Tiré à part des
Archives provinciales de chirurgie, 1898, n° 3 (mars).
Au milieu du 19e siècle, Alger n'a plus rien d'une petite bourgade de province et l'hôpital civil Caratine, devenu trop exigu et inadapté par rapport aux besoins de la population, est transféré à Mustafa en 1854. Cinq ans plus tard, il accueille les premiers cours de l'École de Médecine d’Alger qui vient d'être créée. Il sera aggrandi en 1874 et un premier service de pédiatrie sera ouvert en 1883 suivi un an plus tard d'un service d’obstétrique. Il ne cessera depuis de s'étendre et de se moderniser pour devenir une structure hospitalière de tout premier plan (et l'un des premiers établissements à devenir CHU). C'est dans ce contexte, plutôt privilégié du point de vue scientifique et technique en cette fin de siècle, que J. Brault produit ce bilan détaillé de deux années d'interventions chirurgicales.
L'hôpital Mustapha d'Alger (cliché non daté, fin 19e - début 20e siècle)
Soucieux de communication et de comparaison, Brault prend soin de remanier cette statistique pour la rendre conforme aux règles internationales en usage à l'
Institut International de Bibliographie Scientifique (Paris). Pour chaque traumatisme ou pathologie prévue dans cette classification, il indique sommairement le symptôme, sa cause et ses conséquences (par ex., blessure par arme à feu dans la région temporale, coup de sabot en plein front, kyste sur la machoire, etc.), le nombre précis d'interventions, les gestes opératoires principaux (extraction, trépanation, suture) et, information capitale, l'issue de l'intervention : guérison, amélioration ou.. décès (parfois, récidive quand le cas est connu).
Par catégories de pathologie, le pourcentage moyen de succès ne laisse pas d'impressionner et avoisine les 97% voire les 100% pour certaines spécialités : par ex., en chirurgie faciale, 132 opérations ont eu lieu, 131 guérisons obtenues et un seul décès enregistré. Dans sa totalité, le sevice déplore seulement 13 décès en deux ans d'exercice !
Mieux encore : pour J. Brault, médecin-major de l'armée et professeur à l'Ecole de médecine d'Alger, il est entendu qu'aucun décès n'est directement inputable aux interventions elles-mêmes : s'il y a eu effectivement une dizaine de morts (on est pas à 30% près...), tous sont dus à l'état de santé déjà très dégradé des patients, tous en état de fatigue et d'amaigrissement extrême, tous présentant des lésions fatales à très court terme. En résumé, le diagnostic vital était déjà engagé et il faut considérer cette dizaine d'interventions comme des
opérations de la dernière chance. Très discret sur la question, le bilan ne distingue pas les patients d'origine européenne des indigènes et ne permet pas d'évaluer si la médecine occidentale profitait davantage aux premiers qu'aux seconds (on sait que la médecine traditionnelle était très présente mais les statistiques de population de l'Algérie produites par l'administration coloniale paraissent soulever de sérieuses réserves méthologiques de la part des démographes).
L'hôpital de Mustapha. - site consulté :
Centre de documentation historique sur l'Algérie