1
200
1
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/362/RES-AIX-T-084_Fresquet_Etat-alienes.pdf
e15c01d23235bac3b091d074c6488f96
PDF Text
Text
g'f ·
THÈSE DE DOCTORAT
' PRÉSENTÉE ET SOUTENUE
DEVANT LA FACULTÉ DE DROIT D'AIX
PAR
ÉDOU..lRD DE FRESQUET
AVOCATj
DE L'ÉTAT JURIDIQUE
,
,
DES ALIENES
Al X
TYPOGRAPHIE V• REMONDET-AUBIN, SUR LE COURS, 53.
1874
��A LA MÉ~fü!RE DE MON PÈRE
RAYMOND DE FRESQUET
PROFESSEUR
A
LA
FACULTi
DE
D~IX
DROIT
CHEVALIER DE LA Li°aION-D'HONNEUR
A MONSIEUR VUATRIN
PROFESSEUR
A
LA
FACULTi
DE
DltOIT
DE
MEIS ET AMICIS :
PARIS
��DE L' ÉTA ri1 JURIDIQUE DES ALIÉNÉS
L'homme, arrivé à sa majorité, est réputé ~pte à gérer
ses affaires et à prendre soin de sa personne dans la plus
large mesure possible. Il sort alors de cet état de léthargie
légale, où la loi le place pendant sa minorité, pour commencer à agir par lui-même et prendre sa place parmi
les capables.
Il peut se faire que cette prfisomption pèche; et quand
des manifestations, à la réalité desquelles on ne peut se
soustraire, viennent indiquer qn'un individu, par suite
de lésions maladives, où même d'une organisation incomplète, ne peut, ?ans danger, soit pour lui, soit pour
la société, être abandonné à lui-même, la présomption
ne peut tenir, elle tombe, et alor.s la loi intervient pour
régler ce que doit devenir ce malheureux; elle reprend
ce pouvoir dont elle s'était départie, car celui qu'elle
avait déclaré capable a, plus que jamais, besoin de sa
protection.
En présence de cet état de choses, il n'est pas sans
intérêt d'étudier quel a été le système des législateurs à
cet égard, dé yôir qlielles sGnt les dispositions auxquelles,
�vj
suivant les époques, ils se sont arrêtés, com.ment ils ont
cherché à sauvegarder l'avantage particulier de celui dont
l'état mental est altéré, l'intérêt de la famille et l'inlérêt
de la société.
Le législateur avait aussi un point délicat a élucider :
quand et comment pourra-t-on parler atteinte à la liberté
individuelle, à cette liberté que tout homme tient a honneur de faire respecter et dont il se montre si jaloux?
Comment et par quels moyens ponrra-t-on arriver à.
substituer à l'action.individuelle, qui offrirait des dangers,
l'action des agents de l'autorité et à mettre l'individu luiinême sous la surveillance de ces agents?
A.un autre point de vue, il y a des degrés clans !"altération mentale; la capacité suivra ces degrés, devenant plus
ou moins grandi:\, suivant que l'~ltération diminuera ou
croîtra. L'incapacité civile suivra l'incapacité naturelle.
Il restera toujours quelque chose de la capacité, il y aura
une part d'action; il importait de la déterminer.
De tout temps, le législateur a dû se préoccuper de
ces questions et chercher à les résoudre, et en suivant la
marche de la législation en cette matière, nous constatons
de véritables progrès.
An début, un peu d'hésitation se manifeste; on corn. prend qu'en cette manière, pas plus qu'en tonte autre,
on n'ait pu atteindre tout d'un coup la perfection. Pen à
peu, on distingue les classes d'incapacité, on voit mieux
les maux, on les connaît, grâce aux développements de
la science médicale, et on y applique des remèdes prop01·tionnés aux besoins. On voit le bien et le· mal, on
augmente l'un, on cherche faire · disparaitr~ l"atitre,
a
�vij
C'est en suivant cette voie de progrès que l'on en est
arrivé à la loi .de 1838, contre laquelle on a élevé de sérieuses critiques, mais qui n'en est pas moins d'une
très grande utilité, utilité qni n'a pas de meilleures
preuves que sa fréquente application. l . e législateur devait enfin reconnaître que, tout autant que les biens·, la
personne des aliénés doit être !'.objet de m~sures de prévoyance et de soins.
La loi de 1838 a en ce mérite; elle a pour base ceci :
qu'il importe beaucoup de travailler activement à la guérison de ces individus, puisque le système d'incapacité
et de protection, établi autour d'eux, n'ayant plus de
raison d'être, disparaîtra ainsi que la cause, et le retour
de la raison amèner,a, comme conséquence forcée, la
' capacité civile.
. ;:.:..L
1
.... .
��DROIT ROMAIN
Un point qui ne peut manquer de frapper tout d'abord
l'attention, c'est qu'il y a dans l'aliénation mentale des
degrés divers. Cette remarque n'a pas échappé aux législateurs, et ils ont employé, autant que leur langue le leur
permettait, des expressions variant suivant que celui, dont
l\s s'occupent, se trouve dans l'une ou l'autre des situations
d'esprit qui constituent l'aliénation mentale.
Ces noms servent à dénommer les différentes maladies
de l'esprit.
En définitive, ils servent à exprimer la même idée,
,
mais à des degrés différents.
Ainsi, celui qui manque d'idées, c'est le fatuus, le
stultus; c'est ce que nous appellerons en français l'idiot
ou l'imbécile.
Puis il y a le dément, c'est alors : Mente capt·us,
demens, insanus, amens.
Enfin, i! y \l le (üriosus, c'esl celai 4ui est en état de
fureur :
�-2-
ll est vrai qne quelquefois les mots demens el fw·iosus
sont pris dans le m~me sens (7, I. D. 2.7, 10); mais
les situations sont très différentes. Le deinens,c'est celui
dont l'intelligence est troublée, égarée, et ne peut être
dirigée. C'est dans ce sens qu'un auteur a dit:
Quos perdere vult deus dementat.
L'état du demens n'a rien de dangereux pour la société. Il impire de la pitié plus qu'aucun autre sentiment. Un assoupissement fatal en est l'indice, l'intelli- .
gence tombe dans l'inertie, 8e décompose el se dissout. ·
La dém~nce se produit sombre, obscure, à peu près
perpétuelle et incurable; c'est la situation cle l' âme
privée des lumières de la raison.
On dit aussi insania.: c'est l'état d'un esprit malade,
état contraire à la santé cle l'esprit, ce que les Grecs appellent p.cmr.t (Cicéron, Tusc . 5. p. 3 et 4).
Le furiosus, c'est, à proprement parler, celui qui ne
peut maîtriser ses mouvements. La violence est son caractère, il ne peut se contenir , on se met en garde contre
ses entreprises.
C'est ce que lès Grecs appellent à tort p.EÀr.tyx.oÀlr.t.
Le furieux a des intervalles de repos et l'espoir d'une
guérison complète.
Bien que cette nomenclature résulte des diverses expressions citées, aucun texte ne l'établit d'une manière
précise.
Le nom générique est furor, furiosus. Pour les Romains, cela désigne en génér~I toutes les sortes d'aliénations mentales.
'
�-3-
La loi des Douze Tables emploie celle expression : Si
fwrios,us escit. Cela a été adopté par les jurisconsultes.
Il faudra donc générali ser au profit du demens les règles
.établies à l'occasion du furiosus. Les cGnséquences de la
dementia el de la furor sonl, au point de vue juridique,
identiques, sauf quelques exceptions (43, pr. D. 28, 6;
-25, c. 5. 4.)
Quand le libre arbitre disparaît, on peut généraliser
les règles, toutes les fois que les autres individns, en
proie à des désordres iutellectuels, ne sont pas, d'après
la loi _el la raison, dans une si~ualion particulière.
Les mots aliénation mentale se trouvent en droit
romain dans un rescrit de . Marc-Aurèle et Commode ;
nous trouvons ce qui suit: Si tibi liquida compertum
est, ·!Eliwn f>risc1im in eo furore esse ut, continua
mentis alienalione, omni intellectu careat (1, 14, C.
1, ·18; nov. 115, ch. 4, p. 5).
_Cette expression, nous ne la retrouvons pas en droit
français; ce n'est que la loi de 1838 qui a employé ce
nom d'aliénés ) et l'a vulgarisé au point que c'est à.présent
l'expressiou la plus usitée.
PREMIÈRE PARTIE
LOI DES DOUZE TABLES.
Ce qui avait lieu avant la loi des Douze Tables, à propos de notre matière, ne saurait se dire, d'une manière
précise, èn l'absen ce de t·extes de quelque natµre
qu'ils soient,
�-4.Néanmoins, une situation aussi intéressante que celle
de ces malheureux privés de raison n'a pu échapper à la
vigilance et aux soins du législateur. Non-seulement, il
y avait là pour lui une question d'humanité, mais encore
un intérêt social très grand. Ces ho~mes sont titulaires
de.droit; ils sont possesseurs de biens, et il importe à
l'Etat, pour devenir florissant et prospère, que les ~biens
soient administrés d'une manière intelligente, et contribuent ainsi à augmenter la richesse du pays.
Ceux qui ne sont pas aptes a remplir ces conditions
sont, non pas déchus du droit de propriété, mais sont
privés du pouvoir d'administrer. On confère ce pouvoir
à d'autres personnes intéressées a la conservation de ces
biens et qui, elles, jouissant de l'intégralité de leurs facultés mentales, rempliront les conditions voulues pour
apprécier sainement les mesures à prendre dans telles ou
telles circonstance3'.
Aussi, pourrions-nous tout d'abord affirmer, pa-r la
seule force du raisonnement, qu'il a dù y avoi-r une série ·
de mesures prises relativement à ceux que nous appelons
des aliénés, et que, sous les premiers rois de Rome, un
système aurait été organisé pour la protection de leurs
personnes et de leurs biens. C'est, en effet, à cela que
s'efforcèrent d'arriver plus tard les Préteurs. Mais, pour
cette époque, nous avons un texte fondamental, qui est
la loi des Douze Tables.
Table 5, p. 5. Si furiosus escit, adl)inatorum gen-
tilitium que in eo pecunia que ejus pot,estas esto. ·
La loi des Douze Tables a-t-elle innové et réglementé
ce qui n'était jusque-là qu'un état de fait?
�- lS
~
Ulpfon nous 1'épond là-dessüs d'\llne manière non .équivoque (I. pr. D. 27. 10) : la loi des Douze Tables n'a fait
que recueillir ce qu'elle ·avait trouvé établi, et a don~é
force de loi à ce qui était seulement moribus introduc-
tum.
La •loi·des Douze Tables met ceux qui sont incapables
de gérer leurs propres affaires et de se gouverner euxmêmes, par suite d'a:ffections maladives, sous la puissance de leurs agnaits et gentils.
Nous voyons, dans le texte cité plus haut, l'organisation de la curatelle à son débnt. Le furiosus, tant qu'il
est en cet état, est soumis, corps ·et biens, à ses agnats el
gentils. En droit, il est capable, car il est à un âge où l'an
peut se conduire soi-même. En .fait, il ne peut rien, il
est i11capable; c'est pour remédier à cette incapacité
éJ.u~on lui donne un curateur. Mais, à défaut d'agnats ou
de gentils, la curatelle cesse; et i<;i s'accuse d'une manière bien visible la pensée de la loi des Douze Tables ;fa
loi décemvirale songe bien moins à protéger le fou qu'à
·sauvegarder l'intérêt des agnats et des gentils, hé1:itiers
présomptifs de ces personnes. On comprend alors pourquoi la loi, moins bizarre qu'elle ne paraît tout d'abord,
ne s'applique pas à tous les insensés, mais seulement à
ceux qui peuvent avoir des intervalles lucides. Cicéron,
qui nous a conservé le texte de cette loi, établit parfaitement la distinction qui est .établie dans la loi des Douze
Tables. La loi ne s'occupe que des (uriosi et non des
insani: non est scriptum, dit-il, si insanus, sed si /ruriosus esse incipit ( Tusc. loc. cit.). Selon son sens
étroit, la loi ne s'applique-qu'à ceux dont la 1folie se ma-
�-6-
nifeste [Jar des excès inquiétants pour la slirelé publiq_ue.
Mais Cicéron se trompe, quand il croit que la loi des
Douze Tables a cherché l'intérêt de l'aliéné; la vérité est,
à coup sûr, dans ce que nous avons dit plus haut.
C'est toujours en vertu de celte interprétation de la loi
que les affranchis ne furent jamaiS' admis à en invoqner
le bienfait.
Les affranchis n'ont point d'agnats, nous sommes
en matière de droit étroit, et rien ne nous autorise à
penser qu'avec le temps, par extension de l'interprétation, il y ait eu à Rome une curatelle légitime des patrons.
Il ne faudrait pas invoquer l'analogie de ce qui eut lieu
pour la tutelle ; la tutelle des patrons fut admise comme
légitime, il est vrai, mais on avait, pour décider ainsi, ce
que nous n'avons pas pour la curatelle, l'esprit de la loi
des Douze Tables, qui établissait une corrélation entre
les charges de la tutelle et les espérances de succession.
Le fou, pouvant avoir des enfants qui primeraient les
agnats comme héritiers présomptifs, on ne doit pas nécessairement envisager la curatelle légitime, fondée, comme
la tutelle, sur une espérance de succession.
A bien examiner les choses, cette analogie entre la délation .de la tutelle et de l'hérédité n'est pas d'une exactitude rigoureuse. Les jurisconsultes, en présence des
exceplions qui se produ,isent, ont soin de dire: Plerum-
que, ubiest emolumentum, successionis, ibi debet esse
anus tutelœ.
Et, en effet, les exemples _ne sont que trop fac_iles à
trouver pour combattre cette ·corrélation. Par exemple,
�-7-
supposons que le plus proche agnat soit un impubère ou
une femme, pas de doute ·, il aurait l'émolument, la
charge de la tute\.le passerait à un autre.
C'est ce qu'e~priment bien les lois 1, p. 1, D. 26, 4
et 10 eod. tit. Le plus proche agnat pouvait être tuteur
et n'être point héritier présomptif, par exemple, si le père
a, lui-même, ainsi qu'il en a le droit, désigné dans son
testament l'héritier de son fils impubère.
Quant au patron, d'après la loi des Douze Tables, il
était appelé à l'hérédité de l'affranchi, si celui-ci était mort
intestat, nullo suo hœrede relicto (Inst. 3, 7, pr.).
Le patron devenait tuteur.de l'affranchi, mais à la puberté de celui-ci, tout espoir de succession lui échappait
par la faculté qu'il avait soit de se marier, soit de faire un
testament au profit de qui bon lui semblait.
De même, si l'affranchi était impubère, s'il a une femme
pour patronne, la femme a des espérances d'hérédité,
un autre aura la tutelle.
Il eût donc été, ce semble, logique d'imposer au patron la curatelle légitime, comme il avait déjà. la tutelle
légitime. Mais nous devons interpréter strictement la loi,
et n'~ trouvant aucune trace de cette délation, nous dirons qu'il .n'y avait pas de curatelle légitime pour les affranchis.
La loi des Douze Tables dit que ce pouvoir des curateurs portera sur la personne et sur les biens. Elle laisse
lieu à interprétation ; les Prudents et les Préteurs auront
à décider sur les cas qui se présenteront et pour lesquels
aucune décision n'est prise préalablement dans cette
loi.
�-$.
Qu· arriv;era-l.-i'I, s'il n''Y a ni agnats, ni gentils, cm, s'ils ·
sont inMpables; qùeUes sont les règles et garanties ·de
ces pouvoirs? Faut-ils' en rapporter .à ce .que nous idit
Horace ;
1
Interdicto huic omne adimat jus.
Prretor et ad sanos abeat tutela propinquos
Horace, Satires; sat. 3, vers 218.
(Encore, remarquerons-nous que le mot tutela est impropre, c'est cura qu'il faudrait, et puis f'aliéné n'était
pas interdit. )
C'est ce qu'on ne saurait décider.
Il est certain, toutefois, que le fu1·iosus ne peut pas
jouer le rôle de familiœ . emptor, Ulpien, Règ. xx,
p. 7. D'où il suit qu'il· ne peut pas être institué héritier,
tant que le familiœ emptor fut forcément Vinstitué.
Dans le droit classique, il ne P.Ouvait pas être institué,
1
et il est à croire qu'on n t~· pas la validité d'une
mancipation par lui revue.
Nous arrivons ainsi à la loi Plretoria, loi qui nous est
connue seulement d'après les tables d' Héraclée (golfe
de Tarente 1732); cette loi semble n'être qu'une application un peu étendue des principes posés dans la loi
des Douze Tables. Elle parle de curateurs donnés prop,ter
lasciviam et dementiam.
Gains ne nous parle pas_ de ·cette loi ; quand on ·espérait trouver cette loi, on est arrêté par cette mention
désolante : hîc folia desunt.
Ulpien mentionne qu'à côté des curateurs, donnés ·par
la loi des Douze Tables, il y a des curateurs datifs i0iu
�-9-
honoraires parce qu'ils sont donnés par le Préteur,
(Ulpien , Reg. xn. 5°)..
Cela prouve un grand développement dans l'institution,
mais nous laisse dans l'indécision. Nous ne pouvons
. suppléer sûrement à l'a:bsénce des textes.
Aussi, devons-nous arriver à la législation de Justinien,
et là nous trouvons de nombreux textes sur la matière
dont nous nous occupons.
DEUXIÈME PARTIE .
DROIT DES PANDECTES ET DE JUSTINIEN.
A mesure que l'on avance dans l'étude de cette matière, on s'aperçoit rapidement d'une chose, c'est que la
protection change de caractère'it' qu..'. en même temps elle
s'étend à des personnes de l'état ·desquelles le · législateur
ne s'était pas jusqu'alors préoccupé.
A cette époque, c'est l'idée de nécessité sociale qui
prédomine dans la mise en curatelie de certains individus ..
Dans les fragments, soit au Digeste, soit dans les recueils.
de lois propres à Justinien, nons trouvons que ceux qui
ne sont pas à la hauteur de leurs affaires doivent avoir
un curateur, aussi bieÏ1 les personnes atteintes d'une
maladie intellectuelle que celles sous le coup d'ùne grave
affection physique. Les dementes, insani, mente capti,
fatui, et d'un autre côté les débiles, perpetuo mente
2
�-
10 -
càpti, en un mot, qni rebus suù superesse non possuni (Inst. I. 23, p. 4; 12, D. 26, o; 2, D. 27, tO;
5. D. 3. I.; 19, p. 1, 20, 2·1, D. 42, 5).
Pour les premiers seuls, la curatelle est légitime, ce
sont les agnats, d'après la loi des Douze Tables, et plus
tard, par une décision de l'empereur Anastase, les frères
émancipés, qu'il avait précédemment appelés à la succession ab intestat (o, Code 5, 70).
Pour les autres, la curatelle est dative ou honoraire,
c'est-à-dire conférée par les magistrats ayant qualité pour
cela (Inst. 1, 23, 3). La curatelle peut être dative ou
honoraire, même au cas où il s'agit d'un furiosus. S'il
n'a pas d'agnats ou bien si l'agnat X habile à l'administration, il se fait excuser ou remplacer (15 D. 27.
10; 11 p. 1 et 2 D. 26, 2). On arrive à ce que la
curatelle légitime était assez rare et que ia curatelle dative ou honoraire devint de plus en plus fréquente. La
juridiction des Préteurs s'étendit peu à_ peu et vint établir nettement une deuxième classe de curateurs, à côté
des curateurs créés par la loi des Douze Tables; 1' on vit
se produire cette curieuse évolution : ce qui était le droit
1
commun au début devint l'exception;. le Préteur ne pouvant supprimer la loi des Douze Tables, la tournait, et
c'était lui qui, en définitive, donnait l'administration de
la curatelle à celui qui lui en paraissait le plus digne.
Il n'y a pas de curatelle testamentaire. Néanmoins, si le
père a exprimé la volonté de donner telle personne pour
curateur à son fils, le Prêteur devra se conformer aux désirs
dupère(16,D. 27, 10). Ilexaminerasi, en réalité, Je
fils est dans une situation telle qu'on doive lui donner un
�-1"fcnrateur et cela que le fils ait été institué ou exhérédé.
(lnst. 1, 23. I). C'est donc une simple désignation que le
père aura faite et non une nomination. Le droit de
donner un curateur appartient au Préteur seul.
Marc-Aurèle avait posé ce principe (7, [), C. 5, 70).
Justinien, dans sa constitution (27. C. 1. 4.), imprime
une nouvelle autorité au rescrit de Marc-Aurèle.
Les magistrats qui nommaient les curateurs étaient,
avant Justinien: à Rome, le Préfet de la ville et le Préteur; dans les provinces, le Président ou le Proconsul
(Inst. I.· 23, 3).
Sous Justinien, à Rome, le Préfet seul, avec ou sans
Je concours du Sénat, suivant que l'aliéné est d'origine
noble ou plébéienne; dans les provinces, le Président doit
s'adjoindre l'évêque et trois notables (I. D. 26, 5; 27,
C. 1, 4; 7, p. 5 et 6, C. 5, 70).
Quel que soit le magistrat qui procède à la nomination,
il faut un e enquête avant que l'aliéné entre en curatelle
(6, D. 27. 10).
Cette enquête doit être faite avec le soin le plus scrupuleux par le Préteur ou le Président. La loi veut éviter
que certaines persor~nes, feignant la folie, ne réussissent
à se soustraire aux charges civiles, en se faisant adjoindre
un cmateur. Le soin de provoquer l'enquête et la nomination du curateur incombe nécessairement, aux intéressés.
Le fils doit prendre soin de demander un curateur
pour son père non mentis compas (3, C. 5, 70) ; les parents, les affranchis, ceux qui ont un intérêt quelconque
ont qualité. C'est ce que disent en général les lois, et si
�- rnquelquefois elles prennent soin de s'exprimer d'une
manière plus explicite, c'est pour infliger le châtiment
d'une négligen.ce coupable.
La mère de celui qui est en démence doit demander
pour lui, selon les cas, la nomination d'un curateur ou
d'un tuteur. Si elle néglige <le le faire, elle est écartée de
la succession (2. p. 31 D. 38, 17). La Novelle 115
(28. C. I. 4..; Nov. 115, ch. 3) édicte des disposiLions
de nature à stimuler la négligence des parents, en établissant une large réciprocité de peines. Si les enfants
ou autres héritiers présomptifs testamentaires ou ab intestat négligent de pourvoir à sa curatelle, ils encourent l'exhérédation entre autres peines; celui qui, après
avoir mis les héritiers en demeure, recueille l'aliéné et
gère ses affaires, devient son successeur légitime à l'encontre de toutes les institutions testamentaires qui émanent du défunt. La volonté du défunt ne reçoit exécution
que sur les autres chefs.
Les mêmes peines sont prononcées contre les pères
qui montrent de l'incurie à l'égard de leurs enfants.
C:tpàcité pou1• êt1•e 4)t11•ateu1•.
Il faut être capable d'après le droit commun (Inst. 1.
25; D. 2.7, I). Aussi, tout individu peut être nommé
curateur, réserves faites, bien entendu, des cas d'excuses, exclusions ou destitutions qui sont énumérées par la
loi (13, D. 27, I).
·Les jurisconsultes ont soulevé des questions particu ...
�- rnlières, par exemple de savoir si le fils pourrait étre curateur
·de son père (Ulpien, ·12, 1. D. 26, 5; L p. 1, D. 27,
10; Paul. 2, D. 12.7.10). Antonin trancha la controverse,
et rejetant l'avis de Celse, qui tenait pour la négative,
quasi indecorum sit, patrem a ~Lio regi, donne raison à Ulpien en déclarant, si le fils est d'une piété reconnue, le préférer à un étranger. Le fils sera aussi, au cas
échéant, le curateur de sa mère.
Mais, entre le mari etla femme, il en est tout autrement. Le mari est exclu de la curatelle de la femme. Les
textes sont, on ne peut plus formels, là-dessus (lnst. 1,
25, 19; 14, D. 27, 10; 2 Cod. 5, 34).
Le sponsus ne peut être curateur de sa future épouse.
( I. p. 5, D. 27. I). En effet; si le mariage a lieu, comme
mari il ne peut être curateur de sa femme; si le mariage
ne s'en suit pas, il y aurait encore moins de raison que le
fiancé derneuràt curateur (Dornat, lois civiles, titre 12.,
n° 6).
L'opposition d'intèrêt est une cause d'incapacité. Les
qualités de créancier, dé~iteur ou détenteur. gagiste sont
incompatibles avec les fonctions de curateur. Le curateur
doit, en ~ffet, déclarer, à peine de déchéance, à son entrée
en curatelle, s'il lui est dù quelque chose (Inst. I. 25,
4; Nov. 72; Loi21 pr. D. 27, 1).
S'il acquérait pendant la tutelle par cession une créance
contre l'aliéné, quelque modique qu'elle soit, il ne pourrait exercer l'action qu'après êtrè sorti de fonctions (Loi
8. c. 5, 34).
Il peut se faire que, quoique aliéné, on ne soit pas en
curatelle, si l'on est pourvu par exemple d'un protecteur
�-Hà raison de l'âge (1. pr. C. 5, 70). Si l'on est impubère en puissance paternelle, la sollicitude du père snf. fira pour répondre du zèle qu'il apportera à. veiller aux
intérêts de son enfant. Le père a l'administration dn pécule castrens ou quasi castrens et de tous les biens
acquis par le fils ùepuis et avant sa maladie ..
Est-il impubère s~ti juris on minenr de 25 ans, au
premier cas, dit Domal (lac. cit. Des personnes ,
Jivre2, n° 2), il suffit et il est plus honnête de lui donner
plutôt un tutem à cause de la minorité qu'un curateur à
cause de la démence, au moins en .attendant sa majorité
(et puis la loi des Douze Tables, de l'avis de tous, ne
s'applique pas aux pupilles. 3 pr. D. 26, 1). An premier
comme au deuxième cas, on considère l'âge plutôt que
la folie. Pas n'est besoin de faire une enquête. C'est
ainsi que le' décida l'empereur Antonin (3, p. 1, D. 26.
1).
On attendra jusqu'à. 25 ans, époque à laquelle finit la
wrttitelle; si à cette époque la maladie dure encore, on
fera la cura furiosi ou mente .capti.
Capacité tic l'aliéné.
Les jurisconsultes romains, en donnant lems décisions.
sur les questions de droit o'ù un aliéné est intéréssé, ont
une singulière richesse d'expressions pour indiquer, par
des comparaisons, l'état où se lronve cet aliéné.
Comme dans les différents rôles que l'homme est appelé à jouer, c'est surtout l'esprit qui doit être actif, ils
�-15 -
considèrenl celui qui est incapable de celle activité comme
n'étant pas là, absentis loco est (124 D. ,nO, 17),
bien que physiquement et en réalité il y soit, ou bien.,
quiescentis, dorrnientis loco est (2, p. 3 D. 29, 7;
1 p. 3 D. 41. 2), c'est un homme.qui repose, qui do1•t,
et au point de vue des jurisconsultes, le sommeil et l'absence sont équivalents. Bien plus, on trouve même dans
quelques textes, la métaphore. poussée à son dernier
point: on assimile les deux cas, s'il est mort, ou s'il est
fon (24', 1 D. 46', 8).
C'est, qu'en vérité, le fou ne peut être considéré
comme un antre homme, c'est un l1omme qui ne peut rien
savoir, rien connaîLre par suite du désordre de ses facultês mentales, et c'est par les expressions rappelées vlu::;
haut que se formul ent les motif:; des décisions de droit.
Par exemple (39 D. 5, 1), le fon peut être nommé
judex par le PréLenr. C'est qu'il y a ici nne véritable
charge civile qui s'impose bon gré mal gré, au su ou à
l'insu. Le fou, , bien que absentis loco n'en sera pas •
moins valablement nommé. Le Préteur aura plus tard
à s'inquiéter de l'état intellectuel du judex addictus au
jour où il faudra que celui-ci s'acq uitle de ses fonctions.
S'il s'agit d'une injure faite au fils de famille ('17, p.
H ·D. 4-7, 10), s1: prœsens est pater, l'actiond'injore appartiendra au père, cela est évident, en temps normal ;
mais si le père est fou, comme il est absentis loco, c'est
au fils de famille que compétera l'action d'injure.
De même, s'il s'agit de prononcer une sentence deva1l.t
les parties intéressées qui doivent y assister,.l'une étant
folle, Jl)s conr.\itioi1s ne ~eront pas remplies 1 il faudr;t la
�-16 -
présence du curateur (4,7 pr. D. 42, 1 ; 27, 5,-D. li, 8;
47 et 49 eod. titulo).
De même celui qui est condamné à faire quelque chose
en présence de Titius ne doit pas croire avoir satisfait à
la loi s'il exécute ce à quoi il a été condamné devant
Titius qui ne comprendrait pas ce qui se passe devant
!Di, par exemple, s'il est fou (209D. 50, ·16).
Allons plDs loin, l'aliéné ne mérite pas, quelquefois,
les résultats avantageux de son assimilation avec l'absent
(2.1D.3.3).
Pour devenir partie dans un pacte, ou un contrat, il
faut une volonté libre et intelligente, de même pour
accepter un mandat ou une tutelle (5, D. 26, 5).
L'absent est empêcllé de consentir par une imposs.ibilité matérielle de manifester son consentement.L'aliéné
n'a pas de volonté. Les quelques paroles qu'il émettrait
ne sauraient être regardées comme I' expreasion · de lassentiment à ce qui lui serait proposé. C'est un homme
rentré dans le néant.
Les textes accollent quelquefois les noms de {uriosus
et de pupillus. Ici encore, si, sous certains points, le rap~
prochement est exact, il pèche sous d'autres rapports;
nous ne saurions nier qu'au cas d'une hérédité déférée,
ils ne sont pas plus capables l'un que l'autre, infans qu.i
nullum intellectum habet et le furiosus, de comprendre
en ver lu de quel ~roit el comment le titre d; héritier leur
échoit. Ils ne remplissent, pas plus l'un que l'autre, les
conditions exigées par la loi pour la validité de J.'adition
(19 et 22 D. 29, 2).
Cept:udant (9, D. 29, 2), nous voyons dans les textes
�-
·,
17 -
que le tutéur peut faire adition pour l'infans ou le compléter de son autorité, soivant qu'il n'a pas encore ou
a déjà atteint l'époque où il sort de l'in(antia. Sous les
mêmes distinctions, le pupille demandera la possession
de biens ou on la demandera pour lui (18. 2. C. 6 . 30).
Le pupille commencera .à posséder ou à usucaper avec
l'aitlorilas t·utorù; lui seul ne peut pas, il n'a pas l'a(fectio tenendi (3, 1, D. 41. 2; 3'2, 2. epd. tit. ; 2,
p 3etq,.D.M,3).
Le pupille , avec .la coopération du tuteur, est aussi
capable que ceux qui sont arrivés à l' âge de capacité
(5, D. 50, 17).
Quant au furiosus, il est traité moins favorablement,
il ne peut jamais rien faire lui-m ême, on agira pour lui.
Mais cette incapacité ne durera pas plus que le trouble
d'esprit qui en est la cause et disparaîtra avec lui. La
nullité de l'acte fait par le fou dans un moment d'égarement, alors qne s:i volonté ne pouvait se manifester
librement, qu'il n'avait aucune conscience de ce qu'il
faisait, cette nullité est de droit commun.
Supposons cet acte fait pendant un intervalle lucid e,
il est valable (9, C. 6, 22). Les conditions né..:essaires
à la validité sont réunies. La valiùité est la même que si
le désordre intellectuel n'eùtjamais existé, mais il faut
pour cela un retour bien complet, quoique temporaire,
de la raison. Un intervalle lucide, c'est non pas un .acte
de sagesse, mais un état; c'est l'intelligence revenue
pour un temps à el le-même; c'est la guérison complète
quoique momentanée (Loi 6. Code 5. 70).
L'incapacité du fun ne trouve pas sa source dans la
�-
~8
-
sentence qui intervient pour déclarer la démence et
nommer un curateur. Cette sentence n'ajoute rien, soit
pour le passé, soit pour l'avenir ; ce qui est fait sera respecté. La sentence ne peut s'étendre aux actes antérieurs,
pas plus qu'aux actes postérieurs. Pour ces derniers
seulement une forte présomption s'élèvera, présomp·
tion qui ne pourra tomber que devant la preuve dùment
établie de la cessation de la folie, au moment de la confection de l'acte.
Avant le jugement, la validité était de droit, celui qui
attaquait !'ac lé devait prouver l'absence de raison.
Cette distinction est très importante, surtout étant
données les difficultés que présente l'administration de
la preuve en cette matière; et si, ensuite, remontant aux
principes exposés au début, nous remarquons que les
jurisconsultes ont reconnu aux uns la possibilité d'existence d'intervalles lucides, aux autres, par contre, le
caractère de continuité.
Pour ces derniers, l'intelligence est abolie; aucun espoir que, dans le mouvement et le travail, il vienne
quelqne lueur de raison. Ce sont les mente capti. Ils
sont affiigés d'imbécilité ou cl' idiotisme: ce n'est pas le
cours des idées qui est bouleversé, c'est la somme d'intelligence qui est trop faible chez ces malheureux disgr~1ciés de la nature.
Les aliénés ont la capacité de droit comme les antres
hommes. Leurs biens, ni leurs.rapports de famille, ne
subissent aucune atteinte; la mise en curatelle ne ·les
frappe pas de capitis deminutio.
Tan~ qu'ils sont malades, leur capacité d'agii: est sus-.
�-19 -
pendue; incapables qu'ils sont, ce qui émane d'eux n'a
que l'apparence d'actes et rie produit aucun effet juridi·
que. ·
Ces principes
tions au point
2° du mariage;
diverses causes
sion.
posés, nous en examinerons les applicade vue : ·1° de la puissance paternel! e ;
3° de la tutelle; 4, des biens; 5° des
d'obligations; 6° des droits de succes0
(. DE J, ..~ PUISSANCE .PATERNELLE.
La loi a limitativement déterminé quelles sont les causes pour lesquelles on est privé ou 'déchu de la puissance
paternelle. Nulle part nous ne voyons la démence produire cet effet, et comme nous ne ponvons établir de
déchéance, nous en concluons que · le fou conserve la
puissance paternelle sur les enfants qu'il a eus avant ou
même pendant sa maladie. L'aliénation mentale de la
femme est sans influence, à bien plus forte raison.
Si les deux époux étaient en démence, l'enfant conçu
naHrait sous la puissance du père. Le jurisconsulte
Ulpien, admettant l'opinion que nous venons d'énon cer,
en donne deux motifs: le premier, fondé sur le texte de
la loi, est que, le mariage subsistant, malgré la clémence,
les enfants qui en sont issus tombent sons la puissance
paternelle. Le fou ne peut contracter mariage, mais
retinere matrimoniitm pot.est.
Le deuxième motif réside dans de prétendues apparences de restes de volonté qui existeraient chez les
époux (8 D. [. 6 ), restes de volonté don~ on verrait
�-
20 -
la manifestation dans la conception de l'enfant. C'est
pour cela que la puissance paternelle existerait.
Sans examiner à fond celte doctrine, surtout alors ·
qu'il serait plus exact de considérér la cont.:eption comme
un événement naturel indépendant de la volonté, et sans
nous arrêter à c~ qu'il peut y avoir de spécieux dans cette
argumentation d'une prétendue volonté, nous croyons
devoir nous borner au IJremier motif qui, indiscutable
et indubitablement rationnel, suffit pour donner raison
à la décision que nous avons rapportée.
Donc, en théorie, malgré la démence du père, la puissance du père reste ce qu'elle était. En fait, il y eut des
modifications que nous signalerons in decursu.
II.
DU l\IARIAGE.
Pour qu'il y ait justes noces, il faut le concours de trois
conditions : 1° Puberté; 2° Consentement; 3" Connubium. Ces trois conditions doivent être remplies par les
futurs époux. Il en es·t une quatrième qui est: le consentement de ceux en puissance desquels ceux qui se marient
se trouvent.
Ces conditions sont indispensables. Dès lors, celui
qui ne peut pas consentir ne peut contracter mariage
(2, D. 23, 2). Mais le mariage contracté ne reçoit aucune
atteinte, dans son existence, de la folie de l'un des époux.
Tel est l'avis de Gaïus et de Paul, non-seulement pour
le mariage, mais aussi pour les fiançaillt.s (8, D. 23, 1 ;
16, 2, D. 23, 2).
De même Julien (4', D. 24', 2), dont Ulpien adopte l'opi-
�- 2'1 njon, admet implicitement !'.existence du mariage, malgré la démence de l'un des époux, lorsqu'il se demande
qui, en ce cas, peut envoyer ou recevoir le repudium, et
Ulpien lui-même, examinant la question de savoir ce
qu'il arrivera an cas où l'un des époux tomberait en démence, nous dit que si la folie est intermittente ou d'un
caractère calme, quoique continue, il n'y a pas cause à
envoyer i·epudium; il est du devoir de l'époux de s'asso.
cier au malheur de l'autre, principe que nous trouvons
reproduit dans notre Code civil (art. 212). Mais si, au
contraire, la folie se manifeste par des actes violents et
dangereux qui rendent le séjour dans la maison conjugale
périlleux, le conjoint, dont la vie et le repos sont sans
cesse menacés, peut envoyer le message de répudiation en
alléguant le désir d'avoir des enfants, s'il n'en a .Pas, ou
de se soustraire à la vie commune (2~. 7, D. 24, 3).
L'empereur Léon consacra cette manière de voir par
deux constitutions...(Nov. 111 ). Si l'épouse devient folle
et que son état tourne à préjudice, réserve bien entendu
du dol ou de la complicité du mari, le mari doit patienter
trois ans. Apres ce délai, si la raison n'est pas revenu,e,
le mariage est rompu et le mari peut contracter un
,
deuxième mariage.
(Nov. 112). Pour le mari devenu fou, c'est la même
règle, il n'y a de changé que le délai, qui est de cinq ans
au lieu de trois ans.
Nous arrivons à la législation de Justinien, et ici se
présente une obj~ction très grave.
Justinien (Nov. 117, p. 8 et 9) a pris soin d'énumérer
les causes de divorce; or, nous n'y voyons nulle
�.:.._ 2;t parl lÎgure1' la fureu1'. Alors se pose la question: la foreur sous Justinien est-elle une cause de divorce? Dâns
l'ancien ne jurisprudence française, que nous trouvons reproduite dans le traité de la communauté de Lebrun (livre
3, chap. 1,·n°:2 l), on suppléait facilement au mutisme de la
loi par son esprit; sans doute, disait-on, la loi est muette
fa-dessus, mais l'équité de cette loi veut que l'on se conforme aux Novelles 111 et 112 avec leurs précédents.
Si cela se passait ainsi, sous notre ancienne jurisprudence, nous admettrons difficilement qu'il en fût ainsi
sous Justinien. Le silence de la Novelle 117, parag. 8 et
9, est significatif. Nous dirons donc que, dans le dernier
état du droit, la folie n'était pas une cause de divorce.
A qui enverra-t-on le nuntium en cas de divorce?
Avant la constitution de Justinien, c'est à l'aliéné
lui-même, cela résulte des textes (4.., D. '.24, 2). Il résulte
au contraire de son incapacité générale qu'il ne pourra
pas \'envoyer, même ayant motif pour cela. Le curateur
ne peut agir ici, car il s'agit d'un droit dont l'époux
jugera s'il doit on non user: mais le père agira au nom
de sa fille, anssi valablement que s'i l y avait lieu d.e
répéter la dot (4, D. 24, 2; 22, 9, D. 24, 3).
Si le chef de famille, dont le consentement était nécessaire, comme nous l'avons vu, pour Je mariage de ceux
qui étaient sous sa puissance, était atteint d'aliénation
mentale, qu'en est-il? Faut-il dire qu'à cause de l'incapa·
cité où il est de manifester son consentement d'une manière éclairée, cette condition manquera forcément et Je
mariage deviendra impossible? Non, cela eût étf\ un.e iniquité. La loi s'est relâchée de la sévérité habituelle, en
1
•
�-
28 ..... .
vue de favoriser le mariage. On admit que si le consente·
ment du père et du grand-père était nécessaire, et que
l'un d'eux fût en état de foreur, le consentement de
l'un suffirait (9, D. 23, 2). Le consentement de celui qui
était en état de raison faisait supposer le consentement de
l'autre.
La fille fut aussi dispensée de bonne heure du consentement du père, non pas comme le rapporte Justinien,
parce que le consentement tacite du père avait paru suL
fire : la vraie raison était que la fille, par son mariage,
sortait de la famille et ne faisait point entrer de nouveaux
membres dans la famille de son père.
Pour le fils, les jurisconsultes n'étaient pas d'accord.
Justinien (Inst. 1, 10, pr.; 25, Code 5, 4') nous dit qu'à
· l'époque où il a édicté ses lois, super filio variabatut.
C'est qu'ici, la raison que . nous avons citée, comme
n'existant pas pour Ja fille, est en pleine vigueur. Le fils,
par son mariage, introduit de nouveaux membres dans la
famille de son père : le père aurait eu des agnats malgré
lui; ce qui ne doit pas être.
Sous Justinien, cett.e raison n'a plus autant d'importance, la constitution de la famille romaine tend à reposer sur d'autres principes. Aussi, assimile-t-il le fils et
la fille sous certaines conditions qu'il a fixées dans une
constitution (25, Code 5, 4). En présence du curateur et
des plus notables pare.nts du père, le fil~ ou la fille doit
faire agréer la personne qu'il se propose d'épouser et
fixer la dot et la donation à cause de noces à fournir sur
les biens du père, le tout suivant l'avis du Préfet de la
.
'•
�-
24 -
ville à Constantinople et dn Président on des Évêques de
la cité dans les provinces.
Mais il faut bien envisager l'état de la. question. Les
jurisconsultes n'étaient pas d'accord sur le point de savoir
si le fils on la fille du fu,riosus devait obtenir le consentement du père pour se marier. C'est a ce doute que
Jnsti ni en met fin. Quant an mente cap tus, depnis MarcAurèle, on admettait que ses enfants n'avaient pas besoin
de consentement pour se marier.
La différence, établie par la loi, vient a l'appui de ç.e
que nous disions, a savoir que chez le mente captus on
ne reconnaît pas d'intervalles lucides pendant lequel il
peut consentir, chez le furiosus, au contraire, on en
admet parfaitement l'existence. Pour les enfants de ce
dernier, on comprend parfaitement le doute qui exista
jusqu'à Justinien et fut levé par lui.
III.
DE LA TUTELLE.
Pourla tutelle, il y a trois modes de nominations, le
testament, la loi et le magistrat.
Il peut se faire que le choix porte dans l'un comme
dans l'autre de ses cas sur un individu qui se trouve en
démence. On voit bien vite là. une impossibilité de gérer
les affaires des autres, alors qu'on est incapable de gérer
les siennes propres. Aussi, suivant la nature de la maladie, il y a là. une excuse temporaire ou perpétuelle.
S'il n'y a qu'une excuse temporaire, on nomme un curateur intérimaire qui gèrera jusqu'à ce que le tuteur ti-
..
�-
~5
-
tulaire soit revenu à la raison et puisse prendre la tutelle
1
( 12 pr. et 10, p. 8, D. 2.7. 1).
Pour le tuteur légitime ou datif, cela ne faisait pas
doute. Mais s'il avait été nommé par testament? Les uns,
comme Proculus, distinguaient si la nomination avait été
purement et simplement ou avec la condition cum furere desierit. Nulle au premier cas, la_nomination était
valable au second. D'autres' sons-entendaient la condition en vertu du principe : in testamentis plenius
volun.tates testantium interpretantur.
Justinien trancha la controverse en faveur de la dernière opinion.
Faisant une assimilation avec ce qui se passe pour la
délation de la tutelle à un mineur de vingt-cinq ans, il
décide que la volonté du testateur sera exécutée, cum
furiosus mentis compas factus fuerit, ·de même que le
mineur deviendra tuteur, aussitôt qu'il aura atteint sa
vingt-cinquième année ('10, 3, D. 2.6, 2; 11, D. 26, 1
Insl. 1, u., 2.).
IV.
DES BIENS.
f:n règle générale, les biens d'un fur-iosus seront administrés par le curateur; ce sera lui qui, par sa gestion,
accomplira les changements dans le patrimoine.
Toutes les fois que le titre de créancier suppose une
manifestation intellectuelle et l'expr-ession d'une volonté,
l'aliéné est, par avance, privé de la capacité d'acquérir ce
titre. Donc, tout contrat lui est interdit. Mais si l'obtention de ce titre n'exige ni intelligence, ni volonté de la
3
�- 26 part du futur créancier, la position de raliéné tSl celle
des autres hommes, il acquerra ou sera ol)ligé.
En vertu de ce dernier principe, l'aliéné aura l'action
qui résulte des legs ·et des fideicornmis (Inst. 3, 1, 3)
faits en sa faveur, il aura l'action directe provenant de la
gestion de ses affaires par un tiers (2~, D.U, 7; 3, 5,
D. 3, 5).
Il aura l'action en pétition d'hérédité, s'il est héritier sierrtt nécessaire (Inst. 2, 2, 19; 63, D. 29, 2). 11
aura la condictio certi de depensis, qui a son fondement
dans un principe d'équité où l'action ad eœhibendurn,
suivant que les objets du mutuum ont été consommés de
bonne ou de mauvaise foi· par celui qui les a reçus ( 12,
D.12, 1; Inst. 2, 2, 8.; G. 2, 80 et 82; 29, D. ·12, 6) ;
l'action née par la tradition en fraude de ses droits par
son débiteur de mauvaise foi, celle née d'un vol à son
préjudice, d'une injure (3, p. 1 et2. n. 47, 10), d'un
dommage causé au mépris de la loi Aquilia, etc.
Ce sont là, pour la plupart, des actions personnelles.
li n'y en a pas de réelle. Car, régulièrement, le droit de
propriété, qui donne lieu aux actions in rem, ne s'acquiert pas à l'.insu. La propriété peut s'accroître par
l'?ccession, mais ne peut s'acquérir que par le fait du
propriétaire.
Notons comme exceptions l'action en pétition d'héré~
dité et l'usucapion ~c~usa peculiari: ne joignons pas
à ces exceptions l'action Paulienne, bien qu'elle soit dite
in rem aux Institutes. Cette action a un but particulier,
le créancier qui l'exerce après l'envoi en possessîon re~
�- 27vendique pou rie débiteur dont il possède les biens et non
pour lui-même.
Les hommes sains d'esprit acquièrent non-seulement
par eux-mêmes, mais encore par ceux qui sont en leur
puissance, par leurs eufants, par leurs esclaves. Les événements d'où résultent ce droit de propriété se réalisant en
la personne de ces derniers le [ont acquérir au maître ou
an père de famille.
Les esclaves ne peuvent promettre pour lemtmaîtret,
ni l'obliger personnellemeut, mais ils peuvent lui acquérir
le bénéfice J'une stipulation à l'encontre du promettant.
L'aliéQé jouit de ces avantages du droit commun. Il
acquerra à son insu et contre son gré ce que ses esclaves
et fils de famille acquerront par stipulation, tradition et
autres causes.
Mais si l'esclave est institué héritier, il faut l'ordre du
maître pour faire adition' car cela entraînera des charges
et obligations, et ce n'est que l'adition qui fera acquérir
au maître le bénéfice de l'institution (Inst. 5, '.2, 9; 63.
D. 29, 2).
Si le maître a donné l'ordre de faire adition et qu'ensuite il devienne fou, l'esclave ne peut valablement faire
adition, car on ne peut acquérir une hérédité sans manifester sa volonté, et le fou en est incapable (47, D. 29.
2).
Il y a des singularités et des dist~tions à établir pour
1' acquisition de la possession .
La possession se compose de deux éléments, le corpus,
qui consiste en ce que nous avons la chose à notre dispo-
�-28 sîtion, et r animu.s, qui est la volonté de détenir la chose
comme propriétaire.
Le corpus, nous pouvons l'avoir par nos esclaves ou
nos enfants, car les choses qu'ils tiennent a leur libre disposition pom nous et en notre nom, sont par cela même
en notre main (5, p. 12, D. M, 2).
Pour l'animus, il n'en est plus de même, il faut que
nous ayons nous-même la volonté d'être considéré comme
propriét"ire de la chose détenue en notre nom, il faut
que l' anirnu.s réside en nous; par conséquent, nous ne
pouvons pas acquérir la possession à notre insu et contre
notre gré. Par conséquent, l'aliéné incapable d'avoir une
volonté, ne peut acquérir la possession par la personne
de ceux que nous avons cités.
Tel ét~it le droit rigoureux.
Toutefois, nous remarquerons qu'il y a exception pour
ce quel' esclave possédait ou recevait en poss~ssion pro
peculio.
Par la remise du pécule, le maître est censé ratifier
d'avance les actes d'adminisiration ayant pour effet l'augmentation ou la diminution du pécule (I. 5, D. 41, 2).
Bien plus, nous empruntons réellement l' anirnus de notre
esclave ou de notre fils de famille. La preuve en est que
le père de famille, fût-il fou ou captif, acquiert eœ causa
peculiari par son fils de famille, et pourtant il n'a plus
aucun anirnus dont la loi puisse tenir compte.
Le motif de cette remarquable dérogation au droit
commun nous est donné par Papinien. C'est qu'on ne
pouvait pas raisonnablement exiger du père ou du maîLre
.qu'à chaque instant il s'enquît de la consistance du pécule,
�-
29 -
examinant ce qui y entrait ou en sortait (Mi>, I. D.41, 2).
Dans ces cas, l'usucapion et l'acquisition de la possession s'accomplissent par le fils ou l'esclave au profit du
maître. Ulpien va plus loin ; ce que le fils acquiert ex
causa peculiari appartient au père, alors que celui-c1
ignorerait qu'il fût sous sa puissance (4, D. 41', 2).
· Puisque l'aliéné· est incapable d'avoir l' affectus tenendi, il en résulte que la tradition fera perdre la possession au tradens, sans la faire acquérir à l'aliéné (1.
p. 3, D. U,'. 2;18, p.1, D. 41,2), maisàl'inverse, une
fois qu'il a la possèssion, il ne peut la perdre :en ce sens
qu'il ne peut avoirl'animw non possidendi (27, D. 41,
2). S'il a commencé à posséder avant qu'il ne tombe en
démence, il. continue à posséder, la possession ne subit
pàs d'interruption naturelle, il usucapera (4, p.,3, D. 41 ,
3): Ce qu'on demande, ce n'est pas précisément que
l'animu.~ persiste, c'est qu'il ne soit pas abdiqué .
Cela est peut-être contraire 11 la rigueur des principes,
mais l'utilité veut qu'on en agisse ainsi, dit Papinien, de
peur que la langueur de l'esprit ne soit une cause de détriment pour celui qui en est atteint (44.., 6, D. 41, 3).
- Il est encore une sorte de personnes par lesquels les
fous peuvent posséder, ce sont celles investies d'un pouvoir légal, à l'effet d'administrer les biens des aliénés,
les curateurs (1. 20, D. 41,;2; U>7. D. 50, 17). Il fallaiL
absolL1ment en venir là, à peine d'interdire la possession
aux fous. Le curateur est ici loco domini. Ce qui le
prouve, c'est que la chose volée qui revient en la possession du curateur est purgée du vi ce de furtivité (56. 4..
D. 47. 2).
�-
V.
30 -
DES CAUSES n'onLIGATIONs.
Comment l'aliéné peut-il devenir obligé on débiteur?
Parmi les causes d'obligations que nous avons à examiner, il faut tout d'abord écarter les contrats. L'aliéné
ne ,comprend pas ce qu'il fait, il n'a pas d'intelligence,
· par conséquent, il y a chez lui absence de volonté (Inst.
3, 9, 8).
Son incapacité est absolue, et il n'en est pas pour lui,
comme pour le pupille, qui peut être relevé de son incapacité par l' auctoritas de son tuteur. Le curateur du fu rieux ne peut compléter ce qui n'existe pas; donc, si
l'aliéné a joué un rôle quelconque dans un contrat, de
quelque nature qu'il soit, il n'en résulte pas même pour ·
lui une obligation naturelle (I. p. 12, D. U., 7).
Son défa.ut de capacité reposant sur l'absence d'intelligence, il en résulte, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
que, dans les intervalles lucides, il sera aussi pleinement
capable qu'il était incapable pendant la_durée de la
folie.
La fidéjussion intervenue dans un contrat où aura
figuré l'aliéné ne produira aucun effet.
La vente consentie par l'aliéné est nulle en droit pur,
en vertu des principes énoncés plus haut (Paul. Sent. 2,
17,p.10; 2,16,D.M,4.;13,p.1,D.41,3). Mais
ici se pose le cas de bonne foi de l'acheteur qui ignore
. que le vendeur est aliéné. L'utilité fit apporter des dérogations à la sévérité des principes. L'acheteur peut commencer à usncaper ,. il y a bonne foi et croyance à l' exis-
�-
31
tence d'une juste cause, croyance qui, Sè fondant sur
une erreur plausible de fait, équivaut à l'exis.tence même
de cette cause (loi 7, p. 2, D. 6, 2).
Aura-t-il l'action publicienne? Les jurisconsultes ne
sont pas d'a~cord. Ulpien dit oui. Paul dit non, · tout
en reconnaissant qu'il peut usucaper et que cela est
fondé sur l'utilité; Ulpien doit être préféré.
Pour la société, jusqu'a .Justinien on se demanda
si l'aliéné, étant engagé dans une société au mom~nt où il
devient fon, son curateur avait qualité tant pour signifier
une renonciation aux associés que pour en recevoir une
d'eux. D'après la rigueur des principes, il ne le pouvait
pas, car la société ne pouvait être dissoute que par la
renonciation d'un associé, et le curateur n'est pas associé ni procurateur d'.un associé . .Justinien décida que · le
curateur devrait être considéré comme associé et anrait
le pouvoir qu'on lui déniait clans l'ancien droit ( 7,
Code 4, 37).
Qitasi-contrals. - La source la pins fréquente des
obiigations, pour l'aliéné, c'est ce que nous appelons en
droit français les q11.asi-contrats.
Si l'obligation naît non pas cle la mauifestation de la
volonté 1 mais ex re, par exemp le (&,6, D. U., 7), si une
chose a été léguée en commun a plusieurs, ou bien si un
communiste a fait des dépenses dans l'intérêt · commun,
le fur·ieox sera obligé comme les autres hommes. Il sera
exposé à l'action comm·uni clivid·undo, finium regundorum, familiœ erciscunclœ (3 et&,, Inst. 3, 27) .
�-32-
De même, pour le paiement de l'indu fait entre ses
mains, on aura contre lui le condictio indebiti, jusqu'à
concurrence de ce dont il s'est enrichi (6, lnst. 3, 27).
De même, dans le cas où une personne a utilement
géré les affaires, on aura contre lni l'action negotiorum
gestorum (3, 5, D. 3, 5; I. Inst. 3, 27j.
Faisons toutefois une réserve pour le quasi-contrat
d'acceptation d'hérédité; cela ne pourra pas se présenter
au cas d'une hérédité testamentaire, car ce sera le cmateur qui acceptera. Il reste seulement le cas où, étant
héritier sien et nécessaire, il subira cette conséquence
du droit commun (7, p. 2, C. 5, 70).
Délits.- Pour que l'on soit tenu des actions résultant
des délits, il faut que l'on soit doli capa,x. Or, cette condition ne se rencontre pas ici. L'aliéné échappe aux
poursuites. Bien qu'on 'ne puisse pas agir contre lui, s'il
est héritier nécessaire de l'auteur du délit, on peut exercer contre lui la condictio furtiva (2, D. 13, 1). Le propriétaire pourra même exercer la revendication, sil y a
'
lieu. Mais il ne pourra pas agir par la voie d'action
pénale, soit l'action (urti, soit l'action de rapine qui ne
sont données que contre celui qui agit dolo malo. S'il a
causé un dommage, le furieux sera-t-il tenu de la loi
Aqruilia ( 5, p. 2, D. 9, 2)? Le jurisconsulte. Pégase
répond négativemeni et avec raison, car l'aliéné qui n'est
pas suœ mentis ne saurait êtrn responsable (60, D. 6,. 1).
JI en est pour celui qui a souffert du dommage absoltpnent comme si le préjudice lui avait été occasionné
�-
33 -
par un quadrupède ou la chute d'une .tuile. L'impunité
est assurée au furieux.
Quant à l'injure, elle consiste dans l'intention de la
part de son auteur; par conséquent, celui qui est, en
droit, incapable d'avoir cette mauvaise intention, bien
qu'en fait il ait commis une injure, comme il n'y a pas
volonté d'outrager, il ne saurait être coupable d'injure
(3. p. I, D. 47, 10; Paul Sent, 5, 4, 2). Mais la réciproque n'est pas vraie; ils peuvent .être outragés et
l'action d'ipjure peut naître à leur profit.
Quasi-délits.- Pour les quasi-délits (1 et 2, Inst. 4,
5) il en sera autrement, puisque la plupart du temps on
est responsable, dans ce cas, d'un fait qui n'est point
personnel, du fait soit de son esclave, soit de son fils de
famille.
VI.
DES DROITS DE SUCCESSION.
~prés
avoir vu quel était de son vivant la situation du
furieux, examinons quel va &tre le sort de son patrimoine à sa mort.
A Rome, il y a deux sortes de successions, la succession testamentaire et la succession ab intestat organisée
par la loi; celle-ci s'efface devant toute volonté exprimée
par le testateur, qui en a le droit, et la réglementation de
la loi n'a d'effets qu'autant que le testateur n'a pas usé
de son droit de tester.
La factio testamenti, c'est-à-dire le pouvoir d'avoir
un testament 1 est refusée au furiosus; il ne peut ni faire
�-
3i -
son testament, ni participer comme témoin à la confection de celui d'autrui ( 6, Inst. 2, 10; 1. pp. 8 et 9,
D. 37, H). Son incapacité est de telle nature, qu'à toute
époque elle dut être évidente. Pour les modes de l'ancien
droit, il ne ponvait tester calati's comitiis, l'entrée des
comices lui était interdite. La forme de la mancipation lui
était aussi refusée; on considérait avec raison que le testament est le dernier acte de disposition de la vie, disposition très importante, puisqu'elle fait passer un patri:..
moine tout entier de la tête d'une personne sur la tête
d'une autre personne qu'elle choisit pour la continuer.
Quelque faveur qu'on pût accorder à cette institution, on
ne devait pas écarter les règles générales de la capacité
ordinaire.
Le testament que fait l' aliéBé pendant le cours de sa
maladie ne peut sortir à effet (Ulp. Règ. 20, 13), car la
capacité an moment de la confection du testament, condiüon essentielle en cette matière, cette capacité, dis-je,
fait défaut. L'aliéné revînt-il à la raison, ne fît-il aucun
testament, on ne pouvait argumenter de son silence
pour dire qu'il avait ratifié le testament fait en démence.
Ce qui est nul ab inüio ne peut devenir valable, quelque
long que soit le laps de temps écoulé.
Mais si un homme, ayant fait son testament en pleine
capacité, devient fou, cet événement n'aura aucune influence sur la validité du testament antérieurement fait.
Ce testament sortira à effet, car le testateur, en devenant
fou, n'a perdu qne l'exercice du droit de tester. Il conserve en lui ce droit qui n'est point complétement inefficace, puisqu'en qéfi,nHiv13 Hsert à fair~ ~ortir a effet le
�-
35 -
testament antérieur à la maladie. Il lui' sert, de plus, en
ce que l'aliéné pourra faire son testament clans un intervàlle lucide (Paul Sent. 2, 4., (A). 5).
.
Les Romains attachaient une grande importance a ne
pas mourir intestat. C'est pour éviter cela que l'on
étendit aux fous une disposition qui n'avait été établie
que pour les pupilles, la substitution.
Paul nous apprend que le père . de famille pouvait
obtenir de l'empereur la permission de tester pour son
fils fou. Le testament cessait de· valoir si le fils revenait à
la raison, car alors il n'y avait plus de motif pour enlever
1
a un homme sanœ mentis le drqit de tester ( 43 p.
n. 28, 6).
C'est la substitution quasi-pupillaire ou ·exemplaire.
D'abord, cette faveur fut individuellement accordée au
p~·re de famille qui avait un fils sourd, muet, en démence
ou enfin è.ans un état tel, que l'exercice du droit de tester
dût lui .être refusé. Justinien étendit cette disposition; il
décida que l'ascendant pourra tester pour son descendant fou, sans qu'il so\t besoin d'autorisation du prince
(9, Code 6, 26).
Cette substitution quasi-pupillaire, soumise, en principe, ainsi que la loi le répète, aux mêmes règles que la
substitution pupillaire, en diffère pourtant sous différents
points.
D'abord, le droit de la faire n'appartient pas seulement
au père de famille, mais à tout individu qui a le fou parmi
ses héritiers ab intestat. La substitution quasi-pupillaire
ne vaut, qu'autant que le.testateur laisse aux, :;isceodants
.sa quarte légitime .
�-
36 -
Le substitué quasi- pupillaire doit être pris parmi les
descendants dn fou; s'il n'en a pas, parmi ses frères ou
sœurs; ce n'est qu'à défaut de parents appartenant à
l'une de ces denx catégories, qu'il peut être aussi librement
choisi que l'est le substitué pupillaire.
La substitution quasi-pupillaire s'éteint au jour où le
fou est revenu à la raison, d'une manière que l'on peut
considérer comme définitive, ou bien s'il survient des
enfants à l'aliéné. La substitution pupillaire s'évanouit
bien au jour de la puberté, mais elle est à l'abri du
deuxième danger.
La constitution de Justinien a rédnit sans doute à un
petit nombre les cas de dévolution ab intestat des biens
des aliénés; ils ne furent que de rares accidents; mais
il se présente des questions que Justinien n'a pas
résolues.
Ce droit appartient- il cumulativement à tous les
ascendants? L'affirmative n'est pas douteuse. Ce n'est
pas sur la puissance paternelle qu'est fondé le droit de
substitution, mais sur le lien du sang et l'affection corn·
mune à tous les ascendants.
Comment alors se fera le partage entre les divers
substitués quasi-pupillaires?
Pour éviter la multiplicité des testaments et pour se
conformer à la règle de droit, q~i n'en laisse jamais deux
à la même personne, on doit penser que le droit attribué
aux ascendants ne s'exerce qu'à la mort du père de
famille, ou riue, du moins, en cas de concours, h substitution par lui faite l'emporte sur les autres. Chaq~e subs~itue · prendr~ les l:iieris de çelui ciui l'aur~ désigné; ai:f
�-
37 -
reste, en l'absence de texte, on ne peut faire là-dessu s
que des conjectures.
Pou,r la capacité d'être institué héritier, dès que
l'héritier pût être institué dans les tablettes du testateur,
sans qu'il soit besoin de figurer -à la mancipation, ce dont
il était incapable, l'aliéné put être hérilier .testamentaire.
Il peut recevoir par testament, quoiqu'il ne puisse pas
tester (Inst. 2, 19, 4.)
Pour faire ad ition , l'absence de discernement lui
enlève tonte faculté d'agir. Le curateur est bien là, mais
il ne peut pas faire ad ition en son nom. Per curatorem
hœreditatem acqitiri nonposse, dit la loi 90, Dig. 29, 2.
Le curateur ne peut non plus demander la bonorum possessio secundum tabitlas (I. C. 6, 16); bien
que le droit prétorien soit moins exigeant que le
droit civil. Cependant, comme l'édit ne défère point la
bonorum possessio au curateu1· du furieux, on ne pouvait obtenir la bvnorum possess-io edictalis. On était
alors obligé de recourir à la bonorum possessio decretalis
( 2, 11, D. 38, 117); on allait trouver le Préteur, qui
rendait un décret particulier, au moyen duquel on obtenait, moyennant caution, la jouissance des biens héréditaires et la faculté de satisfaire aux demandes des légataires; mais cet état de choses n'est que provisoire (4·8,
1. D. 31) ; l'ali éné revient-il à la raison, alors ce sera à
lui de décider quel parti il doit prendre, accepter ou re·
fuser. Le curateur ne peut avoir accepté définitivement,
l'hérédité n'échoit pas à qui ne la vent pas, et puis le fou
ne peut pas être grevé de dettes malgré lui.
Si le furieux meurt en état de fureur, ou si, revenu à
�...... 38 la raison, il répudie la Sllccession (51. D. 5, 3), rien ne
sera censé fait, l'hérédité retollrnera à ceux auxqQels sa
présence faisait obstacle (Don.eau, 2, 458, 2). Si le f'uriosus n'a pas pu ratifier ou n'a. pas ratifié la possession
de biens provisoire accorùée à son curateur, le testateur
sera censé mort ab -intestat. L'héritier du furieux rendra
au substitué, aux héritiers légitimes, les fruits de ce:;
temps intermédiaires dont le furieux s'est enrichi par
son curateul', et en dernjer lieu, au fisc.
Pour que la succession soit acqui~e avec profit au
furiosus, il faut que, revenu à la santé et à lui-même, il
accepte, par la manifestation de sa volonté, la bonorum
possessio edictalis (I. D. 37, 3). Tant qu'il est furiosus
aucun délai ne court, contre lui, pour la bonorum possessio; la volonté du curateur n'engage en rien le furiosus, que_la loi ne p~ut rendre responsable de ce qu'il n'a
pu faire ou empêcher.
Le furiosus acquiert, bon gré mal gré, l'hérédité que
la loi lui impose. Pas de faculté de refuser. Qu'il décède
en état de fureur, ses héritiers recueilleront cette hérédité,
ils la trnuveront mêlée à celle du furieux, de même que
le furiosus leur transmeltrait son droit à un legs (63, D.
'.29, '.2; 7, Code. 5, 70).
Il acquiert aussi à son insu, la succession, quand elle
est léguée à quelqu'un qui est sous sa puissance. Mais
pour faire adition il faut l'ordre du maître, si c'est l'esclave qui a été institué, et le fou ne peut exprimer valablement sa volonté (4.7 D. 29, 2).
La démence du père n'empêche pas le fils institué de
faire adition, si nous en jugeons d'après le rescrit d'An·
.
'~
...
·~
-.~ ···"
...
.-~
..
�39 -
-
tonin qui, par son intervention bénévole, décida qne si le
fils avait fait adition, ce _serait comme si le père avait
fait adition (52, D. 29, 2).
Dans la constitut_ion (7, Code 5, 70), Justinien fait
mention de grandes controverses qu'il y eut eritre les
jurisconsultes, controverses dont aucun vestige ne subsiste; les textes des Pandectes n'en portent aucune.
trace. Quoi qu'il en soit, Justinien refuse naturellement
Loule capacité au furieux, il autorise le curateur à accepter la possession de biens qui lui semblerait avantageuse,
il lui en impose même Je devoir. Il confirme aussi ce que
nous avons vu , c' est-à-dire que si le furieux ne guérit
point, ou une fois sain d'esprit a refusé la succession,
cette succession passe aux appelés du degré subséquent.
Athnlnlstl•atiou de la c.111•atelle.
Parmi les devoirs que le curateur a à remplir, il faut
distinguer c€ux qui lui incombent avant, pendant et après
la curatelle.
Avant la curatelle, il y a trois devoirs à remplir:
1° Il doit donner caution en présentant devant les
magistrats des fidéjusseurs qui garantissent la fidélité de
son admini-stration. Tant qu'il n'a pas donné caution
(5, C. 5, 42), il ne peut rien aliéner des biens de celui
sur le-quel il doit veiller. Il ne peut faire que les actes
urgents: tous les autres actes qu'il aurait faits seraient an~ ulables (7,p.1et2. D. 27, 10).Leshérit~ersdufurieux
.....:
.
'
1
• •,
•......
1
•:
'
.
�- 4.0 -
pourront revendiquer, mais si l'usage que le curateur a
fait de l'argent a tourné an profit du furieux, il pourra
opposer aux héritiers, all éguant Je défaut de caution,
l'excep tion de dol. Il y eut plus tard des dispenses de
donner caution pour le curateur nommé par testament
du père de l'aliéné et ceux qui ont une fortune suffisante
ad fidem gubernationis (27 C. 1, 4.).
'.2° JI doit dresser par acte public un inventaire complet de tous les biens de l'aliéné et tenir cet inventaire au
courant des nouvelles acquis itions (24 C. o. 37; 27 C.
1, 4, Const. 5 et 7, C. 5. 70).
3° S'engager par serment, en touchant les Saints
Évan giles, en présence du Préfet on dn Président de la
province, de l'Evêquc et de trois notables, à gérer loyalement et utilement et à ne rien négliger pour la prospérité des intérêts qui lui sont confiés.
Pendant la curatelle. Le cnrateur a autant à s'occuper des biens que de la personne du furieux: s'il n'est
pas appelé à compléter sa personne, il doit veiller à sa
conservation et aux autres intérêts de l'indiyidu qu'il a
dans sa curatelle .
Sous ce rapport, il diffère pendu tuteur-du pupille .
Se;; devoirs portent à la fois sur les biens et sur la personne; en même temps r1u'il doit veiller à la bonne administration des biens, il doit aussi avoir pour but de
conserver la santé physique de l'aliéné el d'arriver, au
moins dans la mesure du possible, à sa guérison corn•
piète. Tucri debet non solum patrimonium, sed et
corpus et salus furiosi (7 pr. D. 27, 10). Aussi,
comme dit Cujas, en faisant un rapprochement de mots,:
�-
41 -
on peut dire que les agnats et gentils qui sont constitués
curateurs des aliénés par la loi des Douze Tables, sont
comme les tuteurs qui sont donnés aux pupilles.
La loi des Douze Tables avait déjà. exprimé cela quand
elle di~ait: in eo pecunia que potestas e.~to; c'est là ce
que le commentateur appelle la cura plena. C'est ce qui
le différentie du simple curator et del' ad ventrem
cu,
rator (48, D. 26, 7). Ceux~ci ne sont que preposés à la
garde, et pour les biens, ils ne peuvent vendre que ce qui
est sujet à se détériorer.
Le cur.ateur fera déterminer l'endroit qui sera le plus
avantageux pour la résidence; de même, pour la somme
affectée à. la dépenge de chaque année.
S'il s'agit d'une femme mariée et en fureur, et qu'il
soit évident que le mar.i n'a pas pour sa femme les soins
qn'elle serait en d~oit d'attendre de lui, le curateur ira
trouver lE magistrat pour faire imposer au mah la nécessité de contribuer, dans de larges proportions , aux
besoins de la femme (22, p. 8, D. ~4, 3).
Il n'entre pas, dans le cadre de notre étude juridique,
de faire l'historique des méthodes employées pour la guérison de la folie. Les anciens n'étaient pas bien fixés sur
les causes de la folie et les moyens de la combattre. Soit
qu'ils recommandent l'ellébore, on des voyages à Anticyre, on même le sau~ de Leucate, soit qu'ils cherchent
à amener la gubrison par les cérémonies religieuses de la
Piatio (Fes tus. de V. sign. V Piatio), qui avaient
pour but de chasser-les mauvais esprits qui tourmentent
les malades, moyen qui peut se rapprocher de l' exorcisme, ils n'étaient pas parvenus à observer d'un re0
l&.
�gard profond et sùr la pathologie mentale. Peu à peu,-ils
pro gressèrent et ils s'aperçurent que la thérapeutique
morale était un auxiliaire puissant, et entrèrent dans cette
voie où l'on est si avancé aujourd'hui.
Mais il est triste de constater que les empereurs et
surtout les empereurs chrétiens qui fondèrent tles établissements de bienfaisance dont on peut voir le nomb.re
et b variété dans la Constitution 23, C. 1, 2, ne firent
jamais rien pour le traitement des malheureux atteints
de folie.
De son côté, l'initiative privée fut presque nulle sur ce
point et, dès lors, nous nous trouvons en présence 'd'ur.
état de choses regrettable.
L'aliéné reste dans sa maison et parmi les siens, les
parents doivent le soi gner ou bien ceux qui l'ont recueilli.
Si le caractère de la folie est tel qu'ils ne puissent en réprimer les accès, ils s'adressent à !,..administration publi- .
que qui est r,hargée de prendre toutes les précautions"'que 0
le furieux on les insensés font courir à l'ordre public et
à la sûreté des citoyens.
Les Présidents de province ont mission . de les faire
enfermer dans les prisons publiques et même de les
faire enchaîner (Nov. 11 5, ch. 3, p. 12).
Ceux qui sont commis à la garde de l'aliéné sont responsables du dommage que le malade causerait à autrui,
-car ils ne doivent pas veiller seulement à ce qu'il ne se
.nuise pas à lui-même (13 p. 1et14., D. 1, 18).
~
*- M ·-o ·
Pour les biens. ~La théorie romaine que nous avons
ex p-~e sur les aliénés implique une corrélation enlie
�r
-
43 -
l'incapacité de l'aliénô et la nature des fonctions du
curateur.
Le cnratl3urest d'une nature toute particulière. Il n'est
pas chargé comme celui des mineurs de 25 ans où des
prodigues de corroborer par leur assentiment des acle s
dont la validité pourrait être suspectée à cause de la
légèreté de l'âge ou du dérè~lement de leur auteur.
Comme nous l'avons vu, l'aliéné, pour les ac les j uridiques, est considéré comme rion présent. Le curateur, par
conséquent, agit pour l'aliéné, il fait ce que le tuteur fait
pour le pupille infa.ns.
,/JJauctoritas, on ne saurait en parler ici, non plus que
pour le cas de pupille qui; à raison de son jeune âge, ne
peut rien faire par lui-même. Il y a assimilation de ces
deux cas par suite du manque de volonté dans l'un et
l'autre cas. Le fou , tant qne dure la folie, est dessaisi de
tout pouvoir, le curateur administre pour lui (6, C. 5,
70). C'est un procureur chargé de gérer ses affaires.
La raison reparaît, alors il n'y a plus de raison pour
priver un citoyen de l'administration de ses biens ; le
curateurs' efface et le laisse agir.
Les anciens jurisconsultes se demandaient si l'intervention du curateur subsistait pendant les intervalles
lucides ou si elle f;inissait avec la maladie pour recommencer avec elle. Justinien, se basant sur ce qu'il est
difficile de distinguer dans la folie, quand elle a cessé
depuis ·peu ou longtemps, et quel' on se trouvait souvent
dans un état tel où il était difficile de dire ce qu'il en
était, décida que la curatelle durerait ti0ute la vie du furiosus. Dans les intervalles parfaitement lucides, le eu-
�-
4fi. -
rateur ne fait rien , Je fou agira comme un homme sain
d'esprit. S'il est repris par des accès. le curateur reprendra ses fonctions. Le curateur garde toujours son nom,
ses fonctiom, seulèmènt pendant la folie, pour qu'il n'y
ait pas à chariue moment des nominations de curateurs
qui cesseraient d'être au moment où ils sont nommés.
Les pouvoirs des curateurs se réduisent aux actes con servatoires etd'aclministrati.on (3, C. 5, 70). Auparavant,
la loi prescrivait aux curatJ')urs de tout réaliser en argent,
or, pierres précieuses, esclaves urbains, ce 'qui pouvait
être quelquefois préjudiciable à l'aliéné. Il y avait des cas
où l'on pouvait vendre les biens et les esclaves ruraux
ou les hypothéquer. Pour empêcher la fraude, on exigeait
un décret sur enquête et caitsœ probatio (22 C. 5,
.
37).
Dorénavant, il faudra un décret pour la vente de n'importe quoi, et encore faudra-L-il dans les ventes suiv re un
ordre que nous indique Justinien.
Le curateur pourra faire révoquer ce qui a été fait par
Je furieux avant qu'il :üt été nommé. ·
Le curateur d'un père furieux peut, avec l'assentiment
de la fille, réclamer la dot (2:2, 10 D. 24., 3).
Le curateur doit déposer les capitaux qu'il a reçus,
à peine d'en devoir les intérêts.
Le curateur peut faire tout ce qu'exige l'administration
bien entendue des bièns de l'aliéné (1'2, D. 27, 10). La
consécration, l'affranchissement des esclaves (t3 D'. 4.0.
·1), les donations lui sont interdites .
.Seulement, le juge aura à apprécier si cette libéralité
est ·d'.une grande utilité pour le furieux, auquel cas el1e
�-
45 -
vaudra (17 D. 2.7, 10). S'il y a nécessité d'engager ou de
vendre des immeubles ruraux ou urbains pour acquitter
des dettes, satisfaire les dispositions testamentaires des
parents ou prévenir des poursuites de créanciers, dans
tous ces cas, il faudra l'autorisation du Préteur ou du
Président de la province qui décidera de l'opportunité de
l'aliénation (11 D 27, 9).
Si l'on ne s'est pas conformé à cès formalités, on peut
avoir tout au plus, par suite de l'aliénation ou de la mise
en gage, une action utile contre l'aliéné, si l'aliénation
ou la mise en gage l';i enrichi ('2, C. 5, 70).
Si le Préteur ou le Président a donné l'autorisation
sur de fausses allégations, alors l'aliéné ou ses héritiers
ont un droit de recours contre le curateur qui s'est rendu
coupable de dol et le feront condamner in duplum (5,
C. 5, 71; Paul. Sent, 2., 30).
S'il y a plusieurs curateurs nommés sans que les
fonctions soient séparées, ce que fera un seul sera valable pour les choses qui sont plutôt de fait·que de dr.oit,
paiement, vente, tradition. Toutes les fois que les autres
n'auront pas donné'leur consentement, mais sans y mettre leur veto, l'acte sera valable (7, 3, D. 27, 1 0; 14,
5~ D. 46, 3).
Pour les actes légitimes et solennels, le concours de
tous doit se rencontrer.
.
Pour les actions. - Le curateur les exerce et c'est
contre lui qu'on les exercera. Seul il a ce pouvoir.
En règle générale, nul ne peut se faire représenter
dans les actes juridiques, d'après l'ancien droit; de bonne
�-
46 -
. henre, cependant, à ce principe on admit des exceptions: pour la tutelle, par exemple, puis par analogie de
motifs, l'exception s'étendit à la curatelle (Pr. Inst. 4·,
.
10. ~. t. G. 4, 82).
· Dans le c.as où ne s'appliquait pas l'ancienne exception
pro t-utela, _le curateur était admis à plaider en son propre nom pour l'aliéné; quelquefois on lem faisait remise
de la caution de rato (G. 4, 99).
Les curateurs, que les Institutes nous disent devoir
donner caution, comme les procureurs, en furent dispensés d'abord en certains cas, puis en règle générale (1, 2,
D. 26, 7; 1'3, C. 5, 37). L'aliéné fut considéré comme
lié par la chose jugée contre le curateur, ce qui rendait
inutile la caution de rato.
Elle ne fut plus exigée des tuteurs ou curateurs que
dans le cas où il n'était pas certain que le tuteur ou le
curateur qui se présentait eût réellement l'administration (23, D. 26, 7).
On observera les mêmes principes conformément au
droit commun sous Justinien, c'est-à-:dire, on n'exigera
pas la caution du procureur se présentant au nom du
curateur, pourvu que le curateur soit présent ou ait
donné mandat authentique (p. 3. Inst. 4, 11).
Tant que dure la curatelle, le curateur est soumis à
l'action judicati, en vertu des condamnations prononcées contre lui au nom du furieux. A la mort du furieux,
bien qne la ~ondamnation ait été prononcée contre le
curateur, l'actionjudicati s'exercera contre l'héritier du
furieux.
fi se pflsse ici la même chose que potff !e tuieur sorti
�-
41 -
de fonctions. Quelle que soit la cause qui l'ait fait cesser,
on ne· peut plus agir contre (I. C. 5, 39). C'est seulement une action utile que l'on alira contre le pupille ou
ses héritiers.
JI y a à cela une exception ·dont parlent les tex- ·
tes, s'il y a eu novation (o, D. 26, 9); par exemple, si
le tuteur ou le ctirateur s'est porté expromissor, près
des créanciers du pupille ou du furieux, ou s'il a reçu,
en son propre ·nom, un mutuum, peu importe que les
deniers reçus tournent on non a l'avantage des pupilles
on des furieux. L'action creditœ pecuniœ est rigoureusement dirigée contre le tuteur ou le curateur sorti de
fonctions, si le créancier n'a pas eu connaissance de la
destination préparée au mutuum et était dans l'intention
d'avoir le pupille pour obligé.
Après la curatelle. - La curatelle prend fin dès que
le fou a sérieusement et définitivement recouvré la raison
(l. D. 27, 10; 6, C.
o, 70).·
Elle cesse par la mort du furieux ou pàr la mort du
curateur, sauf en ce dernier cas à nommer un autre curateur en suivant les mêmes formalités que pour la nomination du premier (7, 10, D. 5, 70).
De l'administration de la curatelle naît, tant au
profit dn furieux qu'au profit du curateur, afin de régler
les comptes réciproques, une espèce d'action de gestion
d'affaires, actio ne go tiorum gest orum utilis (1, p. 3,
D. 27, 3).
f_.'aliéné ~xerce l'actioq qirecte pour forcer le.curat8'Qf
�-
/~8
-
à rendre compte et à réparer Je préjudice par lui causé
(1, p. 20, D. 27, &,).
Le curateur exerce l'action contraire pour rentrer
dans les avances qu'il a faites ou dans les dépenses que
lui ont occasionnées l'exécution des sentences (3, 5,
D.3. 5).
Les comptes se rendent, non pas à la fin de la cura. telle, dont la durée est indéterminée·, et cette fin sera
souvent la mort de l'aliéné, mais on pourra être forcé de
rendre compte pendant la durée de la curatelle ( 13, C.
5, 57)
Enfin, comme sûreté, l'aliéné a une hypothèque privilégiée sur les biens de son curateur (15, 1. D. 27, 10 ;
rn, p.1 et 20, 21, 22, D. &,2,, 5). Il a, dans l'action ex
sti~pulatu, un moyen de recours contre ceux qui se sol!t
engagés en qualité de cautions du curateur. Il a enfin
l'action subsidiaire contre les magistrats inférieurs qui
ont négligé d'exiger la caution ou en ont exigé une insuffisante (2 et 4., lnst. 1, 24.i) .
�-
49 -
DROIT COUTUM1ER
Dans le droit coutumier, nous trouvons, pour les règles
qui ont trait à notre sujet, à peu près reproduits les
mêmes principes qui régissaient la matière en droit romain.
Celui qui , est hors de sens, qui ne jouit pas de toutes
.ses facultés mentales, doit être dessaisi de l'administration de ses biens, il doit recevoir un curateur, ou bien
·remplacé par un gérant qui fera ce que l'aliéné ne peut
pas faire. C'est ce que nous apprend la coutume de Bre·tagne (art.!) 18), et, plus loin, cette même coùtuo;ie, comprenant la délicatesse de la question et la restriction qu'il
fallait apporter dans le choix de ceux qui peuvent provoquer l'interdiction, nous fait connaître limitativement
ceux à la requête desquels l'interdiction peut être prononcée. C'est la femme, ce sont les enfants ou autres héritiers présomptifs; toujours ici domine cette idée que
'
nous avons déjà rencontrée en droit romain, que ceux- là
doivent prendre l'iniliative des précautions qui, en définitive, souffriraient de leur absénce.
Pothier (t. 8, p. 81, éd. Dupin), dans son Lri!-ité des
.
�- 50 -
Personnes(section de la curatelle), nous dit: lorsqu'une
personne, majeure on émancipée, perd l'usagedela raison,
Jej uge, sur la poursui te de quelques-uns de ses plus proches
parents, après avoir constaté la folie par enquête et pris
l'avis de la famille, lui interdit l'administration de ses
biens et lui donne un curateur.
On allait même plus loin, et, dans quelques coutumes,
on permettait aux créanciers, à raison de l'état de fblie
de leur débiteur, état qui le rendait incapable de gérer
ses biens utilement, de lui faire nommer un curateur
(Meslé, Traité des mfnorités, part. 2. chap. 13. n. 4).
Les individus, atteints de folie, sont frappés d'interdiction.
C'était là. une mesure judiciaire, publique, humiliante
pour celui qui en était l'objet, et que le provoquant faisait prononcer. Aussi, voit-on cela de singulier dans le
droit coutumier que l'on a cherché à rendre l'interdiction plus rare en faisant disparaître la nécessité de la
faire prononcer. Par exemple, la femme dont le mari
était en démence ne demandait point son interdiction ;
comme il était reconnu et jugé que c'était là une cause
de séparation de biens, on invoquait cette décision pour
ne pas intenter cette procédure en interdiction. On voyait
là un moyen tout aussi eftkace que l'interdiction, de
conserver les biens à la femme et aux enfants (Meslé, loc,
cit. n. 8 et 16).
Bien plus, il intervenait quelquefois des interdictions
que l'on pourrait appeler :. convention nel\es. C' é~aien t des
accords qui \Qtervenaie11~ eptre des, personnes que leur
grau~ â~e <!!U. len,r f~iblesse q'~srrit rendaient. i.nc(l,-
�-
51 -
pables ou sinon imparfaitement capables d'administrer
leurs biens et les ,parents ou héritiers présomptifs de ces·
personnes (Meslé, toc. cit. n. 8, De Ferrière, Introd. à
la pratique. v interdiction).
0
Par ces accords, les personnes, dans la situation cidessus mentiOnnée, transféraient le gouvernement de leur
fortune aux parents, d'ordinaire avec défense d'aliéner
ou d'hypothéquer; ces personnes conservaient la propriété et le droit plus ou moins .étendu, suivant les cas, de
recevoir encore tout ou partie de leurs revenus. Ils se
trouvaient ainsi dans une situation analogue a celle des
mineurs émancipés.
En droit coutumier comme en droit romain, les mineurs qui sont en puissance paternelle, en tutelle ou en
curatelle, ne reçoivent pas de curateur pour démence ;
n'ayant point l'administration de leurs biens, il est inutile
qu'on la leur interdise. Si la maladie dure encore à la
majorité, on confère ordinairement à l'ancien tuteur les
fonctions de curateur (Do mat, v. Curateur; Pothier, loc.
1
cit.).
Du reste. il ne faut pas chercher des règles nettes et
bien préc1ses dans l'ancienne jurisprudence , sur les
causes dïnterdiction. JI y a quelquefois interdiction en
dehors de toute apparence d'imbécilité ou de folie, et l'on
voit, en certains cas, apparaître l'esprit un peu arbitraire
du législateur, qui ne voit d'autres moyens d'empêcher
une chose qu'il juge mauvaise.
Pour en citer un exemple, la femme veuve, d'une
condition honnête, et ayant des enfants d'un précédent
mariage, ~Ili pr~~enJrait se més~llier ell épousant un
�-
52 -
homme au-dessous de sa condition et indigne de sa qualité, était mise en interdiction de ses biens. L'ordonnance
de Blois (art. 182) le décide ainsi, èt Merlin nous rapporte dans son Répertoire qu'on invoqua cet articl'e pour
faire interdire la femme, avant tout mariage contracté,
par cela seul que son projet d'épouser paraissait constant et suffisamment établi (Meslé, lac. cit., 19 et 20, in
fine; Merlin, v Interd.; Domat, des C·urateurs, 2.
0
19).
'
Un arrêt du parlement de Bretagne décida même que
cette interdiction avait lieu de plein droit, comme conséquence du mariage, sans qu'aucun jugement vînt la déclarer.
Mais c'était une interdiction d'une nature particulière.
Elle se bornait à ceci que les aliénations étaient prohibGes afin de conserver les biens aux enfanti;;; quant à la
nomination d'un curateur, il n'en était pas question.
On rencontrait aussi des espèces d'interdiction partielles, n'ayant trai~ qu'à un seul genre d'action, suivant
'le~ cas. Par exemple, défense d'entreprendre un procès,
d'aliéner des fonds sans l'avis d'un conseil ou autres cas,
suivant que les faiblesses constatées exigeaient tel ou tel
remède (Meslé, 28. in fine; Denizart, Interd. ; Merlin,
Gurat.).
Quelquefois, la. nomi·nation du curateur avait. lieu sur
la requête de l'incapable lui-même. Elle est accompagnée
des mêmes formalités que nous verrons exigées pour
l'interdiction. Ici on interprète la nomination_ d'une manière étrnite; la capacité reste entière pour les points sur
,,
'
lesquels on n'a pas statué. Le pouvoir d'admipistre~ rest~
•.
~
•
'
•
t
�-
!)3 -
quand il n'a pas été enlevé expressément (Denizart ,
v0 lnterd.).
li y a dès lors deux états bien distincts : lïncapable
avec nn wnseil et l'incapable avec un curateur. Au premier cas, l'incapable agit, mais avec l'aide et sous la
surveillance du conseil qui, lui, n'a pas qualité pour agir.
Le conseil ne fait que compléter la personne de celui
qu'il assiste. Au second cas, Je curateur fait tout en son
nom sans se préoccuper de l'interdit. La volonté de l'interdit est nnlle et de nul effet.
Les coutumes n'admettent point ce que nous avons
rencontré en dr.oit romain, la curatelle légitime. Les
curatelles sont datives, dc.ns les pays coutumiers, dit Pothier, même dans les coutumes qui, comme celles d'Orléans, admettent nne tutelle légitime (Adde, Meslé, loc.
cit, n• 4; Denizart, nouv. Interd., n°• 12 et s. ; Argou,
Jnst. d4~ droit français, p. 73).
C'est la justice qui confère ses fonctions, après avoir
pris des précautions et rempli de formalités préalables.
Le juge s'assurera de l'état du défendeur par son interrogatoire; il prendra l'avis des médecins et des
parents; il fera les enquêtes nécessaîres; c'est alors qu'il
jugera de l'état intellectuel de l'individu aliéné et de son
incapacité.
La même sentence peut désigner une ou plusieurs
personnes, magistrats, avocats ou procureurs qui forme·
ront le conseil du curateur et délibèreront sur les ques~
tions d'administration, baux, placements de fonds, cons~
trnctions , grosses réparations .
.:r
,
�Pour ,les cas indiqués, le curateur ne saurait engager
l'interdit, s'il n'a, an préalable, pris l'avis du conseil.
A la différence du droit rnmain, des contumes
admettent que le mari· peut être curateur de sa femme
(se eus, Domat, curateurs, n° 5).
Il est vrai que Domat, suivant le droit romain, se prononçait pour la négative; mais Loysel, le nouveau Deriizart (l'H, 5'.2) et la coutume de Bretagne (art. 510) se
prononcent pour l'affirmative.
Réciproquement, si la femme est trouvée capable,
d'aprés l'avis des par.ents, on lui confie les fonctions de
curateur; elle aura l'administration et le gouvernement
(coutume de Bretagne, art. 523, nouveau Denizart,
Interd. 51, 52, et Meslé, n° 20).
Certaines coutumes regardaient la femme comme
· émancipée par le seul fait de l'inte_rdiction du mari.
Pour ce qui a trait ~l la personne de l'interdit (Pothier,
art. 1er), la même raison qui faisait
tome 8, sect.
qu'on lui enlevait la direction de ses biens faisait confier
sa personne à un curateur.
Celui-ci avait une certaine liberté d'action. Il pouvait
le retenir auprès de lui ou le remettre en pepsion dans
telle maison honnête qu'il jugera à. propos; cela, dans le
cas 0[1 la maladie mentale ne compromettrait pas la sécurité publique.
Mais si la démence va jusqu' à. la fureur et ne permet pas
qu'il soit laissé en liberté, le curateur peut et même doit
se pourvoir devant le juge, qui, sur l'avis de la famille,
après qu'il l'aura informée de la fur eur, ordonnera qu ' il
soit enfermé dans une maison de force :
o,
�"'""- 55 En droit romain, il ri'y avait pas d'interdiction,;\ proprement parler. Celui qui est en état de folie est incapable de remplir les actes de la vie civile, car il manque
de ce qui est indispensable pour cela, une volonté libre.
Dès qu'il revient à la raison, dès qu'il recouvre ce dont
l'absence le rendait incapable; il rentre dans l'entier
exercice de sa capacité civile.
En droit coutumier, · les mêmes princ.ipes sont en
général appliqués. On décide que la folie, la cause d'incapacité, préexiste à la qéclaration faite par le juge. La
sentence ne fait que constater ce qui est, et dès lors son
effet remonte au jour où a commencé la folie. Le jugement qui la prononce n'est que déclaratif d'une incapacité encourue de plein droit, dit Poullain du Parc
(tome I, sect. '16).
Pour connaître cette époque, nous trouvons une procédure organisée d'une manière spéciale où la physiologie
vient se joindre aux enquêtes par témoins ou à l'examen
de l'acte lui-même pour déterminer de la manière la plus
exacte possible l'état mental de l'auteur au moment de
l'accomplissement de l'acte.
La preuve du temps de la démence antérieure ne peut
être faite que par témoins, dit Poullain du Parc; l'interrogatoire qu'on fait subir à l'insensé ne peut servir
qu'à prouver la démence actuelle.
Eh effet, l'état de folie o~ de démence est aussi connaissable pour les tiers que la personne même, et c'est
une remarque que les auteurs anciens font avec beau.coup de raison en parlant de la procédure (enquête) pour
arriver au jugement d'interdiction, que cette mesure né-
�---' 56 -
cessaire, pour éclairer les tiers en rapport avec les prorligues, est loin de l'être au même degré avec l'insensé, car,
pour l'insensé, l'état où il est le fait. connaître à sa seule
présence (Meslé, 11°• 4et13, Poullain du Parc, loc: cit.).
Les contrats de la personne qui est en d~mence sont
radicalement nuls, quoiqu'il n'y ait pas en d'interdiction
précédente. La démence est négative cJ.e tout consentement, puisque l'insensé ne peut faire usage libre de sa
volonté. En cette matière, la présomption est con1 recel ui
qui a agi avec u11e personne dont l'état mental est attaqué.
Qu'en est-il des actes passés après la sentence d'interdiction, pendant des intervalles lucides (Meslé, n° 17;
de Ferrière, loc. cit.)?
Le jugement d'interdiction a modifié l'état de la personne; elle lui ôte l'administration · de ses biens; la
personne reste ainsi tant qu'une nouvelle sentence rendne après la même procédure que la première, c'est-àdire après une requête adressée aux juges, \'assemblée
des parents et l'avis de ceux-ci ne viendra pas lever leur
interdiction. Les actes de l'interdi.t sont présumés faits
en état de folie jusqu'à preuve du contraire.
C'est pour cela, nous dit de Ferrière, que les notaires
doivent avoir, dans leurs études nn tableau dans lequel le
nom de tous les interdits est écrit on imprimé, afin que
personne ne puisse prétendre cause d'ignorance (Adde,
Argou, p. 74, tome l, chap. 9; Denizart, Jnterd. 25,
~6, 27).
Si un furieux, nous dit plus loin le même auteur, avait
fait un testament rempli. de dispositions judicieuses, il y
aurait lieu d'en soutenïr la validité, ce qÙi dépend entièrement des circonstances.
�-
1>7 -
Ce que dit de Ferrière du testament doit être étendu;
les actes de l'interdit sont en suspicion légale; il y a présomption de nullité con"tre eux, présomption qui pent
tomber devant la preuve contraire.
L'ancien Denizart établit une distinction (Meslé, n°17) .
·S'agit-il d'actes passés dans un temps voisin de l'interdiction, la preuve · s'admet facilement. Est-il question
d'actes passés à une époque éloignée de l'interdiction,
l'aHégation. de la démence n'étant plus en ce cas soutenue par la vraisemblance que la proximité des actes
fait naître, il faut, selon les auteurs et les arrêts, qu'il y
ait commencement de preuve par écrit en date de
l'époque à laquelle on prétend faire remonter l'imbécilité.
Par une · conséquence des principes ci-dessus énumérés, si la famille néglige, au décès du curateur, d'en
faire nommer un autre, les actes passés postérieurement
par l'interdit ne peuvent gagner à cette négligence une
vàlidité qui exige d'autres bases; ils restent susceptibles
d'ê~re attaqués comme entachés de nullité (Merlin, lnterd.
p. 6, n" 5).
Quand la cause de l'interdiction cesse, dans certains
pays, on con.sidérait, par conformité avec les textes romains, que l'interdiction cessait de plein droit avec l'insanité de l'interdit; mais, en général, on décidait que
pour parvenir à la cessation de l'interdiction, il fallait
adresser requête aux juges pour faire assembler les
parents et en conséquence de leur avis, prononaer une
sentence de levée dïntercliction (De Ferrière et coutume
de Bretagne, art. !J2:5).
�-1S8-
DROIT INTERMÉDIAIRE
Sous celle époque si féconde en innovations, si nous
trouvons de grands progrès dans la science médicale sur
les aliénés, nous conslatons une absence complète de
textes réglementant la situation.
On ne fait rien po?r les aliénés; on ne perfectionne
pas ce qui existait dans l'ancien droit. La seule chose que
l'on ait en vue c'est de réprimer les atteintes à l'ordre
social que les divagations de l'insensé pourraient produire.
Aussi, voyons-nous la loi des 16-24.. août' 1790,
titre xr, article 3, confier à la police municipale: 6° le
soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux
qui pourraient êlre occasionnés par les insensés ou les
furieux laissés en liberté et par la divagation des ani- .
maux malfaisants ou féroces.
Nous trouvons dans ce texte une assimilation peu
flatteuse, H est vrai, pour l'espèce humaine, m~is qui
n'en a pas moins subsisté dans la . législation postérieure.
Aussi l'article 15 de la loi des 19-2.2 juillet 1792, sur
la police municipal.e et correctionnelle, établit des peines
�-
59 -
contre: 4° ceux qui laissent divagu er des insensés on
fllrieux, ou des animaux malfaisants el féroces, sans indiquer les moyens de prévenir les divagations.
Ces dispositions ont été conservées dans la loi du 3
brumaire an IV, article 605, 4°, et enfin, dans notre
Code pénal, 475, 7° et 479, 2°.
Nous rencontrons aussi, sous cette époque intermédiaire, une disposition temporaire rendue nécessaire par
une i:nstitution qui avait disparu avec le régime auquel
elle appartenait, je veux parler des lettres de cachet.
L'article 9 de la lüi des 16-26 mars ·1790 s'occupe des
personnes actuellement détenues pour canse de démence
en vertu de lettres de cachet.
Ces personnes devaient, dans les trois mois, à compter
du jour de la publication de la loi, être interrogées par
les juges dans les formes usitées, et, en vertu de leurs
ordonnances, visitées par les médecins qui, sous la
•
surveillance des directoires des districts, s'expliquaient
sur la véritable situation des malades, afin que, d'après
leurs sentences, ils soient élargis ou soignés dans des
hôpitaux qui seraient indiqués à. cet effet.
��DROIT FRANÇAIS
En droit français, nous avons à examiner distinctement
deux parties: 1° celle qui comprend les dispositions qui
ont régi la matière depui;; la publication du Code Napoléon jusqn'a la loi de 1838 (489 à 512); 2° celle qui
comprend les dispositions sous lesquelles nous vivons
actuellement (Loi de 18381.
Sous la première partie, nous aurons aussi à examiner
une régie men talion spéciale relative à la situation de celui
qui: n'étant pas clans les conditions requises pour être
interclit, ne peut néanmoins faire certains actes sans
j'aide et assistance d'un conseil qui lui est nommé par
\'autorité judiçiaire (499 et 5'13).
�PREMIÈRE
PAR'rIE
PREMIÈRE SECTION.
DE
L'INTERDICTION.
L'étymologie du mot interdiction nous . 1·appelle une
défense, car nous y trouvons la reproduction du terme
dont, en droit romain, se servait le Prél,eur à l'égard de
celui qui, pars.es prodigalités, dirigeait sa famille vers la
ruine, ce qui, du reste, était le seul cas d'interdiction à
Rome.
En droit français, il y a deux genres d'interdiction:
L'interdiction légale dont l'étude ne rentre pas dans
Jeg limites de notre sujet, interdiction qui a un caractère pénal et qui est une conséquence de certaines condamnations (art . 29 C. P. et Loi du 31 mai 18M).
Il y a aussi une interdiction que l'on pourrait appeler
judiciaire, mais qu'il ne faudrait pas cependant confondre
avec celle que nous allons étudier plus loin. Nous l'appelons judiciaire parce qu'elle est prononcée a titre de
peine contre telles infractions prévues par la loi pénale :
c'est celle qui est organisée par les articles 34 el ,1.~ du
Code pénal, elle n'enlève que I' exerci·ce de certains droi ls
particuliers et ne donne pas lieu à l'ouverture d'une tutelle.
De celle-là non plus~ nous ne nous occuperons pas ,
�-
63 -
L'interdiction dont nous voulons parler c'est celle que
le Code a réglée dans le titre x1 du livre 1.
C'est l'acte par lequel un citoyen est complétemenl
dépouillé de l'exercice de ses droits civils, privé consé'
quemment dll goDvernement
de sa personne et de l'administration de ses biens. C'est la défense faite à une
personne d'exercer par elle-même ses droits civils.
Il s'agit de l'interdiction qui, fondée sur l'état mental
d'nn individu, constitue one mesure toute de famille et
de protection à l'égard de celui qu'elle atteint.
Quand l'on considère les effets d'une pareille mesure,
on voit qu'une règle s'impose avec autorité à ceux qui
ont le pouvoir judiciaire, c'est d'en user avec modération. Cette mesure prive une personne du libre exercice
de ses droits; elle lui enlève la disposition de ses biens
et la liberté de ses actions. Enfin, elle humilie aux yeux
de ses concitoyens, non-seulement celui qui en esl
l'objet, mais encore sa famille snr qni rejaillit une sorte
rie dflfaveur pari'uite d'une interdiction.
C'est pourquoi nous voyons le Code déterminer avec
soin les causes d'interdiction, ne laissant a\"appréciation
dn juge que la question de savoir si l'individu qu'on veut
faire interdire est ou non dans la silualion prévue par la
loi.
Division:
A. Dans quels cas et pour qne1les causes peut-on requérir l'interdiction? B. Qui peut requérir l'interdiction?
C. Procédure de l'interdiction. D. Effets de \'interdiction, E: Comment finit l'in~erdiclion?
�A. -
Dans q11els cas et po111• quclleg cau11e•
peut-ou l'cqué1•h• l'intcl'diction '?
L'article 489 répond ·à cette question, mais les premiers mots foot naître une question. Tout majeur, dit
l'article ...... Mais qu'en est-il du mineur? Famlra-t-il
décider que l'interdiction est une mesnre qni ne saurait
s'appliquer à lui? Cela serait contraire à l'esprit de la loi
et aux intérêts du mineur qui est ici doublement cligne
de protection. Cela serait contraire aux intérêts du mineur, rar sans nous arrêter aux points que nous aurons à
examiner plus tard, si l'interdit peut se marier on faire
son testament, le mineur qui vondra plus tard attaquer
des actes qu'il aurait souscrits alors qu'il était interdit,
n'aura qu'à prouver une chose, son interdiction, an
lieu qu'en sa qualité de mineur il serait obligé de prouver qu'il a fait cet acte en minorité et qu'il a subi une
lésion. La possibilité de 'l'interdiction an rait aussi ·cet
avantage d'empêcher Je mineur de saisir, dès le jour de
sa majorité et pendant la longue procéJnre qui conduit à
l'interdiction, un intervalle de capacité, pour sou~crire
des actes ruineux ou pour ratifier, grâce aux manœuvres
de tiers, des engagements imprudents co1Jtractés en
minorité (Fen.et 2, p. 534). Ce sont ces consiJérations q ni
avaient poussé la Cour de cassation à foire cet.te remarque
que le mineur pourrait être interdit dans la dernière
année de sa minorité. Cela était contraire au projet
définitif du Code 1 qui n'adfnetlait 1'int13rc}iction c1ue pour
�-
65 -
les mineurs émancipés; Le tribunat s'était prononcé en
favem de l'opinion de la Cour de ca ~sation. La section de
législation du conseil d'Etat supprima tout à. fait l'article
du projet relatif à lïnterdiction des mineurs. Elle mo- ·
difia dans le projet un arti cle (art. li,, titre x), qui appliquait la nécessité de l'interdi ction à toiit individu atteint
d'aliénation mentale, et y $Ubstitna ce qui est anjonrd'hui ·
l'article 489.
Cet historique sem ble co ntraire à l'opinion que Je
mineur peut être interdit. Cependant, pour le mineur
émancipé, l'interdiction peut avoir des ava.ntages; on fera
révoquer !'~mancipation, dit-on? Mais le mi1ieur peut
ne pas être clans les conditions de 485. S'il· touche 1i la
majorité, on prendra deux précautions: révocation de
l'émancipation et interdiction. 489 s'applique donc au
mineur émancipé.
Quant au mineur non émancipé, celni qui est en tutelle, notre première solution préjuge notre réponse a la
deuxième question, l'argument du texte tombe devant
les observations que nous avons faites. L'article 489 ne
s'applique pas exclusivement aux majeurs, comme il"
semble le dire, et le 01ot majeur ne peut empêcher qu'il ,
s'applique aux mineurs en tu telle. L'article 489 statue,
non pas limitativement, mais seulement de eo q1wd plerumque ~t. D'autre part, en cas de fureur, l'interdiction
doit être prononcée. La société doit se protéger contre
quiconque la menace, majeur ou mineur. Cela existe
encore aujourd'hui et la loi de 1838 n'a pas abrogé l'ar. tic le 4.91. Dès lors, pourquoi ne pas généraliser? -Le
i:o nseil çl'État f(vai\ supprimé tou\e~ dishnct.ions entre
�-
66 -
majeurs et mineurs et M. Emmery déclare formellement qu'il peut arriver qu,'ime personne.soü en tutelle
lors de son interdiction.
Par conséquent, pour nous conformer à l'esprit de la
loi ; pour obvier aux graves inconvénients que nous avons
signalés, nous dirons qu'on peut interdire les mineurs.
Sans doute, les juges devront user de celte faculté avec
prudence et opportunité. En principe, sous peine de
déroger an système de protection organisé par la loi pour
le mineur, on ne peut observer à la lettre l'article 489.
Mais à la différence des majeurs, qui doivent être interdits s'ils sont en état d'aliénation mentale, les mineurs
pourront être interdits, seulement si cela paraît utile
aux magistrats.
Causes d'inte1·diction. - L'unique cause de l'interdiction, c'est l'absence de raison et du libre arbitre, provenant de l'altération des facultés mentales.
Sur ce point, la loi s'est exprimée avec tant de clarté
.et de précision qu'il n'y a pas de controverse possible.
En l'an Ix, le docteur Pinel avait proposé une classification dont les rédacteurs. du Code n'ont pas tenu compte
et qu'ils pouvaient cependant connaître, la promulgation
du titre de l'interdiction n'ayant eu lieu qu'en l'an xm.
Cette classification, plrn; tard adoptée par les principaux
aliénistes, comprenait:
La manie, dans laquelle le délire s'étend sur toute
espèce d'objet et s'accompagne d'excitations.
La monomanie ou mélancolie dans laquelle le délire _
est borné à un objet on a un certain nombre d'objets.
La démencfl, dans laquelle le~ insensés déraisonnent,
�-
67 -
parce que les organes de la pensée ont perdu lenr énergie
et la force nécessaire pour rémplir leurs fonctions.
L'idiotisme ou imbécilité dans laquelle les organes
n'ont jamais été assez bien conformés pour que les idiots
puissent raisonner juste.
Quant ala fureur, c'est nn symptôme commun à toutef'
les maladies mentales. Au contraire, la manie et lamélancohe sont une espèce d'affection intellectuelle · dans
lequel le dérangement des facultés est partiel ou circonscrit.
L'article 4.89 indique trois cas d'interdiction judiciaire:
L'imbécilité, c'est une faiblesse d'esprit causée par
l'absence ou l'oblitérat'ion des idées; l'esprit est incapable de recevoir on de retenir des perceptions.
La démencP-, c'est une aliénation qui ôte, à celui qui
en .est atteint, l'usage de la raison. Lï1omm~ en cet état
·ne peut comparer ou juger. Il y a désordre des idées,
conceptions déréglées: c'est le rés11llat, non de la faiblesse, mais du dérangement des organes.
La fureur n'est qu'une démence portée à un plus haut
degré qui pousse le furieux à des mouvements dangereux
pour lui-même et pour les. autres.
Si, au point de ·vue philosophique, la division du Code
est incomplète, tout au moins faut-il observer que les
rédacteurs du Code Napoléon n'ont pas eu l'intention
d'établir une classification des maladies·mentales. Ce
qui, an contraire, constituerait un avantage, ce serait le
vague des expression s employées par le Code. Ces expressions sont plus compréhensibles et., dès \ors, plus facile·
�-
68-
ment susceptibles d'interprétation et même d'extension,
snivant les cas .
Ce que le Code a surtout en vue, c'est de venit· en
aide il celui qui, en l'état d.e ses facultés mentales, est
hors d'état de se gouverner lni-même et de gérer ses
propres biens. De quelque nom que la scienc1~ médicale
appelle telle ou telle affection, les magistrats sauront la
faire rentrer dans la division de l'article t89, si, en fait,
celte affection place cette personne dans l'état d'incapacité
anquel la loi a voulu subvenir. Les magistrats apprécieront les maladies mentales non pas seulement au point
de vue psychologique et médical, mais aussi au point
de vue légal et judiciaire.
En celte matière, on aura à tenir compte des progrès
el des enseignements de la scie.1ce; on examinera, relativement à chaque individu dont l'interdiction est poursuivie. Mais on ne saurait tracer. de règles absolues, on
ne saurait établir de principes. Il y a là des questions
d'espèces à décider par les magis~rats qui auront un
pouvoir appréciateur et qui, dans leurs décisions, devront avoir combiné les progrès d~s sciences médicales. et
le but légal de l'interdiction.
Il n'est pas nécessaire que la personne dont on poursuit l'interdiction soit dans un état continuel et incessant
de démence. La loi exige seulement un état habitu,el, c'e ~ t
nne qLiestion de fait. à résoudre par les tribunaux qni
n'ont pas à craindre pour lenrs décisions la censure dé la
Cour suprême, .sauf le droit pour la Cour suprême d'ap- .
précier les conséquences légales des faits déc\arés C?~ts-,
�-
tan~s
69 -
et l'application de la loi à ces faits
1831 ).
(Ca~s.;
6 déc.
Il ne suffit pas que l'individu éprouve certains accès
plus ou moins accidentels de dérangement d'esprit pour
être dans I.e cas d'interdiction. M. Emmery, dans l'exposé
des motifs, disait: « Lorsque la raison n'est plus qu'un
accident dans la vie de l'homme, lorsqu'elle ne s'y laisse
apercevoir que de Join en loin, tandis que les paroles et les
actes de tous les jours sont les paroles et les actions d'un
insensé, on peut dire qu'il existe un état habituel d.e démence: c'est alors le cas del' interdiction. »
L'article 489 déclare qu'il y a lieu à interdiction 1 lors
même qu'il y aurait des intervalles lucides. Cette question des intervalles a été, en fait, une source d'embarras
et de difficultés que la loi a voulu précisément prévenir .
De sorte que l'on a pu dire, avec beaucoup de raison, que
les intervalles lucides, bien loin d'empêcher l'interdiction
ne font que la rendre plus nécessaire. En effet, la
question de savoir, si telle ou telle personne était en démence quand elle a fait tel ou tel acte, soulevant des difficultés de fait très graves, si l'interdiction d'une personne
quin'estqu'en état habituel de fureur n'était pas permise,
cela jetterait toutes sortes d'entraves et d'embarras dans
les affaires et exposerait l'aliéné à beaucoup de fraudes
et de dangers. L'interdiction ne se borne plus à constater une incapacité naturelle, elle engendre une incapacité
continue et permanente, commençant avec le jugement
·d'interdiction et subsistant avec lui tant .qu'il dure, sans
interruption.
�-
70 -
Il naît de là une présomption absolue que, l'acte fait
pendant l'interdiction, est fait en temps d'incapacité.
Cette présomption n'admet pas de preuves contraires
et les tiers seraient mal venus à vouloir prouver que l'interdit était dans un intervalle lucide quand il a contracté
avec eux et que, dès lors, le contrat doit sortir à. effet
plein et entier.
La loi exige l'état habituel. Pen .importe qu'il y ait
plus on moins de chances de guérison. Ce ne son~, après
tout, que des chances. La guérison n'est pas certaine et,
pou·r un avenir plus on moins éloigné, l'on ne peut abandonner un malade aux intrigues et embûches dont ne
cessent de l'en lourer les gens peu scrupuleux.
La guérison fût-elle certaine, elle peut ne devoir arriver que dans un temps futur, qui n'arrivera que très
tard. Dans l'entre-temps, qu'arrivera-t-11 ? C'est ici que
les dangers se présentent, le vœu de la loi est de les
conjurer; aussi, elle exige l'état habitueL
Mais de ce que la loi exige l'état habitu~l, il ne faudrait.
pas en conclure que l'interdiction doit être nécessairement prononcée. Non, l'article 499 donne aux juges un
pouvoir d'appréciation. Si l'interdiction n'est pa'S une
mesure nécessaire pour le cas échéant, les juges peuvent
néanmoins décider qoe pour la confeciion de certa.ins
actes, il faudra certaine~ formalités, l'assistance d'un
conseil. Il y aura ainsi moyen de proportionner le remède
au mal, et de ne pas appliquer cette mesure très dure de .
l'interdiction là. où un conseil judiciaire suffit. On réservera l'interdiction pour le cas où l'incapacité est générale
et presque absolue.
�- 7·1 -
Les causes d'interdiction indiquées par la loi sont
limitées, c'est-à-dire que nous ne trouvons plus, comme
sous le droit coutumier, l'interdiction fondée sur le dérèglement des mœurs, ni sur la vieillesse: mais nous devons remarquer que ces circonstances peuvent amener,
soit qu'elles concourent avec d'autres, soit qu'elles se
rencontrent isolément, une interdiction ou l'adjonction
d'un conseil ju'diciaire. Ce sont là des circonstances très
aggravantes de l'état d'imbécilité, démence ou fureur.
Pour les vices, ils agissent avec une telle force sur le
cœur et l'intelligence humaine, _qu'ils conduisent forcément l'homme à une situation où l'interdiction est indispensable.
Quant à la vieillesse, l'aflaiblissernent des facultés inLellectuelles peut devenir un élément sérieux d'interdiction; mais, par elle-mèrne, elle n'est pas une cause d'interdiction.
B. - qui peut requérir l'lnterdletlon.
Pour requérir, à l'égard d'une personne, un jugement
d'interdiction qui amène des conséquences de la nature
de celles que nous verrons plus tard' il ne fallait pas laisser à tout individu le pouvoir de venir, pour un motif
ou pour un autre, porter des accusations de folie, accusations qui s'attachent fatalement au nom, s'étendent à
la famille et dont la procédure, le retentissement agissent
\
"::--1,
�- 72 -
parfois de la façon la plus déplorable sm l' esprit du malhenreux atteint d'un commencement d'aliénation mentale.
Dès lors, le législateur devait désigner limitativement
le nombre de ceux qui pourraient provoquer l'interdiction. Il faut remplir certaines conditions. Nous trouvons
Lrois catégories de personnes :
1° Les parents;
2° L'époux ou épouse ;
3° Le ministére public.
1° La première catégorie est appelée par l'article 490.
ainsi conçu: Tout parent . .... Cette expression, dans
ce qu'elle a de général, nous montre à l'évidence qu'il n·y
a pas de distinctions. à faire entre ligne directe ou collatérale, paternelle et maternelle, ni même, allons
plus loin, entre la parenté légitime et la parenté naturelle, mais, en ce dernier cas, il faut qu'il y ait une
constatation légale de _parenté entre le père ou mère et
l'enfant reconnu .
En présence de l'article 7füS, qui dit qu'à partir du
douzième degré on ne succède plus, faut-il apporter ici
cette limitation et dire qu'après le douzième degré, on
ne peut plus provoquer l'interdiction? Nous ne le croyons
pas : les motifs qui ont fait écrire les articles MW et 755
sont tout différents; en notre matière, ce que l'on veut
éviter surtout, ce sont les séquestrations arbitraires, les
abus des traitements domestiques, quelquefois des considérations non avouables qui n'arrêteront pas un parent
éloigné. Dans l'article 7fü), qu'a-t-on voulu ? Le législateur a pensé que les considérations qui sont la base de
notre système successoral, ne militaient plus avec la même
.
�-13 -
vigoeur au-delà du doozième degré, ce qui suppose une
' biens,
parenté très éloignée. Aussi, dans la dévolotion des
prend-elle bien soin de dire qu'après le doozième degré,
on ne pourra plos succéder, mais il ne dit pas qu'on
perdra la qualité de parent. Cette qualité sera, après le
douzième degré, un titre nu.
Or, dans l'article 490, pas de délimitation de ce genre.
L'article est général, tout parent, dit l'article. Dès lors,
toute personne qui prouvera qu'elle est comprise dans
cette dénomination pourra agir.
Donc, il n'y a pas à distinguer si le parent est proche
oo éloigné.
Par conséquent, le fils peut requérir l'i9terdiction de
son père; pl os que tout autre, il est intéressé à ce que
cette mesure sôit prise. Il peut le faire, tout en conciliant
cela avec le respect qu'il doit à son père.
Le mineur, \'interdit lui-même peuvent réclamer l'interdiction de leor parent en état d'aliénation mentale.
Ils ont ce droit, ils sont parents, mais en même temps il
faut combiner cela av.ec les dispositions qui règlent la situation dès mineurs et des interdits; ils n'ont pas l'exercice de ce droit, exercice qui appartiendra à leur tuteur.
Le tuteur représente l'incapable dans cette circonstance,
comme dans tous les autres actes de la vie civile.
La seole difficulté qui. pourrai.t s'élever à ce sujet, c'est
de savoir si le conseil de famille devrait être appelé à
donner son autorisation. Aucun texte ne l'exige, et bien
que le tuteur agisse sagement en demandant l'avis du
conseil de famille, je ne crois pas qu'en l'absence de cette
6
�- "tr. -
formalité, on puisse Farrêter dans son instance par
une exception de défaut de capacité.
La loi, en se servant des mots «parents, » a entendu
exclure les alliés, quelque rapprochés qu'ils soient, car on
ne rencontre chez eux qu'un intérêt d'affection médiocre
et un intérêt pécuniaire ou héréditaire nul.
Le mari, de son chef, et quelles que soient les conventions matrimoniales, ne peut pas demander l'interdiction d'un parent de sa femme; il n'est qu'un allié. Cette
action n'est d'ailleurs pas relative aux biens de la femme,
c'est une action qui concerne les intérêts de la femme
elle-même. Il y a là une question d'affection et de respect dont la femme doit être juge d'user ou non.
2° L'un dès époux peut demander l'interdiction de
l'autre (490).
Les raisons de cette disposition apparaissent d'une
•manière non équivoque. Par la nature des relations qui
existent entre les deux époux, ils sont plus à même que
qui que ce soit de connaître l'état mental l'un de l'autre.
Ajoutuns à cela l'intérêt très grand qui peut se rencon
trer, provenant, soit des conventio1ls matrimon~ales, soit
de l'obligation alimentaire, soit enfin de la possibilité de
la vocation héréditaire.
La sép:m.tion de corps ne change rien à cette faculté.
La loi est absolue, la séparation de corps ne dissout pas
le mariage. Il en eût été autrement du divorce.
La femme devra être autorisée par la justice pour demander l'interdiction de son mari. Cela, en application
de l'article 215 du Code Napoléon :
�-
75 -
3° Le ministère public a quelquefois qualité pour demander l'interdiclion.
D'abord, lorsque la personne n'a ni éponx, ni ép~use,
ni parents connus, ou si elle a des parents clans l'impossibilité de manifester leur volonté, ou bien, lorsque la
personn·e est en état de fureur, c'est-à-dire dans un état
tel qu'il peut résulter de sa liberté quelque danger pour
la société. Le ministère public doit, c'est un devoir et non
une simple faculté, en ce dernier cas, provoquer l'interdiction; pour les autres cas, c'est une simple faculté.
Le droit de provoquer l'interdiction appartient concurremment aux personnes que nous avons énumérées
(1° et '.2°). La loi n'a pas établi d'ordre hièrarchique
entre les personnes qui peuvent agir. Est-ce à tort ou à
raison .? C'est ce que nous n'avons pas à examiner; d'ailleurs, en fait, les juges appelés -à -se prononcer seront
beaucoup plus exigeants, suivant que le parent qui dema~de l'interdiction sera plus éloigné,
Une question plus importante et qui se présentera, a
coup sûr, sera une question relative à la chose jugée.
Une personne a demandé l'interdiction d'un de ses
parents et succombe da.ns sa demande; le parent dont
l'interdiction a été en vain demandée, est-il désormais à
l'abri de toute demande de ce genre, ou bien font-il décider qu'il aura de nouveau à se défendre contre ceux
qui demanderont, les mêmes faits étant allégués?
Si nous nous reportons aux principes de la chose jugée
· (art. 1351), nous dirons que la demande devra être admise; l'on ne pourra pas invoquer la chose jugée, car le
débat n'a pas en lieu inter easdem personas ; l'on ne
�-
76 -
saurait soutenir que la personne qui a agi la première représentait les autres. Chacun a un droit personnel et
distinct. On ne trouve ni dans les principes ni dans la
loi quelque chose qui puisse servir de base 'à celte représen talion.
Dans l'ancien Jroit, cela était incontesté.
Sans doute, cela aboutit à. des résultats fâcheux. Un
homme sera exposé à. des procès répétés en interdiction,
obligé de se défendre contre tous ceux qui ont qualité.
Mais n'a-t-il pas une ressource? D'abord respoir de triompher contre les autres comme contre le premier qui a agi;
ensuite, il y a la peine des plaideurs téméraires, et l'article 1382 lui fournira le moyen d'être indemnisé des
soucis et peines à lui .occasionnés.
Cette argumentation ne manque pas d'être sérieuse, et
cependant nous y répondrons en faisant observer qu'il ·
faut distinguer entre les jugements constitutifs de l'état
des personnes et les jugements simplement déclaratifs.
Pour les premiers, à. n'en pas douter, ils ont effet
erga omnes, lorsque, suivant les conditions légales, ils
changent ou modifient pour l'avenir l'état et la capacité
·des personnes; c'est qu'il s'agit d'un êl,Cte qui produit un
changemen~ absolu dans l'état des personnes. Tel est le jugement qui décide que l'interdiction doit être prononcée.
S'il en est ainsi, la logique n'exige-t-elle pas qu'il en
soit ainsi pour: le jugement qui décide qu'il n'y a pas lieu
de prononce1· l'interdiction? Ce jugement ne peut-il pas
être regardé comme constitutif de l'état de la personne?
Il constitue l'état de la personne, puisqu'elle déclare que
c'est à tort que l'on a voulu changer l'état de cette per-
�- 77 -
.
sonne. C'est un jugement confirmatif de l'état de la personne.
Dès lo.rs, la question est résolue, et ceux qui viendraient demander l'interdiction, en s'appuyant sur les
mêmes motifs qui on tété auparavant déclarés insuffisants,
devraient être anêlés par une fin de non-recevoir fondée
sur la distinction que nous venons d'établir.
Ceux qui ont qualité pour demander l'interdiction peuvent intervenir dans l'instance commencée par l'un d'eux.
Leur intérêt est évident, et ils agissent à Litre conservatoire.
TELLES SONT LES PERSONNES QUI PÉUVENT DEMANDER
L'INTERDICTION. -
La loi est limitative, on ne saurait y
ajouter.
Une question intéressante, qui était résolue affirmati','.ement dans l'ancien droit, est celle de savoir, si une
personne pourrait d.emander elle-même à la jnstice de
prononcer son intèrdiction ou de lui donner un conseil
judiciaire.
Il peut très bien se faire qu'un individu atteint d'aliénation mentale et ne comprenant que trop sa position,
profitant d'un instant lucide, s'adresse à la justice pour
qu'on le mette, par l'interdiction ou l'adjonction d'un
conseil judiciaire, à l'abri des fraudes qui pourraient le
mener ala ruine et contre lesquels il ne saurait autrement se mettre en défense. Le ministère public ne peut
intervenir, car il n'est pas en fureur, et il a des parents
qui se soucient peu de lui. On ne peut pas dire, sans
. doute, qu'il s'agit de renoncer ici à }a ·capacité person-
�-
78 -
nelle, l'article 6 du Code Napoléon s'y oppose, on d'un
consentement à une interdiction ; non , il demande
qo'on l'inlel'roge, qu'on procède à son égard ·comme si
Iïntercliction était provoqoée par un autre que pal' lui.
Dans notre ancien droit, cela ne faisait pas de doute.
Celoi qui se défiait de lui-même poûvait se faire donner
un conseil, et même, dans le projet du Code, en l'an vm,
il y avait un chapitre intitulé: d·u Conseil volontaire, mais
ce chapitre n'a pas été reproduit dans la suite; on n'en
retrouve pas trace aux travaux pI'éparatoires cln Code et
clans les discussions. A cela, on dit qu'il n'y a pas d·a rücles contraires dans le Code ac.tue!, et que, dès lors, rien
ne fait obstacle à cette manière de procéder.
Cette opinion, quelque sérieose qu'elle soit, pèche
cependant par les côtés suivants, ce qni la fait rejeter par
la plupart des auteors. La loi fixe limitativement (490 et
49 11) quelles .sont les personnes qui peuvent demander
l'interdiction ou le conseil judiciaire, car ces mesures judiciaires sont assimilées (5U.); nulle part il n'est dit
qu'une personne puisse ies requérir pour elles-mêmes.
Ensuite. nous ne pouvons, directement ou indirectement,
consentir à une modification de notre état personnel
(art. 6).
Le silence do Code Napoléon :sur le conseil volontaire est significatif. Si Je3 rédacteurs avaient entendu
conserver ce mode de procéder, pourquoi supprimer les •
dispositions du chapitre intitulé du r:on.~e.il volcntaire?
Enfin, comment eût-on procédé en pareille matière? La
procéd nl'e indiquée et décrite au Code Napoléon ou au Code
de procédure est contraire au système de l'affirmative.
�-19 -
.
On parle de deux adversaires, défendeur et demandeur .
Ces deux rôles se confondraient ici. Cela pourrait cacher
des fraudes vis-à-vi~ des Liers. Et puis, le silence de la loi
sur ce mode de procMer à cette occasion, les considérations qui précèdent nous forcent à conclure que l'individu
ne devra pas étre écoulé, sa demande étant contraire aux
textes et aux principes de la loi.
f.. - Procédure de l'hate1•dictlon.
Le Code a pris soin, pour éviter toutes surprises et en
même temps pour donner des garanties à la société, d'établir une procédure qui, soit au Code de procédure, soit au
Code Napoléon. permette au magistrat de se prononcer
en parfaite connaissance de cause.
L'article 49:2 nous dit tout d'abord : La demande sera
porUe devant le Tn'bunal de ptemière instance. Le
Tribunal dont parle le Code ici, c'est, à n'en pas douter,
le Tribunal du domicile. Par le seul fait du silence de la
loi, nous pouvons conclure qu'elle s'est référée aux principes généraux, en matière de domicile (59 C. pr. 4,07
~t 509 C. N.; art. 32, Loi 1838). Cela est ensuite corroboré par l'article 501, qui règle la publication du jugement dans l'arrondissement du domicile.
Si l'interdiction est requise ,par l'e procureur de la République, c'est alors le procureur de la République de la
résidence qui peut agir. C'est le Tribunal du lieu où se
sont produits les actes de fureur qui est compétent, car
�-
80 -
les mesures de police et de sûreté sont de la compétence
des magistrats du lieu où elles sont nécessaires. Une fois
connu le tribunal compétent, voyons les diverses phases
de la procédure en interdiction.
La demande est dirigée contre l'individu à ioterdïre
(496 et501 C.N.) .S'il est mineur ,on met en cause son père
ou son tuteur, afin que celui-ci prenne en main sa défense. Intentée contre une femme mariée, l'instance ne
pourra se poursuivre qu'aulant qu'on aura mis le mari en
cause pour autoriser la femme. On a jugé qu'en cas cle
refus ou d'absence du mari, le jugement qui ordonnait la
convocation du conseil de famille tenait lieu d'autorisation.
Pas a·e préliminaires de conciliation. «L'essai de la
conciliation, disait Je tribun Tarrible, 3U Corps législatif,
serait impossible avec le véritable insensé, il serait outrageant à l'égard de celui qui aurait couservé l'intég1·ité de
sa raison.~> Et puis on ne pactise pas snr la question d'Etat
(art. 6 C. N. et 49 C. pr. civ.).
La demande est introduite an moyen d'une requ~te
adressée an président du Tribunal. Cette requête doit
contenir les faits qui donnent lieu à la demande en
interdiction. Il fan t articulation de ces faits, c'est-a-dire
non pas seulement une indication rapide, mais il faut préciser les faits, les détailler article par article, de manière
à en rendre la preuve et l'appréciation plus sùre::;. On
doit y joindre les pièces justificatives que l'on pourra se
procurer, lettres écrites par l'insensé, actes qu'il a faits
ensuite. Il faut indiquer les témoins qui peuvent venir
déposer des faHs al_légués.
�.:...... Si -
Si la requête ne contenait pas des faits d'imbécilité,
démence ou fureur, eomme ce sont des conditions essentielles de la requête, elle devrait être écartée tout d'abord.
Mais si, par exemple, on avait omis des pièces justificatives, en présence des articles 490 du Code Napoléon et
890 du Code de procédure civile, la requête ne saurait
être rejetée de ce chef.
La requête ainsi formée, le président, par ordonnance
apposée au bas de la requête, prescrit la communication
au ministère puMic el commet un juge pour faire un
rapport, au jour indiqué, en chambre du conseil (49&,
C. N,, 891, 89:2 C. pr. c.).
Sur le rapport du juge et les conclusions du ministère
public,. le Tribunal ordonnera que le conseil de famille,
composé selon le mode déterminé à la section 4 du chapitre 2 du titre de la minorité, tutelle et érna:ncipation, donnera son avis sur l'état de la personne dont l'interdiction est demandée. Mais, malgré la formule impérative dont se sert le Code, le Tribunal peut rejeter, de
plana, la demande en interdiction, si les faits qui lui sont
soumis ne sont pas regardés comme suffisants; de même,
si le demandeur n'a pas qua li lé, si c'est, par exemple, un
allié.
Pour la forma.tion du conseil de famille, la loi renvoit
aux règles générales sur la matière. Le juge de paix, dans
la composition, devra se montrer aussi attentif que possible. li est toujours lié par les règles ordinaires sur le
conseil de famille. Les membres peuvent se faire r.epré.senter i set1lement, il y [\qr~ Ull membre l\oni il n'aurait
�-
82 -
pu être question en matière de conseil relatif à la tutelle d'un mineur, c'est l'époux.
L.a première partie de l'article 495 pose une règle très
sage. Ceux qui ont provoqué l'interdiction ne sauraient
faire partie du conseil de famille. La loi n'a pas voulu
que Je poursuivant soit à la fois juge el partie (Trav. prép.
discours de M. Emmery). Elle \'a écarté, de peur que,
pour soutenir son idée première, il ne vole dans . le sens
de la demande, alors même qu'il la verrait mal fondée.
Ceux-là seront alors convoqués qui auraient été écartés
par la plus grande proximité de ceux qui ont provoqué
l'interdiction.
Bien que, ne pouvant pas faire partie du conseil de fa.
mille, rien ne s'oppose à ce que ces derniers soient
entendus par Je conseil pour donner des renseignements.
Le conseil de famille peut faire Je nécessaire pour délibérer en parfaite connaissance de cause.
La deuxième partie de l'article 495 a fait naître des
difficullés. Cependant, y est-il dit, l'époux ou l'épouse,
ou les enfants de la personne dont l'interdiction sera provoqllée pourront y être admis sans avoir voix délibérative.
Si nous considérons l'article en enlier, nous voyons la
règle générale posée en premier lieu, puis au deuxième
paragraphe, l'exception, c'est-à-dire que , lorsque le
poursuivant sera l'époux ou l'épouse ou les enfants du
défendeur, ils ne seront pas exclus du conseil de famille
par la première partie de 495. Ils feront partie du conseil
de famille, mais n'y auront pas voix délibérative ; tel est
le sens rationnel de l'article.
Dès lors: les enfants, époux ou épouse feront partie
�-
83 -
du conseil de famille avec voix délibérative, lorsque la
demande en interdicli0n ne proviendra pas d'eux. Ils ont
Je pouvoir de provoquer celte interdiction ; à plus forte
raison, doît-il leur être permis de délibérer et de voter
sur cette mesure, qui est tonte de prote.et.ion pour.le malade. On ne saurait voir Ja aucune immoralité, sans faire
le procès a la loi qui permet la demande en interdiction.
Enfin, les travaux préparatoires du Code nous fournissent un argument puissant pour repousser l'opinion
de ceux qui voudraient toujours refuser voix délibérative
à l'époux ou l'épouse et aux enfants.
La défense de voter était écrite dans Je projet pour les
enfants et le conjoint, elle a été rejetée an conseil d'Etat.
Le Tribunat, plus tard, proposa cette même défense. Cette
demande fut rejetée une deuxième fois. Dès lors, aucun
doute ne saurait subsister là-dessus (Fenet, t. 3, p. 91,
art. 10; idem, t. 10, p. 698).
Le conseil de famille sera présidé, comme d'habitude,
par le juge de paix qui y aura voix délibérative et prépondérante en cas de partage (1"16. C. N.).
Il délibère dans la forme ordinaire avec pouvoir d'entendre, avant la délibération, soit le demandeur, soit le
défendeur. Car il est de son droit d'user de tons les
moyens pour arriver à donner un avis juste et vrai sur
l'état mental du défendeur.
Sur l'avis du conseil de famille, le Tribunal peut, avant
p1us ample informé, débouter de la demande. Sans
doute, les articles 496 du Code Napoléon et 893 du Cod~
de procédure civile exigent l'interrogatoire, mai:' ces ariicles supposent que l'instruction suit son cours et ac-
�-
86. -
complit ses différentes phases; ces textes ne font pas de
l'interrogatoire une mesure d'instruction nécessaire. Sans
interrogatoire, l'interdiction ne peut être prononcée, mais
elle peut être rejetée, comme elle aurait pu l'être sur le
rapport du juge-commissaire et les conclusions du ministère public.
Si le l'ribunal poursuit l'instruction, son premier acte
sera nécessairement d'interroger le défendeur ; le poursuivant présente requête pour que les jour et heure en
soient fixés vingt-quatre heures, au-moins, à i:avance (329
C. pr. civ.).
On doit signifier au défendeur copie de la requête
introductive, des pièces à l'appui, de l'avis du conseil de
famille, enfin du jugement qui ordonne l'interrogatoire
(893, C. pr. civ.).
Il ne faut pas. que le défendeur soit interrogé inopinément, il faut qu'il ait Je temps de se recueillir pour fournir .des réponses qui puissent éclairer la religion du Tribunal.
L'interrogatoire se fait devant le Tribunal tout entier
et dans la chambre du conseil. Une plus grande publicité
affecterait trop vivement la timidité de l'individu à interroger, et puis il faut agir dans la mesure du plus grand
secret possible, pour ménager sa réputation et son amourpr.opre.
Chacun des juges a Je droit d'apprécier par lui-même
l'~tat du défendeur; on lui posera des questions par l'intermédiaire du président; chacun peut mieux étudier .
l'homme qu'il a interrogé et se former une conviction
�-
80 -
intime et par les ges.tes, le regard, l'attitude du défendeur
et par les réponses qu'il fera aux questions à lui posées.
Si les circonstances sont telles que le défendeur ne
puisse pas se présenter au Tribunal, soit à raison de sa
santé, soit à raison de sa demeure, on peut commettre un
juge qni ira, assisté du greffier, interroger le défendeur
en sa ·demeure.
Dans tous les 0as, fait remarquer l'article ft.96 du Code
Napoléon, le procureur de la République doit être présent à l'interrogatoire. D'abord, pour se former une opinion qu'il puisse traduire en ses conclusions, ensuite
parce qu'il s'agit ici de matières intéressant essentiellement l'état des personnes et l'ordre public.
Quant au püursuivant, la bienséance exige quïl n'assiste pas à lïnterrrogatoire. Sa présence pourrait produire un effet désastreux sur les facultés intell(;lctuelles
de la personne interrogée et ne pas lui laisser le complet
usage de ses facultés.
Toutefois, nous devons reconnaître qu'il n'y a aucun
texte proscrivant l'assistance du poursuivant à l'interrogatoire.
La nature des questions à poser est abq,ndonnée à la
sagacité et à l'expérience de~ ma~istrats. On ne saurait
poser des règles absolues en cette. matière, et les juges
devront, suivant les cas, adresser les questions qui leur
paraîtront les plus aptes à faire découvrir quel est l'état
mental du défendeur.
Si le défendeur est dans un état, tel qu'il ne puisse répondre aux questions qu'on lui adresse, il n'en faudrait
pas conclure que l'interrogatoire est ici superflu. Il faut
•
�-
86 -
qu'on tente tout ce qui est possible et, en·cas d'insuccès,
qu'on constate c-.e qui en est par un procès-verbal.
Il peut arriver qu'un premier interrogatoire ait été subi
victorieusement, c'est-à-dire avec présence d'esprit par
le défendeur, mais que, néanmoins, le Tribunal ne soit
pas convaincu de la parfaite sanité d'esprit ; il pourra
alors renvoyer à une :i.utre fois l'interrogatoire, le défendeur peut s'être trouvé dans un moment lucide, et les intervalles lucides ne sont pas un empêchement à l'interdiction (489 C. N.) .
C'est alors que l'on peut appliquer 893. C. Proc.
civ. 2° 1:n fine; ·Si l'interrogatoire et les pièces produites
sont insuffisantes et si les faits peuvent être justifiés par
témoins, le tribunal ordonnera, s'il y a lieu, une enquête
qui aura lieu dans sa forme ordinairB". Si la présence du
défendeur paraît sujette à inconvénient, le tribunal ordonne l'audition des témoins en son absence et se borne
à le faire représenter par un conseil.
On pourra aussi faire examiner le défendeur par les
médecins, mais cela est une pure faculté, SCIUS l'empire
du Code : les trois moyens indiqués par le Code, sont :
les pièces et témoignages produits par le provoquant;
l'avis du conseil de famille; les réponses à l'interrogatoire. En ajouter ser.ait faire la loi.
Cette procédure, comme on le voit, peut être très longue. Elle est compliquée et il y a des délais à observer.
Pendant ce temps il est à craindre que les poursuites
dirigées contre lui n'engagent le· défendeur 3 abuser de
sa liberté et d'un droit qui va lui échapper. Aussi, l'arli- .
cle ~97 du Code ~apoléon, permet au tribunal, après le
�-
87 -
premier interrogatoire el sur les conclusions du ministère public, de confier le soin de la personne et des biens
du défendeur à un administr:ateur provùoire.
Après le premier interrogatoire, ctla peut être ordonné
en tout état de cause, même par la Cour en cas d'appel
du jugement définitif.
Le jugement qui nomme un administrateur provisoire
peut, cela n'est pas douteux, être frapp é d'appel , comme
le jugement qui prononce l'interdiction.
Quant aux pouvoirs de l'administrateur provisoire, ils
sont, ainsi que l'indique le nom même, bornès aux actes
de l'administration nécessaire.
Cet administrateur est nommé par le tribunal en chambre du conseil (Argument a contrari·o de 498).
Les fonctions de l'administrateur cessent dès que la
demande a été repoussée, ou dès que l'aliéné a été pourvu
d'un conseil ou d'un tuteur, quand la demande a été
déclarée fondée. Au premier cas, il rendra compte au
défendeur, au second cas, au tuteur ou au conseil.
L'instruction e:;t ici terminée. Les dernières formalités étant remplies , les procès-verbaux, interrogatoires
ou enquête sont signifiés au défendeur, avec sommation
de comparaître devant le tribunal.
Devant le tribunal , on suit la forme ordinaire des instances. Les moyens de défense et les divers genres de
preuve pourront se développer aussi complétement que
possible, et cela, en public, de sorte que les intérêts du
défendeur seront sauvegardés, et en même temps, les
juges trouveront un moyen de s'éclairer davantage sur
l'état de celui dont on demande l'interdiction.
�- 88 Le ministère public sera appelé à donner ses conclusions et le jugement sera rendu en audience publïque.
Le ministère public est appelé à jouer un rôle dans .
tout ce qui regarde les affaires d'Etat: nous avons vu,
relativement à l'interdiction, quel était son rôle, qu'il
agisse comme partie principale ou qu'il agisse comme
partie jointe.
Même après l'interdiction, l'Ùticle 83 du Code de Procèdure civile nous dit que le ministère public prendra
communication de toutes les pièces qui intéressent l'interdit, et comme sanction à cette obligation nous voyons
(art. 480. 8°, C. proc. civ.) qu'au cas de non communication au ministère public dans le cas où la loi l'exige,
lorsque le jugement a été rendu contre celui pour lequel
elle était ordonnée, le jugement peut être rétracté. sur
requête civile.
Trois hypothèses peuvent se rencontrer dans le jugement:
1° Le tribunal pense qu'il n'y a pas lieu d'interdire le
défendeur ; la demandeur est renvoyé des fins de sa
requête, et de plus, condamné aux dé~ens (130 et 131,
C. Pr. civ.) Il peut, de plus, être prononcé conlre lui
un e condamnation à des dommages-intérêts poUr le défendeur. Le défendeur conserve sa pleine capacité.
'.2° Les juges estiment qu'il y a lieu de prononcer l'interdiction. L'interdit supporte les dépens.
3° Les juges pensent que la mesure de l'interdiction
· ne saurait être appliquée, mais que néanmoins l'état mental du défendeur est tel qu'il y aurait danger à lui laisser
la complète ~ dministration de sa fortune. Ils lui donne-
�-
89 -
ront alors, en ve1:tu de l'article 499, un conseil judiciaire
sans \'assistance rluquel il ne samait faire certains actes
dont \'énumération se trouve aux articles 499 et 513 du
Code Napoléon. Quant aux frais ils sont compensés (131,
C. pr~ c.).
ce· sera le tribunal qui, par son jugement, nommera
le conseil. La loi en disant: si les circonstances l'exigent, laisse un pouvoir d'appréciation qui permettra au
tribunal de non1mer un conseil à qui, pOLH un motif
oo ponr un autre, serait jugé pevoir en être pourvu.
Le jugement est toujours susceptible d'appel; néanmoi'ns, dans les d·eux derniers cas, il y a des précautions
à prendre: le jugement doit être levé, signifié à partie,
et inscrit sur des tableaux qui cloiveot être affichés dans
la salle . de l'auditoire et dans les études des nolaires de
l'arrondissement. Les notaires qni négligent d'exposer ce
tableao sont passibles de dommages· et intérêts envers
les intéressés (art. '18, Loi 25 ventôse an xi); décret du
16 février 1807. Tarif civil. article 175).
1
L'affiche doit être apposée clans les dix jours qui suivent la prononciation du jugement. Après ce temps, le
jngement, non rnndu public, n'est pas pourtant dépourvu de tout effet (50~ C. N.).
Si l'interdiction produit son effet dojour du jugement
et avant l'apposition des affiches, lorsqu'elles n'ont été
apposées qoe le dixième jour après le jogement, il est
permis d'en conclore qoe le jugement prodLiira son
effet indépendamment du défaut absolu d'affiche.
Il y a lieu à affichage même en cas d'appel: parce
7
�....... 90 -
que rarrêt confirmatif fait produire, à la sentence des
prtimiers juges, son eliei du jour où elle a été prononcée.
Il faut que les tiers soient avertis.
Bien qu'affiché seulement dans l'arrnncÙssemenL, le
jugement frappe néanmoins les actes passés par l'interdit
en d'autres lieux: de même qu'il atteint ceux passés a.ans
les dix )ours accordés pour lever le jugement, le sign ifier
et l'afficher.
C'est à celui qui a contracté hors de la juridiction de
l'interdit de s'imputer sa propre négligence.
L'insertion dans un journal dont parle l' article 92 du
décret du 16 février 1807' n'est que facultative.
La question de savoir par qui l'appel pourra être inter·
jeté dépendra de la solution du procès.
Si l'interdiction a été pronont;ée, l'appel sera émis µar
le défendeur contre le provoquant, el, comme le dit
M. Berlier (exposé des motifs du C. de Prnc. ) « la per« sonne, dont l'interdiction est provoquée, plaide en
(( cause d'appel, sans être pourvue de tuteur, car, aux
« yeux de la loi, son état est encore entier et il ne cesse
" de l'être que par la décision suprême ou l'adhésion an
« premier jugement. »
Si la demande a été rejetée purement et simplement,
l'appel doit être formé, soit par le provoquant, soit par
l'un des membres du conseil de famille, et. il est dirigé
contre celui dont l'interdiction est provoquée (8H4. C.
. \•
P roc. civ.
1
Enfin, s'il a été nommé un conseil judiciaire, l'appel
est émis par le défendeur ou le demandeur, soit enfin
par l'un des membres du t;Onseil de famille.
�-
91 -
Le ministère public, lorsqu'i l n'est pas lui-même demandeur en interdiction, ne peut pas émettre appel. Il
n'a point été partie, et rien, dans la loi, n'a créé une
exception en sa· faveur.
L'appel remet en question la capacité du défendeur.
La Conr a faculté d'interroger le défendeur ou de le faire
interroger par un commisssaire, commissaire qui ne doit
pas êt re pris nécessairement dans le sein de la Cour.
La présence du ministère public n'est pas nécessaire,
cela résulte du texte de l'article 500 du Code Napoléon
qui fait de cet i11terrogatoire une simple faculté pour la
Conr.
La Cour peut user de tels moyens d'instruction qui lui
paraîtront nécessaires, par exemple , elle peut ordonner
une enquête. L'arrêt de la Cour sera rendu en audience
so len ne lie (a rt. 22 du décret èl u 30 mars 1808).
La CoUL' peut confirmer le jugement, qnel qu'il soit,
ou le réformer, so it en rejetant complétement la nomination du conse il judiciaire ou \'interdiction qui a été
prononcée, soit en renvoyant purement et simplement
des fins de la demand e le défendeur auquel le jugement
·a donné un conseil jud iciaire, soit en nommant un conseil
j ucliciaire au défendeur, que le jugement aurait renvoyé
purement et simpl ement ou qu'il aurait interdit. La Cour
peut aussi enfin subslituer, au conseil juùiciaire donné ·
par le premier jugement, l'interdiction, pourvu toutefois
que l'interdiction ait été demandée en première instance.
L'an:êt qui prononce l'interdiction doit être soumis
aux modes de publicité que nous avons vus (art. 5Ü'l
C. N.).
�-
92 -
Observons que le demandeur en interdiction ne peut
se désister une fois sa demande formée, car il s'agit ici
d'action intéressant autant l'ordre public. que l'intérêt
privé, et, dès lors, le désistement ne saurâit être tenu en
compte.
o. -
Ell"ct• «le l'l11tc1•«1lctio11 .
Le jugement d'interdiction déclare l'individu dans un
état habituel d'imbécilité, démence ou fureur, et, comme
conséquence de cette déclaration, nous le voyons produire des effets, soit dans l'avenir, soit dans le passé.
Dans l'avenir, elle donne lieu à l'ouverture de la tutelle
de l'interdit. Elle rend l'interdit incapable de gouverner
lui-même sa personne et ses biens.
' Dans le passé, l'article 503 nous apprend que les actes .
antérieurs pourront être annulés si la cause de l'interdiction existait notoirement au moment où les actes ont
été faits.
I. -
EFFETS DANS L'AVENIR.
Tutelle de l'interdit. - En droit romain et en droit
·coutumier, la personne qui est chargée de veiller au
soin de la personne et des biens de l'interdit porte le
nom de curateur. Cette dénomination ne se retrouve pas
au Code pour l'interdiction. Le Code emploie le mot de
tuteur pour se conformer aux principes qu'il a posés
(art. 509)_, quand il assimile l'interdit à un mineur pour
�-
93 -
sa personne et ses biens, et a décidé que les mêmes lois
régiraient l'une et l'autre situation.
Toutefois, il ne faudrait pas pousser trop loin cette
assimilation et prendre trop à. la lettre les dispositions de
la loi.
La tutelle des interdits est régie par les mêmes règles
que la tutelle des mineurs; cela est vrai dans la généralité des règles, mais il faut faire réserve de certaines dispositions spéciales que le Code Napoléon a pris soin de
consacrer soit explicitement, soit implicitement en matière d'interdiction.
D'abord, l'interdit doit avoir un tuteur, alors même
qu'il a encore ses père et mère.
La tutelle des interdits est toujours dative, c'est-à-dire
déférée par le conseil de faQJille; cela résulte, sans aucun
doute, de l'article 505, qui porte que, "dans tous les cas
(et sans distinction), il sera pourvu à la nomination d'un·
tuteur et subrogé-tuteur à l'inter dit. >> Ce sont les mêmes
termes que ceux employés ( art. 405 C. N. in fine).
Mais cet article décide qu'il n'y a lieu à la nomination par
le conseil de famille qu'en dernière analyse; les tutelles
testamentaires et légitimes passent avant. De plus, pour
l' article 505, le Tribunal avait opposé à ce système certaines observations qui furent repoussées.
Il est vrai que nous trouvons une exception (art. 506)
en faveur du mari qui est, de droit, le tuteur de sa femme
interdite, exception qui, à Rome, était formellement
rejetée par le législateur. M~is la loi a pris soin de s'en
expliquer, et la règle générale n'en subsiste pas moins.
Jl y a aussi une autre dérogation aux règles de la tu0
�-
94 -
telle·, c'est que la ferpme peut être nommée tutrice de
son mari; il y a là dérogation à l'article 442, qui n'avait
excepté que la mère et les ascendantes.
Si l'interdiction frappe un mineur, il n'y aura pas lieu
de lui donner un nouveau tuteur, tant que dure sa minorité; le tuteur sera, jusqu'à sa majorité, légitime, datif
ou lestarnenlaire. M. Emmery avait prévu cette situation
lorsqu'il disait : «Il peut arriver que la personne soit
en tutelle, lors de son interdiction; alors la tutelle continue, sinon le tuteur et le protuteur sont établis dans
les formes accoutumées. »
Le mineur arrivé à sa majorité, on lui dot1ne un autr•J
tuteur, d'abord parce que ce n'est plus comme mineur,
mais comme interdit qu'il est en tutelle; c'est que cette
tutelle est d·ative; ensuite, c'est parce que le tutenr primitivement donné au mineur, comme mineur, n'est
· engagé que·tant que dure la minorité.
La nomination du tuteur a lieu aussitôt après le jugement qui a prononcé l'interdiction. En effet, l'article
505 nous dit: « S'il n'y a pas d'appel du jugement
rendu en· première instance, ou s'il est confirmé sur
appel, il sera pourvu la nomination d'un tuteur ou d'un
subrogé-tuteur à l'interdit, suivant les règles presr:.rite~,
au titre de la minorité, tutelle ou émancipation. "
De cet article , nous tirons les conséquences suivantes: c'est que tant qu'il n'y a pas eu appel, alors
même que l'on serait dans les délais, on peut faire
nommer par le conseil de famille le tuteur el le subrogétutenr; mais à côté de cela, il faut nécessairement observer le droit. commun. La nomination d'un LuLeur ou
a
�- 9n subrogé-tuteur constitue un acl.e d'exécution du. jugement d'interdiction; or, d'après l'article 450 du Code
de procédure civile, l'exécution de jugement non exécutoire par provision sera suspendue pendant la huitaine
à dater du jour du jugement, délai que l'on doit laisser
écouler pour émettre appel (449 C. Proc. civ.).
De plus, il faut signifier le jugement au défendeur,
signification qui fera courir le délai de l'appel; jusque-là,,
la nomination d'un tuteur serait nulle. De sorte que la
nomination du tuteur el subrogé-tuteur, bien que faite
après la signification du jugement, sera nulle, si la signification a été faite dans la huitaine du jour du jugement
(147 C. Proc. civ.).
Mais après la signification du jugement ~t la huitaine
du jour du jugement, on pourrait provoquer la nomination dn tuteur et dn subrogé-tuteur, alors que \'on serait
encore dans le délai de l'app el (457 C. Proc·. civ.).
Si l'appel est émis, après la nomination du tuteur, le
tuteur est en suspens, et la validité de sa nomination dépend des chances de l'appel; mais jusqu'à ce qu'il ait été
décidé sur l'appel (malgré l'ambiguïté du texte, le délai
d'appel ne suspend pas loi-même la nomination; il n'y
a que l'appel interjeté qui ait_ cet effet); josqu'à cette
époque, dis-je, le tuteurdeyra s'abstenir d'agir et ne point
s'immiscer dans l'administration de la tutelle.
Quant aux actes urgents d'administration, ils seront
alors faits par l'administrateur provisoire qui a pu être
nommé par le tribunal de première instance ou qui s·erait
nommé par la Cour.
L'arl\clc 505 renvoi e, pour l'organisation du conseil
�-
•
96 -
de famille qui aura à nommer le tuteur ou le subrogétutem, aux règles ordinaires, c'est-à-dire anx articles
405 à 420 du Code Napoléon.
La femme de !'interdit ne peut pas faire partie de ce
conseil de famille, bien qu'elle ait fait partie de celui qui
a donné avis sur l'état do demandeur. C'est qu'ici nous
rentrons dans les règles dn droit commun (442 C. N. ),
et il n'y a pas de texte qui apporte une exception semblable à celle que nous avons rencontrée (495 C. N.).
, Il est vrai que, aux termes de l'article 507, la femme
peut étre nommée tutrice de son mari interdit; mais
· cette exception s'appliqueà l'une des prescriptions de
1' article 442, et ne saurait s'étendre à l'autre, celle cl' être
membre dn conseil de famille.
Ceux qui pnt provoqué l'interdiction peuvent en faire
partie. Il n'y a plus aucun motif, après l'interdiction prononcée, pour les exclure du conseil; l'article 495 du
Code Napoléon doit être entendu d'une manière absolument restrictive.
Celui qui a provoqué l'interdiction peut être nommé
tuteur ou subrogé-tuteur, rien ne s'y oppose.
• Pour les causes d'incapacité, exclusion, excuses ou
destitution, il faut 1rn référer aux articles 427 à 450 du
Code Napoléon.
Nous déciderons aussi, par analogie de l'article 394
du Code Napoléon, que la femme nommée tutrice pourra
refuser ces fonctions lorsqu'elle trouvera la charge trop
'
lourde.
Devoirs du tute·ur. -
Pour les dbvoirs du tuteur ,
�-
97 -
nous n'avons qu'à nous reporter aux articles de la tutelle.
Avant d'entrer en gestion, il doit: faire inventaire
(451 C. N.), procéder à la vente des meubles (452), provoquer le règlement des dépenses de la tutelle (454);
enfin, recevoir le compte de \'administrateur provisoire,
a moins, bien entendu, que ce ne soit l'administrateur
provisoire qui .ait été nommé tuteur, auquel cas, les
cornptes de l'administrateur provisoire seraient rendus
avec ceux du tuteur.
Dans les deux tutelles, le tu~eur est chargé de prendre
soin de la personne et de la représenter dans les actes
civils (509 et 450).
Le domicile du tuteur devient le domicile de l'interdit (108).
Le conseil de famille est chargé de veiller sur le sort
de l'interdit et de rechercher les moyens d'adoucir la
triste infirmité dont l'interdit est affligé, et ici la loi de
1838 doit être combinée avec le Code ou plutôt vient le
compléter.
En accomplissant Je devoir de l'article 509, qui se
rapporte à l'article 454., le conseil de famille doit régler
à cümbien s'élèvera la dépense annuelle, et, en même
lem ps (art. 510), suivant le caractère de la maladie et la
fortune de l'interdit, le conseil décidera que l'aliéné sera
traité dans sa demeure ou bien qu'il sera placé dans un
établissement d'aliénés, soit privé, soit public, cela dan,s
le cas seulement où la maladie ne serait pas compromettante pour l'ordre public ou la sûreté des personnes.
Si, d'après le con seil de famille, il y a lieu de dema n-
�-
98 -
ùer l'admission dans un établissement public ou priYé,
c'est le. tuteur qui remplira les formalités, formalités que
nous ve l'ron s en nous occupant de la loi de 1838.
En fixant la dépense annuelle, le conseil de famille
doit aviser à ce que les revenus de l'interdit soient essentiellement employés à. adoucir son sort et hâter sa guérison. C'estceqni importe en première ligne (510C.N.).
Il ne s'agit pas ici, comme pour le mineur, d'amasser,
de capitaliser; il faut chercher surtout à le soulager et
ti le distraire de son infortune.
Le conseil de famille est maître absolu là-dessus, et il
ne devrait pas reculer devant la nécessité d'entamer le
cap ital , si toutefois il jugeait cela néGessaire et qu'il n'y
eût pas d'obstacles. Le Code a prévu le cas le plus ordinaire et n'a pu refuser au conseil de famille de l'interdit
ce qui est permis au consei l de famille du mineur.
Parrapport aux b1:ens, le tuteur de l'interdit, comme
celui du mineur, a des pouvoirs plus ou moins étendus,
sn ivant la nature des actes à accomplir.
Il y a quatre catégories d'actes,
1• Les actes que le tuteur peut faiPe seul.
Ce sont : Les actes de pure administra.tian, perc ertion des revenus, vente aux enchères de meubles corporels, bail à ferme ou lo ca tion des imrnenbles pour moins
de neuf ans (14:29et1430 C. N. ).
les actes de conservation, lels qne le transfert des
rentes sur l'Etat cl'nne valeur ir.férienre à cinquante
francs, vente d'une seul e action cle la Banque de France ou
de portions cl'a~tions, n. e>,;cédan t ras en total\té uqe açtion
�-
99 -
entière (loi du '.24 mars 1806, décret du 23 septembre
18'13).
L'exercice des actioµs mobilières et même des actions
immobilières possessoires, et la défense aux actions
immobilières dirigées contre \'interdit. Protéger les intérêts moraux de l'interdit.
2° Actes pour lesquels l'autorisation du conseil de
famille est nécessaire.
Ce sont: l'acceptation d'une succession échue à l'interdit ou la répudiation; l'acceptation d'une donation offerte
à l'interdit; l'introduction en justice d'urie action immobilière appartenant à l'interdit, el l'acquiescement à une
action de même ·sorte dirigée contre lui; l'aliénation
rl'une inscription de rente de plus de cinquante francs
on de plus d'une action de la Banque de France appartenant à \'interdit.
. 3° Actes pour lesquels \'autorisation du conseil de
famille et l'homologation du tribunal sont nécessaires.
Ce sont: l'emprunt, l'aliénation des immeubles de
l'interdit, l'hypothèqu e, la transaction sur les droits mobiliers ou immobiliers de l'interdit. Pour la transaction,
il faut, en outre, l'avis de trois jurisconsultes.
4° Enfin: les actes que le tuteur ne peut absolument
pas faire.
Ce sont: achat des biens de l'interdit, excepté le cas
où le tuteur et l'interdit sont propriétaires par indivis;
prise à ferm e ou à lo yer (celte prohibition n'est pas ab-
�-
400 -
solue; avec l'autorisation do conseil de famille, le subrogétuteur peut passer bail au tuteur des _biens de l'interdit);
acceptation de la cession d'un droit ou créance contre
l'interdit, le compromis, la donation.
A propos de ce dernier acte, il est une hypothèse .qui
ne peut se réaliser dans la tutelle des mineurs, mais qui
sera assez fréquente dans la tutelle des interdits. C'est
celle hypothèse qu'a réglée l'article 511 C. N. Cet article
est ainsi conçu :
« Lorsqu'il sera question du mariage de l'enfant d'un
interdit, la dot ou l'avancement d'hoirie, et les' autres
conventions matrimoniales seront réglées par un avis du
conseil de famille, homologué par le tribunal, sur les
conclusions du procureur de la République.»
La loi vient au secours de enfants et ne veut pas qu'ils
souffrent de l'humiliant et pénible état de leur père. Elle
veut leur faciliter les moyens de s'établir, moyeBs qui ne
leur sont pas dus par leur père, mais que bien sûr
leur père aurait tenu à cœur de leur fournir, s'il eùt joui
de sa pleine et entière volonté.
Il fallait régler cette situation, et, tout en se montrant
bienfaisante pour les enfants, la loi a pris toutes les précautions désirables : autorisation du conseil de famille,
homologation du tribunal, conclusions du procureur de
la Rèpubliqne; on est certain, après cela, que les intérêts de l'interdit ne sont pas sacrifiés et qu'une bienveillante autorité a remplacé, autant que. possible, l'affection
et 1a générosité du père.
Par le mo~ enfants, on comprend aussi les petitsenfants.
�-
~o~
-
Cet article s'applique aussi bien aux enfants légitimes
qu'aux enfants naturels reco_nnus (761, C. N.).
li s'applique à toute espèce d'établissement der enfant,
par mariage ou autrement.
Pour le mariage, le conseil ne peut faire la constitution de dot que par avancement d'hoirie, l'article est
formel, c'e~t-à-dire que l'enfant devra plus tard rapporter,
s'il accepte la succession, ou il conservera ce qu'il a reçu,
s'il renonce.
L'article dit que le conseil de famille peut régler les
conventions matrimoniales de l'enfant; cela veut dire·
qu'il peut faire dépendre la donation de l'adoption de tel
ou tel régime (1396, C. N. ).
Il est partie au contrat, comme remplaçant l'ascendant
qui eût été donateur.
,Mais le conseil de famille ne peut enchaîner la liberté
de l'enfant. Si l'enfant est majeur, s'il a des biens et s'il
les apporte en mariage, le conseil de famille de l'ascendant interdit n'aura à intervenir d'aucune sorte. S'il est
mineur, le mineur doit obtenir le consentement de celui
de ses père et mère qui n'est pas interdit: à défaut, de
ses ascendants; à leur défaut encore de son propre
conseil de famille, qui sera presque toujours différent de
celui d~ ses père et mère.
Telles sont les règles générales sur l'administration de
la tutelle de·s interdits.
Mais il peut se faite que l'interdit soit mari'é, et alors
il faut, dans cette situation, combiner les règles de la tutelle avec celles de la puissance paternelle et de la puissance maternelle.
�- rn2 li peut se présenter trois 11ypothèses :
1° Le mari est tuteur de la femme interdite;
2° La femme est tutrice du mari intl~rdit;
3° Un Liers est inteur de l'nn des époux interdit.
1° La qnaliLé -de tutenr qni appartient au mari, ne
l'empêche pas d'exercer à la fois la puissance maritale et
la puissance tutélaire.
Le mari peul déterminer quelle sera la résidence de sa
femme, et cela, sans que le conseil cle famille ait le droit
cl' intervenir.
Les droits qn'il pourrait avoir sur les biens sont réglés
par les conventions matrimoniales. Pour les biens que
la femme peut s'être réservés, le mari sera :.1lors véritablement tnteur, et obligé d'en passer par tontes les
obligations qui lui incombent à ce titre. Il en estcle mêrpe
pour les biens dont le mari n'a que la jouissance, s'il
s'agit d'nn acte qui dépasse ses pouvoirs, comme mari.
2° Pour le cas où la femme est tutri<;e de son mari,
elle est investie de la puissance paternelle sur la personne
des enfants. Elle n'a sur la personne du mari que les
pouvoirs résultant de la tutelle, et le conseil de famille
peul, là-dessus, lui tracer des instructions obligatoires.
Le conseil a à intervenir, sans toutefois, par ses décisions, pouvoir porter alleinte aux droits de la femme en
dehors de la tutelle et la léser; ce qui donnerait lieu,
de sa part, a un recours devant les tribunaux.
Le pouvoir altl'Îbué au conseil de famille par l'article
507 s'applique en tant qu'il s'agit d'administration fJUÎ
est cor1férée à la femme en qualité de tutrice.
A la gestion des biens q'n'elle s'est réservés, la femme
1
�-
403 -
ajoute l'administration de ses propres, des biens de son
mari ou des biens de la communauté. Ses pouvoirs, à.
l'égard de ces derniers, varient suivant la décision du
consei l de famille, qni règle les formes et la condition de
l'administration.
Mais quel a été le but de la loi ? A-t-elle voul u per·
meltre au conseil de famille d.'excéder les po.uvoirs de la
femme au-delà des termes de la tutelle? On poÙrrait le
croire en prP.sence de la géné~a lité des termes de l'article
507, qui donne mandat au conseil de régler l'administration, sans parler de modifications restrictives, et aussi,
en considérant que laq11alité de la femme la rend particuli èremen t intéressée à la gestion.
Mais l'articl e 507 est une dérogation au droit commun
qui frappe la femme de l'incapacité d'être tutrice (U~) ;
dès lors, s'agissant d'exceptions, on doit supposer que la
loi a plutôt voulu restreindre qu'~tenclre. On comprendrait, au besoin, une extension quant à la gestion des
biens communs; mais pourquoi abandonnerait-on les
Liens personnels du mari à la gestion de la femme? C'est
ce qu'on ne saurait expliquer.
Enfin, la dernière partie de l'article 507 ' accorde un
droit de recours à la femme contre le vote du consei l de
famille, si elle se trouve lésée. Cela ne peut laisser aucun
doute à l'égard de sa portée générale.
Nous concluons donc que la loi ne fait que donner au
con~eil le faculté de restreindre les pouvoirs de la femme
ou de les soumettre à des conditions plus rigoureuses,
toutes les fois qu'elle n'offrira pas des qualités et capacité
suffisantes. .
�-
104 -
La femme peut toujours se pourvoi1· contre les clecisions cln conseil de famille qui !ni feraient gr ief, alors
même qu 'elle ne serait pas tutrice de son mari interdit.
Ce n'est que le droit commun en vertu duquel on peut
toujours se pourvoir contre les délibérations du conseil
de famille.
La femme tutrice doit faire l'inventaire des biens de
son mari et de la communauté, cela, en présence du subrogé-tuteur; la femme prend l'administration au nom
et comme tutrice du mari.
Pour l'aliénation des biens de communauté, il faudra
suivre les formes prescrites pour l'aliénation des biens
d'un mineur, c'est-à-dire, avoir l'autorisation du conseil
de famille et l'homologation du tribunal.
Pour les biens propres, s'il s'agit d'un acte excédant les
limites d'une simple administration, il lui faut une autorisation ; si c'est un acte d'administration, ce n'est que
comme tutrice qu'elle peut le faire, si d'après les conventions matrimoniales l'administration appartenait an mari.
Dans les cas contraires, elle conserve, après l'interdiction
de son mari, l'administration et la puissance de ses biens
propres.
·3° Le tuteur n'aura alors aucun des droits attachés
à la personne en qualité de mari.
L'interdiction a frappé le mar·i.
En ce cas, le
tuteur n'exerce pas la puissance paternelle; c'est à la
femme qu'elle revient.
La puissance maritale ne passe pas non plus a:u tuteur,
�.._ 40!5 mais a la justice, à laquelle la femme devra sjaclresser
quand une autorisation lui sera nécessaire.
Le tuteur substitué au mari pour l'administration, administrera les biens personnels du mari, les biens de la
commun~11té et les biens dont le mari avait l'administration en vertu du contrat de mariage.
Le tuteur a aussi l'administration des biens des enfants
dont le mari a la jouissance légald.
~
L'interdiction a frappé la femme, un tiers est son
tuteur. - Le mari n'en conserve pas moins la puissance
maritale, quelle que soit la cause pour laquelle il n'est
pas tuteur; il conserve aussi la puissance paternelle.
Le tuteur veille sur la personne de la femme, et n'a,
quant aux biens, que l'administration de ceux dont la
femme s'était réservée a elle-même l'administration. Il
doit, dans ce cas, observer les conditions et les forma1ités de la tu telle.
Quant aux autres biens, biens de la eommunauté,
biens personnels à la femme, l'administration en reste
au mari.
FIN DE LA TUTEJ.LE DES INTERDITS . .
La tutelle des interdits cesse par la main-levée de l'interdiction. De plus, ' l'article 508 établit un deux ï'ème
mode et dit :
« Nul, à l'exception des époux, des ascendants et des8
�-
106 -
cendants, ne sera tenu de conserver la tutelle d'un interdit au-delà de dix ans. A l'expiration de ce temps, l~
tuteur pourra demander et devra obtenir son remplacement. >>
Cette disposition se comprend aiséme-nt ; la tutelle de
l'interdit n'a pas de terme fixe et cerlain, comme la
tutelle des mineurs ; cette charge deviendrait à la fois
trop pénible et trop lourde en se prolong6ant indéfiniment. Aussi, la loi prend-elle soin d'en limiter la durée.
Toutefois, il y a une exception : l'époux, les ascendants
ou descendants ne peuvent se soustraire à l'accomplissement de ce devoir sacré de famille. Car, pour eux, ce
n'est pas un devoir nouveau imposé par la loi, c'est la nature et la morale qui leur prescrivent ce devoir. Ils pourront invoquer les cas d'excuses (!t.27 et suiv .), qui s' appliquent à tous les tuteurs en général.
A la fin de la gestion, le tuteur rend ses comptes soit
à l'interdit, soit à ses héritiers, soit à un tuteur nouveau,
Les règles de _la tutelle sont ici applicables. L'article 474
sera ici en vigueur.
Les actions en raison de la gestion, actions en reddition,
redressement et rectifications des comptes sont garanties
par une hypothèque légale qui porte sur tous les biens
du tuteur et dont l'existence remonte au jour de l'acceptation de la tutelle (21 '.21 et '.2135).
Il y a une différence à noter : c'est que l'action réciproque à laquelle donne lieu la reddition de comptes, se
pre$crit au profit du tuteur par dix ans, à partfr du jugement de main-levée et au profit de l'jnterdit, selon· les
délais de droit commun (47o et '.2'.26'.2).
�- 107 .....
DES ACTES FAITS PAR L'IN'fERDI1' ,
1° Après l'interdiction.
Après avoir posé le principe que l'interdit est repréJ
senté dan8 tous les actes de la vie civile par le tuteur et
que l'interdit n'avait plus l'exercice des droits dont il
restait en jouissance, nous avons à nous poser la question
suivante :
Quelle extension a cette incapacité et jusqu'où va l'article 002 quand il déclare que tous les actes passés par
l'interdit ou sans l'assistance de son conseil seront nuls
de droit?
Il est une expression, dans cet article, sur le sens de
laquelle il ne faut pas s'égarer. Les actes seront n-uls de
droit. Est-ce à dire que ces actes n·ont aucune existence
juridiqua? Évidemment non. Un acte nul, c'est un acte
qui n'existe qu'en apparence, toute personne intéressée '
~eut demander qu'on déclare son inexistence. Sans
doute, on sera obligé d'aller devant un tribunal, car il
est impossible de supposer une nullité sur laqÙelle l'autorité judiciaire ne soit pas appelée à se prononcer; a
moins de supposer la bonne foi et l'accord des parties,
les tribunaux devront intervenir pour constater la nullité.
Mais cet acte nul ab initio, par aucun concours de circonstances, ne pourra arriver à prodüire un effet quelconque. Ici, les termes dont s'est servie la loi sont,
à n'en pas douter, synonymes de ceux-ci: L'interdit
�-
~08
-
ou ses représentants ont seuls l'action en nullité, action
relatiYe et proposable seulement par ceu:x en faveur desquels la loi l'a établie (1125), et seulement pendant le
temps qui courra à partir de la cessation de :rinterdicLion
ou de la mort de l'interdit ( 1304,). L'interdit, quand il
aura recouvré sa raison, pourra ratifier les actes qu'il a
suuscrits ou faits pendant son interdiction, soit par une
confirmation exprei>se, soit par l'exécution.
Les actes de l'interdit sont assimilés, sous ce rapport,
à ceux d'un mineur; mais la seule différence qu'il y ait,
c'ast que les actes de l'interdit sont, dit le Code, nuls de
1
droit.
Par ces mots, la loi a voulu exprimer que la nullité
dérive _d'une cause inhérente à l'acte lui-même, qui n'est
subordonnée à aucune lésion ni autre condition. Nous
pourrions dire en retournant le brocard qui formule l'incapacité du mineur: L'interdit est restitué non comme
lésé, mais comme interdit. Et la raison de cette différence se trouve clans les présomptions qui sont la base
de chacune de ces ·incapacités. L'incapacité du mineur
repose sur l'inexpérience supposée de l'àge: l'incapacité
de l'interdit repose sur une présomption légale d'insanité d'esprit qui ne tient pas compte des intervalles lucides (4,89).
Dès lors, comment admettre l'opinion de ceux qui
prétendent voir un acte radicalement nul dans l'acte fait
par l'interdit, sous prétexte qu'il n'avait pas sa raison au
moment où il a fait l'acte, et qui, dès lors, soutiennent
que les tribunaux doivent en prononcer la nullité sur la
demande d'une O.es parties? La loi a dérogé ici à l'ap1
�-
109 -
plication des règles ordinaires et cela pour couper court
à toutes les contestations de ce genre. L'interdiction a
modifié l'étal de la personne, qui est, dès lors, régie par
l'article 1502. L'article 502 exclut l'application du droit
commun et del' article 1108. Cela résulte du texte même
de cet article.
L'incapacité date du jour du jugement: et elle naît de
la prononciation du jugement à l'audience. Les tiers seraient mal avisés de v~nir dire et offrir de prouver que
l'acte a été fait pendant un intervalle lucide, aussi bien
que s'ils invoquaient la nullité absolue d'un acte fait par
\'interdit: encore une fois, la loi n'admet pas d'intervalles lucides et l'article 502 ne prête pas à équivoque.
Les termes en sont très vastes et s'appliquent à tous les
actes pour lesquels l'interdit doit être représenté par_son
tuteur.
L'interdit est représenté, à l'égard des tiers, activement et passivement par un tuteur qui agit pour lui et
contre lequel doivent être formées toutes les demandes
et significations qui concernent l'interdit.
Une vive controverse s'est élevée sur le point suivant :
l'incapacité de l'interdit comprend-elle absolument tous
les actes faits par lui durant son interdiction? Le doute
existe et s'est manifesté au sujet du mariage, de la reconnaissance de l'enfant naturel, du testament et de la donation entre vifs. Ces actes sont-ils régis par l'article 502,
bien qu'ils se rapportent à un intervalle lucide ? La difficulté provient de ce qu'ici il s'agit d'actes pour lesquels
la volonté d'une personne ne peut être suppléée par
celie d'une autre . De là! l'alternative suivaQte ; ou l'iQ·
�-
HO -:-
tel'dit sera déclaré absolument incapable de faire ces
actes, ou l'on devra admettre qu'il est apte à les faire
lui-même, s'il se trouve dans un intervalle lucide. Ponr
résoudre ce point, il faudrait un principe et le Code n'en
contient aucun là-dessus.
Examinons .ce qu'est l'interdiction. C'est la plus grave
de toutes les exceptions faites à la liberté. L'homme que
la loi déclare majeur retombe mineur, mais il n'est
mineur qu'autant que sa raison l'a abandonné ; si elle
revient, le majeur reparaît avec elle. En l'état, peut-on
comprendre la proscription complète des intervalles
lucides? Pourtant l'article 502 est formel. Les travaux
préparatoires du Code sont là, et le Code repousse une
théorie rationnelle dont elle avait trouvé les germes dans
·
le passé.
Mais p0ur les actes à l'égard desquels la volonté d'un e
personne ne peut êt,re suppléée par celfe d'un autre,
faut-il rejeter cette théorie des intervalles lucides? Nous
ne le pensons pas. Dans Je droit romain et notre ancienne jurisprudence, on admettait parfaitement les intervalles lucides et le retour de la raison rendait à l'interdit l'exercice de ces droits dont on voudrait aujourd'hui
le priver. L'interdiction ne servait, pour ces actes, qu'à
rendre la preuve plus difficile. C'est que ces législations
ne voulaient pas retourner contre l'aliéné lui-même la
protection qu'elles !ni ~ccordaient et elles n'avaient point
paralysé, en fait, l'exercice des droits qu'il était capable
d'exercer. Ce serait, n!rn plus une protection, mais une
atteinte pleine de dureté et d'inhumanité aux droits les
plus précieu~ des citoyens. Il ~aurait iqconséquence e~
�-
Hi
barbarie à déclarer incapables d'agir, dans les cas qui
nous occupent, un individu qui aurait pleine et entière
raison pour y consentir, et cela, sous prétexte de protection.
En fait, il y a des moments, des intervalles lucides, la
science médicale nous l'atteste (Pinel. Esquirol et autres).
Pourquoi empêcher alors l'interdit de s'unir avec une
personne dévouée, de récompenser, par une libéralité
testamentaire, celui qui l'aurait soigné?
Mais, en dehors de ces raisons d'humanité, nous troùvons des raisons de texte. L'article 509 assimile le mineur ·
et l'interdit. Or, cette assimilation ne s'applique qu'aux
règles de la tutelle et aux actes qui, dans l'un et l'autre
cas, rentrent dans les attributions du tuteur.
Il y a sous ce rapport assimilation complète entre les
articles 509 et 450.
L'article 450 déclare que le tuteur.représente le mineur dans tous les actes civils, c'est-à-dire, dans ceux où
la représentation est permise. De même, quand l'article
502 dit, en parlant de tons les actes passés postérieurement à l'interdiction, qu'ils sont nuls de droit, ils ne
s'appliquent qu'aux actes auxquels l'interdiction ellemème s'.applique par combinaison des articles MiO et
509.
Mais, nous dit-on, l'article 502 parle de to11,s les actes.
A cette objection nous répondrons quel' article 450 parle
aussi de tous les actes civil.~. Les mots tous les actes
ne doive!lt pas plus être pris à la lettre à l'égard de l'interdit qu'à l'égard de \a personne en minorité. On recon•
�-
H!2 -
naît qu'il y a certa·ins actes cl'une nature particu\i·ère auxq·oels l'article 450 ne s'appliqoe pas.
La présomption d'incapacité établie par -l'article 502
est corrélative aox pouvoirs du tuteur et autres représentants de l'incapable, absoloment comme l'ai ticle 450
auquel se rapporte l'article 509, a trait aux actes dans
1esquels le tuteur représente le mineor.
Quant aux ac.tes dont l'exercice est essentiellement
personnel, le Code Napoléon s'en occupe d'une manière
toute spéciale et complète dans des titres spéciaux. Du
titre de la majorité et de l'interdiction il n'en est pas question. Aussi; pour le mariage, il faut le consentement
(146), aucun titre ne parle de l'annulation pour interdiction. Pour les testaments, il faut être sain d'esprit
(901, C. N. ). L'article 502 ne s'applique pas ici; on demeure sons l'empire du fait.
En décidant ainsi, on respecte les principes de la tutelle et l'on évite de prononcer contre l'interdit une déchéance trop dure et trop étendue. Pour les autres actes
on comprend très bien qoe la loi ait établi cette présomption d'incapacité pour éviter l'intermittence des
pouvoirs do tuteur, mais l'incapacité n'existe qoe pour
les actes que le tuteur doit faire pour l'interdit.
Pour les actes dont l'exercice est per.sonnel, l'interdit,
comme le mineur, pourra parfaitement les faire, pourvu
qm\ d'après les règles g·énérales, il soit en état de manifester sa volonté d'une manière libre et nette. ·Les magistrats auront adécider sur ce dernier point, et ainsi seront
conjurés les périls que l'on pourrait alléguer contre I'opi.. ,
·
.
·p'ion que nous venons d'exposer:
•
1
�-
1'13 -
Néanmoins, H faut faire exception pour la dona'ti·on
er·itre vifs. n ne faudrait i(!l·as assimiler i e te·s·tament avec
la donation entre vifs. La femme mari·ée, celui qu·i a un
conseil jHdi·ciaire, l e mineur, peovent tester, le dernier
au moins pour partie. Ma·is ·il y a prohibition absolue
de donner pour le mineur, et prohibition de donner sans
l'autorisation du mari ou du conseil. Le législateur a
pensé que le droit de donner acicordé à un individu en
tutelle, était incompatible avec l'administration du ttllteu r.
·Pour le mariage de 'l'interdit, le conseil de famille fera
pour l'interdit lui-méme c.e qu'il.peut faire pour les enfants de l'interdit (art. 511).
L'application de la loi ne souffre pas diffi.cult!'J si les
parties reconnaissent que l'acte a été passé en étatd'in~
terdiction. Nous en dirons de même du cas où f acte
est ·authentique, car il fait foi de sa Üèlite jusqu'à, inscription de faHx, et' il s'agit ioi ,d'une sim:ple q1:1estion de
date.
Le Juge n'a qu'à prononcer ·la nullité de l'acte dés qu'il
est pr0uvé qu'il a été fait depuis l'interàfotio·11 et avant
sa main-levée.
L'acte est-il sous seing privé? la clate est encore certaine dm:is les trois cas de l'article '1328. L'interdit ou
ses héritiers ne peuvent.demander sa nullüé ·c·omme postél'ieure au jugement: la preuve de son existence ferait
tomber Je1:1.r action.
Quand l'acte n'a 19as reçu clate certaine et que la ~lah'
constatée est antérieure au jugement, les créa·Jllciers :peu ,
v1M1t-ils r-épendre !! l':acti0n eP. ll\'.llli~é par J'artiolé 13'.2~
1
1
1
�-
''
Hi -
qui dit que l'acte sous seing privé reconnu a la même
foi que l'acte authentique contre ceux qui l'ont souscrit,
ses héritiers ou ayants cause? Non, car l'article 1322 n'est
applicable qu'aux personnes capables; lorsqu'il s'agit
d'incapables ou de personnes ùont la capacité est' en
question, on aboutirait à nn cercle vicieux. Ce serait
s'appuyer sur la date pour conclure à la validité du consentement et sur le consentement pour conclure que la
date est valable: l'on doit laisser de côté l'article 1322 si
l'on veut donner de l'efficacité àla protection de l'interdit
par la loi. Hors les cas de l'article 1328, les actes qui ne
font pas foi de leur date ne doivent pas être retournés
contre l'interdit qui conteste leur validité en vertu de
l'article 502. Les tribunaux apprécieront. Toutefois la
vérité se présume, les adversaires n'ont qu'à contredire
la preuve de l'antidate que fournit le demandeur.
Pour les quasi-contt·ats, l'usage de la raison n'est
pas requis chez les personnes par lesquelles ou envers
1esquelles sont contractées les obligations qui naissent
d'un fait licite d'autrui; mais l'usage de la raison est
nécessaire chez ceux dont le fait engendre le quasi
contrat.
Cet usage de la raison est aussi une condition de la
malignité ou de l'imprudence ·qui produit les délits ou
les quasi-délits.
Les aliénés, sauf les cas d'intervalles lucides, et l'article
502 est ici sans application, ne sont pas civilement responsables des faits illicites dont ils se rendent auteurs
vis-à-vis des tiers. Ce sont les tuteurs et autres personnes
chargées de veiller _sur les interdits qui d.eviennent res-
�- Ho-
•
ponsables et peuvent être passibles de dommages-intérêts (138t).
L'interdit n'est pas dégagé de tonte l'esponsabilité au
point de vue de la loi pénale. Les jugements rendus par
les tribunaux civils ne s'imposent pas aux tribunaux criminels. Ceux-ci conservent le droit d'examiner la question
de culpabilité du prévenu interdit, de même que les tribunaux civils peuvent refuser de prononcer l'interdiction
d'un homme que l'on a acquitté comme atteint d'aliénation mentale.
Un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre
1814 porte: « La question de savoir s'il y a lieu de
'' faire interdire le prévenu est absolument indépendante
<< de celle de savoir s'il y a lieu de le poursuivre pour les
« délits qni lui sont imputés et ne peut, dès lors, être ·
'' préjudicielle. En matière criminelle, la loi qui donne
<< aux juges le droit de décider s'il y a crime ou délit,
« leur donne par cela même et nécessairement le droit
cc de décider si le prévenu est, par son état mental, capa• ble de l'intention perverse sans laquelle il ne saurait y
(( avoir ni crime, ni délit. •>
Dès que les juges reconnaissent, en fait, que l'infraction a été commise clans un moment où l'agent était privé
d'intelligence et de volonté, ils nerloivent pas condamner
(64. C. pén.).
L'ancienne jurisprudence décidait que l'insensé, du
reste à l'abri de toutes peines criminelles, ne doit pas
être affranchi des dommases et intérêts qui résultent de
ses délits. Elle ne permettait pas aux jngcs de décharger
les accusés de crime sous prétexte de démeuce on de
�~1· 6
-
-
foreur. Les premiers juges devaient juger, selon toute
la rigueur dfü; lois et ordonnances, sauf à. la Cour d'ordonneT, sur l'appel, l'instruction sur ce fait justificatif
(Denizart. Démence n· 6. Furieux n° 6).
Pour tr.ouver les dispositions relatives auX: effets de
l'interdiictioo, il faut parcourir les recueils de nos lois . .
La constitution du 12 frimaire an vm (art. 2 el 5) porte
que l'interdit est privé de ses droits politiques. _
Il a son domicile chez son tuteur (art. 108).
Il est incapable d'être tuteur (442 2°).
Il ne peut être exécuteur testamentaire (1028).
Son incapacité met fin à la société qu'il aurait contractée (1865 4,
Le dépôt par lui fait avant son interdiction ne peul
être restitué qu'à son tuteur (·1940).
S'il est mandataire, le mandat est révoqué (2003).
Eln cas d'expropriation forcée, les immeubles ne penvent être mis eri ven~e avant la discussion du mobilier
0
) .
•
(2206).
Enfin, la prescription ne court pas contre lui (2252),
sauf ce qui est dit (2278), et dans les antres cas déterminés par la loi.
Dans l'ancien droit, c'était un point très controversé,,
mais on était d'accord, quant aux interdits non pourvus
de curateurs (Merlin, v prescription 1, p. 7, art. 2.
quest. 5).
L'interdiction du mari n'autorise pas là femme à de~
mander la séparation de biens ,
'
0
�-~n-
II. -
EFFETS DANS LE PASSÉ.
L'interdiction proùuit des effets même dans le passé:
c'est, qu'en effet, la cause pourlaquelle elle a été pro:.
noncée existait dès avant le jugement. · Le jugement n'a
fait que constater et reconnaître ce qui esi, c'est-a-dire
l'état d'imbécilité où se trouve celui dont on provoque
l'interdiction. Ce jugement consacre tégalement un état
d'incapacit.é préexistant, sous certaines modifications.
Les effets dans le passé ne peuvent pas être aussi radicaux que pour l'avenir, il faut tenir compte des tiers
qui ont traité avec une personnf) en pleine capacité et
jouissance de son état. D'après le droit commun, un acte
juridique est nul toutes les fois qu'il a manqué à sa formation un des éléments essentiels, par exemple, le consentement des parties (1108).
L'acte dans lequel a figuré une personne incapable de
manifester sa volonté, n'existe pas, il n'a que l'apparence d'un acte. A toute époque, et sans qu'on puisse
être arrêté par une exception, la partie qui invoque la
nu~lité peut prouver le défaut de volonté au moment
même de l'acte, preuve qui peut être faite par tous. les
moyens ('1348, 131:)3).
Le Code fait brèche à ces principes en déclarant
(art. ~03) que « les actes antérieurs à l'interdiction peuvent être annulés, si la cause de l'interdiction existait
notoirement à l'époque où les actes ont été faits.»
�-Hs ~
La loi ne s'occupe pas de la question de savoir s'il y
a eu ou non plénitude de la raison à l'instant même où
l'acte a été fait. Elle exige seulement, pour que. les magistrats puissent annuler!' acte antérieur à l'interdiction, que
l'individu qui, depuis, ·a été interdit, se trouvât, à cette
époque, dans nn état notoire d'imbécilité, démence ou
fnreur.
L'interdiction produit ams1 un effet rétroactif, et il
doit en être ainsi pour compléter, d'une manière aussi
grande que possible, la protection que la loi accorde à
la personne interdite.
La famille, en effet, peut reculer devant une procédure
en interdiction qui, nécessairement, jettera un certain
discrédit et une espèce d'humiliation sur elle. Pendant
le temps de délibération, l'interdit aura passé des actes
préjudiciables non-seulement à lui, mais aux siens. Si
donc, l'incapacité ne da.tait que du jour du jugement,
bien souvent par un concours de cil·constances que l'on
ne saurait prévoir, cette mesure manquerait son but.
Les juges auront une appréciation quelquefois délicate
à faire, car on ne saurait poser en principe qu'une personne qui contracte avec un individu notoirement incapable doive être considérée comme de mauvaise foi.
Les éléments de la notoriété sont quelque chose de très
relatiL Les j nges auront à considérer les circonstances de
l'acte, sa date, sa nature, lti lieu où il a été passé et en
même temps le caractère et la manière d'agir des. tiers
contractants. On ne peut exiger que les tier.3 abdiquent
tout droit de conclure une affaire qui , tout en ne nuisant
�- H9-
frauduleusement a l'autre partie, leur rapporte, à
eux, un grand bénéfice.
La notoriété de 503 se prouvera par toute espèce de
moyens. L'enquête, qui a servi pour arriver à l'interdiction, ne pourra pas servir à. une autre fin. Pour les cas de
l'article 503, on devra en entamer une autre. Les tiers
n'ont point été représentés dans l'enquète primitive. Ils
doivent être appelés à contredire.
Toutefois, nous remarquerons que les mots de 503 :
Les actes, n'ont pas le même sens, la même étendue
que les mots tous actes de 50'.2, qüi embrassent 'tant les
actes faits par l'interdit que ceux. faits par les tiers contre
l'interdit. En effet, la loi ne fait commencer l'incapacité
de l'interdit qu'à dater du jugement d'interdiction ;
dès cet instant, l'interdit est représenté , soit par un
tuteur, soit même pendant l'instance par un adminis. trateur provisoire. Les actes postérieurs au jugement, et
c'est là que réside la différence entre les actes postérieurs et antérieurs an jugement, doivent être nécessairement annulés : aucune preuve n'est à. faire , la
question des intervalles lucides ne peut être soulevée.
Avant l'interdiction , au contraire, l'individu, même en
état de démence, est, vis-à-vis des tiers, à la tête de son
patrimoine ; les actes faits alors ne sont annulables qu e
si on apporte la preuve que la cause d'interdiction existait, qu'elle était de notoriété publique, et encore les
juges ne sont pas liés par cette preuve.
De là, nous concluons que, pour les signi~cations ,
elles ne sauraient être comprises dans le mot actes de
503. Les tiers peuvent être exposés par là a perdre leur
pa~
�1
-
~ iO -
droit, e't ils n'ont pas qualité pour provoquer l'interdiction d'un individu qui leur est étrariger. De même pour
la prescription, la règle est qu'elle court contre toute
personne, à moins d'exCleption. On ne saurait induire de
503 une exception à. 2:251. Enfin, il y a \'article 1382,
s'il est prouvé que le tiers a abusé d& la démence de celui
qui a été plus tard interdit.
La nullité des actes passés dans le cas de 503, peut
être proposée soit par le tuteur de l'interdit, soit par les
héritiers on représentants de l'interdit décédé, soit par
l'interdit 1ni-même relevé de son in lerdiction.
Une question s'est élevée, qui a fait" naître un doute
sérieux, c'est celle de savoir si une personne, qüi n'a
jamais été interdite, pourrait demander la nulfüé d'un
aClte, en pPouvant qu'à l'époque de la confection de cet
acte, elle était dans un état habituel de démence?
Il ne s'agit pas de savoir si la personne peut être adm~se
à prcrnver qu'elle était en état de démence et hors d'état
de consentir au moment où l'acte a été p~ssé. Evidemment elle serait recevable, car il n'y a pas de convention
sans consentement, mais suffit-il que la personne prouve
qu'elle était, lorsqu'elle a fait l'acte, dans un état habibiluel d'imbécilité, démence ou fureur, pour que les
juges puissent, alors qu'aucune interdiction n'a été prononcée, examiner s'il y a ou non lieu d'annuler l'acte.
De l'article 503 semble résulter la négative. 503
constitue uue dérogation au droit commun, il ·est vrai, et
exige l'interdiction comme condition nécessa'ire à l'action
rétroactive, mais il ne faut pas exagérer l'importance
de cette dérogation. Les Jllagistrats qui dèclaren t !' ac'le
�-
121 --:
nul en verlu de l'article 003 sont convaincus que l;inclt.•
vidu était hors d''état de le consentir. Ils sont arrivés ·à ce
point, aidés un peu, il faut l'a-vouer, par l'interdiction
qui a déjà été prononcée.
Mais de l'article 004 découle implicitement que les
juges peuvent être appelés à examiner la question que
nous cherohons à résoudre. Pour attaquer après la mort
d'un e personne des actes qu'elle a faits pendant sa vie,
il faut avoir, de son vivant, (ait prononcer ou provoqué
son interdiction. Cet article 504 prouve que cette personne pourra attaquer ses actes pour ·cause de démence,
lors même que son interdiction n'aurait pas été provoquée. Qu'importe qu'elle n'ait pas été interdite, si, en
en somme, elle a été en état de démence antérieurerement. Les juges auront à apprécier la demande et
pourront, suivant les cas, la rejeter ou l'admettre ; l'état
de démence et l'a notoriété prouvés, le doute s'interprète
contre le défendeur.
La loi· s'occupe, en. dernier lieu, des actes passés par
un individit décédé qui n'a jamais été interdit.
L'ancien droit s'était occupé de cette situation, et l'on
n'admettai·t que difficilement l'attaque dit'igée contre une
personne morte en possession de son état.
L'article 504 dit: «Après la mort d'un individu, les •
« actf)s par lui faits ne pourront être attaqués pour cause
« de démence, q Lij '.autan~ que son interdiction aurait été ·
« prononcée ou provoquée avant son décès; à moins que
« laipreuve de la démence ne résulte de l'acite même· qui
« est attaqué. "
La ·loi ca .voulu couper court à toutes les in.vestigatioHs -~
9
�-
~2't
-
que ne manqueraient pas de faire les héritiers contre des
actes à eux préjudiciables; et pnis l'individu aurait été
plus à même que qui que ce soit d'éclairer la justice sur
sa propre capacité et on ne doit toucher qu'avec ménage.ment aux actes d'une personne qui n'est plus là pour les
expliquer~ Il y aurait à craindre l'incertitude des preuves,
en un mot, un procès fait à la mémoire du défunt, .chose
éminemment triste, d'autant plus que ceux qui l'intenteraient auraient à se reprocher de ne pas avoir provoqué l'interdiction du vivant du de cujus.
C'est ce qu'expliquent très bien les discours de M.
Tarrible et de M. Bertrand de Greuille dans les discussions aux travaux prP.paratoires du Code. Il faut, pour
que l'on puisse attaquer u11 acte d'un individu décédé
non interdit, que l'on ait provoqué son interdiction,
qu'on l'ait fait prononcer ou que la preuve de la démence
résulte de l'acte attaqué lui-:même. Cela revient à dire,
sous ces trois exceptions, que les héritiers ne peuvent pas
demander l'annulation d·'nn acte du de cujus sur le fondement qu'il n'était pas sain d'esprit au moment où il l'a
fait.
Pour que nous soyons dans le cas de 504., il suffit
d'avoir pro.vogué l'interdiction. Qu'est-ce à dire? L'ar ticle 4.95 C. N. prouve que la simple requête au président
suffit ponr faire prononcer l'interdiction, dès av.ant que le
conseil soit réuni et avant que l'individu dont il s'agit en
ait été instruit. Si, en fait, et pour s'en tenir à la stricte .
lettre de la loi, les parents attendaient de sorte q u e la
requête fût remise seulement alor3 qu'ils savaient que la
Procédur~ serait arrêtée pal' le décè'i, les juges sauront
�-
~23
-
faire justice de ses manœuvres et décideront qne la 11equête n'est pas sérieuse. Ce sera interpréter la loi d'une
manière vraie et loyal_e.
De inême ', l'interdiction ne serait pas considérée
comme provoquée, si elle était abandonnée expressément ou tacitement, ou si on la laissait périmer, ou s'il
y avait désistement.
Le deuxième cas est plus difficile à expliquer; le Code
parle du cas où l'interdiction aurait été prononcée du
vivant de la personne. Ce deuxième cas fait double emploi avec l'article 502. Il s'agit d'une interdiction actuellement existante. L~ Code s'est préoccupé (art. 504) .
d'une instance commencée et d'une instance achevée.
L'artiCle 504 accorde une faculté au juge, alors que
502 lui prescrivait un devoir. Pour trouver de l'originalité à l'article 504 et l'expliquer ainsi, il faudrait forcer
le sens des mots et on s'écarterait de la pensée du législateur.
Il faudrait dire qu'il s'agit ici d'une interdiction qui
aurait été prononcée déjà, mais il serait intervenu un jugement de mainlevée, avant le décès de l'individu dont
on discute les actes. Le Code aurait prévu les rechutes
fréquentes 'dans les aliénations mentales et autoriserait
l'annulation des actes passés, annulation qui ne pourrait
être prononcée sans cette disposition spéciale. Mais rien
ne porte à croire que cette interprétation présente lavéritable pensée de la loi : l'examen de la rédaction ne sert
qu'à prouver le ,contraire.
L'article 504 dit enfin que les actes pourront être attaqués, quand ils portent en euœ-rn~mes la pt·euve t!vi-
�-
~24
-
dente de la démence de le'Ur auteur. Cette preuve sera
indépendante du témoignage incertain des hommes. Ce
sera une question de fait de savoir si un acte porte en
soi la preuve évidente de la clémence de son auteur, et la
justice aura à. examiner ces actes pour savoir s'ils appartiennent ou non à la folie.
L'article 504, s'applique-t-il également aux actes a
titre gratuit, c'est-à-dire aüx donations et testaments?
C'est une question très grave: car l'article 504, ne distingue pas, il dit : les actes, sans exception ; ensuite,
les actes gratuits sont ceux qui donnent plus que tous les
. autres occasion à des procès que 50i veut éviter : l'article 901, en exigeant que le donateur soit sain d'esprit,
ne fait que l'application d'un principe général à la matière
des donations, principe général exprimé dans l'article 1108. Voilà ce que l'on dit pour l'affirmative.
Mais, en jurisprudence et en doctrine, on applique
plus généralement l'opinion contraire par le8 motifs suivants: d'abord, l'article 503 ne s'applique évidemment
qu'aux actes à titre onéreax, puisque les conditions de
notoriété exigée par cet article ne sa:uraiept se retrouver
dans le testament auquel les légataires n'ont nulle part,
et qui est l'œuvre du testateur seul.
Dès lors, l'article 504 contenant les mots actes, mots
qui se retrouvent en l'artide 503, doit par analogie de
ce qui en est pour ce dernier article, ne pas s'appliquer aux actes à titre gratuit. Ces actes peuvent être critiqués, bien qu'ils ne portent pas en eux la preuve de la
démence de leur auteur, et bien que l'interdiction n'ait
jamais été provoquée ni prononcée contre le disposant.
�-
H!5 -
C'est qu'il y a une grande différence entre la capacité
de faire des actes à titre gratuit et la capacité de faire des
actes a titre onéreux. Les contrats méritent la protection
du législateur, car ils sont nécessaires), la société. Quant
aux actes à titre gratuit, le législateur les voit plutôt de
mauvais œil, ils restent soumis à la rigueur du droit commun.
Nous voyons, en effet, dans le Code (art'. 901), qu'il
est exigé, dans tous les cas et sans distinction, ' que celui
qui dispose à titre gratuit soit sain d' e.sprit. Cette disposition est unique au Code, et dans les travaux préparatoires
nous lisons qu'on supprima dans l'article 901 une
deuxième partie ainsi conçue : « Ces actes (donations ou
testaments) ne peuvent être attaqués pour cause de démence que dans les cas et de la manière prescrite par
l'article 504). »Cette st:ippression eut lieu sur les observations de Cambacérès, et les orateurs du conseil d'Etat
déclarèrent en termes formels que les articles 504 et 901
étaient complétement indépendants l'un de l'autre (Fenet.
XII, p. 296).
1
L'article 504 s'applique seulement aux contrats onéreux
et Ruppose un état habituel de démence. L'article 901
s'occupe seulement de l'état du disposant au moment de
la donation et du testament.
Réduit à son premiel' alinéa, 901 s'harmonise mieux
avec les dispositions du Code, généralement favorable aux
héritiers légitimes.
�-
E. -
~26
-
Fin de l'lnierdictio11.
Bien que la cause qui ait amené l'-intercliction vienne
à disparaître, l'interdiction ne cesse pas par cela même.
Il faut, pour que l'interdit qui a recouvré sa raison puisse
reprendre l'exercice de ses droits, que la mainlevée ait
été prononcée par le Tribunal. On suivra la même procédure pour arriver à la mainlevée que pour arriver' à
l'interdiction. On prendra des précautious pour ne pas
arriver à prononcer une mainlevée, fondée sur des
apparences passagères. Mais, bien souvent, telles causes
qui n'auraient pas suffi pour faire prononcer l'interdiction
empêcheront la mainlevée. Les juges auront à apprécier
les circonstances.
•
Ainsi, toute celle procédure que nous avons exposée
pour arriver à l'interdiction devra être suivie pour arriver
à la mainlevée (512).
Il faudra: 1° requête au président du Tribunal (890
C. pr.); 2° communication au ministère public et nomination d'un rapporteur (891 C. pr.); 3° rapport du juge
commissaire et conclusions du ministère public (892 C.
pr.); 4° avis du conseil de famille sur !'Nat actuel de
l'interdit (892 C. pr.; 494 C. N.); 5° interrogatoire de
l'interdit en chambre du conseil; 6° jugement en audience
publique (498. !)'1.J).
La loi ne parle pas des personnes qui ont qualité pour
demander cette mainlevée, L'article 512, en effet, ne
�-
127 -
renvoie pas aux articles qui déterminent les personnes
ayant qualité pour provoquer l'interdiction.
Il n'est pas douteux que l'interdit puisse former cette
demande et cela contre le tuteur à l'interdiction. L'interdit, nous l'avons vu, est défendeur dans toutes les parties •
de la procédure en interdiction. Il sera demandeur pour
la mainlevée. ~L'article 512, en exigeant la même procédure que pour l'interdiction, l'a entendu ainsi . .Refuser
à l'interdit le droit de demander la mainlevée, ce serait
donner assistance à ceux.qui, poussés par intérêt, né
voudraient, à aucun prix, faire sortir l'interdit de l'état
d'incapacité où il se trouve.
Le tuteur, lui, a qualité pour défendre à la demande
de mainlevée d'interdiction. Le tuteur représente les intérêts que l'interdiction protége, protection que la demande en mainlevée voudrait faire cesser. Il est le contradicteur né a cette demande.
Cependant la Cour de cassation a décidé: « que le
conseil de famille et le ministère public sont les véritables
contradicteurs à cetté deffi:ande et les seuls qui soient nécessaires aux termes de la loi (16 février 1816). »
Cette décision implique que l'interdit n'a pas besoin
de se donner un contradicteur, car le ministère public
n'est que partie joint~ et le conseil de famille n'est pas en
cause, il ne fait que donner l'avis qui lui est demandé par
le tribunal.
La mainlevée ne peut guère être de~andée que par
l'interdit lui-même, et, sur ce point, il y a dans le
Code de grandes lacunes qui ont été comblées par la loi
du 30 juin 1838,
�-us·Leitri b1:1nal c1!Hill1f)étent est celui qui a pr©·noncé l'interdiction, c'est-à-dire celui dt1 domioile ·àe l'interdü, att
moment de son interdiction et •cle l'organisfltion de la
tutelle.
La demande en mai nlevée est portée en audience solennelle; il n'·estpas nécessaire que le jugementdemainlevéesott rendu pub'lic oomme le jugementd'interdiction.
Il iin.pcirte moins d'apprendre aux bi·ers la capacité que
l'incapacité d'un-e personn'e. C'est à la personne re'i'evée
de son i'r1iterdiction, prim•cipafo.intéressée, de prouver a1u
,tiet·s son relMr à fa capa:cité, en lui présentant, a l'occasion, le jugement de mainlevée.
1
1
DEUXIÈME SECTION .
DU CONSEIL JUDICIAIRE.
L'article 4,99 porte que, en rejetant la demande en interdiction, le tribunal pourra néanmoins, si les circonstances l'exige1nt, ordonner que le défendeur ne µourra
désormais plaider, transiger, emprunter, recevoir un
capital mobilier ou en donner décharge, aliéner, ni grever
ses biens d'hypothèques, sans l'assistance d'un eonseil
qui lui sera nommé par le même jugement.
Nous v0yons, dans cet artide, réglée la s.ituatfon d'un
iuclividu pas assez fa~ble d'esprit pour être interdit, trop
f~ible cependant pour ·qu'on l'abanqonne ~ sa prepre
direction,
�-
~· 29
-
·La loi prescrit qm'on devra l\lli nommer nn conseil sa:l'ls
l'assistance duquel il ne pourra faire certains actes. Les
mêmes e:x.press•ioBs se trouvent reproduites (art. 499 et
513). L'article 513 règle non-seulement la situation qui
nous occupe, mais aussi celle du prodigue, ce qui ne
rentre pas dans notre sujet: du reste, les règles sont
absolnmern<t les mêmes et l'article 514, aussi bien que
l'article 5·15, qni est du reste explicite sur ce point, s'appliquent aussi biefl à !"une qu'à l'autre de ces deux bypo thèses.
Nomination d'un conseil jndic:ialre.
Nous n'avons ici qu'à nous reporter à ce que nous
avons dit pour l'interdiction. L'article 514 nous y renvoie formellement. On ne saurait créer de difficultés là où
la loi a fait une assimilation.
On peut porter directement devant le tribunal une
demande de conseil judiciaire, si l'on juge què cette
mesure suffit pour èviter les dangers d'une libre administration.
Nous retrouvons les principales règles de l'interdiction:
ainsi p.ersonne ne peut demander pour soi-même la no•
mination d'un conseil judiciaire. L'aveu du défendeur
sur une demande ~1 fin de nomination de conseil judiciaire ne pourrait pas tenir lieu d'interrogatoire. Le ministère public a, P.élt' suite de l'article 514, le droit de
demander d'office la nomination d'un conseil judiciaire.
�- rno Le tribunat avait fait une exception pour le ministère
public dans le projet de loi, cela fut rejeté. A plus forte
raison, ne saurait-on permettre à une personne de se
donner un conseil judiciaire.
Pour la procédure, l'article 514 assimile l'interdiction
et la nomination d'un conseil judiciaire. Nous retrouvons
donc les diverses dispositions sur la matière, soit au Code
Napoléon, soit au Code de procédure civile.
Pour le domicile, c'est au tribunal du domicile de la
personne à qui l'on veut faire donner un conseil judiciaire que l'on doit s'adresser.
Le mode de procédure est absolument le même: requête au président du tribunal , avis du conseil de famille,
interrogatoire de la personne, enquête même s'il y a
lieu.
L'interrogatoire est indispensable; la combinaison des
articles 514 et 499, et d'ailleurs, nous trouvons dans les
travaux préparatoires du Code cette opinion émise par
M. Bertrand de Greuille, au tribunat, pour le prodigue.
Or, ce qui a lieu pour le prodigue sera à plus forte raison vrai pour le faible d'esprit et surtout en présence de
l'a!'Li cle 499, qui déclare que le tribunal pourra, enson
jugement, par conséquent à la dernière période de la
procédure de l'interdiction, nommer un conseil judiciaire; par conséquent, les mêmes formalités devront
être remplies dans l'un et l'autre cas.
Le nom de conseil judiciaire exclut toute idée de conseil
nommé par t1:1stament et de conseil légitime; l'exception
que n~us avons vue pour le mari n'existe pas ici.
C'est la.justice qui doit toujours décider, seule; car il y
�- rn1 aurait à redouter dans la nomination par le conseil de
famille des abus, de mesquines préoccupations d'intérêt ,
au-dessus desquels le tribunal saura se placer dans son
jugement. Le tribunal n'est soumis à aucune règle restric.tive, il nommera celui qui lui semblera le plus apte à
sa1:1vegarder les intérêts de celui qu'il assistera.
Cet individu nommé, est-il tenu d'accepter, ou faut-il,
par voie d'extension, appliquer les règles sur les excuses,
incapacités ou destitution de la tutelle?
Cette question est de nature à faire réfléchir sérieusement, car, d'un côté, les fonctions de conseil judiciaire,
comme les fonctions de tuteur, répondent à un besoin
social, c'est une charge publique; or, la faculté de refoser ne serait guère compatible avec ce caractère, et puis,
les articles 4..99 et 5'13, donnant à la justice le droit de
nommer, imposent par cela même, à celui qu'elle nomme,
le devoir d'accepter.D'ailleurs, ainsi que nous l'avons fait
remarquer plus haut, le conseil judiciaire est un diminutif et une dépendance de la tutelle des interdits. Il faut
erifin s'en réf~rer aux règles de la tutelle ou de la curatelle,
sans quoi on serait exposé à décider que rien ne s'oppose
a nommer pour conseil judiciaire une femme ou tout
autre incapable.
A ces raisons graves, il est vrai, on peut répondre et,
croyons-nous, avec succès:
Aucnn texte ne déclare applicable au conseil judiciaire
. les dispositions en matière de tutelle sur l'acceptation.
Cette observation, jointe au défaut d'analogie, au moins
dans une assez grande mesure, milite en faveur de la
non extension des rèt,les cl'nne matière à l'autre.
�-· rn2 Nous pourrions invoquer le silence du Code Napoléon qui indique assez par là s'en référer aux agissements
de l'ancien droit où la facllllé de non accepter et de s'excuser étai tgénéralement ad mise (Denizart. Conseil nommé
par jusliœ, 16 et 17). Et puis, nous avons une garantie
contre les dangers qui pourraient se rencontrer dans le
soin qu'a pris la loi de confier celle nomination aux
juges et non au conseil de famille, comme cela a lieu pour
les tuteurs et curateurs. Par conséquent, la nomination
d'un conseil judiciaire ne doit être considérée que comme
un mandat dont on peut se démettre volontairèment, qui
peut être révoqué.
Il est bien entendu que l'on ne peut nommer qu'un
conseil. D'abord, l'esprit général de la loi est pour l'unité
de tutelle ou de conseil. Ce serait aggraver la situation
d'un individu que le soumettre à la nécessité d'obtenir
l'assistance de plusieurs conseils.
On ne saurait ici parler de fonctions analogues à celles
de subrogé-tuteur pour un individu qui serait au même
titre à côté du conseil.
Si le faible d'esprit a des intérêts contraires a ceux de
son conseil, on nommera un conseil ad hoc qui l'assistera
provisoirement.
Il est évident que le ministère public devra être entendu
dans l'instance et que le jugement nommant un conseil
judiciaire sera soumis à la publicité de l'article 501 du
Code Napqléon.
�-
433 -
Capacité tle celui qui a un con•eil J11diclalre.
L'individu qui a un conseil judiciaire n'est pas suppléé
dans la gestion de ses affaires; il n'est pas remplacé par
son conseil, la nature de protection que la loi lui accorde
n'est pas aussi radicale; il agira, mais il lui fau<lra étre
assisté de son conseil pour certains actes; moyennant
cette formalité il sera aussi capable que le majeur integri
status.
Il peut établir son domicile là où bon lui semble, il
peut se marier, reconnaîlre un enfant naturel, se donner
en adoption ou adopter lui-même sans qu'on puisse
trouver à redire là-dessus.
L'article 513 nous indique en une énumération précise les actes pour lesquels l'assistance du conseil est nécessaire. Cette énumération est limitative en plus comme
en moins, c'est-à-dire que les magistrats ne pourraient
donner le conseil pour d'autres actes que ceux. . désignés par la loi, ni donner de conseil seulement pour l'un
ou l'autre ou quelques-uns des actes désignés par la
· loi.
Les juges n'ont qu'à examiner s'il y a ou non lieu à nomination de conseiÏ et, en cas d'affirmative, la loi règle
les conséquences de la décision qn'ils auront rendue. Peu
imp0rte que les juges aient en, dans l'ancien drnit, le
pouvoir de nommer discrétionnairement un tuteur pour
tel ou tel acte; nous avons un texte formel qni nous empêche de nous lancer dans ces voies d'analogie.
�-
H4
~
L'individu pourvu d'un conseiljudiciaire peut faire .
seul tous les actes pour lesquels l'assistance n'est pas
requise par la loi, mais il faut poursuivre l'application de
l'article 513 avec rigueur et ne pas s'en tenir à l'apparence. Il faut examiner avec soin, s'il n'y a pas, dans un
acte fait par le faible d'esprit seul, le déguisement d'un
acte prohibé par la loi.
JI faut appliquer strictement la loi et prendre au pied
de la lettre les expressions de l'article 513. Par exemple ,
il lui est défendu de plaider ; nous ne ferons aucune distinction entre les procès relatifs aux biens et les procès
relatifs .à la personne.
La Cour de cassation décide qu'il y a exception, en cas
d'interdiction, en raison dela nature du but et des formes
spéciales d'une pareille instance et de la protection d'ailleurs accordée à la personne par les formalités de la procédure en interdiction; et puis, le tribunal se décide surtout en entendant le défendeur seul et puise dans son
audition et examen les éléments de son jugement.
Cette décision est contestable en présence du texte
absolu de l'article o13' et puis, autant l'interdiction est
une mesure de protection quand elle est appliquée justement, autant elle serait oppressive si elle était prononcée
trop légèrement.
Le faible d'esprit ne peut, en aucun cas, transiger; cela
résulte des articles 499 et 513.
Il ne peut recevoir un capital mobilier, ni en don_ner
décJiarge sans l'assistance de son c.onseil et, comme conséquence, le conseildevrasurveiller l'emploi de ce capital;
l'article ne le dit pas, sans doute, mais cela y ,est sous·
�-
435 -
entendu; sans cela, la loi aurait exigé une formalité dérisoire.
Le faible d'esprit ne peut aliéner. Quelle est la portée
de ce mot? En droit ancien, cette défense ne s'appliquait
qu'aux immeubles: or, dans le texte de l'article 512,
l'on dit immédiatement après qu'il ne peut aliéner,
qu'il ne peut grever ses biens d'hypothèque, il apparaît
d'une manière non équivoque, que l'on a voulu conserver
ce qui était dans l'ancien droit. De plus, la loi en exigeant
la présence du conseil pour la réception d'un capital mobilier, indique qu'elle n'a pas porté de dispositions géi;iérales sur ce point.
On ne saurait se dissimuler la conséquence désastreuse
de cela en présen ce du développement qu'a pris la fortune
mobilière, les restrictions de la loi n'auraient plus de
·portée; dès lors, nous cï·oyons qu'il faudrait ne pas s'en
tenir là et décider que ce qui est permis seulement au
faible d'esprit, c'est d'aliéner ses meubles dans la limite
des actes d'administration.
Quant aux immeubles, la défense est absolue. Ni directement, ni indirectement, il ne pent aliéner . De là suit
qu'une obligation contractée sans J'assis~ance du conseil
ne peut être exécutée ni sur les meubles ni sur les immeubles, puisqu'il ne peut aliéner ni les uns ni les autres
sans !'assistance de son conseil.
, Pour le partage, il fautl'assistancedu conseiljudiciaire.
La défense d'aliéner sans l'assistance du conseil s'applique-t-elle aux actes gratuits ~omme aux actes à titre
onéreux? Po?r le testament il ne saurait être question
cl'assist:rnce du conseil. L'article 513 n'en parle pas et
�- 1il6 le mot ::iliéne.r ne s'applique pas à la co nfeclion d' un testament.
1
Le seul article qu'on pourrai~ invoquer contre ce testament serait l'article 901.
Pour la donation entre vifs, il faut \'assistance du conseil judiciaire. Aliéner, a un sens général qui s'appliq~e à
la donation ; c'est, rem su.am alienam facere, à titre
gratuit ou à litre onéreux'. Le but de la loi est.de s'opposer aux profusions ruineuses que seraient portés à faire le
faible d'esprit et surtout le prodigue; comme pour ces deux
cas, il y a les mêmes dispositions, les motifs d'incapai;ité
de l'un servent pour l'autre. On n'empêche pas les donations, il faut qu'elles soient modérées. Cette solution est
générale et s'applique à toute espèce de donations irrévocables. Cela s'applique aussi à la constitution de dot que
l'individu pourvu d'un conseiljudiciaire voudrait faire à
son enfant par contrat de mariage. De même, pour le,s
donat~ons par son propre contrat de mariél;ge, donations
rlirectes ou indirectes par l'adoption de tel ou tel régime.
S'il se mariait sans contrat, celui qui a un conseil judiciaire serait marié sous le régime de sép1ration de biens.
En effet, le faible d'esprit ue peut aliéner sans assis~
tance. Or, la communauté, même légale, constitue une
aliénation, elle résulte de la volonté des contractants qui
s'y soumettent par une convention tacite; il impo.Fte, de
plus, de protéger le faible d'esprit qui pourrait être la
victime d'intrigues et être amené à faire des libéralités
tr~s grandes à son préjudice.
Mais l'hypothèque légale, dérivant dirêctement de la
�"-- ~37 loi , exlste ,toujours sur les biens du faible d;esptlt: les
époux ne peuvent y reno~cer.
Après le mariage, le faible d'esprit ne peut faire donation à son conjoint, bien que cette donation soit révo·
cable et puisse, ·en quelque sorte, être assimilée à un testament.
L'article 513 ne comprend pas les actes d' administration. Celui qui a un conseil judiciaire peut louer ses
maisons et ses fermes en se conformant aux articles 1429,
1430et171.8.
Il peut recevoir ses revenus~ fermages, intérêts et les
employer comme il lui plaira. Il peut prendre à bail un
appartement, vendre son mobilier corporel, faire à ses
biens les réparations d'entretien qui se font avec les rev~nu~. En faisant cela, il s'engage non pas seulement
sur ses revenus, mais ~µr tous ses biens.
Si Je caractère de, l'obligation est. tel qu'elle ne puisse
s'accomplir que sur les capitaux ou les jJI\me,ubles, il faut
l'assistance du conseil.
S'il a fait de grosses réparations, et que ces réparations
aient un véritable caractère d'utilité ou de nécessité, il
sera valablement engagé, parce que cela lui a été utile, et
parce qu'il ne peut s'enrichir aux dépens d'autrui. Ce
qu'il a fait est d'nn acte d'intelligente administrati.on,
pour _laquelle l'assistance du conseil peut ,être regar.~ée
. comme non nécessaire.
Ainsi, la questi0n de validité des trai.tés passés aveq un
fa\bl~ d',e.spr.it q,éJ;>en1dra de .l.'u.t\lité .ou non utilit~ des
_ , ppér~tions OlJ dépenses.
On tiendra compte du caractère1 , flJ~~pJu d~ l',a,cte .Pn
1
'
•
10
�-
~38
l'examinera ensuite à un point de vue relatif, et on aura
tel égard que de raison à la bonne ou mauvaise foi des
tiers.
Sur la personne, le conseil n'a aucun droit. Le faible
d'esprit peut employer son temps comme il l'entend.
Pour plus de sûreté, les tiers, avant de contracter, feront
toujours bien de s'adresser au conseil.
Celui qui a un conseil judiciaire peut faire les actes
conservatoires; il le peut, car ce sont des actes d'administration souvent nécessaires et même urgents.
De l'assistance du conseil.
Le conseil, d'après le vœu de la loi, doit assister le
faible d'esprit, .c'est-à-dire que, dans les actes pour lesquels il est nommé, il doit agir conjointement avec le
faible d'esprit. Celle manière d'agir rappelle l'auctoritas
du tuteur en droit romain .
Pour les actes judiciaires, cela ne fait pas doute; mais
pour les actes extrajudiciairas, bien que l'assistance y
soit requise, que le conseil doive apposer sa signature
dans l'acte à côté de la signature de celui qu'il doit
protéger, on admet cependant que le conseil peut simplement autoriser, à condition que l'acte d'autorisation
précise l'opération à faire, et que ledit acte soit annexé à
l'acte principal.
La ratification ne suffit pas; le silence ne peut suppléer
l'assistance exigée par la loi ; l'assistance doit être spé~iale et n?n générale.
/
�_._
M~
....:;.
!....'Individu pourvu d'un conseil ne peut, par suite, ni
faire le commerce, ni contracter une société. Il est réputé
incapable de faire seul les actes énoncés aux articles 499
et 513.
Si le conseil-refusait d'assister, la loi ne fournit aucun
moyen de l'y forcer ou de suppléer à son existence en
autorisant; le seul moyen, c'est que le faible d'esprit assigne son conseil devant le Tribunal pour le faire révoquer
ou qu'il provoque la nomination d'un conseil ad hoc,
selon les cas.
Si le conseil jugeant utile de faire quelque chose, le
faible d'esprit s'y vefose, le conseil ne p'eut agir malgré
celui qu'il.ne doit qu'assister. ·Celui-ci n'est pas interdit
et a sa liberté d'action ; sauf quelques restrictions, il administre son patrimoine.
Pour les dangers à craindre, ils ne sont pas sérieux ;
si une demande est dirigée contre lui, le conseil doit être
appelé, sinon ce sera irrégulier.
Pour attaquer, d'ordinaire il y sera toujours disposé.
Le danger est-il dans les aliénations imprudentes? Ces
engagements téméraires que pourrait consentir l'individu
pourvu d'un_ conseil, les articles 513, 1125 et 1304 y
ont pourvu suffisamment. Les dix ans ne commencent à
courir que du jour où la nomination du conseil a été
levée.
En effet, l'ar~icle 1304 repose sur une idée de confirmation ou de ratification; le faible d'esprit ne peut
confirmer ou ratifier sans assistance.
�-
HO -
.1.cte.• passés par le faible «l;'esprlt ,
après la nomination do conseil.
Les actes passés avec l'assistance du conseil sont aussi
valables que ceux d'un majeur, ils sont inattaquab les.
S'il a agi sans l'assistance du conseil, le faible d'esprit
et lui seul pE)ut demander la nullité des actes pour incapacité, et cela dans les dix ans qui suivent Je jugement en
maiplcvée du conseil. Aprè.s cette époque, ·il peut confirmer ou ratifier. ·
Si la nullité est prononcée, on ne peut exiger de lui que
ce qui a tourné à son profit. L'article 503 n'est pas applicable ici. Si, pendant l'instance, des actes ont été passés
avec des tiers par celui contre qui la demande d'un
conseil est portée, en ce cas le jugement ne rétroagit pas ,.
Le Code Napoléon n'en dit rien. Les actes sont valables,'
mais ils peuvent être déclarés nuls p1rnr mauvaise foî ou
dol des tiers .
Du reste, on peut nommer un conseil provisoire. L'article 514 rend applicable l'article 497.
Cessation de cette incapacité.
L'article 514 renvoie à l'article 51'.2. Celui qui a un
conseil judiciaire peut chercher à s'en débarrasser, car il
a l'exercice de ses droits. Il peut donc en demander la
mainlevée.
�-
141 -
Il devra agir devant le tribunal de son domicile actuel,
car il peut changer de domicile.
Si le conseil judiciaire vient à mourir, cela n'est pas,
comme dans l'ancien droit, un mode de cessation de
conseil judiciaire.
La loi veut que l'on fasse lever le conseil, comme on
l'a fait nommer. Les mêmes formalités doivent être observées, l'article est absolu.
Le tribunal nomme un conseil à la personne qu'elle
déclare incapable. La mort du conseil ne saurait faire
tomber l'incapacité qu'a prononcée le jugement. On
nommera un antre conseil.
Ce sont les mêmes personnes qui peuvent demander
le conseil, qui pourront demander cette nouvelle nomination et même la personne auquel était donné le conseil
qui est mort.
Le conseil judiciaire n'a aucune gestion. Il n'a, dès
lors, aucun compte à rendre;
Le conseil judiciaire, s'il y a dol, faute ou négligence
inexcusable, pourra être déclaré responsable des actes
auxquels il a assisté.
�-
U2 -
DEUXIÈME PARTIE.
LOI DU 30 JUIN 1838 SUR LES ALIÉNÉS
La loi de 1838 vint porter un remède à un mal qui ne
tendait à acquérir que trop d'extension. Il y avait dans
la loi des lacunes et le législateur s'était, jusque-là, médiocrement préoccupé de conjurer les causes d'effets qui
étaient de sa part l'objet de dures dispositions contre la
folie; il n'y avait que le remède de l'interdiction, el l'on
voyait souvent les familles - reculer devant la nécessité
d'une procédure longue, blessante pour celui qui en était
l'objet, d'une publicité désagréable pour elles. D'abord,
il fallait l'état habitnel de l'imbécilité, démence ou foreur,
et puis cette procédure avait quelquefois le tort, au point
de vue physiologique, de rendre plus profond et moins
guérissable l'état où se trouvait le malheureux privé de
raison.
Sans doute il y avait bien le pouvoir de demander la
mainlevée de l'interdiction, q,uand, par les soins, on
était arrivé à la rendre inutile ; mais, mieux vaut com·battre le mal à son principe qu'attendre pour le combattre qu'il soit en progrès.
Au point de vue des soins à donner, on ne prenait des
précautions que pour protéger les individus et l'ordre
public contre leur fureur.
paqs !e Code, ~qppne qa.se lé~ale ~·é~aH étaP,lie sqr c~
�-Ha point; la sûreté publique n'était pas garantie, la liberté
individuelle pouvait être compromise et les soins convenables n'étaient point offerts aux malades. Pour ceux
dont la fo lie n'était pas dangereuse, aucune règle n'était
établie pour les soigner ou essayer de les guérir, lors
même qu'ils étaient clans l'indigence.
Tous, magistrats, publicistes, médecins, envisagéant
chacun sons un point de vue différent ce fait social, se
réunirent pour demander à la législation les mesures
qu'il rendait nécessaire.
·
Il arrivait quelquefois, sous l'empire de la législation
de 1804, que les parents, sans nul jugement d'interdiction, avaient fait enfermer leurs malades dans des
établissements de santé. Ces séquestrations étaient illégales et arbitraires.
Cependant, l'autorité publique tolérait cet état de
choses en considération de son utilité. Il y avait là une
situation qni exposait les parents à tomber sous le coup
de la loi pénale, et d'autrefois laissait impunis de véritables crimes.
La loi de 1838 régularisa cette situation acceptée par
les mœurs, et dont la science médicale proclame les
avantages immenses.
Il s'agit, dans la loi de 1838, d'individus qu'on ne
veut pas ou ne peut pas faire interdire.
Il y avait d'abord dans la loi du 31 juin 1838 une
série seulement de dispositions de police et de finances.
Puis la commission, en y ajoutant quelques mesures
administratives, développpa le germe conteQQ dans ' la
proposition première.
�- 1U, -
II y a deux sortes de dispositions, et dès lors, la loi a
un double caractère i dans , la partie qui se rattache au
dreit public et administratif les grands principes de
la société, de l'humanité, de la liberté il)dividuelle son1
sauvegardés.
Cette loi dorme les plus grandes facilitës pour le placement des personnes dans les établissements d'aliénés
destinés à les recevoir et à les soigner; elle autorise les
familles à y faire entrer les malades interdits on non.
EUe prescrit même le placement dans certains cas où
l'autorité publique les juge nécessaires. L'autorité publique a des pouvoirs en ce qui concerne l'aliéné dangereux.
Cette loi assure aussi, par des dispositions sagement
conçues, le respect dù, avant tout, à la liberté individuelle. Elle veut que nul, sous prétexte d'aiiénation
mentale, ne puisse être privé de la libre disposition . de
sa personne. Elle prévient les séquestrations arbitraires
et autres abus.
Dans la: partie qui /orme le complément du Code
Napoléon, il y a des règles pour pourvoir aux intérêts
privés de l'aliéné, aux soins de sa personne et à l'administration de ses biens.
Abordons maintenant les dispositions spéciales de
cette loi ; l'artiûle 1er porte : ,, Chaque départe.ment est
,, tenu d'avoir un établissement public des.tiné à rece" v.oir et traiter les aliénés, ou de traiter avec un établis" sen;ient,public ou.privé, soit de ce département, soit
<< d'un autre département. »
�- u0 ·Pour diriger ou fonder un établissement d'. aJi·énés, il
faut l'autorisation du Gouvernement.
L'autorité publique dirige les établissements publics;
elle exerce sa surveillance par de fréqmmtes visites
(art. 4).
RÈGLES POUR L'ENTRÉE DES PERSONNES
. Pour les personnes interdites·, si le conseilde famille a
décidé qu'il fallait demander l'admission dàns un établisse:ment soiL public, soit privé, la demande d'admiEsion est
adressée par le tuteur à qui de droit; elle est accompagnée
d'un extrait du jugement d'interdiction, d'un certificat de
m~decins et de toutes les pièces propres à conslaler l'individualité de la personne à placer (art. 8, loi 1838).
A défaut d'initiative prise par le tuteur ou le conseil
de famille, le préfet peut, quand la folie est dangereuse,
prendre . l'initiative et ordonner le placement de l'in1
terdit dans un établissement public. Le commissaire de
police ou le maire peuvent même. au cas de danger
imminent pour la sûreté publique, soustraire, par leur
ordre, l'interdit à la garde du tuteur, sauf à en référer au
préfet dans les vingt-quatre heures (art. 15 et 18).
Que les individus soient interdits ou non, la loi disting~e deux rnrte's aliénés : ·1° ceux qui compromettraient
l'°Jr!}re ou' \a s'ôreté des perscrnnes-; 2° ceux dorit la fol~~
a·
�-
U6-
est inoffensive. Pour les premiers, il y a placelllent
forcé; pour les seconds, placement facultatif.
Placement forcé. -
Les préfets peuvent ordonner
d'office le placement dans des maisons d'aliénés des individus dont l'état d'aliénation mentale compromettrait
l'ordre public et la sûrclé des personnes. Les ordres du
préfet devront être motivés, énoncer les circonstances,
etc .... (art. 18).
· Art. 19. En cas de danger imminent, attesté par Je
certificat des médecins ou la notoriété publique, le commissaire de police peut faire enfermer d'office, à charge
d'en référer clans les vingt-quatre heures au préfet.
Art. 2.t. Les aliénés sont placés dans un hospice ou
da:is un hôpital, dans une hôtellerie ou clans un local
loué à cet effet, sans pouvoir jamais être déposés dans
une prison ou être conduits, d'un lieu dans un autre, en
compagnie de condamnés on prisonniers.
L'autorité publique ·peut s'opposer à la sortie de l'éta.- ·
blissement d'un individu placé volontairement, si elle
pense que l'état de cet individu pourrait être dangereux
à l'ordre public ou à la sureté des personnes (art. 21 et
u, p. 2).
La famille des aliénés est informée des diverses décisions prises à l'égard des aliénés.
La question de savoir quand l'état mental d'un aliéné
pourra compromettre l'ordre public et la sûreté des personnes est une question de fait sur laquelle le .législateur
pe· pouvait poser de règles et que. \es administrateurs
1
'
•
•
�-
H.7-
auront à apprécier. Néanmoins, si cet individu dangereux ou furieux recevait dans le sein de sa famille les
soins nécessaires pour écarter tout péril, le préfet ne
pourrait pas ordonner sa séquestration d'office. Il convient de laisser à la famille le soin de garder et de surveiller l'aliéné.
Notons bien que sur tontes ces question's, l'article 29
attribue à l'autorité judiciaire le droit de vérifier si les
mesures en faveur de la liberté des citoyens sont observées et de faire respecter le droit de chacun.
Placement volontaire. -
Les placements volontaires ont lieu à la 1·eqnête des familles qui demandent
place pour l'aliéné non .dangereux, interdit ou non interdit, dans un établissement public ou privé .
Les familles peuvent traiter le malade à domicile; mais
ce point présente de graves abus ou des dangers, et l'expérience a démontré qu'un pareil traitement est moins
efficace que le traitement dans un établissement pnblic
ou privé.
Le projet du Gouvernement proposait " d'exiger une
autorisation préalable de l'autorité pnblique pour effectuer l'isolement de l'aliéné, cela dans le but de protéger
la liberté individuelle.•> Cette intervention de l'autorité a
été écartée, comme devant amener souvent un retard préjudiciable à la guéri son, et comme superflue en présence
de la responsabilité qui pèse sur les familles (Rapport de
M. Vivien).
Pour faire entrrr quelqu'im dans un rtablissewent
•
•
l '.
~
••
C.•
�-
HS-
d'aliénés public ou privé, il suffit d'adresser une demande
d'admission au directeur ou préposé (art. 8).
Elle devra être accompagnée: 1° d'une pièce contenant
·tant les nom, profession, domicile de la personne dont
on demande le placement, que de la personne du requérant, l'indication du degré de parenté, et, a défaut, des
relations qui existent entre elles ;
'2° Il faudra fournir un certificat de médecin constatant l'état mental de la personne à placer, en indiquant
les particularités ùe la maladie et la nécessité de faire
traiter la personne dans un établissement d'aliéné$, et de
la tenir enfermée. Le certificat doit avoir été délivré
quinze jours au plus avant la remise au chef ou directeur.
En cas d'urgence, les chefs d'établis~ements publics
pourront se dispenser d'exiger le certificat des médecins.
3° Il faut présenter un passeport ou toute autre. pièce
destinée à constater l'individualité de la personne à
placer.
Si c'est le tuteur de l'interdit qui demande l'entrée, il
doit produire un extrait du jugement.
L'aliéné, dans un intervalle lucide, pourrait, en remplissant les conditions, demander son admission dans un
établissement, bien que la loi de 1838 suppose que la
demande est formée par un tiers, ~t qu'il y ait une assez
grande.ressemblance avec l'interdiction et le conseil judiciajre; néanmoins, le but de l'admission étant le traitement , la guérison, un tel refus serait inhu.main ; par
ex.e.mple, sa.ns paren.t~., il n'est pas fou dan~~reu~. La
�-
149 -
1
modification de la capacité civile n'e.st que•rsecondaire let
ne peut faire obstacle.
Les prisonniers atteints d'aliénation mentale obtiennent
l•·el'ltrr.e par les soins du préfet, et les militaires par les
soins de l'intendant.
La loi exige que le bulletin d'entrée soit envoyé dans
les vingt-quatre heures avec un certificat du médecin de
l'ètablissement au préfet, au sous-préfet et au maire,
selon la commune de la situation de l'établissement. Si
l'a personne a été plaGée dans un établissement privé; le
'préfet, dans les trois jours de la réc'eption du bulletin,
désigne un ou plusieurs hommes de l'art pour visiter la
personne désignée et faire un r'âpport sur son état mental (art. 9).
Dans le même délai, le préfet envoie au procureur de
la République du · domicile de l'aliéné et à celui de la
situation de l'établissement les noms de l'aliéné et 1de la
personne qui a requis le placement (art. 10).
Quinze jours après l'eatrée, le directeur devra ad·resser
au préfet un deuxième certificat du médecin de l'établisse~ent. Un registre spécial contient les noms, prénoms, ·
professions et antres qualités des individus sequestrés, la
date de lenr entrée, les rapports mensuels des médecins
sur leur compte; il est présenté au visa des personnes
recevant de la loi mission de visiter les établissements
(art. 11 et 12).
Enfin, les directeurs et préposés responsables sont
tenus d'adr~sser au préfet, dans le p1remier· mois de
chaque semestre, un rapport du médecin de l'é,tablissement sur l'état de la personne qui est retenue, sur 'la na-
�...... 1M-
ture de sa maladie et les résultats du t1·aitement. Le préfet statue sur chacune individuellement, ordonnant sa
maintenue on sa sortie (art. 20).
La surveillance dQ ministère public est destinée à
contrebalancer le droit de sequestration de l'autorité
administrative et à prévenir les abus qui pourraient en
résulter.
Le procureur de la République , s'il le trouve bon, à
quelque époque qne ce soit, se pourvoira d'office, afin
de faire ordonner par le tribnnal de ]a , situation que
l'aliéné sera immédiatement rendu à la liberté (arl. 29).
Êtat et capacité des personnes placées. dana
on établissement publie ou p1•1vé.
Les personnes placées dans un établissement public ou
privé peuvent être de deux sortes : ou elles sont interdites, et alors nous n'avons pas à revenir sur ce que
nous avons dit; l'interdiction suit son cours et produit
ses effets. A cette sitnalion, nuus assimilerons celle d'un
mineur non émancipé, pourvu d'un tuteur. Dans cette
situation, les dispositions de la loi de 1838 ne sont pas
applicables; mais là où elles le sont, c'est lorsqu'il s'agit
de 7Jersonnes non interdites et qui cependant sont enfermées dans des établissements publics ou privés.
C'est sous ce dernier point de vue que nous devons
nous placer pour examiner les modifications de l'état des
personnes.
Trois sortes d'aients peuvent être préposés à. la pro-
�-
~51 -
tectlon des intérêts des personnes enfermées; la lof établit: 1° un administrateur provisoire pour les b'iens;
2° un manrlataire spécial, s'il y a lieu à représentation en
justice; 3° un curatcnr à la personne.
li faut aussi signaler une disposition importante de
l'article 39, qui déclare qne les actes faits par un individu
enfermé dans un établissement d'aliénés ne sont pas
nuls de plein droit, mais sont seulement annulables
sous certaines conditions.
Toutes les fois qu'e le tribunal est saisi, il statue en
chambre du Conseil (art. 29, 31, 38), et le ministère
public doit toujours être entendu, lors même que l'instance concerne une personne non interdite (art. 4.0).
Tels sont les deux principes qui dominent la matière .
Parlons d'abord de l'administrateur provisofre :
De l'administa•aten1• pl"ovisoil"e.
S'il s'agit cl' établi'ssements pubhcs, l'article 31 cot1fère le titre d'administrateur provisoire de la personne et
des biens de l'aliéné à la comrni~sion administrative ou
de surveillance de l'hospice ou de l'établissement d'aliénés.
L'article 31 ne peut lc.isser aucun donte la-dessus, et
il e3t conçn en termes assez formels ponr qne l'on ait pu
donner à.jus te titre le nom cl' administration léga.[e à
ces fonctions de la commission.
Qnant aux établissements privés, il n'en est pas de
�- M2 -- même; l'arlicle132 confère simplement 1une facQlté à, cert>aines personnes, .de demander la I)ominatioo d'. un .a(iministrateur provisoire. L'administrateur est no.mmé, par le
tribunal dn domicile de l'a!iéné. Celte nomination,, faite
en chambre du Conseil, après avis de la (~mil\~ et
conclusions du ministère public, n'est pas susceptible
d'appel.
Cette nomination n'a pas lieu nécessairement pom: les
individus non interdits placés dans les ét0iblissements
privés. La loi . l~isse aux. p1artints la fa1cµlté d'. ~BP,r,écier
.,J;ppportunité de cette mesure, et même le ,W.i.9;i1st~re
- publil{ pourra, d'.office, provoquer cette nomina.t~oi;i nuand
l'incurie de la famille exposerait les aliénés à yoir . leurs
intérêts péricliter.
La commission d'administration ou de surveillance désigne un mempre pour être administr3teur provisoire.
Les fonctions sont réglées par une loi du 15 pluviôse
an XIII sur les enfants trouvés. On leur a,pplique ces dispositinns par analogie (ce sont les paroles du rapporteur
de la commission à la chambre des Pairs).
L'article 31, deuxième alinéa, détermine en ces termes le droit de l'administrateur provisoire :
« L'administrateur, ainsi désigné, procédera au recouvrement (et d'après les travaux préparatoires de la loi,
on voit que l'idée du législateur est que l'administrateur
provisoire ne soit pas mis en contact avec les biens de
l'aliéné, car aussitôt qne la main de l'homme touche des
deniers, dit M. de Schonen, il faut qu'il en rende
compte), au r13couvrement des sommes dues à la per~
sonne placée dans un établissemen.t d'aliénés et au
�-
453
--4'
pa1emient de ses dettes; il passera des 'baux qui ne.
pourront excéder trois ans, et même, en vertu d'u•ne .
auto~isation spéciale accordée par le président du tri,....
bqnal civil, il pourra faire vendre le mobilier ..
Les sommes provenant soit de la vente, soit des autres.
recouvrements seront versées directement dans · la caisse .
de l'établissement, et seront employées, s'il y a li'eu,•au
profit de la personne placée dans l'établissement.
Le cautionnement du receveur sera affecté à la garantie
desdits deniers, par privilége su(créances de tol!l1~e1 autre
nature. >>
Ce qu'on a voulu, c'est que l'administrateur. p1:ovisoire ne soit pas comptable de quelque chose, et aussi
aucune hypothèque ne le grèvera.
On fit observer, dans la discussion, qu'il fallait song.er
aux enfants et à la femme de l'aliéné. C'est à l'adm~nis
ttateur provisoire qu'il appartient de détermiaer ce qu'il
co nvient de faire dans ces circonstances, eu égard à
l'importance de la somme et au;x: besoins de l'aliéné·luimême et de sa famille, sauf à celle-ci à réclamer judi- '
ciairement ou administrati'vement, suivant·les cas.
L'articie 31 semble dire qu.e, clans les établissements
publics, la nomination d' un administrateur provisoire est
forcé e, tandi s qu'elle ne serait que facultative dans les·
établissements privés.
Cependant il avait été.entendu, lors de la disenssion,
que l'article 31 était trop absolu dans la rédaction; qu'il
donnait une faculté, comme l'articla 32, et qu.e, pour la
même nature de ,maladies et de personnes,, il ne sauraiti 1
y avoir daux traitements-différents 1 c'est-à-dire des alié:11
�-154 -
nés soumis à l'administration provisoire et d' autres qui
n'y seraient soumis qn'autant qne qnelqu'nn le réclamerait. C'est cette idée qui explique le .dernier paragraphe
de l'article 31, ainsi conçu:
"Néanmoins, les parents, l'époux ou l'épouse des personnes pla~ées dans des élablissemenls d'aliénés dirigés
ou surveillés par des commissions administratives, ces
commissions elles-mémes. ainsi que le procureur de la
République, pourront toujours recourir aux dispositions
des articles suivants (c.-à-d. 32 el s.).
L'administrateur provisoire n'est forcé ni de l'un , m
de l'autre côté.
Pour les commissions administratives, elles peuvent
demander à en être déchargées. Pour les familles, elles
peuvent demandèr la nomination judiciaire d'un adminislrat.eur provisoire. Dans ces deux derniers cas, il y a
un administrateur judiciaire; dès lors, il n'y a pins de
différences entre les établissements publics et les établissements privés.
J)
Quelles sont les /'onctions de cet administrateur
p1·ovisoire?
Tout d'abord , nous devons remarquer qu~ , dans
le projet de loi, M·. Portalis avait proposé que l'administrateur provisoire serait nommé dans les trois . mois qui
suivent l'entrée dans l'établissement. Cela fut rejeté et
avec raison, car: ou l'aliéné a peu de biens, et dès lors, à
quoi bon lui faire · nommer un administrateur à grands
frais? ou il en a beaucoup, et alors on peut se remettre
aux parents du soin de faire nommer cet administrateur ;
au besoin , le procureur de la République y pourvoirait.
�-
155 -
Si l'aliéné :J.vait donné procuration à un tiers, avant
d:entrer dans l'établissement, \'existence de cette procuration pourra empêcher pendant quelque temps la nomination d'un administrateur provisoire; mais il n'est pas
admissible que le mandataire conserve ses pouvoirs pendant tout le temps que durera le séjour de l'aliéné dans
l'établissement. Sans doute, on voit dans les travaux
préparatoires l'analogie établie entre celte situation et
celle de l'absent (112 C. N. ), et puis le mandat n'est révoqué que par l'interdiction (2003 C.N.). Quoi ·qu'il en
soit, Je mieux est encore de s'en référer aux tribunaux,_
qui déclareront si le m'.lndat doit être révoqué.
L'article 36 porte que si l'aliéné est intéressé dans des
partages, comptes, liquidations ou inventaires, le président du tribunal, sur la requête de la partie la plus diligente, commettra 1.m notaire pour le représenter (analogie a.vec 113 C.N. ).
Il ne peut s'agir évidemment ici que d'une société antérieurement dissoute, car aux termes de 1865, 4°, ~e n'est
que par l'interdiction de l'un des associés que la société
est dissoute de plein droit.
Il peut aussi se présenter le cas prévu par l'article
1871 , si 1' aliéné est dans une société à terme. Le juge
peut décider, si cela lui paraît juste, que l'aliéné interné
dans un établissement est dans la situation réglée par
l'article, situation qui donne droit aux associés de demander la dissolution. La loi s'en remet à son C1rbitrage ;
en effet, dans les sociétés, les associés se choisissent,
comptant sur l'activité et l'intelligence les uns des
autres. On peut supposer l'individu ci-devant sain d'es-
�-
~56
_.
prit, concourant indispensablement par son art et son intelligence à l'existence et à la prospérité de la société.
La mesure s'applique aussi au cas ?'une succession
déjà. acceptée par l'aliéné lui-mème, avant la. maladie; si
l'accep tation n'a pas eu lieu, cet act.e dépassant évidemment les pouvoirs de l'administrateur, il faudrait provo quer l'interdictiôn, puisque le tuteur seul aurait qualité
pour accepter on répudier.
L'article 32 nous a indiqué quell es sont les personnes
qui peuvent faire nommer l'administrateu1· provisoire.
L'aliéné ne doit. pas être écarté par une fin de non recevoir, quand il viendra pour lui-même demander que l'on
complète un état de choses auquel il est soumis.
Et d'ailleurs, l'article 38 \'autorisant à demander pour
lui-même un curateur, on arrive par un argument a fortiori à conclure dans le sens que nous indiquons .
Le tribunal choisit qui il jugera apte à rempl ir les fonctions dont .il s'agit. Il cho isira surtout, et cela ·est naturel, un héritier présomptif, intéressé à la conservation
des biens.
Les fonctions d'administrateur sont gratuites; elles
sont obligatoires pour celui qui es t désigné par le tribunal,
comme la tutelle (assimilation de l'ar t. 34).
Les fonctions d'administrateur provisoire .sont soumises aux mêmes règles pour les causes d'excuses, incapacité, exclus ion ou destitution (art. 34);
L'article 34 établit un cas assez singu lier d'hypothèque.
C'est une hypothèque dont le genre est nouveau et dont
on ne trouve pas d'exemple au Code.," Ces dispositions,
dit le rapporteur , répondaient à des besoins, à des né-
�-
107 -
cessités pour lesquelles cette innovation s'est produite ;
le but, et cela n'est pas douteux, a été d'établir un
exemple et des précédents pour d'autres i;as et conduire
ultérieurement a restreindre le nombre des hypothèques
légales dont les inconvénients sont généralement reconnus. )>Ces dispositions sont:« Je jngement qui confère les
fonctions d'administrateur provisoire, peut constituer, sur
les biens de celui à qui il confère cette qualité, une .hypothèque générale ou spéciale, jusqu'a concurrence d'une
somme déterminée, et cela, sur les demandes des parties
ou du procnreur de la. République. »
Cette hypothèque n'est pas dis.pensée de l'inscription.
Elle ne date que de ce jour-là. Le procureur de la République.doit, dans le délai de quinzaine, faire inscrire cette
hypothèque.
Il est Gvident que, bien que la loi ne parle que du pro-.
cureur de la République, d'après l'arlide 2139 dn Code
Napoléon, les parents ou amis de l'aliéné, ou l'âlïéné luimêrrie, auraient qualité pour requérir cette inscription.
Le tribunal pourrait-il, après coup, constituer cette
hypothèque? Le texte de l'article 34. semble ne pas permettre l'affirmatire. Mais comme il s'.agit ici d'un acte de
juridiction gracieuse, l'on rie saurait ici invoqu.er Je principe de la chose jugée, et puis, il peut s'être produit,
depuis le jugement, des changements, soit dans la fortune
de l'aliéné, soit dans la fortune de l'administrateur.
D'ailleurs, l'article 34 n'est, à bien considérer, qu'énonciatif. Nous croyons donc que Je tribunal peut établir,
après coup, une hypothèque sur les biens de l'administrateur provisoire,
�- ms Chargé de conserver et de gérer les biens, l'administrateur provisoire ne peut. faire que les actes d'admin isLi@n nécessaire.
C'est à lui que seront adressées les sign ifications concernant l'aliéné. Si elles · sont faites au domicile de
l'aliéné, la loi pour ne pas punir les tiers d'une ignorance excusable,"laisse aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de les anr.uler ou de les maintenir (al'L. 35).
Néanmoins, \'article fait une exception au cas cle protêt
(73. C. corn.); les significations seront valablement faites
an domicile indiqué par la lettre de change. La raison de
cette restriction est que le protêt est un acte conservatoire
dirigé moins contre l'aliéné que contre les endosseurs et
qui peut être fait par un sirriple acte de perquisition, s'il
y a fausse indication de domicile.
Cela ne s'applique pas aux dénonciations de protèt :
M. Vivien le dit formellement dans son rapport.
Les pouvoirs de l'aclm.ini slrateur s'arrêtent lorsqu'il
s':rgit de plaider ou d'aliéner. Que ce soit comme demandeur oo défendeur, il lui est interdit de soutenir en justice les intérêts de.l'aliéné.
S'il s'agit <le plaider. il faut que Je tribunal (art. 33)
.désigne un mandataire spécial pour le remplacer. La
loi a soin de nous dire que ce mandataire spécial peut
être l'administrateur provisoire. Le tribunal peut aussi,
en cas d'urgence, endésigner un, à l'effetd'intenter une
action. Il y a une exception clans l'article 27, s'il s'agit
d'une demande en paiement d'aliments, l'adminislratenr
a alors qualité.
Ce nvinclat est sou mis anx rèsles ordinaires cl u mandat·
�.-
HJ9 -
il n'est pas obligatoire. Il peut être refusé ou révoqué à
toute époque par le tribunal. Il est ordinairement gratuit,
bien que les juges puissent allouer des honoraires.
Mais sïl faut emprunter, aliéner, constituer une hypothèque, l'administrateur provisoire est complétement incapable de le faire; alors il faut en venir à cette considération, que le fait d'être clans un ôtablissement d'aliénés
et d'avoir un administrateur provisoire ne saurait remplacer l'interdiction . Pour les actes quE nous citons,
personne ne peut les faire, et pourtant, il peut se rencontrer des circonstances où ils sont nécessaires. Dès
lors, il faut recourir à l'interdiction; si on peut la faire
prononcer, il y aura un tuteur; si l'état n'est pas habituel, alors il faudra s'abstenir de faire ces actes, quelque
utiles qu'ils puissent être pour l'aliéné. La loi ne donne
pas de remèdes.
Les pouvoirs de l'administrateur cessent dès que la.
personne n'est plus retenue dans l'établissement d'aliénés: de même, après l'expiration d'un délai de trois
ans. Cependant, les pouvoirs peuvent être renouvelés au
bout de ces trois ans, pour un temps égal à la première
. durée (art.. 37).
Pas plus à l'expiration de ce dèlai de trois ans qu'au
commencement, l'administrateur provisoire ne peut refnser les fonctions que le tribunal lui confêre; car il se
trouve dans la même situation que la première fois. Le
tribunal a ce droit, sans nul doute, mais il ne peut prolonger les fonctions d'nn administrateur qn'autant qu'il
n'y verra pas de sérieux incoovénienti,
�- rno D.u C•H•,ate111• à la pcn•so11ne.
·,
.
La loi n'a pas été arrêtée par la crainte de multiplier
autour ·de l'aliéné les soins à prendre de lui et les personnes qui s'intéressent à son état.
L'article '38 nous dit: " Sur la demande de l'intéressé, de l'un de ses parents, de 1.'époux, d'un ami, 011
sur la provocation du procureur de la République, le tribunal peut, en outre de l'administrateur provisoire ,
Hommer par ordonnance, et cela, sans appel, un c'ltra- ·
teur à la personne de l'individu non interdit placé dan s
un établissement d'aliénés. )>
Le rôle de ce curateur consistera à veiller à l'emploi
des revenus pour l'amélioration du sort et la guérison de
l'aliéné.
li devra, dès lors, contrôler les actes de l'administrateur et faire qu'on se conforme aux prescriptiom de
(!article 510 du Code Napoléon.
En outre, le curateur devra demander que l'aliéné soit
Pendu au libre exeroic:e de ses droits, dès que sa. situation
le permettra.
Les fonctions de curateur ne doivent pas être confiées
aµx héritiers présomptifs; le législateur a craint que
dans c.elte lutte de rinté~ê.t et du devoir, oe lui-ci n'eût
pas l'avantage (art. 3·8). Les fonctions de curateur sont
incompatibles avec c:elles d'aùminis~ratellr provisoire.
·Les fonctions de cumteur sont obligatoires e~ les arti cles 42i et suivants du Code Napoléon, sur les exclu-
�-
464 -
sions, destitutions ou excuses, sont applieables à ce
curateur.
Les mineurs non émancipés ou interdits, placés dans
un établissement d'aliénés, ne reçoivent ni administrateur
provisoire, ni mandataire, ni curateur. Ils ont un tuteur,
sa pretection répond à tous leurs besoins .
.Quant aux minems émancipés ~taux individu3 pourvus
d'un conseil judiciaire, les dispositi@ns de la loi de 1-838
leur sont i:>·leinenrnnt appl•icables.
Qoid de!!Ti actes passés avec des tiers par nue
personne pincée dans nu établhu1c1nent
•d'aliénés ?
La loi s'occape d'une manière exclusive des ::ictes faits
par J:aliéné alors qu'il était dans un établissement d'aliénés. Pour les autres, ils sont soumis au dro'Ï't Mmmun.
Uarticle 39 de la loi de 1838 nous le dit; il est tout
d'abord évident, à la lecture de cet article, que ces actes
dont nous nous occupons ne sont pas nuls de droit,
comme nous avons vu qu'il en était pour l'interdit (502).
'La loi n'établit pas ici de présomption absolue d'i·ncapacité;car aucune prdcédure n'a eu lieu pour constater
l'aliénation mentale. Aucun jugement n'a établi, à l'lgard
des tiers, une incapacité personnelle.
Aussi la loi accorde+elle aux magistrats un droit très
large d'appréciation, au moyen duquel ils peuvent, selon
)es cirêonsiances, rernnnaître, qu'en fait, la personne
�-
~62
-
dont s'agiiétait en étatde démence ou qu'elle était à mêrirn
de manifester une vo\onté suffisante pour s'engager.
Les travaux préparatoires de la loi de 1838 ne permettent pas_de décider d'une manière absolue de quel
cô té est la présomption.
A la Chambre des Pairs, M. Barthélemy disait :
" Comme l'accompli $sement de toutes les formalités
prescrites ponr arriver à la séquestration . d'nn indiYidu
établit une présomption d'aliénation, croyez que les
tribunaux ne se montreront pas très difficiles sur les
preuves à faire pour justifier que, lorsque l'acte a été
so nscrit, l'individu était en démence. "
Ces paroles prouvent, à n'en point douter, que nous
retombons sons l'empire de la règle: Ei inc-um.bit onus
p1·obandi, qui dicit. L'inrliviclu qui attaque l'acte pour
cause de démence, devra prouver que la démence existait
au moment de la passation de l'acte, Il y a un commencement de preuve, la séquestration, qu'il doit compléter
par toutes les pièces ou circonst.ances qui peuvent corroborer ce qu'il avance.
Le défendeur, de son c.ôlé, prouvera (la charge lui en
revient), par tous les moyens, la sanité d'esprit.
Dès lors, il n'y a pas plus de présomption d'un côté
que de l'autre, les juges ont un très large pouvoir d'appréciation pour décider en fait de la validité ou nullité de
l'acte.
Ils auront égard an caractère de l'acte et aux. circonstances dans lesq neIles il a été passé. L'article 901 C. N.
sera applicable. Nous voyons donc une dérogation .corn- .
piète aux articles 503 el 504 du Code Napoléon dans
�-
~63
l'article 39 de la loi de 1838. Pas.n'est besoin, par conséquent, pour attaquer l'acte, qu'il porte en lui signe non
équivoque de démence; pas besoin non plus que l'interdiction ait été prononcée ou provoquée avant le décès de
l'aliéné; la loi de 1838 décide sous l'empire d'antres
préoccupations; la séquestration de l'individu est quelque
chose d'assez grave, pour qu'on n'aille pas exiger les formalités qui sont nécessaires· dans les cas des articles 503
et 504..
L'article 39, clans son premie'r paragraphe, nous dit
que, clans le cas qn"elle prévoit, on doit se conformer a
l'article 1304 C. N. De là, nous tirons la conséquence que
cette faculté d'attaqner les actes doit ôtre assimilée, pour
sa nature, aux action s en nullité admise par le Code pour
les obligations conventionnelles.
De fa, les principaux caractères de ces actions s'appliqueront à l'action créée par l'arliclê 39.
D'abord, le caractère de l'article 1125, elle ne peut
être intentée que par ceux en faveur desquels elle a été
introduite; puis, elle est susceptible de ratification et de
confirmation (1338 et s.).
Enfin, elle se prescrira par dix ans.
Mais, sur ce dernier point, il y a une différence notable et une amélioration introduite par la loi de 1838,
amélioration qui constitue pour elle une supériorité sur
le Code civil. Sous le Code civil, le délai de dix ans par
lequel se prescrit l'action de l'interdit,conrt de plein droit
à parlir de la mainlevée de l'inierdiction, et à l'égard des
héritiers, dans le cas où leur auteur est mort en état. d'interdiction, le point de départ est le jour du décès. L'incon-
�-
46~
-
V'énient est grav8, car, pour l'interdit, il peut ne pas se
rappeler les actes qu'il a faits dans sa folie. Ceux qui ont
intérêt à ce qu'il ne se les rappelle pas auront bien soin
.de ne pas l'en faire souvenir. Ponr les héritiers, la chance
sera encore plos grande qu'ils ne sachent rien des actes
faits par l'inlenlit et ne puissent, par suite, interrompre
le cours des dix ans, dont l'expiration rendra les actes
inallaquables.
Lors de la discussion de la loi, on avait proposé de s'en
tenir· àu premier paragraphe, et dès lors les inconvénients
.que nous signalone se seraient produits. On ne tint pas
compte de cette proposition. L'article 39 a changé dans
ses derniers paragraphes le point de départ de. la prescriptiùn de dix ans.
Les dix ans ne courent contre la .personne elle-m~me
qu'à dater de la signification de l'acte qui lui aura été
faite ou de la conna~sance qu'elle en aura eue après sa
sortie définitive de la maison d'aliénés. Si la personne
r.etenue dans l'établissement y est décédée, le délai ne
courra, à J:6gard des hériti ers , qu'à partir de la connaissance qu'ils ont eue de l'acte, depuis la mort de leur
auteur.
1Le délai qui a commencé à courir contre· la personne
de l'alién é continue à courir contre les héritiers.
La question de savoir si l'aliéné on ses héritiers ont eu
connaissance de l'acte se cléC'idera suiva~1t le droit corn- ·
mnn en matière de preuve; on tiendra compte de l'impdrlance du litige·pour admettre la preuve testimpniale
on ·eociger la preuve par écrit.
De c'es dispositions et'<'le leur rapproohement 1 ~ec te's
�-
465 -
règles du Code, on observe t;e singulier résultat que i'interdit régi par l'articl.e 1304, c'e3t-à-dire qni n'est pas
enfermé dans une maison d'aliénés, jouit d'un délai moins
grand que celui accordé 'â l'interdit ou non interdit enfermé dans un établissement d'aliénés; dans le premier
cas, le seul foit de la main levée d'interdiction fait courir
ce .délai ; dans l'autre il faut une signification ou connaissance de l'acte.
,
Pour l'interdit retenu dans un établissement d'aliénés,
la logique exige que ie point de départ de l'article 39 lui
profile, et cela par un argument a fortiori et en invoquant l'esprit de la loi. Le fait de l'interdiction a dissipé
tous les doutes snr l'étal men ta! de la personne, et elle n'en
est que plus digne de protection.
Il y aurait véritablement anomalie à en décider autre·
ment et malgré la leltre de la loi qui ne s'applique pas
aux interdits, l'article 1304 ne ~'applique plus qu'aux
'interdits qui n'ont pas été i·etenus dans un établissement
d'aliénés.
L'article 39 suppose que la personne à qui on fait
signification a eu connaissance de l'acte; si cette personne, sans être parfaitement guérie, sans avoir recouvré
sa raison, est retirée par ses pal'cnts de l'établissement où
ils l'avaient placée, celle notification fera-t-elle courir les
dix ans? Celte question n'a pas reçu à la Chambre de so- ·
lnlion directe. On a d!t seulement qne si la notification a
été faite frauduleusement, on fera valoir l'exception- de
dol et les tribunaux apprécieroat. Fraus omniai cori-
rumpit.
�-
"66 -
De la so•tle des établlssémeuts d'aliéné•.
Aussitôt que le but poursuivi est atteint, c'est-a-dire
lorsque les médecins de l'établissement jugent que la
guérison est obtenue, il n'y a plus de raison pour tenir
séquestré l'individu revenu au bon sens. Les médecins
sont tenus de consigner sur un registre spécial, au moins
tous les mois, les changements survenus dans l'état mental du malade.
Quand cet état mental sera devenu satisfaisant, quand
l'aliéné sera au niveau des autres hommes, son maintien
dans l'établissement pourrait devenir une séquestration
coupable et pouvant être la cause de poursuites rigoureuses.
Lorsque les médecins ont fait cette déclaration touchant un mineur ou un interdit, avis en est transmis immédiatement aux personnes auxquelles il doit être
remis, ainsi qu'au procureur de la République.
1° Sortie par ordre de l'autorité administràti'!Je.
-Le préfet peut toujonrs, quel qu'ait été le mode de placement, ordonner la sortie immédiate des personnes placées dans les établissements d'aliénés.
Il doit être informé sur le champ de tout placement
non ordonné d'office dans un établissement d'aliénés.
Le chef de chaque établissement doit lui faire parvenir,
à des époques rapprochées , les rapports des médecim-.,
�-
~67
constatant l'état de santé de toutes les personnes qui
y sont retenues.
2° Sortie sur demande formée par des particuliers.
- Avant même l'avis des médecins, certaines personnes
peuvent demander la sortie et elle leur sera accordée.
Ce sont: 4° Le curateur à la personne: nous avons vu
que c'était un de ses devoirs;
2° L'époux ou l'i'lpouse ;
3° A défaut d'époux ou d'épouse, les ascendants;
4• A défaut d'ascendants, les descendants ... Ainsi les
frères et s'œurs n'ont pas le droit ·absolu d'obtenir la
sortie sans autorisation du conseil de fam!lle; cela résulle
du silence de la loi et d' un vote formel a ce sujet, de la
Chambre des députés ;
. 5° La personne qui a signé la demande d'admission ~
l'autorisation du conseil de famille est nécessaire en ce
cas, si un parent l'a provoquée par son opposition ;
6° Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille.
S'il y a dissentiment, c'est-à-dire si la demande d'un
ascenciant est paralysée par l'opposition d'un autre
ascendant ou la demanJe d'un descendant par l'opposition
d'un descenJant, ou bien encore la demande de celui qui
a formé la demande d'admission par l'opposition
d'un parent (et hors les cas cités, il ne peut y avoir
opposition), le conseil de famille décidera..
Si le médecin de l'établissement est d'avis que la
sortie de \'établissement est prématurée, qu'elle pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des per-
�sonnes, il en sera donné pr·éalablerneilt connaissance an
maire, qui pourra ordonner immédiatement un sursis
provisoire, à la charge d'en référer dans les 21 heures au
préfet.
Le sursis provisoire cessera de plein droit à l'expira-:
tion de la quinzaine, si le prèfet n'a pas donné, dans
ce délai, d'avis contraire.
L'article 14, par son énumération deA personnes ,quî
peuvent demander la sortie, ne se met p~s en 1contradic. tion' avec l'article 29. Il s'appliqneaux placeme;nbs volontaires et. l'ai:ticle '.29 s'.applique à tons les cas, lors même,
que le malade est retenu par l'administr.ation et pour
quelque cause que ce soit.
Pour les mineurs et interdit::;, les personnes indiquées
dans 1.a première partie de l'article H ne pourront .rien.
Il faudra en revenir aux règles du droit. civil et. appliquer
l'article 510 C1 N., qui dit que le aooseil de famille décidera si l'aliéné ser.a mis da,ns nne rnaj~on 1 d'.alié11és eiu
sera traité chez lui. Dès lors, ce sera le tuteur dans les
limites de son pouvoir et 1suivant lesconditionsanxquelles
l'exercice en est soumis qui pourra reqµ ,érir la sortie.
Si le mineur n'était pas en tutelle, la puissance
paternelle atll'ibue un droit exclusif au père ou à la
mère (art. 17); si c'est un orphelin, les parents agirnnt
comme s'il était majeur.
S'il n'était réclamé par personne, l'administration· doit
lei.faire sortir et le placer dans un hospice ou une
maison d'éducation.
Si· le mineur est émancipé, le mieux pour le curateur
�-
~69
-
ou le conseil judiciaire est de recourir à l'action gracièuse
du préfet, ou d'agir confor.mément à l'article 2.
3° Sortie par voie d'autorité ju.diciaire. - L'autorité judiciaire pellt être saisie par la demande de
la personne retenue, de son tuteur, de son curateur, de
tous parents ou amis, des per·sonnes qui auront réclamé
le placement, enfin, du procureur de la République.
Le tribunal compétent est celui de la situation de l'établissement, car on statue sur l'état actuel de la personne.
Le tribunal statue sur simple requête, en Chambre
du conseil et sans délai; la décision ne doit pas être motivée (art. 29). L'article 29 ne s'applique pas aux cas
d'interdiction, dont les effets ne cesseront que par un
jugeme nt de !llainlevée.
La demande ne peut être formée que par le tuteur,
ce qui n'exdut pas l'intervention d'office du procureur
de la République.
L'appel est Sllspensif; un .alinéa.dérogeant au droit
commun fut écarté.
La réclamation peut êtr.e renouvelée .
L'autorité adminiE•trative peut ordonner la séqueslt·ation d'une personne sortie par autorité de justice, si
l'état a empiré.
La décision judiciaire désignera à qui l'iùterdit ou le
mineur sera rendu.
COMME SANCTION DE CES DlSPOS['l'IONS, et pour assurer
l'exécution des ordres ou réquisitions ayant trait à la
mise en liberté des aliénés, l'article 30 nous dit :
<< Les chefs, directeurs ou préposés responsabres , ne
« pourront, sous les peines portées à l'article HW du
12
�._ . . .
~'o
« Code pènal, relenir une personne placée dans un étau hlissement d'aliénés, dès que sa sortie aurait été or« flonnée par le préfet aux termes de l'article 29, et lorsu ·que cette personne se trouvera dans les ~as énoncés
« amt arHcles 13 et U... »
Et enfin, le titre. III de. la loi du 31 juin 1838, sous le
litre de dispositions générales, contient une sanction
pour les autres dispositions impératives de la loi . L'article 41 qui forme ce titre est ainsi conçu:
Les contraventions aux dispositions des articles 5,
« 8, 11, 12, du 2me paragrapbe de l'article 13, des artiu cles 15, 17, '.20, 21 et du dernier paragraphe de I'arti" cle 29 de la présente loi et aux règlements rendus en
u vertu de l'article 6, qui seront commises par les chefs, ·
« directeurs ou préposés responsables des établisse« ments publics ou privés d'aliénés, et parles médecins
u employés dans ces établissements, seront punies d'un
u emprisonnement de cinq jours à un an, d'une amende
« de cinquante à t1·ois mille francs , ou de l' une ou de
u l'autre de ces peines.
u Il pourra être fait application de l'article 4'63 du
11 Code pénal. »
«
�POSITIONS
D1•oit R«tmah1.
I. - La vente consentie par l'aliéné produit des effets
à l'égard de l'acheteur qu~ croyait son vendeur sain
d'esprit.
II. - Les jurisconsultes roma~ns ne distinguaient pas
trois degrés de fautes, mais seulement deux degrés avec .
nuances diverses.
III. - Le mandat étant donné a un)iers d'acquérir
la possession, cette acquisition aura lien an profit du
mandant, dès que la traùition aura été faite à l'intention
par le tradens de lui transférer la possession, et alors
même que \'accipiens aurait reçu la chose avec l'intention
de l'acquérir pour lui-même.
IV. - Lorsque le propriétail'e d'une chose hypothéquée a non domino devenait l'héritier du débiteur,
,les créanciers avaient contre lui \'action hypothécaire
utile.
D1•oit C:ivil.
I. - Le Code civil n'autorise pas les interdictions
volontaires.
II.
504.
L'article 901 fait exception aux articles 503 et
III. - L'individu pourvu d'un conseil judiciaire ne
peut se marier, sans l'assistance de son cons.eil, que sous
\e régime de séparaHon de biens ,
�-
172 -
IV. - Le:i. dispositions de l'article 39 de la loi d n
30 ·juin 1838 s'appliquent-à l'interdit enfermé dans un
établiss.ement d'aliénés.
D1•oit C1•imincl.
I. - La sentence criminelle lie le juge civil.
Il.__.!.. Le fonctionnaire public, diffamé pour un act
rempli dans l'exercice de ses fonction&, ne peut pas saisi
rie plann la Cour d'assises de lg,question (le_cliff,lî.mati.M
D1•oit i\.dmiuistratlf.
·
I. - Le droit de préemption des terrains retranchés
de la voie pu~lique, qui existe au profit du propriétaire
riverain, est un droit réel.
II. - La loi du 23 mars ·t 855, tout en laissant subsister, pour les créanciers hypothécaires, Je délai de
quinzaine qui leur est accordé pour s'inscrire par l'article 17 de la loi de 1841 sur l'expropriation, astreint par
son article 8 les créanciers à hypothèques légales à
s'ins 1;rire dans l'année qui suit la cessation de l'incapacité et déroge.ainsi au 2m~ paragraphe de l'a1'licle 17 de
la loi sur l'ex propriation.
VU ET AUTORISÉ :
Le Doyen de la Faculté de Droit. cl' Aix,
CARLES.
VU ET PERMI S D'IM'PllUlEll:
Le Recteur de l'Académie d'Aix ,
Commandeur de la Légion·d'Honneur,
Ch. ZÉVORT.
�TABLE DES MATlÈRES
DROIT
RO~IAIN
I. Loi des xn tables ........ -. .......... .
3
.lI. Droit des Pandectes eL de Jw:tinien ...... .
!)
courmmm .... .. .... ..... :. . . . . . . . . .
4.g
DROIT INTERMÉDIAIRE............. . ........
08
DROIT
01'\0IT FRAN<;AIS
l. Interdiction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
62
Conseil jucliciai1:e.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
II. Loi du 30 juin 1838 : . . . . . . . . . . . . . . . . . H·2
E10SITIONS.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 11
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
De l'état juridique des aliénés en droit romain et en droit français
Subject
The topic of the resource
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Fresquet, Edouard, de
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-84
Publisher
An entity responsible for making the resource available
sn (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1874
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/234570873
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-084_Fresquet_Etat-alienes_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
172 p.
24cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/362
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Le droit romain restreint la liberté individuelle des aliénés mentaux. La nouvelle loi de 1838 dépasse cette seule réponse juridique à la folie en affirmant qu'il importe aussi de travailler à la guérison de l'aliéné
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse de Doctorat : Droit : Faculté de Droit d'Aix : 1874
Cette thèse explique comment les pouvoirs publics, aux moyens de leur législation ont cherché à sauvegarder l’intérêt particulier de la personne « aliénée », l’intérêt de sa famille mais aussi celui de la société. L’auteur pointe l’originalité du droit romain concernant la situation des personnes « aliénées », en les distinguant selon le degré d’incapacité mentale provoqué par leur maladie. Il évoque également l’évolution du droit applicable à ces personnes dépourvues de la totalité ou d’une partie de leurs facultés mentales. La thèse illustre ce changement progressif par l’étude de la Loi des douze tables, des Pandectes et de Justinien.
Dans la continuité de ce sujet, l’auteur dirige son étude du droit français du XIXe siècle vers la notion d’interdiction. L’interdiction est l’impossibilité pour un individu d’exercer ses droits civils, de gouverner sa personne et d’administrer ses biens. Celle-ci est basée sur son état mental. Cependant, face à cet outil juridique qu’il estime insuffisant pour l’intérêt de la société, de l’Etat et de l’individu « aliéné », l’auteur conclut sa thèse par l’étude de l’apport de la loi de 1838, qui prévoit l’internement à des fins soignantes de ces personnes aux capacités mentales réduites.
Résumé Liantsoa Noronavalona
Aliénation mentale -- Droit -- France -- Histoire -- Thèses et écrits académiques
Droit romain -- Thèses et écrits académiques
Incapacité (droit) -- Thèses et écrits académiques
Santé mentale -- Droit -- France -- Histoire -- Thèses et écrits académiques