Botanique]]> Zoologie]]> Sciences naturelles]]> Alfred Frédol est le pseudonyme d'Alfred Moquin-Tandon (Note).

Comme il est assez courant à l'époque, Alfred Moquin-Tandon n'est pas un scientifique enfermé dans une unique discipline : docteur ès sciences en 1826 et médecine en 1828, il enseigne la zoologie à l'Athénée de Marseille de 1829 à 1833, puis la physiologie comparée à l'Athénée de Montpellier, il devient ensuite professeur d'histoire naturelle à la Faculté de Toulouse et sera nommé en 1853 professeur de Sciences naturelles à la Faculté de médecine de Paris (il sera également directeur du Jardin des Plantes de ces deux villes). Très jeune, il devient membre de plusieurs sociétés savantes (Académie des sciences de Turin en 1834, Sociétés d'agriculture, d'archéologie, de médecine, de l'Institut et même président de la Société de Botanique de France !).

Moquin-Tandon Alfred (1804-1863)

A l'occasion d'un concours lors des Jeux Floraux du 27 juin 1841 (société littéraire), il prononce un discours sur les Rapports de la Science et de la Littérature. C'est à cette époque que, sous le pseudonyme d'Alfred Frédol, il publie des poésies patoises languedociennes.

Algues marines (lithographie couleur)

C'est sous ce même pseudonyme qu'il publie Le Monde de la mer, sa flore et sa faune marines illustrées avec une 1ère édition en 1865 et une 2ème l'année suivante et qui contiennent alors 21 planches couleur.

Infusoires observés à travers un microscope solaire

Les planches couleur sont de grande qualité mais ces lithographies spectaculaires et séduisantes ne monopolisent pas toute l'attention du lecteur : le texte est ponctué de 200 vignettes monochromes réalisées sur bois, au service des détails techniques et scientifiques comme ces paragraphes consacrés aux immenses progrès accomplis en botanique et en zoologie grâce aux microscopes apparus au 18e siècle (plusieurs planches sont consacrées à l'infiniment petit, au développement du vivant comme la croissance des coraux, l'embryologie des méduses, des poissons et des oiseaux).

Poissons volants haut dans le ciel et des daurades hautes en couleur (1866)

Si certaines remarques sont parfois assez prosaïques, comme les anémones de mer qui sont très bonnes à manger, certaines observations surprennent davantage comme l'affirmation que les huitres, ayant un système nerveux assez développé, sont douées de sensibilité et capables de souffrir, affirmation bien éloignée du désastreux concept d'animal-machine.
D'où cet avertissement : "Du reste, nous supplions le lecteur, s'il est au moment de déjeuner avec des huîtres, de ne pas lire les détails que nous allons donner. Nous ne voulons dégoûter personne !". La promesse d'éluder les détails anatomiques repoussants est déjà oubliée mais, rassurez-vous, quelques lignes plus loin, il tranquillisera les pêcheurs, les éducateurs, les vendeurs, les écaillères et les gourmets. Cette rare compassion apportée à tous les coquillages engloutis vivants rend encore plus sympathique la représentation parfois cocasse de certains poissons, comme ces daurades aux couleurs si vives qu'elles devraient inquiéter tout consommateur averti...

Poulpe - planche monochrome ajoutée dans la 3ème édition de 1881 d'Olivier Frédol
(aquarium de Concarneau, la plus ancienne station marine au monde en activité)

Même s'il n'instaure pas une coupure radicale entre ces deux passions, les sciences et les arts, on pourrait s'étonner que publiant habituellement ses ouvrages scientifiques sous son vrai patronyme, Alfred Moquin-Tandon utilise son pseudonyme littéraire pour publier Le Monde de la mer. En réalité, A. Moquin-Tandon n'est pour rien dans l'affaire : son ouvrage a toujours était édité à titre posthume et dans la 3ème édition, les deux préfaces de 1864 et de 1881, signées et datées, nous révèlent qu'il est le fait d'un mystérieux Olivier Frédol qui a poursuivi le travail d'Alfred*. Après de longs séjours sur les côtes françaises, algériennes et bretonnes (laboratoires de Concarneau), il a même pris l'initiative de remodeler certains chapitres et d'insérer de nouveaux dessins dans cette troisième et dernière édition.

Alfred Moquin-Tandon et Michel Darluc, qui publia l'Histoire naturelle de la Provence un siècle plus tôt, partagent ainsi le triste destin de n'avoir vu de leur vivant leurs œuvres majeures quasi achevées enfin publiées. Circonstances heureuses, dans les deux cas, des proches, reconnaissant la qualité de leur travail, ont eu l'intelligence de reprendre et publier leurs derniers manuscrits.

* les documents consultés n'ont pas permis d'identifier la relation liant les deux auteurs : professionnelle, amicale ou familiale ? Les dates des éditions posthumes prouvent seulement qu'il s'agit bien de deux personnes différentes. Les fins esprits pourraient remarquer que Frédol, patronyme répandu dans le Sud de la France, est aussi la contraction d'Alfred et Olivier...
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