Littérature]]> ]]> Montagne de l'âme est un roman de Gao Xingjian paru en 1990, roman est traduit en français en 1995 par Noël et Liliane Dutrait aux Éditions de l'Aube.

Romancier, peintre et dramaturge chinois. Prix Nobel de littérature en 2000 (1940-)
Historique du don
En 2007 le Service Commun de documentation de l’université de Provence a été sollicité par la Jeune Equipe de recherche « Littérature chinoise et traduction » dirigée par le professeur Noël Dutrait (traducteur en langue française des œuvres de Gao Xingjian) pour engager une coopération avec la bibliothèque universitaire de la Chinese University de Hong Kong dans la perspective de développer en commun et mettre à la disposition des chercheurs un fonds spécial dédié à l’œuvre de Gao Xingjian. L’année suivante, l’Espace de Recherche et de Documentation (ERD) Gao Xingjian était ainsi créé à la BU des lettres et sciences humaines de l’université de Provence (désormais Aix-Marseille Université).

La constitution de ce fonds spécial s’est appuyée dans un premier temps sur cette coopération (régie par convention) avec la BU de la Chinese University, qui avait préalablement constitué un fonds spécial dédié à Gao Xingjian. De nombreux documents ont été donnés par Gao Xingjian lui-même ainsi que le professeur Dutrait. Gao Xingjian continue à effectuer régulièrement des dons en relation avec les nouvelles publications ou manifestations le concernant, parmi lesquels une série de lithographies dont « La Montagne de l’âme » présentée ici.

« Revenir à la peinture, c’est se libérer des verbiages, rendre les concepts du langage, c’est peindre là où le langage ne suffit plus, commencer à peindre là où l’on a fini de parler » (1)

Fondé sur la pratique de l’encre liée à la calligraphie, art réservé aux lettrés, le travail pictural de Gao Xingjian apparaît au premier regard, comme typiquement chinois. Dans cette tradition, l’art n’est pas séparé des systèmes de pensée et autres conceptions globales du monde. En Chine la représentation de l’univers a été marquée par trois courants que connaît naturellement le peintre : le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme zen. Du confucianisme, qui a imposé le formalisme en peinture et qui insiste surtout sur les idées de devoir, d’éducation, et sur le rôle actif de l’individu dans la société, Gao Xingjian paraît très éloigné. En revanche, il s’inscrit manifestement dans le sillage du bouddhisme chinois, qui a introduit dans la peinture le sens de la méditation en même temps que l’emploi de l’encre noire. Il paraît encore plus proche du taoïsme, qui anime la réalité par une énergie primitive s’incarnant dans les forces symétriques du yin et du yang, et qui, posant l’insignifiance de l’homme dans l’univers, a assigné au peintre la tâche de rendre compte non de l’aspect pittoresque, mais de l’âme de la Nature (pp. 42-45)

Si les références à la pensée chinoise sont manifestes dans le travail pictural de Gao Xingjian, elles n’excluent en rien les conceptions occidentales : la méditation et le rapport fusionnel avec la Nature ne l’empêchent pas de penser ses œuvres aussi de façon autonome, comme de purs objets esthétiques offerts au regard, à la manière dont le tableau est actuellement conçu en Occident.  A ce titre Gao Xingjian est un passeur de culture : loin de chercher un point d’équilibre entre les deux traditions esthétiques, il se laisse simultanément inspiré par l’une et l’autre. (p.56)

Chez Gao Xingjian […], c’est la réduction des moyens plastiques qui permet l’intensification de leurs pouvoirs, la création inversée de la lumière à partir du noir, et surtout une diversité extraordinaire de nuances obtenues par les dégradés subtils et les différents degrés de dilution des lavis. Pour parvenir à cette richesse d’effets, Gao Xingjian choisit précisément ses encres, et s’est constitué un nuancier lui permettant d’utiliser à chaque fois celle dont il a besoin (p. 85).

[…] Gao Xingjian récuse la distinction, habituelle en Occident, entre art abstrait et art figuratif : « Parfois, une partie ou un détail d’une image figurative, une fois agrandis, se rapprochent de l’abstrait. Il n’existe pas de démarcation définitive entre l’abstrait et le figuratif, et il n’est pas nécessaire de les opposer (2) ». (p. 238)

Dans La montagne de l’âme, la figure ronde, récurrente chez l’écrivain comme chez le peintre, est associée tantôt à l’œil de Dieu, tantôt au trou dans lequel on va trouver la mort, tantôt à la lune, « l’astre tout rond ». Dans les œuvres picturales, la polysémie est évidente dans la métamorphose progressive de certains motifs. (p. 241)

La défiance de Gao Xingjian vis-à-vis de la pensée abstraite le dispense de se situer précisément dans le champ des théories de l’inconscient. Il préfère en rester à la notion de « suggestion » qu’il oppose aux esthétiques de la « représentation » et de « l’expression » : « Il faut trouver de nouveaux champs à explorer, en dehors des deux voies de la figuration et de l’abstraction. La première est une représentation ; la seconde une expression. J’explore un troisième chemin entre les deux, fondé sur la suggestion et l’évocation d’une vision qui puisse être communiquée à autrui ; une vision intérieure, qui ne soit ni copie, ni déformation de la réalité. » (p. 251)

Voir une œuvre de Gao Xingjian, c’est ainsi faire une expérience esthétique qui brouille la distinction entre le sujet et l’objet. C’est non seulement, voir, mais aussi être requis par une présence énigmatique qui déstabilise la position habituellement distanciée du regard. Cette instabilité rejoint le thème de l’errance, axial chez l’écrivain comme chez le peintre : c’est lui qui donne sa trame narrative à La Montagne de l’âme, et qui soutient le récit du Livre d’un homme seul […]. (p. 253).

Cette lithographie fait partie d'une série de douze oeuvres offertes par l’auteur et sont exposées en permanence à la BU des Fenouillères. Ellles sont intégrées dans le fonds spécial de l’Espace de Recherche et Documentation Gao Xingjian.

Présentation, historique et résumé de Jean-Luc Bideau (2020)

_______________________________________
(1) Xingjian Gao, Pour une autre esthétique, Noël Dutrait et Liliane Dutrait (trad.), Paris, France, Flammarion, 2001, p. 55.
(2) Ibid., p. 36‑37.
(3) Daniel Bergez « Gao Xingjian: peintre de l’âme », Paris, France, Seuil, 2013
à lire également :
Gao Xingjian : peintre de l'âme par Daniel Bergez, Paris : Seuil, 2013

]]>
2000]]> ]]> fre]]>