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Ui IVERSITÉ DE FH.\NCE. - f' ACUL TÉ DE DROIT D'AIX
THÈSE
POUR
LE DOCTORAT
PR[SEttTEE
[î
SOUTENUE
PAR
FÉLIX PERRtN
Avocat
MARSEILLE
TYPOGRAPHIE ET LITIIOGRAPIIIE ANTOINE ZARATIN
20, RCE DES FEUILLANTS, 20
ltt)l'.filfil~~/KN I
11111111111111111111111111111
100215447
1884
�A nion cousin FERJVAND ROUVIÈRE
�1
A mon Père.
A ma bière. A mes Frères.
�1
1
DROIT ROMAIN
DE REI VINDICATIONE
La propriété est le droit le plus étendu que l'homme puisse
exercer sur une chose; c'est celui en vertu duquel les aYantages
que peut procurer une chose corporelle sont attribués tout
entiers à une personne déterminée; ce que les Romains, dans
leurs formules brèYes et précises, exprimaient par ces trois
expressions : jus utendi, /ruendi el abutendi.
Les Romains se faisaient sur l'origine de la propriété une
idée des plus singulières. Pour eux, elle résultait de la conquête; c'était le peuple ro main qui étai t le grand propriétaire ;
c'était à lui seul qu'appartenait le sol tout entier, dont il faisait
des concessions aux citoyens ; de telle sorte que les personnes
gratifiées ainsi par lui tenaient la portion du sol qui leur était
dévolue, non pas à titre de propriétaire, mais seulement en
qualité de concessionnaire. Cela explique, sans l'excuser, le
droit de confiscation des propriétés que l'Etat s'était toujours
�- 2-
réservé et dont il fit , à maintes reprises, plus d'une application
s i injus te, il ne faisait, en somme, que repr end re ce qu'il
avait concédé, et agissnit c01nme un donateur tout puissant qui
se repent.
Mais si celle propriété, feeonctée el légitimée par le travai1 ,
ne trôüvaif pas' gr-ùce deYant l'F.tnt, elle étai t garantie contre les
particuliers par· l'action réelle civile, la R ei V ind1'caf1'0; et le
jour où naquit le d roit Prétorien, le Préteur , à son tour, la
garantit, lui aussi, par une action, l'action P ublicienne. C'est la
première de ces deux actions, celle créée par le droit civil, que
je me propose d'examiner dans ce trarnil.
Pour plus de clarté, nous diYiserons notre sujet en quatre
parties : 1° Kature et forn1P de la procédme de la reYendication; - 2° A qui et contre qui se donne l'action en revendication ? - 3° Choses que ! '.on peut reYendiqner; - 4° Effets de la
revendication ; choses qui entrent en restitution; exécution de la
con_d amnation.
I
Nature et forme de procéd ure de l'action en revendication
La reYendication est l'action réell e civile, par laquelle on
soutient que l'on est propriét1ire.
Son objet est la propriété, que l 'on prétend avoir sur une
chose; au po int de vue abstrait, il est donc incorporel ; rna is,
comme dans l'acception vulgaire du mot prop1·iété, le tlroil
s 'incorpore à l'objet sur lequel il porte, les Romains en avaient
éOnclu que la propriété elle-même étai t corporelle; on peul donc
<lir.e que la R ei vindicatio a pour 9hj et.une chose corporelle .
- 3-
Quant à la form e de la procédure de la Rei vindicatio, elle a
suivi les transformations que les nécessités créées par l'extension de~ relations_ du peuple ro main apportèrent avec le temps
aux anciennes actwns de la lo i. Elle se divise en deux périodes:
celle des actions de la loi et celle du système formulaire.
A. -
Actions de la loi
La for me usitée pour la R ei vindicatio sous le règne des
actions de la loi (Legis actiones) éta it l'actio sac1·amenti.
Le sacramentum, d'oü <:elle action tirait son nom, était une
somme déposée ou promise par chaque plaideur, et qui, perdue
pour celui qui succombait, était employée primitivement à un
usage sacré et, plus lard, à un usage public .
Chaque plaideur saisissant l'obj et qui devait être prés ent,
par exen1ple un esclave ou une molte de terre, prononçait ces
paroles : H une ego hol!line111, ex jure quiritium meum esse
aio ... et ecce .. . vindictam i111posui ... et, en parlant ainsi, il touchai t l'objet de la Vindicla,c'est-à-dire d'une baguette qui représentait la la nce du soldat roma in, symbole de la propriété quiritaire.
Sous cette forme les deux plaideurs affirmaient tous deux,
tous deux étaient dema ndeurs, ils reYendiquaient tous deux. Le
magistrnt inten·enait alors, « mittife ambo hominem », leur
disait-il , et il attribuait la possession provisoire ct·e la chose à
l'une ou à l'autre des parties jusqu'à la fin du procès. Pour faire
cette a ttribution, il n'était astreint ü a ucune règle, excepté dans
un cas cependant, pour la crwsa liberalis, où il devait donne r
la liberté provisoi re à celui qui, en fa it, était libre au moment
où on le revendiquait comm e esclave. En retour , celui à qui la
possession prov,isoire venait ainsi d'être confiée, dev~it fom:nir
�-4.
une caution préalable appelée : pi·œdes titi..:; et i-i11ditiar·11m:
c'êla ient des garanties pour la restitution de la c hose e t de ses
produits. Chacune des lleux parties donna il. en outre, a11 magistrat d'antres cautions appelées p1·redcs .~ac1'a111e11ti pour la
somme que le perdant clevaiL paye r à tilrn <le p eine.
L'acLion sncra111cnti surYêcutà la législation d es le,r1is actiones
et sen·it dans la q11œ1·e/n inofliciosi festalllenti et .des procès
jugés par les centum\'irs.
B. - Systëme formulaire
Dans le système fo rmulaire, l'actionsacra111e11ti fut remplacée
par une for mule, qui étail employée sous deux. formes différentes: per spo11sionem et per /'o1·1111t!am I elito1·iam .
Examinons d'abord les car:u ;lères conim uns à ces deux
formules. Une 1,1·emière remarque à hire, c'est q1 1e le clemandeur sera toujours celui C(LLÏ ne possède i1as, le défendem celui
qui possède. Ensuite ce n'est plus le inagislrnl qui détermine le
défendeu r, c·est l'état de fait existant au 1110111c11l de la /itis
co11teslatio, et le défendeur continuera il garder la chose au
même titre que celu i en Yertu <111quel il h détenait à ce
mo ment-là : a insi il la ronserYera :1 titre tle détenteur, de \Tai
possesseur, ad i11te1·dict11, ad u.~uc([pÏfJnem, et rusncapion ne
sera pas interro1l1pue i11fer 1110ms titis.
11 peul se fo ire que 11 posses ion p rovisoire soi l elle-111èrne en
<1uestion durant le peliloire; mais, clans ce cas, le uwgistrnl
rendra un inter<lil et le pror1\::; sur lïnlerdil fera connaitre le
défendeur; de telle sorte que , par suill!, le magist1·at n';tj:uonis
1111 pouvoir discrétionnaire corn u1 e sous le règne ùe l'action
sacramenti. Le procès au possessoire une fo is jugé, le rùle de
-5chacune des parties sera déter miné, et le demandeur seul aura
à faire la preuYe d e son dro it.
Telles sonl les n:.· gles co111111unes aux. deux formules per sponsior1en1 et per /Q1·11111/r1111 pelilo1·im1i; voyons nnintenant quelles
règles leur sont spéciales.
1° Formule per spom;ionem
On se sert de celte formule qu:md le demandeur fait au
défendeur cette gageure : << Si homo de quo aoitur e.r jure qui1·1ïi1t11t 111e11s est, .-.;estt:1·tios i:1119i11fi quin'Jue dare spondes? J)
En Yertu de cette stipulation appelée s11011sio, le stipulant se
faisa it donner par le lllngistrat une formule dans laquelle la
question po ée :.H l jug e, dans l'i11lentio ile la formule, était de
savoir si le défemle m ùevait lui donner la somme comprise
dans la sponsio; mais comrne..cette somme n'était promise que
sous cette condition : si la chose appartient au demandeur, la
question ne pouvai t ètre résolue en sa fayeur, qu'autant qu'il
prouvait que cette somme lui appartenait. On n'exigeait, du
reste, jamais celte soin me; car la spo113io était non pas pénale,
mais préjudicielle, c'est-à-di re un simple moyen pour arriYer à
la preU\·e de la propriété.
La conrlarnnafü•n était, dans tous le ' cas, pécuniaire, et celte
procédure per spo11sio11t>111 abouti · sait toujours à une litis esti111atio, c'est-à-dire à une condamnation basée sur la Yaleur de
la chose el de se , at:cessoires. Poul' arriYcr ~1 la chose ellemême, le défend eur de' ait donner au ùe111andeur caution de
lui resti tUt~r , sïl :mcrurnbait, la ch ose el les fruits, c'etaif la
sti1111latio Ji1'0 ;wœdl' /iris et ri111lir·iaru111, parce qu'elle tenait
place des prœdes liti1:1 et t>i11diciar1un dont nous avons vu le
rôle sous le règne lles actions de la loi.
�-:-: 7 -
2° Formula P etitoria
Judex esto; si pm·et (undum Corneliai1111J1 r1e7110 agifor e."t
j1t1·e qufr?Tium A uli A gerii esse, neq1te i.<; (undus arbi frio fuo
Aulo A 9e1·io 1·estituefur, quanti eri res e1·it _\'umerium Neged ilan Aulo A9e1·io condemnato, si11011 pw·et absolvito. » Telle
était la for mule que se faisait donner celui qui se prétend propriétaire d'une chose contre le possesseur tle celle chose, quand
il agit per (ormula111 pelilo1·in111.
Lï11te11tio de la formule est cel'fa, parce que l'objet et
l'étendue d'un droit de propri été sont nécessairement tléterminés, on est ou l'on n'est pas propriéta ire . Cependant, dans
certains cas, la rei i:i11dicatio peut aYoir une Îl/lentio i11cel'la ;
quand, par exemple, on ignore la q 1t0t il.é de :::;on d roit; ai nsi,
dans le cas de mélange, du Lié appartenant à P1·im11s m êlé avec
du blé appartenant à Sec1111d11s. Dans ce cas, chacun des propriétaires conserve l'action e n reYendication, 1na is l'intention
n'est pas certa ;car, quelle est la quotité appa rle1nnt à chacun?
Il Y aura donc une a ppréciation ineert·tine que Je juge de\'l'a
faire; il Y a actio i'NcertrP 1 ((r'/is. Le juge flevra apprécier la
qualité et la quantité; si la qualité de l'nne des parties est supérieure à celle de l'autre, la quantité ét11lt égale, il <levrn ordonner
à celui-là une restitution s upérieure.
Devant le magistrat, le possesseur devrn <lonner à son aù,·erS3.ire la caution dite j11dicalu111 solci, c'est-à-dire qu'il dev ra
garantir que 1e mon lan t de la c0udaumalion sera p ·1yL'. D:ins
<<
le cas où le possesseur refuserait cette caulion Je demandeur
' Ye rtn d uque1
· d wn, en
trat l"in tCH· i't
obtieodraitdu 1naais
1 q11 em /ull
b
le défendeur était obligé de transférer la possession à son
ad,·ersaire. Celui-ci éta nt, dès lors, dispensé d'agir et de
prouYer sa propriété, il n'avait qu'à attendre que l'autre prit
l'offens ive el fil ses preuves.
Si, d'apr ûs les p re uves fournies par le demandeur, le juge
n'esl pas convainw rruï l soit propriétaire, il absout le défendeur. S'il reconnaît f!llC le tl e111a ndeur est propriétaire, il le
déclare et ordonne au d6fendcm de restituer la chose. La condeni1wtio esL toujours pécimiaire, mais l'arbifrium permettra
d'éviter la condamnation en restituant la chose, de telle sorte.
que le demandeur pourra ainsi recouvrer la propriété. Le
défend eur Yenanl à refuser ùe resti tuer la chose, nous examinerons tantôt s i on pourra l' y contraindre manii mi litari.
Il
A qui et contre qui se donne l'action en revendi cation
A. -
A qui se donne /'action en revendicatio1i
Nous examinero11s dans ce chapitre quatre questions: 1° Quel
est le propriétaire à qui appartient l'action en reYendication ;
- 2° le propriétaire quiritaire qui a transféré la propriété sous
condition résolutoire peut-il re\'endiquer si la condition vient à
se réaliser; - 3" le propriél~ire }J/'O pa1·te peut-il revendiquer'
- 1° A quelle époque àoit exister le droit de propriété du,
.. demandeur?
1• .\. qui appartient l'action en revendication?
A uue seule personne, au propriétaire, ex ju,.e quir~ium;.
�- 8-
-n-
ainsi le possesseur de bonne foi, le propriéta ire bonitaire, le
pérégrin ne peuvent pas se servir de cette action.
Une question se pose à ce sujet: Y a-t-il lieu de dis tinguer si
la propriété est acquise par un mode du droit des gens ou par
un mode du droit civil ? Nous avons, sur ce point, un texte qui
répond à cette question d'une manièr e s i claire qu e toute espèce
de doute paraitrait impossible : c·est la loi 23, principium, de
1·ei vindicatione: « ln 1·em act1·0 competif ))'nous dit Paul dans
son texte, « qui aut Jurt gentiwn, aut J1t7'e civili dominium
adquisivif. ,
g1tiritium 111eam esse aio . Celte première opinion est donc insoutenable; laissons-la de côté.
Quant à la seconde qui, tout en admettant que les res nec
ma11cipi soient susceptil.Jlcs clu domaine quiritaire, ne croit pas
qu'on puisse acquérir ce domaine par un mode du droit cles
gens, on la conciliera it dilTicilement avec les textes où Ulpien
met sur la même ligue l'acqu isition ll'une 1·es 111ancipi par rnancipalion , <l'une res nec ma11c1pi par tracl ilion, d'une chose de
l'une ou l'autre catégo rie par in jure cesaio, adjt1dication,
legs, etc. (fragm. X IX, 2, 3, 7, lG, 17); el aYec celui oü Gaïus
parle en termes identiques ùe l'aliénation, d'après le droit des
gens, et de l'aliénation, d'après le droit ciYil (Inst. II, G5J. Du
reste, si la chose nec ma11cipi n'appartenait p~s immédiatement
ex jure quirili111J1 à celui qui l'a acq1tise par tradition, il lui
faudl'ait l'usucapion pour le lllener au domaine quiritaire, car il
devrait la posséder le telllps requis pour l'usucapion; nous
aurions donc lü un troisième cas d'usucapion, qui aurait pour
effet de con\'ertir le do111i11i1w1 e.r j111'e ge11li11m d'une chose nec
mancipi en do111i11i1u11 e.1' j111·e q11i1·iti11111. Or, on sait qnïl
n'existe que deux cas d'usucapion : cel11i d'une re.~ 1J1a11c1j,i
acquise par tradi tion et celui d'une res 11ia11cipi ou nec 111a1icip1
acq uise a non do111i110.
Il faut donc repousser éga lenumt cette dernière opinion et
reconnaitre que le propriétaire c1uiritaire a l'action en reYendication, quelle que soit la cause qui ait fait naitre cettè propri~té.
ainsi, celui qui a acquis par mancipation une 1·e:s 11w 11 c1/ 1i et
celui qui a acquis par traùiCTon une 1·es 1u?c ma11ci1Ji pell\-ent la
revendiquer également comme lem appartenant e.r J111·e 1111 i1·iti11111.
Mais cel ui qui a rec;u par tradition une chose 111a11cipi ne p~ut
pas, jusqu'à l'usucapion accomplie, 1:1 prétellllre sienne c_r J111·e
guiritum. Cujas avait fa ussement soutenu cette doctrrne et
Cependant, malgré cette clarté, diverses opinions se sont
form ées pour prétendre le contraire. Les uns ont pensé que
l'action réelle du droit civil (actio in rem civilis) i1e pouvait pas
compéter à celui qui a\·ait acquis par un mode du dro it des
gens à celui, pa r exemple, qui avait acquis par tradition une
chose nec mancipi; qu'il y aura it, en eITet, contracliclion entre
avoir acquis ex jure 9entiu m et ve1iir dire : 1·es est 111ea e:rjure
qufritium . D'autres sont all és plus loin el ont prétend u qu'une
r ea nec mancipi ne peut jamais appa rtenir a quelqu'un ex jure
quiritium, et qu'il y a vai t pour le res nec mancipi une revendication du droit des gens où l'on clis1it : Si paret rem esse
A. Agerii sans ajo uter e:r: jure qui?-itiwn.
Occupons-nous d'abord de celle dernièl'e opinion qu i compte
beaucoup moins de partisans que la première, et rejetons-la
absolul1lent. Elle est, en elTet, inconciliable aYec les textes de
~aïus (Inst II, 196) et d'Ulpien (fragm. XXIV, 7J, dans lesquels
il~ admettent qu'une chose nec ma11c1j,i, telle que du blé, du
vin, de l'huile, peut appartenir à quelqu'un ex jure q11iritium
et ceux qui déclarent que l'in /ur~ ce.ssio s'appliq ue aussi bien
aux res mancipi qu'aux res nec mancipi (Ulpien, 1. c. XIX, 9) ;
or, les paroles solennelles de lïnj1we cess1·0 crui sont celles de
l'ancienne action d e la 101,· son t toujours:
·
' ego 1·em ex Jure
.
Hanc
�~1.
10 -
.Xooùt lui donnait une act ion ;,, re1>1 /ltilis, mais ces opinions
daient erronëes.
2° Le propriétaire sous condition peul-il t'eYendiqner ·?
Le propriétaire ('.r j111·e vuh·iri11111 se nl peut don.; rcven<lic1uer,
et il peut rcnmiliqucr IJien qllïl 1it des ch:rnces de 'oir h propriélé lui échapper, parexe1nple a11 c is oit h co111.lition apposée à
un legs 011 à un atlr:uwllisse1nent vieudnil ~t s'accomplir; ainsi
un testateur a ·1ffranchi ::;on esclave sons con1lilio11; t'mt que la
co11dit10n n'est pas réalisée, l'héritier cunserYe la propriété, il
pourra donc renndiquer.
~lais que faut-il décider une fois qne h rondition est accomplie? Ici, nous nous lrouYous en présence cl\111 texte embarnssant (loi 11, Jn·111ci11i11111, de 1•1/ vi11rlicatione). << Si quis hac
le9e, eme1·it, ut, si aliu.s 111eliu1•e111 co11ditione111 t.1.ttulerit, 1·ece• dat1u· aô emplio111>, post allatnn1 co11ditio11em jam 11011potes!
" in 1·em. actio11e oti. Seri et si cui i11 diein addictus sil (11ndus
~ antequa;n adjectio 3/t farta, uti in 1'e11t actione potes!, postea
'' non poterit. »
Rappelons d'abol'd so1nmairemenl certains principes de l'in
diem addictio. C'ét~it une el;1use que les Honi::i.ins inséraient
Yolontiers dans le contrat de Ye11le, et par laquelle ils convenaient que la ,·ente ne tiendl'ait p:is si le vendeur trouYai t,
dans un temps ùéterllliné, un autre achetenr qui lui offrit une
condition plus aYanla~euse. Calte clause, sniYant llutcntion <les
parties, po11Yait avoir deux effets <lifférents, ou bien LUl efiel
suspensif, et alors l'existence lllê111e ù11 contrat était suspendue
jusqu'à ce quïl fut cnhin, pat· l'expiratin11 ùu temps fixé, que
le vendeur ne tronvera it pas une rnwl i Li un pl us a vaut 1gcuse, 011
bien un effet r0solutoirc, c'rsl-ü-dire que le routrat était pur et
simple, mais sa résolution était s ul;orcluuuée tl l'e xpiration de
la condilion. Celle disti11rtion est parfaile111ent exposée par
Ulpien (livre II , D. D~ i11 dlc11 1 arlrlictio11e). Dans le pre10ier
)>
-Hcas, le vendeur reste propriétaire; c·est donc lui seul, qui
jusqu'à l'accomplissement de la condition, pourra revendiquer.
Dans le second cas, le vendeur ne peut plus revendiquer,
puisque la propriété a é té transférée à l'a~quéreur ; celui- ci
en devient propriétaire ou commence l'usucapion et s i le vendeur
trouve une offre plus avantageuse, il deYra agir, non par l'action
réelle, mais par action p erso11nelle, l'action venditi, suivant les
Sabiniens, l'action in /act1w1 prœsCl'iptis verôis, suiYant les
Proculiens, et les deux à la fois sous les empereurs, pour forcer
l'acheteur à lui retransférer la propriété.
Revenons rnainlenant à la loi l l. Ulpien s'occupe des ventes
faites avec la clause que nous venons d'indiquer, et suppose
successiYement deux cas : celui oü il n'y a pas de terme fixé et
celui où cette clause en contiendrait un; c'est à ce dernier cas
que s'applique proprement la dénominalion de in diem addictio;
mais, dans l'un et l'autre ca~, il suppose une "ente pure et
simple, résoluble sous condition. ut 1·escedafur ab emptio 11e.
L'acheleur est donc deYenu propriétaire, il pourra donc user de
l'action réelle; mais il ne le pourra pins du jour où la condition
se trol\\·era réalisée, oit une c;ffre meilleure aura été faite au
vendeur, jam 11011 potes! in 1·e111 octione uti poR{ea non poterit.
Or, s'il ne le peut plus, c'est cru'éYidemrnent il n'est plus propriétaire , et que, par suite, le Yendeur l'est rede"enu et peut
reYendiquer. Voila clone la prnpriété qui est retransférée au
vendéur ipso jw·e.
Ce texte est absoluwenl co11lraire il la doctrine romaine, qui
se refusait a adrnettre que la lH'oprieté pùt ètre tran férée ad
le111p118, la propriété sous condition l'~~olulL>ire n'exi tait pas ;
si, par exemple, on Lran1tférait la propriété tl' une d10se pour u~
1 pouvait
temps déterminé, nu IJoul de cc lt-111ps, la p1.op 1··été
1
:e
pas revenir cle pleiu droit à l'aliénntenr. ~lais, le pl us souYent,
on accompagnait lu trad itiCln d'un pacte adjoint, en vertu duquel
�-
i2 -
l'al'<JIIêreur pounil ètre fore é de retra ns férer la pro11riété au
YenJeur.
Comment e\pliquer Cl,t!C anli1101 nie entre le texte d 'l1Jpien
et la doctrine rumaiih'? 1 ·1 111eillct1 re :-.olnlion est, je crois, celle
qui cousisle n rnir dans il' texte l'cxposil inn d'une opinion perso11nelle a l'lpien, on, du 111oins, <lnn t on ne retrouve tttie de
faible.:; tran~s chez les :1ulre:' j11riscnnst!lles. Il pe11sait, en t>ffet,
c.:oulrnire111cnt h 1'1ipininn u11iwr~elle111elll nd1n isè, que la propriété pouY<lit etre fransJ'ërée ad {o'111p11s, et, dans la loi 11 , il
expose cette rloclrine ll'lll\ 1·lle. ;\Jais ce n'est pis dans ce te\te
seulemt it qu'on retrouYc son système, on le Yoit exposé d'uue
uwniëre plus explirilc dans h loi 2!) : De "101·ti.'I co11:sr2 dr1iwti'oni11us, el ce qui 11011s ronlirine chus cette idée, que c'est là
une op:nion 11ui Ini est perso1111elle, c'est que, 1hns cette loi W .
il le fait an'c quelque ltl'sil1tin11, on \oit qne c'est un principe
c!uïl hasarde el c1uïl présente L'o111111e nutffeau : Pole:sl de/enrli
111 1·c111 co111,11ef 1·e rlo11rrtrn•i. cc Si 11101·tis f'ausa res donato e:sl, et
1
> l'')//Valuit qui drJ11acit, t·irlenr/11111 rm /iaoeat i11 rem actio11e111 .
» Ht :si q11ide111 7111'., sic do110L'it, ut, si 11101\'i contigissel, tune
1> lwuei·et c1 1 I dorl(I{ 1111 est, ~i11e rl1'ôio do1wlur pofe1·1'f re111 ui11 " dicare '· 1/1al'f110 eo, t 111/f· 1s
· r·w· t / onatu111 est. Si rero sic,
· 11/
11
"Jru nunc ltrr.bf!l'<:t, rr·clde1·et, .Ji r·o11Polllisse/, ce! de 111·U"Lia uel
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• .
.
1 1011 lit:' se n·al1se p:1s, c'est le do1n teur qui
re\·endic1ue ,.
·si' Il"~.,"e 1·1'· ·11·1 se,
· c· ·es l 1e 1l 011·1l:11re.
· Pasc1e <['111·icu Jlé
sur. ce point. Sernud C"l s•.· 1.1. p1 .op1wll'
· · . a l'l1·
. , lnnslen·c
•. . tout ùe
su1le;"
est alors· le clo 11 ·1t·aire
· se11 l <Jill· prlllna re\'t'llclH[Lte
.
·
.
l' ; 111a1s
si la condition suus l·aqueIIe 1f' ùOllal:.u.re est tenu de rendre la
-
I~
-
r.hosr s'accom plit, alor.:; séparation ent l'e la doctrine et rtpien.
Jrap n\s la doctrine, le donateur a seulement contre le donataire
la condictio pour I'olJligPr à lui relrausférer la propr iété; c'est
ce que constate ent e autres un lexte de Paul (L. a5, par. 3).
De mor tis ca1<.~a donrr.tio11if;u.~.) Ulpien rno pose un peu limiùement de lui clmmer la reYeudic:ation.
Dans un autre le:\tc (1. IV, p . !3 . De in rlie111 addictione), Ulpien
cherche à m ontrer 'Ille son opinion a élé 1doptée par Marcellus.
Elle parait. cl.1 reste, aYoi r été adm ise par certains rescrits
impérianx:. (Loi -1 rt11 carie dP pnctis); <ruoique, cependant, d'autres r escrits rep roduisent la iloctr ine ancienne, comme celui de
Dioclélien et '.\Iaxirnien conset·Yé par les /i·ag111enta vaticana.
Sous .Justinien. l'opinion d'Plpicn ne faisait plus doute et
était 1111i\·ersellernent admise ; aussi les rérladeurs du code
de Jus tinien 011l bien reprnc111it h constitution de Dioclétien et
i\fax i1,1ien, qui Yient cl'0ll'e \'iséc, inais en la remaniant complètement et en lui faisai1t il ire to11t l'i11Yerse lie ce <Jue di aient les
auteurs. Ainsi donc, le propriét1ire sous condition résolutoire,
qlli, à l'rpoque rl:tssique, ne rcsse d'~ll'e propriétaire que le
jour 11i1 il aura retr:insl'én' h propriété, Yerra au contraire.
d'après b th0orie d'î' lpien, L'o11sanée seulement par Justinien ,
la Jirnpriëté !ni rèlomner , 1w 1 m·.r,, par l t :seule réalisation de
la cnnd il ion.
'.l• Le prnprit;taire 111·0 parte l'eut-il reYen1liquer?
Celui qui n't>st propl'iét·1ire 1l'nne l'huse qu'en partie ne peut
revenrtiqner qne celle p:irtie. ~lais il faut rernarquer que l'on
peut tlirc qu'un fonds <le terri' nons appartient en totalité, et.
par suite, le reYe111liqut>r pour le tout, hien 11ue nous n'en a)OllS
pas 1'11sufruit. ( L11i :!.'ide ,.,,,./,,n·11 ,, .,ir111i/iN1tio11e.)
De mème on lH'llt clirP ,·[IÙlll ohjet nnns qipartient en entier,
bi en q. iï l y su il e11lré t[llL'lqne rlwse qni ne nous appartenait pas
autrefois; car, il y a alors :wces~ion, et cela qnel que soit le
�-
14-
caractèTe que l'on admette pour l'accession , <rn'elle soit ou non
regardée comme un mode cl'arquis itit111 de la propriété. (Loi 23,
par. "!. De rei i-inrlicntione). li en es t de 111è me par rapport à la
l'eYendication d'un troupeau ; il suflll tl'tltre propriéta ire du
troupeau pour pouYoir le revendique r, alors m ê me que quelques
tètes ne Yous a11partiendraient pas . i\1ais il en serait différemment s'il y aY:lit un nombre égal de tè tes ; on ne pourrait alors
revendiquer ni en totalité, ni p a r moitié, parce qu'il n'y a pas
indiYision, mais mélange ; cha que proprié taire pourra revendiquer chaque hèle, is()lé.nent, 1; 1·0 par te. (De ;·ei vi ndicatione,
loi 1, par. 3, lois ~ et 3.J
.i• A quelle époque doit exis ter le droit de propriété du
demandeur?
A deux époques : :\.u mom ent ùe la /di.~ conte.<:tatio et au
moment du jllgement. Aucune e'\ceplion n'est admise pour le
premier point , et s i au moment de la titis contestatio, le demandeur n'était pas proprié taire, le fut-il devenu plus Lard, l'instance serait inutile. Pour la dem.. ièm.e règle, il es t nécessaire de
Caire une réserYe ; si le défendeur a usucapé i 11te1' moras litis,
la revendication n'en ser~ pas wuins Li en engagée, e t le demandeur gagnera son procès, car il ne peut pas souffrir dei délais
de l'instance
B. -
Confre qui s 'inten te l'actio11 e,1 1·eve11dication '?
-
15 -
1• Contre qui doit être exercée la 1•ei riorlira(io?
Le mot reve11clica tio11, rei 1·i11du·ntio, la formule de l'action
îndiquent s uffis·1m111 enl <rue c'es t contre celui qui possède. De
là nécessité pour le rlema11<leur de rechercher si son adversaire
est bien poss esseur (loi 1(ij ; <l r là nussi le <levoir imposé au
juge d'examine r s i le défend eur possède réf'Ll ement (loi 0 de rei
viiirl ica tio) ; de la part du derna ndeur, la recherche pourra se
faire ü l'aide d'une i11fer1·09rtlio in j ure (loi 20,par. 1. De interrooatione in j11re.)
Mais , supposons crue le défendeur Yienne à nier ; qui doit faire
la prem·e ?
y a-t-il ohligalion pour le dem'Ulcleur de prouver , outre son
droit de propriété, la posses~io11 <le son a d\'ersaire? Trois hypothèses peuYent se présenter :
Premier cas. Le défencl eur reconna it , à tort ou à raison, qu'il
possèù e. L e deman de ur n'a rien à faire.
Deuxième cas . Le défende ur n'afllr rne ni ne nie, il ne sa it pas
s'il p ossèd e. Ce l:as pent se t'éaliser , par exemple, si la chose
11evendiquée est présentée com1ne fa isant partie du pécule d~
·esdaw . C'est a n denrn.nllenr à fa ire la preuYe. (Loi XX de ''el
1
vi11d icat ione .)
Troisième c·ts. L e tléfencleur déclare ne pas p osséJer . r L oi 80
de r•ei 1•i1ulicalior1c.) " ! 11 1•e111 ortio11en1 JJ"fi 11011 compellimur,
· /ire
· t r1 11c111
· · r1icel'e
·
» q11w
se 11011 f' 0 ....- ~•1·ae1·e ,· ,·ta ut '·)!Îj)Ossit adt•er · co11c111ce1•t>
·
.1 .P.1 ..
" JIo<·•·i'deri t1·a11s/èrat ad
~ san111>
1•e111 a b nr11
M/110
.
d.
.
t
. a
n se pOS1Jessio11e111 pcr .111 1ce111, 11ce "" 11 1 e··~e 11011 àdn,•obauu
,
y•
..
Cinq questions font l'ohjet c!e cc chapitre : 1° Contre qui doit
être exer ce·e J 1• · 1. ·11 ·"
·
.
·
a e1 1 01raf10 ; 2° a quelle ép oque le d éfendeur
doit-il posséde r· 3• q Il
.
.
. , ·
ue e possess ion es t nece!';saire · l0 exception à la rè ~le qui e .-,
'
. . "'
x1,se rrue 1e défende ur possède , 5° quelle est
Ja position des héritier~ du possesseue ?
,-
rerit . »
Si le tlernaJltlem YÎl' llt it prou\·cr rrne cette déclar:i.tion est
.
-~" 1le effectivement l'objet
fausse ci ll'lllo11Lre
crue lt' <léf'e1H 1elll. pos,.,e
•
..
.d olltrnndra
.
1
.
1
,
·e
·sion
S"llS
aYoir
besom
d u litige,
'tt .111:.,e ·1 pus" ~
· · 1e sens ararnd'établ ir son druil de propriélL~. Tel est, llll morns,
~
.
.
·
J
t
.1
a
r
tous
les
mterma tical tlu Lex.le, e t celui qut a éle a op e P•
l>
�-16-
prètes jusqu'à la découverte ùu fragment d'Ulpien, trouvé à
, -ienne en 183G
Depui' lors, une opinion nouvelle s'est fait jour, et certains
auteurs ont pensé que ce texte éta it relatif à l'in terdit quem
f1111du m par lequel le possesseur, qui ne veut pas défendre au
procès en reYendica Lion, est forcé de transférer !a possession au
demandeur. ( ; (1111d111/t ao aliq110 petam, nec lis de(endatur
'
cogit10· ad me tra11s/ere pO.'lsessionem .)
qui
Lïnte1:dit que1~i /und11111 étnit, en efîet, donné contre celui
n~ voulait ~las clefendre : Q11e111 (undum t'indicare velit ille a te,
s1 rel!l nolis de(ende1·e, e1un (1111rl11111 illi restitua.s. Or, il refusait de déf~ndre celui qui ne Y011lait pas fourni r la caution judicatu111 so!t:1, dont une cles clauses était la clausula de 1·e de(endenda. ~lais c'é tait égale111ent refuser de défendre que de nier
qu'on possé~àt la chose; et alors, si le demandeur sou tenait que
son adYersaJre posséJait réellement, le préteur rendait l'interdit
'JUem l 1111 d 1" 11 • par lequel il orclon nait au défendeur de restituer
l~. posse~sio~. • i le défendeur obéissait. tout éta it terminé; mais
s li persistait clans sa dr·négation, la preuve devenant alors
nécessaire,. une formul e était délivrée et un juge était donné,
pot~r examrner si le défendeu r aYait satisfait ü l'interdit ou s'il
. .
· à Ysatisfaire.
éla1t clans le cas
Le <lemandeur n'avait à
' cl· avoir
.
prom·er, ir1 ·judicio ' que la l1nssess1011
c1u défendeur pour obtenir
. que cette possession
.·
,
.,
de cette posscsswn.
la translation
ne fois
.
~,·ait é!é transférée du cléfendrur au demandeur en reYendication, 1 ~ ~ueslion <le propriété restait intacte, el le défendeur
.
pouvait, a SOll to11r , J11'e11<1 1•e (' o.I)'e11sn·e
et reYendiqner contre le
demandeur. S11h·ant I' ..
op1111011 qnc nons exposons, le jude.r de
.
.
l a 101 80 serait celui de I" t • 1.
.
111 eH 1t fJ1tcm /1111d 1111/, et non celui de
. . . .
l a rci vmd1catw . car l
" t'
1011 de la possession est indiquée
' ' a ncga
l f
ouve1·t
comme un moyen
a t1 c é endeur pour se soustraire à
, .
l' .
act10n réelle. D ailleurs, aJ·outent-1'J s, u11e fois arrivé au .fitdi-
-
17 -
ci11111 i11 1·c111, le demandelll' cfovail établir et son intcntio, c'està-d ire la proprié!6 rlans sa personne, et la possession dans la
personne de son aclvers'lire, tancl is que, dans notre texte, il
n'est obligé c1ne rle prouver la possession dP, celui-ci ; et ils tirent
argument rle la comparaic:;on de la loi 80 avec la loi 68.
Malgré ce qu'il peut y avoir de s pécieux dans cette argumentation, nous n'hésitons point à la repousser. En effet, l'interdit
1J11em /1t11rl11111 s'applique au cas oü le défendeur ne veut ni
défendre, ni restituer la chose, oü il se dérobe au procès. Dans
ce cas, il y a co1d1111111cia proprement dite et on comprend l'utilité de J'intPrdit pour le (le111andem; l''est la seule YOie de droit
pour faire opérer à son profil la l1·a11slatio possessionis; car s'il
prenait la chose <le sa propre autorité, il s'exposerait à l'interdit
u11de ci de la p u·L ùu défendeur. Au contraire, cet interdit ne
sel'\·irait ü rieu au ùe1n:mdem clans le cas où le défendeur ni e
qu'il pOS$ède. De deux clwses l'une en effet, ou bien le demandeur s'e&t tro111pé, le défendenr ne possèùe pas, ou bien le
tl emandem a raison et le d~fendem a rnenli. Dans le premier
cas, l'interdit serait in utile an demandeur, car il perdrait Je
proces auquel cet inlenlit (lonnerait ouYerture. Dans le second
cas, la déclaration dn cléfe11deur constitue une vacua possessio
et le juge ordonne pins Lol une 1111 $sio qu'une franstalio possessio11is; l'interdit 'Jlle/J/ /1111r111111 serait donc superflu, le demandeur peut , sou<> furllle de pr-0cès, pren1lre possession de la chose.
Il s'agit dom· ilien ici de l'action réelle. Le défendeur peut ne
pas répondre u la re\'enclic"lliou en uiant. mais s'il est com·aincu
le J' ti <>•Ye em oie le 1le1n:mdeur en posses ion, sans
ùe n1e11son•YC
,., '
qu'il nit besoin tle prou\'er ~on droit ile propriété; et ces dernières ex.iressions sont convaincante , car, dans l'interdit quem
f'1111d u 111, il ne peul pas être question de la preuve de la pro-
priété.
2• A quelle ëpot1ne le défendeur doit-il posséder?
1
�-
f8 -
La t·ei vindica fio ne peut être intentée que contre celui qui
possède; nous examinerons. tantôt s'il n'y a pas des exceptions
à cette règle. La prerniére chose que le jug1' ait à examiner est
de se demander si le Lléfencl eur possède réellemen t. Voyons
maintenant à quelle époque le défendeur doit posséder.
Pour le demandeur, nous savons que son droit de propriété
doit exister nécessairement à deux époques : au moment de la
litis contestatio et au moment du jugement. Nous avons vu,
toutefois, que l'usucapion accomplie inter m01·as lilis n'empêchait pas qu'il obtienne gain .d e cause, car le j uge doit lui
accorder tout ce qu'il aurait obtenu s i justice lui eùt été rendue
à l'instant même de la titis co1deslatio.
Pour le défendeur, il faut également qu'il possède et au temps
de la titis con festatio et au temps du jugement. S'il possédait au
moment de la litis conlesfafio, mais qu'il eùt cessé de posséder,
sans dol, ni faute, au jour du jugement, il devra ètre absous.
Mais, dans le cas inverse, s'il ne possédait pas au j our de la
litis confestafio et qu'il possédàt au jour du jugement, la loi 27,
par. 1, nous dit qu'il dev ra être conda mné s'il ne restitue pas
la chose avec les fruits qu'elle a pu produire du j our où il a
commencé à la posséder.
Cette décision est très raisonnable, puisque le défendeur peut
restituer la chose, qui est en son pouvoi r, et qui est jugée appartenir au demandeur, et il n'y a rien de contradictoire avec la
règle contraire établie pour le demandeur . En e!Tet , la propriété
est un rapport de droi t, la possess ion un rapport de fai t ; et
l'infentio de la formule ne dit rien du rapport de fait ; au jour de
la sentence, le juge prononce et si l'inlentio se trouve justifiée,
le demandeur gagnera.
Seulement, ce texte est bizarre et cette solnlion paralt en
contradiction avec la règle posée par Paul au début, et qu'il
présente comme la conséquence. Elle cadre mal aussi avec la
-
i9 -
manière dont elle est liée à la précédente décision; car, ~près
avoir ~it dans celle-ci : Abso/1·e11rl us e.'f f possessor, le jurisconsulte aJoute: I te111 , ce qui semble avancer une décision pareille, et pomtant il conclut : Ut omniniodo condemnetur. Cette
anomalie s'explique aisément, car Paul devait citer l'opinion de
quelques jurisconsultes qui , sans cloute, absolvaient le défendeur
dans les deux uas, puis il admettait l'opinion contraire de Proulus. Les compilateurs des Pandectes ont supprimé la mention de
la controverse qui ressort de se1ifentia proculi et de omnimodo.
3° De quelle possession s'agit-il? (Loi 9 de rei vindicatione.)
D'abord, peu importe la cause de la possession, car, dans la
1·ei vindicafio, le cléfendeur n'est pas tenu de prouver son droit
à conserYerla r·hose; c'est au rlemandeur à établir qu'il a le droit
de la lui enleYer; une fois cette preuve faite, le défendeur doit
restituer, à m oins qu'il n 'oppose une ex.ception au demandeur.
l\Iais q uelle espèce de possession doit avoir le défendeur?
Faut-il qu'il possède 011/1110 do111i11i, qu'il ait la possession de
droit'? ou bien :.outnt-il qu'il détienne la chose à un titre quel conque, dépositaire, localnire, commodataire?
Les deux doctrines ont exis té s uccessivement, et Ulpien, dans
la loi D, nous l'indique. Quelques jurisconsultes, Pégase à leur
tête, pensaient que la revendication ne pournit être intentée que
contre celui qu i avait la possession juridique, c'est-à-dire la
possession qui donne lieu am. interdits utrubi et uti possideti.~. Celui, en effet, qui déclare tenir la chose pour le compte
d'autrui, ne contredit pas au demandeur, il n'est pas l'adYersaire
de l'intentio, et cela tenait ü l'ancien système de procédure, oü
les deux adver~aires étaient tous les deux demandeurs, ils
affirm aient tous deux; par suite, tous deux devaient avoir
l'a11i11111s do111i11i. Suivant l'opinion de ces jurisconsultes, on
devai t alors s'adresser ü ceux pour le compte desquels le défendeur avait l'econnu posséùer. Ulpien rejette cette opinion et
�-
- 20 -
D'abord, celni qu a cessé de posséder p·tr dol, soit qu'il ait
détruit, soit qu'il ail abanùon11é ou aliéné la chose, sera soum is
à celte action co1Lu11e s'il J osséclail encore · (L o;• -9~1 , par. 3. De
rei vi11rlicat1011e.) \ueune difficulté ne vouvait exister pour
cel11i dont le dol est postérieur à la lih'.~ conteslatio; car nous
avons v u plus haul que le défenclenr doil mettre le demandeur
dans la même position que s i justice eût pu lui ètre rendue a u
moment de la fi fi.<; co11testatio ; en outre, à cause de la clausula doli comprise dans la cautio judicafwtt solvi .
ft [ais il en était ùifféremment pour le dol antérieur à la /itis
contestatio, et ce n'est pas im médiatement que l'on est arrivé à
la doctrine consacrée par la loi 27. Tout d'abord, dans un cas
spécial, un édit dn pr éteur décla rait que celui qui, préYoyant
un procès, aliénait la chose qui devait en faire l'objet, pour
opposer un a utre adversaire, serait tenu par une action in
factum d'indemniser le demandenr du tort que pouvait lui
admet qu'il suffit que le défendeur détienne la chose et q uïl ait
la faculté de la resti tuer.
Cons tantin modifia cette rè~l e de procé<lnre en matière immobilière. (L oi 2. Ubi in 1·e111 actio c.re»ci dabeaf.) Celui q ui possède un immeuble au nom d'autrui , doit non. 111e1' celui au nom
duquel il possède, fa11da1·e aucto1·e111; et \'Oici les consécp1ences
de cette laudatio . La personne ains i désignée sera aYertie de se
présenter dans un délai fixé par le juge. S'il se présente, il
prendra alors le rôle de défendeur et soutiendra le procès. S'il
ne se présente pas, il est cité trois fo is, et, s'il persiste dans sa
contumac1·a, le juge, après discussion sommai re de l'affaire,
ordonnera au détenteur de restituer la chose au demandeur. Si
maintenant le défendeur refuse de nomm er son auteur, on se
trouYe régi par la jurisprudence indiquée dans le texte clTlpien,
la constitution de Constantin ne di::iant rien de ce cas; le rléfendeur restituera la chose par ordre clu juge, et le tiers, vrai possesseur, den:a revend iquer contre le pre111ier revencliq uant.
Ma is il aura à son ser\'ice contr e le détenteur, qni a a insi
manqué à son devo ir, l'action p ersonnelle résullant clu contrat
qui le liait, action locati, depositi, co11ll!todati, etc., el pourra le
faire condamner à une indemni té.
La laudatio auctoi·is a donc trois aYantages : elle permet au
défendeur de détQu rner de lui un procès s ur la propriété, da ns
lequel il est désintéressé; le demancleur suit la \'Oie la plus
propre à obtenir une solution dêli niti\'e; el le vrai possesseur
~eut fai re valoir ses moyens cle rléfense, qui étaient peut-être
mconnus du détenteur .
4° E xcep tion à la règle qui exige que le défendeur possècle.
. En démontrant tant ôt que la 1·ei ri11diratio ne peul èlre
mtentée que con tre le défendeur cru i possède, nous a,·ons indi qué
que cette règle comportait des exceptions; no us allons m aintenant les examiner .
21 -
1
causer ce changement d'adversaire. Et cette aliénation s'entendait no n seulement de la transla tion de la propriété, mais même
de la simp le translation de la possession.
Cet édit ne pouva it évi<lemment pas s'appliquer au cas où le
défe ndeur se serait défait de la possession par dol, sans avoir
eu l'intention d'opposer au demandeur un au tre possesseur.
Pour atteindre le pl)ssesseur de mauYaise foi, on étendit alors
à la rei cir1di<'atio, ce que le sénatus-consulte juventien rendu
sous Adrien établissait pour la pétition d'hérédité. Il décidait,
en effet, que cenx. qui, s'étant emparés de biens héréditaires
qu'il savaient ne pas leur appartenir , auraient cessé de les
posséder, m ême aHrnt la titis contestatio, seraient condamnés
comme s'ils les po~séùaient encore. Dès lors, il fut admis que
le dol passé (do/us ;irœterilus) était compris dans la pétition
d'hérédité, et C{UB Je clol lient lieu de la pOSSeSSÎOn (do/us )Jl'O
posses.'liooe est). Une fois•celle règle admise, de là à l'étendre à
�- ~2 -
- 23 -
la revendication, il n·y aYait qu'un p1s, à cause de la conformité des principes qui régissent les deux act ions, toutes tleux
in rem. Dès lors, il fut admis que le possesseur qui avait cessé
de posséder par dol, p ouvait être poursuiYi par l'action in
(actw11 ou par l'action in rem au choix du propri étaire; à moins,
toutefois, que le défendeur ne soit prê t à soutenir le procès sur
l'action réelle, a uquel cas l'action i11 ,-em pourra seule être
intentée.
intenter une act ion en revendication contre Titius par exemple,
un autre se présente à sn place et me d it que c'est lui qui posséde et qn'il est prêt à soutenir le procès. Si je me laisse
détourne r de mon premier dessein, pour diriger l'action contre
ce tiers, j e m'expose à ce que, une fois devant le juge, il vienne
à établir quïl n e possède pas et que je connaissais le véritable
possesseur. Pour prévenir ce fait, je devrai faire constater par
témoins la d échration du tiers et il sera condamné omnimodo
'
soit que j'aie ou non su quïl ne possédait pas.
!\fais quel est dans les cas crue nous venons d'examiner la
position du véritable possesseur? L'indemnité que le demandeur
reçoit de celui qui 8e titi obtulit, est destinée à l' indemniser du
tor t qu'il a éprouvé par suite de son dol. Mais la revendication
reste possible contre le véritable possesseur, sa position demeure
la mème vis-à-vis du demandeur. La condamnation prononcée
contre celui qui s'est offert au procès ou qui a cessé de posséder
par dol étant seulement une inùemn ité en réparation du préjudice qu'il a causé au demandeur, il en résulte que si le véritable
possesseur a restitué la chose ou a déclaré qu'il était prêt à
l'abandonner, aucune condamnation ne pourra plus être prononcée contre lui, à moins, toutefois, que le demandeur n'ait
intérêt à continuer la prem ière poursuite, à cause de cer taines
difficultés que pourrait présenter un procès contre le véritable
possesseur, par exemple, si c'est un homme puissant ou un
justiciable d'une autre juridiction.
5° Quelle est la situation des héritiers du possesseur?
L'action en revendil:alion n·est donnée contre eux qu'autant
qu'ils possèdent; elle lem est donnée, non en tant qu'héritiers,
mais en tant que pusse seurs; par s uite, ils ne peuvent pas être
actionnés s 'ils ne possèdent pas œ que le défunt a possédé.
i la revendication a élé intentée contre le possesseur et que
celui-ci soit mort après la titis co11testatio, l'instance continue
La loi 25 nous donne une seconde exception.
Celui qui se présente au procès, qui se liti obtulit, trompe le
propriétaire en attirant à lui une action qui aurait été intentée
contre un autre et en le détourna nt d'agir contre le véritable
possesseur qui, pendant ce temps, complètera peut-être son
usucapion. Aussi, par suite de ce dol, il devra une inLlemnité au
demandeur, qui la fixera lui-mème sous la fo i du serment.
J\Iais, pour que le défendeur soit a ins i condamné, il faut qu'il
ait laissé engager le procès en se donnant comme possesseur,
et que, plus tard, après la Litis co11fesfalio, d evant le juge, il ait
déclaré qu'il ne possédait pas. Mais si c'était avant la titis contestatio qu'il fit cette déclaration, il ne tromperait p as le demandeur, puisqu'il avouerait n'être pas possesseur e t que c'est
la Yérité; on ne peut pas le considérer comme s'étant offer t au
procès, puisquïl l'éyite. 'i maintenant le demandeur soutient
que sa déclaration es t mensongère, le débat aura lieu sur cette
prétention du demandeur.
Donc, première condition : pour que cette exception s'applique, il faut que la déclaration ait lieu après la titis contestatio. :\lais une seconde condition est nécessaire le de111andeur
doit ignorer que le défendeur 11e possède pas. '
li peut cependant se présenter un cas oü le défendeur ne peut
se soustraire à J" t
·
.
rns ance, mème en dén10utra11L que le demandeur savait qu'il ne
·é 1 ·
.
poss <ait
pas (lo127J. C'esl lorsque, voulant
�-
contre l'héritier. Mais s'il ne possède pas, il sera absous. Seulement, si le défunt a commis quelque clol ou. q1.1el•1ue faute, 11ui
ait détruit la chose ou l ui en ail fait perdre la poss1::ssion. l'héritier sera condamné; car il est tenu en sa qualité rl 'h t1 ritier des
obligations que le défunt avait contractées par la li1 is co11teslatio,
et, s'il y a plus ieurs héritiers, chacun en sera tenu pour sa purt.
III
Choses qu'on peut r evendiquer
·ous examinerons d'abord les choses que l'on peul re,·endiquer, ensuite celles que l'on ne peut pas reYendiquer.
A. -
-
'24. -
Des choses que !'011 peut 1·even clique1·
Nous Terrons rapidement dans ce chapitre: 1° la class ification
des choses qui peuvent faire l'objet ùe la revendication ; 2° les questions que fait naitre la re,·enùication du tl'oupeau el
du pécule; - 3° s i l'on peut reYcndiquer un oùjel vartiellement ; - 4° détermination des choses que l'on peut rev1::ncliquer.
1° Classification des choses qui peuvent faire l'objet de la
reYend ication.
On peut revendiqner toutes les choses mobilières , animées ou
non, ainsi qua les choses i1n111ohilières qui sont dans le cOHlmerce et qui sont corporell es. :\bis œlte action ne s'applique
pas aux unhersitates, ell e ne vise crue les si11911!œ res.
Il peut paraitre étrange, toutefois, riu'api-l::-; aYoir dit que la
reve?dicalion ne s'applique pas :i.ux 1111i1·e1·sifr!fr's, l 'lpien l'nppliqne à un lroupean, qt1i est cependai1t 1m être cnllr·ctif. :Vlais
25 -
il sullil d'établir w1e distinction bien simple à cet eŒet: le 1111ive1·sitates auxquelles ne s'applique pas la rei vind icafif) sont les
u11ive1·sitates j111·is, celles qui cunsistent dans un ensemble de
biens et de droits, comme une h érédité, un pécule, le patrimoine
d'un homme vivant s11i jur·is.
Au con traire, la 1·ei vindicatif) sera applicable aux 1111/i,ersitates 1·e1·11m, c'est-à-dire celles qui ne sont que des choses
réunies sous une dénomination commune, comme un troupeau ;
un pareil ensemble forme une chose composée, un corps collectif, qui a son existence propre et, par suite, peut être reYendiqué.
Les Romains distinguaient trois so rtes de choses corporelles:
1° les corps ayant une existence int!ividuelle, p'.lr exemple un
chern l ; - 2'' les corps ro111posés de l'assemblage de plusieurs
corps adhérents entre eu\, co1111ne une maison, un navire ; 3" les corps composés cle plusieurs corps qui, tout en restant
distincls, prennent une dénomination commune, par exemple
un troupeau. Ce 11 \~gt que dans ces trois ras que la revenùication
est possible. :\lais on peut se tlernanùer si les corps qui, par
leur réunion , forment un corps romposé, ne peuYent pa Nrc
reYendiqnés indiYiùuellement. Pour répondre à cette question,
il f:tut ùi:Stinguer : ceux qui adhèrent entre eux, qui composent
un tJL1t pal' leur réunion , par exemple, une maison, un naYire,
ne pem·ent ell'e re,·endiqués i11diYi1luellement, tant qu'ils ne
sont pas 1lés unis; 111ais on donnera généralement l'action arl
c.d1ibe11rhi ,, pour uhtenir cette séparation. Quant à ceux qui
n'arlhl.·rent pas entre eu:x. qui restent 1listincts, comme les animaux cornpos·11lt nn troupeau , on J'UUrra les !'e,·endiquer indi-
viduellement.
2" ne la!'('\ cmlica tinn du lroupean cl du piirule.
.Je peu\ n1t>111c l'l'Yendiqner un tn111peau L·omme m'appartell'1nl , bien qu1' rltacunc des ln\ tes 11ni fornit> cet ensemllif'
�-
26 -
appelé troupeau ne m'appartienne pas; car c'est, non pas chaque
bête en particulier, qui est reven1liquée, mais l'ensemble, le
troupeau. ( Loi 1, pm·. :1.)
Quand le nombre des bèles appartenant à l'une des parties
est égal à celui des bètes de l'a utre partie, nul ne peut revendiquer le troupeau loul entier, puis qu'aucun des deux n'a un
nombre prépondérant qui allirc il lui le nom bre inférieur. Aucun
des deux ne peut même r evendiquer la moitié du troupeau, car
rien ne fait supposer que le troupeau soit commun par partie
indivise, il n'y a pas co-propriété. i le troupeau se compose,
par exemple, de trente bêles, les trente bêles n'appartiennent
pas chacune à chacun de nous par indiYis, mais chacun de nous
en a quinze à lui e xclusivement.
Si, au contraire, le nombre des bêtes appartenant à l'un des
co-propriétaires est supéri eur à celui qui appartient à l'autre,
et se trouve assez grand pour constituer à lui seul un troupeau,
le premier seul pourra revendiquer le troupeau comme universalité, le deuxième ne pourra revendiq11er que ch acune <les
bètes qui lui appartiennent. Si celu i ù c1ui appartient le nombre
inférieur des l>ê tes pos.sèùe le troupeau, l'autre partie pourra
néanmoiHs reYent!ic[11er tout le troupeau; mais la restitution
<1ue le juge dena prononcer ne comµrenclra pas les lJêtes appartenan t a u possesseur. (Loi 2.)
Le troupeau, corps collectif, subsiste, reste le mème, malgré
le renouYellernent des corps inùh i<luels qui le conslituent.
( Loi .'J.)
Supposons un LrouJ1eau composé rle trois cents bêtes; cent
viennent a périr ; j'en arhéle cent 11011Yelles pour les remplacer;
ces ceJJL nom·elJes IJèlcs se ront comprises dans la reYendication
du troupcnu, alnrs 111è111P que, pa r s11 ile de la perle des au tres
bètes, le lroupea11 J'11l r1'·d1iit il ces cent no11velles bè tes seules.
Ulpicu pose d1·1_n.. 11~ p<,ll1èses : ci>llc ot'1 j'ai achelé les cefll
- 27 -
bêtes d'une personne qui en était propriétaire; celle où le vendeur possédait seulement de lJonne foi les Mtes vendues ; dans
ce cas, j'ai seulement une possession qui me conduira à la propriété par l'usucapion. Il n'était pas même nécessaire de supposer la bonne foi chez le vendeur, car il suffit que je les achète
et les reçoive de bonne foi. Si le j uriscons ulte suppose le vendeur de bonne foi, c'est qu'ü cause du caractère mobilier de ces
choses, on aurait pu regarrler la Yente qui en serait faite ùe mauvaise fo i comme un vol, ce qui rendrait la chose res (u1'1ii:a,
et, par suite, non s usceptible <l'usuca pion.
JI est à noter que la revenrlication s'applique même au cas où
il s'agit d'une chose possédée de foi, mais achetée a non dol/lino.
Cujas ne voulait pas admettre qu'il y eùt la même action pour
le cas où j'ai acquis la propriété des bêtes et t)our celui où je
n'ai acquis que ln possession ; et, dans ce ùern1er cas, il croit
que j e n'ai w1e la reYendication utile, c'est-à-dire l'action publicienne. ~fais celte idée est fausse; car, s1ns aucun doute, ùeux
actions sera ien t nécess1ires pour demander non le troupeau,
mais chaque bête; mais le troupeau, corps collectif, reste le
mèmc maJirré la s ubslilulion de nouYell es bêtes, et co1J1me
'
"'
propriétaire, je pui<> intenter la revendit:·1tion, alors même qu'il
ne se composera it que des bêtes achetées a 11011 do111iHO. Je n'ai
donc qu'une action pour réclamer la chose composée, malgré la
diYersité Lies clémeuls dont elle se compose; mais si le possesseur actionné était le vrai propriétaire, éYiùemment la revendic·1lion n'a boutirait pas pour les bêles dont l'usucapion n'est µas
encore achevée.
Ce qui sert ù exploiter une chose, l'i11st1·11111ent11ur n'est pa.s
. dans la reYend 1cal1on
. .
1 l·'"' clio"e
com pns
ce
"' ·' il faut le revend1quer individuell ement. Ainsi les a1·111a•11e1lla, c'est-ü-dire les
,
.•
agrl's
et a pparaux d . un nav11c,
ne "'... 011 t 1)as
' compris 1lans la
revencticatio11
d11
navire .
�-
'ZS -
Le pécule à la d ifférence du trou pean ne pourra pas ètre
reYendiqué, car c'est une 1111/t-el'silrts .furi.'1 au lieu d'ê tre une
uni1:ersita.s re1·11111. A ussi, bien q11e l'on considère le legs d'un
polltTn êt re rédamé tantôt p1.r parties <li\·ises, tantôt p:ir pa1 Lies
indi\'ises; un l'heval , au contraire, ne pourr a être revendiqué
<JllC par parties indivic;es. (Loi 25. De i;erborum ,ç/gr1ificafione.)
-pécule, ainsi que le legs ù'un tro u peau, comme un leis unique,
en ce sens qu'on ne peut pas le scinder, choisir entre les objets
qu'il comprend pour r é pudier les uns et demander les a ntres,
cependan l le légata ire d'un pécule <leYr<t revendiquer ind ivid uel-
.\ ussi Je j uge devant leq11cl est porté la reYendication d'une
chose ind ivise, n'a pas à se clem'lnder s i la chose peut être
divisc\e matériellement sans ti tre <létruile; c'est au juge de
l'action <'Om1111111i·dirid1111rlo qu'appartiendr a cette question. et
il tlena donner ln totalité à l'un ou à l'autre, sauf indemnité
lement les diver ses choses corpor elles qui y sont contenues.
Un cas, toutefois, peut se présenter où le pfoule pou rra être
l'o bjet d'une pétition d'hérédité; c'est celui oü le fils de farn ille
a institué un héritier pour son µécule crrst1·et11>e. Mais, s'il menrt
interdit, le père de fami lle recneille le pécule castreuse, en vel'tu
de la puissan~e p<tternelle, non pas con1111e h e1wlita.~, mais
comme peculiu111, et il dewa reven tiquer chacune ùes choses
qui constitue le pécule.
Comme le pécule se compose de choses corporelles, de
créances, de dettes, etc., le légataire du pécule ne pourra reven-
,,
- 29 -
<liquer les choses corporelles q ue sous la déclnction cle ce que
l'esclave devai t à son maltt·e; el si, par exe1uple, le mon tant de
la créance du maître est éga l an tiers cle la valeur des b iens du
vëcule, le légataire ne pourra rcvcnùiqucr que les deux tiers
par indi,·is de chaque those. Il devra mèmc douncr caution à
l'h éritier de le défendre contre les étrangers créanciers du
pécule. qui ont l'action de peculio clans l'année, non contre le
légataire du pérnle, mais contre l'héritier du maitre.
3° Peul-on reveudiquer un objet partiellement ?
On peut reYeuùir1uer une parlie <l'une chose, com1ne l'on
reYendique la cltose tout eutir'·re, cl l'crn pellt lllème revend iquer
une partie d'une rliose 1111i ne i101tnait être parlagée sans ètre
détruite. (Loi 35, Jlffl'. :1. /Jr> rei 1·/11rliNtlio11e.)
Quand on parle, c11 effl'l de p:irtics, 011 Clllcnll par lu, tantôt
des parties divist:s, la11ltit des parlies i11<livï::.es . Ainsi u11 C'11:u11p
pour celu i qui ne recevra rieii.
Ainsi clone les choses peuvent être revendiquées en parties
ou en totalité, mais il faut aYoir soin d'indiq uer exactement la
chose. (Loi 6 de rei vinclicafione.)
L'intenfio de la rei ri11dicatio ec;t cet·la; car nous savons que
celui qui veut revendiquer doit désigner exactement la chose et
dire s'il prétend en être propriétaire en tot'llilé ou en partie. et
pour rruelle partie, ln moitié, le tiers, le quart; c'est ce qu'exige
la loi G. La plus pétition est dont· à rraindre, s i le demandeur Y
fait figurer la chose en entier, alors qu'il n'y a droit qu'à la
moi lié. JI est rles cas, cepenrl:lnt, oil il est impossible au demandeur cle S:'l.Yoir exactement quelle est h portion exacte qui lui
apparlient dans la d1osc c1uïl revendique. Dans ces cas, le
forcer tl'1ttendre que lïncertit11•le ail cessé senit dangereux. Il
. que nous a ll ons ex.·aminer tantôt
y a 111ètne une l1ypotlwse
. ' dans
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excétlai1t les trois
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. .
.
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'il icrnore de combien ils
q uarls clc la 'ale111· lh's l.nens, rna1s qu
o
·
.
.
"' .. fi . ·1 faUtl ra l'intervention du
de\·ront l'ètre. Pour le faire v..i 1 1ei, 1 '
�-
30 -
juge, qui devra comparer la v:ilèur des biens au montant des
dettes. des fidèicommis, etc. 'il r evendiquait son legs pour le
tout 0 11 pour une quote-part, il s'exposera it a la plus-pétition,
car la loi Falcidie empèche que le légataire ne devienne propriétaire de la pa rtie qui ne doit pas lui revenir. Dans ·ce cas, il
y aura lieu encore à une revendication incertœ partis. Ell e peut
encore se rencontrer dans d 'autres cas, celui de mélange par
exemple; mais Gaius nous dit que c'est très rare.
B. -
Choses que l'on ne peut pas revendiquer
Ce chapitre aura cieux objets distincts : l° détermination des
choses non susceptibles d 'èlre reYendiquées; - 2° limites apportées à la reYendication par suite <les principes de l'accession.
1° Choses que l'on ne peut pas revendiquer.
Ce sont d'abord les fonds provinciaux qui ne sont pas s usceptibles de propriété quiriLaire ; le propriétaire de ces fonds, c'est
l'État, le possesseur n'a qu'un domaine utile.
Ensuite les personnes libres, même cell es qui sont soumises
à notre puissance, les enfants par exemple. (Loi 1, par. 2. Dt
rei vindicatione.)
Il en est diΎremment de l'esclave, car l'esclavage est le fait
pour quelqu'un d'être sons la puissance et dans la propriété
d'autrui; l'esclave est tout à la fois une personne, puisqu'il est
capable d'actes juridiques; el une chose, puisqu'il est susceptible d'être in dominio; c'est sous ce dernier rapport qu'i l peut
faire l'objet d'une 1'ei l'iridicatio. Les personnes libres, au contraire, même alie11 i j111·is, sont 1miqueinenl des personnes et
jamais des choses, et, par conséquent, ne peuvent être revendiquées. Aux enfan ts, il faut aj ouLer les femmes in manu, les
hommes libres in mancipio; pour ces derniers, toutefois, Justinien dût les retrancher comme ex.emple suranné.
-
31 -
Po1hponius croit cependant, et son opinion a été suivie par
Ulpien, qne le père <l e fam ille pourrait revendiquer son fils,
mais en modW:ml l' ùwwtio cle la formule, en exprimant sous
quel rapport il affirme CJUe ret homme lui a p partient. Ainsi il ne
se contentera pas fie la forrnule ordinaire: Si pa1'el lwnc homi11eJ11 A. Aoerii e.cj111·c quiritium; mais il fera mettre:Siparet
hune ho111i11em . 111/i A ge1·ii fili11111 e.sse e:r jure quiritium,ou bien
A1tli Â[Jerii Io pofe.çfate esse e.cjw·e q/(i?·itium,cequi précisera
le rapport qu'il veu t faire connaitre, a savoir qu'un tel est son fils
selon le droit des quirites, ou bien qu'un tel est sous sa puissance selon le droit ùes quirites. Et cette puissance ne peut être
évidemment que la puissance paternelle, car s'il s'agissait de la
puissance dominicale, il n'y au rait pas besoin de l'exprimer, il
suffirait de dire: Si parct hune honii11e111 A. A. ex ju1·e quiritiutn esse.
Les terrains sacrés ou relig ieux ne peuvent pas davantage
faire l'objet d'une revenclication, car ce sont des res rwllills.
(Loi 23, par. 1. De rei Pind icat io1ie.) Pour la même raison, les
dégradations qu'aurait éprouvées un tombeau ne pourront pas
donner ou,·erture à l'actio legi:s .-l rJ11iliœ, <Jtti n'appartient qu'au
dominus; il ne peut pas dire. en effet, tJu'on a dégradé sa chose.
Ces dégrnclatiuns seront répri111écs par une action de se111tlc1·0
oiolato. Elles donnent encore n·1ÏRs1nce a l'intel'dit 'JllOd ci
aut cla11i, ou il des interdits spéciaux, ne quid i11 loco sacro fiat,
i·el quod 1act1w1 e~t restifualu1·, de lllOrilto i11/ere11do, de sepulcro
œdi(lca11do, qni sonL 1lonnés au propriétaire ùu fonds dans
lequel se trouYe le Lerrain s1cré ou l'eligieux.
Il faut, du reste, remarquer c1ue, si le terrain sacré ou religieux ne L10ut pas èlre re,·endilJUé en tant qne terrain c;acré, si
le fonds dont il fait partie est vendu ou reYendiqué, le terrain
sacré sera par là reve ndi11tu~ ou vendu.
Ce ne sont pas seulement les obj ets sacrés ou religieux qui
�-
3'l -
ne peuYent pas faire l'objet d'une reYenLl ication , mais mème
les choses qui adhèrent à des lieux s'\crés ou r elig ieux, car elles
sont considérées coin nH' preua nt le m êm e caractère qne la chose
principale. (Loi .fa, p 1·i11cipi11JJ1 , d e l'ei 1·indicatio11e.) Ainsi les
pierres employées à la construction d' un tombeau , a lors même
qu'elles n'app'1t'liennent pas au cons lrucleu r , prennent le caractère religienx e t cessent d'è tre 1:-t pro prie lé cl e cel ni auquel elles
a ppartiennent. ~i elles sonl d ét.aché ~s du lomben.11, elles rentrent i11 co111me1·cii1111, mais elle~ ne <leviennenl pas pour cela la
propriété de r ancie n propriétaire, C'lt' il y a eu ü son égard non
pas empêchement d'exerce r son droit, ma is perte de la propriété.
~ lais si le monument n'éta it point en core r e ligieux ; par
exemple, sïl n 'y a pas eu de mort en ter ré, les pierr es détachées
peuYent è tre revendiquées, et a lors m ème qn'elles aient été
détachées dans le but d'&Lre empl o) ées cl ans une a u tre construction, ou encore à la rn èrn e. On a urait pu en dou ter da ns ce cas,
parce que, détach ées dans l'intentio n d'être replacées, elles peuvent ètre cen sées faire encore par ti e clu monu rncn t, et tomber
sous la prohibition de la loi des XU T ables . i\Iais ce tte loi ne
s'applique qu'aux ma tériaux qui sonL a ctuelle menL e l réellement
jvints à l'édifice.
2° Tels sont les obj ets que l'on ne peu l pas revendiquer ; examinons ma intenant les liu1i les a ppor tées à la revend ication par
suite des principes de l'acces~ ion.
:\'ous n'avons pas ici à ent rer clans les dé ta ils de la d iscussion
à laquelle a donné lieu la tlu;o rie générale llc l'accession ; il sera it
oiseux d'exami ne r à foncl les deux questions q ue s uscite celte
théorie ; l'accession doit-elle è l l'e en elle- Rlème (;Onsitlérée
comme un mode d'acq11érir"? A- t-elle é té regar dée comme telle
en droit Romain ·? Aussi nous entrerons tout de suite dans
l'examen des deux h ypothèses qui peuvent se présen ter :
- 33 -
. . 1e; a été faite par le mattre de la chose prmc1pa
1' l'accession
•
,
0
.
de 1a c11ose accessmre.
2 l access 10n
~
. a é té faite par le ina i•re
.
.
d
t
Je
par
ite
fa
I. Accession
111 a1 re e 1a chose prmc1pale. (Loi 23
. . . .
de rei vrnclicaùone.)
Le pro~ri:ta ire de la chose p rincipale pourra reYendiqner le
tout, e t a 1 mvet se le propri étai re de la chose accessoire ne
pou na l'ien r écla mer, pas m è me la pa r tie accessoire (loi 23
par. 2) . C'est, du 111 oins, l'opinion des P roculiens, à ce que nou~
apprend Pa ul.
.S eulem ent comm e il ne serait pas équita ble que le propriéla1re ~ e l~ ellose principa le Yint a insi s'enrichir aux dépens du
propn éta1re de la chose accessoire, on donnera à ce dernier une
aclion en r emplacemen t de la 1·ei vind icatio ; cette action sera
tantôt l'action ad e.r:hibend11111, tan tôt une action in factum .
Par l'ac tion ad e.rhibendum, le p ropriétaire de la chose accessoire se fe ra r eprésenter la chose, et il la revend iquera ensuite;
car, tan t qu'elle est annexée à la chose principale, qu'elle e·t
ainsi absorbée par ell e, e lle n'a p lus d'existence distincte. Mais,
une fois que, pa r l'eITet de l'action ad e.rhibend um , elle aura été
détach ée de la chose princ ipa le, e t qu'elle aura repris une "ie
prop re et individuell e, la revendication redeYiendra possible. i
le maitre de la chose principale r efuse d'exhi ber a insi la chose
accessoire, il serait a lors condamné à l'esti1na tion que le demandeur fixerait sous la foi du serment.
Ma is, p our que l'action ad e.rhibend11m soit possible, il faut
distinguer la na ture de l'iucorporation. S'il y a seulement adjonction, par exemple, si on a mis une bande de poui:pre sur un
vêtement , ou mèrne s'il y a soudnre d'un bras à une statue, mais
à l'a ide d 'un m étal autre que celui de la statue, a Yec du plomb
par exemple (ce que les Homains appellent adplwnbatio), la
séparation sera a lors possible, et l'a ction ad exhibendwn pourra
être employée.
�-
34 -
Mais, s'il y a soudure de deux mètaux semblables, si le bras
a été joint à la statue sans l'interposition d'un métal étranger,
en amollissant par le feu les pièces métalliques el en les battant
ensemble, de manière a les unir intimement (ce que les Romains
appellent (errwnina/10), les deux pi èces n'en font alors plus
qu'une, il y a un objet unique. Il n ' y a pas lieu , dans ce cas, à
l'action ad exhi bendu m, car elle amènerait la fraction d'un objet
unique; le préteur donnera au propriétaire de la chose accessoire une action in fact um pour se faire indemniser.
Il est à remarquer que cette attraction de la chose accessoire
par la chose principale n'a lieu que pour les objets qui ont une
forme , une destination, une dénomination s péciale, par exemple
une statue, une coupe, une table, etc. Mais elle n'a pas lieu
lorsqu'il s'agit de deux masses de métal non ouvrées et soudées
ensemble, soit par adplumbatio, soit par (erruminafi o ; dans
ce cas, il n'y aura pas attraction d'une chose accessoire à une
chose principale, aucun des deux propriétaires ne pourra revendiquer la chose collective, chacun revendiquera sa chose particulière.
Notons, du reste, qu'il en serait de m ême pour des matières
ouvrées, s'il était impossible de déterminer, soit par la masse,
soit par la val eur, quelle est des deux la matière principale.
Il faut observer également que si l'attraction a lieu dans les
corps formant un tout homogène et même dans des corps hétérogènes, mais dont les parties adhèrent entre elles, comme un
navire, elle n'a plus lieu quand il y a plusieurs corps qui re6tent
distincts, bien qu'ils prennent une dénomination WDlmuae, tels
qu'un troupeau. n en est de même pour le roélanie et la confusion.
Du cas de (e1·ruminatio cité plus haut, il faut rapprocher celui
de l'arbre qui a pris racine dans le fonds d'autrui. Le propriétaire de l'arbre n'a qu'une action in rem utilis pour obtenir une
-
35-
indemnité, et s i l'arbre vient à. être arraché, il ne retourne pas
à l'ancien propriétaire, car, puisqu'il s'était nourri du s uc de la
terre d'autrui, ce n'était pins le même arbre, c'est un arbre
nouveau. Le précèdent propriétaire n'aura pas même alors la
revendication directe, mais il aura touj ours la revendication
utile, et sans doute par là il obtiendra la restitution de l'arbre
même.
Examinons maintenant l'hypothèse où un propriétaire a
employé dans la construction ou la réparation d'un édifice des
matériaux appartenant à autrui. Celui-ci ne pourra pas les revendiquer, tant qu'ils font partie de la constrnclion, parce qu'ils
n'ont plus d'existence indh·iduelle; mais même il n'aura pas à
son service l'action ad exhibe11d111n pour les faire détacher de
la construction, parce qu'uue disposition de la loi des XII Tables
s'y opposait dans l'intérêt public. Cette disposition de la loi des
XII Tables était inspirée non pas tant pour empêcher que les
maisons ne soient clémolies, 1ie œdijicia sub hoc prœte:r:{u
dfruantur, car elle eùt fait, dans ce cas, double emploi avec la
loi ne urbsrui •iis de(orbat111" ;mais surtout parée que les maisons
construites ont un e valeur qui n'est plus représentée par les
matériaux une fois dé1fü lis.
Cependant comme le propriétaire des matériaux dépoun·u
ainsi et de l'action en reYentl icalion et de l'action ad uhiue11d11111,
ne peut pas rester ü la merci du propriétaire de la construction,
on prendra d'autres mesures pour s'.luYegarder ses droits. "'ur
ce point trois distinctions ~1 faire.
1° Le constrncteur est dl! rn;rn,·aise foi. Dans ce cas le propriétaire <les malérian:-.. anra une adion arl e.rhibend11111, non pas
pom faire ùél·tcher les matéri:lll '.(, wais pour permettre an
demandeur tle fher, sous senneul , le chiffre ùe la condamnation du défendeur. C'est le seconù cas d'application de l'action
1
ad ~xhibendulil.
�- 37 -
-
36 -
:?o On a employé dans la constrnction un 1i9n11111 /urlirwn,
c'est-à-dire des matériaux \:Olés. Que Je propriétaire de la construction le sache ou lïgnore, pen importe, il sera toujours tenu
par une action dite de t1/;noju11clo ùe payer au propriétaire lies
matériaux Je double de leur valeur. 11 y a toutefois intérêt a distin<Yuer
sïla s u ou non que le ti9n11111 était /1trtiown . Dans le
t:>
premier cas en e!ret, celle action de tio110 jw1cto sera considérée comme purement pénale et n 'empèchera pas le propriétaire
des matériaux d'agir ad e.rhibe11dw11 pendant f[Ue les matériaux
~dhèrent encore à la maison, ou en reYenclication après la démolition. Dans le second cas au contraire, cette action de tigno
junclosera considérée comme comprenant l' indemnité et exclura
toute action ultérieure.
1 3' Le constructeur est de bonne foi el n'a pas employé un
tignum (iœtivum. L'action donnée au propriétaire des matériaux
sera une action in faclwn ou une condiclio ~ine causà.
f Le paragraphe 0 de La loi 23 dont nous venons de parler sup~ose le cas d'une c.onstrnction déjil fa ile à la quelle on ajoute des
matériaux. appartenant à autrui. Le paragraphe 7 v ise au contraire l"e cas d'une construction nouvelle faite aYec les matériaux
d'autrui. L'action en re,·ernlicalion ne sem pas possible tant que
la maison esl debout; mais elle le deviendra une fois que la 1.11aihon sera démolie, à 1nui11s C[Ue le propriétaire des maténaux
n'ait été désintéressé soit par suite de l'action i11 /aclu111, soit par
suite de l'action de ti9110 jw1clo. Et la revendication poul'fa
~'exercer, alors même que le te1nps nécessaire pour permettre
à un acheteur de bonn e foi d'usucaper, se soit écoulé, parce
que l'usucapion s'applique à lainaison dans son ensemble,mais
non à chacun des matériaux pris isolément.
,
.
Il . Examinons mainleuant la seconde h ypo thèse, et voyons
1e cas où l'accession a été faite par le matlre de la chose accessoire ; c'est par exemple le propriétaire des matériaux qui a
construit sur le sol appartenant à autrui. C'est la loi 37 qui vise
ce cas.
Il s'agit du constructeur de mauvaise foi, c'est à dire de celui
qui a construit sachan l que le fonds appartient à autrui. D'après
Julien, dont Ulpit>n nous rappoL"le <l'abord l'opinion, on devrait
lui accorder l'exception de dol, r1r il s'agit pour lui non de faire
w1 gain, mais d'éviter une perte; sans cela,ceseraitau contraire
le propriétaire qui s'enrichirait il ses dépens. Ulpien repousse
cette opinion ; il l"PfUSe J"ex.ceplÎOll, parce que le possesseur doit
s'imputer cl 'ayoi r fait <les constructions qu1nd il savait déjà que
le fonds était à autrui, et quand par suite il devait s'attendre à
ce que ces constructions fussent perdues pour lui. Toutefois le
texte ajoute qu'on doit cependant lui permettre d'enlever ses
constructions sans détérioration du terrain qu'il doit restituer.
Une discussion s'est élevée sur cette dernière phrase; les
uns prétendent qu'elle est d'Ulpien, les autres qu'elle a été
ajoutée par Tribonien Et voici sur quoi s'appuient les partisans
de cette opinion. Le constructeur de mauvaise foi n'a pas le droit
de revendiquer ses matériaux, quand le prupriétaire remis en
possession du Lenain, démolit lui-même la construction ; n'y
aurait-il pas contradiction à donner au possesseur le droit
de démolir lui-môme ? A cela on peut cependant répondre
que, comme il possède encore, il peut lui être plus facilement permis d'enlever ce qu'il a mis, en replaçant les choses
dans l'état oü il les a trouvées, que de venir après la restitution opérée, reYendiquer des choses dont l'abandon semble
consommée.
L'opinion rigoureuse d'Ulpien est également celle de Gaius.
(Loi 7, pai·ag. 12. D. De adqufrendo do111inio) et se trouve en
outre reproduite dans les Institutes de Justinien, para9. 30. D•
rer11ni divisio11e.
On la trouve aussi consacrée clans plusieurs constitutions im-
�- 38 périales. (L. 1. C.Greg,de 1·ei vindicatione. - Loi 5. C. Just,de
rei vindic. ;_Loi 2. C. G1·e9, de rei vindicatione.)
Ces textes n'accordent au p ossesseur de mauvaise foi d'exception de dol, que pour les dépenses n écessaires, mais la lui
refusent pour les dépenses utiles. Or on ne peut pas considérer
une construction, comme une dépense nécessaire.
Malgré ces textes formels, Cujas en se fondant sur un texte
rela tif à la pétition <l'hérédité, (Loi 38. D. D e heredilatis petitione) accorde au possesseur cle mauvaise foi une exception de
dol même pour les dépenses utiles.Il part de ce principe que nul
ne peut s'enrichir a ux dépens tl'autrni, même du possesseur de
mauvaise foi, et par suite, celui-ci pomra opposer l'exception
de dol pour les dépenses utiles, j nsqu'à concurrence de la
plus Yalue existant e11core au jour de la revendication. Pour lui
les textes r igoureux s'entenclcnt clu cas oi.t le propriétaire n'aurait pas de quoi rembourser, et Loute la tli tîérence entre le possesseur de bonne et celui de ma uvaise foi, est que le possesseur
de bonne fo i peut se faire rembomset· ses dépenses utiles, alors
même que la ch ose amélio rée a prri, ta ndis que le possesseur
de matm1ise foi ne le pe1tt q11e s i la chose a1t1diorée exis te
encore,
A cette argumentation un oppose que celui qui dépense
sciemment pour la chose d'at1trui, est censé f'lire une donation
au propriètaire, et pat· snile 11e peut ni répéter, ni retenir,
comme le dit Ulpien (L. 2ï. f>r"'· 25. D. Ad le[Jeni aquiliam.)
Cujas répond à cela r1uc s:ms aucun doute, celui qui dépense
sciemment pour la chose d'autrui, r1u'il ne possède pas, par
exemple, qni recueille à ses frais la \'e11dange de ma vigne,dont
il n'est pas possesseur, fait ('et te dépense on pour gérer mon
atîaire, ou dans l'intentio11 (le tue faire une donation. Si donc il
einporte cette récolte pour se l'approprier, il comm et un \'Ol el
ne peut se faire tenir com pte des frais. Au contraire, celui qui
-
S9 -
fait sciemment des frais sur la chose d'autrui qu'il possède,
n'est pas censé faire donation, parce qu'il gère l'affaire pour lui
et non pour un au tre ; il peut donc s'en faire tenir compte par
le propriétaire, quand celui-ci vient reprendre la possession.
On fait en fln obser\'er à l'appui de l'opinion de Cujas, qu'un
rescritd'Antonin Caracalla, (L. 2. C. De1·ei vindicatfone) donne
au p ossesseur m ême de mauvaise foi, le droit de revend iquer
les matéria ux après la démolilion,à moins que les constructions
n'a ient été élevées par lui sur Je sol d'autrui,dans l'intention d'en
faire une donation. Ce ne serait donc que cette intention de
donner,prouvée el non pas simplement présumée, qui exclurait
Je possesseur du droit de se faire indemniser ou de reprendre
ses matériaux.
L'opinion àe Cujas semble donc s'appuyer sur des textes, et
malgré cela elle est repoussée par la majorité des auteurs, qui
admettent sur ce point qù' il y a une di!Térence entre la pétition
d'hérédité et la revendication, et a ux motifs tirés par Cujas de
l'équité, ils répondent par ce principe : Quod quis ex culpa sua
dammun sentit, non intelli9ilit1· dammun sentire.
Cependant l'opinion de Cujas est plus équitable, et les textes
semblent prouver qu'une très grande latitude était laissée au
juge p our apprécier les raisons d'équité, soit pour, soit contre
le constructeur . ( Loi 38 de rei vindicatione.)
Supposons maintenant que les constructions ou les plantalions aient été faites par le possesseur de bonne foi ; il aura
l'exception de dol pour se faire indemniser, et le juge aura un
. t.ion pou 1• déci'der si et dans quelle
large pouvoir d'appré c1a
.
. rn
. d emms
· er le possesseur . des
mesure le propriétall'e
doit
dépenses utiles qu'il a faites pour améliorer la chose.Examinons
pour cela plusieurs hypothèses :
1• Le propriétaire a-t-il le moyen de rembourser le montant
.
· Ame ' s'il eùt été en pos1m-mo
de ces dépenses . qu'il eùt faltes
�- 40 -
session; il deYra rembourser.l\Iais ce remboursement ne devra
pas dépasser le montant de la p lus value, si elle est inférieure
aux tra\'aux, ni le montant des dépenses, s i oe mon tant est
inférieur à la plus value ; en un mot c'est l'application du
principe qne l'on ne peut pas s'enrichir aux dépens d'autrui.
2° Le propriétaire se trouve hors d'état de r embourser soit
ces dépenses, soit la plus value, sans ve nd re le fo nds qu'il tient
à conserver. Le possesseur pourra , a lors seulement, enlever les
constructions et les plan tations, pour\'u qu'il ne mette pas le
fonds dans un état pire qu'il n'ét:lil aupararnnl. C'est ce qui
arriverait par exemple, si ; à la place d'une maison encore
bonne el solide, il en avait élevé nne autre plus élégante et
plus spacieuse ; il ne <le\'l'a pas enleYer celle-ci, ne pouvant pas
rétablir celle-là.
3° Il peut se faire que le propriétaire, quoique n'étant pas
assez riche pour payer le montant de la plus value, a it le moyen
de ll1 yer le prix que le possesseur peut retirer de la vente des
matériaux , dans ce cas, s'il offre ce prix, le possesseur ne
pourra pas le refuser pour cnleYer les .natériaux. Encore moins
pourrait-on lui permettre de clétrnil'e c:e dont il ne peut tirer
aurun pal'li , par exemple les pdntul'es , les incrns lations des
appartements, car il n'en retil'crait d'autl'c prof1l que le plaisir
de nuire.
1° ~ i enfin le propriétaire est clans l'intention de vendre la
chose quand il l'aura rcc:ounée, ri en ne peut p lus le dispenser
de rembourser la dépense jusrp1'ü concurrence ùe l'aug10e11tation de prix qu'elle doit procurer. S'il refuse, le possesseur
retiendra le fonds el sera co11da11111é il payer l:i. Yaleur de ce
fonds SOUS la dériuc tion de la SOlll lll e CfUÏ devait lui êt re remboursée.
:-.:ous avons s upposé j usqu'à présent que Je possesseur se
trouvait en posses.siou de la chose ; mais plaço ns-no us· m ain-
-Htenant dans l'bypotèse inverse, et demandons-nous quelle action
sera donnée a u possesseur qui ne possède pas ?
Des discussions se sont éleYées sur ce point entre des interprètes désireux de trouver une actiou, malgré un texte formel
de Paul qui à la Loi XI Y de doli e.f'ceptione refuse toute espèce
d'action. Les uns ont voulu lui donner la condictio inJebiti
ma is la loi X.Y.III de co11diclione i11debih s'y refuse fo rmel-'
lement. D'autres ont recherclié dans les principes généraux et
ont cru pou,·oir acconler l'action négotiorum gestorum. Mais ici
il ne peut pas y avoir lieu ü gestion d'atîaire, car celui qui a
construit de bonne foi a voulu faire sa chose propre et non pas
la chose d'autrui.
niais voici en quoi les principes généraux pourraient nous
aider. D'abord quand il s'agit dïmmeulJles dont on a été dépossédé, on pourra avoir les interdits tdi possidetis, ou s'il s'agit
de meubles, lïntefflit 1d1·1tbi ; on aura dune une ,·oie d'action
sous forme d'inierdit, et ensuite, lorsqu'on sera rentré en
possession, si la reYendic;ation sïnlente, on opposera l'exception
de dol .
Mais ne pourrait-on pas trouYer autre chose qu'un interdit?
Supposons q11e c·elui qui a c:onstrnil, ail acquis la cbo e par
juste titre et de bonne foi (si c'e t un tiers qui la lui a Yendue). il
est alors i11 causti 11s11rapie11d1'. Dan ce cas 'il est dépossédé il
aura l'action publicienne donnée ü celui qui a été dépossédé
d'une chose qu'il él·tit en Yoie d'usuoaper . . _ i cette action publicienne est intentée contre le nai propriétaire, il oppo era
l 'e~ception j11sti rlo111i11ii, et le po esseur répondra par la
repliquc de dol.On Yoit donc que l<'s principe généraux pelwent
fournir,à l'aide des interdits ou de l'action publicienne,un moyen
d'aniver il se faire indemniser.
Supposons le cas oü ce lui qui habite une maison dont il n'e t
pas propriétaire, y a ajouté des portes et des fenêtres. Tant que
�-
4! -
-U-
ces objets font partie de l'édifice, il ne pourra pas les revendiquer ; mais dès qu'ils en seront détachés, il le pourra, alor~
mème qu'il se fut écoulé plus d'un an ; l'us ucapion en eliet n'est
pas à craindre, car ce n'est pas à ces objets individuellement
qu'elle s 'esl appliquée, mais à l'édiflce en tant qu'édifice. (Loi
59 de rei v1'ndicafio11e.)
Ulpien en dit autant de l'us ufrui tier qui a urait fait quelques;
constructions à l'immeuble d'a utrui.(L . 15. D. D e usu(1·uctu ).
Mais il en est dilTéremment pour Je locataire. Celui-ci aura
deux moyens à son serYice. Il n 'aura pas besoin d'attendre que
les objets qu'il a pu aj outer à l'immeuble habité,aient été enlevés
par le propriélaire,pour pouvoir les revendiquer : il peut intenter
l'action ex conducto, à condi tion de remettre les lieux dans leur
état primitif. (L . 19 par . ..J. D. L ocati conclucti.) - En outre,
s 'il le préfère, il pourra obtenir par cette m ême action ex con. conduclo, le remboursement de ses dépens es, en tant, bien
entendu, qu'elles aient été nécessa ires ou qu'elles ont augmenté
la valeur de la maison. (L . 55 p a1'. 1. D. L ocati conducti).
Telle est donc la différence entre l'habita1or et l'us ufruitier
d'une part, le locataire d'a utre part ; les premiers sont obligés
d'attendre que les objets soient détachés de l'édifice auquel ils
les ont unis,pour pouvoir les revendiquer ; le second au contraire
a une action soit pour obtenir que le locateur souffre l'enlèvement de ces obj ets, soit pour obtenir quï l lui rembourse ses
dépenses. Cette difîéreuce provient de la différence du droit de
ces diverses catégories de personnes. Les p remiers ont en elîet
un droit réel sur la chose, mais il n'y a a ucun lien personnel
entre eux et le propriétaire ; il en est différ emment du locataire
qu' un lien personnel unit au propriétaire.
..
IV
Effets de la Revendication
Ils com prennent les choses qui entrent en restitution et l'exécution de la condamnation ; aussi pour plus de clarté diviserons-nous ce titre en tro is par ties : A, de la restitution de la
chose ; - B, de ce qui entre en restitution, outre la chose ellemême ; - C, de l'exécution de la condamnation, si le défendeur
ne se conforme pas au j ugement.
A. -
De la restiilltion d e la chose
L'élude de la restitution de la chose comportera dans ce
chapitre l'ex.amen de quatre questions:
1• Que se passe-t-il si le défendeur a cessé de posséder au
jour de la restitution. - 2• Le défendeur est-il passible d'une
condamnation quand la cho~e a péri dans le cours de l'instance, sans dol ni faute de sa part. - 3• En quel lieu doit se
faire la restitution. - -t• Des cautions qui accompagnent la
restitution de la chose.
1• Que se passera-t-il si le dé fendeur a cessé de posséder au
jour de la r estitution ?
Ponr <iue le défendeur soit co!lllamné il faut que le demandeur établisse <1n'il est propriétaire de la chose revendiquée;
sinon il y ama absolH Lion du défendeur .
Nous avons vu précédemm ent qu'il fa ut que la propriété du
�-H-
-
demandeur a it exis té à deux époques d is tinc tes : au m oment de
la li!is coofesfatio et en outre au moment du jugem ent. Mais
nous ayons fai t re1nanp1cr égale1ncnl Cflte, comme le demandeur ne doit pas souffrir des délais de l'inst::ince, l'usucapion
accomplie i11ter 11101·as titis, n'c1npêchera pas Je demandeul' de
gagner son procès; car le juge doi t l ni accor der tout ce qu'il
amait obtenu si j ustice avait p u lui êtr e re n due au moment
mème de la litis conteslatio.
La restitution dcna toujours comprendre la restitution
matérielle.et dans Ir cas d'usucapion 1ccom plie ù1termoras titis,
elle impliq ue en outre un transport de propriété.
:\fous sayons égalemen t qn'il faut que le défendeur possède
au jour du j ugement. !\ lais s i après avoir accepté l' instance, le
possesseur vient à cesser <le posséder par son propr e fait, s'il
a Yendu la chose p~1· exemp le, il sera condamné d'abor d à la
r estitution de la chose, et s'i l y avait im possibilité po ur lui à
opérer cette restitution il sera it condamné à la valeur de
l'obj et estimé sur l'afflrmation d u demandeur en cas de dol, el
du juge en cas de fa ute.
Cependan t la loi 15 prr.1>. 1 apporte un tempéra m ent à cette
règle. Si c'est par nécessilé q ue le possesseur a dù vendre la
chose, par exemple des fruits crui l"isq11ent cle se gàler , ou si
c'e.st pour obéir à J'ortlre de l'autorité, il ne dewa restituer que le p r ix re(· u et il n'a pas à craindre l'estim a tion du
demandeur ou du j uge. Ma is même tians ce cas la nécessité
d'aliéner un e fois r econnue, il y a ura néanmoins lie u d'examiner
si le p ossesseur ne po uvait pas en t ire r un meilleur p arti, et s'il
n'a pas sacr ifié la chose trop facilement.
:\Iais en dehors de ce cas, celui q ui a a liéné la d 1ose contestée
après la litis con testalio, est cons idéré comme p ossédan t encore
alors rnê111e que la chose a urai l p é ri pl us ta rd , si c'est par la dol
ou la fau te de celui entr e les IJ!ains de q ui il
m ise.( Loi 17 de
ra
45 -
rei vindicatione) . Ainsi Ir défendeur est responsable du dol ou
de la faule de l'acquér eur, crui a a 111ené la perte de cette chose,
pane que c'est lui qui l'a 1nis dans le cas de détruire la chose,
objet d u litige.
Si c'était asant la litis co1ilestrr.tio que le possesseur eut Yendu
de bonne foi, le p r opriétaire n'aurait pas l'aclion en revendication ; bien plus, si l'acheteur avait rléjü usucapé, il n'y aurait
plus de revend ication possible. Seulement llans ce cas, le prop l'iéla ire aura contre le précedent possesseur une action négotio1·u"1 9estoru111 utilis, car celui-ci serait censé avoir fait l'aliaire
du proprié taire en retirant un prix de la chose. Il en serait
également, mê m e avant l'usucapion, si le propriétaire ratifiait
la vente et par là s'appropriait l'a!Taire.
~ l ais, si toujours dans l'hypothèse d'une vente avant la litis
confestatio, le posses:::.eur aYail été a lors de mauvaise foi, il
serait inssible de la revend ication ou de l'action ad exhibe11d11m;
car is qui dolo des/Ïf possidere, possidere viclefur,
Ce n'est pas celui seulement qui a cessé de posséder par son
fait qu i doive être condamné comme s'il possédait encore ;
m ais c'<'sl également celui qui a cessé de posséder par une fraude
quelconque (Loi 22). Te l esl le cas du possesseur ,qui, aYec une
intention frauduleuse, a laissé fuir l'esclaYe qu'il possédait ; il
ser a néanmoins condamné. Il 11'e l donc pas nécessaire qu'il Y
a it un ftit, une abstention sufl1t, que la frauùe proYienne d'un
fait positif ou d'un fait négatif, le défendeur de\Ta toujours ètre
condamné.
Bien plus, l'indiYidu actionné e11 rcYendication est res:on!'nble
non seulement cl'un fait, uon senle111snt d'un dol, mais mème
.
. .
encor e Je sa sunple
neghgence
, (I m· 36 , Jici''· J) · Ainsi. ïl..ne
garde pas l'escla' e revendiqué, el qu'il vienne ü s'enf~i1: ; sil a
mis en mer le navire revendiq ué, et qu'il vienne à !all'e na~,
• 1u~ f:.u't de la li lis contestatio
frage,il ser a condam né . En e!Iet,par
�-
-47 -
46 -
il a contracté l'obligation de conser\'er soigneusement la chose ,
il ne doit plus l'exposer ou la nélige r, comme il pouvait le
faire avant l'instance engagée, et s'il vient à exposer la chose à
un risque quelconque, il col'nmet une fanle.
Mais il n'y aura pas faute de sa part, si un navire a été envoyé
en mer par des temps propices ; à moins qu'il n 'ait été confié à
des personnes inhabiles.
De même il n'y aurait pas faute dans le cas de fuite d'un
esclave, si la conduite anlérieure de l'esclave ne pouvait rien
faire soupçonner contre lui (si i11te9rœ opim'onis videbatw').
Dans ce cas le juge ne pourra le condamner à faire une restitution qui est devenue impossible, sans qu'il y ait rien à lui
imputer. !\lais il devra lui ordonner de restituer tout ce qu'il a
pu retirer de l'esclave pendant qu'i l le possédait, par exem ple
les fruits, et de mettre à la dispos ition du demandeur tous les
moyens qu'il peut aYoir de reeouner l'esclave fug itif.
Si le défendeur est devenu propriétaire de l'esclave par l'usucapion accomplie durant l'instance, il devra céder au demandeur
ses actions, qui sont: la revendication et l'action ad c:rln'bendul1l i
à moins qu'il ne préfère donnercaulion de poursuivre lui-mème
l'esclave, soit en envoyant à sa recherche, soit en exerçant les
dites actions contre ceux qui le retiendraient, e t de le restituer
ensuite au demandeur ou de lui en payer la Yaleur.Cette cautiou
s'appelle : De persequendo servo resti tuendove pretio
S'il n'est pas encore devenu propri11 ta ire par usur,apion, il sera
absout, sans ètre assujetti à aucune cession ou caution. Il n'a en
e~et aucune action à céder,puisquïl n'est pas devenu proprié·
taire, et quant à l'ac t'ion pu b licienne
· ·
qu'il a en sa qualité de
possesseur de bonne foi, elle est inutile au demandeur puisqu'il
a l'action directe · Néanmoins
· 1e d Mendeur devra toujours
.'
pro-
mettre de restituer l'esclave a u demandeur au cas où il reviendrait à le recou vrer. 11 est à noter
'. de l'esclave n 'em
que la fuite
pêche pas le défendeur d 'aC'hever l'usucapion commencée ; car
ilpossèdeencore,tantque personne n'a pris possession de l'esclave
fugitif ou que l'esclave ne s'est pas mis lui-même en possession
de sa liberté, en se comportant ouvertement comme un
homme libre.
Mais le défendeu r sera censé avoir cessé de posséder sa:1s sa
faute, quand, après avoir accepté le j ugement, il a été évincé par
un tiers malveillant.
Il peut se faire que le possesseur de l'esclave soit passible en
même temps de d eux actions à l'occasion du même esclave.
C'est ce que suppose la loi 58. Paul , possesseur d'un esclave,
est actionné tout à la fois, et par Primus qui revendique l'esclave
comme sien, et par Secundus, qui intente l'action furti noxalis
à cause d'un vol commis à son détriment par cet esclaYe. Que
doit-il faire pour n'être pas exposé à une double perte !
Deux hypothèses sont à prévoir : 1• Si le juge de l'action
réelle prononce le premier el donne gain de cause au revendiquant, il ne devra ordonner au posssesseur de restituer l'esclave
qu'autant que Primus le revendiquant lui donnera caution de
l'indemniser de tout ce qu'il aurait à fournir par suite du jugement qu i pourrait être ensuite rendu en faveur de Secundus sm·
l'action noxale. 2° i c'est le juge de l'actton noxale qui prononce le premier, et que l'esclave ait éte abandonné à ecundus
en réparation du tort qui a pu lui être causé : et si ensuite le
juge de l'action réelle déclare que l'esclave appartie11t à Primus,
il suffira au défendeur pour être absous, de prouver qu'il a
abandonné l'esclave à ecundus sur l'orùre du premier juge,
parce qu'il n'y a ni dol, ni faute tle sa part. Primus de\Ta alors
intenter une nouvelle action en reve11dication contre ecundus ;
mais seulement celui-ci, en lui opposant l'exception de dol,
obtiendra ou l'indemnité du tort qu'il a éprouvé par suite du
délit de l'esclave ou son absolution. Il y aurait en effet mauvaise
'
�-
48 -
foi de la part du maitre, il Youloir r ecouvrer son esclave sans
se soum ettre aux conséquences qu'entraine un délit, qui
aurait attiré contre lui -même l'action noxale s'il eut été en
possession.
La conséquence de ce que nous venons d 'exposer , c'est que le
défendeur doit ètre absous lorsqu'i l a cessé ùe posséder sans
sa faute. A plus forte raison en lloit- il être ùe même lorsqu'il a
été évincé par ordre dujuge, mais s'il a r eçu quelque chose en
compensation, il devra le resti tuer aù propriétaire. C'est ce que
nous indique la loi 15 par.::!, en supposant le cas oü le champ
que possédait le défendeur lui a été enleYé par ordre de l'empereur pour gratifier des Yélérans. et qu'en compensation une
modique somme lui ait été remise. Ici il pom·ait y avoi r doute,
parce que la somme remise au possesseur, l'avait été par cons idération pour sa personne, pour l'honorer, honoris gralia, el
qu'on pouYait ainsi la regarder co1 11me un témoignage personnel de la bienYeillance imp ériale, qu'il p ouvait conser ver en
propre. ~fais on ne s'arrête nas ü cette ohjection, et comme il a
reçu cette somme à l'occasion du fonds, il ne doit pas rester
plus riche par suite de la possession cl'une chose qui est jugée
appartenir à autrui.
Celui qui est incapable de commettre une faute, ne p eut pas
ètre considéré comme ayant cessé de posséder pae s uite de sa
faute; tel est le cas rie l'in fans ou du foriosus (loi 60 de Rei
V indicatione). ~lais il ne faut pas étendre cette règle a u pupille,
car celui-ci serait responsal.Jle ùu dol on de la faute de son
tuteur, qui aurait entrainé la perle de la chose; seulement il s e
ferait remLourser par son luleul'.
Ainsi donc en r ègle générale, on ne p eut pas condamner le
possesseur de bonne foi, quand il a cessé <le posséd er sans sa
faute ; mais nous allons voir des exceptions à cette règle. (Loi
15, par, 3,)
-
49 -
2° Que rléc i<ler lorsrrue la r hose a pai dans le cours de l'instance sans dol ni fa nlc de la part du défendeur ?
L'idéa l de la justice hll maine serait que le demandeur pût
obLertir ce qni lui ;1ppartiP1 1t, à l'illshnt même où il porte sa
récla1 1Ja tion deYant li> juge. i\Ia lheureusernent comme la preuve
ne peut se fo ire im 111 éd iatc111elll el que des délais sont fatalement néces~aires pour pern1ellre au juge d'éclairer sa
conscien<"e. il faut dn n10ins.,q1 1'au 11101uent où la sentence peut
être rendue, le t1e111a11dl'nr, :;'il obtient gain de cause, se trouve
autant qne possible, rlan~ b 1n1•me position que si justice
aYait pu lui être re11d11r ;'t lïnst·rnt lllètue de la litis contestalio.
Doit-un déci1ler par :ipplicalion de ces principes, que si la
chose revendiquée a JH;1·i dans le roursde l'instance, sans dol ni
faute de la. part du ùéfendeur, le clem:incleur pourra en réclamer
la ,·aleur sous le prétexte 1111e si la chose lni eût été remise an
mom ent tle la litis ronlest:iliu. il a11r:iit pu la Yendre et en conserver le prix.
Il se111ùlerai t ü priol'i que la ùtscision am rmalirn devrait être
ad mise, ll'après le pritwipe posé par l11pien dans la loi 15.
;:.,rais pour conci lier l'intén\t ilu demandeur :JYec le Jroit qu'aYait
le defencleur cle lutter <le\·ant 1::1 prétention de son adYersail'e,
s'il a\'ait juste sujet dt' se l'l'oire propriét:iire, on :i établi la distinC'lion sui\'ante : L~ possesseur était-il ile bonne foi e t
an.it-il j nste sujet de pcrsë,·frer dans sa résistance'? on ne le
force pas ù ab:indonner s:rns t!Cfense. ce qu ïl peut ayec
quelque nisou. rewmler coinm e S'l chose et on ne le rend pas
respons1ble de<; cas fortuits qui pourraient détruire ou
détériorer l:i rhose. Flail-il :rn cont raire de mauvaise foi,
ou Lien a-1-il chi reconn:lilre, au simple exposé de la
demande qu'il se fa isait illusion s m son droit 'i il sera alors
d1'•claré responsable de la perte on de la détérioration de la
ch ose al'l'ivée m étne par cas fortuit. Telle est la doctrine
•
..
�-
50 -
qui a prévalu aprè quelques divergences d'~pinions enl1·e les
· ·
\t
· isi que le rapporte Paul. (Loi .J.O. D . De hereJunscon u es, a11
'
diiatis petitione.)
Ulpien dans \a loi 15 en disant qu 'un grand nombre ou le
plus grand nombre des aulenrs pensent q.ue le cl~fon~e.ur ne
doit pas payer le prix de\ 'esdaYe ou de l ':tnunal c1u1 a 1'.en sans
Sllll dol OU S:.l faute, fait a ll nsiOll il 1'opiniull des partisans de
Cassius. En disaul eusuile qu'il faut plulùt Lléci1ler, que le défendeur doit ce prix s i le demandeur avait été dans l'intention de
vendl'e l'esclaYe ou rauimal , il n'adhère pas pour cela à l'opinion de Proculus. Il s uppose en effet que le défemleur était en
demeure à l 'é«arù du dei nancl cur (11101·0111 1 asso d ebe1·&p1·oeslnl'i)
et par suite q~ïl résislail sans jus le cause ; celui en effet qui a
de j ustes motifs de rés is tance et qui Yeut les soumettre de
bonne foi au juge, n'est pas en demeure ( 1no1·a m 11011 (acit),
car la litis contestalio ne constit ne pas ü elle seule en Lle1 1\eure.
C'est du reste ce que nous dit .Julieu. L. 03 .D, De R egulis Jui·is:
1
<i Qui sine doloinalo ad judicium provocal, no1i videtur 11iora11
(ace1·e. >l
Celui qui esl en de1neme esl responsable des suites de son
retard. i donc les choses périssent pt>nuant que le défendeur
•
1
•
est en demeure, il esl en iaute et par sutle responsal.lle, a 111oms
qu'il ne yienne ü prouYe r que la chose aurait p éri égalemen~
entre les m:i.i11s du dl$mandeur. Ainsi resclwe reYentliqué a péri
par suite de l'incemlie de la maison du défendeur ; celui-c'.
sera responsable; mais il en serait différe1111nent s'il aYait péri
de maladie.
Ainsi donc pour nous ré::mmer sur celle question importante :
si la chose a péri aprt-s la lili1J co1ilesfCftio, il faut faire une pre_
mière distinction. A-t-elle péri JJar sui le du dol ou de la fau te
du défendeur ? celui-ci esl toujours responsable el devra
payer la valeur de la chose. A-t-elle péri sans dol ni faute de
-
51 -
sa part? sous clistinc:tiou pour saYoir si le défendeu r était
ou non en demeure (en se t"lJl}lelant que h litis conteslatio à
elle seule ne constitue pns en demeure). S'il n ·est pas en de111 eure, il n'est pas rcspons1blc, et tel est le cas du possesseur
de bonne fo i qui muait juste raison de croire que la chose lui
appartient, et a pu résister a la de111a11de sans cesser d'être de
bonne foi . ~'il est eu demeure, il e:;l responsable, et si l'évènement qui a fait périr h chose n'eùt pas amené sa perte
chez le <lemnndeur, nu rùt été prt',·enu p'lr la Yente que
le demandeur en eù l hit, il clew t des du1umages intérêts.
3° E"\.a11linons 1n·1i11tcn·1nt une autre question souleYée à
propos de l:'l reslitutiu11 de la cho"e. et demandons-nous où
faut-il que la cltosa -;oit l'estituée ·!(Loi X.)
Tout d'abord, il !':tut décider. c11ùq1paremrnent, du temps des
jurisc1msultes cla:;.:;iques, il n·est pins néce"saire comme au
lemp des actions ile la loi •rue l'ol.Jjet 1·evendii[ué soit présent
en tout ou en partie. ['.Jais cette rn1narquc: faite, où faut-i l que
la restitution ait lieu ?
La compétence du rn ·1gistr:tt ét:i.it déterminée, soit pour
les a ction'> réelles. ~uit P•Hll' les adion-:; personnelles, par Je
domicile du tlé 'end~ur, ain..;i que ceh résnlte ù'un rescrit de
Dioclétien et Constance, 11ui exclut lurmellement le /'orum de la
situation.
Celle rè,.;le ile p mcédurc f11I 111oclitlée p:i.r un rescrit de ' 'alenlinien, Théudus 1• e! .\rr tdi ts r L. 3. C'. [JI.Ji in 1·e111 acfio e:rerceri
delieat) qui cunserw h co111pétence du tril.iunal du domicile
ét:-iLlie p'lr Diol'létien, 0t ajoute 11c1r une ùisposition nouvelle,
punr les '\Cliuns réelles, le lriLnnal de la situation (/orum
1·ei sifœ).
Quant ;ni lieu de l'l resti tution, pour les immeuLle c'est le
lieu tle la s il11ation. Pour les mcuLles on doit d'abord examiner
s'ils se trouYenl au lieu oü l'on plai<le; car dans ce cas, la
�-
54 -
Enfin la loi 5i préYoit 11n troisième hypothèse. Ell e suppose
que Titius, riossesseur d'un fonds a den· procès en revendication à soutenir, l'un coutre Pl'i111us l'l 1':1ult"' cont re Secnnclus.
Il peut se faire <ttte d1arw1 des deux juges, 11rnnonç'.lnt séparément, donne 1· tison it cel11 i <les lle11t·rndeurs dont il est
chargé d'examiner la préte11liun. Pour ne pas exposel' le défendeur qui succombe ainsi cieu x l'ois, il subir <leux fo is b perle
qu'entraine la défaite, le jug' <{Il i S1'ra le pren1ier en mesure de
p rononcer, 11'orclonnen il Titi11'> •IL' reslit11P. 1' le fnnd -; q11'·rnhnt
que Primus lui do1111r>ra 1"11 tliun d~ prend rc s 1 phce pm11: l 1
restitution et cle lï11de11111iser dt> Lout~ perte, au cas oü
ecundus ,;end rait ü son l1111r ü l:lrtJ rt>c•)11nt1 propriéh ire.
:\lais qu'arriYe1·ail-il si le di'·f,•11de11r :wait 0111is tl'exigN
cette caution, ou le juge d l'onlt1111Pr? Le défendeur sera
absout par le st>cond jngr puis 1uïl ·1 r esiitué en Ye1·tu de ! 'ordre
du prernier juge, s·ms qu'il y ·1il e•t ni .Jol, ni f.111te de S '.\ part.
Mais r expé!lient <le la l' t1tlio11 esl d1• be 1lll.;011p prJJ'ét:tble ; C'll'
anlrement, le seco11.,1 clc1n:i11deut :111n it une 11011vellc reYenctidication à illlenlel' contre Je 1 n:nlicr ilemandenr qui ·1 él ~· mis
en possession de la chnsc ; c'L' 1p1 i 111''L"'~siterait 1111 tl'oisiè111e
prucès. A.11 contraire par l:\ c· 111ti 11 n: tr.iisièuH' Jll'lJ<'ès est é,·ité ;
C'lr le premier ckn . rnde•tr PSL tc1111 d(• Ye1•ir tlé1'i~wlre le pusses
seur ùu fond. c:\~::>t-[1-dirc de \'e11i1· pn·nrlre sa phce li.ms le
procès qu'il soufü:nt <'Oiiln• Ji; SCl'nnd der111 11 leur. Pli' suill',
ce second dem:.rnrlc11r S•' tmu\'e i111111 écl iall'lllClll en présence de son 1<ln·r.:nirc détmitit', ·1,·cc la l'ertitwle d'ol1tenir,
s'il prum·e qu'il a 111eilll·111· druit qne le premier \ ..tinqucu r,
la re!:>tilutio11 <lu fonds qui est e11 s·1 pu~sessio11.
B. - Eturlions n1ainte11:llll le l':lS rl:ms lesquels le défe nrleur
devra fournir cautiou ·111 dc111 111d1•11r. (Loi l:-i.)
Le possesse ur cl'u11 (.'!;(' h \'(' le restitue jJO${ ('OJIL"{:ll f io11e111,
c'est-à-dire après nne sommation en général, soit judiciaire,
soit extra jucl.iciaire ; cette sorn n11tion sera, soit l'i11jt1.s Poratio
soit la titis co11tesfrrtio, soit le ju.<;.~11s j11dici.'I. Puur que le ciennndeur soit cornplèternent rlésintél'essé par cette restitution,
et que le dêfcndeur .;;oit il l'abri <le toule condamnation, il faut
que la restitution co111pre11ne tout ce <rue le juge aurait à prendre
en considération pour fixer le 111011tant de la condamnation. Par
conséquent le po~nessrur devra, en restituant l'esclave, donner
caution d'indemniser le ùc111·mcl0ur <le tout le tort qu'il peut lui
avoir causé par les actes <lo11t il cloi t répondre.
Cette responsabilité Yatie sui\'ant que le possesseur est de
bonne ou de m'luvaise foi.Est-il <le mauvaise foi'? il doit rëpondre
non seulement de son dol, mais encore de sa faute, commise
soit avant, soit depuis la litis contestation. Est-il au contraire
de bonne foi ? il ne répond, pour le temps antérieur à la litis
contestatio, que de son dol et non de sa faute ; mais depuis le
jour de la litis contestalio, il doit se considérer éYentuellement
comme administrateur de la chose d'autrui, et répond par suite
de sa faute.
~lais il reste à examiner une question asssez difficile à
résouctre et qni consiste à se demancler,comment un possesseur
de bonne foi pourrait èlre coupable de dol pour une chose qu'il
croit à lui.
Trois explications ont élé présentées. D'après Pothier, Glück
et Accurse,cela doit s'entendre du dol qu'il aurait commis depuis
la connaissance acquise que la chose ne lui appartenait pas, et
antérieurement à la titis coJ!fe ·tatto . :\ lais on peut répondre
que dès que le défendeur ::;ail que la cbose appartient à autrui,
il cesse cl'ètre possesseur ùe bonne foi.
Monsieur de Sa\ ig11y présente l'cx.plicalion suiYante. (( Il peut
paraitre coutrad idoire, dit-il, que le po sesseur de bonne foi
puisse ètre capable de dol. ~lais lu chose doit se couceYoir ain::.;i.
�-
56 -
Quand , avant la lilis eontesta lion, il a affranchi ou hypothéqué
l'esclaYe, c'était alors à la vérité une action honorable. 1\Iais s'il
garde le s ilence sur cet acte mainlena11l, lors rie h reslitutiou,il
se rend ainsi coupable d'un rlol , c'est pourqnoi il do it fo urnir
caution qu'i l ne s'est l'ien prtssé de se mblable. , - l\lais cet te
explication parait inrttlmissible, car elle vi~e m1 C.'.\s r1ont le texte
ne fait pas m ention. ~I. de s~wi gnr a lransportt1 ici,parinad\'ertance un exemple ernpn111lé il la I .. 18. h. t. , oil il est clil que le
possesseur de bonne foi qui a aclte\'L' l'us ur·;1 pion pendan t l'inst:rnce doit, en transfér1n t l 1 propriété <n clemnrnle111· vidorienx
lui donner cautiuu de dola, parct' qu~. depuis qu'il est devenu
propriétaire, il a Jlll conférer une lil1cl"té ott i111poser nne hypotèque qui subsiste uu détri111e11l d-.1 dP111awleur. ~lais il n'y a
ritm de semblaLlc il redn11lf'r. <:;1r, si 1, pos-;e-.;seur qni a an·ran"bi ou hypothéqu(· a\• t11l h lit ·s coi lestrrtio, .'.\\'ait tléjü alors
achevé l'usucapion, il 1w 1><1111Tail plus èlre contr:1i11t de restituer, et la revendic1ti .. 11 lrHnherai l. ~i. :iu 1·ontr:1ire>, le possesseur n'avait point encore arrntn[lli J'11s1H"lpio11, !'•tfTranchissement et l'hyp0Lhèrp1e, élï11t cn11l'l"rC·s par un possesseur non
encore propriétaire, ne scnieul p·1s \'a lîl.J les, el ne po111T1iPnt
pa nuil'e nu propriéhirc ù r1u i l'e..;ehYc esl rt>--lil111" ; il n'aurait
donc pas fi se p1·1;111u11ir par la 1"111li1J11 d1• dulo f'ontre nn
Ùîllfjel' altffllel ÎI 11°1:'>.i[ JI l<.; l'\''O'-'é.
.\lais \'Oici nne ·11 1t1·i-> P:-.:pli1"1li"'' 1111i 1nra1l l 1 m eill•'llrc. Lt'S
actes de rné1;hancct1'.', ott clï111111•>r:tlilé qui expusera ie11t Je propriét~ire lui-1n è111c •;oit il u11e pnnili1J11, soit ~l n1te réprolnl ion
de l'opinion puLli rJ11e ,ut> pcm·c11l ils pac:; ètre rnns id1'·rés comme
un rlol et cl onner lit>11 it inrlc11lllil1\ dès ry11ï l se trouYc que lt
chose est à a utn1 i '? Ain~i . 1hns Il' i.:as pré\ 11 p:'lr uolre texte, le
possesseur <lP Lurinr foi a h it périr l'esl'l 1vc j'ar· le poison ou
1nr le fer, l'a est1·01Jir" par· dr n1a11v·1is lr:i itemenls, n afîail.Jl i sa
constitubion en le privanL de nou rr il 11re, ou l'a corrompu en
- 57 -
1
l
l'accoutumant nu vol ou il d';rntres délits. Si l'escl:l\'e était à lui,
comme il le crop.it alors, le posse.;;seur enconrrait une punition
de l'auto rite llllbli11t1e ou cln 111uins ranimnrh'ersion des h01,nètes
gens. Il est jugL' que l'eschY1: est ü autmi ; dès lors ces f 1its
constituent Ull dul donn'llli lien il dl'S 1lmn111ages-inlérèts.
Enfin un del'llicr f''lS oü le défe111leur rlena fourn ir caution
est visé d:-ins b loi 18. Il s'agit d"nn possesseur qui, inter mo;·as
lilis, a u:;ucapé b chose rcYenrlirp1ée, rn1 csrhYe p1r exemple.
Par npplicaLio11 de h règle Cjlle le dèill '\!Hlenr <luit ouleuir tout
cc qui lui eùt été reslilné si j11stice lui aY:1it été renJue au moment cle h titi.~ ro111e1:drr1io, le juge <lédarera que la propriélé
appnrten1it au detll'mrlem lors de la liti.~ contP.<;fatio et ordonnera au défendeur q11i 1"1 al'q:1isr dcpni~, ile ln retransférer au
de111:1ndenr p:ir h 111·111C'i1 alin11. la 1·ession jurirlirrue ou la tradition sni\'atll les c"1s. '\olrl? tex.te ne p ·1rle tfue de t1·adere ;
1nais il a dù l">l1·p modifk p1r les co111pilateurs. et le tex.te
ori!{inal deYait co11tenir 11ff11c1/1n1·r· et 11·ar1e1·e,ou in jure reder·e
et tmrle,·e, puislfl\ÏI f 111t qm' le tlL~l'enrle\ll' transfère au 1\emandcnr 1:1 propl'it:•lt" et la pussessinn, el que la tradition seule
r\'un esclavt', 1·es ,,1f/11cipi, 11·a11ra it lr.m-.;féré que la possession.
\his celle lranslalin11 rie propri1\i{" eth poss ssion ne sufüsent
pas pour repl'H'er le <h!111:rn1 leu r c:<.: 1dernent d:ms la même
situ 1lio11 r1nïl :lit rail eue, :,;'il e11t 11lilcn11 h re:>titution au moment
de ln Jitis Clmleshtio11. Fn effd le d~fen!lenr ttant tlen•nn propriét·1i1·e rJc 1'1•sl'l lYC, a pu J"atrr tllCltir, l'a\i~ner. l'hypothéquer
etc. Or ces r!Ja11gcmeuls suhsi~teront. snns rrue le llem:uuleur
pnis.,;e s'en ·1p •n t'\'oir an 1nn111 t•11l oi1 le d~frndeur lui lrnnsfl!re
celt chose; cl'lui-ci de\'n llüllG l11i 'ournir (aulion tfr cfo 1ri, 1nr
la<1 1elle il s'e11 0 ·1'..{ •1"t i1 i11dl'1n11isl r le dc111111deur de tontes les
pertes qu 'il lui causerait par son 1\ol, nu 1nl'me simplement p:1r
sa faute.
�-
B .-
56 -
De ce qui c11trc en rc:;td11t1on 011frc ln chou.
En dehors de la chose ellc-111ê111e.sur laquelle porte h reven.d ication, il existe d 'aulrcs objets ùunt 1.::i restitution do it être
imposée, soit a u possesseur lui mè lll e, soil au tlerrnndeu r.
No us diviserons ùoncce d11µilr e en tleu' parties: la première
compren:mt les reslitu lions imposées au défendeur, la seconde
celles imposées au demandeur.
I. - Restitutions i111posées au tl éfenùeur.
Elles ont un douhlc olJjcl: 1" Les i11,lernn itées •lues µ· 1r suite
des détériora lions qui onl pu a rri ve r à la chose . - ~" Les fruits
produits par l'olJj et revendiqu é.
1° Indemnités résultant des détériorations c:rnsées à b chose
reYendiquée.
La restitution que doit faire le défendeur su r l'ordre du juge
serait incomplète,sïl se co11ten lail ùe restituer l'obje t reYendiqué, l'esclave par exemple, dans l'étal où il si> trou,·e actuellement, sans tenir compte des clélério ralions qu ïl a pu éprouver
s'il a été blessé par exemple ou estropié par son do l ou sa
faute. Aussi le juge exigern-t-il en outre, une indemnité pom la
détériora tion é prouvée par l'esclave. EL il n'y a pas à cet égard
de difTérence à étalJlir entre le possessem ùe bonne fo i el le
possesseur de rnauYa ise fui depuis la /i1is co11tcstatio. :'If iis
antérieurement à celle éporr11e, le possesseur ùe bonne foi qui
croyait la chose à l11i, 11e sera pas en généra l responsable.
. Le prnpriétaire aurait er1core dans ce cas, pour se faire
mdem niser , racl'1011 tl e l 01. .rj q111., ia
.
; seule 111enl, cornme il ne
peut pas êlre inde1nnisé ùeux fo is, le j uge cl e la reYenùication
ne tiend ra compte ù u tJ0111lllagc
.
qu•autant lp1e le de111 a1Hleur
renoncera à l'action ùe la loi Aquilia .
n_ peut se faire que le de1na1i tleur préfère cette dernil·rr
~cltou , parce que le 111onlanl de J'i11deJ111Ji lé se t:alculc e11 égard
a la plus haute valeur que l'esclave avait dans les lrenLe j ours
-
59 -
qui on t précédé sa blessure, et ensuite parce que le montant de
l'indemnité est doublé advcrsus in ficientein, c'est- à-dire si le
délinCJuant nie qu'il su it cou pable. li.Jais clans ce cas le juge de
la re\'endic1 lion ~l.Jso udra le défendeur sur le ch ef de la détériorntion ; car aulremenL le ùeman<l ·ur arriverait à obtenir le
triple en cas tle dénégation, et uon de double, si aprés avo ir
obtenu son inde 111nilé par la revendication, il avait encore la
chance d'avoir ùe <loulJle par l'action rle h loi Aquilia.
Du reste le propriétaire qui a reçu des rlommages-intérèts
d1ns la r e,·endicalion, s1ns renoncer à r action rle la 10i Aquilia,
ponrnit encore, en exerçant celle-ci, obte11ir l'excédant qui
résulte, en certaills c1s, du calcul rétroactif prescrit par cette
dernière loi. Cet e:.:céclant, <1ui représente la différence entre la
Yalem effecth·e et une Yaleur s upposée de l'objet détérioré ou
détruit, conslilue une sorte <l'amende ou de peine qui p~ut se
cumuler aYec l'indemuité proprement dite obtenue par une
antre voie.
Si en frapµ'ltlL l'esclave on a eu l' intention d'insulter son
mai tre. deux adions naissen t de cc dél it, l'actio inju1·iar11111
po11r l'injure cowm ise e1we rs le 111aitrc, el l'actio lé9is aquiliœ
pour le dommage causé La pre1nière de ces deux actio ns est
pmement pén.1le. r wc ,Jf!1w1lr11l1Jrirt; t rntlis <JUe la seconde es t
rnixte c'est-à dire teud1nl à l'l fois à obtenir une indemnité et
une peine. Par Li He1 ri11dicntio on pourra obtenir l 'inde1nnité il rais1J11 1iu ùum1n·lge épr1)U\'é, et a lors l'action le9is
. l1J11ilire ne peut plus être intentée qne pour ce qu'elle a de pénal
c'cst-ù·dire pon1· rex<'t'·dant résull :rnt soit de l'estimation
r(·troac:l iYe, :;oil du dL)llull'meul pat' s11ite de la ùénégation ; au
cont1·aire, la peille fon11anl l'uhjet de l'action J'injures ne pouvaut pas èlre uLLeuue p·1r la 1·c1 1•i11dit•atio, l'exen:ice de cette
derni ère ad iou n'empèd1e pas /'action i11j111·iaru 11 de subsister
pour le tout.
�-
-
GO -
Supposons nrninten1nt qne l'esclwc reYendiqué ait été
bles~é p1r la faute ou le dol du d éf~IHlPt tr ; rour se faire réparer Je préjudice qn'il ép ronn le dennn leur a le choix ou de
s'en faire tenir corn ptc ù ·rns le prucès en t'e\·enllication (1J/jir·i()
.fudicis), ou d'intenter ù cc s uj et l':iclion de ln. loi .\Jjnilia.
( Loi 27, pm" 2).
:\Iais si l'esC'la\'e \'ient il 111ouri r a ntrernl'nt q ue par suite de
cette blessure et s.1ns dol ni faute du possesseur, celui-c i den1
èlr<? abso ut dans J'actio; 1 en 1eve11d ic·1 lion, car il fau t, d:rns
cette action,r1ue l'intérêt existe encore 111 n1oment ùn jugement.
Or la condarnwi.t ion reht iw il la clw~c ne peut pas aYuir lieu
puisque le possesseur est clans lï111possil.Jilitë de restituer la
chose sans qu'il n'y ait ni dnl, 11i fantc de sa part. :\lais l'action
de la loi _\qnili1 s11bsiste, p'l.lTC <1u'elle vise le dommage résultant d'un délit et a su rtou t en vue h punition du cléli11q11ant ;
peu importe que le di1111111lenr ait cl1:·son1rnis perdu tout intérN
une fois rfli'elle a pris n:1 iss:111cc par h blessure fo 1te inj11ste
ment à l'escla\'e, elle ne s'éte int point par JQ mort de l'esclave.
2• Des fruits prnd uits par l'ohjcl re\·enclir111é.
A côté des indemnilt'·s q11e le possesseur cleYrn. payer en restituant h chose elle mC·me,figure nu e seconde catégori e de rhoses
qui doivent acconipagncr cette reslittrl ion. Ce sont les fruits produits par l'uLjet restitué.
La restitution des fruits est une conséquence nécessaire de h
Rei vinrlicatio, el par fr11its 0 11 entenù non-seulement les
produits périodi<ptes de la clwse ,mais dans un sens plus étendu,
tous les produits quelconrp1es.
Supposons qu e l'obj et cle la re\'Qndica tiun soit un esclave, el
que cet esclave soit mort depuis b litis cuntestaliou, 1nais sans
que le rle111aurlenr ail été niis en de111e11 re, ou inème , qtJoiq11e
eu demeure, s'il est ëla lJli crue la cltuse et'tl égn lewcut pt1 ri chez
le demandeur. Nous savons que clans ces J1ypothè!:'es,le püsses-
t)j -
sr>ttr n'est pas resp11ns:1 tik el doit t\ lrc absout; il seroblPr:i.it
iJ ,., nit p 1s aYoir ile sentence ù prononcer.
Cepl'n<lant il e::;l 1H:eess:1ire quïl ju;,\e i1 r ~ use des accessoin·«> de \'olJjel ren>ndic11Jë. r LrJ; JfiJ. Si donc il déclare que
ri•svlwe r evenùiqn{', at1Jumd'h ni dé1:é1lé, appartenait au dem'l•tdeur, il tl e\'ra ordonner au défendeur de restituer les fruits
que celte escl.we a Jlrorluils en louant son travail, ainsi que
l'enf"lnt qn'elle a mis nu rnonde depuis la li lis contestation.
De n1 èu1c encore, s i le j11gl' olèclare que celle escla,·e appartient an dern:rntlenr, h• d1;l'enûi>ur pourr'l intenter contre celui
qui lui aurait Ye1Hlu eetl!' esclaYe, l'artion résultant <le la stipulatio rluplre, par ln. quelle il s'était fait promettre le double du
prix comme inde11111ih; en cas cl'é,·iction. Or il est éYincé de la
chose, ilien <[ll'ellc ·iit péri, puisqu'une sentence décide que cette
cltose ne lui app·1rlient p1s ~fais il n'aurait pas l'action e111pt1,
parce q 0 h chose 1y lllt IH;ri i11tr111101·as titis , l'éd ction ne lui
cause aucun do1111nage.
Si, au contra ire, le j uge 1léclare que r esclin·e n'appartenait
pas au rl ema11dcm, c'est celui-ri 11ui pourra intenter contre son
vend et1 r l'action e.r sti1J11lat11 duplr,,, ~t cause <le l'é\·iction qu'il
dvlll' q tll' l1• juge ne.
éproll\ e .
.
.
Si e111ln l'esclaYe a\ .i.it péri a\'allt l'instance. la sftpu latio
·
d11 1,toe ne serait plt1s pos<;1ble,
Jl"I··ce qu "1l ne peu t plw être
11uest ion cl\;Yidion, tonte se11te11ce étant tle\'enue impossibl~,
· s'il y av~ut
· en dul <l e l 1 p.11
· ·t ' lu'·e11ûeu1· , l':i.chetelll'
11ourratt
mais
·
ln i de111·u1•ler des clo11i.m1~es intérèts p1r l'action ex empto.
( L. 21, 1,1·. JJ. De erfrtio11<?.)
..
Le re~titution des frnits est li1;e il°Lme m·uuere t ell ~ment
. .
. .
1nl1111l'
,\ la n'sl1lnlro11
(1e J·,\ c·Jiu ~t.:' l•lle-mè1ne que s i le Juge a•
. l J·t
cou1mis une e rre ur en on l0111un
• reslitutiun de la chose, 11
·1 a Il er .Jusqu
.
,a tt JJi.ottl et onlonner la restitution mt>rne• ùes
d01
fr uits. ( /,. 3,j' pU1-.j.) ,\ins ij'ai revclllliqué contre vous un londs
�-
6! -
- 63 -
qui n'était pas à moi ; par erreur le juge a déclaré qu'il ét·tit à
moi et vous a ordonné cle 1ne le r esti tner. \'ons n'obéissez pas
à cet ordre ; il doit yous c,111dam11 er ù re::>ti11ntion ùu fonds et
la J il is 1·u11Lestatio li-> possesst•ur ile bonne foi est soumis au x
dans cette estimation il cloit co111prenùre la Yaleur des fruits
per çus depuis la /dis co11testatio11,Qlor-:; 111èmc q1ùu1 mome11l où
il prononce cette conllan11ntion, il amait déjà reconnu son
erreur. La déclaration en effet (dcclaratio) par laquelle le juge
reconnait que la chose esL ù 111 oi est une partie de h sentence
don t la conda mnJtion lJUi Yienl ensuite n'est que la conséquence; et cette déclaration a l'au lori té de la chose jn~ée,corntne
la condamnation et l"absolution. Aussi le juge qui l'a prononc!!e
ne peut pl us la rétracter, el il deYra co11tpléter 5a sentence , en
tirant de sa déclaration, toute e nonée qu'elle est, toutes les
conséquences rru'elle peul entrainer. Il n ·aurait pas dù, il
est n a i, condamner le <léfendeur à la r estitution de la
chose ; mais du moment qu'il l'a ordonnée, pourrruoi le
possesseur conserverait-il ce qu'il n'aurait pas e u si la resli-
possiLi \ ilé ile penlre son procès, et se considérer dans cette
éYentu:i.lilé corn111e ac1111i11i-:;lrateur cle la chose d'autrui.
ulèllleS obligaliuus q11e celui ile 111au,·aise foi, car il doit, quel-
qne ferme co11Yiclion qn'il conserve cle son bon droit, prévoir la
Voyons clo11r il c1uoi esl tenu le possesseur de m auvaise foi.
Depui:-> le joui· <le la titis contestation, il devait, dans l'ancien
riroit ro111:i.i11, restituer au demandeur le double des fruits qu'il
:l\·ail p er \us et ile 1nèrne de ceux quïl avait négligé de percevoir; c'était nne disposition de la loi des 12 Tables qui l'ordonnait, et celte r est itution ëtail assurée sans doute dans l'acLion
:sacNr 111 e11ti par les P1'tPde1J !Ili.'( el i·i11dicia1·u111, dans la procédure fonnulaire par h slip11laf10 pro proede titis et vindiciar11m Oll par ra1'1.Jif1·i11111 j1trlicis, suivant que l'on agissait
per .<1po11sio11e111 ou per· ;01·1111da111 petito1·iam.
li r ésulte donc de ces textes que la rond'lmna tion aux fruits
~tune conséquence directe <le l:l rei vindicatio,alors mème qui
l'action principale n'aboutir ait pas.
Qua: taux. fruits pe r~·u:; ante llfe111 co11testatam, le possesseur
de mauvaise foi de' ait égalemenl leg restituer, mais au simple
seulement et non plus au double; el ceux quïl avait néi:'ligés
di percevoir dans la même période, il n'était point tenu d'en
restitu r la valeur, parce c1ue, n'étant pas en ce moment .da~s
un rapport cl 'obligations :wec le pro priétaire, comme Il ~y
ti·ouvait placé aprè:s la litis conteslation,il n'était pas astreint
La restitution des fruits soulève plusieurs questions importantes : a, différence relati\'ement aux l'rnits, entre les possesseurs de Lonne el de 111auYaise foi ; - b, quels fruits entrent
dans la restilulion ; - c, quels fruits n'entrent pas dans larestitution; - d, jusqu·a q11ellc épor1ue ils <loiYCnt être restitués.
A . - En q uoi le possesseur <le bonne foi <lifl'ère-t il du possess eur de mauvaise foi en ce qui concerne les fruits 'l
D'abord la d iffé rence s'il en existe une, ne peut se présenter
que dans la période antérieure ü la lilis conteslalion, c.:ar nous
savons déjà et à maintes r eprises n ous avons v u que <lu j our de
à élre soiglll ux el Jiligent.
.
.
'ou Justinien de,:; inoditkations furent apportées a ces de'
/. . t _, n ulte JuYentien. Ce séna1 St"IU
cisions sous lïnllnence lu
usro s
. . .
J· ,
étilion Ll'Mrédité, le
lusconsulle avait decHk que ,\lb 1.\ P
.
. f . . . l t ·'lité comme a,·anl éte, dés
possesseur ile m<waise 01 :se1 a1 L
•
•
.
. . ...
dans un l"loport obhgato1re
le co1n mencewe11t de sa po:ssesston,
•
.
,.
.
.
'lffinnil en disant qu tl
aYec lï1éritier. C'était ce que 1 on e
· , el même de la faute
répondait du llol pt1ssé, dol us J11 ·œtimtt1s,
. .
d }[ ·d Jelif) LesJurisconsultes
1ed et culpa ( U l11ic11 l, :?5 .D., e ei•i 1
·
. t.
cette
. .
. \ ·éù'lé ~ la revend1ca 10n,
étendirent, lle la péltl 10 11 <1 1rn1 1 '
titution avait eu lieu au 111oment môme de la litis contestation ?
�-
6~
-
lourde responsabilité i1npo:-;tle ·w pnsses-:ellr cle mauvaise foi.
Seulement la restitution :.wail lic11 au si1C1ple. Dr>s constitutions
impëriales ' inrenl cl;111s h s11it1' ·t11;z1111•11ier encore cet te séYérité
et la restituliü11 :w drn1ble fol i1npc)SCt' polir les fruits perçus ou
négligés de perceYoii· want h liiis c· 1 11le:~Ltlio11 aussi l.Jit:n que
pour ceux perçus ou uégli~és de perre\·oir après la même
époque.
Justinien fit disparaitre> Ir c10111Jlcment de l'estimation, et il
partir de son cipocp11' la ri>slit11ti11n clc's t'ruils a to11jo11rs lieu au
simple et tl)U[C' ment ion drs du li/1·ur{,, . . , cli,.;p 1rnt dès lors des
textes des jurisconsnlles L onsern'.·s dans les Pan<ledes.
Aiusi donc le possesseur de rn·111,·aise foi jusqu'au sénalnsconsulte .TuYentien dui t restituer mè1ne le<> frn ils quïl a négligés
ùe perceYoir, depuis l.1 titis contestation, c>t ~1 partit· de cesénatusconsulte, ceux négli gé::; ile Jll'l'Cerni r, mè111c anrnt h lilis
contestation. Cette dure lltTessité i111po:,,ée au possessem ùe
mauYaise foi, se tro11Ye sa11ctio1111 éc par un texte de Papinien.
Loi 62 de Rei ci11dicalio,1e, q11 i suppo'·'' le c:is cl'un 11a\'ire
possé•.lé de rnam·aise fo i, le possesselll' sera en fautt? cle n'en
a\'Oir pas re tiré 1111 frd 011 11ulis. 'ef'll!1•r1, l/{(l(/w11, soit en frêtant ce navire, loca11r10 11a1•e111. snil l'll se C'l1argeant de transporter iles mard1:i.ndises, co,,r/11r.~11rlo lilèl'f'e>1 reltendas : et il
doit compte au propriétai re re' t't11li•jl1a11t, du frèt <1ni aura it pu
être ainsi perçu. Il en est rit> 111è111e 1\'1111t· Luuiique,d·une ma ison
<l'une terre etc. i\011s Yerrn11s 1111 IH'll plus !<Jin ce 'Jit'i l faut
ente111ire par ces /1·11ct11.'? 1 erc1j ie11rli.
Quaut a n possesse11r de lll11111e foi, <>Il uuus plaçaut toujours
Lien en tendu dans h pfriod1• ant1>rieurc il h litis c·untes t·1tio,
a l'époque clnssique, il f1 illes fruits ::;iens d(·s qu'ils sout sépa rés
du sol, et sous re rapport il y n lieu <ll' sigll'lle1 la tliffét'ence qui
le sépare de rus ufruit ier, <fui ne l'er:i. les fruits siens t[ne par la
perception; et une fo is qu'il s'en est einvaré, il les garde tous,
- 65 -
il n'a à en r estit uer aucun,soit qu'il les ait consommés,soit qu'ils
ex is tent encore. Dans la législation du b:is ernpire,U fait encore
siens les fruits dès quï ls sont séparés du sol ; seulement il ne
garde que les fruils oonsom més, et devra restituer (ructus
e.rstanfes ,ceux. C
)l1 'il n'a point encore consommés. (Loi 78 .
Quant a ux fruits cruïl a négligés de percevoir avant La Jitis
conleslation, il ne s·w ra il évidemment en ètre tenu : q111 rem
quasi s1111m neg/e.rit r111ili 7uœ1·elrP .rnbjef'fus est .
Examinons 111aintenaul h qui.:stion qne nous aYons réserYée
tantôt et demantlons-nuus ce qnïl fa ut entendre par ces fmr:t u.~
percipiendi, c'est-à-dire ces fruits que le possesseur a omis de
percevoir? Doit-on coin prendre par là les fruits que le possesseur a urait pu lui-u1èrne perceYOil', ou ceux que le demandeur
aurait perçus, si ln possession <le la chose lui eùt été restituée'>
En d'autres terincs est-ce la personne du tlemandeur 0 11 celle
du défendeur qui doit élrc prise en cnnsidéralion.
Sur cette question, les textes son t co11tratlicloires: les uns la
décident en fayeur du demandeur,les autres en faye ur <lu défondeur. Xous a llons rapidement examiner les <liYerses opinions
auxquelles a donné lieu cette question.
Dans une première opinion on YOudr~it él1.ùlir une ùistinctiun
entre la pétition (rtJérédité et la re\ endication ; mais elle tloit
être repoussée, car aucun des te:-;.tes qui parlent de cette difiicullé, 11'élablit une p 1reille distinction.
Une seconde opinion vott<lnit distin~uer entre le possesseur
• de mnm·1.be
de bonne fo i 1,ost lite 1 crJ11tesfafn11t et le possesseur
foi, pour pre11d 1·e en cousid érntion dans un cas la personne d u
défenùeur, et dans l'autre relie du deman<leur.~fais nous savons
que cette dis tinction est fa usse, ca r tous le textes assimillent
entièrement le possesseur de bonne foi post /item contestatam
au possesseur de mauvaise foi.
D'a utres enfm prétendent qu'il faut toujours avoir égard au
~
�- 66 -
demandeur, el par snite, pour eux, les texles qni Yisent seulement 1e d e·1·enlle l 11•, 11 -.," 11 ,. 1·s a .,rrenl la r1u estinn que sous un point
·sent- ils • s i le défenùeur es t tenu <le restituer les
d e YUe ; car, d 1
.
fruits que le demandeur aura it pu perceYoir, à p lus for te. ra1s~n
devrn-t-il restit uer ceux qnïl a négli gés de percevoir lu1mème.
Cependant il semble résulter de tous ces textes si no mbreux,
qu'il y a autre chose qn'un oubli , 111ais bien to nt ~n systè~e , el
je crois que r opinion la m eill eure est celle cle~~loppee_ par
l\I. de avig ny. Ces cl i, ers te'd es p euYent se conc1her, et 11 ne
faudrait pas l raire qu e \'a cquis ition des fruits dépend e <l'une
cert'.tine aptitude personne lle, dont sera it poun·u ou clé pou\'\'u,
tantùt run , ta nlùt l'au tre cles deux :uh ·e rsaires ; ce serait là une
erreur, du moins en généra l. La questi on reYient àceci: Y a-t _n
une faute de la part d u p ossesseu r dans la négligence apportee
par lui a recueillir les fruits·? L:1 1·éponse à cette question résultera de la diITér ence qui a pu sépa re r la. con d uite tenue par le
possesseur et celle qu'on a lll'ail eu lieu tl'a. tlendre,en pareil c~s,
d'un père de famille diligenl. Les tex tes pa rl ent ta ntôt des fr wts
que le demandeur a nra iL pu perceYoir, ta n tùt de ceux que le
défendeur pouYait ou clevait p er ceYoir ; ma is ces deux expressions, qui parra isscnt employées inüilîér em ment, doivent être
prises dans le m êrn e sens, comrn e Llésig nant ce qu'un bon
adminis trateur ent r éellem ent percu .
Cette inleq~·éb lion ::;'ap puie du reste s ur un text e de Paul.
( ent. 1. 13. A . pal' . fi. ) Donc en géné ral il ne s 'a gira q11 e d'une
question de faute, et le juge aura s imple m ent à estimer quels
fruits a urai l pen ·us un bon ad 111i11i straleur. ;\lais il convient
toutefois rl e co mpléter cette l11éo rie; il 1w nt en e !Tet se présenter
des cas où le de mancle11r , pa r sa positio11 pa rticulièr e , aurait pu
r etirer un re\'enu plus consid érable crue le d é fendeur n'aurait
été à p orlée de le faire , quanù m ême il aurait usé de Loule la
- 6ï -
diligence dont il est capable. Dans ce cas a lors il panît juste
d'appliquer ici la distinction qui a été établie pour les risques
de la chose perdue ou détériorée. Le possesseur de mauYaise
foi, en demeure de restituer la chose, devant replacer le demandeur dans la situation où il se fût trouvé si justice lui avait été
rend ue sur le chatnp, devra l'incl emniser par conséquent de tous
les avantages qu'il aurait pu recueillir s'il fùt alors entré en
possession et par suite de\Ta lui priyer la valeur des fruits quïl
eût pu percevoir. Le possesseur de bonne foi au contraire, à qui
on ne saurait reprocher de n'avoir pas abandonné immédiatement une chose quïl croyait pouYoir défendre, ne payen que
l'estimation des fruits qu'il aurait pu lui-même perce,·oir s'il
n'eût été négligent. Cette ù istinclion s'accorde fort bien aYec les
textes sur la matière.
On a prétendu, dans ces derniers temps, en Allemagne , que
la r esp onsabilité du pos sesseur ne comprend que les fruits
qu'il a négligés de percevoir,quand déjà ils existaient, mais non
pas ceux qu'il a néiligés de faire venir en omettant les soins
qu'exige leur production. Ainsi on lui imputerait de a·aYQir pas
moissoné, mais non de n'avoir pas labouré et ensemencé le
champ.
Cette opinion se base sur une interprétrition trop littérale des
mots percipere colligue qui désignent directement l'ac!e de
recueillir, mais qui , ùans leur sens usuel , comprennent également les actes préparatoires indispensables pour arri,·er à la
récolte. Cette dis tinction parait du reste peu rationnelle, car si
la possession Yenait à se prolonger , et si le possesseur n'étai
tenu que des fruits qu'il a négligé de recueillir, il ne serait en
so .nm e soumis à aucune responsabilité . Cela est en outre contraire aux textes. L. 31, pa1'. 3., de hér. pét . - L oi 33. - Loi 6 ~
notamment qui s uppose que le possesseur a omis ile donner à
bail et non de toucher le loyer. Cela résulte également d'un
�-
- 69 -
68 -
texte de Gains. L. 19 princ d e usuris e t d' un te x.le d'Ul pien.
L . 39 p al'. 1. D . de le(]. 1.
B. 1\ous venons de Yoir la dillér ence qui e xis te entre le possessem de bonne foi el le possesseur de m a uva ise foi ; Yoyons
maintenant quels sont leg fruiLs qui entrent en r estitut ion.
R appelons touL d 'abo rd q ue le 111ot frui t, est p ris, en matièr e
de 1·ei vi11dicatio clans son sens le pl LlS large, q u'on entend par
là , t ous les produits d' une chose, pér iodiques o u non. Ai nsi on
deYra r esti tuer les fruits m 0me des choses d ont on ne re lire pas
des fruits ha bituellem enl , dont o n se serl soi-m èm e, qu'on ne
loue pas pour en perceYoir un loyer ; te ls sont des vases, des
vêtem ents etc. L oi 64. F.t en e!îet p eu im)lorte po ur le de111andeur que le p ossesseur s'en soil servi ou non ; il a élé p r iYé <le
liur usa ge, il doit être indemnisé. Po ur estim er l'utilité dont ces
choses aura ient pu èLr e p our le dema ndeur , s i elles l ui eussent
été restituées au m om ent de la litis co11testatio, le parti le plus
s imple est de l'estimer a u m ontant d u loyer qu e le demandeur
a ura it pu en retirer , alors m êm e q ue ri en n e pr ouve, qu'il les eùt
louées . C'es t ce qui résulte d 'un t exte de Ga ius L. 19. D. de
usuris et ( ru ctibus.
On comptera égalem en t, comm e fruit à res titue r a u demandeur, l'ava ntage qu'il au ra it pu r etirer de la chose en la donnant
en gage pour se procurer pa r un emprunt l'a r gent dont il avait
besoin. L. 19. D. de us1o·is el /htelibus .
En un m ot la r estitution doit com p r enrl re tout ce qu i est un
accessoire, un e dépPndance de l a chose ; c'est ce que les
Rom a ins r ésum a ient sous l'exp ression de om11em causa111.
(Loi 17, par. 1).
Dans ces causœ sont compr ises les actions que le possesseur
p eut aYo ir a cq uises pa r l'esclave; par exemple l'action de la
loi Aquilia q ui lui compète parce qu e cet es clave a été tué ou
blessé. Mais, comme l'action de la loi Aquilia n 'appartient
qu'a u pr opriétaire , il fanl s upposer ici que le possesseur est
prop1:iéta ire par un e us ucapion accomplie depuis la
lit'.~ conte~tatio . Le clé.fe ntl e11r qui, a~"rnt ains i obtenu la propnelé de 1 esclaYc, rlo1t, s ur l'ordre d n juge, r etrans féret· cette
i~ ro1~ riél<.1 a u <l e r~nnrleu r , est tenu de lui céder en mèm e temps
1act10n ùe la 10 1 Aquili:t q nï l a a cquise à l'occasion de cet
esclaYe. S i l'us uc1pio11 n 'Pl'lÏl point encore achevée, le défendeur n 'ayant pu accp1ér ir celle ac ti on , n'au ra éYidemment pas à
la cérler. Il est n a i que le possesseur de bonne foi a bien
l'action utile de h loi Aquilia, ma is elle serait complètement
inutile a u dem andeur, puiscruïl a, en son propre nom, comme
propri éta ire l'action directe.
Supposons 1na intena nl qu'après avoir acquis la propriété de
l'escla\·e p ar l'us ucapion , le défendeur ait cessé pa r dol de le
posséde r , e n a it tra ns porté à un autre, non la pr opriété, mais
seulem ent la p ossession , et que cet esclave a il été tué in.j11ria :
le défendeur n e sera pas quitte en otTrant de céder au demandeur l'action d e la loi .Aquilin. . Comme c'est par son dol quïl a
cessé de posséde r , il est responsable de la valeur de r escla,·e ;
et le de m a ndeur sera en rlroi t d'exiger ce qui est pour lui le
plus avan tageux, ou le payement de l'es timation, ou la cession
d~~·enn
de l'action.
i le défendeur ayant perdu la posse-sion de l'esclave, soit
après , soit aYant l'usucapion . a poursuivi le nouYeau posse seur
par la r eYenclication da ns le premier cas, par l'action publicienne da n s le second ,t>t a r eçu ile ce po sesseur,aYec r esclaYe,
les fruits q ue cet csclaYe aYait produits. il \lena r estituer ces
fruit s au dem anù enr, pa rce 11u'il ne doit conserYer aucun des
profits q u'il aura it retirrs de l'es r\aYe depuis le comm encement <lu p rocès dllnt il e t l'objet.
Du r este, s i pendant crue le possesseur n'ayail pas la possession rle l'esclave le rlem andeur l'aYail possédé pendant un
'
�-
70 -
certain tem ps; pour ce temps lü, le défendeur n'a urait évidemment pas à tenir compte des fr uits p roduits par son travail.
En résumé donc, pour que la restituti on soit complète, il fant
qu'elle comprenne la chose et t out ce qui en dépend, omnis
causa, tout ce que le défendeur a acq uis ou a pu acquérir à
l'aide ou à l'occasion de cette cho1ie. A m oins toutefois que la
Yaleur donnée en éc ha nge de l'obj et acquis n 'ai! été tirée du
pat··imoine même dn défendeu r. Ainsi le possesseur devra
rendre les héréd itrs et les legs qui lui sont advenus par l'esclave
sauf le cas oü le testateur aurait b issé l'h6rédité 0u le legs à
l'esclave en Yue du possessem, par considération pour sa
personne (p1·opter i1Js1t111, co11fe111plationl! ipsius); car a lors il
en conserYerail le profil rom11 1e lH'O\'enant de son bien (ex 1·e
1jJ.«i11s). Loi 20.
'·
C. - Des fruits qui n'entrent pas dans la restitution .
Tels sont les fruits qui doi,·enl être compris dans la restitution
el nous Yenons de YOir comLien est Yas te leur classification.
M-·ü s il comient toutefois d'y apporter une lim ite.
Ainsi : 1' Les fruits de l a clnsse ne sont pas cons idérés
comme des frui ts resti tuaLles, il moins que Je droi t de chasse
11e conslilue un revenu exclusif du fonds de terre. (Loi 26 de
usuris).
2• De 1nè111e encore on n\ comprendn pas l'ulililé résultant
de ce riue l'esclave a appris un 111 étier aux clépens du possesseur.
.\ insi voici un jeune esclave aucruel le possesseur a fait donner
une instrnction, a appri::; un 1nétier, le possesseur en restituant
l'esclave, dena se faire tenir compte des dépenses qu' il a dù
faire pour son éd1tcafio11, et il ponrra opposer au demandeur de
ce chef, l'exception cl1' <lui. Mai11lell'lnl Paul nous dit dans la
loi 27 que r ntra irernent à ce qu i se passe clans les autres cas,
si le derw111clen r n 'a pas les moyens de subve11ir au rem boursement <le celle déprnse q11ï l n'aurai t pas faite lui -même, on ne
- 71 -
peut é,·irlemment pas employer le> tnéme ex.pérlient que pour les
ronslrnctio11s, on ne pe11t point enle,·er à l'esclave l'instrnctio11
qu'il a reçue ; aussi li> possesseur <levrn-t-il le restituer flans
l'ét·ü oü il sr trouw .Se11lt>111L'lll il njnute au texte rle la loi 31,qne
Je cierna lJ(l eur é lèverait tuw pri'·lenlion contraire à la probitr
s'il voulait se lairc reslil 11er les frn1ts qni ~ont le pro<lnit de l"nt
<[Ili a été énseigné ü r el cscl 1n:.ll de\'l'a les laisser au défendeur
en compensation de ln ch'•pense qu'il a faite.
Dans ce mèrne te.\ lt' Paul nc1ns clit enrore que pour les fruits
Cjll 'a ]Hl proÙ Ili re l'esclave 1'C\'et1d ir[Ué, et <JUe le possesseur doit
restituer au <lem:uHleur, il y n lieu cle s'en occuper non seulement quand resclaYe a atteint Lige de la puberté. 1nais même
auparav·rnt, c~r un enfant impubère peut renùre quelqueg
serYices.Il peut être par cx.c111plecopiste,enlu10ineur,calculateur.
histrion. (Loi 7 par.5 de operis libe1·for1111i.J
Pour expliquer plus clairement ce que Yient de ùire Paul et
ponr indiquer rùge jusq 11'auquel le pMsesseur aura le droit de
retenir les fruit::; produits p:i.r l'art appris à cet esclave, pour se
payer des dépenses nécessitées par son instruction, les rédacteurs des Pandec tes ont mis à la suite du texte ùe Paul dont
nous y enons cle parler. un ùenxième tex.te ùe ~lodestin qui établirait que ce ne serait 11u'après Lige de Yingt-cinq ans qu'il
faudrait tenir cornpte de ses traYall"\, pour compenser. !\la is
comme le fait rernarqner Cujas, pourquoi e:\iger q11e l'esclaYe
· n eure on n'exi<Yea il
· "'
ait dépassé Yingt-c.inq ans, <JlHUH1 tou t a l
1 ., On n"1perçoit évidemment
·t
1
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me me pao:; qtt il eut attemt 1a pu 1e1 c .
opo s·e à la j)hrase de
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aucune raison ü cd:t. .\uss1 Lnps pr
11 ei11~ 'JllÎ artificiwn
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tllodest in: 1Jcist 1'1ces11111111 q11111 11111 a111111 " •
cie lire simplement
et
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co11sec1d11s est. cle supprunet 1 •eu•
ur opérer cette transfor. cl,
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po:;t 1J11i11tt1 '" a111w 11. l i se 1ù!l c po
, J n De ore1·1s st·1·ror11 11
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mahon s m· un le\le ll l'lp1e11. . ), 1 ni · · ·
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c si 111i11or ('(11111$ 'l'"11IJ11e, "" '<' 1 1.~ ·'
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-
72 -
cu;'us nulla ope1·a esse ap11d dominum potuit, nulla restima fio
fief. >> Il résulte en elîel de ce texte qu'on regardait un esclave
~\gé de cinq ans comme propre à rcnùre quelc1ues services
appréciables.
Ainsi donc tanl que l'enfant es t mineur de cinq ans, il n'y a
aucune estimation ü foire des frnits quïl peut produire; mais
ùès qu'il ama atlei nl l'ùge de cinq ans on pourra compenser
ses travaux a\'ec les dépenses occasionnées par son instruction.
:1" On ne de\'ra p1s non plu'.'; comprend re les fruits qui
n'eussent pas :l])parlcnu au cle111a1Hlct1r sï l eù t été en possession
dê l"o.Ljet re,·en<liqué. Par ~mite '.'; i celui qui forme h demande
en reYendication n·antit qtH' la nue-propriétt~ <lu fuwls revPndiqué el r1ue l'11s1:fn1it se soit élci11t pendant lïnshnce. il n·aura
druit am; frnils q11e tl11 ,iollr oil l'el le nue-propriété a été r o1nplêtée par !"usufruit. (Loi ."J."J). c·esl une consérruence de la
règle que h reslitulinn ne doit rolllprenrlre cp1e les fru its qui
ont p11 êlre l erc;us, c:i r le <l r111andcu r n'ayant que la nue-propriété, n._1un it pu lioneste pl'l'<'ernir il son profit <les fruits que
J'11s11fruitiel' seul a le droit de r<'l'.Ucilli r. Il faudrnit <lécidel' de
11,ème, clans le cas où le nu propridail'<' intenlrrait la re\'l'IHlic lli 11n con Ire l"usufr11ilie1 lui -111è t11 l' qui lui contesterait son droit.
le
Si !"usufruit subsist 1il e1ir·ore a u moment rlu •1"nrrcinent
1
0
j uge, en reconn:i.issant lP droit rlu 1111 propriétaire, ne pourrait
p ,s lui fai re rcurlrc les frnils JH.:rrns depuis la titis coulrstation,
p:1isrp1ïls appartiennen t au tléfe111le11r comme usufru itier ;
ffi'l ÎS s i l"us11frt1il \'Clli'\1t fi s'<'•teind re <l111'ant lÏ llSl:ltlte, le
d "f••JHlenr de\"\·ait rPst iluer lt->s frnih ù partir de re n10u1ent.
Dans le ns itJ\'t•rse si 1w1 1cl:111l lï11sl:111ce 11• d<>111.m d<'11r plein
proprid1in~ a légui'• l u<:.111'rnil, ks fruits ne se rn11t p·ts dm: pal'
le P"s··essem du .1011r oil l'us11frnit aura till' s t> 1ia n'· ile l:l nue
propridé. (Loi :3;:;;.
78 -
Mais il est à remarquer qu'il s'agit ici des fruits perçus et non
pas ctes fruits pendants par branches ou par racine, car ceux-ci
font partie du fonds el doh·ent être restitués avec le fonds luimême. ( L oi 41.) D'où il suit que s i le possesseur d'un fonds l'a
cultivé et ensemencé et que ce bien soit ensuite revendiqué, il
ne peut pas reprenrlre ses semences. (Loi 53).
D. - Jusqu'à quelle époque devra-t-on rendre compte des
fruits ?
On doit rendre compte des fruits j usqu'au jour du jugement.
Pour ceux pcrrus depuis la litis contestation il est inutile de
faire nne demande spéciale ; ma is pour ceux perçus aYant
l'instance ils denont être l'objet d'une demande à part ( Loi 10
de 11s11ri:<:.)
Ces fruits on les deYrajnsqn'au j our du jugement, soit que la
chose <:.nbsiste, soit qu'elle ait péri de manière à ce que le
possesseur soi t respons1ble de s1 perte. ~lais il ne s'agit
é\ iclernment que des fruiL<; que l'on a pu perceYoir; et il n'y a
pas à ce sujet à établi e <le distinction entre le possesseur de
bonne foi et le possesseur de 1n:tu,·aise foi, puisquïl s·agit d'une
përiode posté ri eu re à la litis co11t('sfntio . Toutefois, malgré cette
ass imillalio n entre les 1lenx. posses!>curs, il peut y aYoir entre
eux. une ll i!Térence relatiYetnent à l'imputation des dépeuses
faites pom la culture, la n;colte , la consen·atio11 des fruits . Les
fruits ne sont restitués p'.lr tout possesseur que délluction faite
des dépenses ; 111ais, s i l'on applique ü la reYendication la règle
élablie à cet égard pour la pétition d'hérédité, le possessenr de
lJ011ne foi pourra se faire tenir compte des frais.alors même que
la rëcultc aur'.l n1 ·11H1ut! tHI aura ète insuffis~nte pour Je~ couvrir·
bn<l i., que le pi)sse<:.seur de m:tu\""tise fo i penlra tout ce llont il
ne poun:t pa5 se re111bour::;er sur le pl'Oduil de la récolte.
La re~tit11Lion 1lcs l'rnils. c01nn1c nou<:. J'aYon· YU, LleYra comprend re non seulement les fru its qui ont été perçus par le
�-
74 -
possesseur, m1is encore ceux qui :mraient rlît etre p erçus. Il y a
entre ces deux c·ltégories de frnit s il élal>lir une riis tinclion.
( Loi 33).Tandis que le- frnils JH'r1·11s de \Ttinl luus 1'tre restitués,
qnïls aient été percu::; d't11H' manière conforme ou n on :'1 la
111o rale el à l'honnè telé, :111rontnire, les fruits qne l'on a n égli~és de perceYoir ne deHonl entrer en compte q tùrn ta nl
<fltïl" eussent pu èl re pcr(.'tts h onnc~teinent r hone.~f,,). El Yoic i
la con ... irlération c:;1u· laquelle est basée C'etle M terJ11 inalion : La
jus tit:e ne doit p1s éco11te1 celui rl0nt l 1 prétent ion blcc:;se la
munie; or c·e t le clern:rndenr qui élèYe nne prt'·tention irnmorale, r1uand il se plaint quP li> d ~l'endPnr n·a p1s,poura11gmenter
le reYenu. en ployé un g-cnre d 'r>"\ploit·ltinn contraire aux
mœurs : r·est a11 contraire le défend eu r q tti blesse ln morale,
quanrl il prétend r etenir il son profit su t· les fruits quïl a
perçu<; !"excédant qui proYient de 1'e q11ïl a préf_éré à 11ne
exploitation honnête. mais non prolh1ctiYe, un autre mode d'exploitation déshonnête e t pl11s lucratif.
, i la chose: revendiquée a péri, aprt>s ln liti.<: confestatio,1,
mais aYant le j ugement, jusqu'à quellP t•poq11e dcvra-t-il è ll'e
ten u compte des fruit <; ? A ce t égard 11ne distinction est nécessaire.
Si la perte r ésulte clu dol ou rl e h fa11te du possesseur, le
défendeur étant respons:llile rie celte perle et astreint à payer l:i
' 'aieur de la chose co111111e si elle cxishil, 1levra colllpte des
frnits qu'elle aurait pu prod11iri> j11str11'au jonr du j11ge1J1e11l. Sïl
n·y a ni do l ni f111te rie la p:nt rl11 posspsscur, il 11'anra à restituer que les fruits qu'il a pC'lTllS 011 dù llt'l'CCYoir penùant l'existence de la chose.
,,
Fn dehors <lu dol et de la frlllte Ir défe11rle11r est e 11core
responsable rle la 11rrte fo r t11ilt• q11:t11d il esl Pn de111e11re cle
r rstilne r , ù moi11s '!llP la f'hnsr n'rùt pas i'•i<\ prése rv<'·l' cl1e1. le
de1J1anrle11r h1i-mê111e. La 1uise f' ll de11H'1 1rr c•n effet r·ons lit11f'
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75 -
une faute , mais si la chose eùt p éri à tout évènement, chez le
demandeur aussi bie n que chez le défendeur, on ne peut pas
dire que la perte soit la conséq11ence de la mise en demeure .
Il. - R estitutions im posées au demandeur.
Le défendeur n'est pn_s seul lenu de fair e des restitulions, et il
est des cas où des res titulions sont imposées également au
demandeur so us peine d'enco uri r la déchéance de sa revendication. C'es t ce que nous indique la l oi 65.
Pour expliquer ce texte de Papinien il faut r econstituer toute
un e h ypothèse. l\l œvius m 'a prêté dix mille sester ces et a
stipulé de moi des inté rè ls ; je lui ai hypothéqué mon fonds pour
Je capital et les inté rêts de ma dette. :ritius entre en possession
de ce fonds à mon i:1su,le vend et le li\Te à 'empronius. Mœvius,
mon cr éancier, intente l'action hypothécaire contre Sempronius
possesseur a ctuel,qui , pour conserver ce fonds,paye le m ontan t
de la dette, capilal et inté rêts. Puis j e revendique contre Sem pronius, ce fond s qui n'a jamais cessé de m'apparten ir. Alors
Sempronius m'oppose l'exception de dol, pour obt enir de moi le
rem boursement, non du prix d'achat qu' il a payé à Titius (il ne
pourra se le faire rembourser q ue par son Yendeur Tit~us, à
r a ide de l'action e.i; empto ou ex stipulafa duplœ), mais du
m onlant de la dette, capital et intérêts,quïl a payée à }.fœvi11s,
en libérant ainsi ma persvnne de l'action personnelle et mou
ronds de l'action h ~·potbécaire. Sempronius peut même par cette
exception, o bten ir de moi les inté1 êts qui ont couru depuis le
payement quïl a fait il mon créanrier j 1 1squ'au remboursem:nt
que je lui ferai; car ces inté rêts seraient dùs à mon créa ncier
si empronius n'eu t pas payé ma dette .
Ces inté rêts qui ont couru depuis le dégagement de la chose
sont a ppelés nouvea1tx, par opposition aux a nciens intérêts ~u!
ont couru avant ce dégagement. Ils son t calculés sur le capital
seulement et non pas s ur le Lola! de la somm e d éboursée par le
�-
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76 -
posses$eur, capital et intèrél . parce qne le possesseur a entendu
gérer non pa l"aJTaire d'aulrni, mais sa propre afltire, puisquïl
p:1ya it pour ronserYer le fonds.
Entre le intérêts anciens el les nouye·wx il existe celte tlilît'rence . que le de1n:i1Hl0nr en reven< lic \lion <lnil r em bourser a u
püssesseur le m ont ït1t inl~gral des intérêt.:; ancien.:; in yés par lu i
au cré·Hh:ier, t<ndis qne \ni ne payera les intérêts nouveaux que
co1npens·llion faite de h \'aleur ùes fruit" que ce possesseur a
per<:us aYant l:J. liti.<1 co11teMatio11. en sorte que si le montant de
ces fruits est ég:tl à celui <les intèrt'ts, rien ne sera à payer, et
que. si ce 111onl1nt est inférieur, il ne de\Ta payer que le surplus
des intérêts.
ri en sera de même pour toutes les autres tlPpenses faites par
le possesseur. (Loi 27 par.:;)..\ins i le possesseur de bonne foi a
fait rles <lépenses nécessnires ou utiles sur b chose, ayant la
litis contestation, c·est-iH.lire à une époque où sa b onne foi
n'était pnint ébra11lée. Le propriétaire reYen<liqne et ne veut pas
lui rembourser res dépenses; il pouna , an moyen de l'exception
rle dol, obte11ir cle ne pas restituer a\·anl qnïl lui soit Le1111
compte de ces dépenses, on de n'i'tre rondarnné à l'eslirn.alion
de h chose que déducliün faite <le leur 111onhnl · c<r il y aurait
'
dol de la part du demandeur à \'Ouloir ainsi s'enrichir aux
dépens d"nulrui
.
Aucune restriction n'est apportée ù celle règle en ce ']Lli
concerne les rlépenses néeessaires ; mais <JIL lllt aux dépenses
utiles. il faut f:iire des restrictions 'JllP <·om1n111cle l'é'lnilé
Exan1inons les exemples préYus par la loi 27. Le possesseur
a été alhqué par une action 11<Hale pour 1111 d,•lit l'ntnm is par
possesseur, car s'il ne l'eùt pas faite, il n'aurait p lus l'escla\'e et
Je propriétaire ne pourrait le reYendiCJuer contre celui qui
en aurait reçu l'abanclon noxal qu'en Jiayant celle même
somme.
Le possesseur a .bàti s ur 1111 terrain donl il se croyait pro priélaire, el il oppose au propriétaire reYencliquant l'exception
de <l oi pour la dépense occ"tsiounée par la construction. Le
deman<leur poul'ra exiger ü ce <[u'o11 le dispense à f<ire ce remboursement, et in \'iler le possesseur ü démolir la construction
ca 1· il p eut dire qu'elle ne lui convient p<lS et il serait injuste <le
lui faire supporter une dépense qu 'il n 'eùl pas Youlu faire et
dont il n'entend pas profiter.
Décision semblable <!ans le cas d'un bàtiment élevé par une
femme sur un te rrain qui lui ~n'ait été ctonné par son mari. La
dona ti on entre épo ux étant nulle, el la femme donataire n·ayant
pas aCtfi lÎS la propri ét<\, le mari peul revendiquer aLsolnment
comme s i la fetnme détena it la chose d'autrui; ou bien, si la
femme intente contre lui l'action 1·ei uxo1·iœ pour oblenir la
restitution de sa dol, il p eul exercer une rétention à raison des
choses qu'il a données. 1'Iais il llev ra rembourser à la femn1e
les dépenses proc111ilcs par les constructions, ou lui laisser
enleYer l'è<lifice. Qnoi 1ue la femme sùl que la don:1tion Nait
nulle, on la traite coJ11me possesseur ùe bonne foi, car elle possédait <ln consentement tlu mari el elle pouYait devenir proprié-
d'1nda1nw! cl pl11lrit que d'abandonner l 'escl;we, il p1ye le
taire, si le mari persistait j11scru'a sa mort dans la mèrne Yolonté.
Yoici enfin un 1lernier exemple : c'est celni de l'esclaYe que
le possesseur a fait instruire et ùonl le propriétaire re\'ernliqna.nt
ne peut p'ls pa) er la 1lépense nécessitée par son ~<lncatio_n ;
nous savo 11 s que le possesseur ne ponv<tnt enlever 1 mslrudion
qu'il a ainsi communiqlll\ ~' cet escla,·e, devra le restituer sans
montant de la c:ouda1n11alio11. f):\lls <'P cas !1~ propriétaire rcvcndi<ruant ne pourra se dispenser <le 1 cmhuurser c-elte d6µense a u
pouvoir exiger le remboursement des sommes dépensées.
Mais si le propriélairo a l 'intention de revendre l'esclave et
un esclaYe, rp1ïl regardait cnmrnt> lui appartenant ; il a été
�-
78 -
que les talents que lui a procurés le possesseur doivent augmenter
le prix de la Yente, il en serait autrement ; ou bien encore s i le
possesseur, informé de la demande que le propriétaire s e proposait d 'intenter contre lui, l'avait sommé de form er sa
demande dans le plus bref délai, en l'avisant qu'en attendant il
allait faire des dépenses pour lui apprendre un art,le demandeur
est obligé de restituer ces dépenses, quand même il n'aurait pas
l'intention de vendre l'esclave.
Mais évidemment toutes ces restrictions ne s'appliquent qu'au
possesseur de bonne foi, car le possesseur de mauvaise foi n 'a
droit qu'à la restitution des dépenses nécessaires.
Il est à remarquer que le possesseur soit de bonne foi,soit de
mauvaise foi n'a pas d'action pour faire ces réclamations, il
n'a qu'une exception à opposer au demandeur : nous avons défa
examiné cette question et nous nous sommes demandés si le
possesseur ne pourrait pas avoir une action ti rée des principes
généraux.
IV
Exécution de la Condamnation
Deux hypothèses peuvent se présenter :
Le défendeur obéit à l'ordre du juge - ou au contraire il s'y
refuse. Dans ce deuxième cas nous aurons a examiner s'il
possède encore ou bien s'il a cessé de posséd er et dans cette
dernière hypothèse il y aura lieu de voir s i c'est sans faute et
sans dol de sa part ou bien au contraire s i c'est par suite de son
dol et de sa faute qu'il ne possède plus. - Enfin nous verrons
-
79 -
quelles actions le de111anclem penl être condamné •t céder,quaoù il
e~...ige le pa iement cle lïncle n1ni lé repd• ·enl rnt la valeur de la chose.
A. - Le défendeur ohéil ü l'urùre <lu juge.
Voici mainte11ant la sentence rendue, voyons comment on
l'exécutera .
D'alwrd s i le jnge n'ayant Jl<tS al'quis la conviction que le
demandeu r est proprii'•t lire, al.Jsout le défendeur, il ne peut se
présenter n ucune di l'flc11 lté.
!\lais s'i l a reconnu et cll'claré que le demandeur est propriétaire, cette clc;cbralion prend le nolll technique tle p1•0111111ciatio,
et elle est i1JJméùintement suiYie de l'ordre de restriction, clu
jussus .fudiri.~, adressé au cléfen<leur.
Si le cléfendem r est itue la chose a,·ec tous ses accessoires
(rem et ca118a111), il esl absout. S'il fait une restitution incomplète, il n'est conùalllné qu'ü l'estimation de ce qui manque.
Le cl (· 'enùeur peut encore c\ernander un délai pour restituer,
ce que le juge peul llli at:conler ; dans ce cas, ou bien il surseoit
au jugemenl, ou l.iien il al.isoul s ur le champ le défendeur,après
avoir exigé ùe lui caution de resliluer clans le délai fixé.
B. - Le défendeur refuse d'obéir ü l'ordre du juge.
Ces divers r,as ne sont pas prévus dans le texte d'Ulpien,
loi 68, il ne s'occuptl que de celui oil le ùéfen<leur n'obternpére
pas à l'ordre de re::;tit11er qui lui a été ùonné par le juge, en
soulemnt qu'il lui est i111possible lie faire cette restitution.
Deux hypothèsPs il prévoir: l " f>1·e111ier cas; le défendeur
possèùe la chose. La sauclion de l'ordre du juge consistera dans
l'emploi ùe la 111r11111s 111ililt11·i.~ et on fera exé~uter tarbit1·i11111
j11dicis, quand à l'uLjel prinl'ipal par la force publique ; le juge
absoudra alors le d1'•femleur 11u:wl il cet objet, et le co11tla111nera
seulement pour le~ rruils ou autrès accessoires que la resliLution <loi Lcom pre11d re.
Telle esl la sululion donnée par la loi 68 ; c 'esl le seul tex.te
�-
80 -
qui parle formellement de la ma1111s milila1·is ; dans les antres
te::des,préYoyantle refus du possesseur de res l iluer la chose ,on dit
seulement qu'en punition de c;a rési tance, il sera condam né à
payer l'estimation fixée pn r le demandeur sous la foi du s erment
à lui déféré par le juge
Une controYerse est née il ce sujel; '). f. de SaYignr et quelques
auteurs croient que ce texte a été intt>rpolé p:lr T riLonien, el ils
se fondent sur ~e que, à l'époqne classique, il n\ av'lil que la
crainte d'une condamnation pécuniaire qui pou,·ait ,·a incre la
résistance du possesseur. Or si on a\'ail eu un moyen direct
de contraindre le défendeur à restituer la chose, on n'eut pas
songé à ce moyen exorbitant, de s'en remettre à la fixation de
la valeur de l'objet faite par le demandem lui-même.
~fais la plupart des auteurs admettent la doctrine de ce texte.
Rien ne prouYe en efTet qu'il y ait eu un e interpolation ; car s'il
est probable que dans les premiers temps de la procédure formulaire, le juge n'ayait pas ce pom·oir , il est à peu près certain
qu'on avait fini par admeltre qn 'il pourrait fail'e lever par la
force l'obstacle que suscilail la résis tance ou l'inertie du possesseur. Du reste l'expression 111a111ts m1Ïifa1•is se retrouve dans
un autre texte d'Ul pien. Loi 3, p1·incipi1wi. D. ne vis fiat ei· qui
in posse&sionem missus erit. Livre ..J.'3, fill'e 11'. D'un autre
côté cette manus 1111/itaris dcsigne ces o/ïiciale.~, agent d'exécution qui, sous l'empire, anient , sous des noms dh·ers,pris la
place des lictores et des i:ia to1·es du temps de la République.
Ils en dilîéraient surtout en ce qu'ils avaient un caractère militaire et étaient souvent empruntés à l'armée, tandis que leu rs
prédécesseurs avaient un caractère civil. Ils exéculaient à main
armée les ordres et les décrets du magistrat et même l'ordre
que le juge, en vertù du 11ouvoir compris dans sa mission,
adressait au possesseur de restituer la chose revendiquée; une
simple réquisition suffisait à cet efTet. Or, comme depuis Cons-
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SL -
Lantin les emplois milita ires aYa ient été soigneusement sép:wée
des0rnplois civil s, et c1ue, d'après un e l'Onslituli on lie Th éodose
le j eune, il él:lit rigoureusement 1léfenclu de requél'ir, clans les
aff'\ i1·es,la force mililaire, proprernc11t tlile, il est prolnble qne, ~ i
Tribonie11 eut rcrn ·nlié le texle d'Ulpic11, il aurait éviLë cl'e111ployer l'expression 111rwu 11dlitru·i.
Voici cln resle une aut re raison résullanl de l'ensemble rltt
Lex.le. Si, en cas cle refus de reslil11cr cle la part du dél'entleur
r1ui possède, Ulpien n 'eul parlé que <le concla11111atiun à la somme
fixée par le serment clu d em1.ndem, cl crue ce fut Tribonien C(lli
eut ajouté la translation cle la possession 111a1111 111ilitnri, il
n'auraitcerlain ernent pas dit qu'alors il n'y a pluscondamnatiun
que p our les fruits et at:ccssoires, et absolution pour la chose
principale ; mais réuuiss:rnt le j1u-:.rns j11rl iris aYec la ron<lanm.'1tion qui su it le ret'us d ·) obletn pérer, il aurait dit qne le .i uge
condamne le défencleu r Loul à la fois il la chose el aux frnih.
Il faut notet· toutefois que cette exécution forcée du juss11.<1
judicis n'est adm issible ciue lorsr1u'i l s'agit de leYer un ulJ-;hcle
de fa iL,com me r efus lle lai-:;ser en tre r le dell1antleur en P• 1 :>'il~S
sion ; mais elle dcviendrnil irnpossilJle s'il s'agiss·iit d·nn
obstacle de d roit crui exigeùl le concours de la Yolonlé du cléfon<leur,par ex.emple s i Je cléfenclcur aYait pentlant lïnst~nœ H'quis
la propriété de la chose par mmcapion, cl que le juge lui onlon
nùt de la nitransférer an demandeur. Celui-ci n'aurait <l'autre
ressource que le j11sj111·rwdu 11 in lit<'111.
Telle est la première h ypothrse préYue par la loi GS.
2° D e/l.Ûé111e cas: 11tais si le cléfcndeur ne pt>ul pas re-;Lit11er
paree qu'il n'a plus la choge, il hut alors faire une 11011,·elle
distinction : a. - Est-ce pa r suite de son dol qu'il a ressé de
posséùer? il sera condamné il l'est i1nation que le tle111:i.11ùeur
fixera sous serment. D'ap rcs n olro tex te aucune limite ne ::;e1·ait
assignée à celle estimation, sine ulla fa calione in i11/i 11 i 11 ·11
6
�- 8! -
Cependant dans un autre texte Ulpien nous dit au contrai re que le
juge.qui peut ne pas dé férer le serm ent, peut en le déférant, imposer un maximum et mê me après l'aYo ir dé féré sans li mite, ne pas le
suin e mais conclamne r à moins, ou absoudre .1\Iais ce texte parait
relatif au:-. actiorts de bonne foi , e t l'on p eu t cr 0ire qu'Ulpien
n'accordait pas au juge la même latitude dans une action arbitraire com me la rei vindi"calio. Toutefois un texte de Marcien
parait appliquer a ux actions réelles et à l'action ad exhibendum les mêmes te mpéra men ts qu'a u x actions de b onne
foi. C'est probablement l'opinion qui à prévalu dans le d ernier
état du droit.
b. - Sïl y a im possibilité de res tituer sans qu'il y ait eu dol,
alors même qu'il y aurait eu faute de la part du p ossesseur,c'est
le jugequiestime lui- même ( Loi 5,par. 5 .) Et enfin s'il n'y
aYait ni dol ni fa ute du possesseur, il s erait absout.
Du reste le droit accord é au deman deur d e fixer lui-même
l'indem nité à laquelle il veut fa ire conda mner le défendeur coupable de dol eit pour lui une simple faculté , à laquelle il peut
renoncer , en laissant au juge le soin d'es timer lui-mêm e cetta
indemnité.
c. - Des actions que le demandeur p eut être tenu d e céde r
quand il exige le paiement de l'inde m nité.
:\!ème dans le cas où le défendeur a la ch os e en sa possession,
le demandeur, au lieu <le se faire rem e ttre en possession par la
force , peul se tenir pour sa tisfait du p r ix qu'il a fixé lui-m ême
sous serment ; il es t rép uté a lors av oir vendu la chos e p our ce
prix et avoir consenti a ce que la p ropriété en fu t Lra ns!érée au possesseur. ( Loi 1G). Celui-ci avait déj à la possession ,
il ne lui ma nquait plus que le consente m en t du prop r ié tair e ; il
a donc dès lors tout ce qu' il fau t pour devenir lui-même propriétaire ; la tradition est s uperOue , puisque le défendeur est
-
8~
-
déjà en poss ession . Le défendeur deYient donc propriéta ir e
im médiatement (statim) et il n 'y n pa s à obj ec ter que l'ach eteur
ne peut deven ir propriéta ire de la ch ose à lui liYrée q u'après eu
en avoir payé le pri x ; car celte règle soulTre e xcep tion quand le
vendeur a fait crédit, en acco rdan t un Lenne. ; or, ici, en faisant
condamner le défende ur, il sava it que celui-ci n 'a yait,pour payer,
le terme légal a ccordé aux r o1Hla 1110és.
Seule ment,IJien que le cleruancl e ur soit assimilé :J un acheteur.
ayant ü se r ep rocher de ne pas res tituer la chose, il ne p11111
exiger <lu demandeur la ]Jro111esse de le garantil' de l'é,·ictio i
comme pourrait le fai re un ac h eteur orcli11a ire.
Ce que nous venons de d ire s'applique an cas où h chose t· •
nec 11ia11cipi; s i elle ét1it 111a11cipi,le défeudeur serait seule111e
p lacé en causo 11s11rapi<:urli, et 11c deviendrait µropriétai
qu 'après un an ou deux {le possessiu11.
Si ce dé fenùem ne posséclail plus a u 1110111ent <lu j11geme1
mais avait cessé de posst'.·dc r par dol, il serait L1galcllle11l c11
darn néù payeran rlL' 111a11deur la so111111e fixée par le j111·r"'lf11t1t
ù1 lile111. l\Iais da ns ce cas, co111u1e le demandeur 11'L'sl p
censé a b a ndonner une clt use qu' il 11e tlépencl pas d~. lui d111 lff
faire reslilncr, 11 1 1·e~·L po int tenu cle réde1· au ddendeur 1
actions q uïl a pou 1· se procurer relie r hose (!'ar-tiot1 i11 ,·em'
ad e.l'/11"bc11d1w1). En efîel h so1111 11c :l la1p1elle le 1léfe11det1r e
conilamné n'est plus rép utée le J'l"ix 11"achat cl"une l'l1l1sL· ;1
laque lle le de1 nandeur l'l.'llu11cera il. 1w1is la peine d11 dol cc 1J11111is
par lu i cl le de m a111l cu r 1·onse1Te le droit de pour::,11ine h reslitulion de sa chose cont re cl'111i eu la possession 1luq11el il h
lr0u\ era . Il en esl d e re cas co1 1t111e de celui oü lt• déft>ndl'lll'
s 'est offert par <loi lui-m~111e a u procès cu1111ne posselbnt b.
chose, qui se liti obflllit.
Au nombre c.J.es actions que le demandeur n'est point tenu de
céder, peuven t s e tro uver aussl ùcs a ctions tendantes à la
j
1
tl
�-
84 -
rép'lration du dommage qu'il a éproun" dans sa chose par
un délit, par exemple J'aclion de la loi Aquilin.
?\lais sïl avait cette action contre le défendeur lni-même,
pourrait-il la consen·er '! Il faut répondre non , le demandeur
dena y renoncer, c·cst-ü-dire promettre de ne l'intenter que
pour ce qu·ene peut lui procurer de plus 'lU'il n 'obtient par
la reYendication. Car autre chose est de céder à un défendeur
de maU\-aise foi, une action contre un Liers, autre chose est de
lui faire remise d'une action que j'ai contre lui , quand il me
satisfait par Je résultat <le la présent e action; il ne m 'est pas
permis en effet d'obtenir de lui deux fois la m ême indemnité.
(Loi 69.)
Ce que Paul a décidé dans la loi 69 parai t en opposition avec
un texte de }.larcellus. ( L.1 2 de 1·e judicat),dans lequel il nous
apprend que le dépos itaire et le commodataire pem·ent obtenir
la cession des actions du propriétaire, bien que la chose a it disparu par s ui le du dol du défendeur . Or s 'il en est ainsi corn ment
admettre que cette cession ne soit pas accordée au défendeur à
la reYendication qui est seulement coupable de dol et non d'abus
de confiance, comme Je premier?
Aussi Poth ier croit-il q 1e la décision de Paul est donnée
d'après le droit strict, mais que l'équité avait fait prévaloir une
pratique contraire.
Mais cette conciliation parait peu fondée, car Marcellus présente cette décision comme particuli ère au dépôt et au comrnodat, et semble bien reconnaitre qu'il en était diITéremment dans
les autres actions.
Selon Cujas cette divers ité de décisions tiendrait à la différence
des pouvoirs du juie dans la 1·ei vindicatio qui est une action
. . et ' commodati. qm. sont
arbitraire et dans les ac L'ions d eposiii
' . .
d
t
·
f
bonne
de
des actions
ans lesquelles son œrbitriiim
01, e
a IJeaucoup plus de latitude pour s'inspirer de l'équité et n'est
pas renferm é dans des limites anssi étroites .
Mais il est plus probable que cette différence provient de ce
que dans l'action en revendication il n'existe aucun rapport
contractuel entre le possesseur el le demandeur, le propriétaire
en efTet n'a pas contracté avec le possesseur, et s'il doit lui
fournir quelque chose, ce ne peut être qu'arbitrio judicis s i
l'équité l'exige; tandis qne ce rappor t contractuel existe clans
le commodat et le dép ôt, et le propriétaire sera tenu de rendre
indemne le possesseur qui aura même contre lui l'actio contrm·ia pour obtenir la cession des actions propres à lui procurer
son inde mnité. On conçoit en effet que le propriétaire, après
s'être dessais i lui-même de ln. possession naturelle, pour la
transférer à titre de dépôt ou de commodat, soit tenu quand il
tait condamnér le dépos itaire ou le commodataire même
infidèle à une indemnité qu'il fixe lui-rn ème, à lui abandonner au moins ses droits s ur la chose et les moyens de la
r ecouvrer.
Ains i donc le possesseur qui a cessé par dol de posséder ne
peut pas se faire céder les actions qui appartiennent au propriétaire s ur cette chose ; il ne peut pas davantage obtenir que le
magistrat lni donne l 'action publicienne utile, comme il le
pourrait si c'était seulement par sa faute qu 'il eùt cessé de posséder. ( Loi 70).
Telles sont les déchéances qu'encourt le possesseur qui a
cessé de posséder par son dol. Si c'est par sa faute siulement,
l'estimation au li eu d'être faite par le demandeur le sera
par le juge lui-même ; en outre le possesseur aura le droit
d'ex.iier du propriétaire qu' il lui cède ses actions ; car l'indemnité qu'il paie est assimilée à un prix. d'achat. (L. 41).
Mais alors même que le possesseur eût négligé d'exiger cette
cession en vertu de laquelle il aurait pu exercer l'actio in rem
�- 86 -
cit'ilis au nom du propriétaire qu'il a désintéressé, il ne souffrirait pas de cette mission ( Loi 63 ). Le prê teur en eITet \ient à
son secours en lui accordant ractio i11 rem P11blicia11a, qu'il
intentera en son nom personnel; comme ayant une jus te ca1.1se de
possession llans le p'tiement de h yafem et il l'intentera e!Ticacemenl rnème contre le propriétaire, s'il renlrnit en possession
~te h chose. Si en effet il lui oppos ·1il l'exception ju&ti domi11ii,
11 lui répondrait par la 1·eplicatio dolimali, car il y aurait dol de
S'l part h Youloir retenir une chose tlonl il a reçu le prix. Bien
pins le propriétaire ne pourrait mème pas èlre admis à restituer
le prix ponr garder la chose, car le condamné, q ui l'a payé pour
satbfaire à Li sentence du jugeJais·iit ce paiement à ses risques
el pL'ri ls, puisquïl 11nt1\'ait ne pas relrouYer l'obiet
·, il• a urait
J
::,ulii la 111auYabe chance. il est juste qu'il profile <le la bonne .
Bit.'n rrue le défendeur qui, refusan t de restituer la ebose, en
p:1ie la Yaleur telle q11"elle est 0:-..ée par le serment du deman rlcur, soit réputé l'aYoir achelée,il 11·est point cependant en droit
tl'exi~er que le dem'lnden1· lui donne cantion de le défendre
coutre une nouYelle reYendication inLenLée par un tiers et de
l'indemniser en cas d'é\"iction. Cu ic;i la vente n'est pas volont::tire de la part du demandeur et il serait injuste ùe le greeer
cl"nne pareille oblig:ition. (Loi 35, prn·. 2.)
<Jn oppose il re texte <le Pan! une antre décision du même
j urisconsulte . (L. 3G. D.de do11atumib11s i11fe1· virum et uxorem)
.\ Horne h donation entre épou'.\ était interdite et l'époux donateur consen-ail la propriété de l'o!Jjel don.né ; il pouvait donc
le re,-en<liquer qu'.l11ù IJon lui se111bla it. \Jais cette revendicatiiJn présentait deux 1,JarticuhriliS·s: 1° L'époux défendeur qui
rd use de restituer la d 1ose sera c;onrlamné non pas à la valeur
rp iïl plaira au demandem de fhel', 111ais à la juste vale ur de
l 'uujel déterminé p'lr le j11gu : - 2• le demandeur sera te nu de
fourni r caut1"on
r] e eo1c
· r·w11e, 11011, il est vrai, pOlll' le double
'
du
drix, mais pour le s imple montant de l'inde mnité.
-
87 -
La ra ison de cette différence se conçoit aisément. En elle t
c'est le revendiquant qui, par sa donation, a cr éé pour le donataire une cause de possession, et bien que sa volonté ne puisse
pas rend re le donataire propriétaire, elle justifie cependant sa
possession ; on compr end donc qu'il soit traité m oins sévèrement qu' un possesseur qui n'a jamais possédé avec l'aveu du
propriétaire. Voilà. pourquoi l'estimation sera faite par le juge
lui-mème et pourquoi le dem andeur devra fo urnir la caution
de evictione, et s'il n e la fournit qu'au s imple, c'est que les
relations entre époux doivent écarter toute idée de spéculation.
Tout ce que nous venons d'indiquer relativement à la revendi cation d' une chose totale, s 'applique également à la revendication d'une partie a liquote. Par suite le juge, en ordonnant de
restituer la moitié ou le Liers d'une chose, ordonnera en même
temps de restituer la moitié ou le tiers des accessoires qui
doivent être comp ris dans la restitution de la chose. (Loi 26).
�DROIT CIV1L
�•
DROIT CIVIL
---"t~-
Des refraits dans l'ancien droit
On e11Leùd sous le nom de retrait le droit accordé par la loi à
ccrt:ünes personnes, rlans quelques cas limitativement déterminés, d'anéantir un contrat a uquel elles sont restées étrangères,
moyennant le paiement de certaines sommes dont le code donne
la base rl'appréciation.
Ce droit n'est point une innoYation apportée par les rédacteu rs clu code civil et au contraire les cas de retrait étaient bien
plus nombreux dans notre ancienne législation quïls ne le sont
aujourd'hui ; pour ne rappeler que les deux principaux, nous
donnerons quelques courtes observations sur le retrait lignager
et le retrait féoda l.
Le re trait li gn<1 gcr avait une origine des plus reculée et si
aYa11t que l'on remou le rlans notre ancienne législation on le
retrouYe touj ours, mrrnc sous les lois fra nques. Dans les corn-
�-
J. -
\14-
Du Retrait Successoral
1° Qu'est-ce que le Retrait Successoral
Trois questions feront l'objet de ce chapitre : 1° Origine du
retrait successoral. - 2° Causes du retrait successoral. - 3• Le
retrait successoral s'applique-t-il au cas de communauté ou de
société.
1° Origin_e du retrait successoral.
Le retrait successoral est la faculté donnée aux coh éritiers,
d'écarter du partage l'étranger cessionnaire de droits successifs
« Toute personne porte l'article 8 11, même parente du défunt
qui n'est pas son successible el à laquelle un cohéritier aurait
• cédé son droit à la succession, peut être écartée du partage,
« soit par tous les cohéritiers, soit par un seul, en lui rem« boursant le prix de la cession. »
u
Le retrait successoral n'a pas son origine dans le droit romain,
comme l'indiquait à tort, l'orateur du Tribunat, l\J. Chabot, dans
son rapport ; son origine est toute française, et cet te institution
a été introduite chez nous par la jurisprudence des parlements.
D'après l'opinion commune le retra it des droits successifs procède du retrait litigieux ; et il ne fut, daus son principe, autre
chose qu'une application extensive des célèbres lviB: Pu diversas et ab Anastasio.
La loi d'Anastase décidait qu'aucun cessionnaire d'une
créance, lorsque la cession avait eu lieu à prix d'argent, ne
pouvait exiger du débiteur plus que le prix qu'il avait payé ;
la différence entre le prix et le montant de la créance était wrn
- 95-
perte pour le cédant et un bénéfice pour le cédé, qui, au moyen
de l'exception Legis Anastasianœ, pouvait réduire au prix payé
la demande <lu cessionnaire en remboursement de la créance.
Cette loi avait pour but d'empêcher que des agents d'affaires
ou de mauvais légistes ne trafiquassent des prétentions incertaines et ne parvinssent, en leur qualité de cessionnaires, à
inquiéter les débiteur::; et à leur arracher par leurs vexations,
des concessions ou transactions où l'esprit de chicane devait
toujours triompher de la bonne foi et de l'ignorance.
L'empereur Anastase dans la loi 22 n'avait sanctionné cette
disposition que pour le cas de vente ; du temps de Justinien il
parait qu'.on avait éludé la loi par des donations simulées,
c'est-à-dire en transportant partie de la créance à titre de vente,
partie à titre de donation. La loi 23 de Justinien vint compléter
la loi d'Anastase, et empêcher ce détour, en disposant qu'en
pareil cas la créance ne devait pas s'estimer dans la proportion
de la partie vendue, mais q~e le cessionnaire, pour tout paiement
devait être satisfait de la somme qu'il avaPt payée au cédant, de
manière dit la loi que la partie cédée à titre gratuit ne profita
ni au cé~ant ni a u,cessionnaire, disposition prise dans l'esprit
de la Loi 22. Le débiteur profitait donc de la difîérence et i
n'existait plus même d'obligation naturelle.
C'est a ces deux constitutions,qui sont aujourd'hui consacrées
dans notre législation par les articles 1699 et 1700, que notre
ancienne jurisprudence e mprunta l'idée du retrait success_oral,
et ne fit en cela qu'étendre aux acheteurs de droits successif~ la
disposition, que les constilutions des deux empereurs avaient
appliquée seulement aux acheteurs de droits litigieux .
Toutefois l'établissement de ce retrait ne se fit pas sans de
vives résistances. Les Tribunaux de Belgique ne le reconnurent
J·amais ·le parlement de Dijon le rejeta par deux arrêts, et da~
'
.
é• n est permis
bien d'autres
provinces il était absolument ignor
�-
96 -
de s'étonner de la défaveur exll'ê me dont cette ins titution rut
autrefois l'objet, à coté de l'ex trê me fayeur dont j ouissait au
contraire tonte la matière des ret1·aits, qui, sous une fou le de
noms diYers, étaient fort nombreux.
Mais il est Yrai que cette fa cul lé d'écarter cl u p a rtage l'étra nger
acquéreur de droits s uccessil's n 'était point considérée dans
l'ancien droit, comme ayanl le caractère d'un retrait. L'ancien
droit en effet, même qua nd il se fut décidé à le qualifier a ins i,
eut soin de déclarer que, malgré le nom, il n 'avait rien de con1mun avec les retraits. Auss i Potbier,dans son traité des t•efraits,
ne s'en est nullement occupé, et après avoir dit qu 'il y a trois
espèces principales de retraits : le lig nagel', le seigneurial ou
féodal, et le conventionnel, ajoute qu'il y a encore quelques
autres espèces de retraits tel que le retrait de com111nnion ;
mais il ne mentionne même pas le retrait successoral. De nos
j ours la nature du retrait successora l n'a pas changJ, car les
rédacteurs du code n 'ont songé ni à créer une règle nouvelle
ni même à modifier la règle ancienne, ils ont voulu la reproduire
purement et simplement, telle que l'avait faite la jurisprudence
des parlements. C'est ce que prou,·enl le rapport de M. Chabot
au Tribuna t, et les observations de la part des Tribunaux et
nota mment du Tribunal d'Appel <le Lyon , c'est ce qui rés ulte
plus clairement encore de la brièveté même de l'article 8-H.
~· Causes du retrait successoral.
Mais quels sont les motifs invoqués par nos législateurs pour
implanter dans notre code, ce droit s i ex.orbitant? lis sont loin
d'être concluants.
« Les étrangers qui achètent des droits successifs, disail
« M. Chabot a u Tribuna t, apportent presque toujours la dis« sen1ion dans les fam illes et le trouble dans les p artages . Le
c projet de loi donne le moyen de les écarter. - Il est d e l'intérêt
« des familles qu' on n 'admette pas à pénétrer leurs secrets, et
-
« qu'on n'associe pas
97 -
tt leurs a ffair es des étrangers que la cupi-
« dité ou l'envie de nuire ont pu seule cléterminer à de,·enir
« cessionnaires, et 1rue les lois ro1 n'lines dépeignaient s i én ergi« quement par ces mols: A lienis /ol'fw1is i1ihia1ile3. ,,
C'est tlon-: p our e rn pècher les étrangers de pénétrer dans le
s ecret des familles, 011 cl'apporlel' le trouble dans les partages
qn'a été HaLli l'article 811 , et que l'on a ainsi porté atteinte aux.
deux. gnncls pri ncip es cle l'inviolabilité de la propriété et de la
liberté du c0m111erce. L e retrait n'est en effet, pour l'acheteur,
qu'une véritJ.bte expropriation , alors que notre code est dominé
par ce principe crne l'o,, ne pe ul être ex.proprié que pour cause
d\lliliLL' pnbliriue. Pout' le ,·cnùeur c'est une enti·a,·e apportée
à son droit de venclre ses drnits s uccessifs, car il est de tonte
éviclence que l11érit1er ne p lll'ra trouver preneur qu'a des
conditions très désavantageu"es par suite des risques que court
l'acheteur de se rn ir dépouiller de son marché et des avantages
qu'il avait pu légiti111e111ent y fonder.
Quoiqu' il en soit, notre but n'est pas ùe critiquer la loi, il faut
la prendre telle qu'elle est dans toute sa rigueur, mais aussi
nous devons la restreindre dans les plus étroites limi tes et sous
prélexte d 'analogie ne pas l'étendre ü d'autres urntières qu'à
celles prénies par 1~ code. La Cour de Cassation a du reste
proclamé cette 111axime clans les tcnnes les plus absolus. « La
<< disposition de l'article 8 11 , llit-ellc, est ex.ceptionnell~ et
« éYidem1nent contrait e au droit commun. en ce qu'elle tenù à
« priYer l'acquéreur de l'avantage ù'un traité autorisé par la ~oi
cc pour en faire profiter, ü son préjudice, un Liers qu i n'y a point
« été partie. ))
.
3Q Le retrait s uccessoral s'ni)plique-t-il au cas de communaute
Ou de sot.:iété.
Comme conséquence de ce que n ous veno1ls d'indiquer i1
faut décider que dans le cas d'une communauté ou d U1~e so1
�- 98 -
ciété entre plusieurs personnes , s i l'un llcs corn mnns ou
associés venait à céder sa pa1·t à un étranger, il n'appartiendrait pas a ux a utres parties d'offrir ü ce l étranger le 1·e111.ùoursement de la cession, et de le con traindre à leUl' céder son
marché.
La question toutefois ne laisse pas d'ètre ,·ivernent controYersée. Ceux qui voudraiepl étendre ù la communauté et ü la
société les régies établies pour le rel rail successoral donnent
pour arguments que l'art. 1872 en l'Cll\'Oyanl aitx rè(Jlcs conce1·nant
le pa1·tage des succe.<:sio11.s, comprend, par la généralité de ces
mots, la règle de l'articJe8 ll ;crue, d'nutrc part l'art. l-!76 , quoique
moins explicite ou moins gé néra l ,cluit sïnte1 prétet· dans le même
sens, puisqu'il y a les rnèmes 111utifs de dérider dans les deux
cas de comrnunauté et de soc iété ; ciu'cnfin les considérations
qui ont fait admettre la subrogation en {~l\'em <les co héritiers
militent également en fa,·enr des com1nuns ou des associés, qui
ont, surtout en fait de commerce, un intérêt considérable à ne
pas mettre à découvert toutes leurs affaires . i\Iais il suffit de
répond re à ces arguments, quelque pui ssants qu'ils puissent
paraitre, par un seul mot : L'art· 8U est exceptionnel par le
but qu'il se propose ; il Ye11L empècller les étrangers de pénétrer
dans les secrets de famille ; or ces secrnts ne se réYèlent que
dans la liquidation d'une succession qui ern.ùrasse tontes les
affaires du défw1t. Dans une sol'icté e11 ctret il n 'y a .vas ùe secrets
car tout est consigné ùans les lines ; il u'y en a pas m ême clans
une co111mw1auté, qui a égale 111 e11t un objet rnstreint. Et du
reste, en dehors de cetle considt>ration les textes que l'on cite
sont loin d'avoir la portée crt1'u11 vent bien leur prèter.
L'article 18î2 en efîel applicrue au partage entre associés les
règl es concernant la fonn e <lu partage et les obligations qui en
résultent ; mais le reLrai l successoral ue concerne pas le partage;
hien que placé dans la se<.;tion du partage, ce n'en est pas une
\
-
99 -
opération ; c'est plutôt au Litre de la vente qu'il aurait dû trouver
sa place, à côté du retrait litigieux. De même l'article 1476 porte
que le partage de la communauté, pour tout ce qui C'lncerne ses
formes, la licitation des immeubles, les effets du partage, la
garantie q ui en r ésulle et les soultes, est soumis à toutes les
règles établies au litre des successions, pour les partages entre
cohéritiers ; mais le retrait s uccessoral n'y est point mentionné,
ce qui est décisif. Ainsi donc la dispositwn de l'article SU est
toute exceptionnelle et comme toute exception elle doit être
rigoureusement renfermée dans ses limites ; on ne saurait donc
l'étendre d'un cas à un autre, sous prétexte d'anaJ0gie.
2° Confre qui le 1•etrait peut- il éfre exercé?
Ce n'est pas contre tout cessionnaire que pourra être exercé
le retrait successoral : ce n'est que contre celu i qui n·est pas
$Uccessible d n défunt. Mais celui qui de son chef, et ind épendamment de son acte de cession a qual ité pour in tervenir au
partage, ne pourra pas être écarté par les cohéritiers du défunt.
Et cela se conçoit aisément, puisque la loi n'a pour but que
d'écarter du partage un étranger qui pourrait apporter le trouble
dans les familles en cherchant à en pénétrer les secrets , il serait
inutile d'exercer ce droit contre un successible, qui lui n'a pas
besoin d'invoquer la cession pour concourir au partage. C'est
donc la qualité de successible qu'il fant examiner chez le cessionaire, pour savoir s i le retrait peut ou non être exercé, peu
importe qu'il soit ou non parent du défunt. Et il en serait ainsi,
alors même que le cessionnaire serait appele à la succession en
cas de renoncia tion du cédant ; car le cédant ne peut pas
étre assimilé à un renonçant ; du moment qu'il cède ses droits,
�-
100 -
il fa it pa r là même acte d 'héri tier p ur et sitnple et exclut par
s uite l'héritier du degré s ubs éq1 1eut.
li a r rivera très fréquemm ent que la s uccession clena se
di viser en deux lignes, la lig ne paternelle e t la ligne 111ate rnel le.
et l'on se demande alors s i \' nn cl es collé ritie 1s de la ligne pa ter~
nelle venait à céder son droit à un Liers, si celui -ci pou rra se
voir écar té par un h éritier tle la hranch e matern elle ? Une
simp le distinction suffira pom réponrlre à celte questio n.
Le par tage entre les deu x li gn es n·a-t-il pas e nco re été é lal>li?
sans aucun doute l'héritier de la branche niaternelle pou rra
exercer le retrait aussi l>ien que celu i de la branche paternelle
car le cessionnaire aurait le droit <le co ncouri1· a u partage de
l'hérédité toute entière. ;..rais s i la p art <les IJiens attribuée à
chacune des deux lignes aYait dé.iü é té fi xée a ntérieu re ment ü la
cession, il en s erait tout autrement,parce qu'alors les opérations
du partage qui restent à faire sont rela tives a ux biens spécia lem ent attribués à chacune des deux lig nes ; il n'y aura donc
qu'un cohéritier de la b ranche paternelle qui pourra critiquer
la cession faite p ar un s uccessib le de cette branche · et les
héritiers de la branche maternelle n'ayant ri en à voir d~ns les
opérations de ce second partage ne 11euve11l à aucun titre exercer
le retrait.
Le cessionna ire succes1ible qu i a renoncé à la succession
a vant ou depuis la Yente peut-il être soumis au r e trait ? On ne
saurait
,
, . . élever le mo 1•11 dr,e d ou te a: cet egarcl
, car du moment que
1 héritier à renoncé il est réputé n 'avoir jamais été h éritier et
son litre seu l de cess1onna11
·
· .e peut lui. donner ùroit de prendre
'
part a u ~artage. Et rnême le cessionnai re n e serait pas à l'abri
d.u retra it successoral, par ce qu' il aurait renoncé à la succession .pour. s'en tenir a u d on ou 1egs et . un oh.Jet
. partic ulier que lui
au rait fait .le défunt ,. car une te 1le h. bé ra l1té
. ne l,autoriserait pas
à concouru· au partage. Ma is il en serait a utremen t s i le don ou
-
101. -
legs é t'lit d'une quote- part de l'hérédité, puisqu'il aurait a lors
q1nl1té pour prenrlrn p:nt à la fhation du passif et à la formation <les lots.
L e successible c1ue le cléf1111l a ex.clu de sa succession par
testnrncnt pent·il, p our les droits qu'i l s'est fait céder p ar l'un
des IJériliers i~stitt1t~s, ètre éc:t rlé du p~rtage pa r les autres
hPrilicrs 1 Certains a11lc'11rs nnL prétendu que non, parce qu'il
sufrlt il leurs ye ux pom avoi1· la crualité de s uccessible, que le
ces:-:;ionnaire ait rlù succ•'•der s'il n'avait p as été exclu par le
te~talllent. :\his une pareille interprétation ne saurait être
ad111 ise, car elle est contraire et au texte et à l'esprit de la loi·
Le tex.le nous clit en eŒet que le successible ne peut être écarté;
or celui qui succède a seul la qmlilé de successible. L'esprit de
la loi de son côté doit faire rej eter celui qui n'a pour prendre
part :rn partage, d'autre qualité que celle que lui donne la
ression ; or l'J1 érilier présornptif exclu par testament n'aurait
q11 e sa qualité de cessionnaire pour s 'immiscer dans les opérations de la succession. l\Iais il en serait différemment si le testateur, sans exclure l'hé ritier présomptif, avait seulement épuisé
sa s uccession en legs particuliers . Car l'héritier, bien qu'en fait,
il n'ait rien à recueillir, conserYe la qua lité de successible,et en
\'Pt'tu de cette qualité, il aurait dro it aux. biens dont le testateur
n'a ura it pas disposé.
L 'en fant naturel anqncl d'autres h éritiers auraient Yendu
lenrs droits flans la s uccession de leur p ère, se trouverait à
l'abri du r etrait successoral. Sa qua lité d 'enfant naturel l'appelle
en effet a u partage inclépendammen t de la cession, l'article 8-il
n'est donc pas applicable dans c.:e cas .
Il en est de même pour le légataire ou donataire à titre universel, rar ils sont successi bles, cl en celte qualité ils ont droit
et c concourir au partage ; mais par contre les cessionnaires de
1P11rs dro its ponrront è lre écartés car, en leur qualité de ces-
�-
102 -
sionnaires, ils pourront intervenir au partage. Quant aux légataires ou donataires à titre particulier ils ne sont pas s uccessibles
et par suite s'ils deviennent cessionnaires de droits successifs,
le retrait leur devient applicable ; inversement leurs cessionnaires n'auront rien à craindre, le re tra it ne pouvant évidemment
les viser.
l\llais que faut-il décider pour l'usufruitier uni versel ou à titre
universel?
En Théorie la question ne peut ê tre douteuse, car le legs d 'us~fruit, alors même qu'il porte s ur tous les biens est toujours un
legs particulier et j amais universel. Ce qui pourrait faire douter, c·est que la loi leur donn e le titre d'usufruitier universel ou
à titre uniYersel, et qu 'elle les fait contribuer aux dettes quant
aux intérêts, ce qui semblerait indiquer qu'elle les cons idère
comme des successibles. Mais au point de Yue du retrait successoral, il faut uniquement se demand er si en leur seule qualité
de légataire de l'usufruit ils ont droit de venir au partage. Or
point de difficulté à cet égard , car le pa rtage ne porte que sur
la propri été, et le légataire à Litre nniversel, n'y a aucun droit·
Quant à l'usufruitier uniYersel, il n 'a qu'un intérêt, c'est de
constater l'actif héréditaire, ce q11i se fait par l'inventaire et
l'im·entaire n'est pas u11e opéralion du partage.
Le mari cessionnaire des droits de l'un des cohéritiers de la
femme est-il à l'abri clu retrait successora l ? On a prétendu qu'étant administrateur des biens ne ln femme, et usufruitier sous
la plupart des régimes, il peul intervenir an par tage et que par
suite le retrait ne doit pas avu ir d'effet sur lui. 1\la is c'est là
une grande erreur, car, en .rarlanL rie s uccessi bles, la loi a entendu désigner les individus ayan t un cl roit d' immixtion permanenle,fure proprio, et non des indi vid us qui ne viendraient au
partage que comme mandata ires el en vertu d'un ti tre que le
d écès des représentés peut fa ire cesser d 'un instant à l'autre.
-
103 -
La solution d oit être la mèrnc clan<> le cas ou les époux seraient
mariés sous le régime <le la rn1111n1m111té, bien qn'il y ait iq
de fortes raisons pon r r1011t er. Le mari est en effet rn:iilre et
seigne11r de<> hieus de la co1111111111·tuté, or lec; successions mobilières échues a ln l'emme lombt>nt dans !"actif de la communaul é, le rnnri 1wut les :u·cC'pt1>r s·ms Je concours de la femme, il
est donc success ible. :\fais s 'il esl nai que le mari, ait les pouvoirs qne l'on vi ent cl'é1H1mc;rer, ce n ·est qu'en s'l qualité de che f
de la romnrnn:wté, com me cessionnaire et ayant cause de la
femme, mais e·est toujours relie-ci qui reste successible ; le
mari ne res t pas.
Si le cédant venait à se faire rétrocéder les droits qu'il avait
vendus, il ne pourrait pas être écarté par le retrait ; car il reste
toujours successible et après la rétrocession il se trouve replacé
cla ns la position qn'il occupai t avant d'avoir vendu ses droits.
C'est donc un h ériti er qui se présente a u partage et qui par s uite
ne peut être écar té .
Il en serait encore de même s i le cédant avait a~het6 les
droits d 'un de ses cohéritiers. Il est bien vrai, qu'il n 'a, dans
l'espèce, pour intervenir au parlage que s:i qualité de cessionnaire, mais ce cessionnaire est s uccess il>le, et aucun successible ne peut ètre écarte.\ par le retrait, l'article 8-H est formel à
cet égard.
3' Qui peut e.tercer le rett·aif.
Tout cohéritier, clil l'article 8-1:1, peut exercer le retrait successoral, et le mot cohéritier est ici synonyme du mot snccessi ule, il eoinprenil tnns rctn. qni viennent à la suces ion, <l
quelque titre que ee soit, comme successenrs ab intestat. régu-
�-
fO.t -
-
liers ou ir réguliers, comme légn taires ou donataires. Ainsi donc
l'analogie la plus gra nde existe entre la question de savoir q ui
p eut exercer le re trait, et ce lle cpte nous Yenons <le réso udre,
contre qui le retrait peut être exercer ; peut exercer 1e retra it
toute perso;rne con tre laqnelfe il ne pourrait p1s être exercé.
L'enfant rédui t à la tégitilll e peut évidem 111enL exe rcer le retrait, car il est héhlier par exce ll ence, puisq u·auc.un acte du
défunt ne p eut Je dépouiller de son <lrnit , qu'il est s:lisi malg ré
lui, et que c'est à lui que le lèg:1t·1irc uniYersel tlevr·1 s' Hlresser
pour fai re le partage.
De mème il est de toute évidence qu e l'h~ritier bénéfic iaire
pourra exercer le re trait , c1 r h seule différe nce q11i le sép1re de
l'héritier pur et s imple, c'est .p1ïl a l'arn11t:1ge d e ne p1s confondre son patrimoine avet· re l11i rl11 clt">funt. 011 a prélenrln, il
est vrai, que les secrets dt: f1111 il I" so nt 1ivr,;sil1 ï m·e.:;t ig1tion des
tiers par les formalités du 1Jt'.• 11 1;fi1·e dïnvent:i.ire, et qne par
suite le motif qui a déterminé l'arloption d1 1 relrai l successora l
n'existe plus. Mais il est hcile de r(•pontlre q11'1111 des mot ifs les
plus puiss'.:m ls du retrait s1 1l·cessMa l est q11'entre pîreul ::; il y a
plus de ménagements à allentlrc, cl lll)in s de euntèsl-llion à
craindre qu'entre étrangers: l// f('I' 11rn·c11frs r<s a111 f11·e 111)11 .~111if
fractandœ, et cette rousirlét"tlion ·11•111, de fnrce encore lol'sque la succession est e111lnn..1sst!e. el 1ù•s t acceptée que sous
bénéfice d 'i1wentai re.
•1
La faculté de retnit est tn11s111issible n11x l1éritiersd 11 s uccec;s ible qui pouvait l'exercer ; s i dune il 111e11l't an nt d'avoir usé
de son droit, ceux qui lui s11cc(•de.nt ab i11f,,slrrt ou comme lég:i
Laires ou <lonnataires 1111i\'Orsels po1 1r ru11l 11ser d11 retrni l. lis ont
le rnè1ne intérèt qu·a,··iit l" ïr 'llll1•1tr, et i l ~ sr>1· , 1l so1 1111i::; ·1 11x
mêmes conrl il ions pour l'l'\err:ic.• dl' lc>1ir :t<'fi cm.
.\Ja is cel te action n'ap p-1rliP ?1tln poi11 I :i11\ cr1'•·1m·iers tltt s 11ccessiLJe, car c'est là u11e de ces actions excl11siYc111cn t attachées
105 -
à la personne du débite ur et don t l'exercice échappe à ses
créanciers.Ceux-ci en efîetn'onlpoint à se préoccuper des indiscrétions qui d ivulgue raient Les secrets de famille ; leur seu l
intérêt est sauvegar rlé par la faculté de survei llance et d'action
en fraude que leur accorcl e l'art. 882 c. c. Tl en r ésul te que le
curatenr à une succession vacante n'a pas qualité non plus pour
exercer le retrait successoral. On a ura it pu en douter à cause
du dro it d'administration que lui attribue la loi et qu i l'assimille
à l'h éritier bénéficiaire. ~fais c'est là une erreur, car la faculté
de retrait ne dériYe pts tin rlro it d'a<lministration, et s'il appart ient à l'héritier bénéficiaire ce n'est qu'à raison de sa qualité
de successible. L e curateur n e représente que des créanciers et
des légataires particuliers, inté ressés à accroitre l'actif de la succession, et à en opérer le recounement ; mais ce n'est point
à un intérêt de ce genre qu'est attachP, le droit ùe retrait successoral.
Le cédant vient ü mourir, et ses cohéritiers lui succèdent;
peuvent-ils exercer le retrait ? Un motif sérieux- en fayeur de la
négati\'e avait fait tout cl'al>ord acltnettre celle opinion p:1r la
com dt' Cassation. Le cédant èn effet ne peut pas lui-même exercer
le retrait contre le cessionnaire, car il serai t repoussé par l'exception ile gar:rntie, or ses héritiers succèdant à ses obligations
verront se dresse r contre eux. la mème exception. ~lais cette
·
. c 1·a1· :s~on , car · dans
jurisprudence n'a pas é té m11utenue
e t a\e
J'espèce,leshc"•ritiers clu céùant ont e ncore une autre qualilépour
exercer le retrait. c'est celle ùe cohéritiers du cédant et, à ce
titre rien ne les empêche d'agir
L'héritier qui a cédé ü un tiers ses droits dans la suc~essi~n,
est-il s·ms qualitl\ pour exerrcr le retrait co1ltre le cesst0nna1re
des d roits de l'un de ses cohéritiers! Eddemment non, car en
céd:lll l ses ùroils il a fa it ac le dï1éril ier; il ne cesse donc pas
d 'être successihhi. On objecte il est vrai qu'appelant lui-mêtne
�-106 -
un étranger au partage, il ne peut plus écarter un autre étranger ; mais c'est là ajouter à la loi ce qui n' y est pas. On prétend
encore que si l'héri tier a Yendu tous ses dro its, il ne vient plus
au partage et que par s ui le il est sans intérêt et sans droit pour
en écarter un cessionnaire. l\lfais le texte est formel , tout cohéritier peut exercer le retrait ; or, celui qui cède ses droits
successifs demeure héritier et dans une matière aussi exceptionnelle on doit s'attacher au texte seul.
De cette règle d'interprétation qui commande de s'en tenir
strictement au texte, peut naitre une difficulté ; celle de savoir
si les héritiers du sang, les héritiers légitimes peuvent seuls
écarter les étrangers? L'article 8!1 se sert en effet du mot de
cohét-itie1· ; or cette expression ne se dit pas des enfants naturels
des légataires ni des donataires . Toutefois l'opinion contraire est
préférable et généralement admise, car si l'on doit tenir au texte,
il est toutefois permis de l'interpréter ; or, le mot d'héritier,
dans l'a~ticle 841, est synonyme de successible, et s'applique à tous ceu·x qui viennent à la succession, et qui par suite
ont intérêt d'en écarter les étrangers.
Mais pour que les héritiers testamentaires ou contractuels
soient ainsi admis à l'exercice du retrait, il faut qu'ils soient
appelés à titre universel, car la régie de droit hi qui in universum Jus succedunt, Loco heredis habentur, n'est pas applicable
nu donataire ou légataire à titre particulier ; et ce n' est qu'en
vertu de cette assimilation que le donnataire ou légataire à titre
W1iversel est autorisé à l'exercice du retraitsuccessoral. Il suit
de là que les légataires ou donataires de l'us ufruit de tous
les biens ou d'une quotité de biens ne peuvent pas exercer le
retrait successoral ; car ce sont toujours des légataires particu liers.
Nous n'examinerons pas la question de savo ir si,la s uccession
dévolue à des collatéraux ou à des ascendan ts, se divisan t entre
-
i07 -
les deux lignes, et un parent de la ligne paternelle venant à
céder ses droits successifs, les héritiers de la ligne maternelle
pourraient exercer le retrait. La solution est la même que celle
que nous avo11s. donnée précédemment dans la question de savoir si le cessiormaire peùt être écarté du partage par un h éritier
de la ligne à laquelle n'appartient pas le cédant.
De même l'héritier qui renonce à la s uccession pour s'en tenir
à un don ou à un legs, n'aura pas le droit d'exercer le retrait,
car il pourrait être écarté s'il se rendait cessionnaire.
De même encore le retrait n'appartient pas à l'héritier exclu
par le défunt, puisqu'il ne succède pas. Mais si ,n'étant pas exclu,
['hérédité se trouve seuleme11t absorbée par des legs particuliers,
il reste toujours successible, et comme tel son droit au retrait
demeure intact.
4° Quelles
ce~sions
donnent lieu au retrait
Deux cas à distinguer : Cession à titre onéreux et cession à
titre gratuit.
Pour qu'il y ait lieu d'exerr.er le retrait successoral deux conditions sont exigées par l'art. SU . La première no.is, Yenons de
la voir, c'est que la cession soil faite par un cohé~itiei, et. i~ faut
entendre par là, non pas seuleme:1t les héritiers légitimes.
mais tous ceux qui sont appel és à la s uccession à titre uni.verse! soit léaataires soit donataires ; en un mot tout success1b.le
~a seco~de c'est que l'héritier cède son droit à la Sttccession
c'est-à-dire le droit qui lui appartient en sa qualité d'héritier>
qu'il tient soit de la loi, soit de la volonté ~u dé~unt. Il faut en
somme que la cession soit une vente de 1 hérédité comprenant
l'actif et le passif héréditaires.
�1·
108 -
Des cessions à titre onéreux.
La ces ion peut ayoir pour obj et so it une quote-part, soit la
tLltalité des droits de l'héritier, so it une part dans un corps déterminé de la succession.
A - Cession d'une quote-part des droits successifs.
Le cessionnaire d'une quote-parl des droits successifs est-il
passi ble du retrait successora l ? Le doute nait ùe ce que l'article
RH se sert de cette expl'ession : son droit à la succession, ce qui
semblerait indiquer qu'il faut que la cession comprenne son
ùroit tout entier telquïl l'a reçu el qu'il le fera Yaloir dans le partage. ~lais il faut remarquer que l'article ne dit pas tout ~on
droit; du reste la cessio1 1, alors même qu'elle a pour objet tout
le droit du cédant ne cornp rend qu'une fraction de l'hérédité,
pourquoi la cession d'une fraction moindre n'autoriserait-elle
pas le retrait?
En outre l'acquéreur du qu'lrt, de la moitié des droits d' un
héritier, a le même droit que l'acquéreur de la totalité d'entrer
dans tous les détails du par tage, pour déte1 miner l'étendue ou
la valeur de la qnotité qui lui a été cèdée. S'il n'était pas permis
de l'écarter du partage il arriverait que, pour élud er la loi, le
\'endeur se réserverait une portion miniu1e de son droit, un centiérne par exemple, que, morcelant le droit entre plusieurs cessionnaires, il introduirait tous ces étrangers au partage, qu i
auraient I~ droit d'y être maintenus, hndis <1u'un seul en serait
éloigné. Aussi tous les auteurs sont-ils nnanimes pour ~dmettre
:e retrait.
Il en est de mème pour le cas ou la cession comprendrait, outre la part de l'héritier cédant, celle d'un cohéritier qu'il aurait
acquise précédemment et le retrait pouna être exercé tant contre la part même de l'héritier que contre celle provenant de la
cession qui lui aurait été consentie. Car les inconvénients que
la loi a voulu prévenir en établissanl le retrait s u0cessoral se
-
109 -
présentent pour l'une comme pour l'autre portion de ces droits
successifs.
B - Cession d'un objel déterminé de La succession.
Mais que décider si la cession ne porte que sur un ou plusieurs obj ets déterminés de la succession ? La question a été
et est encore vivem ent controversée. Delvincourt est pourl'afftrmative. « En effet, dit-il,le retrait est P?Ssible toutes les fois que
« la vente donne à l'acquéreur le droit de s'immiscer dans les
« opérations du partage. Or l'acquereur dont il s'agit a inlérèt
" d'intervenir au partage, pour faire tomber l'objet dans le lot
« de l'héritier vendeur; l ~ cessionnaire de la totalité des droits
« successifs sera généralement moins disposé à susciter des
cc entraves. Il suflit à celui-ci d'avoir une part égale à celle des
c autres héritiers, de quelque manière qu'elle soit composée.
« Mais l'acquéreur d'un objet s ingulier a un intérêt tout person« nel à la composition et à la distribution des lots, intérêt qui le
« rendra d'un accornodement moins facile. »Plusieurs auteurs
suivent la même opinion. Nous ne saurions cependant l'accepter
et cela pour deux raisons. Argument de texte .L ·~rticle 841 ù it
formel: ~ ment, que pour qu' il y ait lieu au retrait, il faut que le
cohéritier ait cèclé son droit a la successio11, or on ne peut certes
pas dire que la cession qu'un héritier fait de son droit d~ns tel
.
ble, so1't 11ne cession de son droit u la success1011.
1mmeu
. Et
comme, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, cette d~sp~1't'
de l'article 8.JJ est une ùisposition exceptionnelle, qm d01t
sêtre
10nde stricte interprétation, il n'est
· de l'étendre
pas penms.
.
.
pmsse mten·eEn secon d l 1.eu, s,•·11 est yr·ü
• que le cessionnaire
.
.
.
taae
cela
ne
sumt
pas
pour
autoriser le · retrait, t r.ur
nn· au par c o '
•
. . a ce
. l l.101'l' et le cessionnaire en l e:-;.erçan
ne
tout créancie1
.
r 't 'user d'un droit com mun , il agit co 1n me créanc1el'. et non
a1 qu
.
. .11 ·e • Dtt reste autrn chose est l''m terY e11t1011 au
comwe cess10n11u
•
•
partage en ver tu de l'article 8'>9
,.,,,,, autre chose le concours a tou-
�-
110 -
tes les opérations qui précédent le partage; le cessionnaire d'un
objet déterminé n'a pas le droil de prendre part à la liquidation
de la succession, parce qu'il n'y a aucun intérêt; il a seulement le droit d'assister à la formation e_t à la distribution des
lots, pour veiller à ce qu'on ne mette pas l'argent céJé dans le
lot d'un autre héritier que le cédant. Or du moment q1Je le cessionnaire n'a pas le droit de concourir à toutes les opérations du
partage, le retrait n'a plus de raison d'être.
Certains auteurs, tout en reconnaissant le bien fondé de ce
système, admettent toutefois une exception dans le cas où il est
reconnu qu'en fait la cession, à raison des circonstances de la
cause, donne au cessionnaire le droit d'intervenir dans la liquidation de la succession. Ainsi donc, le cessionnaire d'une quotepart d'un objet de la succession ne peut pas, en principe, être
écarté par le retrait successoral ; mais si, en fait, on reconnait
que cette cession lui donne le droit de prendre part aux opérations du partage, le retrait lui devient applicable. Cette opinion ne parait pas devoir être admise, car elle laisserait trop
à l'appréciation des questions de fait; les conùitions du retrait
sont une question de droit et non une question de fait, e t Je texte
n'admet aucune distinction; du moment qu'il n'y a pas cession
d'un droit à la s uccession, il n'y a pas lieu au retrait.
Si toutefois la cession, bien qu'en apparence ne portant que
sur des objets déterminés, cotnprenait en fait tous les droits du
cédant, le retrait devrait être appliqué, car alors on rentrerait
dans la règle. Ainsi par ex.emple la succession ne se composant
que d'un immeuble, !"héritier vient à céder ses droits s ur cet
immeuble ; évidemment sotts l'apparence de la cession d'une
quote-part d'un objet de l'héréd ité, il cède en réalité son droit
entier à. la succession ; ce n'est donc pas faire une exception que
le rendre passible du retrait, ce n'est qu'une application de la
règle commune posée plus haùt.
Hf -
Le partage une fois terminé, et certains immeubles ayantété
laissés indivis entre les cohéritiers, si l'un d'eux vient à céder sa
part dans ces immeubles,il ne peut plus être question de retrait,
car c'est un droit de copropriété qui a été cédé et non un droit
de s uccession ; du reste le partage étant achevé, le cessionnaire
n'aura pas à intervenir et à connaitre ainsi les secrets des
familles, que la loi protège avec tant de soins.
2° Des cessions à titre gratuit.
L'article 841 ne s'applique qu'aux ventes ou cessions à titre
onéreux, mais ne vise pas les donations de droits successifs. Il parle en eŒet d'un cohéritier qui aurait cédé son droit à
la succession ; or, dans le langage du code, le mot céder signifie
vendre. En outre l'une des conditions indispensables de la
faculté qu'il accorde est le remboursement du prix de la cession,
ce qui implique également une vente. Du reste on ne suppose
pas la même cupidité, le même esprit de tracasserie et d'indiscrétion chez un donataire que chez un acquéreur à prix d'argent,
et par suite les mêmes raisons de le faire écarter n'existent
plus.
Mais évidemment le retrait serait applicable si les partiei;
avaient déguisé, sous la forme d'une donation une véritable
cession à titre onéreux ; ce sera là une opération de fait à apprécier par les tribunaux., qui auront plein pouvoir pour découvrir
la fraude. Seulement l'acte de transmission de droits sucessifs
ne pen.lrait pas son caractère de donation par cela seul qu'il
aurait imposé quelques charges a u donataire. On aurait à
apprécier si ces charges sont ou non d'une valeur inférieure à.
celle des droits transmis.
Le cessionnaire par voie d'échange, est-il passible du retrait
successoral ? On pourrait en douter parce que le retrayant doit
le remboursement du prix de la cession, et qu'ici le prix n'est
pas indiqué d'une manière précise , on ne connait pas de
�-
H2 -
piano la somme que le retrayant aura à rembourser au cessionnaire. Mais tous les inconvénients que l'on a cherché à éviter
eu établissant le retrait se repl'ésenteraient par cette voie détournée.Aussi la doctrine se pronorn:e-t-elle pour le retrait. En effet
l'article 8-U exige seulement qùe la cession soit à titre onéreux,
peu importe la nature du prix; l' 'est la faute du cessionnaire s i
devant prévoir l'action des cohéritiers, il s'est exposé à recevoir,
au lieu de l'objet même donné en échange,sa valeur estimative.
La cession faite à un créancier en paiem ent de ce qui lui est
dù, serait, croyons-nous contrairement à l'avis de Demantes,
soumise a u retrait. 1ous verrons, il est vrai, qu'il en est dilTéremment pour le retrait litigieux, mais n'oublions pas que nous
nous trouvons dans une rnatière tout à fait d'exception et dans
laquelle on ne saurait étendre les décisions dounées dans un
cas analogue.
)
5° De L 'action en ?·etrait.
Trois questions feront l'objet cle chapitre : 1° Tous les cohéritiers pem·ent-ils bénéficier du rel rail quand un seul ra exercé
- 2• à partir de quelle époque et jusqu'à quelle époque les
cohé1itiers peuvent-ils exercer le retrait - 3° le droi t a u
retrait s uccessoral peul-il cesser.
Selon l'article 8 U, le cessionnaire de droits s uccessifs « peut
être écarté du partage, soit pm· tous les rohériliers, s oit par un
seul. » Si tous agissent ensemlJle, il s se partagent le bénéfice de
l'action ; mais est-ce par tète ou à raison de leur droit héréditaire?
~l .parait plus naturel de décider crue c'est par part virile ; car,
ici chaque cohéri lier à un droit égal indépendamment de son
droit héréditaire, et il peut agir pour le tout alor s même qu'il
-
113 -
n'aurait droit qu'à une fraction très minime de la succession c'est donc que sa part héréditaire n·est pas prise en considéra-'
tion, et ne peut influer s ur le résultat de l'action.
S'il agit seul, il profitera seul du retrait, et le défendeur ne
pourra pas lui opposer qu'il n'est héritier que pour partie, car
la loi, lui donne le droit d'agir pour le tout.
1° Tous les coh éritiers peuvant-ils bénéficier du retrait, quand
un seul l'a exercé ?
Mais les autres cohéritiers ne ponrront-ils pas se pnh·aloir de
ce que la loi leur donne à tous un droit égal, et venir prétend re
qu'ils p em·ent intervenir dans l'action en retrait exercée par
leur cohéritier et prendre part aux bénéfices de l'action, en lui
tenant compte proportionnellement, de ce qu'il a déboursé ?
Certains auteurs l'ont prétendu, t\ferlin entre autres, et Yoici
comment il moti 1·e l'affi r mali,·e : V e11it il1 · actionem /a111 iliœ
erciscundœ omne l11crll111 quod hœres e:r hœreditate sensit. Le
droit roma in qual ifiait associés tous ceux entre lesquels il
n'ex iste q u'une simpl~ indivis ion de choses qu'ils ont acqui -es,
titulo pa1·ticulm·i ; or il est (1e la nature de ce contrat IJUC les
profits faits par l'un des associésencette<1u~litc soient corn1nuns
aux autr es . En outre, l'article 8 ll ne dit point que le cessionnaire pourra être éca!'té d11 p1rt·1ge par chncun des cohéritier<,,
mais par tous les cohéritiers ou par un seul ; ce qui. clans ce
dernier car s uppose que celui qui agit est un rnanùat'.lire ùes
autres et agit dans leur intérèt. Nous nl1és iton-; pas ù repou ser
cette solution. En effet la fac ulté de re trait n'a point été introduite dans un but lucratif, mais seulement par des considérations de mo ralité, et 1'o l~j c t est re mpli dès qne le retnit a été
exercé, n'importe par quel s nrressible; il ne s'agit plus ici ù'un
avantage pécuniaire à répartir entre tous les héritiers, comme
devant le cas oü ils sont présumés m:mLlal'lires les uns des autres
pour les affaires communes de la succession. Du reste s i le
s
�-
-
H4 -
retrait avait un résultat onéreux, on n'ira pas jusqu'à prétendre
que les cohéritiers deHont contribuer ü la perte ; or p ourquoi
leur accorder une partd rns 1~shénéfice::; s'ils ne doiventpointen
supporter dnns les perle-,;. Enfi11 uien crue la loi n'ait pas formellement prononré b su1Jn1galio11 <ln relra)<llll , e lle l'a placé dans
la m êm e position rrue sï 1 avait ·trquis directement du coh éri Lier.,
et si lï1éritier s·était rendu diredclllent cessionnaire, les cohéri tiers n·auraient aucnn 111oy1.m de participer au bénéfice de la
cession, puisque le retrait n'est point autorisé contre un s uccessible.
:\fais pour que les cohéritiers ne participent pas au bénéfice
du retrait demandé p1r J"u 11 li 'enx, sufüt-il que celui-ci ait
manifesté sa volonté par une dennnde judiciaire ou par une
sommation ? Selon :\1. Dura11ton 1tne sit uple sommation lui assurerait la préférence. L~ lJut de la loi, dit-it, n'a p1s été de
procurer à tous les héritiers un moyen de b énér1cier ; on n'a
songé qu·aux inconYénie11ls de b présence d'un étranger aux
opérations du partage ; le Yœu du l('gislaleur se borne à l'ex.clusioc de cet étranger. Celle opinion est gé n é ralement rejetée.
Le droit de retrait n'est pas accordé sans doute en vue d' un
bénéfice, mais il est accordé cl 'une manière générale à chacun
des héritiers ; et les cohéritiers, qui inte rviennent sur une
demande formée par l'u11 d'eux., peuvent u'élre mus que par le
désir de h àter la solution. Le retrait ne serait que le prix de la
course, si, pour y a\'oir un droit exclusif, il sulfisait de témoigner ayant tous les autres, l'iutt:>ntion de l'e\ercer. Par conséquent tant que le retrait 11'1•sl pas consommé, c'est-à-dire tant
que le retrayant n'a pas payé son prh ,ou c1u 'un jugement n'a pas
admis le retrait à so11 pru!il, les autres héritiers peuvent demander ü par ticiper au Lénélicl' <lu ret rait.
2• A partir de <1uellc époque et j Hsqu'à <ruelle époque p eut on
exercer le retrait '?
11 5 -
Quand les héritiers peuvent-ils 3gir? --Dès qu'il y a eu cess ion, car ils puisent let1r d1·oit rhns la cession m1;111e. Il est vrai
qu'aux term es de l'articl e Hll les héritiers 011t le droit d'écarter
le cessiontnire du partage, ce qui, <l'après cert:iins, Yon<lrait
dire q ue préalablernent il toute adiou il doit y aYoir partage
et que le cessionnaire rl1 iit s'y présenter. ).fais ce serait se mép rendre sm le sens des mots, <':Ni1·re1· r111 1 1m·tru;e, '}lli n'établissent pas une tonrlition re(fttise puur que ractio11 puisse ètre
formée, mais i11lli(1uent se1de111eut le liut du retrait.
6 - Jusqu 'ü (Ju:rnd 011t-ils le droit 1\'agir·? - Jusqu'au partage .
mais le p:trhga une fois ad1e\ é l'·u:tio11 en retnit n·est pas'
admissible. En e!Tet, le out ile l'art. 811 est ù'empecher UJ\ étranger de pénétrer les secrets de famille, et •l"entrwer, par sa présence au partage, des op1;nliuns qui se feraient aYec plus
d'accommodement et de bit•nYeilhnre entrep1rents; u11e fois le
p·trtage acco1npli le i·etrait n'aurait dune plus de raison d'être .
Le r etra it pourrait-il être.exercé apt·è-. Je partage, si celui-Ci
était rescindé 1 Quelques auteurs tHlt proposé, une distinction
et refusent l'exe1·cit;e ùu rel rait ponr le L"'\S oit Je cessionna ire
aurai t concourn aux opérations du 1nrt:1ge dnnt b nullité ou la
rescision est de111'1ldée. car, tliseul-ils 1ltt mo111ent quïl se trouYc
initié il tous les secret-; cle la hrnille, les héritiers sont sans
intérèt ü l'exdure. :\hi-; un peut répondre <Jtle la crainte de lïndiscrétion n'est pas le seul 11t0lif clu retrait successoral; les héritiers ont aussi il re11011lt!r l'esprit de L'npidité et de chic:me, et
l'épreuYe qnïls ont pu faire lors du p·1rt·1s-e contesté, pent
r endre ll'autan t plns tl(,sirable l 'cxclusiu11 de l'ètranger cessionnaire . .Je crois doue qu'il e::>l préféra Lle ue leur donner le droit
au retrait dans tous les ns, t.:ar du 1110Hh~nt iue le partage est
re\c indé il n'y ::i. plus \le partage, Je-; choses sont remises au
m ême é~at qu:auparav·rnl. el l 'acheteur ne ::>e trouve plu' qu 'un
o -
cessionnaire de droits successifs.
�-
11 7 -
Hn -
3° Y a-t-il des cas dans lesquels le droit au retrait successoral
peut cesser ?
Ko us Yerrons tantùt en éluùiant le r etrait li tigieux qu'il ne
plus peut être exercé da ns trois cas : 1° lors que la cession est
faite à un cohéri Lier - ·2° quand elle est faite à un créancier en
payement de ce qui lui est d ù - :l 0 quand elle es t faite au possesseur de l'héritage s uj et au droit litigieux. No us avons examiné les deux premiers cas et nous avons vu que si le premier
était applicable au retrait successora l en vertn de l'art. 8 U , il en
était différemment du second. Quanl a u trois ième il faut décide r
de 111ème qu'il n'y a pas lieu de l'appliquer au retrait successoral. En elletl'artide 1 î'Ul qui le Yise étant lui-111ème une e>..ception au retrait litig ieux ne peut pas ètre étend u par analogie à
un cas pour lequel il n'est pas fait. Du res te même aucune analogie n'existe entre les deux cas, car si l"on co111 prend que le re trait
litigieux ne p uisse p as être exercé, quand la cession est faite
au possesseur de l'héri lage s uj et ati droit litigieux, parce que
dans ce cas la cêssion a une cause légitime, c'est de consolider
la possession, r ien de semblable ne se représen te pour le r etrait
s uccessoral, qui tient à éc·1rter les élrangers.d u partage, peu
importe donc que le cessionn:ü1·e soit eu possession ùe !"héréd ité
il n'en reste p·1s moins étrange r .
Les héritiers pem·ent renonce!' au droit de r etrait, ce droit
n'étant éta bl i qu'en leur fayeur, et la reuouciation peut être
expresse au tacite. Pour la re11ouciation taci te certa ines d iflicultés
pem·ent se présenter; il faut loul d'abord poser en princip e que
la renonciation ne se présume pas, et il est nt!cessaire qu'aucun
doute ue puisse exister sur la volonlé de l' héritier de recon'
naitre les droits d u cessionnaire . On décide par a ppl ication de
. .
I
ce pnnc1pe, qu'il n' y a pas renonciation lacile, quand les héritiers admettent le cessionnaire a ux opérations préliminaires du
partage ; en eJTet les héritiers ne peuvent savo ir s 'ils sont in té-
ressés à écar ter le cec:;sion rn irc d u partage, que lorsqu'il auro11t
vu sa manière <le h ire et suiY:111t la natnre des rapport::; qne
ces pre111 iL·rcs op(·r:itions frronl u:utre e11lre eux.
)1[:1is p1r coutre -;i lc•s !1t;rititrs ont atl111is le eessionnairn de
dro its successifs a11parl:1g->11'1111e partie clll mobilier héréùit1irE>
et ü h vente cle di,·ers i1n111Publt>:; dépe111la11 t de la succession,
et s i l'imm ixtion ll u cessionna ire 1 eu lien sans prote·t1tion, n
réserve de leur part, il y a lü une renondation tacite. De rnème
encore, s i l'héritier a ex.écn té volontairement l'acte de cessio11,
en règlant par une com·ention avec le cessionnaire lui-me111e
la part proportionnell e de celui-ci dans une dette de la succession. Il en serai t de mème également dans le cas ou l'héritier
ferait conj ointement a\·ec le cessionnaire donation à un tiers
cfnn bien indiv is entre lui et le cessionnaire, ou s'ils vendaient
ou atlermaient conj ointement un immeuble de l'hérédité, car ces
actes s upposent qu'i l est accepté comme ayant cause de l'héritier crui lui a rèdé ses droits successi fs. Mais ' si le cessionnaire
avait nne qua lité a nt re pour interYenir dans un acte côncernant
la success ion, rrue son titre cl'nyant c1use, on ne peut plus supposer c1ne ce concours i111pliqne cle h fpart ùe l'héritier lïntention nécessaire de renoncer au relrait. Par exemple si la femme
était héritière et s i le 11nri cessionnaire d'un cohéritier inten·enait dans la Yente d'un innneul>le de l'hérédité, comme il doit
v fio-urer pour autoriser sa fem1ne, on ne peut plus dire quï1
~gi~ com me cessionnaire. et que la femme renonce à récarter
d u partage .
6' Cond itions du retrait.
L'héritier qui exerce le retrait doit rembourser au cession_
·
t es ta ble ·' mais doit-il
naire le prix de la cession , cela est mcon
�-
118 -
en outre rembom·:ser 1·s fnis et kiyaux rltL cont1at et les intérêts
à cornpler du jou r (lu p·1ie111ent ~ T:a rl iclL' 11mn le dit fon ncll cment pour lè retrait liligieux, t.!1 liiP11 q11e r ar licle RH soit 111uet
à ce Sll.jel, il esl naturl.'I 11'1;IP11drt:' L't>lle disposition an retrait
successoral, car q1Lclq11c dt.'·l"l\oralik qu e soi l le cessionnaire
il y aura it ini({ll itt'· il 1 d1'• 1ln11ilk r dl' la r ln nce de bénéilce qu'il
aYn il légili111t>rnenl arquisL' :-;·111,.; le rendre complètement
inde mne.
Le prix qni doit èlre rend1011rs1" p·ll' le ret rayant est le prix
1·h•I, c'est-à-dire le prix r(:elfr 11r-11t co11Yenu et p1yé par le cessionnaire. Il ue famlr:iil p1s n('L"'SS'tirerncnt s'en ra pporler , sur
ce point, à la Mdaration port1'•t.! l Il l' ·wtf' ile cession, ca r les
pa rties p1'11Yent en :.l\"1)ir Px 1gén; le pri x pr(•cisém,;mt pour
exrl11re 11n re111lre l'lus tlilli1•ilL' l\.:xt>r1·i"c cl u retrail. Ce serait là
une fra ude qui s'·1pp1·t;1·ipr 1 d'·ipr(·s lt·s ri r1·011st'lnces, e t que le
rel r:i.yant scr'l a1l111is ù 1"t·lhlir par l1111s k s moyens, soit par
témoin$ , puisque le.;; colH'ri t ier~ 11·1111t p11 aYoir une preuve
écrite '1 11 l'ait contesh;, soit p:1r <k siln rlPs pn•sornplions, soit
p:n 11> sennent déféré au l'P-.sionnai re. Pou r détermin er la
Yalelll' Yérihlile des droits c·i•d1;,_, lt· lril11m:ll sf' Jrlsern srn· cles
présompli1111s n':mllan1 iles l"in·onsl·llll'PS, on pourra <léi'érer le
serment in /ifr111, :-."il éhil i111pussililP de constater a utrement la
Yaleur de la chn.;;e.
11> pri:-; de l:i ('1•ssio11, au lien rle consis ter
d HlS une> -;n.nrne 11' 1rg1•1il. s1•il r1'pr1"srnl1~ 1•n r des ohjets 1nobilii'l'S Oil ÎllllllOliili1•1 . f);_i11s 1' 1, IS l'illilt->lllllilé l'llllSi::;tera dans
la Yalelll' des ohjt>ls 11 111is p·1r le cessiu1111:iire, c:n If' retrayant
ne pe11t t~trnr·on t raint dt> l1•s re<;tiltw r p11is11uï ls nt> sel n1 uYent. pas
entre ses 111aius, nn i e11 l'e lks d11 C'l·d:llll. !hm; le 1· 1s ou la res
l-;Î011 r omprcnil nit 1io11r u11 .se1 !1 eL 11 11•1111• prix, <'li 111 è rne temps
qne les droits SU<'Ct~ssi i's d11i.:i'<hnt, d'au tres JJie11s, il y a urait à
Il peut se foin>
•(lit'
-
i.19 -
établir une ventilation pour déterm iner, daus le prix stipulé, la
por tion aΎrente aux droils successifs.
Le prix peut consis ter en une rente viagère et dans ce cas on
se <lemande s i le retrayant dewa rembourser au cessionnaire le
capital de la rente ou seulernent les arrérages éch us et ceux
à écheoir. Comm e entre le retrayant et le retrayé, l'eITet du
r etrait est de s ubroger le retra yant au cessionnaire , de telle
sorte qu'il est cons idéré comme ayant traité directement avec
le vendeur, on décid€) qu'il doit jouir de tous les droits de l'acquéreur, et que pa r ronséquent il ne den a rembourser que les
arrérages échus, et si la renie Yient a s'éteindre, c·est lui qui
profüe de l 'extinction.
CJue décid er dans Je cag oü l'nlJli!'.;''.ltion contractée par le
cessionna ire el1\-er.;; le ci·ch nt est ü 1111 terme qui n'est pas échu ?
Certa ins auteurs pe11sent qu P lP retrayant ne jouira pas du
bénéfice il u tenn e et de\'l'a payer ÏI n rn érl iatement le prix, p~rce
qu e deYan t rend re le relrayl'.~ en in plNement ind ·mue il ne satis·
fera it pas il cette olJligalion s'il le laissait 0JJ1i 0 é enYers te cèdant ;
c'est donc sa liuération ac tuelle qnïl 1loit lui procurer, à moins
qu'ell e ne soit i111 possiule, :-;i par exemple le terme a été s tipulé
en fa venr du cètlan t.
i\I:tis pourquoi fn ire ainsi perd 1·r :rn retrayant le bénéfice ùu
term e ? Par le retrai t, il lH'CJHl le marché du retrayé. ni pins ni
moins , et de mt>rne t[u'i l L'll <;tJ\ porte toutes les chargPs. il doit
en avoir h• 1s le" aYan tages; il 11t· peul donc pas se faire . qu'il
soi l obligé plus 1lure1nent que le rt'lrayé ne se trou,·e obligé nar
lui- m ême pa r ce march é, a uquel il est suhrngé.
!\lais le cessionnaire retrayé , qui 1lcmeure ainsi débiteur perlionnel du cètlant, se trouvera e"posé aux chances rlïnsn\val..Jilité du retra ya nt, dans l'interva lle de l'e"-erck e du retrait à
l'éehéance <lu lerme ou le pa iement tlevra ètre L'a it au cèdanl.
Aussi pa rait-il jugte de rlér i1lcr que le retrayant devra fournir
�-
f 20 -
caution au cessionnaire ; car il est de principe essentiel en
matière de retrait, qne le retrayé doit toujours être complètement indemne, el il serait souverainement injuste qu'obligé de
cèder son contrat avec tous ses aYantages, il ne rut pas au moins
assuré d'être à l'abri de toute perte.
i le cessionnaire vient à i-étrocécler seB droits à un tiers
moyennant un prix plus élevé que celui de la première cession,
ce sera éYidemment le dernier prix qui devra ètre remboursé.
Il est bien vrai que ! 'héritier avait le drn,it d'exercer le retrait
contre Je prenüercessionnaire, m·1is c'est là une faculté qu'il
a perdue en ne pas l'exerçant avant la revente; car endéfi.nitive
qui est exproprié ? c'est le second cegsionnaire , c'est donc lui
CJlli doit t~lre indemnisé, et il doit l'être de toute la perte qu'il
t;1>rouYe: or cette perle c'est le prix qu'il a payé au premier
cessionnaire.
L'l den1an<le form ée contre le cessionnaire doit-elle être précl.·déc ou accompagnée d'o/T1·es 1·éelles ? On décide en général
que le retrayant n'y est pas teuu,· car l'article 8 ~1 ne dit rien
rle par.~ il. Et cela se concoit ai~ément ; au momen t où l'héritier
:-tgit, il peut ignorer ce prix, et ce ne sera le p lus souvent qu'après une discussion plus ou moins longue quïl parviendra à le
connaitre. Tl suffit clone qu'il ofîre simplement, dans la sommai ion qu ïl fera tenir au ces::;ionnaire, le remboursement du prix,
tel qu'il sera juslifié.
7° E/Jet du Refrait.
La nature véritable du droit cle retro it n'a ja1nais fait de cl irTlc11lté el i l a toujours él\· rec1111nu q11e le retrait n'est q11e le droiL
de prc,nrlre le marché cl' 1111 a utre, et de se s ubs titner en son lieu
et place. Ce n·est ni l'aunulalion ni la rescision cle ce marché,
-
121 -
qui est, au contraire, maintenu de tous points, ce n'est pas non
plus une vente, qui serait faite par un premier acquéreur à un
second acquéreur; car pour qn'il y a il. Yente il faudrait le con
sentement de~ parties, el b ien loin qtte le retrayé consente, c'est
le p lus souvent malgré !ni q11e s'exerce le retrait. Aussi le
retrait n'opère- t-il pas une transmission du retrayé au retrayant, et ne donnera t- il pas lieu à un nouveau droit de mutation.
Mais le principe posé, des difficultés se présentent sur son
application e t sur ses conséquences.
Deux systèmes se partagent l'opinion des auteurs. Dans nn
premier système on pousse les choses à l'extrème, et partant tle
cette idée de subrogation du retraYant au retrayé, on enseigne
que la personne du retrayé doit complètement disparaitre,
perincle habetur ac si non e1m·sset.
De là les conséquencess11iYantes : 1° tous les droits consentis
par le retrayé au profit tle tiecs sur la chose cèdéc, disparaissent - 2,, la confusion qui nn moment aurait pu paralyser
les droits du retrayé contre la surccssion, ou ceux de la succession contre le retrayé, esl anl'antie - a0 Enfm le retrayê se
tronYe complètement libéré des oliligntions qu'il aYait contractées e1wers le céchnt, et c'e. l le retrayant q11i en deYient seul
e~personnelle1n enlclébiteur en son lieu et place
Le second système au contraire considère le retrait comme
une opération inten·ennc unique11h.'n t entre le retrap.11t et le
retrayé et qui lai::;se le cèdanl rou1plètement en dehors. f'lÏ est
pour lui res ù1tel' alios acta. Par s uite le" deux premie1d i:onSé'}uences déduites tlu premier syslèrne, dêrnulent é~'.lk 11 1entd~t
seconù et nous dt:•èitlerons cneore: I'' qu'aucun tlrOLt ile sern1
·
1· ,'lLt L'hef du rctran.
• '
"
n·nui ..a [H l s,• L't"bli·
tue.le ou cl ,11ypotl1èque
les droits que
, ··on ·, - ·,1 0 t1ue
· clans l·.1 cr::;s1
·
·1
rompns
sur les l.Hens
le retrayé pouvait avoir cohlrl" la s uccession, ou que la succes-
�- 123 -
- 122 -
s ion pouvait a ,·oir contre le retrayé, rena issent rle part et d'autre, comm e s i aucune con ru ion n'avait eu lieu.
\fais là s·arrète la resse1nblance avec le prem ier système et
l'effet du retrait ne sera plus le mème lorsqu'il s'agira des
r elations du cèdant enYers le cessionnaire.
Supposons par e:emple qne le cess ionna ire soit encor e débiteur de son p rix, en tout ou en pal'tie, envel's le cèùant, ou qus
p rix consiste, soit dans une rente p erpétuelle, soit dans une
rente Yiagère.
Les pa rtisans d u p remier système nous disent que, da ns ce
cas, par !"effet du retrait successoral, le cessionnaire se trouvera
libéré de son obligation personnelle envel'S le cohéritier cèda~t
et quecelui-ci n·aura plus désor111ais pour ùélJiteur qne le cohéritier retra3 ant.Etils se rondent :mn:ette double idée q ue le retra3 é
étant d·une part réputé 1ùwuit'jarnais été acheteur, il est inadmissible quïl puisse rester délJiteur d u w ix cte la ven te; que
ct·autre part,, ne conser\•ant aucun des droits résultant du contrat, il ne se peut qu'il <le111eure chn rgé des obligations que ce
contrat lui aurait ir11 posées.
~lais cette doctrine ne parai t pas jmidi<1ue et no us ne ;cra i·
gnons pas de la 1·ejeter.
Il se dégage en e[et de l'artir.le 811 cette idée q ue le législa-
teur a ,·oulu laisser co1nplelernen l en clehol's le cedant; car 11tielles sont les personnes, q11e, <l 'aprl's c.:et a1tide, le retra it successoral met e11 sr·t:ne ? U11i11uc111ent le ret1·ayant et le 1·ctrayé; du
cèdant il n·en est pas di t un seul mol, d il csl év ident que tout
se passe en dehol's de lu i. Dira t-011 <JUe l'article n'a eu en vue
que l'hypothèse oi1 le pri\ a été payé par le cessionnair e a u
cèdant ? C'est inadm issil.Jle; rar l'article 8 U <'11 dispornut que le
cohéritier retrayant dev ra rembou rser le prix de la cess ion a u
cessionna ire retrayé fait plus que prévo.ir une hypothèse partirulière, il procla me un p rincipe g é11él'al, cl ce p rincipe c'est q ue
l'indemni té, mo r enna nt laquelle le retrait peut être e:i.: ercé, doit
être réglée uniquement entre le retrayant et le retrayé. Et ce
qui le p rou,e,c'est quc si lccl'ssionnaire n. donné en payement des
droi ts succe,;sifs, Jes obj ets cerltlins, meubles ou immeubles, et
que la ces,;ion constitUt! ain.,1 une sorte d'ér·hànge, le cc:da.ot, ma lgré
le retrait n'en.conservera [H\<; moins les objetc; que le ce!'sionnaire
lui a livré:-;, et <'elni-ci n'en rec~vra que la nlleu r estimative des
main'i du retr'ly<111t. Or s'il était vrai, comme le soutient la doctrine
q ue nouscombattons, que lc r ct rayé dùt <li"paraitre<lu marl'hé corn·
me s'il 11'y a\'ait jamais tiguré, il faudrait décider que l'on doit lui
ren<lre les objets qu'il a livré~ uu céd·rnt, qui rec.,nait du r1;tra; é
la valeu r· e::.timative <le ces obj ets. Per,,onne ccpendJ.nt n·admt>t
une pareille solution. C'e~l Jonc rennnailrc que le C<!dant demeure, de tous points, ét ranger à l'exercice du r~tra1t et que sa
po:,ition ne peut j :1 ma1s recevoir la moinJre atteinte .
Du reste cette Jécisi1in e"t très conforme à ln véritable nature
du clroit de rdr:lit. Le cèdant en dTcl, en Ye·1<lJnt ses Jroih suci.:essifs, a lJien vendu ce qui lui appat tenait , et si le ce:;sionnaire se
t rouve aujourd.hui évi11cé c:'e-.L par uu fait complètemer.' étranger au ccdant , el qu'il ;rnrait dù préY01r ,111 moment de la œs~ion;
il ne peut clone en aucu111J m wiè r~ en remlre son YenJeur res·
prrnc;al.Jle, il a t l'aité aY.:e cette chance, il doit e 1 .. ubir les conséquence~.
Qtw l'on ne vienne pa dire qnïl c"t inac1111issible que le retrayé
qui perd les <lroib rés'lltant ile la rcs i n, d meure néanmoins
grL vé lles oblig;\li1111<; q11'elle :i mise ;t s:i rlt.trJe, C'll', en réalitê,
le r ·t r.iyé ne rcster.1 p1!s grc' i'· tk ~es til.>l1g.1ti )ns. puisque lC'
pri\ de .Li Ct'~Ston d11it lui èlrc r1•111 1..H"n·:;é, et qu·11 doit èlrt' ren<lu
com•ilètement indelllth' . C\•st ce que n1>u-.aYons ét.1bli suffi:Hmt
m<·nt Jans le cll.1 pitre pn'cèdanl en iu<liqu.rnt à quelles cond1t11Jn~
était subordon n6 l\:'\ercice du relraiL, et en d01nont rJ nt qu'il ne
pourr<11t l'être qu'à la ch•\ rge pa r ll' rotray.i n1 de ne faire subir
�-
it4 -
- 125 -
au cessionnaire aucune perte, et cle lui donner toutes les garanties néce~,. •.ure=- po1 rquïl n·ait rit'll à cn1n1lre par suite Jes obli gations résultant du marr!J(• a11q1wl l1• rctr.1yau r se trnnve ;;ul>rogé.
A quelle éporrue f'l11d1"1-t-il fî1re r~·mo·1ter les effets d u retrait'!
Est-ce au jour de rexcl'C'we rl n rctrait, o il :\ celui de ln ccs,ion?
D<1ns une opinion, consac rèe du reste 1•ar un a r rêt cle la Cour
de Cas1:ttion, on dècide <rue c'esl seulem ent au jour de l'exercire
du retrait. ~fois cette <léc1ssion se concilie peu avec les principes
que nous avons posés au début <le ce chapiti-e. L e retrait, avons
nous dit, n'est pas une rétrocession consentie par le ret rayé au
retrayant, c'est une simple ~ubrog·uion du re trayant au ces ionnail'e, par suite la ce~sion doit produire ü l'égard du subrogé , tous
les effets qu'elle .d1.;Yait produire ü l'égard <lu cessionnaire. Or
comme celui-ci était prorriélaire <les droits ~uccessifs du jour
de la t•ession, il doit en être de m ême pour le retrayant. Du r este
s'il en était diITéremment 1'i:!xcrcice ùu retrait amènerait fatale·
ment une mutation <le propriété, puisque le retrayant étant
rép uté n'être propriétaire que <lu jour de l'exe rcice du retrait,
le cessionnaire doit par contre èlre répulé avoir été prop riétail'e dujour de la cession a11 jour du relrait, et par suite a u
jour du retrait les droits succe:ssifa pa~sernnt de la tète du cessionnaire sur celle ciu retraya11t. Or lont le monùe reconnait t[ue
l'exen:ice ùu retrait ne doune pas lieu il un droit de mutation ;
c'est la condamnation du systeme de la cour de cassation.
Nous venons de terminer ainsi r exa1n en Jes diverses questions que fait naitre la clélica.te maticre du retrait successoral,
étudions maintenant le droit qu i présente avec le r etrait successoral le plus d'analogie e t dont nous avons e u déjà à parler à plusieurs reprises au cours cle l'étude que nous venons de faire, c'est
à dire du retrait litigieux.
li. Du Retrait Litigieux.
L e code dans les articles 1689 à 1699 traite de la cession des
créances,des conditions exigées pour la validité de cette cession,
des droits du cessionnaire, de l'étendue de la responsabilité du
cèdant duns l'article 1699; il apporte une restriction à cette
faculté de cèder des droits. Cette restriction s'applique aux droits
litigieux. La loi n'en interdit pas la cession, mais elle soumet lE!
cessionna ire à une sorte d'expropriation du droit qu'il a acquis
ou pom parler le langage technique et usuel à un retrait. On
peut définir ce droit de retrait l'opération par laquelle ~e c.essionnaire d'undroit litigieux est écarté par celui contre qm ex1sle
le droit." Celui contre leqnel ou a cèdé un droit litigieux peut
« s'en fai re tenir quitte par le cessionnaire en lui remboursant
" le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coùts, et aY~c
·
· e a payé
(l intérèts à compter tlu jour où 1
e cess1onnair
• le pnx.
d e la cession à lui faite 11 a. 1699.
Cette disposition s'explique par la défaYeur, avec laquelle
éta ient vns les acheteurs ùe procès, et la haine qu'inspiraient
ceux qni se font cc'.' der des créance,; litigieuses pour vexer les
tiers ou s'enrichir à leurs dépens.Voici en effet les ten:1es dans
lesquels s'exprimait Pothier: 11 Ce retrait est très éqmtable; le
. . la paix exige que le débiteur qni, en prenant pour
" b ien i.e ' , . . ,
lT .
devait
,, lui le marché, éteint le procl's auquel la de~te l ig1~us~
'ed
r u ·oit préféré pour cc inarché, a un où1eux ach
• onner ie ' :sè
No, us avons cru disait de son côté Por·
IL te ur de proc s. >. <<
<
•
«
�-
126 -
talis, deYoir eonserYer une faculté que la ra ison et l'humanité
« justitient ; l'humanité plaide pour le débiteur contre ces home: !'Iles avides du bien d'autrui, qui achètent des procès pour
, Yexer le tiers ou pour s'emid1ir à ses dépens »
Ces expressions sont certainement exagérées, car celui qui
achète d'un tiers une créance litigicuse,est sans doule un spéculateur, nn homme qui chen:he à courir une chance, et qui espère en courant un r isque réaliser un bénéfice, mais il n'est pas
plus odieux que celui qui emprunte ou qui achète moyennant
une rente ,iagère, et puisque la loi protège ce dernier, il est
souverainement inju~te lJU'elle frappe au contraire si durement
le premier, c'est soumettre ü deux mesures différentes l'appréciation de deux faits qui présentent entre eux une très grande
analogie. Ce que ron peut 1lire en fayenr du retrait litigieux,
c'est quïl termine un procès, et Pothier à raison de faire ressorti r, sous ce rapport, son caractère <l'utilité sociale, son but de
maintenir la paix. Il parait juste en cfîet, que si celui qui avait
le droit a consenti à s'en priver moyennant un prix inférieu r
à la valeur nominale de ce dl'oit, ces 1Îl plutôt l'autl'e partie qui
en bénéfice qu'un étranger. Quant an vendeur, il est désintéressé
dana la question,~puisqu'il a consenti à abandonner son droit
moyennant une certaine somn.e el que cette sonune lui sera
toujours payée.
Pour apporter plus de clarté dans l'étude <lu retrait litigieux,
nous la diYiserons en i parties : 1° conrl ilions du retrait ; - 2°
quand le retrait peut être exercé ; - :3• les effets du retrait; - -!"
les exceptions au droit cl u retrait.
c
1° Condi lions du Retrait
Deux conditions sont nécessaires pour que l'exercice du retrait
litigieux soit possible: 1" il faut qu'il y ait cession ; - 2° que la
cession porte sur des droits litigieux.. Ces deux. conditions déterroi-
-
i27 -
nées nous verrons ce que l'on entend par d roits litigieux. Enfin
nous n0us demanderons si le retrait est applicable contre toute
espèce de droit.
a. - Conditions nécessaires à l'exercice du droit de retrait.
1° Nécessité d'une cession.
La première condition pour donne r lieu a u dro it de retrait,
c'est qu'il y ait une cession, une vente de droits litigieux. Le
code ne prononce pas le mot de \'ente, mais il le dit emplicilemenl en exigeant de celui qui veut exercer le retrait, quï1
rembourse le prix 1·éel de la cession. Une cession à titre onéreux
est donc nécessaire, mais Je mot prix eroployé par l'article n·a
certainement pas la puissance de restr~indre son application au
cas tle vente proprement dite ; si la cession était faite à titre
d'échange, le d roit au retrait existerait quand même et comme
il serait impossible de restituer au cessionnaire l'objet même
tlonl il 1 transféré la propriété au cèùant, c'est l'estimation de
cet objet au moment du contrat qui devrait être fournie.
La donation d'un droit litigieux reste sans aucun doute en
dehors de notre disposition, car la condition sous laquelle le
r etrait peut ètre e.".ercé, ne saurait ici se trouver remplie. Du
r este l'esprit de la loi ne laisse également aucune espèce de doute
à cet égard puisqu'on ne se trunYe pas dans ce cas en face
d'un spéculateur odieux, qui cherche à vexer les tiers ou à
s'enril.:bfr a leurs dépens '.\fais bien entenùu il faut se trouYer
en pn:., "nce d'une donation sérieuse, car si la libéralité a\·ait été
feinte, ce serait une fraude à la loi qui pourrait-ètre prouYée
iiar tous les moyens possil>lcs.
Tout le monde est d'accord sur ce point, mais où les auteurs
viemw 1t ü se séparer, c'est lorsqu'il s'agit d'une donation avec
charges, les uns youlanl la consitlérer tlans tons les cas comme
une venie el admettre le retrnil ; d'autres, comme Demante Y
voyant un contrat mélangè, par tie à titre gratuit, et partie à titre
�-
t28 -
onéreux, et par suite admettant le retrait pour la part correspondant à la Yaleur de la charge et le refusant pour le surplus ;
d·autres enfin laissant aux. Tribunaux, suivant l'importance des
charges, le soin de décider, s i c·est e n réalité une donation et
s ïl y a lieu ou non d'appliq uer Je relrait. C'est inconteslablernent
cette dernière opinion qui est la me illeure ; le Tribunal a ura
seulement à se demander, s1 malgré les charges imposées par
le donateur, l'opération ne p erd pas le caractère de donation ·
car du moment que la cession n'est plus onéreuse, l'article 1699'
cesse d'être applicable. La jurisprudences ·est du reste prononcé
en ce sens, et nous en trouvons les motifs dans un arrêt de la
cour de Caen : << Le retrait a utorisé par la loi a pour but princi« pal, non seulement d'éteindre les procès, mais encore de
« mettre une tin à l'avidité de ceux qui profitent de l'ignorance
« et de la faiblesse de certa ines personnes pour le ur faire vendre
« des droits embarrassés et litigieux. Ce serait é trangement
"' contrarier ce but moral e t honnète que d 'appl iquer le retraiL
(< a des actes de bienfaisance et de 3·én éros ité, celui qui l'exerce
<< peut bien se substituer à l'acquéreu r graLifié pour l'acquitte(( iüeut. des charges qu'il a conLracLés, mais il ne peut pas se
« substituer à lui dans l'affet.:Lion du bienfaiteur ".
2• La cession doit porter sur des droits litig ieux.
Telle est donc la première condition pour l'exercice du retra it
il faut qu'il Y ait eu une cession.
'
. ~l .est nécessaire en second lieu que le droit cèdé soit un droit
hhg1eux.
Qu 'entend-on par rh-oits lit1/;ieu:r ?
L'article J îOO va llous l'apprendre :
b. -
La ~hose est censée litiôicuse dès qu'il y a procès et
contestation Sul' le foncl du d 1..
t
D one d eux conditions
01 • »
pour qu'une créawe
.L
.
•
,.
v
soi consHlérée comme liligieuse
d abord qu il y ait trJroc es,
· e t en second lieu, que dans ce pro-'
11
-129 -
cès, Je fond d u droit soit contesté. Si l'une<le ces deux conditions
vient à manquer, le droit ne sera plus litigieux.
Y a-t-il proc~s sans que le fo11cl <lu droit soit contesté, ce qui
peut for t bien arrivf'r, co111rne nous allons Je montrer lu1it à
l'heu re "'il n'y a pas lieu :rn retrait. Juver-sernent ,·ieut- ou :i.
déclarer dans l'acte de cession que le droit est conteslé ? s'il
n 'y a pas proci·s en.;agé avuut la cession, le reti·ai t ne sera pas
non plus adm issible.
1° .\écessité d'un proct>s au moment de la cession.
La nécessité d'un proCl.:::> sur Je iollll du droit pour rendre le
droit litigieux résulte très clairement de l'article 1700, et ce procès suffit pour renclre le tlt-oit litigieux; par suite les Tribunaux
u'auront pas à décider si la dilficulté judiciaire qui s·est t"·le\ ée
est grave et sérieuse.et il~ ne pourront pas e.,clure le retrait bien
que le bon ùroit clu de111a11(lcur leur parut é\·iclent; t:'est une
s im ple question de fait quïls auront a examiner, dt:s quïl y a
procès et contestation sur le foud, le droit est litigieux, qtnncl
m ême le juge serait d'avis que raffaire n'aurait pas dù être
portée devant les trilmnaux.
Mais ce qui ne résulte pas nécessairement des termes de cet
article, c'est que l'existence c1·u11 proces et d"une cuntestation
sur le fond du d roit soit indispens11Jle pour imprimer au dr0it
le caractère de litigieux . Il peut se faire en effet que des di lkult és sérieuses existent entre deu' personnes s.ms qu"uu J n>cès
soit encore en:..a:,é eotr"clles, cl d·1ns ce cas on pourra.t être
tenté cl'appli<1uer l'aliicle 1û.l\l. ~1 L1rticle s·e'l:primait en Ct.S
'termes, la cho::>e 11 't•st censée liti:.;ieuse 'flll' s'il y a proc{.>s et
coutest-ltion sur le fond clu droit,nu un doute ne pourrait na1lre;
mais les termes de l'artide 1700 n"C:tant pas restrictifs, on peut
se demander avec cpieh1ue raison si l\~xistence d\m proces e't
une condilion sinegua no11 pomconstiluer le caractère liti;ieux.
Cependant cette interpréta tion ne saurait pas, je crois, devoir
9
�-
i.30 -
être admise. Dans l'ancien droit en effet il n'y avait pas de
définition légale du retrait litigieux, et il en était résulté des
difficultés et des incertitudes que les r édacteurs du code ont eu
précisément en ,·ue de préYenir en donnant une définition de ce
qu'ils entendaient par droil liligieu:-..Or ils n'auraient pas alleint
leur but si l'article 1700 ne donnait pas un critérium permettant de disLin!)'uer quand le droit est litigieux et quand il ne
l'est pas; si le droit était litigieu:-., en <lehors des terme::; de la
loi, h définition sera it plus <1u'inutile, elle serait dangereuse,
car elle tromperait ceux qui cherchent dans le texle ce qne la
loi a voulu. Du reste toute définition est e:-.clusive de tout ce qui
ne ren tre pas dans sa formu le, et bien que l'article 1700 ne contienne pas de négative e:-:presse, par sun caractère de dl;finition,
il nie implicitement que tout ce qui ne rentre pas dans ses
termes soit un droit litigieux. C'est du reste la jul'isprudence de
la cour de cassation dont un arrêt s'exprime en ces termes :
11. En transportant dans notre
code la disposition des lois
11. romaines qui admettent le retrait pour la cession des droits
« litigieux, le législateur a voulu qu'il ne pùt rester aucune
« incertitude sur ce que la :oi entend par droit litigieux. Tel a
u été l'objet de l'article 1700. Cette disposition tend à faire cesser
<l la diversité d'interprétation qu'offrait notre ancienne juris pru« dencesur les circonslancesq11i constituaient un droit litigieux;
(( dès lors il faut la regarder com me limitative. i>
Donc il faut qu'il y ait procès pour que le droit soit considéré
comme litigieux. c·est lil Ulte dérogation à l'ancien droit, car
Pothier définissait ainsi les créances litigieuses : (( celle.s qui
c sont contestées, ou peuvent l'étre, par celui qu'on en préa. tend le débiteur, c1ue le procès soit déjà commencé,
c( ou qu'il ne le soit pas c11co1·e, mais qu'il y ait lieu de l'ap(( pr6hender. » Aujourd'hui il n'en est plus ainsi, il ne suffit
pas qu'il y a it lieu d'appréhender le procès, car cette crainte
- 131 -
peut ~e pas se réaliser, il faut que le procès existe. Par exemple
une s imple citation en conciliation ne suffirait pas, car on ne
peut pas la considérer comme le preinier acte du procès puis1
qu'elle a précisément pour but de le prévenir. Et alors même
que l~s parties viendraient à ne pas se concilier devant le juge
de ~a1x, on ne peut pas en induire qu'il y a prucès parce qu'il
arnve souvent que malgré le refus de se concilier, la contestation n 'a pas de suite. Mais uoe fois que la demande est portée
devant les Tribunaux, il ne peut plus y aYoir doute, le procès
existe dès ce jour. Il ne suffit pas non plus qu'il y ait procès à
un moment quelconque pour donner ouYerture au droit de retrait·
il faut que le procès existe au moment de la cession, que l'oLje~
de la vente soit un procès. i donc c'est le cessionnaire qui
commence les hos tilités, le droit n'est plus litigieux,alors mème
que le vendeur aurait déclaré céder un droit litigieux et que la
vente eut été faite aux risques et périls de l'acheteur, car le
cessionnaire n'a pas acheté un procès.
De même encore il serait insuffisant qu'il y ail eu procès
avant2 la cession, il faut que la cession ait lieu en cours d'instance ; car s'il est interYenu un jugement définitif, le litige
a disparu el le droit est devenucertain. L'objetuniqueduretrait
litigieux étant de faire cesser les procès et ùe les éteindre, il
ne peut plus être question de retrait quand le droit n'est plus
sujet à litige.
2• La contestation doit porter sur le fond du ùroit.
Voilà la première condition pour rendre un droit litigieux,
nécessité d'un procès. Il en faut une seconde, car la loi exige
que la contestation existe sur le fond Llu droit. Ces ùeux conditions réunies le droit est censé litigieux, c'est-à-dire que la
chose est considérée comme litigieuse, et qué par suite il y a
lieu au retrait.
Mais quand peut-on dire qu'il y a contestation sur le fond du
�-
133 -
i.32 -
droit : c ·est lorsque Je défencle ur nie l'existence clu droit car ;
une simple défense qui tiendrait à obtenir un dél;ü, ou à dé nier
certaine yoie d 'exr~ution, ne tlonucrail pas au dr oit Je caractère
d'incertitude n éccss·tirc ponr q n' il soi~ litigiru-x. Ainsi il y aura
conte:;tation sur le !'on<l 1lu dr1Jit, si a u 111oment de la cession , il
exbte en tre le cré111rier et le ùéhileur une in:->lnnce llans la 11uelle
ce Jernier soutient cp1ïL n·est pas tenu tle l'obligation qui fai t
l'objet de La cession. J)e 1111~111e il y :u1r:1 ent;ore ronles ta tion
::;ur le fond ùu droit, }Jie11 que le litre ori:-;i1nire de h cr éance ne
soit pas co11testé, parl'e qu'il n~sulte par exemple d'11ne sentence
nyant acquis r ntorit.: de la cl1ose jugét•, si le tlébite m prétend
que sa dette est coH1pensée nu moyen des 111deinnités qu'il a le
droit ùe demandu· au CT1~~111cier ; car i11,·oq1wr une compensation, c·est prétenJre •1u'une tlette est t'·teinte, c'est par suite
contester l'existence adnl'lle du <lroit. ne 111èn1e encore il n'est
pas néce,sail'e qne l'exi::;teuce de 1011t le droit soit mise en
question ; si Je débiteur. tout en recon11ai<;sai 1t sa delle, en conteste l'étendue ou la 1p10lit.é, il uie la dette part iellem ent; par
suite il y a contestatio11 sur le t'ou<l du cl roil.
:\lai::; qu'arriYera-l-il, si l 'cx1stellce de la dette n 'étant pas
méconnue par le ùébiteul', celui-t.:i n'op pose que des exceptions
à la demande fol'rnée nllllre !ni? E u résultc::ra-t-il que la chose
soit litigieuse·? Ici les clifüculté::; ron1ml·J1re11t. cal' l'article 1700
en exigeant que la contestation porte sur le 1'1111cl, in<liqne ilnpliciteinent, que toute défense ne ::;ullit pa::; pn11r renùre la chose
litigieu::;e, et r1nïl est ùes co11lestations crui ne !ni donnent p oint
ce caractère. Jl faut clone l>tablir une disti11C'lio11. Le llc>fenclenr
Îll\'Oque-t-il u11e l'xr·epl ion pt;re111ptoire? Tont ru reconna issant
l'ëxistence dn droit, t'll attaque l-il la ya\i<li!i\ -? Il y a ura contestation au fond, p·1rcu que si son e'\ception est acllll be il sera
j ugé qu'il 11'e::;t pa::; dt'•IJ ileu r. Ai11::;i le défendeur oppose la prescription; c'e::;t r ecw111a itre l'exis ten ce d u d roi t, mais c'est préten-
dre. q u 'il est é te int ; s i le juge arlrnet cette exception, il rejette
pour toujou rs h dennnded u créancier ; par suite c'est l'existence
a ctuelle du droit qni est en c 1use, peu importe qu'il soit
reconnu que précédemment 11 existait, si l'un juge qu'actuellemen t il est éteint ; c'est ùonc le fo1lll ùu ùroit qui est wnleslé,
e t p a r s uite la 0réance est l itig ieuse. De même s i le déLiteur
oppose la nullité d u dro it d e créancier, ce sera encore le fond
du p rocès qu i esl en jeu, car une obligation nulle est censée
n 'aYoir jama is eu ù'existence.
D'autres exceptions a u contraire sont étrangères au fond du
procès, et par suite ne r endent p'.1.s le droit litigieux . Celles par
exemp le qui concernent la procéllure. le défendeur soull:Ye L'incompétence du Tribunal devant lequel il '1 été cité, ou bien il
invoq ue la null ité de La citation qui lui a été donnée ; ce sont là
des excep tions q ni ne to uchent pas le fond ùu procès, et qui par
s uite ne font pas que le ùroit soit litigieux.. De mème si des
d iilicultés s'élèvi>nt s ur une créa11ce résultant de traYam, et que
le déb iteur fasse n omm er des experts en référé pour faire cons·
tater l'état des travaux., L'or ùo111nnce du juge des référés ne
ren dra pas la créri.nce litigieu-,e, parce que la procéùure ùe
référé 11e touche en rien le fond, par ::;uite le fond du procès
n 'est pas engagé par la nomination <les expert::;.
~ous venons ainsi üe \'Oir les deux. conditions néceso;aires
pour i111p riu1er a u llroit le caractère litigieux, existence d'un
procès, contestation sui· le foud du tlroit, d comest'.l.lion antérieure ü la cession. Il faut que \'existen e tle ces conditions soit
conslatée par le juge du fail pour se mettre :l l'abri Je la censure
de la Cour de Cassation ; c'est ce qui a été décidé par un arret
de la Cour Snprèm e,cassant un e ùéc1sio11 ùe la Cour de Paris,qni
ava it a d111is le retra it , en conslalant sün plement qu'il y aYait
contestation s ur le fond du dro it, mais sans inùiquer que cette
�-
134 -
contestation existait antérieurement et ~u moment de la cession
com me l'exigent les a rticles 1699 et 1700.
c. -Le relrait est- il applicabl e contre tonte espèce de dr~its?
\ la is une fois le c~ractère litig ieux reconnu à un droit, le
retrait est-il toujo urs applicable et peut-il s'exercer contre toute
espèce de droits, mobilier ou immobilier, ou simplement contre
un droit de créance ? Un arrêt de la Cour ·~ e Druxelles a
décidé que le droit de retrait ne pouvait s'appliquer qu'à la cess ion des droits de créance et non à une action tendant à recou vrer
un immenble,et ce qui a déterminé la Cour de Bruxelles à se prononcer rn ce sens, c'est que l'article 1699 se trouve placé sous
la rubrique du chapitre qni tra ite spécialement des droits de
créance. \fais cet argument est vraiment trop faible pour y
baser une telle opinion, car jamais la classification n'es t une
loi. L'article 1690 il est vrai indique, pour la cession des droits
de créance, un mode de publ icité qui n'est pas applicable aux
droits immobiliers , mais cela n'est pas une raison pou r décider
que r~rticle 1699 doive êtr e limité aux droits im mobiliers d' abord le te~te des deux articles cliITère sensibl ement,l'artic{e 1690
est une suite de l'art ide l G89 qni pa rl e du transport d'une crérrnce, d'iu1 droit ou d'une nctio11 sw· un tiers par suite du
droit contre une personne, tandis c1ue l'article '1699, parle en
termes génêraux d'1111 dr·oit, par suite de toute espèce de droit.
~ l ·1is en outre, l'esprit de la loi s uffirait pour montrer la faus~t>lé d'un pareil systcllle, car n' y a-t-il pas autant de cupidité
a acheter nn proccs im tnoliilier q11 'ù acheter un prooès mobilier ?
Ennn l'article 1701 apporte un nouvel argument en notre faveur
puisqu-il indicJUe comme une exception au droit de retrait la
· · l'1ltg1eux;
· t au d roit
fa ile au possesseL11· cle t'l1é'T'l·1age s uJe
cession
•
c est donc qu'un droil réel peut faire l'objet d'une cession· or
l'ex:epLfon porte sur la règle et implique, par conséquent,' qu~
la rcgle com1wend aussi les droits iminobiliers.
-
13h -
2" Quand le retrait doit-il ou peut- il élre exercé ?
Trois questions feront l'obj et de ce chapitre: l•jusqu'à quand
le retrait peut-il être exercé - 2° procédure à s uivre pour
l'exercer - 3° obligations imposées au retrayant
l 0 jusqu'à quand le retrait peut-il être exercé ?
La loi ne flxe aucun délai dans lequel le retrait doive être
fatalement exercé à peine de déchéance, il n'y aura pas par
suite de déchéance légale. :\lais cela ne veut pas dire que le
r etrait pourra être exercé pendant trente ans, car les molifs
même de cette disposition nous montrent clairement dans quelles
limites son exercice doit être restreint. Tant que le droit est
incertain, c'est-à-dire j usqu ·a. ce qu'il soit interveau une décision
judiciaire inattaquable, le retrait a sa ra ison d'être, mais il ne
l'a pas plus tard , car c'est pour mettre fin au procès que la loi ;
accorde au débiteur ce droit exorbitant d'expropriation. Par
conséquent il sera encore temps de l'exercer en appel , l'article
-!G-l du code de procédure ciYile posant en principe qu'une
demande nouvelle peut être proposée en appel, si elle est la
défense à l'action principale. Or la demande du retrait rentre
évidemment dans les termes de la loi, car , si elle est admise,
l'action tombe.
l\lais supposons que le débiteur demande le retrait à la veille
du jugement, a lors que tout est terminé, et qu'il est sùr de
succomber. Pothier croit que dans ces circonstances leretrait
n'est pas admissible, parce que, dit-il, les choses ne sont plus
entières, le cessionnaire ayant levé tous les doutes s ur la légitimité de la créance. Son opinion est généralement admise par
�-
t36 -
l es auteurs mod ernes , Troplong, Duver gier entre autres, qtù
s'efforcent d'apporter tles argnmcnts nouveaux à celui donné
par Pothier. Selon Troplong ce serait parce que le débiteur
qui soutient le proc~s, au lien ile dem;intler le retrait, est p r ésumé nmoncer it la faculté que la loi lui accorde . Dtwergier
verrait d·uis cette faeulté laissée an llébileul' une fraude, car
il y aurait Yrain1enL déloyauté de sa parL it soutenir qu'i l n e
tloit rien et à demander ensuite le retrait au dernier moment.
1his t us ces ar0 11ments ne sont p:i.s plus séri e ux les uns que
les autres, car t1nt que lejugemellt n'est pas r endu , la c réance
deweure incert:1ine ; cruelle soit rerl '1ine, en l'ait, t;'est possib le,
unis elle n'en de111eure p~s rnuins incert·1i11e en droit, etlï11certitude du Llroit esL 1lécisiye; le débiteur ne peLlt être privé ùe la
ftcnlté que h loi lui accorde, que lors<ruïl sera inten-e:rn un
juge111ent passé en force de chose j11g1.e qui l'a ura condamné.
Qmnt i.I 'enir prétendre, cp1'a~ :int défendu an procès au lieu
ile demander le relraiL, il est par lü pr~sumé avo ir r enoncé à
la faculté que lui ilonnnil la loi , ce n'est , ra iment pas décissif
nr la rcnonr-i~tion à un droit ne se préstune pas, et à quelle
épt)tflle. tlu rc.;,te, se présm11er;1it-elle '?serait-ce au commencenienl ou à h fit1 rie lïn<:.lance ? il 11·y a lYlS plus ùe raison
p•i11r l'!wisir l'un plnt<it rp1e l ':rnlrP de rcs rleux moments. Sans
doute il :·a indélicatesse de La lnrt du déhilem à veni r ainsi
de 1 ·111rler le relr:1iLalors quïl !:iC sent penln, et cru'il n'a pas
d'autre porte de sortie, lllais r·eh ne suffit pas pour lui retirer
un 1lroit Jlll! lc1 loi lui donne jusqu'it h clcrnit\re 1ninutc.
()ue fa1ll-il décider lors<f 1e, le j11gcu1ent 11ne foi<: rendu, e l
11uus le suppos•m s rendu l'll dPrnier ressort, l'on est cn··orc dan s
l1•s cl1;h is p Jll I' se pourn1ir e11 ("tss·1Linn 011 :i lt '1rruer le jugemen t
ll'tr \OÎ<:! rie n:•quêtc r·ivilc· ·1 Le retra it est-il encor e aclmissiule ?
S:111s :iwun <Lill te si la rlédsion est al taqnée par l'une de ces
\Oies exlraordimires, il rloit être a<lmia, car tout est remis en
- t3'7 question, le jugement peut être annulé et par suite la chose est
to uj nnrs litigieuse. On fait remar.1uer il est vr ai, que ces voies
de recour:s ne son t pas s uspensil es et que le jugement pourra
être exécuté mal;jr 6 ell es; m·1is cela n'empêche pas qu'il y ait
litige, tant qne le Tribun1l ou l:l cour <levant lequd le procès a
été porté n'aura pas statué, ce qu i est p éremptoire pour faire
admettre le retrait.
l\lais pen dant le délai p our se pourroir en cassation, et jusqu'au jour où ce pourvoi sera réalisé, le débiteur devrait être
repoussé s'il demandait a exercer le droit rle retrait. En effet du
moment •1u'il est intervenu un jugement passé en force de chose
jllgée le litige est éteint jusqu'au jour ou le pourvoi r éalisé fera
r e1nitre le procès. 1'1ais a lors m ême que le recours en cassation
serait fait. si le déb iteur exécute volontaireu1ent la condamna tion contre laquelle il s'est p ourvu, il sera non recevable à
demander le retrait, parce que cette exécution volontaire équivaut ü un acquiescem ent, et un acquiesce m ent met fin à tout
liti ge .
~0
Procé<l ure à suivre pour l'exercice du retrait.
I~Yi<lemment nous n'aurons pas il nous préoccuper de cette
q 11 estion si le cessionn·üre ne résiste pas et si par conséquent
l'opéntion se fait à l'amiable. :\his quand l'accord n'intervient
pas il y a lieu Lle se delllander, s'il suffit, pour celui contre qui le
ùrnil e'>t cédé, de m:lnife'>ter p·lr un '1cte Ll'hui sier L'intention
ct' 11ser du bénéfice Lie L'arlkle ·113.l!.l, ou -;'il doit r embourser elîectiH'llll'l1t les som mes que J'e\'.ercke Liu droit met à sa charge,
s:uir ;1faire tles olîres réell es si l':HlYersaire refusait de recevoir.
La l{Uestion est \'Î\ ernent controversée. '-\ans Llonte il .ne peut
s'agi r d'offres réelles l'l de c.,nsignatillll , car celui qrn exerc.e
le r e trait n'est p oint Lléb1Le11r du ces-;ionnaire, il u e d'un tlrott
qne ln loi l ui acconle. !\lai:> !'t>XCl't'ice de ce droit est subordorn~~
une condilion, qui cons1~tû <lans le remboursement du prix
à
-
�-
i 3!! -
réel de la cession et de divers autres accessoires . Or comme
celui qui a un droit conditionnel doit prouver que la condition
s'est accomplie ou qu'elle a manqué de l'être par le fait de l'adversaire (article Il 78.) il ne suffit pas que le débiteur montre
qu'il a déclaré avoir l'intention de payer cette somme, il faudra
qu'il justifie r avoir réellement mise à la disposition du cessionnaire. Cette preuve, il n'est pas besoin p our la faire d 'un procèsverbal d'offres réelles suivi de consignation et de jugement
de validité, il suffira d'un procès-verbal de présentation de la
somme qui doit être payée. Si non, les choses ne seraient pas
égales entre les parties puisque le cessionnaire se trouverait dépouiUéd 'un droitpayé par lui, sans êtresùrde rentrer dans les sommes quïl a déboursées; si la loi permet de l'exproprier,il est bien
juste qu'il n'éprouve aucun retard, dans le recouvrement de
l'indemnité qui lui est allouée.
Mais nous supposons évidemment que le cessionnaire a payé
son prix, et c'est l'hypothèse prévue par l 'article 1699 puisqu'il
parle du remboursement des intérêts à calculer du jour ou le
paiement a eu lieu. Le cédé devra, pour Je désintéresser, lui
rembourser immédiatement les sommes au paiement desquelles
la loi le contraim, ce qui entraine pour lui la perte des délais
dont il pouvait jouir vis-ù-v is du cédant, en vertu des convention qui le liaient avec lui. Si en eITet le cessionnaire a consenti à débo urser immédiatement une somme, bien qu'il ne dùt
exercer le droit de créance que pl}IS tard, c'est qu'il espérait
réaliser un bénéfice; si on lui enlè1•e l'espoir de ce bénéfice,
il est bien juste qu'on lui rembourse immédiatement la somme
qu'il avait avancée.
~fais si le cessionnaire n'avait pas encore payé le prix de
la cession, et qu'il ait stipulé un terme pour ce paiement, il
suffira pour indemniser le cessionnaire, que le débiteur lui
promette de le tenir idemne des obli gations par lui contractées
-
t 39 -
envers le cédant, il n'est donc plus nécessaire qu'il fasse constater dans un procès-verbal la présentation des deniers, puisqu'il n'y a pas eu de déboursé de la part du cessionnaire.
On reconnait sans clifftcultés que le retrait ne peut être
demanclé par des conclusions subsidiaires, car il ne peut plus
être exercé dès que le procès est terminé par une sentence définitive le droit cessant aussitôt d'être litigieux. Par suite le débiteur 1;e peut tout à la fois défendre à l'action du créancier et
demander par des conclusions subsidiaires le retrait, pour ~e
cas où il , iendrait à succomber, car elles ne pourraient avoir
pour effet que de permettre au juge, en condamnant le d~bit~ur
de l'autoriser à exercer le retrait, ce qui serait contradictoire.
3• Quelles sont les obligations du débiteur qui eéEerce le retrait t
Le cessionnaire exproprié du droit qu'il avait acquis, doit
être complètement indemnisé, el doit êti·e mis dans la même
· c· es.t ce que la
position que s'il n'eut pas fait celte opératwn.
loi indique en disant qu'on doit lui·r embourser le prix réel de la
du
. du con t,ra t ' et les intérêts
.
cession, les frais et loyaux couts
du
parle
101
La
ayé
été
.
. .
p .
prix à partir du moment oü le prix a
C
. un
l) rix réel car elle pré\oit le cas où 1es par ries ont indiqué
retrait
J
·t
'é
'
·
' . e.
lrix fictif, exagéré, précisément en vue d v1 er e
~erait là une véritable fraude, et le débiteur pou.rra prouver
pa1
présompsimples
et
is
témoi
r
.
de
,.
.
toutes sortes de preuves, meme pa
tions quel est le prix. r éel, et c'est ce prix seul qu il est tenu
e
t
rouv
·
..
.
·le pas des dépens de l rnstance qm se
1.
ui denont-ils
·cr ct
.
.
La 01 ne par
<inêtée par la den .amie clu retrait; à 111 char ne e q
l ·embourser.
�-
140 -
rester ? L'article 1699 ne parle que des (rais et loyaux cout.! du
co11f,.,tf, ce qui se rapporte éYidemmenl a ux frais relatifs à la
coment ion inten enue entre le créancier et le cessionnaire, et
nullement a ux frais postérieurs. Bien que le texte de la loi soit
muet, son esprit indique s uŒsammonl qu'ils doivent demeurer
à la charge du dèbiteur cédé, car le cessionna ire ne doit rien
pei·dre par l'e[et du retrait, ce qui se produirait, si ces frais
deraient être supportés par lui. Du reste le débiteur n'a qu'a
s'en prendre à lui-même, car pourquoi 11'a t-il pas ùemandé le
qetrait dès le début ? Mais il corn mence par se défendre c'est-à.dire prétendre qu'il ne doit rien ; puis il invoque le retrait, c'està ùire il reconnait par là-même qu'il est débiteur, il se condamne,
one lui-même, c'est par suite lui seu l qui succombe, et l'on
reste dans les principes, qui veulent que les fraissoint à la charge
de la partie qui succombe.
3• D e.! E/l'efl:J du Retrail
Pothier définit d'une manièr e générale le retrait : le droit de
prendre le marché d'un autre et de se rendre acheteur à sa
plac·e. Cette formule n'est pas tout à fait satisfaisante, car prise
à la lettre elle donnerait à entendre que le retrait serait une
subrogation par laquelle le débiteur prendrait la place du
cessionnaire, ce qui n'est point complètement exact et nous
aurons quelques restrictions à apporter sur ce point. Examinons
d'abord les effets du retrait c.lans les l'UfJJ>Orts du cessionnaire
et de celui qui exerce le retrnil ; nous les verrons ensuite dans
les rapports du cédant d'un cûlé,clu cessionnaire et de celui qu i
exerce le retrait, de l'a utre.
A. - Eiiets du retrait litigieux entre le cessionaire el cel ui
dui ex.erce le retrait.
- Ht -
On pourrait croire au premier abord que le retrait est eutre
e ux une nouvelle cession qui constituerait celui qui l'exerce
ayant cause de celui contre qui il est exercé. En e!Iet le cessionnaire est exproprié de la créance qu'il a achetée; or, celui qui
exproprie achète, et celui qui est exproprié vend : on pourrai t
donc croire qu'il y a une r evente produite par l'exercice du
retrait. Mais c'est là une grave erreur, car le code ne dit n ulle
p art que le retrayant achète la créance, et l'article 1699 nétablit
nullement que celui contre qui existe le droit cédé puisse cnn tra indre le cessionnaire à lui céder ses droits mais seulement
qu'il peut s'en (aire tenh· quitte pm· le cesslonnaù-e, expressions
qui n'évoquent pas l'idée d'une acquisition de dr~•it, mais d'un
moyen de défense opposable désormais au cessionnaire. Par
conséquent les choses se passent beaucoup p lus simplement;
le défendeur arrête le procès et y met fin en rembour ant au
demandeur le prix de son acquisition.
De ce principe qu'il n'existe pas entre les deux parties
des rapports d'auteur et d'ayant cause. découlent des conséquences importantes.
Le droit cédé est-il une créance ? Tous les droits nés du
chef tl u cessionnaire, avant le retrait exercé, sont non :wenus ;
par exemple, les créanciers du cessionnaire, ont-ils. ~ratiq~é
une saisie-arrêt sur Le montant de cette créance ? la sa1s1e- arret
tombe, car il n\ a plus de créance, la loi la déclare éteinte ; le
cessionnaire aura seulement une action en remboursement du
prix. Sans doute les créanciers du cessionnaire peuYent exercer
cette action, mais ce n'est pas la créance cédée qu'ils e1'ercent;
celle-ci est éteinte par motif d'utilité publique.
Si le droit cédé est un droit réel litigieux, on apperçoit mieux
encore les conséquences de cette iùée que le retrait o 'opèr~ pas
une translation de propriété de celui qui le subit à celm qui
l'ex-er ce. Les droits réels constitués par le cessionnaire sont
�-H2-
anéantis, et au contraire ceux qui s'étaient éteints par confusion revivent.
B - Effets du retrait dans les rapports entre le cédant d'un
côté, le cessionnaire et le retrayant de l'autre.
Vis-à- vis du cèdant, soit qu'on le place en face du cessionnaire,
soit qu'on le place en présence du retrayant on ne peut pas considérer la cession comme anéantie, le cessionnaire comme
n'ayant jamais été l'acbetenr du droit, et l'autre partie comme
ayant seule traité dans le principe avec le cèdant. Si en effet
l'on regardait comme non avenu l'achat interevnu entre le
cessionnaire et le cèdant, dans le cas où celui- ci ne serait pas
intégralement payê, il n'aurait plus d'action contre le cessionnaire, désormais libéré de toute obligation, et il ne pourrait plus
agir que contre le retrayant, devenu débiteur à la p lace du
cèdant. Mais on ne voit pas à quel titre le r~trayant serait débiteur du cédant. Ce n'est pas à cause de son ancienne obligation,
qu'il aurait cons entie à acquitter au moins en partie en exerçant
le retrait, car si on peut trouver re prétexte quand le droit litigieux cédé est une créance, il n'est plus invocable quand le
droit cédé est un droit réel. Comment en eŒet la cession d'un droit
réel suivie d'un retra it poura it-elle fail'e ùu cédant un créancie r
de celui qui était son adversaire, dans une contestation sur un
droit réel ? Du reste comment admettre que le cédant change
ainsi de débiteur malgré lui; quand il a vendu son droit, il a consenti à s ubir une perte s ur le chiffre nominal de son droit, non
seulement peut être pour él'iler les chances du procès, mais
parce que l'acbeteul' lui semulait plus solvaule que son adversaire ; or le retrait ne peut pas changer, sans son consentement,
la personne de son débiteur.
Certains ont prétendu que ce changement s'opérait par la
- 143 -
toute puissance de la loi, et que le cèdant avait do prévoir cet
événement lorsqu'il faisait un acte rentrant dans la catégorie de
ceux dont s'occupe l'article 169!). Mais il faudrait au moins, pour
invoquer la toute p uissance de la loi, que la loi eùt parlé, or
l'article 1699 ne dit rien et ne laisse rien s upposer de pareil, il ne
parle pas du cédant, il parle seulement du paiement à effectuer
par le retrayant au cessionnaire, mais il ne fait naitre aucun
1 apport entre le cédant et le retrayant. Entre le vendeur et l'ach eteur le contrat de vente s ubsiste donc et cela est très logique
car le but du retrait est de mettre fin au procès que le cessionnaire poursuit contre le d~biteur, donc tout se passe entre le
défendeur et le demandeur ; quant au contrat inten"enu entre
le cessionnaire et le cédant, il est étranger au débiteur cèdé,
étranger au retrait, il n'y figure que pour constater le prix que le
débiteur doit rembourser au cessionnaire.
4• E xceptions au dt·oit de ret1·ait.
L'article 1701 apporte trois exceptions au droit de retrait ; 1.
quand la cession a été faite à un cohéritier ou un coproprié~aire
du droit cédé - 2° ou à un créancier en paiement de ce qui lui
est dû - 3° ou au possesseur de l'héritage cédé.
Ces exceptions peuvent s'expliquer par diverse~ raisons. Les
faits qui ùnt amené l'acquisition ont un caractèreacc1dentel, et par
cons équent ex Cluentce tte idée que le cessionnaire est. une
. personne
.
spéculant habituellement sur les droits litigieux.. \ 01là la r~1son
commune à tous les cas d'excep tion. En out~e: dans plusieurs
,
1a cause de l'opération a paru lalég1timer.Enfin,dans
hypoth escs,
.
.
, .
as prévus le retrait s'll était exercé, n étemC
d
quelques uns es
'
,. . · d
. pas l e l't'
dra1t
i ige, et c'est là le but principal de l mshtuhon u
retrait litigieux ·
�-
143 -
1° Le droit de retrait cesse cfabord , lorsque la cession a été
faite à un cohéritier ou un coproprietaire du droit cédé. -
La cause en effet s ur laquelle est basé le droit de retrait, la
haine que méritent les acheteurs de procès, ue se retrouYe pas
ici ; car lorsqu'un héritier Olt un copropriétaire, qui a déjà de
son ch ef , une part dans la créance litigieus e, a(.'quiert les paris
de ses cohéritiers ou copropriétaires, il est éYiclent que celle
csssion a une j uste cause, qni est celle de sortir d'indivision,
on ne peut donc voir dans le cessionnail'e un acheteur de procès, et il doit ètre admis, ü faire Yaloir dans toute leur étencl ue
les droits qui font l'objet de la cession.
On peut, il est vrai contester l'application de l'article 1701,
dans le cas où il s'agit d'une créance qui n'es t point ind ivisible,
car les créances se divisent de pl ein droit entre les héritiers;
le droit cédé, c·est-à-dire la part de créance appartenant au
cédant n'était pas commune en tre le cessionnaire et le cédant,
il n'y aurait donc pas indivision. f\Iais on peut a is ément trom·er
un autre motif pour jus tiOer l'exception de l'a rticle 1701. Si l'on
admettait le retra it, il m anquerait son but, parce q u'il n'éteindrait pas un procès. Le re trait en eITet n e pourrait s'appliquer
qu'à la partie de la créance qui appartenait a u cédant, l'autre
partie, celle qui appartena it au cession na ire, avant la cession,
ne pourrait lui être enlevée, el le procès s ubsisterait toujours
s ur cette portion, p lus acharné même qu'auparavant, parce que
le débiteur aurait exproprié le cessionnaire du droit qu'il avait
acquis .
2· Le droit de retrait cesse en second lleu, u lorsque la ces_
v sion a été faite à un créancier en payement de ce qui lui est
dù "·
Le m otif de cette exception est a is é à comprendre, la cession a dans ce cas une cause légitime, puisque c'est une dation
-
145 -
en paie ment ; te c réanrier arcepte ces droits en paiement <le ce
qui lui est dit , prob·1blelllenl pan·., qnïl IJP po 11 rr:i it pas foire
autremen t. Polhier faisa it tonte fois une clisfindion. <hns le cas
oü le créancier au rait JHI a rri\ er à (•tre clPs i.itéressé antrei 11 ent
que par la cession . parce que dans ce cas ou ne retrouve plus le
motif snr leque l se liase l'exccpt10J1. Le code repousse tonti>
distinction, par cela seul qu'il ne Jïn<lique p.1s et sa raison nou<;
para it ê tre q ne l'opél"ttiou n'en rnnsen·e pas 111oins une cause
légitime, s inon du rùté clu ces,ion111 ire, tout au moins du côté
du cédant, q ui tro nYe dans C('t arte cles fal'ilités Je libérat ion.
3° La troisième hy pothèse se ré'll ise da ns le cas oit la cession,
été faite a u possessem de lïiéritnge sujet au dro it litigieux.
Ains i le possessenr cl 'un hérit1ge est poursui,-i par un prétend u
créancie r hyµotli éraire <ln Yenrle11r, il achète la néance pour
conserYer la possession de lï1 éril agè; le débiteur de C'ette dette
a tLrait droit au retrait s i l'<lu ne se truu,·a1t pas 1lans un cas
tl 'e\ception ; 11rn.is 1·1> dl'l1it l11i est l'ef11-é parce IJll t. lP i•osses'>1..11r
de lï1 11 me ulil e ~wnit 1111 intérèt l1;gil i111 e il empln\'er to us les
moyens de lil1é rer sa propriété.
Les d is positions de l'arl il'le 170l t'.· tant exce plionne ll es ne 1loiYent point être é tendues, et l'on ne po11na, 1hns d'au tres
cas crue ceux prén1s par cet :irt icle. refuserl'exel'l'Îl'e du rett"llt.
On doit Loute fois consulél'er con11nc é tran~ère il l'article lGU!'l
toitle t1 ansmissi< 11 de dl'oil litigie11 \, <(Ili n': urait p 1s eté laite
p ri11ripa leme11t et qui sel"lit scult•rne11t la ronsë11uence de la
tra11 111 ission d'un e11sl't11J.l1• de drnils, p :r 1'\e111pled\mecessi0n
d'ht'· rédité,ainsi l'acheteur 1l'lllw lu'rt'·dilé ne sHa p.1s soumis
an <lrnil de rel l':t it, s'il se fl't)ll\ t' d1•s droit lilkieux p11'mi les
objets hérP<lihires: t'I n•l.1 p 1n·e qn 'c11 1d1èla11t une hérédité
il t1'al'11ète poi11 l les rhuses qui la t:o111pust::nt ; ce n'est ùonc pas
un a chete ur de procès.
10
�-
-
H6 -
On peut invoquer le 1111~ rne 1notif, tians le
oi1 le d ro it liligieu:s. estraccessoire d'une cho:>e pr incipa le non litigieuse, pa r
exemple dans le eus de la vent e <l'un ùoma ine avec toutes les
créance• que Je propriéta ire peut avoir i;onlre ses fenoiers . La
ces::.ion en effet n·a pas pour objet des droils lilig ieux., et l'on ne
peul pas ra nger le cessionna ire, <]Ui est o bli gt~ de soutenir une
instance cum10e c:onsèqnence rle ::.on acquisitio n,pa r mi les ach e
teurs de prOCt'S contre lesquels sévit l'a rtiele l (i\JD.
~la is indépendammeut Je ces J eu" ca,, qui ne sont pas à probablement pa rl er ùes exceptions, p uisqu'il n' y a pas en réalité
cession directe d' un droit liligieu:-.:, on ne pour ra pas a dmettre
qt.e le droit accor dé par la loi au débiteur cédé, d "éteind re le
p rOC<!S pendant entre lu i et le cessionnaire pa r le pa ieni ent des
déboursés de ce dernier, ~ul.i ira des exce ptions autres que celles
linlÏtati,·ement détermi nées par r arlil'\e 1ï () 1.
111 . -
l" IS
Du Retrait d'indivision
P ri11cipe d u
R el1·aù d'i11rhri:sio11
Au litre du contrat ne mariage sous le r ég im e de la com111unaulé, se trouYe consaC'ré un troisième cas de Hetra it que le code
présente co mme une exception a ux règles éta blies s u r la compo~ition de l'actif de la com munauté.
Oans l'article 1401 en efîet le législa teur a posé en principe
t(lie tous les immeuble!'! acquis par les deux époux pendant le
mariage tombent dans l'acti f cnmmun et for ment un acquêt de
1't7 -
.
.,
co11H11111ia 11tP Ou
pe gé11 éral sont
Pl, ·111c1
· ''l ce
·
" e l({lleS e:--i·elHiuus
appo.rtées p:n les a rliclrs 11cr 1, l l IG t>t ~ 11iva11ts, et l'une <les
.
p lus u11 pot'ta11tes est sa11s i·ont rerlit c·ellP· c' t a1J l.1e pa r 1.:i1·t1de
f 4.08, '.lont .voi~i la teneur : « L'acrp1isitio11 faite pendant le
« '. 11:m agc, a tttre de lil'itation nu a11trcment, de portion d'un
11
11111'.1 euble dont l'u11 iles épo11x Pl'l it lH·orriéta ire Jl 'll' inclivis,
« ne !orm e poin t u11 ('Oll<J11 è l ; sauf il i11demniserla co1n1 J1 u111uté
<c de la somm e qn'el!e a fonr11ie pour 1·ette acquis ition.
u Dans le cas oil le mar i (levientlra it ::;<" ni, el en son 110 rn per\( sonne!, ac< [ut' reur on adj111lic1h ire de portion 0 11 de tot•dité
« d'un imrne1_11Jle app1 rtenm1t pnr indiYis ü la femme, l'ell e- ci,
« lors d e la ù1ssolution de la rn1111111111aulé.a Je choix ou cl'aban« donner l'efîet :1 la co111 m1mautt', lacp1ell e devient alors déLi" trire envers la femn1e de la portion appartenant à celle-c i
« dans le pri x, ou de retirer lï111111e11ble, en rein lJour<>a nt il la
« com rn tllla uté le pri x de l'accp 1io:;itinn. n
A . - Acquisition pa1· l'époux ccmmun de la portion de
l'immeuble dont il n'était pas propriétaire .
Trois <p1estions fe ron t l'olijet de ce chapitre : l"Quels :;out les
cas anx<Jliels s'applique h pre 111 ierc 1nrlie de 1"1rli cle -~"C·rn~e
de ln dérogat ion étaLlie pat· ce t artid e. - :l" Conditions ex igées
pour l'exen; ire de ce Ll ruit.
Ex:un inons d':ilJor<l l:i. pn>t nii:•n• pa rlii> d t' 1·Pt a rticle.JI s uppose
le cas oi1 un irnmenl>le app:trlit"nt p·tr i11d h io.; :\ plusif'urs perso1111es, p·u·1ni le:>Cfl telles tig11n' 1111 (•p ou x 11n rit> sous le régirn e
de la 1.:01u muna uté. L'imweuLle est ,·enùu par licitatio u et
�-
148 -
l'ép üU:>. co m m un s·en r end adjud ica taire ; il d ev ra d~ n c pay~r à
car les termes d e l'inti cle 1108 son t te lle ment absolus q u'ils ne
comportent aucune espèce d e ùistinctio n .
SPS anciens copropriétain>s la Ya leu r cles p art::; qu 1ls a v:u e n t
dans h propriélé. ~i l'art ide J .08 n·exi,.,lait pa::::, en vertu d u
2° Quelle est la cause de cette db-ogafion.
tll'im:ipe générnl que tout im rn eul.>le a r (111i::; pe nda n t le m a riag e
e't acquêt ile romnrnnau té, il faud rai t dé<.:idl'r que les p a rts
dolll l'épou~ a ra p porté l'adj 111l icat iou t.;mller ont d am; ra clif
,, 0111 111 1m. L.: pre111ie r a linéa de 11ul rt> a rticle d i::i1w'e au co ntra ire
que 1'immeub le
en toLtlilé a p partientll"l e1 1 p ro pre a l'é pou x
adjuùicalaire el que la communauté n'a ura d roi t qu'à un e r éco m pense. à ra i ·on d es somn1 e q u'elle p e ul <WO ir fourni es pour
payer le prix Je l'adj uJ ication .
149 -
Pothie r l'ex pliq ue t rès natu relleme n l par les p rincipes p osés en
111a ti ère d e p artage dans rar l.88:3. Chez nous en effeUlliltliffPt'ence
de c e q u i se p assait en cl ro il romain ,le pnrlage 11 'rst p lus attriLuti f
m a is s implement d éclaratif de p r opriété ; chaque héritier est
ré pulè avoir s 11ecéclé seul e l irn111édiate1nent il tous les effets
co m p ri s dans son lot et n'avoir ja111îis e11 la propriété Jes autres
Le cas rle licitation cité p a r l'a rticl e n 'est p a
le seul auq uel
s'applique l'except ion q u'il co n ac r e ; r ·est re qu i r ésult e des
e!Tets de la s u ccession. « Le Lléfunt , !\il Pothier, est censé a\·oir,
« des lïns lant de son déc<'.' , s1i..,i en entier ch acun de ses héri-
mols ou avlremenl.
~
Ces tE' rrnes ont été aj ontés e n efTet s ur les o bse rva ti011s cl u
T ril 1una t. de sorte qu ïl n·y a nuc un d ou te s ur l'esprit d e la lo i.
l'ap plin t i• n de ce p rincipe a1 1cas rle 1·01111111mauté. Puthier en
d érl ui t (JUe les i 111me11 1.> les a tt1·i b nés ü l 't-'pou x rom mnn sont iles
pro pres de co mmuna uté pour le tout. Or ce qui est vrai 1lu
L e Tri bu na t lit obse n· e r q11ï l n'y a Yait pn de raison d e limite r
le clrc1il d e l'épou x. a n cas o it il a urai t a rquis ln p ort ion indivise
par licitation ; son droit do it être l e m ême cla n s le ca s cl e to ule
acqu isition \'o lontaire. pa rce q uï l y a p ar ité d e mo ti fs.
t ie r s de trrn tes les choses rn1opr ises tlans lem lot. n F <isant
p n rta ge es t éga lement vrai de 1:1 l icitation , rrui n 'est en
so m me ([u·un m orl e d e sortir d e l' in div ision. F.lle 1ù1 lieu
Airn:.i h. même solution 5era Jonnée clans le cas <l\m p;irtî ge
e n eITet, a ux. tenn e~ d e l'a r ticle lGO~ « que si une chose
« co11w11rne n e p e ut étre prtrla,fJée co m m11dément et sans
<l'un ensemble, clP h iens si l'on :1 lt r ib ue ü J'ppou x un lot g rt'vé
« p e r te, o u s i da ns un partage fait de g ré ü gré de biens
c1 ·11ue so1111,,_ el en gé nér:ü pour to11<; ll's CîS, dans lesquels
11
co m m uns, il s'en tro u ve qu elques uns q u 'aucun de cop1r-
lï11tliYi.:;ion aurait ces5é
<<
tagea nts n e puisse o u ne veu ille p rend re. » La liril'ttion entre
p ;ir
des actes,rrui n'anrnient pas reç u
fJUîlification <le pa r tage, mais qui nurai 1tl e n rc'1 l ité la natnre
coh é rit ier s a d o nc le m ême obje t, la rnè m e fin que le partage,
de t Pt acte.
e lle es t regardée com m e un acte q ui ti e nt lieu du partage ; par
suite e lle n e fa it q u e d é te rm in e r les p a r t' que chacu n des
En hui-il <'lin~ autant dt> l'a<l jw licali on q ni se fnit nprès ex.prop1 iati•J'l fnrcr~<> cl'11n imme11 ble c;a isi <sur l'é p oux et ses co-prop ri•'·hires? La <inr>slion con lrnYersée cln ns l'anc ien dro it , l 'est
h é r i ti e rs l icitants a dans la ch ose 1icitée. e l radjudicata i re est
e nco re en
l'hérita ge qui lui a é té adjugé e t n 'avoir rie n acquis de ses
ù ro il mo<lerne. Cep e ndant l'affirm a tive tend à
pré" a lo ir, et elle n e p a rait pas douteuse a u p oint d e vue du texte,
censé a vo ir su ccéd é im m é clia t e rnen t a u défunt plllll' le total de
�- 151 cohéritiers. De là la conséqnence que l'héritage adjugé par
lil'il.ltion a l'u11 des hl!ritiers llli est propre pom le tota l en
matière de succes::;iuu, 1l forme donl' aussi uu l•ropre de co1n111unauté.
• 1 lis cette tluctrine est t>llc liien ju-;le, el peul-on inYoquer ici
la fiction ile l'artide Sx:J ? E\·idelll111ent uon, (rauorcl parce que
cet artide éta •lit nue tictiL111. et 11ue tuule lktinn doit c1 tre r.estreinte d:111::; lt>s limites de la loi. E11s11ite c1uel a ét1> le lmL tle
l'article
xx:P
C'est unique111entclt' dden Ire
llll
héritier Oll un
copropriétaire. cunll'e les ayant !'ause de raulrc cohéritier, puur
e111pl~rher que les droits runstilul;s JlCll la11l lïwlidsion par l" un
de co, ropriét·lires 'ie1111ent it gre\ er la prnprit'•Lé Ji>s autres
après le parhfW ou 1 t lkihtio11. Si en efîel le copropriétaire, au
lieu J0 tenir les objets mis 1lonc sun lot ou !lont il a rapporté
l'a1ljudic:ltion, directement du défunt, les te nuit e 11 partie <le ses
co1 1 ropriétaires, il se1"<1it tenu rle resperte r les charges, privilèges
hypntheques, ou · en·itndes, consenties par eux sur la part qu
I
leur apparlenait ; on eùt ainsi aggravé, cousidéralllemcnt
le;; i11cot1'"énients de l'indiYision; c'esl donc dans nn but (l' utilité
s 1i:iale que l'on a réputts Je co1n·opriêlaire loli ou adjudicataire
s\;ul et unique propriétaire dt>puis li; c·o1111nencetnent de l 'indivi~ion.
qui lui a ppartient dans l'im m «> u ble, et qu'a u j our de l'adjudication, il n'en fut pas arljud icata irc, la portion du prix de la licitati on qui l ui est cl îi po ur sa part, sera a fîectée aux créanciers
h ypothécaires. e t non pas nnx ct·tinncit;>rs chirographaires. Cela
est Lelle111en t v ra i, qu e s i un héritier p résom ptif a 1·eçu, à titre
d 'avancem ent d'hoi r ie, un e pa ri indivise d'un certa in immeuble,
et q u'il se rende adjudicatail'e de l'i1 nmeul>le entiel', on ne viend ra pas préten dre, j'i rrngin e, cruïl a reçu en ava ncement d'hoiri é to u t l' itn m eub le, pour le force r au r.ippo rt de l'immeuble
to u t enti er.
Et du reste, si l'o n prétendait appliquer en m atière de comm unauté le principe de l'article 883, il faudrait évidemment en
fai r e l'applicalio n au cas in verse de rel ui prévu par l'article 1408,
c 'est-à- d ire au cas où l'épo ux com mun, P.lant copropriétaire par
in divis d' un i111meu ble, n 'en devient poi11t adjudicataire. L'époux
sera censé a l1Jl'S n'avo ir jamais é té propriétaire d'une part quelconq ne <le lïmmeu.ble, e t pa r suite il faudra it décider que la
p a rt <lll p ri x de licitation tom be ra clans la co 111munfü1té comme
n e ri roYenant pas d\m i mmeu b le propre. Polh ier lui- même se
r efuse à faire à cette hypo lhèse application de sa théorie et fait
des efforts de raison nem ent po ur s'y soustraire.
Il est clone i m possible d'ap pli q uer au cas prévu par l'article
1408, le principe de J'pfîe t déclarL1tif du partage; c'e t là, nous
l 'a \'vil ;.uffisamment élab li, une rè~le qui Yise uniquement les
Ce but nous indique les li1niks dan" lest1nelles l'application
de cet article <loit ètre re<.;treinle; il l'ise seule111ent les rappo1ts
exi-t~nts entrl.' un cuhérilier et les ·1yant 1·:i.11se 1l '11n autre cohéri tier, m1is ce senit étr1n-:>emc11t s<> m '•p1·en Ire que de
r apports d' un copr opriétaire ayec le ayant cause d'un autre
copropriétalt'e el non pas ceux d'un copropriétaire avec ses
lui donner un elîet entrP le conrnpriét 1ire et ;;es propres
a yant c·rnse, <'.e <J:lli est nolre c~pêl'e, entre le rnprnpriéhire et
son coiujoint.
propos ayant ca use.
Si méo n, l'orateur du T ribunat, donnait de l'art. H 08, une
autre expl ication.« L' un des épo ux à en propr e la moitié dans
.Et cela e!:it te lle men t ains i r1uC' s i l'un les cop ropriét·ti res
;1 Y:1.1t, pen<ia.1t l'indi vis ion , r,on:jen li des hy po th "1ILU'S sn r la p a r t
"' un im meuble qu 'il posséùait par indivis avec un tiers. Cet
<s. immeuble est li0ité ; l'épou;..: copl'opriêta ire en devient acqué-
�-
f 52 -
" reur. La moitié par lui acquise entre-t-elle en communauté ?
1< Elle semble deYoir y entrer, puisque l'acquis ition faite pen<i danl Je marh.ge a le c~anctcre d'1m contruèt de communauté.
, ~fais alors lïn•li,·isio11, <Jlle h lil'it. lion de vait faire cesser,
1< aurait con'inné: 1'11poux copropriétaire de l:l moitié et acqué• reurde\'.dtlre moiti1~ anrait en commun ·wec son conjoint
, la moilii.i acqnü;e. On a iléciclé tJl lC l'époux acquéreur se ren<i dait propre la portion qu'il ach le, à la charge d'indemniser
, la comnnmanlP Je b somme qu'il y a prise pour son acquisi(1 tion. »
Celte explication n'est p'ls non plus très satisfaisante, et l'on
c11 saisit aisément h rai~on. Si en effet c"est rtans le l.mt de perllleltre a l"épo11x c·o111mnn de ~ortl l' de! 'indivision qn 'à été établi
l'article 1tü~, et ponr empèchtl' <rnïl ne retrouYe <1Vec son r·onjoint lïndiYision qu'il a yonlu faire aver- son cohéritier, cet
article cessera d'être applkable dans le !'3.S oü, an lieu rle se
rendre adjudicataire de la partie entière qui ne !ni appartenait.
lJ'tS dan~ lïmrneuble, il Il 'en ne h!'le que le tiers ou le quart,
parce qu'alors il demeurerait dans l'indivision ; or rien dans
l'ai !icle 1 l08 ne fait prérnir ll!le p:neille cl istindion. n est donc,
je erois, pins naturel de ne rws rlierrlter à clonne1· d'explication
il Lu·licle 1 lfJk et cl'en faire l"applir- ttion sans se préoccuper (les
1110tifs qui l'ont fait élabli1· ; c'est clu r1.:~te ce que fait la jurispruclence. L~ lrat]itio11 en effet f>:>t incertaine, c:ir l'opinion de
P Jthie1 est cuntre<lik pw LP.]mm; quancl ù l'esprit cle la loi il
u'es l p'l:s moins 1loute11x, n 1· 'l1t l(•n1oi nl'lgc de Tronchet, au conseil ri'hnt, <Jui accepte l'npi11i1J11 ole l'ulliicr, on oppose celui de
Si11won, ·u1 T ·iLu11al, donl noue.; \'~IHHl" cl1·ritP.r lr>sparoles. L'esprit de la loi est cl HW très d.,u tell,, lt•11011s 11011s exdusiYement
à :;on te:-...le.
1
-
f 53 -
3° Cond il ions exigées po11r /'e.cercice de ce droit.
La première condition requise par l'article l W8, pourque l'acquisition devienne un prop re, est qu'elle so it faite par l'un des
époux qui était propriétaire prrr i11dh'ili de l'immeuble. n frnt
que l'acquisition ait lieu pendant l'indivision; car s'il y avait en
part,1ge, répoux serait propriétaire d'une part divise qui for111erait un pl'opre, et s'il acquérait ensuite la part divise <le son
coparl·1geant, cette part formerait un conquêt, comme ayant été
arqn ise par Yente pendant le mariage.
Doit-on tenir compte de h cauSt' de l'indivision ? c'est-à-dire
doit-on re<'hercher de quelle rnanière l'époux à acquis son droit
de copropriété dans l'hé ritage indiYis ? Evidemment non car le
texte n'exige nullement une p1retlle 1.:onditiun, et dn reste les
travaux. préparatoires ne laissent aucun (loute sur l'intention <lu
l é.~islateur. En effet le proj et Lel q11'il avait été adopté par le
co11seil d'Étut, limitait la di, position ü « l'immeuble acq uis par
c licitation sin' une succession éf'h11e à !'1111 cfrs éJJOu.r:, et dont
« ce dernier était copropriéta ire p"U' in li,·i,, ». Le Tribunat fit
l'obsen'ation que cette restrit.:tion n'avait aucune raison J'èLre
dans notre code et émit l'aYis crue (< l:t cli~po,ition de l'article
1• 1!08 ne devait pas seulemeut ·\\ oi r li· 11 lorsqu'il
'agirait
~ d'une acqnisitiun s11r lic·it·llion cl'un objet pro,·enant cie suc1• cession à l'un des époux, lllais l>iè•• e1:core lorsqu'il ,,erail
question cl'immeubles i1i.livis ;'1 quelque titre que run des
« c;poux y eùt une portion. ~ S11r rette ob~;c,n·ation le conseil
d'état mo Llifla sa prem il't'e rc\chrtion el l 1 tlispm;it ion fut 1·~ ligée
en termes gi-\n1.1ranx e\.cluau l 1ou lt' cl 1sl i nt.:l ion.
De llll;lllC il n'est pa::; nécess:til'l' cp1~1'inrJiv1sion a.itr.t1mmencr"
(<
�- 154 -
aYant le mariage, peu importe 1·époque à laquel le elle aura pris
naissance. Le texte exige une eule Llt0se en effet, c'est que le
droit indivis appartenant à l'épJllX soit un propre. i l'époux
r a acqui ' avant le mariage, ec droit lui est nécessairement
propre, puisque tout im111euble ou portion <l'immeuble appartena nt à. rua des conjoin ts ;want le mariage lni appa rtiuü en propre. peu importe qu'il lui vienne d ·une ~urcPssio11 ou d'une acqui' ilion à titre onéreux. Si au conlt"1i re il l 'a ac.;q nis pendant le
mwiage, il faudra que cJ soit en verlu d'u n titre qui constitue
un propre, soit à titre de s ucre ·-;ion Olt dona ti on, soit en vertu
d'une cause antét-ieure au mariage, soit it tilre de remploi, soit
en éd1ange d'uo propt-..! mob1lier ou immobilier, soit enfin lorsqu'il est cédé pîr un ascendant it titre de dfTfio in solulu111 ou
à charge de parer ,les dettes du cèdant . \fais s'il a acquis un
droi t indivis par Yente, r acquisition sera un conquêt, et par
suile l'article 1408 devient inapplicable.
On se demande s'il y aurnit lien a u retrai t d 'indivision dana
Le cas où l'époux acquiert des parls indi\'i ses dans une succession , partie mobilière et partie immobiline '! r.a <ruestion quo ique fort controversée, doit être résolue négative ment, ca r celte
solution découle du texte de la loi. (Ju e 11 0 11;;; <lil en efîet l'article
1 !08: " L'acquisition faite pendant le 111 ·t1·i1ge de portion d'11n
" i,,1111e11ble, dont l'un des époux éta it l'l'OJ>riétaire par indivis,
11
ne forme point un conquN. n Le cas prévu par la loi e~t donc
celui d·un immeuble indiYis entre l'époux et un copropriétaire;
or, dans l'espèce, ce n'est point un i1n meuble qui est indivis,
c'est une succession composée de meubl es e t d'imrncublPs, et il
faudrait étendre beaucoup trop le sens de nolre a rticle pour
applic1uer à l'acquis ition d'nne partie indivise dans 1we .•uccessiuii ce quïl dit de racc1uis ilion rl'une p ortion incliYise dans
1111 11 111 11
i 1 e ble. En vain prélenclrait-on qllc Ir tllol immeuble ne
-
15$ -
désigne pas s pécialement un corps certain , mais q11ïl est
ernployp pa r opposilion a u 1cnne 111P1t!J!e, pour indi<J:uer les
objets qni, d'après leur na ture , sont exc lns de la co1nmunanté ;
une telle intnpréhlion 1te sam nit é,·i11entlllent èt1·e ad111ise.
Qut- 1 est en elTet la place dt' l':ll'I id e 1 ~OR, et quel est son Lut ?
La loi nu11s le près1~rdc rn1n111l' u!le e,cepticn a u pri ncipe général posé da 11s l"1rticle 1 l(Jl, datts le'[ltd le législateur tra itant
ùe \'actif de l.1 corn1nun1.ult; pol'le q ne tous les itnme11bles,
acquis pendaut le 1nariage, tombent il'llls h communauté;
voilit le principe. Pllis COlltllH e'\i·eption a ('e priucipe. les rédactem-; ont é nn mc~ rés cer t·iins t'1." . lnrrni lesr111els figure celui
prérn p·tr l'a rticle 1 \OR. C'est <l'abord l'article 1405 pe ur lïmmenlJle aCCflIÎS par <lonation ; 1•uis J':irticle 1 lOG pour l'imrneuLle
cédé par un ascencian t à titre de datio in sol11tu111 ou i:t charge
de payer les dettes dn donate•1r; ensuite !"article 1 ~Oï pour lïmrn euhle acquis à titre ri 'frhange d'un propre immobilier ; enfin
r artie'le 1108. Or da ns to ue; cr~ article,:; il n'es t jamais 11uestion
q11l' rl'imrneubles; il s 'agit to ujou rs tic· savoir si tel i111111e11blP
arrp1is pe1Hhnt le mariage srra un conquêt 0 11 un propl'e, et
COtnlll l'flt a<l111Pttre (file r ·1rtil'le HO~, <{lli fait <mite à <·es llispositions, preune Je rno t immeuble <hns un sens ci ilîérend ?
L ·1 inème question se préS<'ntera 101·s de l'exanwn du cienx.i L''.lll~ al inéa de l'article 1 IOS, po m If' cl roit d'option que cet
artide accorde à 11 fetnllle dans le <"lS • t'1 If' m::iri est deYenu
Ul'<flll~l'Pllr en S011 110111 d·1111 i1111ne11ble app.'lrtenant par Ïn1liYÎS
à s 1 femme . Ce sera lit une n isDn de plus pour rlouter, car ce
droit rfnpt ion est tout il hil e\rt'plionnel et ne peut ~ll'e
étrnrl11 hors iles ter1Il"'-' p rér·is dl' la lni.
�- tss·-
B, -
Du Droit d'Option de la Femme
1• Dans 7uels cas peut s'e.xercc1· le dt·oit d'option de la
/cmuu· .
Examinons maintenant le deuxième alinéa de l'article 1408.Jl
uppose le cas de licitation d'W1 immeuble appartenant pour
partie à la femme , et dont le mari se rencl 1.cljudicataire, que ce
soit en son nom personnel ou au nom de la ro111111unauté, peu
importe, car le rés~ltat est le même, puisque le' acquisitions à
tit re onéreux faites pendant le marhge prnfi tent toujours à la
communauté. Mais le point important, et s ur lequel la loi a
voulu ins ister, c'est que ce n'est pas au nom de sa femme et
rom me son mandataire qu'il a agi ; car a utl'ement ce ne serait
plus une application du deuxième ali néa de l'article l '108, m ais
on tomberait dans l'hypothèse régie par le prem ier a linéa du
rnème article; nous reviendrons du reste 8 Ur cette idée.
, upposons que l'article H08 n'existe pas ; ici Je mari est un
tiers, ce n'est plus un copropriétlire; par suite l'article 883 n'est
plus applicable, car la licitation dans ce cas produit les eITets
d'une Yente et non ceux d'un partage. Pour les 1,arts de l'itnmeul.Jle licité appartenant a ux copropriétaires de la femme,
rac41uisition serait Yalable, et l'immeu ble formerait, pour ces
parts un acquêt de com mu.rnuté. Mais pour la partie <le l'immeuble revenant à la fem me, l'acquisition serait nulle, car la
vente entre époux est prohibée. (A. 159!1J.
157 -
Mais l'article 1408 repousse cette double solution, et admet
une double dérogéltion a ux principes <lu droit commun en accorda nt à la femme un droit d'option . Elle pourra ou bien prendre
ropération pour son compte, retenir l'immeuble c'est-à-dire
demander l'immeuble comme propre , en payant le pri x de
l'adjudication , soit à. ses co-propriétaires, s'il est encore dù,
et soit à la co mmunauté, s'il a déjà été payé, ce droit s'appelle
alors Le 1·etrait d 'indivi$ion ; Ou bien elle peut laisser l'affaire
pour le compte de la com rnunauté e t consentir à ce que! 'immeuble soit un acquêt, en se fa isant payer par la communauté la
part du prix qui représente le d roit indivis qu'ell e avait dans la
prop riété.
Il est évident que la femme prendra le parti qui lui sera le
p lus avantageux. L'immeuble n'a-t-il pas été payé cher ou bien,
depuis la licitation, a-t-il a ugmenté de valeur, elle e:œrcera le
retrait ; a u contraire elle s'emp ressera de l'abandonner à la
communauté s'il a été acqnis à un prix trop élevé, ou si sa
valeur a diminué. Cette s ituation si avantageuse créée par la loi
à la femme s~ con çoit aisément à cause de la dépendance oü
elle se trouve par m pport à son mari, qui dans son désir d 'ac quérir le bien p our la communauté, pourrait avoir abusé de
son in fluence en dissuadant la femme d'enchérir elle-même. Et
même d~n s le cas où h femme vowlrait se porter adjudicataire,
ce serait au mari, en sa qualité d'aJrninistrateur de ses biens
de faire l'acquisition en son nom. Or il pourrait arri,·er qn-au
lieu de veiller aux intérêts de s~ femme, il :.igit comme chef de
la communauté, afin de prendre s:i. part d1.ns le bénétlce de
l'acquisition ; il priverait ainsi la femme du droit que lui donne
l'article 1408 dans son premier alinéa d'acquérir comme propre
la tota lité de l'immeul.Jlc dans lequel elle aurait une pa rt indivise.
C'est pour 'lui garantir l'exercice de ce droit que le code lui
�-
158 -
doune le droil d'option dont nous \'euons de parler. 'eulement
en fixant à la femme un délai pour fain' '-Oil choix, elle eùt pu
empêcher qu'elle ne s'ayantage<\t au: dépens de la communa uté.
Le caractère exceptionnel de l'article 1 l08 a fail soulc Yer la
diflieulté de saYoir s'il était applicable aux antres régimes
établis µar le code; et si une fem1ne, 1:'ayant pas adopté le
régime de la communauté pourrait exercer le clroit d'option
conféré à la femme co m1nune par l'article 1 l08. La question ne
peut faire tloute si les époux ont adopté la corn munauté d'acquêts
ou toute autre clause de commun'l.uté com·entionnelle ; car
l'article 1528 pose en principe q11e la communauté conYentionnelle reste soumise aux règles de la communauté lé;._ale,
pour tous les cas auxquels il n '.r a pas été dérogé irnplicite111ent ou explicitewent par le contrat. Or aucun article dans
la communauté d'aquèts ne déroge à la règle de l'article 1-108.
De même si les époux 01it adopté le régi)l)e dotal, m ais en stipulant une société d'acquêts, car cette société est nne clause de
com munauté conventionnelle, à laquelle il faut appliquer le
principe d'interprétation établi par l'article 1:528 et par suite la
faveu r spéciale faite a la femllle par le retrait d 'indivision.
:\lais en est-il de même si les épou x sont mariés sons le régi1ne
dotal. sans société d'acquêts ? La plupart des auteurs el la
juric;prence sont pour raffirmalive , et en effet il y a même motif
Lle déc:i<ier, car sous ce régime, comme sous le régime de la
connnunaute, le mari est adrninistrateur des biens de la femme
et l'article 1 I08 a pour objet uu acte d'administration.
Les héritiers de la femme penvent-ils exercer le retrait ?
L'affirma tive est évidente. JI est de princip e en effet que tout
.d roit se transwel aux h éritiers et ~uccesseur::, universels, parce
qu·on est censé avoir stipulé pour soi, ses héritiers et ayant
-
15!1 -
cause ; à moins que le contraire ne r ésulte de la nature de la
convention. (Article 1J 2'2.j Or le droit conféré à la femme par
l'article 1 l08 n'est pas cl e la nature de ceux que la fem m e seule
puisse exer cer; r.ar c'est s implement un droit pécuniaire, que
les héritiers ont le même intérêt à exercer que la femme ellem €' rne . nu reste les héritie rs de la femme ont bien la faculté
d'exercer tous les autres privilèges dont jouit la femm e commune, et notam ment celui de renoncer ù la communauté et il
n'y amait aucune raison pour leur refuser l'avantage accordé
par l'article 1408.
Mais il en est différemment pour les créanciers; et sur ce
point doctrine et jurisprudence sont d'accord pour leur refllse r
le droit de reprendre lebien,parce qu'il ne s'agit pas là d'exercer
un droit existant, ma is d'acquérir, de donner son consentement
à une acquisiti n. Qu'est-ce qui se trouve en efTet dans le patrim oine de la femme? Qu'est-ce qui est le gage de ses créanciers?
C'est la portion indivise appartenant à la femme dans l'immeuble a cquis par le mari, les créanciers ont sur lui le Jroit de
sais ie, le dro it d'expropriation, en se conformant aux règles
établies par le code civil; mais c'est tout. Quant au droit d'option
c'est une faculté llont la femme petit user ou peut ne pas user,
et une faculté n'est pas le gage des créanciers. L'exercice de ce
droit d 'option est du reste subordonné à des convenances dont
la femme seule estjuge; elle peut ne pas y tenir; or le droit
des créanciers ne peut évidemment pas aller jusqu'à pouvoir
substituer leur volonM à celle de leur débiteur pour faire ù la
place de celui-ci des conYentions, et pour profiter à sa place dPs
occasions dont il négligerait de proliter.
�-
:!•
Co11ditio11
ri9ées
pOt<I'
160 <]lie
la
161 -
don ne l'a rticle 1!08, et que le m a ri a concouru à l'acte à raison
/c111t/IC
)Jlll:SSe
i1H"O(j1tCI'
l at'ficle U08.
Il faut que le m .1 ri :lit ~wqui8 .<:eu/ et e11 .<:1Jn no 11 perso1111e/
l ïnnne uble 11jet au retr·li l. ~i eu effet c'est la fem m e q ui se
por te acl.iudicatqire, elle se trouve clans le cas du premier
alinf>a de l'article l lU8, et llrn meuhle lui ser a p ropre par l'elTel
du con tr at d 'acquisitiou.
1° Le ma ri doit êtr e devenu seul acquéreur ou a djudicatair e
de l'imm eub le.
Il peut se faire en effet q ue la femme ait concouru à l'acte ;
mais alors on 1'-i'est plus dans l'e,ception , on tombe dans la
regle générale, l'immeuble sera propre à la femme p ar l'efiet
du contrat, et il ne peut plus être quest ion de L'aban donner à la
communauté. On pourrait toute fois üouter un instant p ar ce que
le 111ari figure au contrat, non pour autoris er sa femm e, mais
comme partie, et pa r suite com me acquér eur ; or le rnari ne
peut pas ven ir invoque r rar ticle l 108, car il n 'est pas propriétaire pa r indivis de l'immeuble, il fai t clone un e acquis ition
ordinaire e t partant à son égar d. l'immeub le est un conquêt ; et
:>'i l est conquêt pour le ma r i. n'en fa ut- il pas concl ure que les
deux époux en a1·heta nt en commun, ont entend u ach eter pou
la communauté et no n pour la fernme ? i\fais il est a isé d 'ex.pli 1uer :1utremenl la prcsenre du mal'i au contrat; il a en effet
la jouissance de la p'lrt appartenant à sa femrne, et il aur a la
jouissanrP de la portion indivise que la femme acquerra à titre
de propri ; il est d0nc intéressé à l'acquisition. Si a u contraire
J'acqnisition devait former Ull COl1l[llêt, la p résence de la fe m me
ne s expliquerait p lus, le m ari seul devr a it figurer à racle,
la fe r11 nie éta nt étrangere ü tonl ce qui concerne la com munauté . Il est doue pl us naturel dïnterpréter le contrat en
ce sens que la femme a entendu profiter du droit que l ui
1
de la j ouissance qu'il a <l u propl'e dela fem me. Du r est e l'article
1408 de uxiè m e alinéa c;ons:lcre cette opinion , puisqu' il dispose
que la fem me a le dro it cl'option quan d le m a r i seul esl
acqué re ur ; ce q ui suppose q ue lorSCJUe la femrue est acqu ér eur
avec son m ari, o n n'est plus da ns l'exception , on r entr e dans
la r ègle. Du riste le d r oit étnbli par l'a rticle 1108 au pro fl t de la
femm e é ta nt un pri 1·ilège , e lle est lib re cl'y renoncer et de laisse r
l'acquis ition so us l'em pir e d u d roi t com mun. Cette r enonciation
p e ut-êtr e expr esse ou tacite.
Elle sera tac ite lorSCJ Ue la femme fait un acte qui implique
n écessairement son intention de renoncer. Ce serait le cas o ù elle
consenti rait à la 1·ente de lï m meuble à litre de conquêt ou s i
elle con firmait la di te vente.
2° Le mari doit èlre de\'e1rn acquéreur en son nom pers onnels.
Tl faut q ue le mari agisse comme r h ef de la commun auté .
Mais il pe ut se fai r e qu'il a it agi a u no rn de la femme, car il en
a le droit étant ad rninistr atem de ses b iens, et corn1 ne tel
chargé de veille r i1 ses inlérè ts. Dans ce eas, s'il déclare qu'i l a
fait cette acquisiti on au .nom de la fe,n m e, on r etombe dans le
cas p r évu par le premier a linéa <le l'ar ticle 1408, et l'i mmeu ble
d evient un p r opr e.
Qu e fau t-il décider si le mari acquiert sans d ire en q uelle
qua lité il agit? Pot lüer prétend qne l'on <ioit supposer qu'il a
agi au nom de la femme plutôt cyu'pn son propre nom ; car étant
administrateur des 1Ji1::ns de b femme.il est naturel de supposer
que c'es t en cette q ualité qu'il a traité, alors qu'il s'agissait d'une
acquisition que la femme niait intérèt ü faire. Par s uite il décide
que l'immeuble sera p ropre, à moi ns crue la fem nie ne désap prouve ce que le mari a fait. Il parnit diflid le que les p rincipes
11
�-
'16! ·-
du code puissent perm ettre d'n.d11pll'r 1u1e pal'eille so lution. Le
mari. en eITet, agissant seul au contrat , s 111s dire qu'i l agit en
son prnpre 110 111 , ni n1l\111e en qtwlilé de 1nari, acqniert pou r son
compte c'est-ü-tlil'e pour la co111n11m1.1tlé; lï1n111eublc sera donc
un conqnèt, sauf à la femme ü u:-;er d11 dro it d'option et de
retrait. Ponr qu'il en fut a11tre in cnl, il l"uulrait qu'il .Y eùt ou
mandat ou ra tification. Or.de 111anrlal il 11\ en a poi nt et de ra tification il ne saurait y eu a mir, pui sq11P la femme 11e peut pas
ratifier ce qni n·a pas été fait en so n n ·111L
I.e droit d'option appartient-il ü la fe mm e, ({lt'lnrl le mari s'est
rendu adjlHlic:\laire sur une s'l i"ie pralirp1ée ro11tre la femme
et sec; copropriétaires pour une dette 1\011 t 1ï111111enble e t grevé?
Il est admi,:; que non . l>ien que 1h11-.; l 'e"pèce le mari ait
<.H'CJUÏ en son nom personnel, p1.rce rp13 1:t feinrne ne pou"ait
pas acquérir l'immeuble en sa q•nlité de dél>itrice s:iisie,
l'article 711 du code de procédure ci\'il e in•erclisant nu saisi de
se rend re 1tdjtidic'lt·1ire, et que ne pu11va11t p as directement
de,·enir propriétaire cle l'immeub le, e lle ne peut pas 110 11 pl us
l'aC<fUérir indirectement par la Yoie du retrait.
~ous aYons raisonné jusqu'a présent, c; ur la cleuxième partie
de l'article 1-1:08, en supposant ciue le 111·1ri a acquis la tota lité
de l'immeuble, et nous avons vu que la loi s'applique sans
aucune tlilficulté; la femme p 1uvant abandonner l' effet à la
communauté qui dans ce cas lui dena récompense de la portion
qui lui appartient dans le prix, ou bien retirer l'immeuble
de\'enu conquêt pour le tout, pour en fa ire un propre, mais en
payant a la communauté, à litre tle rérompense, le prix de
l'al'qnisilion, que la Cl)mmunaulé a payé et dont la femme a
re~·11 sa part. Mais il sera aussi applicable dans le cas ou l'acquisition faite par le mari ne serait qne parti elle, où il ne deviencl ra it act1né reur q ue ùe la po r tion indivise ap partenant a u
copropriétair e ds la femme . Celle-ci a le même droit sur cette
163 -
part. qu'elle peut prendre romme propre pour augmenter la
part qu'elle avait rlëjü, ou laisser ro1n1ne acquèt dans la comrnunant(• en consernn t seule r11 ent la portion qu'elle possédait
anté rieure.nent. On a conlestt·· celte solution et on a pP.nsé que
la femme , opla1it pour fJllP la pai·t a cquise fl\t un acquêt , devait
abando nn er à la communauté sa proprn part. .Mais r ien ne
j us tiJie cette s orte d'e xpropriation de la femme, puisque sa
part n'a pas été l'objet de la convention ; elle ne doit évidemm ent abanrlonner à la communautê que ce que la communanté
a acrrtiis ; or. le mari n'n. a('quis rp 1'une porlion indivise, c'est
cette portion indivise qtti est entrée en communouté et que la
femme y laisse, en consernnl celle qui lni est propre. !\lais
él'ide.11ment dans ce cas elle n'aura droit il aucune récompense,
car n 'ab·rndonnant pas sa part ü la communauté. cette dernière
ne s'enrich it pas a ses M·pens.
Rien du reste rlans l'article neronlrerlit cette décision indiquée
par ses prernières phrases, car lorsqu'il parle <l'abandonner à
la commun1uté l'effet ot1 de retirer l'immeuble, il entend comprendre par ces mots assez larges to11les les hypothèses prévues
par le commencement ; l'effet ou l'immeuble, ce peut être a ussi
bien une portion d'immeuble qu'nn immeuble entier, car une
part de propriété d 'immeuble est certainement un immeuble
un droit im111obilier.Enfin l'article prévoyant le cas où la femm e
abandonne l'objet à la romrnunauté, ajoute celle communaut é
,dedent débitrice e11Yers la femme de ln portion appartena11t a
celle-ci dans le p1·i.r ; or, quand le 1nari n'a pas acquis la part
indivise de la femme, rien ne lui est dù dans le prix ; par
suite la femme n'a droit à aucune récompense; ce qui· prouye
qu'elle conven e la portion indivise qui !ni appartenait et qu'elle
•
I
ne l'abandonne pas à la communaute.
'
�-
3" A ;iartir de quelle èpogue el jusqu'à q11elle é/J01j1te la je11111ie
peut-elle e;r:e1·ce1· son droit d'oµtion.
a -
Point de départ du droit d'option de la femme.
L 'a rticle l'-108 se contente de consacrer le droit de la femme
el il laisse da ns r obscurile des points trè ' i111portants qu'il faut
examiner.
D'abord à partir de quelle époque e l jns rp1'il quelle époque la
fem me peut elle exercer ·on droit ·? L'article se borne à
dire: /o1·s de la dissolufio11 de la co1111111111a11tè, i;e qui pourra it
faire croire que le dr0it ne peut être exercé pendant le
mariage, mais ce qui n e ùéciùc rien q uant i1 la limite extrême
du droit.
Cependant est-i l jus te de dire que le droit de la femme ne
commencera qu'au jour ùe la d issolut ion de la cornnrnnauté, et
qu'il ne lui sera pas permis d 'exercer le retra it p endant Je
mariage ? Cette opinion para it bea ucoup trop rigoureuse et il
semble juste !·établir à cet égard une distinction. La femme en
effet et'lt été pleinement caµabl e de se porter adjud icataire de
l'immeuble, avec L'autorisation de son mari bien eutendu , eL il
parait étrange qu'elle ne puisse pas se subs tituer à son mari
dans la position que celui-ci !. prise dans l'adjudica tion.
Craindra-L-on l'influence du mari tant que dure le mariao-e
., ' et
au
déterminer
la
pour
e
mm
fe
sa
ur
s
agira
qnïl
s uppose-t-on
retrait,' quand il regretter a de s'être porté adjud icataire 1 Mais
celle influence on ne la redoute pas a u cas de remploi quand le
mari a fait une acquisition pour servir de re 1n plol, à la femme
et que i;elle-ci a le dro it d 'accepter ou non l'acqui s ition faite en
son nom ; puisque la loi exige que le remp loi soit accepté
pendant le mariage. (A rt. 1435).
i65 -
Mais si la femme a, selon 11ous, le droit d'exercer Je retrait
pendant le mariage, n011s lui refusons celui d"aban<lonrier
l'irn mP;ul>le à h corn Ill unau té, pa rce qne cet abandon serait
contrai re à l'article 1595 e t conliendrait une vente entre époux
d e la pa'·t qui appnrtenait ü la femme clans la propriété de
l' immeu ble. Cette d is tinction n'est cl u 1·este nullement contra ire
au texte de l'article 1W8, qui dit seulernelll: <1. La femme lors
'
~ de la dissolution de la co nunuuauté, a leclwi.r ou d'ubandonner
« l"e!Iet à la communa uté, ou de r etire r l'imm eu bl e.~ Ce qui
est donc prohibé par cet artii;le, ce n'est pas le clroit <le retrait,
c'est le clwi.r: seulement, l'alternative ent re le retrait d'un côlé
'
l'abandon à la C0111111unauté de l'autre. Or, œtte option n'appartiendra jamais à la f~mm e lJu'après lo dissolution de la co 111munauté, puis que des deux pai·tis qui cons tituen t l'alternative
il en est un que la femm e u e peut pa1 adopter tant que dure la
communauté. La loi s'est donc exprimé exactement qua ud elle
a dit: la femme , lors de la dissollltion de la communauté, a le
choix. Mais elle n 'a pas refusé il la femme Je droit d 'exercer le
retru.it, s i elle veut s'assurer la propriété de l'im1neuble et le
revendiquer contre le tiers qui le tiendraient du 111a ri et qui le
déprécieraient pa r des détériorations.
b. - R echerchons maintenant quelle est la limite extrême
du droit d 'option de la femm e.
L 'article est mue t sur ce point, or en principe, celui
qui a un droit à trente ans poli!' l'exercer , par conséquent la femme a ura trente ans pour faire c0nnaitre sa
volonté. Ces trente ans commencent évide mment du j our où
est né 1e d1:oit de la fe1m11 e, c'est·à-dire <lu jom de la dissolution de la comm una uté, sauf a tenir com pte é' idemrn ent, si le
ni uriage dura it encore après la disso lLtlion de la t:ommuua uté,
de la rè0 le qu i s uspend la presc1 iption entre époux. (a rticle
2255), ear il s'agit là d'un droit à exercer contre le 1nari et d'unP
�-
-
166 -
prescription qui J'rofiterait à cel11i-c i. :\his il en e<>t <le ce droit
cnmme de celui du s uccessi ble lJlli a trente ans pour accepter
ou répudier: il hui s upposer éyidcrn111e11t (JUÏI n'y a pas d'autres pa1·ties inté re~sées <Illl ont le drnil tl'cxi.,er que le successible ou la fen1111e mani~fesle11l leur Yolo11té. Or lorsque la commun.i.uttl est dbsuule. le m1rioü sesliériliersont droit et intérêt ü la lilruitlalion et a u parl'lge tle la co1n111Lmauté; il faut pour
cela que r on conn·tissè •[Uels IJiens Sl111l propres cl <fl1els biens
sontcon 1uët , ils auront llo11c; le droit ile co11traindre la fe1nme
à prendre uu parli. Orùiwtire111e11t il ne sel"l pas 11écess·1ire
d'avoir recour;:; ü nne so111111·1tio11, p ll'l:e quïl résultera bi en lles
opération' de la lil1uidatiou ü l 11111elle h b11111c aur L donné son
consentement, qu'elle aura opté pour lei uu lei parti, que lïmmeul.Jle aura été trait é co1111ne p1upre ou 1·0111me acquêt; son
adhésion à la liquidation constiluel'a une option et voilà pourquoi 13. loi uppose que celle option tSLfaite lors de la dissolution. :\ lais i la femme refusait de décla rer ::;on choix , il fauùra il
bien quellepùt être contrainte ù se prononcer, car elle ne peut
pas, à on caprire, entraver la lit1uirlat1011, et si h loi ~wa it vou lu
la laisser souYeraine maitresse ùe tr>11t suspendre, elle aurait
fi xé un délai , comme celui qu'elle tlu11ne aux héritiers el a la
femme elle-111ème, pour déJibérel' Slll' l''ll'Cepl3.tiOll ri'une SUCCeSSiOll ou d'u11e corn111u111utt: el n'eut lJ:1s laissé les choses dans
1ïncerlitude pe11da11t trente a11s.
Mais supposons que pa r suite d'évènements i111pré\'11s, la
femme ait laisséfJ1SSel' trente ans s1.ns pren• lre explicitement
ni implicitement un p·trli qnekon11ue lJ11t::l sera alors la condition du bien ? Sera-t-il un ar<111èt ? ~era-t-il un propre ? La
solution de celle r1uestion ciépend é\ id e11n nent de eelle cle sa1 oir
quelle est la condition de l'i1n 1 111~1 1 blc du jour de L1c;quisition
juSlJU'à celui de l'option faite par la fe mme ? Si c'est u11 propre
de la fe mme, é1·1ùemment il m• perdrn C'ette qua lité, 'Iu'autanl
t67 -
que la femme déclarera le laisser à la communauté, mais s
elle garde Le silence, elle conrtrrne l'état de choses actuellement
ex istant, elle con;;o liùe le caractère de propre qu'il avait provisoirement jusqu'à ce jour. Si au contraire l'immeuble est un
acquèt de comm ull'rnté, l'opti on cle la femme n'innovera qu'autant qn'ell e reprendra l'imm euble comme propre, et par suite,
si elle perd son droit d'i nno\'ation, l'immeuble conserve son
caractère d'acquêt. La question revient ùonc àsaYoir qu'elle est
la condition de l'i111llleuùle depuis le jour de l'acquisition, jusq u'à l'option faite par la fem me; c'est l'éluùe de cette <ruestion
q ue va faire l'objet du paragraphe suivant.
.J. Condition de l'immeuble pendenle condit1one.
Effet cle I'. ·ption.
Trois tfitestions ii exa111 ine r <hn ce chapitre : 1° - rontlitio11
cle l' im111 euble ;ivant l'exercice dit tlroit d'option de la femme 2" effet rie l'o µlion - :3" qu'a<l \'Ïcnt-i 1au t·as oit l'immeuble soumis
a u rlroit de retrait n'a point enco re été pa' é.
l " C:otHlition lie l'immeuble av·u1t l'exercice cltt drnit d'option .
Les pr ineipes conduisent 1t1tmellement à cette solution que,
pe11rle11lc co11rlilio11e, l'imrneul.Jle est un :1Cl{Uèt. En effet toutimmeuule ac;,(uis à titre néreux pe11d:rnl le rnari1.ge tombe tlan
lu com 1111t11autc, r'est 1';1rtiC'le LlOI - :3" qui pose ce principe,
nous l'avons rappelti au tléb11l 1le celte étude. Ol' J'immeuùll"
sur lcrruel \'a porter le retrai t a été acqnis par k mal'i s 11! et en
so11 1t0m 1,r1·so1111el, la t'emme ne concourt pa~ it l'acte, et le
lll :Jri 11 0 la représente pas; donc le mari eu devient propriétaire
et par s ui le il tombe dans la comm un·rnté. L1. loi , il e ·t vrai. per
met ü l:t re 111ne d'f'n1pèchcr l'effet natmel <le celle :wqnisiti0n ;
�-
168 -
mais ta nl que la femme n 'use pas de ce droit, le bien suit son
cours nallll'el et reste nn acquèl de communauté.
Le contraire, il est \Tai, a été soutenu par Troplong clans son
traité du co11t1·ut de 11w1·ir1ye, mais il est p 1rti d'une idée complèlernent fausse. « Le mari , Ili l-il est prés euné être le IU!{JO<( tiOl'll/11 gesfo1• de la femme pour faire CCSSel' l'indivisi on. )
Par conséquent il aurait ache té sons son nom, 111ais pour sa
femme, ayant ,oulu user auprolll de celle ci de la faculté qu'elle
avait tle faire un propre du bien lidté, (articl e 1108 premier
alinéa.) et la faculté réserYée à la femme serait seule1nent le
droit de toute personne de ne tMs ra tiller les actes de celui qui a
agi sans lllandat; par co11sé11uenl tant qu'elle ne dit rien le bie11
est propre. ~lais une pareille inlerµrelation de la \'Olontl! du
mari, est tout à fait.contraire à la réalité des faib. Comment
admettre en effet que le 1nari, qui a acquis en $Olt nom pE1·son11el,
au dire de l'article, ait eu l'intention d'agir au nom de sa fem tlle. En uutre c'est par suile il' une idée de rnétiance a l'enc1Jntre
ùu mari qu'a été él'lbli l'arth:le 1 !08, et 011 ne peut pas , pour
l'intervréler et rappliquer, supposer, au cont1·aire, que le 1nari
n·agit que dans un but p..irfaileu1e11t désintéressé.
Du re:::.le le texte mèwe de l'article vienl conllrmer celle manière de voir, et il est faux de dire, co1 n111 e le l'ül Truplong:
., ~i nous c•,nsultuns le li" X te, nous \oyons quïl n'y a pas un
" seul instant où il con:::.idére h. chose comme acquèt aYant
c l'option de la fenune. » Lursr1u'e11 eITet l"article 1408 examine le ca::; oü la fe.nme prend lï1n111eubl e et en fait un propre ,
il dit que la fomme l'eti1·e Jï11llt1euL!e, ce qui impli4ue qu'elle
ne l'a pas, qu'elle le reprend , ella doctrine qui qualifie l'acte de
la felllm e d'acte de retr lit insiste sur celte idée, car le mot
retrnil désigne, dans notre langue j uridique, l'acte d' une personne 4ui dépouille un autre d'un droit, pluLùl que celui d'une
personne ciui conserveraii un droil lui appartenant déjà. C'est
-
169 -
ce que nons avons vu pour le retrait successoral, pour le retrait
litig ieux, c~lui qui exerC'e le retrait fai t plus que conserver un
d roit qu'il a mi l déjà, il dépou il le un tiers du d roit qu'il aYait
acquis par le b énéfice d'une cession.
2° Effet de l'option de la le1111n e.
Donc l'i mm euble acquis par le mari est un acquêt de communauté el il reste acquêt jus qu'au jour où la fem me le retire , de ce
jour il r hangera son caractère, OtL plutôt il sera réputé n'avoir
j amais été a.cquèt, et au contraire n'avoir jamais cessé d'être
un p ropre de La femme, c:u··l'exercice du droit à w1 eliet retroactil. Le retrait en eITet é.1uivaut à l'acquisition que La femme
anrail faite de l'immeuble. Or s i elle l'avait acquis, comme elle
en avai t le droit, en vertu du prem ier alinéa de l'article 1~08
l'im meuble lui serait propre non seulement à partir de l'acqui-'
s ition, mais du moment même oü l'indivision a com1ne11cé. Le
but du droit de retrnit esté' ide111me nl de garantir à la femme
le droit quelni donne la loi, dans le cas oü le mari voudrait le
lui enlever, le r etrait doit donc a,·oi r le même efîet que l'acquis ition de l'imme uble, par conséquent l'i oi meuble doit être un
propre en vertu tlu retrair , com 111 e il l'aurait elé en 1·ertu rle l'accruisifün, c'est-ü-di re que le retrait àoit avoirjun effet rétroactif.Il
e n résulte que le droit du 1nari sur cet immeuble est conditionnel,
el une foi-, l'option faile, il faudra appliquer les principes sur la
propriété conditionnelle, la comm unauté e t propriétaire sous
conditiou résolutoire et les pouvoirs du mari auront été plus
ou l110ins étendus niYanl le parti qni sera adopté par la femme.
Si la femme n'e.\erce pas le reLrait l'immeuble aura été un acquêt
el le mari aura eu sur lui les po11,·oirs qu i lui appartiennent sur
les biens de la corn11llma u t6; clans le cas au contrafre oü la femm e reprend l'imm e uble, le 111ari n'a ura en sur lui que le pouvo ir~ qui lni appartit>nnenl url es propres de-sa femme. Il y a
�-
-171 -
!70 -
donc le plus grar1d intérèt pour les tiers à connaitre le parti que
p rendra la femme; mais ils n·ont pas à se plaindre de cette alternation, car la condition qui aŒec lait le <lroit du mari leur a
néce sairement été connue p:i.r l'examen du titre par lequel le
mari avait acquis cet immeui.Jle; ils ont ùès lors été avisés de
la cause de résolution qui aITecta it la propriété de la communauté, en vertu de J'artide l-!08, comme les ayants cause d'un
donataire doiYent cunnaitl'e d'après Je titre et les dispositions
du code la cause de résolution qui '. les menace au cas où la
donation serait réductible. Du reste les tiers qui voudraient trailel' en toute sécurité n 'auraient ,qu'à exiger l'adhésion de la
femme aux actes d'aliénations consentis par le mari.
3. Le prix. de l'immeuble soumis au retrait n'a pas encore été
payé au moment de l'option.
Supposons qu'au moment où la fem me ex.erce le retrait i~t où
elle vient donner ainsi à lïtnmeul>le acquis par le mari le caractere de propre, le mari, ou ce qui revie.1t au même la com rnunauté, n'ait pas encore payé le prix. de l'acquisition. Qu'elle sera
l'obligation de la femme 1is à vis du vendeur~ Le vendeur conse 1·yera-t-il son action contre le m1ri ou la communauté'? ou
bien son action contre le mari est-el le étei nte::; f't remplacée par
une nou1 elle action contre la fem1ne? Pour èlre logique il faudrait décider que le mari cesse d'être obligé vis à vb du vendeur
el que c'est la femme qui succcrl e à ses obl igations. En eiiet,
nons avons considéré la propriété de la communauté comme
résolue quand la femme e'\.erce le relnit, et la femme comme
ayant été pr,1priélaire depuis l'acquis ition faite p:ir le mari Or ,
la propri<'té de la conanunauté étant résolue, il parait difficile
de maintenir l'achat el l'obligation <l e v:i.yer le prix à la charg'
exclusive cle la comrnunauté. ~i, <p tant à la liropriélé et aux
drJits réels constitués, le droit de la commu1w11té s'efface rétro-
activerLient remplacé par le droit <l e la femme, il semblerait
naturel qne l'obligation de la fem111e se snbstituat à celle de la
communautr', 011 au moins qu'elle cle1·i1lt principale, cell e d11
mari et de la r:om munanté deven:rnl c Jllltne l'obligation rl'une
can lion , cnr il ~erait dangere11x: de l'éteindre parce que le vende11r peut avoir compté s ur l 'eng1gen1en t dtt mari.
Cependant la doctrine et la jurispru lence ne suivent pas
cette rlécision , et pensent que la femme n'est pas tenue envers
les anciens p1·opriiétaires, que ceux-ci ne pourront agir contre
elle 111e p1r l'iiCtion hypothéraire, ü raison de leur privilège
de vendeurs, Oll par \',1clion résolutoir.· conformément à l'artide
1G:5 l, ee 'JlÜ ne pourru jannis lent procurer une somme supérieure à h valeur de l'immeul>le au moment des poursuites.
Et en effet l'article 1108 ne lui itnpose pas une pareille obligation ; il dit seulement que lorsque la femme e~erce le retrait,
ell e doit 1embourser ü la curnmunauté le prix de l'acquisilion et
rien a11 lre chose. Par constlq11ent ri en nïndiqne qu'elle soit
olJ: igée à quoi <Jlle ce soit t>nvers ses anciens copropriétaires,qui
conse rvent con tre le mari el la co1 nm1mauté, une créance comme vendet1 rs rie let1 r part clans la propriété <le l'inimeuble. '.\fa i
ils n'auront pas cont re elle une action directe pour le p·üem ent
clu prix , elle n'a p1s tr.iité ·1yec e tt'\., et l'article 1108 ne regle
n1tlle1 nent h situ1tion entre h fe1 11me et ses rnciens copropriétaires, rnais seulement entre 11. femme et la communauté.
Att reste il est bon rle rennrquer que les copropriétaires
n'a11ront en f'lit rien à so11!Yrir rle rette substitution de la femme
nu 11nri.En effet loul r.e ri11i peut lem revenir d'une anjudication,
quel que soit l'adjudicataire , que ce soit le mari, la communauté
nu ln fe111111e c'e.:;t éviclrmmenl If' p·tiement cl'une part du prix
de l"•djudic·1tinn. Or de lo11le 111aniL'l"l' le paie111ent leu r sera
fait par la co11111itina11lé, 11tè111e 1111 <'as ou la femme ex.e1·ce le
retrait, puisque h loi s11ppo'ie q11t' la rorn11111na11lè en foi
1
�-
t7t -
l'avance et que la femm e doit lui rembourser le prix ou la part
dn prix qu'elle a déboursé. Donc que leur importe que le
paiement leur soit fait ou dù par la cornn 1t111auté parceque le
rnari a acheté un C011'Juêt, ou pnr cette même communauté, à
raison d'une acquisition de propre que le ma ri aura fa ite pour
sa femme; le résultat est toujoms le même, et il n'y aura pas
t)Our eux une diŒérence pratiquement appréciable dans leurs
droits .
La rétroactivité du droit de la femme amènera une nouvelle
conséquence fort importante, le changeinent de 11ature de l'acte
par lequel les copropriétaires sout sortis de l'indivision. En
~ffe t , vis â. vis des adjudicataires, le mari étant un Liers, l'adjudi.cation vala it Yen te au profit du mari ; par s uite tous les droits
consentis parles copropri,,taires sm l'immeuble vendu, avant
l'adjudication étaient nnintenus . Au con traire l'adjudication au
proflt de la femme équivaut à un partage et commp telle est
soumise à l'article 88'L Et du moment que la propriété du mari
et de la com11rnrnanté se trouve résolue. du moment que la
femme est rétroactivement censée avoir la propriété du jour de
l"acquisition par son mari, elle lni es t substilu ée, c'est ell e qui
a été adjudicataire s ur la licitation, et il fant appliqner à cette
licitation la règle de l'article AA.1. Le droit <le la femme ne
remonte donc pas seu lement il l'a<ljn<l ication, il remonte au
commencement de l' indivision avec ses copropriétaires, et
ceux-ci n'ont pas pu conférer des dr.>its réels s ur les parts de
propri~té qui semblaient leur appa rten ir penrlant l'ind ivision .
C'est donc un nouvel inconvénient rlu droit accordé à la femme
par l'article H 1l8 : pend·rnt longtemps peut être une grande
incertitude va rég ner s m les effets de l'a<ljuclicntion et sur le
sort ries droits qne les copropri étaires rle h femm e auront DU
constituer peorlant l'inclivisio•1. Il fau t tont efois remarqùer,
rtn'à raison <le l'article 88B se11l. s1ns; ten ir compte de l'article
-
173 -
1408, les droits des copropriétaires indivis sont toujours fort
incertains, et que le crédit public n'aura pas beaucoup à souffrir
de cette incertitude nouvelle ajoutée à l'incertitude ancienne.
Du reste, comme nous avons reconnu à la femme le droit
d'accepter l'acquisition pour son compte, même durant le mariaae
l:> , elle () OUITa éviter les conséquences de cette incertitude
en acceptant immédiatement l'adjud ication et en se plaç{lnt
dans la même situation que si le mari avait enchéri pour elle.
Nous venons ainsi de terminer l'étude des différentes questions que soulève l'article 1408 ; mais avant de clore nos
obserations à cet égard, il nous a paru naturel dedire quelques
mots de l'hypothèse inverse de celle prévue par l'article.
Supposons que le mari soit copropriétaire par indivis d' un
immeuble et que la femme dllment autorisée s'en rende adjudicataire ; le mari aura-t-il le droit de prendre l'immeuble
comme propre ? Evidemment non, parce qu'il n'existe pas ici
les raisons qui, dans 111 ypothése inverse prévue pour la femme,
justifient une disposition donnant ~l un acte des effets contraires
à ceux que les parties avaient prétendu lui donner. Il n·y a pas
à craindre en effet que la femme ai t abusé de l'inexpérience, de
la faiblesse ou de la négligence du mari pour se porter adjudicataire à sa place; la femme n'a pas pu se passer de l'autorisation du mari, et si celui-ci a autorisé sa femme, c'est qu'en
réalité il renonçait à l'acquisition pour son compte. Par suite
l'acquisition aura produit un acquêt, seulement le caractère
d'acquêt n'appartiendra pas à l'immeuble tout entier, parce que
l'acquisition est nulle pour la part qui appartenait au mari
dans la propriété (article 1595) ; celle part demeure propre au
mari , qui dès lors se trouve dans l'indivision avec la communauté.
Telle est la Théorie à peu près complète des cas de retraits,et
avec l'ex amen de l'article 1408 nous avons terminé l'étude de
�-- IH -
ces droits exorbitants accordés par la loi aux copartagea nts, au
débiteur cédé ou à la femme mal'iée, d'anéantil' un contrat
absol ument légal et parfaitement reco nnu, et a uqu el ils n'ont
pris aucune part, moyennant le paiement de Cel'taines somm es
indiquées pa r le code. Ce sont là les seuls cas otî l'on rencontre
une facu lté aussi exceptionnnelle, et le code n'a s anctionné
aucun autre cas de retrait. On aime, il est vrai quelquefois, à
donner à la faculté de rachat le nom de ret1·ait conve1ttionnel,
mais ce n·est pas à proprement pa l'l er un véri table retrait ; il
ne s·agit pas là d'un tiers qui n·a pas été partie uu contrat. et
qui vient, en vertu d'un droit qui lui est propre, profiter d'une
convention à 1aquelle il est resté étranger ; mais d'un droit
préyu par les parties au 111oment du contrat puis qu'ell es en
ont fait l'obj et d'une cla use expresse ; la facu lté de rachat ou
rémérti n·est pas à proprement parler un retrait, ce n'est qu'une
vente sous condition résolutoire, elle so rt donc du cadre que
nous nous sommes tracés dans ce travail, et nous n'entrerons
pas dans l'examen des questions qu'elle a fait naitre ..
POS ITIONS
•
DROIT ROMAI.V
1. L 'Edif du préte111· n'est devenu une source du droit écrit
que so11s H adrien . .
2. Lê dé/cwt de connubium dans les hypothèî e.s p1·évues par·
les lois .Julùi et Paµia Po1Jpœa, empéche la (01·matio11 de,· j 11.<:te:s
noces, et n'a pas se1.de111ent pou1· but de faire considérer les
épo11.c comlf!e célibatai1·es en ce q11i co11cenie les lois caducaires.
8. Po 111· q11'il y ait capi tis deminntio minima 1·1n'est1ias nécessair e qu'au changr>menf de fcn11ille se joigne un amoi11drisse111ent de la ca1;aàfé antél'ie1we. Peu importe que l'état 11erdu
lioil 1·emplacé par u11 état équii>alent Ott plus avantageux.
4. L es suretés personne/les ont ;Jrécédé les suretés réelles {n
droit 1·ornain.
DROIT FRANCAI S
J. L e retrait suecess01·al ne s'applique pas auœ partages de
société ou d'indivision.
2. L a parenté naturelle pour faire obstacle au mariage doit
~tre
lé!Jalement établie·
3. Le privilège d u vo1'(urùr s'éteint p ar la remise de la
chose obj et du transport.
�. - 176 --
DROIT CRIMINEL
1. L a femme du saisi q1à d4lo1trne des objets saisis sur son
mari, el dont ce de-rm·e1· est ,qa1·dicn sequestre ne commet pas de
TABLE
DJ:DS
MATl:ÈJ:RES
délit.
2 Les tribuuau.:x cort·ecfio1111els pe11oent déclarer banqueroutier simple un negociant que le frib11nal de commerce n'aw·a
pas d écla1·é en état de (ai !lite.
DROIT
ROMAIN
DROIT PUBLIC
1. En l'Etat de la Constit1tf1or1 F1·ançaise en cas de confiil
e11fre la Clta111bre des dé1,utés et le éna/ en 111aliè1·e budjétaire
les c1·édit.sne sont contitutio1111ei.<> qu'a conc111·rence de la somme
la moins élevée.
2. Le conflit d'attribution 11eu1-étre êlevé ap1·ès la cassation
pou1· vices de (01·rnes de tan·été de couflit.
3. L e confht d'attributio11 11e peutjamai~· étre élevé en matière
c1·i111inelle, saris qu'il!/ ait a disti11gue1· si la plainte é111,ané du
111inistère public, ou d'un particulier.
1.- Nature et Forme de procédure de l'action en revendication
A . - Action de la loi.
B. - Systèm e Formulaire.
1. Formule per sponsionem.
2. Formula petiloria.
Vu pu le pror~ssl!ur. président de la lhêse.
A . PISON
Vu : Le DolJen
5
6
JI . - A qui et contre qui se donne l'action en revendication
A . - A qui se donn e l'ac tion en revendication .
7
1. Propriétaire auquel
Alfred JOURDAN
Vu el permi s d'imprimer :
Le Recteur1 BELIN
est donné l'action en
revendication. .
2. Le propriétaire sous condition peut-il revendiquer.
3. Le propriétaire p ro parte peut-il revendiquer
-1. Epoque à laquelle doit exister le droit de
propriété du demandeur.
. . . .
7
10
13
�-
-
178 -
3. Où la chose rloit-ellr N re restituée.
. , .
-1.. Des nutions qu i acco1npagnent la restitution
de la chose. . . . . , . . . .
B . - Contre qui s'intcnte l'actio11 en reveudicatiou.
1. Contre qui doit èlre exercée la Rei Vindica tio
1;)
A queile époque le défendeul' doit- il posséder
3. Quelle possession est. nècessaire .
-L Exceptions à la règle qui exige que le défendeur possède.
5. Quelle est la position des héritiers du posseur.
17
;?.
Ill. -
1. Classification des choses qui peuvent faire
l'objet de la revendication.
2. De la revendication du troupeau et du pécule.
3. Peut-on revendiquer un objet parti ellem ent.
B. -
Choses que l'on ne peut pas reven diquer.
23
De la restitution de la chose.
1 . Indemnités pour les détériorations occasionnées à la chose.
. . . .
58
60
Il. - Restitutions imposées au demandeur
24
24
25
28
30
3U
32
43
1. Le Défendeur a cessé de posséder au jour de
la restitution.
2. La chose a p éri dans le cours de l'instance
sans dol ni faute de la part du défendeur.
Hestilulions imposées au defendeur.
'2. f l'uits produits pa r l'objet revenùiqué.
IV.- Des Effets de la revendication
A. -
53
De<.:<' q tt i enl r 1' en restituti on outre la chose 58
1. -
1. Détermination des choses non s usceptibles
de revendic&tion. .
2. Limites apportées à la revendication par
suites dis principes de l'accession.
B.-
51
1!)
Des choses que l'on peut revendiquer.
A. - C:hoses que l'on peut revendiqu er . .
179 -
43
49
C.- Ex écu lion de l&Condamnation.
J. Le défendeur obéit à l'or dr e dujuge.
·> Le Défendeur refuse ct 'obéir à l'ord re du juge.
78
79
79
�-
DROIT CIVIL
:R.e t r a i t s
I> es
dan..•
l' an..c i e n..
l . Tous les co héritier s peuvent-ils bénéfioi.e.r du
retrait, quand un seul l 'a exercé.
2. A partir de quelle époque et jus qu'à qu'elle
époque le retrait peut- il ètre exercé.
3. Le droit au H.etrail peut-il cesser.
I:>roit.
--...
1. -
181 -
113
114
l16
G. - C<rncïi ti ons du Retra it s uccesooral.
117
7. -
120
Effets du .retrai t successoral. . .
Du Retrait c;uccessoral.
li. - Du retrait litigieux.
94
t . - <J11\'st ce que le Retrait s uccc::;sural..
t . Origine <lu retrait
'l
94
96
~uccesso ral ..
Causes du retrait s ucr essornl.
3. Le retrait successoral s·appliqne-t-il
commnnuuté el il la société.
1. -- Conditions du retrait li tigieux ..
à 1a
97
?..-Contre qui peul être exercé Jo retrait s uccessoral. 99
:1. -
{)ni peut rxercer le retl'ait s uccessoral.
'~.-Quell es cessions don ne nt
103
li en n n rntra it succes-
soral. .
107
l. Des cessions à titre onéreu'\..
a.-Cession d'une quotepart des droits
successifli.
108
108
5.- De l'action en retrn it.
ri . Conditions du retrait.
1. Nécessité d'une cession. . .
2. Ln cession doil porter sur des droits litigieux.
b. - Qt· t'entenrl-on par dro its litigieux.
1. Nécessité d 'un pror;ès a n moment de la cession
2. La contes ta tion cloit porter s ur le fond d u
cln droit. .
c. - Le retrait esl-il a pplicable cont1·e
toute e::-pèce de droits. .
13-1
Quand le retrait doit il ètre exercé.
135
1. Jus qu·a quand le retrait peut-il être exercé.
2. Procédure tt s uiYre pour exercer le retrait.
135
137
139
3. Obligations imposées au retrayant.
3. -Des effets du retrait liLigicux.
cf. -
Cession d'un objet determiné de
la succession.
2. Des cessions a tit re gratuit.
';:l. -
109
111
11 2
126
l~ ces · ionnaire et le
retrayant.
, .
h. - EITet entre le cédant, le cessionnaire el le retrayant.
126
128
129
131
140
a. - F.ffet enlre
140
1-12
�-
18? -
4. ~ ExcPptions au droit de retrait litigieux.
-- 183 - -
2. Le mari doit être devenu acquéreur en son
nom personnel. . . . . . .
161
3.-A partir de quelle époqueetjusqu'à quelle époque peut être exercé le droit d'option.
164
4. -
165
143
1. Cession faiteau cohéritier ou au copropriétaire
du droitcédé. . . . . .
2. Cession faite à un créancier eu paiement de ce
qui lui est dù. . . . .
:3 . . Cession faite a u possesseur de l' héritage cédé.
l..J:..l
144
1-!5
Effets de l'op tion de la femme.
1. Condition de l'immeuble avant l'option.
167
2. Effets de l'option. . . . .
3. Qu'advient-il au cas où l'immeuble n'a pas
encore été payé. . . . . .
167
111. - Du retrait d'indivision
Principe du Retrait d'indivision.
A. acquisition par l'époux commun de
la portion de l'immeuble dont il n'est pas
propriétaire. . . . . . . . . . .
146
147
1. - Quels sont les cas uuxquelis s'applique la
premîère partie de l'article 11i:08.
147
2. - CausE's de la dérogation établ ic par cet article 149
3. -Conditions exigées pour l'exercice de ce droit 153
1
B. du Droit d'option de la femrne.
156
1.- Dans quels cas peut s'exerc;cr le droit d'option
de la femme
1f16
2.-Conditions exigées pour l'exercice de ce droit.
160
•
1. Le mari doit être devenu seul acquéreur de
l'immeuble.
. .
160
Marseille. - lmp. A. Zatatin, 20, rue dos Feuillants.
170
�
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Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
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A name given to the resource
De rei vendicatione : droit romain ; des retraits dans l'ancien droit : droit français
Subject
The topic of the resource
Droit civil
Droit romain
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public domain
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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1 vol.
183 p.
In-8
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/389
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Des retraits dans l'ancien droit : droit français
La « rei vendicatione » est un une procédure qui vise à réclamer une chose, elle protège la propriété. Dans la première partie de la thèse, l’auteur aborde la nature de l’action en revendication et en distingue deux formes : l’action par la loi et l’action formulaire qui est une action prétorienne. Le préteur étant un magistrat romain. La thèse étudie également à qui et contre qui se donne l’action en revendication. Quelles sont les choses qui peuvent être revendiquées et quelle est la portée de cette action ?
En plus de répondre à ces questions dans le contexte de la Rome antique, l’auteur s’intéresse à un sujet de droit civil dans la seconde partie de la thèse. Il s’intéresse à la procédure de retrait. Cette partie retrace l’évolution de trois types de retraits de l’Ancien Régime jusqu’au XIXe siècle. Ce sont : le retrait successoral, le retrait litigieux, et le retrait d’indivision.
Résumé Liantsoa Noronavalona
Description
An account of the resource
Nature et forme de la procédure de l'action en revendication et des retraits successoraux, litigieux et d'indivision
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Perrin, Félix
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-134
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Zaratin (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1884
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse : Droit : Aix : 1884
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Retrait d'indivision -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Successions et héritages -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/417/RES-AIX-T-136_Delanglade-Testament.pdf
d9ae1965b5b3ad2a7b440a58b36a10ea
PDF Text
Text
UNIVERSITÉ DE FRANCE. -FACULTÉ DE DROIT D'AIX
THÈSE
POUR
LE DOCTORAT
PRtSENTtE ET SOUTENUE
PAR
HE NRI DELANGLADE
Avocat
ou Testament inofflcieux et de la légitime
EN DROIT ROMAIN
De la quotité disponible et de ta réseroe considérées dans leur
origine et leur nature
EN
DROIT
FRANÇAIS
MA RSE 1 LLE
TYPOGRAPHIE ET LITHOGHAPIIIE A~TOlNE ZARATIN
20, rue des Feuillants, 20
1884J
lllll lIll Ill l li lllll 111111111
100216449
�A LA ~IÉMOIRE DE MON FRÈRE
Albert
'
DELA~GLADE.
_\ MES P.\RENTS
�AVANT-PROPOS
Et dlolston du sujet
Le droit naturel veut qu'un propriétaire ait la liberté de
disposer g ratuitem e nt de ses biens en faveur de qui il lui plait,
par les diver s moyens que la loi met en son pou,oir, la donation
entre-Yifs e t le testa111ent. Eu effet, celui <)Ui a acq uis un
patrim oine pa r u n travail personnel, qui a gagné, par son
activité propre, et l'em ploi d e ses senles facultés. ce qu'il
po~sècle, ne saunit, s:.ins injustice, alo rs que la loi lui laisse la
propriété de ses biens, se voir dépouille, par cette même loi,
de l'attribut le plus n écessaire de la propriété, le droit de
disposition.
\ lais, si le d ro it natmel Ye ut i111pt:'rienseme11t true le propriétaire a it ce pom ·oir, ne laut-il i'as reconnaitre 1uïl
vf-'ut ::iussi <{ue les biens ail lent, antant 1yue pnssilile, iles p..!te
el 111cr e aux enf111t.;;, e t r1ue ceux-l'i 1ro u\·ent, d1ns le p:.i lrimoine
rie la fa m ill e, a u décè-; ri~ lenr<; 1uteurs, les res<;ources et les
taoyens nécessaires pn11 r cunsern·r h Yie ,qni leur a été ùonnée ·?
Ces deu x princ ipes. nppo"és Pl ~ ontraùil'loires, semblent s'exclure récipror1w•ment, et ce n'est pas l'une des moindres difücullés que renr nn trL' le législateur. que relie d e les lOJTI)Îner.
sans faire le sacrifice d 'ancun, de chercher e t dP saisir le point
�-
VI -
où ils pourront coexis ter, sans que ni l'un ni l'autre ait rien
perdu d'essentiel et de fonda m en tal. Ce qui ajoute à la difficulté des q uestions qne soulève cett e m a tièr e, c'est son cxtrt\rne
importance et !'in!1uence consiùérahle qu'elle doit nécessairem en t exercer s ur l'état social et p ol itique d'u n pays. Com me
le dit M. R agon: -. les lois sur les s uccessions et sur les clispo« sitions à titre gratuit sont deux a nses par lesquelles le légis-
Ja teur saisit la fam ille et la fac_·onne an g r é de sa polilique.1>
i nous consul tons sur ces gr:ives questions les législations
ci es peuples anciens, nous trouvons q ue ch ez les um·, c'est le
4
d roit de la famille q ui l'emporte. chez les autres, le droit de
tester. Pour ne parler qne !':es deux législations qu i sont les
sources de notre droit national , on Yoit à Rome, dans le droi t
primitif, la con~écralion d'une li berté testamentaire à peu près
sans bornes ; chez les germains, au contraire, on r0nstate que
la prédornin:tnce appartient à l:i famille, que le pouvoir de
disposition est inconnu.
C'est la législat ion testamen tai re de Rome et les restrictio ns
riui on t été snr·cessivement appo1 tées au d r oit de libre d isposition, ton! d"u ord r econnn au père de famille, qui feront l'objet
de cette premièr e partie ùe no tre tr:i.Yail.
Après aYoir con,taté que le pl\re de farnille 1~st le maitre de
son patrimoine <;iïl peut, ü sa guise, en règler la transmission, et que la loi pousse jnsqu·an scrupnle, le respect pour ses
dernières Yoluntés. nous r cn1·1rqnerons les Prwlent s et le Préteur
apporter des '.ldo11cissc111Pub au yieux clruit qui ri taire, mettre
une limite aux pouvoirs du pi.:re, el finalernent assurer par une
réforme généreuse et hardie, les droits de la famille si longtemps
sacriûés et méconnus.
On peut donc diviser en troif> périodes l'éturle ùe la Jégisla-
VII -
ion r om aine : L a p remièr e com mence à la 10 · d
D
l
es ouzes
Taules ! C'est la période rle la liberté absolue à pei·n t
·
.
.
.
,
e ernpf'rée
par J approbation des conuces, et plus tard, par la nécessité
d'une exhérédation expresse.
La seconde éporfltC <'Omprend les dern·
·
tt;res annees
de
la Hépublique et l'ernpfre jusr111'à Constant·
C'
·
·
m.
est a cette
époque que les g rands jnrisconsultes e~sayent tout en
respectant fa. lelf re de h loi
' ùe te in p..>..... rr µar d'"lfl<Yé0
nieu~es interp'.·étations, le pom·oir trop 1 isolu du i.ière da
famille. Ils fei::rnent
1111e le lH're • (lui
S"ris
t"f
· ·
•·
1
•
"
010 1 s serieux
exhérède ses enfants, 11\!sl pas s·d11 rl'esprit q 11 e so t l
'
·
·
,
. n es ament
ne peut proiluire aucun effet et c1uïl doit e·ti·e 1111·,:
· t
'
" ,1 nean
sur
la de1111111le de-; intéressés. l...'"!"fion rpiïls donnent à cett~ fin
~·appelle la q11ere/ti ·1u1/}',. ·osi f(·st1 111,11/i. Elle ne peut être
intentée que s i l'héritier n'a pas re1:11, p 1r ~cte de di>nJÏ,:.r~
volonté une cert1i11c purliun dP la sw·cession a/; nfestat, qu'on
•6
nomme la portion légitinw, 011 pltt s simpletnèllt la lé"ititne.
La troisiè111e période nous cond11ira de Const~ntin "'à .Justinien
et aux importantes réfon11cs introrl11ites p:!r cet ernperl'Ur tlans
l~ m:ltière de l:t 1111ereh d de h légili111e. L 1 plupart de œ
~tspositions nouvelles out l;t(• slli\ ies, ·~llli 'Jllel pies mudifica
lions 11é1·ess3ires
·
·
· • •• p·1 r 11 11 t t.l' a1w1e11
11ro1t, non-se11Jeme11t dans
les pws
du
r
·
l'
·
1
•
lltL 1, 111·11s 1 ·rns les p·1~ :-> 1·11t1ltnniers. oil le droit
ro111:ii11 ne c;er\··1
it tftt>1 11,'- t.lh•)ll
.. .
. .
Ces raisons suffisent
·
•
L'l'nle.
pour expliqtter et pr)ttr .insti!icr, les <lé\'ül ipperneuls qne 111.\Us
COllSil<:rerons à t'eL!e prerniûre élude.
�DROIT ROMAIN
�DROIT
ROMAIN
~
......... ~-
ire EPOQUE
Ub0rté du Tester. -
Nécessité de l'exhérédation.
--Si haut que l'on remonte dans le droit romain, oa y trouve
le testament, emprunté prol.Jable1uent aux grecs, à la suite
d'une mi _,ion des décemvirs chez ce peuple, relativement à la
rêdaction de la loi de::; Douzes Tables. Le testament est même,
à Rome, l'objet d'une préréren.:e et d'tme faveur qu'on ne
rencontre pas ~meurs. Ch'lcun con::;iJère. en quelque sorte,
commet 1 devoir, de faire l:t hli ,le "on hérédité, de règler, selon
ses vues personnelles, 1:1 h"rnsrnis..,ion lle son patrimoine et de
son culte domestique. La loi a cons~cré, dans une formule
singulièrement énergique, le droit a isolu du père de fandle,
en matière de dispos ition::; dernières : ,, uci legàss ·i super
1 pecunid, futeltlve 1mœ rei,
ita jus esto. '> (D T. l.
Donc. point d'entraves à la volonté d8$ défunts : Pour vu
�- 2-
.
que cette volonté se n1anifeste dans la forme légale, elle
sera respectée et exécutée, en 1l épit de tous les droits qu'elle
pourrait mécon1a1tre . U e~t aisé d'explir1uer 1'·1111011r des romains
pour le testament el pour la liberté de tester dont ils étaient si
jaloux. Le testateur voulait il, en elîel, donner un tuteur à ses
descendant~, faire un legs, ou un a(Jrancilissement qui n'eût
effet qu'à sa mort. Il ne le pouvait que s'il testait et instituait un
héritier. L'institution donnait seule vie à ces dispositions ; elle
était con~idérée comme, raput et (wirlamentum testamenti. En
second lieu , l'héritier légitime pouvait. moyennant un avantage
convenu, faire cession <le l'hérédité à un tiers, qui se trouvait
ainsi chargé de continuer les sacra priva ta du défunt, tandis que
l'héritier légitime y demeurait désormais étranger. Cettefacult é
de se décharger ùes sacra, n'était, au cout raire perlllise à
l'héritier testamentaire, que sïl répudiait l'hérédité, 111oyen
extrême dont-il était peu disposé i.l user, lorsque la s uccession
présentait plus de biens que de dettes. De là résulte que le pére
de famille, mourant intest1t. ne savait pas si ses sacra iraient
à celui que la loi lui donn<it pour héritier, ou à Loute autre
personne, peut-être indi:-rne et qui n'apportenit pa-> à ce culte
tout le soin désirahle, tan<lis que sïl lest'l it, il se donnait cette
suprême assurance, que ses sacra iraient à quelqu'un de son
choix, l:<lpable de remplir ùignernent les devoirs qui en résultaient pour lui.
A ces deux motifs, on peut ajouter que le testament fournissait au défunt un moyen d'échapper aux L·onséq11enœs déshonorantes de l'insoh·aliilité, il inslillnit un esclave, héritier
nécessaire, qui était obligé, en cette qualité, de subir la venle
des biens sub ha:Jtu. et de voir son nom figurer sur les colonnes
infamantes .
Juant à la liberté de tester, elle s'explique et se justifie par
les pouvoirs ahsolus ']lie la loi romaine donnait au père sur la
personne et les biens de ses enfants. Il ét.1it difficile, en eITet, en
présence d'une législat i 111 (flli organisait aussi rigoureusement
que le droit romain, la 1missance 1lu père, que la pensée vint de
poser des ùomes :-iu droit de disposition testamentaire, qui n'est
que le com:Jlément, et souvent, la sanction la plus etncace de
l'autorité paternelle.
A l'époque ou nous sommes encore, le père a sur ses enfants
sur ses esclaves, sur sa familia tout entière les droits les plu~
exorbitants, il peut leur laisser ou leur retirer la vie, c'est le
jus l'ifœ necùq11e ; il peut les abandonner, les vendre, les
donner ; les biens qu 'ils acquerent lui appartiennent souYerainement ; ils ne peuvent rien po-;sèder en propre: ipse qui in
poste.'!fate nosb·a est, nihil su11111 liaber~ potest. Cette forte et
puissante organisation qui faisait du père le roi et le justicier de
sa famille, avait, aux yeux des romains, une importance de
premier ordre pour la conservation ùes idées religieuses, des
fortunes, des mUJurs et des traditions nationales. Le législateur
n'était que log ique en permettant au père de disposer de ses
biens, de déshériter ses enfants. s'il lui convenait, de laisser son
patrimoine à celui, que!1J11'il fùt, que son affection, son intérèt,
le soin de sa mémoire, lui faisaient choisi 1· pour héritier.
M.is, on peut croire rrue, dans le très-ancien droit, ce pouvoir
trouvait une garantie dans les fo!'mes mêmes ùu teshment. En
effet, les curies et les Pontife-; deYaitmt inter\'enir, pour autoriser la transmi-;sion, telle que l'a\'ait règlee le testateur, ùe son
patri noine et de ses sacra. Or, cette intervention 11 'était pas
une pure formalité. Les curies pouvaient, sans aucw1 doute,
accepter ou rejeter, su r l'avis des Pontifes, les dispositions sou·
�-4mises à leur 3pprobation. 11 n'y a là rien qui doive nous étonner,
si nous nous l'appelons que le droit de propriété fut, à Rome,
une concession <le la puissante pnbli([tte.
Mais ce caractère de l'intervention des curies s'effaça de
bonne heure. Les inconvénients d'un testament qui ne pouvait
ètre fait que deux fois par an, se firen t sentir. De là, le testament
in procinctu: L'armée y jouait le rôle de simple témoin . Les
comices imitèrent évidemment l'armée, el ne furent, ùès lors,
autre chose, que <les témoi11s. Puis. on fit un pas nouveau. On
ge passa des cu.1üces et l'on iustitua le tes tament pe1· ces et
libra111. Avec cette forme, la volonté ùu tes tateur ne connaissait
aucune espèce d'entraves.
Cependant, il faut bien le dire, on ne tarda pas à constater les
dangers que présentait pour la fami lle cette trop g rande liberté
consacrée par la loi des Douzes Tables. Une réforme était nécessaire : elle Yint des Prudents el ùe la coutume. Considérant que,
par l'effet du droit de puissance sur les enfant s, ceux-ci ne
faisaient qu'un avec leur père, qne tou tes leurs acquisitions
allaient set:onfondre et se pet'<lre dans le patrim oine pa ternel,
les juriseonsultes l'Onclurenl ry11e les tils étaient héritiers Je
leur père du ,-iyant mème de celu i-l'i, t[llÏl existait r.ntre eux
et lui w1e sol'te de copropriété, et que ùb lors, sïl vonlait les
exclure de sa succession. il d .,·ait hire connaitre expressement
sa Yolonté ù cet égard ..\ussi, les enfants s appelent-ils fte,·edes
sui; à la 111ort ct11 pcre, ils a c11nit'.,reul llloins une propriété
nouYdle, qu'ils ne t:outinuenl une JH'1Jpri,.'.>té duul ils étaient Mjà
in\'estis, (quasi ro 1dir111rzt 11 nlomi1111111 . Le père, en co11séquence
de cette hmovation, doit les exhéré<ler forr 11elle111ent. ~lais,
poun·u qu'il prononce <.;ette exhérédation dans les formes
l égales, il reste libre de choisir son héritier et de lui laisser tous
ses biens.
C'était donc, comme on le voit une réforme ·
ffi
.
.
.
'
msu sante. On
a;outa1t une fo rmalité de plus et une formal' té t
" . à
•
•
'
1
res-1ac1le
remplir, a toutes celles que l:'l loi exigMit pour 1
f .
·
·
a per ection
des testaments; et, quoique l'exhérédation rep ât
.
.
os sur cette
idée for t;uste, que beaucoup d'hommes re<.;uJe11 t d
t •
. ,
. . .
.
.
evan 1aveu
publtc d une m1ust1ce, t1 ét::11t nécessaire de 1n 1·eu
·
x assurer 1es
droits de la fam ille. De plus, le défunt n'était tenu d'exhéréder
qu~ les héritiers siens, ou ceux que le préteur y avait assimilés.
Mais, la mère et les oscendants maternels, n'ayant pas d'héritiers
siens, les parents ùe cette catégo1'ie pouvaient impunément
omettre leurs descend'lnts. L'omission à leur égard valait
exhérédation et les privait des droits que leur aYaient reconnus
le senalus consults Orphilien et les constitutions impériales.
Pour tou tes ces raisons, il fallait une réforme plus sérieuse
et plus efficace. Elle résulta de l'institution de la querela
iuo(ficiosi testamenti, qui nous cond uit à la seconde époque.
2
�- 7-
DEUX TEl\.fE
E POQU E
Valentinien et Valens s uppriment absolument 1 d
('
e omes icum
j udicium pour les délits g raves. (1).
De ln llD de la fü\publiqun h Constantin,
SECTION 1.
De l'orig in e, d e la natur e, et des caract€r es
Plainte d'inofficiosité et légitime.
de la querela inoffiicios i tes t amenti.
Si l'exhérédation assurait, d'une façon imparfaite, iles droits
de la famille, la querela i noffiicisi testamen ti fut une réfor~e
sérieuse, efficace, el complète dans ses résultats . Avant d en
indiquer la nature et les caractères, il n 'est p as sans intérêt de
constater que, des le com mencement de cette p ériode, la p uissance paternelle reçoit des adoucissements et d es correctifs
qui coïncident a\·ec 11. 1m1teclion qu'on donne aux droits h éréditaires des enfants.
Le dro it de vie et de mort ne subsiste que p our le cas où le
p ère surprend sa fille mariée en fiagrant délit d'adultère (1).
Adrien punit de la rélég:llion un père qui ava it t ué son fils.
Alexandre sévere décide que le père ira devant les m agis trats
qui pourront réduire la peine, s'ils la jugent exces sive . (2)
Qu'est-ce rl'auord que le testa ment inofficieux. ~ c'est un
lest1ment régulier, ne hlessaut aucune des récries du droi t
0
,
mais contraire aux devoirs de hn;i.L11 re. rr est valable en droit ,
mais il est Yicieux. en ce qu'il dénote che;, le testateur l'oubli des
arTcrlious et des cl, \'oirs rfuc les liens tl11 sang commandent
En ù'autres termes, et pu111' p·1rler le h11g1ge des textes, nn.
pareil testan1ent viole l'ofliciu , 1 ;uelflti-'i. C'est ce que ~Iarcien
exprime trt!s-ex:i.cte111e11t !ni :2 D. de inoll. \'.) " Ncte q11 "dem
/ecit lesta,,ientu ,,, S< t 11011 e,. tJ '/icir; pit}ta. ·s. , Toutefois, les
Prudents n'osent p 1s 101Hler sur t:e seul motif h resci'ion du
testament. lis aur;i.ient 'li11si heurté trop diref'lement la liberté
absulue proclaU1ée p:i.1· la loi des Douzes Tables. Aussi, pour
trancher la difikulté, ils supposcreut que le testateur s'était
trouvé sous l'empire d un accès ùe folie au moment où il testait,
(l) D. ad Leg. Jul. XLVlll. V.
(2) C. - loi 3. de pal. pot. VIII, ~5 .
(1) code. loi 3. IX. 15.
�-8et qu'en consé<'{uence, le tec;t:unent pouvait être annulé, comme
ét·r nt rœuYre d'un fon. D1.n~ h lo i-! :rédtéc , -:-.ra r cien nous dit :
<l Hoc coloi·e de ioo/!i<'io.~o a1it 111·, r111a.~i non .sallœ mentis /i1e1·111d,
q1ciwi tesfmflet1U1111 01·dinm·e1d":
En effet, c'était lit un rnotil' s pécieu'\ , que le jmis consulte
qualifie, non s1 ns raison , de prélexte, color. La folie frappe
cel ui qui en est atteint d'une inca p'lciLé absol ue de tester. Tout
testament fait par un fou est nnl et ne saurait jamais produire
d'effet, tandis que la violation de l'offici11 11t ]Jietatis laisse au
testament sa force, jusqu'à ce que la rescis ion en soit prononcée
et quelquefois même, comme nous le verrons, ne l'annule pas
en entier.
L'action donnée s ur ce fondement pour attaquer le testament
inollkieux s'appelle h 'f11e1·elri 11iofficio.~i testa.menti. L'origine
de celle :iction a été l'objet rl e controverses entre les commentateurs anciens. ).ihis les interprètes rnoùernes du droit rom1.in
s'accordent généralement ü r econnaitre qu'elle est due, co mme
l'exhérédatio'.l, à l'initiative et à l'interprélation des Prudents,
Cujas, le premier enseigna CJ.Ue la pbinle clïn~fûciosité. éta~t à
tort consiùérée comme un e ins titution co utum1è1·e, mais quelle
dérivait d'une loi. li clonnail à. l'ap pui de cette opinion deux.
arguments : le premier est tiré <le l'inscription du fragment 4•
du titre de ino(fi.cioso a u Digeste : Ce fragment est extrait d'un
commentaire de Gaius ud !eqe111 9litia11i. En second lieu, Cujas
fais'.lil observer que J ustin ien, dans deux constitutions portées
à son code, p'lt'3.1t attribuer la 'l"erela à une loi, quand il dit ;
personœ quœ e.e prio1·ibus, e.r a11ti1uis /é11ibus , acfio11em de
ino/(icioso teslauienlo 11woe1·e potera11l. (1) Nous n'avons sur la loi
(1) lois 31. 32. code de inorr. t.esl.
-9 -
glitia, m en tionnée au Digeste. ··ucnn renseignemen qui pui"'se
fournir <Juelque l umière . 0:ous ne la conn1issoos p1.s autremen t,
ses <lispo-.;i1io11s et sn 1ht~ sont igno ré es. Quand aux loi!" auxquelles Jn-;Linicn ftit ·11111 ;ion, il n e.;t pas n1oi ns impossible de
rien swoir de préc is Pt !\ e st'lr. Tout r ésiste an sentiment de
Cujas . Une loi ne se serait-e lle pas exprimée impérativent '?
N'eùt el!e p1.'> prot:larnée, s11r le seul motif de b violation de
l'officiw11 1Jir-tati.<:, la nullité c\11 testament ?
Aurait-elle en besoin rlt' 1'1p 1 11yer sur des fictions.de recourir
à des expédients ? Les te,tes, en outioe. réfutent péremptoirement l'opinion rle Cujas. Justinien, au princip. du titre 18
li v. 11. des insli tuùes ilil: l 11r/11clo 11 est, 1d de ino!fi.cio.~o agere
possint. De mèrne, on lil au Digeste (loi 2. V 2.) !toc colore
agitw· quasi. etc.
Mais, si la911ereln: ne vient pas d'une loi , il est encore moins
possible de prétend e , comme l'ont fait M. Troplong et M.
Kœnigs Warler. qu'elle est d'origine préforienne. ~ul édit du
préteur ne !raite de ces m·1Lières. De plus, et c 'est là une raison
décisiYe, ln q11e1·ela ne hit point <le celui qui y triomphe. un
simple pos<>es e111· de biens, m 1is un Yéritable héritier. :N'ous
penso ns rlonc, a,·er h g1;n1;ralité des inti>rpètes que la querela
est l'œu\Te a peu pr··s e:-..clusive des jurisconsultes. de ce que
l'on appel le les Jfo1·es.
Il est plus dillidle de lixer \'époque encte d~ son intr oduction . On peut croi re qn'elle est anlèrieure à Cicéron, ou q ue
tout an moins le principe en ét lil déja posé à son époque , puisqu'il en fa it mentio n ùans son discours contre Verrés (1), et il
( l)lo Verrem 141. 1'2.
�-
-H-
tO -
résulte également de plusieurs passages de Valère Maxime (2)
qu'elle était connue el mise en usage au temps de Pompée et
d'Auguste.
La nature et le caractère juridique de la q11e1·ela sont ég1lement r objet de v1Yes con! roverscs . Un savant inler 1·rète holl:rndais, Vinnius, \ 1 consiùè re comme 11ne véritable pétition d'hérédité, produisant en fayeur de l'intéressé un d ouble résullat :
la réscision du testament inotncieux el la restitution de l'hérédité
à l'héritier légitime. a Dicam 1sse specie111 petitionis heredihtis,
a qud et testamenfu111 resci11di posflllatu1-, et simul viitdicalur
c hereditas, taaquam ad intestato delata >>. (3)Celte opinion est
rejetée par beaucoup.
Du temp de Vinnius on enseignait que la que1·ela n'était
qu'une action préparatoire à la pétition d'hérédité, et que l'héritier ad intestat devait, après avoir triomphé dans cette action,
intenterlape/itio heredifatis pour obtenir l'héréditè légitime.
La querela aurait joué, en celle malière, le même rôle que
l'action ad ezehibendl{/n, en malière de revendication. l\Iais, le
sentiment de Vinnius esl prél'~rahle, et le caractère quïl attribue à l'action de inolficioso paraitra incontestaùle, si l'on étudie
et interroge les textes relatif-; à ce point. Le juris consulte
Scœvola nous dit dans la loi 20 in fi11" (de ùio/Jirioso lest.)~ qui
c de inofficioso dicit, 1111l/a111 alia ,, actir)l1e111 q11a111 liereditafis
« petitione111 e:ce1·ce1·e debet 11 l:lpien, dans la loi -27, ~ 3, dil
également de celui qui entente la plainte d'ino!firiosité « /ac11ltates vindicat11. Paul, dans la loi 21, § 2, au même litre, quali-
('2) Dict. ract. memorab. Vl I. 7.
(3) Select. quœst. juria. lev. l. ch. XtX.
fiant le résulta t de cette action • s'ex.pr
· t'me a 1·ns1· .• « per eam
« he1·editas evincifur, et un texte de Tryphoninus porte plus
précisément encore >> (ad bereditatis pPfitionem admittend 11 s
est ex causà inofficiosi querelœ confra emancipatiun movendO").
La querela participe a ussi de l'action d'injures et reçoit l'application de principes p1.rliculiers à cette action. C'est qu'en
effet, le te<>ttlment inoffirieux. J1orteatteinte à l'honneur du iuerelans, en ce qu'il donne à s11pposer que son o uission ou son
exhérédation tiennent à son indignité et à son inconduite. Il
demande donc, en même temps que la reslit11tion de l'hérédité
la réparation publique de l'ofTense que le défunt lui a portée'.
Les textes prévoient d'intéressantes hypotheses sur lesquelles
lessolutions données ne peuvent s'expliquer que par l'analogie
de la querela avec l'acfio inj1aia1·11111. Ulpîen, dans la loi 8 pr.
suppose un filius familias oublié dans le testament de sa mère
ou d'un ascendant maternel. Cette omission vaut exhérédation
et autorise le fils à exercer la querela. :\Jais, Je père, à •iui doit,
en définitive, revenir l 'hérédite pourra-t-il. au nom de son f1ls,
et contre la volont1; de celui-ci, intenter l'action ? i\on, répond
Ulpien. citant l'opinion de Papinien, q11 'il approuve ex 1iressément
car l'injure est personnelle au f11s: /,Js111.~ Pnim ù1j111·ia es/.
.\illeurs, Tryphonin us (1) admet le fils à former sa plai nte
contre le testament de :;·1 mère, :ilors l!lême 11ue Je père. gratifié pur ce test1ment, refuse1 ·1it de l'attaquer . .\'n 11. dit en~ore
le .iuris consulte. ind 1/piat w /ilii est Lè llls n"1 d'autre int ··rè
dans ces espèces, à e:...erce r la 11 1e1·e/n, que celui de rereHiir
une satisfaction dés irée, car h succe--sion irl à son père, ou si
celui- ci n'en veut pas, à d'autres qu'au plaignant. Ce résultat,
(l ) loi 22 pr. Oig. de inotl'. V. 2.
�-
-
ft -
13 -
contraire à refîet relatif de la chose jugée, se produit dans
d'autrescirconstances sur lesquell es nons a urons à revenir plus
tard.
.\lais. ce qui montre, mienx encore, la ressemblance de la
querela ayec l'action <l'injures, ce sonl les d ivers modes d'ex.tinclion qu·on lui applique, et qui sont, pour ~a pluparl, empruntés à l'actio i11jurian1 m. Ces poinls seront aussi examinés en
leur lieu.
l'hypothèse d'un partage des juges, décide qu'il sera plus
équitable de mainlenir le testam ent, à moins que la sentence des
juges en faveur de l'héritier institué 11e c;oit évidemment inirrue.
Ces deux textes, en apparence opposés, penvent semble-t-il
'
se concilier, si l'on suppose que, ùans l'affaire plaidée par
Pline, les juges, après exa1 11en et r.onsidérant l'iniquité de
l'exhérédalion, avaient prononcP la rescision,quoiqueen principe
le partage dtit èlre favnrnble <111 testa tuent.
La querela inofficio.~i testnmenti, comme toutes les pétitions
d'hérédité, rentrait dans la compélt>ncedu tribun'\l centumvir'\ 1•
Ce tribun-ll, institu6e à une éporrue sans doute ancienne, mais
ignorée, deyait particulicrernent corm:utre de toutes les actions
en pétition d'hérédité ? Co i1111e11\ se cornposait-il ? Quand
siègeai!-il ? Comment fonctionnait-il ? >ions n·a,·ons sur ces
di,·ers points que Jes renseignements très-inc01nplets. Jous
s:ivons par une lettre de Pline tle Jeime, (1) dans !'\quelle il
raconte sa plaidoirie ùevant les een tnni iers, pour une fe10 Ille
de haute naissance, exhérédée par son père, que le Tribunal
se composait de 180 meml.Jres, diYisés en quatre chambres ou
sections, et que le j ugemeul était rendu conformément
il l'opinion de la majorité des section::;. Pline nous apprend
cependant que, vaincu devant t!cux rhambres du Tribunal.
il gagna néamoins son procès : (victa est noPercaJ. (2) C'est
dire que lorsque les centumYi l's se partageaient sur la
question, l'opinion qui se prononpit pour la rescision dn testament l'emportait définitivernent. Le partage était donc fayorable
au succès de la querela. Marcellus (3 ) au contraire, prévoyant
La compétence des rent11111 <irséhit-ell~ exclusive. en matiere
de pétition <l'hén:ù i lli ? nous ne le p111so11~ pas. La loi 8, p:lr. 16
dP ino I'. Diq., étalJlit clairement que les p·uties poll\·:lient, à
leur choix,porti>r leur phi1tl1> de\·:rnt le tri iun'll centunrriral 011
de\':lnt l'urw.r jlfdr>.r. L:t sentence, de cyuelque juriùiction qu'elle
émanât, était susceptible d'appel, el ."on appliquait probablement ici les règles générales sur l'appel (1).
)
_,..,...
(l) Epist. V. 21.
Epist. VJ-33 .
(3) Lt-1 10, princ. D. V. 2.
..
(:!)
(l) L<ii 29, pr. D. V.
~-
1111
~- pnr.
1.
l ~ >i 1~ pr. de appel. et re 1e. XI.D,
l.
�-ft-
-15-
parce que celui- ci, en supposant le fils décédé · t f t ,
. .
.
in es a , n eQt
pas recueilli le pécule J 1œe her·cdis rnais ;·ur·e
l "· J ·
·
'
pecu tt. . ust1nien consacra cette décision et l'étendit a u pécul
·
e quasi castrense. ( 1) .
SECTION II
Quels testaments pouvaient être attaqués
par la querela inofficiosi
testamenti ?
A qui
appartenait-elle et contre qui était-elle
intentée ?
Tout testament, quel qu'en soil l'auteur, est attaquable pour
cause dïnofficiosité, par certains héritiers ab intestat, dans
!"ordre de leur vocation, s'i ls ont été injustement exhérédés
ou omis. La seule exception à signaler a trait aux testaments
des militaires. A toutes les faveurs <lont ils joui.:;sent en matière
de dispositions de dernière volonté, la loi ajoute l'immunité de
la quuela. Lem testament est maintenu, alors même que leurs
propres enfauts, ég·tlement militaires, voudraient se prévaloir
de ce titre, pour ètrc admis a la q11erela. fais celle exception
ne s"applique que si le le1tateur meurt ü 1':1r1née ou dans
l'année de son rel i11r. (1) Les Yétèl'ans n'en bénéllcient pas,
alors même que to11s 11 urs biens proYiendnient d"acqu1silions
faite~ it !"armée.
Le testament fait p:i.r un fil.:; Je f:unille, militaire ou vétéran,
sur son pécule caslr'e11se, était à l'abri <le la rJl1a·ela de son père,
(1) Loi 27 p. ~. de iooffic. D. V. 'l Loi 9 Code de ir;olf. te ~t. Ill. 28
. L~s p~rsonnes ad.mises à exercer la 7uerela testament1• inof!icros1 pmsent te droit chns une \'Oc1tion à l'héré<lité léaitime ou
0
à la bonrll'u .1 possessir; sans hr1uelle elles n·
· t
'
aura1en aucun
inlérèt a conslester ù l'instiluê t
seraient pas appelées à. recueillir.
Ces personnes sont ;
1• Les descendants .
2° Les ascendants.
3· Certains collatéraux.
~ 1. -
me succession qu'elles ne
Dts descendants.
La querela inof!iciosi lestrunent i appartient, en premier lieu,
aux descendants, quelque soit leur degré, IJlle Je testateur a
injustement exhérl'rlés ou omis, et qu'il él"lit te11u, s 01 t par le
droit civil, soit p·w le droit p étorien, d'instituer ou d'exhéréder.
~fais, les dPscenll rnts eurent -ils tous, rlt•s le début. le droit de
critiquer le testament, on faut-il arimettre id fa 111arche et les
déreloppements que nous consl"ltons dans b théorie de rexhérédatio11 •?· c,
se"11
. 1 1l · 'ue p1r 11·r pus
1 e\act. p nm1tn·e. ..
~.... 1•l 110111
ment, rn elîet, le p ·re u \:t-tit lcnu d'exhél'éder que le enfants
héritiers s1·e1'"
· t -a-1
· 111·e
· ceu 11e_p
.. 11~ et ryui se trouvaient
,,, ces
sous sa puh:sance i1nméd iatJ. Pareille!nent, la 9u '1·ela ne dut
(I) Lois 2' et 37. Code do 1noll. test. Til. '18.
�-16 -
être d'abord instituée qu'en lenr faveur, et, cette opinion prend
w graud caractère de cer titnde, si l'on remarque que le droit
1
d'attaquer le test'\ment leur fut acconlé sur tout comme une
conséquence de leur ropropriëlé d'lns le palrirnoine de leur
père. ~fais, quand le d roit prétorien, éla rgiss'\nl le domaine du
droit civil, eùt obligé le testateur à exhéréder tous ses descendants per 111asc11los, qu'ils fussent ou non sous sa p nissance
immédiate, il n'était que logique et équitable d'étendre à ces
derniers le bénéfice de la rp1e1·ela i110f!iciosi testamenti. Car,
si leur droit ne se fondait pins sur la qu'llité <le copropriétaires,
il s'expliquait et se ju-,tift'lil par une considération plus haute,
à savoir que le père est tenu a lenr égard des mêmes devoirs
et des mêmes obligations qu'em·ers ceux soumis à la pafria
potestas. Auront donc, en \'ertu de ces règles, le droild'exercer
la que1·ela :
1° Les su1 heredes, qu' ils soient issus ex .fustis nuptiis ou
qu'ils ne se ratlachenl au défunt que par le lien de l'adoption.
Mais, Wle distinction est nécessai re , clans ce dernier cas. Si les
enfants adoptifs ne , 011t pas sortis de leur famille adop tive, au
moment de la mort du père naturel, c'est l 'aJoptant qui a le
dernir de les mstituer ou tle les exhéréder el c'est contre son
testament qnïls ont la 'l""''f'/n. ~ïls sont sortis de la famille
adoptiYe. ils penvent attaquer le testament du père naturel,
comme des enfants émancipés.
2· Les e,it'-rnts ! r .. e lateur a ém·mcipés.
:i" Les <'nf'l11ts 11 -. 0111·11111·us le lui , a\ant qn e lui-111ème fllt
émancipé ou clonué i>n adoption
-!° Ceux qu'il a eus l;tant i11 f"'otest dl" et que sonpère aéman
cipés en le retenant sous sa puissance.
5° Ceux conçus de son fil s déjà émancipé.
- t 7-
....Les11·enfan
. ·1ts• 111tme\s
. , i~r.;
.. t1 !t e.c r·onc11hma111, ont-ils la plarnte
u ' mo 1crn::.1 e contre le iesl·ltrieut Ü'
t. 1eut.s auteurs ? La fjuestion
n est
. pas • do • leu
•
ét:uerit
. ap,1
, elés
. a
.
Ses c nfants
1n mere.
. en cc qui concerne
· ·
s u1·rt'der ' d ·1Lord
1)a.
1
d
.
, . qui
1 e rmt pretor1en
'
P,
Ul
lem acco1da1l
la ùo1w1·11111
pos~es ..,io uwle co9nati, el pus
l
tar d,
.
..
par le :::,. C. .orph1lien
.
' qui leur assura la préfé rence sur les
agnats. Et .ce n éta ient
. pas senle111ent les enfants naturel s, né s
c1u concn binat11s, mais
les siiurii ou vu
. /!JO quœs1.f1,. Ga1us
.
.
le
remarqne e'pressement (1) qui eurent le droit d'att:tque r
par I~ que1·ela le. tesl~me11t maternel. ~lais, à l'égard du père
natu1 el, la question li esl pass~ns dilliculté. Ecartons t utd"abord
le cas oü il s'agit rie .~1 11rii. De te ls enfants sont réputés sans
père connu.
l\his. s'il s'ag'it crenf'lnts nés du concubin a,
t on
.
peut opmer que leur ad 1n iss.on au l.iénéfice de la quel'ela contre
le testament de leur père fut cuntemporaine des lois .Julia de
maritandis 01·di11ib11s et Pnppia Poppœa, qui reconnurent le
concubinat, au point de vue des avantages attachés à la paternité.
Les enfants eurent dès lors un pate1· certus , et le préteur les
appela à la bonorum possessio unde cognati. Comme conséquence de cette vocation ab intestat, ils durent poU\·oir sans
doute exercer la quei·ela contre le testament du père qui les
omettait ou les exhéréllait injustement. Constantin et Justinien
apportl.rentencette matière des innovations que nous étudierons
en leur lieu,
La plainte <lïnotlicinsilé appartenait aux posthumes comme
aux enfants nés du YiYanl du test'lteur (:?). Cette déci ion ne
présen' il aucune diftlculté. toutes les fois qu'il s'agissait de
posthumes héritiers siens. l\lais, si nous supposons un posthume
(1) Gains. Loi 2. \.~X VlII. 8 unde cogu.
(1) Loi 6 priJl. D. '2. de in off. test. V. ~.
�- i8 ·-
on rencontt.e une obi.· ection que préYoit un tex.te d'Ulpien
ex e~ne,
t d "t le i·uriscons ulte, le pos thume externe pour( 1) Commen · 1
·
·t d'
, 1
.
'
l ~' lesta leur ne pouva1 ' apr es e
· ·1
plaindre
pu lsque
rait-l .s~ .~ . '.
.,, lté ri-llle r. ? Il reproch eraitàsonascendroit civil, t ms titne1 ou 1l
.
.
f
.
·t
·e
})as
mort
s·ms
lesta111enl.
l\la1s,
il
ne
p
eut
ordant de n e 1
.
t·
>- l'
.
•
.
.
c:.u·
ce
sel'<.Ut
l'e
usee
<l
ascenmuler une paretlle a ccusa 110 11 , ' '
.
•
1
.
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l
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tesl·üenravailcd
te
/acf10.
l:l
p1
en
d'mt la /acti o Lesfallle11 1 e t:
•
.
'é
.
.
.
•
,,
.
.
e
posthume
p
eut
se
plamrlre
de
l ams1 a 1 OuJeC 11011. 1,
.
r pon.c
'lé 1
·11st1"lt1é Car insl1lué, le prêteur lui <lonna1t,
n'avoir pas L
•
'
'éd" t
avant sa na1.ssan ce , une J)OSsession de biens en
. vertu·11 cle. l l
.
de celltl'e in 11osNe.<;s1011e·11
111·11e11 rio ' el ' une fois né, l lll accor. $CCllll i/11111 wbulas. C"en est assez pour
dait la bo11on1111 jJO.<;SCNSIO
t ,
autoriser le posthu111e c;.;.lerne à exercer la q11etela.
de la
6• Enfin parllli les descendants, son t a<1nlis ü l'exercice
.
'
inollicio.~i
tcsff1111ent1. ceux.
qu ·i s onl oin is. par ull ascenl
dant a uquel" la loi n'impose pas de l es .ms t ttuer ou de es
q11el·ela
exhéréder.
Dans cette catécrorie, se p incent ceux. q l li sont omis par la
D
mère par un ascendant
ma lernel <l e l' un ou <le l'autre
,
.sex. er'.ou
par u~e ascendante paternelle. A peine est- il besoin de ;1r:
. . . ... ·
an
obser' e1 q111c1 le défunt exhérèderait \'aine111ent son descen
.
et ne
Cette exliérèdation équiYaudt"Ul ü une simple o1111ss1on
1
.
.
·.
.
l
1
ilroit
dï
1tenter
saurait pri' er celui qui en est 11 '.lppe < l
tt a
, ·l Si l'on accorde la 711e1·cla ·111x descendrtnts de ce e
quell a.
.
.
l'onde'
classe, ce n'est pas sui· b copropriété rle fa1n1lle q1 1 on 1,1 .
·s sur l'identité <le.,, cle,oi1·s que la n'.llure impose a tout
mru
d t
ascendant, et des droits qu'elle accorde à tout descen an .
(1) Loi 6 princ. ino[. test. V. 'l.
§. Il. - D e8 Ascendants.
La querela appartient a ux a scendants iujustement omis
dans le testament de leu rs descendants. Pour comprendre qu'un
ascendant attaque le tes tament <le son descendant, il faut nécessairement s upposer ce de rnier .<mi juris, ou bien né e,P co11cubinatu où vuLoo quœsitus. Si non, il n 'aurait pas pu faire de
testament, à moins qu'il n 'eût un pécule caslreruJe ou qua~i
castrense. Mais, il a relativement à ces sortes de biens une
liberté absolue.
Le p ère naturel, d1mt le lien est rendu certain par le concubinait, la m è re naturelle, dans les cas où le sénatus consulte
Tertullien l'appelle à la succession de son fils, peuvent aussi
critiquer le testament de leurs enfants.
A quel fondement rattacher cette faculté que la loi reconnait
aux ascendants ? rous ayons obse1Té que les descendants, en
régie générale, puisent, dans une eopropriété commune, le
droit d'exercer la querela contre le testament de leurs ascendants. Faut-il reprodu ire ici la même id ée ·?Nous ne le pensons
pas, bien qu'en matière de s uccession prétorienne ou trouve un
texte du Digeste, tit. IX , liv. XXX VnT, qui p~raisse admettre,
d'une façon générale, une copropriété réciproque entre les
ascendants et les descendants. i\1ais ce texte ne ùoit pas ètre
transportée dans la matiere qui nous occupe. La coprnpriété
qu'il proclame a pour but de faire accorùer aux ascendants et
descendants qu i demandent une bo11ol'ltm po.~sess10 un délai
plus lo.lg que s'il s'agissait de tout autre successible. Aussi,
semble t-il plus nai d'expliquer le droit des ascendants à la
querela par le motif déjà invoqué, à savoir, une réciprocité de
devoirs et de droits que fait naitre le bien qui unit ces personnea
�-20-
entre elles. C'est ce qu'exprime Papinien, dans lu loi 15, au titre
de inotficiow, don t le princip. esl aiusi conçu : « Nam etsi
(( pa1·entibus no1i debefllr /iliornm heredilas, tu1·bato tamen
41 ordine mortaldatis, non minus pa1·entibus quam libe1·is, pié
• relinqui debet. »
§. III. -
Des F?·ères et sœu1·s.
La dernière classe de personnes qui peuvent intenter la querela
est celle des frères et sœurs du défunt. Mais, nous rencontrons
ici des règles spéciales sur lesquelles il importe de donner
quelques explications.
D'abord, ce ne sont pas les frères et sœurs quelconques, mais
seulement ceux qui sont consanguins que la loi autorise a critiquer le testament du de cujus. Dans son sens ordinaire, cett e
expression désigne tous les descendants issus du même père.
Ici, elle prend u ne signification plus technique. L es frères et
sœurs consanguins sont ceux. qui, non seulem ent sont nés du
même père, mais qui sont restés agnats . L e mot consanguinei
eut ce sens propre durant toute l'époque classique.
Donc, le frère ou la sœur qui, du vivant du défunt, sera sorti
de la famille par l'adoption ou l'émancipation et n' y sera pas
rentré, ou dont le bien d'agnation aura été brisé par quelque
autre évènement, ne sera pas admis à intenter la querela.
En second lieu, les frères et sœurs, ne peuvent pas comme les
descendants et ascendants, attaquer le testament d ans tous les
cas et quelque soit !'institué que le de cujus leur ait préféré,
il faut, en efTet, que cet institué soit une persona turpis. par
exemple, un individu atteint par l'infamie, ou une personne
dont Z:exi8tima,io ne serait pas integra. Une com;titution de
Constantin qui forme !a loi 27 au Code, liv. In. tit
28
que d'une façon précise les trois degrès d'altératio . , ~a~
malio: q si scri1)ti he,.edes in(arriiœ vel t
.
_n_de l existi'
m-pitudims vel l .
« notœ maculà adsper(I udur ».
,
evis
Cette nécessité de l'i nstitution d'
une personne vile f t 11
introduite par Constantin ou bien . t .
u -e e
.
.
'
ex1s ait-elle déjà à l'é 0
classique ? C est une question fort a!lité
P que
. .
.
o
e. 0 ntrouve,auDigeste
<l eux· t ex tes ou
11 est fait allusion, c tt
..
.
. ._ e e condition. L 'un d'Ul
p1en forme la loi 2-1, au litre de . /fi .
.
.
.
rno cioso, l autre de Paul
tonne la 10 1 31 par. 1 a u même titre UI .
.. .
à"
. . .
.
p1en parle d institués
wersi J uns. Paul dit que l:l. qu'lrté d
. . .
•
L
es 111s t1tues n'est pas à
considérer, lorsqu'il s'agit de la (l
l d d
'JUere a es escendants ou des
ascendants. Ces textés paraissent bien formel.:; ~é
.
savant roma . t M D
. . • 'lmoms, un
ms e, . ucaurroy estime qu'ils ont ét .. t
et
·
b.
e m erpol<!s
que c est ien Const·mlin qui le premier a
.
condition à l'
·
mis cette
p .
exercice de la querela par les frères et sœurs (1)
oth1er, et a_vec .lui le plus grand nombre des auteurs, esti1~ent
que Constantrn na fait sur ce point que confirme
l
le dro 't
é ·
r e consacrer
. 1 an t neur. Un passage de Valère-:\1axime ('>) où est
~ne~lionnée cette nécessité d'une qu1lité défavorable~chez l
1nstttués p
b·
es
rouve ien, ce semble, que tel était le droit reçu dès
1e commencement de J'empire.
Reste à nous dem~rnder la raison de la préférence reconnue
aux fréres e t sœur'
,
.
,
s con-:;'lnguui5. Le':> 111~e 1 ll's conjecturent
qu on la fonda sur
.· . ·
. .
un pt mc1pe que n1J11s avons déjà rencontré :
celui d une co 1.
..
.
P opn eté commune. En effet, le biens du dé fun
avaient été la
.
··
'
cop1 opnelé de ses frêrès et sœurs, lorsqu'ils se
(ll tome 1. n. 649. note 6.
l~).Memorab. 2. VlI. VIll. ~.
3
�-
'22 -
- 23 -
trouvaient tous avec lui sous la puissance du m ême auteu:. Si
. t'10n est \Taie • et l'on ne saurait contester qu .elle
celte exp 11ca
est assez ra t .lO nne ' le ' nous comprendrons aisément pourquoi les
~ "U'"
la n11erela
étaien t les fré res et
seu1s co11atcr,,
"'"...,,d 111 is 'ù exercer
·
i
sœurs consanguins. Car, ceux-là seulement pouvaient Mre
considérés comme ayant eté copropriétaires des biens du défunt
à l'époque oü ils étaient placés sous une puissance c~mmune .
Les frêres et sœurs utérins, nés de la même mère, mais non du
même père, échappaient à cette puissance, et il n'était pas
possible, dès lors, de faire intervenir en leur faveur la même
idée de coprpopriélé.
Nous ayons dit que la quercla inofficiosi testamenfi appartient
aux successibles que nous venons de passer en revue, darls
l'ordre de leur vocation héréditaire à la succession ab intestat.
Mais, si le premier en ligne renonc<i à la querela on oe peut
l'intenter, le droit d'exercer cette actio11 passera-i-il à celui qui
le suit immédiatement dans l'ordre des successions ab intestat ?
cette question avait élé, au dire de Paul, controversée entr e les
j urisconsultes. Mais, l'opinion favorable à la dévolution de la
querela l'avait emporté : « si is qui ab111ittiiU1' ad accusationem
c nolif ant non passif accusa1·e, an sequeris ad1aittahn·, vivendum
a est? et placuit posse ; ut fiat success onni locus' l). 11 La loi 14,à
notre titre, fDi;;. v.:.?), préYoit une espèce où ce principe reçoit
son application. Voici Je cas : Un père émancipe son fils et
retient en sa puissance son petit-fils, issu du fils éinancipé. Ce
dernier a plus tard un autre fils, et meurt, après avoir exhérédé
ses ùeux enfants, et omis son père. Les fils intentent la querela.
(1) Loi 31, pr . D. de iuoff. V. 2.
S'ils y succombent, le pèr e peut, à son tour, exercer l'action et
attaquer le testament.
Voilà des textes q ui sem blent lever tout doute sur la transmissibilité de 1~ querela au x héritiers des ordres subséquents,
quand ceux qu i figurent au premier rang ne l'intentent pas ou
l'iutentent sans succès.
On a cependant con testé cette solution, et Ion a prétendu,sur
la foi d'une constitution oü Justinien s'attribue le mérite d'avoir
établi la dévolution de la querela, que cette innovation était
véritablement l'œuvre de cet empereur.
Cette constitution est h loi a4 au code.III.28.J ustinien suppose
un fils exhérédé, le petit fils issu de ce fils omis, et un hérithier
externe institué. Si le fils meurt après son père sans avoir
intenté ou manifesté l'intention d'intenter la querela « nulla
hércditatis petitione ex nomine de ino!ficiosiconstituta vel p1·œpa1·ata » le petit-füs, serait, d'apr.::s le droit antérieur à Justinien, privé de tout secours « omne adjutm·ium ne potem dereliquit. >>
L'empereur s'émeut de cet état de choses et il décide que le
fils transmettra dans tous les cas, la plainte d'inofficiosilé au
petit-ftls.
A première vue, ce texte est en opposition manifeste avec les
décisions précitées de P1pinien et de Paul. Nous ne pensons pas
toutefois , que Justinien ait introduit dans cette matière une
réforme aussi radicale qu'il l'a/lirme, et nous nous rallions à la
concili:.üion propusée p·lr Vinniius ( 1) et Pothier (2), et généralement suivie par les interprètes du droit romain. Paul et
(1) Selectœ qÙœsliones. 4 liv. 1 ch. XX, t liv.
(2) P111dect. in nov. ord. Ill. ad lit. de inofficioso te11.
�-
24. -
Papinien supposent que l'héritier de l'ordre subséquent intente
une action qui lui est personnelle, et ne prétend pas à exercer
celle qui app-rten·lit 3 l'h(•ritier qui l'l'xrl uait. Dans la constitution de Justmkn, nt1 C• ntraire, il s'agit de la querela personnelle au fils , et c'est t:clte qur1·Pla que l'empereur décl:lre transmissible au petit-fils. l\Iais, ùès l'clpoque classique, le petit-fils
pouvait intenter, en son nom, la quere/a contre le testament de
l'aïeul. L'innovation de Justinien n'aurait donc d'autre avantage
true celui de la célérité et de l'écouomie. Ce qui donne une
vrande vraisemblance à cette explication, c'est que le texte de
;usti1ùen suppose, que dans l'action intentée par le petit-fils, le
débat portera sur l'appréciation de la conduite du fils : 11 Et
" si non heres apertissimis probatiom'.bus ostenderit ingratwn
t palrem ne polis cÏl'ca testatorem fuisse. »
Il nous reste, pour terminer cette section, à dire brièvement
contre quelles personnes était dirigée la que1·ela ino,'!ciosi testamenti. En principe général, elle etait dirigée contre l'héritier
institué. Mais il pouvait arriver, dans quelques hypothèses
exceptionnelles, que d'autres personnes fussent soumises à cette
action. Exemple : Un père a émancipé son fils contracta fidiiciosà : Celui-ci meurt, laissant une fille qu'il exhérède etsonpère
quïl omet. Le père demande et ol.iticnt la bonorum possessio
contra tabulas. Puis, la fille exhérérlée, intente la que1·ela et
triomphe. Elle doita1:5ir contre son grand'père, héritier ab intestat,
qu'elle dépouille de la b'bnorum 1;ossessio. Ainsi encore, si l'on
suppose que l'héritier institué a été chargé de remettre l'hérédité à un fidéicommissaire, la plainte d'inofüciosité, sera dirigée
contre ce dernier seul, ou contre ce dernier et !'institué, si le
fideicommis ne comprenait pas toute l'hérédité (1).
- !5 Mais les léga taires et les fidéicommissaires à titre particulier
ne sont pas par ties dans l'instance en inofficiosité. Pourtant
comme les dispositions dont ils sont gratifiés, recevron t nn~
atteinte par suite de la resçision du testament, ils sont adinis
à intervenir an procès et à sauvrgarder leurs droits, en démontrant que les d ernières volontés du testateur ne sont pas contraires à l'o(ficium pietatis, ils peuvent même faire appel du
jugement, s'il leur est défavorable (2).
SECTION III.
Quelles étaient les conditions d 'exer cice d e la
quer ela inofficiosi t estament!?
De la quarte légitime et de sa détermination.
La querela, nous l'avons dit, repose sur une fiction d'insanité
du testateur. L 'héritier légitime, omis ou exhérédé, prétend
que les dispositions du défunt, contraires aux devoirs que le
liens du sang lui imposaient, n'ont pu être faites que sous
l'empire d'une folie accidentelle on momentrlnée. Cette fiction
montre suffisatnment que l'action de ino/fiicioso est un secours
extrême, 1 une ressource dernière et extraordinaire qui ne
( 1) Loi t Cod..,, dl! in.off. te1t. Ill. 28.
(2) D. loi 14 princip. de appel et rcleg. XIIX. t.
�-- !6 --
sera accordée que si le plaignant ne trouve, soit dans le droit
civil, soit dans la législation prétorienne, aucune autre voie
pour arriver à tout ou p'l1'lie de l'hérécl ité.
Cette acti0n, en outre, est offensante pour le testateur. Car,
elle inflige une flétrissure à s :1 mémoire, d,ms le cas où le
jugement reconnait qu'il a inj ustement exhérédé ou omis ses
successibles et qu'il a violé à le11r égard ses devoirs les p lus
importants. Voilà pourquoi el le n'est admise qu'à dëfaut de
tout autre moyen, comme tdfimum su bsidium. l Si nullo
« alio jure ad dé/uncti bona venire poss1mt, de ino(ficioso
« a9ere possunt, disent les institutes, au titre de ino(ficioso. »
Qu'on suppose, par exemple, un fils émancipé, omis dans
le testament de son père. La querela lui est refusée . parce qu ïl
trouve dans la bonorum possessio contra tabulas une protection
snffisamment efficace. (1) De même, une fille ou un petit-fils
passés sous silence, n'ont, pour faire reconnaître leurs droits,
qu'à se prévaloir du jus accrescendi sp écialemeut créé pour eux
par le droit civil.
Mais si ces divers successibles ont été écartés pa r une exhérédation réguli ère, ils peuvent recourir à la querela: car, ils
n'ont pas d'a utre voie povr obtenir l'héréd ité.
Ainsi encore, l'adrogé impubère qui est exhérédé par l'adrogeant, est privé de la querela, parce qu'on lui accorde la qual'le
Antonine, quï l réclame par une action (amiliœ e1·cisc11 ndœ
utilis. (2) Au contraire, celui qui est simplement omis dans le
testament de sa mère ou d'un ascendant auquel ne le ra ttachent
que les liens de la cognation, peut intenter la plainte dïnoffi( 1) Paul. loi 23. de ino[. Dig.
(2) loi 2 p. 1. Dig Cami!. escise. X. 2.
-
27 -
ciosité, parce que, dans ce cas, le droit civil considère le testament comme valable, et le préteur n'accorde pas, comme
lantôt, la bon01·1un possessio contra tabulas.
Cette première concliti in de l'admissibili té de la que1·ela, ne
subit qu·une exception , indiq.iée par Ulpien, dans la loi 8 par.
1. au titre de ino,'ficioso . Le j ut·is consulte suppose que l'héritier
Jmis ou exhérédé, peut, en dehors de la quuela, attaquer le
.estament pour diverses raisons, et par exemple, parce qu'il
est ruptwn ou irrituni. Il semble qu'il doit choisir cette dernière
''oie, et que la querela doit lui être refusée. Il n'en est rien
:ependant. Le s uceessible a le choix entre ces divers moyens.
On peut se demander le motif de cette dérogation à la règle
(énérale. Car le jurisconsulte donne sa décision s'ans l'accomµgner d'aucw1e explication. Ce motif nous paraît être dans les
r•sultats ditiérents des actions ici ouvertes à l'héritier. Le testanent déclaré 1·uptwn ou in·itum est mis à néant dans toutes
ss dispositions. Au contraire, le testament rescindé comme
inifficieux, laisse s ubsis ter certaines di positions, ainsi que nous
le rerrons, lorsque nous étudierons les efiets de l'admission ou
durejet de la querela.
1
la seconde condition requise par la loi pour l'exercice de la
qu,.ela testamenti ino/ficiosi, est l'injustice de l'omission ou de
l'eXlérédation de l'héritier naturel. L'actionde inofjicioso n'était
pafüne action de droit strict. Les diverses juridictions qui, sui1•a1. les époques , furentappelées à en connaitre, jouissaient d'un
µovoir d'appréciation des µlus étendus. Les centumYirs, comme
l'111Us judex, ou le procuralo1· Cœsm·is, devaient rechercher si
le faignant, par sa cond uite envers le défun t, n'avait pas mérité
l'et lusion dont il était frappé. Si donc, il s'ét1it attiré par des
tort graves, une semblabl e punition, il n'y avait pa$ eu à son
�- 28 -
. 1a i·ton del'ol''(icium
pietatis et sa demande était rejetée.
é 0aal'd VlO
11
imméritée ?
Mais, quand y a ura t -il omission ou
. exhérédation
.
.
C'était là une question, dont l'apprëc11t1on était, n ous . ve~ons cte
.
du juge. Toutefois, il faut
le dire,
a b an donnée à l'arbitr·1ire
•
.
reconnaitre que les textes p sent déj:\ quelques règle~ à ce. sujet
de "rrrrtvilé
<JUe deYaient réulllr
les actes
el tr1cen l l es r. al'"lCl·'res
· c
'
.
d'inconduite ou d'mgT'1lil11<le pvtlr j11sti ier l'exclus10n du réclamant.
Et d'abord, il n'y a p1s injustice, si l'exhérédation peu~ s'expliquer , non par un sentiment de haine pour l'enfant, mais par
son intérèt bien compris: • Afulti non nolœ causd. exheredant
" filios, dit Ulpien, nec ut eis obsint, sed ut eis consula~t (u1
11 puta impuberibus) ;
eisque fideicommissan heredi_taten
dant. ( l) : D Tryphoninus, dans un te.\ te qui forme la 10116 r
2. au titre de cumt. furi. Suppose que le père d'un fil s fou o
prodigue exhérède ce fils et institue héritiers ses petits-?ls, e1
ayant soin de laisser a 1 premier de quoi suffire à son exrntenc1.
Dans ce cas encore, l'ex.hérédation ne saurait être cons1dérie
com me injuste .
<{
Quelques constitu ions avaient aussi, bien avant JustiniE'l 1
déclaré quïl y avai t juste cause d 'exhé rédation des enfants pr
les parents dans les espèces suivantes :
1° Si les enfants apportent des obstacles au droit de teser
de leurs parents.
2"Si un fils a pris volontairen1ent l::t p:-ofession de lutter,
(arenat·ias). C'est un juste m0tif d'e xclu::;ion, amoins que le pre
ne soit de même condition.
(1 ) loi, 18. liv. XXVIII. tit. 11 delib. etpost.
-29 -
a· Si la fille du testateur mène une vie dissolue. (1)
Les justes ca uses d'omission des parents par les enfants
n'étaient pas non p lus déterminées par des textes précis et se
trouvaient confiées à la sagesse et1u pou1'oir d'appréciation des
juges. Il existe cependant un rescrit de Constantin , (2) qui prévoit l'hypothè::.e d'une mère ex.héredée par son ~nfan t et déclare
valable cette ex.hérédatio11 : « Si tamer mater, inhonestis facfù
a mac11inationib11s, insidiis que filiwnobsedit, ut in.imicapotius
« quam m ate1· crederetu1·. 11 On voit que ce texte ne pose pas
précisément, même p0ur l'espcce qui en fait l'objet, une règle
fixe et précise, e t laisse encore aux juges une grande latitude
d'appréciation.
En était-il de même pour les frères et sœurs ?
Pouvaient-ils, p ar des torts graves envers le défunt, se voir
privé d'attaquer le tes tament qui leur préférait des turpes per1011œ. ? Les textes qui ont trait à cette condition de l'admissibilité de la querela supposent tous en j eu des descendants ou
des ascendants : d'où l'on pourrait conclure que les frères et
sœurs auraient to11jours, quelques écarts que le testateur pùt
leur reprocher, triomphé contre des institués dont l'existimnatio
ne serait pas integra.
Mais, cette opinion est peu admissible, lorsqu'on retlléchit
qu'elle ferait, en somme, aux frères et sœurs, une situation
meilleure qu'aux autres successibles qui ont la querela, alors
que la loi tend, à l'inverse, à restreindre leur droit d'agir, puisque le seul grief qu'elle les autorise à formuler contre le test1ment est une prœlatio contumeliosa..
(1) lois 23. li. 19. au code. Ill. 28 do iooff. lest.
~) loi 28. code. III. 28. de inofi'. test.
�-
- St -
30 -
Il est donc plus que probable que les frères et sœurs, comme
les ascendants et les descendants . peuve!1t, dès cette époque,
perdre par w1e inconduite jus tifiée, le droit de critiquer le testament qui leur préférait des personnes viles.
Pour que la plainte d'inofilciosité fùt écartée, fallait-if que les
faits dïngratitude ou dïndignilé reprochés au demandeur lui
fussent personnels ? La questio11 ne peut être résolue, pour
l'époque où nous sommes, d'une unniére sùre et catégorique.
Il faut admettre que le juge pouvait, dans certains cas, opposer au fils les ectes d'inconduite du père, sans que toutefois, il
dût leur attribuer la mème force que s'il les opp osait au père
lui-même.
Cela résulte d'un texte d'Ulpien qui a donné lieu à quelques
difficultés. Jl s'agit delaloi 35 p. 5.liv. XXXVIII,tit. IV(de bon.
poss. c. t.) Le jurisconsulte suppose un petit-fils né dim fils
émancipé, leqnel, après s'être marié contrairement aux volontés
de son père, prédécède. L'aïeul meurt ensuite. Le petit-fils
peut demander et obtenir la possession des biens de l'aïeul. La
condition déshonorante de sa mère ne saurait le priver de ce
droit, d'autant que l'aïeul pouvait l'exhé réder. Et Ulpien finit
en disant : c Nec minus in hoc nepote is qui de inofficioso cogm·« turus est mérita ne polis quam delicta patris eius perpendet.1>
Certaines éditions du Digeste portent et minus au lieu de la
négation nec minus. Mais, même en supposant que le vrai
texte est celui qui admet les mots nec niùius, il fautreconnaltre
qu'Ulpien veut absolument qu' il soit tenu compte des torts du
père pour appréc!er l'exhérédation du fils . Il se faisait sans
doute à cet ébard une espèce de compensation des mérites et de
la bonne conduite de l'un et des torts dont l'autre s'était rendu
coupable.
Nous devrions pour terminer ce qui a t .t
..
..
rai à cette dette
deux1eme cond1t1on requise pour exerce
b
.
r va1a lement la
querela, examiner une question de preuve q · 'él ·
u1 s eve tout naturellement dans les rapports de l'ins ti tuè et du
quere1ans. Mais
nous croyons préférable de nous en occuper l
.
. .
• orsque, arrivé à
la tro1s1ème é poque , nous étudierons les innovat·
·
wns de Justinien dans notre malieee.
Enfin, il faut, pour que la querela a 0 1·t ad ·
..
. .
•
mise, que l'héritier natu rel n ait pas reçu du défunt par institution
par legs, ou par une di..,posilion de dernière volant~
quelconque, le quart de la portion héréditaire u'il aurait
si le défunt n'eut pas testé. La fixation d! cette quotné ne fut.pa~ contemporaine de l'introduction de la querela, et,
dans le principe, les centumvirs étaient s an ~ doute juges de la
part que le testateur devait laisser à s on héritier pour que le
testament ne p~t pas être considéré comme inofficieux. Puis
vers la fin de la République, en l'an 714 de Rome, une loi ou
plutôt un plébiscite fut voté qui décidait que tout héritier
institué, étranger ou p'trent, ne pourrait être grevé de legs
que pour les trnis qu'lrh de l'hé rédité, et qu'il devait, en
conséquence, retenir toujour, un quart pour lui. Cette loi
appelée loi Falcidia, remédiait à un état de choses fâcheux. L:
défunt ins tituait un héritier, puis absorbait en divers legs toute
sa succession. L'héritier, dépourvu d'intérêt à a ccepter une
succession dont il nedeYait retirerqu'unavantage tr~ médiocre
(propter nullum a1it minimum lucrum) répudiait cette succession et faisait ainsi tomber les legs et toutes les dispositions
du testament.
r.~cueil!ie,
Après deux tentatives insuffisantes, la loi Falcidia apporta
un remède efficace en autorisant l'héritier, comme nous l'avons
�-
32 -
dit à faire sur les legs la retenue du quart, ou ce qui manquait
'
au quart, dettes payées.
l\ous pensons que l' idée d'une cert..'line portion qui devait être
laissée à l'héritier naturel pour r excl ure de la q11erela, fut le
produit d'une interpré tation extensive de la loi Falcidia. Cette
portion, qui est du quart, fut portée à cette quotité parle motif
que l"héritier exhéréùé ou omis ne sanraitavoir un droit plus fort
que l'héritier institué. Or, lïnstitué n'avait droit qu'au quart, en
vertu de la loi Falcidie. L'exhérédé aura droit, de même, au
quart, et une foi3nanti de ce quart, il ne peut plus prétendre
que le testament est inofficieux.
1
Que la quarte falcidie ait servi de type à la quarte légitim e,
c'est ce que des textes nombreux. mettent absolument hors de
doute.
Ulpien (loi 8 p . 9 Dig. de inoff. ) l'appelle quarte Falcidie.
Les empereurs Arcadius et Honorius, dans la loi 5 par . 3 et
5 au code livre 9 tit. 8 (ad leg Jul. maj.) lui donnent la même
dénomination: et Justinien, dans la loi 31 au code (de ino(fic.
lest.) dit de même, quarte Falcidie pour quarte légitime. Nous
verrons, en outre, l'analogie de la quarte légitime, avec la quarte
Falcidie s'accuser jusqu'à l'évidence dans la fa çon même suivant
laquelle le calcul de ces deux quartes doit être fait.
C'est, très-probablement, aux Prudents qu'il faut attribuer
l'introduction de la qu'lrte légitime, comme c'est à eux que
revient l'honneur d'avoir établi la q11e1·ela ino(ficiosi testamenfi.
Cujas commit donc une erreur en p ensant qu'elle avait été
introduite par t\hrc-Aurèle. Pline le Jeune, qui écriva it sous
Trajan, dit en etTet : a S u/fice1·e tibi debet, si , exheredatus a
<.:
matre, quar tam partem ex her·editate ejus accipias ! ( 1)
(1) Epi1t. V. 1.
-
33 -
C'est avec beauco up de raison que les jurisconsultes ont
fuurni, p1r cette introduction cte la qua rte légitimr', un moyen au
lest1te11r de <lis:io-; ·r de ses biens, seJ,,n se::> vue:;, tout en Sltisfaisant :ul\: ùevPir~~ T t .:! l!li i 1po-;1;1lt Je.,; lien 3 <lu s:llJrr. La
0
quei·ela, en effet, d\;p'l-sa iL le h.it Elle 11 • 111., ·t a· .·e
•
·
•
"1
1 1 11
mom;:;,
nous le verrons, que h rescision du tes t,tJ n ent et l..i. res itution de
l'hérédi té entière à l'héritier naturel. C'était là du m ·
1
,
oins, a
règle générale. On ne respectait a ucunedes dernièresvolontés du
défunt.
Mais, la légitime conciliait heureusement la liberté testamentaire avec les droits de la famille et de la nature, et Paul (1)
met en relief ce but de la légitime, en disant :
c
" Quartœ po1·tionis portio liberis prœstanda est, ut ab ino(ficiosi querela excludant ur. •
Ainsi, la légitime laissée par un acte de dernière volonté
suffit pour écarter la plaiute d'inofficiosité. Elle doit être laissé~
dans l'ordre de leur vocation à la succession ad intestat : p aux
descendants. 2° aux ascendants. 3° aux. frères et sœurs.
Ces notions générales indiquées, nous avons à voir s ur cette
import:rnte m atière :
1• Quels légitimaires sont comptés dour le calcul de la
légitime;
2•Sur quels biens elle se calcule et à quel titre elle doit être
laiss~e;
3• Les déductions qu'elle comporte ;
4° Les charges dont elle est grevée ;
5• L'action en supplément.
(1) Sent. liv. IV . tit. V. p. 6.
�-
-
34 -
~ 1. _ Quels légitimait-es sont comptés pout' le calcul
de la légitime.
La légitime, avons-nous dit, est une portion de ce qui aurait
été recnei.lli par le successible, si le testateur fùt décédé intestat.
Ce n'e!:l pas une part de toute l'hél'Mité. C'est une part de la
part ab intestat : portio porlionis ab inlestalo debitœ.
Mais. parmi les succes$ibles appelés à recueillir cette part,
quels sont ceux qu'ils est nécessaire de compter pour le calcul
de la légitime ? Nous touchons ici à un point de notre sujet
fécond en questions et qui donne naissance aux difficultés les
plus délicates et les plus graYes. Si nous nous plaçons tout
d'abord, dans l'hypothèse ordinaire, celle où la légitime est dùe
a ux descendants, nous devons tenir compte de l'ordre, du degré
et du nombre des légitimaires. Comment, dans ce cas, se fe ra
le calcul ? il faut, d'après les textes, faire une distinction :
Les descendants sont-ils tous au premier degré, le calcul
s'opère par têtes ; sont-ils à des drgrés plus éloignés, il s'opère
par souches. Telle est la régie que nous indique Ulpien, (1) et
que commandaient également la raison et l'équité : « Si sint
et e:r; filiis duobus nepoies; ex uno plures, tres put a, ex alte1·0,
a unus: unicum sesc1tncia; unum x illis senwncia que1·ela
u exludit. > Le premier, qui est seul, aura une on ;e et demie
soit 3 '24.. ; chacun des trois autres aura une demie once.
ensemLle une once et demie, ou 3 2 t••.
Mais si, parmi les de-;cend'l.nts, l'un renonce à la querela,
doit-il, être compté pour le calcul de la légitime ?
Ici nait la difliculté.
(1) loi 8 p. 8 ou fine. Dig. de inoll. V. 2.
35 -
Il impor te, avant de l'aborder, d'indiquer les hypothèses qui
sont hors de toute controverse. Or , on ne saurait contester qu'il
fa ut faire figure r dans le calcul 1• les enfants institués héritiers·
2" ceux qu i ont été à torl éc'lrtés et qui exercent la querela;
3° Les exhérédés aux.quel.:; le testateur a hissé leur légitime.
T ous ces suci;essibles font certainement nombre et part pour
le calcul de la légitime.
Mais, quid de ceux qui ont été valablement exhérédés ? ils
ne doivent pas êlre comptés. C'est encore Ulpien qui pose formellement ce principe (e:r:heredatus 1wo morfuo habetur.)
Mais si l'hérilier, qui a été exhérédé injustement et qui a droit
.
à la q11erela, renonce à ce droit, faut-il néamoins le comprendre
d'lns le calcul 14e la légiti ne 1 C'est 1:1 gr:mde question de la
comput:llion des légitim:i.ires, question qui app'lrait en droit
romain, pour se perpétuer à travers les àge::; de notre législation, qui a été ardemment et passionnément débattue par nos
auteurs coutumiers, et qui aujourd'hui encore, divise gravement
les j urisconsultes et la doctrine.
L'intérêt du dé bat est, en eITel, considcrable. Si le renonçant
est compté, s'il fait nombre et part, la légilime des autres sera
moins forLe, l'accr oissement n'ay·rnt pas lieu, et le bénéfice de
cette absence sera pour l'ins itué, dont la part haéditaire grossira d'autant. Au< ontraire, si le renonnnt n\~st pas compté, la
l égitime de chacun des autres se trouvera augmentée de la
pan que le r enonç;rnt eùt recueillie, sïl eô.t arcepté. l'lpieu,
dans le texte cité plus haut, la loi 8 p. 8 de notre titre, se pose
la question et y répond amnn1.ti\·ement , en npport·ml l'opinion
conforme de Papinien. Ce texte, à raison de son importance,
doit être cité tout entier; « Q11oniam atliem quarta debitœ
• portionis su/ficit ad excludendam querelam, oidendum
�-
36 -
" erdan exheredatus partem (aciat, qui non queritur: ut p1tta
" su,nus duo filii exheredati f et ufique partem faciet, ut
,, P ctpinia ws re,1µondit, e' si d ·c,1,n inofficiosiun, non lola1ti
et lte;·editate 1i debeo, sed dimidia n 1e1<.:rc. l>
1
C1pien décide donc que le renonça.nt doit ètre compté e t
enlève une p1rt à ceux avec lesq11els il est appalé.
La légitime nous apparait ainsi aYec nn cwac ère disjonctif et
indiYiduPl ; elle appartient personnellement aux ayan ts droit,
et les évènements poster:eurs, comme une renonciation, sont
sans inl1uence sur cette fixation de la part de cl11cun.
Maintenant, il faut justifier, en fait et en droit, cette absence
d'accroissement dans la légitime. En fait, rien de plus raisonnable que cette règle, si nous nous rappelons que le testateur
deYait laisser à clnque enfant S'l légi time entière, s'il voulait
préserver ses dispositions dernières de la plainte dïnofficiosité.
Or, il a.rait pleinem ent satisfait a ce devoir, en la issant à chacun
des légitima.ires sa portion calculée en égard à tous les appelés.
Ceux-ci ne pouvaient se plaindre, sous le prétexte que la part
de l'un d'entre eux, se t rouvant libre pour cause de renonciation ou d'exhérédation va lable,devait accroitre à la part qu'ils
recueillaient pour leur compte. Le défunt pouvait-il savoit que
de pareils eYène ments se produiraient après sa mort? et, si l'on
avait admis, que ces évenements modifieraient la légitime qu'il
avait assignée à chacun, il n'étura. t jam·lis pu être sùr qu'il leur
laissait assez et que son testameC1t érhapperail à la que1·ela.
L 'absence d'accroissement s'explique et se justifie, en théorie,
par le prin ·ipe, que, le plus souvent, la légitime n'était vas
recueillie à titre héréditaire. L'héritier était celui que le testa,,.
teur avait institué., Appelé à la totalité du patrimoine, il avait
la oharge des légitimes, qui en étaient comme des délibations
-
37 -
particuli~re.s, e~ .qui pouvaient être laissées à un autre titre
que celm d hénlier, pourvu que ce fut par un
t d
·
ace ermére
volonté. La légitime ne comporte donc pas l'accroissement.Cela
résulte j us qu'à l'évidence du texte précité d'Ul ·
L
·
. . .
.
p1en. a ques t10n
serait ams1 facilement réso lue si nous n'avi'ons
1
'
, sur a même
matiere,d'autres textes, qui, renfermant des solutions contraires
à celle que nous enseigne Uipien, constituent ou semblent constituerune véritable antimon ie avec la doctrine de ce dernier. Il y
a d'~bord un texte de Papinien qui forme la loi 16. (Dig
de inof!'. test. V. 2). L'espèce suivante y est prévue: Un fils a
intenté la quere/a inof!lciosi teslamenti contre son frère institué
dans le testament de la mère commune, et a réussi. Si une fille
del~ même mère n'a pas exercé l'action dont elle était nantie,
ou 1a exercée ultérieurement et a succombé, elle ne concourt
pas avec son frère dans la succession légitime. C'est dire qu'il
Ya au profit de ce dernie!' un accroissement de la part répudiée
ou perdue par la fille.
Un texte de Paul, la loi 17 princip. au mème titre, dit expressement: « Qui 1·,opudianfis ani"nw non i-enit ad accusatio11em,
« Jiat·te·n
r. · ·t 1 ·
1
non 1 acz ms 'Jlll t>a111dem que,.elam movere volunt. »
Enfin, la loi 23 § 2 au même titre est plus formelle encore :
t Si duo sin( fiL1·1· er 11 , d t ·
t
b J ·
·
· ,, er e a 1, e a111 o c!e uw(f!.cwso testa• mento eoe"ll
1 11 t et
t
. .
,
un us pos ea con8fd11d non agere, pm·s eju.q
' alteri adcre~ ·1 . · 1
·
.
· c1 , 1c. emq11e er1t et s1 femµore exclusus sit ~.
Ces trois textes, ainsi que nous le disions, admettent, contrairement à la loi 8 § 8, l'accroissement dans la querela et comme
conséquen
. .' '
ce, ne permettenl pas de compl~r celui qui n'y prend
pas part. Il semble donc qu'il y ait, entre ces divers textes,
contradiction et antinomie.
4
�-3t-:-
p
atTiYer à une conciliation qui ne supprime aucune de
our
ces opinions, il importe de nous bien fixer sur la nature des
hypotbëses prévues par ch acune d es lois
. précitées. Là est la
dHficulté ; mais, là aussi en est la solution.
.
.
Les tex.tes que nous aYons ex.aminés, en dermer h eu, suppo' ent des léo'itimail'es que le testateur a injustement et absoluexclu: de s a succession, et a uxquels il ne reste d'autre
.
. l eur droit héréditaire,
que. la que1·ela
moyen, pour exercei
.
inofficiosi testa11ienti. ~lais, pour des ra1s~ns diverses, ces
.. .
léoitJmaires
re fusen t de r ecourir à cette voie extl'ême ou y
"'
t sans succès · L'un ' p ar exemple, craint de manquer,
recouren
du
en ag1.ssant a·nsi
1 , au respect dû aux. dernières volontés
.
défunt. (repudiantis animo non venit ad accusatwnem). Un
t
dans l'espéce prévue par la loi 16, intente la que1·ela,
au re,
b . · E fi
mais ne réussit pas à établir sa demande : non o li.nui~'. ~ n,
comme le suppose la loi 23 § 2, de plusieurs lég1t1 ma1rcs
avant exercé la que1·ela, l'un se dés!ste ultérieurement de son
a~tion. (ambo egerunt, unus postea constituù non a[Jere.)
Da ns ces divers cas, les légilimaires agi ssl~nt ou ne peuvent
agir que par la quuela ino(ficiosi_ testamenti. Or, la que1·el~
est une petùio hereditatzs, qui appartient à tous les ayants dr01t
conjointement et pour le tout. On comprend, en etie.t, que la
vocation héréditaire à une succession est toujours mtégrnle,
solidaire, et que si l'un des appelés n'y arrive pas, la part des
autl'es, s'accroit d'autant, et même comprend le tout, si le nomb re des appelés se trouva réduit à un.
~ent
Il éta it donc logique que, dans ces hypothèses, la par t de
ceux qui renoncent à la querela ou qui y succombent, accrût à
ceux qui réussissent dans leur demande, qu'il y eût, à leur
-
39 -
profit, accroissement, ou mieux non- décroisc:ement, puisqu'ils
avaient vocation à ces parts répudiées ou perdues.
Tout autre est l'espèce que prévoit Ulpien dans la loi 8,
par. 8. Il suppose un enfant exhérédé, mais pourvu de sa légitime, et dès lors, irrecevable à exercer la querela. Qu'il renonce
à l'action, ou qu' il l'exerce et y succombe, il reste vrai qu'il
étaitexclu de la qiterela , c'est à dire cle la petitio hereditatis,
puisqu'il avait reçu le quart de sa portion ab intestat : quarta
quœ su(ficit ad excludendam querelam . Il n 'avait donc aucune
vocation héréditaire à la querela. Il était à cet égard, dans la
même situation qu'un enfant jus tement exhérédé: et, il était
privé de la petitio hered itatis au profit de l 'instité, qui prenait
son lieu et place, conformément d'ailleurs aux vues du défunt,
dans l'excédent de sa pa r t héréditaire sur sa légitime. En consé
quence, il n'y avait pas li eu de parler d 'accroissement en faveur
des autres légitimaires, appelés exclusivement à leur part,
comme Je renonçant n'avait de vocation qu'à la sienne. ~fois,
ce renonçant a dû être comptë, faire nombre, partem (acel'e,
pour la s upputation <le la légime, quisqu'il recueillait sa part
en vértn du testament même.
Le texte d ' Ulpien qui nous occupe suppose que le légitimaire,
pourvu de sa légitime, renonce à la querela ou l'intente et y
succombe. Mais nous pouvons prévoir le cas où l'enfant rennnL'e
même à la légitime q ue le défunt lui a h issée. Qu'advient-il de
cette part répudiée par l 'enfant renon1:ant ? Restera-t-elle,
comme dans le cas précédenl, aux maius de !'institué~ Ira-t-elle
grossir !a part ùes autres enfan ts exerçant avec succès la
qnerela, ou la part d es a u l res légitimait'es ? elle restera à
!'institué. Chargé de fournir a u renonçant sa légitime, c'est lui
�- H
--Ill-
qui doit profiter de la renonci~1tion. comme il profiterait de toute
ch:irge qui cesserait de lui incomber. Les autres enfants qui
exercent la que~·cla el y réussissent n'y sauraient prétend re,
parce qnïl n'y a pas entre eu:-;. et le renonçant le fondement
nécessaire ü !°accroissement, je veux dire une vocation conjointe;
et les autres légitimaires n'y ont point droit par une raison que
nous avons déja indiquée ; c'est que la légitime à l'époque oü
nons sommes, c'est à Jire à l'époque tles jurisconsultes, est
attribuée à chaque enfant individuellement, distributivement,
tandis que la qaerela apparlientaux ayants droit collectivement
et solidairement.
Telles sont les distinctions délicates, mais nécessaires, qu'appellent tous ces textes, il faut le reconnaitre, un peu dis cordants.
Elles sont généralement adoptées par les plus savants commentateurs. Yinnius, (1) entre autres, nous dit : il faut absolument distinguer, sur cette matière, entre la querela qui comporte
l'accroissement et la légitime laissée qui ne le comporte pas .
Nous croyons utile de résumer, en quelques mots, les développements auxquels a donné lieu cette double et difficile question de la computation des enfant$ et de l'accroissement.
Doivent d'abord être comptés :
a. les enfants institués héritiers ;
b. les enfants indûment exhérédés et exerçant la que rel a ;
c. les enfants exhérédés, mais pourvu de leur légitime p ar le
père;
Doivent être négligés :
(1) Quœsl. select. 1. 21.
~
a. Ceux qu i son t valablement
b
Q 'ù ·
ex érédés
u1 ' si quelques-uns renoncent .
d. ·.
b S' . . '
. on istmooue.
0
· agit-Il
d enfan ts ind L:i ment exhél'édé
·
.
ayant droit à la quer·cla .
s,
sans
légitime el
. 1e ur part accro ·t à
.
.
'
comme eux' droit à la n• , l
l
ceux
qui
avaient
·1•tere a pour
1 .
.
,
sont les principes que l'o
.
exc uswn imméritée. Ce
1
" . .
n app ique dans la
··
c, S ag1 t- tl d'un enfant J·u L
petitw hereditatis
. ..
s ement exclu
.
.
.
legitime : Comme il n'a p -. l
' mais qm reçoit sa
a:s a querela • b ·
yrenonce. L'accrois sement n' r ' c est ien vainement qu'il
d
a ieu pour per~on
gar e cc qui excède la part héréd.t .
"' ne . L'institué
.
1 aire de cet e f
u
1
est
dû
pour
sa
léofüm
R
n ant sur ce qui
1
"'
e. enonce-t-il à s l ' . .
fice de cette renonciation est
,. . a eg1tirn e. Le béné1 lé . .
pour 1 mstitué p· 1
.
e g1t1maire n'est app lé
. .
' ar e motif, que
e conJomtement ·
enfants exerçant la querel
.
m avec les autres
a, m aYec les au tres l . ·1·
Les règles que nous Ye110 d'
ns exposer s '
r eg1 imaires.
dants, dans l'ordre o . ·1
,
app iquent aux. ascenu i s sont appelés à 1
.
et aux frères et sœurs d
1
a success10n ab intestat
r
' a ns es cas prévus et
wns requises par la loi pour qu'ils
sous les condila querela .
p uissent exercer utilement
89
SN · -
s w· quels
b1·cns se calcule la l
egn·t me. elle doit être laissée:
A quel tifre
te grand principe en cette marè
défunt doit être co '. dé ,
I re, es t que le patrimoine du
ns1 ' l'e Lei qu'il
.
sa mort . '
t.
s e comporte au moment de
III 28) L. iw1· is tempo1·e ins1Jicitu1·. (Loi 6 code d,., ,· , . t
· · a léait"
... no , . est.
b
ime se calcule sur les biens qui appa rt·iennent
.
à
�•
-
42 -
.
Ondy
cette epoque
au testateur et qui forment s a, succession.
.
comprend aussi. t ou tes les choses qui fond l obJet de legs,
. e
.
.
t
ê
de
donations
à
cause
de
mort. Ces biens,
fidé1comnns, e m me
dan.::
le
patrimoine
du
défunt
au moment
en etret se trouven t ,
.
.
e c'est à ce moment seulement, que les
de son 'decès,
pu1squ
.
.
fidéicommissaires
ou donalatres acquièrent
s ur ces
Jcgata1res,
. .
.
d
·o·t
définifif.
Sur
la
masse
ams1
composée,
1
mêmes biens un 1
.
on détermine en en prenant le quart, la valeur de la portion
h:gitime.
.
'I
.
'01·t
que
pour
le
calcul
de
cette
masse,
on
néghge
un
i' ais on '
,
.
·
t 1·mpoi·tant ' uous voulons parler de la <lonat10n entre
e: l emen
Yifs. Le droit romain n·en a tenu, pendant longtemps., aucun
co mp t e, et la liquidation des successions, la format10n..des
uiasses herédl.t·" ires pour le calcul des légitimes se sont opcrees
. .
sans cons1"dérat 1·0n aucu ne des libéralites, minimes ou cons1derables, que le testateur avait pu faire de son Yivant.
.
Cette règle s'expliquait, spécialement dans notre matière par
le principe que les biens donnés entre vifs ont cessé d'appartenir au défunt, et qu'il s ne peuYent, en conséquence, entrer
dans la masse sur laquelle les légitimaires auront action, pour
exercer leur droit héréditaire. Mais, il est aisé d'apercevoir l~s
dano-ers sérieux qu'elle présentait. Le testateur qui voulait
éch:pper à Ja querela, épuisait tout ou presque tout son patrimoine en donations entre vifs et dépouillait de la sorte ses
M ritiers naturels, tout en les instituant, ou m ême sans se donner la peine de tester.
Cette situation appelait un remède. Une loi fut votée en l'an
550, appelée loi Cincia, du nom du tribun Cincius Alim entus.
Elle contenait diverses dispositions qui avaient pour butd'assu-
-43 -
rer et de garantir la libre volonté du donateur. On peut les
résumer ainsi :
D'abord, elle fixait un certain taux , aujourd'hui inconnu, que
les donations ne pouvaient dépasser, sous peine d'être frappées
d'une sanction que nous allons ind iquer. Certaines personnes
étaient exceptées de cette prohibition, leur énumération se
trouve dans les § § 298-::!09 des fragmenta vaticana.
Les dispositions de la loi Ci11cia, qu'Ulpien range au nombre
des leges imperfectœ, éta ient très-sages, mais en fait, apportaient un secours souvent inefficace aux intérêts qu'elles voulaient protéger. La sancti on qui atteignait les donations dépassant le modus ou faites à des personœ non exceptœ, n'était pas
la nullité, même pour l'excédent. Lorsque le donataire agissait
pour l'exécution de la donation, le donateur le repoussait par
une exception, dite exceptio leoi·s Cindœ. l\fais s'il arrivait que
la donation avait été complètement exécutée, si le donataire
n'avait pas besoin d'agir pour obtenir l'objet de la libéra lité, la
donation produisait ses effets et la loi Cinda était ainsi violée.
Cette loi apportait donc un faible remède à la situation que nous
avons signalée relativement à la plë1inte d'inofficiosité.
Un rescrit de l'empereur Alexandre sévère, que Paul nous
rapporte au Digeste, ( 1) prrta atteinte, d'une façon plus sérieuse
et plus efficace, aux donations entre vifs en faveur de la légitime.
L'hypothèse sur laquelle fut rendu, le rescrit est celle-ci : Une
areule avait fait à son petit-fils des donations qui épuisaient son
pürimoine, dans le but, paraît-il , d'éluder la quer·ela qu'un
autre enfant aurait eue, s i l'acte par lequel elle gratifiait le
(1) loi 87 p. 3 de Jegat. 2. XXXl.
�-
44 -
petit- fils eûtété un testament. L'empereur répo1~d , dans son
rescrit, que cette donation peut être attaquée et r evoquée pour
moitié, sïls appa rait qu'elle est frauduleuse. Dès lors, le~ ~a.n a
tions comme les testaments purent èlre attaqués par les he1·1 t1ers
dépouillés. Les biens donnés entre-vifs, comme les biens exist:rnts au décès, figurèrent réellement ou flctiYement, dam; la
masse sur laquelle dut se calculer la légit ime. Il y eut la q11e1·ela
ino(ffr:iosœ donationis, comme il y aYait la que1·ela ino/fic~osi
testa menti, el un titre entier du Code est consacré à la plainle
d'inofficiosité appliquée aux donations enlre-vifs !III. 29).
De nombreuses questions s'élèvent sur cette matière des
donations inofficieuses. D'abord, dans quels cas, l'action accC'l'dée par Alexandre séYère était-elle utile au légitimaire ? Dans
tous les cas où il n'avait aucun 1noyen, en vertu de la loi Cincia
pour faire annuler la donatioA. Ce qui se présentait dans beaucoup d'hypothèses :
Le donataire, par exemple, n'a pas besoin d'agir, parce que la
donation a reçu sa complète exécution,et que le donatem s'estabsolument et irrévocablement dessaisi: Il s·agit, si l'on veut, d'une
chose mancipi, dont le donateur a fait la mancipation suivie de
tradition. La donation a été faileen fayeur d'une persona excepta·
elle se trouve confirmée p ar le do natem, mort sans avoir manifesté l'intention de révoquer; ou bien, le donateur a fait plusieurs
donations à des personnes non exceptées, qui, irnlément, n 'excèdent par le modus le9itimus, mais qui , réunies, portent alteinte
à la légitime. Ces espèces suffisent pour mettre en r elief l'utilité qui résulte pour le légitimaire de l'institution d'une querela
inoffeciosœ donationis, à l 'instar de la plainte d'inofilciosité
relative au testament.
Les héritiers naturels n'ont-ils le droit d'attaquer les donations
entre-vifs, que dans le cas oü le défunt est mort laissant un
testament ? Le rescrit d'A lexandre Sévère suppose l'existence
d'un testament et n'aecorde la quere!rt iWJ/ficiosœ clonationis que
dans cette hypoth.~se, sans doute parce que cette action était
introduite par une interprétation extensive de la querela inof!iciosi testamenti. Mais les empereurs Valérien et Gallien, (1)
tout en reconnai"'sant qne les rescrits anlérieurs supposent des
test1teurs ayant absorbé en libéralités entre-Yifs tout leur patrimoine et ne labsant à leurs héritiers naturels que le stérile
honneur de l'institution, décident que le même motif d'équité
veut que le droit de critique appartienne aussi aux héritiers
ab iMestat.
On s'e.!t demandé, .,i l'adion donnée pour attaquer les donations entre-vifs, n'exige pas, en même temps que le préjudice
une intention frauduleuse chez le dona teur. Cette question n'est
pas aisée à résoudre avec le seul secours des tex.tes que nous
possédons sur ce tte matière. Uniquement développée par des
rescrits impériaux, lu mali ère des donations inofficieuses présente beaucoup de décisions d'espèces ; mais, on chercherait
vainement sur ce point un système général, une théorie d'ensemble, claire, intelligible et complète.Les grands jurisconsultes
disparaissaient, el avec eux, la science du droit. Toutefois, et
malgré l'opinion d'éminents interprètes, nous sommes très
portés à croire que la seule condi.tion exigée ici, c'est le préjudice subi par l'héritier <lu donateur. ans doute, la plupart des
textes du Code sur les donations inoftlcieuses supposent que le
(1( Code loi 3 liv. III.tit. 29.
�-
46 -
donateur a agi dans le but de dépouill er injus tement ses héritiers, qu 'il a prévu et voulu ce r ésultat. Mais, ce ne so~t là que
des circonstances des espèces qui motivaient les rescrits, et en
fait, il faut reconnaitre que le testateur a ura rarement agi frauduleusement.
Ce qui nous paraît, d'ailleurs, décisif en faveur de l'opinion que
nous adoptons, c'est un texte de Diorlétien et Maximien qui
forme la loi 5 au code, titre de ùioff: donat . Une aïeule
a donné tous ses biens à ses enfants émancipés, de telle sorte
qu'il n'y a plus dans son patrimoine la portion nécessaire pour
écarter la plainte d'inofficiosiié qui appartien t aux autres enfants.
li faudra faire subir une réd uction à cette donation, afin que
les fils ou petits-fils qui naitront plus tard d'un mariage légitime
puissent avoir la part de biens qui leur est dùe. Ce texte implique
évidemment que la que1·ela ino(ficiosœ donationis poul'ra ètl'e
intentée par un légitimaire à l'encontrè de libéralités faites
même avant sa naissance. Or, le donateur n'a pu, quand il a
disposé, penser à des descendants qui n'existaient pas et leu r
causer sciemment un préjudice.
Une autre question, non moins grave et sur laquelle il n'est
pas pl us facile de taire une pleine lumière, est celle de savoi r
si l'action don née contre les donations inofficieuses en entrainait
la révocation intégrale ou ne les faisait réduire que jusqu 'à concurrence de la quotité nécessaire pour parfaire les légitimes.
Le rescrit d'Alexandre Sévère décide que la donation doit
être révoquée pour moitié. Cette solution s'explique par les
circonstances de l'espèce. L'héritier et le plaignant étaient tous
deux fils de la défunte, et devaient, si leur mère était décédée
11testat, lui succéder par parts égales, soit pou r la moitié chacun.
-
47 -
Dioclétien et Maximin, dans la la loi 5 précitée, se prononcent
aussi pour la révocation j usqu'a concurrence de la portion
légitime.
Mais, les autres textes de la matière sont moins formels. Ils
parlent de donations immensœ, immoderatœ, immodicœ,
enormes,pro(undœ. (1) Ils ne disent pas si ces donations excessives souffriron t une rescision totale ou partielle, selon ce qui a
lieu dans la querela ino((Hciosi te.<stamenti, sur laquelle a été
calquée la querela ino(ficiosœ donationis.
Le silence des textes réduit l'interprête à des conjectures.
'ous devons dire pourLant que la loi 9 au code, de inof!. donat.
assimile, en termes un peu vagues, les donations entre vifs aux
testaments, sous le rapport de la plainte d'inofficio~ité. c Non
a convenit dubitari quod immodicarum donationum omnibus
'' querela ad similitudinem inofficiosi testamenti le9ibus (uerit
t introdueta : ut sit in koc actionis utriusque vel una causa,
« vel similis existimanda, vel idem et ternpot·ibus et morihus. »
Faut-il conclure des termes généraux et vagues de cetts constitution, que les règles admises dans la querela inofficiosi testamenti, recevront leur application en matière de donations
inofficieuses ? Les frères et sœurs, par exemple, qui ont, sous
certaines Ct nditions, la querela tesfa,,1enti inofficiosi, auront-ils,
sous les mêmes conditions, le droit de critiquer les donations
entre vifs exagérées ? Nous ne le pensons pas. La querela inofficiosœ donafionis était admise plus difficilement que la que1·ela
inof(iciosi testamenti. Les textes portent la trace des hésitations
(1) Voir nota m, lois 1, 5, 8. de ino!f. donat. code. Ill. 29. - Loi 1, de inofi'
dot. ne. 30.
�!
-
48 -
- 49 -
des empereurs eu cette matière. L'\ plnpart n'admet.~ent pas
que cette action a boutisse à w1e révocation tot~I:, mais à ~ne
révocation jusqu'à concurrence de la portion lég1t1me. Il Y a lieu
par conséquent, de croire que les frères et s~~rs,.
~eu favorisés relativement à la que1·ela tesfa11ie11ti znoj'ficios1, oqt été
toujours exclus de la querela inofficiosœ donationis.
.
Justinien , ainsi que no us le verrons, appo r tera de sérieuses
modifications, dans la théorie des donations inofficieuses.
En finissant, nous devons mentionner, sans développement
un rescrit de l'em pereur Constance qui applique aux constitutions de dots les mêmes dispositions qu'aux donations excessives. (1)
dé!à
Si l'héritier naturel avait reçu du défunt certaines libéralités,
devait-on voir là des avantages distincts et indépendants de la
légitime, ou deYait-on en tenir compte au légitimaire, de fa çon
à lui refuser la que rela, si ces libéralités équivalaient à la quarte
qui lui était dùe, ou à le considérer comme nanti d'un à-compte
sur cette quarte? en d'autres termes, quels avantages étaient
imputables sur la légitime, quels avantages en étaient indépendants? Point de difficultés, toutes les fois qu'il s'agissait de dispositions de dernière volonté. Le légitimaire devait imputer sur
sa légitime tout ce qu'il recueillait à titre de legs, d'institution,
de fidéicomm is. Les donations mortis causâ qui lui avaient été
faites étaient soumises à la même règle.
En effet, ces diverses libéralités portaient toutes sur des biens
qui se trouvaient encore ùans le patrimoine du défunt au
moment de sa mort, et la règle était que les biens existants 11
cette époque dans le patri moine, fo rmaient en bloc la masse sur
laquelle devait se calculer la qua1·te dOe à l'héritier. Si nous
supposons une libéralité résultant d'une insti tution, d'un legs
ou d'un fideico u1rnis, notre solution est évidente, p uisque de tels
actes ne produisent leur elîet qu'à la mort du disposant.
Ma is, il en est de mème de la donation à caus e de mort qui
ne prend vie définitive <1ue par le décès du dona teur. (l)
Quid, à l 'égard des donations entre-vifs fa ites a u légitimaire ?
D'après les principes connus, ces avantages n'entraient pas
dans le calcul de la légitime, par le mè me motif que nous indiquions tantôt, à savoir que la donation a produit tous ses effets
du vivant du testateur, que les biens qu'elle comprenait sont
définitivement sortis de son patrimoine, et ne peuvent figurer
parmi ceux sur lesquels on calculera la légitime. Mais, en serat-il de même, si le donateur a formel lement ordonné que la
donaticms'imputerait sur la quarte et en tiendrai t lieu ?
Ulpien prévoit l'hypothèse dans la loi 25, princip. de i no,ff.
test. et admet la validité et l'efficacité de la clause. D'autres jurisconsultes sont d'un sentiment contraire. Papinien (2) suppose
une fille dotée par son père, sous cette condition qu'elle n'aura
plus rien à espérer de la succession paternelle. Il efface cette
claoseet tient que la renonciation de la donataire ne peut changer le droit de succession. Paul (3) traite de même la condition
qui a pour but la renonciation à la p lainte d'inofficiosité. On a
essayé ùe concilier ces textes, en alléguant qu'ils statuent sur
(1) loi 8 p. 6. Dig. V. 2.
(1) Loi unique, au code Liv, 111, lit 30:
(~loi 16 de suis cl legit.
xxxvur.
(3) Se11l. liv. IV. tit V. par. 8.
16.
�-50-
des cas différends. Nous ne saurions accepter cette interprétation. Sans doute, une minutieuse analyse saisit quelque différence
entre lesbypothèses visées par ces textes. Mais , si l'on s'attache
aux choses plus qu'aux mots, il ressort des textes sainement
eutendus de Papinien et de Paul, cette conclusion, qu'on ne
pouvait opposer au donatail'e les conditions par lui acceptées
dans une donation entre-vifs, et qui avaient pour objet, soit
une renonciation à tout droit dans l'hérédité, soit une renonciation à la querela.
Ces décisions ne vont pas. Il est vrai, d'accord avec la règle
qu'en droit romain, les conventions sur successions futures
étaient permises, lorsque celui dont la succession était l'objet
de la convention y consent.ait. ~ais, elles se justifient par cette
considération que les renonciations faites d'avance, ne seraient
pas l'œuvre d'une volonté libre, qu'elles ne seraient consenties
que par crainte, pour ne pas mécontenter le donateur, et peutêtre le détourner de ses projets de libéralité. Nous pensons
donc que !'opinion généralement suivie au temps classi<J.ue,
était celle qu'enseignent Papinien et Paul, et les termes dans
lesquels Ulpien exprime son sentiment témoignent bien qu'il
n'était pas conforme à la doctrine du plus grand nombre.
1
ous avons dit que la masse sur laquelle doit se calculer la légitime dùe à l'héritier du sang se compose de tous les biens existants dans le patrimoine du défunt, au moment de sa mort.Nous
ayons vu aussi, que, dans certains cas, les biens donnés entre
vifs à des étrangers, et selon Clpien, au légitimaire lui-même,
sont fictivement réunis aux biens existants, et que c'est de la
masse ainsi constituée, que l'héritier doit avoir le quart, pour
être exclu de la querela.
-
5t -
Mais, si l'on suppose que ces bien , ont reçu d
.,
es augmenbtions o~ des ~iminutions postérieusec; au décès du de cujus,
fau~l'.·a-t.-d temr compte de ces évènements et décider que le
lég1l1111a1re en profitera,cornme en profite certainemeutl'instituè?
li faut, pour résoudre ces qlle::-tions, chercher des arguments
dans les textes relatifs à la loi Fulcidie.
Nous avons admis, en efîet, que la similitude des quotités
jointe à l'identité d'époque, établissaient incontestablement qu~
la quarte légitime n'était qu'une extension et un développement
de la quarte Falcidie. Si l'on accepte cette donnée, on est conduit à faire application à la légitime des diverses règles énoncées pour la Falcidie sur les points qui vont nous occcuper.
S'agit-il d'une amélioration, les textes distinguent: L'amélioration a-t-elle une cause antérieure au décès ; elle profite à Ja
quarte falcidie. Ulpien (1) prévoit le cas d'esclaves qui ont été
pris par les ennemis, et qui reviennent après la mort du testateur. La cause de cette augmentation est antérieure au décès,
puisque le jus pvstlcmini1· a un eITet rétroactif. Aussi, le jurisconsulte décide t'il que l'hérédité, et par suite la Falcidie, en
seront grossies d'autant: Quod ad Falcidiam attinct, locupletiorem /aciunt he1·editatem. Même solution, s'il s'agit par
exemple, d'un débiteur insolvable, qui devient solvable plus
tard. On peut faire d'autres hypothèses. Le défunt avait contracté une dette sous condition (2), la condition défaut. Il était
déoiteur d'un legs également aITecté d'une condition ; si la condition ne s'accomplit pas, l'objet du legs reste dans la succession
(1) Ulp. Loi 43, ad lcg. Eak. XXX V. Q.
(2) Marcellus. Loi 56, par. 1. ad 1eg. Valei. Dig.
�-52-
qui en deYient plus forte et le quart dù à !'institué, en vertu de
la Falcidie,s'en trouvera augmenté. li faut décider,par analogie,
que la quarte légitime, dans ces espèces, profitera , co mme la
quarte Falcidie, des augmentations ou améliorations survenues
aux biens hérédi taires. La règle est la même à l'égard des diminutions et il faut encore se demander si la cause en est antérieure au décès du testateur.
C'est une b)rpothèse de même na ture que prévoit un texte
intéressant d'Ulpien, qui forme la loi 62 au Dig. ad lefJ. Falcid .
Le jurisconsulte se place en face d'une obligation corréale : il
y a, par exemple, deux débiteurs corréaux , deux créanciers
corréaux. ïl existe entre eux une société, l'obligation se divise
comme si, ab initio, chacun eùt stipulé ou promis la moitié de
la dette. Jusque là, point de difliculté. Mais, s'il n'y a pas
société, la question de savoir quel patrimoine sera grevé de la
dette ou profitera de la créance est en suspens jusqu'au paiement. Supposons que l'un des créanciers ou run des débiteurs
,-ient à mourir, tandis que les choses en sont là. Si l'hériti er,
poursuivi le premier, est obligé de payer, sa succession le supporte, et la Falcidie est diminuée d'autant. Si l'héritier créancier
poursuit l\m des codébiteurs, avant son cocréancier, et en reçoit
le paiement, sa succession en pi·ofite et la quarte Falcidie en
sera plus élevée. La logique nous oblige a appliquer à la légitime
des solutions identiques.
Plaçons maintenant dans le cas oü les augmentations ou
diminutions ont une cause postérieure au décès du de cujus.Et,
d'abord, si elles surviennent par le fait d'un pur hasard, fortuitement, il n'est pas douteux. qu'elles profitent ou préjudicient à
!'institué comme au légitimaire.
Mais, s 'il s'agit d'améliorations ou de d' . t·
1111mu 10ns dont l'héri•
,
tier est l a uteur, ce qui arrivem fréquemm t
,.
,
.
en , ca1 11 est le plus
som ent en possession des Jiiens béréd't ·
•.
.
'
i a ires, nous pensons
qu 1! y aura heu d applinuer
les i·èc:rles oi·a · ·
1
!:>
ina1res.
Les augmentations ne profitet·ont au lég't· . .
.
i unau e, que sous
déduct10ns des dépenses faites pa1· l'hérit'er
· d
1
.
•
•
,
qm, e son côté
supportera, en cas de .:11m111ut10ns, les conséquences de sa faute
ou de son dol, conformément au droit commun.
Une dernière question nous reste à examiner et ce , t
. . .
n es pas
la moms mtéressante de notre matière Un test t
h
..
·
a eura ex érédé
son héntier naturel, mais lui a laiss~ un legs dont
é
1a va 1eur galeou même dépasse la quarte qui lui est dùe n
.
. .. .
· a, par exemple
légué un fonds au leg1tima1re. Celui-ci obtient de l'institué la
délivrance et la possession du legs. Puis, s urvient un tiers, qui
s~utenant que Je fonds légué lui appartient, intente Ja revendica-.
tton et triomphe . Le légitimaire est évincé et se trouve ain$i
n'avoir rien reçu. Faut-il, à l'aison de cette évition et -de ce
dépouillement, lui accorder, ex post /acto, la que1·ela ino!ficiosi
lestamenti. ?
~ v~nt de répondre à
cette question, nous devons rappeler les
~nnc1pes généraux du droit romain en matière de legs. Primitivement, les romains admettaient quatre formes principales
dans lesquelles on pouvait valablement faire un legs : On léguait
pet· v· d · t'
·
tn ica ionem,per damnaf1011em,per p1·œceptionem, sinendi
inodo. Per vindicationem, pet· prœceptionem, ou sinendi modo
on
'
ne pouvait léguer que sa propre chose, ou, dans certains
cas, celle de l'héritier, mais jamais celle d'autrui. Au contraire
on pouvait, en la forme per damnationem, léguer sa propre
chose, celle de l'h éritier, ou celle d'autrui , et, dans ce dernier
5
�-
cas, l'héritier était tenu de se procurer la chose léguée et de la
transférer au légataire, ou, à défaut, de lui en payer l'estimation.
Si le legs de la chose d'autrui était fait per v1'ndicationem, pe1·
prœceptionem, ou sinendi modo, il était frappé d 'une nullité
radicale.
Cette théorie des legs, toute remarquable qu'elle fO.t, n'était
pas sans présenter, dans l'application, des dangers graves,
dont beaucoup de testateurs pouvaient être victimes.
Elle était basée sur des distinctions tenant aux mots plus,
qu·aux choses, et la moin<lre violation d'une de ces distinctions
entrainait la nullité absolue et frrémédiable de la disposition,
résultat peu en harmonie aYec le respect qu'on portait, en d·autres matières, aux dernières Yolontés des mourants.
Une réforme étail nécessaire Elle fut l'œuvre d'un sénatus
consulte célèbre, rendu sous Néron, et qui a été appelé le
sénatus consulte l\"éronien; il décidait qu'aucun legs ne devrait
être considérée comme nul ve1·bo1·wn vitio. Donc, toutes les fois
que la chose d'autrui était léguée autrement qu'en la forme pe1•
da1nna!?'onem, la disposition n'était pas nulle, mais valait comme
legs fait en cette forme.
Toutefois, il ne faud rait pas croire que la rnlidité du legs de la
chosed'autrui ,mème sous l'empireclu sénatus consulte Néronien,
ait été admise dans tous les cas. La distinction suivante devait
êtrefaite à cet égard : Le testateur savait-il qu'il léguait la chose
d'autrui ; le legs était valable. Croyait-il la chose sienne : le
legs était nul. Cette distinction rés ulte d'un texte de Papinien, la
loi 67 p. 8 Dig. de Legatis XXXI. 2' qui l'attribue lui-m ême à
Nératius Priscus, juriscons ulte contemporain de Trajan et
d 'Adrien. Elle est, d'ailleurs trcs l'ationnelle, et repose sur une
55 -
présomption de volonté dn testateur, s'il léguait sciemment la
chose d'autrui, il eût, à p lus forte raison, fait le legs, si la chose
eùt été sa propriété. i\fais eût-il encore légué cette chose, s'il
s'il avait su qu'elle appartenait à autrui, et qu'il allait imposer
une charge peut-être lourde, 3 l'hèritier qu'il instituait? évidem_
ment, un doute s'élève ici, et , en face de ce doute, il était sage
d'annuler le legs.
D'après le texte précité de Papinien, cette distinction de
Nératius Priscus aurait été confirmé par une constitution.
Quelle est cette constitution ? Si l'on en croit les institutes
(lit. 20 par. -l), il s'agit d'une constitution dùe à Antonin le pieux
successeur d'Adrien.
Enfin Alexandre Sévère promulgua lui-même, en 228, une
constitution, qui modifia quelque peu les principes reçus. Cette
constitution insérée au Code, forme la loi 10, de L egatis, VI. 37.
Elle maintient la validité du legs de la chose d'autrui, sous la
même distinction que par le passé. Mais, tandis qu'auparavant.
ce legs, émanant d 'un tes tateur qui croyait la chose sienne,
était nul, quelque fût le légataire, la çonstitution d'Alexandre
Sévère décide que ce legs vaudra, toutes les fois que lapersonne gratifiée sera avec le défunt dans des rapports de parenté
tels, que la libéralité lui eùt ét été faite, alors même que le
testateur n'eùt pas ig noré qu'il léguait la chose d'autrui.
Ces principes r~ppelés, nous de,·ons re,·enir à notl'e question.
Il fa nt d'abord l'examiner sous re1upire de la législation qui précéda le sénatus consult e"(éronien Le legs de la chose d'autruifait
autrement que per damnatio11em, est, avons nous dit, nul à cette
époque. Le légilimaire qu1 est évincé ou qui ne peut obtenir
l'objet du legs , n'a pas sa quarte. !\fais, on doit se demander si
�-
56 -
le testateur à su ou n'a pas s u qu'il léguait la chose d'autrui
Au premier ca.s, il à du savoir que le legs ne sortirait pas à
etîet, parce que la forme qu'il empLoyait était vicieuse; il a donc
manqué à Z'officium pietatis, et, l' hér itier doit avoir la quei·ela
An second cas,sïl a Cl'U léguer sa propre chose, il a pu recourir à
une forme quelconque, et la nullilé du legs ou l'éviction qui survient, sont également indépendantes de sa volonté. Il a voulu
gratifier son héritier ùans les limites nécessaires pour écarter
la quei·ela. On peut dire, par conséquent, qu'il n'a pas violé
l'offecium piélatis. Y aura l-il lieu néanmoins à la qHerela inof
fisiosi testamenti? 1\ ous n'hésitons pas à répondre affirmaliYement.
i l'on n'admet pas, en effet, que le Jégitimaire évincé puisse
exercer, même en ce cas, la quuela, on consacre: contre Lui
une injustice qui e"t manifestement contraire à l'esprit du droit
romain sur cette matière. Si le testateur n'ayait pas été induit
en erreur, s'il n'avait pas ignoré qu'il léguait la cho~e d'autrui,
s'il aYait pu préYoir, en un 1t1ol, que la libéralité resterait inefficace et que le légitimail'e ne recueillerait rien, il est bien évident qu'il aura!l pl'Ïs sur ses biens une autre valeur et en aurait
gratifié le légitimaire: l':lr, ce qu'il a fait prnuve qu'il ne voulait
pas dépouiller curn rll lernenl celui-ci.
Alléguer que l'éYiction tient à l'erreur,dont il a été dupe, mais
que cette erreur même démontre qu'il n'a pas violé l 'o(/icium
pietatis, c'est lui supposer une Yolonté évidemment contraire à
celle qu'il a manifestée. Au surplus, il y a un texte d'Ulpien, La
loi 27. p. 4 au titre de inoff. testarr1 . qui nous fournit s ur ce point
uu argument d'analogie des plus p uissants. Le jurisconsulte
suppose qu'une femme omet dans son testament son fils qu'elle
- 57 -
croit décédé. Pouvait-on dire qu'il y a , 't d
.
.
.
'
'ai ' ans ce cas,mobservation de 1 officium pietatis? Assuré
t
,
.
men non. Car, la mére
n eût pas omis son fils si elle avait pus
.
,. . .
.
.
'
avoir qu 11 v1vatt encore
Néanmoms, Ulpien n'hésite pas à ac d
. ·
cor er 1a querela au fils
parce que c'était là le seul moyen de recti'fi
. . . . '
· er une 111Justice 1mmé ri'tée.
. En le dé~idant ainsi, on entrait dans les vues de la mère, qui
s1 elle ava~t connu la vérité, n'aurait pas manqué d'instituer so~
fils ; et, lm prêter d'autres intentions c'éta·t
1 .
1 u1 supposer des
.
. .
.
.
•
d1sposit10ns moffic1euses dunt il eOt fallu pron
..
..
.
'
oncer 1a resc1s1on.
Voila pourquoi le jurisconsulte autorise l'hé 't'
. . .
.
ri ier omis a intenter
la querela moffi~i'osi testrnnenti.Or, entre l'espèc~ traitée par ce
texte et celle qui nous occupe, où est la différence?
Maintenant, si nous nous posons l a q t·
--.
.
ues 10n après le
8. C. Néronien, nous arrivons aux solutions suivantes : Tout
l~gs de la c~o~e d'autrui es1 considéré comme fait per damnaho,'.1e111. Mais , 11 faut encore distinguer ; Le testatateur sait-il
qu il lègue la chose d'autrni ; le legs est valable. Le légitimaire
est payé en nature ou par équivalent; e't, pas de quer·ela possible.
Le testateur croit-il léguer sa chose : on se demande si le legs
est ou non valable. Si on le tient pour valable, la question ne
souffre aucune difficulté. i on décide qu'il esL nul, on accorde,
dans ce cas, la plainte d'inolficiositè.
, Mais, après la constitution d'Antonin le Pieux qui pose
lormellement ln d1stiction enseignée par eratius Priscus, la
ques tion ne peut ètre contrnversée. i le testateur avait cru
léguei· sa propre chose, le legs était nul, et il y avait lieu à la
quere/a ino/(iciosi lastrunenti.
Enfin, lorsque Alexandre Sévère eut promulgué Ja Consti-
�-
5X -
dont nous a\·o us indiqué 11 disposition essenti elle, l'ét1.t
u ion
·s de b chose l1·n111rn1.· :.i. u·'r(. ssé au
de choses c11:rngea. Le le ,.,.
. . . f u t 'a
. la'·le
thns• tous les c1s. Ca r, ~.ins 1 que nous
!éaü1maire
J.J
"
. la nu ll'té
1·on l l'e
l'avons
dit,
i
c sur la présomption
. que le lestatenr
.
.
't qu'il lè•Yuail h chose <l'autrni tomha 1l ctevant une aut1e
ignorai
.
t•o.
<les liens qui unissaient le
présomption
11 ee t le. la• l)ro:ümité
·
. .
.
.
t t.
légataire au testateur. Or, sans aucun doute, le lég1tuna1.re ~tall
te:stator legaturus
parmi. l es p ersonnes · o11tb11s
~
. esset, ets1 sc1sset
.
. an
\'• aura lieu, en faveu1 du
rem a l ien
1 esse . 11 en résulte rru'il
·1
lé~itimaire aux actions données par la loi pour fair~ exécuter les
1 b mais J·amais à la quel'ela ino//icio.<;i testa111ent1.
egs,
· d
tt
Tel était le droil arnnt Justinien . Pour ne pas scm er ce e
matiére, nous anticiperons sur l'époqne s uiYante, et ferons
connaitre les modifications introduites par cet empereur. La
constitution d'Alexandre 'év1're aYait cesse.' d'être obserYée au
temps de Justinien. Dans une constitution de son colle, qui fvrme
la loi 36, III, 28, l'empereur, après ayoir rappelé qu'en vert~
d'une constitution promulguée par lui en 5-28, le légitimaire qui
a reçu quelque chose du 'tesla leur, ne peut pas exercer la quenla
mais agit par l'action en complément, J 'ewpc reur,disons-nou~,
se plaçant dans l'hypothese d'une PYkliou, <lécirle, f{tle le lég1timaire, quelle que soit lïmport'lnce du préj uJ ice so11 îcrt ,devra
recourir, confonuémenl a la ('Onslilulion de :>~8, it l'action eu
complément du quart, et non i1 11 pl:li11te d'i11otfü:iusité.
Les interprètes ont aisément aiic1\·u la 111épnsc ùunt .Ju~ tinien
a été dnpe, eu insérant clans son Cu1le la Gu11slitution ri' \le
xandre-Sévère. D'après ce dernier, e11 clTet, le le;;s de b chose
d'autrui fait au légitimaire, <:tan t valable dans tous les cas, il
n'y a pas lieu, comme nous l'avons lait rewarquer, de parler
de querela, ou d'action en complcwenL <lu quart, mais des
- 59 -
actions diverses qu'on accorde aux légataires, rei 'vindicatio
action personnelle, et sous Justinien , action h ypothécaire, pour
obtenir l'exécution des legs qui leur ont été faits.
Dans l'espèce que nous venons de traiter, nous avons s upposé
que Je légitimaire avait subi l'éviction. Mais, on peut supposer
que lare' endication du propriétaire n'a pas encore eu lieu, que
le légitimaire est pour le rnomer.t sous la menace d'une éviction. Déciderons-nous qu'il peut se tenir pour évincé, et exercer
les actions que nous lui avons reconnues au cas d'éviction réalisée 1 l'aOirmative n'est pas douteuse, s'il est constant que le
testateur a légué seien1111ent la d1use d'autrui. Le légitimaire
était un légataire ordill'1i re, 11ui à ce titre pouvait exiger qu'on
lui tran~(éràt la propriété irnméd1ale dn leir.s, ou qu'on lui en
payâl l'estimation.
\lais, si le testateur a crn léguer sa chose, ce legs ne saurait,
au moins après b co11slilulio11 rl'Anlonin le Pieux, qûi le déclare
nul, entrainer pour l'ltérilier l'obligation de garantie envers le
légataire. Cette règle est certai11e, lorsque le légataire est une
personne ordinaire. '.\lais, si c'est un légitimaire que le testateur
a entendn, par le legs qu'il lui faisait, remplir de sa quarte,
pourra-t-il, aprè" a \'Oir llfom·ë la croyance où était le testateur
qu'il léguait sa propre rhose, tenir ce langage à l'héritier :
• \'ous ne potffez rnc.: rendre immédiatement propriétaire de
c la chose léguée, puisqu'elle appartient a autrui, tout au plus,
« pouvez-Yous m'en transférer la pos~cssion. Mais, cela ne me
• permet pas de ùire 11ue j'ai ma quarte, n et prétendre qu'il
a le droit d'intenter b 1111c»rla, ou sous Justinien, l'action en
complément? • ou' ne pensons qne le légiti111aire soit fondé à
parler ainsi. L'héritier peut lui répondre : Sans doute, je ne
�- 60 -
-- 6{ -
puis que vous remettre la nossession ; . ~ais, recevez .la P_our
le moment, et quand surviendra une éviction, votre droit naitra
et vous pourrez exercer votre secours.
.
.
Toutefois, si nous estimons que cette dernière solution étalt
suivie nous ne pouvons l'affirmer, parce qu'aucun texte ne
s'expl;quesur la question. Mais, c'était le droit
dans le.s
contrats entre-vifs, comme la vente, où l'une des parties devait
transférer une chose à l'autre.
admi~
Pa1·. 3. Déductions que comporte la légi(ime.
Nous venons de voir de quels biens se compose la masse
dont le quart est dâ à l'héritier naturel. Mais, sur cette masse
ainsi composée, on doit, au préalable, opérer diverses déductions et c'est sur le patrimoine qui subsiste, après ces opérations,que devra, en définitive, se calculer la quarte légitim e.
Nous rencontrons ici trois règles que les tex.tes indiquent également à propos de la ryuarte Falcidie, ce lfUi ajoute une nouvelle
forceâ. l'explication historique de l'introduction de la quarte
lëgitime que nous avons admise plus haut.
La première déduction que l'on fait subir à la masse des biens
est celle des dettes héréditaires. Elle est une application n écessaire de la règle bien connue: swit bona, quœ supersunt, deducto
œre alieno. Observons que l'on déduit les dettes dont le défunt
est tenu envers l'héritier, comme celles dont il est tenu envers
des étrangers. Il s'agit, mérne dans Je premier cas, de dettes
héréditaires, et la règle s'applique sans distinction à toutes les
dettes de cette nature. La même décision est donnée, au Digeste
liv. 35. tit. 2, rehtivement à la Falcidie, et puisque nous avons
admis qn 'en cette matière la donnée des analogies nous devait
régir, nous ne po11vons avoir pour toutes les hypothèses, qu'une
seule et même règle.
La seconde déduction concerne les frais funéraires. Comme
celle des dettes, elle s'explique et se .il.lstifie par la règle, qu'il
n'y a de biens que dettes déduites.
Après avoir indiqué la déduction de ces deux valeurs. Ulpien,
dans la loi 8 § 9 au titre de inoff. test. se demande si les afîrancbissements diminuent la quarte, c'est-à-di re, doivent être
déduits, et, il répond aflirmati vement par la seule analogie avec
la Falcicüe. Mais, 11 prévoit, de suite, une conséquence dangereuse de ce principe : c'est que celui dont le patrimoine est
uniquement composé d'esclaves, peut rendre illusoire le secow·s
de la 'i ierela, en instituant son Mritier et en affranchissant par
le même testament tou.:; ses esclaves . Tl faut remarquer, cependant, que ce danger était en partie conjuré par la loi Fusia
Caninia, rendue sous Auguste et qui apportait aux affranchissements 'estarnentaires des restrictions dont nous n'avons pas à
nous occuper.
Quand à la décision d'Ulpien, relative à la déduction sur la
masse du prix des esclaves affranchis par testament, elle se
justifiP par la faveur même qu'inspire la liberté. Sans doute, le,
affranchissements testamentaires sont de véritables legs, et les
legs ne doivent pas entamer la légitime. ~his, il était de
toute nécessité que la règle générale s ubit ici une exception ; Car, la liberté est indivisible, et le principe de la
�-62 -
- 63 -
déduction proportionelle ne pouvait s'y appliquer. Il fallait
ou maintenir on sacr ilier coLUplètement les affranchissements
testamentaires. Placée en face de cette a lternative, la juris prudence ne pouvait hésiter . La faveu r de la liberté l'emporta et
entraîna le maintien de tous les afüanchissements par testament.
§. 4 . - Des charges de la légitime
De quelles charges peut être grevée la légitime ? Le pr incipe
général, sur ce point, est que la quarte légitime doit être affranchie de toute charge, de quelque nature qu'elle so it, de tout
délai, de toute condition, qui tendrait à la diminuer et à la faire
descendre au- dessous du taux. fixé par la loi. Mais, cette r ègle,
comme beaucoup de celles que no us avons déjà rencontrées sur
cette matière, recevait certaines dérogations.
Ainsi, l'on trouve dans Ulpien une décision qui ne laisse pas
que de surprendr e et qui p rête sérieusement à la critiq ue. Dans
la loi 8 par. 11 , une des lois les plus importantes du titr e qui
nous occupe, le juriscons ulte prévoit l' hypothèse que voici :
Un fùs a été institué pour moitié, soit pour une par t, supérieure
à celle qui lui était accordée par la loi. Mais il a été chargé de
restituer cette moitié à un fidéicommissaire, après un délai de
di:- ans . Peut-il se plaind re? Non, répond Ulpien, parce qu'il a
pendant dix ans, Louché les fruits d' une part plus forte que celle
qui lui était dùe, et qu'il peut aisément se reconstituer avec ces
fruits, un capital égal à sa quarte. Il était ad mis de même, pour
le calcul de la Falcidie, que les fruits devaient être pris en
cons idération
~fa is, corn me no us le d i~ io1 1s, celle solution d 'Ulpien peut être
1·ritiquée. Elle fa it au légilimaire u11e position bien moins favorable que celle qu'il aurait eue, s i sa qua rte lui avait été laissé e
puremenl et sim plement par le testateur. Car, les fruits se consomment el se capitalisent rarement. Un autre inconvénient de
cette décision, c'est que la légitime se trouve ainsi afiectée d'un
terme de dix ans.
Un rescrit des Empereurs Dioclétien et Maximien qui form e
la loi 25 au code de ino/l' lest. décide encore qu' une mère, peu
rassurée sur la conduite et les mœurs de son mari, institue
valablement ses fils, s ous la condition qu'ils seront émancipés
par leur père. Cette décis ion fait échec au principe que la légitime ne peut être alTectée d 'une condition jus qu'à l'évènement
de laquelle le légitimaire ne peut recuei llir ce qui lui est dù.
Mais ici, l 'exception est admi:';e parce qu'elle n'est inspirée que
par l'intérêt des enfants. C'est ce une font remarquer les empereurs:« 1Von pafri fil io1·u111 11omù1e inolficios1· eo modo aclio~ nem compeLere, q11ib11s 11ullaoi inj111·iam (ecerit mater, sed
a potius putaverit 1irovidend11m. "
Le testament dans lequel le père donne un s ubstitué pupillaire à son fils, échappe également a la querela de celui- ci. Car,
cette s ubstitution ne prend vie que par la mort du fils s urvenu
avant sa puberté . li n'a donc aucune raison de se p laindre (1).
Une espèce qui donne lieu à la même so lution, est celle que
prévoit .'..le'i.andre évère, d1.ns la loi 12 a u code de iiw 7. test.
Un père di vise son hérédité entre son fils qu'il ins titue pour
une moitié, sa fille pour un tiers et son épouse pour un sixième.
(!) Ulp. loi 8 p . 7. 0 1g. de inorr. test. ' ' · 'l.
�- 64 -
Il impose à ses enfants cette charge fidéicommissaire : que, si
l'un d'eux vient à mourir avant sa 25",. année, il restitue sa
portion aux survivants ; et à sa femme, cette autre charge,
qu'elle restitue, après sa mor l, aux enfants la part qu'elle a
prise dans la succession.
L'empereur déclare que de semblables dispositions ne peuvent être attaquées par la fille ou par ses représentants ; et la
raison en est dans les chances égales et réciproques de gain et
de perte auxquelles sont exposés ici les institués.
s. 5.
-
De l'action en complément
)fous avons déjà dit, en passant, un mot de cette action. Il
faut y revenir avec quelques développements.
Ions savons qu'au temps classique, c'est à dfre à l'époque où
nons sommes. la légitime doit être laissée tout enti ère à ceux qu i
y ont droit. Une légitime incomplè te qui ne comprend pas le
quart de ce qui est dù à l'héritier naturel, ne saurait priver
celui-ci de la plainte d'nofficiosité. Tel est le principe. Mais, on
ne tarde pas à y apporter des tempéraments.
Ulpien décide dans la loi 25, déjà étudiée, que s i le testateur
a voulu qu'une libéralité par lui faite et qui n'égalerait pas la
légitime, fùtcomp létée boni viri arbitratu, sa volonté doit être
suivie. L'empereur Constantin consacre cette solution. Il ordonne
que désormais les tes tateurs disposeront, eo pleine sécurité,
lorsqu'ils renverront, pour le cas où la légitime sera it insuffisante, au boni viri arbifratus. (1)
Qu'elle est la nature de cette action en supplément 1 quels
traits la caractérisent ? Nous verrons Justinien la qualifier de
qt1erela. S'ensuit-il qu'elle s'identifie avec cette dernière action,
au point de vue des caractères et des règles qui gouvernent la
querela ? Nous ne le pensons pas.
La querela est une action réelle, qui peut être dirigée contre
!'institué, ou contre celui, quelquïl soit, qui est en possession
des valeurs et des biens héréditaires. L'action en supplément
a, au contraire, un caractère personnel. L'institué y peut seul
être exposé.
Fne seconde ditrérPnc · on moins importante, ressort des
résultats très opposés des deux actions. La querela inof!iciosi
festame1di, alioutit, dans la plupart des cas, à une rescision
complète du testament ; elle en anéantit à peu près toutes les
dispositions. Hien de pareil , dans l'aclion en complément. Celleci laisse subsister toutes les dispositions du testateur.
On peutencore observer que ces deux actions se séparent
profondément au s ujet des modes d'extinction qui leur sont
applicables. La demande par le légitimaire des libéralités que
le testament contient en sa fa \•eur· éteint s on droit à la querela.
Car, la loi voit dans ce fait, une ratification tacite des dernières
volontés du défunt, et, par conséquent, une renonciation à la
plainte d'inofficiosit6. La mème règle ne s'applique pas à l'action en suppléru ent.
Enfin, nous ne devons pas non plus appliquer à cette action
(I loi l code Theod. JI 1. 28.
�-
66 -
-
le mode d'extinction par l'e~piralion ùu délai de 5 ans accordé au
successible pour exercer la r.1ucrela. Nous déciderons donc que
l'action en supplément P~t perµéluelle jusqu'à Théodose II, qui
011 le sait, limita à trente ans la durée des plus longues actions.
SECTION IV.
Des effets de l'a dmission et du rejet de la
querela inofflciosi testamenti.
La querela inof1i.ciosi le.~ta111e11ti peut, comme toute action,
aboutir à un s uccès ou à u11 échec. rous devons examiner s uc
cessivemertl les deux hypoth èses,
A.- Succès ùe la querel a : L 'admbsion de la q11erela entraine,
comme prem ière et très importante conséquence, la rescision
du testament et la remise des choses au mème étal que si le
défunt était mort intestat. lllpien, dont les textes nous ont souvent occupé, iuàique, en ces tenues, les effets de la sentence
prononçant lïnoflicio~ité (loi 8 1ü. de i110J. lest.)
" Si e.r causd de inoj/·riosi ro[Jnonrit jude.r:, el p~·o111rncia
<i verit cor1fra tastame11l11111, ner /ueril proi,oculu111, ÎJJSO ptrf
u re.~ris1111t e.<tl, et s11w.; he1·es e1·it, l:fecundnm 'Jlleu1 i11dicafll 111
s
67 -
est: et bonoruill po.<Jsessor, 8i hoc (t'fe) contcn.dit : et libertaleî
u ipso ju1·e no11 valent, nec le9rzta debenlur : t'fed soluta repe« tu nlur, aut ab eo qui 8olvit, aut ab eo qui obtinuit: et hœc
4 utili actione 1·epet1mtur. Fè1·e antem,
ffÎ an.teconlroversiam
~ lt'lotam soluta sunt, 'J"i obtinuil re;Jel?'t: et ita Hadrianus et
ij D. P ius rescripse1·1nd. ,,
u
Le jurisconsulte suppose, dans ce texte, que le légitimaire
omis ou exhérédé a intenté la querela pour le tout, ce qui a
amené la rescis ion totale du testament. Cette rescision rend le
défunt inle3fat. Le plaignant, qui a triomphé, devient héritier
011 bo11or11111 po.ssesl101>, selon que sa vocation à la succession
ab intestat résultait rlu droit civil ou du droit prétorien. Il peut
mênie recueillir l'hén· "'•" Pll l 'une et l'autre qualité, s'il était
appelé par les deux législations.
Les affranchissements testamentaires tombent comme et
avec le testament et les legs ne sont pas dù . Mais, il peut se
faire qu'ils aient été payés. Dans ce cas, la répétition en peut
être exercée. f\1a is, par qni le sera-t-elle ~
Glpien répond à la question par la distinction suivante :
(< Soluta repel111dur an! ab eo qui .~ofrit,
aut ab eo qui obt1• tt1u't. >• Cela signifie cviùerrnnen t que la répetition des legs
sera faite tantùt par l'her• s scr1pfits qui les a payés, tantôt par
le successible qui a obtenu grain de cause.
Le point délicat et important est de déterminer les cas où
cette répétition appartient à l'lieres scriptus, les cas où elle
appartient au légitiinaire.
La querela testa11umt1 i11o(ficiosi est, comme nous l'aYons
vu, une espèce particulière de pétition d'hérédité. Nous de' ons
lui appliquer les règles ::;uivics en matière de pefllio heredi1ari:>1
�-
(lf;-
Ces règles el ces principes sont posès dans un sénalus con'-nlte
célèbre,porté sous Adrien, et dont le Digeste nous a trnns1nis le
texte comp let, dans la loi ~O. d'Ulpien, au tilre de he1·edit. petit.
v. 3. ce sénatus consulte, appelé g-énéralemellt aujourd'hui par
les interprètes , sénatus cllnsult e Juyeutien, fait une <listinction
~ntre tes possesseurs tle lionne et de mauvaise foi d'une hérétlité.
JI n'impose aux premiers d'r111tre obligation que de restituer ce
dont ils se sont enrichis: 11sq11e co dunta.Nit, quo e,r ed re locupletio1·es (aczi esse11t. Quant aux possesseurs de mauva ise fo i,
le sénatus consulte les dérlare respor.sables et tenus pour le
tout, sans distinguer s 'ils possèdent encore ou ::.'ils ont cessé de
pos~éder par lem ùol.
La jurisprudence tira de ces principes des applications fécondes. Ainsi, le possesseur d'une hérédité avait-il aliéné une
chose faisant partie de l'hérédité ; on décidait quïl ne devait
restituer que le prix, à supposer qu'il en a it retiré un enrichissement. s'il avait été de bonne foi. Mais s'il .lVait été de mauYaise foi, on metta it à sa charge la Yalem entière de la chose.
Quant au possesseur qui avai t été primitiYemenl de bonne foi ,
il cessait de l'èlre, clés qu'il venait à sa' oi1-, par une interpellation ou autrement qu'il possédait sans ùroit,les biens héréditaires:
quo primum scierif ')Uisque ea111 a se peti, dit le sénatus consulte.
Tels sont les principes quïl faut 111ainlenant appliquer à notre
espèce. upposons, d'abord, l'lterescr1j1tus de bunne foi ; el il
faut reconnaitre que celle supposition sera le plus souvent conforme a la réalité. , 'il a payé des legs avec les valeurs héréditaires et ante motam corit1·oversiam, il ne sera pas tenu de
restituer au légilimaire ces valeurs ou des Yaleurs équivalentes.
- 89 -
Mais, comme il a payé ce qu'il ne devait pas, la loi l'investit
d'une condictio indebiti à l'encontre du légataire. C'est celte
condictio qu'il devra transporter à l'héritier naturel au moven
du seul procédé admis en droit romain, le procu:atio in ;em
suam .
D'aprés le texte cité plus haut d'Ulpien, cette formalité d'une
cess ion,suivant les règles ordinaires,aurait même été superflue,
un rescrit d'Adrien accordant directement au légitimaire une
condictio indebiti utilis.
Si légitimair e a payé ces mêmes legs, toujours el! supposant
qu'il est de bonne foi et qu'il paye ante motam contro1,,•er8 iam
avec des valeurs tirées de son pa trimoine propre, il devra en'
être indemnisé par l'héritier, pour\'U qu·a son tour, il lui céde,
ici encore, la condictio iridebit i qui lui est accordée contre le
légataire. (1)
Dans ces divers cas, la répétition des legs est exercée p1r
l'héritier, et il est hors de doute qu'il est responsable de Jïnsolvabiilté des légataires .
Plaçons-nous à présent dans la seconde hypothése, celle ou
l'heres scriptus est de mauvaise foi. Il a pu l'ètre abinitio, cela,
si l'iniquité de" dernières volontés du défunt et la violation des
devoirs du sang étaient de toute évillence, et il peut le devenir
ex post(acto, p:ir suite de h 111erela dirigée contre lui,ou comme
dit le texte ù'U lpien, /'Ost nwtam co11troversiam. Les isolutions
que nous donnerons s'applit(Uent au\. deux cas.
L 'herescriptus a donc pî) é des legs, is'.lchant qu'il ne devait
pas conserver les biens héréditaires. S'il a employé a cet effet,
(1) Loi 3! prin. d6 bered. pet. V. 3.
6
�-
70 -
des valeurs prises dans la succession, il en r épond pour le tout
à l'écrard du querelans victorieux..11 ex.e.rce la condictio i'ndebiti,
car, ~l ne de~ait pas les legs : mais, si les légatair es sont insolva:Uies il en subit les conséquences. S'il a p ayé les legs avec
des bi:ns lui appartenant, de suo , il n'a droit à a ucune déduction
aur le patrlmoine qu'il r estitue. Mais,ici encore, il a la condictio
iridebiti .
Telles sont les décisions qui ressortent du texte d' Ulpien
combiné avec le sénatus consu lte Juventien. Au premier abord,
on a peine à les jus tifier .Car, si, comme nous l'avonsdit , l'admission de la que1·ela annule le testa ment dans toutes ses dispositions,
il suit que le légitimaire doit être considéré comme ayant
toujours été le seul héritier et le seul propriétaire des biens
héréditaires, et que si l'herescriplus a aliéné des choses ou payé
des sommes faisant partie de la succession , cette aliénation ou
ce pa iement sont nuls, puisqu'ils émanent de quelqu'un qui
n'était pas propriétaire. En conséquence, ce n'est pas une
condicfio qui doit compéter a u légitimaire, mais la 1·ei vindicatio ou là publicienne, s ui vant les cas .
Ce raisonnement seraitju$te,s'il était vrai que la rescisionprononcée sur l'action du querelans anéantisse le testament mêm e dans
le passé.i\.Iais,il n'en est rien.Depuis l'ouver ture de la s uccession
j usqu'à la sentence qui a donné gain de cause au légitimaire ;
le défunt a élé représenté par l'her·es scrfoius. C'est ce dernier
qui a eu, en fait el en droit, la possession des biens hérédita ires
et sauf les restitutions auxquelles l'obi ige le s uccès de la querela,
restitutions dont l'étendue s'apprécie selon les distinctions indiquées plus haut, il a pu se comporter en m aître, et les actes
émanés de lui doivent ê tre respectés.
-7i -
Les légataires, envers lesquels il a exécuté les volontés du
testateur, ont ac'luis la propriété de la chose payée et se trouvent
dans la même situation qu' un acbete1Jr ou qu'un donataire de
bonne foi à qui l'he1·e.<J scriptus aurait vendu ou donné une ch~se
héréditaire. Ma is,comme en définitive, la rescision qui résulte cJe
la sentence dé truit son titre et investit de l'hérédité le réclamant
qui triomphe, celui-c i aura droit tantùt à descondiclione.<J indebiti, tantôt à la restituition dn prix, s' il s'agit d'une vente, et ù
supposer que ce prix existe encore dans le patrimoine de l'heres
scr iptus.
De cette idée, que l'lteres scriptu.<J a représenté jusqu'à larescision la personne du 11ëfunt, se dégagent d'autres consëquences
remarqua bl es. 8 upposons, par exemple, que l'hérédité comprenne des esclaves et que ces esclaves aient réalisé des acquisitions dans l'intervalle de l'adilion à la sentence. Le bénéfice
de ces acqu isitions sera-1-il pour le légitirnaire ou pour l'heres
scr iptus ?
La loi 3? de Paul, au titredeliered. pelit. Y. 3. décide, comme
le voulaient <l'ailleurs les principes, que ces acquisitions entreront dans les restitutions dont est tenu l'héritier envers le légitimaire. l\lais, la loi 33, au mêllle titre, y fait exception, pour
le cas où les acquisitions auraient été faites, moyennant des
valeurs prises dans Je patrimoine de l heres scriptu.~. Dison::;
encore, pour ne rien omettre sur ces question . que les payements faits par les ùébiteurs héréditaires à tlieres scrijJt11~, les
libère de plein droit, et dégage absolument leur responsabilité à l'égard du légitimaire. (IJ A lïm·erse, le légitimaire e$l
(l) loi 25 p. 15 in fine de bered. pet. Oig. V. 3.
�-72à l'abri de l'action des créanciers héréditaires, qui auraient reçu
antejudicium, leur paiement des mains del'heresscr1'ptus.
Nous avons dit que l'effet d'une sentence prononçant l'inoffi.ciosioté du testament était d'anéantir la s uccession testamentaire, et de donner ouverture à la succession ab intestat. Nous
avons supposé jusqu'ici que le querelans qui intentait la plainte
était appelé en ordre utile pour succèder ab intestat.
Mais, l'hypothése inverse est possible. Il se peut que celui
qui exerce laquerela soit précédé, dans l'ordre des vocations à
la succession légitime, par un héritier préférable, qui ne se
présente pas pour intenter l'action, soit parce qu'il ignore son
droit, soit parce qu'il a été dévancé par le querelans. Le cas se
présentera rarement. Mais, à supposer qu'il se produise et que
le réclament gagne le procès, pour qui en sera le profit.
La loi 6 § 1 au Digeste de ino/fi. test. prévoit l'hypothèse et
décide que le bénéfice de la sentence intervenue sera, non
pour le réclamant qui n'est pas en ordl'e utile, mais pour
celui ou ceux que la loi lui préfère dans la succession ab in
testai : «: Non ei p ,.oHt victo1·ia, sed his qui habent ab
«: i ntestato successionem. l
Cette solution fait échec à un principe très-important du droit
romain et consacré par notre législation, le principe de l'effet
relatif de la chose jugée. Est-il po5sible d'expliquer, sinon de
justifier, cette décision ·? Le motif nous parait en ê tre dans la
faveur avec laquelle la loi voit la délation de la s uccession aux
héritiers légitimes, que le testateur a sans doute injustement
dépouillés. Si l'on n'admettait pas que l'héritier en rang utile,
quoique resté étranger au procès, pût s'en approprier le profit,
il faudrait plaider de nouveau, recommencer l'instance, peut-
-
ï3 -
être sans succès, et l'on arriverait de la sorte à consacrer l'iniquité de l'omission ou de l'exhérédation des Léritiers naturels
Ulpien, dans le texte qui nous occupe, semble vouloir expliquer la solution qu'il donne par ce motif que la sentence a
ouvert la succession ab intestat. Cette ouvtrture serait définitive et il ne serait pl us possible de faire revivre le testament.
Le défunt étant intestat, il y a lieu désormais a l'application
des lois sur l'hérédité légitime.
Au surplus, ce n'est pas la seule dérogation que nous présente
cette matière au principe qui limite aux parties en cause l'autorité de la chose jugée. Nous avons dit que la sentence prononçant qu'un testament était inofficieux mettait à uéant toutes les
dispositions contenues dans ce testament, et en particulier, les
legs et les atirancbissements testamentaires. Sans doute, ce
résultat s'explique par cette considération que le testament est
rescindé comme étantl'œuvre d'un fou: quasi a d~menfe (loi 3)
et que, par suite de cette supposition, toutes les Yolontés dernières du testateur, affranchissements, legs, substitutions pupillaires, fideicommis, se trouvant infectées du même vice, ne peuvent pas pl us valoir que l'institution elle-même.
Du reste, un autre principe aurait infailliblement conduit la
jurisprudence à cette solution, toute contraire qu'elle füt au
principe de l'effet relatif de la chose jugée. C'est que les romains
ont toujours considéré l'institution comme la partie fondamentale du testament, celle dont dépendent le sort et l'efficacité de
toutes les autres dispositions de dernière volonté ; En un mot,
pciur employer le la11gage des textes, l'institution était à leurs
yeux, capuf et (undamentum totius testamenti. L'institution ne
sortant pas à effet, les legs, affranchissements, et autres dispoitions n epouv aient en produire aucun.
�-74 -
rviais, on Yoit sans peine à quels dangers cette théori~ ex.posait
les légataires et les esclaves affranch is, et les collusions d~nt
pouYaient se rendre coupa!Jles, au mépris de leurs droits.
{lteres so·rptus et le quei·elans. Aussi, des tempéraments furentils apportés à cet état de choses. D'abord, un rescrit im~érial,
dù à ~lare-Aurèle et Œlius Verus, divorum ft·atnwt eprstola,
décida que lorsque rins litué ne répond pas à la demande, la
sentence inter,·enue n'a ù'elTet que contre lui, et laisse intacts
les ùroits des légataires e t des escla\es alTranchis par le testament. (loi 14 p. 1 de ap1Jel. et 1·elef!. XLIX. 1.) En second lieu,
on admit les légat~ ires et les escla,·es alTranchis à inlerYenir
ùans l'instance en inofficiosité, pour défendre leurs inlérêls, ou
si la sentence a été défavorable au testamen t, à en forme appel
rtoi 29. de ùioh'· Y. 2.)
Le principe que la rescision du testament entrainait la nullité
de toutes les dispositions testamentaires recevait des exceptions
de diverse nature. Ainsi nous avons vu plus haut, dans un
texte d'Ulpien, la loi 2. § 1 de inoff. test. que la querela était
accordée au militaire que sa mère n'avait omis que parce qu'ell ~
le croyait décédé. Paul, visant la même hypothèse, dans la 101
28 au .nème titre, nous apprend que l'empereur Adrien autorisa
bien, pour ce cas, la rescision, mais sous la condition du maintien des legs et des affranchisse1nents.
Une seconde exception a trait aux afTranchissements fidéicommissaires. Ils sont Loujours maintenus, probablement parer
qu'ils ne sont pas l'œuvre du testateu r seul, mais aussi de son
héritier, et sous une condition spéciale : l'alîrancbi devra payer
au légitimaire qui a triomphé une somme qui parait être la
cote moyenne de l'esclave, et que la loi fix.e à vingt sous d'or·
-
75 -
(1) Ainsi encore, s i la querela est admise, après l'expiration ·du
délai légal, que nous indiquons plus loin, pour un motif grave
et fondé, ex "iagndet justa ca1tsd,elle n'atteindraquelïnstitution.
Les atrranch issements directs ou fidéicommissaires échappe11t
à la nnllité, pourvu que chaque affranchi, p~ye comme tantôt,
vingt sous d'or, au querelans (2)
Rappelons enfin, que certaines dispositions , telles que les
donations à cause de mort, les donations entre-Yifs et les
constitutions de dot faites à lïnslitué sont entièrement à
l'abri des effets de la querela, sielles ne renferment en
elles- mêmes rien qui puisse les faire considérer comme
inofficieuses.
Le succès de la querela entraine une dernière conséquence.
De ce que cette action aboutit à dépouiller l'heres sci·lptus et à
remettre las choses par rapport à lui au même état que s'il n'y
avait jamais eu d'adition, il résulte que les créances qu ïl pou_
vait avoir contre le défunt ou les dettes dont il était tenu envers
lui et que la confusion avait é teintes, revivent pour ou contre
lui, et qu'il peut en réclamer le paiement ou être poursuivie.
conformément aux règles ordinaires.
Nous avons supposé, dans nos explications précédentes que
la plainte d'inofliciosité aboutissait à une rescision complète du
testament. Mais, des hypothèses pouYaient se présenter, ùnns
lesquelles la que,·ela ne conduisait qu'à une rescision p:utielle
du testament attaqué. On peut en citer plusieurs exemples.
( 1) Mod. loi 9. Dig. de inoff. V. 2.
('l) loi 8 par. 15. (ibid.)
�-
76 -
Ulpien, dans la loi 24 au titre de ino(ficioso, suppose la querela
intentée par un frère contre deux intitués diversi juris : l'un est
une persona !tonesta, l'autre une pei·sona lurpis . Le frère n'agira
aYec succès que contre celui des intitués qui n'est pas inte9rœ
e.ristimationis. Le testeur ayant pu lui préférer l'autre sans
manquer à l'officium pietatis, il obtiendra, en définitive, une
partie seulement de l'hérédité.
On peut supposer encore que le testateur a laissé un
fils unique qu'il a exhérédt!, et institué deux he1·edes e:rfranei
Le fils exerce la (jlterela contre les deux institués. Mais, il n'obtient gain de cau~e que contre l'un d'eux. Ou bien, renversant
l'hypollLse, si nous mettons en pré~ence deux fils exhérédés et
un seul heres scripflls, l'un des deux fils peut réussir et l'autre
1
éc 1ouer, ce dernier, par exemple, a été valablement exhérédé
p:lr le défunt. Dans tous ces cas, le testament est rescindé par·
tiellement.
Le premier et le plus remarquable effet de cette rescision
partielle, est de faire considérer le défunt comme étant mort
pm·tim testa/us, partim 1"ntestatus, chose cependant impossible
en règle ordinaire. Papinien, après avoir examiné un cas où se
produit ce résult"l. le justifie ainsi : <t Non abs· 1n·dum vidf!tur,
• 11ro parte inte~ 1at11111 vidcri Q Un des plus sa\':lnts romanistes
de l'ancien droit, Cujas, met à ce texte le commentaire suivant :
t
absurduin autem non e~t ltSlalio11, ex post facto, pro parte
1
Îillestrdwn fie1·i: ali11d e.~f e.<;se, (1/iud videri; aliud decedere
p i·o J 1Jt·te ù1tesfofum ab intfio, a/iud postca decessis.<:e vidc1·i:
1
'
Et 1•111'.<:11s, aliud f'.'Jf 1·idrri, ali11d esse. Qui fit intestatus
« 1·ideti11• rs1>e, nec ta,11cn fuit ab i1titio . ,
u
Cujas, on le voit, s'appuie, pour établir qu'il n'y a pas ici une
-77-
véritable dérogation à la règle nemo r.art"m t t t
.
.
. .
.
P
1
es a us, parfim
intestatus, ~ur une d1stmcllon entre le testateur qui meurt, ab
int'tio, partie testat, partie i'nte.~tat, et celui qui n'est considéré
comme décédé, dans ces conditions,que plus tard, par suite de
circonstances qu'il n'a pas prévues 1 d'évènements "l ,
qu 1 11 a pas
été maître d'empêcher. Cette distinction peut paraitre un peu
s~bt!le. Mais,. e:le. doit être acceptée ; et, il faut reconnaitre,
ams1 que le d!L CuJas, après Papinien, que la règle nemo partim
ne s'appliquait pas, lorsque cette dévolution insolite de l'héré~
dité, avait lieu ex post(acto, indépendamment de la volonté du
défunt.
Pouvait-il arriver, non seulement qu'une partie de l'hérédité
fut dévolue ab intestat, l'autre ex testato, mais qu'une seule et
même personne recueillit !·1 succession en l'une et l'autre qualité?
Certes, l'espèce devait être rare. Mais, elle pouvait se produire,
et un texte de Paul (1) prévoit le cas suivant, qui mène précisément à ce resultat : Une mère a deux filles. Elle institue pour
un quart l'une d'elles, omet l 'autre,et institue un heresext1·a11ens,
pour les trois autres quaT"ts. La fille omise, qui a droit à la
plainte d'inofficiosité, l'exerce et triomphe La succession ab
inte$lat est ouverte. Mais, cette fille n'est appelée ab i11testat
qu'à la moitié concunemment nvec ~a sœur, a qui appartient
l'autre moitié. Elle revendique cette part et l'obtient. La fille
instituée, qui n'a rec:u qu'un <JUart et qni a droit ab intestat à la
moitié, enlèvera le dernier quai l à l'héritier externe , de telle
sorte qu'elle arri,·era à la succession à deux titres: pour un
quart, en vertu du testament, pum l'autre quarl ab i11festat.
Etudions maintenant les autre:; efiels de la rescision partielle
( I) Loi 19, de inoJl'. Dig. V. 2.
�-
78 -
du testament. Ils sont indiqués dans un texte de Paul, qui
forme la loi 15, p. 2 au Digeste de inotficioso, et sur lequel nous
a"ons déjà eu l'occasion de nous arrêter : (< Filius. qui de
• inofficiui actione, diversas sentenlias fudictum tulit, et
a deh?'tores convenfre, et ipse a crcd1'toribus JWO parte conveniri
« potes!, et corpo1·a vindicare, et hereditatem dividere. Verum
« eni'm e~t, familiœ ercisundœjudicium competere. Quiac1·edi' mus eum legitinwm he1·edem pro parle esse factum: et ideo
« pars heredilatis in testamento remansit. »
Ainsi, le légitimaire, devenu héritier ab inte$fat pouvait,pour
une part proportionnelle à cellejusqu'à coucurrence de laquelle
la rescision avait été prononcée, exercer les actions héréditaires
contre les débiteurs du défunt, ou subir les poursuites des
créanciers. Il avait le droit de revendiquer les objets corporels
entre les mains des détenteurs.La masse de la succession devenait indivise entre lui et l'héritier tes tamentaire ; et, il y avait
lieu a un partage qui s'opérait, soit amiablement, soit par l'action
en partage de l'hérédité, l'action fa miliœ ereiscundœ.
Les legs et les fideicommis n'étaient pas annulés en entier,
mais seulement dans les limites de la part afférente au que1·elans
victorieux. Ils étaient dùs pour le surplus par l'héritier testamentaire, qui était sen! exposé à l'action des légataires et des
fideicorum issaires. (1)
Mais, quid, s'il s'agit d'un legs qui ne se prête pas à une
réduction partielle, par exemple le legs pe,. damnalionem d'une
servitude? Ici, le legs étaot, de sa nature, indivisible, il faudrait
nécessairement le maintenir ou le sacrifier en entier.
(J) Loi 13. Code. III 28.
Mai& d'autres moyens s'offraient d'arriver à une solution qu
1
donnât satisfaction à tous les intérêts. De deux choses l'une;
ou le légitimaire consent à l'étalilissement de Ja servitude et
,
alors le légataire peut l'exiger, sous la condition de payer au
légilimaire une part de la valeur esLimative de la servitude
équivaleole à la portion acquise ab inteostat par le querelans.
ile légataire réclame la constitution de la servitude, sans payer
cette somme, le légitimaire le repousse par l'exception doli.Ou,
au contraire le légitimaire s'oppose à l'établissement delaservitude, et les choses, dans ce cas, se passent ainsi : Le légataire
exerce son action, où il demande : intendere dare aibi oporlere
sei·oitutem: Mais comme il n'obtient pas la servitude, il reçoit
une part de la valeur estimative de la servitude proportionnelle
à :a part recueillie CJJ testamento (2). Telles étaient les règles
suivies sur la loi Falcidie.Quant a ux aITranchissements testamentaires, ils ètaient aussi maintenus, la faveur de la liberté,
d'ailleurs indivisible, ayant dicté cette solution. Mais le 1égitimaire, dont les droits étaient lésés, pouvait exiger des affranchis une portion du prix <l'un esclave, égale à la part qu'il
recueillait ab intestat (3).
Enfin, le testament rescindé partiellement pouvait contenir
d'autres dispositions, et par ex~rnple, des substitutions
pupillaires, des nomina lions de tuteur.Ces dispositions sont considérées comme non a'·enues, d'lns le cas ou la plainte dïnotlicio~ilè a pour résultat une rescision complète du testament. En
sera-t-il, de mêmelor,que la re cision ne sera que partielle ? La
loi 8 p. 5 du titre de inof!icioso répond négatiYement au sujet
ïll Loi 56 princip. XXXI. Oig. de legatis. '2·
(3) Loi '29 de excep. re. Jud. f)ig. XI.IV. ~
�-80-
de la substitution pupillaire. En ce qui concerne les nominations de tuteurs, les sources sont muettes. De là, controverse
entre les interprètes. Nous pensons, selon l'opinion du plus
grand nombre, que les nominations de tuteurs, ne recevaient
aucune atteinte de la rescision partielle rlu testament. Il y a à
cela même raison que pour les subtitutions pupillaires. La
solution doit être la même.
B. R ejet de la qum·ela. - Nous a rrivons à la seconde hypothèse que nous avons annoncée, celle ou la querela aboutit à un
échec. Les conséquences en sont particulièrement graves pour
le querelans . Il perd, sans restriction ni réserve, toutes les hbéralités que le testament pouvait contenir en sa faveur, et dont il
e eu le tort de ne pas se contenter.C'est ce que dit expressément
la loi 8 p. 14 au Digeste (de ino(f'). « me111ir1isse oporfebit eum
« qui testamenfiun improbe dixü. id, quod in testamento accepil
« perdere. • La cause de cette déchéance, de cette peine inOigée au légitimaire qui succomb e, est facile à saisir. Nous avons
vu que cette action est injurieuse pour le défunt, qu'elle s'analyse en une flétrissure pos thume de sa mémoire, puisqu'elle
tend a établir qu'il a, sans raison valable, manqué a ux devoirs
que lui imposaient la nature et les liens du sang. Celaétant,
quoi de plus naturel que de punir l'héritier légitime qui n'a pas
craint de soulever, à tort, comme le montre la sentence, des
débats offensants et injurieux pour la mémoire de son parent.
Aussi Ulpien nous dit-il que les biens qui lui sont enlevés pour
indignité, ut indi9no, sont attribués non à !'institué, mais au
fisc, qui recueille toujours les avantages retirés par la loi pour
cause d'indignité (1).
(1) Loi 13. de jure fisci XLIX. 14.
-
81 -
Toutefois, cette péna lité cesse d'être encourue, lorsque celui
qui a intenté la plainte d'inofficiosité se desiste de sa demande
avant la sentence. La même règle s 'applique, si le légitimaire.
après avoir introduit l'action , ne peut, par suite d'absence,
assister aux débats et à supposer que la sentence soit rendue
contre lui (1).
Au contraire, si le légitimaire institué, mais grevé d'un fidéicommis universel, se plaint de cette charge etintente la querela,
il est privé, en cas d'échec, du droit de retenir s ur le fidéicommis la quarte pégasienne, qu'il n'a pas à tort trouvée suffisante.
Mais, que décider, s'il s'agit d'un adrogé impubère, que l'adrogeant a exberédé et qui attaque le testament, nonobstant la
quarte Antonine que la loi lui assure, précisément dans le cas
d'une exhérédation ? Ulpien, prévoyant l'espèce dans le § 15
de la loi 8, décide que l'on ne doit pas admettre l'adrogé à exercer
la que1'ela, mais que, si on l'y autorise et qu'il y succombe. la
quarte Antonine doit lui être conservée, parce qu'elle a plutôt
à son égard le caractèr e d' une créance contre la snccession, que
celui d'w1 avantage héréditaire.
Remn rquons, enfin, que la déchéance dont nous nous occupons
ne doil pas atteindre ceux qui intentent la plainte d'inofficiosité
an nom d'autrui, pour accomplir un ùevoir ou satisfaire aux
obligations d'une charge dont ils sont im·estis. Ainsi, pour citer
l'exemple des institutes (p. 5. ) le tuteur qui exerce la querela
contre le testament du pcre de son pupille, ne saurait perdre
les legs on autres a rnntages, dont le gratifie le même testament·
Une décision semblable est donnée(~) pour le père qui agit,
(1) Loi 8 p. Li de iooff. V. '2.
(~) loi "22 p. l. Dig. V. '2.
�-
82 -
- 83 -
au nom de son fils, contre le testament maternel. Ma is, ici, la
solution admise peut être critiquée, au moins jusqu'à l'époque
où Constantin, par la création du pécule adventice, ait enlevé
au père tout intérêt à attaquer, au nom de son fils, le testament
de la mére.
SECTION V
D'autres textes citent encore des hypothèses où la règle que
le perdant est privé des avantages héréditaires à lui conférés
par le testament ne reçoit pas son application.
,
Tryphoninus, dans la loi 22 § 2. suppose qu'un legs m est
laissé par une personne dont le testament est attaqué par un
fils omis ou exhérédé. Je deviens, plus tard. l'héritier de ce fils,
et je continue, en cette qualité, la poursuite par lui commencée.
Je succombe ; dois-je perdre le legs antérieurement recuelli ex
testamento? Non ; car, on ne trouve pas, dans l'action que
j'exerce, le caractère offensant pour le défunt, qui seul peut
justifier la pénalité dont est frappé le querelans vaincu. Il en
serait de même encore, si vaincu sur une plainte d 'inofficiosité
intentée à tort, je succède ensuite à !'institué. En eITet, les droits
que j'acquiers alors m'adviennent à un titre nouveau, et en
vertu d'une cause tout à fait étrangère au testament attaqué.
C'est ce que nous dit Paul, (loi 5 p. 7 XXXIV. 9. Di9. « qui
occuravit falsum, heres legatario exsiitiL vel heredi instituto.
nihil hine nocere dicen.dum est. »
Des modes d' extinction de la querela inofficiosi
testament!
Comment une personne à qui appartient le droit d'exercer la
querela inofficiosi iestamenti, pourra-t-elle perdre ce droit, en
d'autres termes, quels modes d'extinction sont applicables à
cette action? Tel est l'objet de cette cinqnième et derniére partie
de la seconde époque.
On peut compter trois modes principaux d'extinction de la
querela:
1° La renonciation;
2• L'expiration du délai fixé par la loi ;
4° Le décés de l'ayant-droit.
A. - Renonciation: Ce premier mode est, sans contredit, le
plus important, à raison des formes diYerses sous lesquelles il
se présente et des applications délicates qui peuvent naitre dans
les nombreuses hypothèses que nous aurons à étudier. Le cas le
plus fréquent et 'lUSsi le plus grave est celui d'une transaction
�-
84 -
conc1ue ent re l 'béri·tier testamentaire et le légitimaire investi de
que
.
. se rappeler
l a quere l a. Av ant d 'en indiquer les effets, il faut
aurai· t pas , en droit romam, parmi les conr.11:>
ne i1
.
la traosact 10n
. és, classés et munis d'action.
. . un
.
. E lle constituait
trais nomm
simple pacte qui donnait lieu à l'exception pacti. Mais, il .en
était autrement. si, au consentement librement donné, les parties
ajoutaient le contrat de stipulation, c'est-à-dire la forme de la
demande et de la réponse. Alors, on se trouvait en face d'un
véritable contrat, qui donnait naissance à l'action ex stipulatu.
ou bien sans avoir eu recours à la stipulation, l'une des parties
a rempJ son obligation, par exemple, elle a fourni une dation ou
exécuté un fait. Elle peut poursuivre l'autre en exécution de ses
engagements. Car, la transaction s'est transformée, par ~uite d.e
cette circonstance, en un contrat innommé, qui prodmra s01t
l'action p rœscriptis verbis,soil une condictio ob rem dati re non
secuta. Ces principes rappelés, nous pouvous aborder notre
question. Un l ~gitimaire qui a droit à la querela, convient avec
l'héritier institué, qu'il n'exercera pas son action, si celui-ci lui
fait abandon d'une partie de l'hérédité, lui paye une somme ou
le rend propriétaire d'une ch ose déterminée. L 'heres cripluq
exécute son obligation, mais le légitimaire, a u mépris de la
transaction exerce la querela. L'institué peut faire tomber son
action par l'exceptionpacti conventi. Mais, il peut se faire qu'il
réponde à la demande et se décide à plaider. Dans ce cas, et
quelle que soit l'issue du pl'ooès, il pourra, par une condictio,
appelée condictio ob rem dati, re non secutà, répéter ce qu'il a
donné, puisqu 'il n 'avait donné que sous une condition que le
légitimaire u'a pas observée.
11
1
Il arrivaît souvent, comme notls l'avons dit plus hau t, que les
-
85 -
parties, après avoir régl6 leurs 11ccords, employaient la forme
du contrat verbis qui donnait naissance à l'action ex stipulatu..
Dans l'es1>èce qui nous o cupe, 011 aura en recours à la stipubtio~ 'H{lti lien1e, su'vie <l' 1cceptil 1tion. Alors, l'act ion du légiti~1a1re se ~rouvanl éteinte de plein droit, p1s n'était besoin <rue
1 heres srzplus le repoussàt par l'exceptio pacti. Enfin si l'on
suppose qu'une chuse pénale est venue s'adjoindre à la transaction et a fai t l'obj et d 'une stipulation, l"h11•es sriptus qui consent à plaide r peut .qu'il triomphe ou qu'il succombe, redemander
ce qu'il a donné p ·1r la condicfio ob l'em dati, et exiger,en outre,
le montant de la clause pénale par l'action ex stipulatu (loi 15,
de tran .'{. Dig. II. 15.)
Mais fa transaction a pu intervenir dans des conditions ditT~
rentes. Le légilimaire, moyennant !"abandon que lui consen
llnstitué de l'héré<litè, i;'rngage à lui remettre une somme, ou à
lui transferer h propriété d'une certaine chose Ici encore,
l'action donnée à l'l1éres scr1pt11s pour contraindre le lègitimaire
a l'ex éculi0n <le ses o1diga tions, ''arierJ sui\·ant qu'il y aura eu
ou non s liphtion . Au premier c1s, il aura l'::iction e.r st1jmlafo :
au seconù cas, il aura l'action générale crui s'apl ique :iux contrats
inomm é~ et 1ru'on appelle r·1ction 11·œsc1·iptis verôis ' 1).
Une tlernièr.... hypothèse peut se prndnire. Le légitimaire
a laissé il l 'institué Loule lhérédité, et ·est eng1gé à ne p1s
intenter 1.1 q11e1·eltl, 111oyeun:i.nt l t 1hli·J11 que fui ferait rl.éres
Sf'r/pfus .J'1111e sn1111 11e nu d'une c 11ose cléterminée.L·lierescr1pf11s
n'exécute p:ls son ol1lig1lion. Si nous supposons qu'un contrat
de stipulation est intervenu, point de difficulté. li y a lieu à
(1) Loi 6. Code de Trana. II. 4.
7
�-
·action ex stipulatu. Mais, e n l'absence de stipulation, le légitimaire est privé de lout moyen de contrainte à l'égard de
!'institué. N'ayant rien promis, il n'y a eu de sa p'lrt ni dation ,
ni exécution qui puisse f,nre naitre une condictio ob rem datù
ou une action pœscnptis verbis. Aussi, perme-t-on dans ce cas,
au légitimaire d'intenter la plainte d'inofficiosité. C'est l'avis
d'Ulpien, qui s'exprime ainsl: «Si instilidd de inofficioso teslac. mento actione, de litepacto transactum est,nec fides, ab herede
~ transactioni pvœstalur, inofficiosi causam. inte9ram eose
« placuit. »
Nous avons supposé jusqu'ici que la transaction intervenait
ent re l'héritier ou les héritiers institués e t le légitimaire , et, cela
va de soi, après la mort du tes tateur. Si de pa reilles conventivns
avaientlieuentrele testateur etson héritier na turel, elles seraient
considérées comme son avenues, et c'est le c:is de rappeler ici
les décisions indiquées plus haut de Paul et de Papinien, qui
déclarent inefficaces les transactions ou pactes intervenus entre
le défunt et l' héritier légitime, et qui avaient pour but d'enlever
la querela à ce dernier, ou d'obtenir sa renonciation à la succession, moyennant une donation ou une dot, destinée à lui tenir
lieu de quarte. (1) L 'on comprend, sans peine, que ces conventions, ne présenteraient jamais le caractère d e liberté nécessaire
pour la validité et l'efficacité du cnnsentement.
Disons, pour ne plus reveni r sur ce suj et, que Justinien a
confirmé cette doctrine dans la loi 35. au code. de in.off. test.
Ill. 28.
Maintenant, si l'on suppose une transaction valablement faite
entre le légitimaire et !'institué, quels en! seront les effets à
(! )page 34. ~upra, N. 2 et 3.
87 - -
l'égard des tiers qui ont d e!' droits à ftire valoir en vertu du
test1ment et qui n'ont pu été p u-ties à h convention ? Lorsque nous n Ht'5 som nes o ·c·1p •de:; e T·L~ ùe h re;cision du testament, par suite <l'uue pl lin le clïno:li.ciosit;, nous av 1ns dil
que cette rescision éLniL oppos'lble à luus ceux dont les droits
dépendaient du testament, institué, légataires, fidéicommiss1ires, esclaves alîranch is, en cl "tulres termes, que le testament
ét1it mis à ntant d'lns toutes ses dispositions.
Au contraire, lorsque une transaction intervientt entre l'here11
$C1·1}Jfus et le légitimaire, les droits seuls de !'institué en recoivent une atteinte. La tra nsaction est, par rapport aux légataires
aux fidéicommissaires, aux esclaves a!Tranchis par le testament
res inter alios acta. Elle ne leur serait opposable, que s'il y,
avaient été p'lrties. Telle est la décision contenue dans un texte
d'Ulpien, la loi 20 § ~ de inofT. te.çf: « Q1ca 11vis in.'lfituta inoffi• ciosi tes•a. 11e11ti acrusrrtione, 1·es tra11.~actio11erlt:c'sa .'lit, ta ne 11
a tesfamenf 11n ·n .<11/1:> Jllt'e 11ianet : tl ideo datœ in eo ltbe1·tates
4 afque legrtta,
usrf'1e ?llO Falcidia permitlit, suam habent
u pofestate,n. »
1
n est,
du reste, facile de ju.:;trner cette rloctrine, si l'on considère que les diverses personnes dont le droit se fonde sur le
testament, les lég·1tnires, les llùéicon mis,aires, et les esclaYes
affranchis, sont pri\ és ici oe tunt moyen de S'lUYegarder leurs
intéréts et de veiller à la oéfense et à la protection de leur droits
lis POUV'lien t, si le procès en inofficiosilé eùt été intenté, inter\'enir Jans la cause, so11tenir la validité des dernières ,·olontés
du défunt, et, si la sentence eùt elé rendue contre le testament.
en interjeter appel, ainsi que nous l'avons vu plus haut. Aucune
de ces garanties ne leur est accordée dans le cas qui nous occupe.
�-
- 80-
88 -
Ils sont étrangers à la transaction qui se forme, â leur insu et
hors la présence de la jus til:e, entre lïnstitué et l'héritier légitime. Il serait donc injuste de leur en appliquer les eITets, et le
principe que les conventions ne ùoivent point nuire aux tiers
doit être ici rigou reusement observé. l\lïi :i, si leur situation
n'est pas moùiftée par la transaction, si celte t1·ansac tion ne
peut leur préjudicier, elle ne p eut non plu" leur profiter; et,
comme ils tiennent leurs droits du testament, ils n 'auront de
recours à exercer que contre l'her es scriplus, qui, s 'il n'a pris
ses mesures pour être indemnisé de ses poursuites, ne peut
imputer qu'à lui la négligence commise.
Une dernière question nous reste à examiner. Quelle est,
après la transaction, la situation des créanciers héréditaires !
à qui devront-ils s'adresser? qui devront-ils poursuirre ? Cette
question ne doit pas recevoir la solution que nous avons donnêe
tantôt par rapport aux légata ires et a ux escla,Tes affranchis.
Le droit des créanciers est, en efTet, indep enda nt du testament.
Quel11ue soit le ~ ort de ce testament, leur action subs iste, et ils
pedvent t'exercer, soit contre !'institué, s'il conserve l'hérédité,
soit cotttre le légitimaire, s'il n•ussit dans la demande en resci:->ion. En définitive, ils devront pours uivre le représent rnt du
déùmt, héntier inslilu6 ou héritier légitime. Mais, pour qn'ils
p•1i.:;senl agir, il est de toute nécessité qu'ils coun1isscnt celui à
qui l'll ér~.litè est déflnit1\·emenl dévolue, celui qui c.:onlinue le
défunt et qui sut:cèrle , a ce ti t rn, ü ses 0blig::i.tions et à ses droits.
Or, él,rnt clonué une tnnsaction, il est ùifTi.c ile, ou mieux impossible, de répondre <l'une façon iJmnédi'lte et sûre à ces questions.
Aussi, la loi tranche-t-elle la difficulté en accordant aux créan'
ciers de la succession desactions utiles, tant contre l'hereucrip-
.
que contre l'héritier naturel dans la 11. 't d 1
m1 e e a portion
<
'
•
•
c·est ce
d'
à chac
héréditaire que la convention assi!!ne
un eux.
' "
.
.
.
·
qu expnme tres-exactement un texte de J.unsconsu
1te ,...N'ŒYola
.
.
frftnMcfiouibttR· , • ., 1• crec.i 1'(c,1·as es.<Jen t,
de
ne
UI fi
11
la lot
.
.
·
non (eri11.<;tnt , /lrO'P ter incertum
u qui transact1onem
sur. .
t
·
te
f]uam,
s
herc·rlitat
prn·te
p1·0
' cesszonis,
1
1
rque m ransactione
'
fus
n
•
c rxpresserit, 1tfilibus co111:an1e11rlus est. n
d
.
e la question , au poi'nt d e 'ue
Aucun .texte ne tr1il
es rap.
ports del heres sc1·11du.<: ou de l'heres legifim 1, 8 avec les <lébitrurs
de la succession qu 'il faut poursuivre , ou les t"iers possesseurs
de biens héréd ilai res contre lesquels il y a lieu à la rei rindiratio
Il est probable que les mêmes principes étaient suh·is, et que
chacun des deux intéressés, l'héritier institué et le légitimaire.
avait le droit d'inten ter, sous forme utile , des aclions person~elles ~u ré.elle~, proportionnellement à la part que la trans~c
hon lm attnbua1t dans l'h érédile, ou même pour le tout. si l'un
d'entre eux gardait effectivement la totalité de l'hérédité.
Nous venons d'étud ier une première forme de renonciation
à la que1·ela, la transaction. Une seconde forme consiste dans
l'approbation tacite du testament, résultant de certains faits,
sur lesquels il est nécessaire de donner quelques développemeuls.
. Un premier cas <ù se rencontre cette approbation, nous est
indiqué par Paul dans la loi 23, p. 1. au Digeste de ;no/ji'cio.,o.
Le jurisconsulte suppose que les héritiers légitimes ont conclu
avec les héritiers institués di' ers traités relatiYement aux Liens
hérédi taires. Ils c nt :1gi aYec la conscience de leur qualité el du
droit qu'ils avnienl d'atlaqucr le testament comme inoilkieux.
Ils ont, par exemple, acheté l'hérédité, ou des objets détermmés
de l'hérédité ; ils ont pris à bail des fond~ ; ils ont payé ce quïb;
�-
-9i-
90 -
devaient au défunt. Ces actes témoignellt qu'ils approuvent les
dispositions dernières dn défunl et r1u'ils renoncent au droit
d'intenter la plainte d'ino!liciosilé. C'est ce qne dit Paul : «Nam
« agnoscer·ej11dicium de/irncti, viclenfur, et à 111erela e.7:clu-
' duntur. » Est encre reg:u·dé comme ayant donné son appro-
bation au testament, plus mnnifestemenl pent-être que clans la
précédente hypothèse, celui qui a réda!l1é un avantage héréditaire, un legs par exemple, que lui conférait un testament dont
il pouvait demander la rescision pour cnuse d'inotnciosité. Que
cette réclamation se pro<lui~e pa1· 13. voie de justice, ou que le
légitimaire accepte Yolonlairement les asantnges à lui faits, peu
importe. Il y a dans les deux cas, renonchtion tacite à la q11e1·ela,
par suite del 'approbation donnée au testament. li n'y a pas !:eu
non plus, de se dem'lnder si le legs est adressé au légilimaire
personnellement ou a une personne placée sous sa puissance.
(D. Loi 12 prin. V. 2).
Ce même texte décide§ 2, que si le legs, fait i.t l'héritier légitime et réclamé p'lr lui, était révoqué par un co1licible dont il
ne soupçonnait pas l'existence, il n'aura pas perdu le ùroit d'intenter la quer·ela. Et , cette solution est logique autant que juste.
Le légitimaire ne ren0npit à h plainte dïno!ficiosilé qu'en considération du legs 11ui lui ét1il f'lit, et q11ïl estimait donner une
satisfaction su!Tisante a ses ùroils. Ce legs lui étant retiré, il
serait peu équil1b1e de m'linleni1· effet à une manifestation de
Yolonté, qui avait s·t cause 11niciue dans le legs.
Sur ce" premières hypothèses, le do11le n'est p 1s possible. Il
y a Yéritable111enl, 1h11:s le f-til, p·tr lï1érilierl1'lllll"el, de réd1mer
lesavanhges h é réù1t~1i res riue le testam ent lui confère, une
approbation des dernièl'es volontés du défunt, qui doit entrainer
l'exclusion de la querela. Mais il y a des c
.d
.
'
as qui onnent lieu à
quelques difficultés. Ulpien, loi 8 s 10 pré .t 1,
.
"
voi espèce suivante ·
Le testateur met à l'insti tution ou au legs qu'iHai·t à
·
un tiers,
cette condition que !'institué ou le légata· d
.
ire, onnera unesomme ou une prestation d'une autre nature à l'hé . .
..
.
. .
nber légitime
S1celu1-c1 accepte la libéralité est-il exclu d l
·
.
.
'
e a querela? l"ffiarmattve semble bien fondée. Car il a par s
.
'
'
on acceptation des
avantages que lui offrait le défunt, approuvé le t
.
· · d· ·
estament
agnovi1 J u icium. ~lais on voit de suite l 'ob' t"
.
.
. .
'
~ec ion qui s'élève
et que le JUr1sconsulle se pose sans s'y arrêter . C' t
..
..
,
'
· es que l'hér1ller lég1t1me na pu renoncer à la querela, parce qu'elle n'ét 1·t
~as née. Elle .n'était pas née; car, !'institué ne pouvait faire a~ illon sans. avoir au préalable rempli la condition , pa r cons équent,
sans avoir offert la prestation à l'héritier légitime , qui· 1·a acceptée avant l'adition, à un moment où il n'aurait pas pu intenter
la querela : 1t Quoniam ante aditam hereditatem non nascitia·
• nuerela.
» • Mais Ulp'e
..
1
,
•
•
1 n, comme nous 1e d1s1ons, ne s'arrête
pas à 1ObJectlon, et 11 décide que si )'institué offre au Jégitimaire
d'exécuter les volontés du ctrfunl à son égard, on doit considérer cette offre comme faite à l'héritier légitime par Je défunl
lui-même, et si le lég li maire l'accepte, il se prive par là même
du droit d"altaquer le testament.
Paul suppose une autre espèce : (1) Une personne me lèrue
un obiet
qu' e Il e a acquis
· en vertu du testament que je puis atta"
J
quer comme inofficieux. J'accepte le legs. Cela emporte t-il
approbation du testament et renonciation à la querela ? Le jurisconsulte l'admet. Mais il faut reconnaitre que sa décision est, en
(I) l'>i SI p. 3 Dlg. de inoft'. V. 1.
�-
92 -
droit pur, peu justifiable. Le légitimnire tient son droit, non du
testament inofficieu>.., mais d'un autre testament, œuvre, non de
son parent, mais d'un légataire, ou même, cela imporlc pe11, de
l'héritier de son parent. Qu'importe que L'objet ·tujourJ'hui légné
ait fai t partie de l'hérédité dont le légitim·lire a été à tort exclu
et qu'il pouvait obtenir, en intentant la plainte dïnofticiosilé?
Le fait est qu'il n'est pas gralifiée par le défunt, dont il po11 \·ail
attaquer le testament comme inoflicieux, que le legs à lui fait
lui Yient d'ailleurs, et que, par consélJUenl, l"on ne l'encontre pas
ici le principal élément pour que l'on puisse considé1er l'acceptation du légitima ire comme une approbation manifeste du testament. C'est une espèce analogue que prévoit la loi 32, également de Paul. Je deviens héritier d'un légataire du défunt, et je
réclame de son chef, le legs. Dois-je, pour ce fait, être pri vé de
laque1·ela ? Paul répond négaliYement. l\Iais, les termes dans
lesquels il s'exprime témoignent qu'il n'est pas absolument convaincu de la vérité de son opinion. Il dl:clare, en effet, que le
légitimaire agira prudemment s'il s'abstient de cette demande:
« tutius tamen {ecerit, si se absti1weril a petitio11e legat1. ,,
Sans doute, la question , clans ces cas douteux, devaiL se poser
sur le terrain du fail, se lr:rnchcr d'apres l'intention pr~sumée
du legiLimaire. On allait mème plus loin, cl l'on appliquait la
présomption de renonciation à la querela à l'héritier légitinie
qui, agissant comme avoca t ou comme pr·o w·ator, réclamait
l'exécution d'un legs au profit d'autrui. (1)
l\ous sommes donc amenés ü constater chez les jurisconsultes une tendance lrts-accusée a multiplier les faits des(1) loi 32 p. Dig. de ioofi'. V. 2
-
93 -
t . approbation du testamen t par celui. à qui
quels il résnltai
.
. . te8lamenti
. !fiIClOSt
appartenait le droit d'exercer la' rniPrela
tno
, et par .suile desquels, par conséquent, ce droit était perd,
u
pour lUJ .
. cas
si l• in qu'on allât clans cette Yoie , il ét~1·
... 1 cert ams
.
. ~his,
ou~ on ne pouvait, sans blesser l'équité, considél'er le légitinrnre comrue ay'lnt approuvé le te:o.tament et renoncé à l
qucrela. Telle est 1'11ypr1t !il.se citée Jl'.lr les institutes où le tu leu~
accepte ~n legs fa il à son pupille.Il ne s1urait pour avoir rempli
les devoirs de sa clrnrge, perdre le droit d'attaquer le testament
qu'il prt-tend êlre à son rgard inofficieux. Il faut étendre cette
exception à toute personne qui en accept·rnt un legs au noin
d'autrui, ne fait que se c mformer aux devoirs de la mission
qui lui est !'Onfié.
EnHn, une dernière remarque qu'il importe de signaler, c'e5't
que, si l'avantage retiré par le légiliinaire e:i: testmnento, est le
frllit d'une cause élrangcre .i sa volonté, il n'est pas dechu du
droit d'inten ter la 9ue1·ela. i\lodestin, dans la loi 12 ~ 3 a ce t'tre,
suprose le lég tm1a1re et un étranger dl b1teurs corréaux du
défunt. Cel11i-c1 hL lhl à t\ tr:rnger sa l1bérat1on. Une acceptilalion interYicnt mire l'i11s1 .t11,,, et le kgataire. Du ménie coup,
l'hént1er kg1tm•e 1:st J.b<'.rl', pwsque J'arcept1lation produit se·
effets a l'égard de tous les d..t1iteurs. i\Ia1s, comme c'est la un
ayanta.:;e que le tl'sl'lment ne lm confern1t pas directement et
personnellement qu'il n'a pas réclanw, mais qui lui est advenu
fort11iteme11t el sans l,Ue sa \'Olontl1 y ail pris p'lrt, on n'en peut
pas induire une :· pp1 o!.iaticn !lu testament, et son droit a la
plainte d'inc•ffiriosité demenre intact.
B. Expù·ati on du délai. - Le second mode d'extinction de
�-94-
la querela ino!fteio8i testamenti' est l'expiration du délai assigné
par la loi pour l'exercice de l'action. Quelle fut la duré& de ce
délai ? A l'époque classique, nons savons, par des textes précis, (1) qu'il était de cinq ans. Mais, on s'est demandé s'il n'était
pas, avant les juriscons ultes, fixée à deux ans, et ce qui fait
naitre la ques tion , c'est un passage d'une lettre de Pine le Jeune
(V . I. ) contemporain de Trajan, dans lequel on lit ceci. sei8
jam biennium tra nsiis8e, omniaque me usueepis8e.Pline ne feraitil pas ici allusion au mode d'acquisition appelé l'usucapion ?
les mots quïl emploie, il faut bien le dire, appuieraient ce sentiment. Mais, il rencontre une invincible résistance dans cette
considération, que, s'il s'agit dans ce texte, de l'acquisition des
choses bé1éditaires par l'usucapion, cette usucapiou, dite pro
herede s'accomplissait par un an, pour les meubles comme pour
les immeubles, et non par deux années. Nous pensons donc,
suivant l'opinion la plus accréditée, que Pline vise, dans ce
passage, la querela et le délai dans lequel elle doit être exercée
à son époque. Puis, ce délai fut porté à cinq ans , et Justinien
le conserva, ainsi que nous le verrons plus !Qin.
A partir de quelle époque le délai court-il contre le légitimaire 'l Les jurisconsultes n'étaient pas d'accord s ur ce point:
les uns, comme Modestin, en plaçaient le point de départ au
jour du décès du testateur ; les autres, comme Ulpien, seulement au jour de l'adition d'hérédité.
Courait-!1 contre tout légitimaire ? En principe, oui.
Mais, les les empereurs Valérien et Gallien décidèrent dans
la loi 36 au Code, liv. 2, tit 41 , que le temps de l'adolescence
(1) M'od. loi 9. Utp. toi 8. p. 17. de inolr. V. 2.
ne serait pas compté pour le délai, Dooc, quand le légitimaire
était un mineur de 25 ans, le délai passé lequel il était déchu de
la querela, ne commença it à courir qu'à dater de sa 25m 0 année.
Signalons, en termin:mt, une autre faveur. Mt2me après
l'expiration <les cinq ans, la querela était exceptionnellement
admise, lorsque, pour ries motifs graves et fondés, ex ma9nt1
et jusld caus'l, légitimai re n'avait pu l'exercer. Mais, cet exercice tardif de la q11erela n'était autorisé que sous la condition du
maintien de~ :i.Œranchissements, ù la charge toutefois d'une
certaine somme à p1yer par les a!Ir::mchis au querelam
victoriéux,
C. Mort du légitimaire. - Le droit dïntenter la querela
tesla menti inof!iciosi s·~teignait, en dernier lieu, par le décè~ du
légitimaire. En d'autres termes, la q1w·ela, destinée à réparer
uue injure évidemment personnelle au querelans, était, en
principe, intrasmissible. Mais, il faut se garder d'enteudre cette
règle d' une manière a bsolue. Outre que la querela recevait
l'application du principe général, en vertu duquel toute action,
introduite en justice par l'ayant droit, est transmissible à ses
héritit::rs : Actiones semtl inclusœ judicio salvœ permanent:
elle était encore tnnsmise aux héritiers dans le cas ou légitima ire avait manifesté la Yolu::.tè de lïntenter, ou comme dit la
loi Gp. 2 au Digeste de ino,'ficioso lesta.nento, quit n jam cœpta
controvers1a sil, vel p1 œ11arala. Paul, dans la loi suivante, au
même titre, uous indiq11e d1ns qnels c1s on peut consirlérer
quïlyaeu Ida part d11 légitinnire une p1'u'p1 ratio titis suffisante
pour rendre l'action transmissible a ses hèritiers, Il suffit, pour
ceb, qu'il ait fait une de111mciatio litis, ou une dalio libelli.
Noi,is devons rappeler ici très brièvement des principes
�-96-
exposés plus haut. Nous avons dit que les textes de l'époque
classique, relatifs à la transmissibilité de la q11 erela, ont en vue
l'action qui app:i.rtient au légitim aire 11ersnn11ellement, mais
que , dés cette époque, si le légitima ire venait à mouri r, sans
avoir intenter ou nnnifeste la v0lonté d'intenter son action,ceux
qui le sui\'aient, dans l'ordre des vocations à la succession légitime , pouvaient , de leur chef et en leur nom , exercer la q11e1•ela
i11officiosi festamenti qui leur était pe rsonnelle. Nous avons
dit a ussi que Justinien (loi 3! code III. 28) avait décidé que
l'action même de l'ayant droit serait, dans tous les cas, tra nsmissible à ses descendants, mais non peut-être à ses autres
-97 -
lII•
~JPOQUE
de Constantin à Juitinien
héritiers.
Enfin, la querela n'était transmissible, m ême dans le cas où
l'ayant droit l'avait intenté ou, du moins, manifesté l'intention
de l'intenter, que s'il n 'avait pas changé de volonté à cet égard
et s'il avait persévéré jusqu'au bout dans sa résolution. ( 1)
Nous entrons dans la troisième période, dont nous plaçons le
point d~ départ à Constantin et qui va jusqu'à J ustinien et aux
grand es innovations introdu ites p1r cet empereur dans la
matière de la querela ino(ficiosi frslamenti et de la léiitime.
Si nous av~ns cru devoir sép·trer celte période de la précéd~ute
ce n'est pas qu'eUe se dis li11gue par un changement complet du
droit, par la prof'lamation de principes absolurnent nouYeaux
et inconnus de l'époque antérieure, résultat que nous avons pu
constater, qu·uHl nous aYon.;; passé de la première époque à
celle que nous Yenons ùe quiller.
Mais, si cette dern1cre époque ne nous présente que les clt Yeloppemenls logif111cs que portai eut en eux et que de' aic1,t
nécess"lire111enl en,,entl rer les principes ùéjà poses et connus
du 111oins, ('es ùé\•eloppe1nenls réalisent des moùilic:ilious et
des changemeuls si importants, ainsi que nous le ,·errons dans
( l) Pap. 101 15 p. l. Dig. d6 inofi. v. 2
le Code et les Novelles, qu'il n ous a paru bon de les étudiu à
�- 98-
-
99
-
part, de les examiner isolément, et, au besoin, de nous demander, p1r leurcompara i.-on avec l'ét1t antérieur du droit, où est
le progrès. oü est J'a11u!lio1"1lion ?
Toutd'abonl, et nv11lt ,l entrer ch !1S \'étu1e <les modifications
apportées aux droits héré,i itai re.; des en fw ts et des autres
légitimaires, il n'est pas sans intérêt de remarqner, que la puissance paternelle , déjà bien mitigée par les empereurs· et les
jurisconsultes, revient, sous l'influence bienfaisante et féconde
du christianisme, aux vraies limites que lui tracent la justice
l'intérêt de l'enfant, et la loi naturelle .
Il serait long et peut-être un peu en dehors de notre cadre de
reproduire les adoucissements qu'a s uccessivement reçus ce
pouvoir, au début, si rigoureux et s i exorbitant.
Disons seulement, que les droits pdncipaux du père, le droit
de vie et de mort, le droit d'exposition, le droi t de vente, le
droit de faire l'abarnlon no~a l , disparaissent complrtement, ou
ne sont permis que dans des cas e:-.trètnes el sous des conditions sérieusement protectrices des in lé êts de l'enfant.
Nous venons donc imméd iatement aux innoYa lions apportées dans notre m'\tière, et sans nous inquiéter de l'0rdre chronologique dans lequel elles ont été introduites, nous les étudierons suivant un ord re indi11ué par le sujet même, et que nous
rapprocherous le plus possible des divisions de l'époque précédente.
SECTION 1.
Des ru:tea inofficieu:r: et aoum.'•
"" comme tela, à la
querela inofficioai te1tamenti.
~es actes que nous avons indiqués commeiaofficieux selon le
drott antérieur' soit, le testament d:rns tous les cas , et la dona.
t'
l10n. e~:re-v 1 fs, lorsqu'elle était excessive et portait atteinte à
a leg1ttme, sont également, sous Justinien, susceptibles d'être
attaqués par la querela ino(ficiosi testamenti.
Mais, au sujet des donations, J ustinien tranche nne question
cél.èbre, qui se représente à toutes les époques de notre droit, et
~n, forme a~j.ourd'hui e~core, en dépit d'une jurisprudence qui
pc1ralt définitive, le sujet d'une vive controverse entre nos
auteurs.
Nous avons vu, en recherchant quels biens doivent entrer
dans l'a masse dont la quart est dù à l'enfant, qu'on négligea
tou t d a bord les donations entre-vifs, mais qn'on ne tarda pas
sous 1..rnfll uence d'un rescrit d'Alexandre-Sévère à accorder aux,
'
·
lé giTtma1res
sinon en
le droit de critiquer et de faire annuler
'
· dans la mesure nécessaire pour parfaire
ent'ier, d u moms
leur
�- t•OO -
légitime, les donationes immensœ faites soit à des étrangers,
s oit à des enf'tnls. Or , lorsqu'une pareille donation avait été
fai te üun cnfa1 l, t l c.t c Je· c:onatu r <t' ~it l:iis.é d'aut1 es héritiers anxrruel.s 1:1 léJi'ime cl·1it ù11<', on se po-n la question ùe
s::w oir, s i le don.1l'li1·e po tnit, tout en ren011ç rnt il l 1 <>uccession
de son a uteur, re' enir sut· le ùon pa1· lui reçu, tout à la fois sa
légitime et la part qui eùt pù être d.mnée à un étranger ?
Dans la Novelle 92, Justinien n~p ind affirmativement sur ce
double point; et les raisons qu'il d rnne à l'appui de S'l décis ion
s'inspirent de vues élevées et génrreuses. Il veu t que le père
ait le moyen derécompenscr celui <le ses enfant:; qu i s'est le
mieux conduit à son égarJ, ou qui, par sa situation plus digne
d'intérêt, a droit à plus de faveur.
Toutefois, cette facull~ hissée au père ne doit pas préjudicier
à ses autres enfants, et, pour sauveg1.rùer leurs droits, Justinien
pose deux règles extrêmement remarqu üiles: cha<1ùe enfaul a
droit à sa légitime , h légit11ne se c<1 lculera sur l'étal ùes biens
du Hfunt, au moment tl0 l t J Hl'llion. C'est dire q ue les biens
d0n.1és entre vif-> ~t l'lln des enfïnts fero•it pai·lie de la 111asse
sur h.1uelle cll1 [1l•' enr' tnt devra p rendre la pur Li ou lt'µil i111e.
Ainsi f(lle no us le 1lisions, celle novelle ...11ppose que l'enfant
d0n'ltaire renonce il la succes-,ion. ~fais les cohériliers,'°tuxquels
app1rtient le droit de critiq11e1 h tlunaliun ei..cc>ssi\'e faite à cet
e11fa11t, dan-; la me<>nre de leur légiti111e, clevront-ils. pour
exercet' leur actinn, se porter hfrilie1·s ! Signalons im111édiate
me.1t le h111l inl·~rèt tle h qtfl'slio.1 : Si les plai;11.111ls sont
obligés de se porter liériliern, ils succèùenl à tuutes les obligations du défunt. Ils sont tenns de payer ses dettes, même sur
les biens qu'ils obtiendront par la réd uction, el il résulte que
t()'t -
cette réduction profitera aux créanciers héréditaires, pour lesquels elle n'est évidemment pas faite.
Il est impo~sible, avec le seul secours des textes, de résoudre
ce.tte grav~ d 1ffic~lté. La Novella 92 ne vise que l'enfant donaqu'ell e au t0rise ' tout eo renonçant, à
taire et c est lui seul
.
cumuler, sur la donation, sa légitime el la fraction qui aurait
pu être d onnée à un étranger. Elle ne dil rien des cohéritier· du
donat~ire, et .il fa•Jt reconn1ltre que l'application des princ~pes
c~ndm t à ~éctder qu'ils doivent, ponr attaquer la donation inoffic1~use f~ite à l'un d'eux, se porter héritiers. En eliet, ils ne
doivent d tscuter les biens donnés qu'après s'être assurés qu'ils
ne trouveront pas leur légitime dans la succession, et c'est en
se portant héritiers, qu'ils ont le droit d'exiger le calcul
de leur légitime tant sur les biens laissés au décès que
sur ceux donnés entre vifs. Nous ne pouvons donc que consbter
qu'il Y a là pour l'interprète, une difficul té insoluble, avec les
seuls documents dont il dispose, et nous verrons plus tard,
quand nous nous occuperons de la légitime dans notre ancienne
jurispru lenre française, comment elle a été tranchée p:i.r les
auteurs coutumiers,
Justinien a appo rté une seconde innov'llion. Au pec dia n casfrense sur lequel le mililaire sui juris ou fil· de famille poU\·ait
lester avec une pleine li'ie1·té, il a ajouté h faculté pour tout
propriétaire d'un p~cule rpaisl castrence (1) d'en disposer librement et S3.ns avoir à redouter la ?11e1·e/a, il accorde ég1lement
aux prêtres, diacres son -.li1rres, rh::rntres, lecteurs, quoif(ue
encore an pu issance, le droit ù'avoir un pécule quasi casfrence
(l) loi 12 code Vl 2'2 loi 37 p. 1 code. de inotr. lest. lll 'lS.
e
�-102-
. sous la condition de laisser
.
ar tes tament, mais
et d'en d1sposerp
ndants (1). n él1it naturel
.
. leurs enfants on asce c
la légil 1me a
tt
ées au culte et de qui l 'on
les personnes a :i.e1l
,
,
d'exiger que
d
... et \'exemnle de toutes les
l"1 11e tles evou =>
•
l"
attenùlit h JH'l 1
. t
s quelque prétexte qne ce fût
vertus ne manquassent pom ' sou
.
.
à une ~dèle observation de l'officium. pietatis.
-
t03 -
SECTION II
Quelles personnes peuvent exercer la. querela.
inofftciosl testamentl
(1) t\ov.
cxxm. c. 18-
Les seules personnes admises à la querela sont, comme à
l'époque classique, les descendants, les ascendants, les frères
et sœurs. Justinien, sous l'inlluencede sa foi religieuse, décide
que les enhnts orthodoxes de parents hérétiques, ont droit dans
la successiun ùe ceux-ci, à toute leur part héréditaire ab intestat,
s'ils n'ont pas Ù<' tort envers Ie défunt, et, au cas contraire, à
leur seule légitime.Les droits des enfants naturels, en matière de
querela reçoivent également 11uelques modit1catios. Xous a\ ons
vu qu'ils pouYaient att~quer le testament de leur mère toutes
les fois qu'ils éhient a 1ipeles a lui succéder ab intestat, en Yertu
de h légbhtion prétorienne, du énatus consulte Orphilien, ou
des constitution, i111péri1le·. Le même ùroit leur appartenait
à l'ég1rd de leur père, s:iuf qu'il fallait nécessairement ici
écarter les spurii, réputés sans père connu.
Justinien supprime I~ droit des enfants naturels spurii à la
succession de leur mére, lorsque celle- ci avaitla qualité d'ill11s-
�-
i04. -
. 't des enfants légitimes ( 1). Constantin .avait, depuis
. et 1aissa1
tris,
r d
·1 cesselonatemps dé ci'dé que les enfa nts issus ex concub1nafu
de leur• père,• • et i dé en
1:>
<
d'être successeurs à l'égard
raient
même à celui-c i de leur adresser aucune llbéranté. La conséquence de ces innovations fut .ùe. les pfr er~ dans les mêmes
.
hypothéses de la que1·ela inof!icw:;i tesla11zenti.
Mais, des constitutions dues à Valentinien, Valens et Grat1e~
puis à Arcadius et Théodose, apportent un correctif. à ce droit
,eux, . et , Justinien • considérant que l'exclus10n absolue
.
ngour
des enfants naturels de la succession de leurs anle~rs, est
contraire aux devoirs que la paternité, même naturelle, imp~se,
restitue en partie aux enfants naturels les droits qui leur étaient
auparavant reconnus (3).
Mais, où Justinien innove d'une façon plus grave, c'est ~
l'égard des enfants adoptifs. Dans une cons titution cél~bre, qui
forme la loi 10 au Code, de adoptionibus, V III. 48, 11 expose
lonauement le droit antérieur à leur sujet, rapporte une contro· si l'enfant.
de savoir
•
0
entre les jurisconsultes sur le pomt
verse
adoptif avait la que1·ela contre le testament du père natu1:el qui
l'omettait, et montre que, d'après les principes reçus, 1 adopté
se trouva t eKposé a pet dre tout à la fois, les biens de son p~re
naturel et ceux de !'adoptant. En eITet, il pouvait être émancip ~
par celui-ci, après que la succession de son père 01turel s'était
ouverte et a·1ait été recueillie par ceux que la lui ou le testament y appelait. L'empereur s'ément de ce résultlt et décide
que l'enfant, donné en adoption ne cessera d'a ppartenir à sa
famille naturelle, et n'entrera dans la famille de l'adoptant, 11ue
('l) Loi 5 code. ids. orph. Vl. 7.
\3) Nov. LXXXIX. cap. cap. 12.
-
105 -
dans le cas ou l'adoptant serait un ascendant. Donc, si l'adoption est faite par un étranger, l'enfant aura toujours la querela
contre le testament de son père naturel. Au contraire si
'
l'adoption est faite par un ascendant, c'est par celui-ci,
que !'adopté doiLêtre institué ou pourvu de sa légitime, pour
être excl u de la querela. Il n'a de droils à l'ég3.rd de son père
naturel, que si le lien d'adoption est brisé avant la mort de
ce dernier.
A défaut de descendants, la 'JUerela, d'après le droit antérieur
passait aux ascendants. Mais, Justinien, par deux N'oYelles
1
fameuses, les ovelles 118 et 127, appela simultanément et en
concours, à la succession légilime, les ascendants et les fréres
et sœurs. Cette importante innovation eut une influence sur la
querela, en ce qu'elle appartint désormais par déYolution aux
frères et sœurs, concurrement avec les ascendants.
Et, ce n'est pas la seule faveur que fit Justinien ;aux frères et
sœurs. Nous avons vu Constantin n'accorder la querela testame11ti inofficio ~i qu'aux frères et sœurs consanguins et agnats.
Nous avons admis qu'il reproduisait, en cela, et confirmait le
droit déjà en vigueur il l'épcque classique.
Justinien n'exige plus celte condition de !'agnation. C'est ce
qui résulte formellement del t loi 2i au Code de ino/f test. qui
reproduit la constitution àe Constantiu aYec cette correction :
dm·ante a9natione vel non. Les frères et sœurs utérins sont
donc admis <lésormais à la quei·ela.
Mais, quid de la seconde condition mise à l'exercice de la
plainte d'inofficiosité par les freres et sœurs, nous votùons parler de la condition relative à la qualité de l'instilué ?
On peut douter qu'elle soit maintenue par Justinien, et, à
�-
i06 -
l'appui de ce sentiment, on argumenterait de ce que l'empereur ,
en favoris:rnt s i ouvertement les frères et sœurs, puisquil les
appelait à concouri r ab intestat avec les ascendants, entendait
s:ms doute aussi le 1r h ciliter 1aque1·ela, s1.nclio11 de leurs droits
héré1iila ires méc mnus. Jus tinien aurait dime supp r imé tout à la
fois, et la nécessité de !'agnation, et la ca ndit.ion d'une qualité
défavorable chez lïnstitué, et aurait ainsi placé les frères et
sœurs, au point de vue de la plainte d'inofficiosité, sur lü même
ligne que les ascendants, avec lesquels il les adrnetlïil à concourir sur la s uccession ab intestat, en vertu des Nove/les précitées.
Nous ne partageons pas cette manière de voir, et nous croyons
plus juste de conclure, du silence de Justinien, qu'il n'a pas eu
lïntenlion d'innover sur le point qui nous occupe. Une considér ation qui n'est pas sans Yaleur, nous incline à décider ainsi :
C'est que la vocation simultanée des frères et sœurs et des ascendants n'a li€'u que s'il n'y a pas de testament. Dès qu'il y a un
test1ment, instituant une personne dont l'existimatio est integra
le droit des frères el sœurs à la que1·ela s 'éteint et disparait. Au
contraire, celle institution ne porte aucune atteinte au droit des
ascendants à la q11erela. Et, comme il s'agit ici de l'obsen·alion
des devoirs fondés sur l'alîection et les liens de la nature, il faut
reconn:i.itre que celte difTérence en faveur des ascendants, est
équil1ble autant ') lie logique. Les ascendants, en e!Tet, plus
rapprochés ùu défunt que les frères el sœurs, ont plus de titres
à ne pas subir nn dépo>1illement complet, à pouvoir, dans tous
le- c~s el contre tout institué, exercer la quet·ela, lorsque le test.. ment !es a omis ou exclus. l"ne dernière question s'élève relativement à ces innovations de Justinien s ur le concours ab i11tes-
- 107 --
tat des ascendants et des frères et sœurs Ce concours
·
, avons-nous
dit, n'empêche pas que, s ï l y ·1 1111 tesl.1ment, insl ituant une persona lwnesfa, les frères el sœur::; sont exclus de la querela, tandis que les ascenrl rnts consen ·ent le droit de l'intenter. Or, s[
nous nous plaçons p récisément dans cette espèce, et si nous
supposons qne les ascendants exercent la ph inte d'inofficiosité,
et y triomphent, il y a lieu, d'après les principes généraux, à la
rescision tot1le du teshment et à l'oU\ erture de la succession
ab infestai. Les Not•el1es 118 et 127 recenont- elles leur application, et les frères et sœms seront-ils admis à \'enir à la succession concu1emment avec les ascendants, comme si, ab initio, le
défunt était mort intestat?
Un savant commentateur des P andectes, Voët, repousse cette
solution, et il apporte à l'appui de son opinion, plusieurs arguments dont nous devons apprécier les principaux.
Voët objecte d'abord que le systême contraire dérogerait au
principe res inter· alios acta, alùs prodesse nequit, et arriYerait
à donner indirectement aux frères et sœurs la querela inotficiosi
testamenfi, alors que la loi les en écarte, puis4ue, toutes les fois
qu'ils ne peuvent reprocher au testament une prœlatio contumeliosa.le d~funt est considérl• comme ayant rigoureusemènl obser1·é à leur ég·ml l'olficim11 pictatis. Fn outre, si la rescision du
testament prononcée sur la demande des ascendants.doit profiter
aux freres et sœurs,on fa il à ces derniers, qui n'ont cependant pas
laquerela dans l 'espèce,nne situation meilleure qu'aux ascendants
aux'}uels appartient l'action el qui l'exercent, Ceux-ci, en effet,
sont seuls exposés ·1 u x incertitudes du procès e>t denonl répondre
des rrais qu'il occasionnera. sïl est perdu. ~IaL, s'il est gagné,
les frères et sœurs prendront leur part de la succession et entre-
�-
i08 -
- 109-
ront en partage de toutes les valeurs hérédit'\ ires, acquises pourtant par les ascendanls au prix d'efforts et de d'\ngers personnels,
Ces raisons, il f'ml le dire, ne sont pas sans force el sans \aleur.
Toutefois, celle que Yoët ex pose en premier lieu, et qui a lraità
Ja brèche faite au principe de l'effet rehtifde la chose jugée, n'a
pas l'importance qu'il lui a tt ribue, puis que., comme nous avons
eu !'OUYent occasion de le cons tater a u cours de notre étude, ce
principe reçoil dans la matière de la querela, de nombreuses et
graves dérogations. Cette réserve faite, nous croyons devoir
nous ranger au sentiment de Yoët, et nous pensons que, du moment que le défunt a testé et institué une persona lionesta, le
droit des frères et sœurs à la q11erela et, par suite, a la succession s'éteint absolument, et que l'exercice de la plainte d'inof!iciositi par les ascendants ne saurait apporter un changement à
celte s il11ation. Justinien, en e!Tet, dans les Nove/les 118 et 127,
ne vise que l'hypolhése d'une succession qui s'ouvre intestat dès
Jïnstant du décès, en d'autres termeg, il suppose le défu nt mou··
rant sans avoir testé. C'est ce que Yoët met très-bien en lumiére,
et c'est une considération qui nous parait décisive en fa, eur de
son système. (1)
SECTION III
Des justes causes d'exhérédation ou d'omission
Jus~u'à Justinien, les cas dans lesquels l'héritier du sang
pouvait être considéré, comme ayant mérité, par ses torts
en~ers le défunt, l'omis:sioo ou l 'exbérédation dont il était frappé,
étaient abandonnés, ainsi que nous l'ayons dit, à l'appréciation
souveraine des juges. < 'e pnuvoir arl>itrairen'était pas sans présenter quelque danger. L'empereur Justinien réalisa un progrès
réel, en indiquant expressément et d'une façon limitative, les
justes causes d 'omission ou d'exhéralion, et en défendant aux
juges d'en arlmettre d'autre:;. <'ette réforme est contenue dans
les No 1Jel/es 11 l ch. 3 et!, et 2:!, ch. 47.
La_Vovel!e 113ch.3, fhe à quatorze le nombre des justes causes
d'omission po111· les descendants.
1• ~ i l'enfant 1 porté ù ses p·lrents des coups ou blessures ;
90
S"l
·
"
1 s est rendu coup1hle euvers eux d'injures graYes ;
(1) c~ue opinion est rl'.1illeurs celle de tous nos ancieo~ aut urs.
Voir outam. Merlin . Repert. , .. Légitime. Sect. Ill. p. 3. Ch. XIT qur résume
la controverse el iodique les solulion1 qu'elle a recues.
3• S'il a soulevé contre eu\. nne accusation capitale, autre! que
celle qui viserait l'ernp1..reur ou l'Etat.
4°
s··11 a formé
une association avec des malfaiteurs.
�-
110 -
- 111 -
5° S'il a attenté à la vie de ses parents par le poison ou autre-
seule est ann ulee, les autres dispositi·ons
conservent leur
validité.
ment.
6° S'il a eu des relations avec sa belle mère ou avèc la concubine de son père.
7° S'il s'est porté délateur contre ses p'lre 1ts et leur a
occasi<mné des dépenses d'où est résulté un préjudice grave pour
leur fortune.
8° S'il refuse de servir de caution à l'un de ses parents retenu
eo prison pour dettes. Celte cause rl'ex lnsi.,n n'est, ainsi que
Justinien le dit expressément, applicable qu'1ux descendan ts
moles, les femmes ne pouvant, en vertu du sénatus consulte
Velleïen, s'obliger pour autrui.
8° S'il est convaincu d'avoir apporté des entraves à leur
volonté de tester,
100 S'il s'est associé, contre le consentement de ses parents,
à des balladins ou à de~ mimes, et a continué cette profession.
11° Si ia fille ou la petite fille, que ses parents avaieu l l'intention de marier et de pourvoir d 'uue dot proportionnée à leur
fortune, a mieux aimé vivre dans le libe rtinage. rette cause
d'exclusion cessr, lorsque la fil le, arrive à sa 25me :innée, sans
que ses parent s lui aient cherché un mari sort:ible. En ce cas,
elle peut, sans que cela puis~r lui être préjudiciable an point de
vue de ses droits h éré<litaires, se marier à sa convenance, ou
même se livrer a la débauche.
12•. Si l'enfant ne donne pas ses soins et son as..;istance à nn
de ses parents qui se trom·e atteint de démenl'c. Si celui-ci
est recueilli par un étrnnger, qui le reçoit et le soigne chez
lui, sa succession lui est déférée, en récom[,)ense de son
dévouement. Mais, si le fou a laissé un testament, l'institution
13°. ~i. l'enfant ne s'efforce pas de racheter ses parents 'de
la captlVlté. En ce c~s.' les biens du prisonnier mort en captivité
sonl enlevés aux hént1ers indignes et <ttlribués à l'église de la
ville où le prisonnier est né.
Un invent:iire en est dressé, et ils doivent entièrement servir
au rachat du c~11.itif. Mais, pour que cette déchéance soit encourue p1r l'enfant, il faut <Ju'il ait atteint sa dix huitième année.
'il n'a pas de quoi payer le rachat qui lui est imposé, iJ peut
emprunter et 11 ypolhèquer ses biens ou ceux appartenant au prisonnier, et ses actes obligeront celui-ci, comme s 'il les avait
accomplis lui- même·
14". Enfin, s i l'enfant, dont les parents sont orthodoxes est
hérétique.
Le chapitre IV de la mème Novelle 115 indique les justes
causes d'omission ou ct'exllérérhtion des ascendants. Elles sont
au nombre de huit. Plusieurs de celles mentionnés plus haut se
retrouvent ici :
1• Si les parents portent contre leurs enfants une accusation
capitale, à moins <1uïl ue s'abisse d'une accusation fondée sur
un crime de lèse majeslé.
2• 'ils altenlent, d'une manière qnelconque, aux jours de
leurs enfants.
3• Si le père entretient commerce avec la femme ou aYec la
concnbine de son fü s .
4• 1. l
es p1r1? nts ont m i.;; de en•r·nes à la volonté de tester
de leurs enfants , dans le cas ou ceux- ci en sont capables.
�-- 11'2 -
5° Si l'un des ascendants atteinte à la vie de l'autre, par quelque moyen que ce soit.
6° Si les parents négligent de soigner un de leurs enfants
atteint de folie.
7° S'ils ne le t":tchètent pas de la captivité.
8° S'ils sont béréti.1ues, lorsque leurs enfants appartiennent
de la religion catholique.
Enfin, la Novelle 22 avait, quelqnes années 11vant la Novelle
115 (la première est de 53G l'autre de 5"12) fixé trois cas qui constituaient à l'encontre des frères et sœurs, de justes causes d'exclusion, à supposer que le testatem leur eût préferé des turpes
per·sonœ. Ces cas, mentionnés au principium du chap. 47,
étaient:
1° L'attentat à la vie du défunt;
2• Une accusation capitale portée contre lui;
3° Un préjudice important causé à sa fortune;
Telles sont les justes causes d'omission ou d'exhérédation des
héritiers légitimes auxquels on accorde la quert-la inofficiosi
festamenti. Cette énumération est-elle lilllitative '? En ce qui con
cerne les ascendants et les descendants, il ne faut pas hésiter à
répondre affirmativement, suivant l'opinion unanime des interprètes et des romanistes. Mais, la question fait quelque doute,
relativement aux frères et sœurs; et un auteur, do .. t nous avons
déjà cité les savants travaux sur les Pandectes, Voët, ajoute,
aux trois cas énoncés par la Novelle 22, deux autres cas. Le cas
où, les frères et sœurs sont eux-mêmPs infâmes,aut non inte9r<t
existimationù; et, le cas ou le testateur a institué un de se.sesclaves qui devient son héritier nécessaire. (1)
(l) loc-cit. XXIV. et euiv. de in.>f!. test.
-
H3 -
Occupons-nous d'abord de la première cause d'exclusion proposée par Voët. Il s 'appuie pour soutenir son opinion, sur la loi
2 au Code, cle ino(J'. test. Il y trouve un argument d'analogie qui
ui paraît puissant. Nous avons déjà observé que cette loi, œuvre
d'Alexandre ~évère fixe, dès l'époque classique, un cas qui
devait être consideré par le juge comme une juste cause d'exclusion. L'Empereur y décide que le fils qui se fait volontairement gladiateur ou lutteur (arenarius) est privé de la succession de son pére. à moins11ue celui-ci n'exercela même profession
A ce texte, d'une époque antérieure à Justinien, nous pouvon~
en opposer un de Justinic::n lui-même. où se trouve une solution
absolument favorable au systême qui rejette ce premier cas
d'ex.clusion des frères el sœurs <1ue Voët nous signale. En effet,
dans le paragraphe 10 de la Novelle 115 ch. 3, Justinien supposant un père el un fil~ également gladiator·es, donne la préférence
au fils plaignant. Aussi, pensons-nous que cette première espèce
ne constitue pas contre les frères et sœurs une jus te cause d'exclusion, et que le sentiment de Voës à cet égard doit être
repoussé sans distinctiull. Car, la querela des frères etsœursest
fondée beaucoup plus sur la qualité de lïnstitué que sur les
mérites du phignant, et il ::.uil qu'ils 11e peuvent être privés de
leur action que dans 1es Ci'S expre sément prérns par la loi. ur
le second cas qu ïl propose. celui ùe l'institution d'un escJaye
héritier nécessélire, Voê t.re argument de h loi 27 an Code (de
inofi. test.) Ce lex.e accorde h r111erela au\ frt.res, contre tout
institué, qui ne senit pas une 11enona l1011esla, sauf le cas où
cet institué serait un esda, e . Ici, nous sommes d·accord :wec le
savant commentateur, ruais ·ous une résen·e. Il faut que l'esclave soit institué par un test.iteur insolvable, de sorte que l'on
�-i.14-
puisse•voir dans cette institution, non une injure envers l'héritier, mais l'intention de lui éviter une charge et des emb·uras.
C'est ce qui nous parait résulter de la constitution précitée de
Constantin. Il admet que lïnstitulion d'un esclave,héritiernécessaire, écarte la que1·ela des frères et sœurs. Mais, il n'adm et pas
qu'il en soit de même de l' institution d'un aITranchi, qui ne peut
être qu'i\ll1 héritier volontaire. Mais, si l'aITranchi est, comme le
suppose !'Empereur, 1,on bene merens, il devient une persona
tu.rpis, dont les frères et sœurs ne sont pas tenus de respecter
l'institution.
Il ne faudrait pas, toutefois, conclure de là que l'esclave est
nécessairement une persona lurpis, et que l'afiranchi est frappé
d'une sorte de turpitudo légale, ce qui, dans tous lés cas, autoriserait les frères et sœurs à se plaindre. Ce n 'est pas de cette
turpitudoque parlentles textes, et principalement celui de Constantin qui nous occupe. Ils font allusion à la t urpifodo qui résultait pour uu individu d'une dispos ition form elle de la loi, ou
d'une sentence émanée du magis trat à tltre de peine. Ce second
cas propos é par Voët se réduit donc à cette formule: Toutes les
fois qu'un tes ta teur insolvable fait héritier un de ses esclaves,
la pla inte d'inofficios ité es t fermée aux frères et sœurs.
Après avoir Indiqué ces deux causes d'exclus ion, qui ne figu~
rent pas dans la N ov. 22, Voët propose un systètne génér 11 sur
les justes caus es <l'omisûon ou d'exhér édation applicable à
tous les héritier:; lég!times qni ont la querela. (l ) Ce système
peut s e ramener à ces trois propositions.
1° On doit adtnellre toute cause que les No velles 22 et 115
indiquent expressément.
( ! ) Voel, toc ci1 XXV1 et suiv.
-H5-
2° On doit, en secpnd lieu, admettre toute cause qui présente
une a nalogie évidente avec une de celles prévues par les
textes,
2° Enûn, on doit admetlrf} toute cause qui, par sa nature et
ses c1ractéres, 1.CCuserait, de la part du légitimaire, une culpabilité p lus grave que celle qui résulterait de l'une des causes
mentionnées par ~ustinien. Voet justifie son système par
diverses raisons. 11 s 'appuie d'abordi sur cette considération,
qu'une loi, si posilive et s i précise qu'on la suppose, ne saurait
embrasser toutes les hypothèses qui peuvent naitre sans cesse
dans la pratique ; et, il cite beancoup de lois, dont les principes
ont été étendus. par la jurisprudence à des espèces qui présentaient avec celles visées par les textes, de frappantes et incontestables analogies. Puis, se posant l'objection qui rést1lte
contre son système, de& expressions de Justinie11, au princip.
cbap. ~er de la Novetlf 115 ; t Et tJroefer illas, nullit lie~at
~ ex alid legè causas in9ratitudinis opponere,nisi quœ in huj ua
c constifutionis serie conti11entur: » il répond que Justinien a
seulement voulu ex.dure id les causes qui résultaient des lois
antérieures, t>t qni , ins uJllsante.; pour con tituer une ingratitude
caracl~risée, n'ont p1s été repro Juites dans sa cons titution;
qn'il a entendu n 'a uloriser tp1e les causes, qui, admises par le
droit antérieur, ont été c•mlinuées par lui, ou qui négligées
prél.:é<lemment, ont été exp ressé n ent cons1crées par les
Novellu. En d'aut res lel'me., Jus tinien, ù'apres Voët, aurait eu
!.intention d'éca rler, noo les cas unalogues à ceux qu'il
indiqt.J.ait. ou mêni e plus graYes, mais les cas dïmportwce
moindre et ins ulllsants pour fond~f le démerile du légitiruaire.
Not\S ne saurions, malgré l'autorile du grand romaniste,
�- tte accepter le système qu'il enseigne et que nous croyons avoir
reproduit fidèlement. Ce système, en efTet, pêche en un point
capil li. Il fait renaitre l'arbitraire auq uel Justi nien a sage1nent
voulu mettre un terme. Il rend a u x j uges de 1'1clion en inofliciosilé un pouvoi r souverain d'nppréchlion. Qu ide plus aisé,
en e!Tet, que de trouver une a ia:ogie e ntre 11:1e espéce non
prévue et l'une des quatorze causes que Justin i1' 11 a consacrées
législativement ? Mais, nous apporterons à notre opinion un
tempérament que l'équité a utant que la raison in1posent.
Tous admettrons avec Voël, que les causes qui constituent
des a foriie1·i sur celles que Justinien signale, doivent, malgré
toute idée limitative des Nove/les , être tenues pour de
justes causes d'exclusion. Ains i l'exclusion que l'enfant encourt
pour crime d'inceste avec sa belle-mère, est évidemmen t et
à plus forte raison encourue pour le même crime commis avec
sa propre mère. Ains i, encore l 'indignité prononcée contre celut
qui ue rach ète pas ses pa rents de prison, en se portant leur
caution, atteindra it celui qui ferait lui-même incarcérer ses
parents ou les retiendrait en cnplivi té. M tis, il faut, pour qu'il
en soit ainsi, quel 'on soit en présence d'un a (01·tiori indiscutable, et qu'il ne s'agisse pas seulement d'une analogie qu'on
peut toujours discuter et contester.
Nous devons terminé cette section par l'examen <le deux questions que nous avons rencontrées, lorsque nous nous sommes
occupés, dans notre seconde époque, de la condition d'exercice
de la querela inofficiosi teslamenti rela tive à l'injustice de l'omission ou de l'exhérédation. Nous avons dit alors 1,u'à ce propos
une question de preuve s'élevait dans les rapport, de l'instilué
etdu réclamant, et nous en avons remis à plus tard l'examen.
-
117 -
Le moment est venu d'étudier cette que~ tion
, qm. n•es t pas
s1ns pré~cnter de !=;Jrie11se •lilfit:ull"., Elle
.
"~·
con·.·1s te a savoir
s1.
le 'f l'.er e/a I:; 'llll' 1 .1 <!l tU(ÎI' 1Ïnj11.;tiCè cle !"ex.ClUSiOil qui J'atteint
ou St l 1 chu Je de' elle jll'e1 1ve incomuera it lïnstittié ?
Les te. xtes sont, s ur ce poin t• corn!Jle s ur tant
' d'au l res, opposés. et d1scorùants.
Il
semulc
cependant
que
la ques t'ion pou.
'
,
vait être a1séinent et équit.iblemenl résolue, en s'en tenant aux
régies 01·d inaires en matière ùe preuYe. On aurait mis a lu charge
du q11ere!a11s l'obligation de pr mYer lïnofficiosité du testament
car il est <lem~nùem, et c'est au demandeur qu'incombe en
principe général, li· fart.leau ùe la preuve. (1) :\fais, la th;orie
romame ne I résente pas, sur notre question, cette unité et cette
sirn plici té.
On trouve d 'aborJ, à l'épo~ue classique, un texte de Marcellus, l ~ loi 5 au Digeste, de ino1 ficioso testamenfo, qui décide qu
les enfants doivent clérnontrer lïnjuslice de l'omission ou de
l'exhérédati on dont ils sont frappés: « docere immerentem
« se, et ideo ,,1 i11dig11e 1•1'Œteritu111, vel etiam exheredatione
« s11 ·n 1101, 1. n Plus L1r,l, les empereurs Dioclétien et ).laximien, co1Jiir111eru11L cclle né essité où sont les enfants d'établir
l'ino 1licios ilé •lu tcsl1m 'ni, sïls 'eu lent rl!ussir dans leur action.
Ces te\ tes ;·1ppl1q11..:nl ·rnx de ·cen1hnts, et la solution qnïls
cons 1crent s 1lisf.lil ;, l 1 fois h r.1ison et les principes. Si l'on
déwbit. en eITel, qne les enfants n'ont qu'.1 attendre la preuve
de leur dé111ërile p·ll· lïns til11é, on s uppose.ait manife tement
qu' le ùMunl l 111111 [Ut! ail\ 1le\'Oi1" qu ~ son titre lui imposait
puisq •e o i li ·ndr:ti p11nr ini1rue l'exclusion quïl a prononcée
contre ses clescentl111Ls. En outre, les enfants, lorsqu'ils inten(l) D. Loi 'll dt prob. et prœsumpt. XÀll, 3.
g
�-
il8 -
- 119ait fait cette mention ou ryu'il l'ait né«liO'é
·
•
..
, .
,.., " e, nen n est changé,
qu:rnl a la p c r\ e, cl ms es r ipports de !'in t't é d
.
. .
s 1 u et u plaignant.
D u13 Lous les ·a ;, J u 5tm1e11 exige que cette preuve soit foumie
par lïnstiluc .
tent la querela ùioffict'osi testamenfi, sont demandeurs, el, tout
demandeur, comme nous le disions, doit faire h preuve de son
droit.
.Mais, la question reste entière à l'égard des a.:;cendants et des
fréres et sœurs. Un rescrit de Constantin, qui forme la loi 27
au Code HL 28, distingue, suivant que le querelans csl un
ascendant ou u n descendant.
Au prem:er cas, il n'a aucune preuve à fournir. C'est à
l'institué à établir que l'ascendant a jus tement encouru l'omission ou l'exhérédation. Au second cas, le que1·ela11s doil
prouver qu'il n'a pas mérité l'exclusion dont il est frappé
C'est dire que, lorsque le plaignant est un ascenchnt, la présomption est que le testateur a violé à son égard l'o/ficium p1etatis: tandis que, si c'est un descendant, la présomption est
que Je d6funt n'a pas manqué à ses deYoirs, que le descend'\nt
s'est attiré, par ses torts et son inconduite, l'exclusion qui a élé
prononcée t:ontre lui.
Arrivons au droit de J ustinien. La .Vove/le 115, oü nous le
trouvons exposé, décide, que les ascendants ne pourront plus
omettre ou exhéréder leurs descendants, ou les priver de la
portion légitime, que dans les cas expressément dderminés, et
que les institués auront à prouYer l ingr.ttitmle des descendants:
nisi fo1·sam probabunlurin9rali. Justinien moclifie donc la constitution de Constantin, puisqu'il mel, dans tous les cas, l'oùligation de faire la preuve à la chal'ge des ins lit11és.
Il innove e11core, à notre a\'iS, en 11np is'\nt au test1teur h
nécessité de mentionner <lans son tesl:imenl la C'\use d'c:-:c;Jusion
dont il sep ré vaut con Lre l'hé ritier na lu rel. (2 )Mais, que le leslateur
(l) D. XX II. 3. loi 21. de prob. el prœsumpt
(2) Nov. 11~. c. l . princip. in fine par. 14. i a ine.
~lais, tu•1s lesauteursnep'\rl.1aentpascesent'
tQ
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imen . ue 1qw~suns pen,,,,ent Cflle Juslm1e1111 a p:ts aflporlé au
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x prmc1pes du droit
an teneur des mnovattons aussi radicales
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· mvan eux, une dis·
tmcl1on doit cire faite: '' la cause d·exclusion est déclarée dans
le testament, les institués n'ont JJas de preu\·e · .- · c
a latre. ette déclaration é1p1i_rn.ut ù une présomption légale suffisante, jusqu'à
prem·e co11trn1re p 1r les enfants. ~i la c 1 use d'exclusion n·est
pas énu1 cée, :ilors les i11slitués ont à établir Je bien fondé de
l'omission ou de l'exhéréclntion.
Cette opini1)!l est inad111issil>le, et elle ne résiste pas à ce passage de la llll~me S oc('l/e 115ch. 3 p. 11in fine: « siveparenfe3
~ omnes causas i-el u11a111 e.r hiis in festamento suo inseruerin
et 1 1· t · 11'
1
t
~
~
8f' ' JI '
Ci'f'r es Pe1·a111 esse 111011sfraL'<t'ri11t, Lesfamentum
suam fir 111itatem l1rrb('bit
::\ous estimons donc que Justinien
a réellement ÎlllJO\'é, da ckcidë, que, sans distinction entre les
ascend'\nts et les ùes1 c11dants. la prem·e des torts du q11e1·ela11s
exhérédé ou omis, de\'rait loujum:-;être fournie par lïnslitué.
Hesteà exami11cr la q11esliu11 relntiwment aux frères etsœurs.
/
La X oi•elle ·N
1 l
· cas d ·exclusion
·
~ ~ c.· " ou· so11 t 111e11 t·11111ne.
es trots
>)
des frères et s0: ms, 1w p·1rJe pas ile 13 preuYe. \ous en concluons
quel t 111è111e n'.·;.:le c1ui n~gil les ascl•nù:mls et les descendants
d01l è !"'• ·11>1 1J'1q111·e
' p 1· ·111·1 111gw
· :rnx trcre
•
et Sl'urs, auf que'
ceux-L i lll'\'aie111 préahlile111e11t èt,iltlir la tur 1it11do de lïnstitué
1
Cette
Jll'etn->e fa1't e, 1··111s 1·1t11i:. t 1e\-.11t c1émontrer à son tour que.
,
1
exclusion du plaignant se rattachait à rune des trois causes
prévues par la Nove/ le 22.
�-
-
i!O -
Une dernière difficulté s'élève. Nous avons dit que Justinien,
entr'autres innova lions, prescrivit au testateur d'énoncer dans
son testament h cause sur laquelle il fondail l'exh édéra lion de
l'héritier légitime. Quels étaient les elîets de l'inobservation tle
cette dispos ition ? le teslament était-il frapp é de nullité, comme
s' il manquait d'une des formes essentielles, à son existence'?
était-il seulement s usceptible d'ètre annulé? C'est un point qui
divise les interprètes et a donné naissance à trois systèmes que
nous exposerons brièvement. On dit d'abord, en se fondant sur
les expressions de Justinien, teslame11to evacuato 1·esciso tesrnmenlo (t\ov. 11:; c. 3 p . 14 in fine ) que le testament, où ne fi gurait pas la mention de la cause d'exclu~ion , ne l·OllYait ~lre
annulé qu'en justice, par la voie ordinaire. Ce systélne a contre
lui ce vice grave qu'il enlève à peu prés toute utilité a l'obligation
•
imposée par Justinien au testateur.
Dans une seconde opinion, on enseigne que le défaut de mention a pour efîet unique de modifter la situation des parties
quant à la preuve. S'il n'y a pas de men lion, la preuve est à la
charge des institués. Si une mention de la cause d'exèlt.ISion
figure au testa meut, elle constitue çonlre \'hé ri lier lé...;ilime une
présomption sumsaute qu'il a l'obligation de détruire par la
preuve contraire. Ce système, que nous avons c inl>altu \)lus
haut, ne nous parait pas daYantage ad•nissible.
Eufi.n, d'après la lr0isièrne op inion, le déf:wl Je men lion n·entraine pas la nullité de plein droi t du teslament. Il faut poursuivre celle nullité par la voie de l'act ion , ici par ln. q1<ere/n;
mais il n' y aura pas de débat s ui· le point de savoir si 1 exhérêciation est ou non méritée. Au conlra ire, si la c·1use est me. tlonnée, ce débat peut avoir li eu ; \'ins titué peut soutenir la légitimité de l'exhérédation, et préserver le testament tle la nUlllt~.
t2f -
Cette .opioion
s'appuie s'appuie s ur un passage fort clai d'
.
co11stitut10n de Justinien la loi 30
.
'
au Code Ill. 28. Voici rle une
as
sage: « Sed s1 nul/am eorwn ,.,, 'l . .
P 't' ' si ! u,9ralorum testa/or fcce1·
« me dw11e1J1, non licebil lteredib s .118 .
t
t , ·
.
u e;
in9ratos eos nominare
« e tWJllS modi quœstionem intro d ucere. • C'est l'opinion a
laquelle nous croyons devoir nous ranger.
--
�-i22-
SECTION IV.
Elévation de la quotité de la légitime, â. quel titre
elle doit être laissée.
Cette section noue; amène à l'une iles plus importantes réformes rle Justinien dan<> notre matil!rP. :\ou<> ::iaYon' Cflh' h rrnotité de la légit ime ét:i.it fixée p·1r le Llroit 'hssique ·in rp1·t;·L de
la portion héréd ihire de ch,tcJ •e enfant, el qnc l 11•. iix ~lion
était invar iable, quelqne fùt le nom!Jre des eni,1 1ts. J'lst111 en
décide par la ,fovdle 18 c. 20 ' Jl lt:; 1.1 légilime ser 1 J'orléc au
tiers, si le<léfu11t laisse quatre enfants ou un nombre m. in<lre à
la moitié,sïl en hisse cinq ou un plus gr 1nrl no1nhre,el il expnse
les motifs de celte innovation en un 1·111fpJe rrui ne 1n .uq11e ni
d'élévation, ni de granùeur.
~fa is,
ce systèrnc, avec une hase pro~ressi\'e se:on le nom lire
des enfants, produit. d1ns un c:ts,nn résultat siJ1g11\ier.qn'au 11111
auteur n'a manqué de mettre en lr11nière, et rpti,dc l'1il, cltoque
la raison aulanl que 1'1;q11ité. "iuppo..,ons 1111 pt'rl! q1ti ail '1t1atre
enfants et 1 H de !Jiens; 11 :ég!lilne e-;I 1lu tiers lR. <:h'lrnn des
quatre enf'lnts au l'a 12. S'il y a cin•1 enh11h, la l1'·gilirue
est de la moillé, n, so it pour chacun des e11 :·a11b 1ll1=>.
- 123-
On voit aisément le vice du systc1ne. La légitime de chaque
enfant s'élève, à mes ure riue leur nomure augmente, alors
que la raison \'Oudr.tit qu 'elle fùt plus faible. Du moins,
celle ùizarrerie s'arrête l:t, el, si l'on suppose six enfants, la
légitim e de chacun de•'cenclra à ce qu'elle sera it, s'ils n'étaien t
nue quatre, et avec sept enf-lnts ou un plus grand nombre elle
devient inférieure, comrne cela doit êlre. L'innovation qui nous
occupe s'applique-t-elle à la légitime des ascendants ainsi
qu'à cell e des frère'> et sœms? On l'admet lrè" généralement,
el l'on se fonde pour le décider ün:si ::iur les derni1;res lignes de
la Xo1•elle 18, cl1. 1, ;,i i11si conçnes : u H oc obse1·va11do in 011ini" bus 1Je,·so11 is i" 'l" ibus ab i111 t io a11tiquœquarfœ ratio de ùioffi.
« cioso le,qe de<.'l'efa est :
l)
L1 granùe question qui se rencontre sur cette matière,
l'St la question rel.itive a h computation des légitimaires.
Nous avons déjà eu à l'examiner, lorsque nous nous
sommes occupés du calcul de la légitime, sous le droit
classique, et nous l'avons résolue par des distinctions aussi
nécessaires que <ldicates.
On se -.ouvient que nous avons compté:
1• Les léJilimaires institués;
2° Les légilim:iires exherédés, moyennant l'attribution de
leur légitime.
3• Les légitimaires injustement exhérédés et qui exerçaient
la 'l''ere·a.
1
011s avons né:.:-ligé, au contraire:
l " Ceux qui anient mérité l'exhérédation;
2' r.l'nx qni ren 11pient, mais sous une distmction: étaient-ils
inJ11~te111cnt exhé rédés ; s'ils renonçaient à la querela, ou l'intentaient et y succombaient, leur part accroissait aux légitimaires
�-1M -
-
qui e'Xerçaient au même titre la 1uerela. Car, cette ac lion est
une véritable petitio her·cditati<S qui comporte l'accroissement
des parts r épudiées au profit de ceux qui l'ex ercent avec succès.
Etaient-ils, au conll''lire, j usternent exC'lns, p1 rce •lu'ils a v1ienl
leur légitim e, leur renonciation profite à lïns lilué . 1:1 légilirne
étant, à l'époque classiqu e, incliYiduelle el personnelle.
Arrivons au droit cle Jns linien . ~cllts renconll'Ons de ll'\ principes nouveaux don! lïnfü1e11cc se fera sentir sur le~ solutions cp1e
nous donnerons à h question.
1° La légitime n'est plus inv:niablement fixée: elle croit, dans
certain cas, a\'ec le nombre des enfants.
2• Eile n'est pins individ uelle et person nell e, mais collective
et appartenant en masse il tous les enfants contre lesquels i1
n'existe aucw1e cause d'exclusion cle la succession
Certaines solution~ du droit anlérieurùoivent ètre rr.produifcc;
On doit compter:
1° Les enfants inrlùmenl e:\héréclés et exerr:1nt l:l rp1
2° Les enfant ; indùment
légitime.
c -: h6r01~1;s,
1
·la:
rn:i i<- rcun·us de leur
Mais, comme la )llgitime n'ec:;t pin<: inrlislinr lemcnt du r11nrt
de la portir•n héréclila irE', m'lis e$l port(·e nu tiers, s ïl y ·1 qw11re
enfants, et à la rnoilit;, s'il y en 'l ci11q on un Jiltts !-'r1n1l 110111bre•
nos solutions pourro11l ,1mr11 er re ré:-;11lt.1t cy11e Il' nom lrr de
qu1tre enfants soi t dépassé , tt que la 1 gili111e so it del 1 nwitié.
Aussi, l'l 1di,ci ue, sous le clr(lil rhssicp1e , l aYer· h quotité imariable, <le la légit Ille, l'.i11g1nenl 1li.m d11 nornbrt' des c11 'a11ls
diminuait la p1rt reYen·rnt u chacun, s1111s Jmli11ic11, ccl'c au ;mer1t'ltion, <lans le cas s ui posé, np(rc\·:t ad n11[1 ('11r/a 11 lefp'li·
mam. Au sujet du droit d'accroissement, l es pri\lcipes nouveaux
t25 -
conduisent à des décisions qui se séparent plus radicalement
encore de C1.. lles de l'é 1>oque précédente.
J.a légiti me t~sl, en t'ffel, ·1insi qne nons !':wons clit, attrihuée
roll ecti\'emenl ii to ns lt>s euf,1nls, el doit lenr (:Ire hiss(>e à litre
hrré .il.. ire, 116 11i e hf'1·edis, comme Je veut la x0 ,., 11\ sur
lar1'1e le no11.; allon« tC\èni r. Il en résul!c qu~ l'acc rl)issrn eut
aun; lieu d1~snr 11is entre tou,, les lé.~ili111aires, à l'exclnsil)n de
l'instit11é. Q11c Ir~ ll·gili111·lires aieut b r;11ct·c/a, parce qu'ils sont
indù nent e h~ré lé , 011 qu'ils soient pr Yés de la qun·ela, parce
qu'ils ont é11• n rnlis de 1.1 légitimc,ils profilent toujours des parts
répudiées p'lr l'un d'entre eux.
Mais, si l'un ùes lég1Li1wtires, injustement exhérédé,renonce à
la q11e,·ela, comment se rér artira s1 part? Sa part dnns h légitime accroît à tous les 'lutres légitimaires. Quant a l'excédant de
sa part ao intestat sur ::.a légitime, il accroit aux enfants qui.
a)':tnl droit à h 711crela l'exercent el y triomphent. Car le principe <Jue b. q11cr,,1n. estunev titio lie1·ed.tat.s,eten doilsuivre les
règles, s11 usiste 1011joms.
Telles sont le .; s0lnliCJns rrne comman•lent les principes st1r
ces dèlic·tLc.; 11 ·:e::ilinn.:; de h comp11l'ltinn ù s l.:gitimaires et de
1':1crroisse111c1. t. î' 11c clern ir\1 e d iffirnltë se présente rebti\'erurnt a la n1a1tiè·r11 d111it h lt•g;ti me de ~:isce udants ùoit s·é lablir,
depuis qu k$ .ra •e 1le.-; 1rn et 1·?/1llll :1 lulis les frëres el sœurs
~1 cnnc11mir UYr>...: les asct nd mts ::.ur 11 succession ah :ntestat. Il
s'agit de ~:woir si la lé~ili111e qui ltn r est due, cl mo~ enn:mt
laq11elle ils sont excl us clc 1i q11 1·e'11, duil être c:ilculèe sur h
lol'tlilé de l'hèr~·lilt>, on seulerne11t sur la part qu'ils seraient
appelés à rc1·u •illir. s'il~ co11c1)u1 raie11l eITeclivement ab i11tcarat
avec les frères cl sœm s. l)n aperçoit sans peine nntérêt de la
question. Les ascendants auront-ils droit au tiers du tout, ou au
�-
t2e -
tiers de la fraction à hquelle les réduirait le concours des
frères et sœurs 'l
C'est une tlilficulté ''Ï\'ernent conlroYersée cl ')Ui a ùonné li eu
aux detl\ sr lèmcs suivants :
•
1" S!J~fè,11e. - Celte opinion enc:ei.;ne q11r la l ~gi t i me cles
ascencfanls doil être c·1lrnlée s 1r b rnnsse cle la succession,
el que, s'ils n'unl pas le lie1 s de relie masse, le d1 oit cl'i1.tenter
la '} 1œre!a ne saurai! lem être re.11sl!. Les i1iterprètes (jni le
décident a ins i, ~·appuient :s ur celle con:;i1iératio11. que .Justinien
n'a admis le concours des a"cenchnts et des trfres etsœurs que
si la s ucre--sion esl nb /,ife~tnt. Or, nnus suppu;:.unsq 11e le défunt
a testé et a d'ailleurs instil 11é <les personnes lwnnêtes el inéprocbal.Jles, ce qui, selon les princii•es connus, é<"u·te nbsolument
le:; frères el >œurs de h pl.tinte dïnofticiosilé. Il en résulte que
les ascendants <iya11t ::.euls, en face du testa1nenf, le droit
d'exercer la q11erela, il -; ne pcu\'ent se Yoir prh é:< de ce droit,
que s i le défunt leur a lai.~sé, a titre hél'éilitaire cl e11 \ ue dt> les
remplir de leur légilinic, le Liers au 1noius <le la tota lité de son
patrimoine.
2"'" Sysfrme. - Cc système rf'lpond it l'argument que nous
Yenons d'exposer, Pn faisant re111arqucr que la 11'.·gitim e a toujours été considérée con1111e nne portion <lu dl'oil héréditaire
ab i11testaf:« rorfio,11or·tirmis ah intesfato debtfœ,. corn Ille disent
les textes; Q11e, p~r co11séq11en1, il s'agit de la succession
ab liile.~tat, et que les ascendants, devant subir s11r celle succession le concours des fréres el sœurs, dciiYent égalemen t Je :-;11bir
sur tout ce rrui est l'ecueilli an mên1e titre, co1ume une partie
de la suc. ession ab 1J1/cgfrtl ; qu'i ls ne pem e11L donc exiger,
comine légili111e, que le tiers de h pa rt que le11r donne h loi,
lorsqu'elle les appelle concurremment avec les frcres et sœurs,
-
127 -
et que, du moment oü ils reçoivent ce tiers ils n'ont 1 l d ·
•
P us e ro1t
d'inlen ter la rpœre/a. 01l'lllt Ü h part cle" f1· "l"S et s
·
~
œurs qui par
suite de la présence ù héritiers infe'Jrre e·,.· 1·
· ·'
-,!:;; "'ia 11011 s, se
trouvent C\clu > de la SU!'Cession elle profite non
'
,
aux ascendants, m'tis à l'inslilué.
v
,
"
C'est ce dernier systcme que nous adoptons, comme nous
parais~ant rnieux répon lre à la vraie pensée de J ustinien , el
aux raisons que nous venons d'exposer, s'ajoute une autre considération, rui n'est pas ..ans importance.
En elTet, 1. question cpti \'ient rl\~tre examinée pour les ascendants peut ·rnc;si se pos ·r à l 'ég:nù des frères et sœurs. Nous
pottYons supposer un testament instituant des t 't/ies pers?nœ,
cl les frères et S•~nrs J> 1•1vant, d..:s lors, comme les ascenùants
intente1· Ja plainte tl! ,1" lirios1lé.
1
C~Jculons 1C
1
JégÎl1111", COtnllle Je Yent le premier S\"Stè111e,
s:ir la ol11il · 11..! l 1 StH'1·ession Les frères et Soéurs se lrou1ant
p.us de ·lll1fre on' dro t <\ h rno1ti~. les asc~nhnts au tier~. Le
déf111l h.s.;:--1:.'de !Jien·. Les fr0res el s•..e111·s prennent G. le:>
asren 1hnls l, lïnstit11é e,:;L r1•d11it Il ?, ·11) s que, en face de plus
de rru1lre e. fa11ts, il a1tr lit pu rec»·uir tl11 d.!ùmt la moitié. G.
~t•Lt<; ne po.1\· ' 1s crnir • 'f 1' des is ·~ l hnts et des frères et
sœi1rs JHtisS.!lll retc11ir llt1e lê~ilillle plus 1111 te que relie des
enfant-> Ill '111' lu te.,; ·1 c•1r. l't q11 • r •lui-d ait ttn 1lroit de ~li~
P•1··i'ion 111 1;11; él..!nd11, 1111" 1u'il 11.! l 1i.;se •rue tle:; a-cend int;;
etd~s fl'c~re.; t!' LCUI' , j'lt: Sil lais 1 t d '' tle•Cell falll•. r11 tel
ré~ttlt:ll c ·t •i' 1 t'·,·i Il' i1111»11l ronlr.IÎre i\ 11 pen-ée de Ju•tiui 'n.
t ne "e ·nncl • i111H1\' 1li 11, uou m 1i1h :;ra\·è rynt> h pré~é1lè11 1 è•
coni:er11e le li !re ·11111•1 ·l h lë~itime dtiil être l ussée. Au lè nps
CJissi file, il Ïot1p 1r[·1il f'l"I ! Il! ['JtëriliCt' rt\ tt S:J. lê 'ÎlÎlllt' a
lil!» ù J. . .
.
. .
.. . ~
c c eg11 ure, de ude1~v1111111s::. ·t1l'e, ou d mstitue. D:ins
1
ll'
�-
t!8 -
tous les cas 1 il devait se c.ontenter du titre sous lequel
le défunt l'avait gratifié, et pourvu qu'il eùt le quart qui lui était
dùe , il n'avait pas le droit de se plaindre.
Jus tinien veut que la légitime soil la issée, non plu<> à un litre
quelconque, mais pa r une ins titution pouvant porter sur une
quote-part des biens, ou sur des t·es cei·tre (1) . D'après
l'empereur, l'institution est le seul moyen de satisfaire
pleinement au:<. marques J 'honneur et de respect que se
doivent mutuellement les parents et les enfants. C'est le seul
moyen de les préserver de l'injure que porte avec elle une omission ou une exhérédation.
Mais, cette réforme, outre 1'intérêt honorifique qu'elle procure
aux légitimaires, à des conséquences plus sé1·ieuses. Ainsi, elle
rend possible, comme nous l'avons , u plus haut, l'application
du droit d'accroissement des parts non recueillies par les légitimaires défaillants, au profit des légitimaires qui viennent à partage, et cela, à l'exclusion de !'institué. Mais 1 il faut supposer
pour cela que la vocation des légitimaires porte sur une quotepart des biens héréditaires, non s ur des corsps certains et déterminés.
En second lieu, puisque le titre d 'héritier est nécessaire, si le
défunt gratifie le légitimaire , sans lui conférer .ce titre , celui-ci
peut intenter la querela, comme s'il n 'avait rien reçu.
Mais , s i le titre d 'héritier doit nécessairement être laissé au
légitimaire, s'ensuit-il qu'il sera tenu en cette qualité, des dettes
héréditaires, quand même le montant en dépasserait considérablement l'actif qu'il a recueilli ? Tous ne le pensons pas. En
rtffet, e'est s urtout ad honorem que Justinien veut pour Je légiti-
-- f!9 - -
maire l'institution dlhérltier. On ne saura1·t r t
e ourner contre lui
ce qui n'a été ét 1bli ciu'en SA faveur Et cett
1 t'
. .
. .
· ~•
e so u ion cadre,
d ailleurs, avec h dée1s1on lie (1t13tirlleh 1,elat·
.
. .
,
.
•
tve aux charges
de la legltnn e. L nnc1en ùr1Jit admettait d ~ia·
..
•
•
·J ,
que 1a 1ég1t1me
deva tt être laissée franche et Ullre de tbnl es cliarges, dé! a1s
· ou
conditions, qui en diminuera ient la valeur ~""r
·s
. .
•
•
.
•
•
• 1 ~ , ce prmc1pe
comportait, ainsi tfue nous l él\ ons dit \)lus 1·eur~ .
t·
.
.
.
•
:s excep ions ; et
des que~tions de fait très-~élicales pouvaient naître sur le point
de savoir dans quels c 1s 1apposition d'une char
·
,,'e . terme ou
condition, faisaient clescenrlre h légitime à une quotité insuffisante pour pri\•e r le légiti1wtire de la fJ11e1•e/a.
Justiuien fait cesser ces d11lkultés, en décidant dans la loi 32
au code, de ùio//icioso festame11lo, que toute condition, tou~
délai, toute charge seraient considcrées comme des dispositions
non écrites. La loi 36 au même titre contient une application de
cette règle. Un testilteur, q,1i hisse un fils institue un étranaer
'
t>
'
et le prie de r estituer J'héréùité au fils, soit après sa mort, soit
après un certain temps. Just inien orùonne que le quart dû à
l'enfant lui soil inm.édiatt>ment fourni, et, en outre, que le reste
de l'hérédité lui soi t re111is, a b !110rt de lïnstilué ou il l'échca.nce
du ter.ne fixé pu· le <1é l'11nl.
~lai ,;, il ne <>'t ·n lient pls 1:1 el il rléci1le crue> si lïnstitné. sur
lt pl)t1r·mite <111 l "~ili11 nir~. nep1ye p:ls la cin1rte annt que la
senten1..e soit re i lue , il !'Cra l'Ollll unn 1 a p:\yer cette qu1rte et
le tiers en s us. 1;
Enlln, la °':\Qr<•I e 18 ch. :l preo:.crit que h lé~it'me soit laissée
en Loule proprh'.•lé, el ne puisse èlJ'e ::;11ppléée par un usufruit,
alors 1 ,.,me qu'il "''étendr:iit ,1 lllU$ les j iens du tèslateur.
(l) N ovelle 1Ri c. 3 prio . c. V . princi p.
(1)
101
33 princip ù , inuf, to'st. Code. UI. 28. de io1>tr. test.
�- i30 -
Remarquons, en term inant cette section , que la légi time dùe
aux rrcr es- et ,sreul"~. peul lelll' èlre la is<;:e r ' l un :-iclc
. q11 elconque de dernière rnlo nlé, leg;;, tidl-ic11111niis, inslil11t1n11 c·.r, la
N e/le 113 n'a trait qu'à la léJilime des ascen 1 m'' el des ùcsov
cend:rn ts. La Novclle 22 ch. 17, déjà étuùiée, règle la lé g1't'tme
des frères et sœurs.
-
131 -
SECTION V
Des imputations à fai re s ur la légitime et de l'action
en complément
Nous avons vu que, dès l'époque précédente, si l'héritier
naturel an it rc.><;u du défunt un legs, un fidéi1·omrnis, une
doM lion à c·rnse cle mort. on ùans cerl 1i11s cas, et sous certaines
con<iilions, une donation entre \'ifs, il deviit imputer ces
diverses libéralités sur la légitime à bquelfo il aYait droit. La
tendance manifestée par la jurisprudence à étendre les cas
dï mput1tion, et à ùirninuer de la sorti> les chances de rescision
du test'lrnP.·1t, f•1t s IÎ\'ic p'll' les empereur~ ùu B 1s Empire.
Ainsi Leo11 1•r'p:ir 1111 rl!;cril rpli <i ltc Je 167, av'lit soumis au
rapport les '1lem.;; qui .t\'aicnt l 1it l'ulJjet de dot ou de donations
ante 11 't.Jfias (1).
Zénon en l7.J cl 'cida rrue ces ùeux sortes de libéralités :,'imputeraient sui· J.1 1~·;itime,llln·ru'elles comprendraient des l.Jiens
proYen mt du p'ltr: noine ùu te~! tteur ('..' .Justinien élar;it encore
cett jurisprudc1H'e. li appli•Jlte l:l règle de l'imput1tion aux
\"tleul's fou mies l ·1 r le p re cul e111e 11/a 11 1111"/itam, poun11 que
les ch 1r~"'s ·tin ,j ach "Jl!s reprè,jl!'tl •nt une nle•1r 0·1 des
avantJJes pé~<111i i;res, iuur Je~ héritiers ùe ceu · qui eu sont
Îll\'eslis a).
(1) Lot 17, Cotte d~ Cou. VI, 20
Loi 29. c. lil 2d.
(3) Loi 30, c. lll. 28.
{t )
�-
'13'2 -
. t he les donn li·ons entre v ifs, il consacre l'opinion
En ce qm. ~ouc lis haut d .op1·ès hqnelle
tonte rl ow1tion entre
·
d'u lpien,c1h:c p t
'
.,, .r ie lors·tt.! ll.!lteanilétû
. ,··
tl 'I' S'll" 1 1 1e"'l 11 ' '
1
vifs d13v·u · s in1pl e
.
. ·,rs lo11a io in q11al'/a '
l l tlenr (id h J.'C u1.ei J1 u
lïntenliun ( u c un
l Ill ·>:>
1 . r ) <) \.r)( e . . -"· ) l\b is , 1.près que Justiei co.aputeforJ ,1 ) l . -·Il 11- l'i nstill'Lion cJ'll~ri l cr pour le
.
l ·a-·· p:ir h Nove c o
.
.
men .eù .C\l" ees ·irnpul·tlton~
.
, .
1uren t-eaes toujours ohhgalotres,l
légit1 mat re, c
d
la crea li é réd iLaires ·? 1
.
l'quanlp1.sà es ava 11 "
quoi11ue ne s app t •
l l à cet é" ir 1. Pour nous,
. ·1 d 1nler qu0l 1ue l ou e '
t">
••
est cllffict e e g
J. ·t· . , 1 ait uin:;i modil1é ce r1u 11
ns p·1s que us rn1c1
,
nous ne penso
, . . · I i . hli,·ement; qu'il :i. it, sa n::; sen
. .
· le de consac1 et 1.:g1s
, ,
venait
. .inc. ::.i s e:s· lnl..iitu les, passe d un
. a peu
. ce' ni n'est pas conlo1
eJ,11tque1,
1. t ·e e:(trème. !':ous
, . p1·éProns
"Hl mettre aYec la
.
e
extrême a un au L •
•
1 t'tre d "héritier d:ms une
. d .
leur" qu'il e~ugc e i
,
.
généralité es au
"'•
.
f ·s le tilre conferé,
··nq e . m ~us que, une o1
vue toute hono11 u ,
d'
ès le droit ·rnt~rieur à la
toutes les valeurs imputables, aptr pe1tvent
conséquence,
•
t . ent <le l'èlre e
Novelle 115 con mu
' l d 101
.. t . Ai·n..,·t
le prochme
..
l >J.ayau
.,,
servir à for111er la léglltnie '. e '.l' l 1 . r1 au co• 1\! de i1107;cioso
•
' '
'
l'aull1enttque
-\'Olll•8••su• 11 a· !fllt sut ; 1 1.H v
, .· . :,
,1
litre
>
•
•
<lil son aule11r l rnc1111:->, • qu e
lesta nento . leu impot le,
'. '. / ·t I J toutes le.s
. .
··t·· ...,.tli ï• '] l(}ft? ra ici ' '.,
le lérituua1re 1. 1;1.: 01
. . t. , IecéleLre
.;)
..
.
' . ·· Il mte11t SUI' S1 1t'~l 1 Ill!. ,
liuéralilés q11il1icçue,,~1l t
• •
• , 1
• ·cl'e 11;> qni
.
.
·ontrnd1ct111n .:n e1.: \ ;i;
glu::.s·ü~ur n est pa., en c . ' , l
e Le l1ll.:011p tlï11ter·
.
d'I, .. 1· .
ic.iH e qu
veut le lltre .ei 1 tei • et 1 uw"
'"
. . . . l Je\"lnl
prdes ont voulu relever co:llre lui .,;'efî:t~e el d1>J ll:l
' . 1· . f
nue ll<Jll.> \"Cil lllS de ilot lllC:l.
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1exp 1<..a ion ·1
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; ·T r d11 sang CJ'l Un
Lor.;;11ue Je test ileut· n il\' ul l:l.t '"" :\ 1111.:11 te
.. ' .. · ité
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.
·•
't
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léaititne incu111plde, ce lut-el a' .tt
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e s'il avait été exclu sans rien rcceYotr.
on
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comm
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lorsqu
1
a isément que le testateur ne p ouvail Jamais I
'
e1:
~fa1~,
-
t3~
-
faisait une libéralité à son successible, qu'il lui laissait exactement h rortion né"essa ire pour écarter la querela. De là, la décision de Const111ti n qui renvoyait, en ce cas, le Jégitimaire au
bo11i v1ri arûitrafits l\lais, il f.illait que le défunt !"eût ainsi
vou lu, au rnoi n<:; tacitement. 'il n'était pas possible de
prouver son i11Lc11tion, le légitirnaire pouvait recourir à la
que1·ela.
Justinien ré1lisa sur ce point un véritable progrès, en sousentendant, clans tous les cas, cette intention ' I ). Le légilimaire
n'eut rlonc plus dé'>ormais que l'action en complément, dont
nous ayons ~ign1lé plus h111t les caractères distinctifs. :-\ous avons
dit nohmment, que depuis Théodose le jeune, elle est soumise à
la prescription de trente ans.
Justinien , Youlant mettre un terme à des controverses a ntérieures, dél.:ide que le point de départ de ce délai se placera à
l'adition de lïnstit1té, d pour préYenir le retard et le mam·ais
vouloir q1te lï111;tilu~ p0ur 1·oil mettre à fai re adition, il l'oblige
il rernp lir celle formalité tbnc: les six mois à compter du décès,
s'il hauile l l n1thc pro\ in1 c que le légitima.ire, ou dans !"année,
s'ils h.<üitent tia ns ries lil·ux rlilférents. (:?)
.Tu.:;tinien ,·eut <'llcorc qnc le supplément proYienne toujours
,,.,. sulsf<lllfùr 1,n ri'.-1; el, ne ser:i p~s considéré i;omme tenant
lien de ce ~11pplt;1ne11t l"m·.111t·1ge qui ré::.ulterait d"ttntl substi 1ution, de l"app intion dn droit d'accroi,sement. ou de tout autre
éYéncme111 111<]11cl b volon lé du père n'aurait pas pat ticipé ct·une
façon directe.
(1) loi 30. prio. c. III. 28. de
10.
test.
(1) loi 3G p. 2. III. 28. c. de iooJr. test.
10
�-
t34 -
SECTION VI
Effets de la. querela
Cette réforme, la dernière dont nous ayons à nous occuper ,est
une des plus graves de Justinien, sur la -matière de la q11e1·ela
inotficif~i tesfame11fi. Le succès cle la querela amen'lit auparavant la r escis ion complète et intégrale du testament. Les d ispositions subordonnées ~l lïnstitulion, legs, afîranchissements,
fidéicommis, nominations de tuteurs, tombaient co mme et a\'ec
le testament. Il n'en est plus de mème sous Justinien . L'institution seule est annulée; les autres dispositions testamentaires ne
sont pas considérées comme inofficieuses et conservent leur
effet.
Ce changement de principes est indiqué par la Noyelle 115
ch. 3 in fine et ch. 5 in fine. Il était, ce nous semble, préparé
par la décision prescrivant que la légitime serait désormais
laissée au légitimai re a litre d'hérilier.
Il en résultait que lïn<;tilulio11 seule constituai t une injure pour
le légilimaire. tan1lis crue les aulres dispositions ne pouvaient
être entachées du 111ème Yice.
Cette réforme est ~e1'la i ncmenl un progrès. L'ancien droit qui
annulait les legs et aulres dispositions dernières,n'était ni équitable, ni logique. Les legs, en eaet, peuvent êlre imposés par le
-
135 ·-
Mfunt il son héritier naturel co mme à un étranger. Pou rquoi
dè lor..;, llt p·ls les l1l'l nle11ir d:in5 h mesu re d 1 dispo aible,
inalgr~ h re:sci:si >n du te; t·1111e11t. De plus, oppose r aux lég1ttaire::;cette resl:i:-; inn <"0 tail, ainsi <Jlte nous l'avons ( bservé, violer le
principe, que la clwsc jugée ne proùuil d'effet qu'entre les parties en jeu.
Ainsi, toutes les d isposil10ns de de rnière volonté du testateur,
sauf l'instilution, sorl:.lienl a effet. li faut cependant con' enir,
que, malgré les ter1J1es généraux. cle la Novelle, les substitutions
vulgaires perdaient néc:essa ire1ne11t toute force par la sentence
qui ann ulait le lest:ime11t. C·1r, elles étaien t des institutions con
ditionnelles, el lu •11e i11slil11lion pure et simple ou conditionnelle, él·1 il mise il néaut, p~r la sentence cl'inofficiosilé. Ensuite
si on les eùl 1uainteuues, la '}ll('J'ela eùt été inutile au Jégitimaire,
puisque le substitué se serait présentê pour recueillir la succession enlevée ü !'institué principal.
.
Nous avons ains i parcouru les nombreuses innovations de
Justin ien, sur cette granc\e 11wlière des pou,·oirs ùe disposition
du père el des droits de la t'arnille. !\ous en avons sig11alé, chemin fais·rnt, h \'ale11r ('[ le 'rai mérite. Les auteurs o:.t diversement nppré<..:Ïl' celle ll'tl\Te. :'\Io11tesl1uieu n'y voit que des change111e11ts i11sig11ilin11b, <les 1éfonues ùe si petite importance,
qu'il est lll'Cs1rue tc11té de les nltribuer à l 'Ilisloire secrète el de
d:~e (file ce prince veudail éga le111e11t ses jugements el ses lois. 1)
L 11lustrc écl'ivain se trompe. li n'a p:is aperçu le christianisme
dont les rayons éclairi>nt h \égislalio11 JLIStinienne.
Bien autre est le sentiment ùe M. froplung, qui rêsume ainsi
(1) }fontesq. Grandeur cl décadence, Cil. XX.
�- 136 -
l'œuvre de Justinien dans la conclu ion de son beau livre .
De Jïnflnence du chrislhnisme sur le droit civil des R omains.
cc L'l cré1tion de Juslinien rst wai'.1rnnt originale. Mai-;, cIJe
" n'est pas la d~converte de q11clr1uc e p1·;t :oupérieur il son siècle;
« c'est une œuvre chréliennc, p1·éparée depuis <leux cent~ an
a par le travail incessant du chrisli'l nism.e, et éclose à une épo« que où Je christianisme était tou L. » (2)
Nous nl1é::;itons pas à nous associer à ces éloges que l'élo')uent
juriscons ulte donne ù J ustinien. ~on œuwe présente incontestablement et sur tous les point~. un progrès réel et notable sur le
droit antérieur. '.\!ais, comme :\I. Troplong, nous estimons que
c'est surtout une œuvre chrétienne, inspirée par cette religion
divine, qui a\'ait, spécialetnent en notre matière, proclamé si
haut les vrais principes, il savoi r : que la puissance paternelle
doit être toute de mansuétude et de tendresse pour 1'enfant, que
la fem me doit échapper à cette tutelle et à cette autorité civile
de ses agnats qui l'abaissent et la dégradent, enfin,que les nombres de la famille se doivent touiours une mutuelle assistance et
une commune affection.
('l) Tropl. Conclus. p. 149.
DROIT FRANÇAIS
�DEUX1ÈM.BJ PARTIE
DROIT FRANÇAIS
Chapitre 1. -
Ancien droi t
Nous allons étudier , dans cette seconde partie de notre travail,
les divers moyens par lesquels notre ancienne jurisprudence
assurait et protégeait les droits héréditaires de la famille. Il
serait peut-c\lre intéressant et instructif de remonter aux origines
les plus r eculées de ce droit, de le sui\"re ensuite à traYers les
à0es successifs et les êt:.ipes cli,·erses par lesqueh notre pay ~ a
passé, jusqu'au moment oil la législation, sans atteindre à la
fixité d'un droit codifié, r n ',srnte du moins quelque certitl.de,
et ~e traduit en un ensemble de principes, posés et déterminés,
par le droit roi nain d'une p11t, pour le pays du 1'tidi, et par
les coutumes officiellement réd igées pour les pays du :-.:ord .
Mais, cette étude du droit héréditaire à ces époques primi-
�-
-- i4t --
HO -
tives, que l'on désigne ordinairement sous les noms d'époque
celtique, gallique, gall0-romaine, franqlle ou barbare. dépasserait peut-être les limites que nou<> de' ons nécessnirc111ent
nous imposer, et présenterait, an smpltts, c?es clillirttllés cp.ïl
serait puéril de se diss imuler. Cun1111énl S l' niller de trm1\·er
quelques principes sùrs, q11elq111•s r.":;J cs prt•t i ~es cl f1 ,e , ou
seulement quelques Lnits g1~1u~1..11 1x da1 .s h lé 0 i.,h tion de ces
temps éloignés, lorsque celle te11lal1\'C décourage <les historiens
tels que M. Guizot, et des jurisconsultes, tels que l\L Laboul'lre.
o. Le caractère de cel àge, dit 1\1. Guizot, daus sa üelle h istoire
• de la civilisatio:1 en Europe, c'est le chaos de tous les éléments
• l'enfance de tous les systèmes, un pêle-mèle uniYersel on u'y
« peut découvrir aucun fait, aucu n principe un peu général,
• un peu établi; rien n'est s table, dans l'état des te rres , pas
' plus que dans l'état des pers nnes . »
Nous étudierons '1orc 1e.s proteclio1p~ acrqrdées a la •1 mille,
en matière héréditë1ire, à l'épO'JL•e oil le droit est panenu à son
plein développement el à sa maturité complète, c'e!'il à dire à
l'époque où la Prance esL définitivement divisée. a u point <le
vue de la législation . en pays de droit écrit et pays coutumie rs.
Dans les premiers, on suivait, le droil rom'lin, tel qu'il résultait
des Novelles de Justinien . Dan::. les seconds, c'étaient les cou
turnes générales ou 10cales, onlont1'lnces et édits émanés du
pouvoir royal, qui formaient le droit commm1.
Or, les contumes, de même qnc le <lrnil rom'lin avai ent org:inisé, pour la sauvegarde des droits de la fa ndllc,rles d isposilions
diverses qui feront l'objet des dé,·cloppe1nenls qui vont suivra.
En pays de coutume, nous trouvons trpjs Îfl~~itutions :
1• Les réserves coutumières.
1
2" La légitime .
3• Le douaire.
En pays de droit écrit, l'instiLution protectrice de la famille
est la légitim e du droit romain, modifiée toutefois, ainsi que nous
leconsl:llerons, par les ordo1101nccs royales, et par les décisions
desp:u·:ementsde ces p:iys. La réser\'e p'lsse aussi des pays de
coutume dans reux decfroit écrit. ~fais , ellen·r devi1mt pas d'une
ap1 lication générale et uniforme, q ... el tues proYinces seules
l'acceptent, en lui faisant subir de graves moditicatiotl.i.
�-Ut-
SECTION I.
US-
tre l'origine, se demander qu'elle était l'origine de ces règles. 11
est peu de questions qui aient divisé et divise plus profondément les auteurs qui se sont occupés de recherches historiques
sur le droit coutumier.
Domat, le philosoph e jurisconsulte, dans la préface de9 Lois
Civiles, assigne le droit naturel comme source de la grande règle
relative à la succession des propres et qu'on exprime ainsi ;
cPaterna, ;aternis materna maternis.-.
Cujas ( 1). trouve cette origine dans la loi 13 au code de leoitimis hercdibus. On lit, en effet, dans ce texte: « exceptis mater_
• ni.! rebus, in quib 1ts 1 si eadem mafre (ratrea vel sororu 1int
'
« eos solos vocari oportet. ,
1
De• réserve• coutumières.
§ 1. De l'origine des r éserves et dts per•onne•
gui y avaient droit.
Les réserves coutumières s'appliquaient aux biens que notre
ancien droit appelait propres, et elles régi~saient égalem ent les
propres féodaux et les propres roturiers. Qu'él.iient-ce d'aborcl
que les propres 1
C'étaient les biens immeubles échus au de euJ ius <le l'hoirie de
ses parents et qui devaient retournel' par la mC:me vuie au:,
parents de la ligne d'vù ils provenaient : On Je;; opposuit aux
acquél.5, fruits d'un travail personnel, el qui, dès lors, échap·
paient aux lo is sur la succession des propres.
Les réserves décou laient nécessairement des r ègles qui dominaient la succession des propres. Il faut donc, pour en conna1-
Le savant Delaurière, clans ses I nstitutes de Loisel {tit. II. liv .
II. pages 100 et suiv.) enseigne que la loi s ur les propres découle
de la loi régissant les fiefs. En effet, dit-il, cette règle ne fut
pratiquée qne sous les ro is de la troisième race. Elle ne dut
d'abord s'appliqner qu'aux fiefs. Puis, on l'étendit aux alleux.
M. Kœnigsw"\rter (1) lui allribue un e origine germanique. Le
poinl de départ en est, d'après lui , dans ces désignations qui
nous viennent cl irecte ment cl e!'\ Germains et qui mettent en relief
la distinction du propre et de racquèt: terra salica, aviatica.
101·/i s titulo ac isi fa
,
'
M. Laferrièrf' pense autrement. Selon lui, r origine de la rêgle
doit être cherchée, non
dans le <ll'oit ge rma nique ou féodal, mais dans les plus anciennes traditions galloises et bretonnes, confirmées par les Etablissen1c11ts de St- Louis , d'après lesquelles le patrimoine était
71ater·na p ate1·11 ·.<1, materna 11 ater·n i s,
(1) N. 8,. t 1t. Il . coll. II 2 1.
(l) Mars 1854. Revue de léiia.
�-
tü-
affectée à la famille et à chacune de ses branches. Et, il cite à
l'appui cette formule brève et nette de la vieille coutume de Bretagne, (tom.II p. 91.) « Les héritages doivent aller àla ligne dont
ils sont partis. »
Il y a sans doute une part de vérité dans chacune de ces opinions. Pour nous, nous nous ratlacherions volontiers ou système
qui fait découler la loi sur la transmission des propres de la loi
relative aux fiefs. Tel est aussi le sentiment de M. Gautier, dans son Prèc1's de l'histoire du d1·oit français (page 145
1• édition) . (2)
A cette première règle de la succession des propres, il faut en
joindre une autre, qui n'est pas d'une moindre importance.C'est
la règle que les propres ne remontent point : feuda non ascendunt. Ce qui veut dire, que s'il n'y a pas de descendants, les
collatéraux sont préférés aux ascendants dans la ligne d'où les
propres proviennent. La réservecoutumièreappartenait s uivant
ces règles, à tous les parents rattachés au défunt par la ligne
dans laquelle il avait !ni-même recueilli les propres. Toutefois,
il fallait tenir compte ici de la diversité des coutumes. Pothier
les divise en trois classes. (3)
1° Les coutumes dites soucbères qui remontaient jusqu'à celui
qui le premier avai t mis le bien dans la famille. Il fallait être
descendant de ce premier acquéreur pour hériter du propre.
2• Les coutumes qui, appliquant purement et i:,implement la
règle paterna paternis, materna materm·s, désignaient pour
héritier des propres, tout parent de la ligne d'où ils provenaient,
pourvu qu'il fùt Je plus proche.
('2) Voir egal. Beaune introd. au dr. cout. p. 406.
(3) Tr. dessucc. ch. Il art
~.
-
'145-
3· Les coutumes de côté et ligne - elles déféraient le propre
à Lou! parent, direct ou coila lé r'll , qui 'lppartenait àh Jigneù'où
venait le pr ·1 1 re, et de plln ,. ~ra ttac hai t au premier· acquérenr,
au moi .1s p 1r la ligne cc ll atérale. Cetle dernière c'as e com •renait h m'lj'i. ité ùe:; coutu1nes, et, en particulier, celles de Paris
et d 'Orléan~.
Les descendants étaient cl one les premiers p1rmi ceux crni
avaient droit il la réserve coutumière. A leur défont, on y appelait, les collatéra ux, tn'lis en d istinguant les utérins, les conS'ln:juins et les ger main'>, ceux-ci pouvant seuls recueillir a
raison du double lien qui les reliait au défunt, les biens pr~
venuc: de l' une el de l'a 1lre li gne.
Pendant longlem ps, les ascenù,1 nts furent exclus de la résen·e,
comme ils l'élaient de h s uccession aux propres, en vertu de
la règle célèbre inrliquée plus haut : p1·opres ne remontent. En
elTet, tant qu'il y e u lieu au se rvice féodal, ~t que Je consentement du seigneur fut exigé pour la transmission du fief, on ne
pouvait songer à plac"l' le fief a ux m ains d'un homme que
l'âge eùt le p!us S'luvenl rendu incapable de procurer les senices
nécessai res. l\fais, no u ·~ n'hésitons pas à penser que !orque le
service féocl'tl st transforma, que le fief ptit être transmis indépendamment de la volonté du s~ i gneur, les ascendants furent
adruis à la succession de~ propres, et, par voie de conséquence,
à la résen·e, qni en ( tait h gar:J.nlie. l\fais, ce qui su ,·écut à
toute transformati on, c'est la r~gle 11ue les propres d'une ligne
ne peuvent j ·1mais être dé\'olus aux ascendants de l'autre ligne.
Les divers parents auxquels appartenaient la résen'e coutumière, devaient nécessairement, pour la recueillir, se porter
héritiers du défunt. C'est qu'en effet, la réserve coutumière
�-
i46 -
-
n'était autre chose que la succession ab intestat. C'était là s on
caractére e~sentiel eL primordia l. ~fai~, reh 11e suffirait p'ls
pourju lifier 11 nécessité du titre hérédiL1ir0 elle,~ le pirent
appelé à la r éserve. On aur:iit pu ·1. lt1tellre, CfU '-' le }':Jrent, 11uoique renonçanL, pouvait , s 'il ét:ii: c11 possession d' un propre, le
retei1ir par voie d'exception, et l 'imputer su r la réserve à
laquelle il avait llroit. Nous allons ernpnmter " ' I. Ragon une
explication qui complète celle donnée i'lus b ·i • 1t : « La règle
u primordiale du d roit des propres était que le litre de succes« sion a seul la vertu de trJnsformer un acquêt en propre. Or,
(( si les propres ne se f1isaient que par ''oie 'le snccession, il
u était consèq11ent à ce principe q11ïb ne se c1•1Hc rYa•se11t <pte
a par ce mème tiLre de succe~sion. i> De c~ pr:.wip~ clécoulent
plusieurs conséquences que nous aurons l'occa:,ion d'indiquer
plus loin.
Une question qui fais'tit le sujet d' une contro,·erse très vive
entre les auteurs coutum iers, était de swoir si 1:1 réserve constituait une masse qni apparLenait en bloc 1ux deux lignes paternelle et maternelle, ou s i elle éta it dùe, distinctement et séparément, à cba<Jue ligne d' héritiers. La queslion n'était pas sans
intérêt. Au premie1· ca.;, en e!Tet, si les hl!riliers ne trouvaienl
pas, d1ns leur litine, leur rt!c;erve entière, ils po 1;aient J,1 parfaire s ur lcc; biens disponible~ clc Lrntr1' ligne, a supposer que
le défunt ne Je.:; eùt p·1s ép•ti:;·\s..\.u second cas,ih él:tieut incontestablement privés de ce d roit.
La plupart de nos ancie11s auteurs prévoient la quesi io11 et
tout en enseign11t qne le Vl.eu des cuut11n1es était év id emment
que la réserve fùt assurée à chacune des cieux lignes, ils décL
dent que ce qui reste de biens disponibles dans une ligne ne peut
1
H7 -
compenser ce qui manque à l'autre ligne de biens réservés. En
effet, les biens d 'une ligne n'ont la qu11ité de propres que par
, rapport aux héritiers de cette ligne, et non par rapport aux héritiers de la ligne opposée. Si donc l'on suppose que ces biens
ont été légués, les h éritiers n'ont a uc un moyen de les recouvrer,
à titre de réservataires. T el est, surcetLe difficulté, le sentiment
presque unanime da nos anciens auteurs, Ricard, Bourjon, Pothier . Renusson seul y est contraire.
§ 2. A quels biens el à quels actes s'applique la réserve
coutumiè1·e. -
De sa quotité.
Les coutum es présentaient, sur les biens soumis à la réserve
coutumière, sur les libéra lités auxquelles elle s'opposait, et sur
sa quolit é, une diversité et une Yariété qui rendent difficile et
délicate la tâche de l'interprète, Aussi, d evons nous renoncer à
être complet sur ces maLil!res, et borner notre examen à l'étude
des cou tumes dont les dispositions étaient le plus généralement
suivies les coutumes de Paris et d'Orléans.L'.t coutume de Paris
'
dsit être con::.idérée, à cet égard, comme le droil commun de la
de la France,
D'aprés celle coutume, il fallait tenir compte d'une double
distinction.
1° Distinc :ion rei..tive à h n"lture iles biens;
2° Distinction rel tlive au rno<le de tlisposition.
Les seuls biens soumis à lJ 1·éserve étaient, ainsi que nous
l'avons dit, les immeublespropres. La réserve compreuait les
�-
148 -
-H9-
quatre cinquièmes de ces biens. ile défunt voulait tester , ou
disposer pu libéralités à cause de mort, de cette catégorie <le
biens, ses dispO$itions ne p ouv,denl comprendre qu·un ci nquième
moins besoin d'être contrariées que les dispositions testamentaires, parce qu'elles trouvent 11n frein naturel dans l'intérêt du
propriétaire, naturellenien t peu enclin à donner son bien dorant
des immeuble~ propres, appelé le rzui11t datif.
Telle élail la décision de l'art. ~92. Quant à ses meubles ou
irl'llneuüles qui cm~slitu<lient <les :lcquèts, il en pounit disposer
aYec une entière liberté. ~la is, s i le défunt voubit faire des libéralités enlre-vifs. sa volonté était aus.>i absolue sur les propres
sa vie à cause du dépouillement qu'exige la règle : donner et
retenir ne vaut.
que sur les acquêts. (art. 272)
La ré$erve coutumière n'était donc protégée que contre les
dispositions testamentaires ou de dernière volonté. De celle différence eutre les libéralités il cause <le mort e l les libéralités
enlre-vifs,on donne deux motifs qui n'en sont pas une jus tification
absolue. D'abord, on n'a pJs voulu metlre des entraves à la
volonté d'une personne qui dispose de sa chose, alors qu'elle
peut elle-même exécuter on faire exéculerses inlenlions, tandis
que le testament, ne valant qu'après la mort de son auteur, et
ne pouvant sortir à eITet que par la force et l'au tori l0 de la loi,
celle-ci peut Lien mettl'e certaines con dilions au secours qu'elle
prête.
Cette première raison, quoique donnée par u n au lenr dislingué (1), nous parait plus S]JéCieuse qtie vraie. La loi ne prete-
l-elle pas son secours it l'exécution des dispos itions entre-vifs
tout a ussi bien qu'il celle des disposilions test·unentaires. Les
unes et le:; autres n 'em prunlent-elles pas leur force à la loi qui
les autorise et en garantit l'efficadté?
On dit, en second lieu, que les libéralités entre-vifs avaient
( 1) Duverdy. Rev. bist. 1865 t. I. p. 521.
Quant à la distinction que faisait la coutume entre les meubles
et acquêts et les im meubles propres, elle reposait sur une idée
qui ne manquait ni de justesse, ni d'élévation. C'est ce que
M. Duverdy met heureusement en relief: « Le principe de la
r.c. propriété, c'est l'appropriation par le trarnil. La loi a
pensé
« que celui-là qui par son labeur persévérant, avait conquis la
r.c. propriété d'une chose, devait pou,·01r en di&posertoujours,sui" vant sa volonté, Elle a pen sé que celui qui n'avait pas conquis
<1 lui-mè111e les biens qu'il possédait, mais qui les a mit reçus de
« ses parents, ne devait pas avoir le <lroit d'en faire ce qu'il
« voudrait (2). »
Les dispositions de la coutume de Paris étaient adoptées par
la généralilé des coutumes. Mais, quelques unes y avaient apporté des modifications . JI y en avait qui élevaient le disponible
d'autres qui le diminuaient. Certaines mème protégeaient la
réserve contre les libéralités entre-v ifs. De ces divergences
naissaie nt des difficultés que n ous nous bornons à reproduire,
en indi·1 uant les solutions que nos ·tuteu rs y donnaient.
Ainsi , l'on se demandait, si le testateur qui possédait des
propres dans des p:l ys régis 1·a r cl es coutumes difTfrente~, devait
labser à ses héritiers le montant total des réserves fixés par ces
coutumes, ou s'il devait se conformer distinctement à la loi de
(2) Duverdy. Rev. hist. 1855 t. I. p. 521.
11
�-
!51l -
ch aquecou t u me . Les ùeux· OJ)inions étaient soutenues. La seconde
avait pour elle Ricard el Puthier. (1)
.
.
On sa demanda it aussi, da ns les rares coutumes qui mett·uent
des entraves au disponible pour do nations ent re-v ifs, si l'époque à considérer pour savoir si le don'l tem s ' et~lit ou 1101~ tenu
dans les li mites des coutumes était l 'épo·1ue de la donallon ou
celle du décès. L'intérèl de la question est manifeste et l'on décid:.üt trés-juridiqne 11ent que le moment à examiner serait celui
du décès du dispos'ltü.
En efîet, les limites mises an disponible entre-vifs par les
coutumes, dépend'lient de h présence et ùe h cpt'llité rles héritiers et de lïmport'lncc du p'ltrimoine pro1H'e ~ h mort rlu
donateur. Il ét11t équitable et logique (r,.ttendre ce moment pour
décider s 'il s'était renfermé dans les limites itHl iquées ou s'il les
avait excedées. (2)
Une question s'élevait encore dans ces coutumes. El le consistent à savoir si les biens donnés ent1·e-vifs diminuaient d'autant
ia quotité disponible par testament, ou si cette quotité devait
être évaluée surles biens existants an décès, indépendam ment
des biens qui aYaient fait l'objet ùe donations entre-vifs. C'était
cette dernière opinion qui aYait prévalu et on l'avait aiusi décidé
par an:ilogie de ce qui avait lieu clans les coutu mes qui ne
mett1ienl ancune entrave aux. dispositions entre-vifs. Dans ces
coutu iles, e11 eITel, la réserYe se calculait sur les biens laissés
au décès abstraction faite de tous les bi.;n.s donnés entre-vifs.(3)
'
(1) Don. 14'27, P o l. test. n. 186.
('l} Rec. l '1 6~. Pot. dcin . '249.
( :~) r ie' l'if\ \-'Jï.
- 151 -
§ 3. Quelles étaient les rltrœ.1es de /a réserve coutumière.
Le premier principe quïl fiut poser ki, c:'est que les dettes
seu les peuvent gre,·er l:l 1éservé. Uwmt.:iux legs, l va de soi
qnïls ne pouvaient être p 1yc~s ~u1· les biens réservés, le défunt
n'ayant pu , orter 1uc1me alleinte à b r éserre par des dispositions testamentai res. Qua nt aux rleltes, comme elles étaient une
charge de tous les bif' nS, 11111ve1·si 11rrfrimonii, elles incombaient
nécessairement à l'héritie r réser vataire et aux légataires qui
recueilhient les biens disponibles.
~!ais , dans quelle mesure l'héritier à réserve les supportaitil ?
A cet ég:n·d, des clistinctions sont n écessaires: Si l'héritier
trouvait sa réserve in ta c te clans la succession, il payait dans les
dettes une parl proportionnelle il l'émolument qu'il recueillait,
C'éta it le droit commun etl esatlicles 332et 334 de la coutume
de Paris commanc!aient cette solution . ï la réser·1e faisait l'objet de legs ou de dispositions ü cause de inort. les biens réserves
se trouvant encore dans la succession, l'héritier résen·ataire
était, jusqu'à concnrence de ces biens, soumis à l'action des
créanciers et ten11 lies dette<; hér..lditaires. (art. 295). Mais, si
les Liens réserv "s ont étc donnés entre-vifs, le r ésen·ataire qu i
peut, exceptionnellement, les recouner p1r l'action en retranchement, é 1 ·happera cependant :1 la poursuite des créanciers.
Car. par rapport à ceux-ci, les biens ont été valablement aliénés et sont itTéYoc·tlJlemcnl sortis du patrimoine du défunt. Ils
ont r erclu tout droit sur ces biens, et ce n'est pas dans leur
intérêt qne la loi a étal.Jli de<; limites au droit de disposition.
.Mais, on pressent une objection. Si le résen·a tatre doit nécessairement pour obtenir la réserve se porter h éritier, les créanciers héréditaires deviennent ses créanciers personnels. Ne
�-
va-t-il pas, ù ce Litre, èlre tenu des dettes, sur tous les
biens, disponibles ou réservés, qnïl est appelé à recueillir ?
La même qu~stion, grosse de co11séquences désast1·euses pour
l'héritier, se présentait, en matière de légitime. Nous en renvo .
yons l' e~amen à ce momrnt. Nous verrons les eŒorts qu'elle a
coùtés à uos anciens jurisconsultes, et la solution qui, après
bien des tâtonnements et des difficultés, a prévalu et ra llié presque tous l es esprits.
§ 4. Des causes qui privaient de la réserve coutumière.
La réserve coutumière constituait, avons-nous dit, un véritable droit de succession ab intestat, qui appartenaiLauxparents
en ligne directe ou transversale, pourvu qu'ils fussent, de fait
et de droit, héritier$ rJu de cujus. La co11séquence de cette idée,
au point de vue qui nous occupe, était que l'on devait faire
application aux réserves coutumières cle toutes les causes d'exclusion applicables à la s uccession ab intestat. Ces causes étaient
fort nombreuses dans notre ancien ùroit. L es coutumes en
fixaient plusieurs. D'autres étaiem tirées des dispositions du
droit écrit et quel<]ues-unes a' aient été intro(luites par la jurisprudence des parlements. Bien que h théorie en appartienne
plutôt àla rnatiére des successions ab inle~tat, qu'à celle des
rl·serves coutumières, nous devons les indiquer ici, en leur consacrant queltrues développements. ~0 .13 retrouverons d'ailleurs,
plusieurs de ces cas d'exclusion , lorsque nous nous occuperons
de la légitime.
Etaient causes d' exclusion :
'·
i 5$ -
t• L'incapacité de succéder cheF. l'héritier. n y avait plusieurs
classes d'incapables : les personnes non encore conçues lors de
l'ouverture de la succession, les condamnés atteints de mort
civile, les rel igieux profès, les ét1·angers, les enfants naturels
appelés bâtard s, à moins qu'ils n'aieut été légitimés.
'
2• L'indignité. Pothier (1) en cite divers cas, empruntés pour
la plupart, aux dispositions du droit romain sur les causes
d'exhérédation.
3° L' inc~mpatibilité entre les qualités d'héritieret delég1.laire
ou donataire. Les coutumes de Paris art. 300,301 et d'Orléans
288'. le décident formellement. Ainsi \'héritier ou légataire a le
choix entre ces deux partis . s'en tenir à son don ou réclamer
le legs, et renoncer à tout droit sur la réserve ; ou bien, rapporter le don ou ne pas réclamer le legs, et conserver ses droits
à la réserve.
4° L'exclusion des femmes . Cette exclusion a pour origirie
un texte célèbre de la loi sa lique , sur lequel on s 'appuya pour
écarter un roi étranger du trône de France. Certaines coutumes
en gardèrent comme une empreinte et prononçaient une exclusion formelle de la succession tant aux fiefs qu'aux alleux nobles,
contre les femmes, mariées ou filles, dolées ou non dotées. Telle
était la disp isition de la contume de Paris art. 25, et de celle
d'Orléans, art. 99. 'était là une règle toute féodale qui devait
s'effacer, à mesure que la féodalité s'a!Taiblissait. Aussi Pothier
nous apprend-il, au fraité des Successions 11 III 3 qu'elle ne
s'appl'iqua1·t. en dernier lieu, qu'aux sucessions
' 'collatérales,
'
et
que les mâles n 'étaien t préférés aux femmes que s'il y a\·ait
egalité de degré.
(l) Suce. arl. 4. p. 2.
,
�-
5° Un cas beaucoup plus cnrieux est l'exclusion dont étaient
frappées les filles dotées, soit que cette exclusion fùt prononcée
par la cout ume, soit que la nue eùlelle-même r enoncéexpressément dans le contrat de mariage, moyenn:.int La do t qui lui
était fourni e .. i on laisse de côté certaines va riétés, les coutumes peuvent, sur ce point, St' di\·iser en denx gnndes classes :
Dans les unes, l'e,clu.,.ion de la fille dotée de la sncresc:;ion du
constituant a lieu de plein droit; rlans les autres.il est seu lement
lois ible à la fille dotée de renuncer lnr anticipation il la succession, pourvu que celte renonciation ait lieu en même temps que
le mariage.
Toutefois, dans les coutumes de la premiére classe, un temrament est apporté à l'exclusion lég:i.le des filles ùotées. L'ascendant a le droit de réserve et le droit de rappel. Par le premier, il réserve à la s uccession, lorc:; du contrat de m 1ri:lge, la
fille dotée; par le second, il la r:1 ppelle dans le testame11l,r.0111me
héritière ou comme lég:i.taire.
P our l]Ui sera le profit r és11lt'.\11t r1e l'exclue.ion des filles dotées?
pour les héritierc. màles ou lems descendants. C'est donc, on le
voit, une règle qui se rallache a11x idée-; féodales, <J'li en est directement le prod11il: et, Yoilà pourCJllOÎ, clans. la gé nérali té des
coutumes de celte c~lPgo ri e, elle ne s'applique qn'à b fille nob le
ou quia épousé un 11o!>le. On ne tient tfaillenrs pas compte,
pour écarter la fille dotée, <le lï1nportance de la dut qu·efü.. a
reçue. i\ous verrons 111ieux ce point, dans n... s ex.p'ications sur
la légitiJJJe.
Qu·rnt aux couturnes r1 ui se bornenl ll exclme h f11le dotée de
la succession rln constilu'.lnl, lors11uïl y ·t eu renunc:htioa formelle dans le conlnl de rn·uhge, elles sont les 1 lus nomu reuses et cela s'explique. Le régime féodal, à l'époque où nous
155 -
sommes, a perdu presque toute son importance (1). Des transformations g raves se sont produites. L'esprit rigoureux et aristocratique de la féodalité s'est alTaibli, et les raisons qui faisaie1lt
exclure les femmes de la succe--sion s'effaçaient et se perdaient
de plus en plus.
Les coutumes de Paris et d'Orléans, autorisent la renonciation
des filles dotées. Cette renonciation est regardée à bon droit
comme un fait lil>re et volontaire, en ce qui touche la fille renonçante, et il va de soi qu'il ne peut être question ici de réserver
la fille à la succession, Mais, le droit de la rappeler par testament demeure intact.
Comme tantôt, on doit se demander à qui profite la renonciation? elle profite à tous ceux am.quels eùt nui l'arri\·ée de la
femme renonçante à la succession. Peu importe la ligne ou le
degré dont ils font partie, hérilierg màles ou autres, filles non
mariées, colhtéraux. même, la renonciation peut, suivant le-; cas
et les personnes en cons idérnlio11 clescrut·lles elle est faite, rroliter à tous indistinctement. On ne doit pas m ême se préoccnper
de la chsse :,oci1le cle ln fille renonpnte,et la règle s'appliquera
sans différence nncune, aux filles nobles et aux roturières.
6° La renonciation. - La renoncbtion, rendant l'héritier
étranger à la succession, lui enle,ait tout droit à la résen·e. qui
ne p 1m"Üt être recneillie qtt"wtant que le successible se portait
héritier. ':\os auteurs ro11lumier · nppliqLnient cette idèe dans
tou te S1. rigueur, et refn, 1ient an renonç1.nt, donataire en avancement d"hoirie, le d1·uit de retenir, p1.r voie d"ex.ception, s1 réserve snr les l>iens qui lui avaient été donnés entre-vifs. La
régie était tout autre en matière de légitime.
(1) Pot. suce, ch.1 tit, II ar1. 4 p. 3.
�-
156 -
7" L'exhérédation. - On admettait, sur ce point, les justes
causes mentionnées par le droit romain. Mais, nne question
s'éleYait: les textes des auteurs pal'lent généralemeüt de cas
d'exhérédation applical>les aux héritier<> en ligne directe, ascendants ou de~cendants. Q11id 1 quant aux collatérau:\? Ne pouvaient-ils pas, par des torts gra 1·es, se voir privés de la réserve?
L'affirmative ne nous parait pas douteuse . Il serait, en effet ,
étrange, contraire à la raison et à la justice, que des enfants
fussent soum is à r exhédéra1 i rn pour causes graves, et que des
collatéraux. pussent se rendre coupables de fautes ou injures,
sans encourir aucune exclusion. D'ailleurs, Ricard (97 L) et
Pothier (Suce. ch. I sect. II. art. 4) sont positifs et formels pour
admettre la possibilité pour de simples collatéraux. d'être exclus
--
·~1
--
profit de ses cohéritiers de mème ligne ou de même souche, ou
au profit des héritiers du degré subséryuent.
On appliqu;üt, à ceL ,··g·trrl, les principes suivi! eri matière de
succe~sion au iri/estaf. Car, l:t ré!Sc rve était essentiellement,
ainsi que nous l'.1vons dit, un droit de succession ab intestat.
des réserves coutumières des quatres quints.
Quant au texte des cou tu mes, il est difficile d'y puiser rien c\e
précis. Certaines ne mentionnent que les enfants. D'autres sont
plus générales, et semblent comprendre, dans leurs term es, tous
les héritiers, directs ou colla,téraux.
8° Une huitième cause qui pouvait priver ge la réserve, était
Le fait par l'héritier, d'avoir concouru et consenti aux. donations
entre-vifs qui portaient atteinte à sa réserve.
9° Enfin, la dernière cause d'exclusion que nous ayons à mentionner, était la prescription. Ricard, n. 100~, nous apprend
que la durée en était de trente ans, s'il s'agissait d'héritiers el
de successeurs universels, et de dix à vingt ans, s'il s'agissait
de détenteurs à titre singuli er et de bonne foi.
Telles son t les nombreuses causes d'exclusion de la réserve
coutumière. Quand un h éritier se trouvait, pour une de ces eau_
ses, privé de la réserve, l'accr oissement de sa part avait lie u au
.......
�-
SECTION II
De la légitime de droit
§ 1. But de la légitime. -
-1 59 -
t58 -
De son origine et de :Ja naturt.
La légitime était, comme la réserve coutumière, une ins! itu-
tion protectrice des droits héréditaires de la famille, Elle sup pléait heureusement à une ins uffisance des rése1ves, qui, ne
limitant 1iuc les clispnsili ons testamentaires, et ne s'appliqua n t
qu'à une espèce cle biens, les propres, permett:i.ient à une..: wrsonne d'épuiser son p 11rin 1oine par des libérali1és entre- vifs et
de rn:i.nquer ain:si a u x. ùevoirs que la natu re et le lien du sang
lui imposaient. Aussi, la légitime fut elle d'une application plus
générale r1ue la réserve. Reç ue co111111 e drnit c ) mm un dans les
pays de droil écrit, elle pass1 s ous l'influe nce féconde des j uriscon-..ultes , dans les pays contumiers, et fut presque p1.rtoul
législativement consacrée, lors cle la rédaction ufficielle ùe nos
coutumes.
Ces observations nous conduisent à décider q .e la légitime à
son origine tians le droit romain . Quelques aute11rs lui ont assigné
une origine coutumière. !\fais, cette opinion est madruissible.Un
grand nombre de coutumes, qui pal'lent de la légitime, se réfèrent au droit écril, et lui empruntent ses plus importantes dis-
positions en cette matière. Dumoulin est formel pour établir que
la légitime est une ins titution de droit naturel qui échappe à toute
atteinte dn père d e fami lle, et il fortifie ces principes de l'autorité
du droit romîin.
La coutume de Bourgngne (1) précise plus encore, en reproduisant, C[tiant à la quotit •\ rlela légitime, les décisions de la Sovelld8. Ces iclées r esso rtiront, avec plus <le force, lor-que nous
incliq11erons les di1Té1·enre5 et ressemblances qui existaient entre
les résen·es coutundères et la l~giliine. r 1)
Un point plus délicat e t plus vivement controversée consiste
à fixer exactement la nature de la légitime. Était-elle une quotepart des biens, ou une C(note part de l'hérédité? et, par suite, le
légitimaire pouvait-il y avo ir droit, en sa seule qualité de légitimaire, ou deYait-il n·;ces 1irement se porter héritier?
Avant d'aborde r cette crn eslion ponr le rlroit coutumier français, il importe de rernonler î11x. origines et de ,.oir quelle solution elle recevait en d ro it romain. Il n'est peut être pas <le difficulté qui ait divisé et divise enl'ore plns gravement les interprètes
et les au te urs. Le :•lus gra111l nombre des jurisc nsultes coutumiers enseign'l il que la légiti1ne <lu dro it 1u111îin constituait une
quotepar t des tiii:ns et non de l'hé1 êditè, ~Ierlin cite, comme
p1rti s1ns de ce ~~sterne, \!·rntka, Gr:issus, Jason, Alexandre,
Ga) 1. le p résiden F n're, Yo<!t, Fnrg ile. t plusieurs autres.Leur
opinion, il hut le reconna1trt>, s"lppuy:i.il sur des textes, qu:,
par la précision di• leurs termes. semi hienl s'opposer à t')ute
discussion. Ainsi, h loi G a11 Code porte:" fJtrnm q11œ1·itur an
' filii de ùio/Jicin.~o dir<>re 1 r1ssi11t, si q inl'!a111 !Jo11or11111 l arlem ,
« mortis te111po1·(!1•e!i1J11i({es.mar, i11spfric/u1' >> la loi 5, au mêm ~
(l ) Ch. Vll.
11rt. ï.
('l) Sic. Gaut ier . l'rêci~ de l'hist. du droit franç. page 267. 1~ édition.
�-
t~O-
titre, appelle la légitime bonm·1wi •uhsidium. La loi 8 p. 9 au
Digeste, de inolficio$o dit, que la légitime se distrai t de ce qui
reste des biens, après dettes et frais funéraires payés. u quarta
« acci11ietur, deditcfo œre alieno et (tt11e1·ù; i npensa. ll Si les
biens, disaient ces auteurs, sont ce qui res te, après déduction
des dettes, il est clair que c'est snr les biens, et non sur l'hérédité que se fait le retranchement de la légitime.
Il y a plus. Le droit romain per•uettait formellement de laisser
la lé0 ilime à ceux qui <n'aient droit à titre de legs, de fldéicommis 1 ou de donation à cause de mort. (loi 8 p. 6 D. V. 2.) Or 1
comment voir un rapport, une conne)..ilé entre ces divers t itres
et le tilre d'héritier 'l commeut regarder comn·e une quotepart
de l'hérédité, des biens que le légitimaire deYait à la qualité de
légataire, de fidéicommissaire, ou de donataire, mais non jamais
à la qualité d'héritier.
Un interprète toutefois et non le moins considérable, Vinn ius
n'embrassait pas cette opinion d'une manière absolue. Il d istinguait à bon droit entre le c<1s ou la légitime étail laissée sous
Je titre d'institution, et le cas où elle était laissée sous un
autre titre, legs, fidéicommis, ou donation mortis eau.sa. D'après
Vinnius, ce serait l'explication la plus vraie du p. 3 des 1'nstitutes, où Justinien qualifie la légitime de pars heritatis.Ce texte
suppose évidemment que la légitime est la issée à titre d'mstitution jure hereditatis. Mais Jus lin iên ajoute ces mots : vel t'es
ei fuerit relicta. Donc, ou le légitimaire est institué héritier, et
sa légitime se confond avec l'hérédité; ou l'institution n'a pas
lieu et la légitime reste indépendante et distincte de l'hérédité .
En ce dernier cas, elle peut être regardée à l'exemple du legs,
comme une délibation de l'hérédité, delibatio hered1ïatis .
Mais, le droi t change avec la Novelle 115. Justinien décide.au
-16i -
chapitre 3, in fine, q11e la légitime doit toujours être laissée à
titre héréditair ,) Cette innovation a-t-elle tranché la question. et
faut-il désormais considérer la légitime comme une quote part
de l'hérédité? Les auteurs que nous avons ciLés ne rad mettent
pas. Ils prétendent que la Novelle se borne à maintenir le droit
antérieur, qu ·elle a en vue l'intérêt du légitima ire et qu'elle
n'exige l'institution qu'à titre purement honorifique. Si Justinien
avait voulu, par cette décision, faire de la légitime une quote
part de l'hérédité, l'innovation tournerait contre le légitimaire,
puisqu'elle le soumettrait aux dettes et aux poursuites des creanciers.
Une autre preuve quela Novelle 115 n'a pas entendu, en exigeant l'institutinn, attribuer à'h légitime, le caractère de quotepart de l'hérédité, et au lég itimaire, celui d'héritier, c'est qu'elle
permet de borner l'institution à une chose particulière, à une
certa res. (1) Or, déjà, sous le droit antérieur, le légiLimaire,
institué ex certd e, était consicl éré co mme un simple légataire,
(2) et il continue, sous Jus tinien, den 'avoir contre le testament
qu'une action en -upplcment purement personnelle, une condictio e.:c lege, qui n'était p'ls une action héréditaire.
Tel était, dii>i 1ns-nous, Je sentiment Je la presque unanimité
des docteurs d 11 droit écrit, et l'ordonn'lnce de 1735 sur les testaments confirwe ~es print:ipes Jans les articles 50, 51 , 52.
Les auteurs contemporain se sont partagés sur la question.
Marc..tdé, T u11llier, l'uin Delisle, ( 3) reproduisent la théorie
de notre ancienn-! juri ·pruùence sur la nature de L:i légitime en
(1) Nov. 115. ch. V.
(2) 1.. 1 13 Code V. ! \. d.i hered. ioet
(3) Marc. art. 914. Toull. tome V. n. 107 Coin- Delisl•, lilllite du droit dt
rét. n. 8 p. 8.
�-
t~2
-
droit romain. Un savant professeur, M. R ago n , combat vivem ent ce s ystème. l< cet te idée, dil-il, est él1 ·1:ig:•re au droi t
« r oma in . Cvnsiclér ..:c cr ua mani~r~ :i.b..,•raile, L légitime s'y
« mesnre sur la part que le légi1in11ire :rn rnit eue ab i1itestat ;
, elle apparait tlonc comme u ne p trtic cle l'h~réJilé. Cette fracu Lion est payée au lé3ililll:üre au moyen d'uue institution, d'un
u legs, .l'une donation. Ce qui est p·' rçu com me héritier, est bien
« une part de l'héréJité. Ce qui est perçu c::. mrne légataire,
• fidéicom miss1ire, donal·lire, semble être une quotedes b iens
a m1i:, une q uote qui éqniv rnt toujours au qn1rt c1e la portion
« héréditaire, seule mesurn ùe la légitime. Tl n ·y avait pas d'in« comptabilité logi11ne enlre i'h ... rédité eth lég;time. On ne pou" vait pas e:-;.iger, dil .M wt;·ldé, que l'enfam fùt fait héritier. La
« _\Tavelle de Justinien la pourtant exigé. '' Puis, il s'attache à
défuter ll\s a rguments tirés des ex.pressions bonorm pars, bonor um suhsidium.
Sans doute, les textes disent que la légitime est le q uart des
biens , dettes déduites, mais c'est pour en déterminer la valeur
nette, non pour s igmfler que le légitim'lire n'est jamais héritier ,
nijamais tenu des delles en celte qnalité. LB quarte Falcidie se
calcule aussi s ur l'actif, dé(luction fai te de::; detles, et cependant, elle se recueille bien à titre héré.Jit1ire.
La g rave question que nous agitons fut aussi, dans les pays
coutumes, l'obj et d'une longue el viYe cont roverse.
Si l'on consulte, à cet éJïrcl, le texte même des c0utumes, 011
constate des divergences profondes. A Chartres et a Mon t-lrgis,
il fa ut nécessairement être h éritier pour prétend re a la légitime.
L'article 28 de la coutume de Charlres dit for m ellement:
P ou rvu que les enfants héritiers d udi t testateu r ne soient privés
et fraudés de leur légitime. La coutume de Montar gis, X I. 10,
-
t6S -
dit également: les enfants héritiers peuvent quereller la dona tion excessive, selon la d isposition de droit. L es coutumes de
Normandie et tle Bourgog11e, VII. 2. a dmettent la règle contraire.
Ma is, que déc ider à l'égard des coutumes muettes ? il fa ut,
sur ce point, in te rroger les j urisconsul tes des pays coutumiers.
Le plus considérable d'en tre eux, celui qu'on a surnommé
l'oracle d u dr oit français, Dumoulin, n'a pas une doctrine homogène. Dans son commentaire sur r article 123 de la coutume de
Paris, il dit fonnellement : apud nos, non le9itimam habet, nisi
qui lieres ei;t. ~fais a illenrs, au conseil 3,, , n. 18, il enseigne que
pour réclamer la légiti me, il n'est pas nécessaire de se porter
h éritier.
Ces deu x passages du grand jurisconsulte se contredisent
m anifestement.
Deu x explications ont été proposées pour les concilier. On
dit, d.ins lu prem ière, que Dumoulin , au conseil 35, suppose
que le p ère a disposé <le tous ses biens par libéralités entrevifs , et que dans ce cas, le principe qu'il faut être héritier, pour
avoir droit à la légitime, sou(Tre exception. (1)
Dans la seconde explication, on dédde que si Dumoulin en
s on conseil 35, e.1seigne que la qu1lité ù'héritier n'est pas nécessaire, pour réc':i111er la légiti1ne, c'est qu'il se réfère au droit
romain, et raiso:me ù'aprè.;; les principes de ce droit, qui étaient
les principes s11i is en pay · de droit écrit. ( 2)
Cettesewn e e ... pli~ll i on 11 11.;; p1rdt prél'énble, et nous e~ti
mons que Dnmo din c'-t.lit d 'avi:> l{lle, la légitime, même d·t 1s
les pays de coutume, ètait une partie de l'herédité, et e:-..igeait
(1) Lagrange rev e de dr. fr et étr. 18U. t. 1. p. 11:2.
('2) Giooulhiac, wèm11 r evue. t. III. 1846 p. 380.
�chez l'ayant droit la qualité d'héritier. Ce qui fortifie ce sentiment, c'est que le plus grand nombre des au teurs coutumiers
(t) professai1mt les même ~ principes.
La j urisprudence avait consacré l'un et l'auti·e système, par
deux arrêts de décembre 16-l2. L'arrêt de Sa int-Vaast décidait
qu'il fallait la qualité d'héritier ; l'arrêt Vaulte déclarait que la
seule qualité d'enfant suffisait.
Celte nécessité que, pour prétendre à la légitime, il faut être
héritier donnait naissance a des conséquences graves que
signalent les jurisconsulles coutumters.
En premier lieu, elle entraine pour le légitimaire la s.iisine de
plein droit de sa légitime, et hit courir à son profit les fruils et
intérêts des valeurs qui la forment, à dater du jour du décès (2).
Le légitimaire peut, en oub e, exiger les objets héréditaires
en nature, et s'il y a lieu, les re\'endiquer aux mains des tiers
possesseurs. Il a en elîet,un droit sur l'hérédité qui lui appartient pour partie, droit qui, pour être partiel, ne change pas de
nature, la légitime étant quota héreditatis (3).
La plus importante conséquence de ce caractère attribué à la
légitime par nos auteurs coutumiers, se présente lorsque, le
défunt après avoil' fa it des donations excessives, contracte des
dettes considérables , qui r érluisent il rien ce qu'il laisse comme
succession. Dans ce cas, si les enfunts sonto 1>lig ·s,pour attaquer
les donations qui portent atteinte à h l-Sgilime de se dire héritiers iis ce sou mellenl néeess·lirern ent ·1ux dettes et s'P.xposent
'
a perdre le l>énélice que la Loi a \'Oulu leur as..mrer. La réùud10n
li ) 8 011rjJn X. 7. Guy. Coq. Cout du Niv. Lebrun suce. Z p. 380 Ricard,
Domat,Potbier.
(l) Pot. cc.nt. d"Orlét.na 71.
(3) Leb. suce. li v. ll. C. 3. Sact. VIU.
des donations in officieuses profitera aux créanciers héréditaires,
pour lesquels bien évidemment elle n'a pas été autorisée.
Dumoulin, suivant nous, acceptait celte conséquence extrême,
mais logique de son sys tème. Mais, tous les auteurs ne partagea ient. pas ce sentimen t. Ricard est frappé de cette situation
défavorable du légiti maire. Cependant, il ne \·eut pas,à l'exemple
de Guy Cof!uille, faire brêche aux principes. Le seul moyen qui
lui parraisse conjmer l'inconvénient signalé, c'est racceptation
bénéficiaire. << Par ce moyen, dit-il, il n 'y a pas de difficulté, le
~ légitimam~ prenJ S'l légitime , puis renonce au bénéfice dïn' venta ire et à la succession, et reprend franchement et quitte' ment le retranchement qu'il a fait faire des donations entre
" vifs en verln de sa légitime. Les créanciers n'ont droit que
c sur les biens de h succession,et non s ur les biens particuliers
11 et sur la personne de l'héritier, qui n'était pas obli~é aux
~ dettes. ( l ) »
Ce système met pleinement à l'abri des poursuites des
créanciers la légitime 0'1tenue par l'action en réduction des
donations excessives. Mais, est-il bien d ·accord avec les principes ? Sans doute, le b énéfice d'inv~ntaire li mite l'obligation de
l'héritier à l'émolument qu'il retire de la succession. :\lais, jusqu'à concurrence de cet t• molumenl, il est tenu envers le
créanciers. Or, sïl doit se po rter héritier pour faire opérer un
re•r:mchement su r les donations entre vifs, les biens qu'il
obtiendra par ce moyen font évidemment partie de l'émolument
héréditaire. et comme tels, entrent dans le gage des créanciers.
li ~st manifeste que le ::-ystème de Ricard contient à cet egarcl
une inconséquence. Mais, il est a isé de de la justifier. Outre la
faveur que mérite la léiitime, on peut d1re encore que, si le5
( l ) N• W . QU.
12
�-
-..,. 167 -
166
tte'nte ç·est au rega1·d des
,;rais principes recoiyent nne a L ,
r des biens défmitiveéanciers qui voudraient être pay és su
d f t t ··1 n'ont pas dù concr
ment sortis du patrimoine du é un e qui s
sidérer comme leur gage.
Pothiedaisait mieux encore ressortir ces idées en les ary~yant
·a ment puissant : (( Les choses retranchées, d1t-11. ne
..
, ,
.
sur un ar " u
.. sont pas de la succession , et bien que le droit qua .l héritier
.. d'obtenir ce retranchement, soit attaché à cette quahté, néan·
et auquel
n'est pas un droit qu'il tienne du défunt
.
.
.
ci moms, ce
ne l'a pm a1s eu. Il
défunt
le
puisque
défunt
éd.
.
.
'
« li ait suce e au
.. le tient de la loi . Les. choses retranchées ne font donc pas
..
. .
.. partie de la succession. »
§ 2. - Des personnes qui avaient d,·oit a la lég1t1n:e
Les personnes appelées à légitime puisaient né~essa1rement
ce droit dans une vocation à la succession ab intestat' sans
laquelle il est bien manifeste qu'elles ne s.auraient se. prétendre
dépouillées. Les enfants étlient les p remiers dans \.ordre des
légitimaires, quelque fut le degré qui les séparât del ascenda.nt
et quand même ils ne seraient nés q u'après sa .1~ort. ~ai~,
certains enfants pouvaient perdre leur droit à la lég1t11ne. Ainsi,
)able de
·
.
le religieux. profès que ses vœnx a1·aient ren d u mca1
recueillir a ucune sucl'ess ion , était éi;alement exclu de la légitime sur les biens de ses ascendants. Toutefois , quelques cou· te.· En
· ·
:. Franchetumes ne le frappaient que d'une d em1e-mcap"lc1
Comté il succéd1it aux. meubles et à \'usn~'ruit (les immeubles.
En co~séquence, il avait une légitime ( 1). Le mème principe
·
..
.
yennan t s ad t ' renoncé
la fille q u1. ava1t,mo
écartait <le la leg1time
t,
droi
lein
p
de
t
·
.
1
à la success1on , ou que l a coutume exc ua1
(\) Bo&uet sur cette cout. lit. 1, art. 17.
lor~qu·elle avait été ct'o tée.'Mab, il fallait pour cela que la dot
eût été réellement p1yée. Dans certaines coutumes, la cou turne
de Berry(§. 19, art. 34) du Nivernais. (Ch . 22, art. 3t) les filles
dotées avaient une action en ... uppl ément, si la dot qui leur <.vait
été constituée était inférieure à leur légitime.
Cette exclusion de:;; filles dotées de la su<.:cession et de la légitim e était également r ecue dans certains pays de droit écrit. (1)
Une question se présente ici. Les fils ù'une femme qui av a
ren ncé à 1a succession de s on père avaient-ils droit à une légitime su r les b'ens de le11r 1ïeul, rr111nd leur mére était précédée ? Oui, s i ces peti ts enfants ven·1 ient à la succession de
leur chef, ce qui avait lieu toutes les fois qu'ils n'avaient ni
oncles, ni tantes, ni cous ins germains pour concurrents. Mais,
ils ne p ouvaient prétendre à uue legitime, s'ils étaient obligés,
ponr succéder, de recourir à la représentation. Car, il était
de principe que le représentant n'avait pas plus de droits que le
représ enté.
Les enfants naturels avaient-ils droit à la légitime ? l'état du
droit était, à cet égard, différend . s uivant que l'on se place en
pays de droit écrit ou en pays de coutume. Dans les premiers
on s uivait les principes du droit romain. Les enfants naturels'
ponvaient prétendre, d'après la Nove/le 89 c. 4. à un sixième
de la s uccession de leur père, si celui-d ne laissait ni femme~,
ni enfants légitim es. Ils an ient droit à toute la succession de
leur mère, en vertu du S. C. Orphitien . Aussi, avaient-ils, dans
ce cas , la querela, à moins qu'ils n'eussent reçu leur quarte
légitime. qui fut depuis Jus tinien, soumise à Il quotité de la S ovelle 18. Dans un seul cas, les enfants naturels ne succédaient
(IJ F;ucc. liv. II. ch. 3. sect. 2.
�-
t~t
-
- lM ·
ptt~ à leur mère, ef p tr l'11ile, n'a' ,lient p1s di'oit a la légitim,.
sur ses biens. r.·esl J.11·-:qne e\1,• était i/.l11sfris et avait dei
~nfants
:égitimes.
Dans les pays de coulutnè, la règle était que les hàt:uds n'anit>11t droit, dnns l.'.\ ·-;uecession tk 1elll's anteurs, qu'ü cle si.rnp!t-s alirne'lts. ~l ais, suivant quel ques cJutuines, Vale ic.ennes,
art. 15, Lessines art. '2, Ham art. G, Gand art, 11, il5 étaient
habiles ü succéde r à laur m(!1·1>. D'où h. question de s1voir, s'ils
avai ·nt. dans ces coutumes, droit a une l, gitirne ? Lebrun
résoud la question "lfllrm 1tivement. et c'est avec nison. D'après
t:es coutumes, en etTet, le droil commun est qne les eqftnts
naturels succèdent a lem mére. Elles n'attachent pî:; ce d ro ~
de succéder à certaines cond itions et à certaines espèces p·1rti
culières, comme le fait la 1Yovelle 89. Les enfants naturels doivent donc, logiquement, avoi r une légitime, sur les biens maternels. (1).
Quand aux. enfants légitimés par mariage subsécruent, ils
avaient sur les bi.ens de leurs ascendants, père ou mêre, les
mêmes droits que les enfants nés en mariage.
Observons, en terminant ce premier ordre de h~gitim::i.ires,
que les descendants étrangers, morts c:ivilements. indignes d.e
succéder, justement exhérédés, ne pouvaient prétendre à la
légitime à cause du principe que, pour réclamer la légitime, il
taut nécessairement être appelé à la succe~sion ab intestat.
Le second ordre des légitimaires comprend les ast:endants.
En pays de droit écl'it, l'.l. légitime des ascendants est presque
unh·ersellement admise. La quotité en est d'apt'ès la No1Jellc
18, du tiers au moins de la portion hérédito.ire des ~scend:in~·
(1) Toulouse. lll. lit. I. art. 5. Borrleaux art 67 .
Mais, pouvait-elle, com me celle des descendants, s'élever à
la moitié par la présence de plus de quatre ascendants ?
L'hypolhése s~ra rare, mai:; po.;;sible, et la question doit ètre
exam iné~'. Nous ne ~e11 sors pas quecette légitimepuissejamai
ètre supl'rieure au tiers. En effd, si l'enfant laissait ses père et
mère, la rése~·ve serait du tiers. Or, comment admettre que les
ascendants, s1 nombreux qu'ils soient, aient des droits plus
forts que le père et la mcre , el que le prédécès de ceux-ci puisse
restreindre la d isponibilité aux mains de l'enfont '!
L'admission, en pa vs cle droit écrit de la rèale
b
paterna
pater nis mater na 111 alern is., n 'avait pas pour conséquence d 'empècher q11e la légitime des ascendants d'une ligne, se prit, si
besoin èt'-lit, sur les biens libres de l'autre ligne, parce que la
légitime avait une cause aliment.lire, devant laquelle devaient
fléchir les règles, mème les plus rigoureuses de la dévolution
des sucre.:;sions .
I:~ légiti me cle la mèr e ful gravement modifiée par une ordonn~ nce de Charles IX, rendue en 15G7, et qu'on a appelée !'Edit
des Jlères. Celle légitim e fnt réduite à l'usufruit dn tiers des
pr?~re:; ri~ l'enf 1nt d.!cé·lé. \hi":>, en face de h rl!sist:mce que le
Midi oppos'l a l'ord0nnance, Louis X Y en 1ï29 rabolil et rétablit
le droit antérieur
t;'ne que· tion s'devait rehlivement au calcul rle la lé"itime
de ascenrhnt.::. On s1 il q11c les ns• enùants étaient ap;elt.s .i
concourir ·wec les frl·res et SŒ'ttrs "-U t' la succession nb i11testrr1.
. Comment se C:11eu!e lem Lgitirne. Lll s upposant l'existence
d ~ 11 les hrn ent inoll1l'ien-.; a lem êg:1nl. inab exempt de ce vice
111 1:g'lrcl des frères et Mcu1·s :1 .\mont ils droit. dan::: cette hvpu
lhè~~. ::m lier:; cl e toute la succession. on au tiers auquel les
~ura! I. rf.iiuits, an l'lllrenre di> tr8t arn t1nt l:l présenre t>l le c:nnV
,
�-
f'T& -
cours des frères et sœurs ? Leparlement de Paris décidait que la
légitime des ascendants devait se calculer, dans tous les cas,
sur le tiers de leur portion légale· A Bordeaux, à Aix, à Dijon,
les parlements décidaient au contraire, que la légitime com prenait Je tiers de toute la s uccession. L'Mdonnance de 1745 art.61
a consacré cette dernière opinion, mais stns l'étendre aux pays
de coutume, dans lesquels les ascendants n'avaient droit à la
légitime que si le testament leur avait préféré des personœ
turpes.
Dans les pays de coutume , la jurisprudence était constante à
refuser aux ascendants une légitime sur les biens de leur descendants. Elle appuyait celte dé...:ision sur deux. motifs principaux. 1° La légitime des ascendants n'est pas de droit naturel,
lesparentseneffet,n·ont pas il attendre leur subsistance de leurs
enfants.2° Les ascendants ne succédant enpaysJe coutume.qu'aux
meubles et acqnêts, si l'on admet qu'ils ont une légitime sur ces
biens, on enlè\'e à un enfant, le pouvoir de disposer d'un patrimoine qui est le frnil de son activité et <le son travail propre,
et on ne lui laisse qu'unG portion disponible ill u~oire, pu if que,
dans la presque unanimitû des coutum es, il est tenu de laisser
la réserve des quatre quints des propres à ses collatéraux. Cette
dernière raison est celll! qui frappe le plus nos :iutenrs coutumiern, et, si quelques uns <iccordent malgré la jurisprudence
une légitime aux ascendants, c'est dans les coutumes qui
n'admettent que les père et mère, comme héritiers ab intestat
de leurs enfants. Telles sont les coutumes de Lille, Douai et
Tournai
Les ascendants avaient droit à la légitime dans les coutumes
qui comme celle de Bourgogne, se référaient expressément au
droit romain, pom les cas non prévus. La coutume d'Orléans
-
111. -
admettait aussi la légitime des ascenàants (art. 2771• Observons
que, dans ces pays, les plus proches ascendants avaient seuls
droit à la légitime , la représentation n'ayant pas lieu dans l'ordre des ascendants.
Le troisième ord re de successibles auxquels appartient la légitime est l'ordre cle:; frères e t sœurs. Sur ce point encore, les
pays Je droit écr il suivaient les principes de la législation romaine, et admettaient les frères et sœurs, germains ou 1 onsanguins, à attaquer le testament, lorsqu'ils avaient été omis ou
exhérédés, et que !'institué étailunepersona fut]Jis.s'ils avaient
été institués pour une valeur inférieure à leur légitime, ils pouvaient réclamer le supplément par une condictio ex lege, à supposer toujours que !'institué à titre universel ne fùt pas d'une
honorabilité irréprochable.
Tel était le dernier état du droit romain sur cette matière.
Mais, les innovations de Justinien sur le concours des enfants
des freres germains avec leurs oncles vivants (Nov. 125 c. 2) et
sur le concours des frères et sœurs avec les pére et mère, donnaient naissance à une double question :
Les neveux qui n'avaient pas personnellement la querela inficiosi testamenti, profitaient-ils de la rescision obtenue par leurs
oncles, et pouvaient-ils se prévaloir de la Novelle 127 à l'eliet
de concourir avec eux s ur la succession ab intestat?
D'autre part, les ascendants peuvent exercer la querela indépendamment de toute qualité de lïnstitué. Les frères et sœurs
n'y sont admis, au contraire, que si lïnstitué n'est pas une persona honesta. Mais, si les ascendants exercent la querela et y
triomphent, les frères et sœurs peuvent-ils soutenir que la succession est ouverte ab intestat et que ab inle$fat ils doivent conCOtlrir avec les ascendants.
�-m-
-
~ous
avons, dans la première partie de notre trafail, exa
miné ces questions. Nous nous bornons à y renvoyer.
La légitime des frères et sœurs élait aussi reçue dans les pays
de coutume, sous les mêmes conditions qu'en droit romain. (1)
Quant aux actes contre lesquels les frères et sœ1 1rs pouvaient
diriger la plainte dïnofiiciositc::, ce n'étaitpas seulement les te ments, mais aussi lesùonations ex('essives,pourvu qu'ici encore,
les donataires ne fussen t pas inteor.-e existimationis. On avait
fondé ce droit sur la loi I au Gode, de Ùt(Jfficiosi.~ don,,Les personnes qLte nous venons de passer en revue pouvaient
ètre priv~es de la légitime pour toutes les causes <]Ue nous
ayons signalëes, lorsque , nous avons lrnilées des réserves coutumières.
L'exhérédation que le défunl avait prononcée contre ses héri
tiers les privait également de leur légitime , et l'on su iYait à cet
égard , dans le silence des coutumes, les principes de la Nov. 115
oh. Ill. Le seul cas q11 e r]l'S ordonn<nces <le nos rois aYaien t
ajouté à ceux d0 la i\ovelie , co11cemaiL les flls et filles, qu i se
marient contre la volonté de leurs ascen<iants. les füs avanl
l'àge de treu le ans, les filles avant l'àge de virigt-cinq :rns Cette
déchéance cesse, s'ils ont eu soin de requérir le consentement
de leur père et mère, par des sommations respectueuses.
L'e:\hérédation peut être éct'1te daus le testament, ou dans un
acte authentique.
( 1) ubrun Suce. li\'. Il. Ch.~ ~cet .:?,
f'!) Pl)thier. 'IUCC. Qucst. Sec. 2. cl>. J
La légitime n'éh it p1s, d '1ille11rs, u1 d~ cel droits rrui sont
exclusivemen t attachés à 11 pers·)nne et i.1tn11missib'es. Les
héritiers du légitim1 ire succédaient à ce droit. Les cré1nciers
eux-m~111e3 pouvaien t récbiner h légiti ne, en son lieu et pl:tce.
Mais, les cré1nciers M rédit·tires n·y pouv1ient prélen Ire, si le
successi Jle avait eu soin, comme nous r a vous dit pl us haut ,
d'ac..;ep ler so us bénéfice dï11ventaire.
§ 3. - Quotité de la le9itime
ft'onibus.
Elle est censée révoquée, par cela seul que le défunt en
manifesté l'intention.
tr~-
:-t
fa quotité de h légitime n'êt1it pas h même part!mt. On
pent, à cet ég·trtl, div.ser les coutu· nes en tr >i:~ cl tsse , principales. La première a •lmelta th quotité fi:\ée p1r h N ovelle 18,
chapitre I. n·après cdte .Vo1•elle, là l ~gilime é:ai l rlu tiers, si le
défunt ne laiss·tit p1s plus de qtntre enfants, de Li moitié s'il en
laiss1il un plus grand 11ombre.
A celte ca tégorie npp1rten1.ient les cout11mes dela~farcbe, du
Bonrbonmis, de l'Auvergne, de L1011, 51-)2, ùe Reims ~33 et
2,i6 de Bo11rgogne \'II. 1.
La secmlle cla:-;se comprenri les co11t11mes qui avlient
expre:; ément ét'lb'i u•1e ri 1otilé fixe et in lépenrlanted u nlmbre
d'enfants. L'artic le 293 de h ro1tf11me rie Paris. repro luil p·u
be·1ucou;i tle c· uturne ·, porte que a h lég itime est ùe l 1 moitié
•de telle p1 rl el po1·tion rue ch1oun en fu it eùl eu en h sno"st si m desùils p Jre et m~re,.1ye1tl 0· 1 1ycule, si lesdits père et
t mère ou autre;; a')cen h11t:; n·eu ·sent cti •pnsé p·u domt lions entre vi fs on dernière volonté ; sur le tout, déduit les
' deb'les et frais funéraux. u
Quant aux coutumes de la troisième tl:lsse, les unes <limi-
�-
f'T(J -
dixième des biens du rléfunt : l'arlide '2!)8 ci-rlessus transcrit
, ,. est exprès. De 111 ·me, pîr 11. JisposiHon du rlroit écrit, s'il
" y a qua re en fants, h querelle ile dncun en particulier c ~sse,
• pourvu quïl ait un dou:lième des ùiens du défunt. Le para' graphe Q11011ia111 que je viens de citer, le décide de J.i. sorte
et au tel'me du droit 'lncien, et di' que si tm aïeul a la issé trois
(,; pelils enfants d'un fils et un d'un a utre, que chacun de> trois
1< doit ètre co11tent d'une ùen1ie-once, et celui qui est unique en
« fa branche d'une once et demie. Cel'\ $e collige encore assez
cc d ... s termes de la .Vo ve/le 18. Il n·y a qn·un cas où il serait
a arant'lgeux d'admettre à faire nomo 1
·e ceux qni ne p rennent
u point de pîrt, swoir, l1it·scpïl y a quatre enfants , Car, en
a inlroduis'lnl un cinquième, leur légitime sera prise sur la
a moitié des biens. ( 1)
La question, on le Yoit, n'allait pas sans un grand intérêt.
Pour y répondre , p!açons-nous d'abord sous les coutumes q11i
appliquaient la Xo velle 18 cha pitre 1. Plusieurs juriscons ultes
pens :renl aYec r 'l.Î' on q11 e l 'élèvation cle h quotité de h légili1n e
"l:iit m'lniicstèment 1hn'5 lï11 lérêt des légi tiinaires, et non d'lns
l'intérêt de celui, rp1elquïl fut, qui sen .il ch:irgé cle fournir les
lét;i irnes. Aussi, ét:'l rla it-on du calc;ul les exhérédés, les incaP" '.iles, les indigne<> .
On ne les cornpl'l.it p1.s pour pot tu h légitime c11rtiers à 11
m ilié ; nnis 011 ne les com ptait p~s non pins co111111e clev:111t
p rendre part a11 Liers 1·éser vé. F. .. r1·autres te rme->, ils n·é11ie11t
compks ni ac! a119e11dam. ni ad 111i111icnrlam le9iti111a111. Cell e
011inion ét •• i en<>e i ~née par les n11tems les plus autorisés, Cuja~.
Voët, Dumoulin, Lebrun, P0Lhie1-. 2)
i
( 1) Dr>n. ent. vir. 3' p:irli<' ch. \'Ill. n . IC61-J2.
('2.) Cout.tl 'Ol'lèaris. Lit. Il> n 71
-
t7'1 --
Dans un autre système, enseigné par Dom'lt, Furg'>le,
fiw ron las, Ot1 l'01 n :l ail les enf 111ts P,:tcll1s, et on atlribtnit leur
p .ri , jm·e acCl'esce.1rli, a·1x aut res légilimaires. Il est ai::;é cl' 1;ierœvoir te vice de ce système. fi est i.loghpte, aiu 3i que le 1it
. r. P. igon , (l J rp1i h pîrl 11' 11dét'1ill111t qne l'on compte, ait
j tmais accrue a·:x légili1n ·1ires c·1pables de rt:cueil lir. P0urrp10i
eo effet, dirni11ue1· d'abord, l.i p'l t des légitirrnire,;, p tr ran11u lll~r:1lion cle8 ùéiaillnnts1 po 1r rél tlilir ensuite celte p·i rt, d in:;
son int~grilé, a t 1 moye 1 de raccroi.:>seme. l. En outre, sïl y W'\it
cinq enf'tnls, dont nn ou deuli. fus .:> enl exclu·, eomme ces rlernier:;; él'lienl corn 11Lés , 11 légitime se lro11v:ii1 port. e a l t mui'. ié
au plus gr:r nù ava'llage cle.:> légilim 1ii·es 'l li pre1nie11tp:irt.
Le dernier systè.ne se t"l!lprot:h1it de cel ti -ci, en ce qu'il
compta il le légi irn:.iire déL ill .nt; m 1is, '\ 11 lieu ùe déciJer que
sa pîrt dev:l it accroitre aux autres l~gidm1ires, il l'attribu'lit
il celui qui était chîrgé d'acquiltcrle;; léJilimes. On ne trouve
guère, comme parii~·rn de ce systt!rne q1 1·un auteur, et non le
p~us considéra!)le, Guilla ume de la ch·.trnp·1gne.
Qu "nt aux conlumesqui, à rexernp'e decellede Paris, fi aient
une lér•ilime
uniforme et invari tble, elles av:ù ..:nl supprimé, e:i
t>
lui retirant toute utilité, h quest.on de s;1voirsi les renonputs
feraie nt put en vue d élever la quotité il h moilié. ~la is, on
continuait a se demander s i le renonça 1l doit êlr-: compt ·, à
l'e!Tet de di111inuer h part ùes autres. On réso .ut la difficulté
négativement, et l\ m décida, confol'lné 111 ent à I'\ premiére .des
opinions précétle ,1 tes , que les lég t.m:iires d~fai lanls ne senien~
point comp tés, et que leur prése.1ce ne ser:iil, de la sorte, 01
favorable ni nuisible au:( lé-::>ilim:lires c:ipables.
�-
t78 -
Tell es étaient les solutions qui, Jans le grand conflit de controverses soulevées par cette ques tion , av:i.ient généralement
pré,•aiu.
Toutefois, il importait de distingue r entre les d ivers cas
d'exclus ion.
Le légitimaire renonçait-il gratuitement, et purement et simplement, il n'étaitpas compté pour la supputation de la légitime.
Renonçait-il g ratuitement, mais en faveur de tous les h éritiers.
Celle h ypothèse se confonùait avec la précédente et le renonçant
ne faisait pas nom bre. ~ai", si la renonci~tion n ·avail lieu qu'en
fa\'eur d'un seul :.u de quelques-uns, elle élail consid érée cornmP une cession, qui emportait acceptation et faisait comprendre
le cèdaot dans le calcul de la légitime.
Celui qui renonç1it, moyenna nt un prix, était toujours compté,
qu'il renonçât au profit d'un seul ou de tous ses cohéritiers.
Une dernière question nous res l0 à enminer. Si nous
supposons qu'un enfan t a reçu une don ation en tre-vifs de
son père on de sa mère, et veut reno 1cer à la s uccession
pour s'en tenir au don qui lui a été fait, devra t-il être compté
pour la supput,ition de hl légitime? i\la!~, d'abord , peut il renon··
cer, sans étre tenu de rapporter à la masse ce qu'il a reçu ? les
coutumes pl"ésentaient il cet ég:i.rd des divergences profondes.
Les unes ét1ient appelées coutumes d'égalité parhile. L'éga·
lité y était entendue et l,>pli f1J1•e d'une fiçon absolu,>. L'hér.tier
donataire ne pouva it rete11i1" le don :i. lt1i f:i.it, non seulement en
se portant héritier, m1i s même en renonç 111t.!l y avait, d'après
ces COùtumes, incompatibilité entre la qu1lilé d'héritier ou
mêwe de lég ita ire et celle de donataire.
Tout don fait à l'un des successibles est ré pu lé fait en avancement d'hoirie. L'héritier ne le peut consel'ver qu'à la condition
- 179 -
de ne pas ab .H quer la qualité en laquelle il détient les biens per
a11ticipatione111. Si l'hériller est tenu de rapporte r à la masse ce
qu'il a reçu, nonobstant sa renouciation, il est manifeste
qu'il ne doit pas être compté pour le calcul de la légitime.
Mais, des auteurs a pportaient à ce systéme un tempérament.
Ils aut0risaient le renonçant à retenir sur la donation une part
égale à la légitime qu' il aurait recueillie, s'il se fùt porté
héritier.
Il y avait, en $econd lieu , les coutumes dites d'égalité en partage; l'égalité n'était exigée qu'entre les en tants accepta ut et
vena nt à partage. L'enfant renonçant, perdant sa qualité d'héritier par la renonciation, pouvait conserver le don qui lui avait
été fait, ce qui entraînait nécessairement -.on an numération pour
le calcul de la légitime. Les coutumes de Paris et d'Orléans appartena ient à cette catégorie.
Mais, une difficu lté s'éleva it su r l'étendue des droits de l'enfant dvnataire renonçant. Pouvait-il , lorsqu'il était poursuivi en
réd uction par ses cohéritiers, retenir sur les biens qu'il détenait, non seulement la légitima qu'il anrail eue, s'il eùtété héritier, mais encore la portion dis ponible qui pourrait étre laissée
à u•1 étran;-Çer ? rous revenons, on le voit, à la célèbre question
du cumul de la quotité disponible et de la part réservée. Justinien, ~.:nsi qne nous l'avons 'u, tranche affirm1tivement cette
question dans la Novelte 9Z. L'enfant donataire peut en renonçant, garde r le don à lui fait, -.ous la seult:! condition de parfaire
la légitime ùe ses frères
Tous nos anciens a uteur,-, sauf un seul, Dumoulin, reproduisent les solutions romaines. Pothier dit, en les résumant : «Tous
• conviennen l que s'il est nécessaire d'étre héritier pour deman-
�-
-iat-
der h légitime par voie d\iction , 11 n'est pas nécessaire de
• rètre pour 11 retenlr par \'Oi ' d\: xceplion. » ( 1)
Lïmpul:1lion se faisait d'abord s ut· la légitime, el en second
<(
lieu sur la portLn disponible.
A.;n$i l'en fa nt q11i aYail reçu une d on;i tion entre vifs, pouvait,
en reo•mçant cumule r les avantages de 1" qualité d'enfant et de
ceHe d.élran~er et se procure r p1r ce m oyen , une s ituation
beauco up plus avant·1ge .se que celle de ses coh éritie rs. 11 n'y
avait là rien qui pùt être cri tiqué, l1Jrsque le père, s tisfait plus
p 1rticulkrement cl'1m de ses enfa nts, aY·til manifesL~me.:t v~ul ~
le récompenser, p.ir h libé ralité cptï l lni avait fa ite. Mai~, tl
était po sible que Jïn enlion du l ère com111w 1 eut été tout autre
qu'il n'eût pas voulu porter atteinte à l'é~al i . é enlt e ses enfants,
quïl eùL voulu seu lement faire au donataire l'avan tage d'un~
jouis::> ance anticipée, sa uf à J'olili 0 er au ra r port intégral des
biens donnés. Dans cette hypothèse, permettre à l'enfant donataire de transformer en don:1lion p:u préciput, ce qui n'était
dJ ns la pensée du Le tateur, qu'un s imple avancement d'hoirie,
c'était bien é1 idem ment consacrer une injus1 ice à l'encontre des
c(Jhériliers et méconnaitre d'une façon mani feste les volorités du
père de famille. Aussi, s'éleva-t-il sur ce point une lutte trèsvlve entre Dumoulin et les auteurs partisans du cumul. Le grand
juriseonsulle, frappé de l 'inconvénient sign'llé, p rétendait qu'une
distinction devait êt re faite entre la présomption légale et la
déclaration forme .Je d':...vancement d'hoirie.
Au premier cas, Dumoulin autorisait le cumul par le donataire renonçant. Au seconù cas, l'en fa nt, n'aya11t reçu les biens
qu'à ti:re d'avancemeut d 'hviri~, hac conlemplatione quodspera-
i8i -
fur here$, ne pou 1'ait transfo rm er cet avantage en libéralité irrévocable, et sa r enonci1tion, lui retirant la q ualité en laquelle il
pourl'ait conserver le bien . le do n ~e trouvait révoqué et faisait
retour a u patrimoine du donateur. Mais, même dans ce cas,
Du m0ulin permet à! 'enfant dowtl.1ire de retenir S'l légitime.
Telle élail la vraie doctrine de notre grand jurisconsulte coutumier.
M. Ragon en fait très-bien ressortir les graves défauts: aL'in« sertion de la clause d'avanceinent d'hoirie dans l'acte énervait
c la libénlité, au point <le lui ôter le caractère essentiel des do' nations entre vifs, l'irrévocabililé . Et cela était d'autant plus
(/. inique qu'aucun tex·~ légal n'avertissait les donateurs el les
, donatai res de l'import:mce à ajouter à des expressions, que
« étaient formell emer1t :;ousentendues p 1r la coutume dans les
« donations de père el mère à enfants·. 'était-ce pas s'exposer à
a tromper souvent la volonté du père de famille, que de faire
« dépendre l'effet de la libé ralité d'un accident de rédaction 'l
« et quelle large p0rte ouvertt à l'arbitraire! quelle mine féconde
« de prncès! Cn aut re vice de celte rigoureuse doctrine, c'est
« quu'elle allait à <'On lre sen~ des idées toutes favorables aux
• enfa ils d ioataires, qui aYaient flit imaginer la clause d'avan« cernent d'hoirie. Nous avons vu, e n efTet, que l'us'lge s'en éh« Glit pour permettre aux enfa ils de venir à la succession pa• krnelle et non pour les y forcer. ~ (1)
Le srstèmc de Dumoulin fut peu gouté des auteurs et de la
jurispr.udence. Deux arrèls l'un de juillet 1543, l'autre du 29
aoùt 1571 décident fo r mel lement que le fils qui a reçu un avan-
'
(t) tome t Ret. et impu t, p. 149.
~1)
J>Qp. ~ Ut flft. v. p, t.
13
�-
-111 -
1'<~ -
cemenl d'hoirie t'\.}ll ès. r>sl lil.Jre de se tenir à ce don, s'il vent
renoncer à la succession tle son père. L ·article 307 de la coutume
rle Paris, ma in tenu lors r1c sn réformation, porte de mème:
« C:elui "llqnel on amail t1onn( , se voudrait tenir à son don, faire
• le peut. en s'nbsteuant ile l'hé rédM , la légitime r éservée a nx
" ·mtres enfanls. n
Les principec:; que nous venons cl'exposer étaient égalemen
appliqués à l'enfant lég'ltaire qui renonpit à la succession,pour
s'en tenir au legs qui lui ét~11t fait. Le$ autenrs adm irent, en ce
·as, que le legs saisissait de plein droit l'enfant légaraire, que
1
l'el ui-ci devait être 1'onsidéré comme étant en possession de l'objet légué, et qu'il y avait lieu de l'autoriser il le retenir dans les
limites de sa légitime et de la part qui aurait pu être donnée à
nn étranger.
1\ côté des rnutumes d'égalité parfaite et d\~galité en partage,
il faut citer en dernier lieu les coutumes de préciput. Le père Y
pouvait avantager un de ses enfants, et celui-ci avait le droit da
retenir le don qu'il aYait reçujnsqu'it concurrence de la légitim&
L't du disponible, non seulement lol'squïl acceptait la s uccession
et prenait part au partage, mais encore lorsquïl y renonçait.
Et, comme il renonçait, aliquo accepto , il faisait nombre pour la
s upputation de la légitime .
Faisaient nombre aussi les filles tlotées et exclues, soit par
une renonciation formelle, soit par une disposition spéciale dei
coutumes. Quant aux enfants justement exhérédés, ils n'étaient
pas comptés dans les pays coutumiers. Car l'exhérédation le~
a . aient dépouillés de la qualité d'héritier , sans laquelle on ne
pouvait réclamer la légitime. La question dans les pays de droit
écrit était controversée et les deux solutions comptaient de•
partisans éialement autorisés.
Enftn, les morts ci vilement les religieux profés, les filles religieuses, n'éta ient comptés ni dans les pays de coutume, ni dans
les pays de droit écrit,
§ 5. -
Comment se formait la mass• sur laquelle 1e calculait
la légitim~.
Le principe qui dominait cette matière est que, la masse dont
la légitime était distraite devait comprendre non seulement les
biens existants au décès du de cu.fu,, mais les biens qui avaient
fait l'obj et de donations entre-vifs. On formait un total de ces
deux espéces de biens, et c'est sur cette masse que l'on calculait en egard au nombrP des légitimaires qui devaient être
comptés, quelle était la légitime revenant à chacun. La réunion
des biens donnés aux biens existants n'étaient qiie fictive et
n'avait lieu qu'après la déduction des dettes. Si le passif dépassait la valeur des biens compris dms la succession, on considérait le défunt comme n'ayant rien laissé, et la légitime se calculait uniquement sur les biens donnés entre-vifs.
Nous avons maintenant a nous demander quelles étaient les
libéralités qui pournient subit· un retranchement, pour parfaire
la légitime. On con, tate, à cel ég1rd, des diYergences entre les
jurisconsultes relativement a certaines lihérahtés, dont la nature
ou le caractère spécial s'embla ient s'opposer à la réduction.
Les legs faits aux établissements pieux étaient-ils soumis au
retranchement ? Certains auteurs, se fondant sur la loi -19 au
Code, de episcopis et cle1'ici$, estimaient que ces legs devaient
�-
échapper
H!4-
a r applic:ltion ùe
la légiliu.e, corn1ne ils éch·ippaienl.
d'après h loi précitée, :-i.u retr:inchement pour :a F1lcidie .
C'était confondre deu" institutions qni difkrent prof ndément
par le but au 1uel elles lendenL. Il èta it mtmel q ne les legs
pieux fusseut. affranchi:-; de l,1 réd .. ction, lor::;quïl s'ag issa it de
la qu'lrte raltidie, tlont le seul but était d 'assu rer nn héritier au
testat eur ; rn uis, il eùt é té peu équihl.Jle d'affranchir ces mêmes
legs du retranchement , quand il s"1giss:iit de la légitime, institution qui avait pour q 1ljf•t essentiel d'assurer des aliments aux.
proches parents du défunt. Aussi, admit on générale lllenl que
les legs, quoique faits arl i'ias N111sas, n'éclnpperaient p:i.s à la
réduction dans l'intérêt de h légitime. Car, selon les bellP,s pnroles de Ricard, « les premiers et les plus favorables p·1uvres
sont les enfants du défunt ( 1)
Les legs rémunératoires étaient s uj ets au retnnch ement
Ior~quïl y avai t disproportion évidente entre la valeur du legs
et l' importance des services rendus.
Quid , au cas rle legs ayant pour objet la restitution de vol,
d'usure, de gain illégititn e ? Pne disliuction toute mtu relle et
que nous indi iue Lebrun s'im p0sa it ici. Le vol ou l 'usure est-il
établi ;Point de retr'ln hement, les lég'lta.res sont de Yrai-; créanciers. N'y a t-il point de preu\'e de l usure ou du vol; les legs
faits en cette forme sont soumis a h règle générale. (2) Les
m êmes difficultés se présentaient rehtivement à certaines donations eritre-vifs.
Et d'abord, les donations que plusieurs coutum ·s décl 1raienl
faites par préc1jJUI e t avec dispense de rapport, n\m élaient
(1) Don . entre-vifs, 1092
('2) Suce. sect . VIl 1
-
185 -
pas moins sonmises à la réduction dans l'intérêt de la légitime
Les doll'llions qui avaient été fai tes avant la naissance du léofü~
0
ma ire, semblaient devuir échapper au retranchement. En
eITet, de ce quïl n'exisl'lil p1.s, 'lu roorne!"lt Je la donation, une
person ne ü qui le ùéfunt fùt obligé de laisser des aliments, il
résult'lit :ruïl devait po uvoir di sposer irrévocablement, et que
les donations par lu i hites it celte époque, devaient être à l'abri
du retr,111c:hement pour la légitime. ?\lais, cetle raison était plus
spécieuse q11e Yn ie. Les p'lrents qui n'ont pas d'enfant doivent
toujou r-> s · ttendre à en '.lVOir,et 11 nature leur presnit également
d'assurer l'aveni1· de leur postérité présente et de leur postérité
futur e (('dut\'' Sf)bo'i co11sule1·e. (1)
L es libénlilés rcci: 1·oq11es que se faisaient par le contrat de
mariage les père et mère étaient ou n'étaient pas soumises à la
réduction . s ui V'lnt qu'elles ne dépassaient pas les limites des
conventions 1na tri moni 'lless ( raisonnables et loyales) ou qu'elles
les dépass'.lient. Cette dislinction, parfois délicate, était confiée
à la sagesse d es juges. (2)
Quid rnhtivement aux constitutions de dot Y la question ne
faisait pas de tlitnculté , l11rsque la dol était constituée en objets
aulres que des deniers. \his, dans le C'ls où elle comprenait des
denie"s, on a' ait m is en doute la possil>ilité du retranchement,
par le m otif que les deniers sont employés 11resque toujours à
des dtSpen"es nécessaires, pnur J'éta\Jlissemcnt du ménage, ou
même à ries Mpenses r eu utiles, et et que la fille n'en a souYeni
c :) 1,el'\· • ri e 1 rn p1'd r 1e rien, ·1wrn 1 survient le dëeès <le son
père ou de s~ mère. Ces r:.iisous étaient, il fa.ut le reconi1aitre,
(1) P oth. Don. eni. vils. Sect. Ill . art. V. p. 'l
(!) Poth. Ibid.
�-
-
186 -
peu solides, et l'ordonnance de 1?31 n'en tenant a ucun compte,
soumit sans dis tinction toutes les constitutions de dot au retranchement pour parfaire la légitime.
On se demandait auss i si la dot, pouvait être atteinte par la
réduction dn vivant du mari. La clifficulté -ienilit de re que Je
mari, tant qu'il vivnit, employait la dotaux charges domestiqnes
et semblait devoir être considéré comme en ayant reçu la
jouissance à titre onéreux. :\fais, l'ordonnance. <le 1731, dans
l'a rticle 35, décide qne la dot , peut èt1e r etranchée du vivnnl du
mari. Le motif en est, que ln dot cons titutan t a u profit de la
femme un titre lucratif, gardai t naturellement ce caractère dans
les mains du m:iri, '-On aya·1t cause.
Les intérèts d'une dot promise sont-ils, comme Je ca pital.
soumis au retranchement pour la légitime, il s upposer que le
constituant, père ou mère, vienne ü décéder avant de l'avoir
acquittée. Pour mieux co mprendre ce point, faiso ns une espèce:
un père constitue à sa fille, nne dot de 10.00 lines et s'engage
à en payer annuelle ment les intérêts. Il meurt et n'a acquité ni
le capital, ni les intérèts. Le gendre réclnme le cap ital, et, en
outt-e les intérêts qui ont couru dep uis le j our de la cons titution.
Les autres enfants ont-ils le droit de soum ettr e au re1rancheme1lt non seulement le capital, mais les intérêts ? Un danger,
à cet égard était à redouter. Le père pouvait, dans un but
fraudJl eux, re mettre à son gendre les quittances cons tatant le
paiement des intérêts. ~o n obstant ce Janger, nos a uteurs et
Lebrun eutre autres, estimaient que le capita l seul devait
supporter le retranchement. Quand à la raison qui motivait
cette déci sion , la voici : s i la donation avait été exécutée, le
retranchement ne pourrait porter que sur le capital. Or1 on ne
!Si -
peut admettre que l'inexécution ait pour elfet de rendre la
légitime plus forte qu 'elle ne l'eut élé s'il y avait eu réellemen l
exécution. Donc au cas qui nous occupe, le retranchement ne
pourra atteindre que le capital. Mais Lebrun n'hés ite pas à
excepter de cette décisiori <le cas de fraude évidente (1).
Les dots de religion étaient généralement affranchies du
retranchement. On considérait que le couvent recevait les
biens donnés en dol à titre onéreux, sous l'obligation d'entretenir et de nourrir le religieux , pour qui la dot était constituée.
Enfin, les donations qui ::,e cachaient sous l'apparence d'un
contrat onéreux, était>nt très certainement soumises à la réduction pour la légitime. Ma is, s'il r avai t eu réellement contral
à titre onéreux, vente par exemple les légitimaires n'étaient
pas fondés à prétendre que le retranchement devait avoir lieu,
par ce seul m otif qu'il y avait disproportion entre le prix et la
chose vendue. Ils devaient prouver, en ce cas, que le défunt
avait eu l'intention ar rêtée de faire dona tion de la plus value.
Telles étaient les espèces s ur lesquelles des difficultés plus
ou moins graves s'étaient élevées a u point de vue du retranchement pour la légitime. La masse se composait, ainsi que
uous l 'avom dit, de tous les biens exis tants au décès, et de tous
les biens don nés eutre vi f:;, S 'l.11-S <lis tinguer s'ils d.e\·aient o 11
non subir le re tr<incllement, et c·e:;t de celle mass~ l!U·on
rléduisait la portion dùe au légiti naire. •>n tenait cu111pte des
bien .-, non d'a pres leur ,-aleur au te mps de la dona tion , mais
d'après leur \' ll.:nr .tn .1 our .11 1 cl ·cès. ri •slradiùn faite dl"
lliipense ... t"lit~ ... par l··.., d 111 ll·u1·{'.- ,, t .le::. d·~gr.tiil11 1 s par" L.\
corn mise::;.
( 1 ...,,H.:<:.. ,iu. li. 1'.h. Il l ...... d
\ Il
�-
§ 6.
D~s
iSS -
- tSt lement, suivant qu'il y avait eu perte tot1le ou simples dét ériorat ions.
imputations que comporte la lé9itime.
Le légitim aire est tenu, en r ègle générale, d'i mputer sur la
légitime à laquelle il a droit tous les avantages entre-vifs ou
testamentaires qu'i l a reçus du rléfnnt. Celte imputation pe•1têtre opposée par toute personne, tlonat·üre ou légat·ü re , é tranger ou coh éritier, contre laquelle le légitimaire se dispose à
exercer raction en retranchement. L a théorie de l'imput'ttion
receYai t des 1pplic1tions multiples et Y:ll'iées, qu <! nos au teurs
et principalement Le'mm· exposen t longueme nt. Nou ' av.ms
donné le p r incipe. Nous nous borneron.;; à en faire conn..itre
quelq ues conséqnences :
Ainsi , Je3 filles dotées qui n 'avaient p""ls renoncé à la s uccession dans le c mt rat de m ·lt'iage, ou qui n'en éta ient pas exclues
foi mellement par l::t con lu me, devaient imp uLer la dot qu'elles
avaient re<;ues sur leur l( gitirn e.
Les coutumes dites de préciput ùécidaient que tl)ut avantage
atîranchi du rapport échappait au8si à l'imputation , lorS'Jlle
la question s'éleva it en tre frères issus du même auteur.
Si l'immeuble donné a u légitim'lire avait subi une per le
totale ou partielle, il f-tlhit distinguer si ces éYènements étaient
<lûs à b faute du dom taire ou u un c1s fortuit.
Dans la pre111 ière hypoll1èse. lïrn p uta t ion se faisait sur la
valeur intégrale qu'a urait lïmrne uhl ·sans h fau te du don ·1ta!re.
Dans la second e, l'imputat1on cessait ou n'avait lieu que partiel-
Si , à lïnver , e, ro'i;et donné avait re~u des accroissements
acci<le 1lels , il en éL:iit tenu compte, comm ..l s'il s·agiss:lit d'avantages fai ts p.'.lr le d flint lrli -rnême.
Le pro :J t q11'tm enfant nv'1il obtenn P'H l''lcto"I en retranchement exercée con! rc un sec·on<l rn:u ·i ou une seconri e femme, en
vertu de !'Edit de5 seco n<les n11ces, ne sïmp11t1it pn snr h légi
me, p'11·ce que r enfant ne ten<tit 1ias les biens de 11 libénlité
du de cujus, encore m1 :ns des disposi ions de la loi sur h léditime. i\hi::>, si les donltions et legs ultérieurs ne su'.Tisaient pas
à p::i.rf<tire la légitime, l 1 donation du secon 1 conj11int po1.vait
subir, outre le retr1n,.11e111ent prescrit P'H rEdit des secon les
noces, le relr .. ncliement d ;rns 1'intérèt de la légitime. Dans ce
cas, d u reste, le pl'oflt a ins i obtenu s ïm put:liL sur la l~giti 1n e et
diininu'li t d'a 1tanl 1:1 réduct ion d on~ l taienl tenus les do111.taire3
antérieu rs .
§ 7. - De la lé[Jitime da ns ses 1·a. p01·ts avec le droit d'ainesse.
Le droit d'•tiness e av'li', à cert·ün ; èg·ud.:;, le caractère d 'une
légitime d'origine féoda le . Au.;s i, s:i. co•nbin1ison i:n·ec la IPgitirne onlil1'lire n'ét1i t p'IS, \:)3 tH> donn r lieu, dans certains cas,
it d e~ d iffic11llés s ur lesquelles il est nécess1ire de fournir
quelq•1es ex, li c:i ions.
T ut d'a ore!, cru'él'l it-ce que le droil d'a.nesse. ou mieu < en
qulli ron ·istail-il ~ Les coutumes pr~scnt :lient a cet ~g·1rd les
dis 1·osilions ks plus di, erse~. Le swant I~liinr tth les rér artit
ea L1·ei.r.e cl,tsses ou syst è111es. l\ ou" ne not1s al t·"'-chern.1s C] u'au:<
coulu;les de Paris et d'Orléms, qui su r ce po'nt, comme sur
beaucoup <i'autres formaient la droit com1u1,m de la France.
1
�-
- ttt -
t90 -
Le droil d'ainesse comprenait esscnliellement Lrois avantages. L'aîné avait droit, s ur les biens nobles ou partagës comme
tels: 1• à un manoir, situé à lu ville ou à la campagne avec ses
dépendances; 2° à un arpent de terre, primitivement mesuré
par le vol de chapon. Cet arpen t devait étre pris dans l'enclos
oujardin attenant au dit manoir ; et, s'il n 'y avait pas de manoir,
un arpent à choisir oü il voud rait; 3• à une portion avantageuse qui était des deux Liers en face d'un enfant, de la moitié
en présence de deux ou d'un plus grand nombre. Tout ces avantages constituaient un préciput au profit de l'ainé, et se prenaient dans la succession de la mè re comme dans celle du père
(Par is, art. 13. 15. 18. Orléans 89, 95, !J7). Ils n·avaient pas lieu
en ligne collatérale, et les mâ les seuls y pouvaient prétendre.
Mais, les petites filles en profitJient quand elles venaient à la
succession de leur aïeul , par représentation de leur père. ( Paris
19. 331 . 3i4. Orléans 89. 98. 305.)
Quoique l'ainé eùt, grâce au droit d'ainesse, une part plus
forte que ses cohéritiers, il n'était tenu du passif que comme
héritier, et non d'après lïmportance de ce qu'il recueillait.
Le dro.t d'ainesse n'aug men tait pas sa contribution a ux. dettes.
La qualité d'hér itier était rigoureusement exigée, pour pouvoir réclamer les avantages rlu droit d'ainesse. Si donc, l'ainé
était privé, pour l'une des cause'> mentionnée::; plm; h tUl, de la
s uccession ordinaire, il perd1it son droit aux prérogatives d'ainesse. Même décision, s'il renonçait à l:J. succession. :vfai',
quid ~·il en ava it reçu la valeu1· en1re vifs ou par dispositiou
testamenta ire? La coutu1n e de Paris, arl. 5 i , lui donn1it le droit
de retenir les biens par voie d 'exception, mais défenJai ta u puiné
de prétendre exercer à son tour un droit d'ainesse, afin ne ne
pas grever deux fois la succession du même droit. Mais, si
l'ainé renonçait gratuitement, on se demandait avec raison si le
puîné ne devait pas prendre sa place et exercer le droit d'aînesse?
La difficulté venait de l'article 310 de Paris, qui portait, qu'en
cas de renonciation gratuite, le droit répudié accroissait aux
aut1·es enfants, sans prérogative d'ainesse. L'article, on le remarque, ne dit pas s'il s'agit d'une renonciation foite par l'ainé
ou par Je puiné. Aussi, deux interpretations se sont-elles produites? les uns onl vu dans ces mots cf'lte signification: San!
transmission du droit de l'ainé au puîné, les autres celle-ci:
san s qu'il y ait lieu pour l'ainé d'exercer son droit d'ainesse sur
sur la part répudiée par un puiné. Cette seconde explication
semble plus vraisemblnble et nous croyons devoir nous Y
rallier.
Le droit d'ainesse était, avons-nous dit, une sorte de Mgitime
féodale instituée au profit de ratné. Cette légitime recevait
l'application de principes particuliers. En premier lieu, elle
comprenait le droit d ainesse tout entier, et non une simple
quote part de ce droit. Lebrun n'étail pas de cet avis. (1)
mais, Pothier est formel en ce sens. Les legs étaient donc réduits,
lorsqu· ls entamaient le droit d'ainesse, qu'ils fussent faits à des
étrangers ou ù des frèr es puinés. La légitime féoda le pouvait
être a moindrie par des donations entre vifs, pourvu que le::. donataires fussent des étrangers. Les puînés ne pouvaient recevoir
entre vifs des biens qui constitu.iient le droit d'ainesse. En ce
cas , la donation eüt é té nulle pour le tout, que le donataire vint
ou non à partage. Lorsque le donataire était un étranger , l'ainé
( !) Suce. li. J.
t. p. 6.
�-
i9! -
-
avait cert1inement contre luidl'Oit an r etr'lnchement. Mais, on
di:;cut'lil jus 1u'à concurrence d e q uè lle p·u-t il pouvait agir 611
r éduction, Lebrun limi te son actio n ü 11. moitié c:e se~ préroga-
19S --
cédait à la légitime ordin:tire , en ce qu'elle deYait êtrè soumise,
à h contril.>•1lion au p 1ssif.
tives d'aines·e 0). Po lhier lui do nne h légiti m e ordimi r e (3).
ArrÎ\' ons au cas 011 lll1 confli t se procluis·tit entre la lég itime
orrl naire e· 1:-t légili 1t1e ri e l 'ai 1é. D tns trois hypo thèses , h légitim e d ·s pn nés ét'lit préférée ·u1x ·1\ a nl'lge;; dll drnil d 'a n es'>e :
1° Lors riu e l'exercice des droi ls rle l'ainé abso· lnit 011 <'-t ieu
près les b iens de h s ucces·ion. \ insi. 1"1rtiele 17 de la coll : 1 n e
de Paris d écid·Lt q11e, lo rsqll e h sllccessi.rn ne compren·1it 1p1'u n
ma noir et ses dépendances ou des biens insn:Tis·mts P• ur
payer s a lëgitime des puinés, l'a iné deYait, ~w'lnt de prendre
sonpréci11ut, acqu ilt r e i a rgent 11 légiti me de ~E's frère.-. ~l •is,
quelle éh1t cette légitime, ou plutôt, comment rlevait-011 h
calculer? J':iccor 1et:i.it loin <l 'exister s ur ce point. Ln. coutur.1e
d 'O rl éans ne prêl'l it pas à l1 n1 ê 111 e con trove rse . Elle réduisa it,
da ns ce c1s, les droi ts de l'ainé a u x deu x tiers,s 'il n'ava it qu'un
cohé;'itier, à la moitié, sil en avait deux ou u n plus gr .. nd
nom·,re.
2° Le seco nd C'lS oil la légilime orclirnire l'emport'lit sn r cell"
de l'ainé, étîit le c·ts où les bien-5 de ro ture av tient été d onnés
entre -vit's da•1s un e mesure qui ent·1 m lit l t légilirne des pu nés,
hn·lis qi 1e l'ainé trouv1it, d'lns les biens nobles, restés da ns
la successio 1, lou re h sienne. D1ns cette hypoth..!se , le re tranchement s'opér 1it Slll' le r réc rut ri l"liné.
3" Enfin, !or ~ l 'e 11 -;•11•1·e,; .i ·n é"iit :1 :J~·1r 0., 1n r .J . det tes
que ne devait p1.:; supporter r.u11é, h
11. t1 ts-·w.
(3) Suce. Il. !. '2. P. 6 •t. ;ui" ,
( )
t:.u ~ c
Jé:;it.me dù celui-ci le
Appendice. -
Co.1111ai·aison entre la lé:;iti 11e el la réser ve.
Nous croyons utile, en termin111t nos explications sur les
résen·es Cllutu111 iè r0s et sui· la légit.me de donner, d'lns un
tableau ra pid e, lïn1lic·ttion des r es,emblan ·es et des diffé rences
qu e prése.itent ces deux ins titutions s i voisi11es et si im portantes
de no tr e anr ien droit :
Leur lmt immédi'lt e l irlenti<Jue: toutes deu x ont pour ohjet
de r estreindre, dan , lïn lérêl de cerhins paren ts , les dis positio ns gra tui tes faites soit à cles étr.111gers, soit à d'autres p1rents;
P our prétendre aux t·éserves, comme à la légili me, il faut être
hêriiie r de fïit e l d e droi t du défunt. Celle condition ne cesse
d 'être ex igée qu'à l'ég1rd du renonçant en possession de v<1 leurs
h él'édit1i re- e t qui r elient sa légitime, par voie d'exception, s ur
les biens qu' il délien t ;
Il y a , d1ns les <lenx c1s , s·t isine lé,ple ;
Les parts des s11c1·essibles ciéf-till'lnts vont, par droit ll"accr(li~sement ou de non décro issement, grossir 1:1 p:irl des suevt!n'lnl ·w p ·trl'lge;
d'ainesse s'exer· ·esur lî légitime et sur les ré erves.
drnit
Le
L:t gu"tnlie Ùè ces deux inslit,1lions esl l t mèrn:; c'est l'ac-
ce:;~bles
tion en retranche111e11t ;
Des différences
fl'HI
moins
ca r~c l.éristiques
réservès coutumières de la légidme de droit.
.séparent les
�- tt6 -
-iH-
Les premi: res sout d'origine germanique. La. légitime à son
rondement dans le droit romain.
Les réserves ont pour but fin;\I le soutien du nom et l'éclat
de lâ famille. La légitime n'a d'autre objet que de f,mrnir des
aliments aux proches parents du défunt. Aussi, tandis que la
lègitime atîecte tous les biens, la réserve porte exclusivement
sur les biens propres.
La légitime n'est dùe qu'aux enfants. Les réserves appartenaient même aux coilatéraux.
La réserve ne s'oppose qu'aux libéralités testa mentaires.
La légitime fait obstacl e aux donations entre vifs , aussi bien
qu'aux dispositions testa mentaires,
La quotité n 'est pas la même. La réserve comprend les
quatr~ cinquièmes des propr es. La lég.time, s uiv.i nt la coutume
de Paris, est de la moitié de la part qui eùt ap partenu à
l'héritier, en l'a bsence de dispositions gratuites.
SECTION III.
Du Douaire
f. l . -
D~fi.n ition
d u Douaire. De
~on
origine,
et de sa nature
Dans un sens général, le douaire consis tait dans l'usufruit
d'urn\ portion de certa ins biens du mari, que les coutumes ou
les conventions matrimor11a les accnrdaient à la femme survivante.
Plu~ieurs • coutumes r éservuient a ux enfants , la nue propriét~
des biens.qui for maient le douaire de la femme. D'où suit qu'il
faut distinguer deux espèces de doua ire : celui de la femme et
relui des enfants. Nous avons dit que le douaire ap partenait it
la femme survivante en vertu des coutumes ou en vertu de
la convention. Dans le premier cas, le douair e s'ap pelait légal
ou mieux coutumier . Dans le second cas. on l'appelait conventio1 1nel ou préfix .
�-
0'6 -
La première q uestion qui se p résente sur cette inlitution du
douaire est celle des 1vo.1 quelle en est exaclemenl l'origine.
Un sava11L investiga teu r des orig ines du d Mit coutumier,
Dela urière, assigne au dou ·tire une source ger.nanique (1). Il en
voit ïo rigine d'lns l'us1ge des p1•e miers gçr main-:;, d'a près
lequel les maris donnaient des d0 ts il le lll's épouses a tt li eu d'en
recevoir : D ote 11 non 11 l.'01' marito, sed uxo• i n1aritus o. "e1·t.
Polhier aj' puie ce sentiment de S'l grande autorité : << Celte ùot,
~ dit-il, que la femme, a u dire de Tadte, recev1it du mari,
<< était vraisemblablement la mème chose que ce qu'est notre
• dou1ire, c'est à dire q11e!q 11e po rtion que l'ho mme, en -.e
« ma riant, assig nait da s ses biens à la fem me quïl épousa.t
, pour que b femme en j o.lit, a p rès la mort de soi mari, en
c usufruit pour ~ a s uhsist1nce. »
CeL!e du t q11e le nn ri ofît· 1it à S'l femme, s11iv:111t les lois germa niqut>s, rie sera it a u l'ü chose, disent certains 1uteurs, que la
don:ition appelée mor,9e11oabe, q11e le ma ri fa is:iit à S'Jn épouse
le lendema in du mariage. :M. Laferl'ière et l\iI. T ro plong (2)
VJiènt dans le douai1·e une s ulle de cette coutume primi ive el ils
fondent leur opinion s ur une vie ille l'ègle du droit cou lurnier : Au
C(lUt:h ~r , g1gne la femh1e son rl ou·t ire. (3)
Q110.qu'il en soit, le dou·lire a ce rl'li11ement so 1 origine da11s
le droit gè1'm nir1ue el d ... tls .es mœurs de:; ancie 1::> p1..uples de
la Germanie.
Il ne r~sulta d 'aborcl cp1e de 11. c·onv nlion. Ce fut Ph ilippeAt·gus· e r4ui, au corn nencvmet1t du Xlll"'' ::>iède élablit le
tlJ Ru r PHis, Ar t . '!47.
.
( l) Doua" ·~ n. '1.
(2) Hist. droit lrauç. m. 199. Trovtong, Préface du contrat de mari1ge p. (09.
- 1f7 douaire légal, en ordonnant que la femme serait douée de la
moitié de ce f] Ue l'homme avait quand il l'épousa. (Beau manoir
ch. du doua ire.)
Le douaire est, comm e la légitime, une portion de biens r éservée, à titre d'a liments, à la femme surviv<1nte et aux. enfants.
T.outefois, il fa ut se garder de le confondre avec la légitime.
Pothier, qui lui donne cette appellation, signale néanmoins cinq
diŒérences entre le doua ire et la légitime:
1° La Jé0 ilime est dûe tant par le père que par la mère. Le
douaire n'est dù que par le p~re.
2• La lé0 itime se prend sur les biens laissés au décès et sur
les biens donnés entre-vifs. Le douaire se prend sur les héritages et immeubles que possédait le mari, au j our du mariage,
ou qui lui sont venus d 11 rante mafrtm onio, de ses père et mère,
çn,i p·\ren ls de la ligne ascendante, et le mari ne peut les engag~r
tli aliéner, à qnelque titre que cc soit, tandis que la légiti111e n'est pr.itégée ciue contre les dispositions à titre gratuit.
3" Le dull'lire n'est grevé que des deltes contractées avant le
mari·tpe.L·l légiti 11e est primée parles det tes, c;>ntractées à toute
époque, rn1is ... eulement sur les biens laissés au décès.
4° Les e if nts d• 1ivent être héritiers pour prétendre à la
légitime ; ils doivent, au contraire, renoncer pour avoir droit au
douai re.
5° L e père ne peut, par contrat de mariage, priver les enfant-:;
de leur légit.me. Cette facultée lui est laissée, quant au
douaire. ( 4)
(~ ""'"•ittl 44 douaire n· 211.
~
1
1
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§ 2. -
Quotité du Douaire
Les articles 2-18 E>.t 253 de la coutume de Paris, 218 et 221 de la
ëoutume d'Orleans, indiquent la quotité du douaire de la femme.
Le douaire des enfants, n'étant autre, en nue-propriété que
celui de la mère en usu fruit, la quotité en est la même. Elle est
es. de la moitié de" héritages que le mari tient et possède au jour
& des épousailles et de la bénédiction nuptiale et de la moitié
« des héritages qui, depuis la consommation dudit mariage et
1( pendant icelui, échéent et
adviennent en ligne directe audit
• mari. ))
,
Le douaire des enfants était lié au sort de celui de la mère~
Si le douaire préfix accordé à la mère par la convention,porLait
sur d'autres biens, ~elui des enfants affectait les mêmes biens.
Si les conventions matrimoniales auto risaient la mère 1\ opter
entre le douaire préfix et le douaire légal, le douaire des enfants
dépendait du choix que ferait la mère. Si la mère avait renoncé
à son douaire. les enfants perrlaient également le leur. On
admettait mème que la clause qui accordait le douaire i\ la mère
X
t
C,'ét :::n't u"aoureu
pouvait expressément en priver le ~ en fans.
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··
Mais, si l'on se r 1ppelle que le doU'IÎre mellait un ol>sta~le
absolu aux aliénations tant gratui tes qu 'onéreuses, et qu en
· ·
renon
outre les enfants ne pouvaient ètre douamers
que s "ls
1.
çaient à la s uccession , on coinprendra que les coutnuies, en
.
·
face de ces graves inconvéments,
aient
déclaré i·1c1ï e l a cause
.
écartant , expressément les enfants du douaire. Le douaue
"
-tH-
appartenait aux enfants issus du mariage qui donnait lieu &u
douaire de la mère. Mais,comment les choses se passaient-elles
en cas de mal'iages successif-; ? Le principe général ét-lil que le
douaire des enfants nés d'une union postérièure ne frappa.il pas
les biens déjà afîectés au douaire des enfants du premier lit. Ce
douaire s'établissait: 1° sur la portion libre des immeubles
atteints par le premier douaire , mais seulement pour le quart;
2° Sur les conquêts dont le mari était en possession au jour
du second mariage ; 3° Sur la moitié des immeubles que le mart
pouvait recevoir des ascendants pendant la seconde union. Si
l'on suppose un trois ième mariage, le douaire comprenait la
moitié des biens que le second mariage laissait libre. C'est ce
qu'exprimait Loysel dans cette élégante maxime : Douaire sur
douaire n'a lieu (1)
§ 3. A quelles conditions Les enfants avaient-il1
droit au douaire.
Nons avons dit plus haut que l'enfant ne pouvait prétendre au
douaire qne s'il renonç·lit à la succession. Les qualités d'héritier
et de douairier éta ient con-;idérées comme incompatibles et s'excluant réciproquement. '\Jul ne peut ètre héritier et douairier
tout ensemble, nous dit Pothier. Cette règle fonù:Hnent .le qui
constitue une d ifférence saillante aYec la légit:rne, où dominait
le principe inverse, s'explique, par cette considération que le
(1) LoyMI mst. UI.3J, t68.
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~OO
-
donail'e nxait pom objel esse·1Lic: d'·issq1·er h s·1hsist1nce <ies
enfants en 1es melLrnl ü ï l uri de lïnsoly tliilité dL' le 1r père.
Aussi, le douaire s'op• 1os1it- il, ·rnx dis 1103iliu11s à titre 1néreux,
non moins qu'aux libéralités.
C'était, 1linsi qLw le dit Bou1jon, une demi re t'l. le de naufrage pour les enf-tnts. f ] Or, s' ls ;'lvaient du se porter hériti ers
pour recueialir leur rlotnire, ils s'ex pos1ieut aux poursui es des
créanciers, et s'obligeaient ü l'especter les alién-ltions é manées
de leur auteur. Il fa ll,tit donc décider r1uï ls Jevaient renoncer
pour pouvùir réclamer le domire.
l\l<tis, quels enfants devaie 11 ètre co nptés pour le ca lcul du
douaire. La difficulté portait ici non su r les enf i1lts renonç1nts,
mais sur ceux qui acceptaient et <rui tt'.l ient, en conséquence de
leur acceptation, exclus du douaire. Dev 1it-on les c mpter pour
la détermination de la quotité du douaire ? Cette question
n'était p1s moins discutée en l'etle m·ltière q· ..- 1 propos de la
légitime. Sans entr·er dans le ùét1il des conlroverses, nous
devons indi luer les solutions génér d ement reçu..:s Trois catég0ries ùe personnes ne liguraient 1ns dans le c·llcul · c'ét·1ient
les indignes, les m )l'ts ciYilement, el les enfants préùécéJés
sans postérité.
Toutes le;; ;i.n ' re:; étaient compté ; et c'es tcl'après leur nombre
total qu'on fix<tit le doll'lir · d sti11é à ê tre part'tJ é entre les
ayants dr it. Ceux qui 1ccepl 1ie11l el ceux qui ren!)nçaient ét lient
compt és, c11· le lou ·tire réprése11l lit po11r ces derniers la part
hérédit ire qu'ils aur:1ie11t recueillis , s'ils se fussent porlés
hériliers. Le dou ... ire <!lait comme une indemnité ùe b su ces1
(1) Douaire eh. I. n• t,
-%tl1 -
sion répu1iée. M1is , l'enfant rpi 1ccept1it ne pouv'lit pas criti
quer les contnL.; ü lilre onére.1x l tih p 1r le p re rehlivenient
aux biens ~np , 1é , p·u· le rln 1 ire. E.i l'.e (Ili touclie les impulatioiis que comporU1it le c1uu 1ire, les rèJl e ~ étaient les mêmes
qu'en matière de légilin1e. Su r CP. pu inl, donc, nous nous bornons à rem·oy, r aux ex pl ica lions rlé1a fournies. (1 )
Enfin, e dDU'tire entra1rnit, la s·tisine dans 11 plupart des coutumes, nl'liS :- en'ement en ce rp 1i concerne les biens non aliénés
par le père. Les l.Jien-; idiénés devaient ét1·e reYeniliqués contre
les tiers. Le décè:> du père étai le seul évènement qui donnàt
ouverture 1u dou·1ire. Jusque là, le père en restait propriétaire ; car, les enfants dou.iiriers pournient prédécéder et perdre leur droit au douaire. Aussi, <lisait-on avec r,iison 11. jamais
« mari ne paya do111ire. » (2) Mais, dès que le droit s'ounait
au profit des enfants par leur Sllrvie au père, il devena t transmiss i J~e à leurs héril iers, fu i, c>mme eux, devaient renoncer,
s'ils voulaient rl:clamer le douaire,
§. 4. -
E,Tefs et sanction du douaire
Le dou1ire aY:iit pour etTet essentiel cle transférer aux enfants
la propr été des choses qui s'y troll\·aient comprises. Le
partage se C..k1il ég·tlernen1 s·ms prél'Og1tive d'ainesse. Les
dettes él'lie11I s 1ppo1 tées p·H le n 111irier proporfonellewent
à la p1rt sur 1iquelle portail le douaire. Quant à la sanction,
(1)
~11pr:1
p. 188
('2i) Loy~l. l. Hl. i.
�- tot -
elle düYérait suivant que les biens sujets au douaire étaient
restés dans les mains du père ou avaient été l'objet d'aliénations. Au premier cas, le <:louairier exerçait l'action en partage.
Au second cas, il procédait par la revendication , en commençant par la dernière aliénation, et en remontant des plus
r écentes au plus anciennes (2).
CHAPITRE Il
F poque Révolutionn a ire ou Int ermédia ir e
Les successions et les dis positions à titre gratuit sont trop
intimément liées au régime politique, elles e xercen t sur ce
régime, une influ~nce trop directe et trop profonde, pour que la
Révolution, en même temps qu'elle créait un ordre de choses
nouveau , n'apportât pas à la matière qui e.ous occupe de
graves modifications. Les actes législatifs de l'f°·poque révol utionnaire rela tifs aux successions et aux droits des h éritiers
légitimes sont trop nombreux pour que nous puissions les
pas::er en revue, en indiquer le" dispositions importantes, les
juger et les apprécier tous , comme il conYient. Nnns devonc;
donc nous borner à !'nire conn1ilre 1 s grandi>s r~· for111e:; <le
celle époque qui constitue comme un tra it d'union entre
l'ancien droit et notre légis1a lion t0oderne
('l). P uthier. Dou:i.ire n. 190 et 341.
- SOI -
· L'éga lité est, comme le dit un auteur, la panacée du droit
révolutionnaire. Les législateurs de cette époque ne voient pas
de moyen meilleur pour favoriser les mariages, entretenir
l'esprit de famille, éteindre les ja lousies et les haines, répartir
sagement la propriété, disséminer la fortune, ,1ssurer Je corn·
merce, l'agricul ture, et, mieux que cela, relever la moralilé.
C'est à ces principes égllitaires qu'il fallait ramener la légishtion snr les si 1ccessio11s et les donations soit entre vifs, soit
testamentaires. 0 ·1 y a rriva rn pid e ment.
Le l aoùt 1789, l'Assemblée abolit la féodalité. Il n'ex iste
plus de fiefs, ceux qui en son' prnpriét1ii·es les conservent. ~ais
ces biens cessent d 'èlre r égis p 1r les lois féodales. ils sont placés sous l'em pire des lois de la propriété foncière. La loi du
15 mars 1790 aboli t les droits d'amesse et de masculinité et
prescrit l'éga lité dans les partages de succession. Cette loi, qui
p osait un principe, demandait à être développée. Le 11 mars
1791, Yfel'! in, qui avait été le rapporteur de la précédente loi,
apportait, sur la matiere, un projet complet, r édigé selon tes
vues nouvelles de l'Assemblée. Mirabeau mourait le it· avril,
et l'Assemblée, r éunie le 2, écouta le discours que le tribun
avait prép ar é sur la loi, et qui fut lu par Talleyrand, l'ancien
évêque d'Autun. Mirabeau y critiquait passionnément le droit
de tester et y glorifiait l't~g1li té. es idées se refléteront bie ntôt
dans la loi fameuse du 17 Nivôse an Il . Cependant, l'Assemblée
n:üionale r1ui a' ai t écoulé, d111s le silence de la consternation et
de h stupeur, cette œuvre élo rucnte, mais haineu e et passionnée, ne conclut rien et se réunit quelques jours après. Robespierre exposa h même thèse, dans la séance du 5 avril, mais sa
rhétorique verbeuse et sèche empêcha l'Assemblée de s'égarer
�••
-
dans les sophismes qu 'il développait et ne fit accueillir qu'un
des vœux de Mirabeau , l'égalité des partages (8 avril 1791 ).Rien.
ne fut décidé sur le pouvoir testa mentaire. C'est, pourtant à
cette même séance du 5 avril, que Je président, T ro11chet, 'oulant établir la prépondéra nce de la transmission de la loi s nr
celle qui é mane de l'h omme, disait que la lôi de n .ture, ayant
créé l'h omme mortel , borne son droit de propriété à son ex istence; que le droit de transmettre après lui est une concession
de la loi civile, fondée s ur l'intérêt social ; que la loi peut régler
le droit de transmettre, quant au fond et quant à la forme; que
la propriété est m oins un droit qu'un fait; e nfiin que l'homme
si on le prend dans l 'état de nature, qui est son ét.it prit'n itif, n'a
point le droit de tran::;metlre sa propriété a près son décès.
Brillants soph ismes échappés à une belle in tell gence que les
séd uisantes théories Clu Gontrat Social et le st yle n1 agi<1ue de
Jean-JacquesRoussea uanient éga rée loin de la vl- ritl: e tdes vrais
fondements d 11 dro it! L'homme est un ètre sociai.Jle et socia l. Ce
n'est pas en vertu d'une conventi on, mais en vertu de sa n1ture
p1•opre, de son essence qu'il v it en société. Le droit de tester
n'est pêls dava ntage une concession de la loi posilive; il a son
origine dans le droit naturel. C1r, s i le trava il est le fondement
de la propTiété, si le besoin de vine, d'agir, de dé,· lopper les
facult~s de notre ètre, nous porte a la peine et au labeur. si, en
un mot, la propriété est, comme on l'a dit, le prolo1)gernent d.e
l'activité et de la liberté humaines, l'homme doit pouvoir touj ours disposer de ce qu'il a acquis, entre vifs ou par testa me il,
et, ce droit primordial et sacré, il le pui-e incontestablemenl
dans la loi naturelle. La loi civile ne fait que prrter la rnaln à
l'exécution de ses volo'ntéR.
!01 -
Elle reconnalt et consacre ce poU\•otr de tra nsmission testamentaire, h au tement proclamé par le droit n1turel , el s111s le 1ue1
la prnpriété serait délJouillée d'une de se~ phis essentielles
prérog1.tives, celle dont l"h0mm e e;l, à jns telitre,le plusj1 loux,
le 1Jroil de libre disp1si tion . M tis, souten ir q11e h loi positi ve a
ici un rôle plus i1nportan t, qu'ell e ne constate pas seulement le
droit de tester , qu·elle le crée v.:: r ilablement et 'e.1 permet sou_
verainem ent l'exercice, c'e::.t a Ier contré les notions les p us
cerhines, les pr ncipes les plus inconlest. b'cs du droi t naturel ·
En ce cas, la même loi qui a créé la 1iberté de les ter, peut, sous
1è triste paétexte de nécessités sociales, a oolir cette li.>erlé,
refuse r à l'homme tout pouvoir a u-delà de son e xistence,
méconna tre, s i s1ges q11·e11es puis ent être, ses dispositions
derni.!res, disposer arbitrairement de $ 0 11 patrimoine, de ce <]u"il
a acquis par une longue vie d'e travail et de S:tcrifice, de Ce qui
lui est peut-êlre Je plus c her
le p lus précieux. Cela cependant
sera it logiq ne. La Conven1ion, s i Join qu'elle a i't été dans cette
1
voie et s i désireuse qu'elle pù L é tre ;l e délruirej us qu ·aux der1
nieres traces a·un passé qui , â coté de misères réelles, avait eu
d'inco mparables gran'd eurs, b Convention, disons-nous, n 'a pas
osé aùolir a bsol um e nt ce droit précieux et sacré, droit qui
1
affirme, plus q u'aucnn autre, la personnalité humaine, et que
Le ibnitz r lltache quelque p-irt à 1"1mmortalité. Mais, tomme on
1
va le voir, élle n·en fu t p.is éloign .!e.
1
et
Ce f11t donc Je 8 avril 17 Jl que fut portée la loi êtabliss~nt
1•ég1.lité entre les h éritiers al> in testat de la même 'fan ille.
L'1ssemblée éviL·1it cle se pr noncer relativement a u drtiit de
t'esle1·, s ur lequ'e\ ~Iir.ilJe·rn, d·111s le grand discours posthume
dont uou~ p arlions, avait e:.posé dei idée1 d 'une tà'usiteté mani-
�- 206 -
reste. Elle n'accueillait pas non plus la minime quotité disponibÏe, un dixième des biens qu'il proposait, tout en demandant
que cette quoti té ne fut j'lm'lis dis ponible au pl'ofit des enfants,
L'ass emblée légis htiYe ne p romHlg ua q n'nne loi a yant pour
o!>jet d 'interdire les substit utions . (21aoù t179?).
C'est a la Convention nation:tle qn'éla it réservé le tris te
honneur d e réaliser, en les exagéran t, les Yœn x d e Minbean.
r ar une loi dn 7 m·us17'.1:~ 1 ellepro l 1i be toute disp osili n i:,nluite
au pro•H d'un enfant, par clona!ion entre vifs, p·11· Lestlmelll ou
par inslitu!ion ron lrarluelle.
Puis. vient 1, loi du 5 brU'1l 'l tre an Il. qni durn de ux mois et
quelques jours et fit place ù h loi <l u 17 Nivôse, an U dont nous
devons donner 1'économie génér a le :
Elle relève les religieux et relig ieus es de l' incapacité que
p rononpit con tr e eux l'ancien d roi t (art. 3).
Ell e oblige au rapport, nonobs tan t toutes dis penses , les
enfants,ascend·mts ou collat ér a ux. qui sont a ppelés à la succession
de leur pére, mère, ascendants ou pa rents quelconques (art. 8.)
Les s uccessibles doiYent partager égalem ent. La renonci:\tion
qu'ils feraient ne les a!Tranch i' p 'ls du r apport de ce qu'ils
auraient r eçu à titre gratuit ( m èrue a rt. 8.)
Le dispor1iJ!e est fi xé au di xièm e d es biens. s'il y a des
h éritiers en ligne d irecte ; a u s ixième, sïl n'ex iste que des
colla té ra ux, sans que le.; héritiers na turels en puissent Ja mais
{>Ire gr·1ti.1~s r 1rt. 16.)
Toul l! cJi-;ti'1c'ioll cafre rorigi e eth n 1\ ure des uiens ro ur en
régler h tl .'Yo ulion e.sL s up pri111 ée. (a1 t. G:Z, .
La représentation est ad m ise à l'infini en ligne directe descendante (art. 64 à 68.)
!07 -
A défaut de d escendants, la s uccession passe aux ascendants,
et à défaut de ces derniers, aux c llatéraux, (art. 63).
Mais les ascend ants sont toujours exclus par les collatéraux
qui de!3cendent d'eux ou d'autres ascendants au même degré
(art. 72-76).
La représentation a lieu a l'infini en ligne collatérale (art. i7),
et la succession s'y p'lrtage en cl eux branches, l'une pour la
ligne paternelle, l'autre pour la ligne maternell e (art. 83).
Enfin, la dis posi tion de cette loi concernan t l'égalité des partages était déclarée applicable à toutes les s uccessions ouvertes
depuis le 14 Juille t.
Trois dispositions d e la loi de 1i \•ose ont s oulevé les critiques
les plus vives et les ;Jlus justes. C'est d 'abord la dispos ition qui
fixe le dis ponible a u ta ux minime et déris oire d'un dbdème des
biens, s 'il y a d es enfants, d'un sixièm e, s'il n'y a que des collat éraux. C'e<Lens uite, la défense faite au pére d'a vantager de ce
fai ble disponible l'un d e ses h éritiers directs , an préjudice des
autres . Et e n d ernie l' lieu , c'est la r étroactivité a ttachée à la
règle qui prescrit l'éga lité des p:irt::iges. Il n 'es t pas d'autelll' qui
ne s tig:n a tise h consécntion législat ive de ces idées ha ineuses
léguées à la révolut ion p'lr le dernier d iscours de Mirabeau.
« La loi de h Con vent ion, était, di t ~I. R agon, wrn ma u\•ai se
<1 loi. P ar 1a rétrnacti vilé de ses disposit ions, elle était u n m o~ nument de haine insensée en,·ers les cih .. yens. Par la r epré <1 sentn tinll e Jhténle
po 1ssée jusqu'ü lïnflni. c'e-l-à-dir~
1
c< jus lll°il !'·t
:urd <, è le fr p 1 :1it il pl'opritlé dïntert.lud·~ et la
« menaçait, l' dissolution. Le d l'oit de dis1 1osition y était res« Lreint à u ne portion ridicule par son exiguïté, p ortion qu'il
c était m ême défendu de donner à un héritier. Qt1elques. idée!
�-
~oè
-
heureuses, <mxq11elles le co<'le c'\'il 1 <'lonné une forme ~nva n te,
c ne nchel1ient p s assez res vices norn!Jreux rie !a loi de
c ':-\ï\·o~e pour 'ltù :! le p:. t seu!e meot tenir ju::iqu '<) la rrornulc g 1Lio11 rle ce code. »
c:
)1. Fretet n·est p1, moin•; sévère : « La loi de Nivôse en
« enlenut à l'ascenrl :inL ie clroit de léguer le rli ~po11 i 1le a l'un
c de ses enf'tnts, le privait alJs dument de la co11solalio1; de
poun·oir, a u seuil de h mort, a l'11Yenir rl e S'\ fan iil e, rie
« réco mpenser l.i piété ftlhle. rl e rép1 rerer les inég1l iles d'apti« tudes, les coups de lïnforlune ; elle 011lngeait l'auto; ilé
c paternel e, en l'l \ iol nl ·rnt dans e~~ a fiedion s; elle se mait la
c déti'lnce, lïns u Jo rdi1nlion d'lns 10s rehlions do mestiques, en
c dé-arm ant le père ét en débr idan t les enfants.
c Ce le lür tariss1it a uss le doux commerce rl e h b'enf1 is1nce.
c: Une r ersonn e, qui n'·1va i1. ni de'>cendants, ni ascendants
~ n'avait pas la liberté de donner s·i fùrt11ne à a n pt rent ou à
• un am i dévou.is ; h loi lui i111pos·1it des héritiers pour· la
c presque tot a lilé de sa fortune, car les fraclio .1s du dixième
« et du sixième él3.ient tlél'isoi res. l>
De p1reilles lois, on pe·rt le dire, so nt un vni fl d'lll pour les
peuples snun1is à le ur ernpirt! i\his. e11r durée est comte. et
ne s11 vil p1Jint aux sentime•1•s rle h tine me.:;'l·line el p1ssionnée
qui l ~s ont in spirées. Le Cons11 ht qui s nccé l 1i t au Directo ire
apporte à cet étal de choses les re111èclt!S nécess tire5 <hn'3 a lo i
du IV Germina l an VITI qui e ·l le po int de tr·11is iti •11 entre les
lois de h Convention et le Code c ivil. Celle 101 é enrl, quoi'lue
fai ,:ement le disponi .le. Elle n'··lCl;o1· le de ré.;;erve q11'1u>..
co1la léraux les plus proches. Elle aulori-;e le do n du dispoui ... le
1 'ùn d~s enfant.$ ou hëh.iers diretls 1 (art. 5).
c
a
L'art icle 1er de h loi fix ée l'l q11otité dispon!b!e ainsi qu'il
suit: <1. 'fti ;ites li1Jé1"tlilés faites soit p1r a~ le entre vifs, soit
(< p11.r
cle .l e cl erni èn vo:on té , rhn · les formes lés tle&, -;eront
~ Vlhblt!S. l1JrS {U'elles n'exc0dM01Jt Jl'lS Je qu:irt cle.; uiens
« di ·li -;p os1 1t, s ï 1 la;s.::>e à SJl1 décès moins de qu1t1·e en ·ant.>;
« le cin p1iè1 11 e, s'i l hi sse qu1tre vn ·ants; le s ixièrne, s'il en
« hisse cinq, et a ins i rie sui te, en compt'.rnt touj1 1urs, pour
« dé1ert11iner l:.t portion dispon ble, le nombre des en :an s, plus
« un. »
Si le rlé~u•ll his e de ' p1re ts à un degré plus éloigné que
celui de cousin~ germains, il a l'entière disponibilité de ses
bien,;.
ff,, près h même loi (art. 5) le successib'e avantagé par préci1mt, a u r réjudice de~ a11tres peut, s ïl accepte, retenir sur la
dou .tion, s1p 1rl de :-é;;erve et l t q•11Jtité disponible.
S'il renon e, il n'a drnit qu'à .a '1uotité di ponilJle. C'd1it. on
le voit, uue di.Té rence p.-ofoncl e avec les co .tumes de notre
ancien d1-.1it, princip ·tlern ent celles de Pa ris et d'Orléans, qui
autul'istient l'en:·rn t d1>n l'lire renonçrnt à retenir rumulalivement la cruoti lé disponibl~ et s1 p·u'L d:rns 11 légit' me,
Kous 1v0ns .1nsi r1pid emenl 111is en lumière les trl il<> ~ail
la ts de l:i législ..tion inte r111éili:.1 ire sur notre sujet, et nous
a rri vuns à l'élude du d ruit actuel, qui se trouve contenu dans
les a rtides 913 à !);W du eut.le civil.
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DEUX1 EM11J
PARTIE
DROIT FRANCAIS ACTUEL
Code civil (art. 913-914-915-916-919.)
DE LA PORTION DE BIENS DISPON!BLE
SECTION 1.
Notions générales sur la réserve De la nature de la réserve.
On a dit p lus d'une fois que le code civi l fut une œuvre de
trausaclion et de conciliation entre les opinions o •posées, les
idées adverses, el les élén1enls légis' ti f:> très-divers qui agitaient, à cette époque, notre p1ys. la11nis pRrole 11 e f11t 111ieux
justifiée, el l'on peut ajouter que, dans aui..:une mali~re <lu code
civil, la vérité de ce jugement n'éclate plus que dans la matière
relative aux pouvoirs du père, et aux. droits de la famille. Le
législateur de l'au XII avait devant lui l'imposante autorité
d'une tradition vingt fois séculaire. Aussi, ne mit-il pas un
ins ta nt en doute le droit, pour certains parents, de recueillir,
uonobstant toutes disposilious contraires du défu nt, une certaine partie de la s uccession, qu'ün avait appelée, clans la législation ronnine, la légitime, et dans notre ancienne j uris prudence, tantôt la légitime, tantôt la r éserYe coulumière.
Big it Préameneu, dit form elle.nent, au début de son exposé
de motifs, dans la séance de 30 Nivôse, an XI. a Quoi<Jue le
« droit de dis pnser de ses bi ens ne so it que l'exercice du dro it
« de propriété, auquel il semblerait, au p remier coup d'O'il, que
« laloi ne devr'..lit, en aucun cas, porler a lteinte, il est cepen« dant des bornes qui doiven t èlre posées, lorsc1ue les senti(( ments n:iturels et l'organisation sociale, ne permettent p:is à
« celui qui dis pose, de les franchir. i>
Mais, H fallait se tenir également éloigné du passé qui avait
vécu , et-dont les ins titutions n'étaient plus en h armonie avec
les idées nouveUes, et des tris tes écarts de l'époque révolutionnaire, qui avait outragé, dans ses lois, Io droit Je propriété et
foulé aux p ieds l'autor ité paternelle. li fallait apporter uue
ŒU\Te nonvelle, conforme aux vrais principes et qui sût
con, ilier, dans une s~ge me lll'e, l'autorité et les pouYoirs rlu
père avec le ùroit clcs cnf-lnt" s ur les bien .,tle 11 famill e.
Du r. :1port rr11e (lt, sur ce point, M Bigot-Pr~amenen , ~ e
dég:ige·11ent trois idées : (1 )
r le droit des cnf1r•ls à t ne réserve. Ce droit, le legishteur
le rattachait, sans hé::,iler, à la loi na turelle.
(I l Feo. t. tom. Xll p. '!U.
�2• le droit des ascend,ants t! une réserve. lei, Bigot-Préameneu
1
'
1
1
fonde 'plutôt le~drnit des asrenrhnts s ur le devoil' filial que sur
'
'
une obligatio·1 dérivant du droit 111.turel :
3° Le droit des frères et sœ•1rs à une 1·éserve : ce droit se
.
, ),
justifie, par h nécessité, de lllainlenir. entre les l}le,m lJ~es d'une,
n1êrn~ fa llille, des liens d'amitié, des causes de bon accol'd,
des relations élrniles et symp1. ~'1i rues.
Quan t à la q1iotité, ell e devait être invaria~lement:
,
'
.
rles tr Jis qu1.rts, en f1veur des enf mts;
De la moitié, en fweur de · ascendants ;
Du qua t, en faveur des fr.!res et sœurs.
Des discussio11s s'élevèrent sm cec; divers points. Mais, on
n'eut pas de peine à :-'entend re sur le princi.1e d'une régerve à
accorder aux descend ants. La ra bon. l'afTeclion, la Vl)ix de la
nature, les devoirs i111péri ·ux de la p1.lernité, proclamaient
hautement que celui qui a clo~né la vi~, est tenu d'e f9urnir les
m yens nécess1ires pour l'er)' retenir et 1.1 con.;;erver; que, si
sacrée que puisse cïre la souveraineté du propriétaire, elle es'
nécessairement li111it e p·1r s 1 àette envers 'ses enfc1 nts. On
ai·cept'l aussi, presq•ie ur1·1ni111ent, le droit des ascendants à
un-! r..!serve d tns h sucèession cle leurs des cen1.h11t-;. Les
enfants, dis iit le r 1p;) 1rlenr , sont te1111s envers Jeurs auteurs,
de ce rnême ev •ir qui inco1nbe aux p1rents envers leurs
enfants : Pietas el co .• n111ise1·,di0 idem officium libcris Cl'f}a
paren•es inj1111oit, disaient admirablement les lois romaines.
Mais, une vi\·e controverse surgit, lorsqu'il tut qnestion dr la
réserve des frcres et sœurs. Porblis, lors de la discussion au
Conseil d'Etat, combatliL énergiquement le principe de la réserve
Ill Hine collatérale. • Vainement, disait-il, fait-on valoir le•
'T
1
- 213 « liens que la nature :\ formé-; enirn les fri~res ! Ce ne sont pas
« là des motifs de gêner la disposition d'un testateur. Si son
c: ra · ri111oine 1 ient ùu pèr~ <·omm· 1n, ce3 frères ont eu leur p tr
c1 et n'ont plus rien à y prétenùre. S'il l'a 'lcquis pil r son indus« trie, comment lui en r ..: fuse1· h libre disposition? Ce droit
u est une suite nécessaire de sa propriété. Les liens de la
« famille 1 ils se resserent, par les ég1rds réciproques de ceux
o: qu'i ls unissent, par le doux commerce de bienfaits, et p1r
« l'intérêt mutuel qu'ont tJ us les rne1nbres de la famille de se
« mén~ge ·. lïnté rêl , comme la crainte, est le commencement
o: de la sagesse. >J
Ll section de Jégislati n, malgrè cette opposition. était
farnrabie aux projet. Mais, le Tribunat, dans de remarquables
obsen ali0ns, fit ressortir la différence profonde qui existe
entre les descendants et ascendants et les simples collatt:!raux.
Il déclara qu'il n'y avait pas lieu, en pré~ence de collatéraux, de
porter atteinte au droit sacré de propriété ; que les liens de
famille, loin d'en souffrir, r. 'en seraient que fortifiés , car l'homme,
sans enfants, aura moins à cr,1indri> la froideur et les mauvais
procédés de ses collatéraux, lorsque ceux-ci sauront qu'il a
pouvoir de les en punir.
Cette réserve !ut, en conséquence rejetée, et les seules personnes admises par la loi à une réserve sùni les descendants et les
ascendants. Faut il regrPtter qul.l le législateur ait écarLé les
collatéraux du droit à la réserve, et devons-nous décider qu'il y
a là une lacune qu'il sera!l désirable de voir comb.er? Bien dl'!s
auteurs l'ont pensé. Sans nous étendre sur ce point, noHs ne
croyons pas que les raisons apportées par les partisans de cette
réserve soient asse?. puissantes, pour que l'on puisse, sans danit>
�-2H-
-- 2f5 -
ier, mettre une restriction au droit de libre disposition du
propriétaire.
.
.
La réserve, il ne faut pas l'oublier , est contraire à .la pro:,riété
·
Sil est
et aux pouvo11·s
qui· en sont nne suite nécessaire.
.
bon , sïl est juste, que le droit de prop n été t~ut sacré
qu··tL est, s·ou rrre u11 e atteinte et flél'hisse devant le. droit des enfants et des ascendants, il faut se garder de le décider de mème
lorsque les molifs que l'on peut alléguer•
au cas qui. u ous occune
l' ,
ne justifieraie:~t pas sufJisamment cette dérogation. ~n ~ffet'. s1
le seul fondement du droit à la la réserve est dans 1 obhga t10.n
qu'impose aux p arents le fa it de la procréation, et dan~ le ~evo1~
d'assistance quefait naitre pour l'enfant le lien tout particulier .qui
l'unit à son auteur, il n'est pas possible d'admettre que de simples coilatéraux, nés à côté de nous, mais non par notre œuvre ,
aient un droit sur nos biens et puisse réclamer une réserve sur
notre patrimoine?
.
Vainement des auteurs soutiennent-ils qu'établir cette ré'
. .
serve serait honorer la famille, rendre hommage a u principe
'
. ?
de fraternité,
encourager les sentiments da concorde et d' um~n
rien n'est plus douteux . Certes, nous sommes partisan déd1dé
et convaincu de la réserve héréditaire. rous en demand ons,
avec la arande majorité des jurisconsultes et des moralistes, le
maintie~ dans notre loi moderne. Peut-être serait-il bon ~'éten
dre la quotité dis ponible , pour éviter l'un des plus graves mconvénients de notre système actuel, le morcellement indéfini des
propriétés. Mais, le principe de la réserve est incontest::ible, et
toute tentative qui serait dirigée contre lui est d'avance et fatalement condammnée. Mais, nous ne cr oyons p as, nous ne pouvons pas croire que l'esprit de famille en soit fortifié, que
l'amour filial en soit a ugme11tP.. que r autorité paternelle en soit
plus forte et plus res pectée. Comment la ce:titude où est l'enfant que son p ère lui doit une pmtion du p1trimoine, que cette
portio n, il l'obtiendra, quels que soient ses torts, son inconduite,
son ingratitude rnème envers son a u teur, comment disons-nous,
celà pourrait-il augmente!' son amour , son dévouement et son
respect envers ceu.\ de qu i il tient la vie! Et sïl en est ainsi pour
un fils, en pourrait-il être autrement pour un frêre vis-à-vis de
son frèl'e?
•
{<
~
«
«
«
Ecoutons le grave Tronchet:« Il est à craindre que les neveux.
s i on les admet à représenter leur père, pour aYoir droit à la
r éserve dans la succession de leur oncle, il est à craind re ,
dis-je, qu'ils n'ou ulient leurs devoirs, si la loi leur assure irrévocablement une portion des biens de leuroncle.Ils les rem pliront, au contraire, s'ils sont obligés d'acheter ses bienfaits
par leur att:lchernrnt et par leur respect. »
C'est, pour ces raiso ns, que nous Cl'oyons devoir repousser
l'institution ci 'une résen e au profit des frères et sœurs et de
leurs des1.:endants. Ces notions pren1ières exposées, nous devons
déterminer, avant d'aborder ! 'étude des articles et des textes,
quelle est ex::ictement h n..iture rie la ré:;en·e sous le Code ei\·il,
à quel titre et en quelle qmlite elle est recueillie par les parents
que la loi appelle a en béntdh:ier.
Est-elle, comme la lég'time rom::iine , une quote p1rt des
biens, un droit individuel aux Liens, attribué. jure sanouinis,
à certains parents privilt:\giés ? Est-elle an Cllntraire, comme
sons notre drnit coutmnier, une quo te part <le l'hérédité, à laquelle auron t seuls droit les descendants et ascendants qui viendron t affectivement à la succession ~
�-
2ti -
C'est une des questions les plus vivement débattues de cette
matière fertile en controverses fameuses.
Les deux solutions ont été soutenues et ont eu chacune des
champions énergiques. Nous cr0yons devoir nous ral'.ier à la
second,e, qni a, d'ailleurs pour elle le s uITra ge des auLeurs !es
plns oonsidérables, et qui a définitivement tri0rn 1)bé en .iurisprudence.
QuP. la réserve de notre droit moderne, soit comme la légitime dP.s pays coutumiers, une portion de biens à laquelle les
ayants droit ne peuvent prétendre, qu'en se port.rnt héritiers.
c'est ce qui parait hors de doute.
Oi>servons, d'abord, de quelle façon, le législateur procède
ponr déterminer la réserve'? Ce n'est pas la réserve que les
articles 913 et 915 fixent directement, mais la portion disponible , celle dont le propriétaire p l)urra librement disposer, suivant qu'il laissera tels ou tels héritiers. Quant à la réserve, la
loi ne s'en occupe pas. Ce n'est qu'indirectement, et par voie de
conséquence, c'est-à-dire par la limi tation de la quotité disponible, que la réserve se trouve corrélativement et tacitement
déterminée. Celte réserve reste où elle est, dans la succession
ab intestat. Le législateur ne l'attribue pas d'une façon exp··esse
à telle ou telle personne. Quelles règles gouverne ront donc la
transmiss ion , l'attribution , la répartition de cette quotité indis·
ponible, sinon les règles de la succession ab intestat ? Et
la première condilion pour avoi r dl'oit à la succession ab intestat
n'est-elle pas d'être héritier? De même, pour av .. i1· dl'oit à la
réserve, il faut jo ndre, à h q1nlité de parent, le titre d'héritier.
ci Les articles 913 et 915,dit M.Dernolombe,supposentla voca' tion des descendants el des ascendants antérieurement établie
« et ila se bornent à s'y référer. •
-
2t1 -
• Or ,cette vocation n•est établie au profit des enfants, que par
c l'article 74.5 et,au profit des ascendants que par l'article 746
« Donc, ce n'est qu'en vertu de l'article 745 que les enfants
« peuvent réclamer la réserve, comme les ascendllftts ne peuvent
« réclame1· la leur, qu'en vertu de l'article 7-16
« C'est-à-dire seulement en qualiité d'héritiers l »
Cette doctrine s'appuie. en outre, sur de nom breux tex.tes qui
supposent, toujours la qtnlilé d'héritiers chez ceux qui sont
appelés i1 recueillir 11 réserve. Ainsi l'article 915 décide que les
biens réservés au profit des ascendants seront par eux J"ecueillis
dans rordre où la loi les appelle à succéder. Ainsi encore,
l'article 917, se référant à certains contrats particuliers, tels
qu'un usufruit ou une rente viagère dans lesquels l'intérêt
engagé excède la quotité disponible, dispose, que les héritiers
au profil desquels la loi fait une réserve, auront l'option entre
rexéculion de ces contrats ou l'abandon immédiat de la quotité
disponible. - De même, dans les articles 922, 924, 930, la loi
suppose manifestement que les ayants droit à la réserve se
portent hé1itiers, et que c'est, en cette seule qualité, qu'ils
pourront valable nênt y prétendre. Cette nécessité de la qualit~
d'héritier ne résu lte-t-elle pas, mieux encore, de l'article 1004,
qui donne au réservataire, la saisine des biens du testateur et
oblige le l~ga taire. même universel, à lui demander la délivrance.
Cette doctrine, qui se déduit rigoureusement des textes, n'a
pas échappé à la controverse, ainsi que nous le disions et l'on a
é levé contre elle deux- objections, dont la seconde seule méri~
quelque attention.
�-
!i8 -
On a dit d'a bord que l'article 913, fixe la quotité disponible
d'après le nombre des enfants que le testateur laisse à son
décès, sans s'inquiéter du point de savoir s'ils seront ou non
béritins, il suffit de répondre qu'en règle générale, laisser ùes
enfants, d;ms les te:tes rehtifs aux successions, n e veut dire
rien autre chose que laissel' des enfanls qui succèdent, qui
soient héritiers, et que de nomln·eux articles mettent ce point
hors de doute.
La seconde objection qu'on oppose à notre systéme est tirée
de l'article 921 el des p1roles prùnoncées tant an Conseil d'Etat
qu'au Tribunat, lors de la discu ~siou rle t:e t artide.
Si, dit-on, la résen·e est une p.-utie de la succession, et si ,
pour y prétendre, le réservat·lire doit nécessairement se porter
hériter, les biens qni, cl'apr.!,.. l'article 921, rentreront, p:.lr
l'efîet de raction en réduclion , dans h masse de b surcession,
deviendront des biens héréditaires, et la loi ne doit pas refuser
aux. créanciers du défunt le droit de se p'lyer sur ces biens?
:\ons Yoilà ramenés ü la g rande dHTiculLé, à ce grave et sérieux
inconYénicnt u que tons ceux qui aiment l'éqnité Youdraicnt
bien sunno"' ter )) comm e clisa it Hic1rrl. :'fous avons vu quels
effort, elle l coûti1s à nos nnciens jurisconsultes, q uels remèdes
cliYers ont été proposés.
Gu,- Coquille vonhit qni> l'enfant se portât h <'ritier en sa
légim e seul ement. Solutio11 arl1itraire et 11ui nejnslilhit même
p1 s, en l'ogiqne, l'a1franchi<>sernent des dettes! Dumon lin,
d'après nous, av1it br \\·e.ne11t accepté tontes les con,équences
du princi.1e: .Va 1w /er1iti 11 ln h -tl1nf , m.~i 711i hŒr'es est.
D'a près ri'aui1·es, il rens lit 11nc le l<'.·gitimaire n'ayait pas
besoi.i d e prencli0 q111lilé, q11ïl n':n·ail ni à accepter, ni a répud i0r la s uccession.
- ta Ricard avait proposé le bénéfice d'inventaire. Remède encore
insuffisant 1 car l'effet du bénéfice d'inventaire n'est pas de
p rotéger les biens de la succession contre l'action des créanciers
h éréditaires, mais seulement les biens personnels de l'héritier.
Pothier acceptait n éanmoins cette solution, mais il y apportait
l'argument d'un vrai jurisconsulte, en faisant remarquer que
le droit q u'a l'héritier d'obtenir le retranchement, lui vient,
n on du défunt, qui ne l'a jamais eu, mais de la loi, et que les
choses retranchées sont définitivement sorties du patrimoine
du de cujus, et par suite, du gage de ses créanciers.
Nous arrivons au code civil. La même difficulté se présente,
et le Conseil d'État, après une longue et importante discussion,
" séance du 5 ventôse an XI) décide « que les créanciers de la
<< succession peuvent exercer leur action sur les biens que la
« réduction rend au légitimaire. •
Mais, c'était l'anéantissement même de la réserve 1 celle-ci
devenait illusoire, puisque le réservataire perdait d'un côté les
biens qu'il a~ait repris de l'autre.
L e Tribunat ne devait pas accepter et n'accepta pas una
pareille solution du problème. Il fit remarquer que l'action en
réduction est un droit purement personnel, qui est réclamé par
l'individu en sa qualité de légitimaire, abstraction faite de la
qualité d'héritier, qu'il peut prendre ou non. (séance du 12 ventôse an XI . Sur ces obse rvation-:, le conseil reYint sur sa décision première, et l'on adopt:i. unanimement la rédaction qui est
dernnu e l'art. 921 du code civil.
Mais les adversai1es d'J système que nous exposons s'emparent des paroles prononcées par les orateurs du Tribunat, et
en tirent cette conclusion que la réserve n'a pas le caractère dt
'
�- Il -
-ttt -
droit successoral. Un 1\Uteur éminent, M. Troplong, expose
longuement cette doctrine. D'a.près lui , dés observa tions des
orateurs, de b discussion qui les précéda, du tr iomphe des
idées du T1jil.iu!1a t, se dég1ge la ~onclus:on que l'enfant n'a pas
besoin de la qualité d'héritie r pour exer cet· l'action en 1·éduction ; quJ ce n 'est pas, en eITet, da ns ce cas , la s uccession qu'il
appréhende ; quïl n'est enfin qu'un créancier agissant, J ure
p1·op1·io, en sa qual ité d ·enfanl, et exerçant un privilège que nu
autre que lui ne pourrait exercer. (1)
Nous repou"sons a bsolumen t ce système qui con ti·arie, de la
façon la pl us manifeste, la théorie de la réserve ttlle q ue notre
loi ciYile l'a consacrée. Certes, si la 1-.1ison par bquelle le Tribunat combattail ropinion du Conseil d'Ét:i.t sur le d roit des
créanciers hérédi taires p ar rappor t a ux biens atteints par la
réduction, était la cause qui avait déterm iné h modifleation
de r a rticle H~l , nous n hésitel'ions pas à accepter les conclusions
de n0s contra.iic:eu r-; et à y donner notre adh ~sio n . ?-.h1s, rien
n'est moins certa in et, ponr s'en convaincr e. il suffit d.,: lire les
çonsidératiqns judicieusement exposées par T ronchet qui amenèrent le Conseil ct·~; ta t a accueill ir la de mand-a du Tri rn nat,
Re.prenant les idées de Po lh ier, T ronchet démontra que les
biens repds p1r le r éservat1irc, au moyen de la réduction
.
'
ecbappent aux cré:i.nciers hérédit:ii res, puisq ue le donateur
s'en était irrévocablement dessa isi de son vivu nt.
Qumt aux réservataires, r1uoiquï ls ne pu i~sent rérhmer ces
biens qu'en quali té dïiérilier:s, né·mmoins ils tiennent ce droit,
non.d u défunt, qui ne l'a j·onais eu, 111 :.tis de la loi seule. Il n'y
a, d ailleurs, aucu9e co11tra lic.:lion il admettre que les descen-
dants ou ascendants ne peuvent réclamer la réserve que s'ils se
portent h éritiers, et à refuser, en même temps, aux créanciers
le droit de se faire payer sur celle réserve.
La matière du rapport nous fournit à cet é3ard un argument
d'anal ogie décisif. L'art. 857, rou r le rapport contient une théorie id entique à celle de notre a rticle 921, pour la réduction. Le
rapport se fait à la succession ; il n'es t dù que par rhéritier à son
cohéritier ; les biens ra pportés sont des choses héréditaires; et
pourtan t les créancie rs h éréditaires n 'ont aucun droit sur eux!
L'ar ticle 921, en leur refus:rnt, comrne l'article 857, tout droit
sur les biens proven:rnl d'une réduction, n'empêche pas que le
titre d.hé ri lier soit nécêssaire pour exercer cette réduction.
De nos dével ·ppements, nous devons tirer de ux conclusions
qui cons tituent no\:'J s~ ::-tl!me :
Pour avo ir dro it à lù réserve, il fa ut être placé par mi les personnes priYil égiées aU>•quclles le législateur raccorde; il faut y
j oindrn néGeSS<:. irement la qualité d·héritier. (1)
Il était impo rt:ln t de metlr.; ce dernier point hors de doute. U
~ ous donuera la clef de nombreuses et délicates questions.
( IJ Troploog. l>o11. et te,L. 2. p. JOJ ~t rnlv.
'
•
... PW' ....
..
(1) ::i.:. !km 4~ ù 1 ~ [ et suiv. t om . .\ flemol. Don et tcsL
Marc. &.rt. 911, n• 53! L.1 HeDt tome XII p. '!J. ~8 .
C. Il. l' 3i
t1
suiv
r
�- !!!-
SECTION II
Des pers onnes qni ont droit à une ré serve
Les parents en ligne directe, c'est à dire les descenda nts et
les ascendants, sont les seuls auxquels le code civil attribu e une
réserve. Nous devons voir, d.ms deux paragr aphes distincts,
ce qui concerne ces deux catégories de réservataires.
§ 1. -
Des d escendants
Les a rticles 913 et 914 reglent les droits d es décenda nts, en
matière de 1éserve légale. l'a rticle 913 porte : << Les libérnlités,
« soit par actes entre- vifs, soit par testament, ne pourront
« excéder la moitié des biens du disposanl, s'il ne la isse à son
« décès qu'un enfant légitime ; le tiers, s'il laisse deux enfanls ;
c le quart s'il en laisse trois ou tm plus grand non b re; 1> et
l'article 91 1 ajoute: « sont comp ris dans l'article préccdent,
o: sous le nom d'enfanls, les d ·scenJants, en q11elque deg ré que
• ce soit ; néanmoins , ils ne sont comptés que pour l'enfant
~ 1u'ils représentent clans la s uccession du disposant. »
- ! 21 -
La loi , on Je voit, n'accorde nominativement da rèserv e
qu'a ux enfa nts et descendants légilimes. Il y a lieu dès lors de
se demander s i ce droit doit être r econnu aux. en fants légitimés ,
a doptifs et natnrels.
En ce qui concerne les enfants légitimés, il est de toute évidénce, qu'ils ont sous ce rapport, les mêmes droits que les
enfants légitimes, auxquels l'article :rn3 du code civil les
assimile co111plètement.
Point de do ute non plus qu'une réser•:e doive être accordée
aux enf mts issus d'un mari1ge putatif - car la loi attribue à
ce m1rhge, déch ré nul, tous les efTets ciYils que produit un
mariage valable à l'ég1rd des enfants (art. 201 -20Z.)
L'enfant arloptif a aussi un droit de réserve, d'une quotité
ég1le à celle de la .>~ .. .... ,le l'enfa nt légitime. L'article 350 lui
reconnait, en effet, << s ur la succession de l'adoptant les mêmes
droits qu'y aurait l'enfant né en mariage. >>
Mais, la difficul Lé est de sa \'Oir sur quels biens !'adopté prendra
s:i réserve ? Sen-ce seulement s ur les biens existants dans le
patrimoine de l'adoptant au te mps de son décès, ou pourra-t-il
fai re opérer nn retranchernent mème sur les donations entre
Yifs et les inslilulions contnctuelles ? DelYincourt a soutenu la
pl'emière op inion , et a décidé, s'app 1yant sur les expression~
de la loi << il ()"adoplt>) ama >-ur la s uccession de l'adoptant 11
que l'action en ré duction es t restreinte aux dispositions lestament·1ires, et fJl le l'en l'. 111 t adoptif 11·1 de réser,·e que ::-ur
les biens rrui e lrou,·ent d,rns le p;; trimoine de J .1dopbnt au jJ,1r de S 1) , 1 d t!c~s. 11) ~fais, celte interpréta( l) fome I p.
~6
nute
~.
�- tntioo a fait peu d'e partisans. La majorité des aute urs
décide -que I'adop1é a une réserve égale à celle de l'enfant
légitime et que cette réserve po1 te tant sur les biens laissés
au décès que su r les bie is donné;; entre vif,;; ?
Il faul a ller pl 1s loin et 3dmettre, qu .i 1u'on l'ait contesté, que
radopté peut fai1 e réduire, non-seulement les donations faites
postérieurement à son adoption, mais aussi les donations faites
avant que !"adoption ait eu lieu.
Yainement objecte-t-on qu'une pareille solution porte atteinte
principe de lïrrévoc1hili té des do1ntions entre v.fs et atlriLue à
l'adoption un efîet ré troactif que la loi, semble lui refuser, puisque d'après l'article 961•, sainem ent entendu , l'adoption n·a pus
pour effet de révoqu e!' les dona ti.rns antérieurement faites .
Ces arguments sont plus spé,·ieux que solides. Et J'abord , les
donations entre vi fs sont irrévocables, sous la condition qu'elies
ne préjud.cient pas aux droits de ceux qui seront, à quelryue
titre que ce so il, hé 1itiers réserva taires du donateur. L'article
922 est f ;t•mel à cet égard. En second lieu, l'adoption, il faut
bien le recon01itre es t, par les nombreuses formalités et
conditions dont la loi l'entoure, assez indépendante de la volonté
de l'adoptant,, et ce n'est pas, dès lors porter atteinte au principe de l'irrévocabilitû, que de permettre à !'adopté d'a ttei11dre
au moyen de la réduction , les donations entre Yifs faites a11 · é .
rieurement à son adoption .. Re ma rq uons d·ailleurs. que nous
n'a ttribuons pas ù l'adoption l'efTet de révoquer les don·u ions
faite., antérieurem ent pa r 1'ado,. tant, ce qu'a pourta nt soutenu
M. Marcadé (2), mais seulement l'efîet d'autoriser J'adopté à
('2 Sur l'arliele 960 !\ · VIII.
- ll~ ·-
eJtetcer l'action en réduetion, s' il ne trouve pas sa résene d'ans
les biens laissés au décès.
Or, ce sont là deux choses di')tincte ;, L 1 r~v'>c1tion op0re de
plein droit, actuellement, au pnfit du don·lleur beaucoup plus
que de son e nfant; h réductio.1 n'opèrP, qu'éventuel.ement, à la
mort du donateur, et au SJUl pro'.lt de l'héritier à réserve. Nous
pensons donc que !'adopté a une rés erve ég1le à celle de l'enfant légitime, et qu' il peut r~clamel' cette réserve sur les biens
formant le p:itrimoine au temps du décès, a;nsi que sur les bitms
dont le testa teur a disposé, soit par don·ttion e 1tre-vifs, soit
p·1r institution contractuelle, quel 1ue soit 11 da e de t es libéralités. En un mot, nous traitons de tous points l'eufant adoptif
comme un enfant légitime.
L'arlide 91-1, dont nous avons donné plus h1ut le texte, appelle
à la réserve, non seulement les enf1nts au premier degré, mais
les petits enflnts et descendants , quelque soit leur degré. La loi
admet donc; la représentation au profit des enfants ou descendants d'un fi:s préd~cé-lé. De cette décis ion mit la question de
savoir, si les enfants de l'adopté ont droit à une réaerve dans1a
succession ab intestat de ! 'adoptant.
Que lques auteurs et, entre a utres, Marcadé, enseignent l'affirmative. Nous ne pensons que cette solution soit conforme au
véritable esprit d e la loi.
Il s uffit, en e(îct, de se ra ppeler que le droit à la réserve ne
peut a ppartenir qu'à ce nx qui ont voc'.ltion à l'hérédité ab intestat , puisque, pour recue illir la résene , il faut, de loule necessik, se porte r h é1:ili~ r. Or, les en;anb ou descendants de !'adopté ue sont pas les héritiers de l 'a !optant. L'article 350,
celui-là même qui appelle l'adopté à la succession de son père
�-
228 -
adoptif, es t muet en ce qui tonche les descendants de l'adopté.
Et, en cela, la disposition de la loi n'est qu'une conséquence de
celle de l'a rt icle 3.HJ, qui n'ét ,bli t l'ohlig:llion alimen taire q u'entre l'adoptant et ! 'adopté. L'atlo pt ion d'ailleurs, n 'est q11'u ne
ins titution du d roit positif, une cr~ation arbitraire ùu législateu r , à laquelle on ne doi t :il tribuer d ·aulres e!Tets que ceux qui
résultent de textes formels de notre loi. La vocation héréu itaire
des descendants de l'adoplé à la succession de l'acloptant ne
pouvant s'appuyer sur aucun texte précis, ainsi qu0 nous l'avons
montré, nous ne p ouvons admettre une réserve au pr ofit de ces
mêmes descendants.
Ce système to utefois et comba ttu par des raisons que nous
devons examiner rapidement. On invoque, po ur éta blir le droii
des descen dants de !'adopté ü la succession de l'adoptant et,
par con équent, a une résen-e sur celte succession :
1° les princi pes du droit romain: h loi 27. au Dig. I. 7. décide
que l'en fant de l'adopté prend la pbce de son père, au poin t de
vue des droits civils. Arg ument de médiocre valeur 1 cal',
au tre chose était l'adopt ion romaine, régie par des r.Pgles essentiellement différentes des nôtr es, et qui s'expliquaient par l'organis:it ion arbitra ire de la famille , autre chose e&t l'adop tion
de notre droit c:vil, qui :l rejeté tous les principes roma ins>
et qui a onganisé la famille en dl!hor' de tou•e idée politiq ue.
2° On invo<p1'3. en second lieu, J'a rti ·k 348 qui prohibe le
mariage entre l'adoptant et les enfants de l'ailoplé. D'oi.I l'on
conclut a isément à l'e:x i::. lence d'une véritable parentl! ouallian1;e
entre les enfants de l'acloplé et l'a cl opt'tnt. Mais qui ne s ait que
ces prohibitions sont plutôt fondées s ur une cause morale, su r
les dangers que présenterait la possibilité d'nne union ent re
-
227 --
personnes appelées, le nlus souvent, à vivre sous le même toit,
que sur une paren té ou alliance lég'tle. Et si d'ailleurs la conclus ion de nos ad \'t~rsai res était vmie à l'égard de l'adoptant et
des en fants de l'adopté, il fa udrait l'appliquer ainsi auit rapports
des enfants ado ptifs cl'un même indiv id u, ou de !'adopté et des
enfauts qui surviendraient ultérieuremen t à l'adoptant, et décider qu'il existe entre ces personnes une vocation réciproque
à la succession ab intestat. Or, personne ne soutient de semblables propositions ?
3° l'art. 352, aux termes d uq uel l'adoptant recueille dans la
succession des enfants de !'adopté, les choses qu'il a données à
leu r père. Mais, on ne peut argumenter de cette disposition en
faveur du système que nous combattons, par cette raison décisive q u'il ne s'agit pcis, dans l'art. 352, du droi t de successibilité ordinaire et normale, mais de la success ion anomale et
except iônnelle. Les enfants légitimes de ! 'adoptant recueillent
aussi, dans la succession de !'adopté, les choses qu'il a reçues
de leur père, et cependant, qui oserait prétendre que !'adopté
soit appelé à la succession des enfants légitimes de l'adoptant ?
4° Enfin, les principes de la représentation. (art. 739 et suiv.)
Cet argument est moins solide encore que les autre$ ; car, il
repose sur un véritable cercle vicieux. Pour ,·enir à une succession par rep résenta tion, il fa ul ètre appelé de son propre ch~f,
en l'aosence d'héri tiers plus prot:hes. La représentation n'est
utile qu'aux h érit'ers ayant une Yocation personnelie.
C'est là un pri ncipe que nnl ne conteste. Donc, pour s'appuyer
sur la représentation à l'effet d'admettre les enfànts de l'adopté
à la succession de l'adoptant, il faudrait, au préalable , établir,
leur vucation personnelle à cette succession. Et, c'est ce qui
n'est pu établi.
�-
Dès opinions interm édia i1·es se sont 11roduites. Ains i, Me rlin
dis tingue entre les ~escendants n ·s ·1ntû ri eur~m ent e l ceux nés
postèrieurement à l'adoption, er n'at;cortle qa·a ('es J e rn :er; ltdroit de succéder il l'a dopta nt. ( 1) il - e f n·ie snr ce que, aux
termes de l'art. 3 l 7, les descend an ts nés après I'acl op. ion, prennent le nom de l'adopta nt, tand.s que les en fant; d é_ à n é~, lors
de l'adop lion n'ajoutent pas à leu r nom celui de l'adùp ~aut, et
semblent ainsi lui res te,. étrangers.
Nou' ne saurion s accepter ce tempér::iment, parce quïl ne
suffit pas de prendre le nom d'une personne pour être apre:é i
lui succéder , ef que d'ailleurs, le fait d' nne nGtissance après
l'adoption est un hasard d 'où ne saurait d épe:id re un droit hé réditaire.
La question de savoir si l'a rticle 913 doit ê tre appliqué aux
enfants na tnrels et s'il faut reconna ibre en leur favenr u 1 droit
de réser-re dans la success ion de le urs père et mère, est plus
délicate et appelle p lus de développements.
Dans les pre.oiers temps de la prom11lg1tion du code, la négative fut soutenue par plus:eurs jurisconsultes, entr(2S autres
Chabot, dans son commentai re de h . loi s ur les succ~ssions
(art. 7.:'> 6 n• 17) e t cousacr~epar un arrêt de la Cour de Rouen
(31 juillet 1820/
Cette opini-0n se fondait sur la nature exeeptionelle du droit de
réserve, qui constitue une e xce pth n au droit oommun, une
enbrave a u principe de la libre ctisposition des biens, une limitation du droit de proprié té. Dès lors, l'ex.istence d'une résuve
ne d-oit j amais être admise saus un te1'te.
(1) Quealde Dr. V. &doptioa par. '7.
!21l -
Trouve t-on , la réserve de l'entant naturel, dans l'article
91 3 ? p a r ses termes, il n'attribue ce droit qu'aux enfants légitimes. La trouve-t-on dans les articles 756, 757, 758 ? Mais ces
articles ne confèrent à l'enfant naturel que des droits de succession ab inte~tat. Cela r ésulte du titre sous lequel ils sont placés
e t de leurs expressions m êm es, qui n'attribuent de droit à l'enfant naturel, que sur les biens de ses pères et mère,
Mais la doctrine contraire a depuis longtemps triomph é, soit
auprès des auteurs, soit dans la jurisprudence et elle s'appuie,
il faut le reconnaitre, s ur de solides raisons : 1•l'article 757 accorde a ux. enfants r1at urels une portion du droit quïls auraient
dans la succession de leurs auteurs, s'ils étaient lé0 itimes.
L 'article758, qui vient ensuite, les appelle même à la tota lité
des biens, si leur p ère ou mère ne hisse pas de parents au degré
su ccessible. De ces décis ions découle implicitement le drc-i t des
enfants n aturels à une réser ve sur la s uccession du leurs
auteurs. En e!Tet, sïls eussent é té légitimes, ils auraie:~L pu
prétendre à une portion des b iens hérédita ires , nonobsta1 t toutes volontés contra ires du défunt. Or, ils ont, com me enf nts
naturels, un droit indentique à celui de l'enfant légitime et qui
n'en dit.Tère qu'en ce qu'il est moins étendu. L'eP.fant légitime a
d roit ù une r éserve, l'enfant n-ltnrel y aun droit aussi , mais
dans une proplirtion moindre que nou~ aurons à détermineJ
plus tard. L'en an t légitime peut de111and er un rapport, une
réduction; l'enfant naturel lt pourra <1uss i, dans la limite de
ses d ro il s héréditaires. En un 111 1t, la rése1vede renfanlnnturel
résulte des articles 757 et 7;)8 avec la mème évidence que celle
de l'enfant adoptif résulte der article 330.
�-
230 -
?•L'article 76 l fortifie ce sentiment. Il décide que les parents
pourront écarter de la succession leur en fant naturel, pourvu
qu'ils lui donnent , de leur Yirnnt, la rnoit.é de ce qui 111i revien·
drait en Yert11 des art. ïf.ï Pt 7:58, avec dédaration expresse
qu'ils entendent le r éd uire à la porti on qu'ils lui ont assignée.
Est-il possible , d'admettre que le~ parents puissent, par une
disposition universelle, dépouill er absolument leur enfant na turel , quand la loi nons dit formellem ent qu'ils ne pourront! 'écarter de leur s uccession qne s'ils lui donnent imméd ia tement,
moitié de sa portion ab intestat ? n'est ce pas dire, non plus
implicitement, mais d'une façon cla ire et ca tégorique, que l'enfant à un droit sur la s uccession de ses auteurs , droit qlli ne
peut lui être enlevé par des d ispos itions g ratuites , puisque, s i
les parents ne lui donnent pas la portion exigée par l'a rticle
761 , il peut en réclamer Je supplément, lors de l'ouverture de
la succession ? Ce droit de réclamation est bien cla irement le
droit à la réserve.
3° Enfin, si la loi n'ava it pas a ssuré, par l'institution d 'une
réserve , les dro its hér éditaires qu'elle a ccordait aux enfants
naturels, ceux -ci , en face de libéralités en tre-vifs ou testamentaires,absorb1nt le p:itrim oine se trom eraient dans une s ituation
pire que celle <l'enfant -: atlultédns ou ir1cestuem .; Cvr, ils ne
pourront pac;, eomme le ponrr'li ent les e nfa nts a1lultérin:> ou
incestueux , r éclam er des aliment<; chns h s uccession rl e leurs
auteurs. Mais, si a ucun tex.te ne lenr nonne ce droit et ne leur
attribue une créance a1iment·üre, c'est qu'il on1 pins que c.;ela,
une réserve légale.
Nous ad mettons donc , comme incontesta ble , le droit des
•nfants naturels à une portion rése1·vée dans la s uccession r\11
-
~31 -
père et mère. Mais il faut avouer que le code cont'1en t re1aleurs
f
1vement à cette réserve, bien peu de dispositicns , et ce recrrettable laconisme fait naitre de nombreuses et délicate quest7ons,
dont la solution doit, en l 'abse11ce de textes positifs, être cherchée
dans la com bina is0n des principes géné raux s ur les droits des
enfants naturels.
Nous examinerons ces difficultés au chapitre suivant, lorsque
nous nous occuperons de la quotité de la résen-e.
Les absents peuvent-ils prétendre ü une résen·e? L"ar ticle
Ja6 du Code civil nous permet de répondre aisément à cette
question : « S'il s'ouvre une s uc cession,dit cet article, à laquelle
<1 soit appelé un in i\•idu dont \"exis tence n"est pas reconnue,
« elle sera dévolue exclus ivement à ceux avec lesqùels il a urait
11 eu le drt•it de concomir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à
« son défaut, » L'absent n'a donc pas droit à la réserYc , quï l
s"agisse d'une absence simplement présumée ou décbrée.
Qu'est-ce , en effet, que la r<.;ser\'e ? un ùroit de succession ab
intestat, un e portion de cette s uccession déclarée indis ponible
au profit de certa ines personnes : Or, pour succéder, il fau
nécessairement cx.is ter lors de rouYerture de la succession t
Mais, à ce moment , un doute, ou mieux une incertitude pèse
s ur l'exis tence ne l'absent ; il est , pa r rapport anx droits successoranx qui s·ou\ ren t 1 son profi t, considéré comme n'exis t1nt
pas, et, des lors, rien n"e rnp~chc se~ enfa nts ou descentlants de
le représenter quant aux ::.; ucces~ion« ouwrles ctepuis son
absence , et de n .clamer, de son chef , la réserve tiui lui était
accordée.
L'article 914 dont nous a,on·, donné Je tex.te, nous dit que
:sous le nom d'en fa nt~ ayant dr0it n la réserYe ,doiYent être corn
�-230 -
?•L'article 76 1 fortifie ce sentiment.Tl décide que les parents
pourront écarter de la s uccession leur enfant nnturel, pourvu
qnïls lui donnent, de lem Yi"an t, ln rnoit,é de ce q11 i lui reviendrait en Yertu des ar t. if.ï el 758, avec déclaration expresse
qu'ils entendent le réd uire à la portion qu'ils lui ont assignée.
Est-il possible, d'arlmettre que le~ parents puissent , pax une
disposition universelle , dépouiller absolum ent leur enfant naturel, quand la loi nons dit formellement qu'ils ne pourront l'écarter de leur s uccession que s'i ls lui clonnent immédia tement,
moitié de sa portion ab intestat ? n'est ce pas dire, non plus
implicitement, m:lis d'une façon claire et catégorique, que l'enfant à un ciroit s ur la succession de ses au teurs, droit qu i ne
peut lui être en levé par des dispos itions gratuites , p uisque , si
les parents ne lui donnent pas la portion exigée par l'article
761 , il peut en r éclamer le s uppl ément, lors de l'ouverture de
la succession ? Ce droit de r écla mation est bien clairement le
droit a la réserve.
8° Enfin , s i la loi n'ava it pas assuré, par l'ins titution d'une
réserve, les cl roits héréditaires qu 'ell e accordait aux enfants
naturels, r eux-ci. en f1cc rie li béralités entre- vifs ou testamentaires,absorb1nt le patl'imoine se trameraient dans une situation
pire que celle rl'enfqn l-. ad ult1>l'ins on ir1cesluenx; Car, ils ne
pourront pas, c.omme le ponrraient les enhnts a<lultérins ou
incestueu x., récla mer des aliments chns h s uccession cl e Jeurs
auteurs . Ma is, si aucun texte ne lenr rlonne ce droit et ne leur
attribue une créance a li1n enl'.lire, c'est qu'il ont p l11~ que r·eh,
une réserve légale.
Nous admettons don" , com me inf\onlestable, le droit des
enfants naturels ~ une portion réservée dans la s uccession d«
- n1leurs père et mère. Mais il faut avouer que le code conf1ent re1a 11vement à .cette r~serve, bi en peu de ctis positicns, et ce reg ret-
table laconisme fait naitre cte nombreuses et délicates ques tions
dont la solution doi t, en l'aLsencedetextes positifs,êtrecherché;
dans la corn b inais0n des p rincipes généraux sur les droits des
enfants naturels.
Nous examinerons ces difficultés an chapitre suivant, lorsque
nous nous occuperons de la quotité de la résen ·e.
Les absents peuvent-ils prétendre à une réserve? L'article
166 du Code civil nous permet de répondre aisément à cette
question : (< S ï l s'ouvre une s uccession ,dit cet article, à laquelle
(( soit appelé un in ividu dont l'existence n'est pas reconnue,
« elle sera dévolue exclusivement à ceux a\·ec lesq1.iels il aurait
(( eu le d r11it de concourir , ou à ceux qui l'a uraient recueillie à
(( son défaut, i> L"absent n'a donc pas droit à la réserYe, quïl
s'agisse d'une absence simplement présumée ou déclarée.
Qu'est-ce , en effet, que la l'l:Serve? un ùroit de success:on ab
intestat, une portion de cette s uccession déclarée indisponible
a u profit de certaines personnes : Or, pour s uccéder, il fau
nécessairement exister lors de l'ouYerture de la succession t
Mais, à ce moment, un doute, ou mieux une incertitude pèse
snr l'existence cle l'absent; il est, par rapport aux droits successoraux. qui s·oll\ rent 1 son profit, considéré comme n·exi t ~ nt
pas, et, des lors, rien n'ernpèchc se~ enfants ou descendants de
le représenter tt uant aux !>ULC: es~iuns ouYertes depuis son
absence, et J e n ,clamer , lle son chef, 1:1 réserYe {1ui lui était
accordée.
L'article 914 dont nous a ron , donné le texte, nous dit que
sous le nom d'enfantR ay3 nt dr0it à la r ésen ·e,doiYent ~ tre com-
�-
pris tous les descendants du de cujus, à quelque ~egré que..ce
soit, et que néanmoim., ils ne com ptent que p our l enfant qu ils
représentent dafü la s ttl cess ion du d isposant: Cette ù~cision se
justifie sans peine lorsque les petits-en fants viennent a la succession par représentation de leu r auteu r prédécédé.
Elle n 'est. dans ce cas, que l'application des r ègles générales
de la représentation, su ivant lesquelles les représentants, prenant la place et le degré du représenté, ne peuvent avoir que les
droits qui eussent appartenu au représenté lui-mème. Telle est
par exemple, l'hypothèse où le défunt a laissé un His et des petits fils issus d'un autre His prédécédé. Telle est encore l'h ypothèse oil tous les enfants du défunt étant mol'ts avant lui, les
descend ants desdits enfants se trouvent entre eux à des degrés
égaux ou inégaux. Mais, il est possible que les petits enfants
n'aient pas besoin , pour venir à la succession de leur aïeul,
d'invoquer le bénéûce de la représentation, qu'ils Y puissent
prétendr e de leur ch ef et en leur nom. Pour cela, il suffit de
supposer que lès dP.scendants du premier degré renoncent ou
sont exclus, ou que les descendants ultérieurs sont tous les en··
fants au même degré d'un fils unique·du défunt. Devrons-nous
dans ce cas, appliqner l'article 91 l ou nous en tenir à la lettre
même du texte et calculer la réserve, d'après le nombre des
têtes, abstraction faite de toute idée de r eprésentation?
11 en était ainsi, parait-il, dans les provinces de droit écrit,
sous notre ancienne législation. La légitime ét'lit déterminée,
pro nulllero vfr01·um, toutes les fois que les pelils-enfants
n'avaient pas besoin, pour la r écla mer, de recoui ir à la représentation. Un auteur, qui a commenté notre matière, peu après
la rédaction d u Code, M. Lcvasseur, (1) a soutenu que la même
(1) post. disp. p. 'lt•.
-
2~ --
233 -
doctrine devaii être encore suivie ·1uj0urd'hui. \iab celte opinion
est inadmissible. Le prédécès du phe ne ùoil pas nuire aux enfants, mais il ne doit pas leur proftter.
L'article Dl l n'a pas pris le mot représentation dans son sens
légal et technique. Il ne pent, en effet, résulter de la renonciation ou du prédécès des enfants au premier degré, une diminution de la portion de bien dont le père a cru pouvoir librement
disposer. Ainsi, un père qui n'a qu'un enfaot a une quotité disponible de la moitié. i cet enfant renonce ou meurt avant son
pére, et la isse plus de trois enfants, l'aïeul n'aura pu disposer
que d'un quart ! C'est, on peut le dire, la ruine du système.
Enfin, si nous supposons que le de cuju.s a laissé deux enfants,
dont l'un renonce ou est écarté comme indigne, l'autre enfant
aura seul <lroit à la réserve. Car, les enfants de l'indigne ou du
renonçant, ne peuvent venir par représentation, puisque leur
auteur est vivant et que l'on ne représente pas les personnes
vivantes (art. 744) ils sont donc exclus, par leur oncle, qui,
s e trouvant unique héritiet·, pourra seul réclamer, à ce titre, la
réserve qui lui appartient·
~
1.
-
Des <Ueentlauts
Le droit des ascendants à une réserve dans la succession de
leurs descendants était à tort considé1·é pa r nos anciens auteurs
comme se rattachant moins au droit naturel qu'au droit positif.
C'était oublier la belle maxime de Papinien : • non minus pareniibus quam tiberi& piè relinqui debet . .. et l'admirable pré-
�- 234.-
cepte du D'ecalogue: H onora pafrem et ntafrem 11t longœvus sis.
Le droit positif se borne à proclam er le devoir filial et a y
appliquer la sanction nécess·1ire . Mais c'es t le droit rrntu rel,
d'accord avec la morale, qui prescrit à l'enfa nt de ne pas
dépouiller ceux qui lni ont donné la Yie , q uand les rigueurs de
la nnture condamnent ces dernil' l's à leur s urvivre.CesL le rl roit
naturel qui lui cornma nrle de ne poin t les dl-laisser dans une
vieille se av:rnc~e. liv ri'·e~ peut-êt re 1ux infirmités qu'nggravo
la misère , tandis qu'il o ~erai t , sa ns purle ur, enrichit· un
étranger.
Aussi. lors de la disc11ssion de no're tilre, to us les orateurs
qui y pr irent part , iméon, Jaube rt , FaYard, sau f peut-être
Bi..tot- Pré:irneneu, n'hésitèrent 1ns i:t reconnaitre le droit des
ascend·rnts a une port ion d 0 s bien.,; de l ·u r descentlants, et à
appuyer cette réset'\' snr le.:; pl'incipes du cll'Jit nfltnrel.
Le Code règle la r éc;er\'e d Ps :.~re n dn nt s dans l'a rticle 9J5
ll l'acco1·de anx ascenù1n"~ de cil tcut1e des denx lignes, paternelle et m'.lternclle, et embnsw , sons ce terme générii1ue, les
asceudanls du premier degi·é, ·1 ussi bien que les aïeuls, aïeules,
et ascc ndmts plus <;loig nés.
\l ais. rle ll)PirJP <,ll i'"rl. flJ:'). en c·e Cjll~ to rn;1l1> les rlesce n<Jan ts,
il uP se réfüre 1111'an · ·ic;cend:rnls lr;gitinw,.;, Ce 11oin! ress0rL de
la division qu'il p rescri t entre les deux lignes el rle la r.v:on s ui vant laquell e il ordonne que le ln rt·1ge s'opère, d'lns le cas o it
les ascendants se trom·enl en <'•mconrs avec des colhtér nix , ce
qui ne peut s·appli'Juer r1u'à h ll'lrent légi t me .
Nous <v0n ; don<:: iun.t·> 1 ;111 ·1·1 ler, ki en-.o:·e, si les :iscencl a nts de r enf .nt légilimé, act i 1ili1' ou n<lurel. ont d rlli t il un e
rés er \·e ·?
-
'!3S -
P oint de difficulté rnlativement aux. ascendunts d'un enfant
légitimé.L'art. 333, sur lequel nous nous sommes fondé pour
r econnaitre une réserve à l'enfant légitimé, nous oblige, par
une jusLe réciprocité, il en acco rder une ü ses descendants. Nul
a uteur ne conteste d'ailleurs celte solution.
Que le père adopLif n'aiL, :.rn ~onLraire, droit à aucune réserve
dans la succession de son 11\s ad optif, c'est ce qui résulte des
arLil;les 351 et 352 d rjà cités. Aux termes de ces articles, l'a dop
tanL n·a que le droit de r ecueillir dans la succesion de r .. dopté
le:::; choses que celui · ci ten.til de s a libéralité, et à la condition
que ces chose~ s'y re tn uve1.t en ualure, ou, à défaut, Y :-oient
représentées par une créance du prix, ou pardes actions enreprise·
Il n·est donc pas appelé à succéder à radopté. Et quant aux
biens qu'il lui a donnés, il esl évident qu'il n'a aucun droil de
de réserve sur eux, puisque l'adopté aurait valablemen t pu en
dis poser à s on préjudice, et que, tl ans ce cas, le droit de succession a nomale se s erait évanoui. Sur ce point encore, on ne
constate a ucune dissidence parmi les auteurs
Quid, à l'égard des père et mère naturels? Ont-ils une réserve
sur les biens de l'enfant qu'ils ont reco.n nu ?
La question a été longtemps controversée et la jurisprudence
avait, dans de nombreu x anèls et 11otamrnent dans un arr~t
rendu par la Cour de Cassation, le 3 mars 1846, admis
l'a ffirmative .
Beaucoup 11 'auleurs ._ 0 uten<ient el s outiennent encore cette
opinion . Punr nou~, nous n'hés ito11s pas refuser une ré.serYe
aux père et m ère u'lture\s, et telle e~t, d'ailleurs, la solution à
laquelle la jurisprudence s'est rallié.
.
La réserve, nous ne saurions trop le répéter . est un droit
�-
2~6
exceptionnel. une entrave au droit de propriété, une dérogation
au principe sacré de la libre disposition des biens. Un droit de
cette nature !~e peut donc ex ister, en deho rs d'un tex.te formel
qui l'établisse, sinon explicitement, au moins implicitem ent.
Or, sur quel texte appuyerons-nous le droit des père e t m ère
n:i.turels à une résen·e? sur l'article 7G;), n ous disent les partisans de l'orinion conlraii e . \[ais cet a rticle, n'a trait qu'à la
succession de l'enfant na turel. L'a rticle 7.J.6, qui appelle les
ascendants, n'a p as pa ru s nms:rn t pour faiœ reconnaitre une
réserve a ces ascend:rnts, e l 11 a fa llu que l'a rticle 915 vint pos iti\·ement attri bue r le droit de réserve à l'ascenda nt lég itime·
De m ê me l'a rticle ïG3 n e pe ut s uffire pour que n ous accordions
une réserYe aux pè re et mère na lurels.
.Appuiera -t- on cetté rés errn s ur l'article 915 ? nous r épondrons que cet article exclut, plus manifestement encore, les
as cendants n1turels, puis qu'i l o:;u ppose un partage de la rés e rve
entre les d e ux lignes et nn con ours ab i ntestat des ascenchnls
et des co l l:l.tét"aL~ : ,'nuulr. circon'il'lllûe qui ne peut s e pco<l uire,
eu dehors d es lie ns d e h parenté lég iti me.
:!\f tis, o'Jjec te-t-on, cxiste-t-i l un texte qui établisse un d roit
<le résen e :iu profit des enfrlnts n atu rels? Non et cependant,
monobstant m~me le" termes fo rmels de l'article 913 qui ne se
réfi:re q11'a ux en fant.. ou descendants légiti mes, rous avez
reconn u et accordé ll ne r é')erve a ux enfan ts na turels? Sa ns
doute, m1is la base de cette rése n e, no us l'avons trouvée dans
la comb ina ison de l'al"ticle 7.ï 7, avec l'a r ticle 913 . L 'article 757,
acco rde à l'enfant na turel un d ro it h é rédit1ire de m ê m e natme
que celui <le l'enfanL légiti1 ne, e t, r1'1i , sauf la cru otilé , s ïdenfip avec lui,. Il fa it rl onr r entrer ce d ro it dans l'a rticle 913, qui
1
- 237 -
-
lui devient ainsi applicable. D'ailleurs, cette réserve de l'enfant
naturel, résulte, d'une façon péremptoire, ains i que nous
l'avons vu, de l'article 7Gl et de la disposition qu'il contient.
Vainement, s'elîorce-t-on de soutenir le droiL des ascend,rnts
na tu rels a une réserve par des cons idérations tirées du principe
de réciprocité, de l'ohlig1tion alimentaire, de l'équité même:
M . Marcad é en fait justice · « comment, dit-il invoquer ici le
« principe de réciprocité , puisque ce prétendu principe, qui
« n'est écrit n11lle part, es l précisém ent le point en litige, la
« question étant de savoit· s'il doit y avoir id r éciprocité ?
~ Comment aussi d éduire, le droit a la réserve du droit aux
'< a liments, puis qu'il faudrait, à ce compte, reconnaitre le droit
« de réserve m êm e il des beaux.-p~res , belles-meres, c'est-àu dire à de simpl.,:> a li1és, qui nont pas même le droit de
(( s uccession ordinaire. S i ù'ailleurs, dit plus loin le mê me
« auteur, notre article 916 devait s'appliquer aux père et rnè re
<t na turels , ils auraient toujours la même réserve que s 'ils
<1 ét aient légiti m es, de sorte que le légis t.:tteur épargnerait la
<t filiation ill égitime chei ceu x m ême qui en sonl coupables,
« alors qu'il la fra ppe ch ez ceux-là même qui en sont
innocents ! »
1 ous refusons donc a ux père et m ère naturels un droit de
réserv e dans h s uccession d e leurs enfants, et c'est l'opinion
qu' un a rrèt r emarquable, rendu le ~6 décembre 18'.5 0, a defini-
<<
i
tivement consacrée ( 1).
( \ ) E n ce se n~ a 1l c;s1 - Marcarlfl Art. 9 1~ . D~man l e - N . St et 51 bis
Dem• 1,1mbc - dnn. el tc ' t p ag~s • 60 et sui,-, D ·lvincou rt, Masse et Vergè
'îom -i . III. conll"a.
rrvpl1>ll~ .
pa~.:-;
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$UÏT. Den-et tasl. ~ er lin
Réserve sec L. I V. gl'enier tn111. Il. n. 67ô Vat eillc art. 765 .
v·
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--
La loi, c1u; accorde aux. ascenda nts la qualité de réservataires
et la refuse a ux collatéraux, attribue néanmoins, la succession
o rdiuaire aux frères et sœu rs par préférence aux. a5cendants du
de cujus. Est-il possible de justifier cette a nomalie?
On a dit que si la loi, dans le cas de concour s d'ascend •nts et
de frères etsœm~, aYaiL préféré ces ùerniers, c'est qu'elle pensait qu'eutre h.:nrs rnains, plus j eunes et plus acliYes, les biens
de la hUCcession ne fera:e11t que s 'amélhrer, tandis que, ph cés
aux mains débile - cl'ùn Yieill::lrd, ils courraient r iS•]tle de s ubir
des altérations et des ùi otinutions.
Cette explication, à la ::.ùppo-e r vraie, ne ju stifie pas la pr( fèrence donnée aux. frères et sœurs sur les ascendants, s i les droits
de ceux-ci ont une cause plus h a ute et plus digne de fa\•eur.Une
autre c:onsidération rend compte, d'une façon plus satisfaisante
de cette apparente contradiction .
L es ascendants, en eITet, n'ont rien à craindre, puisqu' ils pour ront toujours exiger des frères et sœurs du dé funt, qui sont leurs
propres desce nd ants, une pension a limentai r e proportionnée à
ce qu 'ils auront reçu <lu d e c11j1.1s. Donc, pour eux, da ns ccll~
hypotbése, i l n 'y a pas besoin <le réserve. Supposons-n ous, au
contraire, que le de c11j1 s ne :aisse que des ast;enùants, ceux. ci
devront a \'Oir une résen·e, et elle leur est néce<;saire ; autrement
ils ne saut aient à qûi ::.'adresser pour 0~1lenir des alimenls, le
t estateur ayant pu disposer de la totali té de son p atrimoine en
1
faveur d'un étranger.
Les nscend:in ts, ainsi •rue nous ra,ons dit, ne 11 enn~nt prè
tendre droit à la réserve, qu'autcln l qu' ils sont eu ordre de succéder. Ce princi , r, en a pparence fo rt s imple, donne lieu à une
gra' e ùifficulté. Tl faut s up poser des ascendants, des frères et
- ns Nous avons à voir maintenant à quelles conditions les acen da nts, que nous venoas d' indiquer, a uront droit à la réserve .
D'abord, l::l. première qualité exigée par la loi est la qu1lité
d"hérilier. Comme les descenùauls, ils doivent joindre à
leur litre de p:trenls privilégiés, le litre héréditaire. En
conséquen ce, ceu x-là seul.; qui sont appelës à la succession
ab intestat, qui y viennent a!Tectivement, parcequïls se trouvent
dans l'ordre el le degré utiles, pourront se présenter comme
ré<>ervataires. C'est ce ([Ui ré<>ulle for:nellement de r .. rtic:e 915,
in fine : (( L es hiens ainsi réserY.!s au profit des a cenùants
• seront par eux recueillis dans l'ordre où la loi les appelle a
, succéder. ,, Nous devrons ùonc appliquer à la dé,·olution et
au parta 0 e rle h ré::.e1· .,, , les rè 0 les qui gouYernent la déYolutio11 et le partage «..:::; successions ab intestat.
Ainsi, si l'on s u;Jp ose c1ue le défunt a laissé des héritiers
dans la ligne directe descenù:rnte, les ascenda nts sont exclus
de la !·éserve, à moins <1ne les héritiers de h.t ligne descendante
ne renoncent à la succession ou n'en soient écarté:> comme
inc.ligues. Dt:: iême, parmi les ascendants, le plus proche
~xc lut le plus éloi,,!11 cLtns h mème ligne . et ceux qui se
trom·ent ,1u 111l!,11e degré sureè,lent par tètes. :;·'ms qne, toutefuis, il puis.;e jarwlis y 't\' )il' dë" l)ln\ion ,rune ligne ù l'autre.
Enfin, el touj ur-; J ·.1pr . . s le 111éme prinupe. c1ui Yeut que la
1 ;serve soit lrailél!, de ton.; puints, Cülll!lle la succe~:-i 1 n ab
i1deslat, les .uscen bnts. pbrés en lace de frères et sœUl's dn de
r~uj1ns, ne po:trront, L'll Yert11 cle l'nrt. ï50, qm leut prétère ces
rlerniers, -],?'ls i'rJcilt-; s•icr,e-snral, pretimdre au1 nn droit sur h
réserve . Il ,. a !~1. il r· ut P.P co11Yenir, un résull·1t bizarre et qui
choque, au premier abord, la logique non moins que la raison .
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2i( -
sœnrs du de cuf11s, et un e ui , position universelle au profit d'un
étranger.On se demande si lei) frères et sœurs, exclus de la succession ab ùitestat par le légatair e universel,font néanmoins obstacle à ce que les ascendants pufrsent réclamer leur réserve?
Trois opinions se .::ont produites sur celte déli cate que tion:
l'une décide qne les aïeuls et aïeule~ n'ont pas de réserve, que
les frères et sœurs renoncent ou ne renoncent pas.
L'autre prenanL le con tre-pied de cette décision ' enseiane
D
qu'une réserve est dùe au-:. aïeuls el aïeules, lors même que les
fréres et sœnrs ne renoncent pas.
Entre cas deux systèmes opposés, se place une opinion mixte
d'après laquelle les aïeuls et aïeules ont droit à une réserve , si
les frères et sœurs renoncent, et n'y ont pas droit, si les frères
et sœurs ne renoncent pas.
La première opinion fa it le raisonnement suivant :
Les ascendants ne peuvent prétendre à la réserve, parre
qu'ils ne sont pas en ordre de succéder. Ils ne sont pas en
ordre utile, puisqu'ils sont primés par les frères et sœurs, relativement à l 'hérédité légitime, et par conséquent aussi, au droit
de réserve.
Mais les frères et sœurs ne peuvent renoncer à la succession.
Car, nul ne peut r enoncer à un droit qui ne lui appartient pas,
et, les frères et sœurs, exclus par le legs universel, perdent
toute vocation héréditaire. Leur renonciation n'aurait pas d'objet ;
Qu'ils ne soient pas hPritiers,en face d'une disposition universelle
c'est ce que met hors du doute l'article 1006, d'où il résulte que le
légataire universel est investi de la saisine légale, à l'exclusion
d~s frères et sœ11 rs, dont le titre est alors effacé.
-
'!ftf -
A quel résultat, d'ailleurs, ne conduirait pas le système qui
subordonnerait à l'option des frères et sœurs le droit des ascendants à la réserve 1 Cette option, sans aucun intérêt pour les
frères et sœurs, mettrait en suspens et li vrre<.<it à leur discrétion,
les intérêts du légataire nniversel en même temps que ceux des
aïeuls et aïeules. Les frèl'es et sœurs proposeraient aux premiers leur acceptation, aux seconds leur renonciation, et le
plus bffrant l'emporterait.
Une telle situation est-elle tolérable ? et, ne vaut-il pas
mieux reconmutre que les ascendants sont privés de la réserve
quelque s •it le parti que puissent prendre les fréres et sœurs par
repport à la succession ab intestat ?
A ces raisons s'ajoute une consictc:ralion puissante. On fait
remarquer que, le droit de libre disposition des biens reconnu
à celui qui, ne laisse, en mourant, q ue des frères et sœurs et
des aïeuls et aïeules, ne pourra jamais être exercé avec sécurité, si l'on admet qu'une renonciation des frères et sœnrs peut
ouvrir une action en réduction et permettre de porter atteiute
à des dispositions faites de bonne foi et dans les limites tracées
par la loi .( 1)
Le S"cond système accoràe, a\ons-nous dit, une réserve aux
ascenrlants du second degré, sans sïnquiéter du p0int de saYoir
si les frères et sœurs renonceront ou ne renonceront pas.
Corn nie le sys• ème precéclenl, il reconnn.it que la renonciation
des fr~res et s,enrs est nulle, qu·eue est sans objet, et qu'elle ne
peut, dès lors, produire aucw1 effet. Pourquoi cela ? évidemment
par la raison que le legs universel, aux termes de la loi, exclut
absolument les frères et sœurs, qu il dépouille de la saisine,
( l) Au bry et Rau, tom e V . p. 550 8aintespès-Lescot, tome 11 p. 343-3.\4.
�-
2 ~2
- 24.3 -
-
(art. t005).Quelleconclu-5ion se h:~:·gL <le celt·' prémisse? c'estque
les frères et Slt> tu-s étant C:•cnrt1;s cle la succec:;,,ion, le légataire
universel, se tn,uve en face d'un as• e11ua11t, héritier a rt'l:>er\·e,
et qui donne lieu à l'application des a rticles H15 et 1004.
Les partisans Lle celte opinion l'é}'ondenl à l'objection tirf>e
d'une possibilité <'le frauùe de la part des lrères et sueurs, qui se
feront payer leur acceptation ou leur renonrialion, f'n faisant
remarquer que ce danger n'est plus i1 cr aindre J,s lJUe les
droits respectifs de l'a1eul et du légataire universel son t fi.x.és
indépendamment de l'opl1on lies fr,·res el sœurs et que, celte
option est, a cet égard, déclarée san::; iniluence.
En second lieu , il s font ressortir i.:ornbien il est illogique de
dire d'abord, que les frères et sœun; ne peuvent p'l~ reno ncer u
la succession, p arce quïb n'y sont pas a ppelés, pour décla rer
ensuite que leur présence s uffit pou r exclure l'aïeul et Je priver
de sa réserve, ce qui s uppose manifestement que, bien loin
d'être exclus de la succession, ils y sont appelés, c'est-à-dire
tout le contraire du point de départ!
Enfin, ils ajoutent, qu'en accordant une réserve aux aïeuls et
aieules, malgré la présence des frère::. et sœurs et indépendamment de leur r enonciation, on arrive plus sùrement et plus
directem ent a u but toujours désirable <l'é\'iter qu'un a::.cenùant
soit eutièrement dépouillé rom enrichir des étraugers (2).
Le troisième syst1.; me, auquel nous croyons devoir nous rallier,
accorde une ré:se1·ve aux areuls et areules, sous la d istinction
suivante : les frères ei, sœurs renoncent ils ; les aieuls el aïeules
sont héritiers, et ont droit à la réserve ne renoncent-ils pas :
les aieuls et aïeules ne sont pas héritiers et n·ont p-is de réserve ·
Ce système peut solidement s'appuyer s ur les raisons s uivantes:
1° La vocation légale des frères et sœurs n'est pas si totalement eŒacée par l'effet du legs universel que l'on doive les
considérer comme s 'ils n'existaient pas, relativement à la sur.cession . Loin de h ! cette vocation subsiste, à l'état latent, et
ils pourront l'invoquer, quand ils voudront exercer certains
droits attachés à Jaur qualité de frères et sœurs du de cujus.
Sans doute, le legs universel fait passer la succession toute
entière de leur tête sur la tête du légataire. A ce point de vue
'
ils n'ont aucun bénéfice à retirer de leur titre héréditaire. Mais,
ils conservent ce tit re, et, encore une fois, c'est ce titre seul qui
p eut les autoriser à attaquer le testam ent soit pour vice de
!orme. soit pour cause de captation, ou à faire r évoquer le
legs pour cause d'ingratitude.
Qui conteste ces idées ? D'autre part qui peut être le représentant de la succession légitime, sinon, les frères et sœurs qui
l'emp0rtent s ur les asr.endants, d'lns l'ordre successoral ?
Les partis1ns dn secornl système déclarent que les héritiers
légitimes, au cas qui nous occupe, ce sont les ascendants et
ils refusent , c'e t lcgique, l'action en nullité a ux frères et sœurs.
Mais, c'est là une solution éYidemment inadmissible. Donc, s'il
est aùwis <JUe les frères et sœurs l'Pstent, en face du lég·ttaire
universel, 113'> héritiers légitimes, Jeux conséquences en rèsul tent:
Les ascendants ne sont pas biriti•rs, si les frères et sœurs
(2) Delvincourt, t. li.
N· 50 bil.
p. 427. Coin Doli sl ~. art. 1007-5. Oemaote. t.
IV
n'abdi,iùent pas lliur titre ;
�- - M4 -
n le sont, si les
frère~
et scrurs se dépouillent, par une renonciation, de la qu'llité d'héritiers.
Point de réserve au prem ier cas; une réserve a u second cas.
2° Mais; dit-on, la renonciation des frère;; et sœurs n'a pas
d'obj et ; à quoi renonceraient-ils ? Le legs univer sel Les écarte
absolumeut de la s ucce:;sion.
Nous avons dèja fait à cet argument la réponse qu'il comporte, en montra nt que les frères et sœurs n'en ont pa~ moins,
dans la loi, leur titre héréditaire et que cette même loi, qui leur
donne ce titre, les autorise à y renoncer (art. 175.)
3° Enfin, on objecte la bizarrerie ce cette situation, d'après
laquelle, les frères et sœurs, dépouillés par une d isposilion
universelle, n'en font pas moins obstacle à Ctl que les ascendants puissent réclamer une réserve, et demeurent libres de
donner ou non naissance à celte réserve, suivant qu'il leur
plaira de renoncer ou de ne pas renoncer à leur litre.
Nous répondons que, si sil1gulier que puisse être ce résultat,il estlaconséquenceinévitable de cette anomalie de la loi qui,
au titre des s uccessions, accorde la préférence, dans l'ordre successoral, aux frères et sœurs sur les ascendan ts autres que père
et mère, tandis qu·elle attribue, au titt'e des do1ntions et des
testaments, une r Cserve à ces m êmes ascendants et la refuse
aux frères et sœul's !
. Et, qn·on ne dise pas, que si le légata ire uniYersel met en
échec le droit des frcres et sœm s, à plus forte raisnn doit- il
triompher du droit des ascenrlants , en vertu du brocard :
si vinco vince11te111 te, a fortiori te vùicam.
Le droit des ascendants ne le cède qu'au droit des fréres
et sœurs. Mais, il l'emporte sur celui du légataire universel puisque la loi le sanctionne par une réserve.
- 24.,., -
Enfin, la fraude qui pourrait être commise par les frères et
sœurs et qui consistera it, ainsi que nous l'avons dit, à se faire
payer .leur r enoncia tion, pourrait être déj ouée. Car, si la preuve
en était établle,il en résulterait, aux termes de l'article 780 une
'
véritable acceptation.
Ce système est enseigné par beaucoup d'auteurs , Dnra nton,
~a rcact é'. Troplong, Dalloz. Ragon, Demolombe, et a été plusieurs fo is, consacré par la jurisprudence (Cass. 11 mai 18 40
Dev. 1810. J. C80. Cnss . 2-t féY. 1863. Dev. 1863. I. 1!)0).
Nou" devons,en terminant ce paragraphe relatif à la réserve des
ascendants, exam iner la situa tion de l'ascendunt donateur.
Aux termes de l'art. 747, au titre des successions, l'ascendant
donateur succède, à l'exc! usion de tous a utres, aux choses par
lui données à ses en fants ou descendants décédés sans postérité,
lorsque les obj ets donnés se retrouvent en nature dans la succession , ou y sont représentés par une créance du prix, 0'-1 des
actions en reprise. La question qui s'élève est de savoir s i l'ascendant donateur a droit , en cette seule qualité, à une réserve
dans la s uccess ion à laq uelle il est appelé par l'art. i47, succession q u·on nomme anomale, exceptionnelle par opposition à
la succession ord inaire qui s'applique à l'ensemule des biens
'
sans quï l y ait lieu d'en rechercher l'origine ou la nature. En
d'a u tres termes, comment les principes généraux de la quotité
disponib le et de la réserve peuvent-ils se combiner avet: les
principes particuliers de cette succession ex.t:eptionuelle? telle
est la diilicullé quïl nous faut étudier.
La réponse est simple : nous pensons qu'il n'y a jamais lieu
de parler de réserve au profit de l'ascendant donateur, quant à
la s uccession é tablie à son profit par l'article 747, el cela, pour
les deux motifs que voici :
�-H7 -
-
~·6
-
La réserve légale, en premier lieu, ne saurait appartenir
qu'à ceux auquels le tex.le même de la loi l 'atl ri bue. Or ,
aucun texte n'attribue de réserve à l'ascendant donateur
sur les choses par lui données. Cest ce qui résu.te clairement
de l'article 915, qui ne se réfère très certainement, qu'a la
succession ordinaire, puisqu'il établit la réserve au profit des
ascendants de l'une et de l'autre ligne, et suppose même qu'ils
peuveut èlre en concours avec des coll•.itéraux, toutes circonstances qui ne peuvent se présenter dans la succession anomale·
de l'article 5-l:7.
Mais,il y a plus : l'article 7-!7 est, par ses termes mêmes ex_
clusif de tout droit semblable.Il n'appelle l'asce11dant dorn teur
à succéder aux choses par lui données qu'aulant que \'on 1·etrouve
dans la succession les choses elles-mêmes en nature, ou le
prix encore dù des .choiP,S aliénées, ou des aclions en repriset
il décide donc par la même que si l'objet d0nné a été a ttein
par une disposition entre-vifs, ou par une disposition testamentaire émanée du donataire, l'ascendant perd tout droit sur
cet objet; et s'il en est ainsi, si l'ascendant donateur est tenu de
respecter toute aliénati n qui aura été faite des choses par
lui données, il va de soi qu'il ne saurait prétendre un droit de
réserve snr ces mêmes choses.
Mais, comme conséquence de ce que nous venons de poser,
il faut dire que si le droit de r~serve ne peut pas être invoqné
par l'ascendant, il ne peut pas dav,mtage êlra invoqué contre
lui, eo quelque maniere que ce soit, et que les biens donnés
par cet ascendant, ne doive11t p·1s füi;ure r dans la masse pour
le cakul de la quotité disponi~1le et de la réserve. Le palriinoine
H divise en deu~ portions oien distinctes; : l'w1e qui comprend
les biens donnés, à supposer qu'ils existent en nature, ou soient
représe~tés par des créances ou des actions en reprise c'est la
s~ccess1~n de l'article 747. L'autre, qui comprend l;s autres
b1~ns, c est la succession ordinaire. Ces deux successions, qui
smvent des rêgle.> tout à fait différentes, sont dévolues la
premièl'e à l'ascendant donateur, qui est héritier à l'exclu;ion
de tous autr~s , et la seconde aux ascendants les plus proches
d~ns chaque ligne. Il eu est si bien ainsi, que si l'enfant donat~ire , ap r~s .avoir aliéné à titre onéreux et dissipé tous ses
biens ordma1res, ne laisse à son décèi que les biens qu'il a
reçus de l'ascendant, celui-ci y aurait seul droit, à l'exclusion
de.s autres ascendants, et c'est bien vainement qu'ils invoqueraient contre l ui leur droit à une réserve.
·
Si. l'ascendant donateur est lui-même appelé à la s uccess10n
ordinaire, soit seul, soit en concours avec d'autres ascendants
dans ce cas encore, nous ne voyons pas qu'il y ait lieu d~
s'écart~r des principes généraux, que nous venons d'exposer. Il
Y a to~J onrs, suivant nous, deux successions qui se séparent
essentiellem ent, et l'ascendant, qui se trouve appelé simultanément à ces deux succcessions , a deux titres distincts et deux
vocations indépendantes. Il lui est loisible d'abdiquer l'un et d
· va1oir l'autre. li peut accepter la succession anomale ete
f aire
r épudier la succession ordinaire.
Mais, si, à l'inverse, il renonce à la succession anomale et
vient à. la succession ordinaire, il n'y aurait plus, dans cette
hypothè'-e, qu'une succession unique, dans laquelle il ne faudrait pas s'inquiéter <le l'origine des biens, et alors, les biens
donnés étant par suite de la renonciation confondus dans la
succession ordinaire , l'ascendant exercera son droit de réserve
aur la totalité des biaoa.
�- ·HS-
...
SECTION III.
Du montant de la Réserve
L'article 913, qui traite de la réserve d es descendants, en
fixe la quotité, d'après le nombre des enfants:
A la moitié des biens, s'il y a un enfant ;
Au deuK deux tiers, s' il y en a deux.
Au trois quarts , s'il y en a trois ou un plus grand nombre-, .
La portion disponible est donc, suivant les cas, de la moitié
.
d'un tiers, ou d' un quart, des biens dn disposant.
Notre Code, on le voit, s'écarte également de la quotité
bizarrer1 ent progressive de la Novelle 1~, suivie dù.ns nos
anciennes provinces de droit écrit, el de la quotité exagérée que
fixaient les lois r évolutionnaires, et not.amment la loi du 17
Nivôse an II.
Le système actuel est très simple. Le législatenr a voulu que
la portion dont le pére de fam ille pourrnit librement d isposer
fu l toujours au moins égale a une pa rt d'en fa11t. Mais, il a cru
qu'il ne devait suivre celte gradation que jusqn·au chiffre de
trois enfants : ainsi, je lai:;se un enfant. J'ai pu dispose!' de
la moitié de mes biens. J 'en laissedeux : ils recueillent les deux
tiers. J 'ai pu disposer de l'autre tiers. J 'en laisse tr· Il s
recueuillent les trois quarts. J 'ai pu disposer d' un quart. Là,
dis ions-nous, s·arrèle l<1 corrélation : et, si ron suppose quatre
enfants, ohacnn a ura le qu.i rt des trois quarts, trois seixièmes;
le légataire universel aurn un quart, quatre seixiémes et ainsi
de su ite.
La réserve ne peut-être s upérieure au trois quarts et le disponible inférieur au quart. Les rédacteurs du code, préoccupés
avec raison du principe de la libre disposition des biens, ont
compris que, s ïls n'arrêtaient pas à un certain chiffre la gradation proportionnel le qnïls établissaient entre nne part d'enfant et la portion disponible, ils aboutissaient, dans certains
cas, à rendre cell e- ci, illusoire et rétablissaient le système condamné de la loi de Germinal an Vlll.
Ce n'est pas, il faut le reconnaitre sans une vive discussion
que le système consacré par l'article 913 fut adopté. Au sein du
Conseil d'Etat, on étai t loin de s'entendre sur la mesure de la
quotité disponible, plusieurs opinions se produisirent. La section de légis lation proposait nn disponible qui fut invariablement fixé au quart. Le conseiller Malleville. vo4lqit quïl fùt
de la moitié, et Portalis n'hésitait pas à penser- qu'on pourrait
même l'éle,·er à 1111 chilTre pins fort.
Tronchet, puisait sa théorie rlans les .::ouvenirs de la loi de
Germiml : une moitié en face d'un enhnt, un tiers en face de
deux, un qu<1 rl en face de trois, un cinquième, en face de quatres, et ainsi desuile.
Il fallai ' opter en tre tous ces systèmes. Celui que le code
civil a admis peut-ètre considéré co mme une transaction entre
ces i<léés d iverses, et fut proposé par le consul Cambacérès.
�-t:i• -
- 155 -
la recueille 1t p1s. soit p \ .. r efTet cl"nne r enon ri 1tion, s o!t p:lr
suite d'une déchr ilion cl'i nll 1gnilé . Faut-il né·1nm oins les
com t te.- p·)ur h !l:-nli1111 de h n ;serve, o' doit-on les 11 c'gl:,~e r
et n..: tenir compte que des enfrnls ca1nblcs et venwt efîed i-
qui reste invaria.hle, nonobstant les évènements ultérieurs. Et
celle portion 1éservéc, egt, nous Je savons, une partie de la
succession ab intestn.t, soumise au x. mêmes r ègles d'altribution,
de répart ilion, d'accroissement que la succession ab intestat
vement ù la s uccession ?
Les opiniuns qui se sont prorl niles s ur cette gr::ise di 'TLC'llté
elle-même.
UnP conséquence importante résulte de là, à savoir <)Ue, si,
aux termes de r arlicle 786, la part du r enonçant accroit à ses
cohéritiers, il fa ttrlrl en dire autant de la part de réserve du
r enonçant et décider qu'elle ùevra accroitre à ses co-·réser-
peuYent ·e r1mener il . rnis:
L'une ensei gne <J11e r enf \l\t renonç1nt fait nombre et doit
flgu1·er dans le ca kul, s·rns •1uïl y ·til li 11 de i et:hercher s i sa
renonciation est pure et s rnple et g r'ltuite. ou si elle n·est intervenue qu'en ~ùnsid rntio11 ù'une 1 bén li é quïl ava it reçue fin
déîunt et dont il se déchrait sa ti ·fai t. En d'autres te rm es, que
l'enfant re<ionce alit11w acceplo, 011 111dlo rr.cre1ito, chns les deui;.
cas, il doit être co:npté pour h fixation rle la r ésen·e?
Telle es•, en elTel, dit-on, la solution ({ni se dég ge de l' :n-ticle 913, sa inement compris. Ce tex te fixe le (f 11a1d1t111 de l 1
résen·e, d'a près les enfanls que hisse le lest1.let1r. Ce s ont ses
propres expressions: sï l ne lai -se ~t son decès, sï l h iss e . Il ne
sïnquiète pas du point cl e swo ir si ces enf,1nts seront ou 1:on
héritiers, s'ils viendronl ou non à la success ion . >Jous nf' deYons
pas nous en préoccuper dwanl'lge , s >U S peine rra.'. outer ü la
loi et de créer une distinclion ou le Le:tt; est alJsolu el ne ùistinô ue pas.
Celte idée d'ailleurs, ca ' re parfait•'ment aYec la nature cte l'-1
réserve qui n'est pas attribuée individuellernenl tl chacun ües
enfants, m.:tis qui leur est accordée en bloc et collect1vem e. 1f.
Dè., lïnstant du décès, la loi a séparé f':l r]P tx rnrties le p1 +:·; _
moine du de c11j us : l'une est la porli n hdisponible, r éservée ,
qui s'établit selon le nombre des enfants laissés par le défunt f't
1
vataires.
Ce système est suivi par la cour de cassation, un grand nombre de cours d'appel, et beaucoup d'a uteurs des plus estimables (1).
D'après une deuxi(•?Y'le opinion, il faut distinguer entre l'enfant qui renonce aliquo acceplo , et celui qui renonce nullo accep to. Le premier doit être compté. Le second ne doit pas
l'être.
Cette distinction, dit-on, est très rationnelle. Elle était suivie
dans notre ancien dl'Oit et les principes de notre Code commandent encore cette solution .
En élîet, celui qui renonce purement et simplement, étant
censé n'avoir jamais été héritier, (art. 783) il est évi<lent qu'il
ne peut être compté à J'e!îel de déterminer le montant ou la
la composition d'une réserve, qui, d'après la loi, n'appartient
qu'aux héritiers et ne s'établit qu' eu égard aux successibles qui
(l) Gass. 18 février 1818. Sir. 1818. 1. 78. Amiens. 17 mars ! SS.\. Paris, ~ li
mai 1865. Dei•. 18G:>. 11. 8:'> Ca<;$. 13 aoùt ISG6. Grenier. To111lier. Durantoa·
Coi o. Delisle. Poujol. Va~eille. F.aintes -.ès Lescot. Troploor . Aubry et Rau.
�-
-!57-
'l51S -
viennent effectivement à h succession. Si l'enfant qui renonce,
nullo a re 1to, <lenit èlre corn pt é t'O Ur le calcul de la réserve et
1
grossir. de la sorte, la flarl <le ::-es C()-ré,erY:'lt'lires, il denait
aussi, à défanl d'autres enf·\l\ls' u descendants faire attrillner la
r<•sen·e aux hé rit i...rs cle l'Mdre $11bsécp1ent, en \ ert1. de l'article
78G, et des principes de la d ~volulion. Or, c'est c~ que personne
n'admet.
Au contrai; e, l 'enf'lnl qui renonce ponr s ·en tenir au rlon qu'il
a rec:u, doit être c mpté, p·nce q11ïl ilnpnle ce do1 1 sur sa pa1·t
de résen e .. ïl a donc une part d;1ns la r.:ser\'e, il est naturel et
logique quïl fasse nombre pour fixe r le q11anf1w1 de cette réserve.
Cette dernière pr· position suppose n'solue la que::.tion de sa\oir
quels sont les droits de r!1éritie r donataire en avancement
d'hoirie qui renonce a la s uccession p1rnr conserver le don quïl
tient du défunt. rous allons retro1wer bientôt cette question
qui e<> t l'une des plus controversèes de n otre matière.
Enfin , la troisie111e op inion déci<le que l'enfant renonçant na
doit pas être compté, sans quïl y a it à distinguer sï l
purement et simplement ou s'il renonce aliq1w accepta.
tème nous parait le plus conforme au texte et à J'esprit
Code et nous n'hésitons pas ü nous y ra11ger. Ess ~ yons
renonce .
Ce sysde notre
de l'a p-
appliquer à la réserve, qui est incontestablement, une portion
de la succession, le même principe et décider qne le renonçant
est censé n'avoir jamais existé par rapport a la réserve. Et
l'effet Je cette renonciation remonte ici encore, au jour de l'ouverture du droit des réserv·\La1res, c'est-à-dire au jour du
décès du de wjits. De sorte que à ce moment, l'enfant qui
renonce, n'existe plus relalh·emen t à la réserve. Iln·a plus aucun
droit à cette réserve. p11is p1ïl n'ec:;t p1.-; héritier , et s'il n'y peut
prendre auc une p:lrt. <·orn men t admettre qu'il fasse plrt pour
en déterminer h quoti té? il y a là. une contradiction manifeste :
le reuonçan t n 'existe p'ls au 11oint de vue du droit à la réserve.
Il existe, néanmoins au point de vue de, personnes dont il faut
tenir compte pour en fixer le chiffre ! c·est illogique.
Vaine ment, pour soulen1r qnel"enfant renonçant doit faire nombre, le système ·1dversenllègue-t-il les termes mêmes de l'article
913, q ui se réfère aux e1 1fants que le teslaleur laisse à son décès,
sanss'inquiéter du point <le savoir s'ils seront héritiers ou s'ils
renoncero11t à la succession. L'argument est s:rns valeur sérieuse
Car l'article 013, c;om111e l"adicle 015,comme l'artide ~12l , comm e
presque tous le,, a rlicles du til re des successions, signifie bien
évidemment : laissé comme hé rilier, bissé relalive1nent à la
puyer sur de sr•lides ar0 urnen ts.
Et d"1bord. q t'il ne faille p 1s compter l'enf.rnt renonnnt,
c'est ce qni rés11l~e de l "arlicle ï8'), a nx te rmes durruel le renonçant ec:;t censé n'avo ir j ·imai:; élé liéritier, n·woir jama is t xislé
relatiYement à la succession. L a reno•.cia tion a un eITet rétroac-
succession.
11 faut se g'lrùer de ces interprét·üions judaiques qui tuent
l'esprit de la loi sous s·1 lellre rigoureusement ·lppliquée. Si
l'article 913 ne vise qne les enf·111 ls ou les descendants laissés
p ir le de c11j11s, sa ns quï\ y ait lieu de se demander s'ils seront
tif, elle remonte, la loi 1ous le dit, a u jour m ~me cle l'ouverture de la s uccessi9n. et c'est à ce moment que l'h éritier qui
renonce est à. consid érer comme n 'existan t pas. Or , nous devons
pable ou indigne.
Car, celui-là aussi, le testateur l'a laissé. Mais, personne ne
h édt1ers ou ne le s~ront pas, il faudrait compter l'enfant inca-
�528 -
-- !59 - -
sou tient cela. Or, rien ne sépare, a u point de v ue qui nous
occupe, renfant incapa ble, de l'en fa nt q ui r enonce. Le premier
n'a ja mais eu de Yoca tion à la s uccession - le s econd a e u une
vocation momentan ée, mais il en a d é tr uit les eŒe ts pa r une
renonciation qui opère rétroactivem ent et le fait cons id érer
comme n'a yant j amais é té h é l'itier . Ent re les deux h y poth ès es ,
accr oitre à ses co-r é ervataires. Ma is, lïmportance de la masse
r ésenée n'en re\oil a ucune allei nte .
Cel a1 gumen t, pO lll' être plus spécie11 x, ne nous par:iit pas
p his solide. L ' .. ccroi:;emcnt se produi t r dativement à la
succession ab intestat , cela est vrai. Mab pourquoi? Parce que
la s ucccesion ab inles·at est une m·~sse , à l'intégrali té de
laq uelle tous le" hédtiers en ordre utile on t personnellement
v ocation, et qu i n'est recueillie partiellernenl par c.iacun d'eux,
que par u:rn conséci uence forcée du eoncours de leur" droits
ri va ux s ·tr cette même m1sse: C()11c11rs11 parl.:s i'iu nt. \ lais qu'il
vienne à se pro1ln ire un de ces é' ènerncuts q11i détruise la
v ocaton de l'un ùeux, q11e, p1r e~t>mple, un des cohéritiers
renonce, sa pa rt grossira celle des autre', p:ir droit d'accroiss emen t, ou rnie11 x etH.:o re. p11· droit de non-décroissement.
En est-il de mê111e de la réserYe? Ev i :emment non. La résen e
constitue un e masse essen tiellem ent v·nialJle, qui dépend du
n om b re d de l:t q unl ilé des llériliers, et 11ui même disparaït
co n1plèten·en1, si, par la l'eno ncia lion des réservat•• ires, la
s uccession se 1rouYe dL~Yolue a un or,! re d.hél'Ïtiers autre que
les r\es<.;end--tnls ou les asc, rnhnts. Coirment p1rler d'accrois-
-
où est la d ilîérence !
La logique et l'équité ne sont pas m oins violées , dans le
sys tème de n os a dversaires, que le texte et l'esprit de la loi. Si
le dis pos ant laisse trois enfan ts, fa réserve est d es t rois q uarts.
Deux renoncent, La reserve de !"a utre en fant restera des trois
qua rts, nous di t-on , et la portion disponib le d 'un quart. Mais,
pourquoi la r éserve d'un se• •l e nfa ni sera-t-elle a ussi grosse que
celle de t rois en fa n ts ? pourquoi la calculer pour un seul , com m e
on la calculerait pom t rois ? ou pour deux comm e on la calc ulerait p our un ~eul ? Mais, cela e,; t ma n i ·estement contrair e à la
loi, qui établit la r éserve d'ap r ès le no mb re des er1fants, une
m oitié s'il y e n a un , deux tiers s'il y en a deu x, trois quarts s'il
y en a trois ou un pl us grand nom 0re, montran t b ien par là
qu'elle ne fixe ces c:hiffres,q u'en vue des en f-lnts qui dohent efîectivc: ment se partager la po rtion indisponible , égale à une part
d 'enfani, JUSqu'au nombre de tro is.
Mais, obJecte-t-on encore, la rése1 ve est un véritable droit de
s uccession ab ;ntesfat, une part de cette succession. Elle doit
doue receYoir l'application des mêmes règles qui gouvernent
celle- ci. Com m e la succes~iou totale, elle conslitne une masse
don t l'importance est im ·arial>lement fixée au moment du ùécès,
et qui appartient collectivement à tous les enfan t". S i l'Lu1 de ux.
renonce, sa p art, aux termes bien formels d e l'article i86, doit
s ement reh1ive111ent il une mas->e v·Hi'lble, et qni se tnnsfonn e
dès qu'un ch:rn~einenl se produit dans le llOmbre de ceux qui Y
sont apiie'.és? C'est ce que dit très-bien :\1. De111olomhe:
« La 1.:on ition es·3entiell >, s·rn-5 la r1~lle le droit J'accro·sse« nient n·e,,l p1s 1ossible,1.:'esl l'existence d'une masse inva« r h blc a, 1.;0 , ; , et qui cie neure la lllêrne api·ès connue avant
« la renonc1alio1 1. \.elle conditi.1n manque • bsolume1 t, en ce
, qui cu.icerne '" n~::;erYe de.:; e11f111ls. On ne l'eut }1"S dire, p1r
,.. el\.emvle, q ue, si l'un ùe Lroi~ eufants accep te seul, quuud
�-
!GO-
« les deux autres renoncent, qu'il aurait eu, à lui seul, les trois
« qu1rts, à supposer qlie ses deux frères n'eussent pas existé:
moili é. Donc, il ne
« doit avoir aussi que la moitié, 1Jrsque 1>es deux frères
« il n'aurait eu, au contraire, que la
(lJ.
Enfin, si l'accroissement dev,1it avoir lieu , en présence de
trois enfants, dont un ou deu x renon ·ent, s 'il y avait matière,
en ce cas, à appliqner l'arlicle 78G, on Set'llit mress1irement
amene à décider au -i que la ré:;erve , 11ne fo is tLèe qn ant à sa
quoti té, passe , pa r <lroil de déYolulion, au x. desLendants des
degrès utérieurs .
•
d'un fis unique prédécédé auraient
Ainsi, trois descendants
droit, dans la succession de l'aïeul à une réserx.e des trois
huarts. Il faudrait aller plus loin et dire que,si tous les enfants
ou descendants renoncent, la réserve passe, telle qu'elle est
fixée par le nombre de ces derniers, aux. ascendants et même
aux collatéraux 1 Certes, ce sont là des conséquences que
réprouvent et désavouen t h a utement les partisans du système
que nous corn battons. Mais, ell es n' en sont pas moins des déductions logiques de leur principe, et, s'ils ne peuvent s uivre ce
principe, dans toutes ses conséquerices nécessaires, c'e.st qu'il
est faux et doit être rejeté.
Nous concl uons donc, que l'enfant renonçant ne doit jama is
être compté, et qu 'il ne faut tenir compte, pour ét ablir le mon·
tanl de la réserve, que des enfants qui acceptent et se portent
effectivement héritiers.
Mais, que deviendra la part de r ...serve à laquelle le r enon« renoncent.
>>
-
%11 -
çant aurait eu droit, et qu'il perd, pa1· suite de sa renoneiation ?
Pour répondre s ur ce point, il faut prévoir deux hypothèses :
1 • Le défunt a laissé quatre enfants, l'un d' eux renonce. La
r éserve resle ce qu'elle était avant la renonciation, car, elle
n'est pas plus cons idérable pour quatre enfants que pour trois:
elle est toujours des trois quarts. La parL du renonçant grossira
celle de ses co-réservataires, et il y aura vraiment lieu ici au
droit d'accroissement, en vertu du principe que, la renonciation
d'un héritier profite à ceux am.quels aurait nui son acceptation.
Les trois enfants qui acceptent auront chacun uo tiers des biens
r éservés, tandis qu'ils n'auraient eu qu'un quart, si leur co-héritier n'eùt pas renoncé .
2• Le défunt a laissé trois enfants, l'un d'eux renonce. Le
renonçant étant censé inexistant quant à la réserve, celle-ci,
cakulée sur deux enfants, sera des deux tiers, l'autre tiers formera la portior1 disponible. La renonciation, dans ce cas, a lieu
a u profit des réservataires, qui recueillent, chacun la moitié des
deux tiers, tandis qu'ils n'auraient eu, en l'absence de la renonciation du co-résen ataire, que le tiers des trois quarti,; et au
p rofit des donataires ou légataires, puisq ue la renonciation
élève la quotité d ispvnible du quart au tiers. ( 1)
Il nous res te, en terminant cette section relatiYe au montant de
la réserYe, à examiner de qnelle fa~on se calcule la r éserve que
nous avons reconnue à l'enfant naturel, e t, par suite, quelle en
est h r 1uotilé.
Nous ayons vn riue la qnE>slion de savoir si l'enfant naturel
reconnu aYait droit à une réserve, avai t été, dans les premiers
(1 ) Marcadé. 913. 91'i n· 1. Ouvergier t . 111 n· 108 Dewol. tome IL Don d
tt-:.;l. u. 91l e< :>Lill'. L..1ur, n' to1ue X.II n· 21.
(1) Demol. bon. et teat. II. p 110-71.
�- tes ab
inte~tat,
eu d'autres termes, i:t reproduire quant à la rése rve,
les articles 757 et ï58.
Prenons chacune de:.; hypothèses que préYoient ces textes :
1• L'enfant n,1t urel est en concours aYec un enfant légitime.
S'il était légitime, il aurait droit ü la moitié ùe la succession.
Comme enfan t naturel , il n'.1 droit qu\1 un tiers de ce qu'il
aurait, s'il était légitime. S:i ré:-erve sera du tiers du tier::-, soi t
d'un neuvième. L 'enfant naturel est en concours avec deux. enfants légitimes. S'il eut été légitime, il aurait eu u;:e réserve
du quart. Il aura le Li ers de ce quart, soit nn <louzit!me.
S'il est en concours avec trois enfants légitmes, sa réserve
sera d'un shième, avec quatre, d'un Yingtième, et ainsi de
-
102 -
temps de la promulgation du code, l'objet de sérieuses controverses. Une fois ce point résolu atlirmativernent, on se divisa
profondément su r le quantum de cette réserve. Ainsi, les uns
admettaient que, en l'absence de disposition spéciale à cet
égard, on devait se référer a ll x articles 757 et suivants qui
fixent la part ab intestat de l'en fant naturel et décider qllc sa
réserve serait égale à celle part.
D'autres enseignaient que l'on devait suivre l'article 761, aux
termes duq1iel, les parents peuvent, en donnant entre vifs à
leur enfant naturel la moitié, de ce qui lui est accordé ab intes-
tat, l'exclure de leur succession. a réserve était donc, dans ce
système, égale à la moitié de sa part ab intestat.
suite.
Si l'enfant légitime est précl écédé, laissant des descendants,
notre calcul devra être reproduit, car les descendants, venant
par représentation, ont tous les droits qui auraient appartenu à
leur auteur. Mais, s1 l'enfant légitime est renonçant ou indigne,
comme, dans ce cas, les petits-e11 f'lnls viennent de lenr chef,
l'enfant naturel devrait èlre ficti\ ement tenu pour uu enfant
légitime, excluant les petils-enhnts, et, à ce titre, prendre une
réserve du tiers de 13. moilié, c'est-à-dire d'un sixième.
2° L'enfant nalu1 el est en concours avec des frères et :-œurs
ou des ascend ants dans les deux li ...,ues. S'il était légitime il aurait droit à la totalité de la sur cession a/; i11fesla1, el comme
réserve, à la moitié de cet te success iou. S:i. réseryc sera de la
l\fais ces systèmes n'ont eu aucune faveur et c'est avec raison. Car le premier donnait à l'enfant naturel une réserve qui,
dans certains cas, dépassait celle de l'enfant légitime, puisqu'elle pouvait comprendre la totalité des biens, en l'absence
de tous parents au deg('è s uccess ible ; et, le second supposait à
tort que La réduction permise par l'article 761 pouvait s'opérer
autrement que par une donation entre vifs, ce qui était formel -
m oitié de cette moitié, s0it d'un qnart.
3• L'enfant naturel se trouYe en concours aYec des collatéraux
autres que frères et sœurs ou descendants d'eux . La réserve
sera de la moitié des trois quarts, qui formaient sa part héréditaire ab inteitat, c' est-à-dire des trois huitièmes.
dicteurs dans la j11risprndence.
Il est, d'ailleurs, trés simple et consiste à fixer les droits de
l'enfant naturel par rapport à la réserve suivant les rè~les
tJ.UÏndiquent les 3.rlic.lc:; 757 et 758 relativement à la succession
lement contraire au texte.
Aussi, un s~rstème '.Je:iucoup plus conforme aux principes qui
réaissent les droi ts ile l'enranl naturel, fnt bientôt exposé par
un°arrêt de la cour de Pau clu :! i mai 1806, maintenu par la
Cour s uprême le 2G juin 1809 Ce système a conquis les sulirages de la grande majo l'.t-: cles auteurs et a trouvé peu de contra-
�26& -
- 265 -
•• Enfln, l'enfànt naturel r encontre des ascendants da ns une
ligne et des collatéraux non 1wivilégiés dans l'autre. Il doit, suivant nous , aYoir da:~s ce cas, les cinq huitièmes de b r éserre
quïl aurait eue, s'il eùl élé légitime, c'est- ü-dire les cinq
Cette objection est peul-vi•·~~uste. Mais, nous ne croyons pils
que notre systcme doive en èlre modifié. Les termes et
l'esprit de l'article 75b nous paraissent. commander cette décision (iJ. Ol>~el'\'0:1s. en finissant, que la quotité de la 1·éserve
düc à l'<'nfaul natt1rc:l, s·a1ipl'écie , en égard à la qualité des
succ~ssiu l ec; bi:.;:;;és par le de eu ius et pouvu qu'ils se p ortent
h é ritiers. Si do1Vi l'nn denx renonce ou est exclu comme indigne,
il ne doit pas fignrer dans le calcu l.
Mais si le défunt il fait vne disposition universelle, et laisse
un en.fé'lnt 111.tmel et des coll üé1"1ux exclus par le légataire,
quelle sera 11. réserve de l'enfant? Elle doit être égale à
celle d'Lm enfant legitime. C·lr , le rlroit de l'enfant naturel n'est
ré<luit par b loi a une portion de ce quïl eût été, à le supposer
légitime, que vis à vis des parents légitimes du défunt et dans
leur seul intérèt. Mais, dans l'espèce l'enfant n aturel n'est plus
en face de parents légitimes. Il a devant lui un étranger et il
est jnste de le traiter, dès lors, com::ne un enfant légitime. (2).
-
seizièmes.
Nous avons supposé, dans lec:; h ypothèses ci dessus un en fant
naturel en concours avec un on plusieurs enfants légitimes.
ou des ascendants, ou des collatéraux.L1 régle que nous venons
de suivre pour fixer la réserve <lue à l'enfant naturel, doit-elle
s'appliquer, même au cas de plusieurs enfants naturel s?
Nous le pensons a' ec la juris prudence et la généralité des interprètes. Nous estimons que les enfa .ü~ naturels doiYent être
tous fictivement et !>imultanément consiJérés comme enfants
légitimes, et qu'ils doivent a'.·oir pour réserve le tiers, la moitié
ou les trois quarts de ce qu'ils auraient eu, à ce litre, s'ils
eussent été légitim es . U n exemple suffira à faire comprendre la
portée du principe: Le défunt a laissé cleux enfauts légitimes,
trois enfants naturels. Si ceux -ci étaient légitimes , la réserve
étant des trois quarts , C'hacun r ecueillerait un cinq ni.ème des
trois quarts, soit trois vingtièmes . Mais comme ils sont n1lnrels,
îls n'ont droit qu'à un tiers de ce cinquième, soit un viugtié111e.
On a adressé à ce système un reproche. On a dit quïl ne
traitait pas l'enfant nJ.lurel avec tonle l'équit€ 11ue nut la loi,
parce qu'il ~onsidérait à tort tous les enfants 111turels comme
fictivement et simullaném enl légitimes.
En effet, chacun ùes enfants naturels semble pouvoir dire
c Si j'eusse été légitime, j'aurai:> p• oGlé de ce que mes ùeux
frères étaient natul'els, j'aurais et1 une réserve de plus des
trois vingtièmes; je dois donc avoir plus d'un vingtième comme
réserve pour avoir ce que la loi m 'acconle.
(2). C'est pour parer à cet inc.onvcnient qu'un avocat fortdistingut§, de
Lyon, M. Gros a proposé un systènw, dit d<! 1·éparlition, d'après lequel
chaque enfaul naturel ·-;ta11lorie0 à opérer, pour Jéter111iner Sl part héréditaire,
en se suppiisant légiluU<' t'l en tenanl ln11jours ses f<ères pour enfants
naturels. Ce ~ystèuw trè,-ingénienx •'t rcmarqnabkme:.it développé d1ns une
b t'<ichurc qui a Jl•>llr titre, r ••~h ·rch~• sur les rlroils succes~i r~ des e•fants
naturt>ls, cc rnttacb~ plutôt à la •uccession ab ntestat, et donne heu à des
d 1:lk 1 ttè~ <lo! calcul .1u.1l l'exiun•m nous eùt mené ti·.>p loin. Mais, nous avions
1e devoir de le signal~-. en regrettant de nd pouvoir 1'11. pprécier et le discuter
comme il coovieud!'ait,
(2) Chabot. art. 756. 29. Dallez rep. v. Suce. ch. l V. &éct. 7. Aubry et reu
p. 686 note 5.
�-1111-
SECTION IV.
De l'effet de l a renonciation d e l'h é r itier doi ataire
ou légataire à la succ ession.
Nous avons dit, a u début de ce travail, lorsque nous avon1
déterminé la nature et le carnctère j uridi<1ue de la réserve,
qn' elle devait être considérée comme un véritable droit de suc.
cession ab i ntestat, comme une portion de cette succession,
pr otégée contre les li béralités exagérées du de cujus, et, en
posant ce principe, nous en avon<. déduil comme conséquence
prem ière, q u'il faut être h éri tie:· pour avoir droi t à la réserve .
Puis, lorsque nous nou s sommes o,·cupé tantô t de l'en fant renon çant, nous avons décidé, que, perdant inr le fait rle la renon
ciation, la qualité d'héritier, il ne ponvai t p lus prétendre ù la
réserve .
Mais, si nous supposons que l'enfant cp1i renonce, a reçu, par
donation entre vifs, ou legs, une p.1 rtie des biens h éréditaires, el
que la libéralité dont il a élé l 'ob~et, lui .1 élé faite sans claus e
de précip i•t, devons-nous reproduire l.i même règle et décider,
jCi encore, que le renonçant, n'a p;ts c\roit à la réserve el ne
peut, par conséquent, retenir les bièns l lui clonnés rrne dans
la mesure de la quo tité disponible. '\/uus ar rivons a insi à la
grande et célèbre controverse rlu cumul cl e la quotitc dis ponible et de la rés erve.
-
267 -
D"a prés quelques autenr j ~~ nne jurisprudence demeurée
longtemps inébr,m\ .ble, il fo lb iL distinguer entre le droit de
r éclame1· la réserve p'l r vo ie <l'action, soit en par tage contre les
au Lr.;s r éserv'l la ires, soil en r éduction contre les donataires, et
le clr·oit cle r.)teni.- c.;Lle r ~servr. p 1 1· vo ie d exception. D:rns ce
svstème la cru1lit~ d' héri•1e1· n'était néi.;ess·ü re q u'il y avait lieu
'
de réclamer h raservc p ir voie d'action. Elle ne l'était plus, s'il
s 'agissai t de la retenir par voi0 d'exception.
L·1 quu lit~ de p~lt'ent réservnt1ire y s uffisait : de telle sorte
q ue l'h éritier dona tai re av .. it le <l roil , en renonçant, de retenir
les l>iens à lui donnés non se11 lementjus q1fà concurrence de la
q uotitl\ disponible, mais a ussi j11sq11'ü co1.currence de la part
de r éserve qu'i l P.ù l pu recueil lir, s'il 5e fût porté héritier.
L :l ju risprndcicc se prononp, dans un premier arrêt, contre
cetLe théorie, n11is , elle l'adopta, dans d'au tres a rrêts , l'un
r endu le 28rn1r,;18.3l, 1'\ntrè le 17 1111.1 18-13.
E lle revrn l ens uite i1 sa première doctrine, da us un arr êt solennel, d u 27 ovembre 18G3, par lequel elle n'a utorise le renonçant à reteuir s ur la don ation qui a pu lui êt re faite par le d •
cujus que le montant de la quotité disponible.
Cette s olution, que nous n'hésil ons pas à adopter , nous parait
r ecommandée pa r les vnis principes admis en matière de
.
réserve.
Dans l'esprit de notre Code, la réserve, nous l'avons montré,
est attachée à la qualité d'héritier. L 'l qualité d'enfant n'y uffit
pas, s i le litre héré lihir?. •1e vient s'y joindre. . . .
D'oü r ésulte, nous l'avons montré a u.-;si quel héritier renon
çanl perd tout d1oit à la r éserve.
Pour se convainrre de la vérM de ces principes, il faut
in terroger les tex.te~. Que fait l'article 913? il partage le palri -
•
�-!M-
-
moine du pèr e de famille en deux portions : l'une dont il a la
libre disposition, par donation ou par testament, en faveur de
tout individu, étranger ou héritier. L'autre déclarée indisponible, et dont il lui est défendu de disposer, quel que soit celui
qu'il ait le désir de gratifier, et qui, formant sa succession
ab intestat, est n écessa ir ement dévolne suivant les régies de
cette s uccession, c'est à dire à ceux seulement qui sont héritiers.
On ne peut, en e!Iet, acquérir qne par deux moyens : J la
succession 2° la donation. Pour acquèr ir par su<·cession, il !aut
être héritier, cela est de toute évidence. Or, le renonçant, a
perdu, par la renonciation , cette qualité q ü seule l'autorisait à
recueillir par voie de succession. Il s'est fait étranger à l'hérédité. Donc, il ne pourra recevoir du ùéfunt qne par donation, et
il ne pourra recueillir , par ce titre, que ce qui peut être re~:ueilli
par donation, c'est-à- dire la quotité disponible. Ces idées sont
daires et certaines et i ·article 84S vient les fortifier en disposant
c que l'héritier qui renonce pourra cependant retenir le don
, entre vifs ou récla mer le legs à lui fait jusqu'à concurrence de
c la quotité diiponible, • telle était la théorie que la Cour de
cassation avait consacrée, dans le célèbre arrêt Laroque de
Mons, r endu le 13 lévrier 1818.
Mais, ce systèm e produisa it. dans certains cas, des inconvénient regretla bles , qui rèsullaient de la faculté laissée a u
:successible renonçant de retenir et dïmpuler sur la quotité
disponible le don que lui avait fait le testateur s:ms clause de
p réciput. Et par exemple, si un père fait a un de ses enfants un
avancement d'hoirie qui absorbe la q uotité disponible, puis
adresse à des personnes étra ng ·res, qui 0nt des titres '.l sa
reconnaissance ou à son afTection, des dons ou des legs, l'effet
de ces dernières libérali tés sel'a s11bordonné " la volonté de
0
-
269 --
l'enfant donatai re qui pour1·a les maintenir ou les r endre inefficaces, selon quïl acceptera la succes<>ion ou y r enoncera. En
effet, veut-il l •s anéautir, il r enonce, et , n'étant plus qu'un
simple légataire, il absorbe la portion disponi'ble, et frappe de
n ullité les lihti1·1lités ultérieures c1n pere, c1ui avait déjà épuisé
tout ce üonl il IlOUVait disposer. Yeu l-il les maintenir, il accepte
la snccesion et p<i r suite, la 11ere a fait des libénli tés Yalables,
puisqu'il s'est teuu dans le::; limites de la quotité disponible
restée inlacte.
:\ i11si, l'en(ant donataire a le pouvoir, en vertu de l'article
8!3 de dénaturer le caractère de la ùo11ation que son auteur lu i
'
a faite. Ceh n'c3t pas sans d·rnger. La puissance paternelle en
r eçoit une gr:l\'e attemte, et le testatcm, qni sait quïl est
exposé à perdre sa quotité ùi,ponible, s'il fait à son descendant
d es avantages même ~ 1nc; dispense ùe rap port et avec la décla ra Lion d'avance m ~11t d'hoirie, sera moins tenté de faire ces
avantnges, ou ne les fera que dans une faible mesure. L'intérêt
de l'enfant en souffrira.
Et c"est, en présence de ces inconvénients et en vue d'y parer,
qu'a été imaJi11ée la théorie d'après Iaqueile la donation reçue
par l'enfant qu; renonèe sï1npute, en premier lieu sur sa part
de i·éserYe, en :'.>econd lieu, sur l:i quotité disponible, mais de
manière à ce '.ne cetlequolilé ne soitj·tmais dépassée.
De ux arrêt" de ca ,sa lion, que nons indiquions tantôt, ont
adopté ce sy-t" ne: celui du 11août18:?!1 et celui du 21 ma rs
183!. Ils rai<:<)11'1ent ainsi :
L'asce11 d;•11t <JllÎ fait il son descendant une libéralité, sans
l'accompagner de la cbuse ex presse lle p1·éttj)!tf, n 'euteod
évideminent lui attribuer les choses don nées qu'à titre de présuccession, et comme- ava nce sur la part héridilaire à laquella
�- 270 -
est appelé l'enfant donataire. C:elni-ri ne détient les b i!ns qu'a
t1tre d'avancement d'hoirie ; c'est nne remise a nticipée de sa
portion héréditaire, et par consé '1 uence de sa réserve que
l'ascendant a Youlu lui a dresser. Cette l1béralit é cloit garder
son c1rnctère, quelque soi! le parti qne nreone r e·1hnt rela Liuement il la succes::.ion. Qu'il accepte ou quïl r enonce, il n'a
r eru qu'un avancement d'hoirie, iinp1uable s ur s réserve, et
il ne peut avoir le droit exorbitant ù\:n ch:rnger la nature et
d'en f'lire un avantage qui devra êlre imp~üé snr la quolilé
disponible.
C'était d'ailleurs le droiL re~u dans nos 'lnciennes provinct;s
coutumières, qui n·ex1ge'lic>n1 b. qn1l i é <lï1u:itie r que ponr réclamer la légitime p:i.r Yoie d'action, Ill •is ne J'e:<i;je1 ient pas,
s'il s'agissait de retenir et de conserver b légi tim ~. Pothiet: esL
formel sur ce point: << Tons conviennenL que s' il est nécess·tire
d'être héritier pour intenter l'aclion en l égitime, il n ·est pas
nécessaire de l'être pour relenir cette légitime par voie d'exception 11
Mais, l'article 8!5 semble bien s'opposer au droi t que reconnait à l'hé1itier r enonçant le s ystè1ne que nous exposons. Il
décid e, en effet, que 'te renonçant ne peut retenir le clon ou
réclamer le legs ;, lui fait que dans les limites rie la portion
disponible. c ·est, dire que le don Oll le legs doit être imp ulé
sur cette portion disponible. On réponrl que l'article 8-1:5 est
étranger il 11 ques tion d'impu ta tion ; qu'il u'entend règler lrru 'nn
seul point, celui de savoir j 11scp1'à cOl1l:lll'renc<> de quelle .valeu r
la rét ention est p ermise au r enont ·u1L.
Ains i, la conclusion de ce systè· 11 e, cons·1rré inr les arrêts
précités, est celle-ci: l'enfant donataire ou lég1tai1 e, sans dis pense de l'apport, est , quant à l'étendue de la libéralité qu'il
-
27i -
peut conserver , t raité CQmme un étranger, mais, sa situation
diffère de celle de l'étranger, en ce que, il impute le don d'abord
sur la réserV"e, et, pour le sur plus, snr la quotité disponible, de
façon toutefois a ne pas dépasser les limites de cette quotité.
Entin, on fait ressortir , que ce système obvie, tl 'une façon
très- satisfaisante, aux. inconvénients que nous avons signalés
plus h aut et qui résulLent !orcément de la disposition de l'article
8 45.
Le père de famille pourra, en effet, faire d'autres libéralités
et elles se trouveront valables, jusqu'à concurrence de la portion
de la quotité disponible que l'enfant renonçant n'aura pas le
droit de retenir. (1)
Cette théorie, à l'insu peut-être de ceux qui la soutenaient,
deva it fata lement con'1luire, à l'adoption ct·une théorie plus
large, celle du cumul. \. ;,!,,ment l\l. Demante prétendit-il que
l'on a ti r é à tor t du principe qu'il accepte, cette conséquence
extrême.
Elle était, s uivant nous, dans la nécessité des choses ; car,
l'erreur a aussi sa logiqu e. Du mom ent, en elîet, où on permit
à l'héritier reno.ipnt d'imputer Sll l' la réserve la donation qu'il
avait reçue du d<' <'UJ11s, il n'y eut pas de raison, la quotité disponible étant libre, pour empêche r l'enfant de h recueillir au
même titre qu'un étraugcr . Et \'Ofü pourquoi, la Cour de
cass'ltion, dans un arrêt du]-;- mai 18-13 , décida que l'enfant
donataire ::iu lé., 1 t·l ire, qui ro11once, peut, sur le don qu'il a
reçu, retenir tout " h fo i-. s·1 rC'sen·e et toute la quotité disponible, en d'autres termes, cumuler ces lleux quotités.
Cette théo rie du cumul, ne seraiL pas, d'après ses partisans,
(l) /)amante. tome I V. n . 4~ bis e t suiv. Aubry ot Ra.u. V. p . ~73-~7i .
�-
272 -
contraire à !"article 8-1:~ et )11; ~"'''t llü1• .'ln rnntraire, une grande
foret'. S·rns dou te cet '.lrtir.le t!',•uturi,..c l'e11f:rnt don'.ll 1ire <fui
renonce à re.euir h don:1 lion •111i l11i ·1 ért" hitl' tfLV~ d ans la
mesure de b l[llOtité cli-;pouil> l •. . his, h 1111e"lion est pr .~1"s-.:
me111 de s:1Yoir ·~neli l' est po11r l 1i J 1 1<110· it·> dis_ 1 )i b:c . •;· le
pére ne peul r·1s fli:-;; >03l'1 <le l 1 ré, '!'Ve , t' "h n· .:.~ L \l'élÎ llU .~l
J'enc ,11' r2desJ"nll:üre·; eld ~:,;·~·1 t ·1 i c.-. ··Ir n~"·<:: .
~is, Ja µ ·iri
Ces mt en:-; seul •qi enl t1ue Yi;~ l':tt t id" :n ·~.
déehr~è indi.sponibh' à 1 •111 t'g·Hd , c>' di-p .uibie '.·i s-a-\•i:; de
l'e11f :nt : c·est p mr !ni ·]11°-!lle c•,t r~· ;t•ryée. c ,. ,t d 'llS se>n i llér(>L se11le111ent que la loi 11 met ü l''>\J r rlt'<> li L;l'll i és d'l p•"re,
on ne peut p .. s l'.nY01per c:o:1tre lui : ~ l ~ïl l'.l reçoit au tl1l•yen
d'une donation ent re vif:> . Il peut h 1-.;tenir, en ''!:' du de h c111.sc
~é gi lime <ie transmission qui lui en ·1 ,·.1,,: hite. r.·est qu'e•1 etf<.'t,
il Y a deux portions disponibles, 1'11ne ;iu pi oflt d'él!"l11 ""er~
limitée par les artides fi ;3 c.t ~lJ;) ; l 'aulre, ' tll profit des ,,;ccu:
dants 0u <i cscendan ts, el tiui comp1·enn, ontre le chsroniLk de-:
art. 913 et 915, une quotité parLir.uli ère des biens co1Tespondant à la p'lrt du renoni:'.lnt dans ln réserrn.
Ce sy~tème du cunrnl 11011s parait trop co11tr1 ire aux textes
tlu code, et aux principes de l:l rése rve, pr ur <Jut nous pais ions
l'adm ettr e, et ntJus croyons den 1r 11011s rallier 1 u sentiment
de ceux. qui décident que le c;;uec·e-.•:;Ji!t, renonç,111 n·a Je droit
de relenir le don ou de rédamer :e legs , que ju"quii concurrence de la seule quot ité dispo11il le.~ Yant tlï•i<ii1m::T les ra isons
qui rnoli,·ent notM conYidi11n, 1•011::> cle\'r.1:s fai '!-' rein ;1r 1 ·rer
que le sy:;1èrne wix.te c1 ui aecurde urH' p·1i l cle r -. . . 1~rYO et "une
part tl e la portion clisponi 'ile au re11<J11r·1 ·i l est ·uJ s"i inadrnissible que celui du cumul, et que uous l 'Pnglo!Jons dans la ruC::me
réfutation.
- 273 -
otre qnestivn, Oil le s:iit, prit n:l.iss::mce en droit romai:l
Juslini un la r0.,e et la résout allirmatiYe111cnt dans la Novelle
~2, cléJ'1 c:ilée " J:ir·1·t a11rc111 r>Ï •rci lrtl'gitrdem 111eru 't, absLi11 ncr·c· .se ab Ji,' "dl ale : d 1 w111 orlo 8uppleat ex donationc, '>·i
«
OJ'itS
.<?tl, cet · 1'.Jr1C111 11ar 1io11e.1L »
L::i. létiitinu.,. " 11 p'.l<;sant chns 11 •tre droit écrit et cl ans n os
pays (le cuutr .i1t\ reste soum ise à cert'.lines règle,; romaines, et
rer:L.;t en outn', l'ap 1)1ic1lion rle principes coutumiers, ce qui
com;,itlle nne tlléurie ::ans uniformité bien arrêtée . Ainsi. le
dr. it de rétention arconl ë an lé.;itim'lire renon•:ant continue
a· ~tre ad1nis , d rns notre anc ien drc it. Cela était peu logi·1ue.
Car, h légiti111~ ro1n 1ine n i! f)rnwitp·1s uneportionde l'hérédité
et l"'uYai1. être rletn'.lntlée en dehors du titre héréd itaire, tandis
que la J • ·itirnc de nus ant:ie11nes proYinces était une p0rtion
de l'hér~dité elexig~ait cJte,. l'nyant droit la qualité <l'héritier.
Rien de plns 111lurel que d'au toriser, au pretnier C.ls . le legitim nire rl1•11ataire renon~ant, it rete11ir sa légitime sur les biens a
lui clonn 8s ; ric 11 1\c plœ; i1T:llionnel , ,, u contraire, que de permetLre cette rdenue, lors 1ue la légililll e est une portion de la
snccession, co.nnv il ell él:lil '.1insi d'a prc:s nos auteurs <lu Llroit
tllll Î..;!l .
f" i,.;, h r é::,,•;'\'C " p·1;:;,; ,1·tns 1111tre r] J'Oit n orlerne; elle y a
p'.1% a\ c 10 11lèl'1 ; · 1r:1L • re, e 'L'-;t-à-d1re, comme nue p •rtie
de 1 ::.n;:..;eS"'"•ll, ü h 1uelle ,111 ne peu. prd<.!nJce qu'en se t)ortant lH'nt:er. : 'ais, IL'.; ré 1·u·le m- de nolre c .. de 11111-il.; '.lL 1nis
au::,si l G ci:>pt: n Ill J.,,i 11..'. l't pe'l jnstithl>'e, rn yertu del:lquelle
le r1"1on ·1111, .iucii Jill! 11\ l"nl p·1s 11l-1 itier, a\ ait le droit de
r eteuir s·t p~nt <le lt~bit1me, su r la don.1tiou enlre-Yi1s dont le
défunt l'avait graLi,ié ? Nos adversaires, s'appuyant sur l'au1
torité historique, soutiennent cette solution.
�~ ous
274 -
répondons que le Code a manifestement dérogé à l'ancien
droit sur ce point, et la p reuve, nous la t rouvons dans l'article
845 , dont les ter.nes, quelques efforts t[u'on fasse pour les éluder
n'en out pas moins formels : << L' héritier qui ren once peut
« cependant retenil' le don entre-vifs ou r éch11nèr le legs à lui
c fait jusqu'à concurrence de la quotitè <lisp.mible >) Quoi de
plus pr écis ? et, qu'on le reltlarque , notre article ne s'exprime
pas, tant s'en faut, comme s'e:-;.primait la 1Ycuelle S2, comme
s'exprimai t aussi la coutume de Paris, art. 307 dontnous avoni
donne le texte, u i\éamoins, ou celui, auquel on aurai t donné,
« se, oudrait tenir t son don, faire le peut, en s'abstenant de
' l'hérédité. la légitime réserYée aux autres. »
Et la légitime, éta nt attribuée in di \iduellement à chaque légitimaire, il résultait de ce texte que le renon(·a1it pouvait garder
tout ce qui r estait libre , a près le paiemenl des légitimes de
ceux qui acceptaient, c'est -à-dire, évidemment , sa légitime et
toute la quotité disponible.
Bien d ifférend est l'a1·t1cle 8 15 qui limite le droit de r éte ntion
du réservataire renont:ant à la seule qt totité dispontble. Les principes vouhient <l'aill eurs qu'il en fùt ainsi. La réserve aujo urdïrni , est une masse indispou ible, qui d o it rester dans la succession, et qui n·appartient qu'a ceux qlli se portent héritiers.
E ile leur appartient collectiYement el en Liac. Or, si l'un de
ceux qui sJnt appelés à la résene. renonce à la succession,
nous l'avons dit et nous ne saurions trop le repéter, cette renonciation le dépouille rétroacli\·e111ent cle h qua lité ,l'héritier : Et,
n'ayant plus la qualité d'lJLl·ilier, il u'a plus d1'11it à la r éserve.
Vainement, i\I. Demante so utient-il que l'article 785, ne peutétre ullegué, puisque la ques tion est <le savoir, si le principe
général qu'il exprime, s ' applique au cas où le réservataire
- 275 -
reuonce, pour s'en tenir à son don . L'article 785 est général,
absolu , exclusi[ de toute distinction. 11 s'appliCJue au cas qui
nous occnpe comme a Lons les cas de renoncia tion, et, on ne
peut le décitll!r aulreme11l, s~u1 s ajouter au t ex.te et distinguer
où la loi est ::d.Jsolue el ne ùbtingu0 pas.
On nous ùit qu'il y a ùeux qnotités disponibles, l'une au profit
des ét1·angers, l'autre au profit d es rése1vataires, et que celle-ci
comprend, non seulement la quotité disponi ble ordinaire , mais
la p 1rL de réserve de l'héritier qui renonce. Mais,où tr..iuve-t-on
le principe de ces ùenx quotités ? C'est là une pure affirmation,
sans fondemr·nt aucun. Il n'y a qu'une seule quotité disponible,
celle de l'article 913. Celte quotité, la loi la fixe indépendamment
de la qualité ' e ceux qui ont reçu des donations ; que ces
domtions aient été faites à des successibles, ou à des
étr1ngers, la quotité di:>pünible est invariable. A quel titre, dès
lors, le renonçant prétendrait-il retenir une part au-delà du
disponible? A ti tre de rése.rvatuire? mais, il a renoncé. A titre
de donahi re nu de légataire? Ma is, le défu nt n'a pu disposer
de rien au-de'i du disponible. Le renonçant deYient donc un
étt·anger p1r rapport à h succession; il ne peut avoir que les
droits d 'un élr:rnger, et ces tlroits sont limités à la quotit~ disponibl0 que détermine l"HtidG 913.
l\fa,::;, dit-on, l'ai ticlc 8-l::S a entendu accorder une faveur
spéciale à I'è 1fant donHt 1irn qui ren nce, et, si on ne l'autorise
à retenir, par voie cl'exce 1ition, qne l 1 ::;impie qnotilé disponible, on n'entre pas d,1n::~ les vue::; du législateur et 0,1 n'accorde
pas i• l'enfa nt cette faveur que la loi lui a reconnue. Il est facile
de répondre i1 cet 1.rgument. L'article 8-l5 suppose une donation
faite à l'enfant it titre d'avancement d'hoirie, de présuccession.
Or, n'est-ce pas une faveur que d'autoriser l'enfant qui
�-278 -
-
Z77 -
renonce à change• te caractère de cette Ubérallté et à r etenir le
don dans la mesure de la quotité disponiblP,, et rein, contre la
volonté ëvidente du père de famille et an mépri::; de l'égalité
dont la loi , à tort ou à raison, veut, a utant cp.1e possible, le
maintien en tre tes héritiers. C'est 111 une faveur te lernent considérable, qu'elle peut produ ire un réslll lat des p ns fàch eux,
l'annulation dés libéralités ullérieul'es faites par le père Néanmoins, la loi ra admise. Mu.:;, c'est préüi,;ém 11t parcequ'il
s'agit a·une favenr, quïl faut ta restreindre ri..;ourensement aux
termes de ta loi. Pour no:1s celle disposition de l'article 8 15,
quoiqu'elle puisse, dans certaines hypothèses, ètre c?ntrair e
a üx intent ions du père de f:lmi lle, ne nous parait moins très
sage et très justifiable Le législateur a cornpri<; qne les dons
en avancement d'hoirie interYiennent le plus souvent en faveu r
du mariage ou d'autres établissements dont il e::;t de la plus
haute importance de maintenir la dotation. Et voilà pourquoi
il autorise le successible qui les a reçus à en retenir le montant,
s 'il n'excède pas la quotité disponible, ü la condition de reno ncer à la succession. On eùl pu douter, étaut donné le caractère
de ces libéralités. que l'héritier, eu renonçant, pùt gnrder iles
biens qui ne lui avaient été remis qu'ü lilre de pr~succession,
ta11 quairt hcredi /1doro, ainsi que cfonit Dumoulin. \fais, encore
une fois, comme cette foc11lté :-ic<.:ordée il t'héritie1 par l'art ,·le
845, constitue une véri t::i 1>le 1aYcur, il ne faut r 1d 111eltre que
dans les te1·rne,, de l':Htide et ne permettre ht ret\'llUe que jus-
(art. 919).
Résumons donc notre s ystème et concluons ;
Si un enfant dona taire, renonce à la s uccession, que le don
lui ait été fa il par prédp11t ou ù ti tre d'anncement d'hoirie, il a
perd u, da ns tous les cas, b qualité d'h ér~l ier, par suite de sa
renoncial ion, et n'a plus aucun droh à la r és erve. Donc, il ne
peut retenir les bi ens donnés que jus11u'à concurrence de la
quotité disponible. i, a u contraire, il accepte la succession , il
faut distinguer. - A-t-il reçu la donation comme avancement
d'ljoirie; il esl hérit'er, et en celte qualité, il doit le rapport de
ce qu'il lui a été donné. - A-t-il r eçu la donation par P'·eciput,
il la retient et l'impute sur 1.t quotité disponible, et, en outre, il
qu'à concmrence de la '1110Li lé cl i~po1;11Jle.
Que l'on consi lère, <l':ülleurs, les ;jr:tves in'o1r :é11ients <le la
doctrine du cumul. L'enfant dollataire peul," en renonçant, se
procurer un avantage égal et meme supérieur à celui du donataire
par préciput, contrairement à la volonté du père de famille et à
recueille sa part de réser ve.
Tel est le seul cas où te cumul soit autorisé. Nous avons dit,
plus h aut, que la jurisprudence après avoir consacré notre
système, dans son arrèt Laroque de Mons du 18 février 1818
avait, dans \'a r rêt du 17 mai 1843, adopté la théorie du cumul
0
la disposition formelle de l'article 919. Il se procure un avantage
égal ; car comme l'enfant précipidair-e il retient le don à lui fait
da ns la mesure de la quotité disponible etdesa pa rt de réserve.
Mais, il se procure un avantage supérieur à celui du p réciputaire puisque le dernier peu t être tenu au rapport en nature
pour tout ce qui excéde le montant ùe ce qu'il doit recueillir,
tandis que l'enfant donataire renonçant n'a j amais un semblable
rapport à effectuer.
On di t 'lllÏ l en était ainsi dans l'ancien droit. Mais, si ce
rés ultat s'expliquait, autrefois, pa r les principes des coutumes
d'égalité parfa ite, qui défendaient les aYantages fails aux héritiers, il ser:lit injustifiable, dans notre droit actuel , qui admet
et autorise exp re-:;sément le don par préciput ou hors part
,
�-
-
'!7 ~
-
Celt<' tkrnière décision jeta l "efîroi 1lans le rnonrl e jurirlique . La
doctnne y vit a\·ec raison le nau t'rage de tous les vt·ais p rincipes ,
et fut unanime à condamner, dans les termes les plus sévèr es,
cet arrêt, (( qui renvel'c:ait a·un mot, et presque sans discussion ,
"' la jurisprudence que la COUl' ava it établie, pa r l" une de ses plus
t célèbres décisions, celle du lfl février 18l8 (1) . JO
Les auteurs ont persévéré dans leur sentiment. Presque tous
enseignent le ::;ystème que nous avons e:-. posé en dernier lieu, et
ont vivement combattu celui du cumnl. c·est , sans doute, so us
l'influence de ces écrits dùs aux. plus éminents jurisconsultes de
de not re temps, Ddvergier , l\la rcadé, Rodière, Coin-Delisle,
Valette, Demolombe, que la Cour es t revenue, dans un arrêt
solennel rendu le 27 i'\ovembre 1863 , à sa premiêre juriprusdence ( IJ bis .Depuis lors,quelques auteurs ont publié de nouveaux
travaux sur cette matière. L'un deux, M. Ragon, s'est déclaré,
partisan éner{iique et convaincu du cumul, et il a consacré deux
volum es à exposer et à developper les r aisons qui ont déterminé sa conviction, Nous regrettons que ce savant et profond
jurisconsulte manque à notre cause. Car ,son œuvre restera « une
• des plus consciencieuses et des plus rema rquables que notre
• époque a it produites (2 ). n
Quant à la juris prudence, elle a constamment maintenu la
doctrine qu'a consacrée l'arrêt solennel de 1863.
Les cours d'appel ont rendu de nombreuses et remarquables
décisions sur ce point. (Montpellier 8 Mars 1864. Pa ris 9 juin
1864.. Dijon 10 avril 1867) et la Cour de cassation a décidé de
m~me. le :!2 :ioüt 1870, que l'enfant donataire renonçant n'a
( 1). SiTey XLIII 1 689, note
( t' bis. M. Laurent. - Don. et tut.
(2). De111ol. àon. 't t.et. 'l p. 7i.
!179 -
a·1spo11i vk. On peut donc, comme le di
droit qu'à la quot"lé
1
· la question s'ele .t d
M. Demolombe' être assuré que s1
vai lee
nouveau d eva n t 1a Conr. elle se prononcerait encore dans
s ens de ces solutions, les seul e~ conformes aux tex.tes et aux
véritables principes.
-
�POSITIONS
DROIT ClVIL FRANÇAIS
1. L a p arenté naturelle ff1d obrdacle rm mar iage e11t1·e ascen-
ie di1·erte,lor s méme qu'elle n'est pa8
dants ~t descendan t.~ e.
légalement établie. ( A ?·t. 161 Cod. civ.)
J
\
2. La déchéance des libéralites faites par l'un des épou.r: à
l'aufre et ?Ué p 1·onon.ce ~our le cas de divo1·ce l'artic!f' 299.
est encour11e pm· l'épou:-c conlre lequel la séparation de corps •1
été prononcée .
.3. Les actes accomplis par un tutew· dans les limites de se.~
pouvoirs 011 pa1· un mineur ém17,ncipé avec l'assistance de son
curateu r, ne .c;ont pas, d'après l'article 1305, ran9és parmi le$
actes annulables pour cause de lésion.
4. Une obligation naturelle survit a la p1·escription
5. Le défaut des pt10!icafions 7n·escrites par l'article 170, e1•
c,,,, d1' mariage contracté en pays étranu~r , entre /ram;ais ou
ent1·r> ,français: et éfrangers, tJ pow· sanction la possibilité tü
l'anmûation du mariage.
�-
!8Z -
.{
-t83 -
DROIT ROMAIN
1. L ea pactes et stip11latio11s ne p91wa1·e11!, mhne sou f J u1ti-
II. Les édifices pablics 1tali onaux,déparlementaux et comm11naux ne /ont pas partie du domaine puhlic.
nien, :servir à c1·éer le droit réel de servitude.
DROIT CRIMINEL
2. La donation r·évocrrble par le seul p rédécès du donataire
e:st une donation mortis causd.
3. Le c9rre1i,s promittendi ne peut exiger la cession des actions
tn
l'absence de société.
4. Les servitudes r urales consistent ùi (aciendo ; les servitui-11 urbaines consistent in habendo aut in prohibendo.
DROIT COMMERCIAL
I . Un individu, acquitté correciionnellement,ne peut opposer
l'exception rei judicatœ à l'action en dommages- intérêts portée
devant les fribunaux ci"vils.
II. L 'action civile résultant d'un crime, qu'elle soit portée
devant les b·ibu1iaux cri1ninels,ou devant les fribunaux civils,se
p r·escrit, par dix ans com1n,e l'action publique elle- même. (art.
637 code in:st. cr·ùn.)
1. Les marchés à terme d'effets publics ne sont pas valables .
Vu
L e Doyen,
JI. Les matelots ne sont privile,qiés 1wr le navire pour leurs
gages et loyers que s'ils sont engagés aù voyage ou au mois, ils
ne sont pas privilégiés sur le navire, s'ils sont engagés sous
forme de part dan s le profit ou le fret.
ALFRED JOURDAN.
Vu par Nous Professeur, Président de la
ALFRED GAUTIER.
DROIT ADMINISTRATIF
Vu et permis d'imprimer,
L• Recteur,
BELIN.
I . Le ministre dn culte qui enconrt en même temps l'appel
comme d'abus et une poursuite denan! li), jurirtict1·011 pénale,
71e111-étreju,gépar celle-ci, sans , qit'il y ait b"eu d'attendre les
rés1diai du recours comme d'abus.
Tb~ae .
�•
TABLE DES MATIÈRES
-
..
~ ,,--
V.
Avant-Propos
DROIT It03JIAIN
Première époque
Deuxième époque
Section I.
Section II.
Section III.
Section IV.
Section V.
Troisième époque .
Section 1.
Section II .
Li bert11 cte tester nécessité
de l'exhérédation.
Plainte d'inoflkiosité et légitime.
De l'origine de la nature et des
caractères de la querela.
Testaments attaquables par la quer eia. Par qui et contre qui était elle
exercée
Conditions d"exercice de la querela
de h quarte légitime.
Effets de l'admission et du rejet d~
la q uerela.
Des modes d"extinction de la
querela.
Des actes inofficieux.
Des personnes qui peuvent eurcer
la querela
1
7
14
25·
66
83
7
99
J03
�- 286 -
Des justes causes d'exhérédation.
De la quotité de la légitime et du
titre auquel elle est laissée.
Des imputations et de l'action en
complément.
Effets de la querela .
Section III.
Section IV.
Section V.
Section Vl.
Droit Françai .
Ancien droit - Chapitre I.
Section 1.
Des réserves coutumières.
II.
Section
De la légitime de droit
Section III.
Du douaire.
Chapitre II. Droit révolutionnaire
Droit ci vil actuel.
190
192
131
134
139
139
142
158
195
202
210
Section I.
Nature et caractères de la réserve
des personnes qui ont droit
A une réserve.
Section II.
Du montant de la réserve.
Section III.
De l'eITet de la renonciation.
Section IV.
de l'héritier donataire à la succession.
J.farseille . -
Imp. A, ZATIATIN, 20, rue des Feuillants
't-
222
246
266
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Du testament inofficieux et de la légitime en droit romain ; De la quotité disponible et de la réserve considérées dans leur origine et leur nature en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Successions et héritages
Description
An account of the resource
Si le droit naturel établit qu'un propriétaire dispose pleinement de ses biens, il veut aussi, contradictoirement, que ces biens aillent normalement des ascendants aux descendants, restreignant cette même liberté
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delanglade, Henri
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-136
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Antoine Zaratin (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1884
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/240712390
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-136_Delanglade-Testament_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
VII-286 p.
In-8 ̊
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/417
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De la quotité disponible et de la réserve considérées dans leur origine et leur nature en droit français
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Successions et héritages -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Successions et héritages (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Testaments (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/450/RES-AIX-T-145_Pradelle_Tradition.pdf
7fb3ff0823940a13bfedd82781af191c
PDF Text
Text
FACULTÉ DE DROIT D'AIX
DROIT ROMAIN
DROIT
-
LA TRADITION
DE
DES DONS MANUELS
FRANÇAIS -
-~
'
f
THÈSE
POUR LE DOCTORAT EN DROIT
présentée et soutenue le 10 avril 1886
PAJ\
JEAN-JULES
PRADELLE
1
AVOC.LT A LA COUR D APPKL DB NDIJIS
--·
c '
NIMES
IMPRIMERIE
1fil\m\ÎÏIÏÎlllÏiiîii'fü'Il
100215456
GERVAIS-BEDOT
Pince de Io. Cathédrale
1886
�FACULTÉ DE DROIT D'AIX
MM. Alfred JOURDAN , doyen, pr ofesseur d'Économie politil{ue .
PISON , professeur de Droit Civil.
LAURIN, professeur de Droit commercial.
GAUTIER, professeur de Droit admini.stratif, chargé du cours
d' Histoirc du Droit pour le Doctorat.
BRY , professeur de Droit romain, chargé du cours de Pandectes.
De PITTI-FERRANDI , professeur de Législation criminelle ,
char gé d u cours d'Enregistrement et de Notariat.
Edouard JOURDAN , professeur de Droit civil, chargé du
cours de Droit constitutionnel.
VERMOND , professeur agrégé, chargé du cours de Droit romain .
MÉRIGNHAC , agrégé, chargé du cours de Code civil.
TIMBAL , agrégé, chargé du cours de Droit international privé.
BOUVIER-BANGILLON, ngrégé, chargé du cour s de Procédure
civile.
MOREAU , chargé du Cours de l'Histoire du Droit.
CARBONEL, () J. . licencié en droit , secrétaire .
CAPDENAT , () 0 , bibliothécaire.
SUFFRAGANTS
MM, Edouard JOURDAN , pr ésident.
De PITTI-FERRANDI
TIMBAL ,
VERMOND.
'l
asses1eura.
�DE LA TRADITION
C ll APITRE I.
INTRODUCTION
H1sTo n1QUE : La tradition ne fol pa s de tout temp
rnod e de lrans fcrt de la propriété.
un
CIIAPlTR!i: li .
CARACTÈRES ET ÉLÉMENTS
1° CARACTÈngs : La LradiLion e t un mode dérivé; la lradiLion e L un mode du droit des g ens.
·,
2° ÉLÉMEJ:\TS
:
1° Corpus. Définition . Traditio longa manu,
LradiLion symbo li que , con stitul po ssessoire, trarlitio breCJi manu.
2° Justa causa. Dé finition , conséquences :
app lica ti on à des hy pothèses par ticuli ères,
CHAPJTRE 111.
OBJET
RE s TR.\DITA. Doit N re :
l 0 ln commercio. Cc qui exclut les ressacrœ,
les res religiosœ et les res sanctœ.
2° Bes 11ec mrmcipi. Développement s au
uj cl de la divi sion des cho ses e u res m ancipi cl nec m rmcipi.
3° aes corporntis . E xception en cc qui concerne les scrYitud cs vers la fin du premi er
siècle.
�-2-
CHAPITRE IV.
CAPACITÉ
DES PARTIES
CONTR~CTANTES
-.
1° TRADENS. Il doit être :
1° Propriélai re ; excep ti 1ns ;
2° Capable d 'ali éner ; exceptions.
2° AccrPIEl'\S . Incapacités générales. cia les.
BIBLIOGRAPHIE
Accarias:
Précis de Droit romain.
Didier-Pailhé :
Cours élémentaire de Droit romain.
Incapacités spé-
APPENDlCE. Tradition par mandataire, tant pour acqu érir
que pour aliéne r.
Bouvier-Baugillon : De la Tradition ;considérée comme
mode translatif de P..ropriété. Paris,
1877.
CHAPITRE V.
EFFETS
LA
TRADITION TRANSFÈRE
Fr. de Raymond : De la Tradition : Toulouse, 1882.
LA
PROPRJ ÉTÉ
EXCEPTIONS : 1° Pour la tradition des res mancipi. Développements à ce s ujet.
2° Pour la cho e vendue . Explications et
exa men cle divers cas.
APPENDICE. De la Lraditio incerlœ personœ.
CHAPITRE VI.
MODALITÉS
00;\T LA 'rft.\D lTION
1° CONDITION ( a)
( b)
(a)
(b)
PEUT ÈTI\E
AFFECTÉE
suspensive;
résolutoire.
exlin ctif;
r ésolutoire.
r
�DROIT ROMAIN
L
DE J_JA TRADITION
CHAPITRE J
lntroduediou.
La tradition se pré e nte i1 nou s comm e le mode le plus
sim p le e t le plu s expéditif d e tran fé re r la prop1·ié té. Mai s
par cela m ê me, la tradition n e dut pa s de tout tc mp à
Rome ê tre cons idé r ée comm c telle . A l'origine la loi romain e
entourait d e sole nnit és fort rig oure u ses les tran action s
qui inte rvenaient e n! re citoyen s ; et encore ne sanctionnait-elle que les t ran sactions fait es par les citoyen s romains e ux-mê me .
Le n e.rnm , cc ty pe primi tif <l e contrat , put se ul, aux
pre mie r ~ te mps d e Rom e, c rYir ù tran sférer la propri é té .
L 'emploi de l'airain c l de la bal an ce, la présence de
té moin s, d es formules sacram ent e ll es, Yoilù cc qui caracté risait le 11exu m . San s dout e, le con entc me ot des parties
é tait 11écessaire pour op é re r le trao fcrt de propri été;
mais il n 'était point uffisant, c l l'on p eut m è me dire qu 'il
était en qu e lqu e sorte r e légu é au second plan . Si e n e ffe t,
cc con sc ntc1n cnl n e t'C\' Ùlail pas la forme qu e la loi imposait, il n 'étaiL point con idér 6 comm e obligatoire; cc consentem e nt <levai t, po ur a ins i <lire, Nrn coulé dans un
moule pour obtenir c fli cacité . - 11 est donc bien pe u
�-5-4-
1
1
probable qu'à l'époque ancienne oü l e formalisme romain r égnait dans toute a rigueur, la tradition ail pu
ôtrc considérée comme mode <le transfert de propriété .
La Lradilion n'élail cl o c pouvail êtr e qu e l'exécution m ê me
dn ne.x:um ; elle en élail, à proprc111cnl parler , la dernière
phase. Son domaine propre était la po ssession. Et encore
n'entendons-nous parl e r ici que de la possession matérielle, la détention : celle qui mcl la cho se vendue ou
donnée à la dispositi on de l'acqu é re ur ou du donataire.
Il en fut pour le transfert de la propt'iété comme pour
la création des obligation . Ces dernière .. , à l 'origine , n e
pouvaient prendre nai sanceq ue tout autant que les parties
contractantes avaient e mpl oyé des te rm es sacramente ls.
La formule : Spondesne Spondeo? qui seule réalisait l e
contrat de stipu lation , en gendrait se ule le droit du créan cier et l'obligation du débiteur. Si à ces termes rigoureusement exi.gés on en s ubstituait d 'autres, il n 'y avait
point de stipulation.
Quoi d'étonnant que la législation rom aine a it toujours
conservé le même ca ractèr e formali s te, dans cette m arche
parallèle des droits r ée l cl des droits pers onnels ? Dans
l es deux cas, en effet, cc s ont des droits qui s ont trans mis;
c'est à dire des droil qui passent d ' un patrimoine dans
un autre. Il n'y avait poiol de raison pour que l a loi
réservât ses faveurs aux premiers e t l es re fusât aux
seconds. De même donc qu e les expressions : Promittis
ne? Promitto, n'aurai ent point engendré une obligation ;
de mêm e l a simple ti·aditioo , mode dénué de Loul e solennité, ne dut pas servir à l'ori g ine :1transférer l a propriété .
Plu s lar<l , quand le co mm er ce c ul pris <lu <lévcloppcrnenl; quand Rome ayaul ageandi ses conquê tes, fut
1~ise en relatiou avec bon nombre de p euples, le formalisme primitif tomba qu elqu e p eu en désué tud e. Les transactions devenant plus fréquentes, non seul ement entre
c~toye.ns, mai s encore avec l es peuples du dehors il fallut
s11nphfler
toutes
les solen nités d' au t re101s;
" . et l a trad1l1on
, ..
.
'
qui tout d abord ne pouvait transférer que l a
d d ,
1 l·
· <l '
• nu a eeu /,S O,. scrnl :bo rd it l ransfé re r la possessio ciCJilis ad
usucapwnem
c l . frnal
A
l
r · J•
, c inenl la 1>ropriélé e 11 c-m vme.
11 est
oule101s Hen dt!T1cilc tl 'incli<ru er la date
p
·é
.
'
1 c1sc à 1aquelle
se fiircnt ces c hange ment s.
Remarquon
s cependant que la lé gis
. l at1on
. romarnc
. con.
serva
.
,· . lOllJOllrs les
. . vcsti
_- no-es du riorma l'1s mc antique.
Le
p1 rnc1pe
:
Tracl1tton1bus
et
usucanionib
.
.
i . .
r
us ' non nudts
paclts'
.
' . L (i omt
. Il w .rerum n on transt'Ferzu•t
• u1 . f u t lou1ours
'rat.. a 101. rornamc
ne r evêtit J·amai ::.~ 1e caractère spin..
. .
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1
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s
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Lrno-uait
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et
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qui c ez nous en droit
r an çai , accorde a u cu l consentement des pa' t'
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e
tran
s
férer
la
l)l'Oj)l'ié
té
cl
. inter
.
C · ·
' u moms
partes
cc1 dll
. , nous allons examiner la trad't'
i ion comme mode.
tran sla tif de proprié té.
�-6-
-7-
CIL\PITRE Il
ment à quelqu'un qui ne l 'a reçu de personne et qui le
fit nailr e à son profil.
Cai•octèi•es et Élénacnts.
PRI)!CIPE DU TR.\ :-.JSFERT DE PROPRIÉTÉ
(lnst., li\'. Il, tit. l , § 40)
§ I. -
CA J'\.\CTÈl\ES.
Indépendamm ent de ses élémen t constitutifs que nou s
exam inerons tout à l'heu re, la tradition nous offre deux
caractères :
i 0 D'abord la tradition c ~t un mocle dérivé d'acquéri r
la propriété.
. .
Les modes d'acquisition de la propriété se d1nsent en
modes originaires et en modes dérivés . Les premiers
s'ap pliquent aux cho es qui n 'appartiennent à per sonn e,
aux res nullius. Les ccond s'a ppliquent aux choses dont
on acquier t la propriété qui appartenait déjà i1 un e aulrc
personne. 11 n'y a qu 'un mode originaire : c'est l'occupation. Tous les autres modes, p 1r co nséqu en t la tradition ,
sont des modes dériv és . Il est faci le de voir les différences ·
qui séparent ces deux catégori e de modes d'acquisition.
Dans l'une il y a créati on du droit de propriété; dan s l'au trc,
il y a transmission de ce droit. Dans la premièr e, i l n 'y a
qu'une per sonne en jeu , qui mani feste directement sa
yolonté; dans la seconde, il y en a clenx , dont les volontés
doivent concourir pour qu'il y ait tran sfert de propriété,
en d'au tres termes pour qu'il y ail contrat.
La distinction de ces deux catégo ries n 'est pas sa ns
intérêt. .\u point de vu e philo sophique cl au po int de vue
historique, l 'occu pal ion csl ant érie ure h Lous les au trcs
modes d'acquérir. F:n effet , co mm ent tran smettre un droit
de propriété, si déjà cc dro it de propri été n'existe pas?
en remontant la fili ère <le ce ux qui se so nt transmis s ur
une même chose le droit de propri été, on arrive forcé-
Mai s au point de vue juridique, le se ul qui nou s intér esse, il importe de di sling ucr l'occupation des au tres
modes. Dan s l'o ccu pation , celui qui devient propriélail'c
ne s uc cède à personne, puisque son droit porte s ur une
res rwllius, dans les autres , au contraire, nous succédons
naturellement à qu elqu 'un ; la con séquence, c'est que
dans le premier cas, nous acquérons la propriété franche
et libre de Loule charge; au contra ire, par les autres modes
nous n 'acquérons l 'obj et que grevé des droits réels qui
pèsent s ur lui et qui en restreig nent l'utilit é ; nu l, en
effet, ne peut transmettre plu s de droits qu'il n'en a luimême.
Les modes dérivés, à leur tour , se subdivisent en modes
volontaires el en modes non volontaires. Les modes
volontaires, man cipation, in jure cessio, tradition, sont
ceux qui sont l'exécution d'un contrat ; ils supposen t
nécessa irement l'accord de deux volontés ; et les formalités qu 'il s ex igent, il dépend de nous de l es accomplir.
Le au lrc modes : usucap ion, adjudicalion et la loi,
supposen t bien sans doute notre Yolonté; mais ils s'accomplissent dans des circon stances qui son t plus ou
moin indépendante de notre volonté: l'usucapion suppose la possession prolongée pendant un certain tcm p ;
l'adjud ication s uppose ordinairement un état d'indivision ;
el enfin la loi, en matière <le testament ou de nccession,
par exemple, s up pose le décès clu le taleur.
On voit toul de s t1ile pa r là que les modes Yolontaire
sont les plu s us uels c l ce ux qni constituent à proprement
parler les transactions; les autre n'o pèrent pas immédiatement.
2° La tradition est, co mm e l 'occupation , un mode du
droit des t>O"ens ) en d'autres termes, c'est un mode d'acqui-
�-8sitton accessible à toute per onnes, à la di[érenre des
autres modes qui ne peuvent être employé qu e par les
citoyens romains, les Latins on les pér égrins qui ont
obtenu le jus commercii.
Comme on le Yoit, c'est un mod e plus large que les
autres, et qui plus que le s autres f'a cilitc l es tran sactions .
La simplicit é de cc mod e le prédestinait à recevoir celle
large application ; c'est en qu e lqu e sorte un mode de
droit naturel.
Mais le jour oil l e droit de cit é romain e fut étendu , sou s
Caracalla, à tous les suj et de l'empire, ce lle division des
modes d'acquérir perdit tout à fait son importance.
§
JJ. -
ÉLÉMENTS
Quant aux éléments essent iels de la tradition , ils sont
au nombre de deux : le corpus et la Justa causa tradi-
tioni.s.
/\.
-
Co1ÏJll S
Le corpus es t la remi se matérielle de l'objet faite par le
tradens à l'accipiens. C'est l'élément physiqu e de la tradition , par opposition ~\ l'élément int ell ectuel , la jusla
causa traditionis, dont nou s nous entreti endrons tou t à
l'heure.
Le corpus, avons-nou s <lit , est la r emise matérielle de
l'obj et. 11 ne fa udrait cependant pas prend re ces mols à la
lettre , et croire par exe mpl e qu e si j e veux vo us tran sférer
la propriété d'un objet d'un poids énorm e, j e n e le pourrai pas, parce qne je ne pourrai pas réaliser Le corpus.
Aussi est-il plus exact de dire qu e le corpus est r éalisé
lorsque la chose est remi se il votre dis pos ition phys ique.
En d'a utres termes, le corplls, r'es t la pos ibilil é matérielle pour l'accipie11s de di s pose r de la chose à son g ré.
Les Rom ains ont fait app li ca tion de cc princip e à différentes hypothèses.
-9Par exemple , si j e vous conduis devant la chose afin
que .v.ou s puissiez en prendre Yons-m ~ m e possession, la
l~ad1~1~n sera consid 6rée comm e faite. lei la présence de
l acc1pte11s remplace le fait de l'app réhension manu elle .
Nou s tronvon s ce lle règle dans différents textes :
Loi 79, D., liv. XLV L, l. 3. - Pecuniam qllarn mihi
debe~ aut alimn rem si in conspectu meo p onere te jllbeam,
efficitur ut et lu statim libereris et mea esse incipiat, nam
tum quod a nullo corporaliter ejus rei possessio detineretur, adquisita mihi et quodommodo manu longa tradita
e.x;istimanda est.
Loi 1, § 21, D., liv. X LI , t. 2. - Si jussuim venditorem procuratori rem tradue, cum ea in prœsentia sil ,
videri mihi traditam Priscus ail, idemque esse si nummos
debitorem jusserim alii dare ; non enim c01p ore et tactu
necesse adprehendere possessionem, sed etiam oculis et
affectu .....
Dans ces di verses hy pothèses, la tradition ne s'op èr e
pas directement du trade11s à l'accip iens. Dans la première , l 'obj et de la trad ition es t seulement remis devant
moi ; dans la seconde, c'est un autre qui , en mon nom et
sur mon or d re, prend possession de la chose .
Les jurisconsult e appellent cette tradition : Traditio
longa manrt; les yeux font ici l'office de la main ; ils
sont en q uelqu e sorte la mai n allongée; le yeux all eig nent la chose, il s la louchent de loin.
On trouve encore clans d'autr es textes la consécration
de cette doctrine :
Loi 31, § 1, D. , li v. xxx1x, t. 5, pose l'exemple suiyant :
« Une m ère livre à son gendre, au nom <le sa fill e, des
esp èces extra dotem : la fille est supposée prœsens. Or,
au dire du juriscons ullc, c'es t la fill e qui a fait tradition à
son mari. C'est donc qu 'elle a r ec: u e ll e- m ~ m e lraclili on
pour pouvoir la fair e à son tour. C'est par sa présence
seule qu'elle a pri s part à ces deux opérations.
�-11-
-10-
vel~ti si 1:em qu~~ co'!2modavi aut locaCJi tibi apud te depo-
. 14 § 1 D. liv. xvm, t . 7, in fine, dit: Videriautem
L oi ' ' ' '
.
d
trabes traditas quas emptor signasset. .
' s t certainement pa dan le fait de mar~uer c.s
cc fait
·
C e n e~
pe ut cons i ter l'apprellensw ; m~ns
eut la présence de l'acheteur , e t c'est
.
poutres que
sui, vendidero tibit ; ltcet enim ex ea causa tibi non tradiderim , eo tamen quod patior eam ex causa emptionis apud
te esse, tuam efficio.
'
s uppose n éccssa1rcm
t"Luc l'a\)pr6h en s ion manuelle .
.
l " é ·1 l
cette présence qui cons t
cas où le corJ'JUS est r é a i s ; i c
.
.
T el est nu premier
de vous r emcLtre l a cho se chr ectel"
.
d
.
.
sera en core s1, au ie u
e ts l es clefs du local qm l a contie nt, c
.
d 1
m ent Je vou s r em
)Oll
façon, à ce que vous puissiez allor la prendre quan
l a propn é té se transférait san s tradition. C'est là un langage crr~né e t une idée conlraire aux principes romains,
et contraire, en oulrc, a ux textes : nou s lis ons, en effet,
dan s mainl Lexte :
vous semblera.
_
t
D .
.
.
L oi9 §6, ., 11v.xL1, . 1
Ju s lin~en el Gaius au ssi ont pré tendu que dan s ce cas
Loi_~, D_- , De ob lig. el ac t. 44, liv. xx, c. De pactis, 2-3. Traditwnibus et usucapionibus, non nudis pactis, dominia
rerum transfernntur.
.
.
Item si. quis merces m
.
.
horreo ~epositas vendidcrit, simul atque clav~s horrel tradiderit emptori transfert proprietatem mercium ad emptof
.
Certains auteurs ont vu dans la remise ~es cle s une
tradition symbol ique , l es clefs seraient le s1g n e, l e sym-
rem.
bole de l a p ossession.
Nous ne croyons pas cependant qu e cc ~o it l à l 'idée
En cœel s'il en 6Lail ainsi, la r em ise <les cl efs
·
'
11
romaine.
au rail <lù emporter tradition de la cho ~c, alors m ê~nc. qu~
cette remise eùl lien à une grande d1"tance dc_ l obJet a
livrer ; el cependant un texte de Papi ni('n 1.101 7 4, D"
t. 1 ) nou s prouve qu'il fallait que les clefs
.,
.
11'. XVII ,
fussen t remises apucl horrea , de telle façon que l'_accipiens, eûL réellement l'obj et à c;a d isposition physique.
La tradition est donc bien une tr adi tion réelle et non une
. .
tradition symboliqu e.
11 y aura encore r éa lisation <lu co1pus dans un lro1 s1è mc
cas. Primus, par exem ple , csLmon locataire ou mon commodataire ; je lui vends la chose l ouée. La tradition s era
réputée accompli e, c l 1'accipiens sera du m ême coup propriétaire.
Loi 9, §V, D., liv. x-v1, t . 1. -
.
Jnterdum etiam sine traditione nuda CJolrintas do mini sufficit ad rem transferendam;
Mais al ors, dira-l-on, il y a contradiction e ntre ces divers
textes, e t qu e l est des deux celui qu 'il faut adopter?
., ~e~ vé ritables prin cipes sont dans le dernier texte que
.1 a1 cité, c~ p_our p e n que l'on ré fl échisse, l'on verra qu e
la contrad 1ct1on entre l es deux textes est plu s appar ente
qu e réelle. - En elfe ~ , la loi 9 veut dire que dans l e cas
particulier qu 'elle cile, le transfert de propriété s'opèr e
e ou s uive
san s qu'il y ait une trad itio n qui accompao-n
0
.
immédiatemcnl l 'accord des parties, co mm e cela a lie u
dans l a plu part des cas; mais ce la ne veut pa dire que
l e transfcrl soit opéré en dehors de toute Lradition. La
tradition 6lail déja accomplie, il était inutile de la renouvel er; m ai s si déjà c lic n'avait pas été faite, la propriété
n 'aurait pas é té tran férée nuda c•oluntate. Ce qui vient
confirmer ce tt e interprétation, c'est la fin m êm e clu tex te:
Licet enim, etc ... Ces mol sign ifien t que la tradition n'esl
p as faite en exéc ution mè me de la vente, mais qu 'elle éLai L
d6jà faite à un autre titre ; mais c'est précisément parce
qu 'ello est d6jà faite , que la propriété est transférée: Tuam
efficio.
Du m ême coup , je réfute un autre système qui ve ut que
élans cette espèce, il y ait une traditio ficta ; la tradilion
�-
-12n 'a be oin ni n'ttrc n égligée , ni <l' être r é putée accomplie.
Elle aYait déjà été e ffectu ée ; e n présen ce de cc fait, y
a-t-il n écessité d e r eco uril' ~\ un e fic tion ?
Prenons maintenant l'hypothèse inYcrse . J e dé tiens une
chose comme proprié taire; je vo n s la vends ; puis j e la
crarde comme fermier ou comm e d é pos itaire. C' est le cons;itut p ossessoire. Ici en cor e i l n 'es t pas beso in d' une fi ction
pour e xpliqu er la r éali ation du corpu s. En eŒct , si l'on se
reporte à la dé finition que nou en avons donnée plu s haut ,
on voit tout d e suite qu e l e corp us e trouve r éalisé. Le corpus, aYons-nou s dit , c'est la possibilité matérielle pour
l'accipiens d'avoir la cho e à a dis position. Or, le vende ur
devenu fermier ou locataire a hi en la chose à sa dispo s ition ;
donc le corpus se tro uve r éalisé.
Ainsi dans l e diverse h y poth èses que nous venons d e
pucourir, le corpus a été r éa li sé.
11 est cep endant des cas où l'on r é pute accomplies plus ieurs remises matéri elles qui n 'ont pas é té réelle ment
faites. Exemple : vo ulant vou s prête r de l'argen t. je donne
ordre à mon d ébite ur de s e libér e r entre vos main s. On
s uppose i ci qu e la traditio n a d 'abord é té faite par mon
d ébiteur à mo i , pui par mo i ~l l' e mprunte ur. C'est ce
qu'Ulpien appelle la Lraditio breui manu. U lpi en , Tr . 15,
12, 1. D. Tr . 43, § 1, 23 , 3, D.
Remarquon s imm édiateme nt, avant d'aller plu s loin , qu e
celte hypothèse di[è re de celle que j'ai citée plus h aut :
l oi 1, § 21 }) ., liY. XLI , l. 2.
Dan s la p t·emiè re hy pothèse, la tradition faite pa r mon
d ébiteur à un ti er s sur m on ordre, est fai te en ma présen ce:
à prcu ve les mols: Cam ea in p rœsentia sil . 1c i , au cootrail'C ,
c'est l oin de moi qu e la tradition se fera ; au premie r cas,
c'élail l a traditio longa 11uu111 ; ici c'est la traditio breui manu.
-Mais i l faut n o ter qu e s i les tradition s interm édiaires n e
s'opèr ent pas, la dcrnU~ re, celle qui est fai te à l'accip ien&,
est r éelle; c'est en elle que se résu ment toutes l es a utres;
13-
. .
lication d
et l'on voit e n core là l'a)
.u ~rmcipe qu e nous
.
avons cilé : Traditionib 1 p
us et usucapionibus e tc
..
...
' temps
n 'cxi ta pas d e tout
manu
breui
tradtlto
La
Ell
.
.
e
.
.
.
.
.
les
contre
éaction
r
une
ut
f
principes du vieux droit romain
.
l
A l 'or· .
le fâ't1~~ne, nu ne pouvait acquérir un droit de créance pa~
u1~ c per s onne qu'on n 'avait pas s ou s s a uis
. i
Si .nous fai son s applicaliou. de cette r ègl e aux
. n'au r ai yp a
th escs qu e. nous avons citées .. d·ans un cas Je
d~nx :ne:~
l'emprunleu~
acqu~rir
;ait~
s
par le
une action contre
pu
e
mon d ébite ur ; dan le second cas la femme '
n aura pas pu
'
·
é
devenir
cr anc ièr e d e s on mari. Mais les nécessités de la
.
pratiq.u e. firent oublier tant de rigue ur.
. la, qu ' une déci ~ ion de
(Fr
Afr1cam
. . 34, pr . 17 ' i ) n e voit
.
pur~ b1e1.ive illa nce; Ulpi cn , au contraire, y voiL un )rocrrès
· .
I
"
Q
ion
avec préc1
.· U O l q ll ' 1l e n SOÎt, il e t difficile d''rn d iquer
~
<l
que lle dat e cc prog r ès
B. -
e serait r éalisé .
Justa causa.
. La jus.ta causa, c'est l' él ément int ellectuel d e la tradi ~1on . Mais s ur la qu es tion de s avoir oü r ésid e cet élé ment
mt cll cctue l , d e ux systèm es se trouvent en présen ce:
La jus ta causa est un contrat o u un fait
quelconqu e e ntra inant comm e con éque ncc la volonté de
tran sfér e r la propri é té e t de fa ire trad ition dan ce but.
D~n : c? ~ys tè1~ e, la tradition n 'est que l 'exéc ution d ' un
fait JUnd iq ue rndé pendan l d 'elle.
A l 'a ppui <le ce ll e opinion , on cite d eux tex tes.
Instù1~te~, ~iv . u , l. 1 , § 40, Gaius, Comm., n , § 20:
!taque si ttb1 uestem tradùlero , sifle ex flenditionis causa
siue e.r donationis' siue quauis alia ex causa' tu a fit
res .
Loi 31 , Pr. D. , li v. XLI , t. 1 : N11 11 quam irnda traditio
tran sfu t dnminium, sed si l'enditio rrut alia qua justa
causa prœcesserit, propter quam tradiJio sequeretur.
1or Sys tè me. -
e~
�-
-14.
que la traditiou à elle
uve nt b ien
. 11 ,
.
i
ces
textes
pro
.
proprié té, si e e n est
Ains '
.
à transfére1 1a
.
t impuissante
é . e ur ou conconulant
l
seu e es
. .
d' n contrat ant ri
as la réalisation u " ·t de 1)ropriété.
P
l . cc trans1e1
é
qui opère, U1,
.
.
t crén éral e m ent a do pt'.
C'est celui qui es o
d' i· é
t
.
.
r écipl'oque
a i n er c
2ma Système. est l'intention
- La Justa causa
l. c - contractantes.
l s de ux par l .,
.
d' e
d'acquérir , ch ez e
,. .
, t plus l'ex écution un
la tradtlion n c
f . . .
Dans ce systè me,
. 11 e~ t elle-même l e ait JUfl. antérieure, mais e e
convention
f l de proprié té.
.
ère tran s e r
.
clique qui op
l . t. fient cette théorie.
Des textes très form e ~ Jus_ i t 2 . De acq uirenda Ciel
. 5 et 33 , D. ' h v. XLl ' . .
Les lois
amittenda possessione.
é é . le ment un cr é ancier, se
lus cr n ra
P
Un acheteur ' ou
o
.
d e la ch ose duc sans
. ê 111e en possession
.
1
meltant de u1-m
d . t pas proprié taire .
.
r
n'en
evien
.
la volonté du d é b iteu '
es t extes. Qu'est-ce a
·
d n ée parc
,
Telle est la solution on
nfond pas avec le
l . ta causa ne se co
E
dire, sin~n qne ~ JUS . ndre la tradition obligato.ire ? • n
faü juridique qui peut r e
1 l vende ur est bien tenu
t par exemp e, e
1
effet, dans aven e,
.
. 1' hete ur prend posses.·
ependanl s1 ac
de faire tra d ilion i c
.
nte m e nt du tra·
sion de la res tradita san s avo ir 1c con~e .
. ,
as tran sfert d e propri é te.
dens , il n y aura p
1 textes eux-m êmes
r e ce sont es ,
Ce qui l e prouve en co '
è
Ces textes en c[et, en
é édent syst ' m e.
'
invoqués par 1e pr c
.
a prenne nt comme
voulant citer un exemple de 1ustc~ ca~sd.'
en somme, des
ensuels · c est a ire,
types des contrats cons
'
.
.
a r lui-môme ,
contrats où le consentement est obhgato.ire P• ~lais s i la
consenlement réciproqu e d es d eux. parêt1es. -0~1r,quoi l es
· l c f at·t J· u r"dique
lu1-m
i
.
.m e, P
trat s1.
J'usta causa était
.
·1
"té l a s tipulation, ce con
textes n'aura1cnt-i s pas ci
,· O'cait
.
.
d ousentcme nL, exlb
u sité à Rome, et qui , e n outr e u c
. obli.
t l es paroles qui
la solennité des parol es? Ici , ce so n
. ,
faire allugent. El c'est bien à ce contr at qu'il aurait fallu
15 -
sion, si vraiment la Justa causa était le fait juridique luimême.
Cette notion de la Justa causa une fois bien précisée,
voyons les conséquences qui en découlent :
1° Primus se cr9it tenu, en vertu d ' un legs , d' un e stipula lion , ou de toute autre cause, de livrer un e chose à
Secundus. Mais cc legs, cette stip ulation , ou plus général e ment cette cause d'obligation n 'exis te plus on n 'a jamais
existé. - Primus livre la chose à Secundus; la propriété
est-e lle Lra n férée? Oui. Ce quile prouve,c 'estq ue iPrimus
veut recouvrer la ch ose qu'il a livrée par e rreur, ce n'est
p:i.s par la revendication, par une action in rem qu'il pourra
procéder. Jl n 'aura contre Secundus qu 'un e action personnelle, la condictio indebiti(D. Liv. xu, t. 6.) C'est do n c que
Secundus es t devenu proprié taire . Il y a, e n effet, t radition
jointe à l'inte ntion réciproque d'aliéne r et d'acquérir. Cela
a s uffi à opérer le transfe rt de proprié té.
2° Prenon s un e autre hypothèse . La tradition intervien t
e n exécution d'un acte j uriclique existant en fait, mais nul
aux yeux d e la loi. Primus, par exemple, paie à Secundus
des intér ê ts u s uraire qu 'il lui a promis. La propriété a- telle été transférée? Oui , encore.Ce qui le dé montre péremptoirem e nt , c'est que le tradens n 'a , pour se faire r estituer, qu' une action per · onnelle, la condictio ob tempus Ciel
inJustam causam, au lie u de la revendication .
3° L'une d es parties livre e n vertu d 'une cause, l'autre
r eçoit en verl u d ' une aulrc cause. Y a-t-il tran lation de
propriété ?
Juli en po c à cc nj et l 'espèce suivante (L. 36, D., liv. XLI,
t. 1) : Le trarlens croi t ôlrc obligé à livrer la chose en vertu
d' un legs, l'accipie11s cro it la r ecevo ir en ver tu d'une stipula tion. La p rop riété <le l 'o bj et est-elle tran fé r ée ? Oui,
dil Julien. Il y a, eu effet, co1pus etjusta causa.
�-16Cette doctrine n'a cependant pa s été admise par tous les
jurisconsultes. Ulpien pense , au contra~re, que dans notre
espèce, il n'y a pas transfert de propnété.
L.18, pr. D. , liv. xn, t.1: Si ego pecuniamtibiquasidonaturus dedero, tu qnasi mutuam accipias, Julianus, scribit
donationem non esse, sedan 111 utua sit videl/(lwn . Et pu to
nec rnutuam esse, magisque 11unwws accipientis non fieri,
quum a lia opinione acceperit. Qu are, si eos co :tsumpserit,
licet condictione teneatar, tamen doli exceptione poterit
uti, quia secundum C
'olwitatem clantis nummi sunt con-
sumpti.
Remarquons d'abord qu'il ne sagit pas de savoir s'il y a
eu donation ou mutuum; il est cer tain qu'il n'y a ni l' un ni
l'autre, pui qu'il n'y a pa eu sm· re point concours des
volontés. r'està dire contrat. l\Iais comme il y a eu accord
réciproque surle Lran fert de propriété, il est évident que
ce transfert a élé opéré, puisque c'est lui seul qui s~1ffit à l'opérer. Ce qui le prouve, du res te, c'est un mot de ce passage : Licet condictione teneatur. quoiqu'il soit tenu d' une
action personnelle. 'esl-ce pas avouer qu'il y a eu trans·
fert de propriété, puisque le tradens n 'a plus à son service la revendication ?
Nous croyons donc la doctrine de Juli en plus conforme
que celle d' lpien aux princip es généraux et au génie
du droit romain.
En revanche, il est des cas oi1 le défaut de consentement empêchera le tran sfert de propriété de se r éaliser.
Le tradens a l'intention <le livrer la chose à litre de
dépôt ; l'accipiens La reçoit à Litre de mutaum, ou bien
réciproquement.
Dans ces cas, l'une des parti es a l 'intention d'alié ner ou
d'acquérir , mais chez l'a utre partie , il y a l 'in tention
contraire; il n'y a pas co ncours des volontés, donc pas
davantage transfert de propriété .
-
17 -
~e traclens crnit livrer le fonds Cornélien. l'ace . .
t
. J f
'
tptens
o1 r~ccvo 1 r' c _o n<l ~ Sempro11icn; il n'y a pas accord des
vo lonles s ur l . ohJCI ' clone irns
.
' <le trao
' Ccr t d e propriété.
Il peul . ar river que le tradens 11· v."c une cl1ose sur
laquelle il a 1111 clroil de j)ropl'iété qu ,.i 1 ignore.
.
Par
exemple • ' le traclens ' en nualité
de
t
t
·1
u eur ou de
mandaLa1rc, vend
. a. son
. une cho e cru 'i l cro·t
1 appartcmr
mandan
. '
,
. .t cl qu1 , en réalité ' lni 'appart1
' "en t a. l u1-mcmc
.
L acctpte11s
la
rcco
it
clans
l'inten
tion de 1a faire
· sienne.
·
,
.
.·
)' a- t-d l~an s fc rt de proprié té? L'affirmative n'c t pas
douteuse; il y a eu accord <les volontés ur ce point.
Cependant
Ulpi en (F r · ·33-4 L' L D ·) c n::.e1gne
~ ·
. .
que celle
lra<l1l1on ne transfère pas la propri été . Car, dit-il, la
volonl c' <lL1 l racf ens a é lé' cl élcrmiuée par
1' 1"0o- norancc <l c
'
so n droit.
11 est Haî qu 'o n a ci·u voir dan s 1111 texto de i\Iarcellus
la co nlradi<.:Lion flagrant e de la décision d'Ulpien.
.i\Ia'.·ccllm; (1<'1·. 4~)-17 , 1 D.) upposc que le propriétaire
p11lat1f a don116 lllandat au pl'Opriélairc vérilablc nons~ ul eme n l de l i\'1·cr, mais de \'Cndrc et livrer comme
sie nne la cho e qui appartient ll cc dernier. L'erren 1·
déro11Yerlc
· 1·.. . ' " L 1 1
.
, l e jll'OI> 11•· c.111e\c11a)cnepourrapasrcYend1q11e1· la cho se.
i\J ai~ les deux h y p othè~cs ont loin <le se res cmbler:
Si le tradens ne peul pa.; 1·e,·cndiquer, cc n'c t pa.:; qu'il
ait lransfé 1·éla prop ri été , 111aÏ$ c'est parce que ..;a <lcmancle
c ra repou séc par l'e xception de garnntic qui lui era
opposée e n ~a ciualilt' de Yend cur.
L"hypol ht"-t' d'l ïpic11 e..;l bi en différente. Ici, eu cITct,
~ e [> ropri_élaire Yérilablc n'es t point tenu cle la garantie ;
il 11 1 :~ point con tracté <l'ob liga tion personnell e, puisqu'il
ne lt\'l'C la cho se qu 'au nom <l' un autre. Il peul clone
revendiqu er de cc chef'.
Cl'
�-
La contradiction d e ces deux hypot~ è es est clone plus
éelle . el l 'on ne aura1L invoquer la doc'1 .
' l .
,
apparente que r
d U pieu.. -~ a Ls
pour co111ba ltrc celle
. c l l e ,,..ar"clln
.
~
,u
tnn
~ la de'cis ion d'U lp icn, quoiqu e con trechlc par
l
· ·
.
pour nou :s
·te
aucun t ex , n 'en es t 1)a mo in co ntraire a ux pnnc1pcs < c
la matièr e .
C HAPlTRE Ill
Objet
La res tradila doit l'éuni r tl'Ois condi tions. Elle doi t
ê tre :
1° Res in commercio;
2° Res nec mancipi;
3• Res corporalis .
1°
-19-
18-
l 'établissem ent propriétaire du meuble ou pour le rachat
d es cap tifs. (Ins l. , liv. li , t. I , § 8.)
( b) Res religiosœ. - Cc sont les choses consacr ées aux
dieu x-màu es, c'est-à-dire la sépullure d es morts. Ce n 'était
pas le terr a in to ut e nti er oü é tait enterré l e mort qui deven ait res religiosa, c'était se ule ment l a place qu'occupait le
tombea u.
Les res religiosœ n 'é taient susceptibles que d ' un droit
privé s p écial, l e jus sepulcliri, droit trans missible . S i c'est
l e sepulchrum hereclitarium, il est transmissible a ux h éritiers, qu'il s s oienL parents o u non ; s i c'est le sepulc!irum
(amiliare , il passait aux membr es d e la fami lle même non
h éritie r s.
(c) Res sanctœ. -
Ce sont les portes et les muraille
des c ité , parce q u'elles ont é té con sacrées aux die ux de la
pa tri e .
B. -
Res communes
L'air , l 'ea u co urante, la me r e t le rivage d e la m er. (Justinie n , Ins til., liv. U , lit. I, § 1.)
RES IN COM?.lERClO
C. - Res pu blicœ
Lares tradita doit èl rc s u ccpti l>l e d e propri été p ri vée.
Celle première r ègle exclut les choses dont l 'én um ération
suit :
A. -
Les res diCJùii juris
Les res diCJùii juris ont <le pln s ic urs sortes :
(a) Res sacrœ. - Cc sont le chose con sacrées aux
· ·
aux <l'1c11x d' e n bas , .les
dieux d'en haut, par oppo::,1l1on
die ux mànes. - A li tre d 'exe m ple, nous pouYon s ci ter
l es templ es et les objets d u culte.
Aprè l' établi ssement d u C hrist iani me, cc furent l es
ch oses consac rées au Die u <les chré tien s.
Cependant ces res sacrœ pouvai ent 6Lrc a liénées dans
des cas tout à fa it exceptionn e ls; pom payer l es <let les do
E lles forment l e domaine publi c du peuple romain : les
places publiques, l es rues, les ai· e naux, l es forleresse s 1
l es Lhéàtre c l le stade ~ .
Quant au te rritoire conqu is s ur l'enne mi, il apparti ent
bien aussi a u pe uple romain ; mai il fait partie de on
domaine privé c l, à ce titre , il est a liénable.
2° HEs
NEC MA~c1p1
L es choses i11 commercio se d ivisent en res ma11cipi c l
res nec 111rfl1<'1jJ i
Seu les, l es res nec mancipi peuvent ôlre ali énée ~ par
tradition ; l es res ma11c1jJi ne peuvent l'èlt'C qu e par un
mode spécial au d1·oit civil des Homains, la m an cipation .
�- 20 Gaius (Comm. II, §§ 15 e t 16) e t Ul pien (Règle s x 1x, § 1)
nous donnent l'é num ératio n ~les res 111rmcipi : Prœdia in
italico solo tam rusticn qualis /imdus qua111 urbrnw qua lis
dom us i jura prœdioru111 rusticoru111 servi el quadrupedes
quœ dorso collo<Je domantur: tœlerœ res nec m anripi su nt .
Celte divis ion des ch oses e n res mnncipi et res nec ma11 cipi est fort ancienne, pui squ 'o n la tro u ve dans la l oi .d e.s
XII Tables. Gains en faiL fo i (Co mm. 2, § l~7) : Mul1 ens
quœ in agnatoram tutela eral, res mancipi usucapi 11 0 11 poteran t,prœterquam si ab 1jJsa , tu tore auctore, tradiLœ essenl:
duodeci111 tabularw11 caut11 111.
id ita leae
0
Quelle est la rai on <l' N i·e <le cett e disti n c tio n ? San s
entrer à ce s uj e t dans des d é tai l , disons se ule m e nt qn' on
en a donné plus ieurs expl ica tion .
D 'après un premier systèm e, les res ma11 cipi étai ent des
choses plus préci e u es qu e le au tres ; d e là l'empl oi de
formes solennelles pour le ur alié nation . - Ce système
n 'est guère acceptable . U n b œuf ou un c h eval n e valent
certainement pas plus qu' un e s ta tu e d 'or ou d 'arge n t; ü
Rome m ê me , à co up sù r , on n e l'a j a mai pe n sé , et ce pe ndant la tradition aurait s uffi po ur le t rausfel't de propri é té
de la statue, et pour l'ali é n a tion du bœ uf ou du cheva l la
mancipation était absolum e nt n écessaire.
Un second sys tè m e Yoit clan s cette dis tin ction la trace
du caractère romain. L es Ro mains n 'étaie nt point com merçants , ils étaient ag ri c ulteurs ; les c h oses qui contribuaient le plu s à form e r les patrimoines étaien t don c d es
obj ets qui se r appor la ic nl il l'agri c11ltnrc : c'étaie n t les res
mancipi. - Mais cc point d e y1 1e n'es t guèr e plu s exact
que l e premie r , e t on n 'h ésite ra pas à le r é pudier, s i l 'o n
s onge que l es édifi ces n e son t pas to uj o urs d estinés à l ' agriculture, el que les esclaves n 'étaien t pa s tou s ni toujours employés aux travaux <l es champs .
D 'après un troisième système, la dis linclion d es re.s
- 21 ~wncip1: e l de s nec manc1jJi r emonte à la r évolution politi qu e opérée par Se rviu s Tulliu s. On sa it que cc roi divisa
l es citoyens e n cinq cla sses d'après le ur fo rtune individuelle. - :\lais comment établir cette fortune de chac un ?
S 'en r ap porter au serme nt éta it cho se peu sùre. Ne prendre
p ou r hase du calcu l que l es cho$cs facilemen t alié nables
c'e ùl. é lé s'exposer ~1 la fraude : une m ême somme d'argen~
aurait pu <!Lre prése n tée plu s ie urs foi s dans le m ê me jour
pat' cl ix c itoycn diffé rc n ts.
li fa llait do n c, pour é tab lir la capacité politiqu e, m esure r
la fort un e aux c h oo;e dont on pouYait éta blir d ' une faron
certaine la propr iété, don t o n pùt Yérifier l 'ide ntité et d~nt
la va le ur n e fi'it pa ~ ujcttc à d e trop brusques variation s.
Or, les res m anâpi ré pondaient parfaite ment à ces e xigences. La pro priété e n é tai t tra nsférée e t acq u ise par un
m od e so lenne l : la mancipation ; leur identité é tait fa cile
à vériû c 1'; le fon d s avai en t nn nom : Fundus Comelianus, clr ... Les esclave<> eux aussi étaie n t dénommés · et
'
q u a n l aux b è lc ' d e so m me , c'éta ient ~ n quel que sorte des
imm eub le" pa r d estination; le ur n ombre et leur ·vale ur
corres po ndai cn t i1 l'i m pol'tance du fonds auqu el elles étaient
alta ch ée .
,\in " i s'exp li que qu e la femme ait eu la capa cit é d 'ali é n er
les rec ner man tipi et n on celle cl'aliënc r l e res mancipi;
ca r Je.;; res nec mruu·1j;i n e con fëran t aucun privilège poli tique, il n' · arni l aucun dange r à cc qu'elle le fll 'ortir
d e s ou pat rim oine cl e n p rid l sa famille ou SC' héritiers.
Ai ns i s'exp liqu e e n cor e qu'on n e pùt point te te r sine
allctorital<' t11/or11111 : on ,·o ul ail aulant qnc pos iblc conse l'YCr da n .;; la fallli llc m a~c 11lin e le res mrmc1j1i, qni conféraien t d es préroga tive po litiqu es d 'une impor tance con id é rnblc.
Cc dcniicr "'Ysl<'me cs l le plu s accrédité. - Q Lt OÎ qu 'il
en soit , l es res 11uwc1j;i ne pournie n l èlre alié n ées que par
�-
-
22 -
moi. Ain i on a pplique le nom môm e de propri été à la
cho c c lic-m ôme, c l l'on dit: C'est ma propriété. Et la force
d e mcc urs est telle , que cette ano malie a passé dans la loi
e lle - môme.
la mancipation. Les res nec mancipi seul es pouvaient 6tre
aliéné es par tradilion.
Est-cc à dire que la tradition d ' une res mancipi res tât
sans effet? Nulle me nl; mais l'exam e n de cette quest ion
trouve ra sa place, quand nous parle rons d es effets d e la
tradition.
Justinien aboli t la di vis ion des res en res mancipi et res
nec mancipi; de sorle qne, à on é poque , Lou tes choses
pouvaient être alién ée par l radition.
3°
RES CORPORALI S.
La tradition étant le t1·an fcrt de la propri é té par le
moyen de la posses ion , n e p e ul évide mm e nt s'appliqu er
qu'aux choses qui sont s u sceptibles de po session , c'es t-àdire aux choses co rporelles. Cependant il faut croi re qu ' il
y avait une excep ti on po ur les servitude , bien incorpor el , puisqu' une loi Srribonia vinl e n prohibe r l 'usucapio n
(Fr . 4, § 29 , 41, 3 D. )
i\[ais depuis celle loi , Lou s le droits in corporels fure nt
ins u sceptibles de tradition. i\Jais, di ait-on , la propri é té
est bien un dro it inco rp or el , co mme du r este to ut droit,
qui n' est en somme qu' une con ccplion ab traite <le l'espr it
plutôt qu'une r éalité p hy iqu c; pourquoi pou mit-on tr a n mettre la propriété d' un e c hose par tradition , alors qu 'o n
ne pouvait pas trans mcllre le a ntres <lroi l incorporels ?
C'est là, il faul en conve n ir, une anomalie. - On a l' habitude d e cons idé r e r co mm e un bi en co rpo rel le cl r oil de
q ui a eu
proprié té, par une so rte d 'altéra tio n d e la1wao-c
b t>
idées.
es
l
dans
altérntion
une
pour con séquence
No us confondons en que lqn c orle la pro pri é té q ue nous
a-vous s ur un e chose a vec ce ll e cho se clle-rn ôm e · nou s n e
dis~ns point: J 'ai un droit d e proprié té s u r' cell'e cho se;
mais bien: Celte ch ose e s t ma propriété; celle chose es t à
23 -
r
Q uoi qu 'il en soit , seu le la propriété pouvai t se transmettre par tradi ti on; les autres droits incorporels, l es servitudes notamm ent, n e pou vai en t se con stituer qu e par
l es modes so lennel . Toute foi s, on tournait l a difficulté .
Celui qui voulait acquér ir une servitu de simpl ement, sans
e mpl oyer l e m odes olenncls, s tipulait de so n vendeur
un e certaine o mm c, pour l e cas oü il l'entraverait dans
l'exer c ice de son droit : c'éta it la cla u e pénale. Le vendeur
co ntrac tait a in i , v is -à-v is <le l'ac he te ur , une obligation
personnelle conditi o nn ell e : i l étai t tenu de laisser l'acqu éreur exer ce r son droit , ous peine de payer une ind e nrnit é.
V e r s la Gn du premier s iè cle, le préteur fit , au sujet
d es se rvitudes, un e im portante innovation: il admit que les
serv itudes se rai en t s u -cc ptibl c- de qua i-posses ion. Celle
quas i-po ses ion est aux scrYi tudcs cc que la po es ion
p l'Opremc nL dit e c' l au droil de propriété; du mème
co up , elles peuvent è tre trans mi es par qua i-Lradition.
A. -
Sen•iludes réelles.
En qnoi co n iste la quasi-pos ession ? S'agit-il de servitude - pos iti YC'? la quac;i- po . ses ion consi -te dans l 'accompli scrncn t de l'a cte con ·titutif de la crvitude ; par exem ple, le fait de pa -ser su r le fo nds voi in, ou de puiser de
'agit-il de serYitudes n égative ? la
l'eau i1 sa so u rce. qunsi-possc ion se caracté rise par l'abstentio n même du
proprié tai re d11 fo nd, as c n -i , mais il faut que celle abste ntio n tro u ve a raiso n d'èt1·c clans u n juste titre. JI n e faut
pa qu'elle soi t du e 1\ une s im ple tol éra nce de la part d u
pro pri é taire scrrnn l; c'c "l là un e pure qu estion de cir constances.
�B. -
- 25 -
24 -
s tipulation p é nale avaie nt pour e ffe t de cr ée r la servitude
le m6m e e ffet d evrait s'a tt ach e r t\ la s tipula tion qui a~
. u cl' une pe ine, a urai l pour objet direc t la sen ·itu<le e' llcl 1e
m ê m e.
Servitudes p ersonnelles .
Cc qui eut lie u pou r les scr\'iludc r 6cllc s'éle ndil aux
servitudes p er · onncll es; par exe mple, l ' us ufruil. Elles
pe uvent s'acqué rir par la pri se de pos cssion du h é n 6ficiaire; ou bien , s'il é tait déjà e n po s ess ion , par le se ul
effet de la convention .
Sous Justini e n , les pacte et les s tipula i ion s s uffi a ie nlils à établir les dro it r ée ls <le s e rvi tud es, ou bie n fall ai t-il
encore une quasi-tradit io n ?
1•r Systè me. - Les pac tes e t tipulations nffi s aic nt.
T émoin ce passage d e Ins titutes d e Ju.;;tinie n (li v. 11 ,
l. 3, § 4) : Si quis l'e lit 1•ici110 aliquod jus constiluere , paction ibus atque slipula tionibus id ef(i cere debet .
T émoin encore cet autre pas age (§ 1, liv. 11. lit. 1Y , l nst .) :
Sine testamento l'e/'O si qu ù CJelit 11sumfructw11 alii ranstituere, pactionibus et st1j}[(la/io11ib11s id ef(icere debel .
Du r este, d ès l 'é poqu e cla ssiqu e, l'hypo th è que po u va it
bie n se con titu e r par irnplc co1w cnti o n ; pourqu oi n 'e n
c ùt-il pas é L6 de 1n è n1 e cl cs a utres drnil r éels, princi pal ement des servitude s ~
Enfin , on sait qu e pour cons titu e r <les droits r éel s ur
l es fonds provinciaux, l es pactes s uffi saie nt ; or Ju lini e n
as -imila compl ètem ent les fo nd s provinc ia u x allx fo ncl .:; il aliques; d ès l ors, on pul trè bi e n , s ur c es d e rni e r s, con s titu er des droits r 6e ls a u moye n d e sim ple s s lipulatiou .
2'°0 Sys tè me. - ~1 6 m c o u s Ju tinie n , il fallu t , e n o ull'C
d e la stipulation, u ne qua s i-trad ition .
En effet, P a ul (1. 136, §X LV , t. 1) oppo s e la .:;er vitucl c
cons tituée à la sc rviLt1 cle c; tipul6c, e l il déc id e qt1 e da ns cc
d ernie r cas, s i le s tipulant vi e n l à ali é n e r so n fo nds, la
stipulalio n s>évano uit . - 0 11 'c n co nclu re , s inon qt1 e cette
stipulation , loin d e Cl'éc r un d roi l r ée l , n 'a pu cn ge ndl'e r
qu' une s imple obli g ation pen;o nn cll e, qlli ne pa sse pa s à
l 'ayant-cause à titre parlicu lie r .-Si les pac tes s ui vis <l' une
f
Co mm e nl s'cxp liq11 c al o r s l e paragraphe de Institutes?
L e Yoic i : .J11 s tinic n a ~implem c nt r e produit , sans ancune
: u c_ d e r é fol'm e, un pa s age de Gai us . -Ga iu s ( 1. u , § 31 )
md1qu e ro m· ue 111odcs <l 'établi s e mcnL d e
crvitude ur
les fond s ilaliquc s, la man c ipation e l l';n jure cessio, e t
pour l es fo nd s provin cia ux, le pac tes c l ti pu lation · .
Jus tini e n , e n reprod u i-anl cc pa s age , omet , bi e n e nte ndu ,
l a ~iancipaLi o n c l l'i11 jure cessio, qu' il ayait lui-m ême upprim ée , e t o e m en tionn e que l es pacte e l tipulation -,
m ais tel s q11 ' il - cxis la icnt avant lui , c'est-i1-dire u1n
d ' une qu asi-tra diti o n . M . . \ c uariu s fait rema rqu e r qu e cc
qui prouve que Ju s lini en n 'a po int Yotdu innoYe r , c'c L
qu 'il a mc utio oné ccpa age ans l'e nto u rer de a o lrnnité
ha bitu e lle, ro 1111n e il n 'c liL pas manqu é de le fo ire, -' il a,·a it
appor té rn èm c la moindre d érogaLio n aux prin cipe d éj à
r eçus.
C ll APITRE IV
C: a p a e 1 c é.
1°
ou TnAD ENS
De u x co nditi o ns so nt r equi se chez le trade11s: il fan l
qu' il so it Jll'Oj>l'Î é ta i1·c , c l q11ïl o il enpabl e d 'a lié n er.
A. -
f~/re propriétaire.
P o ur tra n sré rer la pl'Opri 6Lé à a nt rni, il faut d 'abol'd
l'avoil' soi-111 è 1n o ; c 'e L lit un JH'incip c évidcnl : Nemo dat
qzwd n o11 lwbet.
�-
26 -
d éfendit a u tutc nr d'ali én er l e- prœdilt rustica vel suburbana du pupille, sauf dan s des cas exceptionnel s. Constantin é tendit les d i po ilio n cl e cc sénatus-con sulte aux
prœclia urbana e t à certa ins meubles précieux qu 'il énum ère (1. 22, C., l iv . v., l. 37).
Mais ces alié na tions n e pe uvent j amais avoir lieu à titre
gralnit (l.. 22, D. , liv. xxv1, t. 7).
Cependant cc principe n'est pas san s comp orter quelque exception :
10 Le mandatai re peul ali én e r par t raditi on la ch ose du
mandant.-Cc point mé rite qu elq11 cs d éveloppements que
nou s donneron fl la fin d e cc chapitre.
2° L'esclave et le fils de famille pe uvent alién er la ch ose
du mailre et du p è re, i ceux- ci en ont donné le pouvoir.
- Cette Yolonlé pe ut N rc expresse; elle peut êtr e au i
tacite et résulter de la conccs ion d ' un péc ule avec faculté
1
~,
1
t
de l'adminis tre r li bre 111cnl.
Témoin la lo i 41, § l , D. , liv. vr , t. 1. -Si serCJus mihi
vel filius familias fwulum c1e11rlidit et tradidit, habens liberam peculii admi11istratio11em, in rem actione uti potero.
Sed el si volun tate domini tradat , idem erit dicendum.
:Mais il fau t remarquer qnïc i il n 'y a pa une véri table
exception com me dan s le pre mier cas; e n effet, le tradens
en droit cl l e trade11s en fail , n e sont pas, co mm e dans
l'hy pothèse précédente , d e ux p cr onn cs juridiques distincte . L'esclave o u Le fil - de famil le n e so n t considérés
e n q uelque sorte que co m111 c clcs ins trument de tran smi ion ; en sorte qu e c'e.:;l le v é ritable propri é taire qui
alièn e par la main d e on fi ls o u de so n esclave .
Remarquon ', en cco nd lieu, qu e celle co ncession d' un
pécule aYec libre adm in is tration n'e mporte point , pour l'esclave ou le fil s de fa mille, le pouvoir d'a ppauni1· l e m allrc
o u le père, c'e s t-à-di re de fai 1·e des ali énatio n s à titre g rntuif. El mè rn c Loule ali 6nali o n ~l titre on é re ux ne r en tre
pa n éccs airemenl dan cc mandal , s i n o u s en cr oyo ns
l a l oi 1, § 1, 1) ., LiY. xx, l. 3. Facû tamen erit quœstio,
si quœratur quousque iis p ermisswn C'Ù/eatw· p eculium
administrare. »
3° Les tuteur s c l cura tc urc; pe uve nt alié n er les ch oses
appartenant a ux pupille c l a ux 111in c 11rs .
Un sénatu s co ns ulte, pr0pos6 pal' l 'emp ere ur Sévère,
27 -
r
4° L e créan cier gagi Le (Inst., liv. 11, t. 8, § 1) et le créancier h ypo thécaire. (Fr. 8, § 3, De pign. act., C. 10, 8, 14.
De pig n. act.) pe uvent ali é ner la chose don née en gage ou
la chose hypoth équée, en cas de non payement à l'échéan ce.
Le pouvoir d 'alié ner ful toujours la conséquence de l'hypothèqu~, mais i l n 'en fu t pa de même du gage. A l' origine,
le droit de vendre d evait ôtre formellement concédé par
l e d ébiteur propriéta ire au créanc ier gagiste, ain i que
cela r és ulte du Comm., 11 , § 64 de Gaius : Voluntate debitoris inLelligitar pignus atienari, qui olim pactas est ut
liceret creclùori pignus vendere, si pecunia non solCJrttur.
Par l a s uite, ce po uvoir <le vendre fu t tacite, e t quant à la
claus e ne distraherrrtar, e lle n 'e ut d 'autre effet qu e d'obliger l e créa ncie r it fa ire troi ~ d6nonciations au débite ur
avant d 'exercer s on jus distralie11di.
5° (lnst., l iv. 11 , t. G, § 14). Le fi c vend une choc qui
appartient à autrui. Pendan t long temps celle vente irréguliè r e fut s o u mi ea u droil com mun .
Marc-Aurè le, le prcllli er , modifia ce tt e législation. L'acqu é r e ur , a u bou i de cinq a ns, fut à l'abri tle Ioule 1 cYcndicalion de la pa rt du 1•erus dominus. Zénon upprima cc
d élai de c inq ans; l'acqu é re ur, do nataire ou acheteur, fut
à l 'abri de tou te alle in lc, dès l 'in tan t même de la tradition. Enfin , Jus tinie n é te ndi t ces innontions aux aliénations con e nli es par sa mai on e l par celle de l' impé ratrice (Loi 3. C., liv. vu, l. 37 .)
�-28 B. -
l~trc capable cl'aliéner.
Une deuxième condition est ex ig6e c h ez l e Lradens : il
doit ê tre capable d'ali6n er.
Ainsi , nou Ye n on de voir qn c certa ines personnes ,
qu oiqu e non prop rié ta ire , pe uve nt a li é n e r ; à l 'inve r se ,
il e n est qui , quoique prop r i6Laires, n e pe uvent pas
aliéner.
1° L e pu p i lle. - I l fantcli s ling-ner e n lre l e pupille i11fa 11s
e t le pupille infantia major. Le pupille infa11s, 6ta nl d 6pourn1 de toul di ccrne1n en1 , n e peul faire au c 11n acte j uridique. Nam lwjus œtatis pupilli nullum lwbe11/ intcUectum , d il Gaiu<:., Co111111., 111 , § 109.
Quant au pupill e so rti de l'i11fa11tfr1, il peut fa ire se ul
tau~ les ac tes qui rende nt a con dition meilleu r e. i\Ia is il
n e pe11t fa ire sa n c; l'a11cloritas latorù le ac tes qui re ndent sa con ditio n pire, par exe mpl e, faire un e Lraclition.
(Jnst., liv. II , t. 8, § 2, Passim): ldeo si mulflalll pecu-
niam alieni sine lutoris · auloritate pttpiUus dederù, 1wn
contra hit obligat ionc/I/, qu ia pcru Ilia m 11011 f'acil accipientis.
Sed e.x dù erso pupil/i cet pupil!ru solPerc sine 1tllorc rwctore non possfllll, quia id, quod sol ou nt, tU)(I fit acrtiJie11 tis.
Quid, s i l e pupill e a liène san l'a uto1·isalion du t u teur?
Le Institutes nou e; fournissent la rl·po n sc (même pa sage):
ldeoque 1w111mi oindicari possu111 , sicabi e.rLeu t. Sed si
nummiquos mutao mi11or dederit , ab eo quiaccepil , bona
fide consu111ptisu11t, condfripossunt; si ma/a (ide , ad e.d1ibe11du111 de !tis agi potes/.
1
1
2° L e fou dan ·es 111 01nC'n tc:; non l11 (' iclc".-T>a11 ses moment n on lu c id e,;;, le (r1rios11s ma nqua n t abso lulll cnt <le
volonté, n e peut faire Ya lab lc 1n en t au c un acte j11 ricliq ue.
(ln st., li v. 111, t . LO, § 8): F11riosus 11ullum fl egoti"111 gerere potest, quia non Ïltlellig/t fJ" œ ag it.
Dan s ses inlc r va lles l1J cidcs, il e s t , au c onlrai1·e, pleinem ent capable.
-
29
(Loi 2. , C. liv . tv , l. 38) : lntermissioni'.s autem tempore furios os oc11ditio11es et alios quos libet contractas posse
fac ere non mnbigitur.
3° Le prod ig u e . - Le prod ig u e n 'a pas, co mm e le fou ,
une capacité e n que lqu e sor te int e rrnille nle. Son incapacit6 commence avec l 'inlc rdic lion prononcée p ar le magi s tr a l c l n e finit qu'avec e lle . Comme le pupille, il pe ut,
seul, r e ndre a conditi on meill e ure; i l ne p eul pas rendre
sa condi tio n pire. S i, e n fa it, i l aliè n e san s le consensus ou
curateur, il a, s ui va n t les ca , o u la r evend ication , ou la
condictio.
40 Le mine ur de v ingt-c in q an s aya nl un curateur pe rm an e nt. - Il p e u t, c ul , re nd re sa condition m ei lle u re; il
n e p e ul re n dre a co ndition p ire qu'avec l'as~i s lanc c ~le
son curateur. S'il n 'a pa de curateur, il a pl e111e capacité
pour Lou s aclcs, sa uf le b é néfice d e l'in integrum restit1~tio.
(L. 3. C., li v . 1t , l. 22) : Si curatorem habens muw~·
quinque et (ltgi11ti aunis post pupillarcm œtatem res oend~
derit flltn(' contractum se1wtri non oportet : quum non absi'
.
1nilis ei habeatur mùwr Cllratorem habens, cw a prœtore
curatore clato. bonis i11terdictw11 est. Si oero sine curatore
constitutus co 11 traclum /ecisti, implorare in integrum restitution.:m, si necdllln tcmpora prœfinita excesseri11t , causa
cognita non prohiberis.
5° Le mari r c la live me nl à l'imme uble dotal. - .\vant
11
Augus le, le ~ari , p ropriétai re d e la do~ , pouvait ali?1~er
tou s ]:)s bie n -. d otaux; il pouvait clone aliéner par traJ1t1ou
Lous lès fo nd s provinc iaux.
Sou s Auo· u s te, la loi Julia de _l dul!eriis el de F1u1do
dotali cléfc1~lil au rn ari d 'ali én e r le prœdium dotale, san s
l e conc.cnl e in c nt d e s a fcmrne; m ais celte prohibition .no
s'ap pliquait qu'aux rond s ital iques , 110 11 aux fo~cl..provm'
· · n (jlll· 6l e·nd'L
h' 1)rohil.H l10n aux
ciaux; Cc lut
Ju s l1111e
i
.
.
D
.
'
l
u
~
l
e
r
èg·ne d e cet emp ofond s provmciaux. u 1 es e, so :;
�-
-30reur, la mancipation ayant dis paru , ce n 'est que par tradition que le mari aurait pu alié n er. C'est donc une incapacité
relalivement à la tradition que j e viens d e signaler e n
dernier lieu.
Ici encore la capacité d'acqu érir est la règle ; l'incapacité,
l'exception. Nous avonc à rech er ch er qu elles sont les
incapacités.
Ces incapacités sont g é nérale ou spéciales.
A. -
In capacités générales
1° Esclaves et fils d e famille sans pécule, ou pl us généralemen t personnes en puissan ce. - C'était un principe
à Rome que les escla vcs et les fil ~ de fami ll e n e pouvaie nt
rien acquérir pour c ux-m6mes; tout cc g u'ils acquéraient,
soit par leur travail , so it par donation, soit d e Loule autre
mani ère, appartenait en propre a u maitre ou au père de
famille; leur personnalité juridique é tait donc entièrement absorbée par celle d u maitre ou du père.
(a) Esclave - à quelles conditions acquérait-on par
lui ?
Esclave dont on a la pleine propri été. - I l acqui ert la
propriété au maitre ùwito et ignoranti ; mai s il n'en est
pas de même pour la posses ion , il ne la lui acquiert pas
ùzCJito et ignoranti, e t, par con éq ue nt, il n 'acquiert pa s la
propriété par tradition à o n mal tre ùwito et ignoranti.
Celle différence provient de cc qu e la possession exige
non-seulement le corpus, mais encore l'animus. Animo
utique nostro, disent les textes; tandi s que la p ropriété
est un dl'oit dont nous pouvons 6trc investis par la loi sans
notre consentement. De cc principe d éco ulent des conséquences importantes .
D'abord, c'est que pour acquérir la possession pa r un
r
31-
esclave, il faut posséder cet esclave et avoir l'animus
rem sibi habencli. Ensuite le maitre ne commence à po séder la cho ·e qu e le jour oü il connait l'appréhension
de la cho e par ~on esclave. 11 s uit de là que si l 'esclave
est possédé de bonne foi par un tiers, le domiuus n'acquiert pas par lui ; de m6me si l'esclave est donné en
gage (Loi 1, § 15, D. Liv. XLI, tit. 11) : Per serCJum corporaliter pignori datwn non adquirere nos possessionem
Julianus ait : ad uuanz enùn tantum causam CJideri eum a
debitore p ossideri ad usucapionem; nec creditori, quia
nec sLipulatione, nec ullo alio modo per eum adquiral,
quanwis eum possideat.
Si l'esclave par lequel on acquiert est seulement in
bouis, au lie u d'ètre in dominio, la propriété e t acqu ise
au maitre bonilaire. - Gaius, Comm. 11, § 88. Dum
tamen sciamus, si alterius in bonis sit serc1as, altcrius ex
jure quiritium, ex omnibus causis ei soli per eum adquiri,
cujus in bonis est.
Quid s i l'cscl'tlvc appartient en commun à plusieurs
maitres? En principe, l'esclave acquiert à chaque maitre
pro parle clominii. Par exception cependant, il n 'acq~ier~
que pou!' un seul d 'entre eux, si c'e t ce l~1i-là . e~1l qu1 lui
a donn é l'ord re d 'acqu é rir pour lui , ou b ien s1 l esclave a
manifes té l 'intention <le n 'acqu érir que pour lui, eu traitant
nomin ativement dans son intérêt.
Quid si l'esclave est 0O'revé <l'un droit d'usufruit . ou
<l ' usa TC? Dans cc cas pour qui acquiert-il ? Le dominus
n e p;ut pa acquérir pour lui , pui -qu'i l ne le po- è<lc
·
pas.
D'autre part , l 'us ufruitier ou l'usager: eu~ au i , ~e
poss<"• lc nl pas l'osclavc, co mm ent pourra1enl.- d..:i acquérir
par lui ? Au s- i Gaiu , Co mrn . II , § 9'1, p~-all-tl la ques·
Lion sans oser la r ésoudre : De illo quœntur an pa tum
serCJum j 11 quv usumji·ucl1w1 lwbemus .possidere aliquam
rem ..... possimus, quia ipsum no11. poss1.demus.
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1\lais les juris cons ulte furent frapp és de ce fait , qu ,un
fll de famill e o 'e t pa · po sséd é par s on pèr e et que cependant il peut lui acqufrir par tradition ; les deux cas étant
analogues, on le ur donna la m ê me s olution: au ssi trouvon -nous un te xte qui dit : (Loi l § 8 D. Liv. XLI, t . 2. (
- Per eum in qu o nsum/ntclum habem us possidere possumus, sicut e.r op eris s uis acqu it· :·e n obis sole! ; n ec arl
rem pertinet qu ocl ipsum 11 0 11 possidem us; nam. nec
(ilium, e lc.
'Mai l'é tendue d e l'acqui ilio n n 'e s t pas la môme qne
pour l e dominus . L' u ufruiti e r n 'acquie rt que e,r; op eris
ser(Ji et ex re frn ctuà rii ; c'e l à dire il n ,acquiert qu e cc
que l'e claYe lu i rapport e directe ment par ses e rvi ce ;
mai · s i , par exemple, l'esclave est ins titu é l ég a taire dans
un testame nt, l e bén é fi ce d e celle in titution ne r eviendra
pas à l'us ufruitier.
Quant à l'u sag er, i l n'acquie rt, l ui , qu e ex re sua et par
le jus utendi.
Qu id de l'e sclave d'a11trui qui c t possédé d e bonne fo i
par qu elqu ' un ? Le po ssesse ur d e b onn e foi acquie rt-il ?
Il a cquie rt comm e 1\ 1· ufruiti c r ex re sua e t e.x:oper is serCJi.
Toute fois, il y a <l e difl"ércn ces cotre le possesse ur de
bonn e foi el l ' us ufrniti e r . P o ur l e pl'Cmier , s i sa bonn e
foi vi ent à di s par aitre, il n ,acquierl plu s ex operis ser11i;
tandi s qu e l 'usufruitier , tout le te mp s de so n u s ufruit ,
acquie rt des d e ux m aniè r es. - En second lie n , tandis qu e
le possesseur de bo nne fo i us uca pe, l'u s ufruiti er , lui ,
n ' u uca pe j amais.
En fin , s i un homm e libre est possédé de bonne foi
comm e esclave, le possesse ur acqni ert e:r re sua c l e.i:
op eris ejus ; tout le r esle apparLient li l'h o111111 e libr e.
Ains i, sa uf l es <lé rogalions qu e nous ven on s <le Yo ir r elativement à l' u sufruitie r e t à l' us age r, l e princ ipe es t : l g110 ranti possessio non adqniritur. Non- seulement l e dominus
r
doit posséder l 'e clave , mais encore il doit connaitre
l 'appréhension de la cho e par l 'e s clave, pour en devenir
proprié taire par tradition. La cr éation des péc ule vint
apporter d es m o<liflcalion à celte r èg le. Le maitre put
acqu é r ir à s on ins u la po session d ' une chos e que l 'esclave
a ppréhendai t e.x p eculiari caus(I. Dans ce cas, Panimus
du m all r c c t r emplacé par l'animus pers onnel de l ' e c lave (Loi 3, § 12, D. , liv. XL t , t. 2): Cœterum anima n ostro,
c01pore etimn alien o possidemus, sicut d i.xim us p er colonam et serCJ/lm . N ec moc)ere nos debet quod quasdam (res_,
eliam ignora n tes p osside111 us , id est, quas serCJipeculiariler
p araCJer u11t ; 1w m CJidemur eas eorumdem et an ima et corpore
p ossidere .
La r aiso n nou e n est donnée par P apinien; on n e Y O U ·
lait p as ob lige r l e ma ilre à d escendre à ch aque in tant
dan s les d éta il de l'admini s trati on des p éc ules (Lo i 44,
§ 1, n. l li Y . XLI) : . .. .... . ... . Di.x:i u tilitalis causa ju resin gulari recep tu m n e cogerentur domin i per momenta, species
et ca usa s p eculiorum in quirere.
Ain ~ i , c'es t pa r une rai son d e n écessité pratique qu e l'o n
admil ce ll e d érog ation a ux principes d'acquis ition par tradition .
(b) Les fil ~ d e famill e.-Loug le mp le principe qu e. les
fils de famill e acqui è re nt po ur le p è re r eç ut son app li cation it Ro me. ~lais :so us les e mpe r eu r , il ubit d'imp orlanlcs d é rogatio n s p ar la création des p écul e- castrense,
quasi ras/ rense el (f(/ioen tice.
L e p écul e tas/rense ap para it :sous .\ ugu · tc. Il comprenait to ut cc que Je !l is de fam ille ~1Yait pu gagn er clans les
cam ps, e n sa qualité <le 111ilitai rc,L. ll , D_., liY. XL I\., l. l ï~.
'
.. •
. b0 1u1/t\'
. cc>
. " . i•cl
pecu 1·Ill/// est quoc/ a p<11·e1111btt"
Caslrense
i:, 1 mililia (f'Yell li do natu111est 1 ciel quod 1pse fllws /a111tlias
..
b
in m ilitia adtjuisiit, quocl 11isi milita ret, acq111sllurus 110H.
3
�-34/ùisset. Le motif tic cette dt'rog1tion est faci l e à comprcndr~;
Je ... fatigue' que . . . ubi-...-ait le soldat, lc.o. <la~gcrs auxq u e l il
-..'cxpo,,ail. lrotn ait: nt Jan-.. la pk inc propnélé d e cc pécule
une trop ju-.tc l'Otllpcn-..ation.
Le péculo fJUnsi m.\lrc11s1, établi t11· l e motl è ~e du prét'édcnl. fut crcé par Con,tantin pour le fil <; de fanulle ,pala·
fini principi.s. C'étaient l e~ économie que cc d e rnie r
fai -aicnt ~ nr leur traitcmcnt,ou bien l e- do n qu'i l receYaienl du prince (C., liY . :-..11, t. 31.'. P lw lard, l e avoca ts,
et . ..-ous Ju.o.tiuicn, tou-; le fonctionnaires r é tribué par
l'Et1t purent a\·oir un pcculc quasi castrense.
Cou- Lantin créa au,si l e pécule adYentice. A l'origine, ce
pécule ne comprenait que les biens qu e l'enfant r ec ueil l ait en .::a qualité d'héritier h>~itimc ou testamentaire de sa
mèrc (L. 1, C .• liY. Yt, L. GO.). ~ou::. Ju s tinie n , il c mbra ail
Lou les biens qui n 'étaient ni rastrensia , ni quasi
castrensia, e t que le fil s <le fami lle te nait de Lout e a ut re
personn e que le pater familias. c ulcmenl, à la différ e n ce
de au tres pécules, le fil clc fa mille n 'avait que la nu-propriété du pécule ach-cnticc; l e père avait l ' u s ufruit.
Ain i fure nt é tabli es en fa,·c ur de.:; fil s de famille ce.
exceplion à l'in capaci té <l 'acquérir pour eux-m ê me . . Mais
celle incapacité frappa toujours l'e<:.claYe.
'c, La fe!nme in manu étant loro filiœ, acqniert pour so n
mari. - Elle peut ac<1u érir pour lui par tradition , quoique
n'etanl pa pos édée par l ui, par la m ême rai on qu e le fil s
de famille.
cl Enfin, l'homme libre acquis pal' mancipa tio n acquiert
au dominus tout rc qu' il re~·o il par tradition (Gai u s,
Comm., 11 , S§ 86, 90).
2° Le furiosus. - Le furiosus n e peul jamais, da n s une
tradition , jouer le r olc <l'a cctjJie11s (loi 1, § 3, D., liv. XLT ,
t. 2 .Furiosus et pupillus sine lutoris auctoritate non potest
incipere p ossidere , r;uia affectionem tenendi non habenl '
-
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lice/ maxime c01pore suo rem conti11gant: siculi si quis
dormienli alifJu ùi in lll(lllll po11at.
3" Le pu p ill e. - Il f'aul di s ting ue r ici entre le pupille
in/ans c l le pupille sorli d e l'i11/a11tia.
L e pu pill e i11/r111s , étant incapab le d'avoi r un e vo lonté,
n e pe ul pa s avoir 1'm1ù11as domin i,qui est exigé polir acq uérir la pos es~io u cl , par con séquent , la propriété. 11 ne
l e pe u l pa , m ê me avec l'auctoritas de son tute ur ; celle-ci
n 'est <lonn éc que pour co mplé lc1· la ca pacité du pupille;
or, co mm en t comp léter un e capacité qui n 'exis te pa s? fJ
n e peul clon e acqu é l'ir en a uc11n c façon.
Ccpen<lanl, plu s lar<l , le jurisconsultes lu i pc rmil'ent
d'acgué ril' rrlililatis ca11sa,aYe<· l'a11ctoritas du tutcu r (F. :n,
§ 2, 41, 2, D.\ . !11/ans poss;dere l"('Cte polest, si lutvre au clore
cœpit; 11am juclicium i11/crnlis suppletur auctoritate tutvris;
utilitatis e11i111 causa hoc f'(:ceptum est, 1wm alioqai11 nullus
sens us sit i11 fan Lis acctjJiendi possessionem.
On a pré te ndu , e n se basant s ur une con s liluliou de
l'empereut· Dèce. (Consl. 3, Cod ., liv. \' JI , t. xxx11), q ue
l'infans pouvait acq u é l'Ît' par s imple appr éh ension co l'p orcllc et san s iolcn·cnli on du tute ur. Voici le tex te :
Donatarum rerum a quacumque p ersona ù1/èt11ti 11ac1w
p ossessio traclita c01pore quœritur. Quamvis enim sin l aile·
torum se11te11tiœ clissentie11tes, tameu consultius c·ùlelu r
interim , licet m1 im i plenus 1to11 /itisset a//èctus, possessivnem p er traditionem esse quœsilam , alioquùz (sicuti co11sultissimi c•iri Papi11irll/Î respo11so co11tinetw) n ec quidem
p er tutorem possessio i11/a111ipoterit acquiri.
Ainsi , à en el'Oirc le texte, le pupill e i11fa11s aurait
capacité s ufli s anlc po ur acquél'ir la po :::.:;c s ion par un e
simple app r éhensio n eo rp orclle cl san s l'inte r \'Cttlio n <lu
tuteur,
Nou s ne croyon s pas que ce texte ai l l e se n ~ alJ so lu
q u 'o n lui prê te. A noL1·c avis, cc texte, loin de sup primer
�-
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l'inlcrn~ul io n du t uteu r . la ....o u .... - cu ten d . au conlrair e; -.;a
pcn . . t•c è "-t celle-ci : l'appn:hul'>ion co l'por c llc par le pu p ille 'Cra ... u11i --antc pou1· acquér i1· la po--~cs::-i on , lor :::qu c
J'aillcu rs l'a111m11s L \.i .... tc1 a chcl le tu leu r. Cc q ui le
pr ou' c, c'c .... t q ue l'ct11 pc l'c llr Déeiu dccla rc em p1·u nl c r
le mot if J e ::;il tlcc i::-ion ;1 une r é pon se d e Pa pini c n. O r,
cc molif csl préciscmcn l celui q ue l'o u LrouYc dans la
loi :t!. ~ :2, D., liY. H l . 1. 2.
an " Joule cc texte c .... l o rc.l inai 1·c m cn l p lacé -o u le
01..l!ll Je t>auL mai-. tl autn..... 111a11u-.crih le repr é-.c n tc nt
comme tiré du linc -..1. de.., Rtspo11sa Papinia11i. EL c·c t
celle JcrniLTt: inJicaliuu qni c -. l la p lu .,, probable .
D'aillcur". -.i c\"tait lit une Yéritü>le in noYaliou , nou
ne trouYc 1ion-. pa .... dan'- la compilation de Ju ;;ti nie n un e
con::-lilution Lieu po-.tc rieu re a celle de Déci u , laq uell e
-uppo-..e que l'i11/aus n e peut pa acquérir seul la pos::;c ~I
· 'Ill . l. .H.
. 11 . (L01. ">6
- • c . i IV.
10
Qua nt au pt!pillc so r ti <le l'i11(<mtia, non seule m e nt il
pe ut acquéri l' aYee l'aucloritas de son tu te ur. m ais e n core
il peul cul , an celle rwctoritas, jouer dan s la tradi tion
le role d'acripiens . On ait en cfl'ct qu e l e pupille pe ul,
seul. rendre sa condi tion meilleu r e; o r , acqué rir la pr opriele c'est faire sa co nclilion me ille u re.
~ous tro u vons d'aill c ur <le~ textes formels qui Yicnn cnl con firmer celle opiuion :
·. l u l o·
· )...LI, t . '))
_ ·. f Jup l·11us tamell sine
L01. 3·J_ , :i' ·J- , D ., i iv.
ri:; auctoritaLe pos:N:ssio11e111 naurisci potest.
Loi V, pr. D ., li,-. )...\ " · t. V : Vblif!,ari e.r 0111 11 i con tmclll
pupillus sine tuloris mtcluritale non potes/. rirquirere a uLem sibi slipulando <:l per traditione111 acctjJiendu etiam
sine tu loris auclorilate potes/.
Cc que je d i::. <lu pupille w(<mtia major s'appliq ue sans
d ifficulté a u prodigu e et au mine ur tlc 23 ans m uni d ' un
curateur.
13. -
lr
l
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lncapacilés spéciales .
1° Les g o uve rn e u r de province ne peuvent pai:; acqu é rir les imm e u bl es d e le u r r cc:.c:.ort.
2° Le lu t ' Urs c l c ural c u rio; gonl frapp és d ' une inrapa·
cité péc ialc, re lative ment a ux b ien s de le u r pu pi ll e.
3~ Dan s le d <> rnic r é tal d u d roit , le s j uifs et les païe n s
n e pe u ven t pa acq u é rir la prop rié té d' un c clave chrétie n .
4° E nfin le conjointi:; n e pe u ven t pa se fa ir e e n tr e e ux
une do n ation .
Nou s v c non c:. d 'exam ine r le ca s oü le tradens c l l'arcip iens sont c u x-m ~ m c pr6sents dan s la tradi tion . 11 no u ·
r e le à e xa mi n e r le cas 011 ils se font r e présenl er l' un ou
l'a utre. ol.1 il agi. se nt par nrnnda tair e .
Il n e fa u t pa <:. co n fo nd re ce ll e hy pothèse avec celle oil
l'e scla ve, le fil s cl c f'a lll ill c, la fe mm e in manu , acquiè rcn l
au mallrc, nu pèr e ou au mn r i. - Ici, il sera it i n cxacl de
d ire qu'o n acq ui e r t ou q u 'on livre pa r l'intc rm 6di air c d' un
Lier s; on les con icl?·r c, en e ffe t, e n lanl qu 'il i:;'ng iL cle
re ndr e no tre co nd ition me ille ure, comm e faisant pa t't ic
d e nou c:.-111 ê m cs. « La Yo ix cl 11 fil i:;, dit Jus tini en , csl la voix
du pè i·c.» P hy<:.i qu c m enl il y a sa n s clo ute de ux per sonnes,
mais jul'icli qu cm c nl il n'y e n a qu' un e.
L 'hypolh c"<:.c q u e n o tl" :n·on s à voir c;; t celle où il y a ura
d e ux pc r~onne<:. ph.r,;iq ucmc11t e t juridiq uc1nenl dis tinctes, in clépcnclanlec:. l'un e de l'a utre, n'aya nt entre elle<:.
au c un li e n clc cl ro il , c l la q ues tion se pose alo rs en ces
te rm es : P e n l- on al ié n e r, pe ul-on acq ué rir par l'i n lc l'm édiaÎl'c d ' u n Lie rs?
Le p ri nc ip e d e la n on r c préio;cn lalion da ns les ac lcc:. j11 ridiqn cc:; fut lo ng te mp s acl lll is à Ro me. Cc pl'inci pc tro uve
sa fo r mn lc cl an s les ci e u x règles s uivant es:
Ins t. , l iv. 11 ., til 1x, § S: fi:t !toc est quod diritur, per
ex tra n eam p ersonam ni/ut adqu ir i posse.
�-
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étonna nt qu 'on ait e u r eco urs à des étran gers pour acquéri r o u tra n smcll re d e!'I d roits.
Cependant ces prin cipes rigou reux fin i rent, avec l e
te m p , par s u bi r des dérogatio n s que nous allon étu-
In t . Jiv. 1v, 11t '\ : « ~ u l n e peut p la ider en j u lice
.
.
pour autrui. »
Les inconvéniont;:; de cc "-~""-tûme apparai.:..:;en t cla1remenl. "i jr charge quelqu'un d ' acquérir en mon no~n e t
pour compte la propriê lc d'une chose on u~ dro it d~
créance. mo n mandataire devra d 'al)01·d ac1p1éri r po u r llll
die r:
1° Du mandat cl'ncrjldrir par tradition.
celle propriété, cC'ttc c ré anc e, cl cn.:.uite me la tran s fé rer.
Or. si uu pareil "Y'*' mc , 'c..,t . ma lgré .:.es inconvé nie nt s,
lonO'tcmps perpé tu é ;\ Home , il <levait , à coup sùr, s'ap.
o
puye r sur de.:; rai"-o ns "-e rien:,.e que l'o n peul ramene r a
<leux :
D"ahortl une rai;:;on hi .;;Loriquc :
.\ucnne lcgi;:;lation ne fut pent- è tre, i\ son origiue, plu ·
form ali ... tc que la l t>gi -..lation ro maine. L es droi t de propriétc on autre" ne pre n aie nt u ai;:;;:;an cc, n e s'échangeai en t
qu·avcc un luxe de -.olcnnitc.:. c l d e formu l es d estin ée à
eo p e rp ét ue r l e ;:;ouvenir danc; la mé>mo ire d es a sistanl · ,
car la preuve par tf'moin.;; c'tait h Rome la preuve dc:<lroil
commun. Or, ce" formule"- présen taie n t cela de par t iculie r. qn'elles n e pouvaient ètrc prononcées que par ce ux- là
m ê me~ <JUÎ étaien t propriétaires du droit q u'ils transféraient, ou par ceux cp1i en deYenaicnt bénéficiaires.
Ce so lennités produi-..aienl des effets immédiat entre
Je· partie présentes :,.Cttle mc nl , ca r , seules, e lle- avaient
L a pre m ière dérogation con s is ta à permettre d 'acqué r ir
p ar a utru i l a pos cssion .
On put acq u 61·i1· la possession par le corpus d'a u tr ui
(Paul, liv . v Sent. , til. u , § 1). Mais l'anùnus, ch ez le
mandant, d eva it coïnci<lcr avec la p r ise <le possession du
mandataire. Cc n 'c l pas p6ci c;émcn l en cela que co n siste
la dérogati on, cae celle règle fu t ad mise de tout Lemps ;
mais ce fu t, en q uelq u e sorte, u n achem inement vers
l
pu le · accomplir. Or. quoi d 'é tonnant que le s cho.:;es e
soient continuées ain-.i par l'e ffe t de la routin e, m è m e
longtemps après <pt'cllc"- ne ré pondaie nt plus à <les besoi ns
reels ?
A cela vie nt ·'ajout e r une aul rc rai on :
L a r epré.;;enlal iou, it Home, n e r é p ondait pas à des n é cessité' pratiques. Outre que Le-; lran ;:;action" e ntre citoye ns
étaient peu nombre use-;, il y avait encor e pos::<ihilil é <l'acquérir, en cas <l'ab sence forcée, au moyen des esclaves, cl es
fils <le famille et <l e"' fc n1111c,, i11 ma11u. Il est donc p e u
39 -
l'cxecp lion.
En clfct , p lu s Lard , on ad mi t que l'animus du manda n t
p ùt précé de r le corpus du rnan <lala ire. Ainsi , au moment
o ü l 'acqui - it io n se faisait par le man d ataire, le mandant
n 'en avait n u ll clllcn l conn a issan ce, e l cependant il a cqll6rait celle posscs ion. L es tex te s nous d isent, e n c lîcl (Ju t. ,
liv. 11 , lil. 1x, § 5): Non so/11111 scie111ibus, sed etiam ;gnorantibus rulr1uit·i possessio11em. Cette innoya lion dnt se
produire vers la un <lu premier s iècle, car d ès le com m e n cem ent du second , ~éra l iu s nou s présen te cett e clo cll'inc
co m me 1\ peu prè unive rsellem e nt admise, quoiqu'e lle fùt
e n core controye 1·séc au te m p de Ga iu.:;. ~la i s e ll e fut
définitive m ent accep tée gràce à un r e c ri l de S cp lim e -
r
S év è re e l Ca ra ca lla.
Celle fac ul té <l'a cq u é rir la possessio n per e.rlrrweam
persona nt exerça fatal e m e nt une infl ue n ce sur l'acqui sitio n
de l a propl'ié té par la tradition . Quand la L1·a<lition é lai l
fai te par l e CJerus dominas a vec in tention d 'a li é n c1', qu e la
chose é ta it 1icc mm1cipi, forcé me n t le manda n t acquérait
la propriété, cl s i la ch o se é tait mancipi, il éta il in causa
usucapiendi.
�-
-
40 -
propriétaire, le mandant n ' u c; u cape que du jour oit la tradition est co nnu e de lui ; car pour us u capcr il faut la
bonne foi ; or, tan t qu e le mandant n 'a pa connais a n ec
d o la tradition, on n e sait pas s' il est <le bonne ou de
mauvaise foi. (Co d e, liv . n 1, l. xxx11 , con s . 1) : Per liberam
.\u si la "uite dn te xte que j'ai cité p lus h au t dit-elle
..... et per liane posstSsionem, etiam dominium, si dominus /itit qui tradid1t, l'e! usucapionBm aut longi temporis
pr"-scriptiont.:m. si clomir1us 11011 sil.
)l ai~ celle dérogation n e pu t s'app liquer qu'à la tradi-
tion; lec; a utres mode.;; .;;olcnnc ls d'acqui ilion , rnotl cs du
droit ciYiL n e purent pac; en bénéficie r . EL ce ne fut que
sou.;; Justinien, que la propri é té put 'acquérir par a utrui ,
par l es ancien.;; modes <lu droit ci,·il qui s urvéc ure nt.
n objecte cepen<lant à ce la l e Fr. 59, D., liv . XLI ,
tit. 11. De arlquire11do rerum dominio, ain i conç u : Res
e.r: mandato meo empla, non prias mea fiel, quam si
mihi tradidcrit, qui P.mil.
La chose achetee par mon mandataire ne devient mie nne
qu 'aprè.::; que cc mandataire m'en a transmis la propriété.
On cite encore au Code un passage qui reproduil la m ê m e
théorie .. \ in i, cc ne ..,crai t p lue; le mandant qui deviendrait immé<liatemcnt acquéreu r et prop ri étaire, il ne le
dt''·iendrait que pal' un nou\·cau tran c:ifc rt de propriété.
Comment donc concilier cec; textes avec la th éorie d e la
repré.;;entation ~ Celle objection n 'ec;t pas san s répon e; il
c.;;t <les cas oit le mandant a in t é r~t à c dissimul e r ; par
exemple s i, entre le lrrulens et l'arripie11s, il y a un e in capacité spéciale, le tranc;fcrt de propriélé n e pourra pas se
faire immédiatement; le meilleur moyen <l'élu der celle
di-.po ilion gènante ec;t cle faire acq u6rir la propriété- à un
lier" qui ne tombe <>011 le coup de l'incapacité, ni Yis-à-YÎ<>
<le l'une, ni Yi5-a-,-i .... de l'autre des parties. C'e~t à cc cac;
que font allus ion les textec; que l'on inYoqne; mais cc so nt
là dec; cas tout à fait exceptionn e ls; ils n e <lé trui se nt pas
la règle générale.
.\in ·i le mandant acquiert, m tmc à s.o n insu, du jour
même ou le mandataire appréhende la ch o e . - En m a tiè re
d'u-.ucapiou la rcglc c-;t différente; si le lradens n 'esl pac;
41-
r
p ersonam ignorrrn ti qnoque arquiri p ossessionem ; et poslquamscientia intervenerit usacapionis conditionem inclwari
passe, tam ratione utilitatis, qaam juris prudentia receptum est.
Suppo s ons maintenant le cas oü le mandataire serait
infidè le. Au li e u d 'ac qu é rir pour le mandant, il a l' inte ntion d 'acqu érir pour lui-m è!mc; dans ce cas, la propriété
est-elle tran sfér ée, c l au profit d e qui est-elle transférée?
Un premie r point certain , c'est qu 'elle n ' est pas transfér ée au m andataire ; ca r te ll e n 'a pa é té l 'intention <lu
tradens ; i l n 'y a pa eu e ntre cel ui-ci e l le ma nda ta ire
concours des vol on tés c'est-à-dire cont ra l, donc pas Lransfert de pro prié té; mais du moins la proprié té e s t-e lle
transférée au m an<lant ?
Jul ie n lie nt pour la n éga tive. (D., liv . xu , lit. 1 , loi 37,
§ 6) : Nam et si pro('l{ratori meo rem tradideris ut meam
faceres, is hac mente acciperit, ut suam /aceret; 11 ilât
agetar.
Ul pie u, a u contraire, adopte pl eine men t l'a ffirm a tive.
(D., liv. xxx1x, til. " • F r . 13): ... .Yam et si p rocuratori
meo !toc anim o rem tradideris ut mi/ii adquirat, ille quasi
sibi adquisilum acceperit; nihil agit in sua persona, sed
mihi adqu irit.
On a vaine me nt essayé de concilier ce s de ux textes
oppo sés. <Jucl lc es t doue <le ces <l e n x opinion <; la p1·éfér ablc ? A no tre h umb le avis, c'e l celle d ' Ulpicn . lei l 'inte ntion du m andataire do it ôtrc con sidé r ée comm e nulle,
�-
42-
-
à rai on môme tle "on caraclèrc frauduleux; du m omenL
q uc le mandai ai rc a .1cce plé le mandai, il n'a et ne peu l
avoil' Jan" l'affaire que La qualité de manda Laire; toute
aulle qualité doit ~Lrc t'ou - idcréc comme nulle et non
a \·0oue.
Parmi ceux g ui acquièrent pour autrui la possession el
la propriété. il t.11 c t un qui se rapproche beaucoup du
mandataire , c'e..;t le 111;gotiorum geslor. ~lais à quel moment le domùws cJe,·icu<lra-L-il proprictaire de la chose
livrée?
ur ce poinl, nou · Lrouvon de ' divergences parmi Ie juri,consultes. :\lai-t pour nou-., il u'e'l pa ' douteux que
le tlomùzu~ ue <le,·icnL propriétaire qu'au moment de la
rntil1calion.
En effeL, ici l'a11imus rem sibi habe11di n 'exis Le pas avant
l 'appréhen'iou de la chose par le negoliorum gestor; il n e
vienl gu'aprè , et c'e Lau moment oli il inLerYienl que l'on
renconlre les deux clémcnLc; n éce aire. pour l 'acqu isiLion de la po - c;el>c;ion cl parlant <le la propriété , je ve nx
dire le corpus el l'a11imu s. :'\011 · trouvons, du reste, la
conlirmalion de celle docLrinc dan des texle~ formel :
Paul., SenL. lib. 5, 1. 11, ~ 2. - Dig. , li Y. xu, t. 2, loi 42, l.
Enfin, parmi le-. rnandaLairc , il en esl qui Lienncn l
directemenl <le 1.1 loi le pouvoir d 'acquérir pour auLrui,
cc -..onl les a<lmini - traleur pour le ciLé-, les tuteur~ el
curaLeurs pour les i11f'r11Ues cl l e~ fou~. Loi 1,§ 22 cl 2, V.,
liv. XLI, t. 2. - Loi 7 ' § n D.. liv. x, L. 4. Loi 13,
~ 1, D., li,·. xu, L. 1. - Loi U, § 20, D. , liY. xL1, t. 2.)
s
2° Du mandat d'aliéner par lraditio11.
Le mêmes ioconyéolenL: cru e nou s a\·ons vus pour
!:ac.qui i.Lion par mandataire :-e présentaient auss i pour
1aliénat1on par mandataire. L'évolution s ui,·it éga lement
la même marche cl abouliL au même r ésultat.
43-
Jus tini e n con s Lale cc r é. ulLal (In Lit. , li v. u , L. 1, ~ 42) :
Quand il )' a mandat sp éeial , il n'y a pa d e dilTic ult6. i\Iai quiet du manda taire gén éral ? P e ul -il faire d es actes
d e di po s iti o n ?
L es lnstilutes (liv. LI , LiL. 1, § !13) adm e tt ent l 'a flirm alivc.
D'a utre part , on pe ut c iter en sc> ns contraire un te xte
du Digeste : (liv. rn, l. lll , loi GO e l 62. De procura/o-
ribus)
On a essayé d e con cili e r ces Lextes contradictoires ;
Pothier not am m e nt dis tin g u e e nLrc la libera administratio
e t la simpl e adrnini tration. La libera administratio comporLe l e pouvoir d 'a li én er, que n e co mporte pas la s imple
adminis tra tion. L e pa s age de Institutes veut pa rl e r d e la
libera administr atio ,· celui du Diaeste au co ntraire n e
0
'
l
conce rne que l'ad minis Lraliou impie.
CependanL nou trouvon s d 'aulre text es qui p erm e Lte nt a u mandataire m ô m e ~ imp lc ment général , des actes d e
disposition, p a r exemple, une nova tion.
D. , liv. XLV r , l. 2, loi 20 , § 1 : Pupill"s sine tatoris
auctoritate non potes! noCJare, tu/or potes/.. Si hoc pupilto
expédiat, item procu rator omnium bonornm.
D'a ut res Lextes (l o i 17, § 3, D ., liv. x11 , t. l e t lo i 12, D .,
liv. 11 , t. 14) lui permettent d e d é fé re r un serme nt, d e
plaider, m ê m e de co nsentir un pac te de 11011 petendo.
D 'a utre pari, l'e clavé el le fil d e famille, mis à la tè te
d ' un pécul e, ne peuvent jamais faire d es acte de di sposition ; e t cependant le ur si luaLion est sembla ble à celle du
manda taire gé n éral.
Que conclu re, si non que le p lu o u moins d'étendue
des pouvoirs d ' un mandatai re e t une impl e q uestion d e
fait cl d ' intention ?
Remarquo n s cepe ndant q u o le man<la taire gén éral , m ôme
cum Zibera admi11istratio11e ne pouna j am ais appauvrir
un patrimoine par dos lib é ralités.
�-
44-
En ce qui l'On rern c le neg(ltiorum gestor, l 'alié nation
par lui l'aile ne ::ocra \a lahle cl tlcfinitivc qu'aprè ratificaLion par le 111a1l1 c.
Enfin. il , a Je.., mandataire" gén éra ux ou spécia ux
qui tiennrn~ de la loi e llc-11H~tlle le pouvoil' d'alié n er. Cc
sont ecu-x donl nou" a' O tb tlonn é l'é num ération au chapitre Il. de la Capacité : créan cier gagisle, tute urs, c urateur , clc .....
ClJ.\PITRE Y
Effets.
La tradition tran.,,fère le domi11ium e.r jure Quiritium de
la cho"-e liYrce, a\·ec l'action e n 1·cyen<lication ; so u la
ré<;erYe, toulefoi.c;, de.:; charge.:; qui grcYaienl la cho se entre
le" mainsclutradens: Nemo plw:juris ru! atium trans/èrre
potes/ quam tiJse lwbet loi 20, § 1, D. , liv. XLI , Lit. 1. l1pien R., l. x 1x: , § 7 )
Toulefoi • , ayant ['<'poque de Ju .;, tini e n , i l y avail u ne
première exception pour les res 11wncipi.-"':'\ous ayons nt,
en cfft'.'t, que l'objet dan.;, 1.1 tradition doit être in commercio, corporel, cl llf'l' matu'lj)i. - li en résulte que la propri<·té d'une res ma11cipi n'c-.l pa.:; trnn.:;f"éréc par la tradition. E--t-<.e à <lire pourlant que la lra<lition mèrnc d'une
re:; 11rnw·ipi rc li'
effet? "':'\ullemcnt, e t cc sont ces
effeh que nou allon étu<lier.
li était d e prinripc i\ Rome qu e la propri6Lé ne pouvail
Hre lransférée que par le.;; mocks sole nne ls . - Si donc o n
linait par tradition une res manripi, le tradens rcslait propriélairc: il pournit clone revendiquer sa cho se enL1·c le
mains de l'acctjJiens.
"''lll"
-
45 -
Le m agi Irat f'ul frapp é de celle violation manifeste cle
la bonne fo i , c l peu ~1 p e u pril des mesure pou1· prot éger
contre l es caprice' du tradens celu i qui avait acquis par
des modes non ole nn c l . Pour cela, i l donna à cc d e rnier
l 'exception rei 'iJenclilœ et Lraditœ, donatœ et tradilœ, qu'il
pouvai t o pp ose r au r evendiquant. - Quand l 'a li 6natc11r
se présen tail e n justice cl demandait au magi trat de l u i
dé igner un juge, l e magis trat pcrmcttail au cl éf'cn<l e ur
d ' insérer dan la fo rmul e cc m ols : Nisi res 'iJe11dila et
tradita; nisi res clona la el tradita /iœrit . - Le j ugc ne
pouvait alor ordon ner la restitutio n de la chose q11e si
elle n'avait pa é lé livréc a u dél'endeur à titre de ven te ou
de douatio n .
J\.utre m es ure d u pré teur. - Si l'acquéreur perdait la
posse s ion de lacho c acquise, il n e pouvait revendiquer ,
puis qu'il n ' •tait point propri é laire. Le préteur lui donne
une aclion a na logue à la 1·even dicalion d u droi t civil: cc l'ut
l 'action p ubli cic unc, par laq u c ll c il p ou vaiLr écla m c 1· con l1'e
qui conque Je détenait, l'o bjet d u contra t, co mm e s'il e n
é tait d evenu pro prié taire pa r us ucapion , quasi res usucapla /uisset. Dès ce 111omcut, l'acqu éreu r d'u n e r ho c implemcnt livrée fut assimil é à un véritab le propriétaire; il
ne différait g uè re de celu i-c i que nominaleme nt : au l ieu
d 'être p rop riélaire quiritaire , il était propriétaire bonitaire ) il avait la chose in bonis . 11 e t cependant quelques
légères différences <le d élai! qui m éritent d'èlre signal ées:
l e p r oprié taire bonitairc ne pouvait l égue r per vindicat;onem lares 11uutrt'pi qu'il avail acquise par tradition; - s'il
s'agissait d'un e clave, i l ne pouvait, en l'affran chi sant,
le rendre ci toyen r omain ; - s i cet esclave affranchi é lail
impubè r e, l e propri 6taire bonitaire n'était pas appelé à
l a tut e lle l égitim e.
Sou s J us linie n , la dis tinctio n des res mancipi e t nec
mancipi ayant ùisp~ru , la simple tradition de tout objet
�-
-
46 -
put tran lërer la pr op rié tt', cl i l n \· eu t p l u cette premiè r e
C:'\ccplion que nou" n•noth tlc "ignalcr.
· ne -..cronde c'\ccplion au prin<'Îpc <lu tran -fcrt de la
propriétc c pn•-..1•nk en malicrc de YCnle. - Quan<l un e
' 'ente a de Ctilf· ,tu eompla n t cl q ue la ch o e a é té l ivr ée
en. ex~cuti0n ,Je ln \'Cnle, l'an'1j1ir11s n'en <lcYient pas propr1ela1rc. l:ln' •flll lt• prix n'a p·i-; etc payé. -C'est cc q u e
nou -. tli-,ent lt-.. l '1it11tcs de .luslinicn (liY. u , t. 1 , § 41):
l"e11d11<t· vcro rt.\ d trmlitw 11011 aliter emptori acquiru n tur,
quam si is ve11dituri pretium svl1•erit.
·ne semblable dérogation ,·explique faci l ement. Comme nou<= le Yerron-. tout à l'heure la traditio n à la
,
,
<l'
_1ITer~nce Je, f~<./us lrgitimi, n·cxclul nullement l'appo ilion ù uue con<l1t1on -..u<=pen<=iYc. Or, celte condition 80 .,.
~ens.iYe peul t~lr~ cxpr~...,.;;c ou tacite. Dan- nolrc espèce,
l.i 101 upplée al 10lcnl1on présumcc des parties, et sousen.tcnd dan Loule Yen le celte conditio n s u spensive : «si le
prn: est payé. »Cela est si YT"ai, q ue le vendeur peul retenir
s.a chose j uc:;qu'à parfait payement d u prix (loi 13, § 8. D.,
hv. XJ X, t. 1.)
47 -
rep ose s ur l'inlc rpré talio n p r ésum ée de la Yo lo n lé des
partie , e lle Oéchil ckrnnl une manifestat ion cont raire. Or ,
ce r ésullal se pré c ule d a n s de ux hypolh è es :
1° L e vende ur consen t à n 'avoir d'au tre ga i·an li e q ue
l'actio n p e r so nne lle n ée d e son con lrat. - Cccou sen tcme n l
p e u t ôlre exp rès o u tacit e ; comm e exemp le de con sentem e n t taci te, n ou s po uvo n s cite r l a concessi on <l'un Lerm e
fixe o u in déte rminé po ur le paye me n t d u prix . (Lo i 3 C,
I V 1 t. 54.)
2° Le ven <leur
liv .
'e l fai t con enlir <les sûretés per sonn elles o u réell es : une ca ution , ou bien u n gage o u une
h y p oth èqu e. (Loi 53, D., liv. xv 111 , t. 1.)
De la traditio incertœ personœ. - D'ordinaire, dans la
tr adition, l e lrrtdens cl l'ac('(j>iens se connais.:;cnl <'l jouent
l eur rôl e respectif e n m ème Lemps. 11 est cependa n t des
cas oü l e trade11s aba n don n e sa chose au profil d'u n
accipiens q u ' il n e connait pas e l dont i l ne peu l avoir
au c une i<l ée p récise.
Les Ins tilules n ous e n ci tent d e ux exempl es :
1° Inst., liv . u, L. 1, § 46. - Hoc amplius, interdum et in
Le vendeur ne lran -fère immédiatemen t es d r oits sur
la cho e Ycndne qu'en vue ùu prix. On lni suppose donc
lo~t naturellement l'intention de rc ter propriétaire jusqu au_ pa?'cmcnt; cc droil de propriété qu'il conserve l e
met am la l'abri de lïnsoh-abilité du débiteur.
incertam personam collata CJoluntas domini transfert rei
p roprietatem : ut ecce, prœtores et consules qui missilia
j actant in vulgus, ignorant quid eornm q1Lisq11e sil e.x:cepturus; et tamen quia CJolunt quod quisque exceperit, ejus
esse, statim eum dominum cf(iciunl.
Ce p r emier ras n'offre, à n o tre avis, aucune difficulté ,
Chez nou , au conl1·aire, la règle est que, même en cas
,
·é
1
de• non paYemenl
• a proprt lé n <'D est pas moins transféJ
rec. Celle di.fférence entre le<= deux légi''1alions vient de cc
,
, , d cur non payé a des suretés
que, en droit franrai" ' l e 'en
•
· de réso lu tion, p l'ivilèo-c)
et de ga ran t.tes (cl ro1l
que n'avait
n ous re trouvons ici to us l e él éments de la tradition :
D'ab or d, le rorpus, cela esl de Loule 6videncc; ces pièce
de monn aie que la main re n fe r me cl jette au milie u de la
fou le , voilà bie n la possessio n maté1 i1 Ile dont on se
d e .:; saisi l. Ouan <l à l'animas traclendi, il n'est pas plus
pas le vendeur romain.
d ou te ux chez l e trade11s q ue l'rwimus rem sibi habendi
chez l 'acripiens. L ' u n a l'int ention <le gratifier, l'autre a
l'intention <le profiter de de la gratification. Ces de ux
t>
en oil ' la r è g 1ce l que l e Yeudcur conserve
Quoi qu'il
.
1a propnété jusqu'au payemen t. ~lais comme celte rèale
0
volontés se rencon tren t à u n m o rnent donné.
�-48Il y a donc bien tradition. L e"- empereurs romains eur e nt
.,,ouYent recom' à cc moyen pour -'attirer l es faveurs
populaire .
2• Le second ca.,, e-l plu · douteux. C'e.:; t ce lui du § 4..7,
r.:orlem loco : Qua rntione 1 crius esse 1•idelur, si rem pro
1
dert'lit·to a domino habitam ocrupaC'erit quis, statim eu m
domitwm ef!iri. - Il 'agit ici <les r Ps derelictœ, <les chose$
abandonnée par leur proprictairc, et dont un tiers vient
plus lard s'emparer.
Y a-t-il ici traclitio i11certce perso1ue ? Y a- t-il occupation 1 En <l'autre:::. Lenne.,,, le trade11s reste- t-il proprié taire ju:::qu'à l'appréheo-;ion de la chose par l'accipiens?
ou bien ces,,e- t-il immè<liatemcnt d.êlre propriétaire.
La distinction n'est pa.., san ' inté rêt. 'i l y a occupation, l'inventeur acquiert le domi11ium e.r jure Qzârilium,
que la chose oit manc1jJi ou nec mancipi.
S'agit-il <le tradition. l'acqu éreur n 'en devient propriétaire que 'i la cho ' e e ' t nec mancipi. So u s Jus tinien , on
le ait, cet intérêt <le la <li tinclion disparut.
, \ un au tre point de \Tlte, il y a inté r êt à faire la dis tinction. S'il y a abandon immé diat de la proprié té , on ne
pourra pas Yoir un Yol dan l'appréhension d e l a res
derelicla ; au contraire, <>i l'accipiens ait, a u m o me nt de
l'appréhension de la cho e, que l e derelinquens a repris
l'animus domini, il commellra un vol e n appréh enda nt l a
chose.
Le Proculiens prétendaient que l e derelinquens restait
propriétaire ju.,,qu'au jour où la chose était appréh e ndée
par un tiers.
Les Sabiniens, au contraire, so utenaient que l e derelinquens cessait immédiatement d 'ê tre propriétair e .
Justinien adopta cc second ystème (Insl. , liv. n , t. 1,
§ 4..7) : Pro derelicLo au.tem habetur quod dom in us ea me11le
abjecerit, ut id rerum suarum esse nollet, ideoque statim
dominus esse desinit.
f
On a prélcOllu pourtant que J u:stinicu raltachail ce lt e
Lhéori c à la traditio ÏIU'('l'fœ personœ; on se hase s ur les
mol ' : Qua ratio11e {pour le m êm e motifs), qui sont c 11
tê te du ~ 0..7. JI ais la s uit e du texte m ê me s uffit ~\ d é truire
cel argument: e n e fl'c l le mot d 'occ upation y est e n to11t cs
l e ttres; c l cc qui le pl'ouv c encore, c'es t la fin m ême du
paragra phe : Jdeor;ue stalim do11ti111ts esse desinit.
~lai s alors, objcc le- l-on e nco re, i les tie rs acq11i è rent
par occ u palion, ce ux qui out <le::; droits r éel s s ur l'ol>j ct
ab ando nn é YOJ'\l • ubir un préjudice e n p erdant cc droits .
- ;\ ulle111e11l , car le domi11 11s, e n abandonnan t a chose,
n e p e ul du 111 <\mc coup ahan<lo nn e 1· qu e l e droit qu 'il a
sur cel le chose, non les droits qui appart ie nne nt à a utrui .
Dison · e n lc rn1ina11t lln .,,l., 48, li Y. JI , l. 1). q11 ' il ne faut
point assi111ile r aux res def'f'fi,.tœ l es objet ' pe l'du s cl ceux
je tés à la 111 e r d an s un e tc mpè le pour alléger le na vi re.
Ici. e n e ffe t, il n'y a pas abdication de l'animus do111ù1i.
s
C ll ,\PITHl~
VI
lllo•lalltés dont la t1•adition est. susee1•Hble
:'\ous allo n s examin e !' s uccessivem e nt la couclilion e t le
te rm e .
.\ . -
l>E L.\ CO:"iD l 'f l O~
La co n<lilion pe ul è lre s ns pens iYe ou r éso luto ire . S u sp e ns i,·c, e ll e n e re nd l'accipiens prorrié ta il'C que l e jour
oit ell e se réalise, mai s en ré ll'Oagissant au jo ui· tln contrat· ré s olutoire au co uL1·aire, ell e ann ule le d r o it d e pt'O '
,
prié té qui a é té cons titué le joui' in è me du co ntrat.
lt
�-
50 -
1" Dt ln c(111d1tion suspensfre.
Le" ac/us legitimi (la man ci pal ion, lïn jure cessio, l'adjudicatio), par le ur nalllt'l' mènH'. excl uent l'aµpo ilion
J 'u ne condition sn~tH.:n-..i,·c . En effet, leur caractè r e propre
e L Je rendre innnédialcmenl propriétaire celui a u profit
duquel il "'accompli ... -..enl. C'<'lait lit l'effet des o le nnil és
el des formules qui constituaient ces modes Je lran fort
<le la proprieté. \u ::.i le. partie qui rnulaient insérer
une conclilion dcYaient-ellcs recourir it un pacte joi nt i11
continenti, ùonl l'exécution e tait garantie par l'action
prœscriptis c•erbis.
La lradilion, .w contraire, e::.l parfaitement compatible
avec la condition. :\ou-.. ,n·ons nt, eu effe t, que le s Jeux
éléments <le la tradition ... onl le corpus el lajusla rcwsa.
Or, on peul hic et 11u11r réaliser le corpus, mais recu ler la
JUS/a causa à un autre moment; cellcjusla causa tradc11di,
cet accord des volonlc" n 'c · t soumis à aucune for m a lité,
il esl indépendant de Loule règle; il est donc loi iblc a u x
partie de le faire intervenir à telle époq ue plu lô l qu 'à
telle autre.
La condition c définit: un éYèncmcn t futur e l incerta in ,
de la réali -aliou duquel <lépen<l l'exis tence du droil de
propriété.
La condition u-.pcn::.i,·c peut ètre expresse ou tacite,
non pa en ce en~ qu'elle a été prén1e ou non prévue
par les partie". la condition rentre toujour dans l es prévision de partie . mai-.. Lien en ce ens qu' e lle a été ou
non l'objet d ' une clau::.e . pécialc dans le contrat. Si on la
présente in termiuis , e lle est expre ·se; s i ou l 'a prévue,
sans toutefoi - en faire mcnlion, e lle est tacite.
(a) Condition suspensiCle e.rpresse. - Quel csl l 'effet
d 'une pareille condili on?
Le jour ou e lle e réalise , le tl'ansfert de propriété aura
-
51 -
lieu de plein droit (D., liv. xxx1x, tit. Y, Fr. 2, § 5). Si
peclln iam mihi Titius dederit absque ulla stipulation e, ea
tame11 conditione, ut tu11c dem um mea fieret cum Seius
consul factus esseL, siPe furente co, si"c mortuo Seius consulatum adeptus fucrit, 111crt fiet .
Q u e lle e t la s itua tion d e l'rtc('ljJiens, p e11dn1te conditionc? Est-i l possc sc ur ad interclicta , ou bie n n'est-il
qu ' un s impl e déten te ur ?
U n a uteur a lle ma nd, Sell , pré te nd qu e 1'accipie11s n 'c t
qu' un s impl e d é tenteur. En e ffe t, dit-i l, d an la tradition,
la pos-;cs ion c l la propri é té se confond ent en que lqu e
so1·te ; l ' une es t la conséq uence de l'a utre. O r , ion soumet le tran s fert tic propriété à une condition u p c n i ve,
on y s o111nel du même roup la po session ; i donc I'accipie11s n 'c:;l pa e t n e penl pas è tre un posses cu l', fo r cém e nt il n 'est qu ' un impie <lé lcnl c ur.
L 'a uteur de cc ' )' tèllle se fo n de en oul re s ur un passage du Digeste, liv. xv1, Lit. 11 , Fr. 38, § l : Hoc ampli1ts
existimanda111 est possessio11es sub condilionc traclt: p osse,
sicut l'es sub condilione trarlunlur, 11eque aliter acc1jJientis fiu11t, qrwm conditio c.J::tilerit. Ce texte n 'assimile-L-il
pa d'u n e faron ab o lu c la lra cliti on de la propriété à la
tradition de la po ssession ?
Pour non , nou s ne croyons pas que cc lcxle a il le se ns
ab solu qu'on lui prèle. Il sign ifi e se ulem ent qu 'on peut
su s pendre l'acqui ition <le la possession , com lll c on
suspend l'acqu i ilion de la propriété ; c'c ' l·à-dirc qu e
l ' une comme l'autre sont u scc pliblcs des m è mcs m o dalités ; mais i l c s l loin de jus tifi e r la conclu ion qu'on en
t ire, il savoir que le sorl d e l 'un e csl fatalement lié a u o rt
d e l'autre.
Quant a u raiso nncmcnl <le Sell , quoique p lu s série ll x,
il n'es! pa s ccpen<lanl plu s déci sif. 11 est b ien v ra i qu'en
général, clan s la tradi tion, la po ssession c l la prop ri été
�-
53 -
;)2 -
. ., c trouvent unie -.. ; 11wi .. le contraire peul au~ i se proùuire: l'intention Je-.. pat li e-.. c:oulructanles e l -o uv e raine
à cet égard; celle intention pe ul bi e n èlr e aus ' Ï de distinguer la po es-.ion <le la propriNé e t <le tra n sfére r l' un e
.;;an tran:,.l'érer l'au11·c :\ou-< e n Lrouvon une preuve dan s
le paragraph e llI d es Fragmenta 1 aticana. - Un fu t ur
mari a r eçu ante 1111ptù1s la cho e d 'a utrui aYec es limalion.
L 'u-ucapion, Jit l e lex ie, qui , dan"- cc cas, n e p eu t procéd e r que t ~ emph>. ne lui -..,cra pa-. permi.;;c ava n t le mariage,
l,1 Ycntc étant :.u.;;pcntl uc jusqu'à a co nclusion .
Or, -ur c1uoi se fou<le cc refu.., tl"ttsucaper, e L- ce s ur
l'ab:.ence <le po.:;:,.e-..-...ion!:\ullemcnt,c'e t .:;ur l'ab e n ce de la
jus ta causa. Or, Je ce' <leux cau -.. es, l'une e t sa n s contredi t
plu:. imporlantc que l'autre; je ye ux parler de !'ab e n cc
cumplcte de po.--.c-..-.ion, cl "icelle eau c exi' Lail, le texte
n 'aurait pa ' manqué <le lïnyoquer. C'c t donc que pendente
cofl(/itione, l'accipù:us e-.L po-sse ' <:.e ur.
Cependant, il n e peul jamai , usuca per ; car la Justa
rausa usucapionis n' existera qu 'i1 l'aniYée de la co ndilion .
D., li\·. 18, t. 2, Fr. ~ , pr. : Ubi rullem condùionalis 1Je11ditio est, negat Pomponius llSU('(tpere eum posse, nec /i·uctus
ad eum pertinere.
Il résulle également de cc Lexie et <le · princip e gé n é raux que, pendente co11ditione, le trade11s reste propriétaire : il peut clone concéder de ' <l roil s réel ' , pendente
ro11ditione; quel el'a clone le "Ort de ce droit r éels, s i
la condition c réali~c ? Ce droit réels denonl éYide mment disparaitre, car le trade11s. cessa nt d 'être propriétaire, n 'a pas pu conférer à d 'autr es plus d e droits qu 'il
n'en a l ui-mcm c.
b.,, Condition suspensùie tacite. -
Il esl d es cas 0 11 la
condition u spen s i ve c nt rc s i n at ure lle m en t dan,-:; la prévis ion des parties , qu'elle n 'onl pas e u besoin de l 'insérer
dans le con trat.
~ou-. e n l t'Oll\'O tb un prC'mier exemple clans la consli-
t11Lion d e dot. Un fu tur mari reçoit tradition de la dot, le
Lransf'erl d e pro pr iété se fa it é ,•idem m cnL ic i sous la condition u p e nsive : si 11uptiœ sequallfur .
Un s con cl exe m ple se tro uve dans les Institutes, liv . 11 ,
ti t. 1, ~ 4 L. le i , il n o u ~ f'a ul di Linguer deux hypothèse :
1° Tradition faite en ex<"cu t ion d ' u ne vente au co mplan t.
L'accipiens, ain i qu e nons l'avon vu, n e devie nt pas
pl'Oprié laÎl'e Lant q11 ' il n 'a pa payé le prix; il a ang cloute
les inte rdi t., . auf cep e nda n t contre l e vende ur .
L e tradens reste proprié taire: i l p e ul donc revendicp1e1·;
mai~ nolon g qu e celle r evencli ca lion n 'a pas pour r ésultat
d 'an éan tir la venle, e lle ne fai t que remellre les partie
dans l'é tal 011 e lle étaient ayanl la trad ition. Pour résoudre
la vente, l e parties a maic nl <lù joindre au conlral un
pacte i11 ('011ti11enti, c'est la le.i; commissoria.
2° Tradi tion fait e e u ex6c ltt ion d ' une vente avec Le nn e
pou r l e payem e nt du prix .
L e vendeur ayant ici pleinem ent suivi la foi d e l' ach ete ur , celui-c i devient i111rnédiatemenL p ropriétaire.
San s <l oule ici, comme d a n s l'h y pothèse précédente, le
vcndem peul, pa1· nn pacte adjoint, se r éserve r le droit de
résoudre la vente , au cas de n o n p ayemen t au Le rm e
conve nu ; mais celle ré ~ olulion n e lui fa it pas nne situation mei lleure; e lle n e ln i confèr e, e n e!Tet, n i droit de
uilc, ni dro i t de p réfé re n ce. ll vient au marc le franc.
Le ve nd e ur a pou rtant u n 111oyen de parer it ces inconvén ieuls : il n 'a q u 'ù insér e r clans le conlract de vente le
pactu111 reserCJati clominii.
�54
-
2° Dt ln condition dsolutoire.
La eondilion r('-.olutoirc e t le co n traire de la condition
'u;;pcn iYc: elle n'empêche pas l e tran -fcrL immédiat de
la propriété ; mais clic ré"-OU t cc droit de prop1·ié té, le
jour oit elle s'accomp lit.
La nature mèmc <le cette con<lilion sem bl e nous in cliqncrqu 'elle était incompatible avec l es principes ro m ains.
:\011 :::-aYons, en effet, que la propriété à Rome élaiL pcr pdnelle, non pa·. <>an;; cloute, en cc en q u 'un propriétai1 c gardait à tout jamai la prop1·iété <l'une cho · e; maie;
il ne pouYail renoncer à cc droit q uc par un acte formel de
"" Yolonté et par l'accompl issement de-. -o lennité· requises: l'expiration d'un dclai ou un évènement quelconque
ne pouvaient jamai • lran-férer ou anéantir la propriété.
De là. la que Lion de avoir ... i à Rome le transfert de propriété sou condition ré olutoirc était valabl e.
D'après un premier ~ystème (:\Iayuz), ce transfer t n 'a
jamai été Yalablc.
Cn <>econd système (de \ \'angerow) prétend, au con·
traire, qnïl l'a toujours été.
Enfin, d'après un troisième yslèmc , i l faut dis tinguer
-uivant les époque . Dan l'ancien droit , l e transfer t de
propriété ou · condition résolutoire n'était pas possible ;
celle po-sibilité aurait élé reconnue à l' époque classique
par des juri · con ·ulle progres islcs el acceplée par J u tinien.
C'e · t ce dernier ystème qui, à notre avis, est le
lème préférable.
S)'S·
Xous trou von , en effet, des textes qui prouvent q uc la
propriété n'a pas pu ~lrc transférée de toul temps so us
con di tionrésoluloÏL'e !Fr. 39. D., li\'. xxx ix, til. VI).
.De même \§ 283, Fr. \'atic.:. ) : Si slipendiariomm prœ-
dwrum proprietatem clono dedisti, ita ut post mortem ejus
55 -
qui arccpit, ad te rediret; donatio irrita est, rum ad tempus proprietas trnnsferri nequiCJeril.
Co p ri ncipe, d u rc~ t e , est e n co n fo r mité avec la na ture
du ll ro it de p1·opril'.· Ié à Ro m e; <l'au tr e parl, la con di tion
résolutoire 1w poll\·ail r ésu lte r qu e d' u n parte; or, pactis
et sllj)f{latio11ibus do111i11ia rerwn non transferuntur.
Donc la pro p ri~ l é ne pouvait pas d e ple in droi t fa ire
r e to u r nu t1·ade11s.
~laie; :::i la. co ndi tion résolu toire n'affectait pa l a p r opriété, elle pourn it affecter le con trat. Le tmdens avai t
a lo rs une ac tion personn e lle, u ne condirtio pou r forcer
I'acc1jJie11s à lui rc tra n fércr la propl'iété.
Cc princi pe rcceva il surtou t on applicalion en matière
<le veu le; a u moyen cle la le.r commissoria, on arr ivait à
réso u d re la ven te; au moyen de l'i11 diem addictio, le ven·
dcur se réserve le droi t <le Yendre la chose à toute autre
personne qui , dan un cl6lai don né, lui offrirait des condition s meilleu res.
Le vcndc ul' avai t l 'artio oencliti ou l'actz'o prmsrriplis
oerbis. Ce la résu l te d'une con s lilu lio n d' Alexandre Sévère
(loi 2, C., liv. 1v, Li t. 54.). Celle con s lilution 111el fin à une
controverse e n tr e les Sabini ens cl les Procul icn , sui· l e
poin t de tiaYoir laci nclle des deux aclions compélail au
vendeur pour repre n d1·c sa cho c. La queslion ne se po·ait
évidemment que si le contrat de ven te avait rcçn son exécution; car si la tradition n'ava it pas é lé effectuée, de plein
droit les obl igations n ées du contrnt de veule 'éteignaient.
Les Sabinien accordaien l a u ven deur seulement l'aclio
CJenditi. Eu e ffet, tous l es pac tes adj oi n t. in contine111i à un
con lra t d e bon ne foi son t rtp u lés faire partie de ce co nt ra t, et le u r exéc u tio n est assu r ée cl garantie par l'action
m ême do cc co n tral. Gt si on obj ecte qu' une ve u le résolu e ne pe u l plu s servi r de s u pp or t à u n pacte, on r épond
�-
56 -
que l'intention des partie" c-..t ici «ouveraint>, et que "-Ï
clic-. YCnknt que, m.dgrc la resolution d e ce t·ont1·a1, le.-.;
oblirration"- qui en ... ont tH'l'"" ..;ulJ . . i-..tcnl e ncore , cli c ... k
pl'UYent sari... tlillkultt'.
Le-.. Proculicn~, au con lrairc, voyaient une anomalie
clan le fait de 'C .::.crvir de l'artio 1·ieJl(/iti, clans le but
de prouver qu'il n'y a pl u-. de vente. ~lai"- , cl i aien l-ils. il
,. a du moin~ un contrat innommé: do ut des·' c'e l don''"
J'artio /H'a.<~criptis 1•erbis qui l ui appartient.
c·c.-1 celle contro\·er.-e <{llC' trancha .\lexandre é\'èrc.
en ac<'orclanl au vendeur <'e" cieux action ".
Toutefois . ce" cieux adion-; él'lnl pcr,onnclles ne
garanli""aient que trL'"" imparfaitement l e vendeur. En
effet. ~i la choc avait étc vendue, il ne pouvait pa · la
reprendre entre le ... main.::; de.- lier<: acquéreur"; il n e
pournit pas da,·antagc faire tomber le.::; droils réels dont
elle aYail été grevée' depui" l'aliénation ; enfin , · i l'acheteur n'était pa.; . o lrnbl c, k INtde11s ~ubis·a it la loi d u
concour· cn l rc les créa ncier-;.
.
Les jnri con"ulte" réagirent contre l es dangers de celle
doctrine cl Yottlurcnl arriYcr it considérer comm e résolue
de plein droit la vente.
Deux <l'entre eu\: admirent celle lhéorie pour le ca
particulier de l'in diem addfrtio . . \in i .Jl arcelluc; loi ft,
S 3, D in diem addict. fait ce-;scr. par l'évé nemcnl de Ja
c l d ' hypothèc1ue concon<lition, lou les droit de oo-arre
•
b
!"Coli" par l'acheteur.
0
. ~·lpicn. reprenant celle idée pou1· la généra li ' Cr, l'e fuse
a 1 acheteur, une foi.., la ,·ente résolue, la reven<licalion
<rui lui apparlcnail ju«que-lb.
C'e<>t <lonc que <le plein droit la c hose rentre dans le
patrimoine <lu Yendeur, mai-; ell e )' 1·e ntre sans e ffe l
rétroactif. Si donc <le la traditio u a l' én~ n emenl de la
cond ition , il a alié ué la cho c ou con cnli des droit réels,
ces diver. acte ~ juridiques dcmcurenl san s effel.
-
57 -
Enfin, Justinien alla plus loin dan s ces r éformes cl
consacra l es aliénalions fa ile ad Lempus; el voici, comme
con séquence clc cett e cloctl'Ïne, que lle esl Ja ~ iluation des
parties.-Dè le débul, c'e'l comm e s'il y avait conlral pur
el si mple. Si la condilio n n e se réali e pa , il n'y a rien de
changé ; si e lle se r éa lise, le tradens redevient propriétair e : il p e ul clone revendiquer sa chose . (•:sl-ce à di re
pour cela qu'ou lui re lire les actions personnelle vendili
et prescriptis crerbis? Nu lle me nt, car il est des cas oli la
revendication ne pouvant pas è lre intentée par lui, il ne
pourra intenle1· que le ac tion personnelle .
1° S i, par exempl e, il a aliéné la chose d'autrui, il est
évident que la revendication ne se conçoit que loul aulanl
que le trade11s élail propri étaire au jour de la tradition,
la résolutio n ne pouva nt lui con férer des droits qu'il
n'avait pas.
2° La condictio servira e ncore au tradens pour la restitution des fruits , ca r il ne pe ut pas les revendiquer s'ils ont
é té consommés.
B. -
DU TER:'IŒ
11 en fut à Rome du term e, com me de la co ndition. A
l 'origine, il ne pu l pa s a ffec ter un contrat translatif de
propriété. Nous n e parlon s évidemment ici que du Lerme
extinclif, non du Lerm e s us pensif. Cc dernier, le dies a
quo, cadre parfaitemen t par sa nature même cl avec les
principes du vieux droit romain, e t avec l' inte n tion des
partie s; mais quan L au Lerme exlinctif, le dies ad quem,
il choqu ai t d ircctern e nl Je principe admis à Rome que la
propriél6 é tait perpétuelle.
Le terme extincLif s uivit la mêm e mar ch e que la condition : d 'abord proscri t de l'ancie n droit, il fut, sous les
em pere urs, timidement admis par quelques juriscon sultes
�-
58-
cl, finalem ent . rc~ut de Justinien droit de cité dans la
légi,lation .
Il ne faudrait pa.:; cro ire qu e celle innovation heurtât l e
principe traclitionibus. 11011 111ulis pactis, dominia rerum
tra11s/èrunlur: car le jour oi.1 il ful re~u qu' on pou vait
limiter la proprié té tian" a durée, dè ce jour, les parties
purent convenir qu'tt l'expira tion d' un d élai fixé, la propriété ces er ai l d'appartenir à l'accipiens ; à ce d élai, la
propriété, de plein <lroit, fai.:;ai t retour au tradens; l'accipi~ns ne contractait pas l'obligation de la rétrocéder ;
comment aurait-il pu c'lrc tenu <le r étrocéder une propriété dont il n 'étai t plu ~ investi ?
l
ETUDE
su n
LES DONS 11ANUELS
o'APnÈs
LE DROIT FRANÇAI S
!
�DES DONS MANUELS
CHAPITRE l.
INT RODUCTION
IMPORTANCE
OU
SUJET:
1° A ca u se de l'imporlance du don manuel , imporlanrc
duc l'acrroi e mcnt de la forlune mobi liè re, nolamm e nl ous la forme de Lilres au porteur.
r
2° A eau c de avantages que présen te on caraclère clandes tin; il permel d 'élude r les lois ur le rapporl, ur la
réduclion , s ur la ca pacité de dispose r cl de recevoir, le -ole nnil és gênanles d es donalion s authe ntiqu es, e tc .. ...
3° Parce que la juri s prudence a dû fair e, vis-à-vis du don
manuel , œuvre de vré leur; il n 'est point san s inLér êt de
dégager d es décision s isolées rendues par elles un co rps
de doctrine.
CHAPITRE II.
HISTORIQUE
Droit romain : Avant e l après la loi Cincia.
Ancien droit : l 0 A vanl l'ordonnance de 1731 ;
n
»
Droit ciCJlt :
»
"
2° Sous l'ordonnance d e 1731.
Quel csl le fonde men t juridique du don
manuel e n droil français?
Examen de divers systèmes à ce sujet.
�-
63 -
62 -2° Forme . -
CHAPITRE III.
PARALLÈLE des DONS MANUELS et des DONATIONS
ENTRE-Vll'S
A. -
RESSEMBLA~CES:
1° Intention réciproque d'aliéner et <l"acqztérir à titre gra tuit.-Olfre. - .lcceptation.-Le concours <les Yolontés
doit-il êlrc concomillanl à la lradition; ou bien peu-il
"-C produire indcpendamment d'elle ?
2~ Dessai.sissement irrùocable. - Dis tinguer l e don manuel des donation - à cause de morl.
3° Capacité. - 1° Personne<:. phy ique
2° Personne morales.
»
4° Don manuel fait m•ec charges.
onl-il de ple in d roit
5° Rapport. - Le~ don manuel
ou mi au rapport ou fau t-il une dispense
expre e?
Appendice. - Examen des pactes adj oints
aux don manuels.
6° Réduction. - Le dons manuels onl so umis à la réducLion .
Commenl déterminer l'ordre de l eur date
re peclive?
7° Révocation. -Les <lou manuels sonl révocables comme
les autre donations.
B. 1° Objet. -
DrFFÉHENCES:
Immeubles.
Meubles : corporels.
incorporel s: Nue-propriélé.
»
Usufruit.
Propriété littéraire .
Créances; titres au porteur.
Tradition :
Rôle de la tradition dans le don manuel.
Tradition d'effets mobilier s qu and l'étal
e timalif e l nul.
De quelle tta<lition s'agit il ?
Tradition par l ' inte rm édiaire d' un ti er s.
3° PreUCJe. - Preuve littéral e.
Preuve leslimonial e.
Présom ptions .
Aveu.
Serm ent.
4° Enregistrement. - Loi du 11 frim aire an VCI.
Loi du 18 mai 1850 :
Nature du droit.
Conditions requise pour
l'exigibilité du droit.
Payement du droit.
CHAPITRE IV.
LÉGISLATION COMPARÉE
1° L égislations q ui admellent l e don manuel.
2° L égislations qui le rejellent.
CHAPITRE V.
CONCLUSION
Y A- 1'-1L DES nÉFOfü\IES A lNTilODU 11\E DANS LA LÉG I SLA.T I ON
?
�13 lBLIOGRAPIII E
f
Jul es Claude:
Des Dons manuels. -Thèse pour
le Doctorat, 1885. Nancy.
Dubue:
Des dons manuels . Agen, 1883.
l\Iaurice Colins:
É tude sur les Dons manuel s. Paris, 1885.
P aul Bressolles :
Théorie et pratique des Dons manuels . Paris, 1885.
Dalloz, Alphabé tique : V0 Dis position en tr e-vifs .
Aubry et Rau :
Cou r de Droit civil.
Laurent:
Cour de Droit civil.
Garnier:
Répertoire de !'Enregistrement.
�DROIT FRANÇAIS
DES DONS MANUELS
CHAPITRE 1
lnti•otluetien.
La pratique des dons manu els a pris au co urs de cc
siècle une importanc e considérable . C'est là un fait dont
chacun a pu se co nvaincre par lui-même, et s' il en faut
un p1·cuvc décisiv e, on n 'a qu'à cons ult er la juris pruden ce
e t à voir les nombreuses décisions qui ont été rendues
par ell e à ce s uj et.
Ce lle importan ce, l e don manuel la doit à l 'accroissement de la fortune mobili ère qui s'est manifestée notamment so us la forme de Litres au porteur. Cc n 'est pa s,
comm e nous le verrons plu ha , que le titre au portc ul'
soit une créatio n récente, mais c'est à noll'C époqu e, seulement, qu 'il a reç u ce prodi g ieux développement qui lui
ass ure un e pla ce pre squ e da ns tout patrimoine, qui lui
permet même <le co nstituer la majeure partie de plus
d'une fort un e.
Ce fait n'a point lieu de nous étonner. Jadis, les sociétés se fo rm aient, intaitn personœ, entr e gens se connaissant, habitant la même ville; leur but élail limité; leur
champ d'acl.ion très r es treint. De nos jours, au co ntraire,
pour la r éalisation des grandes entreprises indus tridles
�-68ou commercial ec;, u c:in e , ch emin de fer, etc., l es sociétés se forment moins entre per<:onne" qu'entre capita ux.
Or, les capitaux, la plupart <lu temps, sont r epré enté
par <le" litres qui ne mentionnent pas le nom <le leur
propriétaire : cc .... ont le& titres au porteur. Sans doute, au
d ébut de la société, le.;:. actions ou obligations sont nominaliYes. mais quand cl ics sou l libérée' de la moitié de
leur Yaleur nominale , alors la loi permet de l es changer
en Litre au porteur, afin de faciliter le ur tran mission; cc
litre alor,;; augmente ou <liminuc de valeur, suiYanl que
l e:; <liYi<lende~ <le la :::.ociélé ont plu s ou moins forts.
ans doute. les chance-.. <le perle ou de vol s 'accroi "sent en rai · on même <le facilités qu'offre la po8sibililé
de les transmettre; mais i l'on ' ongc que cc sont de
objet· qne 1·aremenl l'on porte sur soi, et qu'en con séquence ce" chances de perle ou de vol ont relativemen t
a sez rare., on lrouYera que ces inconv éni ent s sont amplement compen "és par les avantages que présente leur
rapide négociation.
D'autre part, la loi de 1872 a permis d'allénuer dan s une
large me ' ure l es chance <le perte ou de vol, en édic tant
des mesures protectrices en faveur des l égitim es propriétaires.
On voit par là combien l'importance des dons manuel s
s'accroit aYec lïmporlan ce même des titres au porte ur ;
rarement on garde chez oi un numéraire con s idérabl e; on
se contente de ce qui suffit aux be oins journaliers; les
titre au porteur, au co ntraire, re "tenl e n portefeui lle et
sont constamment à la di "position de leur propriétaire.
De là une pl us grande facililé d'aliéner <les capitaux d'une
valeur considérable, non seule ment à titre onéreux m ais
encore à titre gratuit.
Ce n'est point là, <lu res te, l a seu le cau se de l ' impOI'tance des dons manuels.
-69Leur u sage fr équent est dû aussi en grande partio à
l e ur caraclè re clan des tin. Le don manuel s'accomplit sans
lai ser de trace; nul acte qui en révèle l'existence . D onc,
à cô té des dan gers qu'on ne saurait se dissimuler, la pratique d es d ons manuels présente des avantages si r éel s
qu e l ' u sage te nd chaque jour à s'en répandre.
Qu e de criLiqu es l'admini s lration d ' un patrimoino n'inspirc -t-ell e pas so il à des é trangers, soit à des proches qui
onl Jlespérancc de le recueillir un jour.
~Iais combien ces cri tiqu es deviennent plus amè r es et
plus viycs qua nd on se trouve en p r ésen ce de libéralités!
L es causes, la qualité, les conséquences des donations
son t l o in d 'ôtre à l'abri de toul soupçon . S'il s'agit d'enfants, ce té moignage d'une préférence qu'on ne dissimule
pa ne manque pas d 'exciter des jalousies, des h aines et
d 'entretenir l a division clans les membres d'une môme
fami ll e . Faite à des étrangers, la libéralité éveille encore
plus l es so up c:ons c l avive encore plus les rancunes.
~lai s Lou s ces inconvén ients dis paraissent quand on
em ploie, pour eITccluer des l ibé ralités, la forme du <lon
manu el. Ici la lihéralité échapp e au regard investigateur
de l'cntoura o-c · n on seul ement au moment même oü la
'
0
l ibéralité se fait, mais enco re pour l'avenir puisque le
don ne lai sse point de trace . Et quand mème le bénéficiaire étalerail publiquement !'enrichi semcnt <loul on l'a
gralifié, rien ne pourr ait en L1·ahir la provenance.
Cc n'esl pas tout.
Ici les r ègles s ur l ' incapacité de disposer et de recevoir
par donation se trouvent comp lè tement éludées. L e médecin l'enfant n a turel le tuteur peuvent recevoir au clcHt
'
'
d e ce qu e la loi l eur assign e; la difficulté qui s'allache à
l a preu ve d u <lon manu e l permet <l'échapper aux lois s u r
le rapport c l s ur la quotité disponibl e. Tel père de famille
qui voudra avantager un de ses en fants, au délrimen t des
�-70-
-71-
autreq, n'aura plus bc,.oin de recourir à des dis imulations
pour tcmoigner <>a préférence; par exe mple, il arriYe fréquemment qu'un père con~cnle ~1 · on l11 • une Yentc dont
il ne touche pa le prix, cl lui dclivrc une quittance
ficth·e. ous couleur <l'une Ycnlc, c'est eu réa lité une
véritable donation qui a été faite, mais le pl11s souvenl
l e· autres héritier n e manquent pas de faire tomber ces
actes frauduleux. Le don manue l permet d'échapper à tous
cc~ procè-. an· doute de ' préfél'ences ainsi témoignées
au détriment des autre· héritier n e ont pas à l 'ab ri de
tout reproche. Il c - t permi · aux partie lé ées de formu le r
<le réclamations; mai" que <le difficulté pour é tablir la
fraude; ici pa- d'acte que l'on ait en mains et dont on
pui-o:c prou>er le caractère men onger oil par la qual ité
m~me des partie - qui y ont concouru, soit par les circonstances dan- le quelle il a élé passé, soit par Ja vi l ité
du prix ignalé, soit enfin à l'aide m ê me de pré~ omptions
graves, préci es, concor<la nlc . Or, 'il e t un cas oü l es
p~ésompli~n- cloiYent aYoir cc caractè re, c'e t bien à co up
ur e n matière de don manuel. Ici il faut prouver plu s que
le car~ctèrc frauduleux d'un acle; il faut , a u moye n de présomptions prom·cr l'exi,tcncc môme de l 'acte et ensuite
démontrer les alleinte qu' il porte à la l oi.
r éfl échir avant de se d é pouiller. Mais cos formalités ne
so nl e n core rien auprès de la ta'.'Ce que la loi é tablit s ur
les donations. Il semble qu'elle ait ainsi vou lu r éserver
à l'Élal presque l e plus clair du don destin é au b én éfi-
Enfin au nombre de enlraYe<> légales que permet d 'élu der
la forme du don manuel , il faut citer e n core l e exiO'enccs
de la fi calité. Si la loi voit d'un d ' un bon œil l e: tran~aclion dan le quelles chaque parLie lrouve son intérôt
per-onnel ; elle e t au contraire l oin de favoriser les
libéralités, qui enri chi,.-enl l'une de parties au déLri· E• t 1· 1,on en excep te les
ment de l'autre cru·I ·appauvrit.
donations par conlrat de mariage, on Yerra que la loi
.
cl e t ou tes orles de formalités
cntraye le donal'o
s oleni n
~elles qui en assurenl la publicité, en rendent l 'exé<;ution
.
irréyocable et sans rc l our e t r101·cent l e donateur a. bien
•
ciai r e.
Or le don m anuel échappe par sa nàturc m ê m e à la taxe
d es donations. Eu effet, co mm e nous le verrons plu s bas,
sou s la l oi de frimaire, pour les mutations de meubles
entre vifs à titre g raluit, la loi fisca le frappe pl utôt l'acle
lui-m ôme que la mutation; or l e don manuel s'effectuant
sans acte, aucun droit n e pouvait être perçu à son occasion . Depuis la loi de 1850, les princip es ont changé. Mais
le caractè r e clandestin du don manuel l ui perme llra, dans
bien des cas, d'échap per aux droits don t il est frappé.
De pareils avan tages so nt bien de nature à assurer au
don manuel, un fréquent usage. Comment s'expliquer
alors que l e don manuel n 'ait pas été l'objet d'une régletive? On n e trouve dans le Code civil ,
m e ntation l écrisla
t>
rien qui de près ou de loin s'y rapporte. Le mot môme
de don m anue l n e s'y trouve nulle part écrit e t on n e
r encontr e clan s l es autres textes, même relatifs aux donations, aucune allus ion au don manuel.
Ce sil ence du légis lateur à l' égard du don manuel, n'est
cependant plus de nature à surpr endre, si l'on veut bien
se rendre c ompte du profond changement intervenu
•
t
dans l es conditions économiques .
En 1804. , à l'époque où ful prom ulgué le Code civil , la
fortune mobili ère n'avait pas, même en p erspective, l' im portance qu'elle a de no s jours. Le Yieux brocard l atin :
uilis mobilium possessio, si u s ité dans notre ancien droit ,
avait encore conscrv6 son antique v igueur au x ye ux des
jurisco n sultes comme dans la r éalité des faits; et il n 'y
avait guère que l es immeubles qui pussent constituer la
valeur d 'un patrimoi ne e t l ~i donner de l'importance. Cha-
�-72-
- 73-
que page du Code porte la trace de ce idées ; la loi réserve
toute sa faveur et toute ·:o protection au.· biens immobiliers et n'apporte aux bicnq mobiliers qu'une attention bien
légère : de minimis non rural prœlor.
Le législateur de 1 80~ n'a pa • été témo in du prodigieux
mouYemcnl de l'indu tric moderne qui a donné à la for .
lune mobilière une importance qu'elle n'avait jamais eue
jusqu'alors.
Son ~ilence n'a donc ri en qui nous étonne. S'il a cru
dernir tolérer le don manuel, il n'a pas cru qu'il méritàt
une réglementation spéciale ; cl dans a pensée, le don
manuel ne devait pa , dan la pluralité des cas, sen· iblement diiférer du cadeau ou de l'aumône. Et si parfoi , il
dernit être ·oumi au rapport ou a la réserve , ain · i que
l'indiquait le tribun Joubert, cc ne devait être que dans
des ca tout à fait exceptionne l . -L'ancien droi t léguait
le don manuel au droit nouYeau, mais tout en lui conservant · on caractère de minime importance, et de même que
l'ancien droit n'ava il pas eu à légiférer sur la matière , de
mème le droil nouveau u 'a édicté à ce sujet aucune dispo·
si tion spéciale.
étaient celles qui pouvaient, qui devaient m~me s'appli·
qu cr au don manuel , quelles étaient celles, au contraire,
qui répugnaient 1t la nature de ce dernier.
Ainsi s'est dévelo pp ée parallèlemont aux donations uno
institution qui s'est en racinée dans nos mœurs .
Le don manu el tantôt cadre parfaitement avec l es principes qui r égissent les donation s, tantôt, au co ntraire, il
y r ésis te. Pour n 'en citer qu'un trait , si qu elque chose est
de nature à assurer !'irrévocabilit é de la donation , c'est bien
la forme du don manuel. Je parle des cas où la révocation
est admise par exception : inexéculion de s charges, ing ratitude, survenance d'enfants. Eh bien! même dans ces cas,
le don manuel es t encore plus irrévocable que la donation
faite par acte auth entiq ue. En effet, les difficu ltés inh érentes à la preuve sont de telle sorte qu 'elles la r end ent à
peu près imposs ible . Je suppo e que le donat eur veuille
reprendre au donataire cc qu'il lui a donné pour un e des
trois ca uses qu e j 'ai citées plus haut : Qui ne voit que la
preu ve ne pourra pa s ven ir d u donateu r ? qu'elle ne pourra
venir que du donataire , de son aveu ; c'est dirn , en
d'a utres te rmes, que le donateur est compl ètement à la
merci du donataire ?
Ainsi s'acc usent du môm e coup une ressemblance c l une
différence de la donation ordinaire avec le <lon manuel. Le
grand principe de !'irrévocabilité des donations a plu s de
chances d'être rio·oureusement
observé avec le don mac
nu el qu'avec les donations ordinairns, puisque dans le cas
où celles-ci pourront ~tre r évoquées , le don man uel ne
pourra l 'ô Lre que difficilement. D'un autre cô té, les difficultés r elativ es à la preuve nou s révèlent tout de s uite la
différ ence q ui sé pare ces deux catégo ries de libéralités :
tandis que la donation ne se prouve et n'existe qu'au
moyen d'un acte authentique , c'cst-~t-dire par la preuve
écrite; au contraire, le don manuel exclut forcément celte
Laju~i prudence a donc eu à construire tout d'une pièce
la théone des don · manuel qu 'a ucun texte de loi po itivo
n 'ayait établie. Elle a eu à remplir , vis-à -vis du don manuel, un rule à peu prc's analogue à celui que jouait, à
Rome, le, prét~ur i1 l'encon tre du droit civil. Le pr6teur,
c.hargé d a~pliq~cr le jus ciiiile aux contestations particuhèrc , antt filll par ~uppl éer aux lacunes de celui-ci . Si
_un texte ne prévoyait pa~ l'cc:.pècc particulière qu'il devait
JUger, a_lors, s'inspirant de l'intention présumée du l égislateur, il la jugeait avec ses propres décisions, calquées
sur celles dujus ciCJt'/,e.
De même, chez nous, la j urisprudencc a eu à dé terminer ' parmi les règles des donations entre-vifs, quelles
•
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-74-
sinon ce dernier pouvait encor e l e re vendiquer au moyen
de l'interdit utrubi.
La loi Cincia, à son Lour, tomba on désuétude el ful
r emplacée par une ins tituti on nouvelle : l'iu inualion.
C'é tait l' inscription d es libé ralités ur un regi tr c publ ic.
Constance Chlore l' imp osa à toutes les lib éralités quel
qu 'en fùL l e taux e l cela à peine do n ullité ; plus Lard, on
en dis p e n sa l es donati on s inférie ures à deux cents solides;
enfin, Jus tinien en dispen sa les dona tion s inférieures à
500 solides. Les don s manue ls n e devenaient donc possibles que dans une m esure restreinte. Cependant, r e marquons que sou s J us lini cn il s du re nt prendre une extension plus grande , puisque c'est à cette é pque que disparut
l'antiqu e d ivision des choses en res mancipi e t en res nec
preuve; et si l'on excepte lec:. conve ntions qui accompagnent
le don manuel el qui .;e prouve nt conformément aux r ègles
ordinaires en matit'rc de donation , il n e r e te pour le
don manuel que l'aveu el le ::;ermcnl. - )[ais ce n'est là
qu' un eu l rapprochement; il e n e l ~'autre· qui m?ritent notre allcntiou. C'c"t ce parallèle int ér essant qm va
faire l'obj et de cette é tude.
ClL\PITRE Il
Disto1·ique
Le mot de don manuel n 'était pa connu en droit
romain , mais la ch o e existait. L e don manuel n'était
point un contrat particul ier, i l élait l 'application la plus
directe de · principes du droit en matière de donation .
La simpl e promesse de donner n'obligeait pas, ma is lorsque au con ·enlem en l venait se joindre l'exécution , le
contrat était parfait par l ui-même. L'obje t <lonné devait
être un res nec mancipi; i l'on uppose, en outre, qu 'ell e
était mobilière el que l e tran sfert de propriété se fai ail à
titre gratuit, on a là Loue; le é lément· <lu don manuel.
La loi Cinci:>. vint apporter quelque modification à ces
principe . D'abord, elle limita le taux des libéralités en
fi."\:anl une valeur qu'elle· ne pouvaient dépasser, sous
peine de nullité . )lai · l'appli cation que les jurisconsul tes
firent <le celle loi vin t que lque peu dénaturer le don
manuel. En effet, en cc qui concerne l a donation des
objets mobilie r , n on seul e me nt il fallait qu'il y cùt un
transfert de propriété cl de tradition , m ais enco re il fallai.L
que pendant l'ann ée de la donation, le d on ataire et'.tL possédé l'objet mobilier plu s longtemp s que le donateur;
mancipi.
-
...,
Notre an cie n d r oit admit l ui aussi la validité du don
manuel. Nou s e n trouvons la p re uve dan s maint passage
de nos vie ux auleur.s. Pour n e citer qne l es princi paux ,
Ricard n ous dit : Traité des Donations cot r e-vifs et des
testam en ts , 1 ro par ti e, ch. IV, Sat. 1, n° 890 : (( Il y a des
biens d'une certaine qualité à l'égard dcsquel la donation
peut se perfectionner san s écritu re el môme par la eulc
exécution pré ente, com me sont les deniers el les meubles qui n'onl pas d e s uite; telle ment qu'il sonl présumés ap pa rtenir à ce ux en l a possession <lesquels ils se
trouvent, si cc n 'est qu 'il soil justifié que le ur posscs ion
est furtive e t de mauvai e fo i.
» Nos co utu m es e t les ordonnances qui ont prescrit des
l ois pour les sole nnités des donations, n 'onl pas compris
ce tte espèce de biens, mais seulemenl ceux qui ne peuvent pas être Lransm is d' une personne à une au~re, sans
un titre par écrit, comme sou l les im meubles, à cause de
leur r éalité qui fait qu ' une pe rson ne qui y a eu une fo is
dro it, l e con serve, quoiqu'il en ait perdu la possession, à
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-77-
moins qu 'il ne s'en soit dépouillé volontair ement par un
acte légitim e, ou qu e le noll veau possesseur ne l'ait prescrit par un temps suffi san t. E t po ur ce q ui est des meubles
qui ne sont pas sujets à cette s uite, rien n 'e mpêch e qu'il
ne se puissent transmettre soit à titre de vente , de
donr. tion, ou autrement sans co ntrat p ar écrit.
Ce qu e nou s venons de dire n 'a pourtant li eu que quand
la donation d'une cho e mobilièr e est exécutée présentement ; car si elle était faite d'une somm e de deniers à
prendre au décès d u donateur, il n 'y a point de doute qu 'un
écrit ne fut nécessaire . »
Ferrière est tout au ssi exp licite . (Coutum e de P aris . Des don ., tit. xm , p. 55.)
Une donation de meubles pe ul être faite sans acte soit
pardevant notaire ou so us sig nature privée, pourvu qu'elle
soit présentement el actuel/,ement exécutée, o u que les
meubles so ient transférés en la possession du donataire,
et si c'est de l 'argent, qu'il so it payé e t co mpt é acLuell ement et r éellement. - La raison es t qu e les me ubles
n'ont pas de suite par hy po th èq ue; au ssi ils pe uvent être
transférés hors la possession d u maitre d 'ice ux, par sa
seule volont é, san s qu e le dona taire en p uisse être po ursuivi, soit par le dona te ur, o u ses héri tiers, o u ses cr éancier s. »
défunt parce qu'il ne s'agissait que de sommes, de deniers dont il s'était dessaisi à mesure qu'il les avait employés. »
L e de uxiè me arr6t esLdu 4 aottt 1564. - Un particulier
avaiL été po urvu du prieuré de Saint-Pierre-le-Mou sti er, à
la charge de se îaire r elig ie ux dans l 'ordre de Saint-Benoit.
Ayant pronon cé ses vœ ux dans l'abbaye de Saint-Martin
d'Autun , il r éalisa pendant le temps de sa po ssession de
nombreu ses améliorations dans les bâtim ents du P rieuré;
il cons tr uisit un e bibliothèqu e et la garnit de livr es ; il
ach eta des o rnements pour l'église et fit me ubler le
prie uré.
Après sa mort, il y e ut con testation ; l'abb é d'Autun et
les relig ieux de la Congr égation de Sainl-1\laur pr étendir ent q ue Lous ces obj ets faisaient parti e du pécule du
défunt, qui le ur revenait à eux, puisqu'il avait fait profession dans cette abbaye .
Mais la Cour décida qu e ces obj ets demeureraient au
prie uré, à cause de leur destination.
Ainsi la doctrine et la j urisprudence s'accor daient à
r econnaitre la validité du don manu el. En 1731 survint la
fameuse ordonnance s ur les Donations, du e au chancelier
d'Aguesseau . Celle ordonnan ce assuj ettissait les donation s
à des fo rm es rigo ure u es, mais elle n 'atteignait pas le
don manuel. L'illu tre aute ur de cette ordonnance n 'hésite pas à l e déclarer lu i-même dans une lettre qu'il
écrivit au P arl ement de Bordeaux, qui seul avait fa it à ce
suj et q uelques r ern ontrances : «à l'égard d u don qui se
con somm er ait sans aclc par la tradition réelle d' un meuble
ou d' une som me modiqu e, l'art. 1er de l'ordonnance nouvelle, n e parlant q ue des acte portant donation, ~ ·a poin ~
d'applica tion à cc cas q ui n'a besoin d'aucune 101. Aussi
quoique la mèmo q uestion p uisse également se présenter
dans los différentes provinces du royaume, au cune autre
La jurispr udence, elle au s i , reconnai ssaiL la vali dité
des dons manuels, des dons de main-chaude comme on
les appelai t alors. 1 ou s cileron s no tamment deux arrêLs
du Parlement de Pa ris.
)
~e prem ier est de l'année 1607. - Un évêque d'A uxerre
avait employé un e so rn mc consid érable an bâLimen t d'un
collège dans celle ville, san s aucun aclc de clonaLion.
Après so.n décès, ses h ériLi crs préLendi renl q ue l es bâtiments fa Jts leur appartenaient . - Mais la Co ur j ugea q ue
le collège deme ureraiL à la ville s uivant l 'in tention d u
�-78-
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Compagnie que la yôtre n'a été touchée de cet inconvénient. >>
C'était aussi l'interprétation qu 'en faisaient nos anciens
auteurs ; ainsi Furgole disait : « Il faut prendre garde que
notre article n e dit pas: toutes donation ~ entre-vifs, mais
simplement : tou s actes portant donation entre-vifs. Il en
r ésulte que si la donation était de meubles, dont la tradition eut été r éellement faite, elle ne serait pa s nulle,
comme elle ne l'était pas aoant la p résente ordonnance. »
Pothier partageait pleinem ent l'avis de F urgole. (( Les
donations de me ubles co rporel s, lorsqu 'il y a tradition
réelle, ne sont snj ettes à aucune form alité, puisqu'on p eut
même n 'en passer aucun acte. >>
Une derni èr e question se po se, i ci : Les dons manuels,
a-t-on dit, n'étaient valables dans l 'ancien droit que s 'ils
avaient pour objet des choses de vale ur modique, et l 'on
cite à l'appui de cette opinion une le ttre de d'Aguesscau.
En droit , nou s pensons que cette opinion est fa usse . En
effet, quel est le tex te de loi que l'on peut invoq uer pour justifier cette théo rie? Un pareil système n e pourrai t être exact,
au point de vue juridique, que si l 'on avait fixé un taux,
comme en droit romain le modus legis Cinciœ . Ce qui est
vrai, c'est que dans l'ancien droit les dons manuels n'eurent jamais en fa it g rande importance; l'argent était le
seul des objets mobilier s qui pût donner quelque vale ur
au don manuel. Mais l'histoire ne nous dit pas qu'il y ail
eu de fortes lib éralités de cette sorte. Lors que elles se
produisaient, c'étai t pour doler les enfants; e t -po ur peu
que la somm e eût quelqu e vale ur, il était dans l'u sage de
r édiger la donation, (No uveau DenisarL.)
De l'ancien droit, le don manuel a-t-il passé dans le
droit nouveau ?
suj et aucune disposition législative. Mais ce doute s'accentue enco re davantage lorsqu'on se met en présence de
l'article 893 code civil : « On n e pourra , dit cet article,
disposer de ses bi ens à titre gratuit que par donation
entre-vifs ou par t estament et dans les formes ci - ap rès
établies . Ce texte est on ne peut plus impératif. Il faut
donc nécessairement employer ces form es. En ce qui
concerne la donation entre-vifs qui nous in téresse plus
particulièr ement, ces form es sont l 'acte authentique, l 'acceptation expresse et solennelle, et lorsque la donation
porte sur des obJets mobiliers, un état l'estimatif.
Mais ces raisons s i puissantes soient -elles en apparence
ne doivent pas nous arrêter. Le code ciYil, dit-on , n e
parle en aucune façon du don manuel; mais y avait-il,
dans l'ancien droit un texte qui parlât du don manuel ?
Pas plu s l 'ordonnance de 1539 que celle de 1731 ne prononcent le mot, et nous ne le r en controns que da ns les
explication s détaillées q ue les commentateurs ont donn ées de ces ordonnances.
Ce n 'est que dans la doctrine et dans la jurisprudence
qu'on l e renco ntre, non dans un texte de loi positive. Et
cependant sa validité n e faisait aucun do ute pour personne.
Pourquoi en serait-il autrement so us le code civil ? L'histoire m ême du don manuel nous démontre, puisqu'il avait
é té toujours admis, la nécessité d'un texte formel, non
point pour l'admettre, mais bien, au contraire, pour l'ex-
On est tent é d'en douter si l'on songe que le code civil
n'en parle dans aucun article et qu'on n e rencontre à ce
clnre.
Du reste, de puis la loi de 1850, cet argumen t a perdu
toute sa valeur. En effet, cette loi dit expressément:
actes portant déclaration ou reconnaissance du
<( Tous
don manu el i>
Nou s venon s de dire qu'il faudrait un texte inhibitif;
or, n e serait-ce pas l 'ar ticle 893? Nullemen t. E n effet,
l 'arg ument tiré de l'article 893 est loin d'avoir la portée
�-80 qu'il semble avoir tout d'abord . Il dit bien , san s doute,
qu'il n'y a que deux façons de fa ire des libér ali tés; et
cependant il est des libérali tés , reconnues par le code luimême, q ui ne sont point du tout ass uj e tties aux formalités
rigo ureuses des donations entre-vifs ; telle es t, par exemple, la r emise de dette ; il n'y a là d'autre forme q ue la
remise même d u titre q ui con state l'obligation ; il n 'est
pas besoin qu 'il y ait un acte au lhen Liqu e . T elle es t en core
la stipulation pour au trui , aux ter mes de l'ar ticle 1121 ;
ici encore dans un acte sons-seing privé on peut faire
une donation ; il n'est donc pas rigour eusement n écessaire de recouri r à un acte authentique . Mais alor s comment expliquer l'article 893 du code civil ? L e voi ci : Cet
article a eu po ur but d'abroger les donations à caus e de
mort qui existaient en droit romain et dans notr e ancien
droit.
En effet, pour entraver le plus possible les libéralités ,
la loi a voul u l es déclarer irrévocabl es, de fa çon à obliger
l e donateur à bien r éOéc hir avant de se dépo uiller ; c'est
l 'application de la maxime fameuse : Donner et r etenir n e
vaut. Or , les donations à cau se de mort élu daient co mplètement cette r èg le fondamentale , à ca use du j us p œnitendi qui les caractérisait. - C'est pour les abolir que le
Code civil a édicté la disposition for melle de l'art. 893.
Le Code civil , en ne conservant plus que deux form es de
disposer de ses biens, a employé la forme exclusive. « On
ne pourra ... .... qu e par , etc ... »
Ainsi donc les raison s d'écarter le don manuel n 'étan t
pas décisives, l e don manuel e:x.iste ; mais quel en esL le
fondement j uridiquc ?
D'après un premier système, l e don manuel n e devrait
son existence qu'à ce lte maxime dont il serait l 'application: cc Il faut tolér er cc qu'on ne peut empêch er . » Ce
système , d'un pessimisme bien prononcé , a l e tort, à no lre
-
81 -
avis, de n'avoir aucun e vale ur au point de vue juridique .
En e ffet , i le don manuel n'e ntre point dans les vues d u
légis lateul' , po urquo i <l ire q u'il fa ul le tol érer ? - Si sa
mani fc ta lion e t une violation flag rante de la l oi, on n 'aura
qu'à l 'a nnuler com me on annule les actes fraud ule ux ; mnis
on n 'a point à les so111nettrc aux r ègles de fon d des libéral it6s e ntre-vi fs . Les actes fraudul eux, eux aussi , on ne
peut l es cm pèche r. Est-ce un e rai on de les tolérer ?
Un au tr e sy tème voit da ns le don manuel l'exécution
d'une obliga tio n 11alu rell c; une fo is la tradition faite, le
donaLCu r ne pe ut plu s rep rend re sa cho e, par application
de l 'article 1233 C. C. -Jlais on oublie de n ou dire quel
est le fo ndement de celle obliga tion naturelle. Et ce qui,
en o ut1·c, prouve l'in co nséque nce de ce sy-tèmc , c'est
qu 'on ne l'ap pli qu e pas à la trad ition d'immeuble faite
après une do natio n irrégulière; or, il y a dans co cas
comm 0 dao l'a utre, mê me raison d'appliquer la règle.
U n tl'ois iè mc ystè111 e trouYc le fo ndement juridique du
don manu el dans l'a rt icle 2279 : ((E n fait de meuble , possession Ya ut titre.» La po ~e s iou est, dit-ou , la meilleure
garan tie qu e p uisse avo ir le donataire pour le protége r
contre les ca pricie ux repentirs du do nateur. Quelles prcuYCS ce dern ier alll'a- t-il po ur établi r son prétendu droit de
propr iété cl lui reprend re ainsi les choses dont il l'aura
g ratifié? La tradit ion conso mme tout , et mieux que to ut
a utre moye n , as u1·c l'il' révocab ilit é du don. Toutefois ,
n ous n e no u ' rangeons pas darnntage à cc système. En
e ffe t, à n os ye ux, il expli que sur toullcscon équcnces du don
manuel, bien plus q 11'il ne no u en expose nettement le fondement jmicl iq uc. Il e t bie n Yt'ai qu'une fois la tradition
fai te, il se 1·a difficile au do nateur de reprendre 'a chose .
l\Iais s i le don ma nuel éta it con lraire à la loi, s'il con liluait un ac te frauduleux, on po urrait en prouYer l'existence
par tou s les moyen s po ssibles, môme par de simples pré6
�-82 somptions; et si ce preuves sont parfois matériellement
difficiles, elles ne son t pas pour cela juridiquement im possibles.
D'autre part, l'article 2279 a une portée tout autre que
celle qu'on lui assigne. Ce n 'est pas lorsque l e procès s'élève enlre donate ur e t donatail'e que cet article peut être
invoqué; dans ce cas, le fait de la possession met bien à
du demandeur , c'est-à-dire du donateur, la pre uve
l a charo-e
0
de l'obligation de rendre, mais n'exclut pas cette pre uve.
L'article 2279 ne doit ètre iuYoqué que lorsque l e procès
se passe entre le prop r iétaire e l un tiers délentenr; s i on
ne prouve pa la mauYaise foi de ce dernier , l e fait de sa
possession exclut toute preuve de propriété, cette pre uve
fut-elle certaine. L'a rtide 2279 a é té , en effet, édicté pour
protéger le possesseur ac.::tucl d'un meuble contre l es r evendications même légitimes d'un Liers propriétaire.
Exemple: Quelqu'un me vend ou me donne un meubl e,
survient uu tiers qui veut le repre n dre en tre mes mains
sous le pré texte que cet objet était s ien et qu'il ue se lro uvait qu'à titre de dépôt aux mains de celui qui me l'a vendu
ou donné. Sa prétention peut êtr e jusle i elle échouera
pourtant devant la maxi me: «En fait de meubles .... , >i que
j ' invoquerai pour ma défense. La prétention du réclamant
n e r é ussirait que s'il y avait eu perle ou vol. ~lais clans
l 'exemple que nous venons d e citer, il y a abus de confiance; donc la maxime: «En fait de meubles, posses ion
vaut titre >i recevra p lei n e ment son applicalion.
Cetle règle, qui de prime abord peul paraitre injuste, a
été édictée pour é laulir la sécu rité des transactions co mm erciales. Si l es tiers acquéreurs n 'étaient pas gara ntis
contre la revendication <lu propl'iélairc, jamais ils ue trait eraient. Il n 'en est pas de la ven te des m eubles comme
de la vente des imm e ubles. Dans ces dernières, l 'acq u é·
r eur demande toujou r s au vendeur ses Litres de propriété;
-83 mais la vente des meubles se faisant sans titre , il serait
difficile au vendeur de produire au nouvel acquéreur un
titre qu'il n 'a pas. Voilà pourquoi a été fait l 'art. 2279; il
supplée au défaut de titre.
Mais dans les rapports des parties entre elles ou de
l e urs héritie rs ou ayants cause à titre universel, la r ègle
n 'est plus la même . lei , l' une des parties, le prétendu donateur peut établir que l'objet n'était a ux mains de celui
qni le détient qu'à Litre de dépôt, par exemple, qu'en conséquence sa détention n 'était que précaire, et qu'il était
obligé de r estituer l 'objet. Ce n'est plus la reYendication
que le d emandeur intente; c·est une action personnelle
dérivant d'un contrat ; le défendeur ne serait donc pas
admis à exciper de l'article 2.279 qui n'est fait que pour
éviter les actions r éelles.
Ainsi donc l'arlide 2.279 n 'est pas le fondement juridique du do n rnannel.
On dit qu elquefois que l e don manuel est de droit natut'el. << C'est un acte sui genel'is qui ne relève que des
lois de la morale, de l 'uti lit é et de la raison qui sont les
seu l es bases fondamentales <ln droit des gens» . (Dalloz.
R épet'l. V 0 Disp. cnlre-Yifs, n° 1647). - Ou nous comprenons mal ces mols, ou ils signifie nt que le don manuel a
de tout temps existé; qu'impatient d'une discipline, il ne
tient que de lui- même ses propres règles el ne saurait
s'astreindre à une régl ementation po itive. - Cc y Lème,
qui contient une part de Yérilé, est cependant exagéré.
- Sans doute ) t)o-rùce à sa nature expéditive cl facile, le
don manu el a cxi.:; lé de tout temps ch ez les hommes; sans
cloute, l e don m an11c l produit en droit ch·il des cITcLs que
l e droit natmel reconnait. - filais cel a ccord de l'histoire
el du droit, celle concordance du droit naturel cl clu <lroit
positif ne font que mieux r es ortir encore la nécessité
d'une r églementation positiYo; s i le don manuel e t <l'u n
�-85-84tel usage parmi les homme , ~ 'i l est à ce point e ntré dan s
les mœurs, qui ne Yoit qu'il faudra as ~ urer à c hac un les
droits qui en <léco ul cron l el lui en garantit· le libre exercice, puisqu 'il les aura 16gilim ement acquis ? Ainsi le
droil naturel peut bi en inspirer ou aider le droit po sitif,
il ne saurait le suppl 6e r complèle ment.
Le fondemen t d u don manuel, selon nous, se trouve
dans l'hislorique et dans les trava ux p réparatoires . L'arLicle 931 C. C. est, en cfTct , la r e produclion lill é rale de
l'article 1er de l'ordonnan ce de 1731. Or, sous l 'empire <le
celle ordonnance, le don manuel é tait tenu pour va lable;
les rédacteurs du Code ont donc voulu reproduire l 'ancien droit , r elaLiYemenl aux donations, sans apporter
la moindre innovation ; il ont donc maintenu le don
manu el.
D'autre part, Joube rt , dans sou rapport a u Tribunat,
disait : «Les don s manu els ne sont susce ptibles d 'auc une
forme ; il n 'y a là d'a utre règle qu e la tradition, sau f néanmoins la réduction el le rappor t dans les cas d e droit ».
11 était donc bi en dans l'inte ntion du législate ur de 1804
de maintenir le don manuel.
Sa rnlidité une foi s reconnu e e t juridiqu e me nt é tablie,
entrons dans quelqu e d 6Lails et yoyon s e n quoi il ressemble à la donation entre-vifs, en quoi il e n diffère.
CHAPITRE III
Parallèle du don 1nanuel et des donations
ordinaires.
A. § 1. -
POINTS DE RESSEMBLA.N CE
Intention d'aliéner et d'acquérir.
Le do n manu el, é tant un contrat , exige ch ez l es d eux
parti e contractantes, l'intention réciproqu e d'alié ner e t
d 'acqu é rir à tit re gra tuit. La doctrine el la jnri prudence
sont d 'accor d ur cc point. Ce n'est là, du r e te, que
l'a pplication de principes en mati ère de conven tion ;
sans consentcn teme nt , pas de cont rats : qu'il 'agi c de
con trat à Litre oné:rc ux ou à titre g ratuit.
L'int e ntion d'a li éner au profit d 'une personne déte rminée c L soumi se aux règles gén érales de la pollicilation;
nota mm ent , lanl que l'o ffre n 'a pas été acceptée par le
donataire, elle peut èlre révoquée, à moins que le donateur
n'ait acco r <lé au d onataire un certain délai pour réfléchir .
E n econ d lie u, la pollicitation doit èt re acceptée du YiYant
du d o nateur , mè me ~ i l'offre se fait par l'intermédiaire
d ' un Lier ·. Cc dernier point a pourtant été contesté, et la
juris prude nce 11 0 11 présente, à cc s ujet, les dtci<>ions les
plu s op posées ; mais l'examen de cette question lro uYera
sa place a u chap itre de la tradition.
L'inte ntion d 'acqu é rÎI' de la pnrt du donataire ne doit
pas ôt re moin s ccrla ine q uc l'intenti on d'a li(·n cr chc1 le
donate u1·. On sait , d'a illeurs , qu 'en matière d e donation,
�-
86 -
l'acceptation est soumise à des r ègles fort rigoureuses;
ainsi, elle doit être so le nnell e et expr esse.
Mais en mati è re de don s manue l s, peul-on dire que
l'acceptation tombe sous l'application de l 'ar ticle 932? Je
ne le crois p as. L'a rticle 932, se r 6f6rant aux forma lités
des donations entr e-vif , ne sa urait se rapporter à nolre
esp èce, pui sque en dehors de la t radition, l e don manuel
n 'est soumis à aucu n e au tre forma lité. L 'inte ntion <l'acquérir à titre g r at uit doit cxi ter sans doute , mai s e lle n 'a
pas besoin d 'ê tre expressé me nt for mulée dans un acte
auth entiq ue, que cc soi t l 'ac te de donation lui-même ou
un acte isol é. L' existen ce de ce consentement n'e t donc
pas s ubordonn ée à l 'acco mplissem e nt d'une so lennit é; de
quelque façon qu'ell e soit constatée, elle produit son effet.
(Paris, 7 décembre 1852.)
. Ce tte intention d 'ali é n er c~ ez l ' un, chez l'au tre d'acq u é1
rir n est au tre chose que lajusta causa traderuli du droi t
ron~ain . Seulemen t, tan dis que e n droi t romain , la justa
c~usa tr~uvait sa raison d 'être dans un fai t ju ridique an téA
qui s'exécL1ta1·t 1)acr 1a t ra d't·
rieur
e, ou bien pouvait
1 ion mvm
,
a elle se~ le constit11cr un con Irat i solé , en droit fran ça is,
au contraire, elle <loi L nécessa irement être isolée ; elle est
un contrat par elle-même el n on poin t l 'exéc ution <l'un
contrat antérieur.
Le don manu el n 'es t, e n effet , soumis à auc une aut re
formali té que la tradition. Si donc l e consentement a été
donné
11e u1 ., on se t r ouvera en pré c nce
, un acte .an té,·
. dans
ou bien dune donat1on entre-vifs, s' il s'ao-it d 'u ne libéras'il s'ao-it de conlité, ou d ' un e vente ou <l ' un échan()'e
0
0
'
·
é
trats,. à Litre
. on , reux, mai s cc ne se l'a pa s le <lon manuel.
L mtcnt1on d al ié ner el d 'acquérir à titre g ratuit n 'est
pas nécessaire seu lemen t à l'ex istence dn don manuel;
elle, se rt aussi· a· l L11· d onner son carac tère de li!J6ralité.
A 8 en Lenir aux appar ences et aux formalit és , bien des
-
87 -
con tra ts r essembl ent au don manuel ; le prêt, notamment,
se forme par la remise de La chose : c'est un contr at réel;
l'obligation de restituer la chose ne prend naissance qu'au
m o ment m ôm e où la cho e est remise, au moment où
s'eITecLuc la tradition ; en ce qui concerne le don manuel,
la propr iété <le l 'objet esl aussi transmise sans doute par
l e gcul consenteme nt; mais co mme l e plus souvent la
tradi tio n l'acco mpag n e, c'est a u moment où l a tradition
s'accomplit que la propriété passe d' une tête sur une
aut re. Mais comment savoir s i c'est la propriété qui vient
de se transmcLLrc ou si c'est l 'obligation de restituer qui
a pris nais ancc avec les autres obligations que la loi
attache à ce contrat de prôt ? C'est l' intention, et l'intention seule des parties, qui pourra permettre de faire la
di stin c tion.
Ce que j'ai dit du prêt s'applique aussi bien au dépôt ou
au gage ; dans l ' un et l 'a utre cas, il faut qu'une partie
fasse à l'autre remise <le l'objet, cet objet est mobilier
comme dans l e cas <lu don manuel, et la partie qui le
reçoit contracte plu icurs obligations, entr'autres celle
de conserver la chose en bon pè re de famille, et celle de
restituer. Mais fi quoi rcconnaitra- t-o n que ce sont ces
obligations qui ont pris naissance plutôt que la propriété
qui a été lran férée, sinon à l'intention même des partie~?
L' importance de ce consentement fait tout de suite comprendre l'inLé r è Lqu'ont les parties à le bien établir. :'\lai ~
c 'e t là une que Lion d'une nature différente, qui Lrouyera
sa place , quand nous parlerons de la preuve.
A quel mome nt doit se produire l'accord des deux parties? 0/o us ayons vu que l'offre ell'acccptalion pouvaient se
faire simul1ané111c11 t ou bien e.ri11ten1al/o-ponrvu ùumoins
q ue l'acco rd tics parties se fit tlu YiYant de chacu n e d'elles.
Cc n'es t point li\ la question qu'il s'agit d'examiner ici. ll
faut savoir s i l'acco rd des volont6s doit être concomitant
�-88-
-
à la tradition de l'objet donné ou s'il peut se produire
in dépendamment de la tradition.
Celle question rcYient ~1 ce ll e de savoir s i en mat iè re de
don manud la tradition c t nécessaire au tran ferl <le la
propriété ou bien si ~l lui se ul le consentemen t des parlics
suffit pour opérer ce changement. Or, il im porle ici de
bien préciser la q uestion. To ut do n manu el cornportc
deux conditions au si nécc aires l' un e qu e l'autre : le
concours des volontés c l la t1·adition. Mais ces conditions
se trouvan t r éa li sée , quelle c t ce lle des deux qui j oue
un rôle prépondérant ? Ont .elles, au contraire , une égale
importance ? Pour nou s, la so lution de cette queslion ne
saurait Mrc douteu c, en regard des principes géné raux
de notre législation en mati ère de tran 'ferl de propriété ;
aujourd'hui , entre le partie conlrac;lantes du moin ~ , le
seul consentement suffit à o pérer le transfert de propriété ;
l'article 1138 e t, en effet, ain i con \ n : « L 'obligation de
livrer est pa rfaite par le seu l con ' cn temc nt <les parties. >i
EL l'article 988 au litre des donations : « La proprié té es t
transférée entre le donateur cl le donataire par le ' Cul
effet du co nsentement des parties et sans qu 'il soit besoin
d'autre tradition. »
Donc la seule intention réciproque d'aliéner ~t d'acquérir à titre grat uit s 11ffit pour opérer le tran fcrt de
propriété, soit que le don manuel emprunte ses règles
aux principes des contral , oit qu'i l les emprunte aux
règles particulières de la donation.
Il s'ensuit q11e le con entcment peut exister indé pen damment de la tradition , el l'éciproquement la traditio n
peut être ind épendante de l'intention des parti es contractantes . Toutefois ces deux ca ne sont pas an s différence;
t~n.di s ~uc le conscntem cn l t ran s fè rc la propri él6; la lrnd1t1on a ell e seule ne le ln1n sfèrern 1·amais · - le consen'
t emcnt constitue à lui seul le contrnt; la tradition n 'en
.
89-
est que l'exécution. A son tour, la tradition a sur le consentement l 'ava ntage de caractériser le don manuel; le
consentement est, en effet, aussi bi en de la donation proprement dite que du don man uel; mais tandis que pour
la donation , l e- forma lités exigées par la l oi sont nécessaires à so n ex istence; au con traire, le don manuel se
consomme se ul par la trad ition . Cette démonstralion se
complètera par les développements que nécessite le chapitre de la tradition.
§
II. -
Dessaisissement inùocab/,e.
L'inten tion de donner est un élément nécessaire du don
manu el, com me de Loute donation entre-vifs; mais ce n'est
pas un él ément suffi ant; il faut encore que le don soit
irrévocable. Donner et retenir ne Yaut, disait-on dans l'a ncien droil. Celle maxime qu i a pass é dans notre Code,
s'app lique à toute libéralité, qu elque forme qu'elle revête. La doctrine cl la juri prudence sont d'accord ur ce
point.
Cependant un auteur, l\I. J ules Claude (Thèse po ur le
doctorat, Nancy 1884), soutien t que théoriquement il est
bien douteux que la règle : donner et retenir ne vaut
s'applique anx dons manuel ; du moment, diL-il, qu'on
admet la Yalidi té de don manuels, on sou trait ce ' Orle
de lib éralit és f1 tout e les re trictions auxquelle le l égi -lateur a soumis l e donations entrc-Yif dan le article
932 et suivants; or, la règle de l'irréYocabilité constitue
une des plu - importante de ces restriction ; el on ne
voit pas en vertu de quelle idée on pe ul soumettre à celte
règle les dons manuels, alors qn 'il sonl affranchi - des
formes de la donation.
Nous ne pnrtagcon pas cette fac,·on de voir; eu effet,
Particlt 894 définit la donation un contrat par lequel le
�· -90donateur se dépouille actuellement et irrévocablement au
profit du donataire de la chose donnée; or, cette définition
est CYénérale dans es terme ; elle s'a ppliqu e donc à toute
0
donation quelle qu'elle soit, y compris l e don manuel. L'erreur de l'auteur que nous corn ballons consiste, selon nous,
à prendre !'irrévocabilité pour une règle de forme , alors
que de l'aveu de tous , elle est nn e r ègl e de fond ; or , on
sait que si le don manu e l est affranchi de toutes les règles
de forme des donations , en revanche il est de plein droit
soumis aux r ègles d e fond .
Le dessaisissement doit donc être irrévocable , mais
comment r econnaitre ce carac tèr e? L'inten tion des parties,
sans doute , sera ul\ des é léments d'appréciation pour
déterminer ce caractère n écessaire du don manue l ; mais
est-élle le seul é lément ; ou plutôt comment é tablir celte
intention? car il est évident que ce caractère d 'irrévocabilité ne peut découler qu e de Pintention des parties et
que la question ne se pose qu'a u point de vue de la
preuve. Ainsi un don manuel a été fait, doit-on en conclure imm éd iatement qn'il a é té fait avec un caractère
irrévo cabl e par application de la r ègle : Donner et retenir
ne vaut, ou bien, au contrai r e, pourrait-on déduire des
circonstances dan s lesq ue lles le don manuel a été fait
qu'il ne l'a été qu'avec l'intention de le reprendre à une
époque déterminée?
En d'autres termes, il importe de bien distinguer le don
manuel de la donation à cause de mort. La question n 'est
pas sans intérêt. Le don manuel entre-vifs est valable par
la seule tradition; la donation à cause de mort au contraire
est nulle, et doit pour être valab le, r ev êlir la forme du
testament .
La question 'est présentée plusieurs fois en i uris prudence .
Le don manuel fait par un donateur a ux approch es de
-91la mort a été considéré comme donation à cause de mort
et à ce titre a été annul é. Ainsi l'ont décidé des arrêts
dont les principaux sont, l' un de la Cour de Paris du
4 mai 1816, l 'autre de la Cour de Bordeaux du 8 août 1853.
Notons, en passant, que sous le droit coutumier, les
donations faite s in extremis étaient prés um ées faites à
cause de mort (Ricard).
L 'arr6t de Bordeaux me parait entièrement conforme
aux vra is principes juridiques : il porte s ur l'espèce suivante :
Un mourant avait fait un don manue l, sous la condition
que le donataire n e serait pas libre de di ~ po ser de l'objet
donn é avant l e décès du donateur et qu'il aerait te nu de
l e lui rendre, en cas de retour à la santé. La Cour de
Bordeaux a vu dans ce fait une donation à cause de mort
et l'a annulée.
Il r és ultait des faits e t circonstances de la cause que le
donateur avait impo sé au donataire l'obligation de ne pas
se servir d e l'objet donné avant son décès. La transmission de la proprié té é tait donc reportée, dans l'intention
des parties, au moment du décès de l' une d'elles; elle
n 'avait pas lieu actuellement; c'é tait donc un legs, non
une donation entre-vifs, et co mm e le legs n'était pas fait
suivant la forme tes tam entaire, ce ne pouvait être qu'une
donation à cau se de mort, donc la libéralité devait ê tre
déclarée nulle.
Mais la question s'était déjà présentée deYant la cour
de Paris dan une e pèce beaucoup plu s intéressante au
double point de vue du droit et du fait. Joseph Chénier
mourant avait remis e manuscrits à nne dame Le parda.
Celle-ci publie aprè la mort les œuvres de Jo eph Chéni er . Réclamation de la part des héritiers qui co nte~ tent
à la clame Le parcla la l égitime possession de ces pièces.
Celle-ci r épond qu 'e ll es lui ont é té livrées à titre de don
manuel. Réplique des h éritiers qui prétendent que les
�-
92 -
- 93 circonstances dans lesquelles ce don a été fait lui donnent
forc ément le caraclè re de donation à cause de mort, et
qu'à ce titre le don d oit ê tre annulé. Ju gement et appel.
La co ur de Paris décid e, en cffcl, qu 'à raison d es circonstances, le don de manu scrits ne pe ut ôtre consid6ré que
comme une donation à ca use de morl , e t nul à ce titre.
Cettejurisprude u cc n'est pas, à nolre avis,à l 'abri de toule
critique. Ce qui caract érise !'irrévocabilité de la donation
n'est-ce pas l'inte ntion du donate ur ? Et pour d é te rminer
ce caractère, sera-t-on obligé d'e mprunte r aux circonstances dans lesq u ell es ce don a é té fai t que lqu e chose
qui serve à le préciser ~ Dira-t-on que l es circonstances
ont précisément pour effet, inon pour but, d e r évéle r
quelle a été en définitive l'intention du donateur? Q u e si
le don manuel a été fai t par l e donale ur eu pleine sanlé,
en pleine posses io)1 de es facult és, c'est certain ement à
titre irréYocab le que le don a dù être l'a it ? .:\lai s que si,
au contraire, c'est un mourant qui a re mis l'objet a u donataire, en témo ignage de sa reconnaissance e t pour s 'acquitter en vers lui de dett es d 'affeclio n , il fa ul nécessairement voir dans cc fait une donation à cause de mort;
s urtout, si l'on con idèrc l'objet m ê me de la donation ;
les manuscrits son t le gagne pain d ' un au teur. 11 est
peu probable qu'il ail e u l'intention de s'en dessaisir irrévocablement et qu'il n e e soit pa s réser vé l e droi t de reprendre ses manu scril s' il revenait à la santé.
Si bonnes qu'elles a ient pu paraitre à la cour, ces raisons n e n ous paraissent pas décis ives.
Pour qu' une donation soit ré putée donalion à ca use <le
mort, il n e s uffit pa s qu 'e ll e ail été faite par son auteur·
en prévi ion d e la morl. 11 y a plus, l a lib é ralit é faite par
que lqu' un en danger de mort , propter mortis su spirionem, n'esl pas une donal ion à cause de mo rt si le donateur la subordonne à o n propre décès comme à une con-
dition s uspensi ve ou résolutoire. Les conditions casuelles
sont parfaitem e nt compalibles avec le principe : Donner
et re te nir n e vaul. Cc qui en ferait un e véritab le donation
à cause de mort , ce serait l'apposition d ' une présente
condition potestative; ce serait qu e le donate ur se fùt réservé le droit de r évoqu er la lib éralité jusqu'à son décès;
la clau se du jlls pœ11ite1idi exislait dans l 'espèce qu 'avait à juger la cour de Bordeaux; là, le donateur avait
imposé au donataire l'obligation de n e pas se dessai ir d e
l 'objet jusqu'à a mort, dan la pensée éYidenle <le r~pren
dre la chose donnée et de révoquer le don , s'il revenait à la
santé.
Voilà pourquoi la Cour a décidé que le décès du donateur o u son retour à la santé é tait un terme , ju qu'auquel
le donat e ur se r éserYait le droit <le r évo quer la donation.
Le principe : donner cl retenir ne va ut, élail donc violé
et d 'autre part le don n'était point un legs, puisqu 'il
n 'avait pas revêtu la forme du testanrnnl. Il devait donc
être n écessai re me nt annulé.
Mais ici cette nécessité de voir dans ce don un e donation à ea u c de morl ne 'imposait pas. Ce caractè re ne
r ésu lt ait point <le la d éclaration du donateur; e l , à d éfaut
d 'ayeu ou d 'acte form el, il ne fa llait point cherch er <lans
les circon lan ces de la cause les raisons <le dé terminer le
caractè re de l'acte. Pui que un dou peut aussi bien ê tre
une donation e ntre- vifs qu 'une donation à cause <le mort;
c'est à titre irrévocable que le <lon doit ê tre présumé fa it ;
le contraire doit donc ê tre é tabli par des preuves certain es e t ne doit pas s'in<luire d' une si tuation.
Il faut qu>ïl y ait une parole du donateur qui révè le son
intention d'en faire un legs. C'est ainsi que le tribunal
d e Saint-Omer, l e 4 juin 1857 , a jugé qu o la remise de
coupon s par un moribond, en cas de malheur , est une
donation à cause de mort.
�-
94 -
i\Iais ici, la question se r éduisait à l 'inte rpr é tation d e l a
pe n sée du te ta te ur, p ensée r évélée p ar d es exp ~essions
dont il fallait fix er le sen . Supposon s, au co ntraire, que
ces mots, en cas de malheur, n 'aient pas é té p roférés pa r
l e donateur mourant : le t r ibunal eùt-il ét é e n droit de
déclarer qu'il y avait là n écessairem ent une don a tion à
cause d e mort ? No us n e l e p enson s pas.
Ainsi l'a décidé la Cour de Ro uen ~J.o u en , 8 juillet 1874).
Elle a jugé qu e la r e mise à Litre g r atuit de t i tr es a u
p orte ur, plus d ' un mois avant le d écès du d isposant et
san s qu e la conditio n de son décès y soi t apposée, n'est
p as u ne don ation à cause de mort , mais un don manu el.
(Voir , en core e n ce sens, Toulou se, 11 juin 1882, D. P.
1852. 2.225.)
§ Ill. -
Capacité
En ce qui con cern e la ca pacité, nou s auron s à d istin guer entre les p e rsonnes physiqu es e t les personnes m orale s.
Personnes physiques. - Les r ègles ordinaires d e la
capacité en matière de do n ation s s'appliquent sans diffic ultés au don man u el.
Aux term es de l'article 901 , po ur fair e une donation
en tr e-vifs ou un testamen t, il fau t ê tre sain d 'esprit. Cet
ar ticle n e dit p as : pour faire u n acte de donation , mais
b ien pour fair e une don ation . La gén ér ali té môme de ses
termes permet d on c de comprendre dans la r ègl e qu'il
édicte les don s manu els.
Le m in eur d e m oin s <le se ize an s n e peu t au cunem ent
disposer, si ce n 'est da ns son con trat de mariage e t sous
les condi tions qu e la loi énum ère.
L'inte rdit n e peu t lui n on p l u s disposer en auc une
-
95 -
man ière. Il y a mê me en ce qui co ncerne les dispositions
à titre gratuit, une r ègle plu s sévèr e que pour les acles à
titre on érenx. T andis q ue ces de rniers ne peuvent être
annul és après la mor t de celui qui l es a passés, que si,
au m om en t où ils fu rent fa its, l'inter diction avai t déjà é té
p ro n on cée ou seu lem en t pr ovoq u ée , à moins qu e la
d é men ce ne r ésul te évidemment de l'acte lui-même ; pour
l es donalion s, au co nt rai re, non seulement on n'exige pas
qu'elle révèle par e lle-môme la démence du donateur, mais
e n core alors môme qu 'au moment de la donation, l 'interdiction du donateur n'aurait été ni p rononcée ni provoquée ,
on pourra pro uver par tous les moyens possibles l'incapacité du di posant pour insanité d'esprit.
Celte différence s'explique par la nature m ême des actes
à Litre oné reux ou des actes à titre gratuit. La donation
appauvrit u éce sai rcment notr e patrimoine; dans l'acte à
titre onéreux, au contraire, en échange de ce que nous
p er dons, nous augmenton s no tre patrimoine de quelque
chose : il y a une compensation. On comprend doue sans
peine que la loi soit plus d isposée à annuler les actes à
t i tre gratuit que les acles à tit re on éreux.
E n tr e époux, le don manuel est permis; mais comme
toutes les di position à titre grat uit , il est essentiellement révocable. (Bordeaux, 4 mars 1835, Sirey 1836, 2.
548.)
L a femme mariée, pour fai re ou pour recevoir un don
m anue l, doit-e ll e avoir l'autori ation maritale ?
L es termes concordants d es art. 217 et 934 commandent
l'affirmative.
Cependant, nous trouvons dans la jurisp1·udence un
arrôt ck la co ur d'Aix qui est loin d 'adopter celte façon de
voir. (Aix, 16 aoùl 1879.)
« Allen<lu , dit la Cour, que la nature du don manuel
répugne à une pareille cÀigence, puisque le don manuel
se con somme sans écrit. »
�-
-
96-
:\l'est-ce pas dire, en d'autres ter mes, que l'autorisation
maritale ne pouvant ètre donn ée qu e par écril, cc principe
n e peut évidemment pas r ecevo ir d 'application à notre
espèce?
« E t qu'on n e e prévale pas d e cette circonstance,
ajoute la cour, pour déclare r qu e la femm e mari ée ne
pourra jamais faire ou r ecevo ir de don ma nu el , car ce
serait créer un nouvea u cas d 'i i.ca pacité à côté d e ce ux
que la loi a é lablis, ce qui e L impossible. »
::\'o us n e nous r an geo n pas à ce t avis. En qu oi la n:llurc
du don manuel rép ug n e-t-e lle à la n écessit é de l 'au lo ri atiou ? C'est parce que, dit la Cour, l'a uto risalie n d oit êtr e
donn ée par écril ; or , ici, cela n 'est pas possible. l\lais
cette rai on e L fa us e, par ce qu 'elle est trop absol ue ;
d'abord, e n adm etlan t môme la n éces ité de l'a u torisatio n
écrite, celle-ci pourrait bien ê tre donnée par écrit séparé;
il n 'est pas n écessai re que l'au torisa lion mari tale in tervienne dans l'acte mème qu e passe la femm e . En second
lie u, il est fa ux qu e l'autori salion du mari doive ôlre
donnée par écril ; l'a utorisa ti on peut êlr e tacite et r ésulte r
des circonstances, e t la plus décisive d e toutes est le
con cou rs d u mari dans l'acte ; si, pa r exem ple, il a é té le
mandataire de sa fe mme, pour donne r ou r ecevoir le don
manuel ; ou bien, c'est seu le ment en sa pr ésence q ue le
don manu el s'est r éalisé; qu e, en cas de procès, celle
autorisation so it diffi cile à é tablir, nul n 'en disconv ien t;
m a~s il n e s'agit poin t ici d'un e q uestion d e pr euve, il s'agit
um quemen t d' un e qu estion de capacité.
Le. condamné à une pe ine affii clive pe r pétuell e, de puis
la 101 de 1854, n e pe ul r ie n do nne r n i rie n recevoir , si cc
~'est à tilre de dons ali men taires; ce n'est donc q u'à ce
titre que l e don manuel l ui es l pe rmis. Avan t celle loi, la
question était disc ulée.
Nous trouvons, en effet, un arrê t d e la Cour d e Mont·
97 -
pellier (Montpellier, 19 nov embre 1840, Dalloz, 1° Dr.
civil , n° 988, note 1) : « Attendu , dit l'arrêt, que le
conda mn é est capable d e tous les actes du droi t d es gens;
qu e le don mane l est de ce tte catégorie. » - No us savons
ce qu'il faut pe nser de ce tte opinion ; la question n'offrant ,
d u reste, qu ' un inté rê t ré tro s pectif, nous ne nous y arrête•
ron s pas davan tage .
Personnes morales ou ciCJiles. - Les articles 910 et 937
s'a p pliqu ent-ils aux dons manuels faits a ux per sonnes morales?
La n écessité d ' une a utorisation a é té contestée par un
arrê t de la Cour de Bo urges, 21 nov. 1831 :
Con sidérant , d it l'arrê t, q ue l'autorisation n'est exigée
qu e pour les legs et les d onations par acte, mais que les
dons manu els n e so n t soumis à d'a utres forma lités que
ce lles de la d élivrance d e l'objet. »
Cet arrêt est le seul que l'on pu isse ci te r dans ce sens.
Tou les les a utres déci sions de la j urisprudence s'accorden t
à r econnal lre la n écessité d e l'autor isation même en ce
qui con ce rne l es dons manu els .
Il par ai t diffici le de pe nser différe mment, s urto u t en
p résen ce d u texte fo rm e l des articles 910 et 937 :
L'article 9.fü d it d'abord : (( Les dispo i tions e n tre-vifs
ou par testame nt ..... » 11 ne dit pas : «Les actes de d isposit ion e ntre-vifo ou les tcslamen ls. » Donc la généralité
d es termes com pl'end le do n maoue l. - :\Iêmo raisonnem en t pou r l'a rticle 937 qui com me nce par ces mots : Les
donations, et n on pas : les actes de donation.
Sans doute, co mme le di t l'arrêt de la Cour de Bourges,
l es do ns manuels n e so nt soumis à d'antres formalités
que la t radition. l\Iais alors, il s'agi t de s'entendre su r le
mot fo rm alit és. Faut-il ente n dre par Hi môme les règles
qui con ce ene nt la capncilé des par ties? ou bien, fa ut-il
seulem ent e n r estreind re l'éten.due aux formes p ropi·e7
�-
98-
ment diLes qui caractérisent la donation ,l 'acte authentique,
l'acceptation expresse et solennelle ? etc . .... C'es t ,dans
ce dernier sens qu 'il faut comprendre l e mot formalités.
Ce qui distingue l e don manu el des autres donations,
c'est la form e ; mais les règles de fond sont le s mêmes ;
or les loi s de la capacité sont des r ègles de fond. (Paris,
22 janvier 1850.)
Donc Pautorisation est nécessaire. Mais à quel moment
doit-elle intervenir ? Faut-il qu 'elle précède la tradition
ou bien qu'elle l'accompagne ? Ou bien s uffit-il même
qu'elle soit donnée après l'acte?
La jurisprudence décide qu e l'autorisa tion pe ut intervenir valablement même après la tradition. L'a rticle 910
dispose, en effet, que les donations n'auront d'e ffet qu e
tout autant qu'elles au ront élé autorisées; mais sans préciser l'époqu e à laquelle celte autorisation devra intervenir.
Et un arrêt de la co ur de Paris du 7 déeembre 1852,
décide même qu e par sa nature le don manuel r ésiste à
l'obligation de faire précéder de l'autorisation l'accep tation de la chose donnée.
En eŒet, le don manu el se con somme instantanément,
sans acte écrit et par la se ule tradition ; l'a utori sation ne
peut donc être requise que po stérieurement à sa consommation réelle.
Mais celte jurispruden ce est à no s yeux contraire all
texte formel de l'article 987 : «Ap rès y avoir é té dûment
autorisées. »
On peut cependant la jus tifier. A vouloir user de rapprochement, l'a utorisa tion inte rvenant après co up ressemble assez à la ratifica tion donnée par un min eur
deve~u maj eur, à un acte passé pendant la période d 'incapacité, ou mie ux enoo 1·e à la r atification donnée par
une femm e mariée à un acte passé par son mari hors des
-99limites de ses pouvoirs. Cette ratificati~n équivaut au
mandat d'accepter : ratihabitio mandata œquiparatur.
L'a utorisation peut-elle intervenir même après la mort
du dona.teur ? Des arrêts sont allés jusque-là; mais nous
n e sau.nons p ar l.ag~r l'avis de cette jurisprudence qui est
contraire aux pnnc1p es généraux en matière de donation
et en matière de contrals. Un contrat ne peut se former
qu e du vivant des parties . Or, si un des éléments essentiels vient à manquer , le conlrat n e peut se form er. Parmi
les élé ments essentiels à la formation du contrat, se
trouve la ca pacité. Sans doute le défaut de capacité n'annule pas n écessairem ent le contrat, il n e fait que le rendre annu lable. Mais il n'est pas moins vrai aussi qu'une
per sonne incapable ne peut consentir. Elle a besoin pour
donner un consen lement valable d'ê tre r elev ée de son
in capacité par une autorisation léga le. Il faut donc aussi
qu e ce tte aut orisation intervienne avant la mort du donateur, afin qu 'il puisse y avoir concours de volont6s ' car 1
sans concours de voloulés, pas de contrat.
N'est-ce pas là, d'ailleurs, la prescription formelle de
l'article 932 ?
La don ation pourra être acceptée par acte séparé , du
vivant du donateur. Si donc on doit accepler du vivant du
donale ul' , il faut qu e le donataire so it autorisé avant le
décès du donate ur, puisqu e sa ns autorisatiou il est incapable d 'accepter .
La co nséqu ence de ces principes, c'es t que tant qu e le
don manu el n 'a pas élé accepté par une personne morale,
c'es t un e si mple pollicilation; l'offre peut donc être révo·
qu ée non seul emenl par le donateur, mais encore par ses
h éritiers. E n vain objecterait-on qu e la partie capabl e qui
a trait é avec un e pai·tie iucapable, ne peut pas se prévaloir de l'incapacité c.l e cett e derni ère pour fa ire r ésoudre
le co ntrat. 11 n'y a pa s eu du to ut un contrat de formé; il
�-
tOO -
n'y a donc pa à le réso udre. Il n 'y a qu'une pollicitation;
or, tant qu'elle n'a pa été acceptée ell e peut ê tre rétractée. C'est ce droit que les hé i·itier exercent , puis qu'il s
l'ont trouvé dans le patrimoine de celui à qui ils s ucçèdent.
L'autorisation n 'est point nécessa ir e pour l es dons minin_ies ; ainsi l'a décidé un arr6t de la Co ur de Paris; mai s
quand y a-t-il don minime ? C'es l un point qu e l a co ur ne
précise pas.
On est cependant <l'accord en ce qui con cerne l es aum on es, les quêtes fait e dans les temples ou l es ob lation s
faites dans les troncs des églises . Pour ceux-là l'autorisation n'es t point exigée.
§ IV. -
Donation a<Jec charges.
Le don manu el pe ul-il être fai t avec char oo·cs ) notamment avec la r éserve <l'u s ufruit ? En d'autres te rm es, l'a rticle 949 peut-il recevo ir so u application à notre matière ?
En faveur de l 'affirm ative , on peut argu er d'a bord de la
généralité même des term es de cet article : « Le donateur, y est-il dit , pe ut se r éserver l' us ufruit des biens
qu'il donne, me ubles et imm e ubl es .
D'a utre part, nous savons qu e les r ègles de fond des
donations s'ap pliquent <le plein droit aux dons manu els.
de
Or, la règle donner cl retenir ne va ut est une rèD'le
0
fond. ~lai s ce tte règle est parfaitcmenl cornpa lihl c avec la
réserve d'us ufruit; celle dernièr e ne choque en rien le
principe de l'irrévocabililé des donations. Le don manuel
qu i est so umis comme tou tes les donations à !'irrévocabilité est donc parfaitement co mpatible avec la r éserve <l'usufruit.
Ainsi l 'a décidé plusieurs fois la jurispruden ce (Bour-
-
101 -
ges, 21 nov. 1835). - D. A. Disp. entre-vifs, note 1631. (Pari s, 8 déc. 1851). - (Cass., 11 août 1880, 15 nov 1881). (Pari s, 30 déc. 1881).
Il es t cepe ndant un cas oü le don manuel ne pe ut être
fait avec c.: harges : c'e t lorsqu'il est fa it au profit de communes el d'établi sse ments r eligieux ou de bienfaisance.
Aux term es d'une juris prude nce cons tante du c?nseil
d'État, il est int erdit à ces per sonn es morales d'accepter
des don s man uels . On exige qu 'ils soi ent transform és en
donati on~ pub liques c'es t-à- dire cons tatés par acte notarié.
On a pen sé que dans celle hypothèse un acte authentique
seu l pouva it assu rer à perpéLuité l'exéc ution de la volonté
du disposa nt. (Déc is. minist. , 18 oct. 1862. S . 62, 2, 272).
La doctrine , au contrair e, n'admet pas qu 'on puisse se
r éserve r l'us ufruit.
En elîc t, fa ire un don manuel en se réservant l'usufruit,
qu 'es t-ce autre cho e, sinon transmettre au donataire la
nue-propri été de l'o bj et donn é?
Or, la nu e-pr op riété es t un bien incorporel, et la natu re de ce droit est inconciliable avec la transmission
manuell e; il faut nécessair ement un titre.
Le trans fert de propriét é ne peut avoir lieu qu'avec un
acte.
La trad ition n e peut pas transmettre un droit de celte
nature; l 'intenti on des parties ne peu t, en pareille occurrenc e, se constater qu'à l'aide d'un écri t.
On aj oute encore, quantl il 'agit de la pleine pro priété,
l 'abandon en csl plus facile, et la preuve r ésulte du fa it
m ôme de la possessi on qui est transmise. Cc fail physique
simple de la trans mission de la posscs ion se rapporte il
un fa it juridique $tmplc: le ll'ansf'crt de la propriété . . \u
contraire , dans le ra de r éscrYe d'usufruit. il y a une
dualit é de <lroil ayan t un mèmc objet , d'un co té la nucpropriélé d u donaLail'e, de l'autre l'usufrui t que s'es t
�-103 réservé le donateur. Or, si le fait de la possession peut
prouver ou tout au moins fait présumer le tran sfert de la
propriété, il n 'aura pas le mê me privi lège en ce qui concerne l'usufrui t el la nue-prnpri6té, ott la décomposition
de l a propriété. Ici il fa ut un e co nvention accompagnée de
preuve; il fau t un acte; nous retombons so us la n écessité
des précep tes légaux.
Enfin , disent encore les auteurs, ce qui prouve que la
r éserve de l'usufruit est incompatible avec l e don manuel ,
c'est l'impossibilité où l'o n sera de prouver l 'usufru it. Le
don manuel, en effet, e t excl usif de la preuve écrite; du
moment où il y aurait un acte, il n'y au rait plus don manuel. Or, comment en cas de déba t, le don ateur, qui n'a
pas de titre, sera-t-il à même de démontrer son droit?
Comment exigera-t-il du débiteur le paiement des intérêts
du dividende ? Au moyen de la preuve tes timoniale ? Ma is
ce mode de preuve se ra d'une app lication peu commode
et dans tous les cas fort r estr einte, puisque au -dess us de
150 franc s elle est irrecevabl e? Mais au-dessus de 150 fr.
la question renait, et alors comm en t la r ésoud re?
Ainsi la doctrine admet que le don manuel n 'est pas
susceptible de la rése rve de l' usufruit, parce que ce serait
tran smettre par voie de don manuel un bien incorporel ;
parce que le fait s imple de la remise corporelle ne peut
pas prouver une dualité de droits s ur un même objet,
enfin, parce qu'il est impossible de prouver l'usufruit.
Mais, à notre avi , la doct1·i ne se trompe. En effet on
dit d'abord permellre la réserve <le l'us ufruit, ce s:rait
pe.rmettre de transférer un bien incorporel , la nue-propri été, par don manuel. 'Mais la pleine propriété n 'est-e ll e
? as un bien incorporel ? Toul cc qui es l droit es t un b ien
m~o r,por el , c'est-à.·<lire bi ?n qui n'exis te que pour l'esprit,
~u1 na pas do réalité phystq uc. Or, la propri été est un bien
mcorporel et se transmet par don manuel ; pourquo i n'en
serait-il pas de même de ses démembrements. Ce qui est
vrai du tout est vrai de la partie.
Je sais bien que les auteurs ont l'habitude de qualifier
de bien co rporel le droit de propriété. .Mais ne sait-on
pas qu e c'csl par un abus de langage qu'on lui donn e cette
qualification. Et c'es t en vérit é un bien faible arO'ument
0
que cel ui qu i s'appuie sur une défectuosité de langage
pour justifier une th éorie. Quand on va au fond des choses
on est forcé de reconnaitre que la pleine propriété est un
bien incorporel. Or, si elle peut se transmettre par voie
de don manuel, il doiL en être de même de la n ue-propriété seulement ou de tout autre démembrement.
Mais, dit-on encore , le fait de la possession peut bien
prouver la propriété, mais non pas une dualité de droits
portant s ur un même objet. Ce raisonnement n'est pas
concl uant. Et d'abord, la possession ne prouve pas la propriété; elle n e fait qu e la faire présumer. E n second lieu,
il ne faut pas confondre la possibi lité d'établir sur un même
obj et deux droi ts différen ls, avec la faci li té plus ou moins
grande d 'en prouver l'existence , une fois qu'ils auront été
étab li s. Ce sont là deux que tion bien distinctes: l'une
est r elative à la nai ssance des droits et des obligations;
l'a utre est r elative aux modes de preuve; la première
repose sur le libre consen temen t des parties; l'autre suppose nécessairement une contestation, un débat survenu
entre les part ies et la nécessité pour elles de démo ntrer
aux juges l'existence et l'étendue de leurs droits. l\lais il
ne faut pa s faire reposer l'impossibilité légale de la premièr e sur les difficultés plus ou moins gra ndes de la
seconde.
11 est temps d'examiner quelles sont ces difficultés et de
répondr e ainsi i\ la tr oi -iè mc objection. La doctrine déclar e
même qu'il y a impossibilité absolue d'établir les deux
droits. Là est l'exag6ration, là est l'erreur. Qu'il y ait des
�-104difficultés, nul n'en disconvient; mais impo ssibilit é, non.
La preuve écrite est irrecevable. Sans do ute, la preuve testimoniale n'est ad mi s iblc que dans des limites fort é troites. l\Iais l'ave u ? Mai le serment? n e sont-il s pas des
preuves qui , à défaul d'autres, établiront valablement le
droil d'usufruit qu e s'est réservé le don ate ur. Sans doute ,
ces modes de pre uve laisse nt le demandeur complè te ment
à la merci du donataire; mais no us n'avons pas à envisager ici le côté pratique de la qu estion : nou s n e raisonnons qu'en théorie. Et du moment que ces de ux preuves
sont possibles, on n'a pas le d ro it de dire qu'on ne pourra
pas prouver le droit d'usufruit et qu e, par con séquent , le
don manuel n 'est pas s u ceptible de rése1:ves d'usufruit.
En r ésumé, le don manue l est parfaitement s usce ptibl e
de charges, notamm ent de la r ése rve de rus ufruit de la
chose donnée en faveur du donateur. Il est s usceptible
aussi de toute condition , pourvu qu e ce n e so it pas une
condition po testa tive , parce qu'elle se rait contraire à la
r ègle : Donner et r etenir n e vaut.
La qu estion de la valid ité d u don manu el avec charges
nous amène tout naturellement à étudier cell e de savoir
si le don manuel est s usce ptible de modalités, co mm e le
terme et la condition. A not r e connaissa nce, la ques lion ne
s'est point présentée dans la pratique; aussi ne lui con sacrerons-nous pas des déve loppe ments exagérés.
Les modalités suspensives sont parfa ite ment compatibles
avec le don manu el. Si je vou s fa is tradition d'un objet. nou s
pouvons bien convenir que le concou rs de vos vo lontés po ur
le transfert de la propriélé se ra s ubordonn é à tel o u Lei événement. Ce n'est là qu e l'a pp licalion du principe <le la liberté
des conventions. Et pourvu qu e ces modalités n 'offr ent pas
un caractère potesta tif, il n'y aura aucun e difficulté. - Il en
est de même pour la conditi on r ésolutoire; en principe ,
sans doute, elle s'alli e mal avec le caractère irrévocable
- to5de la donation; mais la condition r ésolutoire casuelle ne
dépendant point de la volonté du donateur , le principe :
Donne r et retenir ne vaut se trouve sauvegardé. Quant au
terme r ésolutoire, il choqu e trop directement l'irrévocabilité pour po uvoir étre admis.
Nous n'en diron s pas davantage à cet égard i et nou s terminerons cc chapilrc par une question qui a son importance pratiqu e: la donation avec charges r essemble beaucoup à la donation manuelle faite par l 'interméd iaire d'un
tiers . J e vous remets un objet ou une somme pour la distribu er aux pauvres ou à un donataire désigné, n'est-ce
pas la même chose que si je vous r endais d'abord, vous,
propriétaire à charge de transmettre cette pro priété à
d'autres?
En appar ence, ces deux opérati ons sont les mêmes; au
fond, elles diffèrent essenti ellemen t l'une de l'autre. Et
il n'est pas sa ns intér êt de montrer l'im portance de leur
di stinction.
S'agit-il d'un don avec charges, celles-ci doivent s'exécuter dans un délai, s'il en a été fixé; sinon à toute épo que , même ap rès la mor t du donateur ou son incapacité;
ou encore tant que le donate ur ou l es ayants-droit n'ont
pa s fait révoq uer la donation pour ce motif. - Que l'on
suppose, au contraire, le don manu el fa it à un donataire
par l 'interm édiai re d' un ti ers, l es so lu tion sont différ ent es: l e mandalaire devra effectuer la tradition avant la
mort o u l'incapacité du donateur; s i , en effet , le donataire n'a pas accepté avant ce mo ment·H\, il ne peut pas y
avoir contrat.
Comm ent donc déterminer quand il y aura don à un
tiers o u don avec charges? C'est là une que sti on d'intention des parti os, par conséquent une question de fait laissée
à la so uveraine appréciation des tribunaux.
�-106-
§ V. -
Rapport.
Que les don s manuels soient soumis au rapport, cela
ne fait l 'objet d'aucun doute. La doctrine et la jurisprudence sont unanimes à l e reconnai tre. Il serait difficile de
penser autrement en présence des paroles de Joub ert au
Tribunat, qui, parlant des dons manuels, disait: « Ils ne
sont soumis à d'autre s formes que la tradilion , sauf la
réduction et le rapport dans les cas de droit. » Ce qu'il
importe d'examiner ici, c'est la ques tion de savoir si les
dons manuels ne sont pas de plein droit disp ensés de rapport, en sorte que, pour y être soumis, il faudrait une disposition formelle du donateur.
On sait qu'il est des donations au sujet desquelles on
n'est pas d'accord sur le point de savo ir si elles sont de
plein droit ou non sou mi ses au rapport; ce sont les donations déguisées sous la forme de contrats à ti tre on 6reux.
Des auteurs pensent que ces donaLions sont, comme les
autres, sujettes à rapport; en so rle qu e, pour en être dispensées, elles ont besoin de l'être par le donateur luiméme. D'autres, au contraire , esLirn ent que l'int ention qu 'a
eue le donateur de dispenser du rapport ces donations
résulte de leur nature et de la forme dont il les a revê tues.
Quel peut être le but du donateur qui déguise la donation,
sinon celui de la soustraire à la nécessité du rapport?
Or, la mêm e question se pose pour les dons manu els,
et nous rencontrons dans la jurispruden ce la même divergence que nous venons de voir dans la doctrine.
Sans doute, la dis pense du rapport doit être faite expressément; mais comme il n'y a plu s chez nou s de formule
sacramentelle, l'intention du donaLeur n 'a pa s besoin de
termes précis; il suffit qu'elle soit ce rl aine , qu elle que
soit la façon dont on l'étab lit. Elle peut donc r ésulter des
-107 faits de la cause; par exemple, de l 'en semble des dispositions de l 'acte, ou de toute autre circonstance.
Or, si le seul fait de déguiser les donations sous la forme
d'actes à titre oné reux r évèle l'intention de dispenser du
rapport , combien l'argument gagne-t-il de valeur, quand
on e n fait l'applicaLion aux dons manuels qui, eux, se forment en dehors de tout acte et ne sont sou mis à d'autre
formalité que la tradiLion, qui ne laisse aucune trace.
Ici, il y a quelque chose de mieux qu'une donation
déguisée, c'est une donation clandestine; pas d'acte que
l'on puisse taxer de frauduleux; rien qui puisse donner
lieu à la critique (Bordeaux, 3mai1831; Sirey, 1831 , 2, 325;
Montpellier , 2 décembre 1858 ; Cassat. , 3 mai 1864 ;
Sirey, 1864, 1, 273.)
Pourtant, ce n'est point là le système auquel nous nous
rangeons. Pour nous , les dons manuels, comme toutes les
autres donations , qu elles qu 'e lles soien t, sont soumises
au rapport et ne peuvent en être disp ensées que par la
volonté expresse du donateur, manifestée par exemple ,
dans de s registres et papiers dom estiques.
Le texte de l'article 843 est on ne pe ut plus fo rmel dans
ce sens: l'héritier doit rapporter tout ce qu'il a reçu, soit
par donation entre-vifs, so it par Lestament. Il faut, pour
l'en dispense r, que le donateur ou le testateur ait expressément formulé sa volor.té.
Mais, dit-on, comme il n'y a plus chez nous de formule
sacramentelle, la volonté du donateur ou du testat eur peut
résulter des circon stan ces ; or, celle qui révèle le mieux
cette volonté, c'est l a forme du don manuel.
Sans doute, la forme du don manu el peut révéler chez
le donateu r la pensée de dispenser le donataire du rapport, mais ell e ne la r évèle pas nécessairemen t , on sorte
que celte forme cland es tine ne puisse s'expliquer que par
cette intention.
�-
108 -
-1og -
Et puis qu'importe l'intention du donateu: ; au-dessus
de cette intention , il y a la volonté toute pu issan te de la
loi. - Est-ce qu e la loi tient compte de l 'intention du testateur, lorsqu'elle soumet au rapport l es l egs qu 'il a fai_ts?
Certes, s'il est un cas où son intention unique et certamc
de dispenser du rapport les lib éralités se manifeste , c'est
bien dans le cas de testa ment , pui squ'il rompt lui-même
l'éO'alité
des parts de sa s ucession. - Et ce pendant mêm e
0
.
alors, la loi exige une déclaration expresse et n e ti en t pas
compte de cette vo lonté tacite qui est évide nte. Pourquo i
n'en serait-il donc pas de même en matière de do ns
manuels?
Si la form e du don manuel ne pouvait s'expliquer qu e de
cette fa çon, on aurait raison de dire que l e don manu el es t
de plein droit dispensé du rapport. i\1ais en dehors de cette
intention, bien d'autres motifs serYenl encor e à l'expliquer
et y su ffi sent, c'est d'abord le seul désir d'échapper aux
critiqu es que ne manqu e pas de so ulever un ac te , et en
particulier un ac te de donation. Que lui importe qu'ap r ès
sa mort, ces cr1l1qu es e soulèvent contre lui ; elles ne
pourront plu s l'a tteindr e.
De son vivant du moins, il les évitera , il évitera les
secr ètes méfiance s qu 'eô t s uscitées contre lui ce tte faço n
de disposer de sa fortune, l'animosité de ses autres héritiers ou parents qui n'au raient pas eu l eu r part dans cette
faveur . Bref, co mm e la propri été en train e avec elle un se ntiment d'indépendance qui nous engage à e n dispos e r à
notre gré, c'est surtout dan s la forme du don manu el que
ce sentim ent d'indépendance trouve un fac il e moyen de
s'exercer.
Mais ce n'est pas encor e là la se ule raison qui puisse
engager un donateur à don ner à ses lib éralités la fo rm e du
don manuel. 11 peul enco re avoir poul' dessein d'éviter les
frais que nécessiteraiL un acte authentique ; les frai s de
l'officier ministériel qui dresserait l'acte , mais ensuite et
s urtout les frais d'enregistrement qui . en mati ère de donation, sont exces ivemenl élevés. Sans doute, ce n'est pas
sur le donateur que ces dépenses retombent, mais bien sur
l e donataire. Mais le donateur peut bien, sur les instances
du donataire, éviter ces frais, ou même les éviter spo ntan ément, afin de pouvoir g ratifier d'autant le donataire ; le
sentiment d'affection o u de reconnaissance qui lui ins pire
cette g én éro sité le pousse éga lement à en augmenter autant
qu e possible la mesure.
Il y a donc <les raisons d 'adopter la forme du don Jllanuel au tres que celle de dispenser du rapport , et s'i l
n 'existe pas d'aut res circon stances qui révèlent manifest ement l'inten tion du donateu r , on n 'est pas fondé à l'induire de celle-là; il faudra donc chercher ailleurs, dans
un écrit ou dans de s parol es, la manifestation de cette
volont é; une nouvelle cir constance pourra donc dispenser
du rapport l e don manuel.
E n ce qui concerne le don manuel , la dispense de
r apport doit donc être expresse comme pour les autres
libéralités. l\lais en qu ell e forme doit-elle être faite? Un
simple écrit, une lettre missive, une déolaration recu eillie
par témoins peuvent-ils être cons idérés comme preuve
de cette dis pense? Ou bien faut-i l de toute nécessité un
acte authen tique?
Il semble qu e cette ques tion ne devrait être examinée
qu'au ch ap itre de la pre uve. Il ied cependant d'en touch er un mot ici-m ême, car elle se rattache à la qu es tion
plus gén6rale de savoir quelle est la valeur des pactes
joints au don manuel. Ces pactes ajoutent au don manuel
ou bie n e n retranchent ; mais doivent-ils bénéfi cier des
franchi ses d u don manu el qu'ils acco mpagnent, ou bien,
au conLraire , faut-il les considérer co mme des conventions
sp éciales entièrement distinctes de la libéralité qu'elles
.
�-
110 -
modifient, et ne leur reconuailre existence que tout autant qu'ils r evêtent la forme des actes authen.liqu es?
.
Sur celte ques tion on n e compte pas moms de trois
systèmes.
Le premier (c'est celui de la jurisprudence), reconnait
que ces pactes sonl par eux-m êmes pleinement valables,
et que, spécialement en ce qui concerne la dispense de
rapport, elle peut r ésulter de la \'olon té du donateur,
volonté manifes lée d' une façon qu elconque et dont l'appréciation est so umise aux juges. Ce sy tème n'est que
la consécration du principe de la liberté des convention s.
D'ailleurs, quand une convention même de lib éralité accompagne une au tre co nvention dont elle est une condilion ou une conséquence, il est de règle que la libéralité
revête la form e même de la convention principale, témoin
l'article 1121 au titre des stipulations et promesses pour
autrui: si je vous vends un bien en stipulant de vous que
vous donnerez le prix à Primus, il y a bien là une lib éralité
de ma part à Primus ; or , ce lte lib éralit é ne revêt pas
la forme authentique ; il n'est cependant douteux pour
personne qu'elle so it valable. Si nous faisons application
de ce principe au don manuel , nous voyons qn e les convention s de préciput on autres peuvent se faire sans écrit,
comme le don manuel lui-m ême.
Un second système, qui est celui d'un auteur fort distingué, ne reconnait validité et même exis tence aux pactes
accessoires que tout autant qu'ils r evêtent la forme d'actes
authentiques. Ici, en effet, dit-il, nous nous trouvons en
présence de conventions qui ne sont pas parties néces·
saires du don manuel; elle s pe uvent l'accompagn er, comme
elles peuvent au ssi ne pas s'y joind re; pourquoi donc les
faire bén éficier des franchises du don manuel ? Nous retombons ici dans le droit commun : il faut donc appliquer les règles ordinaires des libéralités, ou soumettre
ces c~nventiona à la nécessité d'un acte authentique.
l
-1H-
Enfin le troisième système, qui est dû à un éminent
profe sseur, M. Labbé, dénie toute efficacité aux pactes
accessoires j oints au don manuel. Pour lui , le don manu el
n 'a et ne peut avoir qu' un seul effel, celui de transmettre hic et nunc la propriété pleine et irrévocab le. La
nature même de cet acte se prête à une pareille interprét ation. Que r évèle , en effet, cette possession qui est
transmise par l e don manuel? Elle révèle la propriété
que l'on es t habitué à considérer comme un droit corporel; mai s rien de plus . Un titre pourra constater sur
l'objet donné d'autre s droits, comme par exemple l'u s ufruit , l'usage, une hypothèqu e, un droit de gage; or, l'absence mê me de toul écrit , qui caractérise le don manuel ,
n 'est-elle pas un indice qu'aucun de ces démembrements
de la propriété ou de ces droits r éels n e peut être constitu é?
D'autre part , il ne faut point oublier la place que le don
manuel occupe dans notre droit. Admis en quelque sorte
par simple tolérance il doit, pour r épondre à la pensée
du légis lateur, conse rver le caractère qu e lui avait donné
notre ancien droi t. Or, dans notre ancien droit, il ne portait qu e s ur des so mmes modiques, et dans les rares décisions qu 'à rendu es à son suj et la jurisp rud ence, on ne
r encontre pas trace de la moindre disposition qui ait imposé des charges au don manuel ou qui y ait ajouté des
avantages. Il doit donc de toute nécessité en être de même
dans uotre droit actuel.
Pour nous, nou s nou s rangeons au système de la jurisprudence, non seulemenl à cause des raisons s ur lesquelles ell e s'appuie, mais euco re parce que celles des
autres systè mes ne n ous paraissent pas co ncluantes.
Que dit, en effe t, le second système ?
Il dit que los clauses j ointes au don manuel ne participant pa s de la nature de la tradition qui s;accomplit sans
�-
112 -
acte, tombent fatalement sous l'application du droit commun et doivent conséquemment être rédigées par acte
authentique. Sans doute, ces clauses ne sont pas parties
n écessaires, puisqu'il dépend des parties de les y ajouter
ou non ; mais, une fois leur intention bien arrêtée del.es
y mettre , peut-on dire qu'elles sont complètement d~s
tinctes du don manuel? Je crois que c'est aller trop lom.
La rèo-le de l'indivisibilité des conl n ts veut que l'on voit
0
là un seul et même contrat, le don manuel, et non deux
contrats distincts: d'un côté le don manuel, de Lwtre des
conventions tout à fait spéciales. Les charges ou les avanta o-es du don manuel sont bien l a conséqu ence ou la
0
co ndition du don manuel lui-même. Si donc, il n'y a qu' un
contrat, la form e doit être de même nature pour toutes l es
parties de ce contrat.
Il est incontestable que s'il n'y a point d'écrit sou s
seing privé , le donateur ser a à la mer ci complète du
donataire; mais ceci est une question de preuve que nous
examinerons plus bas. No us ne considérons ici que la
question de validité des pactes joints au don manu el.
Donc , quand m ême l'écrit qui constaterait le pacte ne
serait pas passé en la forme authentiqu e, il ser ait valable.
Quant au troisième système qui refu se toute validité aux
pactes accessoires même r evêt us de la form e authentique , il
nous parait aussi empreint d'exagération . Il est ind éniable
qu e par sa nature même le don manu el s'a pproprie bien
mieux au simple transfert de propriété exempte de toute
complication qu'a toute autre combinaison; il est non
moins indéniable qu e l 'histoire du don manu el nou s l e
montre comme servant seulement à trans férer la propriété
sans aucune autr e complica tion .
Mais faut-il en conclure qu'il doit rester tel qu 'il était
ou pouvait être en 1804 ? Tout ce qui n 'est pas défendu
est permis ; or, quel texte de loi interdit des conventions
-
113 -
.
au don manuel · Qu'1 es t -ce qui. autorise
relativement
à
.
y
s'il
que
d1r~ qu e le don m ~nuel ne peut se comprendre
a tian sfert puf' .e l simple de la [)ropriété?. - N1e sc mbl c-t-1·1
pas, a~ c~ ~tra1re, r és ulter <les travaux préparatoires qu'il
peul s y J010dre autre chose? Le tribun Joubert d. . .
isait .
J' l'
Il '
« n y a a .c autre règle que la tradition , sauf le rapport
. le
et la rédnction dans .les cas de droit · )) s1· l ' on pr é voyait
rapport, ne prévoya it-on pas aussi du même cou la dispun pacte
.
pense de. 1·a p1)orl :>. O,' ' qu ' es t- ce autre chose sinon
l c p l us
.
acce ssoire au d on manu el ? Sans doute , 1·1 arrivera
s~uv e nt que le but ou don manuel sera de trans férer
été ., mais ce n'est pas l a' son b ut
la propri
simplement
.
.
L es
.
b u t or d.malt'e.
ire
nécessa
-'
. c l Ulllqu e : ce n'est que .,,on
.
donc
sont
mod1~ cat1 o n qu e les parti es rnudro nt y ajouter
parfait e me nt permi es et valables.
§ VT . -
Réduction.
. Les don s manuels son t, comme toules les autres libéralités'. soumis à la r éduction. Le s paroles du rapporteur
au tnbunat e n l'ont fo i co mm e pour le rapport.
. La r'é ervc e t, .du res te, comm e le rapport, un e in slitut10n ~ordre pubhc; ell e ne doit donc être entamée par
des lib éralit é d'au cun genre, pa s plus par des dons manu el ' qu e par d'autres di spo ilions .
Le don manuel ' ont donc on mis à la r éd uction·, et
comm e cc so nl de <lonati ons, i l <loi ,·ent subir la rélluction tlan ' l'o n \1·e de - da te auxquelle ils ont été faits
i\Iais co mm ent détermin er cet ordre? Il ne s'agit point ici
d 'établir l'ex is tence des don s rnannel s; celle exis tence,
an point <le v ue de la r éserve pe ut se prouver par tous
les moye ns po ssibl e ; ca r il fau L éluder une frau de à la
loi . i\lais une fois l 'exis tence <les dons manuels bien re,
8
�- 114 comment dé te rmine r l 'o rdre d e l eur ~ da les e l
t l'ord re d e le ur rédu ctio n ? Ici pas d ' acle
' ·
.
par consequen
auth entique qui fass e fo i d e a d ale pa r lni-m è mc . ~fat s
n e p e ul-on p as du mo ins a ppliqu e r }1 n o tre nrn.l1è r c,
Part. 1328 re latif aux aclcs o u seing -privé ? On .s a1l qu_c
ce s actes acquiè r ent <lale certaine à l'éga rd <l es tier s s o1l
lre mcnt , s o il pa r l 'ins c rli on dan s un a clc
Par l 'enre<ris
?
•
0
,
authentique, s oit pa r l e d écè <le l ' un e d e s ~arl1 e s .·
1er Système. _ L'articl e 1328 C. C. est rnap pl 1cabl e a
-
connue
not re matièr e .
En e[e t l 'article 1328 ne con ce rne q u e l e s ac tes s o u sseing priY~, i l n e sa urai t do nc e n p rincipe 'ap pliq u e r à
l a maliè rn des do nati on s qu i se fou l par acle a ulh e ntique.
E t no n-senle m enl l'acte authenti q ue s ert à p ro uver la
donatio n , mais en co l'e il es t n é cessai re à s on cxis le ncc ;
l'ac le s ou s -s eing privé n 'e s t a u cont raire q u' une pre uve.
Il y a donc entre ces d e ux acle s une d i ffé r en ce d e n al ure
e t de vale ur ; on n e sa ura it, e n con séq ue n ce, e m p rnnl e r
a ux uns le urs r èO'l es po tt r le a pp l iq ue r a ux au tres .
)
.
.
b
Au s urplu s, s i ce lle r èg le de l'a rlic le 1328 po uva tl s a p ~
plique r a ux acle s s ou s- seing pri vé c l à litre o n é r e u x q111
déguisent une don atio n ; i l n 'e n rcs ler ai t pa s moin in ap.plicab le aux don s ma nu els . Le d on manu e l e s l excl u 1[
de Lout acle éc rit, s o it a ulh cn liquc , s oit s ous sei ng -privé;
comment p ou r rait-on lui a pp liq ue r d es r èg les q ui on l 6Lé
faites p our l es ac te s?
E nfin, l 'article 1328 n '6di c lc <les r ègl es q u'à l 'égar d des
tier s · or ici c1ue le d éhal s'élè ve c nlrc l'h 6 ri lic r c l les
' ' '
ou b ien s e fasse de <lon alai re à ll ona laire ,
don ala rrcs
'
on n e s au rait don ner aux partie s en lili g e l a q uali té <le
ti e rs .
Supposon s d'abo r d qu e le <lé ba l s'él ève c nlre l 'h é ril i e r e t
l es don a taires .- Si l 'on vc ul d onner <lale ce r tain e a ux d i ve r -
r
H5 -
ses don ations qui ont é té faites par le d é funt a u moye n
de l 'a rticle 1328, il faut qu e la par tie qui ve ut faire s ubir
la r é du ction so il un Lie r s. Or , qn'est cette parli e? C 'es t
l ' h é rili e r , c'e l-à-Jire le re présentant du dé funt , celui
qui r ec u e ill e s o n pal ri mo inc e t continu e sa p er so ona lité;
il s e confon d avec l ui ; c'e s t l e d éfunl l ui-m ôme en qu e lque s o r te ; ma is e ntre les parties, les ac tes e t les conlrals
onl d ate c c r'Lain c du j o u r o ü il s ont été passé ; et pour
e ll e s , il n 'e l pa s bes oi n de r eco ur ir à l'article 1328, s i
ell e ve ul e n l do nn e r <la lc cerlaine a ux actes qu 'elles o nt
pass és .
S u p pos on rn ain lena n l qu e le déb at s 'él ève entre les
dona tai l'es . L ' h é r iti e r Yo ulan l fa ire ubi r la r é ductio n s'adre se it l'un d 'e ux; celu i-c i pe ul-il ré po ndre à l'h ér iti e r:
Fait es s n bi r la r édu ction ~1 te l a ul r e, pa rce q ue sa do nation
a e u cla le ce rt aine ava nl la 111i e une, pa r un e d es fo rma lit és d e l 'a rli cle 1328 ? O u b ie n mè me , aprè aYoir u ccomb é
dan s l e d éb a t avec l' hé r itier , p e ut-i l se r e lo urne r con tr e
un a u tr e d o na taire p o u1· s e fa ir e inde mn ise r d e la r éd uctio n qu ' il a ubi c s o u pré tex te qu e s a don a lio n a e u d ate
ce rla ine ava nt l 'au tre?
Non ; po ur qu e le don a taire e ù t ce d roit à l 'égar d d 'un
a utre do n a tai r e, il faudra it q u' il fu c o l des tier ; o r , les
d ive r s d ona tai 1·cs s o nl pl u s que de Lie rs, il s ont p enitus
e.x:tranei . Qu 'e nt e n d-o n , e n e ffe t, par Lie r s? C e s ont <'e ux
qui p r é le nclc ul nu m è me dro it s ur une m ôme ch o ~ e. Par
exe mpl e, u n p l'Op1·ié tai r e a lou é un im m e ub le à de ux pe rs o nn e s d iffé r cnlc c l a consent i u n b ail à chacu n ; quel
esl ce lu i qu i a u ra se ul l e droi t d 'occupe r l 'imme u b le ?
C e lui do nl le bai l a u ra le premie r acqu is da te ce rtain e au
lll oye n d e l ' un e d es fo rm a lités <le l'articl e 1328. Ici, l es
di ver s lo ca lni t'es o n l vrai m cul d es tie rs ; i ls pr6 Len<lcn t
un m 6m c d roi t, l e dro it <le bail , s ur une m ém o chos e,
l' imme u b le.
�-
116 -
Voilà ce que l 'on e nt end par tie r s; mai s l es dive r s donataires entre eux n e s ont pa d es tie r s, il s ont , sa n d o ut e,
u1· des choses difféchacun un droit d e propri été, ma i
ren tes, l' un sur une . omm c d 'arge nt , l'au t re s ur des
meubles, un troi s iè me s ur un imm e ub le; au c un s ur l a
même chose. Il s n e s onl clon e pas des Lie rs; i ls s ont donc
irrecevab les à se prévaloir de l'article 1328 , C. C.
Ce systèm e a élé adopt é par la Co ur de Caen , 28 mai 1879.
D'après un second ys tè mc, au co ntraire, l 'ar ticle J328
serait applicable aux don s manue l c l ser vira it à d éte rminer le urs date r es pecti ves c l, du m ê m e coup , l'o rdre
dans lequel il s ser ont so umi · à la réduction.
Et d'abord , qu' i l 'agi ~ e de l'h é ritier réservataire ou
des donataires enlre e ux, clans les d e ux ca , l ' article 1328
s'applique, car dan s le deux ca il y a <l es Liers.
Prenons d'abord l'hy pothèse oli l e d ébat s'élève entre
l' hé ritier et les dooalai rc s ; en tant que r éscrYata ire, l'hé ritier est un Liers; la doctrin e cl la juris pruden ce s ont
d'accord sur ce point ; il c L, du re Le, facile de s'en
convai ncre. De qui l'h é1·itic r i1 r é · c rve tie nt-il s on droit ?
De la loi , et de la loi ~ c ule . Cc n 'es t poin t le Yœ u du de
cujus qui lui tran fè r e cc d r o it , c' est , a u co ntra ire, un
droit que le de cujus n 'a pu e n aucune fac:on tra n sgr esser . C 'est un dro il qui g r l'-Ye e n quelqu e so rl e le pa t1·imoine du di sposant ; un e limite apportée à ses libéral ités
par une volonté s upéri e ur e, la vo lo nté d e la loi.
Si donc, cc n 'esl poin t du d éfunl q11e l' h é ritier r éscrYatri ce tient son <lro il d e rése ryc, cc n 'csl point l e défunt
qn' il r eprésente, qu a nd i l YeLlt 1·cco u\'l'Cr ce lte r ése rve; il
est un ti er s par r apport anx dona taires; que pr&Lcn den t-ils,
en e ITet , l' un c l l 'a ntr e ? Un d1·oil de propri été s ur une
mê me cho se: ce lle qui a é lé l 'objet <le la do n atio n. (Aubry
et Rau , Larombiè r e, l. 1v, arl. 1328, n° 3 1. - D e molo 111be,
-
117 -
t . XXlX , n° 524. - Cassat ., 31janvie r1837. D. A. Contrat d e
ma riage, n° li05).
Pre non maintenant la seconde hypothèse; l e d ébat
'é lève e nt rc les dona tai r e e ntre e ux. - Ces donataires,
cliL le sy Lè me précéd e nt , sont penitus e:rtranei; car c-e
n 'esl pa s s ur la m6me cho se qu 'il s prétenden t un droit ;
c'es l l à l 'e rreur. San dou te , ce n 'est peu t-6trc pas sur le
m ê me objet mal6ricl ; mai s i ls préte nde nt b ien un droit
s ur une m ê me pa rlie d ' un patrimoine, la partie Jisponible
q u i e t oppo ' éc à l a r é e rve. En ce sens , il est permis
d e dire qu e les d onc1t aire pré te n de nt un même droit sur
une mê me cho cet non des droits distincts sur des ch oses
essc ntie ll c me nl diffé re ntes. Jl5 sont clone des tier s.
Donc à un premier point de vue , au point de vue de la
qualit é dês parlic , l'article 1328 est applicable. R este
mainten ant la qu es tion de avo ir si cet ar ticle csl applicable à la nature mê me des dons m anuel s. Or, dit- on, l'article
1328 n e s'a ppliqu e qu 'a ux actes e t aux actes sous seing
pri vé ; clo ne, il e t inap plicab le aux donations, p uisqu e
celles-c i n e peu vcnl ~ c fai r e que par acte au the ntique cl
inapp li cab le aux don m:mu els, p uisque les dons manu els
se l'o nt sa n s act es .
Ce ll e obj ec tion n'e t pas san s r ép lique . En effet. s i
parmi les forma li té o u l e é ,·énem e nt ' qtti donne n t date
ce1·tain c a ux a cte-., il e n e::;L <] Ui ne peuvent s'appli<]LICr
<]t1 'i.l e ux, rolllme l'enregistre ment ; d'autres, au contraire,
sont par l eur n a ture co m patibles ayec les dons manuel~.
Prcnon:=., par exe mple , le décès de l'une <les partie ;
cet évén em e n t do nn e date ce rtaine au don manu el aussi
bie n qu 'i1 Lo ul autre acle eo tre-Yif· . 11 en e t de mème
pour l'in crlio n clan s nn acte authe ntiqu e, et Yoici dans
qu e lle hy poth èse ce la se prése nte : Le donat<'ttr a fail nn
don manu e l à un donatai r e qui Ya se marier. Le donataire,
dans le contrat d e mariage, <léclare apporter en dot telle
�-
118 -
somme qui lui a é té r emise manue lle m e nt par un tel , e t
le fait est rela té dan $ le co ntrat d e mariage ; ce lle in s ertion donne bien une date certain e a u d on m an u e l.
Si donc l'on excepte l 'e nrcgi ' lrcm c nt , l'articl e 1328 se
trouye ple ine m en t applicable aux dons manu e l s .
Un mot en cc gui con cerne l e d écès de l ' une d es p arties,
le décès du donateur p ar exemple. Ce l évén e m e nt donne
bie n date certa in e à to u s les do n manuels, mai s il le ur
donne la m è mc date à L o u ~, e t , dan s ce ca' , co m me nt
opé r e r la r é <lu c Lion ? Sa n doute, l es do n ation , au vœu
de l'a rticle 923 , u bi ' e nl la r é du c tion s u ccessiYe ; m ais
quand l'ordre ne pe ut pas être déterm in ée, quand on e t
obligé de recon naitre qu e to u s les dons ont été fait le
rnème jour, n 'est-ce pa ' la r éducti o n proportionne ll e qu ' il
faudra appliq u er? E\·id cm m e nl , ou i ; ca r la raison qui faiL
que les legs son t ré duit pro portionnelle ment, c'est qu ' il s
on t Lous date cert aine le mê m e j o ur, le jo ur du décè du
testateu r. Or , la m ê111e rai o n exi te pour l es d o n s m a nuels.
Ubi eadem ratio, ibi idem jus.
Sans donte , le donat a ire antérieu r se tro u vera l ésé e t
pour éYiler celle lésion, il scrn a dmi par tous les moye n s
à p1·ouyer la da te <le sa libérali té; lll ais s'il n 'y réus:Ü t
pas, il devra ubi r la réd u c tion prop orti o nn e lle. l)' a ulre
part, la r ègl e pro tect rice de l 'a 1·ti cl e 923 n 'a é t é faite qu'en
vue d es donaliou r égulières, c'eq ~1 dire des donation
failes par ac te au the n t ique. Q uan t au do n alai r c qui a
di s imulé sa libéralité ~0 11:: . la fo rlll e d ' un don manue l , il
n 'a qu'à s'en p r·encl rc il l t1i-111 è 111c d e la nature s11::;peclc de
son Litre ; il e l don c m a )yc nu à exci p e r de l a l és ion gu e
l ui ca use la réduction p r op or ti onnelle.
En r ésum é, l'a r· ticlc 1328 p e ul r cccvoil' so n a ppl ica tion
p o ur d é terminer la dat e d es <lo n s ma n ue ls, aussi b ie n
clans les r a pport des d o nat a ires c nt1·c e u x que cl an~ Je·
rapports d es d o na ta ire avec l'h é riti e l' r ése r vatair e. J'ajo ute
-
119 -
com ri1c conclu s ion qu'il s'agit ici d'éluder une fraude à la
l o i ; qu'en con séqu e n ce, non seulement r a rticle 1328 sera
appl ica bl e, mais on se ra aclmi à prouver par tous l es
m oyen pos iblcs l 'exi ten ce e t la date des dons m a nu~ls,
m è m e il l'a ide d e s imples p r é omplions . La qu estion
a é té tra n c h ée clan s ce sen s p a r les tr ibunaux de Vassy
e t <le Senli s a u s uje t de l'enregistrement. li s'agissait de
savo ir s i de dons m a nue ls é taient an té ri e urs à cette loi.
18 mai 1850. (Vassy, 30 mai 1855. G. R. P., art. 491. V assy, 9 janvier 1867 e l Senli s, 30 juillet 1857, G. R. P.,
art. 919.)
§ VIL -
RéCJocation pour ine:r:écution des charges,
ingratitudes., surCJenance d'en(an ts.
L es dons m anuel s ont s uj e ts à r érncation dan l es trois
cas exceptio nn el s p réYus pa r la loi.
Des tr ois causes d e révocation , deux con stituent des
conditions r é ol uloi r c ; une se ul e , l 'ingratitude, n 'a pas
ce ca rac tère. On sait les effets de toute cond ition résolu toire, qu'elle o il expr c-se ou tacite; elle elfacc rétrna:t ivemcnl Lou s les d r oits rée l con sentis par le do nataire
sur l'obj e t d e la dona tion, cl l'objet donné reto1_1rnc au
donateur franc e t quitte d e toutes charge ~ ; ma is c~ ce
qu i conceme les dons 111a n11e ls, bien de ob tacles op po ~e ronl.à l'cxe rcire de cc r eto ur.
.
San s parle r des difficulté gui 'élèYeronl au SUJel <le
· qu e le <lonaleur ·"'-C lroula preuve dn don, 1· 1 e l <'<'l' t arn
1
·
·b·1·1
,.
" ' i le . donav e r a dan l 11nposs1 1 1 c ce r cco11,'1'et' l'obJ'"t
taire l 'a a li é n é. L e L ie r~ délen tc u r opposera au reyenchquant
-'é tant arcom1c )) é'Il élî1C'e Cl C ]' aI' t.1t ·le ·)•)79
~
~"' • ·, h' prc~c1·iplion
p l ie imm (~ Ji ate mcnt ,\ "o n p rofit, il csl à l'abri de toute
évic t ion ; le dona te ur n 'aura qu'un recou rs en dommageinlértts contre l e donataire.
�-
120 -
Il ne peut être queslion ici que d e la prescription instanstanée de J'a rlicle 2279, car les dons m anu e ls n e
p eu,·ent avoir pour objet que des meubl e . Le tiers
dé tente ur se prévaudra don c loujo urs de cctl e dispo ilion
de la loi, pourvu , bien e nt e ndu, qu 'il )' ait bonne foi ; or,
la bonne foi se présume, cc ser ait clone au dona teur
r evendiquant à prou ver la mauvai e fo i du t iers dé tente ur > s'il voulait triompher dans sa con testation.
B. -
PO I NTS D E DIFFKRENC.I!:
§ I. -
Objet.
Il est deux circon stan ces qui, a u point de vue de l'obj e t,
disting uent le don manu e l des donation s o rdinaires. Tandis
que la donation p e ul avoir pour objet Ioul e ch ose gui est
dans le comm e rce, m e ubl e ou imm e uble, co rporelle ou
incorporelle; le don manuel n e co mp rend que les meubles corporels. - En secon d lie u , si la donation pe ut
e mbrasser une universa lité d e biens, ou des biens individuels; au contraire, le don manuel ne s'ap pliqu e qu 'à des
b ien s individuellement d é te rminé . - A près avoir posé
le principe, il sied cl'enlrer dans quelques délails, cl de
distinguer d'abord en tre les imme ubles e t les meub les .
1° Immeubles .
Les immeubles n e pouvant ôtre livr és de la rnarn à la
main n e peuvent être l'o bjel d ' un don manu e l.
En droit romain , la sim ple tradition animo donandi
pouvait comprendr e des immeubles; en effet, la principale
-
121 -
division des biens était celle des res mancipi et des res
nec mancipi; d 'a prùs leu r nalure, ces biens ne pouvaient
être a liénés et acqui que par des ci toyen romains el
suivant l es modes du droil civil; ou bien, au contraire,
ils éla ie nl acce si bles a ux pérégrins et n 'avaient besoin,
pour être a li6né , qu e d ' un mode du droit de gens.
La tradition donationis causa pouYait donc avoir pour
obj et des im me ubles, les res nec mancipi, c'e t à dire les
fonds cle terre b âtis ou n on bàtis sit ués clans les provinces,
dans l es colonies. Pour ces biens , la simple tradition
suffi.sait à en transfér er la propriété.
E n droit fran~ais, au contraire, le don manuel ne peul
avoir pour objet que des choses mobilières.
2° Meubles.
Il faut ici distinguer entre les meubles corporels et les
meubles incorporels.
Le meu ble doit ôtre corporel et individuel. Il n'y a pas
de don lllanuel d'universalité d e meubl es.
(a) Meubles corporels. - Il n e faut pas con fondre les
dons m anuels avec les imples cadeaux d'usage, tel que
l es é trenn es du jour de l'an et autre . San s doute, à prendre
les mots à la le llre, ces cadeaux sont de dons manuels,
e n ce sen s, qu 'il onl pour objets des cho e mobilières
et qu 'ils n 'onl be oi n , pour appartenir au donataire, <l'autre
forma li té que la traditi on. ~Jai ce n 'est pa ain i qnïl faut
entendre l e dons manuels; au sen juridique du mol, le dons manu els soul une remi e d 'objet mobiliers à titre
extraordinaire , cl sinon e n dehors de tout motif, cln moin
en dehors de Loul usage. Les cadeaux ne e prennent que
sur les r evenu s dont on a la libre disposition; le don
manuels, a11 co ntra i re, Re pren nent sur le capital cl offrent
par leur importance relative un grand inlérét. Enfin, Je ~
dons manue ls e t les si mple cadeaux diffèrent aussi par leur
�-
122 -
but : tous deux, san s doute. peuvent avoir pour obj ectif
la reconnai s ance de crvicc rendu ; mais l'importance
mê me de ce erYicc~ rendu s d é termin e ra la nalurc de la
reconnai-san ce; s'il n e 'agil qu e de ces services qu'a uto ri e ut el qu e commandent le rela tions du monde, le
bénéficiaire eu Lé moignc ra sa gra tilu de au moyen d 'un
simple cadeau ; uppo!".ez, au conlraire , qu 'il s'agisse _de
serYice tout à fail cxccplionne ls, le don manue l se rvira
de préfér en ce à récompenser les bon s offices.
Le sentim e nt s d'affection recherch ent aussi la voie des
don s manu el s pou1· 'exprim er et trouvent en e ux un facile
moyen de e témoigner. Cc era un obj et précieux dont
on tran me ltra la propriété e t donl on n e ferait pas remise
à de imples connaissances.
Ain i tandi s que les simples ca deaux n 'on t qu'une valeur
minime, les don manu e l onl en gén éral un e Yaleur plus
gra nde e l pe uYenl m ~ m e avoir un e n leur con sidérable.
La juri prndence aujourd'hui adm el la validité des dons
manue ls à quelq ue Lau x qu 'ils puissent s'é lever. C'es t là
une différen ce avec cc qui avait lie u sous l'e mpire d e
l'ordonnance de 173 l. Le chan celier d 'c\ gucs eau , le
célèb1·e a uteur d e ce lle ordo nna nce, inlcr rogé s ur celle-ci,
r é pondil qu'e n cc qui con cernait les do ns manuels, i l n'y
avait à leur égard d'a utre règle qu e la lradi tion , parce
qu e ces don s furent toujours modiqu e , parce que leur
minim e importa nce leur permella it de se soustraire san s
graYcs inconvénicnls a ux règle $ Ur l es donations. Cet te
opinion n 'était, en somme, qu e la mise en pralique du
brocal'd latin : De mini111is non curat prelol'.
De nos j ourc;, au conll'airc, la jlll'i prude n ce rcconnall
unanim e rn enl la validité des d ons manu els qu e lle qu'en
soit la val eur. (Vo ir no lamm c n l : Nan cy , 1873 , 26 déc. Cassal., 6 fév. 181i1i, 1). A. Di s p. e ntre-vifs , n° 1636. Rouen, 24 fév. 1845. Sirey, 1846, 2. 104.)
-
123 -
Il semble, de prime abord, que cette jurisprude nce
soit anti-juridique. En effet, nous avons v u que l'arlicle 931
C. C. n 'était qu e l'exacte reprodu ction in terminis de
l'arti cle 1cr de l'ordonnance de 1731 · i\Iais celle ordonnance, a u dire de so u célèbre auteur, n'admettait la validité
des don s manuel s que si les dons étaien t modiques; il
semble donc qu e s i le législateur d e 1804 a emp run té à
d 'Agu ess0a u les Lormes même de son ordonnance, il n 'a
point vou lu d é roger à on esprit, et cela est d'autant plus
vrai, qu'en 1804, comm e en L731, les condition s économiqu es cl la fortune mobiliè re avaient la même importance.
Le brocard latin : Vilis mobilium possessio était encore
vrai; la forlune mobilière n 'ava it pas encore atleint celte
importance consid érable qu'elle offre de nos jours, par
l 'a u t>0'111 e ntation c roi ante de tilres au porteu r .
Cependant la jurisprudence nou s para it bien fondée .
San clou te , l r condilion écono miq u es, depuis la rédaction du code civ il e t, à p lu s for te raison, de l'ordonnance
de 173 1, ont changé dans de notables proportio ns. i\Iais,
d 'a utre part, s i Je légi;:;Ja1cur reconnait implicitement les
d ons manuel s, e l qu 'i l n'en ai l pa fixé la me nrc d ' une
facon pr6cise, appa l'li cn L- il au juge de s u ppléer à celle
lacune? Obi le.r non dis1i11guit, nec nos distinguere debemus.
Si le cha nce lier d'.\ gucsseau ne regardait le dons
man uels que coo1 111 c ayanl peu d'importance , c'é.tai_L H~ l.c
f]llOcl plerllmquë fit , en fa it , rcla pournit ê tre; mais JllI'1d1·
qu cmen t, aucune me nre n 'élait fixée.
Reconnailrc au juge le droit de fixer Ja me ure des don
manuel , c'est 10111ber dans l'arbitraire ; il faut donc reconnailre le ur validil é, qu el qu 'e n , oit le Laux.
Les ch oses co q rnrellcs peuvent donc quelle qu'en. oit
l e u r va lcu l', faire l'objel cl ' nu do n manuel; on. pe ul citer,
à lit re d'exemple : un labl cau, un livre, 11n meuble meublant, un manuscrit.
�-124 (b) Meubles i11co1ïJorels. -
A la diffé r ence d es m e ubles
corpor els. les m e uble ~ inco t'po1e ls n e pe u vent faire l'obj et
d\m don manue l ; le ur nature m l\m e r é i ~te il ce mode de
tra ns missio n . Ce pe ndant , a u uj c t <le ce rtain s clrnits in corpor els, la juris prud e n ce présente d es divergen ces, e l il
n 'est pas san s intérêt d 'exam i ner i ci pour quelles rais ons
e t dan qu e ll e m esure ces dive rgen ces se s oul produites,
à propos d e ch ac un d e~ dro it in co rpo r el s .
1° Créance. - (Voir Cas al. 17 juin 1855 . Gren oble,
17 juille t 1868).
De ux hypoth èses : l 0 Re mi e par l e cr éan cier au d ébite ur lui-mê me; 2° R emi e à un Li e rs.
1°Un créan cier rem e t à on débite ur l e Litre d e cr éan ce,
peut-o n <lire qu 'il y a là un d o n ma nu el ? A s'en tenir aux
ap par en ces, on opin erai t po ur l 'affirm a tive; i l y a, en effet,
tradition d' un o bj e t m obili e r , l e Litre q ui co n sta te la
cr éance.
La qu e Lion s'est présentée e n juri prude n ce (P aris,
1•r mar s 1826) e t la Co ut' de Cassa Lio n a été a m e n ée à se
p rono ncer, il b on droit , elon n o u s. e n sen s contrai re.
Voi ci l 'esp èce: U n c réan cier, Youlanl qu'après a morl
son débite ur fu t d i pen é de payer , con fie à un e t ie r ce
per sonne le titre de créa nce acq u itté, pour le reme tt re a u
d ébiteu r a près le décèc; du di po a nl ; - La qu estion se
posait d e avoi r , -'i l y a\·ait là un do n manuel fai t pa r le
créan cier au déb ite ur, e n e n re lar cla n l l 'exécution à u ne
é poque <l é tc rrnin ée, le décès dn d i po an t, e l , pa r con éq uent, un ac te jurid iq u e valable; o u b ien, n ' e t-ce pas, au
con traire une s imple li b61'a lit6 qui , p o u r èl r e valable,
devai t ê tre so um ise a ux fo rm es du testa me nt o u de la
d on a tion ?
ll n 'y a pas don manu e l , il y :i lib é ralité. T o ut don
manue l esl b ie n un e libéralit é, mais Lo ule libé1'a li té n'es t
pas un don ma nu e l. La libé r alité csl le genre, l e don
-
125 -
manu el , l 'espèce. Le don manu e l est cette libér alité qui
trans m e t la pro pri été d' un obj e t cor porel que l'o n met à la
libre dis po ilio n d u do nata ire.
D an s l 'es pèce, la l ib é ra lité qui é tait faite c'était la remise
d e d e tte d e l 'article 1282 C . C. Elle devai t do nc po ur êtr e
valable ôlrc so umise au x fo rmes du testamen t.
Il si e d d e r emarqu er qu e s i l e créancier avait voul u
fair e imm édia te me nt la lib ér alit é, il n 'aurait eu qu'à
rem e ll re l e Litre a u d éb it e ur lu i-m ê me; il y aurait eu là
libératio n co m p lè te, e t 'il n'y avait pas eu do n ma n uel ,
il y au rai t e u a u m oins libéralité .
L a qu e t i o n 'est présen tée a ussi un e autre fois . (Ca ::;al.,
17 m ai 1855. S irey, l8;)G. l.1 56.) : Un sieur Col aYail souscrit à sa œur u n bi ll e t de 2.000 franc ; mai , à sa mort,
o n tro uya le billet clan s ses papiers. La créancière intente
un p rocès au x h é ri tiers de Cot, en payement dudit billet;
la pos ession du titre par le débi teur, ne prouvant r ien,
dis ai t-ell e; car o n n e po u\·ait pas fa ire don manue l d' u ne
cr éance. La Co m , se fon da nt s ur la libération de l'article 1282, r eje ta on pourvoi; mais, statua nt sur le moyen
du do n m anu e l invoq u é, elle dit <<qu'il y avait do n manuel,
n o n , sa n s d o ut e, de la c1·éance, mai de la omme prim iti veme n t n o m b r ée pa t' le créan cier au débiteur».
Il y a là, crnyons-nou , un e fa usse interprétation des
fai ts. En effet , le débi te ur é tait déjà propriétaire des
deniers par s uite <le l'e m pr un t; on ne pouYait do n c pa
lu i tran smettre une secon de fois une propriété qu'il avait
d éjà.
Le motif, à no tre avis, au r ait e u plus d'exactitude, 'il
s'agissai t d'un corps ce r tain remi s en dépôt ou en gage.
Le déposan t, pa r exe n1pl e, rend au dépo ilairc le reçu :
il le décharge, d u même co u p, de l'obligation <le re Lituer;
d u m 6me co up a u s i, ne l e re n d-i l pas propriétaire <le
l 'objet dép osé? O ui, évidemme nt. Or , la tradition, aya n t
�-
126 -
déjà été opérée, le concours des volontés Yicnt ~'y joindre . nous nous trouvons donc en prése nce d un don
'
manuel.
2~voi là pour la première hypothèse; voyon maintenant
la seconde, cell e où la re mise du litre de la cr6ance est
faite à un tie rs.
Ici, au lieu d'éteindre un droit, comme dan le cas de
remise au débiteur lui-m ême; on Lrall ~ porte , au contraire,
un droit dans le patrimoine d'autrui ; la qu es tion se po e
donc de savoir si la ces ion de créance peut vala!Jl e1 nenl
se faire par voie de don manu el.
On ne trouYe en ce sen s qu 'un e ul arrê t ; il est de la
Cour de Paris du 6 mars 1815 : Le don, avec tradition
d'obj ets mobiliers, dit l'.1rrêl, est di s pensé des forma lités
ordinaire des donation . Mai cet arrê t, évidemment,
confond l'obj et de la créa nce avec la créance ell e-m ême ,
c'est à dire les choses corporelles avec les choses incorporelles. Tout les autr es ar rê ts sont e n sen s contraire.
En effet, aux term es de l'arti cle 1689 C. C. , dan s le
transport d'un dro it de rréancc s ur un Lier s, la délivrance
se fait entre le cédant et le cess ionnaire par la r emis e du
titre .
Ce n'est donc qu e la délivrance qui s'exérute par la
tradi tion du titre; mais la déli vrance n'est a utre cho se
que l'exécution du lran fe rl ; elle n'est pas le tran fcrl
lui-m ême; elle s uit la cession, mai s elle ne se co nfond
pas avec e lle .
Quant au transfert lui-m ême, il ne pe ul se r éaliser que
par un acte écril.
EL, en effet, les titres mêmes qui constatent l'exis te nce
de la cr éance portent avec e ux-m èmes la d ésig nation de
la per sonne à laque ll e le droit appartient. Co mm en t un
ti er s porteur pourrait-il donc se prévalo ir de la po ssession du titre pour s'en attribuer la propri été , lorsque
-
127 -
le titr e lui-m ême démentirait sa prétention ? Les modes
de tran sfert <l es créances ont été régl és spécialement
par la loi; e l parmi ces mode s ne figure pas la tradition .
Cependant nou s lrouvon dans la jurisprudence quelqu es divergences au s ujet cl e créan ces ou e ffets de commerce, la le ttre <le change et le bille t à ordre. Sans
do ute ces Litres de créance pas plu s que l es autre,; n e
peuvent être tran smis par la voie du don manu el. Jl e
transmellenl par la voie commerciale, c'est à dire par l'endo ssement.
Mais i l est un e sorte d'endossement , l'endo sse ment en
blanc ou irrég uli e r , au s uj et duqu el la question 'est
po sée de savo ir, s'il ne co n ~ tiluait pas une impie tradition , trans féra nt la propri été du titre , et par conséqu ent,
constituant le don manuel.
Certa in s arrêts décid ent qu e l 'endosse ment en blanc
pe ut cons titu er une tradition et partan t un don manu e l.
En effet , l'endo ement Lran fère la propriété de ces
billets; ce qui révèle s urtout ce tte inten tion d'aliéner ,
lure de l'e ndos e ur au bas de l'endo c ment.
c'est la sio-ua
0
C'est co mm e un e sorte d'abandon fait sur la voie pub lique ; mais l'a cqu éreur n'e t point dé igné ici comme dans
l 'endosse ment régu lier; qu 'importe? X'e t-ce pa celle
circonstance qui prouve l'intention de tran férer la propriété au prem ier venu , au ti er s porteur? Dans ce ca , il
y aurait bien don manu el. Mai ce y tème qui a été adopté
par qu elques arrêts n'e· L pa s conform e aux principe
juridiques et se h eu rt e à un texte fo rm el. L'a rticle 138
C. de Corn. di t en effe t que l'endos eme nt en blanc ne
vant que co mm e procuration; quant à la pro priété d'une
l ettre cl c cha no·e ou d'un billet à ordre , ell e ne peut être
transfér ée qu~ par un endossement régulier . - Si donc
il n 'y a pas transfert cl c propri 6té., il n'y a pas non plus
don manuel.
�-
128-
On objecte l'intention d'aliéner qni se réYèle chez l'endo seur par sa ignature appo ée au ba de l'endossement.
Cet argument u 'est point déci if. Celte signature peut
aussi bien témoign er d'un mandat de loucher l'argent que
d'une intention de libéralité. Or, de ces deux intentions,
c'est la première que la loi pré ume, et q u 'ell e édicte
même d'une façon formelle. L'endossemen t irrégulier
d'un effet de commerce ne lr ·~c;fère donc pas la propriété de cet effet; il ne saurai t donc y a\·oir de celte faço n
don manuel.
Il e tune autre sorte d'endossement irrégulier au sujet
duquel la que~ lion 'e-t po ,ée de ayoir s'il constituait un
don manuel : c'e t l'euclo ement cau~é pour don et sans
indication de la valeur fournie. Deux fois , la jurisprudence a eu à statuer ::.ur celle hypothèse et deux fois, elle
a opiné pour l'affirmative.
(Cassat. 25 janvier 1832. Dalloz. Rép. 8°). Effels de commerce, 455, 3°.
(Paris, 18 mai 1867. Gazette des Tribunaux, 10 juillet 1867).
Nous ne saurions admettre cette jurisprudence ; en
effet, du moment qu 'il y eu endos'5emen t, cet endossement fût-i l irrégulier, il )'a bien acte écrit; cet écrit est
exclusif du don manuel.
Si enco re la juri prudence s'était contentée de voir
dan ce fait une libéralité; mais même dans ce cas, nous
n·hésilerion pa à la déclarer anti-juridiqu e. En effet, le
texte formel de l'a rt. 138 C. Com. n'accorde à l'endossement inégulier que le effet d'un mandat. En vain objecterait-on le respecl que l'on doit à la liberté des conYentions ; celle liberlé ne va pas jusqu 'à enfreindre les prescription s formelle et impérative de la loi (art. 6. C. C.).
- Si l'on Yeut transférer la propriété, qu'on se conforme
à la loi, qui exige l'indication de la valeur fournie. En
-
129 -
vain objecterait-on encore avec Vazeille que dans l'endosse ment ca usé pour don, il y a bien indication de la valeur
fourn ie; la ca use du transfert de propriété se trouve dans
l 'affection du donaleur pour le donataire, affection qui
n 'es t pas sa ns vale ur . Répo ndre ainsi, c'est jouer sur les
mots. Il n 'est douteux pour personne que lorsqu e le législateur a parlé de vale ur, il a entendu une valeur pécuniaire donnée eri échange et non point une valeur d'affection . Donc, il quelque point de vue qu'on se place, l'acte
doit ôlre ann ulé co mme don.
Ain i , en résumé, les titres de créance ne peuvent se
t ransmcllrc que par les moyens édictés par la loi: la cession et l 'endo s se Ill ent.
Mais celle règle ne concerne que les titres nominatif ,
créances ur les particuliers ou sur l'Etat, livret de
caisse d'épargne, etc... , il y a en elfet, une exception
pour les tilres au po rteur qui se transmettent par la
simple tradition. Leu r nature même se prête à ce gen re
de tran sfert.
Le litre au porte ur n'est pas de création moderne; il
remonte au moyen-âge. i\Tais il r épondait alors à d'autres
rlécessités qu'auj ourd'hui et n'avait pas la môme importance qu'à notre époque. Il fut imaginé par des praticiens
pour élud er les rigueurs d'une pro cédure formaliste qui
adm eltail clifficilemenl la représentation en justice ; il
fallait donc que celui qui intentait une action en justice
fùt directemen t int é ressé, fùt le créancier lui- même; la
clau se au porteu r in crite sui· le titre l'investissait d~ ce
d roil; et le por teur e présentant comme créancier aYait
par cela môme qua lit é pour agir . Telle était la eule destination de la clau se au porteur, elle inYestissait d'u n mandat
l e porteur du titre de créan ce. Ainsi, elle avait le môme
effet que pour l 'endo ssement irrégulier d'un effet de com0
�-
130 -
merce qui , aux termes de l'article 138 C. de Corn. ne vaut
.
que comme procuration (1).
Le jour où la r e prése ntation en jus ti ce fut ad mi se, l e
titre au porteur n e ré pondit p lu s à aucune nécess ité e t
tendit à disparaitre. Il se maintint pourtant par l'effe t d e la
routine ; mais il n'était en usage q ue chez les comm erçants
seuls; c'est alors que l'indu s trie moderne, a u commen cemen t de ce siècle, vint prendre le titre au porteur pour
l 'enlever dan s son prodi g ie ux essor.
Le titre au porteur a s ur les autres titres d e cr éanrc
l'avantage d e se transmettre de la main à la main san s
a utre formalit é. Ce mode de transmission est p lu s commode et plus pro mpt e ncore que l 'endossemenl d es effets
d e commerce. C'est à cette facilité qu e le Litre au porteur
doit la faveu r dont il jouit. Il n 'es t pas a ujourd'hui un e
indus trie quelque peu con s idérab le qui ne march e par
actions; l'a ssociation des ca pita ux est un des co tés ca ractéristiques de notre épo qu e . :Mais po ur e n faci liter le placement, en généra l q uand la moiti é de l 'action est ver sée,
on convertit l e titre nom in atif en litre au porteur; en sorte
qu'il n 'est presque pas de socié té qui n 'ai t des titres au
porte ur . - On compre nd tout de s ui te l'importan ce des
dons manu el s; cette importance correspond à la prodigieuse extension des titres a u porteur; tandis que dan s
l 'a ncien droit, les fo rtun e é taient presque toutes imm obilières·, de nos. .1· ou r s ' il en es t p lu s d ' une , même fort con s idérabl e, qui se compose uniq uemen t de vale urs mobilières , dans l 'anc ien droit, la monnaie é tait la se ul e vale ur
qui pût donner quelque i rn porlance aux dons manuels ;
mais e n core la monnaie n 'é tait pa s courante comme de no s
jours ; aujourd' hui , ce n 'es t pa s se ulement la monn aie, cc
sont les Litres a u p orle ur qu i rep r6senlent d es ca pitaux
qui peuvent e n core en être l 'ohjeL e t qui, somm e tou le , en
s ont l'obj e t principal. Il y a même pour eux un lexte spé-
-
131 -
cia l, l'a rticle 35, C. Corn. : le principe que la tradition s uffit , comm e formalilé, pour lrans fé r er la propriété est a ussi
vrai pour l es titres au porteur que pour les me ubles corporel s . E n effet, en ce qui concerne ces derniers, la tradi·
tioo n 'esl pa s un mod e d e transfert de proprié té; e ll e ne
fig-ure pas co mm e tel dans l'énum é ration des articl es 711
et 712 C. C. Dès lors, la tradition n 'est e t ne peut ôtre considérée que comm e l'exéc ution d ' un co ntrat antérieur ou
con co mitant qui opère l ui-même le Lransfert d e propriété:
vente, donat ion, e tc . .... Ce sera le seul consente men t des
parLics qui a ura opéré cette mutation de propriété.
Pour les titres au po rteur il e n est de mê me, il y a u n
texte s péc ia l , l'article 35 du Code Corn. qui dispense
de toute for ma lité la ces ion de créance. Sans doute,
il faut ici com me dan tout con trat , le consentement
des parties qui trai te nt , mais ce con sen tement joint
à la tradition cons titu e à lui seul un contrat à part, dont
la validité n e sa urait ôlr e con testée et qui n 'est point
l'exéc uti on d ' un a u tre contrat. Il y a mieux, la tradition se ule fait pré umer l 'in tention de trans férer la proprié té; en sorte que le tradens qui n'a urait entendu faire
qu ' un d é pôt ou un mandat devra prouYer l'exi te nre d e cc
conLraL à l'en contre de l'accipiens; la lradition ici fait donc
présumer la mutation de proprié té, non un mandat , ou un
dépot, ou tout autre contrat d 'une autre n a ture.
2° Propriété littéraire , artistique et industrielle.
Peut-elle ê tre tran sférée par la tradition du manuscrit ?
Auteurs affir. (Don cn lrc-vifs, l. 3, n°' 1053-1056; t. 20, n° 71) :
Dcmolornbc, Troplong.
n ég. Aubry cl Rau (L. 7 , § 619, p. 83, n° 23); Lauren t (l. 12, n° 283.)
J urisprudence: Affir. Bordeaux, 4mai 1843 , S. , 43, 2, 479;
Pari s, 4 mai 1816 (Aff. J. ChC:•nicr. )
Paris, 10 déc. 1850. S. , 1850, 2, 623
(Affaire Récamier.)
�-
132 -
Nous avons vu phr haut qu e la proprié té d'un manuscrit ou d'un tableau pouvait se transmettre manuellement.
En est-il de même de la propri été littéraire, artistique ou
industrielle? Cette propriété es t-elle trans mise en même
temps que la propriété du man uscrit, du tab leau ou du
brevet d'invention? Non ; et , en effet , cette propriété
étant un droit incorporel , n 'est pas susceptible de possession r éelle , comme un objet co rporel.
Et que l 'on n 'obj ecte pas que le transfert de la propriété
littéraire est une con équence naturelle de la transmission
de propriété du manu scrit, car c'est précisé ment l à ce qu'il
faut prouver. La r emi e du manuscrit ou du tablea u peut
être un témoignage d'affection que l'on donne à la personne que l'on gratifie; mais le fait même de la tr adition
ne déterminant pas l 'étendue de la lib ér alité, comment
peut-on prétendre que le droit de publier l'œuvre el de
s'en approprier les b énéfi ces est compri s dans cette lib ér alité? - On dira: l'intention des pa rties est souveraine
en matière de contral. Sans doute , mais encore faut-il que
celle intention so it co nnue, so it précise, de façon à ce que
aucun doute ne s'élève s ur son existence. Et puis, il es t
faux de dire que l'intention du donate ur même , cla il'Cm ent
manifestée, soit aussi souvera ine qu'on veut bien le dire .
Supposons, en effet, que deux parties veuillent faire une
donation par acte so us se ing privé, est -ce qu e leur seule
intention donnera à leur acte une vale ur que la loi 1ui
refuse catégorique ment ? De même l'intention du donateur suffit-elle pour valider le don d'une créance ? Non.
Au dessus de la vo lonté des parties , il y a la volon té de la
loi qui est plus s ouverai ne enco re. Et si la loi dé termine
le mode à employer, c'est en vain qu 'on vo udrai t s'en
affranchir en prétextant de l'intention des parties ; celte
intention est nécessaire , elle n'est pa s suffisante. L'inlen·
tion de transférer la propriété et le mode de transfert indi-
-
133 -
qué par la loi doivent se r éunir pour op érer complètement
ce tran sfert.
Ainsi la propri été litt éraire, artistique ou industrielle
n e peut pa s se tra nsmettre manuellement. (Cassat. (i;ffir .)
6 fév. 1844. , D . A. Disp. entre-vifs 1638. Dijon, 12 mai 1876.
Sirey, 1876,2. 300. Paris, 18fév.1778. Req. Rej. 5aoû t1878.
Sir. 1880, 1. 294. Angers, 27 mai 1880. D. P . 1882, 1. 67.
Civ. Cass ., 11 aoùt 1880. Sirey 1881, 1. 115.)
3° Usage, usufruit, nue-propriété.
No us avons vu plu s h:iut qu' un don manuel pouvait être
fait avec r éserrn d'usufruit. Ici, il s'agit de savoir s i on
peu t constitu er directement un droit d'usufruit par don
manuel. Je pre nds l'u - ufruit à titre d'exemple; mais la
question se pose à propos de to ut autre droit incorporel.
La jurisprudence est pa rtagée s ur ce point. La plupart
des arr ~t s déciden t que par sa natu re même un droit
in corpor el repousse ce mode de transfert qu'on nom me la
tradition.
Cependant un an 6t de la Cour de Paris de 1880 admet
la possibilit é cl'étab lii· un droit <l' usufruit pa r sim ple tradition.
Déjà dans un arrô t du 6 février 1844, la Cour de Cas atio n elle-môme avai t reco nnu la validité d'une di-position
de ce gen r e.
En effet, r econnailre qu e, conformément à l'article 849,
on peul fai re un don manuel en retenan t pour soi l 'usufruit , c'est bi en reco nnai tre impli citement qu 'on peul
consti tue r un droit d'u ufruit pa r la même voie.
Sans doute, l'us ufruit est un droit incorporel et, l\ ce
titre, n 'es t pas su cep tible d' une possession réelle, mais
s'en tenir à celle idée, c'est se fai re une idée incxaclo du
rôl e de la tradi tion dan le don manue l. En effet, notre
�134 législation spiritualiste accorde au co nse ntement des
parties le pouvoir de tran sfé rer la propri été; s i donc c,est
la rnlonté des parli e qui opère le changemenl d e propri élé, qu'imporle la nature du droit ? Le concours des
volontés est seul tout puis ant; que cc soi t un droit de
propriété ou un droit d'u sufruit , la chose importe peu.
Ce qu i importe c'cs l qu e l 'o bjet s ur lequel doit porter le
droit co n titué soit su sccplib le de tradilion r éelle et que
cette tradition so it effec tivement opér ée .
Il nous semble qu e la Cour de Paris ne ti e nt com ple ici
que d'un des éléme nts du don manue l , l 'intention des
parties; mais elle passe sous silence (et c'est là, elon
nou s, son erreur) le second élément, la tradition.
Sans doute , nou avons reconnu nous-m ême pl us haut ,
qu e le don manuel fai t avec résen·e d' us ufruil é tait pleinement valabl e; mai s ce fail n 'au to ri e poinl la concl usion
qu 'en Lire la Co ur de Pari s. En effet, que se pa sse ·L-il
dans le don manu el avec l'éserv e d'us ufruit ? Le donate nr
re met au donataire l 'objel de la do na li on: une so mm e d'argent , par exemple, avec l'in tention de l 'en r endre propriétaire. Voilà les de ux élémenls du don manue l r éal isés:
l'intention d'ali éner el la lradilion .
Puis au moyen d'un pacle acces oir e, le donalaire s'engage à servir au donateur les inlérêls de celte somm e. Or ,
nous savons qu e les pactes joints au don man uel sont pleinement valables , quelqu e forme qu 'ils revêtent. Donc la
r ésen e d'usufruit , qui en esl la conséque nce , est aussi
pleinement valable .
La Cour de Paris se mbl e suppo ser, au con traire, qu e le
<lon&leur ne se dépoui lle en aucune fa con· qu'il o-a rd e par
0
'
•
dever s lui l'objet dont il L1·ans met au donataire la nu epropri été.
Si les ch oses se pa s aient ai ns i , elle aurait raison
de dire que la nu e- propri 61é 6Lanl lrans mise par le don
manuel , tout aulre droit peul se Lransme ltre aussi de la
-
135-
même manièr e . Mais c'est là une erreur; dans celte hypothèse, en e [ et, le second él ément du don manuel , la traditio n, fai t absolum ent défaut; il se trouve. au contraire,
plein e me nt réa lis6, dans le cas où la réserve d'us ufruit est
la con sécru ence d'un pa<:Le accessoire.
En r és um é , un droit inco r porel ne peut pa s êtr e transmis par voie de don manuel , et il est inexact de dire que
dans Ï e cas de r·éserve d'usufruit, la nue-propri été se trouve
tran smise direc tement.
§
II. -
Forme : Tradition .
Le l égislateur a cherché à entourer de toutes sortes
d'entraves les donations entre-vifs, mobilières ou immobilières , parce qu'il les voit avec défaveur : nécessité
d'un ac te auth entiqu e, consentement exp ressément manife sté , des aisissem ent actu el et irrévocable, ca pacité
spéciale pour aliéner, respect de la réserve, son t au lant
de préca ution s, on pourrait même dire de mesures préventives destin ées à arrê ler l 'essor des lib éralités.
Ce n 'est pas san s raison qu e l e législate ur cher ch e à
enlraver l es largesses parfois témé raires et irréfl échies
auxquelles on peut se livrer : l'a ppauvrissement d'un
patrimoine au détrim ent de membres <l'une famille,
l 'enrichi ssement de personnes pa rfoi indig nes, l'encouragement au vice et à la ca ptation pour faire de rapides
forlunes tou ces mot ifs ont détermin é le législaleur li ne
' d ' un œil favorab le les donations : elles sont plus
point voir
souvent le prix de co mplai ance coupables que la r econnai ssan ce de services r endu s.
Sans doule, toute les pr6cau lions prises par le législate ur n 'arrMe ron t pas la fougue des pa sions; mais sans
discuter ici ur le ur effi cacité plu s ou moin s grande, nou
cons taton s celte inten tion bie n certaine de la loi i les
�-
-
i36 -
règle s qu'elle édicte au s uj e t de s libé ralités p e uve nt , du
mo ins, chez quelqu es- un s, p r oduire l es r ésulta ls h e ure u x
q ue l'on est en d r oil d'a lte n cl re.
Il n 'en est p as de m ém e e n ma Li è re d e don manu e l : Ici
l'intention d 'alién e r e t d 'acqn é rir es t n écessaire comm e
dans tout contrat; mais en de hors d e celte co ndition , on
n e r en contre d 'autre form alité q ue la tra dition ; ici, ni la
n écessité d' un co n sente me nt expressé me nt manifesté, ni
la n écessité d'un ac te auth e ntique, po ur do nn e r n a issan ce
à la do nation elle-m ê me : la tradit ion s uflit à l a pe rfection
d u contrat.
Nou s avon s vu pl us h aut q ue l'exis ten ce du d on m anu el
n 'était point du e à celte idée qu 'il fa ut tolérer ce qu 'on
n e p e ut empêch er ; mais que, au con lraire, le l égis late ur
ùu Code civil avait e u l'in le ntio n certaine de m aintenir
da ns le Code l e don manu e l e t qu 'il avait e nte ndu lui
con ser ver ses franchi es, à raiso n du p e u d 'impo rtan ce
qu'ava it alor s la fo rlune mobili è re .
C'est ici l e cas de bi en déle rmin e r l e r ôle d e la tradition
dans l e do n m anue l : Si le do n manue l es t affra n chi d e
to u tes fo rmalilés q ui garan tissen t le do n a te ur conLrc l es
dan gers de la cap talion , qu e lle e t , a u point de v u e ju r idique, la valeur de la tradition ? Es t-elle a u don manue l
ce que l'acte a uth e n tiq ue esl a ux donations ordinaires?
C'est à dir e est-elle une fo rmalité essen Lie ll e à l'exis te n ce
du don manu el ? ou bien, n 'est-elle q u e l'exéc utio n d'u n
contrat anté rieur exis tan t par l ui-mêm e par le seu l fai t du
concours des volontés ?
En un mot, dan s quell e catégo rie de con tra ts fa u t-il
r an ger le don manu e l ? Pa rmi le s contra ts réels con sen'
s ue ls ou sol en nels?
Les contrats r éels sonlce ux q ui se fo rm ent p ar l a r e mise
de la chose; tels sont l e prC:L, l e dépô l. L 'obli gation <le
ren dre ne prend nai ssan ce pour l'e mp r u n te u r ou l e d é positaire qu'à l' instant même oü i l reçoit la ch ose.
1
137 -
L e s contra ts consen s u els s ont ceu x qui se form ent pa r
l e seul consente m ent d es parties ; telle e L la vente e n ce
qui con cerne l e transfer t de propri é té.
L es contra ts sol e nn els sont ce ux qui n'exist e nt qu e tout
autant qu 'il y a u n acte n otarié de passé; tels so nt la
dona tion , l e cont rat de mariage, la cons titution d'h y pothèque.
Disons, to ut d e s uile, pour s implifier la question , qu e
les contra ts r éels e t l es contrats sol ennels, a u point de
v u e q u i n ou s occu pe, doivent ê tre mis s ur la m ê me li g n e .
En effe t , ch ez les un s com me ch ez les au tres, l e co nsent e m ent, à lui seul , est ine fficace p our op é re r le tra nsfert
d e propriété, so it qu 'on l e co n s idè r e co mm e in existant e n
l 'ab sen ce d e tout e so le nnit é, soit q u 'on lu i refu se tout
effe t , tan t qu 'il n 'y a pas e u re mise d e la ch ose.
Il s'ag it do n c de savoir s i no u s devons r anger le don
manu e l d a n l es ro nlra ts con sen s uels d 'un e parl o u bien
dans l es contra ts sole nne ls o u réels, d 'a utre part.
Pra tiqu e me n t, h â to n s-n o u s d e le dire , la q uestion n 'offr e
au cun inté r ê l, car n ous ad me tton s qu e l'int e ntion des
parties et l a traclilion sont les é lé men ts i ndi pensable du
d on m anu e l.
« R e marqu ez, d i t un aute ur, q ue ce n 'est pa la tradition
seul e q ui 1ra n sfère la pr opri été, mais la tradi tion accompagn ée d u co ntrat des vol ontés.» (1)
Pour no u , no u nous demandon s , au poin t de vue
théorique , une fois l e de ux é léments r éa lisé ~, i un eu l
d es d e u x a p u suffire à transfér e r la propr iété , on bien si
tous deux y conco ure n t pour une égale part.
U n aute u r for t d is ting ué (J\I. Pa ul Bresso lles, avocat,
Toulou se, Théorie et pratique des dons manuels, p. 104 e t
(1) Jules Claude, Des Dons manu.el&. Thèse pour le Doctorat,
p. 213.
�-138 suiv.) soutient que la tradition n 'intervie nt pas ici comme
exécution d'un tran fert de proprié té , mais qu'elle est
n écessaire au transfert de la propri 6lé; l a tradition est au
don manuel ce que l'acte authentique est à la donation
ordinaire: elle est n écessaire ad solem nitatem . Il s'appui e
sur ce princip e en matièr e d e libéralit és qu e l 'existence
mêm e de la do nation e t soum ise à <le s formal ités rigo u~
r e u es; l e l égisla te ur n 'a pa voulu donne r au s imple
consentement, quand il s'agit de dona ti ons, le m ê me effet
qu 'il lui reconnait dans l es a utres contrats; il faut à toute
donation une formalit é qui lui donne l e jour : forma dat
esse rei. O r, celle r ègle es t certainem ent un e r ègle de
fond , et l'on sait que de ple in droit l e s dons manue ls s'y
trouv ent soumis.
Et cela est si vrai , ajoute-t-on , qu'en l 'absence de tradition , le contrat re s te ra forcé ment l e ttre mo rte. Quelle
action aura, e n effet, le donataire ve rbal contre le donate ur
pour se faire me ttre en possession d e l 'objet donn é? Et
qu els moyen s de preuv e po urra-t-il faire valoir contre
lui , s'il n 'a pas à son service un ac te a uthen tique ? L es
s imples écrit , l es échanges <le correspondance o u de
paroles, en matièr e de don atio n , doivent être considérés
comm e non avenus. La s imple prom esse verbale de d on
manuel est donc de nul e ffe t sa ns la tradition. (Seine,
16 avril 1874. Gazette des Tribunaux, 6 ma i 1874. Remiremont, 9 juille t 1874. Ré p. p6r. Garnier n° 3953.)
Ainsi , d'après ce systè me, le don m anu e l se rai t un
contrat form ali s te, un contrat sole nnel.
Nous n e pen son s pa s ce pendant qu' il fa ill e r a nger l e
don manuel dans cette catégorie d e conlrals. En effet, ce
qui l e cara cté rise, c'est l 'affranchi sse ment d e toute sol ennité : « Il n 'y a là d 'a utre règl e qu e la tradi tion. » L e <lon
manuel n ' est point so umis à la formalit é de l' écr itu re po ur
prendre naissance. l\lais, dit-on , la tradi tion es t au don
-
139 -
manuel ce que l 'acte authentique est à la donation ordin aire. - C e tte ass imilation n e se justifie po in t ; en e ffet,
nou s n e trouvons null e part dans l e code civi l un te xte
qui fasse de la tradition un mode de transfe r t de la propriété . Vainem e nt on objecterait l 'ar ticle 1141 ; il est
facile d e d émontre r qu e cet article ne vise pas la traditio n
comme mode d e trans fert d e l a propri été, ni entre parties,
ni à l 'égard des tiers. Quelle es t, en effet, l 'h yp othèse
prévu e? Le propriéta ire d'un obje t mobilier en transfère
la proprié té à Primus, puis, ava nt de le lui avoi r livré le
'
donne et l e livre à Secundus; que l sera , à l'égard <les
tie r s, l e vrai propri étaire~ Ce se ra Secundus, dit l 'articl e .
Eh bie n , dit-o n , d 'où vie nt la dilforence e nlre l es deux
cas, n e vient-e lle pas de la tradition ? Si , e n effet, c'est le
seul con sen te me nt d es parties qui opè1·e le transfert de
proprié té, e n bonne règl e, c'est Primus qui doit l 'em p o rter
s nr Secandus; pourtan t , c'est Secllndus q ui devra ê tre
d é claré propriétaire ; n 'e t-ce pas p ar ce que l a tradi tion l 'a
rendu propri é taire? P o ur lui , co mm e pour Primus, il y a
eu la double inte n ti o n <l 'a lié n e r et d 'acqu é rir ; mai pour
Secundus, il y a e u qu elqu e cho se de plus que pour Primus,
la formalit é d e la tradition .
Nou s n e saurio n s acce pte r cette façon de vo ir. Ce n 'est
point à la traditio n qu 'il fa ut attribuer le tran fert de prop r i é té dan s l'esp èce d e ! 'article 1141, mais bien à la prescrip lion instantanée qui s'est opérée au p r ofit de Secwulus;
aux te rmes d e l 'a rticle 2279 C. C. , en fait de meubles,
po ssession va ut ti tre : c'est à <lire qu e des troi condi ti ons
exigées pou r pre c rire : l e temps, la pos ession el la
bonn e foi, la première n 'est p l us req uise; les deux autres
seules s ufü scul. Et cc qui prouve bie n que l 'article 1141
se r éfè re à l 'article 2279, c'est qu'il exige chez Secundus
l a bonn e fo i ; c'e L-à-<lire q ue Secundus, pour opposer son
droit a ux tiers, il Primus, excipera. de sa possession
�-140 d'abord, de sa bonne foi ensuite, bonne foi qui, du :~ste,
se présume . Ce so nL bien l es deux seules condit1o~s
exigées par le Code pour la presciption d~~ choses 1~oh1lières; c'est donc à la pr escription se ule qu il faut al tr1buer
le transfert de prop ri été vi s-à-vis des tier s . Et ce qui l e
prom·e encore d'une faço n p6remptoire, c'est qu e Prim.u s
aura un recours en dommages-intér êts contre le propri6taire pour inex6cution de l'obliga tion de délivr er . Donc,
le seul consentemen t au ra bien s uffi à tran sfér er la propriété entre parties du moins ; ce n 'est donc pas la trad~ti o n
q ui a été et qui peut être un mode de transfert de propriét6.
En résumé, l a tradition n e peut pas être aux dons manu els
ce que l'acte authentique e t aux donatio ns en tre-vifs
ordinaires, c'est à dir e q ue la tradition ne donn e pas l 'existence au trans fert de propriété.
On pourrait pourtant objecter e ncor e l'ar ticle 35 d u
Code de Commer ce r elali f aux litr es au port eur ; pour e ux,
dit ret article, la cession s'opère par la simple t radition
du titre . Mais cet article n e d6truit en aucun e faço n le
princip e q ue la prop riété se transmet de nos jo urs par le
seul consen tement ; la simpl e tradi tion do nt parle l'article
est ici en o pposition avec les fo1·malités de la cession de
créance <les articles 1689 el suiYa nl C. C. ; puisque le seul
fait de détenir un Litr e au porte ur vo ns donne le droi t
d'exiger le payement sans avoir à justifier de l'origine ni
de la légitimité d u Lit re, to utes les signi fications à fai re
au débiteu r ou son accep tati on dans un ac te authentique
deviennent d n même coup inutiles el ont rclllplar6es
par la simple traditi on du LiL1·e e ntre l es parties. Voilà,
évidemm ent, la sig nifi cation <le ces mols : L a cession
s'opère par la simple traditi on. Mais il n e fa ut pas l eur
donn er une port ée plus grande et cr oire q u e c'est la
tradition qui opère le transfert de pro pri6l é.
En résumé, le do n man uel n'est pas un co n trat solenn el
en ee sens que la tradition opè re le tran sfert de propriét6.
-
•
141 -
Est-ce un contrat consensuel ? L'affi rmative n'est poin t
dout e use : ell e est la con séquence même des développem ents q u i pr6cèdent ; le concou rs des vo lontés suffit à
tran sfér er la proprié té. Cependan t cette opinion est loin
d'ê tr e admise par to ut l e mon de. Supposez, dit-on , le con co urs des volonLés seul, san s que la tradition soit réali sée;
qu elle effi cacit6 aura ce consentemen t mu tuel des par ties ?
Comm ent l e donataire pourra-t-il fo rcer l e donateu r à
lui livrer l a chose dont il lui a transmis la propriété ?
Quelle action aura- t-il co ntre lui ? Il y a là sans doute une
diffic ulté q u'o n ne saura it méconnaitre ; mais il importe
aussi de ne point l 'exagérer. Remarquons d'abord que l'obj ection q u o l 'o n so ulève est r elative plutôt à une question
de p reuve qu'à une qnestio u de tr ansfert de propriété. Dans la Yen te , pa r exemple , c'est bien le consentement
mutuel des parties qu i opère le transfer t <le propriété; et
cependant tan t qu 'un écri t n'aura pas été rédigé (il s'agit
ici , bi en en tend u , d'une vente supérieure à 150 fran cs) ,
l 'ache te ur ne pou rra pas oblige r son vendeur à lui faire
livrai son de la chose ve nd ue. - Qui osera it po urtant sout enir que le con tr at de ven te consiste dans l'acte écrit? Il
en est de même pour le don manue l. De ce qu e le donataire esl sa ns action, il ne s'ensuit pas que ce soit la tradition qui transfère la propriété. Nous avons eu soin de dire
en com mençan t que la question ne se posait qu 'une fois
que les deux éléments du don manuel se trouvaient réalisés, et alors la répon se de la question posée dépend unique men t de la na ture m ~me des éléments du don manuel ,
et n on pl us de l'époque à laquelle ils ont pris naissance.
Car il fa u t bien l e r emarq uer, l'er reur du syst ème que nous
combatto ns consis te à refuser efficacité au co nsentemen t,
par ce que ce consente ment pr écède la tradition; mais sup·
p osez, au co ntrair e, q ue la trad ition ait déjà été effectuée,
que, par exemple, le futur donataire détienne déjà l'objet
�- 142 - de la donation , soit à titre de dépôt, soit à Litre de gage,
vient ensuite le consentement des parties, pour rendre le
détenteur propriétaire de l'objet, dans ce cas, ne sera-ce
pas le seul consentement des parties qui aura opéré le
transfert de propriété ? Ain si donc la valeur du consentement dépendrait de l'époque à laquelle il est intervenu ,
ce qui n'est point admissible.
D'après nous, au contraire, c'est le consentement seul
qui transfère la propriété. Quel est don<' le rôle de la tradition dans le don manuel ? La tradition ne s ert ni à transférer la propriété, et , d'autre part, ne peut pas être considérée comme une solennité. Cependant c'est elle qui caractérise le don manuel , non pas ell e se ule , mais elle jointe
à l'intention d'aliéner . En effet, l'intention d'aliéner el
d'acquérir prise isolément est nécessaire à tout con tr at
translatif de propri été , donation entre-vifs , vente ,
échange, etc ... ; la tradition , en d'a utres term es , la délivrance, la remise de la chose es t n écessaire elle auss i
'
'
dans les contrats translatifs de propriété, ou m ême dans
les contrats
les simples contrats cr éa te urs d'obliO'atiou.s
)
0
réels, le prêt, le dépôt , etc ...
Mais le simple consentem ent joint à la tradition sontles
conditions indispensable s en notre matière: leur réunion
est la caractéristique de tout don manuel.
La tradition est donc l'exéc ution du don m anuel mais
'
l'exécution inséparab le de son existence . Existence et exé
cution en notre matière se confondent. C'est en ce sens
seulement qu'il leur est permis de dire qu e la tradition
est une formalité s ubs tantiell e; mai s il serait étrange de
vouloir faire une solennité gônante de cette fo rmalité la
plus simple et la plus expéditive qui se puisse imaO'iner .
La tradition consomme le don manuel et s i elle est
'
nécessaire au transfert de propriété, cela tient à la nature
même des choses ; mais ce n'est point, comme pour les
-
143 -
donations ordinaires par acte authentiq ue, une conséquence
de la volont é de la loi .
De cette facon, il est permis de dire qu'il est un contrat
solennel. Il est non moin s douteux que le don manu el est
un contra t consens uel ; il participe don c de la nature de ces
deux catégori es de contrats ; mais on ne sau rait en aucune
mani ère le ranger au nombre des contrats réels.
On sait qu e les donations entre-vifs d'effets mobili ers
ne sont valables que tout autant qu 'un état estimatif, signé
du donate ur , a été annexé à la minute de la donation. Qw'd, s'il y avait eu livraiso n des objets mobiliers donnés,
sans qu 'il y ait en cet état estimatif de l'article 948 C . C.?
Il est hors de doute qu'une telle donation n'est pas valable
comme donation , c'est à dire comme libéralité con talée
par acte; la fa çon dont est conçu l'a rticle 948 prou ve que
l 'état estimatif est un e condition nécessaire de la validité
du con trat, e l la jurisprudence a décidé que la nullité r ésu 1tant du défaut d'é ta t estimatif était une nulli té absolue.
Mais n e peut-on pas voir dans ce fait un don manuel ? Les
deux éléments du don manuel se r encontr ent dans notre
espèce: l 'intention réciproque d'ali én er e t d'acquérir et la
tradition de l'objet.
D'apr ès un premier système, tout est nul ; car l 'état es timatif est un e fo rma lité substantielle de la donation d'effets
mobiliers; la fa çon même don t est conçu l'article 948 le
prouve péremptoirement: l'acte de donation ne sera valabl e q ue si, e tc ... C'e t la forme imp érative. Et que l'on n'obj ec te pas qu e les nullités ne se suppléent poiut et ne frappent les acte s qu'en vertu d'u n texte formel; car le texte
mêm e es t on ne peut plus formel : 8Î l'étal estimatif est
ab sol ument n éce sa ir e po ur la validité, ne s'en suit-il pas
que son absence r endra nulle la donation? Si le législateur n 1a pas cru devoir dfre qu 'il y aurait nullité, c'est que
cela é tait complètement inutile.
�-144Sans doute , l'absence d'état estimatif annule quelque
chose , mais quoi ? La donalion elle-m ême ? non; l 'acte de
donation seulement. Mais le don manuel est par nature
exclusif de tout acte; deux él éments suffisent à son existence : l'intention d'aliéner et la tradition. L'int ention n 'es t
pas douteuse; donc le moment où la tradition s'effectuera,
le don manu el sera parfait.
Un second système déclare aussi qu'il y a nullité , mais
pour des raison s différentes. Il s'appuie sur les travaux
préparatoires et la discussion qui se fit au Consei.l d'Etat:
Le projet primitif portail ces mots à la fin de l'article: <c a
moins qu'il n 'y e(tt tradition réelle. » Mais comme on voulai t pouvoir établir la l égitime des en fants, on reconnut la
nécessité d'un état est im atif. - On effaça donc du proj et
les mots de la fin: s'il n'y a tradition r éell e , et on les
remplaça par ceux-ci : Tout ac te de donation d'effets mobiliers ne sera valable qu e si .....
Voilà bien, dit-on, l'i ntention du législate ur qui n e
reconnait la validité des donations d'effets mobilier s que
s'il y a état estim atif ; la tradition ne s uffit donc pas à ell e
seule à valider la donation.
La conclusion n'est pas rigoureu sement exacte ; e u effe t,
si d'une part, le légi lateu r a vou lu que toute donation
d'effets mobiliers fùt accompagnée d'un état estimatif, dans
le but de pouvoir étab lir la légi time des enfants, il est
non moins certain, d'un autre côté, qu 'il a r econnu l'existence des dons manuels , pui sque l'a rticle 931 C. C.
reproduit in terminis l'arti cle 1 de l'ordonnance de 1731.
Or, ce tte intention de conserver les dons manu els se
r évèle dans le dernier état de la loi, dans sa rédaction d éfinitive. Donc , quelle qu'ait pu être à un mom ent donné
l'intention du législateur , c'est à son intention dernière
qu'il faut s'en rapporter. - En co nséquence, quand nous
no us trouvons en présence d' une tradilion d'objets mobiliers, avec intention de les aliéner, il y aura don manuel.
-
145 -
De quelles sortes de tradition s'agit-il ? De la tra·
dition r éelle, cela est <le toute évidence . Le résultat à
rechercher est la mise en possession effective du donataire, alors m ême que cette mise en po ssession s'effec·
tu erait po slérie urement à l'intenlion réciproque d'aliéner et d'acqu érir, ou même antérie urement , p eu importe,
pourvu qu'elle se r éa lise. La tradition que l 'ancien droit
appelait sy mbolique estau ssi po ssible . Les objets quel'on
ve ut donner se trouvant dans un imm e ~ble, on livr e la clef
de ce t imme uble au dona taire pour qu'il ait à sa disposition les objets mobi li ers. E n un mot, la possession effective peut se r éali ser de toutes les manières; mais il fau t
qu 'elle se r 6alise. On voit tout de suite par là que la simple convention par laquell e les parties décideraient que
la délivrance s'cffe cl ucra par le se ul effet du consentement n 'a point ici s on app lica tion (art. 1606 C. C., p. 3);
c'est la tradition fi ctive dont nous avons parlé en droit
rom ain.
La tradition peut être directe, c'est à dire se faire du
donate ur au donataire, ou s 'accomplir par l'interm édiaire
d'un tier s. A u nj ct de celte dernière, nous rencontrons
dans la jurisprudence les décisions les plus cont radictoires; la clo cl rine , au contraire, nous offre l'exemple du
plus parfait accord .
Quand le don man ue l se fait par l'entremise d' un tiers,
à quel moment y a-t-il dessaisissement actuel et irrévocable ? Le tiers peut-il remettre l'objet au donataire même
après la mort du donateur?
Première hypothèse. -
Destinataire connu et capable
ll fau t ici l'aire un e d is tinction : Le ti ers, aux ma ms
duquel l'obje t est remi s, est-il le mandataire du donataire,
la remise entre ses mains de l'objet opère aussitôt le des10
�-
146-
sai sissement actuel e t irrévocable. Le mandataire, en effet,
représente le mandant , en sorte que ce dernier e s t censé
accomplir lui-même ce qu e fait le mandataire; c'est donc
le donataire lui-même qui accepte et qui r eçoit par l 'intermédiaire du tier s.
Ce tiers, au contraire, n'est-il le mandataire que du donateur , il n'y a pas don manu el. En e ffet, le don manuel est
un contrat, c'est à dire un con cours de volontés. Or, t ant
qu 'il n'y a que r emi::>e aux mains du tier s, il n 'y a qu'un acte
unilatéral , il n 'y a .qu'une pollicitation. Le tier s détenant
l'objet , c'est com me si le donatem le détenait en core et
qu'il eùt promis de le livrer au dona tair e; tant qu e ce dernier n'a pas fait connaitre on acceptation, il n 'y a pas concours de volontés, il n'y a pas contrat, donc pas de don
man uel.
Jusq ue-là, il n 'y a de la part d u do.ualeur qu' un e simpl e
promesse qui peul être révoqu ée : donc il n'y a pas dessaisissement irrévocable, p uisqu e l e donateur est en core
libre de r epr endre l'obj et ; il ne p ourra plus le reprendre,
l e j our où il y au ra accept ation et tradition.
Mais à quel momen t doit intervenir cette acceptation et
doit s'effectuer la trad ition 1 Évidemme nt avant la mort ou
l 'interdiction d u donate ur, c'est à dire pendan t tout le
temps où le donateur est encor e capable de con sen tir et
n'a pas retiré son consen tement. Le mandat, en effet
(ar t. 2003) finit par la mort ou l'in terdic tion du mandant.
Le mandataire a donc, par l' un quelconque de ces événements, perdu les pouvoirs qu 'il tenait d u mandant ; celuici à son tour ne peut plus consentir ; donc le conco urs des
volontés devenant impo ssib le, le don man uel ne pe ut plus
se réaliser (Paris, 1or mars 1826. S. , 1827, 2. 200.-Douai ,
31 déc. 1834. S. , 35, 2. 215. - Pa ris, 14 mai 1853. D. P.,
1854, 2. 256. - Ca ss., 22 mai 1867. Sir., 1867, 1. 280.)
Cette théorie juridiqu e que l a docLrin e proclame unani-
-
147 -
mement n'a pas toujours trouvé un fidèle écho dans la
jurisprudence. San s dou te la p lupart des arrêts rendus
en cette matièr e la rappellent sans r éserve. (Cass., 11 janvier 1882 . - S. 1882, t. 129). Mais il en es t d'autres, au
contraire, qui la r epou ssent , notamment Besançon ,
12 déc. 1825 ; Lyon , 25 fév. 1835. S. 35, 2.424.
Ces arrêts décident que la r emise de l'ob jet aux mains
du tiers cons titue de la par t du donateur un dessaisissement irrévocab le. Son intention certaine est , en effet ,
disen t ces arrêts , de gratifier l e donataire. Mais , d'autre
part, ce tier s n'es t-il pas le gérant d'affaires du donataire?
à la place de ce dernier , il accepte l e don manuel fait en
son nom . A l'encontre du donateur , tout est donc irrévocablemen t termin é ; ce n'es t plus en quelqu e sorte qu'un
r èglement de compte entre le tiers et le destinataire de la
lib éralité.
Le raisonnement est inexact. En effet, le tier s n 'est pas
et ne peut pas ê tre un gérant d'affaires ; car pour être
g érant d 'affaires, il faut , c'est de toute évidence, qu'il y
ait une affaire à gérer ; or, ici il n'y a point d'affaires à
g érer , t ant qu e le donataire n 'a pas accep té; il n'a, en
effet , aucun droit, pas même un dro it éventu el ; le bien
n'étant pas dans son patrimoine, on ne peut pas l 'oblige r
en sa qualité de propr iétaire .
Le tiers n 'a qu 'une q uali té : il est mandataire du donat eur ; mais il n 'a pas plus de pouvoir qne ce dernier , et n e
peut pas, malg ré lui , rendre irrévocab le une donation qui
n 'est en tre ses mains qu'un mandat révocab le.
l\fais en ad mettant même avec la jurispru dence que le
tiers fù t l e gé rant d'affair es du donataire, encore fa udrait-il
qu e ce derni er rati fl àt.
San s doute ratitiabitio mandato œquiparatur, mais par
ce la même que cela devient un manda t, il s'ensuit que
cette ratification doit intervenÎl' du vivant d u donate ur ,
�-
148 -
sinon il n'y aurait pas concours de volontés, un des él éments essentiels du contrat.
Le donateur peut bien Yonloir que l'objet de l a donation ne soit remis qu'après sa mort au destinataire; le tiers
devient alors un exécuteur te stam entaire; mais la libéralité ne sera valable que si ell e con stitue un legs. En effet,
on ne peut disposer aujourd'hui que par donation entrevifs ou par testament. La donation entre-vifs ici n'existe
pas; d'autre part , s'il n'y avait que recommandation
verbale, il n'y aurait pas la forme testamentaire, et, à ce
titre la libéralité serait nulle.
2' hypothèse. -
Destinataire connu, mais incapable.
Ici, pas de difficullé po ssible : le don manuel est nul en
droit, il n 'est pas plus valable que si la donation eùt été
directe. Tel est le cas d' un don fait à une congrégation, à
une communauté non r econnu e, ou même reconnue, si
elle n 'est pas autorisée. A propo s de ce dernier cas, nou s
avons vu plus haut que l'autori sation adm inistrative pouvait intervenir après la tradition pourvu toutefois que ce
fut ava nt la mort du donateur. No us n'avons point à y
revenir.
3' hypothèse. -
Destinataire inconnu.
De prime abord, il semble que ce cas ne se présentera
jamais, car, enfin, quand on veut fai re une gratification, on
connait celui qu'on veut g ratifier. Cependant l 'hypothèse
n 'est pas chim érique comme on pourrait le croire. Nous
ne voulons point parler, en effet, du cas ol,1 l e donataire
remettrait un objet à un manda taire pour en g ratifier le
premier venu ; ce tte hypoth èse choque trop le bon sen s
pour mériter d'être prévue.
-
149 -
Mais n'y a·t-il pas destinataire inconnu dans le cas de
gratification aux pauvres, toujours par l'interm édiaire d'un
tiers ? Ici non plu s, nous ne so mm es pas dans celte hypothèse; car la personnalité morale des pauvres a son représentant dans le bureau de bienfaisance, et, d'autre part,
le gratifié es t faci lement déterminable s'il n'est pas actuellement dé te rminé.
Quid du cas où l'on stipule seulement du tier s qu'il
emploiera la somme donnée en bonnes œuvres, sans autre
détermination précise?
Ici, il semblerait plus vraisemblable que nous soyons
dans 1'hypothèse qu e nous venons d'indiquer; le destinataire est inconnu même du donateur.
Cependant, la jurisprudence dans ce cas tourne la difficulté. On considère qu 'il y a ici don manu el fait à un
individu dé terminé avec charges; or la validité d'un don
dan s des conditions pareilles ne fait l 'objet d'aucun
doute.
Mais l 'hypothèse la plus fr équente et la pl us réelle est
celle où le des tinataire est inconnu du public et des intéressés; il se peut qu e pour des raisons diver ses le donateur n 'ait pas voulu révéler l e nom du donataire et qu'il
ait exigé du tiers le secret.
(Voir , à ce s uj e L, Caen, 25 mai 1875. Sirey, 80, 2, 284,
en note , 28 mai 1879. Sirey, 82, 1, 129.)
Y a-t-il ici don à personne incertaine? Non ; car la
tradition effe ctuée a bien servi à déterminer d'une façon
précise la personn e du g ratifié.
Nou s savon ce pendant que la jurisprudence (Cassation,
13 janvier 1857. S. 57, 1. 180. Cassa l. 28 mars 1859, S. 60,
1, 346. Limoges, 13 mai .L 867, S. 67, 2, 314 . Cassat. ,
30 nov. 1869, S. 70, 11, 119) admet , en matière de legs,
une solution contraire à celle-là. Lorsque un testat e ur
nomme un exécuteur tes tamentaire avec charge de donner
�-150un legs à une personne qu'il ne désigne pas dans l'acte,
mais dont il lui a indiqué le nom verbalement, dans ce cas
la disposition est nulle ; ca r il y a lib éralité à per sonne
incertaine. Mais il ne sied pas de faire application de
cette jurisprudence à notre espèce. En effet, il n 'y a pas
de legs sans légataire; or, la per sonne du légataire doit
être désignée dan s l'acte même qui contient la disposition.
Si donc, cette désignation n'esl pas faite , la dispo sition
est nulle . Mais ici, l'acte même de disposiLion , c'est à dire
la tradition a bien déterminé la personne du o-ratifié ·
'
0
il n'y a donc pas lieu d'annuler la disposition pour ce
motif.
Mais alors quelle va être la s ituation des intéressés ?
Ces intéressés, ce sont les hér itiers ; mais il faut évidemment distinguer ici entre les h éritiers à réserve et les
simples h éritiers. Ces derniers ne peuvent se prévaloir
contre le mandataire de so n si lence comme d'une faute ·
car alors même que ce la serait (nous allons dans un instant examiner la question), il manquerail l'a utr e él ément
n écessa ire de toute action en dommages-intér êts, le pré judice.
Ceux-là, en effet, n 'ont de droit s ur la succession qu'au
moment où elle s'ouvre ; mais les acte s de libérali tés faits
par le de cujus de son vivant échappent complètement à
l eurs critiques.
Il en va différemment des héritiers à réserve. Le de cujus
n'a pas pu par de s libéralités entre-vifs ou testamentaires
entamer une partie de son patrimoine au détriment de
ces h éritiers que la loi proLège. Méme de son vivant ces
héritiers ont un certain droit s ur le patrimoine d~ de
cujus. Ceux-ci pourront donc éprouver un vé ritable
préjudice si la r éserve est entam ée ; mais ici se po se la
question que nou s avons renvoyée il n'y a qu 'un instan l :
faut-il voir dans le sil ence du mandataire une faute de sa
)
151 -
part qui puisse le soumettre à une action de dommagesintérêts?
De prim e abord, il se mble que la négative s'impose?
Ce tiers mandataire ne rempl it-il pas un devoir de conscience en, ne divulganl pas le nom du deslinataire, puisqu'il a promis l e secr et au mandant donateur ?
Faut-il donc voir une fa ule dans la fid6lité à sa parole ?
Ces raisons, décisi ves en apparence et de nature à égarer
des esprits pe u r éfl échis, n e doivent pas nous faire adopter ce système. En effeL, le mandataire n e doit jamais
refuser son témoignage à la justice et d'autre part, s'il a
conco uru à un acte qui est une véritable spoliation pour
l es héritiers à r ése rve , n 'a-t-il pas commis là une faute.
En vain objecterait-on qu'il est lié par sa parole. Cette
convention avec le donateur es l illicite (art. 6 C. C.). Elle
ne saurait dont être pour lui la cause d'une obligation
valable aux yeux de la loi.
En résumé, le don manuel fait à un inconnu est valable,
sauf pour le mandalaire l 'obligation d'indemniser les
h é ritiers réserva taires , si l e don manuel vient à être
r econnu constant et s>il porte alleinte à la réserve.
§ III. -
Preu'1e.
Le parall èle des donations entre- vifs et des dons manuels
vienl de nou s révéler une différence essentielle, caractéristique au point do vue de la fo rm e; tandis que l'exi tcnce
m ême des donalions entre-vifs est soumise à la n éccs ~ it é
d' un acte écrit, au contraire, le don manuel est ùispensé
de toute for malité et se consomm e par la tradition.
La diffé rence n 'es l pas moius caractéristique, ou cc qui
con cerne la preuve et ce lte aulre différence n'est, à vrai
dire, que la conséq uence naturelle de la prerH ière; pour
les donations entre-vifi, la preuve ne peut être que litté-
�-
152 -
raie, et l'acte écrit ne peut être qu'un acte authentique;
pour le don manu el , comme nous allons le voir, les autres
modes de preuve sont seuls adm issibles; la preuve littérale est forcément exclue; la nature même du don manuel
l'écarte absolument.
La différen ce entre les donations entre-vifs et les dons
manuels n'existe pas seulement au point de vue de la
nature de la preuve; elle exi ste encore au point de vue du
but que l'on poursuit.
En général, pour les donations entre-vifs, c'est le donataire qui revendique aux mains du donateur l'objet de la
donation ou poursuit l'exécution de la promesse.
Il n 'en est pas de même pour le don manuel ; en effet, si
le donateur avait seulement consenti au transfert de propriété, le donataire ne pourrait en poursuivre la r éalisation, faute de pouvoir prouver ce consentement. Ici, au
contraire, on administre la preuYe , pour établir l'exis tence
du don manuel une fois réalisé et en tirer des conséquences juridiques, par exemple, lui faire subir la réduction, le soumettre au rapport. C'est dire aussi que tandi s que
pour les donations entre-vifs, le d6bat s'engage d'ordinaire
entre les parties; en matière de don manuel, au contraire, ce n'est guère qu'entre les hér itiers entre e ux ou
entre les héritiers et les tiers qui ont été les bénéficiaires
de la libéralité. Pour le don manuel , l e débat ne s'e ngagera
entre les parties qu e dans les cas exceptionnels de révocation pour ingratitud e ou inexécution des conditions, ou
survenance d'enfants, ou pour le service des arré rages, si
le donateur s'est réservé l 'u s ufruit de la chose donnée ·l
mais même alors, ce no sera plus pour poursuivre la réali sation du don manue l, mais bien l'exéc ution d'a utres
promes ses accessoires qui sont la dépendance du don
manuel lui-m ême.
Ainsi, to.nt au point de vu e de la nature de la preuve
-153 que du but pour smv1, la différence se dessine entre les
dons manuels et les doualions entre-vifs. - Nous allons
voir quels son t les modes de preuve qui peuvent s'adapter
au don manuel.
1° Preuve littérale.
La preuve écrite est exclusive du don manuel. Je parle
bien entendu de l'acte au thentiqu e, puisque seul il peut
donner naissance à la donation. S'il s'agissa it de tout
autre écrit, non-seulemen t il ne servirait pas en t ant qu 'écrit comme pre uve du don manuel; mais il ne le pourrait
pas non pl us, parce qu'il ne serait pas un acte authentique.
Mais à défaut de preuve écrite, ne peut-on pas admettre
le commencement do pre uve par écrit, autorisant la preuve
testimoniale? Ce commencement de preuve par écrit pourra
être soit un e lettre émanée du donateur, rappelant le don
manuel qni a été eŒectué, soit un ac te de donation passé
so us-seing privé, soit même un acte authenLique qui n'aura
pas été accompagné d'état estimatif. Eh bien! tous ces
actes pourront-ils autoriser la preuve testimoniale?
Pour nou s, nou s n 'hés itons pas à admettre ce mode de
preuve. - Vainemen t on objecterait que le don manu el
est exclusif de tout acte écri t. En interprétant saioemenL
cette règl e, on voit qu'ell e ne r eçoit point son application
à notre esp èce. En e[et, quand on parle d'acte écrit , on
fait allusion à des pi èces écrites qui ont pour but unique
d'éprouv er directement le contrat, d'en précise r la nature,
d'en déterminer l'étendue, et d'indiquer à chacune dos
parties contractan tes los droits et l es obligations que pour
elles ce contrat ent1·1li110.
Mais le commencement de preuve par écrit n'est point
au contraire un écriL qui ne vise que le contrat ; d'ordi-
�-
155-
f54-
naire c'est une simple lettre, qui par hasard se rapporte
au fait juridique qu e l 'on veut élablir, il ne fait qu 'en rappeler l 'existence; ce sont des propo sitions relatives à un
arrangement, à un r èglement des conséquences de la convention; bref, le commencement de preuve par écrit n 'est
qu'une·allusion. Quelquefoi s, c'es t l'écrit lui-m ême qui se
rapporte directement au contrat, mais comme cet écrit n 'a
aux yeux de la loi aucune vale ur juridique, il ne prouve
pas directement la ·convention. Il autorise et nécessite
un complément d'inform ations, qui est la pre uve tes timoniale.
Donc, admettre le commencement de preuve par écrit
pour le compléter par la preuve testimoniale, ce n'est pas
du tout aller à l'encontre de ce principe que le don manuel
est exclusif de la preuve écrite; car ce t écrit n'a pas été
fait, comme on dit, pour les besoins de la cause; il ne
fait que rendre vra isemblabl e la prétention du demande ur ,
c'est à dire rendre probable l 'existence du don manuel
et, somme toute, ce n'est que la preuve testimoniale qui
établira le don manuel. Il nous res te donc à examiner si la
preuve testimoniale est admissible, et au cas d'affirmative,
dans quelle mesure ell0 l'est.
2° PreuCJe par témoins .
C'est un principe, en matière civile , qu'on est admis à
administrer la preuve par témoins d'un fait juridique,
toutes les fois qu'on n'a pas pu s'en procurer la preuve
écrite. Il suit de là qu e pour les Liers étrangers à un contrat, ou plu s généralement à un fait juridique intervenu
entre deux parti es, la preuve tes timoniale est touj ours
possible, Lel est le cas de l'article 1167 C. C. quand le s
créanciers subissent un préjudice de la part de leur dé bi teur par suite d' un contrat que celui-ci a formé avec une
J
autre personne ; ils sont admis, à prouver par tous
moyens, donc par la preuve testimoniale, l'existence de ce
contrat.
T el est encore le cas où un héri tier réservataire tient
à prouver l'existence d'un don manu el fait par le de cujus
à un étranger , don qui porte atteinte à la réserve. Nous
avons vu en e lîet , plus haut , que , en tant que réservataire l'h~ritier est un tiers, puisqu'il tient son droit de la
loi, directement et non du de cujus. Il y a donc, dans l'atteinte portée à sa réserve une fraude qu 'il est _admis à établir par tous les moyens possibles, y compris la preuve
testimoniale . Sur ce point, pas la moindre difficulté. .
Mais la question se pose de ~av~ir si entre le~ p~rti_es
la preuve testimoniale sera admissible pour établir 1 existence du don manuel.
Ici encore, il faut écarter du débat une hypothèse qui
lui est tout à fait étrangère. On sait que le.; h éritiers sont,
aux yeux de la loi , les con tinu ateur~ de ~a personne du
défunt, de telle sorte que les faits qui seraient oppo_sables
ou favorables à ce dernier, l e sont de la même ma m ère et
dans la même mes ure aux h ériti ers eux-mêmes. J 'ajo ute
que la juris prudence étend au l égataire unive rsel cett~
disposition de la loi à l'égard de s _héritie_rs. Cependant, s1
les héritiers pré tendent que certams objets de la su.c~es
sion ont été déto urnés par les domestiques ou les fam1he~s
du défunt, ils seront admis à établir par l~ preuve _testimoniale les détournements dont ils se plaignent ;_il y a
e à l'aide de simples
·
~
i·1 s pourront l e prouv e1' mAm
mieux:
présomptions; l a fraud e se prouve par tou s ~ e~ m~ye ns.
Ce n'est point là , du r este' une situation privil égiée et
exceptionnelle faile aux héritiers. Ce droit de ~r~uv er par
.
tous les moyens lo préJ. u d"ice qm· .le ur est lDJUStement
causé , ils l e tiennent de leur qualité même. de p~op~iét , l'aurait eu lui aues1: c est
·
.
.
en son vivan
le de cu;us,
taire;
�-157 -
156 la loi qui le confère aux uns comme aux autres. Les h éritiers ne le tiennent pas du défunt , quoi qu'ils lui s uccèdent.
Ce n'est don c pas quand il s'agira de fraude que la question de preuve testimoniale pourra se po ser: elle n e fait,
dans ce cas, l'obj et d'aucun doute.
Mais supposons qu'il s'agisse se ul em ent entre parties de
prouver l 'exis tence du don manuel ; j e pr ends un exemple : Le donate ur s'é tait ass uré, en fa isant le don manu el ,
l ' u~ufru it des obj ets donnés. Le donataire refu se de continuer à servir les intérêls d u donateur. P rocès . Comment
le donat eur établira-t-il son d roit en justice? Pas de preuve
écrite, b ien entend u . J e su ppose, en outre, q u'il n'y a
pas de comm en cemen t de preuYe par écrit , e t enfin , il
faut su pposer qu e le don manuel dépasse 150 francs, car
au-dessou s, la question ne se poserait pas. A ussi bien , dans
ce cas, le donate ur pourra-t-il adminis trer la preuve testimoniale?
Une jurispr udence presque unanim e décide la n égative (Gren., 20 janv. 1826; Paris, 10 mai 1840 ; Pau , 19 j anvier 1874.)
Le don manuel est un con tr at. Or , les contrat s n e se
prouvent pas par témoins, lorsque l 'in tér êt est supérieur
à 150 francs. Donc, pour le don manu el dépassan t 150 fr .,
la pr euve testimoniale n'est pas admi ss ibl e .
Cependant, M. l'a vocal général Douny, dans ses conclusions, s'ap pliq uait à d is linguer cl<:; ux choses da ns l e don
manuel : la tradilion et la volonté d'a liéner el d 'acqué rir;
la première, c'est le fait matériel de la remise, c'est là un
de ces faits pu rs et s imples q ui, comme tout f'ai t de p ossession , peut se prou ver par témoin s; mais la volon té de don n er es t un fait juridique qui , au-de là de 150 fran cs, n e pe ut
s'établir par la pre uve lestimoniale (Sic, Laurent , Dr .
civil.)
J
Mais quelle est la conclusion pratique à tirer de cette
remarque? E lle est la même que celle de la jurisprudence;
car prouver la lradition san s pouvoir prouver la volonté
d'aliéner et d'acquérir, c'est, en somme, n e rien prou ver
du tout ; le simple fa it de la tradition ne constitue pas un
contrat , n 'en est mê me pas un indice car actéristique ; à
quoi aboutirait le demande ur même en prouvant cette tradition ?
Ces de ux systèmes conclu ent don c à l'impossibililé de
prouver par témoin un don man uel au-dessus de 150 fr.
Cependan t, nous avons qu elq ue peine à nous ranger à
l 'avis de la jurisp ru dence. San s doute, le don manu el es t
un contral, et les contrats dont la val eur dépasse 150 fr.
ne se prouvent que par écrit. Mais si nous demandons
qu elle est la raison de ce tte prescription for melle de la loi,
nous voyo ns qu'ell e ne r eçoit pas d'ap plication à notre
esp èce. Au- dess us de 150 francs, l'intér êt devenant considérable aux ye ux de la loi , elle n'a pas voulu que l 'on
aban donnât aux incertitudes de la pr euve t estim oniale
l'exislcnce du co ntrat et des droits importanls qui peuvent
en déco ule r . De là , la n écessité d' un acte écri t. Peut-o n
dire que ce tte raison s'applique au don manu el ? Non, assur ém eut.
E n effe t, n ous avon s v u que le législat e ur de 1804 avait
ent en d u conserve r le don manu el avec toutes ses fra nchises : qu e, d'autre par t, aucune limitation n'a été apportée à ce co ntrat , c'esl à d ire q ue l a loi en r econnalt la
valid ité, qu el q ue so it l'intérêt en jeu, à la différence de
ce q ui avail lieu dans l'ancien droit où le don man uel de
so mm es m odiqu es était seul toléré . Or, ce q ui caractérise
l e don manu eL c'es t la dispense de t out acte écrit. Donc,
m ôme au-dess us de 150 fran cs, la loi n'a pas voulu ass uj ettir l e don manu el ~\ la nécessité d'un acte écri t pour ~n
démontrer ·l'existen ce. Or , dispenser de tout acte écrit ,
�-
-158n'est-ce pas par là même autoriser l'administration de la
preuve testimoniale ? Si la loi r efuse aux autres contrats
la preuve testimoniale au-dessu.s d~ ~50 francs, et. les soumet à la nécessité d'un acte écrit, ici, au contraire, elle
semble bien l'autoriser, puisqu e un acte écrit jure avec
la nature du don manuel. En vain objecterait-on qu'il faut
entre le fait matériel de la tradition et le fait
distinO'uer
0
juridique du con sentement des parties : décomposer l e
contrat en ses deux éléments, c'est le dénaturer; c'est leur
réunion nécessaire qui constitue le don manuel ; ln tradition ne va pas sans le consentement , ni le consentement
sans la tradition.
Comme conclusion, le don manuel peut être établi par
la preuve testimoniale, même au-dessus de 150 francs.
3° Des présomptions.
Des présomptions , je n'ai rien à dire, si ce n 'est qu'elles
sont recevables dans tous l es cas où la preuve testimoniale l'est elle-m ême. L'usage de ce mode de preuve se
présentera surtout quand des h éritiers voudront faire faire
le rapport à la succession par le urs autres cohéritiers de
sommes d'argent ou d'autres objets mobiliers dont l e
défunt aura clandestinement gratifié ces derniers. Et d'une
façon plus générale , il faudra dire que l es préso mptions
seront admissibles toutes les fois qu 'il s'agira d'établir la
fraude ou le dol.
Mais en dehors de ces cas exceptionnels, les présom plions ne sont point admises pour établir l'existence d'un
don manuel: ni l es présomptions léga les, ni les présom ptions du fait de l'homm e. Il semble cependant que les pl'ésom ptions devraient être adm ises dans tous les cas, puisque
nous avons conclu plus haut à l'admission de la preuve testimoniale même au-dessus de 150 francs, même .en dehors
j
159_-
de tout vol ou de toute fraude. Cependant nous n'irons pas
jusqu'à cetle co nclusion ; autre chose est la preuve testimoniale, preuve directe, autre chose, les présomptions,
pre uve tout à fait indirecte et qui n'offre jamais qu'une
certitude morale, mais non une certitude juridique, physique, en quelque sorte, si j 'ose dire.
4°
ÂCJeu.
L'aveu est, en matière de don manuel comme en toute
mati ère, la meilleure de toutes les preuves, non-seulement
parce q u'elle met fin à toute contestation , mais encore
parce qu'il es t possible même au-dessus de 150 francs.
Mais dans quel cas l'aveu interviendra-t-il utilement?
La po ssession étant une condition nécessaire du don manuel, c'est à ceux qui constatent la légitime possession de
la chose donn ée, à produire le urs dires et leurs allégations . Si la possession est conforme à l'article 2229 C. C.
le possesseur sera à l'abri de toute revendication en
s'abritant so us l 'article 2279. - Si la possession n'est pas
conforme aux prescriptions de l'article 2229, c'est encore
aux demandeurs à en prouver l'illégalité, l e possesse ur
n 'a qu'à attendre. Qu'aurait-il donc besoin de fa ire luimême un aveu , devancant
. ainsi les résultats d'une enquête
et accédant aux désirs de ses adversaires?
Le cas se présente surtout quand des h éritiers ont de
simples soupçon s ur la propri6té d'un objet qu'ils savent
avoir appartenu au de cujus el qui se trouve après son
décès entre les mains <l'une tierce personne. Y a-t-il un
don; y a-t-il un dé tournement?
Les h éritier s, il faut l e supposer, n'ont aucun moyen
de prouver le détournement ou le recel: .pas <le té~oins.
Ils ont donc recours à un interrogatoire sur faits et
articles.
�-
-
160 -
Le possesseur de l'objet peut être amené à faire des
déclarations contradictoires, se donner à lui-m ême un
propre démenti , d'où r ésulterait la preuve du .détournement ou du recel. - .Mais, dira-t-on, pour éviter ces
contradictions l e possesseur n'a qu'à ne point r é pondre
aux interrogations qui lui sont posées. - Vaine objection ; aux term es de l'article 330 du Code de procédure
civile, la partie qui a comparu est obligée de répondre,
sinon les faits allégués par l'adv er saire pourront être
tenus pour avérés. Cela du reste se comprend Lrès bien.
La fraude, c'est à dire le détournement, l e recel, se prouve
par tous les moyens, et même par de simples pr ésomptions . Or, n'est-ce pas une présom pli on très grave qu e le
silence gardé par l'intéressé si on lui po se cette ques tion :
D'où vous provient cet objet? Sans doute, ce n'es t point
une preuve directe; mai s jointe à d'autres cir constances
celle-là peut arriver à éclairer corn plèt ement l a r eligion
du juge et à le convaincre du détournement.
Le possesseur interrogé a donc tout intérêt à ré pondre
aux questions posées; c'est alors qu 'interviendra de sa
part un aveu ; sans doute, l'obj et a appartenu au de cujus ,
mais avant de mourir , il me l'a livré à titre de don manu el.
Or, l'aveu est indivisible (art. 1356), c'est à dire que les
héritiers n e peuvent pas r etenir seulement la première
déclaration qu e l'objet a appartenu au de cujus e t rejeter
la seconde d'après laquelle il y aurait un don manuel.
D'autre part cet aveu est définitif, l es héritier s ne seraien t
pas admis à prouver qu'il n'y a pa s don manuel , ni même
le recel ; nou s avons, en effet, s upp osé qu e la connaissance
de la détention était la conséquence de la seule déclaration du défende ur.
Voilà un cas où l 'aveu du défendeur interviendra comme
preuve. Autre cas. - Une contes tation s'élève entre coh éritiers au suj et d'un don manuel fait à l 'un d'eux sur le
J
161 -
point de savoir s'il y a eu ou non dispense de rapport.
L'h éritier bénéficiaire du don manuel , reconnait la gratification dont il a été l'objet, mais en même temps il déclare
qu e l e don manu el lui a été fait avec dispense de rapport.
- Aveu de sa part et aveu indivisible (art. 1356).
L 'aveu a s ur la preuve testimoniale l'avantage d'être
possibl e, même au-delà de 150 francs, il est donc une ressource pour les héritier s, quand le don manuel fait à un
tiers a une certaine importance. Mai s d'autre part, le
demandeur qui n 'a que celle ressource est complètement
à la m erci du défende ur ; l 'aveu, en effet, s'il est la meille ure des preuves, en est aussi la plus aléatoire, l a plu s
ince rtaine, il dé pend uniquement de la partie à laquelle
on le r éclame . D'un autre coté, il est in divisibl e, de telle
sorte qu e l es déclaration s favorables émises par le défendeur doive nt fa talement être tenues pour vraies; et le
plus souvent, le défende ur allèguera pour justifier sa
possession le don manu el. Il ne s'expose de cette façon
qu'à subir la r édu ction , s'il se trouve en face d'h éritiers
à r éserve. Et m ême pour éviter ce tt e réd uction , il n 'aura
qu 'à all éguer qu e le don manu el était d'un e valeur relativem ent modique ; comm e on le voit , les héritiers sont
donc en cor e complètement à la merci de l'adversaire. E t
même en l'absence de tout héritier r éservataire, l e possesse ur sera co mplètement maitre de sa déclar ation .
Or, en l'absence de tout héritier réservataire, on ne
pourra pas r éduire le don manu el à une certaine somm e
puisque sa validité est reconnu e par la loi, quel qu'en soit
le taux. Le possesse ur pourra don c par son aveu de don
manuel , gard er des va le urs qui auront été l'objet de
détournement , justifiant ainsi ces mols d'un au teur :
M. Laurent : «L'indivisibilit é de l'aveu n 'est que trop souvent une arm e de la mauvaise foi. »
Mais pour jouir de tous ces avantages l 'aveu doit être
11
�-
162 --
spontané et avoir au moins les apparences de la eincérité.
Il a été jugé, en effet, qu'un aveu intervenant tardivement,
au moment où le divertissement des objets allait être
prouvé devait être regardé comme non avenu et être
considéré comme fait uniquement dans le but d'éviter
l'administration de la preuve du recel (Amiens, 1879.
Recueil de la Cour d'Amiens, 1879).
5° Serment.
Aux termes de l'article 1358, le serment déciso ire peut
être déféré sur toute espèce de contes tation. Il est donc
possible, en matière de don manu el. l\Iais il ne peut être
déféré que sur un fait per sonnel au défendeur; il s 'ensuit
qu'on ne pourrait pas déférer le serment à un donataire
sur le point de sayoir s'il y a e u o u non dis pen se de rapport de la part du donateur; car c'est là un fait étranger
au donataire; il vient du donateur ; c'est au donataire à
en faire la preuve.
C'est là , comme on le voit, une différ e nce avec l 'aveu
qui est indivisible el qui peut embrasser l es deux fails
dont nou s venons de parl er .
§IV. - Le don manuel et l'Enregistrement.
L'économie de la loi de frimaire an VII , qui est la loi
lrement , n 'atteignait
fondam entale en matièr e d'e nreo-is
t>
pas le don manuel. Ce n'étai t point, en effet, un droit
d'acte qui pouvait le frapper, puisque c'est l'absence
mê~e de tout acte qui le caractérise; et d'autre part les
droits de mutation n 'atteignent que les transmissions
entre-vifs de propriété ou d'usufruit d 'immeubles .
L'administration ne faisai t nulle difficulté de la recon•
naitre dans une instruction ministérielle : « D'après les
-
163 -
articles 4, 20 et 23, loi 22 frimaire an VII et l'article 4, loi
27 ventôse an IX, les transmissions de bien immobiliers
fait es à titre onéreux ou à litre grat uit doivent être soumis
à l 'E nregi Lreinent; mais les ventes et les donations d'effe ts mobiliers faites verbalement ne sont assujetties à cette
formalit é par auc une disposition; les transmissions mobilières ne peuvent être passibles du droit d'enregistrement
qu e lorsqu'elles ~o nt constatées par écrit ou lorsqu'elles
s'opèrent par décès . Le don man uel ne peut avoir pour
objet que des vale urs mobilières et il se r éalise par la
simple tradition; il ne peut doue être question d'enregistre ment. »
Un par eil avantage était bien de nature à rendre plus
fr équent l' usage du don manuel; on s 'en servit même pour
dissimuler de vé1·itables donations.
11 arr ivait souve nt, en pratique, qu e de futurs époux,
dans le ur co ntrat <le mariage, au li eu d'exécuter une donation ordinair e, se b ornaient à déclarer qu'ils se constitu aient en dot une so mm e d'm·gent ou tel objet déter miné
qu'ils avaient re çu à litre de don manuel. Ain si, la donation étant antérieure au co ntrat de mariage et ayant été
faite manuellement, aucun droit de ce chef n e devait être
perçu : c'est le but que l 'on chet·chait à atteindre. Sans
doute, on y serait arrivé aus i en n 'indiquant pas la pro~
venance des apport ; mais cet te déclaration offrait cet
avantage de pouvoir soum ettre au rapport le donataire, le
cas échéant. Ce t aveu insér é par lui dans le contrat de
mariage co nstituait une preuve de la donation et les
cohé ritiers pouvaient s'en prévaloir pour en réclamer plus
tard le rapport.
de mettre un terme à ces combinais'cfforca
La r éo·ie
.
o
co1nme fraudul euses, en utilisant
considérait
sons qu'elle
les seules armes que lui donnait la législation existante .
Elle soutint qu'il y avait donation r éelle déguisée sous la
�-
-
164 -
reconnaissance de don manuel. Cette déclar ation faite par
le donataire en présence du donateur, qu i assistait à l'acte,
formait titre entre eux; la régie étendit mém c sa prétention au cas oil le donateur n 'intervenait à l'acte qu'en sa
qualité d'ascendant.
D'après elle, en matière de contrat de mariage, la déclaration faite par le donataire en présence du donateur
équivalait à une dona tion formelle; elle constituait un
titre entre l'un e t l'autre. La jurisprude nce avait plusieurs
fois sanctionné celte prélenlion. ( Cassat., 16 mars 1840,
S. 1840, 1, 354; 18 sepl. 1845, S. 45, 1, 815; 21 avril 1846,
S. 46, 1, 334.)
Mais bon nombre d'autres arrêts l'avaient r epo ussée
énergiquement et à bon droit, selon nous. En effet, pour
que la déclaration dans le contrat de mariage constituât
un titre, il aurait fallu que l'a scendant donateur füt partie
au contrat de mariage. Or, il est d e Loute évide nce que
l'ascendant donateur n'a pas cette qualité; s 'il intervient
pour donner son consen l ement, ce n 'est q u e honoris causâ,
c'est à ce titre seuleme nt que la loi requiert le consentement de l'ascendant; il n'y a de parties propre ment dites
dans le contrat de mariage que les futur s époux : s'ils son t
majeurs, ils ont de plein droil l'administration de leurs
biens, et s'ils sont mineurs, par cela seul qu'ils sont
habiles à contracter le mariage, ils sont aptes à r égler
comme il leur convient l eurs co nve ntions matrimoniales.
Quoiqu'il en soit, la jurisprude nce é tait , à ce sujet, fort
divisée et ses incertitudes é taient telles qu'il a fa llu une
loi pour y mettre un terme . La l oi du 18 mai 1850 dans
son article 6 pose le principe : « Les actes renferJJ1ant
soit la déclaration par le donataire ou ses repr6senl ants,
soi Lla reconnaissan ce judiciaire d'un don m anu e l, seront
sujets aux droits de donation. »
Ainsi, à la différence de ce que nou s venons d e voir, la
j
165 -
simple déclaration unilatérale contenue dans un acte suffit
à donner ouverture au droit de donation ; comme on le
voit, il n 'est plus n écessaire qu'elle soit faite en présence
de l'autre parti e el qu 'elle co ns titue un litre pour elles,
ou plutôt aux yeux de l'adminis tration, la simple déclaration constitue cc titre. Au sujet des rapports du don
manu el et de la loi fiscale, nous examinerons les trois
question su ivantes :
1° Nature du droit qui frappe le don manuel;
2° Conditions requises pour l'ouverture du droit;
3° Payement du droit.
1° Nature du droit qui frappe le don manuel.
Est-ce un droit de mutation ? Non, car le droit de mutation n e frappe que la transmissio n entre-vifs des biens
immobiliers.
Ce n 'est pas davantage un droit d'acte, car ce droit n e
frappe que l'6crit qui ser t de titre aux parties. Or ce n'est
certainement pas le cas, puisque la loi veut atteindre la
simple déclaration dans nn acte ou la reconnaissance .
C'est un d roiL sui generis; notons , en outre, que c'est
moins le don manuel lui-même qui est soumis à la taxe
qu e la décla ration ou la reconnais ance. Il s'ensuit que
1ant qu 'il n'y aura ni l'une ni l'autre, rien n e sera dû ; la
r égie elle-m ~ m e n e pourra é tablir l'existence <lu don
manuel par aucun moyen légal. ( Cassat., 28 nov. 1859,
Garnier, R. P., art. 1269.)
2° Conditions requises pour l'exigibilité du droit.
La premiè re, c'est que les espèces on objets aient é t6
r emis anima rlona11di, c'esl à dire avec l'inlenlion do grntifier celui qui les r ec:o il. Par suite, le droit ne saurait 6tre
exigé s'il était é tabli ou s'il résultait des circonstances
�-166 que les valeurs n 'ont été remises qu'à titre de dépôt, de
gage ou de nantissement.
La seconde, c'est que l'objet de la libéralité soit s usceptible d'être transmis manuellement; cc qui exclut l es
créances et les t itres nominaLifs en gén éral, sur l 'État
comme sur les particuliers, quoi qu'en ait dit un arrêt de
la Cour de Cassation , 15 fév. 1870, 1, 225.
Enfin la troisième condition , c'est la déclaration ou
la reconnaissance. Celle-ci exige quelques d éveloppements :
La déclaration doit être form ell e; sans doute, il n'y a
plus dans notre droit de termes acramentels, mais qu elles
que soient les expres ions employées par le déclarant , sa
déclaration doit être explicite, non équivoq ue.
Nous avons vu que depuis la loi de 1850, il n'était plus
n écessaire que l'acte contenant la déclaration ou la reco nnaissance con stitu àt un Litre entre les pat·ties. ll en r ésulte
que l e droi t pourrait être exigé alors même que l e nom
de l'auteur du don manuel ue serait pas indiqu é. Bien
plus . la loi tient si peu comp te du do nateu r que son affirmation à lui ne peul s uffire pour donner ouvertu re au
droit; elle n e considère que la déclaration éman ée du
donataire ou de ses représentants. Ces derniers pe uvent
être des mandatair es léga ux ou conventionnel s. Les mandatair es l égaux sont le tu te ur , si l e mandata ire est mineu r ,
ou enco re les héritiers du dona teur; ce ux-ci sont mieux
qu e les représentants, il s sont la contin uation même de
la per sonne du donataire; de môme , enfin , le mari à l 'éga rd
de sa femme dans l e cas, du moins, où il a l 'administr ation
de ses biens.
Enfin , la déclaration doit ôlre contenu e dans un ac l e.
La jurispruden ce a interprété cc Lerme dan s son sen s le
pl~~ absol~ ; c'.est ainsi qu '~ ll e a décidé à main les re pri ses
qu il y avait heu à percep tion s ur les déclarations co nte-
167 -
nues dan s un contrat de mariage, dans un inventaire, dans
une tran saction entre co héritiers, dans un procès-verbal
de non-conciliation et même dans un interrogatoire sur
fait s et article s.
Il r és ulte , du reste , des travaux préparatoires de la loi
du 6 mai 1850 , qu'il fauL donn er au mot acte son sen s le
plus lar ge ; peu importe clone que l'acte soit public ou
privé, qu 'il soit judiciaire ou extra judiciaire, pourvu quïl
soit so umis à l 'enregistrement. Quand même la déclaration du don manuel n'y fi g urel'ait qu'iociclemm cnt, le droit
n 'en serait pas moins exigible. L e l égislateur de 1850 a
voulu saisir l e don man uel par tout oü il se rencontre , en
raison même des facilités qu'il a de se dissimuler.
Dan s ces dernier s Lemp s cependant , il s'est élevé une
grande difficulté s ur le point de savoir si le mot ac le allait
jusqu'à corn prendre l es délibérations d'une Commis:}ion
administ1·a tive d'un hos pice, délibérations dans lesquelles
l es représentants de l 'ho spi ce acceptaient des dons manuels.
La question s'est présentée au suj et de l 'hospice d'Arras ,
et elle a donné lieu à nu e décision de la Cour s upr6mc , en
date du 1°r févri er l882 (Sirey, 1882, 1 , 228). Voici l'esp èce: Des do ns manuel d'une val eur de près de 80,000 fr.
ava ient élé faits par des anonymes à l'ho spic e d'Arras, en
titres au porteur dépo sés dans les troncs. La Commission
de l 'h ospice avait pri s une déli bération , aux termes <le
laquelle les clous avaie nt été acceptés; cl celle délibération ava it rc~~u l'a pprobation préfectorale. Fallait-il voir
dans celte délib ération dùment app rouvée un acte au sens
de l 'art. 6 de la loi de 1850 ?
La Co ur de Cassa tion appelée à se prononcer sur le cas
a opiné ponr l'affirmative el a vu dans ce cas particulier
une app lication des principes que nous ven on s d'exposer
plus haut. ·
�-
168 -
La déclaration du donataire suffit; peu importe le nom
du donateur ; pas n 'esl besoin que l'acte constitu e un titre
entre les parties . Or , loutes ces circon stances se trounient bien r éunies dans l'e'5pèce.
L'hospice d 'Arra ba sait sa r ésistance s ur ce que la d élibération de la Co mmission n 'était qu ' un r ègleme nt d 'adminis tration inté rie ure; c'est ain si , du res te, qu e l 'avait
consid éré la régie elle-mê me , e l il cilait e n ce se n s une
circulaire du Minis tre des finances, 13 d éc . 1858.
A celte obj ection , la r 6ponse é tait fa cile : Si c'était un
simple règle men t d 'adminis tration intéri eure , il n'e ut pas
été besoin d e reco urir à un e d é libéra tion ainsi q u'à l'autorisation préfectorale. Le r eceveu r des hos pices, conformément à la c irculaire s ur la co mp ta bilité p u bliqu e ,
15 nov. 1861, n 'avait qu 'à se faire d é livr er comm e titres d e
r ece ttes, des é tals certiG6s pa r le maire, co mm e l'on fai t
pour les simples a umôn es. On avai t doue vu dans le do n
effectu é plu s qu' une simple a um o n e , e t la d é libérat\on P'.i~e à ~e s uje t é lait pl us qu ' un s imple r ègle ment
d ad mm1 stration intérie ure.
Indépe ndam ment d e la <l6clara tion , il y a au ssi la reconc'es.t à dire la conslala tion faite par
le Juge . Nous disons du Jn gement cc q ue n ous avon s <lit
d~ l'ac~e :. quand b ien même il n 'a ura il pas po ur obj e t
d.1rect l existence d u don ma nu el ; cru an d b ien même celuic~ ne sera~t co1~staté que d' un e faço n inciden te, par exe mp e, au Suj et d une de ma nde en rapport o u e n r 6duclion
le droit de donal1·0
'
·
·
.
. '
n n en sera1l pas 1110 111 s du · car le léo1s0
lateur a voul u a ttei· n d t
'
re ou t acte constatant un do n manuel
~'une façon s uffisamment ce rtaine. La base d e la pc r ccptwn est: « le fait se ul qu e le do n man u el a é lé déclar6 e t
reconnu par le juge dans un e décision qui , san s produ ire
les effets légaux d '
l· ,
J
.
un rl1 e va1a)1e, s uffiL cependant pou r
é tablir au point d
d l 1 . fi
.
'
e vu e e a 0 1 1scalc e t a l'égard du d ou a-
na~ssance1 ju di c~ai re,
-t69 taire la transmission de la propriété mobilière.» (Cassat.,
2 août 1882; Garnie r , ré pertoire p ériodiq ue , n° 6,014).
Dan s l'e s pèce de cet arrêl , la constatation é tait sim plement contenue dans les motifs.
La jurisprudence va même plus loin: Elle adm et laperception d ans le cas môm e où le donataire n e figu re rait pas
au procès; par exemple, pour prouve r q u' un s uccessib l e
a fait adition d 'h é r édi té, on allè guera et on p ro uvera qu 'avec d es obj e ts J e la s uccession, il a fai t un don manu el à
tell e per sonne d 6te rminée . Mê me , dans ce cas, la jurisprude n ce d éclare le droit exig ible; h âtons-nous cependant de dire qu e ce tte jurispruden ce qu elq ue peu rigoureuse n 'a point obtenu l 'adh ésion d e tout le monde .
3° Pa y ement d u droit.
L e droit p er ç u s ur le don manu el est un dr oit proportionnel ; il est de 9 °/0 • Mais ce droi t, comme e n matiè re
de donation or dinaire, var ie avec le degré de paren té des
parti es. De plu s, les r éd uctions de tar if édictées en faveur
d e certains actes comm e les contrat s de mariage el les
donations conte nant pa rtage profitent aux déclarations
faites dan s ces actes e t re la tant d es dr oits manuels an térie urs.
Le droit est en principe à la ch ar ge d u do n ataire. Toutefois, a ux yeux d u fi sc, il n 'y a pas que le donata ire qui
soit r espo nsable d u droi t. E n effe t, il est de principe q~e
toutes les parties qui intervie nnen t dan s u n acte sont solidaireme nt responsables vis-à-vis d e l'ad mini strati on d es
droits a uxque ls cet ac te d onne o uvertu re. Si donc au moment où le don manu el est reconnu ou déclar é, le do n ataire est insolvab le , c'est sur le d on ateur q u e retombera
l'oblig ation de payer le tarif, sauf , bie n en tendu, son
r ecours contre le donataire .
�-170D'un autre côté, aux termes de l'article 29 de la loi de
frimaire an VII, les notaires son t tenus , vis à-vis du fisc,
des droits à percevoir sur les actes qu'ils passent. Faut-il
appliquer cette r ègle au don manuel déclar é dans un
acte notarié? Ce qui pourrait faire nattre le doute ,
c'est que l'acte n'a pas pour but do constater le don manuel lui-même; car ce serait là un non sen s ; l 'acte n e
peut donc le co nstater qu'incidemm en t. Cependant, l'affirmative, quelque rigoureuse qu'elle puisse paraitre, a été
con'3acrée par un arrêt de la Cour de Cassation, chambre
civile, du 10 déc . 1877 (Garnier, R. p. , 4,845).
Terminons en disant que ce droit est so umis à la prescription de deux ans, comme tous les droits que l'enregistrement peut réclamer.
CHAPITRE lV
Législation eomparée
Il est des pays oli le don manu el n 'est que l'applica tion
réguli ère des prin cipes relatifs à la mati ère des donations ;
dans ces pay8, les donations d'obj ets mobiliers son t affranchies de toute espèce de solennités; on n e réserve ces
dernières que pou r les donations d'imm e ubles.
Ainsi, en Ang leterre, la donation (cbattels personnel s)
peut êtr e faite ou par écrit ou par simple tradition de la
chose entre les mains du donataire. Il est à r emarquer
que primitivement la tradition réelle s uffi sait pour la
donation des terres aussi bien qu e pour celle des cho ses
mobilières.
En Pru sse, toutes les donations doivent, en principe,
être passées en justice. Toutefo is, lorsque la cho se mobi-
l
-
171 -
lière a été donnée et se trouve en la possession du donataire, on ne peut plu s la réclam er pour cause de défaut
d'observation des forme s du contrat judiciaire.
La Ru ssie dis pense également de toute so lennité la
donation de biens mobiliers corporels, la tradition suffit
pour en transférer la prop riété : les formalités ne sont
exigées que ponr les donati ons d'immeubles.
Le Fribourg, l e Valais, la Louisiane , la Hollande reconnaissen t exp ressément la validité du don manuel.
En Espagne, au-dessous de 500 maravédis d'or , toute
donation de meubl es est parfaite par la tradition.
Enfin , en Suède, le Code ne contien t aucune disposition
r elativement aux donations mobilières.
Dans d'au tres pays, au contrai re, dont la législation n e
diffère que p e u sens iblement de la nôtre, l e don manuel
con stitu e en quelq ue sorte un contrat innomm é, échappant, la plupart des cas, aux dispositions rigo ureuses de
la loi en matière de donations : tels sont l 'I talie et la
Belgique.
La Belgiqu e a spécialemen t légiféré au sujet des dons
manu el s faits aux personnes civil es; les dons manuel s,
dans ce cas, son l form ellement interdits ; aux termes d'une
circulaire du Mini Lre de la justice (10 anil 1849) l'auto risation nécessa ire aux établissements d'utilité publique
pour accepter une lib éralité ne se ra donnée que Lo ut auta nt
q ue la d ~)lla ti o n sera faite dan un acte en due forme. On
n'en except e que les offrandes déposées dans le troncs,
l e produit des qu êtes et les dons de somm e modiques.
Mais il est aisé de re marqu er qu e cette cir culaire n'obviera point aux abu s qu 'elle pr étend arrêter; en effet, les
offrandes d6posées dan s les troncs pourront être considér ables ; ell es seraient déposées par des personnes inconnues; qu i pourra dire alors si ces don s sont ou non des
sommes modiques.
�-
-
172 -
Bien des pays admettent, comme le droit romain, la
théorie de l'insinuation ; au-delà d'un certain taux, toute
donation mobilière devra être inscrile sur les r egist res
publics. En deçà, le don manuel est parfaitement valable.
Sans doute , on pe ut bien r e mettre de la main à la main
des sommes sup érieures <}u Laux indiqué, mais si le don
vient à être découvert, il ne sera valable que j usqu'à
concurrence du taux légal.
CHAPITRE V
Conclusion.
Quelle est la conclusion à tirer de l'étude que nous
venons de faire? Quelques réformes légis latives sont-elles
nécessaires en ce qui concerne le don manuel?
On a d'abord proposé J 'assimil er au déto urnement la
dissimulation de don manuel faite par un successible.
Le procès se passe entre cohéritier s; l'un d'eux a r eçu du
de cujus un don manuel qui porte atteinte à la réserve
des autres par exemple, ou qui même doit être soum is
au rapport. La difficulté pour les cohéritiers du gratifi é
consiste à prouver le don manuel; quant à celui-ci , son
intérêt lui conseill e une facile el proÎltable ina ction. Néanmoins on vient à prouver contre lui le don manuel; eh
bien! son silence qui a nécessité un procès, qui a toutes
les apparences de la mauvaise foi, n e doit-il pas être considéré comme une faute? N'est-il pas raisonnable de l 'assimiler au détournement el de l ui faire encourir l es
déchéances qui s'allachenl à cc dernier? c'es t-à-dire la
privation de droits s ur les objels recelés 1 Ici ce serait la
privation de tout droit sur l'objet du don.
_,,.,'"';l.!!.: ..A
173 -
Nous pensons qu'il y a là une réforme sérieuse et la
'
.
prév1s10n de la perte encourue arriverait souvent à provoquer un aveu que l'honnêteté commande. Le devoir à
accomplir se fortifierait de toute la puissance de l'intér~t
personnel.
Faut-il maintenant empr unter aux législations étrangères l e système tout romain de l'insinuation?
Le but de cette mesure serait de limiter à un certain
taux la possibilité juridique du don manuel. Mais autant
l 'intention de cc système peut êtr e bonne, autant son efficacité est douteuse en pratique; car s'il dépend du bon
vouloir des parties de faire la déclaration exigée par la
loi , qui ne voit qu'elles n e se soumettront que très rarement à cette nécessité gênante ? Mais, dira-t- on, si au-delà
du taux fixé la donation est complètement nulle, les fraudes et les dissimulations seront , par ce moyen, entravées.
- C'est là l'erreur, le don manuel se réalisera toujours
et com me le g ra tifié se trouvera en possession , ce sera au
demandeur à prouver que l'objet donn é a telle ou telle
provenance ; en un mot, on se h eurtera toujours à la
difficulté, disons même mieux, à l'impossibilité de la
preuve.
La preuve l Voilà pour nous toute la difficulté en matière
de dons manuels. Cependant, il importe ici de bien préciser, de poser nettement la question.
Si le litige s'élève entre le donateur et donataire, j 'estime
qu 'il n 'y a point ici de r éform e à faire. En elfet, le plus
so uvent le procès naitra de ce que le donateur, qui s'est
réservé le droit d 'usufruit sur les choses données, ne
pourra pas arriver à en profiter faute de pouvoir établir
l'obligation du donataire envers lui. Mais c'est affaire à
lui et il n'a qu'à s 'en prendre à lui-m ême d'avoir été trop
confiant et d'avoir s uivi la foi de son donataire ; il lui
était si facile en faisant le don manuel de se faire sous-
.
�-
174 - -
crire par le donataire un engagem~nt d'avoir à lui serv~r
les intérêts de la chose donnée, s1 ce t te chose e~t frug1fère, ou bien une somme qu elconque si elle ne l est pas.
Nous avons conclu plu s haut, au co urs de notre étude, à
la validité des pactes accessoires qui acc0t~pa~ne~t le don
manuel, quelque forme qu'ils revêtent.; 1 obhgat1on consentie par le donataire serait donc pleinement valable et
recevrait la sanction des tribunaux.
Mais, supposons au con traire que le pro cès s'eng~ge
entre les héritier s du donateur et le prétendu ùona la1re.
Les héritiers soupçonnent une p ersonne d'avoir opéré un
détournement dans l es objets de la succession; cette
personne avait avec le de cujus de fr équentes relations i
les héritiers n'ayant pas de preuve fo nt interroger sur
faits et articles la personn e soup çonnée; mais, celle-ci
déclar e aYoir reçu les obj ets à Litre de don manuel ; son
aveu, étant la seule pre uve, doit être tenu pour vrai; si
même l le donataire est un successibl e, il pourra ajouter
que le don lui a été fait avec dispense de rapport, et son
aveu étant indivisible doit être r econnu exact po ur le tout.
Or , n'y a-t-il pas là un véritable danger? Ici, les h éritiers
n'ont pas pris part à l 'acte, il s ne sont donc pas responsa•
bles, s'ils n'ont pas à le ur disposition la preuve écrite du
dépôt, du mandat, ou même simplement l a preuve testimo niale du détournement. Le donataire, lui, au contraire,
tient à sa disposition un moyen fort commode et qui peut
lui servir à déguiser ses manœuvres fraudule uses. Nous
pensons donc que, dans ce cas, ce devrait être au donataire à prouver le don manuel par un autre moyen que
son aveu.
Remarquons bien que si on était sur le p oint de prouver
le détournement, même au moyen de simples p r ésomptions, et que l e donataire vint à alléguer l e don manuel,
c'est de plein droit que la preuve lui incomberait par
-
-
175 -
application même des principes; c'est au demandeur
qu'incombe la pre uve. Or , en élevant une exception, le
défendeur devi ent demandeur. Reus ezcipiendo fit actor.
Ce n'est pas sur ce point que la r éforme est à fai re.
Nou s vo ulons parler du cas où le défendeur se prévaut
d e son seul ave u. « L'aveu, dit un auteur, M. Laurent,
n 'est que tr op souvent une arme entre les mains de la
mau vaise foi. » Nous pen sons qu'il ne faud rait pas consid ér er l'ave u comme une preuve, dans ce cas, et que l e
donataire au rait à établir so n droit par un autre moyen.
M . Claude, dans sa thèse de doctorat, propose comme
preuve un acte écrit même sous seing-privé, mais qui
serait nécessaire, non seulement ad probationem, mais
même ad solemnitatem. Pour nous, nous admettons le
dona taire à prouver le don manuel par toutes preuves,
même e t s urtout la preuve testimoniale, la seule possible, à
notre avis. Sans doute, elle offre ses dangers, elle n'est
pas sans inco nvénient s, mais l es tribunaux app récieront
la val eur des témoignages comm e la moralité des témoins ;
en so rt e qu e les dangers que l 'on prétend s'attacher à la
preuve testimoniale sont encore plus imaginaires que
r éels. Mais Pinnovation consistera à mettre la preuve du
don manuel à la charge du donataire afin d'éviter les dangers de l'aveu .
�l
--177 - POSITIONS
~·
DROIT ROMAIN
I.
L'impubère pouvait s'obliger jure naturali.
II.
Le pacte joint in continenti ad augendam obligationem à un contrat du droit strict ne produit pas
d'aclion.
Ill. -
L e fidéi-commis de la chose d'autrui ne disparait
pa s lorsque l e propriétair e refu se de livr er la
cho se ; on doit alors observer les règle du legs
per domnatio11em.
IV.
Les servitudes prédiales sont rurales ou urbaines,
suivant qu 'ell es existen t au profit de fonds non
bâtis ou bâtis.
DROI T CI VI L FRANÇAIS
1. -
La con stitution de dot faite par le père à sa fille ne
peut étre allaq uée par l es créanciers à l'en contre
du mari s'ils ne prouvent qu e le mari a été comp lice
de la fraude.
II. -
Les dix an s pendant lesquels un archilecle est
r esponsable des travaux faits par l ui courent du
moment do la r écep tion de ces travaux par le propri élaire lequel, après dix ans à compler de ce
jour n 'a plu s d 'action.
III.
Le mari et la femme co njointemenl ne peuvent
donner un immeuble de la communaut é.
12
�-178Le mandat donn é à une per sonne de faire une
donation à un tiers après l e décès du disposant
doit, pour être valable, être fait en la forme des
dispositions à titre gratuit.
IV. -
DROIT
CRIMINEL
L'homicide commis dans un du el est un assassinat.
DROIT COM;\lERC IAL
La majorité requise pour le vote du concordat est la
m~jorité des créanciers présents, non celle qes créanciers
qui se sont produits.
DROIT ADMINI STRA'}."IF
Le pouvoir judiciaire a le droit d'examiner un acte admi ..
nistratif et de statuer sur sa légalité.
ÉCONOMIE POLITIQUE
Le système du bimétallisme est irrationnel et dan ..
gereux.
Vu : Le professeur,
Président de la thèse,
EDOUARD JOURDAN .
Vu : Le Doyen,
ALFRED J OURDAN.
Vu et permis d' imprime~ 1
Le Recteur,
:
BELI N
Nimee. _:: Imprimerie Gervais-Bedot, place de la Cathédrale.
l
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
De la tradition en droit romain ; Des dons manuels en droit français : thèse présentée et soutenue le 10 avril 1886
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Droit romain
Successions et héritages
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pradelle, Jean-Jules (Avocat)
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Éditeur scientifique
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-145
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Gervais-Bedot (Nimes)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1886
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241566959
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-145_Pradelle_Tradition_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
178 p.
25 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/450
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Des dons manuels : droit français (Publié avec)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Faculté de droit d'Aix-Marseille : 1886
Cette thèse pour le doctorat en droit est constitué de deux études : la première, en droit romain, s’intéresse à la tradition comme mode le plus simple et le plus expéditif de transférer la propriété, consécutivement aux conquêtes qui favorisent les transactions entre différents peuples et exigent une simplification des solennités d’autrefois et, par suite, la tombée en désuétude du formalisme primitif. La seconde, en droit français, porte sur le don manuel, dont l’importance s’est accrue à la faveur de la fortune mobilière, notamment sous la forme de titres au porteur, et des avantages que peuvent présenter son caractère clandestin.
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
A l'opposé du formalisme antique de la tradition romaine, les dons manuels, devenus très importants du fait de l'accroissement de la fortune mobilière, permettent de s'affranchir de bien des lois...
Dons manuels -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Droit romain -- Thèses et écrits académiques
Successions et héritages -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
-
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/1/454/RES-AIX-T-147_Brunet-Cautionnement.pdf
4ca9c9c8854a5960921cc2ec7a9d3e1a
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Du cautionnement en droit romain : De la transmission du patrimoine et de celle de la personnalité dans le droit français ancien et moderne : thèse pour le doctorat soutenue devant la Faculté de droit d'Aix le 10 mars 1887
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Successions et héritages
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Brunet, Émile (18..-19..? ; avocat)
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Éditeur scientifique
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-145
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Illy et J. Brun, Imprimeur (Aix)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1887
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/241577020
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-147_Brunet-Cautionnement_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
XIV-148-199 p.
23 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/454
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Faculté de droit d'Aix-Marseille : 1887
De la transmission du patrimoine et de celle de la personnalité dans le droit français ancien et moderne (Publié avec)
Cette étude s’intéresse d’abord à la théorie du cautionnement qui, dans la législation civile romaine, a une importance qu’elle n’a pas dans la plupart des lois civiles modernes. En effet, les Romains préférèrent longtemps les garanties personnelles aux garanties réelles. A cette époque, ni l’hypothèque ni le gage ne sont connus, et les rapports de clientèle, qui constituent un élément important de l’organisation sociale et politique de l’ancienne Rome, donnent naissance à une sorte de point d’honneur entre les personnes qu’ils unissent. L’étude se consacre ensuite à la transmission en droit français du patrimoine et de la personnalité.
Résumé, Luc Bouchinet
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
De la théorie du cautionnement en droit romain qui s'appuie sur les garanties personnelles, l’hypothèque et le gage étant alors inconnus et de la transmission en droit français du patrimoine et de la personnalité
Cautionnement -- Rome -- Thèses et écrits académiques
Successions et héritages -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Sûretés (droit romain) -- Thèses et écrits académiques