Le vrai chasseur n’est pas l’ennemi de la faune, bien au contraire : il veut simplement profiter d’une nature sauvage qu’il sait apprécier. Un feuilletage du manuscrit un peu rapide et superficiel condamne Autran à faire partie de la redoutable catégorie des mitrailleurs du dimanche.
Mais les vraies intentions de l’auteur, annoncées dès l’introduction, apparaissent dans la seconde partie : l’explication, avec force de détails, de tous les pièges possibles et imaginables, n’a pas pour but d’attraper par tous les moyens le maximum de gibiers mais doit, tout au contraire, permettre de découvrir les pièges posés illégalement par les braconniers et de les détruire. Car ce sont eux les vrais dangers de la faune. On peut regretter ici que l'auteur n'a pris la peine d'illustrer que cette seule partie de son ouvrage.
L'art du collet ou du lacet simple : avec le noeud coulant, la victime n'est-elle pas son propre bourreau ?
Selon Autran, seuls 2 oiseaux sont réellement sédentaires et endémiques en Provence : le ganga-cata (un habitant discret de la plaine de la Crau) et le flamand rose (Camargue). Il est donc essentiel de bien connaître les mouvements migratoires des résidents saisonniers, infiniment plus nombreux, qui remontent vers l'Europe en provenance de l'Afrique et du Moyen-Orient, pour espérer garnir un peu sa gibecière.
Tableau de la migration des oiseaux au printemps (retour) et à l’automne
Autran consacre en fait la plus grande partie de son mémoire aux oiseaux (70% du texte) et démontre qu'il connaît particulièrement bien toutes les espèces présentes, leurs mœurs et leurs habitats. Il en donne également les noms latins, français, vulgaires et, pour bien rappeler son attachement à un terroir qu'il faut préserver, leur traduction en provençal.
Dans le second tome, nettement plus convaicant et développeé, il propose une véritable photographie historique de cette « biodiversité » provençale du début du 20e siècle. On comprend mieux pourquoi il s’inquiète de la disparition de cette faune et sa préoccupation, même si ses ressorts peuvent avoir un fondement personnel sans dimension universelle, n’est pas dénuée d’une étonnante modernité. Il en appelle même à la création d'un véritable parc naturel de Camargue : 50 ans après la création du premier parc national aux Etats-Unis (Yellowstone, 1882), il anticipe de plus de 40 ans celle du premier parc national français (Parc des Ecrins, 1973).
Mais parle-t-il d’un monde totalement révolu ? On pourrait en douter : le 28 décembre 2018, plus d'un siècle après son cri d'alarme pour la préservation de la faune, le Conseil d’État français a autorisé la poursuite de la pratique très controversée de la chasse à la glu dans les cinq départements français de la région PACA : les Alpes-de-Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse. Les braconniers et certains chasseurs, ont un bel avenir devant eux. Les oiseaux, par contre...