ANNUAIRE ILLUSTRÉ DU ''MIDI-COLONIAL ET MARITIME'' POUR 1923-1924
Jules Charles-Roux (1841-1918)À l'Exposition universelle de 1900, Charles-Roux avait créé une section des colonies et en 1906, il avait organisé la première Exposition coloniale de Marseille dont il fut le commissaire général, assisté d'Édouard Heckel, son adjoint. L'énorme succès de l'évènement (la seule grande exposition bénéficiaire) lui vaudra de nombreux honneurs et une très grande autorité en matière coloniale.
Une promesse de la Chambre des députés (1933)A l'opposée des années 1920, pleines de confiance dans l'avenir, les années 1930 amènent leurs lots d'inquiétudes et d'interrogations face aux périls du monde extérieur et se traduisent par une question pleine de pessimisme : avons-nous réellement une politique économique, que l'on peut comprendre également comme : avons-nous réellement une politique coloniale ?
Une Europe des colonies : une proposition jugée peu sérieuse (1933)
Une prise de conscience tardive malgré de nombreux signaux d'alerteSi des crédits supplémentaires peuvent résoudre temporairement les déficits budgétaires, ils ne suffiront pas à endiguer un malaise grandissant et qui dépasse le seul cadre économique.
L'Afrique du Nord : un révélateur de l'état d'esprit de l'Empire colonial ?
Pendant que l'Académie des Sciences coloniales tient des conférences sur la "mission civilisatrice" de la France et que la métropole poursuit ses investissements dans les infrastructures lourdes (routes, électrification, lignes de chemins de fer, radiophonie, hôpitaux, etc...) faites pour le long terme, le sénateur Manfroni rappelle cette définition qui a été donnée des colonies : « des fruits qui se détachent de l'arbre qui les a nourris, à peine ont-ils atteint la maturité ». Et d'ajouter : « Aujourd'hui prédomine chez ces peuples un sentiment croissant d’intolérance de la domination européenne, plus ou moins vivement ressenti et exprimé, mais dont les symptômes sont assez préoccupants" (n° 1352 du 15 juin 1933).
Notre collection s'achève sur l'année 1936 (le Journal des colonies cessera définitivement de paraître en 1939) qui fait une large promotion de l'Exposition Internationale de Paris de 1937 au titre enthousiaste "Exposition des Arts et Techniques dans la Vie moderne". Et qui rappelle que dans un idéal commun, "la France totale est faite d'infinies nuances...".Journal des colonies illustré - Carte de l'EmpireLe nouveau frontispice de la revue, qui a remplacé l'ancien représentant des monuments tropicaux hautement symboliques, annonce sans détour que la France se situe bien au coeur de son empire colonial. Coïncidence, le planisphère la situe aussi au centre du monde : les biais de la cartographie, sans doute...
Journal des colonies illustré - FrontispiceParadoxe, à l'heure où la revue paraît avec un titre enrichi du terme "illustré", la gravure haut en couleur fait place à une version monochrome assez assombrie, conforme aux restrictions du moment et très éloignée des chaudes tonalités exotiques.
Journal des colonies illustré - le pont de Caronte (cliché 1915)
Assurer la liason entre l'Étang de Berre et la Méditerranée aux navires à haut tirant d'air
Le hall d'exposition de la Section métropolitaine (Grand Palais, 1922)Contrairement à d'autres publications parallèles et publiées à la même époque, les nombreuses illustrations présentées dans l'édition de 1922 du journal "L'économiste colonial illustré", montrent davantage de photographies prises sur le terrain que de clichés des palais ou des stands de l'Exposition. Elles en font un témoignage intéressant et complémentaire aux publications plus officielles.
Un centre d'apprentissage à Conakry (Guinée)
Un quai d'embarquement de marchandises à Lyndiane (Sénégal)]]>
Les paquebots à vapeur, moyen le plus sûr pour se rendre dans les colonies
Le tramway, transort le plus rapide pour se rendre à l'Exposition coloniale de Marseille de 1922
Le Palais de l'Exportation, un rôle central dans l'économie coloniale
Saint-Louis Sucre, une marque toujours en activité et présente à toutes les expositionsEn 1920, le port de Marseille a reçu plus de 4 millions de tonnes de marchandises et en a exportées plus de 2 millions : assurant 1/3 du commerce colonial français, la ville n'a jamais autant méritée sont surnom de métropole coloniale.
(universelles, internationales et coloniales)
le destin national d'une exposition locale
de la pose de la première pierre |
à l'inauguration officielle |
1913 |
1919 |
1921 |
En 1913, la 1ère grande Exposition coloniale de 1906 est encore très présente dans la mémoire des marseillais qui se souviennent encore comment elle avait été conçue : un Grand Palais de l'Exportation complété de deux annexes : la section de l'art provençal (Musée Longchamp) et le Palais de Marseille et de la Provence (Art et histoire). Y était présentée l'histoire de la matière grasse sous tous ses aspects, scientifique, industriel et commercial, sachant que les corps gras constituent depuis des siècles la source principale et traditionnelle de la richesse industrielle locale : huileries, bougies et glycérines.
Convaincu de l’action humaine et civilisatrice quelle mène dans ses colonies, la France veut montrer à ses nationaux et aux étrangers tout ce que les colonies lui apportent : elles sont donc invitées à participer à une seconde Exposition, beaucoup plus ambitieuse que la précédente, et basée sur une double organisation géographique et thématique qui sera confiée à Jules Charles-Roux qui a déjà présidé celle de 1906 (il décèdera en 1919 et sera remplacé par A. Artaud).
Le JO proposé ici est un authentique journal de bord, quasi au quotidien, de la conception et de la construction de l’Exposition, de la première pierre jusqu’au denier jour précédent sa fermeture, des meilleurs jours jusqu’aux petits différends : destiné à faire connaître au plus grand nombre l’état de l’avancement des travaux (chaque grande colonie se voit construire un véritable palais en contrepartie d'objets d'art ou quotidiens), il est imprimé sur un papier glacé de luxe et illustré de très nombreuses photographies (monochromes de qualité), loin du standard de la presse classique.
Avec ses 10 millions de km² (presque 25 fois la surface de la métropole), l'Empire colonial permet aussi à la France de rappeler à l’Allemagne, dénoncée comme étant « pangermaniste », qu’elle n’est ni défaitiste ni sur le déclin démographique (de fait, sa population double). Ne pouvant oublier l’engagement des troupes coloniales, Albert Sarraut rendra un hommage appuyé aux locaux (1921) «Pour nos Frères de Couleur » en faveur des indigènes qui représenteront leurs territoires respectifs ou qui viendront visiter l’Exposition (par chance, le calendrier la cantonne aux plus beaux mois de l’année).
Parallèlement à l’Exposition, sont ouverts des stands et des salons plus spécialisés et se tiennent des congrès coloniaux consacrés à quatre grandes thématiques : Santé, Production, Outillage et Organisation. Une synthèse révélatrice des préoccupations majeures de l’administration française.
L'agriculture coloniale y tient une place de choix (le JO rappelle la crise du caoutchouc de 1914) et c’est tout naturellement que l'Institut Colonial de Marseille, qui s’était illustré par la création d'un Laboratoire d'Études des Céréales et Plantes Féculentes (1914) et ses travaux sur le palmier à huile (1921), se voit chargé par A. Artaud (commissaire général de l'Exposition) de l'Exposition du matériel agricole.
L’Empire colonial couvrant de grandes surfaces océaniques (suite au nouveau mode de calcul de 2018, la France revendique aujourd’hui le second domaine maritime avec ses près de 11 millions de km², juste derrière les États-Unis), un Palais de la Mer Coloniale s’imposait et fera dire à ses organisateurs : « l'Exposition Coloniale doit être la source d'un enseignement colonial permanent. Il faut que dans tous les ports français, des musées coloniaux soient créés, rappelant la richesse de nos colonies et les débouchés qu'elles offrent à notre commerce et à notre industrie ».
Le JO étant d’abord un organe de presse à destination de la presse, de nombreux journaux couvrent l’évènement : le journal leur rendra hommage en toute fin d’exposition en offrant au public une galerie de portraits des directeurs de publication présents sur le site. La publicité n’est pas un accessoire et c’est elle qui assurera le retentissement de l’évènement : une véritable propagande est organisée, jusque dans les écoles, et, progrès technique oblige, l’Exposition promeut un Cinéma lntercolonial.
L’Exposition connaîtra un très grand succès, local, national et même international, auprès des autorités belges, par ex. : les politiques doivent s’y montrer, les Présidents de la République française n’y manqueront pas, et les maréchaux héros de 14-18 en feront tous la visite, très largement médiatisée et relayée dans le JO, entourés d’officiels, sinon obséquieux, tout au moins très déférents.
Inquiets de son futur succès, les organisateurs alertent très tôt la ville de Marseille sur l'accueil des visiteurs et la possible crise du logement. Les accès ne sont pas en reste : l'Avenue du Prado, chaussée défoncée et pleine de fondrières tant redoutées par les automobilistes même les plus intrépides, est entièrement refaite et reçoit un revêtement d’un bleu du plus bel effet.
L’Exposition prend alors des airs de fête et à côté des animations, des tables populaires gratuites sont installées pour permettre aux moins fortunés d’y organiser leur propre pique-nique et de pleinement profiter de l'abonnement qu’ils ont pu prendre pour toute la durée de l'Exposition.
Une nouvelle offre apparaît : le tourisme. Mélange de technique et d’audace, on propose alors des croisières en hydravions jusqu’à Monaco. Le tourisme exotique aux Colonies pourrait aussi séduire les classes plus aisées et aventurières : la France a les moyens de vous faire voyager aux quatre bouts de monde : ne seriez-vous pas tenté par une croisière aux Antilles ou dans le Pacifique ?
Comme l’Exposition pense à tout, les tables à manger en témoignent, elle n’a pas oublié les Français plus modestes qui n’ont pas la possibilité de partir dans les îles : un stand propose donc des articles de camping (le tourisme à la ferme !) et le très fréquenté stand du tourisme, qui fait la promotion de nos belles régions de province, souligne, en feignant de ne pas en saisir toute la possible ambivalence, combien la France métropolitaine est assurément « la Maison du Bonheur ».
Peu avant de fermer ses portes, naissent déjà les projets d'une foire coloniale et d'un jardin colonial. A suivre…
]]>