation.
S'il n'en avait pas, mais qu'il eût fait depuis
plus de trente ans le long du ruisseau, et à travers
les fonds intermédiaires; des ouvrages apparents,
tels que curages ou autres, pour s'emparer du cours
d'eau ou s'en assurer la transmission, le droit de
servitude lui serait acquis, et devrait lui être confirmé pa r le j l1ge.
Cependant, comme li eau courante ne peut être
rigoureusement 1<\ propriété de personne, et que ce
n'est ici qn'un droit de servitude acquis au fonds
infërieur, le propriétaire n'en restera pas moins
�DU DOMAlNE PUBLIC.
253
soumis à la disposition de l'article 645 du Code,
portant que te s'il s'élève une contestation entre
» les propriétaires auxquels les eaux peuvent être
» utiles, les tribunaux, en prononçant, doivent
» concilier les intérêts de l'agricultme avec le
» respecl dû à la propriété, et que dans tous les cas
" les réglemcnts particuliers etlocaux SUl' le coms
,> el l'usage des eaux doivent être observés;» c'està-dire que, dans l'hypothèse même où la servitude
du cours d'eau serait acquise au propriétaire inférieur, il ne pourrait encorè se soustraire à un réglement qui opérerait une réparlilion de l'eau entre
lui elles autres riverains et eu attribuerait l'usage
d'une panic aux héritages supérieurs au sien Ca).
(a) Comme le dit M. Pardessus, des servitudes, nO 106,
l'eau est pour tous un don de la nature que chacun de ceux à
" qui elle peut être utile a droit de réclamer. La seule différence
n consiite en ce que la disposition des lieux le donne à l'un avant
n l'autre; mais ce n'est qu'une sorte de dépôt dont il ne peut
n, tirer parti qu'autant qu'il ne prive pas les derniers du même
" droit, La loi ne lui permet que l'usage, elle lui interdit
" l'abus
; la faculté donnée par l'art. 644 ne doit
n pas dégénérer en une occupation tellement exclusive que les
Il inférieurs en soient privés. n Ces principes également enseignés
par MM. Garnier (Régime des eaux, tom. 3, nO 762, 3" édit.)
et Dubreuil (Analyse de la législat. des eaux, édit. de 1842,
tom. 1, nO' 90 et 104, pag. 148 et 174), ont cependant été méconnus par plusieurs arrêts dont deux de la Cour de Bourges des
18 juillet 1826et 7 avril 1837 (S., 37-2-319), unlle celle de
Paris du 19 mars 1838 (S. , 38-2-258 ), ct un 4" de la Cour de
Toylouse du 23 juin 1840.
Ce del'nier qui, contrairement aux termes et surloutà l'esprit
«
�25"-
TRAITÉ
1379. Toutceqlle nous vcnonsdedirc ne se rap~
porte qu'au mode d'acquisition de la sCl'viLuc1e de
cours d'eau; mais, en admettan t '1tl'elle soit une fois
de l'art. 645 révélé par la discussion du Cod. civ. ( Loeré, Législation cipile, tom. 8, pag. 340), déniait même au propriélaire
inférieur le droit de demander aux tribUliaux un réglement
d'eau, a été cassé par l'arrêt suivant de la Cour siIprême du 21
août 1844 (S., 44-1-737) : « Attendu quel'eaucouraute est
» mise par la loi au nombre des choses communes; - Atten" du que les propriétaires riverains d'un cours d'eau ont un
» droit égal à l'usage des eaux quoiqu'ils n'exercent pas ce droit
" simultanément; - que si, par l'avantage de sa position topo» graphique, le propriétaire du fonds supérieur exerce son droit
» avant les propriétaires des fonds inférieurs, il n'en est pas moins
» tenu, après s'être servi des eaux pour son usage dans l'intérêt
» de l'agriculture et de son industrie, de les rendre à leur lit or»' dinaire, afin que les propriétaires des fonds inférieurs puis» sent en user à leur tour; - que si, lorsque le propriétaire du
» fonds supérieur possède à la fois les deux rives, son droit est
II plus étendu, s'il peut alors détourner le lit du cours d'eau
» dans l'étendue de son domaine, et dériver les eaux pour en
» user, c'est toujours à la charge de rétablir ce lit et de rendre
» ces eaux à leur cours ordinaire, à la sortie de ses propriétés;.
» -que si ce propriétaire ne saurait être tenu de rendre la même
» quantité d'eau qu'il a reçue ou une certaine quantité d'eau
» déterminée, il reste tenu de n'user de son droit que de manière
» à m;nager, dans une juste mesure, aux propriétaires des fonds
" inférieurs l'exercice de leurs droits sur les eaux; -attendu
" qu'il n'est pas exact de dire, comme le fait l'arrêt attaqué, qu'il
» n'y a lieu il destruction des ouvrages pratiqüés par les proprié.. taires supérieurs que lorsqu'ils les ont faits méchamment et
» sans aucune utilité pour eux; ni que le propriétaire inférieur
» ne peut demander contre le propriétaire supérieur un réglement
/
�DU DOMAINE PUBLIC.
255
acquise au propriétaire du fonds infél'ieUl', soit par
l'effet de la presc"iption, soit en vertu d'une convention avec le propriétaire de la source, s'il arrive que
cette source vienne à tarir, et qu'après être restée à
sec plus de trente ans elle reparaisse, ledroit, dont
J'exercice avait cessé pendant tout ce temps, revivra-t-i! anssi pour Je propriétaire inférieur?
POUl' l'affirmative, le propriétaire du fonds infë"ieur, se prévalant de la maxime Contra non
valentem agere non currit praescriptio ~ dira
qu'ayan tétédaps l'impossibilité d'exercer son usage,
uu ne peut lui opposer ni négligence à en continuer
la jouissance, ni renonciation tacite à ce droit, et
qu'en conséquence la prescription extinctive de là
servitude ne lui est pas opposahle.
"
"
..
"
"
"
"
"
"
"
..
..
"
"
"
d'eau, à moins de titre qui établisse ce droit, ou de destination
du père de famille qui le consacre; ni enfin que l'art. 645 devrait tout au plus avoir seulement pour résultat de faire répri.
mer l'abus que le propriétaire supérieur ferait du droit établi
par l'art. 644; - attendu que, lorsqu'il y a contestatiou
entre les propriétaires sur l'usage commun et successi~ des eaux
d'un cours d'eau, il Ya obligation pour les tribunaux de concilier l'intérêt de l'agriculture aveè le respect dû à la propriété,
en procédant au réglement de l'usage des eaux, lorsque ce réglement est réclamé par les parties et reoennu nécessaire par
les juges pour assurer à tous ceux qui y ont droit, dans une
juste mesure et proportionnellement à leurs positions respectives, l'usage des eaux du courant qui traverse ou qui borde
leurs propriétés; d'où il suit que l'arrèt attaquéa expressémellt
violé les lois précitées; - Casse, ete. l\
Le réglement d'eau peut aussi être fait par l'administration
lorsqu'il ~'étend il la généralité ùes riverains. Voy. suprà, la
Ilote de la pug. 633 du tom. 3.
�256
TlIAITf:
Il pourra invoquer encore un texte de la loi romaine dans lequel on voit que l'empereur accueillit
comme fondée )~ demande en restitution en entier
de leur droit primitif formée par des individus qui
étaient autrefois dans l'usage de tiret' de l'eau à la
source d'un tiers, mais qui avaient cessé d'en jouir
pendant un certain temps parce que celle source
s'(;tait tarie: Et Alicilinus ait Caesàtem Statilio
Tauro rescripsisse in haec verba : Hi qui ex
fundo sutrino aquam ducere soliti sunt" adierunt me" proposueruntque aquam qud pel' aliquot annos usi sunt" ex fonte qui est in jiLndo
sutrino" ducere non potuisse" quod fons exaruisset; et posteà ex eo jonte aquam fluere
cœpisse'; petieruntque à me ut quod jus noft
negligentid aut cuLpd sud amiserant" sed quia
ducere nonpotel'antJ his restitueretur. Quorum
mihi postuLatio cùm non lniqua visa sit" succurrendum his putavi. ftaque quodjus ha buel'unt tUllC cùm primùm ea agua pervenire ad
eos potuit " id eis restitui placet (J).
Néanmoins nous ne pensons pas qne celle solulion doive être ainsi admise dans un sens absolu;
les dispositions.&-le notre Code paraissent y résister.
Aux tennes de l'art. 703, Cl les servitudes ces» sent lorsque les choses se trouvent en tel état
» qu'on ne peut plus en user. » C'est hien là le cas
de la question qui nous occupe; mais voici ce qui
(1) L. 35, ff. de servit. rustic.prœJ.) lib. 8, lit. 3.
�257
DU DOMAINE PUBLIC.
est ajouté dans les articles sui van ts : cc elles reviveo t
» si les choses soo t rétablies de manière qu'on
n puisse en user, à moins qu'il ne se soit déjà
» écoulé un espace de temps suffisant pour faire
» présumer l'extinction de la servitude, .ainsi qu'il
» est dit à l'article 7°7. » Or cet espace de temps,
qui est de trente ans, ne court, d'après l'art. 707,
que cc du jour où il a été fait un acte contraire à
» la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes conti» nues, » comme dans la présente hypothèse.
Aillsi toute la question se réduit à savoir si le
propriétaire du fonds de la source aura comblé le
lit du ruisseau, on s'il aura laissé les choses comme
elles étaient auparavant.
Dans le premier cas, la prescription aura eu son
cours dès le jour où le propriétaire du fonds
supérieur aura fait disparaître les vestiges visibles
de la servitude en remplissant le lit.
Dans le second, ail contraire, ]a servitude aura
été conservée par le maintien même de l'état des
lieux (a).
{a) En général la prescription de droits qui ne peuvent s'fixercer que dans certains cas prévus, sous des conditions et à. des
époqucs indéterminées, comt-elle du jour où le dernier acte
d'exercice a eu lieu, sauf à l'interrompre judiciairement avant 30
ans, si pendant cet intervalle l'occasion de l'exercer de nouveau
ne s'est pas présentée?
M. Troplong( Traité des prescrip., nO 789, tom. 2, pag. 361),
et un arrêt de-la Cour de Caen du 8 février 1843 (Sirey, 432-242), rendu sur un renvoi prononcé par la Cour de Cassation,
enseignent la négative; mais cette dernière Cour adopte l'opinion
TOM. IV.
17
�258
'l'JlAlTÉ
Cc n'est point dans une circonstance pa.reille
qu'on peut se prévaloir de la maxime Contra non'
valentem agere non currit prœscriptio, qui n'a
été introduite que pour le cas de minol'ité: car le
propriétaire du fonds inférieur, à moins qu'il ne
soit mineur ou interdit, n'est point incapable de
faire tous actes conservatoires de son droit, et d'en
provoquer la reconnaissance pour le cas où la source viendrait à revivre (argument de l'art. 2263 C.
civil); et très-certainement il peut, jusqu'à cette
reconnaissance, s'<;>pposer à ce que le propriétaire
du fonds de la source change la disposition du terrain en faisant disparaître les vestiges de la servitude , pour donner lieu au cours de la prescription
extinctive (a).'
1380. ART. 643. « Le propriétaire de la source
contr~ ire, ainsi qu'il résulte de ses arrêts des 2 mars 1836 (S.,
36-1-242), 11 juillet 1838 (S'J 38-1-747), et 6 février 1839
(S., 39-1-208); ce dernier statuant dans l'affaire renvoyée à
la Cour de Caen.
Ca) Une décision analogue devrait avoir lieu dans le cas inverse où, après 30 ans d'intermittence de la source, le propriétaire inférieur refuserait d'en recevoir les eaux qu'il considérerait
comme une charge; la loi le soumettant à cette obligation d'une
manière générale, il ne pourrait s'en affranchir par prescription,
tant qu'il n'aurait exécuté aucun ouvrage faisant obstacle à l'écoulement des eaux et constituant contradiction à l'égard du
propriétaire de la source. Nous pensons qu'il devrait en être de
même et par les mêmes motifs dans le cas où la source aurait cesséde couler sur le fonds inférieur, non par un accident naturel,
mais parce que le propriétaire du fonds d'où cHe jaillit en aurait relenu ou absorbé les eaux: sur son fonds.
�DU DOMAINE l'UIlLIC.
259
ne peut en changer le cours, lorsqu'il fournit
)' aux habitants d'une commune, village ou ha» meau l'eau qui leur est nécessaire; mais, si les
" habitants n'en ont pas acquis ou prescrit l\lsage,
» le propriétaire peut réclamer une indemnité, la') quelle est réglée par experts. »
Il s'agit ici d'une servitude légale réclamée pour
les besoins de l'humanité, et établie pour cause
d'utilité communale. 'felle esd'idée générale qu'on
doit avoir sur la disposition de cet articJe. POUl"
en bien entendre les expressions, nous allons les
reprend"e successivement.
Le propriétaire: ce terme est générique; peu
impone donc que la source ou Je cours ,d'eau appartienne à un simple particulier ou à une commune, la servitude d'usage n'en sera· pas moins due
dans un cas que dans l'autre, et Je corps moral
de la commune sera, en sa qualité de propriétaire
de la source, obligé creu souffrir l'accès, comme
si c'était un se,ul individu qui la possédât. Cela
serait incontestable encore, par cette seule raison
que c'est le fonds lui-même qui est le débiteur
de l'a servitude, et que dès-lors la qualité du pro·priétaire n'est d'aucune considération. Les habitants de tou le commune ou hameau peuvent même,
dans les temps de sécheresse, recourir à la fontaine
de la ·commune voisine comme à celle d'un particulier, pour y faire abreuver leurs bestiaux, et y
prendre l"eau qui leur est nécessaire.
De la source ~ c'est-à-dire de la source ou du
»
�260
'l'IlAl'1'E
ruisseau; car si le point d'émergfmce de la source
était inabordable, il faudrait bien que le droit de
prise d'eau s'exerçât plus bas dans le ruisseau.
1381. En changer le cours: ces expressions
donnent lieu à une importante question, qui consiste à savoir si toute la charge imposée au propriétàire de la source consiste seulement à le privel' de
la faculté d'assigner' à son ruisseau une direction
antre que celle qu'il s'est naturellement tracée, et
par laqnelle il porte, à la sortie de l'héritage, le
tribut de ses eaux vers le village ou hameau, on si ,
en admettant que la disposition du sol ne se prête
pas à ce mode de jouissance, il ne doit pas être
permis aux habitants de pénétrer même dans le
fonds de la source pour y conduire leurs bestiaux
à l'abreuvoir, et y puiser l'eau qui leur est uécessaire?
Si le propriétaire de la source n'est privé que de
la faculté de changer la direction du ruisseau, il
pourra clorre son héritage en ménageant seulement
dans la clôture une issue suffisante pour l'écoulement de l'eau. Si au contraire les habitants ont le
droit d'y pénétrer pour puiser à la source même,
la servitude sera aggravée sons le double point de
vue qu'il y aura empêchement de clôture et droit
de passagp pour arriver à la fontaine.
A cet égard nous croyons que si les hahitants
peuvent profiter de l'usage des eaux sans entrer
dans le fonds de la source, ils sont ohligés de se
contenter de la jouissance extérieure que leur offre
la disposition des lieux, quand même ils auraient
�DU
Dü:\IAIN1~
PUBLIC.
261
à Ypratiquer quelq ues ouvrages pour leurs aisances,
attendu qu'en fait de servitude, le principe est
qu'on ne doit pas sans nécessité cn aggraver la
charge.
Mais s'il y avait impossibilité d'user des eaux
sans pénétrer dans le fonds, l'entrée doit leur en
être livrée par l'endroit le moins dommageable poin
arriver au ruisseau, ou à la source même, suivant
les circonstances.
1382. Poude décider ainsi, nous nous fondons
sur ce qu'ilfaut moins s'attacher au mode d'exercice
dela servitude qu'àla chose qui en estl'objet, et aux
motifs qui ont porté le législateur à l'établir; or
S011S cedouble point de vue, notre opinion est juste,
puisque d'une part, l'eau ne saurait être prise que
là où elle est, et que d'autre côté, l'usage de cet
élément indispensable à la vie n'est ici accordé que
pour se :conforme(à la plus impérieuse de toutes
les lois, la nécessité.
D'ailleurs l'obligation d'nnc juste indemnité satisfait à lons les in térêts; et puisqu'il est admis
en principe. que la disposition du Code (545)
suivant laquelle la propl'iélé particulière peut être
forcément aliénée pour cause d'utilité l;ublique s'étend aussi aux aliénations qui ont lieu pour cause
d'utilité communale (a), on ne voit pas pourquoi
on en refuserait l'a pplication à une hypothèse où
Ca) Loi du 3 mai 1841, art. 12.
�262
TRAITÉ
l'ulilité ne saurait être contestée et où elle prend
même le caractère de la plus impérieuse nécessité (a).
1383. Cette disposition de l'article 643 du Code,
que nous venons de commenter, donne encore lieu
à des applications tres-importantes.
Il y a daus les pays de montagnes beaucoup de
communes qui, en temps de sécheresse, se trouvent privées des eaux nécessaires à leur conoommation, et qui en conséquence sont forcées
d'avoir recours aux fontaines et cours d'eau des
autres communes, soit pour y faire abreuver leurs
bestiaux, soit pour y puiser l'ean nécessaire aux
habitants et l'emmener; or on a souvent vu des
procès s'élever sur la questio u de savoir si ceux
qui prétendent exercer de pareils usages ont, à cet
égard, des titres suffisants pour les y autoriser.
Dans les temps passés, et lorsq~e la commune
réclamante se présentait sans titre, ces sortes de
contestations étaient souvent difficiles, eu égard à
ce que les actes possessoires ne peuvent être que
(a) Au nO 790 de son Traité des cours d'eau, M. Daviel émet
une opinion contraire que nous ne saurions partager. Nous ne
connaiss.ons point -de cause 'plus évidente d'utilité communale,
que celle ayant pour objet de procurer de l'eau à une population
agglomérée qui en manque. Seulement, comme la loi du 3 mai
1841 ne s'applique qu'à l'acquisition de la propriété même, et
que l'on ne pourrait s'en servir pour forcer à h cession d'un
J!imple droit de servitude, nous pensons que la commune devrait acquérir le sol du passage nécessaire pour arriver au ruisseau ou à la source.
�DU DOMAINE PUBLIC.
263
rares, lorsqu'ils s'appliquent à des faits d'usage
qui n'ont lieu que de loin en loin, et seulement à
mesure que des besoins extrêmes se font sentir.
A cette première cause d'embarras l'on doit ajontel'
celle qui résultait du défaut d'uniformité de la
jurisprudence française en fait de servitudes discontinues. On sait en effet qu'il y avait des provinces
dans lesquelles la possession J même immémoriale,
ne suffisait pas pour les établir; d'autres où la
possession trentenaire était suffisante; et d'autres
en plus grand nombre, où l'on jugeait que, conformément aux lois romaines (1,), la possession
immémoriale devait tenir lieu de tout titre, comme
s'il y avait eu un réglement public fait à ce sujet.
Aujourd'hui le Code civil a apporté une douhle
innovation dans les règles sur cette matière; d'une
part, il rejette le moyen de la prescription pour
l'établissement des servitudes discontinues (art.
691 C. c. ), comme celle dont il s'agit ici (art.
688 C. c. ), et d'un autre côté, il admet de plein
droit une servitude légale en pareille circonstance.
Ainsi les procès de cette nature ne peuvent plus
avoir, à l'avenir, d'autre ohjet que l'estimation de
l'indemnité qui peut. être due à raison des dommages causés par l'exercice de l'usage de la prise
des eaux, à supposer que le droit n'en ait pas été
prescrit, comme on le dira ci-après.
(1) Vid. 1. 10, if. si serritus rindicetur, ib. 8, tit. 5;-1.
26, fr.de aqlllî et aquœ plzw. arcend. ,lib. 39, tit. 3; - 1. 3,
§ 4, ff. de aquâ 'Juotidian.} liI,. 43, tit. 20.
�264
1384.
Tl\AIT{~
Lorsqu)il
journ~t
aux habitants
d'une commune, village ou hameau : mais
faut-il que le fonds Je la source et le village ou le
hameau appartiennent au même territoire, et
soient situés dans l'enceinte de la même commune?
Non, il fau!;jseulementquelesul1saient besoin des
eaux qui sortent du fonds de l'autre. Cela suffit, et
la loi n'exige rien de plus, parce que lés besoins de
l'humanité ne sont pas des choses matérielles, subordonnées aux circonscriptions variables et arbitraires des territoires Ca).
(a) La question en ce ~ui concerne le droit d'expropriation
pour cause d'utilité publique a été soulevée par rapport à la
ville de Dijon, lorsque ses administrateurs voulant lui procurer
de l'eau potable au moyen de la dérivation d'une source abondante située sur le territoire d'une commune éloignée, celle-ci
en refusa la cession amiable et se pourvut en cassation COD.tre
le jugement du tribunal de 1"e instance qui, en vertu d'une ordonnance royale, avait prononcé cette expropriation. Le pourvoi
fut rejeté par arrêt du -4 février 1840 faute de consignation de
l'amende à temps utile; mais s'il avait pu être examiné au
fond, nous ne doutons pas q\l'il n'eût été également repoussé,
parce que l'intérêt qui autorisait i.ci l'emploi de l'expropria. tion, bien que relatif à une population limitée, celle de la
ville, se rattachait cependant à des besoins d'un ordre supérieur, tout à fait étrangers à la circonscription territoriale (*).
Nous reconnaissons cependant qu'il aurait dû en être autre(") SUl' les autres questions qu'a soulevées l'établissement des fontaines
publiques de Dijon et sur l'historique de cette opération, voyez sllprà,
tom. 2, pag. 374 et 788, ainsi qu'une notice iusérée à la page 23r et suiv.
de la 1" partie de, Mémoires de l'Académie des Sciences, A~·ts et BellesLettres de cette ville, années r843-r844.
�· DU DOMAINE PUBLIC.
265
1385. L'origine des villages remonte en général à des temps très-anciens, tandis qu'on voit
souvent se former des hameaux dans les campagnes à mesure que l'agriculture s'étend davantage;
mais la loi nefaisantaucune distinction à cet égard ,
son bénéfice doit également s'étendre aux uns et aux
autres.II y amême une raison de plus d'en faire l'application aux nouveaux établissements, parce que,
d'une part, les anciennes communes ont presque
toutes ou une fontaiueà elles,ou un droit acquis par
titre ou par prescription SUI' l'usage des eaux qui,
ment si la fontaine expropriée eût été indispensable aux besoins
de la commune propriétaire. Dans ce cas celle-ci eût in'voqué
avec succès la maxime prior sibi charitas, et la ville n'aurait pl!
user du droit conféré par l'art. 12 de la loi du 3 mai 1841,
contre un adversaire également fondé à s'en prévaloir. La différence considérable des popu!-ations et de l'importance, à tous
égards, des deux localités n'aurait pas été, à nos yeux, un motif
suffisant pour dépouiller l'une au profit de l'autre et pour écarter
l'application de la règle,privilegiatus non ulÎ potest privilegio contra œquè privilegiatum; mais d'un côté la commune de Messigny
avait déjà une autre fontaine suffisante pour ses besoins, et en second lieu une ordonnance royale rendue le 19 septembre 1838
sur la proposition de la ville, lui laissait le 25e des eaux de la
source expropriée, pour l'indemniser de la diminution que le détournement de cette source devait produire daus le volume de la
petite rivière traversant le village où elle se jetaitprécédemmellt.
L'impossibilité légale de dépouiller une petite commune au
profit d'une autre plus populeuse est le motif qui empêche aujourd'hui la ville de Nîmes de réta~lir l'aqueduc que les Romains
avaient construit pour tirer les eaux de la yille d'Uzès, et dont
une partie constitue le monument remarquable connu sous le
nom de pont du Gard.
�266
1'l\AITÉ
pendant des siècles, ont été reconnues leur être nécessaires; que d'autre côté, il s'agit ici d'un point
de droit nouveau établi par notre Code, principalemen t en vile des agglomérations les plus récentes de
populations exposées à manquer plutôt du secours
de titres on de la prescription; et qu'enfin, dans
les deux cas, les besoins de l'bumanité et les exigences de l'agriculture se présentent avec la même
énergie el commandent la même faveur.
1386. Mais qne doit-on précisément entendre
par nn hameau?
Cette dénominatioll s'applique ordinairement à
un petit groupe d'habitations construites à l'écart,
sur le territoire d'une commune plus ancienne et
plus importante. Cependant, comme le sens n'en
est pas rigoureusement défini, nous sommes portés à croire que quand même il n'y aurait qu'uue seule
maison et un seul ménage ainsi étaplis., il devl'ait
y avoir lieu à l'application de notre article, par la
raison qu'il y aurait également là des besoins d'humanité et d'agriculture à satisfaire. A notre avis,
le propriétaire de la source auquel on offrirait une
indemnité suffisan te ne devrait pas être éconté dans
son refus.
L~eau qui leur est nécessaire: ce n'est pas ici
un droit pOOl' le simple agrément, mais une servi·
'
., C' est un usage personne1 , Im.
tu Ùe (e
1 nccesslle.
médiat, et indispensable aux besoins journaliers
tles hommes et des animaux que la loi a en vue.
De là résulten l trois conséquences:
La première, que cette disposition restrictive
�DU DOMAl;'Œ PUBLIC.
26'1
des droits du propriétaire de la source ne devrait
point, comme le prétend M. Garnier (a), s'appliquer même au cas où le ruisseau ne serait utile au
viJlage ou au hameau que pour mettre en mouvement un monlin servant à leur approvisionnement;
attendu que tout ce qui tient de la servitude doit
être rigoureusement interprété; que l'usage d'un
moulin u'est point d'une nécessité locale, pressante
et journalière comme celui de la prise d'eau pour
boire, et qu'il serait contre les principes de vouloir
qu'un moulin qui appartient à un tiers fùt le fonds
dominant d'une servitude qui ne serait établie que
dans l'intérêt d'un hameau étranger à la propriété
de cette nsine (6).
(a) Traité des eaux, na 61.
(h) Bretonnier sur Henrys, lifJ. 4, quest. 189; Pothier de
la Germondaye, du goupernement des paroisses, pag. 477;
Toullier, Droit cipil, tom. 3, na 134, professent la m~me
doctrine que M. Garnier. Mais M. Daviel, Traité de la pratique des cours d'eau, na 789, se range à l'avis de M. Proudhon, en ajoutant aux raisons données par cet auteur, que
l'eau n'est vraiment nécessaire que pour les besoins des hommes
et des animaux, mais non pour la mouture des grains, parce
qu'on peut suppléer à la force motrice qu'elle 'produit par d'autres agents tels que le venl, les manéges et la vapeur. Il rappelle à cet égard cet axiôme de Tertullien cité par Basnage sur
Normandie, tit. des serfJitudes : Nulla neceSiitas excusa fur
quœ potest non esse necessitas.
En admettant celte solution, en thèse générale, nous pensons
cependant que, selon les circonstances et s'il s'agissait d'une
ville importante pour l'approvisionnement de laquelle un moulin
serait reconnu très-utile, on pourrait, en vertu de l'art 12 de la
�2G8
TRAITÉ
La seconde ~ c'est que si le ruisseau formé pal)la source était assez considérable pour satisfaire à
plusieurs uS,ilges, le propriétaire resterait le maître
d'en détourner une partie, pour ne laisser aux habitants du hameau que ce qui leur serait nécessaire ~ puisqu'il ne leur devrait rien de plus.
La troisième ~ que ces habitants ne pourraient
pas abandonner l'usage de leur propre fontaine
pour exiger une prise d'eau dans celle de l'autre,
puisque celte dernière ne leur serait pas nécessaire. •
Mais chaque fois que1eur source viendrait à tarir,
soit plus ou moins souven t, soit de loin en loin et
à des époq u~s éloignées, ils l'en treraient sous la rr-otection de la loi, pour exiger de la source voisine
non tarie, la prise d'eau dont ils auraient besoin.
1387. Mais, pour refuser aux habitants du village ou ùu hameau la prise d'eau pal' eux prétenùue
en vertn de notre article, le propriétaire de la
source pourrait-illeUl' opposer qu'ilsdoivent plutôt
établir des puits ou des citernes près de leurs maisons r
Il nous paraît évident que non: car les auteur:.
loi du 3 mai 1841, exproprier dans ce but un cours d'eau. Il ne
faut pas perdre de vue en effet que cette disposition, celle de l'art.
545 du Cod. civ., ainsi que les lois des 16 septembre 1807,8 mars
1810 et 7 juillet 1833, ont substitl1é les mots d'utilité publique
à ceux de nécessité publique qu'employaient les constitutions'
des 3-14 septembre 1791 (art. 17) et 24 juin 1793 (art. 19).
Le gouvernement est seul juge de ce qui constitue l'utilité (voy.
.suprà, tom. '2, pag. 201 et suiv. ).
�DU DO:\1:AINE pUlIue.
269
du Code savaient très-bien quepartouton peut construire des puits ou au moins des citernes. Si donc
la possibilité de cette ressource leur eftt paru suffisante pour empêchel'la prise d'eau dans la source
d'autrui, ils n'auraient pas eux-mêmes décrété une
disposition qui serait véritablement illusoire, ne'
trouvant jamais d'application dans l'usage.
Si en négligeant d'entretenir leur propre fOlltaine, les habitants ne trouvaient fllus de quoi
y satisfaire à leurs besoins, ils devraient encore
avoir le droit de faire, au moins provisoirement,
leur prise d'eau dans le ruisseau de la source,
sans que le propriétaire pût le détourner, parce
que ce n'est pas là un usage dont l'exercice puisse
s'ajou;ner; mais dans ce cas, le propriétaire de la
source, étant privé de la faculté de disposer de son
ruisseau en lui donnant une autre direction, serait
fondé à réclamer une indemnité; et, pour s'affranchir de cet état de contrainte, il devrait être reçu
à demander qu'il fût fixé aux habitants un délai
pour rétablir leur fontaine. Si les mesures prises
pour ce rétablissement se trouvaient infructufmses,
alors le cas de nécessité prévu par la loi étant avéré,
la servitude resterait définitivement étal)lie, à la
charge toutefois d'une indemnité suffisante.
1388. Mais ~ ajoutent les auteurs du Code,
si les hahitants n'en ont pas acquis ou prescrit
l'usage ~ le propriétaire peut réclamer une indemnité .. laquelle est réglée par experts:
A vue de ce texte on pourrait d'abord êtl'c sur-
�270
TRAITÉ
pris de ce que la loi pal'ah exiger ou un titre ou
la pl'escription pour l'établissement d'un usage
qu'clle accorde de plein droit et par sa seule volonté. Cependant il y a ici deux choses à remarquer:
L'une, qu'avant la promulgation duCode, cette
servitude n'existait pas de plein droit, et que cependant elle pouvait déjà s'acquérir soit par tilre,
soit par la prescription,' suivant ce qui a été dit
plus haut;
L'autre, qu'aujourd'hui, si ce n'est pas quant à
l'acquisition de la servitude elle-même que le titre
ou la prescription peut être exigé, l'un ou l'autre
11'en est pas moins utile pour repousser la réclamation en indemnité à 'laquelle le propriétaire de la
source aurait renoncé, ou dont il aurait laissé prescrire l'action. C'est ainsi qu'en cas d'enclave, quoique le propriétaire du fond's renfermé dans les autres, ait le droit d'exiger, comme servitude légale,
un passage pour arriver à la voie publique, il est
néanmoins soumis à une indemnité (art. 682 C~
civ. ), et a besoin d'un titre ou de la prescription
pO,nr repousser l'action en dommages-intérêts (art.
685 C. civ.).
Quoi qu'il en soit, si les habitants sont fondés
cn titre, rien de plus n'est exigé, et ils doivent
jouir de leur droit sans autre charge que celle qui
:Jurait été stipulée dans lem' contrat.
Si c'est SUl' la prescription acquisitive que 'les
habitants fondenJ leur u~age, jls ,n~ doivent toujoursaucune indemnitéau propriétaire de la source,
�DU DOlllAINE PUBLIC.
271
parce que persODDe ne peut ètre obligé de payer le
prix d'nne chose qui lui est d'ailleurs légitimenient acquise.
i389.. Mais que faut-il pour que la prescription de l'usage soit acquise de manière à rendre
lllai fondée toute réclamation d'indemnité?
La réponse à cette question se trouve dans le
principe consacréparl'article précédent, et qui a été
le même dans tous les temps; il faut que les habitants aientfait,et terminé, sur le fonds de la source,
des ouvrages apparents et destinés à attirer ou à assurer le cours de l'eau vers leur village ou hameau,
'ou qu'il yait eu de leur part quelque acte de contradiction formé contre le propriétaire pour l'empêcher de disposer autrement de son ruisseau, et
qu'il se soit écoulé trente ans de jouissance paisible
depuis la confection de ces ouvrages ou la notifi·
cation de cet acte, ainsi qu'on l'a expliqué plus
haut. Dans
cas, ils ne devront rien au propriétaire de la source; tandis que s'ils n'avaient pas
prescrit leur droit, ils ne pourraient exiger l'usage
du ruisseau qu'en lui payant nue indemnité.
1390. En ce qui concerne spécialement l'indemnité qui peut être due par les habitants au propriétaire du fonds de la source, ainsi que la graduation de l'estimation qu'on en doit faire, il faut
ohservel' :
Que l'eau elle-même ne doit entrer pour rien
dans cette estimation, pal'ce qu'il ne s';)git ici que
ùe la prise d'un élément dont la Providence offre
l'usage à tons;
ce
�272
TRAITÉ
Que dans le cas où le ruisseau se dirige naturel.
lement vers le hameau, ou vers un lieu daus lequel
les habitants du hameau peuvent jouir des eaux
sans entrer dans le fonds de la source, l'indemnité ne peut être due au propriétaire qu'en considération de ce qu'il sera privé de la faculté de changer
le cours de son ruissea u pour en porter ailleurs les
eaux et les utiliser dans son intérêt, d'une manière
quelconque; ,
Que toutes les fois que la disposition matérielle
du sol ne permet pas aux habitants de jouir des
eaux sans entrer dans le fonds d'où elles jaillissent,
ce doit êtl'e là une circonstance de nature à faire
augmenter l'indemnité à leur charge;
Qu'il ne pourrait être question, d'indemnité à
payer an propriétaii'e de la source si l'on ne devait
point entrer dans son fonds pour profiter de l'usage
des eaux, et si d'ailleurs il lui était impossible, pal'
snite de la disposition du sol, de changer la direction du ruisseau, parce qu'alors la nature aurait
tout fait pour les habitants.
Enfin que quand il s'agit de la prise d'eau dans.
la fontaine d'une commune, il faudrait des circonstances extraordinaires pour qu'il y eût lieu à
une demande en indemnité, puisqu'il ya toujours
pour y arriver des chemins dont l'usage ne porte
préjudice à personne Ca).
(a) La solution donnée ici par M. Proudhon s'appuie sur un
principe qui devrait trouver son npplication dans tous les cas 011
�273
DU DOMAINE PUBLIC.
1391. Nous ne devons pas terminer ce commentaire de l'article 643 du Code sans y ajouter
la réfuta lion d'une grave erreur consigné~ dans un
îl s'agit de fixer l'indemnité d'expropriation pour cause d'utilité
publique, savoir: qu'en général cette indemnité doit être réglée
eu égard à la valeur vénale de la chose pour tout il! mondE', et
non par rnpport au besoin que peut en avoir l'acquéreur, ni
même à l'avantage particulier qu'il doit en retirer. Décider le
contraire, comme l'ont fait certàins jurys d'expropriation, c'est
consacrer le principe de l'usure, laquelle prend pour base de ses
exigences l'étendue du besoin de l'emprunteur.
ù Dans les contrats commutatifs; dit Pothier (Tl'. du contrat
» de vente, nO 244), la valenr de ce que je puis licitement re» cevoir ne se règle que sur la valeur de ce que je donne (ou du
.. préjudice que j'éprouve à m'en dessaisir), et non pas sur la
.. valeur de l'intérêt qu'a l'autre partie d'acquérir çe qùe je lui
il donne. »
Si vero aliquis, dit également St. Thomas (11, 2, q. 77,
a. 1), cité par Pothier, multl'un jUlJetur ex re alterius quam
accepü; ille vero qui vendit non damnificetur carendo rc iUâ,
non dehet eam superpenire, quia utilitas quœ ei accrescit non est
ex vendente, sed ex conditione ementis; nullus autem potest
vendere alteri quod non est suum; licet [Jossit ei vendere damnum quod patitur.
En fait d'expropriation pour cause d'utilité publique, la convenance peut bien avoir quelquefois, en fait, une certaine influence SoUr la fixation du prix, mais en principe HIe ne ùoit pas
servir à le déterminer.
Le prix d'une vente qui est uu contrat licite, qu'il soit volontaire 'ou forcé ùans les cas prévus par la loi, ne doit pas
être apprécié avec plus de rigueur contre l'acheteur que les dommages-intérêts dérivant toujours d'un fait illicite. Or, d'après
l'art. 1149 du Code civil, les dommages et intérêts dus au créancier ne sont que de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été
'}'0I\1.1V.
18
�l'RAni
cours ds droit français (a)
sa disposition.
SUI'
l'application de'
privé; et, suivant l'article 1151, ces dommages et intérêts, dans
le cas même de dol, ne doivent comprendre, tant pour la perte
que pour le gain, que ce qui est une suite immédiate et directe
de l'acte qui a fait nattre l'oblig'ation. Ce qui prouve également
que le prix d'une chose, de quelque avantage qu'elle soit pour
l'acheteur, ne doit être que sa valeur vénale, c'est que dans
l'action. en rescision pour cause de lésion, on ,n'a et on ne peut
avoir égard qu'à cette valeur et non à celle que la chose avait
pour l'acheteur.
Au rapport de Duperrier, avocat au Parlement de Provence,
cité par Merlin (Répertoire de jurisprudence, VO Retrait d'utilité publique), il était d'usage dans ce Parlement d'ordonner
que le prix de la vente forc~e dans l'intérêt général, serait augmenté d'un cinquième en sus de la valeur réelle du bien. Mais
cette jurisprudence, regrettée à tort pal' Merlin et par M. CoteHe
(Cours de droit administrtltij, tom. 1·', p. 281), est formellement
proscrite par l'article 40 de la loi du 16 septembre 1807 encore
en vigueur aujourd'hui, et qui porte que: u Les terrains néces" saires pour ... .-. trava\IX reconnus d'une utilité générale,
» seront payés à leurs propriétaires à dire d'experts, d'après
'. leur valeur avant l'entreprise des travaux, et sans nulle
» augmentation du prix d'estimation. "
C'est d'après ces principes que M. Daviel, Tr. de la pratique
des cours d'eau, Il" 791 , enseigne aussi que dans l'estimation
de l'indemnité due par les habitants qui usent du bénéfice de
l'art. 643, il ne faut pas faire entrer l'avantage qu'ils retirent
de l'eau, mais seulement la perte que peut causer au propriétaire la privation de la faculté de la détourner et de l'employer
plus utilement dans son intérêt.
(a) M. Durauton, tom. 5, n° 191, 3' éclit., 1831. -M. Pardessus (Traité du servitudes, nO 138) partage l'avis de M. Duranton en se fondant non-seulement sur l'art. 643, Illnis surtout
�DU DOMAINE PUIII.IC.
275
Quoique, y est-il dit, l'art. 643 ne parle que
de l'eau d'une source nécessaire aux habitants
" d'une commune, village ou hameau, il n'en faut
» pas conclure Ca) que sa disposition n'est applica» ble qu'aux eaux qui ont un cours, et qn'ellene le
" serait point à l'égard d'une citerne ou d'une fon.
d' une mare ou d" un etang, cl ont l' eau,
" tame,
" ainsi qu'on le voit dans beaucoup d'endroits,
" leur serait nécessaire; par application de l'arti» cIe 545, et même de l'article 645, il eu serait
• que pour l' eau d' une source qUI. a un
» d e meme'
" cours marqué.» Il y a ici oubli de plusieurs véri·
tés élémentaires.
0
1
En fait de servitude tout est de rigueur, parce
que le principe de la liberté constitue teujollrs
la règle du droit commun: il n'est donc jamais
permis d'argumenter par analogie, pour transporter d'un cas à l'autre l'établissement d'une
servitude.
2° On ue pentraisonnablement trouver d'analogie entre nne citerne et un ruisseau.
3 0 Comme l'eau qui s'échappe sans cesse n'appartient à personne, elle reste dans le domaine de
la loi, qui dispose de son usage; mais l'eau d'une
citerne ou d'une mare appartient aussi rigoureuse«
Y)
sur l'art. 545; - mais M. Daviel '( Traité de la pratique des
cours d'eau, nO 825) adopte entièrement et avec raison l'opinion
de M. Proudhon.
(a) « du moins suivant nous, l> ces mots ont été ajoutés dans
la -i' édit. de 184.4.
�276
TRAITÉ
ment au propriétaire de ces réservoirs, que celle
qui est puisée dans la rivière appartient à l'individu
qui l'emporte; cc qui fait qu'elle n'est plus à la
disposition de la loi.
4° L'art. 643 du Code ne statue que sur l'usage
du ruisseau sortant d'une sourc.e on d'une fontaine; et la servitude légale qu'il établit consiste
seulement à interdire an propriétaire de la source
d'en changer le cours, lorsqu'-elle porte ses eaux
vers un village ou hameau auxquels elles sont
nécessaires. Or comment concevoir que là où il
n'y a qu'une citerne ou une mare de laquelle il ne
. sort aucun cours d'eau, il soit néanmoins défendu
au propriétaire Je détourner un ruisseau qui
n'existe pas?
5° Quand il s'agit d'une citerne ou d'une mare,
les eaux ne s'y renouvdlent pas quotidiennement
comme dans le cas d'une source d'eau vive et
courante: comment donc serait-il permis de prétendre que le propriétaire pût .être obligé d'en
souffrir l'épuisement au profit des habitants d'une
commune voisine? Comment, pour satisfaire aux
besoins des aut-res, serait-il permis de lui enlever
un objet qui est le sien, et qui est nécessail'e à sa
propre vie? Et comment les habita~lts du village
ou du hameau ne seraient-ils pas obligés d'établir
des citernes pour leurs bes'oins plutôt que d'aller
épuiser cellps des au tl'es?
�DU DOMAINE l'UULIC.
277
SECTION II.
Des sources d'eau salée (a).
1392. Les sources d'eau salée sont, comme celles
(a) Le sel commun, appelé aussi sel marin, sel de cuisine
ou muriate de soude, si abondamment répandu dans la nature,
d'un usage si général et d'une utilité si grande, est un sel neutre
parfait qui ne contient ni excès de base, ni excès d'acide; il est
composé d'environ moitié de son poids de soude ou alcali minéral, de 0,33 d'acide marin ou muriatique et de 0,17 d'eau de
cristallisation. Il se dissout dans quatre parties d'eau soit froide,
soit chaude; en cristallisant lentement, il prend la forme d'uu
cube; mais si la cristallisation est précipitée par une évaporation
trop rapide, ses cristaux prennent la forme de pyramides creuses
à quatre faces auxquelles on a, par cette raison, donné le nom
de trémies,
La nature nous offre cette substance dans plusieurs états différents : 1° universellement, quoique inégalement, répandue dall~
les eaux de la mel"; 2° en efflorescences ou en croûtes confusément cristallisées qui apparaissent à la surface du sol, surtout
dans les climats chauds et sur des terrains arides et sablonneux;
3° dans des lacs peu profonds, qui souvent ne sont alimentés
que par les eaux de pluie et autres eaux douces; 4° da'ns des
sources de fontaines dont quelquefois les eaux en sont presque
saturées; 5° en très-grandes masses formant dans fe sein de la
terre des couches compactes et solides comme des bancs de
pierre.
La France possède de nombreuses sources salées, surtout dans
les départements de la Meurthe et du Jura. Le premier a trois
graudes salines à Dieuze, Moyenvic et Château-Salins, toutes
trois dans la vallée qu'arrose la Seille. Il y avait autrefois à
Rosières, à 15 kilomètres de Nancy, une superbe saline que les
fermiers généraux, par des considérations financières, firent détruire. Les plus importantes dn Jura sont celles de Salins, au
�278
TRAlTÉ
d'eau douce, un produit de la nature. Mais qui
doit principalement profiler de ce hienfait de la
Providence? et à qui les lois positives en adjugentnl;lmbre de trois qui, hien que sortant du même rocher, ont un
degré de salure fort différent.
Le sel en mine ou selfossile, appelé aussi 'Sel gemme parce
qu'il est très-dur et qu'il a quelquefois la couleur et presque la
transparence des pierres précieuses, se trouve dans les ~mes
terrains que le gyp.se , tantôt en grands bancs continus, tantôt
dis.séminé en cubes isolés dans des couches d'argile.
Depuis longtemps on connaissait les mines de sel gemme do
Wielitska, en Gallicie, les plus célèbres de l'Europe; de Torda
et de Dées, en Transylvanie; d'Epéries, dans la Haute-Hongrie;
de Halle, en Tyrol; de Nortwich, dans la province de Chester,
en Angleterre, près la mer d'Irlande; de l\'Iingranilla , de Valtierra et de Cardona, près des Pyrénées, en Espagne; enfin, de
la partie haute du Pérou, dans l'Amérique méridionale; mais
aucune n'avait encore été signalée en France.
Vers 1824, un grand nombre de puits salés à un degré supérieur à celui des puits du gouvernement, ayant été découverts dans
le département de la Meurthe, on fut, par suite, conduit à faire
des sondages plus profonds qui amenèrent la découverle à 65
mètres en contre-bas du sol, d'une immense couche de sel
gemme de plus de 80 mètres d'épaisseur, et dont l'existence fut
const.atée sur une surface de 480 kilomètre. carrés s'étendant
sofis dix départements. On reconnut que cette immense mine
pouvait donner un produit d'un million de quintaux métriques
de sel pendant plus de cent mille ans.
Un fait aussi grave venait déranger tous les calculs, compromettre l'existence des industries salifères et rompre l'équilibre de
l'impôt. Aussi le gouvernement se bâta d'y appliquer des dispositions propres à prévenir les inconvénients qu'il redoutait, ct
proposa une loi qui fut adoptée avec beauco~p de difficultés par
�DU DOMAINE PUBLIC.
279
elles la propriété? Tel est le sujet que nous avons'
,
.
,a examIner ICI.
En ùroit, c'est un principe constant qne le
propriétaire d'un fonds est aussi propriétaire de la
source qui s'y trouve ,ou qui en sort; et ce principe, déjà consacré par les lois anciennes (a), l'est
encore plus explicitement par l'art. 641 de notre
Code civil, portant que cc celui qui a llne source
lèS Chambres et ensuite promulguée le 6 avril 1825;' elle est
Seront concédées pour 99 ans, avec publicité
ainsi conçue :
" et concurrence, à titre de régie intéressée, et pour être réu» nies dans les mêmes mains, 10 l'exploitation des salines de
u Dieuze, Moyenvic et Château.Salins, département de la
• Meurthe; Soultz, département du Bas-Rhin; Saulnot, délJ partement de la Haute-Saône; Arc, département du Doubs;
.. Salins et Montmorot, département du Jura; 2° la mine de sel
" gemme existant dans les départements d-dessus dénommés, ainsi
" que dans ceux de la Meuse, de la Moselle, dn Haut-Rhin,
" des Vosges et de la Haute-Marne, dès que le domaine de l'Etat
lJ en aura été mis en possession, conformément aux dispositions
.. de la loi du 21 avril 1810. "
Cette loi, mise à exécution par l'ordonnance du 21 août suivant, et par un traité passé le 31 octobre même année, avec une
. Compagnie puissante, fit surgir de nombreuses réclamations;
d'autres événements vinrent encore compliquer la situation, et
c'est ponr sortir de ces embarras que fut rendue la loi du 17 juin
1840, transcrite dans la note de la page 287, in/l'à. Les vicissitudes que le projet aenà subir depuis sa première présentation à la
Chambre des députés le 17 juin 1833, sont exposées dans le Rapport de lU. Laurence, du 14 mai 1838, Moniteur du (lI, depuis leqnel il n'a re/Su aucune modification importante.
(a) Porlio enim agri videtur agua vil'a, 1. 21, ff. guod 'vi auto
elàm. - Adde 1. .1, § 12, et 1. 21, ff. de agudetaguœ,lib:
39, tit. 3.
(C
�280
'l'BArrÉ
d'eau dans son fonds peut en user à volonté: ,.
sauf le droit que le propriétaire du fonds iufé..,
» rieur pourrait avoir acquis pal' titre ou par pres» cription. »
Comme on le voit, celte disposition est aLsol ne
et générale, et par conséquent s'applique aussi bien
aux sources d'eau salée qu'à celles d'<eau douce.
Une preuve que la nature ou la qualité de l'eau
ne change rien aux droits du propriétaire foncier,
c'est que les marais salants qui sont au bord de la
mer a'ppartiennent souve~t à de simples particuliers : en sorte qu'on ne voit pas pourquoi il en se":
~ait autrement d'une source d'eau salée.
Il résulLecle là que ces sortes de sources doivent,
. a. l' etat, aux comcomme toute~ autres, appartemr
munes ou aux particuliers, suivant qu'elles sortent
d'un fbnds ~ationai , communal ou privé.
13~3. Cen'es~ point ici une disposition de droit
nouveau, mais bien une vérité de, lous les temps:
car, en remontant aux lois romaines ,'principe de
notre législa lion, nous voyons qu'elles attribuaient
déjà la propriété des sources d'eau salée aux maîtres des héritages d'où elles surgissent.
C'est ainsi que la saline d'un pupille ne pouvait
être aliénée qu'au moyen des formalités requises
pour la venle des fonds des mineurs: Sed et si sau
»
1
linas haheat pupillus ~
(1) 1. [), § l , ff.
tit. 9.
rk
r~bus
~dem erit
dicendum (1);
eorum qni sub tu telâ , lib, 27,
�DU DOMAINE PuBLIC.
281
que le legs de l'usufl'llit d'un fonds emportait aussi
le droit de jouissance de la source d'cau salée qui
y prenait naissance (1); ct qu'on devait comprendre ces sources dans le recensement des héritages,
c'est-à·dire dans la matrice cadastrale établie pour
régler l'assiette des impôts fonciers que les propriétairesdevaicnt verser au trésor puhlic: Salinae,
si quae sint in praediis, ipsae in censum referendae sunt (a).
1394. Cependant nous ne voyons pas que la
jouissance ou l'exploitation de la source d'eau salée ait jamais été libre entre les mains du propriétaire particulier, comme ceBe d'une sonrce d'eau
douce; nous voyons, a,-\ contraire, que, dans tous
les temps, le sel a été considéré pa"r les gouvernements comme une matière essentiellement imposable, et qu'en conséquence, sans s'emparer de la.
source elle-même, l'autorité publique défendait
sévèrement au propriétaire de faire aucun débit du
sel de sa fabrication, sans q'Ue les agents du fisc ou
les fermiers généraux des salines fussen t présen ts
(1) L. 32, §§ 'l et 3, if. de usufructu legato, lib. 33, tit. 2.
(a) L. 4, § 7, if. de censibus, lib. 50, tit. 15. - L'établissement du cadastre, pour servir de base à la perception de l'impôt,
ll'est point une invention moderne datant seulement des décrets
des 4-21 aoÛt et 16-23 septembre 1791; cette institution existait
déjà chez les Romains, ainsi que l:a très-bien démontré M. Giraud, d'Aix, inspecteur général des écoles de droit, dans un
Mémoire extrêmement curieux, lu à l'Académie des sciences
morales le 18 janvier 1845, et inséré au Moniteur du 22 mars,
suivant, nO 81.
�282
1'IlAITÉ
pour percevoir le lribut imposé sur cetle denrée
Si quis sine personl1 mancipum, id est sa linarum conductorum, sales emerit vendereve tentaverit, sive propril1 audacil1, sive nostro
munitus oraculo (1), sales ipsi unà cum eorum
pretio mancipibus addicantur (2).
Ainsi, quelle que soit l'importance de l'impôt
sur le sel pour l'acquit des charges publiques, et
quelque active et insatiable qu'ait toujours été l'avidité des publicains, il faut reconnaître néanmoins
par ce qui vient d'être dit, que, sous la domination
des Romains, auxquels nous avons succédé dans
les Gaules, le génie de la fiscalité a toujours respecté le droit de propriété du fonds renfermant une
source d'eau salée, ct que toujours le maître de
l'héritage a été réputé aussi propriétaire de la .
source.
1395. Si de là nous arrivons à l'empire des
Fraucs, après leur conquête des Gaulc3 sur les
Romains, nou~ ne trouvons rien de changé à cet
égard, les Français ayant conservé en général les
lois que les Romains avaient établies dans ce pays
pendant qu'ils le possédaient.
Il y a plus: c'est que si nons consultons la longue ordonnance des gahelles, rendue au mois de
(1) On voit par ces expressions que, ùans tous les temps, il ya
eu lieu de se défier des rescrits surpris au prince pal' les cour-
tisans.
(2)L. 11, Cod. de l1ectigalihus, lib. 4, tit. 61.
�nu nmIAIMi l'UIILIe.
283
mai 1680, et divisée en vingt titres, nous y voyons
dans le 14e , qn'il y est question des gahelles à percevoir dans les salines appartenant aux parti-
culiers.
C'est en conséquence de cette vérité, reconnue
dans tous les temps, que DUNoD, en parlant des
droits dont les salines particulières étaient passibles
envers le fisc, dit: «Le comté de Bourgngne
» abonde en sources salées. Celles dont on tire le
» sel aujourd'hui appartiennent au roi. Des deux
» qui sont à Salins, il y en avait une qui apparte» nait à des particuliers, dont le roi l'a ache» tée (1). »
- 1396. En passant aux lois et réglements faits
depuis 1709, sur cette matière, nous trouvons d'abord un arrêté du directoire exécutif du 3 pluviôse
an YI, conçu dans les termes q~i suivent (2):
ART. l er . « Tout propriétaire de salines ou sour» ces d'eaux salées ne pourra en faire l'exploitation
» qu'après avoir obtenu la permission des corps
» administratifs, approuvée par le directoire exé» cutif. »
Ainsi la propr,iété particulière et individuelle des
sources d'ean salée est encore, par ce réglement,
comme par Je droit ancien, positivement reconnue
(1) Observations sur la coutume du comté de Bourgogne,
p.6.
(2) Il n'a point été inséré au Bulletin des lois. Nous le trouyons seulement rapporté dans le Code des mines, pag. 494.
�28'1au profit des
les trouve.
'l'RAIl'É
pl'Opriétai~es
du sol dans lequel on
Nulle permission ne pourra être ac» cordée qu'elle n'ait été précédéede la justification
» des facultés, moyens d'exploite,', na ture et qua·
» lité des combustibles prescrites par les articles
~) 9, titre 1 er , et 4 du titre 2 de la loi du 2.~ juillet
)' 179 1 .»
La loi de 1791, à laquelle il est ici l'en voyé, a
pour objet les mines, dont l'exploitation, comme
celle des sources d'eau salée, portant émineniment
sur l'intérêt public de la société, doit être soumise
à des mesures administratives propres à en assurer
la réussite et la meilleure direction.
ART. 3. cc L'établissement d'aucune saline par» ticulière ne pourra être permis dans l'étendue
» de six lieues formant l'arrondissement de chaque
» saline nationale. »
ART. 4. cc Toutes salines particulières établies
» dans cette dis·tance, ainsi que celles qui n'ont
» pas été revêtues de permissions dans les formes
» ci-devant prescrites, seront détruites incessam» ment, et les corps administratifs SOnt chargés
» d'en empêcher l'exploitation par tOI1S ~es moyens
» qui sont en lenr pouvoir, même pat la force al'·
» mée, s'il est nécessaire. »
Par la disposition de ces deux articles, le directoire exécutif a voulu étahlir, au profit des salines
de l'état, nn monopole snI' le sel, anéantissant la
eoncnrrence des salines particulières situées dans
ART. 2. cc
�DU DmIAtNE rUELle.
285
le rayon de trois myriamètres, et à cet effet prescrivant par une sorte de servitude l'anéantissement
de toutes les sources salées qui apparaîtraient daus
l'étendue de ce même rayon; mais, sous ce double
point de vue, cet arrêté ourrait-il et a:t-ifjamais
pu être vraiment obligatoire?
Nous ne le croyons pas; et, pOlU le démontrer,
nous n'exciperons même pas de ce que n'ayant pas
été inséré"au Bulletin des lois, il n'a point reçu la
promulgati'on qui était absolument nécessaire pour
le rendre exécutoire; mais arrivant au fond de la
cause, nous dirons,
D'une part, que, dans noire organisation sociale,
le pouvoir exécutif n'a le droit d'établir des réglements que SUI' la manière d'exécuter les lois, et
qu'il n'a aucun pouvoir de faire la loi elle-même;
que cependant ici le directoire aurait fait de son
chef uue loi, puisque aucun acte législatif n'avait
été antérieurement porté sur cette circonscription
salinière;
Que la décision de cet arrêté est d'autant moins
valable qu'elle constitue l'établissement d'un odieux
monopole contraire à la satisfaction des besoins
èonlinuel~ de la société, sur la consommation d'nne
denrée qui est de première nécessité pour tous les
individus; en sorte que le directoire exécutif, établi
pOUl' favoriser tout ce qui pouvait être utile au
corps social, a, en cette circonstance, manqUé à la
loi de sa propre institution.
' qm. pUIsse,
,
1 n ' y ;J que 1a l01
D ,a II tre p;Jrt, fi Il"\
�286
'l'RAlTÉ
des motifs de bien génél'al, et encore à charge
d'indemnité, établir des servitudes foncières sur
nos héritages, telles que celle du chemin de halage le long des rivières navigables; que le directoire
exécutif était donc enco e sous ce point de vue,
lOul-à-fait incompétent pour imposer au propriétaire du fonds une servitude ayant pour objet d'anéantir la sonrce d'eau salée.
1397 à 1407 (a). Ensuite de cet arrêté est surve-
pOUl'
Ca) On a cru devoir supprimer ici plusieurs pages dani lesquelles M. Proudhon, après une courte analyse de la loi du 24
avril 1806 , discutait avec développement la question de savoir
si, pour l'exploitation d'une mine de sel ou d'une source d'eau
salée, il fallait une concession du /?;ouvernement conformément
à la loi du 21 avril 1810, question qu'il résolvait par la négative en soutenant que le propriétaire du fonds dans lequel existe
la mine ou la source, n'était soumis à d'autre formalité qu'à une
déclaration préalable à la régie des contributions indirectes, pour
faciliter la perception de l'impôt.
Cette discussion est devenue aujourd'hui complétement inutile au moyen de la loi du 17 juin 1840, spéciale sur la matière, qui porte qu'aucune exploitation de mines de sel, de
sources on de puits d'eau salée, ne peut avoir lieu qu'en vertu
de concession consentie par ordonnance royale, et que les lois
et réglements généraux sur les mines, notamment celle du 21
avril181O, sont applicables à ces sortes d'exploitations, Ces dispositions, qui ont pour effet de séparer la propriété de la mi~e
de sel ou de la source salée, de la superficie, ou du surplus de
l'héritage, et de permettl'e au gouvernement d'en faire la concession contre le gré du propriétaire du fonds, et moyennant
une simple indemnité à son profit, sont suivies de plusieurs articles relatifs aux mesures propres Zl assurer la perception de
�DU DOMAINE
l'Ul~LIC.
287
nue la loi du ~4 avril 1806, rapportée au tome 4
4e série du BuJJelin des lois, page 451, et
dc la
l'impôt, aux peines eu cas de contravention, ainsi qu'à la compétence des tribunaux appelés à réprimer les fraudes.
Au surplus, comme cette loi forme le dernier état de la législation sur la matière, on croit convenable d'en transcrire ici
le texte m~me, ainsi que celui de l'ordonnance d'exécution en
date du 7 mars 1841.
L'ensemble des 19 articles qui la composent comprend deux
objets bien distincts. D'une part, il statue sur des questions d'intér~t général en réglant le régime auquel doit ~tre assujettie l'exploitation des mines de sel et des puits d'eau salée. De l'autre,
il pourvoit aux mesures qu'exige la résiliation du traité passé
en 1825 entre l'Etat et la Compagnie des salines de l'est.
LOI
SUR LE SEL,
1er • -
du 17-26 juin 18.(0.
ft Article
Nulle exploitation de mines dè sel, de
sources ou de puits d'eau salée naturellement ou artificiellement,
ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une concession consentie par
ordonnance royale délibérée en conseil d'état.
Art. 2. - Les lois et réglements généraux sur les mines sont
applicables aux exploitations des mines de sel.
Un réglement d'administration publique déterminera, selon
la nature de la concession, les conditions auxquelles l'exploitation sera soumise.
Le m~me réglementdéterminera aussi les formes des enquêtes
qui devront précéder les concessions de sources ou de puits d'eau
salée•.
Seront applicables à ces concessions les dispositions des titres
5 et 10 de la loi du 21 avri1181O.
Art. 3. -Les concessions seront faites de préférence aux
propriétaires des établissements légalement existants.
Art. 4. - Les concessions ne pourro~t excéder yingt kilom.
�288
dans laquelle, non plus que dans tous les régIe..
ments faits sur la matière postérieurement à cel arcarrés s'il s'agit d'une mine de sel, et un kilom. carré pour
l'exploitation d'une source ou d'un puits d'eau salée.
Dans l'un et l'autre cas, les actes de concession régleront les
droits du propriétaire de la surface conformément aux art. 6 et
42 de la loi du 21 avril 1810.
Aucune redevance proportionnelle ne sera exigée au profit
de l'état.
Art. 5. -Les concessionnaires demines de sel, de sources ou
de puits d'eau salée, seront tenus, 10 de faire, avant toute exploitation ou fabrication, la déclaration prescrite par l'art. 51 de
la loi du 24 avril 1806; 2 0 d'extraire ou de fabriquer au minimum et annuellemen t une quantité de cinq cent mille kiIo g . de
sel, pour être livrés à la consommation intérieure et assujettis à
l'impôt.
Toutefois une ordonnance royale pourra, dans des circon-'
stances particulières, autoriser la fabrication au-dessous du mi-'
nimum. Cette autorisation pourra toujours être retirée.
Des réglements d'administration publique détermineront,
dans l'intérêt de l'impôt, les condition. auxquelles l'exploitation
et la fabrication seront soumises, ainsi que le mode de surveillance à exercer, de mllnière à ce que le droit soit perçu sur les
quantités de sel réellement fabriquées.
Les dispositions du présent article sont applicables aux exploitations ou fabriques actuellement.existantes.
Art. 6. - Tout concessionnaire ou fabricant qui voudra cesser
d'exploiter ou de fabriquer, est tenu d'en faire la déclaration au
moins un mois d'avance.
Le droit de, consommation sur les sels èxtraits ou fabriqués
qui seraient encore en la possession du concessiollnail') ou du
fabricant un mois après la cessation. de l'exploitation ou de la
fahrication sera exigible immédiatement.
L'exploitation ou la fabrication ne pourront être reprises
\.~
�DU
DO~IAI~"':
PUBLIC.
289
rêté, on ne trouve aucune disposition qui se réfere
à son art. ::; , prohibant l'établissement de salines
~
qu'après un nouvèl accomplissement des obligations mentionnées
en l'art. 5.
Art. 7. - Toute exploitation ou fabrication de sel entreprise
avant l'accomplissement des formalités prescrites par l'art. 5,
sera frappée d'interdiction raI' voie administrative; le tout s:1Os
préjudice, s'il y a lieu, des peines portées en l'art. 10.
. Lf}S arrêtés d'interdiction rendus par les' préfets seront exécutoires par provision, nonobstant tout recours de droit.
Art. 8. - Tout exploitant ou fabricant de sel dont les produits n'auront pas atteint le minimum déterminé par l'art. 5,
sera passible d·'une amende égale au droit qui aurait été perçu
sur les quantités de sel manquant pour atteindre le minilIlum.
Art. 9. -L'enlèvement etle transport des eaux salées et des
matières salifères sont interdits pour toute destination autre que
celle d'Une fabrique régulièrement autorisée, sauf l'exception
portée cn l'art. 12.
Des réglements d1administration publique détermineront les
formalités à observer pour l'enlèvement et la circulation.
Art. 10. - Toute contravention aux dispositions des art. 5 ,
6, 7 ct 9, et des ordonnances qui en régleront l'application, sera punie de la confiscation des eaux salées, matières salifères,
sels fabriqués, ustensiles de fabrication , moyens de transport,
d'une amende de cinq cents francs à cinq mille francs, et, dans
tous les cas, du paiement du double droit sur le sel pur, mélangé ou dissous dans l'eau, fabriqué, transporté ou soustrait à la
surveillance.
En cas de récidive, le maximum de l'amende sera prononcé.
L'amende pourra même être portée jusqu'au double.
Art. 11. - Les dispositions des art. 5,6 ,7,9 et 10, sauf
l'obligation du mi~imum de fahrication, sont applicables aux
TO!ll. IV.
�290.
TRAtTÉ
particulières dans un rayon de trois mYl'iamèlrcs
de chaqne saline nationale; silence qui nous conétablissements de produits chimiques dans lesquels il se produit
en même temp5 du sel marin.
Dans les fabriques de salpêtre qui n'opèrent pas exclusivement
sur les matériaux de démolition, et dans les fabriques de produits chimiques, la quantité de sel marin réslllJant des préparations sera constatée par les exercices des employés des contributions indirectes.
.
Art. t 2. - Des réglements d'administration publique détermineront les conditions auxquelles pourront être autorisés
l'enlèvement, le transport et l'emploi en franchise ou avec
modération de droits, du sel de toute origine, des eaux salées
ou de matières salifères, à destination des exploitations agricoles ou manufacturières , et de la salaison, soit en mer soit à
terre, des poissons de toute sorte.
Art. 13. - Toute infraction aux conditions sous lesquelles la
franchise ou la modération de droit aura été accordée en vertu
de l'article précédent , sera punie de l'amende prononcée par l'art.
10, el, en outre, du paiement du double droit sur toute quantité de sel pur ou contenu dans les eaux salées et les matières
salifères qui aura été détournée en fraude.
La disposition précédente est applicable aux quantités de
sel que représenteront, d'après les allocations qui auront été déterminées, les salaisons à l'égard desquelles il aura été contrevenu aux réglements.
Quant aux salaisons qui jouissent d'lI droit d'employer le sel
étranger, le double droit à payer pour amende sera calculé à
raison de soixante francs pour cent kilogrammes, S3JlS remise.
Les fabriques ou établissements, ainsi que les salaisons en
mer ou à terre, jouissant déjà de la franchise, sont également
soumis aux: dispositions du présent article.
Art. 14. -l,es contraventions prévues par la présente loi j;eront
poursuivies del'ant les tribunaux de police .correctionnelle, ft
�DV DOMAINE l'VBLIe.
291
firme, dans notre opinion, que celle odieuse servi·
tude a élé abrogée.
la requête de l'administration dcs douanes ou dé celle des contributions indirectes.
Art. 15. -Avant le 1er juillet 1841, une ordonnance royale
réglera la remise aècordée il titre de déchet, en raison des lieux
de production, et après les expériences qui auront constaté la
déperdition réelle des sels, sans que, dansaueun cas, cctte remise
puisse excéder cinq pour cent.
Il n'est rien changé aux autres dispositions des lois et réglements relatifs à l'exploitation des marais salants.
Art. l6.-Jusqu'au 1er janvier 1851, des ordonnances royales
régleroIlt:
10 L'exploitation des petites ~alincs des cMes de la Manche;
0
2 les allocations et franchises sur le sel dit de troqlle, dans les
départements du Morbihan et de la Loire-Inférieure.
A œUe époque, toutes les ordonnances rendues en vertu du
présent article cesseront d'être exécutoires, et toutes les salines
seront soumises aux prescriptions de la présente loi.
Art. 17. - Les salines, salins et marais salants seront cotisés
il la contribution foncière, conformément au décret du 15 octobre 1810, savoir: les bâtiments qui eu dépcndent, d'après
leur valeur locative, et les terrains et emplacements, sur le
pied des meilleures terres labourables.
La somme dont les salines, salins ct marais salants auront été
dégrevés par suite de cette cotisation, sera reportée sur l'ensemble de chacun des départements où ces propriétés sont situées.
Art. 18.- tes clauses et conditions du traité consenti entre le
ministre des finances et la Compagnie des salines et mines de sel
de l'Est, pour 13 ré iliation du bail passé le 31 octobre 1825,
sont et demeurent approuvées. Ce tr:lit{ restera :lnnexé à la pré~
sente loi.
Le ministre des finances est autorisé à effectuer les paiements
�292
TJlAlTÉ
1408. Nous ne lel'minerons pas cette section
sans émettre nolre opinion sur le taux élevé de
ou restitutions qui devront être opérés pour l'exécution dudit
traité.
Il sera tenu un compte spécial où lcs dépenses seront successivement l>0rtées, ainsi que les recouvrements qui seront opérés
jusqu'au terme de l'exploitation,
Il est ouvert au ministre des finances, sur l'exercice 1841 ,
un crédit de cinq millions, montant présumé de l'excédant de
dépense qui pourra résulter de cette liquidation, dont le compte
sera présenté aux Chambres.
Art. 19. - J.Jes dispositions de la présente loi qui pourraient
porter atteinte aux droits de la concession faite au domaine de l'E·
tat, en exécution de la loi du 6 avril }825, n'auront effet, dans les
départements dénommés en ladite loi, qu'après le 1er octobre 1841.
Jusqu'à cette époque, les- lois et réglements existants continueront il recevoir leur application dans lesdits départements.
ROI des 7 mars-15 avril 1841 , portant réglement sur les concessions des mines de sel et de sources et puits
d'eau salée, et sur les usines destinées à la fabrication du sel.
OIWONNANCE DU
T(TRE
JO<. -
Des mines de sel.
Art. 1er. Il ne pourra être fait de concession de mines de sel,
sans que l'existence du dépôt de sel ait été constatée par des puits,
des galeries ou des trous de sonde.
Art. 2. Les demandes en concession seront instruites conformément aux dispositions de la loi du 21 avril 1810.
Elles contiendront les propositions du demandeur, dans le but
de satisfaire aux droits attribués aux propriétaires de la snrf..'1ce
par les articles 6 et 42 de la loi du 21 ;lvrillRIO.
Art. 3. L'exploitation d'une mine de sel, soit à l'élat solide
par puits ou galeries, soit par dissolution au moyen de trous de
�DU DOMAINE l'VELle.
293
l'impôt indirect, dont le débit du sel est fr:lppé en
France: quoique ce soit une question d'ad minissonde ou autrement, ne pourra être commencée qu'après que le
projet des travaux: aura été approuvé par l'administration.
A cet effet, le concessionnaire soumeUra au préfet un mémoire indiquant la manière dont il entend procéder à l'exploitation, la disposition générale des travaux qu'il se propose d'exé':
cuter et la situation des puits, galeries et trous de sonde, par
rapport auX habitations, routes et chemins; il Yjoindra les plans
et coupes nécessaires à l'intelligence de son projet.
Lorsque le projet d'exploitation aura été approuvé, il ne
pourra être changé sans une nouvelle autorisation.
L'approbation de l'administration sera également nécessaire
pour l'ouverture de tout llouveau champ d'exploitation.
Les projets de travaux énoncés aux paragraphes précédents,
devront être, aipsi que les plans à l'appui, portés, avant toute
décisidn , à la connaissance du public.
A cet effet, des affiches seront apposées, pendant un mois, dans
les communes comprises dans lesdits projets, et une copie des
plans sera déposée dans chaque mairie.
TITRE
II. -
Des 'sources el puits d'eau salée.
Art. 4. I.Jes art. ]0, 11 et 12 de la loi du 21 avril 1810
sont applicables aux recherches d'eau salée.
Art. 5. Tout demandeur en concession d'une source ou d'un
puits d'eau salée, devra justifier que la source ou le puits peut
fournir des eaux salées en quantité suffisante pour ulle fabrication annuelle de 500,000 kilog. de sel au moins.
Art. 6. Il devra justifier des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux, ct des moyens de satisfaire aux
indemnités et charges qui seront imposées par l'acte de COllcessIOn.
Art. 7. La Jelllande en concçssion sera adressée au préfet ct
enregistrée, il sa clate, sur un registre spécial, conformément il
l'art. 22 de la loi du 2L avril 1810; le secrétaire-gènéral de la
�294
l'lIAtTÉ
tration financière qui ne se rapporte que bieu Illdirectement à l'objet de ce traité, son importance,.
préfecture ~éli'vrera a u requérant un extrait certifié de cet enregistrement.
La demande contiendra l'indication exigée par l'article 2 cidessus.
Le pétitionnaire y joindra le pla.l.l., en quadruple expédition
et à l'échelle de 5 millimètres pour 10 mètres, des terrains désignés dans sa demande. Ce plan devra indiquer l'emplacement
de la source ou du puits salé, et sa situation par rapport aux habitations, routes et chemins; il ne ser~ admis qu\près vérification par l'ingénieur des mines; il sera visé par le préfet.
Art. 8. Les publications ct affiches de la demande aurunt lieu
à la diligence du pr.éfet et conformément aux art. 23 et 24 de
la loi du 21 avril 181 O. Leur durée sera de deux mois, il compter du jour de l'apposition des affiches dans chaque localité. La
demande sera inséréc dans l'un des journaux du département.
Les frais d'affiches, publications et insertions dans les journaux,
seront à la charge du demandeur. Art. 9. Les demandes en concurrence ne seront admises que
jusqu'au dernier jour de la durée des affiches.
Elles seront notifiées par actes extrajudiciaires au demandeur,
ainsi qu'au préfet qui les fera transcrire, à leur date, sur le registre mentionné en l'art. 7 ci·dessus.
II sera donné communication de ce registre à toutes les personnes qui voudront prendre connaissance desdites demandes.
Art. 10. Les opp'ositions à la demande en concession, les réclamations relatives ;1 la quotité des offres faites aux propriétaires
de la surface, les demandes en indemnité d'invention, seront notifiées au dema,ndeur et au prMet par actes extrajudiciaires.
Art, Il. Jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur la
demande en concession, les oppositions, réclamations et demandes mentionnées en l'art. 10 ci-dessus, seront admissibles;
�DU DOMAINE PUBLIC.
295
SOllS le rapport économique, nons engage à y con..sacrel' quelques lignes.
devant notre ministre des travaux publics. Ëlles seront notifiées
par leurs auteurs aux parties intéres!ées.
Art. 12. Le gouvernement jugera des motifs ou considérations
d'après lesquels la préférence doit être accordée aux divers demandeurs en concession, qu'ils soient propriétaires de la surface,
inventeurs ou autres, sans préjudice de la disposition tran~itoire
de l'art. 3 de la loi du 17 juin 1840, relative aux propriétaires
de! établissements actuellement existants.
Art. 13. Il sera définitivement statué par une ordonnance
royale 'délibérée en conseil d'état.
Cette ordonnance purgera, en faveur du concessionnaire,
tous les droits des propriétaires de la surface et des inventeurs ou
de leurs ayants-cause.
.
Art. 14. L'étendue de la concession sera- déterminée par ladite
ordonnance; elle, sera limitée par des points fixes pris à la surface du sol.
Art. 15. Lorsque, dans l'étendue du périmètre qui lui est concédé, le concessionnaire voudra pratiquer, pour l'exploitation
de l'eau salée, une ouverture autre que celle désignée par l'acte
de concession, il adressera au préfet, avec un plan li l'appui,
une demande qui sera affichée pendant un mois dans chacune
des communes sur lesquelles s'étend la concession; une copie 'de
ce plan sera déposée dans chaque mairie.
S'il ne s'élève aucune réclamation contre la demande, l'autorisation sera accordée par le préfet. Dans le eas contraire, il
sera statué par notre ministre des travaux publics.
Art. 16. Toutes les questions d'indemnités à payer par le
concessionnaire d'une source ou d'un puits d'~au salée, à raison
des recherches ou travaux antérieurs à l'acte de concessioll, seront décidées conformément à l'artiele 4 de la loi du 28 pIn\' iôse
an VIII.
Art. 17. Les indemnités il payer par le concessionnaire aux
�296
TRAITÉ
Il est reconnu que le sel est une matlere éll1i~
nemmenl imposable, et que le débit qui s'en fait'à
propriétaires_de la surface, à raison de l'occupation des terrains
nécessaires à l'exploitation des eaux salées, seront réglées conformément aux art. 43 et 44 de la loi du 21 avril 1810.
Art. 18. Aucune concession de sources ou de puits d'eau salée
ne peut être vendue par lots ou partagée, sans une autorisation
préalable du gouvernement donnée dans les mêmes formes que
la concession.
TITRE
III. -
Dispositions communes aux concessions de mines de sel et
aux concessions de sources et de puits d'eau salée.
Art. 19. Aucune recherche de mine de sel ou d'eau saÙe, soit
par les propriétaires de la surface, soit par des tiers autorisés en
vertu de l'art. 10 de la loi du 21 avril 1810, ne pourra être
commencée qu'un mois après la déclaration faite à la préfecture.
Le préfet en donnera avis immédiatement au directeur des
contributions indirectes ou au directeur des,douanes, suivant
les cas.
Art. 20. Il ne pourra être fait, dans le même périmètre, à deux
personnes différentes, une concession de mine de sel et une con~ession de source ou de puits d'eau salée.
Mals toutcon,cessionnaire de source ou de puits d'eau salée, qui
aura justifié de l'existence d'un dépôt de sel dans le périmètre à
lui concédé, pourra obtenir une nouvelle concession, conformément au titre 1et de la présente ordonnance.
Jusque-là, tout puits, toute galerie, ou tout autre ouvrage
d'exploitation de mine, est interdit au concessionnaire de la
source ou du puits d'eau salée.
Art. 21, Dans tous les cas où l'exploitation, soit des mines de
sel, soit des sources ou des puits d'eau salée, compromettrait la
sûreté publique, la conservation des travaux, la sûreté des ouvriers ou des habitations de la surfa e, il Y sera pourvu, ainsi
qu'il est dit en l'art. 50 de la loi du 21 avril llHO.
Art. 22. Tout puit~, toute galerie, tout trou ~e sonde, ou tout
�DU DOMAINE PUllLlC.
297
chaque instant sur tous les points du royaume est
très-propre, par la taxe dont il est frappé, à acautre ouvrage d'exploitation ouvert sans autorisation, seront
interdits, conformément aux dispositions de l'art. 8 de la loi dl\
27 avril 1838.
~éanmoins les exploitations en activité à l'époque de la promulgation de la loi du 17 juin 1840 iont provisoirement
maintenues, à charge par les exploitants de former, dans un
délai de trois mois, à compter de la promulgation de la présente
9rdonnance, des demandes en concession, conformément aux
dispositions qu'elle prescrit.
Si la concession n'est point accordée, l'exploitation cessera de
plein droit, et, au besoin, elle sera interdite, conformément au
premier paragraphe du présent article.
Art. 23. Les concessions pourront être révoquées dans les cas
prévus par l'art. 49 de la loi du 21 avril 1810. Il sera alors
procédé conformément aux règles établies par la loi du 27 avril
1838.
Art. 24. Le directeur des contributions indirectes ou des
douanes, selon les cas, sera ~onsulté par le préfet sur toute demande en concession de mine de s'el, de source ou de puits
d'eau salée.
Le préfet consultera ensuite les ingénieurs des mines et trans·
mettra les pièces à notre ministre des travaux publics, avec
leurs rapports et son avis.
, Les pièces rcIatives à chaque de1I'ande seront communiquées
par notre ministre des travaux publics à notre ministre des finances. _
TITRE IV. -
Des permissions relatives à l'établi.sement des usines pour
la fabrication du sel.
Art. 25. Les usines destinées à l'élaboration du sel gemme, ou
au traitement des eaux salées, ne pourront être établies, soit par
les concessionnaires des mines de sel, de sources ou de puits
d'eau salée, soit par tous autres, qu'en vertu d'une permission
�298
l'JIArrE
croître les ressources du trésor public. Mals, ponr
être humain et juste, cet impôt devrait être sipguaccordée par une ordonnance royale, après l'accomplissement
des formalités prescrites par l'art. 74 de la loi du 21 avril 1810..
Toutefois, le délai des affiches est réduit à un mois.
Le demandeur devra justifier que- l'usine pourra suffire à la
fabrication annuelle d'au moins 500,000 kilogrammes de sel,
sauf l'application de la faculté ouverte par le deuxième alinéa
de l'art. 5 de la loi du 17 juin 1840.
Seront, d'ailleurs, observées les dispositions des lois et régIemenls sur les établissements dangereux, incommodes ou insalubres.
• Art. 26. La demande en permission devra ~tre accompagnée
d'un plan en quadruple expédition, à l'échelle de 2 millimètres par mètre, indiquant la situation et la consistance de l'usine. Ce plan sera vérifié et certifié par les ingénieurs des mines,
el visé par le préfet.
Les oppositions auxquelles la demande pourra donner lieu
seront notifiées au demandeur et au préfet par actes extrajudiciaires.
Art. 27. Les dispositions de l'art. 24 ci-dessus, relatives aux
demandes en concession de mines de sel ou de sources et de puits
d'eau salée, seront également observées à l'égatd des demandes.
en permission d'usines.
Art. 28. Les permissions se~ont données, à la charge d'en
faire mage dans un délai déterminé; clles auront une durée indéfinie, à ~noins que l'ordonnance d'autorisation n'en ait décidé
autrement.
Art. 29. Elles pourront ~tre révoquées pour cause d'ineIécu~
tian des conditions auxquelles elles auront été accordées.
La révocation sera prononcée par arrêté de notre ministre des
lravaux publics. Cet arrêté sera exécutoire par provision, nonohstant tout recours de droit.
Art. 30. Les fabriques légalement Cil activité à l'époque de
�DU DOMAINE PUBLIC.
299
lièrement atténué; el il serait d'autant plus raisonnable de le diminuer, qu'on pourrait arriver à un
résultat tel que le fisc lui-même y trouverait son
avantage.
Pour peu qu'on réfléchisse sur la perception de
cet impôt, l'on est bientôt convaincu qu'il blesse
les principes de la justice et de l'humanité, en ce
qu'il pèse sur les contribuables en raison inverse
des moyens qu'ils ont de le supporter.
Qu'importe en effet aux personnes riches qui habitent les villes, que le sel soit'plus ou moins cher r
la consommation qu'elles en font sur leurs tables
est si faible, que la dépense en est insensible pom'
elles.
Mais si l'cn descend dans la classe ouvrière, et .
dans celle des habitants de la campagne, surtout
des cultivateurs, il en est autrement: car, depuis
la pauvre veuve, qui a besoin de sel pour nourrir
sa chèvre, jusqu'an fermier dont les besLÏaux constituent la plus précieuse ressource, tous sont dans
la promulgation de la loi du 17 juin 1840, sont maintenues
provisoirement, à charge par les propriétaires de former une demande en permission dans un délai de trois mois à partir de la
promulgation de la présente ordonnance.
Dans le cas où cette permission ne serait point accordée, les
établissements seront interdits, dans les formes indiquées au second paragraphe de l'article précédent.
Art. 31. Nos ministres secrétaires d'état aux: départements
des travaux publics et des finances, sont chargés, chacun en ce
qui le concerne, de l'exécution de la présente ordonnance qui
sera insérée au Bulletin des lois.
�300
Tl\AITÉ
la nécessité d'en faire une consommation considé-l'able.
Il y a, dans la fixation trop élevée de l'impôt·
qui affecte cet objet de première utilité, un véritable aveuglement, en ce qu'on pourrait obtenir
cette portion du revenu public, et même l'augmenter, tout en améliorant le sort des contribuables.
C'est en effet une vérité bien constante que la
masse des produits de nos marais salants et de nos
sauneries de terre ferme, est indéfinie el illimitée;
et ce qu'il y a de partic~lièrement remarquable,
c'est que les marais salants sont situés dans la partie ouest de la France, tandis que les salines de
terre ferme et les mines de sel gemme existent
abondamment dans les régions orientales; en sorle
que la nature semble avoir tout fait pour facilitel'
)a distribution de ce genre de richesses SUI' )e sot
• d~ notre pays.
Dans une position aussi heuréuse, il Yaurait lin
moyen infailliLle de soulager les con tribuables ,
tout en augmentant le revenu du trésor; ce serait
de diminuer l'impôt sur le sèl, ce qui en accroîtrait la consommation.
Silesgensdesvilles sont mal placés pourapprécier
l'importance de cette idée, il n'en est pas de même
des hommes qui connaissent la manière d'être et
les usages des campagnes: car ils savent combien
le se), mêlé dans les fourrages ct autres nouni·
tures des bestiaux, est favorable à leur prospérité;
combien cet :lge'nl vit:ll est puissant pOlll' les éle...
�DU DOMAINE PUBLIC.
,301
ver, leur donner d.e la vigueur, ct conserver leur
santé! Il n'ya pas un cultivateur ni un propriétaire
de troupeau qui ne soupire après les moyens de
se procurer du sel pour augmentel' les ressources
qu'il cherche sans cesse dans l'éducation des bestiaux; et c'est l'énorme imp6t qui pèse sur cette
denrée qui vient sans cesse paralyser ses efforts.
Il est vrai qu'en abaissant cet imp8t, le trésor
public souffrirait d'abord nu déficit; mais il n'est
pas moins certain aussi que l'augmentation du
débit du sel viendrait pen à peu suppléer à cette
diminution, et ne tarderait. pas très-longtemps à
la combler. Il ne s'agit donc, pour la finance,
qüc de cherchet' le moyen d'atténuer les effels Je
la tl'ansilion; et, d1Ît-on, dans ce but, recoul'il'
à un emprunt, les contribuables en ressentiraient
pIns tard un immense avantage (a).
(a) Le vœu émis par M. Proudhon en faveur de l'agriculture
de l'intérieur de JaFrance a été réalisé par l'art. 12dela loidll
17 juin 1840, en ce qui concerne les salaisons et la fahrication
des produits chimiques; les sels ou eaux salées ayant cette destination, sont a:fl'ranchis de tous droits; « il n'en est malheureu" sement pas de même, disait IV!. Laurence, rapporteur, de
II l'emploi du sel pour l'agriculturc
et l'élève des bestiaux.
" Jusqu'ici la science se déclare impuissante à indiquer une
II substance étrangère, dont
le mélange rende le seIllon com~
II mestible pour l'homme sans empêcher sa consommation par
" les animaux, avec cette condition que le sel ne puisse jamais
II être
restitué à sa pureté primitive qu'avec des dépenses supé" rienres à la valeur des droits dont il aura été affranchi. "
�302
TRAITÉ
S.eCTION III.
Des Jources d'eaux thermales et minérales Cà).
1409.
L'exploitation des sources d'eaux ther..
(a) On désigne sous le nom d'eaux minérales celles contenant
une assez grande quantité de substances médicamenteuses pour
produire sur l'économie animale une action particulière dépe~
dante de la nature et de la proportion de ces substances.
Quand eIles sont administrées par une main habile, il n'cst
pas, au dire de Frédérik Hoffmann, de remède plus positif et plus
étendu; elles sont le plus sûr véhicule de l'tlément curatif; ce
sont des agents certains, propres à défendre nos corps contre
tonte corruption ennemie; elles se diversifient pour s'adapter à
tons les systèmes, et pour en réparer les altérations. Hippocrate
a prononcé lui-mème que c'est peu de connaître J'aÎr, les lieux
et les saisons; qu'il faut aussi et surtout apprécier les facultés
des eaux; que sou; Il point de vue de la thérapeutique, comme
sous celui de l'hygiène, elles sont un don véritable du Crpateur :
.. Je regarde comme incurable, répétait souvent le savant Borli deu, toute maladie chronlque qui a résisté à l'usage des eaux
» minérales. li
Ces propriétés bienfaisantes de certaines eaux furent remarquées dès la plus haute :llJtiquilé. Les Grecs, dont les connaissances en médecine étaient au-dessus de celles des nations qui les
nvaient précédts, honoraient les sources d'eaux chaudes comme
lm bienfait de la Divinité ,ils les avaient dédiées à Hercule, le
dieu de la force; Hippocrate parle d'eaux tenant en dissolution
différents métaux ou minéraux, et les interdit pour la boisson
ordinaire (de aere, locis et aqnis, !l'h. 3, cap. 2). Aristote enseignait, 400 ans avant .T.-C. , qu'il se mêle avec les caux des
sources minrrales des vapeurs Je différentes natures qui font le:lr
principale vertu. Strabon décrit une source miraculeuse à laquelle il attribue la propriété de diviser la pierre dans la vessie.
Théopompe, au dire de Pline (lib. 3, cap. 2), en indique une
�DU DOMAINE IiUlJLIC.
303
males ou minérales, ces puissants agents thérapeutiques, reutre sous la surveillance de l'admiuistraLÏon centrale, non par rapport aux intérêts. du
qui guérit les blessures. Archigr.nes, cité par Aétius (lib. 2, cap.
30), conseille les eaux minérales en boisson dans les maladies
de la vessie. Galien (de facult. simpl., lib. 10) fait l'éloge
d'une eau bitumineuse ct martiale dont se servaient ceux qui
étaient sujets à la gravelle. Dès cette époque 011 distinguait les
eaux soufrées, alumineuses, bitumineuses, nitreuses, ferrugineuses.
Les Romains faisaient un usage habituel des eaux d'Italie.
Horace (epist. 15; lib. 1) vante les bains de Clusium (St.Casciano); Vitruve (lib. 8), non moins naturaliste qu'architecte, assigue aux eaux nitreuses une propriété purgative; Sé11èque-Ie-Philosophe (de natural., lib. 3, cap. 1) décrit
longuement les vertus de pl usieurs sources; Pline (hist. nat. )
en traite encore avec plus de détails et décrit particulièrement
celle de TOlJgres. Oribase, qui vivait sous l'empereur Julien, et
Aétius, né en 455, parlent beaucoup des eaux minérales et
donnent de bons prÎceptes pour leur emploi.
Partout où le peuple.roi porta ses armes victorieuses, il rechercha avec soin les sources minérales!, pa"rticulièrement celles
d'eaux chaudes, comme plus propres à guérir les blessures. Aix'
en Provence (aquœ Sexeiœ), Bourbon-l'Archambaud, Néris,
le Mont-d'Or, les Pyrénées, attirèrent particulièrement son attention; il les décora de monuments et les pla«;;a sous la protection"
d'autant de divinités; les prêtres du paganisme inventèrent certaines cérémonies religieuses qu'ils présentèrent comme indispensables pour obtenir la guérison que venaient y chercher les
malaùes. Cette dernière circonstance contribua à les faire abandonner par les premiers chrétiens qui, d'ailleurs, comme le dit
Bordeu (Recherches sur les malad. chron., p. 23), s'occupaient
beaucoup plus de la pureté de l'ame que de la propreté et de la
santé du corps, allant ensevelir leurs infirmités dans les maisons
�30""
THA1TÉ
fisc, mais comme intéressant à nn haut degl'é Ja
santé des citoyens.
Vn arrêté du directoire exécutif du 29 floréal
religieuses devenues 'l'objet principal des préoccupations dé
l'époqùe.
Cependant, vers le 10" siècle, les Arabes, qui cultivaient plus
part'Ïculièrement 'la médecine, remirent en crédit les eaux mi-=nérales. Avicenne les recommanda dans diverses maladies internes. Charlemagne, de son côté, leur donna la vogue en faisant construire lui-même, à Aix-la-Chapelle, un vaste bassin
pour y prendre des bains avec sa famllle. Mais la barbarie qui
succéda à ce règne glorieux laissa retomber dans l'oubli ce moyen
curatif qui ne reprit quelque faveur qu'à la fin du 15" siècle,
époque à laquelle Savonarola de Padoue publia uu gros traité
sur les bains en général et, en particuiier, sur les eaux thermales.
Henri IV, qui, pendant sa jeunesse, avait fait usage des eaux
des Pyrénées, essaya de régulariser leur mode d'emploi. Par ses
édits et lettres"-palentes de mai 1603, depuis confirmés par
Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, il nomma des surintendants chargés de la haute surveillance des eaux, bains ct fontaines
minérales dll royaume. C'est de cette époque que datent, sur cette
matière, les ouvrages vraiment scientifiques, fruits des études et
des analyses des Fa~on, des Chirac, des Gesner, des Hoffmann,
des Allen, des Lyster, des Boyle, des Duclos et Bourdelin, des
Geoffroy, des Boulduc, des Leroy, des Home, des Margraff, des
Black, des Venel, des Priestley, des Chaulnes ct autres savants
médecins et chimistes dont la liste se termine à nous par les
Alibert, les Patissier et les Bourdon.
D'après ce court exposé, on voit que les caux minérales, d'a-,
bord appréciées et même honorées chez les Grecs et les Romains,
abandonnées parles Gaulois, puis tirées de l'oubli par les Arabes,
ont été de plus en plus fréquentées à mesure que la civilisation
et la médecine ont dIes-mêmes fait des progrès.
L'analyse cl1imique a fait découvrir un grand nombre d'élé-
�riu
305
DOMAINE PUBLIC.
an VII (18 mai J 799), renouvelant les dispositions
de l'ancienne législation, prescrit, à leur égard, de
nombreuses mesures d'ordre public, soit en cc qui
ments dans les eaux jusqu'ici employées à la guérison des mala~
dies. Ceux qu'on y rencontre le plus souvent en dissolution
sont les gaz azote, acide-carbonique, hydrosulfurique, le
soufre, le fer, la potasse, la soude, la chaux, le sulfure de
sodium, lessuljates, hydrochlorate~ et carbonates de soude, de
magnésie et de chaux, et le c~rbonate de fer. Ces substances et
une quarantaine d'autres ne sont jamais toutes réunies dans la
même eau où plusieurs même ne pourraient se trouver ensemhle
sans se décomposer telles que les sels de chaux et les carbonates
de potasse, de soude et d'ammoniaque. Une eau en contient r~
rement plus de huit ou dix.
Dans l'impossibilité d'embrasser dans un même cadre une pareille combinaison de substances, on a établi une classification
qui, sans être parfaite, sert à déterminer le5 eaux par leur caractère prédominant. On les a généralement divi~ées en: 1° sulfureuses , 2° ferrugineuses, 3° acidules ou gazeuses, 4° et salines.
Leur température varie de 9 à 87 degrés. Celles qui se maintiennent au-dessous de la chaleur du corps humain sont dites
froides; celles qui s'élèvent au-dessus sont réputées chaudes
et prennent la qualification de thermales (du grec thermè , chaleur). Les plus chaudes, en général, sourdent des points les
plus é!evés au-dessus de la mer; eolles contiennent presque toujours du soufre; il Y a plusieurs endroits dans les montagne5
où elles ont le degré de l'eau bouillante: à Ax, dans les Pyrénées, .les habitants se servent de la source du Rossignol pour faire
cuire leurs aliments; celle d'Olette, dans le département des Pyrénées-Orientales, est la plus chaude qui existe en France. L'apparence d'ébullition que quelques-unes présentent est dû au dégagement des gaz qu'elles contiennent. Ce calorique naturel est
a\l reste très-différent de celui développé par nos combustibles;
TOM. IV.
20
�306
1'IU.lTÉ
concerne leur inspection et leur direction, qui doivent être confiées à des officiers de santé, soit sur
la manière dont on doit cn recneillir les eaux pour
en effet, quoique déjà pourvues d'un degré considérable de chaleur, les eaux thermales ne bouillent pas plus tôt que l'eau commune. Elles se refroidissent plus lentement et n'abandonnent pas
avec autant de facilité les gai dont elles sonlsalurées. Elles rendent aux végétaux fanés leur couleur et leur fraîcheur. On boit
les eaux de Bourbon-l'Archambaud à 60 degrés centigrades sans
que la bouche en reçoive aucune impression désagréable, landis
que l'eau ordinaire, chauffée à 15 degrés de moins, la brûlerait
et causerait de graves accidents; enfin le bain pris dans ces eaux
naturelles, loin d'affaiblir, fortifie.
De nombreux volumes ont été écrits sur les causes de la formation des eaux minérales dans le sein de la terre et surtout de
leur calorique; mais aucun jusqu'ici n'a donné d'explication
satisfaisante de ces phénomènes « dans lesquels, ainsi que le dit
.. -Alibert (Précis des eall:D minérales), il Y a, comme dans
l) beaucoup d'autres, quelque chose de divin qu'on n'explique
li pas.
" Les analyses de nos chimistes à cct égard sont loin
de révéler tous les secrets de la nature. Selon ~haptal, elles
ressemblent à des dissections anatomiques opérées sur des cadavres. L'électricité joue certainement ici un rôle important.
La Providence semble avoir prodigué les eaux minérales dans
tous les pays pour la conservation de la santé. L'Angleterre s'enorgueillit avec raisoll de ses bains de Bath, de Bristol, de Tunbridge, dè Buxton, de Mallok, de Cheltenham, de Scarborough; l'Allemagne offre à elle seule plus d'eaux thermales
que le reste de l'Europe; celles de Wisbaden, de Pyrmont, de
Carlsbad, de St.-Charles , dc Tœplitz , etc. , sont connues partout. La Suisse vante ses bains de Louesche, de Bade, d'Evian. L'Italie possède ceux de Gurgitelli, de C1\poue, de Castiglione, d'Olmitello; on trouve en Espagne les sources d'Armé-
�DU DOMAINE PUBLIC.
307
les envoyer au loin et sur les mesures à prendre
pOl1\' en prévenir l'altération.
L'article 17 porte que t< tout propriétaire qUl
dillo, d'Alhama, de Sacedon, de Ledesma. La Russie préconise ses eaux d'Olonitz.
On ~ompte en France près de mi.lle localités où jaillissent des
fontaines minérales; 77, comprenant environ 300 sources distinctes disséminées dans quarante départements, sont seules soumises à la surveillance du gouvernement qui les fait inspecter;
de ce nombre l'Etat n'en possède que huit en toute propriété;
44 appartiennent à des communes, et 25 à des particuliers.pous
le rapport de leur importance, elles sont ainsi classées: 12 du
PREMIER ORl\RE, savoir: eaux sulJitrcltses , Barèges, Bonnes,
Cauterets, Luchon; ljazeuses, Mont-d'Or, Vichy, Bourbonl'Archambaud; salines, Plombières, Luxeuil, Bagnères-deBigorre, Bourbonne et Dieppe (eau de mer'); - 11 du SECOND
ORDRE, ainsi divisées: eaux sulfureuses, Ax, Eaux chaudes,
St.-Sauveur, Couterne (Orne), Enghien et Bagnols (Lozère);
gazeuses, Néris; salines, Balaruc, Bains, Bourbon-Lancy,
Contrexeville; - enfin 54 du TROISIÈME ORDRE, au nombre desquelles sont Dinan, Aix-en.Provence, Castera, Cambo, etc.; la
plupart de ces dernières sources sont ferrugineuses et froides,
d'autres tièdes et sulfureuses ~u légèrement salines et presque
bouillantes, ce qui établit une disparate entre leur composition
chimique ct leur de?:ré de chaleur.
Quant à la température des sources minérales de France, il
en existe trois qui sont presque bouillantes: celles d'Ax dans
l'Arriège, d'Arles (62 degrés) et de Chaudes-Aigues dans le
Cantal (87 0 ); -dix, comme Bourbonne et Plombières, c 50 à
60 degrés; -environ vingt autres sc trouvent naturellement à la
température qui convient le mieux aux bains, telles que Barèges,
Bonnes, Cauterets, etc.; -dix ou do~ze sont tièdes, comme celles
de Couterne (25 0 ) et d'Audinac (21 0 ); - et les autres sont plus
�308
TRAITÉ.
découvrira dans son terrain une source d'eau
minérale sera tenu d'en instruire le gouverne" ment pour qu'il en fassefaire l'examen; et, d'a» près le rapport des commissaires nommés à cet
" effet, la distribution en sera permise ou pro» hibée, suivant le jugement qni en aura été
" porté. "
Cet arrêté a été suivi d'un autre sous la date du
3 floréal an VIII (23 avril 1800), qui, après avoir
prescrit diverses mesures relatives à la location et
à l'administration des eaux minérales appartenant
à l'Etat, ajoute par l'article I l , que les dispositions
d Il précéden t arrêté du 29 floréal an VII, seront
exécutées dans tout ce qui n'est pas contraire
au présent.
1410. Enfin, par un troisième arrêté des consuls du 6 nivôse an XI (27 décemhre 1802),la propriété des sources d'eaux minérales fut de nouveau
positivement reconnue,soitau profit des communes
lorsqu'elles surgissent dans un terrain communal,
soit au. profit des particuliers quand elles sortent
d'un héritage privé. Aux termes de l'article premiel', cc les baux à ferme des eaux minérales, bains
" et établissements en dépendants, dont les coron munes sont ou serout reconnues propriétaires,
»
»
ou moins froides, comme Enghien (13° à 14°), Forges, Bussang, Contrexeville et Provins. Plusieurs de ces sources sont
sujettes à varier de température, notamment celles des Pyrénées qui se refroidissent quelquefois par les plus fortes chaleurs.
�DU DOMAINE l'UlILle.
309
seront adjugés à l'avenir pardevant le sous-préfet
de l'arrondissement et en présence du maire de
» la commune sur le territoire de laquelle les eaux
» sont situées. » A quoi l'article 9 ajoute une disposition qui nous paraît mériter quelques explications pour l'accorder avec les principes les mieux
avérés de notre législation actuelle sur la compétence des autorités administratives et judiciaires.
c( Seront au
surplus, y est-il dit, les droits de
» propriété des communes sllr ces sources miné" l'ales, discutés et réglés, en cas de contestation
» des communes avec la république, pardevant
" le conseil de prijecturc, le directeur des do» maines entendu, saufla confirmation du {J0u" vernement. "
A cet égard nous croyons qu'il y a une distinction à faire, et que cette dernière disposition ne
doit être appliquée qu'au cas où la commune litigante fonderait uniquement son droit de propriété
de la source d'eau minérale sur un acte de concession ou d'aliénation nationale dont l'interprétation
rentrerait dans les attributions administratives
comme celle des ventes de domaines nationaux.
1411. Mais si elle le faisait dériver de ce qne la
source prendrait naissance dans son terrain communal, évidemment la contestation devrait être portée
pardevant les tribunaux ordinaires, comme toute
autre question de propriété foncière: cardn moment
qu'il est reconnu qn'une source quelconque doit
appartenir au maître I1n fonds d'où elle jaillit, et
»
»
�310
TI\AITÉ
don l elle forme une partie intégran te par cela seul
qu'elle y est située, la conséquence nécessaire est
qu'il n'appartien t qu'à la justice ordinaire de statuer
sur le droit de propriété de cette partie, comme de
toutes les autres portions du 'même fonds (a).
1412. Revenant à celles de ces sources qui appartiennent àùes particuliers, l'article 10 du même
arrêté porte que cc quant anx sources exploitées pal'
)) des particuliers qui en sont propriétaires, ils
» seront tenns de se cunformer aux réglements de
(a) Sous le rapport de la propriété, les Sources d'eaux thermales sont en tous points soumises aux règles du droit commun;
le maire de Vichy ayant voulu créer un privilége relativement
à celles de sa commune, en défendant, par un arrêté, à un particulier voisin du terrain d'où dies sortent, de faire dans sa propriété des fouilles qui pouvaient les faire perdre ou en altérer
la pureté, le tribunal de police refusa de faire exécuter cette
mesure. Sur le pourvoi du ministère public, fondé sur la déclaration du Roi du 2fJ avril 1772 etIes arrêts du conseil des 1er avril
1774 et 5 mai 1781 ci-après cités, la Cour de cassation a rendu,
le 13 avril 1844, un arrêt ainsi con'5u : " Attendu queles art. 544
» et 552 du Code civ. donnent au propriétaire la faculté de faire
la des recherches et des fouilles sur son propre fonds, sauf les
JI' modifications résultallt des lois et réglements relatifs aux mines,
» et des lois et réglements de police; - qu'aucune loi ne conli fie à l'autorité administrative, ni à l'autorité municipale, le
li pouvoir de faire des réglements tendant à interdire les fouilles
" et recherches dans les terrains voisins des eaux minérales; li que si quelques décrets et anciens réglements prohibent ces
» fouilles dans quelques localités, ils sont spécialement rel~tifs
» à certains établissements autres que celui de Vicl]y; - Re» jette. li (Sù'ey, 44-1-664).
�DU DOMAINE l'DilLIe.
»
311
police des eaux minérales, et de pourvoir sm le
» produiL de ces eaux au paiement du traitement
des officiers Je santé que le gouvernement jugera
» nécessaire de commettre pour leur inspection;
» ils seront pareillement tenus de fail'e approuver
» par le préfet les tarifs du prix de leurs eaux, sant'
» le re,cours ail gouvernement en cas de contesta)) tion. »
On peut voir encore dans ces divers arrêtés beaucoup d'autres dispositions réglementaires, qu'il
serait trop long de ra ppol'ter ici, et qni son l étrangères à notre objet Ca).
»
CHAPITRE LX.
Des ruisseaux et petits cours d'eau considérés principalement comme moyen d'irrigation.
1413. Nous n'entendons point encore nous
occuper' ici des canaux artificiels d'irrigation :ce
sujet formera la matière d'uu ,autre chapitre.
.
Ca) Ces dispositions régle.mentail·es sont résumées dans l'ordonnance royale du 18 juin 1823, divisée en trois titres et 26
articles s'appliquant tant aux eaux naturelles qu'à celles artificielles. Dans le préambule sont visés la déclaration du Roi du
25 avril 1772, les arrêts du conseil des 1 er avril 1774 et 5 mai
1781 maintenus en vigueur par le tit. 11 de la loi du 16·24 août·
1790 et par l'art. 484 du Code péna l , les trois arrêtés du gouvernement ci-dessus rappelés, la loi du 21 germinal an XI C11
avril 1803) sur la police de la pharmacie, ainsi que les lois de
finances des 17 août 1822 et lOmai 1823 concernant le traitement des inspeGteurs des établissements d'eaux minérales.
�312
TRAITÉ
En traitant des rivières navigables, nons avons
vu que, comme moyen de transport, elles rappro~
chent les régions qu'elles parcourent, communiquent la vie au commerce, et portent la richesse
jusque dans les pays pauvres; qu'en un mot, tout
en elles affecte la magnificence et la grandeur; mais
qu'il ne faut pas que l'agriculture en espère la
moindre faveur, puisqu'elles sont placées sous un
régime dont l'avarice est telle qu'il ne permet d'y
faire aucune prise de leurs eaux, quelque abondant qu'en soit le volume.
Nous avons vu aussi que, quoique les petites rivières se montrent plus humbles, elles rendent des
services non moins importants, soit en prêtant leur
puissance à l'industrie pOllr le mouvement des
usines et l'exploitation des manufactures, soit cn
fournissant à l'agriculture un des pins précieux
moyens de fécondité par l'irrigation des terres.
Reste maintenant à parler des simples ruisseaux;
si en apparence ils sont encore moins importants
que les rivières, ils procurent à peu près les mêmes
avantages, en se multipliant partout pour fournir aux
hommes et aux bestiaux le secours bienfaisant d~
leurs eaux, et eu portant la ric.hesse et la vie ~ans
le sol qu'ils arrosen t.
On voit par là que la matière des petit.s cours
d'eau est loin d'être sans intérêt; et, pour traiter ce
sujet en l'envisageant sous tous ses points de vue,
nous diviserons ce chapitre en quatre sections.
Dans la prern)ère nous expliquerons ce qu'on
�DU DOMAINE PUBLIC.
313
doit entendre par la dénomination de ruisseau, et
nous ferons voir dans quelle espèce de domaine
~ls doiven t être placés.
Dans la seconde nous examinerons quels sont,
sur l'nsage de leurs eaux, les droits du propriétaire
dont l'héritage les horde d'un seul côté.
Dans la troisième nous expos.erons les droits
de celui dont les fonds sont traversés par leur
cours Ca).
Dans la quatrième enfin nous verrons quels sont
les ouvrages qni peuvent être faits par les riverains
dans leur lit.
Plus bas et dans le chapitre suivant, nous trai.J,
d
.,.
terons de 1a competence es autontcs qm peuvent
être appelées à statuer en fait de cours d'eau servant
à l'irrigation des terres.
SECTION PREMIÈRE.
Ce que c'est qu'un ruisseau',età quel dcmaine il appartient.
Hi5. La dénomi~ation de ruisseau s'applique
tout à' la fois et au cours d'eau produit par la
source, et au dnal destiné à la conduite ùe l'eau
vers la région inférieure: Rivus est locus per longi tudinem depressus quo aqua decurrat (1).
Les rivières, même du second ordre, et les
simples ruisseaux n'ét~nt pas dans le droit soumis
(a) Quant aux: droits du propriétaire de l'héritage dans lequel naît la source du ruisseau, il en a été traité dans la section 1TIl du chapitre 59, nO 1344; suprà, pages 210 ct sui v .
(1) L. 1, § 2, ff. de riris, lib. 43, tit. 2.
�314
TRAITÉ
aux mêmes règles, il faut cn faire soigneusement la
distincLion.
Leur différence, ainsi qu'on l'a déjà énoncé aux
nOs 669 et 932, résulLe d'abord de la plus grande
abondance des eaux qui composent la rivière :
Flumen à rivo magnitudine discernendum est;
et ensuite de la dénomination que le cours d'eali a
reçue de la part des habitants de la centrée dans
les actes puhlics ou privés où il se tronve rappelé;
aut existimatione circumcolenûum (1); attendn
que, dans toute chose soumise il la décision des
hommes, l'opinion ou le jugement du public doit
être du plus grand poids.
S'il y a quelques sources qui, par l'abondance
de leurs eaux, forment rivière tout en sortant de la
terre, elles sont rares (a), comparativemént aux
autres dont le nombre est au contraire infini.
,
(1) L. 1, § 1 , ff. de fluminibus > lib. 43, tit. 12.
(a) On peut citer la fameuse fontaine de Vaucluse (vallis
clusa) , qui forme immédiatement la rivière de la Sorgues; la
source de la Bèze, canton de Mirebeau, à 27 kilomètres à l'est
de Dijon, dont l'énorme volume d'eau met en mouvement de
nombreuses usines; celle de l'Orbe, en Suisse. qui verse avec
rapidité un volume d'eau de 6 mètres de largeur sur un mètre
30 cent. de profondeur.
Le géographe Robert ( Voyage dans les 13 cantons Suisses,
tome 2, page 78, 1789, 2 vol. in-8°) ajoute aux précédentes
une quatrième, la fontaine le Duc, il Châtillon, et les signale
comme les plus considérables qu'il connaisse... Les unes et les
l> autres, dit.il ,ont sans doute un cours antérieur de fort grande
l> étendue pour se montrer ainsi tout-à-coup avec le volume
') d'eau qui convient aux rivières. »
�DU DOMAlNE l'UllLle.
315
La plupart des rivières sont donc prodllites par
la réunion de divers ruisseaux, et c'est à panil' du
point de jonction qu'en général le cours d'cau doit
être classé au rang des rivières.
1416. Nous avons vu, en traitant de ces demiers
cours d'eau, que, sous lous les rapports, ceux qui
sont navigables dépendent du domaine public;
mais que, .~i les petites rivières apI,artiennent,
quant à leurs usages, av domaine privé des riverains, ellcs restent néanmoins dans le domaine public quant à leur corps et au tréfonds de leur
lit (a); et c'est pourquoi on ne s'est jamais avisé de
(a) Voy. nOS 935 et suiv.: suprà, tom. 3, pag. 286 à 321.
Voyez également, s~r la question de la propriété du cours et du
lit des rivières non navigables et non flottables, unc très-savante dissertation en 106 pages in-8° dc M. Rives, conseiller
à la Cour de cassation, publiée en 1844 et extraite d'un traité
des délits et contraventions encore inédit; l'auteur se prononce dans le sens de M. Proudhon, c'est....1.-dire en faveur du
domaine public.
Aux autorités citées sous le nO 935, suprà, tom. 3, pag. '286
et 287, on ajoutera: dans le sens de cette dernière opinion, indépendamment de M. Rives, MM. Nadaud de Buffon (des
Usines hrdrauliques, tom. 2); Royer-CoBard (Revue de législation, tom. 1, p. 460); Carou (Act. fOss., nO 162), et
Chevalier (Jurispr. adm., VOcours d'eau);
.
et dans le sens contraire, MM. Fournel (du Voisinage,
tom. 1, pag. 372); Chardon (de l'Alluvion, nO 45); Carré
(Cours de droit, tom. 2, nO! 151~ etsuiv.); de Carmenin (Droit
adm., édit. de 1840, V Ocours d'eau, § 3); Isambert (de la
Voirie, 1, 205); le président Cappeau (Législation rurale,
liv. 1, tit. 1, ch. 4, sect. 2, n" 39); Dupin jeune (Ellc)'clo-
�316
THAlTÉ
dire que les fonds situés de chaque côté d'une rl~
vière quelconque fussent contigus l'un à l'autre; et·
jamais les lois n'ont accordé aux propriétaires de
ces fonds l'action en délimitation pour en reconnaitre et fixer les limites: Si vero/lumen veZ via
puhlica intervenit ~ co'!finium non intelligitur;
et ideofinium regundorum agi non potest. Quiapédie du droit, VOaccession); Rennequin (fr. de législ., tom .•
1, p. 315); Favard (Répel't., vis rivières et ser"it.); Vaudoré
(Droit rural, tom. 1, nO 395); Curasson (Compét. des juges
de paix, tom. 2, page 149); de Magnitot et Delamarre (Dict,
de droit adm., v· eaux, ch. 4, § 1); Cotelle ( Cours de droit
adm., 2° édit., tom. 1, p. 353); enfin un rapport fait en 1843
à l'Académie des sciences morales et politiques par M. Troplong
(Revue de législat., tom. 18, page 145).
'
Quant à la jurisprudence, voici quel est son état:
Les partisans du domaine public citent les arrêts de la Cour
de cassation des 11 février 1813 (Journal du Palais à sa date)
et le. décembre 1829 (Sîrey, 30-1-32); de Toulouse du 6
juin 1832 (S., 32-2-411 ); de la Cour de cassatioR du 14 février 1833 (cité par M. David, nO 538); de la Cour de Caen
du 10 février 1837 (Dalloz, 38-2-53); de celle de Colmar,
très· précis , du 6 février 1839 (Dalloz, 38-2-246); enfin de la
Chamhre des requêtes de la Cour de cassation du 19 mars 1844,
qui a admis le pourvoi contre l'arrêt ci-aptès de la Cour d'A~
miens.
En faveur de l'opinion contraire, on invoque deux arrêts de
la Cour de Rouen des 27 novembre 1809 et 23 mars 1839
(rapportés par M. Daviel, 3° édit., nO' 538 et 540); de la COUt
de cassation du 7 décembre 1842 (f., 43-1-221), et de celle
d'Amiens du 28 janvier 1843 (rapporté par M. Daviel, n° 537
his, tom. 2, page 37).
�DU DOMAINE PUBLIC.
317
magis in confinio meo via publica vel flumen
sit quàm agervicini (1).
1417. Ici, faisant encore un pas de plus vers
le domaine privé ,nous allons voir que les simples ruisseaux, comme les sources, appartiennent,
soit quant à l'usage, soit quant au fonds, aux pmpriétaires des héritages qu'ils traversent ou qu'ils
bordent (a).
Et en effet, quoique l'eau courante, considérée
en elle-même, ne soit la propriété de personne;
quoiqu'elle ne soit affectée d'aucun droit de suite
en faveur du propriétaire dans le fonds duquel elle
jaillit, néanmoins le cours d'eau, pris en corps et
(1) L. 4 in fin., etl. 5, ff.finiumregund., lib. 10, tit. 1.
(a) Cette distinction entre les petites rivières et les simples
ruisseaux avait déjà été faite par Loysel, dans ses Instit. cout.,
où il disait, liv. 2, tit. 2, nO 8 : Cl Les grosses rivières ont, pour
" lé moins, 14 pieds de largeur, les petites 7, et les ruisseaux
» 3 112; » mais elle était repoussée comme inutile par Guyot
(Traité des fiefs), qui enseignait que les droits des riverains
sont les mdmes sur les petites rivières que sur les ruisseaux.
Merlin (Rép., V Orivière), dit également: Cl Ce qu'a décidé cet
M arrêt pour un ruisseau, l'identité de raison veut qu'oule dé" cide également pour une rivière non navigable, ni flottable;
.. car la loi ne met aucune différence entre l'un et l'aulre. »
M. Daviel (Tr. de la pratiq. des cours d'eau, nO 536) pense
aussi que cette distinction n'a rien de légal, et qu'elle n'est invoquée que par ceux qui, soutenant que le lit des petites rivières
dépend du domaine public, ont besoin de s'en PJ'évaloir pour
écarter le fort argument tiré contre eux de l'art. 640 du Code
civ., qu'ils n'appliqueraient alors qu'aux ruisseaux, aux torrents et aux eaux pluviales.
�318
TRAITÉ
en taut qu'il reste le même, quoique le liquiJe s'écoule et se renouvelle sanscesse,doit êtrecivilement
considéré comme l'ohjet d'un droit de propriété
pour le maitre de l'héritage sur lequel il renait à
chaque instant:
Parce que, IOle propriétaire dans le fonds duquel naît la source peut user à son gré du ruisseau
qu'elle produit, tant que le COurs d'eau n'est point
sorti de sa propriété;
2° Parce qu'il peut la Iransmettre à celui de ses
voisins immédiats qu'il juge convenable;
3° Parce qu'il péut en exiger le prix lorsqu'ii est
forcé d'en laisser l'usage à une commune;
4° Parce qu'on peut en 'prescrire l'usage co'ntre
lui, ce qui suppose encore une aliénation.
On doit également décider que le maître du
.fonds traver!'é ou hordé par un simple ruisseau a
la propriété du lit dans lequel il coule, parce qne :
1 ° Dans ce cas, et à la différence de ce qui a lieu
pour les rivières, les héritages riverains doivent être
considérés comme contigus, et par suite l'action en
délimitalion déclarée admissible, quelle que soit la
situation actuelle du ruisseau dont le cours peut se
porter tantot d' uu cote, tantol d e l' autre, sans que
pour cela la démarcation ou délimitation des propriétés qu'il traverse soit changée: Sed si rivus
privatus intervenit~jiniumregundorum agi potest (1) ;
A
A'
•
(1) L. 6, ff.finium regundorum, lib. 10, lit. 1.
�DU DOMAINE PUBLIC.
319
2,0 Parce qu'entre riverains de chaque côté d'un
cours d'eau, la loi n'admet le droit d'alluvion quc
dans les rivières, ce qui suppose qu'en fait de ruisseaux il n'y a rien d'incertain et de variaLle dans
la limite des propriétés situées sur les bords, et que,
. nonobstant les changements qui peuvent survenir
dans la direction du lit, le droit de propriété foncière reste toujo rs le mêmé.
Ainsi, et sauf le droit que le gouvernement conserve toujours pour empêcher la dérivation des
cours d'eau, lorsqu'il s'agit de les faire servir à la
navigation intérieure, on doit dire que généralement les simples ruisseaux sont, sous tous les rapports, placés dans le domaine privé; et de là résultent deux conséquences.
11H8. La première, c'est que toute contestation élevée sur le point de savoir si nn cours d'eau
doit être considéré comme simple ruisseau ,. ou si
on ne doit pas, au contraire, le classer au rang des
rivières,doit être portée en justice ordinaire, comme
étant essentiellement une question de propriété
foncière.
La seconde, c'est que, dans tout ruisseau, le
dl'Oit de pêche est un droit de propriété pour les
riverains, et pour chacun d'eux le long de sim héritage, jusqu'à la ligne du milieu; et que, si le ruisseau est tl'OP étroit pour qu'on puisse s'attacher à
celte démarcation, le droit de pêche étant alors
nécessairemcnt commun ct mitoyen entre les deux
propriétaires latéraux, c'est à eux à en régler'
�320
TRAITÉ
l'usage poùr eo jouir, soit snI' des points différents;
soit alternativement par périodes de saisons ou
d'anuées.
SECTION Ii.
De3 droits du propriétaire dont l'héritàge horde le ruisseau
d'un seul côté.
1419. D'après la marche que nous avons adoptée, nous suivrons toujours l'ordre des articles
du Code.
Art. 644. « Celui dont la propriété borde une
» eau courante, antre que celle qui es~ déclarée
dépendance du domaine public par l'art. 538,
» au titre de la distinction des biens~ peut s'en
» servir à son passage pour l'irrigation de ses pro..
» priétés.»
Nous retrouvons toujours ici cet élément liquide
donl la propriété n'appartient rigoureusement à
personne, mais dont le mode de jouissance est ré-glé par les lois (art. ~1'l4 C. civ.); sur quoi il faut
remarquer que la disposition de notre article est
très-diffërente de celles des trois qui précèdent.
Suivan t l'art. 64 l , le propri~taire de l'héritage
d'où sort une source est réputé propriétaire de la
source elle-même, et maître de l'usage des eaux:
qui en proviennent, comme il le serait d'un autre
produit de son fonds; et, abstraction faite du cas
où un tiers aurait acquis, par titre ou par prescription,.le droit d'en profiter, comme encore de celui
où ces eaux seraient nécessaires à l'usage d'une
commune ou hameau, le propriétaire de l'héritage
)If
�321
DU DOMAINE PUBLIC.
d'où jaillit la source, peut en disposer soit pour
lui-même en en usant de toute manière, soit en
faveur d'un tiers, en changeant la direction du
ruisseau pour lui donner son cours sur nn fonds
inférieur préférablement aux autres, sans qne le
maître de l'héritage, qui antérieurement joui~sait
des eaux, même de temps immémorial, puisse
l'empêcher, parce qu'il n'est censé en avoir usé
que précairement on par tolérance et simple familiarité.
1420. Ici la loi ne s'applique plus de même;
dès que le conrs d'eau est sorti du fonds dans lequel il a pris naissance, il n'est plus à la disposition exclusive de personne. Sans doute, il reste
toujollfs dans le domaine privé, soit quant au lit
qu'il occnpe sur les héritages qu'il traverse, soit
quant à l'usage des eaux dont les propriétaires de
ces héritages peuvent profiter pour l'irrigation; mais
il n'est plus en leul~ pouvoir ab50111 comme il était
en celui du propriétaire de la SDurce; ils ne pourraient pas, comme l ni, en ch:mger la direction;
ils doivent, au cODlraire, le laisser dans son lit
naLnrel, parce que la loi ne leur accorde point et
ne suppose poinl en eux le droil de le changer.
Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de s'en servir
pour fertiliser lems héritages, on de s'abstenir d'~11
détourner les caux, afin d'en transmettre l'usage
enlier au fonds inférieur, vers lerluel elles sont
appelées par leur penle natnrelle.
TOM. IV.
2l
�322
l'MITÉ
Reprenons actuellement les diverses expression~
de notre al,ticle.
1421. Celui dont la propriété horde: il n'y
a donc qne le propriétaire riverain dn cours d'eau
qui ait le droit d'y faire des prises pour l'inigation
de son fonds.
Mais comme tout cours J'eau a deux ,rives hordées d'héritages qui ont droit à la même servitude,
il s'ensuit qu'aucun des propriétaires riverains ne
peut avoir la faculté d'en changer la direction,
attendu qu'il ne peut lui être permis d'attirer les
eaux d'un côté au préjudice du droit Jes propl'iétaires de la rive opposée.
Il peut arriver cependant que les fonds adjacents à un CÔlé du ruisseau soient trop élevés pour
qu'ils puissent être arrosés; alors le propriétaire de
l'héritage situé SUI' la rive opposée aura bien la liberté de profiter plus largemen t de l'irrigation, puisqu'il se trouvera sans concurrent dans sa localité;
mais il ne pourrait toujours pas changer la direction
du rnisseau au préjudice des pl'Opriétaires inférieurs qui ont droit de s'en servir; infrà, nO 1436.
D'ailleurs, s'il était pe,'mis à tous les riverains
de modifier le cours des eaux en le reportant tantôt
à droite, tantôt à gauche, il pourrait en résulter
un état d'anarchie et de débats qu'il est toujours
dans le vœu de la loi d'écartel' pour le repos des
familles et l'avantage de la paix publique.
De là on doit encore tirer la conséquen~e que
le propriétaire du fonds riverain ne pourrait.y pra-
�DU DOMAINE l'URLIe.
323
tiquer un canal aboutissant au ruisseau, pour en
conduire les eaux sur un héritage plus reculé, attendu que ce serait également diminuer le volume
de l'eau au préjudice des héritages qui sont situés
soit à l'autre bord, soit plus bas, el qui ont tous
le droit d'en profiter.
Il faudrait cependant excepter lecas où il s'agirait d'une rivière ou d'un fort ruisseau, dont les
eaux pourraient, par leur abondanc'e, satisfaire aux
besoins de tous: alors on devrait dire que ce qui
est profitable à l'uu et qui ne nuità personne, doit
être permis: Prodesse enim sibi quisque ~ dùm
alii non nocet ~ non prohibetur (1).
1422. Une eau courante: ainsi le Code n'accorde pas dans les lacs et étangs le droit de prise
d'eau pour l'irrigation des terres voisines, attendu
que les eaux qui s'amassent dans ces réservoirs, ne
sont pas des eaux courantes; qu "en consequence
on ne pourrait y pratiquer des rigoles de dérivation
sans en diminner la masse au préjudice du propriétaire.
Mais si un étang est alimenté par des eaux de
source qui se reproduisent naturellement et continuellement, il n'y aura plus de raison de le distinguer d'une eau courante, et bien certainement les
prop"iétaires voisins pounont, suivant la disposition des lieux, y pratiquer des rigoles creusées jusqu'au niveau de la décharge, puisque le maître du
(1) L. 1, § 11 , ff. de aquâ et aquœ J lib. 39, tit. 3.
�324
TIalTÉ
réservoir ne peut· avoir le droit d'en tenir les eauX
à un poinl plus élevé.
Enfin, et dans tous les cas, qu'il y ait source ou
non, lorsqu'il survient d'abondantes crues d'eau',
les voisins peuvent incontestablement s'emparer du
superflu, pour le faire servir à l'arrosement de leurs
prés.
1423. Autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public, c'est~à-dire autre
que celle des rivières navigables et flottables avec
trains et radeaux. A cet égard il faut observerqlle,
s'il n'est pas permis de faire, pour l'irrigation des
fonds riverains, des prises d'eau dans ces grandes
rivières, c'est non-seulement dans la crainte de
diminner la masse du liquide, mais surtout afin
d'empêcher l'établissement sur le lit de la rivière
de barrages destinés à en élever les eaux pour les
répandre sur les fonds voisins; c'est aussi dans la
crainte de voir les chemins de halage et marche.,.
pieds sans cesse coupés et dégradés par les rigoles
et canaux pratiqués sur les bords dans le but de
faciliter l'irrigation (1) ; et de là il faut tirer cette
conséquence, qne, dans la partie de ces rivières, si.
tuée au-dessus du point où elles commencent à
être navigables, la prise d'eau doit êtl'e permise de
plein droit pour )'ilTigation des fonds riverains, puis(1) Voyez, sur cet objet, le préambule de l'arrêté du directoire du 19 ventôse an VI, Bullet. 190, nO 1766, t. 5, 2"
série.
�DU DOMAINE PUBLIC.
325
qu'il n'y a alors aucun danger de dégrader les
chemins de halage, ou de nuire à la marche des
bateaux.
S'il en était autrement, et si l'eau devait être
conservée dans tous les affluents des rivières navigables, il n'y aurait plus de droit d'irrigation nulle
part, parce qu'il n'existe aucun cours d'eau qui,
médiatement ou immédiatement, ne porte son
tribut dans quelque grande rivière.
Néanmoins l'administration, chargée de veiller
au maintien de la navigation, peut toujours interdire ces sortes de prises d'eau quand elles sont de
nature à trop diminuer le volume des rivières navigaLles; mais, on le répète, jusque-là elles seraient licites.
1424.. Peut .. autant que la natUl'e du sol et la
situation dn fonds le permettent: car, si, pour
élever les eaux sur un pré, il fallait pratiquer,
dans la rivière ou le ruisseau, un barrage quiporterait préjudice à un tiers, on ne pourrait
tolérer cet ouvrage, parce qu'il n'est permis à personne de canser du dommage à autrui.
1425. S~en servir à son passage pour l~irri
galion de ses propriétés: ces expressions ne nous
indiquent qu'un simple usager auquel tout changement dans l'état des lienx est interdit par la nature même de son titre Ca); et encore il est à
(a) Voy. suprà, nO 1137, et infrà, nO' 1435 et 1509.
Un riverain peut-il acquérir par prescription le droit à un
�326
TRAITÉ
remarquer que la loi n'accorrle ICI au proprIelaire
riverain le droit d'usage sur les eaux que pour les
faire servir à l'irrigation de ses héritages, et nullemode de jouissance des eaux d'une rivière, plus avantageux que
celui déterminé par la loi?
Pour l'aflirmative, on peut invoquer un arrêt très-précis de
la Conr de Grenoble du 17 août 1842 (Sirey, 44-2-481); l'opinion de Dllbreuil (Législation des eaux, tom. 1er , n6 91, p.
155, et n6 128, page 227), et jusqu'à un certain point celle de
M. Davie! (Tr. de la pratiq. des cours d'eau, nO' 570, 571 et
572) qui, cependant, ne ~'explique pas sur le caractère que doit
avoir la possession.
Mais la doctrine contraire peut s'appuyer sur les nombreuses
décisions qui ont établi en principe que le droit d'irrigation
conféré aux riverains par l'art. 644 du Cod. civ. est imprescriptible par le non usage ( voy. irifi'à, n6 1435), sur un :lrrèt
de la Cour de Grenoble du 17 juillet 1830 ( S,) 31.:..2-81 ), qui
a décidé que le non usage pendant 30 ans de l'irrigation par les
riverains d'un ruisseau affecté au roulement d'une usine n'empêchait pas qu'ils ne se servissent ensuite des eaux lorsqu'ils
pouvaient le faire sans nuire à cette usine; sur deux arrêts de la
Cour de Paris des 4 juin et 8 août, 1836 (S., 36-2~467 et 469),
qui ont jugé que le riverain d'un cours d'eau qui, contrairement à un arrêté administratif, a pratiqué sur ce cours d'eau,
sans autorisation, des saignées pour l'irrigation de son fonds,
ne peut prescrire, même à l'égard des propriétaires voisins,
ce mode de jouissance des eaux; enfin, sur un troisième arrêt
de la même Cour du 30 avril 1844 (S., 44-2-484), d'après
lequel 1e riverain qui, de temps immémorial, a usé d'une rivière
contrairement au prescrit d'un réglement administratif, peut
être ramené à son exécution.
En résumé, I1ouspensons, avec M. Proudhon et avec M. Devilleneuve, auquel nous empruntons les autorités ci·dessus (note
sous l'arrtl du 17 aotl! 1842) , que lorsqu'il y a ré,glement ad-
�DU DOMAINE PUBIJC.
327
ment pour leur donner un antre cours, 0\1 pour
les employer à faire rouler les usines qu'il pourrait
construire sur ses fonds: d'où résulle la confil'ma·
tion de ce que nous avons dit ailleurs, que la permission de construire des usines n'appartient pas
de plein droit aux possesseurs de fonds situés SUl'
les cours d'eau, mais qu'il faut l'obtenir de l'administration publique, dans les formes et d'après
les instructions voulues à cet égard par les réglements. Voy. suprà~ nOS 511, 971, Io57et 1118.
Dans ce cas l'autorité publique, disposant en
souveraine de l'usage des eaux, imposerait silence
aux propriétaires qui en recevraien t une moins
grande quantité ponl' l'irrigation de leurs prés.
Mais le riverain du cours d'eau ne pourrait, an
préjudice des a Il tres propriétaires, soit latéraux,
soit inférieurs, le faire dériver en tout ou en pal,tie
dans un réservoir ou étang, ou l'employer au sel'vice d'un étahlissement quelconque créé de sa
propre autorité, puisque la loi ne lui accorde que
la faculté de s~en servirà son passage pour l~irriministratif, les riverains ne peuvent excipel' de la prescription,
quelque longue qu'ait été leur jouissance en contravention, et
que lorsqu'il n'en existe point, un simple non usage de la part
d'un des riverains ne suffit pas pour faire acquérir des droits aux
autres; que ponr qu'il en fût autrement, il faudrait des actes dé
contradiction, parce que le droit d'irrigation, ainsi que celui de
clôture, constituent des facultés dérivant de la loi qui ne s'éteignent pas par le simple défaut d'exercice pendant quelque laps
de temps qu'il se soit prolongé.
�328
'l'li AlTÉ
gation de ses propriétés. Il n'y a que le propriétaire de la source qui ait le droit d'opérer une
semblable dérivation, tant que le ruisseau est sur
son fonds.
Le propriétaire bordant le ruisse~ll n'ayant le
droit d'y prendre que l'eau nécessaire à l'irrigation
de son propre héritage, ne pourrait pas permettre
d'y établir un aqueduc pour en conduire une partie
sur un fonds situé de l'autre côté du sien ; et tant
qu'il n'y aurait pas prescription, les autres proprié~
taires intéressés à la suppression de cet ouvrage
seraient fondés à la demander.
1426. Il ne pourrait pas même se servir de
l'eau pour l'irrigation des fonds que, par acquisition, il aurait réunis au sien, si ceshéritages n'étaient
pas eux-m~mes contigns au ruisseau: Ex meo
aquœductuLaheo scrihit cuilibet passe me vicino commodare.Proculus contrà: Ut ne inmeam
partem jimdi aliam quàm ad quam servitus
acquisita sil ~ uti ed possit. Proculi sententia
verior est (1). La raison en est que la servitude
d'usage établie spécialement pOllr l'utilité d'un
fonds ne doit pas être étendue à d'antres (a).
(1) L. 24, ff. de serllit. prœd. rust/c., lib. 8, tit. 3.
(a) M. Daviel (Tl'. de la pl'atz'q. des cours d'eau, nO 587)
fait remarquer avec raison que ce texte de la loi romaine ne s'applique rigoureusement qu'au cas des servitudes, et qu'ici le droit
du riverain est une espèce de copropriété; cependant., en défi.nitive, il arrive exactement à la même solution que M. Proudhon.
Il critique l'opinion d'un auteur qui prétend que pour ré-
�DU DOMAINE l'VELle.
3~9
S'il nc peuL user à discr~tion comme le maître
de la source, c'est parce que les autres propriétail'es, soit latéraux, soit inférieurs, ont aussi leurs
droits, aux(Juels il lui est défendu de porter aucun
préjudice: d'où il résulte que, si en variant sa
maui~l'e de jouir, il n'absorbait toujours que la
même quantité d'eau (1) , ou si, par rapport à la
grande abondance, il ne portait aucun préjudice
aux autres, il n'y aurait rien d'illicite dans son
fait (~). Réciproquement, si l'héritag,e auquel le
droit d'irrigation est dû, vient à être pal'tagé, il faut
dire que, comme la servitude qui est due à un
fonds ,est duc à toutes ses parties (3) , celle d'irrigation restera acquise aux lots qui seraient séparés
du ruisseau par les autres, et pourra y être exercée
comme anparavant,à moins de stipulation contraire
insérée dans l'acte de partage.
SECTION III.
Des droits du propriétaire dont le Jônds est trapersé par le
cours d'eau.
1427.
Il s'agit ici de l'application de la seconde
,
.<-
.
soudre la question il faut recherche; l"étatJJrirnitiJdes fonds> et
se reporter à l'époque où les droits de chdèùn ont été constitués;
ce qui est tout simplement, dit-il, vouloir remonter au déluge.
C'e~t ici un des cas où les magistrats doivent faire l'application
du pouvoir qui leur est conféré par l'article 645 du Cod. civ.
(1) L. 12, cod. de serpitutihus et aquâ> lib. 3, lit. 34.
(2) Voy. à ce sujet, 1. 1, § 16, JI. de aquâ quotidiantf. >
lib. 43, lit. 20, et l'annotation que Pothier y a faite dans ses
pandectes.
(3) Voy. suprà, sous le nO 1259.
�330
TRAITÉ
partie de l'ar.licle 644 du Code, portan t ce qlU
suit:
• cc Celui dont celte eau traverse l'hél'itage pent
» même en user dans l'intervalle qu'elle y par» court, mais à la charge de la rendre à la sortie
» de ses fonds à son cours ordinaire. »
Celui dont cette eau traverse l'héritage: ces
expre~sions s'appliquent à tout fonds situé an·dessous de celui de la source, puisqu'elles n'en désignent aucun à l'exclusion des antres,
A
'
'd'1re que d" a pres
P eut meme
en user:
c est-acette disposition, conforme à celle des lois romaines (1), le propriétaire du fonds n'est toujours
considéré que comme un usager; et encore son
droit d'usage ne s'applique qu'à l'irrigation de -ses
héritages, comme ce n'est qu'à ce même service
qne les propriétaires latéraux, quand ils sont. plusieurs, peuvent, à l'envi les uns des autres, employer les eaux du ruisseau. En conséquence de
quoi il ne pourrait Ion jours , pas plus qu'eux, recueillir ces eaux dans des étangs ou réservoirs, pour
les absorber au préjudice des fonds inférieurs.
La loi Ile dit pas Dl.ême qu'il peut en user à 1/0lonté, comme quand elle s'occupe dn propriétaire
de la source: en surte qu'il fallt toujours en revenil·
à celle idée, qu'il n'est qu'usager pou d'irrigation
de son fonds, puisqu'il n'est fJuestion de ..ien
(1) Vid. 1. 8, ff. de aquâ el aquœ , lib. 39, tit. 3, 4; et 1. 6,
cod. de serl,il. el aquâ, lib. 3, tit. 34.
�DG DmIAllŒ l'URLIe,
331
autre chose d:.ms tout l'article. Dès-lors) en cas
d'abus de sa part, il pourrait être forcé à subir la
loi d'un réglement réclamé par les propriétaires
inférienrs; et c'est surtout à cette hypothèse que
s'applique positivement l'article 645 du Codecivil,
portant qlle , dans le réglement de partage des eaux
d'irrigation, les tribunaux doivent concilier l'intérêt de l'agriculture avec le respect dû à la propriété.
Ainsi, quoique le ruisseau appartienne à celui dont
il traverse les héritages, ce dernier ne peut être
maître d'ah user de cette circonstance, en privant
arbitrairement les fonds inférieurs du bénéfice de
l'irrigation.
1428. Dans l~inter"alLequ~elle y parcourt:
le propriétaire dont l'héritage est traversé par le
ruisseau, a sur celui qui n'en joint qu'une rive un
grand avantage, en ce qu'il ne supporte la concurrence de nul autre auquel un droit pareil appartienne de l'autre côté; et dece premier avantage il
en résulte un second, qui consiste en ce qu'étant
seul maître des deux bords du cours d'eau, il peut
impunément lui dbnner dans l'intérieur de sa p,'o.
priélé les directions et dérivations qu'il juge convenables pour jouir pIns amplement du bénéfice
de l'irrigation.
1429. Mais à La charge de la rendre à La
sortie de sesfonds à son cours ordinaire: il faut
"b'len remarquer gu •aux termes cl e ce texte ce n ' est
pas à la sortie de son fonds~ mais à la sortie de
ses fonds, que ce propriétaire doit rendre le l'Uis-
�332
TllAlTÉ:
seau à son cours naturel. C'est pourquoi, si l"ol't
suppose que la panie du fonds qu'il possèùe à
gauche du ruisseau soit moins longue que celle à
,droite, il sera' obligé de ramener les eaux à leur
cours naturel à l'extrémité de la première, qui est
la moins prolongée; attendu qu'autrement on ne
pourrait pas dire qu'il les a rendues à lem cours
ordinaire à la sortie de ses fonds ~ et que d'ailleurs il ne pourrait conserver plus longtemps la
jouissance exclusive du ruisseau, sans porter préjudice au propriétaire latéral de gauche, qui restel'ait privé du bénéfice des eaux dans toute l'étendue
correspondante à cette prolongation de droite.
Celle disposition finale de notre article donne
encore lieu il. plusieurs conséquences qui nous resten t à indiquer:
1430. La première~c'est qu'elle ne doit s'ap.,
pliquer qu'aux simples ruisseaux, et ne peut êll'e
étendue aux petites rivières, puisqu'elle suppose
que le propriétaire du fonds traversé peut de sa
propre autorité opérer un déplacement dans le
cours d'eau; tandis qu'en fait de rivières, à quelque classe qu'clles appartiennent, aucuns changements, modifications, ni même rectifications, ne
peuvent 'Y être faits qu'en vertu de l'autorisation
de l'administration publique Ca);
Ca) Cette décisioD est la conséquence de la distinction que
l'auteur fait entre les droits des riverains des petites rivières ct
des simples ruisseaux; comme nous la repoussons (note sous le
�DU DOMAINE PUlILIC.
333
1431. La seco'lde~ que le fonds tl'aversé par
le ruisseau se trouve grevé d'une servitude légale
d'aqueduc, puisqu'il doit rendre et transmellre à
d'autres, sinon la totalité, du moins une partie des
eaux qu'il reçoit;
1432. La troisième~ que les propriétaires des
fonds joignant le ruisseau dans la partie inférieure
ont aussi un véritable droit à l'irrigation de leurs
héritages; droit dont il n'est pas p~rmis de les priver, puisque celui qui les précède ne doit jouir des
eaux avant eux qu'à la charge de les rendre à lem
cours ordinaire; et cela est de toute justice: car,
comme ils ne pourraient refuser de les recevoir si
elles leur étaient nuisibles, il faut bien que, par réciprocité, ils aient le droit d'en exiger la transmission lorsqu'elles leur sont utiles;
1433. La quatrième~ qu'une fois que les eaux
sont sorties du fonds où nait la source, tous les héritages inférieurs ont un droit acquis à leur usage;
mais que ce droit n'est point égal pour tous, puisque l'irrigation des fonds supél'ieurs absorbant ponr
chacun partiellement et successivement les eaux,
nO 1417, supl'à, pag. 317), nous n'admettrons pas non plus la
solution ci-dessus, d'autant plus que l'art. 644 du Code civ. est
général, et s'applique à toute eau COl/l'ante autre que celle qui
est déclarée dépendance du domaine public par l'art. 538, c'està-dire autre que les fleuves et rivières navi!l:ables ou flottables.
La permission ùe l'autorité administrative n'est nécessaire que
dans certains cas spécialement prévus par la loi, et alors elle est
aussi bien exigée pour les ruisseaux que pom les rivièl'CS.
..
�334
'l'llAITÉ
il n'en peut être transmis qu'une partie à ~el1x qui
les suiven l ;
La cinquième., que néanmoins ce droit d'usage
étant acquis à tous, en tant que les localités et la
quantité des eaux peuvent le permettre, il doit être
défendu aux propriétaires des fonds supérieurs d'en
abuser au préjudice de ceux situés plus bas, et
qu'en cas de contestation sur les abus qu'ils pourraient se permettre, les propriétaires inférieurs auraient droit de réclamer et de demander un réglement sur l'usage d'une chose que la nature départit
à tous, sinon également, du moins sui'vant leurs
positions respectives.
Avant d'aller plus loin, nous avons à examinel'
ici quelques questions qui se rattachent aux matières traitées dans les trois sections qui précèdent.
PREMIÈRE
QUESTION.
Quel est., en général., le mo..yen de déterminer
l"étendue des fonds auxquels le droit d'irrigation peut t1tre dit?
1434. L'art. 644 du Code civil n'accorùe le
dl'oitd'il'I'igation qu'à celui <lootla propriété borde
une eau courante., et non à ceux dont les fonds
sont plus reculés et ne la joignent pas immédiateUleot.
D'autre part, la prise d'eau pour l'irrigation des
terres n'est autre chose que l·exercice d'une servi·
tude, et les servitudes ne se communiquent pas
d'un fonds à uo autre; en s?rte que, si le droit
�DU DOMAINE PUBLIC.
335
d'irrigation est une fois acquis à un héritage, il
appartiendra bien à toutes ses parties, si l'on vient
à le partager; mais si, au lieu de le diviser, on l'augmente par des acquisitions de parcelles qui n'avaient
pas antérieurement le droit d'irrigation, l'acquéreur ne pourra pas les en faire profiter, surtout s'il
ne s'agit que d'un faible ruisseau; attendu que,
comme le dit Cujas, la servitude doit rester telle
qu'elle a été établie dès son principe, et que les
émoluments qui en résultent ne sont pas dus dans
la proportion croissante des adjonctions qu'on peut
faire au fonds : Non pro modo praediorum quo
libet aquam ducere licet~ sed quo primitm acquisitum est> el> demitm a·quam ducere licet(l).
Enfin si la pensée se porte sur la suite des siè·
cles qui se sont écoulés depuis que l'on arrose les
terres traversées par des cours d'eau, et si l'on considère surtout la perpétuelle mobilité de la propriété des fonds, tantôt divisés par des partages,
tantôt réunis en grandes masses par des acquisitions
comprenant simultanément des parcelles qui jouissaient Je l'irrigation, et d'autres qui n'en avaient
jamais usé, comment sera-t-il possihle d'accorder
au droit résultant de l'art. 644 du Code, toute
l'étendue qu'il comporte, et d'assigner les limites
qu'on ne doit pas dépasser en l'exerçantf Faudrat-il remonter jusqu'au déluge ou jusqu'au premier
partage des terres pour déterminer celles auxquelles
(1) CUJAcms ad legem 24 , ff. de serrit. rustic. prœd.
�336
TRAITÉ
seules le droit d'arrosement fntdû dès le principe,
et faire sur les fonds autant de délimitations pour
reconnaître le point où ce droit se termine pour
eux, et au-delà duquel ils ne doivent plus y pani.. ·
ciperr
En fait, il peut y avoir' des difficultés plus ou
moins sérieuses. à résoudre ces sortes de questions;
mais,en droit, il n'yen a aucune, parce que la prescription, à si juste titre qualifiée par les lois ro"
maines de patronne du genre humain, y a pourvu.
y a-t.il trente ansqu'un fonds, quoique ne joignant pas immédiatement le cours d'eau, profite du
bénéfice de l'irrigation, le droit lui en est acquis
dans toute l'étendue et suivant tonte la mesure de
]a possession tren lenaire, parce qu'il s'agit ici d'une
servitude qui, étant apparente et continue, peut
s'acquérir par la prescription (a).
Ca) Voyez suprà, nO 1426 et la note au-dessous. M. Daviel,
TI'. de la pratiq. des cours d'ean, nO 587 , pense que le propriétaire qui veut étendre l'irrigation à des fonds qu'il a réunis à
celui qui est adjacent au cours d'eau, n'a pas besoin d'invoquer
la prescription, parce que, jouissant de ce droit à litre de copropriété, il n'y a pas'ici extension d'une servitude à laquelle seule
s'applique la prohibition de la loi 24, ff. de serl'it. prœd. rust.,
et de l'art. 702 du Cod. civ., et que la question est laissée à la
}Jrndence du juge en vertu de l'art. 645.
Mais il en serait bien différemment si, au lieu de prolonger
son irrigation sur un fonds par lui nouvellement acquis, le riverain voulait en transmettre la faculté à un autre voisin; alors
celui-ci ne pourrait continuer à en jouir que si son droit était
eonsolidé par la prescription (Dnbreuil, Législat. des eaux,
�331
DU DOMAINE PUllue.
.... contraIre,
"
. Y a-t-l'1 eu, au
a 1" egal' d d' un -autre
fonds, cessation de jouissance du droit d'irrigation
pendant trente années, et cette disconLÏnuité a-telle été la suite ou l'effet de quelques actes de contradiction ou d'opposition de la part d'autres propriétaires, on doit dire que le droit d'irrigation
n'existe plus en faveur de cet héritage.
Enfin, à supposer que le fonds qui bordait primitivement le ruisseau ait été augmenté par des
acquisitions d'autres parèelles qui n'avaient pas le
même avantage, et que l'acquéreur ait vouiu étennO 121; MM. Daviel, nO 589 ; Garnier, Rég('me#eseaux, tom. 3,
nO 781, 3 e édit. ; Duranton , tom. 5, nO ~32) ; et celte prescription ne serait admissible qu'auta}Jt, d'une part, que la prise d'eau
n'aurait pas eu lieu contrairement' à des arrêtés administratifs
(arrêt de la Cour de Paris du 8 août 1836, Sirey, 36-2-467),
et d'un autre côté, que des travaux à main d'homme, tel qu'un
canal artificiel, auraient été faits pour conduire les eaux sur la
propriété non adjacente à la rivière. Le simple écoulement des
eaux opéré même pendant plus de 30 ans par le seul effet de
la pente du terrain sans ouvrages apparents et permanents, ne
suffirait pas (arrêts de la Cour de Bourges du 7 août 1835, S.'
37-1·493, et de la Cour de cassation des 20 mars 1827, S., 271-387, et 26 février 1844, S., 44-1-779; M. Daviel, nO' 590
et 976).
Au reste il ne serait pas nécessaire que les travaux fussent
faits sur le terrain de celui auquel on opposerait la prescription comme dans le cas où il s'agit de prescrire conlre le maître
du fonds où naît la source (suprà, nO 1374 et la note, pag. 247),
parce que ce dernier est véritablement propriétaire du cours
d'eau, tandis que les autres n'en ont que le simple usage qui leur
en est accordé par l'art. 644 du COlle civ.
TOM. IV.
22
�338
TRAITt
dre l'usage de l'irrigation au tont, alors de deux
l'une: ou cet acquéreur aura été laissé pendant t1'ente ans en paisible possession de l'extension
de jouissance qu'il s'est procurée, et le droit devra
lui en rester irrévocablement acquis; ou, sur l'opposition des autres riverains, il aura été obligé d'en
restreindre l'exercice, et dans ce cas son droit devra être ramené à la mesure de sa possession publique et paisible.
(~hoses
SECONDE QUESTION.
Si l'un des propriétaires riverains d'un cour.!
d'eau ne s'en était jamais servi pour l'arrosement de son fonds, aurait-il perdu par
la prescription son droit au prcifit des autres
qui auraient usé de toutes les eaux du ruisseau?
1435. Il est incontestable que non, parce qu'il
en est Ju Jroit d'arroser sou fonds comme de celui
de le clore; que ce sont là des droits qui, quoique
réellement acquis, sont néanmoins de pure faculté
quant à leur exercice, en ce sens qu'on n'est pas
obligé cl' en user pou l' les conserver, comme on n'est
tenu de faire aucune construction sur son héritage
pour conserver le droit d'y bâtil', quand il n'y a pas
J'acte posi1if de contradiction, attendu qu'alors
la loi est toujours là pour en pcmlettt'e l'exercice (a).
Ca) Voyez sur la prescription desfacultés, en général la note
sous le nO 1369, sup. , p, 240, et sur la question en parliculier
les'no, 1095,1425 et 1500,ainsiqueles notes sous ces nO',
�DU DOMAINE IIUBLIC.
339
Pour qu'il en fût autremen t, il faudrait que les
\'oisins latéraux ou inférieurs de celui auquel 01.1
voudrait refuser l'irrigaLion, eussent formé oppo~ition aux actes par lui faits pOUl' jouir de ce droit;
qu'obtempérant à leur opposition, il se fût abstenu, depuis plus de trente ans, durant lesquels
les premiers auraient paisiblement joui de toutes
les eaux à son exclusion Ca). Mais jusque-là il en
est des autres propriétaires vis-à-vis de lui comme
de tous les maîtres des fonds inférieurs à l'égard de
celui de la source, lesquels, par la possession la
plus longue, n'acquièrent aucun droit posÎ'lfif à
l'usage des eaux, tant qu'ils n'ont pas saLÏsfait aux
conditions nécessaires pour ouvrir la carrière de la
prescription par quelque acte de contl'adiction ou
de possession caractérisée SUI' le fonds d'où jaillit
l'eau.
TROISIÈME QUESTION.
Est-ce dans le seul intér8t du propriétaire latéral qu'il n'est pas permis à celui de la rive
opposée d'ahsorher la totalité ou la majeure
partie du cours d'eau?
1436. Si cette question était tranchée d'une
manière absolue dans un sens affirmatif, il en résulterait qu'à supposer, par exemple, que l'héritage
(a) Un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 1842 (Sirey,
42-1-308) porte: " Considérant que les facultés, hien qu'im" prescriptihles par leur nature, peuvent cependant se perdre
. " par la prescription, lorsqu'il)' a eu contradiction. " -V. n~
663, in fine , et 1371.
"
�340
.
TRAITE.
qui est à gauche du ruisseau se trouvât à une élé~
vation telle qu'il fût impossible d'y faire monter
les eaux pour l'arroser, tandis que le pré situé à
droite serait en plaine et assez bas pOUl' les recevoir,
le maître de ce pré pourrait les y auirer en totalité,
et les faire circuler dans l'intérieur, quoiqu'il ne
fût lui-même qu'un simple propriétaire latéral. Il
faudrait nécessairement arriver jusqu'à celle conséquence, puisque le riverain de gauche, n'ayant
aucun intérêt à s'opposer ~ cette déviation du ruisseau, n'aurait, par suite, aucune action pour l'empêcher, et serait non-recevable à le faire.
Mais celte décision ne serait ni conforme au tex.te
de la loi, ni juste quant au fond •
. Elle ne serait pas conforme au texte du Code,
puisque ce n'est spécialement qu'à celui dont lecours d'eau traverse naturellement l'héritage qu'il
est permis de le faire circuler dans l'intérieur de
son fonds, à la charge de le rendre ensuite dans
son lit ordinaire, tandis qu'il ne s'agit ici que d'un
~im pIe propriétaire latéral.
Elle ne serait pas juste quant au fond, parce
qu'il est incontestable que les propriétaires des héritages inférieurs ont droit à toutes les· eaux qui
dérivent naturellement des fonds supérieurs: d'où
il résulte que si, parmi ces fonds, il Y en a qui ne
peuvent en user, ce sera une cause d'accroisse·
ment J ou plutôt de uon-déci'oisseroent, dans la
masse dirigée vers la région inférieure.
Les propriétaires des fonds inférieurs seraient
�DU DOMAl li l'VULIe.
34f
donc recevables, comme intéressés personnels, à
s'opposer à la tentative que voudrait faire un simple
riverain latéral de la région supérieure, en dérivant
à leur préjudice le cours du ruisseau pOll\' le faire
circuler dans l'intérieur de son pré, et ils devl'aient
être écoutés Jans leur réclamation contre lui, puisqu'ils pourraient lui dire que, le cours d'eau ne
traversant pas son fonds, il ne se trouve pas luimême placé sons la protection de la disposition exceptionnelle qui ne permet qu'en ce seul cas d'en
changer le lit naturel.
Il y a plus: si ce riverain d'un seul côté affectait
d'acquérir le fonds de la rive opposée pour se placer dans l'exception de la loi, et parvenir par cette
voie il s'emparer de tout le ruisseau, nous croyons
que, même dans cc cas, les propriétaires inférieurs
auraient le droit de s'opposer à son entreprise, attendu que ce que la loi défend de faire par voie
directe, ne peut être fait par voie détournée.
Les autres propriétaires intéressés auraient donc,
pendant trente ans, une action pour obtenir le rétablissement des choses dans leur ancien état, et
l'on devrait appliquer à ce cas les règles expliquées
ci-dessus, nO 1434 (a).
Ca) Nous ne saurions admettre la solution de l'auteur dans
aucune des deux hypothèses qu'il examine, et surtout dans la
seconde; nous pensons, au contraire, comme nous l'avons déjà dit
à la fin de la note du nO 1236, suprà, pag. 33, que le propriétaire
d'une seule ~ive peut, avec le consentement du propriétaire de
la rive opposée, faire tout ce que celui qui réunirait la propriété
�342
TllAlTÉ
QU ATRIÈME
QUESTION.
Si l'un des propriétaires de fonds in/erieurs
joignant le ruisseau avait seul acquis du
maître de ta source le cours d'eau qui en dérive, aurait-iL, pour l'irr~fJation de son hérita/Je, un droit exclusifde celui des autres,
ou au moins prépondérant sur eux!
143'1.
Ponr résoudre cette question, il suffit de
des deux rives pourrait d'après le 2e § de l'art. 644. Autrement,
au grand préjudice de l'intérêt général, on ne pourrait jamais
établir d'usines dans les portions de rivières dont les deux bords
appartiennent à des propriétaires différents, et un des riverains
ne pourrait acquérir, soit par titre, soit par prescription, le droit
de pêche sur la totalité de la largeur de la rivière vis-à-vis son
héritage, quoique l'art. 2 de la loi du 15 avril 1839, sur la pêche fluviale, dise positivement le contraire. Les vrais principes en
ce cas nous paraissent avoir étl posés par les motifs suivants de
l'arrêt de la Cour de Besançon du 24 mai 1828 (Sirey, 28-2346)...• tt Attendu que de la comparaison des deux dispositions
" de l'art. 644 du Code civ., il résulte' évidemment que la pre.. mière n'a été insérée et rédigée que dans l'intérêt des copro.. priétaires du lit des eaux j qu'eux seuls sont recevables à s'en
.. prévaloir j que la seconde l'a été dans celui des possesseurs
li des fonds inférieurs, qui ne sont fondés à élever de réclamaIl tions que dans le cas où ceux des terrains supérieurs méconIl naîtraient l'obligation de rendre les eaux au poiut qui leur est
.. indiqué, après qu'ils en ont usé; - que rien ne s'oppose dès
" lors à ce que les copropriétaires du lit des ruisseaux règlent
Il entre eux, dans leur intérêt commun, l'usage des eaux qui
.. sépareOnt leurs terrains; que, lorsqu'ils le font, ils n'ont d'au.. tres obligations que celles qu'ils auraient si l'un d'eux le pos" sédait seul; que les tiers sont sans intérêt, et dès-lors non
4
�nTJ DOMAINE l'UIILIe.
343
se rappeler qne si le propriétaire de la source peut
disposer de son ruisseau, c'est seulemént en tant
qu'i~ est encore sm son héritage; mais que sitôt
qu'il en est sorti, il n'a plus aucun droit sur des
eaux qni, en franchissant les limites de son domaine, échappent à toute action de sa puissance:
d'où il résulte que, ne pouvant plus disposer de
ce qui a cessé de lui appartenir, il n'a pu céder à
personne le droit de jouir exclusivement des eaux
ainsi rendues à leur liberté naturelle, et que, par
une conséquence ultérieur~, tont l'effet d'une semblable concession se bornerait à le priver de la faculté de disposer de 50n ruisseau, en lui donnant
une autre direction, ou en en absorbantles eaux (a).
" recevables à se prévaloir de la première disposition de l'article prémentionné, puisqu'elle leur est étrangère; qu'il est
., suffisamment pourvu en ce qui les concerne par celle qui suit;
» -attendu qu'indépendamment de ces motifs plus que suffisants
» pour que les premiers juges aient dû, dès le principe, rejeter
» les prétentions qu'élevaient les sieurs Accarier et Petitguyot, et
» les débouter de leur demande en suppression des lavoirs con» struits par les sieurs Tugnot et Ferrey, celui-ci a, depuis le
» jugement dont est appel, acheté le fouds appartenant à
,. Tugnot; qu'il serait souverainement injuste et contraire il.
» tous les principes du droit de prononcer la suppression des
), constructions que la loi autoriserait à faire actuellement, si
» déjà elles n'avaient été faites et permises; que les juges d'ap» pel peuvent en ce cas, d'après l'état où se trouvent les parties
» lors de leur décision, statuer sur cc que les premiers juges
,. auraient été fondés et obligés de faire s'il eût alors existé; que
» tel est 11 ccl égard le texte littéral et précis d'un arrêt de la
II Cour d'appel de Besançon du 11 janvier 1810.... Il
(a) Il Ce qui était une fontaine, un ruisseau privé, deyienl
l>
�344
TllAITf:
Il faut remarquer encore que, suivantla position
de la source, il serait possible que le propriétaire,
abstraction faite de tonte convention, n'eût eu auCUD moyen d'en détourner le ruisseau ou d'en absorber les eaux, ou n'eût pu le faire que difficilement, et que par suite la concession qu'il en aurait
consentie serait devenue absolument ou à pen près
inutile pour les fonds inférieurs.
Cela étant ainsi, l'on doit décider que, nonobstant la concession faite à l'un des propriétaires inférieurs, tous doivent avoir le droit de participer à
la jouissance du ruisseau pour l'il'l'igatiol1 de lems
héritages, puisqne le cédant n'a pu investir le concessionnai~c d'un droit exclusivement propre sur
les eaux, dès qu'elles sont une fois sorties du fonds
où elles naissent (a).
» un ruisseau public, )) dit IVI. Daviel,~ Tr. de la pratiq. des
cours d'eau, nO 599, où il cite à l'appui de cette vérité un
arrêt inédit de la Cour de Rouen du 20 février 1836, et un
autre de celle de Colmar du 6 février 1il39, rapporté par Dal-
loz, 39-2-248.
(a) Il en serait autrement si le cessionnaire était le propriétaire
du fonds immédiatement contigu à celui ùe la source, ou si mêm~,
en étant éloigné, il pouvait y aller prendre directement l'eau au
moyen d'un aqueduc qu'il aurait acq uis' le droit d'établir sur les
fonds intermédiaires ou sur des héritages non adjacents au ruisseau. Dans ce cas il ~erait devenu propriétaire des eaux ùérivées,
à l'exclusion de tous les riverains du ruisseau. Cette décision n'est
point en opposition avec ce que nous avons dit dans la note sous
le nO 1348 (suprà, page 21'5), parce qu'alors nous n'entendions
parler que de fonds où l'eau parvenait après avoir passé à travers d'autres héritages, et où par suite le ruisseau, de privé qu'il
�DU DOMAINE l'UULle.
345
Mais il faut décider anssi que ce cessionnaire au
profit duquel le propriétaire de la source a renoncé
à la faculté qu'il avait de diriger ailleurs son ruisétait, avait pris le caractère de ruisseau public; il esl bien cer~
tain que dans ce cas le maître de la soutce n'a plus aucun droit
de disposition sur les eaux qui en proviennent, et que, quelque
pacte qu'il fasse avec l'un des propriétaires inférieurs, il ne peut
dispenser celui-ci qui ne les reçoit que de seconde main de se
conformer aux dispositions de l'art. 644 du Cod. civ. Mais on
doit évidemment porter une autre décision lorsque le propriétaire inférieur peut venir prendreles eaux dans le fonds même où
elles surgissent, soit immédiatement en les recevant dans son
héritage contigu à ce dernier, soit médiatement à l'aide g'un aqueduc qui ne les laisse pas ùn instant à la disposition des tiers.
.. Comme le propriétaire de la source, dit M. Daviel, nO 599,
" au moment où il livre les eaux au propriétaire du fonds im" médiatement contigu au sien, n'ell a pas perdu la saisine,
.. comme celui-ci vient les prendre sur son fonds, au bassin
.. même où naît la source, il peut les lui transmettre de la
.. manière la plus absolue, et au même titre que celui qui
.. tient de l'eau recueillie dans un vase peut disposer de cette
" eau. Il n'est pas douteux que s'il réunissait cet héritage au
.. sien, il pourrait à son gré d'isposer des eaux sur ces deux hé" ritages, qui n'en feraient plus qu'un seul dans sa main. Or,
" pour les tiers, la condition est la même, soit que les deux
li propriétés soient réunies, soit que les deux propriétaires trai" tent ensemble pouda disposition des eaux. - De même, ajoute
" cet aute).!r au nO 766 his> 3" édit., il (le propriétaire de la
li source) peut transmettre son droit de disposition à tout proli priétaire inférieur, pourvu que celui-ci vienne se livrer des
li eaux au bassin même de la source, sauf à traiter ensuite avec
). les propriétaires des fonds intermédiaires pour obtenir d'eux
" le droit de conduire les eaux au travers de leurs héritages.
1. Les tiers qui n'ont pas droit acquissurles eaux par titre ou par
�346
"llAITt:
sean, ou d'en absorber uti.lement les eaux ponr son
propre service, lorsque cela lui était possible et q n'il
pouvait avoir quelque intérêt à le fllÏre, a nécessairement acquis un droit prépondérant sur celui
des autres, puisqu'il a assuré à ceux-ci une jouissance qn'autremenl ils n'auraient jamais ene que
d'une manière précaire et dont même ils seraient
pent-être entièrement privés.
Il serait donc bien fondé à demander un réglement par lequel on lui accorderait une part plus
considérable des eaux, proportionnelle à l'importance des effets del'a-cte de concession qu'il amait
obtenu.
CINQUIÈME QUESTION.
Quels doivent 8tre les droits du mattre d'un
moulin construit sur un ruisseau en un point
déjà éloigné de la source -' et qui,~ pour le
Jâire rouler, a acquis le cours d'eau du
propriétaire de cette source?
1438. Cette question, en ce qui concerne les
intérêts des propriétés intermédiaires, doit être ré·
solue suivant les principes exposés au numéro précédent: en sorte que l'on doit dite que les maîtres
de ces propriétés ne pourraien t être excI us de tou te
participation aux droits d'irrigation, par cela seul
,. prescription dans les conditions de l'art. 642 nc seraient pai
,. fondés à se plaindre de ces dispositions; car puisque le prolO priétaire de la source peur les frustrer des CtlUX, peu importe
,. de quel moyen il se sert pour ccla. »
�nu
DOMAINE PUBLIC.
347
que le meu nier se serait rcnd n acquéreur de la
source, mais que néanmoins, jouissant incon testable01entdes eaux par suite du traité obtenu par le
propriétaire de l'usine, celui-ci devrait être le plus
avantagé dans le réglement qu'il serait fondé' à requérir vis-à-vis d'eux.
Si le meunier avait aussi pactisé avec les propriétaires intermédiaires pour oblenir d'eux l'usage
exclnsif des eaux, il serait en droit d'exiger l'exécution de leurs conventions.
1439. Si, sans stipulations expresses, le meunier avait curé le ruisseau à travers les fonds silués
eotre son usine et la source, qu'il eût opéré ce
curage d'une manière assez profonde pour dériver
à son profit toutes les eaux et en priver entièrement les fonds latéraux, et qu'il eût ainsi joni
paisihlementde cet état de choses pendant trente
ans, il amait prescrit contre les propriétaires intermédiaires le droit exclusif du cours d'eau, en tant
toutefois que ce droit peut être exclusif, comme
on le fera voi.' ci-après.
Dans cette hypothèse, la possession trentenaire
du meunier serait suffisante pour mettre ohstac1e-à
ce que les IJropriétàires don t les héritages son t traversés ou hordés par le ruissea li pussen l, profi ter de
la faculté qui leU\' est accordée par l'article 644 du
Code pour faire circuler le coms d'eau dans l'intérieur de lems fonds, attemlu qu'ils auraient laissé
prescrire au meunier l'avantage d'un aquednc fixe,
et destiné à lui transrncllre les canx d'one manière
exclusive.
�348
l'nAtTÉ
SECTION IV.
Des OllfJrages qui peufJent ttre faits dans les ruisseaux pal'
les propriétaires rifJerains.
1440. Lorsqu'il s'agit de rivières, même de
petites rivières, nous avons vu qu'il faut un acte
de l'administration supérieure pour en ordonner
et réglet' le curage, l'élargissement ou la rectification, attendu que leur cours d'eau est toujours
d'une importan.ce majeure, et que le lit comme le
corps d'une rivière quelconque, restant dans le
domaine public, ne peuvent être à la disposition
des particuliers.
Nous venons de voir an contraire, dans la première section du présent chapitre, qu'en fait de
simples ruisseaux d'irrigation, tout ce qui touche
à la propriété foncière reste dans le domaine- privé
des riverains, saufla servitude de l'écoulement des
eaux: et de là on doit conclure qu'ici ~ propriétaires agisseut de leur propre autorité, et sont
.pleiuement les maÎlres de curer, réparer et recti~
fier leur coms d'eau, comme-ils le jugent à propos,
tant qu'ils n'y opèrent .pas de changements qui
puissent être préjudiciables à quelques-uns d'entre
ell~; parce qu'on ne peut leur refuser le droit de
régir et d'administrel' leur pl'Opriété, lorsqu'ils ne
nuisent point à celle d'autrui: Ait praetor: Rivos,
specus J septtt rtificere, purgare .aquae ducen--'
dae causd quominz'ts liceat ilLi; dùm ne aliter
aquam ducat quàm priore aestate, non vi, non
�DU DOMAINE PUllLIC.
349
c!àm, non precario à te duxit; vimjieri veto (1);
mais les ouvrages qu'on veut faire dans un ruisseau
doivent être exécutés dans la vue d'en facilitel' le
cours, et non pour en amasser les eaux. en des rés~rvoirs ou des étangs au préjudice des antres propriétaires, attendu que ce serait en paralyser la
destinati~n : Aquae, inquit, ducendae causd
merità hoc additur, ut ei demitm permittatut
et rtficere etpurgare rivum qui aquae ducendae
causd idfecit (2).
Enfin il faut surtout prendre garde qu'il ne peut
être permis à l'un de changer la direction du conrs
d'cau pour en priver les autres, à moins qu'il n'agisse de leur consentement :·car celui~là même qui
a le dl'Oit de creuser dans son fonds un ruissean ne
peut pas in terverlir le cours de l'eau au préj udice de
la localité: Cui perjimdum iter aquae debetur,
quacunquè in eo rivum faciat, licet; ditm ne
aquae ductum interverteret(3). Et c'est par application de ces principes que notre Code veut que
celui dont le ruisseau traverse les fonds ne puisse
en user, dans le trajet, qu'à la charge de rendre les
eaux à leur cours ordinaire.
1441. En traitant des rivières nous avons fait
voir que nul ne peut construire d'écluses on de
barrages pour étaLlissement d'usines, même dans
celles qui ne sont ni navigables ni flottables, sans
(1) L. l , if. de rivis J lib. 43, tit. 21.
(2) L. l , §8, if. eodem.
(3) L. ult., if. de aquâ quotidian. J lib. 43, lit. 20.
�350
'l'itAlT!!
en avoir obtenu la permission de l'autorité administrative: ce qui est motivé sur la double raison
d'une part que le tréfonds de la rivière appartenant
au domaine public, les particuliers ne peuvent
avoir le droit d'en disposer d'une manière quelconque; et d'un autre côté que l'administration
active devant y exercer un droit de haut~ surveillance, soit en ce qui tient aux fabriques et ma..
nufactures comme sources du commerce, soit en
ce qui concerne la direction des eaux, il faut bien
qu'clle soit mise à portée de faire préalablement
..·éritler si l'écluse ou le barrage qu'on a le projet
d'établir ne présente pas de dangel's sous le rapport
des inondations.
1442. On sent qu'il n'en doit point être absolument de même ici, puisque le barrage établi dans
le lit d'un ruisseau ne repose pas sur un sol public,
mais sur une propriété privée; cependant le droit
de direction et de surveiHance du cours d'eau reste
encore dans ce cas à l'administralÏon, qui peut
toujoU\'s empêcher la construction d'un barrage de
nature à occasionner des inondations dans la contrée, ou à la rendre insalubre par le regonflement
des eaux.
Mais abstraction faite de ce cas, ainsi que de celui
où le barrage servirait au roulement d'une usine,
nous avons encore à examiner ici la double question de savoir, 1 0 si le propriétaire riverain du ruisseau peut y établir une éduse à l'effet d'en élever
les eaux à une hauteur suftlsante pour les faire dé·
�DU DOMAINE PUllLIe.
351
rive.' sur le fonds qu'il veut arroser, el 20 s'il serail
en droit d'étendre saconstruction au-delà du milieu
du lit u cours d'eau, et par conséquent sur la portion qui en appartient au propriétaire de la rive
opposée.
La réponse à ces questions doit être modifiée
d'après l'état naturel des localités, suivant que l'établissement de l'écluse pourrait, ou non, faire reflue~ les eaux au point de causer du dommage sur
d'autres propriétés.
Plaçons~nous d'abord dans l'hypothèse où les
lieux se trouveraient tellement disposés que l'établissement de l'écluse ne dût entraîner aucun danger d'inondation.
U·43. Dans cette position il est incontestable
que le riverain ourra établir son écluse à l'effet
d'élever les eaux jusqu'à la hallteur nécessaire pour
qu'elles puissen t servir à l'irrigation de son terrain;
il le pourra en vertu de la règle qui permet à chacun de rechercher son profitlà où il use d'une chose
qui n'appartient à personne, et où il ne porte au<:un préjudice à autrui: Prodesse enim siM unusquisque, dùm alii nOlt nocet, non prohibetur,
nec quemquam hoc nomine teneri (J). Mais il y
a plus: l'usage des eaux lui étant dû-autant qu'il
peut les faire servir à l'irrigation de sa propriété, il
pourra étend.'e son barrage jusqu'à l'autre bord du
ruisseau, même sur la partie qui en appartient au
(1) L. 1, § ll, ff. de a111â elaquœ, lib. 39, lit. 3.
�352
TRAITÉ
propriétaire de la rive opposée; puisque, aux termes
de l'article 697 du Code, celui auquel est due une
servitude a droit de faire tous les ouvrages écessaires pOUl' en user et pour la conserver, et que s'il
était forcé de terminer son barrage sur la ligne du
milieu du lit d.u ruisseau, il ne feràit que rejeter le
cours d'eau vers l'autre côté, ce qui serait loin de
le mettre en jouissance du droit d'usage qui lui est
dû Ca).
Si l'écluse construite dans la largeur entière du
ruisseau peut être utile pour l'arrosement des fonds
de la rive opposée, les propriétaires de ces fonds
pourront en profiter; mais en admettant même
qu'elle ne puisse leur servir à raison de l'élévation
de leurs héritages, ils ne pourront toujol~rs pas
s'opposer à sa construction, puisq e la loi accorde
au riverain la faculté de faire tous les ouvrages nécessaires pour se mettre en jouissance de son droit
d'usage sur les eaux.
1444. Si actuellement nous nous plaçons dans
l'hypothèse où l'établissement de l'écluse pourrait
faire refluer les eaux au point de causer des dommages à d'autres propriétés) la réponse à la question
se trouvé dans l'art. 15 du titre 2 de la loi du 6 octobre 1791 sur la police rurale, portant que per-
sonne ne pourra inonder l'héritage de son
(a) Voyez sur cette solution, que nous ne saurions admettre,
nos notes sous les nO' 952, 1101 , et surtout 1184, snprà, tom.
3, pages 304, 487 et 623, et aussi un arrêt de la Cour royale
de Metz du 28 anil1824 (Sirey. 25-2-268).
�DU DOMAINE PUJ3IlC.
353
ni lui transmettre volontairement les
eaux d~une manière nuisible., sous peine de
payer te dommage et une amende qui nepourra
excéder la somme du dédommagement.
A cet égard il faut observer encOl'c que, si la
difficulté qui surgit en tre les différen ts propriétaires intéressés consiste à savoir quelle est la hauteur à laquelle l'éclusc pourra être élevée, l'article
suivant de la même loi veut que ce soit par l'ad ministl'ation, c'est-à-dire par le préfet, qu'elle soit
résolue.
144.5. Une autre question qui n'est pas sans
intérêt cOllsiste à savoir si, lorsqu'un pré voisin du
ruisseau présente contre le cours d'eau un bord
élevé, tandis que plus loin il s'abaisse (a), le propriétaire peut pmtiquer dans cette espèce de digue
latérale un aqueduc souterrain ou à ciel ouvert,
pour conduire les eaux d'arrosement sur la partie
la pIns recnlée et la plus basse.
Cette hypothèse n'est que la coutre-partie de la
précédente; car si le propriétairc du fonds riverain
peut faire, même dans le lit du ruisseau, la construction d'une écluse pour élever les ~aux sur son terVOISIn.,
(a) C'est un fait constant que le fond et les bords immédiats
des rivières et des ruisseaux tendent toujours à s'élever par l'elfet
des terres que les crues charrient, ct qui, eD. se déposant dans le
lit et sur ses riw~s, exhaussent le thalweg de la vallée, au point
que les eaux uue' fois sorties de leur canal ne peuvent plus y
rentrer. Cette observation ne doit pas être négligée lorsqu'il s'agit de rechercher si un cours d'eau est naturel ou artificiel..
'TOM. IV.
�354.
TRAITÉ
ra1l1, on comprend qu'à plus forte raison il a le
droit de creuser une rigole sur une partie de son
propre héritage, pour servir à l'irrigation de l'autre.
Cependant, comme nous allons le voir ci-après,
cette décision n'est pas d'une application absolumént générale.
1446. DANS tout ce que nous venons de dil'e
concernant rétahlissement d'un barrage à travers
. , l' en1e cours d,
un ·
rUlsseau, nous n ,avons envIsage
trepl,ise du c,onstructeur que comparativement aux
intérêts, soit de son voisin de la rive opposée, soit
des propriétaires dont les fonds sont situés en
amont de la nouvelle écluse; mais r.e n'est là
qu'une partie Je la question: car il faut examiner
aussi quel peut être le mérite des réclamations
que pourront élever, au sujet du nouveau barrage,
les propriétaires de fonds inférieurs, et surtout les
meuniers ou mahres d'usines en aval.
Le propriétaire riverain du ruissean peut Lien
construire une digue pour élever les eaux sur son
fonds, sans que le propriétaire de l'autre bord ni
ceux supérieurs s~ient recevables à s'opposer à son
entreprise, du moment qu'eHe ne leur cause aucun préjudice; mais dans ce cas·là même, les propriétaires de fonds ou usines inférieurs peuvent
encore se plaindre d'un autre genre de dommages
résultant de la privation des eaux dont ils jouissaient auparavant, et dont le constructeur de l'écluse ou d'un canal latéral est venu iutercepter le
cours en tout ou en partie, pour les fàire, à leur
�DU DOMAINE l'UI,LIe,
355
préj udice, déverser et absorber dans son héritage.
Remarquons d'abord que l'exercice de l'irrigation ne peut en général avoir lieu convenahlement
el d'une manière fructueuse fIu'au moyen <.le quelques ouvrages exécutés dans le lit ou sUl'les bords
du ruisseau; qu'il n'y a toujours que certaines sai·
sons où ce genre de fel'lilisation soit utilement praticahle; que s'il faut pouvoir profiter de l'épanchement des eaux quand clics sont avantageuses, il
faut aussi pouvoir les écarter ou s'en défendre dans
la saison où elles seraient nuisibles; que, quand le
cours d'eau est, à peu de chose près, an même niveau que le sol des prés riverains, et qu'il n'y a que
de simples rigoles à pl'atiquer ou de petits barrages
à élever pour opérer l'irrigation des fonds voisins,
on ne peut rien trouver là qui doive êlre regardé
comme défendu suivant l'usage commun cl la possession des propriétaires.
Mais, lorsque le maitre d'un héritage situé en
amon t, ct don t le sol est trop élevé pOli l'qu'il puisse
être irrigué naturellement, vient tout-à-coup paraI yser'la possession ou l'usage des pr'opriétaires inférieurs, soit en construisant un .barrage dans le
ruisseau afin d'en élevel' les eaux et de les déverser
sur sa prairie, soit en pratiquant dans le bord de
son fonds un canal destiné à les conduire sur une
partie éloignée où le terrain se trouve plus bas, une
pareille innovation à l'ancien état des choses peutelle être considél,ée comme licite?
�356
TUAlTÉ
Cette hypothèse, dont il existe de nombreux.
exemples, présente deux questions à résoudre,
consistant à savoir:
La première, si les propriétaires de l'usine ou des
fonds inférieurs ne seraient pas fondés à exiger d'abord que les lieux fussent provisoirement et sur-Iechamp rétab-lis dans leur état primitif, et la seconde si, en défi nitive, le mahre dn fonds supérieur peut prétendre à une participation aux eaux
du ruisseau, quoique son héritage ne soit pas naturellement disposé il en recueillir le bénéfice.
1447. Et d'abord il est incontestable que le
maître du moulin ou des fonds inférieurs serait
bien fondé à exiger que le propriétaire du pré supérieur fût condamné à rétablir saris délai et au
moins provisoirement les lieux dans leur élat primitif, attendu qu'il suffit qu'en fait il y ait entre
eux une collision d'intérêts et de droits pour qu'il
n'ait pas été permis à ce dernier de se coustituer
lui-même juge dans sa propre cause; que, quand
même il aurait le droit d'obtenir en définitive de
l'autorité publique un réglement lui accordant une
oparticipation quelconque à l'usage des eaux dont
il ne jouissiJit pa.s auparavaOnt, il ne ~ui en .serait pas
moins interdit de s'adjuger à lui· même sa propre
part, et surtout d'évincer les autres; qu'en pareille
circonstance l'intervention de l'autorité réglementaire est tellement nécessaire que c'est à cHe seule
à déterminer ou approuver le plan, la forme et l'é.
lévation d es ouvrages reconnus indispensables pour
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
357
opérer la dérivation des eauX de manière à en faire
une distribution équitable entre tous ceux qui peuvent y avoir droit; qu'en conséquence tous travaux
entrepris sans cc préliminairene constituentqu'une
pure voie de fait qui doit être d'abord réprimée,
en attendant qu'un réglement intervienne s'il ya
lieu.
1448. Quant au fond, et en ce quia trait aU
point de savoir si ce propriétaire supérieur est en
droit d'obtenir un réglement lui permettant de faire
les ouvrages nécessaires pour arriver à l'irrigation
de son pré, on peut dire, en faveur de la négative,
Que, si l'usage des caux d'irrigation est dû de
pleiu droit aux prop"iétaires riverains du ruisseau,
ce ne peut être qu'en tant que leurs héritages se
trouvent naturellement aptes à les recevoir; que
ce don de la nature doit être modifié parla disposition des lieux qu'elle-même a créés; qu'ainsi, et
du momen t qu'un terrain se trouve trop élevé, et
qu'il est nécessaire d'avoir recours à des travaux
extraordinaires pour les y amenel', il faut Cl ne le
propriétaire les délaisse à ceux qui sont pIns bas,
puisqu'il se trouve à cet égard en dehors de j'ordre
naturel des choses.
Nonobstant ces raisonnements, et comme il n'y
a rien d'absolu dans une pareille màtière, où les
circonstances varient à l'infini, nous croyons que
le propriétaire su pél'ienr peu t demander un réglement glli l'autorise à {aire les ouvrages nécessaires
pour profiter ries callx.
.
�358
TRÂITJ~
Mais sur quelles bases pourrait-on établit' un pareil réglemel1t pour que ses dispositions fussent
équitables?
Nous ne nous occupons pas encore ici de l'autOl'ité compétente pour le faire; nous examinerons
ce point ci-après; mais, quelle qu'elle soit, elle
doit procédel' d'après les mêmes principes, et suivre
les mêmes règles d'équité; et c'est là ~eulemel1t
ce que nous nous pl'Oposons d'indiquer dans la présen te section.
1449. Il est d'abord ici une vérité élémentaire
qui domine toute la matière, c'est que l'eau coul'ante, n'étant jamais la propriété exclusive de personne, reste perpétuellement dans le domaine de la
loi, et qu'aux termes de l'art. 714 du Code civil,
l'usage des choses de cette nature est réglé par les
lois de police: d'où il résulte que l'autorité compétente peut toujours, comme organe actif ou agen t
de la loi, faire des réglements sur l'usage des eaux.
courantes.
Une autre vérité non moins constante, et qui se
trouve consignée dans la série de nos lois depuis
1790, déjà rapportées plus haut, et qui seront en~
C01'e mentionnées ci·après, c'est que l'autorité dans
de semblables réglernents doit surtout s'attacher à
diriger les eaux vers un hut d'utilité publique, pOUl'
les faire servir à l'inigation des fonds, dans l'intérêt général de la production.
Un troisième point tout aussi certain, c'est que,
dans cette matière, la val'iété des objets ct des cir-
�DU DOMAINE PUBLIC.
359
constances est telle qu'il aurait été impossible au
législateur le plus prévoyant d'en embrasser tous
les détails, et de les régler d'une manière fixe et
positive: c'est pourquoi, renvoyant aux règles de
l'équité naturelle, l~art. 645 du Code civil se borne
à charger les magistrats tle concilier consciencieniement les intérêts de l'agriculture avec le respect
dû à la propriété.
Ces principes une fois posés, arl'ivons aux applications q.ui peuvent ou doivent en être faites à l'hypothèse qui nous occupe.
1450. Si le ruisseau est peu abondant, et que
par suite des travaux projetés dans le fonds supérieur
pour y répandre les eaux, il n'en reste plus qu'nne
quantité insuffisante pour satisfaire aux besoins de
l'irrigation des fonds inférieurs, on devrait, toutes
choses égales d'ailleurs, interdire définitivement ces
(ravaux, parce qu'ils produiraient une innovation
dans l'usage immémorialemcnt suivi jusque-là d'après la disposition du sol, tel que la nature l'<:\vait
elle-même organisé; el. que, quelque précaire qu'on
suppose la possession des propriétaires inférieurs,·
ils pourraient néanmoins se prévaloir de la maxime
In pari causd possessor potior haheri
d,ehet~
ct l'opposer avec succès au mailre du fonds supérienr qui n'avait jamais Joni des eaux.
Nous disons toutes choses égales d'ailleurs:
car, si l'irrigation devait être éminemment productive dans l'héritage d'amont, tandis que son effet
serait à pen près nul à l'égard de cenx situés p\tlS
�360
TRAITÉ
bas, l'in térèt général ùe l'agricul ture, qni plane
toujours au-dessus des intérêts individuels, pourrait,
suivant son importance, motiver une autre décision.
1451. Si, au contraire, le ruisseau était assez
abondant pour satisfaire, quoique incompléteinent,
aux hesoins de tous, on pourrait en rendre proportion nellemen t participa nls tous les propriétaires
in téressés.
Dans le cas où les prés inférieUl's seraient sujets
aux inondations lors des crues extraordinaires, ce
serait une consil!ération majeure pour leur laisser pleinement l'usage des eaux d'irrigation dans les
temps ordinai<res, à l'exclusion du propriétaire su·
périeUl' dont le fonds est, par sa position naturelle,
à l'abri des chances de semblables pertes. Alors les
principes de raison et d'équité exigeraient qu'il ne
fùt point admis au partage, parce qu'il est juste que
ceux qui sont exposés à recevoit' du dommage d'une
chose soient, à leur tour, préférés dans les avantages qu'ellc peut produire: Secundàm naturam
estcommoda cujusque rei sequi) quem sequuntur incommoda (1).
1452. Mais c'est surtont dans l'intérêt des
usines inférieures que le réglement doit se montrer
avare envers le propriétaire supérieur, parce qu'il
y a une immens~ différence entre le sort d'un établissement qui peut être réduit à néant par la privation de son cours d'eau, et celui des prés qui ne
(1) L. 10, fI. de regltl. jur,
�DU DOMAINE PUBLIC.
361
sont exposés qu'à une diminution dans leurs produits. Le meunier qui demande la conservation de
son industrie lutte contre sa ruine, certat de
damno vitando , tandis q ne le propriétaire supé-'
rieur certat de lucro captando, en cherchant à
se procurer un gain dont il ne jouissait pas. Il ya
donc encore, sous ce rapport, un motif évident de
préférence en faveur du premier. Enfin, le moulin
étant affecté à un service public et à la satisfaction
des besoins de la société, l'in térêt collectif de la
contrée en place la conscrvation éminemment audessu3 d n gain particulier que peut faire le maître
du pré, en s'emparant du ruisseau pOllr SOl~ irrigation.
Au reste le propriétaire supéricUl' qui voudrait
intercepter le co~rs du ruisseau ne serait pas recevable à se prévaloil' de ce que le meuniel' ne produirait point d'acte de concession établissant que
son usine a nne existence légal~, attendu que,
comme nons l'avons tait voir ailleurs (a); tant que
Ca) Voy. nO' 981 et suiv., 1121, avec la note, et 1187 ad notam; sllprà, tom. 3, pages 325, 527 et 632.
Ici l'auteur est en contra.diction avec ce qu'il a dit à la fin du
nO 1187, tom. 3, pag. 638, dernier alinéa, où il enseigne que
lorsqu'il s'agit de constructions de barrages servant Il l'établissement dc quelqu'usine, même sur une petite rivière, nul Ile peut
en revendiquer le droit en justice ordinaire', puisque personne
ne peut l'exercer qu'avec la permission du Roi. Comme nous
l'avons démontré dans la note de la page 632, cette dernière
doctrine est inadmissible, et on doit, qu'il s'agis!e soit d'irrigation, soit d'usines, préférer celle contenue au présent nO 1452.
�362
TRAITÉ
le gouvernement souffre un étahlissement de cette
espèce, son autorisation tacite est suftlsante pour
que tout particulier doive en respecter la propriété
ct l'nsage entre les mains de celui qui en jouit à titre
de maître Ca).
Ca) Pour compléter ce que
avons à dire sur la m-atière
si importante des irrigations (*), il nous reste à, parler de la
IIOUS
(') Voici en quels termes M. Passy, dans son rapport à la Chambre des
pairs (séance du 25 mars 181,5, - Moniteur, pag. 733), trace l'historique
de ce puissant moyen de fertilisation: « L'usage des irrigations, dit-il, date
des temps les plus reculés. C'est au sein des régions torrides que la civilisation commença à fleurir, et à peine y eut-elle pris quelques développements,
que des travaux d'arrosage, d'une grandeur merveilleuse, vinrent y assurer
la fécondité des cultures.
" Sous le ciel moins ardent de l'Europe, l'art n'eut pas à réaliser de si vastes
conceptions. On n'y vit ni les lacs immenses, ni les innombrables canaux
qui fertilisaient le sol de l'Egypte et des vieux empires de l'Asie; mais les
eaux y furent utilisées dans la mesure commandée par l'état des tempéra.
tures, et les contrées les 'plus méridionales se couvrirent d'ouvrages qui les
firent l'ef1uer dans les campagnes.
"Le monde romain s'écroula sans entraîner dans sa ruine les vieilles traditions rurales. L'Italie continua à demander aux nombreux cours d'ean
qui la baignent leur tribnt accoutumé, et les lois qui, à partir du 12' siècle,
vinrent y régler les systèmes de dérivation et d'arrosage, ne firent que sanctionner des coutumes dès longtemps établies et respectées.
"L'Espagne non plus ne cessa pas d'emprunter aux eaux une assistance
dont une partie de ses champs ne pouvait se passer. Loin de là, des maîtres
originaires de contrées bl'lÎlantes lui apportèrent tous les secrets de la science
nahalhéienne; et, sous la domination arabe, se perfectionnèrent et s'étendirent rapidement les méthodes d'irrigation qui ont fait du royaume de Valençe et de la basse Catalogue le siége de cultures admirables de puissance
et de richesse,
» Les exemples de l'Italie et de l'Espagne ne furent imités que sur quel.
que, points d" midi de la France. Dans le rcste de l'Europe, la nature disl,ense,la: chaleur et l'humidité dans des proportions dont put se contenter
�DU DOi\IAll'Œ rUBLle.
363
loi émanant de l'initiative de la Chambre des députés (proposition de M. d'Angeville), et promulguée le 29 avril 1845. En
voici d'abord le texte:
(\ Art. 1er • - Tout propriétaire qui voudra se servir, pour
\1 l'irrigation de ses propriétés, des eaux naturelles ou artifi" cielles dont il a le droit de disposer, pourra obtenir le passage
., de ees eaux sur les fonds intermédiaires, à la charge d'une
" juste et préalable indemnité.
longtemps le travail agricole, et c'est de nos jours seulement qu'elles ont
cessé de suffire à toutes ses exigences. »
Ce n'est pas ici le lieu d'exposer les avantages immenses que peut produire une irrigation hahilement dirigée. Les livres spéciaux d'agriculture en
contiennent la démonstration, et personne ne les conteste. On se bornera il
indiquer quelques l'ésultats très-concluants. Dans les plaines de la Lombardie, arrosées par le Pô, on est 1l31'venu à faire produire à l'hectare de mauvaises terres conw.rties en pré, un revenu brut annuel de l,og8 fr. ; un
domaine composé de terres et prés rapporte par hectare plus de 200 fr. au
propriétaire, et , pour cent d'intérêts du capital d'exploitation au fermier.
Aussi la population est-elle la plus dense qui existe en Europe. On compte
par kilomètre carré 1,6 individus, tandis que dans les plaines de la Bel·
gique il n'yen a que 143, en France que 64, et même, en généralisant cette
observation, on reconnaît qu'en Lombardie, pour une même surface, il y
a un tiers d'habitants de plus qH'en Hollande et qu'en Angleterre, deux fois
autant qu'en Allemagne, trois fois autant qu'en Portugal et en Dapemark.,
et quatre fois autant qu'en Espagne. La France offre des preuves non moins
. ceriaines. En Provence, sur la Crau, dans ces landes composées de galets,
l'hectare arrosé ne vaut pas moins de 4,000 fI'. Dans les Vosges, les sables
improductifs de la Moselle ont, par les soins et les travaux d'un habile cultivateur, acquis une valeur d'environ 5,000 fI'. l'hectare. En Bretagne, le
prix de la même contenance de terre s'est, grâce à l'irrigation, promptement
élevé de 300 fr. à 2,500 fI'. C'est douc avec grande raison que le célèbre
agronome anglais, William Tatham, auteur d'un excellent traité sur les irrigations, dit que pas une goutte d'eau ne dev.rait arriver à la mer sans avoir
fertilisé une partie du sol.
Dans le droit romain on ne trouve que peu de textes sur l'irrigation; ceux
qui s'y rapportent davantage sont les lois 2, ff. de fluminib.; 10, § 2, eod.
de a'luâ et a'l' plu,. areend.; unie. tit. 13, lib. 4.3, eod. nequid in flum.
publ,; 4, lib. 11, tit. 42, Cod. dr. aqrtœduet.; " tit. 34, lib. 3, Cod. de
servitut. ctaquâ.
�364
Il
Il
"
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Il
"
..
..
"
"
Il
II
Il
II
..
II
,
..
TR.AITÉ
Il Sont exceptés de celte servitude les maisons, cours, jardiDI~
parcs et enclos attenant aux habitations.
" Art. 2. - Les propriétaires des Eonds inférieurs devront
recevoir les eaux qui s'écouleront des terrains ainsi arrosés,
sauf l'indemnité qui pourra leur être due.
» Seront également exceptés de cette servitude les maisons,
cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations.
Il Art. 3. La même faculté de passage sur les fonds intermédiaires pourra être accordée au propriétaire d'un terrain
submergé en tout ou en partie, à l'effet de procurer aux eaux
nuisibles leur écouleme nt.
" Art. 4. - Les contestations auxquelles pourront donner
lieu l'établissement de la servitude, la fixation du parcours
de la conduite d'eau, de \ies dimensions et de sa forme, et
les indemnités dues soit au propriétaire du fonds traversé,
soit à celui du fonds qui recevra l'écoulement des eaux, seront portées devant les tribunaux qui, en prononc,;ant, dcvront coucilier l'intérêt de l'opération avec le respect dû à la
propriété.
" Il sera procédé devant les tribunaux, comme eu matièresommaire, et, s'il y a lieu à expertise, il'pourra n'être nommé
qu'un seul expert.
" Art. 5. - Il n'est aucunement dérogé par les présentes
dispositions aux lois qui règlent la police des eaux. Il
CeUe loi, vivement combattue comme inconstitutionnelle,
comme conférant à de simples particuliers dans leur intérêt personnelle droit exorbitant d'expropriation pour cause d'utilité
publique, comme faisant trop ou trop peu, selon le sens dans lequel elle sera entendue, comme ne facilitant point en réalité
les moyens d'irrigation qu'elle se borne à déplacer pour donner
aux uns un avanlage qu'elle relire aux autres, comme ne faisant
en dtfinitive, selon l'expression pittoresque d'un député, que
semer dans' les champs de la graine de procès, au lieu d'y
porter la fertilité; cette loi, disons-nou~,n'cst que la reproduction de clispositions législatives en vigueur depuis des sièclell
�DU DOMAINE PUBLIC.
365
dans d'autres états tels que l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne,
la Prusse, etc., notamment d'un statut établi dès 1163 en Lombardie, et inséré en 7 articles dans le Code Napoléon lors de
son aùoption dans ce pays (*).
Nous n'en examiner~ns ici spécialement que les deux premiers
articles qui, à :vrai dire, la constituent tout entière, et qui
auraient pu encore être réunis en un seul. Il sera question du
3e au chap. LXV, traitant du desséchement des marais, et des
4 e et 5e au chap ..LXI ci-après, relatif à: la compétence.
D'après la marche constamment suivie par M. Proudhon,
nous allons reprendre successivement les tr.rmes de ces deux dispositions, et d'abord de la première.
Tout propriétaire. Comme dans les cas de bornage ou de passage à titrc d'enclave, on doit entendre par cette expression noo(0) Voici les plus importants de ces articles:
« Il est permis à tout citoyen d'extraire l'eau dont il a besoin pour l'irrigation de ses propriétés,
)) sous la conditiou de ne pas porter préjudice à ceux qui ont précédem)) ment usé de ce droit, et de plus d'obtenir des magistrats l'autorisation,
)) toutes les fois qu'il s'agira d'une dérivation qui pourrait compromettre
" les intérêts publics.
)) Il est loisible à ceux qui ont droit à une eau courante de la faire passer
» sur le fonds d'autrui, pourvu qu'ils paient au propriétaire le double de
)) la valeur de la portion du terrain que le cours d'eau lui enlèvera.
)) L'évaluation du terrain se fait par des arbitres que les parties choi» sissent.
)) Le prix sera payé avant le commencement des travaux qui doivent
)) frayer à l'eau son passage.
)) En cas de refus du propriétaire d'acquiescer à l'établissement de l'a)) quedue ou de la rigole, il Yaura lieu au dépôt de la so=e à laquelIe le
» terrain aura été évalué par des arbitres que le podestat nommera., et aussi)) tôt après ce dépôt, on pourra commencer les travaux. ))
VieI\Ilent ensuite deux articles relatifs au cas où l'aqueduc devrait traverser d'autres cours d'eau.
Enfin le dernier est ainsi eonçu : « Dans le cas où le passage de l'eau ap)) porterait une notable diminution dans le l'ri." de la pièce entière sur la)) quelIe l'aqueduc serait construit, on pourra forcer celui qui veut établir
)) le cours d'eau à acheter toute cette pièce de tene au prix fixé par de"
» arbitrr-l. li
B
�366
TRAITÉ
seulement celui qui a la pleine propriété, mais eOClore l'usufruitier et l'emphytéote qui ont un droit de copropriété, jus in re.
Mais lc simple fermier serait évidemment sani qualité; en général
il ne peut exercer de droits contre les tiers; il doit s'adresser à
son bailleur pour obtenir la jouissance de la chose louée. Les
mots suivants, qui voudra se senlil' pour l'irrigation de SES
PROPRIÉTÉS, confirment encore cette solution; le fonds amodié
Ile pouvant jamais en effet être qualifié de propriété du fermitr.
Qui voudra; ainsi qu'on le dira plus bas, la demande est entièrement à la volonté de celui qui veut prendre l'eau, mais la
concession dépend des tribunaux qui peuvent l'accorder ou la
refuser selon les circonstances.
Se servir. La loi n'a pas eu pour objet de concéder sur les
eaux de nouveaux droits soit aux riverains, soit àux voisins
de ceux-ci; elle n'accorde qu'un droit de passage sur les propriétés intermédiaires. C'est cc qui résulte jusqu'au dernier degré d'évidence tant des termes suivants du même article, dont il
a le droit de disposer, que de la discussion aux Chambres. La
» véritable intention de la comlbission, disait M. le député Be» noist, un de ses membres, à la séance du 12 février 1845
» (Mon., pag. 320), a été de ne rien innover sur ce qui existe
» aujourd'hui quant à la jouissance des eaux et à leur passage.
» S'il ya contestation, elles seront jugées, comme elles le sont
aujourd'hui, par l'intervention de l'autorité publique; vous
li n'aurez innové qu'une seule chose, c'est le drQit de passage. li
Et à la séance du lendemain (Mon., page 330), il ajoutait:
Cl
On a toujcurs snpposé que la loi proposée statuait quelque
n chose sur la quantité d'eau dont chacun pouvaif disposer.
" Nous avons répété à satiété que la loi ne portait aucune atli teinte aux droits aujourd'hui existants, et ne constituait au» cun droit nouveau pour ceux qui, aujourd'hui, disposent des
II eaux. II Cl Il importe, disait aussi M. Passy, rapporteur à
II la Chambre des pairs (séance du 26 mars, Mon., page 73'4) ,
qu'on veuille hien se souvenir que le projet de loi n'admet
d'autre innovation que la possibilité accordée aux p:'opriétaires
Cl
)1
)l
)l
�DU DOllIAll"Œ PUBLIC.
367
" d'obtenir le passage des eaux dont ils ont droit de disposer,
" sur les fonds d'autrui. Sur tout autre point, la législation préIl sentement en vigueur ne subit aucune espèce de modification,
" et dès-lors il demeure constant que les contestations, s'il s'en
If élève, auront pour cause soit l'exercice du droit de disposer
" des eaux, soit l'établissement des ouvrages d'art nécessaires
}) à leur parcours sur les terrains assujettis à leur donner pasIf sage. "Enfin, lors de la discussion à la Chambre des pairs
et au moment du vote (séance du 19 avril 1845, Mon., page
1048), le même rapporteur répétait encore: « Je prie la Cham.. bre de bien remarquer que, dans le projet de loi, il n'est
" dérogé en rien à aucun des principes du Code civil ni à au" cun des usages actuellement existants, ..•. Ce projet ne touche
" à aucune de ces dispositions..... Je le répète encore 'une fois,
" parce qu'il est essentiel que cela soit bien entendu, nous ne
" créons aucpn droit nouveau quant à la propriété des eaux;
" nous ne créons aucun droit ,nouveau, sauf le droit de passage
.. sur le fonds d'autrui. D
Pour l'irrigation de ses propri~lés. C'est en faveur de l'agri,...
culture seule et à raison des avantages immenses qu'elle retire
des irrigations pour fertiliser les prés, que la loi a été proposée
par M. le député d'Angeville et adoptée par les Chambres.
L'industrie ne pourrait évidemment pas l'invoquer. La raison
en a été donnée par M. le marquis de Barthelemy à la séance
de la Chambre des pairs du 19 avril (Mon., page 1048). Il Je
» crois, dit-il, que les irrigations doivent être préférée~ à l'iu» dustrie. L'industrie ne doit venir qu'au second rang; car
" après tout, les irrigations n'ont lieu que pendant trois ou
" quatre mois de l'année. Les usines profitent de l'eau pendant
» tout le cOQ.rs de l'année. " La dérivation des eaux pour le
roulement des usines devant être continuelle, les cours d'eau
eussent été complétement modifiés dans leur direction si on eût
permis de les détourner pour cette cause, tandis que le maintien
de l'état de choses actuel peut )aeilement se concilier avec les
hesoins de l'irrigation.
De ce que le bénéfice de la loi ne consiste quc dans l'établiss&-
�368
TlIAITÉ
ment d;une servitude pour un but déterminé et unique, il résultej
1° qu'on ne pourrait le réclamer pour toute autre cause quelque favorable qu'~lIe fût, soit, comme on vient de le dire, pour
l'industrie, soit pour fournir de l'eau à un villagc, hameau ou
métairie, dans le cas de l'art. 643 du Code civ., soit, à plus
forte raison, pour l'ornement ou l'agrément d'une propriété
publique ou privée;
2° Que si, par une cause quelconque, le fonds au profit duquel aurait été établie la servitude de passage de l'eau venait il
changer de nature et n'avait plus besoin d'irrigation, le droit
s'éteindrait et l'aqueduc ou le canal devrait être supprimé SUI' la
demande des propriétaires qui le fo~rnissent ;
3° Que la largeur et la consistance du canal ou aqueduc doivent vqrier avec l'étendue et l'importance des fonds à arroser,
sauf augmentation ou diminution d'indemnité, et que si un propriétaire employait l'eau tout à la foi" à l'irrigation et à un autre
usage, les maîtres des fonds traversés pourraient faire restreindre
la déri vation à ce qui serait Iiécessaire seulement à l'irrigation.
Au reste, bien que les prés naturels soient le genre de propriété que l'on arrose le plus ordinairement, cependant la loi
n'est pas exclusive en leur faveur; les termes en sont généraux
et permettent d'en appliquer le bénéfice à toute autre nature de
propriété qui pourrait en retirer des avantages, telles que des rizières, des oseraies, des plantations d'arbres, des jardins maraîchers, etc. « Dans le nord de l'Europe, disait M. le rapporteur
" à la Chambre des pa irs ( séance du 26 mars, Mon. > page 733),
" où les moissons, mûries aux ardeurs d'un soleil qui, durant
" les jours de l'été, disparaît à peine un moment de l'horizon,
.. manquent toutes les fois que des pluies fréquentes ne viennent
» pas rafraîchir l'atmosphère, l'irrigation a pris plus ù'exten» sion encore. Les laboUl'eurs de la S,uède et de la Norwège ne
» se bornent pas à arroser leurs prairies; beaucoup de terres
" en labour reçoivent les mêmes soi,!s, et les paient par des fruits
» plus abondants et mieux assurés. » Nous croyons même que
dans les localités où, sans arroser les céréales, on couvre complé.
�DU DOMAINE PUBLIC.
369
tement d'eau pendant un certain temps le sol qui doit les produire,
et en le transformant périodiquement en étangs, on pourrait obtenir le passage des eaux nécessaires à ce mode d'aménagement,
parce qu'il s'agit toujours ici d'une irrigation.
Des eaux naturelles ou artificielles. Par ce dernier mot on
entend celles des réservoirs d'eaux pluviales, des étangs et principalement des puits firés ou puits artésiens. Lors de la discussion on avait proposé d'y substituer ces expressions plus exactes:
ou ohtenues à l'aide de traraux; mais comme le mot artificielles est pris absolument dans le même sens, la proposition n'a
pas eu de suites.
Dont il a le droit de disposer. C'est sur cette partie de l'article
qu'a roulé pr~sque toute la discussion.
Aux termes des lois existantes, les eaux peuvent être réparties
sous trois classes:
•
Celles sur lesquelles on a un droit presque absolu et qui comprennent les eaux ayant leur source dans notre fonds, soit parce
qu'elles y sourdent naturellement, soit parce qu'au moyen de
sondages on est allé les chercher dans les entrailles de la terre
pour les faire jaillir au niveau du sol, ainsi que celles r~uuies artificiellement ou na turellement dans les étangs, les marais ou
les réservoirs dont on est propriétaire.
Celles non dépendantes du domaine public, que l'on possède à
raison de son terrain et du rapport de contiguité qui existe entre
elles et ce terrain dont elles sont un acoessoire momentané. Ce
sont les cours d'eau sur lesquels on exerce une jouissance à leur
passage, à charge de les rendre à certaines conditions imposées
par la loi, ou à des conditions plus complexes, lorsqu'ils ont
été l'objet d'un réglement de la part de l'autorité administrative, soit à cause d'établissement d'usines, soit pour tout autre
motif.
Enfin celles du domaine public, comprenant les fleuves et
rivières navigables et flottables, ou seulement flottables ..
On est propriétaire des premières (64], 642,643, Cod. civ. ),
usager des secondes (644 ct (45), et enfin on peut devenir
concessionnaire des dernières.
TOIII. IV.
�3'10
THAITÉ
La loi que nous exnminons s'applique également à ces trois
catégories, mais dans la mesure seulement des droits que l'on
peut avoir sur chacune, aux termes des lois existantes, ainsi qu'on
l'a dit plus haut.
En conséquence point de difficultés pour les 1re et 3 e • De l'une,
on peut en disposer d'une manièr~ absolue, sauf les droits que
des tiers pourraient y avoir acquis par titre, par preseription
ou en vertu de l'article 643, relatif aux communes, villages et
hameaux.
De l'autre, le titre même de concession, qui ne peut être qu'exprès, détermine l'étendue de l'usage que l'on est en droit d'cn
avoir ou d'en faire.
Pour ces deux classes, la loi remplit complétement son objet;
elle accorde une faculté précieuse dont on était privé auparavanfet au moyen de laquelle les eaux propres ou concédées, dont
l'utilité était restreinte aux fonds où elles naissent ou qu'elles
hordent immédiatement, pourront être utilisées sur une plus
grande échelle et dirigées vers des héritages qui en seront considérablement améliorés.
En sera-t-il de même pour la troisième, la plus importante et
la plus étendue, puisqu'elle comprend toutes les rivières non
navigables et flottahles, et les ruis'seaux de toute nature? Nous
ne le pens~ns pas, et il nons semble qu'à leur égard la faculté
accordée sera il peu près illusoire. Pour s'en convaincre, il suffit
de recourir à ce qui a été dit suprà, nO' 1419 et suivants, sur les
droits qui :lppartiennent aux propriétaires dont les fonds sont
traversés ou hordés par ces cours d'eaux; droits, il ne faut pas
le perdre de vue, qui ne sont en rien modifiés ou augmentés par
la nouvelle loi. On y verra que ces propriétaires ne peuvent se
servir de l'eau qu'à son passage, pour l'irrigation de leurs fonds
immédiatement riverains, à la charge encore de la rendre à son
cours naturel; et que, sauf des exceptions rares déterminées par
les circonstances, ils ne peuvent ni la faire couler sur des héritages par eux nouvellement réunis à celui qui joint la rivière,
IIi surtout la transmettre à un voisin situé de l'autre côté.
Cette difficulté n'a pas échappé aux rédacteurs de la loi; l'un
�nu nŒ1AI!'iJ.:: rUllLlC.
.
371
de ses plus grands partisans, M. de Gasparin, répondait ainsi à
l'argument tiré de son inutilité dans la plupart des hypothèses:
" Elle est peu applicaLle, disait-il à la séance du 19 avril (Mon.,
» pa~. 1047), au cas des rivières qui ne sont ni navigables ni
.. flottables, cela est vrai j mais à qui la faute? Etes-vous décidés
" à proposer par amendement l'abrogation de l'art. 644 du
Il Cod. civ., ou une disposition qui permettrait l'expropriation
Il du droit des riverains pour cause d'utilité publique? Et si
Il vous n'y êtes pas disposés, que reprochez-vous à la loi, sinon
" de ne pas faire cc qu'elle ne pourrait faire qu'avec cette abroIl gation ou cette f:lculté? Ainsi de ce qu'elle sera moins utile à
Il une classe dl" nos eaux, vous en inféreriez qu'il faut mettre
» dans l'oubli qu'eUe seule peut conduire à utiliser les deux
" grandes classes dés eaux de source, et des eaux des fleuves et
" rivières du domaine public. C'est comme si vous proposiez de
» ne pas faire de chemins de fer parce que les pays montagneux
.. n'en profitent pas comme ies plaines. On voudrait ajourner la
» loi au temps où l'on nous présenterait un Code général des
" eaux. Gardons-nous d'une telle illusion: faire des Codes au» jourd'hui avcc notre mécanisme législatif! Mais qui croit en» core à cette chimère? »
M. le député Joly était encore plus explicite, quoique ardent défenseur du projet: « Ainsi, pour moi, point d'équi» voque, disait-il à la séance du 12 février (Moniteur, page
.. 316); dans le cas des eaux de passage qui ne font que bOI:» der la propriété, comme vous ne pouvez en lIisposer qu'à la
» charge de les rendre au fonds inférieur, comme vous ne
» pouvez faire au-delà de ce que la loi et le droit naturel
" ont réglé, il est hors de doute que la servitude qu'il s'agit
» d'établir ne doit point s'appliquer ici. C'est dans ce sens que
» je prends l'explication, l'interprétation donnée par M. le rap» porteur, et si elle n'était pas aussi entière, aussi complète, je
" ne m'y associerais pas. Mais de cela seul que la loi ne pourra
» pas s'appliquer aux eaux qui bordent la propriété, et qu'il fau" dra les rendre (il aurait dû en dire de même de celles qui la
» traversent, puisque l'obligation de les rendre existe égale-
�372
))
"
"
))
))
,.
TIlAITf:
ment), s'ensuit-il que la disposition qu'il s'agit d'étalJlir soit
inefficace et sans valeur; s'ensuit·il qu'il n'y ait pas un cas
dont on a parlé auquella loi pourra s'appliquer? Je dis qu'elle
s'appliquera à ce cas spécialement, et que les applications en
seront nombreuses. Il y a des eaux stagnantes, des eaux de
pluie; il Y a des eaux jailli~santes , il Y a des sources artifilJ cielles. Eh bien! dans ce cas-là la ser~itude s'appliquerait daus
lJ
son entier. ))
Aussi, pour lever tous les doutes, un député avait·il proposé
de substituer dans l'article aux mots dont il a le droit de disposer, ceux-ci: dont il a la propriétéj mais comme, d'une part,
cette rédaction excluait le cas où les eaux doivent être tirées d'un
fleuve ou d'une rivière navigable dont on ne peut avoir la propriété, et que, d'un autre côté, il était parfaitement entendu que
la loi nouvelle n'avait pas pour objet d'étendre les droits résultant
de l'art. 644 du Cod. civ., l'amendement ne fnt pas appuyé.
En un mot, il nous a paru clairement résulter de la discussion
à la Chambre des députés, principalement à la séance du 13 février, que le droit d'irrigation de fonds non riverains, au moyen
'des caux d'une rivière qui n'est ni navigable ni flottable,ne pourrait s'exercer que lorsqu'il y aurait un réglement administratif
qui déterminerait la part que doit recevoir chaque héritage contigu IIU cours d'eau, et qu'alors seulement le propriétaire d'un
de ces derniers pourrait conduire sur un autre plus éloigné la
portion d'eau qui lui aurait été attribuée comme riverain. C'est
ce qu'a dit explicitement le rapporteur en ces termes (Mon.,
pag. 326): l< Dans l'hypothèse d'un propriétaire riverain qui
.. veut faire passer les eaux sur une parcelle intermédiaire, afin
" d'irriguer une autre propriété inférieure qui lui appartient,
,. le propriétaire ne pourra obtenir de l'administration, au dé" triment des propriétaires inférieurs, le droit de dériver une
)) quantité d'eau plus considérable que celle qui lui serait affé» rente à raison de sa propriété qui borde la rivière. ,; A quoi
M. Gillon a ajouté, avec l'assentiment du même rapporteur
quant à la première proposition: « Dès-lors, et par la même rai" son, la concession faite par un propriétaire qui est immédia-
�DU DOMAINE
..
"
"
"
"
"
"
"
"
punue.
87S
tement riverain, ne pourra être que d'une quantité tout au
plui égale à celle à laquelle ce riverain avait droit; et si cela
est ainsi, vous verrez l'exécution de la loi réduite à peu près
à rien; car on ne s'en servira pas pour les prises d'eau dan~
les rivières du domaine privé. Le morcellement des propriétés
qui va croissant sans cesse, n~ donnera qu'à peu de propriétaires un intérêt suffisant pour 6e résigner aux sacrifices que
la loi exige en faveur des tiers. Je n'en blâme pas la loi, mais
je la juge sous le rapport de son utilité fort restreinte. "
D'après l'esprit qui a présidé à la rédaction de' la loi, là solution donnée par ces députés ne pouvait être différente, puisque
le droit d'irrigation emportant nécessairement celui d'absorbtr
les eaux que la terre peut boire, en ne rendant au cours naturel
que le surplus, s'il en reste (arrêts de la Cour de Bourges, des 8
janvier 1836, et 7'avriI1837, Sirey,'37-2-428 et 319), on conçoit que, même en dispos.mt les choses de manière à rendre cc
surplu~, les riverains inférieurs ont toujours intérêt à ce que les
propriétaires supérieurs n'arrosent que les fonds immédiatement
contigus à la rivière, par le motif que la déperdition de l'cau est
nécessairement proportionnelle à l'étendue de terrain irriguée.
Cet inconvénient et par conséquent la cause d'opposition qui
en résulte n'existent pIns lorsque l'eau a été aménagée, et la quantité disponible pour chacun, fixée eu égard seulement au terrain
qu'il possède joignant le cours d'eau; mais ençore dang ce cas-là
il se présente deux objections qui ont été faites et auxquelles il
n'a pas été répondu. La première, que la portion d'eau att,ribuée
par le réglement, ne pouvant être dérivée que vi~-à-vis l'hérila~e
à irriguer, puisque les propriétaires supérieurs ont droit à s'en
servir et à satisfaire leurs besoins avant ceux inférieur~, cette
dérivation, faute de pente suffisante, sera dans la plus grande
partie des cas, ou absolument impossihle, ou très-peu utile; et la
deuxième, que cette même portion n'est pas donnée d'une manière absolue et avec dispense de rendre ce qui en reste après l' irrigat.ion opérée: u On ne disposera, disait M. le député Joly, séance
" du 12 février (Aton., pag. 316), que des eaux dont on a le
li droit de disposer;. or celles-là (celles des rivières et ruisseaux),
�TRAlTÉ
" vou3 n'avez le droit d'en disposer qu'à la condition seule de
,> les rendre, et vous ne pouvez en disposer que pendant le par" cours de votre propriété; au terme de votre propriété, il faut les
" rendre à leur cours naturel, il faut que le voisin inférieur,
" puisse s'en servir.... Il est hors de doute que la servitude qu'il
" s'agit d'établir Ile doit pas s'appliquer ici. "
De ces diverses observations il faut donc inférer qu'à peu près
dans tous les cas, soit qu'il n'y ait pas de réglement administratif pour la distribution des eaux, soit même qu'il en existe un
bien précis, la faculté accordée par la)oi nouvelle sera absolument illusoire pour les rivières et ruisseaux du domaine privé.
Elle ne deviendrait utile qu'au moyen d'une association entre
tous les intéressés; mais alors, et s'il y a concours des volontés,
on peut dire que la loi était superflue.
Pourra obtenir. Le projet portait pourra réclamer) et c'est sur
un amendement de M. le député Pascalis que l'un des verbes
a été substitué à l'autre. Voici à ce sujet les motifs de l'auteur de
la proposition: « Mon amendement a pour objet de reconnaître
" aux tribunaux le pouvoir de décider, suivant les circonstances,
l> si la servitude doit ou non être concédée; pour qu'il en soit
" ainsi, il faut que les tribunaux aient toute latitude, et qu'ils
" puissent, conformément à l'art. 645 du Cod. civ., concilier
l> les intérêts de l'agriculture avec le respect dû à la' propriété.
" Ils examineront en conséquence s'il y a vraiment utilité pour
» l'agriculture, et s'il ne résultera pas relative~cnt un trop grand
» dommage pour la propriété de l'établissement de la servitude•
.. La rédaction de la Commission, si elle était adoptée, ne lais•. serait pas celte latitude aux tribunaux; et c'est pour faire
» disparaître tout doute à cet égard que je veux placer la fa" cuité, non dans la réclamation, mais dans l'obtention ou la
" concession du droit. Ainsi les tribunaux examineront, par
» exemple, si, relativement il la propriété qu'il s'agit d'arroser,
la servitude ne serait pas trop onéreuse; s'il était question
» d'un jardin ou d'une autre étendue très-réduite, et que,
" pour arriver à ce résultat si restreint, si peu avantageux à
" l'agriculture, il fallût traverser un grand nombre de prol)
�DU DOMAINE l'VIlLIe.
375
" priétés, comme cela peut arriver dans l'état de l'extrême division de la propriété, il est utile et juste que, dans ce cas, les
» tribunaux soient armés du droit de refuser l'établissement de
» la servitude.
)\ On peut supposer encore qu'il s'agira d'une eau privée 1
II d'une source dont l'écoulement, sans être acquis il des pro,. priétaires inférieurs par titre ou par prescription, ce qui ne
" ferait pas questiou, fût déjà et depuis longtemps utilisé pour
Il l'agriculture par ces propriétaires inférieurs; celui dans le
» fonds duquel naît la source aura-t-il le droit illimité de la
vendre à un propriétaire é!oigné qui n'est pas son voi~in, et
» qui ne pourrait la faire arriver chez lui qu'en grevant de
.. servitude les fonds intermédiaires? A cette disposition absolue
Il de l'cau, l'agriculture pourrait n'avoir rien il gagner. Il n'y
Il aurait que déplacement et non extension du bienfait de l'arl> rosage. Le projet ne vient pas introduire la servitude forcée
• pour favoriser de telles ~ombinaisons. Comme conséquence du
" principe écrit dans l'art. 645 du Code civ., les tribunaux
JI auront le pouvoir d'en empêcher le succès; ils pourront ne
Il pas laisser porter atteinte aux légitimes expectatives qui nais» sent de la situation des lieux. )\ (Séance du 13 février, ~jfon.,
page 326.)
Cette dernière observation a rendu superflu un amendement
qui était ainsi pl'6posé: K Néanmoins le propriétaire ne pourra
» llser de cette faculté (de dérivation) que pour les eaux qui
» ne seraieut pas déjà employées il J'autres irrigations ou à des
» établissements industriels, ou pour celles qui en excéderaient
• les besoins. " Le pouvoir d'appréciation souveraine laissé aux
tribunaux sur la néce~sité d'accord{'r ou de refuser le droit de
passage réclamé est bien préférable à uue prohibition absolue
qui créait ail préjudice du maître de la source et eu' faveur des
propriétaires inférieurs uu droit contraire il celui résultant de
l'artic1e641 du Cod. civ.
Ainsi, lorsqu'une demande fondée sur la loi nouvelle sera
portée en justice, les tribunaux auront il examiner si le réclamant est propriétaire ou concessionnaire de l'eau qu'il veut dél)
l)
�376
TRA.ITE
ri ver sans que pour cela il soit nécessaire de mettre en cause 11'"$
tiers qui paraltraient avoir le droit d'empêcher qu'il n'en soit
disposé à leur préjudice; si la servitude ne sera pas plus onéreuse pour les p::opriétés traversées que l'irrigation ne sera utile
pour le fonds à qui on veut la procurer; si, pour améliorer un
fonds de peu d'importance, on ne portera pas une perturbation
trop fâcheuse dans des positions sinon acquises à titre de droit,
au moins existantes sur lesquelles reposent des intérêts nombreux
et,considérables; si les travaux projetés produiront l'effet que
l'on en espère; si l'eau une fois dirigée dans l'héritage du réclamant pourra en sortir et ne formera pas dans cet héritage ou
dans d'autres inférieurs des marécages nuisibles à la salubrité
ou à l'agriculture; si l'établissement du canal ou du fossé ne
nuira pas à la desserte de la contrée ou à l'exercice de quelques
servitudes communales, tdles que la vaine pâture; si, par l'ouverture de rigoles profondes, on ne desséchera pas trop certains
terrains, ou on n'augmentera pas les chances d'i,nondatioD ; si les
fonds par lesquels on demande à faire passer l'eau sont les plus
convenables, et si une autre direction, quoique donnant lieu à
plus de dépense, ne doit pas être préférée'; en un mot, si , par
les dispositions proposées, il est suffisamment pourvu à la conservation des intérêts publics et pri vés. Et 1. cet effet, les tribunaux
auront le droit de faire dresser par des experts tous les plans et
opérer tous les nivellements, de prescrire to11s les ouvrages,
tels que ponts, aqueducs, viaducs, barrages, digues, vannes,
déversoirs qui leur paraîtraient utiles; c'est ce qui résulte de
l'art. 4, portant qu'ils sont appelés à connaître de toutes les
» contestations auxquelles pourront donner lieu l'établissement
" de la servitude, - la fixation du parcours de la conduite
» d'cau, - de ses dimensions - et de sa forme .... , et devront
» concilier l'intérêt de l'opération avec le respect dû àJa pro" priété. "
On ne peut se dissimuler que ce pouvoir, qui était indispensable et dont l'exercice échappera à la censure de la Cour de
cassation, puisqu'il ne s'appliquera qu'à des questions de fait,
est en dehors des attributions ordinaires des tribunaux, et deC(
�DU DO\\iAL1:i l'UULle.
371
vrait plutôt appartenir il l'autorité administrative, Il y a certainement ici une confusion fâcheuse des pouvoirs judiciaire
et administratif. En concédant ou en refusant par des considérations d'intérêt général une faculté qui ne constitue pas
un droit précis et toujours exigible, lei magistrats jugeront
moins qu'ils n'administreront et qu'ils ne feront un réglement. ".
tt
Ohtenir des tribunaux, disait M. Berryer à la séance du 13
" févr.ier (Mon., page 326), c'est donc un acte de dévolution
D administrative que feront les tribunaux.... ; si ce n'est pas
» une contestation judiciaire, c'est un acte administratif fait
» par eux. »
Et que l'on ne vienne pas dire que les juges sont déjà investis d'un pouvoir absolument semblable par les art. 682,
683 et 684 du Cod. civ. pour le cas de passage à titre d'enclave, et par l'art. 645lorsqu:il s'agit spécialement de la répartition des eaux. La différence entre ces diverses hypothèses est
immense; dans ces dernières il y a nécessité ou droits acquis qui
ne laissent point aux tribunaux la latitude et l'alternative de la
concession ou du refus; le droit préexiste, il est rigoureux,
l'application donne seule lieu au litige. Un fonds est enclavé, les
tribunaux ne pourront pas refuser l'issue, ils ont sr.ulement 1:l
faculté de la donner d'un côté plutôt que de l'autre; des héritages sont bordés ou traversés par un cours d'eau, chacun des
propriétaires a incontestablement le droit d'en user, seulement
ils discutent sur l'étendue ou le mode d'usage; c'est encore là
une contestation ordinaire rendant indispensable l'intervention
des magistrats qui ne pourront pas déclarer que nul n'en jouira,
mais qui devront prescrire de quelle manière et dans quelle proportion se répartira la jouissance. Dans ces deux espèces le principe existe et se maintient en vertu de la seule force de la loi,
indépendamment de la volonté du juge appelé seulemènt à en
régler les conséquences, les effets et l~pplication, en un mot à
déclarer le droit de chacun tel qu'il lui para~t résulter de l'état naturel des lieux, des dispositions de la loi ou de la convention des parties, abstraction faite de toute vue d'intérêt général.
Il n'en est plus de même quant au droit d'irrigation nouvel-
�378
TRAITÉ
lement établi: les tribunaux sont investis d'un pouvoir discrétionnaire qui n'a pas seulement pour objet un partage à faire,
des précautions à prendre, des indemnités à évaluer; le droit
méme, dans son principe et dans ses conséquences, est en leur pou.
voir; ils ne se bornent pas à le déclarer, ils l'accordent ou le
refusent non parce qu'il est juste, mais aussi parce qu'il est
utile de le fail'e; non pas seulement parcc que l'exercice que l'un
voudrait en avoir ferait obstacle à l'exercice que l'autre en a
préalablement acquis, mais en outre par des considérations d'intérêt général étrangères aux parties. De même que le Roi, le
préfet ou le maire refusent l'établissement d'une usine, d'une
manufacture, d'un alignement, etc., moins parce qu'il en résulterait un dommage pour un tiers, que parce qu'un intérêt
public se trouverait compromis ou menacé, de même aussi les
tribunaux refuseront la dérivation sollicitée, non-seulement
parce que tel ou tel individu en serait lésé dans sa propriété,
mais aussi parce que l'intérêt puhlic pourrait en recevoir quelqu'atteinte, parce que, par exemple, l'intérêt général de l'agriculture n'en éprouverait pas une satisfaction suffisante...... Ce que
" l'art. 682 du Cod. cil'. a établi pour l'enclave, disait le rar.. porteur dans la séance du 13 février (Mon., pag. 326), nous
.. l'instituons pour le passage des eaux; avec cette différence
" seulement que ce qui est absolu pour l'enclave, nous l'étan blissons ici comme facultatif pour lc pouvoir judiciaire, qui
" pourra, suivant les cas, accorder ou refuser la servitude,
» selon qu'elle sera ou ne sera pas justifiée par un intérêt d'ir.. ri~ation réel et sérieux. "
Statuer sur les droits respectifs de deux ou plusieurs parties
uniquement en considération de leurs titres, de leurs positions·
et de leurs intérêts privés, sans pouvoir refuser, sous peine de
forfaiture, d'adjuger à l'une ou à l'autre l'objet du litige (art.
4 du Cod. civ.), est le cdractère propre de l'autorité judiciaire;
c'est là ce qui la différencie essentiellement de l'autorité administrative, laquelle, au contraire, n'ayant en vue que les intérêts
généraux et ne s'occupant des individus que secondairement et
consécutivement, n'est jamais ohligée de leur accorder ce qu'ils
�DU DO)!AINE punLlc.
3'19
demandent, encore que nul autre ne s'y oppose et n'en éprouve
de préjudice en particulier. La loi nouvelle a donc ici, jusqu'à un
certain point, investi les tribuna~x d'attributions administratives
et par suite porté atteinte au principe fondamental de la séparation des deux pouvoirs, solennellement consacré en 1789, et
que la législation impériale avait maintenu avec fermeté.
le passage de ces eaux. Comme on l'a dit plus haut, c'est
dans le droit d'exiger ce passage que consiste tout le bénéfice de
la loi et son effet unique; c'est une simple servitude analogue à
celle établie par l'art. 682 du Cod. civ. que l'on a voulu créer
avec ces seules dilférences que l'une est nécessaire, tandis que
l'autre n'est qu'utile; que l'une doit indispensablement être accordée lorsque la concession de l'autre est au contraire purement facultative; que l'objet direct de celle-ci est le passage de
l'eau, et le but de l'autre le p
ge des hommes et des animaux;
mais toutes deux dérivent de la i; tt)utes deux ont en vue l'avantage de l'agriculture; toutes deux sont réelles, c'est·à-dire sont
établies sur un fonds au profit d'un autre fonds.
De ces points de ressemblance et de dissemblance il résulte,
quant aux premiers:
1° Qu'aux: termes des articles 683 et 684 du Code civil,
le canal ou l'aqueduc d'amenée des eaux doit être régulièrement
pris du côté où le trajet est le plus court du fonds à irriguer
. au point où l'eau peut être dérivée avec avantage, et que
néanmoins il doit, autant que les circonstances le permettent, être fixé dans l'endroit le Ill'oins dommageable pour le
fonds servant, par exemple plutôt sur une rive que dans le milieu, pl utôt parallèlement aux limites que diagonalement ;
2° Que l'action en indemnité est prescriptible et que la sel',
vitude doit continuer à subsister quoique cette action ne soit
plus recevable;
3° Que si le propriétaire qui veut irriguer son fonds peut faire
passer l'eau sur lui, quoiqu'avec plus de difficulté et de dépense,
il n'est pas fondé à réclamer le passage sur la propriété d'autrui
(voy. à cet égard la note sous le nO 660 ; suprà> tom. 2, p. 1009);
4° Que lorsque celui qui a obtenu sur le terrain intermédiaire
�380
l'JlA.l'l'É
le droit d'aqueduc en verlu ùe la prése~tc loi vient à acquem"
Ull autre fonds voisin par lcquelle passage de l'eau pourrait
s'effectuer également, le maître ~e l'héritage assujetti doit obtenir sa décharge, sauf extinction de l'indemnité si elle est annuellc, ou remboursement de celle payée une fois pour tout dans
l'origine (Delvincourt, tom. ter, pag. 548; Toullier, tom. 3,
nO 554; MM. Dalloz, V O serlJitudes, sect. 3, art. 6, nO 14;
Pardessus, des serlJitudes, nO 225. Cependant M. Duranton,
tom. 5, nO 435, est d'un avis contraire).
Et quant à la différence, qu'en cas d'enclave, lorsqu'un fonds
vendu, légué ou partagé, tient à un autre fonds provenant de la
même origine etjoignant la voie publique, le passage doits'exercer
sur ce dernier plutôt que sur un héritage étranger, et doit même
être censé avoir été accordé à titre d'accessoire, tandis qu'ici
l'acquéreur, le légataire ou le
artageant, non-seulement ne
peut pas exiger de plein droit établissement du canal ou de
1'3cqueduc de dérivation sur le fonds ou la partie de fonds restant au vendeur ou à la succession, et teIl3nt au cours d'eau,
mais même n'a pas plus de droit pour agir en vertu de la présente loi contre ces derniers que contre tous autres propriétaires
voisins avec lesquels il n'a eu aucune relation antérieure. La
raison de la différcnce consiste en ce que dans une hypothèse
l'action a pour fondement la néccssité qui, préexistant à l'acte
de division des deux fonds, a dû être prévue lorsqu'il a été passé-,
et fait présumer un consentement de la part d'une des parties
à ce que l'autre usât d'un droit indispensable pour jouir de sa
portion, tandis que dans le second cas, l'établissement de la con-.
duite d'eau étant purement facultative, n'cxistait pas même en
principe avan.t la division des fonds, et ainsi, dans l'intention
commune, n'a pu, à moins dc stipulation expresse, affecter l'un
des lots au profit de l'autre.
Nous ajouterons ici que du moment que le droit créé p3r la
loi du 29 avril 184b constitue uue servitude et une servitude
légale, on doit en inférer:
D'uue part, que les dispositions des arl. 697, 698, 699, 700,
701 ct 702 du Cod. cil'. , relatives aux droits et aux obligation
�DU DOM.A.Il'iE l'UIlDe.
38l
du propriétaire du fonds dominant, et celles des art. 703 à 710,
concernant le mode d'extinction des servitudes en général, lui
sont entièrement applicables;
D'un autre côté, que le propriétaire de l'héritage intermédiaire traversé n'étant point dépouillé de la propriété du sol même
du canal, de l'aqueduc ou de la rigole de dérivation, si ce
sol est susceptible de quelques produits tels que plantations sur
les berges, oseraies, herbes, etc., ce propriétaire a seul le droit
de les recueillir, pourvu que par là il n'entrave pas le cours de
l'eau, ne le retarde pas ou n'y occasionne aucune déperdition
par infiltrations ou évaporation; - que bien que l'eau ne lui
appartienne pas, il :nuait aussi cependant, selon nous, le droit
de pêcher le poisson qui s'y trouverait, puisque le maître du pré
ne serait pas fondé à l'y venir prendre, ct que par là il ne serait
apporté aucun obstacle au droit d'irrigation;
En troisième lieu, que ce maître a le droit d'entrer sur la
propriété traversée par son canal pour le curer et le réparer, conformément aux lois Il , § 1, ff. comm. prœd. > et 4, ff. de
itinere actuque pripat. > à la charge de r~parer le dommage causé
aux récoltes voisines;
Enfin que le droit de demander le passage de l'eau à travers
le fonlls contigu ne peut, comme toutes les autres servitudes
légales, telles que celles de passage en cas d'enclave, de bornage, de cantonnement, d'alignement, etc., motiver, de la part
de l'acquéreur du fonds sur lequel on veut l'exercer, une action
de garantie contre le vendeur, ainsi qu'il a été expliqué $uprà>
tom. 2, p. 603 et suiv.
Notre loi, ainsi qu'on l'a déjà répété plusieurs fols, n'a d'autre
but que d'ouvrir aux eaux que l'on eat en droit de dériver un
passage sur la propriété intermédiaire; mais elle ne change rien
ct n'a rien voulu changer au régime des cours d'eau, tel qu'il
est établi par les lois existantes: c'est par ce motif qu'ont été
rejetés deux amendements ayant pour but de conférer, moyennant indemnité, au propriétaire d'une seule des rives du ruisseau
le droit d'appui d'un barrage sur le fonds opposé, à l'effet d'élever le niveau des eaux et d'en faciliter le déversement dans
la rigole ou l'aqueduc de dérivation.
�382
TRAITÉ
Vainement M. de la Farelle, auteur d'un de ces amende·
ments, a-t-il fait remarquer (séance du 13 février, - Mon.,
pag. 328) que les cours d'eau étant en général profondément
encaissés dans le sol, la faculté de passage devenait absolument
illusoire en ce qui concerne les rivières et ruisseaux, à défaut
du droit d'appui son complément indispensable; <t qu'aussi il
" existe chez la plupart des peuples voisins; que partout où la
" servitude de passage est reconnue, partout également le droit
,. d'appui lui sert de corollaire; qu'il est comme une de ses
,. principales dépendances; qu'ainsi, en Lombardie, en Savoie,
» en Prusse, dans le grand duché de Hesse, dans tous ces pays
,. où la. servitude de passage existe, le droit d'appui existe pa• l'cillement; .. que ce droit avait été compris dans le projet dc
Code rural, et formait l'objet de son art. 61; qu'un grand nombre
de conseils généraux ont demandé qu'il fût consacré par la loi
nouvelle; que dans la Commissioll spécialement nommée par le
gouvernement pour étudier la question, S memhres sur 12 en
avaient réclamé l'étahlissement; que cette faculté viole bien
moins le droit de propriété et est moins onéreuse que celle de
passage. Mais l'avis de la Commission de la Chambre des députés l'a emporté d'après les observations faites par M. Dalloz, son
rapporteur, que le droit de barrllge trouverait plus naturellement sa place dans une loi sur l'endiguement des rivières que
dans celle relative aux irrigations; que cette question ne se rattachait pas par un lien intime à la servitude de passage; que
c'était une c~ncession nouvelle demandée à la propriété qui
pourrait avoir pour effet de compromettre le sort de la propo:'
sition principale.
, -De cette discussion, et surtout de la dernière considération
présentée par lc savant jurisconsulte chargé du rapport; il résulte la confirmation la plus positive de l'avis que nous avons
émis dans nos notes sous les nO' 952, 1101, 1184 et 1443
(suprà, tom. 3, pag. 304, 4R7, 623, et présent tome, p. 352),
en conformité de la doctrine d'un arrêt de la Cour royale de
Dijon du 4 mai 1R39 (Sirey, 40-1-696), et en opposition avec
celle de MM. Proudhon et Pardessus (des serpitudes , nO 105),
�DU DmIAll'Œ PUBLIC.
383
et, jusqu'à un certain point, aussi avec celle de l'arrêt de la Cour
de cassation du 12mai 1840(loco cÎtalo), qui, bien que confirmatif
de l'arrêt de Dijon, n'admet pas cependant son motif puisé dans
le droit de propriété du voisin, mais se borne à justifier la décision attaquée, par le pouvoir discrétionnaire, que l'art. 645 du
Cod. civ. confie en pareil cas aux tribunaux.
La servitude d'aqueduc que la loi dont nous présentons le
commentaire vient de consacrer d'une manière expresse, n'est
pas absolument nouvelle' dans notre droit. Plusieurs auteurs,
et notamment MM. Dalloz, V Oservitudes, sect. 3, art. 6, nO 18;
Duranton, tom. 5, nO 417 ,soutiennent à la vérité qu'elle n'existait pas, mais un plus grand nombre d'autres enseignent qu'elle
était jadis en France une règle du droit commun, selon l'f'xpres- ..
sion de San-Leger (Resol. civ., cap 48, nO 11). En effet, un
édit de Henri II du 26 mai 1547 l'avait établie en Provence et
avait été appliqué par un arI'êt du Parlement d'Aix du 30 mai
1778 (Janety, Journal de 1778, pag. 358), ainsi que par un
autre du Conseil du 20 février 1783 , relatif au cana! de Boisgelin. Un célèbre arrêt du Parlement de Paris du 7 septembre
1696 avait également jugé" que le propriétaire d'un pré, ce
,. sont les termes de Brelonnier sur Henrys (liv. 4, quest. 149,
,. tom. 2, pag. 827), a droit de conduire l'eau nécessaire pour
.. l'arroser, et de la faire passer sur les héritages Je ses voisins
" sans avoir besoin de titre; que c'est une servitude naturelle pour
,. l'établissement de laquelle les titres ne sont pas nécessaires,
Il parce que, sans le secours de l'irrigation, les prés seraient
" stériles, surtout dans les pays qui sont secs; soit à cause du
Il climat, soit pour raison de la situation. ,.. Papon, arréts,
IiI'. 13, nO' 8 et 9; Brillon, VO eaux, nO 41; Lacombe, Recueil de jUl'isprud., V Oeau, nO 3; Julien, sur les Statuts de
Provence, tom. 1, pag. 479 et 507, accordaient le même droit
aux fondateurs d'un canal d'arrosage, en s'appuyant sur ce que
c'est là une servitude naturelle. On peut encore voir dans le
même sens plusieurs autres autorités citées par M. Nadault de
Buffon, dans le 3° volume de son Traité des irrigations, où il
a fait l'historique du droit d'aqueduc dans toutes les législlltions
�384
'l'RAni
du Midi. Enfin, lOfS de la rédaction du Cod. civ., les Cours
d'Aix et de Montpellier proposèrent d'ajouter à l'art. 682 le § sui·
vant: • Le propriétaire dont les fonds sont enclavés peut égale~
ment, et aux mêmes èonditions, réclamer un passage pour la
conduite des eaux destinées à l'irrigation de son fonds. "
Comme on l'a déjà annoncé, plusieurs états de l'Europe ont
également consacré le droit de passage forcé des eaux sur les
propriétés intermédiaires en faveur de l'irrigation; les uns à
titre de simple servitude, d'autres en exigeant l'expropriation
du sol même j quelques pays de l'Italie ont adopté le premier
principe, le surplus et les pays allemands en général ont préféré
le second comme pIns juste, plus net et plus utile. La Sardaigne,
tout en admettant le passage dans certains cas sans expropriation, n'a cepeildant pas repoussé ce mode. L'art. 2 de la loi du
• 5 avioil [839 porte au contraire: « Les travaux exécutés par des
" compagnies ou par de simples particuliers, pourront être dé" darés d'utilité publique, toutes les fois que leur importance
" ou que leur influence sur le développement de la richesse
" publique rendra utile de leur attribuer ce caractère; "à quoi
l'instruction ministérielle d'exécution ajoute: « Les' canaux et
" conduits d'eau, lorsque leur établis~ement doit tourner à l'a" vantage du pays, entrent évidemment dans la classe des tra" vaux en faveur desquels il y a lieu d'obtenir la déclaration
" d'utilité publique. »
(~es deux systèmes ont été mis en présence devant la Chambre des députés. La proposition originaire de M. d'Angeville,
présentée à la fin du mois de mai 1843, ainsi qu'un amendement développé à la séance du 12 féVrier 1845 ( Mon., p. 316),
avaient pour objet de faire prévaloir celui de l'expropriation.
,On disait en sa faveur qu'une servitude se conçoit lorsque l'usage du fonds assujetti n'est point complétement enlevé au propriétaire qui, comme dans le cas de passage pour enclave, peut
encore utiliser l'emplacement sur lequel il s'exerce, soit en en
usant lui-même dans le même but, soit en y recueillant quelqües produits; mals qu'il en est autrement ici où le canal restera
toujours dans son état sans que celui qui le fournit puisse même
�385
DU DOMAINE PUBUC.
y prendre de l'eau pour ses beio;ns; que lorsque cet ouvrage
occupera tonte la largeur du fonds, le propriétaire sera compléternent dépossédé et n'en continuera pas moins à en payer l'impôt; que si le sacrifice d'une propriété privée est nécessaire, il
doit s'accomplir franchelllent, mais qu'il ne faut pas essayer de
tromper les intérêts privés en ne paraissant leur enlever qu'une
partie de leur propriété quand on la leur enlève tout cntière en
réalité, ne lui laissant <]'Ue ses charges et la privant de tous ses
avantages; que la nécessité d'acquérir le sol même amènera des
associations, comme cela a eu lieu dans les Pyrénées-Orientales,
où 16,000 hectares de terre sont irrigués par 50 canaux ayant
un développement de plus de 40 myriamètres, et dans lesquels
l'eau coule en toute saison, de jour et de nuit; tiue l'établissemeut d'ailleurs d'une semblable servitude par la voie judiciaire
entraînera des difficultés inextricables. tl Figurez-vous, disait
Il M. Odillon-Barrot (séance du 13 février, li/on., pag. 318),
Il figurez-vous un tribunal saisi par deux propriétaires, dont
" l'un demande la dépossession de l'autre au nom de la loi pour
" établir une servitude sur un terrain intermédiaire. Mais pre» nez garde, le tribunal ne peut concentrer le procès cntre les
" deux parties; il faut appeler tous les intéressés, il faut pré" voir non-seulement le cas présent, les faits présents, mais
" tous les cas à venir. C'est de l'administration, de la régle" mentation; il faut procéder par voie d'enquête de commodo
Il et incommodo, il faut appeler tous les intérêts, non pas pour
.. procéder par voie d'expropriation, mais pour forcer le pro-/
Il .priétaire récalcitrant à entrer dans l'association, non pas pour
.. le priver des eaux ou le forcer à les subir, mais paul' faire /
" son bien malgré lui. "
Nonobstant ces raisons, le système de la simple servitude l'a
emporté du consentement même de M. d'Angeville qui, pour ne
pas compromettre le sort de sa proposition, en a abandonné cette
partie. On a craint que l'expJ:Opriation accordée à un simple
particulier ne fût considérée comme une innovation attentatoire au droit sacré de propriété; que la nécessité d'une ordonnance royale ct l'intervention du jury n'a pportassent dcs retards
TOM. IV.
25
�386
TllÀl'l't
et n'entralnassent des dépenses qui empêcheraient les propl'Ietaires d'user du hénéfice de la loi; que si l'application de cette
loi devenait fréquente, la moitié des propriétaires ct des cultivateurs, comme le disait assez plaisamment M. Gillon, ue fût obligée de passer son temps à jllger l'autre; une incertitude s'est
d'l\illeurs élevée sur le point de savoir quelle serait l'autorité.
soit le Roi, soit le préfet, qui autoriserait l'expropriation; enfin on
a été frappé de ce que sur 63 conseils généraux qui ont été d'avis
d'encourager l'irrigation, 6 seulement avaient a'dmis le principe
de l'expropriation.
Salis méconnaltre la force de quelques-uns de ces arguments,
surtout de celui tiré de la fréquence des convocations du jury (*),
on ne peut se dissimuler que l'autre système eût été plus rationnel, plus eu harmonie avec notre droit public, et surtout plus
juste dans l'application.
C'est en effet un principe fondamental de nos institutions que
tous les citoyens sont égaux, et la propriété privée inviolable;
que quelque puissant que soit un particulter, il ne peut, dans
son intérêt, s'emparer de ce qui appartient à autrui, et que chacun ne doit Je sacrifice de sa chose qu'à l'utilité publique ou
communale. Nous sommes loin de prétendre que l'amélioration
d'une propriété privée ne soit jamais que d'intérêt privé, et que
dans le cas particulier, par exemple, la création de prés dont
notre pays ne possèù.e pas une quantité suffisante, ne puisse pas
ètre considérée comme une opération d'intérêt général, bien
qu'elle soit exéciltée par un simple particulier qui en retirera le
premier et directement l'avantage: Sait-on bien, disait M. le
" rapporteur à la Chambre des pairs (séance du 26 mars, " Mon., pag. 734), où commence et finit l'utilité publiquc?
» La loi ne le dit pas, et il lui eût été impossible, en effet, de le
» dire. A côté des grands et éternels intérêts de la défense et de
II la sûreté nationale viennent s'en placer d'autres dont il est
II donné au temps d'agrandir l'importance, et auxquels des coul(
(') Nous avons déjà signalé cet inconvénient pOUl' la fixation des indemnités en cas d'alignement, supl'à, tom. ~, page ,54.
�DU DOMAINE PUBLiC.
387
cessions sont dues toutes l~s fois que le bien-~tre de tous
dépend, dans une certain!! mesure, de leur admission au nomli bre des intérêts que l'Etat privilégie: ainsi l'entend avec rai-.
son le Gouvernement lui-même. Le droit d'expropriation, ce
droit si décisif et si considérable, ce n'est plus uniquement
afin d'ouvrir des voies de communications générales, d'assurer
" la salubrité locale ou d'accroître la puissance militaire, qu'a
en permet l'usage; des usines, des établissements industriels
l'ont obtenu. ),
En admettant de la manière la plus complète ces vérités,
et par cela même que ce n'est que par des nuances insensibles
que l'utilité privée vient se fondre dans l'utilité générale, sans
qu'il soit possible de préciser où. commence et finit cette dernière) ne faut-il pas qu'un pouvoir quelconque, supérieur à
tous les intérêts, les dominant tous et les appréciant impartialement avec les moyens d'investigation les plus étendus et
les plus di vers, vienne d'une main ferme et sûre fixer les limites entre ces deux classes d'utilité, attribuer à l'une le privilége énorme de faire violence à la propriété, et ôter à l'autre le
caractère de généralité dont elle voudrait se revêtir, et sous lequel se cache trop souvent l'égoïsme individuel? Or quel est et
quel a toujours été ce pouvoir? Fût-ce jamais l'autorité judiciaire? Non assurément, puisqu'elle ne peut créer de droits;
qu'elle ne fait que reconnaître céux préexistants; qu'elle n'étend son action que sur des indi vielus déterminés mis en cause
devant elle dans des formes rigoureuses et minutieusement arrêtées à l'avance; qu'elle ne doit s'occuper que d'intérêts individuels, circonscrits et existants; qu'elle n'a de mission que
pour distinguel' le mien dn tien; qu'habile à constater ce qui est,
il lui est interdit de rechercher et d'établir ce qui devrait être;
que, chargée de déclarer ce qui est juste entre deux ou plusieurs
individus, elle ne saurait porter sa vue sur un eusemble de lieux
0\1 de personnes pour prescri re ce qui serait utile et couvenable.
Limitée ainsi dans ses attributions, elle a dû l'être également par
une conséquence nécessaire dans ses moyens d'instruction qui
se bornent à des expertises et à des témoignages porUmt sur des
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�388
TllArrÉ
faits, des conventions et des propriétés concernant les seules
parties en cause. Elle ne peut rien ou presque rien faire d'office
et ~ans la provocation du demandeur ou du défendeur.
Aussi la déclaration d'utilité publique a-t-elle été de tout
temps, soit dans l'ancienne législation, soit dans celle intermédiaire et impériale, soit dans celle qui nous régit Ilctuellement,
connée au conseil d'état, au pouvoir législatif, dU Roi, et en
dernier lieu, pour les chemins vicinaux, aux préfets, en un mot
exclusivement à l'autorité administrative préposée à la recherche,
au maintien et à la défense du bien-être et des avantages généraux:
à l'autorité administrative qui embrasse les masses de lieux et de
personnes, et qui n'en a pas moins le droit de descendre dans
les plus petits détails; qui porte ses vues dans l'avenir, qui peut
agir spontanément, qui n'est point astreinte à se renfermer dans
l'objet spécial dont on la saisit, et à donner à l'un ce qu'elle ôte à
l'autre; qui, secondant et organisant sur la terre les desseins de
la Providence, veille, prévoit, améliore, se multiplie dans tous les
lieux, entend toutes les plaintes, pèse toutes les considérations,
plane sur tous les intérêts, étudie tous les besoins, porte remède
au mal, encourage et propage le bien, et étend son empire à tout
cc qui est utile; il l'autorité administrative qui, pour remplir une
aussi haute et aussi vaste mission, ~st investie des pouvoirs les plus
étendus, dispose d'une multitude d'agents de tous les degrés, par
lesquels elle est présente en tous lieux et dans tous les instants, se
fait.faire des rapports et des plans par ses ingénieurs, consulte des
commissions, procède à des informations de commodo et incommodo, a sous la main les documents les pl us détaillés et les plus
exacts; enfin peut se charger elle-même d'une partie des travaux
ou faire des concessions avantageuses pour l'exécution de ceux
"
entrepriR par les particuliers.
Nul doute assurément que J'irrigation de propriétés privées,
quoique utile en premier ordre au particulier qui les possède,
ue puisse aussi ct principalement être un objet d'utilité publique.
Mais au moins faudrait-il que cette utilité fût reconnue par le
pouvoir qui a le droit et le, moyens de la constater; jusquc-là, et
quoiqu'au fond ct ell réalité elle puisse exister, elle ne saurait
�DU DOMAINE PUBLIC.
motiyer la dépossession d'un citoyen. Réduire une pareille ques. tion aux proportious d'une contestation privée, accorder de
prime-abord à une persoune la faculté de la soulever dans son
intérét particulier, sans la preuve préalable duquel son action méroe serait non recevable, en soumettre la déciiion aux
tribunaux civils, c'est introduire un principe nouveau dans notre
législation, c'est donner lieu nu reproche de violation de nos
règles les plus élémentaires de droit public. (' J'ai une pro» priété, disait l'auteur de l'amendement tendant à exiger les
" formes de l'expropriation (séance du 12 février,-Mon., pag.
" 317); mon voisin veut arroser la sicnne, et il me dit, se fondant sur cette prétendue servitude, je veux faire passer mes
JO eaux sur votre fonds; cédez-le moi. Quelle est notre position
» respective? est-ce que je puis voir là un intérêt général oplO posé à mon intérêt particulier? Non; je ne vois qu'un voisin
» qui a le désir, bien légitime sans doute, d'améliorer sa prolO priété, mais auquel je puis opposer mon désir, tout aussi lél! gitime, de conserver la mienne. Lorsqu'on me demande le
" sacrifiee de ma propriété, je ne veux céder que devant un in.. térêt public qui me domine, et non devant un intérêt parti" culier mon égal. La proposition que je soutiens, au contr:lire,
.. me meL à l'abri d'un caprice individuel; l'autorité publique
» interviendra, et elle décidera s'il y a intérêt suffisant pour que
lO j'abandonne ma propriété; là je trouverai des garanties; Iii
.. je Ilourrai produire mes motifs, et enlin là je pourrai contester
" et résister jusqu'à ce que l'autorité publique décbre que je
» smis obligé de eéder. "
La crainte de violer les principes sur le droit de propriété qui
a fait préférer' la servitude à l'expropriation, était non-seulement
chimérique, mais a même plutôt amené à cette violation que
nous ne devons qualifier que d'innovation, maintenant que la
loi est rendue. En effet, d'une part, malgré les efforts que l'on
a faits pour étahlir une différence entre les deux modes, et pour
prouver que l'un avait des analogues dans le passage pour cause
d'enclave, en vertu de J'art. 682 C. civ., et dans le droit de
fouille pour recherche des mines autorisé par la loi du 21 avril
)f
'.
389
�390
TllAlTÉ
1810, il est certain que la similitude la plus complète nu
fond se trouve entre eux; que Jans les deux cas il y a également, sans nécessité absolue, mais seulement pour cau!e d'utilité publique médiate, atteiute à la propriété d'autrui; que le
nom seul diffère et peut-être aussi quelquefois les conséquences
de l'application, quoique en réalité ce soit toujours la même
chose; qu'ensuite, au contraire, il n'y a nulle ressemblance entre
les servitudes nécessaires dont on a invoqué l'exemple et celle
purement facultati ve nouvellement introduite.
D'uD autre côté, loin que l'expropriation du sol blesse les
principes du droit à un plus haut degré que l'établissement de
la servitude, c'est l'lnverse qui a eu lieu. En effet, pour cet établissement, on a, sans àntécédents, ainsi qu'on vient de le dire,
transporté l'administration dans les tribunaux, et enlevé par. là à
la propriété les garanties que lui assurerait la marche administrative, tandis qu'au contraire, la législation nous offrait déjà
des exemples de particuliers investis;dans des vues d'intérêt général, d'une prérogative que la Charte et l'art. 545 du Cod. civ.
n'accordent que pour utililé publique. On peut voir à cet égard
la loi du 17 juillet 1837, aillsi que les ordonnances royales des
26 décembre suivant, 31 janvier et 12 septembre 1841 qui
autorisent les propriétaires d'Epinac et du Cl'euzot, des mines
d'Anzin et de Decize à construire des chemins de fer sur le terrain d'autrui, dans l'intér~t du transport de leurs produits, jusqu'aux points de chargement à destination. n Pour reconnaître
Il la cause d'utilité publique, disait M. le dépnté Parès (séance
Il du 12 février, Mon., page 317), ce n'est pas le nombre des
" individus qu'il faut rechercher, mais la gravité des intérêts.
Il Il Y a utilité publique et par conséquent fondement au droit
Il d'expropriation si l'opération projetée, quoique par un seul,
II est utile à tons ou au grand nombre. » En Allemagne, où la
voie de l'expropriation du sol a prévalu, on n'a pas pensé qu'elle
ne fût qu'une satisfaction accordée â des intérêts particuliers
qu'il vaudrait mieux laisser s'arranger librement entre eux;
on l'a considérée soüs son véritable jour et comme une mesure
qui, en assurant au travail qui nourrit la population des faci-
�DU DOMAINE PUBLIC.
391
lités devenues indispensables il ses progrès, réunissait tous les,
'.
caractères constitutifs de l'utilité publique.
Nous terminerons la discussioIl sur ce point en f:.tisant remarquer que le parti de la constitution d'une simple servitude,
a,dopté il tort ou fi raison pal' nos législateurs, vient eonfirmer les
considérations que nous avons rapportées dans la 2" note sons le
nO 1082 ( suprà, tom. 3, pages 430 et suiv. ), pour démontrer
le peu de fondement de la présomption admise par la jurisprudence ~moderne, que le constructeur d'un canal artificiel doit
péremptoirement être réputé propriétaire du sol que cet ouvrage
occupe, ainsi que de ses rives. Il y a, en effet, si peu de nécessité qu'il en soit ainsi qu'une loi qui va désormais former le
droit commun consacre le système contraire. Pourquoi alors
supposer, dans l'ignorance la plus absolue de ce qui a eu lieu
à une époque reculée, que les choses se sont passées autrement
et que le maître du moulin a acheté la pleine propriété de l'emplacement tant du bief que de ses deux francs-bords, lorsque
l'établissement d'une ~ervitude d'aqueduc Oli de dérivation des
eaux lui suffisait amplement, était moins dispendieux et devait
aussi mieux convenir aux riverains qui conserv.aient au moins
sur la rivière et ses bords des droits utiles pour eux sans nuire
en aucune manière à l'usine? Pourquoi, lorsqu'il y a certainement doute, sinon forte présomption dans le sens opposé, s'écarter de la maxime générale et si sage inscrite dans la loi 9 , ff.
de reg. juris: Semper in obscurù quodminimum est sequimur?
Aussi plusieurs législations étrangères admettent·elles que le
droit de cours d'eau n'emporte pas la propriété du canal. C'est
ce qu'atteste pour l'Angleterre Woolryek (Law of fYaters ,
London, 1830, page 117), qui, après avoir dit qu'un canal de
conduite d'eau peut exister il titre d'héritage ou à titre de
droit incorporel, ajoute qu'il a ce dernier caractère s'il est
ereusé au travers du terrain d'autrui, et que la l'oneession de
l'eau n'entraîne pas la concession du sol, mais qu'elle entraîne
celle du droit de pêche; c'est ce que décide encore plus explicitement l'art. 663 du Code Sarde, portant que" le droit de conduire l'eau n'attribue à celui qui l'exerce, ni la propriété du
l)
�392
'mAlTÉ
terrain latéral, ni celle du terrain existant au-dessous du cUllul
de dérivation. »
Sur les..fonds intermédiaires; <:es expressions sont générales,
et n'ont d'autre restriction dans la loi que celle imposée par le
2e § de notre art. 1er, en faveur des maisons, cours,jardins,parcs
et enclos attenant au:e habitations.
Ainsi le droit de passage pourra être réclamé sur toute espèce
d'héritage, quel qu' ~n soit le propriétaire et quelle qu'en puisse
être la nature.
Nous disons d'abord quel qu'en soit le propriétaire. Comme
c'est ici une espèce d'expropriation pour cause d'utilité publique
médiate, 'elle pourra s'exercer contre tous ceux qui seraient
passibles de l'expropriation proprement dite établie par la loi du
3 mai 1841.
Ainsi l'action en obtention du droit de passage pourra être
intentée contre l'Etat, les départements, les communes, les établissements publi:cs:, en remplissant à leur ég'ard les formalités
préalables à l'introduction de l'instance judiciaire, exigées par
les lois spéciales, et consistant dans le dépôt d'un mémoire, aux
termes des art. 15, tit. 3 de la loi du 28 octobre-5 novembre
1790, en ce qui concerne l'Etat; - 37 de celle du 10 mai 1838,
lorsqu'il s'agit d'un département ou d'un hospice d'aliénés; 51, 2" alinéa de la loi dll 18 juillet 1837, par rapport aux
communes; - 15, tit. 3 de la loi du 5 novembre 1790, et de
l'arrêté du 9 ventôse an x, relativement aux hôpitaux, hospices
et bureaux de bienfaisance; =< 51, 2" alin. de la loi du 18 juillet
1837 par analogie, pour les fabriques, cures, menses épiscopales, chapitres cathédraux et collégiaux, séminaires, etc.
Elle pourra être intentée contre les mineurs, les interdits, les
absents, les femmes mariée5 sous le régime dotal, les possesseurs
de majorats. C'est même par rapport ft ces incapables que la loi
aura sa principale utilité, ainsi que le faisait remarquer un des
membres de la Commission de la Chambre des députés à la séance
du 12 février (Mon., pag. 320): " Savez-vous l'importance
» qu'a ce droit? (celui qui devait résulter de la loi); aujour" d'hui que vous ne l'avez plIS, il peut se rencontrer SUl' noire
»
»
�DU DOl\lAINE PUBLIC.
393
" chemin une femme mariée sous le régime dotal, des mineurs,
'1 des interdits; et alors il faut attendre .10 ans, 20 ans, 50 ans,
.. 60 ans, pour mener à fin une grande et belle entreprise, parce
" que c'est là un obstacle que rien ne nous aide il surmonter. En
.. adoptant la proposition; au contraire, vous IJe vous arrêtez
" pas devant ce respect à outrance de la propriété, et vous faites
» quelque chose d'éminemment utile au pays. "
Dans ces cas le ministère public devra être entendu, et nous
pensons que, par analogie avec ce que porte le 2e § de l'art. 13
de la loi du 3 mai 1841, le tribunal pourra ordonner les mesures
de conservation et de remploi qu'il jugera nécessaires; mais
nous ne croyons pas que les représentants des incapables pourraient, comme cela est autorisé par le § 1er du même article,
consentir amiablement à la constitution de la servitude avec
l'autorisation du tribunal, donnée sur simp~e requête en la
Chambre du conseil. Tout étant de rigueur en fait de formalités
qui ne peuvent être remplacées par des équi,;,alents, il faudra
nécessairement un jugement rendu sur assignation en audience
publique, ou une transaction faite avec les précautions et les
solennités prescrites par les lois spéciales pour les divcraes espèces d'incapables.
Nous d\sons, en second lieu, quelle qu'en puisse être la nature.
Ainsi le droit de passage pourra être demandé sur tous les fonds
autres que les maisons et leurs dépendances, qu'ils soient en
nature de terres labourables et de prés ou de vergers, de vignes,
de bois, de pépinières, d'oseraies, etc.
Lorsqu'il s'agira de traverser des bois soumis au régime forestier, l'actioÎl devra être dirigée contre l'Etat, les communes
ou les établissements publics, propriétaires, sans qu'on soit
obligé de s'adresser à l'administration forestière, comme le prescrivent les art. -170 à 175 de l'ordonnance d'exécution du Code
forestier du 1Cr août 1827, en cas de simple extraction de matériaux, parce qu'ici l'instance a pour objet uif droit de servitude, et que l'administration des eaux et forêts n'a qualité pour
agir ou pour défendre qu'en ce qui concerne la jouissance et la conservation de la superficie, et jamais en ce qui a trait à la propriété ou aux charges réelles.
�39<i-
TilAIT1\:
Celui qui voudra se procurer l'irrigation ne pourrait obtenir
le droit de faire passer ses eaux par un caual déjà établi dans
le fonds intermédiaire, parce qu'il en résulterait un mélange et
une commun(luté que ne peut être astreint de souffrir le propriétaire de ce fonds. Mais il pourra traverser un canal ou aqueduc
existant, en faisant passer le sien ~oit par-dessus, soit par-dessous
(1. 3, § 6, ff. de agu. quotid.; -Cœpolla, pars 2, cap. 4, nO' 85,
86; -Pecchius, lib. 1, cap. 5, quœst. 1 ; -Dubreuil, législat.
sur les eaux,2e édit., tom. 1, pag. 288, nO 160). Possunt duei,
porte lin statut de Charles-Quint de 1541 , pour le duché de
Milan, aquœ et subtùs et suprà rugias aliorum; modo tamen
fiant œdifieia de lapidibus et cementa, et modo quod dueentes
aquas sub alienis aquis itàfistulas struant ne aquœ superiores
in ln.firiores decidant, aquœduetumguejirmulfl et stabilem manu
teneant : ità quod superills ducens nullum damnum sentiat nec
ultrà solitum alfJeum elefJetur, sed aquœ consuetum decul'sum
habeant. Lc statut fait en 1163 pour la Lombardie, et en partie
rapporté suprà, pag. 365, dit aussi: " Le passage peut avoir
M lieu à travers d'autres cours d'eau préexistants au moyen des
II constructions nécessaires, et, dans ce c.as, celui qui demande
M ce passage est tenu de fournir caution pour les dommages que
li les travaux pourront occasionner au propriétaire du cours
Il d'eau préexistant. Pendant le temps que durera le travail néIl cessaire pour établir nu nouveau courant d'eal), les proprié» taires de l'ancien seront tenus, moyennant indemnité, de
li souffrir que l'eau soit arrêtée ou détournée autant qu'il sera'
Il nécessaire pour l'exécution des travau)' ... Enfin, le Code
Sarde, promulgué en 1837, contient également à cet égard une
disposition spéciale, mais plus large : u On devra également,
Il porte sou art. 624, permettre le passagc des eaux à travers les:
Il canaux et aqueducs de la manière la plus convenable el la.
Il mieux adaptée aux localités et à l'état de ces canaux et aqueIl ducs, pourvu que le cours de leurs eaux ne soit ni g:êné ni
Il retardé, et qu'il n'en résulte ancUl) changement dans le cours
II de ces mêmes eaux. II
Lorsque le nouveau canal sera établi à proximité de l'ancien,
�DU DOMAlNE PUBLIC.
395
celui qui le fera creuser devra preucIre les mesures nécessaires,
soit en le tenant à un niveau plus élevé, soit en le revêtissant
de maçonnerie pour empêcher qu'il n'absorbe les eaux de l'autre.
Romagnosi, dans son Traité della condolta delle aque, part.
1, lib. 2, cap. 3, § 7, examinant l'hypothèse inverse où ceserait le propriétaire du fonds servant qui, après l'établissemeutde
l'aqueduc de servitude, construirait un canal plus profond à côté, dans lequel viendraient se rendre les eaux dérivées, pense que
dans ce cas aucun reproche ne pourrait lui être adressé, pourvu
qu'il ait agi sans fraude, c'est-à-dire pourvu que par l'effet de
la disposition des lieux il se soit trouvé dans la nécessité de faire
son canal aussi profond et aussi rapproché. Parlant en sop.. nom,
il lui fait dire: "Je ne viole pas notre contrat j c'est toi qui le
" violes, eu prétendant lui imposer une obligation pour une
» partie de mon fonds que uos conventions ont laissée libre. Si
.. nos intérêts sont en conflit, nous sommes égaux eu droits:
» c'est donc à toi à prévenir dans ton canal toute infiltration,
" comme j'aurais dil faire, si j'avais été übligé de conduire mon
11 canal sur un plan plus élevé que le tien. » Il est fort douteux
qu'en présence de l'art. 701 du Cod. civ. les tribunaux puissent
donner gain de cause à ce système.
Pecchius (lib. 1, cap. 5, qllœst. 2, nO' 1 et 18), et après lui
Dubreuil (tom. 1, nO 165, 2" édit., pag. 294) , enseignent qu'on
ne peut établir un aqueduc à côté d'un autre aqueduc qu'en
laissant une distance égale à la profondeur de celui qu'on veut
établir; mais le commentateur de ce dernier auteur fait remarquer que c'est là un acte de précaution puisé dans les lois Athéniennes que nulle loi actuelle n'impose d'une manière précise.
Si dans l'espace qui existe entre le cours ou réservoir d'cau
dont on a le droit de disposer et l'héritage 'lue l'on veut irriguer,
il se trouvait une grande route, un canal de navigation on un
chemin de fer, le propriétaire pourrait-il, en vertu de la nouvelle
loi, traduire l'Etat devant le tribunal civil à l'effet de le faire
condamner à lui livrer un passage pour la conduite de l'eau?
Il existe deux principes incontestables: l'un, que la propriété,
et surlout la propl'iélé immobilière, est sous la sau~c-garde des
�396
TRAITÉ
tribunaux civils qui seuls peuvent la constater au profil de lelle·
ou telle personne, et par suite l'adjuger à celui des contendants.
qui leur paraît y avoir des droits, sans que sous aucun prétexte,
l'autorité administrative puisse s'ingérer directement ou indirectement dans cette attribution que les lois anciennes et nouvelles lui ont toujours refusée.
Le second, c'est que lorsqu'il s'agit de services publics, et
particulièrement de celui de transports des hommes et des ,marchandises par terre ou par eau, ainsi que des moyens matérielsou voies de communication à l'aide desquels ils s'effectuent, la
direction et la conservation en sont aujourd'hui exclusivement
confiées à l'administration active ou contentieuse, qui ne peut
être entravée dans son action par l'autorité judiciaire à laquelle,
par une innovation remontant à 1790, la défense la plus expresse
et sous des peines graves en est faite.
Voici maintenant comment se concilie l'application de ces
deux principes, base et garantie de la division des pouvoirs,
lorsqu'une question de propriété ou de droits réels s'élève pal'
rapport à un objet du domaine public, tel qu'une route ou un
canal: Les tribunaux civils recherchent par les moyens qui leur
sont propres, c'est-à-dire à l'aide de titres, de preuves et de présomptions le droit qu'ils déclarent el consta,tent; mais là s'arrête
leur pouvoir: il leur est défendu, à la différence de ce qui a lieu
dans les cas ordinaires, d'en prescrire l'application matérielle, et
par snite de traduire en actes d'exécution la décision en quelque'
sorte abstraite qu'ils ont rendue. C'est à l'administration active
seule, chargée de pourvoir au maintien du service public, qu'il
appartient de procurer cette exécution si elle le juge convenable.
Dans le cas où, à son point de vue, elle y trouve des inconvénients, elle s'abstient sans que les tribunaux puissent la con~
traindre, soit manu militari, soit au moyen de dommages-intérêts
coërcitifs, à faire ce qui lui semble nuisible, ou à ne pas faire ce
qui lui paraît utile; son action sous ce rapport est donc parfaitement libre et indépendante, et ainsi sa mission n'est jamais
exposée à être contrariée ou paralysée. Mais comme, d'un autre
côté, cependant elle ne peut attenter il la propriété privée rccon-
�DU DOMAINE l'DIlLIe.
39'1
nue par les tribunaux et se l'attribuer gratuitement, même pour
cause d'utilité publique, cette propriété subit par la force des
choses une modification, et, ne pouvant pIns être possédée en
nature, elle se convertit en une indemnité équivalente à sa valeur; indemnité qui la représente ou est censée la représenter
complétement entre les mains de celui qui y a droit.
Le gouvernement peut donc être envisagé sous sa double qualité d'administrateur et de propriétaire. Comme administrateur
il ne reconnaît aucun pouvoir au-dessus de lui, il ordonne, défend, s'empare de la propriété privée, ne tient nul compte des
droits acquis, lève lui-même les obstacles apportés à son action,
sans recourir à une autre autorité qui pourrait l'entraver; il fait
la loi, est son propre juge, et n'a d'autre règle que l'utilité générale. Mais lorsqu'il agit en la seconde qualité, ce pouvoir
exorbitant s'évanouit, l'égalité la plus parfaite se rétablit entre
lui et le simple particulier; le débat n'existant plus entre l'iutérêt collectif de la société et l'intérêt privé des citoyens, il se dépouille des pouvoirs d'exécution que l'art. 12 de la charte confère'
:,u Roi son chef, ainsi que des priviléges qui s'y rattachent, et
alors il se présente dans la lice comme un simple individu et une
personne privée, pour se soumettre à la juridiction commune et
à la loi civile égale pour tous.
L'application de ces notions est facile dans le plus grand Dombre des cas. Un particulier prétend qu'une partie de son lléritage
a été comprise dans le tracé d'une route ou d'un canal, l'Etat le
nie, la contestation sera judiciaire, mais une fois le droit du riverain reconnu par un jugement, le tribunal ue pourra aller audelà et le remettre eu possession de sa chose. Si l'administration
persiste à penser que celte parcelle de fonds lui est nécessaire,
elle la conservera, mais elle devra en payer la valeur. Dans
un cas il s'agit de pourvoir à un service puhlic que nul autre
que l'administration ne peut organiser en déclarant ce qui convient ou ce qui ~e convient pas; dans l'autre il n'y a plus qu'une
question d'argent dont la solution ne peut modifier les projets du
gouvernemeut. Autre exemple: 'le voisin d'une rivière navigable
prétend avoir le droit de passer sur le chemin de halage pour la.
�398
TRAITÉ
desserte de sa propriété; comme ceUe prétention ne porte qué
sur une servitude qui ne toucbe en rien au' service public, le débat devra être porté devant les tribunaux civils (arrêt du Conseil
du 22 janvier 1823,- Gihlaine); mais il en serait autrement si
elle tendait il intercepter le marchepied de la navigation (même
arrêtet autre du 8 mai1822, - Comte). Dans le premier cas,
le litige est purement prIvé des deux côtés; dans le second, il
est collectif de la part de l'admiuistration qui n'agit pas comme
personne privée, mais pour conserver ou rétablir un passage.
Il en est encore de même des contestations qui peuvent s'élever
quant à la propriété des arbres plantés sur le sol des routes, Aux
termes du § 4 de l'art. 1er de la loi du 12 mai 1825, elles doivent
être portées devant les tribunaux ordinaires lorsqu'elles ont
pour objet le fond du droit, parce qu'alors l'état agit comme simple propriétaire; mais elles rentrent dans les attributions de
-l'administration active, en vertu des art. 99 et suiv, du décret
du 16 décembre 1811, lorsqu'il est question des mesures de
police pour permettre ou défendre de les élaguer ou de les
arracher.
Quand le fond du droit n'est pas susceptible de discussion parce
qu'il repose sur uue faculté légale précise, et que tout se réduit
il en faire l'appiication matérielle, on conçoit qu'il n'y a plus lieu
d'aller préalablement devant les tribunaux civils qui ne pourraient que transcrire dllns leur jugement le\lèxte de la loi et en
ordonner l'exécution d'Une manière générale, ce qui serait bien
. inutile. L'administration alors est exclu si vement compétente
pour faire l'opération; seulement s'il en résultait du préjùdice,
une action en indemnité appartiendrait à la partie lésée, qui, selon
les circonstances, pourrait la porter soit devant l'autorité judiciaire, soit devant les tribunaux administratifs. C'est ainsi que les
tribunaux civils ne pourraient pas statuer sur une aètion en bornage intentée par le riverain d'une route contre l'état et que l'administration supérieure a seule le pouvoir de reconna:tre et de
fixer cette limite au moyen des alignements, ou autrement (arrêts du Conseil ,j'état des 3D juillet 1828, - M'Ue d'Amiens; 3D juin 1835, - Ganneron) , parce qu'ici la difficulté ne con-
�DU DOMAINE l'UllLIC.
399
siste pas dans le point de savoir s'il y a lieu à bornage, l'art. 646
du Coù. civ. en faisant une nécessité, mais seulement dans la
ma~ière dont ce bornage Aera fait, ce qui ne peut être décidé
que par l'administration elle-même, sauf à paJer une indemnité
si, dans les limites qu'elle a trtlcéesd'office, elle englobe une partie de la propriété voisine.
Dans le cas de la (acuIté de passage créée par la loi nouvelle
en faveur de l'irrigation, le fond du droit n'est pas contestable,
puisqu'il résulte d'un texte formel; il n'y a et ne peut y avoir
qu'une question d'exécution porlant sur la possibilité de l'établissement du canal ou de l'aqueduc, sur son emplacement, sa
forme et les précàutions à prendre pour sa eonstruction. Or, du
moment que ces points sont relatifs à un objet dépendant du
domaine public) et affecté à un service d'lIltérêt général, il est
évident qu'ils ne peuvent être abandonnés au libre arbitre
des tribunaux civils, et que l'administration active a seule
flualité pour les résoudre. lei la force des choses lève toute espèce de doute. Comment concevoir, en effet, qu'un tribun:!l de
première instance, n'ayant d'autre agent d'investigation et d'exécution que des experts ou même un seul expert, sans caractère
public, sans garantie de connaissances suffisantes, pourra faire
couper une route, percer llll canal, entamer'un remblai de chemin de fer, jeter un pont-aqueduc, aux risques de causer par
la suite des accidents ou des désastres incalculables, et, pour atteindre ce but, faire suspendre par un particulier et dans UIJ intérêt privé l'usage de la voie de communication. Si par un motif
autrement sacré, celui du respect dë la propriété ou de droits
:J.cquis, l'autorilé judiciaire décidait relativement à une route
qu'une parcelle d'héritage serait distraite dé son sol, qu'une
maison qui y avance ne serait pas démolie, qu'une servitude
naturelle d'écoulement d'eaux que la chaussée arrête serait
maintenue, il Y aurait incompétence absolue, et toute tentative
pour mettre à exécution une pareille sentence serait regardée
comme un acte de forfaiture puni par les art. 127 et suiv. du
Cod. pénal. Quoique l'art. 4 de notre loi semble général, il faut
donc d'abord reconnaître que les tribunaux civils ne pourraient
�400
l'llAtTÉ
en aucunt) manière remplir dans le cas pai,ticulier la mission
qui leur est dévolue.
Les tribunaux administratifs ne seraient pas plus compétents,
d'UD côté, parce qu'aucune loi ne leur attribue la connaissance
de ces sortes d'affaires au contraire nommément confiées aux
tribunaux civils, et d'un autre côté, parce qiIe n'ayant que le
droit de juger ct non celui d'administrer, ils ne peuvent, pas
plus que les magistrats civils, s'ingérer dans des actes et mesures d'exécution qui n'appartiennent qu'aux préfets et autres
agents de l'administration active.
Ainsi, et lorsque le canal' aurait à traverser un fonds du do"
maine public, celui qui voudra user du bénéfice de la loi devra
s'adresser au préfet qui, non comme juge, mais comme administrateur, accordera ou refusera la permission et mettra à sa
concession telles ~onditions qu'il jugera nécessaires.
En cas de refus, le réclamant pourra-t-il au moins se pourvoir devant un tribunal soit judiciaire, soit administratif, pour
obtenir une réparation pécuniaire du préjudice qu'il en éprouvera?
Cc recours en indemnité n'est point douteux lorsque, par
l'effet d'une décision administrative, même compétemment rendue, il Y a eu dans l'intérêt général lésion d'un droit acquis,
dommage causé ou atteinte à la propriété; ainsi, lorsqu'en
exhaussant le sol d'une route on rend une maison voisine malsaine ou qu'on la prive de ses issues, le propriétaire peut se
pourvoir devant le conseil de préfecture qui lui adjuge une
somme représentative du tort causé. Mais ici nous ne pensons
pas qu'il en puisse être de même, et les ràisons qui nous portent
à le décider de la sorte sont, d'une part, qu'en refusant le passage dl' l'eau, l'administration ne cause pas un préjudice proprement dit, et n'enlève rien à la propriété; qu'elle ne fait qu'empêcher une amélioration et un bénéfice à raison desquels on
aurait été obligé de lui payer à elle-même une indemnité, et, d'un
autre côté, que la faculté accordée par notre loi est loin de constituer un droit précis dont on doive nécessairement obtenir la
consécration et l'effet.
�401
DU DOMAINE l'UllLIC.
Nous avons vu qu'en cette matière les tribunau:t civils étaient
investis d'un pouvoir administratif et discrétionnaire qui leur
permcttait d'accorder ou de refuser la faculté réclamée par
dcs considérations puisées soit dans l'intérêt général, soit dans la
comparaison des avantages présumés de l'irrigation avec les inconvénients réels de l'établissement de la servitude. 11 résulte
évidemment de là que, quelle que soit leur décision, elle ne peut
Jonner lieu à des indemnités au profit du propriétaire dont la
demande a été repoussée contre celui à travers le fonds duquel
on réclamait le passage; or, l'administration active étant ici, pal'
la force des choses, substituée aux tribunaux, sa décision, pas
plus que celle de ces derniers, ne peut, en cas de refus, motiver une indemnité; quand elle rejette la demande, elle agit
non-seulement comme un propriétaire qui ne veut pas laisser
grever sa propriété, mais aussi comme un juge qui, en vertu
du pouvoir arbitraire qui lui est laissé, décide que l'action ne
doit pas être accueillie; il J a en pareil cas, comme dans beaucoup d'autres, confusion des attributions du juge a'"ec la qualité
de propriétaire qui ne permet pas de rechercher si c'est celui-ci
qui refuse à tort uue chose juste, ou si c'est l'autre qui a rendu
une décision équitable et conforme aux principes; cette dernière
présomption doit nécessairement l'emporter. S'il en était autrement, l'administration du domaine public serait dans une position pire que celle des simples particuliers; puisqu'il faudrait
dans toM les cas ou la condamner il une indemnité, même lorsque la dcmande formée contre elle serait évidemment mal fondée,
ou soumettre la décision de l'administrateur ft la révision d'un
tribunal quelconque pour savoir si c'est à tort ou à raison qu'il
a refusé, ce qui serait une anomalie inadmissible.
Concluons donc que l'exercice de la faculté accordée par la
loi nouvelle ne pourra, en fait d'objets dépendants du domaine
public de l'Etat, sc réaliser que par voie de supplique à l'autorité administrative active, maîtresse d'accorder on de refuser, et
que, quelle que soit sa réponse, l'lIé ne pourra servir de base
ou de prétexte à l'allocation d'une indemnité quelconque au
TOM. IV.
26
�402
TRAITÉ
profit du réclamant dont la propriété n'a point été lésée et qui
n'est privé J'aucun droit acquis.
Devrait-oll porter la même décision si, a.u lieu d'une route royale
ou départementale, d'un chemin de fer ou d'un canal de navigation, il s'agissait seulement d'un chemin vicinal de petite ou de
grande 'communication, le seul objet appartenant au domaine
public municipal à l'égard du quel la question puisse se pré'senter?
La raison de douter vient de ce que ces sortes de chemins ayant
moins d'importance que les voies de communication d'un ordre
supérieur dont on vient de parler, et n'intéressant en général
qu'une commune ou quelques communes, il n'est pas nécessaire
de donner, en ce qui les concerne, une action aussi étendue et
aussi prépondérante à l'administration active; que le principe
du droit commun, qui veut que toutes les questions de servitude
soient jugées par les tribunaux civils, d'aiLleurs ici spécialement
délégués, doit prévaloir du moment qu'aucun motif pressant
d'intérêt public n'y exige impérieusement une dérogatioIl; que,
d'un autre côté, à la différence de ce qui a lieu pour les objets
du domaine public de l'Etat par rapport auxquels le pouvoir
rég1ementaire et le droit d'administration et de disposition se
confondent dans la même main, celle du préfet, les chemins
vicinaux sont au contraire soumis simultanément au triple pouyoil' du préfet, du maire et du conseil municipal dont aucun
n'est prépondérant, et dont le conconrs entratnerait des complications fâcheuses; le conseil municipal ne pouvant pas plus juger,
que le maire et le préfet ne peuvent disposer de leur chef d'une
propriété communale.
Nonobstnnt ces motifs, nous pensons que les tribunaux civils
ne sont pas plus compétents pour accorder le passage dont il s'agit à travers un chemin vicinal qu'à travers une route ou un
canal. Quoiqu'il un degré inférieur d'importance, ces chemins
n'en sont pas moins affectés à un service public que l'autorité
judiciaire ne peut ni diriger, ni entraver, ni compromettre; cette
vérité ressort avec évidence de toutes les dispositions de la loi du
21 mai 1836 et notamment de son article 15 qui, de plein
�DU DOMAINE PUBLIC.
403
droit, convertit en une indemnité pécuniaire le droit de propriété du riverain pour les parcelles dont l'administration a
orùonné la réunion au sol du chemin sans que les tribunaux:
puissent prescrire le relâchement de ces parcelles; elle est enrore
confirmée par la jurisprudence constante du conseil d'Etat rapportée, suprà> tom. 2, pag. 392 et 862, d'après laquelle les
questions de dommages causés à des tiers par l'établissement ou
la réparation des chemins vicinaux, ainsi que les di/licult.és élevées entre les communes etles entrepreneurs relati"ement :ll'exécution des marchés pour construction ou entretien de ces chemins, sont, comme s'il s'agissait de grandes routes ou canaux,
soumises à la juridiction des conseils de préfecture. Quant à
l'objection tirée de ce que l'administration et la disposition des
voies vicinales sont confiées à des autorités diverses qui pourraient se contrarier dans l'exercice de leur pouvoir respectif, elle
s'évanouit devant les art. 5, 6 et 9 de la loi du 21 mai 1836,
qui placent expressément ou implicitement les chemins sous
l'autorité des préfets, et surtout devant les art. 15, 16 et 17 qui
confient à ces magistrats, à l'exclusion des maires et des conseils
municipaux, le droit de régler tout ce qui concerne leur ouverture, leur direction et leur largeur.
Lorsqu'il s'agira de faire passer à travers un chemin vicinal le canal de dérivation des eaux destinées à l'irrigation,
il faudra donc s'adresser au préfet qui, après avoir pris l'avis du
conseil municipal, statuera (voy. suprà> tom. 2, pag. 850,
nO 19, où est cité un arrêt du conseil d'Etat du 26 octobre 1825,
Ribaud) > sallS que sa décision, si elle est négative, puisse, par
les raisons ci-dessus déduites en ce qui concerne les grandes
routes, motiver d'action cn indemnité contre la c\lmmune.
A la charge d'une juste et préalable indemnité. Cette partie
de notre article exige diverses explications:
1 0 L'indemnité de la charge qu'impose à l'héritage traversé
le passage de l'eau soit dans un canal découvert, soit dans llll
aqueduc voûté, doit être fixée en argent. Un député avait proposé d'autoriser le propriétaire grevé à se servir des eaux
pour l'irrigation jusqu'à concurrence de la moitié de leur vo-
�404
TRAITÉ
lume, sur le motif qu'il ne fallait pas le placer dans la position
de Tantale; mais son amendement a été rejeté (séance du 13
février, Mon., pag. 328). On conçoit qu'il ne pouvait guère en
être autrement, puisque dans le plus grand nombre de cas, celui
qui voudra user de l'irrigation n'aura pas la disposition absolue
des eaux, et que ce ne sera qu'en vertu d'une concession soit de
l'Etat, soit du propriétaire dans le fonds duquel naît la source où
existe l'étang, qu'il aura obtenu le droit d'en dériver une partie
limitée et proportionnelle à l'étendue de son héritage, en sorte
que s'il était obligé d'en laisser sur le passage une quotité quelconque, il n'en resterait plus suffisamment pour lui.
Ainsi le propriétaire travcrsé ne pourra, sous aucun prétexte,
se servir des caux pour l'irrigation, lors même qu'il voudrait
l'opérer dans des bornes très-restreintes et au moyen de pompes
à la main ou de seaux. Cependant M. Daviel (Traité de la
prat. des cours d'eau, nO 601) 'semble décider le contrnire en
s'appuyant d'un arrêt du Parlement de Rouen du 2 mai 1776
qui, statuant dans l'espèce d'un cours d'eau d'un très-faible volume, avait défendu aux riverains d'user, à l'aide de rigoles, des
eaux au préjudice d'un meunier inférieur, sauf, est·il dit, à eux
à se servir de seaux ou arrosoirs pour porter l'eau dans leurs
jardins. Mais il est à remarqucr que dans ce cas et autres analogues dont parle l':mteur, il s'agit d'un cours d'eau naturel bordant une propriété et par rapport auquel il existe seulement un
réglement fixant les heures d'arrosage. Ici le propriétaire assujetti qui prendrait l'eau ne contreviendrait pas seulement à un
réglement d'usage de sa chose, il s'cmparerait de ce qui ne lui
appartient sous aucull rapport. Il commettrait plus qu'une infraction, il se rendrait coupable d'une espèce de vol.
Non-seulement il ne pourrait délourncr les eaux à son profit
au moyen de rigoles creusées il la surface du sol ou de barrages
établis dans le canal pour le faire déborder, mais il ne lui serait
pas davantage permis de creuser dans le voisinage des contrefossés et excavations quelconques où les eaux viendraicnt se
réunir par infiltration. Les statuts de plusieurs états dl" l'Italie
contiennent des prohibitions expresses à cet égard; les art. 599,
�DU DOMAINE PUBLIC.
405
600 et 602 du Code Sarde veulent que" celui qui creuscra
l> des fossés ou canaux dans sa propriété laisse enIre eux et le
l> fonds voisin une d~stance au moins égale à leur profondeur,
et que" celui qui voudra ouvrir une source, établir des réser\) voirs ...• , des canaux ou des aqueducs, en creuser le lit, lui
l> donner plus de largeur, en aug'menter ou diminuer la pente
\) ou en varier la forme, laisse telle distance convenable et exél> cute tous les travaux nécessaires pour ne préjudicier ni aux
\) fonds voisins ni aux autres sources, réservoirs ou conduits
" de fontaines, canaux et aqueducs déjà existants et destinés à
\) l'irrigation des biens ou à faire mouvoir des usines. \) A
cet effet un pouvoir discrétionnaire est confié aux tribunaux:
pour concilier les intérêts rivaux. En France, où le Code ne
contient point de dispositions expresses, l'art. 1382, combiné
avec les principes généraux du droit, suffit pour atteindre le même
hut; et comme le dit très-bien M. Daviel, nO 601, a J de sa 3"
édition, " si des puits étaient creusés pour de tels usag'es (des
\) dérivations frauduleuses) dans le voisinage d'un cours d'eau,
" Olt aurait à recherc1H'r, par voie d'expertise, si l'eau de la l'il> vière s'y introduit par infiltration, auquel cas ils devraient
II être comblés, ou bien s'ils sont alimentés à l'aide de quelques
» veines souterraines; auquel cas l'usage devrait en être main" tenu, quand même ces veilles auraient auparavant porté leurs
" eaux à la rivière.
La même doctrine est enseignée dans le
Traité des serpitudes de M. Pardessus, nOS 90, 112 et 199.
Quoique dans la rigueur du droit le maître du fonùs assujetti au passage des eaux ne puisse en aucune manière en user
sans le consentement de celui à qui la servitude est due (Romagnosi, delle acque J part. 1, lill. l , § :\4), on ne devrait cependant pas lui refuser la faculté de le faire, si par là il n'en
diminuait pas sensiblement le volume, n'en altérait pas la pureté
et ne nuisait pas à l'exercice de la servitude.
En conséquence, nous pensons qu'il pourrait s'en servir au
passage pour ses besoins personnels et ceux de sa famille, ainsi
que pour abreuver son bétail, appliquant à cet usage ce qui il
été dit nO 766; suprà J tom. 3, pag. 92 et 93.
l)
l)
�406
TlUITÉ
Que, comme nous l'avons énoncé suprà , page 381 , il aurai t
le droit de prendre le poisson qui circulerait dans le canal et
de tuer les oiseaux aquatiques qui fly abattraient; l'opinion
contraire qu'émet M. Daviel, nO 831 , s'appliquant à un canal
dont le corps même appartient à une compagnie d'arrosants; qu'il
lui serait loisible d'avoir une barque sur le canal de dérivation
pour le traverser et s'y promener.
Qu'enfin si le canal présentait une pente et contenait une quantité d'eau suffisantes pour faire tourner une roue par la seule
impulsion dll courant sans aucune chute ni retenue de nature
à arrêter l'eau, il pourrait utiliser celte force motrice, ainsi que
l'ont jugé' deux arrêts de la-Cour de Rouen des 4 février et 22
décembre 1843, cités par M. Daviel, nO 926.
La raison de ces solutions est que l'on doit permettre à l'un
ce qui hIi est avantageux lorsqu'il n'en résulte aucun inconvénient pour l'autre, comme l'a décidé la Cour de cassation par
un arrêt du 13juin 1827 (Sirq, 27-1-47~)ainsiconçu:"Sur
» le moyen relatif à l'usage de l'eau, attendu qu'à la vérité
)) il s'agit d'un cours d'eau artificiel, et que le canal qni conduit
» l'eau au moulin du demandeur est sa propriété; mais que ce
» droit de propriété ne va pas jusqu'à interdire la faculté de
» satisfaire aux besoins naturels de l'homme, lorsque, comme
dans l'espèce et ainsi que l'a déclaré en fait le jugement dont
)) l'arrêt adopte les motifs, l'exercice des lavage, puisage et
» abreuvage par un proprittaire riverain ne porte aucun pré» judice à l'usine. " Dans l'hypothèse que nous examinons, la
position du propriétaire assujetti est encore plus favorable en ce
que le canal ne cesse pas de lui appartenir, et que pour jouir
de l'eau qu'il contient, il n'est pas obligé, comme dans l'espèce
de l'arrêt, d'entrer sur le fonds d'autrui.
Mais ce propriétaire ne pourrait ni placer des grilles aux
extrémités du canal pour en former un réservoir à poisson, ni
y établir de barrages pour se procurel' une chute, parce que
par là il ralentirait le cours de l'eau et faciliterait son infiltration dans lcs terres et son évaporation; ni y faire rouir du chanvre, y opérer des lavages en grand, ou y déverser des eaux
)l
�DU DOMAINE PUBLIC.
de manufacture, parce qu'il corromprait l'eau et y introduirait des éléments qui pourraient être nùisibles aux propriétés
à irriguer.
Si en creusant le canal de dérivation on y trouvait une
source, le propriétaire assujetti aurait droit à son produit malgré
la disposition du § 3 de la loi 3, ff. de aq. quot. et œstù... ,
portant: aqua quœ in l'il'o nascitul' tacitè lucrifit ab eo qui ducit,
laquelle n'est évidemment applicable qu'au cas où le canal appartient en pleine propriété à celui qui s'en sert. Il y aurait
alors lieu à un réglement attributif au profit du propriétaire traversé d'une quantité d'eau équivalente à celle débitée par la
sturce sortant de son fonds.
2° L'indemnité doit être juste, c'est-à-dire égale au préjudice que peut causer à l'héritage assujetti le passage de l'eau.
Il en est autrement en Italie o' , depuis le 15" siècle, les statuts
municipaux: exigent qu'en sus de l'estimation de la parcelle de
fonds occupée et des dommages accessoires, le propriétaire qui
veut irriguer paie une espèce de crue ou mieux value variable
selon les pays, et q\li est du double pour le territoire de Véronne, d'après un réglement du Sénat de Venise du 27 août
1455, du quart en Lombardie et du cinquième seulement dans
le Piémont. Cet usage, aussi admis autrefois en Provence pour
les retraits (ou expropriations) d'utilité publique, a été abrogé
par la loi du 16 septembre 1807, dont le système a été suivi
par celle du 3 mai 1841 et par notre article.
Comme on l'a démontré dans la note du n° 1390 (suprà,
pag. 272 et suiv.), le chiffre de l'indemnité doit être fixé eu
égard seulement au préjudice éprouvé par celui à qui la servitude est imposée, et non en considération de l'avantage que
le propriétaire de l'héritage à arroser recevra de l'irrigation.
L'indemnité, aU surplus; devra s'étendre à tous les préjudices
qu'entr:tîneront l'établissemeut et l'usage de la servitude, tels
que perte des produits du terrain soustrait il la culture, passage
sur les bords du canal pour son curage et son entretien, et pour la
construction des travaux d'art, dépôt momentané des déblais de
ce curage et des matériaux, gêne dans la communication entre
�408
Tl\AITÉ
les di verses parties de l'héritage et dans sa desserte, difficultés
pour son irrigation, desséchement de sa superficie, etc., etc.
Comme les canaux d'irrigation sont, aux termes de l'art. 104
de la loi du 3 frimaire an VII , assujettis à la même contribution
foncière que les terres avoisinantes (*), et que l'impôt reste à
la charge du ma1tre du fonds servant, il faudra dans l'estimation de l'indemnité avoir égard à cette circonstance aggravante
de la charge.
3~ L~ disposition que nous examinons disant que l'indemnité
devra être préalable, que doit-on entendre par là?
Lors dela promulgation dcl'arl. 545 du Codeciv., qUicon"tient la même expression, on avait prétendu qu'elle ne s'applIquait qu'à la fixation et à la liquidation de l'indemnité, mais non
à son paiement. L'art. 20 de la loi du S mars 1810 consacrait
même formellement cette interprétation en accordant un délai
pour le paiement. Aujourd'hui le doute n'est plus possible en
présenoe de l'art. 53 de la loi du 3 mai 1841, portant que les
indemnités seront préalablement à la prise de possession acquittées entre les mains des ayant-droit. Il faut donc que dans notre
cas, comme dans celui de l'expropriation du sol, l'indemnité
due au propriétaire du fonds traversé par le canal ou l'aqueduc
soit non-seulement liquidée, mais encore payée avant la prise,
de possession.
Or, cette nécessité légale formera-t-elle obstacle à ce que
l'indemnité soit réglée en rente ou annuités?
Dans l'hypothèse du passage pour enclave, l'art. 682 du Code
civ. ne s'expliquant pas sur la nature de l'indemnit~, il est incontestable que les tribunaux peuvent la fixer soit en un capital
une fols payé, soit en une redevance annuelle proportionnée au
préjudice occasionné chaque année par le passage (**).
(') C'est à tort que M. Daviel, au n° 832, dit que le canal d'ilTigation
doit êl~e imposé comme terre de première qualité dans la comll\une de la
situation. Celte disposition de la loi du 5 floréal an XI n'est applicable
qu'aux canaux de navigation, ainsi que l'ad,écidé un arrêt du conseil d'Etat
du 5 mai 1831 (Macarel, 13, 172 )".
(") An n° II38 , suprà, tom. 3, pag. 550 et suiv. ,on a dit qu'il en
serait de même pour les indemnités de dommages causés par une usine.
�DU DOMAINE PUBLIC.
409
Ce dernier. mode est même préférable dans la plupart des cas
par trois motifs:
L'un est que le dommage ne se produisant que successiv~
ment, il est plus équitable et plus naturel que la réparation suiv~
la même marche. Il est vrai que l'on peut à l'avance et en bloc
estimer la dépréciation dont la servitude affecte le fonds; mais
c'est là une opération aléatoire, une espèce d'escompte de l'a"l
venir qui ne saurait être que le résultat du consentement libre des
parties, et que la justice ne devrait pas imposer d'office; nul
. n'étant tenu de jouer son ~voir.
Le second est qU~ la charge pouvant varier dans sa gravité
par suite du changement de nature ou de destination du fondi
dominant o.u du fonds servant, une redevance annuelle se prête
mieux (lUX modifications qu'il est juste que l'iI\deqlIlité subisse
eo ce cas.
Le troisième enfin, dérivant, du même principe qne le précé-,.
dent, est que l'indemnité devant cesser lorsque le passage cesse
lui-même d'êtra nécessaire, il est beaucoup plus facile, et moins
fâcheux d'éteindre la redevance pour l'avenir que de forcer le
créancier à restituer le capital versé originairement il lui ou à
son auteur, et qu'il peut avoir consommé sans s'être enrichi.
Cette obligation du remboursement du capital consacrée en
ce Cll.S par la j'Urisprudence ( arrêts de la Cour d'Agen du 14 août
1834, Sirey, 35-2-414; - de celle de Lyon du 24 décembre
1841, S., 42-2-166.; -et de celle de Limoges du 20 novembre
~843, S., 44-2-158; - M. Saulon, des serIJitudes, nQS 331,
332), aurait d'autant plus d'inconvénients dans notre espèce que
les chances d'extinction de la servitude seront plus nombreuses
eo fait de dérivation des eaux qu'en fait de passage forcé aux
termes de l'art. 682, puisqu'indépendamment de la cessatlol)
de l'enclave par suite d'acquisition, il Y aura encore toute~ les
éventualités de changement de culture des héritages et d,e diminution du volume des eaux.
Si donc il est une circonstance où l'indemnité devrait plus
particulièrement pouvoir être fixée en redevance annuelle, c'est
celle il laquelle donne naissance la nouvelle loj. Mais, nous le
répétons, ce mode est-illégalement admissible?
�410
TRAITÉ
Au premier coup-d'œi1, le mot préalable, appliqué au paiement, semblerait s'y opposer, puisque la desserte successive d'une
rente annuelle n'a rien de préalable; cependant si l'on considère que l'irrigation ne se fait pas une seule fois pour tout;
qu'elle doit se renouveler chaque année pour obtenir chaque
récolte, qu'elle constitue dès-lors autant d'opérations distinctes
qu'il ya de jouissances annuelles, on doit dire qu'en ordonnant
le paiement d'avance, c'est·à-dire au commencement de l'année,
de chaque annuité, le vœu de la loi sera suffisamment rempli.
Qu'a voulu en effet le législateur par la sage prescription qu'il
a établie? Que l'individu dépouillé contre son gré de sa chose,
ne fût pas obligé de courir après le paiement de l'indemnité qui
• en est représentative; que sa possession matérielle ne fût point
convertie en un droit abstrait et en une simple action exigeant
des démarches et l'exposant à des chances 'de pertes; qu'il eût
entre les mains un moyen de résistance toujours plus efficace,
plus commode et plus certain que tous les moyens d'attaque.
Or ce moyen lui est complétement réservé avec notre solution,
puisque si, au commencement d'une année, on ne lui paie pas
la redevance, il empêchera l'irrigation en interceptant le cours
de l'eau; il aura donc toujours la provision pour lui; seulement, au lieu d'une indemnité préalable à toutes les années de
jouissance fntures cumulativement, il n'aura qu'une indemnité
préalable à l'année immédiatement pt'ochaine.
Nous pensons donc que le tribunal pourra, en ordonnant le
paiement pr~alable à l'ex-écution de tous travaux, de ce qu'il en
coûterait pour les supprimer et pour rétablir les lieux dans leur
état actuel, décider que le surplus de l'indemnité représentatif
du préjudice annuel sera payé par annuité et d'avance. Par ce
moyen les intérêts du propriétaire du fonds servant seront suffisamment garantis, ct si la servitude vient à cesser par une des
nombreuses canses qui peuvent produire son extinction, il n'y
aura lieu à aucun remboursement de capital. Mais si le Tribunal
croit devoir fixer l'indemnité en bloc, il ne pourra pas accorder
un délai pour le paiement à la charge d'en desservir annuellement les intérêts, C'est à ce cas que s'appliquent les trois arrêts
�DU DOlllAINE PUBLIC.
411
prohibitifs de la Cour de cassation des 3 et 19 juillet 1843 et 2
janvier 1844.
4° Indépendamment de l'indemnité préalable qui ne peut
s'appliquer qu'à des préjudices prévus et formant la suite nécessaire de l'établissement de l'aqueduc ou du canal, le propriétaire irrigant est encore passible envers celui dont le fonds est
traversé d'indemnités éventuelles qui ne peuvent être liquidées
et réglées que lorsque les dommages qu'elles sont destinées à ré.parer viennent à se réaliser.
On doit d'abord ranger dans cette classe les travaux nouveaux
qu'exigerait l'augmentation du volume des eaux dérivées, comme
s'il fallait élargir ou creuser davantage le canal, s'il devenait,
par suite, sujet à des réparations plus onéreuses ou à des curages
plus fréquents, s'il y avait nécessité de passer plus souvent sur ses
bords, etc. Dans ces divers cas, un supplément d'indemnité devrait être accordé. Cœpolla(de servit., tract. 2, capA, nO 68) va
même plus loin en décidant que le mattre du fonds traversé pourrait se refuser au passage non-seulement de cet excédant d'eau,
mais même de la quantité originairement dérivée, parce que,
dit-il, la servitude est indivisible et que, in indlvisibilibus utile
'Vitiatur per inutile. Mais cette subtilité qui ne pourrait pas être
invoquée aVec succès d'après les p6ncipes de notre droit actuel,
même lorsqu'il s'agit de servitudes conventionnelles, est encore
bien plus inadmissible en fait de servitudes légales telle qu'est
celle établie par la loi du 29 avril 1845. Les tribunaux auront
à juger si l'nggravation est utile, et en cas d'affirmative, ils
évalueront l'indemnité à laquelle elle doit donner ouverture.
Nous -pensons que l'on devra appliquer la disposition de l'article" 629 du Code Sarde ainsi conçue: « Lorsque celui qui a
Il établi un canal sur la propriété d'autrui veut s'eu servir, pour
" y introduire une plus grande quantité d'eau, il ne pourra l'y
" faire venir qu'après qu'il aura été vérifié que l'aqueduc peut
li la contenir, et qu'on aura reconnu qu'il n'en peut résulter
" aucun préjudice pour le fonds servant. Si l'introduction d'une
Il plus grande quantité d'eau exige la construction de nouveaux
II ouvrages, cette construction ne pourra avoir lieu que lors-
�412
TRAITÉ.
" qu'on aura préalablemellt déterminé la nature et la quantité" de ces ouvrages, et qu'on allra payé la somme due pour le
l> sol à occuper et pour les dommages. ,.
La seconde cause d'indemnité éventuelle consiste dans les.
dom.mages que le passage des eaux pourrait causer au fonds
traversé, soit en cas d'inondation, soit par suite de simples infiltrations.
Tout en reconnaissant que le propriétaire d'un pr.é ne.pourrait,
jeter sur l'héritage voisin les eaux superflues d'irrigation, le
président Cappeau (Législat. rurale, liv. 1, tit. 2, chap. 6,
§ 1, nO 16) enseigne que le maître de·ce dernier ne pourrait
cependant pa.s se plaindre des infiltrations ainsi que de l'humidité communiquée à son fondi par l'arrosage. MM. Pardessus
(des ser-flit., nO 82) et Davie\ (Tr. de la prat. des cours d'eau,
3" édit., nO 597 ter) s'élèvent avec raison contre cette doctrine
également repoussée par un arrêt de la Cour de cassation du 26
mars 1844 (Sirey, 44-1-478) ainsi motivé: « Attendu que le
» jugement se fonde, pour repousser la complainte, sur ce que
» les caux qui incommodent la cave du demandeur· ayant été
" jetées, non sur la surface d.e sa propriété, d'où elles auraient
.. pénétré dans cette cave, mais. sur la surface de l'héritage du
.. défendeur où, s'infiltrant peu à peu , ... elles ont trouvé, dans
» l'intérieur des terres, des gisements argileux ou sablonneux
" qui ont été comme des conduits naturels, qui les ont portées
" vers la cave du demandeur sans le secours de la main de
li l'homm.e e~ sans qu'il fût possible au défendeur d'empêcher
" cette introduction. - Attendu en droit que la faculté accor-.
.. dée par l'art. 644 au riverain de prendre, pour irriguer sa
" propriété, les eaux qui coulent le long de ses bords, ne lu~
» don:Q.e pas le droit d'aggraver la servitude imposée par la
,. première disposition de l'art. 640; que ce texte de loi, sans
" distinguer entre la surface et l'intérieur du sol, défend d'en_
Il voyer au terrain inférieur les eaux qui n'y seraient jamais
" arrivées par la seule disposition des lieux. - Que dans l'état
.. des faits le jugement n'a pu, sans faire une fausse application
" de l'art. 644 et sans violer les art. 640 et 1382 du Cod. civ.,
�DU DQ;\IAINE PUBLIC.
413
\) dlre mal fondée la complainte du demandeur.-Casse.» 'routes
les fois qu'un dommage causé est le résultat de la dl~pôsition de
l'homme, il ya lieu à réparation; l'équité d'ailleurs exige que
celui qui profite d'une chose en supporte aussi les inconvénients;
la loi 2, § 10, ff. de aq. et aq. plzw. arcend., pousse ce principe si loin, que dans le cas méme où, par le titre de constitution de la servitude, le propriétaire du fonds servant serait
chargé des travaux d'entretien, elle veut qu'il soit indemnisé de
toute avarie extraordinaire, szc tamen si non ultl'à modum
noceat. " Tous les dommages, dit 1\'1. Daviel (Tl'. de la pl'atiq.
des eaux, 3e édit., nO 848 quater), que peut causer l'exis» tence du canal aux voisins, le propriétaire du canal doit les
réparer. Par cela seul que le canal est une œuvre d'art, celui
.. dans l'intérêt duquel il subsiste, est exclusivement respon» sable dc tous les inconvéniepts qui en résultent pour les voi» sins, Ces inconvénients seraient-ils advenus sans le canal?
.. Voilà la seule question à poser. " Et à l'appui il cite un
arrêt de la Cour de cassat. du 12 novembre 1838 , rapporté par
Dalloz, 38-1-408, un autre arrêt de la Cour d'Aix du 6 janvier 1840, et un troisième inédit de la Cour de Rouen du 7
juin 1844, concernant un sieur Drosny.
Nous pensons même que lorsque le dommage est probable
et pourrait avoir des suites graves, par exemple si l'aqueduc
devait passer sous un canal, celui qui a à le redouter pourrait,
avant qu'il fût arrivé, demander une garantie telle qu'une caution pour sûreté de sa réparation et de toute indemnité. Les lois
3 et 4, ff. de ripâ mun., lib. 43, tit. 15, et plusieurs législations étrangères contiennent à cet égard, ou pour des cas analogues, des dispositions que, dans le silence de la loi nouvelle, les
Tribunaux pourraient appliquer selon les circonstances. (Voy.
nO 771, suprà, tom. 3, pag. 96.)
On peut encore placer au nombre des indemnités éventuelles,
quoique consistant en un fait et non en argent, la faculté que le
2" alinéa de l'art. 701 du Cod. civ. donne au propriétaire du
fonds assujetti au passage des eaux, de demander et d'obtenir
que le lieu où existe le canal ou l'aqueduc soit changé si l'assi1)
1)
�414-
THAITÉ
gnation primitive lui était devenue plus onéteuse, où si elle l'empêchait de faire des réparations avantageuses. Cette faculté, dont
l'exercice est subordonné Ît. la condition d'offrir au propriétaire
irrigant un endroit aussi commode pour l'établissement de son
canal o~ de son aqueduc et de supporter tous les frais de déplacement, n'est point réciproque au profit de ce dernier, ainsi
que l'a èécidé la Cour de cassation par un arrêt du 16 mai
1838 (Szrey, 38-1-570), cassant un arrêt de la Cour de Montpellier.
5° Avec qui l'indemnité devra-t-elle être liquidée, et entre les
mains de qui devra-t-elle être payée?
L'établissement du passage des eaux sur la propriété intermédiaire constituant une servitude réelle de nature à en diminuer la valeur, et en opérant par suite un véritab1e démembrement, il est évident que la liquidation de liindemnité, pour être
valable et définitive, devra avoir lieu cc;mtradictoirement avec
tous ceux qui ont des droits à cette propriété, et que le paiement
devra en être effectué entre leurs mains dans la proportion de
ce qui leur en appartient.
En fait d'expropriation proprement dite pour cause d'utilité
publique, les art. 15,16,17,18,19,21 et suiv.et 39 de la
loi du 3 mai 1841, ont tracé des règles spéciales à cet égard,
qui simplifient singulièrement les difficultés, et que, par ce motif, on doit regretter de ne pas trouver répétées dans la loi
nouvelle.
Lorsque le jugement qui prononce l'expropriation a été rendu
ou que la convention amiable est intervenue, ces actes sont puhliés, affichés, insérés dans les journaux, notifiés au propriétaire et transcrits au bureau des hypothèques.
Dans la huitaine, le propriétaire est tenu d'appeler et de faire
connaître à la partie poursuivant l'expropriation, les fermiers,
locataires, ceux qui ont des droits d'usufruit, d'habitation ou
d'usage, et ceux qui peuvent réclamer des sel'vitudes résultant
des titres même du propriétaire, ou d'autres actes dans lesquels
il serait intervenu, à défaut de quoi ce dernier reste seul chargé
envers eux des indemnités leur revenant. Les autres intéressés
�DU DOMAINE PUBLIC.
415
sont tenus de se faire connaître au poursuivant dans le même
délai de huitaine, à défaut de quoi ils sont déchus de tous
droits à l'indemnité. Quant aux créanciers ayant des priviléges et
hypothèques conventionnelles, légales ou judiciaires, ils doivent,
• à peine de déchéance, les inscrire dans la quinzaine de la transcription.
Lorsque tous les intéressés sont connus ,.le poursuivant leur
notifie des offres qui sout en outre affichées et publiées, et en cas
de non acceptation', le jury prononce des indemnités distinctes
cn faveur des parties qui les réclament à titres différents. Les
créanciers qui se sont inscrits ne peuvent pas surenchérir, ils
ont seulement la faculté d'exiger que dans leur intérêt l'indemnité soit réglée par le jury..
Dans le cas qui nous occupe, il n'en sera pas de même; le
propriétaire contre lequel l'action est intentée, n'est pas tenu
de faire connaître les autres ayant-droit, tels qu'usufruitiers,
usagers, fermiers, créanciers de servitudes, etc., et aucune
déchéance n'est prononcée contre eux faute de se présenter.
Toutes les parties restent sous l'empire du droit commun, et
c'est au demandeur à rechercher les possesseurs de droits réels à
l'effet de diriger contre eux son action, faute de quoi il restera
exposé à une tierce-opposition de leur part.
Lorsqu'ils seront tous en cause, nous pensons que le tribunal devra statuer à leur égard comme le ferait un jury d'expropriation, et par suite devra appliquer Tart. 39 de la loi du 3
mai 1841, ainsi con15u: « Lejury prononce des indemnités dis» tinctes en faveur des parties qui les réclament à des titres dif" férents, comme propriÉtaires, fermiers, locataires, usagers
» et autres intéressés dont il est parlé à l'art. 21 (c'est-à-dire
" créanciers de servitudes). - Dans le cas d'usufruit, une seule
" indemnité est fixée par le jury, eu égard 11 la valeur totale de
» l'immeuble; le nu-propriétaire et l'usufruitier exercent leurs
" droits sur le montant de l'indemnité, au lieu de l'exercer sur
" la chose. L'usufruitier sera tenu de donner caution; les père
" et mère ayant J'usufruit légal des biens de leurs enfants en
» seront seuls dispell8és. - Lorsqu'il y a litige sur le fond du
�416
mAlTÉ
.. droit 'ou sur la qualité des réclamants! et toute~ les fois qu'il
» s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de
» l'indemnité, le jury règle l'indemnité indépendamment de
» ces litiges et difficultés, sur lesquelles les parties sont renvoyées
» à se pourvoir devant qui de droit. »
•
Mais comment devra-t-on procéder dans le cas où le fonds
assujetti sera grevé d'hypothèques? le demandeur devra-t-il assigner tous les créancier~? On ne le pense pas à raison des frais
énormes qüi en résulteraient dans certains cas.
Les créanciers pourraient sa.ns doute intervenir dàns l'instance
s'lis le jugeaient convenable, à l'effet de faire fixer l'indemnité
contradictoirement avec eux et statuer sur les mesures propres à
en empêcher le divertissement à leur préjudice; mais c'est là une
faculté dont ils ne sont pas tenus d'user à peine de déchéance, et
que, par ce motif, ils n'exerceront pas dans la plupart des cas.
Le propriétai~e irrigant ne pourra pas, d'un autre côté,
leur faire faire notifier son titre avec offre de leur payer l'indemnité conformément aux art. 2183 et 2184 du Cod. civ.; il
aura bieh la faculté de le faire transcrire, ce qui, à notre avis,
empêchera les créanciers, ayant hypBthèques non inscrites; de
les inscrire utilement au préjudice de la concession de la servitude, 15 jours après la transcription; mais il ne pourra pas aller
plus loin et suivre la procédure de purge tout-à-fait impraticable lorsqu'il s'agit d'un genre de propriété 'essentiellement
accessoire, et qui ne peut être vendue isolément. 1\ On peut citer
" encore, dit M. Troplong, Traité des hypothèques, nO 777
» bis, comme échappant au droit de suite, la constitution d'un
" droit d'usage, d'habitation ou de servitude. La raison en est
Il que ces choses ne sont pas susceptibles d'expropriation forcée,
Il ce qui est la vraIe fin du droit de suite; l'acquéreur de semIl blables droits n'est donc pas tenu de les purger. Je suis étonné
» de voir une assertion contraire enseignée par MM. Delvin» court (tom. 3, pag. 172, nO lOl), Persil (sur l'art. 2166,
Il nO 5), et Dalloz (VO hypothèques, pag. 331). A quoi bon
» purger en eilet ce que le droit de suite est impuissant pour
» atteindre? et comment parvenir d'ailleurs à llUrger? Que fe-
�DU DOMAI.l\TE PUBLIC.
417
" ront les créanciers si on leur Ilotifie l'offre de payer entre
n leurs mains un prix insignifiant et vil? Auront-ils la ressource
" de la surenchère pour faire mettre en vente publique des ohjets
n qui n'en sont pas wscept~bles? A la vérité, les auteurs que j'ai
" cit~s proposent de faire fixer par experts la somme que le tiers
" acquéreur devrait'payer aux créanciers. MaiS la nécessité de
" recourir à ce moyen, qui répugne à tout le système hypo» thecaire, aurait dû prouver il ces écrivains qu'ils partaient
II d'une fausse 'idée.
"
Très-explicite et avec raison sur cette impOSSibilité , le -savant jurisconsulte que nous venons de citer est absolument muet
sur les conséquences qui en résultent. Entend-il, comme le commencement de son paragraphe semblerait l'insinuer, que le propriétaire du fonds hypothéqué pourra impunément le grever Je
servitudes, et qu'à raison de ce que ce démembrement de là pr~
priété n'est pas de sa nature susceptible du droit de suite, ilY
échappera, c'est-à-dire que le créancier sera privé de cette partie
de son gage, comme il l'est ; lorsque des objets mobiliers, immobilisés par leur destination ct hypothéqués en cette qualité,
viennent à être détachés du fonds et vendus séparément. Nous
ne saurions admettre cette opinion 'qui serait destructive de
notre système hypothécaire. Si la constitution de la servitude
a précédé celle de l'hypothèque et que la date soit certaine,
le créancier qui n'a acquis de gage que sur un immeuble déprécié
ne peut le fai;e vendre qtte sous la charge qui le grève , et s'il
en tésulte une perte dans le prix, il ne peut s'en plaindre puisqu'il n'a pas été trompé; mais si au contraire la servitude n'a
été ~tablie qu'après l'hypothèque, comme le débiteur n'a pu ni
directement ni indirectement diminuer la valeur du fonds affecté,
il nous paraît hors de doute que le créancier aura le droit de le
faire vendre franc et quitte de cètte charge il son égard. Nous ne
pensons pas que les tribunaux, comme l'enseignent certains auteurs, aient à examiner si la servitude est de nature ou non à diminuer la valeur de l'immeuble et peut avoir une influence fâcheuse sur le prix; personne ne le sait à l'avance, car telle
TOM:. IV.
ri'
�418
TRAITÉ
charge (lui ne paraît rien 11 l'un peut sembler très-onéreuse à d'au~
tt'es. Nous n'admettons pas da "antage et pal' des motifs analogues le moyen proposé par le même jurisconsulte, M. Troplong
(nO 843 bis, Tr. des prescrip.), dans le cas de délaissement
d'un immeuble grevé de charges réelles par le tiers détenteur
et qui consiste à le vendre avec ses servitudes, sauf à accorder
au créancier hypothécaire un recours en indemnité contre celui
qui les possède, parce que « ce dernier, dit-il, n'a pu acquérir
» de droits préjudiciables aux inscriptions (argument de l'art.
» 2175). ))
Quoi qu'il en soit, comme toujours est-il que l'acquéreur
d'une servitude sur un immeuble déjà hypothéqué peut être exposé soit à une éviction, soit à une indemnité, nous ne pensons
pas que le propriétaire qui veut user du bénéfice de la loi du
29 avril 1845 puisse être contraint à payer sur-le-champ l'indemnité du droit de passage des eaux lorsque le fonds sur lequel
doit s'exercer ce passage sera affecté de priviléges ou d'hypothèques. Il nous semble que dans ce cas le tribunal, après
avoir fixé le chiffre de la somme due, contradictoirement avec le
propriétaire, devra, conformément à l'art. 54 de la loi du 3 mai
1841 , en ordonner la consignation jusqu'à la production d'un
certificat cunstatant l'affranchissement de l'immeuhle, sauf aux
créanciers hypothécaires qui croiraient avoir été lésés par l'estimation à demander qu'elle soit faite de nouveau ilvec eux, ainsi
que l'art. 17, 3 e alinéa de la même loi, leur en accorde la faculté en' cas d'expropriation proprement dite; ce moyen remplacera pour eux le droit de surenchère dont ils sont privés par la
force des choses.
Sont exceptés de cette serrÎlude les maisons, cours, jardins,
parcs et enclos attenant aux hahitations.
Il exi!te déjà dans notre droit des dispositions analogues à
celle ci-dessus, et avec lesquelles il convient de la comparer.
L'art. 5, sect. 4, tit. 1 er de la loi du 6 octobre 1791, affranchit du parcours et de la vaine pâture les héritages clos, et l'ar~
ticle 6 ajoute: « L'héritage sera réputé clos lorsqu'il sera enIl touré d'un mur de quatre pieds (13 décim. ) de hauteur avec
�DU DOMAINE PUBLIC.
419
barrière ou porte, ou lorsqu'il sera exactement fermé et
" entouré de palissades ou de trèi1lages, ou d'une haie vive ou
» d'une haie sèche faite avec des pieux ou cordelée avec des
"Il branches, ou' de toute autre manière de faire les haies en
.. usage dans chaque localité, ou enfin d'un fossé de quatre pieds
.. (13 décim.) de large au moins à l'ouverture, et de deux pieds
.. (-65 cent.) de profondeur. "
L'art. 1er de la seèt. 5 du tit. 1er de la même loi dit qu'il
pourra être fait chaque année un ban de vendanges, u mais
» selllement pour les vignes non closes, » expressions que la
Cour de cassation par ses ar::,êts des 18 août 1827 (Sirey> 281-20), et 5 aont 1830 (S., 31.1-24), a étendues au cas où les
vignes appartenant à différents propriétaires, Ile sont point séparées les unes des autres par des clôtures particulières, bien
qu'elles soient comprises dans une clôture commune.
Selon l'art. 663 du Cod. civ., " chacun peut contraindre son
.. voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux construc" tions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs
.. maisons, cours et jardins assis èsdites villes et faubourgs ....•
.. Est réputé parc ou enclos, dit l'art. 391 du Code pénal, tout
.. terrain environné de fossés, de pieux, de claies, de planches,
.. de haies vives ou sèches, ou de murs de quelque espèce de
.. matériaux que ce soit, quelles que soient la hauteur, la pro.. fondeur, la vétusté, la dégradation de ces diverses clôtures,
» quand il n'y aurait pas de porte fermant à clefs ou autrement,
" ou quand la porte serait à claire voie et ouverte habituelle.. ment.»
L'art. 11 de la loi du 21 avril 1810 sur les mines porte:
" Nulle permission de recherches, ni concession de mines ne
» pourra, sans le consentement formel du propriétaire de la
.. surface, donner le droit de faire des sondes et d'ouyrir des
.. puits ou galeries, ni celui d'établir des machines on magasins
.. dans les enclos murés, cours ou jardins, ni da us les terrains
.. attenant aux habitations ou clôtures murées, dans la distance
.. de cent mètres desdites clôtures ou des habitations ...
Aux termes du n~ 2 de l'art. 223 du Code forestier, la prohiIl
�420
TRAITÉ
hilion de défricher lcs bois n'existe pas pour" les parcs ou jar\) dins clos et attenant aux habitations. Il' Cet article remplace
le 5 c de la loi du 9 floréal an XI sur le mêII!e ohjet, et qui comprenait c< les parcs ou jardins clos de murs, de haies ou fossés
» attenant à l'habitation principale. »
Enfin l'art. 2 de la loi du 3 mai 1844 sur la chasse déclare
que c< le propriétaire ou possesseur peut chasser ou faire chasser
» en tout temps, sans permis de chasse, dans ses possessions at» tenant à une habitation et entourées d'une clôture continue
» faisant obstacle à toute communication avec les héritages voi» sins; » dernières expressions qui sont encore répétées dans les
art. Il, nO 2, et 13. - La loi du 28·30 avril 1790, qui précédemment régissait la matière, accordait la même faculté au
propriétaire c< Jans celles de ses possessions qui sont séparées
» par des murs ou des haies vives d'avec les héritages d'autrui."
(Art. 13).
Voyons comment et dans quelles limites ces diverses disposi:"
tions peuvent être combinées et appliquées à l'espèce qui n'ous
occupe.
10 Par le mot maison il faut ici entendre toute constructian
non-seulement destinée au logement des hommes ou des animaux, mais aussi servant de magasin, d'atelier, de fabrique,
d'entrepôt, etc., quelle que soit son importance, /allature de ses
matériaux et son état de conservation et d'entretien. Cette expression n'est point prise dans le même sens que celle d'hahitations qui termine le paragraphe et qui ne s'applique qu'aux locaux habituellement occupés par les personnes. La raison de la
différence est sensible; quand il s'agit de faire passer un canal à
travers une construction, on la détruit nécessairement ou on y
cause un dommage ou une inconlmodité considérable, tandis
que le préjudice d'un semblable établissement dans la dépen«lance close d'un bâtiment n'est grave et appréciable que lorsque
ce bâtiment sert à l'habitation du propriétaire ou locataire, et
non lorsqu'il est seulement en nature de grange, d'étable, de
cuverie ou de magasin .
. 2 0 Par un arrêt du 11 mars 1836 (Sil'ey, 36-1-i23), la
�DU DOMAtNE PUBLIC.
421
Cour de cassation a décidé qu'un bois ne' peut être réputé parc
attenant à une habitation, et comme tel défriché, qu'autant qu'il
est l'accessoire de cette habitation;; que si au contraire l'habi~a
tion n'est que l'accessoire, comme si, par exemple, elle n'est destinée qu'à la garde ou à l'exploitation, alors le bois ne rentre
plus dans l'exception prévue par l'art. 223 du Cod. forestier.
Nous pensons que cette décision serait aussi applicable au cas
que nous examinons, parce qu'il faut s'attacher à la chose principale dont le sort ne doit pas être réglé par l'accessoire.
3° Les expressions finales du §: attenant aux habitations J
nous paraissent devoir se référer non-seulement à celle d'enclos
qui précède immédiatement, mais encore aux antécédentes cours J
jardins et parcs; « ce q'ui est à la fin d'une phrase, dit Pothier,
," Traité des ohlig., nO 102 , se rapporte ordinairement à toute la
'" phrase et non pas seulement à ce qui précède immédiatement,
" pourvu néanmoins que cette fin de phrase convienne en
» genre et en nombre à toute la phrase, " condition qùi se rencontre ici. Dès-lors, pour que des cours, jardins et parcs soient
affranchis du passage des eaux, il faudra qu'ils soient attenants
à une habitation, c'est-à-dire qu'ils forment la dépendance non
séparée par· une propriété étrangère publique ou privée d'un bâtiment habité par des personnes ou destiné à cette habitation.
4° Faut-il en outre que les cours et jardins soient clos pour
jouir de l'exemption? Nous ne le pensons pas. Le mot enclo; n'est
point un participe ou un adjectif se rapportant à ces désignations; c'est un substantif indiquant un objet particuHer, comme
le démontre la conjonction et qui le précède. Ainsi il importera
peu que les cours et jardins d'un bâtiment d'habitation soient
clos ou non, ils seront affranchis de la servitude daus les deux
cas, mais il faudra qu'ils aient incontestablement cette nature;
autrement, et si les terrains attenants étaient en bois, terres labourables, prés, vignes, ils ne jouiraient du bénéfice de
l'exemption qu'autant qu'ils rentreraient dans la catégorie des
parcs et enclos dont on parlera dans un instant; c'est ce qu'a
jugé, par application de l'art. 663 du Cod. civ., un arrêt de la
Cour de Limoges du 26 mai Ifl38 (Sù'ey J 38-2.139), et ce
�422
TRAITt:
qu'enseignent MM. Toullier, tom. 3, nO l65, Rolland Je Vil-.
largues, Rép., V Oclôture, nO 11 , et Solon, 1',.. des serpitudes,.
nO 210. Aq reste on devrait considérer comme cour un terrain
vague, de peu d'étendue, servant depas.sage ou de desserte et for•.
mant une dépendance intime de l'habitation. L'arrêt ci-dessus
de la Cour de Limoges et deux autres antérieurs de la Cour de
cassation des 27 novembre 1827 et 14 mai 1828 (Sirey, 28-1122 et 308) l'ont ainsi décidé avec beaucoup de raison. c< At» tendu, porte le dernier, que l'art. 663, Cod. civ., en parlant
l' des maisons, cours et jardins, comprend évidemment tout ce
II qui en forme une dépendance nécessaire; que dans l'espèce
» il s'agissait d'un terrain qualifié passage ou corridor apparte» nant au sieur Arnaud et par lui laissé pour communiquer
Il de son jardin dans la rue, sans traverser sa maison; que cet
l'espace de terrain formait néoessairement une dépendance (lU de
» la maison ou du jardin.dudit sieur Arnaud, et était par con" séquent soumis pour la clôture de séparation avec les bâtiJO ments, cour ou jardin du sieur Gaudin, aux dispositions de
" cet ~rticle 663; qu'en écartant l'action du sieur Gaudin,
" fondée sur cette disposition de la loi ,,la Cour royale de Hor1> deau]\:' a violé expressément ledit artil;1e. Casse. »
J-,orsque les terrains attenant :mx!habitations ne forment ~Ii
cours ni jardins, il faut, pour qu'ils rentrent dans l'exemption,
qu'ils constituent un parc ou un enclos, c'est-à-dire qu'ils soie~t
environnés d'une clôture; sous ce point de vue il y a pléonasme
entre les deux expressions, mais sous un autre elles présentent
une différence notable. Un enclos est toyt terrain enveloppé par
des murs, des haies, des palissades ou des fossés, quelle que soit
sa nature ou sa destination, qu'il soit en culture ou vague; le
mot de parc au contraire emporte une idée de grandeur et de
luxe; voici sa définition d'après le Dictionnaire de l'Académie:
fi Grande étendue de terre entourée de murs, ou de fossés, ou
» de pieux, ou de haies pour conserver les bois dont elle est
» plantée, et pour réserver au propriétaire le plaisir de la chasse
Il ou la liberté de la promenade. " Ce ne seront doue pas seulement les vastes et somptueuses dépendances des châteaux: et
�DU DOMAINE .PUIlLlC.
423
maisons de plaisance qui seront affranchies de la servitude;
l'exemption devra être également prononcée pour les terres labourables , vignes, prairies, chantiers, entrepôts, lieux de pâturage pour les bestiaux, etc., rattachés par dcs clôtures à une
habitation. En un mot, il suffira que le terrain plus ou moins
étendu soit clos.
Dans le cas où la clôture, au lieu d'être spéciale au terrain
attenant à une habitation sur lequel on voudrait faire passer lcs
eame, serait commune à plusieurs, propriétés distinctes faisant
partie d'un seul clos et non séparées entre elles, il faudrait, à
notre avis, distinguer entre le cas où la propriété à irriguer et
celle à traverser dépendraient toutes deux du clos, et celui où la
première 'se trouverait en dehors.
Dans l'un, le passage pourrait être exigé parce qu'il n'y aurait réellement point de clôture séparative des deux héritages;
mais il en serait autrement dans le second par la raison inverse.
La même distinction ne pouvait être admise par la Cour de cassation dans ses arrêts ci-dessus rappelés, page 419, 1er alinéa,
en ce qui concerne le ban de vendange, par le ~otif que la faveur résultant de la clôture générale aurait nui aux propriétaires des autres parties du clos non séparées, tandis qu'ici elle
ne leur cause aucun préjudice, et que ceux-ci n'ont dès-lors
aucun intérêt à empêcher que l'un d'eux ne l'invoque pour sa
portion vis-à-VIS un tiers.
Mais quelle espèce de clôture devra être exigée? Faudra-t-il
qu'elle ait les caractères déterminés par la loi du 6 octobre 1791
pour le pâturage, ou par celle du 3 mai 1844 sur la chasse,
ou suffira-t-il qu'elle rentre dans la définition donnée par l'art.
391 du Code pénal? N ons ne croyons pas que ceUe dernière,
établie d'une manière très-large en haine des voleurs, puisse
être appliquée à notre espèce où le demandeur en irrigation revendique un droit qui lui est accordé par la loi dans l'intérêt
général de l'agriculture; selon nous, il ne suffira pas d'une
clôture fictive consistant plus dans l'intention que dans le fait,
mais il faudra une clôture réelle que le propriétaire ait un
véritable intérêt à ne point voir franchir par des tiers. Au sur-
�424
TRAITÉ
plus sur ce point, ainsi que sur celui de savoir ce qui constitue
une cour et lin jardin, ~ne maison et UIle habitation, les tribl1naux sont investis d'Un pouvoir d'appréciatiÇlll auquel il est
impossible d'assigner des limites dans l'ignorance des çit'con.,
stances du fait et des usages locaux. "
POlJI' juger ces q~estions ,il faut prendre les choses dans l'état
où elles sont au moment où l'action est intentée, sans égard a'1x
projets que le défendeur prétendrait avoir COIl(:ius et qui n'auraient pas encore reçu leur exécution, Autrement, et si on se
jetait dans le ch;lmp des éventualitép , on ne saurait jamais 1l
quoi s'en tenir. Pour qu'il y ait droit acquis, il faqt que le fait
se réunisse à l'intention, {IX facto jus oritur. Les magistrats ne
peuvent s'arrêter qu'à ce qui existe; in jure de eo quod non est
et quod non apparet idemjudicium.
Il y a plus, c'est que si dans la prévision d'une demande en
~tabli~sem"ent de la servitude, le défendeur se hâtait, sans autre
motif, de clore une pièce de terre joignant son habitation, le
juge, reconnaissapt la fraude tentée contre la disposition de la
loi, pourrait et devrait même la déjouer en accordant nonobstant, le droit de passage. C'est ainsi qu'en matière de défrichement de bois, les tribu'tIaux ont condamné à l'amende et à la
repl:lI~tation des propriétaires qui a vaicnt établi des clôturf's et
de& habitations dans leurs forêts pour les arracher sans autori.sation. La fraude vicie tous les actes et les faits où eUe s'insinue,
et leur elllève leur v;lleur et leur puissance,
PASSqNS actuellement à l'examen de l'article 2.
La" disposition qu'il contient est le corrélatif et la conséquence
forcée de celle de l'art. 1or. Autoriser à amimer les eaux sur un
fonds sans fournil' les moyens de les en faire écouler, ç'eût été,
d'une part ,priver de leur usage d'autres propriétaires à qui elles
peuvent être utiles, et, d'un autre côté, sOlIvent convertir en
marais une terre qui, pour être fertilisée, n'a besoin que d'une
irrigation modérée et intermittente. Les plantes fourragères ne
croissent bien que sous l'intLuence d'une alternative de chaleur
~t d'humidité; ia permanence de celle-ci altère leurs qualités et
�DU DOMillŒ PUBLIC.
425
substitue aux espèces savoureuses et nutritives d'autres aquatiques souveut pernicieuses pour le bétail. La relation entre ces
deux articles est donc tellement intime que, selon nous, il eût
été plus rationnel de les réunir en ajoutant après le mot pourra
du 1er , ceux-ci, pour leur dérùJauon et pour leur écoulement,
qui eussent embrassé les deux cas el leur eussent rendu communes les deux dispositions finales relatives à l'indemnilé et à
l'exception pour les maisons, cours, elc. 1 dont une seule a été
répétée textuellement dans le 2" article.
Cet article, du reste. confirme ce que nous avons dit en expliqll!lnl le 1er , savoir: que la loi nouvelle ne saurait êlre applicable aux eaux des rivières non navigables ni flouables, puisque
pour celles-ci elles doivenlnécessairement êlre rendues à la sorlie
du fonds qu'elles traversent, et que dès·lors il ne peut être question de s'occuper des moyens de les faire passer par les héritages
d'autrui. La discussion qui s'est élevée à la séance du 13 février (Mon., pag. 327), entre un député et le rapporteur, ne
peut laisser aucun doute à cet égard. « L'art. 644, Cod. civ.,
" disait M. Durand de Romorantin, porte que le propriétaire
" qui se servira des eaux: bordant ou traversant sa propriété pour
)) irriguer ses champs, devra les rendre ensuite à leur cours
" naturel. Je ne vois rien de semblable dans la disposition qui
" vous est soumise. Je demande si, dans l'intention de la com" mission, on doit déroger à la disposition de l'article 644? II
« La disposition soumise à la Chambre, répondit M. le
Il Rapporteur, ne porle aucune atteinte à l'art. 644. Cet article
)) renferme deux dispositions distinctes: l'une qui accorde au
" propriétaire, donll'héritage est traversé par une eau courante,
" le droit de s'en servir, non-seulement pour les besoins de l'a" griculture, mais encore pour les besoins de l'industrie, à la
" charge de les rendre à leur cours primitif; l'autre qui est rela.
" tive au propriétaire dont le champ est, non pas traversé, mais
" bordé par une eau courante. Dans ce cas il peut prendre
" l'eau, mais seulement pour l'irrigation de sa propriété. Notre
" proposition, en créant le droit de passage pour les eaux, n'ap,t) porte aucune modification allX dispositions de l'art. 644 sur
�426
TnAIT{~
l'obligation de rendre les eaux, qui est imposée au propriétaire dont l'héritage est traversé par elles. )) Dès-lors la loi
nouvelle laisse cômplétement intacts et les mêmes qu'auparavant
les rapports de riverain à riverain, d'irrigant à usinier. Sans.
effet quant au droit de dériver les eaux et quant à l'obligation
de les rendre, elle n'accorde que la faculté d'établir un canal ou
aqueduc de passage à travers une propriété; elle n'a que la force
et la portée d'une convention privée, permettant à celui qui a.
des eaux à sa disposition de les faire passer dans un fonds intermédiaire pour les diriger sur un héritage situé au-delà. Or, de
m~mequ'en vertu du contrat le plus positif passé avec des voisins
ne joignant pas la rivière, on n'aurait pu, sous l'e~lpire du Code
civil, prendre des eaux dans cette rivière pour les conduire soit
chez ces voisins, soit plus loin, ou bien ne les rendre qu'après
qu'elles auraient traversé plusieurs héritages ell aval, de mê~e
on ne pourra pas davantage, à l'aide de la loi nouvelle, porter·
l'irrigation sur des propriétés qui n'y auraient pas droit en vertu
des dispositions de la loi commune. Tout ce qui a été dit de
contraire dans la discussion à la Chambre des députés, même
par d'habiles jurisconsultes, tels que MM. Dalloz et Gillon,.
tombe devant cette intention évidente et hautement avouée des
législateurs, qu'il~ n'ont rien voulu changer au droit commun.
Nous trouvons ici un exemple frappant du danger qu'il yauraill
à vouloir interpréter les lois par l'opinion isolée de quelques1lIlS des membres qui ont pris part à leur rédaction. Avec notre
système législatif acluel on ne peut découvrir l'.esprit de la loi
que dans l'ensemble de la discussion.
La corrélation qui existe entre les deux premiers articles de·
la loi et la presque identité des termes de leur rédaction abrège
singulièrement l'explication que nous avons à donner du second; cependant quelques remarques spéciales seront encore·
nécessaires.
Les propriétaires des fonds inférieurs. Le projet portait le
propriétaire du fonds inférieur; on ne voit pas dans le compte
rendu par le Moniteur de la séance du 13 février 1845, page
328, où la discussion de cet article a eu lieu, comment la sub»
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
427
stitution du pluriel au singulier a été faite; mais toujours est-il
que c'est ,avec beaucoup de raison, par!:e que pour rendre à la
rivière voisine les eau;x: d'écoulement, ou, comme le disen~ certains auteurs, les eaux de colature (de l'italien colatura, écou~
lement), on sera sauveut obligé de traverser plusieurs hérit;\ges
sur chacun desquels devra peser la méme servitude.
Des finds inférieurs; ce sera sans doute en général par les
fonds les plus bas, par ceux situés précisément dans le thalweg
que l'écoulement devra s'opérer; cependant nous croyons que
cette règle n'est pas absolue, et que les tribunaux pourront, e.n
considération de la nature'et dt} la valeur des terrains, de la difficulté des travaux, de la différence des distances à parcourir, de.
l'utilité que certains propriétaires retireraient des eaux, leur assigner un autre passage, par exemple sur le flanc du côteau. ;Le
pouvoir discrétionnaire dont les investit l'art. 4 nous pariolît leur
laisser toute latitude à cet égard.
A la différence de ce qui a lieu pour les eaux de dérivation.
dont il est interdit aux propriétaires traversés de pro1i~er, celles.
d'écoulement ou de colature pourront étre utitisées pal' les
maîtres des fonds assujettis à les recevoir. La raison qui a fail
prohiber l'usage des unes, savoir l'intérêt qu'a celui qui vel,lt
irriguer son fonds à en user seul, n'existe pas relativement aux:
autres qui lui sont désormais inutiles, et dont la valeur viendra
au contraire en déduction de l'indemnité à sa charge. Cepen~
d;mt s'il démontrait qu'il peut encore en retirer un avantage
même après qu'elles sont sorties de son terrain, par exemple
en'les cédant à un propriétaire plus éloigné, comme il en est
exclusivement maître, on ne pourrait, contre son gré, l'en
priver pour les attribuer à d'autres personnes qui n'y ont aucun
droit. On devrait, à notre avis, le décider de la sorte, lors méme
que le propriétaire en aval offrirait de lui en payer la valeur,
parce que nul ne peut être contraint de céder sa chose quoiqu'à,
son véritable prix, à moins que ce ne soit pour cause d'utilité
publique. Le fonds inférieur est ici le fonds servant, et SOlI
propriétaire, obligé de souffrir seulement, n'a aucun droit actif
dont il puisse revendiquer l'exercice. Comme on l'a dit plus
�:.\28
TRAITÉ-
haut, il ne serait fondé à se servii' des eaux qu'autan t que le
maître du fonds dominant n'aurait absolument aucun intérêt à
l'en empêcher, parce qu'alors il y aurait une méchanceté que la
loi ne doit point favoriser: Malitiis non est indulgendum j la
charité· voulant, au contraire, que nous fassions aux autres
tout ce qui peut leur être avantageux sans nous nuire.
Devront recevoir les eaux qui s'écouleront. C'est ici une servitude passive imposée par la loi, et qui diffère de celle naturelle
mentionnée en l'art. 640 du Code civ., en ce que: 1° l'une ne
peut être établie que moyennant indemnité lorsque l'autre est
gratuite; 2° les tribunaux ne peuvcnt affranchir de cette dernière
le propriétaire sur le fonds duquel les eaux prennent naturellement leur cours, tandis qu'ils ont la faculté, ainsi qu'on l'a expliqué précédemment, de refuser d'imposer la première, si'les
inconvénients qu'elle entraîne leur paraissent surpasser les avantages qui doivent en résulter; et 3° si, comme on'l'a dit ci-des.sus, ils nc sont pas obligés de fixer toujours par les héritages
situés au niveau le plus bas l'écoulement des eaux d'irrigation,
il en est autrement- pour les eaux naturelles. La raison de ces
différences consiste en ce que la servitude de l'art. 640 est·établie par la force des choses et non par la volonté du jugc qui
11'intervient que pour reconnaître le point où la -nature a fixé
elle-même qu'elle serait exercée, et pour lever les obstacles artificiels qui seraient apportés il son exercice, tandis que celle autorisée par la loi nouvelle dépend uniquement de la ,'olonté des
tribunaux, maîtres de l'àccorder ou de la refuser en vue de l'intérêt général ou privé.
Recevoir. Cette expression empruntée à l'art. 640 du Code
cIv. , où elle est parfaitement exacte, est loin d'être aussi juste
dans la disposition qui nous occupe, surtout étant suivie des mot-s
qui s'écouleront. En fait d'eaux naturelles, le maître du fonds
duquel eUes s'écoulent n'a rien à faire vis-à-vis du propriétaire
inférieur: il doit les lui transmettre telles que la nature les lui
envoie, soit réunies en ruisseau, soit répandues en nappes ou filets,
sur la totalité de la surface; dans tous les cas celui-ci doit les recevoir, sauf à kIi à les ;.\méllager ou à les diriger sur son héritage
�bu DOMAINE PUBLIC.
429
dc la manière là moins nuisible, s'il le juge convenable. Il en
est autrement par rapport aux eaux artificiellement dérivées.
Obligé de les amener chez lui par un callal ou aqueduc
unique pratiqué dans les fonds supérieurs, ce sera de la
même manière que le propriétaire ir~igant devra leur procurel' un passage à travers les propriétés inférieures. Il ne pourra
évidemment pa.s, même en offrant une indemnité, les faire déverser par mille filets sur ces dernières. Il devra, au bas de son
héritage, les recueillir dans un fossé ou à l'aide d'tine digue et,
de là sur une ligne qui lui sera désignée, les diriger vers la rivière ~u vers tout .autr~ lieu d'absorption en se procurant le
passage et en creusant la rigole sur toute la longueur du parcours. Autrement il en résulterait d'une part qu'au détriment
de l'agri'culture et de la salubrité publique, on inonderait et on
rendrait improductif un fonds si le propriétaire avide et insouciant, comme ne le sont que trop souvent les habitants de la
campagne, employait à tout autre usage qu'à se débarrasser des
eaux l'indemni'té qu'il aurait reçue à cet effet; cn second lieu;
on mettrait ce propriétaire inférieur, s'il était diligent, dans la
nécessité de faire des travaux pour l'exercice de la servitude;
ce qui ·est contraire aux principes d'après lesquels le maître du
fonds servant n'est jamais tenu de faire, mais seulement de souffrir, S6rvz'tzitum nonea natura est, ut aliquid faciat quis sed
ut aliquid patiatur aut non facial, L. 15, § 1, ff. de servit.,
lib. 8, til. 1 et L. 6, if. si serllit. vindic., lib. 8, tit. 5 et art.
698 du Cod. civ. Enfin, et ce qui ne répugne pas moins à sa
position, on lui imposerait la charge ·de P:Jyerà son tour une
indemnité au propriétaire au-dessous de lui :\ raison des eaux
passant de son fonds sur celui de ce dernier. Au lieu du mot
recel/oir, le Ugislateur aurait dû employer ceux de obtenir le
passage, insérés dans l'art. 1 0r •
Des terrains ainsi arrosés. Ccci nous démontte que ce second
article n'a exactement que la portée du premier.
Les eaux dont on peut avoir à se débarrasser sont de quatre
espèces: 1 0 celles naturelles sortant du fonds ou des fonds supérieurs et s'écoulant naturellement par le seul effet de la pente
�430
du sol; 2° celles amenées sur le fonds pour son irrigation cri
vertu de l'art. 1 er ; 3° celles qui y sont dérivées pour l'utilité
d'une usine, d'uné manufacture ou autre entreprise industrielle, ou qui y sont produites par l'existence de ces usines où
manufactures; 4° enfin celles naturelles ou artificielles auxquelles ne serait pas applicable l'art. 640, parce que la main
de l'homme aurait contribué à leur production ou serait nécessaire pour leur procurer un écoulement.
Les premières sont régies par l'art: 640 du CotI'. civ.; notre
article statue limitativement sur les secondes; l'art. 3 pourvoit
à l'écoulement des dernières; quant ame troisièmes, elles sont
restées en dehors de la prévision du législateur, en sorte que
nul autre moyen qu'une convention amiable ne peut autoriser
à les faire écouler à travers le fonds d'autrui. Nous reviendrons
sur ce point en examinant l'arl. 3.
Quoique les mots ainsi arrosés signifient littéralement arrosé~
en vertu de l'art. 1er , il Ile faut pas en induire qu'il soit indispebsable que l'on ait fait usage de cet article; il suffit qu'il s'a·
gisse d'eaux d'irrigation de quelque manière que l'on se les
soit procurées. Ainsi le propriétaire riverain qui aura conduit
les eaux dans une partie éloignée et basse de son fonds en passant seulement sur le surplus et dès-lors sans avoir été dansle
cas de se prévaloir de l'art. 1er , ne sera pas moins fondé à demander pour leur écoulement un passage sur l'héritage voisin
s'il ne peut les rendre par le sien à leur cours naturel.
, Il en sera de même s'il a obtenli la dérivation des eaux néees·
saires à l'irrigation soit au moyen d'une permission gratuite, soit
par acquisition amiable, soit en vertu de la prescription ou de
la destination du père de famille.
Au reste, dans ces cas les tribunaux auront, ainsi que nous
l'avons dit en ce qui concerne la dérivation, suprà, pag. 375,
dernier alinéa, le droit et le devoir d'examiner si celui qui veut
faire passer les eaux de colature est fondé à en disposer comme
il prétend le faire, car les servitudes graves autorisées par les
articles 1 et 2 de notre loi ne doivent être imposées que lorsque
le droit à l'usage des eaux est préexistant et légitimement établi.
�DU nO!llAINE PUBLIC.
431'
Il ne sulhrait pas d'une jouissalll~e précaire et incertaine, et les
propriétaires dont on voudrait traverser les fonds seraient certai~
nement recevables à contester le droit et par suite à refuser le
passage. Les tribunaux sont investis d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et il,s peuvent en user même sans ordonner
le mis en cause des autres intéressés.
Cependant si la concession émanait de l'autorité ndministrative, par exemple dans le cas où la prise d'eau devrait avoir
"lieu dans une rivière navigable ou flottaJ)le, leur pouvoir n'irait
pas jusqu'à en apprécier le mérite, pnrce que c'est une règle de
notre droit public que l'autorité judiciaire ne peut contrôler les
actes du pouvoir administratif et lé'ur refuser C'xécution. Dans ce
tas il ne pourrait y avoir recours qu'aux supérieurs dans l'ordre
hiérarchiquè de l'administrateur qui aurait fait la concession.
On a dit ci-dessus, au commencement de la page 394, que
celui qui voudra se proeurer l'irrigation, ne pourra obtenir le
droit .qe faire passer les eaux qui lui sont nécessaires par un
canal déjà établi dans le fonds intermédiaire. II en sera autre~
ment de celles d'écoulement du superflu après l'irrigation opé~
rée. La raison de la différence vient de ce que ces dernières lui
sont désormais inutiles, et que les inconvénients de la commu~
nauté qUé l'on redoutait dans le premier cas, ne peuvent plus
se présenter ici. Cependant si le propriétaire du canal établissait
que ces eaux peuvent lui être nuisibles, soit parce qù'elles alt~
reraient ln pureté des siennes, soit parce qu'elles l'exposeraient à
des inondations, soit parce qu'elles donneraient lieu à des réparations ou à des curages plus fréquents, il serait fondé à s'opposer à ce qu'elles lui fussent envoyées.
Sauf l'indenmité qui pourra leur lire due. Quoique le mot
préalable ne soit pas ici répété, on ne peut pas douter que l'indemnité ne doive être acquittée avant le commencement des travaux comme lorsqu'il s'agit du canal de dérivation. Les motifs
sont absolument les mêmes.
Qui pourra. Cette expression est moins impérative que celles
de à la charge, de l'article 1er. Elle ne signifie cependant pas que
les tribunaux pourront à leur gré accorder ou refuser l'indem~
�432
TRAITÉ
nité lorsqu'il y aura dommage; elle a été seulement employée
pour le cas où l'écoulement ne causerait aucun préjudice, par
exemple, si l'eau était immédiatement reçue dans un canal déjà
établi qu'elle ne dégraderait point, olt si elle était jetée sur des
terres qu'elle fertiliserait.
A la différence des eaux de dérivation dont les propriétaires
traversés ne pourront demander à partager l'usage et le bénéfice, celles de colature ou d'écoulement pourront être utilisées
par les mattres des héritages qui les reçoivent, soit pour l'agriculture, soit pour l'industrie, soit même pour le simple agrément.
C'est un principe d'équité et de charité que nous devons permettre a)-lxaulres ce qui leur est avantageux sans qu'il en résulte de préjudice pour nous. Quod mihi prodest > nec ti6i nocet,
facilè concedendum. Il n'en serait autrement qu'aut\lnt qu'après
les avoir employées à l'irrigation d'un premier fonds, le propriétaire qui les aurait dérivées voudrait encore s'en servir sur
un second héritage en aval, mais ce ne serait pas même là une
exception à notre principe, en ce que, entre les deux fonÙs, l'eart
devrait être considérée moins comme eau de colature que comme
enu d'irrigation.
Si les propriétaires intérieurs peuvent utiliser les eaux d'écoulement, ceUe .circonstance devra, aux termes de l'art. 51 de la
loi du 3 mai 1841 sur l'expropriation, être prise en considération lors du réglement de l'indemnité j dans certains cas même elle
pourra produire une compensation complète, et c'est àceUe hypo..
thèse entre autres que fait allusionle·mot pourra de notre article.
Mais si les avantages des eaux d'écoulement dépassaient de
beaucoup les inconvénients, celui qui les aurait amenées pour"
rait-il exiger des propriétaires dont les fonds s'en trouveraient
améliorés une indemnité?
Pour l'affirmative, on peut dire que le propriétaire qui envoÎe
les eaux de colature, étant assujetti à une indemuité lorsqu'elles
sont nuisibles, devrait, par réciprocité, être en droit d'en exiger
à son profit lorsqu'au contraire elles présentent des avantages;
que l'on Ile cause aucun préjudice au propriétaire des héritages
améliorés cn reprenant une partie du bénéfice qu'on leur \:11'0-
�DU DOMAINE PUBUC.
433
cure, et qu'enfin, en décidant que lorsque par suite de travaux
entrepris par l'Etat des propriétés privées auront acquis une
notable augmentation de valeur, ces propriétés pourront être
chargées de payel' une indemnité jusqu'à concurrence de la
moitié des avantages qu'elles auront acquis, l'art. 30 de la loi
du 16 septembre 1807 a posé un principe génér.al d'équité appllcable à toutes les circonstances analogues.
\
Nonobstant ces raisons, nous ne pensons pas que l'on puisse
aller jusque-là. En effet: 1° le principe de réciprocité invoqué
ne reçoit d'application que dans les conventions qui sont le résultat de la volonté libre et simultanée des deux parties, mais
non lorsqu'une d'elles agissant dans son seul inférêt et en vertu
d'un droit qu'elle ne peut être contrainte d'exercer, procure accesso'irement un avantage à l'autre; 2° la ~estion spontanée de
la chose d'autrui, lorsqu'elle a eu lieu utilemeht, donne bien au
negotiorum gestor une action pour se faire rembourser des dépenses qu'il a faites, mais ne lui confère certainement pas le
droit d'entrer, avec le maître de la chose, en partage des hénéfices qu'il lui a procurés. Ici le propriétaire itrigant ne pourrait
pas même exiger le remboursement d'ulle partie des frais de l'opération, parce que c'est dans son propre intérêt qu'il les a faits,
,et que la circonstanèe qu'ils profitent en même Lemps à un autre
)l'en a pas angmenté le chiffre; 3° l'art. 30 de la loi de 1807 dont
l'administration a rarement fait usage, et que l'on soutient d'ailJeurs avoir été ahrogé par l'art. 51 de la loi du :{ mai 1841, est
,spécial aux travaux d'utilité publique entrepris par l'Etat, et
son application ne saurait être réclamée par un simple particulier qui, n'agissant que dans son intérêt personnel, a, accidentellement et indépendamment de sa volonté, procuré un avantage
à des tiers; 4° enfin quelle qiIe soit l'amélioration produite par
la dérivation des eaux, le propriétaire qui ne l'a point demandée
ne peut être tenu d'en payer la valenr, parce que par là il se
trouverait sous le poids d'une dcue qu'il n'a ni contractéc ni
voulu contracter, et pour l'<lcquittemeut de laquelle il pourrait
lie pas avoir de ressources sullisantes. CeUe considération qui a
TOM. IV.
�TRAITÉ
dicté les 3rt. 599, 2e alin., et 1618 du Code civ., nous parait
il elle seule péremptoire.
Dans le cas où les fonds environnant celui qu'on veut irriguer sernient à un niveau ou dans une situation tels qu'il y au·
rait impossibilité de les débarrasser des eaux de colature qui y
seraient envoyées, pourrait-on toujours, moyennant une indemnité suffisante, contraindre les propriétaires de ces fonds à les
recevoir?
La négative est incontestable. Quelle que soit la différence de
valeur des fonds, aucune préférence ne peut être accordée à l'un
sur l'autre lorsqu'elle aurait pour effct d'anéantir celui-ci et de
le. rendre tout-à-fait improductif. Si la loi a soumis l'héritage
inférieur à la charge de recevoir les eaux s'écoulant de celui
qui est ~upérieur, d'un côté, ce n'est point l'expropriation'du sol
même qu'elle a autorisée, ou, ce qui revient au même, son chan.
gement complet, intégral 'et perpétuel de nature; et, d'un autre
côté, ce n'est que la servitude de passage ou d'aqueduc par un
point déterminé et restreint qu'elle a entendu créer, et non celle
d'inondation de tout ou partie de la superficie. Dans l'hypothèse
prévue, les tribunaux devraient refuser le droit ~'iI'rigation.
Il ne pourrait y avoir d'exception qu'autant que l'héritage inférieur serait déjà en nature de marais ou d'étang, parce qu'alors
011 ne le dénaturerait pas, et qu'on ne lui causerait aucun dom.
mage.
Ainsi qu'on l'a expliqué sous l'art. 1er, l'obligation d'indemniser emporte Bon-seulement celle de payer d'avance la valeur
du préjudice actuellement causé, mais aussi celle de garantir des
dommages futurs et éventuels, comme aussi d'exécuter les curages' et réparations nécessaires au canal ou à l'aqueduc.
Ces dernières charges devront être supportées exclusivement
par le propriétaire irrigant, si, après la sortie de son fonds, l'eau
n'est pas utilisée par ceux qui la rec;.oivent; dans le cas contraire,
elles devront être réparties entre les uns et les autres dans la
proportion de l'avantage qu'ils en retirent respectivement. Si le
canal de fuite servait en même temps à l'écoulement des caux de
plusieurs propriétés, les frais d'entretien, de réparation et de
�DU DOMAINE PUBLIC.
435
curage devraient ~tre à la charge commune des intéressés, à partir du point où ils s'en servent: c'est ce qu'enseigne inftà,
n· 1640, M. Proudhon pour les canaux d'assainissement des
maraIs.
Dans le projet de la commission notre art. 2 se terminait ainsi :
« A la charge d'une juste et préalable indemnité à raison du préI! judice que lui causerait cette aggravation de la servitude étaI! blie par l'art. 640du Cod. civ. "Lors de la discussion, ces dernières expressions ont été retranchées avec beaucoup de raison,
parce que le droit dont il s'agit ici est une 5ervitude toute nouvelle et non pas simplement une extension de la servitude naturelle
consacrée par l'art. 640, Cod. civ., ainsi que le supposait à tort
cette première rédaction.
/
Seront également exceptés de cette servitude, etc. Cette disposition n'ét~ que la reproduction littérale du 2C alinéa de
l'art. 1cr, les observations faites sur celui-ci sont ici entièrement
applicables.
COMME on l'a annoncé au commencement de cette note,
page 365, l'explication des trois derniers articles de la loi du
29 avril 1845 sera présentée plus bas; savoir:
Du 3· statuant en général sur l'écoulement de toutes les eaux
nuisibles autres que celles provenant d'irrigation, sous le nO 1583
qui traite du desséchement des marais;
Et des 4· et5C relatifs à la compétence et à la manière de procéder, sous le nO 1519, où sont résumées les attributions des
tribunaux civils de première instance en fait d'irrigation et de
petits cours d'eau.
La division méthodique adoptée par M. Proudhon nous a
forcé à scinder ainsi le commentaire de cette loi dont l'art. 3 ne
se rapporte, d'ailleurs, en aucune manière au titre un peu ambitieux qui lui a été donné. Au lieu de loi sur les irrigations, on
aur3it dû l'intituler seulement: Loi sur le passage des eaux
en cas d'enclave; ce qui eût mieux fait connaître son esprit et sa
porlée.
�TRAITÉ
CHAPITRE LXI.
De la compétence des autorités qui peüvertt être appelées à slaluer
sur les difficultés relatives aux ruisseaux ou cours d'eau
servant à l'irrigation.
1453. Les diverses autorités dont il s'agit ici
sont:
1 ° L'administration active, exerçant son pouvoir
l'églement:Jire sor les cours d'eau ~
2° Les conseils de préfeCIUl'e, investis d'nne juridiction exceptionnelle en certains cas;
3° Le tribunal de police correctionnelle, dans
cCl'laines circonstances;
4° Les tribunaux civils ordinaires.
SECTION P~MIÈRÈ.
Du pO"uIJoir réglementaire de l'administration, en ce qui concerne les cours d'eau en général, et spécialement ceux naturels d'irrigation.
Il Y a dans le pouvoir rfglementaire de l'admin'Istration, en ce qui a trait aüie. cours d'eau el à
J'irrigation des' terres, cinq choses principales il
considérer:
Le principe d'où dérive ce pouvoir;
Les autorités qui en sont revêtues;
Le bUI auquel il doit tendre;
Les objets qu'il embrasse;
.Elles règles qui doivent le diriger.
�DU DOMAINE PUBLIC.
4.31
H·5~.
1. Considéré dans sa SOURCE même, le
pouvoir réglementaire de l'administration publique
se rattache an principe constitutif du gouvernement, parce qu'il fait partie de l'action de gouverner.
Inutile de dire qu'au Roi appartient le droit de
faire des ordonnances réglementaires pour l'exé·
cution des lois: le Bulletin en offre à chaque page des exemples. Mais c'est surtout le régime des eaux.
qui est spécialement soumis à l'action de ce pouvOIr.
Aux tennes du chapitre 6 du décret du 12-20
août 1790, l'administration est spécialement chargée de procurer le libre cours des eaux, et de les
diriger vers un hut d'uûlité générale, d'après
les principes de Pirrigation. Or un tel devoir
ne peut lui être imposé qu'en l'accompagnant du
droit de prescrire toutes les mesures nécessaires à
son accomplissement: et de là nait le principe du
pouvoir réglementaire d<;>nt l'admi,nistration est revêtue cn celle matière.
C'est par application de ce principe primordial,
qu'aux terqles, soit de la loi du 5 janvier 1791, soit
de celle du 16 septembre 1807, l'administration
est chargée de pourvoir an desséchement des
maraIs;
Que, suivant l'art. 16, titre 2, de la loi du 6 octobre 1791, sur la police rurale, c'est génél'alement
à Padministration à fixer la hauteur des écluses des
moulins et usines construits ou à construire sur les
rivières ou ruisseaux;
�438
l'ltAITÉ
Que, d'après la loi du 14 floréal an XI, il doit
être pourvu, pal' les ordres de l'administration, et
aux frais des parties intéressées,all curage et à l'entretien des canaux et rivières non navigables;
c'est-à-dire des canaux d'irrigation comme de tous
autres qui, ne servant pas à la navigation intérieure,
ne son t poin t à la charge de l'état;
Qu'en exécution dç l'art. 4 de la loi du 23 pluviôse un XII, l'ad~ninistration pnbliqne est encore
ex.plicitement chargée de faire tous les réglements
nécessaires pour la construction, la direction des
canaux artificiels et la distribution des eaux d'irrIgatlon.
1455. Enfin, le pouvoir réglementaire dont il
s'agit ne pourrait appartenir à l'ordre judiciaire,
puisque les tribunaux n'ont le droit de statner que
snI' les iotér.1ts individuels des parties qui sont en
cause devant eux; que cc qui serait ou paraitrait
équitable pourlacallse particulière des nns pourrait
fort bien être injuste à l'égard des autres, et nécessiter envers ceux-ci un jugement tout différent: en
sorte qu'une série de jugements rendus, tantôt
..
• d' une autre, n ,opereraIt,
,
. au
d , une mamerc,
taolOt
lien d'un réglement unique, qu'une perturhation
dans les intérêts de la localité: il faut donc que le
pouvoir réglementaire appartienne à l'administration revêtue du d1'Oil de prononcer collectivement
sur les in térêts de tous.
Telles sont les dispositions législatives sur lesquelles est fondé le ponvoir réglementaire dont
�DU DOMAINE PUUle.
439
l'administration publique est revêtue, en ce qui
tient, soit à la direction générale des eaux, soit à la
police spéciale des ruisseaux ou canaux d'irrigation.
1456. II. Les AUTORITÉS REVÊTUES DE CE 1'0UVOIR RÉGLEMENTAIRE sont, suivant les circonstances, les préfets, le ministre de l'intérieur, et le
roi en son con-seil.
Les préfets sont, en général, les premiers organes du gouvernement auxquels doivent être
adressées les demandes ou réclamations qui peuvent être formées en pareil cas par les administrés;
ct toutes les fois qu'il ne s'agit que d'un simple réglement de cours d'eau pour servir à l'irrigation des
terres, surtout s'il n'y a pas de frais de construction
à imposer et à répartir par un rôle qui doive être
rendu exécutoire contre les intéressés, le préfet,
après avoir pris l'avis des ingénieurs, peut l'établir
définitivement, sauf néanmoins ,le recours au ministre del'intérieur de la part de ceux qui croiraient
avoir à s'en plaindre.
Ce point de compétence se trouve positivement
décrété par la disposition de lflloi du mois d'août
1790, citée plus haut, qui chargeait spécialement
les administrations centrales, aujourd'hui remplacées par les préfets, de procurer le libre cours
des eaux, et de les diriger vers un but d'utilité générale, d'après les principes de l'irrigation : d'où il résulte que ces fonctionnai.'es,
usant du pouvoir réglementaire qui leur est délégué, peuvent l'exercer non-seulement sur les sim-
�440
ULUlÉ
pIes ruisseaux d'irrigation, mais encore sur les petites rivières pal' des mesures propres à prévenil' les
inol1llalions, en procurant aux eaux un cours plus libre, et en fixant la hauteur des écluses d'usines et le
point de retenue des eaux; et telle est aussi la jurisprudence constante du conseil d'état (1).
1457. Ces arrêtés régie men taires rendus par les
préfets, quoique dèfinitifs, ne sont que comme des
jugements en premier ressort, contre lesquels il
ya lieu' à l'appel 011 au recours pardevant le ministre de l'intérieur; mais cet appel ne serait pas
recevable s'il était diréctement et omisso meàio
porlé au conseil: ce n'est qu'après avoir provoqué
la décision du ministre qu'on peut encore porter,
en dernier ordre, le recours au conseil d'Etat (2).
1458. Cette règle, qui doit être considérée
comme générale, souffre néanmoins une exception,
lorsqu'il s'agit d'un arrêté incompétemment rendu
par le préfet: alors on peut en demander l'annulation en s'adressant directement au conseil d'E.
t~t
(3),
(1) Il existe, à cet égard, un grand nombre de décisions de
_ce conseil, parmi lesquelles on peut voir les :lrrêts des 6 septembre et 22 novembre 1826, dans le recueil de MACAREL,
t: 8, p. 554 et 713, et celui du 18 juillet 1827, ·t. 9, p. 392.
(2) Il existe aussi sur ce point une foule d'arrêts du conseil, Voy. entre autres celui du 7 avril 1824, dans l\IAcAREL,
t. 6, p. 208.
(3) Voy. les arrêts des 18 janvier, 21 juin et 6 septembre
1826, dans le même auteur, t.8, p. 15,306 et 554,
�DU DOMAINE PUBLIC•.
441
1459. Du moment que les préfets peuvent statuer, par voie réglementaire, sur la direction des
cours d'eau, il s'ensuit que le ministre de l'intérieur, qui est, en celle partie, leur supérieur dans
la hiérarchie administrative, peut aussi dresser directement ces sOl'tes de réglements, lorsque le préfet s'est borné à lui exprimer un avis à ce sujet, ou
lorsqu'il juge convenable de réformer ou modifier le
réglement de celui-ci pour en établir un autre;
et sa décision, quoique définitive, n'est cependant
rendue que sauf recours au conseil d'Etat, comité
de l'in térieur (1).
1460. Lorsqu'il s'agit de grandes mesures à
prescrire sur les cours d'eau, telles que le curage
des petites rivières, l'élargissement et la rectification de leur lit, ou la construction de digues contre
les torren ts , c'est au Roi en son conseil à Jes ordonner (2), soit par rapport à leur importance majeure, soit parce qu'il ya de grands frais d'exécution à imposer et à répartir par un rôle ~ui doit être
rendu exécutoire contre les parties intéressées, ce
qui ne peut émaner que de l'autorité supérieure.
Il en est de même de la permission de' construire
des usines ou d'en moùifier d'anciennes: c'est
toujours du Roi qu'il faudrait l'obtenir, lors même
qu'il ne s'agirait que de l'usage d'un simple ruis..
(1) Voy. à ce sujet les arrêts immédiatement ci-dessus cités,
et celui du 22 janvier 1824, t. 6, p. 37.
(2) Voy. l'article 2 dc la loi du i 4 floréal an XI, et l'art. 3~
~e celle du 16 septembre 1807.
�442
TltAlTÉ
sean (1), parce que ces sortes d'établisse~ents se
rattachent à l'économie publique, et intéressent les
besoins et les ressources de la société.
Les permissions à cet égard qui ne seraient accordées que par le préfet ou par le ministre auraient
bien pour effet de rendre licite l'~xécution des premiers travaux, mais elles ne seraient toujoul's que.
provisoires, et ne pourraient devenir défini Lives que
par une ordonnance royale rendue en conseil d'Etat (2) : en sorte 'que jusque-là le propriétaire de
l'usine ne pourrait pas dire qu'elle eftt une existence légale.
1461. III. Le BUT auquel l'administration doit
tendre, ou la fin qu'elle doit se proposer en portant
un réglemelù sur cette matière, lui est positivement indiqué par la loi de 1790. L'administration,
y est-il dit, doit diriger, autant qu'il sera possible,
toutes les eaux du territoire vers un but d'utilité'
générale, d'après les principes de l'ilTigation :
c'est-à-dire qu'elle Ile doit agir et statuer que dans
l'intérêt collectif, et pour l'avantage général des
localités (3). Son réglement est la loi eu sous-ordre
(1) Voy. l'arrêt du conseil d'Etat du 22 décembre 1824, dans
le recueil de MACARJi;L, t. 6, p, 709, et aussi les nOS 570, 571,
1057 et 1118, in fine, avec les notes; suprà, tom. 3, pages 318,.
319,404 et 520.
(2) Voy., dans le même recueil, les arrêts ùu l or mars 1826,.
t. 8, p. 123.
(3) Voy. les motifs de l'arrêt du conseil du 18 juillet 1827,
dans le recueil de MACAnEL, t. 9, p. 392.
�DU DOMAINE PUELIC.
443
pOl'tée SUI' l'exécu lion des lois générales; il doit
donc être, connDe elles, le praeceptum commune (J), qui en forme le cal'actère eSSCll tiel; et de là
résultent plusieurs c.onséquences impol'tanteS'.
1462. La première, c'est que la réformation
des arrêlés réglementaires compétcmment rendus
par le préfet ou pal' le ministre peuL bien être demandée, par forme de supplique adressée au Roi
en son conseil, section de l'intérieur, mais qu'elle
Ile saurait jamais l'être par la voie contentieuse, attendu que ces lois en sous-ordre' participent de la
nature des lois proprement dites, qui ne peuvent
être abrogées ou révoquées par l'autorité d'auc.un
tribunal; et l'on doit appliquer celle décision aux
ordonnances de concession, ou aux permissions de
construction d'usines, parce qu'elles sont aussi des
actes réglementaires émanés du pouvoir libre et
discrétionnaire du gouvernement. Dans tous les.
cas, s'il y a des réclamations formées à raison
de dommages-intérêts résultant des aC,tes d'exécution, ces demandes cloiven t être portées en justice
ordinaire, parce qu'en cela il n'y a plus que des
débats individuels entl'e les parties intéressées (2);
U·63. La seconde, qu'on peut bien s'adresser
à l'administration pour lui demander un réglement
sur le cours et l'usage des eaux; mais qu'on ne peut
(1) L. 1, cod. de legibus, lib. 1, tit. 3.
(2) Voy. les arrêts du conseil du 22 décembre 1824, du
1 er mars 1826, et du 4juillet 1827 ,dansMAC,\REL, t. 6, p. 710,
t. 8, p. 123, et t. 9, p. 337.
�444
TIl.AITÉ
la forcer à agir, puisqu'elle est souveraine dans.
l'exercice du pouvoir discrétionnaire que la constitution de l'Etat lui accorde à cet égard; qu'ainsi il
y a sur ce point une différence essentielle entre
l'autorité administrative et le pouvoir judiciaire,
puisque le refus de statuer sur la demande ne donne
lieu à aucune action contre l'administrateur, tandis.
qu'il motiverait l'action en prise à partie contre le.
Juge.
Cette différence résulte de la nature même des
chos.es: car, en fait de réglement comme en fai.~
de loi, l'administration ne doit agir que conformé~
meut à ce qu'exige l'intérêt public des localités. Hest très-possihle, en effet, qu'après avoir examiné
la demande en réglement qui lui est adressée pal~
quelques individus, elle n'y voie qu'une perturha,
tion de l'ancien usage, qu'il convient au contraire
de maintenir,ouqu'une prétcntiond'intérêts privés
dont eUe n'a point à. s'occuper; tandis qu'en présence du juge ordinaire il ne s'agit de part et d'autre
que d'intérêts privés qui sont de même nature; et,
comme ces intérêts doivent être également consi.dérés et pesés par le juge, il ne peutlui être permis
de refùser son jugement à ~ucllne des parties en
considéraLion de l'autre;
1464. La troisième., que dans son réglemen~
l'administration est toujours censée agit' d'office.,
puisqu'elle n'est réelleUlent engagée par l'action
d'aucune partie; et il en est ainsi même lorsqu'elle
statue sur une dema nde qui) ni était <Id ,'essée, pnisqu'elle n'était pas forcée d'y répondre;
�DU DOMAINE PUBIlC.
1465.
445
La quatrièhze cnfin; que les arrêtés
réglementaires ne doivent pas avoir moins d'efficacité à l'égard .de ceux qui ne les amaient point
.
,
"
.,.
,
provoques, ou me me qUi s y serment opposes,
qu'envers ceux qui les auraient sollicités, puisqu'ils
sont censés
rendus d'office sur1 les intérêts collectifs
de toute la localité.
1466. IV. Pour déterminer les OBJETS sur lesquels porte l'action réglementaire de l'administration et apprécier la manière dont elle s'applique à
la direction des eaux, il suffit de saisir ici une idée
bien simple; c'est que l'eau ne se dirige qu'en suivant la pente du sol sur lequel elle coule: d'Otl il
)'ésulte que cette action s'exerce d'abord sur l'OI'ganisation matérielle des lieux, soit en traçant le lit
du cours d'eau pour lui donner la meilleure inclillaison, soit en prescrivant quelques barrages POUl"élever les eaux, etleur donner quand elles ne l'ont
pas naturellement, la direction la pLus propre à
fertiliser les~terres, à les assainir ou à pr6vellir les
inondations; bien entendu que si pour atteindre un
de ces buts, il est nécessaire de déplacer le l'uisseau et d'en creuser un autre sur un fonds qni n'en
devait pas naturellement la servitude, il peut, suivant les circonstances, être dû an propriétaire une
indemnité qui serait à la charge des autres intéressés
dans la proportion de l'avantage qu'ils retirent de
ce changement.
1461. Jusque-là il est évident qne ce pouvoir
réglementaire de l'administration est entièrement
�446
TRAITÉ
réel, si l'on peut se senir de celle expression, puisqu'il ne s'applique qu'à l'organisation matél'ielle du.
sol; qu'en conséquence il n'a pas pour objet de
statuer sur les droits qui peuvent être prétendus de
part et d'autre par des particuliers, par suite de
leurs conventions expresses on tacites sur l'usage
des eaux, parce qu'ici il ne s'agit plus d'une disposition matérielle du sol, mais d'un réglement particulier d'intérêts incorporels à faire suivant la me·
sure des droits individuellement acquis aux prétendants par l'effet de leurs conventions.; réglement:
essentiellement étranger à la compétence administrative.
1468. Aux termes de l'article 4 de la loi du 23
pluviôse an XII, l'action réglemèntaire de l'administration s'applique encore à la répartition d"es
eaux, pour en attribuer à chaque fonds une portion
convenable; ce qui peut être exécuté en fixant les
dimensions et la position des diverses rigoles d'irrigation, et en assignant à chacun des intéressés les
saisons, jours et heures pendant lesquels il lui sera
permis de lever les Vannes établies le long du cana], pour mettre en jeu les diverses prises d'eau.
Sous ce second point de vue, l'action réglementaire de l'administration est encore toute réelle de
sa nature, soit parce qu'elle ne s'applique toujours
qu'à l'organisation matérielle du sol, soit parce
que ce n'est point en faveur de la personne des riverains, mais seulement au profit de leurs fonds
q ne se failla distribution des eau x; et qu'en essayant
�DU DO;\IAINE PUBLIC.
q·47
de rendre ces fonds plus productifs, l'administration publique n'a en vue qu'une amélioration dans
l'économie générale, sans s'arrêter aux intérêts
particuliers et individ uels des propriétaires, dont
elle n'a point à se mêler, parce que ce n'est pas à
elle à les administrer.
1469. Ainsi tout ce qui tient à l'organisation
et à la disposition du terrain pour faciliter l'écoulem'ènt des eaux ou pour en rendre le cours plus
profitable à l'irrigation des terres est exclusivement
dans les attributions de l'autorité administrative.
Mais quand une fois celle autorité, agissant dans
des vues d'intérêt général, a établi ses pentes et
nivellements, fait curer le lit naturel des rivières et
ruisseaux pour leur don ner une plus libre issue;
tracé la direction qu'il doit avoir, lorsqu'il y a des
changemen ts à faire dans celui que les eaux s'étaient
elles-mêmes creusé; prescrit ce qui est nécessaire
pour empêcher le déperdition du fluide ou pour en
rendre l'usage pIns utile à la fertilité des terres;
quand elle a autorisé la construction des usines jugées utiles au commerce, et dont l'existence n'a
pas paru devoir être nuisible à la localité; fixé la
hauteur des écluses nécessaires à la direction ou au
jeu des eaux; ordonné la destruction des barrages
causant de l'insalubrité; interdit les travaux de nature à porter dommage aux fonds de la contrée; ses
pouvoirs sont consommés, et tous les débats qui
peuvent s'élever entre particuliers dans l'exécution
des mesures réglemenlaire$ qu'elle a prescrites son t
�448
TRAITÉ
entièrement étrangers il sa compétence ~ attendu
qu'elle n'est ni chargée d'administrer les intérêts
individuels, ni revêtue du pouvoir judiciaire qui
seul est appelé à en connaître; et que pal' cela seul
qu'elle est investie du droit de faire le réglement,
elle se trouve nécessairement privée des fonctions
de judicature.
1470. Néanmoins, et aux termes des lois du
14 floréal an XI et du 23 pluviôse an XII, lorsque,
pour atteindre un but d'améli01;ation dans le régi me
des eaux, il Y a des dépenses à faire, c'est encore
à l'administration à les ordonner, et à en rép3rtir'
le montant au moyen d'un rôle qui doit être rendu
exécutoire par Je préfet contre chacune des panies
intéressées, daus la pl'Oportioll des avantages
qu'elles sont appelées à retirer de l'ex~cution de la
mesure prescrite.
Il est vrai qu'en ce dernier point, le réglement
administratif ne se Lorne pas à l'organisation matérielle des lieux, et qu'il s'adresse à la personne et
à la bourse des iutéressés; mais c'est en vertu d'un.
autre principe, savoir qu'en France toutes les contI'ibutions doivent être réparti~s par l'administration publique.
1471. V. Quant aux RÈGLES que l'administration doit suivre, en fait d'irrigat,ion, afin d'établir avec justice la distribution des eaux, il faut,
po":r les Lien apprécier, remarqner que c'est clans
l'intérêt du sol que la répartition doit ètr"e faite,
et qu'en conséquence il convient, en thèse géné-
�nu
449
DOMAINE PUBIJC.
r.1le, de proportionner, autant que possible, Je
partage des eaux à l'étendue respective des fonds
qui doivent en profiter : en sorte que, toutes
cholles égales d'ailleurs, sile fondsàdroite du canal
est d'une contenance double de celui situé à gauche,
il lui sera dû une portion double, atlel~Ju que, régulièrement parlant, là où il ya plus d'étendue, il
ya aussi des besoins plus considérables à satisfaire:
Imperatores Antonius et Verus .Al~gustus rescripserunt aquam de jlumine public,o, pro
modo possessionum ad irrigandos agros dividi
oportere, nisiproprio quisjure plus sibi datum
ostenderit (1).
Nous disons en thèse générale, parce qu'il
pourrait y avoir, soit d'après le fait de l'homme,
soit par rapport à la natui'c des lieux, des motifs
suffisants pour qn'on dût s'écarter de celle règle
proportionnelle de distribution.
On devrait, par exemple, le fail'e en conséquence
du fait de l'homme, si quelqu'indemnité revenait
équitablement à l'nn des riverains, à raison de ce
que son héritage aurait été plus endomma(i;é qlle
les autres par les travaux de reclÎfication du ruisseau; c'est là, entre autres, une des hypothèses
auxquelles on peut appli.que!' ces dernières expressions de la loi romaine: Nisi proprio quis jure
plus sibi datum ostenderit.
Nous croyons aussi qu'en considération de la
(1) L. 17, if. de ser/lit. rusa€:. prœd' J lib. 8, lit. 3.
TOM. IV.
29
�450
THAlTÉ
natnrc des lieux, l'administration peut s'écarter de
la dislribution proportionnelle à la contenance des
fonds, lorsque les nns sont plus susceptibles que
les autres d'être améliorés par des anosements, et
qne la différence est considérable. En effet si les
premiers peuvent être rendus très-productifs par ce
moyen, tandis que l'irrigation sera reconnue sinon
tont-à-fait illusoire, au moins presque inntile pour
les seconds, il est juste et rationnel que le réglement accorde les eaux dans unc mesure plus fone
là où elles produisent les meilleurs résultats, parce
qne l'administration ne doit envisager et rechercher que l'intérêt général, et n'agir que dans la
vue d'obtenir le pIns grand produit du sol. Elle
doit faire comme le hou père de famille, qui ne répandrait pas inutilement les eaux de son ruisseau
sur un fonds ingrat pour en priver un autre dont
il pourrait par celte opération doubler ou tripler
le revenu.
1472. Une autre difficulté qui peut se présenter sur cette matière consiste à savoir comment
doivent être traités les fonds inférieurs comparalivement à ceux en amont. Pat' exemple, lorsqu'il
s'agit d'un ruisseau peu ahondant dont les eaux
ne peuvent suffire à l'irrigation entière de la contrée, les propriétaires des héritages supérieurs peuvent-ils être tenus de restreindre leurs prises d'eau
pour en laisser une certaine quantité à l'usage de
ceux inférieurs, et J'adminisll'ation pounait-elle
lenr imposer celte obligation par son réglement r
�DU DOMA1J."4E PUBIlC.
451:
Faisons observer d'abord que nOliS ne voulons
raisOlmer ici que dan&. l'hypothèse d'un cours d'eau
naturel, et non dans celle d'un canal artificiel. Ce
point étant bien entendu, on peut, pour soutenir
qu'alors le cours d'eau doit être entièrement laissé
à l'usage discréLionnaire des propriétaires supérieurs, faire valoir:
1° Qu'il s'agit ici d'eaux courantes qui ne sont
à personne, et dont l'usage par conséqueu t appartient naturellement au premier occupant; que le
premier occupant est le maître du fonds sll.périeur
qui les y attire; qu'il a donc le droit de s'en saisir
en premier ordre, et de s'en approprier l'usage autant qu'elles lui sont utiles pOUl' fertiliser son pré;
2° Que les héritages en amont sont les fonds
dominants, qui ne doivent rien à ceux inférieurs,
constitués fonds servan ts ; que tel est l'ordre ùe subordination établi entre eux par la nature ellemême; qu'en conséquence les propriétaires de ces
derniers doivent se contenter de ce qu'on leur
laisse, sans rien exiger de plus, dès qll~il n'y a pas
d'abus commis par le propriétaire supérieur dans
le but affecté de leur nuire;
3° Que les fonds supérieurs peuvent être assimilés à autant d'usagers.ayant ùroit de se servir en
premier ordre des eaux qui les traversent, et que
l'étendue de l'usage se mesurant sur celle des
be.soins ùe l'usager, il faut, pour les remplir de
ce qui leur est dû, leur atlribuer le droit de profiter
ù'a,bol'd de toutes les eaux nécessaire~ à leur irriga-
�452
TUAITÉ
tion sagement entendue, sans s'inquiéter de ce qui
en restera pour les autres;
4° Qu'il est de toute ~vidence que la partie du
liquide qui est absorbée par l'irrigation des fonds
supérieurs ne peut pas se retrouver plus bas dans
le ruisseau dont on l'a dérivée: d'où résulte,
comme conséquence nécessaire, que le volume des
eaux diminuant progressivement, les fonds inférieurs doiven t en ressentir u,n déficit plus ou moins
absolu, sans que les propriétaires de ces héritages
puissen.t avoir à ce sujet d'autres motifs de plainte
que celui qui r~sulteraitdes abus qu'on aurait commis à leU\' préjudice.
1473. Mais, quelque spécieux qne pal;aissellt
ces raisonnements puisés dans l'ordre natmel des
choses, ils son t loin d'être décisifs lorsque, pou r en
faire l'application, on se place au point de vue de
J'ordre civil.
Et d'abord, de ce que l'eau courante n'appartient
à personne, il fau t en conclOl'e qne; dans l'ordre
civil,J'administration publique doit avoir le droit
d'en disposer pOil\' en répartir l'usage comme elle
le jugera le plus convenable au bien général de la
société.
En secoud lieu, il est incon testable que, d'après
notre législation positive, le gouvernement est généralement revêtu du pouvoir de faire des réglemenls sur la direction et l'usage des eaux, et qu'il
est, seul juge de l'opportuoité de celle mesure,
puisque nul ne peut s'y opposer par la voie du coo-
�DU DO?tIAINE PUBLIC.
453
tentieux, comme on l'a établi plus haut; or il n'aurait plus ce pouvoir réglementaire si chacun de ceux
dont les fonds bordent un cours d'eau avait, daus
un sens absolu, le droit d'en user à sa volonté,
même sous condition de ne po,intcommettre d'abus
par affectation, ce qui est inadmissible. En effet, le
réglement n'est pas seulemen t nécessaire pour réprimer les abus, il est encore utile pour les prévenir, et surtout pOllr opérer dans l'intérêt général
une répartition des eaux mieux entendue et plus
il va otageuse.
Enfin, quoique, dans l'ordre matériel de lem
position, les fonds supérieurs aient, quant au droit
de premier occupant, une prééminence incontestable sur ceux qui sont situés plus bas, néanmoins
l'administration, dont la prévoyance ne s'attache
qu'au bien général, peut avec justice attribuer une
partie des eaux aux fonds inférieurs, lorsqu'elle a
la certitude qu'il doit en résulter une amélioration
notable.
Tels sont les principes d'après lesquels on doit
décider les quesLions de compétence de l'administration active sur la direction des eaux en géuéral,
et spécialement de celles d'irrigation.
Passons à ce qui concerne le contentieux en cette
matière.
SECTION Il.
De la compétence des conseils de préfecture.
1474. Comme nous l'avons fait voir ailleurs en
traitant des rivières navigables, lorsqu'il s'élève des
difficultés sur ]"application des lois et réglements
�454
TRAITt
auxquels l'usage de ces sortes de cours d'eau est
soumis, le pouvoir judiciaire qui doit statuer, dans
l'intérêt public, sur ce que les débats peuvent avoir
de contentieux, a été attribué par les lois aux conseils 4e préfecture, s.'luf recours au cons,eil d'état,
section du contentieux.
Ainsi, lorsque, dans. ces ri vières, il y a encombrement formé à main d'homme au préjudice de leur
viabilité, anticipation commise sur Îeurs bords, ou
lésion causée dans les ouvrages d'art, construction
faite sans autorisation, enfin entreprise quelconque
prohibée par les art. 42 et 43 du titre 27 de l'ordonnance de 1669, ces diverses contraventions l'en·
trant dal1s la classe des délits de grande voirie, c'est
pardevant les conseils de préfecture qu'ou doit d'ahord en poursuivre la répression pour faire ordonner la destruction des ouvrages, et condamnel' en
même temps les cOlltrevenantsallX amendes portées
par les lois.
Par le motif que l'accessoire suit toujours le sort
du principal, les hras non nllvigablcs d'une rivière
affectée à la navigation sont soumis aux mêmes règles de police et de compétence; eIi sorte qu'il est
également défendu d'y commettre aucune des usurpations ou dégradations dont on vient de parler,
et que c'est aussi par le conseil de préfecture que
les infractions à cette défense doivent être réprimées (1),
(1) Voyez à cet égard les arrêts du conseil des 22 janvier
1824, 21 juin 1826 et 16 mai 1827, dans le recueil de MACAREL, tom, 6, pag, 32) tom. 8, pag. 304, et tom. 9, pag. 267.
�DU DOMAINE PUBLIC.
455
Mais la ijuriùiction administrative n'ayant été
établie qu'à l'égard des rivières qui son t en tièremen t
dans le domaine public, pour assurer la célérité
des services auxquels elles sont destinées, ou pour
pr~venir les obstacles qui pourraient s'opposer à
ce que la~navigationfût par la suite pratiquée dans
le bl'asjCJui n'est pas actuellement navigable, il faut
en tirer la conséqnence que comme règle spéciale
~t exceptionnelle, elle ne s'applique point aux petites rivières, et à plus forte raison aux simples ruisseaux d'irrigation.
1475. Il Y a cependant un cas où le conseil de
préfecture devrait être saisi de l'action en répression pour contl'avention aux réglement~ sur les
petits cours;d'eau ; c'est celui où l'on y aurait, sans
autorisation, établi quelque barrage qui par le regonflement des eaux aurait occasionné la dégradation d'une grande route située dans le voisinage.
Alors ce conseil, prononçant snI' le délit de grande
voirie, devrait, suivant les circonstances, comdamner ie contrevenant aux amendes décrétées par
les art. 15 el 16 de la loi du 28 septembre 1791,
sur la. police rurale, et par l'art. 457 du Code
pénal.
Dans les diverses hypothèses dont on vient de
parler, le conseil de préfecture remplit véritablement les fonctions du tribunal de police, puisqu'il
ne se borne pas à ordonner la démolition des ouvrages illégalement faits, ou la réparation des dommages causés, mais qu'il prononce aussi des
amendes.
�456
TRAITÉ
1476. Quelle que soit l'espèce du cours d'eau
sur lequel on aurait indûment construit des barrages ou écluses de nature à causer des inondations
dans la contrée, l'administration active, représentée par le préfet ou par le ministre de l'intérieur,
pourrait aussi ordonner directement la démolition
des ouvrages, sans recourir à d'autres jnges, parce
qu'il fàut bien que cette a.utorité puisse sc protéger pal' elle-même (1); mais comme ni le ministre
ni le préfet ne sont revêtus du caractère de juges
de police cOrl'cctiouuelle, ils seraientincompéteuts
pour prononcer une amende contre le contrevenant.
1417. Au civil, lorsque, par lesordres de l'administration , et pour l'avantage d'uue localité, il
s'agit de procurer un plus libre écoulement aux
eaux, ou de faire des dispositions sur le sol pour
l'irrigation des terres d'une contrée, les frais de
ces sortes de travaux doivent, ainsi que nous l'avons
déjà dit, être su pporlés par les propriétaires don tIcs
fonds cn ressentent de l'amélioration. P~ur parvenirà leur recouvrement, le conseil municipal,
sous les ordres du préfet, (Ir'esse un rôle de répartition, que ce magistrat rend exécutoire contre les
débiteurs; et c'est au conseil de préfecture à statuer
sur les réclamations en SllI'laXe, à l'exemple de ce
qui se pl':ltiqne en fait d'impôts publics.
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 11 août 1824 , et celui du 2
111ai 1827, dans le recueil de l\'IAcAREL 1 tom. 6, page 522, et
~om. 9, pag, 228,
�DU DOMAINE PUBLIC.
457
Le conseil de préfecture connait aussi des difficultés relatives à l'exécution d~s travaux. Ce sont
les lois des 14 floréal an XI (4 mai 1803) sur le curage des rivières, et 23 pluviôse an XII (13 février
1804) sur la construction des canaux d'arrosement,
qui nous ont tracé des règles positives à cet égard.
Aux termes de l'article 4 de la première,« toutes
~> les contestations relatives au recouvrement des
» rôles, aux réclamations des individus imposés
:» et à la confection des travaux, do\vent être por» tées pardevant le conseil de préfecture, s\luf
» recours au gouvernement, qui décidera en con»seil d'état. » Et l'article 5 de la seconde porte
généralement que cc les contestations qui pourront
» s'élever sur l'exécution de la présente loi seront
:» décidées administrativement par le oonseil de
» préfecture. » D'où il résulte:
1478. lOQue c'est au conseil de préfecture
que doiven t être portées les actions qui seraien t
intentées contre les entrepreneurs, soit pour n'avoir pas exécuté leurs marchés dans les délais COll.,.
venus, soit pour avoir mal confectionné les ouvragcs, en ne se conformant pas aux devis qu'il
Jeur était prescrit de suivre; mais il faut remarqucl'
que ce conseil ne serait pas juge compétent de l'utilité des travaux, ni des défauts qui pourraient
exister dans les devis sur lesquels l'entreprise aurait été faite, parce que sous ces derniers points de
vue la question rentrerait dans la partie réglementaire, qui ne peut appartenir qu'à l'administratioq
active;
�458
TRAITÉ
Que si, dans l'(~tahlissementdes r8les
pour le recouvrement des frais occasionnés par les
travaux dont il s'agit, il Y a eu, sur l'appréciation
du degré d'utilité, des erreurs entraînant un excès
de taxe à l'égard de certains fonds comparativement
à d'autres, le conseil de préfecture, auqnella réclamation en dégrèvement est adressée, sera compétent pour ordonner une nouvelle appréciation
de ce degré d'utilité, afin de pouvoic ensuite pro'noncer sur le mérite de la demande;
1480. 3° Que, si quelques-uns des fonds passibles de la contribution n'avaient pas été compris
dans le rôle, le conseil de préfecture devrait en ordonner Ja cotisation proportionnelle, et la faire
servir à la décharge des trop imposés qui réclameraient (!);
1481. 4° Que dans toute espèce particulière.
où il existe déjà un ancien réglement non abrogé,
par lequel certains fonds, tels que des usines 011
moulins, par exemple, auraient été chargés d'une
quote part des frais de curage, le conseil de préfecture doit s'y conformer, sans pouvoir ordonner
une nouvelle répartition (2), attendu qu'il n'est pas
plus permis aux conseils de préfecture de modifie!'
les réglements portés SUl' les matières de lenr corn-
1479.
2
0
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 1er mars 1826, dansMAcAREL,
t. 8, p, 122.
(2) Voy. l'arrêt du 4 juillet 1827, d:ms le même recueil, t. 9,
p,334.
�DU DOMAINE l'UlILiC.
459
pétence, qu'aux tribunaux ordinaires de déroger
aux lois qu'ils son t chargés d'appliquer (l).
SECTION III.
De la compétence des tribunaux de police correctionnelle.
1482. Nous ne connaissons que trois cas qui
soient de la compétence du tribunal de police correctionnelle en ce qui concerne les cours d'eau dont
il est ici question.
Le premier comprend les délits de pêche commis indistinctemen t da ns toutes les rivières et cours
d'eau quelconques.
Le second nous est indiqué par l'art. 15, titre 2
de la loi du 28 septembre 1791, portant que cc pel'» sonne ne pourra inonder l'héritage de son voi» sin, ni lui transmettre volontairement les eaux
» d'une manière nuisible, sous peine de payer le
» dommage et une amende qui ne pourra excéder
) la somme du dédommagement. » D'où il ré-.
suIte qu'en ce cas la personne lésée peut agir en se
l)ortant partie civile et en dénonçant le fait au trihunal de police correctionnelle, pour faire prononcer en même temps sur le dédommagement
qui lui est dû, et SUI' l'amende encourue par le
contrevenant; comme elle pourrait aussi se borner
à exercer une action purement civile en dommages-intérêts pardevant le tribunal ci'vil.
(1) Voy• l'arrêt du Il février 1824, dans le même recueil,
t. 6, p. 103.
�469
TRAITÉ
Le troisième cas, qui n'est qu'une conséquencedu précédent, se réfère à l'encombrement produit
dans le cours d'eau par le jet de matériaux ou d'immondices. Il y a contravention dans ces faits, parce
qu'ils sont la cause ordinaire des inondations.
SECTION IV.
De la compétence des tribunaux cipils.
Dans la première section du présent chapitre,
nous avons fait connaître les attributions du pouvoir administratif relalivement à la direction des
cours d'eau; il nous reste actuellement à indiquer;
celles du pouvoir iudiciaire en ce qui concerne
leur usage.
A cet égard, deux points sont à examiner: :,
L'un relatif aux actions possessoires,
Et l'autre aux actions pétitoires.
S
er
Actions possessoires.
Si nous remontons à l'ancienne législa1
•
1483.
tion empruntée aux Romains, nous y voyons déj'à
que les interdits possessoires avaien t lieu en fait de
cours d'eau: Ait praetor: Uti hoc anno aquam
de qutZ agitur., non vi, non clàm., non precario.,
ab illo duxisti i quominùs ità ducas., vimfieri
veto (1).
Suivant l'art. 10, S 2, titre 3, de la loi du 16'24
août 1790' les juges de paix connaissent des entreprises sur les cours d eau servant à l'arrose-J
(1) L. 1, ff. de aquil quotidian., lib. 43, tit. 20.
�DU DOMAINE l'VELle.
461
ment des prés ~ commises dans l~année, et de
toutes autres actions possessoires; et cette disposition, qui ne portait nominativement que SUl' les
cours d'eau destinés à l'irrigation, se trouve plus
largement reproduite dans l'article 3, S2, de notre
Code de procédure, qui veut que les demandes relatives aux entreprises sur les cours d)eau com·
mises dans Pannée et toutes autres actions
possessoires soient poursuivies devant le juge de
paix de la situation (a).
Si la question possessoire était agitée entre les
deux propriétaires riverains de chaque côté du ruisseau, ~e conflit entraînerait la duplication de l'interdit: Si interrivales(b),id est~quipereumdem
rivum aquam ducunt ~ sit contenlio de aquae
usu, utroque suum esse contendente, duplex
. interdiotum utrique compelit (1); c'est.à-clire
que dans cette espèce de débats, chacun des con(a) L'a'rt. 6, nO 1 er de la loi du 25 mai 183$ sul' les justices
de paix, est encore plus explicite. " Les juges de paix connais..
» sent en outre, à charge d'appel, ce sont les termes, 1 des
.. entreprises commises, dans l'année, sur les cours d'eau ser"
» vant à l'irrigation des propriétés et au mouvement des usincs
» et moulins, sans préjudice des attributions de l'autoritéadmi.. nistrativc dans les cas déterminés par les lois et par les ré.. glements....
(h) C'est de ce terme, d'abord employé pour désigner les
riverains opposés d'un ruisseau, qu'est venu le mot rival, indi~
quant un antagonisme de position (M. Villemain, Discours préliminaire du Dù:t. de l'Académie ).
(1) L. 1, § 26, ff. de aquâ quotldian., lib. 43, tit. 20.
0
J)
�462
TRAITÉ
tendants prétendant que c'est à lui, et non à son
adversaire, qu'appari.ient la possession annale et
exclusive de l'usage du cours d'eau, le revendiquerait entièrement pOOl' lui-même.
US!". Il Y a lieu à l'action possessoire, non..;
seulement lorsque l'entreprise faite par l'un des riverains prive l'autre de l'usage desèaux dont il
jouissait auparavant (1), mais encore lor'sque les
travaux exécutés sur l'un des bords sont de nature
à rejeter les eaux vers la rive opposée, de manière
à y produire des affouillements ou autres dégradations.
1485. Cependant si celui contre lequel on s'est
pourvu au possessoire alléguait pour défense qu'il
a été autorisé par l'adÎniniSitration active à faire l' ou~
vrage ou la construction qui motive la plainte, il Y
aurait là une question préjudicielle à renvoyer d'a.,.
bord au pouvoir administratif (2.), parce qu'il
n'appartient point aux juges de conna1tre des actes
cIe l'administration pour statuer d'une manière
contraire à ce qu'eUe a ordonné on permis: ainsi,
dans ce cas, l'action possessoire pour s'opposer à
l'entrepl'ise ou pour demander la destruction des
ouvrages.achevés ne pourrait être jugée avant que
l'autorité administrative eût prononcé (3).
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 12 mai 1824, dans le recueil
MACAREL, t. 6, pag. 263.
(2) Voy. au journal des a\ldicl,lces de c;lssation, vol. 1801,
p.149.
(3) Voy. l'arrêt du qmseil du 22 novembr.e 1826, dans
MACAR.EL, t. 8, p. 711.
de
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
463
1486. Si, au contraire, c'était en contravention ,à un réglement de police sur les caux que la
nQuvelle œuvre eût été entreprise, la question rentrerait dans la compétence de la justice ordinaire;
et le juge de paix, statuant au possessoire, pourrait ordonner la démolition des ouvrages, parce
que les tribunaux sont généralement chargés de
faire exécu ter les réglemen ts de police (1).
1487. L'action possessoire n'ayant pour objet
que d'obtenir la maintenue en jouissance, ainsi que
les dommages-intérêts qui peuvent résulter des faits
de trouble, le tout sans préjudice du droit de propriété, il en résulte q.ue le préfet ne pourrait régulièrement en arrêter le cours en élevant un conflit sous prétexte que le fonds appartient au domaine public (2); un pareil conflit serait d'autant
plus mal fondé que la question de propriété, agitée
même au pétitoire, serait encore de la compétence
des tribunaux ordinaires.
Cependant, s'il était élevé, il Y aurait nécessité
de surseoir à la poursuite judiciaire jusqu'à ce que
la question eût été vidée en conseil d'Etat.
Mais il ne suffit pas d'avoir établi comme règle
générale que les juges de paix sont investis du pouvoir de prononcer au possessoire, en fait d'entre(1) Voy. l'arrêt du 9 mai 1827, dans le même recueil, t. 9,
p.245.
(2)~Voy. les arrêts des 24 janvier et 12 décembre 1827,
tom. 9, pag. 60 et 603.
�464
TRAI1'É
prises consommées dans l'année sur les cours
d'eau; il faut en venir au fond, et indiquer encore
quelles sont les circonstances dans lesquelles ce
genre d'action peut, OU non, être exercé en pareille
matière.
Sous ce point de vue, et pout arriver à des so'"
lutions claires et précises, il est nécessaire de clis'"
tinguer deux hypothèses, suivant que le débat se
trouve élevé entre le propriétaire de la 050urce d'une
part et les propriétaires de fonds inférieurs d'autre
-part; ou que la contestation n'a lieu qu'entre ces
derniers seulement.
1488. En nous plaçant dans les termes du droit
commun et faisant abstraction de tout titre qui y
serait dérogatoire, supposons d'abord que le pro"priétaire de l~ source ait, par innovation, pratiqué
des rigoles sur son fonds pour y absorber en tièrement les eaux,et que le propriétaire inférieur auquel elles avaient été transmises jusque-là, vienne
boucher ces rigoles, afin d'auil'er à lui et de conserver le bénéfice de l'irrigation comme par le
passé; certes le premier aura le droit d'intenter
l'action en complainte contre son voisiù, pour faire
réprimer une semblable voie de fait, puisqu'il aura
été troublé daus la possession de son fonds et d~ns
celle de l'usage des eaux qui sortent de la SOluce,
dont il jouissait en maître.
Il en serait de même dans le cas où le propriétaire iufërieur se serait introdll1t dans le fonds qui
renferme la source pour en cu'rel' le ruisseau, ou y
�465
DU DOMA.INE PUBLIC,
fa\re des ouvrages quelconques destinés à faciliter
la chute des eaux sur son terrain. Ce serait toujours
là une voie de fait civilement illicite, à raison de
laquelle l'action en complainte du propriétaire Je
la source serait J'autant mieux fondée qu'il a une
possession caractérisée de son héritage, et qu'une
pareille entreprise tendrait à le priver un jour .de la
liberté cle disposer de son ruisseau.
U89. Mais le propriétaire inférieur qui avait
toujours joui du bénéfice des eaux transmises
sur son fonds pourrait-il aussi réciproquement formcr l'action cn complail1tc contre le maître de la
source qui est vcnu en détou1'l1er le ruisseau contrairement à l'ancien état des choses P
La règle générale est <lue la complainte ne serait point admissible dans ce cas, attendu que,
comme nous l'avon8 établi rilus haut (1), d'après
le texte de l'article 641 du Code, ce propriétaire,
'considéré comparativement à celui de la source,
"
.
,..
n a gu une possessIOn purement precall'e, qlll,
n'étant par elle-même acquisitive d'aucun droit, ne
saurait être l'objet d'une action possessoire (2).
Il Yaurait cependant exception si, par quelques
faits ou actes, il Yavait, comme daus les circonstances suivan tes, interversion d Il précai re da ns la
jouissance ùu propriétaire inférieur.
(1) Voy. sous le nO 1369.
(2) Entre autres arrêts de la Cour de cassation rendus sur ce
point de droit, voy. celui du 25 :l011t 1812, dans DENEVERS,
p. 599 et suiv.
'1"0111. IV.
30
�466
TRMTÉ
1490. 1° Si ce propriétaire produisait un "titre
de concession tendant à lui assure l' le droit de
transmission des eaux du ruisseau, l'action en complainte intentée de sa part à délai utile devrait être
admise; et, quoique le jnge de paix ne fût pas compétent pour prononc"er, au fond, sur la validité ou
]a nullité de l'acte pl'Oduit, il aurait néanmoins pouvoir suffisant pour adjuger la provision ail titre
apparent, sur la qualification de la possession, parce
qu'il faut bien que le juge du possessoire ait le
Jroit de connaître dela qualité de la possession (1).
1491. 2° Si le propriétaire inférieur avait fait
et terminé des ouvrages apparents dans le fonds
où se trouve ]a source, et joui pendant plus d'une
an!lée du cours d'eau au moyen de ces ouvrages,
son action eu/maintenue serait encore admissible,
puisque sa posscssion ~rait devenue civile et acquisitive du droit: dans ce cas, le juge de paix sej-ait compétent pour statuer préalablemcnt sur les
déba'ts qui pourraient s'élever au sujet des travaux
au moyen desquels l'un prétendrait avoir interverti
le précaire à l'égard de l'autre, et cela toujours
par la raison qu'étant juge du possessoire, il faut
bien qu'il pl)isse connaître des faits tendant à établir la CJ ualité de la possession.
1.492. 3° L'action en complainte intentée par
le lwopriétaire inférieur serait également reccvable
(1) Voy. encore entre autres arrêts de cassation, celui du
24 juillet 1810, dans DENEVERS, p. 412.
�DU DOMAINE PUBLIC.
467
ct fondée toutes les fois qu'il aurait interverti le
précaire par quelque acte de contradiction notiHé
au propriétaire de la source, et acquiescé au moins
tacitement depuis plus d'un an par celui-ci, attendu
que cet acte aurait ouvert la voie de la prescription.
1493. 40 Enfin il faut dire aussi que, par une
conséquence de l'art. 643 du Code, si le cours
d'eau était nécessaire aux besoins d'nne commune,
elle pourrait, comme légalement fondée à en exiger
l'usage, intenter l'action possessoire en maintenue.
1494. SI ACTUELLEl\ŒNT, en faisant abstraction
du maître de la source, on suppose que la contestation n'a lieu qu'entre les propriétaires des héritages inférieurs, les actions possessoires doivent
être indifféremment admises entre eux, chaque fois
que l'un est troublé par l'autre dans l'usage des
eaux, dont le droit, ainsi que nous l'avons étahli
plus haut (1), est légalement acquis à tous suivant
le rang que leurs héritages occupent.
Ainsi, en supposant que le propriétaire infél,iel1r
ou latéral ait coupé ou obstrué la rigole par laquelle
le propriétaire du fonds supérieur ou situé en face,
avait coutume d'opérer sa prise d'eau pour l'irrigation de son pré, il Y aura certainement lien à
J'action en complainte de la part de celui-ci.
Ainsi encore si, par innovation dans l'ancien état
des lieu'x, le propriétaire supérieur avait pratiqué
(1) Voy. sous le nO 981.
�4G8
TRAITÉ
dans son fonds des rigoles telles qu'il se fût emparé
Je toutes les eaux, ou d'une quantité notablement
plus grande que celle dont il était daus l'usâge de
jouir, il sel'a, an contraire, passible de l'acti.on possessoire de la part des autres propriétaires i.nférieurs
ou latéraux privés d'une partie de l'eau qui leur revient naturellement.
14.95. Dans les diverses hypothèses où les contestations surgissent seulement entre les propriétaires de fonds inférieurs à celui de la source, ils
peuvent bien demander respectivement les uns
vis-à-vis des autres un réglement snI' l'usage des
eaux qui sont généralement à répartir entre tous;
mais comme, en aucun cas, personne n'est admis
à se rendre juge dans sa propre cause, la: question
du possessoire doit être vidée avant tout, sauf à en
revenir ensuite à celle du réglement. Jusque.là le
juge de paix ne peut se dispenser d'ordonner le rétablissement des lieux dans leur état primitif, parce
qu'il est chargé de réprimer l'entreprise illégaleruent faite par l'une des parties intéressées au préjudice de l'autre; et il est d'autant plus nécessaire de prescrire ce rétablissement, que, sans cela,
le jugement qni ferait droit SUI' la complainte ne
produirait aucun résultat.
Passons actuellement à ce qui concerne les actions pétitoires.
S 2. Actions au pétitoire.
1496. Parler on pétitoi,'e, c'est dire qu'il s'agit
du fond des droils qui se trouvent controvel'sés, et
�DU DOMAINE l'UBLIC.
469
il n'y a à cet égard, sur la matière des cours d'eau,
.que deux hypothèses qui puissent se présente.' :
celle où le litige a ponr objet une entreprise or~
donnée ou permise par l'administration publique,
et celle, au con~raire, où il porte sur des faits con, ou sur des ouvrages executes
'
, sans aucuue
sommes
autorisation.
Dans la première, l'autorité administrative est
seule compétente ponr statuer sur les réclamations
qui peuvent être élevées contre l'entreprise, parce
que tous les travaux de cette nature forment généralement le sujet auquel s'applique son pouvoir réglementaire, et qu'il est défendu aux tribunaux de
la troubler dans l'exercice de ses fonctions; sauf
néanmoins J'action jndiciaire qu'aurait tout propriétaire pour obtenir des dommages-intérêts à raison de l'exécution d'ouvrages qui, quoique faits par
la permission ou les ordres de l'administration, lui
causeraient dù préjudice (a).
Ai.nsi la justice ordinaire commettrait un excès
de pouvoir, en ordonnant la démolition d'un
barrage ou autre construction J ou l'interdiction de travaux commencés sur une rivière ou
autre cours d'eau par les ordres ou avec l'autorisation de l'administration publiqne «().
(a) Voy. l'arrêt du conseil du ~2 septembre 1812, dans SIREY,
en sa jurisprudence du conseil d'Etat, t. 2, p. 142, et aussi ce
qui a été dit suprà, nO 1138, et à la note du nO 1139.
(1) Voy. les arrêts du conseil d'Etat des 22 janvier 1824 et
22 novembre 1826., dans MACAREL, t. 6, p. 30, et t. 8, p. 711.
�470
'l'IIAITt~
Nous disons la démolition Olt l'interdiction
de travaux ordonnés Olt autorisés par l~administr.ation ~ car alors il ne s'agirait plus, d'une
simple rédamation de dommages-intérêts formée
contre' un tiers, mais bien d'arrêter la marche du
pouvoir administratif.
1!~97. Il n'existe qu'un seul cas où la justice
ordinaire puisse ordonner le sursis des travaux
prescrits par l'administration: c'est lorsqu'il s'agit
de s'emparer de quelques fonds privés pour servir
à un établissement public, comme un canal de navigation ou une route, et que les formalités préalables de l'expropriation, telles qu'elles sont établies
par la loi du 3 mai 1841, n'ont pas été exactement
observées Ca).
1498. Dans la seconde des deux hypothèses
posées plus haut, relative à des entreprises exécutées sans l'ordre ou la permission de l'administration, le débat est entièrement du ressort des tribul1anx civils.
Pour mettre ici le plus de méthode possible,
I10US envisagerons le poiht de compétence qui nous
occupe sous deux aspects différents, suivant qu'il
peut être qnestion de l'usage des cours d'eau en'
général, et abstraction faite du droit d'irrigation,
et suivant qu'il s'agirait seulemen t de cet usage pour
l'arrosement des terres.
Si nous établissons cette distinction, c'est parce
Ca) Voy. suprà> tom. 2, pag. 872 et suiv.
�DU DmIAINE PUIlLIC.
471
qu'en fait d'irrigation la règle de compétence est
explicitement consignée dans la loi positive, tandis
que sm le reste nons ne pouvons procéder que par
induction des principes généraux de la matière.
La compétence des tribunaux sur les cours d'eau
en général se détermine et se justifie comme con·
séquence nécessaire des règles que nous avons expliquées plus haut, et dont il suffit de faire ici le
rapprochemen t pour la mettre en toute évidence.
1499. D'une part, il est constant qu'à l'exception des rivières navigaLles ct flottables, que les
lois 0~1t entièrement placées dans le domaine public, tous les autres cours d'eau restent quant à
tous leurs usages, et même les ruisseaux quant à la
propriété foncière de leur lit Ca) , dans le domaine
privé des riverains.
Ainsi, et comme il est constant qu'en général les
droits d'usage, d'usufruit et de servitudes sont de
véritables droits de propriété pour ceux auxquels
ils appartiennent, il en résulte que les maîtres des
fonds riverains de tous les cours d'eau qui ne sont
ni navigables ni flottables sont de même véritablement propriétaires des droits d'usage et d'usufruit,
ou de ton tes autres servitudes actives, que la loi
leur départit exclusivement sur ces cours d'eau à
raison du voisinage de leurs fonds.
(a) Voyez sur cette distinction faite par l'auteur entre les
petites rivières et les ruisseaux, la note sous le nO 1417, suprà,
présent tome, pag. 317.
�472
TRAITÉ
Il faut porter encore la même décision ell ce qui
touche aux droits qui auraient été conventionnellement acquis: car, lorsque deux riverains conviennent que, relativement à l'usage ùes eaux, le
fonds de l'un restera d'une manière quelconque
asservi pour l'avantage de celui de l'autre, il y a
aussi et nécessairement un droit de propriété acquis par Je second sur le premier.
D'autre part, c'est un principe avéré, et à l'abri
de toute contradiction, que, d'après notre organisation sociale, toutes les questions de propriété
doivent être portées en justice ordinaire (1): donc
c'est à cette justice, et à elle seule, qu'il appartient
ùe prononcer sur les débats individuels qui peuvent
naître entre les riverains relativement à leur droit
J'usage sur les cours d'eau qui ne sont ni naviga'
bles ni flottables.
C'est à ce même pouvoir judiciaire que doit aussi
touiours êlre renvoyée l'appréciation des droits qui
peuvent ressol,tir des conventions qui auraient été
failes entre les parties (2).
1500. Si l'on veut encore, par contre-épreuve,
démontrer l'incompétence de l'autorité administrative à ce sujet, rien n'est pIns facile.
Il suffit de se rappeler que celle autorité n'est
(1) Voy. les arrêts du conseil du 2 août et du 15110vembre
1826, dans MACAREL, t. 8, p. 474, 475 et 708.
(2) Voy. les arrêts du conseil des 18 janvier ct 2 août 1826,
dans MACAREL, l. 8, fJ' 15 et 476,
�DU DürJIAlNE PUBLIC.
473
èhargée par les lois que de faire des réglements sur
la direction des cours d'eau; et en réfléchissant un
instant sur ce point, on demeurera convaincu qu'il
ne lui est point permis de statuer sur les questions
d'usage des eaux reveudiquées par les particuliers
les uns contre les autres; questions qu'on ne pourrait l'amener à juger sans l'entrainer évidemment
hors de sa sphère.
En effet, d'une part, comme le législateur n'est
pas juge de l'application de ses lois, de même le
pouvoir réglementaire. ne saurait être juge de l'application de ses réglements; car il suffit d'être placé
dans l'ordre législatif ou réglementaire pour être
constitutionnellement exclu de l'ordre judiciaire.
D'un antre côté, il est certain que le pouvoiradministratif ne doit se préoccuper que des intérêts
collectifs, tandis qu'on le ferait descendre jusqu'à
le rendre juge des contestations privées les plus
minutieuses, comme si le gouvernemen t des affaires
publiques n'était déjà pas une tâche assez lourde
et assez étendue.
Enfin il est indubitable que le pouvoir réglementaire de l'administration en fait de cours d'eau
ne concerne que l'organisation matérielle du sol,
tandis qu'on voudrait l'appliquer aux droits de
propriété des citoyens, c'est-à-dire à des droits d'u..
sage qui, incorporels par eux-mêmes, sont tout
autre chose que le tracé d'une rigole sur le terrain,
et dépendent naturellemen l d'une tout au tre cause.
L'incolll péteJ;lce de }'adll)inistration est donc ici
�474
TRAITÉ
de toute évidence; et de ce qu'elle a un pouvoir
réglementaire pour la direction des eaux, il ne serait pas plus permis de conclure que c'est à elle à
connaitre des procès que leur usage peut soulever entre les particuliers, que de soutenir qu'elle
seule devrait être juge du droit de propriété des
raisins pendants par branches dans les vignes" pal'
le motif qu'elle est chargée du soin ~'établir les
hancs de vendanges.
En résumé, deux conséqnences remarquables.
sortent de la discussion à l~quelle on vient de se
livrer :
1501. La première~ c'est qu'il n'appartient
qu'au pouvoir administratif d'autoriser on de prescrire des mesures réglementaires sur les cours
d'cau, rivières ou autres, et que toutes celles qu'il
a cru devoir prescrire ou autoriser ne peuvent re-.
cevoir aucune atteinte de la juslÎce.
1502. La seconde., et la plus importante relativement à la question qui nous occupe, c'est que
toute rivière qui n'est ni navigahle ni flottable doit
être considérée comme absolument placée sous les
règles du droit commun, et que les contestations
entre riverains sur l'usage ou la jouissance qu'ils
en ont, doivent être jugées Pfir les trihunaux,
comme si elles avaient pour objet des droits d'usage
ou de jouissance à exercer sur un pré ou sur tout
autre héritage indivis entre les parties;
Que, s'il y a des constructions ou autres ouvrages
sur la rivière ordonnés ou permis par l'administra-
�DU DOMAINE PUBLIC.
475
tion, les tribunaux sont tenus ùe lés respecter,
comme aussi de conformer leurs jugemeuts aux
prescriptions du réglement spécialement étahli par
la même autorité, surIe cours d'eau; mais qu'en
l'absence de toute disposition ou de tout acte réglementaire du pouvoir administratif, ils doivent
juger ces sortes de contestations particulières suivant les principes de l'équité et les règles du droit
commun, de la même manière qu'ils statueraient
sur toute autre espèce de droits attachés à la propriété foncièlie.;
Que si, par une pratique plus ambitieuse qu'éclairée, quelques préfets ont élevé le conflit pot~r
revendiquer, au nom du pouvoir administratif, les
causes de celte nature, c'est là une tentative illégale que la jurisprudence du conseil d'état ne
manque plus de repousser (1).
1503. Un arrêt de ce conseil en date du 29 novembre 1809, rendu après une longue discussion,
nous en offre une preuve positive: <c Considérant,
» porte-t-il, que le ruisseau de la Buronne n'est ni
» navigable ni flottable, et qu'il appartient à l'au» torité judiciaire de prononcer sur les contesta» tions relatives à l~usage d~une eau courante
" qui nefaitpas partie du domaine public(2);>l
et le motif rationnel de cette décision est qu'il ne
(1) Voy. l'arr~t du 22 décemhre, dans MACAREL, t. 6, p. 712,
an 1824.
(2) Voy. dans le supplément du journal des audiences de
cassation, vol. de 1810, p. 97.
�476
TRAITÉ
s'agit toujours que de statuer sur des droits prives,soit de propriété, soit d'usage individuellement re~
vendiqués par les parties plaidant les unes contre les antres.
Tels sont les principes sur lesquels repose la
compétence judiciairt'l relativement à l'usage des
cours d'eau généralement considéré; et, quoique
les ruisseaux destinés à l'irrigation des terres rentrent sous l'empire des mêmes règles, il y a en
ontre au Code civil, ponr ce qui les concerne, une
disposition spéciale dans l'art. 645, dont il nous
.reste à présen ter le corn men taire et" à faire voiJ; les
applications. Cet article est conçu dans les termes
suivants:
1504. cC S'il s'élève nne contestation entre les'
» propriétaires auxquels ces eaux peuvent être,
» utiles, les tribunaux, en pl'Ononçant, doivent
» concilier l'intérêt de l'agriculture avec le respect.
» dû à la propriété; et, dans tous les. cas, les ré» glements particuliers et locaux snI' le cours e~
» l'usage des eaux doivent être observés. »
S'il s'élève une contestation: cette règle est
générale; en sorte que, quelle que soit la cause du
débat, c'est toujours en justice ordinaire qu'il doit
être porté, à l'exception des cas où il s'agirait de
constructions ou suppressions d'usines, ainsi.qu'on
l'a vu plus haut (1).
(1) Voy.lesn~~H81 etsuiv.,suprà,
5uiv.
tOI))..
3"pag. 616,et
�DU DoM.A1NE PUBLIC.
477
1505. Entre les propriétaires: d'après la généralité de ces expressions, il semble d'ab'ord que
l'application de notre article devrait être faite au
propriétaire de la SOlll'ce comme à tous les autres,
et qu'en conséquence il serait obligé de subir luimême la loi du réglement qui pourrait être provoqué sur la distribution des eanx sortànt de son hé.
l'il age ; mais il ne faut pas perdre de vue que, l'al'""
ticle 641 lui accordant le droit d'en user à volonté
tant ·qu'elles sont sur son terrain, on ne pourrait
le forcer à se soumettre à une participation contributive avec les autres (a); d'ailleurs, et par la nature des choses, le partage réglementaire des eau1t
ne doit avoir lieu que là où il y a des droits indivis,
et par conséquent seulement entre les riverains qui
n'ont pas, COllime le propriétaire de la source, le
droit d'user à volonté.
Au reste, s'il possédait encore un autre fonds
situé plus bas sur le ruisseau, il serait, quant à ce
dernier héri~age; de la même condition que les
autres coriverains, puisqu'il s'agit ici 'de droits réels
qui ne se rattachent qu'au sol Ch).
Arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 1R40 (Slrej,
40-1-207). « Attendu, porte son motif sur la question, que les
» art. 644 et 645 n'attrihuent une sorte de pouvoir discrétion» naire aux tribunaux, en leur donnant celui de concilier les
>l intérêts de l'agriculture avec le respect dû à la propriété, que
>l dans les cas où il s'agit d' eaUXCOlirantes, et sans préjudice
>l des dispositions de l'art. 641. Casse. "
Cb) Cette proposition n'est vraie qu'autant que les eaux parvieu(a)
�478
TRAITE
1506. Auxquels ces eaux peu fient dtre
utiles: c'est-à-dire peuvent être utiles de toute manière, ou pour faire rouler leurs usines, ou pour
arroser leurs terres. Ce texte doit être égalemelit
appliqué à l'un de ces cas comme à l'autre, parce
qu'en s'abstenant de désigner aucun genre d'utilité
quelconque, le législateur a voulu les embrasser
tous: ainsi, soit que les débats s'élèvent entre un
meunier qui s'oppose à ce qu'on touche à son l'Ilisseau, et des propriétaires de prés qui veulent y faire
des prises d'eau, soit que les contestations n'aient
lieu qu'entre plusieurs meuniers (1), ou seulement
entre plusieurs riverains pour l'irrigation de leurs
héritages, c'est toujours à l'autorité dont il va être
question, que doit être portée )a connaissance du
litige.
1507. Les tribunaux ~ en prononçant: c'est
donc un principe constant, comme on le voit par
les termes de notre article, que tous les procès entre
particuliers concernant l'usage des eaux qui n'appartiennent point au domaine public sont exclusivement dévolus à la justice ordinaire, senle illslÎdraient à ce second héritage en suivant le lit de l'ancien ruisseau, car si le maître les y dirigeait au moyen d'un aqueduc ou
d'une rigole établi en vertu de la loi du 29 avril 1845 .. il aurait
dans ce fonds inférieurles mêmes droits sur les eaux que dans le
terrain où elles prennent naissance. Les eaux, ainsi déci vées ,
sont une nouvelle source dans l'héritage où elles sont amenées.
(1) Voy. le décret du 23 avril 1807 dans la jurisprudence du
conseil d'Etat, par SI1IEY ,t. 1 , p. 86.
�DU DOMAINE PUBLIC.
4'19
tuée pour prononcer sur les questions relatives à la
propriété, et par conséquent aux droits d'usage
inhérents au fonds privé.
1508. Doivent concilier IJintédt de IJagriculture: c'est dans ces expressions que se t'rouve
la disposition annoncée plus haut et spécialement
relative aux cours d'eau d'irrigation.
Avec le respect dtl à la propriété: le pouvoir
disc~étionnaire que la loi accorde ici aux tribunaux
démontre bien patemment, comme nous l'avons déjà dit et répété plusieurs fois, que l'eau cou~
l'ante, considérée en elle-même, n'est la propriété
de personne; car, si elle était rigoureusement dans
le domaine de l'homme, l'autorité judiciaire ne
pourrait en attribuer à l'un aucune portion an pré~
judice de l'autre.
1509. Ainsi, quoiqu'un ruisseau appartienne
exclusivement, quant à son lit, au propriétaire
dont il traverse l'héritage, ce propriétaire peut être
forcé à subir le joug d'un réglement, puisque la
loi veut que le tribunal, statuant sur le partage des
eaux, puisse concilier l'intérêt de l'agriculture avec
le respect dù. à la propriété, en adjugeant aux uns
ce qui peut être nécessaire à la fertilité de leurs
terres, malgré les prétentions contraires d Il propriétaire d Il ruissea u.
Ainsi, et encore, lors même qu'un cours d'eau
serait reconnu appartenir au maître d'une usine qui
en aurait acheté on prescrit l'usage, les tribunaux
auraient toujours, en vertu du pouvoir discrétion-
�,,,80
TRAITÉ
,
naire que la loi leur accorde, le droit de permeilre
aux riverains quelques pris.es d'eau pour l'inigation
de leurs fonds (a). Cette disposition de notre Code
est pleine de sagesse, attendu qu'il faut, autant
que possible, rendre utile à tous un élément que la
nature a produit pour tous; si en effet; sous le prétexte que l'usage d'un cours d'eau a été exclusivement acquis par le meunier, celui-ci pouvait,
comme quand il s'agit d'uue propriété ordinaire,
inlerdire aux autres la faculté d'y toucher, il en
résulterait que, Inême pendant les jours de chômage, ou aux. époques où les eaux, par leur grande
abondance, sont en partie superflues pour le roulement de l'usine, il faudrait les voir s'écouler en
pure perte, au lieu de les employer à la fertilisaLÏon
des terres; conséquence qui serait tout-à-fait contraire au décret de la Providence, qui nous les envoie pour servir autant que possible à l~uLÏlité de
tous (6).
•
!
(a) C'est ce qu'a jugé un arrêt de la Cour de Bordeaux du
23 janvier 1838 (Dalloz, 38-2-60). L'arrêt de la Cour de cassation du 24 janvier 1831 (Sirey, 31-1-83) n'a décidé le contraire que parce qu'il s'agissait d'une dérivation d'une rivière
navigable et flottable sur les eaux de laquelle la concession conférait au concessionnaire un droit de propriété absolu. M. Pardessus, des Servitudes, na 112, enseigne aussi qu'en vertu de
l'art. 645, les tribunaux pourraient autoriser les riverains d'un
hief il utiliser le superflu des eaux.
Cb) Voyez suprà, la note sous le nO 1425, présent tome, pages
325 el suiv.
Dans un rapport fait le 23 avril 1791 à l'Assemblée consli.
\
�DU DûMAll'IE PUBLIC.
481
1510. Au reste il ne faut pas perdre de vue que
le droit d'irrigation n'appartenant qu'aux fonds qui
bordent le ruisseau, si le meunier, indépendam-
tuanle, et que nous avons déjà cité, suprà, à la noIe de la pnge
46, notre parent, M. Arnoult, député de Dijon, posait le principe de la liberté de l'usage des rivières en fav~ur de l'irrigation, et s'élevait avec énergie contre l'esprit d'envahissement
des üsiniers : « Ainsi nécessaires aux besoins de tous, disait-il,
)) pag. 16 et 17, les rivières, non plus que les fleuves, ne peuvent
)) être la propriété d'un seul. Envahies par les seigneurs justi" ciers, au même titre et de la même manière quc les fleuves
)) navigahles, comme eux, elles doivent rentrer dans les mains
)) de la nation; elles ne peuvent pns même apparlenir à une
Il communauté d',habitants, puisqu'elles formeraient alors une
" propriété particulière et spéciale. Or toute possession exclu" sive est incompatible avec les vues que la nature s'est proposées
)) en étahlissant l'union des sociétés sur la communion des
n éléments.
" Après avoir satisfait aux besoins des hommes et des ani)) maux, la destination la plus naturelle des rivières est l'irri" gation du sol qu'elles parcourent.. ..
n Le droit de l'industrie mécanique ne s'est établi sur les eaux
" que longtemps après celui de l'agriculture. Quelque précieuses
)) que soient les productions du manufacturier, elles le sont
)) moins sans doute que celles du cultivateur. Ainsi, dans 1'01'" dre du temps, comme dans l'ordre de l'économie sociale, l'inn térèt de l'industrie ne doit être considéré qu'àprès celui de
)) l'agriculture. - Ajoutons que le plus nécessaire des arts a
" toujours été le plus juste. - L'agriculteur emploie le secours
" des eaux sans nuire à personne; il se contente de les conduire
" un moment sur son champ, et les rens! ensuite à la pente qui
" les porte à son voisin. Le mécanicien, au contraire, les en" chaîne dans leur course; il ne se croit sûr du succès de son
TOM. IY.
.
,
�TlIAI1:É
ment de la propriété du cours d'cau, avait encore
de chaque côté un certain espace de terrain, quelque étroit qu'il füt, les voisins, suivant la règle du
droit commun., ne pourraient être autorisés à y pratiquer aucune tranchée ou rigole Ca) à moins qu'il
n'y eût titre ou possession suffisante à cet égard.
1511. Dans tous les cas les réglements
particuliers et locaux: lorsqu'il existe des réglements particuliers et locaux, soit qu'on les trouve
dans quelques dispositions des anciennes coutumes,
soit qu'ils aient été faits autrefois par les Parlements,
par la maîtrise des eaux et forêts, ou par le conseil
J'Etat,soitqu'ils émanent de l'admi,nistration établie
depuis la révolution, les tribunaux sont obligés de
les suivre, tant qu'on ne les a pas fait réformer par
l'autorité compétente, qui peut toujoUl's les modiGer en considération des abus remarqués dans leur
exécution ou des changemeuts survenus dans l'état
des lieux.
1512. Sur le cours et l'usage des eaux doi'lent ~tre ,obseryés : c'cst-à·dit'c que les réglemenls
dont il s'agit font la loi, qu'il s'agisse de la direction et du tracé du ruisseau en lui.même, ou
travail qu'en les accumulant devant ses machines; il submerge
sans pitié, presque toujours sans intérêt, les champs et les
» maisons qui l'avoisinent ;....•. il est, en un mot ,... l'ennemi
» mortel des hommes et le fléau de l'a~riculture. »
Ca) Henrys, suite du liv. 4, guest. 149. - l'vouveau Denizart, VO hief, nO 2. - Lacombe, Dictionnaire de droit, VO eau,
nO 2.
»
»
�DU. DOMAINE PUBLIC.
de la répartition de l'eau qui le constitue, parce que
ces deux objets sont également réglementaires. Et,
comme ceux qui prétendentàl'usage des eaux pour
l'irrigation sont maîtres de renoncer à l'exercice de
leurs droits en faveur les uns des autres, ou de les
soumettre à toutes sortes de modifications inoffensives à l'égard des tiers, il faut dire encore qu'ils
peuvent s'imposer, par conventions, leur réglement
particulier, et ,que les tribunaux doivent statuer sur
leurs différends conformément aux accords qu'ils
auraient régulièrement arrêtés entre eux Ca).
Pour arriver à'des applications plus précises, il
faut remarquer que, d'après cet article, les contestations judiciaires sur l'usage des cours d'eau
peuvent être élevées dans deux hypothèses différentes, suivant qu'il y aurait ou non par rapport au
ruisseau donnant lieu au litige, un réglement particulier et local, ancien ou nouveau, étahli par
une autorité compétente.
1513. Dans le premier cas, les tribunaux doivent y conformer leurs décisions comme à une loi
spéciale.
Ainsi, en supposant que ce réglemènt ail fixé la
direction ou le tracé du ruisseau, et qu'un des riverains ait voûlu en détour~er, ou en modifier le
cours, il devra être condamné à rétablir les lieux
Ca) Voy. les arrêts du conseil d'Etat du 22 décembre 1824,
(Macarel, t. 6, p. 712), et de la Cour de cassation du 8 septembre 1814 (Sirey, 15-1-26), ainsi que l'opinion de M. Pardessus, des sel'lJitudes, n" 113.
,
�484
TRAITÉ
en l'état où ils étaient avant son entreprise, avec
dommages-intérêts compétents.
AinsI encore, en admettant que le réglement ait
assigné plusieurs rigoles d'irrigation aux différen ts
héritages, et que l'un des pr,opriétaires ait mis obstacle à ce que les rigoles de l'autre remplissent
leurs fonctions, il devra être contraint par les tribunaux à remettre les choses dans leur état primitif
et à r~parer le préjudice causé.
Ainsi enfin, lorsque le réglement a établi sur
l'usage des eaux une distribution suivant laquelle
les riverains doivent en profiter alternativement à
des jours ou à des heures différents, toute pratique
contraire devra être interdite par la justice, et les
entreprises tentées à ce sujet devront être réprimées et punies au moins par des réparations civiles.
1514. Mais ordinairement les réglements particuliers sur les cours d'eau n'existent que là où ils
ont été provoqués par de grands intérêts. On en
voit bien peu d'exemples en France, et l'administration ne pourrait pas même, s,ans abus, ordonner
qu'il en fût établi partout.
Il y aurait abus, parce que ce n'est peut.être pas
dans un demi-siècle qu'on parvienck.ait à exécutel'
une pareille mesure, qui eotl'ainerait d'énormes
sacrifices.
Il y aurait abus, parce que l'administration ne
doit opérer, antant que possible, que sUl'les grandes
masses, sans se montrer tracassière' en voulant
�DU DOMAINE PUBLIC.
485
descendre dans les plus minutieux détails, relatifs
aux intérêts privés.
Il y aurait abus, parce qu'on viendrait, anx dépens du repos des familles, exciter les rivalités d'une
foule de propriétaires voisins qui vivent en paix,
contents de jouir suivant leurs anciens usages.
L'hypothèsela pluscommune pour les cours d'-eau
qui ne dépendent pas du domaine public est donc
celle où il n'y a pas de réglemen t particulier. Mais
cette absence de disposi tions réglemen taires peut-elle
autoriser à ne point rendre la justice? Evidemment
non; puisqu'aux termesde l'art. 4 du Code civil,cc1e
» juge qui refusera de jugel', sous prétexte du si» lence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi,
:» pourra être poursuivi comme coupable de déni
» de justice. » Il faut donc que les tribunaux prononcent sur les débats dont il est ici question; de
cc qu'il, n'existe point de statut spécial pour tel ou
tel cours d'eau, il résulte seulement qu'ils n'en auront point à suivre dans leur décision, et qu'en
usant du pouvoir discrétionnaire que la loi leur départit, ils devront, outre les règles du droit commun, cons'ulter surtout les principes de l'équité
naturelle qui leur paraîtront applicables d'après la
position des lieux et tes autres circonstances de fait.
1515. Ainsi, àsupposer qu'un particulier autre
que le l'naître du fonds de la source soutienne qu'il
est seul propriétaire, soit du lit, soit du cours d'un
ruisseau; -qu'il peut en changer la direction et y
empêcher des prises d'eau, comme tout proprié-
�486
TRAITÉ
taire peut jouir et disposer exclusivemeutdece qui
lui appartient, sans en rien ,délaisser aux autres; à
su p poser au contraire que les voisins prétendent que
ce ruisseau et le terrain sur lequel il coule leur sont
communs avec celui qui les revendique exclusivement, ou que seulement en leur qualité de pos.sesseurs de fonds situés en aval, ils ont le droit
d'exiger que le cours d'eau soit laissé dans son ancien lit pour servir à l'i1'l'igation de leurs héritages,
et qu'en conséquence il n'est poiut permis de changer à leur préjudice la direcLÏon que la nature lui
avait dOl\née : la contestaLÏon sera toute judiciaire,
en ce qu'elle ne portera que sur les droits individuels des parties intéressées; et, en l'absence d'un
réglement particulier qui aurait été fait sur le cours
d'eau, le tribunal, comme on vient de le dire,
devra statuer d'après les principes du droit commun et les règles de l'équité naturelle.
1516, Ainsi encore, si la eontestation surgit
entre un meunier et un ou plusieurs propriétaire.s
riverains du canal qui est reconnu appartenir à l'usine; si le meunier soutient que toutes les eaux
étant nécessaires au roulement du moulin,. ou ne
peut lui en soustraire aucune partie, tandis que
les riverains prétendent avoir le droit d'y faire des
saignées pour l'irrigation de leurs terres: le tribunal, prononçant SUI' leur déhat, devra, comme le
porte l'article 645 du Code, concilier autant que
possible l'intérêt de l'agriculture avec le respect dû,
à la propriété du meunier.
�DU DOMAINE l'UllUC.
487
La question serait la même, ou plutôt de même
naturequantau fond du droit, si le litige avait pOUl'
objet quelques barrages ou autl'es ouvrages pratiqués, sans autorisation du pouvoir administratif,
dans une petite rivière ou un ruisseau, soit pour
donner à l'eau une direction autre que celle qu'elle
avait naturellement, soit pour lui assigner une destination nouvelle. C'est toujours en justice ordinaire que devrait être portée l'action de celIX qui
prétendraient que l'entreprise tend à les priver de
l'usage total ou partiel des eaux, ou à les faire refluer d'une manière dommageable pour eux.
Il n'y a qu'un seul cas où les questions de bai·rages soient exclusivement de la compétence de l'administration active: c'estlorsqu'il s'agit de la constl'Uction du barrage ou de l'écluse d'une usine, .
parce qu'ainsi le veut l'article 16, titre 2, de la loi
du 6 octobre 1791, à raison de cc que ces sortes
d'établissements concernent toujours l'intérêt général de la société.
Mais un barrage élevé à toute autre fin, ne se
rattachant jamais qu'à des intérêts privés, les difficultés qui pourraient naître à l'occasion de son
établissement, des changements qui y seraient opérés ou de sa démolition, doivent-être dévolues à la
justice ordinaire toutes les fois qu'il ne s'agit pas
de cours d'eau appartenant au domaine public (1).
Lorsque les barrages ou autr~s ouvrages faits
(1) Voy. l'arrêt du conseil d'Etat du 16 octobre 1809, dans
t. 1, p. 325, nO 29~).
SUŒY,
�488
TRAITÉ
dans une. petite rivière ou un fuisseau, sans autorisation de l'administration, portent préjudice, nul
doute que les tribunaux ne puissent et ne doivent,
snI' la demande des plaignants, ordonner que les
lieux seront rétablis dans leur état primitif, et con.
d amnel' 1e constructeur a. tous d ommagcs-lUt-er~t-s
compétents.
1517. Là où il n'y a pas de réglements particu-.
liel's auxquels les tribunaux soient tenus de conformer leurs jugements, ils doivent statuer, même
par voie de répression s'il y a lieu, sur les prétentions des parties, soit d'après leur possession, s,oit
à vue des titres que les unes pourraient avoir à l'égarddes autres (1).
151S-. Dans tous les cas où il s'agit du droit
d'irrigation, ils peuvent encore, à défaut de réglement spécial, répartir la jouissance ou la distribution des eaux entre les divers intéressés qui sont en
cause, de manière à accorder, suivantl'étenclue des
droits respectifs, aux uns l'arrosement à tel ou tel
jour ou heure, et aux autres pour le surplus du
temps, comme aussi prescrire toujours, autant que
possible, proportionnellement aux droits des parties colitigantes, l'établissement de diverses rigoles
et petites vannes qui serviront aux prises d'eau:
Ce point de compétence résulte évidemment du
texte précité du Code, portant qu'ils doivent confA
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 2 août 1826, dans
t. 8, p. 473.
MACAREL,
�DU DOMAINE PUllLIC.
4·89
cilier l'intérdt de l'agriculture avec le respect
dû à la propriété :. cè qui suppose nécessairement
qu'ils ont reçu de la loi un pouvoir discrétIonnaire
et suffisant pour régler les droits de chacun à l'usage des eaux courantes qui, par leur nature et
comme élément offert aux besoins de tous, ne sont
exclusivement la propriété de personne. C'est ainsi
que la question a été jugée par un arrêt très~remar
quable de la Cour de cassation du 10 avril 1~b l (l).
1519. Vainement opposerait-on qu'on arriverait par là à conférer à l.a justice ordinaire le
pouvoir réglementaire qui n'appartient qu'à l'admi~
nistration: car il ne s'agit pas ici de diriger l'écoulement des eaux dans un in térêt collectifde manière
à les rendre plus utiles à la société géoéralemen t
prise,abstraction fàite de tel ou tel individu, comme
si l'on voulait, par exemple, assainir un territoire ou
prévenir des inondations, mais bien de statuer snr
les intérêts privés des colitigants qui sont personnellement en qualité dans la cause, et d'étahlir des
rigoles d'irrigation suivant la mesure particulière
de leurs droits respectifs.
En un mot, il ne s'agit pas d'un réglement qui
puisse atteindre tous les hab~tants d'une contrée,
présents ou absents, mais. seulement d'un réglement de jouissance de droits d'usage indivis entre
ce~taines personnes déterminées, et individuellement intéressées; ce qui n'est qu'un partage de
(1) Recueil de SIREY, 21-1-316.
�490
TRAITÉ
la chose commune entre plusieurs; pal'tage qui dèslors tombe dans les attributions judiciail'es, tont
comme y tomberait le partage d'une succession
entre cohéritiers: avec cette différence néanmoins,
qu'en fait de distribution des eaux, les tribunaux
ont un pouvoir discrétionnaire beaucoup plus
étendu que celui dont ils sont investis pour la
fixation et l'attribution des lots d'une succession (a).
(a) En fait J'irrigation, la loi du 29 avril 1845 a conféré
aux tribunaux civils une nouvelle attribution par son article 4
ainsi conl5u :
.. Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'établis» sement de la servitude, la fixation du parcours de la con" duite d'eau, de Ses dimensions et de sa forme, et les indem» nités dues soit au propriétaire du fonds trav,ersé, soit à celui
» du fonds qui recevra l'écoulement des eaux, serout portées
" devant les tribunàux, qui, en prononl5ant, devront concilier
» l'intérêt de l'opération avec le respect dû à la propriété.
» Il sera procédé devant les tribunaux comme en matière
" sommaire, et, s'il y a lieu à expertise, il pourra n'être nommé
» qu'un seul expert. »
Selon notre usage, essayons de saisir le sens de cette disposition en en reprenant et examinant successivement les
termes.
Les contestations auxquelles peuIJent donner lieu. Lorsque
les parties, savoir, d'une part celui qui veut dériver les eaux,
et d'un autre côté les propriétaires des fonds qui doivent être
traversés par les rigoles ou aqueducs destinés à les amener ou à
les faire écouler, sont capables de disposer de leurs droits et
tombent d'accord de l'utilité de la dérivation, du droit qu'a le
demandeur de disposer des eaux, des points où doivent être éta~
hlis les aqueducs ou rigoles, de leur forme et dimensio~ et de
�DU DOMAINE PUBLIC.
491'
Quoique les explications ci-dessus soient déjà
fort développées, nous croyons néanmoins qu'il ne
l'indemnité à payer, le recours aux tribunaux est absolument
inutile, et un traité authentique ou sous seing privé suffit. Mais
si l'une de ces conditions manque, soit parce que l'un des propriétaires ne peut aliéner, soit parce que l'accord n'est pas complet sur tous les points ci-dessus, il faut requérir l'intervention
de la justice. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait, à proprement
parler, contestation, c'est·à-dire, d'après l'acception ordinaire de
ce mot, refus, résistance, prétention contraire; le défaut de
consentement positif résultant du simple silence ou de l'impossibilité légale de manifester sa volonté, rend obligé le recours
aux tribunaux. Pour plus d'exactitude, l'article aurait dû être
rédigé dans le sens du 6" alinéa de l'article 13 de la loi du 3
mai 1841 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique,
commensant par ces mots: « A défaut de conventions amiables,
etc. \)
L'étahlissement de la serpitude. Ces expressions se réfèrent
exclusivement aux trois premiers articles où, comme nous l'avons expliqué, il ne s'agit que de la servitude de passage de l'aqueduc ou de la rigole à travers les fonds intermédiaires, mais
nullement du droit même de prise de l'eau qui reste SQUS l'empire du droit commun, et qui, par conséquent, est du ressort de l'autorité administrative ou judiciaire, selon qu'il s'agit
ou non d'une eau dépendant du domaine public.
Le privilége attaché à l'attribution faite par notre article COIlsiste en ce que, d'une part, l'affaire est jugée comme en matière
sommaire, et, d'un autre côté, le tribunal peut ne nommer qu'un
seul expert, au lieu de trois, Or ce privilége ne saurait être réclamé qve pour l'étahlissement même de la servitnde, mais nullement
pour toutes les autres questions qui s'y rattachent plus ou moins
directement. Ainsi les contestations qui pourraient s'élever sur
l'interprétation et l'exécution d'un traité conclu amiablemententrr
les parties pour l'établissement de l'aqueduc, sur les réparation,;
�492
Tl\AITÉ
sera pas inutile d'y ajouter encore l'examen- dequelques questions de détail dont la discussion ser..
et les curages à y faire, sur les dommages qui pourraient en
résulter en cas d'inondation ou d'infiltration, sur l'abus que l'on'
prétendrait que le propriétaire en fait en introduisant des eaux
destinées à toute autre chose qu'à l'irrigation, sur le,maintien
de la servitude ou so1\ extinction pour cause d'inutilité, de non
usage, de cessation, d'enclave-, etc., restent toutes soumises au
droit commun et doivent être, comme les autres' affaires réelles,
instruites et jugées dans les formes de la procédure ordinaire.
La dérogation n'existe que pour l'instance relative à l'établissement, et comme c'est une exception, elle doit être strictement
restreinte à son objet.
La fixation du parcours de la conduite d'eau. « Cette fixa-'
» tion, disait M. Dalloz ,dans son rapport, a pour objet de
» permettre à l'autorité judiciaire de choisir, dans les terrains
li soumis à la servitude, l'endroit où la servitude sera établie.
» C'est quelque chose de-pareil au droit de passage qui est donné
» au propriétaire enclavé sur les propriétés qUl"l'enclavent; les
» tribunaux ~hoisissent le lieu du passage. » Nous avons exposé
fluelques règles à cet égard, Juprà, pages 379 et suiv., 393 et
suiv., 420 et'suiv., 427 etsuiv.
Un député, M. Durand de Romorahtin , avait demandé le
l,etranchement des mots la fixation àu parcours, sur le motif
qlle, d'après la législation existante, « les canaux d'irrigation;
» quoique dans le domaine privé, sont considérés comme d'uII tilité publique et générale, et comme tels
sont placés sous
» la surveillance et l'administration de l'autorité locale pour tout
.. ce qui tient au mode de construction, de réparation, etc. »
(séance du 13 février, Mon., page 329). Mais sur l'obser·vation
faite par le rapporteur (ibid. ), qu~ l'auteur de l'amendement
« confondait les grands canaux d'irrigation entrepris par l'Etat
» ou par des compagnies concessionnaires en vertu de la loi
Il d'expropriation, avec les petites rigoles, les cana UX, établi
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
493
vira à éclaircir davantage certains points de la matière.
.. dans un intérêt purement privé,
fut rejeté.
1)
le retranchement proposé
De ses dimensions et de sa firme', Le ministre des travaux:
publics, en convenant que la fixation du parcours devait être
abandonnée aux: tribunaux, en ce qu'il ne s'agissait là que de
l'établissement d'une servitude, « croyait qu'il y aurait quel" qu'inconvénient à laisser dans les mêmes attributions la fixation de la dimension et de la forme. - La fixation, disait-il,
rétroagit en effet sur le régime du cours d'eau auquel la
" dérivation e!'t empruntée. Suivant que la dimension est plus
" ou moins considérable, le régime du cours d'eau est plus ou
moins appauvri. Je crois qu'il y aurait quelque contradiction
entre les dispositions qui permettraient à l'autorité judiciaire,
au moyen d'u.ne dimension excessive, de dériver le cours d'eau
tout entier, et l'art. 5 qui maintient l'autorité administrative
" dans ce qui concerne la police des eaux. La police des eaux
" serait enlevèe à l'administration, si l'autorité judiciaire avait
" le droit de fixer la dimension et la forme de l'aqueduc II (Mon.,
pag. 329). M. Philippc Dupin fit remarquer avec raison que ce
système entraînerait deux procès, l'un auprès des tribunaüx pour
l'établissement de la servitude, et l'autre auprès de l'administration pour la fixation de la dimension et de la forme, tandis
que les tribunaux, juges naturels des questions de propriété,
devaient prononcer sur la totalité de la servitude. M. le rapporteur insista aussi de son côté en disant qu'il fallait distinguer
entre là forme et la dimension de la prise d'eau, et celles de
l'aqueduc ou de la rigole; ,que la fixation de la première était
régie par l'art. 5, satisfaisant complétement aux justes prérogatives de l'administration, mais que celle de la rigole creusée
claus l'intérieur des terres ct sons influence sur le régime du cours
d'eau devait exclusivement rester sous la tutelle des tribunaux:
comme se rattachant à uue question de propriété. Par suite de
I)
1)
1)
1)
1)
1)
�494
TRAITÉ
PREMIÈRE QUESTION.
Quelles sont les différences les plus eSsentielles entre l~action administrative et l~ac'
tion judiciaire en ce qui concerne les réglements des cours d'eau d~irrigation?
1520.
La première et la principale différence
ces explications, le ministre se départit de sa demande en retranchement, et cette partie de l'article fut maintenue.
Et les indemnités dues. Voy. suprà, pag. 403 il 418, et 4~1
à 435.
C'est un point très-controversé que de savoir par qui doivent être réglées les indemnités pour dommages causés par
l'exécution de travaux publics; est-ce par un jury, par les conseils de préfecture ou par les tribunaux ordinaires? Voyez à ce
sujet, nO 571, suprà, tom. 2, pag. 370 et suiv., une longue
dissertation de laquelle il résulte que les tribunaux prétendent
être compétents, mais qu'au moyen des couflits, l'administration est parvenue à s'emparer de ceUe attribution. Ici le
doule n'était point possible puisqu'il s'agit d'une affaire privée
eiltre simples particulieI'&; la loi ne pouvait se dispenser d'en
déférer la connaissance aux trihunaux civils.
Nous croyons devoir insister ici sur un point que nous avons
déjà touché ci-dessus, pag. 416 et suiv., savoir: que l'indemnité
dont il s'agit est, comme celle en cas d'expropriation pour cause
d'utilité publique proprement dite, immobilière, et par suite
doit -appartenir aux créanciers hypothécaires, selon leur rang
d'hypothèque.
La nÎson de douter peut venir de ce que le principe ùe.l'ex~
propriation pour le passage des eaux ayant été repoussé, l'indemnité due à raison de l'établissement de la servitude ne saurait
alors être assimilée qu'à celle pour dommilges permanents et dépréciation résultant de travaux puhlics dont la fixation appartient
aux conseils de préfecture, conformément aux art. 4 de la loi du
;
�DU DOMAINE PUBLIC.
495
entre les deux espèces résulte de ce que l'action
administrative est une action puhlique et impres28 pluviôse an vIiI, et 55 de celle du 16 septembre 1807; que cette autre indemnité étant évidemment mobilière, puisque
la loi n'exige pas que l' arr~té qui la fixe soit transcrit au bureau
des hypothèques et notifié, et qu'il est incontestablement admis
que l'Etat s'en libère valablement par le paiement fait au propriétaire seul, en l'absence des créanciers privilégiés et hypothécaires, il doit en être de même de l'autre.
Sans contester cette dernière solution que nous adoptons au
contraire, il nous semble que l'analogie est loin d'être complète
entre les deux hypothèses: en effet, d'une part, la servitude qui
nous occupe consiste dans tous les cas en un véritable démembrement de la propriété, équivalant le plus souvent à l'expropriation même du sol, puisque l'emplacement du canal de l'aqueduc ou de la rigole n'est plus guère susceptible de produits
en faveur du ma~tre de l'héritage qui le fournit, taudis que si
les dommages résultant des travaux publics affectent quelquefois
d'une manière permanente la propriété, le plus ordinairement
aussi ils ne sont que temporaires, et consistent seulement dans
une privation ou une diminution de récolte, ou dans la prise de
matériaux: en sorte que, dans l'impossibilité d'établir une ligne
de' démarcation fixe entre les deux espèces, on a dû qualifier le
genre par son caractère le plus général et le plus ordinaire, celui
d'indemnité mobilière.
D'un autre côté, les indemnités pour dommages causés par
des trnvaux publics étant quelquefois très·faibles et revenant
souvent à un grand nombre de parties, il y aurait presque im- .
possibilité à appeler, pour se les partager, tous les créanciers
de chacune d'eUes, tandis que le m~me inconvénient est peu à
craindre lorsqu'il s'agit du passage des eaux qui ne doit s'effectuer que sur deux ou trois héritages, et qui, en général, donne
lieu au paiement de sommes importantes.
En troisièm~ lieu, les travaux publics d'où résulte le dom-
�496
TRAITÉ
criptihle, exercée au nom de la société, qui iriler..
m~ge étant exécutés et l'indemnité payée, les créanciers qui ont
un droit réel sur l'immeuble ne peuvent demander le rétablissement des lieux dans leur premier état, ce qui serait souvent
impossible en fait et toujours inadmissible en droit, l'utilité publique à l:lquelle tout doit céder en ayant toujours été la cause
déterminante, tandis que rien ne s'oppose, en fait d'irrigation
établie dans un intérêt purel1)~nt privé, à ce que ceux dont les
droits réels sur le fonds ont été lésés et111éconnus demandent et
obtiennent, tant qu'ils ne seront pas indemnisés pécuniairement,
la suppression du canal ou de l'aqueduc qui déprécie leur gage,
ici l'intérêt et les droits de l'un n'ayant aucune prépondérllnce
sur l'intérêt et les droits des autres.
Enfin l'ensemble de la législation spéciale sur les traVaux. publics, tel que le constituent les lois des 28 pluviôse an VIII ,
16 septembre 1807 et 3 mai 1841, ne p~rlant des créanciers
hypothécaires et n'exigeant leur intervention que dans le seul
cas de l'expropriation proprement dite du sol même, on doit dire,
d'apr"ès la règle des inclusions, que le législateur les a mis à l'écart dans tous les autres cas, sans qu'il soit permis d'invoquer
en leur faveur les dispositions du droit commun absolument
inapplicable en cette matière exceptionnelle, tandis que, à part
la concession de la faculté exorbitante de passage forcé des eaux,
l'irrigant et le propriétaire intermédiaire restent, pour tous leurs
droits et obligations resp.ectifs , soumis à la loi commune et aux:
principes qui régissent les rapports de particulier à particulier.
Soit au propriétaire du fonds traversé, soit à celui dufinds
'lui recevra l'écoulement des eaux. Nous avons fait remarquer,
suprà, page 428, le vice de rédaction de l'art. 2, d'après les
expressions littérales duquel, il semblerait que les eaux de col~
ture pourraient être déversées par le propriétaire irriganf sur
les fonds inférieurs sans aucune précaution et par une infinité
de points, comme lorsqu'il s'agit des "eaux: naturelles dont parle
l'art. 640 dU"Cod. civ. Loin d'avoir cherché à rectifier ici ce'
faux sens, on croirait que le législateur a pris à tâche de le con-
�497
DU DOMAINE PUBUC.
'Vient ou est censée intervenir d'office pour pourfirmer en mettant en opposition par deux expressions différentes,
trarersé et recerra l'écoulement, le mode de passage des eaux
sur le fonds supérieur et sur celui inférieur. Cependant il doit
être identique dans les deux cas et doit s'effectuer par un canal,
un aqueduc ou une rigole aussi bien en aval qu'en amont de
l'héritage à irrigucr.
Seront portées derant les tribun.aux. La loi n'ajoutant aucune qualification à cette dernière expression, l'attribution de
compétence est évidemment faite aux tribunaux civils d'arrondissement investis de la plénitude de juridiction et d'ailleurs juges
naturels de toutes les questions de propriété ou de servitudes.
Comme l'.lction résultant de notre loi tend à obtenir un droit
de servitude sur un fonds, elle est réelle et par suite doit être
portée, conformément à l'art. 59 du Cod. de procéd. civ., devant
le tribunal de la situation de ce fonds, sans ég-ard au domicile du
demandeur ou du défendeur, et encore que l'héritage à irriguer,
qui ne doit pas être pris à cet égard en considération, soit situé
dans un autre ressort.
Qui, en prononçant, derront concilier l'intért1t de l'opération
arec le respect di!. à la propriété. CeUe disposition est, à part
un seul mot sur lequel nous reviendrons ci-après, la reproduction littérale d'une partie de l'art. 645 du Cod. civ.
Nons avons établi plus haut, pages 374 ct suiv., en rendant
compte de la substitution dans l'art. 1er des mots pourra obtenir
à ceux pourra réclamer, que le pouvoir conféré par la loi nouvelle aux tribunaux allait jusqu'à leur permettre de refuser le
passage des eaux s'ils pensaient que la concession dût avoir des
inconvénients par rapport à l'intérêt général ou même à un intérêt
privé considérable, et nous avons critiqué cette attribution nouvelle et exorbitante qui ne tcnd rien moins qu'à renverser le mur
de séparation élevé entre les tribunaux et l'administration (suprà,
pages 376 et 386 ).
Or, pour rendre clairement son intention qui ne saurait être
TOllI.
IV.
32
�498
Tl\AlTf:
voir à l'intérêt général de l'agriculture, abstraction
douteuse, le législateur aurait dû copier complétement la partie
de l'art. 645 qu'il voulait s'approprier, et ne point remplacer,
comme il l'a fait, le terme général d'agriculture qu'elle renferme
par celui spécial d'opération qui semble Ile laisser de latitude
aux tribunaux que par rapport au mode de l'effectuer, tandis
que c'est son existence même qu'il a entendu laisser à leur libre
arbitre. Ce peut être en effet un moyen de concilier l'intérêt de
l'agriculture avec le respect de la propriété, que de repousser
une demande d'irrigation qui, d'une part, léserait la propriété,
el d'un autre côté ne favoriserait la production agricole de certains fonds qu'en nuisant à celle d'autres plus étendus et plus
précieux, tandis que ce ne sera jamais concilier l'intérêt d'une
opération particulière avec le respect dû à la propriété que d'empêcher que cette opération ait lieu; la conciliation de deux prétentions ou droits opposés étant l'abandon respectif d'une partie
de chacun et non l'anéantiss~ment complet de l'un d'eux au profit de l'autre. La modification apportée à l'art. 645 n'est donc
pas heureuse et va directement contre le but que l'on se proposait.
Quoi qu'il en soit, et lorsque le tribunal ne croira pas devoir
rejeter d'une manière absolue la demande, la conciliation ici recommandée consistera à amener les intérêts opposés à des concessions réciproques, en suivant, par exemple, les règles tracées
ci-dessus, page 379, et en imposant au propriétaire qui veut
user de l'irrigation, des précautions et des travaux de nature à
diminuer la charge de la servitude, encore qu'il en résulte une
aggravation de dépense et une atténuation des ava.ntages.
Ce pouvoir discrétionnai~e ne pourra au reste s'appliquer
qu'au tracé et à l'établissement de l'aqueduc, du c;mal ou de
la rigole à travers les héritages en amont et en aval de celui qu'il
s'agit d'arroser; mais il ne pourra s'étendre à aucun autre point
se rattachant directement ou indirectement à l'opération tel que
le droit de disposer des eaux, d'irriguer tel ou tel héritage, etc.,
non plus qu'aux contestations que pourrait faire naîtl'C l'exercice
�499
faile des individus possesseurs des fonds nverall1S
DU DOMAINE l'VELle.
de la servitude. Tout ce qui ne se rapporte pas exclu~iveinent
au droit de passage reste dans le domaine du droit commun.
Dans le cours de la discussion de la loi, on avait voulu poser
, quelques limites au droit accordé aux magistrats. On proposait
entre autres: 1° de fixer le minimum de l'étendue de terre à
irriguer pour laquelle la faculté de pa sage des ea~x pourrait
être exigée; 2° de prescrire, conformément aux art. 683 et 684
du Code civ. , le lieu du passage par le côté où le trajet est le
plus court et le moins dommageable.; 3° de laisser au propriétaire à traverser l'indication de ce lieu; 4° de n'autoriser la servitude que pour les eaux qui ne seraient pas déjà employées il
d'autres irrigations ou à de~ établissements industriels, ou pour
celles qui en excéderaient les besoins; mais toutes ces r~stric
tions qui, au fond, n'offrent point de garanties réelles lorsqu'on
veut les éluder, et souvent empêchent l'exécution d'entreprises
utiles, ont été rejetées avec raison, parce que rien ne saurait
être absolu en pareille matière, et que tout dépend, au contraire,
(les lieux et des circonstances qui doivent être étudiés et apprécils dans chaque espèce. Nous ne rappelons ces amendements
déterminés par le précepte de Bacon, optima lex est quœ minimum relinquit arbitrio judicis, que pour éveiller l'attention des
parties et fournir quelques exemples aux personnes appelées à
appliquer la loi dont l'esprit est au reste parfaitement révélé par
le passage suivant du rapport de 1\1. Dalloz, lu à la séance du
29 juin 1843: Il Dans la pensée qui a inspiré la disposition, dit
ce savant jurisconsulte, la propriété privée ne doit céder qu'à
Il un intérêt J'irrigation sérieux et parfaitement justifié. Il ne
" suffira donc pas d'alléguer une irrigation imaginaire, ou d'in" voquer un simulacre d'irrigation, pour obtenir du juge le
droit de diriger sur la propriété voisine des eaux réellement
Il destinées à l'exploitation d'une usine, à la commodité d'une
maison de campagne, ou il l'embellissement d'un parc. Il ne
suffira pas davantage à un propriétaire d'avoir un volume
d'eau quelconque à sa disposition, si le niveau des terres rIe
l)
l)
l)
l)
l)
�500
TRAITE
du cours d'eau; tandis que l'aclion judiciaire n'est
li permet pas l'irrigation, ou si le volume d'eau n'~st évidem" ment suffisant que pour une faible parcelle j car, encore une
li fois, la propriété privée ne peut être asservie que dans un inli térêt général qui ne peut exister que là où. l'opération est réelle
li et utile. Tel est le sens dans lequel la disposition a été conçue, •
li et les tribunaux sont armés d'un pouvoir discrétionnaire pro- ,
li pre à faire respecter la pensée de la loi. li
Il sera procédé devant les trihunaux comme en matière sommaire. En Espagne, dans la Huerta de Valence où l'irrigation
est très-usitée, toutes les contestations sur les eaux sont jugées
sans procédure ni frais, après les offices du dimanche. Dans le
:Milanais, le propriétaire qui veut irriguer adresse à celui du
fonds à traverser une demande accompagnée d'un plan indiquant
la ligne de passage proposée; s'il y a désaccord, des experts
nommés en justice et toujours choisis dans la classe des ingénieurs, interviennent et cherchent à concilier la situation convenable de la conduite d'eau avec le minimum de dommage à
causer à l'héritage qu'elle doit traverser. Plusieurs populations
du midi de la France, notamment celles du département des Pyrénées-Orientales, ont emprunté ces usages:, l'Espagne et à l'Italie: « Lorsque rOll prévoit, dit M. Nadau1t de Buffon (des
li canaux d'arrosage, tom. 3, pag.70 et 113), des difficultés
" réelles en matière de conduite d'eau, les propriétaires intéli ressés à une opération d'arrosage s'engagent à des concessions
" mutuelles, et font ce qu'ils nomment, avec raison, des traités
li de passage. A cet effet et avec telle autorisation que de droit,
» tous les intéressés sont réunis en assemblée générale, sous la
" présidence dù maire de la commune, s'il n'yen a qu'une, ou
" du maire de la commune la plus intéressée, s'il y en a plu• sieurs, et le principe dont il s'agit se vote à la I"uajorité des
li voix. Ces assemblées sont annoncées à l'avance par affiches et
li publications; et cette publicité est d'autant plus utile qu'elle
li est la seule mise en demeure à l'égard des propriétaires non
" comparants,lesquels, d'après les us et coutume~ du pays, sont
�50 t
qu'une action privée et prescriptible intentée par
DU DOMAINE PUBLIC.
liés par le vote des membres présents, ainsi qu'on a d'ailleurs
bien soin de le rappeler soit d:lIls les affiches, soit dans les
avertissements individuels lorsqu'on y a recours. Lette clause
se réduit à ce peu de mots: les propriétaires dont le fonds sera
traversé pour l'établissement du canal et de ses francs-bords
s'obligent à céder la cont'enance de terrain nécessaire dont
l'estimation sera faite à dire d'expert.
C'est pour se conformer autant que possible à l'esprit de ces
sages institutions, qu'à la séance du 13 février M. Pascalis proposa l'amendement qui forme le paragraphc dont nous nous
occupons. En se bornant à dire qu'il sera procédé comme en
matiere sommaire, cette disposition laisse subsister une grave
difficulté qu'ont fait naître di vers articles du Code de procédure,
portant aussi que r affaire sera jugée .... sommairement.....
comme en matière sommaire. En effet, la Cour royale de Grenoble a décidé, le 20 mai 1817, que les expressions dont il s'agit
voulaient dire que l'affaire était réellement sommaire, qu'elle
ne pouvait être instruite dans la forme ordinaire, et que les dépens devaient être taxés suivant le tarif des matières sommaires.
Dans un arrêt postérieur du 9 février 1819, la Cour de Limoges
a au contraire soutenu que ces formules ne signifiaient autre
chose, si ce n'est qu'il devait y avoir célérité dans l'instruction et
le jugement; que l'affaire etait tellement urgente, qu'elle devait
être assimilée, dans ce but seulement, aux affaires sommair~s
proprement dites, mais qu'il n'y avait rien de changé ni pour la
forme de l'instruction, ni pour la taxe des frais, et qu'elle restait
toujours dans la catégorie des matièreslordinaires, si la nature du
litige l'y pla,::ait réellement; ce qui est démontré par le rapprochement des art. 172,348 et 718 du Code de procéd., avec les art. 75,
§ 5, 19, et 117 , 119, 122, 125, correspondants du tarif.
Sans discuter ici les motifs qui ont fait adopter par les auteurs et notamment par MM. Chauveau ( Commentaire du tarif, tom. 1or, pag. 40i3) , et Rivoire (Dictionn. raisonné du tarif, 3e édit.pag. 285), l'opinion de la Cour de Limoges qui
')l
"
..
"
"
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,.
l)
�502
TRAITÉ
quelques personnes contre d'autres, pour faire sta.., .
peut être vraie en thèse générale, nous croyons qu'elle est inadmissible dans le cas particulier, parce que, d'une part, l'assimi..,
lation aux affaires sommaires porte dans notre article, non sur
le jugement seulement comme dans le Code de procéd., mais
sur l'instruction et la procédure elles-mémes, et parce que,
d'un autre côté, c'est moins la célérité que l'on a eue en vue dans
ces sortes d'affaires par rapport auxquelles effectivement il n'existe
aucune raison particulière d'urgence, que l'économie et la dimi-.
nution des frais dont le montant, s'il eût été considérable, au....
rait détourné les petits propriétaires d'user du bénélke de la
loi. Il n'est donc pas douteux que, bien qu'il s'agisse ici d'uue
matière réelle, la' procédure devra être suivie dans la forme
tracée par le titre 24 du livre 2 de la première partie du Code
de procéd. (art. 404 à 413 inclusivement·), et que les dépens
seront taxés d'après l'art. 67 du tarif du 16 février 1807.
Ce désir du législateur de diminuer les frais est certainement
très-louable, et on ne peut que lui en savoir gré; mais pour atteindre ce but, était-il indispensable de rendre sommaire une
procédure qui, d'après la nature de l'affaire, devait être ordinaire, et ne pouvait-oll, comme dans l'industrie, obtenirle bon
marché qu'aux dépens de la qualité? Qu'on le remarque bien
en effet, la distinction des matières qui doivent être jugées sommairement ou dans la forme ordinaire, n'est point purement arbitraire, et la complication de celle-ci n'a pas été imaginée à
plaisir dans la seule intentiou d'augmenter les frais. Les actes
qui la constituent et les précautions dont elle est enveloppée sont
des moyens de parvenir à la découverte de la vérité et des garanties que le législateur a cru utiles à raison de l'importance
des intérêts, de la difficulté des questions et de la nature des
choses qui font l'objet du liti~e; or, comme la matière des servitudes est essentiellement ordinaire', il fallait laisser ce caractère
à la procédure relative à l'établissement du droit de passage des
eaux qui est une véritable servitude. Si, ce qui était sans doute
convenable, on voulait sçulement diminuer la dépense, il suffi-
�DU DOMAINE PUBLIC.
503
tuer sur leurs intérêts particuliers; action qui ne
sait, comme on l'a fait relativement à l'expropriation pour cause
d'utilité publique, de réduire ou de supprimer les droits de
timbre, d'enregistrement et de greffe; on eût, de la sorte, concilié avec une économie désirable les garanties nécessaires dues
à la propriété. En traitant des chemin, vicinaux -par rapport
auxquels l'article 20, § 2 de la loi du 21 mai 1836 contient
une disposition semblable, nous avons déjà fait remarquer,
no 573, suprà, tom. 2, page 415, ce qu'a de fâcheux une simplification de formes qui peut réagir sur le fond, et cependant
l'inconvénient était moins grave, puisque d'Une part il s'agissait
-d'assurer un service public, et que d'un autre côté, les questions
relatives au sol des chemins ont généralement moins d'importance
que celles concernant l'établissement d'une servitude onéreuse
et d'intérêt privé.
L'effet de la disposition dont il s'agit sera seulement de faire
juger la cause à l'audience après J'expiration des délais de l'aj0urnement sur un simple acte, sans autres procédures ni formalités; mais elle ne dispensera pas du préliminaire de la conciliation auquel l'art. 48 du Cod. de procéd. soumet toute demande principale, que l'affaire soit sommaire ou ordinaire. L'intervention du juge de paix ne sera d'ailleurs pas inutile dans
une matière qui exige la connaissance des lieux et des usages.
Notre loi ne s'étant pas prononcée sur la qualification du jugement, il faut recourir àla loi spéciale du 11 avril 1838 , pour
savoir s'il est ou non appelable. L'art. 1er est ainsi conçu:
« Les tribunaux civils de première instance connahront en der" nier ressort.... des actions immobilières jusqu'à 60 fr. de re" venu déterminé soit en rentes soit par prix de bail. "
Comme cet article n'admet d'autre évaluation que celle résultant du revenu déterminé par bail ou en -rentes, et que la
servitude dont il s'agit n'est pas susceptible d'être amodiée isolément du fonds; que d'ailleurs le procès aura précisément pour
oLjet son établissement, nous pensons qu'il ne pourra y avoir
crue bien rarement lieu à un jugement en dernier ressort. Ainsi
�504
TRAITÉ
saurait avoir lieu d'office, parce qu'autrement
l~
que l'enseignent, avec raison, Toullier (tom. 3, nO 718) et
Carré (Compét.~ tOm. 6, pag. 413, n° 460, nouv. édit.), il
ne suffira ni au demandeuI' d'évaluer ou de restreindre sa demande à la somqJ.e de J ,500 fr., ni au défendeur de prouver que
la valeur de la servitude ne dépasse pas cette 50mme. Il ne suffira mêqJ.e pas, d'après deux arrêfs de la Cour de cassation des
23 pra.irial an XlI ( Sirey, 7.2-900) et 21 messidor an XlII (ibid.),.
que le dem(lndeur ou le défendeur offre par ses conclusions à
son adversaire de lui abandonner l'immeuble ou de le laisser
jouir de la servitude moyennant un prix inférieur à 1,500 fI'.
Selon nous, llè jugement ne pourra être en dernier ressort que
lorsque le Fevenu en rentes ou par 'bail de tout le fonds sur
lequel on veut établir le droit de passage àe& eaux n'excédera
pas 60 fr.; la servitude valant nécessairement moins que l'immeuble sur lequel elle est assise.
L'établissement de la 5.ervitude de pa55age de5 eaux étant
dans l'intérêt exclusif du propriétaire irrigant, il est superflu
de dire qu'il doit seul supporter la totalité des frais de l'instance
introduite pour y parvenir, à l'exception toutefois de ceux occa5ionnés par de mauvais incidents que son adversaire aurait
élevés, et qui entraîneraient un surcroît inutile de dépense.
Cette décision est incontestable lor5que le défendeur est dans
l'incapacité de disposer de sa chose, parce qu'il y a là une nécessité dont le propriétaire irrigant doit subir les conséquences.
Mais doit-il en être de même dans le CM où ce défendeur ayant
la pleine disposition de s~s droits, refuserait de se concilier sur
la demande qui lui serait formée amiablement, et même repou5serait des offres réelles égales ou supérieures à ce qui lui serait
adjugé en définitive?
La même question peut se présenter en fait de bornage, de
cantonnement, de partage, de passage nrcessaire, de vente de
mitoyenneté, et cependant nous ne connaissons point d'arrêts
qui l'aient encore résolue. Parmi les auteurs, il n'en existe que
deux qui s'en sQient occupés relativement au bornage. M. Per-
•
�DU DOMAINE PUBLIC.
505
pouvoir judiciaire ,usurperait les attributions du
pouvoir administratif.
rin ( Code de la contiguité) dit que si, sans un empêchement
légitime, l'un des voisins refuse un bornage demandé pal' l'antre; si, sommé de nommer des experts, il reste muet, il devra
supporter seul les frais de la procédure à laquetle son entêtement aura donné lieu, encore bien que lors de l'opération il se
trouve n'avoir rien usurpé sur son voisin. M. Vaudoré (droit
rural) s'élève contre cette opinion, et soutient que tous les dépens (à part ceux d'incident, bien entendu) rentrent dans la
dépense générale du bornage, et doivent être payés par moitié;
la seule raison qu'il en donne est que l"art. 646 du Code civ. neeontient point d'exception, et dispose d'une manière absolue
que le bornage ~e fail à frais communs.
Nous adoptons entièrement ce dernier avis, et, en en appliquant le principe ,à l'hypothèse qui nous occupe, nous dirons
que les frais de l'instance, aussi bien que ceux de l'opération de
tracé du canal, seront à la charge du demandeur. En effet, c'est
lui qui les rend nécessaires, et c'est dans son intérêt exclusif
qu'ils sont faits. A la vérité le consentement du défendeur aurait pu en épargner une partie; mais rien ne force celui-ci à le
donner : il peut ne pas connaître la valeur de la servitude qui
lui est imposée, et rien ne l'oblige à faire à ses frais une esti~
mation préalable pour en déterminer le prix. Il peut, d'ailleurs,
n'avoir confiance que dans l'esti'mation faite par la justice, et il
ne faut pas que l'erreur qu'il aurait commise dans son appréciation , du reste très-difficile, l'expose à supporter une masse de
frais qui, quelquefois, pourrait excéder l'indemnité qui lui revient: c'est déjà bien assez qu'on le prive de sa propriété contre
son gré, sans 1ui faire courir des risques et sans le forcer à se
prononcer sur un point très-délicat par rapport auquel il n'a
aucune donnée, et dont la solution exigerait de sa part le recours
à des conseils étrangers et l'expo~erait à des ennuis, à des emharras et à des inquiétudes. Dans la crainte de supporter les dépens, il se trouverait amené forcément à sacrifier ses intérêts, et
�:506
l'RAITe
Une seconde différence très.-remarquable conce n'est que par une réduction exagérée de ses prétentions au des~
sous de leur véritable taux qu'il pourrait prévenir les chances,
de perte dont une expertise ultérieure le menacerait toujours. Si
le refus d'offres réelles met, en général, les frais subséquents à la
charge de celui à qui elles sont faites, c'est parce qu'il s'agit
d'une créance mobilière dont le maître connaît ou est à même
de connaître exactement le montant: en sorte qu'il doit s'imputer d'avoir voulu obtenir plus qu'il ne lui était dû; mais en
matière réelle il en est autrement. La valeur d'un immeuble et
surtout d'une servitude est tellement arbitraire, les hommell de
l'art ont si peu de moyens certains de ]a fixer, il y a souvent tant
de différence dans leur manière de voir, quoique tous désintél'esllés, qu'il y aurait injustice à punir quelqu'un de n'avoir pas
rencontré exactement le chiffre auquel ils arriven.t en fin de
cause.
Une disposition fort sage a été introduite dans la loi du 3 mai
1841 par son art. 40 qui prescrit la répartition des dépens proportionnellement aux différences entre les' offres, les prétentions
et les adjudications du juri; mais c'est là une règle spéciale à
cette matière qui ne saurait être étendue à d'autres cas, qui a été
déterminée par l'intérêt public, et qui, d'ailleurs, ne s'applique
jamais qu'aux immeubles réels dont la valeur est plus facile à
connaître que celle d'une servitude, c"est-à-dire d'un droit incorporel qui ne s'amodie pas, et qui ne produit aucun revenu
matériel.
Et s'il y a lieu à expertise ~ il pourra n'tire nommé qu'lm
seul expert. Cette disposition est une dérogation à celle de l'art.
303 du Cod. de procéd. portant que (( l'expertise ne pourra se
., faire que par trois experts, à moins que les parties ne con» sentent qu'il soit procédé par un seul. ., D'après ces termes,
un arrêt de la Cour de Paris du 11 février 1811 (Sirey 1 11-2449) avait décidé que les tribunaux ne pouvaient se dispenser
de nommer trois experts; ct les auteurs enseignaient que, hors
les cas où le nombre en est fixé par des lois spéciales, on de-
�DU DOMAINE PUllUC.
50'1
sIste.en ce que l'action est toujours entièrement
vait se conformer rigoureusemeQt à. l'article ci-dessus qui en
exige trois (Boncenne, tom. 4, pag. 460; Carré, tom. 2,
nO 1158; le Praticien, tom. 2, pag. 231; Delaporte, tom. 1 er ,
pag. 293); cependant depuis, la jurisprudence a admis une distinction entre le cas où l'expertise est formellement prescrite
par la loi ou expressément demandée par les parties, et celui
où les tribunaux l'ordonnent d'office pour recueillir desrenseignements qui leur manquent. Dans ce dernier, trois arrêts de la
Cour de cassation des 10 juillet 1834 (Sirey, 34-1-503),22
février 1837 (S., 37-1-243), 12 juin 1838 (S., 38-1-864)
ont jugé qu'un seul expert suffisait. C'est cette solution que la
loi nouvelle a admise en la généralisant et en l'étendant même
à l'hypothèse où les parties concluraient à l'expertise•. Il résultera de là sans doute une assez grande économie dans les frais>
mais n'est-il pas à craindre que ce ne soit encore au détriment
de la justice et. de la vérité? Si une opération faite par trois ex_
perts n'offre pas toujours les garanties d'exactitude et d'intégrité
désirables, que sera-ce lorsqu'on la confiera à un seul homme
qui peut se laisser corrompre ou se tromper?- Ce ne sera donc
qu'avec une extrême circonspection que les magistrats devront
user de la faculté qui leur est laissée, surtout lorsqu'il s'agira
d'intérêts majeurs, et qu'une des parties sera puissante et se promettra de grands avantages de l'entreprise.
Au surplus, en cette matière comme en toutes celles où la loi
n'est pas impérative, les juges pourront ou se dispenser d'expertise si les renseignements du procès leur suffisent, ou ne point
adopter les conclusions du rapport si leur conviction s'y oppose.
Aucune règle absolue n'est imposée à leur conscience ni aucune
entrave n'est mise à l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire
(art. 323 du Cod. de procéd., et nO 527, Sllprà, tom. 2, page
160 ).
L'AUTORITÉ administrative étant spécialement chargée de la
surveillance des eaux et du réglement de leur emploi dans FinI
�508
spontanée de la part
TRAITÉ
de l'administration qui)
lors--
térêt général, l'art. 5 et dernier de la loi du 29 avril 1845 , qui
porte que, " il n'est aucunement dérogé par les présentes dispo» sitions aux lois qui règlent la police des eaux, "nous paraît,
il titre d'exception au principe de compétence posé en l'art. 4que nous venons d'examiner, devoir trouver ici son commentaire.
D'après ces termes de l'art. 1er , des eaux dont il a le droit
de disposer, ct surtout d'après les explications qui ont été don-nées à cet égard et que nous avons en partie rapportées ci-dessus,
pages 369 et 425, ce dernier article devenait absolument inutile. Si en effet l'objet unique de la loi nouvelle a été de créer
un droit d'aqueduc à travers les propriétés privées; si, par suite,
elle aurait dû, comme nous l'avons dit page 435, suprà, être intitulée seulement loi sur le passage des eaux en cas d'enclave,
il est évident qu'il n'en pouvait résulter aucune modification desrègles générales soit sur la police des eaux, soit sur le droit d'en
disposer, et dès-lors une réserve expresse devenait surabondante.
Il est même d'autant plus fâcheux qu'on ait cru devoir la
faire, qu'elle est incomplète ence qu'elle ne se réfère qu'au droit
de police sans parler de celui non moins important d'usage et dedisposition auquel il n'a cependant pas davantage été dans l'in-tention du législateur de déroger. C'est ainsi que dans le langage
sév~re de la législation, ce qui est superflu devient nuisible, et
qu'il y a lieu, en retournant l'adage, de dire utile per inutilè
'IJitiatur.
Ainsi et malgré le doute que pourrait faire naître cette disposition si elle était isolée et si elle n'avait été précédée d'une
discussion on ne peut plu~ explicite, il faut tenir pour constant
que les droits soit de l'administration, soit des particuliers, sur
la police et lil surveillance des cours d'eau, sur la faculté d)
établir des barrages, sur celle d'y opérer des dérivations, sur
la nécessité de rendre les eaux à leur cours naturel, etc., sont
maintenus tels qu'ils existaient auparavant, d'après III législation
�DU DOMAINE PUBLIC.
509
qu'on lui propose ou qu'on lui demande de faire
.
1
actuelle qui reste en pleine vigueur. L'effet de notre loi ne
s'exerce que sur les terres et s'arrête exactement au bord du lit
de la rivière. La conduite des eaux à travers les héritages est
seule de son ressol't; mais leur prise ou dérivation reste sous
l'empire du droit commun dont illl'est pas inutile de résumer
ici succinctement les dispositions.
Comme nous l'avons dit, sllprà, page 369, sous le rapport
de leur usage et de leur disposition, les eaux sont rangées en
trois da sses :
1° Celles des sources, des lacs et des étangs renfermés dans
des propriétés particulières; les eaux pluviales recueillies dans
des réservoirs ou des mares, et celles provenant de puits forés
ou Artésiens;
2° Les eaux des rivières non navigables ou flottables, et dcs
ruisseaux;
3° Enfin celles des fleuves et rivières navigables et flottahles.
Des premières, la propriété et l'usage absolus et exclusifs
sont réservés aux maîtres des fonds qui les contiennent. Les
tribunaux n'ont à s'en occuperque relativement aux droits que
des tiers pourraient y avoir acquis, comme sur tout autre objet
mobilier ou immobilier, en vertu de titres ou de la prescription.
L'administration ne peut pas davantage s'immiscer dans le réglement de leur usage et leur distribution; elle ne pourrait intervenir qu'autant que, par leur stagnation ou par leur mauvaise
direction, ces eaux pourraient devenir une cause d'insalubrité
ou de danger.
Les secondes sont soumises à la double action de l'autorité
administrative et judiciaire, mais seulement en ce qui concerne
leur police ct le réglement général ou partiel des droits préexistants des riverains. Héritières des attributions autrefois
dévolues aux Parlements, ces autorités n'ont pas succédé également au droit de concession que s'étaient arrogé les anciens seigneurs dans certaines provinces, et qu'ils faisaient dériver du
�510
TRAITÉ
un acte réglementaire, reste entièrement libre d-e
prétendu droit de propriété des cours d'eau privés traversant
leurs terres.
Ainsi, bien qu'e~ ce qui concerne ces cours d'eau, l'adminis·
tration ait le pouvoir d'autoriser les barrages et les usines, de
régler la hauteur des retenues, de maintenir libre leur cours;
d'en prescrire le curage, de faire d'office des réglemcnts généraux sur les dérivations et sur la répartition des eaux entre les
riverains; bien que les tribunaux aient une partie des mêmes attributions, mais seulement lorsqu'ils sont provoqués à les exercer par l'effet de demandes individuelles expresses; cependant ni
l'une ni les autres ne pourraient créer des droits nouveaux: et
faire des concessions proprement dites; ils ont seulement qualité
pour reconnaître, classer et régler des droits préexistants résultant de la loi ou de titres. En conséquence et quoiqu'entre
riverains et usiniers ils puissent attribuer la portion d'eau qui revient à chacun, indiquer les lieux, les jours et les heures où il en
sera fait usage, ils ne pourraient répartir les eaux d'une source
jaillissant d'un fonds privé entre les propriétaires inférieurs
auxquels elles seraient utiles, ni appeler au partage des eaux:
d'une rivière ou d'un ruisseau d'autres que les riverains immédiats, parce que dans ces deux cas l'attribution des eaux est exclusivement faite par la loi soit au maître de la soutce, soit aux:
propriétaires dont les fonds sont bordés ou traversés par la rivière
et que tous les autres n'y ont aucun droit préexistant; droit que
l'autorité judiciaire ou administrative ne peut créer et par suite
concéder. Voilà pourquoi, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer plusieurs fois, la loi nouvelle sera absolument sans ef·
fet ni application en ce qui concerne les petites rivières et ruisseaux. Décrétée uniquement pour proëurer un passage en faveur
des fonds qui ne joignent pas le cours d'eau, il est évident
qu'elle est sans utilité pour ceux qui, à raison précisément de
ce qu'ils ne joignent pas ce cours, n'ont pas, d'après le droit
commun, la faculté de dériver une partie quelconque de son
contenu.
Quant à la troisième classe, il en est autrement. Les eaux des
�DU DO!lIAlNE PUBLIC.
511
l'étahlir ou de s'en ahstenir, sans pouvoir y être
fleuves et rivières navigables et flottables appartenant d'une
manière absolue au domaine public, les agents de l'Etat qui en
ont la haute et pleine administration peuvent en disposer. Les
tribunaux auxquels aucune gestion n'est et ne pouvait être confiée à cet égard, sont sans pouvoir par rapport à cette disposition
dont l'acte devra en conséquence précéder leur intervention,
ainsi qu'il a été dit ci.dessus , pag. 375, in fine.
Mais comment est faite la concession par l'Etat, et quel en
est le caractère?
Les lois 2, If. de fluminib. , et 10, § 2, If. de aquiJ et a'l'
plul'. arcend., ne permettaient pas au préteur d'en accorder:
Non oportet prœtorem concedere deductionem ex eo fieri; elles
devaient émaner du prince qui, comme le prouvent les titres de
aquœductu dans les Codes Théodosien et Justinien, ne les refusaient pas lorsqu'elles ne devaient pas nuire à la navigation et
aux besoins généraux.
.
D'après les principes de notte ancien droit public françaIs,
les riverains des fleuves et rivières navigables ne pouvaient y
faire de leur autorité privée des prises d'eau: « Nous dcffendons,
porte une ordonnance de Philippe-le-Bel de 1292 (Laurière,
II tom. 1, pag. 541), qu'on ait mares à fossés qui boivcnt en
li rivière ne chantepleures. \) L'ordonnance de 1669 répete la
même prohibition en son art. 44 du tit. 27 ainsi conçu: .. Dé\) fendons à toutes personnes de détourner l'eau des rivières nali vigables ct flottables, ou d'en alfaiblirle cours par tranchées,
\) fossés ou canaux, à peine, contre les contrevenants, d'être
\) punis comme usurpateurs, et les choses réparées à leurs dé" pens. » C'était le roi seul qui, comme conservateur suprême
de l'intérêt public, pouvait accorder des dérogations à cette interdiction, et il ne le faisait en général que moyennant finances.
L'art. 4 de la sect. 1re de la loi du 6 octobre 1791 sembla établir un droit nouveau: en elfet, après avoir déclaré que nul ne
peut se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou
d'une rivière navigable, il ajoute: « Tout propriétaire riverain
)l
�512
TRAITÉ
contrainte; attendu que, comme nous l'avons déjà:
" peut, en vertu du droit commun, y faire des prises d'eau, sans
néanmoins en détourner ni embarrasser le cours d'·une manière
" nuisible au bien général et à la navigation établie. "Cependant comme l'appréciation de ces derniers points était ~onfiée à
l'administration par l'instruction du 20 août 1790, ainsi -que le
reconnaît explicitement l'arrêté du 19 ventôse an VI, qui ne
permet anx riverains les saignées et prises d'eau" qu'après y
" avoir été autorisés par l'administration, et sans pouvoir excéIl der le niveau qui aura été déterminé, Il il en résulte qu'au
fond les choses étaient restées dans le même état, et que le Code
civil, en exceptant de la disposition de son art. 644 relative au
droit des riverains, les cours d'eau du domaine public, ne fit
point d'innovation proprement dite.
Aujourd'hui donc, comme avant la révolutio'n de 1789, il
faut une concession du Gouvernement, laquelle est faite, ·ainsi
que pour tons les établissements sur'les rivières navigables et
flottables, sous la forme d'une ordonnance royale.
Cette ordonnance-est nécessaire également pour les dèrivations
d'eau dans les ruisseaux alimentaires des canaux de navigation,
parce qu'ils en sont des accessoires (voy. suprà, nO 756, tom. 3,
pag. 82). Quant aux affluents des rivières navigables ou flottables, ainsi qu'à la partie de ces rivières supérieure au point où
commence la navigation, il n'y a obligation d'obtenir une autorisation qu'autant qu'un réglement préexistant défend d'en tirer
de l'eau pour l'irrigation. (Suprà, nOS 753 et suiv., et 1020,
susdit tom. 3, pag. 81 et 368. )
Aucune perception ne pouvant être faite au profit du trésor
de l'Etat sans une loi qui l'autorise, on doit en inférer que les
concessions d'eau dans les rivières publiques ne sauraient avoir
lieu moyennant redevance. C'est ce qui résnlte d'un avis du con·
seil d'Etat du 8 mai 1839, rapporté par M. de Cormenin (Droit
administratif, Appendice, V OCours d'eau, 1°), et dont les motifs sont ainsi con<:;us : « Considérant que si les projets d'ordonIl nallces n'accordaient les. chutes et prises d'eau qu'à titre puIl
�nu DOMAINE PUI1L!C.
513
dit ailleurs, le pouvoir réglementaire est au-dessus
"
"
"
"
re,ment gratuit, aucun doute ne s'élèverait sur leur légalité,
puisqu'il ne s'agirait que de délivrer des permissions de simple
police, seules prévues par l'ordonnance de 1669, ainsi que
par l'arrêté du 19 ventôse an VI, et qui appartiennent, en rait> son même de leur nature, au domaine de l'ordonnance royale;
" - mais qu'on propose d'accorder lesdites chutes et prises
D d'eau moyennant redevances, et que ces redevances, bien
JO qu'elles soient librement consenties par les concessionnaires,
» et qu'elles ne revêtent pas le caractère d'un impôt, ne sauD raient cependant, par cela seul qu'elles constituent pour l'E.. tat une. source particulière de revenus, figurer dans llIle
", ordonnance royale avant que leur principe ait été consacré
" par une loi. " Le GouveJ.:.llement avait tellement reconnu lui·
même ces principes, qu'en 1837 et 1838 il avait présenté aux:
Chambres un projet de loi l'autorisant à imposer par ordonnances
royales aux concessions de cette naturc le paiement au trésor
de redevances fixées par adjudications publiques, quand la disposition des lienx le permettrait.
Au surplus, les concessions dont il s'agit ne constituent jamais
d'aliénation absolue; elles ne peuvent être et ne sont toujours
que des autorisations précaires et des facultés essentiellement
révocables quand l'intérêt et les besoins publics l'exigent: Quominùs publico ex flumine ducatur aqua nihil impedit, si modo
ex aquâ in usu publù:o non erit (1. 2, If. de flum.). «Elles ne
" sont, dit 1\'1. Pardessus, nO 77, qu'un acte de police et d'ad" ministratioll révocable qnand les motifs qui l'ont fait accorder
" ne subsistent plus', ou quand les circonstances commandent
" des dispositions différentes ou même contraires. » La révocation dans ce cas ne doit être pl'ononcée que par le Gouvernement, seul juge des besoins publics; elle pourrait l'être par le
préfet si cette mesure avait pour cause l'inexécution des ~ondi
tions imposées au cOllcessionllaire(Décret du 13 janvier 1813;
- Macarel, Eléments deiurisprud; adm., tom. 1er , pag', 407).
La loi 17, § 1, If, de servît, pnnd. rustie., porte: Aqlta ex
TOM. IV.
33
�514
TR.AITÉ
de toute espèce de contentieux (1): d'où il suit,
que l'action administrative est toujours censée voIon taire , tandis que l'acLÏon judiciaire est forcée,
Cil ce sens que les juges devant lesquels elle est
'portée sont oLligés de rendre leur décision sur l'affaire, sous peine d'être eux-mêmes poursuivis
comme coupables de forfaiture pour déni de justice.
DEUXIÈME QUESTION.
Lorsque, par L'effet d'une instance en justice
ordinaire entre certains propriétaires riverains d'un cours d'eau> il a été statué sur
leuts droits, si l'administration veut, en:suite> établir un réglement général d'irrigation pour tous les intéressés, pourra-t-elle
donner au cours d'eazi une autre direction,
et déroger en tout ou en partie aux droits résultallt du jugement rendu par le tribunal?
1521.
La règle invariable en fait de jugements,
flumine publico ità demùm duci potest, si sine injuriâ alterius
fiat. Cette disposition est encore admise dans notre droit, et
l'administration ne fait de nouvelles concessions qu'autant que
les concessions anciennes étant satisfaites, il reste un excédant
tlisponible (Cotmenin , Droit administratif, 5" édit. , V O Cours
cl'eau, tom. 1, pag. 507;-Arrêts du cons'eil d'Etat des 11 mai
1838, Ber/eau, et 14 janvier 1839, Min. des trall.pub.).
Le concessionnaire n'étant qu'un usager, on pense qu'il ne
peut céder son droit à un liers, et qu'une semblable transmission, en prouvant qu'il n'a plus besoin de l'eau, devrait entraîner
la révocation de la faculté qui ne lui Il été accordée qu'en considération de ses besoins personnels'.
(1) Voy, entre alltresl'al'l'pt du conseil du 1er mars 1826,
Jall5 l\IACAllEL, L 8, p. 123.
�DU DOMAm"E PUBLIC.
515
c~est que, comme ils ne peuvent directement pro-
fiter qu'à ceux qui les ont obtenus, de même ils
ne doivent nuire qu'à ceux contre lesquels ils ont
été l'endus.
De cette vérité élémentaire il résulte que l'administration publique, qui n'était et ne pouvait pas
mêmeêtreen cause dans le jugement dont il s'agit,
ne saurait en ressentir aucune gêne dans le réglement qu'elle vient fàire ensuite, et qu'agissant dans
l'intérêt général, elle a le droit de déroger aux statuts particuliers établis par la sentence entre les parties liligantes, sans que celles-ci soient recevables
, ,
,
.
a s opposer a son acl1on, parce que nous ne ponvons rien acquérir qui soit contraire au droit pu})lic Ca).
TROISIÈME QUESTION.
En serait-il de mgme dans le cas où les parties
litigante~~ au lieu de se jéûre juger .par les
trihunaux ~ auraient, d~un commun accord~
réglé leurs droits d~irrigation?
1522.. Il faut dire encore ici qu'une convention,
de même qu'un jugement, fait seulement loi pour
ceu,x qui l'ont consentie, et en ce qui les concerne
les uns à l'égard des autres, mais nullement en ce
qui touche aux intérêts des tiers: d'où il résulte que
l'administration, ne cessant pas d'être juge suprême
des convenances etde l'opportnnitéqu'il peut y avoit'
à. donner à l'écoulemen 1 des eaux nne direction pluCa) Arrêts du conseil d'Etat des 19 décembre 1R21 et 21 mai
1823.
�51G
tôt qu'une autre, comme plus favorable à l'intérêt
général, pourra toujours établir son'r~glement SUl'
le même ruisseau, pour en mieux approprier l'usage aux besoins de la contrée.
Cette décision est d'autant plus incontestable,
que, l'eau courante étant, par sa nature, hors du
domaine de propriété, les stipulations interv~nues
,
. d' autre reentre 1es contractants n ' ont pu' aVoll'
sultat que d'en modifier l'usage entre eux seulement, et sans préjudice de l'action du pouvoir
public, sous la main duquel l'eau courante ne peut
'
cesser d "etre pl
acee.
, QlJATRIÈMÉ QUESTION.
LorsquJun particulier) en s)opposant à IJaction
réglementaire de l'administration) se fonde
sur ce qu'il a) en vertu d)un traité amiable
jait avec dJautres riverains J des droits acquis sur le cours dJeau) au préjudice desquels on ne doit rien changer dans la destination qui llli avait été conventionnellement
assignée, le' renvoi devant les tribunaux
pour prononcer sur les effets de la convention dont on excipe forme-t-il une question
qui soit absolu'ment préjudicielle?
En d J autres termes, /Jadministration .doit-'
elle surs~oir ~ son opération réglementaire
jusquJà cé quJil ait été statué en justice ordinaire sur le mérite et les effets de la convention '1.ui lui est opposée?
1523.
Qnoiqllc la l'éponse à cette question
�DU DOMAINE PUBLIC.
517
puisse êl~e facilement prévue d'après celles qui précèdent, il ne sera pas inutile de lui donner encore
quelques développements.
Il faut faire ici une distinction entre le cas où la
demande portée à l'administration n'a immédiatement pour objet que l'intérêt d'un particulier qui.
se trouve placé en oppo~ition avec d'autres, et celui
où l'administration agit au contraire dans un hut
-d'intérêt général ou collectif pour la c(Jntréc.
Dans le premier, c'est-à-dire quand l'acte administratif ne doit avoir pour objet direct qu'un intérêt privé qui se trouve en collision avec d'autres
intérêts individuels, comme, par exemple, lorsqu'il
s'agit d'accorder à un manufacturier la permission
de construire une usine hydraulique quelconque
près d'un cours d'eau non navigable, en ouvrant
un caqal de dérivation pour la faire rouler, et que
les individus auxquels cette soustraction d'eau pent
être nuisible viennent s'y opposer sur le motif que
des titres pal"ticuliers, transactions, ventes, partages ou autres, intervenus entre eux et l'impétrant
l'interdisent, l'administration doit surseoir à l'acte
de concession, jusqu'à ce que les tribunaux aient
prononcé sur le mérite de l'opposition (1); et, si les
opposants sorteut victorieux de cette lutte, alors
vraiment préjudicielle, la permission de construire
'l'usine ne pourra plus être accordée.
(1) Voy. les arrêts du conseil des 1er septembre 1825 el 18
janvier 1826, dans MJ.CJ.REL, t. 7, p. 528, et t. 8, p. J.5.
�518
TftMT~
.
La raison en est que les divers riverains d~un
cours d'eau non navigable ni flottable peuvent trèsvalablement pactiser entre eux sur le droit d'usage
qu'ils y exercent, et y renoncer, èn tout ou en partie, les uns en faveur des autres, de manière à établir entre leurs fonds les diverses servitudes qu'ils.
jugent convenables, comme ils peuvent aussi arrêter qu'un canal fait, creusé et entretenu à frais
communs œstera toujours indivis entre eux pour·
le service de leurs héritages. Or, dès qu'un droit
est légitimement acquis à quelqu'un, l'administration ne peut le lui enlever pour en gratifier un
autre. Elle agirait con tre la loi de sa propre nature si,
instituée comme protectrice des intérêts de tous, elle
voulait dépouiller les lIns pour enrichir les autres.
Si néanmoins c'était pour une cause d'utilité
puhlique, reconnue ct déclarée par le gouvernement, qu'il fût question d'établir l'usine dont il
s'agit, l'administration en pourrait permettre la
construction, nonobstant les titres contraires des
opposants, aux droits desquels il serait suffisamment satisfait par une équitable indemnité mise à
la charge de celui an profit duquel l'usine serait
spécialemen t construite.
1524. Mais, au second cas, c'est-à-dire lorsque
la mesure administrative est projetée dans la Vile de
satisfaire à l'intérêt collectif de la contrée, comme
quand il s'agit de changer ou rectifier un lit de
rivière ou de ruisseau pour assainir un territoire,
cp donnant un meillenr écoulement à l'eau, on
�519
DU DOMAINE PUBLIC.
d'organiser un système d'il'rigation mieux approprié aux hesoins ou au hien général de la localité,
l'administration n'est point tenne de surseoir à
l'exécution de son dessein, et peut pnsser outre,
malgré l'opposition de quelques particulicl's fini
prétendraient avoir obtenu d'autres individus, par
traités, concessions ou accords, le droit d'exiger
que le cours d'eau restât dans la même position,
ou de jouir de son usagc dc telle ou telle manière.
Le motif de cette décision est que l'intérêt général ne peut être compromis par des stipulations
privées, et qu'on ne peut déroger au droit public ni
en modifier les exigences par aucune convention
individuelle.
1525. Néanmoins, et comme l'administration
est essentiellement incompétente pour porter une
décision sur les effets des pactes intervenus entre
particuliers, elle doit encore, dans ce cas-là même,
renvoyer les parties en justice ordinaire, pour
qu'elles fassent juger les demandes ultérieures de
garantie, de restitution de prix ou de d~mmages
intérêts que, d'après les circonstances ou les clauses de leurs traités, elles peuvent avoir à intenter
les unes contre les autres. (1). C'est ainsi que, dans
Je cas où il s'agit de l'établissement d'une grande
route ou d'un chemin vicinal, l'administration, sans
s'arrêter dans l'accomplissement de son œuvre,
\
"
(1) Voy. l'arrêt du conseil dll 22 déccmlJre 1824, darIA MA,t. 6, p. 710.
CA RU
,
�520
TUAIT:é
peut en opérer le tracé et en ordonner la confection, nonobstant les débats élevés entre les particuliers qui se prétendent, à l'exclusion les uns des
autres, propriétaires ou usagers du sol qui va être
occupé par le chemin, et se contenter de les renvoyer en justice ordinaire pOUl' y faire statuer sur
le mérite de leurs préten tians' et de leurs titres respecti(s, qui ne peuvent plus avoir pOUl' objet qu'un
droit d'indemnité Cà).
CINQUIÈME. QUESTION.
,
Lorsque ~ dans la seconde hypothèse de la
question qui précède-' l'un des riverains se
trouve évincé du droit qu'il avait acquis d'un
autre) lui en est-il dit une indemnité?
1526. Supposons que le propriétaire riverain
sur la gauche du ruisseau ait renoncé, à prix d'argent, à son droit d'irrigation pour l'avantage du
fonds Silllé à droite, appartenant à un autre mahre,
et que l'administration, en établissant un régIe-ment sur ce cours d'eau,en change la direction de
manière à supprimer le droit d'usoge qui avait été
acquis d'une part et vendu de l'autre: y aura-t-il
(a) La loi'du 3 mai 1841 contient une disposition formelle à
cet égard. Son art. 39,4" alinéa, est ainsi con~u : Cl Lorsqu'il y
" a litige sur le fond du droit ou sur la qualilé des réclamants,
li el toutes les fois qu'il s'élève des difficu1Lés étrangères à la
li fixation du montant de l'indemnité, le jury règle l'indemnité,
li indépendamment de ces litiges et difficultés sur lesquels les
» parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit. »
�_DU DOMAINE PUBLIC.
521
'lieu de la part de l'acquéreur à exercel' une garantie ou à exiger une indemnité pour cette espèce
d 'éviction?
Sans doute, si, en consultal1t le traité fait entre
les deux riverains, on y tro'uve quelque clause de
réserve par rapport au péril d'éviction prévu, elle
devra être exécutée ,comme l'un devrait aussi des
dommages-intérêts à l'autre pour cause de dol ou
de sUl'prise, s'il avait concl u la conven lion connaissant déjà les projets de l'administration; mais,
en faisant abstraction de ces circonstances particulières, on doit admettre une solution cnéga,tive.
En effet, l'on ne voit pas contre qui l:action en
. "
,
recours pourraIt etre exercee.
Elle ne pourrait d'abord pas l'être contre le gouvernement, qui ne fait.qu~use_r de son d~oit sur la
direction des eaux, sans s'emparer aucun'ement du
fonds du réclamant.
Elle ne pourrait l'être davantage contre le cédant, qui n'est pas tenu de garantir les effets de la
force majeure, ni les causes d'éviction qui naissent
après le contrat: Futuros casus evictio'nis post
contractam emptionem ad venditorem non per~
tinere (a).
Elle ne pourrait l'être, enfin, contre les autres
riverains, qui répondraient qu'ayant toujours été
\
Ca) L.11, if. de epictionibus~ lib. 21. - L'éviction résultant
d'une loi générale ne donne pas lieu à garantie, Voy.. supl'à~
tom. 2, pag. 603 et suiv., et présent tome, pag. 381.
~
�522
l'R.oUTÉ
étrangers à la convention, c'est ponr eux comme
s'il n'en avait jamais existé; que l'eau courante
u'appartenant à personne, l'autorité publique a
pu les rendre participants de l'usage de cet élément
sans que le demandeur en garantie puisse s'en
plaindre vis-à-vis d'eux; que, l'administration ayant
ramené le ruisseau à sa vraie destination, par un
meilleur système d'irrigation, on ne doit voir ~n
cela que la correction d'un ancien usage abusif, et
rien de plus.
SIXIÈME QUESTION.
Lorsque des riverains sont en contestation sur
la jouissance d~un cours d~eau qui n~est ni
navigable ni flottable, et don~ l'usage n'a
jamais été spécialement réglé par le pouvoir
administratif; les tribunaux doivent-ils, peuveilt - ils iizdme surseoir à prononcer sur le
fimd des débats-' en renvoyant les parties à
se pourvoir préalablement pardevant l'ad_
ministration, pour obtenir d'elle un réglement général sur l'exercice de l'irrigation?
-
1527. Cette question, très-importante pour
l'intelligence de la théorie sur la matière qui nous
occupe, a été divel'sement résolue par les cours de
Dijon et de Metz, dans deux espèces que' nous allons rapporter.
Sur Je territoire de Bussy-Je-Grand se trouve un
ruisseau qui, après avoir traversé les pr0priétésd'un
sieur Bollet, ainsi que d'autres héritages situés en
~val, fait rouler trois usines, le moulin de Bollet
�DU DOMAINE PUBLIC.
523
lui-même, celui du sieur Chevillard, et enfin un
foulon appartenant à la veuve Colin.
Bollet, se fondant sur l'ancienne possession qu'il
. prétend avoir de l'usage des eaux du ruisseau pour
l'irrigation de ses fonds, pratique des rigoles extraordinaires pOUF les attirer sur ses prés.
Chevillard et la veuve Colin se plaignent de ce
que, par l'effet de ces nouveaux ouvrages, ils sont
privés d'une partie des eaux nécessaires au roule..,
ment d-e leurs usines, et traduisent Bollet au trihunal de Semur pour le contraindre à rétablir les
lieux dans leur état primitif.
Le 20 floréal an XI, jugement qui, avant faire
droit, ordonne qu'une vérification des lieux et des
ouvrages sera faite par experts.
Le 15 prairial an X,II, sentence définitive qui
condamne Bollet à rétablir les lieux dans leur premier état et à 125 fI'. de dommages-intérêts.
Appel de ces jugements devant la Cour de Dijon,
qui les confirme par arrêt du 27 messidor an XIII,
sau}; est-il dit, à Bollet à se pourvoir en réglement avec les pardes intéressées, sur le mode
d'user du droit de prise d'eau dans le ruisseau
dont il s'agit, pour L'irrigation doses héritages.
On voit par là que la Cour n'a point hésité à
reconnaître sa compétence pour statuer sur le litige, et qu'elle n'a commis aucun déni de justice,
puisqu'eHe a définitivement prononcé sur le fond,
en ordonnant, comme l'avait fait le tribunal de
Semur, le rétablissement des lieux dans leur état
J
�524
1'RAITK
primitif, pour que les parLÎes pussent jouir des eaux
de la même manière que par le passé, et jusqu'à ce
qu'elles eussent obtenu un autre réglement. Il n'y
avait assurément rien que de sage dans cette dé~
ClSlOn.
1528. Mais, dira-t-on, pour,quoi a.t-elle fini pal'
délaisser les sieur Bollet et consorts à se pourvoir
en réglement sur l'usage des eaux? pourquoi ne l'at-elle pas réglé elle-même, en vertu du pouvoir
discrétionnaire que lui conférait l'article 645. du
Code r le silence gardé à ce sujet ne doit·il pas faire
croire qu'elle a craint d'excéder ses attributions
pa'.. une semblable disposition?
Evidem~ent elle n'a pudouterdudroit quiappartient aux tribunaux de régler l'usage des eaux entre
les individus qui figurent nominativement en qualité de cause, ainSI que nons l'avons expliqué plus
haut; mais, outre que le recours à l'administration,
pour en obtenir un réglement général d'irrigation,
est dans la faculté du droit commun, trois rais0ns
ont pu porter les magistrats à s'abstenir de statuel'
eux-mêmes sur ce point.
La première" c'est qu'en ordonnant le rétablissement des lieux dans leur état primitif, ils ont
pensé qu'ils réglaient suffisamment la position des
parties pal' le retour à l'ancien usage qu'elles
avaient pratiqué jusque.là.
La seconde" c'est qu'il paraît qu'aucune demande d'un nouveau réglement particulier des
caux tendant précisément à déroger à l'ancien
�DU DOMAINE PUIlLlC,
5~5
usage, et à établil' un partage fixe entre les intéressés, n'avait été formée devant le tribunal de
première instance de Semur, et qu'en conséquence ce tribunal et la Cour d'appel n'en ayant
pas été saisis, n'avaient point à s'en occuper.
La troisième" c'est que probablement le ruisseau: dont il'usage était l'objet de la contestation,
traverse encore des prairies autres que les fonds
appartenant au sieur Bolle·t, et dont les propriétaires
n'étaient point en qualité de cause; en sorte que le
réglement judiciaire fait entre celui-ci et ses adversaires n'aurait rien terminé vis· à-vis des autres intéressés : raison pom laquelle il était plus convenahle, sous ce point de vue, de délaisser les parties
à se pourvoir pardevant l'autorité administrative,
dont les décisions s'appliquent à tons les intérêts
de la localité.
1529. Quoi qu'il en soit, Bollet s'étant pourvu
en cassation contre l'arrêt de la Cour de Dijon, son
pourvoi fut rejeté le~ 7 avril 1807 par les motifs
suivants:
cc Atlendu qu'aux termes de l'art. 644 du Code
» civil, les propriétaires dont les eaux traversent
») les héritages ne peuvent en user qu'à la charge
» de les rendre à la sortie de leurs fonds à lenr
» cou rs ordinaire;
» Que l'arrêt attaqué constate que Bollet absor» hait dans ses fonds les eaux de telle manière
» qu'il en résultait un préjudice considérable pOUl'
» les usines illfél'ieures ;
�526
TRAITÉ
» Attemlu, d'ailleurs, que l'art. 645 du èodè
») civil donne aux juges la faculté de concilier l'in» térêt de l'agriculture avec le respect dû à la pro" priété, dans toutes les contestations eutre les
» propriétaires auxquels les eaux de l'espèce de
» 'celles dont il s'agit au procès peuvent être utiles;
» que les juges qui ont rendu l'arrêt attaqué n'ont
» fait qu'user de cette faculté;
» Attendu enfin que l'art. 2, titre 16, de la loi
" du 6 octobre 1791 attribue aux autorités admi..
» nistratives le droit de fixer la hauteur des eaux)
» ce qui entraîne celui de déterminer la hauteur
» des ouvrages que peuvent faire ceux qui Veulel'lt
» jouir de ces eaux, REJETTE (1). »
L'on voit, soit par cette décision, soit par les
raisons données plus haut, que l'arrêt de la Cour
de Dijon est parfaitement justifié, comme exactement conforme aux principes de la matière.
1530. Mais l'on ne pourrait en dire autant de
celui de la Cour de Metz dont voici l'espèce teHe
qu'elle est rappo!,tée dans le recueil de MacareL
cc Nicolas Hardy possède, depuis un temps im» mémorial, un moulin à blé sur le ruisseau de
» This, commune de Warcq (ArJennes); il appar» tient à Hiver-Tanton) sur les bords du même
» ruisseau, une prairie en amont de l'usine. En
» l~d~, celui-ci a construit un barrage qui a élevé
~, les eaux de plus J'un mètre au-dessns du niveau
(1) Sirey, 7..1.183.
�DU DOMAINE PUBUè.
527
" ordinaire,. et a causé par là des dommages au
moulin du sieur Hardy.
)' Citation devautle tribunal civilde Charleville;
» jugement qui ordonue une expertise.
» 26 août 1820, sentence définitive qui, al'·
» tendu que les ouvrages faits par Hiver-Tanton
» nuisent essentiellement au sieur Hardy, et sont
» dans le cas de nuire également à toutes les pro» priétés de la contrée, homologue le rapport des
7' experts pour être exécuté selon sa forme et te" neur; en conséquence il fait défense à Hiver» Tanton de ne plus établir à l'avenir de retenue
» sur le ruisseau de This, de manière à faire re)' fluer les eaux pour s'en servir à l'irrigation de son
" pré, et, pour sc l'être permis, le conda~ne à
» tous les dépens pour tenir lieu de dommages'"
)'1 in térêts.
» Appel de la part de Tanton devant la Cour
)' royale de Metz.
» 20 juin Il:h1, arrêt ainsi conçu: Attendu que
» les propriétaires d'héritages bordés ou tra"'·
» versés par une eau courante ont incontesta» blement le droit de l~emp1o..yer à l'irrigation
» de ces mêmes héritages, etce., bien entendu~
» de la manière et par les procédés qui con» viennent lé mieux aux localités ~ mais dé
» telle sorte qu~il n'en résulte pas de préjudice
» pourlesautres propriétaires., soit supérieurs.,
» soit inférieurs, à qui l'e.au d'ailfeurs doit
» être rendue pour qu'ils puissent s~en servir
;) de même;
»
�~28
TRAITÉ
Attendu que, d'après les principes établis
». par le Code civil, art. 644 et 645, si, d'une
» part, le dro it de Jacques Hiver doit iJtre re~> connu, d'autre part l'exercice en doit Iltre
» suhordonné à la possihilité et à l'état des
» lieux;
» Attendu que Jacques Hiver ne pourrait
» arroser son pré qu'en élevant les eaux du
» ruisseau de This à une grande hauteur;
» comme par là il serait possible qu'il occa» sionntît des dommages, tant aux proprié» taires des prairies supérieures et inférieures
~> qu'à celui des moulins de Warcq, il est nén cessaire, avant tout, qu'il obtienne de l'au» torité administrativeunréglement qui, enoh·
» viant à tous les inconvénients, concilie tous
» les intérllts ;
» La Cour~ avant faire droit sul' l'appel,
» renvoie ledit Hiver à se pourvoir devant
» l'autorité administrative, à l'tifj 'et d'Iltre par
» elle procédé à un réglement d'eau, contra» dictoirement avec toutes les parties intéres» sées, pour, ce fait, Iltre ultérieurement sta» tué (1). '>
»
153t.
Malgré le respect justement dû à l'autorité des Cours, nous ne pouvons nous empêcher
de dire que ce renvoi préalable à l'autorité administrative constitue une violation flagran\e des règles de justice les plus notoires.
(1) Voy. au recueil des arréts de MACAREI. , tom. 6, p. 208.
�529
DU DOMAIN!': l'UBLIC.
'Et d'abord qu'on remarque bien qu'il s'agissait
de réprimer une voie de fait commise snI' le cours
d'un I~uisseau, au préjudice des propriétés voisines;
'que les débats de 'cette nature sont exclusivement
dans les attributions des tribunaux; qne l'auteur
Je l'innovation offensive était seul en tort pour
avoir, cle sa propre autorité, changé la disposition
des lienx, sans s'adresser préalablement à l'administration publique àTeflet de lui demander que,
contradictoirement avec toutes les parties intéressées, l'état du sol fût modifié ou qu'il lui fût permis
de l'organiser, par ses travaux, de manière à faire
déverser une partie des eaux sur sa prairie, en
tant que cela serait reconnu équitablement possible.
Remarquons encore que jusqu'à ce que le nouveau réglement fût légalement établi, la provision
était'au moins duc à la tègle adoptée par l'auciell
usage, et qu'ainsi la justice exigeait que la Courde
Metz, comme celle de Dijon, condamnât, à tout
événement, l'auteur de l~entreprise à remettre les
choses dans leur état primitif, plutôt 'que de Jui
laisser les avantages de la possession lorsqu'il ne
pouvait se p"évaloir que d'une voie de fait illicite;
mais ce qn'il y a de plus singulier dans cet arrêt ,
c'est qu'en l'etenant. la question du fond, la Cour
de Metz a elle-même reconnu sa compétence, ct
qu'en subordonnant aux dispositions d'uu réglementfulur le jugement à prononcersur4es faits consommés, elle donne à penser qu'il serait possihle de
TOl\'[.
IV.
34
�530
TRAITÉ
faire l'application d'une loi enla reportant à un temps
où elle n'existait pas encore!
Il est donc de toute évidence que cette Cour,
compétemment saisie de l'action en r.épression des
voies de fait commises par Hiver-Tanton, au préjudice de Hardy, devait de suite, et sans atteDllre
aucun règlement administratif, statuer sllr le litige;
que dès-lors elle a contrevenu formellement à l'article 4 du Code, portant que le juge qui refusera
de juger sous prétexte du silence ou de L'insu.f
fisance de La loi pourra hre poursuivi comme
coupable de déni de justice; et que très-certainement son arrêt n'aurait point échappé à la censure de la Cour suprême s'il lui avait été déféré.
C'est d'ailleurs une maxime de tous les temps,
que, pour le main tien Je la paix publique, le
juge est tenu de prononcer sur les contestations qui
lui sont soumises, et de les terminer le plus tôt
possible, soit afin d'épargner aûx parties des démarches ultérieures et ruineuses, soit pour prévenil' les débats orageux et les voies de Elit auxquelles
'clles pourraient se porter les unes envers les au,tr~s : CUl' enim, inquit Julianus, ad arma et
rixam procedere patiatur praetor, quos potest
juridictione sud componere (1) ?
Ce oerniel' reproche contre l'arrêt de Metz se
trouve bien juslifié par ce qui s'est passé postérieurement.
On s'adresse donc au préfet, qui, au lieu du ré·
(1) L. l3, § 3, ff. de usufrUCIU, lib. 7, tit. 1.
�DU DOMAINE PUllLIC.
.531
glement d'eau qui lui est demandé, l'end plutôt
une sentence sur le procès qui divise les parties.
Pourvoi contre son arrêté au conseil d'Etal,
qui, attendu que le préfet avait été compétûmment
saisi, quoiqu'il eût lllai jugé, renvoie les sieurs
Harùy et Hiver-Tanton pardevant le ministre de
l'intérieur.
. Par décision du 5 janvier 1825, le ministre annule l'arrêté du préfet, et ordonne qu'il sera procédé à un nouveau réglementa
Second pourvoi au conseil d'Etat, qui, le 4 juillet 1827, statue 'enfin dans les termes suivants:
cc Considérant que le ruisseau de This n'est ni
» navigable ni flottable, et que la question d'in té .
» rêt privé entre les sieurs Hardy et Hiver-TantoH
» estdu ressort des tribunaux ordinaires; considé» ranl que la Cour royale de Metz, en renvoyant
» les parties devant l'administration, pour, par
» elle, être procédé à un réglement d'eau, s'est en
» effet réservé de statner sur le fond de la contes» tation; considérant que c'est avec raison que
» notre ministre de l'intérieur a refusé d'approuvel'
» le projet de réglement présenté, en ce que le
» préfet avait excédé les bornes de sa compétence;
» considérant que la décision ministérielle qui 01'» donne qu'il sera procédé à la réua,ction d'un non'» veau réglement n'est pas susceptible d'être' atta» quée par la voie contentieuse, la requête du sieur
» Hardy est rejetée (1). »
(1) Voy. dans
MACAllEL,
t. 9, p. 337.
�532
TRAITÉ
C'est ainsi q~'après s'êu'e, pendant six ans, épui-,
_ sées en démarches ét frais inutiles pardevant les
autorités administratives, les par'ties se sont, à ce
qu'il paraît, retrouvées encore dans la même position, faute par la Cour de Metz de leur avoirrendu
justice eu 1821 (a).
(a) Il Y a une distinction à: faire entre le cas où les travaux exécutés sur mi cours d'eau qui ne dépend pas du domaine
pub]jc, ont été autorisés par l'administration, et celui où ils ne
l'onf pas été. Dans le premier, la jurisprudence du conseil d'Etat avait admis pendant un certain temps q~e l'action était ouverte devant les tribunaux', et que notamment la voie du possessoire pouvait être employée j"mais elle est revenue sur ec point,
et il est aujourd'hui constant que le recours à l'autorité judi- '
ciaire n'est recevable qu',autant que les travaux n'ont pas été
approuvés;' alors cette autorité peut et doit prononcer sans renvoyer préalablement à'l'administration. C'est ee qui résulte positivement de deux arrêts du conseil d'Etat des 22 et 28 août
1844 ( Bourdon c. Ratton et Parsewd; ~ Belléme et Doucerain c. de Champigny), et de plusieurs arrêts de la Cour de
cassation, notamment des 30 août 1830 (Sirey, 31-1-42); 14
août 18:52 (S., 32-1-733); 28 janvier1845 (S., 45-1-433), et
12 février 1845. L'arrêt du conseil du 22 août 1RH est ainsi
motivl~: (( Considérant que ia demande du sieur Bourdon 'Ile
" tend qu'à faire statuer sur un débat élevé entre des intÉrêts
" privés, et à obtenir contre les sieurs Ratton et de Parsevalle
" rétablissement des lieux, tels qu'il prétend qu'ils auraient
" existé précédemment j - qu'il n'apparaît pas qu'aucun acte
" de rautorité publique ait errcore pourvu au réglcment des
" eaux de la Veyle; - que la décision à intervenir sur la de,,' mande du sieur Bourdon ne fera aucun obstacle aux mesures
,. que l'administration pourra ordonner ultérieurement dans
" l'intérêt général, ORDONNE: est annulé l'arrêté de conflit pris
" par le préfet de l'Ain le 28 mai 1844. »
�DU DOMAINE PUllue.
53:J
CHAPITRE LXII.,
Des canaux artificiels établis pour l'irrigation des
, terres.
1532. On peut, avec l'autorisation de l'administration publique, toujours chargée de la police
générale des eaux, praüquer des' canaux dans Jes
rivi~l'es pour en dériver une p~rtie des eaux vers
ulle région qui, quoiqllepllls basse, ne serait pas
arrosée naturellement.
Nous'disons avec lJautorisation de lJadministration,publique: car, quoique tout propriétaire
dont Je fonds borde une eau courante puisse, à sa
volonté, y creuser des rigoles pour profiter de l'irrigation, par la raison qu'alors il ne fait qu'appliquer la chose à sa destination légale et immédiate,
il n'en peut être de même lorsqu'il s'agit d'opérer
la dérivation de l'ean sur un terrain vers lequel son
cours naturel ne la portait pas. Ici la mesure se
complique, parce q'u'elle pourrait compromettre
d'autres intérêts Jocaux, soit par rapport.an volume
considérable de la prise d'eau, soit parce qu'il ne
fa'ut pas déshériter une contrée d'ull avantage pour
en enrichir nne autre: le concours et l'assentiment
de l'administration ayant la surintendance des eaux:
devient donc nécessaire.
1533. Il Y a en France heaucoup de départements 'montagneux dans lesquels les besoins de
�534.
TRAITÉ
l'agriculture ont conduit les propriétaires à faire de
semblables entreprises Ca).
(a) Ces entreprises sont surtout nécessaires dans les pays méridionaux où les e3UX sont le plus rares et où les terres desséehées par les ardeurs du soleil, ont particulièrement besoin d'être
rafraîchies et amendées par les irrigations. Dans ses Offices
(liv. 2, ch. 4), Cicéron en parle co!"mc' d'une des plus utiles
applications de l'industrie humaine : addC' ductus aquarum,
derù>ationes fluminum, agrorum irrigationes.
Vitruve, livre 8, chap. 7, intitulé : Quot modis ducuntul'
aquœ, trace les règles suivant lesquelles doivent être établis les
canaux d'arrosage. C'est certainement d'après ses 'préceptes, que
les Romains ont exécuté en Espagne les beaux travaux de r Acequia ~e Castellon à l'égard desquels sont intervenus les ordonIlances et réglements des 4 avril 1239 et 4 avril 1268 (voy. les
Recherches histonques et le Voyage en Espagne de Jaubert de
Passa, couronné par la Société d'agriculture de Paris le 14 avril
1822, dans le concours général sur la pratique des arrosages).
L'idée de ces utiles établissements très-nombreux dans le royaume
,de Valence et dans la Catalogne, a dû être importée en Provence
par les comtes de la maison de Barcelone qui ont régné sur cette
province de 1113 à 1239.
Parmi les opérations de ce genre, les plus remarquables ell
France sont deux dérivations de la Durance.
L'une, appelée OEuvre de Craponne, créée vers 1558 par
Adam de Craponne, le premier auteur du projet du canal de
Bourgogne, consiste dans une rigole (ou, selon l'expression locale,
un vallat) d'un mètre de large sur un mètre de profondeur, et
d'environ 10 myriamètres de longueur. Ce canal a son origine
près du village de la Roque, un peu en aval de Cadenet, et son
embouchure dans le Rhône, à un kilomètre au-dessuus d'Arles,
dont il traverse le territoire sur un aqueduc après avoir arrosé
18 communes, ct notamment celle de Salon où, est le chef-lieu
de l'entreprise; sa pente, extrêmcment forte, est alténu~e p:lr
�DU DOMAINE PUBLIC.
535
Ces canaux, creusés à main d'homme, ne doivent être èonstruits et entretenus qu'aux frais des
possesseurs des prés à l'irrigation desquels ils sont
destinés.
Il se forme alors ordinairement, sons le nom
collectif de compagnie dJarrosants) une association qui a ses syndics, pour agir et défendre, dans
des détours nombreux ménagés ft dessein, et ses eaux, qui font
tourner aussi quelques usines, sont principalement destinées à
l'alimentation d'une infinité de rigoles d'irrigation absorbant environ 15 mètres cubes par seconde. Les associés, dont les droits
sont réglés par la transaction reçue Catrebards, notaire à Aix,
le 20 octobre 1571 , confirmée par lettres-patentes de Henri III,
de décembre 1584, n'ont que l'usage limité des eaux moyennant une cotisation déterminée par la majorité des actiolls ou
intérêts. Ce réglement, appelé le testament de Craponne, contient
les vues industrielles les plus utiles et peut être offert comme un
modèle de ces sortes d'associations.
La seconde entreprise, connue sous le nom d'OEuvre de Boisgelin ou de Canal des Alpines, a été formée en 1773 par les
Etats de Provence, avec autorisation du conseil d'Etat donnée
par arrêt du 20 février 1783. Sa dotation, fixée à 26 mètres
cubes par seconde, et divisée en moulans équivalents cbacun
ft un quart de mètre cube par seconde, se répartit entre les associés qui ont le droit d'user d'une manière illimitée de la portion
qui leur est attribuée. Le réglement de cette œuvre a été approuvé par un décret impérial du 5 février 1814.
Il existe encore plusieurs autres canaux de cette nature tels
que celui de la rive gauche du Drac, dont il sera parlé ci-après,
nOS 1536 à 1540; celui de la Brillanne, arrondissement de
Forcalquier, qui fait l'objet de l'ordonnance royale du 6 février 1822; ceux des Pyrénées-Orientales, mentionnés, mpl'à,
pag. 385, etc.
~
�536
1'1tAlTÉ
l'in térêtde la masse, sur tout ce qui peut con cer11er l'exécution de la convention ou des lois et régle. ments relaLÏfsà l'usage des eaux.
Lorsque [cs difficulLés qui s'élèvent entre les associés ne se rattaèhent qu'à l'interprétation et aux
effets de leur traité, comme, par exemple, lors~
qu'un individu souLÏent ne pas fail'e partie de la so."
'
d' aucune porclete
et n t
etreA
tenu en .
conseqnen~e
tion des dépenses sociales, le.débat doit être renvoyé
en justice ordinaire, parce que les tribunaux sont
setlls compétents pour, statuer sur l'interprétation
ct la portée des conventions (1).
1534. Les canaux artitlciels d'irrigation sont
quelquefois d'une telle importance que leur étahlissement peut être ordonné pour canse d'utilité
publique; mais, comme la dépense qu'ils entraÎ11ent ne peut se recouvrer qu'à l'aide de rôles
de contributions forcées, il est nécessaire de recoul,il' au pouvoir législatif pour les autoriser; tous les
propriétaires de la contrée,. auxquels ils peuvent
être utiles, ayant indistinctement le droit d'en profiter et étant soumis à la loi commune qni les a décrétés, tous sont tenus d'en supporler les frais
dans la proportion des héritages arrosés; tandis
quc;.quand ils ne sont entrepris que sur la demande
des compagnies, il n'y a que ceux qui font parlie
Je l'association qui aient droit aux avantages qu'ils
(1) Voy. à ce sujet l'arrêt du conseil d'Etat du6 février
)822, dans MACAREL, t. 3, p. 91 et s~iy.
�DU DOMAIN.E PUBLIC.
I
537
procurent, comme aussi il n'y a qu'eux qui sont
assujettis à en supporter les charges auxquelles ils.
se sont volontairement soumis.
1535. Mais qu'on se place soit dans l'hypothèse d'un canal construit par une société d'arrosants, SQit dans celle d'un canal ordonné par une
loi, la surintendance de l'administration publique
est la même pour tout ce 9ui tient à la police de
l'entreprise et de l'irrigation qu'on a le dessein
d'exercer, a.ttendu qu'il ne s'agit toujours qued'un
élément dont la propriété exclusive n'est à personne, et do~t l'usage est à tous; que ce n'est que
par un acte de police réglementaire qu'il peut être
permis de déroger à l'ordre de la nature en ôtant à
l'eau sa direction pour la poner vers une autre région; que ces s-ortes de tl'avaux ne doivent avoir lieu
que pour favoriser les produits de. l'agriculture ,et
dans des vues d'économie publique; que toujours
entrepris dans on intérêt collectif de localités, ils
exigent, pOOl' leur exécutipn et leur entretien, des
frais considérables à répartir sur des intéressés plus
ou moins nombreux, par des rôles rendus exécutoires, dans la forme de ceux des contributions
publiques; qu'enfin, suivant le prescrit du décret
du 12-20 août 1790, l'administl'ation estgériéralement et dans tous les cas chargée de pl'Ocurer le
libre c'Olll'S des eaux, et de les diriger vers un
hut d'utiLité générale~ d'après les principes de
l'irrigation; qu'ainsi, et sous quelque point de
vue qu'on envisage çette matière, l'on arrive tou·
�538
TRAITÉ
jours à la conséquence, que tous les canaux: artificiels d'irrigation, quels qu'ils soien t, doivent être,
comme ceux qui ne sont que l'œuvre de la nature,
et même à plus forte raison, placés, qnant à la
police réglementaire, sous l'autorité de l'adminis-tration publique.
Nous disons quant à la police réglementaire:
car, comme on le verra ci-après, les questions qui
touchent à la propriété rentrent dansle domaine de
la justice ordinaire, de même que celles qui résulteraient des conven tions arrêtées en tre les parties.
La loi du 23 pluviôse an XII ( 13 février 1804 )
nous fournit un exemple de construction d'un caJlal d'arrosement ordonné pour cause d'utilité publique. Elle est conçue dans les termes suivants.:
1536. ART. 1 er • cc Il sera construit, dans le dé" partement des Hautes-Alpes, sur la rive gauche
» de la rivière du Drac, et à partir du pont d'Ar)' cière, un canal d'irrigation pour fertiliser le ter·
." ritoire de la ville de Gap et celui des communes
» environnantes qui pourront en profiter. »
Ce canal n'étant pointl'œuvred'une société libre
d'arrosants, on a dû, pour parvenir à son établissement, recourir au pouvoir législatif, parce qu'il
fallait l'imposer à toute la localité, et subvenir aussi
par des contributions, aux dépenses qu'il devait
occasionner: ce qui ne peut être fait qu'en vel'tu
d'une loi.
'537. ART. 2. " Les dépenses relatives à la
" construction età l'entretien annuel du canal de-
�DU DOr.IAIl'Œ PUBLIC.
539
meureront à la charge de la ville de Gap et des
communies ou propriétaires qui en profiteront,
» et il y sera pourvu dans la forme et de la manière » prescrites par la loi du 14 floréal an XI pom le
» curage des rivières non navigables. Le gouverne» ment pourra autoriser un emprunt si cette me» sure lui paraît convenable. »
C'est-à-dire que, quoique la charge d'exécution
pèse en premier ordre sur le corps de la commune,
néanmoins le recouvrement des frais'doit être fait
sur chacun des. propriétaires profitant de l'arrosement, en vertu d'un rôle de répartition rend u exécutoire par le préfet Ca), et composé de manière que
la quotité de contrihution de chaque imposé
soit toujours relative au degré d~intér~t qu'il
aura aux travaux quïdevront s~t1Jéctuer, puisque c'est là la règle tracée par la loi du 14 floréal
an XI sur le curage des rivières.
1538. ART. 3. « Les terrains apparlenant à
» Jes particnliers, et qui seront reconnns néces» saires pour le service du canal, seront acquis de
, gre,
, ou a. d'1re d' experts.»
» gre, a
Dans ce cas il y a lieu à l'expropriation forcée
»
»
(a) Arrêts du conseil d'Etat des 29 octobre 1833 (BoyerFonfrède); 29 janvier 1839 (commune dt) Miramas), et 2 novembre suivant (Arrosants de St-Chamas).
Le l'CC ouvrement de ces cotisations se fait suivant le mode usité
pour celui des contributions publiques (Cormenin, Droit administratif, VO cours d'eau); cependant la prescription relative à
ces dernières n'est point applicable aux cotisations des anosants
(Arrêt du conseil d'Etat du 19 octobre 1823. - Garriga).
�5.40
TRAITÉ
pour cau.se d'utilité publique; et si l'on ne s'arrange
l)as amîablement sur le prix, l'on doit recourir aux
formes décrétées par les lois Ca).
Il résulte e-ncore de cet article que la communauté des arrosants doit être regar~ée comme ayant
exclusivement la propriété foncière du canal et des
terrains reconnus nécessaires à son service, 'puisque la première mesure prévue consiste dans l'acquisition
sol où il doit être placé Cb); et de' là
il suit encore çomme conséquences ultérieures,
du
(a) A cette époque le principe de l'expropriation par l'autorité
jtidiciairen'avait pas encore .été posé par la loi du 8 mars 1810,
et celui de l'estimation à l'aide d'un jury par la loi du 7 juillet
1833. La forme indiquée par notre article était déjà celle COllsacrée depui", par la loi du 16 septembre 1807.
(b) Il n'y a pas de nécessité légale qu'il en soit ainsi; on a
vu au contraire, sllprà, tom. 3, pag. 431, en note, que la
première branche du canal d'irrigation dit des Alpines avait
été établi en. 1786 à titre de simple servitude.
La conduite des eaux peut en effet avoir lieu de plusieurs.
manières:
.' 1 0 Dans un canal ou aqueduc dont le sol et les bords, sur'
une largeur plus ou moins grande, appartiennent en pleine propriété à l'auteur de la dérivation; c'est là, à défaut de titres prouvant le contraire, la présomption admise de plein droit par la ju~
risprudence de certaines Cours ( Voy. sllprà, ledit tom. 3, page
430 et 435 et sulv.);
20 Dans un canal dont la superficie seule et sans franc·bords a
été acquise par celui qui se sert des eaux. L'arrêt de la Cour royale
de Dijon, rapporté dans le même tome, page 450, s>pplique à
une hypothèse de cette espèce. En ce cas le propriétaire du can;!l
a de plein droit, mais ~ titre de' servitude seulement, la faculté
de passer sur ses bords pour le curer et pour y déposer momen-
�DU DOMAINE PUBLIC.
541"
Que le droit de pêche dans ce canal ne peut
appartenir qu'à la compagnie des arrosants, en sa
qua(ité de propriétaire;
10
tanément le produit du curage (L. 11,
§ 1 , ff. comm. prœd., et
4, ·ff. de'itin. actllque priv.);
3°' Dans un aqueduc souterrain dont l'emplacement et le terrain au-dessous à une profondeur indéfinie, sont possédés à titre
de propriété tréfoncière par le maître de la dérivation, tandis que
le sol superficiel, sur une épaisseur plus ou moins considérable,
reste au propriétaire de l'héritage dans lequel existe l'aq educ.
C'est de cette manière que, sur un développemcnt en longueur
de 12,695 mètres, a été établi l'aque,duc en ma150nnerie d'un
demi-mètre de section intérieure qui amène à Dijon les eaux des
fontaines publiques. « Cette propriété tréfoncière ou souterraine,
" disions-nous dans un Rapport inséré aux lIfémoù'es de l'A··
" cadémie de cette ville (années 1843-1844, page 266 de la
" 1 re partie), est plus étendue et plus avantageuse qu'une simple
" servitude d'aqueduc dont l'établissement n'impose au maître
" du fonds que la charge de souffrir le conduit en maçonnerie
" et le passage de l'eau, en lui laissant la propriété et la disposi" tion de tout le surplus. Ici, au contraire, c'est une véritable
" pJ'()priété, restreinte seulement dans sa dimension verticale,
" mais aussi parfaite que la pleine propriété ,. plenum domi" nium, pour la partie infél'ieure acquise par la ville. La pro
" priété du sol s'étenùant, comme le disent les jurIsconsultes,
" de injéris usquè ad cœlum, cet espace indéfini en hauteur et
" profondeur peut être divisé à un niveau quelconque au-dessus
" ou au-dessous de la superficie pal' un plan horizontal inteI" leetuel ou même matériel. Ce mode de partage déjà admis par
" les Romains, et dont les règles ont été tracées et les consé" quences déduites par M. Proudhon dans son Traité de l'u\) su/ruit, etc., ch. 97, nOS 3718 et suiv., est consacré dans
" notre législation nouvelle, notamment par l'art. 664 du Code
" civ., relatif aux divers étages d'une maison, mal à propos
4
.'
�542
TRAITt
0
Que celte compagnie ayant sur le canal tous
les droits du maître, il lui est réservé, comme le
dit expressément l'article 11 de l'arrêté du Direc2
placé au titre des servitudes, ainsi que par la loi du 2-1 avril
1810, sur les mines, d'après laquelle la partie souterraine de
.. l'héritage où se trouve le minerai est à perpétuité détachée
li du sol et se transmet, s'hypot.hèque et s'exploite indépendam» ment de celui-ci. Dans l'espèce présente, le plan horizontal
" séparatif est établi à un mètre en contre-bas de la superficie
li dont le niveau ne peut être modifié; tout ce qui est au-dessous
li et jusqu'à une profondeur indéfinie, appartient à la ville d'une
li manière aussi complète que si elle avait la surface; la partie
» supérieure reste la propriété du maître du fonds sous la charge
" de diverses servitndes nécessaires pour assurer la conservation
" et l'usage de la portion inférieure; "
4 0 Encore dans un aqueduc souterrain construit en maçonnerie, sans titre explicatif de sa nature et du caractère du droit.'
'U Lorsque les eaux, dit M. Daviel(Tr. de Zapralique des cours
'" d'eau, na 827, 3 e édit.), sont conduites à travers le fonds d'au' l l trui, à l'aide d'un canal incorporé dans ce fonds, par exemple à
" l'aide d'un aqueduc en maçonnerie formant inédincation dans
" le fonds qu'il traverse, alors c'est plutôt copropriété que ser:
" vitude; celui qui possède l'aqueduc a réellement la saisine
" d'une portion de l'héritage où l'aqueduc est établi; on applique
" le principe posé dans l'apostille si souvent citée de Dumoulin,
" sur l'art. 220 de la Coutume de Blois, qui disait que « vues
» et égouts ne portent pas saisine à celui qui les a sur autrui,
» et ne peuvent se prescrire sans titres. " Sur le mot' égouts,
" Dumoulin a fait cette note: Intellige de simpZici stillicidio in
" aere, id est non quiescente infundo vicini, sive pendeat suprà
"fundum vicini, sive non pendeat, sed in illud stillat. Secùs
" de incorporato et inœdijicato visihiZiter veZ quiescente super
" fundo vicini. - " Celui qui bâtit un aqueduc sur le terrain
Il d'autrui, dit Lalaure, des Servitudes, liv. 2, ch. 9, ou qui
li
li
�DU DOMAINE PUBLIC.
543
taire exécutif du 19 ventôse an YI, cc de se pour) voir en justice réglée pour obtenir la démolition
» de toutes usincs, écluscs, batardeaux, pêche» ries, gords, chaussées, plantations d'arbres, fi·
lets dormants ou à mailles ferrées, réservoirs,
» engins, lavoirs, abreuvoirs, prises d'cau, et gél)
incorpore un égout dans un édifice qui appartient il un autre,
" fait plutôt un acte de propriétaire de la portion du terrain sur
" lequel il entreprend de faire ces constructions, qu'il ne paraît
" exercer un droit de servitude.
La condition que le condu it
» souterrain soit apparent, visibiliter, pour celui au travers du
» fonds duquel il se prolonge, afin que la prescri ption s'établisse,
» est absolument indispensable; car il faut que la possession
" ainsi acquise soit notoire, et qu'elle ne puisse être ignorée
» par celui contre lequel la prescription s'accomplirait. l,a pres" cription étant fondée sur une présomption de consentement,
» il est manifeste qu'on n'est mis en position de consentir qu'au» tant qu'oll C$t mis à portée de refuser. - Du reste, pour que
Il la condition d'incorporation visible se rencontre, il n'est pas
" besoin que, dans toute son étendue, l'aqueduc soit apparent;
"il suffit que des regards en indiq~ent l'existence et le trajet. Il
C'est cc qu'a jugé nn arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre
)l
)l -
1833 (Sirer, 34-1-282);
50 Enfin dans une rigole ou un canal creusé à titre de simple
servitude dans le fonds d'autrui. C'est de cette manière seulemeut que la loi du 29 avril 1845 autorise le passage forcé des
eaux pour l'irrigation (suprà, pages 379 et suiv.). C'est aussi
à ce titre seulement que, selon certains auteurs et arrêts, doivent
être réputés exister les canaux et biefs creusés de main d'homme
dans le fonds d'autrui, lorsque rien ne prouve que l'anteur de
la dérivation ait acquis la pleine propriété du sol de ces canaux
et biefs. (Voy. suprà, tom. 3 , pages 430 et 435 et suiv., et
présent tome, page 391).
�544
TRA1TÉ
néralement de toute construction nuisible au li;» bre cours des eaux et non fondée en droit. ;»
3 0 Enfiu qué c'est à ce même corps de société à
payer l'impôt foncier assis sur lecallal ; lequel imp0t, suivant l'art. 1 er de la loi du ·5 floréal an XI)
ne doit être taxé qu'en raison du terrain occupé,
mais considéré comme terre de première qualité
dans la cornmune-de la situation (1).
1539. ART. 4. «Le gouvernement est autorisé
» à faire tous les réglements nééessaires, tant pour
» l'exécution et l'avancement des travaux, que
» pour l'usage, la distribution des eaux, et la po"
;» lice qui devra être observée à cet égard. »
C'est-à-dire que l'administration qui, en vertu
de son pouvoir réglementaire, est investie du droit
de répartil'les dépenses, a de même, et réciproquement, celui de procéder à la distl'ibution des eaux
amenées sur les lieux par le canal.
1540. ART. '5. cc Les contestatiolls qui pour;» l'ont s'élever sur l'exécution de la présente loi
;» seront décidées administrativement pal' le con» seil de préfecture. »
C'est encore aujourd'hui au conseil de préfecture
à statuer sur les demandes en dégrèvement des
impenses, lorsque -le rôle n'en a pas été fait dans
.
.
,,-\
une Juste proportlOll ; comme c est a ce meme conseil à prononcer sur les réclamations pom surtaux
des contributions publiques; mais il ne lui appar»
(1) Voy. au bullet., tom. 8, p. 221, 3e série.
�,54·5
DU DOMAINE PUBLIC.
lient plus d"ordonner l'expropriation des terrains
nécessaires à la confection du canal: ici s'applique
la loi du 3 mai I~41 , qui exige que l'expropriation soit opérée judiciairement quand elle n'est pas
volontairement consentie.
1541. L'étaLlissement d'un canal d'irrigation
produit, par voie de conséquence, à l'égard des propriétés à l'arrosement desquelles il est destiné, des
droits et oLligations qui sont de nature entièrement
réelle.
D'une part, chaque, fonds appelé à profiter de
l'irrigation a droit à sa prise d'eau, et c'est là une
servitude active imposée pour son utilité sur le
canal.
D'autre part, chaque propriétaire de fonds arrosé
est ohligé de payer son con tingen t des frais nécessaires à la construction ct à l'entretien du canal
d'arrosement; et cette ohligation est encore réelle
de sa nature, parce qu'elle ne pèse sur la personne
qu'à raison de la possession du fonds Ca).
Ca) Les divers arrosants doivent contribuer aux frais d'entretien suivant le deg,'é d'intérêt qu'ils ont aux travaux à faire:
ils forment une société ou communion d'intérêts distribués par
actions. En conséquence, et comme dans toutes les sociétés par
:letions, la majorité se détermine non d'après le nomhre des actionnaires, mais d'après celui des actions ou intérêts que chacun
y possède. Cette règle, aussi admise en matière de concordat pal'
suite de faillite (art. 507 du Code de commerce), a so!! prinelpe dans le rescrit suivant de l'empereur Marc-Aurèle, que
nous a conservé un fragment des réponses de Papinien : (Papinianlls, lih. 10, respons.,jf., lih. 2, tit. 14, leg. 8), majorem
TOllI. IV.
36
�MG
'l'1\AtTf~
Il résulLe de là qu'en général, soit le droit d'il'rigaLion, soit l'obligation de satisfaire aux impenses
qu'il exige dans son exercice, suit le fonds en quelques mains qu'il passe, et se reporte successivement
su r la tête de tout tiers acquéreur.
esse pattern pro modo dehiti, non pro numero personarum placuit. Quod si œqualeJ sint in cumulo dehiti, tunc plurium numerus creditorum prœjerendus est; in numera autem pari creditorum auctorÏfatem ejus sequeturprœtor, qui dignitate intereos
prœcellit.
Mais ces associations relatives à la culture et à l'amélioration
ùes héritages de chacun des intéressés sont purement civiles, et
n'ont, dans leur nature ni dans leurs attributions, aucun caractère commercial. Il résulte de là qu'à la différence des sociétés
pour fait de commerce, elles ne forment pas un corps moral distinct représenté par des gérants ayant toutes ses actions actives
et passives; les syndics qui les dirigent n'en sont que de simples
administrateurs. Aussi lorsqu'il y a lieu de les traduire en justice,
elles doivent être assignées dans la personne ou au domicile de
tous les membres qui les composent, et non en ceux des syndics,
ainsi qu'il a été jugé par arrêt de la Cour de cassation du 26 mai
1841 (Sirey, 41-1.48il) ainsi conçu: « Attendu qu'en droit
» commun, les assignations doivent être données individuelIe» ment à personne ou domicile, et que la nature de l'association
» pour la distribution des eaux dite des Pinchinats, ne peut la
» ranger dans l'exception prévue pour les sociétés de commerce;
11 qu'ainsi les assignations qui avaient été données à chacun des
» intéressés étaient valables, et qu'en décidant le contraire l'ar» rêt attaqué a violé les lois citées (art. 61 et 69 Code de pro» céd.) Casse. » Par la même raison, un des membres de
l'association, fût-il gérant ou syndic, ne pourrait agir en son
nom personnel comme représentant ses coassociés. Il y a nécessité de désigner dans les exploits donnés à requête de la société
tous ct chacun de ses memùres' (arrêt de la même Cour du 8
novembre 1836; - Sirey, 36-1-811).
�DU DOMAHŒ PUBLIC.
547
Nous disons en général, attendu que, quand
les dépenses d'arrosement ont été réparties pal' un
rôle mis en recouvrement, tout ce qui en est échù
au moment de l'aliénation du fonds, étant déjà
.devenu dette personnelle pour le posses~eur actuel,
ne doit pas tomber à la charge de l'acquéreur. Il
faut suivre ici le même principe qu'a l'égard des
contributions publiques, qui, échéant JOUl' par
jour, ne sont an compte de l'acquéreur que pour le
temps qui, suit la ve~te.
CHAPITRE LXIII.
Des eaùx souterraines.
1542. Les eaux souterraines sont aussi un bien
précieux pour l'homme, puisqu'en creusant des
puits, il les trouve partout où elles sont nécessaires
à ses besoins, et qu'au moyen de forages plus profonds (puits artésiens), il parvient même à les
élever au-dessus de la surface du sol.
En fait d'eaux souterraines, on sent que les débats judiciaires entre voiSInS ne peuvent naître qu'à
raison des ,fouilles qui, pratiquées dans leurs terrains, auraient changé l'ancien élat des choses au
préjudice de l'un d'eux, ce qui se présente dans
deux. hypothèses différentes, et par suite donne
'lieu à l'examen de deux questions générales, suivant que les ouvrages faits par l'un priveraient
l'autre des eaux qui lûi étaient utiles, ou,"au con-
�548
l'JlA1'l'~
traire qu'ils auraient pour résultat de transmettre
à ce dernier des eaux nuisibles dont il ne ressentait pas auparavant les incommodités.
SECTION PREMIÈRE.
Lorsque, par suite des fiuilles pratiquées dans un finds, lei
, eaux souterraines cessent d'arriver dans l'héritage voisin, le
propriétaire de oet héritage a-t-il le droit de s'en plaindre?
1543. Du principe qne le pl'Opriétaire du sol
est aussi maître du dessus et du dessous (art. 552,
C. civ.) , il résulte que celui qui découvre un cours
d'eau souterrain dans son fonds, a le droit de s'en
saisir pour en joui,'; et que, tenant la place de
premier accu pan t, vis-à-vis des propriétaires infé·
rieurs, il peut s'en emparer, même à leur préjudice (a); qu'ainsi celui qui creuse un PUiLS pour
(a) Ce point est admis unanimement par les auteurs et lajurisprudence. Voy. Cujas, Recitat. in Pandect., lib.·8, tit. 2,
de urban. prœd.j -Cœpolla, de Servitutib., cap.·4, nOS 52 et
seq. (édit. de 1759).; - Dunod, des Prescript., part. 1, ch.
12; - Toullier, tom. 3, nO 328; - MM. Pardessus, des Servitudes, nO 76; - Duranton ,tom. 5, nO 156; - Zacbariœ,
tom. 2, § 243, note 6; - arrêts de h Cour de casso des 29 novembre 1830 (Sù·e.r,31-1-11O); 15 janvier 1835(S.,35-1-957);
26 juillet 1836 (S., 36-1-819); 19 juillet 1837 '( Dalo.z, 37-1427); 29jallvier 1840 (D., 40.1.115), et 20 juin 1842 (S.,
43-1-321). M. Troplong, de la Prescription, nO 115, tom. 1",
pag, 168, donne les motifs de cette décision dans les termes suivants: " Comme propriétaire, j'ai la faculté'de fouiller mon
Il fonds et d'en tircr tout le parti possible, à moins que vous
n'ayez ~cquis, par quelque servitude qui me grève, le droit
de limiter cette faculté, Il est vrai que j'ai laissé dormir cette
)l
)l
�DU DOMAIN!!. PUBI.IC.
54-9
l'usage de sa 'maison 011 le service d'uu 'autre héritage, ne faisan t qu'user de son choit, ne peut
donner lieu à aucune plainte légitime contre lui,
lors même que, par le fait, il lui arrive de mettre
à sec le puits d'un voisin, en coupant les veines
qui l'alime~taient: litputà in domo meti puteum
aperio quo aperto venae putei tui praecisae
sunt; an tenear? Ait Trebatitts~ ne teneri me
damni infecti; lleqzie enim existimalli ~ operis
mei vitio damnum tibi dare in ed re in quti jure
meo usus sum (1).
1544. Il en serait de même ùe celui qui, pratiquant une fouille dans son fonds, viendrait à in,.
,.
,.
,.
,.
,.
,.
"
"
..
"
..
,.
..
"
faculté pendant 30 ans; J!lais je n'avais pas d'intérêt à en
user; je me contentais de l'état de ma propriété telle qu'elle
était. Est-ce que vous pouvez me faire un reproche de n'avoir pas rendu ma condition meilleure? Où est, après tout,
le principe de votre prétcntion? dans l'utilité que vous retirez
de votre puits? Mais puisque je suis propriétaire à votre égard,
puisque j'ai les mêmes facultés que vous, et que vous n'avez
pas sur moi un droit de servitude, ne puis-je pas aussi retirer
de mon fonds une utilité pareille et profiter de l'avantag-e
naturel. que j'ai d'avoir la source dans mon héritage? Cette
source m'appartient plus qu'à vous, puisque vous ne pouvez
l'avoir qu'à mon défaut; eh bien! je ne vous fais pai tort en
me servant de ce qui est à moi; en vous privant de ce qui
n'est pas à vous, j'use d'une faculté; je la prends au moment
où elle m'est nécessairc. Vous n'avez pas prescrit contre elle:
JO Nemo uLM actione cogi possit ut vicino prosit, sed ne/wceat.. »
(L. 2, § 5, de a'l' el a'l' pLufJ. arcend.).
.
(1) L. 24, § 12, ff. de damno inficto, lib. 39, tit. 2.
L. 21 , ff. de a'luil et a'l' plufJiœ arcendœ.
�'550
TRAITÉ
tercepter le filet ou le cours d'eau qui fournissait
la source jaillissant dans l'héritage d'un autre. IL
n'y aurait, comme dans le cas précédent, aucune
plainte à élever à raison de ce fait, à moins toutefois qu'il u'y ait eu précédemment une servitude
imposée au fonds supérieur~ en vertu de laquelle
tout creusage y aurait été interdit dans la vue de
conserver la fontaine intacte: Si in meo aqua
erumpat, quae ex tuo fundo venas habeat;
si eas venas incideris, et ob id desieril aqua
ad me peryenire, te non videris vifecisse, si
nulla seryitus mihi eo nomine debita juerit.
Nec interdicto quod vi aut clàm teneris (a).
(a) L. 21, ff. de aqud et aquœ pluf). arcend., lib. 39,
dt. 3.
La faculté naturelle qu'a tout propriétaire de faire ce que bon
lui semble sur son terrain, peut être restreinte par un acte émané
de sa volonté. C'est ce qu'a jugé la Cour de cassation par ses
arrêts déjà cités des 15 janvier 1835 (Sù'ey, 35-1-957), et 20
juin 1842 (S., 43-1-321 ). Ce dernier est ainsi conçu: ,li Con" sidérant que la Cour royale, Slins nier le principe que tout
propriétaire a le droit d'user de sa chose à sa volonté et de
Il faire surgir une source dans son fonds, même en coupant les
Il veines qui alimenteraient la fontaine d'un voisin, a décidé que
n dans l'espèce les époux Couffinhal avaient consenti à limiter
,. ce droit au profit du sieur Vaysse par des accords que l'arrêt
a souverainement interprétés; que dans cette circonstance
Il elle n'a violé ni pu violer aucune loi. Il '
Quand la prohihition n'est pas expresse, l'interprétation des
actes d'où on veut l'induire est très-difficile.
Que doit-on déèider, par exemple, dans les espèces suivantes:
10 lorsque deux 'propriétaires ont fait entre eux; des conventions
l)
l)
�DU DOMAINE PUBLIC.
55t
La raison en est que le nouvel inventeur de la
source ne fait que prendre possession de ce qu'il
pour le partage des eaux qui naissent sur le fonds de l'un d'eux?
- 2° lorsque le propriétaire supérieur, dans le fonds duquel circulent les veines alimentaires d'une source, avait lui-même vendu
le fonds où surgit cette source? - 3° lorsque ce propriétaire du
fonds supérieur l'a acquis du propriétaire de l'héritage dans lequel la source existait? - 4° lorsque le fonds où se trouve une
source a été partagé entre héritiers ou communistes? - 5° lorsque l'un des copartageants coupe les veines de la source jaillissant du fonds partagé dans un fonds voisin qu'il a acheté d'un
tiers et qui ne provient pas de la communauté? - 6° lorsque le
propriétaire d'un héritage soumis à une servitude d'aqueduc au
profit du propriétaire de la source prétendrait en couper les
veines dans un fonds voisin non assujetti à la servitude d'aqueduc? - 7° lorsque le propriétaire d'une prairie qui veut user
du bénéfice de la loi du 29 avril 1845 sur les irrigations, ne
pourrait établir son aqueduc de dérivation qu'en coupant les
veines de la source existante dans l'héritage à traverser?
Dans la première hypothèse, la Cour de cassatidn, par arrêt
du 20 juin 1842 (Sirey, 43-1-321 ), rejetant le pourvoi contre
une décision de la Cour de Montpellier du 30 avril 1841 ,a jugé
que la convention pouvait être réputée une renonciation à tous
travaux pouvant nuire à la source. M. Daviel, Tr. de la pratiq.
des cours d'eau 1 nO 894 ter, en admettant en général cette solution, ajoute cependant qu'il fa~t qu'il apparaisse que les
fouilles ont été faites dans un esprit de fraude à la convention.
Dans la deuxième, un arrêt de la Cour d'Aix du 7 mai 1835
(Sirey, 36-2-34), s'est prononcé en faveur de l'acquéreur.
Cette solution n'est pas douteuse lorsque l'existence de la source
a été prise en considération dans la vente. La décision, en sens
contraire, ne serait pas plus difficile si la source n'était due qu'à
des travaux faits par l'acquéreur depuis son acquisition. Mais
i la source, bien qu'existante lors de l'acquisition, n'était pas
�552
TRAITÉ·
trouve chez lui, ct que le propriétaire inférIeur qui
souffre la privation de l'eau ne peut pas dire qu'on
utiliséé et n'avait eu aucune influence sur le prix, nous pensons;
contrairement à l'avis de M. Daviel, nO 898, que le vendeur ne
pourrait être empêché de faire des fouilles.
Dans la troisième, Cœpolla, tract. 2, capA, nO 58, d'après Balde,
interdit à l'acquéreur du fonds où sont les veines, la faculté d'e
les couper. Avec M. Daviel, nO 899, nous ne saurions admettre
cette opinion, puisque l'acquéreur ne doit aucune garantie au
vendeur qui devait imposeI'une prohibi.t.ion comme il aurait dû
le faire s'il avait voulu empêcher, sur le fonds vendu, l'érection
d'une construction nuisant aux. jours' de la partie q,u'il se réservait.
Dans la quatrième, M. Daviel,' d'après Houard, Dict. de
droit normand 1 V Oserllitudes 1 décide, nO 900, que le copartageant, à raison de la garantie qu'il doit, ne pourrait couper
les veines. Pour nous, nous admettons les solutions de la deuxième
hypothèse ci·dessus.
Dans la cinquième ,. malgré un arrêt du Parlement d'Aix du
28 avril 1662 (Boniface·, tom. 4, liv. 9, tit. 2, chap. 5),
et l'opinion de M. Daviel (dit nO 900), nous croyons que la
garantie due entre copartageants ne saurait aller jusqu'à empê~
cher l'un d'eux de faire sur un fonds étranger au partage tout
ce que pourrait y pratiqner un tiers.
Même décision dans la sixième hypotbèse. L'obligation créée
par l'art. 701 dn Cod. civ., n'est, à notre avis, relative qu'au
fonds même grevé de la servitude, et n'apporte aucune restriction au droit de propriété que peut avoir sur d'autres fonds le
débiteur de la servitude. Nous ne saurions donc encore nous
ranger il cet égard au sentiment de M. Daviel (dit nO 000).
Il en est autrement dans la septième hypothèse. Nous pensons,
avec ce savant jurisconsulte, nO 900 bis, qu'il y aurait de l'injustice il établir un droit nouveau pour l'un, en privant l'autre
d'~n droit ancien; et, comme il le dit, cooperire unum altare
�DU DOM'AIN~ PUBLIC.
553
,lui a pris sa chose, puisque rien ne lui en appartellait encore tant que le ruisseau n'était pas parvenu
dans son fonds.
1545. On doit décider aussi que celui qui,
creusant un fossé dans son héritage, y attire, par
l'effet de l'infiltration, les eaux qui s'amassaient
sur le fonds ou dans fe creux pratiqué sur le fonds
d'un autre, ne se rend passible d'aucune condamnation, même lorsq u'il aurait don né caution d"indemnité à raison du dommage qu'il pourrait occasionner à ce dernier;, parce que, n'ayant fait qu'user de son droit en ét:lblissant le fossé sur sa propriété, il ne peut s'être rendu coupable d'aucune
et aliud discooperire; celui qui demande ne peut avoir de privilége sur celui qui possède., suivant la maxime de Cœpolla (de
ser/lit., tract. 2, cap. 4, nOS ,69 et 70), quando causœ pn:"
/lilegii sunt parù potentiœ, potior conditio est possidentis. C'est
d'après ce pl'incipe que nous avons résolu Ulle question analogue, sllprà, note du nO 1384, page 264 du présent tome.
Quoiqu'en général la prescription équivalc à un titre écrit,
on ne pourrait cependant l'invoquer contre un propriétaire qui
n'aurait pomt creusé dans son fonds depuis plus de trente ans,
pour l'empêcber d'y faire des fouilles de nature à intercepter le
cours souterrain d'uDe source. La raison en est qu'il s'agit ici
pour lui d'une faculté naturelle consistant dans un fait sur sa
propre chose sans qu'il ait besoin d'agir contre UD tiers pour en
user. Voyez, suprà, la première note sous le nO 1369, page 240
du présent tome. Il n'y aurait peut-être exception qu'en cas de
contradiction, ainsi qu'il a été déjà dit plusieurs fois, notamment
na 663, in fine, à la note de la page 1015, tom. 2 et na 1371.
Voy. aussi le Traité des prescriptions de M. Troplong, na 113.
•
�55~
TRAITÉ
faute (a), et que, si les eaux affluent chez lui, c'est,
plutôt la privation d'un bénéfice que le voisin
éprouve accidentellement, pa~ un jeu de la nature
dont personne n'est responsable, qu'une véritable
lésion, et qu'il y a bien de la différence entre le cas
où l'on nous porte réellement du préjudice et ce·,
lui où, en usant d'un droit, on nous empêche deprofiter d'uil avantage: Proculus ait eum qui jure
quid in suo faceret~ quamvis promisisset damni
--------------------
-
-
Ca) Aussi n'hésitons-nous 'pas à décider avec M. Daviel, Tr.
de la pratig. des cours d'eau, na 896, et contrairement à l'avis
de M. Garnier, Régime des eaux, part. 2, na 19, que celui
qui creuse un puits peut en établir le fond plus bas que le fond
du puits voisin, au risque d'en tarir la source. C'était déjà la so·
lution donnée par Godefroy, sur l'art. 607 de la Coutume de
Nor{1Jandie, et par Camus, sur l'art. 191 de la Coutume deParis. Il Il est loisible à un voisin, dit ce dernier auteur, na 11,
" d'enfoncer ~on puits si profond qu'il voudra, et d'attirer, par
" ce moyen, l'eau dc son voisin. C'est le droit strict, et l'inn tention de nuire ne se présume pas. n
Cette décision n'est pas eu contradiction avec ce que nous
avons dit, suprà, page 394, que lorsque l'on veut faire creuser
un canal à proximité d'un autre appartenant à un voisin, on
devra prendr~ les mes~res nécessaires pour empêcher l'infiltration des eaux de celui-ci dans le nouveau, soit en tenant ce
dernier à un niveau plus élevé, soit en le revêtissant de maçon..
nerie. En effet, il ne s'agit point dans ce cas d'eaux souterraines
qui n'appartiennent encore à personne et qui soient attribuées au
premier occupant. Les eaux du canal sont la propriété du maître
dc cet ouvrage, et on ne peut les lui prendre ni dire~tement
par des rigoles apparentes, ni clandestinement au moyen d'infiltrations forcées (MM. Pardessus, des S erpitndes, nOS 90, 112
et 199, et Daviel, Tr. de la pratig. des cours d'eau, na 848 ter).
�DU DOMAINE PUllLIC.
,
555
in/eeti vieino, non tamen ·eum teneri ed stipulatione...... Si in vieino tua agro euniculo vel
fossd aquam meam ayoces, quamYis enim et Mc
aquam mihi abdueas ..... tamen ex ed stipulatiorze actionem mihi non competere: seilieet
quia non debeat videri is d.amnumfacere, qui
eo veluti lucro quo adhuc utebatur, prohibe.
tur: multùmque interesSe utrùm damnum quis
faciat, an lucro quod adhue faciebat, uti prohibeatur (1).
1546. Mais, quoique en thèse générflle, celui
qui, par l'effet de fouilles dans son fonds, fait tarir la source ou attire à lui les eau~ de l'au Ire , ne
. neanmOl1lS,
, . comme on
s"expose a aucune pourslllte,
ne doit jamais favoriser la malveillance, ni en imposer les conséquences à aulmi, il faut dire que s'il
n'avait agi que par affectation et seulement pour
faire tarir la fontaine du voisin, il Jevrait être condamné envers lui au paiement de tous dommagesintérêts compétents: Deniquè Marcellus scribit
cum eo qui, in suofodiens, vicinifontem aver
tit, nihil posse agi, nec de dolo actionem. 'Et
sanè nondebet habere, si non animo vicino nocendi,sed suum agrum melioremfaciendi id(ecit (2) ; en sorte que, ponr que l'opération soit licite,
il faut que l'auteur de l'entreprise ait été déterminé
4
\
(1) L. 26, if. de damna infecta, lib. 39, tit. 2.
(2) L. 1, § 12, if. de aqllâ et aguœ plulJ. arce.nd., lib. 39,
lit. 3.
�556
TRAITÉ
par un motif ù'utilité pour lui· même , et non pasuniquement dans la vue de nuire à autrui Ca).
1547'. Nous croyons encore que la règle générale eu vertu de laquelle tout propriétaire peut
s'emparer exclusivement des eaux: souterraines"
doit fléchir pour cause d'utilité publique ou communale, lorsque l'interception du ruisseau opérerait le tarissement d'unè fontaine nécessaire aux:
besoins d'une commune ou d'un hameau: car la
loi serait en con tradiction avec elle-même si ellepouvait autoriser quelqu'un à priver ces établissements de l'usage de l'eau que, par l'art. 643 du Code
civ., elle leur accorde le droit d'exiger quand ils
n'en sont pas en possession (6).
(a) Même opinion de Bretonnier sur Henrys, liv. 4, qllest.
189; de Voët, inPandectas, lib. 39, tit. 3, nO 4; de M. Pardessus, des.Servitudes, nO 78; - de M. Daviel, Tr. de la pratiq.
des cours d'eau, nO 895; - arrêts du Parlement d'Aix, rapportés par Boniface, tom. 4, page 631, et par Bonnet, page
305.
Au reste il faudrait qu'il fût bien dém{)Otré que celui qui afait des fouilles a agi par pur esprit de malice; car s'il avait le
plus léger intérêt, son action ne pourrait motiver de poursuites
contre lui.
Voy. sur une question analogue, nO' 1349 et suiv-., suprà,
pag. 217 et suiv.
(b) Nous ne saurions admettre cette solution qui a été également rejetée par la jurisprudence et les auteurs. Voyez, en effet,
les arrêts de la Cour de cassation des 29 novembre 1830(Sirey,
31-1-110); 15 janvier 1835 (S., 35-1-957); 26 juillet 1836
(S., 36-1-819); et de la {;;ourroyale de Grenobledu5 mai
1834 (S., 34-2-491) j Brillon, Diel., VO Eaux, nO 3; et MM.
�DU DmIAlNE PUBLIC.
551
Le propriétaire serait donc obligé de souffrir que,
ponr se maintenir en jouissance, la commune rétahlît le cours du ruisseau souterrain. Et nous estiHennequin, de la propriété, tom. l, pag. 438; -Garnier, tom. 3,
nO 471; - Daviel, Tr. de la pratiq. des cours d'eau, nO 894;
,- Solon, des servitudes, nO 43; - Zacharire, tom. 2, § 236,
nO 10. - Le premier des arrêts ci-dessus cités donne de celte
opinion contraire des motifs qui ne nous paraissenLpas susceptihles de réplique : « Attendu, porte-t-il, que toute disposition
limitative et formant une exception au droit commun doit
» être restreinte aux termes positifs dans lesquels elle est con" 'Sue; - aU~ndu que l'art. 643 du Code civ. ne statue que
" pour le cas Ott un propriétaire a sur son fonds une source qui
y surgit, et dont les eaux sont nécessaires aux hesoins d'une
commune; que dans ce cas limité, le propriétaire de ce fonds
.. ne peut détourner le cours de ces eaux au préjudice de la
» commune; qu'on ne peut étendre arhitrairement cette dispo.. sition ainsi limitée par la loi, au cas où un propriétaire n'a
» pas sur son fonds une pareille source, mais seulement des
" veines d'eau dans son fonds; que, dans ce cas, les excavations
" que fait le propriétaire sur son fonds pour l'améliorer, ne sont
" que l'exercice légitime de son droit de propriété, lors même
.. que ces excavations dérangeraient les veines d'eau intérieures
dont une commune aurait antérieurement profité; - que
» conséquemment la Cour royale de Metz, en le décidant ainsi,
.. a lait une juste application de l'art. 552, et n'est nullement
.. contrevenue ;1 l'art. 643 du Code civ. dont les dispositions ne
.. s'appliquent point à la cause. "
Le seul moyen qu'aurait dans ce cas une commune qui se
trouverait privée de sa fontaine, serait d'exproprier en vertu de
l'art. 12 de la loi du 3 mai 1841, non pas isolément le droit de
dériver l'eau de la source nouvellement mise au jour (cette loi
étant sans application aux droits incorporels) , mais la portion
de terrain où elle jaillit, c'est-à-dire son hassin même, moyenJ)
J)
J)
J)
�558
TRAITÉ
mons qu'alors il n'y aurait aucune indemnité à lui
payer, puisqu'il ne s'agirait que d'un retour à l'ancien état des choses.
nant une indemnité préalable fixée par le jury. Ce droit d'expropriation lui appartiendrait, encore que la source fût située sur le
territoire d'une autre commune, ainsi que nous l'avons dit suprà,
note du 110 1384, pag. 264 du présent tome, et ainsi que l'enseigne également M. Proudhon àux na' 686 et 687 de sou Traité
du domaine de propriété que nous avions omis de citer dans cette
note.
Ou avait aussi essayé de créer en faveur des établissements
d'eaux thermales une exception au principe qui- permet au propriétaire de couper les veines des sources qui existent dans son
fonds; mais elle a été rejetée par un arrêt de la Cour de cassation
du 13 avril 1844, rapporté dans la note du na 1411, suprà,
pag. 310 du présent tome. Les actes du pouvoir législatif qui
l'ont établie sont spéciaux, savoir: l'arrêt du conseil du 6 mai
1732 pour Barrèges, ceux des 14 décembre 1715 et Il mars 1783
pour Balaruc, et le décret du 30 prairial an XII pour Bagnères.
Aussi, en 1837, un projet de loi avait·il été proposé à la Chambre des p3irs pour interdire d'une manière générale dans le voisinage des établissements thermaux dont l'exploitation aurait été
déclarée d'utilité publique, les travaux et les fouilles de nature
à détourner ou à dénaturer les sources servant à l'alimentation
de ces établissements. Un amendement fut proposé pour convertir cette prohibition en un droit d'expropriation des terrains
où les fouilles auraient été commencées, mais la loi et l'amendement furent rejetés (Moniteur des 26 janvier, 19 et 22 février,
12 et 13 avril 1837). Ce projet de loi vient de nouveau d'être
présenté aux ChamJ;>res, à la séance du 11 juin 1845 (Mon. du
26 juin, na 177, pag. 1921); nous ignorons quel sort lui cst
réservé.
Mais il en est atltrement du cas où le concessionnaire d'une
Dline couperait les veines de ln source qui vient jaillir à la sur-
�DU DOMAINE PUBLIC.
559
SECTION II.
Lorsque, par suite d'olU'rages quelconques pratiqués dans l'intérieur d'un fonds, les eaux souterraines dérivent d'une mam'ère dommageahle dans un lieu inférieur, le propriétaire de
dernier est-ilfondé à s'en plaindre / et dans quelles circonstances peut-il le faire /
ce
1548. Nous posons ainsi la question, attendu
que, si le propriétaire supérieur n'avait rien fait
dans son fonds, il est bien évident qu'on ne pourrait le rendre responsable de dommages qui seraient
uniquement l'œuvre de la nature,
Mais il ne suffit pas d'avoir pratiqué quelque
ouvl'age dans l'intérieur de son fonds pour être
soumis à la responsabilité des pertes éprouvées par
le voisin, il faut encore que ces pertes ne soient
pas purement accidentelles, et qu'une faute vienne
se mêler à leur cause, parce qu'il n'y a rien à puface. Un arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 1841 (Sirey,
41.1-325), qui, avec celui du 3 mars 1841 (S., 41-1-259),
forme en quelque sorte un corps de doctrine sur les rapports qui
lient entre elles la propriété de la supeJ.:.ficie et celle du tréfonds
lorsqu'elles sont séparées, décide qu'une indemnité est alors due,
parce que, suivant les lois spéciales de l~ matière, le concessionnaire doit répondre envers le propriétaire de la surface de tous
les dommages accidentels qui peuvent résulter de l'exploitation: « Attendu que le princ!pe d'indemnité, porte cette décision,
» que l'arrêt attaqué a puisé dans la loi du 21 avril 1810, res" sort évidemment de l'esprit comme du texte et de l'ensemble
» des dispositions de cette loi, notamment de la combinaison
» de l'art. 6 avec les art. 10, 11, 15, 43 et 45, dans tous les" quels 011 voit les intérêts du propriétaire de la surface proté» gés contrc les entreprises du propriétaire de la mine. »
�560
TltAITÉ
nir'là où il n'y a point de faute, et qu'il n'y a point
de faute là où l'on ne fait qu'user de son droit:
Nullus videtu!' dola .fâcere qui iure sua utitur (1).
Pour sortir du vague que présente la question
ainsi généralement posée, et pour distinguer les
cas dans lesquels on doit dire ou non' que la fallte
de l'homme s'est alliée an jeu de la nature dans la
cause du dommage, il faut s'attacher à bien discerner quatre choses, savoir:
0
1
La nature du sol, natura loci;
0
2
Le vice intérieur du terrain, vitium loci;
3 0 Le vice de l'ou vrag(~ pratiqué, vitium operis;
4° Et la disposition prohibitive des lois de police, prohibitio legis.
C'est sous ces quatre points de vue que nons allons successivement envisager tout ce qui rentre
dans la question générale qui nons occupe.
15'..9. 1 0 La nature du sol, NATURA LOCI. Je fais creuser une cave dans ma maison, située
sur un terrain humide; il se manifeste un suintemen t d'ea u qui sort des couches pierreuses cou pées
par les fouilles, et qui finit par inonder mon excavation de manière à ne plus pouvoir en tirer parti:
Aqua sudoribus manando in locwn aJlluere incipit (2). Voilà un (lommagc que je ressens ex
naturâ loci. Mais si l'eau que j'ai ainsi fait na1lre
(1) L. 55, ff. de reglli. jur.
(2) L. 1, § 8, ff. de aquâ quotidiant1 et œstivt1, lib. 43,
tit.20.
�561
DU DOMAINE PUBLIC.
dans l'emplacement que j.'avais destiné à me servir
de cave vient à s'infiltrer dans celle du voisin, qui
était saine anparavant, et qui aujourd'hui se trouve
hol's de service, semi-je responsable du préjuoice
qu'il éprouve? Non, dit la loi romaine, parce que
l'action'cn indemnité pOUl' les dégâts causés par les
eaux n'a jamais lieu lorsque c'est de la nature
même du sol qu'ils dérivent, attendu, ajoute-t-elJe,
que,.pourparlel' cx-actemcnt,ee n'est pas des eaux,
qui ne sont ici que l'instrumen t, mais bien de la
disposition du terrain que .provient le dommage:
Hine illlld etiam applieandllm nllmqllàm eompe.tere hane actionem, ciLm ipsillS Loci natllra
nocet. Nam (ut veriits quis dixerit) non aqua,
sed loci natllra nocet (1) .
Il est sensible, en effet, que, quelque fâcheuse
que soit pour nous la nature ou la disposition des
lieux, et quelle que soit la contrariété que nous
en ressentions, personne ne peut être responsable
des vices dont le sol est intérieurement affecté,
puisqu'on ne peut voir en cela que l'œuvre de
]a Providence.
1550. D'autl'e part, il n'est pas moins incontestable qu'en creusant dans ma maison pour y
-établir une cave, je n'ai fait qu'user de mon droit,
et-qll'en me livrant à une action licite, je n'ai pll
commettre une fallte de nature à attirer SUI' moi J'obligation rigoureuse de réparer les suites d'n n mal
(1) J.J. 1, § 14, ff. de aqud et aff/uR J lib. 39, tit. 3.
TO:\1. IV.
36
�5G2
TIIAnl1.
accidentcllemcnt causé: Juris enim executio non
habet injuriam (1) : d'où il- est nécessaire de tire."
celte conséquence, que le dommage ressenti par
mon voisin ne peut être considéré que comme l'effet d'un cas fortuit ou de force majeure dont il doit
snpporter le coup avec résignation, et sans imputer
de tort à personne.
Si les eaux lui parviennent d'une manière nuisible, c'est parce qu'il a construit sa maison sur un
terrain plus bas; sous ce poiut de vue, il ne peut
s'en plaindre qu'à lui-même: Qui se constituerit
in loco periculoso, de se queri debet; et je ne
saurais être coupable de ce ,que la mienne est placée sur un point plus élevé. En un mot, il n'y a ici
qu'une cause matérielle de dommage, et elle est
tont entière daus la situation des lieux, puisque je
n'ai fait qu'user de mon droit en pr;lliquant des
fouilles dans mon terrain, sans projet de nuire à
autrui: douc il n'est dû aucune garantie ni par rapport aux choses, ni par rapport ati fait de l'homme.
1551. Mais ce voisin n'aurait-il pas au moins
contre moi une action pour me contraindre à refoulér les eaux et les empêcher d'arriver jnsqu'à
1ui, si. la chose est possihle ?
Pour l'affirmative on peut dire que le fonds infél'ienr n'est assujetti à supporter les eaux du fonds
supérieur qu'autant qu'elles en proviennent naturellement, et sans aucun ouvrage fait à main
(1) L. 13, § 1, ff. de injuriis) lib. 47, lit. 10.
�DU DOM.AINE PUBLIC,
563
d'homme. 0" ici ce n'est que par suite d'un creusage opéré plus ha.ut que le fonds inférieur se trouve
inondé : donc il n'est pas ten u de subir ce préj udice, s'il est dans la poss\bilité du propriétaire su·
périeul' d'en supP"imer la cause.
Pour la négative, au contraire, on pcut soutenir
que mon héritage n'est grevé d'aucune servitude
envers celui de mon voisin, et que je ne saurais
être tenu d'intervertir l'ordre de la nature, ou d'arrête" le cours de ses lois en paralysant la chute des
eaux qui s'échappent du lieu le plus élevé pour se
précipiter vers la région plus basse.
Q~e, s'il était permis de m'imposer une semblable
chargé, on pourrait aller' jusqu'à me contraindre à
établir et entretenir une pompe\ pour assainir la
cave de mon voisin, s'il l'y avait pas d'autres
moyens de parvenir' à ce Lut; el que de là il arriverait que le fonds supérieur se trouverait perpétuellement asservi au fonds inférieur, tandis que
c'est au contraire eelui·ci qui, par la disposition des
lieux, est essentiellcmci1t subordonné à l'autre
dans tout ce qni tonche à l'écoulement des caux.
Que, si le C~de ne soumet le fonds inférieur à
recevoir les eaux dérivant de l'hél'itage supéricur
' (e
1 1'1'tomme n •a pas contn'
qll ,autant que l
a mam
bué à les y amener, celle disposition ne doit être
appliquée qu'au cas où l'on détoUl'nerait 1111 ruisseau de la direction naturelle C(n'iJ s'était tracée,
tandis qu'ici tout est l'effet du hasard, et qu'on ne
pent pas même dire qu'il y :lit cu dériv:ltion dans
..
�M4
TRAITÉ
le cours de l'eau dout l'irruption s'est manifestée
d'une manière imprévue.
Dans ce conflit d'opinions opposées on doit choi·
sir un terme moyen pour règle.
Quoique je ne sois tenu à aucun dédommagement envers mon voisin, parce qu'il n'y a aucune
faute à m'imputer, néanmoins je dois être condamné à concourir aux travaux nécessaires et applicables à la localité, pour faire disparaître le
sinistre qui nous frappe l'un et l'autre, quoique
inégalement, parce qu'en fait il est vrai de dire que
j'y ai donné lieù; et c'est ainsi que paraissent
l'exiger les principes d'équité qui doivent gouverner le bon voisinage.
1552. Il en serait autrement de celui qui aurait,
par des rigoles, ;lltliré sur son fonds des eaux péné-,
trant ensuite par infiltration dans une maison inférieme, parce qu!alors ce ne serait plus par la disposition ou l'organisation intérieure et naturelle
du sol; ce ne seiait plus par cas fortuit et force majeure, mais bien par le fait librê de l'homme, que
les eaux dirigées ou atlirées vers le fonds iufériem
y causeraient du dommage.
Si l'on se place dans l'hypothèse inverse,et qu'on
suppose que ce soit le propriétail'e inférieur qui, en
construisant sur son fonds, ait arrêté l'écoul~ment
d'infillraLÏon souterraine des eaux, et les ait fait
regonfler Sllr le terrain supérieur, il faudra dire encore que ce regonflement du fluide p1"Ovenant de
travaux ex~clllés à main d'homme, le préjudice
�J)U DOMAINE PUBLIC.
565
ressenti par le l)ropriétaire supérieur ne sera pas le
résultat du hasard, mais bien l'effet d'une entreprise combinée de manière à produire le mal,
et qu'en conséquence le constructeur doit en être
responsable.
1553.
no Le vice
intérieur du terrain J
VI-
TIUM LOCI. Dans notre droit, et d'après la disposition de l'art. 179'2 du Code civil, si un édifice
a été construit à prix fait et qu'il vienne à" s'écrouler, l'entrepreneur en reste garant pendant dix ans,
lors même que ce serait par vice du sol que l'accident serait arrivé. La loi veut que cet entrepreneur
soit réputé en faute pour avoir établi sa construct~on sur un terrain qu'il a dû reconnaître comme
vicieux, et qu'il aurait dû faire reconnaître pour
tel par le propriétaire, afin qu'on prît les précautions nécessaires à la solidité de l'ouvrage: d'où
résulte qu'en ce cas il y a aussi vitium operis
en ce qui concerne la responsabilité de l'entrepreneur.
1554. Mais, à part cette hypo~hèse, c"est une
règle générale qu'on n'est j'amais garant des accidents qui arrivent par le vice du sol, parce qu'il
n'est point en notre pouvoir de les prévenir ou d'y
parer; et il. doit en ètre de la sorte lors mèm6 que
celui qui exécute des travaux aurait promis à son
voisin de l'indemniser des dommages qn'il poul'rait
lui causer: Deniquè nemo dixit palustris loci
a
vel a,renQsi nomine quasi vitiosi committi. stipulatiOllem;quia natura/e vitium.e~t; et ideo~
�566
l'U.AITÉ
nec ea stpulatio interponitur, neque interp(}-.
sita committetur (1).
1555. Les eaux qui n'occasionneraient aucun
préjudice peuvent devenil' nuisibles pal' le vice du
, sol, vitio loci, lorsqu'elles sc trouvent attirées
hors de leur cours précédent par l'affaissement d'un
terrain qni renfermait une cavité intérieure. Si cet
affaissement a élé détemlÎné par une construction
ou autre ouvrage fait à main d'homme, il ne doit
pas y avoir d'action à diriger contre le propriétaire
de la éon.!ltruction, attendu que le changement
dans la direction des eaux doit être ici considéré
comme opéré par un cas fortuit, dont la responsa))ilité ne .pèse SUI' personne : Cùm agitur aquae
pluviae arcendae, de jacta quod nocet quaeritur : ideoque, si vitio loci pars aliqua soli
sllbsedit, quamvis per eam causatn aqua plu-via injériori naceat, nulla campetit aclÏo. Idem
fartassè dicitur, si in agro mantifactum aliqztid
subsederit (2).
1556. IlID Le vice de l'ouvrage" VITIJJ~ OPERIS. Comme chac.un est responsahle de ses actions, le riréleurvoulaitque, pour parer au dommage
qu'on redoute des vices d'un ouvl'age, il füt donné
à J'avance cau lion de garantir Je sioislre, en cas
cl'événement: Sive aedium vitio J sive operis quod
·veZ in aedibus" vel in loco urbano veZ rustico,
(1) L. 24, § 2, if. de da/nno infecta, lib. 39 , tit. 2.
(:2)
'\lI, § 1 , if.. de afjlltl et agllœ, lib. 39, tit. 3.
t.
�DU DOMAINE PUBLIC.
5G7
privato publicovefiat, damni aliquid futurum
sit; curat praetor ut timenti damnum caveatur (1). Et quoique les règles établies par le droit ,
romain, au sujet de ce cautionnement snI' le préjudice qu'on peut avoir à craindre, ne se trouvent
pas répétées dans notre Code, la charge Je responsabilité n'en est pas moins la même.
Le principe général suivant lequel toute personne est tenue des dommages causés par son fait,
ou, ce qui est la même chose, par le vice de son
ouvrage, s'applique, en beaucoup de circonstances
et même d'une manière spéciale, au cours des eaux,
en·ce qu'il se réunit à celte autre règle qui veut
que les fonds inférieurs ne soient soumis à supporter les eaux qui découlent des telTains' supérieurs
qu'autant qu'elles en arrivent naturellement et sans
que la main de l'homme les ait dirigées. Mais venons anx applications.
1557. 1° Un individu construit un canal qui
ne me touche pas immédiatement, mais qui donne
aux eaux un cours qu'elles n'avaient point auparavant; on bien il établit un barrage dans un ruisseau, pour en élever les eaux jusqu'à ce qu'elles puissent servir au roulement d'une machine hydraulique qu'il a fait bâtir, ou jusqu'à la hauteur nécessaire
pour les dériver par une rigole qu'il a cl'eusée cians
le bord de son pré comme moyen d'irt'igalion. Ce
barrage ou ce changement dans le ,ruisseau n'est
1
(1) L. 19, § 1 , If, de damna infecta:, lib. 39, lit. 2.
�•
568
l'lIAlTÉ
pas assez considérable pour donner lieu à l'inonda...
tion des terres adjacentes, ct il ne produit aucun
effet visible au·dessus du sol; mais il occasionne
des infiILrations sOlllerraines dans ma cave, qui était
saine auparavant: voilà uu dommage que je ressens
ex operis vi'tio, parce qu'on a omis de cimenter
le canal qui élève le niveau des eaux. Je suis en
droit d'en demander la réparation, puisque le fonds
inférieur n'est asservi. à recevoir les eaux dérivant
du fonds supérieur qu'autant qu'elles en découlent
naturellement et sans que la main de l'homme y
ait con tribné (art 640 , C. civ.).
Vainement dirait-on que, dans la can! du préjudice que je souffre, l'on ne doit voir qu'un vi~
tium loci, ou le vice d'-un sol perméable, en ce
que ce n'est que par infiltratiou au traVel'S du terrain que les eaux arrivent dans ma cave;- qu'il en
doit être de ce cas comme de celui supposé .plus
haut, où un individu qui creuse dans son héritage
et qui y trouve une source ne se reud point responsable du dégât qu'elle produira en se répandant
chez son voisin.
Celte objection ne serait fondée sous auçun rapport: car s'-il est vrai que l'eau ne parvient à ma
cave qu'à travers un tel'J'ain perméable, il est certain aussi qlle c'est pal' un onvrage fait à main
d'homme qu"elle se trouve dirigée au travers de ce
terrain; que celui qui a construit un canal là où il
n'en existait point, ou qui a exhaussé les eaux daos
celui qui existait déjà, savait ou devait savoir que
�DU DOMAINE PUllLIC.
569
ce liquide se répand en tout sens et par toutes les
issues qu'il trouve; qu'ainsi il n'ignorait pas que les
fonds inférieurs seraient plus ou moins exposés par
suite de son entreprise; que pour les garantir des
dangers de l'infillralion, il aurait pu cimen ter les
parois de son canal, ~t que, ne l'ayant pas fait, il
y a nécessairement dans son ouvrage le vitiu/ll
operis qui le soumet à la garantie des suites fàch euses que}"" en eprou ve;
1558. Qu'il n'y a point de. justesse à comparer
celte hypothèse avec ~elle où en creusant une cave
dans son fonds, on y découvre une source qui se
répand dans la propriété du voisin: qu'en effet
l'auteur de cet ouvrage se proposait un tout autre
hut que de changer ou de modifier le cours des eaux
qui ont fait invasion chez lui contre sa volonté et
par l'effet. du hasard; qu'ignorant leur existence
souteHaine, il ne pouvait pas prévoi,r qu'elles se
répandraient ou pounaient se répandre d'une manière dommageable dans le fonds inférieur; qu'en
réalité, loin qu'on puisse prétendre qu'il les a dé ....
tournées de le r direction, en les découvrant, il n'a
fait au contraire par là que les abandonner à leur
pente naturelle qui les porte sur l'héritage voisin;
qu'en un mot, tout ce que les fouilles ont produit
sur le fait des eaux n'apparLient qu'au cas fortuit,
don t pel'sonne n'est responsable; tandis que dans
l'espèce qui nous occupe, l'entreprise a immé..
diatem~nt pour objet le cours des eaux snr lequel
il a voulu agir, à dessein de le changer ou modi-,
�510
TRAITÉ
fier; que ce n'est que par suite de cette opération
libre et volontaire de sa part que le voisin éprouve
du préjudice ct qu'il a dû nécessairement prévoir
les conséquences que l'exécution de son œuvre
pourrait entraîner, puisque chacun sait que les eaux
retenues à une hauteur quelconque cherchent à s'é...
chapper et à s'infiltrer par toutes les voies qu'elles.
peuvent trouver.
1559. 2 0 Le gouvernement fait creuser le ca...
nal de l'Ourcq; les propriétaires de la Villeùe et
ceux: de la Chapelle se plaignent de ce que, par
suite de cet étahlissement, les eaux de leurs puits
sont altérées et gâtées. Le fait est reconnu vrai à
l'égard des hahitants de la Villette, et il leur est
accordé une inùemnité compétente par l'administration, mais il en est autrement par rapport aux
propriétaires de la Chapelle, dont la demande est
rejetée, attendu que la position de leurs puits, leur
éloignement du canal de l'Ourcq et les expériences
faites pendant l'été de 1820, démontrent qu'ils
n'ont pu éprouvel' aucun dommage (1).
1560. 3° Le sieur Dumont possède au-dessous
d'une maison appartenant à la dame d'Anglade
une cave d'une dimension plus étendue "et qui se
trouve ainsi en saillie sous une cour pavée dépenda1'H de la même habitation.
La construction de la dame d'Anglade, qui était
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 12 mui18211 , dans 1\'IACAREL,
t. 6, p. 261.
�DU DOMAINE l'UBue.
5'11
récente, avait eu pOlll' résulLat de changer le cours
naturel des eaux pluviales, et de les réunir par les
versants du toit en plus grande masse sllr le même
poin t. D'un autre côté, cette dame, en faisan t paver
sa COllr, n'avait pas pris les précautions nécessaires
pour prévenir les infiltrations.
C'est dans cet état de choses que le sieur Dumont se plaint de ce que, par suite des travaux de
la dame d'Anglade, les caux pluviales pénètrent
dans sa cave.
Le tribunal de première instance condamne la
dame d'Anglade à faire rétablir, à ciment, son
pavé, et à l'entretenir de manière qu'il ne puisse
s'opérer à l'avenir aucune infiltration chez le sieur
Dumont.
Cette sentence est{!onfil'mée par arrêt de la Cout'
de Parisdu 28 ïllin 1825.
Sur le pourvoi en cassation formé par la dame
d'Anglade, il intervint, le 13 novembre 18279 un
arrêt de rejet conç~l en ces termes:
cc Considérant qu'il résulte de l'arrêt attaqué
» que la mauvaise qualité ùu pavé de la conr du
» bâtiment de la demanderesse a été cause ùe l'in" filtration des eaux de ses cours et bâtiments dans
» la cave du sieur Dumont; qu'ainsi le fait de l'in» filtration. des eaux, entraînant des dommages,
» obligeait la propriétaire de la maison, des toits
» de laquelle les eaux s'écoulaient, à les faire ces» s.er et à les prévenir; qu'én le décidant ainsi,
�512
1'llAll'E
) l'arrêt atlaqué n'a violé aucune loi, REJETTE (1). ».
Cette décision confirme hien les principes étahlis
plus haut; elle préseute un second exemple de la
responsahilité de celui qui, par l'effet du vice de
.
.,
..
son ouvrage, propter vztlum operzs .. n a pas mIS
obstacle à l'infiltra'lÏon des eaux dont il a changé le
cours naturel, et qui vont se répandre d'une manière 'nuisihle dans le fonds inférieur.
1561. 4° Un propl'iétai,'c fait construire, près
de sa maison et sur son terrain, des lieux d'aisance;
mais, quoiqu'il se soit éloigné à la distance voulue par les réglements locaux) une infihration de
maLièresfécales se manifeste dans la cave du voisin,
parce qu'en établissan.tla fosse, on n'a pas eu soin de
la creuser assez profondément, et d'en hâtir les
murs latéraux à chaux et à cimeut. Voilà une troisième hypothèse dans laquelle le vitium operis
donnera à ce voisin une juste raison de se plaindre
du ,préjudice qu'il éprouve et d'exercer une action
contre celui qui aura fait creuser la fosse, afin de
le contraindre à la supprimer, ou à la réédifier de
manière à ce qu'elle ne cause à l'avenir aucun
dommage.
Vainement le constructeur opposerait-il en dé...
fense que, s'étant retiré à la distance prescrite par les
réglemcDts, on ne peut exiger de lui rien de plus.
Il est bien vrai que pàr là il se sera mis à couvel't
de l'action publique, si le réglement enjoint d'oh,.
.
(1) Recueil de
DALLOZ,
année 1827, page 171.
�Dt) boMAINE PUBLIC.
573
servel' la distance sous peine d'amende; mais il ne
pourra pas sc soustraire aux effets de l'action privée
du voisin auquel sa construction fait souffrir du
dommage, parce· que le réglement quelqu'il soit
ne peut lui permettre de nuire impunément à autrui (a).
1562. bo Un industriel a établi, en vertu de
la permission du gouvernement, une manufacture
iusalubre, de laquelle s'éconlent des eaux corrompues qui sont dirigées par un caual ou aqueduc
dans un puits-perdu, ou dans une rivière; mais
ce conduit n'a poin.t été fait à chaux et à ciment,
et dans le trajet il se fait des intiltrations souterraines qui infectent les eaux de mon puits ou de ma
fontaine: voilà une quatrième hypothèse où le vice
d'un ouvrage souterrain me canse un préjudice
dont je suis en droit de demander le redressement,
pnisque les eaux qui gâteut mon puits ou ma fon- .
taine ont été corrompues par le fait de l'homme,
et que c'est encore par suite de la direction qui
leur est donnée au moyen du canal construit à main
d'homme, qu'elles me portent dommage.
En pareil cas on ne doit point s'attacher à la
question de savoir' si l'établissement de La manufacture a été autorisé ou non par le gouverne·
ment, attendu que cette autorisation n'est jamais
accordée que sauf les droits des tiers, et il ne pet1t
en~être autrement; car, l'administration supérieure
...
Ca) Voy, mprà, page 188 du présent tome, il la note.
�574
TRAITÉ
n'étant qu'un pouvoir de conservatiou et de protection pour tous, il ne saurait entrer dans ses vues de
nuire à l'un pour favoriser l'autre: elle agirait alors
contre sa nature, qui est toute d.e bienfaisance Ca).
1563. 6° Les canaux de navigation intérieure
présenteut encore souvent un cas dans lequel on
doit appliquer les principes que nous avons posés
ci-dessus, et qui ont été adoptés par l'arrêt du
conseil du 12 mai 1824, à l'égard de celui de
l'Ourcq.
Lorsqu'on veut joindre deux rivières au moyen
d'un canal de navigation, il arrive souvent que,
q'uoique le sol intermédiaire n'offre à l'œil que l'aspect d'une plaine, on y rencontre cependant des
ondulations de surface qni forcent, ponr établir le
niveau des eaux, à fouiller plus dans certains endroits que dans d'autres.
Si l'on pouvait partoutcreuserassez profondément
pour éviter des remblais, l'opération serait parfaite,
parce que de cette manière le canal, loin ~e perdre ses eaux, s'alimenterait au contrail'e de toutes
celles qui lui arriveraient par le suintement de ses
parties latérales; mais on recule ordinairement devant l'accroissement de dépenses qu'entrainerait
un pareil tl'avail, et il arrive alors que, pour franchir les espaces qui séparentles diverses élévations
du ten'ain ,0\1 établit au moyen de re~lblais dans
Ca) Voy. des exemples d'applicalion de ce principe, .saprà,
tom. 3, p:lges [188 , 513 et sui".; 552 et suiv. ,et 555 et suiv.
�DU nOMA1NE p U l l u e . 5 7 5
les endroits les plus bas, le canal au-dessus même
du sol. On croit d'abord que, par l'épaisseur qu'on
donne aux: talus el aux: empatements destinés ~ux
chemins de halage, ces reports de terre formeront
un encaissement suffisant pour retenir les eaux,
dont la prise, plus ou moins abondante, se fait
dans la rivière supérieure; on espère surtout qu'ils
se glaiseront peu à peu dans le temps des eaux:
troubles, et que, devenus plus compactes, ils ne,
laisseront perdre que peu d'eau.
Néanmoins, comme le jeu des lois de la nature
échappe à nos prévisions, surtout en ce qui concerne le mouvement des fluides, l'expérience nO\1S
montre souvent que ceux: qu'on a voulu contenir
de cette manière, s'infiltrent à travers leurs digues
et v0.'1tse répandre dans les héritages voisins qu'elles
rendent marécageux: et improductifs, tandis qu'ils
étaient fertil~s auparavant. Tel est l'effet que nous
remarquons notamment en plnsieurs endroits de la
partie du canal de Bourgogne, comprise entre Dijon
et Saint-Jean-de-Lônes.
Il est incontestable que les propriétaires dont les
fonds sont ainsi endommagés doivent avoil' contre
le gouvernement nn recours eD indemnité pour les
pertes qu'ils éprouvent, puisque ce n'est point en
.
1eur cours ~ture
/
1 , malS
. par smte
. d e traSlllvant
vaux exécutés à main d'homme, que les eaux viennent submerger leurs héritages.
1564. IVo Prohibition de la loi ~ PROHIBITIO
LEGIs.-Cellli qui,contre la défense de la loi ou des
�576
TRAITÉ
réglements, pratique une fouille quelconque dans
un terrain, se rend nécessairement responsable des
dommages qui peuvent en résulter par l'il"ruption
on l'infiltration des eaux: Ohligamur ex peccato (1). Il s'oblige non-seulement parce ql1'il
n'a pas le droit de faire ce qu'il fait, mais encore
parce qu'il ne peut agir qu'a mauvais dessein en
faisant ce qui lui est défendu: il doit donc réparer
le préjudice résultant de son entreprise: Dehet)
quoniam ex malo contractu orîtur actio (a).
Ainsi, à supposer que, par rapport à la pl"Oximité de quelques sou'rces d'eau salée, il soit défendu
de fouiller dans un terrain, paul' éviter que les infiltrations d'eau douce n'aillent se mêler avec les
eaux. de muire, nul ne pourra faire de creux dans,
ce fonds sans se rendre passible de condamnations
plus ou moins étendues, suivant la nature ~t les
suites de son fait.
(1) L. 52, in princip., § -8, ft. de obligat. et àct., lib. 411,
tit. 7.
Ca) L. 52,ff. de re iudicat., lib. 42, tit. 1. - On R vu
Juprà, tom. 2, pag. '528, qu'en imprimant, par une prohibition , à un fait en apparence indifférent le caractère de contravention , un simple arrêté municipal pouvait do'nner naisaunce
à une gravc responsabilité civilt".
�DU
DO~IAINE
571
PUIILIC.
CHAPITRE LXIV.
Des lacs et des étang~.
SECTION PREMIÊRÈ.
Des lacs (a).
1565. Les lacs sont de grands ct profonds i'éservoirs créés par la nature, et qui, étant alimentés
(a) On distingue quatre sortes de lacs:
Ceux où une rivière entre par une de leurs extrémités et en
sort par l'autre. Tels le lac Léman, traversé par le Rhône; celui
de Lucerne, par la Reuss; ceux de Brientz et de Thoun, par
l'Aar; ceux de Walleustadt et de Zurich, par le Limatt; 'cclu i
de Constance, par le Rhin; le lac de Joux, par l'Orbe.
Ceux d'où sort une rivière, quoiqu'ils n'en reçoivent visj~
blement aucune; ils sont alimentés par des sources abondantes
qui sourdent de leur bassin même j par exemple, le lac du Montcenis, origine de la Cenise; ceux de Liens 1 de las-Cougous et
de l'Oncet , dans les montagnes au-dessus de Barrèges.
Ceux qui reçoivent des rivières et qui n'ont point d'écoulement sensible, comme la mer Caspienne, dans laquelle se jettent
le Wolga 1 l'Oural et d'autres cours d'eau 1 le lac Asphaltite,
ou Mer-Morte, où vient se perdre le J ourdaill.
Enfin ceux où il n'entre et d'Olt il ne sort aucune rÎvière; la
plupart de ceux de celle espèce sont formés dans les cratères
d'anciens volcans, entre autres le lac Averne. Les uns ont perpétuellement de l'eau, tandis que d'autres se dessèchent.
La qualité des eaux n'est point la même dans tous les lacs,
surtout dans ceux de la dernière espèce. Il y en a dont les eaux
sont douces; d'autres dont clles sont salées, d'autres où' elles
sont mêlées de bitume qui nage quelquefois il la surface 1 ainsi
que cela a lieu dans la Ntel·-:M:orte. Quelques-uns ont leurs eaux
TOilI.
IV..
37
�578
1'llAITÉ
par des sources ou par quelques courants, couserplus ou moins chargées de parties terreuses et propres à pétrifier,
comme le lac de Neagh en Irlande.
Tandis que l'eau de la mer se maintient dans les plus grandes
profondeurs à une température à peu près égale de 12° à 13°
centigrades, les principaux lacs des Alpes éprouvent en toute
saison un abaissement de température considérable vers leur
fonù. De Saussure a constaté qu'elle était, au mois de juillet,
dans celui de Constance, de 4°, 4'. Quelques-uns ne gèlent
jamais, même dans les hivers les plus rigoureux) tel que celui
de Nefs en Ecosse.
On a remarqué qu'indépendamment de diverses causes spéciales à certains lacs, il s'opérait une diminution graduelle dans
l'étendue et la profondeur dt) tous en général.
Le lac de Genève est sujet à un flux et reflux très-sensible)
qui ne provient pas du vent. Plusieurs aussi font quelquefois
entendre des mugissements sourds comme ceux qui précèdent
les éruptions des volcans. Ces phénomènes sont probablement dus à l'électricité ou à l'accumulation de gaz dans le sein de
la terre.
Le respect pour les lacs faisait partie de la religion des anciens Gaulois qui les regardaient comme la demeure de certaines
divinités. Ils donnaient même à ces lacs le nom de quelques
Dieux particuliers. Le plus célèbre était celui de Toulouse, dans
lequel ils jetaient l'or et l'drgent qu'ils avaient pris sur les ennemis. Dans le Gévaudan, il yavait un lac consacré à la lune,
qui recevait cbaque année de nombreuses offrandes. Strabon
parle d'un autre lac dans les Gaules, appelé le Lac des deux
Corheaux, près duquel avaient lieu des épreuves pour la décision des différends.
- Les petits amas d'eaux stagnantes que l'on trouve dans les
terres et qui sont formés soit par quelques faibles sources sans
écoulement, soit par la réunion des eaux pluviales dans un endroit bas dont le ~ol, composé de nr:trne ou de glaise est im-
�'DU DOMAINE pUULIe.
579
'Vént pe!'pétuellement lell!' masse d'eau Lacus
est qliod perpetliam habetaquam (1).
Les grands lacs sont communément placés dans
le domaine public du pays de leu!', situation:
Possunt. alitem etiam huee esse pub/ica (2).'
C'est pourquoi nous lisons dans l'art. 342 du Code
nivil du canton de Vaud, en Suisse, que « les
perméable, prennent le nornde MARES (Lacusculus ;Aquilegium).
On en établit aussi artificiellement dans les fermes pour l'abreu::'
vage du bétail ou autres usages domestiques; mais alors elles
rentrent sinon par leur destination, au moins par leur construction, dans la catégorie des étangs.
La propriété des mares est souvent un sujet de litige entre les
communes et les particuliers j la difficulté vient ordinairemp.nt
de ce que les communes n'ont pOInt de titres et ne peuvent raisonnablement être astreintes à en repréienter; de ce que le curage et les réparations, au lieu d'avoir été faits par le corps de
la commune, ont été exécutés par corvée; de ce que les vases
ont été enlevées par ceux qui ont procédé au repurgement à titre
d'indemnité de leur travail; de ce que les faits de puisage,
abreuvage et lavage ne peuvent être considérés comme attributifs d'une possession à titre de maître. Dans ce cas il faut se décider d'après les énonciations des anciens titres, les terriers et
plans du cadastre, les actes 'de police, les plantations il l'entour,
etc.
Voy.suprà, nO 1391, pages 273 et suiv. du présent tome,
la réfutation d'une erreur échappée à M. Duranton, qui prétend que les haLitants d'une commune ou d'un hameau pourraient exercer sur une mare ou un étang les droits que leur
confère sur une fontaine l'art. 643 du Cod. civ.
(1) L. 1, § 3, if. ut in flumine publico, lib. 43, tit. 14. Cœpolla, pars 2, cap. ao. - Now'eau rép., V O lac.
(2) L. l , § 6 , ff. eoc!.
�580
THALTÉ
rou tes, les rivières, les lacs ~ les rivages, les
» ports, et généralement toutes les portions du
» territoire cantonnaI qui ne sout pas susceptibles
» d'une propriété privée, sont considérés comme
» des dépendances du domaine public. » Celle
disposition s'applique bien certainement au lac de
Genève, sur les bords et le long duquel ce canton
est situé, en remontant jusqu'à Lausanne.
Dans les lacs publics comme dans les rivières navigables, le revenu <Je 'la pêche doit appartenir à
l'Etat; mais, à moins de réglement contraire, l'usage de la navigation qui peut avoir lieu en tous
sens par le moyen de barques el batea ux , doit être
permis gratuitement à chacun, de même que le
passage SUI' les grandes roules.
1566. La loi n'établissant le droit d'alluvion
qn'à l:~gard des rivières (art. 556, C: civ.); qui
n'ont jamais de fixité absolue dans leur lit, il fauten
tirer la conséquence, que les lacs, dont la position
est au contraire constante et invariable, doivent
conservel' toujours leurs limites, sans que le droit
d'alluvion puisse avoir lieu sur leurs bords durant
les saisons où il y a décroissement dans leurs eaux:
Lacus cùm aut crescerent, aut decrescerent:>'
nunquàm, Tzcque accessionem, neque decessionem in eos vicinis jacere licet (a).
»
Ca) L. 24, § 3, fI'. de aquâ el aquœ plu!'. arcend., lib. 39,
lit. 3, - Lacus et stagna licet interdùm crescant, interdunt
cxarescant> suas tamen terminas relinent; ideoque in !lis .fus
alllll'ionis non a,dgnoscitur. J~. 12, ff, de adqlllÎ', l'el', dom.-
�DU DûM.UNE !'UBLIC.
581
Comme le volume des eaux dans les lacs se pcr~
pétue par l'effet des sources qui les ,alimentent, ces
sortes de réservoirs peuvent être aussi et sont presque toujouts le point initial des différents fleuves
ou rivières qui s'en échappent, soit par des issues
naturelles, soit par des rigoles pratiquées à main
• d'homme: Caput aquae illud est undè aqua
nascitur. Si exfonte naseatur, ips~jons. Si ex
flumine vel Laeu prima inellia ~ vel principia
jôssarum~ quibus ex flumine vel Laeu in pri.
mum rh'um eommunem pelli soIent (1 ). Sur quoi
il faut observer que, les eaux d'un lac public étant
puLliques elles-mêmes, et pouvant suffire par leur'
abondance à satisfaire tous les besoins du voisinage
sans nuire à la navigation, toutes pJ'i~es d'eau doivent y êlre permises aux riverains.
1567. Mais un lac peut être aussi dal1s le domaine privé d'un particulier ou d'une commune,
comme cela se voit fréquemment dans les pays
de montagnes: Littus publieum est ~ eatenùs
quatenùs maximus fluetus exaesluat. Idem
juris in Laeu, NISI TOTUS PRIT'" ATUS EST (2);
et alors si celui auquel il appartient a quelque
moyen d'en faire écouler les eaux, il peUL, de sa
Même décision dans la loi 69, if. de contrah. empt. Le Code
civil a adopté cètte disposition 'du Droit romain par son art. 558.
- La partie susceptible d'être 'couverte par les eaux ne peut
. même pas se perdre par prescription. Voy. inftà) nO 1576.
(1) L. 1, § 8, fi' de :aquâ quotidianrî) lib. 43, tit. 20.
(2) 1. 112, fi'. de verl-or. signifient.
�582
TRAITÉ
propre autorité, se procurer par là une plus grand(}
étendue de terrain sur les bords, ou même, le réduire à sec, sallS l'emploi des formes requisespollr..
les desséchements de marais (1).
1568. Dès qu'un lac est reconnu faire partie
du domaine privé de quelqu'un, il faut encore en.
conclure:
1° Qu'il ne peut être permis aux riverains d'y
pratiquer, sans le consentement du propriétaire,.
des rigoles de dérivation, comme ils pourraient le·
faire s'il s'agissait d'une eau courante;
2° Que celui auquel il appartient a seul le droit
d'y çxercer la pêche, et peut la défendre à tout
autre: ln lacu tamen qui" mei dominii est~ uti;.
'què piscari aliquem prohibere possum (a);
3° Qu'il n'y est point dû de passage' au moyen
de barques pour l'exploitation des fonds situés Jans
le voisinage, à moins d'un titre formel de servitude (b) : Si lacus perpetuus infundo tuo est ~
navigandi quoque servitus ~ ut perl/eniatur ad
fundum vicinum impo.ni potest (2); o~ à moins
(1) Arrêt du conseil d'Etat du 11 août 1824, rapporté par
tom. 6, pag. 523.
(a) L. 13, § 7 in fine, ff. de injunïs, Hb. 47, tit. 10. M. Garnier, Régime des eaux, se édit., tom. 3, na 808, enseigne que le propriétaire du lac n'est pas assujetti aux règles
imposées en général pour la pêche, soit quant à l'époque, soit
quant aux engins.
(6) L. 23, § 1er , ff. de servit. rust. prœd., lib. 8, tit. 3. Voy. s uprà, en ce qui concerne les rivii-res , note 6 de la page
40 du présent tome.
(2) L. 23, § 1, If. de serl'ù. rustic. prœd., lib. 8, tit. 3.
MACAREL,
�DU DOMAnf! PUBLIC.
583
encore que le trajet ne soit nécessaire pour cause
d'enclave, cas auquel il peut être exigé, moyennant
une indemnité compétente;
1569. 4° Que la loi du 3 frimaire an VII, qui,
dans son art. 103, énumère les fonds exempts de
l'impôt par leur nature, mentionnant seulement
les rues, les places publiques, les grandes routes,
les chemins publics et les rivières, sans parler des
lacs, le recensement cadastral des fonds coLÏsables
doit, lorsqu'ils sont privés, les comprendre comme
tous les antres bieus des particuliers, en les éva-.
luant au moins par rapport au revenu provenant de
la pêche: Lacus quoque piscatorios et portus in
censum dominus debet dejérre (1).
Lorsque le propriétaire d'un lac y a placé des
barques pour l'exercice de la pêche, on doit les
considérer comme des objets immobilisés par lelU'
destination au service du fonds: en conséquence
elles doivent apparten'ir à l'acquéreur, comme aussi
leur usage peut être revendiqué par l'usufruitier
ou par le fermier J quand l'étang est légué en usufruit, ou quand la pêche en est amodiée ('.l.),
SECTION II.
Des étangs. '
1570. L'étang est un réservoir établi à main
d'homme pour y retenir temporairement les eaux
(1) L. 4, § 6, if. de censibus, lib. 50, tit, 15.
(2) Voy. dans COEPOLLA, en son traité des servitudes,
latu 2., cap. 30, n" 7.
ll'ac-
�584-
l'lUlTÉ
qui y aITiveot soit par le cours de quelque ruisseau,
soit par l'effet des pluies: Stagnum est quod temporalem contineat aquam ibidem stagnantem~
quae quidem aquaplerumquèhieme cogitur(l).
'Quoiqu'un étang ne puisse être créé que là où le
sol est naturellement disposé en forme ùe bassin,
néanmoins son établissement doit être considéré
comme le résultat de l'industrie de l'homme, puisqu'il faut toujours y construire nne chaussée pour
en retenir les eaux.
. Les étangs sont destinés à élever des poissons que
l'on y dépose lorsqu'ils sont petits, et qu'on p,êche
ensuite quand ils sont devenus gros, pour être
vendus au profit du propriétaire du fonds.
Pendant toude temps qui s'écoule depuis l'alvinage ou l'empeuplement jusqu'à la p~che, les poissons sont considérés dans le droit (art. 524 C. civ.)
comme accessoires du fonds, et en cette qualité
sont immeubles par destination.
. 1571. Il Ya aussi des viviers ou petits réservoirs
d'eau dans lesquels on retient et nourrit le poisson
quand il a été pêché, jusqu'à ce qu'on puisse le
vendre, ou s'en servir pour 1:1. table; mais ces espèces de réservoirs sont, au point de vue légal,
lolalemeut différents des étangs.
Quand il s'agit d'un étang, le poisson qu'il ren1
(1) L. 1, § 4 , ff. ut influmine puhlic. nal'igari, lib. 43, tit.
14. - Le nouveau répertoire dé6nit un étang: Cl un amas d'eau
11 soutenu par une chaussée et dans lequel on nourrit du pois- '
" ~o~ ..~
�DU DOMAINE pUlIue.
585
ferme n'est, dans la possession du propriétaire, que
comme faisant parlie accessoire du fonds, et ne
saurait être en conséquence l'ohjet d'une saisie
mobilière.
Au contraire les poissons d'un réservoir, ayant
absolument perdu leur liberté naturelle par la pêche
qui en a été faite, sont, immediatè et per se, dans
la possession mobilière de celui auquel appartient
le vivier.
•
On a vu plus haut que les lacs peuvent dépendre
ou dn domaine public, ou du domaine privé; mais
il en est autrement des étangs qui forment toujours
des propriétés privée~ Ca).
1572. Nos lois nouvelles ne conliennent qne
peu de dispositions sur cetle malÎ~re.
Aux termes de l'art. I3 du décret du 22; avril
1790, il élait libre à tout propriétaire ou possesseur
de chasser ou faire chasser en tout temps dans ses
lacs et étangs, comme dans celles de ses possessions
qui étaient closes; mais ce droit illimité a été restreint par l'art. 8 de la loi du 3 mai 1844 qui porte
que cc les préfets des départements, sur l'avis des
» conseils généraux, prendront des arrêtés pour
(a) Cette proposition est vraie en tant qu'il s'agit de réservoirs destinés principalement 11 contenir du poisson; mais elle
serait inexacte si on l'étendait aux bassins établis artificiellement
pour l'alimentation des canaux de navigation, tels.que ceux, an
nombre de cinq, du point de partage du canal de Bourgogne qui,
ensemble, présentent une superficie de 319 hectares, et contiennent 18,806,~27 mètres cubes d'cau. Comme le canal dont ils
forment l'aceessoire, ils dépendent du don1ainc public.
�586
. 'l'RAmi
» déterminer le temps pendant lequel il sera per~
mis de chasser le gibier d'eau sur les étangs. ».
L'art. 15, titre 2, de la loi du 6 octohre 1791
défend toute construction de laquelle peut résulte~
l'inondation de~ héritages voisins, sous peine de·
payer le dommage et une amende qui ne pourra.
excéder la somme de cette indemnité. Pour prévenir le même danger, l'art. 16 veut que ce soit à
l'administration loçale à délerminer l'élévation des
déversoirs des usines, et, suivant l'art. 457 du Cocle
pénal, cette disposition réglementaire doit être ap~
pliquée à la fixation de la hauteur des chausséeS<
des étangs:
D'où il résulte qu'en cas de contestation sur la
question de savoir si le propriétaire d'un étang en
aurait exhaussé le déversoir ou la chaussée, c'est
pardevant le préfet qu'on devrait porter d'abord la
queslion préjudicielle de vérification du fait.
1573. Mais qu'il soit reconnu ou non par l'autorité administrative que l'on a dépassé le niveau
prescrit, les voisins qui ont souffert du débordement des eaux peuvent toujours intenter des actions en dommages-intérêts (a), lesquelles doivent.
être porlées pardevant les tribunaux ordinaires,
comme se rattachant exclusivement à l'intérêt privédes parties.
1574. Suivant une loi du 11-19 septembre
»
(a) Voy. en·ce qui concerne les inondations occasionnées par
les retenues d'eau des u5ines, na 1116, suprà, tom. 3, pag. 512,
et la note des pages 513 et suiv.
�DU DOMAINE PUBLIC.
58"1
1792, cc lorsque les étangs, d'après les avis et pro» cès-verbaux des gens de l'art, pourront Occa» sionner ,. par la stagnation de leurs eaux, des
" maladies épidémiques ou épizootiques, ou 'que,
» par leur position, ils sùont sujets à des inonda=» tions qui envahissent et ravagent les propriétés
» inférieures, les conseils généraux des départe» ments sont antorisésà en ordonner la destruction,
» sur la demande formelle des conseils généraux.
» des communes, et d'après les avis des admillÎs') trateurs de district Ca).»
Il est remarquable que le corps législatif, en rendant ce décret, n'a pas déclaré que les propriétaires
d'étangs supprimés seraient indemnisés; cependant
il était déjà admis en principe, depuis la constitution de 1791 , que nul ne doit le sacrifice gratuit
de sa propriété pour cause d'utilité publique: pourquoi donc ce silence de la part des législateurs de·
179 2 ?
C'est que, comme nous l'avons déjà dit ailleurs(b),
(a) Aujourd'hui la suppression devrait être prononcée par le
préfet, sur la demande du conseil municipal et sur l'avis du
sous-préfet (arrêt du conseil d'Etat du 14 novembre 1821).
(h) Voy. suprà, les nO'. 603 ter (tom. 2, pag. 915), et 1169
à 1173 (tom. 3, pag. 594 à 603). - Toullier, tom. 3, nO 137,
pense qu'il y a lieu à indemnité, mais à tort.-l\'l. Davicl, Tr. de
la pratiq. des cours d'eau, nO 820, adopte l'avis de M. Proudhon
qu'il fortifie par un arrêt du parlement de Normanùie du 4
avril 1532 (Berault, sur Normandie, art. 209), qui ordonna
pour cause de salubrité publique à des sieurs Vipart et consorts
de cesser le rouissage de leur lin dans la rivière, bien qu'ils pré-
�588
TllA.ITÉ
si en bonne justice on doit une indemnité à celui
dont on confisque l'héritage pOUL' l'affecter à uue
destination d'intérêt général, comme à l'établissement d'une route ou d'un canal de navigation intérieure, il n'en doit pas être de même lorsqu'il
ne s'agit que de la suppression d'un étangdontl'existcnce est reconnue nuisible à la sanlé des habitants
ou des bestiaux, attendu que personne ne peut aVOIr
Je dl'Oi t de faire le mal d'autrui, ni de ,conserver
sa chosè dans un état duquel résulte un fléau ou
une canse de désastres pour la contrée.
1575. Une autre loi en date du 14-16 frimaire
an 2 (4-6 décembre 1793) avait ordonné que, sauf
quelques exceptions, tous les éqmgs seraient' mis à
sec avant le 15 pluviôse suivant, sous' peine de
confiscation au pro/it des citoyens non propTié'"
laires des communes oÙ- ils sont situés: ce qui
suppose bien clairement encore qu'il n'est point dû
d'indemnité pour la suppression de ceux qui sont
de natnre à compromettre la santé des hommes et
des animaux. Mais celle loi fut rapportée par une
seconde du 13 messidor an III (4 juillet J795),
qui chargea seulement l'administration de redouhIer de surveillance pour pourvoir à l'écoulement
des eaux et à la salubrité des campagnes.
Ainsi, et sauf la disposition spéciale de la loi du
tendissent qu'elle leur appartenait, et qu'ils fussent en. possession d'en agir de la sorte depuis 40 ans. - Même décision par
les eommentateurs de Dubrcuil, tom. 1, pag. 57, édit. de 1842.
�DU DOMAINll: l'UllLIC.
589
t 1 septembre 1792 qui, comme on vient de Je voir,
n;ordonne que la destruction des étangs qui pourraient occasionner des maladies ou des inondations,
ce genre de propriété reste aujourd'hui placé sous
les règles du droit commun; en sorte que chacun
est libre d'établir un étang sur son terrain, sous la
seule condition de s'aLÎresser au préfet pour faire
fixer la hauteur de la chaussée ou du déversoir, èt
sauf les oppositions. judiciaires qui pourraient être
formées par des propriétaires voisins, dans la crainte
de voir leurs héritages inondés Ca).
1576. Enfin, suivant l'art. 558 du Code civil,
» l'alluvion n'a pas lieu à l'égard des lacs et des
" étangs, dont le propriétaire conserve toujours le
" terrain que l'eau couvre qnand clle est à la hall-
(a) L'art. 170 de la Coutume d'OrléanS', qui est resté à cet
égard le droit commun de la France, portait que, " il est loysihle
» à chacun, de son autorité privée, faire en son héritage, étangs,
.. asseoir bondes, grilles et chaussées, pourvu qu'il n'entreprenne
» sur le chemin et droit d'autrui. l> Cependant la plupart des
Parlements autorisaient le refluement et la décharge des eaux
sur les propriétés supérieures et inférieures, moyennant indemnité; mais ce pri vilége est aboli, et il faut aujourd'hui que Je
propriétaire qui veut établir un étang acquière les terrains né. cessaires pour son assiette et pour l'écoulement des eaux (Duranton, tom. 5, nO 167; - Daviel, 1i-. de la prat. deS cours d'eau,
nO 809 ; - secùs, Pardessus, des serpitudes, nO 86). A part le
cas où on veut établir l'étang sur un cours d'eau, on n'a pas besoin d'autorisation administrative. (Pardessus, des serpiturles,
nO 80; -Garnier, régime des eaux, nO 103; --::Daviel, nO 110);
mais Toullier, tom. ~, n° 138, pense le contraire.
�590
TRAITf:
teur de la décharge de l'étang, encore que le voInme de l'eau vienne à diminuer.
» Réciproquement 1.1;' propriétaire de l'étang
» n'acquiert aucun droit sur les terres riveraines
» que son eau vient à couvrir dans les crues ex» traordinaires.»
Il résulte de cet article que les fonds riverains
d'un ancien étang sont soumis à la servitude d'inondation plus ou moins étendue sur leurs bords,
dans le temps des grandes crues, et qu'il suffit que
l'étang ait été établi depuis plus de trente ans, pour
que celte servitudè reste définitivement acquise à
l'un sur l'héritage de l'autre Ca). Mais avant l'accomplissement de la prescription, les propriétaires
voisins auraient une action pour faire réduire la
chaussée à une hauteur telle qu'elle ne pût· plus
leur nuire; et ils auraient même droit d'en exiger
la démolition totale, si l'on ne pouvait d'une autre
manière empêcher le débordement des eaux Cb).
»
»
(a) Il en est de même, à plus forte raison, lorsque l'étang et
l'héritage voisin exposé aux inondations, ayant appartenu au
même maître, on peut invoquer la destination du père de famille.
C'est ee qu'a jugé positivement un arrêt de la Cour d'Angers du
20 janvier 1813 (Sire)") 15-2~65). Voy. aussi Toul1ier, tom. 3,
na 137; M. Dnranton, droit civil, tom. 4, na 413, et deux autres arrêts de la Cour de cassation des 30 août 1808 (S.) 9-1248) , et 10 décembre 1838 (S.) 39-1-311 ).
(b) AusSi, lorsque l'on établit un étang, est-il prudent de laisser
au-delà de la surface habituellement couverte par les eaux un
cspace où elles puissent s'éteudre dans les crues exh'aordinaires,
S~lIis envahir cl dégrOldcr les fonds riverains. Cet espace est im-
�bu nmlAI:SE PUBLIC.
591
II résulte aussi de cette disposition de notre
Code, que ce qu'on peut appeler les lais ct relais
d'un étang ne sont pour le propriétaire, comme
prescriptible comme le reste de l'étang, ainsi que l'a jugé un arrêt
de la Cour de cassation du 9 novembre 1841 (Sirey, 41-1-821),
qui décide en même temps que l'étendue d'un étang sè compose
non-seulement de la partie couverte hahituellement par les eaux,
mais aussi de ceIle sur laquelle l'eau s'étend dans les crues ordinaires et annuelles de la saison d'hiver; les expressions de
crues extraordinaires de l'arl. 55R du Code civil ne devant s'appliquer qu'nux crues accidentelles, et non à ~elles périodiques.
Par un arrêt précédent du 17 décembre 1838 (S., 39-1-499),
la même Cour nous paraît être allée trop loin, en déclarant que
le maître d'un étang acquiert la propriété des terrains que ses
eaux couvrent depuis moins de 30 ans par suite de leur enva~issement successif occasionné par le flottement, et que c'e3t aux
riverains à faire les travaux nécessaires pour la défense de leurs
propriétés. f:n effet, de même que l'alluvion n'a pas lieu en pareille matière au profit des riveraIns, de même aussi ces derniers
ne peuvent être tenus à subir l'envahissement des eaux. Le droit
d'établir ou de conserver un étang sur son fonds est essentiellement subordonné à la condition de ne pas nuire à autrui. C'était un principe déjà posé par la plupart des Coutumes (Boutaric,
des droits seigneuriaux, pag. 570; - Godefroy et Berault, sur
la Coutume de Normandie; -Coutume d'Orléans, art. 170; Gnypape, décision 91 ; Salvaiug, ch. 63; - Davot, Traités
de droz'tfrançais à l'usage de la Bourgogne, édit. in-12, tom. 2,
pag. 513, et tom. 3, pag. 308), el qui est aussi enseigné par
les auteurs modernes (M:YI. Vaudoré, Droit rural, chap. 3 ; Daviel, Tr. de la prat. des cours d'eaux, nO 817). M. Chardon,
1'r. du droit d'alluvion, nO 22, s'exprime notamment ninsi: « Les
Il propriétaires de ces réservoirs artificiels ont le droit, en les
" curant, de détruire les attérissements qui se forment sur leurs
Il Lords; mais aussi, si, dans une crue eXlraordi~aire, leurs eaux
�592
TRAITÉ
pour ses voisius, que soumis à une possession passagère et précaire: en sorte que de part ni d'autre
" inondent les héritages voisins et y causent du dommage, ces
derniers doivent en être indemnisés par ceux qui possèdent
" les étangs. La circonstance de la force majeure n'est ici d'au" CU;} poids, parce que celui qui, dans son intérêt, a ainsi arrêté
" l'écoulement naturel des eaux, a dû le prévoir, et prendre
" pour mesure de la hauteur des déversoirs la plus grande crue
" possible; que d'ailleurs il a pu, dans le moment même de la
» crue, accélérer le passage dcs eaux par la levée de ses bondes.
" S'il s'est trompé dans ses ,prévisions, c'est à lui à supporter
" les inconvénients de la chose dont il retire les avantages. "
Il nous semble donc impossible d'admettre, avec la Cour régulatrice, que les travaux de défense soient à la charge des riverains, et que l'envahissement que leur absence peut favoriser
~oit pour le propriétaire de l'étang un moyen d'acquérir, sans
le secours de la prescription, la propriété du sol sur lequel i/étendent les eaux.
Nous croyons aussI avec M. Daviel, nO 81 g, que la responsabilité indéfinie, même en cas de crues extraordinaires, imposée
par M. Chardon au propriétaire de l'étang, est d'une sévérité
inadmissible. On doit appliquer ici ce que nous avons dit relativement à la retenue d'eau des usines, Ilote sous le nO 1116, su~
prà, tom. 3, pag. 513 et suiv., et parti. lièrement pages 515,
516 et 51ï.
Quant à la manière de se pourvoir de la part de ceux qui ont
éprouvé Un dommage de l'inondation, il faut distinguer: S'il
n'y a pas de réglement administratif, on ne pourra invoquer
que l'art. 15, tit. 2, de la loi du 6 octobre 1791 (voy. la note
sous le nO 1115, Juprà, tom. 3, P:lg. 510). S'il ya réglement,
une sous-distinction est à faire, selon que la hauteur fixée aura
été dépassée, ou qu'elle ne Paura pas été. Au premier cas, l'article 457 du Code pén. est applicable; au second, la voie civile
t'st seulement ouverte aux parties lésées.
Celle voie peut "gaIement être prist' pal' les voisins avant
10
�nu DOM.AINE P..lJBUC.
593
on ne pourrait agir au possessoire, ou prétendre
à la prescription pour cet espace intermédiaire Ca).
1577. Les étangs ne se construiscn t communément que sur des terrains traversés par de petits
ruisseaux dont on retient les eaux au moyen
d'une chaussée. Or nous avons fait voir plus haut
que, quand il s'agit d'un ruisseau servant à l'irrigation, le propriétaire dont il parcourt l'héritage
ne peut en user durant ce trajet qu'à la charge qe
Je rendre à son cours naturel au point de sortie,
afin que les propriétaires inférieurs puissent en profiter à leur tour; telle est la disposition de l'article 644 du Code: d'où résulte la conséquence
que èe propriétaire supérieur ne pourrait, au pré'qu'aucun dommage soit arrivé, lorsqu'il est imminent par suite
de l'état de vétuste ou de dégradation de la cho\!ssée, ou encore
du défaut de curage. C'est ce qui résulte des lois 1, § 1, ff. dè
aqua et aq. plulJ. arc., et 2, ff. de damn. infect., et ce qu'enseignent Boutaric, des Droits seigneuriaux; Toullier, tom. 3,
nO 138, et M. Duranton, tom. 4, nO 408.
(a) Aussi a-t-il été jugé par un arrêt de la Cour de Bordeaux
du 28 mars 1831 (Dalloz, 34-2-8\)), et par deux arrêts de la
Cour de cassation des 23 avril 1811 (Sirty, 11-1-312), et 11
mai 1835 (S., 36-1-55), que le sol occupé parles eaux jusqu'à
la hauteur de la décharge e!t de sa nature imprescriptible. Mais
si des plantntions ou clôtures déterminaient les bords de l'étang
d'une manière fixe et invariable, les droits de chacun devenant
certains et patents, la prescription pourrait avoir lieu au profit
des uns ou des autres (arrêt de la Cour de Rennes du 17 août
1839. - Gazette des Tribunaux du 9 octobre 1839). Seulement la portion distraite de l'étang resterait assujettie à la servitude d'inondation, ainsi qu'il-e!t dit ci,desS\lS , pag. 590.
TOlll. lY. .
.
3~'
�594
TIlAITE
judice du droit d'irrigation, de ceux qui sont 'plus
bas, établir un étang dans son tonds, puisque au
lieu de rendre les eaux à· leur cours ordinaire, il
les retiendrait sm son héritage, ce qui faciliterait leur infiltration et leUl' évaporalion (a). Si
un pareil état de choses remonlait à moins de 30
ans, les propriétaires inférieurs pourraient en exiger la suppression.
Néaumoins, si les eauxdu ruisseau élaient assez
abondantes pour que celles q.ui s'échapperaient par
le déversoir de l'élang pussent encore suffire à l'irrigation des fonds situés en aval, ou si, d'après la
disposition des lieux, l'on n'était pas ~ans l'usage
de les faire ser"ir à l'arrosement, les propriétaires
infér.ieurs seraient, par défaut d'intérêt, non recevables à se plaIndre (h).
.
15.78. Pour tracer en peu de mots la règle à
suivre en pareille matière, il faut dire que la chaussée d'un étang ne peut être établie de manière à
n nire aux héritages supérieurs sur lesquels elle feCa) Arrêts de la Cour de cassat. des 16 février 1832( Sirey,
3:3-1-54) et 20 février 1839 (S. ,39-1-414).
(6) Mais il n'en faudrait pas moins que la hauteur de la retenue soit fixée par l'administration chargée de la surveillance
Je tous les barrages ct ouvrages d'art établis sur le.s eaux courantes. L'art. 457 du Code pénal suppose la nécessité de cette
autorisation qu'exigent expressément deux arrêts du conseil
J'Etat des 14 novembre 1821 et 21 juillet 1839. Quand l'étang
n'est alimenté que par des caux pluviales, l'administration n'a
point :\ s'en occuper; il faut seulement le consentement des
propriétaircs inférieurs q;]i rcçoi\'Cnt la décharge.
�DU DOMAINE lIUBLIC..
595
rait refluer les eaux: Item sciendum hanc actionem vel superiori adyersits injériorem competere ~ ne aquam quae naturd fluat ~ opere
facto inhiheat per Slwm agrum decurrere; et
qu'elle ne doit non plus porter aucun préjudice
aux fonds inférieurs en donnant aux eaux un cours
différent de celui qu'elles auraient naturellement:
Et injeriori adyersits superiorem ~ ne aliter
aquam mittat.J quàm fluere naturd solet (a) :
d'où il résulte que, comme le propriétaire d'un
étang ne pourrait, sans se rendre passible de dommages-intérêts, en exhausser la chaussée au détriment des h~ritages voisins; de même il est
obligé de l'entretenir exactement et d'en prévenir les dégradations avec le plus grand soin: en
sorte que, s'il s'y formait quelque brèche, même
par une crue extraordinaire, il serait tenu de réparer le préjudice causé aux fonds inférieurs par
les eaux qui, s'échappant ainsi, se trouveraient dirigées hors de leur cours habituel:
1579. Comme nons l'avons dit plus haut, les
poissons des étangs, y jouissant de leur liberté 11aCa) L. 1, § 13, ft. de aquâ et aquœ plup. arccnd.) lib. 39,
tit. 3. - Si l'étang était formé avec des eaux: pluviales, les propriétaires inférieurs pourraient se plaindre de ce que ces eauX retenues pendant longtemps leur seraient envoyées en masse, llno
impetu, au moment de la mise Ô. sec pour la pêche, contrairement aux premier et der.;';er alinéas de l'art. 640 qui n'assujettissent les héritages inrél'Îems à recevoir ]'écoult?ment des e~ux
supérieures qu'autant que la fll:lin de l'homme ne l'a p.'lS modifié.
�596
TRAtTÉ
tllrell~,
sont réputés immeubles par accession;
mais dès l'instant où la bonde de l'étang est levée
pour le mettre en pêche, on est dans l'usage de les
regarder comme meubles Ca) et susceptibles en
conséquence d'être l'objet d'une. saisie mobiliaire.
1580. Lorsqu'un étang est situé au - dessus
d'une prairie qui 'doit en souffrir la décharge, il
est sensible que le propriétaire ne peut le vider,
même pour le mettre en pêche, qu'après les fruits
levés sur le terrain exposé à être submergé par ses
. aggraver d' une
eaux, parce qu ,autrement ce seraIt
manière onéreuse la servitude.
158't. Il n'est pas rare de voir plusieurs étaugs
situés de file sur le même ruisseau, et cette position entra1ne aussi une corrélation de servitudes
entre eux.
Lorsque l'étang inférieur est en pêche, on ne
doit pas lever la bonde de celui qui est au-dessus Ch),
(a) Telle est la disposition formelle des art. 127 de la Coutume
de Melun, 74,81 et 355 de celle d'Orléans: les poissons sont par
là séparés de l'eau qui les incorporait au fonds; et comme le dit
M. Proudhon, Tr. du domaine de propriété, nO 128, oc ils ne
Il sont plus qu'un fruit coupé pour la récolte.
"
(b) Cette disposition était textuellement insérée dans l'art. 177
de la Coutume d'Orléans, reproduit par la plupart des anciens
auteurs, notamment par Lapoix de Fréminville, Pratique des
terriers, quest. 69; Merlin, Rép., va étang.
La même Coutume prescrit plusieurs mesures qui avaient été
généralement adoptées et dont plusieurs devraient encore être
suivies.
D'après l'art 173, l'on ne doit vider l'eau des étangs que
�DU DOMAINE l'VBLle.
597
parce que ce serait là transmettre au voisin les eaux
d'une manière dommageable.
1582. Aux. termes de l'article 664 du Code, si
durant une inondation les poissons d'un des étangs
passent dans l'autre, ils sont acquis au propriétaire
de l'étang dans lequel ils ont émigré, à moim; qu'ils
n'y aient été attirés par fraude et artifice (a).
par les Londe et endroits accoutumés par lesquels elle tombe
dans les ruisseaux destinés à la recevoir pour ne pas préjudicier
aux voisins en changeant son cours ordinaire.
Suivant l'art. 175, il faut que celui dont l'étang, par la ~au
teur de ses eaux, empêche la. mise à sec de l'étang supérieur lorsqu'il y a lieu de le pêcher, lève la bonde du sien dans les trois
jours après en avoir été sommé, pourvu que ce soit dans l'ir;ttrvalle du 1er octobre au 15 mars. M. Daviel, nO 822, sembl~
regarder cette obligation comme abrogée.
L'art. 176 veut que le propriétaire d'un étang qui sc vide ès
prairies dont l'herbe n'est ni fauchée ni enlevée, ne .puisse en
ouvrir la bonde qu'après publications huit jours à l'avance.
La pêche des étangs doit se faire aux époques fixées par l'usage du pays, sans pouvoir être avancée ni reculée au préjudice
ù'un tiers (Legrand, sur Troyes, IIrt. 26, glos. 4, nO 5).
(a) Dans ce cas même le droit de suite ne confère'pas au propriétaire le pouvoir de reprendre en nature son poisson qui
étant mêlé à celui du voisin ne serait plus reconnaissable; son
action se résout en dommages-intérêts.
Si le passage du poisson d'un étang dans l:autre est le pur
effet d'une inondation, le propriétaire dépouillé ne peut rien répéter. Il ne saurait avoir le droit de faire vider l'étang où il s'est
retiré, ainsi que le lui accordaient certaines. Coutumes aujour-.
d'hui abrogées par l'art. 564 du Code civil, quoi qu'en dise
M. Duranton, tom . .(, page 416, qui n'appuie cette opinion
sur aucun texle légal. D'après les art. 171, 17~ et 174 de la
�598
TRArr&
Mais jusqu'à ce ql1'ls y soient parvenus, il doit
être permis à leur premier ma1tre de les poursuivre
et de les reprendre par tous les moyens qu'il peut
avoir, puisque ce n'est qu'à l'instant qu'ils entrent
dans cel étang, qu'ils cessent entièrement de lui
appartcllir.
CHAPITRE LXV.
Des lllarais et de leur desséchement.
1583. En traitant des biens dans leurs' rapports
avec le domaine public, nous ne devons pas nous
borner aux espèces, quoique nombreuses, qui out
été signalées jusqu'ici; il entre encore dans uotre
plan de parler des marais, par la raison qu'ils sont
loin d'être une propriété libre dans les mains de
leurs possesseurs, et qu'au contraire ils dépendent
spécialement de l'administration publiqnc.
Le mot marais s'applique généralement aux
lieux situés en contre-bas du sol d'alentour, et
Coutume d'Orléans, et 228 de celle de Blois, le propriétaire de
l'étang pouvait suivre en remontant jusqu'à la fosse de la bonde
de l'étang supérieur le poisson et l'y pêcher, mais il ne le pouvait, e~ descenda~t, si ce n'est lorsque, par accident, la chaussée
venait à -se crever et que l'étang du bas était vide d'eau,
Si le poisson avait été jeté sur des terres ou prés, le proprié..
taire de l'étang aurait le droit d'aller l'y reprendre comme toute
autre chose mobilière entraînée par une crue, ainsi que nous l'a...
vons expliqué à la note h du n01217 , Juprà, tom. 3, pag. 677
ct 678,
�DU DûMAINr.: PUBLIC.
599
qui, par suite de celle position inférieure, reçoivènt des eaux qui y restent en stagnation fante de
canaux d'écoulement Ca).
Quoique, à la prendre rigoureusement, cetle
définition puisse convenir aux plus petits comme
aux. plus grands marais, néanmoins l'on n'en doit
faire ici l'application qu'à ceux qui sont assez con(a) Aqua mimis profunda, palàm latàl.s diffusa, quœ etiam
lJuandd que siccatul' (Jus Georgie., lib. 3, cap. U, nO :>).
Selon les localités, les marais prennent différents noms. On les
trouve indistinctement désignés sous ceux de palus, marùages,
ajoncs, etc.
En Hollandc, on appelle Polders de vasles terrains qui ont été
conquis sur la mer au moyen de digues. Des décrets des 23
thermidor an VIII , 22 novembre 1808, 11 et 13 janvier et 16
décembre 1811 , 22 janvier 1813 , $.' occupent de leur adminis-tration et de leur entretien, ainsi que de ceux des Schoores ou
terres en avant des Polders, qui sont alternativement couvertes
et découvertes par la marée.
On nomme dans la Belgique Polder, Dù:age ou lFateringue,
l'assemblage de tout ce qui est nécessaire pour l'écoulement des
eaux et le dessééhement des terres voisines de la mer, e'est-ildire les canaux, fossés, digues, ponts, écluses, etc. Dès que
ees ouvrages existent dans un endroit exposé par sa situation il
être submergé par la mer, ils forment l'objet d'une administration connue sous le nom de Dicage, Polder ou \Vatel'ingue.
Le Delta d'Egypte, une partie du sol de la Hollande, la
plaine désignée sous le nom de Camargue en Provence, ne sont
que de vastes alluvions soustraites à l'action de la mer, soit pal'
l'effet de l'art, soit par une cause naturelle.
En France, malgré les travaux déjà exécutés, on compte
encore 800,000 hectares de marais ct de terrains enfouis sous
les eaux.
�600
l'RArri
sidérables pour que le public ait un intérêt réel à
leur desséchement, comme sont les plages marécageuses qu'on trouve en beaucoup d'endroits vers
les bords de la mer, principalement au confluent
des rivières traversant les pays plats.
Il faut remarquer en effet que, si l'on devait
assujettir les. moindres parcelles de sol humide aux
dispositions de nos lois sur le desséchement des
marais, il en résulterait qu'un propriétaire n'aurait
pas la faculté d'assainir, de son autorité privée,
même un seul are de terrain aquatiq·ue qui se
trouverait dans son pré, puisque la règle générale est qu'on ue peUL se livrer à une semblable
entreprise pour les marais qu'après en avoir obtenu
la permission du gouvernement; mais on sent de
suile l'absurdité qu'il y aurait à soutenir nn pareil
système. On doit donc tenir pour constan t qne
les règles dont nous allons nous occuper ne s'appliquent qu'aux terrains envahis par les eaux dontl'étendue .est assez considérable pour qu'au jugement
de l'administration, l'opération intéresse immédiatement Je bien général de la société Ca).
(a) C'e~t pour combler la lacune que présentait notre législation sur les moyens de se débllrrasser des eaux qui, fllute
d'écoulement, inondent souvent les héritage~ et deviennent ainsi
nuisibles, que MM. les députés Levavasseur et Darblay ont fait
insér!lr par amendement dans la loi du 29 avril 18l!5, relative
aux irrigations, une disposition qui, bien que ne se rapportant
en aucune manière au titre, n'en est pas moins l'une des plus
utiles. Nous allons en donner ici l'explication pour compléter
le cpmmenta~re que nous avons fait de cette loi, savoir: de ses
�DU DOMAINE PUBLIC.
601
1584. Or l'intérêt public se rattache ici à trois
choses, qui sont la production, l'impôt et l'assainissement.
articles 1 et 2, sous le na 1452 (suprà, pag. 362 à 435) , el des
art. 4 et a, sous le na 1519, pag. 490 à 514).
L'art. 3 qui la renferme, et dont l'examen ne pouvait trouver
naturellement sa place que dans le chapitre traitant des opérations de desséchement, est ainsi conçu: u La même faculté de
» passage sur les fonds intermédiaires pourra être accordée au
" propriétaire d'un terrain submergé en tout ou en partie, à
» l'effet de procurer aux eaux nuisibles leur écoulement. "
Cette disposition qui ne fait qu'étendre au passage des eaux
celle de l'art. 682 du Code civ., relative au passage des hommes
et des animaux en cas d'enclave, est la reproduction partielle et
abrégée de l'art. 630 du Code civil de Sardaigne, portant que:
" Les dispositions énoncées dans les articles précédents, con11 cernant le passage des eaux, sont applicàbles au cas où lc
.. possesseur d'un fonds marécageux veut le bonifier ou le dessé" cher par colmates (*) ou atterrissements, ou en creusant uu
" ou plusieurs canaux d'écoulement. »
Voici comment, à la séance du 13 février 1845 (Malt., p;tg.
329), les auteurs de l"lmendement en ont justifié la nécessité
et ont essayé d'établir qu'il devait être admis dans la loi malgré
l'opposition du Rapporteur qui le repoussait comme n'y étant
pas à sa place, et faisant d'ailleurs double emploi avec la loi du
16 septembre 1807. K Vous venez de consacrer, disait M. Leva" vasseur, le principe d'une servitude en faveur des irrigations;
.. c'est principalement dans le Midi de la France qu'il sera pro" filable. Dans les autres parties du pays, dans le Nor~, dans
e)
M,:
D'après
Nadault de Buffon ,.Ie colmatage est l'opération ayant '
pour objet de donner ou de rendre, au moyen de l'arrosage avec des eaux
troubles et chargées de limon, les principes de végétation à des terrains qui
en étaient dépourvus ou en avaient été dépouillés par l'effet des eaux torrentielles.
�602
TRAITÉ
0
Par le desséchement des marais on donne de·
la fertilité à des terres qui étaient précédemment
1
li l'Ouest, l'application en sera moins fréquente .... On y est
" autant préoccupé du besoin d'écouler les el;lUX stagnàntes et
lt nuisibles que des avantages qui peuvent dériver de l'irrigali tion. Je ne parle pas des grands desséchements à faire dans
li un grand intérêt public ,mais des desséchements partiels,
li accidentels, auxquels auraient besoin d'avoir recours beauIl coup de propriétaires. En effet, il n'y a pas de vallée où
li des propriétaires de moulins ne fassent infiltrer ou refluer les
li eaux dans les pl'airies voisines, et ne leur causent ainsi quelli que dommage; souvent même les infiltrations se répandent
li dana les terres ensemencées, et la récolte se trouve perdue.
li Ce n'est pas là un inconvénient accidentel; il est de tous les
li jours et se manifeste-en beaucoup de lieux. Souvent encore
li des sources prennent naissance dans des fonds trop bas pour
li que l'eau ait un écoulement naturel, et alors les prairies in" fectées de jonc ne sont bonnes ni pour le fauchaKe ni pour·
li l'élève des bestiaux. De la vallée, remontons dans. la plaine,
li et là aussi nous trouverons des terrains inondés pal' les eaux
li pluviales, des récoltes perdues parce que le propriétaire du
li fonds ne peut faire sur celui de son voisin un travail d'art
" qui lui permette d'écouler les eaux.
li Si le principe pour l'irrigation est utile, celui du desséli chement ne l'est donc pas moins, et au point de vue de l'inli térêt agricole et à celui de l'hygiène publique. Consentir d'une
li part à grever la propriété d'une servitude en faveur des irrili gations, et, de l'autre, ne pas pourvoir à ce que des eaux
li nuisibles soit à l'agriculture, soit à la santé publique, puissent
li recevoir un écoulement faclle, c'est faire une œuvre incom_
li pIète, c'est négliger la moitié de votre tâche, c'est ne donner
li à l'agriculture qu'une partie du bienfait qui peut résulter
li pour elle de la servitude que vous
imposez à la propriété
li dans un grand intérêt public, celui de la prospérité agricole,
�DU noMAINII PUBLIC.
603
stériles, et l'on subsLÎtue l'abol1danee à la disette
des produits.
Il
Il
"
»
»
»
"
II
"
»
Il
"
"
"
"
Il
»
Il
"
»
Il
"
li
"
"
"
Il
Il
"
Il
qui est elle·même la source de toutes les autres prospérités.
» Il faut donc que la même loi, si vous voulez qu'eUe ait
une large .'lpplication, si vous voulez qu'eUe satisfasse aux
besoins des diverses zônes de la France, donne, tout à
la fois, le moyen d'arroser et de dessécher les prés et les
terres en labour qui sont condamnés à la stérilité faute d'un
travail d'art souvent facile, faute d'une servitude qui ne peut
être imposée au voisin....• L'honorable M. de Tracy nous a
dit que l'irrigation était une pluie d'or qui allait tomber sur
le pays. Tout en appelant de mes vœux celle pluic merveilleuse, je ne désire pas moins ardemment que nous soyons
délivrés des eaux stagnantes et insalubres qui nuisent au progrès de l'ngricullure et de la santé publique. Il
M. Darblay ajoutait: Le but de la loi est M de détourner l'eau
de son cours naturel pour la répandre sur les terrains avoisinants, et même sur des terrains assez éloignés. Il résultera
de là des améliorations, cela n'est pas douteux, mais il peut
aussi en résulter des inconvénients. Ce qu'il y a de moins
prévu dans la loi, c'est assurément ce que l'OII fera des eaux
quand elles sortiront du sol auquel on les destine. Eh bien,
il est fort possible que, dans le cours de ces eaux, il s'opère
des infiltrations qui viendront augmenter les inconvénients
.des infiltrations naturelles .... Les retenues d'eau pour les
usines occasionnent de nombreuses infiltrations qui gâtent
beaucoup de prairies avoisinantes. Entre la couche perméable
et imperméable de la tene, il arrive toujours un point d'où
l'cau sort. L'article additionnel s'accorde donc parfaitement
avec la loi, et je dis qu'il en est le complément, car il viendra de suite au secours des inconvénients que la loi va présenter par ces mêmes infiltrations.... La disposition que nous
proposons, loin d'être un hors d'œuvre, est le complément
naturel de la loi actuelle. Il
Enfin, dans son rapport:1 la Chambre des Pairs, lp, 26 mars
�604
2,0
TRMTÉ
Après l'amélioration acq.uise par le desséche-
18115 (Mon., pag. 735), M. Passy s'exprimait ainsi sur l'article
qui nous occupe: " Ni dans la proposition de M. d'Angeville,
» ni dans le travail de la Commission de la Chambre des Dé" putés, ne figurait originairement la disposition qui forme
.. l'art. 3 du projet de loi. C'est à titre d'amendement qu'elle y
.. a obtenu place, et avec beaucoup de raison, à notre avis. Si
" quelque chose, en effet, peut sembler étrange, c'est qu'une
.. telle disposition n'existât pas dans notre législation. Rendre à
" la culture des terrains submergés, ce n'est pas seulement élargir
» les superficies où se produit la richesse territoriale, c'est aussi
" assainir le sol et tarir dans leur ;source des maladies 'et des
" souffrances sous le poids desquelles succombent annuellement
~ de malheureuses populations. Assurément il serait difficile
" d'imaginer une œuvre plus utile et que réclame plus impé.. ri.eusement l'intérêt public. "
Après ce coup d'œil jeté sur l'historique de notre article, ainsi
que sur les motifs qui paraissent en avoir déterminé l'adoption,
et dont l'un cependant est loin d'être exact, comme nous le dirons plus bas, pag. 611 et 612, nous allons passer, selon notre
méthode, à l'examen successif des différents termes qui le COOl'"
posent.
La mtme {aculté de passage, c'est-à-dire le passage de mêmellature, dans .les mêmes circonstances et sous les mêmes conditions et exceptions que celles énumérées aux deux articles précédents. D'où les conséquences:
10 Que le passage pourra être exigé contre le gré du propriétaire traversé. C'est même en cela que consiste le seul effet
de la disposition nouvelle;
2° Que la faculté aecordée ne constitne qu'une simple servitude, et n'emporle pas l'expropriation de la parcelle de terrain
destinée au passage des eaux, ainsi qu'on l'a expliqué suprà,
pa~. 367, 379 et suiv. , et 428, où se trouvent déduits les corollaires de cette proposition, notamment en ce qui concerne la
condition de l'enclave; .
3~ Que cette faculté ne consiste que dans le droit' de faire
�'DU DOMAINE I)UllUC.
605
ment, le fonds reildn à la culture devient, comme
passer les eaux à travers la propriété inférieure pour les conduire
soit dans une rivière, un étang ou ùn marais, soit sur un héritage où elles pourraient être utiles, et où le propriétaire consentirait à les recevoir ( suprà , pag. 434);
4° Que ces eaux ne pourront être déversées sur toute la superficie du fonds inférieur, sauf au maitre de eelui-ei à s'en
débarrasser ensuite, mais qu'elles devront être dirigées dans un
aqueduc, une rigole ou un fossé établis et entretenus aux frais
de celui dans l'intérêt duquel a lieu l'écoulement (suprà, pages
428, 429 et 496) ;
5° Que l'exception ic.'1érée dans le deuxième paragraphe des
deux premiers articles de la loi au profit des maisons, cours,
jardins, parcs êt enclos attenants aux habitations, s'étend également au cas qui nous occupe, et qu'ainsi il y a lieu d'y appliquer ce que nous avons dit Juprà, pag. 418 et suiv.;
6° Que le droit de faire écouler les eaux nuisibles à travers le
fonds d'autrui ne peut être exercé que moyennant les indemnités
actuelles et éventuelles dont il a été parlé pag. 403 à 418, 431
à 435, et 494 à 496 ;
7° Enfin que les dispositions de l'art. 4 de la loi, commentées
ci-dessus pag. 400 à 507, sont en tout applicables au cas de notre
art. 3; dernière conséquence qui résulte aussi de la place qu'elles
occupent, et qu~ confirme en même temps la proposition précédente.
,
Comme on le voit, le mot méme t;mployé au commencement
de rart. 3 a une singulière puissance à laquelle cependant il est
à regretter que le législateur ait cru devoir exclusivement se fier
lorsqu'il lui était si facile d'établir par un renvoi explicite la
corrélation désirée entre cet artiele et les deux précédents.
. Sur les Jonds intermédiaires. Les expressions de Jonds inférieurs de l'art. 2 eussent été plus justes que celles de Jonds intermédiaires empruntées à l'art. 1cr. Ces derniers mots supposent
deux points extrêmes qui sont désignés dans cet article 1 e~: le
�606
l'IUlTt
les autres, passihle de contributions au profit du'
cours d'eau et le fonds à irriguer, tandis qu'ici la loi ne parle
que de l'héritage à assainir, sans indiquer le lieu où les eaux:
seront en définitive déversées.
Au surplus, tout ce que nous avons dit à cet égard, pag.392
à 403, 426 à 42U, 431, et 432 à 4:34, est applicable à l'hypothèse qui nous occupe.
Pourra être accordée. Ici reviennent les observations présentées dans le commentaire des articles qui précèdent, par rapport
au premier de ces mots (pag. 374 à 379, 386 à 389, et 497 à
500).
L'exercice du pouvoir qu'il implique étant déféré, par l'art. 4,
aux tribunaux eivils, et la loi n'ayant apporté ni exceptions aux
espèces de terrains qu'il s'agirait de dessécher, ni limites à leur
étendue, quelques jurisconsultes en ont iuduit que le système
de la loi du 16 septembre 180'7, qui place le desséchement des
marais dans les attributions exclusives de l'administration était
romplétcment changé, et que désormais l'autorité judiciaire
pourrait ordonner celte opération, quoiqu'elle n'ait pas les ressources d'instruction et d'action qui appartiennent au pouvoir
exécutif.
Celte assertion et le reproche qui en découle ne sont fondés
qu'en partie.
Eu effet, la portée de la loi de 1807 est beaucoup plus étendue que celle de l'article qui nous occupe, et par conséquent
continue de subsister au moins pour tout l'excéd~nt.
Non-seulement cette loi donne, par sou nr!. 49, la faculté à ceull
qui veulent dessécher un mnrais, d'exproprier les portions de
terrains nécessaires à l'établissement des canaux et rigoles d'écoulemcnt des eaux, mais elle confère au gouvel'Dement le droit
de forcer au desséchement les propriétaires qui s'y refnsent (ar~
ticle 1er) et de présider à l'opération, et même dans certains cas
de s' elDpaff~r, moyennant indemnité, de lenrs marais (art. 24).
Or, de ces divcrs droils, le premier seul est l'ohjet de llotre
�DU DOMAINE PUBLIC.
607.
trésor public, tandis qu'auparavant il ne ponvait
être frappé qne d'un très· faible impôt.
article, et par conséquent doit seul être exercé par les tribunaux
qui pourront à la vérité procurer les moyens de faire écouler les
eaux, mais qui seront sans qualité, soit pour prescrire un desséchement, soit pour en répartir les frais, soit, en cas de refus du propriétaire, pour le dépouiller de sa chose au nom de l'intérêt public. L'autorité judiciaire viendra bien en aide au propriétaire
qui 'Voudra isolément et avec ses propres ressources soustraire
son fonds à l'action des eaux, mais elle ne le contraindra jamais
soit à exécuter l'opération, soit à le faire concourir aux frais des
travaux, soit à abandonner sa propriété à l'Etat ou à ses concessionnaires. Chaque loi aura donc sa sphère d'action particulière
et applicable à des hypothèses diverses: l'une continuera de
grever la propriété des marais d'une servitude passive de desséchement et d'expropriation; l'autre crée, au contraire, à son
profit une servitude active d'écoulement des eaux; d'après la
première, le possesseur du marais sera en général défendeur, et
l'intervention de l'autorité aura pour but principal de vaincre sa
résistance et de lui imposer, dans l'intérêt de l'agriculture ou de
la salubrité, l'obligation de changer son mode de jouissance; aux
termes de la seconde, il ne pourra jamais être que demandeur,
et ce sera lui qui viendra dans son intérêt personnel et privé solliciter des tribunaux les moyens d'assainir son fonds, en imposant à ses voisins qui s'y refusent la charge de souffrir l'écoulement des eaux stagnantes.
Cependant comme la loi de 1807 a joint à l'obligation principale
qu'elle impose de dessécher, le droit accessoire et nécessaire de
faire écouler les eaux à travers les fonds inférieurs (droit que
coufèreaussi, mais uniquement, la loi nouvelle), il en résulte que
par rapport à ce dernier point les deux législations sont en contact, et offrent, pour arriver au même but, deux voies parallèles
et distinctes: l'une entièrement administrative, et l'autre exclusivement judiciaire; Je telle sorte que quand le propriétaire
�608
TRAITÉ
0
3 Le desséchement en tarissant la source des
d'un marais ou le~ divers propriétaire~ s'entendant entre eux,
voudront le dessécher, ils pourront, au lieu de recourir aux
formalités longues .et compliquées de la loi de 1807, porter directement leur demande devant les tribunaux civils qui de primeabord leur accorderont le droit d'écoulement dont ils ont besoin
pour mener à fin leur entreprise. Il n'y a donc pas, comme on l'a
dit, aLrogation complète de la législation impériale; dans un
cas seulement il y aura alternative de deux systèmes, et option
entre l'un et l'autre laissée à l'"intérêt privé qui, à raison de la
simplicité et de la promptitude de celui nouvellement créé, ne
manquera pas de le préférer.
Or, on ne peut se dissimuler que, même restreinte à ces termes, l'innovation décrétée ne soit extrêmement grave, et ne
mérite les reproches que nous avons adressés slprà, pag.386
et suiv., au principe de substitution de l'action du pouvoir judiciaire à celle du pouvoir administratif dans les opérations auxquelles se rattache intimement l'intérêt public.
En effet, l'esprit de la loi de 1807 était de donner la haute
main au gouvernement sur les entreprises de ce genre; non-seulement les projets devaient être examinés, discutés et corrigés par
ses ingénieurs; non-seulement toutes les considérations d'utilité
ou de dangers pouvaient se produire dans les informations préalables, mais encore le conseil d'Etat; avant d'accorder l'autorisation, devait avoir la conviction tout à la fois des avantàges
que présenterait l'opération et de la possibilité qu'avaient de
l'exécuter convenablement les particuliers ou les compagnies
qui voulaient l'entreprendre.
Ces précautions sont assurément loin d'êlre superflues. Le desséchement d'un marais qui couvre souvent une vasle ~uperficie
de terrain, n'intéresse pas toujours exclusivement le propriétaire :
il peut produire, sous le rapport de l'économie agricole ou industrielle, et surtout sous celui de la saluhrité, des effets qui
s'étendent au loin et affectent toute une conlrée. Le vaste marais
�609
DU DOMAINE l'VIlLIe.
exhalaisons méphitiques (lui élaient répandues par
connu sous le nom de lVlerde Harlem, serait depuis longtemps converti en prairies et terres labourables, si les :!;vantages qu'on en
retirerait avaient paru sans risques, et supérieurs à ceux que
celle espèce de lac procur~ au pays.
D'un autre côté, pour que l'opération, même avantageusement
praticable, puisse être utile, il faut qu'elle soit exécutée avec
habileté, ensemble et promptitude: un marais imparfaitement
desséché, ou dont le desséchement traîne en longueur, est ulle
cause J'insalubrité bien autremeut grave que lorsqu'il est cons~
tamment couvert d'eau.
Enfin lorsque l'entreprise a été mal combinée, ou se trouve
confiée à des mains imprudentes, -combien de ëapitaux peuvent
venir s'y engloutir" -au grand détriment des fortunes privées et
même-du crédit public.
C'était donc une 'sage idée que de confier l'examen de ces
points importants à une autorité qui avait non-seulement la
mission spéciale de les étudier, mais encore tous 1es moyens de
les approfondir et de les résoudre. Comment les tribunaux pournmt-ils s'acquitter de cette tâche qui leur a été virtuellement
transportée? Ils devront, avant d'accorder les moyens de desséchement, juger l'opération, en reconnaissant si elle est possible
et si elle n'est pas dangereuse; et comme depuis leur siége ils
ne pourront rien faire par eux-mêmes, il faudra qu'ils s'en rapportent aveuglément à ce que leur dicteront un Oll trois individus sans caractère public, sans études préalables, et souvent
prévenus ou intéressés. En admettant même qu'ils puissent se
ftlire éclairer par des hommes spéciaux sur les questions d'art
ct sU,r le mérite intriusèque des projets, par qucls moyens et à
l'-aide de quelles investigations légales apprécieront.ils dans un
litige entre deux particuliers, et en l'absence de tout repr€sentant
ou défenseur de l'intérêt public, les considérations extrinsèques
d'économie rurale ou commrrciale et de salubrité qui doivent
avoir une si grande influence en pareil cas? Par quels procédés
'f01l1. IV.
39
�û10
TJlAlTÉ
les eaux stagnantes, procnre la salubriLé de la
contrée.
scruteron!-ils les facultés pécuniaires de l'impétrant, et s'assureront-ils de son aptitude à exécuter son œuvre? Nous ne douIons pas que la conscience qu'ils mettent dans l'accomplissement
de leur devoir ne leur rende bien lourde l'omnipotence dont la
loi nouvelle les a gratifiés.
Ces réflexions font ressortir la tendance que nous croyons remarquer depuis quelque temps dans la législation de réduire
les questions d'intérêt g~néral à la mesure de l'intérêt privé, et,
sons le prétexte de liberté, d'accorder à l'un une prédominance
l)resque absolue sur l'autre. Pe~sonne plus que nous ne rend
lJOmmage au principe si heureusement consacré en 1789 de la
liberté de la propriété, de l'industrie et du commerce, et ne se
félicite de l'abolition des entraves souvent ridicules et toujours
onéreuses qui y avaient été apportées dans des siècles de despotisme et d'ignorance; mais le Lien a aussi ses limites, et comme
le dit le poète de la raison: Sunt denique fines qltas ultrà citràque nequit consistere rectum. Qu'on laisse à chaque citoyen
le droit de disposer de sa chose comme il l'entend lorsque l'usage bon ou mauvais qu'il en fait ne réagit que sur lui, nous le
concevons; mais il en doit être autrement quand la société est
exposée à en souffrir: alors la puissance publique, protectrice
née des droits et des intérêts de tous, doit intervenir et opposer
sa volonté éclairée et prévoyante à celle souvent égoïste et irréfléchie de l'individu; son action n'est fâcheuse que quand,
manquant à sa mission, elle se fait sentir pour favoriser le
monopole et le privilége, ou pour venir cn aide .it la fiscalité.
Ainsi, aut:lIlt nous regardons comme abusives les lois qui, dans
lies vues d'intérêt individuel ou seulement pour augmenter par
llll impot indirect les revenus de l'Etat, imposent l'obligation
ou la prohibition d'exercer certaincs professions, de créer certuins prolluits agricoles ou manufacturiers, de vendre au-dessus
ou au-dessous de certain taux, autant nous pal'aisscnt sagcs et
�'nu DOMAlNE PUBUC.
611
On sent que sous ce triple point de vue les mautiles celles qui, dans Pintérêt général du pays ou d'une de ses
contrées, ne permettent que sous certaiues conditions et avec
<les garanties jugées suffisantes par l'autorité, l'établissement d'usines ou de manufactures insalubres, le défrichement des bois,
Je desséchement de~ marais, etc.
Et comme évidemment les tribunaux ne sont point organisés
pour apprécier convenablement l'opportunité de cette dernière
opération et pour y présider d'une manière utile, nous pensons
que c'est à tort que, par la généralité de ses expressions, notre
art. 3 dont nous reconnaissons d'ailleurs la nécessité dans une
infinité de cas, leur en a confié la direction: quelques mots eussent
suffi pour soustraire les marais proprement dits li son application alors uniquement destinée à combler une lacune fâche~lSe
dans la législation.
Au proprzëtaire. Voyez les explications données SUI' ce mot,
suprà, pag. 365 et 366.
Le Code Sarde dispose, par son art. 627, que si la demande
pour le passage des eaux est limitée à une période qui n'excède
pas neuf ans, l'indemnité ne sera que de la ·moitié de cc qui s~rait
dû, s'il n'y avait pas limitation de temps. Par là il a eu évidemment en vue d'accorder l'exercice du droit au simple fermier,
ce qui a fait dire à M. Nadault de Buffon que c'était" une de
» ces vues parfaitement sages qui, ldtsqu'elles trouvent accès
.. dans une législation, ne manquent jamais d'exercer la plus
Il heureuse influence. » Quoique nous partagions l'avis de ce
savant ingénieur-économiste, nous n'en persistons pas moins li
penser que dans le silence de notre loi, et d'après les principes
en matière de louage, le fermier serait sans qualité pour réclamer de son chef l'exercice de la servitude de passage des· eaux
d'irrigation ou de colature. Il ne pourra que s'adresser à son
,propriétaire.
D'un terrain submergé en tout ou en partie. Pour justifier l'aInendement qu'il avait proposé de concert avec M. Levavasseur,
�612 .
TRAITÉ
rais forment un genre de propriété qui doit êlre
et pour motiver son insertion dans la loi sur les irrigations à laquelle on lui reprochait d'être absolument étranger, M. le député Darblay disait, comme nous l'avons rapporté ci dessus,
pag. 603, que la disposition qui nous occupe ét..1.it le complément
naturel et indispensable de celle de l'art. 1Cr permettant la dérivation des eaux pour l'irrigation, en ce qu'il viendrait de suite
au, secours d,es inconvénients que cet article allait faire lIahre
ail moyen des infiltrations.
Ce raisonnement, très-bon en apparence pour répondre à l'objection, manque complétement de fondement en ce qu'il avait
déjà été décrété par l'art. 2 que le propriétaire qui aurait fait la
dérivation des eaux dans l'intérêt de l'irrigation de son fonds,
devrait conduire à ses frais à travers les héritages inférieurs la
partie non employée pour le but proposé. En admettant celte
réponse, il y aurait entre les art. 2 et 3 une antinomie incontes!:lble résultant de ce que le législ:lteur aurait dit que les eaux
de colature devaiellt être écoulées aux frais exclusifs tout à la
fois du propriétaire qui les aurait amenées, et de celui qui sèrait exposé à en souffl'i.r. Or une semblable inconséquence n'était
pas plus dans l'esprit de la loi qu'elle ne ressort de ses termes.
Vart. 3 ne s'applique lIulIement au cas prévu par l'art. 2 : celui·ci est relatif à l'excédant des eaux d'irrigation dérivées volontairement par l'irriga'1t; l'autre ne concerne, au contraire,
que les eaux nuisibles dont un propriétaire veut se débarrasser,
sans qa'il ait d'action contre personne pour se faire affranchir
de la charge dc les recevoir : car s'il en a une, son intérêt le
portera à l'exercer plulôt que. d'acquérir personnellement le droit
de passage.
Nous avons exposé précédemment, pag. 429, infine, que les
eaux donl on pouvait avoir à se débarrasser devaient être rangées
sous quatre catégories: 10 celles faisant l'objet des art. 640
ct 641 du Code civ. ; 2 0 celles amenées sur le fonds pour son
il'rigalion, cn ycrtu soit de l'art. 1"r de la loi du 29 avril, soit
�DU DOMAINE PUBLIC.
613
soumIS à des 'règles spéciales: c'est pourquoi le
de l'art. 644 du Code civ.; 3° celles qui y sont dérivées pour
d'une usine, d'une manufacture ou autre entreprise industrielle, ou qui y sont produites par ces usines ou manufactures; 4° enfin celles naturelles ou artificielles auxquelles ne serait
pas applicable l'art. 640, parce que la main de l'homme aurait
contribué à leur production ou serait nécessaire pour leur procurer un écoulement. Des explications suffisantes ont été données
par rapport aux deux premières catégories; reste, comme on l'a
annoncé, à présenter quelques observations sur les deux autres.,
1° La loi qui nous occupe ayant été faite exclusivement dans
l'intérêt de l'agriculture, ainsi qu'on l'a répété à satiété dans le
cours de la discussion, on doit en inférer que l'on ne pourra pas
plus se servir de son art. 3 en faveur des usines et manufactures
que de l'art. 1er , quoique cet article 3 ne soit point le corrélatif et le complément de celui-ci. Ainsi on ne pourra avec sun
aide se débarrasser ni des eaux sales ou corrompues sortant d'un
établissement industriel, ni même de celles propres qui auraient
servi à son roulement. L'auteur de l'amendement a eu tort de
citer comme cas d'application de sa ~disposition celui des nomhreuses infiltrations gâtant ~heaucollp de prairies al'oisinantes
qu'occasionnent les retenues d'eau des 'usines.
En effet, s'il s'agit d'usines à établir, l'administration ,. en
fixant le point de retenue, devra prendre ses mesures pour que
les propriétésvoisines n'en soient point incommodées. Si l'usine
était ancienue, ou si, malgré les précautions prises, il y avait encore des infiltrations dommàgeables, alors ou l'administration
interviendra de nouveau pour ramener les eaux à un niveau
convenable, ou les propriétaires lésés auront une action pour se
.faire indemniser du préjudice, et même pour en amener la cessation par des dommages-intérêts coërcitifs, comme on. l'a expliqué suprà, aux nOS 1116,1138 et 1139 (tom. 3, pag. 51~
et suiv., 550 et suiv.), et notamment dans les notes des pages
552 et 555.
Ainsi, le plus ol'llinnirement, ces derniers n'aljront point d'inl'utilit~
�614.
TRAITÉ
gouvernement peut, sous les conJit1ons et avec
térêt à invoquer la disposition nouvelle qui les soumettrait au
paiement d'une indemnité, tandis qu'ils ont une action pour se
faire débarrasser gratuitement des eaux. Il y a plus: c'est que,
si par une cause quelconque ils préféraient user de son bénéfice,
les propriétaires inférieurs contre lesquels ils réclameraient le
passage seraient fondés à s'y opposer, en les renvoyant il se
pourvoir contre le maître de l'usine, cause du dommage, soit
par voie de tierce-opposition à l'ordonnance royale de fixation
du point de retenue (arrêt du conseil d'Etat du 28 avril 1824;
- M. Cormenin, Quest. adm.,3e édit., tom. 2, pag. 27), soit
par voie judiciaire, ainsi qu'il vient d'être dit.
Cependant si ces propriétaires inondés n'étaient plng il même
d'agir contre l'usinier, soit parce que les deux fonds proviendraient originairement du même auteur, soit parce qu'un trop
long espace de temps se serait écoulé, soit parce qu'ils auraient
été anciennement indemnisés, soit enfin parce qu'il~ auraient
succombé définitivement dans leur demande contre lui, nous
pensons qu'ils pourraient alors exiger le passage à titre de servitude autorisé par notre art. 3. Il est bien vrai que dans ces divers
cas on pourrait exciper contre eux de leur négligence ou du con...
sentement exprès ou tacite qu'ils auraient donné, et leur dire :
Qui damnum suil culpa sentit, sentire non 'Vide/ur; m:lis il ne
faut pas perdre de vue que la loi qui nous occupe n'est pas seulement d'intérêt privé, qu'elle a été principalement décrétée en
favenr de l'agriculture et de la société en général intéressée à ce
que les terrains ne restent pas improductifs et ne deviennent pas,
par la stagnation des eaux, un foyer d'émanations dangereuses. Il
n'y a donc pas lieu d'accueillir rigoureusement contre eux, au
préjudic,tl de la chose publique, une fin de non recevoir que l'on
devrait admettre dans toute autre circonstance, si l'intérêt privé
était uniquement en jeu.
Le seul point que les tribunaux auront en pareil cas à rechercher, est si l'impossibilité légale dans laquelle se trouveront les.
�DU' DOMAINE PUBLIC.
615
l'emploi des formes détel'minées pal' les lois, en
propriétaires inondés d'agir contre le maître de l'usine qui les
inonde n'est pas le résultat d'une collusion entre eux, et si ce
n'est pas dans le but de lui faciliter les moyens d'exhausser outre mesure le niveau de ses eaux, 'qu'ils ont renoncé expressément ou tacitement, directement ou par voie détournée, à se
plaindre à son égard de l'inondation qu'ils éprouvent, pour ensuite se procurer vis-à-vis leurs voisins inférieurs les moyens de
la faire cesser. Il ne faut pas qu'à l'aide de la loi nouvelle rendue dans le seul intérêt de l'agriculture, les propriétaires d'usines parviennent à obtenir, même moyennant indemnité, une
servitude qui n'a point ét(établie en leur faveur. Le pouvoir
discrétionnaire dont les magistrats sont armés par l'art. 4, leur
fournira les moyens de déjouer ce genre:de fraude à la loi.
Ce que l'on vient de dire des usines et manufactures est également applicable aux canaux de navigation dans les points où
ils sont construits en remblais, ainsi qu'il est expliqué ci-dessus,
nO 1563. Le gouvernement oil les compagnies ne pourront
user de l'art. 3 pour procurer l'écoulement des eaux qui s'cn
échapperaient par infiltration sur les propriétés voisines. La voie
de l'expropriation en vertu de la loi du 3 mai 1841 , leur sera
seule ouverte pour acquérir les terrains nécessaires à l'établissement de contre·fossés ou de rigoles de décharge.
Il en serait autrement des fossés ou canaux destinés à l'assainissement d'un territoire, parce que, creusés déjà eux-mêmes
dans l'intérêt de l'agriculture, les rigoles accessoires tendantes
à recevoir les eaux qui peuvent en provenir et à leur faire ainsi
remplir plu3 complétement le but de leur création rentrent éminemment dans le vœu de la loi.
2° Du moment que, d'après tout ce qui précède, la servitudc
autorisée par notre article 3 n'est ou même ne peut être applicable ni aux eaux pluviales ou de sources à l'écoulement desqueUes ont pourvu les art. 640 et 641 du Cod. civ., ni à celles
dérivées pour l'il'l'igation. en vertu de)'art. 1er , et dont s'occupe
�616
l'JtA!T~
ordonner le desséchement, et il
le
peut saris que·
spécialement l'art. 2, ni îl celles provenant d'usines ou de'
manufactures que nous venons de démontrer avoir été exceptée~.
du bénéfiee.de la loi, on peut se demander dans quel cas il y
aura donc lieu d'en réclamer l'exercice.
Sans prétendre passer ici en revue toutes les hypothèses, il est
facile d'en indiqullr plusieurs.
La première qui se présente est celle d'un marais que le propriétaire ou les propriétaires, d'un commun accord, voudront
dessécher sans recourir aux formes lentes et multipliées de la
loi de 1807; les mots submergés en tout ou en partie ne peuvent
laisser aucun doute à cet égard: un fonds submergé en totalité
et habih\ellement, car la loi ne fait aucune distinction, 'n'est
rien autre chose qu'un marais. Le législateur n'ayant d'ailleurs
pas fixé l'étendue du terrain à assainir, il s'ensuit que pour les
plus grands comme pour les plus petits marais, on pourra user
du bénéfice de la disposition qu'il a décrétée·.
On pourra également l'invoquer pour faire écouler les eaux:
provenant d'inondations périodiques ou d'infiltrations d'une
rivière, et que l'on ne peut rendre à son lit vis-à-vis la propriété Oll elles se sont répandues par suite de l'exhaussement successifdu fond et des bo.rds de ce lit au.dessus du thalweg, comme
on en voit d'assez fréquents exemples (note sons le nO 1445,
suprà> pag.353).
Il en sera de même pour les eaux pluviales qui s'accumulent
sur certains fonds bas et dont le sol est imperméable. L'art. 640
du Code ci~'. serait impuissant pour en débarrasser, en ce qu'il
n'est applicable qu'au cas où par l'effet de la düposition des lieux
elles peuvent s'écouler naturellement à la surface sans que la
main de l'homme y ait contribué.
Souvent, salis rester apparentes à la superficie, ces' eaux
abreuvent la première couche du sol au-dessoU3 de laquelle
existe un lit de marne ou de glaise qui s'oppose :\ leur absOJ"ptiQn, ce qui fait que les plantes y pourrissent ou s'y détériorent.
�DU DOMÂINR PUBLIC.
G17
les propriétaires soien t recevables à s'y opposer,
Pour détruire la cause de cette humidité pernicieuse, on pourra
creuser des fossés profonds dont on sera fondé à faire rcouler le
contenu au moyen de rigoles ou d'aqueducs pratiqués dans les
héritages voisins.
Nous avons dit, vers la fin de la note sous lc na 1339,
suprà> page 196, que celui qui pratiquait dans son fonds un
puits artésien, ne pouvait contraindre son voisin à recevoir l'eau
qui enjaillissait. Cette décision était parfaitement exacte au moment où nous la donnions. Aujourd'hui !10tre article 3 fournira
le moyen de se débarrasser de ces eaux pour peu que le forage'
du puits se rattache à l'irrigation. Ce cas reutrera alors dans
l'application plutôt de l'article 2 que de celui que nous examinons.
Quoique la submersion à laquelle ce dernier article a voulu
remédier, doive provenir d'une cause naturelle et indépendante
du fait ou de la volonté soit de celui qui en souffre, soit d'un
tiers contre lequel ce dernier aurait une action pour la faire'
cesser, nous pensons que l'on pourra user· de la servitude forcée
d'écoulement pour dessécher un étang, bien que les eaux y aient
été réunies à. main d'homme, et que donnant elles-mêmes un
produit, on ne puisse guère les qualifier de nuisibles. En elfet,
comme le terrain occupé par les étangs pourrait en général être'
rendu avec 'avantage à l'agriculture et que l'existence de ces
amas d'eau stagnante ne sont pas sans danger pour la santé
publique, leur dessrchement nous paraît, comme celui des marais naturels, rcntrer éminemment dans le vœu de· notre article 3.
Il. ya plus de doute sùr le point de savoir si ses dispositions
'Viendraient également en aide au propriétaire dont les bâtiments
et surtout les caves seraient périodiquement inondés. M. Garnier
qui, dans son Commentaire de la loi du 29 avril, se pose aussi
la question, la résout en ces termes, page 32: Cl La loi ne par.. lant quc dé terrain SUhl)1Urgé ën tout ou en partie, il serait
�618
Tl\AITÉ
parce que c'est une conséquence du pacte social
bien difficile d'en étendre les dispositions aux Mtiments. On
peut concevoir que, d'après les dispositions des lieux, le toit
li ou les étages supérieurs soient quelquefois gravement incom» modés par les eaux, sans que le sol ou le terrain sur lequel
» le bâtiment est construit soit atteint. D'autres fois il pourm
» arriver que la partie inférieure, le rez-de-chaussée du bâti» ment sera atteint par les eaux, et alors la disposition légale
,. deviendra applicable. Il Cette distiucti'ou ne nous paraît guère
fondée, et la première hypothèse qu'elle prévoit, celle d'une
inondation des étages supé~ieurs pendant que le sol reste à sec,
est tout-à-fait impossible. Quant à nous, nous pensons que, bien
que la loi nouvelle ait été rendue principalement dans l'intérêt
de l'agriculture, et que, par sou insertion au nombre de ses dispositions, l'amendement de MM. Levavasseur et Darblay ait
revêtu son caractère spécial malgré la généralité des termes
dans lesquels il est conçu, il y aurait une excessive rigueur à
en refuser le bénéfice an propriétaire d'un bâtiment inondé qui
n'aurait pas d'autre moyen de se débarrasser des eaux qui l'incommodent.
- Après les explications qui précèdent sur la nature et les
espèces de terrains submergés en faveur desquels peut être réclamée l'application de l'article 3, il ne nous reste plus à uous
expliquer que sur deux points : leur étendue et la durée de
l'inondation.
Les mots en tout Olt en partie ne peuvent laisser aucun doute
sur le premier. La loi n'a point assigné de limites, de telle sorte
que, n'y eût-il qu'une très-petite portion d'un héritage couverte
par les eaux, le propriétaire serait recevable à s'en procurer
l'assainissement. Toutefois ce droit est toujours subordonné au
pouvoir discrétionnaire des tribunaux qui, en verlu de l'arl. 4,
lturont à examiner si l'avantage que l'on cspère obtcnir ne sera
pas au-ùessollS de la charge que l'on devra imposer aux fonds
voisins. Il ne faut pas perdre Je vue que lcs magistrats sout ici
li
»
�DU DOMAINE PUBLIC.
619
qne le droit de propriété privée, quelque sacré qu'it
soit, reste néanmoins subordonné aux exigences de
,. genera.
"
)
l ,·mteret
Ainsi les marais, quoîq~c propriétés particn.
lières, ne sont pas, comme les fonds ordinaires,
entièrement libres dans la main de leurs maîtres,
et le gouvernement peut en disposer jusqu'à un
certain point, en se conformant aux règles consacrées sur cette matière. Ses droits sont inême tels
à cet égard, qu'il ne serait pas loisible aux proprié.
investis de 'la faculté d'apprécier l'opération sous le rapport
économique et d'intérêt public. C'est une mission plutôt administrative que véritablement judiciaire qui leur a été confiée.
Quant à la durée de l'inondation, il ne sera pas néce~saire
qu'elle soit continuelle, ni même qu'elle se prolonge pendant
une partie notable de l'année. Il suffira qu'elle cause un dommage et nuise à l'agriculture. Nous pensons même qu'une inondation accidentelle motiverait as~ez la demande, et que l'on ne
pourrait refuser à celui qui l'éprouve les moyens de se débarrasser des eaux dont le séjour rendrait son fonds improductif
pendant un temps plus ou moins long. Dans ce cas l'indemnité
ne consisterait que dans une somme une fois payée, et dans la
réparation des dégradations occasionnées par l'établissement de
la rigole d'écoulement. C'est encore là un cas abandonné au
libre arhitre des tribunaux.
A l'effet de procurer aux eaux nuisiblej leur écoulemenl.
Il faut que ces eaux soient dans leur état naturel: le propriétaire qui s'en débarrasse ne pourrait les salir et les charger de
substancesétrangères:nuisibles soit aux plantes, soit aux animaux;
il ne pourrait, par exemple, y faire rouir du chanvre, y laver
du; linge ou d'autres objets, etc. - Voyez au surplus, sur la
manière dont l'écoulement doit avoir lieu , le~ observations présentées sur l'article 2, mprà, pag. 426 et suiv.
�620
l'll.AlTÉ
taires. d'entreprendre le desséchement de ceux qui
leur appartiennent sans la permission du souverain.,
1585. Henri IV est le premier de nos rois qui
ait publié des lois pour contraindre au llesséchement des marais. Il y a eu aussi diverses o~Jon
Dances portées par ses successeurs, et plusieDl's ar~
rêts de l'ancien conseil d'Etat, rendus sur le mêm~
objet (a). Mais laleCll1l'e de ces réglements n'cst
(a) L'édit du Havril 1599 ,dont le préambule décèle les sentiments de bonté de son allteur, offre des vues de législation
fort élevées. Il donne aux propriétaires de marais l'option d'en
faire le desséchement ou de l'abandonner à des entrepreneurs et
de conserver le sol après l'opération à la charge d'en payer la
valeur à ces derniers sous la déduction d'un ci~quième.
Il oblige l'entrepreneur à diriger par ses avis et son concours,
moyennant honoraires, le propriétaire qui voudrai'! lui-même
opérer le desséehement; et si ce dernier ne veut pas conserver le
terrain, l'entrepreneur devra lui en payer la valeur d'après estimation sans réduction.
.
Les entrepreneurs sont obligés de conserver les mal'ais pendant trois années si les propriétaires n'ont pas consenti à les reprendre. Dans ce àcmier cas, la propriété en est abandonnée
franche et libre de toutes charges et droits antérieurs.
Un second édit du mois de janvier 1607 urdonne le desséchement des marais dépendant du domaine, pour, par les entrepreneurs de cette opération ou leurs ayant-cause, en jouir soit
noblement en fief et en toute justice, soit, à leur gré, en censive
ct roture.
l\lalgré les avantages offerts aux concessionnaires, il ne s'en
présenta qu'un seul dont la capacité et les facultés répondissent
aux vues du Roi, c'était un Hollandais appelé Humbert Bradleï,
']1Ii fut investi de la charge de matire des digues de France.
Depuis le règnc d'Henri IV, le desséchement des marais n'a
�,.
DU DOMAINE pUIIue.
621
plus guère propre qu'à nous faire connahre l'histoire des imhienses difficultés qu'on t toujours
éprouvées les entreprises des travaux de desséche.
ment, er leu,r ét~de ne peut être que de peu d'utilité, attendu que, quant an fond de leurs dispositions, ils' sont tombés en désuétude, ou ont été
abolis par d'autres plus récents.
Il n'y a plus sllr celte matière qlle deux lois
\
plus été qu'une source d'abus et un moyen de faveurs. Cepèndant l'édit du 14 juin 1764 avait essayé d'apporter un remède
au mal en rétablissant les propriétaires de marais dans leurs droits
primitifs, et en les exem ptant pendant 20 anuées de l'impôt sur
ceux qu'ils aur;ient desséchés.
Toutefois dans l'intervalle on trouve encore quelques mesures législatives locales dont voici l'indication sommaire:
Arrêts du Conseil des 5 mai et 10 juillet 1750, 28 octobre
1771 , 9 mai 1773 et 26 octobre 1777, relatifs au partage et
à l'aliénation des marais et landes des communautés d'habitants
des généralités d'Auch et de Pau.
Edit en 8 articles.de juin 1762, enregist~é le 6 juillet suivant
au Parlement de Metz pour les trois évêchés.
Autre édit en 10 articles de janvier 1774, enregistré au Parlement de Dijon le 3 juillet 1782, en ce qui concerne la Bourgogne et les pays qui en dépendent.
Lettres-patentes en 19 articles du 27 mars 1777 , enregistrées
au Parlement de Douai le 14 novembre suivant, relatives à la
Flandre gallicane.
Autres lettres-patentes en 3 articles du 13 novembre 1779 ,
e.nre~istrées au Parlement de Paris le 25 du même mois, données pour le partage et le défrichement ûes marais d'Artois.
Il existe encore sur le même objet un arrêt du Conseil ùu
22 octobre 1t>11 et des déclarations du Roi des 5 juillet et 19
oel9bre 1613, 12 avril 1639 et20 juillet 1663.
�622
TRAITÉ
nous ayons à nous occuper: l'une de l'Assemblée constituante, en Jale du 5 janvier 1791,
et l'autre de l'Empire, du 16 seplembre 1807 Ca).
JOl1t
(a) En présentant les motifs de cette dernière loi, l'orateur
du gouvernement, M. Montalivet, conseiller d'Etat et directeur des ponts et chaussées, signalait les vices de la législation précédente et expliqtiait les causes de son inefficacité ainsi
qu'il suit:
« Depuis plusieurs siecles on ne conteste plus la grande utilité des desséchements, mais il est nécessaire, pour les effectuer,
de concilier des intérêts tellement divers en apparence, qu'on
ne saurait être surpris, hien que toutes les tentatives déjà faites
ne soient pas restées sans quelques résultats, qu'elles aient
manqué du moins l'objet général que l'on s'était proposé.
» Parmi les causes du peu de succès qu'ont obtenu les lois
rendues depuis Henri IV jusqu'à la révolution, on a pu compter la résistance de! grands corps de l'Etat et de quelques propriétaires puissants; mais ces obstacles avaient disparu, et cependant la loi de 1791 n'a point eu les heureux effets dont s'étaient
fla ttés ses auteurs.
» Un défaut Çie succès si constant annonçait Un vice originaire qu'il était essentiel de découvrir pour le faire disparaître.
D'une part, on n'avait pas assez respecté la propriété; de l'autre,
les propriétaires avaient trop ignoré que la possession des marais
doit être assujettie à des règles particulières.
» Dans le système des lois les plus anciennes, la moitié des
fonds desséchés a dû être délaissée à l'entrepreneur du desséchement; peu importait qu'il convint au propriétaire de garder la
totalité de ses terres, que l'amélioration n'eût été que d'une trèslégère importance; cNte inflexible proportion de la moitié ne se
modifiait par aucun motif de convenance, par aucune règle de
justice. Les nombreuses difficultés survenues entre les concessionnaires dc desséchement.s et les propriétaires de marais, forcèrent à chercher d'autres moyens.
» Dès le commencement du 17" siècle, on autorisa les en-
�DU nmfAINE PUBLIC.
623
Celles qui les ont précédées peuvent bien encore
nous donner des leçons d'expérience; mais c'est
tout ce que nous en pouvons til'cr.
trepreneurs de desséchements à exproprier les possesseurs en leur
payant le prix des marais à dessécher. Mais c'était heurter plus
directement encore toutes les habitudes, tous les droits de la propriété j c'était donner de nouvelles armes à'tous les genres derésistance. Le petit propriétaire dépossédé se voyait sans asile; il était
sûr de trouver un appui chez le propriétaire plus considérable,
qui, froissé. dans ses propres 'intérêts, couvrait sa défense du
prétexte honorable de soutenir la faiblesse opprimée.
" D'ailleurs, quelle fortune ne fallait-il pas à un entrepreneur de desséchements pour dépenser en prix d'acquisition de
grands capitaux au moment même où il avait besoin de toutes
ses ressources pour l'exécution des travaux?
" Ce faux principe de l'expropriation préalable a été.de nou·
veau consacré par la loi de 1791 j ainsi un remède extrême,
une ressource dernière qu'il peut être utile de se réserver pour
punir une résistance coupable, était devenu la base fondamentale du système.
" La loi de 1791 mettait toutes les mesures d'exécution dans
les mains d'assemblées délibérantes j l'Assemblée nationale ellemême devait nécessairement intervenir dans chaque entreprise
où des biens dépendants du domaine étaient intéressés. On n'avait pas fait encore l'expérience de l'impossibilité d'obtenir de
prompts résultats par de semblables moyens.
" Cependant cinq à six cent mille hectares de marais continuaient de diminucr la population et le sol cultivable de la
France.
" Le chef du gouvernement a fixé son attention sur cet état
de choses; dès-lors il a dû changer. Déjà de grands travaux
sont entrepris aux frais de l'Etat; les marais du Cotentin, ceux
de Rochefort, ceux d'Arles, se dessèchent.l)es concessions particlllièl'es assurent les mêmes améliorations am marais d'Aigues.
�624'
TRAITÉ
Quoique la loi de 1791 ait été beaucoup modi-.
fiée par celle de 1807, qui en a changé le système
. prédominant, néanmoins il est reconnu qu'elle n'a
point été entièrement abl'Ogée par la seeonde" et
Mortes et de Bourgoin. L'étang de Marseillette a dispnru; de
riches moissons croissent où l'on voyait se; enux. S. M. veut
que toutes les parties de la France participent à de si grandi
bienfaits. "
Le but que se proposait le législateur de 1807 a-t-il été compIétement atteint. 1\'1. Proudhon, après avoir indiqué, comme
M. Montalivet, les imperfections de la législation antérieure
(inJi'à, nOS 1616 et suivants), élève à cet égard des doutes qui
1I0US paraissent fondés (no 1620).
.
L'intitulé: Loi relativë au desSéchement des marais, donllé
dnns le Bulletin des Lois à la loi du 16 septembre 1807, est
loin d'indiquer toules les matières qu'elle embrasse; elle eût été
mieux qualifiée d~ Loi sur les N'avaux d'utilité puMique. En
effet, des 12 titres div isés en 58 nrticles qui la composent, 8
titres, compreunnt 34 articles, sont seuls spécialement relatifs à .
ce desséchement. Les titres VII, VIII, IX et XI (24 art.) s'occupent des travaux de navigation, des routes, des ponts, des
rues, places et quais dans les villes J des digues J des travaux
de salubrité dans les communes J - des travaux de route et de
navigation relatifS à l'exploitation des forêts et minières J - de
la concession des dil'ers objets dépendant du domaine J - et des
indemnités revenant aux propriétaires pour occupation de te~.
rains, suppression d'usines, alignements, prise de matér~aux ,
ninsi que des expertises; c'est dans ce dernier titrG que se trouvent les art. 49,50, 51 , 52, 53, 54, 55, 56 et 57 si souvent
invoqués, et dont le commentaire a été donné suprà J nOS 391
à 530 (tom. 1er , pag. 533 li 605), 543 il 552.ctom. 2, pag.
273 à 287), et 577 (même,tom. 2, pag. 460 à 774, et particulièrement pag. 482 et suiv., 490 et suiv., 624 ct suiv., 631
ft suiv., 666 et suiv.).
�nu DOMâlNE PUBLIC.
625
.,
e ,est par cette raIson
qu on trouve l' unc et l' autre
visées en tête du décret du 25 mai l~h], rendu
pour la concession du desséchement des marais de
la vallée d'Authie.
Aussi en présentantl'analyse de la dernière, nous
y rallacherons les dispositions non abolies de la
première.
1586. Au reste nous n'entendons pas donner
ici un état des nombreux marais qui existent en
France, et démontrer les grands avan tages qui,
sous le rapport de l'agriculture et de la procluction,
résulteraient de lenr desséchement. Nous nous
proposons encore moins d'exposcr les moyens à
suivre pour rendre les travaux d'une exécution plus
convenahle et plus sûre, ou pour les effectuer de la
manière]a moins dispendieusc; ni à plus forte raison d'expliquer la théorie de pareilles opérations:
le développement de ces divers points pourrait former le sujet d'un utile traité d'économie publique
et industrielle; mais il serait aussi étranger à nos
connaissances qu'au but de notre travail.
Nous ne nous occuperons donc des marais que
dans leur rapport avec le droit; et, comme les biens
sollt civilement distingués par la diversité des
règles qui les gouvernent, nous croyons que notre
tâche à c~t ~gard sera suffisamment remplie par
l'exposition succincte des dispositions législatives
ct toutes spéciales auxquelles est soumise la propriété des marais, ainsi que des modifications
TOM.
IV.
�626
TllAITÉ
qu'elle souffre, lorsque le desséchement est 01'donué par le gouvernement.
Pour arriver à ce but, nous diviserons ce chapi.tre en huit sections ayant pourobjet l'exposé:
La première, de la marche à suivre pour obtenir
la concession d'un desséchement de marais;
La seconde,de la nature de l'acte de concession;
La troisième, des mesures préalables ou préparatoires à l'exécution du desséchement ;
La quatrième, des formalités avec lesquelles la
vérification et la réception des travaux doivent
être faites;
) La cinquième, des moyens prescrits après le desséchement pour parvenir à la répartition et à la
'1ixaLion de l'indemnité due aux entrepreneurs;
La sixième, de l'indemnité spéciale et de sa liquidation ;
.
La septième, de la nature propre des canaux de
desséchement ;
Enfin la huitième, de la compétence des autorités qui ont à s'occuper de cette matière.
SECTION PREMIERE.
De la manière dont on doit agir pour demander la concession
d'un desséchement de marais.
1587. l,a demande doit être formée par un
mémoire explicatif de tout ce qui concerne son
objet; il faut y joindre les pièces et documents
Jont ou parlera ci-après, et adresser le tout au
préfet du département ou au directeur général des
ponts et chaussées; ce dernier parti doit être pré-
�DU DOMAINE PUBLIC.
627
féré lorsqu'il s'agit de marais situés dans plusieurs
départements.
C'est par l'intermédiaire de ces premiers agents
de l'administration que la pétition doit parvenir
au ministre et au conseil d'état du Roi.
1588. Quant au fond, et pour se pénétrer des
principaux documents d'instruction préalables à
fournir au gouvernement en cette circonstance, il
n'y a ici que deux idées mères à bien saisir.
La première ~ c'est que dans le système actuel
de notre législation, l'indem nité à réclamer par
l'entrepreneur après la réception de ses travaux ne
doit être qu'une quote part, telle que les trois cinquièmes, la moitié, le tiers ou le quart, plus ou
moins, du montant estimatif de la plus-value du
terrain après le desséchement.
La secondè ~ c'est que cette quote part doitêtre
fixée d'avance par l'acte même de concession (1).
Il résl,llte de là que pour que le gouvernement
soit mis à portée de prononcer en connaissance
de cause sur la demande qui lui est adressée, il
faut qu'il soit instruit, autant que possible, d'une
part, de toutes les circonstances propres à lui faire
apprécier par prévision l'importance de l'amélioration· foncière qui scra l'effet du dcsséchement ; et
d'un autre côté aussi Je la valcnr par aperçu des'
travaux à exécuter et des autres charges qui pèsel'on!, sur l'entrepreneur.
(1) Voy. l'article 20 de la loi
d.ll
16 septembre 1807.
�628
TRAITÉ
1589. Les documents préliminaires dont ils'agit ne peuvent jamais être hien certains, parce
qu'il ya toujours heaucoup d'aléatoire dans les entreprises de cette nature; mais quoiqu'ils ne soient
qu'a pproximatifs da ns leurs résulta ts, malgré l'exactitude que l'on doit mettre à les recueillir, ils n'en
sont pas moins indispensahles pour pouvoir fixer,
à tout événement, le prix de la convention.
Qu'un individu, par exemple, demande le desséchement d'un marais à opérer pour les trois cinquièmes ou la moitié de la mieux-value qui en ré·
sultera, il ne manquera pas d'exposer dans son
mémoire les grandes dépenses que doit entraîner
l'entreprise comparativement à la portion d'amélioration qui devra lui servir de remboursement:
il faut donc que, pour statuer en connaissance
de cause, le gouvernement puisse juger le plus ap-'
proximativemeut possible, de l'étendue de la récompense demandée et de l'importance des difficultés à vai~e pour l'ohtenir , ainsi que des charges
qui seront à supporter pour arriver à une entière
, .
exccutlOn.
Afin de parvenir au hut désiré, le pétitionnaire
doit d'abord présenter à l'appui de sa demande un
plan des lieux, levé à ses frais, sauf à en recevoil'le
remboursement au cas qu'il vienne à être évincé
par un autre entrepreneur qui lui serait préfêré à
raison de sa qualité de propriétaire, ou de ce qu'il
offr~rait d'exécuter les travaux pOUl' nn prix moinS
~Ievé.
�DU DOMAIl'iE PUBLIC.
629
1590. Mais, pour écarter tous les obstacles
qu'on pourrait rencontrer dans cette opération qui
se pratique sur le terrain, il faut obtenir préabblement du préfet l~aQtorisation de la faire, afin que
les propriétaires ne puissent s'y opposer.
Ce plan dressé par les ingénieurs des ponts et
chaussées, ou vérifié et approuvé par eux, doit comprendre tous les terrains qui profiteront du desséchement, avec l'indication des variations qn'ils
peuvent offrir dans leurs détails, la distinction de
chaque propriété, et sa contenance exacte, ainsi
que la cote de tous les profils de nivellement nécessaires à son intelligence (1).
A vue de ce document, le gouvernement pourra
déjà juger de l'importance de l'opération par l'étendue de la contrée que l'on veut assainir, et par
conséquen t prévoir aussi, par approximation, quelle
pourra être la valeur de la quote part d'amélioration
réclamée rar l'en trepreneur.
.
1591. D'un autre côté, pour avoir un aperçu
aussi juste que possible du prix des travaux à exécuter, et des délais qu'on doit raisonnablement
accorder pour les terminer, il faut que le pétitionnaire produise encore, à l'appui de son mémoire,
l,lne reconnaissance vérifiée et approuvée par les
ingénieurs des ponts et chaussées, on que le gouvernement ordonne à ceux-ci de lui faire uu rapport
~e
(1) Voy. l'art. 6 de la loi du 16 septembre 1807, bullet. t. 7,
série, nO, 162.
�630
TRAITÉ
constatant les obstacles qu'offre la nature des lieux,
et qui seront à vaincre pour parvenir au desséche.
ment, ainsi que l'estimation des dépenses qu'entraînera l'exécution du projet.
1592. Il Y a aussi des charges imposées par la
loi à l'entrepreneur, et qui, devant entrer en ligne
de compte dans la fixation de la récompense qui
lui sera due, sont par cela même à prévoir dès leprmclpe.
L'entrepreneur doit indemniser d'avance, et à
dire d'experts, les propriétaires riverains pour les
divers dommages qu'ils épronveront des travaux,
et leur donner à_cet égard une caution solvable,
dont la décharge n'aura lien qu'après le ressuie·
nient total des marais (1). Il doit indemniser aussi
et préalablement ceux dont les terrains seront pris
pour le passage des eaux ou pour toute autl'e cause
relative au desséchement, de même que les propriétaires de digues, usines et moulins qu'il serait
nécessaire de supprimer (2).
Il faut donc que le gouvernement se procure ou
contrôle, par les rapports de ses agents, l'évaluation
de ces différentes charges dont l'eBtrepreneur doit
être indemnisé.
1593. Ces renseignements préalables obtenus,
il faut encore, avant ùe traiter avec le pétitionnaire,
,
1ron t
s,assurer que d' autres personnes ne se prevauc
(1) Voy. l'art. 8 de la loi dn 5 janvier 1791.
(2) Voy. l'art. 12 de la même loi, et encore l'art. 48 de celle'
du 16 septembre 1807.
�631
DU DOl\IAINE PUBLIC.
pas du droit de préférence que leur donnerait leur
qualité de propriétaire et le chiffrc de leur soumission, aux termes des art. 3 et 4 de la loi du 16 septembre 1807, ainsi conçus:
ART. 3. cc Lorsqu'un marais appartiendra à un
» seul propriétaire, ou lorsque tous les proprié» taires seront réunis, la concession du desséche);) ment leur sera toujours accordée, s'ils se sou» mettent à l'exécuter dans les délnis fixés, et
» conformément aux ~plans adoptés par le gouver» nement.»
ART. 4. cc Lorsqu'un màrais apparticndra à un
» propriétaire ou à unc réunion de propriétaires
» qui ne se soumettront pas à le desséchCl' dans les
» délais et selon les plans adoptés, ou qui n'cxé» cuteront pas les conditions auxqueHes ils se se;»
l'ont soumis; lorsque les propriétaires ne seront
» pas tous réunis; lorsque, parmi lesdits proprié» taires, il y aura une ou plusieurs communes, la
» concession du desséchement aura lieu en/a» veurdes COTlcessionnaires dont la soumission
» sera ;ugée la plus avantageuse par le gouver.
» nementj celles qui seraient faites par des corn» munes propriétaires, QU par uu certain nombre
» de propriétaires réunis, seront préférées à con» dition(égales. "
1594-. On voit, par la disposition de ce dernier
article, que la préférence est dne non-seulement
aux propriétaires, mais encore à tout atttre entrepreneur qui offrirait d'exécnter les travaux avec
•
�632
TIlAll'Ê
antant Je sûreté et il plus bas prix que le premier
pétitionnaire: la concession, en effet, constitue un
acte de haute tutelle que le gouvemement ne doit
exercer que dans l'intérêt des propriétaires du
maraIS.
Mais, pour provoquer' cette concurrence, dans
laquelle la pl'éfërence peut être demandée soit par
les propriétaires, en se soumettant aux mêmes conditions que le pétitionnaire, soit par d'autres entrepreneurs qui offriraient d'exécuter les travaux
à de meilleures con<1itions, il faut que le projet soit
J'cndu public avant de solliciter la concession de la
part du gou vememen t, qui ne doitl"accorder qu'en
connaissance de cause, et seulement à cc1ui ou
ceux auxquels la préférence peut être due.
A cette fin le projet doit être déposé, au moins
pendant un mois Ca), au secrétariat de la préfecture du départemeÎlt, et le préfet en avertit le puhlic par des affiches placardées dans toutes les
communes de la situation, pour que les divers intéressés puissent en prendre connaissance et agir
ainsi qu'ils aviseront.
SECTION II.
De la nature de l'acte de concession.
1595.
L'acte de concession consiste dans une
(a) Ce délai, qui n'est pas prescrit par la loi, ne résulte que de
l'usage. Pour adjuger un desséchem"nt, l'art. 7 de la loi de 1791
exigeait trois publications de quinzaine en quinzaine. (Va.v. la
juriJprudencc adml'nùtratllJe par M. Chevalier).
�DU DOMAINE PUBLIC.
633
ordonnance du roi rendue en conseil d'Etat, suivant les formes consacrées pour les décre"ts d'administration publique, par laquelle l'entreprise du
desséchement est adjugée moyennantle prix et aux
conditions qui y sont exprimés.
Nous avons dit plus haut que les marais ne sont
pas, comme les autres fonds, à la libre disposition
de ceux qui les possèdent; ce qui le prouve, c'est
que le gouvernement peut toujours en ordonnel.'
le desséchement lorsqu'il le juge utile ou nécessaire (a), et qu'ii n'est pas permis aux propriétaires
de se livrer à cette opération sans en avoir obtenu
la concession.
A la vérité, chaque fois que des propriétail'es se
soumettent à dessécher leurs marais, et qu'ils justifient de ressources suffisantes pour l'exécution
des travaux, la loi veut que la concession leur soit
accordée de préférence; mais ils ne peuvent toujours mettre la main à l'œuvre de leur propre autorité, par plusieurs raisons également décisives.
Et d'abord, le dessécheruent des marais reconnus
nuisibles à la société, étant prescrit dans un intérêt
public et sans que les pl'opl'iétaires puissent s'y
opposer, il faut qu'il soit ordonné par le gouverne, }.,
l"
1 d' execu,
ment, et rea
Ise COI1l0nnement
aux pans
tion qu'il aura adoptés.
Ca) Voy. entre autres l'ordonnance du 6 septembre 1845,
qui prescrit d'office, pour cause de salubrité, le desséchement de
l'étang du Pourra, près Marseille,
�634
TRAITf:
En second lieu, l'on ne peut opérer le desséche,ment d'un marais sans fouler plus ou moins les
terrains contigus, et sans pratiquer en divers sens,
sur le sol voisin, des canaux destinés à l'écoulement des eaux; il faut donc que l'autorité publique
protège sans cesse les travaux, pour faire lever les
obstacles qui pourraien t, sur tous les points, para··
lyser ou entraver chaque jour l'opération.
L'intervenlÏon du préfet étant souvent requise.
dansl'exécntion, l'acte de concession doit encore
désigner celui de ces fonctionnaires auquel on devra recourir quand le même marais se trouve situé
dans plusieurs départements.
1596. Toutefois il ne faut pas voir dans l'ordonnance de concession un simple acte de la volonté
du prince; elle constitue aussi un vrai contrat sy. nal1agmatique, parce qu'elle en comporte tous les
attributs.
Ce contrat est formé entre, d'une part, le
con~essiOllnaire qui s'oblige à exécuter le desséchemen~, et, d'autre part, les propriétaires du
marais, qui s'engagent à lui payer le prix de ses
travaux.
Peu importe que ces derniers ne paraissent pas
à l'adjudication du desséchement; peu importe
même qu'ils s'y opposent, ils n'en sont pas moins
parties dans la convention, parce que le gouvernement, en vertu de la haute tutelle qu'il exerce, y
figure et y consent pour eux.
Dans le cas d'une expropriation forcée, le pos-
�DU DO!YIAINE PUBLIC.
635
sesseor qui résiste pour conserver son héritage n'en
est pas moins le vendeur quand l'adjudication est
prononcée, parce que la justice a consenti la délivrance en son nom ct pour lui. Il en est de même
dans la concession de desséchement, où le gouvernement stipule au nom et pour les propriétaires
du marais.
1597. Mais il y a surtout contrat entre les
concessionnaires et le gouvernement, en ce que
c'est par des motifS d'utilité générale que celui-ci
traite avec eux et leur impose l'obligation de se
conformer aux conditions prescrites et aux plans
adoptés par l'acte de concession; en sorte que, SOU$
ce rapport, l'objet principal de la convention est
nécessairement l'intérêt public, puisque le gouvernement n'a pas d'antre but, et que c'est là ce qu'il
entend stipuler avec les impétran ts, en un mot,
la fin de l'entreprise.
Ce pacte doit être rangé dans la classe des con ventions aléatoires, attendu que les perles et le
gain qui peuvent en résulter pour le concessionnaire, dépendent beaucoup de circonstances
ou d'accidents futurs et incertains pour ceux qui
traiten t.
1598. Comme contrat, il est susceptible de
recevoi l' l'obligation accessoire du ca ution nemen t;
mais l'entrepreneur doit-il être astreint à fournir
une pareille garan tie?
Pour satisfaire pleinement à cette question, il
faut bien remarquer qu'il y a q.eux espèces d'cn-
�636
TllAlTÉ
gagements souscrits par le concessionnaire ~ l'un;
qui est contracté directement envers l'état, a pour
objetledesséchement même du marais; l'autre est
contracté envers les propriétaires voisins, pour les
indemniser des dommages qui pourraient être causés à leurs fonds par l'exécution des travaux.
En ce qui touche à l'cngagement pris envers
l'Etat pour l'exécution même du desséchement,
nous ne connaissons aucune disposition légale qui
oblige de plein droit l'entrepreneur à fournir un
cautionnement; màis il peut y être soumis par une
chargc de l'acte de concession.
Toutefois la nécessité d'un cautionnement ne
doit être que rarement imposée soità raison des difficultés qu'elle rencon trerait dans son accomplissement, soit par son peu d'utilité dans ses effets.
Et <-l'abord cette condition scrait naturellement
trop difficile à remplir, parce qu'on ne pourrait
presque jamais trouver des propriétaires qui voulussent compromettre leur fortune pour la garantie
d'immenses accidents possibles.
Nous ajoutons que le cautiollnement serait ici
de peu d'utilité: cal' du moment qu'il est de principe en cette matière que l'entrepreneur ne peut
exiger d'indemnité qu'après que les opérations de
desséchemel1t ont été parachevées et reçues, s'il
abandonne son entreprise avant qu'elle soit tenninée, ou s'i~ néglige de l'accomplil~ dans le délai
fixé, ses' travaux seront p~rdus pour lui, ct il suffit
que, par l'acte de concessio~l,l'on ait réservé que,
�DU DOMAINE PUBLIC.
631
dans ce double cas, J'Etat serait substitué en son
lieu et place pour les conduire à leur fin (1).
1599. En ce qui concerne l'obligation contractée envers les propriétaires voisins du marais, de
l~ur payer les dommages résultant soit de ce que la
superficie de leurs fonds aurait été foulée, soit de·
la prise des terrains mêmes pOll!' servir aux canaux
d'écoulement, soit des suppressions d'usines et
autres établissements dont l'exécution du desséchement exigerait le sacrifice, les articles 8 et 12 de
la loi du 5 janvier 1791 veulent impérieusement
que l'entrepreneur fournisse caution, et le gouvernement ne pourrait pas l'en dispenser, attendu
qu'ici ce n'est plus dans son intérêt, mais bien dans
celui individuel de divers particuliers que la
charge est imposée Ca).
(1) C'est ainsi qu'on le trouve porté dans l'art. 9 d'un décret
du 25 mai t811. Voy. au Code des desséchements) par Poterlet,
pag.245.
(a) M. Cotelle, Cours de droit administratif) 2e édit., tom.
2, pag. 415 et suÎv., pense avec raison, selon nous, que le silence de la loi de 1807 a abrogé cette obligation imposée par celle
de 1791. Dans son opinion, la caution devrait être demandée
devant les tribunaux ordinaires comme l'exige l'art. 15 de la
loi du 21 avril 1810 sur les mines; mais alors il en résulterait
un obstacle à l'exécution de la loi de 1807 qui a voulu confier
l'opération entière ù l'autorité administrative à l'exclusion des
h'ibunal1x.
�638
TRAITÉ
SECTION III.
Des mesures qui) après r acte de concession) sont prescrites
comme préparatoires ou préalables à r exécution des travaux.
1600. L'acte de concession ayant été consenti,
il s'agit de remplir les obligations du contrat; mais
avant de pouvoir mettre la main à l'œuvre pour
l'exécution matérielle des travaux, il y a encore
plusielll's mesures de direction préparatoires à
orgamser.
LA PREl\lIÈRE consiste dans l'établissement d'une
'commission appelée à statuer sur les divers genres
de difficultés qui seront énumérés plus bas (a).
(a) La loi du 8 mars 1810, dont le principe a été encore
étendu par les lois des 7 juillet 1833 et 3 mai 1841, ayant substitué la compétence des tribunaux civils à celle des tribunaux
administratifs, en ce qui se rattache aux expropriations pour
cause d'utilité publique, et d'un autre côté, les art. 53 et 54 de
la Charte de 18:30, portant que Il nul ne pourra être distrait de
" ses juges naturels, et qu'il ne pourra en conséquence être créé
" dp commissions et tribunaux extraordinaires, à quelque titre et
" sous quelque dénomination que ce puisse être, " on s'est demandé si, par là, il n'y avait pas eu abrogation des dispositions
de la loi de 1807, qui instituent des commissions spéci;1les.
Quelques tribunaux avaient adopté l'affirmative, entre autres
celui de première instanc""e d'Abbeville par une sentence du 12
février 1828, rendue sur appel dans une affaire possessoire entre
le sieur Bertrand et le sieur Thlbuc entrepreneur du desséchement des marais de la vallée d'Authie; mais cette décision a été
cassée par arrêt de la Cour suprême du -4 juillet 18~2 (Sirey)
32-1-648), motivé sur ce que« la loi du 16 septembre a établi
II u~ mode spécial pOUF le jngement des contestations qui peu-
�DU Do:\IAINE PUlILIC.
639
Le législateur a prévu que les desséchements de
marais cornporlant toujours une grande complication de travaux, il fallait des connaissances spéciales
que l'expérience seule peut donner pour prononcer
sur les nombreux incidents qui surgissent toujours
dans l'exécution d'une pareille entreprise: en conséquence il a voulu qu'il y eû,t une commission spéciale pour les vider.
Cette commission forme un vrai tribunald'exception institué pour résoudre les cas qui lui sont attri" en consequence ses mem b l'es ne peuvent etre
•
b ues:
institués que par le chef de l'Etat de qui émanent
toutes les juridiclions ; aussi la loi du 16 septembre
180.7 porte-t-elle que, «ils seront nommés par
» le Roi (art. 44). »
li vent s'élever à l'occasion des travaux entl'epris pour le des,. séchement des marais, entre les propriétaires des terrains comu pris dans l'opération et les concessionnaires qui ont fait exécuter
li ces travaux....
li
La légalité de ces mêmes commissions avait été précédemment
reconnue par le conseil d'Etat dans deux arrêts, l'un explicite
du 20 février 1818 (de Brezé> Bourgoin> etc.), et l'autre
moins précis, mais constatant toujours"le priucipe, du 5 août
1831 (ville de Lyonè).
En effet, c'est principalement aux commissions en matière criminelle, telles que les cours prévôtales, chambres ardentes, etc.,
que s'applique la prohibition de la Charte qui a voulu donner
des garanties contre l'arbitraire du pouvoir. On ne peut d'ailleurs pas dire que l'institution pour chaque cas spécial d'une
commission autorisée par la loi de 1807 soit la création des
commissions et tribunaux extraordinaires dont on voulait e~pê
cher le rétablissement.
�640
TRAITÉ
Elle ~era composée de sept commissaires Ca):
leur avis ou leurs décisions seront motivés; ils
» devront, pour les prononcer, être au moins an
» nombre de cinq (art. 43).
» Les commissaires seront pris parmi les per» sonnes qui seront présumées avoir le plus de
» connaissances relatives soit aux localités, soit
» aux divers objets sur lesquels ils auront à pro» noncer (art. 44).
1601. «Les formes de la réunion des membres
» de la commission, la fixation des époques de ses
» séances et des lieux où elles seron t tenues, les
» règles pour)a présidence~le secrétariat et la garde
» des papiers, les frais qu'entraîneront ses opéra» tions, et enfin tont ce qui concerne son organi» sation, seront déterminés dans chaque cas (b)
» par un réglement d'administration publique
» (art. 45').»
La loi ne dit pas que ses décisions seront en dernier ressort: d'où l'on doit conclure qu'elles sont
sujelles à l'appel, parce que, la règle générale est
qu'il ya deux degrés de juridiction en France; et,
cc
»
Ca) Aucune loi n'ayant déterminé les causes de récusatIon
des juges en matière administrative, et cependant ce droit ne
pouvant être refusé aux p,lrties, il faut en induire qu'il dOIt
être exercé contre les membres des commissions dont il s'agit,
suivant les règles tracées par le Code de procédure, ainsi que l'a
jugé un arrêt du conseil d'Etat du 2 avril 1828 (Bernault).
(h) Voy, au Bulletin des Lois des ordonnances de cette nature sous les daLes des 21 février et 3 mars 1814.
�,
pu nQ)lAINE PUBLIC.
(;41
comme, d'une part, cette commission se trouve
placée hors de la ligne des tribunaux ordinaires, et
que, d'un autre côté, il s'agit ici d'une matière
toute administrative, il faut en conclure encore
que c'est au conseil d'Etat, comité du contentieux,
que doit être porté le pourvoi (a).
1602. Ses décisions étant de véritables jugements émanant d'une juridiction créée comme les
autres par la loi (h), nous croyons qu'elles doivent
(a) Quoique la voie de l'appel soit ouverte en celte matière,
cependant il résulte de la jurisprudence du conseil d'Etat, que •
les propriétaires représentés par le syndicat qui nomme les
experts sont tellement considérés comme présents aux expertises, que, s'ils n'en contestent pas les résultats, l'homologation
du rapport par la commission spéciale est censée donner acte de
leur acquiescement aux entrepreneurs, et qu'ainsi la décision
est définitive et n'est plus susceptible ni d'opposition ni d'appel.
(Arrêts du Il juin 1833, Fitremann, et Il février 1836,
Dehray c. commune de St.-Joachim.)
D'après cela l'opposition ne serait recevable que de la part
des propriétaires qui prouveraient avoir été absents et n'avoir
pas été dfiment représentés, eÙ'appel ne pourrait être iuterjeté
que par ceux qui, ayant élevé des contestations, auraient succombé devant la commission spéciale (arrêt du conseil d'Etat
du 15 mars 1819. - Bernault, DllhllC et compagnie). Dans
ce dernier cas, le délai est de troIs mois à partir de la signification de la décision aux parties condamnées.
Quant à la tierce-opposition, elle ne serait admise qu'au profit des propriétaires qui n'auraient été ni avertis ni mis à même
de contester, lors de l'adoption des plans et des rapports d'experis.
Ch) Comme les C0l1111}issions dont il s'agit sont substituées aux
conseils de préfeclure pour la partie du conlclllieux qui leur
TOM. IV.
�G42
TRAITÉ
entra1ner l'hypothèque judiciaire sur les biens du
, emporter par eIl es-mernes l" executlOn
eonc:l amne,ct
parée au moyen on seul mandement d'exequatur
arrosé au bas par le président de la cOlllmission,
conformément aux avis dn conseil d'Etat des 16
thermidor an XII et 24 mars 1812 (a).
1603. LA SECONDE mesure préalable d'exécution consiste dans la création d'nn syndicat chargé
de représenter tous les propriétaires du marais
dans les opérations et discussions qui doivent avoir
lieu, et principalement pour la nomination des
experts dont il sera parlé ci-après.
Lorsque le marais a une certaine étendue, le
nombre des propriétaires étant ordinairement considérable, il deviendrait trop difficile et dispendieux:.
A
èst dévolue, elles doivent en général se conformer au mode de
procéder adopté par ces conseils (arrêt du conseil d'Etat du 8
septembre 1819. - Defiance).
On examinera ci:"après, notamment sous les nOS 1647, 1648
et 1661 ,quelle est l'étendue de leur compétence et dans quelles
limites leur institution peut s'accorder avec les principes de la
législation actuelle.
(a) Les commissions spéciales ne formant pas, comme les conseils de préfecture, un corps constitué permanent, et ne pouvant
être alors assimilées qu'à un jury d'expropriation dont les verdicts doivent être rendus exécutoires par le magistrat-directeur,
suivant l'art. 41 de la loi du 3 mai 1841, nous pensons que ce
sera le préfet qui devra apposer à leurs décisions le mandement
d'exécution. lU. CoteHe dit aussi èans son Cours de droit administratif, tom. 2, pag. 457, que l'application de l'art. 20 de
la loi du 16'septemhre 1807, relatif aux rôles de plus-value, 11.
été constamment étendue à toutes les autres décisions.
�DU DOMAINE PUBLIC.
643
de les rassembler tous, s'ils devaient agir par euxmêmes; leurs réunions seràient en outre souvent
incomplètes à raison de l'absence de:ceux qui n'auraient pas répond u à l'acte de convocation; et elles
pourraient être trop tumultueuses pour en espérer
toùjours des résolutions sages. En conséquence, et
pour éviter èes inconvéniel'lts, le législateur a voulu
place'r leurs intérêts communs sous la direction
d'un syndicat chargé de veiller à toutes les opérations.
1604. Les syndics son t désignés par le préfet;
et, si le marais s'étend sur plusieurs départements,
le gOllverncmen t règle, da ns l'acte de concession,
par qui et comment ils seront nommés.
Ils doivent être choisis parmi les propriétaires
les plus imposés à raison des tc,!rains à dessécher,
et être au nombre de trois au moins et de neuf au
plus, a:iDsi que l'am'a détetrniné l'ordonü~nce de
concession (t).
La loi il'exprimant ici aucune exception pour le
casoù les marais appartien<1raienlà une ou plusieurs
communes, il Y a lieu d'en conclure qu'elles seraienl souITlises à la règle générale du mandat forcé
comme les sim pics particuliers, él considérées, chacune, èomme une unité ou un seul corps moral.
f605. Il faut cependant observer que l'établiss~ment du syndicat n'est pas toujours indrspensallIe; et plliscl'1'on n'a recours à cette mesure que
pour obvier à l'inconvénient de consnlter trop de
(1) Voy: l'art. 7 de la loi du 16septemhre 1807.
�644
-
TIWTÉ
personnes et pour réduire à un nom collectif la
multiplicité des intéressés, on ne doit l'employel'
qu'autant que leur nombre le rend nécessaire ou
utile à l'e~pédition de l'opération.
Qu'il s'agisse, par exemple, du cas où tous les
marais à dessécher n'appartiennent qu'à un seul
individu: bien certainement on ne pourra pas lui
substituer un syndic pour te représenter, tandis
qu'il peut, on par lui-même, ou par un fondé de
pou vairs de son choix, veiller à tout ce qui concerne ses intérêts; te texte de la loi le snppose
c;videmment ainsi, lorsqu'elle porte, article 7, qu'il
sera formé, entre les propriétaires J un syndicat,
à l'effet de nommer les experts qui denont procéder aux estimations qu'elle prescrit.
Si ce seul pr6priétaire est une commune, le
maire, a~1torisé par une délibération du conseil municipal et par un arrêté du conseil de préfecture,
ponrra égalemen t agir au nom et daus l'intérêt des
habitau ts, sa us l'in termédiaire d'aucu n mandataire
étranger.
Mais quel nombre de propriétaires faut-il supposer pourconsidérerl'étahlisscment d'un syndicat
(~omme nécessaire?
La loi ne décidarit rien à cet égard, il nous paraît que, tant que leUl' nombl'e n'excède pas le
maximum de celui qui est fixé pour les syndics,
il n'y a aucnne nécessité de recourir à cette mesure, puisque le déplacement, la réunion et les délibérations des propriétaireseux.-mêmes n'entraîne1
..
'
�· DU DOMAINE PUBLIC.
645
raient ni plus d'embarras ni plus de longueur que
cem, des syndics.
Cependant cn cas d'absence des intéressés, la
constitution d'uu syndicat pourrait devenir nécessaire, parce qu'il faut toujours que ceux-ci soien t
représen tés.
1606. Mais, comme les syndics sont directement nommés par l'administration, sans intervention des propriétaires, et comme leur nombre doit
être déterminé par l'acte de concession, il faut dire
aussi que c'est par ce~ acte que doivent être levés
tous les doutes sur la question de savoir si, dans
telle ou telle hypothèse J il convient ou non d'étahlir un syndicat.
1607. LA TROISIÈME meSlll'e préalable d'exécution a pour objet la nomination des experts qui
devront procéder soit aux estimations dont il sera
parlé plus bas, soit à la division et au classement des
parcelles du marais à dessécher; les syndics réunis
doivent, dans l'intérêt des propriétaires et en leur
nom, en choisir un, et le présenter au préfet; le
concessionnaire nomme l'autre, et le préfet désigne le tiers expert, chargé de départager les deux
premiers en cas de discordance.
Lorsque c'est l'Etat qui entreprend de dessécher
un marais qui ne lui appartient pas, les syndics,
d'un côté, et le préfet de l'autre, choisissent de
même les deux premiers experts; mais le tiers expert est alors nommé par le ministre de l'inté,
rIeur.
�64.6
TUAnt
Il est sensible que si l'on se trouve dans l'une
des hypothèses prévues plus haut, où il u'y a pas
eu lieu d'établir un syndicat, c'est aux propriétaires à désigner directement eux-mêmes leur exper~.
1608. LA QUATRIÈME mesure préparatoire est
relative au cla~Se!llept, llon pas des divers~s propriétés qui composent le marais, en tant qu'elles.
appartiennent à telou tel individu, mais seulement
des diverses portions qui sont à dessécher.
Chaq~e partie du marais n'est pas égalemen.t
stJhmergée ,. et la valeur de l'une diffère souvent de
celle de l'autre.
L'opération du desséchement doi~ les awéliorer
t,oules, m,ais à des degl'és différents. C'est Ul~e quote
part du produit de. cette amélioration qui doit
~en:ir de paiement aux impenses qui sont à faire:
il faut d.onc, pour pouvoir apprécier l~ mon la nt de
l'iQdemnité, qui sera due à l'entrepreneur, e~ la.
rép~rtir suivant la mesure qui devra en être sup~
portée p.al" les différenls propriétaires, faire aU
préalable la distinction des paxcelles composant le.
marais à dessécher, en indiquant leuJ;s diver$ degrés.
de dépréciation.
Pour arriver à ce hut, la loi veut. qll.C, le ru.arais
soit divisé en plusieurs classes, don.t le nom,bre ne
peut ~xcéder dix, ni, être inféri,ellr à cinq; elles
doivl,)n t être formées suivan t la différen.ce des degrés
d'inondation.
Mais, lorsque l'estimation comparative des di-
�DU DOMAINE PUBLIC.
647
verses parties du marais éprouve d'au tres varia tions
qne celles provenant de l'inégalité de la submersion, les classes doi ven t être établies sans avoir
égard à cette cause, et toujours de manière à ce
que tous les terrains présumés de même valeur
soient dans la même catégorie.
1609. Le périmètre particulier de chacune doit
être tracé sur le plan cadastral qui aura été levé et
présenté au gouvernement pour servir de base à
l'entreprise et à l'obtention de la concession; et ce
classement parcellaire doit être arrêté successivemen t par les ingénieurs et par les experts (1).
Le plan, ainsi préparé, est ensuite soumis à l'approbation du préfet, et reste en dépôt au secrétariat de la préfecture pendant un mois.
Les parties intéressées Lloivent être invitées par
affiches à en prendre connaissance sans déplacement, pour former sur son inexactitude les contredits qu'elles jugeront convenables, soit en ce qllÎ
touche à l'étendue donnée aux limites jusque auxquelles doivent se faire sentir les effets du desséchement, soit en ce qui regarde le classement des
parcelles.
En l'examinant attentivement, elles reconnaitront facilement dans quelle catégorie leurs fonds
se trouvent placés, puisque, dès le principe, ce
même plan a dû comprendre la distinction de chaque propriété, et son étend ne exactemen t circonscrite.
. -----~-----
(1) Voy. l'art. 10.
�648
TRAITÉ
Le préfet, après avoir reçu leurs observations,
celles en réponse de l'entrepreneur du dessécnement, ainsi que celles des experts et ingénieurs,
ordonne les vérifications qu'il juge convenables;
et, dans le cas où les propriétaires persisteraient
dans leurs plaintes, les contestations seraient soumises à la commission chargée d'y statuer (1).
1610. IJA CINQUIÈME mesure préliminail'e
concerne l'estimation, à tant l'hectare, de la valeur actuelle des diverses dasses du terrain à dessécher.
On se propose d'atteindre deux fins par le des, h ement: l' une d' aSSall11r
.. 1e pays, et l' autre d' asec
méliorel' le terrain; et c'est seulement sur celte
amélioration, qu'on espère ohtenir, que doiventêtre
pfoportionnellement supportés les frais de l'entrepri.se: il faut donc trouver le moyen de la constater
plus tard; à cet effet on établit d'abord un état
estimatif détaillé de la valeur actuelle, avant le desséchemen t, de tou tes les parcelles du marais, afin
que, par la comparaison de cette première estimation avec une seconde qui sera faite après l'achè'vement des travaux, on puisse déterminer le
degré d'utilité qu'ils auront produit dans chaque
partie du fonds.
Cet état estimatif n'étant compliqué d'aucun tracement de lignes à opérer sur le fonds dont le plan
géométrique a été levé dans toutes ses parties, n'est
(1) Voy. les art. 1 J et 12.
�DU nor.IAINE PUBLIC.
649
plus qu'une simple expertise à faire sans le concours
des ingénieurs. ,
Pour l'exécute,', les deux experts nommés par
les syndics au nom des propriétaires, et par les
entreprenenrs du desséchement, doivent se rendre de nouveau snI' les lieux; et, après avoir recueilli tous les renseignements nécessaires, tels
que ceux qui peuvent réSlllLer des actes de vente,
des baux et des matrices de rôles, ils procèdent à
l'appréciation de la valeur réelle de chacune des
classes composant le marais, en les considérant
dans leur éta·t de submersion, et sans s'occuper
d'une estimation détaillée par propriétés. Ils doivent faire cette opération en présence du tiers expert chargé Je les départager dans le cas où ils seraient d'avis différents (1).
Ce procès - verbal d'estimation primitive par
classes doit être, comme celui du classement, déposé pendant un mois au secrétariat de la préfecture. Les panies intéressées en sont averties par
affiches; et, s'il survient des réclamations, elles
sont portées pardevant la commission chargée d'y
faire droit. Dans tous les cas, il doit être soumis au
jugement et à l'homologation de la commission,
qui peut rectifier le travail des experts, et décider
outre et contre leur avis (2).
(1) Voy. l'art. 13.
(2) Voy. l'art. 14.
�650
TRAITÉ
SECTION IV.
De la vérification des trapaux de desséchement, pour fixer
l'indemnité repenant à l'entrepreneur.
i6t 1.
Dès que les classification et estimation
dont on a parlé ci-dessus, comme préliminaires au
desséchement, ont été définitivement arrêtées, les
travaux doivent être commencés et terminés dans
les délais fixés par l'acte de concession, sous les
peines qui y sont portées .
. Quoique l'indemnité revenaut à l'entrepreneur
ne lui soit régulièrement due qu'après leur entière
exécution, néanmoins, lorsqu'on prévoit dès le
prin'cipe que l'étendue du marais ou les difficulLés
des travaux prolongeront la durée de l'opération
au-delà de trois ans, on peut, par l'acte de concession, lui attribuer une portion en deniers du produit des fonds qui auront les premiers profité dndesséchement; et s'il éprouvait des obstacles à la
jouissance de ce premier secours, les contestations
élevées sur l'exécution de cette dause de l'ordon~
nance, de même que celles qui seraient occasion~
nées par son retard ou sa négligence, devraient
être portées pardevant la commission.
Lorsque les travaux d'assainissement sont terminés, il doit être procédé à leurs vérification et
réceplion.
A cet égard 1'00 doit sans doute beaucoup compter sur le savoir et l'exactitude des ingénieurs des
ponts et chaussées, attendu qu'ils peuvent, mieux
• SI. l' enlreque toute aUlre personne, reconoaItre
�DU DOl\IAINE PUBLIC.
65l
preneur s'est conformé au plan cULlastral et aux
conditions exigées par l'ordonnance du Roi; mais
ils nesontpas infaillibles, et Ùs ne peuvent agir avec
trop de renseignemen t5. En conséquence, et pour
donner à cetle importante opération toutes les
garan Lies nécessaires possiLles, on doit la faire contradictoirement avec toutes les pârties intéressées
appelées par artiches que le préfet fait apposer dans
chaque commune de la situation.
1612. N0US croyons toutefois que, pOlH' la
régularité de cette vérification, il suffirait qu'elle
eût été faite cqntradictoirement avec les syndics,
en tant qu'elle porterait sur les intérêts de la
masse; mais, pour tous les chefs relatifs à des
intérêts individuels dans lesquels les propriétaires
se trouveraient en opposition les uns avec les autres, les syndics ne pourraient PÇlS les représenter.
Il y a plus: comme les desséchemen ts de marais
ne cessent jamais de se rattacher à l'intérêt social,
et restent par conséquent ton jours soumis à l'inspection et à l'acLÏon de l'administration publique,
la vérification dont il s'agit doit en fi n recevoir
l'approbation du préfet. Et attendu que la loi déclare d'une manière générale que les difficultés qui
peuvent naître à ce sujet sont de la compétence de
la commission (1 ), l'on doit eo conclure encore que
les réclamations qui seraient faites par le préfet luimême devraient être portées d'abord à ce tribunal
spécial, suuf le recours au conseil, d'état.
(1) Voy. l'art. 17 et l'art. 46.
�652
TJLU'rE
SECTION V.
Des mesures prescrites après le desséchement pour parpenir
à la répartition de l'indemnité due aux entrepreneurs.
y
1613. U ne fois que les travauxtle dessécheIllent
ont été vérifiés et approuvés, ainsi qu'il vient d'être
dit, les experts respectivcment nommés pal' les
propriétaires et les entreprenenrs, accompagnés
du tiers expert, procèdent, de concert avec les Ïl1génieurs, à une nouvelle classification des fonds
desséchés, suivant leur valeur actuelle et l'espèce
de culture dont ils seront devenus susceptibles.
Cette opération doit être ensuite vérifiée, arrêtée et suivie également d'une nouvelle estimation
de classes, d'après les formes prcscrites pour l'éva. luation du marais avant le desséchement (1).
Ainsi les experts doivent retonrner sur les lieux,
et y procéder à l'appréciation, par hectare, de la
valeur foncière donnée à chaque classe par les travaux: d'assainissement. Ce second procès-verbal
d'évaluation restera déposé, au moins durant un
mois, au secrétariat de la préfecture, et sera annoncé par affiches, pour meUre les parties intéressées à même de former leurs réclamations.
Enfin ce même procès-verbal doit être soumis
au jugement et à l'homologation de la commision,
qui pourra décider outre et coutre l'avis des experts (2).
(1) Art. 18.
(2) Voy. art. 14.
�DU Dür1IAINE PUBLIC.
653
1614., Toutes ces mesures ne portent encore
Jirectement que sur la formation et l'estimatifn!
des classes du marais considéré dans son état nouveau avec l'améliol'ation produite par le desséchement; néanmoins elles conduisent immédiatement
et par voie de conséquence à la fixation du contingent d'indemnité dû aux entl'epreneurs par
chaque propriétaire,
Pour hien snisir ce résultat, il suffit de se rappeler ,que, comme on l'a dit plus haut, Je plan \
cadastral présenté dès le principe par le concessionnaire, et sur lequel on t été depuis tracées toutes
les classes du marais dont on a parlé jusqu'ici,
doit, aux termes de l'article 6 de uotre loi, comprendre tons les terrains qui seron 1 présumés devoil' profiter du desséchement, et que chaque propriété doit y être distinguée} et son étendue
exactement circonscrite,
Cela étant ainsi, la fixation du contingent d'indemnité qui tombe à la charge de chaque propriétaire s'opère à la vue du plan cadastral, par la
vérification ou reconnaissance des classes auxquelles
sa propriété appartient, et par la comparaison des
deux estimations qui ont été faites Je ces classes,
l'nne avant et l'autre après le desséchemcnt,
Supposons, par exemple, que la concession ait
été faite pour la moitié de l'amélioration à perce. par l' entrepreneur; qu "1
. d' un propne.,
vou'
1 s ' agIsse
taire ayant une pièce de cinq hectares dans le
marais; que cette pièce, avant le desséchement, ait
�654
TRAITÉ
été comprise dans une classe estimée cent franCi
l'hectare, et qu'après les travaux d'assainissement
eile se trouve portée dans une autre appréciée à
600 fI'. aussi par hectare; la valem primitive des
cinq hectares étai t de 500' fr., elle est aujourd'hui
de 3,000 fI'. : l'amélioration obtenue sera de
2,500 fr., dont la moitié, dne à l'entrepreneur par
le propriétaire de la pièce, est d~ 1,250 fI'.
1615. C'est d'après les bases de .ce calcul et
pOllr en faire l'application générale à tons les pro·
priétaires, que l'art. 19 de la loi veut qu'après l'estima tion des fonds. desséchés, les en trepreneurs
présentent à l'homologation de la cotnmission un
rôle contenant:
0
1
Le nom des propriétaires;
0
2
L'étendue de leur propriété;
3° Les classes dans lesquelles elle se trouve
placée, le tou t relevé sm le pla n cadastral;
4° L'énonciation de la première estimation, calculée à raison de l'étend ue et des classes;
bO Le montant de la valeUl' nouvelle de la pro"
priété depuis le dcsséchement, réglée par la seconde
estimation etlc second classement;
6° Enfin la différence entre les deux estiolations.
A la vue de ce tableau, dont la commission
pourra redresser les erreurs, s'il en existe, le rôle
des inJemnités sefa par elle arrêté à l'égal'd de tons
les prupriétaires in téressés.
�DU QOMAIlSE l'UBLlC.
655
SECTION VI.
De la nature et des suretés de l'indemnité due aux entrepreneurs.
uu
1616. Par l'édit d'Henri IV
8 avril 1599,
la moitié du terrain des marais de la couronne fut
cédée à une compagnie pour prix du desséchement
qu'elle en ferait.
Celte compagnie ftH constituée avec le privi.
lége d'être exclusivement et seule concessionnaire,
moyennant une semblable indemnité, des desséchements de tous les marais de FraO(~e , même de
ceux des ecclésiastiques et des particuliers qui, dans
les deux mois de la publication de l'édit, n'auraient
pas fait la soumission de les assainir à leurs propres
frais: en sorte que la concession comportait toujours et invariablement l'expropriation de la moitié
du terrain au profit des entrepreneurs qui auraient
dûment exécuté leurs travaux.
La base de ce premier système n'était pas juste,
attendu que le salaire d'une entl'eprise quelconque
doit toujours être pl'Oportionné à son importance;
ct que, si l'abandon de la moitié du terrain à titre
d'indemnité peut être plus que suffisant dans certains cas, il est possible que la concession des
quatre cinquièmes, dans une autre hypothèse, ne
soit pas encore l'équivalent des dépenses à faire
pour opérer le desséchement.
Ce défaut de proportion entr~ l'indemllité et
l'importance des travaux produisit un abus qui devait dans la suite pnralyser les grandes vues d'amélioration qu'on s'était proposées. Il arriva, en
�656
"TI\AlTt:
effet, et il ne pouvait en être autrement, que la
compagnie qui avait le monopole de ce genre de
spéculation ne s'occupa que des desséchements les
plus faciles, par la raison qu'elle y gagnait davantage.
1617. L'édït d'Henri IV a été suivi de plusieurs
ordonnances de ses successenrs, don t le principal
objet a presque toujours été de créer des priviléges
au profit des grands ou des favoris de la Cour.
1618. Si de là nous arrivons à notre nouvelle
législation, nous y trouvons que, suivant les articles 4 et 5 de la loi du 5 janvier 1791, quand les
propriétaires, après av'oir été requis de déclarer,
dans l'espace de six mois, s'ils entendent procéder
eux-mêmes au desséchement de leurs maraîs, y
rel~oncent, ou s'ils ne rem plissen t pas les engagements par eux contractés à cet égard, l'administration e~t autorisée à en faire exécuter>elle-même
les travaux, en leur payant la valeur actuelle du
sol du marais, ou en argent, ou en parties de terrain après le desséc!lement, le tout à lem choix et
à dire d'experts: ce qui démontre que l'assemblée
constituante n'avait fait que modifier le système
d'expropriation adopté sous Henri IV, puisque,
suivant son décret, il devait y avoir toujours cxpro- _
priation totale ou partielle dn fonds.
En effet, l'expropriation était totale si le pmprié-taire préférait recevoir en argent le prix estimatif de son fonds; et elle était au moins partielle
si, après le desséchen~ent, il consentait à n'en con·
�DU DOMAINE PUBLIC.
65'1
servel' qu'une partie qui, à raison de son amélioration, fût équivalente à tout le marais considéré
dans son état primitif.
Un autre inconvénient bien plus grave encore
résultait de celte loi. Il fullait qne chaque desséchement fût opéré par les soins de l'adl1linistlaLion,
comme si le gouvernement devait toujour3 avoir
d'énormes fonds en réserve pour des travaux aussi
coûteux, et pouvait être jeté, en dehors de son but,
dans des entreprises qu'il lie peut conduire à fin
que par la voie des régies, qüi est toujours la plus
dispendieuse.
1619. Les auteurs de la loi du 16 septembre
1~f)7 ont montré plus de respect pour le droit de
propriété. Ils ont décidé par l'art. 20 que le montant de la plus-value produite par le desséchement
serait, pour toute indemnité, partagé entre l't:ntrepreneur et le propriétaire dans la proportion fixée
par l'acte de concession, ce qui n'attribue au premier qu'une récompense purement pécul1Îaire de
ses travaux (a).
Ca) C'est là le caractère propre de la loi de 1807, et 'qui la
différencie de la législation précédente. L'expropriation du sol
est toujours vue d'un mauvais œil, surtout au 1Il00ne;1l où il devient productif. Aussi le nouveau principe a-t:"il déterminé un
assez grand nombre de desséchements parmi lesquels on peut
citer ceux des marais de St.-Simon, près Blaye Cdécret du 15 février 1811 ), de Busanc(·n (décret du 30 septembre suiy, ), de
l'Isère, qui illfcst:lient 33 communes, près Grclloble (décret du
1er février 1813), de Parempuyre, près Bordeaux (déeret du
.
TOM.
IV.
�658
TnAITÉ
Jls son t allés encore plus loin: cal', suivant les
art. 21 ct 22, les propriétaires sont maîtres d'indemniser, à leur choix, l'entrepreneur ou par le
délaissement d'une pottion du fonds sur le pIed de
la dernière estimation, ou pal' la constitution d'une
rente à quatre pour cent du capital à lui dû, laquelle est remboursable par portions qui cependant
ne peuvent être moindres d'un dixième.
1620. On sent très-bien que ce système est
plus en harmonie avec les droits de la propriété;
mais est-il également favorable aux grandes vues
.,
,
d ans l' e,
J ' arne'l'1OratlO11
qu on se propose d' operer
conomie publique par le desséchement des marais?
Il nOus semble qu'il est permis d'en douter: cardes
entreprises aussi dispenJieuses, aussi périlleuses,
et toujours aléatoires, ont besoin d'un encouragement leI qu'il serait difficile de le trouver dans l'établissement de petites rentes à quatre pour ceut,
remboursables par parties,
Il est enco,re un autre genre d'avantages accordé
aux propriétaires, par l'art. I l de la loi du 5 janvier
J 791, auquel on ne voit pas qne celle de 1807 ait
dérogé: c'est que,suivant l'art. 5 du décret du 4
21 février 18'1 Il ) , de Donges, dans la Loire-Inférieure ( ordonnance du 2 juillet 1817) , de la Haute-Perche, même département ( ordonnance du 14 janvier 1831 ) , etc., eté.
Un arrêt du conseil d'Etat du 24 décembre 18211 annule un
partage en nature de terrains desséclJés, qui avait été fait d'autorité depuis la loi de 1807 entre un entrepreneur et le propriétaire, ~l lieu d'une simple allocation de plus-value au premie!'.
�659
DU DOMAINE l'UIIUC.
novemLre 1790, la contribution des marais rendus
'etre augmentee
, pene1ant
a, l" ct1;lt d
e cu turc l
ne peut
les vingt-cinq premières années après leur desséchement, et que leur taxe ne peut être que de trois
deniers (un centime et quart) par arpent, mesure
de l'ordonnance (42 ares 21 centiares) eonformément à l'art. 2 du même décret (a).
Quant à la nature propre et légale de l'indemnité
due à raison du dessécbement, l'on doit dire que
(a) Cette disposition du décret du 4 novembre 1790 a été
modifiée par la loi du 3 frimaire an VIT, sous l'empire de laquelle
a été rendue celle du 16 septembre 1807, qui, n'y dérogeant
pas, la laisse en vigueur. Deux de ses articles relatifs à notre
•
objet sont ainsi con'5us : '
Art. 65.~ « Les terres vaines et vagues, les landes et bruyères,
» et les 'terrains habituellement inondés ou dévastés par les
II eaux, seront assujettis à la contribution foncière, d'après leur
» produit net moyen, quelque modique qu'il puisse être; mais
» dans aucun cas leur cotisation ne pourra être moindre d'un
» décime par hecta·re.
Art. 111. - « La cotisation des marais qui seront desséchés
" ne pourra être augmentée pendant les 25 premières années
» après le desséchement. II
Pour jouir de ces avantnges, les art. 117 et suiv. exigent que
le propriétaire fasse, avant de commencer le desséchement, une
déclaration au secrétariat de la mairie des terrains qu'il voudra
ainsi améliorer. A défaut il ne peut prétendre à aucuneréduction d'impositions, ainsi que l'a jugé un arrêt du conseil d'Etat
du 8 septembre 1819, J. C., tom. 6, pag. 226.
Le privilége accordé en ce qui concerne les contributions directes aux entrepreneurs de desséchemeuts, ne s'étend pas à
l'exemption des droits d'enregistrement (arrêt 'de la Cour de
cassaI. du 2 avril 180ûi-Sirq) 7-2-880).
'-,'.
�660
TRAITÉ
c'est une chal'ge vraiment réelle, puisqu'elle n'est
due par la personne qu'à raison du fonds qu'elle
possède, et de là résultent plusieurs conséquences
qlli nons resten t à déd nire :
1621. La première, c'esrque la charge dont
il s'agit suit l'immeuble entre les mains de tout
possesseur, sans distinction de successeur à titre
universel on à titre particulier, pnisque c'est dans
l'immeuble que reposent la cause et le principe de
la delle;
1622. La seconde~ que, le fonds étant par luimême inerte et incapable de payer, c'est la personne
du possesseur qui est tenue de l'acquit de la prestalion; et qu'ainsi, lorsque l'indemnité a été convertie en l'en te , chacun des déten teurs successifs
est personnelle~entobligé à desservir les arrérages
qui échoient durant sa jouissance, sans préjudice
de l'action hypothécaire que· le crédi-rentier
conserve toujours contre le possesseur actuel,
même pour l~ répétition des arrérages échus antérieurement;
.
1623. La troisième ~ que, si le marais était
grevé d'usufruit, on devrait appliquer à la cause Je
l'usllfruilier et du propriétaire l'art. 609 du Cod~
civil, relatif aux charges qui peuvent peser sur la
propriété pendant la durée de l'usufruit. Si le propriétaire les acquille, l'usufruitier est obligé de lui
tenir compte des intérêts; si l'avance en est f.1ite
par l'usufruitier, il a la répétilion du capital à la
fin de l'usufruit.
�DU DOMAINE l'UIILIC.
661
Ainsi, en admettant que le propriétaIre ait payé
lui-même le montant de l'indemnité, l'usufruitier,
conservant la jouissance de tout le terrain desséché,
devra au premier l'intérêt al1l1uel de la somme par
lui déboursée; si, au contraire, l'usufruitier veut
avancer ce capital, le remboursement lui en sera
dû à l'expiration de sa jouissance;
1624. Que si, pour se libérer, le propriétaire
veut abandonner une partie du fonds, l'usufruitier
en perdra la jouissance; mais il aura le droit d'intervenir, puisque le fonds est aussi sa chose quant
à l'usufruit; et, en offrant d'acquitter le capital dû
à l'entrepreneur, il pourra demander sa subrogation au lieu et place de celui-ci, pour obtenir la
portion d'immeuble offerte en paie men t, al tendn
que, d'une part, il n'est toujours dû qu'une indemnité pécuniaire à l'auteur du desséchement, ct que,
d'un autre côté, le propriétaire, âyant offer'l de se
libérer par l'abandon d'une partie du fonds, serait
sans intérêt à s'opposer à ce que ce fût l'usufruitier
auquel elle appartient déjà quant à la jouissance,
qui l'obtînt lui-même en toute propriété;
1625. Qu'enfin, si c'est par la constitution
d'une rente que le propriétaire entend se libérer
envers l'entrepreneur, l'usufruitier restera chargé
d'en payer les arrérages; si celui-ci la rembourse,
il en deviendra lui-même propriétaire par subrogation au lieu et place de l'entrepreneur (C. c. 1251,
S3).
1626.
Le gouvernement, qui peut faire la l:Ol1-
�662
l'MITÉ
cession du desséchernent à un Liers, a droit,. à plus
forle raison, de l'exécuter lui-même: alors sa por.. tion dans la plus-value doit être fixée de manière
à le couvrir de toutes §es dépenses. Il ne doit ni
.gagner, ni perdre: car son but n'est point de faire
une spéculation; dans ce cas, le rôle des indemnités sur la plus-value doit' être arrêté par la COlll.mission, et rendu exécutoire par le préfet (1).
1627. Quant à la garantie sur laquelle reposent
les droits de l'entrepreneur, l'art. 23 de la loi y a
pourvu. Cet article est divisé en deux parties: par
la première, il est déclaré quea les indemnités dues
» au concessionnaire ou au gouvernement,àraison
» de la plus-value résultant des desséchements,
» auront privilége sur toute ladite plus-value, il la
» charge seulement de faire transcrire l'acte de
» concession, ou le ,décret qui ordonnera le dessé·
» chement au compted'e l'Et~t, dans le bureau ou
») dans les bureaux des hypothèques de l'arrondis» sement ou des arrondissements de la situation
» des marais desséchés (a). »
Ces dernières expressions, des marais dessé(1) Voy. l'art. 20.
Ca) Si l'elltrcpreneur du dessécbement a droit à des sûretés,
J'un autre côté il reste, en sa qualité d'entrepreneur, garant pendant dix années de la solidité de ses ouvrages, conformément à
l'art. 1792 du Code civ. ; mais, à moins de convention expresse,
on ne peut l'assujettir à fournir un cautionnement ou une hypothèque pour sûreté de cette garantie (arrêt du cons~il d'Etat du
31 août 1837; - Compagnie de la Dipe).
�nu
DOMAINE l'Ul\LIC.
663
chés, sont remarquables: cal' il en résulte que,
pour la conservation de son privilége, l'entrepreneur n'est poin t obligé de faire transcrire l'ordannance de éoncession avant que le desséchement
soit opéré, et qu'il lui suffit de remplir cette formalité au moment de la réception des travaux.
1628. La seconde partie du même article porte
que l'hypothèque de tout créancier inscrit avant
le desséchement « sera restreinte, an moyen de
" la transcription ci-dessus ordonnée, Sllr tille
» portiom. de propriété égale en valeur à la première
» valeur estimative des terrains desséehés. )}
On voit encore par ces expressions: inscrit
ayant le desséchement" que la restriction d'hy.
pothèque dont il s'agit ne devrait pas avoir lieu à
l'égard du créancier ordinaire, qui aurait formé son
inscription après le desséchement et avant la tran·
scription de l'ordonnance de concession: le concessionnaire devrait alors s'imputer de s'être laissé
prévenir.
Au reste, suivant l'article 2113 du Code civil,
le privilége de l'entrepreneur qui n'aurait pas rempli.la formalité requise pour le conserver, dégénérerait seulement en hypothèque; mais cette hy-_
pothèqne n'aurait d'efficacité, vis-à-vis des autres
créanciers, qu'à dater du jour de la transcription
du titre de concession.
1629. Il faut observer qoe, si l'article 28 qu'on
vient de rapporter veut que l'hypothèque de tout
créancier inscrit avant le desséchement soit Tes-
�664
TllAlTÉ
treinté 1 au moyen de la trauS0i'iption de l'a~te de
concession,' sur une pO-rtiofL de propriété égale
en valeur à sa première estimation, celte disposition, comme le texte l'indique assez lui.même,
ne doit avoir d'application qu'à J'égard de l'entrepreneur, pour lui garantir son privilége, et non pas
enverstoutautre créancier, parce qu'il estde principe que l'hypothèque assise sur un fonds l'affecte'
indivisiblement, même quant aux améliorations
futures qui se trouvent, à mesure de leur réalisation, frappées. du droit réel acq'nis au créanciel~ sur
l'immeuble dont elles sont l~s accessoires, et avec
lequel elles ne forment qu'un même tout Ca) : d'où
ilrésulte que, l'entrepreneur ayant été une fois
payé, tous les autres créanciers hypothécaires restent, à l'égard du fonds tel qu'il est, soumis entre
eux à la règle du droit commun.
1630. UNE autre question à décider consiste à
savoirsi l'entrepreneur qui a fait transcrire à temps
utile, au bureau des hypothèques, son acte de concession, conserve perpétnellement son privilége sans
être soumis à la péremption décennale qui frappe
les inscriptions hypothécaires lorsque les créanciers
ne les ont pas renouvelées dans les dix ans de leur
dale?
Nous croyons qu'on doit la résoudre affirmativement et dire qu'il y'a perpétuelle conservation du
privilége par la seule transcription du titre, attendu
(a) Voyez-en un exemple Jans le cas d'alluvion, nO 1285 et
la note sltprà, page 108.
�DU DOMAINE PUBLIC.
665
que la loi spéciale sur la matière n'exige rien de
plus; que nulle part celles constitutives du droit
commun n'imposent l'obligation de réitérer une
transcription, et que le renouvellement n'est prescrit que pour les simples inscriptions.
Les desséchements de marais porLent d'ailleurs
avec eux leur propre publicité par les traces qui en
sont visiblement marquées sUl'le sol: en sorte que
le créancier qui acquiert une hypothèque sur un
fonds de cette nature ne peut pas dire qu'il a d,i
ignorer que l'héritage fût naturelfement passible
d'un privilége envers l'entrepreneur.
1631. Nous avons vu que, dans le système de
la loi de 1807, il ne doit pas y avoir expropriation
du fonds an profit de l'entrepreneur du desséchement, fût-il même le gouvernement (1); mais il y
a deux exceptions à cette règle générale.
La première~ quand il n'est pas possible d'opérer le desséchement par les moyens ordinaires, à
raison des difficultés matérielles et des obstacles de
la nature qui ne peuvent être vaincus que par les
forces de l'Etat. Alors, comme on ne peut trouvel'
d'entrepreneurs, et que les propriétaires sont frappés d'impuissance, il est permis ail gouvernement
de s'emparer dn nHu'ais, moyennant un prix, pour
le faire desséCher dans son intérêt.
1632. La seconde~ lorsqne, par suite des oppositions persévérantesJes propriétaires, on n'aurait pu exécuter paisiblement les tl'avanx. Pour les
(1) Voy. suprà, nO 1618
�666
TllAITÉ
punir de leur résistance, l'Etat peut encore les exproprier entièrement et procéder au desséchement
pour son compte. Dans l'une et l'autre de ces hypothèses, l'art. 24 de la loi de 1807 les oblige à délaisser leurs fonds sur une estimation quien est faite
dans lem état de marais, d'après les formes rappelées plus haut. Cette estimation doit être sOllmise
au jugement et à l'homologation d'une commission
nommée à cet effet; la cession est ensuite ordonnée, sur le rapport du ministl'e de l'intérieur, par
11n réglement d'administration publique.
Telles sont à ce sujet les prescriptions de la loi de
1807.Nous verrons plus bas nO 1661,S'il n'y a pas
été dérogé par celle du 8 mars 1810, en ce qui louche au mode d'estimation des terrains expropriés.
Il résulte de ce qui précède, que c'est avec raison
que nous avons annoncé dès le principe que les marais sont loin d'être une propriété libre entre les
mains de leurs maîtres, et qu'ils restent pour beaucoup sous la dépendance de l'autorité publique.
SECTION VII.
,
De la nature propre des canaux de dessç,phement.
1633. On peut desséchel' un marais de deux
manières: soit à l'aide de canaux creusés à main
d'homme et destinés à faire écouler Îes eaux stagnantes dans une rivière, au fond d'une vallée ou immédiatement dans la mer; soit au moyen de digues ou
levées que la disposiLion des lieux peut rendre nécessaires pour empêcber la submersion du terra.in.
�DU DOMAINE PUBLIC.
667
Ces Jifférents tl'avaux: nécessitant presque toujours l'acquisition totale ou partielle de plusieurs
héritages, c'est aux entrepreneurs à en payer le prix
d'estimation conformément aux articles 8 et 12 de
la loi du 5 janvier 1791, et 48 et 49 de celle du 16
septembre ISo7'
Néanmoins les fonds qu'ils ont été ainsi obligés
J'acheter ne leur appartiennent 'point, attendu
qu'ils n'ont agi que comme mandataires ou negotiorum gestores des divers propriétaires du m'arais, sllr lesquels ils recouvreront leurs déboursés, au
moyen Je l'indemnité générale stipulée à leur profit, par l'acte de concession du desséchement. (a).
1634. Ces canaux, digues, ou levées entrent
donc dans le domaine privé des propriétaires du terrain desséché, puisqu'il~ en payent la val,eur, comme
acquéreurs en commun; ils en son t possesseurs en
nom collectif; et, après la r~ception des travaux.
d'assainissement, ils doivent en supporter tous les
frais d'entretien ,. proportionnellement à l'impor-'
tance de leur intérêt. Le recouvrement de la contribution de chacun s'opere sous la surveillance du
préfet, au moyen d'un l'8le de répartition rendu
exécutoire pal' cet administrateur.
Il est possible qu'un canal de desséchement
serve aussi à la navigation intérieure, et qu'il ait été
construit à cel:e double fin : alors ce serait le cas
(a) C'est ce qui a été jugé par arrêt du conseil d'Etat du 2
septembre 1829, dans l'affaire Renault-Dubuc et compagnie.
�668
TRAITÉ
d'appliquer l'article 34 de la loi de 1807, portant
que, cc lorsqu'il y aura lieu de pourvoir aux dé» penses d'entretien ou de réparation et au curage
, >l des canaux qui sont en même temps de uaviga;,:> tion et de desséchement, il sera fait des régle» ments d'administration puhlique qui fixeront la
» part contributive du gonvernement et des pro» priétaires. ~)
1635. Mais si un canal principalement entrepris pour le desséchement des tenes, se trouve,accidentellement, et par des circonstances locales,
propre à quelque service de navigation intérieure,
on ne doit pas pour ce seul motif le considél'Cl' comme foncièrement placé dans le domaine
puhlic: il ne peut cesser d'être la propriété exclusive et priv~e des possesseurs des terrains desséchés
qui en ont payé le prix, et ne l'ont acquis que pour
qu'il fût un accessoire perpétuellement attaché à
leurs fonds: de là résultent plusieurs conséquences
. qu'il faut signaler.
1636. La première, c'est que le droit de pêche, dani> un canal de celte nature, ne doit être
exercé ou amodié qu'au profit des propriétaires du
. marais desséché, puisque les fruils naturels ou civils d'une chose doivent profiler à son maître (1);
1637. La seconde, que, par la même raison,
on doit porter une semblable décision pour les droils
(1) Voy. les expressions finales de l'article Fr de la loi du 'la
avril 1829, sur la pêche fluviale.
�DU DOMAINE PUBLIC.
669
ou l'octroi de navigation (a) qui peuven't y être
perçus, lorsqu'il est soumis à cet usage, à moins
toutefois qu'il ne s'agisse d'un canal établi dans le
double but dn desséchement et de la navigation,
cas auquel lcs produits dont il est ici question, devant être immédiatement appliqués aux dépenses
qu'occasionne son entretien, diminueraient proportionnellement d'autant la part contributive du
gouvernement dans l'acquit de cette charge (h);
1638. La troisième, que l'administration puhlique ne pourrait accorder la permission de construire des usines SUI' de tels canaux sans le consentement préalahle des propriétaires de~ marais desséchés, parce qu'autremcnt il y aurait violation de
leur.droit de propriété (l);
1639. La quatrième, qu'aux temies des articles 11 et 12 de l'arrêté du directoil'e exécutif du
19 ventôse an YI, cc les propriétaires de canaux de
» desséchement particuli<=rs ou d'irrigation ayant
Ca) C'est improprement que l'auteur emploie ici ces expressions
qui ne s'appliquent qu'au cas où la perception est faite par l'ad·
ministration des contributions indirectes. Dans l'hypothèse qui
nous occupe, ce serait un simple péage_ autorisé spécialement
par un acte d'administration publique.
Ch) M. CoteHe, Cours de droit administratif, 2' édit., tom. 2,
pag. 448, prétend qne si l'Etat participait aux frais de création
et;.d'entretien d'un canal, cet ouvrage serait nécessairement daml
le domaine public, et que le droit de navigation perçu par les
agents dU; gouvernement ne sortirait plus des caisses du ,trésor.
(1) Voy. à cet égard l'arrêt du conseil du 1 eT septembre 1825,
dans 1\IACAREL, t. 7, p. 528.
�670
- »
TRAI'L'É
à cet égard les mêmes droits que la nation, il
" leur est réservé de se pourvoir en justic~ réglée
" pour obtenir la démolition de toutes usines,
» écluses, bâtardeaux, pêcheries,gords, chaussées,
., plantations d'arbres, filets dormants ou à mailles
» ferrées, réservoirs, engins, lavoirs, abreuvoirs,
» prises d'eau, et généralement de toutes construc" tians nuisibles au libre conrs des eaux, et non
» fondées en droit. " Et cc il est défendu aux admi>, nistrations municipales de consentir à aucun étal> blissement de ce genre dans les canaux de dessé" chement, d'irrigation ou de navigation apparte" nant aux communes, sans l'autorisation formelle
» et préalable des administrations centrales, " aujourd'hui des préfets (1).
.
1640. Puisque, pour construire un canat' de
desséchement, l'on peut', pour cause d'utilité publique, exiger forcémen t l'ex pro pria tian des terrains
dans lesquels il sera établi avec ses digues, il faut,
par application du même principe, décider que les
propriétaires de marais voisins qui voudraient les
dessécher doivent être admis', autant ql~e la localité et les circonstances le permettent, à profiter
du canal déjà fait pour y amener leurs eaux, en
se soumettant à supporter leur pal't des frais de
premier établissement, ainsi que des dépensès futures d'entretien et de cnrage, à panir du point·
où ils en useront (2).
(1) Voy. :IU bulL 190, t. ;), 2 e série.
.
(2) Voy. à cet égard le décret du 211 janvier 1811, dans le
�671
nu DûMAINK l'UULIe.
SECTION VIII.
Des autorités compétentes pour statuer sur les débats relatifs
aux marais et à leur desséchement.
1641. Ce que nous avons à dire dans celle section n'est en partie ql/une récapitulation de ce
qu'on a vu dans les précédentes.
Les autorités qui peuvent, sous différents
rapports, être appelées à statuer à l'occasion des
desséchements de marais, sont:
Le préfet;
Le syndicat;
La commission;
Le conseil de préfecture;
Les tribunaux de police;
Enfin les tribunaux civils.
S
1 cr.
Compétence du prtffet.
1642. Lorsqu'on se propose un desséchement,
il faut d'abord s'adresser an préfet, afin dten obtenit, un arrêté obligeant tous les propriétaires voisins
à souffrir sur leurs fonds le passage des ingénieurs
et entrepreneurs pour faire la levée du plan cadas·
tral qui doit être préalablement dressé.
C'est au préfet ou au di,.ecteur général des ponts
et chaussées, qui la transmet avec ses observations
au ministre de l'intérieur, que la demande en concession doit en premier lieu être présentée.
1643. Quand le plan cadastral du terrain à
recueil de Jurisprudence du conseil d'Etat, par
p. ll57 et suiv.
SIREY,
t. 1 ,
•
j
�672
TRAITÉ
dessécher et les conditions de l'opération out été
arrêtés par la haute administration, le tout doit être
renvoyé au préfet, chargé de publier par affiches
l'en treprise projetée, afin que les propriétaires, qui
peuvent demander la préférence, ou tout autre entrepreneur qui youdrait exécuter les travaux à plus
bas prix, puisscnt en prendre connaissance et présenter leur soumission.
C'est le préfet qui nommc les membres du syndicat; c'cst lui qui nomme égalemen t le second expert lorsque le desséchemen t est fait par l'Etat,
sans expropriation; et, dans les cas ordinaires,
c'est lui encore qui désigne le tiers expert chargé de
départager ceux qui ont été choisis par les entrepreneurs et les syndics.
1644. Lorsque la première classification des
marais a été faite, le plan en est soumis à l'approbation du préfet, qui doit avenir, par affiches, les
parties intéressées qu'elles pourront, durant un
mois, en prendre connaissance au secrétariat de la
préfecture, pour y faire leurs observations, sur lesquelles il peut ordonner les nouvelles vérifications
qu'il juge convenables; si elles persistent dans les
réclamations qu'elles auraient cru devoir former, il
les l'en voie pardevant la commission chargée de statner SUl' ces débats.
On doit suivre les mêmes formes lorsqu'il s'agit
de la seconde classification, qui a lieu après le desséchement, pour reconnaître les améliorations qu'il.
a prod uites sm le terrain.
�673
nu: DOMAINE l'VIlLIe.
, Quand les travaux d'assainissement ont été faits
par l'Etat, qui ne doit oblcnil' sor la plus-value
que le remboursemen t de ses dépenses, c'est le préfet qni rend exécutoire sllr les propriétaires le rôle
des indemnités arrêtées par la commission (1).
i645. Enfin, lorsqu'il ne s'agit plus qne de la
conservation des travaux de desséchemcn t, les syndics nommés dès le principe, et auxquels le préfet
peut en adjoindre deux ou quatre pris parmi les
propriétaires, lui proposent des projets de régIement d'administration publique fixant le genre et
l'étendue des contributions nécessaires pour subvenir aux dépenses; ces projets sont communiqués
à la commission pour av~i;' son avis; et envoyés au
ministre pOUl' y faire statuer en conseil d'état Ca).
S 2. Compétence des syndics.
1646. Les syndics désignés pal' Je préfet sont
spécialemen t chargés par la loi de J 807 de la no·
(1) Voy. l'art. 21 du décret du 21 février 1814, bull et. t.20,
p.133.
(a) Art. 26. - Voyez, comme pouvnnt servir de type général
pour ces sortes de réglements, l'ordonnance royale du la janvier
183 J , insérée au Bulletin des Lois, et autorisant l'association
des propriétaires de pres et moroi. 'lui Lordent l'étier de la
Haute-Perche et les étiers latéraux. Elle comprend cinq objets:
1° la formation de la p.ommission syndicale; 20 les trnvaux 01'-'
dinaires ou extraordinaires à fnire, et leur mode de -paiement; 3°
la comptabilité, et la rédaction des rôles de recouvrement ;' 4° les
moyens de c'onservation des travaux; ::)0 enfin le contentieux' auquel ces divers objets peüvent d(mnel' lieu.
TOM. IV.
43
�674
TnAITÉ
mination des experts; mais leur qualité de représcntant3 des propriétaires doit être naturellement
suffisante ponr les autoriser à agir valablement au
nom de ces derniers chaque fois qu'il est question
d'un, intérêt collectif qui les concerne tous indisti nctemen t.
Leurs attributions et leur pouvoir d'inspection
ou de surveillance peuvent être, par l'ordonnance
de concession, plus ou moins étendus selon les
divers cas où leur office serait jugé nécessaire ou
utile, comme on peut le, voir dans les dispositions
du Litre 1 er du décret du 2.1 février 1814 (1).
S 3. Compétence. &! la commission.
1647. Les objets soumis à la connaissance de la
commission se trouvent énumérés dans l'article 46
de la ·loi de 1807, ainsi conçu :
« Les commissions spéciales connaîtront de tout
" ce qui est relatif:
» Au classement des diverses propriétés avant
n Oll après le desséchement des marais;
" A leur estimation;
» A la vérification de l'exactitude des plans ca» dastra ux;
» AI'exécn tion des cla uses des actes de contes» sion relatifs à la jouissance par les concession» naires, d'une portion des produits;
» A la vérification et à la réception des travaux:
» de desséchemen t;
, ')
(1) Voy. au bull. t. 20, p. 133, !je série.
�DU DOMAINE PU1ILIC.
675
A l.a formation ~t à la vérification du rôle de
plus-value des terres après le desséchement;
» Elles donneront leur avis sur l'organisa» tion du mode d'entretien des travaux de (lessé"chement; )
» Elles arrêleron t les eSlimations dans le cas
» prévù par l'art. 2.4, où le gOllvernt::ment aurait
» à déposséder tous les propriétaires d'nu marais;
» Elles connaÎlront des mêmes objets, lorsqu'il
» s'agira de fixer la valeur des propriétés, avant
" l'exécution de travaux d'un au~re genre, comme
» routes ~ canaux ~ quais, digues ~ ponts~ rlf,es~
» etc.,et après l'exécuti<?l1 desdits travaux, et lors,)' qu'il sera question de fixer la plus-value Ca). '"
»
»
Ca) Ces COmlnlSSJOIlS sont investies de doubles fonctions:
comme tribunaux administratifs, 'elles rendent de véritables ju:gements; comme conseils consultatifs, elles donnent des avis.
Elles prononcent des jugements dans les cas énumérés aux:
paragraphes 2, 3, ll, 5,6 et 7 de l'art.1l6 ci-dessus, et en outre
sur les contestations relatives:
1 0 Soit aux plans arrêtés pnr les ingénieurs, et à leur vérification contradictoire entre les entrepreneurs et les propriétaires
intéressés, soit à l'étendue des limites jusqu'auxquelles se feront
sentir les effets du desséchement, soit à la conformité des plans
avec les limites qui auront été fixées (art. 11 et 'j 2 de ladite
loi).
2° A l'nppréciation de chacune des classes compo3nnt le marais, d'après la valeur de ses différentes parties avant le desséehement (art. 13 et 111).
30 A l'exécution de la clause de l'acte de concession attribuant aux entrepreneurs une portion en deniers du produit des
fonds qui allront, les premiers,' profité des lravam de desséehe-
�676
TRAITÉ
1648. Cette dernièl'c parLie de l'al,tic1e étend
les attributions de la commission bien an ·delà des
desséchements de marais, puisqu'elle lui confère
ment lorsque l'opération ne pourra être exécutée dans le laps de
trois ans (art, 16).
4° A la vérification et réception des travaux prescrits par l'Etat
ou par l'acte de conce~sion après leur achèvement (art. 17).
5° A la classification et à l'estimation des terrains desséchés,
suivant leur valeur nouvelle et l'espèce de culture dont ils sont
devenus susceptibles (art. 18).
Comme ces commissions sont pleinement substituées aux conseils de préfecture pour tout ce qui concerne le contentieux een
matière de desséchcment, il faut en induire, avec le conseil d'Et~t, qu'elles sont encore compétentes pour statuer:
1° Sur les difficultés concernant la fixation du périmètre des
terrains compris dans le desséchement (arrêt du 4 février 1836.
- Desmortiers ).
2° Sur le point de savoir si la totalité de la propriété d'un
réclamant est comprise dans les limites des terrains auxquels
s'étendent les effets du desséchement, et dans quelle proportion
elle doit contribuer aux dépenses (arrêt du 22 février 1838.Fellon).
3° Sur l'opposition d'un propriétaire à l'exécution du desséchemellt jusqu'à ce que l'on ait estimé son fonds qu'il prétend
exposé à des dommages par suite des travaux ( arrêt du 22 mars
1827. - De Brézé).
4° Sur la validité, la régularité et les effets de l'acte de partage opéré entre les anciens propriétaires du marais et les concessionnaires du desséchement, parce que ce partage est un acte
administratif (arrêt du :> septembre 1838. - Desmortiers).
Au surplus leur compétence territoriale est limitée par le
périmètre assigné au marais; tout ce qui sc trouve en dehors
reste soumis à la juridiction commune soit des tribunaux civils,
soit des conseils de préfecture, selon la nature de la question. Ce
�DU DOMAINE l)Ul\LIC.
67'1
le droit de fixer la valeur des propriétés particulières qui doivent être rendues publiques pour
l'établissement des routes ~ canaux ~ quais ~ diqui est au-dedans est au contraire exclusivement de leur ressort
(arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 1832. - Sirey, 32··
1-648), à l'exception cependant: 1° des questions de propriété
réservées aux tribunaux civils (art. 47); 2° et de èelles de résolution de la concession faite aux entrepreneurs pour cause
d'inexécution des conditions mises à leur chargé; résolution qu i
ne peut être prononcée que par le Roi en son conseil, ayant seul
qualité pour interpréter un acte émané de son pouvoir (arg.
de l'art. 6 de la loi du 27 avril 1838, sur l'asséchement des'
mines).
Les fonctions des commissions, en tant que conseils consultatijs, se bornent:
1° A donner leur avis sur l'organisation du mode d'entretien
des travaux de desséchemellt (art. 46, § 8, de la loi);
2° A donner également leur avis sur les projets de réglemenls
destinés il fixer le genre et l'étendue des contributions nécessaires pour subvenir aux dépenses d'entretien de ces travaux
(art. 26 de la loi) ;
3° A arrêter le rôle des indemnités sur la plus-value, qui sont
dues par les propriétaires du marais aux entrepreneurs du desséchement (art. 20, § 2). Quoique la loi se serve ici du mot
arrêter, l'acte n'est toujours que de pure administration, tellement que les réclamations auxquelles il peut donner naissance
sont jugées non par la commission elle-même, mais par le conseil de préfecture, ainsi que l'a décidé l'art. 27 du décret du 21
février 1814, relatif aux marais de Parempuyre.
INDÉPENDAMMENT des fonctions judiciaires et consultatives
dont on vient de présenter le résumé, ainsi que de celles énoncées
'dans les deux derniers paragraphes de l'aI'l. lt6 çi-dessus, et qui
ferontl'objctdcsno'1660 ct 1661 ci-après, les art. 30,33,311,
�678
TRAITf:
gues~
ponts} rues} ctc. Nous examinerons plus
bas, nO 1661 , jusqu'à quel point il a été dérogé à.
cette disposition par les lois des 8 mars 18lO, 7
38,39 et ltO de la loi dn 16,septembre 1801'confèrent encore
aux commissions spéciales d'antres attributions qu'il n'est pas
inutile d'examiner sommairement, quoiqu'étrangères alL desséchemeI;l.t des marais.
L'une, résultant du premier (j.e ces, articles, est ainsi réglée::
• Lorsque par suite des tral'aux 'déjà énoncés dans la présente
" loi, lorsque, par l'ouverture de nouvelles rues, par la forma.. tÏ'on de places llouvelles, par la construction de quais, ou pal'n. tous autres travaux publics, généraux, départementaux ou
n communaux, ordonnés ou approlLvés par le gouvernement, des
JO propriétés privées auront acquis une notable augmentation de
,. valeur, ces propriétés pourront être chargées de wyer- une in" dernnitê qui pourra s'éleverju,sqn'à la valeur de la moitié des
" avantages qu'elles auront acquis: le tout sera réglé par estima" tion dans les formes déjà établies par la présente loi, jugé et ho.
" I;Ilologué par la commission qui aura été nommée à cet effet. »
L'application de cette disposition qui, dans tous les cas, impose Ulle indemnité de plus-value à ceux qui profitent des amé..,
liorations, peut se présenter dans dcux hypothèses dont la solution
était déférée par la loi de 1807 à des Juridictions différentes.,
selon que la. propriété améliorée se trouvait en nlême temps atteinte par les travaux, ou au contraire restait intacte.
Dan~ la première, la loi posait le principe d'indemnités réci..,
proques qui étaient fixées par le conseil de préfeoture: « Lors.. qu'il y aura lieu en même temps, dit l'art. 54, à payer llne
" indemnité à un prupriétaire pour terrains occupés, et à recel) voir de lui une plus-value pour de5 avantages acquis à ses
n propriétés restantes? il y aura compensation j~ls'qu'à concur\> rence, et le surplus seulement, srlon les résultats, sera payé
" au propriétaire, ou acquitté par lui. " - L'article 57 ajoutait: « Le contrôleur ct le dirccte\.lr des contributions donneront
�DU DOMAINE PUBLIC.
juillet d333 et 3 mai 1841; quant à présent, nous
nous contenterons de rappeler ici une observation
essentielle, c'est que la commission n'est toujours
.. leur avis sur le procès-verbal d'expertise qui sera soumis, par
.. le préfet, à la délibération du conseil de préfecture. >, Ce
conseil étant, dans le système de celte législation, chargé de fixer
les indemnités d'expropriation au profit des propriétaires dépossédés ou entamés, avait été également et accessoirement investi
du droit d'estimer l'amélioration dont la valeur pouvait être répétée soit par voie directe d'action, soit par voie d'exception et
de compensation,
Dans la deuxième hypothèse, celle où la propriété, n'ayant
éprouvé aucune atteinte, ressentait au contraire une amélioration,
les art. 30 et ll6 ci-dessus rapportés accordaient au gouvernement une action directe en paiement de la plus-value qui alors
était estimée par la commission spéciale.
Or ces principes, tant sur le fond, du droit que sur la compétence, sont.ils encore applicables sous l'empire de la loi du 3
mai 18ll1?
Et d'abord, en ce qui concerne les deux .cas de la première
hypothèse où la propriété est atteinte, ils sont réglés par l'art. 51
de cette loi, ainsi conçu: " Si l'exécution des travaux doit pro.
.. curer une augmentation de valeur immédiate et spéciale au
l> restant de la propriété, cette augmentation sera prise en conl> sidération dans l'évaluation du montant de l'indemnité.
..
De cette disposition, ainsi que de la discussion à laquelle a
donné lieu, à la Chambre des Députés, celle absolument identique, à un mot près, de la loi du 7 juillet 1833 qu'elle remplace
(voy. la note sous le n° ll28, suprà, tom. 1 cr, pag. 598 et suiv,),
il résulte deux points incontestables.
.L'un, déjà relevé (uhi suprà), et du reste consacré par Ull
arrêt très.remarquablc de la Cour de cassation du 28 août 1839
(Sirey, 39-'1-794), que la plus-value ne peut jamais excéder
ni même égaler l'indemllité, et qu'ainsi, quclq;l'imporlante que
.
�680
TIlAITR
qu'un tribnnal d'exception, dont la compétence
doit être rigoureusement bornée aux cas prévus par
soit l'amélioration pour le surplus, le propriétaire exproprié
d'une partie ne saurait être obligé de rien payer à l'Etat, au
département ou à la commune.
Et l'autre, que le jury d'expropriation a seul à s'occuper de
cette évaluation de plus-valu.e sans que le conseil de préfecture
puisse en connattre en aucune manière; d'où il faut indispensablement conclure que, sous t?US les rapports, l'art. 5ll de la,loi
de 1807 est abrogé.
.'
Quant à la deuxième hypothèse, s'appliquant aux propriété.
non atteintes, il est de. la dernière évidence, malgré l'opinion
contraire émise à la Chambre des Députés. par le ministre etes
travaux publics le 9 mai 1840 (Mon. du 10, pag. ~90) ~ que
le propriétaire qui n'aurait rien à réclamer si on lui enlevait les
avantages...qu'il retire de la proximité de certains travaux publics,
tels qu'une ;oute, un canal, un chemin de fer, un marché, etc.,
lie pourra aussi, par la raison inverse, être passible du paiement
d'une plus-value dans le cas où la création d'établissements de ce
genre viendrait à procurer à son fonds une amélioration considérable. Il y a ici une telle réciprocité de chances aléatoires,
que l'on ne peut donner une action à l'une des parties en la refusant à l'autre. Le principe de l'art. 51 de la loi du 3 mai 1841,
qui ne veut pas même que l'indemnité d'expropriation ou de
dommage soit jamais éteinte par celle de plus-value, lo.in que
celle-ci puisse excéder l'autre, s'étend au cas qui nous occupe,
et s'oppose péremptoirement à ce que l'on Yienne réclamer, par
action principale à un propriétaire qui ne ,demande rien, " le
" montant arbitraire et indéfini, selon les expressions de l'arrêt
» de la Cour de cassation plus haut cité, d'une plus-value pu" rement conjecturale, incertaine, et qui pourra être démentie
» par l'événement. Il
Or, l'action n'cxi tant plus, la compétence
, de la commission
chargée d'en connaître cesse forcément.
Ainsi on doit dire que l'attribution (lui lui est donnée par
�DU DOMAINE. l)UllLIC.
681
la loi, et qu'elle a elle-même énnmérés avec le plus
grand soin, précisément pour éviter tout empiètement de juridiction.
l'art. 30 de la loi du 16 septembre 1807 , se trouve entièrement
supprimée.
Mais nous croyons qu'il en est autrement de celle résultant
des articles 33 et 3lt, dont voici le texte: « Lorsqu'il s'agira de
.. construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières
JI et torrents llavigables ou nOll navigables, la nécessité en sera
» constatée par le gouvernement, et la dépense supportée par
Il les propriétés protégé~, dans la proportion de leur intérêt
.. aux travaux, sauf les cas où le gouvernement croirait utile et
» juste d'accorder des secours sur les fonds publics. - Les
» formes précédemment établies, et l'intervention d'une com» mission, seront appliquées à l'exécution du précédent ar» ticle•••. ,.
En effet, l'abrogation de ces dispositions' n'a été prononcéeformellement par aucune loi postérieure, et l'esprit de la légisw
lation actuelle ne s'oppose pas à leur application, qui ne porte
aucune atteinte au droit de propriété. Elles ont été décrétées
pour un cas absolument analogue à celui du desséchement des
marais, et leur unique objet est de faire constater l'état des lieux
avant et après les travaux, à l'effet d'évaluer la plus-value en
résultant, et de répartir le chiffL'e de la dépense proportionnellement aux avantages procurés à chaque propriétaire.
Les commissions spéciales remplacent ici, mais seulement
avec des pouvoirs plus étendus, les syndicats créés par la loi du
27 avril 1838, sur l'asséchement et l'e~ploitation des mines,
ainsi que ceux que l'on est souvent obligé de former pour l'exécution de la loi du llt floréal an XI, relative au curage des
rivières .
. Enfin, quant au pouvoir donné :1 ces commissions par les articles 38,39 et 40, d'opérer la répartition entre les propriétaires
qui en profiteraient, des dépenses occasionnées par l'ouverture
�682
.TRAITf:
S 4. Compétence du conseil de prijecture.
1649. Tout desséchement de marais est essentiellement subordonné à l'administration publique,
puisqu'il ne peut avoir lieu que par ses ordres; qu'ildoit être, en tout, opéré conformément au ,plan par
elle adopté, et que la direction en est confiée à ses
agents. De là il résulte qu'en le considérant soit
dans sa cause, soit dans son exécution, nous le retrouvons généralement placé sous la compétence
des pouvoirs administratifs pour tout ce qui n'en
est pas excepté; c'est pourquoi, aux termes de l'ar,ou le perfectionnement de routes, ou de moyens de navigation
pont l'objet serait d'exploiter avec économie des forêts ou des
mines et mi!1ières ou de leur fournir un débouché, DOUS estimons qu'il ne subsiste pas plus aujourd'hui que le droit de soumettre les propriétaires à cette contribution forcée.
La différence entre ce cas et le précédent consiste en ce que
dans celui-ci il s'agit de prévenir des dommages ou des sinistres
auxquels le gouvernement, comme· lorsqu'il est question de
marais nuisibles doit avoir le droit de remédier, dans l'intérêt
général, même contre le gré de ceux qui en sont directemeut
atteints, tandis que dan! l'autre le but de l'entreprise est seulement de procurer une amélioration et un avantage que l'on ne
saurait imposer aux propriétaires qui refusent d'en jouir. Des
communiers peuvent bien être contraints, sur la demande de
l'un d'eux, à faire les dépenses nécessaires pour prévenir la ruine
ou la perte de la chose commune; mais ils ne sauraient être assujettis, contre leur volonté, à y opérer des améliorations même
évidentes et très-avantageuses. On ne peut pas user de sa propriété en nuisant à celle d'autrui; mais rien n'oblige, surtout
lorsqu'il y a des dépcns~s à faire, à l'exploiter de manière il fen~
<.Ire plus utiles el plus productives les propriétés voisinl's.
�DU DOMAINE PUBLlC.
683
tide 27 du décret du 2] février 1814, « les contestations relatives au recouvrement des taxes, aux
» réclamations des individus imposés, et à la con» fection des tl'avaux, seront portées devant le con» seil de préfecture, conformément aux dispositions
» des lois des 28 pluviôse an VIII et 14 floréal an
" XI (1).
1650. Quand un desséchcmcnt a été fait par
l'Etat, sans expropriation du fonds, il. doit être,
ainsi qu'on l'a déjà dit, dressé un rôle des indemnités dues par les propriétaires. Ce rôle est fait et
arrêté par la connuission; mais c'est le préfet qui
le rend exécutoire (2): dès-lors toutes les di fficu lLés
qui peuvent s'élever sur son recouvrelllent doivent
encore être portées au conseil de préfecture, comme
toutes celles relatives aux rôles d'impositions puhliques, qui sont également rendus exécutoires
par les préfets Ca).
»
(1) Voy. au bullet. t. 20, p. 139,4" série.
(2) Art. 20 de la loi du 16 septembre 1807.
(a) En statuant sur ces difficultés, le conseil de préfecture ne
pourra r~viser les évaluations; il ne pourra qu'apprécier leUl'
application à telle parcelle, en recherchant si elles sont conformes aux bases arrêlées par 1f~s décisions antérieures de la commission,
Ces rôles des plus-values à la charge des propriétaires ne sont
'plus attaquables trois mois après leur émission. On avait pu en
douler dans le principe, bien que r on fût d'accord que le recouvrement devail s'en faire comme en matière de co'ntributions direcles, parce qu'ici les propriétaires peuvent avoir des compensations à opposer aux termes de l'art. 54, et que d'ailleurs les
compagnies n'offrent pas les mêmes garanties que ['Etat pour
�684.
TRAITÉ
La conservation des travaux de desséchement,'
. celle des digues élevées contre les tOI'rCnlS, rivières
et fleuves, et sur les bords des lacs et de la mer,
sont du ressort de l'administration pllblique: en
conséquence, toutes actions ayant pour oLjet de
faire réparer les dégradations qui peu.vent y être
commi.ses doivent être poursuivies par oie admi:'
les.restitutions qui seraient à opérer. Mais aujourd'hui la question se trouve résolue négativement par les art. 1 et 28 de la loi
du 21-28 avril 1832, ainsi conçus: « Art. 1er • Continuera d'être
.. faite .... conformément aux lois existantes, et saufles modifi- .
» cations résultant de la présente loi, la perception•... des taxes
.. pour les travau~ de desséchement autorisés par la loi du 1&
li septembre 1807. Art. 28. Tout contribuable qui se croira
.. surtaxé, adressera au préfet ou au sous-préfet, dans les trois
11 premiers mois de l'émission des rôles, la demande en déch.uge
JI ou réduction. Il y joindra sa quittance des termes échus de la
.. cotisation, sans pouvoir, sous prétexte de réclamation, diffé.. rel' le paiement des termes qui viendront à échoir pendant les
.. trois mois qui suivront la réclamation, dans lesquels elle devra
li être jugée définitivement. li
Ainsi les exceptions tirées de ce qu'oll n'aura pas tènu compte
au propriétaire des pertes qu'il aurait éprouvées par suite du
morcellement de ses propriétés, de la privation des produits des
terrains occupés par le desséchement, des impositions qu'il a
côntinué de payer pendant le cours des travaux, etc., sont
frappées de déchéance après trois mois depuis l'émission du rôle
qui, en conséquence, devient définitif par l'expir:;ttion de ce délai;
mais il en serait autrement pour les réclamation's relatives à des
objets situés en dehors du périmètre, et dès-lors étrangères à la
confection des taxes, par exemple des privations de jouissance
de terrains au-delà des limites du marais, des suppressions ou.
chômages de ~oulins.
�DU DOMAINE l'UllUC.
685
,nislrative au cons~il de préfecture', comme !fuur les
objets de g,'ande voirie (J).
1651. Enfin la loi de 1807 attribuait encore
a u conseil de préfecture la connaissance des estimations d'indemnités pour expropriation, loriqu'il
s'agit soit de terrains à occuper pour les canaux de
desséchement, soit de suppression de quelques
usines; mais ce sont là deux points sur lesquels
nous reviendrons plus bas, nO 1661, en examinant
si la loi du 8 mars 1810 n'en a pas disposé autrement.
S 5. Compétence des trihunaux de police.
•
1652. Comme on vient de le dire, lorsqu'il y
aeu des dégradations matérielles causées dans les
. dessus enumeres,
'
"
travaux et ouvrages d,3,rt Cl'
et
qu'il n'est question que de les faire· réparer, c'est
pardevant le conseil de préfecture que les poursuites doivent être portées; mais quand les faits
sont d'une nature telle qu'ils constituent un délit
ou un crime; lorsque, par les circonstances, il est
démontré que l'auteur a en l'intention de nuire,
le conseil de préfecture doit se borner à prononcer
au civil sur les dommages, et renvoyer les prévenus, quant au surplus, soit devant les tribunaux
de police correctiunnelle, soit même devant les
Conrs criminelles, selon les cas (2).
S6. Compétence des tribunaux civiLs.
1653.
Suivant les règles du droit eommuo,
(1) Art. 27 de la loi de 1807,et loi du 29 floréal an x.
(2) Art. 27. - Voyez sllprà) tom. 2, pag. 891.
�686
TRAITÉ
toutes les questions de propriété soulevées entre
particuliers rentrent dans le domaine ae la justice
ordinaire, et ce principe s'applique ici comme en
toute autre matière: c'est pourquoi l'art. 47 de la loi
de 1807, parlant des commissions, porte que « elles
» ne pourront, en aucun cas, juger les questions
» de propriété, sur lesquelles il sera prononcé par
» les tribunaux ordinaires, sans que, dans aucun
» cas, les opérations relalives aux travaux, ou
» l'exécution des décisions de la commission, puis» sent être retardées ou suspendues. »
Ainsi, à supposer qu'il s'élève enlre deux ou
plusieurs individus un débat sur la question de
savoir auquel d'entre eux appartient une portion
du marais, ou si l'un est fondé à y exercer un droit
d'usufruit, d~sage, ou d'autre servitude, dénié
par sa. partie adverse, c'est au tribunal d'tll'rondissernent que la question devra d'abord être
soumIse.
1654. La même règle doit être observée pOUl'
toutes demandes en dommages. intérêts formées
entre pal'liculiers pour dégradations ou lésions occasionnées par l'un dans la propriété de l'autre;
encore que les dommages ne soient que la suite
de conslructions ou de changements dans la disposition du sol, ordonnés ou autorisés par l'adminislration publique, si tontcfois le décret de l'administration n'a été rendu qu'à la sollicitation et
dans l'intérêt privé de celui anquel on impute le
préindice, ct non dans des vues et pour canse d'u-
�DU
J)O~IAINE
l'UBLIC.
687
tilité publique (1). La raison de cette compétence
judiciaire est qu'alors il ne s'agit toujours que de
statuer sur des droils individuels, sans aucun reconrs contre le gouvernement, qui n'autorise jamais de constructions dans un intérêt privé qu'aux:
risques et périls de l'impétrant.
1655. Mais la thèse change de face 'lorsque
c'est contre l'Elat lui-même que les actions en indemnité doivent être dirigées, parce que les dommages résultent de travaux par lui prescrits dans
un but d'utilité publique; les lois des 28 pluviôse
an VIII et 16 septembre 1807 veulent que ces actions soient pOrleeS aux conseils de préfecture,
chargés de statner en première instance sur le contentieux, ayant l'intérêt public pour objet.
Ainsi, lorsqu'il s'agit d'une indemnité réclamée
à raison de l'occupalion momentanée d'un terrain
dans lequel on a fait des fouilles pour servir à des
travaux publics (2), lorsqu'il est question d'estimer l'indemnité due non pour la suppression totale, mais pour des délériorations ou lésions causées à des usines par l'exéculion de semblables
tra\'aux, c'est encore au con~eil de préfecture que
la contestation doit être déférée (3).
1656. Quoique les desséchements de marais
soient opérés ail profil et aux frais des proprié(1) Voy. le décret du 22 septembre 1812, dans
risprudence du conseil d'Etat, t. 2, p. 142.
(2) Voy. dans SIllEY, t. 3, p. 34.
(3) Voy. dans lVIACAIŒI., t. 6, p. 1311 et 227.
SIREY,
Ju-
�688
TRAITÉ
taires , qui sont en conséquence seuls tenus de
rép:Jrer tout le préjudice causé par l'accomplissement d'une pareille entreprise, sans que l'on
puisse recourir contre l'administration publique
clle-même, néanmoins, comme ces sortes de
travaux intéressent éminemment la société tout
entière " comme ils n'ont lieu qu'en vertu des
ordres du gouvernement et sous la surveillance
de ses agents, la loi du 16 septembre 1807 les assimile, quant aux acti.ons en responsabilité, à ceux
qui ont pour cause unique l'utilité publique, et
elle veut que les. règles de compétence soient les
mêmes: d'où il résuhe que tontes l~s contestations
portant sur le régiement des indemnités qui peu-'
vent être dues à des tiers par suitede l'exécution et
de la conservation des travaux, de même que sur
les vices et défauts de construction des ouvrages
prescrits par l'Etat, doivent être soumises à l'~u
torité administrative, et non aux tribunaux (1).
1651. Jl1sqne là il n'y a aucune difficulté;
mais le desséchl'lment d'un marais peut présenter
trois cas d'expropriation' foncière, dans lesquels
s'élève la question d~ savoir si c'est pardevant le
tribunal civil qu'on doit, conformément aux.
lois des 8 mars dho, 7 juillet 1833, et 3 mai 1841,
procéder à l'estimation judiciaire du fonds, pOUl'
pouvoir en dépossédel'le propriétaire, 0\1 si c'est à la
(1) Voy. l'arrêt du conseil du 23 décembre 1815, dans
SIRe\' , t. 3, p. 190.
�DU DOl\WNE l'UIlLIe.
commission qu'il faut reconril', ou enfin si c'est au
conseil de préfecture qu~il y a lieu de s'adresser.
Le premier de ces cas d'expropriation s'applique aux terrains qui, soit dans l'intérieur
du marais, soil en dehors et à l'extérieur, serent
occupés par les canaux de desséchement, et qui
doivent être acquis dans ce but par l'entrepreneur.
Le second est relatif aux moulins ou autres
usines qu'il serait nécessaire de supprimer pour
opérer l'assainissement et à raiSOl] desquels l'entrepreneur serait également obligé ,d'indemniser
les propriétaires.
Le troisième enfin est celui dans lequel Je
gouvernement voudrait, en vertu de l'art. 24
de la loi de 1807, contraindre les possesseurs du
marais à lui en faire le délaissement, moyennant
estimation, pour en opérer ensuite le desséche·
ment dans son intérêt.
1658. Afin d'éclaircir ces importantes qnestions de compétence, voyons d'abord comment
elles auraient di\ être décidées d'après les dispositions de la loi cl Il J 6 septembre J 807. Reprenons
donc, dans cette loi même, les trois hypothèses
qu'on 'vient de spécifier.
Aux termes de l'àrticle 48, qui est le premier
du titre XI, ce lorsque, pour exécuter nn desséche·
)) meüt, il sera question de supprimer des moulins
" ou autres usines, de les déplacer, modifier, ou de
)) réduire l'élévation de leurs eaux, la nécessité en
:» sera constatée par les ingénieurs des ponts el.
TOM. IV.
44
�690
TRAITll:
chaussées. Le prix de l'estimation sera payé par
» l'Etat lorsqu'il entreprend les travaux; lorsqu'ils
» sont entrepris par des concessionnaires, le prix
» de l'estimation sera payé avant qu'ils puissent
» f:1ire cesser le travail des moulins et usines. »
Voilà pour ce qui concerne la supprcssion des
usines; l'article suivant ajoute, en ce qui concerne
les canaux:
»Les terrains nécessaires pour l'ouverture des
» canauxet rigoles de desséchement, des canauxde
» navigation, des routes, etc., seront payés à
» leurs propriétail'es, à dire d'experts, d'après
)' leur valeur avant l'entreprise, et sans nulle aug·
» mentation du prix d'estimation. »
On voit par là que la même règle d'estimation
était établie dans les deux hypothèses, soit de
s1\Ppression d'usines, soit d'occupation de terrains
poùr l'établissement des canaux: reste à savoir
quelle est l'autorité qui devait présider à cette
expertise, etla sanctionner. Or ce sont les articles
56 et 57 du même titre qui nous l'indiquent.
1659. Aux termes du premiel' , « les experts,
)' pour l'évaluation des indemnités relatives à une
» occupation de terrain, q.ans les cas prévus au
» présent titre -' seron t nommés, pour les objets
» de travaux d~ grande voirie, l'un par le pro prié» taire, l'autre, ~ar le préfet; et le tiers expert,
» s'il cn est besoin, sera de droit l'ingénieur en
), chef du département. Lorsqu'il y aura des con·
» cessionnaires, un expert sera nommé pal' le pro.
»
�DU Dûl'tA1N.E: PUBLIC.
691
priétaire, un par le concessionnaire, et le tiers
» expert pal' le préfet. n
L'article suivant ajoute: cc Le conlr8leur et le
»dir~cteUl' des contributions donneront leur
» avis sur le procès-verbal d'expertise, qui sera
» soumis par le préfet à la délibération du con» seil de préfecture. Le préfet pourra dans tous
:» les cas, faire faire une nouvelle expertise.»
Ainsi il est bien constant que, suivant la loi du
16 septembre 1807, les expertises à fair~ pour la
fixation des indemnités dues aux propriétaires, soit
à raison des suppressions d'usines, soit à raison des
occupations de terrains pour canaux de desséche·
ment ou de navigation, étaient purement administratives, puisque c'est aux conseils de préfecture
qu'elles devaient être soumises pour être approuvées et sanctionnées: d'où il suit que les débats
qu'elles pouvaient occasionner étaient absolument
placés hors des attributions soit de la commission,
soit des tribunaux ordinaires.
1660. Pour résoudre la même question de
compétence dans le troisième cas, où il s'agit de
l'expropriation d'un marais à dessécher par le gouvernemen t, il faut encore faire ici le rapprochement de deux articles de la même loi.
D'après l'art. 24, cc dans le cas où le desséche» ment d'un marais ne poufr-ait être opéré pal" les
~ moyens ci-dessus organisés, et Ol!, soit par les
» obstacles de la natme, snit par des oppositions
» persévérantes des propriétaires, on ne pourdit
)Il
�692
Tl\AITit
parvenir au desséchement, le propriétaire ou les
propriétaires de la totalité des marais pourront
» être contraints à délaisser leur propriété SUl'
» estimation faite dans les formes déjà prescrites,);)
c'est-à·dire par des experts nommés, Pun par les
propriétaires ou leurs syndics, l'autre par le préfet,
et le tiers par le ministre de l'intérieur (1).
u Cette estimation sera soumise au jugement et
» à l'homologation d'une commission formée àcet
» effet; et la cession sera ordonnée sur le rapport
» du ministre de l'intérieur, par un réglement
» d'administration publique.»
A quoi l'art. 46, qui énumère en détailles cas
de compétence des commissions instituées pour
régler les travaux publics, ajoute que ce elles arrê» teront les estimations dans le cas prévu par l'ar» tide 24, où le gouvernement aurait à déposséder
)') tous les propriétaires d'un marais. »
Ainsi il est bien certain encore que, dans cette
dernière hypothèse d'expropriation, et suivant la
loi de 1 807, ce n'était ni en j llstice ordinaire ni au
conseil de préfecture qu'on devait demander l'homologation de l'expertise, mais seulement à la
commission, qui, par voie de conséquence, était
seule investie du pouvoir de statuer sur les difficultés qu'elle peut faire naître. Toutefois il ne faut
pas penlre de vue que la commission n'était ici
qu'un tribunal d'exception, et qu'en conséquence
»
»
(1) Voyez il. cet égard l'art. 8. •
�DU DOMAINE }IUlILIC.
693
ce cas isolé ne saurait être le fondement d'aucune
induction raisonnable pour étendre plus loin sa
compétence.
1661. Actuellement il nous reste à examincr
c.omment et en quoi la loi du 8 mars 1810 aurait
dérogé aux dispositions de celle de 1807 que nous
venons d'ex pliquer.
Aux termes de l'art. 1 er de la première de ces
lois, cc l'expropriation pOUl' cause d'utilité publique
» s'opère pal' l'autorité de la justice;» ce qui ne
veut pas dire que les tribunaux puissent y mettre
obstacle quand les formalités préalables ont été
remplies, mais seulemcnt que le prix du fonds
doit être judiciairement déterminé.
Le mot expropriation signifie assez qu'il s'agit
d'une mutation de la propriété même du sol, qui
doit passer dans le domaine public ou changer de
maître, et non pas d'une simple occupation momenta!1ée, de quelques fouilles de matériaux, ou
enfin de modifications ou changements qui seraient
ordonnés dans le conrs d'eau d'une usine.
Quand ce mot serait moins énergique par luimême, le sens que nous lui attribuous ici serait
encore suffisamment déterminé par les expressions
achat de terrains ou édifices, qu'on trouve dans
le même article; cession de propriété; mise en
possession de l'Etat; propriétaires dépossédés,
qu'ou rencontre dans les art. 5, 8, 12,13 et 20 : il
s'agit donc uniq~ement, dans cette disposition lé,gisiative, lIe la mutation de la propriété même du
�694
1'IlArrl;
terrain,.et nullement des réparations de dommages
ou dégradations qui auraient été causés dans le
fonds.
Dès-lors on doit reconnaître que les trois espèces
d'expropriation que nous avons signalées ci·dessus
comme possibles dans les desséchements de marais
ne peuvent plus s'opérer aujourd'hui que par autorité de justic.e, puisque, aux termes de l'art._ 2-7"
de la loi du 8 mars 1810, cc les dispositions de la
» loi du 16 septembre 1807, ou de toutes autres.
» lois qui se trouveraient contraires aux présentes,
» sont rapportées; » et que le système de cette loi
a é'té absolument maintenu sur ce point par celles
des 7 jHil1et 1833et3 mai 1841 Ca).
(a) Cette opinion de M. Proudhon a été admise par plusieurs
auteurs.
« Il faut remarquer, dit Toullier, tom. 3, nO 286, que les
" dispositions de la loi du 16 septembre 1807 sont rnpportées
» en tout ce qu'elles ont de contraire à celle du 8 mars 1810
" (l'auteur écrivait avant la loi du 7 juillet 1833). Ainsi, après
" que la cession a été ordonnée par une ordonnance du. Roi,
» irfaut suivre, pour l'estimation, les formes prescrites par cette
" dernière loi. » Ce jurisconsulte était au reste peu favorable
au système des desséchements forcés, car il ajoute: " Il est à
" craindre que ces dispositions, au lieu de produire le bien qu'on
» s'en était promis, ne servent, à des concessionnaires avides ,
» de prétexte pour surJlEendre le' gouvernement, et pour vexer
» les propr~étaires de m,arais. ..
MM. Cormenin, Questions de Droit administratif, 4" édit.,
tom. 3, pag. 237; et Favard, VO expropriation J nO 15, semblent aussi reconnaître l'abrogation de la loi de 1807.
D'après Une lettre ministérielle du 27 avril 1810, rapportée
�DU DOMAlr\'E PURLTC.
695
1662. Mais l'on doit dil'e aussi que toutes réclamations formées pardespropl'iétaires pourindemdans le Code des desséchements de Poterlet, pag. 225, la loi
du 8 mars précédent ne s'appliquerait qu'aux desséchements
opérés par l'Etat, en sorte que ceux suivis par les particuliers
resteraient sous l'empire de la loi de 1807; distinction que combat
avec raison IV1. Isambert , nOS 229 et 230.
Enfin M. de LaIJeau, Traité de l'expropriation pour cause
d'utilité publique, 2° édit., nOS 857 et suiv., se prononce 'lUssi en
faveur de l'abrogation par les motifs suivants: « L'uniformité
Il de la législation est un trop grand avantage pour que' l'on
" présume jamais que le législateur a voulu, sans motifs, con J
" servel', sur la même matière, des législations diverses. an
" n'admettrait, sans doute, un système contraire quc lorsqu'il
" serait prouvé que la loi spéciale présentait, dans le cas SUl'
" lequel eUe ~tatuait, des avantages tout particuliers, ou que.
" la loi générale ne peut, sans inconvénients, s'adapter au cas
" spécial. lVIais il n'en est pas ainsi dans l'espèce dont nous nous
Il occupons. Que les terrains soient expropriés pour parvenir à
" un desséchement de marais', ou à l'eiécution de tout autre
Il travail d'utilité publique, l'on peut suivre, dans l'un et l'autre
Il cas, les mêmes formes, et confier le droit de prononcer à la
.. même autorité. Nous croyons donc que l'arL 24 de la loi du
Il 16 septembre s'est trouvé compris dans l'abrogation de toute.r
" àutres lois qui se trouveraient contraires aux présentes, pro" noncée par l'art. 27 de la loi du 8 mars 1810, et qu'aujour.. d'hui l'on doit' appliquer la loi nouvelle..... du 7 juillet
.. 1833. Il
1\falgré ces autorités imposantes, nous pensons avcc nolre
~avallt confrère, M. Serrigny, Traité de l'organisation, de la
compétence et de la procédure en matière contentieuse administrative, nO 1193, que la loi de 1807, qu'a~cune subséquente n'a
abrogée d'une manière absolue, ayant, comme le dit son arL le',
voulu soumetlre la propriété des m~rais il de~ règles particu-
�696
1'IlAl'l'h
nités qui peuvent leur être ducs il raison de dcsséchementsde marais ou d'autres travaux d'utilité pu.
lières , l'art. 2.4 a consacré UIlC de ces règles ell établissant le
mode de dépossession des propriétaires et de fixation des indem..
nités; que tout est exceptionnel dans cette disposition: la na-.
ture de l'immeuble à exproprier, les causes de l'expropriation,
le mode de la déclaration de L'utilité publique et celui de la fixa~.
tion de l'indemnité, que lé tout forme un ensemble auquel n'a
pas dél'ogé le droit commun d'après la maxime pel' generalia,
specialibus non derogatllr; que l'on ne peut pas induire le
retrait à la commission spéciale du droit d'estiiner l'indemnité
d'expropriation en cas de desséchement de marais de celui fait au
conseil de préfecture par la loi de 1810 de l'attrihution de ré..
gler les indemnités dans tous les autres cas d'expropriation, en
ce que.la commission n'était point une émanation du conseil de
préfecture, qu'elle formait au contraite une juridiction tout-àfait distinete et indépendante dont les pouvoirs ont pu et dû survivre à ceu.x retiré,s au conseil.
A notre avis, la législation postérleure à 1810 n'a pas plus
dérogé à la loi de 1801 sllr les marais, qu'à celle du 21 avril
1810 concernant les concessions de mines et les permissions
relatives aux minières,
C'est en cc sens d'ailleurs que la loi de 1833 a été entendue
lors de la discussion qui a précédé sonadoption. Le duc de Bassano ayant demandé, à la séance du 4 mai, pourquoi, dans.la
nomenclature des grands travaux, on n'avait pas compris les
desséchemenls de marais, M. Legrand, commissaire du gouvernement, répondit: li Il existe sur les desséchements une loi
» spéciale du 16 septembre 1807. Cette loi détermine toutes les
» conditions qui doivent précéder, accompagner et suivre une,
» opération de desséchement: une proposition vient d'être dé'I posée dans la Chambre des Député~ pour y apporter les peru fectionnements signalés par l'expérience. Ainsi les desséche'I mC!lts ont une législation qui leur app~rtient, ct il n'était pas
�DU DOMAINE PUllLIC.
6~1
hlique par suite de l'occupation momentanée de
leurs héritages, de fouilles et prises de matériaux
nécessaire de les mentionner dans le projet d,e loi d{)nt a s'a/1;it
)1 (Mon. de 1833) pag~ 1251). »
Vainement pour détruire l'autorité de cette déclaration) M. de
Lalleau') nO 858 , prétend-il que la Chambre ne s'occupant alors'
que du point de savoir quels travaux devaient êt.re autorisés par
une loi, quels autre!! pquvaient avoir lieu en, veFtu d'une ordonnance, M. le commissaire se borna à démonlrer l'inutilité de
la quest~Qn s~ulevée relativement aux marais) en disant que la
Chambre des Députés s'occupait d'une loi nouvelle sur la
matière, et que voilà tout ce qu'il a entendu djve•. - Evidemment sa réponse a une toute autre portée; elle a pour objet de
repousser la discussion par le, motif qu'il existe une législation
spéciale et complète que l'on pourra à l~ vérité changer ou
améliorer plus tard, mais qui jusque-là subsistera en son entier.
et continuera à déterminer toutes les conditions qui dmvent
précéder, accompagner et suivre l'opération de desséchement.'
Enfin la jurisprudence du eonsell d'Etat paraît avoir mai~l
tenu jusqu'ici les commissions spécial~s dans le droi! d'estimer
toutes les indemnités relatives aù d,esséchemênt des marais. L'article 6 du décret du 25 mars 1811 <:oncernant .les marais de
l'Authie, pqrte: « Les indemnités dues aux propriétaires des
" moulins supprimés ser~nt> réll;lées conformélJlent à. la loi du
» 16 septembre 1807, et acquittées préalable'llent. »,
Un arrêt du conseil du 27 avril 1825 (compagnie Bimar)
juge qu'il appartient à l'autorité administrative d'évaluer, suivant les formes prescrites par ceUe loi de ~807, l'indemnité
due pour suppression d'un moulin nécessitée pm; le desséchernent
d'un marais.
Un autre arrêt du même conseil du 23 août 1826, relatif aux
marais tourbeux de Donges) énonce que les lois et ordonnances
réservent à l'administration, toutes les questions se rattachant aU
J)
�69-8
TRAITÉ
pratiquées dansJeurs fonds, ou autres dégradation's;
restent dans les attr~butions des. conseils de préfecdesséchement, et entre autres celle des indemnités de toute espèce
dues ioit aux concessionnaires, s'oit aux propriétaires, mémé
pour suppression d'usines ou concessions de terrains.
L'ordonnance slir conflit du 22'nla'rs 1827, dans l'affaire du
marquis de Brézé, est encore plus p~écise: Après avoir constaté
que l'oppesitio'n'de ce pl'o"priétaite 'avait pour objet non de faire
jug'er une question de propriété, mais seulement de mettre
obstacle 1I.la cOIitinùation des travaux de canalisation de desséchement jusqu'à l'éstimatiou'des marais el terrains voisins, elle
ajoutè: u· qu'aux termes de la ioi du 16 septembfe 1801' , '~ette
" estimation dôit·être'faite par voie administrative, et que les
" contestations qui peuvent s'élever entre les propriétaires et les
" concessionhai~es; 'reiativement ladite estimatio~, doivent" être portées devant la commission administrative instituée par
" l'art. 12 de'l~dite 'loi. "
.
'
Mais comme les exceptions doivent être strictement renfermées dans leurs limites, et que cette juridiction des commissions
spéciales est exorbitante du droit commun, il en résulte qu,'elle
rie pour~ait' s'iftenare à d'a~irès cas que ceux pouf iesquels elle
a été expressément établie. Ainsi c'est avec raison, d'une part,
qU'U;l arrêt du conseil du 17 août '1825 EMamsse) a' jugéqùe;
l'indemnité pour la suppressiOli d'un moulin dans l'intérêt de la
navigation, deva'it 'ê(~é réglée c~nforml~me~{ à la loi du 8 marS'
1810, et, d'un autre'cÔté~ que l'art; 36 du réglement du 22janvier 1831., concernant la conservation' des marais de HautePerche, renvO'ie- ~;ux tribubaux l'évaluation des indemnités à~
raison des terrains qu'e la c'ompagnie se fera céder, parcé qu'if
ne s'agissait plus alors (Pun dessécheinent, mais seulement de là'
conservation des travaux.
En dehors du périmêtre du maraiS, l'évaluation dé tonte
indemnité d'exproprlatîdn devrmt aussi incontestableincnt ~tre
raite d'après les formes du clroil co'n'nnun ; en sorte' que no\~
èt
r
�DU DOMAINE PUBLIC.
699
ture, conformément à la loi du 16 septembre 1807 ,
parce qu'il est de principe qu'une loi doit conserver
son empire dans tous les points qui n'ont pas été
abrogés par une subséquente.
Ainsi lorsque pour le desséchement d'un marr.is
ou autre entreprise d'utilité publique, il est nécessaire de supprimer une usine, l'expropriation doit
en être prononcée par le tribunal de la situation;
tandis que, quand il ne s'agit que d'y apporter des
modifications ou de réduire l'élévation des' eaux,
c'est pardevant l'administration qu'on doit procéder à l'estimation des indemnités prétendues par le
propriétaire.
' . : . . , '.
n'hésitons pas à tenÎr pour co~plétement abrogé le dernier paragraphe de l'art. 46 rapp~rié ci-dessus, page 675, soit qu'on
l'entende comme s'appliqu~nt à l'expropriation mê~e d~ terrains nécessaires à la confec~ion des travaux qui y. ,sont mentionnés, soit" qu'il ne se réfère,qu'à.l'estirn;tion de la plus-value que l'on voudrait ré~lamer des propriétaires qui en profitent.
~~."I
~
t'IN llU TOM'È QOATRJ:È'ME ÈT ~EIi-NJEll,
\
�TABLE ANALYTIQUE
DES MATIERES CONTENUES DANS LE TRAITÉ
DU DOMAINE PUBLIC (1).
Nota. Le, chiffre' romain, indiquent le volume; le, chiff)'e, arobes indiquent
la page.
A.
ABANDON. Voy. DéclaMement.
ABONNEMENT. Les subventions pour dégradation auX chemins peuvent être réglées par abonnement, Il, 155. - Voy. Subvention.
ABREUVOIR, Il, 357. - Voy. Servitudes sur les voies publiques.
ABROGATION. Quels sont les lois et réglements particuliers qu'on doit
regarder comme abrogés par le Code pénal? l, 64 r. - La loi du 2 r mai
1836 maintient les lois anciennes dans les dispositions qui ne lui sont pas
contraires. Vice de cette disposition, II, 793. - Dispositions antérieures
-conscrvées, Il, 796 à 837,
ACCESSOIRE. Accessoires des chemins, If, 23. - Les accessoires des
chemins sont du domaine public et imprescriptibles, II, 21 à 23, 112 à
116. - Sont présnmés dépendance des chemins les chemins laissés en dehors
des clotures des propriétés riveraines, Il, 191, 556,597' - Sont nne dé·
pendance des chemins les alluvions qui s'y attachent, Il, 821.
ACCROISSEMENTS. Voy. Alluvion.
ACCRUES. Voy. Alluvion.
ACQUÉLlEUR. Voy. rendeur. - Tiers acquéreur.
.
ACQUISITIONS. Des acquisitions des communes ayant pour objet l'ou,·erture ou l'alignement des rues et chemins viciuaux. - Du cas où elles
peuvent être faites sans autorisation du gouvernement; formalités qui remplacent alors cette autorisation, l, 579. - Alignement. Expropriation.En cas d'avancement par alignement, la cession du tel'1'ain est facultative
de la part de l'administration. Conséquences, II, 670 à 692. - Secz'u en
cas de reculement. Il y a expropriation du riverain, II, 6r5, 6r6. - Le
riverain qui refuse d'acquérir le terrain retranché de la voie publique dans
les villes et faubourgs, peut être exproprié, Il, 672 à 675 ,490. - Secùs
pour les grandes routes, II, 769, et pour les chemins vicinaux, II, 772.
- Déclassement. - Les riverains ont un droit de préemption du sol des
cbemins déclassés. Voy. sur la nature, l'exercice, les efrets de ce droit,
décla~sement, II, 315 et suiv.- Voy. rendcur.- Expropriation (transmission de la. propriété), II, 236 et suiv.
ACTIONS. Quelle est la nature des actions qui peuvent être intentées
pardevant les tribunaux sur les fonds du domaine public, l, 277, 284. Quels sont les agents contradicteurs légitimes ponr agir ou défendre contre
les intérêts particuliers? l, 178,277. -:- Devant quels tribunaux ces actions doivent· elles être portées? l, 280. - Les décisions des trihunaux sur
ces objets ne font pas obstacle à ce que l'administration puisse toujours s'em·
parer du te1'l'ain litigieux pour un service public; elles ont seulement pour
effet de donner au particulier judiciairement déclaré propi'iétaire le droit
de réclamer une indemnité, l, 282. - Des actions à intenter ou à soute(1) Les noles contenues daus le corps de Fouyrage et dont le signe de l'envoi
consiste en un chiffre sont de M. Proudhon; celles précédées d'une lettre italique
entre parenthèses so~t de M. Dllrnal"'
TOM. lV,
45
�706
TABLE ANALYTIQUE.
niF de la part des communes; pouvoirs des maires sur cet objet; variations
subies par nos lois nouvelles, II, 980. - Des ac'ions à diriger contre l'Etat; formalités administratives préalables à remplir à peine de nullité, l,
222 et 2'13 (notes), 280. Des actions à porter pal'devant l'administration, forme de procéder, 1,188.
ACTION CIVILE. Son exercice est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé sur l'action publique. Y a-t-il exception à ce princi~e eu cas de délit de grande voirie à poursuivre, quan t aux amendes et reparations pécuniai.res, pardevantle conseil de préfecture, l, 397, - Voy. Affaire sommall'e.
ACTION DES COMMUNES. Formalités préliminaires à toute action
judiciaire intentée par les communes ou contre elles. - Mémoire et autorisation, II, 170.
ACTION EN CONFLIT. Voy. Conflit.
ACTION EN TROUBLE. Voy. Trouble.
ACTIONS PETITOIRES. Voy. Pétitoires.
ACTIONS POSSESSOIRES. Voy. Possessoires.
ACTION PUBLIQUE. L'action publique suspend l'exercice de l'action
civile jusqu'au jugement définitif. Y a-t-il exception à ce principe en cas
de délit de grande voirie à poursuivre, quant aux amendes et réparations
pécuniaires, pardevant le conseil de préfecture, l, 397 - L'action publique pour délits de grande voirie a deux objets distincts, dont chacun est
soumis à la compéteuce d'une autorité judiciaire différente, Ibid. - Si le
tribunal correctionnel est saisi le premier de l'action publique, peut-il
prononcer à la fois sur la peine corporelle, sur l'amende et les dommages
et intérêts, l, 399. - L'action publique intentée d'abord au civil pardevant le conseil de préfecture met-elle obstacle à la prescription de l'action
correctionnelle, l, 400.
ACTIONS RÉELLES. Effet de l'expropriation à leur égard, II, 245 et
suiv.
ADJOINTS. Leur compétence en matière de grande et petite voirie. Voy. Maires.
ADJUDICATAIRE. Quand les subventions pour dégradation des chemins sont à sa charge, II, 144.
ADJUDICAl'IONS. Voy. Entrepreneur.
ADMINISTRATION. De la manière de procéder pardevant les autorités
administratives ou adjointes à l'administration, l, 188. - L'administration
de l'Etat est incompatible avec le pouvoir législatif, l, 74. - Voy., pemr
les développements,aux mots Pou~oir exécutifet Tribunaux administratifs.
ADMINISTRATIONS CANTONNALES. Voy. Administrations de département.
ADMINISTRATIONS CENTRALES. Voy. Administrations de département.
ADMINISTRATION D'ARIWNDISSEMENT. Voy. Administrations
de départemmt.
'
ADMINISrRATION DE DISTRICT. Voy. Administrations de département.
ADMINISTRATIONS DE DÉPAR'/ EMENT. Ont été créées, ainsi que
les administrations d'arrondissement ou de district, par la loi du 1" janvier
1790; leur composition et leurs attributions d'après celte loi, l, 129. Loi du "0 août et décret du 7 septembre 1790, extensifs de ces attrihutions, l, 132.·- Sous cette ancienne législation, le contentieux était soumis
à l'action directe de l'administration, alors juge et partie entre elle et les
particuliers, Ibid. - La Constitution de l'ail III supprime les administrations de district, et les remplace par celles de municipalités çantonnales,.
�TABLE ANALYTiQUE.
707
l, .33. - Le procureur général syndic près des administrations dl! département est remplacé par un commissaire du directoire exécntif. Mais la loi
du 2. 1 fructidor an IV conserve tontes les attributions de ces adminislrations,
lbid. - La loi du 2.8 pluviôse an vrrr forme le dernier état de la législation
sur cet objet: abolition des directoires de département; - création des
préfets et des conseils de préfecture; - abolition des administrations cantonnaies ; - création des sous-préfets, l, 134.
ADOPTION. De l'adoption des lois. - Voy. Lois.
AFFAIRE SOMMAIRE. Toutes contestations civiles relatives aux chemins vicinaux sont instruites et jugées comme affaires sommaires, II, 1,13
et suiv. - Elles sont taxées comme telles, II, 416.
AFFICHES. De la contra"ention de voirie urbaine résultant du fait d'avoir arraché des affiches apposées pal' ordre de l'administration, l, 636. Les affiches annonçant l'adjudication des travaux des chemins doivent être
sur papier timbré et de couleur, II, 412.. - Voy. Servitude. II, 357.
AFFIRMATION. ks procès-verbaux qui constatent des contraventions
de grande voirie sont sujets à l'affirmaticn, l, 388 et suiv. - Devant qui
doit-elle être faite, et dans quel délai? ibid. et 393. - Les procès-verbaux
qui coustatent les contraventions au préjudice de la perception de l'octroi
de navigatiou ne doivent être affirmés que dans les trois jours, l, 392.Voy. Procès-verbaux.
AGE. Exigé pour être soumis il. la llrestation , II, 59. - POUl' être agent
vover, II, 12. 7. - Donne lieu à la question de discernement en fait de conù-à"ention, II, 92.4.
AGENTS DE 1....0\. NAVIGATION. Sont compétents pour constater par
procès-verbaux les contraventions en matière de grande voirie, l, 388.
AGENTS DU GOUVERNEMENT.- Voy. Agents du pouvoir exécutif,
AGENTS DU POUVOIR ÉIECUTIF. Dans quelle forme peuvent-ils
être poursuivis pour faits relatifs à leurs fonctions? l, 92. et suh-. - Quels
sont les fonctionnaires qui l\e doivent pas être rangés dans la dasse d'agents
du pouvoir exécutif? l, 93. - C'est la partie poursuivante qui est chargée
de demander et obtenir l'autorisation du gouvernement, lors de poursuites
exercées contre eux pour faits relatifs à leurs fonctions, 1,22.1. - A qui
doit-elle s'adresser? ibid. - I.e défaut d'autorisation, en cas de poursuites
coutreeux,'nepeutfaireuaître un conflit, 1,2. 14etSlliv.-Quelleestla mauière
de procéder en ce cas? ibid. - Nonobstaut le défaut d'autorisation, la cause
reste entièremeut dans le domaine de la justice ordinaire, mais sam préjudice de la nullité des jugements prononcés avant celte autorisation, l,
219. - Les tribnnaux ordinaires ont le droit de juger si le faü imputé à
l'agent se rattache à l'exercice de ses fonctions, l, 2.20. - Ils pement ordonner, même avant l'autorisation, une instruction complète. Celle autorisalion u'est nécessaire que lors de la mise en jugement de l'inculpé, Ibid.
AGENTS FORESTIERS. Leur qualité pour dresser procès-verbaux des
délits de pêche, Ill, 2.51.
AGENT-VOYER. Historique de celte institution, II, 124, 936. - Il
peut en être nOIllmé dans cha'lue commune, II, !2.7. - Dans ce cas leur
traitemel\l est fixé par le couseil municipal, II, 127. - Dans le cas contraire, il est fixé par le conseil général, II, 12 7. - Doivl'ut être majèurs
de 2. l ans, Il·, 12.7. -- Prêtent serment devant le préfet, Il, 12.7.
Attributions, - Lenrs procès-verbaux sont dispensés de l'affirmation, II,
12.8. - Ils ne font foi que jusqu'à preuve contraire, II, a8. - Ils vcrhalisent concurremment avec les autres of!iciers de police, Il, 12.9. -- Ils
remplisseut dans les communes rurales, en matière d'alignement, les fonctions d'architecte-voyer, II, 465. - Ils surveillent la coufection des aqueducs destinés à l'écoulement des eaux SUl' les chemins, II, 1,41. - Ils dres-
�708
TABLB ANALY1'IQUE.
sent les plans généraux d'alignement des chemins vicinaux, Il, 736.- Vues
de M. Mathieu de Dombasle sur le perfectionnement de l'institution des
agents-voyers, Il, 129.
AGRICULTURE. A quelles nécessités et conséquences elle entraîna les
hommes réunis en société, l, 46, 48.
AIR. Dans quel genre de choses on doit ranger cet élément, l, 9 et
suiv.,
J2, 252.
ALIÉNATION. Quelles analogies et quelles différenees existent entre
l'aliénation ordinaire et l'aliénation pal' prescription, l, 25I. - Ne peut
en général être faite des fonds du domaiue public, Ibid. - Mais cette
inaliénabilité n'est pas absolue; elle cesse quand on supprime la destination ou affectation au service public, l, 253. - Comment cette suppression peut-elle avoir lieu? 1,257, - Des aliénations des communes,
ayant pour objet les rues ou chemius vicinaux. -Voy. Acquisitions. - Législation sur l'aliénation des biens des communes, II, 238. - Voy. Alignement. - Déclassement. - Acquisitions.
ALIGNEMENT. Huit paragraplles subdiviseront cet article (I).
§ 1 er • LÉGISLATION, JURISPRUDENCE.
Législation et jurisprudence sur l'alignement, II, t,6I, 565.
§ 2. NATURE DE L'ALIGNEMENT.
L'alignement est une sorte d'expropriation pour cause d'utilité publique,
II, 615, 616. - Différence di l'alignement et de l'expropriation: dans le
prin~ipe, II, 620 et 62 I; - dans la portée, II, 62 I; dans le mode
d'action et l'époque de son exercice, II, 623 ; - dans la nature de l'indemnité et l'étendue du sol à laquelle elle s'applique, II, 624; - dans la forme,
II, 626;- dans quels cas la Toie d'alignement doit être employée, dans quels
cas celle de l'exprolwiation. L'aliguement ue pellt être employé que pour le
rélargissement etlarectification des voies anciennes, II, 627 à 647. -On
ne pourrait ouvrir une rue nouvelle par la voie indirecte de l'alignement,
l, 582 (note); Il, 685 à 688. - En cas de l'élargissement ou d'ouverture
d'une rue, l'administration peut e"proprier la totalité des bâtiments entamés, II, 681 à 685. - Le retranchement par aliguement peut s'étendre à
la totalité:d'une maison, II, 6t,8 à 653. - Différence de l'alignement et du
bornage, II, 599; - Equité de la servitude d'alignement, II, 583.
§ 3. LoCALITÉS ASSUJETTIES A L'ALIGNI'MENT.
J.es routes dépendant de la grande voirie, II, 499. -Les chemins de balage, III, II 7. ~ Les chemins vicinaux, II, 462 , 466, 500, 5 II· - Les
chemins ruraux non classés IJeuvent être soumis à l'alignement par un arrêté
Illunicipal; caractère spécial de cet alignement, II, 552. - Conséquence,
en cas de contravention, pour la compétence, 558. - Les rues, places,
ruelles, impasses et passages publics des villes, II, 597. - Secùs des
.promenades publiqnes et autres propriétés communales; elles ne peuvent
être limitées que par un bornage, II, 599 à 602.
(1) Cette matière importante n'a pu recevoir dans l'ouvrage l'ordre ct les di"isions qui eussent sans doute été nécessaires pour en montrer l'étendue et pour
soulager l'attention ct la mémoire. L'alignement était un sujet tout-à-fait secondaire de la loi de 1836, et en le développant dans le commentaire de l'article 21
auquel il appartenait, il était impossil)le de le diviser par chapitres et paragraIlhes, sans rompre l'unité du li"re et in(luire en erreur sur l'importance relati",e
de cette matière dans l'ensemble. Cet inconvénient a été réparé dans le présent
article de la table, où le tra,'ail est classé dan8 l'ordre rationnel qu'un traité mé-
thodique devrait préseuter.
�TABLE ANALYTIQUE.
709
'Quid des rues, des bQurgs et villages? silence fâcheux du légililateur, II,
'463. - Un alTêté du maire peut y suppléer, II, 464.
La défense de bâtir à moins de cent mètres des cimetières est une servitude analogue à celle de l'alignement. II, 7II.
§ 4. CONSTRUCTIONS ET TRAVAUX SOU."S A L·ALIGNEMENT.
L'aliguement arrêté s'applique
Non-seulement aux murs de face des maisons, mais à toutes les parties
'
retranchables, II, 61,0 à 643.
Aux constructions souterraines avançant sous la voie publique; exccp.
tion , II, 476.
Aux travaux en saillie, tolérance nécessaire à cet égard, II , l, 77.
Aux plantations d.'arbres ou haies, aux fossés 'et à leur entretien, III, II 7;
Il,7 I2 .
Aux travaux coufortatifs; distinctions généralement reçues, Il, 565 il 568,
- Difficultés de leul' application; c.'lemples nombreux, II, ~68 il 58 I. Critique de la distiuction des travaux confortatifs et non confortatifs, doctrine de l'auteur, II, 582 à 592. - La prohibition des travaux confortatifs
est absolue, auoune distinction n'est admissible selon le plus ou le moins
d'urgence de la rectification de l'alignement, II, 592 à 597.
On est obligé de demander un alignement pour construire ou faire des
plantations au bord des chemius de halage, III, 1 I7 et suiv. -Couséqnences
qui résultent de cet alignemeut, dans le cas où la suppression de ces édifices ou plantations serait ensuite ordilnnée, Ill, Il8. - On doit aussi demander l'alignement à raison des plantatiouset constructions à faire au bord
des routes, l, 299,325, 35r. - Disposition de l'arrêt du 27 fénier I765,
sur l'alignement à demander de la l,art de ceux qui veulent bâtir au bord
des routes, l, 300. - A quels genreli de construction s'appliquent les dis·
positions de cet arrêt? - S'étendent-elles à celui qui laisse un espace de
son terrain entre sa' construction et le sol public? Ibid. et 325. - Il faut
également faire reconnaître préalablement l'alignement à suivre pour con
struire au bord des 1 ues ou places publiques, l, 540, 6I3.
Une autorisation doit être demandée pour toute espèce de travaux faits
aux constructions, même ceux de peinture et de badigeonnage, II, 47 l ; .
Ill, II 7. - Mais l'administration ne pourrait prescrire de coustruire .ou
de peindre sur des plans donnés, II, 473. - Elle peut cependant prohiber,
autant que les localités le permettent, les travaux et matériaux eontmires il
la propreté et à la sûreté, II, 475, 495. - La permission de bâtir n'est pas
nécessaire pour les constructions élevées en retraite de l'alignement, il moius
d'arrêté contraire, II, 470. - Id. pour les réparations confortatives, II ,
47 I. - L'alignement arrêté ne peut obliger à avancer les constructions en
retraite, II, 490, 675. - Mais seulement à se clore sur la limite de l'alignement, II, 49I, 676, 772.
§ 5. DÉLIVRANCl! DE L'ALIGNEMENT.
1° Généralités. - Le droit de tracer des alignements aux rues et che·
mins publics, appartient exclnsivement an pouvoir administratif, l, 588.Ce droit est essentiellement distinct de celui de déposséder les propriétaires
riverains, Ibid. et 590. - L'établissement des plans généraux d'alignemen t
est dans les attribution> du pouvoir exécutif, l, I 67.- Circulaires du ministre de l'intérieurindiquaut les localités où l'établissement d'uu plan d'alignement est obligatoire.-Ensemble (les dispositions de ces circulaires, l, 540
et suiv. (note). - La concession d'alignem,!ut pour les édifices à construire
sur la voie publiqne renferme un véritable contrat synallagmatique - Des
servitudes réciproques qtii en résultent, l, 5 II, 5I9. - Les acquisitions
et aliénations volontaires a"cc les communes, pour l'aligncment de leurs l'urs
�710
~J'ABLE ANALYTIQUE.
et places publiques, sont, snivant la règle générale, 'soumises à l'autorisation du gouvernement. - Exception pour le cas de modifications peu consi·
dérables, I, 579.
.
Précautions à l'rendre dans l'acte approbatif et la permission de bâtir,
pour la stireté et la>iabilité :
Défense d'avancer tant que les constructions situées vis-à-vis ne seront
pas reculées, II, 478. - En cas ;l'avancement, interdiction d'établir des
jours et des égouts sur les pignons latéraux, II, 479. - Fixation de la hauteur et du niveau du seuil des portes, II, 493. - Restriction de la hauteur.
des lUaisons, II, 4g!,. - Droit de faire supporter exclusivement aux maisons d',m seul côté de la rue le retranchement à opérer pour son l'élargissement, II, 717.- Prohibition de bâtir à 100 mètres des cimetières, II , 711.
De la péremption des permissions de construire, II, 708.
.
IlO
Formes de l'alignement, et autorités chargées drz le donner.
Plans {;énéraux d'alignel"Tlj,ent.
T/nirie urbaine. -- Le maire fait dresser le plan, et tracer l'alignement
par l'arch.itecte-voyer, II, 717. -·Le tracé doit être soumis au conseil mu-.
nicipal , II, 718. - Le préfet nomme le commissaire chargé de présider à
l'enquête et peut en prolonger la durée, II, 7Ig. - L'enquête est soumise,
avec l'avis du commissaire, au conseil municipal qui en dMibère, II, 7 (9,
T20.-Puis au préfet avec1'avis du maire, II, 720.- Ayis du préfet; ducon-.
seil des bâtiments civils; du ministre des finances en certains cas, II, 723.
- Soumission au conseil d'Etat; ordonnance du Roi approbative, II, 724.
2" Grande voirie. - L'alignement des routes est connu par les plans de
l'administration, ou par l'aspect des lieux conformément à la possession, I,
295, 2g8, 300. - Cet alignement est extérieur aux talus i't fossés latéraux,
Ibid. - Les préfets sont seuls compétents, en premier ressort, pour recon-'
naître et déterminer, s'il y a lieu, l'alignement des routes, I, 132, 299, 300.
- Les ingénieurs des ponts et chaussées dressent les plans et tracés, II,
726. - L'enquête est reçne par le maire, II, 727 , 730. - Le couseil municipal donne son avis si l'alignement concerne l'intérieur des villes, bourgs
et villages, II, 730.- Commission coml)osée de quatre membres du conseil
général ou d'arrondissement, du maire et d'un iugénieur', présidée par le
sous-préfet, c1Jargéed'entendre les intéressés; elle donne son avis, II, 730.Avis du préfet; rapport du ministre; avis d'I conseil d'Etat; approbation
du roi, II, 734.
3° Voirie picinale. - De Ifrande communication - Plan et tracé dressés
par l'agent-voyer ou un géow.ètrl}-, II, 736. - Le maire reçoit les oppositions, II, 738. - Enquête reçue par un commissaire nommé par le préfet; il donne son avis, II, 738. - Avis du conseil municipal et du soua-préfet, II, 739. - Approbation du préfet, II, 740. Autres voies vicinales
ordinaires, II, 735 et sniv.
Alignements partiels.
1° Yoirie urbaine.- Qui doit donner l'alignement pour les constrnctions
à faire sur les rues et places publiques? - Distinction entre les rues qui servent et celles qui ne servent pas de prolongation aux grandes routes, l , 300,
540, 303 (note), 33 (, 350 et 55 ( Ibid. - S'il existe un plan général,
c'est ail maire à en faire l'application, I, 5!,0, 551, 56!" 580, 581,
58", 590'; Il, !'99, 7!fI. - S'il n'en existe pas, c'est au maire à donner
l'alignement, I, 55 ( , 565 et suiv.; 580 et suiv.; I, 366 (note); II, 461,
743. - Apl'ès approbation du conseil municipal, II, 745, - et du préfet, II, 747.
Font partie de la voirie urbaine les portions de rues ou places excédant
la largeur de la grande route qui les traverse, II, 269, 509. 713 à 7(5,
748. - Conséquences relati"ement à l'indemnité, II , 769,
1"
�TABLE ANALYTIQUE.
711
Du,ças on il s'agit d'assiguer au constructeur un alignement qui l'oblige à
s,.e reculer sur son terrain ou il avancer sur le sol de la voie publique, l,
5'62, 583.
Du cas où il ne s'agit que d'assigner au constructeur les limites fIxes ou
approximatives de son terrain, I, 553 et suiv. - Du cas où par l'effet de
l'alignement donné, un propriétaire devrait avancer le bâtiment à construire.
sur le sol public, I, 59!. - Alternative où il se trouve alors d'acquérir et
payer cette portion du fonds public, ou de céder toute sa propriété, I, 5g!).
Du cas où un propriétaire de plusieurs bâtiments doit avancer l'un et reculer
l'autre; compensation qui s'opére alors, I, 598, et Ibid. (note).-M. Dumay
pense que ce principe e~t abrogé par l'art. 5 l de la loi du 7 juillet 1833 ,
I, 598 (note). - Développement de celte opinion, I, 599 et suiv. (note).
-Du cas où de plusieurs propriétaires l'un est obligé d'avancer, tandis que
l'autre est obligé de reculer son bâtiment, I, 598. -Du cas où un riverain
de la rue devant s'avancer et celui du côté opposé l'ecuJer, le premier
voudrait reconstruire avant le second, I, 59 r (note).
Silence fâcheux du législateur pour l'alignement d rues des bourgs et
villages, II, 463. - On peut y suppléer par un arrête du maire, II, 46f"
- Règles sur cette matière, l , 54 r , 547.
2° Grande voirie. S'il existe un plan général, c'est au préfet à l'appliquer, lI, 499, 748. - S'il n'en existe pas, c'est au préfet à donner J'alignement, II, 748. Après le rappnrt des ingénieurs, II, 749.
3° roirie vicill(lle. - De grande communication. - Le préfet donne l'alignement, II, IlO, 462, 490, 749- - Id. ponr les traverses des villes,
bourgs et village. de moins de 2,000 habitants, II, 2 r, 749.- Il doit néaumoius consulter l'autorité municipale, II, 467- - Autres voies vicinales
ordinaires, -le maire donne l'alignement, II, 466, 5Il, 749, - Il n'a
besoin de prendre aucun arrêté préalable à ce sujet; vice de 'la prescription
de la circulaire du 24juin 1836, II, 467' - Le tout après délibératxlll du
conseil municipal, II, 750.
Dispositions générales: - 1° Nécessité d'un double alignement. Quana une maison a des façades sur plusieurs voies soumises à des autorités
différentes, II, 50r.
Dan. les rues traverses de grandes routes ou de chemins de grande communication, le préfet ne peut que fixer lm minimum de largenr. C'est au maire
à donner ensuite l'alignement. - Secùs, le préfet donne seul l'alignement
si la route absorbe la largeur de la chaussée, II, 5°9, 7r3 il 715. - Quoique leur autorité soit de même nature, les prétets et les maires ont un pouvoir distinct pour délivrer l'alignement, II, 499.
Dans les places de guerre, il faut demander l'alignement à l'autorité militaire et à l'autorité civile, II, 710,741.
,,-0 L'alignement doit être donné par écrit, et préalablement il la reconstrnc- )
lion, II, 5'4.
111°
Recours contre l'alignement,
Contre Le plan général.
Voirie urbaine. - Jusqu'il l'ordonnance approhative, le plan général
peut être critiqué par ,"oie de réclamation. Secùs, après l'ordonnance, il moins
qne les formes de l'enquête n'aient été violées; dans ce cas, recours an ministre qni fait son rapport, et décision du roi en son conseil, I, 590; II, 724.
2° Grande voirie. Mêmes règles, II, 73!~.
3° roiriB picinale. - I,e reconrs est le même que contre les arrêtés déclaratifs de vicinalité, II, J 4, x6, r59' - Voy. Recours.
Cc! voies épuisées, les alignements généraux sont obligatoires. SecilS s'ils
XO
�712
TABLE ANALYTIQUE.
doivent entraîner une expropriation proprement ditei les formes requises en
ce cas doivent être observées, II, 729, 735.
Contre les alignements partiels.
1· Voirie urbaine. Contre l'application d\! plan général faite par Le
maire, recouri au préfet, puis au ministre et au roi en conseil d'état par
voie contentieuse, II, 742. - Mode de statuer du conseil d'état, II, 482.
- Même recours par voie non contentieuse contre l'alignement donné en
l'absence de plan général, II, 746, 764. - En cas de refus ou de retard
de la part du maire de délivrer l'aliguement, il faut 8'adre~er au préfet, II,
5 II. - Toutes parties intéressées peuvent recourir au préfet, au ministre
et au conseil d'état pour obtenir le redressement des erreurs du pouvoir municipal dans la fixation des alignements; - et l'administration peut toujour s
changer les plans de construction assignés aux propriétaire~, l, 553, 557.
- Est-il dû alors une indemnité à celui qu'on veut forcer de démolir une
construction conforme à l'alignement donné, et exécuté avant la notificatiou
d'aucun ordre de sus endre ses travaux? l, 557.-Doit-on faire une distinction entre le cas o' e premier alignemeut aurait été donné pal' le maire
seul, sans approbation du préfet, et celui où l'approbation du préfet serai~
intervenue? 1,560 et suiv. - Les villes sont garantes du géré de leurs ad·
ministrateurs municipaux en fait de concessions d'alignement, Ibid. - A
quelle autorité peut légalement recourir, contre la décision de l'autorité
municipale, le constl'llcteur que l'on veut forcer à abandonner une partie
de son terrain sur la voie publique, avant d'avoir satisfait aux formalités de
l'expropriation pour cause d'utilité publique, et lorsqu'il n'existe point de
plans généraux d'alignement? l, 584. - Ne peut-il pas s'adresser à la justice ordiuaire pour être maintenu ùans son ancien état de possession tant
qu'on n'aura pas accompli ces formalités? Ibid.
2° Grande roirie. Mêmes règles qne pour la voirie urbaine, II, 71'9'
3° Voirie ricinale•. - Même recours que pour le plan général.
.
Ces voies épuisées ou omises, l'alignement est obligatoire , II, 747,749.
Les contestations sul' la fixation des alignements ne l'entrent point dans le
contentieux administratif. - Les conseils de préfecture sont incompétents
poUl' en connaître., l, 547, 553. - Elles sont exclusivement placées dans
les llttributions des préfets, du ministre de l'intérieur et du conseil d'état,
si les questions sont purement administratives, Ibid. - Et dans les attributions de la justice ordinaire si les questions portent sur la propriété, lb/do
§ 6. EFFETS DE LA DÉLIVRANCE D'~LIGIŒMENT. DROITS ET OBLIGATIONS.
1° A l'égard du propriétaire.
L'administration n'est point obligée d'exécuter les plans d'alignement arrêtés; elle peut les modifier et les abandonner, II, 688 à 690. - Elle peut
changer pour l'avenir, sans indemnité, le plan d'alignemt>nt précédemment
exécnté, II, 503. - Mais elle ne pellt détruiresansindinlllité lesconstructions conformes à l'alignement donné par le maire, même sans approbation
du préfet, II, 501.
.
L'arrêté d'alignement n'est exécutoire que pal' la ruine ou la démolitiou
dn bâtiment, II, 496. - S'CrlS de l'arrêté ordonnant la suppression it:Umédiate des bornes et autres saillies, II, 496, 713, 7r4-. - Même avant le
paiement de l'indemnité, la partie retl'anchable d'nn édifice est censée rénnie à la voie publique dès sa démolition, II, 507. - Conséquences: le
propriétaire ne peut reconstruire sans autorisation, Il, 50? , 664. - Il en
est de même des voisins qui, paî' l'effet de la démolition, joignent alors la
voie publique, II, 508. - Quand une maison est censée démolie, II, 509.
2,0 Relativement aux ayant droit à la propriété.
Droits de l'usufruitier et de l'usager en cas d'exprop"iation ou d'alignement, II, 706.
�TABLE ANALYTIQUE.
713
3° Par rapport aU:TJ locataires.
En cas d'expropriation totale de la maison louée, indemnité due au 10cataire, II. 69o.-8i elle est par 'elle, droit du locataire, soit à l'indemn\té,
soit aux réparations, soit à la résolution du hail, II, 691 à 694. - Droits
du locataire au cas où le propriétaire a contraint l'administration à acquérir
la totalité dll fonds, II, 694 à 697.
En cas d'aligllement, aucune inde!tlllité n'est due au locataire par l'administration, II, 6g7' -Le bailleur n'est tenu à aucune garalltie pour l'iml,ossibilité de réparer, II, 6g7 à 700. -Droits du locataire en cas de diminution ou de privation complète. de jouissance, par suite de démolition
volontaire, II, 7°0.- Id. en cas de d,émolition forcée, soit totale, soit partielle, II, 702 ..- Id. en cas de domnmge causé au locataire par l'exécution
de l'alignement sur une maison voisine, II, 70t,.
1,° Vis-à-vis des créanciers.
Le propriétaire peut, jusqu'au paiement de l'indemnité, hypothéquer la
partie retranchable, II, 505.-Efftt de l'alignement relativement à la purge
des hypothèques, et cas où les formalités de la pmge ne sont pas nécessaires,
II,6Ig.
5° Entre acquéreurs et vendeurs.
Le vendeur ne doit aucune garantie pour la servitude d'alignement s'il
n'y a fraude de sa part, II, 602 à 608. - A qui des deux appartient l'indemnité en cas de retranchement? II, 608.- A qui des deux appartiennent
les terrains retranchés de la voie publique? II, 60g à 612.
6° Entre voisins.
En as d'avancement SUI' la voie puhlique, le mur mitoyen peut être
])l'olongé de toute son épaissenr jnsque sur la façade, II, 47g. - En cas
de reculement, le mur mitoyen resté en saillie doit être respecté en entier,
sauf à infIxer les pierres de la façade jusqu'à la moitié de sou épaisseur, II,
480. - Aucune indelllUité n'est due au voisin pour le préjudice résultant
du reculement ordonné, à moins qu'il n'y ait faute du constructeur, II, 1,80.
- Le propriétaire qui recule peut ouvrir des vues obliques à moins de six
décimètres du mur voisin, II, 482 .-Le propriétaire qui, par la démolition
de la maison voisine, devient riverain de 1" l'ne, doit demander autorisation,
II, 508. - Partage entre les voisins des terrains retranchés des voies publiques : base, II, 31g; compétence, II, 1,82.
INDE,lINITÉS RÉSULTANT DE L'ALIGNEMENT.
Cause. - Le retranchement par voie d'alignement donne droit à une
indemnité; nature de cette indemnité.; elle ne représente que la valeur du
sol nu; le propriétaire peut senlement profIter des matériaux et des plantations' II, 624, 653 à 658,668 à 671. - Comment se détermine l'étendue
du terrain sujet à indemnité, II, 658 à 660. - L'indemnité n'est due qu'an
moment de la réalisation de l'alignement, II, 660. - Elle ne doit être évaluée. qu'à cette époque; - qui est aussi le point de départ des intérêts, II,
66r. - Dans quels cas les intérêts sont dns, II, 709' - Le riverain peut
agir aussitôt après le déblaiement du sol, II, 765.
En cas d'avancement par alignement, bases d'appreciation de l'indemnité due, par le propriétaire; elle doit représenter tons les avantages qu'il
acquiert. II, 666 à 67 I. - La cession du terrain est facultative de la pal't
de la commune; conséquences, II, 670 à 672. - Le riverain qui l'efuse
d'acquérir le terraiu retranché de la voie publique, dans les villes et faubourgs, peut être exproprié, II, ."90' 672 à 1575. - Secùs pour les grandes
routes, II, ,6g. - Et les chemins vicinaux, II, 772. -L'alignement arrêté
ne peut obliger à avancer les constl'uctions en retraite. II, 4go, 675. -Mais
seulement à se cloye sur la limite de l'alignement, II, t,gl, 676,772 .. 1°
�"714
TABLB ANALYTIQÙE.
Quand l'avancement canse la suppression de servitndes dans une maison
voisine, il y a lien, selon les cas, à expropriation de cette maison on senlement à indemnité du préjudice de la part e la C!lmmune, II, 676 à 6So.
,," Mode de fixation de l'indcmnité. Ancien droit, II, 750 à 752 .-Droit
nouveau, II, 753.
17oirie urbaine. - Marche à suivre, soit en cas d~ consentement, soit en
cas de refus du propriétaire de céder le terrain, II, 753.-Le jury est chargé
de la fixation, l, 592 et suiv. (note), II, 753.-Lors même que l'alignement,
non fixé par ordonnance, est donné par le maire seul, II, 757' - Et qu'il
y aurait refus de l'administration ou des particuliers de liquider l'indemnité,
II, 761. - La nomination du directeur du jury appartient aux tribunaux,
II, 763 à 765. - Mode de fixation s'il y a accord amiable sur la cession et
sur le prix; en ce cas, formes à l'égard des communes, II, 766.
Grande voirie. - La marche à suivre pour le réglement amiable ou judiciaire des indemnités e.t la même que pour la voirie urbaine, II, 769.-Le jury est également chargé de sa fixation, II, ,68. - Cas où l'indemnité
appartient à la commune dans les rues traverses de grandes routes, II, 769,
170irie vicinalc. - L'indemnité à la charge des communes est réglée par
le juge de paix sur le rapport d'experts, II, 770. - Mode de fixation quand
l'indemnité est due à la commune l)our cession de terrains, II, 772.
Enregistrcment des cessions de terrain par suite d'alignement, II, 612
à 619. - Voy. enregistrement.
. .
3° Extinction.-Paiement: à quelle époque l'indemnité doit être payée,
II, 660 à 666 ; -le retard dans le paiement n'autorise pas à faire des travaux prohibés, II, 662 à 665. - Prescription de l'indemnité i sa durée,
II, 70S.
§ ,.
SANCTION DE L'ALIG~El\olENT•.
Généralités. - C'est le fait matériel et non l'intention qui constitue la
contravention, II, 536, 9"4. - Les règles de la complicité ne s'appliqueut
pas aux contraventions à moins' d'exception formelle, II, 927 .-Circonstances
atténuantes, maximnm et minimum de la peine, II, 926. - La prohibition
du cumul des peines s'applique aux contraventions, II, 927.
1° Amende. - Art. 1.71 du C. pén., II, 469.-L'amende est applicable
même aux ouvriers et entrepreneurs auxquels un arrêté administratif impose
l'obligation de demander la permission de bâtir, II, 471. - L'amende pour
contravention de grande voirie n'a pas un caractère pmement pénal. Conséquences envers les personnes responsables, les locataires, les tiers acquéreurs, et relativement à la prescription, II, 53" à 535. - Secùs en matière
de petite voirie, II, 535.
,,0 Emprisonnement.-II peut être prononcé en cas de récidive, II, 531.
3° Démolition. - Le maire ne peut l'ordonner avant jugement.-Secùs
pour les maisons menaçant ruine, sauf recours à l'autorité supérieure, II,
514, 519. - Comment s'exécutent les jugements prononçant la démolition,
II, 523.-11 n'y a pas lieu d'ordonner la démolition de travaux élevés sans
llUtorisation daus les limites de l'alignement, l, 305, 325,331 (note), II,
470,471,52/., III, IlS. - La démolition est prononcée même contre les
tiers acquéreurs, II, 534. - Cas où il s'agit seulement de la réparation des
édifices joignant uue route, l, 314.
4° Défaut de demande d'alignement, constructions faites contrairement
à l'alignement. - a. Chemins de halage. Peines encourues par eeux qui
n'ont pas demandé d'alignement l'om construire ou faire des plantations
au bord des chemins de halage, l, 295 et suiv.; III, II7 et suiv., 146. Peines encourues par ceux qui, sans avoir demaudé d'alignement, élhent
au bord des chemins de halage des constructions ou plantations auticipant
sur leur largeur légale, III, .53.
�TABLB ANALYTIQUE.
715
b. Rou/es. Peines encourues par ceux qui n'ont Jlas demandé l'alignement à suivre pour construire ou planter au bord es routes, l, 300 et
suiv., 3~5, 326 (note), 345.
c. Poirie urbaine. - l'eines contre cellx qui n'ont pas fait reconnaître
l'alignement à suivre pour construire au bord des rues ou places publiques,
1,613 et suiv. - Peines encourues par celui qui construit ou reconstruit
un édifice au hord d'Ille rue ou place publique, contrairement à l'alignement assigné par l'administration, mais sans commettre encore d'anticipation sur l'ancien sol public, l, 6r3, 6r6, 638.-Comment doit-on procéder
si, pardevant le tribunal de simple police, le défendeur conteste l'application
de l'alignement donné? l, 616, 6r7' - Différence entre)a contravention
de celui qui construit contrairement à l'alignement donné et la contravention résultant de l'usurpation sur l'ancien sol de la rue ou place publique,
1, 63 7,638.
Voy. § suiv., Juridiction civile.
5" Dommaf!.es-intéréts civils. - Les particuliers peuvent-ils poursuivre
les contraventions à l'alignement? Distinction, II, 526 à 529.
6" Solidarité. - Elle ne s'applique pas à la contravention d'alignement,
II, 537, 927. - Secùs pour l'amende de grande voirie, II, 533.
7" Prescription. - Poursuite, II, 5~9 j peine, II, 531 j démolition, II,
53r; amendes et infractions de grande voirie, II, 533 à 535, 892.
]0
§ 8. JURIDrCTION ET
Juridiction civile.
COMPÉTENCE EN MATIÈRE n'ALIGNEMENT.
~o Jug-es de paix. -Ils connaissent an possessoire de l'existence des servitndes menacées pal' l'avancement des constructions voisines, Il, 678.
Voy. Possessoire. - Du bornage des chemins, II, 784 à 788.
2" Tribunaux d'arrondissement.- Ils statuent:
Sur l'action directe à fins civiles que peut intenter le maire sans antorisation préalable, ponr faire respecter l'alignement et demander la démolition, II, 5 r3 .-Sur la démolition ou toute autre réparation, lorsque aucune
peine ne pent être appliqnée, II, 536.-Ils sont incompétènts pour apprécier
la convenance de l'alignement, II, 3('9, 764. - Voy. suprà, § 5, Recours
contre l'alignement.
Sur les questions de propriété, II, 160, 538 et suiv., 764,765; - et de
hornage dans certains cas, II, 784 à 788. -Sur celle d'alignement contesté
le long d'un chemin rural non classé, II, 552,558.
Sur l'indemnité due par la commune pour suppression de servitudes par
suite d'avancement, II, 677. -Elle e.st exigible même d'un particulier, II,
348. - Mais s'il a reçn un alignement, les tribunaux ne peuvent ordonner
la suppression des onvrages, II, 349, 764.-8ur la désignation du magistrat
directeur du jlIl'Y chargé de fixer les indemnités, II, 763. - Cette désignation peut avoir lieu incidemmeut quand il n'y a pas expropriation fm'melle, II, 765.
Sur les dommages-intérêts'dus par l'administration pour refus ou retard
dans la délivrance de l'alignement, II, 512.
Sur les difficultés élevées entre voi5ins après l'alignement donné, par
exemple, pour le partage des terrains retranchés de la voie publique j jurisprudence contraire, critique, II, !,82 à 48g.-Dans quelles proportions
doit s'opérer ce partage, II, 3 rg à 3,u.
nO Juridiction répressive.
Tribunaux de simple police. - Ils statuent sur les contraventions de
lletite voirie, II, 510.-Ils doivent prononcer, accessoirement à la demande,
la démolition des constructions éltwées en contravention à l'alignement, l ,
1°
�~16
'l'ABLE ANALY'NQUE.
410, 613; II, 517 Il 523,-sauf J'appel, l, 410, 613; II, 523.-Ils stalnent
sur la contravention d'ouvcrture d'une rue nouvelle sans autorisation, II, 688.
Questions préjudicielles de propriété; renroi à fins ciriles :
Conditions générales d'admissibilité, II, 538 à 541. - Dans les matières.
non forestières, le prévenu n'est pas obligé de se porter demandenr à fins
civiles, distinction, II, 54r à 543:
Application à l'alignement, diverses hypothèses:
1° Contestation sur la propriété. - S'il s'agit d'un chemin vicinal, il
n'y a pas lieu de surseoir au jugement de la contravention, II, 5t,3 à 546.
- En cas de doute SUI' la qualité du chemin, c'est au préfet à statuer, H,
546. - Même décision s'il s'agit d'une l'ne sujette à alignement, JI, 547.
- S'il s'agit d'une voie puhlique exempte d'alignement, le juge de paix
doit surseoir, II, 548.
2° Contestation sur le placement du cltemin. S'il s'agit d'un chemin
vicinal pourvu de limites fixes, il n'y a pas lieu à surseoir. - Secù.s eucas
de donte sur le placement, le préfet doit statuer préalablemeut, II, 551,..Id. s'il s'agit d'une rue pourvue de limites fixes ou d'alignement, II, 555.Il faut surseoir, s'il y a doute, sur les limites de la rue, II, 556.
3° Contestation sur l'exécution de l'arrêté d'alignement. - Le juge de
paix doit surseoir si le prévenu soutient s'y être conformé. C'est au préfet à
statuer SUI' cette question préjudicielle, II, 557. - C'est au tribunal, s'il
s'agit d'un chemin rural non classé, II, 558.
4° Contestation sur la nature et les effets des réparations. - Il y a licu
de surseoir jusqu'à ce que le préfet ait décidé si elles sont ou non confor.
tatives, II, 559 à 565.
Voy. le résumé des attributions du tribunal de police muuicipale en ma"
tière de petite voirie, II, 896, '925. - Voy. Réglement municipal.
II Conseils de préfecture. -Ils statuent sLU'les contraventions de grande
voirie, II, 532, - tant sur J'action que sur l'exception, II, 560. - Voyez
Conseils de préfecture. Résumé de leurs attributions en matière de roirie.
mO Tribunaux d'appel.-Voy.les attributions du tribunal correctionnel,
II, 928, - et du conseil d'état, II, 894.
Conclusion de J'alignement, II, 773. -Voy. Voirie. - Voy.. encore Anticipation.
O
ALLUVION. En quoi elle consiste; - peut avoir lieu de deux ma·
nières; - en quoi elle diffère des invasions de terrains alternativement cou·
verts ou délaissés par les crues d'eau, III, 66. - Concours de circonstm;lces
nécessaires pour caractériser l'alluvion, Ill, 67. -De celles qui se forment
sur les riYages de la mer; -elles appartiennent au domaine de l'Etat;- règles
spéciales auxquelles est soumise leur aliénation, III, 40, 4' . - De celles
qui se forment au bord des fleuves, rivières et torrents; lorsqu'elles font
partie du domaine de l'Etat, le pouvoir exécutif peut les aliéner sans y être
autorisé spécialement par une loi, III, 41. - Quelles sont celles qni font
partie du domaine de l'Etat? III, 43. - Principe du droit d'alluvion en
faveur des propriétaires riverains, III , 309 et suiv. - Du droit d'alluvion
qui appartient aux propriétaires rivel'ains des fleuves et rivières, IV, 77.Application du mot'allurion dans son sens général, Ibid. - Changements
que l'alluvion, entendue en ce sens, produit sur les propriétés riveraines,
IV, 73 et suiv. (note). - Principe d'ordre public qui a fait attribuer l'alluvion aux riverains contre les heritages desquels elle se forme, Ibid. Principe d'équité sur lequel repose le droit d'alluvion; principe de la loi
civile qui en détermiue l'application, IV, 80. - Le droit d'alluvion découle aussi du droit de propriété du fonds de la ril'ière, IV, 80 (note). ~
Explication dcs dispositions du Code cil'i1 sur l'alluvion, IV, 81 el slli\·.~
�TAnLR
A~ALYTIQUE.
717
L'alluvion doit être l'œuvre de la nature, et ne doit pas être provoquéc par
le fait de l'homme, Ibid. - Les riverains ne peuvent déposer aucun corps,
ni faire aucune plantation dans la rivière, l'OUI' Y donner naissance, ibid.
- A quelle autorité faut-il s'adresser pour se plaindre d'une telle entreprise? IV, 83. - Si l'action est portée devant le juge du posses.oire, devrat-elle être formée par voie de complainte ou par "oie d'énonciatiou de nouvel œuvre? IV, 84 et suiv. (Ilote). _. Exception en fayeur de celui qui ne
fait que récupérer son terrain enlevé par la riyière , sans nuire aux tiers,
IV, 85. - L'alll!\'ion doit être un accroissement insensible, IV, 86 et suiv.,
94.- L'alluvion n'appartient qu'aux propriétaires confinés immédiatement
par la rivière; elle n'est point attribuée à ceux qui en sont séparés par un
chemin public. - A qui appartient en ce cas l'alluvion, IV, 88. - Si,
dans ce cas, la rivière, au lieu de produire une alluvion, détruit le chemin
public, le propriétaire yoisiri sera-t-il olJligé d'en supporter un nouveau sans
indemnité? IV, 90. - Le droit d'alluvion n'a lieu ni en fait dc ruisseaux ni
cn fait de torrents intermittents, III, 34 l , IV, 9 1. - L'alluvion profite au
propriétaire riverain soit qu'il s'agisse d'une rivière uavigable , flottable ou
non, IV, 92. - Le droit d'alluvion a lieu à l'égard des relais formés le long
des rivières; - il n'a pas lieu à l'égard des relais de la mer, IV, 93. - Des
caractères particuliers qne doit présenter cette espèce d'alluviop, IV, 94,
96. - ' Cette alluvion par relais existe tant qu'il n'y a pas changement total
du lit de la rivière, IV, 94 et suiv. (Ilole). - Le droit d'alluviou ne peut
être consommé que. par l'affermissement et la dessiccation du nouveau terrain, IV, 96. - Faut-il que les choses soient arrivées à un tel état que l'eau
n'y revienne absolument plus? Ibid. - Faut-il que le terrain d'alluvion s'élèvè jusqu'au niyeau des bords extérieurs de la ri"ière, pour qu'on doive le
considérer comme défmitivement acquis au propriétaire riverain? IV, 9?Des autres caractères auxquels on peut reconnaitre en fait que le droit
d'alluvion est consommé, IV, 98. - L'alluvion n'a pas lieu à l'égard des
lacs et étangs, IV, 99. - L'alluvion n'a pas lieu lorsque les eam, se retirent
d'un héritage qu'elles n'avaient que temporairement inondé ,-Ibid. .'-- Il
n'est pas même nécessaire pour empêcher l'alluvion dans ce cas, que le
propriétaire ait conservé ce que l'on appelle motte ferme, IV, 101 et suiv.
(note). -' De l'enlèvement subit d'une partie notable d'un fonds riverain
que la rivière pOl'te "ers un fonds inférieur ou sur la ri,'e opposée; - des
droits respectifs qui résultent de ce fait, IV, I02, I04 et ibid. 101, (note).
- De la formation des îles, Voy. ILes. - De l'abandon que fait une
ri"ière de son ancien lit, en prenant possession d'un nouveau cours,
IV, 113. - Du partage des terrains d'allmion entre les' riverains; - des
divers: systèmes proposés pour y parvenir, IV, I I 3, et ibid. (note) et
II? (71ote). - Conséquences légales de l'acquisition par alluvion littorale
et par la formation des îles, IV, I I 8. - L'action en revendication ou en
rapport embrasse l'augmentation par alluvion, Ibid. - L'alluvion ajoutée
au propre d'nn époux n'est pas un acquèt de communauté, Ibid. - L'alluvion d'un fonds ameubli est un acquêt de communauté, Ibid. - L'alluvion est grevée de l'hypoÙlèque frappant sur le fonds primitif, IV, 12 1. L'alluvion formée après le testament cède au légataire du fonds auquel elle
vient s'ajouter, IV, 12 l, - L'usufruit d'lm fonds emporte le droit de jonissance de l'alluvion qui y survient durant l'usufruit, Ibid. - Il en est autre·
ment de l'He qui "ient à naître vis-à-vis du fonds grcvé d'usufruit, IV, 122.
- Le grevé de restitution (l'un fonds doit le rendre, à l'ouverture dIt fidéi·
commis, avec tous ses accessoires, sans distinction entre l'alluvion et l'ile
formée durant sa possession, IV, 123. - Le fermier a la jouissance de l'alluvion formée durant son bail, mais non de l'ile qui a pris naissance à la
même ilpoque, Ibid. -- Peut-il être assujetti à lIne augmentation de fer.
�71 B
T.(BLE ANALYTiQUE.
mage, à raison du bénéfice que lui procure l'alluvion? IV, 124 et suiY.
(note). - Des conséquences de la résolution de l'acte d'aliénation du fonds
qui a reçu un accroissement alluviol1l1aire durant la possession de l'acquéreur, IV, 1~5. - De la rhocation d'une donation pour cause de survenance d'enfants, Ibid. - De la résolution d'uue vente par l'effet du réméré, IV, 126. - Principe général d'après lequel doivent être résolues
toutes les <{uestions en matière d'alluvion, IV, 127 (note ).- Les difficultés qui s'élèvent sur l'exercice et l'application du droit d'alluvion sont exclusivement du ressort de la justice ordinaire, IV, 98. -Voy. encore Iles;
Chemins vicinaux.
AMA RRAGE. Les Iles des rivières navigables sont-elles sujettes à la servitude légale d'amarrage ou de marchepied? III, 1r9.
AMENDES. Les amendes peuvent être modérées ex œquo et bono par les
conseils de préfecture, suivant les circonstances atténuantes, III, 157. La quotité des amendes à prononcer en matière de grande voirie par les <:onseib de préfecture est souvent arbiiraire, l, 200. - La quotité de ces
amendes a été déterminée par la loi dn 23 mars 181,2, l, ~oo (note).
- L'amende pour contravention à l'alignement s'appliqne même aux
ouvriers et entrepreneurs, auxquels un arrêté impose l'obligation d'ohtenir la permission de bâtir, II, 47 r. - L'amende pour contravention de
grande voine n'a pas un caractère purement pénal. Conséquences envers les
personnes responsables, les locataires, les tiers acquéreurs et relativement
à la prescription, II, 532 à 535, 892. - Secùs en matière de petite voirie,
II, 535. '- Prescription, II, 53r , 533 à 535,892.
AMENDES ARBITRAIRES. Elles ne sont plus dans nos mœurs jU,diciaires , l ,.200 (note), et III, 2I. - Abrogées en fait de grande voirie par
la loi du 23 mars r842, 1,200 (note).
ANIMAUX FÉROCES ou MALFAISANTS. Contraventions commises
'en les laissant divaguer. - Voy. Divagation.
ANTICIPATIONS. Des anticipations sur les fonds du domaine public;
- dispositions législatives destinées à les prévenir; - de l'obligation de
faire déterminer préalablement l'alignement à suivre pour élever des constructions au bord des routes, chemins vicinaux, chemins de halage, rues
et places publiques; - des peines encourues pour omission de cette formalité; - des tribunaux compétents pour statuer sur les contraventions de
cette nature. - Voy. Alignements. - Des anticipations commises sur les
fonds du domaine public; quelles sont les actions auxquelles elles peuvent
donner lieu? l, 284, 959. - Quels y sont les contradicteurs légitimes
cont1'e les intérêts' particuliers? 1,277; II, 953,959; III, 317; IY, r2.
Quels sont les tribunaux compétents pour statuer sur les causes de cette
nature? l, 280. - En règle générale toutes questions de propriété sont de
la compétence exclush'e des tribunaux civils ordinaires, l, 280, 4r6.-Yoy,
encore Propriété. - Les contraventions résultant d'anticipation en matière
de grande voirie sont de la compétence des conseils de préfecture, l, 373.
- Les anticipations commises sur les chemins v'icinaux sont aussi de la compétence des conseils de préfecture, en tant que contraires à leur viabilité,
l, 606; II, 891. - Toutes autres contraventions snI' les chemins vicinanx
sont de la compétence de la justice ordinaire, l, 378. - Tous les réglements de police établis pour la conservation des grandes routes sont applicahles à la voie nautique, III, 14" et suiv. -Mais non aux cours d'eau qui
ne sont que flottables, Ihid. - En conséquence les anticipations commises
sur le lit des rivières na\'igablcs sont de la compéteuce des conseils de préfecture, IV, 83. - Et celles commises sur les rivières flottables, mais non
navigables, sont de la compétence des trihunaux de police correctionnelle,
Ibid. - Sont pareillement de la compétence des conseils de préfecture les
�TABLE ANALYTIQUE.
719
anticillations sur les chemins de halage, I, 153. - 1.ell anticipations commises sur le lit des petites rivières ne peuvent être que de la compétence des
tribunaux civils ordinaires, IV, n, 83. - Voy. encore Lit des ripières.
- Les anticipations commises sur les chemins ruraux et sur les rues et places
publiques sont de la compétence du tribunal de simple pQlice, I, 613 etsuiv.
II, 951; - Peines applicables aux diverses anticipations sur les fonds
dn domaine Jlublic , I, 375, 613 et suiv.; II, 95 t ; III, 20 et 21 (Ilote),
23, 153 et suiv.; IV, 83. - Les anticipations suries grandes routes, chemins, rues et autres fonds du domaine public, ne peuvent être légitimées
par la prescription, tant que ces fonds conservent leur destination primitive,
l, 271. - Si, dans la construction d'un édifice sur le bord d'uue grande
route, il Ya anticipation sur le sol public, et qu'elle n'ait pas été poursuivie, par voie de police, pardevant le conseil de préfecture, dans l'année,
ce tribunal cesse d'ètre compétent, l'action étant prescrite, l, 359. - Le
préfet peut alors ordonner seul la démolition de l'édifice, à moins qu'il n'y
ait contestation sur le fait de l'anticipation, Ibid. - Si la contravention est
occulte, la prescription ne court qu'à dater du jour où elle a été connue,
Ibid. - Quelle que soit, dans une question d'anticipation relative aux
fonds du dom~ine public, la décision des tribuuaux sur la propriété du sol,
elle ne fait point obstacle à ce que le particulier déclaré propriétaire, ne
puisse être, moyennant indemnité, exproprié pour cause d'utilité publiqne,
l, 282. - Voy. encore Alignement, Chemins Pleinaux et Police des .c!lemins.
APPEL. Il n'y a aucun acte d'appel dans l'action portée pardevaut la
Cour royale pour faire ordonner nne rectification sur la liste électorale composée par le préfet, l, 183 et sniv. - L'appel au conseil d'Etat des arrêtés .
des conseils de préfecture, en matière de contravention de grande voirie,
n'est pas suspensif, J, 392.- Voy. Tribunal correctionnel.- Cour royale.
- Recours.
APPENDICE sur la compétence et les attributions des diverses autorités
en matière de voirie, II, 838 et suiv.
AQUEDUC. Le fonds traversé par un ruisseau est grevé de la servitude
d'aqueduc en faveur des héritages inférieurs, IV, 333. - Quand le droit
d'aqueduc peut-il être acquis par prescription? IV, 225. - Peut-on entendre par titre assurant l'écoulement des eaux d'une source sur uu fonds
inférieur, soit la permissioh accordée par un ancien seigneur pour l'éta!Jlissement d'un moulin sur ce fonds, soit un règlement fait par l'administration
entre les propriétaires inférieurs pour la répartition entre eux de l'usage des
eaux? IV, 225 (note).
AQUEDUCS sous iCI voies publiques, II, 358. - Les rivèrains sont
obligés dé supporter les travaux de confection d'aqueducs sur la voie publique, II, 358. -Les aqueducs nécessaires à l'écoulement des eaux doivent
être autorisés et construits, selon les cas, anx frais des communes ou des
particuliers, sous la surveillance de l'agent-voyer, II, 437'
ARBITRAIRE. Voy. Equité, II, 590,656.
ARBRES. Des arbres plantés au bord des routes; - série- des lois et réglemcnts antérieurs et postérieurs à la révolution sur cet objet, l , 339 et
suiv. - Forment trois classes distinctes qu'il ne faut pas confondre; à qui
appartient la propriété de chacune de ces classes, Ibid. et 383. - Des dégradations dont ils pem"ent être l'objet, et des peines infligées à leurs auteurs,
Ibid. - Les tribunaux civils ordinaires peuvent seuls statuer sur les questions de propriété y relatives, l, t,I~. - Des arbres plantés au bord ou SllI'
le sol pnblic des chemins vicinaux. - A qui appartiennent-ils? l, t,87.Des arbres plantés d~ns les rues et places publiques des villes, bourgs et villages; à qui ils appartiennent, J, 341,351,487. - De ceux plantés lc long
�720
TABLE ANALYTIQUE.
des oananx et sur le sol public; peines encourues pal' ceux qui les mutilent
ou les détruisent, III, 153. - Peines encourues par ceux qui plantent sans
autorisation des arbres sur les bords On dans le lit des rivières navigables,
III, 20, 23, 154. - Des plantations faites SUI' les bords des bras non actuellement navigables d'une rivière navigable, ou sur les bords d'une rivière
au-dessus du point où elle cesse d'être navigable, III, 155 (note ).- Peines
encourues par ceux qui plantent des arbres le long des chemins de halage,
à une distance moindre que celle fixée par la loi, III, x56. - Voy. encore
Routes; Voirie; Chemins vicinaux; Plantations.
ARRÊTÉS DE L'ADMINISTRATION. Voyez Pouvoir exécutif.
ARR~TIj:S. ARRÊTÉs n'ALIGNUIENT. - Voy. Alignement, § 5.
ARRJ!:T.ij:S DES MAIRES. Voy. Mai~'e~ et Réglement municipal.
ARRETES DU MINISTRE. Voy. MI/listre. .
ARRÊTÉS DES PRÉFETS. Différence entre les arrêtés des préfets en
conseil de préfecture et les arrêtés des conseils de préfecture, II , 155. Résumé des attributions des préfets en matière de voirie, II, 846. - Voyez
Préfets.. .
ARRETES DES SOUS-PRÉFETS. Voy. Sous-Préfets.
ARRETES DES CONSEILS DE- PREFECTURE. Voy. Conseils de pré{cctuJ'C.
ARRONDISSEMENTS. Lois successives sur la formation des arrondissements des tribunaux, l, 71 et suiv. - Une commune ne peut être dé·
tachée de son arrondissement pour être incorporée dans uue autre qu'en
vertu d'une loi, l, 84. - Voy. encore Territoires.
ARROSEM.ENT~. Voy Irrigation et Canaux d'irrigation.
ASSEMBLEES ELECTORALES. Voy. Colléges électoraux.
ASSISES. Voy. Cour d'assises.
ASSOCIATIONS POLITIQUES. Leur origine, l, 50. - Le Créateur
n'en a imposé aucune forme particulière aux hommes appelés à la vie sociale, l, 53. - Quelle que soit leur forme, le gouvernement qu'elles constituent est également légitime, Ibid. - Les injonctions seules contraires au
droit naturel absolu ne sont pas obligatoires, Ibid. - Toute association politique doit essentiellement comporter le consentement exprès ou tacite des
parties intéressées, Ibid. - Caractère de ce consentement tacite, l, 55. ~
Comment les associations politiques ne sont souvent que le résultat des circonstances et de la force des choses, Ibid. - Exemple tiré de la révolution
de '791, Ibid.
ASTRES. Dans quel genre de choses doivent-ils être rangés? 1,9,12,25·2.
ATTERIUSSEMENTS. Voy. Alluvion; Iles.
ATI'RIBUTIONS. Voy. Compétence.
AUTORISATION. De l'autorisation des conseils de préfecture en cas de
contestations judiciaires qui intéressent les communes ou établissements publics; le défaut de cette autorisation ne peut faire naître un conflit, l, 214,
II,851,856. - L'autorisation du gouvernement est nécessaire aux communes pour acquérir ou aliéuer; exception à celte règle en matière d'alignement ou rectification des rues et chemins vicinaux, l, 579.-L'autorisation
du gouvernement pour l'établissement d'une usine n'a toujours lieu qu'aux
risques et périls de l'impétrant, et sauf les droits d'autrui, l, 119, III, 4x6.
- Voy. encore Usines et Concessions ..
AUTORISATION DE BATIR. Voy. Alignement.
AUTORISATION PRÉALABLE. De l'autorisation préalable du gouvernement pour exercer les poursuites judiciaires; quand est-elle nécessaire
vis-à-vis d'un membre du pouvoir législalif? l, 6!J. - Quand est-elle nécessaire vis-à-vis d'nn agent du pouvoir cxécutif? l, 92. et suiv. - De quelle
autorité elle s'obtient, Ibid. et 22 1. - Sa nécessité ne s'applique pas aux
�72 i
'!'ÀULE ANALYTfQUE.
fOnctionnaires destitués, l, 94, -ni aux faits étrangers aux fonctions de l'agent, I, 95. - C'est au poursuivant à demander et obtenir Cètle autorisation lorsqu'elle est jügée licCessail'e, l, 22 C - Le défaut d'autorisation ne
peut faire naître un conflit, l, 2 r f,. - Quelle est la manière de procédcr
en ce càs? Ibid_ - Nonobstant le défaut d'autorïsation, la cause l'este entièrement dans le domaiue de la justice ordinaire, mais sans préjudice de la
nullité des jugements prononcés avant cette autorisation, l, 2 Tg. -Les tribunaux ordinaires out le droit de juger si le fait imputé à ['ageut se rattache
ou non à l'exercice de ses fonctions; l, 220.- Ils peuvent ordOllner, même
a,-antl'àutorisation, une instruction complète. L'autorisiltion n'est nécessaire
qne lors de la mise en jugement de l'inculpé, l, 220. - Dan's quel cas les'
administrateurs snpérieurs pcuve-nt, sans recourir au conseil d'état, rcnvoyer devant les tribunaux leurs agents subalternes }1I'henus de délits dans
l'exercice de leurs fonctions, l, 95 et 'suiv. - Dans quel cas particulier
l'autorisation préalable n'est pas même nécessaire lorsqu'il s'agit d'un fait
relatif aux fonctions de l'agent, Ibid.
AUTORITÉ ADMINISTRATIVE Manière de procéder pardevant
elle, l', rS8. - Règles d'après lésquelles ou doit distingucr la compétencè
des'autorités administratives et des tribunaux ordinaires. - Voy. Pouvoir
exécutif et Tribunaux administratifs.AUTURITÉ CIVILE. De qui elle émane primitivement, 1. 52. - Voy~
encore Droit civil.
AUTORITÉ JUDICIAIRE. Comparaison entre la compétence de l'autorité judiciaire et celle de l'autorité administrative. - Voy. Pouvoir ju e
diciaire; Pouvoir exécl/tif; Tribunal civil.
A'ln'ORITÉ MILITAIRE. -- Voy. Fortifications.
AUTORITÉ SOUV;ERAINE. - Voy. Domaine de sOl/oerairiete.
AUTORITÉ SUPREME. - Voy. Domaine de souveraineté.
AVANCEMENT PAR ALIGNEMENT. L'alignement arrêté rie pe\1t
obliger à avancer les constrllcLÏons en retraite, II, 1'90; 675'. - Mais seulement à se clore dans la limite de l'alignement.; II, lfg r, 676, 772. L'ordop.nanceapprobalivedu plan d'alignement peut défendre d'avancer tant
que les façades opposées ne seront pas reculées, II, 1'78. - Yoisinage.L'arrêté d'alignement peut interdire, en cas d'avancement, d'établir des jours
etdes égouts sur les pignonS latéraux, II, 1'7g.- Le mur mitoycn peut être
prolongé de toute son épaisseur jusqu'à la limite de l'avancement, II, 47g.Aliénation. - Indemnité. - La ceEsion de terrain sujet à ayau'cement est
facullative de la part de l'administrat.ion. Conséquences, Il, 670 à 672. Le rivel'3in qui refuse d'acquérir le terrain retl'anché de la voie publique
dans les villes et faubourgs, peut êlre exproprié, IJ, t,g6, 672 à 675.Secit's pour les grandes routes, II, 769; - et les chemins vicinaux, II,
772. -- L'indemnité due à l'administration par suite d'avancement doit
représenter la valeur entière de la chose et. tous les m"autages acquis aux
rherains, II, 653, 666 à 67 r. - Les terrains retranchés de la voie publiqne appartiennent à l'acquéreur, II, 60g à 6r2. - Compétence. - EJ:propriation. - Les tribunaux civils sont ccmpétents pour fixer les indemnitcs dues pal' la commune ou les particuli~rs pour suppression de servitudes
par suite d'avancement, II, 31,S, 677. - Cas où cette suppressiou entraîne
l'expropriation de la maison, II, 676 à 6So.
AVOCATS EN CONSEIL D'ÉTAT. Il leur est. défendn, sous peine
d'amende, de présenter au comité du contentieux aucune requête sm des
matières qui ne seraient pas contentieuses, l, r 76.
B.
l\ACS. Des droits de motùins, Lacs et autres usages quc )'lf'uveut avoir les
TOM. IV.
46
1
�722
TAllLE ANALYTIQUE.'
particuliers Mns les rivières navigables, III, 55. - Impôts étabiïs à cetiè
occasion par les anciennes ordonnances, III , 56, 57. - Du droit de bac;
en quoi iL consiste. III, 263. - Les seigneurs s'en étaient emparés dans
l'étendue de leurs fiefs, III, 264. - Abolition définitive de ces droits féodaux ainsi que des droits de bac appartenant à de simples particuliers concessionnaires, Ibid. et 265. - Les simples particuliers ne peuvent, sans
autorisation, avoir de bacs même sur les rivières non navigables, III, 266,
273. - Mais n'est-il pas dû une indemnité à ceux de ces particuliers qui
seraient fondés en titre ou possession à teuir nn bac? III, 267 et suiv. De la marche à suivre pOUl' faire statuer sur les divers points litigieux de
cette question, et des autorités compétentcs pour en connaître, Ibid. Mode defi.ration du tarif des bacs, III, 270. -l.es contestations qui s'élèvent sur son interprétation sont de la compétence des conseils de préfecture,
Ibid. - Mais la poursuite de tous les crimes et délits reste dans les attributions des tribunaux ordinaires, Ibid. - Comment se determinent d'ailleurs ces diverses compétences, lorsque la rivière est séparative de deux départements, Ill, 271. - De la détermination des lieux d'établissement de
hacs, et des règles de leur exploitation, 1II, 271.- Des contraventions et délits
commis par les entrepreneurs de bacs, dans leur administration ou dans la
perception des droits fixés par le tarif; peines applicables, III, 27I, 272.
- Des contraventions et délits commis par ceux qui chercheraient à se soustraire au paiement desdl'Oits; peines applicables, III, 272. - Nul ne peut
être admis à uscr du bac sans en payer la rétribution, 111, 273. - Exceptions diverses à cette règle, Ibid. et 274. - Nul ne peut étahlir sur les
rivières un passage commun au préjudice des bacs autorisés, Ill, 274. Cettc règle ne s'applique pas aux personnes passant à gué la rivière, ou la
faisant-passer à leur bétail, Ibid. et 276, - Nul ne peut tenir, même sur
les rivières non navigables, de barques ou bateaux servant à un passage
commun, III, 266, 273. - Cette prohibition ne s'appliquc pas à ceux
placés pour le seul usage d'un particulier ou pour l'exploitation d'une 1'1'0priété circonscrite par les eaux, III, 27f,. on plus qu'à ceux servant à
l'usage de la pêche et de la marine marchande, montante et descendantc ,
Ibid. - Formalités préalables néanmoins à l'établissement de barques ou
bateaux, même pour un usage privé, Ibid. - Ces formalités sont prescritcs
d'ailleurs plutôt pour éviter le danger de fraude, que comme conditions
sans lesquelles J'usage de bateaux particuliers scrait illicite et devrait être
réprimé, nf, 275, - Jurisprudence ancicnne et nouvelle sur ce point,
Ibid. et suiv. - Les contestations élevées soit sur l'exercice d'un bac établi
sur une rivière navigable, soit sUl' l'exel'cice de celui qu'on voudrait établir
pour un passage public ou commun, même sur une rivièrc non navigable,
sont exclusivement soumises à la compétence de l'autorité administrative,
III, 276. - Sauf le cas où l'entrepreneur du bac se prétendrait fondé en
titres émanés du gomernement, et qu'il s'agirait de discuter leur validité,
IH, ,,69. - L'exercice d'un passage privé sur une rivière non navigable
reste exclusivement subordonné à la compétence des tribunaux ordinaires,
III, 276.
BAIL. Voy, Locataire.
BAJOYE]\S. Voy. Narigalion.
BAL.AYAGE. Sur qui pèse la cJm'gc du balayage des rues, l, 5 12.- De
la contravention dc voirie urbaine résultant du défaut de balayagc des rues;
dans les communes où cc soin est laissé à la charge des habitants, J, 609.
BALCONS construits en dehors des édificcs et en saillie sur le sol des
rues ou places publiques; peuvent-ils faire acquérir quelque droit de serl·itude? 1,508. - Voy. encore SaiUies.
BANALITÉ. Ce qu'on entendait autrefois par banalité en rivière, IV;
39 (1I0Ic).
�TABLB Al'fALYTrQuE.
7"23
BANCS placés par les particuliers au-dèvànt do leurs mai60ns, sur lés
rues ou places publiques; peuveut-ils faire acquerir quelque droit de servitude? l, 506. - Voy. encore Saillies.
BARQUE. Du droit qui appartient aux riverains des petites rivières d'y
'avoir une barque, IV, 66. - Nature et étendue de ce droit" Ibid. et 67,
- La loi du 6 frimaire an VII qui a fait du dmit de bac sur les flcuves et
rivières navigables, un droit domanial, a été étendue par l'administralion il
tous les cours d'ea traversant une route ou un chemin vicinal, IV, 67 et
'suiv. (note). -- Les barques placées sur un lac, pour le service de la pêche,
sont immeubles pal' destination, IV, 583.
BARRAGE. Ce que c'est, III, 8. - On ne peut élever même de simples
barrages de pêcheries, ou autres petites écluses dans les rivières navigables
ou flottables, sans l'autori,ation du gouvernement, Ill, 632 et suiv. 'Les propriétaires riverains des petites rivières peuvent y élever, sans autorisation du gouvernement, des barrages pour l'exercice de leur droit de
pêche; restrictions apportées à cette faculté, Ibid. et IV, Il,. -Ils le peuvent de même pour l'exercice de leur droit de prise d'eau d'irrigation, r V,
73 et suiv. - Mais l'administratio)1 peut les faire supprimer polir cause
Il'intérêt public, Ibid.- Les propriétaires isolés qui en souffrent peuvent s'en
plaindre; leur action doit êU'e portée en justice ordinaire, Ibid. et Ill, 632
et suiv. - Ils peuvent même demander judiciairement la suppression des
ounages, Ill, 394 (note). - Le propriétaire riverain d'un J'Uisseau peutil y établir un barrage à l'effet d'élever les ealLl pour l'irrigation de son héritage? IV, 350. - Peut-il appuyer ce barrage jusque sur la rive opposée
appartenant à un autre propriétaire? Ibid. Si la difliculté consiste à savoir
jusqu'à quelle hauteur le barrage pourra être élevé , à quelle autorité appartient-il de statuer sur cette question? IV, 352. - Des réclamations que peuvent élever, au sujet des travaux de ce genre, les propriétaires de fonds ou
usines situés plus bas, IV, 3510,. Voy. encore Riperains; Dépersoir.; Ecluses;
Inondation,; Usines; Irrigation.
BAR'RlERES. Des barrières sur les routes, but de leur établi5!ement, J,
3 '9. - Elles sont supprimées, et remplacées pal' l'impôt sur le sel, Ibid.
BATAR,IJEAUX. l)eines contre ceux qui en cons\ruisent 'sans au\(wisation sur les rivières navigables, III, 20,23, 154.
BATEAUX et TRAINS. Ne doi"ent pas passer dans les arches et près
des échafaudages où l'on travaille à la construction ou réparation de quelque oU\Tage public, lU, 23, 156. - Peines contre les mariniers qui, en
'contre,enant à cette défense, auraient porté dommage, Jbid.
BATIMENTS. Voy. Constructions. - Des bâtiments menaçant ruine
'Sur la voie publique. - Voy. Voirie urbaine et Ruine des Maisons.
BESTIAUX. Des contraventions de voirie nrbaine résultant du fait de
ceux qui ont occasionné la mort des bestiaux d'autrui par la di,agation de
fous, furieux, animaux ll),Jllfaisans , 'la vétusté des édifices, etc., l, 63(.
et suiv.
BÊTES DE SO""E, DE TRAIT, DE SELLE, doi\'ent la prestation, Il, 610.
- Secùs des animaux destinés au commerce, à la consommation, à la l'eJ'roduction, au service public, II, 64.
'
RlENS. Cette dénomination s'applique aux choses consiqérées par l'al'.
port à DOS jouissances, I , 62. - Des biens ,acants et sans maître. A q ni
appartiennent-ils? - Eneur commise dans la nouvelle l'édactiou de l'article
539 du Code civil, J, 246. - Etaient répntées hiens ,acants et sans maître,
sous le régime féodal, les places vides laissées dans l'intérieur des villages,
l, l,g4 et suiv. - Aujourd'hui elles apl)artiennent à la classe des biens
communaux! Ibid. - Voy. encore Choses sans mq:itre.
BIENS COMMUNAUX. Législation sur leur aliémltion, II, 238.
�724
TAULE ANALYTIQUE:'
Bors. Sont sQumis à une servitU{Ie d'essartement envers les grandes roytei
qui les traverseut, l, 323.
BOIS DE FLOTTE. Voy. Flottage.
BONNE FOI. Voy. Excuse.
BORNAGE. Différence ùe l'alignement'èt du bornage, TI, 599. - Les
promenades publiques rie lleuvent être ,limitées que par le bornage, II,
599 à 002. - L'alignement sur un chemiu rural non classé n'est qu'une
espèce de bornage contestable devant les tribuuaux civils, II, 552, 558.Délimitation et bornage des chemins avec les voisins, modé de procéder
et compétence, II, 784 à 788. - Simple bornage n'est pas un trouble,
II, 800.
BORNES. Des arrachements de bornes sur la voie publique, l, 381. Voy. Saillies. - Bornage.
BORNES MILLIAIRES. - Législàiion aètuelle, indication des lieûx et
distances, TI, 78r.
BORNES-FONTAINES, II, 357.
BOUCHIS. Voy. Narigation.
.
BOURGS. Voy. Rues (Jes bourgs et rillages.
BtrOITS. Des bruits injurieux et nocturnes. - Voy. Tapage;.
C.
CADASl'RE. Son ancienneté, IV, 28r (note).-Ilestsousla surveillance'
de l'adminisiratiOli des ponts et chaussée., l, 232.
. CAHIER de chargés des travaux des ponts et chaussées, dlt génie mili~
tairé et de la ville de Paris, II, 430.
CANAUX. Des canàux de desséchement de marais. Leur nature propre',
IV, 666. - Voy. encoi'e Marais. - Iles canaux de na\'igat.ion int.érieure;
dans quel genre de choses ils sont placés, l, 19. - Ils font partie du domaine public, 1,248; III, 9, r r, 126. - I_e concours du pouvoir législatif
et du pouvoir exécutif est nécessaire pour leur création, 1, r66 et sui\'. , 357
et noie; UI, r26. - Font de même partie du domaine public les sources,
ruisseaux et réservoirs supériéurs d'où l'on fait découler les eaux pour le
servièe de la riavigation; et le gouvernement peut toujours s'en emparer
moyenuant indemnité, III, r26 et suiv. - Est-ce alors pal' voie d'expropriation judiciaire, ou seulement par voie d'indemnité administrative, qu'on
doit procéder? et que doit-on prendre pour base de l'évalmitibn de l'indemnité? III, r27 et suiv. - Voy. encore Expropl'iation. - l.es canaux de
navigation intérieure sont sous la surveillance de l'administràtion des ponts
et chaussées, l, 23r. - Les détériorations qui y sout commises sont des
contraventions de grande,'oii'ie, de la compétence des conseils de préfecture,
l, 388 et suiv. Voy. encore Poirie. - De leurs chemins de halage, et de
la différence qui èxiste entre eux et ceùx des rivières navigables, III, r3r.
- Les règles générales de graude voirie s'appliquent anx canaux de naviga:
tion intérieure, Ibid., r33. - Des réglements de discipline particulière et
locale applicables en outre il chacun de ces canaux, Ibid.-Des concessiOlis
failes aux compagnies d'entrepreneurs des canaux de navigation intérieure.
- Le èonconrs de l'autorité législative est néces6aire pour sanctionner ces
traités. - Quelle est leur nature particulière? et quels sont leur.; effets?
Ibid., 129 et suiv. - Jles aliënations de canaux faites à des particuliers,
sous la condition de maintenue du service de la navigation; quel peut êti'e
l'effet de ces contrats? 1, 255. -Des dommages causés aux particuliers par
les travaux d'établissement ou réparations des canaux. Voy. Tra,'aux pnhlies. - Des dommages qui peuvent l'lisulter de leur établissement par les
infiltrations qu'ils portent dans les terres voisines; les propriétaires des fonùs
humectés ou inondés ont une action en réparation du dommage, IV, 574 .
• - Des canaux qui servent il la navigation intérieure, ct appal'tientienl
�TABLE ANALYTIQUE.
725
l)éanmoins à des particuliers, lIT, 129. - Des autorités compétentes pour
Ùatller sur les matières qlli .le rqpportent aux riyières nayigables et aux canaux de nal'igatioll intérieure, Il r, 134. - De la compétence du pouvoir
législatif, Ibid., - De la compétence dU: pouvoir exécutif, III, 135. - De
éelle des conseils de préfecture, Hl, Il,2. - De celle des tribunanx correc·tionnels, III, r S'9.-De celle' des tribunanx civils, Ilf, 163 et sui\'.-Voyez,
toutefois, pour les développemelll~, lIiYières llal'igables. - Des canaux de
prise d'eau, creusés à main d'homme, latéralement au:" riYières, pour seryir
ile eOll1'ant à une usine: ils ne peuvent être établis sans l'autorisation du
gouvernement, III, 361. - Sont la propriété des meuniers, III, 42' et
sniv. -Examen, de cet,e' question vivement controversée en doctrine et en
jurisprudence, ITr, 428 et sniv. (noté). - Les francs·bords d'un canal doivent-ils être présumés appartcnir àu propriétaire de l'usine à laquelle le canal
couduit les eaux? IlT, 435 et suiv. (note), et 41.6, Ibid.- Lorsque le canal
artificiel et les terres dans lesquclles il est creusé ont ancienncment appar·
tenu au même propriétaire, les francs-bords sont présumés avoir été cédés
en pleine propriété au nOllœau propriétaire du canal.-lixemple; -jurisprudence conforme, IIr, 41.7 (note ).-Les riverains d'un bief artificiel peuVent-ils acquérir par prescription la propriété des francs-bords? -Opinions
·des anteurs sur celte question, TH, 458 et s'fiv. (notr.). - :En l'absence de
titres, quelle largeur doit-on supposer aux francs-bords? Ibid -Les riœrains
d'uu bief l)euvent-ils 'y faire des prises d'eau d'irrigation? Ibid - A quels
iudices peut-on distinguer nn canal nature! ou bras de rivière, d'un canal
fait à main d'homme, lorsqu'il n'existe aucune preuve par écrit de sa construetion? TH, l,59, 468 (/Iole), 1\72 et sniv.- Des canaux cOlls/mits altdeJ'ant des édifices particuliers, et sous le sol des l'Iles et places publique>.
l'envent-ils f::ire acquérir quelque droit de servitude? l, 505 et suiv.-Voyez
encore Sailiic.
CANAUX l)'ARROSF.MEN1·. - Voy. Irrigation.
CANTONS. L~is successivessur la formation des cantons, J , 72.- Voy.
enèore Dwisio,u terriloriales. - Une commune peut être détachée d'u~
canton et incorporée à un autre eanton du même arrondissement, 1lar l'autorité du pou"oir législatif, l, 8:, et suiv.·
.
CANTONNIER. Utilité des cantonniers, II, 126. - Ils. sont sous la
~urveillance des ingénicurs des ponts et chaussées, J! 232 et suiv. - Ils
sont compétents ponr constater par procès-"erbanx les cOlltrawntions en matière de grande voirie, l, 339 (note), 393.
CARRIÈRES. Des carrières nécessaires à la confection des routes et tranux publics; elles peuvent être ouvertes dans les héritages voisins, <lui sont
asslljettis il cette servitude, T, 1,2, 336, 372.- La fixation de l'indemnité
due cu ce cas aux propriétaires est-elle dans les attributions du conseil de
liréfecture cu de la justice ordinaire? T, 172. et sni".; 416 et suiv. - Quid
ùu cas oÏl le gouvernemeut veut établir SUI' ces héritages une carrière pcrmanente? T, 42' et suiv. - Quid des coutestations qui aw'aient pOlir but
de fail'e prendre des matérianx dans des carrières 3uires que celles désignées
parl'administraljon? 1,174. - Les carrières parÜcnlièrespcment êll'e ex]lropriées pour cause d'utilité publique. - Comment s'é,alue l'indemnité
dlle aux prop"iétaires, J, 599, 603. - Elle s'évalue différemment pour les
carrières en exploitation, Il,276. - Voy. Conseroation ries chemins.
CASERNES. Leurs bàtiments et accessoires font partie du domaiue public municipal, l , 4~1, Ibid.' (note).- Voy. Etablissemeuts publics.
CAS FORTUIT. Voy. Faute.
CASSATION. Voy. (Collr de).
CAUSES CIUMINELLES. Ne penvent jamais être instruites ni jugées
l'al' l'administration, l, 2 ro .
..
�'726
TAn,LE AJ(ALYTIQUÈ.
De 4 caution damni infccti; principes sur lesqùels elle étai!,.
fondée en droit romain, nI, 481, 494 etsuiv.; IV, 394.
'
, CAUTIONNEME~T. De celui à fournir par les entrepreneurs de dessé·
'
dlement. de marais, IV, 635 et suiv. - Voy. encore Marais.
CAVES. - L'alignement s'applique aux caves et autres constructions soutermines ou substruction~, II, ['72. -!,eur construction au-devant des édi-'
(lees partieuliers, sous le sol des rues ou places publiques, peut-elle faire,
acqlléri~ quelque droit de servitude? 1, 505 et stl.i.... - Voy. encore Saillies.
CÉLEBRATION des mystères de la religion catholique. Ne peut être faite,
que dans l~s lieux consacrés par les évêques, l , 467'
CENS ELECTORAL. Les centimes additionnels pour l'entretien des chemins entrent, dans la composition du, cens, II, 1,1. - Quid des presta-'
tions? TI, 4 (. - Entrent-elles dans la composition du cens électoral du:
colon partiaire? Il,, 1,3. - Effet de l'expropriation sur le «ens électoral,
II, 248.
'
CENTIMES ADDITIONNELS. Les c"ntimes additionnels des départe~
ments sont applicables en partie à la confection etaux réparations des routes
départementales et des chemins vicinaux, l, 32 r , 350, 358; II , 33. - Ils
sont levés sur la généralité du département sans aucunédistinction des arron-'
dissementsou communes qui paraitraient profitcr inégalementd,es routes dont
i) s'agit, l, 321, 350, '358.- Le concours des plus imposés pour le vote des
centimes est supprimé, II; 38. - Ils entrent dans la composition du cens'
électoral, H, 41. - Ils sont préférables aux prestations en nature, 11, 78.- Une partie de ces centimes est affectée à l'entretièn des chemins de
grande communication, II, 103. - Le maximum de ces centimes est déterminé anlluellemeut par la loi de finanèes, r, 358; II, 127. - De ceux'
à imposrr po Ill' les réparations des che!Dins ruraux', 11, 947, 9/,8 (note ).' ,
, CESSION. De la cession volontaire des terrains ou bâtime?ts à occuper
pour la formation ou l'élargissement des rues ou places publiques: Dans
([Ilelle forme elle doit être faite, 1, 538 et sniv. - Quid également de la'
l'ewnte des parties de ces terrains ou bâtiments qui peuvent ne pas être t:m-'
L)loyées? Ibid. - Voy. Aliénation.
"
,
CHAMIlRE DES PAIRS et DÉPUTÉS. Comment elles concourent à
la création des lois, T, 68 et suiv. - La capacité des membres de la 'cham-'
lIre des députés n'est appréciée et jugée que par la chambre elle-même, l,
183 et sui". - La chambre des pairs est incompétente, soil pour "oler les'
lois d'impôt avant la chambre 'des dépntés, soit pour y adopter, âprès cett~
chambre, des amendements qni en modifient la quotité, l, 68.
CHANVRE. Un dépôt de chanYl'e pour rouissage, dans une rivière navigahle, est-il un délit de pêche ou uue ,contravention de grande voirie? Quelle est l'autorité qui doit en connaitre? III, 157 (note); '250. - Le
ronissage dn chanvre exécnté en grand est rangé dans la classe des établis-'
'
sements insalubres. - Opinion 'de Pal'Cnt-Duchâtelet, HI, J58 (nôte).
CHARGE d'établissement ou d'entretien des l'otites; comment elle s'acqnitte'. - Voy. Rçutes; eltemins lJicilll/l/J:.
, ' ,
, CHARGEMENT. Du çhargement des voitures publiques, et des vO,itures
eu général; contraventions de voirie urbaine 'y relatives, 1, [,06, 625, 633.'
.è-- Voy. Foitlires.
"
,
CHARGES PUBLIQUES. Sont hors dn commerce. - Comment cependant certaines d'entre clles pe'J,;ent être cédées, l , r 7 et suiv.
•
CHARRETI'ES ET VOiTURES. Diverses espèces soumises à la prestatio\) , Il, 63.
'
, CHARTE de J830. Est la règle fondamentale de la distinction des trois
pou\'Oirs actuels en France. Développement de ses dispositions relatives à'
éelte matière, 1,66 etsuiv.
•
, CHASSE. Les seigneurs a"aient exc1usil'ement le droÎt de chasse dans,l:é,-.
CAUTIO~.
�T.l.BLE
Al'fÂLYTIQU:E;
727
.éndue de leurs fiefs, JII, 202 ,203. -- Mais ce droit Ü~\lll\lrement hoDOrifique; nulle consécluence à en tirer pour le domaine des fonds qui y
Üuient soumis, Ibid. - Est pel'mise en tout temps dans les lacs et étangs
privés, IV, 535. - Le fel'mier a-t-il le droit de chasse slJ.r les propriétés
pal' lui prises ilbail? - Opinion des auteurs, IV, 54 (noie). - De la chasse.
.!les oiseaux aquatiques. - Voy. Pêche.
CHATEAUX FORTS. Voy. Forteresses.
CHAUSSÉES. Ne peuvent être faites mêm~ sur des tet'rains particuliers,
\lIais à une certaine distance des terrains militaires, sans le conconrs des
officiers du génie, l, 444.
CHEFS DE FAMILLE ou n'ÉTABLTS:SE,MllI<T. Ils doivent la prestation, II, 48.
CHEMtNS. Propriété des chemins, l, 277. -- Chemins publics non
vicinanx, lI, 6. - Ce qui caractérise le chemin public, et conséquences
légales de son existence, Il, r8r à r89' - Ch~mins communaux, II, 6,
r82, 935, 97 l , 972. - De servitude, II, 6, 182,937,961\,973,99/»
- D'exploitation ou voies agraires·, II, 6, 182. - Les chemins publies et
leurs accessoires sont imprescriptibles; ils sont du domaine public, II, 2 r ,
i I2 il 1 r6. - Conditions pour qu'un chemin devienne prescriptible, l,
269 , 271 ; II, 1 I7. - Temps nécessaire l'our celle prescription, II , 119.
- On ne pent y acquérir de servitude par prescription, II, 122. - Les
cbemins pnblics non vicinaux ne dOlment pas lieu à subvention de la part
des exploitants qui les dégl'adent, II, 135, - Délimitation et bornage des
chemins a "eeles voisins; mode de procéder, et compétence, li, 78/,à 788.Sont présumés dépendances des chemins les terrains laissés en dehors de'.
clôtures des propriétés riveraines, TI, 191,556,597'
CHEMINS COMMUNAlJ:1\.. écessité et exactitude de la dénomination
donnée à ces chemins par M. Proudhon, II , 971 ( note). - Ce qu'ils sont.
-N'appartiennent point ordinairemeutau domaine public, mais au domaine
de propriété communale, II, 935, 97 l , 972. - En quoi ils diffèrent des
petits chemins publics ou chemins ruraux, II, 935, 973. - :En quoi ils.
diffèrent des simples chemins de servitude, Il, 973. - L'opinion deM. Proudhon, que le sol des chemins communaux est la propriété des communcs ,
et que les voies qui ne servent qu'à l'exploitation des fonds des particuliers
Ile sont soumises qu'à de simples sei'vitudes, n'est pas exacte dans sa généralité, If, 9!J2 (/lote). - Les cbemins communaux doivent être cntretenus
et réparés aux frais des communes. - Mode de procéder légalement aux
dépenses relatives à cet objet, Ibid. et 974 (note). - Les maires sont contradicteurs légitimes pOUl' s'opposer aux usurpations qui y seraient commises,
If, 97/" - A quoi doit-on précisément s'attacher pour distinguer Ics che-·
mins communaux? II, 975. - Sont grevés de la servitude de passage pour
l'exploitation des fonds des contrées qu'ils traversent, II, 976. - Sur qui
pèse la charge de réparation du mur de soutènement d'un chemin commuual,
yicinal Oll rural, éboulé daus un terrain en pente, SUl' le fouds inférieur? Ir,
977,1002. - Quels sont les droits que lcs habitants des communcs peu,-ent' en leur propre et privé nom, revendiquer sur le~ chemins communaux, et en général sur les chemins puhlics existant dans l'étcndue de leurs
territoires? II, 978. - Si le mai."e refuse d'agir pO\lr faire reconUDÎtre le
domaine communal Ju chcmin flu'un particulier se. portc li envahir, les
autres particuliers ne pOUlTont-ils pas revendiquer le droit qu'ils ont euxn)êmes de s'en s rvil'? Il, 981.
CHEMINS DE DESSERTE. En cas de dciclassement d'un chemin, la
commune, en vendant le sol ,"doit résen·e)' les chemins nécessaires pour la
desserte des propriétés, II , 31, 0 à 342.
CHEMINS DE FER. Sont sous la dircction et la surveillance de l'administration des ponts et chaussées, J, 236. - Conséquences de l'occupa~ion d'un chemin vicinal rom l'établissement d'un chemin de fer, II, 266.
�128
TABLE ANALYTIQUE.
CHEl\lI:NS DE HALAGE. Denx chemins de halage dflin'~lt exister au bordt
ctcs riYièl:es navigables; de la largeur fixée par les lois pour chacun d'eux,
lil, 114 et suiv. - A l'administration active seule, ou au préfet en premier;
ordrc, appartient le droit de statuer snI' lenr établissement, leur alignement,
leurs rectifiçations, 0\1 la modifi,cation de lenr largeur, lorsqne les circon-'
stances locales pement l'exiger. - Le conseil de pi·H.ectureest incompétent
l'our connaître de ces mesures, qui ne contienncntrien de cQntentiellx, III,
!)3 et suiv., 1I4 et sniv., 3,7°. - L'état de ces chemins une fois fixé, l'adl;ninistration ne pent en étçndre. le molj.e au prrjndice des propriétaires, sans
les indemniser, III, 1I7.-l'Ie sont pas habituellcment dns par les héritages
tiverains d'un bras non nayigable faisant partie d'une rivière navigable, Hf,
84,85. - Ils peuvent cependan.t, d'lUS les cas de nécessité, être pratiqués
par les bate.lier$ sans qu'ancIJn dédommagr'ment soit dît aux propriétaires,
ibid. - De l'illdemnité à accorder pOlir le1ll: établissement, lorsq,,'une ri"ière pient à être déclarée navigqb1e. - La qnestion de savoir à qui des rivec
rains cctte indemnité doit être attribuée est dans les attributions exclusives
~es tribunaux ord.inaires, lIT, 166 et suiv. - En est-il. de même de la fixa-:
tion du m.ontaI;\t d,e <;eUe indemnité? III, 167 et suiv. - J.'indemnité qui
peut être' att~'ibuée par le gom'ernement pour l'exercice de <;he.min de halage.
sur un fonds hmoibéqué doit être distribuée aux créanciel'5 suivant leur
ordre d'hYPQtbèqucs, lIT, 1 io. Voy. enCOl;e indemnité. - J.e tenain occupé par les C)leminS de halage ne fait point rart.ie du domaine p\)blic : ils
nc sont que de simples seryitndes, III, 79, 98.- Cqnséq"ences qlli résultenl
<,I.e cette qualité :, leur usage spécial venant à Cesser, il~ ne Peuvent être asslljellis à la simple desserte d.es fonds ri"erains, III, 79. - Le propriétaire
l.ùst pniut ten\) d'en laisser le. sol improductif; - il profite de l'alluvion,
)TT, lot,. - La servitude ne cessç pas d'être due &i l!'is e:jnx o.pèrent des
"fi'onillernents contre le terrain qui en est grevé, nI, IIf,. - J~es chemins
de halage doi~'ent en toutes saisons s'étendre snI' tont le terrain nécessaire'à
1;\ naYigation, Il ï, lOt). - Jls servent de continuation de e1ôture si la pro.J'ril,té est close de tons antres côt~s. - Conséquence§ qui en résultent rela~
ji,eroent à la yaine pâtme., rn, 1I2 et I I 3, (notes). - I_e propriétaire du
t.errain occnpé par les c!lemins de halr.ge. a droit. de recueillir à son profit
les herbes CJui y <;roissent, IJJ, lOt,. -- Le trésor l}:oU\'é dans ces chemins
llppartient an pl'opriétaü:e riyeraill, III. 105. - Si la navigation vient â
çesser dans le flcm'e, l.es fends adjacen,ts deviennent )jbrcs entre les mains
de leurs maîtres, Ibid. .:- Les chemins de halage ne doivent être.\jsités qUll
pour les faits relatifs au sen,ic.e que le public a droit. d'exercer, 1II, 112.(:e n:est point aux frais des propriétaires du fonds, I)'lais à ceux dl] gonverc
nemen t., ql)e doiyent être faits tons ks travaux nécessaires pour l'usage de la
naYigntion sur ces ch!'mins, 1TT, r.05. - Le possesseur de l'héritage débi c
tl'lIr du c!H'l)'lin ne pent y faire ni seIT\ailles ni pfantations qui en gênent.
l'exercice, 1 fT, TV7. - Les nayigateurs seraient en d.roit de fouler impnnfJ]lent les réeolLeS qui s'ol'poseraien.tà ltur passag$l, Ibid. - l'o\jrvlI que ce
rlÎt dans le CilS de besoin réel, Ibid. -') Oille contestation sur Ge point est dn
ressort de la j;\slice ordinaire, Ibid. - J~e )l1'OpriétaiJ:e dll fonds cloit y soufe
frir la circulation de toutes voitures nécessaires an service d.e la I\aügation,
JI j, 109.- Ils ne sont établis qne l'ourle service de 1;1. navigation, et ne sont
c;onséqllemment pas dus le long des bras non navigahles des rivières nav~
gables, Il I, r05. - Les nayigatenrs peùvenl faire.sllr les chemins de balagll
1:,ous dépôts momentanés de marchandises pour le chargement des bateaux;
- restrictions appoJ:lées à ceUo faculté, III, 1I0. - Quelles sont, relali\'cmrnt aux c11emins de balage, les conséquences de la construction, sur le
ljt même de la rivière uayigable et flottable, d'1me digue en arrière de laquelle,
~esleraiellt désormais à sec d~s terrains antér,ieurement couverts par l~.,
�TABLE ANALYTIQUE.
~aux?-IIT, 79, ~xistant dans les
72,(.\
Les chemins de Jwlage sont-ils dus sur les bords des îles,
rivières navigables? Ill, 1rg et suiv. - Ves consïrl1ctious'
ou plantations à faire au hord des chemins de halagè, et de l'aliguement à
ohlenir de l'administration. Voy. Alignement. - lJes contraventions commises sur les cbemins de halage: elles sont, comme contraventions de
grande voirie, de la compéteilCe des conseils de préfecture, l, 373,376 et
suiv.; III, 153. - Des dépôts ou embarras qui entravent la lihre circuJa-,
tion, 1,373,3.76 etsuiv.;. III, 1°7, 153.- Des enlhemenls de terre, gazons, etc. Ibid. - Du défaut de demandè préalahle d'un alignement pour,
élever des constructions ou plantations sur leürs bords, l, 295 et suiv.; Ill,
tr7, uS, r46. - Des anticipations, III, 153,. Voy. encore Poiric. - Les'
chemins de halage nc sont dus qu'aux rivières navigables, et non ï."x rivières.
qui ne sont que flottables, Ill, r 16. - Ils ne sont point dus le long des rivages de la mer, lIT, 3g. - 1)e la nature de ceux qni bordent.lcs canaux
de navigation intérieure, et en quoi ils diffèrent de ceux des ri"ières navi-,
gahles, 1II, 104, 131.
'
'
CHElVlli\'S DE SEltVITtJDE. Ce qu'ils. sont, et en quoi ils diffèrent des
chemins puhlics en général, et en particulier des chrmius çommuuaux et'
ruraux, Tf', g37, 964 et suiv" 973, ggo. - Quel est le caractère du chemin qni condnit d'un village ou d'une ronte à une métairie isolée? JI, g3g.
- A la charge de qui sont les frais d'entretien des chcmim de servitllde;JI, 99r, 993, 100r. - Les maires pcm'ent en ccrtains cas forcer les parti7
cnliers qui en jouissent à pourvoir il. cet entretien, Il, 999. - Mais ils ne
pcuwnt, ainsi que le dit 1\1. l'roudhou, faire faîre les réparations aux frais de.
la éommulle, Ii, 1000 (note). - SUI' qui pèse la charge de réparation du
mur de soutènement d'm] chemin de servitude éboulé, dans un terrain en
peu le ,sur le fonds inférieur? fT, 976, r002. - Comn>eut on doit reconlIaÎt"e si les chemins de servitu~le out une existence légale, ct dans quelles
circoustanccs Ics parties intéressées peln'ent en demallder la conservation'
ou la maintenue, lI, 1003 et suiv.-Toute scn'itude de chemin sur Je fond$
d'aulrui renferme comme accessoire le droit de fouille et prise des matériaux
nécessaires pour le rendre praticahle, l, 336.
CUi~l\lIj\;S LEVÉS. Voy: Chaussées.
CHE)1INS l'nIVI~S. En quoi,ils diffèrent essentÎellemeutdes chemins puJ.lics, l,290; JI, 964 et sniv.
CR!':MlI':S PUBLICS, Dans quel genre de choses ils doi"ent être rangés,
J., 10, rg, 252. - En quoi ils difTèrent des chemins pri"és, l, 290. - Ils
font en fjénéral partie du domaine public, l, 21,S et sni". - Des granùes
l'ont es on grands chemins, l, 290.- De la compétence des diverses antorités
qui peuvent être invoquées Sur le rl'gime légal auquel sont soumis l'élablis c
scmentet l'usage des rontes et chemins publics, 1,355. - Des contraventions de YQirie résultant des dégl'3dalious et d~tériorations quelconques des
chemius puhlics, ct des anticipations sndeur largeur, T, 637 ct [bir/., (note).
- Des questions de propriété dont peuvent êtrc l'objet les chemins puhlics;,
les préfets ou I,.s maires sont contradicteurs légilimes pOli!' agir ou défendre,
suivant que ces fcnds som à'la charge de l'Et.1tOll des communcs, l, 277'-"
l)istinction èntn' les chemins qui traversent les villages ou scn'cut de communication d'nn quartier à un anU'e, et les placcs ';ides laissées dans l'intérieur, 1,491;. -- 'voy. encore Rlies. - Le sol d'un chemin pnblic pont-il.
être prescrit lorsque l'usage en est ahandonné? Hypothèses diverses, l, 269.
- llifTérence notable entre un chemin de servitude et un chemin dont le
sol appartient ail public. Le premier peut être prescrit en fa"em dll pl'o'priétaire du forids, par le seul non-usage, J, 2)'1. - Voy. des développements allx mots Voirie; Routes; Chrmins vicinaux; Chemins ruraux; che-,
n;lins comm./lnau.}.'; Chemins de lif/lage; Embarras, de ln l'oie pllbli'jJ'c;
-0'preserif'ti~ilit,é.
',
�~30
'J.',Ua.B AI'fALY'1'fQUE.,
CHEMINS RURAUX. Doivent être aiosidénornmés les chemins puhliç~
qui ne sont ni grandes routes, ni classés au rang des chemins Yicinaux, II;
!)J r. - Des diflërents noms qu'on donne à ces chemins, II, 93 r (note):
Quel est leur caraptère spécifique? et comment doit-on les distinguer soil.
ries chemins communaux, soit des chemins de servitude? II, 934, 973. Çe caractère ne dérive qne de l'usage auquel ils sont consacrés, et non de
lellr largeur, II , 938. - Un simple sentier peut donc avoir la nature de
chcmin public, JI, 939 et soiv.'- Qtûd du chemin qui conduit d'un vilbge on d'une ro~te à une métairie isolée? If.id.
Les chemins ruraux appartiennent au d.omaine.public, If, 94r. - Au
sol de ces chemins s'appliquent tous les principes sur l'aliénabilité et l'im-,
pl'cscriptibilité d11 domaine public, Ibid. - Sont à la chayge des commnnes,
qu'ils traversent, II, 942. - Errenr des auteurs qui les ont, sur ce motif,
, classés parmi les biens communanx, Ibid.
La dépense de leur entretien pèse sur les com~unes dont ils occupent le
territoire, II, 9V,. Du mode de pourvoir légalement à ce~ dépenses, Ibid.
et suiv, - Des corvées à accomplir pour l'exécution des travaux, JI, 946
èl suiv. - Opinion contraire de M. Dumay, qui pense que les habitants
d'uue commune ne sont pas tenus de travaillcr à Jo réparation de ces cbeolins. - Circulaire miuistérielle conforme, II, 91,8 (note). - L'entretien
de ces chemins peut-il être mis, par uu arrêté du mail'e, à la charge des
propriétaires riverains, chacuu en droit soi? II, 9!'9 (note).
'
Quels sont les droits que les habitants des communes peuvent, en leur,
propre et privé nom, revendiquer sUI-les chemins ruraux, et en général sur
les chemins publics existant dans l'étendue de leurs territoires,' Il, 978.Si le maire refuse d'agir contre le particulier qui se porle à envahir un chemin de cette natme, les antres particuliers ne pourront-ils pas revendiquel'
le droit ({u'ils ont eux-mêmes de s'en scrvir? 11, 98r.
De la police réglementaire louchant les chemins ruraux, JI, 948. - Ils,
peuvent être soumÎs à l'alignement par un arrêté municipal; caractère ipécial de cet aligllement, II , 548 _- C'est au trilmnal civil à statuer sur les
questions de savoir si le contrevenant s'est conformé à l'alignement donné
l'al' le maire, II, 554. - Au préfet appartient le droit d'ordonner les mesures nécessaires à l'amélioration des chemins l'tiraux, If, 941,.- Au pouvoir
municipal, celui d'en faire cesser les embarras ou encombrl'ments, Il, 9!,5.
De la police réprcssi"e, touchant les chemins l'llraux. II, 949- - Les
COllseils de préfecturl'. sont en cette matière sans aucune compétence; la
police de répression appartient tOllt entière aux tribunaux de simple police,
Ibid. - Des contraventions commises sur ces chemins, et des peines yapplicables, Ibid. et suiv. - Des dépôts ou embarras quelconques, dégradations, détériorations, \lsurpations , enlèvement de terres on matériaux,
ibid, - De la dérivation des eaux sur ces mêmes çhemins, Ibid.
Des contestations purement ci"iles qui peuvellt s'éteper à l'occasion d!}"
chemins ruraux, TT, 952. - Tant que l'existence d'un chemin ou le droit,
de cbemiu puhlic sont contestés, et que l'administration ne l'a pas déclal'é
\'iciual, les tribunaux ci"il, seuls sont compétents pour statuer sur cette,
contestatiou, ibid. - Mais quel est alors le contradicteur légitime pour
"gir on défeudre dans l'intérêt du chemin public, soit en ce qui touche à son usage, soit en ce qui touche à la propriété du sol puhlic? II ,
!l53. - Des moyens à faire valoir pour établir l'existence et la qualité de'
ces chemins, 1] , 959- - Les actions possessoir s, comme les actions péti.toires, sont égalemeut rcce\'ahles pour mettre obstacle aux entreprises de
ceux qui interceptent les chemins puhlics, JI, Ibid. et sui\'. - Les défendeurs à ~ces actions ue peuyent même l'as doubler l'interdit, comme daIls les.
ças, ordinaires eutre particuliers, JI, 96r ct sui". - JI pent enèore être,
�TABLE ANALYTiQUE.
73l.
llo\lrv\l. à la conservation de ces chemins en agissant par action répressive
~n simple police, II, 963 etsuiv.- Un chemin rural peut-il être établi par le,
moyen de la prescription ordinaire? II,964 et suiv. - Difficultés que présentent les circonstances de fait pour la solution de cette question, 1r , 969.
CHEMINS VICINAUX. - Législation. - Loi du 2.1 mai 1836; - '
analyse de cette loi, II, 8 ; - ses imperfe«;tions, II, 9;' - ses avantages,
11,9,
'
'.
. '
.
Généralités. - Etymologie, II. 7. - Définition, IT, 7. - Diverses
classes, II, 8. - Il& dépendent de la petite voirie, II , 500. - Statistique,'
11" 10 (note).
.
.
.
, Etablissement. - Classement, recOl;maissanc'e, II., II. - Tableau des
chemins, II. 15. - Il doit être dressé par le préfet, II, 797.- Voy. Déclaration de vicinalité. - Règles et précautions pour l'établissement des
çbemins vicinaux traversant des fortitications, Il, 798. - La loi sur les
cbemins vicinaux n'est pas applicable aux rues des bOlll'gs et villages, II,
18. - Largeur des chemins vicinaux, II, 18. Voy. Largeur. - Plantations,'
distance. Voy. Plantations.
..
, Propriété. - Leur sol en pleinc propriété dépend du domaine public,
n, 2.I. - Législation sur leur propriété, Il, SI8. - lis n'existent pas:
~eulement à titre de ienitude, II , 2.2.. - Id. accessoires tels que talus;'
fossés, ponts, Il, 2.3. - Ils sont affranchis de l'impôt, li , 797. - Ils sonf
imprescriptibles, JI, ! 12. à l I.6. - Difficultés qui eristaient autrefois sur
la prescriptibilité des chemins vicinaux, II, 1 II. - Conditions pour qn'ils' \
deviennent prescriptibles, lI, I I 7. - Temps nécessaire pour celle pres-'
cription, II, 119. - On ne peut y acquérir de servitude par prescl'iption,
JI, l''2.. - Clu;mins intéressant plusieurs communel, II, 85. - Intéres-'
~ant des communes situées dans divers départements, n, 89. - Le sol des
chemins "icinaux intéressant pl,!sieurs communes appartient à chacune SUI',
son territoire, 1r , 89, 8 l 8: - Ainsi que les alluvions qui s'y attachent "
n, 8" I. - Ceux qui intéressent plusieurs départ~ments ne sont pas soulJlis à la loi du 2.5 juin 18t,! sur les routes départementales, JI, 92 •
• Dépenses d'établissement et d'entreticn. - L'indemnité pour leur établissement est à la charge des communes, lI, 16. - Lem entretien, autrefois à la charge de qui? II, 50 - Il est à la charge des communes, If,
32.. Voy. Communes. - Mode d'y pounoir d'après la loi du 28 juillet'
IS24, JI, 32. - D'après celle du 2.1 nIai 1836, lI, 33,102.. - Insufii-.
situce et injustice de ces dispositions, II, 34. - Les propriétés de l'état et
(Je la couronne contribuent aux dépenses des chemins vicinaux, Il, 132..-'
Ces chemins sont les seuls donnant lieu à des sub"entions de la part des ex-.
ploitants qui les dégradcnt, Il, 135. - Voy. Communes, - Prestation, Subvention. - Diwrses atteintes portées à)a propriété pri"ée pour l'établissement des chemins "icinaux, II, 158. - Le riverain ue peut l'Ire exliroprié pour refus d'acquérir Jes terrains )'etranchés d'un c.hernin vicinal,'
11, 772, 672. à 675.--:- Voy. Entretien, - Expropriation, - È.draction de,
matériaux, - Indemnité.
Alignement, - Ils sont assujettis à l'alignement, l, 51,.6 et ibid. (note);
II, 462., 500, 466, 5 II. - Plans généraux d'alignement de voil"Ïe vicinale
ordinaire, Il, 735 et suiv. - Méthode pour lever les plans des chemins vi.
cinaux, JI, 737 (note). -'- Délivrance des alignements partiels; forme et
autorité compétente, Voy. Alignement, § 5. - En matière d'alignement
~e "oirie vicinale, l'indemnité ))0111' reculement à la charge de la commune
est réglée l'al' le juge de paix sur le rapport d'experts, JI, 770. - l'dode,
de fixation quaud l'indemnité est due à la eommuue pour cession de 1er·
rains, JI, 772.. Noy. Alignement, § 6. - Exception de proJlI"iélé SUI' ta:
poursuire d'une coutra"ention à un alignement de yeirie vicinale. Voy:'
Alignement (§ 8 , tribflnaux de simple police, question préjudic,efle).
..
.
,
. ....
.'
�732
'l':-I.l:LE ANALYTIQUE.
Declassement. -Déclassement des chemins vicinaux. Voy. Déclassement.
-:- Dn cas où nn chemin vicinal serait exproprié en tout ou en partie pour',
cause d'utilité publique. Double hypothèse: sa conversion en route d'une
classe supérieure ou en f);ayaux autres qu'une route, tels qu~ canal, chemili
de fer. Conséqtiences quant au:<. droits de la commune, II, 268; quant à la
prQcédure, IL , 723 (note).
,.' •
.
Contelltieux. - Le maire est contradicteur légitime pour les procès concernant les chemins Yicinaux ordinaires, et, dans cert.ains cas, ceux de
gr;mde communication, Il, xi, x8. Voy. Affaire sommaire, - ('ontraven:
tiolls, - Police des c.~tcmins.
.
"
'. CHEi"WINS VXClNAUX DE GRANDE CO'''lUNXCATION, II, 92. - Ils Seraiel}t
mieux désignés sous le nom de chemins cantonnaùx, Il, 93. -Ils appar:
tiennent à la petite voirie, fI, 500.
'
"
-,-'
- Classement. ~ Attribntions des préfets relativement à ces chemins, II,
!J3. - AtlrilJUtions 'des conseils généraux, JI, 94, - müniclpaux, lI, 97;
~ d'arrondissement, Il, xx, -'Ils doivent être préalablement classés pal'
le préfct parmi les chemins vicinaux ordinaires, fI, 96. - Ils appartien~'
llènt au domaine public et sont imprescriptibles. Voy. Cftemins vicinaux.
Dépenses. - L'indemnité poU\' leur' étrJ)lissement est à la charge des
communes, II , X7, 99. - Ressources destinées à leur entretien, Il, 103:'
- Offres des particuliers et dés copllimnes à cet égard; eu 'quoi elles doivent
eonsister; de leur acceptation et recouvrement, Il, 99,
"
, Les chemins de grande communication sont placés sous l'autorité du
prôfet, lI, 106..- Les travaux de ces c1)emins sont des travaux êommu-~
'Jaux, rI, '1'07, - Les lois sur la police du roulage ne sontl)as applicables
aux wemins de grande communication, 1r , xog, 788, '894.
'
, Alignement. - Plans généraux d'alignement des chemins de grande
commullicàtion; forme et autorité compétente, Ir, 736à 740. - Délivrancè
des alignements pmticls sur ces' chemius; forme et autorité compétente;
"
Voy, Alignement-. § 5.
Contentieux. - Le maire est, dans certain~ cas, cqntradicteur légitime
dans les procès relatifs aux chemins degraude communication, II, x8,-Voy.
Cft!!mins vicinaux. -
Communes.
.
.
CHEVAUX. Le fait de ceux qui ne modèrent pas le mouvement Iles
ehel'au'é et voitures dan, les rues et sur les routes u'est pas une contravention qui puisse être de la eompôtence des conseils de préfecture, l, 374.
CH LEl'IS , De la contravention de voirie urbaine commise par ceux qui
exciteut ou ne retiennent pas leurs chiens lorsqu'ils attaqu'euf ou poursui-'
veut les passants, r, 629, Ibid. (note). - Empoisonilemeut des'c1liens,
] , 628 (noie).
'
"
CHOèVIAGE. De l'indemnité de chômage à payer par les navigatelll's et
j)ott~urs nux propriétairés d'usines établies snI' lesri,;,ères navigables et flottables, III, 22,24,327 et suiv., 667,669' - Distinction à faire entre le
cas où le chômage résulte de l'exercice même du flottage, et cerui 011 Il résulte de l'exécuticI! de quelques travaux dans la rivière, III, 668. -- Dis~
(Înclion entre le chômage des mo!!lius proprement dits, et celui des graudes
~lsjnes, TIl, 669. - Le réglement d'indemjlÎté de chàmage fLxé par la loi
du 28 jumet x82.1, est-il applicable dans tont le royaume? ou doit·il être
.-cslreiut à la cause des m~uniel's donl les moulins sont"silués SUl' les cours
d'eau affiuauU, la Scille? 1] r, 671.- Les propr;étaires d'usines ne peuvent'sous prétexte de chomage de leurs étalllissements, retarder l'exercice de la
navigation ou du f"Jltage, ni exiger une plus forte indemnité que celle ré.'
glée par la loi -'Amende encourue en cas de contravention. - Elle est pronoueée par le trihu"a' de po!ice correctionnelle, J II, 159. - Les coutes·
tations rdatl'es au d;;lement dn taux de l'indemnité dout il s'agit, comme
�TABLE ANALYTIQUE.
733
aussi les contestations relatives au chômage des usines occasionné l'nI' l'exercice dn flollage à bûches perdues, sont de la compétence des tribunaux 01'dinaires, II l, I6!f, 630.
CHOSES, Des choses en général, et développement de lenrs ditrérents
'genres considérés dans le droit, I, 9 et zo. - Communia, I, 10,252.
-PlIbtica, r, 10. - Universitatis, I, 10. - i\-lIttius, I, II. - Singa{arum, l, Ibid,- Des choses qui son't ou qili ne sont pas dans le commerce;
J, Ibid. - Par lenr propi'e immensité, l, 12, 252. - Par Je droit dj"in
'positif, I, 12. - Parles principes de la moral,e, I, 13. - Par le droit naturel, I, 14.- Par le droit public établi pond'organisation sociale, J, 17'
- Par la destination de la loi civile, l, Ig. - Ces dernières choses sont af.
'fectées au protit de chacun, à lin véritable droit d'usage, J, 20. - Lcs
choses plàcées hors du commerce par le droit naturel sont inaJiéuahles d'une
'manièrc absolue; il n'en est pas de méme de celles placées hors du commerce
par la destination de la loi civile, l, 252. - Des choses spirituelles. Elles
ne sont point dans le commerce, et ne penvent être l'objet d'aucune tran'saction commerciale, I, 12. - Des choses illicites. Elles ne sont pas non
J'lus dans le commerce, I, 13. - Des choses sans maître. A qni appartiennent-elles d'après le droi! ancien et d'après lè droit noilveau? l , 21.Voy. encore Biens vacants et sans mai/re, - Des chose. saintes, l, 460,
- Des choses bénites, Ibid. - Des 'choses sacrées. EHes appal'tiennent au
domaine public municipal. Ibid.- Principes dela 1"3islation romaine sur cet
objet, I, 465., - Pour acquérir lelll' caractère, dies doivent avoir été publiquementdédiées au culte divin, Ibid.- Wles ne peuvent être l'oLjet d'au,cune stipulation ni d'auc,une vente" Ibid. - Comment et par quelle autorité s/opère leur consécration; Ibid. - Principes des lois de Moïse sur ce
point, ibid. - Principes des lois ecèlésiastiques sur le même objet, J, 467,-:
Leur dédicace pellt être levée par la mème autorité qui l'avait décernée l
elles rentrent alors dans le commerce, 1 , 46g. - Elles penvent aussi rentrer dans le commerce par la force des choses, l, 26r et suiv., 46g_ - Les
crimes et délits ayant pour objet des choses sacrées, ont toujO\ll'S été soumis à des peines plus sévères 1 J, 467' - Les choses de pme faculté ne
peuwnt sç prescrire; dé\-eloppement de cette maxime, r, 500 et sui,'. Dénomination qne prennent les choses lorsqu'on les considère par rapport
à nos jouissances, l, 62.
CHOSE JUGI:E. Si un arrèté municipal peut être réformé quand il a
servi de base à la chose jugée, II, g25.
CH1ETIÈRE. Législation, II, 707 (Ilote ).-Ils appartiennent au domaine
pnblic municipal, I, 46'). - On doit y recev'oir les restes mortels des étrangers comme des habitants de la paroisse, Ibicf.-Sont snbordonnés aux règle~
de police qlli s'exercent sur tous autres lieux publics, Ibid. - Il n'est
pas permis d'exiger de l'argent pour prix de la terre qui y recouvre les
morts, J, !f67 - Exception à ce principe, l, /\63 (note). - Leur desLiuat.ion supprimée, ils rentrent daus le domaiue de propriété ordinaire après
l'accomplissement de certaines formalités, 1,253 et sniv,; 26 ( et sniv.; 469,
- Ils font alors partie des biens communaux patrimoniaux de la commnue
delenr situation, l, 472. - Sont-ils affectés à la servitude de jours en faveur
des édilices riverains? l, 517. - Pouvait-on, SOIIS l'ancienne législatiou, y
acquérir par prescription de~ servitudes de passage, lbid.-On ne p"ut bâtir
à moins de 100 mètres de distance des cimetières; - c'est une servitllde
analogue à celle de l'alignement, II, 707,
CIRCONSTANCES ATTÉNUAN l'ES. Elles s'appliqnent aux contraventions; leur influence sur le minimum des peines, II, 9,,6.
CIRCULAIRES et instructions ministérielles relatives aux CBEbIINS VlcrNAm::, 23 vendémlaire an XI, tI, !f'ii-7 prairial an xru, II, 15, 2!b 32, 797;
�734
TABLE ANALYTiQUE.
- octobre 1814, h, :14,65. - 30 juillet 1835, ri, 43g.'- 2·9 sept~mhrë
1835, II, 156. -24 juin 1836,II, 13,20,44, 54, 57, 65,72,7 5, 79, 77,
106, 115, 136, 147,14g, 15!h 1,23; critique, II, 436,457,467; critique,
II, 739, - 21 octobre 1836, II, 68. - 2 août 1837, II, 68. - 26 màl:5
1838,325, texte. - 18 février 183g, II, 17, 18. - 10 décembre t839,
II, 21, 735, 772. - 3 juin 1841, II, 107.
Aux Chemins ruraux ou chemins publics non classés. ~ 16 novembre
183g, II, 187, 54g.
AuxALIGNEIIIIlNTS. _1° De voirie urbaine; indication de dix Circulail;es,
II, 460, 715.-Du 2 octobre 1815, II, fI5.- 16 mai 1825, II, 662, 666.
- 27 novembre 1837, II, 742. - 23 aoÎlt 18t,l, II, 720,722,7.33, 754
à 765; critique. - 2' De grande lJOirie. - 13. thermidor an VI, Il, 726.
- 22 juin I80g, n, 725. - 3 aotit 1833, II, 726. - 16 décembre '1833\
II, 727, 729, 734. - 20 octobre 1836, II, 728. - 3° De voirie vicinale.
- 10 dé~embre 183g, II, 21, 735, 772. - Aux travaux eonfortatifs. I3 féuier 1806 et 3 juillet 1327, II, .582. - Critique de ces circulaires,
II, 585.
Aux EXPROPRIATIONS POUR CAUSE n'UTILITÉ PUBLIQUE. - 16 mai IS25,
II,662,66ti.- 25 mai 1825., II, 266. -2!,jUin 1836, II, 240.-26
mars 1838, II, 240,325; texte. -- 27 juillet 1821, 25 mai et 15 juiliet
1825, 21 et 31 juin 1833, 24 juillet et 17 décembre r837, II. 248.Ig fhl'ier r828, II, 26g.
A I.A FORME nES ARRÊTÉS DES PRÉFETS ET DES CONSEILS DE PRÉFECTURE, 2g
septembre 1835,-II, 156.
CITERNES. Ce que c'@st, IV, 188. - Chacun est libre d'en ëtablir SUI'
ses héritages; - elles sont l'objet d'un véritahle droit de propriété; - nul
n'y pc lit prendre d'eau sans le cousentement du propriétaire, excepté pour
les cas d'incendie, IV, Ibid. - La disposition de l'art. 67!' du Code civil ne
leur est pas upplicable, IV, rg7 (note).
CIVILTSA'I10N. Elle a pour fondement le droit de propriété, l,53.
CLASSEMENT DES CHEMINS. Voy. Déclaration de vicinalité.
CLASSEMENT DES COMMUNES. A qui il appartient, l, 84 et suiv. ,
CLOTURE. Que doit-on entendre par cloture? II, 273. - Quelles sont
les actions auxquelles peut donner lieu le renversement d'une cloture pour
se procurer un passage SUl' un fonds riverain d'une route ou d'un èhemin,
lorsque celui-ci est accidentellèment impraticable? l, 33r ; II, 805 à 8IS.
- Voy. Responsabilité. - De la contl'a"ention qui résulte ùu fait <le construction de clôtures le long des chemius de halage, à une distance moiudre
que celle fixée par la loi, III, r53. - l'rohibition de prendre des matériau",
pour l'entretien des routes et chemins dans les lieux clos, II, 273.
COCHES. Tout particulier peut-il librement établir des coches ou voitures d'eau pour un service commun, sur des rivières qui, quoique non
navigables, ~eraient en état de les supporter? III, ~5g.
CODE PENAL. Quels sont les lois et réglements particuliers qu'on doit
regarder comme abrogés par le Code pénal? 1 , 64 r et suiv.
.
COLLÉGES. Leurs bâtiments et accessoires font partie du doma;ne public municipal, 1, t'7I et ibid. (note). - Voy. ponr les développements;
au mot Etablissements pltUics.
COLLÉGES ÉLECTORAUX.. Quelle est l'autorité compétente pour statuer Sllr la régularité ou l'irrégularité de lenrs opérations? Distinction entre
les colléges électoraux pour la chamhre des déptités, et les autres colléges ,
l, r83 et suiv.
COLONS PARTIAIRES. La prestation pour l'entretien des chemius vicinaux entre-t-elle dans la composition de leur cens électoral? Il , 1,3. -:DO~"ent la presta1Îon, If, 49.
�TAilLE ANALYTIQUE.
735
COMMISSAIRES DE POLICE. Sont compétents pour constater par procès-vel'baux. les contraventions en matièl'e de grande voirie, l, 388.
COMMISSAIRES DU DIRECl'OIRE EXECUl'IF. - Voy. Administmlions de département.
COMMISSION. De la commission établie pour statuer sur les débats tonchant les marais et lenr desséchement, 1V, 638. - La loi du 8 mars r8 10,
la Charte et les lois des 7 juillet r833 et 3 mai r84r, ont· elles aboli la loi
de r807, en ce qui concerne cette commission spéciale? IV, 638 (note).Organisation spéciale de cette commission, IV, 6l,0.- Sa compétence, IV,
67l" 675 et suiv. (note). - Ses fonctions. - Elle est tout à la fois tribunal administrali! , dans quels cas? - Et couseil consultatif, dans quels cas?
IV, 675 et sniv. (/10Ie). - La loi du 3 mai r84r lui n-t-clle enlevé le droit
Ile prononcer l'indemnité due par .Ies pl'of'riétaires pOlir mieux-value résultant ail profit de leurs propriétés de la coufectioil de grands travaux puhlics;
lbid.
COMMISSION D'ENQUÊTE. - Voy. .Alignement (§ 5, confection des
plans génémux).
COMMISSION SPÉCIALE pour examiner les oppositions des intéressés;
inutile en matière d'expropriation vicinale, JI, 20g à 218.
COMMUNAUTÉ DE BIENS. Ellc est désormais contraire au droit naturel absoltl; et l'autorité sOllveraine ne peut la l'établir, l , rog.
COMMUNAUX, Dans quel genre de choses ils doivent être rangés, T,
ro. - Sont l'origine et la sour.ce du dcmaine public municipal, l, 450.Mais ils diffèrent essentiellement du caractére et d~ la destination des biens
<lui composent ce domaine, l, ,,5 r. - Des servitudes légales de vue, de
}lassage, d'issue, dont sont grevés les communanx en faveur d~s héritages
voisins, pour leurs aisances et l'exercice de la cnlture , l, 4g6 et suiv., 5 rg ;
Il, g86. - Les pariages de commnnaux ne pement être faits qu'en respectant ces servitudes, l, 5 rg. - Leurs cessions à des particuliers, même cn
verIn d'Ulle loi, ne peuvcnt empêcher les riverains de s'opposer à ce qu'on
y fasse toutes constructions qui porteraient atteinte à leurs dmi:s de propriété ou de serl'itude, l, 522. - Les propriétaires riverains des communaux ne peuvent en prescrire la propriété en y pratiqu~ut des dépots de hois
on autres Inatériaux., l, l,g8 et suiv. - V'.s places "ides ordinaires laissées
dans les "illages font partie des communaux, à la différence des rues et
places publiques, l, l.g4. - Quels sont les nsages auxquels ces places ,ides
;;out naturellement soumises? 1, 496. - La propriété des communaux ne
souffre aucune atteinte ni modification par la division territoriale de la commune propriétaire, ou la réunion de plusieurs communes en une seule, l,
87.- Les maires peuvent-ils, par des arrêtés, ordonner l'enlèvement de dépôts ou encombrements qui en gêneraient la libre circulation, comme lorsqu'il s'agit des rues ou places dépendant du domaine public muuieipal? l ,
532. - Nature des droits de jouissance personnelle qu'ont sur les communaux les habitants considérés ut singu!i; - comment ils pement les revendiquer, II, 98r et suiv. - Législation snI' l'aliéoation des biens communaux, J T, 23!,.
COMMUNES. Formations. - Réunions et divisions de communes, l ,
81, et suiv, - Formalités qui y sont relatives. - Art. 2 et 3 de la loi du r8
juillet r837, l, 86 (note). - Les réunions Oll divisions de COUlmunes n'ont
trait qu'au territoire sous le rapport administratif, l, 87. - Ces opérations
ne portent aUcune atteinte aux.: pr0!lriétés patrimoniales des communes modifiées, Ibid. - La commune ou section de commune n'apporte à la COl11muue à laquelle on la réunit, que ses rcven.us en llrgeut, et la propriété dé
ses immeubles servant à un usage public, Ibid. et 88 (note). - Principrs
généraux sur la nature des pl'Opriétés du corps moral des communes, 11 ;
�TABLE ANALYTfQUE".
978. - Distinçtion entre les dmits actifs et passifs de ces communes, el
ceux des individus qui les composent, Ibid. - Les communes ne peurent
agir en justice il raison de leur domaine communa1 que par le ministère d'un
délégué, Ibid. - Quel était sous l'ancien droit le mode de cette délégation',
] bid. - ChaIigements apPQrtés par la série des lois nouvelles", II, 980 et
Ibid. (note). - Conséquences des droits que les habitants ont aussi ut JÏn"{Juli sur ce qui compose le domaine commuual, II, 981. - Les communes
Ile peuvent acquérir ou aliéner salls autorisation. - Des personnes qui peu~
vent donner celle autorisation,.J, 579. - Elles ne peuvent procéder en
justice sans y être autorisées par l'administration supérieUl'e ; - cependant
le défaut de cette autorisation dans une 11l'océdure où elles sont Întéressées
Ile peut faire naître un conflit, l , 2 r 4.
Frais d'établissement et d'cntretten des chem;/1s. - Elles sont passiblcs
des indemnités pour l'étahliss'ement des chemins viciuaux, l'l, 16, -même
de grande communication, II, 17. - Chaque commune doit contribuer à la
constl'lTction des chemins de grande "éommllIlicatiou qui lui sérvent, quaud
même ils ne traverseraient pas son tcrritoire, II, 99. - Elles sont chargées
de l'entl'etien de leurs chemins, n, 3r. - Lois relatives il cet entretien, II,
32.-I! faut autant que possihle que chaque commune soit chargée de l'en~
tretien du cJlcmin qui lui sert, II, 87. - Les propriétés des communeS
doivent contribuer aux dépenses des chemins vicinaux, II, 233. - Les ex~
ploilations appartenant aux 'communes sout passibles de subvention pour les
dégradations commises aux chemins, II, Tt,3.-Répartiti"on des sllb\entious
eutre les communes dont les chemins sont dégradés, II, 148.-Elles peuvcnt
être contraintes pal' le 'préfet"de s'imposer pour la "réparatron des chemins;
II, 80. -Mode de mise en demeure 1'ar le pl'éfet, lI, 81.- Elles pement
se pourmir contre l'imposition établie par le préfet pour l'entretien des
'chemins, II, 84.
Actions dcs l:ommunes. - Formalités préliminaires à toute action judi~
'i;iaire à intenter contre les communes ou par elles; mémoire et autorisation,
II, 17°,300,849', 856.-Marcllé descommlmes; au tOl'i té compétente pour
les difficultés relatives à leur exécution, II, 862 à 867'
RespollSabilité. - Les communcs pellvent, pour les faits dommageables
exécutés en leur nom, être poursuivies devant les tribunaux de répression;
II, 879 à 881. - Responsabilité des communes résultant ùu mau,ais état
des chemins, II, 809 il 822. Yoy. Responsabilité.-Voy. Alignement; Exprà.
priatiofl; Préfet.
COMIVIUNION NATIVE. Quels 'ont été les effets de la commnnion na'
tive originaire, 1; 42, 51.
.
COMPAGNIES D'AnROSANTS. Voy. Irrigation.
COMPÉTENCE. Principes généraux sur la comi,étence respective des
pouvoirs constitutionuels de l'éta"t, T, rr3 et sui\'. -" Des règles g(\nérales
d'après lesquelles on doit statuer sur les questions de compètence des tribunanx administratifs, et distinguer la compétence des autorités administratives
de celle des tribunaux ordinaires, J, r5{,. - Voy. encore Conseils de pr'!fectllrc; ('ollSeil d'état; Pouvoir exécutif; Tribunaux administratifi. - La
compétencc des autorités doit être fLxée, "au moins 1'0111' le temps actuel, par
le possessoire territorial, J, 457. - Voy. Alignement, § 8; Appendice;
Conseil d'arrondissement; Conseil d'dlat; C012sdils gt!néraux; Conseils municipaux; Consezls de préfectui'e; COllr d'assisN; COllr de cassation; Cour
l'O)'ale; Déclassement; Expropriation; Extraction de matériaux; Gouvernement; Juge de paix; Jury d'expropriation; .l"1 aire; Ministre; Préfet;
Prescription; Responsabilité; Servituae; Sous-préfet; Tribllnal civil; Tribl/nal ac police correctionnelle; Tribunal de police mUilÎcipale.
COMPLAINTE. De la complainte possessoire eu fait de cours d'eau.
-Voy. Possessoire.
�TAIU.E ANALYTIQUE.
73"
toMPLIClTÈ. Les règlcs de la complicité ne (ilPpliquent pas aux oon, ~raventions, à moins de disposition formelle, II, 927.
CONCESSION. Quand et de quelle manière Ic gouvernement pcut,il
faire la coucession des fonds qui composent le domaine public? l, 252 et
!miv. - La concession ou autorisation du gouvernement est nécessaire pour
l'établissement des moulins et usi'nes sur les plus petits cours d'eau, III,
585. - Cette coucession'ne peut être réformée par auctine décision du conseil d'Etat, comité du contentieux; les parties intéressées n'ont que la voie
dc supplique au ministre et au comité de l'intérieur, III, 408; IV, 443.L'acte de concession du gouvernement pour l'établissement de moulins ou
usiues n'est" et .ne peut.être acMrdé qu'a~x risques et périls de l'impéu'a.nt,
et sauf les drOIts des tIers, l, IIg et SUlV.; III, 497, 504, 508 'et SUlV.,
594 et suiv., 598 (note); IV, 686. - Conséquences importantes qui en
résultent pour le cas oü , après avoir autorisé ces usiues, le gouvei'Ilement
'viendrait à les supprimer pour cause de dommages en résultant 'dans la contrée, III, 594 et suiv. - Voy. eucore Usines. - Une concession du gouvernement est nécessaire pour l'exploitation d'une saline. IV, 286 (note).
- De celle qui est accordée pour le desséchement d'un marais. - Voy.
Marais. - De celle faite à dell entrepreneurs pour l'établissement des caIlaux de navigation intérieure. - De la nature et des efl'ets de ces sortes de
traités, III, 129, 130. - Des concessions de cours d'eau faites aux propriétaires iuférieurs par les propriétaires de follds supérieurs d'où naissent
ùes sources; - de l'interprétation et de l'étendue à donner à ces concessions , IV, 228. - Voy. encore Sources.
CONDUCTEURS DES PONTS ET CHAUSSÉES. Sont compétents pour
constater par procès-verbaux les contraventions en matière de gl'ande voirie,
1,388, 391 (note).
CONFISCATION. La confiscation des chevaux dé celui qui a rem'ersé
le mur de parapet d'un pont, peut-elle être prononcée par le conseil de
préfecture? ou faut-il renvoyer à cet égard le délinqnant an trihunal de police correctionnelle? l, 412, 413. - Même question sur la confiscation
des matériaux de celui qui a construit sur le sol anticipé d'une grande route,
Ibid.
CONFLITS. Ce que c'est qu'un conflit, et combien on en distingue d'espèces, l, 201 et suiv. - Du conflit de juridiction, Ibid. - Du conflit
d'attribution, Ibid. - Du conflit négatif, ibid. - Du conflit positif, Ibid.
- Puissance des couflits, II, 508, 863. - En fait de conflits, il n'y a aucune distinction à faire entre les matières purement administratives et le
contentieux administratif, l, '205; 206. - Principes généraux sur ceux qui
peuvent naître entre le pouvoir judiciaire ordinaire et l'administration active, l, l J 3 et sniv. - Tant qu'il n'y a pas, en fait, de conflit élevé entre
l'autorité judiciaire et l'autorité administrative, on doit procéder à l'égal'(l
de chacune d'elles sui,'ant les voies ordinaires, l, 203,204. - Les conflits
élevés entre l'antorité administrative et l'autorité judiciaire ne peuveut ,être
décidés par cette dernière, l, 204. - C'est au prince seul, en son conseil,
qu'il appartient de prononcer, ibid. et 2°7,208. - Différences essentielles
entre les conflits positifs et négatifs; par qui le pour\'oi doit être formé; tians
(Illel délai, l , 205. - Le conflit positif ne peut exister de plein droit; mais
l'aetion en conflit ne peut vcuir que de l'administration, et non de J'ordre
judiciaire, l, 206. - Le Jl)inistère public a bien le droit de requérir une
déclaratiou d'incompétence, mais non celui de revendiquer une cause au
nom de l'administration, l, 2°7, 208. - Les conflits ne peuvent être éle\,és par les conseils de préfecture; mais sont dam les attributions du préfet
seul, l, 123, 206 et suiv. - Effet immédiat produit par les al'1'êtés de
conflit, l, ?-07, 20'8. - Comment se poursuit l'instance en conflit, Ibid.TOM. JY.
47
�'7~8
TABLE ANALYTIQUÉ.
Sa décision requiert la plus grande célérité, l, 2°7, 3PS. - Elfets Je id
décision du conseil d'état qui statue snI' un conflit, l, 209. - Les conflits
pcuvcnt-ils être élevés et accueillis même après les jugements en dernier
ressort, et passés en force de chose jugée, de l'autorité jndiciaire? l, 209,
224 , 229. ~ Formes dans lesquelles doit être élevé le conflit d'attribntion,
1,225 et suiv.-Ordonnance réglementaire du 1" juin 1828 sur la pratiqué
des conflits, l, 209. - Les conflits d'attribution ne peuvent être élevés en
matière criminelle, l, 210. - Les conaits d'attribution ne peuvent être
élevés en matière de police correctionnelle, que dans les deux cas suivants:
1° I,orsque la répressiou du délit est attribuée par la loi à l'autorité administrative; et même dans ce cas lajustice ordinaire reste toujours saisie pour
prononcer la peine d'emprisonnement, s'il y a lieu, l, 211. - 2° Sur les
questions préj udicielles de la compétence exclusive de l'administration, l ,
211 et suiv. - Exemple pour l'appli\lation de cette règle, et la marche de
la procédure dans ce cas, Ibid. - Ne donne lieu à aucun conflit: 1° le défaut d'autorisation du gom"el'nement en cas de poursuites contre ses agents;
on le défant d'autorisation des conseils de préfecture en cas de contestations
judiciaires intéressant les communes ou établissements publics, l, 2 1!~. Comment doivent alors procéder les tribunaux ordinaires? Ibid. et 223
(notes). - 2° Le défaut d'accomplissement des formalités à remplir devaut
l'administration préalablement aux poursuites judiciaires, l, Ibid. et 222.
- Uu conflit ne pent être élevé par le préfet des lieux pour arrêter les effets
d'une action possessoire relative à un cours d'eau, IV, 463.
CONFLITS enU'e les tribunaux administratifs et judiciaires sur les questions, 1° d'appréciation de dommages cansés par des travaux communaux,
II, 370 à 407; - 2° de partage entre voisins des terrains retranchés de la
voie publique par alignement, II, 482 à 1,89; - 3° de répression d'usnrpation des chemins vicinaux; II, 822 à 837; - 4° d'interprétation et d'exécution de marchés pour travaux communaux, II, 862 à 868.
CONSCIENCES. Sont soustraites à l'empire de l'-autorité souveraine.
Cette autorité ne peut atteindre aux dogmes de la foi, l, 109, IIO.Opinion contraire de Blackstone, fondée sur les constitntions anglaises, l,
1 IL
CONSEILS D'ARRONDISSEMENT. Les débats sur la capacité des électeurs ou des membres élus doivent être portés en justice ordinaire. - Mais
les difficultés sur la validité des opérations des colléges électoraux, pour violation de formes, sont de la compétence des conseils de préfecture, 1,186.
- Les conseils d'arrondissement donnent leur avis sur le classement des
'chemins de grande communication, II, II, 92. -- Quatre membres du
conseil d'arrondissement penvent concourir à composer la commission d'enquête pour la confection des plans généraux de grande voirie, II, 730. Ils proposent J'appréciation en argent des prestations, II, 71. - Résumé de
leurs attributions en matière de petite "oirie, II, 846.
CONSEILLERS DE PRÉFECTURE. Sont revêtus de deux qualités différentes: ils sont les conseillers du préfet, l, 125. - Et ils sont juges en
premier ressort pour stat.uer sur les matières contentieuses de l'administration, 1,127. - Sous leur première qualité, ils n'ont que voix consultative, quoiqu'il soit dit que la décision a été prise en conseil de préfecture,
l, 125.
CONSEILS DE PRÉFECTURE. DE L'ORIGINE ET DE LA NATURE DES CONSEILS DE PRÉFECTU'RE OOl\ll\IE CORrs JUDICIAIRES ET CONSULTATIFS, l, 125. DES CONSEILS DE PRÉFEGI'URE cO'UlE CORPS JUDICIAIRES: sont des tribunaux
administratifs.- Principes généraux sur leur compétence comparée à celle
du pouvoir judiciaire ordinaire, l, 102, 103. - Sont des tribunaux d'attributions spéciales ou d'exception, l, 127, 128. - Ils ne doivent en rien
participer aux opérations purement administratives, Ibid. - Leur nature de
�TABLE A.NALYTIQUE.
739
!ffihtinallx lem' interùit le droit de juger pal' yoie de dispo5ition& génél'll'les et
l'églementaires, / bic!. - De la proeéd'lI'e pm-deY<lnt les conseils de préfecturc; les points contcntieux Je l'administration leur sont dévolus, l, 134,
'135, 195; III, 5t,2. - Sont présidés par les préfets, Ihid. - Ce sont les
préfets qui leur t1'llnsmeltent les affaires et provoquent les décisions, l, '95,
392. - Tout s'y traite par écrit, et se juge à huis clos, sur le rapport d'un
éonseiller, Ibid. - Ce qn'ils peuvent statuer tant préparatoirement qu'en
définiti,-e, Ibid. - La quotité des amendes qu'ils ont à prononcer est souvent arbitraire, l, '95 et suiv. - Ils peuvent modérer ces amendes ex œqllo
et hana, suivant les cil'constances atténuantes, III, 158. - L'hypothèqne
judiciairc résnlte de lenrs décisions, l, '95 et suiv., 392. - Elles sont exécutées sans visa ni amendetnenls des tribunaux; c'est le préfet qni y appose
la formule d'exequatur, Ibid. - Comment ces décisions doivent être signifiées, l, '95. - Quelles sont les voies de contrainte pour leur exécution,
Ibid. - Procédure à suivre pour faire annuler les arrêtés des conseils de
1)réfccture; ils sont soumis au recours ail conseil d'Etat, comité dn contentieux, l, 135,136,203, 20t,; Ill, 5t,2. - Ce recours ne prodtlÎt pas d'effet
suspensif, l, 156 et suiv., 3!J2.-Dans quelle forme il doit avoir lieu, Ibid.
-Les décisions par défaut qui émanent des conseils de préfecture sont soumises aux règles et moyens d'opposition établis dans le Code de procédure
~ivile, l, 195 ct suiv. - Il en est de même l'OUI' la tierce opposition, Ibid.
Loi qui a créé les conseils de préfecture, et détennine leurs attributions
et lellr compétence, l, 134.-C'est le principe de la nécessité d'une prompte
justice en certaincs matières, qui a principalement donné lieu à la création
Ile la juridiction particulière de ces tribunanx, l, 15t, et suiv. - Vices inilérents à lenr constitution actnelle, et améliorations à y introduire, l, 136
et suiv. - Impossibilité de les snl'primer eu renvoyant aux tribnnaux ordi'Ylaires les cames qui leur sont soumises, l, 142. -- Leur juridiction n'étant
<jn'exceptionnclle, on doit, dans le doute, renvoyer les affaires en justice ordinaire, l, Il,l, 1t,2. - Dcs attributions principales des conseils de préfecture, et des règles d'après lesquelles on doit statuer SUI' les questions concer·Ilant leur compétence, l, 154 ct suiv. - Cette compétence est subordonnée
à trois conditions. Première condition: 11 faut qu'il s'agisse de statner dans
l'intérêt public, l, 156 et suiv., 160 et suiv., 436 ct suiv. - Sont absolument iucompétents ponr décider des contestations entre particuliers, quel
qu'en soit l'objet, l, 163 et suiv.; III, 145,183, 184. - Les parties lésées
i'ar une contravention dont la répression est dévolue à ces conseils ne peu,-cnt même intervenir dans la cause pour demander l'adjugé de leurs dom.mages, Ibid. - Deuxième condition imposée il la compétence des conseils de
,préfecture: l'ohjet de la contestation doit l'entrer dans le contentieux admÎllistratif, !, 156 et suiv., 166 et suiv. - Ce qu'on doit entendre par contentieux, Ibid. - Exemple tiré du cas où un arrêté dn préfet ordonne la
suppression, pour cause d'insalnbrité publique, d'un établissement fait d'autorité privée, 1,171,170. - Exemple tiré du cas des réclamations de parliculiers à raison du fait personnel d'entreprenenrs de travaux publics, J,
172,173 . - Exemple tiré du cas où des réclamations auraient pour objet
<le faire changer le plan des travaux publics, l, 174. - Exemple tiré
<lu cas Oll un fonds se trouve imposé à la fois sur les rôles de deux commuues qui le prétendent daus leur territoire, l, 175. - Troisième condition imposée il la compétence des conseils de préfectnre: il faut que
l'objet du litige soit étranger aux matières exclusivement soumises à la
juridiction des l1'ibunaux ordinaires, l, 178. - Sont réservées aux tribunaux ordinaires t(lntcs contestations relatives à la propriété foncière ou il
~Ies droits réels, Ibid., et 99, 100, 121 , 122, I78, 255, 280 et suiv., 35 [
~t suiv.; III, 166. Il en est de même ùe celles relati\'Cs à la liberté de
l'homme, et à tous ses droits civils et. politiques, l, 181 et suiv. -Les con-
�740
'1'ADLB ANALYTIQUE.
seils de préfecture ne pem-ent en conséquence infliger les peines d'emprison.
nemeut ou auh'es plus graves dues à la vindicte publique, 1. r60 et suiv.,
r8r, r82, 2II, 379, 380, 383 et suiv., 396 et suiv., 4ro. - Comment on
doit alors procéder lorsqu'une contraventiou placée par son espèce dans leur
compétence est punie tout à la fois de peines pécuniaires et de peines COl'POl'elles, Ibid. -Comment on doit procéder lorsque, dans d'autres opérations
de leur compéteuce ou de celle de l'administration, surgissent incidemment
des questions sur l'état civil ou politique des personnes, l, r83.
Compétence des conseils de préfecture sur les contestations qui s'dèvent
en matière de droits de bac, III, 267 et suiv. - Compétence des conseils de
préfecture en ce qui touche aux opérations des colléges électoraux, 1, r 83
à r87. - Compétence des conseils de préfectme sur les contestations relatives au recouvrement des rôles d'impôts pour le curage des petites rivières,
et pour la confection de leurs digues, ou relatives à l'exécution même de
ces travaux, lIT, 38/,.- Voy. encore Curage. - Développement des principes sur les attributious des conseils de pl~éfecture en matière de grande
voirie. Voy. am: mots Alignements; Anticipations; Arbres; Canaux; ellemins vicinaux; Marais; Rivières nal'igables; Routes; l' oirie. - Les conseils
de préfecture sont incompétents pour juger les contraventions qui peuvent
avoir lieu, ou les débats qui peuvent s'élever ùans le service exercé sur lcs
rivières qui ne sont que flottables, III, 224 à 228. - Réfutation de la jurisprudence contraire au conseil d'Etat, III, 2?9 et suiv. - De la compétence des conseils de préfecture en matière d'impôts. Voy. Impôts; Rôles
de répartition. ~- Compétence des conseils de préfecture pour statuer sur les
actions en indemnité dirigées contre le gouvernement à raison de dommages
résultant de travaux prescrits par lui dans l'intérêt public, I\T, 687.-Compétence des conseils de préfecture en fait de cours d'eau en général, et spécialement en ce qui touche à ceux d'irrigation, IV , l,53. - Voy. encore
Irrigation. - Compétence des conseils de préfecture pour statuer sur les
débats touchant les marais et leur desséchement 1 IV, 68?, 687, 688. Compétence des conseils de préfecture pour statuer sur les contestations re·
latives à la perception des droits de navigation, III, ?57, ?6?, ?63.Compétence des couseils de préfecture relativement aux débats qui peuvent
s'élever touchant les sources d'eau thermales et minérales, IV, 308. - Attributions des conseils de préfecture en matière de contraventions résultant
de faits contraires aux diverses servitudes imposées par la loi aux fonds particuliers, en faveur des terrains milililil'es. Voy. au mot Terrains militaires.
- Développements des principes sur les àttributions des conseils de préfectnre en matière de travaux publics. Voy. au mot Travaux publics.-C6mpétence des conseils de préfecture sur l'usage des cours d'eau, les construc"
tions et ouvrages qui peuvent y être faits, les modifications ou suppressions
d'usines, III, 54?, 607 et suiv. - Voy., poU\' les développements, Usine••
Compétence des conseils de préfecture cn matière de voirie. - Le conseil de préfecture connaît des réclamations en dégrèvement contre le rôle
des prestations, II, 70, 77. - Il n't'st pas cousulté pour la confection du
rôle de répartition des frais d'entretien des chemins intéressant plusieurs
communes, II, 88. - Il statue sur la validité du recouvrement des offres
faites par les particuliers et les communes pour l'entretien des chemins de
grande communication, TI, ror.-II règle les subventions pour dégradation
dcs chemins, II, 152. - Il nomme le tiers-expert chargé d'estimer les subventious en cas de dégradation par les exploitations, II, r54.-Peut-il nommer l'expert de la partie qui refuse de désigner le sien? II, r54. - Autres
objets de la compétence de~ conseils de préfecture, II, 28? à ?86.-Résumé
de leurs attributions et de leur compétence administratiyes proprement dites
en matière de voirie, II, 850. - Résumé de leur juridiction contentieuse
civile, II, 859. - De leur juridiction répressive. LcU!' pouvoir relativement
�'J'A13LB ANALYTIQUE.
7Ji 1
à la policc des chemins, II, 823 à 83;. - Ils statuent sur le~ contraventions
rom mises sur les grandes routes, II, 888, 532; - tant sur l'action que SUF
l'exception, II, 560.-Ils jugent les contraventionuelatives aux aligneml'nts
sllr les grandes routes, 1,300, 325, 351. - I1s,statuent également sur les
conlraventions relatives aux alignements sur les chemins de halage, Ill, 1 l 7 et
sui"., I46.-Quid à l'égard des traverses de ces routes dans les villes et villages?
Conflit de la Cour de cassation et du conseil d'Etat, II, 888. -' Pénalités,
prescription, 892.-Quidà l'égard des chemins vicinalL"? II, 893.-Voyez
Déclasscment, II, 334, 335. - Entrepreneurs, difficultés sur l'exécution
de leurs marchés avec les communl',s, II, 862 à 867, - Expcrts; Extrac.
tion de matériaux;, Police des chemins..
.
Des conseils de préfecture comme corps consultatifs.-Caracter8s des tU·
cÎsions prises parles préfets en conseil de préfecture, l, 130, 'I3I,; II, 155.'
CONSEIL D'ETAT. Est un tribunal administratif. Principes généraux
SUI' su compétence mise en parallèle avec celle des tribunaux ordinaires, 1,.
1 13, al,. Le conseil d'Etat, comité du contentieux, est, comme le conseil de préfecture, un tribunal d'attributions spéciales ou d'exception, l,
u6, 127, 128. - Il ne doit participer en rien aux opérations purement
administratives. Ibid. - Sa nature de tribunal lui interdit le droit de juger
par voie de dispositions générales et réglementaires, Ibid. - Tendance du
conseil d'Etat à commettre des envahissements dans le domaine de la jnstice
ordinaire, l, 2°9, 210. - Est incompétent ponr connaître d'une question
de propriété foncière, l, 178 et sniv. - C'est pardevant lui qu'est porté le
,poUl'voi contre les décisions des conseils de préfecture, l, 203,2,04. -Formes de ce recours; - il n'est point suspensif, l, 156 et suiv, - Il est défendn, sous peine d'amende, aux avocats en conseil d'état de présenter au
comité du contentieux aucune requête sur des matières qui ne seraient pas,
contentieuses, l, 1;6, 177. - Compétence du conseil d'Etat pour la réformation des arrêtés des préfets, l, 194. - Du pouvoir réglementaire du l'Qi
en son conseil d'état, touchant les cours d'eau en général, ct spécialement
cenx d'irrigation naturelle. IV. /,41, 442, -Participation du conseil d'Etat
à la confection des plans généraux d'alignement, et recours contre l'alignement. Voy. Alignement, § 5. - Résumé de ses attributions et de sa compétence administrath'es proprement dites, en matière de voirie, II, 854. J\ésumé de sa juridiction contentieuse civile, 868, - et de sa juridiction
)'épressive, II, 894.- Compétenee du conseil d'Etat l'n matière de conflits.,
'
Voy. C01iflits. - Voy. encore Conseils de préfecture.
CONSEIL DU 1\01. Voy. Conseil d'état.
CONSEILS GÉNÉR,AUX. Des conseils généraux de département.- Les
débats sur la capacité des électeurs ou des membres élus doivent être portés.
en justice ordinaire. - Mais les difficultés sur la validité des opérations de,s
colléges électoraux pour violation de formes sont de la compétence des conseils de préfecture, l, 186. -Voy. encore Administrations de département.
Attributions des conseils genératix pour le classement des chemins de grande
commnnication, II, gl,. - Cas dans lesquels leurs décisions peuvent être
attaqùées, II, 96. - Ils fixent le traitement des agents-voyers, II, 127. Ils apprécient en argent les prestations. II, 71. - Le préfet doit leur communiquer l'état des impositions par lui établies pour la réparation des chemins, Il, 84. - Sur leur participation à la confection des plans généraux
d'alignement. Voy. Alignemcnt, § 5. - Résumé de leurs attributions en
malière de petite voirie, II, 852.
CONSEILS lVl tJNICIPAUX. La nnllité de leurs délibérations portant sur
des objets étrangers à lems attributions ou prises hors de lems réunions l~
gales est l,rononcée par le préfet seul en cl'nscil de préfectnre, l, n5. l.es conseils municipaux délibèrent sllr la "icinalité des chemins, II, II.
7~ô. - lis doi\'ent ètre consultés pour le classement dcs chemillll (le grande.
�74:1
TAilLE ANALY'fIQUE'.
communication, Il, 97. - Ils règlent amiahlement les indemnités pour"
réunion de terrain aux chemins rélargis, Il, 162. - Ils ont uu pouvoir dis-.
crétionnaire pOUl' la répartition des prestations, Il, 5 I,-l'euvent en am'anchir les indigeuts, Il, 52. - S'ils doivent être consultés pour l'appréciation
en argent des prestations, II, 71. - Ils dressent le rôle des prestations, II,
82. - Donnent leur a"is sur la répartition des frais d'entretien des chemins'
i.ntéressant plusieurs communes" Il, 86.-I1s fixent le traitement des agentsvoyers spéciaux pour leur commune, II, 127. - Sur leur participation à la
confection des plans généraux d'alignement et à la délivrance des aligne·
J!lents partiels. Voy. Alignement, § 5. - Résumé de lenr comp~tence et de,
leurs attrihutions en matière de petite voirie, Il, 8r,3, - Les conseils municipaux sont dissous lors des réunions, O!-\ distractions de communes ou de,
sections de cOll'lmunes, l, 88 (note).
CONSERVATION DES CHEMINS. Etendue du pouvoir des préfets
pour la conservation et la surveilltl/lce des chemins, II, 77Q. - Principales mesures à preudre: 1° défense de pratiquer des excavations et d'ou"l'il' des carrières dans le voisinage des chemins, II, 77 5 ; s'il est dû,
une indemnité aux propriétaires, pour le préjudice causé par cette défense; distinction, II, 777 à 780. - 2° Essartement des hois lelong des chemins; if donne lieu,à indemnité, II, 780, - 3° Indication des lieux et des,
distances, II, 78 r. - r,o Plantation au bord des routes; terrains réservés en
dehors des challssées pour dépôt des matériaux, II, 78 l'. - 5° Délimitation
et bornage des chemins avec les voisins; mode Je procéder et compétence"
lI, 784 à 788., - 6° Quid pOUl' 14 fOl'llu~ et I~ di!Dension d~s roues des voi-,
tures? II, 788.
'
Améliorations à pratiquer snI' les chemins: - redressement '. II, 789.Nivellement, II, 790. - Suppression des chemins peu utiles, II, 790. Direction des travaux; centralisation des r,essourc.es et de la direction des,
travaux, II, 79 l' à 793.
CONSTITUTIONS. Sqnt la plupart dn temps le seul résultat des circonstances et de la force des choses ,1, 5§.- Constitutions,de 1'791'; ,- de
1'793; - de 1795; - de 1'799; ..:.... de 1'804; - de 1'814; - de 1'830,
Ibid. - Voy. encore Association politique; Contrat social.
"
,
CONSTRUCTIONS. De la responsabilité des entrepreneurs en fait de,
consll'Uctions, IV, 565. - De la responsabilité imposée en général à l'au·
teur d'un nouvel œuvre en fait de constructions ou travaux qui peuvent porter préjudice aux tier~, Ibid. et suiv. - Faut·il faire une distinctiou entre.
Je cas oit les travaux ont été autorisés et ceIui où ils n'out pas été autorisés,
par le gouvernement? IV, 573.
De. constructions à faire ail bord des routes et chemins, des rivières navigables et chemins de halage; formalités préalables à remplir concel'1lant
l'alignement; - conséqueuces des contraventions aux règles prescrites en.
ceUe matière. - Voy. Alignements. - Principes géuéraux dll droit romain et du droit nOUl'ean relatifs aux constructions élevées au bord ou dans
le lit des fleuves et riviéres, III, I5 et sui\', - Dans quel cas il appartient:
au conseil de I,réfecture, et dans quel cas il appartient au préfet selil d'or~
donner la destruction des constructions illégalement faites au bord des routes
ou des rivières navigables, l, 359 à 362; III, 1'39, 1'4-6. - Les riverains ne'
peuvent·ils, sans autorisation, construire, au bord des rivières ua"igables,
de simples ouvrages de protection contre l'action des,eaux? - Conséquences,
de ce fait, III, 95; IV, 6.
Des constructions SIIr les terrains particuliers environnant les places de
gaerre ou autres terrains militaires; elleil ne pellvent ami., lieu jusqu'à la
distance déterminée pal' les lois et réglemenls militaires, l, 4-4-r, 4-4-:1. - '
l?étel'luination des zones de circonvallation dans ,lesquelles ces ouvrages ne,
�TAilLE ANALYTIQUE.
743
peuvent avoir lieu) et des excéptions que cette règle peut soulfrÏ4', l, 44 {
Ilt SlllV. - Voy. Travaux.
CONTENTIEUX. ADMINISTRATIF. Ce que c'est, et à quels caraclères
on pellt le reconnaître,!' 166; IV, 686., - Le contentieux administratif
~tait, sous la législation de r 790 , sonmis à l'action directe de l'administration, 1, 132, - 11 a ét~ attribué pal' la loi du 28 plHviôse an VIII aux tri"
bunaux administratifs, 1, 13!, et Ibid. (/lote). - Lcs faits directs de l'administration n'appartiennent point au contentieux, l, 369,370. - Les arrêtés
réglementaires des préfets et ministres ne peuvent être attaqués que par voie
de suppliqne, et non par celle du contentieux, IV, 443. -Du contentieux
administratif en matière de grande voirie, l , 362 et suiv. - Il est défendu,
sons peine d'amende, aux avocats en conseil d'état, de présenter au comité
du contentieux aucnne requête sur des matières qui ne seraient pas contentieuses, 1,176, 177. - Voy. Conseil d'Etal.
CONTESTATIONS. Des contestations relatives aux fo~ds du domaine
public; quels sont les agents contradicteurs légitimes pour agir ou d~fendre
èontre les intérêts particuliers? 1,277. - Devant quels tribunaux les débats
doivent-ils être portés? l, 280 et suiv. - QueUe c.st la nature des actions..
qui penvent être intentées à ce sujet? l, 284.
CONTRAINTE PAR CORPS. Ne peut être imposée hors les cas déterminés dans le droit? l, 14. - Quaud et comment peut-elle être exercée
çontre les membres de la Chamhre des députés? l, 69.
CONTRAT SOCIAL. Son origine, et en quoi il cousiste, l, 46 et suiv.
- Une fois arrêté par la majorité, constitne une loi pour tons les individus,
l, 52, 57. - Quelles sont les conditious qui y sont requises pour qu'il
produise ses conséquences nécessaires et légitimes? l, 53. - Quelle que.
soit la forme du gouvernement qn'il crée, ce gouvernement est légitime ,
Ibid. - Tontes ses injonctions sont obligat-oires, excepté celles contraires
~u droit naturel absolu, Ibid. - Il suppose nécessairement le consentement
exprès ou tacite des parties intéressées, Ibid. - Caractère de ce consentement tacite, l, 55. - Le conlrat social n'est la plupart du temps que le résultat des circonstances et de la force des choses, Ibid. - Exemple tiré de
la révolutiou de 179 l, Ibid. - C'est nn coutrat synallagmatique qui rcnferme la condition résolutoire en faveur de la nation, si le prince manque à
ses engagements, l, 56. - Mais la coudition résolutoire arrivant, la résistauce des citoyens doit être toute nationale, l, 57. - Exemple tiré de la
l'évolution de juillet 1830, et caractère de cette révolution, Ibid.
CONTRAVENTIONS. C'est le faitmatériel qui constitue la contravention.
La bonne foi n'est point une excuse, II, 536, 913,921,. - Secùs de l'âge,
Il, 924. - Le principe des circonstances.atténuantes s'applique aux contraventions; son in(1uence sur le minimum des peines, II, 926. - La prohibition du cumlll des peines est applicable aux contraventions, II, 927. Les règles de la complicité ne s'y appliquent pas à moins d'exception fo(melle, II, 927. - Des contraventions aux réglements SUI' l'usage des petiti
cours d'eall ; - elles sont de la compétence des tribunaux correctionnels,
III, 545; IV, 455. - Cas d'exception où elles sont dévolues aux conseils
de préfecture, IV, !,55.- Des conlTaventionsprovenant du fait. de rejet des
eaux sur les propriétés voisines;- peines applicables;- et quels sont ceux
qui s'en rendent passibles, III, 50 1 il 504. - La responsabilité a-t-'elle également lien si l'inondation ou le dommage provient de travaux autorisés pal'
le gouvernement? Ibid. et 504,510, et Ibid. (/lote). - Des contraventions
aUX règlements qui protègent les ouvrages faits pour les dessèchements de marais, les digues conlre les cours d'eau, lacs et flots dc la mer.- Voy. Marais.
- Des contraventions aux lois qui prolègenlle service de la navigation; peines
pOl·tées 11ar les anciennes ordonnances, Ill, r8 etsuiv. - Des contraventions
è,n matière dc graude voÏ!'je, ou commises ,Ill' ks grandes routes, ks che.-
�"·H
'J:'AllLB ANALYTIQUE.
mins d:~ halllge, dans les canaux. et rh'ières navigables, ~ Voy. rqirie.
grand.e); Routes; Ciw(UtJ;; Cltemins de halage; Ripières llapigables. - Des,
contraventions on matièl:e de petité voirie et voirie urhaine.- Voy. roirie;
r ojrie urbaine; Chemins picinaux; Chemins ruraux; Chemins communaux;
J!.ues et places,puNi1ues., - Aut,orité compétente pour la répression des,
contraventipns de VOIrie vicinale, II, 823.0. 837. - Voy. Police des chemins. -.,Amendes. - Ow'erlure des rues•. - lJéglemenl général. - Tribunal de police municipale.
CONTREBANDE. Commt)nt et par qui doit être décidée la question in,çidente. dj;l savoir s.i une saisie de marchandises prohibées q élé faite SUI' le
territoi~ français ou, surie territoire étranger? l, 212,213.,
CON.J;RIB UT~ON •. Les propriétés de I:Etat.et de la COllronne contrihuent
<lUX dépenses des chemins vicinaux, II, 132 •.
CONTRIBF'I,ION EX:x'R.' ORDrNAIRI! pour l'entretien des. chemins vIcinaux, II,
36. - On y recourt eu cas d'insuffisançe des prestations, II, 797. - Les
plus imposés sont appelés à votercettecontl'ibutïoll poul'rentl'etien des chemins de grande cOjUmuniçation, JI, J03 •.
CONTRIBUTION DIREGrE. - Il faut être porté nu rôle des cont.rihl\~ion.s
directes pour être soumis à la prestation, II, 50. - Les subventions pour.
dégradation des chemins sont recouvrées comme en matière de contributio!l.
directe, II, 153.
CONTRrBUTION FONClRaE. - Les, chemius el) sont affranchis, II, 797,,Voy. Impots.
CORPOR.ATlONS POLITIQUES, - Voy. Association polili'luo; Con.-,
Irat social.
- .
, CORVÉABLE. - Voy. Preslalaire.
CORVÉES. Les eorvées en natnre étalent imposéetl ellez les Romains,
pour la eonfection et l'entretien des routes, l, 316; II, 30,4".- Ce mode
passa dans les. G,aules après leur conquête pal' Jules,César, Ibid. - Les corvées dont il s'agit ne furent d'abord qu'une charge foncière imposée en 1'1'0}'ortion de l'étendue des possessions, l, 316 et suiv.; If, 30,~ 4. - Elles
devinrent des eharges personnelles après la conquête des. Francs, Ibid. Ramenées à cet état, èlles furent injustes et inutiles, Ib,id. - Leu!' sup~
pression dans tont le royaume par l'édit de fénier 17.76 •. Ibid. et II, 3LMotifs de leur suppression, II, 79. - Remplaeées par la prestation en nat.nre, II, 29. - Voy Prestation. - Des corvées ponr la eonfection et l'entretien des chtlDlins vicinaux et ruraux. - Voy, CllCmins vicinaux; Chemins ruraux.
COURS D'EAU. La direction et la surveillance de tous les cours d'eau
en généra!. navigables. flottables ou non, sont exclusivement plaeées dans
les attributions du pouvoir exécutif, 1,90,91, r32, 152, 153. 166; III,
402, !~o5, 628, 629; IV, 350. - Pouvoir réglementaire de l'administrationaetivesur cet objet,l, 153; IV, ,,37,472,474,514,515. - De ce
pouvoir réglementaire en ce qui touche principalement auX cours d'ean d'ir-,
l~gationnatnrelle, IV, 437,443,472, 47!h.514, 5r5. - Tout cours
d'eau peut devenir l'objet d'lm réglement administratif obligatoire pour les
l'jverains, III, 633 et suiv. (note). - D'après qnels principes de droit et
d'équité doivent être établis les réglements sur l'usage des conrs d'ean, IV,
357,358. - Ces réglements doivent être respectés par les lribuna~x, IV,
482 et suiv. - Ils sont rares en France. Impossibilité de les établir partout,
et abus que commettrait l'administration en entreprenant une semblable 'mesure, IV, 484, 1~85. - Les concessions émanées dn gouvernement, et ayant.
ponr objet un eoUTs d'eau qui est ou peut devenir utile à la nav'igation, sont
essenticllement révoeables, l, 255 • .....:. De la compétence des autorités qni
peuvent être appelées il statuer sur les diflicultés touchant anx ruisseaux on
çours d'eau d'irrigation, IV, 436.-Voy ..encore Irri8(/(ion.- De l'usage des.
�TAnU ANALYTIQUE.
74:s.
wur6 d'eau en génêral, et ~péclalement deceux d'irrlgatlon.- Voy. Usage,
Irrigation. - De la compéteuce des autorités qui peuvent être appelées à
statuer sur les difficultés relatives à l'usage des cours d'eau, ct en ce qui
touche aux constructions et roulemeuts d'usines. - Voy. Usinci. -Du pétitoire en fait de cours d'eau,. IV, t,6B, 469, - Voy. encore Pétitoire.Du possessoire en fait de cours d'eau, IV, 460 et 461 (note). - Voy. encore Possessoira.- Du droit de coms d'eau qui appartient aux riverains des
petites rivières, IV, 16. - De la puissance des cours d'eau ou de la mesure
du travail mécanique qu'ils représentent. - A quoi elle est égale. Ill, 16
et suiv. (note). - Ce qu'on entend par volume et cltute d'un cours d'eau,
Ibid. - Ln force motr.ice de ces cours d'eau constitue-t-elle une propriété
pour les riverains? - Conséquences importantes de la solution' de ceUe
question. Ibid•. et suiv, - Principes SUI' la jouissance respective et simultanée d~s COl,lr5 d'eau en général,. entre voisins dont ils traversent les héritages, III, 170 et suiv• ..:- Des actions à intenter 1'0111' dommages résultant d'abus de ëette jouissance, Ibid. - Des aliénations de coms d'eau faites.
l'utre l'ropriétaires de fonds dans lesquels ils prennent naissauce ; - de l'in.
terprétation et de l'étendue à donner à ces actes 1 IV, 2~8. - Voy. encore
Sources.
COURS D'ASSISES. Compétence en fait de crimes ayant trait à la voirie, II, 929. - Statuent SUI' l'action civile eu cas d'acquittement, II , 536.
COUR DE CASSATION. Du recours -en cassation contre le jugement
d'expropriation, II, 2{,4. - Contre la décision du jury et l'ordonnauce du
directeur, II, 260. - Résumé de sa compétence civile en matière de voirie,
II, 887. - Id. Compétence criminelle, II, 930.
COURS ROYALES. Sont sous la surveillance de la Cour de cassation, l,
102. - Résumé de la compétence civile des Cours royales en matière de
,oirie, II, RR6. - Id. Compétence correctionnelle, II, ~29.
COl;JRONNE (Propriétés de la). - Voy. Etat.
CREANCIERS. - Voy. H)'"jJothèque.
CIIOYANCES RELIGIEUSES. Elles sont soustraites à l'empire de l'au\orité som-eraine, 1 t lOg, 110. - Opinion de Blackstone, suivaut laquelle
le principe coutraire serait adopté par la constitution anglaise, l, I I I .
CULTE. Ses dogmes et croyances sont soustraits à l'empire de l'autorité
souveraine, l, 109, 110. - Ses solennités extérieures seules peuvent être
réglées pal' mesure de police et pour le maintien de la paix intérieure. Ibid.
-- Opinion contraire de lllackstone, fondée sur les constitutions anglais~,
l,
I l [.
CUMUL DES Pl,':INES. ta prohibition du cumul des peines s'applique
aux contravention~, II, 927.
CURAGE. Dll curage des fossés des routes. SnI' qui pèse l'obligation d"
I.'opérer, J, 293 et 294 (note), 348 et suiv., 386.-I"es propriétaires rh-erains
sont obligés de supporter le rejet des matières qui en proviennent, 1,331.
Du curage des cours d'eau. C'est au pouvoir exécutif qu'il appartient
,l'ordonner le curage de toutes espèces de c0l!rs d'eau, par mesme d'utilité
générale, et l'our prévenir les dangers d'inondation, l, 152, 166; III, 139,
350,358 et suiv., 361.
Du ~UI:age des riviJres navigables. Il est aux frais du trésor public, lIT,
86 et suiv.· - Du cas où les propriétaires d'usines établies sur ces cours
d'eau peuvent être obligés de l'ontribuer à la dépense, III, 89. - Par qui
et comment cette contribution de dépenses doit-elle être réglée? III, 90 et
suive
. '
Du cllrage des rivières non nal"gables, et des réparations des dignes nél'l'ssaires 110ur en retenir les eaux dans leur IiI; - des causes qui pcuvent
I!i'ces~iler ces travaux, III, 371 .-Comme mesnres de police ri>glemcntairc,
~l,s sont cn tout subOl'dOlUlés auX. ordres de l'administration, ibid. - Suivant
�746
TA.BI.R ANALYTIQUE.
(Itlel mode sont-ils.prescrits? nI, 350, 358,359, 361.- La direction en es~
confiée aux ingénieurs des ponts et chaussées, III, 3? 1. - Les dépenses.
qu'ils occasionuent sont à la charge des propriétaires riverains, III, 88, 89,.
:> Il, 2 n, 313, 3?5, 543.-Comment SJl détermine le mode de répartition,
III, 3?6 et suiv. - C'estl'adminislration qui compose, arrête et rend exécutoires les l'oies de cette répartition, III, 3?" 3?6. - Dans quelle proportion doivent contribuer à la dépense les propriétaires d'usines établies sur le$.cours d'eau? III, 380,38 [ et suiv. (note). - Les attributions de l'administration s'étendent au cnrage des canaux d'irrigation générale ou d'assaillissement, III, 3?3. - A l'administration seule appartient aussi le droit de fixer
la direction du fossé de curage, III, 391,392. - Des contestations élevées
sur ce point par les propriétaires riverains qui se prétendraient lésés dans
leur possession, Ibid.-Elles cloivent être renvoyées pal'devant les tribunaux
ordinaires, mais seulement pour faire déterminer le droit de propriété, Ibid.
- Les propriétaires riverains ne peuveut s'opposer aux curages de cours.
d'eau ordonnés par l'administration, III, :h 3. - Ils ne peuvent eux-mêmes,.
sans autorisation, exécuter de semblahles travaux, ni pratiquer aucune.
fouille de sable Ol! antres matériaux daus les petites rivières, III, 3?2. Des cas accidentels où le curage peut être fmt par les particuliers sans le.
concours de l'administration, et des contestations qui sont alors de la compétence de la justice ordinaire, III, 378. - Toutes contestations relatives,
au reCOU\'1'ement des rôles, aux réc!anlations des imposés, à la confection.
des travaux, sout, au surplus, de la compétence du conseil de préfecture,
III, 350, 358, 359, 361, 38!" 543. - Y aurait-il exception à cette règle.,
Jans le cas où l'un des imposés soutiendrait que son fonds n'a pas dù être
porté sur les rôles? III, 385 ct suiv. - Y aurait-il aussi exception si les
riverains attaquaient la répartition comme contraire aux anciens réglements,
ou usages, III, 386, 38? (note ).- Où et comment doivent être déposés les
déblais provenant du curage? III, 387, - Les propriétaires par les fonds.
desquels passe un ruisseau ou une simple rigole naturelle d'écoulement ùes
caux plu"iales sont-jls obligés les uns euvers les a\ltres d'en procurcr le curage, ou d'en supporter proportionnellement les frais? IV, 1()5 et suiv.,
168 (Ilote). Quid s'il s'agit d'un canal artificiel d'irrigation? Ibid. et III"
875 (note). - Voy. Fossés.
D.
DAMNI INFECT!. Principes sur la caution damni il1fecti dans le droit
romaiu , III, 481, 49/, ct suiv.
DJfBATS JUDICIAIRES. - Voy. Actions.
DECLARATION D'UTILITÉ PUBLIQUE. - Voy. Expropriation,
II, 232. - Mesures à prendre par le propriétaire pOIll' faire ccsser l'inaction de l'administration après la déclaration d'utilité publique, II, 873.Lacnne dans la loi, II , 874.
DÉCLARATION l'E VICINALITÉ. - Formalités. - Recours. C'est le préfet qlli la prononce après délibération dn conseil municipal, II,
rI, Il,, 796. - Le pomoir du préfet à cet égard est ahsolu et indépendant,
11, 221 à 223. - Formalités préalables à la déclaration de vicinalité, Il,
) 5. - Recours contre ceUe déclaration, II, 14, 16. - Di...ers griefs des.
riverains contre les anêtés déclaratifs de vicinalité, II, 159. - Le recours.
contre l'arrêté du préfet (lui alltbrise l'ouverture on le redresscment d'un
chemin vicinal, n'est pas suspensif, II, 226.
Ch"mins de grande communication, - Ils sont classés, SUl' la proposition
du préfet, par le conseil générul ,sur l'a"is des conseils municipaux et d'arrondissement, TT, 1 r , 92, 97. - 1Is doivcnt être préalahlement déclarés.
"icinanx, II, 96. - Recours contre la décision du conseil général relative.
au cla.ssement, 11, 9(i.
�TABLE ANALYTIQUE.
747-
Ef/ols de la déclaration de vicinalité, II, 13.-Effets relativement à son,
l>écution. Examen de trois hypothèses, II, 1?4 à 185. - Les arrêtés dédaratifs de vicinalité n'ont ancune influeuce sur la question de propriété '.
II, 160, 802, 882.
DÉCLASSEMENT. Autorité compétente pour le proDQncer; Distinction
entre les divers chemins vicinaux, II, 313. - Formalités à accomplir,.
11, 3 [3. - Conséquences du déclassement, II, 314. - Droit accordé
aux riverain! d'acquérir le chemin délaissé en tout ou en partie, par dédassement formel on tacite, II, ~15 à 31g. -Comment doit être réglé
le concours des riverains pour cette acquisition, II, 319. - Nature de ce
ùroit. C'est un droit de préemption eu cas de vente; la commune ne peut
être forcée à vendre, II, 321 à 324,3,,8, 33? - Délai pour l'exercer,
ct forclusion, II, 321. - Prescription du prix, II, 324.
Aliénation. - L'aliénation <Le chaque parcelle se fait dans les mêmes
(ormes qne celles des autres lll'opriélés communales, II, 3,,5 à 330.- Estimation du terrain, expertise, II, 324. - Les experts sont de véritables
a,'bitres dont la décision ne l'eut être réformée, II,, 331 à 334. - Le refus,
d'opérer ùes eX}lerts n'est }las une cause de résiliation de la vente, II, 334.,
- Le conseil de préfecture a compétence pour statuer sur les questions de,
récusation et nomination d'experts en CliS de refus de ceux-ci ou des parties,
Il, 334, 335. - Les difficultés relatives à la validité ou à l'exécution de
l'opération des experts, sont de la compétence des tribunaux civils, II, 335.
- Mode de publicité de la vente, II, 336. - Forme de la soumission
q'acquérir, II; 33? - Les incal,ables penvent soumissionner, II, 340,'! ullité de la vente faite au mépris du privilége accordé aux liverains, II,
33? - Id, du bail, Il, 342. - L'acquéreur évincé n'a droit à aucune garantie, mais seulemeut à la restitution du prix, II, 338. - Répartition du
l'rix de vente entre plusieurs communes traversées par le chemin déclassé,
fi, 339. - Ces aliénations ne sont 11as affranchies des droits d'enregistrement, Il, 340. - Les commnnes venderesses doivent réserver les chemins
nécessaires pour la desserte des propriétés, Il, 340 à 342. - Et.en géné,:al toutes les servitudes acquises aux propriétés riveraines avant le déclassement, II, 3!~3. - On ne pent les supprimer que pour utilité publique et
moyennant indemnité" II, 3,.4. - Application à diverses hypothèses, Il,
3/~6 à 3!~8. L'indemnité est exigible même d'un particulier qui nuit, en
l{onstruisant, aux servitudes appartenant aux voisins sur la voie publique,
Tr, 3/~8.- Mais)'il a reçu un aliguement, les tribunaux ne peuvent ordonner
la dPstruction des ouvrages, II) 349 à 351.
DÉCLINATOIRE. Du déclinatoire pour incompétence; il peut s'appuyer
sur le possessoire territorial, l, 45? etsuiv. - Voy. encore Conflits.
DÉFENSE (la) est de droit naturel; chacun doit être admis à l'exercer,
TI,?32.
DÉGRADATIONS. E51'èces de dégradations donnant lieu à subvention,
11 , I!~I. - Voy. Polic,e des chemins. - Procès-verbaux. - Subvention •
..,.. Des dégradations commises sur les chemins publics, rivières, canaux et
leurs accessoires. - Voyez Voirie. - Voy. encore Routes; C/lCmins vicinaux; Chemins ruraux; Chemins communaux; Ri,'ières; Canaux.
DEGRÈVEMENTS. Les demandes en dégrèvement d'impôts publies ou
4c charges imposées à des parties intéressées à l'occasion de travaux publies
sont de la compétence des conseils de préfecture, III, 359, 5!~4; IV, 5/~4.
:Q.ÉLIBÉRATIONS COMMUNALES. Mode suivant lequel,:elles de\'aieut
être prises dans l'ancien droit, TT, 9?8. - Modifications introduites par les
19is nouvelles, Il, 980 el Ibid. (/lOle ).-Des délibérations des conseils mu-.
llicipaux portant sur des objels étrangers il leurs attl'ibulions, ou prises hors
Y" leurs rhUlions légales. Lem' nullité cst prolloncéc par le lll'éfd seul, en
ljunsciI.i:le préfcctUl'e, l, 125.
�'748
TAilLE ANALYTIQUE.
DÉUMITATIONS. L.'action en délimitation n'était point admise, dans..
le droit romain, ~ntre propriétaires dont les héritages étaient séparés pal"
uue rivière; - mais i~ en était autrement des simples ruisseaux, HI, 297.
- Commeut se font les délimitations du lit 'des rivières, III, 69 et suiv.
- Voy. encore Lit des rivières. - Voy. Bomago.
D~LIMITATIONS TER,lUTORIALES. Voy. Territoires ..
DELITS. Des dèlits en matière de grande voirie: ils sont, pour la répaJ'ation du dommage et la condamnation aux amendes, de la compétence des
conseils de préfecture, l, 393 et suiv.- Mais pour l'application des peines.
corporelles, ils restent exclusivement de la compétence (les tribuuaux ordinaires. Ibid. et 4ro.-Si le tribunal con-ectionnel se trouve saisi le premier
de l'action publique, l'elit-il prononcer à la fois sur la peine corporelle, sur
l'amende et les dommages-intérêts? l, 399' 412. - Si le conseil de préfec.
ture est saisi le premier de l'action publique, qnant au ci"il, la prescription.
<le l'action correctionnelle n'est pas interrompue, l, l,oo.-Les faits commis
sur I~s grandes. routes, et qui ne blessent qu'un intérêt privé, ne sont jamais,
sous ce rapport, délits de grande voirie, et en cette qualité de la compétencedes conseils de préfecture, l, 403 et sniv.
DEMANDEUR. Da.ns les matières non forestières, le prévenu qui a ob·
tenu son renvo~ à fins civiles u'est-pas. obligé de se pOJ:ter demandeur; distinction, II,541 à 543.
DÉMEMBREMENTS DE TERRITOIRES. Les communes ne peuvent
y former opposition par la voie du contentieux, l, l,55.
DÉMOLITION. Principes généranx d'après lesquels on doit statuer sm'
les demandes en démolition des coustructions, III, 621. -Des démolitions
de hâtiments pour cause d'utilité publique. Voy. Alignements et Anticipa•tians. - Des démolitions ou réparations d'édifices menaçant ruine sm' la
voie pnblique. Voy. Voirie urbaine. _ La démolition de l'édifice construit
sur le sol anticipé d'une grande route peut-elle être prononcée par le conseil
Je préfecture? on fant-il renvoyer à cet égard le délinquant au tribunal de
police correctionnelle, l, 412,413. - Il n'y a pas lieu d'ordonner la démolitiou Jes travaux élevés sans autorisation dans les limites de l'alignement"
II, 52!" 470, 471. - La démolition des travaux exécutés en contravention
nll1l arrêté, doit toujours être ordonnée par le juge, indépendamment de.
J'amende, II,925. - Même contre un tiers acqnéreur, II,534. - Sic eu.
matière d'alignement, II, 517 à 523. - Elle peut être demandée pm' action
"i"ile du maire, II, 513, 536. - Le maire ne peut l'ordonner a"antjugcment. Seczls pour les maisons tombant en ruine; sauf recours à l'autori'té supérieure, II, 5 Il,, 519. - Comment s'exécutent les jugements prononçant:
la démolition, II, 523. - La démolition reud l'arrêté d'alignement exi.·olfoire, II, 496. -Quand nne maison est censée démolie, II,-509.-La partie
rClranchable est ceusée réunie à la ,oie publique dès sa démolition; conséquences contre lepropriélaire et les voisins, II, 507, 508, 664.-Droits du
locataire eu CaS de' démoliüon volontaire, II,700.- Id. de démolition forcée
tota le ou partielle, lI, 702.
DÉNONCIATION DE NOUVEL OEUVRE. C'est une action possessoire
de la compétence du juge de paix, lU,. 177. J86.-S'applique aux oUVl'ages
construits par les riverains d'un coms d'eau, et qui peuvent porter préjudice
aux propriétaires voisins, en rem'oyant les eaux sur leurs héritages, Ibid.
- La dénoncia! ion de nouvel Œuvre existe-t-elle eucore aujourd'hui dans.
~lotl'e choit? III, '78 (note).
DÉNOMBREM ENI' de3 chemins vicinanx, Il, 10 (note).
DÉPARTEMENTS. Lois successives réglant la division du ten'itoire français en dPp3l'lements, T~ 7 l et suiv. Voy. encore Territoire. - Une com-.
mune ne pcnt être détachée de sou départemeut l'om être incorporée dans.
une au!J'e, Iftle p:r tme loi, l, 84 et sui,-. - Chcmin intéressaut des colJl.t.
�'rATILE ANALVTIQUÈ.
lllllnea sitflées dans divers départements, entretenus, oomment?
,.40
n, 89 ......
tes départements pourront fournir des subventions pour l'entretien ùes che·
mins de grande commnnication, quelquefois aussi ponr ceux ordinaires, II, '
106. - Le ministre de l'intérieur prononce sur les difficultés relatives aux
chemins qui intéressent plusieurs départements, II,89' - Les routes dé·
partementales font partie de la grande voirie, II, 500.
DÉPENS. 'routes contestations civiles relatives aux chemins vicinaux sont
taxées comme affaires sommaires, III 416.- Dépens de l'opération du jury
d'expropriation, II, ~59.-Tarifapplicable à la procédure d'expropriation,
1I,22!,.
DÉPENSES PUBLIQUES. C'est au pouvoir exécutif à régler l'exécntion et la répartition de toutes les dépenses qui se rattachent à un inlérêt
d'utilité publique, l, 149, 168. - Si les dépenses ne sont à faire que dans
un intérêt privé, les tribunaux ordinaires sont seuls compétents, Ibid.- Des
dépenses publiques d'établissement et d'entretien des routes; - comment
elles s'acquittent, l, 316, 348 etsuiv., 356. ~ Elles ne peuvent être faites
qu'après que les fonds ont été décrétés l)ar le pouvoir législatif, l, 356. Des dépenses publiques relatives aux chemins vicinaux, ruraux et communaux; - par qui et comment elles s'acquittent. - Voy. Chemins .icinaux,
ruraux et communaux. - De la confection des rôles de répartition des dépenses publiques de voirie relatives à ces divers chemins, et que les lois
mettent à la charge des communes ou des habitants. - Voy. Rdles de répartition. - Voy. encore Impdts.
DÉPOSSESSION. La dépossession des propriétaires par expropriation,
pour cause d'utilité publique, est exclusivement dans les attributions de la
justice ordinaire, l, 178 et suiv. - La prise de possession préalable à l'indemnité en cas d'urgence n'a pas lieu pour les chemins vicinaux, II,223.
- L'indemnité ne doit être préalable que lorsque l'arrêté du préfet ordonne
une dépossession nouvelle, II, 17t,. - Effets.et droits résultant .ie la dépossession en matière d'expropriation, II, ,261, 87~ à 881. - Voy. Expropriation.
DÉPOTS. Des contravenûons résultant de dépôts de fumiers, matériaux
ou autres objets sur les grandes routes et chemins de halage; sur les bords
ou quais, ou dans le lit des rivières navigables; - du refus aux ordres de la
police d'enlever ces dépôts; - ces contraventions sont de la compétence du
conseil de préfecture, l, 376; Ill, ~o, 156, 157. - Peines applicables,
Ibid. - Il est cependant utile de réserver des emplacements en dehors des
chaussées pour dépôts de matériaux, II, 78r. - La largeur de ces emplacements doit êtrc fixée par 16 réglement général du préfet, II, 436. - Voy.
Extraction de matériaux. - Des dél)ôts ou encombrements gênant la libre
circulation des rues ou places dépeudant du domaine public municipal;
comment les maires peuvent-ils en procurer l"enlhement? l, 532. - Quit!
s'il s'agit de semblables dépàlS faits sur les simples fonds communaux? Jbid.
- Le droit de faire momentanément sur les rues et places publiques les
dépôts des approvisionnements de ménage, ou des matériaux nécessaires
aux réparations, appartient-il au'l particuliers à titre de servitude? l , 509.
- Voy., pour les developpements , Rues ctplaces publiques. - Les dépôts
de bois ou matériaux sur les parcelles de communaux ou places vides dans
l'intérieur des villages ne peuvent en faire acquérir aux riverains la propriété
par prescription, l, 498, t'99 (Ilote). - Les maires peuvent en tout !L'mps
faire enlev.er ces dépôti qui nuiraient à la liberté ou aux aisances de la voil'ie, l, 500 et sniv. - Les particuliers voisins le peuvent de même lorsque
ces dépàts leur causent du dommage, Ihid. - Des dépôts fails dans les chemins ruraux, et comment l'autorité municipale doit pourvoir à leur cnlèvement, II, 945. - Peines contre celte contravention, Il, 949. - Dcs
dép<iIS de bois destiné au /loltagc. - Voy. Flot/age.
�750
TABLE ANALYTIQUE.
DÉPtJTÉS. Quand et comment sont-ils contraignables pat corps? 1, 69.
~ Leur capacité n'esl appréciée et jugée qne par la chambre électi"e ellemême, 1, 183 et suiv.
DÉRIVATlûN DES EAUX. De la dérivation des eaux sur les chcmius
publics: elle constitue une contravention de grande ou de petite voirie, 1 ,
378, II, 951. - Voy. encore Dégradations. - Est-il permis aux particuliers de faire dériver sur la voie publique les eaux pluviales qui découlent
de leurs fonds? IV, 158. - Est-il permis aux propriétaires riverains de la
voie publique de faire dériver SUI' leurs fonds les eaux pluviales qui y coulent naturellement? IV, 176.- Peuvent-ils, par ce fait, prescrire des droits
de jouissance exclusive l'un à l'égard de l'autre? Ibid. et 177. - Voy. encore Eaux plclPiales. - Lorsque le propriétaire d'une usine y opère la'dérivation de partie des eaux d'une petite rivière, au moyen du crensage d'un
canal latéral, les riverains du bord opposé peuvent-ils se plaindre de ce qu'ils
restent désormais privés du bénéfice de l'irrigation? 111,485 et suiv., 487
(note). - Voy. encore Détournement des eaux; Irrigations.
DESSÉCHEMENT. Du desséchement des marais. - Voy. Marais. Les particuliers peuveut opérer le desséchement de tout ou partie des lacs
qui sont leur propriété privée, sans recourir aux formes préalables nécessaires pour les desséchements de marais, IV, 581.
DESTINATlûN DU PÈRE DE FAMILLE. De ses effets relativement
à la disposition et à l'usage des sources qui naissent dans un fonds, IV, 226,
234. - Voy. encore Sources.
DÉTÉRIORATIONS des chemins publics, des rivières, canaux et leurs
accessoires. - Voy. Voirie.
DÉTOURNEMENT des eaux des rivières navigables ou des cananx et de
lems affluents; peines contre celte contravention, Ill, 22, 157.
DÉVERSOIRS. Des déversoirs des usines; - à qui il appartient d'en
fixer la hauteur pour prévenir les dangers d'inondation, III, 533, 5(,2,
560; IV, 585. - Des déversoirs des étangs; - à qui il appartient d'en
fixer la hauteur pour prévenir les dangers d'inondation, Ibid. - Voy. eucore Etangs. - Contravention résnltant de l'inondation des propl'iélés voisines d'une usine ou d'un étang par l'élévation du déversoir au dessus de la
hauteur fixée, III , 545. - La peine est-elle encourue avant l'hénement
de l'inondation, Ibid. - Voy. encore Inondation et Ecluses.
DIGUES. De l'établissement des digues destinées à protéger les terres
voisines contre les inondations; -l'autorité administrative est seule compétente ponr ordonner la construction des digues à la mer ou contre les fleuves,
rivières et torrents navigables ou nou navigables, III, 86,314,360,361,
37 l, 375; IV , 149. - La dépense sie c('Illstruction ou réparations en est
supportée par les propriétés protégées dans la proportion de Jeur intérêt aux
travaux; - à l'autorité administrative eucore appartient le droit de fuel'
cette proportion, Ibid.- Les contraventions résultant de dégradations commises sur les digues sont de la compétence des conseils de préfeclure, III,
J ('7. Des digues à construire par les propriétaires riverains des cours
d'eau pour protéger Icurs fonds; -Distinctions entre les rivières navigables,
les petites rivières et les simples torrents, III, 170, 343 et suiv.; IV, 6 et
suiv. - ])u cas où ces digues porteraient préjudice aux propriétés voisines;
-les autres riverains rement-ils actionner en justice les constructeurs? Ibid.
- Fant-il distinguer entre le cas où la construction a été faite dans une rivière navigable et celui où elle a été faite dans une petite rivière? Ibid. Opinion contraire de M. Dumay, III, 189 (note). - Quid du cas Ol! elle
n'a eu lieu que dans un torrent, Ibid.? - A quelle autorité doivent-ils s'a·
dresser? Ibid. - Faut-il distinguer entre le cas où la construction est autorisée par le gouvernement, et celui où elle n'est pas autorisée? Ibid. - Par
quel genre d'action lpsréclamants pement-ils agir? I!Jid.-Les propriétaires
�TABLE ANALYTIQUE.
'75t
tnférieurs, tenus cIe supporter les eaux qui dérivent naturellement dœ héritages supéri~urs, ne peuv~nt élever de digue qui empêcho cet écoulement,
III, 501 et suiv., 133. - Cette prohibition au propriétaire inférielll' d'élever des digues pour empêcher l'écoulement des eaux sur son fonds, n'est relative qu'aux eaux pluviale., et ne s'applique pas il celles des torrents et
rivières, IV, 133 (note). - Ils ne peuvent même faire de simples plantations qui rempliraient en partie le même but, Ibid. - Consèquences qui
résultent de la violation de cette règle? ibid - Un propriétaire supérieur
peut-il détruire en tout ou en partie une digue construite sur son fonds,
lorsque, par ce fait, les eaux reprendront leur cours naturel et primitif sur
le fonds inférieur? IV, r45. "-- Du droit d'endigage; ce que c'est; en quoi
il dilIëre du droit d'alluvion, III, 4'20- Règles particulières à la concession
du droit d'endigage, III, 1,1. - A qui appartiennent les terrains laissés en
arrière des digues construites sur le lit même d'une rivière navigable ou
flottable, pour en resserrer et élever les eaux? lIT, 78. Voy. encore Ecluses;
Barrages.
DIJON. Plan de la ville, l, 445. - Acquisition du palais des états, II,
724 (note ).-Indemnités d'alignement pour l'élargissement de la rue Condé
à la charge de la commune, sous l'ancien droit, II, 750, 75r.-Etablissement de ses fontaines publiques, II, 37+, 788; IV, 264., 54r. - Voies romaines, II, 125.
DILIGENCES. Des contraventions contre la sûreté des voitures publiques
servant au transport des voyageurs, l, 414, 415 (note). -De leur solidité.
- De leur poids. - Du mode de leur chargement. - Du nombre et de la
s"reté des voyageurs.- De l'indication, dans l'intérieur, des places qu'elles
contiennent et du prix de ces places.-De l'indication à l'extérieur du nom
·du propriétaire, Ibid.- Ces contra"entions sont de la compétence exclusive
des tribunaux correctionnels, Ibid.
DIRECTEUR DU JURY, Ses attributions en matière d'expropriation,
II, 225 à 22g, 253, 886.-Voy. Expropriation; Alignement (§, 6), indemnité, mode de fixation.
DIRECTOIRE DE DÉPARTEMENT. Voy. Administrations de département.
DISCUSSION DES LOIS. Voy. Lois.
DISTANCES. Voy. Plantation; Servitudes.
DISTRICT. Voy, Arrondissements.
DIVAGATION. De la contravention de voirie commise par ceux qui
laissent di\'agu~.r des fons, furieux, animaux féroces 011 malfaisants, l, 627,
628 (note J. ~ Quoique commise sur les grandes rontes, n'est jamais une
contravention de grande ,"oirie, et, à ce titre, de la compétence du conseil
de préfecture, l, 373. -De la contra\'Cntion de voirie résultant du fait d'avoir occasionné la mort ou blessure des animaux ou bestiaux d'autrui, en
laissant divaguer des fous, fnrienx, on animaux malfaisants, l, 634.
DIVISIONS TERRITORIALES. Voy. Territoires.
DOGMES DE LA FOI. Sont soustraits il l'empire de l'autorité someraine, l, rog, IlO. - Opinion de Blackstone, snivant laquelle le principe
contraire serait adopté par les constitutions anglaises, l , I I I .
DOMAINE. Sa dÇfinition; son étymologie, l, 63,2/,0. -- On en distingue trois espèces, qui toutes trois dérivent du droit naturel, l/oid. - Notions générales sur la propriété et les diverses espèces de domaine, l, 62
et suiv.
DOMAINE COMMUNAL. Ce que c'est, l, 243. - Dans quel genre
cie choses il doit être rangé, l, IO. - En quoi il diffère du domaiue public, J,2/,2 et suiv., 258,-En quoi ildin'ère du domaine pul)!ic municipal,
1, 451. - En quoi il diITère du domaine public municipal relativement il la
compétence des maires chat'gés de la police de voirie urbaine, t, 532.
�1(52
TABLE ANALYTIQUE:
DOMAINE DE LA COURONNE. De ce qu'on appelait autrefois domaine de la couroune, II~ 58.
DOMAINE DE L'ÉTAT. Ce que c'e~t, et en quoi il diffère du domaine
public, l, ~43 et suiv., ~58.
D~IAINE DE PROPRIETÉ. Voy. Domaine pripé.
DOMAINE DE SOUVERAINETÉ. En quoi consiste le domaine de souveraiueté; sou origine, 1,46 et suiv., 53, 63. - Eu quoi il diffère du domainepublic, l, 242.-Des bornes du domaine de souveraineté; -il ne s'étend pas aux desseins intérieurs de l'homme, mais seulement à ses actions
extérieures, i, lOg. - L'autorité souveraine qui en est revêtue ne peut
statuer d'une manière contraire au droit naturel absolu, Ibid. - Elle ne
pourrait dispenser les pères et mères de l'obligatîon de nourrir leurs enfants,
ni ceux-ci du respect envers leurs pères et mères; elle ne pourrait libérer
les débiteurs vis-à-vis de leurs créanciers, rétablir les hommes en cominunauté de biens, promulguer une loi agraire, etc. - L'autorité souveraiue
ne peut exercer aucun empire sur le 'domaine des consciences touchant les
dogmes de la foi 1 l, 109, 110. - Opinion de Blackstoue, suivant laquelle
le principe contraire serait adopté par les constitutions anglaises, l, 111.Du domaine de souveraineté dans l'état. social actuellement constîtué en
France, 1,66.- Du domaine de souveraineté dans les monarchies absollIes,
Ibid. - En quoi il consiste, Ibid.-Ce n'est pas un domaine de pI'opi'iété,
mais un pouvoir de direction et de protection, Ibid. - Conséquences importantes de celte nature, Ibid. :.- En France, le domaine de souveraineté,
qui se concentre en la personne du roi, se répartit néanmoins entre les trois
pouvoirs législatîf, exécutif et judiciaire, Ibid. - Caractères de ces trois
pouvoirs, l, 68 et suiv. - Comment les principe! sur le domaine de souveraineté, sur les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. sc rattachent
immédiatement au trailé sur la distinction des biens, l, 63.
DOMAINE NATIONAL. Dans quel genre de choses doivent être rangés
les domaines nationaux, l, 10.
DOMAINE PRIVÉ. En quoi il consiste; et quelle est sa cause, l, 63.
- En quoi il diffère du domaine public, 1,241, 2/,3. - Le domaine privé
contribue aux dépenses des chemins vicinaux. II, 133.
DOMAINE PUBLIC. En quoi il consiste, l, 63. - Des divers fonds
qui le composent, l, 238 et sniv.; II, 21 à 23, Il2 à Il6. - Erreur grave
commise à cet égard dans la rédactitm de l'art. 539 du Code civil, réimprimé
en vertu de l'ordonnance du 30 aolÎt 18r6, 1,246. - Distinction entre le
domaine public national et le domaine public municipal, l, 238.
Nature particulière du domaine public: n'est pas un domaine de propriété; la puissance publique n'exerce sur les objets qui le composent qu'un
possessoire de protection; l'être moral du public en est seul véritable possesseur, 1,241. - Eu quoi le domaiue public diITère du domaine de souveraineté, l, 24~. - En quoi le domaine public di ITère du domaine de propriété, l , 2tf 3. - En qnoi le domaine public diITère du domaine de l'Etat,
l, 243, 258. - La perception faite par l'Etat de quelqnes péages ou de
queÙjues produits du sol, sur les fonds du domaine public, n'en cbange ni
la nature ni la destination, Ibid. - En quoi le domaine public diITère du
domaine communal, 1,243 et suiv.
, Les fonds qui le composent sont inaliénables etimp"escriptibles, mais non
d'une manière absolue, l, 246, 25 r , ~52 , ~go. - Ils deviennent aliénables ct prescriptibles lorsqu'on supprime leur destination, l, 253, 256,
46g. - Celte destination ou affectation peut être supprimée expressément
ou tacitement, l , 257 et suiv - Ellc est supprimée tacitement lorsqne, par
le fait, les fonds du domaine public se tronvent réduits à un état de dégradation telle qu'ils ne sont plus susceptibles de remplir les fonctioll5 auxquelles ils avaient ét(\ destinés, l, 26r ct sui\'. - Qllid si le gOUl"erucmcnt
�TABLE ANALYTIQUE.
753
aliénait les fonds du domaine public, tOllt en maintenant le 5ervÎce aU'fuel
ils sont assujettis? l , ~53 et slIiv. - I,('s fonds du domaine public sont l'objet, de la part dn public, d'une yél'itahle possession civile exercée à litre
de maître, l, ~86,
Des ser~itudes auxquelles sont assujettis les fonds du domaine priblic, et
des ser~i!ltdes auxquelles sont aSSlljetties les propriétés particulières en façeur du domaine public. - Voy. Ser~itudes.
Quels sont les agents contradicteurs légitimes pour agir et défendre dans
les débats iudiciaires conce1'llallt le domaine public? l, 277.-Devant 'f"els
juges ces déhats doivent-ils êtrc portés? l, ~ 80. - Quellc est la natllre des
actions qui pellvent être intentées à ce sujet? l, ~84. - Les décisions des
tribunaux SUI' ces actions ne font pas obstacle il ce 'fue l'administration puisse
toujours s'emparer du terrain litigieux pour un service public; elles ont seulement l'OUI' elfet de donner au parliclliier jndiciairement déclaré propriétaire le droit de réclamer une indemnité, l, ~8~.
DOMAINE l'UBLICMUNICIPAL. Sa définition, J, 44g. - Des divers
objets sur lesquels il s'étend, Ibid. - Diflcrence entre ce domaine et Je domaine public national, l, 450.- Dilférence entre ce domaine et le domaine
communal, l, 4Sr.-Ditrércnce entre ce domaine ct le domaine communal,
relativement à la compétence des maires, chargés de la police de voil'ie ur~)aine,
l, 53~.
Du territoire, l, t,53.
Des cltoses sacrées, l, t,60. - Des vases sacrés, l, 460, 46t. - Des Cimctières, l, 46r. - Des églises, l, 46~.- Voy., pour/es développements,
aux mots Cltoses sacrées; 1/ases sacrés; Cimelières; EglisèS; Territoires.
Des établissements publics, l, 47 r. - A 'fuels caractères on reconnaît
qu'ils font partie du domaine public municipal, lbid.- N'ont cette qualité
que Ics bâtiments ct accessoires de J'établissement même, et non pas les biens
extérieurs dont il est doté pour subvenir il ses Mpcnses, l, 473. - LasupIwession ou tmnslation d'un étahlissement public fait rentrer ses bâtiments
et accessoires dans la classe des bicns communaux, J, 471.- Les hôtels-deville, maisons communes et salles de spectaclcs ne font partie que du domaine communal patrimonial, l, 475.
Des mes et places publiques des ~illes ef autres eom.munes, I. 477. - A
qucl domaine on doit attribuer lcs rucs et places vides établies dans l'intérieur des communes, I. 1,77. - Quelle est la nature des droits dont les propriétaires riverains jouissent sur les rues et places publiques, l , 50g. Voy., pour les développements, au mot Rues.
Des chemins rieinallJJ. Voy. Chemins ~ieinall.r.
Des chemins publics qlti ne salit pas des grandes l'outes, et qui n'ont pas
été classés au rang des cl",m.ill.• ~ieillallx, H, 93r.-Voy, Chemins l'ltraux.
-Les maires sont contradicteur, légitimes pour agir et défendre dans toutes
les questions de propriété relatives aux fonds du domaine pnlJlicmunieipal,
l, ~7g.-A qui appartiennent les ohjets qui le composent lorsque leur destination vient à être changée? l, 450.
DOMAINE PUBLIC NATIONAL. Du domaine public national et des
dilfércnts fonds qui le composent, l , 21,0 et suiv.
DOMESTIQUES l'.T SERVITEURS. Définition, distinction, H, 60. Dispositions des Codcs oit ces mots sont employés, II, 62.
DOMIetLE. C'cst le domicile qui fait connaître le corps politique auquel
J'homme appartient, l, t,6 ct suiv.
DOMMAGES. Dommages causés aux propriétés riveraines par les voyat;eurs par suite dn manvais état dcs chemins, TT, 80g à 8~~, 870' -Voyez
Responsabilité. - L'e:l.propriation s'applique+elle aux dommages? Des
dommages temporaires ct permanents; autorité compétentc pour fixer l'inTOM. IV.
·48
�'~M
TA./lLE ANALYT1QUE.,·
demnité,
370 il ~08. -Notamment 389 à 405. - Voy. Expropriation.
- Voy. Indemnité; PolZce des chemins; Poursuites.
DOMMAGES-INTÉRETS. Des dommages-intérêts rêsultant de contraventions aux obligations conu'actuelles; -comment ils s'estiment, III, 4.79- Des dommages-intérêts résultant de faits indépendants de toute convention. - Quand sont-ils enconrus? Ibid. et suiv. - lis sont à la charge
des auteurs du fait portant préjudice, IV, 566. - Des dommages qui résultent de constructions ou travaux, spécialement par rapport aux infiltrations d'eaux souterraines, IV, 559 et suiv .-L'administration ne doit aucuns
dommages-intérêts pour modification au plan d'alignement, II, 503.-Maii
elle ne peut faire détruire sans indemnité les constructions conformes il l'alignement donné; II, 50 r. -- Le tribunal civil est compétent pour condamner l'administration en des dommages-intérêts pour refus ou retard dans la
délivrance de l'alignement, II, 512. - Alignement. Les particuliers peu\'ent-ils poursuivre en dommages-intérêts les contrevenants à l'alignement?
Distinction, II, 526 à 529. - Il n'est dù aucuns dommages-intérêts pour le
préjudice résultant au voisin du reeulement ordonné, s'il n'y a faute, II,
480. - Le vendeur ne doit aucune garantie ou dommages-intérêts pOUl' la
servitude d'alignement, s'il n'y a fraude de sa part, II, 602 à 60S.- Voyez
Locataire. - Les entrepreneurs et leurs préposés peuvent être actionnés
devant le conseil de préfecture pour dommages causés par les travaux du
chemin, II, 284, 806.
DOUBLE IMPOSITION d'un même héritage. Voy. Rôles de répartition.
DROIT CIVIl,. Son origine, son principe initial, l, 36 et sniv.-N'oblige
pas senlement par la force, mais par un lien de conscience, 1. 52.
DROITS CIVILS ET POLITIQUES. Toutes questions y relatives sont
exclusivement de la compétence des tribunaux ordinaires, l, I8 I, IS7.
DROIT DE BAC. Voy. Bac.
DROITS DE L'HOMME. Principe naturel des droits et devoirs de
l'homme. soit envers la société en général, soit cnvers sa patrie, l, 23 à 35.
DROIT DES GENS. Son origine, l, 3r, l,o.
DROITS DOMANIAUX. Voy. Domaine public.
DROITS INCORPORELS. Voy. Servitudes.
DROIT NATUREL. Notions sur l'origine et les fondements du droit naturel, 1. 23 et suiv., 48 et suiv.
DROIT POSITIF. Son origine et ses développements, J, 1,6 et suiv. N'oblige pas seulement par la force, mais par 1II1lien de conscience, l,52.
DROITS RÉELS. Toutes contestations ayant pour ohjet des droits réels
sur la propriété foncière sont exclusivement dévolues aux tribunaux ordinaires, l, I78.
DUNES. Ce qu'e!lessont, III, 46.-Mes1ll'es prises par le gouvernement
pour procurer l'ensemencement et la plantation des végétaux propres à les
fixer, III, Ibid. et suiv. - Formalités préalables à la coupe de ces mêmes
,végétaux; mesures prises pour leur conservation, III l 48.
n.
E.
EAU COURA1'oI'TE. Dans quel g~nre de choses e!le doit être rangée, l,
9, IO, I2, 252. - N'est point susceptible d'être concédée à titre de propriété incommntable, 1. 255. - Ne peut être la propriété exclusive de
personne; - n'est en conséquence soumise qu'aux lois de police, qui règlent la manière d'en jouir, IV, 24, 37, - Conséquences qui résultent de
ces principes, par rapport à l'établissement des usines, Ibid. - A qui appartient la pente de l'cau, IV, 25 et suiv. (note). - Des eaux sous leur
rapport avec le domaine public, III, 5.
De la dis/iI.ction des diperses espèces d'eaux, lU, G. - De la mcr, Ibid.
- Voy. encore !rIel'. - Des fleuves. III, 7. - Voy. encore Fleuves. -
�·TÀJll.l> ~AL'YTrQUF..
?'55
Des rivières, In, ,. - Voy. encore RiviJres. -Des ruisseauJ1, III, ,. Voy. encore Ruisseaux. - Dcs torrents. III, ,. - Voy. encore Torrents.
- Des rigoles, III, 8. - Voy. encore Riboles. - Des canaux, III, 9.Voy. encore Cauaux. - Dei lacs, III, 9. - Voy. encore Lacs. - Des
étangs, III, 9. - Voy. encore Etangs. - Des viviers, III, ID. - Voy,
~ncore Viviers. - Quellei sont celles de ces diverses espèces qui appartienncnt ou pem-ent appartenir ail domaine public? III, 1 l , 13.
Des lois et l'Iiglements tOl/cltant les eaux qui appartiennent ar$ domaine
p"blic, III , 14. - Des dispositions du droit romain, III, 15 et suiv. - Il
n<l pent, d'après cette législation, être étahli au bord on sur le lit des rivières aucnnc construction qui entrave le libre exercice de la navigation,
Ibid. - l)oiut de possession à alléguer pour conserver un ollYrage de cette
espèce, Ibid. - Les navigateurs ont. le droit de les détruire, Ibid. - Des
dispositions des anciennes ordonnances des rois de France sur le même ob·
jet, III, 18. - Des mesures prescrites d'après ces ordonnances aux propriétaires de moulins et usines pour faciliter le service de la navigation et
du flottage, III, 21, et suiv. - De3 lois nom-elles sur l'exécution de ces or·
donnances, III,
C'est à l'administration active qu'il appartient de régler le cours des
eaux, l, r52, r67. - A die seule appartient en général le droit de faire
sur cet objet les rêglements qu'elle juge com'enables dans l'intérêt. de l'ag'l'iculture et du commerce. l, r53. - Mais les différends ehtre particuliers,
lorsqu'il ne s'agit que de quelques prises d'eau d'irrigation, sont de la compétence des tribunaux, Ibid.
Des réglements SUI' l'usage des eaux. D'après quels principes de droit et
d'équité ils doivent être établis, IV, 357 et suiv. - Sont dans les ath'ibutions exclusives du pom-oir exécutif, IV, 437, /'72 et suiv., 514, 515. - Doi,'ent être respectés pal' \es tribunaux, IV, 482 et suiv.
De l'usage des cours d'eau en général, et spéciall!'ment des cours d'eau
d'irrir;ation. -- De la compétence des autorités qui peuvent être appelées à
statuer sur les difficullés relatives aux mêmes ol'jets, - Voy. Irrigation.
De la dérivation des eaux sur les chemins publics. ~ Voy. Dérivation.
des eaux.
EAUX DÛUÇES. - Voy. Sources.
EAUX MINERALES. - Voy. &lllrees.
EAUX NUISIBLES. - Voy. Passage des caux.
EAUX PLUVIALES. Des eaux pluviales, IV, aS. ~ Différence des
eaux pluviales et des eaux courantes quant aux principes juridiques.- Conséquences qui en ré3ultent, IV, 172 (note). -Auteurs qui ont traité celle
matière, IV, 128 (note). - Leur usage appartient au premier occupant,
IV, 130. -' Des règles tracées par notre Code civil sur le fait des eaux pluviales , Ibid. - Les communes peuvent disposer sans indemnité des eaux
]lluviales tombant. sur les chemins, nonobstant toute possession contraire,
II, 449. - Id. pour les riverains, II, l,50.
De la scrritude naturelle qui en résulte sur les fonds inférieurs envers les
fonds supérieurs. Ibid. - Les abus et les dégradations qui en résultent. constituent une contravention, IV, 161 (note). - Cette servitude s'applique de
même aux éboulements naturels qui se font des héritages supérieurs sur les
inférieurs, IV, r 3 r. - Elle s'applique aux sources et ruisseaux ayant un
écoulement pérenue et. un lit déterminé, IV, 132. - Des obligations réciproques qu'elle impose aux propriétaires des héritages, Ibid. - L'ohligation, pour le propriétaire inférieur, de ne 1)oint éle"er de digucs pour empècher l'écoulement des eaux, ne s'applique qu'à l'écoulement dcs eaux
plnviales, et non aux caux des tOrl'ents et des rivières, IV. 133 (nMe). Le propriétaire supérieur reste libre, à l'égard de celui qui est. plus bas, de
nc point lui transmettre les eaux pluviales qui lui seraient utiles, IV, 135.
2'.
�756
TABLE ANALYTIQUE,'
- Le propriétaire SUl' le fonds duquel tombent ou amuentles eaux pluviale~~
y a les mêmes droits que sur la source née dans le même fonds, 1bic!. - I,e
propriétaire supérieur ne peu t rien faire qui aggrave la servi,tude; - des
diverses manières dont la servitudc pcnt être aggl'avée, IV, (36. - La chute
des eaux dérivant dcs couverts des maisons est soumise à la même règle,
IV, 138. - Ces eaux peuvent être dirigées SUI' la voic publique. - Arrêtés que l'autorité municipale peut prendre alors pour éviter les dégradations,
IV, (39 (note), (60 (note), - Des cas d'exception où l'on peut modifier
ou intervertir l'écoulement naturel des eanx pluviales, IV, 13g. - Du cas
d'exception résultant d'uu décret de l'administmlÎon publique, dans l'intérêt
géuéral, Ibid. - Les ordonnances des trésoriers de France des r3 févricr
r74r et r2 juin r75r sont-elles encore en vigueur, et la servitude qu'elles
imposaient peut-elle être établie sans indemnité au profit des propriétai,'es
riverains des routes et des chemins vieinaux?IV, r~o et suiv. (note). - Du
cas résultant de la nécessité ou de l'utilité de l'agriculture, IV, r4r. - Le
propriétaire supérieur peut faire dans son fonds les travaux nécessaires
pour en développer naturellement le produit de la manière la plus avantageuse, sans responsabilité pOUl' le cas où ces travaux changeraient, au préjudice du propriétaire inférieUl', le cours primitif des eaux, Ibid. et suiv.
-1\ peut y creuser des fossés de desséchement , pourm qu'ils ne causent
• pas, par la dérivation des eaux, une dégradation matérielle dans le fonds
voisin, IV, r43, 144. - Le propriétaire inférieur poulTait-il se plaindre si
le propriétaire supérieur enlevait une digue anciennement construite sllr le
fonds de celui-ci, et que, par ce fait, les eaux retombassent naturellement
sur le propriétmre inférieur? IV, r/,5. - De la nature de l'action résultant
du fmt de dérivation des eaux SUl' la propriété voisine, en modifiant leurs
cours natnrels ; - cette action, activement considérée, est toute réelle; mms
elle est personnelle contre l'auteur des travaux qui ont été la cause du dommage, IV, rl,6 et SlUV.
Quélle est autorité compétente pour statuer SUI' la direction des cours
d'eaux ptueiales, et sur les réclamations qui peueent s'éleeer à çe sujet? IV,
149. - Est seule compétente l'autorité administrative pour ordonner, daus
l'iutérèt général, la confection de digues destinées à protéger les terres, des
tl'avaux de dessechement, des travaux préservatifs des inondations ou destinés à favorisei' l'irrigation, Ibid. - Est seule compétente l'antorité judiciaire pour statuer sur les débats individuels entre les propriétaires, à rai.
son dei servitudes dont leurs fonds peuvent être affectés au sujet des eaux,
IV, r50, - Parallèle développé, à ce sujet, entre l'autorité administrative
et l'autorité judiciaire, IV, r5 r. Peut-on se poul'\"oir au possessoire parde,-antle juge de paix SUI' l'usage des eaux pluviales? IV, r55. - Si, par la
disposition naturelle du sol, les eaux sont l'etenues en stagnation sur le
fonds supérieUl', le propriétaire de ce fonds pourrait-il, pOUl' l'assainir et eu
dessécher le marais, ouvrir, dans le tel'l'ain intermédiaire qui lui appartient,
une tranchée pour fmre découler les eaux sur le fonds inférieur, malgré Je
propriétaire de ce dcrnier hérit~ge? IV, 157. - Quid si ce propriétaire supérieur avait obtenu du gouvernement la permission de faire dessécher son
marais? Ibid. - Si le propriétaire inférielll' était aussi propriétaire du fonds
intermédiaire entre lui et le marms supérieur, ponrrait-il pratiquer une rigole ou canal à tra,-ers ce sol intermédiaire pour amener les eaux snI' son
héritage? - Le pourrait-il malgré le propriétaire du marais? IV, r73. Est-il permis anx par-ticuliers de faire dériver sm la voie publique les eaux
pluviales qui découlent de leurs fonds ?IV, r58 , r60 (note). - Distinction
entre la voie urhaine et les autres voies pnbliques, Ibid. et r60. - Le
mairc de la commune de la' situation des lieux doit-il avoir une action en
répression contre le propriétaire qui, possédant un fonds plus bas que le
chemin, y aurait construit un mur ou une digue pour empêcher l'~coulc-
r
�'l'AIl LB ANALYTIQ1.'E.
757
Dlent des eaux dérivant naturellement de la voie puhliqup.? IV, ,62. - Si
celui qui est assigné comme propriélaire du fonds touchanl :m chcmin allègue
llOllI' défense que les eaux versées sur la voie publique proviennent de l'héritage qu'un autre propriétaire possèclc plus loin sur l'arriére, commtjnt doitil être statué sur l'action en répression? IV, ,63. - De,'antquel tribunal doit
être portée l'action publique à intenter contre celui qui fait dériver les eaux
de son fonds sur la voie publique?-Distinction entre les grandes routes ct
les chemins vicinaux, ou autres chemins, IV, x64. - Lorsque les eaux pluviales refluent d'un fonds inférieur sur un fonds supérieur, par le défaut de
curage de la rigole nat\lrelle destiné,e à leur écoulement, par quel moyen le
}ll'opriétaire supérieur peut-il faire cesser le dommage? IV, x65. - Lorsque les eaux pluviales sont utiles au fonds inférieur, et que le propriétaire
de ce fonds en a joui :dans ~le temps passé, peut-il forcer le propriétaire
supérieur à lui en continuer lc relàchement? IV, '71,. - Quels sont les
droits des propriétaires ri\'Crains ton chant les eaux pluviales qui coulent sur
la voie publique? IV, '76. - La jouissance exclusive de l'un peut-elle, par
Ir laps de temps, produire la prescription? IV, 177, ibid. 79 (note). Quid du cas Oll il aurait fait des travaux pour employer les eaux il son 1)1'0lit? IV, x77 ct suiv. (note). - En fait d'eaux pluviales venant d'un chemin, peut-il yavoir lieu à la destination du père de famille? IV, ,80 et suÏ\'.
(note). - Quelles sont les règles à suivre l'our statuer sur les débats qui
s'élèvent journellement dans les campagnes sur la prise d'eau pluviale déri,'aut des chemins publics? IV, 180, - Le corps municipal pourrait-il,
malgré les propriétaires riverains, se faire autoriser à disposer, par bail ou
autTrment, des a"antages du cours des eaux pluviales qui couleut dans la.
,-oie publique, pt des boues et engrais qu'elles enu'ainent? IV, ,8,.
EAUX SOUTERRAINES. Des conséquences qui peuvent résulter, entre
propriétaires voisins, de fouilles modifiant le cours naturel des eaux souterraines, IV, 547.- Lorsque, par suite des fouilles pratiquées daus un fonds,
les eaux souterraines cessent d'arriver dans l'héritage voisin, le propriétaire
de cet héritage a-t-il le droit de s'cn 1)1aindre? IV, 51,8 et ibid. (note). Dis! inction entre le cas où le nouvel ŒU\Te a été destiné à l'utilité de l'béritage, de celui où il n'aurait eu pour but que de nuire au voisin, Ibid. et
suiv. - Quid si la sonrce interceptée était nécessaire à l'ushge d'une commnne on d'un hamean? IV, 556.-0pinion de M. Dumay contraire il celle
de M. Proudhon, IV, 556 (note). - Un propriét~ire peut-il restreindre
par des actes émanés de sa, volonté son droit de faire des fouilles SUI' son
terrain? IV, 550 (Ilote). - Difficultés d'interprétation qui penvent résulter
de semblables actes quand la prohibition n'est pas expresse, Ibid. et suiv,
- Du cas oit le propriétaire d'un fonds supérieur y aurait, par le moyeu d~
rigoles, attiré des eaux qui, le rendant humide, pénétreraient par infiltration
clans nu fonds inférieur, IV, 564. - Du cas où ce serait le propriétaire in,
férieur qui, par des travaux dans son fot;lds" aurait fait regonfler les eaux
souterraines dans celui supérieur, Ibid. - Lorsque, pal' suite d'ouvrages
quelconques pratiqnés dans l'intérieur d'un fonds s~périeur, les eaux sonterraines dérivent d'une maniêre dommageable daus un lien inférieur, le
propriétaire dn fonds endommagé est-il fondé à s'en plaindre? Dans quelles
circonstances peut-il le faire? IV, 559. - Du cas où l'accident qui a suivi
le lIouvel œnvre provient de la nature du sol, IV, 560. - L'auteur du non"el Œnvre T'ent-il être contraint à faire des ouvrages qui rétablissent le cours
des caux dans lem premier état? IV, 562. - Ilu cas où l'accident provient
du vice intérieur dn tcn'ain, IV, 565. - Du c~s où l'accident provient du
-ice de l'ou\T~ge, IV, 566, - Dn cas oit l'au"~l1l' du nouvel œuvre a violé,
en construisant, la prohibition d'une loi ou d'nn réglement, IV, 575.
E.\UX'THERMALES, Voy. Sources.
E,AUX IVES. Ce qu'on entend par là, IV, 208.-Voy. encore Sources.
�758
TAnLE ANALYTIQUE.
ÉCHAFA UDAGES. Le ùroit de faire et appuyer sur les rues el places publiques les échafaudages nécessaires à la réparation des édifices, appartient-il~
aux parlicllliers à titre de ser"itude? l, 509. - Voy. Rues et Places publi'1ues.
ÉCHANGES. Iles échanges des communes, ayant pou~ objet les rues ou.
chel!lins vicinaux. Voy. Acquisitions.
-~CHOPPES construites au-devant des édifices sur les rues ou places publiques. Peuvent-elles faire aoquérir quelque droit de servitude? l, 506. Voy. encore Saillies.
ECLAIRAGE. De la contravention de voirie urbaiue résultant du défaut
d'éclairage de la part de ceux qui y sont obligés, l, 609 et ibid. (note). De la contravention de mirie \\l'baine résultaut du défaut d'éclairage des
matériaux entreposés ou des excavations faites d-ans les rues ou places publiques, l, 6tl. - Appareils d'éclairage, II, 357. - Voy. Scrl'itlldes.
ÉCLOSES. Ne doivent pas être coufondues avec les étangs, III, 10.Celles qui tra\'ersent les petitllS rivières font, comme le sol du cours d'eau
lui-même, partie du domaine p~lhlic, III, 321. - Sauf le droit d'usage au
profit du maître du moulin ou de l'usiue, Ibid. -Peines contre ceux qui en.
construisent sans autorisation sur les rivières navigables, III, 20, 23, 155_
et ibid. (note). - A l'administration active seule, par l'organe des préfets
dans chaque département, appartient le droit de fixer la hauteur des écluses,
et déversoirs des usines; d'en ordonner l'ahaissement, III, 358,533, 542.
- A l'administration appartient également le droit d'ordonner directement
la destruction d'écluses on harrages construits sur un conrs d'eau quelconque, et portant l'inondation dans la contrée, IV, 456.-Les dépenses de réparations aux écluses servant tout à la fois à la navigation et au roulemeut
d'usines sont supportées concurremment par les propriétaÎl'es de celles-ci et
pal' le gouvernement, III, 165. - Comment se déterminent les parts contributives? Ibid. - I,e propriétaire riverain d'un ruisseau peut-il y établir
une écluse à l'elret d'élever les eaux pour l'irrigation de son héritage? IV,
351. - Pent-il appuyer cette écluse jusque SUl' la rive opposée apparteuant
à nn autre proprIétaire? Ibid. - Si la difficulté consiste à savoir jusqu'à
quelle hauteul' l'écluse pourra être élevée, à quelle autorité appartient-il de
statuer SUI' cette que~tion? IV, 352.-Des réclamations que peuvent élever,
au sujet des travaux de ce genre, les pl'opriétaires de fonùs ou usines silnés
plus bas, IV, 354 et suiv. - Toute contestation relative à un dommage ressenti par la construction d'écluses ou barrages dans un petit cours d'l'aH est
de la compétence exclusive des tribunaux ordinaires1 IV, 487. - Seul cas
attribué à l'autorité administrative lorsqn'il s'agit de construction d'usines,
ibid. - Voy. encore Barrages; Dérersoirs ; Inondation; Irrigation; Ril'cT'Gins.
ÉCLUSIERS. Leut qualité pour constater pnr des procès-verbaux les dé·
lits de pèche, III, 25 r.
ÉCOULEMENT DES RAUX. Eaux naturelles.-L'écoulement des eaux
naturelles; sur les chemin. sera réglé par le préfet, conformément à l'article
(.70 du Code civ., II, (.44. - Il y aurait lieu à indemnité pourles riveraius
s'il était nécessaire de contrarie!' l'écoulement naturel des eaux; ollinion
contraire de M. Proudhon, Il, 446. - Les aqueducs nécessaires à l'écoulement des eaux sous les chemins de\Tont être autorisés et construits, selon
les cas, aux frais des COlUlIlunes ou des particuliers, sous la sUl'\~eillance de
l'agent-voyer, II, 44r. - Eaux pllll'ialos. -Les commnnes peuvent disposer,sans indemnité, des eaux pluviales tombant sur les chemins, nonobslant
toute possession contraire des riverains, n, 449. -Nulle prcscrilltion entre
riverains du droit exclusif de s'approprier ces eaux, II, 450. - Eaux insalllbres. -L'écoulement, Sl1r lps chemins, des e<lUx ménagères et al1ll'es mal·
propres ou insalubres, ne peut COllstitucr un droit de servitude au prolit des
�TAnu ANALYTIQUE.
150'
I!iverains; il pourra être prohibé sans indemnité par al'l'ètés du préfet ou dll
maire, II, 44r il l,I,5. - Voy. Passage des eallx po III' caUJe d'enclave.
ÉDIFICES. De la contravention de voirie nrbaine résultant du fait de cehù
qui a occasionné la blessure ou la mort des bestiaux d'autrni par la vétusté,
la dégradation, le défaut de réparations ou d'entretien des maisons et édifices, l, 635.
ÉDIFICES MENAÇANT RUINE. Principes sur la caution damni infeeli
en droit romain, 1I1, 48r et suiv. Des édifices menacant ruine sur la voie publique. Voy. Voirle ul'b(line et ruine des maisons••
EDIFICES PUBLICS. La création d'aucun édifice ou monument public
ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi spéciale ou d'un crédit ouvert à uu
chapitre spécial du budget, l, 357,358.
EFFET SUSPE SIF. Le recours contre l'arrêté du préfet qui autorise
l'om-erture ou le redressemeut d'un chemin vicinal n'est pas suspensif, Ir,
'l26.
É(}LISl' S. A qui de l'Etat, des communes ou des fabriques, appartiennent
les églises consacrées au culte? l, 2/,8, ~63 , l,6'l et suiv (note). - Elles
rentrcnt dans la classe dcs propriétés ordinaires, et font partie des biens
communaux patrimoniaux de la commune de leur situation, lorsqu'elles
viennent à être détruites ou abandonnées, l, 2531:t suiv., ~6r etsuiv., 469
et suiv. - Se trouvent dès-lors aliénables et prescriptibles comme toute
lIutre propriété communale, 1,263 et suiv.- Les églises sont ouvertes gratuitement à tous; on n'y peut, sous quelque prétexte que ce soit, l'ien pero.
cevoir de plus que le prix des chaises, l, 462.
EGOUTS. Ce que c'est, IV, 198. - Historique de leur établiisement à
Rome et à Paris, IV, 199 et suiv. (not~). -Ou peut généralement les faire·
déri"er sur la voie publique, Ibid. - De ce qui Se pratique néanmoins dall5
les villes et grosses communes, Ibid. - Les égouts publics ont toujours été
soumis à des réglements particuliers, IV, ~oo. - Ils sont en France sous la.
surveillance de l'autorité municipale, Ibid. - Un propriétaire peut-il acquérir par 11rescription le droit de verser ses eaux dans un égout 11Ublic, de
telle sorte que l'autorité municipale n'ait plus la faculté de supprimer l'égout sans pourvoir à cet écoulement, tV, 203 et suiv. (note). - Des réglements il suine en cette matière, IV, ~oo. -Voy. encore Eaux souterraines,
Servitudes, Avancements.
ÉLAGAGE. De l'élagage des arbres plantés au hord des l'Outes, J, 347,
- Le préfet détermiue, par un réglement général, tout ce qui concerne l'élagage des plantations le long des chemins, II, 458.-L'essartement des boili
le long des chemins donne lieu à indemnité, I1~ 180. - Voy. Routes.
ÉLECTEURS. Les tribunaux ordinaires sont seuls juges de leur capacité,
l, 183 et suiv. - Voy. encore Listes électorales.
ÉLECTIONS. Voy. Listes électorales.
EMBARRAS DE LA VOIE PUBLIQUE. Les préfets et sous-préfets peuvent llrovisoirement, et pour célérité, ordonner la destruction, l'enlèvement
ou la réparatiou de tout ce qui met obstacle à la viabilité des routes, l, 193,
361 ..- Peiues portées contre ceux qni embarrassent la voie publique par
des depôts de fumier et autres objets, l, 3j6, 61 1; II, g50.-Ce fait constitue, suivant les circonstances, une contraventiou de grande ou de petite
voirie. Devant quel tribunal doit-elle être poursuivie? Ihid. - Erreur de la
Cour de cassation sur le sens et l'étendue des expressions roie publique dans
I>art. 471, n° l" du Code péual, l, 611. - Peines portées eonh'e ceux qui
occasionnent la mort ou la hlessure des bestiaux ou animaux d'autrui par
des embarras ou encombrements dans les rues, 11laces et autres voies publiques, sans les précautions d'usage, 1,635. - De la compétence des maires
en cette matière; des arrêtés et mesures qll'ils peuvent prendre, et de leura'
elfe.ts. Voy. Cfte;lIins picinau:l:; Voirie urbaine.-Lorsqu'il s'~it d'un sÎDlple
�760
TABLE ANALYTl.QUE.
fonùs communal, les maires ne peul'ent par leurs arrêtés ordonner l'enlève
ment des dépôts ou encombrements qui y gêneraient la circulation; - ils,
ne pe,uvent que recourir à l'autorité de la justice ordinaire; -aliàs s'il s'agit ù,e l'ues on places dépendant du domaine pnblic municipal, l, 532.
EMPIÉTEMENTS: Des el11pié\ements sur les chemins publics. - Voy.
Anticipations; Routes; Chemins vicinaux.
- EMPRISONNEMENT. La peine d'emprisonnement ou autre peinc corporelle lit; peut jamais êtrc prononcée par les conseils de préfccture ou le
conseil d'Etat, l, r62, r82,2q,379,380,383etsuiv.,396etsuiv.,
I~ro; IL, 828,891. QI/id lorsqu'une contravention placée par son cspècc dans la compétence du conseil de préfectnre est puuie tout à la fois de
peines pécuniaires et d'emprisonnement? Ib.id. - L'emprisonnement peut
~tre prononcé pour contravention à l'aligncmcnt cn cas de récidive, Il,
53 r. - Limites dans lesquelles il peut être prononcé par les tribunaux de
Ilolice, II, 896 , 927.'
EMPRUNTS à faire par les commulles. Ne peuvent être autorisés que
pal' nne loi, l, 70.
ENCOMBREMENTS. De l'encombrement des chemins publies.. - Voy.
.
Embarras de la voie publique.
END,IGAGE. - Voy, Digu~s.
ENLEVEM~NTS DE TERRE. Des enlèvements de terres, pierres, ga~ons on mlltériaux sur les grandes routes, sul' les chemins de halage, dans,
I.e lit des rivières navigables ou Sllr leurs bords, à une distance moindre que
celle fixée par la loi, - sont des contraventions de grande voirie de la compétence des conseils de préfeCture, l, 379; III, r54 et suiv. - Peines
,
coutre ces contraventions, Ibid. "
ENQUÊTE DE COMMODO ET INCOMMODO. La formalité de
l'enquète de commodo et incommodo est nécessaire toutes les fois qu'il s'a"git d'obtenir (lu gO'l\'erneinent l'autorisation de faire quelques ouvrages dont
l'cxécntion peut donner atteinte au droit de propriété des citoyens, lU, 38,
190, r9r. - Elle doit cn conséquence avoir lieu préalablement à la concession d'usines sllr les rivières navigables ou non navigables, 111,94, 4r2 ..
- Des formalités ctui la précèdent et l'accompagneùt, Ibid. - L'cnq",;te
de commodo et incommodo est nécessaire pour déterminer le point où la
péche commence il appartenii' à l'Etat dans"les rivières navigables ou flottables, III, 246. - Voy. Expropriation, II,209 à 218,233 etsuiv.Alignemcnts (§ 5, Plans généraux).
"ENREGISTREMENT: Les actes relatifs à la confection des chemins ~i
cinaux ne sont j1assibles que dll dl'Oit fixe d'un franc, II, /,08. - Conai~
tions de ce privilége et précautions nécessaircs pour en jouir, Il, 409. - Il
ne s'applique pas aux aliénations des tcrrains déclassés, II, 340. - li Y a
exemption complète de tont droit d'clll'egistrement ponr lcs expropriations
nécessaires à la confection des chemins vicinaux, Diverses décisions du directeur général de l'enregistrement, Il, /,ro, 4n, 26/, à 268. - Mémes
décisions en matière d'alignemeut, II, 6r2 à 619. - La modération des
droits d'enregistrement doit s'étendre anx instances et actes relatifs,à tous
dommages causés par l'établissement d!,s chemins, II, l,r3, 4r5. - Les
affiches annonçant l'adjudication des,travaux des chemins doivent être sur
papier de couleur et timbré, H, 412. - Voy. Timbre.
ENTREPRENEURS. Lenr responsabilité en fait de constructions d'édifices, IV, 565.
1
ENTREPRENEURS DE l'RAVAUx. PUBLICS. Les diflicultés qui peuvent s'élcvcr entre eux et l'administration concernant le sens 011 ['cxécution
des clauses de lcurs marchés, sont de la compétence dn conseil de préfecture, l, 365 et 369 ('lOte). - Mais il faut que les travallX pnblics entre~
pris soient il la charge dc l'Etal, rbid. - Il cn serait autrcment si Ics lra.-
�TABLE ANALYTIQUE.
'6t
'-aux n'étaient entrepris que dans l'intérêt d'une commune, 1,367, nid.
çt suiv. (note) ; JI, 862 à 867, - Quel serait, dans ce dernier cas, l'effet
dela clause par laquelle on aurait d.échu'é que les contestations élevées sur
l'exécution du marché seraient décidées par le conseil de préfecture? Ibid.
- tes réclamations des particuliers q\Ù se plaignent des dommages procé.
\:!.mt du fait personnel de ces entI:epreneurs, ct non du fail de l'administration, sontégalemenlde la compétence dneonseil de préfecture, 1, I72 et suiv 1
369. - Il fant anssi que les travanx aient lieu à la charge de l'Etat, Ibid.
el. 436. - En est-il autrement des faits provenant des oUVl'iers et agents des
entrepreneurs? Ceux-ci ne sont-ils pas tenus des dommages q\Ù en résultent?
et ne sont-ils pas, ponr la réparation, soumis à la juridiction du conseil de
préfecture? 1, 431 et suiv. - Quid dans le cas où un simple particulier
cité en justice ordinaire pour fouilles de matériaux allègue qu'il est entrepreneur de trayaux publics? l, 1,35 et ibid. (note).- Les entrepreneurs sont
soumis aux arrêtés qui lem imposent l'obligation de demander l'autorisation de bâtir, II, 1'7I. - Voy. Amende.
Dommages. - Ils peuvpnt être actimmés devant 10 conseil de préfecture,
et au possessoire pour dommages occasionnés par les travaux des chemins,
II, 806. - Ou pour extraction de matériaux, II, 284.. - Quand les suh·
,-enlions 1'0\\1' dégradation des chemins sont à leur charge, II, Il,4. - Voy.
Cahier de charges des trapaux des ponts ct chaussées, dit génie militaire et
de la pille de Puris, II, 1,30.
ENTREPRISES. Les enu'eprises sur les cours d'eau cQmmises dans l'année sout, comme toutes acLions posscssoires, de la compétence des juges de
paix, III, 325, 326. - Eu fait de petites rivières, ces actions ne sont
liéaumoins recevables que coutre les particuliers; vis-à-vis du gouvernement, la jonissance saus titre de ces cours d'eau n'est jamais que précaire,
Ill, 247, 300, 323, 32<\..
ENTREI'lEN DES CHEMINS, II, 30 à 34, I03. - Voy. Routes,
Chemins picinanx, ruraux et cummunaux. - Commune, II, 77 à 87, 133,
Il,3, Il,8. - Centimei additionnels. - Conservation des chemins. - Contribution extraordinaire, rr, 36, 797. - Prestation. - Réglel/lent général. - Subvention.
~NVAHISSEMENTS. - Voy, Anticipatiom.
~PANCHOIRS. - Voy. Napigation.
EPAVES. Les causes ayant pour objet la revendication ou répétition des
épaycs de rivières sont dans les attributions des trihunaux civils orllinaires,
II1,I66.
EQUITÉ_ Danger de l'é1luité dans les jugements; opinion de Dagues,cau, Bouhicr et auU'es, II, 590, 656. - Sou utilité en admi.ùstration,
Il , 788.
ESCALIERS construits au-devant des édifices, SUI' le sol des rues ou places
publiques. l'cuvent-ils, faire acquérir quelque droit de servitude? l, 506.Voy, encore Saillies.
ESCLAVAGE. Son origine, sa cause et ses eITets actuels, J , Il, cl sui v,
ESSARTEMENT. De la servitude d'essartemcnt dans les bois traversés
l'al' un chemin public, l, 323. /" Le refus ou la négligence d'cxécuter cel
essartement est une eonu'uvention de grande voirie de la compélcnce clu conscil de préfeclure, Ibid. et 408. - L'essartement dcs bois le long des che"
mins donne lieu à indemnité, II, 202, 780. - Peut être prescrit lc loug
des cheuùns ,-icinaux, Il, 780.
- ÉTABLISSEMENt' DES CHEMINS PUBLICS. Comment s'acquitte la
dépensc de l'établisscment ct de l'cnu'clien des chemius publics. - Voy.
llun/l's; Chemùl$ vicinaux, ruraux ct communauX'.
ÉTA~LlS~EMENTS INSALUBRES. - Voy. Salllbritépllbli'lue.
�7'62
TABLE ANALYTIQUE •.
ÉTAllLISSEMENTS DE BIENF1I~ANCE. - Voy. Etablissements pu-_
blies.
~TABLISSEMENTS MILITAIRES. - Voy. Etablissements publics.
ETABLISSEMENTS PUBLICS. Leurs btttiments et accessoires font partie du domaine public municipal; quelles conditious néanmoins sont nécessaires pour qu'ils aient celle qualiL~, l, (.7 r et Ibid. (note). - Il n'en
est pas de même des biens extérieurs dont ils sont dotés pour subveuir à
leurs dépenses, l, 475. - Lenr suppression et translation fait rentrer leurs.
Lâtiments et accessoires dans la classe des biens communaux, l , ('7 r. - Le
maire de la commune est contradicteur légitime pour agir et défendre en
toutes actions réeUes relatives à ces fond~ du domaine public municipal, l,
t.7 3 , 474. - Les hôtels-de-ville, maisons-communes et salles de spectacle
ne font partie que du domaine communal patrimonial, l, 475. - Le défant
d'autorisation dans les procédures où sont parties des établissements publics,
ne peut faire naître un conflit, l, li 14.
ETANGS. Ce que sont les étangs, III, 9, 1~; IV, 583. -Manière de
fixer le niveau des eaux et de mesurer l'accinct d'un étang, IV, 100 (note).
- Quel est le bnt de leur établissement, 111,9, 12; IV, 583.-Le poisson
qni y est l'enfermé est immeuble par destination, IV, 583, 595. - On lie
peut le prendre ou l'empoisonner sans commettre un délit, III, I l (note).11 reprend sa nature de menble lorsqu'on lèvela bOlldede l'étang, IV, 596.
-En quoi les étangs diffèrent des. réservoirs ou viviers, III, 10, 584. - Ils
n'appartiennent jamais qu'au domaine de l:>ropriété, 111,9, 12, 58!•. - La
chasse y est permise en tous temps, IV, 585. - En quoi ils diffèrent de~
écluses, III, 9, 12. - A qui il appartient d'a6signer la hauteur du déversoir des étangs pour préveuir les dangers d'une inondation, Ibid. - La..
contestation élevée sur la question de savoir si le propriétaire a excédé la,
hauteur assignée à la chaussée ou déversoir de son étang, est dans les attributions exclusives du préfet, Ibid. - Cette question est indépeudante de
celle relative aux dommages-intérêts réclamés pal' les voisins, et qui ne peu-.
vent être adjugés qu'en justice ordinaire, IV, 586. - Contravention résultant de l'inondation des propriétés voisines d'nn étang pal' l'élévation du déversoir au-dessus de la hauteur fixée, III, 545, 546. - La peine peut-elle
être encourue avant l'arrivée de l'inondation., Ibid. - Voy. encore Inondation. De la suppression des étangs ordonnée pour cause de salllbrilé 011·
d'utilité publique. - Est-il dû en ce cas une indemnité au propriétaire?
III, 598; IV, 587, Ibid. (note). - Des conditions imposées pour l'éta.
blissement d'un étang, IV, 589, Ibid. (note). - Le droit d'alluvion n'a
pas lieu au bord des étangs, IV, 589. - !Je la servitude d'inollLlation à laquelle peuvent être soumis les fonds riverains d'un étang; - cette servitude
peut être acquise par prescription, IV, 590 et ibid. (note). -Mais comme
les riverains d'un étang pourraient:, non-seulement interrompre la prescription, mais encore demander sa suppression s'il devenait trop nuisible, le
propriétait'e doit, par prudence, laisser au-delà de la surface habituellement
couverte pal' les eaux un espace où elles puissent s'étendre dans les crues
extraordinaires, IV, 590 (note). - Le sol lui-même des lais et relais de
l'étang n'est susceptible ni de possession ni de prescription, Ibid. et 593
(note). - Le maître d'un étang peut-il acquérir les terrains que ses eaux
couvrent depuis moins de 30 ans par suite de lem envahissement successif'
occasionné par le flottement. - Est-ce en ce cas aux riverains à fail'e les
travaux nécessaires poUl' défendre leurs propriétés? J, 591 (note). - De
la responsabilité du propriétaire (l'un étaug à raison des crues extraordinaires. - Comment doivent se l)ourl'oir les riverains qui ont éprouvé un
dommage par l'inondation? IV, 592. - Lcs étangs ne peuvent être établis
au préjudice du dl'Oit d'irrigation des propriétaires inférieurs, IV, 593 et
59" (note). Ceux-ci peu\'€nt cxigcr la ~uppression de ccux dont l'ex~tence
�TAilLE ANALYTtQUE.
r.emonterai~
'763
à moins de trente ans, I hid. - Règles générales à .uivre en
matière de servitudes attachées à l'existence des étangs, IV, 594,595 (note),
et 596, ihid. - Des servitudes auxquelles sont soumis les uns envers les_
autres les étangs situés SUI' uu même cours d'eau, IV, 596. - Des règle.
telatives à la pêche des, étangs, IV, 595 et sui,-. - Si le poisson-d'uu étang
a été attiré dans un autre, il peu~ y avoir lieu à une action en dommagesintérêts, mais non à une action en revendication, IV, 597 (note). - Les
riverain. peuvent-ils faire sur les étangs des prises d'eau pour l'irrigation de,
l~u~s héritages? IV, 350 efsuiv.
ETAT. Procès contre l'Etat, formalités préalables sous peine de nullité
de toute la procédure, l, 222 et smv.; II, 856.-l'ardevant la justice ordinaire, l'Etat figure en qualité de cause pal' le ministère des préfets, 1 , 179.
- C'œt le préfet du lieu de la propriété conteutieuse, lorsqu'il s'agit de
contestations sur la propriété OH sur des droits réels, Ihid. - Les propriété.
(le l'Etat ct dc la Couronne contribuent aux dépenses des chemins vicinaux,
II, r32. - Id. domaine privé du Roi, II, 133. - Les exploitations apllartenant à l'Etat et à la Couronne sont passibles de subvention à raison des
dégradations commises aux chemins vicinaux, II, 143.
ETAT DES PERSONNES. Toutes questiolls relatives à l'état des perS01111es sontcle la compétence exclusive des tl'ibunaux ordinaires, l, 183
ct suiv.
ÉTAT SOCIAL. De l'état social actuel de la France, Quel y est le domaine de souveraineté, et en quels pouvoirs il y réside, l, 66.
ÉTRANGER A LA COMMUNE. Les réglementsmunicipauxsontobligatoires même pour les personnes éU'angères à la comm11ne qui passent sur
son territoire; exception, II, 920.
ÉVICTiON. - Voy. Garantie.
EXCAVATIONS. Des excavations faites dans les rues, places et autres
voies publiques. - Voy. Eclairage; Embarras de la paie publique; Dégradations; Enlèpements de terre; Conserpation des chemins. - Des excavations modifiant le cours naturel des eaux souterraines. - Voy. Eaux
souterraines. - Des excavations près des chemins, II, 775,
EXCEPTION DE l'ROPRI'ETÉ. - Voy. Alignement (§ 8, Juridiction
répressive; Question préjudicielle).
EXCUSE. La bonne foi n'est pas une excuse en fail de contraventions ,
II, 536, 913 , 924. - Secùs de l'âge, II, 924.
EXÉCUTION. De l'exécution des l\l'rêtés des conseils de lJréfeclure. Voy. Conseils de préfecture.
Alignement. - Quancl les alignements générau.:'( sont obligatoires, II ,
7~9, 735. - Id. des alignements partiels, II, 747,749, - L'arrêté d'alignement n'est exécutoire que l'al' la ruine ou. la démolition de J'édifice,
JI, 496.- Secùs de l'arrêté ordonnant la suppression immédiate des borne!>
et autres saillies, II, 496. - Quand une maison est censée démolie, II ,
5°9. - Comment s'exécutent lcs jugements prononçant la démolition, II,
:h3. - Le juge de l'ail. doit surseoir si le contrevenant soutient s'être conformé à l'arrêté d'aliguement. C'est ail préfet à statuer sur cette qltestion
préjndicielle, II, 557. - C'est au tribunal s'il s'agit d'un chemiu. rural non
dassé, II, 558.
Effet de la diJclaration de pieinalite relativement à son exécution. R,amen de trois hypothèses, II, 174 à 185.
Experts. -- Les difficultés relatives à l'eJ.écution de l'opération drs experts chargés d'apprécier la valeur des chemins déclassés sont du rcssol't
des tribunaux civils, II, 335.
Les al'l'étés mllllicipau:J: sont e 'écutoires pal' provinon, sauf réformation
l'al' l'autorité tml'él'icurc', II, goG. - Qrdd des arl'êlé~ pcrmanents? II, g08.
- Voy. Prestation.
�764
EXH~\.LAISüNS
TAuLE ANALYTIQUE.
INSALUBRES. - Voy. Salubrité puMique.
mc.PEDITlüNS. Comment doivent être formulées et terminées les exl,cdilions des décisions rendues par Jes conseils'de préfecture, l, 195 et sui".
EXPERTS. - Dégradations. - Mode de leur nomination pour la constatation des dégradations commises sur les ch"mins "icinaux par des exploitations, II, 154. - Prestation de serment des experts chargés de la fixation
des subventions, T, 155 .-Rélargissement,- Les experts chargés de fixer l'indemnité pour l'élargissement des chemins ne sont pas nommés par le Juge de
paix; le tiers expert est nommé par le conseil de préfecture, II, 164.- Dissentiment avec M. Curasson, II, 165. - Extraction de matériaux. -Nomination des experts chargés d'apprécier l'indemnité pour extractiou de
mntériaux; récusation; dispense de serment, II, 286, 287, - Ils font
lem' rapport au juge de paix sur le réglement de l'indemnité à la charge de
la commune pour alignement de voirie vicinale, II , 770 et suiv. - Expertise pour estimer le sol des chemins déclassés et mis en vente, II, 324 à 335.
- Voy. Déclassement. - Voy. Juge de paIX.
EXPLOITATION. Espèce d'exploitation et de dégradation passible d"
subvention, question, II , 141. - Exploitations appartenant à des particnliers, à des établissements publies, à la Couronne, à l'Etat, aux com- .
munes, II, 143. - Questions par rapport aux mqulins, forges, mines,
fOl'êts, II, 145. - Répartition des subventions. entre les exploitations qui
q.égradent, II, 148.
EXPltOPRIATION. - Généralités. - Histoire du droit. d'expropriation, II, J98 à 208. - L'expropriation l,our cause d'utilité pu..blique est
nécessairement la conséquence de l'établissement d'une route, d'un canal,
ou tout autre établissement public sur le fonds. de. particuliers, l, 294. - '
l,es conditions et formes de l'expropriation pour cause cl'utilité publique
sont réglées par les lois des 8 mars r8 IO, 7 juillet 1833 et 3 mai r841, l,
179' - Lacune dans cette dernière loi, II, 874. - Ces formalités sont les
unes administratives, les autres judiciaires, Ibid. - An pouvoir exécutif
appartient exclusivement le droÏ't d'ordonuer et de poursuivre l'expropriation, l, 80,90. - Mais l'expropriation elle-même, la dépossession des
propriétaires ne peut être prononcée que pal' les tribunaux ordinaires, t,
373, 416 et suiv., 586 et suiv. - L'indemnité à accorder aux particuliers
expropriés était autrefois fixée administrativement; dérogation de nos lois
noul'eiles. Ces lois ne doivent pas s'étendre aux cas pour lesquels il n'a pas
été spécialement dérogé aux anciennes, III, 167. - Conséquences de ce
principe sur la fixation de l'indemnité à accorder l'om l'étalJlisse(llent d'un
chemin de halage, Ibid. - Qaid lorsqu'il s'agit de démolir des clotures ou
maisons d'halJitation? III, 169. - Qllid quand il s'agit de suppi'imer des
moulins ou usines pour rendre une rivière navigable? Ibid.
CAS ou IL y A LIEU A EXPROPRIATION. Différence de l'expropriation et
de l'alignement, II,620 à 626. - Quand la voie d'expropriation doit l'em..
porter sur celle d'alignement, II, 627 à 647, 685 à 688. - Les plans généraux d'alignement qui doivent enll'aîner une expropriation, ne sont pas
obligatoires sous ce rapport; il faut recourir aux formes de l'expropriation,
Ir, 729, 735. - En cas d'onverture on de l'élargissement d'une rue, l'administration peut exproprier la totalité des bàtirnents entamés, J, 533 et
suiv.; II, 68! à 685. - Le riverain qui refuse d'acquérir les terrains reh'auchés de la "oie publique dans les villes et faubollrgs, peut être expro~
prié, II, 672 à 675, 490. - Secùs 1'0111' les grandes routes, II , 769, -.-:
Et les chemius vicinaux, If, 772. - Lorsque l'expropriatiou a lieu pour
l'êtablissement d'uu canal, elle doit compl'enclre les terrains à oeeupel' par
les chemins de halage et leurs talus, III, 131. - Elle peut «voir lieu en
certains cas lorsqu'il s'agit d'opérer des desséellelllénts de marais, IV, 665,
ji85. - Est-ce pal' ",.ie d'cxpropriation judiciaire ou sculement par indem._
�TABLE ANALYTIQUE.
76.')
nité admilùstrativement réglée, que doit procéder le gouvernement lorsquïl
s'empare d'une source ou d'un ruisseau, pour en eonduire lcs eaux à un eau:>1
de navigation? III , 1~ 7. - SUI' quelle base cloit être fi"ée l'indemnité à aeeorder aux propriétaires voisins, Ibid. et 1~8 (note). - L'exprolJriation Ile
s'applique qu'au eas de dépossession du fonds même d'un immeuhlc et non
au détournemeut d'un eours d'eau, aux dommages, dépréciations, IJerte dp
servitude isolés de l'expropriation du sol, n, 370 à 385. - Mais la suppression d'une servitude peut entraîne(l'expropriationdu fouds, II,67 1,676
680. - Le jury n'est juge de ces dommages qu'autant qu'ils se trouvent liés
aecessoircment à l'expropriation du sol, n, 386 à 389' - Dans le cas eon·
traire, l'autorité judiciaire est seule eompéteute pour fixer l'indemnité à
raison des dommages permanents, II, 389 à 405.- Ne sont pas permancuts
ceux résultant d'une servitude diseontinue, n, 405. - L'expropriatiOli
s'applique à l'oecupation de terrain pour extraction de matériaux, quand
elle doit être perpétuelle, Il, 275, 276. - S'applique.t-elle aux objets
d'embellissement? lI, 474. - Le propriétaire peut exiger l'expropriation
totale de son bâtiment ou de son fonds entamé, Il, 625. - Un chemin vieiual peut être exproprié en tout ou en partie pour cause d'utilité publique.
Double hypothèse: sa conversion en route d'une classe supérieure, Ou en
travaux diflërents; conséquences quant anx droits de la commune, II, 268.
- Quant à la procédure, lI, 723 (note).
EFFETS DE L'EXPROPRIATION. - L'expropriation transfère la propriélé;
elTets de la transmission amiable ou forcée de la propriété: 1° par rapport
aux tiers: relativement aux hypothèques, aux actions réelles, 1, 19; II,
245; - 2° par rapport aux propriétaires dépossédés: perte de la chose,
cens électoral, droit de rachat, II, 21,8; - iudemnité; elle doit rcprésenter tout le dommage, II, 624, 653 (note); - 3' pal' l'apport à l'usufruitier et à l'usager .. leurs droits, lI, 706; - 4" par rapport au locataire:
droit à l'indemnité en cas d'expropriation totale, II, 870. - Si elle est
partielle, droit, soit à l'indemnité, soit allX réparations, soit à la résolution
du bail, II, 691 à 694.- Droits du locataire au cas où le propriétaire a contraint l'administration à acquérir la totalit~ du fonds, II, 694 à 697.
FOUlES. Règles de l'expropriation appliquée aux chemins viCinaux,
II,208. - 1" Déclaration d'utilité publique, II,232. - Le pouvoir du
préfet en ce qui concerne la déclaration de vicinalité est absolu, II,22 r
à 223. - I.es deux premiers numéros de l'art. 2, et l'art. 3 de la loi du 3
mai 1841, ne sont pas applicables aux chemins vicinaux, II,218 à 220.
- La loi du 3 mai 18/,r a été substituée à celle du 7 juillet r833, pOlir
l'exécution fie l'art. 16 de la loi du 2 r mai r836 , II, 223. - L'expropriation, pour les chemius vicinaux, doit s'intenter par requête, II, 224.
U" Application du projet général aux propriétés particulières. - pfans
parcellaires, enquête, a\ is du comeil municipal, aJ'I'èlé du préfet désignant
les terrains à céder, II, 233, - Il n'y a pas lieu dc recourir à la commission spéciale inslÎtuée par l'art. 8 de la loi du 3 mai r841, pour examiuer
les oppositions des intéressés, II, 209 à H8. - Au maire seul, même à
celui de la commune intéressée, appartient le droit de délivrer les cerlificats
constatant le dépôt des pièces à la mairie, lI, 230.
III" Transmission de la propriété, II, 236. - Transmission r,miahle ;
personnes qui peuvent céder; forme des cessions, Il, 237. - Transm ission
forcée; envoi des pièces par le préfet; jugement d'expropriation, notification du jugement; recours en cassation, II, 2f,I. - Sur le recours en cassation, inutilité du dernier alinéa de l'art. 16, II, 230. - Il faut aulaut
de jugements d'expropriation qu'il y a dc ressorts dilTél'ellts pour les funds
il expl'Oprier,. II, 227. - La commune dans l'intérêt de laquelle se 1'0111'suit l'expropriation n'est l'uiUI partie dans J'instance; clouhlc eonséqlll'IIl'l',
Il,231.
�"66
;
'l'ABLE AN,\LY:fIQUE.
IY" Réglement de. l'indem,!ité parJe jur)·, .. x" rr:esures prépr:r.aloires el
offres; - appel ou mtel'venbon des mtercsses; olIres de l'admmislrallon ;
acccptation ou demandes; rcnvoi de l'affaire au jury, II, 250. - C'est
toujours au tribunal de la situation qu'appartient la nomination du jury,
II, 228. - Le tribunal peut prononcer par un seul jugement l'expropriation et la désignation des membres du jury, II, 229. - Le choix des jurés
doit être fait en la chambre du conseil, II,229, - I,e tribunal peut confier
la présidence du jury à un juge de paix de l'arrondissement quoique les biens
soient situés dans plusieurs cantons, II,227. - 2· Conrocation, COI/stitution et opérations du jury .. convocation dujury et citation des parties. Formation du jury; empêchements; récusation; opêrations du jury, II,253 à
~>57' Les attributions du directeur du jury diffèrent de celles conférées par
la loi du 3 mai x81,x, II,225. - Le greffier ne peut accompagner le directenr du jury dans la salle des délibérations, II, 226. - Règles pour la
fixation des indemnités; dépens, II, 257 à 259. - Le procès-verbal de la
délibération du jury transfère la propriété sans qu'il soit besoin d'une ordonnance distincte, II, 229. - Ce procès·,'erbal doit être déposé au greJfe
du tribunal,!ors même que le directenr dujuryestun jngede paix, lI, 2<>9,Recours en cassation, II, 260, 26x, 230. - L'indemnité de dépossession
peut aussi comprendre celle de dépréciation du surplus du fonds, II, 65r,.
Y" Prise de possession et paiement des indemnités. - Paiement et offres
réelles, intérêts de l'indemnité, II, 261. - La prise de possession préalable
à l'indemnité, en cas d'nrgence, n'est pas applicable aux chemins vicinaux,
II, X78, 223. - Si l'administration s'empare d'un immeuble avant l'accomplissement intégral des formalités de l'expropriation, le propriétaire a
droit de se faire réintégrer, II, 872. - Si l'usurpation est postérieure à la
loi ou à l'ordonnance d'expropriation, il doit s'adresser au tribunal de première instance, II, 873, 876. - Si l'usurpation est antérieurc, diverses
autorités compétentes pour sa répression, II, 876 à 88 x. - Mcsures à prendrc par le propriétaire pour faire cesser l'inaction de l'administration après
la déclaration d'utilité publique 1 II, 873.
YI· Dispositions générales. - Significations; dispense des droits de
timbre et d'enregïstremellt; conccssionnaires, II, 261, à 268. - Yoy. Enregistrement. - Timbre. - Le tarif applicable à cette procédure est celui
de l'ordonnance du x8 septembre x833, II, 221,. - Yoy. Acquisition. Chemins ricinaux. - Règles de r expropriation appliquée aux alignements ..
- de grande voirie, II • 725, 7r,8, 768; - de voirie urbaine, II, 7 x5,
71,x, 753; - de voirie vicinale, II, 735, 749, 770.
EX.TRACTION DE MATÉrdAUx.. Législation intermédiaire, II, 273.
- Classification et transition, II, 27 x. - L'occupation de terrain pour
extraction dc matériaux n'est soumise aux formalités de l'expropriation de
l'art. x6, qu'alltant qu'elle est perpétuelle, II, 275. - Le propriétaire doit
être préalablement averti et indemnisé de l'occupation, II, ~ 76. - Les lieux
clos sont affranchis de l'occupation pour extraction et dépôts de matériaux,
II,277. - Formalités préalables à j'extraction dans les bois soumis au régime forestier, JI, 278.- L'indemnité doit être évaluée différemment selon
que l'extraction a lieu on non dans une carrière en exploitation; dissentiment
avecM. Cotelle, Il,280.
Compétence du conseil de préfecture; conditions; dommages occasionnés
par l'entrepreneur; principes et application, Il, 282 à 284. - Question
préjudicielle, II, 286.- Coml)étence des tribunaux civils et correcti~mels ;
questions de propriété et de servitude; abus et voies de fait; action possessoire, II, 284 à 286.•
Procédure. - Délai de la notification de l'arrêté autorisant l'extraction,
ttc., Il,286. - Nomination des experts chargés d'apprécier l'indemnité;
récusation; dispense de serment, II, 286, 28,.
�TABLÈ
ANALYTIQUE.
767
Prewr;pl;oli de l'action en indcnl1ùté p.our extl'action de matériaux, U,
287 et suiv. - Voy. Prescription.- Voy. Fouilles.
EXTRANÉITÉ. Les questions d'extranéité ou de nationalité sont de ln
compétence exclusive de la justice ordinaire, l, 183.
F.
FACULTÉ. Les actes de pure faculté ·et de tolérance nc peuvent fonder
ni possession civile ni prescription, l, 501; IV, 175, 176. - Application
de ce principe à la jouissance des eaux l)luviales dérivant naturellement d'un
fonds snpérieur sur un inférieur,lbid.-Application de ce principe à l'exercice de la vaine pâture, Ibid. - La cession du terrain sujet à avancement
par alignement est facultative de la part de l'administration; conséquences,
II, 670 à 672. - Id. du sol des chemins déclassés, II, 321 à 324, 328. Les prestations peuvent être acquittées en nature ou en argent au gré du
contribuable, II, 74. -Seci'ts de la convenion des prestations en tâche, II,
72 •
FAUBOURGS. Voy. TToirie.
FAUTE. Aucune indemnité n'est due au voisin pour préjudice du reculement ordonné pour l'alignement, s'il n'y a faute du constructeur, II, 480.
- Les communes ne sont responsables des conséqueuces du mauvais état de
leurs cbemins que s'il ya faute ou négligence dc leur part. - Secùs s'il y a
cas fortuit, II, 817.-0n répond des cas fortuits précédés de faute, II, 528.
FENÊTRES. Le droit d'ouvrir des fenêtres sur les· rues et places publiquesappartient-il aux particuliers à titrc de servitude? 1,5°9, 510.-VOYez
Rues et Places publiques.
FElLMIERS. De la responsabilité des fermiers de moulins ou usines sur
l,~s dommages causés pal' la retenue ou direction de leurs eaux, III, 558 et
suiv. - Les fermiers doivent la prestation,-II, 49.-Quand les subventions
pour dégradation des chemins sont à leur charge, II, 144.-Voy. Locataire.
FILTRATIONS. Voy. Eaux souterraines.
FINS CIVILES. Voy. Alignement (§ 8 ,juridiction répressive, questioll
préjudicielle ).
FINS DE NON·RECEVOIR. L'absence de procès-verbal de rllCollnaissance de viabilité des chemins n'est pas une fin de non-recevoir à la demande
en subvention contre l'exploitation qui a dégradé, II, 139.
FLEUVES. Voy. Rivières,
FLOTTAGE. Son origine, III, 195, 688 et suiv. (note). - En quoi il
diffère de la navigation, III, 196. - Dispositions des lois bciennes et nouvelles qui en protègent l'exercice, III, 15 et suiv. - Du/lott.1ge avec trains
ou radeaux, et du flott.1ge à bûches perdues, III, 19S.-J.e /louage dans les
rivières navigables est·il soumis li l'octroi de navigatiou? Distinction entre le
/lottage avec trains ou radeaux et le flottage à btîches perdues, III, 259, 260.
- Droit particulier auquel peuvent néanmoins être soumis les flotteurs à
btîches perdues, III, 261.
FLOITAGE A BUCHES PERDUES. Ce flottage pent être interdit par
l'autorité administrative dans les rivières navif(ables, III, 198.-Dispositions
des anciennes ordonnance~ sur le flottage à btîches perdues, III, 25, 689
(note). - Il n'est qu'une servitude d'utilité publique: les rivières Oluuisseaux sur lesquels il s'exerce ne tombent l)as dans le domaine public, lU,
688 (note).
Du flottage à bûches perdues qui s'exerce sur les petites rivières, III, 650.
- En quoi il diffère par sa nature et son importance du service de la na"igation et du flottage avec trains et radeaux, Ibid. cl. suiv. - Pour qu'il soit
permis de flotter à bûches perdues sur lUle petite rivière ou sur un ruisseau,
est-il nécessaIre 'lue le cours d'eau ait été reconnu ou déclaré par l'aulorité
puhlique a~servj à ce genre de flo!t~.bilité? III, (;53 et sui". - Différences
�'lBS
i'ADLE ANALYTIQUE.
eutre la faculté du lIouage et les droits dont lcs l'iverains jouissent sm la ri·
~ière, III, 656. - Le flottagc à bùches perdues est de droit pubUc partollt
où il peut èll'e cxercé, et oi! l'administrationu'aurait pas prohibé de le mcttre
en usagc, III, 659.-0pinion contraire de M, Daviel, Traité de la pratique
des COllrs d'eall, 111,660 (note). - Responsabilité à laquelle sont soumis
les lIotteurs, III, 693 (note). - Cas dans lequel la servitude s'exerce gratuitement, III, 693.-On ne peùt faire aucun oUVl'age suscelHible d'aITaiblir
le cours d'eau snI' lequel s'exerce le flottage, III, 692,
Du marchepied dû pOUl' l'exercice-du flottage à buches perdues. Quelle
est sa largeur? III, 661. - Est-il dù une indemnité aux propriétaires rivcrains dont on vient fouler les terres eu exerçant le flottage? III, 662.-Est-il
dù uu droit à ces mêmes propriétaires pour l'exercice de cette espèce de
navigation? lU, 666. - Eu est-il dù nn au gouvernement pour le même
'objet? ibid. Est-il dlÎ nne indemnité de chômage lorsque, pour favoriser le
passage d'uue flotte, il est nécessaire d'arrêter le mouvement d'un moulin
légalement établi sur la rivière? III, 667 et suiv. - Distinction, quant à la
quotité de l'indemnité, entre le chOmage des moulins propremellt dits et celui des grandes usines, III, 66g. - Les difl1cnltés qui s'élèvent entre lcs
flotteurs et les rropriélaires d'usines sur la fixation de l'indemuité sont-eIlés
du ressort des conscils de tll'éfecture, ou du ressort des tribunaux ordinaires?
lU, 670 (note ).- les anciens lraités faits entre les flotteurs et les usiniers,
relativement à l'ifl{lemnité, doivent être exécutés quelque onéreux qu'ils
aient pu devenir, III, 673 (note).
,
Du dépôt des bois destinés auflottage. Le bois de chauffage peul seul être
entreposé sm les propriétés ouvertes, III, 690 (note). - Réglemcnts relatifs
aux eutrepôts des bois flottés, III, 691 (note).-Ce dépôt donnc-t-illieu à
une indemnité en faveur des riverains qui le souffrent? III, 673.-La loi du
28 juillet 1824 SUl' cette indemnité est-elle applicable dans tout le royaume?
nI, 675. -Enl'ahsence de cette loi, comment l'indemnité devra-l-eHe être
fixée? Ibid. - Des circonstances de force majeure dans lesquelles les rivetains ou propriétaires d'usines peuvent souffrir des dommages à raison du
flottage qui s'exerce sur les rivières, III, 676. - Est-il dû ~me iudemnité
pour ces dommages? Ibid. et 677, 681,686. -- Opinion de M. Daviel SUI'
cette question, Traité de la pratique des cours d'eau, III, 68t, (note).Est-il-dù IIne indemnité pour le dommage occasiouné par la reprise des hois
emportés pal' le torrent des eaux slIr les propriétés voisines? ibid.
Il est défendu de s'approprier les bois flottés emportés pal' les eaux SUI'
les propriétés voiûnes, 111,678. - Peines contre ce délit, Ibid.-Ceux qui
les recueillent sont ohligés d'cn faire déclaration aux administrations locales,
Ibid. - Peines pOlir l'omission de ceUe déclaration, Ibid. -Ageuts chargés de constater, par procès-verbaux et perquisitions, l'enlèvement de ces
hois, Ibid. - Le propriétaire peut réclamer son bois emporté sur les propriétés riveraines. - Dans quel délai, III, 677 (note). - Il peut aussi
faire pêcher les hois canards, III, 59( (Ilote), -Sont de la compétence des
tribunaux ordinaires toutes les contestations relatives à l'exercice du flottage
à Mches perdues, III, 680. - Voy. encore Rivièresflottables.
.
FOI DUE AUX PROCÈS-VERBAUX. Voy. Procès-verbaux.
FOIRES ET MARCHÉS. Leur établissement et leur fixation est exclusi.
vement de la .compétence du ponvoir exécutif, l, 89; Il, 357. - Voy. Servitudes.
FONCTIONNAlRES. Ne sont pas dispensés dc la prestation, Il, t,g.
FONCTIONS PUBLIQUl:S_ Sont hors du commerce. Comment cependant ccrtaines d'entre elles peuvent être cédées. l, 17, 18.
FONDS DU DOMAINE PUllLIC. Voy. Domaille public.
FONTAINES, Les corps municipaux peuvent-ils, malgré les propl'iétaires
riYcl':ll:1S, sc fliirc autoriser il disposer, llar bail ou autrcnlcnt, des ûyanlag('s
�TA.1JÙ
A~ALYTr<!li\;:.
1'69
ù coun des éaux qui, .ortics d'unc fontaino cOlllm1u)"ùc, s'i:cl!apllent en~
suite SUI' la voie publique? IV, IBI. Voy. encr.re Sources et DY'oll.
, FORAINS. Nc sont pas assujettis à la prestation, Il, 46.
FORESTIÈRES ("ATIÈIH,S). Dans les matières non forestièrcs, le prévcnu
{Ini a ohtenn son renvoi à fins civiles n'est pas obligé de se portel' demau ..
deur; distinction, Il, 541 à 543. - Formalités préalables à l'extraction des
matérianx dans les bois soumis au régime forestier, II, 278.
FORFAITURE. L'action de la justice ordinaire est paralysée {laI' les arrêtés de conflit; les juges ne pourraient passer ou Ire sans se rendre coupables de forfaiture, l, 207.
FORMULE EXÉCUTOIRE. Ce sont les préfets qui l'apposent au bas des
expéditions des arrêtés des conseils de préfecture, l, 195 et suiv., 392.
FORTERESSES. Appartiennent an domaine public, l, 264. - Rentrent
daus la classe des propriétés de l'Etat lorsqn'elles viennent à être détruitcs
"t abandonnèes, Ibid. - Se trouvent dès-lors aliénables et prescriptibles.
Ibid" et 271 et suiv. -Voy. encore Terrains militaires.
FORTIFICATIONS. Règlcs et précautions pour l'éta
sement de chemins vicinaux t1'n\'ersant des fortifications, JI, 798. -:- Dans les places de
guerrc il faut demander l'alignement à l'autorité militaire et à l'autorité ci\'Île, II, 710, 741.
I<'OSSÉS. Chacun peut, pout améliorer la culture d'nn fonds, y treuser
des fossés de desséchement, sans responsabilité envers le voisin, si celui-ci
cn éprouve une augmentation ou un retrait de l'arrosement primitifdes (~aux
pluviales, IV, Il,3, 144. -:Mais il ne faut pas que ces fossés fassent dériver
les eaux de mnuière il causer une dégradation matérielle au fonds voisin;
Ibid. -Voy. encore Rigole.
Desfossés qui bordent les rOlliM. Ils font, comme elles, partie du 'domaine
public, l, 293. - LeUl's dimensions, Ibid. - Sur qui pèse l'obligation de
les entretenir et d'en opérer le curage, l, 293, 350, 387. ~ Ils ne sont pas
compris daris la largeur légale des routes, l, 297. - Les propriétés riveraines des routes sont soumises à la servitnde de supporter le rejet des matières provenant dl~ cnraSEl des fossés, l, 33 r. - :Mais ces fossés sont aussi
asservis à l'écoulcmcnt des eaux. qui dérivent des fonds adjacents, Ibid. Des degradatiolls dout peuvent être l'objet les fossés qui bordent les routcs
et les chemins de halage, et des peilles portées contre leurs auteurs, 1, 387.
~ Voy. encore Voiriè.
Des fossés qui bordent les chemins vicinaux. A qui appartiennent-ils? II,
~t.. - Curage, II, 24. - Berges, II, 24. - Leur établissement ne peut
avoir lieu sur les fonds voisins qu'en payant une indemnité, Il, 28. - Les
fossés des chemins vicinanx sont imprescriptihles, Il, 116, 438. - Ils doivent êtl'e entretenus et curés aux frais de la commune et avec les ressources
créées parla loi du 21 mai 1836, II, 438.-I"eproddtdu curage ne peut
être jeté sans iudemnité sur les fonds riveraius, II, 439- - L'alignement
s'applique aux fossés et à leur entretien, Il, 7",. - Le réglement général
du préfet doit fuel' la largeur des fossés ou talus et des emplacements destinés au dépôt des matériaux, Il, 436.
Des fossés des places de guerre, Ils font, comme les forteresseS, partie du
domaine puhlic, l, 249. - On ne peut, même dans un terrain particulier,
creuser des fossés à une ccrtaine distance des places de guene on terrains
militaires salis le tonconrs des officiers du génie, 1,44/,. - Voy. encore
Terrains militaires.
FOUILLES. De la sel'Vitude qui pèse sur les héritages particuliers relativement aux fouilles ct llriscs de matériaux nécessaires à la coutection et à
l'entretien des routes, l, 336, 372, 601 et suiv. - A quel tribunal doit-Oll
l'orter les dCbals élevés à raison de l'cxcrcice ùe cette servitude!' J, 4r6. l'OM.
IV.
49
�770
TABLE ANALYTIQUE:
Adoption de l'opinion de M. Proudhon par les auteurs et la législation, fi
4\! r (note).-Qltid si les propriétaires s'opposaient à l'exécution des fouilles"
J, 4r7. - Quid s'il ne s'agissait que de statuer sur le montant de l'indeOi"
nité due aux propriétaires? l, 4r8 et suiv.-On ne peut pratiquer des fouilles
de sable ou autres matériaux, même dans les petites rivières, sans la permission de l'administration, III, 37\!.- Des fouilles qui modifient le cours'
naturel des eaux souterraines. Voy. Eaux souterraines et Extraction de matériaux.
FOUS FURIEUX. Contraventions commises en les laissant divaguer,
Voy. Dipagation.
FRANCS-BORDS. Des francs-bords des rivières navigables. Des usages
auxquels ils sont naturellement affectés, malgré leur franchise, III, 92 et
suiv., 93 (note ).- On ne peut, sans autorisation du gouvernement, y faire
aucun genre de travaux ni constructions qui modifient le cours naturel des
eaux, III, 94.- Les riverains ne peuvent-ils pas ail moins faire sur les bords
de leurs héritages des ouvrages de protection pour les soustraire à. l'action
des' eaux? III,
; 97 (note). --En agissant ainsi sans antorisation préalable, se rendraient-ils passibles d'amende, lors même que les travaux seraient
reconnus inoffensifs à la navigation? III, ibid. - Pourrait'on , encore dans
ce cas, ordonner la destruction de ces travaux? ibid.- Quelles actions privées appartiennent, en outre, aux autres propriétaires riverains qui peuvent
souffrir de l'existence des mêmes travaux? III, 96, 97 et suiv. (note),-voy. Canal.
FRO~TlÈRES. Voy. Territoire.
G.
GARANTIE. - Du vendeur, il ne doit aucune garantie pour la servitude
d'alignement, s'il n'y a fraude de sa part, II, 602 à 608. - Celui qui a
acheté au préjudice du privilège accordé aux riverains, d'acquérir les chemins déclassés, n'a droit à aucune garantie en cas d'éviction, II, 338. Du bailleur; en cas d'alignement, il ne doit aucune garantie au locataire
pour l'impossibilité de réparer, II, 697 à 700. - Des communes, pour'
dommages causés par les voyageurs aux propriétés riveraines par suite du
mauvais état des chemins, II , 809 à 82\!. - Voy. Responsahilité.
GARDES CHAMPÊTRES. Sont compétents pour constater par procèsverbaux les contraventions en matière de grande voirie, l, 343. - Il en
est de même relativement aux délits de pêche,. III, 25r,
. GARDES FORESTIERS. Leur qualité pour dresser procès-verbaux des
délits de pêche, III, '> 5 (.
GARDE-PÊCHES. Leurs attributions, III, 25(.
GAZONS. Enlèvements de gazons. - Voy. Enlèvements de terre.
GENDARMES. Sgnt compétents pour constater par procès-verbaux les
contraventions en matière de grande voirie, l, 588.
GIBIER. Dans quel genre de choses il doit être rangé, 1. IX. - Voy.
Chasse.
GOEMON. Du droit de varech 011 goëmon. - Voy. Fareeh.
GORDS. Peines coutre ceux qui en construisent sans autorisation sur les
rivières navigables, III,. 20, 23,155.
GOUVERNEMEN l'. Résumé de ses attrihutions et de sa compétence en
matière de petite voirie, II, 856. - Voy. Association politique; Domaine
de Jouveraineté; Pou~oir exécutif.
GRANDES RIVIÈRES. Des droits l:1omaniaux que l'Etat perçoit à raison
des grandes rivières, III, 242. - De la pêche dans les rivières qui sont,
sous tous les rapports, du domaine-public, Ibid. et suiv. - Voy. Pêche.D~ l'octroi de navigation, 111,254. - Voy. Octroi de navigation. - Du
droit de bac, III, 263. :- Voy. Bac; Riyières.
'
�TABLE ANALYTIQUE'.
711
:GRANDES ROUTES. - Voy. Routes et Voirie.
GRANDE VOIRIE. - Voy. roirie.
GRANDS CHEMINS. - Voy. Chemins; Routes; Poirie.
, GREFFES. Destruction de greffes sur les arbres qui bordent la "oie puLlique; quelle contravention elle constitue; de quelles peines sont passibles
ses aliteurs; distinctions, l, 383 et suiv.
GREFFIERS. Quoique fonctiGnnaires nommés par le gouvernement, les
'greffiers peuvent être poursuivis sans autorisation préalable, 1,91,.- Lorsqu'il
s'agit de fixer les indemnités dues pour expropriation, le greffier ne peut
accompagner le directeur du jury dans la salle des délibérations, Il,226.Le procès-verbal de délibération du Jll1'Y doittoujours être 3éposé au grefTe
·du Tribunal, II, 229.
H.
HABITANT. Est soumis à la prestation, II, 46.
HAIES. Voy. Plantattons.
HALAGE. - Voy. ChemÎns de Halcge.
HAMEAU. Qu'entend-on par hameau? IV, '166.
HAUTEUR D:ES MAISONS. L'autorité municipale peutfixerceUe hau{eu l', II, 1'94"
HAVRES. Font partie du domaine public, 1,248; III, 32.
HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION. Sur l'unité de la législation, II,
418. - Sur le pouvoir réglementaire des maires en géuéral, II,, gOI, 9°7,
'910. - Sur les formes de l'aliénation des biens communaux, Ii: , 238. Sur la propriété des chemins vicinaux, II, 818. - Sur l'alignement et la
police des rues chez les Romains, II, 473. - En France, Il, 461, 473,
565. - SurIes travaILX conf0l1atifs, II, 565, 587. - Sur le nom des rnes
et le numérotage des maisons, II, 716. - Sur l'expropriation pour cause
d'utilité publique, II,, Ig8. - Et l'indemnité en cas d'expropriation,
II, 654, 750. - Sur la compétence des autorités judiciaire et administra1ive en fait de chemins vicinaux, II, 8'13. - Sur les voyers et agentsvoyers, n, 121" 841. - SurIes cimetières, II, 71 r. - Sur le droit de
passer dans le fonds voisin -du chemin en cas d'impraticabilité, II, 810. 'Sur)es fossés le long des routes et cbemins, II, 43g.- Sur les plantations près
leurs bords, II, 45 1, 78'1, 783. - Sur l'essartement des bois traversés par
des routes, II, 780. - Sur les excavations près des chemins, II, 775. Sur les bornes milliaires et les poteaux indicateurs, Il, 781. - Sur le mode
d'entretien des chemins et en particulier la conée, II, 30, 44.
HOMME. L'homme et ses qualités sout des choses hors du commerce par
le droit natnrel, I, 14. - Comment l'homme est destiné à la vie sociale,
1,23 et suiv.
HOPITAUX. Leul's bâtiments et accessoires font partie du domaine public municipal, l, /j.?I, Ihid. (note). - Voy., pour les développements,
:m 'mot Etablissements publics,
ROTELS-DE-VILLE. Ne font point. partie du domaine public municipal,
mais du domaine communàl patrimonial, l, 475.
HUISSIERS. Quoique fonctionnaires nommés par le gouvernement,
l'cm ent êtr~ poursuivis sans autorisation préalahle, l, 9!"
HYPOTHEQUE, Assise sur un fonds privé, s'éteint lorsque ce fonds devient puhlic. Que devient. alors le droit des créanciers? l, 19; II, 246:Celle qui alTecte le fonds riverain d'une petite rivièl'e ne frappe pas sur l'île
'lui vient à être attrihuée au même propriétaire, IV, IDS. - Opinion contraire de MM. Grenier et Troplong, IV, 108 (note). - Mais elle frappe
sur l'alluvion littorale ajoutée à ce fonds, IV, 12 1 • ..:... Lorsqu'elle frappe
sur un fonds riverain d'un fleuve navigable, l'indemnité a'ccordée par le
gouvernement pour l'~xercice du chemin de halage doit être auribuée au;'{
�"'2
TABLE ANALYTIQUE.
créanci(.pg 911ÎVantleur ordre d'hypothèques, III, 103. - Del'hYf50thèqu'
frappaut sur un marais dont on opère le desséchement; son étendue et les
modifications relatives qu'elle subit, IV, 662 et suiv. - L'hypothèque judiciaire résulte dos décisions des conseils de préfecture, l, 200, 392-. - Est
valable l'hypothèque consentie par le propriétaire jusqu'au paiement de l'indemnité de la partie retranchahle d'une maison sujette à alignement,
II, 505. - Bffet de l'alignement sur la purge des hypothèques, II, 619.
I.
ILES. Les {les qui se lormiJnt dans le sein des ripièl'es napigables ou flottables appartiennent à l'Etat, III, 53 et suiv., 8/,; IV, ro5. - Elles sont
en consequence soumises à la prescription ordinaire, III, 58. - Celles formées avant la promulgation du Code civil, dans les rivières qui n'étaient
alors que flottahles, appartiennent non à l'Etat, mais aux propriétaires riverains, III, 208. - Si, dans une rivière navigable ou flottahle, la formation
d'une île a lieu en mème temps qu'une alluvion littcs:ale à laquelle elle se
rattache, le propriétaire riverain peut-il réclamer à la fois les deux choses?
IV, ro6, Ibid. (note).- Quid si l'alluvion etl'ile ne sont séparées que par
nne eau stagnante, sur laquelle les bateaux ne peuvent circuler? IV, 106 et
suiv. (note)l - Cette question serait de la eompétence des tribunaux ordinaires, Ibid. - Est-il dû un chemin de halage sûr les bords des îles qui
existent dans les rivières navigables? III, 119 et suiv., II9 (note).-Il faut
une ordonnance du roi pour opérer, dans l'intérêt de la navigation, l'enlèvement des îles dans les rivières navigables 011 flottables? III, 89.
Celles qui se forment dans les ripières non napi{;ables niflottables appartiennent aux riperains, IV , ro7. - Cette propriété est un don de la loi,
Ibid. et III, S10. - L'île est un terrain distinct; elle n'est point frappée de
l'hypothèque qui 2.ffecte le fonds riverain, IV, 108. ~ Elle ne cède pas en
jouissance à l'usufruitier dn fonds riverain, IV, 122. - La propriété commune des propriétaires riverains sur l'ile n'est pas une indivision ordinaire,
IV, 112. - Du mode suivant lequel s'opère la division de l'île entre les riverains, et des conséquences qui résultent de cette nouvelle attribution de
l)ropriété, IV, ro8 et suiv., II7 et suiv. (note). - De la formation de l'île
pat la formation d'un nom-eau bras de rivière qui environne le fonds déjà
existant d'un riverain; conséquence de ce fait, IV. II!:!. -L'administration
imhlique peut ordonner l'enlèvement des Bes nuisibles au cours des eaux
dans les petites rivières, Ill, 393. - Doit-on, et comment, pourvoir à l'indemnité des propriétaires de ces îles? Ibid. et suiv. - Celles déjà existantes
au sein d'nne rivière que le gouvernement déclare navigable restent dans le
domaine privé; - ou ne peut les enlever sans indemnité, III, 363, 369.~
Difficultés qui peuvent s'élever sur la question de savoir si la propriété d'un
attérissement ou d'une Ue est réellement acquise au propriétaire riverain,
III, 364, 369.- Elles ne peuvent être résolues que par ws tribunaux, contradictoirement avec le préfet des Ijeux, Ibid.
IMMONDICES. Voy. Jets.
IMMUTABIUTÉ DES LOIS. Est impossible; id. des alignements, II,
50/,.
'
IMPARTIALITÉ. Une sévère impartialité est le meilleur moyen d'ad·
ministration; exemple de son utilité, II, 788.
IMPASSES ET RUELLES. A qui appartiennent-elles? Soumises à l'alignement, II, 597. Voy. Rues.
, IMPOSÉS (PLUS FORT). Leur concours pour le vote des centimes addi·
tionnels est supprimé, II, 38.-Id. pour la répartititm des frais d'entretien
des chemins intéressant plusieurs commnucs, II, 88. - Ils sonl appelés à
,"oter les contribulions extraordinaires 110ur l'entrelÏffil. des chemins ùe gronde
communication, II, 103.
�TAIILR ANALYTIQUE.
773
IMPOSITIONS. Les commuues peUH'nt êtro contr:ülltes pal' le pléret de
s'imposer pOUl' la réparation aes ç}lçmins vicinaux, li, 80.- Mode de mise
~n demeure llal' le préfet, II, 81. - Elles peuvent se pour~'oir contre l'imposition établie pal' le préfet pour l'entretien des chemins vicinaux, II, 84.
- Le préfet doit en communiquer l'état au conseil général, II, 84.
lMPÛTS. Aucun impôt, soit général, soit local, aucun emprunt de com·
mune ou établissement public, ne 11eut être établi ni permis s'il n'a été consenti pal' les deux chambres et sanctionné par le roi, l, 70, 74, 78.-Mode
particulier de création des lois qui établissent les impôts, l, 68.- La cham)lre des pairs est incompétente soit pour les. Toter avant la chambre des députés, soit pour y adopter des amendements modifiant la quotité de l'impôt,
Ibid._ Le pouvoir exécutif est seul compétent pour faire la répmtllion des
impôts publics, l, x25 etsuiv., 130, x['9, x67' - Plus.on varie leur forme,
plus ils sont productifs, If, 79. - Les chemins vicinaux en sont affranchis,
Ir, 797. - Voy. Impositions.
IMPÛTS DIRECTS. Ce qu'on entend par impôts directs, l, 100. - Lcs
impôts directs ne frappent pas sur les fonds du domaine public, l, ~49. Les demandes en réduction ou décharge d'impôts directs, comm!: toutes contestations alL'(quelles ces impôts peuvent donner lieu, sont de la compétence
des conseils de préfecture, l, 100, 155; III, 385; IV, 544.-Quid du cas
où un fonds est simultanément porté sur les rôles de contrihutions de deux
communes limitrophes P La réclamation du contribuable i10ur faire supprimer la cote de l'uu des rôles est de la compétence du conseil de préfecture,
l, 175. - Règles d'après lesquelles il doit statuer sur le fond de cette question, l, ibid. et sniv. - Mais ce tribunal est incompétent pour statuer sur
la prétention territoriale de chacime des communes, l, x76.
IMPÛTS INDIRECTS. Ce qu'on entend par impôts indirects; les contes·
tations auxquelles ils peuvent donner lieu sont de la compétence des tribunaux ordinaires, l, JQO. ~ Voy. l;ncon: Dépenses publiques; Roles dc
répartition.
IMPRESCRIPTIBILITÉ. Est corrélative Il l'inaliénabilité, et récil1roquement, 1. 25x et suiv. - Affecte, mais non d'uue manière absoluc, les
fonds du domaiue public, 1,256 et suiv., 290 et suiv., t,69 j II, 968.-Elle
existait autrefois comme aujourd'hui, II, x91.-De ses abus, II, 4t,~, 9x~,
vx6. - Voy. Prescription.
INALIÉNABILITÉ. Est corrélative li l'imprescripti1111ité, et réciproquement, l, 25x et ,uiv. _ L'inaliénabilité des fonds du domaine public n'est
'point absolue, l, 252, 469,
1 AMÛVIBILITÉ. Elle est le caractère principal et fondamental de la
magistrature, l, 99, 102. - Devrait-elle être accordée aux conseillers d'E·
tat et aux conseillers de préfectureP l, X[,2, x43.
INCAP" BLES. Peuvent aliéner les biens frappés d'expropriation pour
cause d'utilité publique, II, 237. - Peuvent soumissionner pour l'acquisition des chemins déclassés, II, 3[,0.
INDEMNITÉ. Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce
n'cst pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et ]lréalable iudenmité, l, 294, 295, 586. - En cas de contestation de la part des particuliers sur la quotité de l'indemnité due pour expropriation de leurs hé·
ritages, qui doit fixer cette indemnité? 1,179' x5x, 372, 4x6. - Au con·
traire, toute indemnité accordée comme compensation de dommages :lyant
~our cause un iutérêt public, mais sans expropriation de fonds, est IÏxéc
par voie administrative, l, 4x8 ; III, 390. - Les. fonds à proximité de travaux publics sont, moyennant indemnité, grevés de la servitude de fouille
ct prise dc tous matériaux nécessaires li leur confection, l, X72 et suiv. Los contestations élevées sUl' le montant de ceUe indemnité, comme aus5.Î
~r le montant ac toute indemnité due il raison de dommagcs ql1eloollq110S.
�774
•
'l'AJlLE AlfALYTLQUE.
l'éslùtant de travaux publics, sont de la compétence des conseils de préfel),_
ture, l, r7~, 338, 37~, 4r8; IV, 687.
Du mode de fixation et 4e l'évaluation de l'indemnité pour les différents
cas de prises de bâtiments et terrains destinés à la formation ou à l'élargissement des rues ou places publiques, l, 533. - Par qui doit être payée l'indemnité? l, 538. - Le propriéLair.e obligé à la démolition d'nn édifice pour
cause d'utilité publiquellel,lt n'avoir, en certains cas, droit qu'à une indemnité égale à la valeur du sol vide, et non de la superficie, 1,589' Est-il dû
une indemnité à celui qu'on "eut forcer à àémolir n'ne construction conforme.
il l'alignemen,t donné par le maire, sur une rue ou place publiqlle, et exécutée avant la notification a.'aucun ordre de suspendi'e les travaux? l, 557.
- Voy. encore Alignements.• - Lorsque l'autorité administrative donne
une nouvelle direction à uu cours d'eau, les propriétaires dont il vient nouvellement occuper le terrain ont droit à 1,lne indemnité, III, 356, 357. En est-il de même des anciens riverains, à raison des avantages de l'irrigation dont ils seront désormais privés? Ibid. et ~48, 30I, 324.- SnI' qnelles
bases doit être fixée celle à accorder anx propriétaires riverains d'une source..
ou d'un ruisseau dont le gouvernement s'empare pOUl' en cond1.lÎre les eaux
à un canal de navigation? Ill, 127 et suiv., 128 (hote).
'
Des lnd~mnités à accorder -qux riverains des petites rivières qui viennent..
à être déclarées navigables ou flottables, III, 137, 247, 300, 323, 324,
363, 394, 396. -:- De l'indemnité à acçorder en ce cas pour la privation du,
.droit de pêche; système vicieux de notre législat.ion à cet égard, In, 137,
247, 300" 363. - De l'indemnité à accorder pour l'établissement de la'
servitude de chemins de halage, l, 90; III, lOi> (note) ,.137 , 30~, 363.En général, il est d" une indemnité aux riverain. des rivières navigables,
toutes les fois que l'administration modifie à leur préjudice les limites légales~
des chemins de halage, Ill, rI 7. - Mais est-il dû une indemnité aux. riverains lorsque la rivière, par ses affouillements., force à reprendre sur leurs
terrains de quoi rélargir le chemin de halage? Ill, I I 8 - S.i le fonds as-servi au chemin de halage est hypothéqué, l'indemnité doit être attribuée..
aux créanciers, inscrits, suivant leur ordre d'inscl:iption, III, 110. - lie,
l:indemnité à accorder pour enlèvement d'îles nuisibles à l'exercice de la
navigation, III, 136, 143. - Quelle est-l'autorité compétente pour statuer,
dans ces divers. cas, soit à quel propriétaire doit être attribuée l'indemn,itê,'
soit quel doit en être le montant, III, Ï37 , 167, 396. - Il n'est d" d'in-.
demnité ni à raison du corps même de la rivière ou du tréfonds de son lit,
ni à raison de la perte du droit de prise d'eau d'irrigation, III, 13, 138 ,
247, 324. - De l'indemnité il accorder aux riverains des petites rivières
dont on enlève les îles, ou. sur lesquels on recule le lit du cours d:eau, par.
mesure d'utilité locale, III, 39/,. - La quotité en est-elle réglée judiciairelllent ou administrativement? III, 396. - De 1'indemni~é il flccorder aux
propriétaires des héritages qui reçoivent les dépôts de déblais proyenant dl~
curage des pet.ites rivières. - Comment est-elle réglée? III, 389. - Il n'est,
l}oint dû d'indemuité si le dépôt n'est que momentané. - li n'en es.t point
d" non plus pour le passage de. ouvriers, III, 390 (note).
De l'indemnité à payer à raison dll ~lu;mage des moulIns et Ilsines occasionné par l'exercice de la navigation et dllilottagc. - Voy. Chômage.
De l'indemnité à accorder à raison de la suppression des usines ou de l'enlèvement de lelll' COIlI'S d'eall. pal' orcz,:e dll gOllvernement. Distinctions diyerses à ce sujet, n.otamment entre le cas où les usines sont fondées en titre,
et celui où elles ne le sont pas, lU, 324 et suiv., 329 et suiv., 571, Ibid.
(note), 376,582, 585,589, 593 et suiv., 639. - Par qui est fiûe cette
indemnité,et SUl' quelles bases elle doit être calculée, Ibid. - Par quelle voie
doit être fixée l'indemnilé il accorder à raison de la suppression ordonnée
d.e moulins ou usines. pour rcndre mw rivière navigable? Ibid. et 1 6~. '7"".
�TABLE Al'fALT'rlQUE.
775
pourrait-on refuser au meunier foudé en titre la faculté de reconstruÎTe sou
u~1;l.e détruite accidentellement, sans lui payeI; une indemnité? Ill, 647.
De l'indemnité 'lui peut être due aux propriétaires riverains des cours
d'eau, à raison dujlottage à bûches perdues. - Voy. Flottage à {)/jcftes
perdues. - Est-il dû une indemnité aux simples particuliers qui seraient
foudés en titre ou possession il l'exercice d'un droit de bac aboli pal' la loi
du 6 frimaire an vu? III, <167. - Est-il dû une indemnité à celui dont on
supprime l'étang l'OUI' cause de salubrité ou d'utilité publique? IV, 5S6,
537. - De l'indemnité à réclamer des habitants d'une commune, pour l~
prise d'ean exercée par eux à titre de servitude légale dans· la source d'uJ:!.
particulier ou d'une autre commune, IV, 258, <16 1, 269. - De l'indemnité à accorder aux entrepreneurs de desséchement d.e marais, IV, 652 et
suiv. - Voy. encore Marais.
De l'indemnité à attribuer aux propriétai~es de terrains pris ou fouillés
pour l'établissement ou l'entretien des chemins vicinaux. - L'indemnité
pour établissement des chemins vicinaux est à la charge des cqmmunes,
II, 16. - Ancienne législation à cet égard, Il, 752. - Une indemnité
est due pour établissement de servitudes et foss~s sur les fonds voisins,
II, 27, 28, 457' - Id. pour rejet des produits du curage des fossés
sur les fonds riverains, II, 439, - S'il est dû une indeqmité pour préjudice résultant de la défense de pratiquer des excavations dans le voisinage des chemins, II, 777 à 780. - L'essartement à distance le long des
chemins donne lieu à indemnité, Il, 780. _ Indemnité p0l,lr dommages.
temporaires et permanents, dépréciation et sl,Ippression de servitudes, Il,
344,348, 370 à "'08. - Voy. Dommages. - Expropriation. - Extraction de matériaux, l, 599, 603; II, 280 et suiv. - Comment est évaluée
l'indemnité à accorder pour l'expropriation d'l,Ine carrière. -:- Voy. encore
Ecoulement des caua;, II, 446. - Servitudes. - Les arrêtés pris dans l'intérêt de la sécurité et de la salubrité publiques ne donnent pas lieu à indemnité, Il, 9 l 5. - Secùs s'ils ont pour objet des améliorations entraînant
expropriation, II,919. - Il n'y a pas lieu à indemnité pour suppression
de prétendues servitudes contraires à la destination des chemins, saillies,
eaux insalubres, etc., II,499,4401 à 1,45,6".
Exiffibilité. _ Prescription. - L'indemnité en matière d'expropriation
qoit reparer tout le dommage causé, II, 624, 653 (note), 752. - }ln
matière d'alignement elle ne représente que la valeur du sol nu, II, 653 à
658, 624, 668 à 6". - Si l'indemnité est due à l'administration par suite
d'avancement par alignement, elle doit représenter toute la valeur de III,
chose et les avantages acquis au riverain, II, 653 , 666 il. 671. - Comment
se détermine l'étendue du terrain, objet de l'indemnité par suite du reculement par alignement, Il,658 il. 660. - Elle n'est due qu'au moment de la
réalisation de l'alignement, II, 660. -. Elle ne qoit être évalnée qu'à cette
époque qui est aussi le point de départ des intérêts, II, 66 L - Dans.
quels cas les intérêts sont.dus? II, 709. - A quelle époque l'indemnité doit,
être payée, II, 660 à 666. - Le riverain peut agir aussitôt après le déblaiement du sol, Il, 765• ...,.. Prescription de l'indemnité, II, 708. Voy. Prescription, II,28, à 3I!.
Prise tU posussion. - Si la prise de possession préalable à l'indemnité
~1;t permise pour les chemins vicinaux, Il, 17S, 223.-L'indemnité ne doit
~tre préalable qne lorsque l'arrêté du préfet ordonne nne dépossession non:
velle, II, 174, 178. - ..Droits à lJndemnité résultant de la dépossession en
ll13.tière d'expropriation, II, 261.
Locatail'e.- Indemnité due an locataire en cas d'expropriation totale de
la maison, II, 690. - En cas d'expropriation partielle, II, 691 à 694. :Encas.où le propriétaire acontraint l'administration à acquérir la totalité
�ti6.
~u
'l'ABLE ANALYTlQUE.
fonds, H, 69+ il 697 .-Eu cas d'alignement, aucune inùenmÏle n'e,t dua.
(lU locataire par l'admUlistratioD, II, 697·
AC'luél'eur.-L'indenmiti: lui appartient en cas de reoulement par alignement, II,608.
Compétence.-Le réglement amiable des indemnités pOUl' tel'l'ains réunis
flUX chemins vicinaux est fait pal' le conseil municipal, II, l62..- Le réglementjudiciaire a lieu devant le juge de paix, JI, 16~. - L'indemnité il la
charge de la commune pO\ll' alignement de voirie vicinale, est réglée pal' le
juge de paix sur le rapport d'experts, II, 780. - Mode de fixation quand
l'iudemnité est due Il la commune pour cession de terrain, Il, 772..-Voye1.
Alignement, § 6.'- Autorité compétente pour fi:xer l'indemnité pour dommages temporaires et permanents, dépréciation et perte de servitndes, II,
31,!" 348, 370 à 4oS. - Voy. Ecoulement des eaux; Expropriation;Servitudes, - Le tTihnnal civil stàtue sur l'indemnité due par l'administr.ation
ou un particulier pour suppression de servitudes par suite d'avancement pm:
alignement, Il, 677, H8. - Réglement de l'iudemnité pour expropriation
par le jury, Il, 256 il 26r, - Voy. Expropriation. - Jlésumé de la coml'étence en matière d'indemnité pour les diverses espèces d'atteintes il la propriété dans l'intérèt des chemins, Il, 407. Voy. Juge de paix.
INDIvEN'J S. Sont dispensés de la prestation, II, 49, 52.- N'ont droit
en justice commutative il aucune faveur à raison de leur position, II, 649.
INFILTRATJONS. Voy. Eaux souterraines et Inondation.
INFIRMITÉS. Quelles sont celles qui dispensent des prestations? II, 59.
INFLUENCE du criminel sur la civil. Y 'a-t-il dérogation aux principes',
, énonces en l'art. 3 du Code d'instruction criminelle, en cas de délit de.
'ande voirie il poursuivre, quant aux amendes et réparations pécuniaires,.
p l'devant le conseil de préfecture? r, 398.
INGÉNIEURS DES PONTS El' CHAUSSÉES. Voy. Ponts et Cllaussùs..
INONDATION. L'autorité administrative est seule compétente pour or"
donner, dans l'intérêt général, les travaux destinés il prévenir les inondations"
même accidentelles, d'une contrée, l, r 5~ , 167; IV, 149, 150, 456. Personne ne peut inonder les héritages voisins Ou leur transmettre les eaux
d'une manière nuisihle, soit par la trop grande élévation des déversoirs d'u"
~iues ou étangs, soit pal' tous autres travaux. Peines dont se rendent passibles
les auteurs de ce fait. Cette contravention est de la compéttnce du tribnnal de police cOl'l'ectionnelle, l, rrg, r20; III, 50r, 503, 504, 545, 5~6;
IV, 22~ elsniv.,459, 586. - Si les travaux qui donnent lieu il l'inondation
ont été autorisés pal' le gouvernement, l'action publique cesse; il n'y a plus
lieu qu'a l'action privée en dommages et intérêts, III, 5 ro, ibid. (llote ).J,a peine peut-elle être encourue avant l'arr1\'ée de l'inondation?, lU, 545,
5~6. - Est-ce le prapriétaire ou le fermier de l'usine ou de l'étang donuant
lieu à la contravention, qui doit être traduit en police correctionnelle? .III,
558 et suiv. - Lorsque l'élél'lllion de l'écluse n'est point, au-dessus de la
hauteur fixée, et que néanmoins il arrive inondatiou et dommage, est-ce au
fermier il répondre à l'action ùes propriétaires lésé,,? N'a-t-il pas au moius
un recours en garantie coutre le propriétaire? III, 560. - ' Opinion de
M. Daviel, Traité de laprati'llld des cours d'eau, III, 564 (note). - Quid
dans le cas où une cave inondée par les infiltrations des eaux regonflées audessus de l'écluse, appartient il une maison construite postérieurement à l'état actuel de l'usine? III, 563. - Les propriétaires voisins d'une usine
peuvent-ils à pel']létuité se plaindre des (lommages qu'ils ressentent par l'eITet
des inondations qu'elle cause au préjudice de leurs fonds? S'ils avaient gardé.
le silence pendaul trenle ans, loute action en indemnité de leurs pertes n!l
serait-elle pas pn'scrile? 111,564,500 (notc). - Quel serait lc point de
~épart de la l'resc!'il'tion? III, 5(i~. -- La prescliption,pamrait-elle être.
~
�'l'ÀJl1.E ANAl1('f[QUE.
?77
QPposœ il l'action publique en suppression ou modification des usines? lU,
~ti4. -De la suppression des usines demandée pour cause d'inondation ou
'!-utres dégâts causés pal' les eaux SUl' les propriétés voisines, III, 591. -De
la servitude d'inondation à laquelle peuvent t\tre soumis les fon<!s riveIains
d'nn étang, IV, 596. - Voy. encore Usines.
INSCRIPTION DE FAUX. Les procès-verbanx des agents chargés; d~
constater les contra'fentions en matière de grande voirie font-ils foi jusqu'à
'
inscription de fanx? l, 395.
INSCRIPTIONS. Les maisons riveraines des rues sont assujetties à supporter le numérotage et les inscriptions indicatives des distances, de la direction des routes et dn nom des rnes, II, 357.
INS ITrUTIONS POLITIQUES. Elles ont pour fondement et pour appui le droit de propriétè, l, 5~. - Voy. l;ucore Contrat social; Association
politique.
.
INTERDICTION, UfI'ERDIT. Les interdits sont dispensés de la prestation, II, 59. - Voy. Suspension de la prescription, II, 30'1.
INT!j:R!:lIT l'OSSESSüIRE. Voy. Possessoire,
IN l'ERETS., Point de départ des intérêts de l'indemnité en matière d'alignement, II, 66r .-Dans quels cas ces intérèts sont dus, II, 709.-Iutérèts,
de l'indemnité d'expropriation, II, 263. - Effets d'unesomlllation, II, 709.
INTÉIIÊTS COLLECTIFS. Ce que signifient ces expressions dans le langage de la jurisprudence administrative, l, r48.
Ir(TERRUPTION. Voy. Prescription, II, 295 à 30'1,
INVALIDES. Les revenus des terrains militaires, le prix des ventes d'anciennes places fortes ahandonnées, Cont partie de la dotation de l'établissement des Î11Yalides, l, 44 r.
.
IRRIGATION ou ARROSEMENl' (Canauxd'). De leur nécessité dans
certaines localités; -des principaux qui ont été créés en France, IV, 534 et
sniv. (llote). -- Ils ne peuvent être créés qn'avec l'autorisation dn gouvernement, IV, 533, 536. - Aux frais de qui ils doivent être constrnits l't
entretenus, IV, 53t" 536. - Leur curage est dans les attributions nécessaires du pouvoir exécutif, III, 373. - Voy. encore Curage.-Des sociétes
formées pour la construction et l'entretien de ces canaux.-De l'cITet de ces
sociétés, IV, 534, 536.-Le gouvernement peut ordonuer les travaux qu'il
juge nécessaires pour l'irrigation des terres d'une contrée, IV, 149, t,56.Les dépenses de' ces h'avallx sont supportées par les prop11étaires intéressés,
Ibid.- De la confection des rôles de répartition, Ibid. - Lescauaux d'irripation sont placés, comme tous les auh'cs cours d'eau, et qnant à la police
reglementaire, sous l'autorité de l'administration publiqne, IV, 537. - Ces
canaux peuvent n'être établis qn'à titre de servitude, IV, 5t,0 (note).Manière dont les eallx peuvent être conduites, Ibid. - Les sociétés d'arrosants sont propriétaires du canal et des terrains nécessaires à son senice,
IV, 539'- Elles ont exclusi"ementle droit de pêche daus le canal, Ibid.-Elles peuvent demander en justice la démolition de toutes constructions nuisibles à son libre cours. Ibid. - Elles acquittent l'impôt dont il est gre,'("
Ibid. - Des droits et obligations réelles qui résultent de l'établissement des
canaux d'irrigation, à l'égard de propriétés à l'arrosement desquelles ils sont
destinés, IV, 545 et ibid. (note).
IRRIGATION DES PROPRtÉTÉS BORDANT UNE EAU COURANTE.
De la nature du droit cle prise d'eau pour irrigation. C'est un droit de sel"
vitudc au hénéfice du fonds inf~rieur, IV , 2,32. .- Conséqnences : ce droit
doit être borné au seul fonùs dcmin1ut pour lequel il fut acquis, Ibid. -Si
le fouds dominant est partagé, chaque partie a droit à la servitudc, Ibid.
Le droit de prise d'ealt d'ù rig'ation ne peut être exercé par les riveraills
~lIr lei rii'ière-s llaPigables et flottables, et poulVJuoi.> IV, :}24. -.. Mai5
cctlt<
�778
TABLB ANALYTIQtm.
prohibition ne s'étend que jusqu'au point où commence la nav'igahilité, 101/.
- Néanmoins l'administration peut les interd.ire pour cause d'utilité pub~-:
que, Ibid.
Du droit de.p,ùe d'eau pour irrigation, qui appartient aux propriétaires,
riverains iles petites rivières, IV, 68. - Ce droit se rattache en général à
tous les petits cours d'-eau; - disposition dll Code qui le consacre, Ibid.Il n'appartient qn'à celui dont l'héritage borde immédiatement le cours,
d'eau; - le propriétaire plus éloign6 ne peut ni réclamer les eaux d'irrigation, ni être forcé de les supporter, Ibid. - La faculté donnée par l'art. 644
ne doit pas dégénérer en une occnpation "tellement exclusive qu~ les propriétaires inférieurs en soient privés, IV, 253 (note). -.Peut-il intervenir entre.
les divers propriétaires voisins d'nn cours d?ean un accord en elo:écution duquel l'irrigat,ion' devrait êtçe répandne plus au loin? IV, 70.-Distinction
entre les petites rivières et les simples ruisse<lux, Ibid. -Réfutation de cette
opinion, IV, 3I7. - En cas de partage d'un fonds riverain, le lot adjacent
an conrs d'eau conserve-t-il se\llle droit de prise d'ean d'irrigation? IV, 7I,
233.-Dans le même cas, le propriétaire de la rive opposée peut-il d~mander'
que le lot adjacent au cours d'ean conserve senIle droit de prise d'eau? IV,
72 et suiv. (note). - Le riverain peut, pour l'exercice de son droi.t, et sans
y être autorisé par l'administration, élever l'eau de la ,ivière au moyen d'un
barrage, III, 632; IV, 74, 75. - Mais l'administration peut le faire suplwimer pour cause d'utilité publique, Ibid.. - Les propriétaires isolés qui
en soutIrent pement aussi s'en plaindre; -leur action à cet égard doit être
portée pardevant les tribunaux ordinaires, Ibid. - Des dilIicultés qui peuvent s'élever au sujet des prises d'eau d'irrigation dans les petites rivières,
entre les riverains et les propriétaires d'usines, III, 4Ig, 4:1.0. - Voy. en-'
çore, pour les développements, Usines,
DES RUISSF.AUX ET FETITS COURS n'RAU CONSIDÉ.RÉS PRINCfPALEMEl'(T c:!OM:ftIE
JV, 3ir, - Des droits du propriétaire dont l'héritage borde le ruisseau d'un seut coté J IV, 320. - Des.
bornes dans lesquelles doit se restreindre son dl'Oit de prise d'eau d'irrigation, IV, 32I et suiv. , 339 et suiv. - Il ne peut en général l'exercer que.
pour l'irrigation dn fonds immédiatement contigu au coura d'eau, IV, 322,
328. - 11 ne pent changer la direction du ruisseau an préjudice des propriétaires inférieurs, Ibid. - Il ne peut, pour faciliter l'irrigation, établir..
des barrages qui fassent refluer et élever les eaux de manière à nuire aux
autres propriétaires, IV, 325. - Il ne peut employer les eaux à un autre
usage qu'à celui de l'irrigation, IV, 326 et suiv. - Le droit de prise d'eau
d'irrigation ne peut être modifié ni par le partage du fonds qui borde le cours.
d'eau, ni par l'adjonction de nouveanx héritages acquis par le même propriétaire, IV, 328. - Un riverain peut-il acquérir par prescription le droit
à un mode de jouissance des eaux d'une rivière, plus avantageux que celui
.
déterminé par la loi? IV, 3~ 5 et suiv. (note).
Des droits du propriétaire dont les fonds bordent le cours d'eau des deux
côtés, IV, 3.29. - Des bornes dans lesqu,elles doit se restreindre son droit
de prise d'eau d'irrigation, Ibid. et suiv. - Il peut, dans l'intérieur de ses,
fonds, donner au, cours d'eau les inflexions et dérivations nécessaires à l'exer-'
cice de son droit, IV, 33 r. - Mais cette faculté ne s'appIiqne point aux
petites rivières, IV, 33~ .-Opinion contraire de M. Dumay, IV, 33" (note).
- - Conditions auxquelles elle est du reste subordonnée, IV, 33 I.
Le fonds traversé par un ruisseau est grevé de la scrvitude d'aqueduc en.
faveur des héritag'Cs inférieurs, IV, 333. - Les propriétaires de ceux-ci ont
sur le ruisseau nn véritable droit à l'il'rigation de lems terres, IV, Ibid. Inégalité suivant laquelle ce droit est successivement réparti entre eux? IV"
Ibid. --Jls pe peuvent abuser les uns au préjudice des hutres, IV, 331>. -::.
MOYEN NATUREL D'IRRIGATlOJO Dl!S TRI\IlES,
�."19.
T.ull.É ANALYTIQUE.
~Iement
da partage qu'ils peuvent demauder en cas de dtfficuhés, I!lid•
.:- Quel est en général le moyen de déterminer l'étendue des fonds auxquels'
Il! droit d'inigation peut être dû? IV, 331,. - Comment, et après que! laps.
de temps peut-il être acquis. par prescription aux héritages non immédiatement contigus au cours d'eau? Ibid. et 336 (note). - Si l'un des propriétaires riverains du coms d'eau ne s'en était jal)lais servi pour l'arrosement de
son fonds, aurait-il perdu par la prescription son droit au profit des autres
qui auraient usê de toutes les eaux du ruisseau? IV, 338. - Est-ce dans le
seul intérêt du propriétaire de la rive opposée qu'il n'est pas permis à celui
qui n'est que pl-opriétaire latéral d'attirer le cours d'eau sur lui ponr en faire
serpenter le ruisseau dans l'intérieur de sOn héritage? IV, 339. - Opinion
contraire de M. Dumay, IV, 34I et suiv. (note).-Si l'un des propriétaires
de fonds inférieurs et latéraux du r'uisseaù avait seul acquis du propriétaire
de la source le cours d'eau qui en dérive, aurait-il, pour l'irrigatiQn de son.
héritage, un droit exclusif de celui des, autres '. ou au moins prépondérant,
sur eux? IV, 342. - Quid si le ces,siopnaire est propriétaire du fonds immédiatement inférieur, ou si en étant éloigné, il peut allpr prendre l'eau.
au moyeu d'un aqu,educ qu'il a acquis le dl:O,t d'établir sur les fonds intermédiaire!, IV, 341. et suiv. (note). - Quels doivent être les droits du propriétaire d'une usine cOllstruite sur \lU ruisseau déjà prolongé à \lne distance
plus o~ moins longue, et qui, pour la faù'e rouler, a acquis le cours d'eau
4e la part du propriétaire de la source? IV, 346.
Des ouvrages qui peuvent être faits dans les ruiueau:z: par les propriétaires
riverains, IV, 31.8.-Voy. encore Riverains. - De la cessiou du droit d'irr.igation faite aux propriétaires inférieurs par le propriétaire d'un fonds supérirur dans lequel une source prend naissance; -des effets de cette cession,
IV, 228 et suiv. - Voy. encore Sources. - Voy. Servitude de passage des
eaux. - Des contestations qui peuvent s'élever entre les propriétaires de
fonds inférieurs à celui où existe une source, et ceux de fonds plus éloil:nés, relativement aux prises d'eau d'irrigation, IV, 252,253 et suiv. (note).
- Les propriétaires riverains de la voie publique peuvent-ils faire dériver
les eaux pluviales qui y coulent, pour l'irrigation de leurs héritages? IV,
I70. - Peuvent-ils, en pratiquant le fait de cette dérivation, acquérir, par
prescripti?n, des droits à l'exclusion l'un de l'autre? Ibid. et I77. -Voyez
encore Eaux pluvil'tles. - Les riverains peuvent-ils pratiquer des prises
d'eau d'irrigation dans les lal/s, étaugs et réservoirs particuliers? IV, 323.
-Le droit de prise d'eau d'irrigation s'éteint-il par la prescription résultant
du non-usage pendant trente ans? III, 474,475.
DE LA. COl\lPÉ'l'ENCE. DES AUTORITÉS Q.UI PEUVENT ÊTRE APPELÉES A STATUER
SUR LES DIFFICULTÉS TOUCJIANT AUX RUISSEAUX OU COURS
n'uu
n'IRRIGA'l'lON,
IV, 436•
. Dit pouvoir réglementaire appartenant à l'administration, en ce qui.touche aux cours d'eau en général, et spécialement à ceux d'irrigation naturelie, IV, 437' - Du principe d'olt dérive ce pouvoir, Ibid. - Des personnes qui en sont revêtues, IV, 439,
.
De la compétence des préfets en cette matière, Ibid.
De la compétence du ministre de l'intérieur en cette matière, IV, 41.I.
De la compétence du conseil du Roi sur le même objet, IV, 44I. - Dn
but auquel doit tendre l'administration dans ses réglements sur cette matière, IV, 442. -Elle ne doit statuer que dans l'intérêt général et collectif:
...:... conséquences importantes qui en résultent, IV, 442. - Les arrêtés régi entaires des préfets et ministres ne peuvent être attaqués qne par voie
de supplique, et non par celle du contentieux, IV, 443. - Il en est de
même des ordonnances de concession d'usines. Ibid. - On ne peut
\or~ l'administmtion à donner un l'r.glcment sut l'uslIge d'uI;I DOUrs.
�'780
d'ean, IV, H~ Ci.
TAnu, ANALYTIQUJi.
Dans les règlemeuts qu'elle ~rte, l'aUlninistmtion est toujours çcnsée agir d'office, IV, 44-1-. - Ces reglements produisent un même elfet, soit SUI' ceux qui les auraient sollicités, soit SUI' ceux
même qui s'y seraient opposés, IV, 445, - Commeutl'action réglementaire
de l'administration s'applique à la direction des eaux, Ibid. - Ses attl'ibutions se bornent à la disposition matérielle des lieux et à la distribution des.
eaux dans l'intérêt général de la contrée, Ibid. et suiv. - Mais elle devient
étrangère aux débats entre particuliers sur l'exécution de ses réglements,
IV, 44-7. - Des bases sur lesquelles doit être foudé le réglement distributif
des eaux, IV, 448 et suiv. - La distribution doit être faite en général dans
la proportion de l'étendue des héritages, Ibid. - Des cas où il peut être
nécessaire de s'écarter de cette règle, Ibid. - Si le cours d'eau naturel est
peu abondant, doit-il être laissé en entier à la discrétion des propriétaires
6upérieurs? ou l'administration a-t-elle toujours le droit de leur imposer
l'obligation d'en laisser une certaine quantité aux propriétaires ÎJlférieurs?
IV, 450 et suiv.
De la compétence des conseib de préfecture en/ait de cours d'eau en général, et spécialement en ce qui touche à ceux d'irrigation, IV, 453.- Pour
les faits de contraventions aux réglements sur l'usage des cours d'eau, cette
compétence se borne à celles commises sur les rivières navigables; - cas
particulier d'exception, IV, 455. - Les conseils de préfecture conn!l-issent
des difficultés relatives à l'exécution des travaux ordonnés pour la distribution générale des eaux, IV, 456. - Ils statuent sur les réclamat~ons en surtaxe l'OUI' les dépenses relatives à ces travaux, Ibid. - Hypothèses diverses
c1'application de cette compétence, IV, 457, l,58,
De la compétence des tribunallX de police correctiol)nelle en fait de cours
d'eau, IV, 459. - Des délits de pêche, Ibid. - Du fait d'avoir inondé
l'héritage voisin ou de lui llvoir transmis les ea.ux d'une manière nuisibl!: ,
ibid. - Des jets de matéria,ux QU immondices produisant encombrement
du cours d'eau, Ibid.
De la compétence des juges civils en ce qui concerne les cours d'eall Cil
général, et spécialement ceux d'irrigation, IV, 460. - Des actions possessoires en fait de cours d'eau, Ibid. - Voy. encore Possessoire. - Des.
actions pétitoires sur le même <,bjet, IV. 468, - Voy. encore Pétitoire.Des différences les plus essentielles à remarquer entre l'action adminislrative et l'action judiciaire, en ce qui touche aux réglements des cours d'eau
d'irrigation, IV, 494. - L'administration, en établissant un réglement géuéral d'irrigation pour un cours d'eau, pent-elle déroger en tout ou en partie aux droits résultant de jugements antérieurs rendus pal' les tribunaux?
IV, 514, - Qltid si les parties litigantes m'aient elIes~mêmes, d'un commun
accord, réglé leurs droits. d'il'l:igatiou? IV, 515.- L'administration doit-elle
surseoir à une opération réglementaire sur un cours d'eau d'irrigation jusqu'il
ce qn'il ait été ~tatuè en justice ordinaire snI' le mérite de conventions particulières entre riverains? IV, 516. - Lorsque, par un règlement administratif, l'un des riverains se trouve privé du droit qu'il avait acquis de la
part d'nn. autre, lui est-il dû une indemnité? IV, 520. - En cas de contestations particulières sur l'usage des petits cours d'eau, les tribunaux doivent-ils ou peuvent-ils surseoir JUSlju'à ce que l'admini.itration ait donné lin
réglement général sur les cours d'eau dont il s'agit? IV, 522.
OIIlV.
DES CANAUX. ARTIFICIELLEMENT CONSTRUITS POUR L'IRRIGATION DEa TERRES,
IV, 533. - Voy. encore Canaux d'irrigation.
IRRIGATION (de la sel'Yitude de passag. des eauaJ poltr l').
§ 1" Historique et législation.
Historique, IV, 383. - Législation étrangère, IV, 365., 384, ,.,.. Loi.du"
29 avril 1845, IV, 363. - Critique, IV, 364,
�TAnl.i3 ANAÜ'TIQlJB.
781
Objet et nature de cette servitude.
l' C'est en faveur de l'agriculture qu'elle li. été établic, 1"\1, 361. - Conséqueuces qui en résulteut, Ibid. et suiv. - Elle ne constitue qu'un simple
droit de passage pour les eaux, IY, 366. - C'est là son uuique but, IV;
379. - La loi du 29 avril, qui a créé cette servitude, n'a rien innové sur
ce qui concerne la jouissance et la police des eaux, IV, 366, 507 et suiv.
(note). - Elle n'a pas dérogé aux principes du Code civil sur le droit de
prise d'eau, IV, 367.
2° Certaines législations ont consacré le droit de passage des eaux à titre
de simple servitude, d'autres ont exigé l'expropriation du sol, IV, 384. R~amen et discussion de ces deux systèmes ~ la chambre des députés.Adoption du premier, Ibid. et suiv. - Le système d'expropriation eùt éttJ
plus rationnel et plus en harmonie avec notre droit public, IV, 386 etsuiv.
- La sel'\~tude de passage des eaux est une servitude analogue à celle de
l'article 682 du Code ~iviI. ~ Ces deux servitudes sont réelles et légales,
IV , 379, 380; - ayant des points de ressemblance et de dissemblance,
Ibid. - Le droit de passage des eaux pour l'irrigation, ne constituant qu'une
ser,-itude, conséquences qui en résultent contre la présomption de propriété,
d'un canal artificiel, admise par la jurisprudence en faveur du coustructeur, IV, 39I. - Législation anglaise et sarde sur cette question,
Ibid.
§ 3. Quelles sont les eaux dont on peut réclamer le passage.
Les eau:'\. naturelles ou artificielles sur lesqlielles on a un droit absolu j
IV, 369, 370. - Celles dont on est concessionnaire, Ibid. - Quid à l'égard de celles dont on n'est qu'usager? ~ Discussion, Ibid. etsuiv. - Quit!
du cas où les eaux dont on a l'usage ont été aménagées? IV, 373. - Le
propriétaire d'une seule des rives d'un ruisseau ne peut appuyer uu barrage
sur le fonds opposé, afin d'élever le niveau des eaux et en faciliter le déversement dans un aqueduc de dérivation, IV, 382.
§ 4. Des personnes qui peuvent demander le passage des eaux et des
propriétés en faveur desquelles ilpeut être demandé.
1° Le propriétaire, IV, 365. L'usufruitier, l'empbytéote, IV, 366.Quid du fermier? Ibid.
2" Le passage peut être demandé pour toute espèce de proprièté que l'on
a intérèt à irriguer, 1"\1, 368.
§ 5. Des personnes auxquelles le passage peut être imposé, et des fonds
.
sur lesquels il peut être exercé.
1° Cette servitude peut être imposée à tout propriétaire, iv, 392. A
l'Etat, aux départements, aux établissements publics, IV, 392. - Aux mineUfS, aux interdits, aux femmes mariées, aux possesseurs de majorats,
Ibid. - Fonctions du ministère public danscesderuiers cas. IV, 393. - Si
une grande route, un canal de navigation ou un chemin de fer se trouve
entre le cours ou réservoir d'ean et la propriété que l'on vent irriguer, le
propriétaire peut-il traduire l'Etat devant le tribunal civil pour le faire COlldamner à lui livrer passage? IV, 395 et sniv. - Quid s'il s'agit du cas olt l,~
canal devrait traverser un chemin vicinal? IV, 402. - Quid s'il s'agit d'un
bois? IV, 393.
2° La servitude peut ~tre exercée sur toute espèce d'héritage, sauf l'exception prévue par le § <l,art. xe. de la loi du 29 avril x845, IV, 390'
§ 6, Des/onds qui ne peuvent en être grevés.
Sout exemptés de la servitude d'aqueduc les maisons, cours,jardins, parcs
et enclos attenant aux habitafions, IV, 36t,. - Dispositions analogues relaliwment à la vaine pâture, au han ae \'endange!, 31II mines, aux bois, à
§
2.
�782
TADLE ANALYTIQUE.
la chasse, IV, 4[8 et suiv. - Combinaison des principes relatifs à ces dispositions avec ceux relatifs à la servitude d'aqueduc, Ibid. - Que doit-ou
entendre par maison? IV, 420. - Un bois ne peut être réputé parc qu'autant qu'il est l'accessoire d'une maison, IV, 421. - Les cours et jardim
attenant aux habitations doivent-ils être clos pour Jouir de l'exemption, IV,
42<' - Qu'entend-on par enclos et clôture? IV, t,22, 423. - Quid du
cas où la propriété à irrigùer est située dans un enclos renfermant d'autres
propriétés appartenant à plusieurs personnes? IV, 4'> 3.
§ 7. Formalités à accomplirpour l'établissement de cette serpitude.
La demande doit être portée devant les tribunaux civili dans le ressort desquels les immeubles sont situés, qui peuvent accorder ou refuser
la concession, IV, 366, 4g7 (note). - Ils statuent sur toutes les contestations auxquelles peut donner lieu l'établissement de la servitude, IV, t,go
(note). - Ils ont toute latitude à cet égard, IV, 374. - Observation de
M. Pascalis à la chambre des députés, Ibid. - Examen auquel les tribunaux doivent se livrer avant d'accorder le droit de passage, LV, 37t" 375
et suiv. - Ils doivent concilier l'intérêt de l'opération avec le respect dû à
la propriété, IV, 497 (note). - Ils fIxent le parcours de la conduite d'eau;
IV, 4g2 (note) ..... Et déterminent ses dimensions et sa forme, Ibid.-Ce pouvoir accordé aux tribunaux est en dehors de leu)'s attributions ordinaires,
IV, 376, 377.-Limites dans lesquelles on voulait le restreindre, IV, t'99
( note). -Il échappe à la censure de la Cour de cassation, IV, 376,377'Il diffère de celui qui leur est accordé par l'article 645 du Code "civil, IV,
377. - Différence du ponvoirjudiciaire en général et de l'autorité administrative, IV, 378. - Conséquences qni en résultent, Ibid. et suiv.
Ces affaÎl es sont instruites et jugées èOmme en matière sommaire, IV,
4go, 500 (note). - Ce qne l'on doit entendre par les mots sommairement
ét matière sommaire, IV, 501 (note). - Critique de cette procédure, IV l
502 (note). - Procédure espagnole, IV, 500 (note'). - Les juges peuvent
ne nommer qù'un expert s'il y a lieu à expertise, IV, 4go (note). - Ils
peuvent même n'en pas nommer s'ils se trouvent suffisamment renseignés,
IV, 507 (note). - Ces causes sont soumises au préliminaire de conciliation,
IV, 503 (note). - Sont-eHes susceptibles d'appel? Ibid. - Qui doit
supporter les dépens de l'instance? IV, 504 (note). - Si la servitude a
été établie par un traité, les difficultés qui s'élhent snI' l'exécution de ce
traité sont jugées comme en matière ordinaire, IV, 4g1 (note).
S'il s'agit de traverser des bois soumis au régime forestier, on doit s'a-'
dresser à l'Etat, aux eommunes et aux étalllissements propriétaires, sans
observer le.. formalités prescrites par les articles 170 et '75 de l'ordonnance
du 1" août 1827, IV, 3g3. - Qrûd lorsqu'il faut traverser une route ou
1.111 chemin vicinal? IV, 3g5 et 402. - Les articles 15, 16 et suiv., 39 de
la loi du 3 mai 1841 ne sont pas applicables à celte matière, IV, 414.....
I.e propriétaire contre leqnell'aclion est intentée n'est pas telln de faire
connaître les autres ayant-droit. - C'est au demandeur à rechercher les
}lossesseurs de droits réels afin de diriger son action contre eux, IV, 4 l 5.
- Comment le tribunal doit-il statuer 'quand tons les ayant-droit sont en
cause? Ibid. - Lorsque le fonds assujetti à la servitude d'aqueduc est hypothéqué, le demandeur doit-il assigner tous les créanciers? IV, 416. Peut-il faire la purge? Ibid. ~~ De l'établissement des servitudes en général
sur nn fonds hypothéqué, Ibid. et suiv.
§ 8. De la maniFre dont les eau,x pouvent être amenées.
On ne peut faire passer les eaux par un canal déjà établi, IV, 394.- Mais
on peut faire un canal dessus ou dessous un canal préexistant en prenant
'Certaines précautions pour que le nouyeau ne nuise pas à l'ancien. - Dis-
�TABLB ANALYTIQUE.
'83
tance qu'il faut laisser entre deux canaux, IV, 395.-Quid du cas où le propriétaire du fonds servant établirait un canal plus profond que celui d'in;·
gation et dans lequel se renclraient les eaux dérivées? IV, 393.
§ 9. De leur écoulement après l'irrigation.
Les propriétaires inférieurs Sont obligés de reeevoir les eaux provenant
'de l'irrigation, IV, 426, 427, 42S.- Nature de ceUe servitude, IV, t,2S.
- De sa différence avec celle mentionnée dans l'article 640 du Code civil,
Ibid. - De la manière dont les eaux doivent être reçues par les fonds iuférieurs , Ibid. et 496 (note). - Le propriétaire riverain qui ne peut rendre leS eaux à la rivière, après l'irrigation, peut-il demander leur écoulement sur les héritages voisins PIV, t,30. - Si les fonds voisins ne pouvaient
ên-e débarras~és des eaux de colature, pourrait-on, moyenuant indemnité, le
forcer à les recevoir? IV 434. - Le propriétaire inférieur peut 6e senir
des eaux qu'il reçoit, IV, 432. - Voy_ Passage des eaux en cas d'enclave.
§ 10. Indemnité résultant de la servitude de passage des eaux.
1° De l'indemnité à accorder au propriétaire par lefonds duquel arrivent les eaux. - Elle est fixée par le. tribunaux, IV, 194. - Elle doit
consister en argent, IV, 403. -- l'eut-elle être réglée en rentes ou annuités? IV, 40S. - Ce mode de réglemeut e.t-il également admissible? IV,
407 et suiv. - L'indemnité doit être juste et préalable, IV, t,03, t,07.Ce qu'on entend par les mots juste et préa!able, IV, 407, 4oS. - C'est en
raison du préjudice causé au fonds servant, et non en considération de l'avantage procuré au fonds dominant, que l'indemnité doit être fixée, IV;
407.- Elle s'étend à tous les préjudices qu'entraîne l'établissement de la
'servitude, Il-id. - L'indemnité pent n'être qu'éventuelle et résulter soit des
nouveam~ travaux, IV, 4II, - soit des inondations ou des infiltrations
qui peuvent avoir lieu par suite du passage des eaux, IV, 412. -Le droit
appartenant au propriétaire du fond, servant de demander le passage par
un aun-e endroit des eaux destinées à l'irrigation peut produire une indemnité événtuelle consistant en fait plutôt qu'en argent, IV, 413. - A
qui l'indemnité doit-elle être attribuée? IV, 413, 494.
2° De l'indemnitdà accorder àu propriétaire inferieur, IV, 431,1,34.
- Elle est laissée à l'appréciation de tribunaux, IV, 41I et suiv. - S'il
Yavait avantagl' pour le propriétaire inférieur à recevoir les eaux, auraitil droit à une indemnité1 IV, 432 et suiv.- Voy. Passage des eaux en
cas d'enclave.
J.
JEI'S. Des jets de pierres, corps durs et immondices contre les maisons,
dans les jardins, enclos, et contre les personnes, l, 6n, 63 r, Ihid.
(note), 63{,. - Des jets d'ordures, immondices ou matériaux, dans les rivières navigables, lU, 20,156,_157 (note). - Du refus d'obtempérer
aux ordres de la police tendant à l'enlèvement de dépôts d'ordures ou matériaux sur les bord. et quais des rivières navigables, lU, 21 , 156.
JOUISSANCE. Droit du locataire privé de la jouissance de la chose
louée. - Voy. Afignement(§ 6, eflets à Ngard des locatairu).
JOURS. Le droit de prendre des jours SUI' les rues et places publiques
appartient-il aux particuliers à titre de servitude? l, 509, 510. - Voy.
Rues; Places publiques; Avancement; Reculement; Servitudes.
JOURNÉE DE TMVAIL - Quid? II, 56. - La prestation peut
s'élever jusqu'à trois journées, II, 55. - La journée est comptée aux corvéables malades, II, 56. - ConiIIlent doit-elle être comptée quand il y a
travail du maître avec emploi de sa voiture et de son cheval? Il, 66.Une vartie des journées de travail, dues par les habitants, est affectéé il
l'entretien des chemins de grande communication, II, ro3.
�'78·i
TABLE AMLYTIQUE'
ruOEMENTS. Des Jugements en général; garantie qu'ils jfuisent jlln~
la loi; lorsqu'ils sont passés en force de chose jngée, ils ont toulC l'autorité
'd'une loi spéciale, l, I03. - Des jngements de. conseils de lwéfecture,
.procédure à 6uine pour les provoquer; leur signification, leur exécution.
195 et suiv, - Par quelle autorité'ils pcuvent être réformés, l, ~03.
Jugement d'expropriation et notifications, Il, 24x et suiv.
JUGES. Par qui les juges sont nommés; - sont institués à vie et inamovibles; en conséquence ils ne peuvent être destitués que par suite d'un
jngement pour cause de forfaiture; l'inamovibilité n'a néanmoins pas lien
pour les juges de paix et les juges de commerce; peines de discipline auxquelles sont sonmis les juges; par quelle autorité et comment ils peuvent
être suspendus de leurs fonctions. Dans quels cas et avec quelles formalités
peut-on exercer tontre eux la prise à partie? l, 9, I02. •
JUGES DE PAIX. Sont sous la surveillance es tribunaux d'arrondissement, l, 102. - Sont amovibles, l, 99. - Leurs attributions comme
juges en simple police, l, 607 (note ). - De leur compétence en matièrc
de possessoire sur les cours d'ean , IV , 460 et suiv.
Fixation d'indemnités. - En cas de l'élargissement d'un chemin "icinal,
les jug€S de paix sont compétents pour la fixation de l'indemnité, Il, x59,
388. - Ils sont seuls compétents pour fixer l'indemnité quand le tribunal
civil a prononcé sur la question de propriété, II, x61. - Leur juridiction
est prorogée pour ceuefixation, à raison des portions de telTainréunies à un
chemin, II, ·X62. -Leur décision sera, en premier ressort, ou souveraine,
selon la nature ou le chiffre de la demande, et non celui de la condamnation, II, x60, x6!,. - Le juge de 'paix, chargé de fixer l'indemnité, n'est
pas lié par le rapport des experts, II, x69' - Sa compétence cesse en cas
d'incident SUI' des questions étrangères au réglement de l'indemnité, Il, x73.
- Ils sont chargés de régler, sur le rapport d'experts, l'indemnité,à la charge
de la commune pour alignement de voirie vicinale, II, 770 et suiv. Voy. Prescription.
Directeurs du jur.r. -Ils peuvent être nommés par le tribunal présidents
du jury d'expropriation, quoique les biens soient situés dans divers cantons;
II, 227. - Le procès-verbal de délibération du jury doit être dép('sé aù
greffe du tribunal, lors même que le directeur du jury cst un juge de l)aix,
II, 229.
,
.
,
Possessoire. - Ils connaissent au possessoire de l'existence des servitudes
menacées par l'exécution de l'alignement, n, 678 , 809. - Voy. Posses"
soire.
Bornage. - Leur compétence en matière de bornage, II,784 à 788.
Compétence civile; - de police. - Résumé de leur compéteuce civile
en matière de petite voÎrie, II, 870. -Et de leUI'compéteuce comme juges
de police municipale, II, 896. - Voy. Alignement (§ 8; trihunaux d.
simple police J. - Police des chemins. -Réglement rlwnicipal.
JUGES DES MAITRISES. Quels sont les fonctionnaires dont les attri·
butions remplacent aujourd'hui les leurs? III, x60, x66.-Voy., Trihunaux
des maitrises.
JUnlDICTIONS. Sont fondées sllr l'institution des territoires, II, 458,
- Voy. Territoire; Compétence. ~ De la juridiction administrative. _
Voy. Trihunaux administratifs.
JURY D'EXPROPRIATION. Résumé de sa compétence et de ses attributions en matière de petite voirie ,II, 885. -En matière d'expropriation,
II, 250 à 26x, 225 à 229. -- Voy. Expropriation •.- Voy. Alignement
(§ 6. indemnité, mode de fixation).
.
JUSllCE DE PAIX. Formation et modificatiollS de lcur ressort ou juridiction. - Voy. Ten-itoire et Pbrtvoirlég;slatif.
�78u
L.
LAC. Ce que c'est, III, 9; IV, 577. - On en distingue quatre sortes,
IV, 577 (note). -Le droit d'alluvion n'a pas lieu sUl'leurs rives, IV, 580.
- Des lacs qui appartiennent au domaine public, III, II; IV, 577, 580.
- La pêche en appartient à l'Etat, Ibid. - La navigation en appartient à
tous, Ibid. - Les riverains peuvent y faire toutes prises d'eall qui ne nuisent point à cette navigation, Ibid. - Des lacs qui appartiennent au domaine privé, IV, 581. - Les proprietaires peuvent les dessécher en tout
ou en partie, sans l'emploi des formes voulues pour les desséchements de
marais, Ibid. - On ne peul faire de prises d'eau sur les lacs particuliers,
IV, 323, 582. - Le droit de pêche en appartient ellOclusivement au propriétaire, Ibid, -La navi~ation ne peut y ètre exercée qu'en cas d'enclave
. ou de "Servitnde acquise, Ibid. - Ils sont des fonds imposables; sur quelles
hases doit-on en établi!' le revenu? IV, 583. - Les barques qui y sont placées pour le service de la pèche sont immeubles -par destination, Ibid. La chasse y est permise en tout temps, IV, 585.
LAIS ET RELAIS. Des lais et relais de la mer; dans quel genre de
choses ils doivent être rangés, l, 19. ~ En quoi ils consistent, et à quel
domaine ils appartiennent, l, 248; III, 32 et suiv. - Les particuliers ne
peuvent y faire aucune construction 1 aucun ouvrage portant préjudice'Ù la
navigation, III, 34. - Différences entre l'esprit de la lcii romaine et celui
de la loi française relati\"ement aux lais et relais de la mer ,Jbid. - Les
particuliers ne peuvent faire d'excavations sur les rivages de la mer ni 8n
enlever les sables ou galets; lei propriétaires riverains ont, aussi bien que
'le gouvernement, action pour mettre obstacle à ces fouilles et enlèvements,
III, 37 et suiv. - Les contraventions commises sur hi matériel des lais et
'relais de la mer ne doivent être portées qu'à la connaissance des trihunaux
ordinaires ,; III, 39. - l,es héritages riverains des lais et relais de la mer
ne sont :point soumis à 1a servilude de chemin de halage, III , 39. - Mais
ils sont soumis à d'autres servitudes qui peuvent réiulter des circonstances,
Ibid. et 40. - A mesure que les lais et relais sont abandonnés par les marées, ils deviennent aliénables et preseriptibles, III, 4I. - Des règles
spéciales atD(quelles est soumise cetti' aliénaLion, Ibid. - Des relais formés le long des rivières; ils appartiennent par droit d'alluvion aux propriétaires de la rive découverte, IV, 93, 94. - Des lais et relais d'un étang.
En quoi ils consistent. Peuvent-ils donner lieu à la possession et à la prescription? IV, 59 r.
LARGEUR DES CHEMINS, II , 18. - Elle n'est limitée à 6 mètres
qu'en cas de l'élargissement d'un chemin préexistant, II. 189' - Sont
présumés dépendance des chemins, les terrains laissés en dehors des clôtures
des propriétés riveraines, II, r 91. - Le préfet fu(e la largeur des chemins
de grande communication, II • 98. - Le réglement général du préfet ne
peut fixer qu'un maximum de largeur des chemins vicinaux, JI, 434. La largeur de cbaque chemin est l'objet d'Ilne fixation spéciale, II , 1,35.Ce second arrêté est le seul titre des communes soit pour exproprier les
terrains nécessaires à la largeur des chemins, soit l'OUI' prouver cette largeur en cas de contestation, II, 435.-Le réglement doit 11xer la largeur des
fossés ou t.1lusetdes emplacements destinés au dépôt des matériaux, II, 436.
LAVOIR, II, 357.-VOY. Serpitudes.
LÉGISLATION sur l'aliénation des biens communaux, II, 238.
Unité de la législat,'on. Inconvénients des réglements partiels, II , 4I 13
à 422. - Inconvénient du l'envoi habituel des lois nouvelles aux lois anciennes, II, 693 et suiv.
roM.~
M
�786
'rAllLE ANALYTIQUE.
Caractères d'une bonne législation. - Elle doit être apl'ropriêe au)'.
mœurs, aux habitudes, à la civilisation, etc. , de la nation, II, 1,69,
A~wmalies de la législation. - Exemples: Il, 164, 77I , 84!), 856.
LEGISLATU;RE-- Voy. Po/wail' législatif.
LÉGITIMITE. Elle résulte de tout contrat social régulièrement formé;
de toute espèce de gouvernement une fois adopté expressément ou tacitement, l, 53. - Les injonctions seIlles contraires au droit naturel absolu ne
sont point obligatoires, Ibid. - C'est le possessoire, quand il a cessé d'être
combattu, qui devient la source de toutes les légitimités, l, 55. - Voy.
encore Contrat social; Association politique.
LIBERTÉ. Toute question relative à la liberté de l'homme et à ses droifs
civils et politiques est exclusivement de la compétence des tribunaux ordinaires, l, 181, 182. - Nul ne peut engager indéfiniment sa liberté, l, 14.
LIEUX SAINTS. Des crimes et délits commis dans les lieux saints, Il
1,68.
LIMITES, TERRITORtALES. - Voy. Territoires.
LISTES ELECTORALES. J,a composition des listes électorales n'appartient qu'à l'administration active; mais la question de capacité des électeurs
est renvoyée en justice ordinaire, l, 184. - Le préfet seul, en conseil cie
préfecture, est chargé de la formation des listes électorales pour la nomination des députés, comme de statuer sur les demandes d'inscriptions ot!
de radiations relatives à ces listes, l, 126......... Les réclamations formées coutre
les décisions du préfet, en cette matière, sont portées à la Cour royale;
mais cette action n'est:pas exercée par la voie de l'appel, 1,184. - Pour les
listes électorales municipales, c'est le préfet qui, en règle générale, est
chargé de statuer sur le recours auquel sont soumises les décisions des
maires, l, 126.
LIT DES RIVIÈRES. Le déplacement accidentel du cours d'une rivière
navigable ou flottable dégage l'ancien lit de son affectation à uu service public, et le rend aliénable et prescriptible, l, 269. - Le lit des rivières qui
ne sont ni navigables, ni flottables avec trains et radeaux, appartient-il ati
domaine public, ou est-il la propriété des riverains? Examen approfondi de
cette question, III, 284 et suiv., 363. :- Jurisprudence et autorités, III,
286; IV, 315 (notes). - Toutes contestations avec les riverains, sur la délimitation du lit des rivières ou relatives aux anticipations qu'ils pourraient
y avoir commises, sont de la compétence des tribunaux ordinaires, III ;
365. ~ Comment reconnaît-on la largeur d'une rivière, III, 73 (notc).Comment le lit des rivières se distingue et se délimite d'avec les fonds riverains, III, 71, 72; IV, 76. - Observations sllrchacun des côtés de la ligne
délimitative, III, 77.- Conséquences à déduire de la propriété des terrains
vagues, alternativement couverts et découverts ~ar les eaux, III, 78 et
suiv.
.
De [iélargissemênt et de la rectification du lit des petites ripières, III;
393. - L'administrotion publique peut ordonner l'enlèvement des îles nuisibles au libre cours des eaux, et l'élargissement dnlit des petites rivières,
partout-où l'utilité locale exige cette mesure, Ihid. - On doit suivre sur ce
point les règles tracées pour le curage des rivières.- Voy. Curage.-Doit~
on, et comment, pourvoir à l'indemnité des propriétaires dont on enlève
les îles, ou sur lesquels on recule le lit de la rivière? III, 394 et suiv. Les questions de propriété élevées pal' les riverains. relativement aux fonds
à enlever, ne peuvent être portées qu'en justice ordinaire, III, 396. - Elles
sont agitées contradictoirement avec le préfet et les propriétaires sur qui
devra tomber la charge d'indemnité, Ibid. - Ces contradicteurs sont ceux
-pour l'avantage desquels ont lieu les travaux, Ibid. - De l'abandon du lit
des rivières par la formation d'nn nouveau cours; l'ancien lit est attribué
comme indemnité aux propriétaires des fonds nouvellement occnpés, IV, 1 13 •
.
�TAIlLE ANALYTIQUE.
78'7
ibid. et suiv. (note). - Ancienne législation sur l'abandon du lit des ri\ières. - Question transitoire, IV, II3 et suiv. (note). - Des anticil,a.
tions commises dans le lit d~s rivières par les riverains. A quelle autorité
faut-il se plaindre de l'entreprise? IV, 83. - Voy. encore AntIcipations.
LOCATAIRE. En cas d'expropriation totale de la maison louée, indemnité due au locataire. II, 6go. - Si elle est partielle, droits du locataire,
soit à l'indemnité. soit aux réparations, soit à la résolution du bail, II,
69r à 6g4. - Droits du locataire an cas où le propriétaire a contraint l'ad.
"ministration à acquérir la totalité du fonds, II, 6g4 à 6g7.- En cas d'alignement, aucune indemnité n'est due au locataire par l'administration, II, 6g7.
- Le bailleur n'est tenu à aucune garantie pour l'impossibilité de réparer,
II, 697 à 700. - Droits du locataire en cas de diminution ou de privation
eomplète de jouissance , par suite de démolition volontaire, II, 700. - Id.
en cas de démolition forcée, soit totale, soit partielle, II, 702. - Id. en
cas de dommage causé au locataire par l'exécution de l'alignement sur unc
maison voisine, II, 704. - Nullité du bail fait au mépris du privilége accordé anx riverains d'acquérir les chemins déclassés, II, 3/,2 , 337. - L'amende de grande voirie s'applique aux locataires et aux fermiers, II, 532
à 535.
LOI AGRAIRE. J<:st contraire au droit naturel absolu; l'autorité souveTaine ne pent la promulguer sans se mettre en forfaiture, 1. r09.
LOI DU 2r MAI r836. Son analyse, II,8. - Ses imperfections, II,
9. - Ses avantages, II, g. - Différences entre cette loi et celle du 28 juillet
1824, II, II , 32, 36, 50, 55, 58, 7I, 72, 76, 82, 85, g3, r03, r24,
134. r35 et sniv., 158. - Insuffisance et injustice de ses dispositions snI'
le mode d'entretien des chemins vicinaux, II, 34. - Explication de ce
mode d'entretien, II, 35. - Vice de ses articles xxr, II, 4r6, et XXII, II,
793. - Dispositions des Ibis anciennes qui la complètent, II, 14 et suiv.,
79Ô. - Voy. Abrogation.
LOIS. Comment se créent les lois en France, l, 68 et suiv. - Observations particulières sur les lois qui établissent un impôt, 1, Ibid. - 1'1'0position. discussion, adoption et promulgation des lois, 1. Ibid. et suiv.Le roi ne peut, par ses ordonnances, abroger les lois du y déroger, '1, 7 l ,
79. - On ne peut modifier la loi, y ajouter, ou se dispenser de l'appliquer
sous prétexte d'erreur dans son texte, II, 166. - Imperfection et insuffisance des lois administratives signalées par le conseil d'Etat, II, 837. Voy. Législation.
1"OIS PÉNALES. Quelles sont les lois péuales particulières qu'on doit
regarder comme abrogées par le Code pénal, l, 641 et suiv.
LOIS POSITIVES. Leur origine, l, 1,6 à 52. - Elles n'obligent l'as
seulement 'par la 'force, mais par un lien de conscience, l , 52.
LUMIÈRE. Dans quel genre de choses elle doit être rangée, l, ro,
12,252.
M.
MAGISTRAT. Etymologie, définition, II, 857 (note).
MAGISTRA.TURE. Son origine, l, I,g. -Elle est incompatible avec le
pouvoir législ..tif, l, 6/,. Voy. encore Pouvoir judiciail·e.
MAIRES. Fonctions dont ils sont revêtus, nature de ces fonctions, l, r8g
(note). - Des arrêtés qu'ils peuvent prendre. Dans quels cas ces arrêtés
doivent être soumis aux préfets avant de devenir exécutoires,I, r90 (note).Obligation du dépôt à la préfecture, pendant un mois, des arrêtéslerma!lents, Ibid. -Difficulté de reconnaître les arrêtés permanents, Ibi .-Les
préfets peuvent-ils modifier les arrêtés des maires? Des objets de police
confiés à leur vigilance et à leur au torité; spécialement de la police réglementaire ou de prévoyance tonchant la petite voirie, l, 121" 524 et suiv.-
�788
T4.Bl.B ANALYTIQUE.
Leurs arrêtés sur ces objets sont exécutoires de plein droit, tant qu'ils n'oni
pas été attaqués par recours au préfet, 1, r88, 528, ibid. (note); Il, 945,
- Exceptions à cette règle, l, r88.-Mode de procéder pour faire approu~
ver ces arrêtés, pour y former opposition, ou poU\' les faire réformer; Ibid.
- Ils ne peuvent être déférés à la justice ordinaire, Ibid. - Ils sont obligatoires pour les tribunaux, 1,53 r .-Ils ne peuvent établir d'autres peines quA
celles qui sont décrétées par les lois, lbid.-En prohibant un fait par arrêté,
les maires rendent son auteur passible des conséquences dommageables même
arrivées par cas fortuit, II, 539. - Des mesures que peuvent prendre les
maires pour l'avantage de la voirie, eoce qui concerne les parcelles de com·
munaux ou placts vides laissées dans l'intérieur des villages, l, 497, 500.
-Attributions des maires comme juges de simple police, I. r92, 607 (note).
- Ils statuent en premier ressort sur les contraventious de voirie résultant
du chargement excessif des voitures, 1, 406 et suiv. - Mais le tribunal
correctionnel est seul compétent lorsqu'il s'agit de voitures publiques destinées principalement au transport des voyageurs, l, 4r4; 4r5 (nofe).- Les
maires et adjoints sont compétents pour constater par procès-verbaux les contraventions en matière de grande voirie, 1, 388. - Attributions des maires
relativement aux améliorations à opérer dans la viabilité des rues et places
publiques, l, 532 et suiv. - Des alignements à donner par eux pour l'ouverture ou l'élargissement de ces rues et places, l, 540. - Voy., pour les
développements, Poirie urhaine et Lllignements. - De leur compétence en
matière de chemins ruraux, II, 945 ct suiv. - Voy. encore Otemins ruraux. - Comment ils composent les l'oIes de répartition des dépenses publiques de voirie que les lois mettent à la charge des communes ou des habitants, l, 483. - Du pouvoir des maires en fait de procès des communes;
variations de nos lois nouvelles sur cet objet, II, 980, ihid. (note). -Ils sont
contradicteurs légitimes dans les procès relatifs 'aux fonds du domaine public situés dans leur ressort et dont la cbarge d'acquisition ou entretien pèse
sur les communes, l, 277 et suiv. - Ils sont de même contradicteurs légitimes dans toutes les actions réelles relatives aux bâtiments et accessoires
d'établissements publics, dépendant du domaine public municipal, l, 473,
474. - Si ces établissements sont sous la direction d'administrateurs ayant
qualité pour figurer au procès, les maires n'en sont pas moins recevables à
y intervenir, lbid.-Les maires sont contradictenrs légitimes pour les procès
. concernant les chemins vicinaux ordinaires, II, I7. - Dans certains cas,
même pour les chemins de grande communication, II, r8.-I1s ont action
pour réclamer les subvèntions pour dégradation aux chemins vicinaux, II,
r5r. - Délinance des alignements. Voy. Alignement, § 5.-Les maires
peuvent intenter, sans autorisation préalable, une action directe à fins civiles
pourfaire respecter l'alignement et demander la démolition, II, 5,3. - En
cas de contravention à l'alignement, les maires ne peuvent ordonner la démolition avant jugement. $BCrlS pour les maisons tombant en l'uine, II, 5 r rh
5 '9, -Office du maire dans l'exécution des jugements ordonnant la démolition, II, 523. - Les maires ne peuvent prendre d'arrêtés relatifs aux
chemins vicinaux que surIes points dont le préfet leur aurait délégué la surveillance par sou règlement général,II, 428; ou que pour la salubrité ou la
sécurité, II, 444. - Aux maires seuls appartient le droit de délivrer des
certificats constatant le dépôt à la mairie des pièces relatives à l'expropriation,
II, 23 r. - Résumé' des attributions des maires en matière de petite voirie,
II,839 à 843. - Voy. Réçlement municipal. -Les maires concentrent en
eux les pouvoirs réglementarre, d'officiers de police, de juges et d'administrateurs, II, 5r6. -Analyse de diverses lois spéciales donnant juridiction aux
maires dans certains cas, l, r93 (note).
MAISONS. Des maisons à construire ou réparer au joignant des routes,
chemins publics, rues et places publiques; formalit.e préalable de l'aligne-
�TÂBLE ANALYTIQUE.
789
lIlent; peilles en cas de contraventions.-Voy, Aligncments et Anticipations.
Voy. encore Edifices.
MAISONS COMMUNES. Ne font point partie du domaine public municipal, mais du domaine communal patrimonial, l, 475.
MAISONS DE CORRECTION. Leurs bâtiments et accessQires font partie
du domaiue public municipal, l, 47I. - Voy.,. pour les développements,
'lu mo~ Etablissements publics.
MAITRISES. Voy. Tribunaux des Maltrises.
MAJORITÉ. Voy: Age.
MALADIÈ:. La journée doit être comptée au prestataire qui tombe malade en exécutant sa tâche, Il, 56. - Voy. Infirmités.
MALLES-POSTE. Ne sont soumises qu'aux réglements de l'administration supérieure, et non à ceux des maires, II, 923.
MANDEMENT D'EXEQUATUR. Les arrêtés des conseils'de préfecture
doivent en être revêtus par le préfet, 1,392.
MANUFACTURES INSALUBRES. Voy. Salubrité publique.
MARAIS. Iles marais et de leur desséchement, IV, 598, 599 (note ).Ce qu'on entend par le mot Marais. et quels sont ceux auxquels s'appliquey.t
les dispositions de nos lois sllr cette matière, Ibid. - Des divers rapports.
salis lesquels les desséchements de marais intéressent immédiatement le bien
général de la société, IV, 601 , 632. - Comment les marais, quoique propriété particulière, ne sont point néanmoins entièrement à la disp.osition de
leurs maîtres, l, 152; III, ,,6, 357 et suiv.; IV, 149, 6II et suiv., 632.
- De l'ancienne législation sur les marais, IV, 620 et suiv., Ibid. et suiv.
(Ilote). - De la nouvelle législation, Ibid. et suiv. - Exposé des motifs de
la loi du 16 septembre 1807, IV, 622 (note). - Le but du législateur
de 1807 a-t-il été atteint? IV, 624 (note). - Le caractère propre de la
loi de 1807 est l'e:~propriation, IV,657 (note). - Le dessé'chement des
marais est s,Qumis à la surveillance et à la direction de l'administration des
pon~ et chaus~ées, 1,235. - De la manière dont ou doit agir pour deman-.
der la concession d'un desséchement de marais, IV, 626, 671 et suiv. Des instructions préalables à fournir an gouvernement en celte circonstance,
Ibid. - De la préférence accordée, pour les concessions, aux propriétaires
des marais, IV, 63,. - De la préférence à accorder entre divers entrepre\leurs concnrrents, Ibid. - Du mode de p\lblicilé de la demande nécessaire
pOlir faire naître celle c.oncurrence, IV, 632. - De la nature de l'acte de
concession, IY, 632. -.- Pourquoi les opérations de desséchemcnt de marais
ne peuvent avoir lieu qu'en vertu d'un acte de l'autorité publique, IV, 633.
- L'acte de concession produit un contrat synallagmatique entre les concessionnaires et le gouvernement, comme enlt'e les concessionnaires et les propriétaires de marais, IV, 634, 635. - La concession est aussi un coutrat
aléatoire, Ibid. - L'entrepreneur d'un desséchement est-il de plejn droit
obligé de {ouruir camion? Distiuction entre l'engagement relatif au desséchement lui-même et celui relatif à l'indemnité à fournir anx propriétaires
voisins, IV, 635 et suiv. - Des mesures qui, après l'açte de concession,
sent presçrites comme préparatoires ou préalables à l'exécution des tr.avaux,
IV, 638.
De la créatio,1I d'l(ne commission appelée à statuer sur divers genres, de.
difJicultés relatives à la matière, Ibid. - Organisation spéciale de cette
commi~sioll, IV, 64Q. ....,. Ses décisions sont attaquables par voie de recours
au conseil d'Etat, comité du contentieux, Ibid. - Sont-elles susceptibles
d'opposition ou d'appel? IV, t?4I (note). - S" compétence, IV, 646 et
suiv., 67". - Effets de ses jngements; ils opèrent l'h.ypothèque judiciaire,
JV, 641, Ibid. (1Iote). - Son président est cOI1lpétent l'our apposer le manqement d'exequatur, IV, 642, ibid. (note).
De t'établissement d'cm sYlldicat pOl/r représenter les proprietaires d~
�'190
TABLE ANALYTIQUE,
marais, IV, 642 à 645. - De la nomination d'experts et des attributions..
de ceux-ci, IV, 6f,5. - Du classement des diverses portions du marais à
dessécher, IV, 646. - De l'estimation de chacune des classes, IV, 61,S. -"
De la vérification des tm,'aux de desséchement, pour que l'entrepreneur
puisse faire procéder il la reconnaissance du montant de son indemnité, quand
il a terminé son entreprise, IV, 650. - Par qui et comment cette vérification doit-elle être faite, pour être complète et régulière, Ibid.
Des mesures prescrites après le desséchementpour parpenir à la réparti(ion de l'indemnité due aux entrepreneurs, IV, 65~L - Nouveau classement et calculs destinés à faire connaitre cette indemnité, Ibid. et suiv. Formation du rôle ou tableau de tous les propriétaires des fonds desséchés,
Ibid. - De la nature ~t des sûretés de l'indemnité due aul' entrepreneurs ,"
IV,655 et sniv. - IJases de la législation ancienne modifiées par la loi nou-'
velle, Ibid. - L'indemnité due l'al' les propriélaires est une charge réelle;
conséquences qui en résultent, IV, 658 et suiv.
Du pripilége accordé aux entrepreneurs ml' les marais desséchés; des effets et de l'étendue de ce privilége, IV, 662, ibid, (note). - Sa conservation est-elle subordonnée à un renonvellement périodique et décennal d'inscription? IV, 664.- Des cas exceptionnels où le desséchement de marais.
peut donner lieu à une expropriation des terrains à dessécher, IV, 665. Quelle est dans ces cas la forme de l'estimation des terrains expropriés, IV,
666, 685.
'
" .
,
De la naturepropre des canaux de desséchement, IV, 666. - Comment
ils sont établis; à qui ils appartiennent ainsi que leurs accessoires; sur qui
pèsent les charges de leur entretien; comment s'opère la répartition des imvenses, IV, 667, - Des canaux de desséchemfnt qui venvent servir en
même temps à la navigation intérieure; ils appartiennent néànmoins exclusivement au domaine privé; conséquences qui en résultent, IV, 668.
Des autorités compétentes pour statuer sur les débats touchant les m,arais
et leur dessJchement, IV, 671. - De la compétence du préfet, Ibid. - ,
De la compétence du syndicat, IV, 673. - De la compétence de la commission, IV, 674. - De la compétence du conseil de préfecture, III, 148 ;
IV, 682, 687. - De la compétence des tribunaux de police, IV, 685. De la compétence des. tribunaux civils, IV, 685. - Principe général d'après
leqllelles tribunaux civils sont exclusivement campétents pour statuer sur
les questions de propriété, et sur les actions en indemnité pour dommages,
J'ésultant de travaux exécutés dans un intérêt privé, IV, 685 ,686, 694 et
suiv. (note). - Les desséchements de marais s'exécutent aux frais et dans.
l'intérêt des propriétaires, et ies actions en indemnité pour dommages résultant des travaux ne peuvent être intentées que contre ces propriétaires:
ces actions sont néanmoins de la compétence exclusive du conseil de préfecture, et pourquoi, IV, 687, 688, - Mais dans le cas d'expropriation
des terrains qui doivent être occupés par les canaux de desséchement, les
tribunaux civils sont seuls compétents pour fixer l'indemnit.é il payer aux"
propriétaires, IV, 688 et suiv. - Il en est de même pour l'indemnité à
pàyer aux propriétaires d'usines dont les établissements doiveut être supprimés à raison d'un desséchement de marais, Ibid. - Il en est.de même dans
le cas 011 le gouvernement veut s'emparer du marais pour en opérer luimême le desséchement dans son intérêt, Ibid. - La loi du 8 mars 1810 a
rapporté, en ce qui concerne l'expropriation, la loi du 16 septembre 1807,
IV, 694 (note).
.
Des règles spécialement relatipes à l'aliénation des marais appartenant
à l'Etat, III, 41. - Chacun pent dessécher les marais qui Itli appartiennent, sans être responsable du préjudice qui peut résulter pOlir les propriétaires voisins par le retrait ou le rellux des eaux, IV, r 43 et suiv. - Mais
il ne faut pas que Ics 1~~''l\Ul pratiqués li Cet effet opèrent, au 1lI0yen de !a
�TABLB ANALYTIQUE,
791:
q.érivation des eaux, une dégradation matérielle à ces propriétés voisines"
Ibid. - Le propriétaire d'nn fonds supérieur poUl'rait-il, pour en dessécher
le marais, ouvrir, dans un terrain intermédiaire qui lui appartient, une
tranchée pour faire découler les eaux sur le fonds inférieur, malgré le propriétaire de ce dernier héritage? IV, 157. - Quid si ce propriétaire supérieur ayait obtenu du gouvernement la permission de faire dessécher son
marais? Ibid.
MARCHEPIED. Les îles des rivières navigahles sont-elles sujettes à la
s.ervitude légale d'amarrage ou de marchepied? III, II9 et suiv. - De la
nature et consistance du marchepied nécessaire au hord des rivières flottables,
nI, 213. - Est une servitude légale à raison de laquelle les propriétaires
riverains ne peuvent avoir droit à aucune indemnité, Ibid. - Est dû des
deux côtés de la rivière, III, 217. - Sa largeur, Ibid. - Du marchepied
dû pour l'exercice du floUage 'à bûches pel'dues, III, 661, - Voy. encore
Flotta/re.- Est-il dû une indemnité aux propriétaires riverains, à raison de
l'établissement du marchepied destiné au service du flottage? - Critique de
l'opinion de M. Proudhon parM. Dumay, III, 214' et ibid. (note).
MARCHÉS. L'établissemeut et la fixation des foires et marchés est ex-.
clusiyement de la compétence du pouvoir exécutif, l, 89. - Le POUYOil'
exécutif est seul compétent pour passer des marchés avec les entrepreneurs
de travaux publics, 1,167.- Des difficultés élevées entre les entrepreneurs
de travaux puhlics et l'administration concernant le sens ou l'exécution des
clauses de leurs marchés. A quels tribunaux doivent-elles être portées? Distinction entre les travaux à la charge de l'Etat et ceux à la charge des communes, l, 365 et suiv., 367 (note). - Voy. Entrepreneur.
MATÉRIAUX. Des fouilles ou extraclions de matériaux nécessaires à la
réparatiou des routes, chemins et autres trayaux publics. - Voy. Fouilles;
Extractiolls.- Des dépôts de matériaux sur la yoie publique et du défaut d'éclairage de ces dépôts. - Voy. Dépats et Eclairage, - Des enlèvements
de matériaux destinés il des ouvrages d'art sur les canaux ou rivières uavigables. A quelle autorité en appartient la répression? III, 16 1 ,162. - Voy.
encore Enlèvements de terre.
MAUVAISE DIRECTION. Des contraventions provenant de la mauvaise
directiou des yoitures. - Voy. Voitures.
MAXIMUM. Le maximum des centimes additionnels est déterminé aunuellement pal' la loi de finances, II, 131. - Le réglement général du pré-,
fet ne peut fixer qll'un maximum de largeur des chemins vicinaux, JI, 434,
-:- Ce maximum n'est limité à 6 mètres qu'en cas de l'élargissement g'un chemin préexistant, II, 189. - Voy. Contravention.
- MEMJIRES DES CHAMBRES. - Voy. Pairs et Députés.
MÉMOIRE. Celui qui, demanl1e une indemnité pour l'élargissement de
c,hemin doit présenter un mémoire, II, 168. - Toute action contre une
commune doit etre précédée d'un mémoire, II, 170. - Ce mémoire interrompt la prescription, II, 297. - Inconvénient de l'elfet interruptif indéfini
d'un simple mémoire, II, 300. - Mémoire qui pI'écède une action contre
l'Etat a aussi l'elfet interruptif, II, 849. - Seeùs contre les départements
il n'a qu'un elfet suspensif, Ibid.
MEil. Dans quel genre de choses elle doit être rangée, l, 10, 12 , 25~.
- Ce que c'est, et des diverses dénominations qu'elle reçoit, III, 6. - pe
la mer généralement considérée, III, 2g. - Le littoral maritime seul fait
partie du domaineJublic; la haute mer n'est pas susceptible d'une occupation exclusive, Ibi . - De ce qu'on nomme la mer territoriale d'une puis.,.
sance. Est un asile inviolable pour les hâtiments de la nation avec laquelle
cette puissance n'est point en guerre; conséquences de ce principe relativement aux prises maritimes, III, 3r, ibid. (note). - A quelle limite sont
fixés les bords de la mer, lIl, h. - Des lais et relais, III, Ibid.- Voyez
�79~
TABLE ANALYTTQUE,'
Lais. - Des dunes, III, 1,6. - Voy. Dunes. - Des servitudes auxquelle3,
sont)oumis les héritages riverains des lais et relais dt: la mer. Voy. Lais et
relais.
•
MESSAGERIES. Leur chargement au-delà des proportions fix.ées par la
loi est une contravention de voirie de la compétence du conseil de préfecturp.,
J, 406 à l, l 0, 4 l 5. - Peines contre cette contraventioll , Ibid. (note) • .....,
Des contraventions contre la sûreté des voitures publiques servant au trans-,
port des voyageurs. Voy. Diligences.
MESSE. Ne pent être célébrée que dans un lieu consacré par l'évêque, l,
46 7'
MESURES ADMINISTRATIVES. Le pouvoir exécutif est souverain
dans les mesures purement ad ministratives, l, 8~ .-Quelle voie est ouverte
contre elles aux particuliers qui en souffrent? Ibid. - Voy. encore Pouvoir.
exécutif.
MESURES SANITAIRES. Sont dans les attributions du pouvoir exécutif, l, 8r.
MINES. Compétence dn pouvoir exécutif en ce qui concernc.les mines,
J, 'gL. _ Leur exploitation est soumise àla surveillance de l'administration
des ponts et chauss.ées, l, 235.
MINISTÈRE PÙBLIC. Cette institntion n'exis.i~it pas chez les RomaiIls,
II, 526.
MINISTRES. Leur compétence pour la réformation des arrêtés de.
préfets, l, Ig4, 203. - Du pouvoir réglementaire du ministre de l'intérieur
en ce qui touche aux, cours d'eau en général} et spécialement à ceux d'irrigation naturelle; -de la nature de ses a,rréts, et comment on pel}t en obtenir
la réformation, IV, 44 1, 443. - Le ministre des finances est s~ns qualité
pour se pourvoir contre le rôle des prestations, II, 7o.-Le ministre de l'intérieur doit prononcer sur les difficultés relatives aux chemins qui intéressent
plnsieurs départements, Il, 89. - Résumé de la compétence et des attributions du ministre de l'intérieur en matière de petite mirie, II, 851,.
MINISTRES DU CULTE. Sont aS,sujettis à la prestation, II, 49.
MiNORITÉ. La prescription biennale des indemnités en fait de chemins
,icinaux C.st suspendue pendant la minorité, 11, 302.
MISE EN JUGEMENT. Voy. Autorisationpréalable.
MITOYENNE'IÉ. En cas d'avancement par alignement sur la voie puhlique, le mur mitoyell peut être prolongé de teute son épaisseur jusque sur
la façade, II, 1'79' - Eu cas de reculement, le mm mitoyen resté en saillie
doit être respecté en entier, sauf à infixer les pierres de la façade jusqu'à la
moitiéde"son épaisseur, II, 480.
MOEURS. Les actions contre les bonnes m(EUI'S ne sont pas dans le commerce; on ne peut dérogerparconvention aux lois qui les intéressent, l, 13.
MONARCHIE ABSOLUE. En quoi elle consiste; caractère et étendne
de l'autorité du monarque, l, 67.
MONALlCHIE CONSTITUTIONNELLE. Comment sont répartis les pouvoirs publicS:de la monarchie française. Voy. Domaine de .souveraineté.
MONUMENTS PUBLICS. La création d'aucun monument public ne peut
avoir lieu qu'en vertu d'uue loi spéciale ou d'un crédit ouvert à un chapitre
spécial du budget, l, 357,358 et 357 (note).
MOULINS. Voy. Usines.
MUR. Voy. mitoyenneté.
MURS. Des murs des places de guerre. - Ils appartiennent au domaine
public, l, 249. - Voy. Forteresses; Terrains mililaires.
N.
NATIONALITÉ. Les questions de nationalité 0\1 d'exlrallcité sont de l~
compéteIlce \lx,cl\1~ivl? des tribunaux ordinaires, l, 183.
�TABLE ANALYTIQUE.
793
NATIONS. Origine des nations et des divisions ou limites territoriales
"!!1i s'établirent entr.e elles, l, 46 et suiv.
NAUFRAGES. Les propriétaires de débris de naufrages ne doivent auI;une indemnité aux possesseurs des fonds sur lesquels il faut p'asser pour,
l~s recueillir, III, 40, 677 (note) •.
NAVIGABILITÉ. De la, déclaration de. na,vigabilité des rivières, III ••
363. - Voy. encore 1!ivière~ navigables.
NAVIGATION. Voy. Rivières naviga/lles et Callaux.
NETTOYAG-l'; des. rues.,- Voy. Balayage.
NIVELLEMENT. Les riverains sont obligésde supporter les tr;lvaux de;
nivellement de la vo.ie publique" II., 358. - Les plans d'alignement de1'1'aient lll'ésenter aussi les nivellements, l" 579;. II., 493. - Importance,
du nivellement des chemins, n,790,
.
NOMS DES RUES,II, 357.,716.
NOTAIRES. Quoique fonctionnail:es nommés,par le gouvernement, peuvent être PO\lrsuivis sa1!-s ,!utorisation préalable, 1, 94.
NOTIFICAI10N. -Du jugement d'expropriation, II, 243.-Et des.
autres pièces de la procédure, II,. 264. -I)e l'arrêté autorisant l'extraction de matrriaux, II , 286.
NOUVEL OEUVRE, De la responsabilité imposée en général à l'auteur
d'nn nouvel œU\T.e, en fait de constructions ou travanx qui peuvènt porter,
prejndice aux tiers, IV,.565 et suiv. - Faut-il faire une distinction entre
le cas où les travaux ont eté alltorisés, et celui où ils n'ont pas été autorises
par le gouvernement? IV, 573, - Voy. Dénonciation de nouvel œuvre.
NULLITÉ. Nullité de la vente ou du hail faits au mépris du privilége.
accordé aux riverains d'acheter les cbemins déclassés, II, 337, 342.Nullité des arrêtés incompétemment rendus par l'antorité municipale, II,
899 à 902. - Voy. Réglement municipal.
NUMÉROTAGE DES MAISONS. Est une servitude d'intérêt puLlic ,
II,357.' - Législation sur, cet objet, II, 716.,
'
o.
OCCUPATION. Du droit d'occupation et. de possession primitives consi~
dérées comme principes générateurs dn droit de propriété, r, 36, 5r.
OCCUl'ATION DE TERRAINS. - Voy. 'Extraction de matériaux.
OCTROI DE NAVIGATION. Ce que c'est, lU, 254. - Il n'a pas,
toujours été, comme aujourd'hui, un droit purement domanial; -les seigneurs s'en élaient emparés sous le régime féodal; - sa suppression à la
révolution de 1789; - dispositions des lois qni statuent définitivement sur
sa pm'ception au profit de l'Etat, lU, 255 et suiv.-Des tarifs des droits
de uavigation, et du mode de perceptiou de ces droits, Ibid. et 257. l,cs contestations auxquelles donue li~u la perception dcs droits sont dévolues aux couseils de préfecture, lbid. - L'octroi u'est dù exclnsivemcnt
qu'à raiSOll de l'nsage des rivières navigables et canaux, III, 258. - Sur
tous antres COIll'S d'eau, ceux qui s'eu servcnt pour lc transport d'objets
quelconques ne sont tenus qu'anx dommages causés aux fonds des riverains,
III, 259. --Tout parti~ulier ne peut néanmoins pas librement clablir des
cocbes ou voitures d'eau pour un service commun sur des rivières qui, quoiqlle non navigables, scraient en état de les supporter, Ill, Ibid. - L'usage
de la simple flottabilité, exercé sur une rivière navigable, doit-il être sujet
au paiement dc l'octroi comme celui de la navigation? Ill, 260. -Distinction entre le flottage avec trains ou radcaux, et le flottage à bùches perdues,
1 bid. - Contraventions résultant du fait d'avoir l'assé le hm'ean sans payer
l.'octroi, lIt, 262. -:- Contraventions résultant d'in5Ultes ou violences l(l\ver~,
�'794
T.A.Bl.ll ....:NALYTJQUE.
les préposés, Ibid. - Peines applicables à ces contraventions: elles sont prononcées pal' les conseils de préfecture, mais seulement en ce qui concerne.les amendes et dommages-intérêts publics, III, Ibid. et 263. - Les peines,
d'une autre natme, les dommages-intérêts privés, sont de la compétence·
de la justice ordinaire, Ibid. - Les questions élevées sur la nature des,
titres de cOncession d'octroi. ou de péage sont pareillement dévolues à la
justice ordinaire, III, 263. - Au profit de qui sont pel'Clus les droits sur ,
les canaux de desséchement qui peuvent en même temps.. servir à la navigation intérieme; - destination immédiate et particulière de ce produit,
IY, 668 et 669 (note).
'
ODEURS INSALU:eRES, Voy. Salubrité publique.
OEUVRE. Voy. Nouyel œuyre..
OFFICIERS DE LA MAITRISE. Leur9 attributions, III, 203, 204.
Quels sont les fonctionnaires dont les attributions remplacent aujoUl'-'
4'hui la leur? III, 153 et suiv. 166. - Voy. Tribunaux des maitrises.
OFFICES PUBLICS. Sont hors du commerce, l, 17.-Commellt ce-,
pendant cel'tains d'entre eux peuvent être cédés, l, 18.
. OFFICIERS DE L'ÉTAT CIVIL. Peuvent être poursuivis en cette qualité sans autorisation préalable, l, 94.
OFFRES. Faites par les particuliers et les communes pour l'entretien des.,
chemins de grande communication; en quoi elles doivent consister, par qui
elles peuvent être acceptées, de leur acceptation et de leur recouvrement,
11, 98, 99. - En matière d'expropriation, offres par l'administration des
sommes pOUl' indemnité, II, 251. - Offres réelles de l'indemnité avant la.
prise de possession, II, 26 I.
•
OMNIPOTENCE. Du Jury, son danger, II, 656.
OPÉRATIONS TOPOGRAPHIQUES. Ne peuvent être faites, sans le,
consentement de l'autorité militaire, sur les fonds particuliers à certaines
proximités des terrains militaires, l, t,45 et Ihid. (note).
OPPOSITION. De l'opposition aux décisions par défaut des tribunaux
aclministratifs; elle suit les règles ordinaires tracées par le Code de procédure civile, l , 199, 200. - L'opposition judiciaire n'est pas admise contre les mesures purement administratives, l, 82. - De l'opposition aux.
.
arrêtés des maires, l, 192.' '
. ORDONNANCES. Les ordonnances du roi ne peuvent ni abroger les lois,
ni y déroger, l, 7I; ni-flréer de pénalité, l, 78 (note·.-Quelle est la.
nature dès ordonnances rendues en matière l10n contentieuse; - elles ne
peuveIl.t être attaquées pal' des parties lésées que par voie de supplique ou.
opposition simple, III, l,Il,. - Voy. encore sur les matières qui peuvent
ou non être l'objet des ordonnances, et sur les limites de compétence qui
leur sdnt assignées, Pouyoir exécutif. - Des ordonnances de concessions..
- Voy. Concessions.
L'ORDONNANCE APPROllAT!VB DES PLANS D'ALIGNEMENT ne peut servir.
de base à l'expropriation des maisons en saillie, II, 648 (note), 729, 734,
- Doit défendre d'avancer sur un côté de la rue avant le reculement de
l'anlre côté, II, 478.
ORDONNANCE D'EXEQUATUR. C'cst le préfet, et non le président du tribunal, qui doit en revêtir les décisions dn conseil de préfecture,
l, 199.
ORDRE PUBUC. On ne peut pactiser sur des objets d'ordre public, lI,
9I8. - Lenr imprescriptibilité, II, 442, 912, 916.
'
O:{l.DURES. - Voy. Jets.
ORDRE PUBLIC. Les choses contraires à l'ordre public ne sont pas dans
le commerce, on ne peut déroger pat convention anx lois d'ordre publiQ.,.
l, 13.
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conseil d'arr., II,846.
conseilgénéJ'al, II, 852. cons. de:Préf'·., II,850, 85r,
856.
chambres législatives. (cop.seil d'état "II, 854..
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nommé.
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Maire, II, 83g, 8g8.
Sous-préfet, II,84 5.
Préfet, II, 846.
Le Roi et les ministres, II,854,856.
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Corps délibérant
élu.
Administrateur.
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criminels. • •
rO Conseil de préfecture, II, 859'
Conseil d'état, (comité dit contentÎ.eu,x), II, 868
rO Juges de paix, II, 870'
.'
2° Tribunaux de première instanc~. II, 87~.
judiciaires. • • •
3' Jurysd'expropriaLion, II, 885.
[,0 Cours royales (cham.bres eipiles) , II,886.
5° Cour de cassation (sections cipilesJ, Il, 88'7~
r" Conseils de préfecture, II, 888.
administratifs., •• [ 2° Conseil d'état, II, 888.
r" Tribunaux q.e police municipale, II, 89 6 •
2 ° TribunaUli'èorrectionnels, II, 928 •
judiciaires. . ',' . 2° bis. Cours royales (chambres correctionn.), II, 92 ,8.
3° Cours d'assises, II, g2g.
4° Cour de cassation (section criminelle)', II, 9 3'!.
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�'7-96
TABLE ANALYTIQUE.
'l[ertur6 d'une rue, l'administration peLJ~exproprier la totalité des bâtiments~
entamés, II, 68 l à 685. - L'ouverture d'une rue nouvelle sans autorisation,
est une contravention du ressort des tribunaux de police municipale, II,.
688. - On ne pourrait ouvrir une rue nouvelle par la voie indirecte de
l'aligneIljent, II, 685 à 688. - Le recours coutre l;arrêté du préfet qui
autoris.e l'ouverture d'nn chemin vicinal n'est pas suspp.usif, II , ",,,,6.
OUVRAGES AVANCÉS. De ceux que les propl'iétaires riverains des
petites rivières peuvent construire au bord de leurs fonds pour les l'l'olé.
gel' contre l'action des eaux, IV, 6 et suiv.
OUVRIERS ET MANOEUVRES. Où doivent·ils la prestation? II, 47.-.
Les ouvriers et entrepreneurs sont obligés de se pOUrvoir de l'autorisation
de bâti~ quand les arrêtésJ,,:ur en imposent l'obligation, II, 47x. -VoY' .
..1mend§..
P.
PACTE. On ne peut p'lctiser.sur les objets d'ordre public, II, gx8.,
PAIEMENT. Voy. Indemnit.!.
PAIRS. Commentpeuvent.ils être arrêtés el jugés? J, 6g.
PAPlER UBRE. Voy. Timbre.
.
PARAPETS. De la contravention de voirie résultant du renversement
des parapets des ponts servant au passage des grands chemins, l, 38x.
PARTAGE. Origine du partage des terres, 1, 46 et suiv. - Des partages
de biens communaux: ils ne peuvent être faits qu'en respectant les servi·
tudes légales nécessaires à l'exercice de la culture des fonds' privés riverains,
J, 5 xg. - Les difficultés élm'ées entre voisins après l'alignement donné,
pour le partage d!ls terrains retranchés de la voie publique, sont de la com• p'étence des tribunaux civils, II, t,82 à 48g. --:" D'après quelles hases doit·
s'opérer ce partage, II, 3 xg à 32 x,.
PASSAGE. 'loute servitude de passage sur le fonds. d'autrui renferme
comme accessoire le droit de fouille et. de prise de matériaux nécessaires
pour le rendre praticable, l, 337. -Les fonds riverain5 d?une route sont asservis il, un passage publicaussitot que cette route est impraticahle, l, 33 [.
- Origine de cette servitude, l, 332 (note ).- A quelle action peut donner
lieu le renversement d'une cloture pour se procurer ce passage, Ibid. et
334 (note). - Le passage qui se pratique, pour la communicatiou d'une
rue à l'autre, à travers la eour d'un bâtiment, fait-il partie du domain~ public municipal? l, t,go. - Quid des passages étabJis dans ou entre les mai~
sons, sans discontinuité de construction, et auxquels on fait prendre. jour par
I.e dessus pour éclairer les boutiques latérales? l, 4"9x. - Voy. 8eryitude.
PASSAGE DES EAUX. POUR CAUSE D'ENCLAVE (Servitude de).
Historique. - Légidation.. -Art. 3 de la loi du 29 avril x8t,5, IV, 600
et suiv. (,!ote) , 60t, (note ).- Opposition que cet article a rencontrée à l~
Chambre des députés, - motifs de son adoption, IV, 60x et suiv. (note),
604 (note), 6X2 (note). - Critique, IV, 608 et suiv. (note).
Objet et nature de la seryùude, IV, 6X2 (note). 1° FIle consiste dans le.
droit de faire passer les eaux à travers les propriétés inférieures pour leur.
procurer un écoulement, IV, 60/" 605 (note). - C'est uniquemeut en vue
de l'agriculture qu'elle a été créée, IV, 604 (note), 6x3 (note). - Il n'a
llas été dérogé aux dispositious des art. 640 et 64 x du Code. civil, IV, 6 x5.
(note ).
2° Le droit de passage des eaux ne constitue qu'une servitude réelle, IV,
604. - Il n'entraîne pas l'expropriation de la parcelle de terrain destinée
au passage des eaux, Ibid. et 367, 379 et suiv., t,28.
,,'as dans lesquels la seryitude peut être exercée, IV, 60x et suiv" 6x6
( notes). -On pellt se débarrasser des eaux provenant de fossés ou de ca-.
l;l.au,x destinés à l'assainiss~lJIenl d'uu territoire, IV, 6[5 (note). - 01' ne.
�TABLE ANALYTIQUE.
797
1-epôurra pas quand la submersion proviendra d'usines,IV, 6It, (note). 'Exception à ce principe, Ibid. - On ne le pourra pas quand les eaux proviend,'ont de canaux de mivigation dans les points oi. ils sont construits en
rcmblai, IV, 6r5 (note). - Quid si les eaux proviennent d'un puits artésien? IV, 6'7 (note) . .- Le passage peut-il être réclamé pour mettre à sec
un étang qu'on veut rendre à la culture? IV, 6r7.
Quels sont les propriétaires qui peltrent l'exercer? IV, 604 (note).
En faveur de quelles propriétés? IV, 604 et suiv.-Pour les terrains submergé~ en tout ou en partie, IV, 6rr, 6r8 (notes). - La loi du 29 anil
r845 ne limite pas J'étendue des terrains qu'on pourra débarrasser des eaux,
'IV, 606 (nbte).- Peut-on dire en conséquence qu'elle s'applique aux marais, et qu'elle a at1ribué aux tribunaux le pomoir qui était conféré à J'administration d'autoriser les desséchz'ments? 1V, 60? et suiv. (note). - Quid
des bâtiments et notamment des caves? IV, 617, 6r8 (note).
.
Personnés auxquelles le passage peut être imposé, IV, 604 et sui\'. (note).
Fonds SUI' lesquels Il peut s'exercer, IV, 605 (note).
A qui faut-il s'adresser pour obtenir te droit de passage, comment doit-il
être accordé? et formalités à suivre pour l'obtenir. IV, 606 (note), et 374
à 379, 386 à 389, 1'97 à 500. - Cl'itique du pouvoir attribué aux tribunaux, IV, 609 et suiv. (note).
Comment ct où. les eaux peuvent être emmenées? - Elles ne peuvent être déversées sur toute la superficie du fonds inférieur, IV, 605 (note).
- On doit les faire écouler par un aqueduc ou une rigole entretenue aux
frais du prop.'iétaire du fonds dominant, Ibid.-Elles doi\'ent être conduites
dans une rivière, un étang, un marais, ou sur un héritage Ol. elles puissent
être utiles, IV, 605 (note). - Ces eaux doivent être laissées dans leur état
'naturel ; - on ne peut les charger de substances étrangères nuisibles aux
plantes ou aux animaux, IV, 619 (note).
Indemnité résultant de cette servitude, IV, 605 (note). - Mode de la régler, IV, 403 à 4 r 8, 43 r à 435, 494 à 496.- Législation sarde relative à
cette indemnité.
PASSELITS. Lenr construction est toujours une condition de J'érection
des usines dans les rivières flottables, III, 2 ro. - C'est au préfet à ordonner cette construction, III, r40. - Voy. encore Navigation.
PATRIE. Devoirs de l'homme envers sa patrie, l, 3r,.
PAUVRES. Voy. Indigents.
PAVÉ. Du pavé des rues et places publiques. Voy. Rues et Places ptlhliques.
P~AGE. Voy. Octroi de navigation.
PECHE. Principe 'général d'après lequel le droit de pêc/te appartient à
cetui qui a la jouissance du cours d'eau, III, 2.';2. - Applicatiou de ce
principe à la liberté illimitée de la pêche chez les Romains, III, rI" 243;
IV, 4/, et suiv. - Distiuctions introduites en France après la chute de l'empire l'ornain dans les Gaules: sous le régime de la féodalité, les seigneurs
s'emparent du droit de pêche dans toutes les rivières autres que celles navigables, III, 202 , 21,3 ; IV, 44 et suiv. - Ce droit de pêche était alors considéré comme un droit de propriété indépendant des fonds riverains, III ,
421. Mais puremeut honorifique pour les seigneurs. On ne pouvait en tirer
aucune conséquence pour leur attribuer la domanialité des cours d'eau,
III, 202. - Discussion SUI' le droit de pêche à l'Assemblée constituante,
l'apport du député Arnault, IV, 46 et sniv. (note). - Aujourd'hui le droit
de pêche n'appartimt plus qu'à l'Elat dans les rivières na\'igables ou flottables, et aux particuliers dans les petits cours d'eau, III, 14,200,202.
- C'est au pon\'oir exécutif qu'il appartient de déterminer les temps, saisons et heur~s de la pêche dans tous les cours d'eau, et les engins à employer, III, rr~o, 25 r.
�798
TA.BLll AN.U.YTIQUE.
De ta pêche dans les rivières Ilavigahles et flottables apec traim ct ra"
deaux, III, 242. - Le droit de pêche dans les rivières navigables a toujours fait. en France, partie du domaine public de l'Etat, Ibid. - Exceptions en faveur des corporations et particuliers ayant obtenu des concessions
du roi, Ibid. - Tous les effets de ces concessiom sont anéantis aujourd'bui,
Ibid. - Loi nouvelle dans laquelle sont consignées toutes les règles concernant le droit de pêche, lU, 244. - Examen sommaire des dispositions de
cette loi qui ont spécialement l'apport à la pêche dans les rivières du domaine
public, III, 2!,5. ~ Etendue de ce droit, 111,246. - Le gouvernement
doit faire déterminer au moyen d'enquêtes de commodo et incommodo le point
où la pêche commence à lui appartenir dans les rivières du domaine pnhlic, III, 139, 21,6. - Indemnité due aux riverains, d'après la loi, à raison du droit de pêche, lorsqn'une rivière vient à être décfarée navigable on
flottable, III, 247. - A qnelles personnes est permise la pêche dans les
l'ivières de l'Etat, Ibid. - De l'adjudication du droit de pêche; des contestations qni peuvent s'élever sur cette adjudication, sur la validité des enchères, sur l'interprétation d~ bal:x, et des autorités compétentes pour sta~
tuer sur ces divers points, III, 248 et suiv. - Les poursuites des délits et
contraventions en fait de pêche doivent être portées au tribunal de police
correctionnel, III, 250. - Un dépôt pour rouissage de chanvre est-il nn délit de pêche on une contravention de grande voirie? quelle est l'autorité quî
doit en connaître, Ibid. - Des droits de pêche, moulins, bacs et autres
usages que peuvent avoir les particuliers dans les rivières navigables, III,
55. - Impôts établis à cette occasion par les anciennes ordonnances, III,
56 et suiv. ~ Du sentier ou passage dû pour l'ex.ercice de la pêche dans les
rivières navigahles ou flottables, III, 85.
Du droit de pêche 'l"iapparticnt aux propriétaircs riverains dcs petites
,ùières, IV, 44 etsuiv.- Quelle est la nature de ce droit? A-t-il une existence
solitaire? ou est-il inséparablement attaché aux fonds? III, 336; IV, 47 et
48 (notc). - Etendne légale du droit de pêche: comment il peut acquérir
.de l'extension en faveur d'un riverain contre l'autre par titre ou possession,
III, 336; IV, 51 et suiv. - Opinion de MM. Troplong, Garnier et Belime,
que le droit de pêche ne pcut s'étendre par prescription, IV, 52 et suiv.
(note), - Le droit de pêche a la nature d'uu droit d'usufruit ou d'usage illimité, IV, 54. -Il passe à l'acquéreur avec le fonds riverain vendu, Ibid.
- Il appartient à l'usufruitier, Ibid. - Appartient-il au preneur par bail à
ferme du fonds riverain ?IV, 51, et suiv. (note). - Il peut être baillé à ferme
séparément du fonds riverain; mais il ne peut être vendu séparément de ce
fonds; quels seraient les eŒets d'une pareille vente? IV, 58. - Il peut être
concédé à perpétuité an propriétaire de l'autre rive, IV, 58 etsuiv. (nate).
- Il est imprescriptible au profit de celui qui n'est pas propriétaire de l'un
ou l'autre bord de la rivière, III, 336. - De la renonciation faite par un
riverain en favel1\' d'uu autre au droit de pêche dans le cours d'eau joignant
son héritage; effets qu'elle produit, III, 492. - Des barrages qiJe les pro·
priétaires riverains des petites rivières peuvent constl'Uire pour l'eJl!ercice de
leur droit de pêche; restrictious apportées à cette faculté, III, 632; IV, 14.
- De l'autorité compétente pour statuer sur les difficultés élevées entre eux
à ce sujet, III, 634. - Les riverains d'une petite rivière peuvent-ils se
plaindre lorsque l'étahlissement d'une usine sur cette rivière, ou d'autres
travaux exécutés par l'un d'eux, :viennent à en atténuer le produit? III,
488, 498 et suiv. -Dans quel cas le riverain peUL-il agir en trouble contre
l'étrauger qui commet acte de pêche dans sa portion de rivière? III, 335.
- Des barrages de pêcherie établis daus les petites rivières, IV, 65 (note).
- Des J'ègles de police auxquelles est soumis l'exercice du droit de pêche,
et des peines applicahles aux délits en ceUe matière, IV, 60 et suiv. - Dimension des mailles des filets, IV, 66 (note). - Peut-on pêcher à la ligne
�799
TABLE ANALY'l'lQUE.
:flollante dans les rivières qui ne sont ni navigables ni flottables? IV, 62 et
suiv. (note). - L'arrêté d'un préfet qui prohibe la pêche le dimanche;
peut-il être invoqué par un fermicr de pèche contre les individus pêchant
à la ligne flottante? IV, 60 et suiv. (note). - Le fait de pêcher en temps
non prohibé sur la propriété d'autrui est un délit qui peut être poursuivi
lmr le ministère public, Ibid. - Disposition de la loi du 29 avril 1829 sur
la pêche, le colportage et le débit du poisson, Ibid.
Du droit de pêche dans les simples l'aisseaux .. à 'lui il appartient, IV,
31 9.
.
A qui appartient le droit de pêche dans les lacs, IV, 580.- Voy. encorè
Lac.
Des règles relatives à la pJche des étangs, IV, 596.
Du droit de pêche dans les canaux de desséchement qui peuvent servir en
même temps à la navigation intérieure. Il appartient aux pfopriéta.Îl'es du
marais desséché, IV, 668.
Des agents a.rant qualité pour constater les délits de pêche, III, 25r.
- Des formes de leurs procès-verhaux; de l'affirmation; de l'enregistrement, Ibid. - Les délits peuvent être prouvés par témoins à défaut de
procès-verbaux, ou en cas d'insuffisance, Ibid. - Les poursuites exercées
en réparatiou de délits de pêche, dans les cours d'eau quelconques, sont
portées au tribunal de police correctionnelle, Ill, 163, 250, 545; IV,
1,.59. - De la responsabilité civile, Ibid.
PÊCHERIES. Peines contre ceux qui en construisent sans autorisation
'sur les rinères navigal1les, 111,20,23, 155.
PElNE. Aucuue peine ne peut être étahlie que par la loi, l,
Elle
n'est applicable qu'au fait postérieur à cette loi, l, 75. - Les conseils de
préfecture et le conseil d'Etat ue peuvent jamais prononcer de peines corpOI'elles, l, 182,211. - Autorités compétentes pour l'application des peines
aux contrevenants à la voirie vicinale, II, 823 à83" 888. - Circonstances
atténuantes, maximum et minimum de la peine, II, 226. - Prescription
des peines de police, II, 531. - La prohibition du cumul des peines s'applique aux contraventions, II, 92'. - L'erreur dans la fixation de la, peine
n'empêche pas l'exécution d'un arrêté, II, 905. - Les amendes de grande
voirie n'ont pas un caractère purement pénal, II, 532. - Les peines sont
personnelles, II, 535. - Voy. Alignement (§ 7, sanction). - Police des
'Chemjns. - Réglement général, II, 428.
PEREMPTION DES PERMISSIONS DE BATIR, II, 708.
PERMISSION DE BATIR. - Voy. Alignement. - Amende. - En·trepreneur. - Ouvrier.
PERTUIS - Voy. Nal'igation.
PETITES RIVIÈRES. Des petites rivières. C'est de l'infértorité de leurs
ilsages, et non du faible volume de leurs eaux, qu'elles tirent leur dénomination, III, 280. - Aperçu général des droits revendiquék anciennement pal' les seisneurs , sur les petites rivières; ces droits n'avaient rien de
commun avec une propriété foncière, III, 28t, et suiv., 312. - Comment
on doit distinguer les petites rivières des simples ruisseaux, III, 281; IV,
314. - Dans quel domaine on doit les placer; distinction entre le corps et
le tréfonds de ces rivières, et la jouissance des avantages qu'on peut en tirer;
sous ce dernier rapport seulement les petites rivières appartiennent au domaine privé, III , 281,
,8. -
LE
coa:rs
ET LE TRÉFONDS DES PETITES RfVr,ÈRES RESTENT DANS LE DQlUA[NE
III, 281-, 315. - Système contesté par plusieurs auteurs ,. III,
286 et suiv. - Enumération des différents auteurs qui ont traité cette question, et iI\dieation de l'opinion de chacun d'eux, III , ,.86 et suiv, (note) ;
IV, 315 et suiv. (note). - Examen de la question d'après les principes du
l'UBI,le,
�:Soo
TAilLE ANAL'l.TIQU-e.
raisonnement", Ill, 2g1. - Examen de la question d'après les disposl.
tions du droit romain, III. 2g5. - Examen de la question d'après les principes du droit français, III, 2gS. -Objections et réponses, III, 30g.
CONCLUSIONS ET APPLIC;\TIOIIS. Les petites rivières doivent, quant à la police, rester sousladirection réglementaire immédiate du gOU\'ernement, III,
3I6. -'- L'administration active ou le préfet des lieux est contradicteur légitime pour poursuivre pardevant les tribunaux les anticipations commises
sur leur sol, III, 317. - Les autres propriétaires riverains ont aussi la
même qualité; mais leur action diffère essentiellement de l'action pllblique,
Ibid. - Aucun pont permanent on ouvrage en projection au-dessus du lit
de ces rivières ne peuvent être établis sans autorisation, III, 3 IS. - Il en
est de même des usines, III, 31g. - Opinion contraire de M.M. Merliu,
Pardessus et Troplong, 3Ig (note). - Cette autorisation peut être donnée
sous la condition qu'il ne sera dû aucune indemuité si l'usage de la navigation exige la suppression de l'établissement, III, 3<w. - On ue peut, sans
l'autorisation de l'administration, faire de.s extractions de sables ou autres
matériaux dans les petites rivières, III, 321 (note). - Les écluses construites à travers le lit des petites rivières se trouvent incorporées au domaine
public, III , 321.
\
DE L_~ NATURE DES DROITS QUE LES PROPRIÉTAIRES RIVERAINS l'EUVEN'r
EXERCER SUR LES PETITES RIVIÈRES, Ill, 322. - Ils ont en général la jouissance entière de ces- cours d'eau, Ibid. et 2S1. - Dc"s exceptions à apporter
à cette règle, I" pour la faculté de prise d'eau pour le service personnel; 2"
pour l'exercice du floHage à bûches perdues; 3° pour l'établissement des
moulins et usines, Ibid.
Nature propre et caractère prédominant de ce droit de jouissance, III,
283 et suiv., 3ro, 322. - C'est un droit légal dont le législateur peut priver pour l'avenir ceux qui en Jouissent, III, 323. - C'est une servitude
légale imposée snI' le fonds du domaine public , Ibid. ~ C'est un droit d'usufruit ou d'usage indéfini, établi snI' une chose qui n'appartient à personne,
Ibid, - Conséquences à tirer de ceS principes: vis-à-vis du gouvernement,
la jouissance des riveraius n'est que précaire; il peut les en priver sans indemnité, à moins qu'il n'y ait eu concession de sa I;art, 111,247,248,300
et suiv., ;124,326 et suiv. - Mais entre propl'iétaires riverains, cette jouissauce n'est plus affectée d'aucun vice de précaire, III, 325, 32S. - En
quoi le droit des propriétaires riverains peut être assimilé à l'usufruit, et en
quoi il en diffère, lU, 332. - En quoi il peut être comparé à un dl'oit de
superficie, III, 333. - Les riverains ont, en lenr qualité d'usufruitiers et
superficiaires, toutes les actions du maître pour la revendicatiou de leur
jouissance et de tous ses accessoires, Ibid. - Ils peuvent, comme un usufruitier ordinaire, employer les actions possessoires, III, 334. - Dans quel
cas on peut agir en trouble contre celui qui commet acte de pêche dans la
portion de rivière qui nous appartient, III, 335. - Les droils de jouissance
des riverains sur les coms d'eau sont inséparables des fonds qui les bordent;
- mais les deux propriétaires de chaque bord peuvent, l'un à l'exclusion
de l'autre, étendre ces droits par possession et prescription, 111,7. - Voy.,
pour de plus grands développements, sur la consistance des droits exercés
par les riverains sur les petites rivières, au mot Riverains.
DE LA rOLleR DE PRÉVOYANCE ou RÉGLEI\IENTAIRE DE.S PETITES RIVIÈRES ET
DES TORRENTS, III, 347, - C'est au nom des seigneurs qu'elle était exercée
avant la révolution; elle ue l'est plus qu'au nom du roi, Ibid. ,- Elle n'appartient qu'à l'administration publique par l'organe des préfets, du ministre
de l'intérieur ou du roi en son conseil, sui,-ant les cas, III, 348 et suiv.Elle n'appartient ni aux tribunaux ordinaires, ni aux conseils d? préfecture,
ibid. - Les tribunaux ne sont cbargés que de prononcer les peines cucourues pour contrayentions aux réglements ~d,minislratifs, Ibid. - Conditions
�TABt~ ANALYTIQUE:
801
Î1b!quelles est néanmoins suhordonnée la compétence de l'autorité admillistrative et réglementaire s1lr les cours d'eau, III, 351. - Son action ne
doit être déterminée que par des motifs d'iutérêts géncraux ou collectifs,
ibid. - Elle ne doit s'appliquer qu'à l'organisation matérielle des lieux,
Ibid. - Elle doitl'esler étrangère aux débats qui n'ont pour objet que des
intérêts de particulier à particulier, Ibid. - Comment ces couditions l'entrent dans l'èsprit général dc nos lois touchant le pouvoir confié à l'administration sur les cours d'eau, III, 353 et suiv.-L'administration peut interdire et fairp. dctrnire, sans le concours de l'autorité judiciaire, tous les travaux et entreprises exécutés sur les cours d'eau en contravention aux réglements; mais si le fait donne lieu à une peine, elle ne peut être prononcée
que par les tribunaux, III, 362. - L'administration et les tribunaux peuvent reconnaitre, classer et régler les droits existants sur leS:eaux des petites
rivières; mais ils ne peuvent créer de droits nouveaux et faire des eoncessions proprement dites, IV, 5 fO (note). - tes contraventions aux réglements sur l'usage des petites rivières sont de la compétence:du tribunal correctionnel, IV, 83, 453 et suiv. - Cas d'exception où elles sont.dévohtès
au couseil de préfecture, IV, 455.
De la mise en état de nMigation et d~ la déclaration de navigabilité des
pctites rivières, 111,1\4,,300,324,363. - Voy. encore Rivières:navigables·
l'
1
1
l'It des petItes
. nVI
"è l'eS, III ;
De l ,e'arglSsement
et de ,a
rectl!fi'
lcallon aU
393. - Voy. encoré Lit des rivières.
Du curage des petites rivières. - ""1oy. Curage.
De la permission. de construire des usines sur les petites rivières, III, 398;
- Voy. encore Usines.
Dujlottage qui s'exerce à bûches perdues SUI' les petites rivières. - Voy.
Flottage.
PÉTITOIRE. Ce que c'est qu'uné action pétitoire en général, T, 28,1.Comment doivent être jugées les actions pétitoires entre le domaine public
et les particuliers colitigants, Ibid.
Du pétitoire enfait de cours d'eau, IV, 1.68. ~ Du cas où il y a lieu de
contester une entreprise ordonnée ou permise par l'administration, Ibid. et
474 et suiv. ~ La justiee ordinaire ne peut alors prononcer que sur les
dommages-intérêts; au pouvoir exécutif seul appartient le droit de faire détruire ou d'interdire les tramux, Ibid. - Du cas unique oil la justice ordinaire puisse ordonner le sursis des tra'l"aux prescrits par l'administration, IV,
470. - Du cas oil l'entreprise contestée au pétitoire n'a eu lieu par les ordres ni par la permission de l'administration, Ibid. - Toutes les causes de
cette nature sont en général dans les attributions judiciaires, Ibid. et suiv.
- Règles d'après lesquelles on doit statuer sur les causes de cette nature,
IV, r'76 et suiv. - Commentaire de l'art. 645 du Code civil, Ibid. - Distinction entre les hypothèses où il y aurait et celles oil il n'y aurait pas de
réglement local établi par l'autorité compétente sur le ruisseau donnant lien
au litib'e, IV, 485, 486.-Principes d'équité naturelle qui, en Cas d'absence
de réglements, doivent guider les tribunaux, ibid. et suiv.
PIEHRF'S. Iles enlhements de pierres. Voy. Enlèvements de terre.
PLACES PUBLIQUES. Voy. Rues et places publiques. '
PLACES DE GUERRE. Voy. Terraius militaires, Fortifications.
PLAIDER (AUTORISATION DE). Corps moraux et élablissemeuts auxquels
elle est nécessaire, II, 856. - Anomalie en ce qui concerue l'état, lb. J.VIémoire à présenter par le demandeur en rcglement de l'indemnité pour l'élargissement des chemins vicinaux, TI, f 70. - Effet interruptif de ce mé·
. moire, Il, 300. - IncollYénicnt, Ib.-Ce prdiminaire est aussi exigé pour
TOM. IV.
51
�802
TAIlLE ANALYTIQUE.
les actions contre l'Etat et les départements, II, 8/,9,- Âllomalie en ce qui
a trait à ces derniers sous le rapport interruptif, Ib.
l'LACES VIDES. Des places vides dans l'intérieur des villages; à quel
domaine appartiennent-elles? l, 49l,. - Quels sont les usages auxquels ces
places sont naturellement soumises? 1,496. - Les particuliers ne peuvent
en prescrire la propriété par la jouissance qu'ils y exerceraient en y pratiquaut des dépôts de bois on autres matériaux, 1,1'99 et suiv., ibid. (note).
- Ces dépôts doivent toujours être enlevés lorsqn'ils mettent obstacle à l'aisance de la voirie, ou portent dommage aux autres particuliers, l, 500, ibid.
(note ).
PL~NS. Aucun plan ne peut être fait, sans le consentement de l'autorité
militaire, des fonds situés à une certaine distance des places de guerre ou
postes militaires, l, 445, ibid. etsüiv. (note).
l'LANS D'ALIGNEMENT. J\édaction et forme matérielle de ceux de
voirie urbaine, JI, 460, 715. - De grande voirie, II, 72.5. - De voirie
vicinale, II, 735. - MéùlOde géométrique pour la levée des plans des chemins, II, 737 (note). -Il faudrait tracer sur les plans d'alignement la zône
autour des cimetières, dans laquelle il est défendu de bâtir, II, 712..- Les
plans d'alignertlent appronvés par ordonnance royale ne peuvent servir de
base à l'expropriation des maisons sujettes il reculement en fait, soit de voirie urbaine, II, 6l,8 (en note), soit de grande voirie, II, 72.9, 73l,.-Voyez
Alignement(§ 5, plans généraux, IIo et III").
PLANTATIONS. Des plantations d'arbres au bord des routes; série des
lois antérieures et postérieures à la révolution sur cet objet; -à qui appartient la propriété de ces arbres; peines contre ceux qui les coupent ou les
élaguent sans autorisation, l, 33g et suiv. - Des plantations an bord deschemins de halage; de l'autorisation et de l'alignement à demander pour
faire ces plantations, III, II8.- Conséquences qui résultent de cette autorisation, daus le cas où il serait ensuite nécessaire de supprimer les plantations, III, ibid. et IIg. - De la contravention résultant de ce qu'elles ont
été faites à une distance moindre que celle fixée par la loi, III, 156. - Des
plantations que les -propriétaires riverains des petites rivières peuvent faire
au hord de leurs fonds pour les protéger contre l'action des eaux, IV, 6.Voy. Arbres; Routes; Voirie.
Plantations le long des chemins vicinaux, II, 2.5. -Historique de la législation relativement à l'obligation de planter des aJ'hres et haies an bord
des chemins, relativement au droit de propriété des arbres et aux distances
à observer, II, l,5r. -C'est le préfet qui règle la distance des plantations,
II, 456.- Il détermine tout ce qui concerne l'espacement des arbres entre
eux et leur élagage, II, 458. -Mais il ne peut contraindre les propriétaires'
il planter des arbres le long des chemins vicinaux, II, 457.-Ni à les planter
sans indemnité à ,des distances supérienres à celles prescrites par le Code civil, II, 457. - Ni à arracher les plantations existantes qui ne seraient pas à
la distance légale, II, 458.-Les particuliers doivent observer entre enx les
distances prescrites par le Code civil pour les plantations qu'ils font le long
des chemins, II, 46o.-Les plantations d'arbres ou de haies sont assujetties
à l'alignement, II, 7r2.. - Voy. Conscrpation des chemins; Police des chemins; Sel'pitudes.
PLANTES. Du droit qni appartient aux ri,-erains de recueillir les plantes
croissant dans le lit des petites rivières, IV, 75 et suiv.
POIDS DES VOITURES. Le chargement des voitures au-delà des pro~
portions fixées pal' les lois est une contràvention de voirie de la compétence
du conseil de}wéfecture, 1,406 et suiv. - Peines contre cette contravention, Ibid. - Le tribunal correctionnel pst seul compétent lorsqu'il s'agit
de voitures publiques destinées principalement au transport des voyageurs,
1,4 r/,.
�TABLE ÂNALYTIQUE;"
803
POISSONS. Dans quel genre de chose, ils doivent être mngés, l, [1.Des poissous de viviers ou réservoirs; ils sout meubles, IV, 585. - Des
poissons des étaugs; ils sout immeubles par destination, [!Jid. et 596. Ils deviennent meubles au moment où la bonde est levée pour en faire la
pêche, I/;id.
l'OLICE. Les lois de police sont exc!usivl'ment dans le domaine du pouvoir léf;islatif , l, 74. - De la police réglementaire ou de prévoyance tou1:hant la voirie urbaine, 1, 524. - Voy. Voirie urbaine.
POLICE DES CHEMINS. A quelle autorité appartient la répression des
contraventions commises sur les chemins vicinaux. Aperçu historique de la
législation, II, 823. - Jurisprudence du conseil d'Etat qui iuvestitles conseils de préfecture de celte compétence, sauf recours au conseil d'Etat, et,
pour J'application de J'amende, aux tribunaux de police, II, 825. - Jurisprudence contraire de la Cour de cassàtion qui attribue juridiction exdusive aux tribunaux de police, II, 828. - Adoption de cette dernière
jurisprudence comme plus couforme à la loi, II, 833 à 837. - Nature de
la peine, JI, 829. - Voy. Conseil de préfecture. - Il règle les subventions
pOUl' dégradations faites aux chemins,lI, I5~ à 155.
POLICE DU ROULAGE. Les lois relatives au poids des voitures, à la
largeur des jantes et anx plaques indicatives dn nom du voiturier, ne sont pas
applicahles aux chemins de grande communication, II, 109, 788. - Sec"s
de l'ordonnance relative il la longueur des moyeux, II, 894.
POLICE SIMPLE. Compétence des maires comme juges en celte matière, 1,189, i!Jid. et suiv. (note). - Voy. encore Tribunaux de simple
police.
PONTS. La C.Qnstruction des grands ponts sur les fleuves ou rivières ne
peut avoir lieu qu'en vertu d'nne loi spéciale ou d'un crédit ouvert à un
chapitre spécial du budget, l, 357 et stliv. - On ne peut, sans autorisation, élever un pont à travers le lit d'uu fleuve ou d'une rivière dépendant
du domaine public, III, 16, 17. - Aucun pont permanent ne peut être
construit sans autorisation au-dessus des rivières qui ne sont même ni navigables ui flottables, III, 318. - Les navigateurs ou flotteurs ne peuvent
passer par les arches des ponts où l'on travaille à leur réparation, III, 23.
- Du renversement des parapets des ponts servant au passage des grands
chemins, 1,381. - Des dommages causés à des particuliers par les travaux
d'établissement ou de réparations des ponts publics. - Voy. Travaux publics. - Des ponts const,'uits sur les chemins viciuaux, II, 23. - Ils sont
imprescriptibles, Il, II6.
PONTS ET CHAUSSÉES. Notions générales sur l'administration des
l)onls et chaussées, 1,231 et suiv.- Constitution particulière de cette administration, et ses attributions générales, Ibid. et 233 et suiv.- Ses attribu,tions de détail sont fixées par la loi du 19 janvier 1791 et le décret du
16 décembre I8Il, I!Jid. Par l'ordonnance du 8 juin 1832, l, 233. - Les
ingénieurs dressent les plans généraux d'alignement dc grande voirie, II,
726. - Un ingénieur doit faire partie de la commission d'enquête pour confection des pl.:ms de grande voirie, II, 730. - Les ingénieurs font leur rapport sur les aliguements partiels de grande voirie, II, 7!'9' - Ils sont agents
de ]IÇllice judiciairc pour constater les contrayeuüons en matière de grande
voirie, l, 234, 383. - Cette administration n'est revêtue d'aucune autorité
juridiclionnclle, l, !237' - Ses décisions n'ont trait qu'à l'instl'UClion des
a1J'aires, sans statuer sur la cause, I!Jid. - Importance que l'établissement
des chemins de fer va donner il celte administration, 1,235 (note).
l'ORTES. I,e droit de pratiquer des pOl'lrs dans les murs et bâtiments
joiguant les rues et plaecs publiques appartient-il aux particuliers il titre de
servitude? l, 5,0.- Celles de ces portes qui s'omrent en dehors l'0urraicntelles faire acquérir la servitude sur la rue ou plac publique? l, 505 et suiv"
�804
TABLE ANALYTlQUE.
507' - Voy. Rues et Places publiques; Saillies. - Suppression par suite
d'alignement des portes et fenêtres latérales, II, 676. - Des portes des
places de guerre. Elles appartiennent au domaine public, 1,21.9' - Voy•.
encore Terrains militaires.
PORTS MARITIMES. Dans quel genre de cooses ils doivent être ran~
gés, l, IO, 19. - Ils font partie du domaine public, 1,248; 111,32.
- Nulle création d'ouvrages importants dans les ports maritimes ne peut
avoir lieu qu'en vertu d'une loi ou d'un crédit ouvert à un chapitre spécial
du budget, l, 357.
POSSESSION. Du droit d'occupation et de possession primitives consi.
dérées comme principes générateurs du droit de propriété, l, 36, 5I.Différence entre la discontinuité et l'interruption d'une possession, IV, 236.
- La maintenue en possession des propriétaires peut être ordonnée par les
tribunaux ordinaires, contre toutes décisions de l'autorité administrative,
tant qne celle-ci n'a pas accompli les formalités vonlues pour les expropriations pour cause d'ntilité publique, l, 584 et suiv. - La possession du public sur les fonds destinés à son service est une véritable possession civile exercée à titre de maître, 1,28,.- Quel peut être l'effet d'une possession particulière sur les fonds du domaine public? l, 256 et suiv. - La possession
exercée par les riverains sur les cours d'eau n'est qu'un précaire vis-à-vis du
gouvernement; mais entre les riveraius elle est exercée à titre de maître,
III, 324, 523. - De la possession exercée par les propriétaires riverains
sur les arbres plantés aux bords dei grandes routes royales et sur le sol public, l, 35 I. - De la Possp.ssion exercée par les communes sur les arbres
plantés sur les chemins publics autres que les grandes routes royales, et sur
les rues des villes, bourgs et villages, l, 342,353. - Voy. encore Possessoire.
POSSESSOIRE. te possessoire est la sonrce de toutes les légitimités, l ,
56. - Comment doivent être jugées les actions possessoires entre le domaine
public et les particuliers colitigants, l, 285. - Distinction à faire entre la
cause du domaine public et celle du particulier qui en est la partie adverse,
Ibid. - Le possessoire, comme le pétitoire, est applicable, en faveur du
public et contre les particuliers, au maintien de la jouissance et de la propriété des chemins publics, II.959 et suiv. - Le défendeur à l'action possessoire ne peut néanmoins, en ce cas, doubler l'interdit, comme dans le5
cas ordinaires entre particuliers, II, 962. - L'interdit ne peut être doublÉ',
même entre particuliers, lorsqu'il s'agit de défendre l'exercice d'une servitude discontinue, II, 963. - Des effets du possessoire relativement au droit
territorial des communes, l, 456. - Quels sont les effets du possessoire territorial relativement à la compétence des autorités? l, 45,.
Du possessoire en fait de cours d'eau, IV, 460. - Principes sur les actions possessoires en fait de cours d'eau, III, I70 et suiv., 19[ et suiv. Les interdits possessoires avaient déjà lieu en fait de cours d'eau chez les
Romains, IV, 460. - A qni appartient l'action possessoire en fait de cours
d'ean, et quel est le juge qui en connaît? lbid.- Quand y a-t-illieu à l'action
possessoire en fait de cours d'eau? IV, 1.62, 464. - Quid si le défendeur
allègue que son entreprise a été autorisée par l'administration? IV, 462 ......
QI/id si la nouvelle œuvre a été entreprise en contravention à un réglement
de police? IV, 463. - L'action possessoire peut-elle être intentée à raison
de l'établissement par un riverain sur son fonds d'un ouvrage de nature à nuire
par la mite à l'héritage situé de l'autre côté? III, I80 (note).-Le préfet des
lieux ne peut, en élevant le conflit, arrêter les effets des actions possessoires
dont il s'agit, Ibid. - Le propriétaire de la source a l'action en complainte
contre le propriétaire inférieur qui pratique sur le fonds de la source des
_ouvrages quelconques pour modifier la distribution des eaux, IV, 464. l~e propriétaire inférieur ne peut généralement agir ell COJJlpla,inte cau.t.re le
�TABLE AlfALT·TIQtJE.
805 '
JIlaitre de la sourcil qui le prive de l'écoulement des !J!lux dont il avait joui
antérieurement, IV, 465. - Exceptions à cette règle dans le cas de titre de
concession émané du propriétaire de la source, IV, 466. - Dans le cas
d'ouvrages apparents faits et terminés dans le fonds de la source par le pro'priétaire inférieur, Ibid. - Dans le cas d'actes contradictoires notifiés au
propriétaire de la source, Ibid. et 467. - Dans le cas où la source est nécessaire aux besoins d'une commune, IV, 467. - Entre propriétaires inférieurs au fonds de la source, les actions possessoires sont indifféremment
C\dmises chaqne fois que l'un est trouhlé par l'autre dans l'usage des eaux,
Ibid. - Distinction sur le possessoire en fait de cours d'eau, entre la cause
des particuliers entre eux et celle vis-à-vis du gouvernement, nI, 92q, 925.
- Peut-on se pourvoir au possessoire pardevant le juge de paix, sur l'usage
des eaux pluviales? IV, 155.
Du possessoire en fait de chemins vidnaux. - L'action posses~oire appartient aux communes pour défendre leurs chemins vicinaux des enlreprises
des riwrains, II ,. 799. - Cette action appartient-elle réciproquement aux
riverains contre la commune? distinction, fI, 801. _ Dans ce cas la maintenue ou la réintégration ne peut être prononcée pour le sol du chemin, II,
803. - Pour l'excédant le juge de paix devra surseoir jusqu'à ce que le
préfet ait assigné les limites du chemin, II, 805. ...,... La commune et les
~trepreneurs peuvent être actionnés an possessoire, pour dommages occasionnés par les travaux du chemin, II , 806; ou pour extraclion de maté~
I::iaux, II, 284. - Les entrepreneurs peuvent l'être même devant L~ cOl)seil
de préfecture, II, 806. - La simple plantation de bornes par la commune,
ou l'apposition d'affiches, dans le but de rechercher les limites des anciens
chemins, ne constitue pas un trouble, II, 807' - Les arrêtés municipaux
ne sauraient être pris pour trouble et autoriser la complainte, II, 913 . .....,
Voy. Réglement municipal. - Le juge de paix doit ordonner la desl.ruction
des travaux nuisibles entrepris sur la voie publiqlie , quand le litige a lieu
entre deux riverains, II, 807. - La complainte est non recevable pour
usage du chemin sans dommage pour les riverains, II, 808. - Elle est recevable pour la conservation des servitudes appartenant auJ!, riverains sur les
chemins, Il, 809,678. - Voy. Servitudes,
_
POTEAUX INDICATEURS. Voy. Bornes milliaires.,
POURSUITES. Des poursuites contre les mernhres du pOl"~oir législatif,
J, 69.-Des poursuites contre les agents du pouvoir exécutif, J, 92 et suiv.
- Voy. encore Autorisation préalable. - Prescription de la poursuite dC5
conl.raventions à l'alignement, II; 529. - Le maire peut poursuivre devant
les tribunalLx civils la démolition des CopSh'uctions contraires à l'alignement,
II,513. - Les communes peuvent, pour les frais dommageables exécutés
~ leur nom, être poursuivies devant lés tribunaux de répressiou, II, 879, à
88r.-Voy. Conseil de préfecture; Maire; Préfet; Tribunal depolice municipale.
POUVOIR ADMINISTRATIF. Le pouvoir administratif-, pris dans le
sens le plus général, l'enferme deux choses djstinc.t~.s : le pouvoir exécutif
pur et simple et les tribunaux administratifs, 1; rr3. - Principes généraux
sur les conflits qni peuvent naître entre l'un ou l'autre de ces pouvoirs, et le
pouvoir judiciaire ordinaire, Ibid. et suiv. - Voy. Pouvoir exécutif et Tri,
hunaux administratifs.
POUVOIR CONSTITUTIONNEL. Principes généraux sur la compétence
respective des pouvoirs constitutionnels de l'Etat, l, rr3 et suiv.
POUVOIR EXÉCUTIF. Le pouvoir exécutif pur et simple, on administration active, est l'une des deux choses distinctes qui composent le pouvoir
administratif en général, l, I r 3 et suiv. - En quoi consiste et à qui appartient en France Je pouvoir exécutif; développement des dispositions de Il!
ç4!lrte_de 1-830.relatives à.cette matière, l, 76 et suiv. :__ Le poumir cxé-
�806
'l'AllLB ANALYTIQUE.
eutif appartient au roi seul, (lui l'exerce par des agents révocables, Ibid'. Ce~ agent. ne peuvent être poursuivis, mais seulement en certains cas, qn'après autorisation, l, 92 et sniv.
Principe constitutionnel. de la compétence du pOl/poil' exécutif, I, 166 et
suiv. - Le pouvoir exécutif est exclusivement som'erain dans les mesures
purement administratives, l, 76 et suiv., 82, 87.-En conséquence ses dé·
cisions, compétemmeut portées en matière purement administrative, sont
des actes de souveraineté que le roi seul peut modifier, et qui ne peuvent
être l'objet de contestation devant aucun tribunal, Ibid. - Ou, en d'autres
termes, aucune voie contentieuse n'est onverte contre les décisions portées
par le pouvoir exécutif, Ibid.-Le recours contre lcs décisiolls de ses agents
subalternes doit être porté au ministre ou au conseil d'Etat, l, 115. - Le
pouvoir exécutif statue exclusivement par voie réglementaire, Ibid. - Ses
statuts peuvent donner naissance à des droits nouveaux " l, 117, - Ils peuvent être changés ou modifiés suivant les circonstances, l, 121.-Le pouvoir
exécutif statue toujours d'ollice, ou est ceusé statuer ainsi, lors 'même
que ses réglements sont provoqués par quelqne réclamation, l, 119. - Il
ne suit que sa volonté, sans être tenu d'avoir égard aux demandes particulières qui provoqueraient ses décisions, l, 12~. - Les réglements du pouvoir exécutif produisent un même efTet soit sur ceux qui les auraient sollicités, soit sur ceux même qui s'y seraient opposés, IV, 4!,5.
Des objets de compétence du pOlwoir exécutif: sa compétence relativement au goupernement des personnes Oll à la régie des choses, l, 88 et suiv.
- Il a dans ses attributions tontes les mesures sanitaires Oll d'ordre public
non expressément réglées par les lois, 1, 81. - Il en est de même de toutes
mesures conserpatoires ou ']1ortant sur des choses compensables par indemnités pécuniaires, sauf celles expressément réservées par la loi au pouvoir
législatif, Ibid.-I1 peut seul ordonner une expropriation forcée pour cause
d'utilité publique, 1, 80. - JI est seul chargé de la répartition des impôts,
l, 130. - Compétence dll pom'oir exécutif relativement aux dipisions territoriales de la France, l, 83, 177. - Voy. encore Territoires. - Compétence du pom'oir exécutif touchant les grandes routes, l, 359'-VOY. encore
l'oirie. -Compétence du pouvoir exécutif en matière de réglements sur les
cours d'eall : il est investi du droit de direction et de surveillance de tous
les cours d'eau, III, 347 et suiv., 628; IV, 350. -Compétence du pouvoir
exécutif, spécialement en ce qui touche aux cours d'eall d'irrigation natul'elle, IV, 437 et suiv., 472 etsuiv., 514, 5r5. - Voy. encore Irrigatioll.
- Compétence du pouvoir exécutif cn ce qui concerne les ripières qui ne
sont queflottabtes avec trains et radeaux, Ill, 2r7. - Voy. Ripièl'esflottables. - Compétence du pouvoir exécutif touchant le5 rivières napigables
et les canaux de navigation intérieure, Ill, r35.- Voy. Ripières napigables
et Canaux. - Compétence du pouvoir exécutif SUl' la construction et sur
les demar,des en suppression ou modification d'usines, lU, 531,605 et suiv'.
- Voy. encore Usines. - Compétence du pouvoir exécutif relativement
aux débats qui peuvent s'élever touchant les SOl/rces d'eaux thermales ou
minérales, IV, 308,-Voy, encore POIlPoiradministl'atif; Foires et Il:larcl,és;
Napifation.
Des limites du pOlwoir exécutif, l, 78.-I1 ne peut introduire de troupes
étrangères en Frauce , Ibid. - Il ne peut établir d'impôts, Ibid. - Il ue
peut prononcer de peines, 1; 78. - Il ne peut abroger, suspendre les lois,
ni dispenser de leur exécution, l, 79. - Il peut seulement faire tous réglem~nts propres à hâter ou diriger cette exécution, l, 79. - Parmi les nomhreux cas imp"évus, comment distinguer ceux qui n'appartiennent qu'au
llouvoir législatif, et ceux qui appartiennent au pou\'oir exécutif? I, 79 et
suiv. - Le pom'oir exécutif ne statue que sur des intérêts collectifs et généraux, sans égard pour les intérêts particuliers, I, 1r6, l U , 122. _Ses ré·
�TABLE ANALYTIQUE.
80'7-
glements ne s'appliquent qu'à la chose en général, e.t pour la rendre utile au
bien public, J, 12 1. - Le pouvoir exécutif ne statue jamais sur le couteutieux administratif, l, "9. - Il ne peut être juge des difficultés que fait
naître entre particuliers l'exécution de ses réglements, à moins qu'il ne s'agisse d'en ohtenir la révocation ou la modification, l, 119.-Sa competence
ne s'eteud point à ce qui touche à la liberte iudividuelle, aux droits de famille, aux droits civils, politigues, ou de nationalité, l, 79, 80. -Il ne peut
statuer sur aucune question de propriété, l, 99, 100, 122.
Différences constitutionnelles qui cxistent cntre le pouvoir exécutif et le
pouvoir judiciairc, et principes généraux sur les conJlits qui peuvent naürc
entre eux, l, l Il et suiv. - Pour garantir son action des atteiutes du pouvoir judiciaire, le pouvoir executif a fait ériger les tribunaux administratifs,
l, 122. -Voy. encore Tribunaux administratifs.
Comparaison entre la compétence du pouvoir cxécutif et celle du pouvoirjudiciaire. Le pouvoir exécutif n'agit ou n'est censé agir que d'office; le
pouvoir judiciaire doit être provoqué par l'action des parties intéressées, l,
I19, 12 1; IV, 15 r, 444.- A la diflërence du pouvoir exécutif, le pouvoir
Judiciaire ne peut disposer par voie d'ordonnances réglementaires, 1, 78,
lI5. - Le pouvoir exécutif ne peut être forcé à rendre des arrêtés réglementaires; leur refus ne peut donner lieu à nne prise à partie contre l'admi,nistratenr; il en est autrement des décisions demandées au pouvoir judiciaire,
IV, 444. - Le pouvoir exécutif n'envisage que la masse, et ne statue que
sur des intérêts collectifs; le pouvoir juüiciaire ne statue que sur des causes
spéciales et des intérêts individuels, l, lot" lI6, rl'7, r67; IV, r5 r.-Comment néanmoins, sous ce rapport, une question peut être sonmise tout à la
fois et succe.'jsivement aux deux pouvoirs, l, r05. -Ce qu'on doit entendr.e
par intérêts collectifs, l, 148 à 154. - Le pouvoir exécutif peut, par ses l'é·
glements, supprimer des droits anciens et "n produire de nouveaux. Le
pouvoir judiciaire ne peut que consacrer des droits préexistants, l, l r7; III,
355 etsuiv.; IV, 152.- Le pouvoir judiciaire ne statue que sur des points
contentieux; il en est autrement du polI\"oir exécutif, somerain dans sa
compétence, et auquel on ne peut opposer la loi d'aucun jugement, l, 119.
POUVOIR JUDICIAIRE. En quoi consiste le pouvoir judiciaire, et à
qui il appartient, l, 98. - Développement des dispositions de la Charte
dt: 1830 sur cet objet, Ibid. ct suiv. - A la différence du pouvoir administratif en général, il est UN dans sa hiérarchie constitutionnelle, l, II 3.
- Il a pour hase fondamentale l'inamo"ibilité de la magistrature, l, 99. Garanties données pal' la loi à l'indépendance des magistrats revêtus de ce
pouvoir, l, Ibid. et r02. -Garanties données par la Joi à leurs.1ngemeuts,
l, 103. - Le pom'oir judiciaire ne peut prononcer par voie de dispositions
générales et réglementaires SUl' les causes qui lui sont sonmises, l, lI5. Le dernier recours contre les jugements des divers tribunanx qui le composent ne se porte qu'à la Cour de cassation, Ibid. - Une fois passés en
force de choscjugée, ces jugements sont irrévocahles, T, r2 1. - Au pouvoir
judiciaire seul appartieutde statuer sur les débats relatifs à l'état des personnes, à la propriété foucière, et à tous intérêts pécuniaires entre particuliers, l, 99, 122 ; III, 166. - Le pouvoir judiciaire seul est compétent
pour prononcer des condamnations ou acquittements en matiére criminelle,
1, roo. - Le pouvoir judiciaire seul est compétent pour statner snI' le;
difficultés qui naissent entre particuliers de l'exécution des règlements du
pouvoir exécutif, comme sur celles qui naissent de l'exécution des lois, l,
II9. Comparaison entre la compétence du pOllvoirjudiciaire et ce/le du
pouvoir cxécutif. Voy. Pouvoir exécutif. Voy. d'autres développements aux
mots Juges; Tribunaux administratifs; Tribunaux ordinaires; Tribunallte
civils; Tribunaux de police; Tribunaux de police correctionnelle.
!'OUVOIR LÉGISLATTF. Comment est constitué et s'exerce en France
.
�aos
TAJJ:loE Al<AL'tTIQUE.
le pouvoir ~sIatif, d~après la Charte de 1830, 1,68. - De la proposi:
fion, 'discussion, adoption et promulgation des lois, Ibid. et suiv. -:
Des diperses matières de la compétence exc!usipe du pOllPoir législatif, l ,
7'. - Des modifications aux limites des territoires divisionnaires de celui
de l'Etat, Ibid. - De l'établissement des impôts, l, 70, 74. - Des matières relati,-es à la liberté individuelle; aux droits et devoirs de famille, de
fité, de nationalité, aux actions de l'homme et à ses biens, l, 74. - Des
objets placés dans les attributions exclnsives du pouvoir législatif en matière
fIe voirie, l, 356 et suiv., 357 et suiv. (note). - De sa compétence en
matière de navigation intérieure, III, 134. - Le pouvoir législatif est
incompétent pour statuer sllr les difficultés qui naissent entre particuliers
de l'exécution des lois, l, 1'9' - Le pouvoir législatif est incompatible
av-ec l'administration de l'Etat et avec l'office de la judicature, l, 75.
POUVOIR MUNICIPAL. Des objets de police confiés à la vigilance et à
l'autorité du pouvoir municipal, l, 525. - Spécialement de la police réglementaire et de prévoyance touchant la voirie urbaine, Ibid:-De sa
compétence relativement aux améliorations à opérer dans la viabilité des
rues et places publiques, l, !i3~ et suiy. Voy. çncore rqiric urbaine et
Atigll~ments.
' .
PRECAIRE. Le possessem: précaire jouit des actions du ma~tre"à l'égard
de toutes personnes autres que celles dont il tient sa possession, III, 325.
- La possession exercée par les riverains sur les cours d'eau de petites rivières n'est qu'nn rrécaire vis-à-vis du gouvernement; vis-à-vis des autres
riverains, elle est exercée à titre de maitre, III , 324, 522 et suiv.
PRlllEMPTION. Nature, exercice et effet de ce droit, II, 315, 67T.
PRÉFETS. Loi qui a créé les préfets et qui détermine leurs attributions
et leur compétence, l, 134. -Dispositions de la loi du 1" janvier 1790
qui règle encore aujourd'hui leurs attributions générales, l, 129. - l.es
préfets sont seuls chargés de l'administration, à l'exclusion des conseils de
])réfecture et des conseils généraux de département; mais ils ne peuvent
statuer sur les- points contentieux de cette administration que comme faisant partie des conseils de préfecture, qu'ils ont droit de présider, l , 134
à 137.-Commeot se po\ll'voit-on contre les arrêtés des préfets? Distinction entre ceux qui sout compétemment et ceux qui sOnt incompétemment
rendus, Ibid. et 194, 203. - Caractères des décisions rrises par les préfets en conseil de préfecture, et en quoi elles diffèrent des arrêtés qu'il
prend seul, l, 130, 134; H, 155. - En justice ordinaire, l'Etat est en
qualité de cause parle ministère des préfets, l, 179.-Lespréfets sont contradicteurs légitimes pour agir et défendre sur les questions de droits fonciers qui peuvent s'élever relativement à la partie du domaine public située dans leur ressort, et dont la charge d'acquisition et d'entretien pèse
sur l'Etat, l ,277 et suiv. - C'est aux préfets qu'on doit s'adresser directement pour toutes demandes et réclamations à porter aux conseils de pré- fecture, l, 195 et 196. - Ils doivent transmettre ces demandes, 1)rovoquel' les décisions et les rendre exécutoü'es , Ibid.
Des diperses matières de compétence des préfets; de leur compétence sur
les questions d'alignement des routes et canaux, et d'alignement en matière
de voirie urbaine, 1,299,547, 557. ~ Voy. encore Alignement.
, De la compétence des préfets en matière de chemins ruraux, II,9!~4, 9!~5.
De la compétence des préfets par rapport aux chemins vicinaux ordinaires. - Etendue de leurs attributions, II, 16. - Ils déclarent la vicinalitê,
II , 14. - Cette déclaration est sans influence sur la question de propriété,
II, 160, 802, 882. - Ils peuvent forcer les communes à s'imposer pour
!a réparation des chemins, ;n, 80. -- Mode de mise en demeure, II,
8 r. - Ils doivent communiquer au conseil général l'état des impositions
par eu.1 ~blil:$ POUl 111 ré~Ql1 dt~ chemiJl:l, 11, 84.;=:;, Ils ont le
�TABLE A.NUTTlQUE.
809
proit J'administration directe des chemins intéressant p1usieBrs commup.es, II, 86.- Moyens mis à leur disposition pour l'entretien de ces sortes
de chemins, II, 86. - Les divers départements doivent s'entendre pour
pourvoir aux réparations des chemins intéressant ces départements, II , 89.
De la compétence des préfets quant aux chemins de grande comnlltllication, II, 93. -- Ils doivent préalablement classer parmi les chemins vicinaux
ceux qu'ils veulent faire élever au rang de grande communication, II, 96.
- Leurs arrêtés relatifs aux chemins de grande communication sont susceptibles d'être attaqués, II , 98. - Fixent la largeur de ces chemins, II,
98. - Ils ne peuvent seuls rectifier les chemins de grande communication,
II, 98. -Ils ont qualité pour accepter les offres faites par les particuliers et
les communes pour l'établissement des chemins de grande communication,
II, 99. -Ils donnent l'alignement sur les chemins de grande communication,
II, 1I0, - et dans les rues qu'ils traversent, II, 51 1. - Leur participation à
la délivrance des alignements. Voy. AliKnement, § 5.- Ils ont action pour
réclamer les subventions pour dégradation aux chemins de grande communication, II, 151. -Ils sont contradicteurs légitimes dans les procès coucer):lant ces chemins, Ill, 17.
Compétence des préfets relatipement aux chemins picinaux en général.
- Ils ne peuvent imposer de servitudes aux fonds voisins des chemins vicinaux que moyennant indemnité, II, 27, 446,457,477,777,780, g1g.
-Ils dressent le rôle de la contribntion des propriétés de l'Etat et dela Couronne aux dépenses· des chemins vicinanx, II, 132. - Ils règlent en conseil
de préfecture les suhventions par abonnement pour dégradation des chemins,
II, 155.-Ils reçoivent le serment des agents-voyers, II, 132. -Leurs
pouvoirs pour la conservation et la surveillance des chemins, II, 775 à 788.
- Voy. Con-serpation des chemins,' Communes; Plantations; Réglement
généraL. - Cas où les préfets peuvent prendre un arrêté dé police municipale, Il, goS. - Résumé de leurs attributions en matière de petite voirie,
II, 81,6. - Voy. Chemins picinaux, II, 797; Ré!lement municipal.
De la compétence des préfets en matière de conUits. Voy. Conflits.
De la compétence des préfets relativement aux délibérations des conseils
municipaux: ils prononcent seuls, en conseil de préfecture, sur la nullité de
ces délibérations portant sur des objets étrangers anx attributions des conseils municipaux, on prises hors de leurs réunions légales, J, 1'26, 127.
De la compélènce des préfets en matière d'élections. Voy. Listes électo..
rales.
De la compétence des préfets sur les mesures réglementaires de la police
des ·eaux, et comme chargés spécialement de la conservation des rivières,
Ill, r3g et sniv., rt'7, 317, 350. - Origine du pouvoir réglementaire des
préfets sur les cours d'eau, l, 132. - Du pouvoir réglementaire des préfets
eu ce qui touche aux cours d'eau en général, et spécialement à ceux d'Îl'l"igation naturelle, IV, 439, - Voy. encore Irrigation. - Nature de leurs
arrêtés réglementaires sur les cours d'eau; par quelle voie on peut en demander la réformation, IV, 440, 443.
De la compétence des préfets sur les débats relatifs aux marais et à leur
desséchement, IV, 671. - Voy. encore Marais.
De la compétence des préfets relativement à la répartition des charges
communales: ils sont seuls répartiteurs entre les communes des charges-relatives aux chemins vicinaux, l, 125. - Ils approU"ent et rendent exécutoires sur les contribuables les rôles de répartition de dépenses communales
\
de voirie, l, 483.
De la compétence des préfets sur la direction et la viabilité des routes et
canaux; origine de leur pouvoir sur cette matière, J, 132. - Ils peuvent
ordonner provisoirement et pour célérité l'enlèvement, la destruction, la réparil1iol! de tout ce qui ~ obstacle à la yiilbjJjté de~ routes, l, ~6 1 . . . . A.
�810
TAlILB ANAl.YTIQOE.
eux seuls appartient.de faire cesser l'opposition des propriétaires qui 'se ref'I-<
sent à laisser pratiquer dans leurs fonds les fouilles de matériaux destinés à
J'entretien des routes, l, 417. - Des travaux à faire aux routes départementales, et qui peuvent être exécutés SUI' la seule approbation des préfets,
1,359,361. - De la compétence des préfets en matière de demandes de
concession d'usines, ou en ce qui touche à lel\\' modification ou suppression,
III, 4~2, 1,17, 606etsuiv. - Voy. encore Usines.
PREFET DE LA COTE-d'OR. Ses arrêtés généraux sur les inspecteurs des
chemins vicinaux, II, 126. -Sur les ponts des fossés des chemins vicinaux,
II, 362. - Sur les plaus d'ali.gnement des rues des bourgs et villages, II,
465. - Sur les travaux non confortatifs, II, 580. - Sur le renvoi au maire
des alignements de grande voirie, II,·7.I5. - Sur les excavations près des
chemins, II, 776. - Ses arrêtés spéciaux sur la question de compétence
pour le réglement des dommages camés par des travaux puhlics, II, 385.-,
Sur l'oLligation imposée au propriétaire d'un fonds en contre-has d'nne voie
publique d'élever un mur de soutènement avec parapet, II, 493.
PREJUDICE. Voy. Dommages.
PREMIER OCCUPANt'. Voy. Occupalion.
PRÉPOSÉS. I!es préposés des droits réunis et des octrois. Ils sont compétents pOUl' constater par procès-verbaux les contraventions en matière de
grande voirie, l, 388.
PRESCRIPTION. De l'analogie et des différences qui existent entre la
prescription et l'aliénation ordinaire, l, 251. ~ La prescription peut~elle
être invo([uée par les propriétaires riverains des grandes routes royales,
quant aux arbres plantés le long de ces routes et sur le sol puhlic? l, 353.
- Peut-elle êt~e invoquée par If'S communes relativement aux arbres plautés
snI' les chemins publics antres que les gl'3ndes routes royales, et sur les rneS
des villes, hourgs et villages, contre les riv'erains qui en sont propriétaires?
l, 342, 353. - Un cf,emin public peut-il être étahli par le moyen de la
prescriplion ordinaire ~ II, 96/,. - Distinction et dillërence entre le chemin
public et les voies agl'aires ou chemins de senitude, II, 965. - Difficultés
que peuvent présenter les circonstances de fait pour la solution de cette
question, II, 969. - Si dans la construction d'un édifice sur le bord d'une
graude route il y a anticipation sur le sol public, et qu'elle n'ait pas été
poursnivie, par yoie de police, pardev'ant le conseil de préfecture, daus
l'année, ce tribunal cesse d'ôtre compétent, l'action étant prescrite, l, 360.
- Il en est de même dans le cas de conslructions illégalement faites au hord
des rivières navigables, Ill, 147. - Si la contravention est occulte, la
prescriptiou ne court qu'à dater dnjour où elle a été counue, Ibid. - Comment doit-on procéder alors contre l'usurpation commise au préjudice du
domaine public? Ibid.
La prescription ne s'applique pas aux fonds du domaine public, l, 246,
251. - Mais l'imprescriptibilité n'est qu'exceptionnelle du droit commun;
dans le doute, c'est celui qui l'invoque qui doit la prouver; et elle cesse lors:
que la destination ou affectation ail senice public est supprimée, 1,256.Celle suppression peut a\'oir lieu expressément on tacitement, l, 257 et
suiv., 968. - Doctrines diverses des auteurs à ce sujet, l, 259. - Elle a
lieu tacitement, et les fonds du domaine public deviennent prescriptibles par
le seul fait de leur dégradation accidentelle, après l'anéantissement du service dont ils étaient affectés, sans qu'il soit nécessaire qu'un décret de l'autorité compétente ait ordonné la rentrée du sol dans le commerce, l, 26r
et suiv.; II, 968. - Toutes les questions de prescription qui pem'ent naitre
dans cet état de choses sont de la compétence des tribunaux ordinaires, l,
283. - Le domaille public peut aussi acquérir par prescription; différençe
entre sa cause et celle des particuliers qlli en sont les parties adverses, J,
285; II, 966. - Opinion conforme de M. Isambel't, Traité de la poirie!
�TABLE ANALYTIQUE.
811
II, 966 (note). - L'action publique intentée au civil paI'devant le conseil
de préfecture, pour délit de grande pairie. met-elle obstacle à la prescription extiuctive de l'action correctionnelle à renvoyer au tribunal de police
ordinaire? l, 399 et suiv. - J_a jouissance exclusive exercée parle propriétaire riverain d'un chemiu public, sur lcs eaux p/uriales qu'il en a fait
dériver daus son fonds, IJeut-elle avoir fait acquérir par prescription le droit
de la continuer? IV, 177, ibid, (note) et 179 (note). - Le propriétaire d'U\l
fonds inférieur peut-il acquérir paI' prescription le droit de forcer le propriétaire supérieur à lui transmettre l'écoulement des eaux pluria/es? IV, r7l._
La prescription ne peut s'accomplir sur les choses de pure faculté, l ,
501. - De la prescription acquisitive ou extinctive du droit d'irrigation,
IV, 334 et suiv. - Le droit de prise d'eau d'irrigation s'éteint-il par la
prescription trentenaire résult3.lJt du non-usage? III, 474, l.75. - Le droit
de pêche daus une rivière peut-il être acquis par prescription à l'un des l·i·
verains exclusivement à l'autre? IV, 51 et suiv. - Aucune longue possession ne peut faire acquérir par prescription, vis-à-vis du gouvernement, le
droit de conserver aucune anticipation, construction ou prise d'eau faites.
saus autorisation sur le bord des ririères narigab!es Olt flottables, III, 209.
- La prescription ne s'applique pas en général aux serritudes discontinues;
II, 1003 et suiv.-Voy. encore Serritudes discontinues.-Dela prescription
an moyen de laquelle le propriétaire inférieur peut revendiquer l'usage des.
eaux de la source née dans le fonds supérieur, IV, 228. - Des cQ.nditions
nécesiaires à l'accomplissement de cette prescription, IV, 235 et suiv. - L!l.
servitude acquise sur les eaux de la source du fonds supérieur peut-elle s'éteindre par prescription si la source ce,se de coulerlJendant trente ans? ou
la renaissance de cette source la fait-elle revivre de pleiu droit? IV, 25l.,
255,258 (note). - En général la prescription tle tous droits qui ne peuvent
s'exercer qu'à des époques indéterminées, court-elle du jour où le dernier
acte d'exercice a eu lieu? IV, 257 (note). - De la prescrilJtion applicable
à l'action en indemnité du propriétaire de la source dans laquelle les hahitaIJts d'uue commune exercent la servitude légale de prise d'eau IJour lems
besoins, IV, 269 et suiv. - Conditions nécessaires à l'accomplissement de
cette prescription, IV, 271. - La prescription n'est pas applicable au droit
de territoire des communes, l, 456. - Avantages néanmoins du possessoirll
en cette matière, Ibid. - La prescription n'est jamais opposable à l'action
publique de l'administration pour ordonner la suppression ou modification
des usines dans l'intérêt général, III, 564 et suiv., 574,575, 6r4. -Mais.
elle est opposable lorsque la suppression n'est demandée que par un particulier et dans son intérêt privé, III, 6 l 7. - Quel genre de pre,cription
peut-on opposer à l'ancien propriétaire d'une /lsine tombée en ruine, soit
pour écarter sa demande eu indemnité, soit pour l'empêcher de reconstruire
autremeut qu'en vertu d'une nouvelle concession du prince? III, 6l,8. L'action des propriétaires voisius d'nne usine en rélJaration des dommages
causés par la retenue ou la direction des eaux se prescrit-elle par un silence
de trente ans de leur part? III, 564 et suiv. - Quel serait le point de départ de cette prescription? Ill, 567.
PRESCRIPTIBILITÉ DES CHEMINS. Diversité des opinions ancicnnes
sur la prescriptibiliLé des chemins vicinaux, II, I I 1.- Les chemins vicinaux
reconnus et maintenus comme tels sont imprescriptibles, II, II2. - Quid
des autres? II, 112 à 116. - Les accessoires des chemins sont imprescriptibles, II, l r6. - Condition pour qu'un chemin dp,vienne prescriptible, II,
II7'- Temps nécessaire pour cette prescription, II, II9. - On ne peut acquérirpal')Jl'escription des servitU(les sur les chemins, Il, 122. - Ni sur les
promenades publiques, II, 600. - Non plus que des saillies on des excavations, II, 122.-La prescription par rapport aux chemins peut être considérée comme moyen de les acqnérir et comme 1D0yen de les perdrc, II, n3.
�8i ~
lndemnjté~. -
TABLB ANALYTIQUE.
L'action en ind..mnité due aux propriétaires ponr les terrains qui auront servi à la confection des chemins vicinaux et à l'extraction
de matériaux, se prescrit par deux ans, II, 287. - La créance de l'indemnité liquidée n'est prescriptible que par 30 ans, II, 2g0. - La prescription
de deux ans ne peut être invoquée qu'au cas où la dépossession a eu lieu
dans les formes légales, II, 287 à 28g. - Point de départ de cette prescription, II , 2g r. - Hypothèses où elle recevra son application, II , "gr,.
- Elle est susceptible d'interrnption; actes interruptifs; cas où l'interruption résulte d'actes extrà-judiciaires, Il, "g5 à 300. - L'effet interruptif
de ces derniers actes ne devrait pas s'appliquer à tonte espècll de prescription, II, 300. - Cas où l'interruption est non avenue, II, 302. _ La
l)l'escription biennale est suspendue pendant la minorité et l'interdiction, II,
302.-L'article 2275 du Code civil est inapplicable à cette prescription, II,
307. - La prescription biennale s'applique aux usufruitiers, locataires et
fermiers comme au propriétaire, II, 307. - Autorités compétentes pour
statuer sur la question de l)rescription, Il , 308. - Question transitoire..La
l)rescription de deux ans s'applique-t-elle aux indemnités dont le principe
est antérieur à la loi de I836? II, 30g. - Cette prescription n'existe qn'en
faveur des commll)es et ne peut être invoquée par les particuliers pour s'affranchir de leurs obligations envers celles-ci, II, 3 rI. - Délai de la prescription de l'indemnité en matière d'alignement. II, 708. - Péremption
des permissions de construire, II, 708. - Prescription du prix des chemins
déclassés et vendns, II, 321,. _ Nulle prescription du droit de s'approprier les eaux pluviales qui tombent sur Ls chemins, II, r,q.9, q.50. - On
ne peut prescriTe les abus, ni ce qui est contraire à la sûreté, la salubrité et
l'ornement des villes, Il, q.q.2, gI2 et gI6.
ContrayenfÏons. - Prescriptions des contraventions d'alignement: poursuite,II, 52g; peincs, II, 53I; démolition,II,53r; amendes et infractions
de grande voirie, II, 533 à 535, 8g2.
.
PRESTATAIRES. Ils doivent être mâles, II, 58. - Valides, II, 58.
- Agés de plus de 18 ans et de moins de 60, II, 59. - Les membres de
la famille sont soumis à la prcstation, II, 60. - Le rôle des prestataires est
dressé par le conseil municipal, 1l , 82. - La journée est comptée à ceux
qui tombent malades, Il, 56. - Ils peuvent se faire remplacer par un ouvrier, II, 57. - Ils doivent se pourvoir des outils nécessaires aU travail,.
Il, 56. - Voy. Prestation.
PRESTATION. Diverses espèces, II, 44. - Conditions da son exigihilité. - En considération de quoi elle est imposée, II, q.q.. - EUe est at·
tachée à l'habitation, II , q.6. - Est payable dans toutes les résidences, If ,
46. - Dans quel lieu les ouvriers et manœuvres y sont assujettis, II, 47.
- La résidence est nécessaire pour y être soumis, II, 62. - Quelle durée
doit-elle avoir? II, q.7. - Le forain en est affranchi, II, q.6. - Les chefs
de famille y sont soumis, II, r,8. - Le fermier, id., II, 4g. - Aucune
fonctiou n'en dispense, Il, q.g. - Secùs des infirmités, II, 5g. - Pour
devoir la prestation, il faut être porté au rôle des contributions directes,
JI,50.
Nature et étendue. - Elle peut s'élever jusqu'à trois journées de travail,
Il, 55. - Voy. Journée de trayail. - Diverses espèces de ,'oitures soumises à la prestation, II, 63. - Répartition en plusieurs classes, Il, 56.
- Elle doit être plutôt restreinte qu'étendue, II , 6g. - Elle est appréciée
en argent par le conseil général, II , 7r. - La prestation en argent est la
deIte principale; celle en nature est subsidiaire, II, 72. - Conversion en
tâches de la prestation en argent, II, 72. - Le réglement général du préfet
peut autoriser la sons-division des travaux à exécuter sur les chemius, en
di'·ers lots ou tâches à répartir entre un certain nombre d'habitants; con>rad~iQ.Jl avec M. rl'OlldhOll, Il, 431.-:: Voy. R6gl_ent Uénbal. -- Eu Çlls,.
�TAnLB ANALYTIQUE:
813
d'insuffisance des prestations, il Ya lieu de recourir à la contribution extraordinaire, II, 36, 797. - La prestation peut être payée en nature ou en
argent au gré du contribuable, 11, 74. - Elle ne peut être cédée à un adjudicataire, II, 75. - Elle n'arrérage pas,53.
Destinatiot.. - Elle ne peut être employée à d'autres tranux qu'à ceux
des chemins, II, 53. - Elle peut l'être hors de la commune, II, 74.
Recouvrement. ...... Mode, II, 76, 797. - Peut être recouvrée par voiede garnisaires, II , 77.
Cens électoral. - La valeur de la prestation entre dans la composition
du cens électoral, II, 41. - Comment elle t'st comptée à ce titre au fermier
et au colon, II, 43.
Compétence• ...... Lt'S conseils municipaux et les répartiteurs ont un pouvoir discrétionnaire pour la répartition des prestations, II, 51. - Les réclamations contre le rôle des prestations s'adressent au conseil de préfecture,
II, 70, 77 ....... Elles se font sur papier libre, II, 77.
Prestation en nature, son injustice, ses inconvénients, son inefficacité,
If, 34, 69,78,431."- Voy. Bête de somme; Charrettes; Prestataires;
Poitures.
l'REUVE TESTIMONIAL'E. Est-elle admissible pour établir l'existence
et le contenu d'un ancien titre perdu? III, 576. - Si ce titre était uue
concession d'usine émanée du gouvernement, devant quelle autorité seraiton admis à cette preuve? III, 639....... La preuve testimoniale ne peut suppléer à l'alignement écrit; II, 514.
PRISE A PARTIE. - Voy."Juges.
PRISES D'EAU. La prise d'eau pour boire et abreuver les bestiaux appartient à tous indistinctement et dans toute espèce de cours d'eau, III, 3:1.2 ;
IV,77·
Les prises d'eau POlll' irrigation ne peuvent, en aucune sorte, être faites
SUI' les rivières navigables, III, 94, 368. Mais elles restent permises
dans les parties supérieures de ces rivières où le cours d'eau n'a pas été déclaré navigable ou flottable, III, 82 ,. 369....... Cependant le gouvernement
peut, au moyen d'une défense spéciale, interdire" les prises d'eau même
dans ces parties ni navigables ni flottables, III, 81, 82, 369' - Il n'en est
pas de même des ruisseaux affiuant dans les Canaux de navigation creusés à
main d'homme; ici la prise d'eau est prohibée de plein droit, III, 82. Les concessions qui en seraient faites demeurent toujours révocables,
III,83.
Du droit de prise d'eau d'irrigation qui appartient aux propriétaires ri.
verains des petites rivières, IV, 68 et suiv. - La nécessité de l'autorisation
peut-elle être imposée, par un réglement administratif, pour les prises d'eau
faites à l'aide de saignées dans les petites rivières, Ill, 634 et suiv. (note).
-Du droit de prise d'eau d'irrigatiqn sur les ruisseaux et petits cours d'eau,
IV, 3II.-Des difficultés qui peuvent s'élever entre les propriétaires d'qsines
sur les petites rivières, et les riverains, au sujet des prises d'eau d'irrigation,
III, 419, 420. - Voy. encore, pour les dhelollpements, Irrigation;
Usines. - Du droit de prise d'eau qui appartient à titre de servitude légale,
et pom les besoins de la vie, aux habitants des communes ou hameaux, sur
les sources voisines, IV, 259.- Voy. encore Sources.
PRISES MARITIMES. Sont illégales si elles ont été faites près d'un
continent et dans la mer territoriale d'une puissance avec laquelle le gouvernement du capteur n'élait pas en guerre, III ,1\ l , 32'.
PRISONNIERS DE GUERRE. Pourquoi ils devenaient esclaycs thez
les Romains, l, 15, 16.
PRIVILEGE. l,a commune n'a point de privilége pour le recouvrement
.des subventions à raison de dégradations commises sllr ses chemins par des
.exploitatious, II, 153. - Ni pour les prestations, II, 154..... Pu privilége
�814
'l'ABLE ANALYTIQUE.
'qui appartient aux entrepreneurs de desséchement de marais, sur les fonds
-desséchés, IV, 663,
PROCÉDURE. De la procédure à suivre pardevant les autorités adjointes
à l'administration, l, 188 et suiv. - Voy, encore Conseils de préfecture;
Tribunau,x administratifs.
PROCES. Des procès à intenter ou à soutenir de la part des communes.
Pouvoirs des maires à ce -sujet; variations subies par 110S lois nouvelles, II,
980, ibid. (note). - Voy. Maire. - Des procès contre l'Etat; formalités
exigées sous peine de nullité préalablement à l'ouvertüre de l'action, l, 222
à 224. - Des procès criminels; ils ne peuvent jamais être instruits ni jugés
par l'administration, l, 210.
PROCÈS-VERBAUX. Des procès-verbanx destinés à constater les contraventions en matière de grande voirie; pal' qui et dans quelle forme ils
doivent être dressés, l, 388, 389 (note), 393. - Sont sujets il. l'afl1rmation, il. l'exception de ceux des agents-voyers; devant qui et dans quel délai,
1,389,393; II, 128, - A qui ils sont adressés, l, 392. - Quelle foi
leur est due en justice, l, 395; JI , 128. - Forme des procès-verbaux de
reconnaissance de viabilité des chemius et des dégradations qui y sont commises, II, 136. - Procès-verbal des dégradations occasionnées par des
exploitations, Il, <52 ....... Le procès-verbal de la délibération du jury d'expropriation transfère la propriété, JI, 229. - Il doit toujours être déposé
au greffe du tribunal lors même que le directeur du jury est 'un j lige de paix,
II, 229.
PROCUREUR DU ROI. Son devoir dans les causes où il y a lieu à
conflit, 1,207,226 et suiv.
PROMENADES. Les promenades publiques qui sont établies dans l'intérieur ou à l'extérieur de l'enceinte des villes font-elles partie du domaine
public municipal? l, 492. - Les promenades publiques ne sont pas assujetties à l'alignement; elles ne peuvent être limitées que pal' un bornage,
II, 599 à 602.- Les servitudes ne peuvent s'y acquérir var prescription,
Ibid. et l, 492 (note).
PROMULGATION. En quoi consiste la promulgation des lois, et à qui
elle appartie?t, l, 69.
~ROPRIETAIRE. Effets de I:alignem~n~ à l'~gard ~u pr0l'riétaire. Vo~ez
Altgnement, § 6. - Effets de 1 exprOpl'JatlOn a ~on egard, Il, 2f,8 et sUlV.
- Quand les subventions pour dégl'adation des chemins sont à sa charge,
Il,144.
_..
.
PROPRIÉTÉ. Définition de la propriété. En quoi elle consiste; notions
générales sur la propriété et sur les diverses espèces de domaine, l, 36, 62'.
- La propriété est la hase des sociétés, l, 53. - Elle tire son origine du
droit naturel, l, 36, 50 et suiv. - Les rois de France n'ont jamais eu le
droit de disposer de la propriété privée de leurs sujets, Il, 200. - Le sacrifice d'une propriété privée ne pouvait autrefois en France être exigé pour
l'intérêt public sans une juste.iudemnité, Il, 654.- Respect outré du droit
de propriété, Il, 198. - Opinions de MM. Cotelle et Tarbé de Vauxclairs,
à cet égard, Il, 583.
Comment le droit de propriété mobilière ou immobilière a été admis dans
la société et le com.merce des hommes, l, 36 et suiv.-Comment le droit de
propl:iété foncière est devenu J'objet fondamental du droit des gens, Ibid,Transmission du droit de propriété; différence entre celle qui s'opère pal'
actes entre-vifs et celle qui s'opère par décès, l, 4r, 42. - Toutes contestations qui ont pOlir objet la propriété ou des droits réels sur la propriété sont
exclusivement dévolues aux tribllnaux ordinaires, l, roo, 122, 1)8, 255,
281,354,416,586,591; II, 160; III, 167; IV, 686.- Voy. Alignemerl/
(5 8,jl(ridiction répressipe, question préjudicielle). -PI'0lw'été des chemins
vicinaux, II, 21 à 23,89,818,821. - Les propriétés des communes, de
�TAULE ANÂLYTIQUE.
815
l'Etat, de la couronne et du domaine privé du roi, contribuent a;lx depenses
des chemins vicinaux, II, 132, 133. - Translation de propriété pal'I'expropriation, H, 229, 236 et suiv. - Par l'alignement, II, 507 à 509, 664:
-- Propriété des arbres le long des chemins, II, 451.
PROPRIÉTÉS COMMUNALES. Voy. Communaux.
PIJBLICATION. En quoi elle diffère de la promulgation, l, 70.
PUISSANCE PATERNELLE. SOU origine dans le droit naturel, l, 30, 3r.
PUITS. Ce que c'est, IV, 186. - Chacun est libre d'en établir sur ses
héritages; ils. sont l'objet d'un véritable droit de propriété; nul n'y peut
prendre d'eau sans le consentement du propriétaire, excepté pour les cas
d'incendie, IV, 193. - Des ouvrages prescrits par les réglements et usages
locaux à celui qui veut creuser un Imils , IV, r8 7 (note). - On ne peut
se soustraire à cette obligation par la prescription, IV, 189 (note ).- Droits
des propriétaires dont les puits sont gâtés soit par les fosses d'aisances des
voisins,. soit par des infiltrations provenant d'établissements industriels, IV,
188 et suiv. (note). - Le locataire d'une maison dans laquelle il existe uu
puits peut demander la résiliation de son bail, si le propriétaire ne ,-eut pas
y faire ,enir l'eau, IV, 190 (note). - Comment reconnaître si l'usage d'uu
puits a lien à titre de copropriété ou de servitude, et quelle est au premier
cas l'étendue du droit de chaque intéressé, IV, '92 et suiv. (note). - Observations sur la communauté des puits, IV, 194 (note). -Voy. Eauxsouterraines.
PUITS ARTÉSIENS. Ce que c'est, IV, 195 et suiv.- Les voisins d'une
propriété dans laquelle a été creusé un puits artésien sont-ils assujettis à
donner passage à l'eau qu'il débite, IV, 196 (note), 509 (note).
PURGE. Voy. Hypothèque.
Q.
QUALITÉS CIVILES. Les qualités civiles de l'homme ne sont point dans
le commerce, l, 14.
QUESTION. QUESTION PRÉJUDICIELLE DE PROPlIIÉTÉ. -Voy. Alignement
(§ S,juridiction répressipe, question préjudicielle). - Extraction de matériaux, II, 286.
QUESTION Tl\A.NSITOIRE. La prescription de deux: ans s'applique-t-elle aux
indetimités pour terrains ayant servi à la confection des chemins vicinaux,
lorsque leur principe est antérienr à la loi de I836? II, 309.
R.
RADEAUX. Ce que c'est, III, I9S.-Dn flottage avec trains ou radeaux,
et du flottage à Mches perdues, Ibid. etsuiv.-Voy. encore Flottage.-Lcs
radeaux ne doivent point passer dans les arches et près des échafaudages où
l'on travaille à la construction ou réparation de quelque ouvrage public, III,
23, 157. -Peines contre les mariniers qui, en contrerenant à, cette défense,
auraient porté dommage, Ibid.
RADES. Les rades font partie du domaine public, l, 24S; III, 32, 33.
RAVINS. Voy. Torrents.
_
RÉCIDIVE. L'emprisonnement peut être prononcé pour contravention il
l'alignement, en cas de récidive, II, 53!.
RÉCLAMATIOi'lS. Manière de les former pardevant les autorités admi'
nistratives, 1, r90. - Voy. encore Conseils de préfecture et TrilJllllauxadministratifs·
RECONNAISSANCE DES CHEMINS vrcrNAUX. Voy. Déclaration de Plèinalité.
RECOURS. Griefs des riverains et recours contre la déclaration de vicinalité par le préfet, II, 14, 16, r 59. - Recours contre celle des c11emins de
grande communication. prouoncée par le conseil général, II, 96. -- COlltr"
�816
TAllLE ÀNllYTlQtiE.
les arrêtés des préfets relatifs aux chemins de· grande coIDIDunicatiOfi , Ii;
98. - Le recours contre l'arrêlé du préfet qui autoris~ l'ouverture ou le redressement d'un chemin vicinal n'est pas suspensif, Il, .226. - Le recours
au conseil d'Etat n'est pas non plus suspensif lorsqu'il s'al)it d'alTêtés de
~onseils de préfecture en matière de contraventions de grande voirie, l, 392,
393. - Les communes peuvent se pourvoir contre l'imposition établie par
le préfet pour l'entretien des chemins vicinaux, II, 84. - Recours au conseil
de préfecture contre le rôle des prestations, Il, 70, 77. - Le ministre des
finances est sans qualité pour se pourvoir contre ce rôle, Il, 70; - Recours
en cassation contre le jugement d'expropriation, TI, 244~ - Contre la décision du jury et l'ordonnance du directeur, II,260. - Voy. Cassation.Recours à l'autorité supérieure contre l'arrêté du maire ordonnant la démolitiou d'un bâtiment menaçant ruine, TI, 5 If" 519. - Voy. Alignement ( §
5, IIIo, recours contre l'alignement). Voy. Conseil d'état.
RECOUVREMENT. Mode de recouvrement des prestations, lI, 76, 77,
797. - Des subventions, Il, 153.
RECRUTEMENT. Disposition de la charte de 1830 sur le recrutement,
l, 68. - Cet impôt ne peut être que dans le domaine de la loi, Ibid.
RECULEMENT PAR ALIGNEMENT. Il peut ètre imposé à un seul côté de
la rue, II, 7' 7, - La cession du terrain est forcée; il Y a expropriation du
riverain, II, 615, 6I6.-Le retranchement peut s'étendre à la totalité d'une
maison, Il, 648 à 653.- Encas de l'élargissement d'unerue,l'administration
peut exproprier la totalité des bâtiments entamés, II, 681 à 685.-Le l'élargissement des voies publiques peut s'opérer par la voie de l'align~ment, II,
627 à 647. - Indemnité du reculement. Voy. Indemnité. - L'indemnité
appartient-elle à l'acquéreur? Il, 608. - roisinage. Aucune indemnité
n'est due au voisin pour le préjudice résultant du reculement ordonné, s'il
n'y a faute, II, 480. - Le mur mitoyen doit être respecté en entier par le
constructeur qui recule, II, 480. - Celui-ci peut llUvrir des vues obliques
à moins de six décimètres du mur voisin, II, f,82.
RÉCUSATION. Récusation des experts chargés d'estimer les indemnités
pour extraction de matériaux, Il, 286, 287.-Et la valeur des chemins déclassés, II, 334, 335. - Récusation des membres du jury d'expropriation,
II,253. - Du juge de paix nommé président du jury, II,227.
REDRESSEMENT. Différence avec le l'élargissement, II, 197.- Importance du redressement des chemins, II, 789, - Prescription de l'indemnité
due pour redressement. Voy. Prescription, II, 287 et suiv.- Voy. Décla"
ration de vicinalité.
RÉGISSEURS. Doivent la prestation, II, 49.
.
RÉGLEMENTS. Des réglements du pouvoir exécutif; leurs objets et leurs
limites. Voy. Pouvoir exécutÎ]. -Des réglements sur les cours d'eau en général, et en particulier sur ceux d'irrigation. Voy. Cours d'eau; Irrigation;
Riverains.- Des réglements particuliers en matière pénale; quels sont èeUli<
qu'on doit regarder comme abrogés par le Code pénal, l, 641 et suiv.
RÉGLEMENTS D'ADMINISTRATION PUBLI<;1.UE; leur forme et leur nature,
II,855.
RÉGLEMENT DE JUGES, Dans quels cas a lieu la procédure ordinaire
en réglement de juges, l, 202.-Il n'y a lieu à réglement de juges entre les·
autorités administratives et judiciaires que lorsqu'un con(lit a , de fait, été
élevé; jusque là on procède à la manière ordinaire, 1,203 et sniv. - Mais
le conflit une fois élevé, il ne peut être vidé par l'autorité judiciaire, l, 204.
- C'est au prince seul, en son conseil, qu'il appartient de statuer, ibid.
et 207, 208.
REGI.EMENT GÉNÉRAL DES CHEMINS VIClNAUX. - 1° DE QUI DOrP-IL
ÉMANER? -Les préfets sont tenus de faire un réglement général pour l'exé·
cution de la loi du 2 l mai 1836, II, f~I6 ...... Critique de oette tlispositiOl.
�817
TABl.E AlliALYT1QUE.
dérogatoire au principe de l'unité de législation, II, 4r 7 à 425.-Les maires
ne peuvent prendre, par rapport aux chemins "icinaux, d'arrêtés que sur
les points dont le préfet leur aurait délégué la surveillauce pal' son réglement, II, 428, ou qui seraient relatifs à la sécurité du passage ou à la salubrité, II, 44t,. -IlO FORMESj II, 416. - Elles doivent être suivies poul' les
modifications qu'on voudrait apporter comme pour le 1" réglement, II,
426. - mO CARACTÈRE.- Il peut être modifié, II, 425 et suiY.-N'a point
d'elTet rétroactif, II, 458. - IVo OBJETS: deux espèces: l'entretien périodique, détail, II, 430 ; la propriété et les droits réels èomlltenant : rO la
largeur, II, 434.-2° Les fossés et leur curage, II, t,38.'-3° L'écoulement
des eaux, II, 440.-4° Les plantations et élagages, II j t,5r ._5° Les dlignements et autol'isations d" constl'1lire, II, 460 à 774. - 6° Divel's al/tl'es détails de conservation etdc surveillance, H, 775. ~ Voy. cil oulre ces mots.
- Mais il ne peut s'étendre à la police du roulage, II, lOg, 788, 8g4. VOEFFETS. - Lorsque le réglement imposera aux riverains des charges que
ceux-ci ne seraient pas tenus de supporter d'après le droit commun, il y aura
lieu à cet égard à indemnité à leur profit, II, 27, 44 6 , t,57, 477,777, 780,
919. - VI· SUICTIoN.-Peines applicables aux diverses infractions à ses dispositions, II, 428.-Autorité compétente pour réprimer les contraventions,
II, t,3o, 822.
RÉGLEMENTS MU~ICIPAUx.. - 1° DE QUI DOIVENT-ILS "M"NER? Du
maire, II, g08. - Cas dans lesquels cependant ils pourraient être pris pal'
le préfet, II, gog. - Au préfet et non an maire, il appartient, en ce qui
concerne les chemins vicinaux, de prendre des arrêtés sur les objets compris
en l'art. 2 l de la loi du 2I mai 1836, II, 428 , 444. - R1(ceptiou en faveur du maire en cas de réserve dans le règlement préfectoral, II, 428; ou
lorsqu'il s'agirait de la sécurité du passage ou de la salubrité, II, 444. -~
II o CARACTÈRES ESSRNTIELS DES "'''GLEMENTS MUNICIPAUX. Ils doi"ent être
généraux et embrasser omlles !lomines l'es ve, II, gIO; aliter inefficaces,
exemple; II, 9 II. ~ Exception lorsqu'il y a aITêté général préexistant, II,
gI". - I,e maire ne peut dispenser un citoyen de l'exécnlion, II, gII.Ils doiœnt ne disposer que pour l'avenir, II, gIO. -N'ont point d'elTet rétroactif; erreur de la Cour de cassation, II, 4g6 et sniv., g20. -IIIo FORCE
EXÉCUTOIRE. - Ils sont exécutoires par eux-mêmes sans approbation préalable du préfet. sauf réformation, II, g06.- Il en 'était ainsi anciennement,
II, g07.- DilTérence entre les réglements permanents et ceux qui né le sont
pas sur l'époque où ils sont exécutoires, II,g08. -l.'approbation du préfet
rend-elle les premiers exécutoires sur-le-champ? II, g08. - Le préfet ne
peut qu'annuler les réglements municipanx oit en' suspendre l'exécution,
mais non les modifier, Il, g08. - Les tribunaux ne pêuvent en suspendre
ou retarder l'exécution, II, g24. - Un aITêté peut,il êtrè réformé quand il
a servi de base à une condamnation? II, g25.- IV OOnJET~ DF.~ ARRÊTÉS MUNICIPAUX. - Ils ne peuyent porter que sur les objets confiés à la vigilance
des corps municipaux par les lois de I,8g, 17go, 17g1 et 1837; II, 8jg,
8gg; texte de ces lois, II, 8g6 (en note).-S'ils statnent snr d'antres objets,
ils ne lient pas les tribunanx, II, 8gg. - Seczls pour les réglements antérieurs à 17go Don abrogés, II, g02. -Quand ils sont pris dans le cercle des
attribntions, ils lient les tribunaux quelque injustes ou dommageables qu'ils
soient, II, goo, g'14 ; exemples 1 ib. (en note). - Exemples d'arrêtés compétemmcnt pris, II; t'7S, 4g1, 4g2, 4g4, 4gS, 4g6, 772.- Exemples d'arrêtés incompétemment rendus, II, g04, 473, 4g2, ,42.- L'illégalité d'une
disposition n'allT'ule pas l'arrêté en entier, II, goS. - Ne peuvent étendre
ou restreindre les dispositions d'nne loi, ni modifler la peine, II, g05. Mais ne sont pas nuls parce qu'ils ne prononcent aucune peine, ou parce
qn'ils en portent une trop forte ou trop faible, II, go6.-v· EFFETS: 1° ElenTOM. IV.
52
�818
TA8LJ3 ANALYTIQUE.
due territoriale; its obligent tous ceux, même les non habitants, qui se trouvent sur le territoire de la commune, II , 92.0. - Exception, Il , 921. 2.. Personnes; toutes y sont soumises sans qu'aucune autorité puisse en dispenser certaines, Il, 92.3 ; exemples pour les entrepreneurs du génie, lb.
- Exception pour les courriers de la malle-poste, lb. - 3· Dommages;
indemnité; trouble; -Quelque dommageable que soit aux droits privés, un
arrêté légalement pris, il ne donne pas lieu à indemnité, II, g15, t,44, 447.
-Secùs s'il a pour objet des améliorations entraînant expropriation, II, 2. 7,
446, t,57, 1'77, 777, 780, glg. - L'exécution d'un arrêté légalement pris
ne peut être considérée comme trouble et motiver la complainte, II, gr3.En prohibant un fait, un arrêté, on rend l'auteur responsable de ses consé.
quences dommageables, Il, 528. _1,0 Démolition; réparation. -Les tribunaux doivent ordonner la suppression de ce qui a été fait en contraveution à
un arrêté, Il, 519, 52.5; quelque dommageable que soit cette exécution,
II, 522.; exception, II, 524. - VI· IilXCUSE. - Aucune excuse tirée de la
bonne foi, de la difficulté, de la bonne intention, etc., ne peut être proposée
en fait d'inexécution d'un arrêté, II, g24. - Quid du défaut de discernement? lb. - VII· EXCEPTIONS; AnROGATION.-Diverses espèces d'exceptions
admissibles contre l'exécution d'un arrêté; leur effet, II, 922.-Exceptions
préjudicielles, II, 538. - Voy. ce mot. --On ne peut exciper de l'abrogation par désuétude, II, g13, 917, t./,5; - ni de l'usage contraire, ib.; -ni
du droit de propriété, II, 914; - ni d'un titre contraire, ib. II, 918; -ni
d'une permission spéciale, II, 9II ; de quelque autorité qu'elle émane, Il,
9 23 •
REJET DES EAUX. Contravention résultant du rejet des eau~ sur les
propriétés voisines; de la peine applicable à cette contravention; des personnes qui en sont passibles; de la l'éparation du dommage causé, III, 501
à 504. -La responsabilité a-t-elle également lieu si l'inondation ou le dommage provient de travaux autorisés par le gouvernement, Ibid. et 504,512.
_ Le possesseur d'une usine ou d'un étang qui n'a pas dépassé la retenue
d'eau tlxée par l'administration, peut-il être affranchi de toute réparation
civile du préjudice causé par une inondation? III, 513 et suiv. (note). Précautions que doivent prendre l'usinier ou le possesseur d'un étang pour
être à l'abri de toute action en dommages-intérêts, III, 516 (note).
RELAIS. Voy. Lais.
RÉLARGISSEMENT.Différence avec le redressement, Il, Ig7. -Différence entre le l'élargissement d'une rue et l'ouverture d'lme rue nouvelle; l'un
s'opêre par alignement; l'autre par expropriation, II , 627 à 652 , et 685
à 688. - Aucune loi n'a tlxé à six mètres la largeur des chemins vicinaux;
erreur il cet égard; la loi de l'an XIII n'avait fixé ce maximum que lorsqu'il
s'agissait d'élargir un chemin préexistant, Il, 189. - C'est au juge de paix
à fixer l'indemnile en cas de reIargissement d'un chemin vicinal, II, 159,
388. - Prescription de l'indemnité. Voy. Prescription. II, 287 et suiv. Voy. Experts, II, 16l,. - Ouverture; - Reculement.
RELIGION. Ses dogmes sont soustraits à l'empire de l'autorité souveraine; ses solennités extérieures seules peuvent être réglées par cette autorité, chargée des mesures de police, l, 1ro.-Opinion de Blackstone, suivant
laquelle le principe contraire serait adopte par les constitutions anglaises,
l, III.
REMPARTS. Des remparts des places de guerre et forteresses. Voyez
Terrains militaires.
RÉPARATIONS. RÉPARATION DES nA>rmENTS. Confortatives ou non, peuyent être prohibées par un arrêté municipal, à moins de permission préalable, II, 471. - Reparations confortatives et non c<>nfol'tatives, II, 565 à
597. - Voy. Travaux confortatifs; AliK/lemcnt, § 4; roirie urbaine; Dé-,
�'l'AnUS ANAtYTIQUE.
Sl9
molition. - Droit dll locataire à des réparations eu IXIS d'expropriation, II,
691 à 694, 697 à 702. ~ Voy. Locataire.
'RÉPAIU.TION DES CHEMINS. Le préfet peut forcer les communes à s'imposer
pour la réparation de leurs chemins, II, 80.- Voy. Préfet; - Entretien
des chemins.
RÉPARTITION, RÉPARTITEURS. De la répartition des impôts et charges
publiques; elle est dans les attributions exclusives du pouvoir exécutif, l,
130. - De la répartition des dépenses de voirie à la charge des communes
ou habitants, et en particulier de celle qui porte sur les dépenses relatives
aux chemins vicinaux; elle est dans les attributions du l1réfet en conseil dc
préfecture, l, a5; II, 87. - Comment elle se fait, l, 483. - Répartition
des subventions entre les communes dont les chemins sont dégradé!', et eutre les différentes exploitations qui ont dégradé, II, If,8.
J~'l répartition des prestations est an pouvoir discrétionnaire des réparliteurs et des conseils municipaux, II, 5r, 52.-Mode de répartition en plnsieurs classes, II, 56. - Elle doit être plutôt restreinte qu'étendue, II,69'
-Ils donnent leurs avis sur la répartition des frais d'entretien des chemins intéressant plusieurs communes, II, 88. - Le concours des plus fort imposés
})Onr la répartition des frais d'entretien des chemins intéressant plusielll's
communes est snpprimé, II, 88.
RÉSERVOIRS. Ce que c'est; eù quoi ils diffèrent des étangs, IV, 58!,.
-Les riverains peuyent-i18 y faire des prises d'cau pour l'irrigation de leurs
héritages? IV, 323.
RÉSIDENCE. Depuis quel temps doit-elle avoir lieu pour rendre passible de la prestation? II, 47. - Est nécessaire pour être soumis à la prestation,lI, 62. - Voy. Prestation.
RÉSOLUTION DE BAIL. Voy. .locataire. - RÉsOL1:JTION DR VENTE. Le
refus d'opérer, des experts, n'est pas' une cause de résolution de la vente
des chemins déclassés, Il, 334.
RESPONSABILITÉ. Les communes sont responsables des dommages
causés par les voyageurs anx clOtures riveraines, à raison du mauvais état
des chemins, Ii, 809 à 8Il.-Caractère de la garantie due par la commune,
II, 8Il, 8r2, 870. - Etendue de cette responsabilité, Il, 815 el Sn. Elle n'existe que pOIU'les éhemins déclarés vicinaux, Il, 8I5.-Il faut qu'il
y ait eu négligence de la part dela commune: elle ne répond pasdu cas fortuit,
II, 817. - Secùs si le chemin a élé emporté en entier, Il, 818. - La responsabilité des communes s'étend à tout dommage causé au voisin, II, 822.
-Juge compétent pour statuer sur cette responsabilité, II, 8I:l.-L'exception d'impraticahilité est justificative et non préjudicielle, II, 870. - L'amende pour contraven,tion de grande voirie est applicable aux personnes
rr,sponsables, II, 532 à 535.- La prohibition faite pal' un anêté municipal
rend responsable des suites de la contravention à cette prohibition, II, 028.
- Réglement municipal; pel'sonnes responsables, II, 925.
RESPONSABILITE CIVILE. A quoi elles'étend, Ill, 254.
RETRANCHEMENT. Voy. Avancement par alignement.
RÉTROACTIVITÉ. Le réglement général du préfet n'a point d'effet ré·
troactif, Il, 458. - Idem des arrêtés de police des maires II, 496 et suiv.•
9 10 ,9 20 .
RÉUNIONS. Des réunions de communes. 'Voy. Communes.
RÉVOLllTION. De la révolution de juillet 1830; les C<1uses qui l'ont
amenée; comment elle a été conforme à la volonté nationale. et legitimité
du gouvernement qu'elle a créé, l,57 et sui".
RIGOLE. Ce que c'esl, lU, 8. - Les propriétaires par les fonds desqnels passe un misscau all une simple rigole naturelle d'écoulemllnt des eaux
pluviales sont-ils obligés les uns envers les autres d'en procurer le curage ou
�820
TAIlLE ANALYTIQUE.
d'en supporter proportiounellement les frais? IV, 165 et suiT.-Des rigoles
d'irrigation. Voy. Prise d'eau et Irrigation.
RIVAGES. Les rivages de la mer font partie du domaine public, l, 2118.
III, 32, 33.
RIVERAINS. DES RIVERAL'!S DES RIVIÈRES NAVrGABLES ou FLOTT.<BLES.
Ils ne peuvent, sans y être autorisés, faire SUI' les bords de ces conrs d'ealt
aucun ouvrage, même simplement défensif, de leurs fonds contre l'actioIt
des eaux, III, 95; IV, 6 , 7. - Si ces ouvrages nuisent à quelque~-uns
d'entre eux, ceux-ci peuvent en leur privé nom agir en réparatIOn du dommage contre le constructeur, III, 96, 17 l et suiv. ~ Par quel genre d'action peuvent-ils se pourvoir? et devant quelle autorité doit-elle être portée?
III, <58 (note), f7 <. - Distinction à faire entre le cas où de semblables
constructious seraient autorisées, et celui où elles ne sont pas autorisées
,par le gouvernement, Ibid:
Les riverains ont-il.! le droit de pêche dans les rivières navigables et flottables? Voy. Pêche.
.
Les riverains onl-ils des droits de prise d'eau d'irrigation dans les rivières navigables el flottables? Voy- Irrigation.
DES DROITS QUI APPARTlElŒENT AUX l'ROPRIÉTAIRES RIVERAI!'iS DES l'ETITES
RIVIÈRES, IV, 5.
Des ouvrages que les propriétaires riverains peuvent faire au bord de la
rivière, IV, 6, -lis peuvent y faire de leur autorité privée tous les ouvl'age~
destinés à protéger leurs fonds contre l'action des eaux, IV, 8. - Distinction entre les ouvrages avancés et les ouvrages parallèles au cours de l'eau,
Ibid. et suiv. - Ils peuvent même, lorsque partie d'nn fonds a été enle. vée par le courant, chercher à la reproduire peu à peu au moyen d'ouvrages avancés à l'abri desquels se forme l'alluvion, IV, 10 et suiv. - Mais
les ouvrages avancés ne doivent point être construits de manière à rejeter'
l'action des eaux sur les alltres t'iverains, III, 31>1> et suiv, ; IV, 10 et suiv.
- Ceux-ci auraient, en ce cas, une action l'our la réparation dn dom·
mage cansé, III. 170, I7I. - Quel est le genre de cette action? et devant quelle antorité doit-elle êtl'e portée, III, 171. - Distinction à faire
entre le cas où les constructions sont antorisées et celui où elles ne sont pas
autorisées par le gouvernement, Ibid. - Différence qni existe sur ce point
entre les riverains d'nne rivière et les propriétaires de fonds traversés par
nn torrent, III, 3/1 3, 3!>4. - Les riverains ne peuvent non plus, par des
constructions, commettre d'anticipations sur le lit du cours d'ean, IV, 12.
-Quelle est l'antorité compétente pour statuer SUI' la répression des anticipations de cette natnre? ibid. - lIt à qui appartient l'action en répression, IV, 13. - Des difficultés de fait sur la délimitation du lit de la
rivière, Ibid.; et III, 73 et Ibid. (Ilote). - Les riverains l'euv~nt construire
les ouvrages qu'on est dans l'usage de pratiquer p{lur l'exercice du droit de
pêche, sans nuire au droit de pêche des propriétaires supérieurs. IV.
II>. - Les contraventions sur ce fait sont de la compétence des tribunaux
civils ou correctionnels, suivant qu'elles sont poursuivies par action privée
ou par action publique, Ibid. - Les propriétaires d'usines sur les petites
rivières peuvent y faire toutes lés réparations qui ne changent l'ien à leur
plan de construction, IV, II>. - Lorsqu'elles sont entièrement détruites,
peuvent-ils les rétablir sans nonvelle concession, III. 644 et suiv.
Du droit de cours d'eau: ses a\'antages, IV, r 6. - La force motrice d'un
cours d'eau ne peut être la propriété des riverains; l'usage de l'eau couraute
ne peut appartenir exclusivement à aucun des riverains comme accessoire
de leurs fonds; il reste dans le domaine des lois de police gènérale , IV, r 7
et sniv. - Discussion de cette question et exposé de l'opinion contraire d'e
MM. Daviel et Cormenin, IV, 25 et suiv. (note). - Conséquences qui résultent de ne principe par l'apport à l'établissemeI\t \les usines; la conoession
�TA.nLE ANALYTIQUE.
821
au gouvernement est, indispellsablc l'our cet étaLlissement; elle, opère en faveur du concessionnaire nn droit à l'usage du cours d'eau; -le gouvernellIent pent l'accorder arbitrairement à l'un des riverains pintât qu'à l'autre,
sans que ceilli-ci ait droit à indemnité; - l'autorisation une fois dOllllée,
l'llsil)e ne peut ètre supprimée sans indemnité; - en cas 'de concW'rence
entre deux meuniers, et en l'absence de titre, le plus ancien doit être préféré; daus les débats entre propriétaires d'usines, à défaut de titre, le gou"ernement peut toujours leur imposer un règlement sur l'usage du cours
d'eau, IV, 26 à 35. - Les riverains peuvent néanmoins s'imI'oser entre
eux, et dans leurs intérêts privés, des réglements de jouissance qérogeant
au dl'Oit commun" IV, 3,5. - Les débats qui peuvent s'éleveI: sur l'exécution de ces conventions doivent être portés en justice ordinaire, IV, 37.Un maître d'usine peut-il forcément se servir du cours d,'eau de la rivière
comme moyen de transport des matériaux nécessaires à son établissement,
vis-à-vis de la Iraversée de tous les autres propriétaires riverains? IV, 37 et
suiv. - Ceux-ci auraient-ils droit à une indemnité? Ibid. - C'est en justice
Qrdinaire que doivent, être pOl,tés les débats sur cet objet? Ibid.
Du droit de péche, IV, 44. --; Voy., pour les développements, Péche.
Du droit d'avoir une barque sur,la.rivière. Usages auxquels cette barque
pent être consacrée dans l'intérêt du riverajn, IV, 66. - Les riverains ontils le droit d'empècher que le pr,opriéti!Îre de la bar.que circule dans la partie de la rivière qui leur appal,tient, IV, I,~ (lJot~). - Peuvent-ils faire des
barrages ou autres ouvrages pour empêcher sa circulation? Ibid. - Pourraient-ils actionner en Justice Je propriétaire de la barque pQ\lr lui faire intimer l'ordre de ne plus circuler sur la partie de la rivière qui leur appar.
tient? IV, 42 (note). - EBene peut servir à un passagecommuu, le droit
de bac pu~lic ne pouvant appartenir qu'au gouvernement, IV, 67. - Ce
principe s'applique aux barques que l'on peut avoir sur toute espèce de cours
d'eau, IV, 67 et spiv, (note). - L'exercice de c~ droit est subordonné aux
règles de police dans l'intérêt des douanes et octrois, Ibid.
Du droit tle pri~e t!.'eau PO{lr Ï/'!'iç-atjpn; IV, 68, -:- Voy. Irrigation.
Dit droit de recueillir les plantes qui croisseTit d.an~ l~ lit de la ripière ,
IV, 75. - Ce droit appartient aux riverains comme usufruitierJl perpétuels,
de la rivière, IV, 77.
Du droit d'a!lupion, IV, 77. - Voy. Alluvion.
DES DROITS Qur ArPARTIENNENT AUX paOPRIÉTAIRE.S RIV'El\AI1'l:S DE$ RUISSEAUX OU PETITS COURS n'EAU, IV, 348,349' Des ouvrages qui peuvent
être faits dans les ruisseaux par les propriétaires riverains, Ibid. - Ces,
COUl'S d'eau étaut daos leur domaine privé, ils sont libres de les rectifier et
modifier à l~lII' gré, tant qu'ils ne se portent point préjndice les uns aux autres
ou qu'ils agissent d'un commun consentement. Ibid. ~ Un xiverain peutil élablir dafls le ruisseau une écluse à l'effet d'élev,er les eaux pour l'irrigation de son héritage? IV, 350 et suiv. - Peut-il appuyer cette écluse ju~
que sur la ri,'e opposée appartenant à un autre propriétaire? IV, 35 l ,
352. - Peut-il, au moyen d'un aqueduc souterrain ou à ciel oU\'ert, conduire les eaux d'arrosement dans une partie éloignée et basse de son fonds,
et séparée dn )'uisseau par une partie plus éle"ée que celui-ci? IV, 353. Quel est le mérite des réclamations que pounaient élever, au sujet des travaux de ce genre. les propriétaires de fonds inférienrs on maîtres d'usines
sitnées plus bas? IV, 3SI,. - Ceux-ci peu,'ent-ils, en CilS de préjudice par
e.ux souffert, demander le rétablissement provisoire des lieux dans lenr état
primitif? IV, 356. - Au fond, le propriétaire supérieur dont l'héritage ne
pent être arrosé qu'au moyen de travaqx faits à main d'homme peut-il demander aux propriétaires inférieurs nn réglement qui lui permette ces lm",aux? IV, 357. - SUI' qnel fondement pourmit-on établir ce réglement?
- quelles b,ases devrait-on lui assigner pour en rendre le.:; d.ispositions é<J!!i.
�82~
TABLE ANALYTIQUE.
tables'? Ibid. el 35~. - Des principes à suivre en cette matière, IV, 558
et suiv.
Des droits de prisa d'eau d'irrigation qui appartiellllent aux riverains des
pelits cours d'eau. - Voy. Irrigation.
De la compétence des autorités qui peuvent ;1I'e appelées à staluer sur les
- difficultés entre riverains, touchant au ruisseau ou cour6 d'eau d'il'1igation,
l, 416. - Voy. encore Irrigation,
RIVIÈRES. Ce qu'on entend par rivière; des différentes classes de
fleuves ou rivières, et à quel domaine appartient chacune d'elles, l, 250 ;
III, 7, I I , 13,69 et suiv., 280. - Différences à remarquer entre les rivières, et les tonents,soit eu fait, soit en droit, lU, 338, 339.-Comment on
distingue les rivières des simples ruisseaux, III, 7,281. -A qui appartientil de décider la question de savoir si un cours d'eau est une rivière proprenleut dite ou un ruisseau? - Utilité de cette question, III, 365 , 366. Le lit de toutes les rivières en général est un fonds du domaine public, III,
I3, 69, 280. - Comment doit-on en déterminer les limites? III, 72, 73
( note) etsuiv. - Voy. encore Lit des rivières.- Les rivières sont placées sous
la sUl'Veillance de l'administration des ponts et chaussées, l, 231. - Leurs.
cours d'eau 'sont en général soumis à l'usage de tous; principes du droit l'O. main à cet égard, IV, 38. - La construction des grands ponts sur les fleuves.
ou rivières ne peut avoir lieu qu'eu vertu d'une loi spéciale ou d'un crédit
spécial ouvert au budget, l, 357, 358. - Principes sur la jouissance des.
l'jrières ou autres conrs d'cau en général, entre propriétaires voisins dont ils,
traverseut les héritages, III, 170 et suiy.
Du curage des rivières. - Voy. Curage.
Des rivières flottables. - Voy. Rivièresflottahles.
Des rivières navigables 1 de la mise en état de navigation et de la déclaration de navigabilité des rivières. - Voy. Rivières navigables.
Des rivières qui ne sont ni navigables nijlotlables avec trains et radeaux.
' - Voy. Petites rivières.
Des droits domaniaux que l'Etat perfoit à ralson des grandes rivières.
- Voy. Grandes rivières.
RIVIÈRES FLüTI'ABLES. DES aIV.œR~ Ql]I NE SONT QUE FLOTTABLES,
III, 196. - Notions spéciales qu'il faut avoi~ SUI' J'état, l'usage et la c1assificatiou des rivières qui Ile 60nt que flottables, Ibid. - Quels sont les cours
d'eau qu'on doit ranger dan6 cette classe? Ihid, - De la distinetion entre
les rivières flottables avec trains ou radeaux et celles qui ne sont flottahles
qu'à bùches perdues, III, 198, 201. - Les rivières flottables avec trains
ou radeaux apputiennent au domaine public, III, 200. - Dans quel geürè
de choses doivent-elles être raugées? l, 10, Ig, ~ La propriété de ces rivières entraine-t-elle aussi, en faveur du domaiue public, celle de leurs rivages? III, 61. - Quels étaient, sous l'anefenne législation, le gouyernemeut de police et la domanialité des rivières flottables? - Et quelles conséquences doit-{)n tirer des changements opérés depuis dans leur état par nos
lois uouvelles? III, 202. - J,e droit de pêche était dans ces rivières un
droit seigneurial, Ibid. ~ Il appartenait tantôt au seigneur haut-justicier,
et tantôt au seigneur du fief, Ibid. - On n'en devait tirer aucune conséquence sur la domauialité du cours d'eau, III, 203. - Avant la révolution
de 1789, les rivières flottables étaient déjà exclusivement soumises à la juridiction l'Oyale et à l'administration du gouvernement, Ibid. - Mais elles
ne faisaient point encore partie du domaine public, quant au fonds matériellement considéré, III, 53, 206. - L'article 538 du Code civil est la
lwc!Dière disposition législative qui leur ait donné celle qualité, III , 207.
Du
AUTORITÉs COMPÉTENTES POUR CONNAI'l'R,E DES DIFf'ICUL'l'És ÈT DÉBATS
"
,.
QU[ PElJVENT S EI.l!VER. SUR LA NATURE ET 1. USAGE DES RrvlERES QUI NF. SONT
Q1JIl 1'L<Wl'.l.IJLI:S 1vl'c 1'l'. .u~s
ET
RADEAUX,
III, 2 I7. -
De la compétence du
�TABLE ANALYTIQUE.
828·
pOUl'oir administratif, Ibid. - A lui seul appartient exclusivemenlle droit
de déclarer flottable une rivière qui ne l'était pas; - de décider la question
de savoir si une ~'ivière, en tout ou en partie, doit être considérée comme
flottable; - d'autoriser les établissements de moulins et usines sm ces cours
d'eau, et d'en ordonner la snllpression; - de prescrire toutes mesures nécessaires à l'exercice de la flottabilité, III , ~I 7 et suiv. ; - de déterminer
les localités où doivent être établis les ports de flottage; - d'autoriser l'uliage des eaux aux flotteurs à bûches perdnes lorsqu'ils veulent lancer leurs
flottes en rivière, III, 1\18.
De la compétence du pouvoir judiciaire, III, 2.19.
De la compétence des tribunaux de la grande ma/trise, soUJ l'ancienne
législation, III, 220. - Suppression de ces· tribunaux, III, 21\1\ et suiv.l'al' qui sont-ils remplacés dans leurs attributions? Ibid. - Les rivières flottables seulement n'appartiennent qu'à la petite voirie: en conséquence lei
tribunauli. d'arl'ondissement sont aujourd'hui seuls compétents pour statuer.
sur les causes relatives au contentieux et à la police de ces cours, d'eau; pour
réprimer toutes anticipations ou contraventions au préjudice de leur matériel ou des ouvrages d'art qu'ils renfermeut, l, 388; III, 543; IV, 83.Réfutation d" la jurisprudence contraire du conseil d'Etat, III,22.9et suiv.
- Deux cas de compétence sont néanmoins attribués aux conseils de pré,
fecture, en ce qlù tou@he aux rivières qui ne sont que flottables, III, 544,
ibid. (note).
COMMENT, D' AP~.:ÈS L'ÉTAT ACTUEL DE NOTRB LÉGI5LATIOl'f, DOIT-IL ÊTIlS
POURVU AUX FRAI8 n'ENTRETIEN DES RIVIi:R~S QUI NE SONT QUE FLottABLES,
"PÉCIALUIE~TE~
CE QUI COIlCER~E LEUU CURAGE? DISTIIICTIOIIS DIVERSES, III,
89, go, 20g, 2II.
LES RIVIÈRES QUI NE SO~T Q'f1E l'LOTTARLES !'l'OlfT PAS DROIT AU CHEMIN nK
HALAGE, MAIS SEULEMEIIT A UII TROTTOIR OU MARCHEpŒD, III, 116. - De
la nature et de la consistance de ce trottoir on marchepied; c'est une servi-.
tude légale à raison de laquelle les propriétaires riverains ne peuvent. avoir
droit à aucune indemnité, III , <> 13. - Largeur de ce cheIIÙn; il est dû des
deux côtés de la rivièl'e, III, 2. 15. - Voy. encore Flottage.
DES RIVIÈRES QUI IlE SOIIT l'LOTTABl.l!S QU'A RUCHES PERDUES. - Voy. Flottage à b\Îches perdues.
RIVIERES NAvIGABLES. DAIIs QUEL. GENR.E DE CHOSES ELLES DOIVE~T
ÊTRE RANGÉES, l, 10, Ig. - Des rivières navigables considérées en ellesmêmes et. comme faisant partie du domaine public, 111,52. - Ce que.sont.
les rivières navigables, et comment eu France elles appart.iennent., sous
tous les rapports, au domaine public, Ibid. et. 7< , 72. - Les rivières navigables sont imprescriptibles. - En conséquence, les ouvrages snsceptibles
d'entraver la navigation doivent êt.re détruits quelle que soitleur ancienneté,
III, <47 (note ).-Les rivières navigables faisant partie du domaine public,
les agents de l'Etat qui en ont.l'admiIÙstration peuvent y concéder des droits
de prise d'emt, IV, 5u (note). -Comment sefont ces concessions, et quel
en est. le camctère, I/oid. et suiv. -,En quoi la navigation diffère du flottage, III, 196. - Les rivières navigables n'appartiennent entièrement au
domaine public que jusflu'au point. où peuvent remonter les bat.eaux, III,
55 et suiv.
Des îles, l1ots, attérissements qui se forment dan.s leur seiTl , III, 53. Ccs îles et aUérissemen ts sont dans le domaine de l'Etat et. soumis Ir l'effet
de la prescription ordinaire; il en est autrement du courg,d'ealllui-même;
aucune entreprise ou possession n'y peut faire acquérir de droits, III, 58
et suiv.
Des droits de péehe, moulins, bacs et autres usages qu'y peuvent avoir
des particuliers, III, 55.
Détermination de la larKew' des rivières navigables. La propriété de «!eS
.
�8~4
'l'ABI.E ANALYTIQUE.
l'ivièreS en1raÎne-t-elle , au profit du domaine public, cellc de leurs riva.
ges? Quc doit-on statuer à J'égard des terrains vagues qui sc trouvent SUl'
.ces rivages? III, 60 et suiv., 78 et suiv. - Comment doit-on fixer les limites du lit des rivières navigables P Observations sur c1iacun des côtés de
la ligne délimitatiye, III, 72 et suiv. - Examen de cette question par
M. Dumay, HI, 73 (note). -- Conséquences à déduire de la propriété
des terrains vagues, alternativement couverts et découverts par les eaux,
III, 78 et suiv. - Quelle est J'étendue du domaine public mesuré sur la
/ong!lem' du cours d'eau des rivières navigables? Quel est leur état dès le
point de leur naissance jusqu'à celui où elles commencent à porter bateaux?
III, 80 et suiv. ..- Lorsqu'une rivière navigable se divise en plusieurs bras
dont ([uelques-uns ne sont point navigables, ceux-ci rentrent-ils dans le
domaine privé? III , 84. - Les conseils de préfecture sont compétents pour
réprimer 'les contraventions commises sur ces bras de rivières, III, 155
(note). - Quid du cas oil le bras qui s'est séparé de la rivière principale
ne la rtjoint plus ensuite? III, 85. ,
DE LA MISE EN iTAl DE NAVIGATION E.T DE LA. DÉCL4RATIOK DE NAVlGABILI-
RIVIÈRES. Au pomoir exécutif seul appartient le droit de déclarer un
cours d'eau navigable, T ,90; III, 135, 139, 363. - Est de même seul
compétent le pouvoir exécutif pour statuer sur la question de savoir
si un cours d'eau est ou non àctuellement navigable, Ill, 136 , 366.
- De la forme de procéder pour parvenir à cette solution, Ibid. .J,. quoi J'autorité administrative doit s'attacher dam sa décision sur ce
point, III, 367. - C'est enfiu au pouvoir exécutif seul, par l'organe du
prHct, à reconnaitre la consistan.ce des ancien~ chemins de halage ou déterminer celle des nom'eaux, et à veiller à l'entretien de tous, Ill, 370,
.- Mais la question de savoir si un cours d'eau devrait être rangé dans la
classe des rivières proprement dites ou dans celle·dcs simples ruisseaux est
dans les attributions exclusives de la justice ordinaire, III, 366. - Il en est
de même de tputes difficultés avec les riverains sur la délimitation du lit
des rivières navigables ou autres, ou sur lei' anticipations qu'ils y auraient
commises, III , 365. Peut-on se pourvoir, 'et par quel moyen, contre J'ordonnance de déclaration de navigabilité? III, 136. -Des effets immédiats,
dans J'mtérêt des riverains, de la déclaration de navigabilité d'un cours
d'eau qui antérieuremeut n'était point navigable; - des conséquences qui
en résultent relativement à l'exercice du droit de pêcbe , à celui de prise
d'ean pour irrigation, et à la servitude du chemin de halage, Ill, 363 et
suiv., 368. -Des objets pour lesquels il est dû, en ce cas, une indemnité
aux riverains; - de l'indemnité à accorder pOUl' la privation du droit
de pêche, III, 137, 247, 300, 364. -'De l'indemnité à accorder pour
l'établissement de la servitude de chemins de halage, l, 90; 111, 137,
300 et suiv., 363. - De l'indemnité à aecorder pour enlèvement d'îles
nuisibles à l'exercice de la navigation; aucune atteinte n'est portée à la propriété antérieure de ces îles par la déclaration de navigabilité; l'admini~
tJ'ation ne peut les détruire sans observer les formalités de l'expropriation,
Hl, 137, 364. - De l'autorité coml,étente pour statuer dans ce~ divers cas
sm le montant de l'indemnité; l'expertise doit-elle avoir lieu judiciairement
0" pardevant les couseils de préfecture? III, 137, 387, 3g6. - Il n'est dû
aucune indemnité à raison du corps même de la rivière ou du tréfouds de
son lit, Ill, 13 , 138. -Il n'en e,st dù de même aucune pour la privation
future d" droit de prise d'ean d'irrigation, 111 , 247 et sui.... , 'h4. - Des
cflels immédiats, dans l'intérêt des riverains, de la solution de la qnestion
élevée devant l'administration, de savoir si un cours d'eau est na...igable
DU non, Ill, 368. - Des effets du décret de l'autorité adminisll'ative
snpprimant la TIlIvigation dans un COUI'S d'eau, III, 13g.
.
TÉ UFS
DliS VRACS DE !.ns~ EJi: WAVfGADfLITt?:
rr DES IMPENSES n'-ENTR.ETfEN DE~ nc-
�TABLE ANAL\''fIQUE.
825
vrhEs NAVIGABLES, III, 86. - Ces impenses pèsent généralement sur le
trésor public, III, 87.- Exception relative à l'impôt indirect IJerçu, d'après les lois, sur les navigateurs. Ill, 88. - Exception relative au cas de
réparation d'écluses servant tout à la fois à la navigation et au roulement
d'usines, III, 89. - Par qui et comment la contributiou respective de
dépenses doit-elle être réglée? Ill, 90.
DES AUTORITÉS COMPÉTENTES rOUR STATUER SUR LES MATIÈRES QUI SE RAI'''
PORTENT AUX RIvIÈRES NAVIGABLES ET AUX CANAUX DE 1'\AVIGATION INTÉRIEURE,
,"
Ill, 134.
De la compétence du pouvoir législatif, Ibid.
De la compétence du pouvoir exécutif, III, 13 5. - A lui seul appartient
de déclarer une rivière navigable, et de prendre toutes les mesures 1'1'0l)res à faciliter cette n:lvigabililé, Ibid. - Est seul compétent pour statuer
SUI' la question de savoir si et jusqu'où une rivière est navigable, III, 136.
- Est seul compétent pour statuer sur les réclamations élevécs en cette
matière, coutre ses propres décisions, Ibid. - Mais il n'est jamais
compéteut pour statuer sur la fixation de l'indemnité à accorder à des particuliers, III, 137. - Le pOll\'oir exécutif est seul compétent pour au,toriser les constructionl d'usines sur les rivières navigables ainsi que sur
,tous les cours d'eau, III , 139. - Pour en ordonner le curage et fixer les
portions contributives de la dépense, III, 90 et suiv., 139. - Pour déterminer l'~mplacement des bacs de passage public, III, 140. - Pour déterminer les temps, saisons et heur.es de la pêche dans tous les cours d'eau, et
les engins à employer, Ibid.
De la compétence particulière des préfets sur quelques mesures réglementaires de la police des eaux, III, r39 à 14,;0, 146. - Ils peuveut 01'<Ionner directement la destruction des ouvrages illégalement fails dans une
l'i"ière; prescrire la destruction ou réparation des passelits; faire exécuter la destruction des usines construites sans autorisation, Ibid.
pe la compétence des conseils de préfecture. Ils statuent seub sur les débats relatifs à la perception des droits de navigation intérieure, l, 155,
156. - C'est devant eux qu'on doit procéder aux expertises à faire pour
/ixer l'indemuité due aux particuliers riverains d'un cours d'eau qui vient
à étre déclaré navigable, tant qu'il ne doit pas y avoir lieu à l'expropriation d'un fonds, III, 167. -- Ils ont seuls la police de répression des contra"entions commises au pri'judice des rivières navigables ou des canaux de
navigation, IH, 14:>. - Tous les réglements de police établis pour la conservation des grandes routes sont applicables à la voirie nautique, l, 388;
HI, 14/1,152,543; IV, l,55. - La loi du 23 mars 1842 lui est en conséquence applicable, III, 143 (noie). - Mais non aux cours d'eau qui
ne sont que ilottables , 1,388; lII, Il,4, 152, 543; IV, l,55. - Les anciens réglements ont été en cette matière généralement maintenus, et sont
encore applicables, III, 153. - Les conseils de préfecture, dans tous les
cas olt les faits de contravention ont causé quelques dommages, doivent
toujours condamner les coupables à la réparation des lieux, Ibid.
Enumération énonciative des diverses conlraventions à raison desquelles
des condamnations peuvent être prononcées par les conseils de préfecture:
Des dépàts ou embarras sur les chemins de halage, 1,373,376 et suiv.;
Hl, 107, I53 et suiv. - Des enlèvements de terre sur ces chemins ou sur
les bords des canaux, Ibid. - Dll défaut de demande préalable d'alignement pour construire au bord de ces chemins ou y faire des plantations, l ,
295 ct suiv.; III, II?, 118, 146. - Des anticipations sur ces mêmes chemins, III, 153. - 'De la coupe ou mutilation des arbres plantés sur le sol
public, le long d'un canal, ILl, 154. - De l'extraction de matériaux dans
le lit d'une rivière navigable, ou près des bords, on à une distauce moindre
'lue celle fixée par la loi , III, 20, r 5!~. - De la simp1e construCtion, non
�826
TABLE ANALYTIQUE.
préalablement autorisée, au bord des rivières navigables. - tes rÎ'"el'8.ius
ne peuveut-ils, sans autorisation, construire au bord des rivières navigables,
même de simples ouvrages de protection contre l',action des caux? III, 95 ;
IV, 6. - En agissant ainsi, se rendent-ils passibles d'amende, lors même
que les travaux seraient reconnus inoffensifs à la navigation? Ibid.-J>ourrait-on, encore dans ce cas, en ordonner la destruction? Ibid. - Quelles
actions privées appartiellllent en outre aux autres propriétaires riverains
qui peuvent souffrir de l'existence de ces mêmes travaux? III, 96,97, Opinion de MM. Daviel, Chardon et Dumay SUI' cette question, III, 97
( note). - Des constructions ou plantations non autorisées sur le bord ou
dans le lit des rivières navigables, et nuisibles à la navigation, III, ~w, 146,
155. - Dispositions des lois anciennes et modernes sur les constructions
élevées au bord ou dans le lit des rivières navigables, et sur tous ouvrages
capables d'eutraver le libre exercice de la navigation, III, 15 et suiv. Des anticipations commises dans une rivière navigable, Ibid. et 20, 23 ;
IV, 83. - Des jets d'ordures, immondices ou matériaux dans la même rivière, III, 20, 156. - t'article 479 du Code pénal n'a pas changé la juridiction qui doit connaître de cette contravention, III, 157 (note). - Du
refus d'obtempérer aux ordres de la police tendant à l'enlèvement des dépôts
faits par le contrevenant sur les bords ou quais de la rivière, Ibid. - Si un
qnai sert de rue, le tribunal correctionnel est compétent pour connaître de
cette contravention qui y est commise, III ,. 157 (note). - De la contra·
vention des mariniers résultant de dommages causés par eux en faisant passer leurs trains ou bateaux par les arclles et échafaudages où l'on travaille à
quelque construction ou rél'aration d'ouvrage public, III, 23, 157. - De
la contravention résultant du détouruement des eaux des rivières navigables
ou des canaux et de leurs aflluents, III, 2", 157. - De la contravention
résultant d.u fait d'avoir laissé dans la rivière, et d'avoir négligé d'enteverdes
dépôts de matériaux ou débris, III, 24, 157. - De la contravention résultant du rouissage du chanvre dans les ri"ières, III, 157 (note). - De la
contravention l'ésultant de plantations d'arbres, ou de clôtures élevées le long
des chemins de halage à une distance moindre que celle fixée par la loi, III,
156. - Motifs sur lesquels est foudée, en cette matière, la compétence des
conseils de préfecture, III, 159.
De la compétence des tribunaux de police correctionnelle et de justice cri.
minelle touchant les faits de police sur les canaux et ripières napigables;
III, 159. - Contravention des propriétaires d'usines qui, sous le prétexte
du chômage de lems établissements, retardent l'exercice de la navigation et
du flottage, ou exigent une indemnité plus forte que celle fixée par la loi,
III, 160; - Si les faits qui attaqueut matériellement ou embarrassent le
cours d'eau sont accompagués de crimes ou délits d'une autre nature, ceuxci doivent être renvoyés par les conseils de préfecture aux h'ibunaux de police correctionnelle ou de justice criminelle, III, 161. -' Tous les crimes
ou délits commis sur les canatu ou rivières J,lavigables, et qlÙ n'apportent
aucune lésion matérielle à la navigabilité du fleuve, doivent être renvoyés en
justice ordinaire, Ihid. - tes délits de pêche dans les canaux ou rivières
navigables sont de la compétence du tribunal correctiounel, III, r63. tes dispositions du décret du 16 décembre 18r 1, réprimant les contraventions commises sur les grandes routes, sont applicables aux canaux et rivières
navil;ahles, III, 16r (note).
De la compétence des trihunaux cipils en fatt de contestations qui
pelIPent s'éleper à l'occasion des canaux et ripières napi,gahles, III, 163.Les tribunaux civils ordinaires sont exclusivement juges des causes qui ne
se rapportent qu'à des intérêts privés, Ibid. - Si les causes se rattachent
tout à la fois à un intérêt public et à un intérêt privé, l'intérêt public étant
""""Mn< '~''''_" """ ~~.,,;, ",m,.",.,
Ill, .65.-
�TABLE ANALYTIQUE.
827
Lee trlbuooux civils ordinaIres statuent seuls sur les causes de revendication
ou répétition des épaves de ri,ières, III, 166. - Il en est de même de la
question de savoir à qui doit être attribuée l'indemnité accordée pour l'établissement dll chemin de halage le long d'une rivière qui vient à être déclaréc navigable, III, 167. - Mais qI/id de la fixation du montant de cette indemnité? III, 168. - Par quelle voie l'indemnité doit-elle être fixée lorsqu'il s'agit de supprimer des moulins ou usines pour rendre une rivière navigable? III, 169, 170. - Quelle est l'autorité compétente pour statuer
sur la réclamation des riverains contre celui qui aurait construit un ouvrage
avaucé quelconque sur la rive du fleuve, et pouvant leur porter dommage
Ilarie renvoi des eaux? III, 170 et suiv. - Faut-il distinguer entre uner!\'ière navigable et celle qui ne l'est pas? Ill, 17 1. - Faut-il distinguer entre
le cas où la construction est autorisée par le gouvernemeut et celui où elle
n'est pas autorisée? Ibid. -l'al' quel genre d'action les réclamants peuventils agir? Ibid.
DES DROITS DOMANU-U:X; QUD L'ÉTAT PltRÇûlT ... RA.ISO~ DES GRANnES RIVIÈRES.
-
Voy. Grandes rioières.
DES FR,INCS-DORDS ET CHEMINS DI! RAtulGI> IlES lUVIÈRE8 lUTIGADLES.-VOY.
Francs-bords et Chemins de halage.
ROIS DE FRANCE; - n'ont jamais eule droit de disposer de la propriété
privée des citoyens, II, 200. - Il Y ~vait autrefois, comme aujourd'hui,
lieu à indemnité, II, 654.
ROLE. Le rôle des prestataires est dressé par les conseils municipaux,
II, 82. - l'our y être porté, il faut être placé au rôle des contributions directes, II, 50. - Le conseil de préfecture connaît des réclamations contre
le l'ôle des prestations, II, 7Q, 7,. - Le ministre des finances est sans qualité pour se pourvoir contre ce rôle, II, 70. - Rôle de répartition des frais
d'entretien des chemins intéressant plusieurs communes, Il, 88. - Le préfet dresse le l'ôte de la contribution des propriétés de l'Etat et de la Couronne
aux dépenses des chemins vicinaux, II, 132.
ROLES DE RÉPARTITION. Des rôles de répartition d'impôts directs;
du cas où un fonds est simultanément porté sur les rôles de répartition d'impôts de deux commulles limitrophes. - Voy. Impôts. - Des rôles de répartition des dépenses et corvées applicables aux chemins ruraux, II, 944,
948, ibid. et suiv. (note ).- Des rôles de répartition des dépenses de curage
des riviéres non navigables et de conslmction ou entretien des digues destinées à en contenir les eaux, III, 383. - Voy. encore Curage. - Des rôles
de répartition des dépenses de travaux ordonnés par le gouvernement pOlU'
l'irrigatipn des terres d'une contrée, IV, 149 et suiv., 456. - Par qui et
comment sout faits lei rôles de répartition de dépenses publiques de voirie
que les lois mettent à la charge des communes ou des habitauts, l, 483.
ROUISSAGE. Un dépôt de chanvre pour rouissage, dans une'rivière navigable, est-illlll délit de pêche ou une contravention de grande voirie?
QueUe est l'autorité qui doit en connaître? Ill, ~5o, 251.
ROUES, II, 788. Voy. Conservation des chemins et Roulage
(police du).
ROULAGE (POLICE DU), II, 109,788,894.
ROUTES. Dans quellienre de choses elles doivent être rangées, l, ro,
19; II, 5, 6. - Des grandes routes ou grands chemins considérés comme
devant, par leur destination, faire partie du domaine public, l, 290. - A
quel temps remonte l'établissement des graudes routes, Ibid. - Leur destination spéciale démontrée par la législation romaine et le sentiment dC$
auteurs, l, 291. - Elles n'ont jamais pu êll'e la pl'Opriété de personne,
malgré les prétentions des seigneurs sous le règne de la féodalilé , Ibid. Mauvais état des anciennes routc.; leur reclili atiou suivanl un meilleur
s)'Stème, 1,231. - EUes SQllt sous la slU'vei1W,.n spéciale de l'administra-
�828
TABLfi ANALV'tIQUE.
tion des ponts el chaussées, ibid. - Form~lités l,réalables à remplir, avec
le concolll'S de cette administration, pour l'établissement de toute nouvelle
route, comme pour la rectification d'une ancienne, l, 234. - La création
ou les rectifications des routes ne peuvent avoir lieu qu'avec le concours du
pouvoir législatif, qui décrète les fonds nécessaires, l, 357, 358. - Mais
l'exécution des travaux, le tracé et l'établissement de ces routes, sont dans
les altributions exclusives du pouvoir exécutif, l, 166 et suiv., 359. - Le
poU\'oir exécutif est de mème seul compétent pour décider les contestations
élel"ées par des particuliers sur la direction d'une route projetée; mais les
questions de propriété des terrains occupés par le plan de la route sont dévolues aux tribun:lUx ordinaires, l, rr6.
De la classification des routes; elles se divisent en routes royales et routes
départementales, 1,295. - Voy. Routes ro.rates; Routes départementales.
- Les routes royales et départementales dépendent de la grande voirie, ainsi
que leurs traverses dans les villes, bourgs et villages, II, 500, 712, 509. Les portions de rues en dehors de l'alignement des routes qui les traversent
appartiennent aux communes, Il. ,,69, 748,769' - L'établissement d'une
nouvelle route comporte nécessairement l'expropriation des fonds qu'elle doit
occuper, 1,294 et suiv.
De la largeur légale des routes; on doit d'abol-d s'attacher à l'état des
lieux et au fait de la possession, l, 296 et suiv. - Réglements divers sur la
largeur des routes, 1,297. - Les fossés ettalus ne sont pas compris dans la
largeur légale des routes, Ibid.- Dimensions des fossés, 1,293. - Ces fossés font également partie du domaine public; servitude imposée aux rive-,
rains pour leur curage, et supprimée par la loi du 12 mai 1825, Ibid. et
350.
De l'alignement légal des routes,
298. - ~st connu par les plans de.
l'administration, ou par l'aspect des lieux conformément à la possession,
Ibid. et 300 et suiv. -,Est extérieur aux talus et fossés latéraux, l, 298.On ne peut construire d'édifice au bord des routes sans avoir vréalablem,ent
fait reconnaître l'alignemeut sur lequel cette coustructio~ pourra avoir lieu,_
1,299. - Quelle est l'autorité compétente pour vaquer à cette r~çonnais
sance préalable? Ibid. 305. -Quelle est l'autorité compétente pour statuer
sur les contraventions aux statuts sur les alignements dont il s'agit? 1, 300,
325. - A quels genres de constructions s'applique cette formalité, ibid.,
301 et suiv. - S'applique-t-elle à celui qui laisse un espace de son terrain
entre sa construction et le sol public? 1,302, 327. - Des peines que peuvent
entraîner les contraventions aux réglements sur l'alignement des rontes, l,
300 et suiv" 325 et suiv. - Celui qui, sans avoir obtenu d'alignement, et
sans avoir laissé aucune parcelle intermédiaire de son terrain, a positivement
construit une maison au bord et au joignant d'une route, mais sans aucuue
anticipation sur le sol public, peut-il être condamné à démolir, avec confiscation des matériaux? 1,305,326. - Quidlorsqu'il :s'agit seulement de la
réparation des édifices joignant une route? 1, 3 Il,. -Si dans la construction
d'un édifice au bord d'une grande route, il y a anticipation sur le s,ol public,
et qll'elle u'ait pas été;poursuivie, par voie de police, pardevant le conseil de
préfecture, dans l'année, ce tribunal cesse d'être compétent, l'action étant
prescrite, l, 360. - Comment doit-on procéder alors coutre l'usurpation
commise au préjudice du domaine public? lbid.- Un riverain ne peut être
exproprié pour refus d'acquérir les terraius retranchés d'une grande rontc,
II, 76a, 672 à 675. - L'ordonnance approbative du plan d'alignement des
grandes routes ne peut servir de base à l'expropriation des maisons en saillie, Il, 648, 729, 734. - Voy. Alignement; Chemins.
Comment s'acquitte la charge ae l'établissement et de l'entretien deJ
l'Oilles, 1, 316, 348 et suiv., 558. - Mode de corvées en nature employé
chez les Rom.aillS, Jbid.
Il passa, daus les Gaules après leur conquête l"lr
r,
�~ADL~ ANALYTIQUE.
829
Jules-César, ibid. - Les corvées dont il s'agit ne furent d'abord qu'une
charge foncière imposée en proportion de l'étendue des possessions, J, 3r6
et suiv. - Devinrent des charges personnelles après la conquête des Francs,
Ibid. - \lamenées à cet état, étaient injustes, Ibid. - Leur suppression
dans tout le royaume par J'édit de février r776,1, 319.- Etablissement de
J'impôt indirect des barrières, ibid. - JI est supprimé en 1806, et remplacé par l'impôt sur le sel, l, 320. -Aujourd'hui toutes les routes royales
des deux premières classes sont établies et entretenues aux frais du trésor
public, ibid. et 358. - Celles de troisième classe le sont, concurremment,
aux frais du trésor public et des départements qu'elles traversent, l, ho.Répartition de ces frais entre le trésor et les dfpartements dans lesquels doit
se faire la dépense, Ibid. - Les routes départementales sont coustruites et
entretenues aux frais des départements, arrondissemeuts et communes
qu'elles traversent, l, 296, 32 1,358, 1,37.
Des diverses servitudes que {"établissement des routes entraine à la charge
des fonds riverains, l, 323. - De la servitude d'essartement dans les bois
traversés pat un chemin public, Ibid. - Comment doit être estimée la largeur de J'essartement? à la charge de qui doit-il se faire? C'est le conseil de
préfecture qui statue seul sur les contestations Hevées à ce sujet, Ibid.De la sen;tude de demander et suivre l'alignement fixé par l'administration
pour les édifices à construire ou réparer an bord des routes, l, 325.-Voyez
encore Alignement. - De la servitude imposée aux propriétés riveraines de
supporter le rejet des matières provenant du curage des fossés des routes, l,
3'3 1. - De la servitude imposée aux fonds riverains de snpporter le passage
lorsque la route est impraticable, ibid. - A quelles actions peut donncr
lieu la destruction d'une clôture pour se procurer ce passage, l, 332 et sniv.
- De la servitude relative à la fouille et prise de matériaux nécessaires à la
confection et à l'entretion des routes, l, 336.- Cette servitude est indéfinie
dans son étendne, l, 372. -Du cas oil le gouvernement peut forcer les particnliers à soum'ir l'expropriation des fonds qui l'euferment ces matériaux,
l, 603 et suiv. - Le conseil de préfecture est-il compétent pour déterminer
l'indemnité à accord,r aux propriétaires des fonds sur lesquels s'exerce celte
servitude? l, 418.
Des arbres plantés au bord des routes; série des lois et réglements antérieurs et postérieurs à la révolution sur cet objet, l, 339.-Les propriétaires
riverains des routes royales sont soumis à l'obligation d'en faire et entretenir
la plantation; il en est autrement des riverains des routes départemeutales
et des chemins vieiuaux, l, Ho et ~uiv., 345 et sni"., 35r.- Quelle est la
nature de cette obligation? Est-elle, dans sa distribution, conforme il l'égalité proportionnelle ordinaire des charges publiques? J, 31,4, 345.-Qnelles
peines sont encourues pour défaut d'accomplissement de cette obligation, l,
348.-Suivant quel mode les plantations doivent être faites, l, 3l,6 et suiv.,
351 et suiv. - Voy. encore A/!gnemellts. - Les plantations aujourd'hui
existantes snI' le sol public des routes royales et départementales hli appartienuent comme accessoire; mais tout particulier riverain peut en être déclaré propriétaire s'il prouve les avoir créées à ses frais, ou les avoir acquises à titre onéreux, ou les avoir enfm prescrites par la possession, J, 3l,6
et suiv. - Ces questions de propriété sont exclusivement de la compétence
des tribunaux ordinaires, Ibid. - Si les arbres sont plantés sur le sol des
fonds riverains, ils appartiennent aux particuliers; -les débats sul' ce point
dépendent d'une question de délimitation qui ne peut être également que
de la compétence des tribunanx ordinaires, lbid.-Des formalités préalables
à observer de la part des particnliers pour faire légalement la coupe ou l'élagage des arbres qui leur appartienneut sur le sol ou an bord des
routes royales et départementales, Ibid. - Peines contre ceux qui, saliS
autorisation, collpent ou détériorent les arbres plantés SUI' le sol ou au bord
�830
'J'I\nLn ANALY1'TQUE.
des routes, l, 31.~, 348 , 383. - Elles sont prononcées paf les conseils de
préfecture, sauf celles de détention, qui ne peuvent être prouoncées que par
les triblUlaux correctionnels, 1,344,352, ibid. (note), 386.
De la compétence des direrses autorités '1"i peurent étl'e itw0'luJes sur le
régime ciril ou légal auquel sont soumis l'établissement et l'usage des l'Outes
et chemins, l, 355. - Les faits commis snI' les grandes routes, ct qui ue
blessent qu'un intérêt privé, ne sont jamais, sous cc rapport, délits de g,'ande
voirie, et, en celte qualité, de la compétence des conseils de préfecture, J,
403 ct suiv.-Les préfets et sous-préfets peuvent prendre seuls les mesures urgentes pour procurer la viabilité dps routes, et ordonner provisoirement la destructiondetoutcequi ymetobstac1e, l, r93, 36r.-Voy, Poirie.-Lesconseils
depréfectnre sont-ils compétents pourdéterminerl'indemnité à accordcr aux
l'ropriétaires à raison des fouilles de matériaux exécntées dans leurs fonds
pour l'entretien des routes? l, 4r8 et suiv. - Si la route qui confine mie rivière vient à êt.l'e détruite par le cours d'eau, les propriétaires voisins sontils obligés de supporter un nouveau chemin public sans indemnité? IV, 9r.
- Le sol des routes peut-il être prescrit lorsque le public en abandonne l'usage? Distinctions et hypothèses diverses, 1,269 et suiv.-Voy. encore Embarras de la roie publique; Expropriations; Traraux publics.
ROUTES DËPARTEMENTALES. Ce qll'elles sont; du mode de leur
établissement, et ~ la charge de qui sont les frais de leurs construction et
réparation, l , 296, 3H, 348 et suiv., 358, 4r,. - Leur création ou leurs
rectifications ne peuvent avoir lieu qu'avec l'intervention du pouvoir législatif, qui décrète les fonds nécessaires, l, 358. -Loi du 2.5juin-r841
sur les routes départementales, II, 90. - Cette loi n'est pas applicable
aux chemins vicinaux qui intéressent plusieurs départements, Il, 92.. Des travaux à faire aux routes départementales, et qui peuvent néaumoins
être exécutés sur la seule approbation des préfets, l, 36 r. - Les routes
départementales ne peuvent être élevées au rang des routes royales qu'en
vertu d'une loi, 1, 358. - Leur sol, les talus et fossés qui en sout les accessoires, font, comme ceux des routes royales ~ partie du domaine public,
1,322. - Lorsqu'elles viennent à être supprimées, à qui appartiennent
les terrains sur lesquels elles reposaient? Ibid. - Les particuliers riverains
sont-ils tenus d'y faire et entretenir des plantations? Quels sont leurs droits
sur celles qni Y' existent? - Voy. ROlltes; deJ Arbres plantés au bord des
rOlltes.
. ROUTES ROYALES. Lenr classification, l , 2.95; II, 5 , 6. - L'ordonnance qui prescrit la construction 'd'une nouvelle route royale doit déterminer à quelle classe elle appartiendra, J, 296. - C'est le trésor qui
supporte les frais d'entretien et de construction des routes royales, l, 296,
358. - Modification à cette règle, en ce ~qui concerne les routes royales de
troisième classe, l, 320. - Si une route royale vient à être snpprir.1ée,
c'est l'état qui dcvient propriétaire des terrains qu'elle occupait, l, 2.95.
- Voy. Routes.
RUES ET PLACES PUBLIQUES. Des roes et places publiques des
"iIIes et autres communes. Eites appartiennent au domaine public en génél'al, et en particlllier all domaine public mllnicipal, comme spécialemeIil
utiles aux habitants des lieux, et à la charge des communes de lem situation, l, 2 ~8, 1.77 et suiv. , 493. - En conséquence, les terrains nécessaires à leur ouverture et à leur élargissement doivent être acquis et payés
par les communes, l, 479. - EITem des anlenrs qni ont classé les rues et
places puhliques parmi les propriétés communales, l, 484 , 534. - Revenns que peuvent néanmoins tirer les communes de la location des places
publiques , I~ 1,86. - A qui appartiennent les arbres l'lantés Sllr le sol des
l'UCS et places publiqnes , l, 34r, 342, l,S,. - Les promenades publiques
établies d~lS l'intérieur ou à l'èxtériem CIe l'enceinte des villes font·elles
�TABLB ANALYTiQUE.
831
partie du domaine public municipal? l, 492. - Y a-t-il, sous ce point
de vue, une différeuce à faire enU'e les rues ordinaires et les ruelles ou
rues étroites? l, 488. - Que doit-on décidcr à l'égard dcs culs-de-sac ou
impasseli? l , 489, - Quid du passage qui se pratique, pour la commuuication d'une rue à l'autre, à travers la cour d'un bâtiment? l , t,go. Quid des passages établis dans ou entre les maisons, sans discontinuité de
construction, et auxquels on fait prendre jour pal' le dessus, pour éclairer
les boutiques latérales? l, 4gI. - Distinction il faire entre les places lmbliques des villes et les places vides dans l'intérieur des communes rurales,
l, 493. -Distinction il faire, dans ces communes rurales, entre ces mêmes
places vides et les chemins qui traversent ou servent de communication
d'un quartier à un antre, l, t'94. - A quel domaine ces places vides appartiennenHlles? et.à quels usages sont-ellcs naturellement assujetties? Ibid.
et 4g6.
Rues des bourgs et villages. Elles font partie de la petite voirie, II, 500.
- Elles ne sont point soumises à la loi des chemins vicinaux, Il, Ig. Secùs lorsqu'elles sont le prolongement des chemins de grande communication, II , 20. - Elles sont soumises à l'alignement, II, 463, ....64. Tout le terrain compris entre les clôtures qui les bordent est présumé en
faire partie, II, IgI, 556, 5g7. - Les portions de rnes traversées par
des routes royales ou départementales, et qui sont en dehors de l'alignement de ces routes, appartie~nent aux communes,.II, 269, 748, 769'Voy. Ouverture de rues; VOIrie.
De la nature des droits dont les propriétaires riverains jouissent SUI' le"
l'IleS et places publiques des villes, bourgs et villages, l, 503; II , g87' Ces fonds du domaine public sont-ils affectés jure servitutis , à la desserte
et aux commodités et aisances des maisons et héritages adjacents? l, 503.
- Hypothèse générale relative à la revendication d'un droit contraire à la
destination de la voie publique, 1, 505. - Les constructions en saillie le
long et sur le sol des rues et places publiques peuvent-elles faire acquérir,
en faveur des édifices particnliers, quelques droits de servitnde? l, 506.Hypothèse génerale relative à la revendication d'un droit conforme à la destination de la voie publique, l, 255, 50g et suiv. - Les droits d'ouvrir
des portes et fenêtres sur les rues et rlaces publiques, ceux d'y faire
momentanément les dépôts compatibles avec leur destination; appartiennent-ils aux particuliers à titre de servitude? Ibid• .... Les propriétaires de
maisons ne jouissent-ils de ces droits que pal' tolérance? et peuvent-ils en
être privés sans indemnité par la suppression ou le changement de la rue?
Ibid. - Examen de ces questions d'après les principes du raisonnement,
l , 5I I . - Examen de ces questions d'après les dispositions du droit romain, l, 513. - Examen de ces questions d'après les principes de l'ancienne jurisprudence française, l, 5Io.-Opinion de Cochin, l, 5Ig (note).
- Examcn de ces questions d'après les principes de notre droit nouveau,
l, 5Ig. -Toutes contestations snI' le fond du droit touchant l'existt>nce,
l'exercice et la jouissance de ces servitudes, doi\'ent être portées en justice
ordinaire, l, 522. - Sur qui porte la charge de faire les ouvrages nécessaires à l'exercice de ces servitudes? Ibia.
SUI' qui pèse la clzat'lJe de construction et d'entretien du pavé des rues et
places publiquu, l, 480, 481. - Dispositions des lois romaines qui imposaient cette servitude aux propriétair~s et locataires des maisons riveraines,
l , 480. - La loi nouvelle transporte cette charge aux communes, pOl1\' les
parties qui ne sont point grandes routes, 1, 481. - Néanmoins le principe
du droit romain conserve encore sou application dans quelques hypothèses,
Ibid. et 512. - Lorsqu'un particulier bâtit dans l'enceinte d'nne ville pavée, et là où il n'y a encore ni m<lison ni pavé, peut-on l'obliger il paVer la l'lie au devant de son édifice? l , 482. ~ A quelle aul~rité aoit -on
�832
TABLE ANALYTIQUE.
s'adresser pour faire statuer sur les difficultés relatives aux dépense. de cont.
truction el d'entretien du pavé des rues? l, 483, ibid. (note). - Dans
quelle forme procède-t-on à la répartition de ces dépenses? Ibid. - Quid
s'il n'y a qu'un seul particulier qui doive supporter la charge? ibid. -Sur
qui pèse la charge du balayage des rues? 1,512.
De la eompétence du poupoir municipal relatipement aux améliorations
à opérer dans la piabilité des rues et places publiques, l, 533 et sui\". , 540
et suiv. - Voy. Alignement et Voirie urbaine. - De l'alignement des rues
ct places publiques. - Voy. aussi Alignemen:ts.
De la police réglementaire ou de préPorance touc!tant la voirie urbaine,
et de la compétence du pouvoir municipal relativement à la propreté, salubrité et tranquillité des rues, lieux et édifices publics, l, 524. - Voy.
encore ·.Voirie urbaine. - Des contraventions qui résultent de la dégrada·
tion on détérioration des rues et places publiques et de l'usurpation Sllr leur
largeur, 1, 637. - Lorsqu'une rue fait partie d'une grande route, les contraventions matérielles aux réglements de voirie, qui y sont commises,
peuvent être déférées soit au conseil de préfecturé, soit an tribunal de police, 1, 37!h 377,
RUELLES ET IMPASSES. A qui appartiennent-elles? - Sonmise. à
'l'alignement, II, 597.
RUINES. - Edifices menaçant ruine snr la vnie publiqne. - Voy.
Voirie urbaine.
.
RUINE DES MAISONS. Le maire peut faire opérer sur -le-champ la
démolition d'un hâtiment ruineux, II, 514, 842. - Il pent aussi la faire
ordonner par voie soit civile, soit de police, II, 513. -Indices de ruines,
II, 842. - Effets de la démolition par rapport aux locataires, II, 702 ;
- à l'usufruitier, il, 706. - Voy. Démo/itwn.
RUISSEAUX. Ce que e'est qu'un ruisseau, et à quel domaine il appartitllt, 111,3,12; IV, 313. - En quoi les ruisseaux diffèrent des petites
rivières, et comment on les distingue, TIl , 3, 12, 2S1 ; IV, 314. - Cousidérations d'après lesquelles on doit dire que les simples l'Uisseaux sont,
sous tous les rapports, placés dans le domaine privé, IV, 317, 3 l 8. Conséquences qui en résultent: toule contestation sur le point de savoir si
un cours d'eau est ruisseau ou rivière, doit être porlée en justice ordiuaire;
utilité de cette question, III, 366; IV, 319. - Le droit de pêche dans les
ruisseaux est un droit de propriété pour les riverains; proportions dans lesquelles ils doivent en user, IV, 319. -Le gouvernement a néanmoius toujouts le droit de s'emparer des ruisseaux pour en conduire les eaux à un
canal de navigation, III, 127. - Quelle est la forme de procéder pour
parvenir à ce but? et sUl' quelle hase doit-on calculer l'indemnité à accorder aux propriétaires riverains? Ibid,
Des ruisseaux et petits cours d'eau eonsidérés principalement comme
moyen naturel de l'irrigation des terres, IV, 3If. - Voy. Irri9"ation.
Principes sur la jouissance des ruisseaux ou autres eours d eau en général, entre propriétaires poisins tinnt ils trapersent les héritages, III, 170,
171. - Des ouvrages qui peuvent être faits dans les ruisseaux par les propriétaires riverains, IV, 348. - Voy. encore Riperains. - Les propriétaires
par les fonds desquels passe lin ruisseau sont-ils obligés les uns envers les
autres d'en procurer le curage ou d'en supporter proportionntllement les
frais? IV, 165 et suiv.
~e la eompétence des autorités qui pcupent être appelées à statuer sur les
difficultés touchant aux ruisseaux ou cours d'eau d irrigation, IV, !,36. ---:
Voy. encore Irrigation. - Les contraventions aux réglements sur l'lisage
des ruisseaux ou autres petits cours d'eau sont de la compétence du tribunal de police correctionnelle; cas d'exception où elles sont dévolues all
conseil de préfpcturc, IV, l,53 il 455.
�833
TADLE ANALYTIQUE.
s.
SABLES. Nul n'a le droit de pratiquer des fouilles de saLle ou autres
matériaux, même dans les petites rivières, sans la permission de l'admiuistration, III, 372.
SACREMENTS. Ne sont pas des choses dans le commerce, et ne peuvent être l'objet d'aucune transaction commerciale, l, 13,465 et suiv.
SACRILÉGE. Est une circonstance aggravante du crime ou du délit
commis dans les lieux saints, r, 469,
SAILLIES. Les constructions en saillie sur les rues, places pn~1iques et
antres fonds du domaine public, n'existent qu'en vertu d'une pmc tolérance,
et ne peuvent produire aucun droit par prescription, T, 507 et sui\". - On
pent toujoms être forcé à les enle"er, lors méme qu'elles auraicnt été coustn1Îtes avec l'autorisatiou de J'autorité municipale, Ibid. - La servitude
d'alignement s'applique aux travaux en saillie; tolérance nécessaire, JI,
477. - De leur snppression, TT , 496, 713, 714. - La saillie des ornements
d'architecture ne constîtite pas un droit, Il , 658, 659.
SAISIE. Des saisres de marchandises prohibées faites à la frontière; s'il
y a doute sur le point de savoir si une saisie a été faite ou non dans les frontières frauçaises, à qui doit être déféré le jugement de cette question incidente? T, '-112 •
. SAISIE MOBILIÈRE. De la saisie mobilière comme moyen d'exécution
des décisions des conseils de préfecture; elle est faite par un huissier, l, 198.
- Les contestations sur la validité de cette saisie doivent êtrè portées en
justice ordinaire, T, 199.
SAISINE NATURELLE. - Voy. Possession.
SALINES. - Voy. Sources d'eau salée.
SALLES DE SPE'LTACLES. Ne font point partie du domaine public
mnnicipal, mais du domaine comm\lllal patrimonial, lorsqu'elles appartiennent aux communes, J, 475,
SALUBRITÉ PUBLIQUE. Toutes les mesures qui ont rapport à sa conservation on à son amélioration appartiennent à l'admiuistration active, J,
J 50, 167. C'est à elle seule qu'tm doit s'adresser, et non aux tribunaux
ordinaires, pOUl' obtenir la suppression d'établissements insalubres, l, 15,.
_. Les tribunaux peuvent parvenir indirectcment à la suppression d'LIU établissement insalubre, en condamnant celui qui l'exploite à de fOl ts dommages-intéréts envers les plaignants, 1,151 (note). - L'arrêté du préfet
ordonnant la suppression pOUl' cause d'insalubrité publique d'un élablissement fait d'autorité privée, ne peut donner lieu qu'à un recours au ministre
et au conseil d'Etat, comité de l'intérieur; mais la réclamation du pat·ticulier ne renferme rien de contentieux qui soit de la compétence du con5eil de
préfecture, l, 170, 171. - De la contravention de voirie urbaine résultant
du jet ou elCposition au-devant des édifices de choses de nature à nuire par
des exhalaisons insalubres, l, 622.
SANCTION ROYALE. Imprime à la loi sa force obligatoire. A qui elle
appartient; et en quoi elle consiste, 1, 69, 70.
SECOURS. Contravention commise pal' ceux qui refnsent des 5ecour5 et
tl'avanx requis daus les circonstances d'accidents, tumnltes, etc, l, 63~.
SEL. Opinion de l'auteur SUl' le taux élevé de l'impôt indirect dont le débit dn sel est frappé en France, IV, 292, 301 (note).-Voy. encore SoltrceJ
d'eau salée.
SENTIERS. Quel est le caractère des nombreux sentiers de traverse pratiqués dans les campagnes pour communiquer aux habitations et aux gramb
chemins publics? II, 975. -Un simple sentier peut néanmoins avoir la nature de chemin public, II, 184, 939.
TOM, IV.
53
�834
TABLE ANALY-TIQUE.
SÉPARATION DES POUVOIRS. Séparation de ceux judiciaire et administratif, II, 37~.- Le préfet et le maire ont une autorité distincte pOUl'
délivrer les alignements, II, l IO, t'99' - Avant la révolution, les pouvoirs
jndiciaire et administratif étaient confondus quant aux chemins; la compétence dépendait seulement de la nature du chemin, II, 8~3.-Les trihunanlli
ne peuvent réformer ou modifier un alTèté administratif compétemment
pris, II, 900. - La décision sur ln question de propriété d'uu chemin n'a
point d'influence sur la déclaration de vicinalité, et pice persâ, II, 160, 80~,
88~.
SÉPUETURE. Il n'est pas permis d'exiger de l'argent pour prix de la sé<pulture donnée dans les cimetières, l, 468.
SERFS. Origine de cette dénomination, l, 16.
SERMENT. Les agents-voyers le prêtent devant le préfet, II, I~7.-Les
experts chargés de fixer l'indemnité pour extraction de matériaux sont dispensés du serment, II, ~87' - Prestation de serment des experts chargés
de fixer les subventions, Il, 155.
SERVITEURS ET DOMESTIQUES. Définitions, distinction, II, 60.......
Dispositions de nos Codes où ces expressions sont employées, II, 62.
SERVITUDES. Principe~ sur l'extinction des servitudes par la prescription dérivant du nou-usage ; application de ces principes à la servitude d'nsage des eaux de la source née dans un fonds supérieur au fonds dominant,
IV, 254 et suiv. - De la servitude à laquelle sont soumis les édifices des.
villes, pour l'alignement des rues et places puhliques; de sa nature, et de ses
effets, l, 582. - Voy. encore Alignements. - Des servitudes attachées à
l'existence d'un étang, IV, 590, ibid. (note), 594, 59S. - Règles à suivre
en cette matière, Ibid. - Des senitudes que l'établissement des rontes entraîne à la charge des fond&riverains. Voy. Routes. - Des servitudes auxquelles sont assujetties, pour l'aisance et l'utilité des. maisons- et héritages
adjacents, les rues et Illaees puhliques des villes, hourgs et villages, les parcelles de communaux ou plaees vides laissées daus l'intérieur, ainsi que les
fonds communaux en général. Voy. aux mots- Rues et Places pufili'lues, et
Communaux. -De la servitude d'u&age acquise au propriétaire d'un fonds
inférieur sur les eaux de la source née dans le fouds supérieur, IV, 224.Voy. Sources. - Des servitudes qui résultent, au préjudice des fonds particuliers, du voisinllge des terrains militaires. Voy. Terrains militaires. De la servitude naturelle qui résulte de l'écoulement des sources et ruisse.'lUX
des fonds supérieurs sur les fonds inférieurs, IV, ISO. - Des- ohligations
réciproques qu'elle impose aux propriétaires de ces fonds, IV, x3~. - Les
propriétaires inférieurs sont a&Sujettis à supporter les eaux qui dérivent de
la régiou supérieure; ils ne peuvent élever de dig'le qui les fasse refluer;
conséquence de ce fait par rapport aux dommages et intérêts dont il les rend
passibles, III, 498 et suiv. - La responsahilité a-t-elle également lieu si
le dommage provient de travaux autorisés par le gouvernement? III, SOI à
50S, 5roet suiv., SIO(note). -Voy. encore Eallxp!cwiales.
SERVITUDES. (CiJemins de) , II, 6, 18~. - Dilférence entre le simple
chemin de servitude et celui dont le sol apvartient au public, l, ~7 l, ~9I'
et suiv. - La jouissance exercée sur celui-ci par le public a tous les attributs d'une vraie possession civile, et les effets d'un vrai possessoire, l, 286'
et suiv. - La défense de hâtir dans le voisinage des cimetières est une servitude, II, 7I I . - On ne peut acquérir par prescription de s!lrvitudes sur
les chemins, II, 122. - Cependant les chemins et autres voies publiques
.(seczls promenades publiques, II, 600), sont grevés, ail profit des 1)1'0priétés riveraines, de véritahles servitudes de passage et de vue, conformément à la destination des chemins, II,343, 35S, 67', 916.-Conséquences:
1° On ne peut les supprimer que pour utilité publique et moyennant indemnité, Il, 344.-Application à diver&es hypothèses, Il, 346 à 348.-L'indem-
�TABLE ANALYTIQUE.
835
nité est exigible méme d'Lm particulier qui nuit à ces servitudes par UIlC
construction nouvelle, II, 348. -Mais s'il a reçu un alignement, les tribunaux ne peuvent ordonner la destruction des ouvrages, II, 349 à 351. Il n'y a pas lieu à indemnité pour les atteintes portées aux constructions en
saillie sur la voie publique, lI, 499; - non plus que pour suppression d'écoulement d'eaux insalubres, II, 1,41 à 1,45. - 2" Les droits et ùe"oirs des
communes à l'égard de ces servitudes sont ceux des simples particuliers, II,
35 r. - Conséquences et application à diverses hypothèses : distanccs,
passages, II, 352; vues, II, 352; planlations, II, 354. - Les maisons riveraines sont assujetties aux charges qui sont la conséqncnce nécessaire et
légale de la destination des "oies publiques, Il, 357. - Espèces: poteaux
indicalenrs dcs routes et des distances; nom des rues; numérotage; affiches;
appareils d'éclairage; bomcs-fontaines; foires; lavoirs; travaux sur la voie
publi([Ue, II, 357 à 36~. - Le préfet ne pent imposer de servitudcs aux
fonds voisins des chemins vicinaux sans iudemnité, II, 27, 41,6, 457, 458,
477, 777,780, g1!). - 3" C'est aux rivcrains à exécutcr les travaux nécessaires pour USf'r de ces servitudes, II, 362.-4" Tout riverain et même tont
habitant est recevable à agir ut singu/us pour conserver ces scrvitudes contre
les entreprises des tiers, II,356 à 366. - Lors même qu'il serait obligé de
se prévaloir du droit de la commune sur le chemin, II, 364 à 36g. - Mais
il ne pourrait mettre le droit communal en qucstioIJ sans obscrver les formes
et les prescriptions de l'art. 4g de la loi du 18 juillet 1837, II, 36g. Alionement.-L'alignement est une servitude jüstement établie, II, 583.Prohibitions résultant de l'alignement: hauteur des maisons, Il, 494 ; jours
et l'gOUtS, II, 479; travaux défendus; voy. Alignement, § 4.- Suppression
de servitudes par suite d'alignement: cas où il ya lieu soit à il1'!cmnité, soÎt
Il expropriation, II, 6?6 à 680, 348. - Comr:étence, II, 6". - EfTet de
l'alignement entre usager ct usufruitier, II, 706; entre voisins: mitoyeundé, II, 479, 480. - Vues obliques, II, 1,8:1. - Compétenee.-Alitorité
compétente pour statuer sur les iudemuités résultant de la surrression de
ces droits de servitude. Distinction si la Ml,ossession est accessoire ou non
à l'expropriation du fonds même, II, 370 à 389. - Et s'il s'agit ou non de
dommages perman~nts,lJ, 389 à 405.-Les dommages résultant de l'exercice d'une servitude discontinue ne sont pas permanents, II, 405.- Voyez
Ecoulement des eaux; Elagage; Extraction de matériaux; Fosstis; Plantation; Possessoire.
SERVITUDES DISCONTINUES. Ne peuvent plus s'acquérir en Fronce
que par titre, II, I003.- Dispositions diverses des coutumes avant le Code
civil, Ibid. - Quel doit être le sort de toutes les anciennes servitudes discontinues dont on ne reproduit pas les titres? Et ces servitudes sont-elles
également imprescriptibles sous l'empire du Code? Ibid. - Exception à la
règle générale, fondée sur la nécessité ou les hesoins qui ont dû occasionner
l'établissement de la servitude, Il, I005 et suiv. - Dans l'ancien dl'Oit, la
nécessité du passage était déjà une condition essentielle du maintien dc la
servitnde, II,1005 et suiv. (note). - Lorsque le passage public, ponr arriver à un héritage, est impraticable, dangerenx, ou ne 11ent être réparé qu'à
grands frais, est-ce le cas d'appliquer l'art. 682 du Code eivil? II, IOOg
(note). -Exception fondée sur l'état matériel des lieux, si la servitude paraît d'une antique existence, II, lOI 1. - Exception fondée sur les canses
qui peuvent faire çesser l'imprescriptibilité des serviindes discontinues, II,
1012. - Développement de eette opinion, doctrine et jurisprudence Con·
formes, Il, 1013 etsuiv. (note), IOI5(note).
SERVITUDES MILiTAIRES. Voy. Fortifications.
SIGlSIFICATIûN. Comment est faite la signification des décisions des
couseils de préfecture, l, 198.
SIMPLE l'OLlCE. Voy. Police simple ct Tribunaux de simple police.
�836
'l'ABLE ANALYTIQUE.
SOUÉTÉ. La société est le principe des droits et des devoirs de l'homme,
J, 23 et suiv. - Elle repose sur le droit de propriété, J,53. - Elle n'est
point une institutiou humaine, mais tire son principe de la nature et de la
nécessité, l, 32.
SOL. Celui des chemius vicinaux appartient aux communes ré.pectives
qu'ils tl'3versent, II, 89. - Donte autrefois sur le point de savoir à qui appartenait ce sol, Il, 818. - C'est an niveau du sol que doit êlre faite la délimitation des propriétés, II, 658.
SOLIDARITÉ. N'a pas lieu pour contravention, II, 537,927.
.
SOMMATION. Suflit ponr faire courir les intérêls de l'indemnité d'alignement, Il, 709, - ainsi que ceux du prixâ'une vente, II,709 (note).
SOUMISSION. Formes de la soumission d'acquérir les chemins déclassés, II,337. - Les incapables peuvent soumissionner, II,340.
SOURCES. DES SOURCES D'EAU vIn; de leurs diverses espèces j et des
droits des propriétaires des fonds où elles se trouve'}t ou dont elles sortent,
IV, 208. - Etymologie du mot source, Ibid. - Quelle es~ la cause première de toliles les sources, Ibid; - Dès diverses espèces de soùrces, IV,
:110.
DES SOURCES ORDINAIRES D'EAU DOUCE, IV, !>IO'
Dùeldppement des dispositions du Code civil sur les droits des propriétaires defonds dans lesquels des sources prennent naissance, IV, 210. Différence essentielle entre les droits du propriétaire du fonds dans lequel
naît la source, et ceux des propriètaires dont les fonds sont bordés ou traversés par un ruisseau, IV, 320 et suiv. - Liberté illimitée que les propriétaires ont en général de disposer des sonrces produites par leurs fonds,
IV, 2 1 2 . - Principes de l'ancien droit relatifs à celle liberté, Ibid. (note).
~et~.e I~b~rté ne :reut p.aralyser l'effet des mesures régle',Den~aires ~ya~t trait
a 1 mteret pubhc, 1lnd. (note). - Restl'lctlOn apportee neanmOlllS a cette
liberté par la faculté qu'a IOl1jorirs le gouvernement de s'emparer des sources
pour en conduire les eaux à un canal de navigation, III, 127. - Quelle est
la forme de procéder pourparvenif à ce but? et sur quelle base doit-on calculer l'indemnité à accorder aux propriétaires intéressés? ibid. - Cette liberté est encore restreinte, en ce qui concerne les eaux salées et minérales,
par les réglements spéciaux, IV, 3 a. - Des divers cas où elle est limitée,
même en ce qui concerne les eaux douces, soit par la position naturelle des
lieux, soit par des couventions entre propriétaires voisins, soit par les bornes d'un \lsage utile et raisonnable, IV, 214 et sniv., 215 et suiv. (note).Le propriétaire d'une source ne peut modifier son conrs primitif et naturel
si, à la sortie de son fonds, elle devient nuisible à l'un ou plusieurs dei
propriétaires voisins, IV, 223.
Des droiu qui peuvent étre acquis aux propriétaires de londs inférieurs à
celui où nait la source, et en dérogation à la règle générale qui permet d'en
disposer, IV, 224. - Des droits résultant de titres; quels peuvent être ces
titres? IV, 225. - Quels en sont les effets, IV, 228 el suiv. - Des droits
qui peuvent résulter aussi de la destination du père d~ famille, IV, 225,
226. Des droits qui peuvent être acquis, par prescription, aux propriétaires inférieurs, sur les eaux de la source née dans le fonds supérieur, IV,
228. - Des conditions nécessaires à l'accomplissement de cette prescripfion.
IV, 235 et suiv. - Voy. également 237, 240, 24r, 242,247 et 250
(notes). - Le propriétaire supérieur conserve-t-il encore, après la prescription ou la concession par titre, la faculté d'employer tout ou partie des eaux
de la source à l'irrigation de son héritage? IV, 228. - Des diverses cir'constances de fait d'après lesquelles cetle question doit être résolue, IV, 229.
- Du cas où l'aliénation est faite pour J'irrigation des fonds inférieurs,
Ibid. - Considérations tirées de la natnre du droit de prise d'eau pour irrigation; ce droit est UIle servitude qui doit être étendue à toutes les parties
�T.ABLE ANALTTIQUR..
837
du fonds, et,hornée au seul fonds pour lequel elle :l été acquise, IV, 232,
i33. -'Du cas où l'aliéuation est l'aile pour le roulement d'une usine, IV,2'9. - Dn cas où la concession a été faite à titre gratuit, et de celui où elle
a été faite à titre onéreux, Ibid. et 230. - Du cas olll'écoulement est constitué à titre de servitude soit active soit pa~sivè
profit du fonds supérieur
ou sur lui, IV, 230. - Les contestations, en cette matière, sont de la
compétence des tribunaux ordinaires, IV, 23I. - Du tempérament par
leqnel ou doit snI' ce point. concilier les intérêts de l'agriculture avec le res'
.
llect dù à la propriété, Ibid.
Des e!Jets du partage dufonels dans lequel existe la. source, IV, 234.-:,
Des ell'ets de la réunion du fonds dominant et du fonds de la source entre
les mains du même propriétaire, IV, 251. - Des contestations qui· peuvent
s'élcl'er entre les propriétaires de fonds inférieurs à celui dé la source et
ceux de fonds plus éloignés, concerna~t la transmission et jouissance du conrli
d'eau. Principcs d'après.lesquels elles doivent être 4écidées, IV, 252. - LeS
droits de servitude acquis au propriétaire inférieur sur les eaux dè la source
dll fonds supérienr, par convention ou prescription, peuvent-ils s'éteindre
la source cesse de couler pendant trenle ans? Ou la renaissance de cette
source les fait-ellil revivre de plein droit? IV, 254 ët suiv.
.,
De la servitude à laquelle est assujettie la source d'un fonds particulier
lorsqu'elle fournit aux habitants d'une commune l'eau nécessaire à leurs,
besoins, IV, 258. - Nature de cette servitude; c'est une servitude légale,
IV, 259. - Elle n'existait pas de plein droit sous l'ancienne législation;
mais pouvait-on alors l'acquérir par titre ou par prescription? IV, 270. -'.
Du mode de jouissance permis aux habitants de la comrrmne"': pellvent-ils
entrer dans le fonds de la source? ou doivent-~ls se contenter de profiter de'
l'eau à la sortie de ce fonds? IV, 260. - De l'indemnité à payer par ceux
qui réclament l'exercice de cette servItude, IV, 259, 26I. - Cette action'
en indemnité peut être prescl'ite, et de qllellè manière, IV, 269 et suiv. -:..
Comment, et sur quelles bases doit être fixé le quantum de l'indemnité, IV.
27I. - Cette in'demnités'estime en raison seulement du préjndice causé au'
propriétaire d~ la source et non eu égard à l'avantage qui en résulte ponr
les habitants, IV, 273 (note). Extension de la servitnde légale dont il s'agit ~
elle est due mème aux habitants d'uue commune autl'e que celle de la situation de la source, IV, ~62 et suiv., 264 etsuiv. (note). - POUl'VU toùte'~
fois que la source ne soit pas indispensable aux besoins de la commune .qui
en est propriétaire, IV, 264, ~65 (note). - Elle est due à ceux d'un village ou hameau plus ou moins éloignés; elle est due à ceux d'une simple
maisou isolée, IV, 264, ibid. (note). - I:lle n'est subordounée à aucun.e
prescription acquisitive ouextinctive, IV, 262,263. -: Difficultés que
faisait naître, sur cette matière, l'incertitude de l'ancienne législation, Ibid.
-- La servitnde de prise d'eau dOl;t il s'agit est bornée aux usages journaliera
et nécessaircs; conséquences qui en résultent, IV, 266 • ...:.. Elle ne peut
s'étendre à la prisé d'eau pour faire rouler un moulin, IV, ~67" - Le propriétaire de la source peut en détourner une partie si elle est suffiiamment
abondante, IV, 268. - Les habitants qui jouissent de cette servitude ne
peu"eut exercer la prise d'eau que lorsqu'ils manquent de fontaines publiques
ou lorsque celles-ci viennent à tarir momentanément, Ibid. - Le propriétaire de la source pourrait-il opposer aux habitants qu'ils doivent plntôt
construire chez ellx des .puits et citernes? IV, 268. - Quid si la nécessité
ne provient qne de la négligence des habitants à rél)arer leurs fontaines publiques? IV, 269. - La servitude légale de prise d'eau ne s'applique point
aux citernes, mares, ou autres l'éservoirs non produisant une source liu fon. taine, IV, 275.
DES SOVI\CI!:S n'uv,sALÉE, IV, 277. - Notice snI' les salines et les dill'ér~ntes espèces de sel, IV, 277 (note),-Texte de la loi surle sel,des 17-26
au
si
�838
'l'ABLl~
ANAL't'1'lQUE.
juin 1.840, IV, ,,8, et suiv. (note). -Texte de l'ordonnance royale des 7
mars et 1.5 avril 1841, portant réglement sur les concessions des milles de sel
et des sources et puits d'eau salée, IV, 29" et suiv. (note). - Les sources
d'eau salée appartiennent, comme toutes autres, au propriétaire du fonds dans
lequel elles naissent, IV, 278,283, 286. - Principes du droit romain à cet
égard, IV," 80.-Mais dans tous les temps la fabrication du sd a été soumise
à lin impôt et à la surveillance des agents du fisc, IV, 281 ,-pc la législation
sur cette matière après la conquête des Gaules par les Francs, IV, 282.-Des
lois etréglements postérieurs à la révolution de 1793,sur le même objet, IV,
283. - Monopole établi en faveur des salines de l'Etat par arrêté du diree·
_toi rI' exécutif du 3 pluviôse an VI. Cet arrêté est-il obligàtoire? IV, 284. Loi du 24 avril 1806, dernière disposition législati,'e sur l'exl,loitation des
sources salées, IV, 286 et suiv. - Etablissement de l'impôt sur le sel; sur~'eilJance exercée par les agents du fisc dans les salines, Ibid. - Que doit·
on penser du taux élevé de cet impôt? IV, 392.
DES SOVRCES n'J:A,VX THERMALES ET MINÉRALES, IV, 302. - De leur importance comme moyen curatif. - lle leur emploi par différents peuples.
- De le!:!rs différentes espèces, IV, 302 et suiv. (note). - Sous le l'apport
pc la pl'opriété , elles sont de tout point soumises au droit commun, IV,
310 (mite). - Elles sont spécialement sous la surveillance de l'administration publique, IV, 303 et suiv. - Formalités à l'emplir et autorisation il
obtenir préalablement à leur exploitation et distribution, IV, 304 et suiv.De k compétence des autorités appelées à statuer sur les débats qui penvent
s'élever touchant les sources d'eaux ther!llales ou minérales, IV, 309. Dispositions réglementaires applicables aux eaux thermales et minérales, IV,
3II (note).
SOUS-PRÉFETS. Loi qui les a créés, I, 134. - Des arrêtés qu'ils peuvent prendre, et à qui la réforme en est demandée, I, 193. - Des mesures
qu'ils peuvent prendre seuls, provisoirement, et sauf recours aux préfets,
pour réparer tout ce qui met obstacle à la viabilité des routes, et faire cesser le dommage résultant des contraventious qui leur sont dénoncées en ma·
tière de grande voirie, 1, 361, 392 , 394,396. - P<ésumé de leurs àttri·
Jllltions et de hur compétence en matière de petite voirie, II , 845. - Sur
leur participation à la délivrance de l'alignement. - Voy. Alignement
(§ 5, plans généraux).
SOUTERRAINS, II, 122, 476. - Voy. Caves,
SOUVERAINETÊ. - Voy. Domaine de souveraineté.
STATISTIQUE DES CHEMINS VICINA~, Il, ID.
SUBVENTION. Condition d'exigibilité. - Sur les fonds du département pour l'entretien des chemins, II, 40, 106. - Les dégradations l'om·
mises par les exploit/ltions sur les chemins vicinaux donnent lien à des sub·
,-entions'de la part des exploitants qni les dégradent; seeùs des autres che·
mius publics, II, 135, 141. - Il faut pour cela qn'ils soient entretenus à
l'état de viabilité, II, 136, - Nature des dégradations donnant lieu aux
subventions, II, 1!~1. - Espèces·d'exploitations passibles de subventiou,
II, 141. - Question à ce sujet, II, 142. - Quand les subventions pour
les dégradations aux chemins sont à la charge des propriétaires, des entre·
preneurs, des adjudicataires, des fermiers, II, 144. - Qnestion l'al' rapport aux meuniers, aux maîtres de forges, aux propriétaires de forêts, de
mines, Il, 145.
Répartition. - Recouvrement. - Répartition des suhventions entre
les exploitations et les communes, Il, 148. -Doivent être affectées exC!usÏ\-ement aux chemins qùi y ont donné lieu, II, 149. - Ponnont être ac'1uittées en argent ou en prestations en nature; bases de la com-crsion, II,
150. - Doi,-ent être réglé!'s annnellement , Il , 151. - Sont réclamét's par
lcs maires ou les pl'Cifels, selon qu'il s'a{;it de cbemins de gl'Oude ou de 1'1'-
�TAJ,lLB ANALYTTQUE.
339
lile communication, II, 151.- Sont réglées par le conseil de préfecture, II,
152. - Sont recouvrées comme en matière de contributions directes; y at-ill'rivilége pour leur recouvrcment? II, 153. - Mode de nomination des
eXFerts pour la fixation des subventions en cas de dégradation par des
exploitations, II, I5!~. - Peuvent être déterminées par abonnement, II,
155. - L'abonnement est réglé par le préfet et non par le conseil de préfecture, II, 155.
La demaude en subvention contre les exploitations qui ont dégradé le chemin ne peut être repoussée pal' fin de non recevoir résultant de la non 1'1'0.duction du procès-verbal de classement, II, 139.
SUCCESSIONS. Les successions des personnes vivantes ne sont pas dans
le commerce, l, 13. - Des successions vacantes et en déshérence; à qui
elles appartiennent; ,erreur commise dans la nouvelle rédaction de l'article
539 du Code civil, l, 246, 247.
SUICIDE. Est condamné par la loi naturelle, l, 33, 34.
SUPERFICIE. Comparaison d'un droit de superficie avec la Jouissance
exercée par les riverains sur les petites rivières, III, 333.
SUPPRESSION. La suppression d'un établissement a orisé p'ar le gouvernemeut ne peut être demandée par les particuliers auxquels 11 porterait
préjudice; ils n'ont qu'une action en dommages et intérêts de la compétence
des tribunaux ordinaires. - Mais si l'établisseme,nt n'est pas autorisé, sa
suppression peut être en même temps demandée, l, 120. - De la suppression des usines. - Voy. Usines.
'
SURETÉ. Sur les précautions à prendre dans la délÎ\Tance d'alignement
pour la sûreté. - Voy. Alignement (§ 5, généralilés). - Le maire peut
ordonner la démolition des maisons menaçant ruine, II ,514 à 519.
SURSIS. En cas de contestation SUI' rapplication d'un arrêté, quelles exceptions obligent le juge à surseoir, II, 922. - Voy. Alignement (§ 8,
juridiction répressiye; question préJudicielle), - Possessoire.
SURTAXES. - Voy. Dégrèyements.
SURVEILLANCE. De la surveilla~lce exercéep<!l' les;tribunauxsupérieurs
sur les inférieurs; peines de discipline contre les IjJ.jlg!strats; leur suspen·,
sion, leur destitution, l, 99, 102.
'
SURVEILLNNCE DES CHEMINS. - Voy. ConserYation des chemins.
SUSPENSION. La prescription biennale des indemnités en matière de.
chemins vicinaux est suspendue pendant la minorité et l'interdiction, II,
302. -Le'dépôt du mémoire préalable à l'introduction d'une instance contre
Je départemeut suspend la prescription, II, 849.
SYNDICAT. De l'établissement du syndicat nécessaire pour représenter
les propriétaires lors des opérations d'un dessécllement de marais, IVJ 642.
- Compéf,ence de ce syndicat, lV, 673.
T.
TACHES pour remplacer la prestation, If, 72.
TALUS. Ne sont pas compris dans la largeur légale des routes, 1, 297,
298.
.
TAPAGES. Des contraventions résultant de tapages injurieux et nocturues, 1, 635. - Le charivari donné en plein jOllr est aussi punissable,
Ibid (noie).
TARIF. Le tarif applicable à la procédure d'expropriation est celui de
l'ordonnance du 18 septembre 1833, II, 224. - Voy. Affaire sommaire;
DéI;)ens.
if" " . "
.,
r
0 ctrOl. de nay/gatlOn.
. .
J
U tart aeS arods "e nay/galIOn. 'oy.
TAXE. Voy. A(faires sommaires; Tarif.
TEMPLES. Voy. Eglises et Choses sacrées.
l'llliRAINS MILITAIRES. Les portes, murs, fossés et remparts des pla-
�840
TAilLE ANALYTIQUE:
ces deguefl:e et des forteresses font partie dud'omainepublic; l, 43g.-I1s ne,
sont point susceptibles de propriété privée, et ne sont ni aliénables ni pœscriptibles, tant que les fortifications n'ont pas été démantelées, Ibid. Lorsqu'elles'sont démantelées, elles appartiennent à l'Etat, Ibid.-Par quel
laps de temps peuvent-elles alors être prescrites? Ibid. et 430. -Quelle est
la destinatiou des re"enus de ceux dei terraius militaires susœptibles d'en
proùuire? J, (f40, 441. - Quelle est la destinatiou des terrains de fortifica-'
tions abandonnési' 1,441, ibid. (note).-L'agrandissement d'une forteresse
ou d'un terrain militaire quelconque nécessite l'expropriation judiciaire du'
'
terrain adjacent qui n'appartiendrait pas à l'Etat, l, 441,442.
, Des diilerses servit/ules résultant du voisinage des terrains militaires: de.
la senitude relative à la prohibition de coustruire jusqu'à la distance déter~iuée par les lois et réglementsmilitaires, l, 4!f2 .-Etendue dans laquelle.
il proximité des terrains militaires, on ne peut faire aucun chemin levé ou'
chaussée, ni crenser aucun fossé, sans le concours des officiers du génie, l,
444. ..;.. Les' décombres provenant de bâtisses et antres travaux ne peuvent
être déposés que dans les lieux indiqués par les mêmes officiers, Ibid.-Aucune opération
ographique ne peut être faite sans le consentement de
J'autorité militaire, J, 4'45.- Dispositions des lois anciennes à cet égard;
exemple, Ibid. (note). - Détermination des différentes zones de circonval-'
lation dans lesquelles existent ces diverses prohibitions, 1; 44r à tf46. -Les
coutraventions résultant de faits contraires aux diverses servitudes imposées
en faveur des terrains militaires aux fonds environnants, sont, comme en
matière de grande voirie, de la compétence des conseils tle préfecture, l,
M,G. - Par quelles personnes ces contraventions peuvent-elles être constalées? l, 447 (noté), - Des peines qui leur sont applicables, Ibid. - Les
(Iuostions de propriété entre le domaine militaire et les particuliers sont de
la compétence des tribunaux ordinaires, Ibid.
TERRAINS VAGUES. Des terrains vagues qni se trouvent au bord des
rivières navigables ou flottables. A,quiappartiennent-ils? III, 61 et suiv.Conséquences il déduire de leur propriété, III, 78.
Ceux entre les clôtures qui bordent les rues ou les chemins, sout présu.
més dépendre desdites voies, II, Igr , 556,597"
Ceux en dehors de l'alignement des'routes royales, dans les ruce des villes
ou "illages, appartiennent aux communes, II, 269,748. 769' - Terrains retranchés de la voie publique par alignement on par suppression de
chemins; mode de partage entre les riverains, II • 320. - AutoJ'ité campétenle pour statuer sur ce partage, II, 48:> à 489, ..-:. Mode d'aliénation de
ces terrains, II, 324.
TEJ\RE. Des enlèvements de terre et matériaux: sur les voies publiques
•
ou les terrains communaux. - Voy. Enlèvement de terre. '
TRRRITOIRES. Origine de la division des territoires entre les nations,
l , 46, 47. - Au poU"oir exécutif seul appartient le droit de reconnaÎl.re
les limites territoriales de l'Etat vis-à-vis des puissances étrangères, l, "r:>,
213.
' ,'
,
Les modifications relatives alla; limites' des territoires dioisionnaires de
celui de l'Etat stmt ea;elllsioement dans le domaine de la puissance législatil'e, l, 7'. - Lois antérieur~s à la Charte de 1830 qui ont statué sur cet
objet, Ibid. et suiv. - Le pouvoir exécutif est en ~énérallncompétent pour
faire des réunions ou démembrements de ces territoires, l,' 73. - Mais il
est compétent pour reconnaître et fixer l'état'des limites, 1,83, 177.Les réunions ou divisions de communes, le classement d'une commune d'un
ranton dans un autre ne peuvent avoir lieu qu'an moyen d'une loi, l, 84
et suiv.
A quelle autorité doil'ent être portés les débats qui peul'ent s'élel,er sur
les reconnaissances et délimitations territoriales, r, 457 et suiv, - Les corn-,
�T1BLE ANAI.YTIQUE.
841
lIlunes ne peuvent former, par la voie du contentieux administratif, opposition aux réuuions ou démembrements de leurs territoires, l , 1,56.- Quelle
~st la marche à suivre pour cet objet? l, l,59. - Les délimitations de territoires entre communes doivent être portées pat'devant le conseil d'Etat,
çomité de l'intérieur, 1,83,84,177'
Du territoire considéré comme pure institution civile. et du territoire considéré par rapport aux choses auxquelles il s'applique. l, 453. - Sa définition sous ces deux points de vue, lbid.-Sadénomination ne se r\\pporte
pas à la propriété des fonds, mais à la juridiction exercée sur les lieux,
l~id. - Son étymologie, Ibid. - Il n'est pas une pro'priété communale,
l, 454. - Argument tiré de la loi du 18 juillet 1837, l, 454 (note). Quel est le but de son institution, Ibid. et 458. - Quels avantages retireut
les communes de l'étendue de leurs territ!Jires, l, 455. - Les territoires
des communes font partie du démaine public DlUnicipal, l, 1,58.- Le droit
de tenitoire ne peut, comme celui de la propfiété foucière, s'acquérir in'commutablement par prescription, l, 456. - Avàntages néanmoins du
possessoire en cette matière, 1,457.
' •
TIERCE OPPOSiTION. La tierce opposition aux jugements des tribunaux administratifs suit les règles ordinaires tracées par le Code de procédure, l, '99. - La tierce opposition n'est point admissible contre les ordonnances rllndues en matière non contentieuse, III, 4' 4.
TIEUS. Effets de l'ex>pr0l'riation à le'ur égard, II, 2'45.
TIEJlS ACQUÉREUR. L'amende pour contravention de grande voirie
s'applique au tiers acquéreur comme responsable des faits de son auteur, II, 53,. à 535. - La démolition peut être prononcée contre lui, II,
534.
TIMBRE. Les actes relatifs à la èonfection des chemins vicinaux ne sont
pas affranchis de la formalité du timbre, II,408,412. - Seezls en cas d'expropriatiou, II, 410, 264 à 268. - Et pour les réclamations contre les
prestalioùs, II, 77. - Voy. Enregistrement. - Papier libre.
TITRE. Peut-on prouver par témoins l'existence et le contenu d'un ancien tiu:e perdu, III, 575,576.
TOLERANCE. Les actes de pure faculté et de tolérance ne peuvent fonder ni possession civile, ni prescription, IV, 176.- Application de cellrincipe à la jouissance des eaux pluviales dérivant natnrellement d'un fonds supérieur sur un inférieur, Ibid. - Application de ce principe à l'exercice de
la vainc pâture, Ibid.
TOLÉRANCE RELIGIEUSE. L'esprit de tolérancereligiense doit essentiellement régner dans les lois civiles; ces lois ne doiveut jamais comprendre
de dispositions sur les vérités dogmatiques des religions, l, '10. - Opinion
contraire de Blackstoue, fondee sm les constitutions anglaises, l, I I I .
TORRENTS. Ce que c'est, - étymologie du mot, III, 7,8, " , 338.
- En quoi ils dilTèrent des rivières, soit en fait, soit en droit, 111,3 (,,338
et suiv. - Le sol sur lequel ils exercent leur cours ne fait point partie dll
domaiue public; il n'est que grevé d'une servitnde au l'réjudice des propriétaires, III, 8, ", ,~, 341. -'- Mais si le passage du torrent dénaturait compIétement ulle partie des héritages, qui restât eilsllite sans possession ni culture de la part de personne, elle appartiendrait à l'Etat comme bien vacant
et sans maître, III, 34-1. - Le droit d'alluvion n'a pas 'lien au bord des torrents, Ibid.- A qui appartillnt le torrent situé entre deux héritages lorsque
les titres de propriété ne l'attribuent ni à l'un ni à l'autre? III, 3t,,. (note).
- Les propriétaires des terrains sUl' lesquels ils coulent peuvent établir toutes
constructions propres à repousser lellrs ravages, même au préjudice des
voisin, sur lesquels ils viendraient à renuer, III, 3t,3. - Pour(luoi il eu est
autrement des prOllriétaires de fonds bOl'dant les ril'ières, Ibid. -,De ~a po-
�842
TABLE ANALYTIQUE.
lice de prévoyance ou réglementaire des petites rivières et des torrents, III,
347. -. Voy. encore Petites ririères.
TOURELLES. Construi~s en dehors des édifices et en saillie sur les rues
ou places publiques, peuvent-elles faire acquérir quelque droit de servitude?
1,508. - Voy. encore Saillies.
TRAINS. - Voy. Radeaux.
TRAITE DES NÈGRES. Est réprouvée pal' le droit naturel, 1,16,17.
TRAITEMENT DES AGEN l'S-VOYERS. Il est fixé par le conseil municipal ou par le conseil général, selon que ces lIgents sont ou non spéciaux
pOLIr la commuue, II, 12?
TRANSLATION DE PROPRIÉTÉ. En matière d'expropriation, II,
229, 236 et suiv., 248. - En matière d'alignement, Il,507 à 509,664.
'lRANSMISSIBILITÉ DES CHARGES PUBLIQUES. Comment elle
n'empêche pas que ces charges ne soient des choses hors du commerce, l,
18.
TRANSMISSION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ. Comment elle dérive
du droit naturel, 1,41,42. - Différence entre celle qui s'opère par actes.
eutre-vifs et celle qui s'opère par décès, Ibid.
TRAVAUX. Des travaux et secours requis dans les circonstances d'accident, tumulte, etc.; contl'llvention résultant de leur refus, l, 632.
Les travaux des chemins vicinaux de grande communication sont des travaux communaux, II, 107. -Importance de leur bonne direction et de leur
centralisation, Il, 791 à 793.
Les riverains sont obligés de supporter les travaux de nivellement, con·
fection d'aclueducs et autres SUI' la voie publique, II, 358.
Travaux soumis à l'alignement. - Voy. ALi{]"nement, § 4.
Travaux communllUX; les difficultés SUI' l'exécution de ces travaux et Slll'
l'interprétjltion des marchés 'les concernant, sont-elles de la compétence des
tribunaux civils ou administratifs? II,862. - Clause compromissoire pour
attribuer compétence à l'administration, serait nulle, II, 866. - Déclinatoire peut être proposé en tout état .de cause, II,867' -Voy. Serrirudes.
TRAVAUX CONFORTATIFS. L'effet de l'alignement est d'empêcherles travaux confortatifs, Il, 559. -. En fait de grande voirie, le conseil de
préfecture est juge de ia question de savoir si un ouvrage est ou non confortatif, II, 560. - ScCzlS en fait de petite voirie; le tribunal doit renvoyer à
l'administration, Il, 561. - Ne pourrait même ordonner d'exl,ertise, Il,
563.-. Législation sur les travaux confortatifs, Il, 565.-En tb~se, les travaux non confortatifs sont permis dans les parties retranchables, II, 567.
- Sont considérés comme conforlatifs, les trllvaux anx fondations et aux
murs de face du rez-de-chaussée, II, 568 ..... Ennmération des travaux
confortatifs, Il, 573. - Leur détermination par l'ordonnllnce royale du le<
lIOtît 1821, Il,798. - Vices et critique de cette théorie, II,582. - Objections, II, 585. - Y aurait-il une distinction à faire enlre la nature des
l-éparations permises selon l'urgeuce du l'élargissement des rues? II, 592.Solution par le ministre SUl' la demande du maire de Dijon, II , 594. - Le
maire peut prohiber toute espèce de travaux, même non confortatifs, à
moins qu'il ne les ait autorisés, Il, 471.
TRAVAUX PUBLICS. Nulle création aux frais de l'état de routes, canaux, grands ponts ou tout monument public, ne peut avoir lieu qu'en
vertu d'une loi spéciale ou d'un crédit ouvert à un chapitre spécial du budget, l, 357 et suiv., ibid. (note). - C'est au pouvoir exécutif qu'il appartient de faire exécuter les travaux d'utilité publique, et d'opérer les répartitions de dépenses; sont également dans ses attributions tous marchés fi
passer avec des entrepreneurs, l, 149, 167. - Les travaux qui ne regardent
qu'un intérêt privé ne pcuvent être ordonnés que 1'111' les tribunaux ordi·
�TAilLE ANALYTIQUE.
D~ires, Ibid. -
84.3
Quels sont les travaux puhlics soumis à la direction et
sUl'\eillance dc l'administration des ponts et cllaussées, 1,231 à 235.
Des dif./icultés élevées entre les entrepreneurs de travaux publics et l'administration concernant le sens ou l'exécution des clauses dè leurs marchés;
elles sont de la compétence des conseils de préfecture, l, 365, - "Mais il
faut que les travaux publics entrepris soient à la charge de l'Etat, Ibid. Il en seraitautremeut si les travaux n'étaient entrepris que daus l'intérêt d'une
commune, 1, 367. - Incroyable variation de la jurisprudence du conseil
d'Etat sur cette question, Ibid. et 368 (note). - Serait nulle la clause
pal' laquelle on aurait déclaré que les contestations élevées sur l'exécution du
marché seraient décidées par le conseil de préfecture, 1, 368. - Série d'arrêts conformes, 1, 369 (note). - Sont aussi de la compétence du conseil de
préfecture les réclamations des particulier's qui se plaignent des dommages
venant du fait personnel des entrepreneurs, et non dn fait de l'administration,
J, 369.- Il faut également que les travaux soientàla charge de l'Etat, Ibid. et
437. - En est-il autrement des faits proyenant des ouvriers et agents des
entrepreneurs? cenx-ci ue sont-ils pas tenus des dommages qui en résultent?
et ne sont-ils pas, pour la réparation, soumis à b. juridiction du conseil de
préfecture? J, 432 et suiv. _ Quid dans le cas où un simple particulier actionné pat'devant le tribunal ordinaire pour fouilles de matériaux, alléguerait
qu'il est entrepreneur de travaux publics? 1, 1,35. - Quels sout ceux
des trayaux publics dont l'exécution est ou n'est pas à la charge de l'Etat?
1,4 3 7'
Des dommages procédant du faitlersonnel des entrepreneurs. Les réclamations des particuliers à cet égal' sont de la competence du couseil de
préfecture, 1, 172 et suiv.- Il en est de même si l'administration, au
lieu de se servir d'entrepreneurs, exécute les travaux par régie au moyen
de ses agents, 1, 174. - Mais si les dommages proviennent de la nature
même des travaux ordounés, si les réclamations ont pour but de faire changer les plans de l'administration, il n'y a plus de contentieux de la compétence du conseil de préfectùre, Ibid.
Les fonds à proximité sont soumis à la servitude de fouille et prise de
tOitS matériaux nécessaires à l'exécution des travaux publics, l, 172, 1'73.
- De l'indemnité à accorder aux propriétaires pour cet objet, J, 173. Les contestations relatives à cette indemnité,' ainsi que toutes réclamations
pour dommages causés pal' l'exécution de travaux publics, sont de la compétence du conseil de préfecture, J, 173,372,373,417; IV, 687. - Voy.
encore Expropriation.
TllIBUNAUX ADMINISTRATIFS. Les tribunaux administratifs sont
une partie constitutive du pouvoir administratif; causes de lcur création, 1,
122. - Leur origine,· leur nature et leurs dénominations, l, 124 et suiv.Principcs généraux SUI' les conflits qui peuvent naître enlre ces tribnuaux et
le pouvoir judiciaire ordinaire, 1, II3, II4.-Voy, Conseils de préfecture
et ~'onsûl d'état.
TIUBUNAUX. CIVILS, Leur compétence en matière de chemins ruraux,
II, 952. - Voy. encore Chemins ruraux. - De leur compétence en ce qui
concerne les cours d'eau en général, et spécialement ceux d'irrigation, IV,
460 et suiv., 1'78. - Voy. cncore Irrigation. - Leur compétence ponI'
statuer sur les débats touchant les marais et leur desséchement, IV, 685,
686. - Voy. encore ]flarais. - De leur compétence en fait de contestations qui peuvent s'élever à l'occasion dcs rivières navigables et canaux, III,
163, 164, ibid. (note). - Des attribntions des tribnnaux civils en ce qui
concerne les rivières qni \le sont que flottables avec tI'ains et radeaux, IIJ,
219. - Voy. encore Rivières {lottables. - De leur compétence relativement aux contestations anxqncÏles donne lien, entre les flotteurs et les 1'1'0!lriétaires riverains des petitc& rivières, l'exercice du i10ttage à bûches pel',
�844
TAilLE ANALYTIQUE,.
dues, III, 680. - Voy. encore Flottage. - Idem touchant les SOUl'Ce~
d'eaux thermales ou minérales, IV, 309. - De leur compétence touchant'
les débats qui pet!vent s'élever entre les maltres d'nsines et les proprié-.
taires voisins de leurs établissements, SUl' les dommages ressentis par
ceux-ci, III, 546. - De leur compétence en ce qui concerne les de:
mandes en modification ou suppression d'usines, III, 617 et suiv. - Voy.
encore Usines.
.
TRltluNAUX CIVILS DE rRUlIÈRE INSTANCE. Ils sont sous la surveillance
des Cours royales, l, 102. - Ils sont se;lls juges des qi.lestion~ de propriété;'
II, 160. ":"'Et de la fixation des indemnités pour dommages pe,maneuts qui
ne sont pas l'accessoire d'uue expràpriatioJ!, II, 389 il 405. - Leur compétence en matière de bo,nag·e, II, 784'à 788. -D'alignement. - Voyez
Alignement, § 8.- Pour les difficultés relatives à la validité et à l'exécution
de l'opératiqn des experts chargés d'esti~er la valeur des chemins déclassés,
~I, 335. -Ils doivent renvoyer aux juges de paix la fixation de l'indemnité
pour la portion de terrain comprise dam les· limites d'un chemin qu'ils ont
reconnu appartenir au riverain, II, 161 .-Les jugements des tribunaux civils
ùe peuvent paralyser l'effet des arrêtés déclaratifs de vicinalité, II, 160, 802, .
88".- Résumé de la compétence civile des tribunaux de première instauce.
en matière de petite voirie, II, 871 à 885.-Voy. Conflits; Expropriation;,
Èxtraction de matériaux; Prescription, II, 308.
TRIBUNAUX DES MAITRISES. Quelle était leur compétence, III, 204,
220. --;,Quqnd ils furent supprimés, III, 222, - Quels sont les fonction·'·
naires dont les attributions remplacent aujourd'hui les leurs, III, 160, 166,
222 et suiv. .
. "
.
'
"
THIBUNAUX ORDINAIRES. D~s matières placées exclusivement dans
les attributions des tribunaux ordinaires, par opposition aux conseils de,
préfecture, l, 178 et suiv., 255,280; 353. - Sout exch\sivement compé.tents pour statuer sur les contestations entre particuliers, quel qu'en soit
l'objet, 1,163. -Il en est de même en ce qui concerne les contestations en
matière d'impots indirects, ~, 101. - Des règles d'après lesquelles on doit
distinguer la compètence des autorit~s administratives et des l1'ibunaux ordinaires. - Voy. Pouvoir exécutif; Tribunaux administratifs; Conseils de
préfecture. -: Voy. encore, sur les attributions des tribunaux ordinaires,
Tribunaux civils; Tribunaux de simple police; Tribunaux de police correctionnelle.
.
TRIBUNAUX DE POLICE CORRECTIONNELLE. De leur compétence..
en fait de cours d'eau, et sur la violation des réglements ton chant l'usage des
cours d'eau, III, 545; IV, 459. ....:.:. De lenr compétence touchant les faits
(Je police su~ les cana\lx et rivièi'es navigables, III, 159. - De leur compé- .
tence en matièce de voirie et voirie nrbaine, 1,410 et sui:\'. - Voy. ençore Voirie et Voirie urbaine. -De leur compétence en matière de vetite
voirie, II, 928. - A la différence des Conrs d'assises, ils ne peuvent statue~
su~ l'açtion civile qu'accessoirement il une condamnation pénale, II, 536.
TRIBUNAUX DE SIMPLE rOLICE ou DE POLICE >WNIClrALl:. Notions générales sur leurs attributions, l, 607. - Cette magistrature est exercée soit
par les juges de paix, soit par les maires des communes, l, 607 (note). -La'
compétence de ces tribunaux se détermine par la quotité des peines à pl'O-.
noncer, 1,608. -Leurs attributions en matière de voirie urbaine, l, 607,
608. - Voy. encore Voirie urbaine. - Idem en ce qui concerne les chemins ruraux, II, 950. - Idem relativement aux marais et à leur desséchement, IV, 685. - Idem en matière d'alignement. Voy. Alignement, (§
8, Juridiction répressÎl'e). - Résumé des attributions et de la compétence
de cette juridiction en fait de petite voirie, II, 8g6, 925.- Voy. Police deS
pltemins; Réglement municipal. - A la différence des Cours 'd'assises, l~_
�TA.BLE ANAU'TIQUE.
845
tribunaux de police municipale ne peuvent statuer sur les réparations civiles
qu'accessoirement à une condamnation pénale, Il, 536.
TROTTOIR. Voy. Marchepied.
TROUBLE. L'exécution d'un arrêté municipal légalement rendu ne peut
être prise pour trouble et baser une action possessoire, II, gI3.-Le simple
fait de plantation de bornes le long d'un chemin vicinal ne constitue pas un
trouble moLÎvant la complainte, lI, 806. - Voy. Possessoire.
TROUPES ÉTRANGERES. Ne peuvent êti'e introduites en France qu'en
vertu d'une loi, l, 77.
u.
UNITE. Voy. Législation.
.
URGENCE (PRISE DE POSSESSION n'). "Ne peut jamais avoir lieu en fait
d'expropriation pour chemins viciuallx, II, 223,263.
USAGE. Les choses placées hors du commerce par la destination de la loi
civile, autremeut, les fonds du domaine public, sont assujetties envers les
particuliers à !ln véritable droit d'usage, 1., ao, 264. - l)ar quelle action
peut-on revendiquer cet usage? l, 2I. - Il ~'éteint par la destrucLÎoll des
édifices on de l'état de superficie qui rendait les fonds propres au service
public, l, 26/"
USAGE DES EAUX. Des réglements sur l'usage des eaux. Voy. Réglements. - Des règles relatives à l'usage des eaux en pénéral, et spécialement
,des eaIL" d'irrigation, IV, 476. - Principes d'équité naturelle qui, en cas
(l'absence de règlements locaux, doivent guider l'alitorité judiciaire, IV,
486 et sui..-. - Voy. enCore Irrigation.
. USAGES LOCAUX. Inconvénients des renvois faits par le Code civil aux
usag~s locaux, II, t20 •
. uSA(m (1ION). Les règlements mnnicipaux ne s'abrogent pas par le non
usage, II, gI2, gI'. - lis prévalent sur les usages contraires, II, gI3. Le nOll usage d'un chemin en opère la prescription, II, II 7.-Mais à quelles
-condi~ons? II, IIg.
.
USAGER. Voy. Usufruit.
, USINES. DE LA PERIIIISSION DB CONSTRUffiE DES USINES sUR LES RIVIÈRES,
III, 3g8. - Avant la révolution de ,,8g, celte permission, en ce qui concernait les petites rivières, était accordée par les seigneurs; aujourd'hui elle
ne peut émaner que du gouvernement, Ibid. et 586 (note). - Quel doit
être aujourd'hui le sort des usines construites avec l'autorisation des auciens
seigneurs? III, Sgg el suiv. - Aucune usine ne peut plus être établie sm'
des cours d'eau quelconques sans l'autorisation du gouvernement; à lui seul
appartient d'en prescrire le mode et les conditions; la même autorisation
est nécessaire pour supprimer Ol) modifier ces établissements, III, 94, I3g,
3Ig, 321" 36I, 402, 586, 62~; IV, 26 à 2g, 44I, 476, 586 (note), -Démonstration de cette proposition pour les diverses espèces de moulins ou
usines sur les petites rivières, III, 403, t,04.-Idem pour ceux sur les simples ruisseaux, Ill, 405 et suiv. - Des motifs d'ordre public sm' lesquels
se fonde la nécessité de l'autorisation pour l'établissement d'usines sur tous
les cours en général, III, I,og, - Importance de celte autorisat ion, et
conséquences pratiques dérivant des cas où des constructions d'usines ont
en lieu sans autorisation, 1I1, 324 et suiv.-Opiuion de MM. M.erlin,Sirey,
Troplong et Pardessus, qu'aucune loi ne donne à l'administration le droit
d'autoriser les usines sur les cours d'eau qui ne sont ni navigables ni flottables, Ill, 3 Ig (note).
Desfol'malités qui accompagnent !lne demande en concession, 111, 4I2.
- De l'enquête de commodo et incommodo, Ibid. - Les parties lésées ne
nenvent attaquer par la voie contentieuse l'ordonnance de concession; eltes
n'nt que celle de supplique au conseil d'Etat, comité de l'intérieur, III,
�846
TABLE ANALYTIQUE.
4 o g, 413, 414. - Quel serait l'eff~t des permissions accordées seulement
par les préfets ou le ministre pour la construction des usines? IV, 442. Les actes de concess,ion d'usines ne sont jamais donnés qu'amt risques et périls de l'impétrant, et sauf les droits des tiers, l, 120; III, 416, t'97, 504,
505, 508.-Les tiers peuvent se faire indemniser par les tribunaux des dommages qu'ils épronvent et tant que dure le dommage. Arrêt de la Conr royale
de Dijon, III, 555 et suiv. (note). - Les actes de concession doivent ètre
interrrétés et restreints dans leurs termes rigoureux, III, 3Ig.-Ils peuvent
être délivrés sous la condition qu'il ne sera dû aucune indemnité si l'usage
de la uavi:;ation exige la suppression de l'établissement, III, 320.- Ils peuvent être donnés arbilrairement à l'un des riverains plutôt qu'à l'antre, sans
que celui-ci ait droit à une indemnité, IV, 2g et suiv. - L'autorité administrative ne peut limiter le nombre des usines que daus cinq cas, III, 520
et suiv. (note). - Les actes de concession produisent en faveur de ceux qui
les obtiennent un droit d'usage sur le cours d'eau, droit en vertu duqllelles
constructions ou établissements ne peuvent, en règle générale, être supprimés sans indemnité, IV, 3t,. - Le gouvernement ne peut autoriser la con·
struction d:usines sur les canaux de desséchement pouvant en même temps
servir à la na vigation, sans le consentement des propriétaires des marais
desséchés, IV, 66g.
Peines contre ceux 'lui, sans autorisation, ou contrairement aux conditions
inlposées, construisent des usines sur les rivières navigables, III, 20 et suiv.,
23, 146, 155. - Cette contravention est de la compétcnce du conseil de
préfecture, Ill, 146. -- Si la peine vient à être prescrite par la jouissance
paisible de la construction pendant une année, la compétence du conseil de
préfecture ceS3e, et an préfet seul appartient alors d'ordonner la démolition,
III, 147.-Des droits de pèche, moulins, bacs et autres usages que peuvent
avoir les particuliers dans les rivières navigables; impôts établis à cette occasion parles anciennes ordonnances, III, 55 à 58.
DES DlFFICULTÉs QUI PEUVENT S'ÉLEVER ENTRE LES PROPRIÉTAIRES n'USINES
SUR LES PETITES RIVIÈRES, ET LES RIVERAIftS, AU SUJET DES PRISES n'RAt! POUR
L'IRRIGATION DES nÉRITAGFS, III, 4Ig, 420; IV, 354 et suiv. - Principes
particnliers qui régissaient la matière sons le régime de la féodalité, III , 421.
- Changement fondamental apporté par notre droit nouveau, lU, 423.Examen des difficultés dans l'hypothèse où le moulin est immédiatement
construit sur le corps principal de la rivière, dont le cours d'eau sert directemeat de moteur à l'usine même, III, 424. - De la cause des propriétaires et du meunier qui, dans cette hypothèse, sont restés dans les termes
dn droit commun, Ibid. - Des dérogations qui penvent avoir été apportées
au droit commun, soit pal' convention, soit par prescription, TIl, 426. Examen des difficultés dans l'hypothèse où l'usine a été construite sur un
bras détaché, mais naturellement séparé de la rivière, Ibid. et 427. - Idem
dans celle olll'usine n'est mise en mouvement que par les eaux coulant dans
un canal latéral fait à main d'homme, et où ce canal a conservé sa direction
et sa forme primitive, III, 427. - Dans cette hypothèse, le canal est la
propriété du mGunier; en l'absence de titres, quelle largenr devra-t-on sup·
poser à ses bords? III, 43t, , 435 et suiv. (note). - Les propriétaires ri·
verains ne peuvent y faire aucune prise d'eau d'irrigation, III , 452. Quels effets pourraicnt avoir produit des actes de possession invoqués par
ces riverains contre le maître de l'usine? ln, 45t,. - Des actes de possession consistant dans la récolte de l'herbe des francs-bords du callal, III,'
455. -De ceux consistant dans la plautation d'arbres SUI' ces mêmes francs·
bords,. Ibid. - De ceux résultant du creusage de diverses espèces de rigoles
d'irrigatiou, III, 456. - Des actes de possession accompagnés de contradiction judiciaire, UI, 457. - EXOlmen des difficultés dans l'hypoùl~e où
le ca!1allatéral fait à main d'homme n'a pas conservé toute son organisation
�847
TABLE ANALYTIQUE.
et sa forme primitive, III, 459 et suiv. - A quels indices peut-on distinguer un canal naturel ou bras de rivière, du caual fait à main d'homme,
lorsqu'il n'existe aucune preuve par écrit de sa construction? JlI, 1,61, 468
(note), 472 ct suiv, - Indices résultant des faits de pêche, III, 473. - Indices résultant du paiement de la contribution foncière, Ibid. - Iudices
}'ésul!ant des frais d'administration et de cnrage, Ibid. - Indices résultant
de l'aspect des lieux, III, 474· - Lorsqu'il s'agit d'un cours d'eau naturel
au-dessus du moulin, le mcunier peut-il opposcr la prescription trentenaire
au droit de prise d'eau ':3S riverains? Ibid. et 475.
DES RÉCLAl\I~T{A01{S QUI l'~UVENT ~',ÉLEVER DE LA PART, DES PARTICULIEllS A
RAISON DES INTERETS FROISSES
rAB.
L ETABLISSEl\IENT
ou
L EXISTENCE DES 1\lOU-
LINS ET USINES SUR LES RIVIÈRES, III, 476. - Principes applicables à la matière el tirés du droit romain, 111,479 et suiv.
Des débats élepés à raison de lapriPation d'un gain ou profit dont la perception se trouverait à l'avenir atténuée ou paralysée par suite de la COJlstruction d'une usine, Ibid. - Exemple tiré du cas où, par la dérivation d'eall
ail moyen d'un canal creusé latéralement à la rivière, les riverains du bord
oppose sont privés du bénéfice de l'irrigation, III, 485.-Opinion contraire
de MM. Dumay et Daviel, III, 1,87 et stliv. (Ilote). - ':Exemple tiré du
cas 011, par le creusage de ce même canal, la pêche serait devenue moins
abondante dans la rivière, III, 488. - Exemple tiré du cas où la concession
d'une nouvelle forge voisine de l'ancienne rendrait plus rare et plus cller le
combustible, III, 4.90. - Des conventions par lesquelles les particuliers
peuvent, en ceUe matière, déroger entre eux aux effets du droit commun,
I.~id. - Ces conventions ne produisent aucun ell'et vis-à-vis de l'administration, III, 491. - Les difficultés auxquelles donnerait lieu leur exécution
sont de la compétence exclusive de la justice ordinaire, Ibid.
Des débats qui auraient pour objet une lésion réelle opérée dans les propriétés poisines, III, 493. - Quelle que soit celle lésion, celui qui elt
souffre est en droit d'en demander réparation ou d'exiger lIne iudemnité à
ce sujet, III, 494. - Est-il dû une indemnité lorsque le possesseur d'une
usine n'ayant pas dépasséla hauteur de retenue d'eau fixée par l'administration, il y a eu inondation et dommage? III, 5r3 (note). - Démonstration
de celte proposition soit d'après les principes du droit romain, soit d'après
cellxde la législation française, Ibid. etsuiv., 510 (note). - De la question
préalable de savoir si, en fait, les nsines sont la cause du dommage, III, 5 l 4
et suiv. - J}indemnité doit-elle être une fois payée? on doit-elle l'être périodiquement lorsque le dommage est périodiquement renaissant? III, 550,
55r (Ilote). - Les prOpriétaires peuvent renoncer d'avance à leur action
en indemnité; mais cette renonciation n'atténue ni l'action des tiers, ni celle
de l'administration puhlique, III, 549, 550. - Quels sont les droits du
propriétail'e d'une usine construite à l'extrémité d'un ruisseau, et qui, pour
la faire rouler, a acquis le cours d'eau du propriétaire de la source? IV,
346. - Un maître d'usine pent-il forcément se servir du cours d'eau de la
rivière comme moyen de transport des matériaux nécessaires à son établisse"
ment, vis-à-vis les autres propriétés riveraines? IV, 37_ -Ceux-ci auraientils droit à une indemnité? IV, 38. - C'est en justice ordinaire que doivent
être portés les débats sur cet objet, Ibid. et 41. - De quelle manière leg
propriétaires d'usines doivent contribuer aux frais de curage des rivières na"
vigables ou non navigables, III , 381 , ihid. (note).
Des débats ayant pour cause les eollisions d'illttfdts résultant du rapprochement de diperses usines comparées entre elles, III, 5 l 7. - Des débats fondés sur la diminution de clientelle occasionnée 1181' la construction
d'une nouvelle usine à côté d'une ancienne; - doctrine ancienne et nou"elle' sur ce point, III , 519' - Des difficnltés qui peuvent s'élever Sllr l'usage matériel du cours d'eau, III, 522. - Quid de deux moulins fondéiP
�848
TA.BLE A.NALYTIQUE.
en titre, et dont. la construction simultanée a été soumise à un règlement sllr
l'usage respettif du cours d'eau? III, 524. - Quid si dans ce cas les réglèments sont ambigus et ont besoin d'être interprétés? III, 524 (note). ~
L'usage matériel du cours d'eau peut être déterminé par une convention ou
par la destination du père de famille. -Les difficultés qui s'élèvent sur cette
convention et cette destination sont de la compétence des tribunaux ordinaires, III ,525 (note). ~ De deux moulins non fondés en titre, et eu
l'absence de tout rl'glement sur l'lisage des eaux, le plus ancien doit être
préféré, III, 528, ibid. (note). - En l'absence de titres, et en cas d'in~
compatibilité de deux usines snr une rivière, c'est la plus ancienne qui doit
être préférée, IV, 35. - Dans les débats entre propriétaires d'usines, et à
moins de titres formels, le gouvernement peut toujours leur imposer un réglement sur l'usage du cours d'eau, Ibid.
.
Des dommages causés aux usines par l'exercice du flottage à bûches perdues, et des actions que les meuniers peuvent avoir contre les flotteurs, III,
676 et sniv., 68r, 682, 686 et sniv., 687 (notd. - Voy. encor~ flottage.
- Des dommages causés aux vannes, constl'llctions et écluses de ces établissements par les radeaux ou Lateaux des navigateurs; à quel tribunal doivent êtÎ'e portées les contestations relatives à éet objet, III, r65. - Quid si
les ouvrages endommagés seryenttout à la fois au roùlement des usines et à
l'exercice de la navigation? Ibid.
DES AUTORITÉS COl\lrÉTEl'(TES roUR STATUER SUR LES DÉBATS QUI PEUVENT
AVOIR POUR CAUSE DES CONSTRUCTIONS ET ROULEMENTS n'USINES ÉTADLIES SUR
III, 532.
De la compétence de l'administration active, III, 533. - A elle appartient exclusivement le dmit de régler, dans l'intérêt général, tout ce qui concerné les cours d'eau, Ibid. - Quant à la forme de procéder, distinction
entre la construction d'une usine et les mesures d'une moindre importance,
Ibid. ~ L'administration active agit en celle matière en souveraine; nul recours de ses décisions à ancune autre branche des autorités publiques, I1f,
534. - Les parties lésées ne peuvent former opposition aux demandes ou
concessions que par supplique à l'administration acli,'e elle-même, [II, 535.
- Exception uniqne pour le cas où un concessionnaire établirait son usine
snI' le terrain d'un autre, Ibid.- L'administration active pent fairc détruire
l'usine construite sans son autorisation, III, 536. - Mais elle est incompétente pour infliger des peines au constructeur, Ibid. - Elle pent faire exécuter la démolition elle-mémé, à défaut du contrevenant, Ibid. et 537. -'
Mais elle ne peut employer contre celui-ci aucune voie d'exécut.ion pour le
paiement. des ouvriers employés par elle à cet.le opération, Ibid.- L'administration active est incompétente pour juger les conflit.s d'intérêts particuliers que peut faire naitre l'établissement d'nne nsine, III, 537 et. sniv. A moins que, le cours d'eau étant navigable ou flottable, la contest.at.ion
particulière ne se trouve liée à l'intérêt public sur l'nsage des eaul" , III,
5!~0 à 542.
De la compétence des conseils de préfecture sur l'usage des cours d'eau,
les constructions et ouvrages qui peuvent y étrefaits, 111,542. -Distinction
entre les rivières navigables et les autres cours d'eau, Ibid. et 543. - Ils
statuent sur toutes les cont.raventions commises au préjudice du matériel ou
des ouvrages d'art des rivières navigables, Ibid. et 543. - Cette compétence
cesse lorsqu'il ne s'agit que de rivières flottables, on de pet.ites rivières, l,
388; TIl, 543. - Deux cas d'except.ion à cette dernière règle, III, 544.Motifs du premier cas d'exception, Ibid. (note).
De la compétence du tribullal de police correctionnelle sur la violation
des rélilements relatifs à l'usage des cours d'eau, III, 5!~5.- Il connaît de
tons délits de pêche, Ibid. - Et des contravent.ions résultaut. de l'inondation des propriétés voisines par la trop grande élévation du déversoir,
LES COURS n'EAU,
�849
TABLE ANALYTIQUE.
llJid. - La peine de cette dernière contravention peut-elle être encourue
a,'ant l'inondation arrivée? Ibid. - Est-ce le propriétaire ou le fermier de
l'usine qui doit être, pOlir ce fait, traduit en police correctionnelle? UI, 558.
- Voy. eucore fnondation.
De la compétence des tribunauz cù,ils relativement aux débats quipeuvent
s'élever entre les maitres d'usine~ et les propriétaires voisins de leurs établissemcnts, sur les dommages ressentis pal' ceux-ci, III, 546. - Les tribunanx
clvils sont exclusivement compétents pour statuer sur tous ces débats, Ibid.
ct suiv. - Voy. encore Inondation.- Les tribunaux civils peuvent-i,!s prononcer des dommages-intérêts pour dépréciation de valeur des fonds voisins
d'une usine? lIT, 552 et suiv. (note) . .- Sont-ils compétents pour statuér
sur les demandes en suppression d'usines établies sans autorisation sur les
peti tes rivières? III, 630 ( note).
DE LA SUPPRESSION OU DU DÉPLACEMENT E7 DES MODIFl~Tro"S DES US!NES
ÉTADLlES SUR LES COURS D'EAU, 111,569.
De la suppression des usines 'lui, construites sur des rivières navigables
ou flottables, pêuvent géner le service pubtic auqllel ces cours d'eau du premiet ordre sont destinés, III, 570 et suiv. - Dispositions des lois qui statuent sur cette matière, III, 57 l et suiv. - De la production exigée des
propriétaires, tlu titre de concession de leurs usines, III, 573. -Difficultés
en fait sur la question de sayoir si, lors de l'établissement d'une usine, il y
a eu concession du gouvel'l1ement, III, 575. - Le propriétaire peut-il être
admis à prouver l'ancienne existence de son titre, lorsqu'il ne peut le représenter? Ibid. - De quelle manière peut être faite cette preuve. La preuve
vocale est-elle admissible? Ibid. et 576, 582. - Les usines non fondées en
titre ou nuisibles au service du cours d'eau peuvent être supprimées, Ill,
576 et sftiv. - Les particuliers pem'ent-ils demander la suppression d'une
usine en se fondant sur son défaut d'autorisation? III, 632 (note). - Par
qui la 5upprcssiondoit-elle être ordonnée? Distiuction entre les usines fondées
ou non fondées en titre, III, 14r, 577 et suiv., 58 1.-Celles fondées en titre
ne peuvent être supprimées que par ordonnance royale et moyennant indemnité, III, r41, 577. -Ce titre doit être autre qu'un acte de r.oncession
féodale émané d'un ancieu seigneur, III, 580. - La quest>on de sa,'oir si le
titre est ou non de nature féodale ne peut être jugée que par les tribunanx
ordinaires, Ibid. et 581.
.
De la sUPI"'ession des usines construites sur les petites rivières ou autres
cours d'eau (J'un ordre inférieur, et dont la destruction est jugée nécessaire
pour l'exéclltion de qllelquestravauxd'lltilitépublique, 111,57 l (note), 582.Les usines établies sur tout.e espèce de cours d'eau peuvent être supprimées
ou modifiées chaque fois que cette mesure est nécessaire pour l'exécution
de quelques tra"aux d'utilité générale ordonnés par le gouvernement, Ibid.
et 591. - Il n'est dû d'indemnité, en ce cas, qu'à raison des usines dom
l'existence est légale, Il l, 325, 582 , 584, 585. - Par quelle voie, et sur
quelles bases est fixée cette indemnité, III, 330, 33r. - Comment peut-on
faire preuve de l'ancienne concession lorsque le titre en a été pcrdu? III,
5il9.-1'eut-on prétendre à l'indemnité en vertu de la seule possession trentenaire? Ibid.- Des cas où, sans antre motif d'utilité publique, la suppression ou la modiflcation d'une nsine serait demandée uniquement par rapport aux sinistres et dégâts que ses barrages et écluses causent dans la
contrée, nI, 59!. - L'administration a tonjours, dans ces cas, le droit de
faire snpprimer ou modifier toute espèce d'usines établies sur les petits cours
d'ean, III, 592, 593. - Est-il d.î une indemnité au propriétaire de l'établissement? -faut-il faire une distinction entre le cas où il y a eu et celni où
il n'y a pas eu concession? Ibid. et suiv. - La condition de la snppression
sans iudemuité d'une usine établie SMr une petite rivière reut-elle être sti.
TOM. IV.
54
�850
TÀBLE ANALYTIQUE.
pulée dans l'acte d'autorisation? III, 587 et sniv. (note J. - Est-il dû nne
indemnité aux usiniers quand le cours de la rivière est détonrné? III, 585
(note ).
'DES DIVERSES AUTORITÉS COMPÉTENTES POUR STATUER SUR CE QUI CONCERNE
III, 605.-Des ob- .
jets auxquels peuvent se rapporter les modifications à opérer sur le jeu de
roulement d'une usine, Ibid. - Que lcs usines soient ou non fondées en
titre, c'est aux préfets, sauf recours au ministre, qn'il appartient de statuer
sur les demandes relatives à ces modifications, III, 606. - Ils pcuvent interdire les ouvrages commencés sans autorisation légale pour l'érection d'nne
usine, lII, 609. - Ils penveut ordonner immédiatement, pour cause d'in·
tél'èt de localité, la démolition des siml)les modifications de barrages faites
ou entreprises sans autorisation dn roi, Ibid. - L'usine fondée en titre~é
gal, ou même sur une simple permission du ministre, ne peut être supprimée que par une ordonnance du roi, 111,607 et suiv. - Si la suppression
n'est demandée que parce que le constructeur· ne s'est pas conformé aux
clauses de la concession, elle peut être ordonnée, suivant les cas, par le préfet ou le conseil de préfecture, III, 608, 609.-Par le préfet s'il s'agit seulement d'une petite rivière, III, 609. - Par le conseil de préfecture si la
contravention a été commise sur une rivière navigable ou flottable, Ibid.Amende à joindre, en ce dernier cas, à la peine de la démolition, Ibid. I!usine non fondée en titre légal et construite sur une rivière navigable ou
flottable peut être supprimée par ordre des préfets, sauf recours au ministre,
III, 613, 614. -Mais l'usine, même non fondée en titre légal, et construite
sur un petit cours d'eau quelconque, ne peut être supprimée que par ordonnance royale; c'est au roi en son conseil qne les parties intéressé.es doivent s'adresser, III, 610. - Considérations importantes à peser en cette
matière, soit dans l'intérêt du commerce, soit dans l'iutérêt général de la
cOAtrée, Ibid. et 6rr. - L'ordonnance de suppression ne doit être rendue
qu'après l'observation de tontes les formalités qui précèdent l'ordonnance
de concession, III, 6r2. - L'action souveraine et publique de l'administration ne peut être paralysée en cette matière par aucune prescription, lIT,
6rt,. - L'usine non fondée en titre légal et construite sur un petit cours
d'eau ne peut être supprimée que par ordonnance royale, lors même que
cette suppression n'est demaudée que punr des intérêts purement privés,
111,617 à 621. - Les tribunaux ordinaires ne sont compétents en ce cas
que pour statuer sur la question d'indemnité de la partie lésée, III, 621.Développements des principes sur lesquels reposcnt ces dcux propositions,
III, 6r7 à 621.-Si de simples barrages, établis à travers une petite rivière,
pOlir un usage quelconque, ont été autorisés par l'administration, les tribunaux ne peuvent en ordonner la suppression, JlI, 6r5, ibid. et suiv. (note),
623 (note ).- Si un arrêté a été, mêmeïncompétemment, pris par un préfet, sur cette matière, il doit d'abord être réformé par le conseil d'Etat,
comité du contentieux, III, 6r6. - L'administration est aussi seule compétente lorsque les barrages ont été établis, même saus autorisation, sur une
rivière navigable ou flottable, III, 632. - Mais lorsque des barrages dans
une petite rivière ont été construits sans le concours de l'administration, les
contestations quc leur existence fait naitre entre les riverains sont de la compétence exclusive des tribunaux, HI, 633. - Si un meunier s'était obligé
envers le propriétaire voisin à ne pas construire ou à démolir son usine,
l'action de celui·ci, tendant à faire exécuter la convention, serait de la compétence des tribunaux, III, 63r. - Néanmoins le gouvernement pourrait,
dans ce cas-là mêmc, autoriser la construction ou la conservation de l'usine,
mais à charge d'indemnité envers l'opposant, Ibid. et suiv.- Les tribunaux
sont seuls compétents pour recevoir la preuve à faire par titres ou par témoins
de l'eJistence d'un ancien acte de concession d'usine, III, 639.- n en est
LES DEMANDES EN MODIFICATION OU SUPPRESSION D'USINES,
�TABLE ANALYTlQUE.
851
de même s'il s'agit de juger la question de validité ou de nullité de l'acte
(le concession représenté, III, 640.
DE LA DESTRUCTION ACCmENTELLE DES USINES SUR LES COURS D'EAU,
Ili 1
6,lI. - Questions auxquelles-donne lieu l'existence, daus un cours d'eau,
de vestiges d'anciens barrages ayaut servi à des usines, Ibid. - L'état
de ruine dans .lequel se trouvent les travaux suffit-il pour faire présumer
que l'usine a été supprimée ou détruite par ordre de l'administration?
III, 642. - L'existence matérielle des restes d'une ancienne nsine ou
de ses barrages que le propriétaire possédait paisiblement, mais sans
concession, lui suflirait·elle pour qu'il la pût l'éparer ou reconstruire de
sa propre autorité? III, 643. - Lorsque le propriétaire d'uue usine est
fondé en titre, est-il obligé d'obtenir encore une autorisation de l'administration publique pour pourvoir aux réparations des dégradatious qui
peuvent être accidentellement causées dans les écluses et les ,courants de
son moulin? HI, 643 et suiv. - Quid dans le cas précédent, si l'usine a
été tout-à-fait ou presque tout-à-fait détruite? III, 645. - Pourrait-on refuser au meunier fondé en titre la faculté de reconstruire son usine, sans
lui payer une indemuité? III, 6/,7, - Quel est le genre de 'prescription
qu'on pourrait opposer à l'ancien propriétaire de l'usine tombee en ruine,
soit pour écarter sa demande en indemnité, soit pour l'empêcher de reconsU'uire autrement qu'en vertu d'une nouvelle concession du prince? III,
648. - Le simple non-usage d'unc usine ou d'une construction s'y rapportant n'en fait pas perdre le droit ou la propriété, surtout s'il existe des vestiges de son ancienne destiuation , III , 649 et suiv. (note).
DES CANAUX DE :ftlOULINS ET 11SlNES ÉTABLIS SUR LE COURANT DES Il1VIÈRES ,
III, l, t 7. - C'est à l'autorité administrati"e d'en déterminer les direction
et dimensions, Ihid., 418 et suiv. - InconYénients du système général actuel de ces canaux, et améliorations à y introdnire, lII, 4r7, 4I8.
USUFRUIT. Comparaison de ce droit a\'ec ceux que les propriétaires
riverains peuvent exercer sur les petites rivières, III, 320, 33I , 332.
USUFRUITIER. Droits de l'usufruitier ou de l'usager en cas d'expropriation ou d'alignement, II, 706.- La prescription biennale (le l'indemnité
pour terraiu et extraction de matériaux s'applique aux usufruitiers, II,
307. - Voy. Prescription.
USURPATION. Usurpation par l'administration d'un immeuble avant
l'accomplissement des formalités de l'expropriation. - Conséquences. Autorité COlllpétente pour la réprimer, II, 8 p à 88 1. - Usurpation des
chemins vicinaux. - Voy. Police dcs chemins; Anticipation.
UTILITÉ PUBLIQUE. - Voy. Expropriation, Il, 232. - Servitudes,
II, 3/,4 et suiv.
UT SINGULUS. Cas où un habitant peut lit singulus intenter une
action relativement à un droit ou nn bien communal, JI, 366, 52& , 809.
v.
VAINE PATURE. L'exercice de la vaine pâture ne peut produire de
possession civile ni opérer de prescription, IV, 176.
VARECH. Du droit de varech ou goëmon; ce que c'est; dispositions des
lois y relati\'Cs , JII, 50.
VASES SACRÉS. Appartiennent au domaine public municipal, 1,460.
- Voy. Choses sacrées.
VENDEUR. Le vendeur ne doit aucune garantie pour la servitude d'alignement, s'il n'y a fraude de sa part, II, 602 à 608. - L'indemnité en cas
de retranchement appartient-elle au vendeur ou à l'acquéreur? II , 608. A qui des deux appartiennent, en cas d'avancement, les terrains retranchés
de la voie publique, JI,60!} à 612.
�852
TABLB ANALYTIQUE.
VENTE. Législation sur l'aliénation des biens des communes, Il, 238.
- Vente des chemins déclassés. - Voy. Déclassement. - Acquisition.
VIABILITÉ. Forme dans laquelle doit être constatée la viabilité des chemins pour donner lieu à des subventions contre les exploitants, Il, 136.Il n'est pas nécessaire qu'elle soit'parfaite pour donner lieu à subvention, II,
1<\0. - Conséquences de l'inviabiliLé des chemins pour les communes. Voy. Responsabilité. - L'exception d'inviabilité est justificative et non simplement préjudicielle, II, 8'0.
VILLAGE. - Voy. Rues.
VILLES ET F~I.UBOUllGS. - Voy. Acquisition; Voirie.
VIVIEllS. Définition; comment ils diffèrent des étangs, III, ID; IV.
584.
VOIES AGRAIRES. Des chemins de servitude et des voies agraires, 11.
6, 182,99°. - Voy. encore Chemins de servitude.
VOIES DE COMMUNICATION PAR TERRE. - Diverses espèces, II, 5. Honneurs attachés à l'administration des routes, II,124. - Voies romaines
dans les Gaules, II, 125. - Routes royales et départementales; lois sur la
matière, renvoi, II, 6.-Chemins vicinaux de grande et petite communication. - Voy. ces mots. - Chemins communaux, II,6 et" 182. - Cheminspublics non classés, dits chemins ruraux, Il, 6, II2, 181, 18" 5!,8,
8 15.-Chemins privés ou voies agraires, chemins de desserte ou de servitude,
passages et sentiers privés, TI, 6, 182. - Caractères distinctifs des chemins
publics et des chemins privés, II, 182. - Contestations sur l'existence
même du chemin, II, 184. - Voy. Rues; Terrains vagues; Accessoiresa
VOIE PUBLIQUE. Des servitudes qui appartiennent, sur la voie publique, aux propriétaires des héritages riverains, pour la jouissance de ces
héritages, II, 98,. - De la jonissance des eaux pluviales qui coulent sur
la voie publique, IV, 176 et suiv. - De la dérivation des eaux sur la voie
publique........ Voy. Eaux pluviales........ Des embarras de la voie publique.Voy; Embarras et Voirie.
VOIRIE. Signification et étymologie de ce mot, 1, 355. - ùéfinition
des petite et grande voirie!;, Ibid.
DE LA COMPÉTENCE DES DIV1ŒSES AUTORITÉs QUI PE.UVENT ÊTRE INVOQUÉES
ou LÉGAL A.UQUEL SONT 80U1\1(S L'ÉTABLISSEMENT ET L'Ulbid.
Des objets de voiric qui sont exclusivement placés dans les attributions du
pouvoir législatif, l, 356, 35, (note). - Son concours est nécessaire pour
l'ouverture et l'établissement des nouvelles routes royales ou départementales; pour élever une route départementale au rang des routes royales; pour
décréter tous les fonds nécessaires à l'établissement, la réparation et l'entretien de ces routes, Ibid. et suiv., 35, et suiv. (note).
Des objets de voirie qui sont placés dans les attributions du pouvoir exé..
cutij, l, 359 et suiv. - Il agit en souverain pour faire opérer le tracé, les
constructions et réparatious des routes; pour faire l'acquisition de tous les
terrains compris dans les plans, Ibid. et 362. - Il peut ordouner directement la destruction de tous ouvrages illégalement existant sur le sol des
routes, lorsque le conseil de préfecture ne peut pIns être saisi de l'action
pénale contre la personne de ceux qui les ont établis, l, 359. - Il peut
ordonner provisoirement l'enlèvement ou la réparation de tout ce qui serait
contraire à la viabilité des routes, sauf renvoi au conseil de préfecture, 1.
361. - Des travaux à faire aux routes départementalès, qui peuvent être
exécutés sur la seule approbation des préfets, Ibid.
Des objets de voirie qui sont dans les attributions du conseil de préfecture. - Voy. Grande voirie.
Des mesures 'lue peuvent prendre le. maires des villages pour l'avantage
SUR LE RÉ.GIME CIVIL
SAGE DES ROUTES ET CHEMINS,
�TAnLE ANALYTIQUE.
853
de la voirie, et en ce qui concerne les parcelles de communaux ou places
.,ides laissées dans l'intérieur, l, 497, 500 et suiv.
Des objets de voirie ~ui sont dans les attributions des tribunaux civils,
1,416. - En règle génerale, toutes les questions de propriété foncière doivent être soumises aux tribunaux civils, Ibid. - Ils doivent statuer sur
l'expropriation des terrains à occuper par un chemin public, lorsque Itis
particuliers ne conviennent pas à l'amiable de l'indemnité qui doit en être
le prix, Ibid. - Ils doi,'ent statuer, sur la question de propriété des arbres
plautés au bord des routes, Ibid. - Ils statueut seuls sur tous débats entre
particuliers pour des faits quelconques ayant eu lieu sur les routes, Ibid.Sont-ils compéteuts pour statuer sur le montant de l'indemnité due au propriétaire d'un fonds dans lequel on a pratiqué des fouilles de matériaux pour
l'entretien ou l'établissement d'une route? 1,417 et suiv.
Des objets de voirie qui sont placés dans les attributions des tribunaux
de police correctionnelle, 1,410 et suiv. - De la peine d'emprisonnement,
1,411, 415. - Des amenùes, l, [,12. - Quid de la confiscation des
chevanx de celui qui a rem'ersé le parapet d'un pont:? Jbid. - Quid de la
démolition de l'édifice construit sur le sol anticipé d'nne grande route?
Ibid. - Des peines contre ceux qui contreviennent aux dispositions de la
loi, relatives à la sûreté du roulage', des carrosses et voitures lJUbliques sel'·
"ant principalement au transport des voyageurs, l, 414 et SUiL -'Voy.
aussi Routes,. Chemins vicinaux,. Chemins ruraux; Chemins communaux;
Rues et places publiques.
VOIRIE COMMUNALE. - Voy. Pairie urbaine.
VOIRIE (GRANDI!). 1~1 grande voirie comprend les grandes routes royales
et départementales et leurs traVf'r3eS dans les villes, bourgs et villages, II,
509, 712. - Elle ne comprend pas les chemins vicinaux de grande communication , II, 500. - Les difficultés eu matière de grande voirie sont de
la compétence des conseils de préfecture; dispositions des lois étahlissant sur
ce point leur juridiction exceptionnelle, l, 154 à 165,362; III, 133,224.
- Cette j uri diction a été' créée par la loi dU29 floréal an x; avant elle, les
contraventions de grande voirie étaient dévolues aux tribunaux ordinaires,
l, ,56, 157, 362; II,823. - Motifs déI-eloppés par l'orateur du gouvernement lors de la présentation du IJrojet de cette loi, Ibid. - Les causes
<I.e cette nature doil'Cnt être jugées sans délai, Ibid. et 364. - Les conseils
de préfecture ne sont toutefois compétents en cette matière que lorsqn'il s'agit de prononcer dans l'intérêt public, 1,163 et suiv., 404. - Les conseils
de préfecture sont seuls compétents pour prononcer sur les difficultés élevées
entre les enlrepreneul's de travaux publics et l'administl'atioJ;l concernant
le sens ou l'exécution des clauses de leurs marchés, l, 365. - Mais il faut
que les tramux publics soient à la chargc de l'Etat, Ibid. - Il en serait
autrement si les travaux n'étaient entrepris que dans l'intérêt d'nne corn.
mune, 1,367, ibid. (note.). - Quel serait, daus ce dernier cas, l'effet de
la clause par laqnelle on aurait déclaré que les contestations élevées sur
l'exécution du marché seraient décidécs par le conseil de préfecture? Ibid,
et 368 ; II, 866. - Sont dévolues au conseil de préfecture les réclamations
des particuliers qui se plaignent des dommages venant du fait personnel des
entl'epl'enenrs de travaux 'publics, et non du fait de l'administration, l,
369; Il, 389 et suiv. - Il faut également que les travaux aient lieu à la
charge de l'Etat, Ibid. et 370. - Sont dévolnes au conseil ùe préfecture les
demandes et contestations concernant les indemnités dues aux particuliers
à raison des terrains fouillés }Jour la confection des chemins, cananx ou
autres ouvrages }Jublics, l, 372.
Des contral'entions Cil matière de grande voirie, et qlli sont de la compétence des conseils de préfeclllre,. on ne comprend dans cette catégorie que
IllSfaits commis sur les grandes routes, lcs canaux dc navigation et les nelll'cs
�854
TABLE ANALYTIQUE.
ou rivières navigables, l, 160 et suiv" 21I, 410 et suiv. - Ne doivent
pareillement y être compris que les faits qui attaquent le matériel des routes,
canaux et fleuves, l, 373 et suiv. - Lorsqu'il y a contravention matérielle
aux réglements de voirie dans une rue qui fait partie d'une grande route,
elle peut être poursuivie soit pardevant le conseil de préfecture, soit pardevant le tribunal de police, Ibid. et 377. - C'est le premier tribunal saisi
qui deyra seul statüer sur la cause, Ibid. et 399 et suiv. - Enumération
énonciative des diverses contraventions en matière de grande voirie, l, 273 à
275,381 et suiv. - La compétence du conseil de préfecture s'étend même
aux faits contre lesqurls aucune peine n'aurait été décrétée, mai, qui obli'gent toujours à la réparation du dommage causé, Ibid. - De l'anticipation
,et des peines portées contre cette contravention, l, 375, 376, 412. - Des
dépôts 4e fumier et autres objets, 1, 376. - Des détériorations ou dégra,dations lie diverses espèces, et particulièremen t de la dérivation des eaux,
1,378. - Des enlèvements de terre ou matériaux, 1,379' - Des arrachements de bornes et renversements de parapets des ponts, l, 381. - Des
dégradations commises sur les arbres qui bordent les routes; diverses dis~
tinctions à leur égard, l, 383. - SilenFe de la loi sur les dégradations qui
n'entraînent pas la mort de l'arbre, moyen de combler cette lacune, l,
384 (note). - pu comblement, de la destruction ou dégradation des fose
sés qui bordent les routes et chemins de halage, l, 387, - Des dégradations sur les canaux, fleuves et rivières navigables, chemins de halage, l,
388. - Du cbargement des charrettes ou voitures au-delà des proportions
fixées par les lois, 1,406,414.-Du refus d'essartement des bois ou broussailles
bordant les grandes routes, l, 323 etsuiv., 4g8.-Tous les réglements depolice
établis pour la conservation des grandes routes sont applicables à la voirie
nautique, ln, 14~, 141,. - Mais non aux cours d'eau qui ne sont que
flottables, Ibid. -- Des contraventions commises sur les rivières navigables;
- des dégradations commises sur lenr matériel ou les ouvrages d'art qu'elles
renferment, III, 5'43; IV, 453, 451,. - Sont encore de la compétence des
conseils de préfecture les contraventions résultant des dommages causés aux
grandes routes de la part des possesseurs d'usines sur toute espèce de cours
d'eau, par la trop grande éléYation de leurs écluses, III, 544. - Voy. encore Ri~ières na~i{]'ables. - Les contravenlions aux réglements sur la conservation des travaux de desséchement de marais sont, comme celles de
graude "oirie, de la compétence des conseils de préfecture, IV, 683, 684:
- Voy: encore Marais. - L'amende pour contravention de grande voirie
n'a pas un caractère pnrement pénal. Conséquences envers les personnes
j'esponsables, les locataires, tiers-acquéreurs, et relativement à la presFrip~
tion, II, 53~ à 535.
.
Pàr 'l"i et comment sont constatées les contra~entions en matière de
grande ~oirie, l, 161 et suiv, 388, 389 (note). - Des procès-verbaux qui
servent de base aux. poursuites, 1bid.- C'est l'administration active pal' le fait
du préfet qui agit en répression des contraventions enmatière de grande voirie,
J, 161 et suiv.-Exécution et effets des arrêtés du conseil de préfecture rendus
sur ces poursuites, l, 392. - Mesures pro"isoires et urgentes que peuvent
prendre les sous-préfets en attendant la décision des conseils de préfecture,
l, 392 , 394 et suiv, - Distiu'ction sur la compétence des conseils de préfecture en matière de délits et contraventions de grande voirie, et en ce qui
concerne l'application des peines prononcées par la loi, l, 397.
Résumé général ml' la compétence des conseils de préfecture en matière
de grande ~oirie, l , 1,.08 et suiv.
. , VOIRIE (petite), Elle comprend la voirie urbaine et les chemins vicinanx de grande et petite communication, II, 500. - L'amende ponr contravention de petite voirie a un caractère purement pénal, JI, 535. - Au~orité compétent~ pour la répression des contraventions de voirie vicinale,
,
•
:
J
�TABLl> ANALYTIQUE.
855
II, 823 à 83,. - Voy. Police des chemins; T'oirie I{rbaine; Alignement;
L'our d'assises; Cour royale; Préfet; Sous-Préfet.
VOIRIE URBAINE. De la petite voirie ou voirie urbaine, l, 355,477.,
- Elle comprend les rues des villes, bourgs et villages, et fait partie de la
petile voirie. Ce mot désigne spécialement la police relative aux rues et places
des villes, bourgs et villages, JI, 500. -Voy. Acquisition; Alignement;
Préfet.
Des rues et places publi9ues des pilles et autres communes, Ibid. et 356.
- A quel domaine on dOit attribuer les rues et places vides établies dans
l'intérieur des communes, J, t'77. -Quelle est la nature des droits dont les
propriétaires ri"erains jouissent sur les rues et places pnbliques, l, 503;
II, 343 et sniv. - Voy. Rues et places publiques.
Des améliorations à opérer dans la piabilité des rues et places publi9lUiS,
J, 532, 533. - Des attributions du pomoir municipal à ce sujet, Ibzd.-Du mode de fixation de l'indemnité llour les différents cas de prises de bâtim<lnts ou terrains destinés à l'élargissement des rues ou places publiques,
l, 534; Il, 750. - Changements apportés à l'ancienne législation sur cette
matière, l, 535 (note). -Formalites de la cessiou volontaire de ces terrains
ou bâtiments par les particuliers propriétaires, l, 539, ibid. (note); II,
763, ,66.-Ainsi que de la reveule des parties qui peuvent ne pas être l'm·
ployées, Ibid. - Le propriétaire qui a contraint l'administration à acbeter
la totalit.e de son bâtiment ne peut exiger la somme des portions non employées aux traYUlIx, 1,539.- Par qui et comment sont assignés les alignements à suivre dans les rues et places publiques des villes, bourgs et villages,
1,540, ibid. et suiv. (note); II, 717 et suiv. - Voy. Alignements. - Par
quel moyen et dans quelle forme procède-t-on aux répartitions des dépenses
publiques de voirie que les lois mettent à la charge des communes ou des
habitants? l, 483.
De la police réglementaire ail de prépoyance touchant la pairie urbaine,
l, 52t, et 'Suiv., 528 et suiv. (note). - Des arrêtés que les maires peuvent
prendre sur cet ohjet. Ces arrèl":s sont prO\isoirement exécutoires, sauf réformation s'il y a lieu, 1,527 et sui"., 531 et suiv., 945 et suiv.; II, 839 à
843. -Ils sont ohligatoires pour les t1'Ïbunaux ; ils ne l'l'ment établir d'autres peiues que celles qui sont décrétées par les lois, l, 531; II, 519, 525,
900, 92f,. - Des obligations qui peseut sur les propriétaires de bâtiments
menaçant ruine, 1,524; II, 5I4, 842. - Peines attachées à la négligence
ou au refus d'exécuter les réglements de voirie snI' cet ohjet, l, 526. - Les
maires peuvent directement, et sans attendre le prononcé d'aucunjngement,
ordonncr l'exécution des travaux anx frais du propriétaire en fante, l, 530;
II, 513, 5U" 842. - Formalités à accomplir néanmoins au préalable. Les
propriétaires peuvent former recours au préfet, Ibid. et II, 514,519'
De la police de répression en matière de lloirie urbaine;l, 606. - Principe général c1'après lequel elle est dévolue anx tribunaux ordinaires, l, 5t,8,
606; If, 871 à 885. -Compétence des tribunaux de police correctionnelle
en matière de voirie urbaine, l, 607; II, 928.- Compétence des tribunaux
dc simple police en matière de voirie urbaine, Ibid. et suiv. (note). - De
l'organisation des tribunaux de police.- Vice de cette organisation, l, 606.
Des diperses espèces de contl'apentions en matière de pairie urbaine. l,
608 et suiv. - Du défant d'éclairage d~ la part de ceux qni y sont obligés,
Ibid. - Dn défaut de valayagc des rnes dans les 'commnnes où ce soin est
laissé à la charge des habitants, Ibid. - Il Y a amende pour c11aque particulier qui a négligé le balayage de son côté, l, 610. - Effets de la décision
de l'administration mnnicipale qui met en adjudication le balayage génér1\1
des rnes on l'<<enlèvement des boues, Ibid. - Des embarras de la voie publique, 1,532, 6Il; n, 91,5, 950. - Du défaut d'éclairage de matériaux
entreposés ou d'~)(cavatious faites dans les rnes et places, l, 6u. - De la
..
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ou du refus d'exécuter les réglements ou arrêtés concernant la
petite voirie, l, 6r2. - De la négligence ou du refus d'obéir il la sommation de réparer ou démolir les édifices menaçant ruine, Ibid. - Développements donnés sur ces deux dernières espèces, Ibid. et suiv. - Quel doit
être le sort de celui qui a voulu construire ou reconstruire sans demander
son alignement an maire? l, 6Î3; II, 471,513, 5r4. - Comment doiton procéder avec celui'qui conteste pardevant le tribunal de simple police
l'application de l'alignement donné par le maire? l , 6r6; II, 557, 558. Comment doit-on agir pour faire démolir forcément un édillce menaçant
ruine? l, 618;
514, 8/,2. - Les principes établis à cet égard à Paris,
s'ont applicables à toute la France, 1,619 (note). - Du fait d'avoir jeté ou
exposé' ail-devant des édifices des choses de nature à nuire par lenr chnte ou
par des expalaisons insalubres, l, 622. - S'il Yavait dommage, les dispo.sitions· des articles 319 et 320 du Code pénal seraient applicables, Ibid. Du fait d'avoir laissé dans les rues, chemins, places et lieux publics, ou dans
les champs, des instruments ou armes dont puissent faire usage les malfaiteurs, Ibid. et 623. - Ce qu'ou doit entendre par ces mols armes et iu'slruments, l, 623 (note). - 'Du fait de contraventi\ln aux réglements légalement faits par l'autorité adminisu'ative et aux réglements ou arrêtés
publiés par l'autorité municipale, 1,623; II, 428. -Du fait des rouliers,
charretiers et conducteurs de voitures ou bêtes de charge, contre les réglements qui les obligent à surveiller et guider leurs bêtes de trait ou de charge,
l, 625, 633, 634. - De l'obligation imposée aux voituriers qe céder la
moitié du pavé aux voitures des voyageurs, 1,625 (note).- Voy. Roulage
(police du). - Du fait de ceux qui ont fait ou laissé courir c1es chevaux,
bètes de u'ait, de charge ou de monture dans l'iutérieur d'un lieu habité,
ou violé les réglements contre le chargement, la rapidité on la manvaise direction des voitures, l, 626 , 634. - Du fait de contravention aux réglements et ordonnances ayant pour objet la solidité des voitures publiques,
leur poids, le mode de lenr chargement, etc., 1,627', 634. - Du fait d'avoir laissé divaguer des fous, furieux, animaux féroces ou malfaisants, l,
627 et suiv. - Quels sont les animaux qu'on doit considérer comme malfaisants? l, 6 2 8 (note). - Du fait de ceux qui ont excité ou n'ont pas retenu
leurs chiens lorsqu'ils attaquent. ou poursuivent les passants, l, 629 , 630.
- Du jet de pierres, corps durs ou immondices, conlre les maisons, dans
les jardins; euclos, et con Ire les perionnes, 1,631, ilJid. (note). - Compétence des tribunaux criminels ou correctionnels quand il ya eu blessures
ou bris de clôtures .. Ibid. - Du refus ou de la négligence de faire les (l'avanx ou de prêter les secours dont ils sont requis dans les circonstances d'accident, tumulte, etc., l, 632. - Principe de cette obligation, l, 632
(note). - Du fait d'avoir occasionné la mort ou la blessure des auimanx ou
bestiaux apparknant à autrui par l'etTet de la divagation des fous on furieux,
ou d'animanx malfaisants ou féroces, ou par la rapidité, ou la mauvaise direction, ou le chargement des voitures, chevaux, bêtes de trait, de charge
ou de monlnre, l, 634. - Du fait d'ayoil' occasionné les mêmes accidents
par la vétusté, la dégradation, défant de réparations 011 d'entl'etien des maisons on édifices, ou par l'encombrement et J'excavatiou , elc., daus ou près
des rues, chemins, places on voies publique", sans les précalltions ou signaux ordonnés ou d'nsage, l, 635. - Des tapages injurieux et nocturnes,
ibid. - Des tapages en général. - De leur répression. - pes complices,
l, 635, 636 (note). - Arrêtés des maires coutre certaines professions,
Ibid. - Du fait d'avoir méchamment arraché des affiches apposées par
ordre de l'administration, l, 636. - Du fait de dégradation on détérioration des chemins publics et d'usnrpation SUI' leur largeur, l, 637; Il, 141.
:-. Cette disposition s'applique à tOllt chemin qui n'est pas nn passage 011
chemiu privé, T, 637 (note). - De l'enlèvement de terres, gazons, pierres
II;
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�TAilLE Al'tALY'l'IQUE.
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,ou matériaux des chemins publics ou communaux, l, 639; II, ~ 76. Dans certains cas il y a vol, l, 639 (note). - De l'application à toutes
ces contraventions de l'article 463 du Code pénal, l , 61~0 et suiv. ( note).
- Des contraventions commises sur les chemins 'l'icinaux. - Voy. Chemins
vicinau:r:.
VOIRIE VICINALE. Elle dépend de la petite voirie. - Voy. Petite
voirie.
•
VOISINS. Aucune indemnité n'est due au voisin pour le préjudice résultant du }'eculement ordonné par l'alignement, à moins qu'il n'y ait faute
d" constructeur, II, 480, - Le propriétaire qui recule peut ouvrir des vues
.obliques à moins de 6 décimètres du voisin, II, 4.8",- Partage entre voisins
des terrains retranchés de la voie publique; base, Il, 319. - Antorité
compétente pour y statuer, II, 482 ~ 489. - Mode de vente, II, 32!~. Voy. Bornage; Mitoyenngté.
VOITURES. De la contravention de "oirie résultant de la manvaise direction, du défaut de sur"eillance et de la rapidité des voitures et chevaux,
1,625 et suiv., 634. - Cette contravention n'est pas de la compétence du
conseil de préfecture, 1,373 et suiv. - De la coutravention de voirie résultant du chargement des voitures au-delà des proportions voulues par les
lois, ],406 à 410. - Pilines cont}'e cette contravention; elle est de la compétence du conseil de prefecture, à moins qu'il ne s'agisse de voitures pu.bliques destinées principalement au transport des voyageurs, Ibid. et 414.
- Le chargement d'une voiture peut donner lieu à deux contraventions,
suivant qu'il y a surcharge ou infraction à l'une des dispositions de la loi
du 21 juin 18ro, l, l~r5lnote). - De la contravention de voirie résuiLant
du fait de celui qui occasionne la mort ou la blessure des animaux ou bestiaux d'autrui, par la rapidité, la mauvaise direction ou le chargement des
voitures, chevaux, bêtes de trait, de cbarge ou de monture, l, 634.,635.-Des diverses espèces de voitures soumises à la prestation, II, 63. - Poids
des voitures, nombre des chevaux, longueur des essieux, largeur des jantes,
clous des bandes, plaques indicatives du nom, Il, 109, 788, 894..
VOITURES PUBLIQUES. Des contraventions de voirie résultant du dé·
faut de solidité des voitures llUbliques, de leur poids, du mode de leur
chargement, etc., 1,627, 634.. - Dei contraventions contre la sûreté du
roulage des "oitures publiques ser\'3nt au transport des voyageurs. Voyez
Diligences. - Des voitures par eau. Voy. Coches.
VOL: I! est condamné par la loi naturelle, l, 1~2,- Opinion contraire de
IlIakstone, l, 4.4.. - Du vol de matériaux précieux ou d'nue valeur considérable destinés à la confection d'un ouvrage d'art dans la voie publique.
Quel genre de délit ou contravention constitue-t7il? et de quelle peine peutil être puni? l, 380.
VOYAGEUR.. Voy. Responsabilité.
VOYER.. Ce que c'est.-Etymologie, l, 355; Il, 841.- Le voyer dresse
les plans généraux d'alignement de voirie urbaine, JI, 717. - N'a aucnn
caractère 1mblic et ne peut dresser de procès-verbaux, II, 84.1 . -Voy. Agentvoyer•
. VUE~. Voy. Apanccment; Reculement; Servitudes; Voisins.
~IN
DE LA TABLE ANALYTIQUE.
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Traité du domaine public ou De la distinction des biens considérés principalement par rapport au domaine public
Subject
The topic of the resource
Doctrine juridique française
Description
An account of the resource
Deuxième édition. Comporte une table des auteurs et ouvrages cités dans le Traité du domaine public
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Proudhon, Jean-Baptiste-Victor (1758-1838)
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES 20086/1-4
Publisher
An entity responsible for making the resource available
V. Lagier (Dijon)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1843-1845
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/201835614
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-200861_Traite-domaine_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 vol. en 5
648, 1023, 700, 866 p.
22 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/252
Abstract
A summary of the resource.
Jean Baptiste Victor Proudhon est né le 1er février 1758 à Chasnans et décède en 1838 à Dijon.
Issu d’une famille rurale et destiné tout d’abord à devenir homme d’Eglise, Proudhon se tourne vers le droit. Il obtient sa licence à Besançon en 1785 puis son doctorat en 1789. Juge, jurisconsulte, professeur de droit, il occupera de nombreux postes et de nombreuses fonctions.
Il rédigera en 1809 un Traité sur l’état des personnes, un des tout premiers commentaires exégétiques du code civil, puis par la suite son œuvre capitale, traité des droits d’usufruit, d’usage et d’habitation en 1824. Il y rompt avec le code civil et y aborde les limites du droit de propriété.
Cet intérêt pour le droit de propriété l’amena à rédiger en 1833 cet ouvrage traité de domaine public, avec une approche très différente de ses précédents ouvrages. En effet, l’auteur étudie les différents éléments composant le domaine public avec une approche très descriptive. Il s’intéresse ainsi aux droits de l’Etat et aux droits des particuliers ainsi qu’à la compétence des autorités administratives. Ce traité a dû être révisé du fait des changements de la matière, notamment par ses propres élèves.
Sources : J. Krynen, J.-L. Halpérin et P. Arabeyre (dir.), Dictionnaire historique des juristes français. XIIe-XXe siècle, PUF, 2015 W. Uruszcak, p. 844-846
Biens (droit)
Domaine public -- France
Eau -- Droit
Routes -- Droit