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UNlVERSITÉ DE FRANC~
::0 Fl.Ol:T
FACULTÉ DE DROIT D'AIX
RO:r.!!:Al:N
'
ADMINISTRATION FINANCIERE
::OFl.Ol:T
FRANÇAl:S
PRINLIPES DE LOMPTABILITE PUBLI~UE
THÈSE POUR LE DOCTORAT
soutenue devant Za Fa culté de ©rait d' A i;x:
P AR ARMAND
LE COZ
AVOCAT A LA COUR D'APPEL
SECRÉTAIRE DE LA FACULT~ DE DROIT DE BORDEAUX
POU RVU DU CERTIFICAT D'APTITUDE A L' INSPECTION PRIMAIRE, OFl'ICIER D'ACADEMIE.
Optima lex qu:e minimum
relinquit arbitrio judicis.
(BACON.)
(::-....'
1 --
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BORDEAUX
IMPRIMERIE V• CADORET
17 -
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RUE MONTMl:.JAN -
17
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�FACULTÉ DE DROIT D'AIX
.Mi\!. ALFRED JOURDAN,
*, Q r.,
doyen, professeur d'Écotiomie politique.
PISON, U I., professeur de Droit Civil, chargé du cours d'Histoire
du Dt·oit.
A M. ALFRED JOURDAN (*· Q L)
Doyen de la Faculté de Droit d'Aix.
Q r., professeur de Droit commercial.
GAOTIER, Q r., professeur de Droit administl'atif, chargé du
LAURll'I,
cours d'Histoire du Dt·oit pou1· le Doctorat.
l:lRY, O O., professeur de D1·oit i·omain, chargé du cours de
Pandectes.
A M. ALFRED GAUTIER (O. !.)
Maire de la \'ille d'Aix, professeur de droit adm inistratif à la Faculté de Droit.
DE PlTTT-FERRANDI, Q O .. professeur de Législation criminelle.
chargé du cour:; d'En1·cgistrement et de Notariat.
JOURDAN, Q O., professeur de Droit civil, chargé du
cours de Droit constitutionnel.
EDOUARD
A M. JARRY (*·
~
1.)
Rec teur de l' Ac a d t!m i e de R ennes.
BOUYIER-BANGILLON, professeur agrégé, chngé du cours de
Droit romain .
JAY, agrégé, chargé du cou1·s de Code civil .
TI:M BA L, agrégé , chargé du cours de Droit interna(ional priv ~.
M ÉRrGNHAC, agrégé, chargé du cours de P rocédure civile.
A M. BOURGET C
*· 0
r. )
Recteur de l'Académie de Clermont, précédemment Recteur de l'Académie d'Aix.
CARBONEL, 0 I., licencié en drnit, secrétaire.
CAPDENAT , Q O. , bibliothJcaire.
Respectueux homma.(e de vive reconnaùsance et de sù1cère affection.
�PHÉFACE
De tout temps et chez tous les peuples on a reconnu la
nécessité d 'une administration financière sérieusement
organisée. P artout et toujours on a voulu garantir la sincérité de la comptabilité, et rarement on a réussi à prévenir les malversatious et les fraudes. Malg ré les précautions du pouvoir législatif , le contrôle du pouvoir exécutif
et l'intervention du pouvoir judiciaire, les a bus se sont
continuellement propagés et multipliés. L' imperfectibilité
huma ine s'est manifestée à cet égard dans toute la hiérarchie administrative ; et malheureusement les progrès de la
civilisation n'ont pas encore rectifié l'erreur grossière qui
consiste à penser que « voler l'État n'est pas un vol. )>
Toutefois on est heureux de remarquer , à notre époque,
la révolution qui s'opère rapidement dans les idées, et qui
se révèle également dans les mœurs, sous l'impulsion
d'un gouvernement honnête, dig ne et libéral.
DROIT ROMAIN
Pour étudier l'administration financière à Rome, j 'ai
adopté les divisions indiquées par l'histoire, c'est- à-dire la
période royale, la période républicaine et la période impcriale. Et pour suivre les prog rès lc:mtement accomplis, ou
pour les faire ressortir, j'ai considéré sous chacune de ces
périodes :
1° Le personnel des finances ;
�-6-
La situation du Trésor ;
3° Le fonctionnement de l'administration.
Cette division, encore confuse sous les Rois, s'accentue
davantage sous la République. Elle existe également sous
l'Empire, mais ici, pour éviter les répétitions, j'ai cru
devoir mener de front le personnel des finances et la situa tion du Trésor (des Trésors, puisqu'il y en avait trois) .
J'ai donc ouvert toutes les caisses publiques, contemplé
les richesses de l'Etat, cherché la source des impositions
et déterminé l'emploi des revenus. J'ai voulu conna ître
tous les degrés de la hiérarchie administrative , voir à
l'œuvre tous les agents du Trésor et attribuer à chacun
son rôle. Puis, j'ai essay é de fa ire mouvoir « les rouages
» de cette machine qui constituait à R ome le système
» financier . )> Enfin , pour donner à ma thèse une a llure
plus dégagée, je l'ai dépouillée des détails encombrants
et des subtilités inutiles.
20
DROIT FRANÇAIS
P our la thèse française, au contraire, je suis entré dans
quelques dé,·eloppements. J'ai suivi depuis l'orig ine la formation de notre législation actuelle. Je me suis appuyé
sur les expédients de la pratique pour constater les lacunes de la loi ou pour critiquer ses dispositions ; et sans
présomption ni faiblesse, j'ai blâ mé les irrégularités et les
a bus en choisissant de préférence mes arg uments dans la
réalité des faits. Du reste, pour résoudre les questions discutées, j'ai recherché la volonté du législateur en m 'inspirant de la vérité historique; et quand j'ai établi la
situation financière aux dates ·les plus importantes de
notre histoire, j'ai toujours eu soin d'indiquer les chiffres
officiels.
D ROI T
ROM AI N
AD MINISTRATION FINAN CIÈHE
�PÉRI ODE R OY ALE
Dès les premiers temps de Rome, il y eut un Trésor
affecté aux besoins de l'Etat. Il était employé aux frais du
culte et de la g uerre.
Le roi en était le chef; il en avait la clef; et, seul, il
pouvait l'ouvrir ( r ).
Rome possédait aussi un domaine public. Il était divisé
en trois parts :
1° L'une affectée à l'entretien du roi et au service du
culte;
2° La seconde, au pâturage en commun ;
30 La troisième seule était divisée entre les curies.
Les revenus de l'Etat se corn posaient du produit de ce
domaine, des contributions payées par les citoyens et du
butin fa it à la guerre (2).
« Les citoyens, dit Mommsen (3) supportaient des cor» vées pour la culture des domaines royaux, pour la cons» truction des éd ifices publics; et, notamment, la corvée
» relative à l'édification des murs de la Yille était telle» ment lourde que le nom de ceux-ci est devenu synonyme
» de prestations (mœm'a). Quant aux impôts directs il n'en
» exista it pas plus qu'il n 'y ava it de budget direct des
» dépenses. Ils n'étaient point nécessaires pour défrayer
( 1) Mommsen, Hist. rom., tom. 1, p. 88.
(2) Tit.-Liv., !, 35.
(3) Mommsen, His/. rom., tom. 1, p. 103.
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IO -
les charges publiques, l'Etat n'ayant à payer ni l'armée,
'> ni les corvées, ni les services publics, en généra l. Q ue
" si parfois une indemnité pouvait être accordée, le con>' tribuable la receYait soit du quartier qui profitait de la
» prestation, soit du citoyen qui ne pouvait ou ne voulait
» y satisfaire . Les victimes destinées aux sacrifices étaient
» achetées au moyen d'une taxe sur les procès. Q uiconque
» succombait en justice réglée remettait à l'Etat , à titre
'> d'amende, du bétail d'une valeur proportionnelle à l'objet
» du litige (sacramentum).
'> Les citoyens n'avaient ni présents ni liste civi le à
'> fournir au roi ; quant aux ùzcolœ non citoyens (œrarù') , ils
» lui payaient une rente de protectorat. Il recevait aussi le
» produit des douanes maritimes, celui des domain es
)) publics, notamment la taxe payée pour les bestiaux
» conduits sur le pâturage commun (scriptura) et la part
» de fruits (vertigalùz) versés à titre de fermage par les
» admon iateurs des terres de l'Etat. Enfin, da ns les cas
» urgents, il était frappé sur les ci toyens une contribution
» (tri'butum) ayant le caractère d'un emprunt forcé, et
» remboursable en des temps plus favorab les . Celle-ci
» était-elle imposée à la fois sur tous les habitants,
)> citoyens ou non, ou sur les citoyens seuls? C'est ce que
» nous ne pouyons dire; probablement ces derniers y
» étaient seuls tenus. »
Cette organisation fut modifiée sous Servius Tullius.
Ce roi voulut proportionner le tribut et le vote de chaque
citoyen à l'importance de son avoi r. A cet effet , il projeta
une réforme. li ordonna que tout chef de fami lle se fit
inscrire sur un tableau (census), en indiquant, sous la foi
du ser ment, le nombre des personnes qui composaient sa
famille, et ses biens de toute nature fidè lement estimés,
sous peine de confiscation pour ceux qu'il aurait ortiis (1).
(1) Ortolan, Hist. de
ta l<!g ist. rom., p. 57.
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II -
Le serment était prèté devant un pontife et celui qui le
violait était noté d'infamie.
Quant au tableau (census), qui com prenait un registre
assez volumineux, il etait éta bli tous les cinq a ns. Il faisait donc connaître à des époques périodiques la population des Romains e t leurs fortunes respectives.
C'est ce qui permit à Servius Tullius de diviser le peuple en cinq classes :
La 1•r classe comprenait les citoyens qui possédaient
100, 000 as;
La 2 6 classe, les citoyens qui possédaient 75 ,000 as;
La 3° classe, les citoyens qui possédaient 50,000 as;
La 4• classe, les citoyens qui possédaient 25,000 as;
La se classe, les citoyens qui possédaient II ,ooo as i
En général, l'impôt proportionnel (trilmtum) était d 'un
as par mille du capital recensé.
Les veuves et les filles szti furzs payaient un impôt spécial de 2,000 as pour l'entretien de la cavalerie (œs hordeari'um).
Les œrarù~ et probablement avec eux les ouvriers non
compris dans le classement, supportaient une capitation
(tributzmz pro capite).
Outre ces impôts, l'accroissement de l'ager publù:us par
la conquête fit ajouter au vectigal le produit de la mise en
ferme d 'une partie des biens mesurés et mis en culture
(a(J'er 11ectzgalù), celui de la dime des terres vaines et
la~des concédées à des p;'lrticuliers et du ci nquième sur le
produit des arbres à fruits des mêmes terres, enfin la
valeur de certaines a mendes ( 1).
On ne connaît pas le montant des recettes ordinaires
auxquelles venaient s'ajouter le prix des ventes du butin
(1) Dict. d~s 1111tiquités gr. et rom., tom. 1, p. 110.
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fait sur les ennemis , et le prix des agri quœstorù~ portions
de terrains limités de l'ager pubh cus .
Il est encore plus difficile de déterminer le montant des
dépenses annuelles. O n peut seulement remarquer que la
plus grande partie des fra is d 'armement de l'armée éta it
alors supportée par les censita ires, et , en l'absen ce d 'une
armée permanente et soldée, les dépenses de g uerre
devaient être essentiellement varia bl es .
Il n'y avait pas plus de régularité dans les dépenses
relatives aux travaux publics.
Le roi rég lait à sa volonté toutes les dépenses : car T iteLive ( 1) nou s montre Numa a ffectant les revenus à des fondations religieuses ou au traitement de certains prêtres ;
Ancus et T arquin l'Ancien , ordonna nt la construction
de divers édifices ; Servius faisant consacrer 10 , 000 as
ex p ublico, à l'achat de chevaux , et reculant l'enceinte
de R ome; enfin T arquin le S uperbe présidant à des ouvrages dignes de la R ome fu ture .
D 'ailleurs, ni le Sénat ni les maO'istrats
en bO'énéral '
b
,
ne recevaient de traitement.
Non-seulement le roi employait la pecwzùz publica, ma is
il contraigna it aussi les pl ébéiens à des trava ux d'utilité
générale (2) .
L 'administration financière lui éta it confiée.
Il est facile de concevoir qu'i l ne p ouvait rempl ir lui mème toutes les fonctions. Deux questeurs durent donc être
nommés pour le recouvrement des impôts. « On les appela
~> quœstores, parce qu'ils devaient rechercher et recueillir
» les deniers publics (quz' pecunt'œ prœessent), comme on
(1) Tit .-Liv., 1, 33, J S, 35, 43, ~4. SS·
(z) T it.-Liv., 1, s6.
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» avait nommé quœstores parrù:idù' ceux qui devaient
» rechercher les preuves des crimes capitaux ( 1) » .
O n a parfois confondu ces deux catégories de quœstores
qui existaient à l'époque royale (2).
« La ressemblance des noms, dit M . Humbert, explique
» la confusion fai te par pl usieurs historiens modernes entre
» les quœstores œrarù et les quœstores parricidiz'. Cette
» confusio n ne peut résister au témo ig nage formel de
» deux auteurs anciens qui ont écrit sur l'histoire des magis» tratures » . (Pomponius, fr . 2 , § 22 ; D ig . De orig. juris
1 , 2 ; J. Lydus, D e magist . 1, 26.)
Les questeurs du Trésor étaient choisis par le roi. C 'est
du moins ce qu 'on peut conj ecturer d 'après certains passagesde P lutarque (3) et de Tite-Li ve(4); et de ce fait que leur
élection fut ensuite confiée d'abord aux consuls, qui succédèrent à la plupart des attributions de la royauté, puis
bientôt par une loi aux comices (S) .
Les questeurs étaient secondés dans la leYée du tri'bu tum résultant du cens par les curatores des tribus; chacun
de ceux-ci présidait une des tribus locales instituées par
Servius Tullius .
Mommsen a fort ingénieusement établi que ces curatores correspondaient aux tnoum· œrarù, dont l'institution
apparut sous la R épublique . Les curatores enfin deyaient
être assistés des magùtrz- pagomm également établis par
S ervius Tull ius pour les tri bus de la campagne, et qui
a vaient entre les ma ins les états des propriétaires censitaires, comme les curatores avaient les rôles des contribuables de la ville .
(1) Ortolan, His/. de l.t l1'gis/. rom., p . 91
(2) Dict. des au/. gr. el rom., tom . 1, p. 110
(3) Plutarque , Poplico/.,, 22.
(4) Tit .-Liv. 1, 3J, 35, 36, -13. -1-l, SS
(S) Dig. De offir. quœslor. 1, 13
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...
4
�-qLe roi était-il tenu par des règles ou par des coutumes
dans l'administration de la fortune de la cité?
•< Nous ne saurions ni l'affirm er ni retracer ces règles,
,, dit Mommsen ( 1); mais les temps postérieurs nous
" apprennent, qu 'à cet égard, le peuple n: fut j~mais
'> appelé à voter; tandis qu'il paraît au co ntraire a voir ~té
\) d'usage de prendre l'avis du Sénat ta nt sur la questio~
)' du tribut à imposer que sur le partage des terres conqu1)> ses. '>
(1) Mommsen. Hist. rom., tom. 1, p. 88.
PÉRIODE RÉP UBLICAINE
C H A P 1 T R E l "'
PERSONNEL
Sous la R épublique (509-168 av. J .-C.), le Trésor fut,
ainsi que le domaine, la propriété exclusive del 'Etat.
Un édifice public et sacré, le temple de Saturne, reçut
le dépôt de l'œrariztm, placé sous la surveillance des consuls et plus spécialement de deux questeurs nommés par
les curies.
D ans ce temple, qui contenait aussi les archives de
l'Etat! (tabttlarium), était placé le registre où l'on consignait l'état des recettes et des dépenses, celui des créances
et des dettes du Trésor.
A côté de l'œrarùrm Satumi~ trésor ordinaire de la
R épublique, il y eut un œrarùtm sanctius, réserve sacrée,
où l'on mettait en dépôt, pour les cas de nécessités extraordinaires, l'or des affranchissements, que les consuls ne
pouvaient employer sans l'ordre du Sénat (aurum vù:est·marium).
On distinguait aussi un trésor de Cérès, œrarium Cererù,
où les édiles déposaient le produit de leurs amendes et la
caisse spéciale confiée a ux questeurs militaires.
A cette époque, l'administration financière était encore
dans un état tout à fait rudimentaire . Ce qui le prouve,
c'est que la monnaie romaine proprement dite n'est pas
antérieure à l'époque des Décemvirs (45 r av. J .-C.) (1). Le
(1) l\lommsen, Hisf. de la
-
.
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11w111111ie
rom., trad. Blacaset, tom. l, p. 179.
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Trésor de l'Etat ne contena it donc que des lingot~ de
métaux , prOduit du butin versé par les généraux v1ctorieux : il se trouvait, dès le comm encement de l_a Ré?ubl .ique, sous la bO'arde de deux questeurs, fonctionnaires
subalternes des consuls, par qui ils étaient n ommés.
C'est dire que l'administration financière co mpétait aux
consuls, comme sous les rois elle faisait partie intégrante
des attributions royales ( I) .
Mais peu à peu le Sénat s'ingéra dans l'administration
des finances. Toutefois, il faut remarquer que pendant le
fer siècle de la R épublique, la gestion des consuls était
soustraite à la surveillance de cette assemblée. Cependant
comme le Sénat devait être consulté more majormn sur
toutes les affaires importantes, les consuls avaient l 'obliO'ation morale de lui soumettre toute dépense extraordina ire,
.
b
par exemple l'achat de froment à vendre aux citoyens à
prix réduit ( 2).
Mais le dictateur avait-il, comme les consuls, le droit
de disposer des ressources de l'Etat sans autorisation
préalable du Sénat ?
L'affirmative me paraît devoir être adoptée. Car l'imperiwn dictatorial était supérieur à l' ùnperium consulaire (3) .
D 'autre part, la guerre était le motif ordinaire de la
nomination d'un dictateur (4) . Et précisément, à cette
époque comme aujourd 'hui , l'argent était le nerf de la
guerre. D 'ailleurs, si le dictateur n'avait pu puiser dans le
Trésorpublicsansunmandat duSénat, il eûtdépendu néces_
sairement de celui-ci; il eût été paralysé dans ses moyens
d'action ; il n'eût pu remplir la mission difficile qui lui était
confiée; bref si le dictateur avait dépendu du Sénat, la
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r7 -
di ctature n'eût plus eu sa raison d'être . Mais il est certain
que le dictateur ne dépendait point du Sénat. Polybe
l'atteste formell ement.
« Le dictateur, dit-il, est un général qui ne dépend que
» de lui-même ( 1 ), tandis que les consuls pour réussir
)) dans leurs expéditions militaires ont besoin du Sénat en
» beaucoup de choses. » Les vivres, dit-il ailleurs, les
» habillements et l'argent, dont les consuls en campagne
» réclament l'envoi de R ome, ne peuvent leur être envoyés
»sans une décision du Sénat (2).~>
Cette opinion est brilla mment soutenue par M. \Villems
dans son ouvrage intitulé : Le Sénat de la R épubhque
Romaine, p. 331 et s .
Quoi qu'il en soit , la puissance du S énat s'accrut rapidement, et l'histoire enseig ne qu'il veillait lui-même au
sa lut de la patrie quand elle était menacée.
Ainsi en 21 1 , quand H anniba l était aux portes de
Rome, le Sénat sans ordonner la nomination d 'un dictateur,
se chargea lui-même de défendre la R épublique. Par des
mesures promptes et énergiques , et sans rappeler même de
nombreuses troupes au secours de la capitale menacée, il
conjura le danger en investissant du commandement mili taire à Rome les Sénateurs qui avaient été dictateurs, consuls ou censeurs. Cependant cette omnipotence du Sénat dut
trouver un contrepoids dans les em piétements du peuple
sur l'administration financière. l\Iais ces empiétements ne
devinrent réels que da ns les derniers siècles de la R épublique (3 ).
Ainsi donc le contrôle supérieur des finances a ppartenait au Sénat. Il exerçait une surveillance générale sur
( 1) Dig. Il , 126.
(2 M. Willems, Le Séuni de la Républ. rom., p. 331.
(3) Tit. Li v., II , i8, V I, 38; Vlll , 3.
(4) Tit-Liv., IV, 56 1 58 i VI, ;J8.
( 1) Polybe, Ill , 87
(2) Polybe, V I, 15
(3) M. Willems, Le S~11ni de ln Répub/, rom. p. 334.
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.....
..
4
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les revenus publics, aussi bien à Rome que dans les
provinces, et décidait mê me en partie de leur emploi.
Il possédait aussi le droit d'ouvrir des crédits.
Mais le Sénat ne pouvait pas entrer dans les détails de
l'administration proprement dite .
A côté de lui et sous sa surveillance, il y avait tout un
personnel chargé de l'admini stration de l'œrari·u m. Ce
personnel était composé des censeurs, des questeurs et des
scribœ ab œrario.
Les censeurs étaient nommés pour cinq ans. Le soin du
domaine leur était confié. li s étaient chargés de réunir les
données statistiques servant de base à l'établissement des
impôts (census) .
Quelquefois ils créaient de nouvelles ressources fin ancières, ou les réorganisaient (par exemple lorsqu 'il s'agissait de monopoles). Il va sans dire qu 'alors leurs actes
étaient soumis a u contrôle et à l'approbation du Sénat et
du peupl e.
Enfin ils déterminaient l'emploi des ressources mises à
leur disposition. Naturellement ils avaient le devoir d 'agir
sagement et de se conformer aux nécessités . Cette obligation s'imposait d'auta nt plus impérieusement à leur cons cience que les fraudes éta ient plus faciles, attendu
qu'aucune évaluation budgéta ire n 'était fa ite de leur
gestion. Ce n'est pas à dire cependant qu'ils fussent dispensés de tout contrôle. Leurs actes étaient vérifiés par
le Sénat et par le peuple. Ma is, cette vérification s'appliquait plutôt à des faits isolés qu'à la gestion entière. Ca r
on ne trouve nulle part aucune indication a u sujet de
l 'évaluation budgétaire pendant la période de cinq ans
pour laquelle ils étaient nommés.
Cadministrati on de la caisse et la co mpta bilité étaient
confiées a ux questeurs (quœstores œrarù", appelés aussi
urbani) .
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19 -
Ils étaient nomm és pour un an par les Comices curies,
en vertu d'une loi de V alérius Publi cola, qui ne voulut
pas conserver aux consuls la charge et la responsab ilité
de ce choix) jadis attribué à la royauté ( 1 ) . Il est facile
de comprendre que le plus souvent les questeurs manquaient d 'expérience. On conçoit également qu'avec le
développement et la compli cation de la comptabil ité, ils
n' ava ient pas les connaissances et l'indépendance nécessaires pour contrôler leurs subordonnés et pour mai ntenir
l'ordre et la régularité dans les comptes : pour dissiper
toute espèce de doute à ce sujet, il suffit de fa ire remarquer
que leur magistrature était annuelle.
Du reste, les efforts faits par Caton d'Utique pour
remédier à ces inconvénients prouvent surabondamment
que la situation la issait beaucoup à désirer. Et en cela rien
ne do it étonner , puisque, d 'ailleurs, on ne trouve aucune
indication sur la reddition des comptes et leur révision.
En 421 av . J.-C ., le nombre des questeurs fut doublé,
c'est-à-dire porté à quatre. D eux d'entre eux furent désig nés pour suivre les consuls à la g uerre avec le soin de
la caisse mil itaire. Les deux autres conservèrent le nom
de quœstores urbani ou œrarù.
Notons qu 'à partir de la même époque les questeurs
purent êt re choisis parmi les plébéiens.
A leur entrée en fonctions, ils devaient prêter serment
dans le tem ple de Saturne de remplir fidelement leurs
devoirs de trésorier.
Ces magistrats étaient placés sous la dépendance des
consuls et du Sénat pour la fixation des recettes à opérer,
la détermination des crédits, l'emploi des fonds et l'ordonna ncement des paiements.
Au contraire, les questeurs provinciaux ou classiez) qui
(1) Die/. des a11fiql4il<'s ll'"· el rom.,
p.
1 12.
�-
20 -
devaient accompagner en province les généraux ou les
gouverneurs, ou gouverner eux-mêmes, pro p rœt ore, recevaient de l'œmrium les sommes destinées au service mili taire. A l'expiration de leurs fonctions, ils devaient rendre
compte aux questeurs urbains et dé poser leurs registres
à l'œrarium, sous la surveillance du S énat( 1) .
A côté des questeurs se trouvaient des employés, appelés scribœ ab œrario. Ils forma ient un collége ou corporation avec un ra ng honorable (2). Ils étaient chargés de la
tenue des reaistres
des archives et des diverses opéra tions
I::>
de détail de la questure. Choisis par le questeur et soumis à sa surveillance disciplinaire, ils étaient divisés en
trois décuries assez no mbreuses apparem ment à la tête
desquelles se trouYaient des chefs nommés sexprinii entre
qui se partageaient la direction et le trava il des bureaux.
En principe, ils ét aient nommés pour trois ans; ma is en
réalité ils se perpétuaie nt dans leur em ploi ou ils étaient
les véritables g uides des questeurs . On peut même a ffirmer que les plus instruits d'entre eux éta ient indispensables à l'expéditi on des affaires de la République . Car
l'inexpérience des questeurs e ntretenue par leur renouvellement annuel, leur insuffisance , souvent le ur je unesse et
quelquefois aussi leur oisiveté, contribua ient à donner au
personnel des scribes une importance plus réelle que
légale.
Il est permis de croire aussi que des servt· publtà étaient
chargés de certains services de détail .
La loi sur les appariteurs mentionne encore les vzatores :
c'étaient de simples messagers .
En outre, les questeurs employaient des hérauts ou prœcones, nota mm ent dans les adjudi cations. Ils étaient au
nombre de quatre, suivant la loi de scn'bis et viatort'bus.
(1) M. Laboulaye, Essai sur les lois crim. des Rom., p. 46 et s.
J , 141 39·
(2) Cicéron, Verr., 1, 13, 14 j Il,
-
21 -
CHAPITRE II
SITUATION DU TRÉSOR
§ I. D épenses.
Nous avons ainsi une idée de la composition du personnel chargé à Rome de l'administration des fin ances.
Voyons maintenant quelles étaient les dépenses et les
recettes de l'Etat.
Il n'est pas superflu de remarquer tout d 'abord que la
détermination des dépenses doit précéder le règlement des
recettes; car un État ne crée les impôts qu'autant qu'ils
sont nécessaires. C'est donc la nécessité reconnue des
dé penses qui pousse tout g ouvernement à établir ou à
aug menter les impôts.
A l'époque royale nous avons énuméré les charges qui
pesa ient sur les citoyens .
Sous la R épublique les dépenses de l'État se répartissaient entre (1) :
1° Le culte;
2 ° Les travaux publics;
3° L'administration civi le;
4° La défense nationale;
50 Il ne faut pas oubl ie r celles qui étaient faites en Yue
de procurer au peuple, à prix réduit, les denrées de première nécessité (annona) .
J e ne parle ici que des dépenses ordinaires, celles qu 'il
était possible de fixer a pproximativement et par avance .
Mais il est évident qu'i l y avait aussi des dépenses extraordinaires, par exemp le celles qui étaient fa ites pour l'en( ' ) Madvig, l 'Etat rom., sa ronslilitlüm el son 11dm.1 tom. 1Y, p. 6.
�-
22 -
voi de députations romaines à l'étranger , pour la réception
de députations étrangères à Rome, pour les cadeaux
offerts aux princes étrangers amis des R omains, et pour
leur séjour en Italie, etc.
1. CULTE. - Les dépenses pour le culte étaient t rès restreintes . Car cell es relatives à l'établissement ou à l'entretien des temples, des édifices et des lieux sacrés rent raient plutôt dans le chapitre des travaux publics.
Et d'ailleurs, les fonctions sacerdotales étaient purement
honorifiques. ·Seules les Vestales recevaient des honoraires
(stipendia ex publico) dont le montant n'est pas connu.
Il ne restait donc g uère qu'à pourvoir aux fourn itures
et aux préparatifs nécessaires à la célébration des actes
religieux et des fêtes, à l'acquisition des victimes pour les
sacrifices, des ustensiles ou objets sacrés, à l'entretien du
personnel subalterne (popœ victimarii) et des gardiens des
temples (œditttt), etc.
Il est vrai de dire que d'autres dépenses importantes
étaient faites pour les jeux (ludi) célébrés à l'occasion de
certaines fêtes. Mais le Trésor public n 'en supportait
qu'une faible part. A partir d'une certaine époque surtout,
les largesses des magistrats chargés de la direction de ces
jeux dépassa tellement toute mesure (1), que l'État n'avait
plus à supporter les charges entraînées par ces réjouissances.
II. TRAVAUX PUBLICS. - Les travaux publics à Rome
entraînaient les plus g randes dépenses. Ce chapitre comprenait toutes les sommes affectées a la construction, à la
décoration et à l'entretien des temp les, des monuments
d'agrément ou d 'utilité publique (bastlicœ portt"ws), des
ponts, des digues, des forts du Tibre et d'Ostie , des bO'randes
chaussées milita ires qui sillonnaient toute l' Ita lie, etc. En
(1) Tit.-Liv., VII, 2.
-
23 -
un mot, l'entretien de toutes les propriétés de l'Etat incombait au Trésor ( r) .
III. L'ADMINISTRATION CIVI LE. - Dans l'administration
civile les fonctionnaires ne recevaient aucun traitement.
Il n'y avait pas de budget de dotation. Les citoyens ne
touchaient aucune indemnité pour veni r voter, et la dignité
de sénateur était gratuite.
L'Etat n'avait donc rien à dépenser de ce chef. T outefois il devait fournir aux magistrats l'équipement, les frais
de déplacement et de séjour.
En revanche, le personnel inférieur, à partir des scribœ,
était salarié. Et de plus, l'acquisition du mobilier et les
fournitures de bureau étaient à la charge de l'Etat.
IV. DËFENSE NATIONALE. - A l'époque royale, la
défense nationa le n'entraînait pas de grandes dépenses
pour les troupes elles-mêmes. Car l'infanterie servait sans
solde et fournissait elle-même ses armes : seule la cavalerie recevait des subsides (ces equestre hordearium).
Mais après la prise de Veïes les soldats et les sousofficiers touchaient une solde, et toutes les troupes, officiers, sous-officiers et soldats, étaient entretenues aux frais
de l'Etat.
Le Trésor supportait en outre les dépenses faites pour
l'acquisition des tentes et des machines de guerre, la construction et l'équipement des vaisseaux de guerre et de
transport.
Ces dépenses variaient suivant la force des armées,
l'éloignement du théâtre de la guerre et le genre de
combat.
Les frais de voyage et d'entretien des commandants en
chef et des officiers supérieurs, le sala ire du personnel
subalterne, la solde, et, au dernier siècle de la République,
(1) Madvig, Ouvrage cité, p. 10.
�-
:q-
la nourriture des soldats citoyens romains, l'entretien des
a lliés, la solde de certaines catégories d'auxilia ires, les
fournitures militaires de toutes sortes, voilà les éléments essentiels du budget des dépenses de la défense
nationale.
V. ANNONA . - L'institution de l'assistance publique
des pauvres sous la direction de l'Etat était inconnue dans
l'antiquité . Cependant dès les temps les plus reculés on
peut constater les efforts faits par les gouvernements pour
procurer au peuple le blé nécessaire à sa subsistance dans
les années de disette.
Ainsi à Rome, sous les auspices de l 'État, le peup le
était assuré de trouver un approvisionnement suffisant , à
prix réduit, et les marchands étaient obligés de baisser leurs
prix ou de conserver le blé qu'ils avaient accaparé ( 1).
Les approvisionnements de blé faits sous la surveilla nce
et aux frais de l'État entrèrent tell ement dans les mœurs
romaines qu'en 440 un prœfectus a1mo1tœ fut nomm é pour
diriger cette opération .
P eu à peu l'initiative de l'État s'accentua davantage et
se traduisit par les leges frumentari'œ .
A part ir des Gracques, on voulut, non plus procurer
au peuple du blé à bas prix , ma is à un prix inférieur à
celui du marché.
Gracchus, en prenant son tribunat, proposa la première
loi frumentaire, la lex semproma, à l'effet de fournir tous
les mois à chaque citoyen roma in habitant la capitale une
ration déterminée de blé, à un prix très minime. Ce prix
allait se réduisant toujours, et partant les charges de l'Etat
s'accroissaient rapidement. En l'an 58 le tribun C lodius
proposa et fit adopter une loi aux termes de laquelle le blé
devait être distribué tout à fa it gratuitement. A partir de
(1) Tit.- Liv., Il, 34.
- 25 cette époque l'institution prit un caractère d'une_ assistan~e
accordée non seulement aux pau vres de la capitale, mais
à toute la populace. Toutefois il est permis de supposer
que la distribution fut quelque peu réglementée. Ce qu'on
peut affirmer, c'est qu'en 56 Cn. Pom~ée éta~t prœfectus
an1lonœ fit dresser une li ste de ceux qm recevaient du blé,
et cela, ajouta-t-on, dans le but d'apporter de l'ordre d.ans
la répartition, « attendu que beaucoup d'esclaves étaient
affranchis dans l'espoir d'obtenir une part (1) » .
Tl faut cependant arriver à Jules César pour trouver une
réglementation sérieuse.
. .
. .
En 46 1 en effet, on procéda à une rév1s1on des part1c1pants et le nom bre en fut réduit de ~20 , 0~0 .~ .1 ?o,_ooo ..
De cette initiative de l'Etat substituée a 1m1ttat1ve pri vée, se dégage un enseignement utile : la populace s'habit ua peu à peu à compter sur la sollicitude de l'Etat et se
laissa aller à l' oisiveté. Ses exigences devinrent de plus
en plus grandes jusqu'au jour où elle abdiqua toute dig ni_té
et où elle réclama avec insistance, et comme un droit,
« panem et et'rcenses (2). ~>
§ II. Recettes.
P our couvrir ces dépenses, l'Etat romain devait se procurer des ressources.
Les revenus du Trésor public comprenaien t :
1° Le produit des domaines;
2 ° Les contributions des citoyens, des a lliés et des provmc1aux;
.
°
Les
co
ntributions
de
guerre
et
le
produit
du
butin
i
3
40 Les recettes diverses, amendes, dons, legs, ~te.
.
I. PROD UIT DES DOMAINES. - Les propri~tés 1mmob1(1) Madvig, Ouvrage cité, tom. IV, p. 17.
.
(2) M. G.lrcon, it son cours de Doctorat, Dou:u, 1S..<l2
�-
26 -
lières de l'Etat se composaien t de terres publiques (ager
publicus) en Ita lie et en p rovince, des mines et salin es, des
bâtime nts publics, des aqueducs à R o me, des ch a ussées,
des carrières et mines e n Ita lie et en prov ince, des ports,
des lacs e t des fleu ves, etc. ( 1 ) .
Dès les tem ps les plus a nciens une certa ine parti e de
territoire a ppa rtena nt a u peupl e était mise à part comme
propriété de ! 'Etat et affectée soit a ux besoins d u c ulte ,
soit à l'entretien du roi (agrt· arvi et arbusti et pascui lati
atque uberes dejimebantur quz" essent regù). C e d oma ine
s'aug men ta rapidement par suite des g uerres et des conquêtes. U ne pa rtie restait la propriété de l 'E tat, l'autre
partie était attribuée à des particuliers par voie de vente
ou de partage (vendiùo assignatto) et le pr ix était versé a u
Trésor.
A l'origine, on ne considérait comm e suscep tibles de
pa rtage que les terres déjà cultivées et qui se trouvaient à
l'abri des attaques de l'enne mi . Les b ois e t les pàtu raO"es
b
.
continuaient donc à faire partie d u do ma ine pu b lic. L ' usage
de ces pâturages était concédé à des particuliers moyennant
u ne redevance (scrtj;tura) calcul ée d'après le nom bre de
têtes de bétail. Ces concessions étaient une source assez
importante de revenus pour la caisse de l'Etat. C'est ce
qui ressort des té moignages d e Cicéron et de Pline :
tabulis censoriis pascua d icuntur
» omnia ex quibus populus reditus h a bet, qu ia diu hoc
» solum vectiga l fuerat (2) ».
« Etiam nunc in
Par mi les terres qui ne pouvaien t être im médiatement
~istrib~ées ou vendues, il en éta it beau coup qui pou vaien t
etre mises en cul ture, ma is seulement par des gens riches,
possédant un g ra nd n om b re d 'esclaves et qui n 'étaien t
( r)
(2)
Willems, Dri11°l public des Rom., p. 347 .
Cie., De t.,ge egrar, 1, n; Pline. l!isf. 11nf., XVII 1, 1 .
-
27 -
pas pressés d 'en retir.er un revenu . ( 1) Ces ric~es propri~
ta ires payaien t à l'Etat une redevance modique: Ma1.s
peu à peu ils s'affranchirent de. ce paie~ent, et, ms~ns1 blement, les p ropriétés de l'Etat devinrent propriétés
privées, transm issibles de main en main. D e nombreuses
tentat ives furent bien faites pour empêcher cet escamotage;
malheureusemen t la plèbe avait à lutter contre une pui~
sante aristocratie. En droit pourtant la question n'était
pas discutable, car l'ager public1ts était i.mpresc~'.ptible.
Néan moins après une lutte qui dura plusieurs .s~ecles la
redevance fut s upprimée et l'ager publicus définitive~ent
attrib ué aux possesseurs : « Sp. Tlwrius agrum publicum
» vz'tiosa et ùwtile lege vectigali levavit (2) . )>
Le produ it des mines et salines était assez considérable.
L'exploitation en éta it affermée et réglementée. On pe~t
citer les mines de l'ile d 'Elbe, les mines d'or de Verceil
(Vercellœ) dans la haute Italie, enfin les riches mines de
.
pl omb , d 'argent et de mercure d 'Espagne (3).
roRépublique
La
DIVERSES.
CONTRIBUTIONS
II.
ma ine ne pratiqua qu'une seule forme de contribution
directe: c'était l'impôt sur la fo rtune. Il était payé par
ch acun , p roportionnellement à la somme à laquelle ses
biens étaient évalués dans les listes du cens.
L'exemption de l'impôt foncier en Italie est indiquée
.
.
par Cicéron: Ad att., II, i6.
contnbut1on
une
pas
n'était
fortune
la
sur
L'impôt
ordinaire et pe rmanente. Il n'était préleYé que selon le.s
besoins avec une affectation spéciale. On commençait
. .
'
par fixer la somme à percevoir et on la. répartissait entre
tous les citoyens, à raison d e tant par mille as de fortune.
(i) llladvig, tom. 1V, p. 26 : lorsque le pays ètJit soumis à l'impôt foncier.
l'État lui·mème av"it tout "vantage à ce ddrichement.
(2) Ciceron, Brutus, JO. - Cie., Ad nllzr., Il, 16.
(J) M. Valla~, à son cou~ de doctomt, Douai, 18$2 .
�-
-
28 -
Ce~ impôt n'étant pas permanent, il n'était jamais
question de sa suppression. Cependant on sait qu'il était
perç~ à des intervalles éloignés. Depuis l'année 167, après
tr'.omphe de Pa ul Emi le jusqu'en 43 av . J.-C , il ne fut
J~ ma1s perçu. Mais après la mort de César il fallut improvise: les moyens de soutenir la guerre contre Antoine, et
cet impôt dut de nouveau être exigé. Sous les triumvirs
on se retrouva dans la même nécessité.
!e
~es all_iés latins et italiques ne payaient pas de contrib~tions d1~ectes à 1'Etat romain. Mais en 2 o4 av . J. -C, le
Senat punit douze colonies latines qui avaient refusé en
~09 de fournir I~ contingent réglementaire de troupes, en
imposant aux citoyens de ces colonies un trzbutum ex
cens1t annuel d'un as pour mille.
Quant aux états proYinciaux, les uns devaient au
T~ésor romain une .som.m e fixe (vectigal certum stipendzum) i les autres étaient imposés pour une part déterminée
~e leur récolte en nature. Le premier mode de contributi on pré~omi nait en Espagne, en Afrique et dans la Gaule
et en
tra~salpme; le second en Sicile, en Sardaiane
0
As1e (1).
En ce qui concerne les contributions indirectes, les
citoyens avaient à payer :
Des droits de douane qui étaient prélevés à l'entrée
des ma rchandises dans les ports .
20 Un vingtième sur les succe;sions .
Io
. 3• Un impôt sur certaines mutati;ns de propriété à
titre. onéreux, telles que la taxe perçue sur les ventes
publiques aux enchères (rwctùmes), relie du centième sur
~es ~hoses vénales (centesùna rertt11t venalz'mn) et celle
etablie sur la vente des esclaves; (2).
40 Un vingtième sur les affranchissements;
50 Et un impôt sur les mines, les carrières et le sel (1) .
III. CON TRIBUTIONS DE GUERRE ET PRODUI T DU BUTIN.
- Les contributions de guerre et le produit du butin
étaient pour le Trésor une source abondante de revenus.
Les généraux romains n'accordaient de trève à l'ennemi
que moyennant certaines conditions, telles que la fourni ture d 'une quantité déterminée de vivres ou d 'habillements,
ou le paiement d'une certaine somm e d'argent. Ils en
arri vèrent même à rapporter des régions les plus loin taines et les plus opulentes des sommes énormes en
espèces sonnantes, en barres d'or et d'argent, en vases et
en objets de prix de tout genre, en pierres précieuses :
ces richesses, promenées ensuite en triomphe, étaient
versées au Trésor, après deduction de la part à distribuer
aux soldats ou de cel le que préleva it le général pour
l'érection de temples ou pour la célébration de jeux
publics .
Il y avait en outre le produit des annexions violentes ou
des confiscations de pays entiers, comme Chypre. Souvent aussi les généraux vainqueurs imposaient aux peuples vaincus des contributions énormes. Ainsi Auguste
rapporta d'Egypte des sommes considérables qui ne provenaient pas exclusivement des trésors royaux, mais aussi
d'impositions très lourdes extorquées aux ha bitants.
L'État romain trouvait encore dans les amendes, les
dons et les legs une source de revenus .
On peut citer enfin les confiscations de biens. Ces
confiscations étaient la conséquence ordinaire de la condamnation à une peine capitale ou à l'exi l.
(1) M. Naquet, Des imptits i11d,
1 , § 13 .
(2 M. N;1quet, Des impofs i11d.
(l) Cie., Verr., I,
r/1ee
p
les Rom
•1
10<)
•
e
t
S.
29 -
cl1c11 les
Rom., p. 133 et 137.
�-
30 -
-
CHAPITRE II I
FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION
Nous connaissons ainsi le personnel des finances, les
ressources et les charges de l'État. Nous devons maintenant étudier le fonctionnement de l'administration .
Et d'abord, remarquons que da ns le service administratif, lorsque tout est réglé dans un État, il faut percevoir
avant de dépenser. Cependant j'ai dit plus haut que les
recettes ne deva ient être décidées qu'autant que les dépenses s'imposaient j mais les recettes et les dépenses une
fois fixées , il est cla ir qu 'il faut tenir d'abord l'arg ent
avant de le donner en pa iement . C 'est donc par les recettes que je commencerai dans le fonctionnement de l'administration. Puis, lorsque j'aurai exa miné la perception des
recettes , je me demandera i quel emploi on en fai sait et
comment les dépenses étaient engagées .
.
§ I. R ecettes.
Les recettes de
I. P RODUIT DU DOMAINE PUBLIC. l'État (vectigalt'a publz'ca) étaient recouvrées par perception directe ou par adjudication publique.
Le mode de perception éta it éta bli par la loi ou par un
sénatusconsulte, et il pouvait être modifié par un sénatusconsulte s'il avait été réglé par un sénatusconsulte ou par
la loi.
L 'adjudication publique était e n usage de temps imm émoria l pour les principaux revenus du domaine public, y
compris les portoria.
Le droit de procéder à ces adjudications compéta it aux
censeurs. Partant, elles avaient lieu généralement de cinq
ans en cinq ans .
31 -
Il ne semble pas que l'autorisat\on du Sénat fût néces~
saire pour chaque adjudication.
L'adjudication se faisait publiquement et pa~ l_ot pou_r la
durée d'un lustrum, conformément aux conditions stipulées par les censeurs dans le cahier des charges (leges
location is). Le lot était adjugé en règle générale au dernier enchérisseur. Toutefois les censeurs avaient sous ce
rapport une entière liberté . Il importait, en effet, qu'ils
pussent écarter de l'adjudication les personnes ou les
sociétés dont ils suspectaient l'honorabilité.
Le prix con venu devait être versé annuellement au
Trésor pendant la durée de la location.
Mais il pouvait arriver qu'il y eût vacance dans la censure . Si cette vacance se prol ongeait exceptionnellement
au-delà de l'intervalle normal , le S énat chargeait des
magistrats ordinaires du soin de présider aux locations
censoriennes.
En ce qui concerne la location des dîmes siciliennes, _le
S énat pouvait en tout temps transférer à d'autres magistrats Je droit de présider à l'adjudication. Ainsi en 75 il
permit aux consuls de mettre en location, à Rom~ mê~e,
les dîmes des vig nobles, des oliviers, etc., qui étaient
d'ordinaire affermées en S icile par les deux questeurs de
. .
la province :
ut
perm1s1t
senatus
consulibus
« L. Octavio et C . C ott<e
'> vini et olei decumas et frugum minutarum quas ante te
» qu<estores in Sicilia vendere consuessent, R om<e ven» d erent ( I ) . »
En réalité, le Senat exerçait un droit de contrôle e~ de
surveillance très étendu sur toute adjudication publique
de recettes, qu'ell e eût lieu par le ministère des censeurs
ou par celui d'autres magistrats .
(1) Cie., Vm"., Il , 3 1 7 1
§ 18.
�-
32 -
-
Il connaissait des récla mations qui étaient faites avant
l'adjudication au sujet des conditions inscrites au cahier
des charges, et, s'il y avait lieu, il ordonnait de modifier
les conditions (1).
Tout pour\'oi contre une adjudication qui a été faite
est introduit auprès du Sénat qui pouvait résilier le contrat
(inducere locatùme111) et ordonner aux magistrats de procéder à une nouvelle adj udication (de integro locare).
Cette mesure fut décrétée par le Sénat à l'égard des censeurs de r 84.
Après adjudication définitive , le S énat pouvait venir en
aide, en raison de circonstances spécia les, aux adjudicataires, en réduisant la somme à payer ou en prolongeant
le terme du versement.
Les procès qui s'éleva ient, soit entre les adjudicataires
et l'Etat , soit entre les adjudicataires et ceux qui devaient
le vectigal , étaient jugés, en province, par les gouverneurs, à Rome et en Italie, dans le principe par les censeurs et au dernier siècle de la République par les consuls
ou le préteur.
Mais quand le procès impliquait la décision d'une
question de principe sur l'assiette de l'impôt, Je juge en
référait généralement au Sénat. D e même les adjudicata~res adressaient au Sénat les plaintes qu 'ils avaient à
faire contre les gouverneurs de la province de perception.
Ordina irement les réclamants ou leurs mandataires étaient
même autorisés à venir exposer au Sénat l'o bjet de leur
requête.
Mais vers la fin de la R épublique, on voyait une sorte
de tendance du peupl e à empiéter sur les pouvoirs du
~én~t. Ainsi e~ 169, sur la demande de publicains qui
s étaient en vam adressés au Sénat, un tribun promulgua
(i) Cie., Verr., Il, 2, 6o,
S 147, 8, § 19. -Tit.-Liv., X LIII,
16 § 16').
1
33 -
un projet de loi qui prescrivait aux censeurs de cette
année de nouvelles locations et qui leur ordonnait d'admettre tous les postulants à l'adj udication (ut omni.bus redime11ti et ,;onducendi promi'scue jus esset) (r). Cette rogatio
n'eut pourtant pas de suite. Mais en 59 le consul César
octroya à des publi cains une réduction de prix que le
Sénat leur ava it préalablem ent refusée.
JI. CONTRIBUTION DES CITOYENS, DES LATINS ET DES
PROVINCIAUX. - Les contributions des citoyens comprenaient le tributttm ex cens1t et les impôts spéciaux.
Le tributwn ex censu éta it 1'impôt sur la fortune, qui
éta it acquitté par chacun proportionnellement à la somme
à laquelle ses biens étaient évalués dans la liste du cens.
Les censeurs dressaient donc pour un terme de cinq ans
les roles des contribuables et arretaient le capital imposable de chacun.
Le droit d'ordonner la perception annuelle appartenait
aux consuls et aux magistrats extraordinaires qui les remplaçaient comme chefs suprèmes de l'État. Ils ne devaient
pas à cet effet être autorisés par le Sénat. Cependant
M. Madvig , tom. 4 1 p. 47 1 pense qu'un sénatusconsulte
était nécessaire pour ordonner la levée du tribut. Pour
cela il se réfère à Tit.-Li,·., IV, 60. Mais le même passage
est invoqué aussi par M. 'Villems pour démontrer que les
ne
d'ordonner la perception annuelle
consuls charaés
.
b
deva ient pas être autorisés par le Sénat et ne pou\'a1ent rencontrer d'autre obstacle que l'intercession tribunirienne ( '.! ) .
Le texte en main je n 'hésite pas à me rallier à l'opinion de
.
M. Madvig .
Le Sénat n'intervenait pas non plus, du moins à l'on gine ni dans le mode de recouvrement ni dans la desti-
(1) Tit.-Liv., XLlll , 16.
(2) l\I. Willems, Le S~11al de Id Rc'publ rom., p. 357·
J
�-
3~
-
nation des produi ts. Le recou vrement était imposé aux
tribzmi œmrù~ c 'est-à -dire aux citoyens de la seconde
classe du cens, à charge par eux d 'acquitter la solde des
légionnaires ( 1).
A quelles condirions deva it être fait ce recouvrement ?
Etait-ce on forfai t? ou bien le Trésor public s uppléaitil au déficit et profitait-il du boni ?
C'est ce qu'il n 'est pas possible de préciser. Mais on
peut affirmer que ce mode de recouvrement fut modifié
dans la suite. Ainsi le tn!mtum ex censtt éta it versé directement au T rés or public à l'époque de la seconde guerre
punique (2) et le paiement de la solde des légionnaires
incombait a lors à l'État.
Notons que cette contribution éta it quelquefois exigée
deux foi s en une seule année. Il fa lla it a lors l 'autorisation
du Sénat: <.;. Senatus decrevit ut quo eo a nno dup lex tri » butum imperaretur, simplex confestim exigeretur ex eo
» quo stipendium préesens omnibus mi litibus daretur (3) » .
E n revanche, il arrivait souvent qu 'on ne la percevait
qu 'à des intervalles éloig nés. O n sait, par exemp le,
qu'après le triomphe remporté en Macedoine par Paul
Emile en l'an 167 jusqu'en 43 av. J .-C. , les citoyens
romains n'eurent plus à payer l'impôt sur la fortune. On
Y recourut de nouveau à la mort de César pour soutenir la
guerre contre Antoine. Sous les triumv irs la même
'
nécessité s'imposa.
Ma lheureusement depuis long tem ps il n'y avait pas eu
de recensement. Les dernières données étaient considérées
com me surannées. Et c'est pourquoi le tn!mtum ex censu
à:;.
.
Wil.lerns, Le Sénat de tn Rt!publ. rom ., p.
(1)
357
. .
.
b
t
(2) I 1t.-L1v. XXXIII 42 (ig6) . < q
• < uœs ores a augunbus pontific1busque ...
•
'
.
.
st1pend1um ... petebant ».
(3) T it,·Liv. XX JIJ , 31.
- 35 -
fut considéré co mme vexatoire. On dut prendre pour base
d'évaluation des fortunes certains éléments ou objets qui
pouvaient faire présumer le chiffre des ressources dont
chacun disposait.
Ainsi, d'après Dion Cassius (XLV I, 3 1), on imposa en
l'an 43 à t ous les citoyens l'obligation de payer 4 °/o de
leur fo rtune . Les sénateurs durent en outre verser 4 oboles
pour chaque tuile recouvrant la maison habitée par eux à
R ome, et il y eut encore d'autres prestations plus ou
moins spontanées. Appien (Bell. civ. IV, 32, 34) dit
qu'on paya comme impôt 2 °/0 plus le re\•enu d'une
année. Dion Cassius parle ai lleurs (XLV II , 14) d'une
contribut ion qui fut prélevée sur la base d'un loyer d 'un
an et de la moitié du revenu immobilier. Le même auteur
signale (L. 10), un impôt spéc ial sur les affranchis et
Appien (Bell. civ. IV, 5) en signale un autre sur les femmes p).
D 'ailleurs, les censeurs avaient le · droit d'établi r des
impôts spéciaux de diverse nature, par exemple un impôt
sur le céli bat (œs uxorium) qui fut créé par les censeurs de
403 (2), un im pôt somptuaire sur les meubles de luxe
établ i par les censeu rs de 184 :
<( Ornamenta et vestem mul iebrem et vehicula quée
» pluris quam quindecim milium éeris essent (deciens
» pluris) (3) in censum referre jura tores jussit i item man» cipia minora annis viginti quée post proximum lustrum
» decem mili bus éeris aut eo pluris Yenissent , uti ea quoque
» deciens tanto pluris quem quanti essent éestimarentur,
.
(1) M. Madvig, Ouvrage cité, tom. .j, p . -18.
<' (2) 1Era prenre nomine eos qui ad senectutem cœliber pen•ener~nt, m. ~rapepend1sse d1c1tur
· 1J , 9, § 1 )• - Uxorium
•
•
•
" .. x.
( \' a J. 'I
deferre iusserunt
» num
)) quid quod uxore m non habuerit, res (ou plutôt œs) populo dedit. \'
(3) Les motsdrcie11s pl11risnesc trou\'ent pas dans Tit.-Liv., mais la s~ite du texte
ne pe rmet aucun doute à ce sujet : < uti e:1 quoqut: deciens t:into pluns ... 'l<
�-
36 -
» et his rebus omnibus terni in milia ~ri s attribuerentur . »
(T it.-Liv., XXXIX, 44.)
Cet impôt de trois pour mill e sur les objets de luxe,
estimés au décuple de leur valeur , est évidemment distinct et indépendant ud tnlmtum ex censu, qùi était d'un
pour mill e.
Mais ces actes des censeurs n 'ét aient vala bles que jusqu'à l'entrée en charge des censeurs suivan ts .
Pour rendre permanents les impôts éta blis par eux , il
fa llait la décision du Sénat ou du peuple .
Le seul impôt qui fût véritabl ement permanent pendant
la R épublique, la vzcesima JJlaJlltl7lzSSZ01tutn, fut établi par
voie législative, par la loi Manlia de 357: (Tit .-Liv ., VII ,
16; - XXVII , 10).
La perception de cet impôt se faisait par voie d 'adjudication publique, et le montant en était déposé à la caisse
du Trésor comme fonds de réserve.
Quant aux alliés latins, ils ne paya ient à Rome ni
impôts directs ni impôts indirects . Aux termes des traités J
il s devaient seulement fournir des soldats et des vaisseaux
de guerre dans des circonstances déter minées .
En revanche, les provinces étaient mises fortement à
contribution. Les unes payaient au peuple romain une
somme fi xe, les autres payaient un im pôt en nature, par
exemple le dixième .
. L~ règlement de ces contri butions dépenda it de l'orgarn s~t1o n donnée par l'Etat roma in à chaque province. E n
droit. l'organi~ati on .provinciale était de la compétence
du S~nat. Mais en frut les gouverneurs s' immisçaient dans
tous les détails de l'administration; et leurs actes éta ient
toujours ratifi és par le Sénat, aussi bien en ce qui concerne les contributions que pour les autres parties du
service.
En principe, la perception se faisait directement par le
-
37 -
ministère des g ouverneurs de provinces pour les impôts
en nature et pour le vectigal certmn.
Toutefois la perception des impôts vari ables était donnée à ferme par l'Etat roma in , mais l 'adjudication ne se
faisait pas partout de la même manière : P our la plupart
des provinces, elle avait lieu à Ro me sous l'autorité des
censeurs, et dans ce cas elle éta it donnée exclusivement à
des publicains romains . Ce n'est que par exception qu'elle
a vait lieu dans les pro vinces, et alors les provinciaux pouvaient y prendre part . Quelquefois les co mmunes s'entendaient pour se charger elles-mêmes de la ferme.
Le paiement de la somme stipulée pouvait être effectué
soit en espèces soit en blé, suivant les conditions du cahier
des charges .
Les recettes en espèces perçues par les gom·erneurs
provinciaux et les sommes dues par les sociétés adjudicataires étaient transmises aux questeurs urbains, ou transportées à R ome. Aux derniers siècles de la R épublique
on recourait quelquefois à des <' accréditifs » sur des banquiers de la capitale.
Mais quelquefois, outre la dime, on imposait extraordinairement b fourniture d'une certaine quantité de blé exigée des provi nces pour l'approvisionnement de la capitale.
Ce blé était payé à un prix fixé par les R omains.
Le gouverneur et son questeur veillaient à la livraison
et au paiement.
E n ce qui concerne l'Asie, nous possédons d'intéressants
détails sur le régime des impôts. Une !ex sempronz'a avait
prescri t de mettre en adjudication à R ome la ferme de
l'impôt foncier de cette province. Or , Sylla rem plaça cette
contribution variable par une taxe fixe que les différentes
villes répartissaient elles-mêmes. Mais peu après, en 70,
le système du fermage fut rétabli au profit des publicains
romains . D'après Appien et Dion Cassius, César autorisa
�-
38 -
de nouveau la province d'Asie à percevoir elle-même l'impôt et cela contre paiement aux Romains d'une somme fixe.
Quant à la Gaule, César lui imposa une contribution
fixe et annuelle de quarante millions de sesterces.
Bref, lors de la soumission d 'une province, Rome lui
dictait ses conditions. Et les contributions une fois fixées
devaient être payées sous la surveillance du gouverneur
qui pouvait, au besoin, prendre des mesures de coercition .
En fait de contributions indirectes, les provinces étaient
soumises à des droits de douane. Ces droits étaient dus à
la sortie et à l' entrée. Le plus souvent la perception en
était affermée à des publicains romains.
Dans un passage relatif à l'Asie, Cicéron indique et
résume comme suit les principaux revenus des provinces
dont la perception éta it confiée à des fermiers :
« Neque ex portu neque ex decumis neque ex scriptura
» vectigal conserva ri potest » .
Outre les contributions régulières, les provinces étaient
quelquefois extraordinairement imposées, dans des circonstances exceptionnelles, par exemple, pour l'équipement
de flottilles contre les pirates ou la construction de routes
reconnues nécessaires .
. Ce~ contributions étaient parfois employées pour l'améhorat1on de la province même ou pour les besoins de
l'Etat romain.
Mais, jamais, Rome ne venait en a ide a ux provinces
par des allocations quelconques du Trésor public.
Ill. CONTRIBUTIONS DE GUERRE. - Les co ntributions
de guerre étaient fixées par un sénatusconsulte soumis
ensuite à la ratification du peuple. Le Sénat déc idait si
ces contr,ibut.io~s d~vaient être extraordinaires ou permanentes, c est-a-dlfe s1 ell es devaient ètre payées en une fois
ou en un certain nombre d'a nnuités·1 ou bien si ell es
devaient constituer un tri but annuel el permanent.
-
39 -
Le produit de ces contributions était versé par les
députés des peuples tributaires entre les mains des quest eurs urbains : « qurestores urbani stipendium (antiochi) ...
» acceperunt ( I). »
Le Sénat veilla it à ce que les versements se fissent
et aux termes fixés : « Ad Pineum quoque
intéo-ralement
b
» regem in lllyrios legati missi ad stipendium cujus dies
» exierat poscendum , aut , si diem proferre vellet , obsides
» accipiendos )>. (Tit.-Liv. , XXll, 33.)
« (Carthagenienses) stipendium quod pluribus pensio-
» nibus in multos annos deberent, prresens omne daturos
» (polliciti sunt) ... de pecunia . .. responsum nullarn ante
diern accepturos . )> (Tit.-Liv., XXXV I, 4. )
t< In senatum introduc tus ... regem excusa vit quod sti» pendium serius quam ad diem prrestaret » . (Tit.-Liv.
>>
XLII, 6).
Quelquefois le S énat accordait des délais de paiement,
des remises partielles ou totales.
Il faut remarquer que le général en chef disposait de la
partie mobilière du butin , c'est-à-dire des valeurs mobilières, des prisonniers de g uerre, des métaux précieux , des
objets de luxe, etc. Mais il ne pouvait en aucun cas
employer ces richesses dans son intérêt personnel.
Il pouva it donc, a u moyen de ces valeurs et sans de\•oir
en référer au S énat, accorder à ses soldats des décorations
milita ires ou des grati fications en argent. Il lui était également permis de donner des jeux publics au peuple , de
faire des dons aux dieux, de bâtir des temples ou d'exécuter d'autres travaux publics (2 ). En principe, il pouvait
même disposer du produit tota l du butin ; mais en réa lité il
laissait à l'État la disposition de la majeure partie. Le plus
(1) T it -Lh•. , X LV, 18.
(2) ~I. Willems, Le Sém1I de /,1 Rep11bliq11e r"mait1~, p. :J(iS.
�-
40 -
-
souvent il remettait aux questeurs urbains le num éraire
pour le verser au Trésor.
Au moment où le général en chef se dessaisissa it du
butin en faveur de l' État, la disposition en appa rtenait à
l'autorité compétente, c'est-à-dire au Sénat; m ais avant
ce transfert, qui se faisait par la libre volonté du général,
le Sénat n'avait aucun droit sur ces richesses.
Cependant, il ne faudrait pas croire que le g énéra l était
irresponsable au sujet de l'empl oi des contributions qu 'il
imposait à l'ennemi avant la paix. Car il ne pouvait ni
s'attribuer personnellement ces ressources ni en user dans
son intérêt personnel, sans se rendre coupable du vol de
deniers publics ou du crt'men peculatus. Le Sénat , autorité suprême en matière fina ncière, pouvait lui demander
compte de l'emploi qu 'il en avait fait et vérifier qu'il n'y
avait pas eu de péculat ( 1 ).
Si, malg ré toute surveillance, il y avait lieu à une poursuite, du chef de péculat, elle se jugeait devant l'autorité
compétente qui fut d'a bord le peuple et plus tard la quœstio de peculatu.
L'histoire rapporte que Ca mille fut poursuivi et condam né « quod <erata ostia (provenant du butin) ha bere in
» domo ». De même « Li,·ius Sa linator , peculatus reus .. .
» condem natus a populo quod prreda m non equa liter divi» serat militibus (2) ». Mais il est évident que le chef d 'accusation a dû être libellé autrement. L 'auteur n'a sa ns
doute relevé que le fait brutal, sans essayer de le co mmenter au point de vue juridique .
IV · R ECETTES DIVERSES ,
AMENDES, DONS ET LEGS. -
A
Rome, il y avait deux catégories d'amendes : les amendes
arbitraires prononcées par les magistrats en vertu du jus
(1 ) M. Willems, Le Sé11at de ln Rép. rfJm., p.
(z) Frontin , Stmt., IV, 1 , §-ts.
41 -
dictionis ou par le peuple sur la poursuite d'un
magistrat (multa inrogata) et les a mendes éta?l.ies par ?e.s
lois pour des infractions à ces lois et poursu1v1es au c1v1l
11 ittltœ
devant le préteur ( J ) •
Le produit en ét ait perçu par les questeurs .urba~n.s et
versé par eux au Trésor. Le Sénat en avait la d1spo~1t1on.
T outefois, le produ it de certa ines a mendes avait u~e
affectation spéciale. Ainsi le sacranientmn de la partie
perdante, dans la procédure per sacramentmn, était réservé
à certaines dépenses du culte. De même les amendes
prononcées par le peuple sur l'accusation des édiles .alimentaient les caisses spéciales de ces magistrats et étaient
empl oyées à des jeux publics, à des travau~ publics ?u à
l'achat d'objets mobiliers destinés à des édifices publics.
L'emploi de ces ressources était donc soustrait au contrôle du Sénat.
Quant aux dons et legs offerts au peuple rom~in .ou
légués par testament , le Sénat décidait s'il y avait li eu
d'accepter ou de refuser la donation , le legs ou la sucoession. En cas d 'acceptation, il déterminait l'emploi de ces
libéralités.
A côté de la caisse générale du Trésor public, il y avait
certaines caisses réservées, alimentées, en vertu de la
tradition ou d'une loi, par ces ressources spéciales et desti nées à des emplois spéciaux. Ainsi une caisse spéciale
administrée proba blement par les pontifes, recevait le
produit du sacrameJ1tum et desservait certaines dépenses
du culte. Le produit de la vicesùna manumissùmum constituait un fonds de réser ve pour le département de la
.
guerre (œmr iw-n sa netius).
D'après ce qui précède, il sembl e qu'il eût été possible
de dresser a nnuellement un projet de budget de recettes.
J<>J.
\1) M. Willems, Ouvr,\ge cité, p. J70.
�-
.f2 -
Mais les magistrats se seraient difficilem ent pliés à soumettre au Sénat un ra pport annuel sur ! 'évaluation totale
des ressources pré vues. Ils auraient cru entra ver leur
administration. Et certes l'aristocratie romaine se serait
crue humiliée pa r cette exigence qui lui eût paru tout à la
fois tracassière et empreinte de méfi ance. Elle eût vu là
une limitation à son autorité, Or, il est fa cile de remarquer que cette autorité était énorme . Ainsi les recettes les
plus importantes, celles gui étaient dues pa r les a djudicata ires des vectigaEa, éta ient fixées par le contrat d'adjudicati on pour un terme moyen de cinq ans, c'est-à-dire
pour une période correspondante a u pouvoir des censeurs.
Il est vrai que le Sénat exerçait un contrôle sur la gestion de ces magistrats, mais, comm e je l'ai déjà dit, ce
contrôle ne s'étendait pas à la gestion entière, il se bornait à la vérification d 'actes isolés . Et d 'aill eurs, le paiement des impôts tantôt en nature, tantôt en numéraire,
les prestations parfois uniques et pa rfois répétées, la mu ltiplicité des opérations, leur groupement et la manière
sommaire de les traduire ( 1), rendait toute vérification
sinon illusoire du moins peu effi cace.
C 'est sans doute ce qui a permis à M. Humbert de
sig na ler « l'absence d'un contrôle judiciaire assez puis» sant pour prévenir ou réprimer les a bus de l' adminis» tration fina ncière dans les ma ins d 'une aristocratie sans
» scrupules, et pour remédi er soit aux vices de l'organi» sation toute municipale de la constitution de Rome,
)> soit aux excès de la souverainetc directement exercée
» par des comices fact ieux ou corrompus. » (M. Humbert:
<, les Fù1m1ces et la comptabzlt"té pubhque de l'Em}Ù'e
romaùz », article publi é dans le compte-rendu des sciences
morales et politiques, livra ison de décembre 1884.)
(1) Cie., Vur., II , 1.1, §36.
-· .+3 -
§ II. Dépenses.
Les dépenses se divisaient en deux g randes catégories :
les dépenses de l'ùnperùon domi" et les dépenses de
l'ùJ1perùmt militiœ.
.
La première catégorie com prenait les dép~ nses afférentes à l'administration municipa le, celles relatives au culte,
à l'administration ciyile et aux travaux publics à R ome. i
j'ajouterai les travaux publics exécutés en Italie .aux frais
du Trésor romain, bien que ces dépenses rentraient no:malement dans le ressort de l'ùnperùnn militiœ. Mais
elles dé pendaient du ministère des censeurs, et c'est pourquoi elles étaient décrétées et exécutées d'après les mên:es
règles que les dépenses nécess itées par les travaux publics
.
de la ca pita le.
ordiD ans la seconde catégorie, je place les dépenses
na ires et extraordina ires du département de la guerre, de
l 'administration de l 'Ita lie et des provinces et des relations internationales ( 1).
.
.
L'intérêt de cette di vision est double:
ro Les dépenses les plus importa ntes de l 'zmperw.m
domi étaient quinquennales. A chaque l~strum les censeurs ét ab lissaient par adjud ication publique l~ mont.ant
de ces dépenses, tandis que les dépenses de l'zmperzum
mihtiœ étaient annuelles et votées séparément par le
.
.
Sénat.
2 • L'ordonnance des dépenses de l 'ùnperùun domz éta~t
de la co mpétence des censeurs, tandis que le Sénat Yotait
.
celles relatives à l 'z mperùtm mzütiœ.
rentraient
ne
·
·
.
Les dépenses diverses ou extraord maires qui
ni dans les budgets des censeurs ni dans les budgets des
commandants militaires étaient votées par des sénatuscon(1) Villems, le Si11<1t de 11 R. pub/. rom., P· -133·
�-
44 -
suites spéciaux : ces décisions a ll ouaient les fonds nécessaires et désig naient l'autorité exécutive.
Ces remarques fa ites, nous devons exam iner le fonctionnement de 1' administration en ce qui concerne les dépenses.
La garde du Trésor public appartenait a ux deux questeurs urbains. Ils ava ient les cl efs du T résor et faisaient
les paiements .
Ils n'éta ient poi nt les subordonnés du Senat ; ils dépendaient des chefs du pouvoir exécut if c'est-à -dire des
consuls, et, penda nt l'absence de ceux-ci, du préteur
urbain.
En conséquence, lorsque le Sénat décrét ait une a ll ocation de fonds publi cs, il ne s'adressait pas di rectement
aux questeurs; mais il invita it les chefs du pouvoir
exécutif à ordonner aux questeurs urbains le pa iement de
la somme allouée.
P assons ma intenant en revue les divers cha pitres de
dépenses : te culte, tes travaux p ubtù:s, t'admùnstration
civile, ta défense natÙJ/late.
I. CuLTE. - Les dépenses du culte peuvent se diviser
en trois catégories :
1° Les dépenses résultant du culte desservi par des
prêtres (f1amù1es) ou des collèges de prètres ;
2• Celles nécessitées par la construction, l'entretien et
la garde des édifices relig ieux.
3° Celles faites pour les cérémonies a nnuelles ordinaires
et les cérémonies extraordinaires auxquelles présidaient
des mag istrats .
Les dig nités relig ieuses étaient g ratuites. Toutefois
Mommsen pense que les vestales et les curions receva ient
au moment de leur nomination un stipendimn du Trésor.
Seuls les np pari teurs et les esclaves publics étaient
entretenus par l'Eta t, de telle sorte que de ce chef les
dépenses étaient presque insignifi antes.
- 45 Plus considérables étaient cel les fa ites pour les solennités religieuses, mais elles étaient à la charge de caisses
spéciales dont la principale était l'arca pontijicunz. Ces
caisses recevaient des dotations spéciales des collèges de
prêtres, le produit de certains revenus et notamment le
sacrarnentum . Elles étaient probablement administrées
par les collèges de prêtres. L'intervention du Sénat était
ici sans importance
Les frais d'entretien et de garde des édifices du culte
faisaient partie du budget quinquennal des censeurs; et la
construction de nouveaux temples concernait le département des travaux publ ics dont je m'occuperai plus tard.
Quant aux dépenses des cérémonies présidées par les
magistrats, il y a lieu de distinguer entre les cérémonies
annuelles ordinaires et les cérémonies extraordinaires.
Dans les prem ières, la participation du Trésor était réglée
par la loi ou par un sénatusconsulte. Le Sénat déterminait
chaque année les sommes nécessaires pour les cérémonies
et désig nait les objets en nature qui devaient être mis à la
disposition des magistrats, ainsi que le nombre et le genre
des victimes pour les sacrifices, les chevaux et les décorations scéniques, etc., pour les jeux publics.
1
La fourni ture de ces objets était mise en adjudication
par lès censeurs. Elle faisait donc partie du budget quinquennal .
Il arrivait souvent que le Sénat décrétait des fètes , des
sacrifices, des jeux publics extraordinaires. Le sénatusconsulte qui réglait ces réjouissances déterminait en mêm.e
temps les dépenses à faire. lei donc le Sénat intervenait
toujours.
Si des cérémonies quelconques étaient célébrées sur
l'initiative des particuliers, les dépenses n'incombaient pas
à l'Etat. Toutefois le Sénat pouvait :décider de mettre à
la charge du Trésor une partie de ces dépenses.
�-
46 -
Il. TRAVAUX PUBLICS. - Les travaux publics étàient à
Rome une source de grosses dépenses pour le Trésor.
On disting uait les dépenses ordinaires nécessitées par la
garde et l'entretien des bâtiments de l'État , des édifices
civils, des temples, du cu lte, des aq ueducs, des cloaques,
des places publiques, des ponts et chaussées, des canaux,
des rivières, des ports, des dig ues, en un mot de toutes
les propriétés de l'État.
T outes ces dépenses et celles résul tant des fo urnitures
à faire pour les différents départements de l'ùnpen'um
domi étaient mises en adjudication publique par les 'censeurs . Les fournitures et les travaux à exécuter étaient
affermés généralement au plus bas soumissionna ire, conformément aux clauses du cahier des charges arrêté par les
censeurs.
L'adj udicataire recevait annuellement du Trésor , sur
l'o rdre des chefs du po uvoir exécuti f et pa r l 'office des
questeurs urbains, la so mme qui lui avait été a llouée pour
son entreprise.
Les attributions du Sénat sur ce point étaient très restreintes . Il pouvait toutefois a nnuler les adjudications faites; mais il usait rarement de ce pouvo ir. Généralement
il se borna it à autoriser les chefs du pouvoir exécutif à
fai re payer par les questeurs les dépenses déterminées par
le contrat .
Mais il y avait quelquefois un inter valle assez prolongé
ent~e d~ux censures. Dans ce cas le Sénat jugeait s' il y
avait lieu de renou\•eler l'adjudication, et il déléguait la
charge aux magistrats ordinaires, c'est-à-dire aux co nsuls.
Ainsi en 75 la tocatio des œdes sacrœ fut faite ex senatusconsulto par les consuls (Cicéron, Verr. , II, 1 , 50 ).
Le contrôle de l'exécution du contrat se fa isait à la fin
du lustrum par les censeurs sui vants .
S'ils ne pouvaient pas terminer ce travail pendant leur
-
47 -
magistrature, le Sénat leur conférait généralement les
pouvoirs nécessaires pour achever le contrôle après leur
sortie de charge ( 1). Quelquefois aussi cette charge était
déléguée à des magistrats en fo nctions, aux édiles et
même aux questeurs.
De même, quand l'adjudication se faisait extraordinairement par les consuls et qu'ils ne pouvaient vérifier l'exécution de l'adjudi cation précédente, le Sénat attribuait ce
soin à d'autres magistrats, par exemple à des préteurs, et
en cas de nécessité, à leurs successeurs.
Quant a ux dépenses extraordinaires relatives aux travaux publics, elles étaient nécessitées par les grosses réparations à faire ou par les constructions nouvelles à exécuter aux fra is du T résor.
P our l'exécution de ces travaux, le Sénat ouvrait tous
les cinq ans à chaque collège de censeurs un crédit déterminé. Ce crédit était fixé suivant la situation du Trésor,
par exemple une so mme égale au rendement annuel des
revenus a ffermés ou seulement une partie de cette somme.
Ma is le Sénat n'intervenait pas dans la désignation des
travaux à executer. Il laissait aux censeurs toute latitude
sous ce ra pport,
Ces operœ pubhcœ étaient mises en adjudication publique par les censeurs, et l'adjudicataire ltait généralement
le plus bas soumissionnaire conformément au cahier des
charges .
Les questeurs urbains pay..lient directement au nom des
censeurs la somme déterminée par le contrat conformément à la décision du Sénat.
li convient d'ajouter qu'une partie de la somme de l'entreprise n'était payée qu'après l'exécution et l'acceptation
de l'ouvrage. Ainsi une lex parùtt' facùmdo de Puteoli
( 1) M. W illems,
u
Sb1ai de la Rép.
T<J11t. 1
p. 395 et s.
�-
48 -
décidait que la moitié de la somme convenue ne serait
payée qu'après la réalisation des cautionnements ou gages
souscrits, l'autre moitié , après la vérification des travaux
« opere effecto probatoque ( I ). »
Certaines précautions étaient donc prises à cet égard.
ExceptionneJlement, et en cas de vacance dans la censure, le Sénat décrétait d 'urgence de grosses réparations
ou l'exécution de travaux publics . Il déterminait alors
dans la même décision le chiffre de la dépense, et désignait l'autorité qui deva it procéder à l'adjudicati on
publique.
Généralement le Sénat déléguait l'adj udication à des
magistrats en fonctions, aux consuls ou à un préteur.
Ainsi en 160 le dessèchement des marais pontins fut
confié à un consul. En 144 le préteur pérégrin Q. Mar·
cius Rex fut chargé de la réparation des aqueducs exis·
tants et de la construction d'un aqueduc nouveau ; et en
57 un sénatusconsulte invita les co ns uls à mettre en
adjudication publique la reconstruction du portique de
Catulus (2).
Le droit de vérifier les travaux exécutés et d'en pronon·
cer l'acceptation (opera publica probare) a ppartenait à
l'autorité qui avait présidé à l'adjudication.
Mais il ne faut point perdre de vue que le Sénat a\'ait
ici le même droit que sur les adjudications publiques des
recettes : il pouva it annuler l'adjudication et obliger les
magistrats à procéder à une adjudication nouveJle. Il
pouvait également, le cas échéant, alléger les obligations
imposées par le contrat aux fournisseurs ou aux entrepre·
neurs : hâtons-nous de dire qu 'il dut user assez rarement
de ce droit, car l'histoire ne mentionne aucun exemple.
(1) M. Humbert, Origi1les de la compt. d1e3 les Rom. , p. u 3.
(2) M. Willems, Le Sénat de la Rép. rom., p. 400 et s.
-
49-
Comme pour les recettes, les actes frauduleux pouvant
être assimilés aux vols de deniers publics, étaient dénoncés
au Sénat et poursuivis deva nt le peuple, et plus tard la
quœstzo perpetua de peculatu.
III. ADMINISTRATION CIVILE. - D ans les administra·
tions civi les les fonction nai res ne percevaient aucun traitement. L'Etat n 'ava it donc ri en à dépenser de ce chef.
En revanche il devait leur fournir l'équipement, l'entretien
et les frais de dépl acement lorsqu'i ls étaient appelés hors
de R ome . Ces fournitures leur étaient données en nature,
ou bien ils en recevaient le prix en numéraire, ou encore
on leur conféra it un droit de réquisition.
Il en était de même pour les gouverneurs de province
et pour leurs officiers supérieurs (questores et legatz).
Quant a u personnel inférieur des bureaux, à partir des
scrz'bœ, il recevait en Italie un salaire et dans les provin·
ces une indemnité de subsistance payable à R ome au
Trésor, en province à la caisse du questeur.
IV. DÉFENSE NATIONALE. - A la tête de chaque corps
d'armée il y avait un commandant en chef, magistrat ou
promagistrat, assisté d'un questeur ou proquesteur, d'un
ou plusieurs légats, de six tribuns militaires par légion et
plus tard de prœfectifabrum.
Aucun de ces officiers supérieurs ne jouissait d'un traitement fixe. Mais ils recevaient tous aux frais du Trésor les
objets nécessaires d'équipement, des cheYaux, des mulets,
des tentes, des tapis, des vètements. Et le Sénat inscrivait
au budget de chaque commandant militaire une somme
déterminée pour les frais de voyage (<1Ùztù:um) et d'entretien du commandant en chef (ci'baria) et de chacun des
officiers supérieurs qui constituaient en quelque sorte son
état-major.
Les objets d'équipement étaient fournis, avant le départ,
par voie d 'adjudication et payés par les questeurs urbains
.j
�- 50 sur le Trésor public. Au contraire, les fra is de voyage
étaient portés en compte pour chaque officier supérieur et
payés par le questeur de l'armée sur le crédit a lloué à cet
effet ( 1).
Le commandant avait en outre à son service un personnel suba lterne (coltors prœtorùz) dont les membres recevaient un salaire proporti onné à l ' i~porta nce de leur
emploi. Ce salaire était acquitté par le questeur de l'armée.
De plus les cavaliers recevaient, à leur entrée au service,
une certaine somme destinée à l'achat de chevaux « ad
» equos emendos clona milia éeris ex publico data. )> (Tit. bv., I, 43, S 9.) Ils touchaient en outre une somme
annuelle pour l'entretien de leurs chevaux (œs hordùzrium).
Il est certain du moins qu'ils ont touché cette a ll ocation à
partir de 403 , car à cette date fut rétab li l'i mpôt des veuves et des orphelins et le produit en fut affecté à l'œs hor-
diarù1m.
Quant aux so ldats, ils n'étaient point payés da ns le
Jcr siècle de la République. Ils s'équipaient et se nourrissaient à leurs propres frais. Mais, d'après la tradition, la
solde militaire fut introduite en 406 par une décision du
S énat. « U t ... decerneret S enatus ut stipendium miles de
» publico acci peret, cum a nte id tempus de suo quisque
» functus eo munere esset. » (Tit. -Liv., IV, 59, § 11 .) En
établissant la solde, le Sénat en fi xa le taux. A l'époque
de Polybe, chaque soldat recevait 1/3 denarÙLS et chaque
centurion 2/3 denarius.
César doubla la solde militaire. Cependant le Sénat et
le peuple étaient seuls compétents pour voter une aug mentation de ce genre . C'est pourquoi on est réduit à penser
que César aura employé les ressources du butin, comme il
( 1) Cie., Verr . 1, 13,
§ 36.
- 51 en avait le droit, à doubler la solde de ses légionnaires, et
que plus tard, après la guerre civi le, il aura usé de son pouvoir di ctatorial pour confirmer sa réforme et pour la rendre
générale pour toutes les arm ées romaines.
Il convient de remarquer que la solde était payée en une
fois pour toute une cam pagne de six mois ou d'une année.
A l'orig ine elle était payée par les tribwn· œrarù' et plus
tard par les questeurs de l'armée.
Les questeurs fournissaient aussi aux soldats les objets
nécessaires d'équipement , de nourriture et de vêtements;
mais ces fournitures n'étaient faites que contre paiement.
Les soldats payaient directement au questeur, ou bien
celui-ci décomptait sur leur solde les avances qu'il leur
faisait en fournitures militaires.
Encore, au commencement de l'Empire, les frais d'habillement et d'armement étaient retenus sur la solde ( 1).
Le questeur de l'armée administrait donc l'intendance
militaire et payait la solde. Il veillait à l'achat du froment (2), des habi llements et des armes. Et il faisait sur sa
caisse militaire les avances nécessaires à ces achat s. Mais
il est faci le de supposer que le Sénat, pouYoir central,
dirigeait l'intendance générale des armées et prenait les
mesures réclamées par les circonstances . Par exemple,
quand les armées romaines opéraient en pays ennemi, où
les choses les plus nécessaires pouvaient leur manquer, le
Sénat vei llait à ce que les troupes, à leur départ de Rome,
fussent bien équipées, pourvues de vivres, d'habillements,
etc. Quelquefois des provisions éta ient envoyées pendant
la cam pagne, quand les circonstances le commandaient.
Ainsi le consul Marcius écrivit de l\Iacédoine au Sénat :
« Vestimenta militibus ab Roma mittenda esse. Equis
» ducentis ferme opus esse, maxime Numidis; nec sibi in
(1) T acite, A1111., XI, 22.
(2) Cie., Ver-r, 11, 11 14, § 36.
�-
52 -
)) his locis ulla m copiam esse. Senatusconsultum ut et
» omnia ex literis consulis fierent factum est ( 1). »
Les fournitures d'habillements, d 'armes, de chevaux,
etc., se faisaient selon la décision du Sénat par adjudication publique. Et Tite-Live nous apprend qu'en 2 1 5 une
livraison de froment nécessa ire à l'armée fut effectuée de
cette faço n. Le préteur urbain, qui était, en l'absence des
consuls, le chef du pouvoir exécutif, fut chargé de présider
à l'opération (2).
Les envois étaient faits avec un soin minutieux : tantôt
le transport était compris dans les conditions d'achat ou
d'adjudication publique, tantôt le gouverneur de la province qui fournissait les objets était chargé par le Sénat
de veiller au transport, tantôt aussi le Sénat décrétait le
transport par une flotte spéciale (3).
En 215 , quand le préteur fut invité par le S énat à
mettre en adjudication la fourniture des vêtements, du
froment, etc. , pour les a rmées d'Espagne, les sociétés qui
offraient de s'en charger demandèrent et obtinrent que le
transport .eût lieu aux risques et périls de l'Etat : « Ut
» qure in naves imposuissent a b hostium tempestatisque
» vi publico periculo essent (4) . »
Le prix des fournitures achetées ou mises en ferme en
vertu d 'un sénatusconsulte spécial était payé directement par le Trésor central de Rome aux vendeurs ou aux
adjudicataires (5).
Généralement le Sénat décrétait (attribuz't), pour chaque
commandant militaire au commencement de l'année 1 les
dépenses nécessaires pour toute une année. L' importance de
(1) Sail., Hist., II,§ 6.
(2) Tit.-Liv. , XXIII,
- 53 ces dépenses dépendait évidemment de l'effectif de l'armée,
du lieu de ses opérations et des difficultés à vaincre.
En décrétant le budget de chaque commandant, le
Sénat indiquait également le procédé de liquidation. Le
plus souvent les sommes étaient prises sur le Trésor
public et remises par les questeurs urbai ns au questeur
militaire au moment de son départ. Si le questeur n'était
pas à Rome, le Sénat chargeait un magistrat ou un légat
d'apporter cette somme au questeur militaire.
Vers la fin de la République, le Sénat déli vrait au
gouverneur de province des lettres de crédits (publica
permutatt'o), payables par les banquiers établis dans la
province (1) . P arfois aussi, le Sénat prescrivait à des
sociétés de publicains adjudicataires de vectigalia en pro vince, de payer directement au gouverneur, et alors celuici remettait la somme indiquée au questeur militaire ,
R arement il arriva que le budget ordinaire du département de la guerre fût insuffisant; car les armes de Rome
étaient généralement victorieuses et constituaient un rude
percepteur de finances. Cependant, à côté d'éclatants
triomphes, il y eut des revers pénibles. Et alors les dépenses ordinaires ne pouvaient plus suffire à toutes les nécessités. Dans ces moments diffici les, il fa llait des ressources
extraordinaires : toutes devaient être autorisées par le
Sénat. T elles étaient les sommes votées par les sénatusconsultes pour le rachat des prisonniers ou des esclaves
à enrôler dans l'armée; telles aussi, les dépenses extraordinaires faites en 180 pour le transport et pour l'entretien
de 40 1000 Ligures dans le Samnium.
P our se procurer ces ressources extraordinaires, le
Sénat dut recourir quelquefois ( 2) :
48, 49.
(3) Tit.- Liv., XLIV, 16.
(4) Tit.-Liv., X III, 49.
(5) M. Willems, le St11at de la Rép. rom., p. 4 13.
( 1) M. Humbert , Oricines de la eompt. à Rome, p. 47·
(2) M. Willems, le Shiat dt la Républ. rom, p. 448 et s.
�-
- 55 -
S.+ -
A l'emploi des fonds de réserve;
2° A la vente des propriétés immobilières et mobilières de l'Etat.
3° A la réduction des poids des monnaies ;
4° Au crédit: ainsi, en 22 4, du froment fut acheté au
roi Hiéron pour la guerre co ntre les Gaulois, à relie condition que le prix serait payé après la g uerre;
5° A l 'emprunt public. C'est a insi qu'en 390 le Sénat
ordonna u.n emprunt général pour payer la ra nçon due
aux Gaulois après la prise de Rome . - En 2 4 3 un autre
emprunt fut ordonné pour la création d'une flotte. Cet
em.prunt devait être remboursé quand le Trésor le permettrait. - En 210 le Sénat prit l'initiative d 'un autre
e~prunt et. Tite-Live, (XX IX, 16,) rapporte que tous les
citoyens mirent à la disposition de l'Etat non-seulement
le .~uméraire, mais encore les objets en or ou en argent
qu ils possédaient.
1°
Quoi qu'i l en soit, il est indubita ble que la dette publique, durant la R épublique roma ine, Ctait un fait exceptionnel, car nulle . part on ne trouve trace de règles pour
l'amortissement, m la mention d 'intérêts payés par l'Etat
à ses créanciers.
Ce pendant, puisqu'il y a eu des emprunts, nous devons
rechercher sous quelle forme ils étaient effectués. Les empr~nts aux sociétés de publica ins consistaient dans le
p~1e~ent par anticipation de so mmes dues pa r les sociétés.
C éta it la forme la plus généra lement employée.
.
Mais il importe de r cmarquer que 1es ressources ordinaires suffisaient en règle générale, car une série ininterrompue de conquêtes fit affluer à Rome des richesses de
.
, Il
.
toutes sortes et• en si grande quant't
1 e qu e es permirent
au ? énat d~ f~ire f~ce aux circonstances même les plus
pénibles. Ainsi ce n est que très exceptionnel lement qu'il
fallut recourir à des ressources extraordinaires.
L'approvisionnement de la capitale
V. ANNONA. était, nous l'avons dit, une autre cause de dépenses pour
le Trésor. V oici comment il se faisait :
L'achat du froment était confié aux gouverneurs dans
les provinces romaines et spécialement en Si cile, conformément aux condit ions prescrites par la loi gui régissait
les frum entations ordinaires ou par le sénatusconsulte
qui réglementait la frum entation extraordinaire.
Ainsi en vertu de la loi Terentia Cassia frumentaria,
Verrès fut chargé d 'acheter du froment en Sicile ( 1): « fru )> mentum emere in Sici lia debuit Verres ex S . C . et ex
» lege T erentia C assia frumentari a ( 2) )) .
Le Sénat lui attribua un crédit annuel de 32,000 HS
pour le triticum imperatum et d'environ 90,000 HS pour
les alterœ decuniœ (3). Nous savons même que Verrès
avait perç't sur ces achats des droits d'écriture, car, à ce
propos, Ci céron l'apostropha en ces termes : « Quis Tibi
)> hoc concessit ? qu;;e lex ? qu;;e senatus auctoritas ? »
(Verr. , II , 3 , 78, § 18.)
Les sommes a llouées par le Sénat pour l'achat du froment ét aient, selon sa décision , payables par le Trésor
central, ou bien ell es étaient prclevées sur les redevances
annuelles des sociétés financières qui avaient en ferme des
vectigaha de la province où l'achat se faisait, et, dans ce
cas, res sommes étaient payées au gouverneur directement
par la société
Nous avons la preuve d'un achat extraordinaire de froment fait en 103 par l'inscription suivante des pièces de
monnaie fra ppées cette année (4) : K Ad fru(mentum)
emu(ndum) ex S. C . »
(1) Cie., Vt!rt'., li , 3 1 70, § 163.
(2) Cie., Verr., II , 74 1 § 172.
(3) Cie., Verr., 11, 3, 70, ~ 163.
(4) Mommse n, Hist. de fa 11w1111., 11, 385, n° i9:i.
�-56 Bien plus, en 57, le Sénat contraint par la populace
im·ita les consuls à proposer ex S. C. un projet de loi :
<' qua Pompeius per quinquennium omnis potestas rei
frum entariée toto orbe terrarum daretur (1). »
Ce ·projet de loi fut adopté. li ne la issait absolument au
Sénat que le vote des crédits mis à la disposition de Pompée, ce qui était un amoindrissement considérable de ses
pouvoirs .
Nous avons maintenant une idée du fonctionnement de
l'administration financière.
Si nous voulons examiner de près les institutions , nous
remarquerons que toutes les affaires à R ome se traitaient
par intermédiaire. L'État donnait l'exemple en a bandonnant à des capitalistes ou à des associations de capitalistes, moyennant som me ferm e à payer ou à recevoir, tout le
système si com pliqué de ses recettes, toutes les fournitures, tous les payements, toutes les constructions, etc. Les
particuliers, de leur côté, donna ient à l'entreprise tout ce
qui pouvait être exécuté de cette sorte : leurs constructions, la rentrée des récoltes, la li quidat ion des successions et des banqueroutes. Ici l'entrepreneur, d'ordinaire
le banquier, encaissait l'actif, s'engageant à payer tout le
passif, suivant les cas, ou seulement un tant pour cent,
ou encore à verser un excédant s'i l y avait lieu (2).
Mais il ne suffit pas. d'examiner les institutions, il faut
aussi et surtout étudier les règles de la comptabilité.
Dans la comptabi lité romaine, il n'y avait aucun ordre,
aucun équilibre, aucune concordance : tout était laissé à
l'imprévu. Si l'actif et le passif se balançaient, c'était un
pur effet du hasard . Il n'existait même pas à Rome un
état d'ensemble des dépenses publiques : « Il n'existait
(1) Cicéron, Ad Alt., IV, 1, ~7·
(2) Mommsen, Hist. rom, p. 133.
-
57 -
pas , dit M. Humbert, sous la R épublique, un budg.et
complet et unitaire ni surtout un budget de dépenses distribué par sections et voté a nnuellement par le Sénat. » ( 1)
On pourrait en dire autant du budget des recettes.
Ainsi donc l'équilibre ou la balance des dépenses et
des recettes était inconnu en droi.t romain. Presque toujours le Trésor avait contenu des sommes bien supérieures
aux nécessités des divers ser vices. Et lorsque, par suite
de revers, la caisse se trouvait être en déficit, on avait
recours aux ressources extraordinaires : à l'emploi des
fonds de réserve, au crédit, à l'emprunt, à la vente des
propriétés de l'Etat et parfois même à la réduction du
poids des monna ies.
Les questeurs, avons-nous dit, étaient chargés de toutes
les écritures. Ils étaient secondés par un personnel que
nous connaissons déjà. La comptabilité était tenue sous
leur responsabilité par les scribœ œrarù, par doit et avoir,
au moyen des codÙ;es accepti et depensi'.
Les mêmes obligations étaient imposées aux questeurs
classiez' qui avaient le maniement des fonds. Ces questeurs
devaient accompagner en province les généraux ou gouverneurs, ou gouverner eux-mêmes des provinces pro
prœtore. Ils recevaient de l'œrarùmz les sommes desti nées au service militaire. Et , à l'expiration de leurs
fonctions, ils devaient rendre compte aux questeurs urbains de toutes les opérations qu'ils avaient effectuées.
Ils devaient aussi déposer leurs registres à l'œrarium aYec
un état de situation de leur caisse et du reliquat de leurs
comptes (2).
Les paiements du Trésor pouvaient ètre contrôlés par
les ordres de paiement donnés par les consuls ou les ma-
(1) M. Humbert, Origines d1 Ji romplabilil~ <hea les Rom., P· 22, 23.
(2) Laboulaye, Essni sur les lois rrim . des Rom .. p. 46, 47 ·
�- 58 gistrats exceptionnellement autorisés par le Sénat. Les
registres de ces magistrats devaient , en effet, mentionnner
la délivrance de ces ordres.
De même, à l'armée , le g énéra l et son questeur tenaient
chacun un compte séparé de la caisse mi litaire (1).
Il semble donc que le principe de la séparation des
pouvoirs d'ordonnateur et de comptable ex istait chez les
Romains, et était un précieux moyen de contrôle pour le
Sénat, qui a \·a it la haute surveilla nce sur l'administration
financière.
Mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire remarquer, on ne trouve nulle part d 'indication au sujet d'une
vérification d'ensemble. Au contraire, t out laisse supposer que le contrôle ne s'exerça it que sur des opérations
isolées , celles seulement qui étaient importa ntes.
Ainsi, les poursuites menti onnées pour détournement
sont toutes relatives à des artes isolés et non à une gestion entière. Cela se conçoit, car la vérifi cation intégrale
d'une gestion eût été très long ue et très compliquée, tandis
qu'il était plus facile de juger une opération unique. Si
donc il était difficile de vérifier t oute une bcrestion 1 on peut
bien supposer que le contrôle général de toutes les administrations de l'Etat était à peu près impraticable.
(1) Cie., Verr,, li , 1, 39.
ÉPOQUE IMPÉRTALE
Au moment même où s 'opérait la transition de la République à l' Empire tout esprit clai rvoyant pouvait constater
la nécessité d 'une administration financière plus probe,
plus active et mieux co ntrôlée. Mclis rien de cela _ne fut
sérieusement et directement poursuivi. Au contraire les
guerres ci vil es, les profusions de Jules César et des triun:ivirs aux vétérans, après avoir épuisé le Trésor public
amenèrent la spoliation en masse des plus riches contrées
et même des temples, au profit des colons militaires.
Cependant, et malgré tout, il fallait bien trouver de
nouvelles ressources et pour cela organi ser un meilleur
.
système financier.
Jules César projeta une réforme administrative; mais
elle ne fut réalisé que par Auguste. Cette réforme s'étendit aux finances en pa rticulier.
L'empereur, qui avait décrété et fait exécuter la levée
géométrique du plan de l'E mpire et le recensement géné~al
des habitants et des fortunes, voulut introduire l'unité
d'impôts et la régularité dans la perception aussi bien que
l'ordre dans les dépenses.
Deux sortes d 'impositions continuèrent à peser sur la
population de l'Empire.
1° Les contributions directes ou indirectes payées par les
citoyens ;
�-
60 -
Les charges que supporta ient les provinces .
A ce propos il importe de rema rquer l'immunité dont
l'Italie jouissait déjà depuis quelque temps : le tribut levé
sur la fortune des citoyens romains, s upprimé après la
bataille de Pydna, rétabli à différentes reprises, entre la
mort de César et le triomphe d'O ctave , continuaient
d 'exister en droit. Ma is en fait ce n'était pas un impôt
régulier. La levée en dépendait uniquement de la situation
du Trésor ou des nécessités militaires. L'opération qui en
précédait toujours la levée, le recens~m ent des biens et
des personnes, se continua en Ita li e pendant tout le premier siècle . Elle était faite au nom de l'empereur par des
légats.
2°
D'ailleurs il fallut recourir à de nouvelles ressources.
En l'an 6 Aug uste établit un impôt d 'un vingtième sur
les successions et les donations. Ce n'était pas à proprement parl er une innovation : César avait songé à imposer
les héritages; les triumvirs l'avaient fait en 39 et il est
proba ble que la loi triumvirale ne fit que renouvel er d'anciennes lois tom bées en désuétude (1).
En l'an 9 la !ex Juha et f>appia Poppœa fut définitivement appliquée. Cette loi, comme l'impôt sur les successions, était destinée dans la pensée d'Auguste et à accroître
la population libre de l'Ita lie et à empêcher la formation
de trop g randes fortunes : car ces dispositions n'atteignaient pas les pl us proches parents (2).
Après l'incendie de R ome, Néron exigea de fortes
contributions des particuliers. Caligula établit une taxe sur
les portefaix, les courtisanes et les entremetteurs; l'or
coronaire fut exigé des municipes et des colonies; des
taxes d'un pour cent furent mises sur les ventes à l'encan,
(1) M. J ullian, Tra1tsfomuilio11s pol. de l'llali1 sous les Emp., p. 68.
(2) M. J ull ian, Tra11sformatio11s pol. de l'Italie sous les Emp., p. 68.
-
(
61 -
de vingt-cinq pour cent sur la vente des esclaves, de
deux et demi pour cent sur les sommes en litige dans
tous les procès.
Dans les provinces l'impôt foncier fut maintenu, ainsi
que l'impôt personnel (tributum capitù) ( 1). Du reste,
)'assimilation des provinces à l'Italie, que Dion Cassius
appelait une nécessité, se réalisait peu à peu. Cette assimilation entrait dans le dessein des empereurs, ainsi que
cela ressort de leur prog ramme (2 ), qui fut rédigé par Dion
Cassius à plus de deux cents ans de distance (3).
Quant au siège du Trésor, il ne fut point changé .
L'œrarùtnz demeura au temple de S aturne, et continua
d'être considéré comme la propriété de l'Etat , confiée, pour
la forme du moins, à la haute surveillance du Sénat.
CHAPITRE 1er
PERSONNEL ET SITUATION DU TRÉSOR
Mais il y eut des innovations importantes :
1° Le personnel de l'œrarùmz fut modifié ;
2° Un Trésor spécial de l'armée fut créé (œrarium mili-
tare) ;
3° Enfin un Trésor particulier de l'empereur fut organisé (fi scus).
Nous allons étudier successivement chacune de ces
modifications.
1. La direction de la caisse fut enlevée par Auguste aux
(1) M. Jullian, Ouvrage cité, p. 70.
(2) M. Jullian, Ouvrage cité, p. 40.
(3) M. Jullian, Ouvrage cité, p. 42.
�-
62 -
questeurs et confié à deux prœfecti œrarù~ que le Sénat dut
choisir parmi les préteurs sortant de charge.
L'empereur Claude rendit à deux questeurs la garde de
l'œrarium Saturni, et fixa à trois ans la durée de leur
charge. Mais comme on pouvait a lors être questeur à
l'âge de 25 ans (1), on reconnut qu'à cet âge plusieurs
questeurs n'avaient pas l'expérience nécessaire pour ces
délicates fonctions qui furent restituées , sous Néron,
d'abord aux anciens préteurs, puis, sous Vespasien, à deux
préteurs en charge, et, sous Trajan, à deux Préfets (2).
<i. La mission de ces Préfets du Trésor , dit M. Hum)> bert (3) 1 peut être assimilé à celle de caissier central de
» notre Trésor public. Ils avaient pour correspondants et
)> subordonnés les questeurs des provinces du Sénat, qu'on
» peut comparer à nos trésoriers généraux. Il appartenait
» aux Préfets de l'œrarùwz de poursui vre la rentrée et
» d'effectuer la perception des recettes ou créances de ce
» Trésor , comme aussi d'opérer les paiements entre les
» mains des créanciers, sous les conditions prescrites par
» les lois et les règlements . )>
Momm sen leur reconnaît mê me le droit de passer les
baux des biens du Trésor public.
S'il y avait bail des revenus du domaine ou des revenus
indirects, ils devaient veiller à l'exécution des conditions
du contrat et, le cas échéant, poursuivre les adjudicataires,
leurs cauti.ons ou les détenteurs d'immeubles engagés ,
P?ur se faire envoyer par le préteur en possession des
biens des dcbiteurs du Trésor.
Cependant, sous Adrien et Sévère, il y avait encore des
- 63 -
quœstores ou viri quœstoriiab œran'o Satumi ( 1). Ces fonctions durèrent même jusq u'au IV siècle.
Il y eut toujours des scribœ, des prœcones et des viatores.
De plusdans les provinces du Sénat, dont la distinction
subsista jusqu'au Ille siècle, des questeurs étaient
envoyés auprès des proconsuls, et, dans les provinces
de César , il y avait un procurator Cœsarù ou ratz'onahs
pour remplir les fonctions financi ères auprès des prœszdes
ou legati Cœsarù. Ces prowratores n'eurent d'abord
aucune juridiction contentieuse en matière financière; elle
ne leur fut concédée que sous Claude (z). Ils avaient à
leur service des scribœ, viatores et prœcones, comme les
préteurs et les préfets de l'œrarium .
Le Sénat conserva, en principe, la suryeillance de
l'œrarium Satttnu' et l' ordonnancem ent des dépenses. Il
donnait des avis sur les questions contentieuses. Mais son
pouvoir s'amoindrit peu à peu : il n'existait plus qu'en
apparence au IIIe siècle.
Un procurator en fut cha rgé. Il avait comme principaux
subordonnés les prœfecti œrarù'.
L'empereur délivra dès lors les ordonnances de payement, sans doute par l'intermédiaire de sa chancellerie.
Les quœstores des provinces du Sénat furent partout remplacés par des procuratoresCœsaris ou ratùmalis, comme
il y en avait déjà dans les provinces de l'empereur. Mais,
après une long ue lutte au sujet des droits du prince et
ceux du Sénat, la distinction s'effaçait graduellement
entre les provinces sén:.ltoriales et les proyinces impériales,
entre l'œrarù11n et le fisc. Et le pouvoir de l'em pereur
croissait toujours avec celui des nouveaux fonctionnaires
qu'il avait créés.
0
(1) Tacite, A1111al. XIII, 29.
(2) Parde ssus, De l'age dans la lt!g. rom. p. 60 .
(3) l\~. Humbert, Les Fi11L111ces de l'Empire rom., compte-rendu de l'Académie
des Sciences morales et politiques, livraison d'avril 1885, p. 465.
(!)Dictionnaire des Antiq. gr. et rom. au mot CNari11m.
(2) Tacit., A1111al. XII, 6o.
�- 65 On peut donc dire que l'empereur s'arrogea peu à peu
les droits du Sénat, et fini t même par se les attribuer
complètement. Ainsi a u troisième siècle, le prince disposait également de l'œrarùmz, du tresor militaire et du fisc .
II. Le trésor militaire fut institué par Aug uste, en l'an
6, après J.-C . C'était la première atteinte portée à l'unité
du Trésor public.
L'Empire avait besoin d 'une armée permanente : il l'organisa . La durée du service milita ire fut fixée à 16 ans
pour les prétoriens et à 20 ans pour les légionnaires. En
habile poli tique, Auguste comprit qu'il devait s'attacher
les soldats . Dans ce dessein , il manifesta son intention de
récompenser les vétérans. Et c'est pourquoi, il créa en
leur faveur 1'œrarium mihtare.
L'œrarùmz nulitare fut donc tout d'abord une sorte de
caisse de retraite pour les vieux so ldats. Plus tard , il fut en
outre destiné à pourvoir aux dépenses du ser vice militaire (1), à l'entret ien des troupes et aux récompenses qui
leur étaient accordées.
Il fut alimenté par divers impôts de nouvelle création :
tels que le vingtième sur les hérédités et les legs, lorsque
le défunt était citoyen romain , le droit sur le produit des
ventes aux enchères publiques, le ci nquant ième sur le prix
de vente des esclaves, et enfin le butin fait à la g uerre.
L'adm inistration de l'œrarium militaire fut confiée à
t rois Prœfec.ti' œrarii mzlitarù qui ava ient reçu de l'empereur le droit suprême de commandement sur l'armée.
~ett~ att~i?ution pro~ve que l'empereur s'était em paré de
a d1spos1t1on exclusive de ce nouveau Trésor « insuffi» sant~ d'ail~~ur~, pour supporter le surplus des ~harges du
» service militaire qui demeurèrent imposées au fisc et, au
(1) M. Naquet, Des Impôts indirects chea lis Rom., p.
So et ss.
» besoin, au Trésor du peuple, désormais appelé œrarium
» Satitrni' ( 1) . »
Le régime des comptables du Trésor militaire dut être, à
l'origine, semblable à celui de I'œrarùtm Saturni, dont il
fut d'abord considéré com me une annexe . Mais l'empereur eut toujours une influence exclusive sur cette caisse.
Il avait fourni le capital de fondation et y avait fait
verser le produit de la concession des biens de l'exilé
Agrippa P ostumius.
L'empereur était donc l'ordonnateur relativement au
Trésor militaire, et les préfets remplissaient le rôle de trésoriers comptables.
III . Quant au fiscus ou Trésor particulier de l'empereur, les origines en sont assez obscures.
Dans le principe on entendait par fisci les grandes corbeilles où se plaçaient les deniers versés par les contribuables. Ces cor beilles deyaient être transmises à Rome
ou remises à la caisse centrale de la province.
Le mot jiscus désig nait ensuite les caisses provinciales
elles-mêmes. Ce n 'est que sous T ibère qu'il fut employé
pour indiquer l'ensemble du Trésor de l'empereur.
« Voici, dit M. Humbert (2) 1 sur la formation de cette
» caisse les données les plus vraisemblables. Dès l'organi » sation du principat) le prince dut conserver un domaine
» privé, comprenant ses biens héréditaires et ceux prove)) nant d'institutions d'héritier ou de legs souYent consi» dérabl es adressés à sa personne et grossis par l'exploi» tation de ses capitaux ou par l'épargne de ses revenus.
)) On y assimila it déjà sous Auguste la meilleure partie
)> du produit de certaines provinces annexées telles que
(1) M. Humbert, Fiuanus de l'E111pir11 romai11, compte-rendu de l'Academie des
Sciences morales et politique~, livraison de dècembn: t!lS.i, P· 71)8.
(2) M. Humbert, les Fi11aures del empire rom., comp.·r. des se. morales et pol.,
livraison de décembre 188+, p. 71)8 et s.
s
�-
66 -
» l'Egypte, dont le prince était réputé le maître absolu
» comme successeur des a nciens rois. Bientôt après la
» division des provinces, celles réservées au prince durent
» ve~ser à son Trésor et entre les mains de ses agents, le
» fruit de leurs tributs. En vertu de la délégation de la
» souveraineté sur ce sol tributaire, on tendit à l'en répu» ter propriétaire, comme le peuple romain à l'égard du
» sol des provinces du Sénat, et cette double fiction était
» enseig née par le jurisconsulte Gaïus ( 1), dès le second
» siècle comme un principe de droit. Ainsi sur ces nom» breuses contrées soumises à l 'ùnperi'um du prince,
» exe:c~ par ses lieutenants (legati· pro prœtore), ils ont le
» dro1t .mcontestable de régler ou de modifier l'impôt, de
» le faire percevoir et d'en disposer à son g ré. Sous ce
» rapport, on fut porté à assimiler les biens du fisc (fisca » les) au patrimoi ne ou domaine pri vé de l'empereur, en
» les c?nfondant sous la dénomination générale de patri)1) momum principù ou res privatœ. Néanmoins la force
» des c~oses amena la distinction en fait des biens privés
» du pnnce et ~e ceux qui étaient attribués à l'empereur,
» en cette qualité, c'est-à-dire, au fond , à la couronne.
» ~'ad ministrati on en fut d'abord séparée, puis elle devint
» md:pendante en droit, et reçut, sous Septime Sévère,
» ancien avocat du fisc et jurisconsulte habile autant
» qu'administrateur de premier ordre, une consécration
» légale, av_ec des dénominations techniques pour la ratio
» ou res privata prùzcipiS. »
En .thèse générale, le Trésor de l'em pereur tendit sans
cesse a se t ransformer en Trésor principal. Jusqu'au règne
de Claude, le prince sembla s'en réserver la haute direction . Mais, sous le fameux P allas, une administration
centrale apparut avec un intendant général.
(1) Gaius, II, 21.
-
67 -
L'histoire mentionne la lutte entre le pouvoir du Sénat
et celui du prince ainsi que l'antagonisme de l'œrarium et
dujiscus. Et elle enseig ne la victoire définitive du prince et
de son Trésor. L'œrarùtm disparut vers la fin du III• siècle, ou du moins « il n'apparut plus que réduit aux pro)> portions de la caisse de la ville, sous l'influence de ses
» Préfets et du Sénat ramené à peu près au rôle de conseil
» municipal de R ome.)> (M. Humbert).
Les ressources du fisc se composèrent donc d'abord du
domaine privé de l'empereur, des legs souvent considérables faits·à sa personne, de l'exploitation de ses capitaux
et du produit de ses épargnes. Bientôt les impôts des
provinàœ CœsariS y furent ajoutés. Plus tard , T ibère et ses
successeurs détournèrent les impôts indirects et le profit
des amendes prononcées par les magistrats du peuple
romain. Il faut y compter encore les profits des dispositions caducaires établies par les lois Julia et Pappia
Poppœa; puis le produit des droits de doua ne ou de
péage exercés aux frontières non-seulement de l'Empire,
mais même de certaines provinces.
Quant à l'adm inistration, des esclaves remplissaient à
R ome les fonctions de caissiers,soit pour les biens héréditaires, soit pour les biens fiscaux. En province ce soin
était confié à un procurator. Il était entouré de collaborateurs nombreux . Ainsi on comptait un sous-directeur,
des chefs de bureau, des comptables ou teneurs de livres
(la plupart affranchis), des aides et des caissiers (la
plupart esclaves).
Comme on peut le voir, cette organisation était complète
et elle révèle l'habileté des fondateurs. Car il est faci le de
remarquer que le maniement des deniers confié à des esclaves était une garantie de fidélité. En effet les esclaYes ne
pouvaient rien acquérir pour eux-mêmes. Ils n'a,·aient
donc aucun intérêt à commettre des malœrsations, car
�-
-69-
68 -
tout détournement fait par eux eût profité à leur maître,
c'est-à-dire à l'empereur lui-même, ou bien à l'Etat, si les
esclaves étaient servi publiez".
L'expose historique qui précède faci lite la solution
d'une question controversée au sujet du fisc us :
Les valeurs fiscal es provena nt de sources publiques
devaient-elles être comprises dans la succession de l'empereur? En d'autres termes, le domaine du fisc appartenaitil à l'empereur et était-il transmissible par voie de succession?
Il semble au premier a bord que la question doive être
résolue négativement par les règles les plus élémentaires
de l'équité. Qu'à l'origine on ait pu confondre le fisc avec
le patrimoine privé de l'empereur, cela se conçoit. On
peut donc comprendre jusqu'à un certain point l'opinion
exprimée par Gaïus en ce sens. Mais, en réalité, il
me paraît évident qu 'il faut distinguer ici le pouvo ir de
gérer qui compète au prince et le droit de propriété qui
appartient à l'Etat. Cette distinction s'impose de plus en
plus, à mesure que le fisc a bsorbe peu à peu l'œrarùtnz,
jusqu'au point de le remplacer com plètement. Incontestablement l'empereur avait la haute surveillance sur le fisc.
Il exerçait tous les pouvoirs confiés autrefo is au Sénat
dans l'administration des finances. Il était le mandataire
de la nation. Il dirigeait les affaires de l'Etat. Mais il ne
faut point confondre ce pouvoir avec le droit de propriété :
ce serait une erreur très grave.
. M. Humbert a du reste soutenu cette opinion avec son
1mme.nse talent. Voici sa démonstration juridique : « En
» droit, la succession testamentaire ne saurait comprendre
» que les biens qui feraient partie d'une hérédité ab intes» tat, et qui com me tels auraient, à défaut de testament,
» dû p.asser aux héritiers siens (suz"), aux agnats ou aux
» gentzles. Or, il faudrait admettre, dans le système de
en une legitime, une pétition d'hérédité,
. .
M • Mom ms ,
provmc1aux, etc., au
fonds
des
partage
en
ande
· d'
» une d em
ire que
vaudrait
Autant
f
intestat
ab
héritiers
des
d' .
)) profit
· romain lui-même eût été héré 1taire. »
,
l
..
,. 1 empire
avons ainsi étudié la composition du personne
N ous
Il
d T .
.
.
des fi nances souS l'Empire et la s1tuat1on . u resor.
nous rest e m a ·intenant à examiner le fonctionnement de
)>
l'administration.
CHAPITRE Il
FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION
Au début, le prince respectait encore, avec une habile
réserve les pouvoirs financiers du Sénat .
C'èt~it donc toujours le Sénat qui a~êta_it le~ dé~ens:s
et déterminait l'em ploi des recettes. C était lu~ qui arretait le contrôle législatif du domaine de l'Etat et des
déf t
l
impôts.
au ,
On confiait également aux censeurs, et, à eur
aux consuls, les crédits nécessaires pour les travaux
publics. Ces travaux étaient toujours exécutés par .des
' par les encheres
entrepreneurs moyenn a nt un prix fixé
. .
publiques.
Le pouvoir du S énat s'étendait aussi bien aux dépenses
Bref ' le Sénat
·
. supp lé ment aires.
ordinaires qu'aux crédits
des
· 1a nat u re et l'étendue
.
votait encore 1'1mpot 1 fi xa1t
créles
ouvrait
et
é
T
d
.
les dépenses u r sor
recettes réala1t
0
'
dits. Les censeurs et le p1us souvent les consuls et les, préteurs en présence des questeurs ou des préfets de 1 œra· uennal des recettes
.
. ' 1U1. présentaient
le bud get qu1nq
rzum
. . que 1e pro duit mo)·en des por'
du peuple ams1
du Trésor
•
•
A
�-
-
70 -
.
toria. Ils dressaient le cahier des charges t d'
hè e a 3u.gea1ent les
fournitures ou entreprises aux
enc res publ
'
.
r~ais,
comme ils adjugeaient les
vectigali~qu:: e\au
o rant en présence des questeurs ou préfets du T é p us
Le~ mandats de paiement devaient émaner de; so~.
memes
f
autorités. Mais des curateurs . é .
substitués aux magistrats sé t1m~ n aux urent peu à peu
na onaux .
« Après la répartition des provinces entre l '
· · conserva 1 d · d · . empereur
» et le Sénat , ce Ju1-c1
e ro1t e dmger 1
d
f
. . a ge~
» io~ es provinces sénatoriales di tes sti'
. :pendtaires, mais
» tou3ours sous l'a t 'té
·
proconsulaire d
u on
. u pnnce. Les
d
» proconsuls ou O'Ouverne
'fi
urs e ces réO"JO
o
ques y
ns pac1
» prescrivaient Je recouvrement d es coo t .b
.
et les
» faisaient verser chez
1eurs questeurs oun n utions,
receveurs géné» raux ; en outre ils procéd .
. aient, en leur présence, au bail
» des revenus du d
omame ou des tax . d'
es m irectes. Plus
.
» tard, à la suite de l'a
·
ccro1ssement des d
.
omames du fisc
» impérial, les intendants
(procuratores Augustt) apparte» nant à l'ordre é
.
·
questre, durent ~ t
» dans ces provinces . ·1 fi . e re mlrodmts même
ou 1 s mrent
1
par remp acer les
» questeurs au III• siècle ( ). »
1
Dans les provinces .im pén.a 1es o t ·b ·
u n utalfes, le gouvervemeur ou lieutenant d l'
e empereur éta·t
1 d · ·
a mm1strateur
.
et ordonnateur En tt
·
·
ce e quali té il p
·
ouva1t a volf des ordres à donner aux . .
ca1ss1ers et aux p
rocuratores Cœsarz's
des registres à ten· t
'
ir e un contrôle à
exercer. Il avait le
pouvoir d'édicter Je
.
recouvrement des
. recettes. Le service
de la perception était fait ar
l~s mtendants de l 'empep
reur. Ils avaient recou
rs aux ad d. f10
ns, comme sous
JU ica
la R épublique Ma·
·. .
is, pour les dé
·
penses mil1talfes, l'em.
pereur seul qui
. . les légions, se
recrutait ou rtcencia1t
'
(1) M. Humbert, Compte·rendu de l 'J\cad. des L'e
v · moral. et pot., avril 1885,
· 2 e t s.
P 47
71 -
réservait de délivrer des congés aux vétérans et de liquider les récompenses à eux dues par le Trésor militaire.
En ce qui concerne les provinces de l'empereur, on voit
peu d'exemples de contributions créées ou accrues par le
Sénat. Cependant il faut remarquer que le prince n'osait
pas pratiquer seul ces innovations. Il préférait user de son
droit d'initiative et couvrir sa responsabilité par des sénatusconsultes.
Tibère consultait même le S énat sur les impôts, les
monopoles, la construction ou la réparation des bâtiments,
et, ce qui était plus habile de sa part, sur les affaires
étrangères et sur celles dt la défense nationale. Mais les
empereurs s'affranchirent bientôt de cette apparence de
soumission. A partir de la réorganisation de l'administration de l'œrarùtm par Néron , le vote du Sénat ne fut plus
qu'une formalité qui ne subsista guère que jusqu'au Ill"
siècle. En réalité l'empire s'arrogea d'abord les pouvoirs
du Sénat plutôt en fait qu'en droit. Son autorité se mani festa dès lors en toutes circonstances. Il ne recula même
pas devant la composition d'un Sénat docile à ses desseins.
Ainsi les progrès du régime impérial s'accentuèrent rapidement jusqu'à l'absorption complète de l'œrarium par le
fisc qui devint l 'unique Trésor de l'Etat.
« Des princes tels que Caligula, D omitien, Commode
)>ou Caracalla, qu'aucun crime n'arrêtait pour amasser
)) l'or nécessaire à leurs passions insensées, n'eurent pas
)> le scrupule constitutionnel de consulter le Sénat à l'effet
)) d'imposer les taxes les plus lourdes , les plus odieuses
)> ou les plus étranges ou de doubler les impôts existants. '>
(M. Humbert. )
Caracalla notamment, <( après s'être ingénié à inventer
)> de nouvelles charges, après avoir doublé l'impôt sur les
)> affranchissements, sur les legs et sur les successions,
)> songea, pour augmenter le produit de cet impôt, qui ne
�-
-
72 -
» se percernit que sur les citoyens, à généraliser cette
» qualité de citoyen (1) ». On peut remarquer l'habileté
avec laquelle il dissimula cette mesure fisca le. 11 affecta
une très grande générosité, tandis qu'en réalité il n'avait
en vue que les intérêts de son fi sc. Car la concession du
droit de cité impliquait le paiement de taxes onéreuses
de telle sorte que la prétendue sollicitude du prince du~
être chèrement achetée par les citoyens qui n'eurent même
pas la liberté de la refuser.
Cependant M. Jullian (2), dans un ouvrage plein d'érudition, apprécie ainsi la réforme de Caracalla :
« Le peu de retentissement que semble avoir eu un fait
» de cett: importance, l'ignorance où l'on était, moins de
» deux siècles après, au sujet de l'auteur de la réform e la
» p~us grande et « la plus humaine » qui ait signalé l'Em» p1re,. montr~nt q~ ' il n'y eut pas là une mesure brusque,
» une mnovat1on mouïe, mais que ce fut seulement la
» conclusi.on, le couronnement des concessions faites pen» dant trois cents ans aux villes et aux provi nces » .
. On peut répondre à cet érudit : Oui , au point de vue
idéal, la concession du droit de cité à tous les habitants
é~ait la réfo~me « la plus humaine » qui eût sig nalé J'Emp1re . ~u pomt de vue des pri viléges, c'était une mesure
essentiellement égalitaire. Au point de vue des conséquences, c'était une réforme politique.
Mais il ne faut point oublier que Caracalla s'était inspiré
. « ses
surtout
. de. la détresse du Trésor . Pour sat·1s fa1re
passions insensées », il avait puisé dans la caisse de l'Etat
Il lui fall ait donc combler les vides qu'il avait faits. E~
conséquenc~, sa réforme était une nécessité politique. Quant au silence des historiens sur « un fait de cette im(l ) Ortolan, Hist. de la législat. rom., p. 324 .
(2 ) M. Jullian, Transformat1011 polit · de l'ifa 1e sous l es emp. rom ., p. i86
z·
73 -
e » il s'explique logiquement et historiquement
.
.
.
portanc ,
la qualité de citoyen . avait.
que
considération
tte
par ce
perdu tout son prix (1) sous l'Empire. ~t .cela.est s1 : rai
s la R épublique tous les écn vams enuméra1ent
.
.
'
que sou
les plus petits bourgs auxquels on accordait le droit de
f ·
cité.
« Du peu de retentissement que semble avoi~ eu .~n ait
de cette importance », il n'est donc pas permis d inférer
u'il n'y eut pas dans la réforme de Caracalla « u~e
~esure brusque, une innovation inowe. » Au contr~1re
cette mesure fut brusque au point de vue de la fiscal_1té.
Elle fut brusque, car personne ne l'attendait d'une ~am~.re
aussi absolument générale. Elle fut également mou1e,
parce qu'elle dissimul ait des char~e? i.mmenses sous le
.
.
masque d'une générosité de mauvais alo1.
D'ailleurs, la qualité de citoyen devait être cons1déree
comme une bien faible « concession )> par des hommes
.
qui ne l'appréciaient plus.
Aussi
Quoi qu'il en soit l'actif du fisc était devenu énorme.
sa transformation complète en Trésor public ne tarda-t-elle
pas à se réaliser. E n examinant de près les évén~men~s'.
on peut remarquer que cette transformation avait suiv i
l'accroissement progressif de l'autorité de l' empereur.
Destiné primitivement à réco mpenser les vieux soldats,
le fisc avait pris à sa charge, dès l'origine, toutes les autres
dépenses de l'armée de terre et de mer (2), celles des provinces patrimoniales, comme l'Egypte et plus tard_ le
Noricum, et des États annexés ou provinciœ procuratorue,
sans compter les frais de la cour, du prince et de ses commensaux J affranchis ou esclaves de plus en plus• nombreux.
• •
•
Le ser vice de la poste officielle, qui incombait pnmitive-
(1) Ortolan , Hist. de la lêgislnf. rom., p. 325 .
Droit pllblil' rom., p. 495 et s.
(2) 111. W illems,
u
�-
74-
ment aux localités, fut mis à sa charge dès le second siècle.
Ainsi le prince finit par régler la totalité du budget
des dépenses de l'administration de la guerre et de la
marine. 11 fixait de même celles de l'administration des
provinces. Et peu à peu il parvint à déterminer aussi celles
des a utres services publics.
En additionnant toutes ces charges, il put enfin avoir
une sorte de budget des dépenses du Trésor.
Ce budget des dépenses était accompagné d'un état
indicatif de l'encaisse du fisc, du produit annuel de la
ferme des vectigaha, du montant des tributs (stipendia) et
des autres impositions. Toutes ces indications étaient contenues dans un tableau nommé Ratùmarù11n ou B réviarium
lmpe1'Ù.
Pendant quelque temps, l'empereur avait communiqué
ce tableau au Sénat. Mais il est superflu de dire que cette
communication fut de courte durée.
Quant à l'équilibre des fina nces, il n'était garanti ni par
les discussions du Sénat, ni par la publi cité même des
documents financiers. Les déficits naissaient soit de la pro·
digalité de certains princes, soit de l'accroissement des
dépenses de g uerre ou d'administration.
Les frais de la cour du prince, très modestes sous
Auguste ou sous Tibère, devinrent énormes sous Caligula,
Néron, Vitellius, Domitien, Commode, Caracalla, Heliogabale, etc. (M. Humbert). L 'ordre ne reparut plus que
momentanément et notam ment sous Di oclétien . La situa·
tion était donc devenue difficile et elle se précipitait toujours.
Elle finit même par se disloquer complètement, et alors
on vit l'Empire ruiné par les tyrans, par les g uerres civiles et par les invasions. C 'est pourquoi, il me paraît inutile
de sui vre plus longtem ps ces péripéties et j'estim e que le
moment est venu d'abandonner l'empire à sa tri ste destinée
- 75 et de le laisser s'agiter encore dans sa décadence et dans
ses dernières convulsions.
CePendant ' avant de terminer, il est intéressant .d'exami. 1l
les principales questions contentieuses ou cnmme es
d fi
·
ner
qui pouvaient se présenter dans l'administrat10n es nan·
d'.
ces.
Le domaine de l'Etat, géré dans les con it1~ns que
nous avons déterminées, était à l' abri des usurpatio~s des
particuliers par son caractère imprescript~ble . Mais,_ e.n
fait, il donnait lieu à de nom breuses questions de délimi.
tation ou de propriété.
Sous la R épublique, les censeurs, les consuls ou , a
leur défaut, les préteurs étaient compétents pour les résoudre toutes.
Cette juridiction fut attribuée par l'empereur à ~es
curateurs choisis par le Sénat (curatores locorttm pu~lzco·
rum judi'candorum) . Plus tard, l'empere~r l~i-même mter·
vint dans les procès, soit par appel, s01t d!fectement sur
requête ou d'office. Il tranchait également les . co~testa
tions au sujet des limites entre l'Etat et les particuliers et
entre les communes en Italie.
En province le gouverneur était compétent pour les
procès entre deux communes o u entre une commune et
un particulier.
En ce qui concerne les impôts, il faut distinguer entre
ceux qui étaient affermés et ceux directement payés au
Trésor.
relatifs
foule de. litiO'es
't
f . ·
.
t>.
Les premiers a1sa1ent nai re une
à l'interprétation des t arifs, aux perception.s indument
faites, aux confiscations de marchandises prohibées ou non
déclarées. Ces difficultés étaient d'abord tranchées par les
censeurs ou les consuls. Mais, dès l'année 58 de J.-C. ,
elles furent soumises à Rome au préteur et en proYince,
A
�-
76 -
au gouverneur. Quant aux impôts non affermés, les censeurs et les consuls connurent primitivement à Rome des
questions litig ieuses . En province, elles étaient soumises
au gouverneur, sauf appel au Sénat.
Il est à peine besoin d'ajouter que, comme dans toutes
les affaires publiques, l'autorité impériale s'imposa ici peu
à peu et finit par devenir souveraine.
Le Gouvernement veillait donc à la bonne gestion des
finances publiques. Il avait même organisé, à côté du
contrôle administratif, l'intervention du pouvoir judiciaire.
Ainsi les abus, les malversations et les fraudes étaient
sévèrement réprimés. La loi Julza d' Auguste, qui était
une codification des lois précédentes, avait prévu le fait de
tout fonctionnaire en particulier qui aurait fraudul eusement
détourné et empl oyé à son profit une valeur appartenant
aux Trésors public, militai.re et fiscal ou à une c:iisse
communale. Le coupable devait une réparation pécuniaire
(la restitution au quadruple), et de plus, il subissait une
sorte de flétrissure, car cette loi était à la fois civile et
criminelle. Elle interdisait d 'une manière générale toute
espèce de concussions. Elle réglait également les droits et
les devoirs des gouverneurs de province, et elle exigeait la
remise des comptes en double exemplaire, indépendamment du 3• original qui devait être déposé à R ome entre
les mains des questeurs de l'œrarùmi.
Ces dispositions furent complétées par la loi de altertÏS
consilùs rejù:iendù qui déterminait le nom bre de personnes
dont pouvait se faire acco mpagner l'accusateur, quand il
a llait dans les pro vinces réunir les documents nécessaires
pour instruire le procès. (Laboulaye, Essai· sur les loù
crùn. des Rom., p. 196 et s. -422 et 425 et s. -M. Humbert, Compte-rendu des se. morales et pol., avril 1885 .)
D ROI T
FRANÇAIS
PRINCIPES DE COMPTABILITÉ PUBLIQTIE
�DROIT FRANÇAIS
PRINCIPES DE COMPTABILITÉ PUBLIQUE
HIST ORI QUE
A l'origine de la monarchie franque, on retrouve la
plupart des impôts romains. Les rouages administratifs
sont aussi à peu près les mêmes.
« Le roi Chilpéric, dit Grégoire de Tours, fit faire de
» nouveaux recensements, et de très-durs dans toute
)> l'étendue de son royaume. C'est pourquoi plusieurs aban)> donnèrent les villes qui lui appartenaient, et même leurs
)> propriétés, pour se retirer dans le royaume de ses frères ,
» aimant mieux errer à l'aventure dans les pays étrangers
:t que d'être exposés à un pareil tourment ( I). »
Mais les derniers vestiges romains durent disparaître
bientôt. Car l'histoire enseigne que les finances mérovingiennes étaient livrées à l'arbitraire et à la plus complète
anarchie.
Sous la deuxième race, il n'y avait pas non plus de
(1) Grégoire de Tours, Histuiro cks Francs, liv. V, ch. 29.
�-
- 80 -
régime financier bien défini. Les revenus des rois consistaient dans les produits de leurs domaines 1 les redevances
des serfs, et quelques dons gratuits des grands et des
comtes (D . A. V0 • Trésor publi c). Les sommes provenant
de ces revenus étaient déposées dans l 'ancien palais bâti par
Clovis; et ce trésor était confié à la garde d'un majordomus : le système de la thésaurisation était donc pratiqué.
Cet état de choses fut naturellement modifié par l'éta·
blissement du régime féodal. Ainsi les revenus des rois
étaient les mêmes que ceux des seigneurs dans leurs
domaines. Ils étaient appliqués, non pas aux dépenses du
royaume, mais aux dépenses du fief.
Hugues Capet ne levait donc de subsi des que dans le
duché de France.
On comprend aisément que tout impôt général était
impossible, car chaque seigneur se prétendait souverain
dans son domaine et ne se croyait obligé envers le roi
qu'à certains services personnels.
Néanmoins les revenus de la couronne étaient encore
assez importants; ils comprenaient :
Les droits de transit et de circulation sur les blés, le fer 1
les toiles, les laines, le cuir, les bestiaux, le sel, etc. ; les
droits d'étalage et de pesage sur les marchés; les droits
sur les étaux des marchands ; les amendes de la haute,
moyenne et basse justice; les bénéfices réalisés sur la
fabrication des monnaies; les sceaux et les tabellionna·
ges, les halles, le mesurage public 1 la bana lité des fours et
des pressoirs, et, plus tard , celle des moulins; le droit de
prise qui donnait aux pourvoyeurs de la maison du roi la
faculté de prendre chez les marchands 1 gratuitement
d'abord et plus tard aux prix qu'ils faisaient eux-mêmes,
les denrées et marchandises à leur convenance·J le droit
de gîte> c'est-à-dire le droit de visiter une fois dans l'année
chacune des villes, bourgades et abbayes situées dans les
81 -
fiefs royaux 1 de s'y fa ire héberger 1 ou d'y percevoir une
somme d'argent équivalente aux frais que le séjour aurait
1
occasionnés; les reliefs payés par la transmission ou 1 investiture des fiefs ; les taxes sur les Juifs; le formariage
levé sur les serfs pour les autoriser à se marier ; la régale
ou perception des revenus des évêchés pendant une année;
l'aubaine 1 qui attribuait au suzerain l'héritage des étrangers morts sur ses terres; le droit de dépouille, qui lui
attribuait l'héritage mobilier des évêques; la vente des
offices 1 qui paraît dès le temps de saint Louis; les épaves 1
les trésors dont le hasard procurait la découverte; les 'Cens,
rentes annuelles et fonci ères; les tailles levées sur les roturiers; les droits féodaux proprement dits qui consistaient
en prélèvements en nature sur les produits du sol o~ ~e
l'industrie, les revenus des forêts 1 des étangs, des nv1e·
res 1 etc .
Les ressources du domaine étaient donc nombreuses et
variées. Elles s'élevaient en r238 à 235 ,286 livres> soit
approximativement à r4 millions en monnaie moderne :
c'ètait assez pour un grand fieC c'était trop peu pour le
royaume (Charles Louandre).
L'administration des finances royales étaient représentée
par deux officiers, le bouteiller et le chambrier, chargés à
l'origine de services dom~sti.ques . Sous l~urs o~dres~ l.es
prévôts et les vicomtes fa1sa1ent les fonctions d admm1strateurs et de receveurs particuliers.
Cette organisation se développa a\'eC le pom·oir royal.
Ainsi Philippe-Auguste adjoignit aux préYôts et aux
vicomtes les baillis et les sénéchaux.
Ces agents étaient à la fois ordonnateurs, receyeurs>
payeurs et juges du contentieux ( I ).
(1) Dareste de la Chavanne, /lisl11ire d4 l'admi11istratum '" Fr.ince, t. I,
p. 332,
6
�-
82 -
A cette époque les rois s'ingénièrent surtout à établir
de nouvelles taxes ou à augmenter celles qui existaient
déjà. Ainsi, en 1149, un impôt général fut levé par
Louis VfI à l'occasion de la deuxième croisade. Cet
impôt, connu sous le nom de 20°, consistait en une taxe
proportionnelle sur le revenu .
Quarante ans plus tard, Philippe-Auguste leva, sous le
nom de dîme saladine, un nouvel impôt général pour les
expéditions en T erre Sainte. Il en leva un second en
1191 pour la défense du royaume .
L'impulsion était donnée : à dater de ce règne, les impôts d'Etat, qui avaient disparu au milieu du morcellement
féodal, tendirent à se reconstituer ( 1).
Ainsi saint Louis fit demander à un g rand nombre de
villes l'argent dont il avait beso in pour la paix d 'Angleterre (1259), c'est-à-dire pour le paiement de l'indem nité
pécuniaire stipulée au profit de Henri III par le traité de
I 258, en compensation de l'a bandon de ses droits sur la
Normandie, l'Anjou, la Touraine et le P oitou. Les vill es
répondirent avec empressement à l'appel du roi.
Comme on le voit, le royaume grandissait toujours et,
partant, les dépenses all aient en augmentant. Il fallait
donc accroître aussi les ressources dans les mêmes proportions. Ce n'est pourtant pas ce que fit d'abord Philippe le
Bel. Au contraire, il commença par emprunter des sommes
considérables à des marchands de Florence, et pour les
rembourser il leur délégua le recouvrement des impôts
dans plusieurs provinces. Mais il com prit bientôt qu'il
fallait changer de système. Il réso lut de ne pas reculer
devant les mesures fiscales les plus arbitraires, telles que :
l'altération des monnaies et les confiscations les plus
( i ) Charles Louandre, introduction à l'Histoirc fi11a11dere de /,1 France, par
Alexis ~lonteil.
-
83 -
violentes. Mais tout d'abord il tenta d'établir définitivement les impôts généraux : cette innovation était assurément difficile à réaliser, car les revenus de la couronne
conservaient encore leur caractère féodal.
La féodalité avait, il est vrai, réservé aux seigneurs le
moyen de se procurer des subsides extraordinaires. Ainsi
l'aide féodale restreinte d'abord à trois cas, puis étendue
aux voyages et aux expéditions en T erre Sainte, tendait
à s'appliquer d'une manière générale à toute espè~e ~e
guerres. Mais le principe que l'ùnpôt est la contribution
exi<rée de chaque citoyen pour sa part dans les dépenses
publiques n'était pas encore admis en France. D'ailleurs,
le moment n' était pas opportun pour le proclamer. Il
fallait donc chercher dans l'extension de l'aide féodale le
moyen d'établir indirectement le système des contributions
publiques. Pour réussir dans cette tentatiYe, Philippe le
Bel ménagea les transitions. Il commença par récl~n:er
des subsides dans une forme différente de celle de 1 aide
féodale : il ordonna la perception d'un denier par li vre
sur la vente de toutes les marchandises. Cette perception
était malheureusement d'une pratique difficile, surtout
pour les ventes effectuées dans les maisons, les boutiques
et les fabriques. Cependant, comme il s'agissai.t d'uneta~e
de g uerre, la mesure fut acceptée. Elle suscita toutefois
dans certaines provinces un très vif mécontentement...Le
roi dut même revenir à une ancienne forme de 1 aide
féodale à celle qui en faisait une sorte de capitation prod
..
'
portionnelle aux fortunes. Il établit une imposition u
centième de la valeur des biens. P eu à peu il augmenta
cette contribution suivant les besoins du royaume. Et en
toute occasion il eut soin de s'assurer le consentement
parfois de les
•
·
des nobles et du clergé. Il a ffectait meme
fav oriser pour les décider plus facilement à .se soumettre
aux mesures fiscales que la situation réclamait.
�-
84 -
Mais il s'aperçut qu'il ne fallait pas trop exiger de ce
chef. Et c'est pourquoi il résolut d'exploiter les Juifs et les
Lombards qui avaient amassé des richesses considérables.
Les Juifs étaient restés dans un véritable servage malgré la propension qui se manifestait depuis longtemps en
faveur de la liberté humaine. Ils étaient la propriété du
roi ou desseigneurs. Philippe le Bel, estimant qu'ils étaient
pour son domaine une possession fructueuse, les protégeait contre les persécutions de l'Eglise ; mais c'était
dans l'unique but de confisquer leur fortune ou de la soumettre à des redevances énormes.
Ainsi en 1292 et en 1 295, ils furent arrêtés et une
partie de leurs biens fut saisie. En 1299 et en 1303, ils
furent encore soumis à la taille. Enfin et 1306 Philippe
le Bel les bannit tous et s'empara violemment de leurs
biens meubles et immeubles qui furent vendus aux enchères au profit du Trésor royal. S'ils furent autorisés plus
tard à rentrer en France, ce fut uniquement dans un
intérêt fiscal.
Pendant que les Juifs étaient ainsi protégés ou dépouillés, suivant les besoins du Trésor, les Lombards s'étaient
établis en France et se livraient aussi à des opérations de
banque et de commerce. Leurs opérations étaient taxées
au profit du fisc. Malgré cela ils réalisaient de gros bénéfices qui croissaient à mesure que la concurrence des
Juifs diminuait. Philippe le Bel ne manqua pas l'occasion
de leur imposer de lourdes charges. En 131 1 ils furent
même banni s comme les Juifs. Ils rentrèrent en 131 S
pour reprendre leur trafic, et le roi participa de nouveau
à leurs bénéfices.
Ce n'est pas tout.
Jusqu'à Philippe le Bel l'imposition de décimes sur les
biens de l'Eglise avait toujours été demandée par le Roi
85 -
au Pape, qui l'accordait ou qui. du moins l'autorisait. Ce
rince crut pouvoir s'adresser directement au clergé fran~ais. Et malgré quelques protestations isolées, il réussit à
btenir directement ce que ses prédécesseurs n'avaient
~btenu que par l'intermédiaire du Saint-Siège.' Enhardi
ar ce succès, il voulut lever de nouveaux subsides. Mais
rencontra cette fois une résistance qui aboutit à l'excommunication tout à la fois de ceux qui percevaient les décimes et de ceux qui les payaient. Cependant le Pape ne
voulut pas rompre définitivement avec la France. Et c e~t
pourquoi il finit par autoriser la levé~ de no~vea~x décimes et même par reconnaître au rot le droit d imposer
l'Eglise, en cas~ de nécessité absolue, avec le seul conse~
tement du clergé. Philippe le Bel sut profiter de ce droit
ui ne tarda pas du reste à être contesté. Le nouveau
d
.
é
l
q
pape Boniface VIII exprima, en effet, . a pr tentton e
placer la puissance spirituelle du Pontife au-dess~s. du
pouvoir temporel du prince. Pour toute réponse Philippe
le Bel s'empressa de réunir les Etats généraux et d~ provoquer habilement dans cette assemblée une manifestation contre les prétentions du Pape. Il fut encore excommunié. Mais cela ne l'empêcha pas de réclamer aux
prélats français la levée d'un décime dans leurs. diocèse~,
après le désastre de Courtrai ( 1302 ). Bien plus, il répondit
à l'excommunication en interdisant au clergé de payer les
impositions levées par les nonces de la cour d: Rom~. li
prétendit que les ressources du clergé français devaient
être réservées aux besoins de la France. Il alla même
jusqu'à interpeller le Saint-Siège de faire. connaitre ses
intentions. Après quelques pourparlers, et tout. en sauv~nt
les apparences, le Pape s'entendit avec le R oi pour faire
payer à l' Eglise trois décimes , dont deux pour la c~ur de
1 A nsi l'Eglise fut
France et un pour la cour de R orne. 1
« tondue '> d'une part et ,< écorchée '> de l'autre, suivant
fi
1
l 'expression d'un chroniqueur de l'époque.
�-
-
86 -
Philippe le Bel réalisa donc des réformes financières
très importantes. Il augmenta considérablement les ressources de l'Etat en donnant à l'impôt un caractère de
généralité inconnu jusque-là .
Les baillis et les sénéchaux restaient ses délégués pour
la per ception des recettes et le paiement des dépenses. Ils
devaient rendre leurs comptes à la date fixée par la chambre des comptes.
La chambre des comptes fut en effet, sinon instituée du
moins organisée sous ce règne. Vers le milieu du
siècle, quelques membres de la section judiciaire de
l'ancienne cour du roi avaient été plus spécialement chargés de vérifier les comptes. Ils étaient désignés sous le
nom de 111agistri' compotorum . P eu d 'années après ils
formèrent un corps spécial et distinct sous le nom de
Chambre des comptes : cette qualification leur fut attribuée par !'Ordonnance du 13 avril 1309. La chambre des
comptes était composée indifféremment de gens d'éCYlise
'
b
de ? arons, de courtisans, de chevaliers, de bourgeois et de
lég~stes. Chargée de vérifier et de juger les comptes, elle
était aussi le conseil du roi en matière de finances. Et en
v.ertu d~ délégations du prince, elle prenait part à l'exercice actif du pouvoir administratif. A partir de ce moment
elle s'organisa plus complètement. Une Ordonnance du
3 janvier 1320 fixa définitivement ses attributions son
travail intérieur et sa procédure. Son influence alla' donc
en augmentant. Les comptes devaient lui être présentés
t ous les ans, et elle punissait les sénéchaux les baillis et
.
·
les
pas à 'cette prescrip. receveurs qui ne s e con forma1ent
. xrne
tion de !'Ordonnance du 18 juillet 1318.
· s1· 1es
furent d'abord s.'.lns appel · T ou t e fois
.
·
plaignaient de ses Jugements,
e lie devait
le concours de
,
nom·eau les comptes avec
quatre membres du Parlement.
Ses décisions
. . . b1es se
JUSt1c1a
.
de
examiner
.
deux trois ou
'
87 -
A côté de la chambre des comptes il convient de signaler l'institution des Trésoriers de France, qui faisaient de
continuelles tentatives pour attirer à eux l'administration
générale des finances. Cette tendance devint si marquée
qu'elle provoqua un conflit d'attributions entre eux et la
chambre des comptes.
Ce conflit se termina à leur désavantage. Ils durent
borner leur mission à effectuer les recettes et les paiements . Mais cela ne les empêcha pas de poursuivre leur
but. Ils surent, sous le règne suivant, reconquérir leur
ancienne influence et peu à peu ils devinrent même les
chefs réels de l'administration.
Une Ordonnance de 1323 constate en effet que ce sont
eux qui traitaient toutes les affaires financières et leur prescrit de se concerter avec la chambre des comptes. Toutefois ils ne cessèrent pas d'être comptables. Et à ce titre ils
restèrent justiciables de la chambre des comptes.
Ainsi se form a insensiblement une sorte d'administration
centrale des finances qui avait pour chef l'un des trésoriers . Ce chef des trésoriers verra augmenter son autorité
et ses pouvoirs et deviendra plus tard le surintendant
général, puis le contrôleur général des finances.
Comme on le voit, les transformations opérées par
Philippe le Bel étaient très importantes. Le roi faisait
argent de tout. Après avoir dépouillé les Juifs et les Lombards, il dépouilla aussi les Templiers. Malheureusement le
plus grand désordre existait en comptabilité et cela s'explique, car le roi favorisait lui-même la confusion par
l'altération des monnaies dont il augmentait la valeur
.
quand il devait payer et la diminuait s'il avait à r.ecevoir.
Philippe le Long voulut améliorer. A cet effet , il généralisa la mise en ferme des impôts existants. Malheureuse~
ment l'adjudication était souyent faite à des Italiens qui
pressuraient le peuple pour réaliser de gros bénéfices.
)
�-
-88-
Il convient de signaler sous son règne les Ordonnances
de 1318 et 1323 1 qui consacrèrent la séparation de la comptabilité de l'administration proprement dite . Mais, malgré
cette séparation, et malg ré les dispositions disciplinaires
édictées contre les agents de l'ordre financier par les
Ordonnances de février 133+, 28 janvier et 4 mars 1348 1
14 juillet 13491 les abus se perpétuaient et se multipliaient
toujours ( 1).
Cependant les Etats-Généraux de 1338 et de 1355 1
déclarèrent que le consentement des trois ordres serait
désormais nécessaire pour la levée des impôts. C 'était une
excellente mesure.
Charles V eut le tort de ne pas l'observer et de pratiquer
les erreurs du passé.
P ar les Ordonnances du 17 avril 1364 et du 22 février
I 367, il rédui sit le nombre des généraux de finances et
consacra leur double attribution d 'ordonnateurs et de juges
pour les recettes extraordinaires.
En 1373, deux élus furent établis dans chaque ville pour
mettre en adjudication les droits à affermer.
Le système des fermes était plus particulièrement appliqué aux impôts indirects. li était déjà pratiqué sous les
Mérovingiens, comme on le voit par un édit de Clotaire,
en date de 561. Il permettait au Gouverneur de réaliser
immédiatement les fonds dont il avait besoin, au moyen
des avances que lui faisaient les fermiers; mais il donnait
lieu aux plus graves a bus. E n effet, les fermiers , à l'aide
de pots de vin, obtenaient, sur le prix des baux, des rabais
considérables. De g rands personnages s'intéressaient dans
l'affaire et les couvraient de leur protection.
Mais il importe de remarquer le mécanisme de cette
comptabilité. Pour plus de clarté, je prendrai un exempl e:
(1) Dareste de la Chavanne, t. J, p. 335 .
89 -
osons tels impôts affermés 6 ,ooo fr. à Primus qui
upi~nt ad]. udicata ire pour un an. Au bout de 4 mois, le
· d'
ev
· de la durée du bail toute personne peut devenir a JU.
'
tiers
dicataire à sa pl ace en faisant un tiercement, c'est-à-dire
offrant de donner le tiers en sus, ou 9 ,000 fr. D e même,
·i h
en
au bout de six mois, la moitié de la durée du bai , c acun
peut également devenir adjudicataire en faisant le doublernent c'est-à-dire en offrant de donner le double en sus .
Tout~fois le premier fermier peut rester adjudic~tair~. en
couvrant le tiercement ou Je double·m ent par l addition
d'une somme appelée enchère et fixée par les élus:
Le dernier adjudicataire force le receveur à lui prendre
pour comptant les sommes qu'ont versées ou qu'ont dû
verser les fermi ers précédents. Et ces sommes ne peuvent
pas être dissimulées, car les quittances délivrées pa.r les
fermiers ne deviennent pièces comptables que lorsqu elles
ont été vérifiées à époques fixes par les officiers contrô-
S
d
.
leurs (Monteil).
Quelque ingénieuse que puisse paraître cette comptabilité, les garanties qu'elle offre sont plus apparent~s ~ue
réelles. En effet on voit les règles continuellement v10lees,
les concussions extraordinairement nombreuses et le désordre répandu pa rtout. " La multiplicité de~. impôts
,. · 1·t · de la répart1t1on par
.
.
» généraux et 1ocaux, l mega 1 e
» suite des privilèges des castes, des provmces et .d:s m» dividus la vénalité des charges de finances qui mtro)> <luisait dans l'administration des fonctionnaires incapables
· e aux crrands personna· .
,.
.
••
t> <
>> et ignorants, 11mpumte acquis
· d ·moraliser l'adm101s.
» cres tout concourait à entraver, a e
b. et de mettre
·
'.
t>
•
» trat1on, et les Ordonnances qui ont pour o J
meme
nombre
leur
par
attestent
abus
aux
terme
)> un
· · tants " (Ch Louandre.)
. .ent pers1::.
» corn b .1en ces a b us cta1
Quoi qu'il en soit, nous devons constater .que les rest ·ours msuffisantes.
.
sources du Trésor étaient presque OUJ
L
•
•
�-
90 -
Elles le devinrent surtout pendant les guerres qui troublèren~ les règnes de Charles V, Charles VI, Charles VII
· ·
et Louis XI. 11 fallut même recourir au crédit · C'est ainsi
que ' Charles VI fit à l'abbaye de St-Denis un emprunt
de 20,000 livres moyennant une rente de 2,500 livres
» à prendre sur la bouchetie de Beauvais et sur la boîte
» aux poissons de Paris. »
De son côté Charles VII dut augmenter les taxes. li
décla~a l'impôt de la taille perpétuel, sans le consente.
men: ~réalabl e des Etats généraux. A ce propos il me
parait _mt~r~ssant de consulter de Tocqueville (r) « Quand
» le roi, dit-il , entreprit pour la première fois de lever des
» taxes de sa propre autorité, il comprit qu'il fallait d'a» bord en choisir une qui ne parût pas frapper directe» ment sur les nobles; car ceux-ci, qui formaient alors
» ~ our _la royauté la classe rivale et dangereuse, n'eussent
» 1~rr:a1s souffert une nouveauté qui leur eût été si préju» diciable. Il fit donc choix d'un impôt dont ils furent
» exempts : il prit la tai lle. »
D'ailleurs, Commines disait déjà que « Charles VII qui
.
. d'.imposer la taille
»gag
à son plaisir, sans le
. na ce point
» consentement des Etats, chargea fort son âme et celle
» de ses succes_seurs et fit à son royaume une plaie qui
» longtemps saignera. »
Et, en effet, ses successeurs profitèrent largement de ce
précédent. Tout d'abord Louis XI, sans recourir aux
.
.
Etats généraux , éleva 1e c h"ff
de 700 ooo li1 re d e 1a taille
'
.
.
E
vres à. 5 millions · n augmentant ams1 les charges des
.
. d 'amél10rer
·
contribuables
1e bon espnt
, il eu t d u moins
.
.. pour les remettre
règles d e la comptab1ltté
les anciennes
.
en ~1gueur (O rdonnances de 1443 et 1454j. Il confirma
.
· ·d·1ct1on
aussi les élus dans leur JUfl
de première instance,
(1) l"a11cie11 Rég-ime et la Rèvo/11/ion, p. 149.
-91 -
sauf appel aux Trésoriers généraux constit~és _e n Cour d~s
aides (Ordonnance du 25 août i452). Puis 11 les astreignit à faire à ces derniers des rapports annuels sur le
nombre de feux et les facultés de chaque élection (Ordonnance 1or janvier 1459). D'après ces rapports les Trésoriers généraux faisaient eux-mêmes des propositions au
roi pour qu'il répartît équitablement la taille sur chaque
pays et élection. (D . A. V 0 Tr. publ. § 22~ . Cep~ndant l.e
Tiers-Etat , qui était taillable et corvéable a merci, se plaignait amèrement : il voulai~ que la nat~o~ fût app~lée à
voter l'impôt; et il demandait que les cred1ts . fixés_ a _l avance ne fussent jamais dépassés, que des comm1ssa1res
choisis parmi les représentants du pays soumissent les
1
.
.
dépenses à un contrôle sévère.
~tat_s
des
réumon
chaque
à
répétaient
se
doléances
Ces
généraux. Mais Jacques Bonhomme avait_ beau cr'.e~, il
payait toujours, car, malgré les transformations du reg1me
financier, les abus se perpétuaient et les revenus devenaient de plus en plus insuffisants.
Louis XII fut obligé de recourir aux emprunts, en
créant, à diverses reprises , des rentes sur l'hôtel de
ville de Paris, et d 'étendre le déplorable système de la
. .
vénalité des charges.
~ulh~n
I
de
était
Trésor
du
revenu
le
règne
Sous son
800 000 lines, outre les 600,000 livres de rente mscnts
1
sur le domaine. C 'était énorme ! Et pourtant la situation
. 1er l
a
se compliqua encore. En effet, à dater de François
fiscalité prit un grand développement. Les dépenses fu'.ent
augmentées non seulement par les luttes contre la maison
. 1· é d' e cour
.
un
d'Autriche, mais surtout par les pro d 1ga 1t s
galante, avide de fêtes et de plaisirs , par la concus~i~n
des grands personnages et par les désordres de l'~d_mmis
tration. Une foule d'impôts nouveaux furent étaohs: les
anciens Eurent doublés, et, malgré tout, il fall ut encore
�-
- 92 -
· des
François {or eng loutit
Car
recourir
.
.
.aux emprunts.
. .
de la
.
nulhons a Fontainebleau pour satisfaire les capnces
.
duchesse
. ' Henri II fit bâtir A ne t pour Diane
C
· · d'Etampes·
.
de ·P 01t1ers i athenne de Médicis sema l'o r a. p 1emes
mains pour ga?ner les chefs du pa rti ou payer les é orgd
geurs de la n u1l du 24 août. Elle donnait des d'
mers e
·11 ·
à Chenonceaux
cent· mt e . livres
' · Et H enn. III d épensa
.
plusieurs
r 1 millions pour célébrer par des fest"ms pantagrué1ques es noces du duc d'Epernon !
, 1a guerre
o
ï 1 part, les agitations de la Licrue
· D'autre
h
c1v1 e, es désordres qui avaient en vahi toutes les b
ranc es
.
de l' d · ·
. a mm1stratl0n avaient réduit les fi nances
au plus
tnste état.
En 1595, Henri IV chargea Sully de dresser le bilan
des dettes du royaume. Et la situation fut relevée dans le
tableau suivant :
DETTES DE LA FRANCE EN 1595
A dla reine d'An g le t erre, pour argent prêté solde
es troupes e~ des \'aisseaux auxiliaires ......'... . . F
·
Aux cantons suisses
Aux. princes
d'Alle~~·~~~: ..~~·~~·.~~ ·~;~~~: ·~~·ld~· ··d~~
7 .370.800
2
35.8 3477
reitres et lansquenets . ........ . ·· · ·· . ................... ···· 14.689.834
Aux Provinces U ·
.nies, solde des troupes auxiliaires
•. .
'
' a '. s,.eaux fournis à la France
9.275.400
····· ·· ···· · ·· ·· ··· ·
Pensions aux gentî h
t s ornmes, chefs de troupes et
soldats
..
........................................
sornrnes dues
aux villes pour p 't d' . ..... .... ... .. .
6.547 .ooo
re s argent; gages
d fi
des offi .
Constitut·Clersd e nances ' d e po J'ice et de judicature. 28.450.360
tons e rentes
150.000.000
REeliquat des dettes du ·;~~~~· d~· 'ii~~~i
.. ............ 12.236.000
.
ngagem~nts contracté
ÎÎÎ.... ··.. ·..... ·
soumission ùu royaum:
pour la
.~~~.~ ..l~s......ligueurs
........ .. ..........
ToTAL . . ..
32.227.252
F. 296.620.381
93 -
Soit la somme ronde de trois cents millions de livres.
Pour faire face à ce passif exorbitant on avait seulement
7 millions ! car les recettes annuelles ne s'élevaient qu'à
23 millions et les charges atteignaient 16 millions : différence, 7 millions.
Cependant Sully se mit résolument à l'œuvre. Il commença par signaler les abus. Et , par un important édit
de 1600, H enri IV fit connaître quelles étaient ses idées
au sujet des exemptions, l 'une des plaies les plus graves
de notre ancien système financier . Il énumère ces exceptions qu'il trouve multipliées à l'excès. Non-seulement
elles sont accordées à la noblesse et au clergé, mais encore
à tous ceux qui entretiennent quelques relations avec ces
classes, et à tant d'autres qui « se prévalent de l'appuy de
quelques gentilshommes. ))
Après 15 ans de labeur et d'économie, les choses avaient
complètement changé. Les mesures qui assurèrent ce résultat furent poursuivies avec persévérance. Sully fit établir :
1° Le montant des impôts qui pesaient sur la France;
2° La part qui entrait définitivement dans les caisses de
• l'État;
3° Le tableau de toutes les charges et offices, avec les
motifs de leur maintien ou de leur suppression.
En même temps, il cassa toutes les fermes et sous-fermes des impôts publics, et, par des adjudications nouvelles, il doubla les revenus de l'État sans augmenter les
charges du peuple .
De plus, la dette publique fut vérifiée et réduite ; les rentes furent déclarées rachetables au pair; quelques-unes
furent même supprimées comme frauduleuses.
Aussi des 300 millions dus en 1595 1 la France ne
devait-elle plus que 100 millions en 1610.
Au surplus 45 millions formaient la plus forte réserve
que le T résor eût possédée jusque-là.
�- 95 -
94 -
Malheureusement le désordre reparut à la mort
d'Henri IV. Concini, de Luynes et les autres favoris mirent
les finances au pillage. Déjà en I 6 I 4 1 il ne restait plus
un écu des 45 mill ions mis en réserve. P ourtant les
impôts furent augmentés. Mais Richelieu fit des dépenses
considérables, et Mazarin acheva de ruiner le pays par
un gaspillage effréné: il vola, pour sa part, i oo millions,
et ses agents , les surintendants d'Emery et Fouquet ne
suivirent que trop son exemple.
Voici quelle était la situation en I 66 I lorsque Colbert
fut appelé au ministère :
La dette publique s'élevait à 545 millions.
Les revenus étaient de 84 millions.
Les frais de recettes de 52 millions.
Le reste, 32 mi llions seulement, entraient dans les
coffres de l'Etat.
A :ô.té de ces 32 mi llions de revenus nets, il y avait
53 millions de dépenses : le déficit était donc de 21 millions.
C'est da~s ces conditions que Colbert entreprit l'œuvre
de réparation . Il voulut tout examiner et tout surveiller
l~i - même: Aussi les financiers durent-ils, après vérificatio~, restituer une somme de 1 10 millions qu'ils s'étaient
attribuée a~ détriment de l'Etat. Après 6 ans d'efforts, le
reven.u était de 95 millions sur lesquels 63 millions
e~tr~1ent au Trésor. Les dépenses étaient réduites à 33
n:i 1ll1ons. En conséquence, il y avait un excédent de recettes. de 3~ millions. Et cependant les tailles et les gabelles
qui pesaient sur la classe la borieuse furent diminuées.
« Mais, dit Vo ltaire (Siècle de Louis XIV, ch. 30),
.
· faire,
ne fit pas t out ce qu ,.11 pouvait
» Colbert
encore
.
L
·
l
» moms ce qu 'ï1 vou ait. es hommes n 'étaient pas alors
1
.
» assez éclairés , et d ans
un gran d royaume .il y a touJours
» de grands abus. La taille arbitraire, la multiplicité des
» droits de douanes de province à province qui rendent
» une partie de la France étrangère à l'autre, vingt autres
» maladies du corps social ne purent être guéries. Sully
»enrichit l'État par une économie que secondait un roi
»aussi parcim onieux que vaillant, un roi soldat à la tête
» de son armée et père de fam ille avec son peuple; Col>> bert soutint l'Etat malgré le luxe d'un maître fastueux,
» gui prodiguait tout pour rendre son règne éclatant. >>
Les résultats obtenus par Colbert n'empêchèrent pas sa
disgrâce. Louis X IV lui fit l'injure de le soupçonner au
sujet de la dépense faite pour la grille de Versailles. Cette
disgrâce fut le signal d'une décadence marquée par les
crisE!s financières les plus graves. Pourtant les impôts
furent augmentés : ils atteignirent partout le maximum.
A ce propos il est intéressant de lire dans les auteurs le
tableau navrant de la situation ( r ) . Le peuple était accablé, aigri , découragé. Il payait encore, mais plutôt par
habitude que par volonté. R éduit à l'état de machine, il
ne conservait plus d 'espoir. Sur le fruit de son travail il
lui restait non pas assez pour vivre, mais pour ne pas
mourir (2) si tant est qu'it tînt encore beaucoup à la vie.
Tout l'or du royaume rayonnait de toutes parts vers le
trône : c'est peut-être tout cet or qui fit briller Louis XIV
comme un soleil !
Pour faire face à cette triste situation aggravée encore
par des guerres continuelles et de nombreux désastres, il
fallut exagérer les créations et les ventes d'offices; bien
plus, on dut contracter des emprunts fort onéreux . Et
(1) La Bruyère i:crivait : <. .... j'estime que le tiers du peuple (six millions) a
pèri de misère et de faim ! '>
(2) \\ Jeme trouve en ce moment en Touraine, dans mes terres. J e n'y vois
qu'une misère effroyable; ce n'est plus le ,entiment triste de la misère, c'est le
désespoir qui possède les pauvres habitants : ils ne souhaitent que ln mort et
évitent de peuple r .... ., (Lettrê de Massillon à Fleury en 1740).
�-
-
96 -
malgré tout, le roi , à bout de ressources, fut obligé d'enyoyer à la Monnaie les meubles en argent de Versailles,
tels que les toilettes, les fauteuils, les ba lustrades de lit
les caisses d'oranges et la statue équestre de Louis X II I. '
Il ne faut plus s'étonner dès lors de ce que, le l 5 septembre 1715, ~a d~tte publique s'élevait à 3 mill iards ! (i)
Quelques h1ston ens prétendent même quelle dépassait
ce chiffre fabuleux. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il
eût fa~lu , au moins, les revenus de dix-huit années pour
amortir la dette! Car les recettes nettes n'étaient que de
165 millions par an.
~ussi la question de la banqueroute se posa-t-elle
sén eusement à la mort du g rand roi ! Il va sans dire qu'dle
fut écartée com me indig ne de la France.
Cependant la situation était tellement o-rave que le
Régent s'empressa de convoquer un conseil de finances.
On ouvrit une enquête sur l'état du T résor : il est inutile
d'ajouter qu'elle révéla de nombreux abus.
~es :éformes furent indiquées et une chambre de justi ce
fut mst1tuée pour rechercher les malversations. Plus de
4 ,000 personnes furent condam nées à rest ituer des sommes dérobées par suite de marchés fraudul eux et de
falsifi cations d 'écritures. Le chiffre tota l des restitutions
·
· 70 m1.1lions
s'élevait à 2 2 0 m·111·ions ,. mais
seulement
rentrèrent dans les caisses, car le R éo-ent eut la faiblesse
·
d'accorder des
. lettres de g race que bles personnes mfluentes vendaient aux fonctionna ires condamnés.
· .ions en
On allait donc de c omp l'1ca t'tons en complicat
favorisant en quelque sorte les abus.
Bref on était aux a bois !
Les systèmes les plus téméraires, les plus faux, mats
apparemment les plus séduisants tro uvèrent momentanéA
(t) M. Gorges, H isioire de la renie frnnçaisc, p. 75 et s.
97 -
ment un crédit immense. Les idées fausses d'un aventurier écossais captivèrent le R égent, et la fameuse banque
de Law fut créée. Elle prit deux ans après le nom de banque royale. Elleémitdes billets et des actions en quantité.
La direction des fermes lui fut confiée et lui donnait de
beaux bénéfices, ce qui lui permit de distribuer aux actionnaires de gros dividendes : c'est ainsi que les actions
émises à 1 ,ooo livres s'élevèrent progressivement jusqu'à
livres .
A chaque nouvelle hausse la banque émettait de nouvelles actions et de nouveaux billets.
Par ce moyen on put rembourser des rentes sur l'Etat.
Au bout de deux ans , les billets et les actions s'élevaient
à 3 milliards! Cette somme fa buleuse n'était garantie que
par une encaisse méta llique très minime ! Aussi l'éveil futil bientôt donné. Alors les porteurs de billets réclamèrent
en masse le remboursement en espèces. Mais les caisses
étaient à peu près v ides . On fut obligé de fermer la banque, et les créanciers furent sacrifiés ! La responsabilité de
cette banqueroute fut rejetée sur La w et son système. Et
cependant le R égent avait remboursé, par ce moyen,
un milliard et dem i des dettes de Louis XIV.
29, 000
C' est ainsi que l'équilibre put être maintenu, à quelques
millions près, sous le ministère du cardinal de Fleury .
Mais les gouffres des défi cits furent de nouveau ouverts
par les guerres et les dilapidations de la cour . Mme de
Pompadour coûta 36 millions au budget. La Du Barry
coûta plus cher encore. Brd les maîtresses du roi et leurs
créatures puisaient à pleines ma ins dans les caisses. On
ne vit jamais de cynisme plus éhonté !
L'abbé T erray fut éleyé aux fonctions de contrôleur
général. Il mit la main s ur les ton tines et sur la caisse
d'amortissement. Il révoqua les remboursements des alié7
�-
- 98 -
nations des domaines. Et néanmoins il ne parvint à liquider
qu'une très faible partie de la dette publique.
Louis XVI trouva donc une situation financière des
plus critiques. Il semblait comprendre la gravité de cette
situation en renonçant au droit de joyeux avénement.
Il appela Turgot au contrôle général.
Ce grand ministre réalisa des réformes importantes.
Il mit un terme aux fraudes et aux gaspillages .
Dans une lettre au roi, il manifesta son intention de
répudier la banqueroute, les em prunts et les augmentations d 'impôts. li voulait la réduction de la dépense audessous de la recette; et, dans ces conditions, il trouva
encore
. moyen de disposer d 'un reliquat de 39 millions , de
mai I 774 au mois d'août 1 776. Avec cette somme 1 il
diminua les déficits imputés par anticipation sur les
budg~ts des années suivantes, et, à force d'économie, il
réussit à réduire la dette de 66 millions. Ma is les abus
qu'il réprima lui suscitèrent des ennemis irréconci liables.
Il fut sacrifié.
De Clugny le remplaça et se signala pa r son incapacité.
Le désordre recommença donc bientôt, et la situation ne
· ·
tarda
C'est alors que, pour la première
. pas a· se pré c1p1ter.
fois, fut posée ouvertement la vente des biens de la couronne e.t du clergé . Mais cette grave question provoqua
une résistance aussi puissante que résolue.
Cependant les caisses étaient vides 1 les dettes énormes
le crédit. ébranlé. La misère publique était à son com ble'.
Les espnts étaient aigris. Les passions s'entrechoquaient.
Partout régnait une effervescence extraordinaire.
C'est dans ces conditions que Necker arriva aux affaires. Il. e~~ay.a vainement de conjurer la crise. Son intelligente .mitiati ve, sa probité et ses ta lents financi ers pro·
·
mettaient
lorsque la g uerre
importantes
. des am él'1orat1ons
'ces espérances. Il
·
d'Aménque'. vint b rusquement d.1ss1per
99 -
fallut de nouveau recourir aux emprunts. Et Necker dut,
comme Turgot, se retirer devant des intrigues de cour,
De Calonne le remplaça. Il réussit à tromper indignement
le roi et le pays en contractant en secret d'énormes em..
.
prunts.
En 1784, il y avait un déficit de 80 m1ll1ons ! Et cependant depuis huit ans on avait emprunté plus d'un milliard.
Enfin en 1787 les choses en étaient arrivées à un tel
point, qu'il devenait impossible de cacher plus longtemps
la vérité.
Louis XVI convoqua donc les notables et avoua la
situation. Cet aveu dissipa les dernières illusions et causa
une émotion profonde.
La dette s'élevait à plus de 3 milliards! Il était impossible, sans de nou veaux emprunts et de nouveaux impôts,
d'en servir les intérêts.
Les États généraux durent être co nvoqués. C'est alors
que Necker établit le bilan de l'ancien régime.
Les recettes s'élevaient à 47 5 millions,
à 53 1 millions ,
Les dépenses
Soit un déficit de 56 millions sur le budget ordinaire.
D'ailleurs la dette équivalait à plus de six années de
revenus!
Voilà, dégagée de toute phraséologie , l'esquisse du
régime financier de l' ancienne monarchie.
Il est intéressant de relever les abus qui ont conduit à
cette situation, et d'examiner, après les résultats constatés, les institutions elles-mêmes .
Les principaux abus étaient :
I • L'omission de recettes ;
2° La rétention, qui consistait à retenir les fonds :i.u prêjudice de parties prenantes ;
30 La fausse reprise, qui consistait à déduire d'un
�-
100 -
compte courant des crêances que le comptable prétendait
avoir d'après ses comptes précédents;
4° Le faux emploi~ qui consistait en un paiement fait
sans pièces justificatives .
50 Le double emploi·, qui consistait à porter deux fois la
même dépense en deux endroits difièrents.
6° Le bù capz't) qui se commettait en ordonnançant ou
en payant deux fois la même dé pense (H. de Swarte) .
Ces abus étaient fréquents. Ils étaient d'une pratique
facile, puisque les fonctions d'ordonnateur et de payeur
étaient confondues. Cette confusion était regrettable à
tous égards, car elle rendait tout contrôle difficile . C'est
donc justement que Callery estime qu'elle était une source
de désordres .
« De là, dit-il , ces abus de paieme nt, ces atermoiements
» si nombreux 1 ces erreurs volontaires, ces fraudes si
» faciles à dissimuler et qui se commettaient presque
» impunément, malgré le contrôle de l'administration et
» de la chambre des comptes. »
L'administration exerçait en effet un contrôle.
Sous Charlemag ne, il était confié aux missi· domùiici.
Plus tard, on vit d'autres agents financiers de l'autorité
royale, les prévôts, placés dans les localités pour admi~istrer le domaine, percevoir les revenus et rendre la justice dans les cours ordinaires.
Ces prévots étaient les ferm iers des revenus royaux. Ils
veillaient à tout ce qui concernait l'administration du
do.maine. Ils assuraient le paiement des dépenses nécessa1res en prélevant le montant sur leurs recettes . Ils étaient
placés sous la surveillance et l 'autorité de l'un des g rands
officiers de la couronne) du grand Sénéchal. Aux termes
d'une Ordonnance d'août 1 204 1 cet officier était chargé
de percevoir les revenus du roi. li devait visiter chaque
année les prévôtés, et la dé pense de sa tournée était cou-
-
101 -
e redevance que la plupart des prévôts étaient
verte par Un
tenus de lui payer ( I ).
Cette organisation administrative fut ~uffisante so~s les
Capétiens M ais bientôt l' autorité royale pnt un
·
·
premiers
essor remarquable sous Louis VI et sous son fils, par l~s
soins de Suger. Ell e dut alors, pour exercer comme dit
Guizot, une sorte de justice de paix universelle (2), s'entourer d'agents plus considérables que les prévôts. Elle
.
institua les baillis .
La date de l'établissement des baillis ne peut être précisée. On sait cependant qu'en 1 r90, Philippe-Auguste,
avant de partir pour la Palestine, fit un règlement sur l:administration du royaume, où il déclara que, dans certaines
provinces, il avait établi des baillis qui devaient tenir leurs
assises une fois par mois.
Ils étaient co mptables, receveurs et payeurs. Ils centralisaient toutes les recettes, le produit des prévôtées affermées et toutes les autres perceptions non comprises dans
. . . .
le bail des prévôtées (3).
Ils durent tenir des assises et exercer une 1und1ctton au
nom du roi. D ans l'ordre administratif et financier, ils
étaient les supérieurs des prévôts. Cette\ dernière ~tt~ibu
tion substituait le ur autorité à celle du grand S enechal
dont les fonctions furent supprimées .
Ainsi les sénéchaux les baillis, les prévôts et les agents
.
'
forest.te rs , etc ·' formaient
.
.
mfén eurs 1 tels que 1es ser<Yents
.
b
fi n ancière · Ils étaient
t.
· ·
•
1 d
ion
dans chaque provmce l a mm1stra
é t · t se- Ordonnances
· .
::.
les représentants du roi ; 11s ex cu a1en
.
et commandaient les forces militaires.
· ' o<Yèrent habi·
Plus tard apparurent les trésoriers q uis arr o
5
(1) Brunel, Traité de l'11sage des fiefs, t. 1, p. 5o8 et ·
(2) Hi.st. de la ci-vili.salio11 1 t. l\' , p. 486.
l:J) Vuitry, Rétrime ji11n11rin de ln Fr·11Ue, p. 486.
�-
ro3 -
102 -
·
lement un pouvoir énorme. Ils voulurent -même ant·1c1per
sur les droits de la Chambre des comptes . Cette tendance
provoqua un conflit d'attributions qui se termina à leur
désavantage. Ils durent se borner à effectuer les recettes
et les paiements. Du reste, ils s'acquittaient de ces fonctions avec "une arrogance insupporta ble.
Les receveurs des tailles, des gabelles et des aides, les
contrôleurs provinciaux et les contrôleurs généraux n'étaient pas moins fa meux par un génie fi scal aussi étrange
qu'ar bitraire !
li ne faut pas oublier les receveurs généraux des finances
car c'ét~ient ceux qui dirigeaient « ce fleuve d'or qui n'es~
» prodmt que par trois ou quatre impôts, qui n'a que trois
» ou. q~a~re sources et qui a mille embouchures, qui arrose,
» qui v1v 1fi~ toutes les parties de l'ordre social » (Monteil).
~l y avait un. re~eveur général à la tête de chaque généralité .. ~es génerahtés étaient de g randes circonscri ptions
financ1eres auxquelles était attaché un bureau de finances.
~e bureau centralisait les recettes. Le nombre des généralités al.la toujours en augmentant. Il fut porté à I 6 par
Franço1~ 1er. Il était de 32 en 1789. Il en fut de même
des fermiers généraux, dont le nombre était de 40 en 1780.
Cette auamentaf
ion s 'exp1·1que par l'accroissement des
o
revenus publics.
. L'administration centrale était dirigée par le surintendant
genéral et plus tard par le contrôleur général. Sous Louis
}_(IV, Colbert fut chargé des affaires de !'Intérieur avec le
titre ~e contrôleur général des finances.
Mais il convient de remarquer que 1e g ran d roi se
réserva la sig nature.
. donc que le contrôle administratif des
fi Il sembl erait
~ances ~ût d'une application faci le. Malheureusement
c est un fa. it avéré
. que 1es p 1us hauts fonct1.onna1.res chargés
de 1a vén ficat1on des é en·t ures et d es caisses
.
se rendaient
souvent complices des mal versations et étaient généralement les plus grands coupables.
Quant au contrôle judiciaire, il était confié à la Chambre des comptes. Elle avait pour mission :
° D'assig ner les comptables à produire leur compte;
1
D'examiner les opérations;
3° De corriger les écritures;
o De juger les comptables, s'il y avait lieu .
4
Les décisions étaient des arrêts de décharge ou des
2
•
arrêts de condamnation.
« Mais au fond, dit M. Dareste ( 1), les Chambres des
» comptes n'exerçaient qu'un contrôle moral, elles
» n'avaient que peu de moyens de s'assurer de la fidélité
)> des rapports et des livres qui leur étaient remis. Le vol
)> était organisé à tous les degrés de la hiérarchie. Sully
)) prouva d'une manière manifeste les concussions des
)> cours souveraines et des contrôleurs généraux. »
D onc les abus étaient partout répandus. Mazarin luimême vola 100 millions au Trésor; et le roi distribuait,
suivant son b on plaisir, des gratifications et des dons.
Mais comment ces abus ont-ils pu se perpétuer pendant
si longtemps?
Cela est tout simple. L'arbitraire était complet dans les
premiers temps de la monarchie .
Sous la féodalité, le roi ne pouvait et ne devait même
pas rendre de compte aux seigneurs ses rivamc Il devait
encore moins en rendre à ses vassaux, car cette pratique
eût été incompatible avec la hiérarchie féodale.
A partir du moment où la royauté devi nt plus puissa.nte,
et surtout lorsque le monarque s'identifia avec l'Etat,
aucun contrôle ne pouvait être utilement exercé. En effet,
l'emploi des deniers de la France était fait suivant les
(1) Histoire de l'admi11istralio11 m Fra11re.
�-
-
10 .f -
caprices du roi. Et si l'on avait demandé à Louis XIV de
justifier les dépenses de l'État, il n' eût pas manqué de
répondre : l'Etat, c'est moi ! »
C 'est ainsi que certaines dépenses éta ient arbitrairement
réputées régulières moyennant la sig nature du roi précédée
des mots : « J e sais l'emploi de cette so mme ! ( 1 ) )>
Aussi M. Maurice Block apprécie-t-il justement cette
pratique dans son Dictz'o11naz're de la P oli'tt'que, p. 43 2 :
« L'ancienne monarchie, dit-il , chercha à organiser le
» contrôle des finances publiques. Ma is ce contrôle sern» blait contraire à son principe même qui plaçait l'arbitraire
» de la volonté royale au-dessus de tous les faits aussi bien
» financiers que politiques, de sorte qu' il n'y avait dans le
» pouvoir ni régulateur, ni contre-poids. Ce qui manquait
» surtout , c'était la publicité des co mptes. »
Mais il eût été difficile de les publier, car on ne les
connaissait même pas !
En effet, la discussion bien co nnue entre Necker et de
Calonne prouve trop manifestement que les ministres euxmêmes ignoraient la situation.
« Le déficit s'est accru de r 776 à 178 r , disait Necker; »
et de Calonne soutenait le contraire avec véhémence.
Necker continuait : « T ous les registres et les comptes
» du trésor royal où l'on devrait naturellement trouver le
» détail exact de l'universalité de nos recettes et de nos
» dépens~s, ne présentent, à cet égard, que des connais» sances 1~suffisa.ntes et des renseig nements incomplets.
» Une partie des impositions n'y est ni versée ni connue.
» Il n'existe aucune t race des dépenses acquittées par le
» Trésor. »
Cette peinture officielle de la co mptabilité centra le est
remarquable. E lle jette de sing uliers doutes sur l'exacti-
IOS -
Ces états att vrai étaient les
.
.
relevés des recettes et dépenses des exercices pénmés,
préparés par le contrôleur général et approuvés par le
ts au vrai' ·
tude des éta
.
.
conseil ( I).
Ils étaient très difficiles à établir par sU1te du nor~bre
arties hétérogènes dont ils étaient composés, l enf .
des P
chevêtrement des différents exercices, la con us10n provees prélèvements locaux sur les recouvrements plus
.
.
nant d
ou moins retardés, le rejet des valeurs et assignations
reportées d'une année sur l'autre, enfi n le mélange presque inévitable de l'arriéré, du courant, du fixe et de
, .
l'éventuel ( 2) .
D 'ailleurs, l'état au vrai de 178 1 n était pas enc~re
arrêté en Conseil de finances, à l 'époque où Calonne l invoquait. 11 ne le fut jamais, car l'ancien régime en resta
à l'année 1780. Les états de 1776, 1777, ~ 778, q 79,
1780 ne reçurent qu'en 1788 le visa du conseil : le retard
.
était donc de dix à douze années.
sa~:
effec:ifs,
comptes
de
mots
grands
les
En réalité
cesse dans la bouche de Calonne ne s'appliquaient qu ~
des simulacres de comptes remplis par des données aussi
. .
incertaines que fantaisistes .
Le désordre était donc absolument indescnpt1ble.
Mais où trouver le remède à ce mal invétéré 7
Dans la proscription des abus.
bl' des nota•
» Oui, messieurs, dit Calonne, à l assem ee
» bles réunie en 1787 c'est dans les abus mêmes que se
l'Et t a droit de récla'. h
a
» trouve un fonds de ne esses que
. . é bl' l' dre · C'est dans
.
.
)> mer et qu i do ivent servir a r ta ir or
1 seul mo)•en de
. ·
des a b us que r é s1·d e e
)> la proscription
» subvenir à tous les besoins. C'est du sein même du
.
. .
(1) M. René Stourm, Les fi11n111:es de l'1weie11 r••gtn>e
p. 186.
(1) M. de Swarte, Traité de "1 comptabilité ort:rtlfe,
p. XV.
(2) Discours du 22 fëvrier 1787, de Calonne lui·même .
t
1 de ta Rkol1"io111 t. 11,
�-
-
ro6 -
» désordre que doit jaillir une source féconde qui fertili~> sera toutes les sources de la monarchie. »
Ces déclarations traduisa ient et justifiaient une opinion
depuis longtemps répandue. Mais il ne suffisait pas de
signaler le mal. Il fallait l 'extirper; et c'était difficile à
cause de la résistance qu'opposait le Parlement à toutes
les réformes justes et équitables.
Calonne faisait surtout allusion aux privilèges de toutes
sortes. Ces privilèges étaient en effet iniques! On devait
même s'étonner de les trouver dans un pays civilisé; car,
pour entretenir la seule pensée de les justifier, il fallait
s'oublier au point de méco;-inaître tous les principes
d'équité naturelle.
Personnellement Louis XV I était loin de réclamer leur
maintien. Il était même animé des meilleures intentions :
il eût désiré des réformes utiles mais limitées. Précisément
par ces dispositions, il heurta it d'une part les obsessions
d'une cour hostile à toute concession et d'autre part
l'opinion qui le pressait.
On lui réclamait des mesures immédiates. Elles s'imposaient d 'ailleurs d'elles-m êmes. Et néanmoins tous les
projets proposés venaient invaria blement échouer devant
le P arlement : voilà l'histoire .
li y a donc lieu de s'étonner des efforts faits par M. René
Stourm pour essayer d 'attribuer à l'ancien régime le
mérite des réformes qu'il n'a pu réaliser et qu'il proposait
d'ailleurs bien à reg ret ! Ce mérite tient évidemment plus
de place dans l'imagination de l'auteur que dans la vérité
historique.
Cependant la théorie de M . René Stourm a été prônée
par M. Keller dans un article du journal Le Monde, n° du
21 avri l 1885.
Ma is nous devons passer légèrement sur ces raisonnements a privori qui tendraient à nier les faits les plus
ro7 -
éclatants et à désavouer \es déclarations faites par les
.
.
mTnistres mêmes de Louis XVI.
Toutefois , si ces deux hommes éminents conservaient
quelque doute à cet égard , je les engager~is à relire ce
passage du discours prononcé par Calonne a l Assemblée
1
des notables réunie en 1787 :
« Les abus qu'il s'agit aujourd'hui d'anéantir pour le
» salut public, dit-il , ce sont les plus considérables, les
» plus protégés, ceux qui ont les racines les plus profon» des et les branches les plus étendues.
» Tels sont les abus dont l'existence pèse sur la classe
» productive et laborieuse ; le~ abus des privilège~ pécu» niaires, les exceptions à la 101 commune et tant d e~emp
» tions injustes, qui ne peuvent affranchir une partie des
.
» contribuables qu'en aggravant le sort des autres.
» L'inégalité généra le dans la répartition des subs1de.s
)> et l'énorme disproportion qui se trouve entre les contn» butions des différentes provinces et ent re les charges des
.
.
» sujets d' un même souverain;
i
taille
la
de
perception
la
de
» La ri<Yueur et l'arbitraire
)> la crai~e, la gêne et presque le déshonneur imprimé au
.
)) commerce des premières productions;
» Les bureaux de traites intérieures et ces barrières qui
)> rendent les diverses parties du royaume étrangères les
» unes aux autres ;
\) Les droits qui découragent l'industrie, ceux dont le
)> recouvrement exige des frais excessifs et des préposés
· l contre· ·
·
» innombrables· ceux qui semblent mv1ter a a
d
1r
'
les a ns font sacrifier des mi iers e
~ bande et qui tous
» citoyens ;
)> Le dépérissement du domaine de la couronne
et le
)> peu d'utilité que produisent ses faibles reste~;
leur
» La dé<Yradation des forèts du roi et les ''1ces de
b
)>
administration.
�-
-
ro8 -
Enfin tout ce qui altère les produits tout
ce qui
'
ff ·
') a aiblit .les ressources du crédit, tout ce qui rend les
revenus insuffisants et toutes les dépenses superflues ui
q
>' les absorbent.
» ~i ta~t d'abus, sujets d'une éternelle censure, ont
» résisté. 1usqu'à présent à l'opinion publique, qui les a
» p~oscnts ~t au~ efforts des administrateurs qui ont tenté'
: ~y rem éd'.er, c est q~'on a voulu faire par des opéra~ tions ~art1 elles ce qui ne pouvait réussir que par une
» opération général e ; c'est qu'on a cru pouvoir réprisans en extirper le germe., c'est qu' on
» mer le désordre
.
» a en~repns de perfectionner le régi me de l'Etat sans en
)> corr~ger ~es discordances , sans ramener au principe
» d'umfo~m1té qui peut seul écarter toutes les difficultés
» de détail, et revivifier le corps entier de la monarchie. »
Les notables accueillirent avec une tristesse silencieuse
c~s déclarations inattendues. Ils se séparèrent sans avoir
~ien . conclu, parce que la banqueroute leur paraissait
mévttab le !
N'est-ce pas trop concluant ! ! !
·
Quoi
royauté, secouée dans
. qu'il en soit , l' anr1enne
sa faiblesse, plongée dans la confusion et le désordre
~
débordée par les ab us, bl amée
de toutes parts disparut'
'
.
de la plus terrible
·
enfin dans les co nvu 1s1ons
révolution.
>)
Au milieu de ce chaos immense, l'Assemblée constituante se mit résolument à l'œuvre. Elle posa comme
principes fondamentaux :
I 0 L' b0)' .
a ition des privilèges en matière d'impôt·
. des représentants' de la
20
. Le consentemen t n écessa1re
· · exiO'ible.
nation pour rendre t out e contribution
30 La ~roscription de toute idée de ban~uer~ute.
. de fina nces composé de
En meme temps , un comité
109 -
6 membres fut organisé pour préparer les lois et règle4
ments et pour surveiller les caisses.
Mais il était impossible de liquider la dette publique.
Après beaucoup d'hésitat~ons et de perplexités, on crut résoudre la difficulté par un décret du 2-4 novembre 1789 1 qui
décida la mise sous la main de la nation des biens du
clergé estimés à 5 milliards .
Ce décret ordonna la vente des biens de la couronne et
du clergé jusqu'à concurrence de 400 millions, et créa
00 millions d'assignats de I ,ooo livres admissibles dans
4
toutes les caisses en paiement des biens nationaux .
On put ainsi parer aux difficultés du moment.
L'ancienne Chambre des comptes fut supprimée (Décret
du 17 juillet 1790). Un comité de liquidation des créances
de l'Etat fut créé. Il avait pour mission d'examiner toute
créance ou demande sur le Trésor susceptible de contestations ou de difficultés.
L'institution de la ferme générale fut abolie. L'impôt
sur les facultés individuelles disparut. Le fisc ne constata
plus que les signes extérieurs du revenu . 11 choisit parmi
eux les valeurs locatives pour base de la contribution
personnelle et mobilière. (Loi du 13 janviér-18 février
1791.)
Et la création d'un bureau de comptabilité tendit à centraliser les écritures des agents du Trésor et à donner aux
vérifications l'unité qui leur manquait . (Loi 17-29 septembre 1791.)
Les patentes atteig nirent pour la première fois les commerçants les fabricants et les néO'ociants. Les corporab
'
tions furent supprimées et la liberté des opérations fut
proclamée. (Loi 2- 17 mars q9i.)
Les barrières intérieures disparurent. Les douanes furent
reportées aux frontières. (Lois 3 I janvier l I er février ' 2
mars, 15 mars 179i.)
�-
-
110 -
Ainsi, grâce à l'intelligente initiative de la constituante 1
les injustices les plus invétérées se trouvaient réparées.
Mais restait toujours la liquidation de la dette.
Les droits des créanciers furent respectés. L'administration des finances fut modifiée. On créa une Trésorerie
nationale composée de 6 commissaires indépendants des
ministres et du roi lui-mème, mais soumis à la surveillance
de l'assemblée et aux ordres de son comité de finances .
(Décrets 18-30 mars 1791 , 5-20 avril 1791 1 27 avril et
25 mai 179r.)
Les commissaires entrèrent en fonctions en juillet 1791.
Trois députés furent investis du droit d 'assister aux délibérations, de compulser les registres de vérifier les caisses et
de convoquer, le cas échéant: les commissaires par une
réquisition spéciale (art. 19 du décret du 30 mars 1791).
Le décret du 18 février 1 79 l, art. z, disposait :
« Le comité de l'inspection présentera à l'assemblée les
» moyens de fournir au Trésor public, en 1791 : 524 millions, 750 mille livres.
C'est en ces termes vagues et insignifiants que se trouvait réduit le seul document qu'on pût encore qualifier de
budget.
Les deniers une fois versés par les percepteurs dans
les caisses des receveurs de distri ct y étaient exclusivement à la disposition des commissaires de la Trésorerie qui
devaient pourvoir à toutes les dépenses générales, conformément au budget législatif dont ils étaient les gardiens
sous leur responsabi lité personnelle. (M. R ené Stourm,
t. Il, p. 285.)
Il Y eut donc désormais trois services financiers séparés
de l'administration centrale :
l • La Trésorerie·1
2• Le Bureau de com ptabilité;
3° La Direction générale de liquidation de la dette
111 -
publique constituée par le décret du 17-22 sept~mbre 1790.
Telle fut l'œuvre qui recommandera tou1ours devant
l'histoire la mémorable Assemblée de la Constituante. ~Ile
·t donc déclarer sa mission terminée et décider
pouva1
de ses membres ne ferait partie de l'assemblée
'
qu aucun
, .
qui allait lui succéder: .
Cette dernière déc1s1on n eta1t-elle pas le pl~s n~ble
'Ï fût possible de donner aux réactionnaires
.
.
exemp1e qui
qui se
puissance,
de
et
loire
g
de
avides
és
·
·
·1
·
. crampnvi egi ,
11
ponnaient encore aux derniers lambeaux du pouvoir1 roya .
Mais nous avons le regret de constater que. 1 assemblée constituante commit deux fautes énormes : .
0 Elle supprima les contributions indirectes assises sur
1
.
les consommations en général ;
2• Elle laissa aux administrations municipales le ~om
de faire elles-mêmes les rôles de la contribution foncière
.
et des autres contributions directes.
La première entraîna la perte pour le Trés.or du tiers
de ses revenus. La seconde entrava la percept10n d~s .contributions courantes parce qu'elle laissait les administrations locales s'imposer en quelque sorte elles-mêmes'. en
dressant elles-mêmes les rôles qu'elles n'achevaient
· t
.
1amais.
De cette façon les contributions directes n'étaient pom
1
perçues.
Et cependant les nécessités devenaient de plus en p us
e la France eut à sou. d l
.
urgentes par suite e a guerre qu
tenir contre la Prusse et 1' Autriche. Il fallait im.m~diatet comme il était impos.
.
.
. ,
ment improviser des ressources, e
. a·1res qui n auraient
d
. •
sible de recourir à des emprunts or m
menter les impots
'
d
d .
aug
point trouvé de preneurs, ou
d andait la ré uct1on,
..
.
em
en
quand la nation tout ent1ere
eprises sur les assil ·
.
le gouvernement se re1eta à p us1eurs r
gnats.
�-
-
rr 2 -
Il décréta, en outre, un emprunt forcé de I milliard à
tous les citoyens riches (Décret des 20-25 mai I 793.)
De même il décida :
1° Que le mouvement des recettes et des dépenses
publiques serait centralisé à la Trésorerie nationale sous
la gestion d'agents responsables ;
2 ° Que les comptes de ces agents seraient rendus
annuellement à des Commissaires nommés par le pouvoir
législatif ;
30 Que les comptes seraient arrêtés par ce même
pouvoir.
Mais l'emprunt forcé ne produisit aucun résultat satisfaisant. Les assignats étaient déjà dépréciés . Et les créanciers de l'Etat étaient très inquiets. C' est alors que le
député Ca mbon proposa « d'uniformiser et de républicaniser la dette . »
Il s'ag issait :
1° D'inscrire toutes les créances sur le grand-livre de
la dette publique;
2° De payer à chaque créancier, à époque fixe, les
intérêts de sa créance·,
3o De décider le transfert légal et sans frais de ces
créances.
Cette proposition fut adoptée.
La situation était donc bien simplifiée, car les nouvel~es r: ntes .n'~taient point inscrites en capital, mais en
mtérets. A1~s1 un particulier n 'avait plus 10,000 livres
ou 50,000 li vres placés sur l'Etat : il avait 500 li vres ou
2,500 livres de rentes perpétuelles . (Décret 2 4 août 1793.)
La valeur de ces rentes était dès lors déterminée par le
cours du marché . S eulement il était entendu qu'en cas de
re mb~ur~ement, l'Etat devait payer un capital correspondant a l'intérêt inscrit à 5 o/o.
Cette mesure éminemment économique avait des consé-
ll3 -
uences polit iques considérables, car elle intéressait, même
~algré eux , les créanciers de 11Etat au succès de la Révolution.
Mais encore fall ait -il payer les dettes ainsi simplifiées.
Malheureusement la situation se compliqua par une émission excessive d'assignats. En 1794, ce papier-monnaie
atteignit le chiffre énorme de 5 m~lliards et .demi. Ce
n'est pas sans effroi qu' on lit à ce sui et le chapitre émouvant de M. T aine dans l'ouvrage intitulé : Origùzes de la
France co11temporai11e, 3• vol., La Révolution.
Le système de crédit développé par cet érudit fut tout
éphémère. Car le décret qui avait eu pour objet la vente
des biens nationaux avait été suspendu. Par suite une
masse d'assig nats fort dépréciés restait en circulation. Et
1
les contribuables s 1empressaient de s en débarrasser pour
payer leurs cont ributions. En réalité, l'Etat ne percevait
.
ainsi qu'une partie des impôts.
Aussi dut-on , pour combler de noU\·eaux déficits, augmenter les émi ssions . E lles se succédèrent en de telles
proportions qu'en 1796 elles a vaient atteint le chiffre fa~
buleux de 4 5 milliards! Toul le monde connaît le désarroi
causé par ce détestable expédient ( I ) .
.
.
Vainement la Convention appliqua-t -elle:
1° Le vote annuel de l'impôt par le pouvoir législatif i
Sa proportionnalité ;
3° La publ icité des comptes, des recettes et des dé-
20
penses .
finances
d
· ·
Vainement attribua-t-elle au ministre es
l 1exécution des lois sur les contributions et sur toutes les
entreprises intéressant le Trésor.
L 1 agitation avait gagné tous les esprits i la défiance
t le projet relatif à la
li
emen ësperons que ce pro(t ) Une commission de 11 membres étudie actue
' . 1
création d'assignats pour le de\'eloppement de 1 agn~u t~re.
jet sera écarté. (Voir journal Ui Fr.mu, n• du 15 mat iSS5.)
8
�-
114 -
était à son comble. Et le cours forcé des assignats ne
réussit qu'à exaspérer les populations.
Les digues de la R évolution étaient ouvertes.
Les agioteurs se donnaient libre carrière dans le désarro1.
Les compta bles eux-mêmes spécula ient! A la place de
l'argent qu'ils recevaient d'une partie des contribua-hies,
ils versaient au pair, dans les caisses de l'Etat, le papier
qu'ils avaient acquis au plus vil prix . Aussi fort peu de
gens payaient-ils leurs contributions en numéraire. Il y
avait trop d'avantages à les acquitter en papier . De la
sorte, le Trésor ne recevait presque pas de valeurs et sa
détresse s'augmentait chaque jour .
Il fa llut recourir à de nouveaux emprunts . Le public
souscrivait avec empressement parce qu'il y avait profit à
échanger des assig nats sa ns valeur contre des titres de
rente. C'est pourquoi le Gouvernement fut obligé d'arrêter
dans son principe une opération si funeste.
Commen~ fa ire pourtant?
Il eût été prudent d'écarter toute es pèce de monnaie
fiduciaire. Et, néanmoins, le Directoire inventa encore les
mandats territoriaux, qui durent échouer comme les assignats, car ils étaient garant is par les biens nationaux, et
ces biens avaient été évalués en co mparaison avec l'argent. Or, l'argent avait atteint une valeur démesurée. Il
en résulta que les mandats territoriaux ne purent supporter la comparaison de ce numéraire qui reparaissait de
toutes parts .
Le Directoi re dut alors recourir à 1'emprunt forcé :
c'était ce qu'on appelait l'impôt sur les riches. Cet impôt
était proportionné non pas à l'ctendue des propriétés
immobilières , mais à la rich esse supposée des particuliers.
Il était impraticable. Car au milieu des désordres du temps
« le jury taxateur était une espèce de comité révolutionnaire
-
IIS -
imposant capricieusement la richesse ~u la. pauvret~, au
ré de ses passions, et ne passant 1ama1s pour 1uste 1
~ême quand il l' était)> (Thiers). On n'avait pas osé présenter cette mesure sous la forme pure et simple d'un impôt :
on l'avait dissimulé sous le nom d'emprunt forcé, remboursable, disait-on, en biens nationaux et devant être
réparti suivant les facultés su pposées de chacun, par un
jury taxateur. Il avait eu des conséquences. funestes :
« L'emprunt forcé, dit Carré, a anéanti les ressources
» de l'Etat, arrêté les opérations commerciales. Le négo)> ciant, Je manufacturier , le fabricant, l'artiste, l'agricul}> teur, tous ont redouté l'âme et conscience d'un jury
>> n'ayant rien à perdre. D ès ce moment tout s'est arrêté.
» Le numéraire s'est enfui et partant les bras sont devenus
» oisifs . »
Enfin le Gouvernement com prit qu'il fallait aux grands
maux de g rands remèdes.
Il ordonna la réduction de la dette à ce qu'on appelle
le tiers consolidé.
Mais en quoi consistait cette mesure? On inscri vit sur
Je grand livre le tiers ( 1) des rentes dues à cha~un des
créanciers et l'on remboursa les deux autres t iers. en
valeurs fictives : en bons échangeables contre des biens
nationaux (art. 98 de la loi du 9 vendémiaire an VI).
C'était la solution depuis longtemps cherchée. Elle ~er
mettait d'équilibrer les recettes et les dépen.ses au chiffre
616 millions .
Il y eut pourtant un déficit. Le Gouvernement .essaya
de le combler p ar le remaniement et \'aug~e~tation des
impôts. C'est a insi qu'en i 798 la loi du ~ fn~aire an. VI~
codifia les règlements relatifs à la contribution foncière'
. d ' ) . t de,•enu l'origine de la dette pu·
om de dette
E
(1) C'est ce premier tiers (tiers consoh t! qui es
· • 1 de \' tat sous 1e n
blique :ictuelle in~critc en tête du budge t genera
consolidée ou inscrite.
�-
116 -
que celle du 22 frim aire an VII restaura les droits d'enregistrement, et celle du 6 vendémiaire an VII, les droits de
timbre; que la contribution mobilière et les patentes prirent une forme rationnelle et productive (loi des 3 nivôse
et J "' brumaire a n V II). En mf: me temps apparut la cont ribution des portes et fenêtres (loi des 4 frimaire an V II).
Les tabacs non encore monopolisés furent assujettis à un
droit de fabrication (l oi du 22 frimaire a n V II).
Malgré ces derniers efforts, nous sommes encore loin
des règles précises édictées plus tard sur la comptabilité.
Jusqu'ici les réformes ont été nombreuses, parfois détestables , trop souvent ruineuses .
« L'esprit financier des Jacobins, dit M . René Stourm
l
.
.
» consista en ceci : épuiser à outrance le présent en sacri» fiant l'av:nir. Le lendema in ne compta jamais pour eux.
» Les affaires furent menées chaque jour comme s'il
» s'agissait du dernier. Les assig nats, t ant qu'i ls valurent
» quel q~e chose, si peu que ce fût, inondèrent le pays en
» q~a~t1té~ sans cesse progressives. La perspective de la
» fa1ll1te n arrêta pas un seul instant les émissions. Elles
» ne cessèrent que sur le refus a bsolu du public d'accepter
· n ,.importe quelle sorte de papier-mon-'
)> même à v1ï pnx,
» nai·e. »
Les m~ndats territoriaux qui avaient re mplacé les assignats disparurent aussi. Il fallait cependant donner
quel~ue chose aux fonctionnaires, aux rentiers et aux
pensionnaires de l'Etat. On leur déli vrait des bons d'arré~
· a• etre
·
rages dont l'unique va Jeur cons1sta1t
reçus com me
arge.nt dans le paiement des contribut ions. « On n'acquit· ce que les
· on payait
» t ait pas la solde , d"t
1 Th.iers, mais
» armées prenaient sur les lieux, pour vivre en bons de
» ~équùitùm, recevables éga lement en acq~ittement des
» impôts. »
·
:1itions
Enfin des rescrzr
sur les biens nationaux, receva-
117 -
bles en paiement de ces biens, étaient un dernier papier
ajouté à tous ceux que nous venons d'énumérer , et contribuèrent au plus affreux agiotage .
Ces valeurs, en effet, n'avaient pas cours forcé, comme
autrefois les assignats; mais jetées dans la circulation,
sans cesse ach etées et vendues sur la place de P aris,
s'élevant ou s'abaissant au moindre souffle d'une nouvelle heureuse ou malh eureuse, elles étaient le sujet d'une
ruineuse spéculation pour l'Etat et d'une affreuse démoralisation pour le public. Les gens d'affaires, dépositaires
de tout le numéraire, pouvaient se les procurer à fort
bon marché. Ils les rachetaient des mains des rentiers et
autres détenteurs au taux le plus bas, les faisaient ensuite
présenter au Trésor en paiement des contributions, et versaient pour 100 fr . ce qui leur en avait coûté 80, et
quelquefois 60 ou 50. Les comptables spéculaient euxmêmes : avec l 'argent qu'ils recevaient, ils achetaient un
papier déprécié et le versaient au pair dans les caisses
de l'État.
D'ailleurs, la com ptabilité était obscure. Les contributions étaient extraordinairement arriérées . Il y avait eu
des débets pour l'an V , l'an V I et l'an V II. Les rôles
pour l'an VI n'étaient pas achevés; pour l'an V II , il en
restait encore un tiers à terminer, et pour l'an Vlll, ils
étaient à peine commencés.
Ainsi le com ptable qui n'avait pas versé au Trésor
le retard dans la confection des rôles. .et
pouvait alléauer
b
la détresse des contribuables; il pouvait, en outre, d1ss1muler ses recettes, grâce au défaut de clarté dans la description des opérations. Le Gouvernement ne saYait pas,
comme aujourd'hui , ce qui se passe chaque jour dans les
quelques mille caisses, grandes ou petites, composant la
caisse générale de l'Etat.
Le cadastre, ouvrage de +o années écoulées, était à
�-
II8 -
peine commencé. Il y avait d'anciens livres terriers dans
quelques communes, et un état général des propriétés,
entrepris sous la Constituante . Ces données, fort peu
exactes, étaient cependant mises à profit.
On comprit enfin « que dans tout pays où il existe des
» contributions sur les propriétés et les personnes, ce que
» nous nommons en France contributions directes, il
» faut un état des propriétés avec évaluation de leurs
» facultés pécuniaires ;
» Il faut tous les ans modifier ces états suivant \a
» translation des propriétés de main en main, suivant la
» naissance, la mort, le déplacement des personnes;
» .Il faut ensuite répartir tous les ans, entre les pro» pnétés et les personnes, la somme d'impôts qui a été
» décrétée ;
» Il faut enfin une perception tout à la fois exacte et
» prudente : exacte pour assurer les rentrées , prudente
)> po.ur ménager les contribuables . )> (Thiers .)
Rien de tout cela n'existait en 1799.
Lorsque Gaudin, duc de Gaëte, fut appelé au ministère
par le premier consul, il ne trouva dans l'encaisse du Trésor , pour assurer le paiement des dépenses de l'Etat, que
300,0?0 fr. en espèces qui avaient été empruntés la veille.
Mais des mesures répara trices furent immédiatement
adoptées. Ainsi, au lieu de 5 1 000 commissaires cantonaux
réduits à solliciter auprès des communes la confection des
rôles, on devait avoir 99 directeurs, 99 inspecteurs et
840 contrôleurs exécutant eux-mêmes le travail et coûtant
à l'Etat 3 mill~o~s au. lieu de 5. On espér ait qu'en 6 semaine7 cette admm1s~rat1on serait com pl ètement organisée, et
qu en deux ou trois mois elle a urait achevé le tiers restant
à faire des rôles de l'an VII, tous ceux de l'an VIII, enfin
tous ceux de l'an IX.
. ble.
· msens1
D'ailleurs ' le S)'Stème qui· nous a con d Utts
-
119 -
ment à l'organisation actuelle fut mis en pratique. Les
receveurs généraux, vrais banquiers du Trésor, devaient
souscrire des obligations , échéant mois par mois, pour
toute la valeur des contributions directes , c'est-à-dire pour
millions sur 500 composant alors le budget de l'Etat.
300Ces obligations à leur échéance étaient payables à la
caisse du receveur général. Pour représenter le retard
apporté par le contribuable .à verser son i1:1pôt, ~n supposait chaque douzième acquitté quatre mois environ après
l'époque où il était dû. Ainsi les o~ligations pour 1~ dou_zième échu au 31 janvier devaient être souscrites a
échéance du 3 1 mai, de façon que le receveur général,
ayant devant lui un terme de qu~tre mois, avait à. la fois
le moyen de ménager le contribuable et un stimulant
pour faire rentrer l'impôt, car s'il le faisait .ren~:er e~ deux
mois au lieu de quatre il gagnait deux mois d mtéret.
Cette combinaison, outre l'avantage de ménager le contribuable et d 'intéresser le comptable à la rentrée de l'impôt, avait Je mérite d'interdire aux recev~urs générau.x. les
retards de versement, car le Trésor avait sur leur caisse
des lettres de change à échéance fixe qu'ils étaient forcés
. .
d'acquitter sous peine de protêt.
Ce système avait l'avantage de mettre le pr~~1er 1our
de l'année à la disposition du Trésor les 300 millions des
contributions directes en lettres de change d'un compte sûr
et facile.
Pour donner crédit à ce papier monnaie destiné à ~emplir l'office que les bons d u Trésor remplissent. au1our~
d'hui on créa la caisse d 'amortissement. Cette caisse, qui
devait recevoir bientôt toutes les attributions relatives à la
dette publique, n'eut d'autre objet à ce premier moment
d s receveurs créné·
b\'
·
.
b
que celm de soutemr les o 1gat1ons e
raux .
Voici ce que l'on imagina :
�-
-
120-
Les comptabl~, pour garantie de leurs opérations, ne
fournissaient alors qu'un cautionnement, en immeuble.
Ce genre de cautionnement, exposant l'Etat aux difficultés d'une expropriation forcée, quand il avait à exercer
des rec?ur~ , .ne re 1~1plissa it pas suffisamment l'objet
de son mstitu.tion. C est pourquoi on exigea des comptables un cautionnement en argent. Ils faisaient tous alors
d'assez gros bénéfices, par suite de l 'agiotage établi sur
l'impôt même, pour se soumettre volontiers à une telle
condition plutôt que de résig ner leurs charges .
Ces cautionnements versés à la caisse d 'amortissement
étaient destinés à servir de garantie aux obligations. Toute
obligation à son échéance devait être payée à la caisse du
receveur général ou, à défaut, à la caisse d'amortissement
qui devait acquitter à l'instant même l'effet protesté sur I~
cautionnement du compta ble . Une portion de ces cautionnements devait d'aill eurs suffire pour soutenir le crédit des
obligations, car peu de receveurs généraux seraient tentés
de laisser protester leur papier. Le surplus restait dès lors
à la ~ispositio~ du Trésor qui en pouvait tenir compte à
la caisse en 1U1 cédant des immeubles ou des re ntes.
On avait donc par cette institution l'avantage de donner ~ours assuré aux obligations et de se procurer une
ce~am~ so~me en ~uméraire réalisable sur-le-champ, ce
qm éta it tres appréciable à ce moment.
·
T el fut le système de perception
et de versement qui.
ramena en peu de temps l'aisance au Trésor.
En ce qui concerne les contributions indirectes les
receveurs généraux devaient, a près la recette faite env~yer
' qui. ne
.
des '·o1zs a· vue sur 1eur caisse,
a u Trésor
valeur
. . tu
.
dev~natt ainsi disponible qu'après que le comptable en
.
. qui. la1.ssa1t
. d u service
avait reçu le montant · Cctt e partie
. .ssances de
aux receveurs généraux de t rop grandes 1ou1
fonds fut perfectionné plus tard .
121 -
A ces moyens, on joignit d'autres mesures qui avaie~t
toutes leur importance . Le général Bonaparte compnt
'il ne suffisa it pas de faire des règlements, mais qu'il
~lait aussi les appliquer. Chaque semaine il se faisait
a orter par les divers ministres l' état de leurs dépenses
n~~essaires. Il le plaçait en regard de l'état des recettes
robables fourni es par le Trésor et faisait en proportion des
~esoins de chacun la distribution des ressources réelles.
Le plus difficile était fait. li ne s'agissait plus que de
perfectionner avec prudence et fermeté.
Les recettes n'étaient insuffisantes que par rapport aux
dépenses de la guerre, et cela n'avait rien de bien extraordinaire, car il en est ai nsi partout. En effet, on ne peut
jamais, en aucun pays, soutenir la guerre. avec les r~venus
ordinaires de la paix. Si on le pouvait, ce serait une
preuve qu'en temps de paix les impôts auraient été inutile. .
ment augmentés.
Le budget de l'an r 8oo fut évalué à 600 m1lhons en
dépenses et en recettes .
M. Gaudin travaillait sans relâche à augmenter le crédit et à faciliter la perception des impôts. Il etait toujours
secondé par Bonaparte.
La Banque de France fut instituée à la faveur du Gouvernement.
Puis on créa des receveurs particuliers d'arrondissement
dépendant de l'État. Cette création augmentait les ca~
tionnements et partant le numéraire immédiatement disl
'
'
ponible; elle facilitait ainsi la connaissance de l'état des
recettes.
Les préfets et sous- prefets avaient ordre de se rendre
eux-mêmes auprès des receveurs et de Yeiller, par l 'in~pe~
tion des li vres l à l'exactitude des versements. 11 ex1sta1t
donc déjà un contrnle sérieux des opérations financiè~es.
La compta bilité était devenue plus simple et plus claire.
�-
122 -
Nous avons vu le budget voté et vérifié par le Corps
législatif, les recettes et les dépenses examinées par les
représentants de l'État : il ne restait plus qu'à organiser
un contrôle judiciaire.
Ce contrôle fut l'objet du Décret du 11 janvier 1806qui
chargea le Conseil d'État de prononcer sur toutes les décisions relatives à la compta bilité nationale .
L'année suivante parut le Décret du 16 décembre 1807
qui , obéissant au principe de centralisation et d 'unité de
la France, organisa la Cour des comptes et lui confia l'examen et le jugement de la gestion de tous les compta bles
publics.
La Cour des comptes n 'est, à vrai dire, qu'un tribunal
administratif chargé d'appliquer les lois et les règlements
de la matière.
Quels sont ces lois et règlements ?
1° La loi du 25 mars 1817 (titre 12);
2° L'ordonnance du 14 septembre 1822;
3° L 'ordonnance du 30 mai 1838;
4° Le décret du 31 mai 1862;
5° Le décret du 18 novembre 1882.
Mais cette législation a été péniblement élaborée.
Le baron Louis fut le créateur de la plus grande mesure
financière qui ait été prise de notre siècle. li nationalisa
la rente, en la transportant dans les départements. « Plus
» nombreux disait-il, seront les créanciers du Gouverne» ment, plus nombreux seront les individus disposés à
» soutenir l'édifice social. »
-
123 -
»percevaient l'impôt. ~ne c~nco~dance absolue, complète,
lation intime vmt her et rattacher tous les
» une Corré c
~> actes intéressant la fortune publique à un ensemble
de comptes-rendus auquel rien n'échappait, et qui venait
.
»
»se soumettre au contrôle des Chambres et au 1ugement
» de la Cour de com ptes. »
« La durée des exer cices budgét aires était indefinie. On
>> visait, revisait, modifiait indéfiniment un exerci~e tant
» qu'il y avait quelque chose à paye~ o~ à rec.evo1r. pour
»son compte . A partir de i 822 1 la limite est mvanable.
» Elle est de vingt-quatre mois. Au bout de ce ter:1ps,
» tout ce qui est fait est apuré . Ce qui n'est pas fait se
» reporte à l'exercice sui vant. »
Enfin , le marquis d'Audiffret colligea dans un ~r?re
clair et méthodique toutes les règles de notre comptabilité.
li est l'auteur des ordo nnances du 30 mai 1838 et du
Décret du 3 1 ma i i 862 .
Son travail paraissait si complet et si précis qu'il a
servi de modèle à tous les gouvernements civilisés de
l'Europe.
Le décret du 31 ma i 1862 est diYisé en six titres:
- Le titre I : Dispositions générales applicables aux
divers services est précédé de la définition des deniers
. De son côté, le comte de Villèle dota la France, par
1 ordonnance du 14 septembre 1822, d'une comptabilité
sérieuse.
publics .
- Les deniers publics comprennent les deniers de l'Etat,
des départements, des communes, des etablisse_ments ~e
bienfaisance et d 'utilité publique. Ce titre établit ensuite
les principes génèraux de l' exercice budgHaire, de .b ~es
tion, du ma niement de tous les deniers publics, et indique
les conditions essentielles des fonctions d'administrateur
« A partir de ce moment en effet , dit Charles Louan» dre,. la _clarté, l'uniformité, le contrôle furent partout,
» aussi bien chez ceux qui dépensaient que chez ceux qui
et de comptable.
relatives à la comptabilité
- Le titre Il énum~re les rèales
t>
législative. Le régime in:rnguré en 1870 a entraine dan'
�-
125 -
12 4 -
ce titre plusieurs modifications nécessitées par les formes
constitutionnelles.
- Le titre III est relatif à la comptabilité administrafIVe.
Il détermine les obligations et la responsabilité personnelle des ordo n~ateurs et des comptables . Puis il indique
les r~gles pre~c ntes pour la te nue des livres , pour les
e.nvo1~ pén od1ques des états de situation et des pièces justificatives, pour les contrôles successifs et pour les comptes à rendre.
- Le titre IV s'occupe de la comptabilité judiciaire. Il
fixe la compétence des tribunaux administratifs, leur mode
de délibération, leur procédure et les formes de leurs
jugements.
- Le titre V comprend tous les services publics qui sont
régis par une législation particulière et qui ne sont exclusivement soumis ni à l'action immédia te ni au vote de la
législature. Ces services sont cependant placés sous l'impulsion et la surveillance de l'autorité supérieure. La forme
des écritures, les justifications et les contrôles sont les
mêmes que celles de la comptabilité de l 'État. Enfin les
préposés comptables sont, com me ceux du Trésor public,
justiciables de la cour des comptes et des conseils de
Préfecture. Ce titre se divise en plusieurs chapitres savoir:
1° le service spécial des départements; '.20 des communes,
3° des établissements de bienfaisa nce et particulièrement
de l'assistance publique, des maisons d 'aliénés, des dépôts
de mendicité et des Monts de Piété; 4° de l'Algérie et des
C?lonies; 50des Lycées et des Ecoles normales primaires.
Viennent ensuite les services spéc iaux rattachés pour
ord.re au budget de l'Etat : Légion d'honneur, Imprimerie
nationale, Chancell erie, Monna ies et Médai lles, caisse
des Inval ides de la Marine. Puis suivent les attributions
de la Ca isse des dépôts et consignations et de la Caisse
d'amortissement.
_ Enfin le titre V I traite de la com ptabilité des matières appartenant à l'État.
On voit combien est vaste le domaine de la comptabilité publique. Il fall ait, en effet, tout prévoir et tout régler
afin d'éviter les t âtonnements. Il fallait tout réglementer,
car aucuné latitude ne devait être laissée à l'initiative
privée. Il fallait de l 'unifor~ité, de la mét~ode , de la
fixité : c'est le but que s'était proposé le législateur dans
le décret du 3 1 mai 1862 .
Ainsi s'est formée, après bien des péripéties, des crises
nombreuses et parfois aiguës, notre comptabilité actuelle.
On doit se féliciter des progrès accomplis dans cette
matière périlleuse, car si la comptabilité n'est pas une
garantie d'économie, elle est du moins ~ne garantie d'ordre
et de moralité : ordre dans les choses 1 puisque par elle on est
certain de la somme que les peuples payent pour l'affermissement , la puissance et la gloire du pays i moralité
chez les personnes , car la surveilla nce active, le contrôle
sévère du comptable sont un moyen puissant d'assurer la
fidélité . (Maurice Black .)
Mais il est impossible de se laisser gagner par un
enthousiasme exagéré et de tenir pour idéale une législation encore imparfaite. Je répudie donc, pour ma part,
l'opinion exprimée par M . Maurice Block ~a.ns son excellent Dictionna1:re de la Poliûque, p. -t-32 (édit10n de i873).
« La comptabilité, dit-il , est arrivée eri ~rance à un tel
» degré de perfectionnement qu'on pourrait presque corn}> parer sa marche à celle des planètes qui gravitent dans
» leur orbite uniforme avec une précision toute mathéma}> tique. »
on plus partacrée par
' t
· ·
t>
Du reste cette opm10n n es pas n
dé et du i8 novembre
·
. .
,
le P arlement lu1-meme, qui , par un cr
1882, a aboli formellement les articles 68 à 8 i du décre~ du
31 mai 1862 et a édicté des règles nouvelles relatives
�-
-
127 -
126 -
aux adjudications et marchés passés au nom de l'Êtat.
J'espère ferm ement que l'on ne s'arrêtera pas là, et que
l'on améliorera encore, sans pour cela atteindre à une
prétendue perfection.
Mais que faut-il entendre par comptabi lité publique?
La comptabilité publique est la description des opérations relatives aux recettes et aux dépenses de l'Etat, des
départements, des communes et des établissements
publics.
Je m'occuperai spécialement de la comptabilité de
l'Etat.
Elle se divise en trois branches :
1 ° La comptabilité législative;
2 ° La comptabilité administrative;
3° La comptabilit~ judiciaire.
Chacune de ces divisions em brasse des opérations
diverses.
Si dans ces opérations cl ai res et précises, aucune fraude
n'est possible, si aucune malversation ne reste impunie,
si aucun abus n'est com mis sans être réprimé, si aucune
erreur volontaire ne peut être faite , si toutes les écritures
traduisent parfaitement tous les actes, si toutes les pièces
comptables sont absolum ent réelles, si elles ne contiennent aucune indication fictive , si, en un mot, la forme
c?ncorde en tous points avec le fo nd , alors on pourra
dire avec M. Maurice Black que « le perfectionnement de
» notre comptabilité est com parable à la marche uniforme
» des planètes. »
Malheureusement, il n'en est point ainsi. Et c'est une
vé~ité d ':xpéri~nce que, dans l'état actuel de notre législ ~t10n, d est impossible de prévenir bien des irrégularité. Les unes sont même tolérées pa r les rèalements ou
cons.acr~e~ par l'usage; les autres tiennent à u~e pratique
que 1e cnt1querai plus tard; quelques-unes proviennent de
ce que le contrôle laisse à désirer , sans qu'il y ait faute
imputable à personne.
Que l'on ne m'objecte pas que ces irrégularités condamnent plutôt la pratique que la loi elle-même , car il me
sera facile de répondre qu'une loi est loin d'être parfaite,
si elle peut être impunément violée.
Du reste, en comptabilité tout doit être formellement
prévu. Toutes les opérations doivent être drconscrites,
limitées et contrôlées. La loi doit prescrire seulement des
actes indispensables, nécessaires ou utiles. En aucun cas,
les finances publiques ne doivent être employées au gré
des particuliers.
J'ai dit que la comptabilité est la description des opérations relatives aux recettes et aux dépenses de l'E tat. 11
faut donc, avant tout, déterminer ces recettes et ces
dépenses.
A ce sujet, il importe de remarquer que les particuliers
règlent d'abord leurs revenus et ensuite leurs dépenses.
Dans l' Etat on fait absolument l'inverse : on règle
d'abord les dépenses et on y proportionne les revenus.
Voici donc le tableau récapitul atif des dépenses publiques:
l.
DETTE PUBLIQUE. -
DOTATION. -
DÉPENSES DES
1
POUVOIRS LÉGISLATIFS
Dette publique.- La dette publique comprend :
1° la dette consolidée;
20 les capitaux remboursables à divers tdres (intérê~s
et amortissement d'emprunts divers. Annuités au crédit
foncier pour le remboursement des avances faites à l'État.
Intérêts de cautionnements en numéraire. Intérêts de la
dette flottante. Intérêts au chemin de fer de l'Est pour la
partie de son réseau cédé à 1' Allemagne. Indemnités aux
�-
départements, villes et communes pour faits de guerre.
Annuités diverses).
3° Dette viagère (rentes viagères d'ancienne origine.
R entes viagères pour la vieillesse. P ensions des grands
fonctionnaires (loi du 17 juillet 1856). P ensions de la pairie
et de l'ancien Sénat. P ensions civiles . P ensions à tit'fe
de récompense nationale . Pensions militaires. P ensions
ecclésiastiques . P ensions de donataires dépossédés. Pensions et indemnités viagères aux employés de l'ancienne
liste civile).
Dotations . - Elles comprennent:
1° Le traitement du Président de la République;
2 ° Les frai s de sa maison ;
3• Ses frais de voyage;
4° Supplément à la dotation de la Légion d 'honneur ;
5° Subvention à la caisse des Invalides de la marine.
Dépenses des ponvoirs légùlatijs. - Ce sont :
1° Les dépenses administratives du Sénat et les indemnités aux Sénateurs ;
2 ° Les dépenses administratives de la chambre des
Députés et les indemnités aux Députés.
Il.
SERVICES DES M INISTÈRES
Ministère de la Justice et des Cultes ;
2° Ministère des Affaires étrangères ;
3° Ministère de !'Intérieur et de l'AIO'érie ·
'
t>
4° Ministère des Finances.1
5° Ministère de la Guerre 1·
6° Ministère de la Marine et des Colonies·
M~n~stère de l'Instruction Publique et de~ Beaux-Arts;
8 Mm1stère de !'Agriculture;
90 Ministère du Commerce 1·
1°
7:
129 -
128 -
Ministère des Travaux Publics;
T élégraphes.
11 ° Ministère des Postes et
10 •
Ill.
FRAIS DE RÉGIE ET DE PERCEPTION DES IMPOTS
ET REVENUS PUBLICS.
Ces dépenses comprennent :
° Contribut ions directes (remises aux percepteurs,
1
indemnités aux porteurs de contraintes et frais judiciaires,
service de la perception des amendes et condamnations
pécuniaires, secours aux percepteurs réformés, aux veuves
et aux orphelins des percepteurs);
2° Enregistrement, timbre et domaines;
3° Douanes;
40 Contributions indirectes;
5° Manufactures de l'État.
IV.
REMBOURSEMENTS ET RESTITUTIONS,
NON· VALEURS
ET PRIMES.
Ce sont les dégrèvements et non-valeurs sur les taxes
perçues en vertu des rôles ; les remboursements sur les
produits indirects et divers; la répartition des produits
d'amendes, saisies et confiscations attribuées à divers ;
les primes à l 'exportation de marchandises; les remboursements au département de l'Oise (article 3 de la loi du 28
mars 1874).
Il faut pourvoir à ces dépenses au moyen des ressources ordinaires et extraordinaires.
Voici le tableau récapitulatif des ressources et revenus
de l'Etat:
9
�-
l.
130 -
R ESSOURCES ORD 1 NAI RES
Elles comprennent :
1° Les revenus du Domaine public et des Forêts;
2° Les Contributions di rectes (foncière , personnelle, mobilière, portes et fenêtres, patentes) ;
3° Les taxes spéciales assimilées aux contributions directes;
4° Les droits d'enregistrement , de g reffe, d'hypothèque,
de sceau, de transmission des titres des sociétés françaises
et étrangères ;
5° Les Contributions indirectes (boissons, sels, sucres,
allumettes chimiques, chi corée, droit de garantie, taxes
sur les voitures publiques, etc.);
6° Les monopoles (tabacs, poudres à feu, monnaies et
médailles, postes et télégraphes) ;
7° Les produits et revenus divers (produits universitaires,
impôt de 3 °/0 sur le revenu des valeurs mobilières, produits et revenus de l'Algérie, recettes effe ctuées pour l~
service des pensions civiles , amendes et conda mnations
pécuniaires, brevets d'invention, prix de vente des cartes
et plans, recouvrements sur prèts au commerce et à l'industrie, débets des comptables, revenus d'établ issements
spéciaux, produits du volontariat, bénéfices réalisés par la
caisse des dépôts et consig nations .
Il .
R ESSOURCES EXTRAORDINAIRES
Ces ressources proviennent des. em prunts contractés
dans les circonstances difficiles.
Il faut donc déterminer d'abord les besoins de l'État,
c'est-à-dire fixer les dépenses.
Cette fixation, une fois faite, précise les recettes nécessaires, c'est-à-dire les impôts à répartir entre les contri-
131
buables , car il faut qu'il y ait au moins égalité entre les
recettes et les dépenses.
Mais ces prévisions peuvent être inexactes en définitive. En d 'autres termes, il est possible que les recettes
présumées soient insuffisantes, suffisantes ou exagérées.
Si elles sont insuffisantes, il faudra établir de nouvelles
impositions au courant de l'année ;
Si elles sont suffisantes, sans être exagérées, elles balanceront exactement les dépenses ;
Si elles sont exagérées, les sommes restées disponibles
seront transportées à l'exercice suivant, ou appliquées au
rachat de certaines portions de la dette consolidée ( 1).
(1) Depuis 187 1, le rachat s'est opëré sans doute dans des proportions insigni·
fiantes. Ma is, pour le com prendre, il suffit de se rappeler: d'une part, les sacrifices
énormes imposés à la France par la dernière guerre, et, d'autre part. les allègements d'impôts réclamés et en pa rtie réalisés par la mise en pratique d'un système
nouveau, a ppelé politique de dégrèvement. G râce à cette politique, les charges
des contribuables ont été successivement diminuées de plus de cent millions par
les lois des 26 mars 1875, 26 décembre 1876, 21°mars 1878, 26 mars 1878, 6 avril 1878,
'22 décembre 1878 1 18 mars 188o1 16 juill et 188o1 19 juillet 18So.
Les diminutions ont porté p rincipalement sur les taxes qui sont de nature à
entraver le travail, à gèner la c irculation et à restreindre la consommation.
Or, c'est une vé rité d'expérience que les diminutions d'impôt produisent une
augmentation de l'épargne, de la consommation ou de l'échange.
Et tout le monde sait q ue le mécanisme de nos lois fiscales est tel que l'accroissement de l'épargne, le développement de la consommation, l'augmentation des
affaires se t raduisent par une él~vation des recettes du Trésor.
Si je m'arrete à cette sim ple remarque, c'est pour réfuter la critique acerbe
dirigee contre le Gouvernement par certains publicistes, assuremeot plus instruits
que sincères. La réfutation sera sans doute mieux apprèciee quand j'aurai dit que
cette politique de dégrèvement tend à augmenter le bien-~tre du peuple, ~t que
cette tendance doit ètre la préoccupation constante de tout gouvernement hbér:il.
Voici du reste le relevé des dégrèvements depuis 1872 :
1872 ... ... ... ... ....... :. ... .......... ....
7.000.<XJO
1873....... ......... .................. ..... 33.272.000
1875 ···· ·· ··················· ·············
2 1.200.c:xx:>
7.448.00o
1876....... . ... ... .. ........ ............ .•.
1878 ... ... . ··· ·· ... ....... ······· .. .. .. ... 48.975.000
1879.... .•. . . .. . . . . .. .. . . .. . . .. . . . ...... .. . 53.350.989
188o ........... ·· ·· ······ ·· ·· ···········-· 134.736.215
1881 · ·········· ·············· ·············
1885 .... . ......... .......... •...... ........
7.::110.000
3.310.000
�-
-
132 -
La détermination des besoins et des ressources de ! 'Etat
est faite tous les ans au ministère des finances , et les
comptes généraux ainsi établis constituent le projet de
budget.
Il faut distinguer le budget des recettes et celui des
dépenses.
Le premier est divisé par branches de revenu ; le second
est divisé par ministère.
J e crois utile de donner ici un aperçu du budget ordi naire de l'exercice 1885 :
DÉPENSES
RECETTES
Impôts directs ........ F.
431.431.864
Produits domaniaux....
58.036.034
Impôts indirects ........ .
Enregistrement . . .. .. .. . .
548.27 1.000
Timbre .. ...................
158.479.000
Douanes....................
325.144.000
Contributions indi~. ... 1.171.588.000
Postes et télégraphes . .
169.901.ooo
Divers revenus ... .. . ... . .
8+-409·Ô97
Produits divers... ........
57 .23o.908
Prélèvement sur les recettes de la dotation
de l'armee ............. .
Dette publique et dotation .................. F. 1.325.2o8.717
84.565.763
Ministère de la justice.
affaires étran»
13.955.900
gères........
Intérieur ......
))
68.381.41 1
Finances ... ...
19.036.470
»
Postes et télé·
»
graphes .....
2.130.684
Guerre . ........ 582.636.984
»
Marine et co11
lonies .......
lnst•n pub!. et
:>
Bx arts .....
Come• et agri»
41.112.ogo
culture ..... .
Trav. pub!. .. 152.940.032
»
Finances et affaix
o
res étrangères ..
;::
..., Postes et télégracc
phes ..... ... ... . .. . 133.557.844
16.134.203
~ Agriculture ....... .
va·
non
et
Rembl6
~
cc
leu rs ............ .
......
......
...
TOTAL .... F. 3.022.385.377
T OTAL ... F. 3.022.385.377
133 -
Mais le budget ordinaire n'est pas le seul dont nous
ayons à nous occuper.
La comptabilité publique embrasse aussi:
Le budget extraordinaire i
2 0 Le budget des dépenses sur ressources spéciales ;
1°
3° Les budgets spéciaux rattachés pour ordre au budget
général de l'État.
Le budget extraordinaire établi pour la première fois
par la loi du 2 juillet 1862, avait cessé d'exister à partir
de 1872. Il avait été remplacé de 1872 à 1878 par le
compte de liquidation destiné à pourvoir à la reconstitution de notre matériel de guerre et de notre matériel naval.
Depuis 1878 le budget extraordinaire a été rétabli et a
remplacé le compte de liquidation.
Il y a une grande différence entre ces deux dénominations.
T outes deux, il est vrai , indiquent des dépenses
exceptionnelles. Mais tandis que le budget extraordinaire
est annuel, le compte de liquidation formait un compte
toujours ouvert et susceptible de recevoir indéfiniment
l'imputation de nouvelles dépenses.
Le budget sur ressources spéciales est un budget d'ordre.
Il a principalement pour objet les servicesdes départements
et des communes. Les Conseils généraux et municipaux
sont en effet autorisés à voter des centimes additionnels
aux contributions directes pour pourvoir à des dépenses
locales. Le budget des dépenses sur ressources spéciales
ne modifie en rien le budget général de l'Etat, car ses
dépenses et ses recettes s'cquilibrent toujours.
Quant aux budgets spéciaux rattachés pour ordre au
budget de l'État, ils concernent des institutions qui possèdent des ressources propres dont la gestion est confiée à
�-
13~
135 -
-
des comptables particuliers justiciables de la Cour des
comptes.
Ces institutions restent toutefois à la charge de l'État
qui leur accorde, s'il y a lieu, des subventions ou des
compléments de dotations. Ce sont !'Imprimerie nationale
la Légion d'honneur, la F abrication des monnaies e~
médaill es, la caisse des Invalides de la marine1 !'École
centrale des Arts et Manufactures, les Chemins de fer de
l'Etat et la Caisse nationale d'épargne.
L'étude du budget comprend :
La préparation ;
Le vote;
L'exécution ;
Le contrôle;
La préparation appartient naturellement au pouvmr
exécutif.
L~ v~te ~evient de droit au pouvoir législatif.
L execution est encore du ressort du pouvoir exécutif.
~nfin le :ontrôle est exercé concurremment par le pouvoir exécuti~, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Préparation du budget. - Chaque ministre prépare
1
d abor~ son budget particulier en prenant pour base les
allocations antérieures et e n tenant compte des besoins et
d~s . services nouveaux. Il se conc:erte ensuite avec le
mm1~tre. des finances qui centrali se ces di vers projets et
les reumt dans un travail d'ensemble pour en former le
budget des dépenses.
. Le budget des recettes est également préparé au mm1stere d~s finances. Les évaluations sont indiquées par les
produits de l'avant-dernier exercice écoulé.
Après avoir ainsi établi les dépenses et les recettes
présumées, le. ministre des finances soumet le projet de
budget à la signature du Président de la R épublique et
le dépose ensuite sur le bureau de la charn bre des Dépu-
tés (art. 25 de la loi constitutionnelle du 25 février
1875).
La Chambre nomme alors la commission du budget
composée de 33 députés pour examiner la nécessité des
crédits demandés et les causes des modifications proposées dans les recettes et les dépenses.
La comm ission vérifie tous les articles du projet et discute individuellement, avec le ministre ou les agents principaux des ministères, les réductions ou les suppléments
qui peuvent être demandés. Ell e fait un rapport motivé
et soumet à la Chambre le budget ainsi modifié.
Mais il convient de remarquer que l a commission du
budget ne peut pas vérifier dans tous les détails certaines
parties des comptes qui lui sont soumis par suite du groupement de services similaires. C'est unfaitavéréqu'elleaccorde
parfois des crédits supérieurs aux besoins réels des services publics. En conséquence des sommes assez importantes restent disponibles à la fin' de chaque exercice. Ces
sommes permetten t de distribuer des gratifications dans les
différents ministèr es. E lles viennent s'ajouter au crédit
inscrit pour encourager tell e ou telle catégorie de fonctionnaires. Assurément je suis loin de me rallier aux critiques acerbes et réitérées de la presse au sujet de ces gratifications. Je sais trop bien qu'elles constituent souvent
des compléments nécessaires à des traitements modiques.
Mais évidemment elles sont une dérogation : 1° à la loi
de finances; ~· à la prohibition d'engager aucune dépense
sans le consentement du législateur ; 3° à cet autre principe
que l'impôt doit être strictement limité aux besoins de
l'État ; 4° à un troisième principe qui consiste à dire que
le budget est une prévision , que si cette prévision est
supérieure aux dépenses réelles, le surplus doit être réservé
pour l'exercice suivant.
Il est vrai qu'elles pourraient ètre justifiées par ce motif
�-
-
136 -
que le législateur les a tacitement consenties pour rémunérer des travaux extraordinaires. Malheureusement, en
supposant même qu'il )' a it eu des travaux ext raordinaires ,
il est difficile de défendre une législation financière qui
procède du silence du lég islateur. Mieux vaudrait incontestablement des lois for melles dont t outes les dispositions
s'imposeraient a bsolument, sans la isser aucune place au
moindre alea, sans autoriser l'emploi de crédits, sui vant
la volonté des adm inistrateurs, car en comptabilité tout
doit être réglé d'avance. T oute initiative pri vée doit être
rigoureusement écartée .
. D 'ailleurs, il est démontré, dit M. P aul Leroy Beaulieu, « qu'un crédit voté, même lorsqu'il est trop consi » dérable, est presque toujours dépensé, les ministres et
» leurs subordonnés éprouvant une tendance naturelle à
)) accroître des dépenses qui augmentent leur importance
» personnelle et qui sont souvent pour eux des moyens
» d'influence (1). »
Quoi qu'il en soit, la commission du budget se livre tous
le~ ans à un .travail pénible et comp liqué. Le projet examiné et modifié par elle est ensuite discuté par la chambre des Députés.
. Mais .avant d'aller plus loin , il n'est peut-être pas inutile de 1eter un coup d'œi l rapide sur les méthodes des
autres pays.
En Ang l.eterre, la Chambre examine le budget dans des
s~ances. qm ont un caractère fam il ier, intime. La discussion a. heu sur le_ ton de la conversation, sans a pparat ,
san.s discours. T ous les membres de la Cha mbre peuvent
assister à ces séances. Ma is, il va sans dire que seuls les
hommes compétents prennent part à la discussion. De
cette fa çon, aucun membre expérimenté n'est exclu : c'est
1 37
-
là précisément que la méthode anglaise est supérieure
l
· · l b
·
· l
par
à la nôtre. D 'ailleurs, une fois e pro1et ams1 é ~ oré, es
débats publics à la Chambre ~ont très courts, .puisque chacun a déjà eu l'occasion de foire ses observ~tions dans les
séances du com ité. En France, au contraire, ces débats
t très longs et donnent lieu à de nombreux discours.
.
~n
En Amérique ( I) on a adopté le système des commissions closes et des commissions permanentes. Ces _commissions délibèrent en comité. Elles donnent leur avis sur
toutes les propositions financi ères déposées pendant la
session. U n détail qui mérite d'être remarqué, c'est que l~
loi fixe une limite de trente jours pour faire les propositions budgétaires. De plus , les règlements défendent la
réunion des corn missions permanentes pendant les heures
de la Chambre.
Vote dtt budget. - Le budget étant préparé, comm~
nous venons de l'indiquer, les chambres sont appelées a
le voter.
« Les pouvoirs des deux chambres sur ce point ont
>> varié beaucoup suivant les divers gouvernements et les
» ph ases historiques par lesquelles la France a passé. Sous
)> la R estauration, on corn mença par donner aux chambres
» le droit de voter par ministère ; c'est ce qui résulte de la
» loi du 2 5 mars 1817. D e cette façon 1 le gouvernement
)) n'était lié que par le chiffre alloué pour chaq~e .départe» ment ministériel , mais il pouvait, dans la hm1te de ce
» département, faire au moyen de virements, passer une
>> somme affectée à une certaine dépense à des dépenses
» d'un autre ordre. Plus tard, une Ordonnance du
t ar ministère le
·
)> 1" septembre 1827 substitua au vo e P'
réunit ensemble
l'
d.
•
·
» vote par section, c est-à· ire que on
.
(1) Sur le vote du budget en Anglell"CTe et en A menque,
..
du
.
(1) M. Paul Leroy Beaulien, t. 11' p · 37 T1·n1'f"c dA• t:a science
fi nnnces.
.
"
t
·•
soc1~té de leg1slation comparée, annee 1877 , p. d7 e sui~.,
Louis.
V"Oir le bu \letin de la
G
article de 11 1• eorge>
�-
-
138 -
des services ayant entre eux une certaine affinité, et le
» législateur eut à se prononcer sur chacune de ces sections. Son pouvoir de contrôle était ainsi considérable}~ ment aug menté. Enfin en 1830 le vote par section fit
» place au vote par chapitre, les chapitres comprenant
» un groupe de service du même ordre. A partir de 1852
» la France fut ramenée subitement , au point de vue
» financier, à la si tuation créée par la loi de 1817 1 le vote
» ne put avoir lieu que par ministère. Puis le second
>> Em~ire _sui vi.t prog ressivement le même chemin que
>> celui qui avait été parcouru j'usqu'en 1830. Un sénatus» cons~lte du 3 1 décembre 1869 prescrivit le vote par
» chapitres, et après la chute du second Empire une loi du
» 16 septembre 1871 consacra définitivement ce dernier
>> système.
» Dans ce débat continuellement agité, on le voit,
>> entre le pouvoir exécutif et les chambres législatives
» on a fait valoir de part et d'autre des ara um ents d'ordre
b
.
» financier et d'ordre politique. Ainsi le pouvoir exécutif
» a soutenu qu'il était diffi cile à un gouvernement d'avoir
» les mains liées par le pouvoir législatif; il se peut, en
» effet_, que, au cours d'un exercice, on s'aperçoive qu'un
» service a reçu une dotation insuffi sante, tandis que, sur
» tel autre service, des économies auront été réalisées.
» P ourquoi dès lors ne pas permettre au pouvoir exécutif
» de transporter une som me d'un service à un autre, de
» c?mbler des ~éficits avec les excédents dont on peut
» di.s~ose:? Mais d'autre part les raisons les plus sérieuses
» mil itent .en faveur de la spéciali té des crédits. Il faut que
» le controle exercé par le léaislateur en matière finan>> cière soit ~n contrô!e sérieux~ et il ne peut pas dépendre
» du pouvoi r exécutif de réaliser des économies sur cer.
» tains chap itres , de Jes reporter sur d' autres services
au
» gré des capri ces d'un ministre ou de la faveur dont peut
139 -
·r tel ou tel fonctionnaire. Du reste dans une question de ce genre, à côté des arguments d'ordre financier
: il ne faut point se dissimuler que les considérations poli» ues sont surtout déterminantes. Suivant que le pouvoir
» ~xécutif se sera attribué la prépondérance dans la ges» tion des affaires publiques, ou que la nation aura repris
» l'influence qui lui appartient dans la direction de ses
» destinées, on verra le principe de la spécialité des crédits
» être admis ou repoussé en matière budgétaire; mais,
» comme dans ce conflit entre les deux pouvoirs, c'est le
» pouvoir législatif qui doit a voi~ la ~ré~ondérance , on
» peut dire que nous sommes au1ourd hm revenus sur ce
» point aux véritables principes ( 1 ) . »
Cette dernière opinion est certainement la meilleure.
Car en matière financière, chaque année apportant une
expérience nouvell e, il est facile de tout prévoir et ?~tout
ordonner. Et j'estime que la latitude laissée aux ministres
dans la limite d'un chapitre est plutôt exagéré qu'insuffisante. Il suffit, en effet, d'examiner le groupement des
dépenses composant un même chapitre pour être persuadé
·
>> JOU1
.
que cette latitude est très grande.
Du reste tous les hommes d'expérience qui placent la
réalité des faits avant les conceptions imaginaires se prononcent unanimement en faveur de la spécialité des
crédits.
d. t. et voté
.
Lorsque le budget a été pub l1quement 1scu e
en du
· ' 1'
·
par la chambre des Députés, 11 est soumis a exam
Sénat. Cette assemblée nomme une commission de finances qui remplit le mème rôle que la commission du budget
à la chambre des D éputés.
Sur le rapport de cette commission, le Sénat discute à
1\1 G iutier professe11r de droit
(l) J'ai emprunte ce remarqua ble par 1gr .. phe
. . a. ·J . t ·t ' ellement pdrce que
administratif a la Fa.culte de Droit d'Aix. Jt: 1 u re pro Ull ex u
à mon avis, il est impossible de mieux dire en moins de mot> .
�-
qo -
-
son tour le budget, le modifie par son vote , s'·l
1 Y a 1·1eu
l a Ré pu-'
de
Président
du
nature
sig
la
et . le soumet enfin à
bl 1que .
Le budget est touj ours précédé d'une loi appelée loi de
finances.
Elle comprend :
1 ° Les crédits accordés .
'
2 ° Les impôts a utorisés;
3° L 'éval~ation des voies et moyens.
~ pr_:mière de ces di visions indique les sommes ui
.
doi vent etre. ,affectées à. tel ou tel ordre de d epenses
; q
La deux1eme mentionne les impôts à percevoir confor'
mément aux lois existant es .
'
~nfin l 'év~l uation des voies et moyens contient les indi.
détaillées du rendement de chaque 1mpot.
cations
P our
1 ·
es i mp~ts. de répartition , les somm es indiquées rentreront
nécessairement dans les caisses de l'Eta t . E n ce qui. conA
A
~erne les autres impôts, la loi ne contient qu 'une éva luation approximat'
ive, obtenue en fai.sant la moyenne des
.
perceptions des années antéri eures.
·
P ar l 'additio n d e ces· d'ivers impôts
on obtient le ch'fft
1 re
.
.
total d
es recettes, qui doit, pour équilibrer les finan ces
't
'
e re exactem
ent éga 1 au c h.iffre des crédits accordés.
.
S a 101 de fi nances ,·otée par la chambre des Députés et
L
Ie énat
.
de la R épubli, est prom u1g ué e par le Président
.
·
d.
J
d
qui
elle
est
C
que.
ren es 1spos1t1ons du budget exécut .
OJres. sur toute l'étendue du territoire français
·
pour le vote et la· promulga. rc he a· suivre
d la ma
t' V oilà
ton e 1a 101 de finances.
.
Mais il se peut que le S énat modifie
le budget voté
par 1a chambre des Dé t. D
pu es. ans ce cas, cette dernière
.
asse mblé d .
.fi ~ oit se li vrer à une nou vell e discussion sur les
Smocl1 cations prop os ées. s·1 e li e se met d'accord avec le
énat, t out est terminé : la loi pourra être promulguée.
141 -
Si, au contraire, elle mainti ent son premier vote, il y
aura conflit entre les deux chambres, et alors les deux
assemblées règlèront en commun la difficulté.
En réalité, les pouvoirs publics évitent ce conflit par
des concessions réciproques.
A propos du v ote de la loi des finances, je dois examiner certaines questions controversées .
Tout d'abord , doit-on voter annuellement' toutes les
dépenses ?
Je n'hésite pas à opiner pour la négative, car il y a
des dépenses , telle que la dette publ ique, qui constituent
un devoir sacré . Il est don c inadmissible que le P arlement
s'attarde à exami ner ou à discute r des crédits qu' il est
impossible de réduire.
D'autre part, il est peu digne de mettre tous les ans en
discussion la dotation du P résident de la R épublique.
En ce qui concerne l'administration de la guerre, les
discussions annuelles sont tellement délicates, qu'il est
désirable de voter les crédits pour une période quinquennale ou décennale, sauE bien entendu les années signalées
par des désastres. P eut-être serait -il préférable de voter à
huis-clos les dépenses relatives à l'armée et d'exiger le
secret le plus absolu de tous les membres du Parle~e~t,
au sujet des sacrifices fai ts pour une amélioration militaire
plus puissante .
C'est évidemment en s'inspirant des considérations de
cette nature que l' Allemagne vote pour une .péri~~e. de
plusieurs années les dépenses relatives à l'effectif m1hta1re.
Ce fait mérite d'être médité.
En Angleterre aussi, toute une catégorie de dépenses
est soustra ite au vote annuel des chambres : ce sont celles
qui ne pourraient être refusées sans porter atteinte au. crédit ou à l'organisation politique du pays, tels que les intérêts de la dette , la liste civile, les émoluments des cours
�-
143 -
142 -
de justice et des corps diplomatiques, les pensions conférées à titre national et les traitements de quelques fonctionnaires. T outes ces dépenses ne peuvent être supprimees 1
aug mentées ou diminuées que par une loi ( 1 ) .
. J 'arrive ainsi à une autre quest ion qui soulève de graves
mtér~ts. et qui touche même à l'ordre public. Il s'agit de
sa:roir s1 la c h a~1 bre des Députés a seule le droit de supprimer des crédits affectés au traitement de certains fonctionnaires institués par des lois? La négative n'est pas
douteuse.
En effet, l 'art. 8 de la loi du 25 février 1875 1 dispose
que: « Le Sénat a, concurremment avec la chambre des
» Députés, l'initiative et la confection des lois.» U ne seule
exception est consacrée en ces termes par ce texte : « Tou» tefois , les lois de finances doivent être, en premier lieu,
» présentées à la cha mbre des Députés. » La chambre des
Députés a donc l'initiative des lois de finances. Mais ce n'est
pas à dire qu'elle ait seule le pouvoir de les voter car le Sénat
aussi discute et vote le budget. Or, le droit d~ discuter et
de voter implique le pouvoir de modifier. S i donc le Sénat
peut modifier le budget voté par la chambre des Députés
· '
·
· de supprimer
celle-ci n'a pas seule 1e pouvoir
les tra1temen~s de fonctionnaires institués par des lois; car, en
mod'.fian:, le Sénat.peut diminuer, aug menter suppri mer
ou retabhr des crédits. Son droit de modificatio n n'est en
effet limité par aucune loi.
. En présence de ce silence des textes, ne peut-on pas
dire que la loi du budget est annuelle qu'un crédit ne
pe~t. être ouvert que par chacune des Chambres et que le
11\tnistre ne peut disposer que de la somme la moins élevée sur laquelle les deux Chambres seraient d'accord ?
(1) Bulletin de la Société de législation comp arée p 227 et s. Etude de
' ·
M. Georges Louis.
M. Paul Leroy Beaulieu estime que « le droit de la
» chambre des Députés de refuser des crédits est absolu.
» Mais, dit-il , il importerait que les institutions pré» voyantes y apportassent des limites, pour prévenir, dans
» certains cas, la désorganisation possible de services
» essentiels. On pourrait éta.b lir dans la constitution que
» les crédits pour la dette publ ique, pour l'armée, pour la
» marine , pour la magistrature ne pourront être réduits que
» par le concours des deux Chambres.
» Ces exceptions, qui devraient ne porter que sur les
» services les plus essentiels, ne modifieraient pas subs» tantiellement la règle que la chambre des Députés a
» seule qualité pour accorder des crédits au Gouvernement
» et pour mettre des impôts sur le pays. )>
Il est facile de réfuter ce système. En effet, la règle
générale est que les lois sont votées par les deux Chambres. Si le droit de la chambre des Députés de refuser des
crédits est absolu, la loi des finances conslitue en sa
faveur une exception. Or, cette exception ne doit pas être
étendue, et il ne faut pas, en tous cas, qu'elle puisse
détruire la règle générale. Pour qu'elle ne détruise pas la
règle générale, qui consacre le pouvoir des deux Chambres de voter les l ois, il ne faut pas que seule la Chambre
des Députés puisse indirectement abroger les lois qui ont
été faites concurremment par les deux Chambres.
Dira-t-on qu'en théorie pure, les lois ne sont pas abrogées, que les traitements sont simplement supprimées. Ce
serait étrange ! car la suppression des traitem~nts r~nd les
les lois inapplicables. Or, qu'est-ce qu'une 101 ap~hca~le?
Ce n'est certes pas une loi en désuétude, car on dit qu une
loi est tombée en désuetude quand les intéressés ne récla· · l · téressés ne deman. ·
ment plus son apphcatwn; or, 1c1 es m
.
.
dent pas mieux que de jouir de leur traitement.
1 r·1ncipale dispos1bl
.
.
Du reste, 11 est mcontesta e que a P
�,
-
144 -
tion de la loi est abrogée : celle qui supprime les traite1
ments, car je ne pense pas qu il soit possible d'établir ici
une différence entre supprimer et a broger.
En effet, une disposition de la loi en question fixe le
chiffre des traitements. Est-il donc admissible que la loi
de finances supprime ces traitements sans a broger le
texte législatif qui les a établis? Certainement non.
Donc à quelque point de vue que je me place, je ne
vois pas que la question puisse être résolue légalement
en faveur du pouvoir exorbitant de la chambre des
Députés. Donc le système de M . P aul Leroy Beaulieu
n'est pas soutenable en droit.
J e crois donc qu'en bonne législation , il conviendrait de
supprimer les fonctions avant de refuser valablement les
traitements aux fonctionnaires. S 'il n'en était pas ainsi ,
la chambre des Députés aurait à elle seule le pouvoir
1
d'anéantir, en fait, le rôle du Sénat, puisqu elle pourrait
supprimer à elle seule toutes les fonctions publiques, par
les seules dispositions de la loi de finances. O r en supprimant les fonctions publiques elle entraverait les services
publics et, partant, elle légiférerait seule, à sa guise et
sans frein, sans que sa vol onté toute puissante pût être
contrebalancée par le Sénat qui verrait alors ses attributions indirectement réduites à une pure fiction.
E xécution du budget. - Voilà donc Je budget préparé,
voté et promulgué . Il s'agit maintenant de l'exécuter
conformément aux lois et aux règlements.
Cette tâche incombe au pouvoir exécutif.
Sous l'autorité du ministre des finances sont placées
deux catégories distinctes d'agents.
Les uns sont chargés de prési der à l'assiette des Contributions directes.
Ils forment l'administration des Contributions directes,
et leur hiérarchie comprend, au-dessous du directeur
-
145 -
général, les directeurs de département, les inspecteurs et
les contrôleurs.
Les autres sont chargés de procéder au recouvrement.
Ils constituent une agence de perception hiérarchiquement
composée des trésoriers généraux de département, des
receveurs particuliers d'arrondissement et des percepteurs.
Les receveurs particuliers sont responsables vis-à-vis du
Trésor de la gestion des percepteurs ; les trésoriers généraux répondent tout à la fois de la gestion des percepteurs
et de celle des receveurs particuliers.
Les rôles préparés par l'administration des Contributions directes sont rendus exécutoires par les préfets et
transmis aux agents du recouvrement. Ils sont établis
pour toute l'année. Néanmoins le paiement n'est exigible
que par douzième.
Le contribuable qui n'a pas acquitté au 1er du mois le
douzième échu pour le mois précédent est dans le cas
d'être poursuivi. Le percepteur ne peut commencer les
poursuites qu 1 après avoir prévenu l'intéressé par une sommation sans frais. En outre, aucune poursuite avec frais ne
1
peut être exercée dans une commune qu en vertu d'une
contrainte délivrée par le receveur particulier et visée par
le sous-préfet.
Les poursuites comportent quatre degrés :
Io Une sommation, avec frais, huit jours après la som.
mation gratis ;
2° Un commandement, trois jours après la sommat10n
avec frais ;
3° Une saisie de meubles trois jours après le commandement ;
40 La vente de ces meubles huit jours après la clôture
du procès-verbal de saisie.
11 existe au profit du Trésor un privilège qui s'exerce :
10
�-
Pour l'année échue et l'année courante de la contribution foncière sur les récoltes, fruits, loyers et revenus
des biens immeubles sujets à la contribution ;
2° Pour l'année échue et l'année courante des autres
contributions sur tous les meubles et effets mobiliers appartenant aux contribuables. (Loi du 12 novembre 1808.)
Ainsi c'est au 1°• février seulement que le contribuable
devra Je douzième échu des impositions j le I or mars, il
devra de même le douzième échu de février et ainsi de
suite pour les autres douzièmes.
Mais il est facile de voir que les nécessités des différents services peuvent se fa ire sentir dès le com mencement
de l'année. Il faut donc se procurer de l' argent aux premiers jours même de l'exercice. A cet effet, la loi de
finances qui détermine les vo ies et moyens, autorise le
ministre à créer, pour le service de la Trésorerie, des bons
à courte échéance sur le Trésor et jusqu'à concurrence
d'une somrpe déterminée. Les bons du Trésor constituent
un placement commode pour les personnes qui n'ont besoin de leurs capitaux que dans un délai de trois mois,
six mois, un an .
D'ailleurs, les fonds déposés dans les Caisses d'épargne
fournissent des ressources au T résor et voici corn'
ment:
L'argent versé dans les Caisses d'épargne produit un
intérêt au profit des déposants. En conséquence les Caisses d'épargne sont obligées de faire valoir les dépôts. Elles
les remettent donc à la Caisse des dépôts et consignations,
qui leur en sert un intérêt. C'est sur cet intérêt que les
Caisses d'épargne prélèvent leurs frais et servent à leur
tour, avec le surplus, un intérêt à leurs déposants.
La Caisse des dépôts et consignations, de son côté,
pour payer des intérêts, est bien obligé d'en faire produire
aux fonds qu'elle a entre les mains. Elle a deux moyens à
1°
147 -
sa disposition : elle verse de l'argent en compte courant
au Trésor puis elle achete de la rente.
D'autre part, les comptables eux-mêmes sont portés à
faire des avances au Trésor puisque l'argent versé par
anticipation produit un intérêt à l: ur profit.
Ainsi le service de la Trésorerie est assuré dés le commencement de l'année. Et les créanciers sont sûrs d'être
.
payés à époque fi xe.
sans
fonctionner
donc
peuvent
Les administrations
interruption, car les dépenses prévues au budget peuvent
être engagées, dans la mesure nécessaire, le premier jour
même de l'exercice.
L'art. 6 du Décret du 31 mai 1862 dispose que les services faits et les droits constatés du r er janvier au 31 décembre sont seuls considérés comme appartenant à un
exercice.
L'exercice est la période d'exécution du budget.
11 commence au Ier janvier et se prolonge :
1° Jusqu'au I er février de la seconde ann~e pour ache~~r,
dans la limite des crédits ouverts, les services du matenel
dont l'exécution commencée n'aurait pu être terminée au
31 décembre pour des causes de force majeure ou d'intérêt
.
.
public;
20 Jusqu'au 30 juin pour compléter les opérations relatives au recouvrement des droits et produits constatés pendant l'année précédente;
30 Jusqu'au 31 juillet pour la liquidation et l'ordonnancement des sommes dues aux créanciers i
4° Jusqu'au 3 l août pour le paiement des dépens:s .
A cette dernière date l'exercice est clos, c'est-à-dire que
toutes les ordonnances et tous les mandats de paiement
non payés alors <loi vent être renouvelés sur l'exercice suivant .
Ces dépenses non pay ées figurent au budget de l'année
�-
-
149 -
148 -
suivante à un chapitre spécial appelé : Dépenses sur exer-
cices clos.
Ce chapitre n'est mentionné que pour mémoire dans la
loi de finances. Si les dépenses sur exercice clos ont été
payées, ce paiement devra figurer au chapitre correspondant de la loi des comptes. Si au contraire elles
n'ont pas été soldées elles peuvent être transportées d'un
budget à l'autre pendant un délai de cinq années (ce délai
est de six ans pour les créanciers résidant hors d'Europe).
Les créanciers de l'Etat peuvent donc obtenir le paiement de leurs créances pendant une période de cinq ans, à
partir du I er janvier de l'année dans laquelle leurs créances ont pris naissance.
Mais supposons une créance née le 31 décembre 1885.
La prescription de cinq ans commencera à courir contre le
créancier le 1er janvier de cette même année. De telle
sorte que, contrairement aux principes du droit civil, la
prescription commence avant la naissance même de la
créance.
Il peut arriver aussi qu'une créance soit payée lorsque
le délai de cinq ans dont nous venons de parler, sera
expiré. Il y a en effet, certaines causes de retard qui ne
sont pas imputables au créancier; par exemple si la
créance est à terme ou conditionnelle , ou si la créance
elle-même est l'objet d'un procès entre l'adm inistration et
le particulier. C'est pourquoi on trouve dans chaque
budget, à côté du chapitre relatif aux exercices clos, un
autre chapitre intitulé : D épenses des exercù:es périmés,
sur lequel s'impute le paiement des créances appartenant à
des exercices remontant au delà de cinq ans.
Maintenant que nous connaissons les délais dans lesquels doivent être effectuées et payées les dépenses, il nous
reste à voir comment elles doivent être acquittées.
A ce sujet il y a lieu de distinguer :
La liquidation ;
2 o L'ordonnancement;
o Le paiement.
3
Liquider c'est déterminer avec précision les droits
d'un créancier après vérification de ses titres et des pièces
1o
justifi cati ves.
.
. .
Aucune créance ne peut être liquidée a la charge du
Trésor que par l'un des ministres ou par ses délégués.
Chaque ministre, en effet, engage ses dépenses dans la
limite des crédits votés pour chacun des chapitres de son
département. P ersonnellement ou par ses subordonnés, il
décide les travaux et autorise les fournitures. Lorsque le
service est fait , il liquide la dépense et donne les ordres
nécessaires pour quelle soit payée.
A cet effet, il dél ivre au nom des créanciers des ordonnances de paiement. Ces ordonnances sont de deux sortes :
directes ou de délégatio11 .
Les premières sont délivrées par le ministre lui-même;
les secondes, par ses délégués qui sont : les ingénieurs
des P onts-et-Chaussées, les intendants ou sous-intendants
militaires, les conservateurs des forêts, les directeurs des
Contributions directes, des Douanes, des Contributions
indirectes , del'Enregistrement, du Timbre et des Domaines,
et les Préfets pour les services où il o'existe pas de directeur en titre.
Ces divers fo nctionnaires sont des ordonnateurs secondaires; ils sont investis par les Ordonnances ministérielles
du droit d'affecter à leur destination les crédits qu'elles
contiennent jusqu'à concurrence des sommes prévues au
budget.
Ils délivrent, en conséquence, sur les Caisses publiques,
des mandats de paiement au profit des créanciers de l'Etat
dont ils ont constaté les droits.
Les caisses sont tenues par des fonctionnaires spéciaux.
�-
150 -
La comptabilité publique a donc polll' base la séparation absolue de l'ordonnateur et du comptable à tous les
degrés de la hiérarchie (art. 15 du Décret du 31 mai
1862. )
Ainsi l'ordonnateur prescrit les paiements et le comptable les effectue. De cette façon la même opération est
constatée deux fois par deux fonctionnaires différents . Et
par suite, le contrôle est plus facile, càr les écritures de
l'un permettent de vérifier celles de l'autre et réciproquement.
La mission du comptable ne se borne pas à l'opération
matérielle du paiement. Elle s'étend aussi à la vérification
des ordonnancements et des dépenses. C'est en effet, le
comptable et non l'ordonnateur qui est responsable des
paiements effectués. Il doit donc s'assurer :
1° Que la dette est régulière;
2° Que les piéces justificatives sont complètes;
30 Que la dépense porte sur les Ordonnances ministérielles qu'il a reçues ;
4° Que le montant de ces Ordonnances n'est pas dépassé.
En cas de refus de paiement, l'ordonnateur peut obliger,
sous sa responsabilité, le payeur à passer outre. Dans ce
cas, la déclaration motivée du refus du payeur ainsi que
la réquisition de l'ordonnateur doivent être écrites et annexées à !'Ordonnance ou au mandat
Le paiement des dépenses publiques s'effectue à Paris
et dans les départements, par les soins de la Direction du
mouvement général des fonds a u ministère des finances
laquelle a pour mission de veill er à l'application des recet~
tes aux dépenses publiques dans toute l'étendue du territoire.
Les principaux agents du paiement sont : à P aris le
c.aissier payeur central ; et dans les départements, les t résori ers payeurs généraux pour la généralité des dépenses des
151 -
ministères; les receveurs de l'Enregistrement et des Domai nes, les receveurs des Douanes , les receveurs des Contributions indirectes, et les d\recteurs des Postes et Télégraphes pour les dépens~s de leurs services respectifs.
On s'aperçoit souvent au cours d'un exercice que les
recettes prévues a u budget sont insuffisantes pour assurer
certains services. Cela tient à ce qu'il y a deux sortes de
dépenses : les Ùnes fixes, telles que les traitements des
fonctionnaires qui sont facilement appréciables; les autres
éventuelles telles que l'entretien des troupes et l'achat des
fourrages.
Si ces dernières dépenses dépassent les sommes inscrites au budget , il y a lieu de recourir à des crédits supplémentaires.
De même quelques g rands faits tout exceptionnels, par
exemple, des menaces de guerre, la nécessité immédiate
d'accroître les armements, peuvent aussi entraîner à des
dépenses qui n'ont pu être prévues par la loi de finances :
il sera nécessaire alors de demander des crédits extraordina1:res.
Ainsi les crédits sont dits supplémentaires lorsqu'ils ont
pour objet d'ajouter certaines sommes à celles qui ont déjà
été votées au budget.
On appelle extraordinaires les crédits qui sont demandés pour des besoins non prévus par la loi de finances.
Les crédits supplémentaires et extraordinaires ne peuvent être accordés que par une loi. T outefois, si l'on se
trouve da ns l'inter valle des sessions législatives, ils pourront être accordés, pour certai ns services, par un décret en
conseil d'État J sauf au Gouvernement à solliciter plus tard
du législateur l'approbation de cette décision (1).
(t) Depuis le 13 juin i 878, les services publics pour lesquels des cr.\dits su~ple·
mentaires peuvent être d emandés •ont dètermines chaque année par les lois de
finances.
�-
152 -
Ces crédits sont un obstacle à la bonne gestion des
finances.
Ils sont contraires à toutes les règ les de l'économie
parce qu'ils encouragent trop souvent le gaspi llage.
En principe ces dépenses supplémentaires ou extraordinaires devraient être compensées, en fin d'exercice, par
l'annulation de crédits votés, mais non employés, ou par
la réduction des crédits dont on n'a usé que partiellement.
Mais cela n'arrive jamais en pratique : les comptes de
finances en font foi.
Quel serait donc le meilleur moyen à employer pour
prévenir ces inconvénients ? Pour résoudre cette question,
il importe de faire ressortir les intérêts qui se trouvent en
présence:
1° L'intérêt politique qui demande que le régime parlementaire soit sincèrement pratiqué; que le vote des chambres sur les dépenses soit effectif et que l'arbitraire des
ministres ne puisse violer presque subrepticement la volonté
exprimée dans la loi de finances ;
2 ° L'intérêt purement financier qui consiste à prévenir
les entraînements de dépenses, à maintenir l'équilibre du
budget, à conserver un caractère sérieux aux budgets de
prévision;
3° L'intérêt administratif qui veut que des dépenses
urgentes, mais imprévues, ne soient pas retardées.
Depuis longtemps, on essaye de concilier ces intérêts et
de mettre une barrière à l'aug mentation toujours croissante des crédits supplémentaires et extraordinaires .
A cet effet, on s'est demandé quel était le mei lleur
moyen à emp loyer ? J'estime qu'il convient de diviser la
question :
En ce qui concerne les crédits extraordinaires , il me
semb~e qu'on peut toujours attendre l'année suivante pour
les discuter, sauf quelques cas très ra res. Evidemment
-
153 -
aucun délai ne serait possible en cas de guerre. Mais la
plupart des dépens~s non prévues au bu~get pourraient
être certainement différées de quelques mois.
Quant aux crédits supplémentair:es, il est évident qu'ils
peuvent être considérablement réduits. En effet il est
facile de déterminer d 'une manière très approximative
les dépenses annuelles d'un exercice, d'après le relevé
moyen des exercices précédents. Cela est bien certain. Et
c'est pourquoi une loi de 1834 décida que les crédits supplémentaires ne pourraient plus être accordés que pour
des services expressément indiqués. Malheureusement
cette loi ne produisit pas les résultats espérés, parce que
le pouvoir chargé de l'appliquer ne surveilla pas ass:z
scrupuleusement l'application . De telle sorte que le législateur lui-même finit par déroger par des lois spéciales aux
dispositions généra les de la loi de 1834, en accordant des
crédits supplémenta ires prohibés.
Quoi qu' il en soit, il n'est pas douteux que le plus
grand écueil est dans l'entraînement aux dépenses. C'~t,
en effet, une vérité d 'expérience qui=! les deniers de l'Etat
sont engagés avec une prodigalité démesurée. Les esprits
clairvoyants le constatent et cependa nt tous les efforts sont
impuissants pour arrêter le courant.
Mais je ne me bornerai pas à me soulever c~ntre l~s
credits supplémentaires et extraordinaires. Je crois devoir
aller plus loin et protester contre les idées fausses de certains fonctionnaires qui prétendent aYoir bien administ~é
quand ils ont épuisé tous les crédits affectés à leurs ser:1ces. Ils ig norent proba blement ce principe élémentaire
que pour qu'une dépense soit régulière il faut avant tout
qu'elle soit nécessaire .
Bien plus, il est des administrateurs qui croient que
l'administration supérieure voit d 'un mauvais œil (exp~es
sion consacrée) des crédits restés disponibles . lis oublient
�-
-
154 -
ainsi que le budget est une limite qu'il ne faut pas dépasser et une prévision qui peut ne se réaliser qu'en partie.
Ce n'est pas tout encore; il arrive fréquemment que des
dépenses sont faites au coura nt d 'un exercice pour être
payées sur l'exercice suivant : c'est un arrangement
secret entre les administrations et les fournisseurs. Cette
pratique est d'autant plus regretta ble que les chefs de service sont informés chaque année qu'ils ne doivent en aucun
cas dépasser les crédits mis à leur disposition, sous peine
d'engager leur responsabilité pour les excédents de
dépenses.
Dans ces conditions 1 j'estime donc que toutes les fournitures restant à payer en fin d'exercice, constitueraient, en
réalité, une dette à la charge de ceux qui ont engagé les
dépenses. Cependant, dans la rig ueur des principes, les
fournisseurs n'auraient-il s pas un recours contre l'État?
n'ont-ils pas, en effet, suivi plutôt sa foi que celle des particuliers ? Quelle que soit la réponse à cette question , il est
évident que le Trésor aura it un recours contre les chefs
imprudents qui aura ient outrepassé les ordres de l'administration supérieure.
Cependant en pratique l'Etat excuse et paye touj ours.
Dès lors, faut-il s'étonner des précautions prises par
divers ministères pour assurer la régularité des dépenses
dans les limites des créd its accordés? Evidemment non ,
car les pratiques dénoncées dans diverses circulaires
ministérielles et notamment dans la circulaire de M. le
ministre de l'instruction publique du 29 décembre 1875 1
prouvent qu'il faut constamment tenir la main à l'exécution fidèle des règlements en vigueur.
Cette circulaire ( 1) résume les principa les dispositions
du règlement général de la comptabilité du 16 octobre
( 1) M. Marais de Beauchamps, Rcmeil des lois cl Règlemc11ts sur l'c11seig11eme11t
supéri1ur, p. 111, tome Il l•.
155 -
86?. Elle trace avec pr~cision les obli.gatio~s d~s chefs
1
de service. P armi les articles énoncés, 1e relevera1 seulement ceux qui sont le plus souvent violés.
« Art. 8. Les titres produits en justification des
» dépenses, notamment les m érn?ir~s des entrepreneur: et
» fournisseurs, doivent toujours md1quer la date précise,
» soit de l'exécution des services ou des travaux, soit de la
» livraison des fournitures. »
En conséquence, il faut éviter de postdater les pièces,
.
ce q ui arrive forcément cependant quand les fournitures
faites au cours d'un exercice sont payées sur l'exercice
suivant.
S'il ne faut pas postdater les pièces il ne faut pas non
.
plus les antidater , car l'art. 10 et ainsi conçu :
a
appartenant
comme
« Art. 1o. Sont seuls considérés
» un exercice les services faits et les droits acquis du
» 1 •r janvier au 31 décern bre de l'année qui donne son
» nom à cet exercice. »
« Art. 9. La partie prenante dénommée dans .un o~don
)> nancement ou dans un mandat de paiement doit tou1ours
» être le créancier réel , c'est-à-dire la personne qui a '.ait
et qui a
» le service effectué les fournitures ou travaux
•
J
)> un droit à exercer contre le Trésor pubhc. )>
Il n'est donc pas permis d'après ce dernier texte de
produire des factures fictives, d 'en faire mandater le mo.ntant au n om d'un créancier nominal et d'en payer ensuite
· té aucun
la somme au créancier réel, qui· n ' a presen
mémoire de dépense, mais qui a fait les fournitures. c:tte
t d crédits et tout v1re·
.
.
. .
prat1que exige du reste un v1remen e
.
autonse.
préalablement
être
doit
ment de crédits
De même lorsque dans le cours d'un exercice les
' ues au budget n ·on t pas été intéaralement
.
o
prév
allocations
pas
peu,·ent
e
'hl
.
· ,
employées, les sommes restées d 1sponi es n .
fictives · c est
d ·è
.
·
être dépensées sur la production e pi ces
�-
157 -
r56 -
·
là un principe d'honnêteté, d'ailleurs consacré par la l01.
Remarquons , du reste, que si ces principes n'étaient
pas observés par tous ceux qui engagent les dépenses de
l'Etat, on arrivera it vite à des tripotages détestables. Les
d_eniers publics pourraient être détournés de leur destination normale et la volonté du législateur serait méconnue.
D'autre part, « si l'on réfléchit au g rand nombre des
» agents préposés aux dépenses, on ne peut qu'être
'> effrayé de la pensée que, dans cette vaste opération
» effectuée ~ar tant de coopérateurs, la plus légère erreur,
1> la plus fa ible malversation,
la plus légère fraude dans
et mille fois répétées,
mille
particulier,
compte
)> chaque
» peuvent enlever des sommes immenses à l'Etat et
» aggra_ver ainsi le fardeau déjà si lourd qui pèse sur les
» c~~~'.1 b~ables ». (Maurice Black .)
S1 J ms1ste quelque peu sur ce point, c'est que je suis
persuadé que l'écueil est plutôt dans la liquidation des
dépenses que dans la perception des recettes.
~'est a.u:si l'opinion des hommes expérimentés qui ont
~refér~ ~enfie'. que supposer les faits accomplis. Du reste,
J aurai 1 occas10n de le démontrer plus clairement en m'occupant du contrôle des finances.
DU CONTROLE DES FI NANCES
« Pour avoir de bonnes finances , dit M . p au1 L eroyB
» . eaulieu, il ne s~ffit pas qu'un budget soit préparé avec
» n.gueur et exactitude, qu'il soit voté avec attention et
» d1~cernement : il ne suffit pas non plus que les assem » bl ee~ et le Gouvernement soient en garde contre les
» crédit~ supplémentaires et extraordinaires . Certes' ce
· .11 y a encore beaucoup
· t si mais
» sont
pom
..
, la de grands
» d autres cond1t1ons nécessaires à de bonnes finances. Il
» faut que l'ord re pré si·d e à toutes les dépenses, que le
»
»
»
»
»
contrôle s'étende à tous les comptes, que la gestion
financière soit autant que possible simple et méthoclique. Or ce n' est pas là une petite ni une facile besogne. On ne peut dire qne l'on soit arrivé dès maintenant
à la perfection sous ce rapport, et cependant l'on a fait
) de considérables progrès. »
Il faut donc :
Que l'ordre préside à t outes les dépenses ;
o Que le contrôle s'étende à tous les comptes ;
2
• Que la gestion financière soit simple et méthodique.
3
Voilà, en effet, trois propositions connexes, qui tendent
aux mêmes fins en se complétant l'une l' autre.
Elles doivent coexister, car leur concours est nécessaire
pour la clarté, la vérification et la sincérité des comptes
1
•
spéciaux et généraux.
C'est en vue de cette clarté et de cette simplicité qu' a
été établie la comptabilité en partie double.
C'est également pour assurer la sincérité qu'a été organisé un triple contrôle dans les finances publiques .
Le contrôle législatif ;
2° Le contrôle administratif ;
3° Le contrôle judiciaire.
1o
CONTRÔLE LÉGISLATIF
Le législateur intervient d'abord pour voter les dépenses
nécessaires et les impôts dus par chaque citoyen. Il prescrit l'affectation des revenus à des services déterminés. De
cette manière , aucune opération ne peut se faire sur toute
l'étendue du territoire sans que le P arlement en ait pris
l'initiative.
Le rôle de l'administration consistera à exécuter ces
prescriptions.
Et , plus tard , lorsque toutes les opérations auront été
�-
-
158 -
effectuées, le législateur interviendra de nouveau pour
s'assurer que les recettes et les dépenses auront été faites
conformément à la loi de finances.
L'administration devra donc s'inspirer t oujours des
dispositions de cette loi; et son cont rôle devra avoir pour
effet :
1° De permettre aux ministres ordonnateurs de former
le compte de leur département ;
2° De permettre au ministre des finances de sui vre la
consommation des crédits, l'état des recettes et des dépenses et la situation des caisses ;
3° D 'assurer l'exactitude des comptes que rendent les
ministres au pouvoir législatif en établissant qu'il se sont
conformés aux dispositions du budget et des lois de
finances.
Ces résultats sont obtenus par la tenue uniforme des
éc.ri~ures , par la centralisation de tous les comptes au
m1mstère des fina nces, et au moyen des inspections faites
inopinément sur les lieux mêmes .
1.1 existe dans chaque ministère une comptabilité particulière qui centralise les diverses opérations relatives à
l'e~écution des dépenses , à l'ouverture des crédits législatifs, à la liquidation des services faits à la délivrance
des Ordonnances et des mandats, à l~ réalisation des
paiements .
· ces opérations sont développées par cha• T ous 1es mois
1
pitre. Dun premier coup d 'œil on voit le montant des
dépenses et en regard le total des recettes. Et par la ba· en cours d'exécuon connaît pour c baque exercice
lance
.
t ion, la situation des services.
Chaque ministre transmet l'état de cette situation à la
.
· publique
Direction générale de 1a co mpta b"I1 ité
au ministère des finances qui les centralise.
Ces états présentent par chapitre du budget :
t59 -
Le montant des crédits de délégation ;
faits ;
2 o Les droits constatés sur les services
o Le montant des mandats délivrés ;
3
40 Le montant des paiements effectués.
A ces documents sont annexés les bordereaux sommai res des trésoriers payeurs généraux où se trouvent mentionnés , par exercice et par service, tous les paiements faits
pour le compte de chaque ministère .
De leur côté les divers comptables ressortissant directement au ministère des finances (trésoriers payeurs généraux, receveurs des Douanes, de ! 'Enregistrement , des Contributions indirectes, etc.) adressent aussi mensuellement
le résumé de leurs o pérations du mois écoulé, avec les
pièces et les documents à l 'appui. Les bureaux chargés de
ce service après avo ir véréfi é les pièces de recettes et de
dépenses réunissent en un seul total les 83 sommes appartenant à un même chapitre et provenant de chacun des
83 départements de la France. Les mêmes opérations sont
1o
..
faites pour l'Algérie et les colonies.
L'addition des comptes ainsi t ransmis mensuellement
par les agents des 83 départements et par les agents des
colonies doit égaler , à la fin de l 'année, le total par
chapitre des divers comptes ministériels.
Les écritures du bureau central de la comptabilité
publique sont alors complètes pour la gestion , et le ministre des finances est en état de publier le compte général de l'année.
Ce compte généra l est donc le résumé de toutes les
opérations de l'exercice. Il présente tous les éléments du
règlement définitif du budget.
La direction de la comptabilité publique au ministère
des finances exerce donc un contrôle permanent sur la
gestion des ordonnateurs et des comptables.
�-
160 -
CONTROLE ADMINISTRATIF
Il y a en outre un contrôle administratif qui s'exerce
de deux manières :
1° Chaque année les comptes des ministres pour l'exercice expiré sont soumis à une commission spéciale composée
de membres choisis dans le sein du Sénat, de la chambre
des Députés, du conseil d'Etat et de la Cour des comptes:
c'est là un contrôle qui porte sur les ordonnateurs (P aul
Leroy-Beaulieu).
2° Un autre contrôle est exercé par les inspecteurs de
finances. Il porte uniquement sur les comptables. La
France est divisée en zones dont chacune est parcourue
par un inspecteur général et des inspecteurs de finances,
qui vérifient les caisses et les écritures. Il y a un troisième
contrôle, celui de la Cour des comptes qui vérifie toutes
les opérations. .
Mais avant de passer à la comptabi lité judiciaire il est
intéressant d'examiner de près les diverses vérifications et
de se demander si elles s'étendent aussi bien aux dépenses
qu'aux recettes .
A mon avis quelle que soit la vigilance des inspections,
quels que soient les efforts déployés dans tous les contrôles, le zèle est insuffisant pour prévenir les erreurs, les
malversations et les fraudes.
Car dans l'état actuel de notre législation, les vérifications portent surtout sur la situation des caisses et sur les
opérations de recettes. En ce qui concerne les dépenses,
l'inspection s'arrête à la forme, le fond échappe à son
examen. En d'autres termes les écritures seules sont vérifiées i les actes sont seulement constatés mais ~on examiminés.
En effet, on ne recherche pas si les pièces sont sincères :
-
16 1 -
on examine seulement si elles sont faites dans la forme
réglementaire.
Ainsi les factures des fournisseurs sont approuvées si
ell es sont revêtues des formalités légales; la dépense est
ordonnancée ou mandatée sans que l'on se soit demandé
si tous les détails sont sincères.
La loi n'exige pas expressément que l'on compare les
actes accomplis avec les pièces produites. Elle semble
supposer ces actes sincères s'ils sont relatés dans des documents réguliers en la forme.
En bonne législation c'est le principe contraire qui
devrait dominer : on deYrait vérifier d 'abord le fond c'està-dire la sincérité des indications contenues dans les
pièces justificatives, et voir ensuite si toutes les formalités
ont été observées.
Il est vrai que la signature des chefs de service est
exigée sur les pièces de dépense. Mais qui ne voit qu'il
s'agirait précisément de contrôler la gestion de ces fonctionnaires, de vérifier si les justifications qu'ils produisent
concordent avec la réalité des faits et ne violent aucune
disposition des lois budgétaires?
Pour plus de clarté, je prends un exemple :
Le chef de service engage la dépense : il produit les
factures des fournisseurs. Et bien on ne vérifie pas si ces
factures sont réelles ou fictives; on en mandate le montant sans difficulté.
Bien plus, si les prix portés sur ces factures sont exagérés peu importe, il suffit que la forme soit obsen·ée.
Et chacun sait pourtant que ces prix sont souvent exorbitants.
Evidemment aucune fraude n'est possible pour les
dépenses faites par voie d'adjudication publique.
Mais que de petites dépenses, payées sur simple facture,
qui additionnées ensemble font des millions et qui sont
11
�-
162 -
cependant engagées sans toutes les précautions désirables.
Il est donc certain qu'il y a là un écueil immense.
Ce n'est pas tout.
Il est aussi certains crédits qui sont employés sans
qu'aucune vérifi cation soit possi hie. J e ne citerai qu'un
exemple entre mille :
Les sommes affectées à des frais de tournées sont
dépensées sans qu'il soit possible d'affirmer que les pièces
produites sont sincères, car rien ne prouve que les tournées aient été faites , mais elles figurent dans des écritures
régulières en la forme et c'est assez !
Dira-t-on que ce serait témoigner de la défiance aux
fonctionnaires que d'exiger d'eux la preuve de la dépense?
Le contraire est évident.
Du reste certains inspecteurs sont astreints à fourn ir ces
preuves, et ils ne sont nullement humiliés par ce procédé
administratif.
Est-ce à dire que ces fraudes soient fréquentes?
Je ne le crois pas pour ma part, mais il est certain
qu'elles sont d'une pratique faci le, et c'est pourquoi il
serait à désirer que l'on a méliorâ t sur ces points les règles
de notre comptabilité. Car en matière financière tout doit
être clair et précis, sincère et absolu.
Nous pouvons maintenant nous dema nder si nous ne
sommes pas quelque peu éloignés de cette prétendue perfection sig nalée par M. Maurice Block quand il compare
« la marche de notre comptabilité à cell e des planètes qui
gravitent dans leur orbite uniforme a vec une précision
toute mathématique. »
A ce sujet aucune discu ssion n'est posssible, car l'évidence s'impose. S'il y avait toutefoi s place à un doute,
on pourrait le dissiper en étudiant la question suivante :
Les chefs d'administration sont secondés par un personnel nombreux. Parmi leurs subordonnés il y a des
-
163 -
garçons de bureaux payés par l'Etat. Ces serviteurs ont
une besogne toute tracée. Or il arrive quelquefois qu'ils
sont malencontreusement dispensés de leurs occupations
normales pour être employés au service personnel du
chef d'administration et de sa famille .
Il y a là évidemment une irrégularité et même un abus.
Car en fait cette pratique se traduit par une suppression
d'emploi et un détournement de fonds. En effet, ces garçons de bureaux, retenus a illeurs , ne font pas le travail
pour lequel ils sont payés : il y a donc en fait suppression
d'emploi . Ils font un service a bsolument étranger à l 'administration et néanmoins ils émargent au budget : il y a
donc détournement de fonds. Car il est évident que la loi
de finances est violée puisque, en réalité, des allocations
affectées à un ser vice public sont détournées de leur
destination pour être employées au ser vice des particuliers.
Voilà donc des dépenses qui figurent en comptabilité,
qui sont plusieurs foi s vérifiées et touj ours approuvées :
pourquoi? parce qu 'elles sont mentionnées dans des états
réguliers en la forme !
Mais, remarquons que cette détestable pratique, blâmée
par des circula ires de plusieurs ministères, est de nature à
porter atteinte à la considération de tout le monde :
d'abord des directeurs eux-mêmes et ensuite de leurs subordonnés directs qui sont a insi réduits à se livrer à une
besogne humiliante: celle qui incombe régulièrement aux
garçons de bureau .
Il me tarde de dire que ces abus naguère répandus tendent à disparaître partout. Cette tendance fait honneur à
l'esprit de loyale équité qui anime les fonctionnaires. Elle
est aussi la manifestation d'une impulsion digne et honnête imprimée aujourd 'hui à toutes les administrations
publiques.
Mais on pourra m'obj ecter que ces critiques s'adressent
�-
164 -
plutôt à des artifices qu 1 aux dispositions mê~es ~e la loi.
La réponse est facile et simple. Toute 101 qui prête à
des artifices laisse à désirer , car pour être bonne elle doit
être tout d'abord d'une application facile; or une application facile implique une sanction efficace. Et c'est précisément cette sanction qui fait défaut en cette matière.
Il ne suffit donc pas de prescrire, il faut aussi assurer
l'exécution des prescriptions.
Une loi qui peut être impunément violée est loin d'être
parfaite. Quelle valeur ont, en effet, des dispositions légales qui peuvent être observées ou transgressées, au gré des
particuliers?
Il suffit de remarquer maintenant que les dispositions
critiquées sont précisément relatives aux dépenses.
L'écueil annoncé existe donc.
Mais pourrait-il être évité? Certainement oui, en améliorant la loi. Car quoi de plus simple que de surveiller
les dépenses avec la même sollicitude que les recettes?
N'y a-t-il pas lieu , en effet, de s'étonner de voir les
crédits livrés, sans contrôle, à la discrétion des administrateurs?
Il importerait même de surveiller plus scrupuleusement
les dépenses que les recettes. En effet, dans les recettes
tout est clair. La moindre irrégularité est généralement
d 1une constatation facile; tandis que pour les dépenses la
situation est toute différente.
Quelles erreurs peut-on commettre dans la perception
des impôts de répartition, par exemple? Aucune évidemment. Je sais bien qu 1il n'en est pas de même pour
les impôts indirects, pour les droits de douane, etc . En ce
qui concerne ces impositions, la pratique revèle des fraudes diverses : c 1est un fait indéniable.
Il y a donc là un autre écueil, parce que précisément
le contrôle est aussi plus difficile et moins efficace.
-
165 -
En conséquence, je puis établir ces propositions, que le
contrôle est sérieux là où aucune erreur n'est possible,
u,il est au contraire inefficace là où les irrégularités peuq
. l'
vent être mult1p 1ées.
Mais le contrôle judiciaire peut-il remédier aux inconvénients signalés? malheureusement non; et c'est ce que
je vais maintenant démontrer.
CONTROLE JUDICIAIRE
La comptabilité judiciaire est confiée à la Cour des
comptes.
La Cour des comptes est une vraie cour de justice.
Divisée en trois Chambres et un Parquet, elle se compose ainsi qu' il suit :
r Premier président qui a la haute direction des travaux
de la Cour, ainsi que la police et la surveillance générale. Il peut présider chacune des chambres;
3 Présidents de chambre;
18 Conseillers-maîtres;
26 Conseillers référendaires de 1re classe;
60 Conseillers référendaires de 2• classe;
2 Auditeurs dont 1 5 de 1 r• classe et IO de 2' classe.
Le P arquet se compose de:
1 Procureur général ;
1 Avocat général (ces fonctions sont remplies parun conseiller référendaire de 1•0 classe, décret du 17juillet 188o).
1 Substitut du procureur général (le décret du 17 juil~et
I 880 a chargé de ces fonctions un conseiller référendaire
de 2 ° classe).
On compte en outre:
1 Greffier en chef;
5 Commis-greffiers;
1 Secrétaire de la première présidence i
s
�-
166 -
Secrétaire du P arquet .
Les présidents, conseillers-maîtres et référendaires jouissent seuls du privilège de l'inamovibilité, et ils sont nommés par décret sur la proposition du ministre des
finances.
Lorsque les comptes sont remis à la Cour, le premier
président les distribue aux référendaires qui doivent alors
remplir une triple mission :
1° Refaire eux-mêmes toutes les opérations a rithmétiques
des comptes;
2° Vérifier si le comptable s'est conformé aux lois
'
règlements et circulaires;
3° Comparer les recettes et les dépenses d'après les lois
qui autorisent les crédits.
. Les r~férendaires font ensuite un rapport dans lequel
ils consignent les observations suggérées par l'examen
des comptes.
Ce travail de vérification, une fois terminé, est soumis
à la cham bre com pétente qui désig ne un conseiller-maître
pour en faire la révision détaillée.
-~uant au procureur général, il ne peut exercer son
mm1stère que par voie de réquisition ou de conclusions.
Il est le re_p :ésentant du pouvoir exécutif, chargé d'assurer la .redd1t1on des comptes et de requérir )'application
des pe1~es ou amendes contre les comptables en retard.
I~ doit pr.e~dre communication de tous les comptes s'i l
croit son mm1stère nécessaire ou utile· et la chambre peut
'
même l'ordonner d'office.
1
De plus, son ministère est légalement requis :
1 • Pour toutes les demandes en main levée réduction
ou translation d 'hypothèque (art. 40, décret du 28 septembre 1807).
20
P our toute prévention de faux ou de concussion élevée contre le com ptable.
•
-
167 -
La Cour des comptes exerce tantôt une véritable juridiction et rend des jugements, tantôt au contraire, elle
n'exerce qu'un simple contrôle et n'agit que comme conseil chargé de donner des a vis.
Il faut donc distinguer ses attributions de juridiction et
ses atributions de contrôle.
Ses attributions de juridiction s'exercent sur tous les comptables de droit et de fait, mais non sur les ordonnateurs
ni sur les co mptables en matière.
Les comptables de droit sont énumérés dans l'article
37 5 du décret du 3 1 mai 1862 . Il importe de remarquer
que les receveurs particuliers et les percepteurs ne sont
pas compris dans cette énumération. Ceux-ci rendent leurs
comptes à leurs supérieurs hiérarchiques.
Ils ne relèvent donc pas directement de la cour.
P armi les comptables de droit soumis à la juridiction
de la Cour des comptes, il faut citer :
Les receveurs des communes, hospices et établissements
de bienfaisan ce, dont les r evenus dépassent 30,000 fr. (en
Algérie 50, ooo) ;
Les économes des lycées;
L1 économe de !'Ecole normale supérieure;
Le caissier de l' imprimerie nationale;
Le caissier centra l de la Caisse des dépôts et consignations i
Les agents comptables des transferts et mutations de la
dette publique à Paris;
Les agents comptables des transferts et mutations dans
les départements ;
Le trésorier O"énéra l des Invalides de la marine ;
L'agent com~table special des chancelleries consula~res i
Le directeur de la fabr ication des monnaies et médailles.
Quant aux comptables de fait , ce sont ceux ~ui, s~ns
caractère officiel, s'immiscent, par f.rreur ou par intention
�-
168 -
frauduleuse, dans le maniement des deniers publics: par
exemple lorsqu'un maire em piète sur les fonctions d'un
receveur municipal, lorsqu'un desservant recueille une
souscription pour une Eg lise appartenant à la commune .
L'intrusion des personnes non comptables dans le
maniement des deniers publics s'opère de diverses façons .
Elle constitue toujours une gestion occulte quelle que soit
la forme sous laquelle elle se réalise. Car d 'une manière
générale, on peut appeler comptabilité occulte toute com ptabilité soustraite directement ou indirectement aux contrôles établis par la loi. Peu importe que l 'impossibilité de
vérifitation provienne du fait d'un comptable ou du fait
d'un particulier non comptable.
Mais le plus souvent la comptabilité occulte consiste en
une dissimulation de recettes. Elle se manifeste alors par la
création de caisses particulières, a ppelées caisses noires:( 1 ),
au moyen de ressources cachées dont l'emploi échappe
à tout contrôle extérieur. Très fréquem ment a ussi elle se
traduit par des mandats fictifs. « Un mandat fictif 1 en
» langage de comptabilité, est un mandat parfaitement
» régulier en apparence, qui est présenté à une caisse publi» que appuyé de justifi cations faussement établies, c'est-à1
» dire de mémoires s appliquan t à des dépenses simulées,
» de quittances supposées d'attestat ions et de déclarations
» mensongères. Les pièces produites étant régulières dans
» la forme, le payeur n'en peut refuser le payement et 11au» torité judiciaire ne peut reconnaître la fraude ou l'irrégu(1) Les caisses noires tendent à disparaitre partout. Cependant, il en existe
encore d'après les rapports de l'inspection des fina nces, et le discours prononcé le
3 novembre 1877 par M. Petitjean, procureur g6néral près la Cour des comptes. De
son côté, M. de Swarte dans son traité de la comptabilité occulte, p. 1oetsuivantes
signale aussi l'existence de certaines caisses de cette nature. li est intéressant de
consulter à cet égard les arrêts les plus récents de la Cour des comptes et notamment les arrêts des 11 juillet 1878 1 11 juin 188o, 17 m i\TS 1874, 26 mai 1874, 14 lévrier
1876.
-
r6g -
» Iarité, à moins d 'indices particuliers ou de circonstances
» fortuites qui viennent la lui révéler (1). »
Il est rare qu'une com ptabi lité occulte soit l'œuvre
d'une seule volonté. Le plus souvent la coopération de
diverses personnes est nécessaire. Pour les mandats fictifs
notamment, il faut généra lement le concours des chefs de
service, employés, entrepreneurs ou fournisseurs, etc. Tous
ces complice sont également assimilés à l'auteur de la ges'tion occulte. Ils ont une responsabilité commune (2) qui
peut même devenir solidaire (3) si la nature des faits rend
la responsabilité indivisible.
Ainsi donc le mandat fictif se traduit toujours en comptabilité par des indications mensongères qui ont généralement pour effet de faire concorder chaque article du
compte d'administration avec chaque article du budget.
En d'autres term es, il cache un virement de crédits
opéré en fait mais non exprimé en écriture. En réalité les
sommes portées au budget servent donc au paiement de
dépenses non prévues ou de dépenses dépassant les crédits ouverts ; et cependant le compte administratif et_ les
piéces justificatives à l'appui concordent en tous points
avec les indications du budget : ce qui revient à dire que
la comptabilité, irrégulière au fond, est à l'abri de tout
reproche quant à la forme.
.
On voit que ce procédé ne manque pas d'une certaine
habileté. Il consiste à délivrer un mandat pour une dépense
qui n'a pas été fa ite ou pour une dépense autre ~ue_ celle
. .
ou
qui a été effectuée. Il suppose un créancier 1magm~lf.e .
. compla isant
·
un créancier
qu1· 1 assoc1·an t sa complicité a
celle de l'ordonnateur ou du chef de service, consent à
(r) Discours de rentrée de la Cour des comptes du 3 novem bre 1877, par M. le
procureur général Petitjean.
(2) Arrêt de la Cour des comptes du 23 juin 1882.
(J) Arrêt de la Cour d es comptes des 18 et :?o fèvrier 1873.
�-
170 -
exaO'érer une facture ou même à la dénaturer ( 1). Et
b
ce qui fait précisément qu'il est impossible de découvrir
cette fraude ou plutôt cette irrégularité, c'est que le mandat
fictif est parfaitement régulier en apparence, c'est que dans
la forme il ne diffère en rien du mandat ordinaire. Mais
tandis que celui-ci est accompagné de pièces justificatives
réelles et sincèrement établies, celui-là est « appuyé de
)) fausses justifications c'est-à-dire de mémo ires s'appli» quant à des dépenses simulées, de quittances supposées,
» d'attestations et de déclarations mensongères .»
Comment se fait-il donc que la loi ne contienne aucune
disposition propre à empêcher le succès de cette pratique?
Il semble que le législateur soit impuissant contre les agissements des adm inistrateurs!
Le règlement du 29 décembre 187 5 ( 2) contient pourtant
certaines prescriptions qui, si ell es étaient sagement exécutées, seraient de nature à prévenir ces fraudes . En effet,
si le chef de service devait communiquer à son supérieur
hiérarchique les bons ou commandes adressés aux fournisseurs, si, de son côté, l'inspection des finances exerçait
un contrôle sérieux, si à son tour l 'administration tenait
la main à la stricte observation des règlements, il serait
impossible de commettre ces irrégularités. Car toutes les
factures, attestations et déclarations seraient contrôlées
par les bons ou commandes avec lesquels elles devraient
absolument concorder . Ces bons ou commandes serviraient donc de moyen de vérification puisque en demandant des fournitures, les administrateurs produiraient les
éléments nécessaires pour contrôler leur gestion. Malheu( 1)
Circulaire du ministre de l' intérieur du 25 mars 1872.
(2) M. Marais de Beauchamps : Recueil des lais 6 t nlglements sur l'enseig11411umt
supérieur, p. 111 , ce règlement est intitulé : Instruclio11 relative à la tenue régulière de la comptabilité de$ d«penses d1t matériel dans les élablisstJ11U11zts d'mseig11e·
mnil suplrieur.
-
171 -
reusement le R èglement de 187 5 est déjà lettre morte.
Je puis même ajouter que je ne l'ai jamais vu appliquer
avec intelligence.
Mais les sommes mandatées sur la production de pièces
fi ctives peuvent être affectées à des services publics ou
bien elles peuvent être détournées au profit des particuliers.
Dans le prem ier cas, il n'y a ni crime ni délit : le comptable occulte est justiciable de la Cour des comptes; dans
le second cas, au contraire, il y a lieu à l'applicatio~ des
articles 169 et suivants du code pénal.
Les comptables de droit et les comptables occultes
sont donc soumis à la juridiction de la Cour des comptes.
Leurs actes sont également vérifiés et jugés.
S 'il s'agit d'un comptable en recettes, la Cour recherche
s'il a fait rentrer la totalité des sommes dues à l'Etat.
S'il s'agit d'un comptable en dépenses, elle décide
s'il est quitte, en retard ou en avance. Elle vérifie aussi
s'il y a eu ou non des dil ap idations et le cas échéant elle
dénonce les coupables à la juridiction pénale.
La Cour juge sur pièces écrites, et les comptables ne
sont admis à discuter, ni en personne ni par ministère
d'av'ocat, les articles de leurs comptes.
De ce qu'il n'existe pas de débat contradictoire, il
résulte que le premier arrêt rendu est provisoire. Le
comptable est donc invité à produire les justifications
nécessaires et s'il n'a pas satisfait, dans un délai de deux
mois aux réclamations de la Cour, il est définitivement
condamné à solder son débet.
T outefois il peut exercer un recours en révùi'on en cas
d'errew', d'omiss1'on, de faux ou double emploi· reconnus
postérieurement, ou mème un recour en cassation pour
cause d'imcompétence, d'euès de pouvoir, ou de <1tolatio11
des formes de la loi.
�-
172 -
Plusieurs conditions sont nécessaires pour que la révision soit possible :
1° Il faut qu'il y ait eu erreur matérielle, omission 1 faux
ou double emploi ;
2 ° Que l'arrêt attaqué soit définitif;
3° Que la Cour ad mette la révision sur la demande de
l'intéressé ou sur la réquisition du procure ur général.
Il eût été injuste de fixer un délai spécial de prescription pourle recours en révision , car les pièces justificatives
peuvent n 'être découvertes que long temps a près le premier
arrêt. C 'est pourquoi la prescription de trente ans est
seule opposable .
Quant au recours en cassation, il est porté devant le
conseil d'Etat dans les trois mois à dater de la notification
de l'arrêt, sous peine de déchéance.
Le recours en cassation peut-être intenté par la partie
intéressée ou par le ministre sur l'autorisation préalable
du Président de la R épublique. Si le conseil d'Etat prononce la cassation de l' arrêt, le jugement de la question
est renvoyé à la cour, non pas à la même chambre, mais
à une chambre restée étrangère à l'affaire.
Le plus souvent la C our des comptes juge en premier
et en dernier ressort. Quelquefois cependant elle est aussi
tribunal d'appel. « En effet, les compta bles, les adminis·
» trations locales, les associations syndicales les receveurs
» municipaux des communes d'un revenu inférieur à
» 30,000 fr. , les hospices et éta blissements de bienfaisance,
» ainsi que les ministres de l'intérieur et des finances
» peuvent se pourvoir par a ppel devant la Cour des
» comptes contre tout arrêté de compte définitif rendu par
» les conseils de préfecture ( 1). »
( 1) M. Josat , Le miuistèrc des ji11a11ces , p. 93.
173-
Cet appel doit être interjeté dans le délai de trois mois
à partir de la notification de l'arrêté.
« Quant aux arrêtés rendus par la Cour des comptes
» sur les appels , pourvois ou révisions, ils sont toujours
» au nombre de deux : par le prem ier elle statue seule» ment sur la recevabilité de la requête, par le second,
» elle juge le fond même de l'affaire. » (M. Josat :
ouvrage cité, p . 93).
Mais la Cour des comptes n'est pas seulement une cour
de justice rendant des arrêts. « Elle est aussi une sorte de
» consei l de censure émettant sur la gestion générale des
» finances des déclarations et un ra pport qui n'ont d'autre
» autorité que celle que les pouvoirs publics et l'opinion
» leur prêtent et qui peuvent provoquer des réformes et
)> des mesures législatives. )> (Paul Leroy-Beaulieu. )
La Cour ne peut ap précier la comptabilité générale de
l'Etat qu'en exerçant un contrôle sur tous les services
publics. C 'est pourquoi le législateur a aussi soumis à sa
vérification les comptes eu 1natière, tels que le matériel
de la guerre et de la marine, ainsi que certains services
ressortissant au ministère de l'agriculture et du commerce
(écoles des arts et métiers, écoles vétérinaires , établissements thermaux, etc.) La Cour procède à l'examen des
comptes individuels de matières dans les formes déterminées pour les comptes-deniers. Mais c'est un contrôle qui
se borne à la régularité mat€-rielle des écritures ; les faits
réels sont abandonnés à la surveillance de l'administration.
Et encore faut-il remarquer que les administrateurs du
matériel de la g uerre et de la marine ne sont soumis ni à
la juridiction de la Cour des comptes, ni à l'inspection des
finances. Ils ont en fait une indépendance absolue et ne
relèvent que de leurs ministres respectifs ! Ils font bien des
écritures méthodiques sur les entrées, sur les sorties et
· ·t ures peuvent
· ces ecn
· mais
sur les provisions en magas10
1
�-
-
174 -
contenir les indications les plus fantaisistes sans qu'il soit
possible de les vérifier.
Il est donc évident qu'ici le rôle de la Cour des comptes est réduit à constater si les opérations sont bien faites,
si les tableaux sont bien dressés, et si les chiffres sont
bien alig nés. Ce contrôle est illusoire, sinon dérisoire.
C'est à se demander si un législateur sérieux a pu édicter
des dispositions aussi futil es.
« Le contrôle de la Cour des comptes sur les finances
» de l'Etat se traduit encore par des déclarations de confor» mité. Com me la Cour a entre les mains tous les comptes
» tenus par les comptables, elle peut vérifier s'il y a
» accord entre les résultats de ses arrêts et les résumés
» généraux qui sont dressés au ministère des fin ances par
)) nature de comptabilité et par branche de service. T outes
)> les années, la Cour doit, en a udience solennelle et
» publique, prononcer sa déclaration générale de confor» mité et cette formalité doit être acco mp lie avant le
» 1•r septembre de l'année qui suit celle de la cl ôture de
» l'exercice expiré. Ainsi, pour l'exercice 1884 qui est clos
» le 3 1 août 1885, la déclaration de conformité devra
>> avoir lieu le I cr septembre 1886 . S 'il y avait désaccord
)) e~tre les résultats des travaux de la Cour et les comptes
» genérau_x dressés dans les ministères, les pouvoirs publi cs
» en seraient solennellement avertis et devraient recher» cher à quel événement il faudrait en faire remonter la
» cause.
« Enfin la Cour des comptes doit, chaque année, rédiger
» u~ rap_port annuel sur les résultats généraux de l'admi» ms~rat10n financière et sur les améliorations qu'il paraî» t~a1t opportun à la Cour d'introduire dans cette organisa» t1on. ~e rapport sera rédigé par une réunion composée
» des d'.vers présidents, du procureur général et de trois
» conseillers-maîtres délégués par chaque Chambre et il
175 -
» sera adressé au chef du pouvoir exécutif. » (M. Gautier).
Dans son T raité du, mùzistère des .finances, M. Josat a
donné , à ce suj et , des détails aussi précis que possible,
p. 93 et s11ivantes.
J'ai ainsi étudié le triple contrôle établi sur l'administration des fina nces :
10 Le contrôle législatif, qui vote les budgets, c'est-àdire qui accorde les crédits, et qui s'assure que les comptes présentés par les ministres concordent avec les prescriptions budgétaires. Il porte sur les ordonnateurs et non
sur les compta bles. Il ne s'applique qu'aux faits avoués
par les ministres et ne peut vérifier l'existence des faits
J
réels ;
2 0 Le contrôle administratif qui s'étend aux ordonnateurs et aux com ptables, mais qui est inefficace, puisqu'il
s'arrête à la forme c'est-à-dire aux écritures, sans s'appliquer aux actes et aux faits réels ;
3° Le contrôle judiciaire qui se borne également aux
écritures sans s'étendre a ux faits eux-mêmes.
Que faut-il donc penser de cette législation qui a trouvé
tant d'admirateurs?
J'ai le regret de dire qu 'elle est loin d'être parfaite.
C'est même a vec un étonnemunt mêlé d'une pénible surprise que j'ai constaté les deniers de l'Etat abandonnés au
gaspillage, livrés à la discrétion de tous et laissés sans
surveillance efficace.
Quand on s'arrête aux apparences, quand on ne considère que la forme, quand on ne voit que des chiffres alignés, quand on vérifie des opérations bien faites sur des
nombres bien ordonnés , tout peut sans doute paraître
parfait.
Mais quelle désillusion si l 'on examine de plus près les
défauts ou les lacunes de la loi et si l'on descend dans le
domaine des faits réels! Quelle déception si on compare
�-
176 -
les actes avec les écritures, et si on passe des apparences
aux réalités !
Nous avons pourtant subi de dures épreuves, et notre
situation financière est encore assez difficile pour qu'il y
ait lieu de se préoccuper de l'améliorer.
Le Gouvernement l'a, du reste , fort bien compris, puisque par un décret du 31 janvier 1878, il a nommé une
commission pour procéder à la révision du décret du
31 mai l 862; puisque d'autre part, par un récent décret
du 18 novembre 1882, il a déjà édicté des règles nouvelles 11
pour les adjudications et marchés passés au nom de l' Etat. ~
li reste encore beaucoup à faire.
Il faut que les dispositions relatives au contrôle soient
radicalement transformées; il faut que les inspections
pui ssent garantir la sincérité des actes; il faut qu'elles
puissent surveiller tous les administrateurs; il faut que
l'emploi de tous les crédits soit véréfié et qu'en aucun cas
il ne soit a bandonné à la discrétion ou aux caprices des
particuliers; il faut, en un mot , qu'une législation sérieuse,
soit substituée à des règlements insuffisants pour réprimer
les abus.
J e dis les abus, et M. d'Audiffret P asquier (1) m'autorise à employer cette expression :
« Il peut arriver dit-i l, qu'un agent, dans un moment
'> de défaillance, commette un acte délictueux. » Et il
ajoute que le contrôle de la Cour des comptes, après toutes
les inspections possibles est insuffisant pour réprimer le
délit et pour prévenir d'autres fraudes.
« J e pourrais vous citer continue M. d 'Audiffret, à l 'ap>> pui de mes assertions, bien des faits qui sont relevés par
» la Cour des comptes dans son rapport sur l'exercice
» l 870. »
(1) Discours prononcé au Sénat le 16 novembre 1876.
-
177 -
Il en cite plusieurs, en effet, et il prouve que tous les
contrôles s'arrêtent à la forme .
Puis il term ine en ces termes :
« Ainsi , vous le voyez, Messieurs, il importe que les
» pièces sur lesquelles la Cour des comptes jugera soient
» sincères; mais ai -je besoin de rappeler à vos souvenirs
» la fameuse affaire des mandats fictifs?
» Est-ce que la Cour des comptes a pu soupçonner en
» voyant un mandat régulier appuyé de pièces réglemen» taires, qu'un agent-voyer et un Préfet avaient mandaté
» 10,ooofr. decaillouxalorsqueces 10,ooofr. avaientété
» réellement employés en dépenses de fêtes pour l'installa» tion d'un pont?.. . La Cour ne peut être juge de la
» sincérité de la valeur de certaines pièces.
» Bien plus, dans quelques cas elle ne reçoit communi-
» cation que de pièces rédigées après coup et spéciale» ment pour lui être soumises. Ce fait s'est présenté pour
» la liquidation des dépenses de la guerre de 1870. »
M. d'Audiffret aurait pu ajouter que les contrôles législatifs et administratifs sont également insuffisants, puisque
la vérification de la Cour des comptes s'exerce après les
autres inspections. Car, pour admettre que les fraudes
échappent à la Cour, il faut admettre aussi qu'elles ont
déjà échappé à tous les contrôles précédents, puisque les
contrôles divers s'appliquent aux mêmes comptes et que
la vérification de la Cour s'cxerc-e en dernier lieu.
Donc la critique de M. d' Audiffret s'adresse à l'inspection des finances en général.
Donc j'avais raison de dire qu'il est impossi~le, en
comptabilité publique, de prévenir de nombreuses irrégularités.
Donc notre législation actuelle est loin d'être parfait~.
Donc je ne devais pas me rallier à l'opinion des pubh1z
�-
178 -
cistes qui comparent le perfectionnement de notre comptabilité à la marche uniforme des planètes.
Mais, pour arriver à cette conclusion, j'ai discuté sur
des dépenses de dét ail, sur des sommes modiques. J'ai
puisé mes exemples dans les administrations de province.
En procédant a insi, je voulais établir que , par suite
des nombreux agents préposés aux recettes et a ux dépenses, les moindres abus mille et mille fois répétés peuvent
en]e,·er des sommes immenses au Trésor.
Il m'eût été faci le d 'invoquer des considérations d'un
autre ordre. Je les aurais trouvées partout et notamment
dans un article de M. Ch. Louandre publié en 1874.
« La confiance, dit-il , qui vit souvent d 'illusions, fut
» grande au début du règne, (il s'agit du second Empire) .
» Mais les esprits positifs s'effrayaient du prodigieux ac» croissement des dépenses, des virements qui jetaient le
>) désordre dans la comptabilité, des dettes contractées
» par les villes, des équilibres fictifs du budget, d'un pou» voir sans contre-poids qui la issait à Napoléon le droit
» absolu de paix et de guerre, d'un esprit d'aventure qui
» transportait dans la politique les réminiscences de Bou» logne et de Strasbourg; on se demandait quel profit la
» France avait tiré des guerres de Crimée et d 'Italie. On
» s'effrayait en lisant le budget de 186+, d'y trouver une
>) dette de 465,378,859 francs de rentes annuelles, soit
» 230 millions de plus qu'en 1849. Les ministres répétaient
» à la tribune que les expéditions de Crimée, d'Italie, de
» Chine, de Cochinchine, du Mexique, n'avaient altéré en
» rien aucun des éléments de la richesse et de la puissance
>) nationale; les journaux officieux et officiels le pro» clamaient à l'envi . Les gens naïfs le pensaient.
>) Mais le réveil fut terribl e, et la g uerre de Prusse dé» ch ira tous les voiles. Notre a rmée qu'on croyait pourvue
» de tout, manquait de tout; le favoritisme avait placé sous
-
1 79
-
» d'autres nom s T allard, Marsin et Soubise à la tête de
» nos troupes; et aujourd'hui quand nous aurons payé
» l'indemnité de guerre, notre dette s'élèvera à
21 mil-
» liards cinq cents millions.
« Nous aurons à solder 1 milliard cent millions de ren» tes annuelles , et après avoir changé vingt fois de gou» vernement a près l'Assemblée nationale, l'Assemblée
» constituante, la Convention, le Directoire, le Consulat,
» le premier Empire, les Cent-J ours , la Restauration , le
» gouvernement de Juillet, la République de 1848 1 la
» Présidence, le second Empire, la R épublique du
-+ 4 Septembre, nous nous retrouverons au même point
>> que dans les plus tristes a nnées de la monarchie, lors» que les intérêts de la dette absorbaient la moitié des re» venus disponibl es, lorsque le gouvernement transfor» ma it tout en ma tière imposable, et qu'il ne lui restait
» plus pour dernière ressource, comme l'a dit Bussy» Ra butin, qu'à mettre une taxe sur les gueux pour leur
>> laisser le droit de se chauffer au soleil. »
Il se dégage de cet exposé trop de vérités cruelles qui
ne laissent aucune place au doute sur les expédients les
plus abom ina bles.
Mais, écoutons encore M. Thiers (i ).
« Notre budget, qui, en moyenne, était de 1 milliard 500
» millions en 18+8, tous les sen'ices compris, la dette,
» l'amortissement , les ministères, les travaux extraordi» naires, les frais de perception, le ser vice départemental,
» était · arrivé en r 870 à un tota l de 2 milli:.lrds 1oo à
» 200 millions.
» Avec une augmentation pareill e, deux services capi» taux étaient déplora bl ement négligés : l'amortissement
» et l'armée . Il n 'y avait pas d'a mortissement, ou si peu
(1) Message de M. Thiers à J'Assemblee nationale le 7 dtccmbre 1871.
�-
180 -
, qu'il était dérisoire ; et, quant à l'armée, le matériel
» était à la fois insuffisant et arriéré, l'artillerie au-des)> sous de toutes les proportions généralement usitées, et
)) l'effectif de nos régiments d'infanterie rarement au-des)) sus de 11 à 1200 hommes, ce qui explique comment,
» après la déclaration de g uerre la plus téméraire , nous
» n'avions pas à l'ouverture du feu plus de 200, 000 hom» mes, à présenter à l'ennemi , qui s'avançait avec 4 00, 000
» hommes, soutenus par 3 00,00 0 autres. T elle était la
)> situation de nos principaux services, a vec un budget de
» 2 milliards I oo ou 200 millions. Depuis, la g uerre nous
» a coûté 3 milliards environ ; l'indemnité convenue avec
» les Allemands, nous en coûtera 5, que nous ne payerons
» que successivement, mais dont nous supportons déjà le
)> fardeau, puisque, dès aujourd'hui , nous en payons
-
r8 1 -
que tous les commentaires seraient imperflus ! Du reste
M. Ch. Louandre aggrave encore toutes les explications
que j'ai fournies jusqu'ici avec la plus grande circonspection .
Il parle en effet « du prodigieux accroissement des
» dépenses, des virements qui jetaient le désordre dans
» la co mptabi lité, des équilibres fictifs du budget, des
» déclarations fausses des ministres et des croyances des
» gens naïfs, des taxes à mettre sur les gueux pour
» leur laisser le droit de se chauffer au soleil. ))
Il confirme d'ailleurs tout ce qu'avait dénoncé M. Thiers
et il renchérit sur tous les détails donnés dans le message
révélés.
Il ressort d'abord de ce message que les crédits budgétaires étaient largement accordés pour un matériel de
guerre excellent et pour des régiments compl ets. Or, l'il lustre homme d'Etat déclare ce matériel « insuffisant et
arriéré )> et les régiments « de 1 1 oo à 1200 hommes seule-
du 7 décembre 187 I.
« Notre armée, dit-il, qu'on croyait pourvue de tout
)) manquait de tout. »
Il ne recherche pas quel emploi avait été fait des allocations énormes accordées au ministère de la guerre. Il
signale seulement les faits, et il laisse pressentir qu'il lui
répugne d'apprécier les expédients.
Pour ma part, je me bornerai à remarquer que ces
expédients ont été approuvés sous le couvert de pièces ficti ves, mais régulières en la forme !
Et maintenant, n'est-il pas per mis de se demander ce
que doivent penser de leur mission les hauts fonctionnaires chargés, à un titre quelconque, du contrôle des
ment. »
Il est donc évident que des sommes immenses ont été
ou gaspillées ou détournees de leur destination légale, car
tous les crédits budgétaires ont été employés. Et il va
sans dire, cependant , que les pièces justificatives des dépenses faites étaient régulières en la form e ; qu'elles ont
été soumises à un triple degré de contrôle , et qu'elles ont
finances ?
Croient-ils réaliser le rêve de M. de l\Iontéloux ( I)
quand il disait : <' ce qu'il importe le plus, c'est d'assurer
» le bon emp loi des revenus ... Il ne suffit pas que le Tré)> sor se remplisse et se remplisse aisément, il faut encore
» qu'une com ptabilité simple, régulière et complète, per» mette d'apprécier la mesure exacte des ressources du
l'intérêt >> .
Le message de M. Thiers mériterait d'être reproduit
intégralement. Mais je ne veux pas abuser des citations .
Ce qu'il importe surtout c'est de rechercher les abus
)>
été touj ours approuvées !
Je me borne à constater les faits, car il me semble
(1) M. de Monteloux, ne la ro111pt<1oililr p110liq11e m Fra11u. Paris, 18-to.
�-
183 -
182 -
pays, et garantisse à tous qu'aucune portion des sacrifi>' ces demandés à chacun n 'ira se perdre dans des dé pe n·
» ses inutiles. »
Il importe non-seulement de prévenir les dépenses inutiles, mais aussi et surtout les abus.
Il faut donc que la législation financière soit suffi samment parfaite pour être un frein à la dila pidation des fonctionnaires et du Gouvernement lui-même. Car la loi doit
être faite pour tout le monde, et il convient que le pouvoir
chargé de l'appliquer prêche lui-même d 'exemple.
Mais dans ces conditions, que faut-i l penser de notre
situation finan cière ?
Elle n'est certainement pas désespérée. Comparée à cell es
des autres nations civilisées, elle est même relativement
bonne. Car aucun autre pays ne jouit du crédit illimité
accordé à la France ; aucune autre nation ne jouit d'un
prestige aussi éclatant.
Ce n'est point seulement chez nous q ue la confiance en
l'avenir dissipe les inquiétudes du présent. Toute l'Europe
partage notre confiance; et la presse étrangère elle-même
en donne un témoignage public.
En effet, en 1872, la F rance dut faire a ppel au crédit
pour un emprunt de 3 milliards.
- En deux jours 4+ millia rds furent souscrits.
Ce fut un succès fabuleux pour la R épublique française.
Et à cette occasion, voici un écho des articles enthousiastes
qui remplissaient alors tous les journaux.
La 11ouvelle P resse libre de Vt'enne, dit : « Les résultats
>> vraiment inconcevables que le gouvernement fra nçais a
» obtenus par son a ppel au crédit euro péen réd uisent à néant
>> toutes les prédi ctions. Nous sommes en présence d'un fa it
» que chacun peut interpreter ici co mme il le voudra, mais
>> d'où il ressort clairement que la force productive du
» capital et du crédit européens défie tous les calculs , et
» que la France possède un crédit comme peut-être aucun
» autre Etat au m onde .. . >>
Le Wanderer dit à son tour:
« La France demande 3 milliards, on lui en offre 40.
>> Pour un pays dont un vainqueur outrecuidant annonçait
» naguère la ruine, il y a là un vote de confiance sans
» précédent da ns l 'hi stoire des peuples. La confiance de
» l'Europe da ns la régénération de la France et dans sa
» mission civilisatrice s'est affirmée à coups de milliards.
>> Elle les avance à la France, à ce pays prodigieux qui ,
>> par l'effet d'une force magique, renaît de ses cendres
» comme un glorieux phénix; au pays des ressources inépui» sables, de l'activité infatigable, de la production inces>>
sante. »
J e devais arrêter là cette étude. Mais on m'a engagé à
conduire jusqu'en 1886 1 les finances de la France. Je me
suis donc fait un devoir de vérifier les théories financières
que jai vu exposer à l 'occasion des dernières élections.
Tout d 'abord , j'ai co nstaté avec une émotion mêlée
d'une pénible surprise que la vérité a été généralement
travestie. Pour ne citer qu'un exemple entre mille quelques hommes politiques en vue d'augmenter à leur gré les
dettes de la France n 'ont pas craint de compter deux fois
certaines dé penses : une première fois comme capitaux
amortissa bl es et une seconde fois comme annuités d'amortissement. Trop évidemment , ils ont fait preuve ou d'une
mauvaise fo i détestable ou d'une ignorance inexcusable.
Il va sans dire d 'ailleurs que toutes les dépenses départementales et communales , ont été également ajoutées à la
dette de l'Etat, et pourtant ch\cun sait qu'elles ne figurent
que pour ordre a u budget général et qu'elles sont toujours
équilibrées par des recettes équivalentes.
J e dois donc chercher ailleurs les bases d'une appre-
�-
-
r8..J. -
ciation véritable. Il semble qu'on doive les trouver avec
précision dans les débats parlementaires. Et cependant, là
encore, il ne faudrait pas tout accepter sans contrôle. Du
reste, pour apprécier les finances d 'une nation, il faut
exa miner les résultats de plusieurs a nnées. Car mentionner un budget maximum ou un budget minimum ,
c'est vérifier un seul exercice. Et il est clair que cette
vérification ne peut avoir aucune portée générale.
C'est pourquoi j'a i voulu comparer les résultats obtenus
par les divers gouvernements qui se sont succédé en
France depuis 1814. Mais avant d'exposer ces résultats, il
importe d'examiner la situation financière à cette époque.
Or, c'est dans l'histoire qu'i l faut chercher cette situation,
et c'est présisément l'histoire qui permet d'affirmer que le
peuple français supporte depuis longtemps de très lourdes
charges.
Sous Louis X IV, pour ne pas remonter plus haut, la
France était tellement ruinée qu'i l eût fallu les revenus de
di x-huit années consécutives pour a mortir la dette qui
l'écrasait (voir p . 96). Sous Louis XV, la situation ne fut
guère modifiée bien que la banqueroute de Law eût permis
de payer ur: milliard et demi de la dette publique ( 1).
(voir p. 97.)
Nous avons étudié les expédients inouïs pratiqués sous
Louis XVI, nous avons esquissé le spectacle donné par
Calonne à l'Assemblée des nota bles de 1787. Faut-il ajouter que cette assemblée se sépara sans avoir rien conclu (2),
parce que la banqueroute lui paraissait inév itable (3) !
Faut-il considérer encore le chaos immense dans lequel les
finances furent eng louties par les J aco bins? Non, non.
Détournons les yeux de ces scènes pénibles et suivons
(1) M. Gorges: La dette pubUquc, lzistoirc de la rm/e frattçaisc, p. 81.
(2) Monteit, Hist. fin. de la France, p. 302.
(3) M. Gorges, ouvrage cité, p. 94.
j
Napoléon Jar dans ses efforts enthousiastes. Il commence
par dissi per les confusions. li organise. Il ordonne. Il
dirige. T out est surveillé et vérifié par lui. L'ordre est
rétabli. Les dangers sont écartés. Et la tâche est rendue
relative ment faci le . L' armée est sans doute décimée ! La
France est lasse de g uerres ! Mais les finances ne sont pas
excessivement obérées. On peut même dire que Napoléon Jer est resté fidèle à son principe « la guerre doit
suffire à la guerre. » Cependant il ne faut pas se dissimuler que la France a subi de terribles défaites et qu'il faut
réorganiser complètement bien des services essentiels
voilà l'histoire.
Voyons maintenant les résultats annoncés plus haut :
1
Dette publique annuelle .
Budgets moyens.
Epoques.
..
185 -
I 815-1829.... ......
1830-18-1-7 ... .......
18..J.8 -1 85 r. ...... ..
1852-1 869 ..........
1870-1875 ...... ... .
1876-1880....... ...
1880-1 886...... ....
I.003. 064.3..J. l
1.020-462.8..J.9
t. 276.813.361
2.089.528.707
3. q8.532.223
3.316.258.209
3.200.000.000 (1)
582.335 .890
58-1-476.-to6
687. 679 .697
918.063.-1-68
l .48..J..936.7-t..J.
1.666.4,fo.32 I
1.325.178.244
Voyons en core le mouve ment progressif de la dette
consolidée :
Rentes ins crites
Années
63.307.637 :
1•r janvier 1830
l
163.7é2.368 :
i.029.237 :
39.810.144 :
T ota l : 204.6<)5.459
q6. 749.591 :
1.026.6oo :
.375 :
26.507
1•r ja nvier 1848
65.525.399 :
capiJal au pair
Taux:
5 o!o
5 o/o
=
1.266.152. 740
=
4 112 o/o ==
3 o.o =
=
5 o/o
=
4 1/2 0/0
4 o/o
=
=
3 o/o =
Total : 240.~.955
(1) Voir journal officiel d es 29 1 30 et JI juillet 1885.
3.2nq1
soo
~.871 . 933
1.327.~.Soo
Total : 4.627.018.293
2.934.991 .820
22 .813.llJ
662.684 375
2.217.513.300
Total : 5.838.002.828
�Annüs
capital au pair
832.127.3n
11.152.400
10.673.189.500
Taux
Rmles 5 o/o
37.4-15.729: 4 1/2 o/o :-=
446 095 ' 4 o/o
·
320. 195.685 : 3 o/o =
\
=
1" janvier 1&]0
1
1•• janvier 1875
-
186 -
Total : 358.o87.510
J 45. 756.055 : 50/0
37-450-476 : 4 1/2 o/o
446.og6: 4 o/o =
=
364.752.344 : 3 0/0
T otal : 11.516.469.211
6.915. 121. 100
832.232.Soo
11. 152.400
12. 158.411 -466
=
=
T ot al : 19.916.917.766
Total : 748.404.971
344.996.919 :
37.442.436 :
446.og6:
1•r janvier 188o
363.039.904 :
5 o/o =
4 1/2 o/o
4 o/o =
3 o/o =
T otal : 19.844 -4(18.JSo
Total : 745.925.155
340.845.836 :
37-433·505 :
446.og6:
1er janvier 1883
363.047.685:
5 1.943.815 :
Total : 745.925. 155 :
6.899.938.38o
832.054. 133
11 .1 52-409
12. 10 1.323.467
=
5 o/o
=
4 1/2 o/o =
4 o/o
3 o/o =
3 o/o ••trllu•~l•
6.816 .916.720
831.855.6oo
11.152.400
12.10 1.589.500
=
=
1.731.400.500
T otal : 21.492.974.720 (1)
Il est intéressant aussi de comparer la dette publiq ue a nnuelle
et la rente inscrite :
Aimées
1830.... ....
1848.. ......
186g... .. ...
1875 .... ....
188o........
1883 ........
1884..... .. .
1885..... :..
Dette p11bl. aim ,
582.335.Sgo
687.679.697
918.o63.468
1.484.936.741
1.666.440.321
1.3 19.002.445
1.300.882.162
1.325. 178.244
R e11tes inscrites
204.6g6.459 240.8o8.955 358.o87.510 748.404.971 745 .925.1 55 745.925. 155 705.976.g83 7o6.11 f.685 -
Dijfére11ces
377.639.431
446.870.732
559.975.958
736.53 1.773
920.515. 166
57J.67p 90
654.905.18o
619.06 1.559
Nous connaissons ainsi le ca pital représenté par les
rentes inscrites. Nous savons qu'il s'élève actuellement à
2 I milliards r /2.
Nous connaissons également les différences entre les
rentes inscrites et la dette publ ique annuelle . Il ne faudrait
(1) M. Gorges : ouvrage cite depuis 1883, la dette tend à diminuer.
187 -
pas croire que ces différences représentent aussi des capitaux calculables suivant un taux quelconque, car elles
comprennent tout à la foi s des capitaux remboursables à
di vers titres , des annuités d 'amortissement, des rentes viagères, des dotations et les dépenses des pouvoirs législatifs.
Ainsi donc ce n'est pas la dette consolidée qui a seule
augmenté. D 'une manière générale, la dette publique a
pris des proportions énormes !
Mais pour tout esprit perspicace, pour tout observateur
consciencieux , elle a cha ngé d 'expression.
Autrefoi s elle n'avait pas de valeur correspondante: elle
était une lourde cha rge pour de fai bles compensations.
Aujourd 'hui, elle représente des capitaux.
En effet, sans compter les dépenses fabuleuses de la
guerre évaluées à 3 mil liards par M . Thiers (1)! sans
compter les ravages faits en 1870 et 187 r et en partie
réparés! sans co mpter l'indemnité de guerre de 5 milliards
payée à la Prusse ! on a reconstitué le matériel militaire,
exécuté des travaux publics, construit des chemins de fer
et des chemins vicinaux, créé des écoles, des lycées et des
collèges, etc. (2).
C'étaient là des dépenses de première nécessité dans un
Etat dém ocratique, et ce sont là des capitaux dont le
peuple profite.
Malheureusement cette œ uvre de réparation n 'a pas été
à l'abri des critiques. Mais, en définitive, la banqueroute
n'est plus à redouter comme autrefois! Si quelques fautes
ont été commises, elles ne font que justifier ces lignes
adressées en 1760 par Voltaire à Mme Dudeffand :
» J' aime mieux avoir des rentes sur la France que sur
}> la P russe. Notre destinée est de faire toujours des sot-
( 1) Message de 1\1. T hiers du 7 décembre 1871.
(2) Journal ofjirùl du 29 juillet 1885, p. <)66.
�-
188 -
tises et de nous en relever. Nous ne manquons jamais
' une occasion de nous ruiner et de nous faire battre ; mais
au bout de quelques années, il n 'y paraît plus. »
Toutefois, on ne peut se dissimuler que ce résultat est
subordonné au maintien d'un état de paix sans complication intérieure ou extérieure; que le succès pouvait être
compromis par toute mesure trop hâtive et que la prudence
la plus élémentaire exige du moins qu'avant d'autoriser
les dépenses, les voies et moyens soient assurés à l'avance.
POSITIONS
DROIT ROMAIN
I. - La publicienne x·n factum avait sa raison d'être en
droit romain.
Elle ne pouvait être toujours suppléée par la prœscnptio
long1: temporis.
..
Il. - D ans la théorie d'Ulpien, l' arriv ée de la condition résolutoire dans la vente conditionnelle opérait retour
rétroactif de la propri été de la chose vendue à l'acheteur.
Et les règles de la logique conduisent à décider que cette
propriété devait être simplement bonitaire.
III. - La théorie de Cujas sur les risques dans la vente
n'est pas soutenable en droit.
IV. - La règle catonienne n'avait pas été inspirée
par l'intérêt de l' héritier ni pour donner satisfaction à la
volonté présumée du défunt.
DROIT FRANÇAIS
I. -
Pour a cquérir par prescription le droit de recevoir
quand elles sont utiles, les eaux d'une source située da_ns
un fonds supérieur il n 'est pas nécessaire que le propriétaire du fonds inférieur construise des travaux apparents
sur le fonds supérieur.
II. - La règle quœ tem,poralia ad agendu~z perpetua
ad excipidltln ne s'applique pas dans notre droit.
III. - Le légataire à titre universel de mème qu'un
�-
190 -
légataire particulier n'a droit aux fruits qu'à compter du
jour de sa demande en délivra nce du legs.
IV. - Le légataire uni verse!, qui ne vient pas en concours avec des héritiers réservataires, ne représente pas le
TABLE DES MATIÈRES
defunt.
DROIT COMMERCIAL
I. - En cas de faillite du tireur, si le tiré n'a pas fait
acceptation, la propriété de la lettre de change appartient
au porteur.
DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
II. - Les tribunaux français sont compétents pour
juger les contestations entre étrangers .
III. - Les étrangers jouissent en France de tous les
droits civils qui ne leur sont pas refusés par un texte
spécial.
DROIT ROMAIN
Pagea
Préface........ ..... ... .. ..... ................................................................. .....
Époque roya l e.................................................................................
Période r épublicaine, personnel................... .. ................... .... ....... ....
Dépenses................... . . .. . . .. . . . . . . .. .. . . .. . .. . .. . . . . . .. .. .. ... .. . .. .. . . .... .. ...... .. .... ...
Recettes .. .. . . . ... . . .. . .. .. . ... . . . .. . . . . .. . . ... . .. .. . . . . . .. ...... .. .. ... ... .. ... ... .. . ... . .. . ... ..
Fonctionnement de l'administration ... ............ ................ . ......... ........... ·
Époque impérial e.......... ... .... .. ...... ..................................... ..........
Personnel et situation du Trésor................... ...... . .. ..............................
Fonctionnement de l'administration............................ ...........................
Réforme de Caracalla....... ............................................................... · ·
Fixation du budget par l'empereur .............................................. ······ ·· ··
Intervention du pouvoir judiciaire ................................ ...................... ···
7
9
15
21
25
30
59
61
6g
72
74
75
HISTOIRE DU DROIT
DROIT FRANÇAIS
IV. - L'impôt foncier, dans les provinces romaines,
conserva longtemps le caractère d'une redevance.
Vu par nous, prof1:sseur président de la thèse,
ALFRED GA UTIER.
Vu:
Pour le Doyen, en mission,
Le Professeur le plus ancien,
A. PISON.
Vu et permis d'imprimer :
Le Recteur,
BELIN.
Historique .. .................................... ...................................................
Ressources de l'État sous la Féodalité....................................................
Agents du Trésor .................................... ........................................... ..
Réformes de Philippe le Bel. ..... ................ ........... ...... ·..... ·· ....... ·· ·· ... ·· ··
Système des Fermes ................................ ...................... ...... ........... ···
Louis XI déclare la taille perpétuelle ..................... .. ............. ............. ..
79
8o
Dettes de la France en 1595.................... ·· ····· ········· ··· ............... ········ ·
Situation sous Louis XI V.. .. .............................. ·............. ··· ...... ···· ·· ..
Dette énorme en 1715................ .. .. . •••· •••· . ...... ...... .... .......................
Banqueroute et ga~pillage effrtnè ............................. · ............ · ...... ··
Situation sous Louis XV I. ................................................................. .
Institutions financières sous l'ancien régime ............................... ········· · .. . 99
10
5
Les abus révélés par C.1lonne........................................ ...................... ·
1o.S
Rèlormes opérées par la Constituante .................... · ·· · · · ... ·· ·· ···· ........ ··· · ··
1
Vente des biens du clergé et les assignats .............................................. · 09
112
Proposition de Cambon........ ........... . ....... .. ......... .... ........ ·.. · ····· ·· ······· · ··· ·
11
4
Spéculation des comptables ........................................... · ...... ··· · ·· .... ·· ....
116
Mandats territoriaux et rescriptions .. ...................................................... .
118
Organisation par Bonaparte ................................... ·········· ..... " .............. .
�-
192 Pngea
Formation de la législation actuelle............ ... .............. ..... .....................
Règlement des dépenses et des recettes .............................. ··..................
Fom1e du budget .. ...................................................... · .. · .. · ·.... ·.... ·......
Sa préparation ................. .. .................... ........................ ... · ·.. ... .. .. . .... .
Son vote . ..... ....................................................... ·.... .... ...... · ....... · .. ·.....
Son exécution............................................................. ............. .. . ........
Crédits supplémentaires et extraordinaires........................... ............... .....
Contrôle législatif. .................... . .................. .... ... ...................... .. ... .. .. ·
Contrôle administratif................ ..... . ............... . .... .. .. .. . ... ...... ..... .. . ... .....
Contrôle judiciaire .. .. .. .. .... . .. .. .... . .. .. . .. .... ..... .. . .. . .. .. .. .. ... .. .. ... . ..... ... .... .. .
Caisses noires et mandats fictifs.. .. ............................... .. ......... .. . .. ... .......
Impossibilité de prévenir les abus............ . .. .... ............. .... ..... .... . ............
Message de Thiers ....... .. .. ...................... ,.... ....... ..... .. .. .. ... . ........ .. .. .....
Situation financière en 1872 .. .... . ... .. ... .. ... .. .. .... ... .... . . .. .. .. ... .. .. .. ..... .. .. . .. .
Sit11ation actuelle et budgets moyens, depuis 1814 jusqu'à nos jours... .........
Positions...... ....... .. .................. ....... .. ................. . ...... ... ........ ... .. .... . .... ..
/~~
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9772. - Dordeaux, \'• Carlorct, impl'., rue .Montméjan, 11.
122
127
132
134
137
144
151
r57
100
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Droit romain : administration financière ; Droit français : principes de comptabilité publique : Thèse pour le doctorat...
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Le Coz, Armand
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-143
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Impr. de Vve Cadoret (Bordeaux)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1885
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241566665
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-143_Le-Coz_Administration-financiere_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
192 p.
In-8°
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/449
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Droit français : principes de comptabilité publique (Autre(s) titre(s))
Abstract
A summary of the resource.
De tous temps et chez tous les peuples, assure l’auteur, on a reconnu la nécessité d’une administration financière organisée et on a tenté de se prémunir contre les malversations et les fraudes qui n’ont pas manqué de survenir. L’auteur dégage les évolutions de l’administration financière romaine tout au long de son histoire, avant de s’intéresser à la formation de la législation moderne en matière de comptabilité publique.
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Subject
The topic of the resource
Finances publiques
Droit fiscal
Droit romain
Description
An account of the resource
Les finances publiques ont toujours été entachées de malversations et de fraudes que seuls des contrôles stricts de toute nature peuvent et doivent tenter de contenir
Finances publiques -- Comptabilité -- Droit -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Finances publiques -- Comptabilité -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Finances publiques -- Rome -- Thèses et écrits académiques