Parlement de Provence]]> Jésuites]]> Après l’affaire Cadière qui opposa avec véhémence jansénistes et partisans des jésuites, ces derniers se firent discrets d’autant plus qu’avec la mort du président du Parlement et intendant Lebret, ils perdirent l’un de leurs principaux soutiens. Au cours des quelques décennies suivantes, quelques affaires mirent en cause des jésuites, mais furent rapidement étouffées.
Ce fut à cause de l’affaire Lavalette que fut relancée la discorde au sein du Parlement de Provence. Les Jésuites contestèrent devant le Parlement de Paris le recouvrement d’une dette contractée par le père Antoine de Lavalette. Ce jésuite était chargé d’opérations commerciales aux Antilles pour le compte de la Compagnie de Jésus, alors même que l’activité de commerce est défendue aux religieux. Le Parlement de Paris demande le 18 avril 1761 l’examen des constitutions de la Compagnie.
Le Parlement d’Aix suivit l’exemple parisien – assez tardivement comparé à d’autres Parlements – et demanda également le 6 mars 1762 la communication des constitutions de la Compagnie. Le 5 juin, il prononça la saisie et la mise sous séquestre des biens possédés par la Compagnie en Provence. Prononcé à 29 voix contre 26, cet arrêt est symptomatique de l’opposition entre pro-jésuites et jansénistes régnant encore sur le Parlement aixois. Peu après, un arrêt du 14 juin désigna des commissionnaires pour perquisitionner, interroger et apposer les scellés. Quelques jours plus tard, le 19 juin, il est décidé que ne pourraient opiner les magistrats jésuites. Deux adversaires des jansénistes, l’abbé de Coriolis et le conseiller de Thorame, tous deux jésuites, sont ainsi éliminés.
Le 30 juin, un arrêt du Parlement de Provence (RES 34785/2/28) condamnait un imprimé intitulé Rélation de ce qui s’est passé au Parlement d’Aix dans l’affaire des Jésuites, qualifié par les Parlementaires de « tissu de suppositions grotesques ». Ce même jour, l’avocat général Jean-Baptiste Le Blanc de Castillon évoqua la possibilité de mesures disciplinaires envers les partisans des jésuites.
Dès le premier arrêt de juin, la minorité en faveur des jésuites agit. Le 7 juin fut envoyée au chancelier de Lamoignon de Blancmesnil une lettre de protestation qui ne fit qu’envenimer la querelle. En l’absence de réponse du chancelier, les opposants aux jansénistes députèrent mi-août le président Jean-Baptiste Boyer d’Éguilles et l’abbé de Monvallon afin de faire entendre leur cause à Paris. Le président d’Éguilles présenta un mémoire (RES 40958) au ton agressif qui eut la faveur de plaire au roi. S’étant vu accorder une audience personnelle avec le roi, le provençal repartit de la Cour avec en main une lettre enjoignant le Parlement de Provence à surseoir sur toute l’affaire.
Néanmoins, à la lecture de cette lettre le 2 octobre 1762, la majorité des parlementaires – une quarantaine – décida de passer outre à l’ordre du roi. Le président d’Éguilles repartit alors pour Paris, où il communiqua un mémoire (RES 40958) encore plus virulent que le premier. Il revint en Provence avec des lettres patentes réitérant les injonctions faites au Parlement de surseoir à statuer.
Le 12 novembre, les parlementaires durent procéder à l’enregistrement des lettres patentes mais en modifièrent le contenu. Ils renvoyèrent l’examen du fond à la date du 3 janvier 1763, ce qui avait le mérite de respecter la lettre de l’ordre royal, même si le sens en était altéré. C’était une défaite pour le parti d’opposition, dont le nombre s’était peu à peu étiolé. Alors que l’hypothèse avait été envisagée précédemment, il n’est plus possible de constituer un second Parlement. Des sanctions furent prises contre eux; Éguilles notamment fut condamné à être et demeurer banni du Royaume à perpétuité.
Le 28 janvier 1763, le Parlement de Provence condamne la Compagnie de Jésus, qui est reconnue coupable d’ambition démesurée, de fanatisme religieux, d’arbitraire despotique et d’intrigues politiques. Un autre arrêt rendu le même jour (RES 34685/2/29) procède à l’expropriation des biens des jésuites.
En novembre 1764, un Édit annonçait la condamnation définitive de la société, tout en ordonnant une amnistie générale et la permission de vivre dans le Royaume. Lors de l’enregistrement au Parlement de Provence, d’autres réserves furent apportées. Les Jésuites furent interdits de séjour à Aix et à Marseille, et ils se trouvèrent obligés de résider dans leur diocèse de naissance.
Le 7 janvier 1765, la bulle Apostolicum de Clément XIII approuva la Compagnie de Jésus. Des libelles, imprimés dans le Comtat voisin, furent diffusés en Provence, et condamnés au feu par la Cour. Une délibération du 30 octobre vint adoucir l’ambiance, les parlementaires préférant soutenir le gallicanisme que s’acharner sur des Jésuites dispersés. Ainsi, on peut observer entre octobre 1765 et mai 1768 une relative tranquillité.
En 1768, Le Blanc de Castillon utilisa le différend opposant le Pape et le duc de Parme depuis janvier de la même année pour rappeler que le Pape avait toujours eu des prétentions sur les couronnes européennes, malgré la reconnaissance du gallicanisme français. Ces prétentions étant antérieures à la constitution de la Compagnie de Jésus, elles ne pouvaient disparaître avec l’extermination de la société. Le bref pontifical qui abolissaient certains édits parmesans et excommuniant leurs auteurs fut interdit de vente, d’impression et de distribution en Provence, par un arrêt du 2 mai 1768 (RES 134684)
Le bref Dominus ac redemptor du Pape Clément XIV du 17 juillet 1773 décrète la suppression de la Compagnie de Jésus.
Sources : Les remontrances et arrêtés du Parlement de Provence au XVIIIe siècle 1715-1790, P-A Robert, thèse, Aix, droit, Paris, Rousseau, 1912, p.132-227, cote RES AIX T 407;
Essais historiques sur le Parlement de Provence depuis son origine jusqu’à sa suppression 1501-1790, P. Cabasse, Paris, Pihan Delaforest, 1826, p. 301-397, numérisé dans le même corpus.
Histoire de Provence des origines à la Révolution française, R. Busquet, Monaco, les éditions de l’imprimerie nationale de Monaco, 1954, p. 315-316.
Les rues d’Aix ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de la Provence, A. Roux-Alphéran, Aix, Aubin, 1846, tome I, p. 41-42.]]>
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