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FACULTÉ
DROIT D'AIX
DE
R 'OMAIN
DROIT
DU PR]jjT A LA GROSSE AVENTURE
DROIT
FRANÇAIS
DES CAS DE NlJLLITÉ
DANS LES ASSURANCES MARITIMES
THÈSE
POUR LE DOCTORAT
PAR
ÉMILE DEPIEDS
AVOCAT .
AIX
TYPOGHAPHIE J.
REMONDET-A fJ BlN
COURS MIRABEAU,
188 5
53
��A
MES
A
PARENTS
MES
AMIS
��DROIT· ROMAIN
'
DU PRÊT A LA GROSSE AVENTUR~
. JNTRODUCTION HISTORIQUE.
Le nauticum fœnus remonte à la plus haute antiquité.
Destiné à favoriser la navigation et à développer les rapports que le commerce maritime crée entre les nations,
ce contrat rentre, en quelque sorte, dans le droit commun des peuples, et est soumis partout à des règles semblables.
« Si les lois civiles, dit M. Pardessus (Collection des
Lois maritimes, tome 1), sont intimeme.nt liées à la nature du gouvernement, aux usages et aux mœurs nationales, il n'en est point ainsi des lois du commerce maritime. Produites en tous pays par des besoins semblables,
elles tiennent de cette circonstance un caractère d'universalité. "
Chez tous les peuples autrefois célèbres par leurs entreprises maritimes ou leur génie commercial, il a été l' objet d'une. réglementation particulière.
On ne possède que quelques rares vestiges des monu-
�-6~
ments législatifs des anciens peuples cle l'Orient; il est
certain cependant que déjà au XII• et au XIII• siècle,
avant notre ère, les lndous connaissaient et pratiquaient
le prêt à. la grosse. Les lois de Manou en font foi. Les
Phéniciens et les Carthaginois, peuples navigateurs entre
tou&; ne nous ont transmis rien de précis relativement à
leur droit. Aussi, il est difficile, sinon impossible, de
porter un jugement sur tout ce qui se rattache à leur législation. On pense qu'ils n'ont jamais eu de lois écrites
sur tout ce qui avait trait aux opérations maritimes et
que, dans les différends entre parties, ils s'en rapportaient aux usages.
Les lois Rhodiennes sont, de l'aveu de tous les a.uteurs,
et de tous les historiens, les premières lois connues.
Rhodes fut, en même temps, un grand centre commer·
cial, et le berceau de la législation maritime. Quelques
débris de ces lois, dont Cicéron vante la sagesse dans son
discours pro lege Manilia, se trouvent au Digeste (de
lege Rhodia de jactu).
Dans un étude, longue et détaillée, sur cette matière,
un auteur -allemand, M. Mayer, cherche à. démontrer
que chez les Rhodiens toutes les opérations étaient réglées par des coutumes que les juges corrigeaient et développaient sans cesse de façon à les tenir toujours en
harmonie avec les besoins de\' époque.
Après lui plusieurs auteurs, parmi lesquels figure
M." Pardessus, ont pensé que ce prétendu droit était apocryphe; il ne serait à leurs yeux qu'un recueil ~'usages
nautiques réd~gé sous le bas Empire, et qu'on aurait
voulu couvrir du· prestige dont jouissait. l'ancienne légis-
�- 7-
lation Rhodienne. Celle opinion a été fortement combàttue.
Il 'est, en effet, assez peu admissible que le titre du
Digeste qui a pour rubrique " de lege Rhodia de jactu }>
ne fasse que reproduire d'anciennes coutumes; il nous
paraît plus rationnel de rechercher l'origine de ces textes
dans les répon'ses et les commentaires que faisaient les
jurisconsultes romains sur la loi maritime de Rhodes, ce
qui implique l'existence d'une législation écrite, connue
des commentateurs.
A l'appui de celte opinion on peut invoquer le mot
c< lex }) : Ce mot est seul emp loyé dans le Digeste: << de
lege Rhodia, )) cc loge Rhodia cavetur. » L'empereur Antonin se sert du mot cc vop.oç » qui a en grec la même
signification.
Si des textes nous passons aux écrivains, aux orateurs,
nous voyons qne Strabon attribue aux Rhodiens une
législation admirable, que Cicéron parlant de leur droit
maritime emploie le mot« disciplina JJ qui signifie l'ensemble d'une législ ation, et que, dans une autre passage,
cet orateur s'exprime en ces termes: )) non erat alia !ex
Romre, non alia Athenis. ,,
Le titre YII, livre 11, du jurisconsulte Paul connu sous
le nom de c< Pauli receptarum sententiarnm )) est intitulé: "ad legem Rhodiam de nauticis. »
Nous trouvons au Digeste une preuve encore plus
concluante: cc Eudemont de Nicomédie, à '1a suite d'un
naufrage sur les côtes d'Italie, adresse une requête à
l'empereur Antonin dans laquelle il expose: · qu'il a
été pillé ' lui et ses compagnons ' par les publicains
�-~-
des Cyclades. 11 L'Empereur lui répond: u qu'il est
le. maître du monde, mais qne la mer est soumise à.
dès lois, et que, dans les conteslations relatives au commerce maritime, c'est à la loi Rhodienne qu'il faut se
rapp·orter loutes les fois qu'elle ne contient aucune disposition con traire au; lois romaines. )) On peut donc
admettre avec quelque raison que les Romains s'approprièrent la législation maritime des Rhodiens après leur
avoir emprunté l'usage du nauticum fœnus.
Les Grecs, qui nous ont laissé tant de monuments de
leur génie, ne nous ont légué que quelques vestiges de
leur législation maritime. On trouve cependant des renseignements prùcieux sur le prêt à la grosse dans les
plaidoyers de,,. Lysias et de Démosthène. Nous avons
même la teneur complète d'un contrat de ce genre
où nous reconnaissons les caractères et presque tous les
effets que le distinguent encore aujourd'hui.
«Androclès de Sphette et Nausicrate de Caryste ont
prêté à Artémon 'et à. Appollodore de Phasélis trois, mille
drachmes d'argent sur des effets à transporter d'Athènes
à Mende, O·U à Scyone, de là. dans le Bosphore, et s'ils le
veulent, à la côte gauche jusqu'au Borysthime pour revenir h Athènes.
Les emprunteurs paieront l'intérêt à. raison de 225
par 1000 ; mais s'ils ne passent du Pont au Temple
(des Argonautes) qu'après le coucher de l'Arcture, ils
paieront 300 d'intérêt pour 1000. Ils engagent pour la
somme prêtée 3,000 amphores de vin de .Mende qu'ils
transporteront de Mende ou de Scyone, sur un navire à.
~O rames, dont Hiblésius est armateur. lis ne doivent
�- \)
èt n'emprunteront
a personne
sur le vin affecté à ce
prêt.
Ils rapporternnt à Athènes sur le même navire les
objets qu'ils auront achet.és avec le prix de ce vi n, et,
lorsqu'ils seront arrivés, ils paieront, en vertu du présent acte, aux prêteurs, la somme convenue, dans les
vingt jours à compter de celui où ils seront entrés dans
le port d'Athènes, sans autre déduction que les pertes
ou sacrifices consentis par Je commun accord des passagers, ou celles qu'ils auraient essuyées de la part des
ennemis ; sauf cette seule exception, ils paieront la
totalité et livreront sans aucune charge aux créanciers
les objets affectés, jusqu'à ce qu'ils aient payé intégralement l'intérêt et le principal convenus par le présent
acte,
Si cette somme n'est pas payée dans le temps marqué,
les créanciers pourront faire vendre .ces objets; et s'ils
n'en tirent pas l'argent qui leur est promis pat· le présent acte, ils pourront exiger le reste d'Artémon et
d'Apolloclore, on de l'un d'eux, ou de tous les deux en
.même temps, saisir leurs biens sur terre et sur mer, en
quelque lieu qu'ils soient, comme ~'ils eus$ent été condamnés, et qu'il s'agît de l'exécution d'une sentence des
tribunaux. '
Si les emprunteurs ne chargent point de retour dans
le Pont, ou que, · restant dans l'Héllespont dix jours
après la canicule, ils déchargent leurs marchandises dans
un pays o.i1 les Athéniens ne peuvent poursuivre la vente
de leurs gages, rev-enus à Athènes, ils paieront l'intérêt
d.e leur dette au taux de l'année précédentei
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�-
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S'il arrive quelque accident considérable au navire
sur lequel seront chargées les marchandises, le droit des
créanciers sera limité aux effets qui auront échap,pé.
Pour toutes ces conventions, rien ne pourra infirmer le
présent acte. ))
En analysant, comme l'a fait M. Pardessus ( Collec~
tion des Lois Aforitimes, t. 1, p. 46): le contrat qne
nous venons de citer, nous voyons qu'il est soumis aux .
conditions suivantes :
1° Le navire . est désigné par ce qui peut en faire
reconnaître l'indentilé et éclairer le prêteur sur ses
chances ;
'.,2° Le navire suivra la route convenue dans le
contrat sans pouvoir débarquer. ailleurs qu'au lieu déterminé;
3° On placera sur le navire des marchandises affectées
au prêt, qui, en c.as·de déchargement, seront rempl~cées
par d'autres;
4° En cas de force majeure . _ les droits des créanciers
se réduiront aux marchandises sauvées, et la contribution, aux avaries commnnes, telles que jet ou rachat
payé, sera déduite des sommes payées par l'emprunteur;
5° Un profit maritime sera payé au prêteur pour l'indemniser des chances qu'il a courues;
6° L'argent prêté sera remboursable après l'arrivée;
7° A défaut de paiement, le prêteur aura le droit cle
faire vendre les marchandises affectéès, et, s'il n'est pas
pleinement remboursé par leur prix, il aura un recours
sur les autres biens du débiteur ;
8° Tontes ces clai1ses sont de rigueur, et, pour sûreté
�~
1.·J -
de leur exécution, le débiteur oblige ses biens, tant meu •
b]es. qu'·immeubles, comme s'il y avait été condamné p:a~
jugement. ·
Les Grecs, déjà si puissants par leur commerce sur
les côtes de la Méditerranée , trouvaient dans le nauticum Fœnus un procédé excellent pour augipenter
leurs capitaux , Comme le dit Nieburh : « La v.ie
maritime fut toujours la vocation des Grecs et elle
contribna puissamment à leur richesse et à leur prospérité. >J
Au milieu de tous ces peuples corpmerçants et navigateurs, les Romains semblaient appelés à une autre
destinée. Ils considéraient le commerce comme indigne d'un homme libre; Rome était entourée de populations hostiles , · pour conquérir son ind épendance et
étendre plus tard ses conquêtes, elle voulait un peuple
d.e laboureurs et de soldats. Le rude labeur des champs,
en développant les forces physiques, devait re.ndre les
citoyens plus aptes au métier des armes. Denys d'Halicarnasse (livr. Ill, cbap. 17), nous apprend que sou s
les premiers rois de Rome, l'agriculture seule était en
honneur et seule méritait la sol.licittide des lois.
Le commerce n'était permis qu'aux escla.ves. « La
guerre seule, dit M. Pard essus (Collection des Lois
Maritimes, t. J), semble avoir donné aux Romains
l'idée d'une marine ; ils ne sentirent la nécessité .de
construire des navires qu'au moment où il ne leur· fut
plus possible de conquérir sans traverser les mers. ))
Ils comprirent alors combien u~e marin e leur serait;
nécessair e pour transporter a,u loin \eurs légion s, et ceHe
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nêcessité leur parut encore plus impérieuse ië jeur où
l'invasion des Carthaginois vint exposer Rome à de si
grands périls. A la suite de ces guerres lointaines, l'habitude des transactions, des échanges, du commerce en
un mot, finit par pénétrer peu à peu dans les mœurs et
par triompher du mépris des citoyens pour tout ce qui
ne se rattachait pas à l'agriculture ou au métier des
armes.
C'est aux Grecs et surtout aux Rhodiens que les Romains e~pruntèrent le prêt à la grosse et les règles auxquelles il est soumis.
La date précise de son introduction en Italie n'est pas
connue. Il faut probablement la faire remonter au temps
de la République. On trouve, en effet, au nombre des
jurisconsultes dont les noms figurent au digeste (De lege
Rhodia de jactu) celui d'Alfenus Varus qui était Je contemporain de Cicéron.
Dans ses tables chrotlQlogiques, Haubold place l'adoption du droit Rhodien par les Romains vers l'an 700 de
Rome, c'est-à-dire vers l'an 50 avant notre ère.
Avant 'd'entrer dans l' ex~meri des règles spéoiales
au nauticum famus, il nous paraît utile d'étudier la nature
,
de ce contrat et les actions qui en découlent.
Cette étude sera le sujet du chapitre premier: Dans le
second chapitre, nous traiterons des risqu~s et du profit
maritime.
Enfin nous indiquerons dans Je troisième et dernier
chapitre les garànties que la loi accordait au prêteur à la
grtisse et celles qu'il pouvait stipuler dans le ~ontrat.
�CHAPITRE 1
.Nature .du nauticum famlls et action• .qui eil
découlent.
SECTiON I
Nature de ce contrat.
Le mot cc prêt à la grosse)) n'a pas de synonyme en
latin. Les jurisconsultes romains appelaient cc trajectitia
pecunia )) l'argent destiné à être transporté outre mer et
cc nauticum fœnns ' l'intérêt sli pu lé en faveur d.u prêteur.
Ils appelaient le prêteur u creditor •> et le preneur
fœnerator ».
Papinien a donné du prêt à la grosse l'explication suivante qui met bien en lumière les éléments essentiels de
ce contrat et les conditions auxquelles il est soumis :
u Trajectitia ea pecunia est, qnre trans mare vehitut ;
cœterum si eodem loci consumatur, non erit trajectitia.
Sed videndum, an merces ex ea p·ecunia comparatre
in ea causa habeantur ? Et interest, utrum etiam ipse
pericnlo creditoris navigent : tune enim trajectitia pecunia fit » (loi 1. tit. De nan lico fœnore). Dans ce texte, on
appelle cc trajectitia pecunia » l'argent prêté en vue d'une
opération maritime, alors même qu'il ne serait pas aux
risques d.u prêteur: mais ce n'est plus alors qu'un prêt
�- H-
ala grosse imparfait : le nom reste le même, mais ce pr~t
se confond avec le mutüum·.
Il ressort de l'analyse de ce texte que le « nauticum
fœnus " ne peut exister qu'à une double condition :
·l L'argent prêté doit être transpGrté outre mer;
2° Le transport doit s'effectuer aux risques du prêteur,
d'où il résultè que ce dernier perdra tout recours contre
l'emprunteur, si le navire vient à périr.
C'est une première différence entre le mutuum et le
prêt à la grosse.
Dans ie nauticum fœnus, les risques sont à la charge
· dn prêteur, non pas, il est vrai, pendant toute la durée
du prêt, mais seulement du jour oil la traversée commence jusqu'au moment où elle s'achève. C'est-là une
dérogati9n notable aux prin~ipes généraux des obligations.
Il est, en effet, de règle que la perte de sa fortune ne
libère pas un débiteur (loi x1 . . C., Si certnm petat) et
spécialement en matière de mutuum, l'emprunteur devenu propriétaire des écus n'en est pas moins tenu de les
rendre dans le temps et au lieu convenus, qnelsquesoient
les accidents qui aient pu survenir pendant le voyage.
Ce déplacement des risques s'explique tout naturellement. La navigation exige des capitaux considérables et
présente de grands danger . Ceux qui entreprenaient de
faire des voyages maritimes ne possédaient la plupart du
temps pour l.oute fortune ,que leur navire et sa cargaison,
gage bien fragile si l'on songe à tous les dangers auxquels ces objets sont sans cesse exposés: On comprend
que les capitalistes se souciaient peu de pr€:ter leurs capi0
�-
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taux, moyennant l'intérêt ordinaite; à des .personnes qui
leur offraient si peu de garantie pour le remboursement.. ·
Pour favoriser le commerce et attirer les capitaux, on ima·gina de bonne heure de mettre à leur charge le risque de
l'argent prêté en leur promettant comme compensation
de stipuler, comme prix des risques, un intérêt supé rieur au taux légal.
L'argent est employé tantôt à acheter des marchandises, tantôt .à armer et à réparer le navire. Dans ces différentes hypothèses, il y a prêt a la grosse 1 pourvu toute;fois que l'argent ne soit pas consommé sur place. << Cre, terum si eodern loci consurnatur, non erit trajectitia ».
« Ce contrat, dit Pothier (contrat d'assurance maritime) peut être susceptible de toutes les choses dont l'est
Je c.ontrat de « rnl!tuum >>, c'est-à-dire de toutes celles
<c qure pondère, numero et mensura constant et qure usu
consumuntur >>,
Le prêteur joue .Je rôle d'un véritable assureur, il garantit l'heureuse arrivée des sommes prêtées, . si elles
doivent être transportées outre mer, ou des marchandises qu'elles ont servi à acheter. Ces marchandises doi~
vent avoir une valeur au moins égale à la somme empruntée, car, n'était cette règle, si le navire ou les marchandises venaient à périr, l'emprunteur réali~erait un
bénéfice illicite en conservant la différence di3 valeur entre les marchandises embarquées et le capital reçu.
Nous savons, d'après un plaidoyer de Démosthène ,
qu'en Grèce la chose achetée devait généralement a'Volr
une valeur double de la s'omme prêtée (plaidoyer de
Démosthène contre Lacritos). Il faut ad mettre • bien
0
�-
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qu'àUCtln tèxte né nous lè dise expressément, qu'à Rorne
l'emprunt devait sé faire sur des choses d'une valeur
supérieure à celle de la somme prêtée, ce qui don:..
·nait a:u prêteur un gage plus riche, et l'assurait que le
pteneur veillerait avec plus de soin à. la conservation des
choses achetées.
Quelle est la nature du prêt à. la grosse? A quelle classe
de contrat appartient-il?
La loi est muette sur ce point, aussi la ·question a+
elle été diversement résolue par les auteurs.
Si ['on analyse les éléments divers qui constituent ce
contrat, on lui trouve des ressemblances avec le mutuum,
le contrat de bonne foi et la société qui est elle-m ême un
contrat de bonne foi .
. Comme le mutuum, il se forme par la remise d'llne
chose. Comme dans le contrat de société, on laisse une
part considérable au hasard, aux cas imprévus, à ce que
les Romains désignaient sous le nom d' « alëa )). Comme
dans les contrats de bonne foi, un simple pacte suffit
pour faire courir les intérêts.
Cujas (de nautico fœnorc, t. vrn, p. 862), après avoir
. comparé successivemeut ce contrat au louage et à la société, se demande dans quell e classe on pet!t le faire ren·
lrer. « Sed qurero, fœnus, quale sit negotium )),
Est-il une· locatio cond uctio? Mais le locataire doit
rendre la chose louée dans l'état où il l'a reçue, il répond
de plus des détériorations. Ici, il n'y a pas simple usage,
la propriété elle-même est transrérée : ce ne sont pas les
mêm es choses que l'on doit rendre, mais de.s choses
�-
~.
17' _.
d'égale valeur. Il n'y a donc entre ces deux contrats
,qu'une ressemblance apparente.
Est-il une société? pas davantage, car, entre ces deux
contrats l,es différences sont enc;ore plus saillantes.
L'argent piiêté à la grosse est devenu la propriété d·e
l'emprunteur et, dans aucun cas, les profils retirés de l;i.
navigation ne seront partagés entre les parties contractantes.
Dans toute société, ies bénéfices et les pertes se divisent par égales parts entre les parties. Ici tout change :
les bénéfices appartiennent à l'emprunteur, les risques
sont à la charge exclusive du prêteur.
Es-il un mutuum? Moins encore, puisque le mutuu~
est essentiellement gratuit.
Après avoir procédé ainsi par voie d'élimination, l'au ·
leur trouve dans le nauticum fœnus un contrat sui generis, une opérc.. tion à double face. Considérée au point de
vue de la somme principale, cette opération serait un
mutuum, puisque la propriété de l'argent passait du ,.prêteur à l'emprunteur et que ce n'étaient pas les mêmes
écus, mais une même valeur qui devait être r'endue :
considérée au point de vue de la somme due en sus du
capital, l'opération ne pourrait être un mutuum, puisque
ce contrat était essentiellement gratuit ; elle aurait constitué un contrat innommé.
M. de Savigny enseigne que !"opération tout entièr~ est
un contrat innommé s'éloignant du mutuum aussi hien
pour le capital que pour les intérêts. Cette. question es,t
émise d'une façon incidente et sans aucune espèce de
développement par ce jurisconsulte. cc Dans ce éontrat,
�-
f8 -
dit-il, la forme du prêt n'est qu'une apparence extérieure; en réalité on donnait une somme avec chances de
perte, et l'autre partie promettait une somme supérieure
dans le cas où la perle n'aurait pas lieu: celte conventiou
rentrait donc dans la classe des contrats innommés (De
Savigny, Système, tît. VI, S268).
Il suffit de passer en revue les éléments du muluum
pour voir les points de ressemblance qui le rattachent
au prêt à la grosse. Ces éléments sont les suivants : ·1° il
faut une aliénation faite par le prêteur: 2° une obligation
c0ntraclée par l'emprunteur ; 3° !es choses dues par
l'emprunteur doivent avoir la même valeur que celles
prêtées.
Ces trois éléments se retrouvent dans le nauticum fœnus à côté d'autres règles qui en modifient sensiblement
la nature, mais qui ne sauraient empêcher le fond d'être
le même. Ces règlès qui sont spéciales au nauticum fœnus sont-relatives au pacte d'intérêt et aux risques.
Nous ferons à l'opinion de M. de Savigny l'objection suivante : le prêt à la grosse a une dénomination
spéciale dans les textes; il est connu sous le nom de cc mutua pecunia » (loi 6, de naulico fœnore; liv. IV, Code).
Enfin, il est admis par tous les auteurs que le prêteur
exerce ici, comme dans le mutuum, une action de droit
strict (loi 2, § 8, liv. 7, pr. de eo quod certo loco, XIII);
or, nous savons que l'action prrescriptis verbis par laquelle on sanctionne les contrats innommés est une action de bonne foi.
Un autre auteur, Voët, voit dans le nauticum fœnus un
�-!~-
simple mutuum soumis à quefques règles particulières.
Nous nous rangeons à cette dernière opinion.
En effet, si l'on fait abstraction un instant des quel, ques particularités qui sont le signe distinctif du nauticum
fœnus,, on trouve dans ce contrat tous les caractères du
prêt de consommation.
Ces particnlari tés sont au nombre de trois :
'1° Les risques sont ala charge du prêteur: « Substanlia fœnoris nautici in eo consistit, quod·pecunia credita
non debitoris, seu mutuantarii,
sed creditoris seu mu.
1
tuantis peric"Ulo sit. » (Voët, ad Pandect., t. 1, p. 769) ;
2° Nous allons voir plus loin qu'un simple pacte suffit
pour faire courir les intérêts dans le nauticum fœnus et
que ces intérêts ont été longtemps illimités;
3° Le prêt à la grosse pouvait être susceptible des cho·
ses« quœ nurrrero, pondere, et mensura constant, et
quœ usu consumuntur, )>puisqu'il n'était qu'une variété
du mutuum, mais dans la pratique il portait toujours SLlr
une somme d'argent.
A part ces particularités, le nauticum fœnus peut parfaitement se classer à côté du mutuurn. Nous trouvons
d'ail_leurs au Digeste et an Code plusieurs textes qui vien~
nent nous confirmer dans celle opinion. « Fœnerator pecuniam usuris qu re maritirnis muLuam dando . » (Liv.
XV[, Digeste). '
« Trajectitire quidem pecuniœ qmè pericnlo creditoris
mutuo dantnr. » (Loi IV, Code) .
Screvola emploie la même expression : «. Callimachus
mut~am pecuniam nauticam accepit. a Sticho , servo
Seii . >>
�-
20 -
L'opinion de Voët a le mérite d'être en conformité
parfaite avec les textes du Digeste et de faire bien ressortir la nature et les caractères de ce contrat.
SECTION II
Actions résultant du nauticum fœnus.
Quelles sont les actions qui naissent du prêt à la
grosse?
Les textes sont muets sur ce point. On voit, en con'
que l'on est en désaccord
sullant les principaux auteurs,
sur celte question comme on l'est sur la nature juridique
de ce contrat.
Si l'on décompose le prêt à la grosse en deux contrats,
un mutuum pour le capital et ,un contrat innommé pour
les intérêts, ce contrat est muni de deux actions, la condictio cerli puur le capital et l'action prrescriplis verbis
pour les intérêts.
M. de Savigny, qui ne voit dans le nautic1~m fœnus.
qu'un simple contrat innommé, donne dans tous les cas
l'action prrescriptis verbis.
On peut faire à cette opinion l'objection suivante. Le
prêteur pouvait intenter dans certains cas l'action de eo
q,uod certo loco, qui ne se rencontrait jamais dans les
bonre fidrei j udicia (loi 7, Dig. de eo quod certo loco).
Or, l'action prrescriptis verbis qui sanctionnait les contrats innommés était une action de bonne foi ; elle fut
l'œuvre des Procufiens et probablement de Labéon, le
�• -
21 -
chef et _le fondateur de cette école. Ce jurisconsult~ vivait
à l'époque d'Auguste, et nous savons que déjà sous la
République, Caton pratiquait Je prêt à la grosse et Je recommandait à son fils comme un placement excellent
(Plutarque, Marcus Calo, S 4o). Il est donc de toute
évidence que ce contrat était muni d'une autre action à
J' époque où fut créée l'action prœscriptis verbis.
Celle action devait être celle du mutuum, à qui notre
contrat a emprunté son nom. Comme Je mutuum, le
nauticum fœnus devait donner naissance à une condictio
certi ou incerti, suivant que la somme .à restituer s'élevait à un chiffre fixe, déterminé pour tout le temps du
voyage ou variable d'après la durée plus ou moins longue
de la traversée.
Nous arrivons ici à une hypothèse particulière dans
· l:l.quelle Je prêteur avait à son service l'action exercitoria.
Les Romains, nous l'avons déjà dit, dédaignèrent pendant longtemps le commerce. « Le génie des Romains,
nons dit Emérigon (Contrat à la grosse, tome I), leur
amour pour la gloire, leur éducation militaire, leur forme
de gouvernement, tout les éloignait dn commm;e. S'ils
l'exerçaient, c'était sous le nom et par le ministère de
lears esclaves ou de leurs affranchis ; leur préposé au
commerce de terre était appelé institor et leur préposé
au commerce de mer · s'appelait maître et quelquefois
m_archand. Le propriétaire· du navire ou celui qui I.e
louait en entier pour le faire naviguer à son profit était
appelé exercitor, parce qu'il exerçait cette espèce de
commerce. »
�- 22 -
A Rome, les principes du droit civil s'opposèrent
longtemps à ce que le tiers qui contv;ictait avec un
mandataire pût exercer directement une action contre le
mandant. Ces conventions étaient par rapport à celui-ci
cc res inter alios acta n. C'P.tait le mandataire lui-même qui
était obligé, et c'était contre lui que le tiers avait l'action
née ùu contrat, sauf, bien entendu, au mancl:rtaire, à se
faire indemniser par le mandant :au moyen de l'action
mandati contraria. L'influence du droit prétorien vint
modifier profondément ce rigorisme de la loi qui s'accordait si mal avec les besoins du commerce maritime.
Les Romains, en effet, avaient l'habitude de préposer
à leur commerce ou à la direction de leurs navires des
esclaves ou des ·affranchis. Quelquefois Je préposé était
un fils de famille.
La loi 1 (§§ 7 et 8. Dig. De exercit act.) autorisait
dans certains cas le magister navis à emprunter pour son
maître les fonds dont il pouvait avoir besoin pour réparer son navire ou pour nourrir les matelots pendant la
traversée. On comprend que les capitalistes se seraient
bien peu souciés de prêter leurs capitaux à de simples
préposés, fils de famille ou esclaves, s'ils n'avaient eu
d'antres recours que leur action contre ces personnes qui
ne pouvaient présenter aucune garantie .
Pour favoriser le commerce et attirer les capitaux, il
fallait faire disparaître le rigorisme de l'ancien droit et
augmenter les sûretés des créanciers .
C'est ce que fit le prêteur.
Aux termes de l'édit prétorien, lorsque le préposé
contractait avec les tiers, ses obligations devaient réflé-
�-
23 -
chir contre le préposant lui-même et le soumettre à l'action exercitoria, si elles étaient l'œuvre du c< magister
navis >i ·à l'action institoria, si elles étaient l'œuvre d'un
institor. L'innovatfon n'était pas complète, mais le principe de la représentation était posé. c< Eadem ratione
comparavit duas alias actiones, exercitoriam et institoriam. Tune autem exercitoria locum habet, cum pater
dominusve filium servumve magistrum navi prœposuerit,
et qnidcum eo, ejus rei gratia cui prrepositus fuit, negotium gestum erit; quin etiam, licet extraneum qui~quam
magistrum navi prœposuerit, sive servum sive liberum,
tamen ea prretoria actio in eum redditur. ldeo autem
exercitoria actio appellatur, quia exercitor vocatur is ad
quem cottidianus navis qurestus pervenit » (Gaius, inst.
comment. 1v. 71). Il faut remarquer ici que l'action
exercitoria, malgré la dénomination spéciale qu'on lui
donne dans les textes, n'est au fond qu'une qualité,
qu'un attribut de l'action civile à laquelle on fait subir
la modification nécessaire pour produire le même résultat que l'action directe. Les commenlateurs la désignent ·
sous le nom de<( actio adjectitire qualitatis n.
'foutes les fois que le tiers pouvait exercer cette action, il 'avait le choix entre l'action civile et l'action exercitoire, mais l'option une fois faite était définitive. "Est
autem nabis electio utrnm exercitorem an magistrum
convenire velimus )) (loi 1. § 17. Digeste. De exerc. act.)
<< Et ideo si cum utro eorum actum est, cum altero agi
non potest » (eod. titulo).
Lorsque, pendant la navigation, le magister navis ne
pouvait pas remplir ses fonctions, il pouvait mettre
�à sa place une personne dont leg actes liaient l'armateur, comme si .celui-ci avait approuvé form~llement
la substitution.» Magistrum autem aocipimus non so...,
lum, .quem exetc.itor prreposuit, sed et eum, quem magister, etc . . )) (liv. x1v, tit. 1, loi 1, § 5, Ulpien,. Dig.).
L'action institoria reposait sur les mêmes principes.
Il s'agit encore ici d'une personne libre ou d'lrn esclave
qu'on prépose à un commerce quelconque; peu importe,
dit Ulpien, qu'on le charge de tenir une boutique, d'achetey ou de vendre des marchandises, de diriger un
comptoir de banque (Dig. liv. xcv, tit. 3, loi 5, §§ 1 à
10. Ulpien).
Lorsqu'on confiait un commerce à un esclave, il était
présumé instilor, et le maître, répondait des obligations
contractées pour ce commerce ; s'il voulait éviter cela, il
devait afficher: «ne cum eo contrahatur ».Cette affiche,
dit Ulpien, doit être faite en caractères capables de frap·
per tout le monde. <c Proscribere palam, sic accipimus,
claris litteris, unde de plano legi recte possit, ante tabernam scilicet, vel ante eum locum in quo -negotiatio
exerceretur >> (Dig. liv. x1v, tit. 3, loi H, § 4. De institoria actione, Ulpien).
Nous venons de voir que le <c magister · navis JJ qui
s'engageait avec un tiers obligeait directement l'exercitor.
Il importe peu de savoir quel était celui des deux qui
devait payer à l'échéance, parce que, dans les deux cas,
l'obligation était éteinte par le paiement, en vertu de
cette règle qu'un tiers peut toujours payer la dette d'autrui. « Sed si quid sit solutum, si quidem a magistro, pro
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25 -
jure minuitur obligatio: sed et si ab exercitore. sive suo
nomine solverit, minuetur obligatio : quoniam et alios
pro me solvendo me liberat » (loi 1, § 24, Dig. De exercit, act.).
La loi 1, § 19 au Digeste (De exerc. act.) nous fait
connaître l'étendue de l'obligation de l'exercitor.
Le recours du tie1·s contre le préposant n'était possible
que lorsque le magister navis avait agi dans l'exercice de
ses fonctions et conformément aux instructions qu'il
avait reçues.« In eum in cujus potestate is erit, qui navem exercuerit, judicium habet, etc . )) Mais il fallait concilier les :pouvoirs du magister navis avec les besoins de
la navigation. Comme il était impossible de prévoir toutes
les circonstances qui pourraient se produire en cours de
voyage, le préposant devait laisser au magister une certaine liberté d'action et regarder comme valables les engagements contractés par son préposé pour les besoins
du navire. ((Nam interdum locus, tempos non palitur
plenius delibenmdi consilium )J (loi 1, tit. 1, liv. x1v,
Digeste).
Ainsi que le dit ce texte, les tiers ne pouvaient pas
toujours s'enquérir de la qualité et de la solvabilit.é des
personnes avec lesquelles ils traitaient, aussi fallait-il
leur permettre, quand il n'y avait aucune faute de leur
part, de poursuivre le préposant toutes les fois que les
engagements. du magister navis se rapportaient à ses
fonctions.
Dans certains cas, le créancier pouvait se trouver aux
prises avec des d~fficultés sérieuses. Ainsi lorsque les
partie~ éJ.Vai~nt spécifi.é l'endroit où s'effec~u~rait le rem,
'
�-
26 -
boursemeut, Je créancier ne pouvait poursuivre l'emprunteur que devant le magistrat du lieu indiqué. Une
poursuite intentée devant un autre magistrat aurait entraîné la déchéance absolue du droit porté en justice.
Il y avait alors plus petitio non pas pour inobservation
des règles sur la compétence, mais pour violation de la
loi du contrat.
On comprend combien cette règle devait être préjudiciable aux intérêts du commerce.
Pour obvier à cet inconvénient, le prêteur créa l'action
« de eo quod certo loco >> action arbitraire qui permettait an créancier d'agir devant un des juges compétents
d'après Je droit commun. Si Je défendeur refusait de
payer, le juge devait le condamner en prenant en considération la différence de lieu. « Interdurn jndex, qui ex
bac actione cognoscit, quum sit arbitraria, absolvere
eum debet cautione ab eo exacta de pecuni:i ibi solvenda,
ubi prornissa est>> (De eo quod certo loco, loi q., § 1, liv.
XIII, tit. IV).
�CHAPITRE Il
Eft'ets du nautlcum fümus .
SECTION I
Des risques.
Nous avons vu, en étudiant les caractères et la nature
du nauticum famus, que les accidents et les' risques
étaient mis à la charge du prêteur . Cette dérogation aux
règles du mutuum ne peut s'expliquer que par les dangers de toute. nature auxquels s'exposaient_ volontairement les citoyens qui se livraient à la navigation.
Les commerçants qui couraient les mers pour aller
vendre leurs produits ou leurs marchandises dans quelque colonie tributaire de Rome 1 ne pouvaient presque
toujours donner aux créanciers que des garanties insuffisantes. Le navire et les marchandises étaient généralement toute leur fortune.
Dans des c'.>nditions aussi défavorables, les créanciers
n'auraient pas voulu exposer leurs capitaux sans la certitude d'obtenir en retour des avantages en rapport avec les
risques qu'ils prenaient à leur charge.
Le moyen le plus sûr de favoriser les emprunts était
d'associer \~s capitalistes au succès des o~éraHon~. Le
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28 -
prêteur participait aux mauvaises fortunes du navire dans
la mesure de la somme prêtée, mais il devait aussi profi- .
ter dans une certaine proportion des bénéfices réalisés
p~ndant Je voyage.
L'obligation pour le creditor de prendre à sa charge
les risques est considérée par les jurisconsultes romains
comme une des conditions essentielles du contrat: "trajectitire quidem pecunire qure periculo creditoris mutuo
datur, casus, antequam ad destinatum locnm navis perveniat, ad debitorem non pertinet. Sine hujus modi vel'ù
conventione, infortunio naufragii debitor non liberatur.»
(Loi IV, de naut. fcen. Code). Si les parties ne déclarent
pas d'une façon claire et précise que les risques sont à la
charge du prêteur, le trajectitia pecunia perd son caractère propre pour redevenir un simple mutnum. C'est une
dérogation nouvelle aux règles générales de ~e dernier
contrat.
Dans .le [prét de consommation, l'accipiens devenu
propriétaire est, dans tons les cas, tenu de rendre ce qui
a été l'objet de la prestation.
Dans le nauticum fœnus, l'obligation de rendre est
subordonnée aux éventnalitP.s qui se produiront pendant
le cours d~ la navigation. Le débiteur qui est affranchi de
toute obligation, si le navire vient à périr, doit rembourser avec le capital reçu une somme qui représente le
prix des risques, si le voyage s'effectue heureusement.
Cette règle est une des plus importantes du prêt à la
grosse. « Et interest utrum ipsre etiam periculo creditoris
navigent, tune enim trajectitia pecunia fit. •> (Loi I, Moçlestin). 0µ nous parle dans un autre t()?'te d'un prêteur
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29 -
qui a déclaré ne pas vouloir se charger des risques « cum
dicas Le pecuniam ea lege declisse, ut in sacra orbe tibi
restitueretur, nec incertum periculum, quod ex navigatione maris. metui solet, ad te pertinuisse profitearis, non
est dubium, pecunire crediLre ultra licitum modum te
usuras exigere non passe. "
Il est évident, disent l'es empereurs Dioclétien et Maximien, qu'il n'y a pas eu de prêt à la grosse et que, par
su ite, le prêteur n'a pu prétendre aux intérêts maritimes.
Il ne pourra y avoir prêt à la grosse que lorsque l'argent·
prêté ou les marchandises achetées voyageront anx risques du prêteur.
Le creditor prend sous sa responsabilité tous les dangers, tous les accid~nts qui peuvent se produire sur mer,
tels que tempête, naufrage, échouement, en un mot, tous
les cas de for~e majeure . Mais .ce serait étendre sa responsabilité au-delà de ses limites que de lui faire supporter les -pertes imputables à la faute de l'emprunteur
ou au vice de la chose : «vis divina qure prœcaveri et cui
resisli non possit. » Il en sera de mème lorsque le f œnerator aura trompé le prêteur snr la destination du navire
ou aura abordé dans un port infesté par des pirates.
La loi 3 an Code nous montre un emprunteur en faute;
(( perque vitium debitoris ,, il a acheté et chargé sur son
navire des marchandises prohibées que le fisc a confisquées,« il~icitis comparatis merci bus, fiscum occupasse;»
la loi déclare formellement que cette perle qui provient
((ex prrecipiti avaritia et incivili debitoris audacia ))restera
à sa charge. Les jurisconsultes vont même jusqu'à rendre l'emprunteur responsable de sa simple négli~ence .
�-
30 -
C'est l'opinion qu'émet Modestin en parlant de l'époque
où les navires doivent tenir la mer, cc navem navigare
conveniat, >> etc. (Loi 3, Code, de naut. farn.). Cette
expression n'indiqne-t-elle pas clairement que les risques ne sont plus à la charge du prêteur, si l'emprunteur
a été imprudent, s'il a, par exemP,le, commencé son
voyage pendant cette époque dangereuse comprise entre .
le 5 des ides de novembre et le 6 des ides de mars, durant laquelle les marins conduisaient leur navire dans
quelque port abrité.
Les textes ne nous disent pas si les parties pouvaient
modifier les risques; nous croyons, cependant, que le
prêteur pouvait limiter sa responsabilité et stipul er, par
exemple. que l'emprunteur serait tenu enver~ lui au cas
où le navire serait pillé par des pirates ou détruit par un
incendie.
Le prêteur était de plein droit responsable de Lous les
cas de force majeure, mais aucune loi ne lui défendait de
stipuler que tel ou tel risque déterminé ne libérerait pas
l'emprunteur de ses obligations.
Le prêteur devait-il contribuer aux avaries communes?
Et d'abord, que faut-il entendre par avaries communes?
On entend par avaries communes les dommages ?Ollf-ferts volontairement et les dP.penst:s faites pendant la traversée pour le salut commun du navire et des marchandises; par opposition aux avaries communes, on appelle
avaries particulières les dommages qui arrivent à la marchandise seule ou au navire seul.
La législation maritime de Rhodes quj fut plus tard
�adoptée par les Romains avait réglementé la contribution
pour avaries communes. On trouve la solution d~ toutes
ces questions an Digeste, de lege Rhodia (liv. XIV, tit. n,
lois 3 et 4.). :c Quum arbor, aut aliud navis instrumentum removendi communis periculi causa dejectnm est
contributio debetur, » et plus loin : << tempestate gravi
orta necessaria jactura facta erit. >> (Loi 2, § 2). Nous
voyons dans ces deux textes quelles étaient ies conditions
nécessaires pour qu'il y eût contribution. Il fallait que le
péril fût imminent et menaçât à. la fois les marchandises
et le navire.
Nous lisons au même titre : ''sires quai jactai stint
apparuerint, exoneratur collatio ; qued si jam contributio facta sit, tune ex conducto experiatur et quod exigerit
reddatnr. »
Si l'on n'avait éprouvé au.cun dommage, on ne pouvait réclamer aucune in_demnité. Pas d'intérêt, pas d'action.
S'il n'y avait qu'une avarie particulière, si les marchandises, par exemple, n'avaient pas été sacrifiées pour
sauver le navire et sa cargaison, il n'y avait pas li-eu a
contribution << si conservatis mercibus deterior facta sit
navis, aut earum rerum causa sit, quai navis gratia parentur et earum pro quihns mercedem aliquis acceperit,
nam et si faber incudem aut malleum fregerit, non
imputaretur ei, 'qui locaverit opus ; secl si voluntatem
. vectorum, vel, propter aliqucm metum id detrimentum
factum sit, hoc j,psnm sarciri oportet. >>
La loi Rhodienne répartit ensuite la perte occasionnée
par le jet entre les intéressé~ èl'après µne proportion
�- 32 -
établie entre les objets sauvés et les marchandises 'sàcrifiées pour le salut commun. « Lege Rhodia cavetur •. ut,
si. levandre navis gratia jactas mercinm factus est omnium
contributione sarciatur, quod pro omnibus datum est. ii
(Sentences de Paul, 1. If, t. III,§ 3). Dans le contrat à
la grosse dont le texte est arrivé jusqu'à nous (plaidoyer
de Demosthène contre Lacritos), nous lisons le passage
suivant: "Ils paieront aux prêteurs la somme convenue
dans les vingt jours à compter de celui où ils seront en.·.trés dans le port d'Athènes, sans autres déductions que
les pertes ou s.acrifices consentis par le commun accord
des passagers. » Nous voyons par là que les prêteurs
1contribuaient aux avaries commune~ comme les autres
intéressés.
Quelle règle suivait-on en droit romain ?
Les auteurs qui rangent le prêteur au nombre des
personnes contribuant aux avaries communes invoquent
le texte de Paul dans lequel on ne fait aucune distinction; .
ils invoquent aussi le principe d'équité qui en matière
· de contribution doit servir de règle. Dans one autre
opinion, soutenue par .M. Pardessus, le prêteur à la
grosse ne contribuait pas aux avaries communes. {(A
l'argument d'équité, dit M. Parde ~ sus (Collection des
Lois .Maritimes, t. 1), on peut répondre que nous
sommes en matière de droit strict.
Quant à la. teneur dn contrat à la grosse que nous
venons de citer, rien n'indique si c'est en vertu de la loi
ou en vertu de la convention que la contribution est
due; il n'aurait, en tout cas, d'autorité que comme
e:xemple ; d'iiillenrs le § 2 de la loi Il, (dés. de le$e
�-
33 -
Rhodia),semble être favorable à la sol1,1tion que nous pro·
posons. i>
Il fallait être propriétaire pour contribuer aux avaries
communes, or le prêteur ne l'était pas.
Nous pensons avec cet auteqr qu'il faudrait une loi
formelle pour mettre le prêteur au nombre des personnes
qui devaient contribuer aux avaries communes. La situation, il est vrai, n'était pas égale pour tous; mais dans
la pratique les parties devaient suppléer le silence de la
loi en stipulant que le prêteur serait tenu comme les autres hi téressés.
Qaelle. est létendue des risques ?
La volonté des parties est ici souveraine. Si l'on a
indiqué quelle serait la du~ée des risques, on s'en tiendra
aux ternies de la convention: si les parties ont voulu
s'en rapporter aux usages, lef' risques sont à la charge
des créanciers depuis ,le moment où le navire met à la
voile jusqu'à celui où il arrive au port de destination.
Cette règle nous est indiquée par Modes tin (loi 3, de
nautica fœnore, Dig.). « In nautica pecunia ex ea die
periculum spectat creditorem ex quo navigare conveniat JJ - (loi 1 et IV, Code de nautica fœnore, Dig.).
cc Quamdiu navis ad porturn adpulerit, » « trajectitic.e
quidem pecunic.e casus antequam ad destinatum locum
navis parveniat ad debitorem non pertinet. » Les parties
peuvent resteindre la durée des risques par l'apposition
d'nn terme ou d'une condition, ou stipuler, par exemple,
que le prêt durera pendant tout Je temps du voyage, aller
et retoar.
Lorsque le contrat est définitivement formé, si, l'em-
�-
34. -
prunteur, négligent ou infidèle à ses engagements,
chang.e de route ou dirige mal Je navire, la responsabilité do « creditor )) prend fin avant l'époque déterminée
par. la convention. Il en est de même lorsque l'emprunteur, tout en faisant le voyage conven~, ne · suit pas la
voie la plus directe et la plus sûre, rétrograde, par
exemple, ou s'arrête dans des ports intermédiaires sans
y être contraint.
Cette règle nous est donnée par Démosthènes: c< Dionysiodore a emprunté à la grosse à Darios 300 drachmes
sur ~on navire pour un voyage avec retour à Athènes. Au
lieu de cela, il a, au retour, diri gé le navire sur Rhodes;
il a détourné le cbàrgement vers une destination nouvelle et l'a vendu contrairement aux lois et aux termes
du contrat. ))
Il était d'usage cbe.z les Rom~ins de mettre l'emprunteur en demeure de fixer lui-même le jour où il s'embarquerait, de façon à ce que le navire pût être de retour
avant la saison d'hiver.
Les parties pou.vaient prolonger la durée des risques
et stipuler que le contrat serait valable pendant tout Je
cours du voyage : par cette convention, le contrat ne
prenait fin qu'au moment où le navire revenait au port
d'où il était parti.
Nous trouvons dans Je plaidoyer·de Déroosthènes contre Lacritos une convention dans laquelle l'emprunteur
stipule le droit de prolonger le voyage, s'il le juge à propos, en pron;iettam de payer des intérêts plus élevés, s'il
n'est pas de retour à l'époque indiquée.
cc Les emprunteurs paieront l'intérêt à raison de 225
�-
:3 5 -
pour 1000 ; mais s'ils ne passent du Pont au · Temple(des Argonautes) qu'après le coucher de l'Arcture, ils'
paieront 300 pour 1000. JJ
Cette convention est sûrement plus ingénieuse que
les précédentes; l'emprunteur peut, en supportant c·ette
augmentation d'intérêts, passer d'une mer dans une
antre, charger et décharger en route, faire en un mot tout
ce que nécessitera son commerce. Si les charges · deviennent plus fortes, il conserve au moins toute sa liberté
d'àction.
Nous trouvons au digeste une autre convention dans
laquelle les parties ont 'tracé à l'avance l'itinéraire du
voyage. Le jurisconsulte Scœvola nous montre.les effets
que produisent ces changements à. la durée des risques
(loi CXXII, liv. XLV,§, Dig. de verb. oblig.).
Malheureusement ce texte a soulevé des difficultés
d'interprétation qui ont donné naissance aux solutions .
les pins diverses.
Posons d'abord l'espèce: Callimaque a reçu à Béryte,
vi~le de Syrie cc pecuniam nauticam )) de Slich~s, esclave .
de Seins, pour un voyage' de Béryte à Brindes,. Le prêt a
été fait pour tout le temps de la navigation, fixé à deux
cents jour·s, et le preneur a lupothéqué à. sa dette les
marchandises qu'il a achetées à. Béryte pour les transporter à Brindes, et celles qu'il doit acheter à Brindes
pour Jes rapporter à. Béryte. Il a été convenu entre les
parties que lorsque Callimaque serait arrivé à Brindes,
il en repartirait avant les prochaines ides de septembre,
après avoir acheté de nouvelles marchandises et les avoir
chargées sur son navire, et. qu'il reviendrait en Syrie .,
�-
36 -
M;ais que s'il n'avait pas acheté des marchandises et
quitté Brindes au jour fixé, il devrait rendre $ans délai la
somme entière dans ce port, comme si le voyage était terminé, el tenir com.pte en outre de ioules les dépenses
des gens chargés de recevoir cet argent et de le rapporter à Rome. :3ur !'interrogation de Stichus, esclave .ae
Lucius Ti,tius, Callimaque a pr:omis d'exécuter fidèlement Je contrat. Avant les 'ides de septembre« cum ante
idus » Callimaque chargea, suivant la convention, des
marchandises sur un navire, et, accompagné d'Héros
« conservo Stichi »,il mit à la voile cc quasi in provinciam Syriam perventurus enavigavit.ll. Le navire périt.
Qui de~ait supporter la perte ? Callimaque, répond
Scœvola.
Il est évident que Callimaque ·n'a pas exécuté la convention. car, autrement il n'y aurait pas lieu de se
préoccuper de la valeur à accorder au consentement
donné par l'esclave Héros.
Mais ce texte ne paraît contenir aucune dérngation
aux clauses dù contrat. .Callimaque a rempli ses engagements: puisque l'argent a été emprunté pour toute la
durée de la navigation et que le navire a péri pendant la
traversée, il semble que le prêteur devrait supporter la
perte. Cep~ndant Scœvola résout la question comme si le
prêt avait.été fait seulement pour le voyage de Béryte à
-Brindes.
Duaren, pour expliquer ce texte, en a modifié la
teneur : à ces mots cc merces Beryto perferendas in navem
misissetJJ il substitue ceux-ci ccmerces perferens in navem
mansisset eo tempore ». Après celle correction, l'inter-
�-
37 -
prétation du texte devient facile. Callimaque a chairgé
les marchandises sur son navire à l'époque convenue,
mais il ne s'est embarqué qu'après les ides de septembre.
Robertus et Cujas (receptarum sententiarum) donnent
une autre explication qui a au moins le mérite de respecter le texte. Callimaque est parti de Brindes avant les
ides ~le septembre, mais, au lieu de retourner à Béryttl,
il a suivi une autre direction.
Po.or arriver à cette solution, il faut forcer le sens des
mols et traduire ainsi la phrase suivante : «Quasi in
provinciam Syriam perventurus »il mit à la voile comme
s'il se rendait effectivement en Syrie.
ce· changement de route l'a rendu responsable de la
perte de son navire. Il paraît peu probable que Scœvola
ait voulu don~er au mot « quasi )) la significatign un
peu forcée que lui attribuent ces deux au teurs. Dans
cette opinion, on fait reposer la solution de la question
sur un mot auq1rnl on donne trne signification douteuse:
d'ailleurs si l'on continue la lecture du texte, on voit que
cette explication nê concorde pas a\7ec le reste de· la loi.
Plus loin, nous lisons que Callimaque a chargé les marchandises à une époque où il aurait déjà dû rembourser
à Brindes le cap ital reçu. Ce n'est donc point par ce
changement de route que l'emprunteur a manqué à son
engagement, puisque ùéja à l"épuque où il chargeait les
marchandises, il n'avait pas respecté les clauses du contrat.
Alciat et Pothier (contrat d'assurance maritime.) 0nt
trouvé une explication fort ingénieuse, mais qui a le tort
3
�..... 38 -
de remanier le texte d'nne façon trop .arbitraire. A.u lieu
de ces mots cc cum · et.ante» ils lisent cc cum non ante
id us suprascriptas secondum conventionem )) . Ca.Jliroaque n'étant pas parti à l'époque convenue, l'argent est
devenu exigible. à Brindes.
Nous adoptons cette dernière opinion. « Cette explication., dit Emérigon (prêt à la grosse, tome 1), · peut
paraître arbitraire) cependant, il faut convenir que c'est
la seule qui soit en harmonie avec la suite du texte,
notamment avec le passage que l'explication de Cujas et
ùe Robertus ont laissé complètement dans l'obscurité».
Ce texte, malgré les difficultés qu'a soulevées son
interprétation, a cependant sa signification. On y voit
que le créancier qui a pris les risques à sa charge ·pour
l'aller et le retour, doit les supporter, à la condition que
de.soo côté l'emprunteur retourne à l'époque convenue.
On y voit enfin que le contrat passé entre l'esclave du
créancier et l'emprunteur pendant le cours du voyage ne
peut pas enlever à ce créancier le bénéfice d'un droit
acquis. L'esclave, qui n'avait reçu aucun mandat à ce
sujet, ne pouvait pas donner un consentement valable.
SECTION 11
bu profit maritime.
Des intérêts dus en vertu du nauticum fœnus.
Nous allons rencontrer ici plusieurs dérogations nouvelles-aux règles du mutuum.
�- 39 -
Dans le prêt de consommation la quantité due se mesur.e exactement à la quantité reçue; il y a une corrélation étroite entre ces deux termes.
Cette quantité peut-elle être augmentée ou diminuée ?
Il faut distinguer :
La quantité de choses que doit rendre l'empruntem;
est-elle inférienre à celle qu'il a reçue; a-t-il été convenu, par exemple, qu'il ne rembourserait que neuf
sous d'or au lieu de dix, la convention sera valable. On
supposera que l'accipiens a reçu neuf sons d'or comme
emprunteur et nn sou d'or comme donataire.
A-t-il été convenu, au contraire, qu'il paierait des intérêts, _la convention sera nulle parce que, la dation étant
la cause du contrat, il ne peut être dû-plus qu'il n'a été
compté. Le mutuum, en d'autres termes, est essentiellement gratuit. Mais cela ne signifie point que la loi prohibe les stipu lations d'intérêt. cc La gratuité du mutuum,
dit M. Accarias (tome n, page q_.16), n'a d'autre signification que celle-ci: les intérêts du capital ne courent ni en
l'absence de convention, ni même en vertu .d'un simple
pacte; ils ·'ne peuvent être clos qu'en vertu d'une stipula-'
.
tion.
cc Cette règle rigourense subsista: de tout temps quant
à l'argent monnayé, mais à. l'égard des denrées, il est
douteux qu'elle ait jamais été admise. Les Romains ex ~
pliquent cètte diITérence par une idée tout à fait· fausse,
à savoir que la valeur des monnaies es~ absolument fixe ~
au lieu qùe celle des denrées se prête à des variations
nombreuses. » Cette constatation est corroboréé par
deux textes . « Frumenti vel hordei mutuo dati acèessîo
'
�etiam ex nud·o pacto p.rœstanda est )) (loi 12, Code, de
usuris. » - « Oleo quidem vel quibuscumque fructibus
mutuo datis incerti pretii ratio addimenta usurarum ej usdem materire suasit admittit. )) (loi 23. De usuris. Code.).
On apporta plusieurs autres exceptions à cette règle.
Dès l'époque classique, un pacte suffisait pour faire courir les intérêts dans les prêts faits par les cités: 11 Etiam
ex nu do pacto de ben tur ·civi ta:tibus usurre crnditarum ab
eis pecuniarum )) (loi 3, dig. liv. xxn, lit. de usuris).
Justinien les fit courir de plein droit au profit des banquiers (Novelle 106).
Dans le nauticum fœnus un simple pacte suffit toujours pciur faire courir les intérêts.
Cette règle est écrite au Digeste (de nautico fœnore,
loi 5 § 1, et loi 7, au même titre).
« In quibusdam con tracti bus etiam usu rre de ben tur,
quemadmodum per stipulationem. Nam si dedero decem, trajectitia, ut salva nave sortem cum usnris recipere. »
Nous trouvons une différence nouvelle entre le mutunm et le nauticum fœnus dans le taux des intérêts.
Dans le mutuum, .les intérêts stipulés par le créancier
sont limités par la loi; dans le prêt à la grosse, le taux
·des intérêts n'a pas d'autres limites que la volonté des
parties. Il faut que celui qui prête ses capitaux puisse
estimer librement le prix du service qu'il rend et des ris,ques auxquels j] s'expose. Or, comme ces risques peuvent varier à l'infini, c'est à lui seul et non à une loi fixe
et immuable à indiquer le '' periculi pretium » en pre-
�-
4.1 -
n:i:nt pour base de soa appréciation le temps et 'les liemx.
de la navigation.
Il y a là un calcul de probabilité qui 'échappe à toutes
les règles.
cc La grandeur de l'usure maritime, a dit Montesquieu (Esprit des lois, liv. xxn, chap. 19 et20), est fondée sur deux choses: le pérH de la mer qui fait qu'on ne
s'expose à prêter son argent que pour en avoir beaucoup
davantage et la facilité que le commerce donne à l'emprunteur de faire de grandes affaires et en grand 1rnmbre; an lien que les usures de terre n'étant fondées sur
aucune de ces deux raisons, sont ou proscrites par le
législateur, ou, ce qui est plus sensé, réduites à de justes
bornes. n
Dans le mutunm, les intérêts représentent la privation
de jouissance du capital: dans le nauticnm fœnus, les
intérêts sont aussi l'équivalent. des avantages que l'emprunteur retire de la possession du capital, mais ils sont
encore et surtout le prix des risques courus par le prêteur. Ce sont même ces risques qui ont fait donner à ce
contrat le nom de prêt à la grosse aventure.
« Il ne peut y avoir de prêt à la grosse, dit Pothier,
(contrat d'assurance maritime), s'il n'.y .a un profit maritime ou quelque chose que l'emprunteur s'oblige à payer
au prêteur, outre la somme prêtée, pour les r,isqnes dont
.
ils'estchargé. ))
Comme le dit cet auteur, la liberté illimitée de l'intérêt
est le prix de la responsabilité que conrl le pirêlenr,. Le
lien étroit qui unit ces deux idèes nous amène à conclure
que les iüt~rMs mL1ritirne~ pe ·peuvent courir que peu-
�dant la durée dn voyage, c'est-à-dire pendant Loule Jâ durée des risques. Sil' emprunteur ne s'es~ engagé à payer les
intérêts que pendant un certain temps oti jusqu'à J'accom:
plissement d'un événement futur, l'arrivée du terme et
l'accomplisssement de l'événement produiront le même
effet que le retour du navire.
Nons allons étudier maintenant le taux de l'intérêt
anx diverses époques de l'histoire romaine.
Quel étail Je tallx de l'intérêt à Rome ?
Avant la loi des 1:2 tables, le taux de l'intérêt était illimité. Les historiens romains racontent que celle liberté
eut des conséquences funest0s. La rar_eté de l'argent fit
monter l'usure à un taux énorme et mil les débiteurs à
merci des créanciers .
.Les mesures extrêmes que les prêteurs pouvaient
prendre contre les débiteurs insolvables firent éclater
des séditions sanglantes qui, à plusieurs reprises, furent
assez violentes pour menacer jusqu'à la sécurité de
l'Etat.
C'est la loi des 1:2 tables qui la premiére limita le
taux de l'intérê.t. cc Primo tabulis xn sanctum est ne quis
unciario fœnore amplius exel'ceret. n
L'unciarium fœnus était donc la limite extrême en
matière d'intérêt.
. .Mais que valait Cl l'unciarium fœnus? ))
Saumaise, Dumoulin (de usuris n° 98) et Pothier, (contrat d'assurance maritime) l'ont fait varier entre 1 pour
1 OO et 1OO pour 1OO par an.
Les auteurs modernes ont créé trois hypothèses pour
expliqu~r cet qnc1ariqm fœnus ;
�-
13 -
,t Dans les ouvrnges des auteurs classiques el des
jurisconsultes, on compt.:tit l'intérêt par mois et l'on
,appelait « centesim re usurre n 1 pour 1OO par mois ;
2° D'autres autenrs . rapportent le mot cc un_cia >> au
capital et non point aux intérêts. << L'uncia n · serait un
douzième du capital par mois · on douze douzièmes par
an, c'est-à-dire 100 pour 1OO. Cette solution n'est confirmée par aucun texte.
3° (Nieburh). L'uncia serait une fraction du capital:
on compterait par an et non par mois. Le 1.J.ux -aurait èté
un douzième du .capital, c'est-à-dire 8 113 pour 1°00.
Nieburh croit que le taux ne s'appliquait originairement
qu'~ l'ancienne année romaine de 10 mois, de sorte que
ponr l'année de 12 mois, il fallait ajouter un cinquième.
ce qui donnait 10 pour· 1oo·.
Le créancier qui, au mépris des lois, exigeait un taux
supérieur devait restituer au quadruple la portion des
intérêts qui excédait ce taux.
Le maximum fixé ne satisfit ni les créanciers ni les débiteurs. Les créanciers l'éluclérent par des moyens usuraires ; les plébéiens se révoltèrent de nouveau et le
forum les vit tour à tour victorieux et vaincus.
En l'an 4..08 de la fonaation de Rome, ·les tribuns du
peuple firent diminuer l'intérêt de moitié cc ad semiunciarnm fœnns reda~tum est n (Tile-Live, lir.7, chap. 27).
Vers l'an 4..13, un nouveau plébis_cite connu sous le
nom de !ex Genucia interdit d'une façon absolue le prêt
à intérêt; mais Tite-Live et Tacite nous racontent que
celte loi était sans cesse violée.
A. l'époque de Cicéron , les expressions chan~ent-,
0
1
�-
4.4. -
L'unciarium fœnus est remplace par les «le~itimre usurre 1).
Le ,taux c0rrespondant à ces expressi·ons nouvelles est
sanctionné par plusieurs édits et un sénatusconsulte.
Quelle est la valeur de « l'usura legitima on centesima ? » C'est un centième du capital, mais la difficulté
est de savoir si c'est un centième par an ou par moi~.
Tput porte à croire que .c'était un centième par mois,
-'
soit 12pour100.
On peut invoquer en faveur de cette opinion _l'usage
qu'avaient les débiteurs de servir les intérêts aux calendes de chaque ' mois. Les écrivains romains, les poètes
font souvent allusion dans leurs écrits à ces terribles
calendes, l'effroi des débiteurs .
. . . . .Tristes misera venere Kalendœ (Horace. satire
3, liv. 17). Sous le règne de Claude, l'intérêt moyen est
de 6 pour 100. A cette époque., la P.eine du quadruple
tombe en désuétude, et les intérêts qui dépassent le taux
légal s'imputent sur le capital.
Cette peine est rétablie plus Lard sous les empereurs
Valentinien et Théodose II.
Les règles que mous venons d'exposer ne s'appliquent
pas au nauticum fœnus: c'est ce qui ressort d'un texte
de Paul. u Trajectitia pecunia propler periculum creditoris quamdiu navigat navis, infinilas usurns recipere
possit ''.
L'Empereur Jus.tinien fait allusion à celte liberté illimitée dans la loi 26 au Code (de usuris) « li cet veteribus legibus, hoc era.t conr.essum. "
Le créancier demandait quelquefois comme intérêt
un~ somm~ fixe do11t le chiffr~ variait suivant la 1.on~ueur
'
'
�- A5 -
et les da?gers du voyage. La loi 122 (digeste, de verb.
oblig.j prévoit c.ette hypothèse . .
Souvent auss~ le créancier stipulait des intérêts à. tant
pour cent par mois ou même par jour.
Une période nouvelle commence sous Justinien. Dans
une constitution qui forme a-q. Code la loi 26 (de usuris)
~e prince fait table rase de la législation antérieure et
remanie complètement les lois relatives au taux de l'intérêt. L.'Empereur espérait que ces lois nouvelles adouciraient le sort des débiteurs et allégeraient le dur et
pesant fardeau des intérêts: (( Super usurarum vero
quantitate etiam generalem sanctionem facere necessarium esse duximus, veterem duram, et gr~vissimam
earum molem ad mediocritalem deducentes >>.
· Pour arriver à ce but, il abaisse le taux de l'intérêt et
le fixe à un chiffre plus ou moins élevé suivant la quçilité
et le rang des créanciers.
C'est dans celle Constitution qu'on trouve la première
distinction entre l~s prêts civils et les prêts commerciaux,
distinction qui a été reproduite dans le droit français par
la loi de 1807.
Pour les eersonnes illustr~s, l'intérêt ne -peut excéder
le tiers de la « centesima " ; pour les personnes corn- .·
merçantes, le taux. sera des deux tiers de la centesima :
pour les personnes ordinaires, l'intérêt ne peut pas dépasser la moitié de ce taux ; enfin .dans le nauticum
fœnus, la centesinfa sera l'extrême limite. Il faut classer
dans celte dernière catégorie les intérêts des sommes
dues par le fisc et les villes.
En résumé, le taux légal est fixé par Justinien à 4 Ü\0
�-
46 -
pour les personnes illustres ; ~1 8 OtO pour les commerçants;
OïÜ pour les autres per.sonnes et enfin à 12 OtO
pour les prêteurs à la grosse.
Cette constitution était imparfaite. Pour réprimer les
abus et adoucir le sort des débiteurs, il aurait fallu
n'appliqner la réforme qu'au prêt de consommation. En
·étendant la loi nouvelle au prêt à. la grosse, on s'expo-:
sait à. une résistance évi.dente et on poussait les creanciers à user d'artifice pour déguiser leurs prétentions:
Nous allons voir bientôt quelles furent les conséquences
de ces innovations et par quels moyens les prêteurs éludèrent la loi.
Ces dispositions étaient si contraires à la natnre du
prêt à la grosse que deux auteurs, Dumoulin et Emérigon, .
ont cru pouvoir en restreindre l'application à certains
cas p'articuliers.
Suivant Dumoulin, la loi 26 ne viserait que la navigation sur les côtes que nous désignons sons le nom de
petit cabotage, tandis que la loi 1) (pericnli pretium, de
nautico fœnore) s'appliquerait à la grande navigation.
Emérigon (contrats à la grosse, chap. 1, sect. 1) a
donné une autre explication qui n'est pas plus heureurn
que la · précédente. Nous la reproduisons en partie. «Il
me semble, dit-il, qu'il n'est ·pas plus aisé de dire que la
loi de Justinien n'était applicable qu'à l'argent trajectice
dont les risques n'étaient pas à la charge du créancier,
ce qui se réfère à la loi 4 au digeste, <t de nautico
fœnore ".
Les termes clairs et précis de la loi '.26 résistent à ces
deux interprétations. Ces deux systèmes sont ~lutôt une
à.?
�-
47 -
critique de la loi qu'une:interprétation sérieuse. Il se,rait
d'ailleurs bien difficile de les concilier avec les rédamations générales que souleva celte _innovation. Pour échapper à une situation aussi désastreuse, les commerçants,
les banquiers cherchaient à violer ces dispositions par
tous les moyens qui étaient en leur pouvoir.
, L'opinion univerHellement admise est que l'Empereur
voulut établir un taux maximuœ en matière de prêt à la
grosse: ce taux était le(< centesima usura. »
Cette loi nouvelle ne fut jamais rigoureusement appliquée. Les mœurs furent ·plus fortes que la loi et les
créanciers finirent par stipuler comme par le passé des
intérêts supérieurs au taux légal.
Nous trouvons dans la novelle .106 le résultat d'une
enquête ordonnée dans les circonstances suivantes :
Deux prêteurs à la grosse adressent à l'empereur Jus. tinien une requête dans laquelle ils le prient de leur
faire connaître quels rnnt les droits des créanciers dans
le prêt maritime. L'empereur charge le préfet du prétoire de faire une enquête. Celui-ci réunit un certain
nombre Je négociants qui avaient l'habitude de prêter
à la grosse et leur demande quels sont les usages maritimes: « convocasse naucleros, quibus hcec mutua curœ
sunt el interrogasse qmB aliquando antiqua consuetudo
ftlerit. »
li résulte de celte enquête que l'on transgressa-il la loi
de deux manières :
On percevait dix solides pour chaque cent solides, et,
de plus, on chargeait sur le navire autant de mesùres
d'orge ou du froment qu'on avait prêté de solides. (( ln
�-
48 -
sin.gulis solidis pecuniarum quas dederint, unum tritici
modum aut hordei imponere quœ mercedem publicis
prœberent pro eis telonariis. »
« Cette charge, dit Cujas, élevait Je profit maritime au
delà de la « centesima usura. >)
La novelle 106 nous fait connaître un autre procédé
employé plos spécialement dans la petite navigation :
« Si vero non banc viam cr~ditores, octavam partem
percipere pro singulis solidis nomine usurarum, non in
lempus aliquod certum numerandum, ·sed done.c naves
revertantur salvœ. n
Le prêteur percevait le huitième de chaque rnlide,
c'est-à-dire trois siliq1jes par chaque solide, ce qui
donnait un taux de 12112 010. Le résultat ainsi obtenu
était illicite. Comme le taux était fixé non pas à raison
de tant par mois, mais à raison de tant par voyage, le
prêteur finissait par avoir des intérêts biens supérieurs à.
ceux autorisés par la loi.
Ces intérêts pouvaient même être deux fois supérieurs
au taux légal : c'est ce qui arrivait lorsque le voyage ne
durait que, six mois.
A la suite de cette enquête, Justinien abrogea .les dispositions du Code (loi '.26, de usuris) et donna force de
loi à ces usages.
Mais les prêteurs ne jouirent pas longtemps de celte
liberté, car, peu de temps après, l'Empereur .vint remetire en vigueur la loi '.26 avec toutes les distinctions
que nous avons établies. cc Plusieurs réclamations nous
ayant été faites, nous nous sommes aperçu que cette loi
n'est pas bonne ~t qu'on désire dans votre forum qu'elle
�-
49-
soit révoquée : nous l'àbrogeons d'onc ~n entier, et
nous ordonnons que si elle a été insinuée dans les provinces, elle n'y ait aucune force et qu'elle y soit sans
vigueur. ))
C'est la dernière loi connue sur le taux de l'intérêt.
A quel moment le remboursement avait-il lieu ?
Le remboursement devait s'effectuer à l'expiration du
voyage. Par exception à cette règle, lorsque, après le
voyage, une tempête ne permettait pas au navire de reprendre la mer, il était d'usage d'accorder au débiteur un
délai de trente jours pour payer et de n'exiger aucun
intérêt tant que les marchandises n'étaient pas vendues.
Si le navire reprenait immédiatement la mer, les parties ponvaient faire une convention nouvelle dans laquelle
elles confirmaient ou modifiaient, suivant les circonstances, les clauses du premier contrat. « Si tamen post reversionem navis salvœ et antequam navigare propter
tempus valentes revertantur triginta $0\um dierum inducias dari a creditoribus deb itoribus, et nihil pro debitia
usurarum cansa exigere, donec vendi contigat onus. )>
Nous allons étndiër maintenant les intérêts qni pouvaient être dus en dehors du nauticum fœnus.
On peut poser comme une des règles essentielles du
prêt à la grosse que !'emprunteur. doit remboursél' la
somme qu'il a empruntée, dès que les risques cessent
d'être à la charge du créancier, c'est-à-dire, .à la fin du
voyage ou à l'époque convenue. A ce moment Je créancier peut agir contre l'emprunteur pour lui réclamer ce.
qui lui est dû, capital et intérêts. Toile est la règle qui
�- 50 -
était appliquée à Rome en dehors des cas exceptionnels.
où l'on accordait au débiteur un déla-i de trente jours.
Lorsque Je nauticu ·n fœnus était con tracté pour toute
la durée du voyage, il était d'usage, pour obliger l'emprunteur à payer, de stipuler une pœna, c'est-à-dire
une clause pénale qui faisait courir les intérêts moratoires.
Cette garantie triomphait généralement du mauvais
vouloir ou de la négligence du débiteur, car, s'il ne remplissait pas ses engagements en temps et lien, il devait
payer, avec le capital et les intérêts maritimes, . de nouveaux intérêts pour chaque jour de retard.
Le textes mentionnent un autre usage auquel on recourait souvent dans les prêts à la grosse faits pour l'aller
seulement ou pour un laps de temps déterminé. Le
créancier, qui d'habitude était loin de l'endroit où le
remboursement devait s'effectuer, embarquait sur le
navire un esclave dont la mission consistait à le remplacer
et à recevoir en son nom le capital et les intérêts maritimes. L'esclave jouait un autre rôle. Il surveillait la marche du navire et le chargement qui devait servir de gage
au créancier. Il devait empêcher certaines fraudes qui se
pratiquaient en Grèce, ainsi que nous l'apprend Démosthènes, telles que des pertes simulées ou des naufrages
combinés par un emprunteur qui n'avait fait qu'un chargement insignifiant.
Si Je créancier n'était pas désintéressé au moment dè
l'arrivée du navire, l'emprunteur devait payer, avec les
intérêts moratoires, une somme d'argent qni représen~
fait la privation des services de l'esclave.
�-
51 -
Cette somme d'argent se confondait-elle avec la pœna?
Plusieurs textesreprésentent la pœna comme l'équivalent
des services de \'esclave dont le créancier était privé pendant la durée du voyage : cc pro operis servi trajectitire
pecunire gratia secuti (loi 4, § 1, de naur. fœn.) ; « ab
operis ejus qui eam pécuniam peteret >; (loi '.23, Dig. de
oblig. et acL). La raison que nous donnent les textes
nous semble plus apparente qne réelle, car, nous voyons
qu'on prend ici comme base d'évaluation de ces services
les inté~êts des capitaux empruntés, ce qui porte les
intérêts à un chiffre plus ou moins élevé, suivant le
montant de ces capitaux. Il résulte de là que Je chiffre de
l'indemnité variait non pas avec l'habileté de l'esclave
et le produit de son travail, mais avec les intérêts maritimes.
Ces deux textes n'ont pas la portée que quelques auteurs ont voulu leur donner; on trouve d'ailleurs d'autres
lois qui parlent de la pœna d'une façon générale .sans
spécifier qu'elle représentait plus particulièrement les
services de l'esclave.
Ainsi, nous lisuns dans un texte de Papinien que le
créancier, lorsque les intérêts moratoires étaient inférieurs au taux légal, pouvait parfaire cette somme par
une seconde stipulation fondée sur la privation d~s services de l'esclave.
Dans l'hypothèse que prévoit ce jurisconsulte, la privation de ces services n'est que le complément des intérêts cl us pour le retard"
La peine, dit Emérigon, se confondait alors avec l'in ...
térêt terrestre au-delà duquel il n'était permis de rien
exiger.
�- 52 -
Nous allons abo~der maintenant l' étl)de des djverses
questions qui ont été soulevées à propos de cette ïndemnité.
La pœna pouvait-elle être due en vertu d'un simple
pacte comme les intérêts maritimes? Nous ne le pensons
pas.
Le prêt à. la grosse ne conserve son caractère propre
que pendant la durée des risques; le voyage une fois terminé, il redevient un prêt ordinaire, un mutuum.
La pœna, au contraire, n'est due qu'à partir du moment où le créancier peut exiger le rembonrsement de
son ca~ital accru .des intérêls maritimes.
C'est une obligation conditionnelle dont l'existence
est subordonnée au retard, à la négligence du débiteur et
dont la naissance coïncide avec l'extinction du contrat
principal. Si t.el est Je caractère de cette indemnité, on
est 0bligé de décjder sans hésiter qu'elle est soumise aux
règles générales en ma:tière d'intérêt et, par suite, qu'elle
ne peut être due qu'en vertu d'une stipulation. Cette solution est l~ seule qui soit en harmonie avec les termes
de la loi.
Dans tous les textes qui s'occupent de la pœna le mot
cc stipulatio est » seul observé.
« Stipulationem operarum servi (loi 4, S 1, Dig. de
naut. fœn.); pœna in stipulationem deducta ,, (loi 33,
Dig. de oblig. et act.).
Puisque la pœna ne peut être due qu ~ en vertu d'une
stipulation, on lui ·appliquera les règles relatives au taux
de l'intét·êt: «pro operis servi trajectitiœ pecuniœ gratia
�-Msecuti, quod in singulos dies in 'stipulatione deductum,
ad finem centesimre, non ultra duplum debetur. >>
Lïntér.êt stipulé pour les services de l'esclave et la
pœna ne peuvent excéder le montant de la somme prêtée ; en d'autres termes, si le capital est doublé par
l'accumulation des intérêts, ceux-ci cessent de courir
" supra duplum autem usurre nec in stipulalione deduci, nec exigi possunt ; et-solutre reperuntur >> (loi ~6,
de condict. indeb.).
Dans cette computatio dupli faut-il tenir compte du
capital augmenté des intérêts maritimes ou du capital
seulement?
Dans une pn~mière opinion on considère les intérêts
moins- comme des intéri1ts ordinaires que comme une
indemnité qui doit se confondre avec le capital. Mais
alors comment se calcule le double? Doit-on faire entrer
en ligne de compte tous les intérêts moratoirés ou seulement les intérêts encore dus? Jusqu'à Justinien, on ne
comprend dans le calcul du double que les intérêts
dus ;.les paiements partiels servent à la décharge du débiteur. Une constitution de cet empeceur décide qu'à
l'avenir tous les intérêts seront comptés dans cette corn_,.
putatio dupli. Cette constitution avait pour but d'empêche1· la mine du débiteur par l'accumnlation indéfinie
des intérêts.
Il n'y avait d'exception à celle règle qu'en faveur des
villes. On ne pouvait même pas 0luder cette disposition
en donnant des gages aux créanciers« nec si pignora ....
data sunt, quarum occasione quredam veteres leges et
ultra duplum usoras ·exigi permittebant. n
�-
54 -
Dan'S une autre opinion, on ne comptait que le capital
dans le calcul du double, parce .que, disait-on, la considération des risques ne peut pas enlever aux intérêts
leur caractère distinctif.
-. Le chiffre plus ou moins élevé des intérêts ne prouve
qu'une chose, à savoir que dans les opérations maritimes
le créancier est plus exposé à perdre ses capitaux. On
disait enfin que l'assimilation <les intérêts au capital était
une violation des lois qui, dep1üs l'époque de Cicéron,
prohibaient l'anatocisme.
Justinien fil cesser cette controverse en déclarant que
les intérêts maritimes seraient confondus a·vec le capital.
Dans notre législation, les intérêts moratoires ne commencent à courir qu'à dater de la mise en demeure du
débiteur.Quelle règle suivait-on en droit romain ?Etaie11tils dus cc ipso jure)) à partir de l'échéance de la delle ou
fallait-il une sommation pour les faire courir? Ici encore
il y avait controverse entre les Sabiniens el les Prnculiens.
D'après les Proculiens, les intérêts moratoires ne commençaient à courir qu'à partir du moment où le débiteur avait été mis en demeure.
11 Labeo ait : si nemo sit, qui a parte promissoris interpellari traj ectitire pew nire possi t id ipsum testation e
complecti debere, ut pro petitiorie id cederet » (loi 2,
Dig. liv. XXII, de naut. fœn.). Si cependant le débiteur
était mort sans h~ritiers au moment où ce remboursement d_evait être effectué .. l'attestation devant témoins
tenait lieu de sommation, cc si trajectitire pecunire pœna,
uti solet. promissa est: quamvis eo cli~, qui· eam pecu-
�-
~5 -
'niam deberet, 'tamen perinde committi pœna potest, ac
si foisset heres debitoris. >>
Dans l'opinion des Sabiniens, on enseignait que les
intéréts moratoires devaient courir de plein droit au moment de l'exigibilité de la créance, « usurarum stipulatio,
quamvis debitor non conveniatur, committitur >> (Pomponius, loi 9, § 1, Jiv. XXII, tit. 1 ).
Africain déclare que l'interpellation est inutile, «consnltus respondit, ejus' quoque temporis, quo interpeIJa·tus non esset, pœnam peti posse : amplius etiam si
ornnino interpellatus non esset. .... Alioquin ·dicendum
est, si is qui i·nterpellari cœpisset, valetudine impeditus,
interpellari dedisset; pœnam non committi >> (loi ~3.
Dig. de oblig. et act.). «S'il en était autrement, dit Scœvola, il faudrait décider que la peine ne serait pis encouroe, si une maladie empêchait Je créancier de faire l'ince qui est inadmissible. >>
terpellaHon,
'
1
Nous terminerons en disant que Justinien consacra
l'opinion des Sabiniens dans une constitution qui forme
au code la loi 12 (de contrah, et commit, stipnlatione
VIII, 38) cc Sciat minime se posse debitor ad evitandam
' pœnam adjicere quod nemo éum adinonnit. ... quum ea,
qme promisit, ipse in memoria sua servare, non ab aliis
sibi maoifestari debeat poscere. >> Le débiteur ne peut
pas alléguer qu'on ne lui a fait aucune sommation, parce
qu'il doit avoir toujours la mémoire de ses cleLLes.
L'opinion de Ju::;tinien est la plus juridique: en effet,
la stipulation de la pœna est pour le débiteur une obligation conditionnelle qui se transforme en une obligation
pure et' simpl e par le défaut de paiement an j'our de
J'échéance.
�-
Gfi -
Si le créancier s'est opposé lui-même au payement,
le débiteur est libéré de toute obligation . . '' Servius ait
pecunire lrajectitire pœnam peti non passe, si per creditorem stetisset, quo minus eam inlra certnm tempus
prrestitutum accipiat )) - (( si ta men post mortem creclitoris nemo fuit cui pecunia solver.etur ejns temporis ihculpatam esse moram constitit. )) (loi ~3 dig. de oblig. et act.).
Les régies que nous venons d'exppser en étudiant les
intérêts maritimes étaient-elles particulières au nauticum
fœnus? Ne faut-il pas, au contraire, les étendre à toutes
les opérations, même non maritimes, dans lesqneHes le
prêteur prenait à sa charge les pertes et les détériorations
dues à des cas de forœ majeure? En faveur de celle
solution on peut invoquer un e loi de Screvola (loi 5 dig.
iiv: XXII, tit. 1·1).
Malheureusement cette loi, qui ne nous est pas parvenue dans sa pureté primitive, a soulevé de grandes
difficultés d'interprétation. Nous allons la reproduire :
cc periculi pretium est, et si conditione, quamvis pœnali
non existente, recépturus sis, quod dederis, et insuper
aliquid prœter pecuniam, si modo in alere speciem non
cadat, velu Li, ea, ex qnibus conditiones nasci soient, ut:
si manumiltas, si non illnd facias) si non convaluero, et
cœtera. Nec dubitabis si piscatori erogaturo in appara·
tum plurimum pecuni re dederim ut, si cepisset, redderet § 1. In his omnibus et pactum sine stipulatione ad
augendam obligationem prodest. ))
Les règles posées dans ce texte, ld qu'il est arrivé
�-
57 -
jusqu'à nous, sont absolument contraires à celles que
nous avons énonèées. Le j uriconsulte Scœvola semble ·
dire que le prêteur peut recevoir q'uelque chose outrê le
capital en l'absence même de toute condition pénale, si
la convention ne dégénère pas en une sorte de pari.
Interprétée littéralement, cette règle est la condamnation
du prêt a la grosse lui-m ême, puisque J'alea est la base
de ce contrat.
Ce texte ne peut donc être traduit sans correction.
Don eau, pourtant, a essayé de l'expliquer sans le corriger.
"On peut, dit-il, sans clause pénale exprimée, réclamer
le capiLal, plus une indemniLé représentant le prix des
risques couros, toutes les fois que la restitution de l'argent prêLé est subordonnée à une condition, sauf le cas
où le contrat dégénère en une convention de jeu. Pour
qne la convention soit val~ble, il faut que la condition
naisse de la nature du contrat, comme on peut lé vo.ir
par les exemples donnés an texte; dans ces h·ypoLhèses,
la condition s'indnit des faits habituels de la.vie, bien que
la rfalisation dépende du hasard. >> Comme conclusion
il faut ajouter qu'on ne peut exiger le prix des risques
toutes les fois que la base dn contrat est un simple cas
fortuit.
Cette interprétation ne tranche pas la difficulté; voici
l'opinion de M. Pardessus.
« Quelle est, de l'aveu unanime des interprétes, l'in ·tention du jurisconsulte Scœvola , auteur de ce fragment?
De prouver quïl peut y avoir des négociations autres que
les prêts maritimes réglés par des principes analogues à
éeux du prêt à la ~rosse, c'est ce que Pothier a soin de
�-
58 -
faire remarquer. Dans ces ·sortes de prêts, dit Soœvola,
on considère comme prix du risque· dont se charge le
prêteur,ce qu'il« stipule insuper, prœter pecuniamu. Mais
il ne faut pas s'y méprendre: s'il -est vrai qu'on puisse
stipuler quelque chose cc insuper pecuniam » lorsqu'on
stipule par clause pénale qu'à défaut de payement au jour
fixé, le débiteur payera une somme quelconque outre le
principal, c'est à titre d'indemnité, et non cc ut periculi
pretium". Pour qu'il y ait prix du risque, il ne suffit pas
que le droit dù créancier dépende d'une sorte d'incertitude, cc cadat in aleœ speciem )), telles que sont les conventions d'où naissent lr~s conditions, soit purement
casuelles, cc si non convaluero ))' soit dépendantes de la
volonté du débiteur qui s'oblige à. payer au cas où il ne
fera pas une chose, "si manumittas, si non illud facjas »,
car, il n'y a pas là un prix du risque, cc periculi pretium».
Mais ce risque existe «nec dubitabis n lorsqu'on prête
une somme à un pêcheur _qui ne rendra rien s'il ne prend
pas de poissôn, et qui, s'il en prend, rendra le capital et
insuper aliquid. Cet cc fosuper aliquid »est évidemment
l'indemnité du risque qu'a couru le prêteur de ne rien
recevoir, et, par conséquent, c'est le « periculi pretium».
Emérigon passe à côté de la difficulté. <<La loi Periculi pretium, dit-il, est très obsure. Cependant on doit
en inférer qu'en matière de contrats aléatoires, ce qu'on
reçoit au-delà du principal est le prix du ·péril qu'oB a
couru, cc pretium periculi est». Ce qu'on reçoit an-delà
du capital est moins un intérêt qu'un accroissement de
l'obligation. Et, comme dit Dumoulin, dans l'explication
qu'il qonne de cette loi,<~ valet sine s~ipulatione, nec sµb
�-5!1 -
est taxationi usurarnm, quia augmenlnm sortis non est
usura, sed perict1li pretium ,, .
Nous nous rallions à une dernière explication, celle
de Cujas, le seul commentateur qui, à notre av is, ait
véritablement interpr~!té la lo i de Sc~evola ou ait permis
·au moins de la comprend l'e en la corrigeant.
. Son interprétation est cl.aire et logique.
Au lieu de cc el si conditione, quamvis pœnali non
existente.,, il faut lire cc et si c.onditione quamvis non
pœnali existen te 11.
Après cette première correction, la loi devient facilè
à commenter.
Le texte peut se traduire ainsi : La condition réalisée,
le prêteur peut toujours recevoir quelqu e chose en outre
du capital, bien qu'il ne l'ait pas stipulcl comme une
clause pénale, car ce qu'il reçoit est le prix des risques.
Cujas propose une autre correction; au lieu de : cc si
modo in aleœ speciem n-on cadat >>il dit: «in aliam speciem n. Enfin, il remplace cc conditione ,, par le mot
11 condictiones >>.
Après toutes ces correction s, la pen sée de Scœvola se
dégage facilement de la loi.
Dans toutes les hypothèses où le prêteur s'est exposé
à perdre sa créance, il peut obtenir outre le capital "insuper aliquid n, comme prix des risques. Cette indemnité ,ne peut être due qne clans les conventions aléatoires, et Scœvola nous cite le cas où une somme était
prêtée à un pêcheur pour acheter des engins de pêche
cc piscalori er'ogaturo in apparatum n, à condition qu'il
ne rendrait la somme prêtée que s'il faisait bonne pêche,
�- 60-
et le cas où l'on aurait prêté de l'argent à un athlète pour
s'équiper, a condition qu'il ne serait tenu de restituer
l'argent que s'il était vainqueur.
Mais il ne faut pas confondre avec ces opérations les
dations conditionnelles dans lequelles on ne peut répéter
par la condictio ob rem dati que.la res prresti la.
Avec les corrections proposées par Cujas, acceptées
par Pothier et un grand nombre d'auteurs, la· question
de la loi 5 est réso)ue.
On peut assimiler au prêt à la grnsse tontes les conventions dans lesquelles le créancier s'expose à perdre les
capitaux qu'il a prêtés. Dans tous ces contrats aléatoires,
Je prêtenr peut stipuler cr aliquid pnBler pecuniam )) et
un simp le pacte suffit pour faire courir les intérêts.
cc In his omnibus et paclum sine stipulatione ad augendam obligationem prodest )) .
.·
. ~~··" '
�CHAPITRE lll
Sû1•etés acco1•dées au prêieu1• à la g1•osse.
SECTION I
-.
Süretés légales.
Les jurisconsultes romains avaient accordé un « privilégium ii anx prêteurs à la grosse dans l'espérance d'attirer les capitaux et d'encourager les expéditious mariti. . mes qui intéressaient au plus haut point la prospérité de
la république. «Qui in navem exlruendam, vel instruendam credidit vel etiam emendam, privilegium habet. ,,
(Loi 26 de reb, auct. jud. XLII, 5.)
Il est encore parlé de ce << privilegium " dans la loi 34
au même titre« Quod quis navis fabricand re vel emendre,
vel armandre, vel instruendre causa, vel quoqno modo
1
crediderit vel ob navem venditum, petat, habe t privilegium post fiscum. ))
Les mêmes dispositions se retrouvent chez les Athéniens. A l'arrivée du navire, le créancier pouvait poursuivre le paiement de ce qui lui était dù snr tout ce qui
formait son gage, et cette poursuite s'ex~r~ait par voie de
saisie et de vente forcée.
Les marchandises chargées sur le navire étaient affecté,es à la dette (Demosthènes contre Lacritos).
�-
62 -
JI ne fan t pas donner an mot privilège, en droit romain,
la signification qu'il a dans notre droit français. A Rome,
en effet, le privilège est un simple droit de préférence
résultant de la qualité du créancier ou de la cause de la
créance et opposable seulement aux créanciers chirographaires. Il ne comporte ni droit de suite, _ni droit de
vente. Entre les divers privilèges, les rangs s'étâb li ssaien~
d'après la seule qualité des créanciers et sans aucun bgard
à l'an cienneté; il en résultait que tous ceux qui devaient
leur privilège à une cause de même nature conco uraient
entre enx (1. 7, § 3. dig. depo$. XYI, 3; 1. 3~ de reb.
anet: J ud.)
Les Romains finirent par créer une garantie semblab le
à notre privilège; ce fut l'hypothèque privilég:ée. Cette
hypothèque primait toutes les autres cré:i.nces hypothécaires, même antérieurns, comme le simple privilège primait les créances ch irographaires.
Le privilège accordé au prêteur 8t1it appe lé (( privilegium inter personales action8s )),
Le prêteur à la grosse avait clone une situation intermédiaire entre les créanciers chirographaires et les
créanciers hypothécaires: il primait les uns et était primé
à son tour par les autres .
Certains auteurs enseignent cependant que le prêtem· '
avait une véritable hypothèque. La loi 1 au digeste (in
quibns caus. pign. vel hyp.) accorde une hypothèque
à celui qni a prêté de l'argent pour la reconslrnction d'un
édifice. « Senritus consulto quod sub Marco imperatore
factum est, pignns insnlre creditori datnm, qui pecuniam
ob restitutio nern œdificii extruendi niutuam dedit, ad
�-63 -
eum ,quoque pertinebit, qui redempLori, domino mandante nummos ministravit. ))
Pourquoi ne pas étendre cette règle au cas où l'argent
prêt.é à la grosse a servi à acheter on à équiper un navire.
Celle règle n'est pas écrite dans la loi, mais elle ressort
de son esprit.
Cette. opinion a été soutenue par Accurse, Kuricke et
plusieurs savants de l'éco.le Je Bologne.
Nous pensons qu'il faut s'en tenir à la règle générale,
parce que la loi 1 au digeste n·a élé écrite qne pour protéger les créanciers qui avaient prêté de l'argent pour la
réparation des édifices. Les lois romaines ont toujours
été favorables }1 la conservation et à la réparation des monnmen ts cc ne urbs ruinis deformelur. ))
La loi I, emploie Je mot " pignus n, mais quel est Je
sens exact de ce mot ? Pour Accurse et Kuricke « p1gnus >> signifierait une hypothèque privilégiée. Cette interprétation est universellement rejetée. JI est admis par
tous les auteurs que le prêteur à la grosse n'avait qu'un
simple privilège qui le plaçait immédiatement au-dessous
des créanciers hypothécaires. On peut invoquer en faveur
de celle opinion plusieurs textes dans lesquels le mot
(( privilegium J) est seul employé (loi 24 S 1 dig. livr.
4:2, lit. V) cc creditor qui ob restitutionem redificiorum
crecliderit i11 pecunia quœ credita est, privilegium exigendi habebit. ,, (loi 25, ùe rebus creditis.) - (Loi I,
de cessione bon.)
•
On a voulu tirer une objection de la loi 34 au digeste.
Celle loi, dit-on, donne au prêteur nn privilège qui ne
peut être primé que par celui du fisc, cc habet privileginm
�-
6/1 -
post fiscum >J; on a rapproché ce texte d'on autre passage du même jurisconsulte - « privilegium fisci est
inter omnes creditores primum locum habere 1) et on en
a conclu que le privilège du prêteur passai.t après celui
du fisc, avant celui de tous les autres créanciers.
Cet argument n'estau fond qu'une pétition de principe.
En classant le privilège du prêteur immédiatement après
celui du fisc, la loi 34 n'indique pas quels sont les créanci-ers auxquels le fisc est préfMé. S'agit-il des créanciers
hypothécaires ou des créanciers chirographaires? Voilà
ce qu'il faudrait commencer par établir.
Il faut-cherc!rnr ailleurs la solution de la question (loi
8, dig. qui potiores - loi 2, code de privilegio fisci
VII). On voit que dans ces lois le fisc n'a qu'un simple
privilège qui ne lui donne le pas que sur les créanciers
chirographaires.
Dans la loi 10 au digeste, (de pactis) Ulpien nous apprend qu'en dehors des cas tout à fait exceptionnels où
il a une hypothèque, le fisc est dans la même situation
que les créanciers à qui la loi donne un privilège " fiscum
quoque, in his casibus, in quibus ijypothecam non habet
et cœteros, privilegiarios, etc. >J
Les deux textes que l'on invoqµe dans la première
solution signifient seulement que le fisc est préféré aux
créanciers chirographaires, qu'il est un créancier chirographaire privilégié et qne, s'il y a concours entre le pri·
vilège du prêteur et celui du fisc, c'est celui-ci qui l'em~
porte,
�-
65 -
SECTION II
Sûretés résultant de la convention.
En d~hors de la garantie spéciale que les textes accordent au prêteur li la grosse, celui-ci peut stipuler, comme
tout créancier, les sûretés qu'il juge convenables, telles
qu'une hypothèque ou l'adjonction d'un fidéjusseur. Si
la loi doit respecter la convention des parties et leur
accorder une liberté illimitée, c'est surtout dans les opérations dont le succès dépend de mille événements imprévus. Le prêt à la grosse peut se placer au nombre de
ces opérations.
Les textes ne font aucune all~sion à l'adjonction d'un
fidéjusseur, mais cette garantie qui n'est ni illicite, ni
immorale, .devait être autorisée au -même titre que l'hy-.
pothèque et le gage.
En parlant des garanties légales accordées au prêteur,
nous avons vu que Je privilège n'appartenait qu'à celui
qui prêtait de l'argent pour la construction, l'achat ou
l'équipement d'un navire. Si l'argent servait à acheter
des marchandises, le prêteur n'avait aucune sûreté.
·Cette distinction n'.a plus sa raison d'être en matière
de sûretés conventionnelles.
En Grèce, l'emprunteur peut· affect.er tous ses biens à
la garantie de sa delle, (Démosthènes contre Lacritos). A
Rome, le débiteur peut donner hypothèque sur le navire,
sur les marchandises, même sur celles qui sont chargées
�-
56 -
sur d'autres navire et qui ne voyagent.pas aux risques du
prêteur. Nous trouvons un exervple de celte convention
dans la loi 6 au digeste (de nautico fœnore) cc fœnerator
pecuniam usuris maritimis mutuam dando quasdam
merces in nave pignore accepit; ex quibus si non potuisset
totum debitum exsolvi, aliaram mercium aliis navibus
impositarum, propriisque freneratoribus obligatorum, si
quid, superfuisset, pignori accepit. )) Dans cette hypothèse, le prêteur peut se trouver en concours avec d'autres
créanciers hypothécaires. Si le navire vient à périr, perdra-t-il tous ses droits ou pourra-t.-il se faire payer sur
le prix des marchandises chargres sur d'autres navires,
lorsqu'on aura désintéressé les créanci.ers qui avaient une
hypothèque sur ces marchandises?
Le prête_ur perd tous ses droits. L'hypothèque ne peut
exister indépendamment du droit qu'elle garantit; or, le
droit principal, la créance n'existe plus, puisque le navire
a péri pendant la traversée.
à Interrogé sur cette question, j.'ai répondu, dit le
jurisconsulte Paul, que la perte du gage était ordinairement à la charge du débiteur, et non du créancier, mais
qne l'argent prêté à la grosse aventure ne pouvait être
répété par Je créancier que lorsque le navire arrivait à
destination à l'époque convenue; què l'obligation du débiteur, si la condition ne s'accompli.ssait pas, était éteinte
et avec elle toute action sur les gages, même sur ceux qui
n'avaient point péri . .
Mais alors ,quand le créancier pourra-t-il faire valoir
son hypothèque sur les gages supplé'mentaires?
Il le pourra quand la condition de l'obligation se se~a
�-
67 -
réalisée ou quand le premier gage aura péri dans un événement do.nt le prêteur avait déclaré ne pas vouloir assumer la responsabilité. Il en sera de même si les marchandises hypothéquées ont été vendues à vil prix ou si 'la
perle du navire n'est arrivée qu'après le temps des
•
risques.
Si le débiteur n'acquitte pas sa dette à l'échéance, Je
créancier pourra saisir les marchandises hypothéquées
à sa créance, les fairè vendre, et retenir sur Je prix le
capital qui lui est dû, les intérêts et la pœna, si celle-ci
toutefois n'excède pas le taux légal, cc nec pig_nore, nec
hypotheca titulo majoris usurœ ten ebuntu r. » (Loi 4,dig.
de nau t fœnore.)
Nous voyons clans la loi 18 au digeste (livr.e XX, tit.
IV) et dans la loi 20 (livre XIII, titre 7) comment se
régie le concours entre les créanciers à qui on a donné
les mêmes garanties'.
Deux hypothèses peuvent se présenter:
1° Les hypothèques n'ont pas pris naissance à laméme
date «Lucius Titius pecuniam mutuam dedit sub usuris,
acceptis pignoribus, eidemque debitori Mœvius sub iisdem
pignoribus pecuniam dedit; quœro, an Titius non tantum
:sortis et earum usurarum nomine, quœ accesserunt antequam Mœvius crederet, sed etiam earum qure poslea
accessernnt, poliorem esset? Resp,ondit Lucium Titium
in omne quod ei debetur potiorem esse. >>
On applique dans ce premier cas la règle c~ prior tempore, potior jure •1 .La préférence s'établit d'après la date
des hypothèques en commençant par la plus ancienne,
quelle que soit d'ailleurs la date .de la créance.
�-
68 -
Cette règle est toujours subordonnée, pour ce qui
concerne le prêt a la grosse, à la condition què le voyage
s'effectuera dans les conditions normales .
0 Les hypothèc{ues ont été consenties à la même date
• ·~
«si pluribus res simul pignori detur, req ualis omnium
causa est >1 (Loi 20, liv. XIII, tit. 17). Lorsque les hypothèques ont été consenties à i'a même date, les créanciers viennent au même rang.
Le prêteur qui a obtenu une hypothèque aura le droit
de suite, le droit de rétention, le droit de vente èt le
droit de préféreuce; comme la plupart du temps il arrive
au premier rang pour les marchandises chargées sur le
navire, il aura à lui seul toute l'efficacité de l'hypothèque.
Lorsque l'emprunteur a donné une hypothèque spéciale sur des objets mobiliers, il lui est défendu de les
aliéner sous peine de commettre un furtum.
Il y avait quelques exceptions 1:1 cette règle. Ainsi dans
le prêt à la grosse, l'emprunteur conservait le droit de
vendre les marchandises, si Je prêt avait été fait pour
l'aller el Je retour. Mais ce n'était pas là une exception
à proprement parler, car, à l'arrivée du navire, les marchandises chargées pour le retour étaient subrogées aux
premières et frappées comme elles d'une hypothèque.
On conciliait ainsi les droits du créancier avec les besoins
du commerce.
Les Romains, nous l'avons déjà dit, créèrent des
hypothèques privilégiées au profit qes créanciers qui
avaient fait des dépenses pour conserver la chose hypothéquée ou dans l'intérêt commun cles autres créanciers.
�-
69
~
Comment se classaient ces hypothèques privilégiées?
Les textes nous donnent deux exemples, (loi 7, Code,
liv. VIII, tit. XVIII)'.
(( Licet iisdem pignoribus multis creditoribus diversis
temporibus datis, priores habeantur potiores : tamen
eum .cujus pecunia prœdium comparatum probatur, quod
ei pignori esse specialiter obligatum statim convénit ;
omnibus anteferri juris-auctoritate declaratur. l>
La première hypothèse est celle où l'argent prêté a
servi à acquérir une chose grévée d'hypothèque. Le prêteur primera les autres créanciers de l'acheteur.
Il ne s'agit nullement ici d' une hypothèque légale. La
loi nous dit seulement que si le créancier obtient une
hypothèque sur la chose achetée, cette hypothèque sera
privilégiée.
Le prêteur a encore une hypothèque privilégiée lorsque
l'argent qu'il a avancé a servi à réparer la chose hypothéquée.
u lnterdum posterior potior est priori : ut puta, si in
rem istam conservandam impensum esf, quod sequens
credidit ; veluti si navis fuit obligata, et ad armandam
eam rem vel reficiendam ego credidero, (lois 5 et 6,
Dig. liv. ~O. tit. qui potioresin pignore).
c< Hujus enim pecunia salvam fecit totius pignoris
causam. Quod poterit quis admittere, et si in cibaria
nautarum fuerit creditum, sine quibus navis salva perveniri non poterat. - Item si quis in merces (sibi) obligatas crediderit, vel ut salvre fiant, vel ut naulum exsolvatur potentior erit, licet posterior sit : nam et ipsum
nau.lum potentius est. )>
�-
"Io -
. Dans ces deux dernières hypothèses, l'hypothèque du
prêteur était un véritable privilège qui passait avant toutes les autres hypothèques.
- - -..... 1•,,..___ __
.
_,
...
~·
.-·. . .
-
�DROIT FRANÇAIS
IDES CAS DE NULLITÉ DANS LES ASSURANCES
MARITIMES
Le prêt à la grosse et le contrat d'assurance occupent
un·e large place dans \'histoire des législations maritimes.
Ils ont été créés pour des besoins semblables, mais le
prêt à la grosse a perdu irne grande partie de son importance. << Ce sont deux frères jumeaux, dil Emérigon,
mais cela qui est vrai au point de vue philisophique ne
l'est pas au point de vue historique. )) (Traité des assurances, chap. 1.)
Le prêt à la grosse qui est le plus ancien est relégué
au second plan. Cette infériorité s'explique naturellement
si l'on compare ces deux contrats et leur degré d'utilité.
« Le contrat de grosse a cet avantage de procurer des
fonds a.Ùx armateurs au moyen d'un prêt aléatoire où la
chance de pèrdre se réalisant dispensera du remboursement.
Mais combien cet avantage est acheté chèrement par
l'armateur !
�-
72 -
En cas d'heureuse arrivée, il devra. outre le principal,
payer un change ou intér~t nautique.
Or cet intérêt n'est pas, comme pour le prêt ordinaire,
la simple indemnité, pour le prêteur, de la privation de
l'usage de ses fonds, mais l'équivalent de cette chance
qu'il court de ne recevoir, ni son principal, ni les intérêts,
ni un prix quelconque du danger qu'il a couru!
Une telle chance doit rendre le prêteur exigeant, et
faire porter le qhange ~ qn ta\nç onéreux pour l'emprunteur. L'assurance, il est vrai, ne donne pas immédiatement
des fonds à l'armateur, il faut qu'il les ait devant lui, ou
se les procure par une autre voie de crédit. Mais il y
trouve la garantie que, si les fonds par lui exposés périssent, en tout ou en flartie, il en sera remboursé par ses
assureurs. ,. (Cresp, Droit mar. tome 3, page 30).
Une que,stion intéressante est celle de savoir si les
Romains connai:;saient l'a~surance maritime, contrat par
lequel l'un des contractants prend à sa qharge, moyennant un prix, les risques de mer auxque,ls la chose
d'autrui est ou sera exposée et s'engage à indeqlniseJ;'
l'autre contractant de la perle ou des dommages résultant d'événements fortuits on de force majeure.
Si l'on ne retrouve pas l'in~titu t.ion organisée, on en
rencontre cependant quelques traces dans l'histoire, romaine.
Tite-Live nous raconte qu(il pendqnt la s~conde gu(ilrte
punique, des entrepreneurs cnargés de faire transporter
en Espagne des munitions de guerre et de bouche avaie,nt
stipulé que l!i république serait garante des pertes qui,
dans le cours du voyage, seraient occasionné.es par l'en ~
nemi ou par la tempête (Tite-Live, liv. 23 n° 49).
�-
73 -
·Quelques anaées après, Gn fit 1e precès à des traitrat1ts
qui, s'étant chargés de faire povter les provisio:ns nécessaires aux armées a:rnient sup(il@Sé de faux naufrages. Ji,a
République avait !ilris pour son compte les perte& qui
arri·veraient par la vi0lence des tempêtes. <• Pwblioum
periculum erat a vi tempestatis, in iis quœ por.tabun- .
twt ad eœercitus. >> (Tite-Live, Iiv. 2o, n° 3).
On peut citer encore une lettre de CicérH au proqnesteur Caninius Sail us-te lui. anm0nçant qu'i:\i 1J:herch:era des
~épondants pour les demers cq,u'H veut envo)ler à Rome·.
Laodicœ me prœdes accepturum arbvtror omnis
pecuniœ publicœ, ut et rnihi et> populo cautùm sit
sine vecturœ pericu.lo. >>
cc
On trouve enfin au Digeste plusieurs
allusion àr .ce déplacement des visques.
te~t'es
qui font
Si gemma includenda aut incu·lpenda data sit,
eaque frac ta sit, s·1: quidem vit1:0 materi.œ, f acium sit,
non erit eœ locato &ctio, si irnperitia /acientis, erit.
Huic sententiœ addendum est, nisi pericu·lum quoque
in se a;r.tifeœ recepera·t; tnnc enirn, etsi viiio materiœ
id evenit; erit eœ locatio actio. >l (Loi 13, § 5, Jiv.
XIX, tit. 11, Dig.).
cc
On voit par ce tex.te que l'ouvrier _qui entrep~enait de
monter des pi,erres précieuses polilvaiit prendre à sa charge
la perte des o.bj,ets (i)Ui lui étaient confiés.
Le Digeste, liv. XVI, tit. III, nou·s fournit un autre
exemple. Sœpe evenit u·t res deposit<11 vel nummi
pe-riculo s.i nt ejus, apud quem deponuntur, utputa
si hoc nominatim convenit. » D'après cette loi, les
parties stipulaient quelquefois que les objets cléposés
seraient aux risques du dépositaire 1
,
�-
74 -
· Nous ·ponvo:ns citer plusieurs autres textes qui permel'taient de se décharger sur autrui de l'incertitude de certains.
èvénements (L. 13, § t:i, lgcati. L. 1, § 3t:i, dépositi. L.
1, code. eod. L. 7, § 15, de pactis) . On trouve bien là
les règles fondamentales de l'assurance, à savoir des ob.;
jets exposés à des risques et une garantie ; ·mais il faut
remarquer que, dans ces exemples , la convention de
garantie n'est qu'une partie accessoire, une simple clause
du contrat principal. Il faut .remarquer aussi que ces
conventions ne présentent aucun caractère de généralité.
cc C'était assurément être arrivé aussi près que possible
d'u contrat d'assurance tel qu'il est connu. Cependant on
ne peut se dissimuler que ces textes ne parlent point
d'une convention principale par laquelle un des contractants; au moyen d'une prime, .periculi pretium, qui lui
est donhée ou promise par l'autre contractant, s'oblige à
réparer le dommage que des événements de fovce majeure
occasionne.nt à la propriété de ce dernier.»
On p~ut donc avancer que si les Romains ne pratiquèrent pas le contrat d'assurance comme le cc le nauticum
fœnus, )) ils durent connaître au moins comme convention accessoire d'un autre contrat celle qui a pour objet
de se décharger sur autrui de l'incertitude des événements.« C'était un sauvq.geon non encore cultivé auquel
l'esprit de commerce a donné le développement etïa
consistance · dont il jouit aujourd'hui. •) (Emérigon ,
Traité des assurances maritimes, tome 1, page 2) ;
A quelle époque apparaît réellement le contrat d'assurance?
· Çertains bjs~oriens ont voulu chercher ~pn origine che~
.
'
�-
75 -
les Juifs: chassés de France sous le règne de PhilippeAuguste en 1121, ils auraient eu les premiers l'idée de
recourir à des personnes qui, moyennant une somµie
convenue, leur garantissait le transport de leurs biens
dans les villes où ils émigraient. Ils auraient appris cette
pratique aux Italiens chez qui ils s'étaient réfugiés el plus
~ard ceux-ci divisés en factions, Guelfes et Gibelins, forcés
alterna~vement de ~·expatrier, auraient porté et répandu
ées pratiques dans le reste de l'Europe.
Dans une autre opinion qui est généralement acceptée,
il faut placer le berceau des assurances, comme celui des
lettres de change, au midi de l'Europe et surtout en ·
Italie.
Cette origine est indiquée par le vocabulaire même de
l'assurance et du change ; tous les mots techniques qui
le composent sont évidemment d'origine italienne; et au
surplus, dans nul pays du monde, on n'a mieux connu
et appliqué les principes el les règles propres à ces con trats que ne l'ont fait les jurisconsultes el les tribunaux
italiens.
D'après la croyance commune, ce contrat n'a commencé d'être en usage, n'a été admis et pratiqué dans le
commerce que vers le XV• siècle. Il paraît du moins
certain qu'il n'a fixé qu'à cette époque l'attention des
législateurs : i> (Cresp, Droit marit. tome 3, page 22).
Les principaux recueils de droit maritime qui aient
paru avant l'ordonnance de la marine de 1681 sont: le
. Consulat de la Mer, les Rôles d'Oléron, les Ordonnances de Wisbuy et le Gùidon de la Mer.
Ce dernier ouvr;ige est le seul qui s' Qçcupe des quesijons que Qpus allons étµdier ,
�-
76 -
Le rédacteur du Guidon de la Mer a conç-u et exécuté
le projet de réun ir en un corps de doctrine les règles de
droit maritime connues de son temps'. Il s"est occupé surtout du contrat d'assmance maritime dont l'usage, beaucoup plus moderne que celui des autres contrats maritimes, méritait effectivement une att.ention spéciale.
Cet ouvrage qui a été publié à Rouen renferme un
exposé clair et précis des règles du contrat d'assurance.
Les règlès des art. 347, 348, 358 et 359 qui· feront ·
l.'objet principal de ceHe étude y sont tracées avec beaucoup de netteté (Guidon de la Mer, art. VU, art. XVI,
chap. III, art. III).
Mais le plns beau monument de lègislation maritime
est l'ordonnancede la marine promulguée sous Louis XIV,
en 1681. C'est le seul ensemble de lois qui ait survécu à
la Révolution et aux travaux législatifs qui ont abouti à
la formation de nos Codes, sous le Consulat et sous l'Empire.
L'ordonnance de la marine a passé tout entière dans
le Code de commerce, sauf quelques changements de
rédaction et quelques innovations de détail. Nous en parlerons plus longuement en étudiant les différents articles
qui ont trait aux assurances maritimes et nous y
retrouverons maintenues la plupart de ces dispositions.
Le législateur de 1807 a·r&glementé toutes les questio.ns qui se rattachent aux assurances maritimes dans le
livre Il du Code de commerce.
Plusieurs des dispositions qui règlent · cette· matière
sont depuis plusieurs années l'objet des plus vives attaqu.es. Déjà en 1865, on a proposé de réformer le livre li;
ce projet n'a pas abouti :
�- 77 -
Une loi du 28. juillet, en aboli~sant la surtaxe de
pavillon, établit comme mesure de proteclion, qu'il sera
procédé par Je gouvernement à l'élude des moyens les
plus efficaces de venir en aide à la marine marchande et
d'assurer sa propérilé.
Une des réformes les plus réclamées est la suppression
de l'article 347, qui énumère les choses ne pouvant
pas faire l'objet d'un contrat d'assurance.
Dans la séance du 8 février 1877., le Sénat votait une
1
proposition qui permettait 1 assuran9e du fret à faire et
du bénéfice esp.éré en effaçant, sauf sur un point, l'arti347 du Code de c0mrnerce.
Ce projet de réforme depuis longtemps réclamé par
les commerçants et plusieurs chambres de commerce
vient de recevoir une solution définitive au moment où
nous terminons cette étude. 11 ·a été adopté par le Sénat,
amendé par la Chambre des ùéputés, modifié par le
Sénat et voté avec modification par la Chambre des dé·
putés, le 10juillet1885.
La loi nouvelle abroge l'article 347 eL ne laisse plus
subsister de ces dispositions que la prohibition de
l'assurance des sommes empruntées à la grosse. On
verra par la suite que cette abrogation est absolument
justifiée. Nous ne nous occuperons ici que des nullités
dans les assurances maritimes, car, les questions qui se
rattachent à cet orJre d'idées nous ont paru particu,lière·
ment intéressantes à raison de l'importance pratique
qu'elles présentent et des modifications qu'elles étaient à
la veille de recevoir quand nous nous soQlmes mis à
l'œuvr~.
�-
78 -
· L'assurance maritime doit réunir, ·comme toutes les
conventions, les conditions exigées pour la validité des
contrats.
Ces conditions sont au nombre de quatre (art. '1108):
Le conser:itement de la partie 4ui s'oblige;
La capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l'engagement;
Un.e cause licite dans l'obligation.
Conformément à cette rè~le, on exigera le consentement des parties contracta~tes sur toutes les clauses
substantielles du contrat. Ce consentement devra être
donné par des personnes ayant capacité et qualité pour
agir, soit en leur nom, soit au nom d'autrui. Il faudra,
de plus, que le contrat ait un objet certain et licite, et
enfin que la cause réunisse les conditions voulues, conditions qui,ainsi qu'on le verra, revêtent ici un caractère
spécial.
A côté de ces quatre conditions gé nérales, l'assurance
maritime, qui est un contrat sui generis, offre certaines
dérogations an droit commun des conve~tions, dérogations tenant soit à son caractère de contrat aléatoire, soit
à ce principe que nous retrouverons plus tard, à. savoir
que la bonne foi doit y être absolument prédominante.
De cette double idée jailliront des particularités que
nous essaierons de mettre en lumière à propos de chacune des quatre conditions de l'article 1108.
En ce qui concerne la deuxième condition, la capacité,
l'assurance maritime ne présente aucune règle spéciale.
Il faudra appliquer les principes de droit commun : la
capacité sera la règle et l'incapacité l'exception, et celui
�-
79 -
qoi .aHèguera l'inca.pacité de l'un des c'onlrC1clants devra
en fournir la preuve . ·
Nous renvoyons donc de ce -chef aux principes généraux· des conventions.
Nou~ allons voir, au contraire, que le législateur a
édicté des règles particulières et dérogatoires au droit
commun en ce qui ·concerne les trois autres éléments de
l'assurance. ·
Pour le consentement, nous savons que quatre vices
peuvent rendre le contrat annulable, savoir: la lésion, ·
l'erreur, la violence et le dol.
Relativement à la lésion, il faudra appliquer à la matière qui nous occupe les règles générales:
A l'égard des majeurs, elle n'est pas une cause de rescision, car, on sait.que seuls, la vente el le partage peuvent y donnèr lieu le cas échéant. On a pensé que la lé- ·
sion ne viciait pas le consentement ou ne le viciait pas ;
du contrat.
pour entraîner la. nuHité
assez profondément
.
.
A l'égard des minenrs, la lésion donne en principe
ouverture à la rescision pour toutes les conventions.
Nous ferons observer que cette dernière règle ne trouve
pas ici généralement son application, parce que le mineur
qui sera amené à souscrire nne assurance aura été autorisé en pratique à faire le commerce .et devra, p.ar suite,
de ce chef être considéré comme majeur.
Pour la violence, il faudra appliquer les règles généra- ·
les indiquées dans les articles 1111 et suivants.
L'erreur n'est une cause de nullité de la convention
que lorsqu'elle tombe sur la.substance même de la chose
qui en ~st l'objet, Elle ~st indifférente au point de vue ·
�-
80 -
· de la validité ~u ç,ontrat dans les cas où elle porte sur la
qualité de la cho,se.
L'assurance mai:itime présente ici uae partieularilé
que nous mettrons en lumière dans le chapi.tre qui va·
suivre. Lorsque l'assuré f par err.eur, c'est-à-dire sans
dol ni fraude, fait assurer ses marehan-dises pour 1rne
somme excédant leur valeu11 réelle, le co.ntrat est annulé
dans la mesure de cet excédant. La bonne foi qui doit
exister entrn.les parties· et q,1ü a sa- place marquée 11>al'Ciculièrement dans . le corntrnt à'as-sura·ace ex!i>lique· cetbe·
dérogation an droit commun. Nous verrnas l.'applioati©n
de cette règle dans l'avticle 308.
Mais c'est surtout à propos du dol li)JUe no-us (\tirons à
insister plus longuement à raison d.e cette idée que l'assurance est un contrat de bonne foi entre l:es contrats de
bon ne foi . Cette idée nous amèn,era à étu,cl·ier l' a·11Licle 3~8
relatif à la .réticence et aux fausses déclarati@ti.ls de l'as·suré, l'article 3o7 relatif au cas où, par à©;lr ern' fraude,
l'assuré a consenti une assurance pour 1me somme .excédant la valeur des effets chargés, et enfin· leS' articles 3fü),
366, 367 et 36-8 qui visent l'hypothèse où l'assu·rance a
été contractée apr.ès l'arriv,ée du navire QU des marchandises,, quand il y a. fraude de la part de l'une des parties.
Si nous arr.ivons à la troisième des confilitions de l'article 1108 relative à l'objet, nous verrons q.ue la loi a
édicté des règles spécial:es. Ces règles son.t trae.ées dans
l'article 3~1 aujourd'hui ai!>rogé, sauf en un point spécial.
Enfin·, en ce qui concevne la cause, nous verrons avec
l'avticle 3~9 une bypotllèsé spéciale où la loi admet la
�- 81 -
nullité pour défaut de ce quatrième élément; nous étu-.
dierons ensuite une application J!lar,ticul_ière des articles
365, 366 .et 367, celle où les parties ignoraient la perte
du navire ou l'arrivée des marchandises au moment de
signer la police. Nous justifierons, le moment venu,
comment noqs estimons que l'on peut voir en ce cas un
défaut de cause.
Ces idées générales nous ont amené à étudier dans trois
chapitres différents les causes de nullité tenant à un vice
du consentement, à l'objet et au défaut de cause ,
�:
'
CHAPITRE L
Nullltés tenant à on Tlce du consentemeni.
..
SECTION I
De l'erreur.
L'erreur est la fausse notion de la vérité. En droit
commun, l'erreur, dont l'une des parties contractantes a
été victime, exerce sur son consentement une influence
plus ou moins délétère suivant les circonstances. Dans
certains cas, elle est exclusive d.u consentement ; alors
le contrat ne se forme pas, parce qn'il manque d'un des
éléments essentiels à son existence. Dans d'autres cas,
l'erreur sans faire disparaître le consentement, le vicie
d'une manière grave ; elle est alors une cause de nullité
du consentement et par suite du contrat lui-même·. Dans
d'autres cas, enfin, l'erreur est sans inflnence sur la validité du contrat, parce qu'elle n'altère pas assez profondément le consentement.
Ces règles trouvent ici leur application comme dans
les autres conventions, mais quèlques-unes y sont sanctionnées avec plus de rigueur à raison du caractère de
l'assurance maritime, contrat qui doit ~tre de bonne foi
entre les contrats de bonne foi à raison des risques énor·
�- . 83 -
mes que court l'assureur. C'est ainsi que le .législateur
décide dans l'article 34.8 que toute différenc·e entre le
wntrat d'assurance ·et le CQnnaissement, qui diminuerait l'opinion du risque ou en changerait le sujet, annule
!'assurance.
La plus parfaite conformité doit exister entre la police
et le connaissement; ces deux pièces doivent concorder
strictement l'une avec l'autre. La moindre différence en tre ces deux actes, qui .serait, dit la loi, de nature à. diminuer l'opinion du risque ou à en changer le sujet annule le contrat; il n'est même pas nécessaire, suivant ce
texte, que cette différence influe sur le dommage ou la
perte de l'objet assuré. Le risque est de la substance de
l'assurance; l'erreur sur la substance de la chose annule
Je consentement.
De quelle erreur s'agit-il dans cette hypothèse? Quelques auteurs pensent qu'il ne s'agit que de l'erreur portant sur l'identité de l'objet assuré. cc Nous croyons, dit
avec raison M. Laurio (tome m, page 216), que c'est
entendre la disposition d'une façon trop étroite·et Je risque dont l'objet se trouverait modifié par la différence
existant entre l'assurance et le connaissement, a une
portée et un sens plus larges. C'est celui que Casarégis
avait résumé d'un mot en disant qu'il gisait tout enlier
dans l'intérêt quel' assuré devait avoir au contrat: cc risi-
cum seu interesse assecutorum. ))
Cette différence entre la police et le connaissement
peut se manifester de diverses façons: tantôt, il y a défaut
d'identité entre l'objet assuré et celui indiqué au connaissement, tantôt le risque réel ne concorde pas avec le
�- S4 -
risque contractuel, c'est-:i.-dire assumé par l'assureur.
Nous verrons plus loin, en é.Ludiant l'art. 348, les différençes qui existent entre cette hypothèse et celles prévues
par les deux premiers paragraphes de cet article.
Nous trouvons une dérogation nouvelle aux règles générales sur l'erreur dans les art. 358 et 359 du Code de
commerce. En règle générale, l'erreur sur la valeur d'une
chose n'empêche pas le contrat d'être valable; une semblable erreur se confond c.vec la lésion qui, en principe,
n'est pas une cause de nullité des eontrats.
Dans les assurances maritimes, l'erreur exerce une
influence plus ou moins décisive sur le sort du contrat,
suivant qu'elle est volontaire ou involontaire.
La première hypothèse est l'objet de l'art. 357 que
nous étudierons dans la section fI de ce chapitre. Restreignons-nous ici à la seconde hypothèse, ~ celle où, en
raison de la bonne foi de l'assuré, le contrat est simplement réduit, c'est-a-dire ramené à la valeur exacte de
l'objet mis en risque.
C'est le cas prévu par l'art. 358.
S'il n'existe qu'une seule et même police, la réduction
profite indistinctement à tous les assureurs. Ainsi si
l'assuré souscrit une assurance pour une somme de
100,000 fr., alors que la valeur exacte des effets assurés
n'est que de 75,000, chaque assureur ne peut être poursuivi que pour les trois quarts de la somme assurée.
Il faudra appliquer la même solution à la réassurance.
On entend par réassurance le transfert que l'assureur
fait en faveur d'un autre des droits et obligations qu'il
avait acquis et contractés lu.i-même eh souscrivant la
1
police d assurance .
�- 85 Les règles relatives à la réduction de l'assurance ou d'e
la réassurance se compliquent lorsqu'il y a plusieurs polices souscrites successivement et à des dates différentès.
«Pour qu'il y ait lieu à contribution entre les assureurs,
dit Valin (sur l'art. '.20 de J'ordonnance de la marine), il
faut, aux termes de notre article, que toutes les assurances
soient faites par une seule et même po.Jice ; car, s'il y en
a plusieurs, ce sera de l'ordre de leur date que dépendra
le sort des ass·ureurs; c'est-à-dire que toutes les assurances qui se trouveront avoir été faites avant que la valeur
des effets ait été épuisée, seront regardées comme non
avenues, étant caduques et frustratoires. »
Pour faire une juste application de cette ·règle, il faut
tenir compte de la date, parce que les polices souscrites
au même moment ne forment qu'un seul et même contrat.
Si donc là même police contient plusieurs signatures
qui ne soient pas à la même date, !l y a autant de contrats
que de dates différentes.
Comment s'opère la réduction?
La réduction · ne porte pas sur tout~s les assurances,
mais seulement sur celles qui ne sont pas alimentées~
en remontant, par ordre de date, des dernières polices
1
aux premières. Un exemple fera mieux saisir l'application de cette règle.
Primus veut faire assurer une 'somme de 3o',OOO fr.
sur les facultés de son navire ; il se met en 'quête, d'assureurs et souscrit plusieurs assurances' à des dates différentes. Un premier assure pour ·10,000 fr., un secoI_ld
ponr 8, 000 fr., un troisième pour 7, 0'00 fr. et un quatrième pour .J ,000 fr. Les marchandises une fois chargées
6
�t
-1:16 -
à bord, on constate que l'intérêt de l'assuré ne · s'élève
'
'
qu'à 25,000 fr., il y a exagération de la valeur des marchandises. Par appli.cation de l'art. 358, la réduction ne
profite pas à tous les assureurs, mais au dernier seulement qui n'a assuré que l'excédant de valeur. Si l'on.
suppose maintenant que l'intérêt de l'assuré ne s'élève
qu'à 20;000 fr., la troisième assurance n'étant alimentée
qu'en partie subira une réduction égale an chiffre qui
excède la valeur des effets assurés. La réduction ainsi
'
opérée, les deux premières assurances resteront intactes,
la troisième sera réduite à deux mille francs et la quatrième annulée. Les denx derniers assureurs auront droit
à titre d'indemnité au demi pour cent de la somme sur
laquelle a porté la réduction.
La règle de l'art. 358 est générale et absolue. Elle
reçoit son, application dans •toutes les hypothèses où
plusieurs assurances ont été souscrites, sans fraude sur
le même chargement, pour une valeur supérieure à celle
des marchandises. On s'est demandé cependant s'il ne
faudrait pas faire exception à cette règle au cas où l'on
aurait en présence une police générale et une police spéciale? Nous pensons qu'il y a lieu d'appliquer ici la même
règle. D'après la jurisprudence, lorsqu'une assurance
garantit la valeur des effets assurés, toute assurance postérieure, générale ou spéciale, fait double emploi avec
la première et doit être ristournée, si elle n'est pas alimentée. En souscrivant la première assurance, les parties
ont voulu couvrir toutes les marchandises sans distinction
aucune. La police une fois signée, l'assuré ne peut pas,
sans le consentement de l'assureur, modifier le contrat
�..... 87 _.
en souscrivant une autre ·assurance particulière â. une
catégorie d'objets ou à certaines marchandises nommément désignées.
· La solution est la même au cas où l'assuré a signé une
police flottante c'est-à-dire une police destinée à couvrir
. les marchandises à charger dans un délai déterminé. La
date du contrat sera celle de la police flottante et toùtes les
marchandises embarquées depuis la rédaction de la police
seront couvertes par l'assurance comme si elles avaient
.
été chargées le même jour.
Si la police çi été souscrite pour le compte de qui il
appartiendra par un commissionnaire on un agent de
transport, le contrat portera la date du chargement ou de
la consignation. Nous ferons observer que cette assurance
a un caractère éventuel et conditionel, car il peut arriver
qu'au moment du chargement, les marchandises aient été
valablement assurées ailleurs par les soins du propriétaire .•
Le contrat passé par l'agent de transport ne devient donc
définitif que le jour où le chargeur vient accéder lui-même
à la police ouverte c'est-à-dire le jour où les marchandises
sont transportées sur le navire.
Si Je chargeur a déjà fait assurer ses marchandises,
celle assurance doit primer l'autre comme étant antérieure en date et comme ayant éLé contractée par le véritabl.e ayant cause (Jugement rendu le .17 juillet 1877.
Journal de Marseille, 1877, 1, 300).
Dans la pratique, Je chargeur s'en rapporte à l'agent
de transport. Cet agent contracte une assurance générale
qui est destinée à couvrir tout ce qui sera chargé sur ses
navires et c'est lui··même qui paie la prime. cc Il annonce
�- 88 -
à· sa clienlè\e1 dans ses circulaires, il répète dans ses
lettres die voitures1ou c'e>nnai:ssement~ ·que ' t0t1res les m:ari
chandises qu'on lui donne à transporter son·t assurées
ipso facto, sans qne les clients aient à. s'embarrà'sser des
assurances.
Quelle est la date de cette.assurance? Pour !'·entrepreneur, c'est bien \a1date de la police d'abonnement; pour
chaque client qui en profite, pour chaque chargeur ce ne
peut être que la date du chargement ·; s'i1 s'agit d'un
chargement isolé ou s'il s'agit d'un trai~é de transport, la
date de ce traité. 11 (De Courcy. Questions de droit maritime, tome 1, page 575).
Le tribunal de commerce •dé Mars'eille a décidé qu'à la
différence des polices in·quovis dont le caractère essentiel est de s'appliquer, par le seul fait 1du ·chargement, à
toutes les mar.chandises chargées 1 dans •les c©n:clitions
prévoes, les polices que font souscrire certaines campagnies de transports maritimes ne s'appli•quent 1 aux marchandises chargées que par stiite de 1la déclaratio1i faite
par le.chargeur sur le co-n,naissement qu'·il ·entend profiler
do bénéfice de cette assurance (2~ mars 1832. Journal
de Marseille, t. 13, 1:· 91).
En conséquence, c'est à la date du connai'ssèment et
noa de la police qu'il faut se reporter ent pareil cas pour
savoir si l'assurance est primée 1 ou non par une,. autre
assurance souscrite pai1~ un interessé.
Le commissionnaire, l'agent de transport qui fait
assurer·pour le- compte de qui il appartiendira 1toutes
les marchandises chargées sur un navire dans un laps de
temps déterminé) doit-il être considéré comme un véritable mandataire?
1
1
�- ' 89 -
La question ,pr~sente_surtout de l'intéi;êt d-ans ' ! ~ hypo
thèse où '1e propriétaire a souscrit lui-même une 'ass,eranee
_ pq~térieqre en da,~e, parce'.:rtne, · su~vanit la,solution. que
ljop adopte,.;I ..doit s:,aar,esser>aux1assur,euns ·d.u eommissionn;\ire ou ,aux ,siens.
u On voit sm les mêmes choses, 1dit.M..d,e .Qourcy,, des
11ss.uraµces doub,les,pu multiples, eon\ractées à ·des dates
1différeµtes et par .des personn..es différentes ;sans a,ucune
,(r;md.e e,t . .j :ajou,~e,i;ai sa11s aucune erreur. à rproprement
rpar.lef'., ,car' J' e:x;péditeur' le destinatuine, l'associé, ·l'acheteur ,.Je banquier on.t 1pu .avoi.r -u.n ie;térêt )patticnlière_ment légitime à {ai.r,e assui:er. J.l est ce.penda-nt certain
qu'e.n cas de sinistre, .les assmeurs ne ·paieron1t qH'•une
,fols. Mais qui pa.iera? Qp.esH@·n .e;xcessivemea!t lHigieuse .
.C'est p.r.~.tendreJa .r.ésoudre tri01p ites·tement ·q'l!le de citer
_l'art. 359 du Cocle de c@.rpmerce et .de dire qu'il n'y ama
qu'une vérification de dates à faire.,.... Le texte de
l'ant. 3:59 ,ne dispense pils de vérifier, e,n ou·tre de la date,
la validité et la portée du premier contrat. >> '(Be C1i>.urc~,
questio.ns de droit maritime, tome 1).
~·arl. 359 vise une tout autre hypothèse, celle où
!e chargepr a soqscrit lui-même plusieurs contrats d'as. s,urance st;ir le m ~ me chargement. Mais l'agent de transport est-il un n:iandataire? Dis~ns d'abord qu'il n'es.t pas
nécessairy ·que l'Çtffréteur ait donné un mandat formel à
çet ageot pour .que les ;issure.urs choisis par celui-ci
soient tenus d'indemniser l'assuré ; les usages coiprnerciaux s.e conter:ite.nt d'un i;r:iaQ.dat tacite, d'l)n intêrêt
~v,entuel ou indirect..
~ais peut-o.n cfüe s~rieu~emen.t que ce ma~dat e~ist~
�- 90 -
lorsque le chargeur souscrit loi-même une ou plusieurs
assurances? ·
En recourant à d'autres assureurs, celui-ci prouve
. d'une façon indiscutable qu'il ne veut accepter à aqcun
prix les assurances souscrites à une ,date antérieure par
d'autres personnes que lui;
Le tribunal de commerce de Marseille a décidé à la
date '.23 septembre 18~3 que " le commissionnâire qui a
fait assurer en l'absence d'instructions positives doit
être considéré comme ayant agi, ainsi que son de·voir de
mandataire et la 'prudence le lui prescrivaient, dans l'intérêt de son commettant; qu'en conséquence si, postérieurement à cette assurance et dans l'ignorance de son
exist~nce, le propriétaire en a fait souscrire une seconde
sur le même chargement, c'est la police souscrite par
le commissionnaire qui doit sortir à effet comme première en date. )>
Ce jugement fait, à notre avis, une fausse application
de l'art. 359.
Cet article dit, il 'est vrai, que le premier contrat doit
seul subsister lorsqu'il assure l'entière valeur des mar,
chandises, mais l'hypothèse qu'il prévoit s'écarte sensiblement de celle qui fait l'objet de cette question . L'articlé 359 vise spécialement l'hypothèse où un chargeur
souscrit lui-même plusiei;irs assurances sur un même
chargement et pour une somme supérieure à sa valeur
réelle·.
Dans l'espèce qui nous occupe, il y a plusieurs assurances ; mais elles sont souscrite_s par des persoppes qui
p'oni !peut-être pas ma.n4at qe se représenter ,
•
•
�91 -
-
Le commissionnaire, en faisant assurer les marchan~
dises, a agi~comme gérant d'affaires ; il n'a pu, ~n cette
qualité, se substituer entièrement au chargeur et s'imposer à lui. Les assurances qu'il a souscrites étaient
subordonnées à la ratification formelle ou tacite de celui
qu'il représentait. On objectera peut-être que la gestion
d'affaires fait naître entre les parties des obligations
analogues à celles qui résultent d'un contrat de mandat.
Mais quand y· a-t-il gestion d'affaire ?
Il y a gestion d'affaire quand un tiers, sans avoir reçu
mandat à cet effet, prend en mains les intérêts d'une
personne absente ou impuissante à agir.
Est-ce .bien notre cas? Non. - Le chargeur pouvait
agir lui-même, ses inlérèts n'étaient nullement en souffrance. Il a vonl u, en souscrivant lui-même une assurance,
mettre fin à ce mandat tacite, désapprouver les actes
faits par le commissionnaire et, par suite, annuler
l'assurance souscrite au nom de l'assuré.
L'article 359 ne parle que des contrats d'assurance
faits sans fraude sur le même chargement.
L'article 24. de J'ordonnance de la m·arine est· rédigé
de la même façon. Que décider s'il y a plusieurs contrats
d'assurance faits sans fraude sur le même navire?Faut-il
réduire toutes les assurances ou ne déclarer valables que
celles qui sout alimentées ?
D'après M. de Courcy, c'ést intentionnellement que
le législateur a omis de parler du navire dans l'article 359.
cc Voilà, un cas où il y a lieu de ristourner un trop assuré
sur un navire, par exemple 20,000 fr. sur une évaluation de 100,000 fr. Si l'assurance des to0,000 fr. a été
ç
•
'
•
'
1
�- 92 -
faite à une seule date, point de .doute; la ristourne
(;'opère proportionnellement, .la souscription de. chaque
assureur est réduite au cinqiaième; mais s'il y a des dates
différentes, si 20,000 fr. se trouvent assurés à des dates
diffêrentes, l'assureur de ces 20,000 fr. demandera la
ristourne totale de sa souscription et ne m~nquera pas
d'invoquer le principe de l'ordre des ,dates de l'article 359.
Cette prétention est-elle légitime? Ce n'est pas mon ·
avis. Relisez l'article 359. Pour l'invoquer, il faut que
vous le supposiez s'appliquant, dans la pensêe du législateur, aux navires comme aux chargements. Le premier
contrat n'a pas assuré l'entière valeur du navire, il n'en
a garanti que les 4/5, et l'appui d'un texte fait défaut à
votre prétention. )) .(De Cour0y, questions de droit maritime"t. 1, page 395).
Nous aµmettons avec la majorité qes auteurs que l'article 359 n'a pas été écrit spécialement en vue des assurances sur facultés. Le législateur n'a' parlé que du char~
gement, parce qu'il y avait lieu de craindre ici plus
particulièrement une exagération de valeur. Si l'assureur
peut facilement _se rendre compte de la ,valeur d'un navire, il lui est beaucoup plus difficile d'estimer la valeur
du chargement, surtout quand il n'y a ni factures ni
livres de commerce.
grand jour
ne '•s'étalent pas au
Les marchandises
'
'
.
ou augcomme le navire i leur valeur pèut diminuer·
•
1 fi
infél'autre,
à
jour
d'un
menter rapidement et devenir,
rieure ou supérieure au chiffre indiqué au contrat.
'J
~ans la première hypo~Mse, i'assqr\lnce couvre l~
'
J
'
1
�-
93 -
chargement en entier; dans la seconde, on pouv.ait se
demander si toutes les assurances sGbiraient la m~me
réduction ou si on les annulerait par ,or,dre de ,date en
remontant des dernières jusqu'à celles qui étaient alimentées.
En adoptant cette dernière solution; on a·voulu établir
une règle générale.
L'article 359 ne parle que des effets chargés, parce
qu'il statue sur un cas qui devait se puésenter plus souvent dans la pratiq.ue.
Il ne vise que l'hypothèse la plus fréquente . .Aussi
nous pensons, malgré la rédaction de cet article, qu'il
faut assimiler les assurances sur corps aux assurances
sur facultés et soumettre à une règle unique l'exagération
de valeur, soit qu'elle porte sur le navire, soit qu'elle
porte sur les effets chargés.
L'article 3[)9 suppose pour son application que les
différents contrats ont été faits sans fraude et n'admet la
ristourne graduelle ou successive que dans l'hypothèse
en
où J' assuré est de bonne fo.i. Mais on se demande
.
quoi la fraude avérée ou justifiée de celui-ci changerait la
la situation, car, d'une part, en ce qui concerne les poli~es complètement alimentées, 1.a fraude n'_a ,pu se -produire, et pour celles qui ne le sont 1pas, eJles ,n',ajoute.nt
un cas ' comme
rien à l'effet établi par la loi. C'est dans
' ( •
q
dans l'autre la nullité qui s'en suit.
' L'objection _cepend,ant n'est p~s Î\réfutàble.
«Il est évident, en premier li~u, dit M. L3iu~ip, qu'entre les' polices qui s,ont cqm,p!ètement alime1~tées et celles
qui ne le sont pa~ dq ~out, il y a ou il peut y avoir c~.11,~s
Il
1
(
�-
9/l -
qui n'ont qu'un aliment insuffisant; c'est, quant à celleci, que la fraude pourra produire son effet spécial et
entraîner la nullité du contrat. Mais il y a plus; et s'il
apparaissait que c'est dans une pensée frauduleuse que
l'assuré a ainsi divisé se1; risques entre plusieurs polices,
à l'effet d'éviter la ristourne totale de l'article 357, je
pense que la nullité de tontes les polices, même de celles
alimentées, devrait être prononcée. » (Droit maritime,
tome III, page 164).
Nous pensons avec l'éminent jurisconsulte que l'article 359 ne déroge en aucune façon à l'arti~le 357. Le
législateur l'a dit implicitement en n'appliquant Ja diRpOSÎtion de l'article 358 qu'aux assurances faites sans fraude
sur le même chargement. Il résulte clairement de là qu'on
ne peut recourir à l'application de ce dernir article dans
toutes les hypothèses où la multiplicité des polices est
l'exécution d'une pensée de dol ou de fraude.
SECTION II
Du dol.
Nous étudierons dans deux paragraphes différents les
règles relatives au dol et à la fraude.
Nous examinerons dans le paragraphe premier les articles 348 et 3iJ7 et dans le paragraphe second les articles 365, 366, 567 et 368, en nous restreignant au cas
et les parties ont connu l'arrivée ou la perle du navire
ou des marchandises au ·mom.~'!ll de la passi!-~ion du cqq-
trat,
•
�-
.
95 -
. .. ....,
§ I.
RéticeI)ce.
Fausse déclaration. - Exagération frauduleuse
sommes indiquées dans la police.
~es
Nous n'étadierons, en parlant de l'article 348 que les
deax premiers ·paragraphes de cet article, c'est-à-_dire la
·réticence et la fausse déclaration. Noas avons déjà exa- .
miné clans la section précédente les conséquences de
l'Ùreur résultant de la différence entre le contrat d'assurance et le connaissement.
Avant d'arriver à la réticence et à la fausse déclaration, il est atile, indispensable même, pour comprendre
ce qai va saivre, de poser et d'éclaircir une règle importante qai découle des caractères essentiels de l'assurance.
On distinguait , en droit romain , les contrats de
droit strict et les Gontrats de bonne foi. Cette distinction disparaît de nos jours en présence de l'articlè 1134. Toutefois on peat reprendre cette distinc~
tion en ce qai concerne le contrat d'assurance ou
tout au moins se demander si l'épithète de ·contrat de
bonne foi ne doit pas lui être spécialement appliqaée à
raison de la loyauté absolue qui doit toajoars régner et
qui est poussée à l'extrême dans les rapports des contractants.
Or, on a dit qae l'assurance ressemble tantôt à un
contrat de droit . strict, tantôt à un contrat de bonne foi.
'~ LéJ. panne foi, dit M. Bo!Jl;i.y-Paty, g9it régner daus
•
•
'
'
••
1
�- 96 -
le contrat d'assurance; on .doit en écarter toute.s.les subtilités pour s'en tenir à l'équité, qui est l'â~e du commerce. Il est de la plus grande importance de maintenir
les conventions, et celles ·sur les assurances·surtout doivent être sacrées.» (Drqit maritime, tome III, page 2&.-2).
Pour cet auteur, l'assurance doit être considérée tàntôt
comme qn COl)tr~t qe qroit s\rict, tan,l~t qqwme u.11 .contrat ,de bonne f9i ; c:est-à-dire ci.ne, si d'un.~ fpar.t il faut
s'en teni,r s.crµpu,l.euseme~t aux termes d~s ,polic,es, .si ce~
derniers forrp~.9t .l_fl. lo.! . ~~s p~r.ties, çl'qu~re ;P~t(t aussi,
il faut écar~er de ce contrat .les subtilités du droit 1pour
s'en tenir à l'équité, aux usage:; et à l'inte,n,t~on commune
des ,partie~. ,Pothier exprin;ie .1~ p,:iê\Ue opi.ni9n (vriir ~mé
rigon, tome 1, pages 16 et ·17). « 1Le ~iei;i,x, dit M. Cresp,
eût été de renoncer à une division d'actions et de contrats, née d\l systè~e :i9,tlqu,e de~ · .form.91.es, e,t depuis
longtemps tombée en désuétude, inapplicable au droit
,mod~rn.e. ~> (D,Goit ma.rJ,t,\r;ne, .~olfle ,p, P?.~W 1 :~~1· .
c·~st _ce qu~ le Ço?~ civil ;i b.i~R ~xprip}ê en 9ïsàn.t, de
toutes les co,9ve~tion,s i.n9,i,stin,ctement, qf elles tieqnent
lieu de lois ~u:c- pa~t.ie.s, qu'elle,s doiyent ,être ,exécutées
~e b.o.nn~ foi (art. J~~&.. r,réci,té), ,qu'elles ol;>ligent non
e à _toutes
s.eul~n,ient . à ce .qui y est expri,ipé, ~.ais enc.or_
les suit_e? que l'équité, ,rusa1ge ou l~ loj do1:rnen,t à. l'obligatiOI) d'ap.~~s s~ ,nature ,(113q) ,i ,q,u'on .~oit ici rech~r
ch,er <!~~lie~ été }.il com,r,r,i,un~ ;.n1ten,tion ,dç~ p,~rties, plutôt ·
que de s'arrêter au sens littéral des termes (art. 1' 56).
1.1 s,ui_t .~e ces ,~tsp.osJ.ti.ops combinées ~u'aujour.d'hui
il 9'y a ,P.\us lieu, co_m~e ,_n9,~s l'avons .9it, de partag~r 1.~~
coqtra_ts _en deux cl.asses dis~i.nctes 1 les 1rns d(~ dfpi~ &trict,
les au(res dti bonne foi 1
.,
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1
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97 -
Tous ils sqnt de a·roit ·strict, en ce sens" que, quand
1
l'acte est conçu en' termés clairs et précis, les parties
sont rigouréusemerù asrreilites à,.celt'e Idi qu'elles se sont ·
faites, et il n'y a pour le juge rien à înterpréter, rien à
modifier ou à éténdre.
·Tous ils sont de bonne foi en ce sens qué 'si les pâroles de l'acte ont quelque chose d''obscur ou d'équïvoque,
on doit y suppléer par l'équité, l'us'age, la nat'ure du
contrat, l'intention ·commune des pàrties ; -voilà ce qui,
dans ce cas, est laissé, d'après les cfrconsiances:_à la dé'terminatîon d& 'juge.
On peut affirmer, en se plaçant à ce point de vue, que
le contrat ·d'assurance est' éminemment un contrat de
bonne foi en ce sens que chacune des pa'rties est' obligée
de ne rien dissimule{à l'autre' dé ce qu'ellê sait concernant les chose·s qùi en font l'objet. ,
ne dissimulation · est un dol qui rend le contrat nu.
contre celui quï est l'auteui"de' la frkudé.
On appelle dol: dans le droit commun, toûte espèce
d'artifice dont on se sert ' pour troinpér'aut'rui (PÔthier,
oblig. n°28) :
cc On a ~istingué, dit M. Cresp, un dol positif et un
dol négatif: le premïer, lorsqu'on affirme ·ou !'on fait 'entendre des choses contraires à la vérité; le seco'nd, lors~
qu'on omet de déclarer' lorsqu'on 'dissim'ure 'cè qU:til im·
portéra'it à l'autre partie de connaître. )) (Droit"'maHiime, tome m, page 192).
1
On distingue aussi le doi rêet où rit ïpsa· dtl dol"bèrsonnel. Le dol réel n'est au fond qu ·une omission involontaire. La loi romaine avait fait dé cette omission un e
ce
�~
98 -
espèce de dol, appelé dol réel, 'comme prov~na,nt plus
particulièrement de la chose que du fait de la personne.
<{ On pourrait même 'ajouter, dit M. Laurin 1 que la
loi n'admet plus .aujourd'hui Je doli~s re ipsa, que l'as- .
suré, en taisant même involontaïrement une circonstance essentielle du risque, a déterminé chez l'assureur
une erreur sur la substance de nature à entraîner la nullité du contrat, par application de l'article 1110 du
Code civil. >> (Droit maritime, tome 111, page :205).
A côté de ce dol, il y avait le dol personnel qui impliquai.t chez l'u~e des parties l'intention de tromper, d'induire en erreur l'autre partie.
Dans les · deux cas, le dol était une cause de nullité.
On a distingué enfin le dol déterminant (causam dano
contractui), celui sans lequel la partie trompée n'eût pas
contracté, ët le dol incident on accidentel, (incidens in
contracturn), celui où la 'tromperie porte sur quelque
accessoire ou accident du contrat, mais non sm· ce qui
en fait l'objet.
Toutes.ces espèces de_dol étaient également réprouvées par la loi romaine; voyons ce que décide le droit
moderne. Aux termes de l'article 1116: « le dol est une
cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres ·
pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas
contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. >>
Il résulte de cet article que le contràt ne peut être annulé qu'à une double condition :
.,
1• Il faut que l'une des parties ait cherché' à tromper
l au~re par des manœuvres dolosives ;
1
',;.
1•
..
.
.
~
'
.
�- 99 ~·
Il faut . enfin que ces manœuvres aient déterminé
l'1:1ne ·des parties à contracter. En conséquence, le dol
ne peut faire annuler le contrat que lorsqu'il.est tout à.
fois positif 1 intentionnel et déterminant.
Tout au tre dol peut donner lieu à des dommages et
intérêts, mais non à la rescision du contrat.
Ces règles sont applicables à tous les contraLs en géné·
rai. Mais il y a certains contrats qui, par leur nature
même, commandent plus de sévérité contre le dol, quelle
qu'en soit l'espèce, et nous avons vu qu'au nombre de
ces contrats, on doit ranger l'assurance maritime .
Le contrat d'assurance est pour l'assureur une source
de dangers: il l'expose à la fraude, à des actes dolosifs
toujours difficiles à découvrir. L'assuré a une connaissance parfaite et entière d.es choses qui font la matière
du co~trat d'assurance; c'est lui qui donne la spécification de l'effet assuré et des risques auxquels il est exposé, .
et qui, par là, détermine la volonté de l'assureur.
Le lègislateur devait donc réglementer cette situation
d'une façon toute particulière et protéger l'assureur contre la mauvaise foi del' assuré.
Il faut que, dans le contrat d'assurance, la bonne foi
la pln:s gr:rnde règne entre les parties. "Dans ce contrat,
dit M. Cresp, il ne peut suffire, pour être de bonne foi,
de ne rien déclarer de faux, il faut de plus ne rien déguiser, ne rien cèler, ne rien taire de ce .qui est, de ce qu'on
sait exister. Là, garder le silence, c'est mentir. >1 (Droit
maritime, tome 111, page 195) .
L'ordonnance de la marine ne contient aucunè dis"'
position analogue à celle de l'article 348, mais la pratique avait suppléé à son silence .
j
�-
100 -
D'après Emérigon; (<la bonne foi doit régner . dans le
contrat d'ass'ùrance et on doit en écarter les subtilités
du droit pour s'en tenir à l'équité, qui est l'âme du commerce. )) (Trailé des assorances, tome 1, page 69). Casarégis exprime la ·même idée. << lste contractits assecu-
rationis est bonœ fidœi : et ideo requiritur in illo
bona fides, non dolus, non fraus ,, sed solum 'œquitas
quœ est anima commereii et praticandus non est cum
juris appicibus et rigoribus. »(Dise. 1, n° '.2) . .
D'après Valin, «l'assuré doit déclarer à l'assureur Lous
les faits que celui-ci est intéressé à connaître. Il importe
que l'assureu~ sache si le vaisseau est armé ou non, par
exemple, parce que pendant la durée d'une guerre, la
prime est plus élevée si le navire part sans escorte ou s'il
est mal armé. La déclaration de l'assuré doit être conforme à la vérité sous peine de nullité de l'assuq.nce
suivant les circonstances,)) (Commentaires sur l'article 7
del' ordon~an'ce de 1681) .
. Les commentateurs de l'ordonnance nous enseignent
que les juges pouvaient faire annuler rassurance, mais
que le contrat n'était pas nul de plein droit. On appiiquait à. l'assurance la règle générale en matière d'obligation, ·à savoir que l'erreur sur la substance de la ehose
vicie le consentement et annule le contrat.
c Le juge rendrait une sentence évidemment injuste,
si, laissant subsister le contrat reconnu vicieux, il se bornait à y appliquer une modifi'cation aussi contraire au
pacte stipulé qu'impuissante à remplir l'intér'êt légitime
de la partie lésée. •> (Emétigon, tome 1, ) .
L'article '548 prononcé ègalement la nullité de l'assu ..
rance.
�...... 101 ......
Dès que l'une des parties a usé de dal ou d'artifice,
omis de faire une déclaration que l'assureur aivai<t iflltérêt
à connaître,. la moindre peine qu'elle puisse encotirir,
c'est que l'assurance soit nulle à son égard.
Voici en quels termes s'exprimait M. Corvetto~ l'orateur du gouvernement, au moment des travaux préparatoires de la rédaction du Code :
cc L' expérieh·ce a prouvé que cet article, par la disposition de son second paragraphe, pouvait prévenir des discussions spécieuses qui ont quelquefois retenti dans les
tribunaux .de commerce.
L'assureur a le droit de connaître tout~ l'ëtendue du
risque dont on lui propose de se charger. Lui dissimuler
quelque circonstance qui pourrait changer le sujet de ce
risque, ou en diminuer l'opinion, ce serait lui faire supporter des chances dont il Be voulait peut-être pas se
charger ou dont il ne serait chargé qu'à des conditions
différentes; ce serait, en un mot, le trOmJ.!ler.
Dès lors, le consentement i'éC'i'J.!lroque qui seul pè'ut
animer un contr-at viendrait à rna·fuq'tier.
La seconde partie de la disposition décoole nécessai•re·
ment de ces principes. Le contrat i:l"ayan1t ~'asï exls'lé, aucune conséquence, a1ucun effet n'ont pu en résm !ter. Dés•
lors, il est indiffereril à J'è·gar.d d·e l'assurelJlr que' le' na:vire périsse ou rn: périsse pas1, 01Jii qu'il périsse p'ar· uné
chance su1F la·quelle la réti1Cllnge cm la fau1ss1e déclaration
n'anra-it ~ais i-nflaé: l'assareur seiva:it. t'ouj:ours att1t0ri·sé1à
répondre qu'il a assué uu tel. risque, et qŒe cei ri1sqùe'
n'a pas existé. >) (Procès-verba.J die: la•séanice· di1111:1 dôût
1
1807).
7
�On voit par cette décl&ration que \'assureur peut toujours faire annuler l'assUl'ance, quand il n'â pas connu la
vérité exacte. En établissant qu'il y a eu fraude ou sim·
plement réticence, il n'est pas obligé de prouver la mauvaise foi de l'assuré; il lui suffit d.e montrer que la
fraude résulte de la déclaration, re ipsa, peu importe
qu'elle ait été commise sciemment ou non, par calcul ou
par inadvertance. Par cela seul que la déclaration de l'assuré a diminué l'opiriion du risque on en a changé le
sujet, le contrat doit être annulP. .
Ne faisait-on pas dans l'ancien droit une d.istinction
·entre la réticence volontaire et la réticence frauduleuse?
Les auteurs étaient divisés sur cette question.
D'après Pothier, il faudrait appliquer à l'assurance les
règles générales en matière d'obligation, comme si l'assurance, à raison de son caractère spécial et des dangers
qu'elle présente pour l'assureur, ne doit pasêtresoumise
à des règles particulières.
{( Il n'y · a lieu à restitution dans le for extérieur,
dit-il, qu'en cas · de fausses déclarations. Si l'assuré
trompe l'assureur dans ses déclarations en affirmant que
le navire est armé a.lors qu'il ne l'est pas, chargé alors
qu'il est vide, on peut faire annuler le contrat. Il en sera
de même si la fausse déclaration a été faite de bonne
foi par l'assuré, parce qu'il est coupable de n'avoir pas
eu une parfaite connaissance de l'objet du (jontrat, l'assurance devant se conclure sur son exposé, sur la spécification de la chose. » (Oblig, n° 30).
Et il ajoute à propos de la réticence :
« Il y a cette différence dans tous les contrats inté·
�..,_ 103 _.
resses entre le cas auquel l'une des parties ne dit par ce
qui est et le cas auquel elle dit ce qui n'est pas : dans le
premier cas, elle. n'est p~s tenue de ne l'avoir pas dit, si
elle ne le savait pas, et si elle ne !!avait pas malicieusement dissilJlulé; mais dans le second cas, elle est tenue,
si ce qu'elle dit ne se trouve pas véritable et a induit
l'autre partie en erreur: clebet prœstare rem ita esse ut
affirmavit. »
Cette clistinqtiou ne peut, croyons-nous, s'appliquer à
un contrat de bonne foi dans lequel se glisse si facilement la fraude. Va lin, après avoir dit que tout ce qui
tend à augmr,nter le risque doit êt.re déclaré par l'assuré
dans la police cc sous peine de nullité de l'assurance,
suivant les circonstances, )) ajoute : cc le moins qu'il
arriverait, ce serait d'assujétir l'assuré à une augmentation de prime proportionnée aux risques qu'il aurait fait
couri1• \de plus à l'assureur, en lui diminuant l'objet par
sa fausse déclaration. >>
Celte opinion ne sauvegarde pas assez les intérêts de
l'assureur; elle laisse subsister un · contrat entaché de
dol moyennant une augmentation ·de prime, ce qui est
un n'i_sultat injuste et absolument contraire au droit de
l'une des parties.
Nous ferons remarquer ici que l'assurance est nulle,
mê·me dans l'hypothèse où la réti.cence ou la faussé déclaration n'aurait pas influé sur le dommage ou la perte
de l'objet assuré.
Cette disposition a pour base un principe qui tanche
à l'essence même des contrats, la néce'ssité du consentement. Le risque est un des éléments essentiels de l'assu-
�'- 104 rance, . 1erreu r sur cet élément vicie le CQhsentement et
annule le contrat. L'assureur qui souscrit une assurance
sans être renseigné sur ·toutes les circons.iances de nature
à modifier \'opinion du risque ne connaît pas l'objet du
contrat ; son consentement est surpris et est réputé nul
à l'égard de l'assuré. En tout ·cas, que l'assuré soit de
bonne ou de mauvaise foi, le contrat est nul parce qu'il y
a erreur sur la substance du contrat. En ce sens la cour
de Bordeaux a pu dire avec. raison « qu'il n'était pas nécessaire qu'il y eût mauvaise foi de la par~ de l'assuré
pour faire annuler le contrat dans Je cas de réticence,
qu'il suffisait que les faits dont la connaissance n'avait
pas été.donnée à l'assureur fûssent de nature h influer sur
l'opinion du risque et .à n'en pas faire connaître toute
l'étendue. (7 avril 1835).
Il suffit donc pour qu·e Je contrat puisse être annulé,
que la réticence, frauduleuse ou non, ait influé sur l'opinion du risque. La non révélation à l'assureur de la circonstance qu'au moment de l'assurance Je navire porteur des facultés assurées était parti depuis longtemps et
que son retard donnait de vives inquiétudes, constitue
une réticence de nature à influer sur l'9pinion du risque
et à motiver l'annulation <l6 l'assurance.
On peut considérer comme réticence de nalure à faire
annuler le contrat le silence gardé par l'assuré sur des
bruits même vagues, parvenus à sa connaissance et
annonçant la perte du · navire on sur un simple retard
décelant une traversée plus longue que d'habitude.
(Rouen, 27 décembre 1348, Aix, 14 avril 1818, 13 _novembre 1822, 17_jufllet1829.
1
;i
�i..
..... 105 -
En jurisprudence, est-il dit dans ce dernier arrêt, on
entend par un navire en retard celui qui a déjà dépassé
d'un cer~ain temps la durée ordinaire du voyage qu'il
effectuait. ·
Dans un autre arrêt de la cour d'Aix à la date du 16
avril 1839, il a été jugé que cc pour que la réticence pût
être opposée, il était nécessaire de justifier que l'assuré
avait ccmnaissance du fait non déclaré de nature à influer
sur l'opinion que l'assureur pouvait se faire du risque.»
(Dalloz, rép. 1, 1491).
En ce sens est intervenu un jugement du tribunal de
comrnercè de"'Marseille ~la date du 10janvier185'..2 dans
les cireonstances suivantes (J. M. t. XXXI, p. 65).
Le 4 janvier 1851, les sieurs Giran et C•, négociants
à Toulon, donnent. ordre à Marseille de faire assurer
pour leur compte jusqu'à concurrence de 4,000 fr.,
·une partie du blé chargé sur le navire Eléonore, capitaine
Gain, pour le voyage de la Nouvelle-Calédonie à Toulon.
Le 6 janvier, celle assurance est prise à Marseille par le
sieur P. Carle en sa qualité d'agent du bureau central
d'assurances. Le 18juillet1851, délaissement est signifié par les sieurs Giran et C" ·au sieur Carle qui, en sa
qualité d'agent'est assigné, le 10 janvier 185~, devant le
tribunal ·de commerce de Marseille e·n paiement de la
somme assurée.
L'assureur résiste à cette demande à laq·u·elle il opriose
l'exception de réticence résultant des circonstanees
énoncées dan:s le jugement ci-;rprès : " attendu que
l'article 348 du Code de commerce dispose que toute
réticence qui diminuerait l'opinion du risque annule
�-
106 -
l'assurance ; qu'en fait, lorsque Giran et C• ont donné
Je 4 janvier 185~ l'ordre de faire l'assurance dont il
s'agit au procès, ils savaient que la marchandise était
chargée depuis le 25 novembre ; qu'ils connaissaient
-une série de faits mentionnés dans leur correspondance
d'où résultait pour eux la conviction qu'ils exprimaient
Je 27 dP.cembre que le navire était parti depuis longtemps;· que par l'arrivée de plusieurs navires venus de
la Nouvelle à Toulon, dans 24 heures, ils étaient certains
que le navire assuré avait éprouvé dans sa traversée des
retards capables de leur donner de vives inquiétudes ;
Qne ces faits qui ont été cachés aux assureurs étaient
capables de diminper pour eux l'opinion du risque et de
les porter certainement à les refnser ;
Que tels sont les caractères de la réticence qui, anx
termes de l'article précité, annule l'assurance ; »
Dans c~ ju gement, on s'est attaché uniquement, on le·
voit, aux coilséquences que les faits passés sous silence
ont pu avoir sur l'opinion du risque, sans prendre en
consjdération le dommage souffert, les avaries du navire
et des marchandises.
Celse règle cependant ne doit pas être exageree.
La réticence et la fause déclaration ne peuvent influer
sur le sort du contrat qu'en tant qu'elles ont diminué
l'opinion du risque ou en ont changé le sujet. En dehors
.de ces cas, on doit les regarder comme de simples inexactitudes sans importance.
L'assureur qui veut exciper de l'article 348 pour .
demander la nullité du contrat doit se reporter an mo.ment de la signatqre de la police et se demander si la
�-
107 -
réticence a pu produire une erreur suffisante pour ,vicier
son consentement. Si l'assuré a caché certain~ faits
qu'il aurait pu fournir, le contrat doit être annulé; on
ne peut même pas dissimuler un danger sous prétexte
qu'il est incertain ou douteux, parce que tel qu'il est ce
danger peut modifier 1:opinion du risque et permettre à
l'assureur d'exiger une prime plus forte.
Nous venons de voir que les réticences qui pouvaient
annuler l'assurance étaient celles qui étaient contemporaines du contrat. Faut-il soumettre à: la même régie
les réticences qui se rattacheraient à des faits posté- .
rieurs ?
La cour de cassation a admis que la nullité devait être
prononcée dans les deux cas, parce que l'article ne distingue pas entre les réticencés qui accompagnent le
contrat et celles qui lui sont postérieures. On considère
l'assurance comme un contrat continu sur les effets et la
portée duquel les assureurs ont besoin d'être complètement éclairés pendant toute la durée des risques.
On peut citer à l'appui de cette jurisprudence un arrêt
de la cour de cassation à la date du 13 juillet 18.'..H,
d'après lequel l'article 348 s'applique à toutes les réticences qui interviennent pendant la durée des risques
jusqu'à la consommation des effets de l'assurance. (J. P.
54, 1, 135).
Cette jurisprudence mqnque, suivant nous, d'exactituda. L'assureur, qui excipe de l'article 348 pour
demander la nullité de l'assurance, doit établir que l'assuré a fait des déclarations inexactes ou incomplètes au
moment où il ~ignait la polic11, i,'assuré &-~-il déclaré à
�- ·108 -
. ce· moment tout ce qu'il savait du risque, on ne peut lui
-imputer aucune 11éticence e·t de ce chef le contrat est
valable. Si le risque s'est aggravé plus tard à la suite
d'événements que rien ne faisait pressentir, l'assurem
ne sera {!las admis à se prévaloir de l'artic.le 348, parce
que, au moment où le contrat ~·est formé, il n'a pu
relever aucune r.éticence à l'encontre de rassuré.
Il ne fau~ pas eonfondre la réticence avec le fait on la
faute de l'une des .parties. Ainsi lorsque l'aggravation du
risque est due an fait de l'assuré, le contrat est annulé
non pour cause cle réticence, mais parce que 'dans un
contrat quelco.nqne, l'une des parties ne peut empirer la
position de l'autre partie sans que celle-ci_ait accepté ce
changement.
Pour repousser l'exception de réticence, l'assuré
devra prouver par écrit que l'assureur a été ins,trui.t des faits non cléclarés. Il lui sera facile de se réserver cette preuve en faisant cette déclaration dans la
police pu en exigeant qu'elle soit reconnue par écrit. Il
ne sera jamais admis à invoquer la preuve testimoniale
on de simples prés0mptions.
C'est ce qui a été jugé par le tribunal de commerce de
Marseille, le 4 avril 1856.
. L,e 30 janvier 1850, les sieurs Desgrancl père et fils
font assurer par l'entremise de Locard, courtier en assuraqçe, de. ~e.rtje de H0ng-l\oçg à Shangaï la somme de
42,000 francs, valeur convenue de trois caisses eontenant 6,000 pi;astres carolus, chargées snr le navire Nympha à voiles ou à vapeur, moyenriant la prime de 1 0/0
poQr navire à vapeur ~t de ~ 0/0 pour navire à voiles.
�-
109 -
Desgrana père et fils Jonnent coi:rnaissance à léllr assureur d'une lettre du 11 avril suivant des sieurs Dent
etc• de Hong-Kong, leur annonçant qu'on n'avait plus
aucun espoir de recevoir des nouvelles dn navire . Nympha. Le 1'.7 octoqre, il forme une demande en délaissement pour défaut de nouvelles.
L'assureur demande la nullité dn contrat pour cause
de réticence, se fondant sur ce que l'assuré aurait mégligé
de leür faire connaître le retard prolongé qu'avait ép!'ouvé
la navigation de .la Nympha au morne-nt où l'assurang·e
avait été couverte, retard connu de Des·grand père et fils.
Comme au.moment de J' assurance faite rapidement après
avoir reçu la lettre, Desgrand, malgré son assertion, n'a
donné connaissance par écrit ni du retard connu, ni de
la lettre de pent, le tribunal a prononcé la nullité du
contrat (J. M. 1856, page 116).
Parmi les cas de réticence; on peut compter celu-i où
l'assuré, par d'autres assurances qt1'il aurait fait souscrire, se trouverait placé dans une situation telle qu'il
serait intéressé à la pèrte du navire et où il dissimulerait
soit cet intérêt, soit les faits qui !'auraient fait naitre.
Le tribunal de commerce de Paris, . la cour d'appel de
la Seine et la cour de cassation ont annulé une assuraJ:Jce
faite sur corps en faveur d'un armateur qni avait ensuite
fait contracter dee assl'Jrances pol'lr des sommes considérab les sur le fret et la bonne arrivée dtJ navire. li a été
· jugé qLie, par ces dernières assurances, l'arrivée du navire
au,rait été un désastre pour l'armateur et sa perle un
véritable bénéfice; que si les assureurs Sl!lr corps en
;lvaiept étë infonnés 1 ils auraient conçu une opinion
�-
1'10 -
différente du risque ; que peu importait que les assurances à déclarer fussent postérieures à l'asrnrance sur
corps; que c'est pendant toute la durée du risque que la
loi a. voulu prévenir les fausses déclarations (23 juillet 1849. - 29 juillet 18[5'1. -15 juillet 1852).
L'article 348 assimile la fausse déclaration à la réticence.
Toute fausse déclaration, celle· là même qui porterait
sur des faits que l'assuré n'était pas obligé de déClarer,
annule l'assurance dans l'intérêt de l'assureur, si elle a
pu diminnerTopinion du risque ou en changer le sujet.
Ici, moins encore que dans les cas de réticence, il n'y
aura lieu de . distinguer entre l'assuré de bonne foi et
l'assuré qui , sciemment, aura fait des déclarations
inexactes pour souscrire la police à des conditions plus
avantageuses. Il vaut mieux taire ce qui est que déclarer
ce qui n'est pas.
Sur toutes ces questions, les tribunaux ont un pouvoir
d'appréciation absolu.
A qnels signes reconnaîtront-ils que les déclarations
sont inexactes~ Ce sont là des questions de fait. Voici ce
que dit M. de Courcy au sujet des déclarations que doit
faire l'assuré qui soupç0nne quelque événement désastreux.
cr Ce qui rend, en effet, particulièrement délicate l'appréciation de ces questions, c'est qu'elles se posent.dans
le for intérieur.
cc Elles sont des cas de conscience, avant d'être des
cas juridiques; or, il y a des consciences bien diversement timorées ..J'essaierai de tracer à la conscience quel-
�-
111 -
ques règles qui me paraissent devoir être aussi celles de
la décision des tribunaux. La principale règle est celleci : quand un souci par,Liculier quel qu'il soit, est Je motif déterminant qui fait rechercher une assurance ou une
réassurance, oui, je n'hésite pas, la probité commande
la déclaration de ce souci. )) (Questions de Droit maritime, t. 1, p. 307).
Le troisième cas de nullité esL la différence entre la police et Je connaissement dont nous avons parlé à propos
de l'erreur. Cette différence peut se manifester de diverses façons : elle portera tan tôt sur.la chose assurée, tantôt sur le voyage, tantôt sur les deux choses réunies.
La c:rnstruction de l'article 348 semble indiquer que
le législateur a voulu soumettre tous les cas qu'il prévoit
à une règle unique. JI faut cependant faire une distinction. Lorsqu'il y a réticence ou fausse déclaration, l'assureur seul peut demander la nullité du contrat.
La règle n'est plus la même dans la dernière hypothèse
prévue par l'article 348.
Lorsque les déclarations de l'assuré ne concordent pas
avec les énonciations contenues dans le connaissement,
la nullité est absolue. Le consentement des parties ne
s'étant pas rencontré sur le même objet, le contrat est
nul conformément à l'article 1110 du Code civil , et
cette nullité peut être invoquée par l'assuré comme par
l'assureur.
L'assurance souscrite par un commissionnaire est
soumise aux mê.mes règles. La personne ùu commissionnaire se confond avec celle du commettant.
L,'assuré est-jl de bonne foi, il est responsable du
�-
'112-
·mauvais choix qu'il a fait; a-t-il dissimulé sciemment
certains faits, l'ignorance et la bonne foi du commissionnaire ne font aucun obstacle à ce que l'assurance soit
annulée. Le commissionnaire ne doit pas ignorer les faits
que connaît le commettant'. Comme le dol n.e se présume
pas, l'assureur qui demande la nullité du contrat, doit
établir par témoins ou par de simples présomptions que
l'assuré a déguisé la vérité ou fait des déclarations mensongères (art. 1348). L'assuré, au contraire, est obligé
de recourir à la preuve par écrit pour prouver que l'assureur a été instruit du fait qu'il déclare avofr ignoré. La
loi s~est montrée plus sèvère a l'encontre de l'assuré afin
de prémunir l'assureur contre une foule de faits frauduleux qui sont toujours difficiles a établir . .
Ce n'est là d'ailleurs que l'application du droit commun en matière de preuves.
Dans toutes les hypothèses où l'article 348 reç.oit _son
application et sauf le cas oü il y a défaut de concordance
entre la police et le connaissement, l'assureur reste le
maître du contrat et peut, suivant son intérêt, maintenir
l'assurance ou en demander la nullité.
En aucun cas, l'assuré ne peut exciper de sa faute ou
de son dol pour se dispenser de payer la prime : on ne
peut pas invoquer sa propre faute pour se dégager de ses
obligatil'ms. Nemo auditw turpitudinem suam alle-
gans.
Mais, dira-t-on, l'article 34.8 .n'annule pas l'assurance
dans l'intérêt de l'asstneur; elle prononce la nullité sans
distinction.
Si l'or} s'aHachait trop à la leHre et~ l'articlei il faqdrait
�....... 1'13 ....
en conclure qu'en cas de réticence ou de fa~1sse déclaration, la nullité serait absolue à l'égard d·e toutes les parties et ·pour l'assureur comme pour i'assuré. Ce mode
d'interprétation serait d'autant plus excusa.hie que nous
verrons ci-après à l'article 357 que dans le cas d'une ·assurance frauduleuse, excéd_ant la valeur de l'objet assuré,
les auteurs du Code, en prononçant la nullité, ne la prononcent qu'à l'égard dè l'assuré seulement.
Néanmoins il est évident et par la nature dès choses
et par l'esprit de la disposition qui résulte de l'exposé
de:; rr,iotifs que la nullité ne peut être appliquée qu'à
l'assUré coupable de réticenoe ou de fausse déclaration.
Lui seul a tort, il doit donc seul supporter la consëq uence
de sa faute, et s'il avait le droit de s'en prévaloir pour
priver l'assureur de la prime promise au moyen de la
nullité du contrat, la loi produirait un effet contraire au
but qu'elle s'est proposée; la négligence ou la faute obtiendrait une récompense au lieu de la puniüon qui leur
est due.
· L'assuré n'est pas tenu de payer la prime lorsque 'l'assurance est annul~e; il a même une action en répétition
contr~ l'assureur, si elle a déjà été payée.
L'assureur a-t-il droit an demi polilr cent de la somme
assurée? On entend par demi pour cent une somme qui
est allouée à l'assureur à titre d'indemnité.
La question est con~roversée. Dans une pr:emière opi~
nion, l'indemnité du demi pour cent n'est due. que dans
le cas où l'assurance est annulée dans l'intérêt des deux
parties.
Si la cause de la nullité est telle qu'elle ne puisse être
.)
�...... i'llt. -
invoquée que par l'assureur, ce dernier est trop heureux
. d'avoir en sa faveur la chance de gagner la pri.me; s'il y
a heureux retour, et de ne point perdre son capital en
cas de sinistre.
Nous 'pensons que l'indemnité du demi pour cent eEt
due dans tous les cas. En faveur de cette opinion, on
peut invoquer par analogie l'article 358 qui accorde cette
indemnité à l'assureur, lorsque l'assurance est réduite·
pour cause d'exagération. La similitude des sitnations
permet de supposer que dans la pensée du législateur la
même solution doit s'appliquer au cas où le contrat est
annulé pour réticence ou fansse déclaration.
Le contrat d'assurance doit être maintenu lorsque le
fait non déclaré était ignoré des deux parties au moment
de la signature de la police. Dans ce cas, la situation des
parties étant la même, le fait inconnu rentre dans les
chances aléatoires du contrat.
L'article 3~8 ne signale, camme annulant l'assurance,
que la réticence ou fausse déclaration de la part de l'assuré, et l'orateur du gouvernement, M. Corvetto, n'en parle
également que dans ce sens.
Faut-il en conclure que la dissimulation de la p~rt de
l'assureur n'exerce aucune influence sur le sort du contrat?
« Ce)a serait contraire, dit M. Cresp, à toute raison et
à toute justice. Le sort des parties doit être le même ;
elles doivent en savoir autant l'une que l'autre sur le
risqu13 et ses circonstances. Il y a identité de motifs
pour exiger des deux parts même bonne foi 1 même
loyauté; et c'est d'ailleurs ce que les docteurs et les
..
4
•
~
�- 115 -
textes s'acc0rdent à commander. >i (Cresp, Droit maritime, tome III, page 202).
Si la loi n'a parlé que des assurés, c'est qu'en fait il
était bien difficile que l'assureur puisse induire en erreur
l'ass uré. Cette sévérité de la loi s'adresse spécialement à
celui-ci, parce que c'est lùi qui a une connai~sance parfaite et entière des choses qui font la matière du contrat
d'assurance; c'est lui qui iodique la nature, la valeur des
effets assurés et des risques auxquels il est exposé, et qui,
par là détermine la vol on té de ]'assureur.
Néanmoins, la chose n'est pç1s impossible. Les auteurs
en prévoient la possibilité. Tel serait le cas où l'assureur,
sachant que la paix vient d'être signée, recevrait de l'assuré encore ignorant de ce fait, une prime basée sur
l'état de guerre. Tel est encore le cas où, au moment
de la signature, l'assurnur saurait qu'une parlie du risque
est consommée par l'entrée du navire dans un port intermédiaire.
Nous pensons avec cet auteur que les mêmes règles
doivent s'appliquer indifféremment à l'assureur et à l'assuré, parce que toùs les·deux ont droit· à la même protection de la loi, ·et que si le législateur n'a parlé que de
l'assuré dans l'article 348, c'est que, dans la plupart des
cas, c'est lui qui sera l'auteur de la réticence ou des
fausses déclarations.
Avec l'article 357 nous allons maintenant ét.udier un
cas particulier de fausse déclaration, celui où l'assuré a
souscrit un contra't d'assuranc~ ou de réassurance pour
une somme excédant la valeur des effets chargés. La loi,
dans ce dernier article, permet à l'assureur de faire an~
�-
'116-
nulerle contrat, toutes les fois que l'assuré indique c1àns
la police une somme supérieure à la \'aleur réell.e des
marchandises chargées sur le navire.
L'assureur peut faire procéder à la vérification et a
l'estimation des marchandises poilr établir la fraude, la
supposition ou la falsification des objets assurés. Celte
preuve une fois établie, \'assurànce est nulle, mais à l'égard de l'assuré seulement.
Sous l'empire de l'ordonnance de la marine, le dol et
la fraude étaient frappés de peines plus sévères ;Jexagération dolosive ou frauduleuse annulait le contrat et entraînait la confiscation .des marchandises. L'article 23
portait « défense de faire assurer ou réassurer des effets
au-delà de leur valeur, par une ou plusieurs polices, à
peine de nullité de l'assurance et de confiscation des
marchandises. ))
Valin nous dit à ce sujet «que celui qui se fait assurer
en fraude ne subira la peine de son crime qu'autant que
toutes les ·assurances auront été faites µa une seule et
même police. Mais si les assurances sont faites par plu- ·
sieurs polices, la confiscation n'alilra pour objet que les
marchandises qu'on avait encore droit de faire assurer et
dont l'assurance se trouvera nulle, comme étant faite
dans une seconde ou troisième police où la valeur restante des effets aura été plus qu'absorbée.» (Ordonnance
de la marine, commentaire sur l'art. 22).
Le Code a supprimé la confiscation des marchandises.
La disposition de l'article 22 de l'ordonnance dépassait le but, car, si cet .excès de sévérité était de nature à
empêcher les exagérations, elle portait en même temps
\
, r•
�-H7-
atteihte à l'assurem: en 18 privant du gage de la prime et
aux créanciers de l'assuré, qui voyaient ainsi disparaître
leurs sûretés.
Le dol et la. fraude ne se présumant pa's, l'assureur
doit prouver quë l'exagération n'est pas le résultat d'une
erreur, mais un calcul de la part de l'assuré; il peut prouver le dol par tous les moyens possibles, par la preuve
testimoniale comme par de simples présomptions, confqrmément au droit commun (art. 134-8).
L'assureur qui veut prouver le dol ou la fraude a une
double preuve à faire. Il doit établir que la somme indiquée dans la police ne correspond pas à la valeur des
marchandises et il doit prouver que l'assuré est de mauvaise foi.
La preuve de l'exagération résultera de la différence
entre la déclaration de l'assuré el la valeur exacte de la
chose. li sera plus difficile de prouver la mauvaise foi,
parce que la preuve du dol et de la fraude doit être établie
assez clairement pour ne laisser planer aucun doute sur
l'intention de l'assuré .
On pourra établir le dol et la fraude en prouvant par
témoins que l'assuré connaissait la valeur exacte du chargement au moment de la signature du contrat.
L'exagération el le dol une fois établis, l'assureur est
le maître du contrat. Il peut le maintenir ou le faire annuler, suivant son intérêt, à moins que l'on·admette avec
certains auteu~s que la nullité existe de plein droit. Nous
reverrons plus loin cette question.
Doit-on tenir compte des circonstances qui ont ;iccompagné la perte du navire?
8
�- H8 -
Nous rapp-ortons un arrêt de la com d'Aix qui déclare
yalable une assuranc-e souscrite pour une somme supérieure à la valeur des marchandises, parce que le navi're
avait péri dans des circomtances qui ne laissaient aucun
doute sur les oauS'es de l'événement :
cc Attendu, dit la Cour, que l'assurance a été exagérée
au point de dégénérer. en espérance de bénéfice par la
perte dtJ navi re, m<l.Îs que, la perle étant arrivée dans des
circonstances qu'i n'ont pas fait naître 'de ·soupçons sur
les causes d'e l'événemeIDt, il y a lieu S'eulemenl àe réùuire l'assurance, etc. 11 (J. M. 1877, 1, 2, 3).
Il faut voir dans cé jugement une viiolation ·manifeste
· de l'article 357.
Il importe peu, en effet, que les circonstances qui ont
accompagné la perte du J.ilavire n'aient laissé planier aucun
sou,i;içoR sur les causes de l'év·énement. L'inc'ertit0de naturelle dans laquelle on s-e trouve à ce sujet ne fait pas
disparaître la pensèe première qui a riu décider l'assuré
'à escompter à. l'avance la probabilité d'un sinistre.
L'article 357 n'impose aucune pre\llve partieuliére. Il
pose seulement en principe que les tribunaux doivent
annuler l'assurance toutes les fois que la fraud e et le dol
ont été clairement établis. Si dans ~ertains cas les cir-:constanees au milieu desqueHes le navire a péri re'11dent
la ma.uvais.e foi évide1rite, cette pré'somption n'excl•at pas
les al!ltres preuves, el les j-mges deiivent dédarer le contra~
nul à l'égard ide l'.ass uré filtès qu'i1l est suffisamment
prouvé qu'un naufrage .aurait été pou1r l·mri une oause
d'e,nrichissement et l'ar,rivée du navire une perte.
La nullité de l'article 357 ex.iste+elle de plein dr:oit?
1
1
1
1
�-
119 -
Cette question divise les auteurs.
Dans le sens de l'affirmative', on dit que la loi prononce elle-même· la nullité.
L'article 316, qui pr'évoit une hypothèse absolument
semblable à celle que nous étudions, porte que« le contrat peut être déclaré nul, à la demande do prêteur, s'il
est prouvé qu'il y a fraude de la part de l'emprunteur. »
La rédaction cle l'article 355 n'est pas la même; il n'y
est pas dit ((le-contrat peu't être annulé r mais (( le contrat est nul à l'égard de l'assuré seulement, s'il est prouvé
qu!il y a dol .ou fraude de sa part J>. Pour expliquer cette
différence de rédaction, on di_t que l'assureur a tous les
avantages, qu'il a droit à la prime dans tous les cas , tandis
que le prêteur a tout intérêt a ne pas attaquer Je c.ontrat
lorsque le voyage s'effectue heureusement (Bédarrlde,
Droi't maritime, L'orne IV, page 112. - Boulay-Paty,
Droit maritime, tome IV, page 111).
Dans une au tre opinion, on enseigne qu'il ne faut
tenir aucun eompte de cette différence de rédaction, il
s'agit dans les deux cas d'pn contrat aléatoire dont la
validité est subordonnée à l'existence d'un risque à la
charge de l'assureur et le prêteur à la grosse joue le rô\.e
d'on assureur. Pourquoi alors appliquer des règ_les différe11les ù deux hypothèses qui sont absolument les rnême·s?
Mais, d-ira+ôn, l'assürem· n'a pas â. se plaindre pnisqu'iÏ
conserve son droit à la prime comme si Je corllrat était
déolaré valable :
A cela on peut répondre que celle nullité cle l'arli-ole 3a7 sert à sauvegarder les droits de l'assureur et
qu'en matière d'assurance comme en toute autre matière,
�-
i 20 -
celle des parties a qui la loi accorde lJOe faveur est toujours libre d'y renoncer.
Dans cette circonstance, \'assureur se laissera guider
par les évènements et par les nouvelles, bonnes ou mau vaises, qu'il recevra. Son intérêt personnel \'engagera à
faire annuler le contrat en cas de sinistre ou à le respecter s'il n'est pas obligé d'indemniser l'assuré.
Dans les deux opinions, l'assuré convaincu de dol ou de
fraude, est à la merci de \'assureur; c'est-à-dire que si
le navire périt, il ne pourra pas demander à ses assureurs
la restitution de la prime: personne n'est r~cevable à se
faire un titre de sa propre turpitude.
Le contrat d'assurance ou de réassurance consenti
pour une somme excédant la valeur des effets chargés ne
peut être ann?lé qne lorsque le dol est évident et
parfaitement établi ; s'il y a le moindre doute sur les
intentions de l'assuré, on doit admettre que c'est par
erreur ou inadvertance que le chiffre fixé dans la police
est supérieur à celui qui représente la valeur des marchandises. Les assureurs doivent contrôler eux-mêmes
et estimer la valeur des marchandises afin d'avoir en
main la preuve que cette valeur est inférieure à celle qui
est indiquée dans la police. Si cette indication n'a pas
été fournie, l'assuré est obligé de produire ses factures
d'achat ou ses livres de ·commerce et même de faire dési gner par le juge des experts qui seront chargés de fixer le
prix d'après le cours de la place où la marchandise doit
être chargée.
Que décider au cas où il y a dol ou fraude de la part
•
de l'assuré et de l'a8sureur?
�- m. · Le fait se présentera rarement dans /a pratique ; il
n'est pas cependant impossible. Le désir de gagner une
prime plus forte peut déterminer l'assureur à accepter
sciemment un chiffre supérieur à la valeur des effets
assurés.
Cette hypothèse doit être régie par les articles 1965 et
'1967 du Code civil. Aux termes de ces articles, on
n'accorde aucune ·action pour une dette de jeu et, dans
l'espèce, il s'agit d'un véritable pari. Le contrat ne peut
donc produire aucun effet.
L'assureur ne sera pas recevable à exiger la prime et
l'assuré de soq côté ne pourra pas la réclamer si elle a
été payée.
Lorsque l'assureur demande la nullité de l'assurance
pour dol ou fraude, le contrat est-il nul erga omnes ou
à l'égard .de l'assuré seulement?
Dans un premier système on sou~ient que la nullité de
l'article 357 fait disparaître le contrat en son entier et à.
l'égard des deux parties. « On ne comprendrait pas, dit
M.Laurin, qu'une nullité une fois pronoocé~ n'opérât pas
erga omnes et qu'on scindât en quelque sorte les effets
de la convention; le législateur, en disposant comme il
l'a fait, a voulu trancher certaines difficultés qu'avait fait
naître le texte correspondant de l'ordonnance qui prononçait la nullité d'uue façon absolue et semblait dès
lors donner aux deux parties le droit d'exciper du vice
du contrat. Mais c'est tout, et l'intention du législateur
n'a pas été de créer, entre les deux cas, une distinction
qui ne se justifierait ni en logique ni en é.quiié. n ' (Droit
maritime, tome 3, page 16~) ,
�-
122 -
Dans un autre système on enseigne que \'exagération
dolosive ou fraudulense laisse l'assuré saus recours possible contre les assureurs, et que la police continue à
valoir en faveur de ceux-ci, recevables el fondés à lui
donner tous ses effets el à. se faire payer la prime
entière. Le législateur, tout en consacrant Je principe de
la nullite de la police, a voulu seulement en réduire les
effets en ce qui concerne l'assuré.
Cette question en a fait naître une autre dont la solution est étroitement liée à la solution de celle qui précède.
Lorsque la nullité a été prononcée, \'a~sureur a-t-il
droit à la totalité de la prime ou au demi· pour cent?
Les auteurs qui se prononcent pour la nu Hi té à. l'égard
Jes deux parties disent que l'assureur a droit. au demi
pour cent et non à la tolalilé de la prime, et que ce demi
ponr cenl lui est accordé non plus comme prime, mais à
titre de dommages et ' intérêts. Un contrat nul à. l'égard
des deux parties ne peut évidemment donner naissance à
au.cune obligation.
On applique ici par analogie le paragraphe 3 de I' ar ·
ticle 358.
Nous penso.ns que l'assuré est toujours débiteur de la
prime, parce que l'article 357 ne prononce la nullité qu'à
l'égard de l'assuré seulement. On a voulu simplement, en
prononçant la nullité du contrat, en réduire les effets à
l'égard de celle des parties qui était convaincue de fraude
et de dol. Si dans l'hypothè.se prévue par l'article suivant,
on oblige seulement l'assuré à payer le demi. pour cent,
.c'est parce que l'exagération est le résultat d'une erreur:
jnvolontaire,
�§ II.
De l':issurance fllite ap,rè's la.perte ou l'arrivée 4es objets assl.!rés.
Il nous reste à examiner une d@rnière hypothèse dans
laquelle le dol et la fra\,de peuvent êtFe potir l'une ou
l'autre des parties une SO\l{Ce de dangers tré~ sérieQx.
Cette hypothèse est celle 01) les choses assurées ont déjà.
péri eu sont hors de danger le jour où le contrat se
forme.
Il y a·ici deux cas bien distincts qne nous étudier0ns
dans deux c~apitres différents afin de ne pas Flous écarter
de la division que nous avoBs établie en Qommençant.
Ces deux cas sont prévus par les articles 36,5, 366 ,
367, 368 du Code de commerce.
Le premier, par leq1,iel nous terminerons le chapitre
relatif à l'erreur et au dol, est celui où l'assureur ou l'assuré connaissait au moment du contrat l'arrivée ou la
perte du navire et des marchandises , Le second, que nous
étudierons dans le Chapitre JJJ, est ce.lui où les parties
croyaient à l'existence du risqug en signant la police.
L'ensemble de ces dispositions a été emprnFJté à !"ancien droit.
L'article 365 rappelle en effet~ par ses termes, l'article 58 de l'ordonnance de 1681. Tous les deux déclarent nulles les assurances faites. après la perte ou l'avrivée
des choses as~qrées, si l'as~uré en connais3aiL la perlé ou
l'assureur l'arrivée, avant la signature de la police. ·
L'article 348 protège l'assqreur contre la réticence
�- 1~4 -
ou les fa~1sses déclarations. L'article 368 vient compléter
l'article précédent. ll prévoit une situation plus dangereuse, et par suite, établit contre la partie convâincuè
de mauvaise foi une sanction plus sévère. Il permet, à la
fois, à celle des parties qui fait annuler le contrat,
a· exiger une somme s'élevant au double de la prime et
d'intenter une poursuite correctionn8lle.
L'auteur de la fraude peut être l'assureur aussi bien
que l'assuré. Aussi le légi_slateur a-t-il décidé que chaque
partie pourrait faire .annuler l'assorance en prouvant que
l'autre partie connaissait l'événement au moment de
signer la police; et comme il était difficile, sinon impossible, d'établir directement cette preuve, on a créé ici
une présomption légale. L'assurance est nulle si l'assureur ou l'assuré a connu ou pu connaître la perte ou
l'arrivée des objets assurés le jour où le contrat s'est
formé. La présomption que la connaissance de l'événement a pu arriver jusqu'aux parties tient lieu de preuves
positives.
C'est une présomption juris de jure.
On suppose que le fait était connu de l'assureur ou de
l•assuré lorsque la distance entre le lieu où la police a été
signée et celui de l'événement ou du premier port de
terre ferme où la nouvelle est arrivée . ne d~passe pas
trois quarts de myriamètre (lieue el demie) pour chaque
heure écoulée depuis ·le moment où le contrat s'est
formé.
L'ordonnance de la marine avait établi .la même présomption .
· Quel est le point qe O.épart du Cf\lcul des qistances?
et
�-
125 -
L'article 21 du règlement d'Amsterdam et le cha..:''
pitre 4. d.n Guidon de la mer comptaient la lie~e et demie
par heure de l'endroit même où le sinistre était arrivé . ·
Sous l'empire de l'ordonnance de 168·1, on calculait
la lieue et demie du point où le navire avait abordé ou
péri (artic~e 39). « L'assuré sera présumé avoir su la
perte, et l'assureur l'arrivée, s'il se trouve que de l'endroit de la perte ou de l'arrivée du vaisseau, la nouvelle
en ait pu être portée dans ·1e lieu où l'assurance a été
passée, en comptant une liene et demie par heure. >>
Malgré le texte de l'ordonnance, la jurisprudence
avait admis que ·la lieue et demie devait toujours se
compter depuis le premier port de terre ferme où la nouvelle avait été apportée .
. L'article 366 du Code de commerce fait courir les
trois quarts de myriamètre par heure cc de l'endroit .de
l'arrivée ou de la .perte du vaisseau, ou du lieu où la première nouvelle en est arr.ivée. n
Sui\'ant l'opinion de M. Estraogin (sur Pothier) cc on
compte la lieue et demie par l'heure, non du lieu et de
l'instant de l'événement en mer, mais depuis que la
nouvelle de l'événement est arrivée en un lieu de terre
ferme.
C'est cette opinion que le législateur a suiv_ïe.
On ne peut pas, en effet, établir de présomption sur le
temps qu'il fauçlra pour qu'un événement en mer puisse
être connu.» (Traité des assurances ·maritimes, n° 22).
Cette opinion ne s'accorde pas exactement avec le texte
de rarticle 366.
Le législateur a fixé deux points de départ pour Je
�-:- 12,6 -
caJct.11 _des h~ares. : le Jiea du sinistre ou de l'arr:ivée
du navire et le lieu de, terre ferme où la nouvelle s'est
répandue. ·
Aux .termes de cet article, l'assqrance est nu1le toutes
les fois que les parties ont pu connaître l'arrivée c•u la
perle des objets assurés, et celle connaissapce est présumée certaine si, en parcourant une lieue et demie par
heure, la nouvelle a pn <\rrivcr ·dn lieu du sinistre QU du
premier port où ces fai.ls ont. été connus an . lieu où se
trouvaient l'assurenr et l'assuré avant la signature de la
police,
Pour faire ce calcul de la lieue et demie par beme;
l'assureur choisira comme point de départ le premier
port où la. nouvelle est arrivée, lor3que personne ne
c.onnaîlra le moment et le lieu de l'événement; il optera,
au contraire, pour le lieu du sinistre, quand Je lieu de
la formation du contrat se confondra avec celni où La
nouvelle s'est d'abord répandue.
Cette présomption sera soavent une source de difficultés, car, dans une foule d'hypothèses, la signature de
la police remontera seulement à quelques heures avant
le moment où la nouvelle de la perle ou de l'arrivée du
navire a pu être connue de l'une ou de l'autre des
parties.
Ce~ difficultéS n.e se seraient jamais présentées dam; la
pratique, si, au nombre des énonciations que doit contenir la police, on avait exigé l'indication de l'heure à.
laquelle s'est formé le contrat. Malheureusement cette
énonciation est purement facultative. L'article 332
exige seulement que l'on déclare si «l'assurance a été
:ouscrite avant on après midi. >~
�-
127 -
Si la police contient seulement l'indiçatioi;i du 1'our.
sans dire si c'j:}s~ avant ou après iniçli, la preuve t.estimoniate que la police a été signée à telle heure . ne nous
semble ·pas admissible, parce que cet acte ne contenant .
pas les énonciations exigées par l'article 332, les parties
ont à s'imputer de n'avoir été pas pins exactes.
Si les parties ont énoncé que la police avait été signée
avant ou aprés midi, une diffioulté n_ou,velle se présente.
Faut-il présumer qu'elle a été signée au moment de l'ouverture des bureaux ou au dernier moment de. la partie
du jour qui est indiquée?
L'intérêt de la question est considérable, car, dans la
plupart des cas, la police sera val?ble ou nulle selon
qu'on âdopte l'une·ou l'autre solution.
Le choix aura donc une véritable importance.
Quelle solution faut-il adopter?
Les aviH sont partagés. M. Pardessus est d'avis que ,
lorsque la police n'énonce pas l'he~1re, mais seulement
la partie du jour, avant ou après midi, «on doit présumer qu'elle a été signée à la dernière heure de cette partie
du jour, c'est-à-dire à midi, 'Si la pohce est datée avant
midi. Si elle' est datée d'après midi ou ~i elle n'indique.
. qne le jour, l'heure du coucher du solei.l nous semble
devoir être préférée à toute autre, parce que l'usagf\ ne_
consacre pas les heures c;le la nuit à de~ signatures de
contrats, et que, dans le donte, c'est l'usage qui doi.t
servir de base.)) (T., II, B 0 785). (Bédarride, droit 1,I1aritime, t. 4, p.183).
Dan.s une autre opinion, on enseigne q1,1'iJ faut t9ujours compter à -partir de l'heure à laquelle le$ assureul'~
(
1
�-
128 -
ont coutume d'ouvrir leurs bureaux, le contrat ayant pu
être passé a~ssitôt après l'ouverture de ces bureaux (Boulay-Paty, t. 4, p. 193). (Pothier, traité qes assurances,
· Il 0
'.22).
Il faut choisir entre les deux opinions que nous venons d'indiquer, car il n'y a pas de juste milieu possible.
Dans cette nécessité, nous acceptons de prêférence · 1a
dernière opinion par la raison que, si dans une convention quelconque,· la bonne foi des parties doit se présumer, il faut accepter la solution la plus favorable à
celui des contractants dont la mauvaise foi est mise en
jeu.
La présomption de l'article 356 est une présomption
jiirù et de jure qui dispense de tonte preuve celui au
profit de qui elle existe. < Les p1·ésomptions juris et de
jure, dit Polhier> ne peuvent être détruites et la partie
contre qui elles militent n'est pas admise à prouver le
contraire. l> (Traité des obligations, n°• 840 et 841 ).
La' loi n'ayant pas réservé ici la preuve contraire, l'assuré ou l'assureur ne pourra invoquer aucun moyeQ de
défense, tels .que la difficulté des moyens de communication ou l'<1bsence d'un service régulier.
L'article366ajoute: ·<sans préjudice des autres pren- .
ves. 1>
L'assm·em· est toujours reçu a prouver que l'assuré
savait la perte au moment de la signature du contrat et
l'assuré que l'assureur savait l'heureuse arrivée. 11. esl
permis à. l'assureur et à l'assuré d'abandonner la présomption légale, quand elle leur est acquise, pour convaincre la partie adverse de fraude et obtenir conlrf:l 'elle
1
�-
129 -
l'indemnité de la loi, indépendamment de ia nuHité du
contrat.
Les parties peuvent même renoncer formellement à
cette présomption en insérant . dans la police la clause
que l'assurance est faite sur b.onnes ou mauvaises nouvelles.
C'est l'bypothése prévue par l'article 368.
L'article 40 de l'ordonnance de la marine, conforme
au règlement d'Amsterdam, portait: « Si toutefois l'assurance est faite sur bonnes ou mauvaises nouv.elles,
elle subsistera, s'il n'est vérifié par autre preuve que celle
de la lieue et demie par heure que l'assuré savait la perte
ou l'assureur l'arrivée du vaisseau avant la signature de
la police: >>
L'insertion de cette clause dans la police fait tomber
la présomption légale, et par suite, oblige celle des parties
qui demande la nullité clu contrat à invoquer des preuves
directes et positives. Cette clause est devenue d'µne application très fréquente, elle est insérée aujourd'hui
dans presque toutes les polices.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, on pourra invoquer comme moyen de preuve la connais~ance que
toute une ville avait de la perte ou de l'arrivée do' navire et des marchandises; mais cette preuve ne sera
qu'une présomption ordinaire que les juges auront à
apprécier. ((En règle générale, dit Emérigon, celui qui
fait assurer une chose déjà perdue, ou celui qui assure
une chose déjà arrivée sont également présumés de bonne
foi, jusqu'à ce que le contraire soit prouvé. On admettra,
suivant les circonstances, les indices et les présomptions
�-
130 -
de fraude; mais s'il n'y a point de fraude, la moind-rê
incertitude de l'événement heureux oo malheureux suffit
pour valider l'assurance. )) (Traité des as-surances
marit1:mes, tome u, page 135).
Valin émet la même opinion: « autr~ chose, dit-il, est
de savoir la perte d'un navire, et autre chose est 'd'avoir
lieu, et même juste sujet de crainte. )) (Sor l'art. 40 de
l'ordonnance).
Au premier cas, l'assurance est nulle; au second eas,
elle est valable, s'il n'y a ni dol ni dissimulation ou fausse
déclaration. La prime est alors stipulée relativement à
l'idée plus ou moins grande du bon ou du mauvais succès. Ainsi ont peut faire assurer un navire qui a disparu
depuis plusieurs années en déclar.ant dans la police
qu'on n'a plus reçu de nouvelles depuis telle époque.
Lorsque l'une des parties, l'assureur, par exemple, ne
peut pas étàblir que' l'assuré .était personnellement instruit de la perte du navire, la loi l'autorise à demander
la 'Ilullité de l'assu~ance pour réticence ou fausse déclaration. L'assureur est toujours recevable à dire à l'assuré:
vous étiez sans nouvelles et vous ne m'avez pas fait part
de v9s craintes sur le sort du navire. Si j'avais eu connaissance de ce fait, je n'aurais pas consenti à souscrire
l'assurance ou j'aurais exigé une prime plos forte. A ce
point de vue, l'assuré a •toujours la ressource de l'arti-
·de 348 ..
L'assureur ou l'assuré qui veut faire annnier l1assu..
rance peut toujours obliger l'autre partie à affirmer sur
serment qu'elle n'avait reçu aucune nouvelle du navire
avant.de signer la police. Le serment aura la même f.orce
que la présomption lêgale de l'article 366.
�-
Hi -
Cependant ce poi·nt a été contesté.
M. Pard essus enseigne que i'u'l1le des pa'rties ne peut
déférer le sermént à l'autre «parce que, dit-il, il 'n'est
pas convenable que qu·elqu'01\ soit placé entre sa conscience et · la. crainte d'une condamnation correctionnelle qui imprime une sorte de déshonne'Ur. » (Tome u;
page 331).
Cette raison est peu concluante, car; en matière d'assurance comme en tout autre màtière, celui à qui on
dl:lfére le serment est toujours placé entre sa conscience
.
et la crainte de pB'rdre son procès.
On arrive ainsi à supprimer une preuve que la 10'i
donne comme dernière ressollrce 'à ceJl·e des parti'es qiù
ne peut établir autrement les faits ·qui font l'objet de sa
demande.
Nous pensons avec Potbier cc que lorsque l'assureur
a déféré le serment à 'l'assuré et que celui-ci a refusé de
le rendre, il faut voir dans ce refus la preuve certaine et
irréfutable que l'assuré connaissait l'événement au moment où il signait la police. " (Traité des ·assurances,
n°· 16).
Les articles 366, 367 et 368 s'appliquent à l'assu~
rance souscrite par un ·commissionnaire?
L'assurance est nulle lorsque Je commissionnaire avaît
connaissance cle l'évènement au moment où il si~nait la
police. La bvnne foi de l'assuré ne peut suffire.
La solution est la même au cas où l"assurè, instruit~
temps de l'évènement, n'a pas averti son commissionnaire.
sanction de toutes ces disposiüons est écrite dans
1
La
�-
1'l'.'2 -
l'article ::l68. Aux termes de cet article, l'assur.eur ou
l'assuré qui est convaincu d'avoir connu l'événement est
passible d'une poursuite correctionnelle et doit payer
une somme double de la prime convenue.
L'article 41 de l'ordonnance ne parlait pas de pour·
suites correctionnell~s; il prononçait seulement la peine
de la double prime. Le règlement de Rotterdam cité par
Valin punissait comme faussaire celui qui était coupable
de crime. Emérigon lui aussi considérait la condamnation à la double p.rime comme un prime trop légère.
Sous l'empire de notre législation maritime, la partie
qui a eu connaissance de la perte ou de l'arrivée dn navire est condamnée à payer la double prime et devient en
même temps passible des peines réservées au vol el à
l'escroquerie. L'article 4.07 du Code pénal exige, il est vrai,
qu'on ait employé des manœuvres frauduleuses, ce qui
semblerait impliquer des faits positifs, ayant un caractère
de réalité. Nous pensons cependant que les manœuvres
frauduleuses peuvent consister dans une réticence aussi
bien que dans une dP.claration mensongère. Il es.t bien
vrai que, puisque Je législateur n'indique pas quel est le
sens exact de c.e mot, on doit lui donner l'interpretation
la plus étroite, s'agissant de pénalités. Mais on a fait
remarquer avec raison qu'il y a ~n l'espè~e un motif particulier pour entendre la loi dans urr sens large, c'est
celui fourni par l'article 348 qui, dans notre matière
même, met sur Je même pied la réticence et la fausse
dêclaration, et en fait deux manifestations distinctes,
mais équipollentes entre elles, du dol. « La disposition
est, il est vrai, d'ordre civil, étrangère par conséquent
�-
133 -
(ce semble du moins) à la que_sHon ; la pensée de la loi
est évidente néanmoins et résiste de ce chef à toute distinction. )) (M. Laurin, Couts de droit maritime, tome
III, page 179.)
ta partie 'poursuivante peut-elle saisit à son choix le
·tribunal correctionnel ou le tribunal de commerce? Les
auteurs ne sont pas d'accord sur cette question. Dans un
un premier système on dit que le tribunal correctionnel
est seul compétent.
« Par ces expressious de la loi houvelle, celui de l'as·
suré ou de l'assureur contre qui la preuve est faite est
poursuivi correclionnellement, il n'y a pas de doute que
l 'inten lion du législateur a été que l'action fût -portée
devant le tribunal correctionnel. Si les affaires d'assurances sont placées par l'article 633 dans les attributions
des juges de commerce, ce n'est qùe dans le cas où elles
conser'veront le caractère de contestations purement
civiles; comme dans le cas de la présomption legale où
' la nullité est seulement prononcée ; mais toutes_les fois
q11'une affaire de la compétence des tribunaux dé .commerce prend Je caractère d'accusation, ceux-ci sont obligés de la renvoyer devant les tribunaux ordinaires.
Ainsi quand la partie trompée, abandonnant la présomption légale ou y ayant renoncê, veut recourir aux preuves
positives pour démontrer la fraude de l'autre partie, cette
action est essentiellement une accusation d'escroquerie,
dont la connaissance appartient, comme délit, aux tribunaux correctionnels ,, (Boulay-Paty, tom. 4, pag. ~09,
Pardessus).
Nous ne partageons pas cette opinion et nous pensons
9
�-
f 3!1 -
que la .partie lésée peut toujours demander aux juges
consulaires l'exécution d'un contrat essentiellement commercial. La partie qui poursuit la nullité du contrat
pourra, il est vrai, sai~ir le tribunal correctionnel et demander à titre de répaiations civiles, la· double prime qui
lui est due, mais elle devra alors fournir des preuves caractéristiques de la mauvaise foi et du dol.
On comprend très bien qu'une preuve suffisante pour
faire annuler l'assurance' et prononcer des dommages et
intérêts ne .Je soit plus quand il sagit de flétrir un homme
du nom d'escroc et de lui infliger une ·peine correctionnelle. Le demandeur d'ailleurs arrivera plu!'\ facilement
à .ses fins en saisissant le tribunal de commerce.
La nullité une fois prononcée conformément à l'article
. 367, le ministère public pourra poursuivre directement
celle des parties contre qui on a prono1Jcé la nullité ,
s'il estime que les preuves qui ont été fournies devant le
tribunal de commerce établissent suffisamment l' escroqnerie.
�CHAPITRE Il
Nullité tics assu1•ances po111• vice tenant
i't l'objet.
On peut concevoir deux .systèmes d'assurance: un
premier dans lequel l'assuré obtient les avantages auxquels il aurait eu droit, si le voyage s'était 'effectué heu.:
reusemerit, c'est-à-dire la valeur des effets assurés et le
profit qu'il aurait pu réaliser, et un autre qui se propose de mettre l'assuré dans la situation oil il était avant
le départ dn navire. Dans ce dernier cas, l'indemnité à
laquelle a droit l'assuré se mesure à la valeur des marchandises au moment de la signature de la police.
C'est ce second système qui a été adopté. On a consi-·
déré les choses non pas comme si l'opération n'avait pas
réussi, mais comme si elle n'avait pas eu lieu.
Il en résulte que toutes les personnes qui exposent
qnelqu.e chose à la mer peuvent faire assurer ce qu'elles
çourent le risque de perdre e~ non ce qu'elles manquent
de gagner.
Par application de ce principe le législateur du Code
de commerce a prohibé les assurances qui ont pour objet
des valeul's incertaines et aléatoires. Cette prohibition
�-
136 ......
déroge à l'article 1130 aux termes duquel « les choses
futures peuvent être l'objet d'une obligation. )) Et pourtant il semble bien que la règle de l'article 1130 aurait
dû s"appliquer à }!assurance qui est par excellence un
contrat aléatoire. L'article 347 qui est le siège de la matière dispose que cc le contrat d'assurance est nul, s'il a
pour objet :
1° Le fret des marchandises existantes à. bord du navire;
~· Le profit espéré des marchandises ;
3° Les loyers des gens de mer ;
4" Les sommes empruntées à la grosse;
5° Les profits maritimes des sommes prêtées à la
grosse.
Les prohibitions portées dans cet article existaient déjà.
sous l'empire de l'ordonnance de 1681. Nous verrons
bientôt en les étudiant que sur ce point on n'a fait que
reproduire l'ancien droit.
Quelle raison peut-on invoquer en faveur de ces prohibitions et spécialement en ce qui concerne les deux
premières? Elles sont au nombre de trois. L'une est une
raison d'utilité publique : on a voulu que l'assuré fût
lui-même intéressé à la conservation du navire et apportât à. son entretien tous les soins nécessaires. On a
pensé qu'on ne pourrait plus exiger de lui le même dévouement et le même courage le jour où les assureurs
seraient obligés de payer avec la valeur du navire et des
marèhandises le fret espéré. On n'affronte pas le danger,
on n'expose pas sa vie inutilement.
L'autre raison est celle-ci : l'assurance est un contrat
�-
137 -
d'indemnité qui ne doit jamais procurer un bénéfice à
l'assuré; or,, l'armateur réaliserait un gain s'il était i·ndemnisé de la valeur du navire et GUI fret.
Nous savons eiue le fret est une oréance conditionnellë
dont l'existence est subordc>nnée à l'arrivée du navire et
qui ne devient exigible que le jour où les marchandises sont débarquées à l'endroit et au moment convenus.
Notre contrat ne peut donc pas s'étend11e à une valeur
incertaine, aléatoire, ql!li existera peu1t-être, mais qui
n'existe pas encore, et qui, par conséquent, n'est pas
exposée aux dangers de la mer.
A cela on peut répondre que si le fret est une créance
conditionnelle, il est en même temps le prix d'un service
qu'il est facile d'estimer et sm lequal on peut légitimement compter. Le fret reii>résente pour J' armateur le prix.
de tous les dai;iger.s auxquels son navire est sans cesse ·
exposé, sa dépréciation par l'usure et toHs les frais connus 'so us le nom de mises hors. S.'il est vrai que le paiement du fret est subordonné à un événemelilt futur et
incertain, il est vrai aussi ql:1'en souscrivant cette assu
rance, l'armateur fait essentiellement un acte conservat0ire ; or, le créancier condi1tionnel peut, aux termes de.
l'article 1180, exercer . tous les actes conservatoires. de
so11 droit avaat l'acc0mplissement de la cond:ütion.
Et d'ailleurs 'peut-on soutenir sérieusement que le fü:et
n'est pas exposé aux risques. de la navigation. Cela ae se
peut pas et à bon droit. L'affréteur fait assurer ·1es marchandises, parce qu'elles peuven.t se· dëtériorer ou être
jetées à la mer i l'annateur devrait po.u1v0ir faire assurer
�-
138 -
le fret, parce que cette créance est attachée aux flancs du
navire comme le profit que le chargeur espère réaliser,
comme les marchandises elles-mêmes. « A ce compte il
faudrait, dit M. Laurin, en matière d'assurance terrestre,
prohiber l'assurance des récoltes contre la grêle et autres fléaux· de la nature, car la récolte, jusqu'à sa maturité
et même à sa perception, est chose incertaine et aléatoire.
Le contraire se pratique cependant tous les jours. Or
pourquoi ne ferait-on pas pour le fret, fruit civil du navire, ce qu'on fait pour la récolte, fruit naturel de l'immeuble? >) (Droit maritime, t. m, p. 451 :.
Cette .assurance est d'autant plus utile que le navire
représente toujours une valeur considérable, quelquefois
même la plus grande partie de la fortune de l'armateur.
Les deux premières raisons ne sonl pas concluantes,
mais on' en a produit une trnisième qui a plus de poids.
On a dit: si Je capitaine qui réunit souvent à cette
qualité celle de copropriétaire du navire peut faire assurer
le fret espéré, on ne pourra plus attendre de lui la même
énergie et le même courage: l'as~urance devant l'indemùiser de toutes les pertes qu'il peut éprouver: il sera plus
facilement porté à faire prononcer l'innavigabilité du
navire. Voilà un danger contre lequel les assureurs ne
peuvent pas toujours se prémunir,
Cette raison est fa seule qu'on puisse sérieusement
invoquer en faveur de cette prohibition et encore n'estelle pas de nature à faire maintenir la prohibition de la
loi, car ce n'est qu'une simple considération utilitaire.
· On invoque les motifs ci-dessus indiqués a propos de
l'assurance du rrofit espéré des !Ililrchandises, des loyers
�-
139 --
des gens de mer et des sommes prêtées à la grosse. La
réfutation est donc la même, de façon qu'en définitive
l'assurance des sommes empruntées à. la grosse devrait
seule subsister, parce que l'emprunteur est libéré de
· toute obligation envers le prêteur lorsque le navire vient
à périr. Aussi pour les motifs indiqués plus haut l'article
347 est depuis une vingtaine d'années l'objet des plus
vives attaques. Les prohibitions qu'il contient ne se rencontrent que dans notre législation maritime. Ainsi, ,de
nos jours, aucune loi ne proscrit en Angleterre l'assurance dn fret à faire; il en est de même aux Etats-Unis·,
en H?llande (Code hollandais, art. 593), en Portugal
(Code portugais, art. ·1700), en Prusse (Code prussien,
art. 1980). Dans ces mêmes contrées, il est permis de
fair~ assurer le profit espéré des marchandises et les profils maritimes des sommes prêtées à la grosse.
Ces différentes législations ont cependant prohibé l'assurance des loyers de gens de mer pour des raisons que
nous exposerons plus loin en étudiant le paragraphe 3 de
ce chapitre.
Chez nous, au contraire, le contrat d'assurance ne
peut couvri~ que les droits acquis et certains au moment
où il est souscrit.
Il serait à désiser que sur cette matière la France
adoptât la règle qu'i a toujours été admise chez nos voisins. << Pourquoi, dit un éminent auteur,'tant de retards à
là mise de la question de l'ordre du jour de la Chambre?
Je crois Je savoir. ·
Les motifs du retard sont étrangers à la question elleJTiême. ·
�-
140 -
La proposition votée par le Sénat contient une autre
réforme que ne demandent pas les armateurs français,
celle qui les rend débiteurs des gages des hommes·
d'équipage malgré la perte du navire. Pµis, ce qu'ils
demandent surtout, ce qu'ils implorent en étalant leur
détresse, . résultat de la liberté des pavillons, c'est la
f~veur des subventions del' Etat, et il y a aussi des propo·
sitions faites à cet égard. C'est une question financière,
d'économie p.olitique et µiême de politique d'qne haute
importance, devant laquelle pâlit bien celle de la réforme
de l'article 357. )) (De Courcy, Question de droit mar.
t. ,~. p. 390).
Depuis la loi votée le 10 jn,illet 1885 et dont nous
ç.vons _parlé dans l'introd,uction de cette étude, les questions que nous allons étudier ne présentent guère plus
qu'un intérêt retrosp.ectif. Cependant, l'étude de l'àrticle 3&, 7 présente encore un intérêt actuel, en permettant
pe régler les q-qestions transitoires nombreuses qui s' élèveront à propos des assurances souscrites avant la promulgation de la loi.
§ 1.
De la nullité tenant au fret des marchandises existaµt à bord du
navire et au profit espéré des march:mdises.
Nous réi,missons ~ous le même numéro ces deux pro,hibitions, parce qu'elles se rattachent au même çirdre d'idées. En effet, le fret ou profit du navire et le pr.oijt des,
marchaQdises son,t égal~Jil~nt iQcertaips.
Le fret n'est dù que si le navire arrive heure1;1~ement
�-
1ld -
(art. 30'.2) ; le profit des marchandises dépend de mille
hasards.
Nous retrouvons déjà ces prohibitions dans Je Guidon
de la mer. Cleirac, dans son commentaire sur cet ouvrage~, explique cette prohibition de la façon suivante :·
cc Le fret, dit-il, assez privilégié d'ailleurs, ne peut être
assLiré: quia duœ specialiter non possimt concurrerc
circa idem; et d'abondant pour rendre le màître plus
soigneux de la conservation du navire et de la marchandi~e qu'il pourrait négliger, s'il était assuré: ne detur
occasio ad delinquendum. )) (Cleirac, Guidon de la
mer, chap. 15, p. 317).
L'ordonnance de la marine défendait aux propriétaires
et maîtres de navires de faire assurer le fret à faire de
leurs bâtiments. <1 Les propriétaires des navires ni les
maîtres ne pourront faire assurer le fret à faire de leurs
bâtiments , les marchands, le profit. espéré de leurs marchandises, ni les gens de mer Jeurs loyers (art. '15,
tit. 6).
Pothier commente ainsi cette disposition. cc Ce fret à
faire, dit-il, ce profit à esp érer des marchandises, ces
l.oyers sont des gains qu e les armateurs manquent de
faire, si le vaisseau ou les marchandises périssent plutôt
qu'une perte qu'ils courent risque de faire» (Pothier,
Traité des assur. marit. n° 56).
Les anciens usages maritimes voulaient même qu'il y
eùt dans tous les cas un découvert pour que lassure restât son propre assureur pour une part qui était généralement du dixième.
L'article 15 de l'ordonnance a passé en entier dans
notre législation .
�-
1'12 -
La prohibition de l'article 347 s'applique, on le sait,
également au profit espéré des marchandises.
Ce profit espéré dont le chiffre ne sera connu que le
jour où ces marchandises seront débarquées. est, comme
le fret, une valeur incertaine.
Mais ici ce caractère ·d'incertitude est encore plus saillant, car, si l'on peut établir d'une façon in,variable le
chiffre auquel s'élèvera le fret, on ne peut savoir dès à
présent quel sera le profit des marchandises. Leur valeur
dépend de \'appréciation du chargeur qui calcule à l'avance le profit qu'il espère réaliser.
Cette prohibition est loin d'être absolue: elle sera,
suivant les circonstances, au-dessus ou au-dessous de la
vérité.
La prohibition de l'assurance de ce profit existait sous
l'empire de l'ordonnance de 1681. L'article 15 de cette
ordonnance ne faisait lui-même que reproduire une décision de la loi '.2, § 4 (de lege Rhodia, liv. XIV, tit. 11,
Dig.), (( detrimenti non lucri fit prœstatio. »
Il résulte de celle loi que l'on prend comme base d'estimation non le gain que l'on aurait pu réaliser, mais la
perte que l'on a éprouvée, ce qui revient à dire que l'indemnité peut servir à réparer le dommage, mais qu'elle
ne peut en aucnn cas devenir un prnfit éventuel pour
l'assuré:
Cette règle domine tout le contrat d'assura~ce. Lorsqu'elle a été faite sur facultés, c'est.-à-'dire sur les marchandises, on ne tient compte que de la valeur des effets
assuré$ au moment du départ. On n'assure pas le profit,
�-
143 -
parce sa réalisation dépend d'une foule de circonstances
qu'il est presque impossible de prévoir. ((Ce profit, dit
Emérigon, est un être moral qui ne se trouve point dans
le.navire et qtli partant ne peut pas être assuré (Traité
des assurances, t. I, p. 232).
Ce que la loi prohibe c'est uniquement l'assurance soit
du fret à faire, soit du bénéfice espéré ; mais quant au
fret ou profit acquis, ils peuvent incontestablement être
assurés , car ils constituent des choses acquises, des
biens existant réellement dans notre patrimoine lors de
la ~ignature du contrat.
Que faut-il entendre par fret acquis ou fret à faire?
Le fret acquis est celui qui a été payé à l'avance et ·dé. clâré non restituable en cas d'accidents, perté, bris de
navire, etc.
Le fret à faire est le prix ou la valeur que les chargeurs
ont promis de payer pour le transport de leurs marchandises au lieu convenu; c'est un gain possible, éventuel,
incertain, qui existera peut-être, qui n'existe pas encore.
Ce fret est subordonné, quant au paiement, à l'arrivée
et à la remise des marchandises au lieu fixé dans Je contrat. Emérigon le définit cc un profit incertain : il sera Je
prix de la navigation heureuse et le fruit _civil du navire.
Il ne l'est pas encore, il ne peut donc devenir une matière d'assurance.)) (T. I, p. 22a.).
Cette .distinction entre le fret acquis et le fret à faire
est traditionnelle: elle remonte à une déclaration du 17
août 1779, et il n'est pas douteux que le Code ne s'y
soit rallié, malgré la généralité de ses termes, car, il n'y
�-1411-
a pas pour prohiber le fret acquis les raisons qui ont fait
prohiber le fret à faire et d'autre part la réglementation
générale de la déclaration précitée a passé tout entière
dans la loi moderne.
cc L'ordonnance de la marine, dit Pothier, ne parle
que du fret à faire, c'est-à-dire de celui qui n'est pas
encore dû au propri_étaire du navire et qni ne lui sera
dû qu'à l'arrivée du vaisseau: à l'égard du fret acqu·is,
c'est-à-dire de r.elui qui, aux termes de la convention
entre le propriétaire du navire et le marchand doit lui ·
être payé à tout évènement dans le cas de la perte du
vaisseau et des marchandises, comme dans celu i de
l'heureuse arrivée, il est évident qu'il ne peut pas être
matière d'assurance de la part du propriétaire du navire, .
puisqu'il ne court aucun risque par rapport à ce fret,
mais il peut être une matière d'assurance de la part du
marchand qui fait assurer son chargement, ce fret faisant
partie des dépenses que ce marchand court risque de
perdre en cas de perte du chargement. )) (Traité des
assurances, n° 36).
La déclaration du 17 août 1779 n'est pas moins formelle. cc Le fret acquis pourra être assuré et ne pourra
faire partie du délaissement du navire, s'il n'est expressement compris dans la police d'assurance n Seulement
étant donné que la distinction du fret acquis et du fret à
faire est traditionnelle et aJmise aujourd'hui, la difficulté
est de savoir comment un fret acquis peut être susceptible d'assurance. Le fret·, en effet,tnous l'avons dit,
est payé par anticipation et n'est pas restituable en cas
�- 145 -
d'accident; quel intérêt aura-t-on dès lors à le faire assurer et, d'autre part, comment l'assurance sera-t-elle
légale puisqu'il n'y a plus de risque de navigation? La
difficulté n'est pas nouve!le. « Ce fret acquis, dit Emèrigcrn, susceptible d'être assuré, a beaucoup exercé l'es négociants et les jurisconsultes de Marseille. J'ai tourné en
toute manière l'article ci-dessus, je ne me flatte pas <l'en .
avoir pénétré le sens. >) (Traité des assurances, tome 1,
ch. 8, sect. 8). Cet auteur, cherchant le mot de l'énigme,
avait fini par avouer qu'il y avait·1à une vérilable gageure
sous forme d'assurance, permise par la loi pour le bien
du commerce; et si peu satisfaisant'e que soit la solution,
ou est bien obligé de reconnaître qu'elle est forcée.
On a essayé cependant d'une autre et voici l'expédient
·que la pratique a imaginé et abrité sous la désignation
d'assurance du fret acquis pour en sauver la légalité:
L'armateur qui est obligé de faire des dépenses considérables stipule que le chargeur lui paiera une partie du
fret avant le départ du navire et que ce fret ne sera pas
restituable en cas d'accident. Le chargeur fait assurer ce
fret accessoirement à la marchandise, et comme en définitive c'est dans l'intérêt du capitaine que tout cela est
pratiqué, puisqu'il aurait suffi au chargeur de rester
sous l'empire de l'article 30:2 pour sauvegarder sa situation, on convient que c'est lui qui paiera la prime.
Y a-l-il là l'assurance du f rel acquis, et, par conséquent, Ia ·convention est-elle valable?
cc On l'a soutenu et décidé ainsi, dit M. Laurio, par la
double raison que le fret n'étant pas restituable en cas
d'accident, était véritablement acquis, et d'autre part,
�-
1lt6 -
parce que l'assurance n'était plus pratiquée par le capitaine ou l'armateur, mais par le chargeur, ce qui de
toute façon doit rendre la disposition de l'article 54. 7
inapplicable. - Ce sont là de pures subtilités imaginées
à l'effet d'échapper à la prohibition de la loi, et de transformer l'assurance du fret à faire en assurance du fretacquis. Toute la question est de savoir dans l'intérêt de
qui, et, par suite, par qui l'assurance est faite; or, le
seul fait que la capitaine paie la prime est déjà par luimême suffisamment sigrlificatif; car on ne comprendrait
pas que le capitaine payât la prime si !'assurance lui était
étrangère. Mais ne voit-on pas, de plus, que le chargeur n'est ici qu'un prête-nom, et que le biais n'a été
imaginé qu'à l'effet de tourner la loi, et d'arriver au
même résultat que celui qui serait atteint par une assurance directement contractée par le capitaine? Quelle
différence y a-t-il, en effet, quant au ~ésultat, entre l'assurance di~·ecte et brutale do fret par le capitaine et:
1° la stipulation de non-restitution du fret en cas d'accident; 2° l'assuraace de ce fre.t par le chargeur; 3° le
paiement de la prime par le capitaine? Le chemin de
traverse a-t-il menéà un autre point que la ligne directe?
La combinaison dont s'agit arrive donc finalement à la
violation de l'article 347, et il a fallu le mouvement
d'opinion qui s'est déterminé contre cette règle, pour
que les tribunaux arrivassent à valider un pareil expédient. )) (Cours de droit commercial, page 946).
Cette pratique à laquelle les armateurs ont recouru
jusqu'à ce jour à l'effet de violer la disposition prohibitive de l'arti.cle 347 disparaît depuis le vote de la loi non-
�-
147 -
velle. L'assurance peut aujourd'hui avoir pour objet le
fret, le profit espéré des marchandises, les loyers des
gens de mer et le profit maritime des sommes prêtées à
la grosse.
Les sommes empruntées à la grosse continuent seules
à ne pas pouvoir faire l'objet d'un contrat d'assurance.
Nous examinerons plus loin les motifs de cette prohibition. Mais en nous supposant toujours sous l'empire de
la loi ancienne, faut-il considérer comme fret acquis le
fret que l'armateur a reçu clans le cours du voyage?
Emérigon enseigne que ce fret se confond avec le fret
acquis: pourquoi, en effet, distinguer entre le fret payé
d'avance et stipulé non restituable et le fret acquis pendant la traversée ?
Cette solution n'est pas celle du Code.
En parlant du fret acquis dans l'article 386, le législateur s'est servi i;, ?essein du mot cc payé d'avance ''. Le
Code ne s'explique pas, il est vrai, sur le sens du mot
fret acquis, mais on peut dire qu'il s'est approprié par
son silence la distinction de l'ancien droit.
'
Lorsque le voyage est terminé, ll:l chargeur paie Je fret
qui est dû a l'armateur pour le transporL des marchandises. Si le capitaine est obligé par le mauvais temps ou les
avaries qu'a subies le navire de débarquer les marchandises dans un port de relâche, le chargeur ne doit à
l'armateur qu'une part!e du fret proportionnée à la longueur du voyage .
. Le fret acquis devra·t-il s'imputer sur ce prorata?
Le tribunal de commerce de Marseille a jugé que le
fret des marchandises sauvées faisait partie du délaisse-
�- 148 -
ment du navire et appartenait aux assureurs sur corps au
cas même où il était payé d'avance. Les assureurs du fret
acquis à qui le délaissement est signifié à la suite de l'innavigabilita du navire, déclarée en cours de voyage, ne
peuvent pas, en exerçant les droits de leur assuré, compenser les avances sur le fret avec le fret dû à proportion
de l'avancement du voyage.
En ce sens un jugement du tribunal de commerce de
Marseille, 18 décembre 1857. - Arrêt confirmatif de la
cour d'Aix, 7 juin 1858 (J. M. 36. 1. 284); autre jugement de ce même tribunal H novembre, 1858. (Journal
de jurisprudence corn. et maritimé, t. XXXVI, pag.
381).
Voici le cas sur lequel ce tribunal avait à statuer. Un
chargeur, Hilarion Gauloffret, aiirète le navire, la Perle,
pour un voyage de Marseille à Sierra Leone, aller et re- .
tour, avec l'engagement de faire des avances au capitaine
et de les foire assurer lui-même, la prime étant à la
charge du capitaine. Arrivé à Sierra Leone, Gauloffert
avance 3,462 fr. sans faire assurer.
Au retour, le navire arrive à Gibraltar en état d'avarie
et est déclaré innavigable. Le capitaine fait délaissement
aux assureurs sur corps du navire ainsi que des avances
et du fret proportionnellement acquis pendant la traversée. Gauloffret prétend qu'il y a lieu de déduire sur
Je fret la somme due. Le tribunal considérant que Gauloffert est lui-même son propre assureur et que l' obligation prise par lui relativement aux avances qu'il devait
faire, équivalait à Jà stipulation qu'elles ne lui seraient
pas remboursée en cas de perte du navire, décide que le
~
fret sera dû totalement.
�-
149 -
La jurisprudence est aujourd'hui constante sur ce
point.
L'assurance ne peut pas s'étendre au fret à faire.
Dans la pratique, les armateurs· et les assureurs emploient un moyen qui leur permet d'éluder la disposiqon
de l'article 347. Ils recourent aux polices d'honneur
(ainsi appelées parce que les parties se fient à leur loyauté
et prud'hommie réciproques).
«On entend dire communément, dit M. de Courcy, que
la loi française prohibe l'assurance du fret. C'est une
erreur. La loi ne prohibe pas plus les assurances sur le
fret que les paris, les jeux de hasard et les marchés de
bourse. Elle leur refuse seulement la sanction légale et
les recours aux tribunaux, elle abandonne à l'honneur
des parties l'exécution de ces conventions dont elle ne
veut pas consacrer les liens, )) (de Courcy," questions de
dr. mar. t. 2. p. 40q,).
C'est là une exagération, une erreur évidente.
Les conventions que la loi déclare nulles ne peuvent
même pas faire naître une obligation naturelle.
Si l'on appliquait à la lettre la théorie de M. de Courcy,
il faudrait décider que la loi ne prohibe que les conventions qui tombent sous l'application du Code pénal.
Dans ces polices d'honneur, les assureurs restreignent
la portée du contrat en limitant au 60 0/0 du fret total
l'assurance du fret à faire.
Le fret que perçoit l'armateur ou le capitaine en son
nom ne représente pas un bénéfice net; une partie de
ce fret. sert à l'indemniser des avances qu'il a faites pour
10
�-
'150 -
les frais de mises hoi·s. C'est cette portion de frais évaluée
aux trois cinquièmes dn. fret total qu'on a voulu assurer.
Au moyen de cette assurance, si le fret est perdu, l'armateur. est indemnisé au moins des avances qu'il~ faites
avant de prendre la mer.
Mais il faudrait aller plus loin et permettre même l'assurance du fret entier. «Si, dit M. de Courcy, les assurances mentionnées par l'article 347 étaient toujours, ce
qu'elles sont quelquefois, des jeux ou des paris, elles
demeureraient donc, à ce titre, des contrats alfatoires,
non prohibés, dépourvus de l'action légale et n'obligeant
que la conscience, des obligations morales. Mais ces assurances peuvent être, suivant les circonstances, bien autre
chose qu·e des jeux et des paris. Elles peuvent être de
véritables assurances, des contrats d'indemnité, protégeant des intérêts très légitimes.
«Je me suppose appelé à la tutelle de mineurs dont le
père, armateur et négociant, vient de mourir . .Je m'empr.esserai de prendre connaissance de l' état des affaires
qui auront pu être négligées pendant la maladie de leur
père. Je découvre qu'il y a en mer un navire, assuré
pour une somme que j'estime insuffisante et inférieure à
sa valeur. Ce navire gagne un fret brut de 100,000 fr.,
qui, charges déduites, produira on fret net de 60,000 fr.
si le na vire arrive à bon port.
Voilà donc, pour mes pupilles, un intérêt démontré,
constaté, de 160,000 fr. exposé aux périls de la mer.
Cette somme de 160,000 fr. pourra étre toute la
fortune de mes pupilles.
Et ma sollicitude commettrait un acte prohibé, un acte
�- 151 -
immoral en recherchant ·pour un intérêt aussi légitime
une protection contre les pé.r11s de la mer? Non, c'est
en n~gligeant de la rechercher que ma sollicitude serait
en défaut, que je manquerais à mon devoir. >> (de Courcy,
questions de droit marit. m· série, page 100).
On pourrait citer une foule d'antres exemples dans
lesquels l'assurance du fret paraît très légitime et, loin de
dégénérer en jeu et en pari, représente seulement pour
l'assuré une indemnité égale à l'intérêt qu'il veut sauvegarder .
.Si du fret nous passons au profit espéré des marchandises, nous voyons qu'il faut égalemeut distinguer entre
le profit acquis et le profit espéré. Le profit acquis est
celui qui s'est réalisé, qui existe au moment de la convention. J'achète une certaine quantité de marchandises
et, quelques jours avant de les charger sur le navire,
j'apprends que leur prix a augmenté.Je puis faire assurer
ce profit parce qu'il représente pour moi une valeur définitivement acquise. Le profit espéré est celui que j'espère
réaliser sur un marché. Ce profit n'existe pas encore, si
ce n'est dans mes prévisions. Comme il n'est encore
qu'une simple probabilité et.que, comme tel, il n'est .pas
exposé, il échappe à toute convention d'assurance.
Pothier nous don.ne une exemple d.e profit acquis.
cc Un marchand fait assurer pour le voyage, aller et
retour, une cargaison de valeur de 50,000 livres qu'il a
sur na vire destiné ponr le cap Saint-Domingue. Il apprend .
.que ses marchandises, arrivées au cap, ont été vendues
a.vec un bénéfice considérable et que ce qui en est provenu,chargé en retour, est de valeur de 100,000 livres ;
�-
15;2 -
il peut faire assurer les 50,000 livre? qu'il a d'augmentation, car, c'est un profit ..acquis. » (Pothier, traité des
assurances, n° 37).
Les marchandises chargées en retour seraient subro- .
gées aux premiéres et comme elles assurées. Il ne faut
pas voir là un profit acquis.
Lorsque les marchandises ont été vendues, la première
assurance a disparu: les objets chargés en retour font
l'objet d'une nouvelle assurance. JI ne peut donc être
question de profit acquis. L'exemple que donne Pothier
va à Fencontre de cette règle que, pour qu'il y ait profit
acquis, il faut que ce profit existe réellement au moment
de la convention.
Ici se présente une question qui à été très discutée.
Lorsque dans une assurance sur facultés, c'est-à-dire sur
marchandises, les choses assurées n'ont pas été estimées
dans le contrat, faut-il tenir compte de leur valeur au
moment du chargement ou au moment de l'achat? Fautil, en d'autres termes, prendre en considération l'augmentation de valeur survenue dans le lieu même entre
l'achat et le chargement? Dans une première opinion, la
valeur des marchandises doit s'apprécier d'après le prix
courant du jour et non d'après la facture (Bédarride,
tome 3, page 330).
Voici les arguments que l'on fovoque à l'appui de
cette théorie . .
Pour que le principe de l'indemnité soit parfait, il faut
que la somme assurée soit égale à l'intérêt réel du propriétaire. Pour connaître cet intérêt, on ne doit pas
s'arrêter à la valeur de la chose au moment de l'achat,
�-
'15::l -
parce que cette valeur est subordonnée à des changements
résultant du temps, des lieux, 'des circonstances et peut
sur la place même éprouver des variations nombreuses.
L'assurance d'ailleurs est un contrat d'indemnité et
c'est un principe dé notrè droit que l'indemnité pour être
compléte doit comprendre, oulre la perte qu'on éprouve,
le gain dont on est privé.
Or, pour le négociant~ la valeur de la marchandise
est celle qu'elle peut avoir un jour sur tel ou tel marché:
ce sont ces différences de prix qui lui permettent ·de
réaliser un bénéfice. Que veut !'affréteur? Etre dans la
situation où il serait si les marchandises n'avaient pas
péri. Comment arriver à ce résultat si l'on ne tient
compte comme base d'évaluation que des livres ou des
factures?
« La valeur d'une mo.rchandise au lieu de d~part, dit
Beneck, est le prix auquel elle peut y être vendue. Telle
est au moins la définition applicable à tout article courant. Pour établir cette valeur, c'est donc au prix courant et non au prix .primitif de l'article qu'il faut avoir
égard. Si le prix courant excède le tout, c'est la valeur de
ce prix courant qui doit être assurée, car, le propriétaire
qui peut en retirer ce prix sur le marché même perdrait
Je profit qu'il peut déj ~faire, si, en cas de perte, il n'était
remboursé que du coût primitif. Si, au contraire, l'article est tombé à on prix inférieur à celui auquel il a été
acheté, c'est ce prix actuel que l'assurance doit couvrir,
car le propriétaire, si la marchandise périt, ne perd réellement que cette valeur réduite. Dire que les marchandises doivent être i:lSSurées à leur coût primitif, parce
�-
154 ~
que le propriétaire est libre de les garder jusqu'à ce
qu'elles vaillent encore ce prix, ce serait un faux raisonnement, car, elles ne peuvent plus être un objet de spéculation au lieu de départ du m.oment qu'elles sont
envoyées sur un autre marché. Si elles promettent un
accroissement de valeur à ce lien de destination, la
somme qu'elles peuvent produire en dessus du prix courant et des frais est un profit espéré que le propriétaire
peut faire assurer en plus, mais sous cette dénomination.
Si, au contraire, il n'en attend aucun bénéfice, il est
clair qu'en assurant plus que la valeur courante, une portion de la prime est sans objet. >> (Traité des principes
d'indemnité en matière d'assurance, tome 1, page 352.)
Les fluctuations parfois . rapides du cours des marchandises donnent à la question un intérêt tout parti·
culier.
L'opinion qu'a soutenue M. Beneck est très rationnelle.
Le législateur doit faciliter dans toute la mesure du
possible les opérations commerciales et faire fléchir la
rigueur de la loi devant la volonté des parties. Il faut,
pour obtenir ce résultat, que l'assurance se mesure à
l'intérêt de Jrassuré, au profit qu'il espère réaliser.
Malheureusement ce système a contre lui une règle
formelle, celle de l'article 339. Aussi croyons-nous devoir
le repousser. Aux termes de cet article, la valeur des
marchandises, si elle n'est pas estimée dans le contrat,
doit être justifiée par les l.ivres et factures, c'est-à-dire
par l'écrit constatant le prix d'achat.
Les effets assurés ne s'estiment suivant l~ur valeur au
�-
'155 -
moment du chargement que dans un seul cas, celui où
ces livres et factures ne contiennent aucune indication.
Hormis ce dernier cas, la somme indiquée dans la
police doit correspondre à la valeur des marchandises au
jour de la convention. Toute assurance souscrite pour
une somme supérieure à celle qui représente la valeur
des marchandises à ce mvment et qui, par suite, indique
la plus-value, rentre dans le profit espéré et comme telle
tombe sous. l'application de l'article 347.
Dans la pratique, les négociants et les assureurs échappent encore ici aux rigueurs de !J. loi en recourant aux
polices d'honneur.
On augmente dans la convention la valeur primitive
des rr archandises en fixant au 10 0/0 le profit espéré. Ce
chiffre est généralement inférieur à celui qui est réalisé
sur les marchés, mais on évite ainsi des exagérations, des
abus scandaleux qui auraient pu entraver les rapports des
assureurs et deE assurés.
(< Ces questions, dit M. de ·Courcy, ne se présentent
jamais devant les tribunaux lorsqu'il n'y a pas d'exagération de valeurs vraies d'abord à cause de l'usage des
polices d'honneur dont la connaissance leur échappe,
ensuite parce que les assureurs respectent toujours les
évaluations qo'ils ont sciemment agréées. C'est seulement
quand ils découvrent des exagérations scandaleuses qui
leur ont été surprises, qui confinent à la fraude ou donnent des soupçons de fraude qu'on les voit réclauier, et
alors le débat porte sur l'exagération elle-même. » (De
Courcy, questions de droit maritime, t. 2, p. 406).
Dans la police fran çaise crassurar:ice maritime aujour~
�-
156 -
d'hui adoptée et mise en pratique par les assureurs des
grandes villes maritimes, l'article[) de la police sur marchandises porte que 1c nonobstant toutes valeurs agréées
les assureurs peuvent, lors d'une réclamation de pertes
ou d'avaries, demander la justification des valeurs réelles
et réduire, én cas d'exagération, la somme assurée au prix
coûtant, augmenté de 10 0/0, à moins qu'ils n'aient expressément agréé une surélévation supérieure d'une quotité déterminée. ))
On voit par là que les assureur.s ne songent pas à
invoqner la nullité de l'article 347. Ils demandent une
seule chose, qu'on ne surprenne pas à leur ignorance des
évaluations exagérées, qu'on les avertisse des motifs que
l'on a d'augmenter de plus de 10 0/0 le prix coûtant,
afin qu'ils n'agréent que sciemment cette augmentation.
D'après M. de Courcy, cc cette coutume des polices
d'honneur devrait être respectée par les tribunaux, en
cas de conflit entre les assureurs et les assurés, parce
qu'ici, pour éviter de faire assurer un profit incertain et
aléatoire, on a Qonvenu d'un prix inférieur au prix réel. ))
(Questions de droit maritime, t. 2, p. 406).
M. de Courcy ajoute que cette disposition de l'article
347 a été abrogée par la désuétude.
En ces termes absolus, cette doctrine n'est guère soutenable. Une loi prohibitive comme celle de l'article 347
ne peut pas être abrogée par l'usage, par la pratique
commerciale ; une loi ne peut être abrogée que par une
loi nouvelle.
Depuis la loi du 10 juillet 1885, les chargeurs et les
armateurs ne se verront plus obligés de recourir aux
�-
•157 -
polices d'honneur, garantie insuffisante puisqu'elle ne
leur procurait qu'une faible partie du fret et du profit
espéré.
Ils pourront à l'avenir faire assurer directement ce fret
et ce profit espéré. Cette réforme réclamée instamment
depuis plusieurs années répond à un besoin sérieux. Elle
permet d'indemniser l'armateur de toutes les dépenses
faites avant le départ du navire et autorise le commerçant à faire assurer ses marchandises pour leur valeur au
moment où le navire va prendre la mer, c'est-à-dire pour
une somme qui re.prés.ente son intérêt -à ce que ces
marchandises arrivent à destiuation .
§ II.
Les loyers des gens de mer.
D'après le Code de commerce comme d'après les principes de l'ancien droit, les matelots, en cas de prise, bris
et naufrage, ne peuvent se faire p11yer leurs loyers que
sur le fret et les débris du narive.
Les loyers qu'ils touchent avant de s'embarquer leur
appartiennent définitivement.
L'article 3/i.7 prohibe l'assurance des loyers des gens
de mer. Cette règle serait très rationnelle si elle ne s'appliquait qu'à la partie du voyage qui n'est pas encore
effectuée. Cette portion du loyer ne forme pas un objet
physique, un objet ayant un càractère de réalité. 'Mais
l'article 347 ne'distingne pas ; la prohibition s'applique
à tous les loyers indistinctement.
�-
158 -
Comment expliquer cette prohibition?
On s'est dit que les marins étaient en général des gens
. intéressés qui n'exposeraient plus leur vie avec le même
dévouement le jour où ils auraient la certitude de toucher leurs salaires. On a voulu les intéresser. à la conservation du bâtiment et faire de leur succès dans la lutte
à soutenir contre les éléments la condition du paiement
de ces salaires.
L'assurance de ces loyers était déjà prohibée par l'ordonnance de la maritime (Art. 15).
Les loyers, dit Pothier, sont des gains, que les gens de
mer manquent de faire, si le vaisseau périt, plutôt qu'une
perte à laquelle ils s'exposent (Traité des assurances,
p. 59j.
Valin nous apprend qu'il était d'usage de déroger à
l'ordonnance dans le3 polices d'assurance; mais Pothier
fait observer que cet usage était devenu un abus.
Emérigon rapporte une déci sion de l'amirauté de Marseille sur une question assez singulière qui se présenta
devant elle en 1757. - Un nommé Jean Marie Amiel
s'était embarqué en qualité de nocher sur le navire la
Vestale, capitaine Brunet, aux salaires de 60 fr. par mois.
Le navire se trouvant dans un port de relâche, Amie!
refusait de continuer sa route, à moins qu'on ne lui assu·
rât ses salaires gagnés. - Le capitaine Brunet lui fit une
déclaration en ces termes : j'assure à Jean-Marie Amiel
les salaires qui lui sont dus jm;qu'à présent....:_ Le navire
remit à la voile et fnt pris par les Anglais. Amie! présenta
requête contre le capitaine en paiement ·de ~20 fr. pour
salaires acquis et assurés ,
�-
'159 -
Le capitaine répondit qu'il n'avait fait celte prétendue
assurance que pour prévenir la désertion du nocher ;
qu'une pareille assurance était prohibée par l' ordonnance, puisqu'il s'agissait des salaires du voyage actuel
et non encore gagnés ; que les salaires étaient. dus à la
condition que le navire arriverait à bon: port. Dans sa
sentence du ~O mars 1757, l'amirauté de Marsei!Ie
débouta Amie! de sa reyuête.
L'article 547 reproduit textuellement l'article 15 de
l'ordonnance.
Le projet de loi de 1865 supprimait le paragraphe 3
de cet article. On rendait l'armateur débiteur personnel
des loyers dus jusqu'au moment du naufrage et on per-:
mettait aux marins de les faire assurer. cc C'est bien
assez, dit M. de Courcy, que la loi nouvelle garantisse ·
les loyers échus dont elle rend débiteurs les armateurs ,
et pour la sécurité de la navigation c'est déjà un danger .
Je l'accepte, au nom d'un principe supérieur de justice et
d'humanité. Oui, il est trop dur q·ue par l'effet d'un naufrage les matelots perdent leurs loyers échus, les salaires
des labeurs accompli s. Il n'est pas souhaitable d'aller plus
loin, et de leur assurer en outre les salaires des labeurs
qu'ils n'accompliront pas. » (De Courcy, t. n, p. 396) .
Malgré l'action que l'article 359 donne aux marins
sur les débris du navire et des marchandises pour le
paiement de leurs loyers, ce recours contre l'armateur et
le droit de faire assurer leurs salaires présentaient pour
eux de très grands avantages en leur permettant de
s'adresser directement à lui, pour ne pas attendre indéfiniment la liquidation du sauvetage, souvent très longue,
et de toucher ainsi la totalité des loyers .
�-
'160 -
Au premier cas, ils évit::iient toutes ces lenteurs; au
second cas, ils n'avaient plus à redouter l'insolvabilité de
leur débiteur.
L'assurance leur garantissait le paiement de leurs
loyers.
L'armateur obligé de faire ces avances pouvait se re- ·
tourner contre ses assureurs en les subrogeant au droit
réel qu'avaient dû lui céder les gens de mer indemnisés. Il
y avait là un délaissement avec tous s·es effets.
M. Grivart, dans son rapport sur le projet de loi
(1873). supposait « que les gens de mer feront assurer
non pas seulement les salaires échus au jour de la perte
du navire, mais même la totalité des salaires du voyage
pour lequel ils étaient engagés. )) Il pensait ql!e cela serait
· 1icite et même digne d'encouragement.
Le projet fut vivement critiqué. Il ne pouva.it être
question tout d'abord d'assurer les loyers correspondants aux services rendus, c'est-à-dire les loyers · dus
jusqu'au jour de la perte du navire, puisqu'ils n'étaient
plus exposés à être perdus en cas de naufrage, sauf dans
le cas d'engagement au profit. (L'engagement est dit au
profit lorsque le salaire des matelots consiste dans une
participation au profit qui sera réalisé pendant le
voyage) .L'assurance pour les matelo.ts engagés au voyage
ou au mois ne pouvait avoir pour but que de leur garantir les loyers qu'ils auraient gagnés par la continuation
du voyage.
Mais ce loyer était un .droit futur qui pouvait être dû,
qui cependant ne l'était pas encore, et qui, par 3uite,
échappait à l'assurance ,
�-
16i -
Ce contrat ne pouvant servir qu'à indemniser l'assuré,
on se demande où aurait été le préjudic~ , si Je na, vire
avait péri quelques jours seulement après le départ. C'était un bénéfice qui aurait été réalisé.
Ce projet de loi présentait un autre inconvénient au
point de vue pratique. Si l'on avait au~orisé l'assurance
de tous les salaires, comment les marins auraient-ils pu
avancer la prime dont le taux est généralement élevé?
Les assureurs auraient difficilement fait crédit à des gens
qui étaient à la veille de prendre la mer.
Une des considérations qui ont fait repousser ce projet est celle que nous avons indiquée tout à l'heure.
Lorsque l'assurance garantira la totalité des salaires,
les marins seront moins portés à agir énergiquement et à
exposer leur vie.
« Puis on ne réfléchit pas ~u taux de la prime. Pour,
une année de navigation, la moyenne n'est pas moindre de 7 0/0, souvent supérieure pour les navigations
dangereuses. C'est 15 0/0 pour deux ans, et sur un capital de 1000 fr. 225 fr. de prime. Les assureurs ne seront
pas si insensés que de faire crédit à un matelot qui est en
mer. Il faut donc se représentr,r un matelot déboursant
au moment de son départ 225 fr. en prime d'assurance,
et un capitaine déboursant 1080 fr. pour une somme de
7200 fr.
Disons la vérité : il n'y aura ni assurés ni assureurs
pour ces opérations. Lorsque )es gens de mers seront
assez prévoyants pour les rechercher, ils seront plus prévoyants encore, ils renonceront à la mer.)) (Questions :
de droit maritime, t. II, p. 395, de Courcy).
�-
Hi2-
La loi du 10 juillet ·1880 autorise l'assurance des
loyers échus et des loyers à échoir.
§ III
Sommes empruntées à la grosse.
L'assurance des sommes empruntées à la gro:;se est
prohibée par la loi, parce que l'emprunteur est libéré de
toute obligation, lorsque le navire périt pendant le cours
du voyage. Ce contrat ne peut s'appliquer qu'aux objets
exposés aux dangers de la mer. Autoriser cette assurance,
ce serait permettre à \'assuré qui est déchargé de ses
obligations, au cas où le navire disparaît, de réclamer
aux assureurs la somme par lui empruntée.
La loi ne pouvait pas sanctionner un résullat aussi inj as te.
L'ordonnance de la marine était sur ce point plua sévère que notre droit maritime. L'article XV était ainsi
. conçu : «Faisons défense à ceux qui prendront deniers à
la grosse de les faire assurer, à peine de nullité de l'assurance et de punition corporelle. n
•
1
« Il y a une raison, dit Pothier, pour laquelle l'ordonnance défend à celui . qui a emprunté une somme à la
grosse aventure de la faire assurer; c'est qu!en la faisant
assurer il serait de son intérét que le vaisseau périt ou frit ·
pris; ce qui pourrait donner lieu d~ sa part à des fraudes
et à des manœuvres pour le faire prendre. )> (Traité des
assurances maritimes, p. 39, n° 31 ).
�-
163 -
La loi nouvelle a respecté la prohibition de cette as-'
surance qui est désormais la seule contenue d&ns l'article 547.
§IV
Les profits maritimes des sommes prêtées à la grosse.
L'assurance du profit marit!me des sommes prêtées à
· la grosse était déjà prohibée dans l'ancien droit. L'arli·
cle XVII de l'ordonnance de la marine portait: <c Défendons aussi sous pareille peine de nullité aux durn eursà
la grosse de faire assurer le profit des sommes qu'ils auront données. »
Celte prohibition se fonde sur ce principe que l'assurance ne peut s'étendre qu'aux objets qui sont exposés à
un danger quelconque. Le profit maritime que le prêteur
a stipulé dans le contrat est un gain qui lui échappe, si le
vaisseau périt, plutôt qu' une perte véritable . Dans la
pratique, les parties, assureurs et assurés, recourent aux ·
polices d'honneur comme cela est d'usage pour le fret et
le prûfit des marchandises.
Il ne s'est jamais élevé entre eux de difficultés à ce
sujet. Sur ce point nous renvoyons à nos explications
antérieures.
L'assurance du profi~ maritime n'est nulle qu'en ce qui
concerne le profit lui-même; l'assurance du capital est
parfaitement valable .
« Il en est à cet égard, dit Valin, comme d'une dona·
�-
164 -
tion qui excède ce que la loi permet de donner : la donation n'est pas nulle, mais elle est réductib le simplement
à la portion dont la disposition est libre et licite)) (Commentaire sur l'ordonnance de la marine, art. XVII,
p. 38).
D'après M. Alauzet cc les considérations qui ont fait
proscrire par beaucoup de législations l'assurance du
profit maritime de~ sommes prêtées 11 la grosse sont toutà-fait étrangères aux principes du contrat d'assurance ;
car, il est certain que c'est un profit acquis et soumis
seulement aux risques maritimes; mais on a craint que
les prêts à la grosse ne vinssent à dégénérer en usures,
si d'autres ·principes étaient suivis. ))
Cela nous paraît inexaet. Le profit maritime n'est pas
encore acquis au moment où l'assuré signe la police;
c'est un profit probable qui est, comme le profit espéré
des marchandises, subordonné, quant à son existence, à
l'heureuse arrivée du navire.
L'assurance de ce profit maritime présente de très
grands avantages pour le commerce et pour le crédit.
· cc L'intérêt manifeste, du commerce dit M. de Courcy,
maritime est qu'il se rencontre des pr~teurs en concurrence aux conditions les moins onéreuses. Toute gêne,
toute entrave se traduira nécessairement en augmentation
d'exigences. Il est bien clair que si le prêteur ne peut pas
faire assurer, pour une navigation dangereuse,_ le profit
qu'il espère, il s'abstiendra d'apporter son argent, ou il
stipulera une somme énorme. Il ne la modèrera qu'en
pouvant la faire assurer. Si le législateur n'a pas vu cela,
il a été bien myope. Si, le voyant, il a résolu de frapper
�- 165 -
de défaveur assurance de la prime de grosse, il a été
bien inconsidéré. Il a gra.vement offensé les intérêts du
commerce maritime, en s'imaginant les servir. Mais le
profit maritime est un profit. Je qrois que les rédacteurs
de 1' article 34 7 n'ont pas vu au Lre chose et ont été séduits par la symétri"e )) (Questions de droit marit., 3• sé
rie, p. 96, de Courcy).
La prohibition de l'assurance des sommes prêtées à la
grosse disparaît avec la loi nouvelle comme celle de l'assuran.ce du fret et du profit espéré des march(\ndises.
�CHAPITRE lII
De la nullité t.e uan.t an ·défaut de can•e .
La cause est le but direct et immédiat que les parties
ont en vue en co ntractant: elle est un élément essentiel
à l'existence de toute obligation. « L'obligation sans
cause", ou sur fausse cause, ou sur une cause illi'cite ne
peut avoir aucun effet» (art. 1131 ). Cette règle trouve
son application dans les assurances maritimes. « Il y a
·dans tout contrat d'assurance, dit Pothier, cette condition tacite, si les assureurs courent les risques >1 (Traité
des assurances maritimes, n• 176). Ce risque est la con- ·
dition tacite, lègale et nécessaire de ce contrat, condition
à laquelle les parties sont présumées avoir subordonné
leurs obligations réciproques.
Le mot condition ne doit pas être pris ici dans le sens
d'événement futur et incertain auquel serait subordonnée
l'assurance. Il faut entendre par ce mot un élément
essentiel, absolument nécessaire pour la validité Je ce
contrat. Sans le risque, il manque à l'assurance quelque
chose d'indispensable, de façon que l'on peut affirmer,
croyons··nous, que le risque est véritablement la cause
de l'assurance, cause successive dont la durée se mesure
à celle de .l'assurance elle-même .
1
�-
167 -
Si donc le risque ~fait défaut, il n'y a pas de cause; il
·faut alors appliquer cette ~ègle primordiale des obligations suivant laquelle une obligation sans cause ne peut
avoir aucun effet.
Le législateur a fait l'application de cette règle dans
l'article 349 qui annule l'assurance lorsque " Je voyage
est rompu avant le départ du vaisseau, même par Je fait
de l'assuré:>>
Gette disposition contient deux dérogations remarqua·
bles aux principes du droit civil.
Il déroge à l'article 117 4, ainsi conçu : ((Toute obligation est nulle si elle est contractée sous une condition
potestative .de la part de celui qui s'oblige. ''
Il déroge encore à l'article 1178 qui considère (( la
condition comme accomplie, quand c'est le débiteur qui
en empêche l'accomplissement. ,,
Cette dérogation ne peut s'expliquer que par l'idée
que nous venons d'exprimer, à savoir que le risque peut
être considéré comme la cause du contrat.
Les auteurs italiens ont appliqué ces règles à l'assurance au cas où l'expédition manquait par lè fait de l'assuré.
La ruplnre volontaire, enseigne notamment Casarégis, loin de contraindre l'assureur à restituer la prime
qu'il a reçue, l'autorise à demander le paiement de celle
qui avait été convenue.
Cet auteur rapporte un jugement de la Rote de Gênes
rendu dans les circonstances suivantes : une assurance
avait été faite ponr un voyage de Gênes à Hicant avec
retour à Gênes. Le navire, au lien de prendre ses expé-
�.... 168 -
dltions pour llicant, les prit pour Barcelone. L'arrivée du
navire dans ce port affranchit les assureurs de l'obligation de payer la perte, quoi°que le navire eût été pris
intra limites itineris dest?:nati, parce que le voyage
avait été rompu.
Le législateur français permet à l'assuré de rompre le
voyage avant le départ du navire, à condition de payer
à l'assureur l'indemnitê du demi pour cent de la somme
àssurée. Cette dérogation s'explique par la raison que
donne Pothier. On acco1·de cette faveur à l'assuré parce
que l'engagement qu'i_I prend envers l'assureur est soumis à cette condition tacite que la chose assuréè sera exposée aux risques convenus.
Il reste le maître d'exécuter ses obligations ou de s'en
affranchir.
Il y a dans ce dernier cas, il est vrai, inexécution d'un
contrat regulièrement formé, mais on a cru que l'intérêt
du commerce nécessitait cette exception aux règles générales qui régissent les conventions. On a pensé que cette
liberté pour l'assuré de dissoudre le contrat sans le consentement êle l'assureur était indispensable. Dans les
opérations commerciales, opérations essentiellement
variables, le commerçant est souvent obligé de renoncer
à un projet sur lequel il fondait de grandes espérances;
tantôt les marchandises qu'il voulait. expédier sur irn
marché étranger ont subi une baisse très forte, tantôt
les nouvelles qu'il reçoit de ses' correspondants l'engagent à tourner les yeux d'un autre côté.
Obliger le négociant a remplir ses obligations dans
des conditions aussi déplorables, c'était le condamner à
�-
'169 -
payer inutilement une prime souvent très élevée ou l'exposer à donner suite à un projet auquel la prudence lui
conseillait de renoncer.
On ne pouvait même pas, sans porter atteinte à son
crédit, l'obliger à faire connaître les motifs qui le détermjnaient à abanclo·nner une expédition pour laquelle il
avait peut-être avancé des capitaux considérables. On a
pensé avec juste raison qu~ son intérêt garantissait suffisamment l'assureur contre toute renonciation arbitraire.
Tout autre est la situation de l'assureur.
li ne perd que la perspective d'une prime plus ou
moins forte et il trouve d'ailleurs dans l'indemnité du
demi pour cent une compensation largement suffisante.
A quel titre lui accorde-t-on Je demi pour cent de la
somme assurée? Ce demi pour cent lui est accordé moins
à titre de dommages et intérêts que comme une indemnité qui le couvre de ses frais, de ses peines et soins.
· Cette indemnité est vivement critiquée par les armateurs: elle s'élève souvent à un chiffre qui dépasse le
montant de la prime. Dans la pratique les assureurs
réclament une somme moins forte, souvent même ils
ne demandent rien.
Doit-en appliquer l'article 349 lorsque les risques ont
commencé avant le départ du navire? Sous l'empire de
l'ordonnance de la marine, les risqu13s étaient à la charge
des assureurs dès que les marchandises étaient chargées
sur des allèges pour être renversées à bord du navire .
Valin nous apprend que c'était la jurisprudence cons tante de l'amirauté de Marseille. « Il me paraît, dit-il,
~ ue ce~ article, en parlant' du départ du vaisseau, suppose
�-
170 -
que les risques pour l'assureur n'ont dû commence1'
qu'au moment où le navire aura mis à la voile. Si donc
ils ont commencé plus tôt, c'est tout comme si le voyage
fût commencé. 1> (Valin, sur l'art. 38 des Ass. mar.
Emérigon, tome II, page 15&,).
Nous adoptons cette solution, parce qu'elle a sa base
dans un principe incontestable, à savoir que la prime
est acquise à l'assureur dès que les risques ont commencé à courir. A l'appui de celle opinioll, nous invo.querons l'article 328.
Cet arli'cle porte que: « A l'égard des marchandises,
le temps des risques court du jour qu'elles ont été chargées dans le navire ou dans les gabarres pour les y
porter. 1>
.
L'article 4 de la police française d'assurance maritime
sur marchandises est conçu dans le même sens. Les
risques courent à partir du moment où la marchandise
quitte la terre pour être embarquée et finiss·ent au moment de sa mise à terre au point de destination, tous
risques d'allèges pour transport immédiat de bord à terre
el de terre à bord étant à la charge des assureurs. "
Cette solution s'impose au cas où il a été convenu entre les parties que le risque commencerait à courir à.
partir de la signature du contrat.
Faut-il assimiler au fait de l'assuré les cas de force
majeure?
Les auteurs sont ùivisés sur cette question.
Dans une première opinion, on enseigne que l'article
34.9 ne fait aucune distinction. L'expression qui est employée da,ps ce.t article cc 1n~rne par le faii de l'assuré >l
(1
�-
111 -
prouve que la 1·ègle est gt3n·érale el que dans tous les cas
le demi pour cent est dû à l'assureur. Si l'assuré peut
volontairement rompre son engagement et annuler l'a~
surance sans le ~o nsen tement de lassureur, a fortiori
doit-il en être de même lorsque le fait du prince ou une
interdiction de commerce vient rendre impossible le
départ du navire (Pouget, Assur. marit. tome I, page
1
183. - Boulay-Paty, tome IV, page 5. - Pardessus,
tome III, page 455).
Dans une autre opinion, l'assureur n'a pas droit à
l'indemnité rlu deGli pour cent de la somme assurée
lorsqu'il y a arrêt du prince ou interdiction de commerce,
On s'appuie sur l'article '.276 aux termes duquel cc si,
avant le départ du n~vire, il y a interdiction de commerce avec le pays pour lequel il est destiné, les
conventions sont résolues sans dommages et intérêts de
part ni d'autre. »
Cette. solution nous paraît préférable, car, il y a les
mêmes motifs de décider pour l'assurance : dans un
cas comme dans l'autre, on ne peut punir celui qui
obéit aux lois de son pays.
D'après M. Pardessus, l'articl.e 349 cesse de recevoir
son application lorsqu'il est établi que l'assuré est de
mauvaise foi. cc Celui, dit-il, qui fait assurer des choses
dans un lieu fort éloigné peut craindre de bonne foi que
l'expédition s'effectuera telle qu'il l'a annoncée à l'assureur, et doit, même après l'événement, être admis à
exciper du ristourne; au contraire, celui qui, demeurant à Bordeaux, y ferait assurer des marchandises sur
µn navire oi~ il 11'aqraH aucun iptérêti _1ou qui l'expédie.,..
�:__ 172 -
rait pour un autre voyage ei n'exciperait du ristourne
qu'après l'heureu-se arrivée pour se dispenser de payer
la prime entière ou pour en réclamer la restitution, d-evrait être déclaré non recevable.
Ainsi l'assuré qui, dans la police, a déclaré avoir luimême chargé . les marchandises, serait de ce chef non
recevable à soutenir qu'il n'a rien chargé. 11 (Droit maritime, t. 3, p. M'.>9).
M. Boulay-Paty fait la même distinclio11°entre la bonne
foi et la mauvaise foi de l'assuré.
Celte opinion est en désaccord avec une des règles
essentielles du contrat d'assurance aux termes de laquelle
la prime représente le prix des risques auxquels est exposé le navire ou la marchandise,
Si le capitaine retarde son voyage ou prend ses expéditions pour un autre lieu, si le chargeur laisse à. terre
ses marchandises, l'assurance est annulée faute d'aliment. Il ne s'agit pas ici d'une nullit'é relative, mais
d'une nullité absolue qui peul être invoquée par l'assureur comme par l'assuré.
A la rupture proprement dite, il faut assimuler Je
changement de destinaüon. L'assureur établira ce chan·
gement de route en montrant que les lieux désignés dans
l'expédition diffèrent de ceux qui sont indiqués dans la
police.
Il faudra cependant faire exception à cette 1·ègle lorsque l'assuré, qui a stipulé le droit de faire échelle, aura
pris ses expéditions pour un port intermédiaire entre le
lieu de départ et celui d'arrivée. Cette différence entre
·1a police et J'expédi(ion s'explique .Par \a n~ce~sité où ~e
�- 113 _..
twuv,e le capitaine qui fait le petit cabotage de prendre
de nouvelles expéditions dans tous les ports où il s'ar..:
rête.
L'assureur qui veut savoir s'il y a changement de
destination n'a qu'à examiner la première expédition et
la dernière, celles qui indiquent, par conséquent, les
deux points extrêmes du voyage.
L'article 3t9 est, nous l'avons dit, l'application pure
et simple de cette règle qu'une obligation sans cause ne peut avoir aucun effet. Nous allons mainteffant étudier
une dérogation remarquable à cette règle fondamentale
du droit civil avec les articles 36n, 366 et 367. Malgré
l'absence du . rique qui est une condition essentielle du
contrat d'assurance maritime, les articles précités admettent celle qui est faite sur des effets perdus ou arrivés à
bon port au moment de la signature de la police, en con·
sidèration de la bonne foi des parties.
Celles-ci ont cru que ces risques n'avaient pas cessé
de courir et cette croyance a paru suffisante pour permettre au législateur de valider le contrat.
Ces risques donnent à l'assurance tous les caractères
d'un contrat sous condition suspensive. « Ce.pendant, dit
Pothier, pour qu'il y ait condition, il faut que ce soit la
condition d'une chose future : une obligation contractée
sous la condition d'une chose passée ou présente, quoique ignorée des contractants, n'est pas proprement une
obligation conditionnelle. )) (Pothier, traité des obligations, n" 20~). Valin convient qu' cc il n'y a de véritable
condition que celle qui regarde le temps à venir et que la
çondition qui regarde le temps présept QU le te!Dps passé
�-1711-
n'est pas une condition proprement dite.» Mais il ajoute
avec Cujas que, dans certains cas, on appelle con'dition
celle qui regarde le temps passé ou le temps p~ésent.
«C'est là, <lit-il, une condition impropre. Ilia quœ
confertur in prœsens, vel prœteritum, dicitur quasi
conditio vel conclitionalis stipulatio. ,, (Cujas, sur la
loi 39, de reb. cred. 1. D. Papinien).
Celle condition impropre n'est admise que lorsque
celui qui l'a stipulée ignorait l'événement. Ce défaut de
connaissance opère alors le même effet que si la chose
déjà arrivée était encore future ... Quoniam prœsentia
quœ nesàebat, videtur habuisse pro /uturis. )J Plusieurs auteur~ enseignaient avec Cujas qu'il fallait assimiler à une véritable condition celle qui se rapp0rtait au
temps passé, gi les parties toutefois ignoraient lors du
contrat l'arrivée ou la perte du navire et des marchandises. Le législateur a adopté l'opinion de Cujas.
Aux termes de l'article 1181 <' l'obligation contractée
sous une condition suspensive est celle qui dépend ou
d'une événement futur et incertain, ou d'un événement
aétuellement arrivé, mais encore inconnu des parties. ii
Par application de ce principe, l'article 36;) porte que
le contrat est valable si les parties ignoraient la perte du
navire et des marchandises ou leur arrivée au moment de
la signature de la police. Comme l'ignorance était possible, probable même dans la plupart des cas, si l'on tient
compte de ce fait que la nouvelle de l'arrivée <lu navire
ou de sa perle pouvait s'être répandue après la formation du contrat, on a donné une existence légale à une
chose déjà périe 1 On a pensé que lorsque les parties,
�-
•
175 -
assureur et assuré, ignoraient cet événement, l'assurance
était aussi valable et aussi légitime que celle qui était
souscrite avant le départ du navire. On a mis, en d'autres
termes, sur la même ligne le risque putatif et le risque
réel.
''L'opinion sur la chose, objet d'un contrat, dit Emérigon, · est poùr sa validité à l'égal de la vérité, parce
qu'elle est toujours pour la plus grande partie des hommes presque la seule mesure des choses. » (Traité des
assurances, tome 1, page 2~0).
Mais pour cela, il faut, comme le dit l'article 4 du règlement d'Anvers<• que la souscription ne soit pas entachée de dol. ))
La régie de l'article 36.J repose donc sur cette idée
qu'il n'existe aucune différence entre un événement
accompli mais inconnu 'des parties et un événement futur .
L'actualilé du fait ne peut changer en rien la position
des parties. Un armateur fait assurer un navire qui_'est en
pleine mer depuis un mois: que le navire ait péri ou
qu'il soit arrivé à destination, la situation est la même
que si le navire ne partait qu'après la signature du contrat, car, puisque l'assuré n'a reçu aucune nouvelle,
l'assureur a droit à la prime si le voyage s'est effectué
heureusement ou doit indemniser l'assuré f'i an moment
du contrat le navire a déjà péri.« La loi civile, comme
le fait remarquer Pothier, fait subsister le contrat, en
supposant par une fiction de droit)) que le vaisseau
n'est arrivé à. bon port et que les risques ne sont cessés
que du jour de la nouvelle qu'on en a eue. J> (Traité des
assurances maritimes; n° 24, page 19). Au moment de
�-
176 -
la rëdaction du Code de commerce maritime cette dispo- ·
sition s'expliquait facilement par cette considération que
la nouvelle du sinistre pouvait s'être répandue longtemps
après la signature de la police. Dans l'intérêt des armements maritimes, le législateur devait respecter le contrat, malgré le défaut absolu de risques. Cette raison a
perdu une partie de sa valeur depuis que les distances
disparaissent grâce à la rapidité des moyens de commun,ication. Cependant cette disposition peut encore s'expliquer par le caractère aléatoire de l'assurance. C'est ce .
ca~actère et la faveur dont on a voulu en touret' ce contrat
qU'i ont fait déroger au droitcommun ainsi qu'au principe
de la nécessité d'un risque. Saris cette disposition. \'assurance n'aurait pu ètre so_uscrite qu'avant le départ ou Je
retour du navire, et presque jamais pendant le voyage.
Nous nous sommes placés ici dans.l'hyhothèse spéciale
où les deux parties sont de bonne foi. Si l'une d'elles,
assureur ou assuré, a connu la perte ou l'arrivée du
navire, la loi déclare l'assurance radicalement nulle. La
cennaissance Je cet événement est non seulement contraire à l'égalité 'qui d~ns to~t contrat doit régner entre
les parties; mais encore au caraclére propre de l'assurance
qui est toujours souscrite en prévision d'un danger futur
et incertain.
�POSPfIONS
DBOIT BOMAIN
J. -
·~
--
La Publicienne compète au véritable proprié-
taire;
II. - L'in(antia du pupille va jusqu'à 7 ,ans;
III. - Le mariage se forme solo consensu pourvu
que la femme soit mise à la disposition du mari ;
JV. - Le fidéjusseur qui s'oblige- pour une .somme
supérieure à celle qui est due par le débiteur principal
n'est pas oblige ;
V. - On peut adjoindre un pacte aux obligations
même ad augendam obligationem ou seulement ad
m1:nuendam.
DROIT CIVIi.
I. - Pour que le propriétaire d'un fonds inférieur
acquière par prescription le droit de se servir. des eaux
d'une source, dans le cas de l'article 64'.2, il faut que les
ouvrages apparents aient été faits sûr le fonds servant;
II. - L'article 1561, du Code civil, s'applique à
l'usucapion qui pourrait avoir été commencée par un tiers
relativement au fonds dotal pendant le mariage ;
III. - La dot mobilière est aliénable aux· mains du
mari et indisponible pour la femme ;
IV. - Le système de la subrogation réelle ne ~aurait
être admis dans l'application de l'article 747 ;
V. - L'article 2101 du Code civil, par ces expreS•
�178 -
-
sions « frais de la dernière maladie >> entend parler
des frais faits pendant la maladie dont le débiteur est
mort.
DB.OIT ADMINISTRATII'
Le lit des petites rivières non navigables ni flottables est. une res nullius ;
IL - Le ministre est le juge de dr9it commun en
matière administrative ;
III. - En cas de désaccord entre deux communes
au sujet des biens indivis entre ell es, l'une d'elles peutelle actionner l'autre en partage de ces biens? Oui.
I.
HISTOIRE DU DB.OIT
1. - L'origine de la communauté remonte aux lois
germaniques.
Vu par le professeur, président de la thèse,
A. LAURIN.
VU RT AUTORISÉ :
Le doyen de la Faculté de droit d'Aix,
Chevalier de la Légion d'honneur,
Alfred JOURDAN.
VU RT PRRntlS D'UIPRIMER :
Le Recteur de l'Académie d'Aix,
Chevali'er de la Légion d'honneur,
BELIN .
�TABLE DES MATIÈRES
Pag•1
NTRODUCTION HISTORIQUE .............. ·.....
5
DROIT ROMAIN
CHAPITRE I. - Nature du nauticum fœnus et actions
qui en découlent .... ,..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
SECTION 1. - Nature de ce contrat. . . • . . . . . . . . . . . . . .
SECTION II. - Actions résultant du nauticum fœnus....
CHAPITRE II. - Effets du nauticum fœnus..........
SECTION I. - Des risques . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . .
SEcTioN II. - Du profit maritime...................
CHAPITRE III. - Sûretés accordées au prêteur à la
grosse ................., . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . .
SECTION I. - Sû.retés légales. . . . ... . . . . . • . . . . . . . . . . .
SECTION II. - Sûretés résultant do la convention.... . . .
13
id.
20 ,
27 .
id.
38
61
id.
6::S
DROIT FRANÇAIS
71
Des cas de nullités dans les assurances maritimes . . . . . .
CHAPITRE I. -- Nullités tenant à un vice du consente82
ment............................ ... ..........
id.
SECTION 1. - De lerreur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
94
SECTION II. - Du dol .... : . • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
§ I. - Réticence. - Fausse déclaration. - Exagération
95
frauduleuse des sommes indiquées dans la police. . . . . .
§ II. - De l'assurance après la perte ou l'arrivée des objets assurés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . • . . . . . . . . 1-23
CHAPITRE II. - Nullité des assurances pour vice tenant
à l'objet.,... . .... . . . ......... ... ........... . .. f3ü .
I
�-
1$0 ....
§ 1. - L'assurance e&t nulle si elle a pour objet le fret des
..._
marchandises ou le profit espéré de6 marchandises. . . . .
§ II. - Les loyers des gens de mer. . . . . . . . . . . . . . . . • . .
§III. - Les sommes empruntées à la grosse..........
§ IV. - Les profits maritimes des sommes prêtées à la
grosse .. "......... . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •
CHAPITRE III. - De la nullité tenant au défaut de
cause.......................... . ............. .
-140
~ 57
162
163
.166
�ERRATA
Page 18, au lieu de : c< Enfin, il est admis par tous
les auteurs\ >) lisez: «Ensuite, il est admis par tous les
autf;urs. ,,
Page 21, au lieu de : « Le nauticum fœnus devait
donner naissance à une condictio certi ou incerti, etc. >>
tisez: « Le naulicum fœnus devait donder naissance à
1me condiclio cer~i, soit que la somme à restituer s'éle'vât
à un chiffre fixe, déterminé pour tout le temps du voyage,
soit qu'elle se mesurât à la durée plus ou moins longue
de la navigation. »
Page ~4, au lieu de:« Lorsqu'on confiait un coinmerce
à un esclave, )) tisez: «L'esclave à qui on confiait un
commerce _était présumé institor. >>
Page 82, au lieu de : « .Mais quelques-unes y sont
sanctionnées avec plus de rigueur à raison du caractère
de l'assurance maritime, contrat qui doit être de bonne
foi entre les contrats de bonne foi, à raison àes risques
énorme.s que conrt l'assureur, >) ti'sez : « Mais quelquesunes y sont sanctionnées.avec plus de rigueur, parce que
· )'assurance maritime_. à raison des risques énormes que
court l'assureur, est un contrat de bonne foi entre les
contrats de bonne foi.»
Page 84, au lieu de : « S'i l n'existe· qu'une seule et
même police, >> lisez: «S'il n'existe qu'un seul et même
contrat. >J
Page 88, au lieu de : cc Le missjonnaire, l'agent de_
transport, >) hsez: « L'agent de transport. n
Page 91, au !ieo de ; cc Le commissionnaire, en fai-
�sant asrnrer ... » lisez : '' L'agent de transport en faisant assurer.» .
Page 99, au lieu de: "En conséquence, le dol ne peut
faire annuler le contrat que lorsqu'il est tout .à. la fois
positif, intentionnel et déterminant, ,, lisez : En conséquence, le dol ne peul faire annuler le contrat que
lorsqu'il est à. la fois intentionnel el clétermin?nt. »
Page 103, au lieu de : « Cette distinction ne peut,
croyons-nons, s'appliquer à. un contrat de bonne foi, ))
lisez: «Cette distinction ne peut s'appliquer, etc. "
Page 132, au · 1ieu de : << Le règlement de Rotterdam
cité par Valin punissait comme faussaire celui qui était
coupable de crime, )) lisez: " Le règlement de Rotterdam cité par Valin punissait comme faussaire celui qui
était coupable de réticence.))
Pa~e 132, au lien de : cc Emérigon lui aussi considérait
la condamnation à la double prime comme une prime trop
légére, )) lisez : cc Emérigon à son tour ~onsidérait la
condamnation à la double prime comme une peine trop
légère. ))
Droit Rorna1:n, V, au lieu de : " On
POSITIONS. peut adjoindre un pacte aux obligations même ad augençlam obligalionem ou seulement ad minuendum, )) lisez:
cc On peut adjoindre un pacte aux obligations même ad
augendam obligationem et non seulement ad minuen·
dam. n
Droit Civil, I, au lieu de : cc Il faut que les ouvrages
apparents aient été faits sur le fonds servant,,, lise!Z:
·" Il faut que les ouvrages apparents aient été faits sur le,
ronds dominant.))
i(
�
Dublin Core
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A name given to the resource
Monographie imprimée
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Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Du prêt à la grosse aventure en droit romain ; Des cas de nullité dans les assurances maritimes en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit maritime
Droit romain
Description
An account of the resource
Etude du prêt à la grosse aventure, convention qui favorise la navigation et le commerce maritime entre les nations et les cas de nullité dans les contrats d'assurance maritime en droit français
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Depieds, Émile
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-139
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Remondet-Aubin (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1885
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241243858
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-139_Depieds_Pret-grosse_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
182 p.
23 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/426
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Des cas de nullité dans les assurances maritimes en droit français (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884-1885
Cette étude porte dans un premier temps sur le nauticum fœnus, convention analogue à ce que nous connaissons comme le prêt à la grosse aventure. Remontant à la plus haute antiquité, il est destiné à favoriser la navigation et à développer les rapports que le commerce maritime crée entre les nations. Dans un second temps, l’étude porte sur les cas de nullité dans les assurances maritimes en droit français.
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Assurances maritimes -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Assurances maritimes -- Rome -- Thèses et écrits académiques
Prêts à la grosse et grosse sur facultés -- Rome -- Thèses et écrits académiques