L'Histoire nous oblige-t-elle à choisir entre une colonisation brutale et caricaturée et une colonisation idéalisée et exaltée ? Nous savons aujourd'hui que l'une a pu être le pendant de l'autre, surtout à une époque où colonisateurs déterminés et hommes de bonne volonté pouvaient, pour des raisons opposées, être convaincus que "
coloniser, c'est civiliser".
Si des intervenants au colloque partagent en toute bonne foi ce slogan humaniste très simpliste, les rapports présentés à ce congrès nous apprennent aussi que l'histoire de la colonisation a été plus complexe et nuancée que ne l'affirme le
récit colonial français. Il conviendrait de parler de colonisations au pluriel, différentes dans leur origine (le colon européen ou l'indigène), leur objet (les terres, les industries, le commerce, les infrastructures) et leur ampleur (petit terrain potager, surfaces agricoles moyennes, très grands territoires forestiers, domaines miniers, etc). Et substituer à un discours sur la colonisation en général une analyse stratifiée plus fine et plus intructive, quand bien même elle serait proposée par ses propres promoteurs.
La question de la colonisation des terres menée par les indigènes eux-mêmes, ou de l'intercolonisation quand il s'agit de populations venues de l'extérieur, ne peut être traitée ni comprise sans prendre en compte la notion de propriété privée et de propriété foncière telle qu’elle est pratiquée localement, à laquelle se mêle le droit coutumier que l'État français tente de reconnaître dans la mesure du possible, selon ses défenseurs tout au moins.
Les actes du colloque s'achèvent cependant sur des statistiques (1922) qui éclairent de manière plus crue la réalité coloniale et la question de l'appropriation des richesses, qu'elles qu'en soient la nature et la destination : sur plus de 10 millions de km², moins de 1,5 million de français ont bouleversé la vie de plus de 53,5 millions d'habitants et se seraient approprié les 40% des terres agricoles estimées les plus riches.