Il paraîtrait que le temps ne fait rien à l'affaire : un proverbe qui pourrait s'appliquer à la justice française. Parce que celle du début du 19 siècle et celle du début du 21e siècle ont tout en commun : le manque cruel de moyens humains (magistrats et greffiers) et matériels (locaux, bureaux, salles d'audience), des déficits et des retards à tous les niveaux (dossiers en souffrance, jugements en attente, et de nos jours, préventive trop longue, France condamnée pour délais excessifs,...).
l'engorgement des tribunaux : un état devenu la norme
Une misère structurelle permanente aggravée par des problèmes d'organisation récurrents et des réformes incessantes. Un consensus unit tous les observateurs de France et de Navarre :
justice rime avec lenteur et
la justice malade d'elle-même. A l'instar de ces courriers délivrés à leurs destinataires avec 40 ans de retard, la justice échapperait à un tel jugement si elle n'était pas devenue un cas trop connu de l'inadaptation d'une administration publique à l'évolution d'une société qui se judiciarise. Mais la justice est, paraît-il, entre de bonnes mains : les diagnostics ne manquent pas, les prescripteurs se bousculent et les remèdes sont légion (on en souhaiterait - presque - autant aux justiciables). Mais pourquoi, depuis déjà si longtemps, en est-on arrivé là : à l'époque, il s'agissait d'une simple question circonstancielle de découpage. Parce qu'en l'an 8 (1799/1800), lors de la formation des Cours d'appel, le département du Vaucluse devait être intégré dans le ressort d'Aix mais après sa conquête, le Département des Alpes maritimes fut rattaché au ressort d'Aix lui donnant du même coup une taille suffisante.
Puissance de travail ? - Revue Justice, Syndicat de la magistrature, n° 182, mars 2005 (1)
La justice a cependant un avantage considérable sur les autres ministères : son bilan est simple à établir, facile à comprendre, commode à comparer. Donc, réduit à l'extrême, à un seul chiffre, à la fin de 1832, il restait très exactement 2 648 affaires à juger à Nîmes contre 724 à Aix-en-Provence. CQFD. Pour rééquilibrer et soulager Nîmes, il suffirait d'intégrer le Vaucluse dans le giron d'Aix. Dans ces
Réflexions, un appel à peine voilé, l'accent est mis sur la composante géographique de la
carte judiciaire, c'est à dire le périmètre territorial du ressort des tribunaux.
Sur le site du Ministère de la Justice (2), les Services judiciaires affichent la carte des juridictions du ressort géographique de toutes les Cours d'Appel françaises (36 en 2020, donc plus nombreuses que les 26 régions), notamment celle d'Aix-en-Provence : on peut y lire que "
la compétence de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence s'étend sur la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à l'exception des départements des Hautes Alpes et du Vaucluse relevant respectivement des cours d'appel de Grenoble et de Nîmes".
Le ressort de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence (Ministère de la Justice, 2020)
Le plaidoyer d'Antoine-François Aude, maire d'Aix-en-Provence de 1835 à 1848, approuvé par le Conseil municipal du 22 janv. 1836, et qui semblait pourtant apporter une réponse à
l'immense arriéré de la Cour de Nîmes, n'aura à l'évidence pas convaincu la hiérarchie judiciaire. Au contraire, elle s'inquiètait du retard d'Aix de 1830 (en cours de résorption selon Aude). Pourtant, le maire rejetait toutes solutions partielles comme l'embauche de nouveaux conseillers et proposait même d'économiser à l’État cette nouvelle dépense structurelle. Alors générosité jugée suspecte, crainte d'une juridiction trop gourmande, autres motifs ?
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1. Syndicat de la Magistrature. - Revue Justice, n° 182, mars 2005 - Site consulté
Anciennes revues2 Les juridictions du ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence - site consulté
Ministère de la Justice