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Text
3L829
D R O IT C O M M E R C IA L
C O M M E N T A I R E DU G O D E D E C O M M E R C E
LIV RE PREMIER
TITRE SEPTIÈM E
PAR
J. RËDÀRRIDE
AVOCAT A LA COUR D*APPEL d ’a ï X , ANCIEN BATONNIER.
MEMBRE CORRESPONDANT DE L* ACADEMIE DE LEGISLATION DE TOULOUSE
O FFIC IE R DE LA LEGION D’HONNEUR
N O U V E L L E ÉDI TI ON
Revue, complétée, mise au courant de la doctrine et de la jurisprudence
PAR
BENJAMIN ABRAM
DOCTEUR EN DROIT
AVOCAT A LA COUR D’A PPEL d ’ a IX , ANCIEN BATONNIER
CH EVA LIER DG LA LEGION D’HONNEUR
LIBRAIRIE
DE LA SOCIÉTÉ DU RECUEIL J.-13. SIREY ET DU JOURNAL DU PALAIS
A n cien n e
M aison
L,.
LAROSE
&
22, Rue Sou/flot, PARIS, 5° Arrt
FORCEL
L. LAROSE & L. TENIN, Directeurs
1909
��AVANT-PROPOS
La dernière édition de l’ouvrage de M. Bédarride — qu’un
tirage on 1882 a purement et simplement reproduite — date
de 1878. Si donc ce livre avait conservé toute sa valeur en
ce qui concerne l’étude des prescriptions de nos Godes en
la matière, surtout, dans la partie scientifique trop négligée
de nos jours, il n’était plus, à cause de son ancienneté, que
d’un secours insuffisant pour le jugé, l’avocat, le négociant
désireux de connaître la pratique courante.
Nous avons voulu, sans modifier la méthode et l’ordre
adoptés par le savant auteur, en conservant son cadre et
maintenant toute la partie historique, les indications sur le
droit romain, et la doctrine de nos anciens légistes, com
bler ses lacunes et le compléter en donnant une très large
place à la jurisprudence et en faisant de fréquents appels
aux traités si remarquables publiés depuis 1878 par LyonCaen et Renault, Ripert, Saignat-Baudry-Lacantinerie, etc.
Par un sentiment de piété respectueuse fort naturel chez
nous (*), nous avons sur toutes les questions traitées, rap
pelé l’opinion de M. Bédarride; et lorsque nous nous trou
vons en désaccord avec lui, nous donnons tous les éléments
de la controverse pour que le lecteur puisse juger en pleine
connaissance de cause.
Le commerce a adopté depuis une trentaine d’années sur
tout des types de contrats ayant paru à l’auteur trop peu usités
au moment où il écrivait pour mériter alors une étude spéciale
(ventes en disponible, gré dessus, sur embarquement, coût,
(*) M . Bédarride était l’oncle de l’auteur.
A c h a ts,et ventes
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AVANT—l'HOPOS
frêt, assurance, etc.).Nous leur avons consacré des dévelop
pements aussi complets que possible. En outre de nouvelles
lois sont venues s’ajouter pour ainsi dire à l’article 109 du
Gode de commerce (9 février 1895, sur les fraudes en ma
tière de vente d’objets d’art, du 28 mars 1885 sur les mar
chés à termes, de 1884 à 1905 sur le Gode rural abrogeant
laloi de 1838, 8 décembre 1907 sur la vente des engrais).Nous
avons fixé le sens et la portée do ces dispositions nouvelles.
Enfin la jurisprudence a continué son œuvre, de plus en
plus touffue, et, malgré des hésitations regrettables, des con
tradictions surprenantes, des tendances fâcheuses à tout
réduire à- des questions de fait en évitant chaque fois que
faire se peut de poser un principe absolu, on peut néan
moins faire résulter certaines règles de l’ensemble des sen
tences rendues. Nous avons tâché de les dégager en rappelant
le texte des jugements et arrêts publiés dans les principaux
recueils jusqu’au moment de la mise en pages.
Nous avons aussi déterminé la signification des clauses
habituellement insérées dans certains contrats en citant, à
propos de chacune d’elles, les décisions rendues par nos grands
tribunaux de commerce et les Gours d’appel.
En un mot nous avons essayé de faire de ce traité le Code
annoté aussi complet que possible des ventes commerciales
dans leurs modalités usuelles.
�ABREVIATIONS
Dal., Rép,, v° Effets de Com m erce, n° 64. Répertoire général de Dalloz, verbo
Effets do commerce. n° 64.
D. 66. 4, p. 67. Dalloz, Recueil périodique, année 1866, 4“ partie, page 67.
D. S. v° Vente. Dalloz, Supplément au répertoire, verbo Vente.
J. T. G. 39, 11881. Journal des tribunaux de commerce, vol. 39, espèce
n ° 11881.
L. R. n« 216. Lyon-Caen et Renault, De la vente, n° 246.
R. p. 101. Ripert, de la vente, p. 101.
M. 85. 2. 67.Journal de jurisprudence commerciale et maritime de Marseille j
année 1885, 2' partie, page 67.
G. P. 1901. 1. 735. Gazette du Palais, 1°' volume de l’année 1901, page 735.
G. P. 1900. 2. 2. 176. Gazette du Palais, 2° volume de l’année 1900, 2° partie,
page 176.
G. P. T. 1902-1907 v° Vente, n° 10. Gazette du Palais, table quinquennale de
1902 à 1907, verbo Vente, n* 10.
G. T. 1904.1.2.185. Gazette des tribunaux, 1" volume de l’année 1901, 2" par
tie, page 185.
B. L. S., n. 1L6. Saignat, llaudry-Lacantincric, De la vente, n° 116.
S. 1905.2.130. Recueil de Sirey, année 1905, 2” partie, page 130.
J. P. 61. 77. Journal du Palais, année 1861, page 77.
R. D. M. XIII, 84. Revue internationale de Droit maritime d’Autran, tome 13,
page 84.
Lorsque les décisions citées ne sont pas suivies de l’indication d’un
recueil, c’est qu’elles étaient inédites au moment de l'impression.
��DROIT COMMERCIAL
CODE DE COMMERCE
LIVRE 1er
TITRE VII
DES ACHATS ET VENTES
109
1. Les achats et ventes se constatent :
Par actes publics,
Par actes sous signature privée,
Par le bordereau ou arrêté d’un agent do change ou cour
tier, dûment signé par les parties,
Par une facture acceptée,
Par la correspondance,
Par les livres des parties,
Par la preuve testimoniale, dans le cas où le tribunal
croira devoir l’admettre.
ARTICLE
SOMMAIRE
1. Texte de l’article 109. G. Com.
1 bis Importance des achats et ventes. Caractère de l’article 109.
2. Motifs du laconisme du Code de commerce en ce qui les
concerne.
3. Caractère de la législation commerciale. Conséquences.
4. Recours au Droit commun.
5. Mesure de ce recours.
6. Usages commerciaux.
�6
ACHATS ET VENTES
7.
8.
9.
10.
11.
Loi du 13 juin 1866.
Analyse de cette loi.
Les parties peuvent y déroger.
Mais ses dispositions sont impératives.
A quelles conditions les achats et ventes revêtent-ils le carac
tère commercial.
12. Celle de l’achat réside dans l’intention de revendre.
13. Quid de celle de la vente.
14. Objet du commentaire.
1 bis. Les achats et ventes font l’objet principal, onpourrait même dire unique, du commerce. Ne consiste-t-il pas
en effet à acheter des denrées et marchandises pour les
revendre soit en nature, soit après les avoir ouvrées ou
travaillées, à des conditions telles que, prélèvement fait du
prix de revient et des frais de préparation ou de mise en
œuvre, on trouve dans l’excédent de valeur ce bénéfice en
vue duquel on a opéré, et qui devient le légitime salaire dp
marchand, fabricant ou manufacturier.
2. Comment se fait-il donc qu’une matière aussi impor
tante occupe si peu de place dans le Code de commerce, et
que l’unique article qui lui est consacré sé réfère au mode
de constatation du contrat, sans qu’il y soit question de la
validité, de la perfection du contrat en lui-même, des condi
tions qu’exigent l’une et l’autre ?
C’était là la conséquence inévitable du caractère spécial
de la législation commerciale. La loi civile, uniquement des
tinée à régir et à régler les rapports de citoyen à citoyen
de la même nationalité, doit être en harmonie avec les habi
tudes, les coutumes, les besoins et les moeurs du peuple
qu’elle régit ; le commerce ne peut prospérer que par l’impor
tance et l’étendue de son développement. Il exige des rela
tions et des rapports fréquents de peuple à peuple, de nation
à nation, il faut donc que les lois auxquelles il devra obéir
participent de ce caractère d’universalité, et n’offrent rien
de blessant pour les mœurs, les usages et les besoins de
ces étrangers dont on invoque, dont on sollicite le concours.
3. Les illustres auteurs de nos Codes avaient reconnu
�7
cette nécessité et lui rendaient un éclatant hommage lorsque,
dans le discours préliminaire dont ils avaient fait précéder
le Code civil, ils s’exprimaient en ces termes :
« Le commerce ordinaire de la vie civile, uniquement
réduit aux engagements contractés entre des individus que
leurs besoins mutuels et certaines convenances rapprochent,
ne doit pas être confondu avec le commerce proprement dit,
dont le ministère est de rapprocher les peuples et les na
tions, de pourvoir aux besoins de la société universelle des
hommes. Cette espèce de commerce, dont les opérations sont
presque toujours liées aux grandes vues de l’administration
et de la politique, doit être régi par des lois particulières
qui ne peuvent entrer dans le plan d’un Code civil. L’esprit
de ces lois diffère essentiellement des lois civiles. »
De là ces réserves, ces exceptions en faveur du commerce
convenues dans la discussion du Code civil, ou écrites dans
ses dispositions ; l’article 1107 déclarant que les transac
tions commerciales sont réglées par les lois relatives au
commerce ; les articles 1341, 1873, 2084 et 2102 consacrant
l’inapplicabilité de leurs dispositions à la matière commer
ciale.
La mission du législateur commercial recevait donc ses
plus franches coudées, mais elle était restreinte par sa spé
cialité même. Pouvait-on méconnaître ce caractère de géné
ralité qu’exigeaient les principes destinés à régir des rapports
qu’on voulait et qu’il fallait rendre universels? Etait-il possi
ble de les renfermer dans des limites précises, absolues, cal
quées sur les mœurs et les usages exclusivement français ?
N’était-ce pas méconnaître l’intérêt du commerce et en en
traver le développement ?
Ces considérations se recommandaient à notre législateur,
et lui étaient d’ailleurs énergiquement rappelées. « 11 est
de la plus haute importance, disait M. Regnaud de SaintJean-d’Angely, que le Gode de commerce de l’empire fran
çais soit rédigé dans des principes qui lui préparent une
influence universelle, et soient en harmonie avec les grandes
habitudes commerciales qui embrassent et soumettent les
deux mondes. »
LÉGISLATION’
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ACHATS ET' VENTES
11 soutenait en conséquence qu’à l’égard des achats et ven
tes qui ont lieu dans le commerce, il était impossible d’en
déterminer les formes et les proportions. C’est la volonté
des parties, ajoutait-il, qui seule établit leurs droits récipro
ques. La loi doit se borner à garantir l’exécution des mar
chés cjui doivent être constatés dans les formes qu’elle a
prescrites.
Cette opinion,partagée par le Conseil d’État,détermina la
consécration de l’article 109. Le laconisme de la loi spéciale
sur les achats et ventes a donc été volontaire et calculé. On
a voulu faire un Code de la matière, non pas exclusif à la
nation française, mais général et tel qu’il pût être adopté par
le commerce de toutes les nations.
On ne pouvait atteindre ce but qu’en s’abstenant de trop
préciser, de crainte de froisser certaines habitudes, de sou
lever des préjugés de nature à créer des obstacles aux rela
tions qu’on devait favoriser. Il fallait ne pas perdre de vue
cette vérité si souvent proclamée parles orateurs du Conseil
d’Etat, que le commerce ne peut et ne doit être ni nationa
lisé ni localisé.
4. Est-ce à dire pourtant que dans le silence dé la loi
spéciale il ne sera pas permis de recourir au droit commun
et d’appliquer aux marchés commerciaux soit les règles géné
rales édictées au Code civil au titre des obligations, soit les
prescriptions particulières à chaque contrat et qui ne sont,
dans la plupart des cas, que l’application ou le développe
ment de ces règles générales ? MM. Delamarre et Lepoitvin
avaient adopté cette opinion : mais leur doctrine combat
tue énergiquement déjà à l’époque où ils l’enseignaient, est
aujourd’hui universellement abandonnée. Malgré l’autorité
qui s’attache aux déclarations des auteurs do nos Codes, il
faut voir ce qui a été fait et non pas s’attacher à ce que
quelques-uns d’entre eux ont déclaré vouloir faire. Or l’ar
ticle 1107 du Code civil déclarant que les règles particuliè
res aux transactions commerciales sont établies par les lois
relatives au commerce paraît bien réserver à ces matières
L’application de règles générales. Cet argument de texte
est encore corroboré par les articles disant expressément
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qu’ils ne sont pas applicables au commerce (1341, 1873,
2084, 2102). Si donc le législateur ne s’en était pas claire
ment expliqué toutes ces dispositions auraient régi ipso facto
les conventions ayant trait au commerce. Comprendrait-on
d’ailleurs qu’un contrat, parce qu’il est commercial dût sortir
à effet alors que le consentement de l’une des parties aurait
été vicié par le dol, l’erreur ou la violence ? Non évidem
ment. Aussi l’on est actuellement d’accord pour déclarer que
la loi civile est applicable aux matières commerciales toutes
les fois que la loi commerciale se tait. C’était déjà la doc
trine ancienne casas omissics, dit Roccus, in statuto mer. catorum remanet sub dispositions juris commuais. (Massé,
Dr. Comm.,n° 63). Mais si le principe est reconnu, la mesure
de cette application peut soulever quelques difficultés. Fautil se contenter de dire avec un arrêt de la Cour de Cassation
du 28 juillet 1823 (Dali. Rép., v° Effets de commerce, n° 64),
rendu à propos de l’article 1328, « que plusieurs obligations
du Code civil ne sont pas obligatoires en matière de com
merce et que les demandeurs conviennent eux-mêmes que
l’application de l’article 1328 peut être par les tribunaux
jugeant en matière de commerce modifiée ou entièrement
écartée d’après les circonstances, suivant que l’équité et l’in
térêt du commerce l’exigent?» Non évidemment : car le Code
civil serait ainsi suivi ou non suivi suivant l’arbitraire, c’està-dire l’humeur, la fantaisie de chaque juge. Lyon-Caen et
Renault enseignent (De la vente, n° 89) que « parmi les dis
positions du Gode civil il en est pouvant être sans incon
vénient appliquées à la vente commerciale — et, quant à
celles dont le commerce ne peut pas s’accommoder, la vente
est un acte si usuel devant se plier aux besoins véritables des
commerçants, que le législateur a laissé avec raison aux
usages que ces besoins variés font naître, le soin d’y déroger. »
5. Tout cela nous paraît encore bien vague. Nous croyons
qu’on peut adopter une formule plus nette étant donné la
pratique constante des commerçants qui n’ont jamais songé
à soulever, sauf dans quelques cas bien exceptionnels, une
pareille difficulté. La loi civile doit, dans le silence de la loi
commerciale, être toujours suivie, sauf lorsqu’il sera bien
LÉGISLATION
�ACHATS ET VENTES
10
établi qu’il existe un usage contraire aux dispositions de cette
loi. En matière civile la' soumission aux usages ne doit pas
prévaloir contre un article de nos codes, édictés précisément
pour mettre fin à la diversité des coutumes et constituer
L’unité de législation; en droit commercial c’est la règle con
traire qui est suivie.
Cette opinion est consacrée par deux arrêts de la Cour de
Cassation des 5 juillet 1820 et 19 juin 1860 rendus en ma
tière de gage commercial (Dal. Rép., v° Nantissement, n°s 110
et 111 etD. 1860.1.249). Les lois sur le gage commercial ont
changé depuis lors. Mais le principe auquel nous nous réfé
rons de l’applicabilité de la loi civile sauf dérogation for
melle de la loi commerciale, y est très catégoriquement pro
clamé.
6. L’existence de ces usages peut donner lieu à des dif
ficultés sérieuses.Comment et par qui seront-ils constatés?
Merlin disait déjà «qu’il n’est pas de questions, même parmi
celles qui sont textuellement décidées par des dispositions
législatives sur lesquelles on ne puisse avec la plus grande
facilité rapporter des procès pour ou contre. » Depuis l’an IX
les habitudes sur ce point ne se sont pas modifiées et des
négociants signent des certificats avec une telle légèreté
qu’il n’est pas rare de voir à l’audience deux avocats pro
duire des attestations absolument contradictoires, affirmées
les unes et les autres par les mêmes signatures! 11 y alàdes
questions de fait dans l’examen desquelles nous ne pouvons
entrer, abandonnées à la prudence des tribunaux qui les
résoudront pour chaque espèce de marchés.
7. Frappé de ces inconvénients le Gouvernement impé
rial a voulu y remédier par une loi destinée à constater,
pour toute l’étendue du territoire les usages certains aux
quels les parties seraient présumées d’être référées, en l’ab
sence de toute convention contraire, par une présomption
juris et de jure.
La loi fut votée et promulguée le 13 juin 1866. Malheu
reusement elle est fort incomplète, et ne vise que certaines
catégories de marcliandises. Elle est d’ailleurs déjà ancienne
et il serait à désirer que les pouvoirs publics se. préoecu-
�11
passent d’en confectionner une nouvelle embrassant, autant
que passible, tous les genres de denrées. 11 serait même à
souhaiter qu’anticipant sur l’œuvre toujours fort lente du
législateur, les négociants des principales places se missent
d’accord entre eux pour fixer ces usages et que dans toutes
les Bourses, comme cela existe déjà pour quelques-unes,
du moins en ce qui concerne certains marchés, on adoptât
des contrats-types toujours applicables faute par les par
ties d’y avoir expressément dérogé. Un mouvement dans ce
sens paraît se dessiner dans certaines villes, et c’est ce qu’ont
réclamé avec beaucoup d’esprit et de bon sens M. le Comte
Armand vice-Président du Comité Central des armateurs de
France et M. le doyen, M8 Autran, avocat, dans les allocu
tions qu’ils ont prononcées lors de la séance ' solennelle de
rentrée de la faculté libre de Droit de Marseille (Sémaphore ■
de Marseille du 9 novembre 1908).
Quoi qu’il en soit, la loi de 1866 a marqué un progrès
réel en édictant des prescriptions qui, dans certains cas,
imposent la solution en la soustrayant au caprice du juge.
8
Les différents articles de cette loi ne visant que les
ventes commerciales comprennent :
1° Un certain nombre de règles générales applicables à
toute espèce de marchés commerciaux ;
2° La détermination des tares et usages relatifs à.un certain
nombre de marchandises (Cf. rapport au Corps législatif.
D. 66. 4, p. 67 et suiv.), indiquées dans un tableau annexé
à la loi et ou les marchandises sont nommément désignées.
Nous retrouverons ces dispositions infra, aux nos 125 quater
et 318. Constatons seulement ici que, d’après l’article 8, il
n’est accordé ni don (réfaction pour altération ou déchet
habituel de la marchandise), ni surdon (forfaitfacultatif pour
l’acheteur à raison des avaries ou mouillures accidentelles),
ni tolérance (limitation do la réclamation de l’acheteur pour
déchet appelé pousse ou poussière) en dehors des exceptions
portées au tableau.
9. Les parties n’ont pas besoin de stipuler expressément
leur volonté de déroger à la loi. Cette volonté peut être
tacite, résulter des termes du contrat. Par exemple, le venLÉGISLATION
.
�1
%
ACHATS ET VENTES
(leur qui a promis de livrer une marchandise exempte d’ava
ries ou même simplement saine, marchande et loyale, ne
pourrait invoquer l’article 8 pour refuser une bonification
à son acheteur, lorsque la marchandise lui arrive avariée,
sans que cette avarie soit pourtant assez importante pour
entraîner la résiliation.
10. Les dispositions de cette loi sont impératives et doi
vent être suivies même s’il existe un usage local contraire
au cas où les parties n’auraient pas, dans leur convention,
réservé clairement l’application de cet usage. Le commis
saire du Gouvernement au Corps législatif l’a formellement
affirmé en répondant à une question de M. Picard. C’est
là, a-t-il ajouté, l’utilité que présente la loi (D., /oc. cit.,
p. 69).
11. — L’article 109 ne régit que les achats et ventes com
merciaux ; il faut donc, avant tout, examiner et rechercher
à quelles conditions on doit attribuer ce caractère aux uns
et aux autres.
En ce qui concerne les achats, la loi s’est formellement
exprimée dans l’article 632. Est réputé acte de commerce,
« tout achat de denrées ou marchandisés pour les revendre,
soit en nature, soit après les avoir travaillées ou mises en
œuvre ; ou même pour en louer simplement l’usage. »
12. La commercialité de l’achat réside donc exclusivement
dans l’objet pour lequel il est contracté. Si ce- but est un
de ceux indiqués par l’article 632, l’opération est un trafic,
une spéculation en vue d’un bénéfice. On ne pouvait donc
hésiter sur son caractère.
Sans doute, l’intention de revendre n’est qu’une abstrac
tion qu’il serait assez difficile de constater, si son existence
ne devait pas s’induire de la nature de l’opération. Sera-t-il
jamais possible de confondre l’achat par spéculation et celui
pour la consommation ou l’usage personnel ?
Lajustice aura donceomme élément d’appréciation la qua
lité de l’acheteur, la nature de la chose achetée, enfin l’im
portance de l’achat. Qu’importe, en effet, que le premier ne
soit pas commerçant. Tout le monde peut tenter une spé
culation ; et comment en méconnaître la réalité, si la chose
�13
achetée était sans utilité au point de vue des exigences d’un
usage personnel, si elle l’a été dans des proportions évi
demment en dehors de ces exigences et de toutes les prévi
sions qu’elles peuvent inspirer.
D’autre part, pourrait-on hésiter lorsqu’un fabricant ou
manufacturier aura acheté la matière première nécessaire à
son industrie ; ou un commerçant les denrées ou marchan
dises qu’il est dans l’habitude de revendre en gros ou en
détail.
Sans doute, l’un et l’autre pourront acheter, soit pour leurs
besoins personnels, soit toute matière autre que celle qu’ils
exploitent. Mais, en ce qui les concerne la quantité achetée
serait plus décisive encore que pour le non négociant ; un
commerçant ne distrait pas facilement les fonds de son com
merce, parce qu’ils en constituent l’élément essentiel, parce
qu’ils lui sont nécessaires, ou qu’il les fait ainsi fructifier.
S’il est forcé de le faire, ce ne sera que dans la limite de
ses besoins réels. Si cette limite est évidemment dépassée,
on peut sans témérité conclure à une pensée de spéculation.
Qu’importe que la chose achetée ne se place pas dans le
cadre de ses affaires ordinaires, rien ne lui prohibe de
tenter la fortune dans des opérations autres que celles aux
quelles il se livre plus spécialement ; l’occasion qui tente
le non commerçant peut le tenter à son tour, et sa pro
fession le fera môme céder plus facilement. L’expérience
de tous les jours n’est que trop significative. Comment se
défendraient-ils d’une loyale spéculation, ceux qui trop sou
vent se livrent au jeu sur toute espèce de marchandises.
La règle consacrée par l’article 632 est éminemment ra
tionnelle. Acheter pour revendre en nature ou après mise
en œuvre, c’est évidemment spéculer sur la différence du
prix, et rechercher un profit dont la possibilité a été le
mobile de l’achat. Or, qu’est-ce que le commerce, si ce n’est
la répétition plus ou moins fréquente ' d’achats de cette
nature. Le caractère commercial de l’opération qui ressort
pour les uns de leur qualité, s’induira pour les autres de
la nature et de l’importance de l’achat.
13. La vente qui n’est que la réalisation de la pensée qui
LÉGISLATION
�14
ACHATS ET VENTES
a présidé à l’achat est essentiellement commerciale, elle est
le complément de l’opération qu’elle consomme,
De là cette conséquence que la vente de choses, de quel
que nature qu’elles soient, qui sont aux mains du vendeur
autrement que par un achat, ne revêt pas par elle-même, le
caractère commercial. La chose, en effet, ne devient mar
chande qu’entre les mains du commerçant qui en fait l’ob
jet de ses spéculations. Ainsi, observe avec raison l’abbé
Roubaud, les légumes sont des denrées entre les mains du
jardinier qui les met en vente et les apporte au marché ;
elles deviennent des marchandises dans les mains du regrattier qui les vend à son échoppe, à son étal, à sa boutique.
Les choses ne sont que vénales pour le premier ; elles sont
marchandes pour le second. Cette différence est sensible,et
économiquement très utile, puisqu’elle nous fait distinguer,
par la valeur ou l’emploi propre de chaque mot, l’indus
trie du cultivateur qui a produit la denrée, et le négoce
du marchand qui fait de la denrée du producteur une mar
chandise circulante d’une main, marchande de l’autre. Est
marchand qui vend des marchandises, n’est pas marchand
qui vend ses denrées, ses récoltes.
Cette conclusion, incontestable au point de vue rationnel,
puise son fondement légal dans ce fait que le producteur ne
vend pas ce qu’il aurait acheté. Les denrées ne sont pour
lui que le revenu de la terre, que le produit de son exploi
tation agricole. Son opération comporte si peu l’idée d’un
trafic que le marchand lui-même vendant ses récoltes, dis
tinctement et séparément des marchandises de son commerce,
ne fait pas un acte de commerce.
11 faut donc, pour déterminer le caractère de la vente,
avoir égard non seulement à la qualité de celui qui l’opère,
mais encore à l’origine de sa possession. La vente faite par
un marchand ou négociant est présumée commerciale, sauf
la preuve contraire : celle faite par un non commerçant ne
revêtira ce caractère que s’il est établi que la chose avait
été par lui achetée pour la revendre.
Or, cette preuve ne résulterait pas de la simultanéité de
l’achat et de la revente, quelque rapprochée qu’en fût l’épo-
�15
que. Il faudrait qu’on justifiât que le premier n’avait pas
d’autre but que la seconde. Ainsi le propriétaire, l’agricul
teur, achetant des chevaux, des bœufs, des mulets pour scs
cultures et les revendant après la saison pendant laquelle
ils lui sont indispensables pour les labours, n’a jamais fait
un acte de commerce. Son achat a eu pour principal mobile
les besoins de son exploitation, la revente n’est pas une spé
culation, elle n’est que la conséquence de l'inutilité de leur
conservation, peut-être de l’impossibilité de pourvoir à leur
nourriture.
Il en serait de même de celui qui, achetantpour ses besoins
personnels et reconnaissant que ce qu’il a acheté excède ses
besoins, en revendrait une partie, ou bien la totalité par
un revirement de volonté spontané ou forcé, par pur caprice.
Ainsi, pour que la vente soit réputée commerciale, il faut
que l’intention de l’opérer ait existé au moment de l’achat,
et en ait été le mobile. A défaut, on ne saurait rencontrer
cette pensée de spéculation qui est au fond de toute opéra
tion de commerce.
14. La nature de la vente ainsi déterminée, nous avons
à rechercher au point de vue des principes spéciaux ses
conditions et ses effets, examiner la doctrine et la jurispru
dence, et indiquer les solutions qu’elles ont successivement
consacrées sur les difficultés que le contrat, son existence,
son caractère, la compétence, peuvent faire surgir; dire les
obligations qui en naissent pour le vendeur et l’acheteur
respectivement; enfin le mode de preuve qu’il comporte.
OBJET DU COMMÉNTAIHE
SECTION PREMIÈRE
DE LA VENTE, SES CONDITIONS, SES EFFETS
15. Caractère et conditions du contrat.
16. Tout ce qui a une valeur vénale peut faire l’objet d’une
vente. Fonds de commerce.
17. En droit commercial le nom d’un individu peut-il être
acheté ou vendu ?
�16
ACHATS ET VENTES
18. Distinctions à faire dans ce cas.
19. L’acheteur a-t-il le droit d’empêcher le vendeur de créer un
nouvel établissement du même genre ?
20. Le vendeur peut s’en réserver la faculté.
20 his. Incertitudes et contradictions de la jurisprudence sur ce .
point. Pourtant on peut dégager quelques règles.
20 1er. L’acheteur doit-il prouver dans ce cas le dommage résultant
de la concurrence ?
21. La vente de la chose d’autrui est autorisée en commerce
(Doctrine et jurisprudence en note).
22. L’acheteur est à l’abri de toute revendication même en cas
dé perte et de vol (En note hésitations et jurisprudence
sur ce principe).
23. Revendication des choses prises en mer et déprédées sur un
Français. Ordonnance de 1638.
24. L’article 1601 annulant la vente lorsque la chose vendue
n’existe plus au moment du contrat, est inapplicable aux
ventes commerciales.
25. Celle inapplicabilité est-elle absolue et sans exception ?
26. Conditions de l’achat ou de la vente à forfait ou à tous ris
ques.
27. Hypothèses de Delamarre et Lepoitvin.
28. Choses dont la vente est prohibée parla loi. Nullité du con
trat.
29. Nécessité d’une prohibition expresse de la loi française. Arti
cle 1133 du Code civil. Contrat portant cumulativement
sur des choses pouvant être vendues et des choses prohi
bées. Droits de l’acheteur.
30. Droits du vendeur.Comment et à quelles conditions il peut
faire maintenir la vente.
31. On peut vendre une chose future.
32. Effets de l’impossibilité de livrer lorsque la vente a pour
objet tout ce qui sera fabriqué pendant un temps convenu.
33. La veille peut porter sur une récolte. Ses effets.
34. Quid si elle est faite en bloc et pour un prix déterminé?
35. Aléa du contrat dans la vente d’un coup de filet,etc.
36. La chose vendue doit être déterminée.Comment s’individua
lisent les marchandises.
37. Doit-on annuler la vente pour omission de désignation delà
qualité ? Arrêt de Metz adoptant l’affirmative.
38. Examen et discussion.
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
17
39. La vente qui n’aurait pas de prix est nulle. Élément du prix
commercial.
40. Conséquences quant au juste prix.
41. Il suffit qu’il soit sérieux : Prix vil (en note).
42. Le prix peut-il être supérieur à la valeur réelle de la chose
vendue ? Majorations scandaleuses.
43. En quoi le prix doit consister.
44. Peut-il être stipulé en denrées ou marchandises?
45. Importance du véritable caractère du contrat en matière
commerciale.
46. Le prix stipulé en argent et plus tard reçu en nature n’im
prime pas au contrat le caractère d’un échange.
47. Quid s’il consiste partie en argent, partie en marchandises?
48. Le prix doit être certain et déterminé. Il est tel s’il est éta
bli par relations d’époques ou de choses.
49. On peut vendre au prix que des tiers auront donné ou à
celui que le vendeur paiera lui-même.
50. Ou au prix que la chose vaudra à tel marché.
51. Ou au prix qu’elle sera vendue depuis tel mois jusqu’à tel
autre. Comment alors on le détermine. Si la. détermina
tion est impossible, la vente est nulle.
52. Controverse sur la faculté de déférer à un tiers la détermi
nation du prix. Elle existe en matière commerciale.
53. Rareté de son application.
54. Les parties sont libres de suivre leurs convenances à ce
sujet.
55. Peut-on nommer plusieurs experts ?
56. Doit-on les désigner dans le contrat à peine de nullité ?
57. Opinion pour l’affirmative de MM. Delvincourt et Troplong.
58. Caractère des arrêts invoqués par ce dernier.
59. Discussion.
60. Opinion de Casaregis, de Lucca et Ansaldus.
61. Doctrine de Pothier.
62. Le Code civil n’a pas voulu le contraire.
63. Réfutation de l’opinion qui fait du choix futur des experts
une condition potestative.
64. Le recours à justice est interdit lorsque les experts ont été
nommés dans l’acte. Arrêts des Cours de Riom et de Cas
sation.
65. Il est ouvert dans le cas contraire. Doctrine de l’école ita
lienne.
A chats et ventes
�18
ACHATS ET VENTES
66. Doctrine. Jur. contraire à l’opinion émise.
67. Le remplacement des experts nommés après, et en exécution
de la convention, peut être poursuivi et ordonné en justice.
68. Dans quels cas doit-on nommer le tiers, si les experts sont
partagés. Par qui il peut être nommé.(Note contraire).
69. Caractère de Invente d’une chose au prix qu’elle vaut. Com
ment se détermine le prix.
70. Quid de celle faite pour le juste prix.
7 1. L’expertise peut-elle être attaquée pour exagération ou insuf
fisance.
72. Caractère de la vente au prix qu’on m’en offrira. Doctrine
de Pothier.
73. Nature des objections et du reproche que font MM. Delamarre et Lepoitvin.
74. Une convention de ce genre peut valoir comme promesse
de la préférence. Conséquences.
75. Cas dans lequel la règle sine prelio certo nulla vendilio,
recevrait exception.
76. Distinction à faire si le prétendu acheteur a revendu lachose.
A quoi il est tenu s’il n’était que dépositaire ou consigna
taire.
77. Prix qu’il doit s’il a revendu avant de déterminer celui de
l’achat.
78. Comment se régleraient les fournitures faites en compte
courant.
79. Le prix peut être stipulé en services ou travaux. A quelles
conditions. Conséquences.
80. Importance delà détermination du caractère de l’acte.
81. Nécessité du consentement respectif des parties. Sur quoi il
doit porter.
82. Effet de la divergence de volontés sur le caractère du con
trat.
83. Nécessité de s’entendre sur la chose.
81. Et sur le prix. Quid, si celui offert par l’acheteur est supé
rieur à celui demandé par le vendeur.
85. Le concours des volontés doit-il intervenir dès l’origine sur
les clauses-conditions de la vente ?
86. Distinction à faire entre les pactes substantiels et les pac
tes accessoires. Définition de ces derniers.
On
peut renvoyer à s’en entendre plus tard. Effet de cette
87.
stipulation sur la vente.
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
19
88. Secus pour les pactes substantiels. Leur caractère.
8i)-. Effet du dol, de la fraude, de la violence et de l’erreur sur
le consentement.
90. Dans quels cas et à quelles conditions l’erreur ferait-elle
annuler la vente.
91. Comment s’apprécie le caractère de l’erreur.
92. Importance des circonstances qui ont précédé, accompagné
et suivi le contrat. Objets d’art. Arrêt de laCour de Paris,
qui en faitrésulter l’irrecevabilité de la demande. V. caché.
93. Caractère de cet arrêt. Conséquences de sa spécialité.
94. Arrêt de la Cour de Douai, repoussant la fin de non recevoir,
tirée de ce que l’acheteur a omis de vérifier la qualité.
95. Cet arrêt fait une juste application des principes. Jurispru
dence.
96. Loi du 9 février 1895 sur les fraudes en ces matières.
97. La vente d’une invention brevetée est entachée d’erreur
substantielle, si la découverte ne produit pas les résultats
promis, ou n’était pas susceptible d’être brevetée.
98. Opinions de Pouillet et de Pataille. Jurisprudence.
99. Effets de la déchéance et de la résiliation.
100. Comment se détermine l’époque à laquelle le contrat a
acquis sa perfection, lorsque le marché a été conclu par
correspondance.
101. Caractèré de la lettre missive. Conséquence pour la faculté
de rétracter l’offre tant qu'elle n’est pas arrivée à celui
qui doit la recevoir.
102. Là rétractation arrivant après la réception de l’offre n’en
produit pas moins ses effets.
103. L’offre même acceptée peut être rétractée tant que la lettre
d’acceptation n’a pas été reçue et lue.
104. Distinction que M. Duranton fait à ce sujet.
105. Examen et réfutation.
106. Si celui à qui on demande par lettre une marchandise l'ex
pédie, la vente doit sortir à effet. Opinion de Pothier.
107. Motifs donnés par M. Pardessus.
108. Dans tous les cas l’expéditeur doit être remboursé de tous
les frais.
Î09. Difficultés que peut faire surgir l’existence de la propo
sition.
110. L’envoi du prix courant n’est pas l’offre de vendre.
�20
ACHATS ET VENTES
1 1 1 . Distinction que fait M. Pardessus, quant à l’envoi de cir
culaires.
Caractère de cette doctrine, son inadmissibilité.
La lettre annonçant qu'on veut vendre, est l'offre de vendre.
Secus si on déclare je voudrais vendre.
Effets de la perfection de la vente quant aux risques de la
chose vendue.
116. Cet'effet est acquis lorsque la vente est d’un corps certain
et déterminé.
117. Dans la vente d’une chose déterminée seulement par son
espèce et sa qualité, les risques restent au vendeur jus
qu’au pesage, comptage ou mesurage.
118. Exception autorisée par l’article 1586, dans la vente en bloc.
119. Difficultés que peut soulever le caractère de la vente.
120. Règles à consulter et à suivre.
121. Doctrine et jurisprudence.
122. Critique par M. Duvergier de l’arrêt de la Cour de cassa
tion du 24 août 1830.
123. Réfutation.
124. La vente au poids ou à la mesure a-t-elle transféré la pro
priété à l’acheteur. Arrêt de la Cour de cassation pour
l’affirmative.
125. Doctrine contraire de M. Troplong, son caractère juridique.
125 jbis. Caractère de l’article 1585 du Code civil. Conséquences.
125 ter. Jurisprudence sur la question de savoir si le pesage non
contradictoire effectué au lieu d’expéditions précise suf
fisamment l’objet vendu.
125 quater. Dispositions de la loi du 20 juin 1866 relativement au
poids.
126. Quand doit être opéré le pesage, comptage ou mesurage.
127. Effet de la mise en demeure dans la vente au poids ou à la
mesure, contre l’acheteur.
128. Quelle est l’indemnité due au vendeur ?
129. Son obligation de prouver l’existence du préjudice.
130. Qu’il était en mesure de fournir la chose.
131. Résumé.
132. Disposition de l’article 1587, quant à la dégustation préala
ble dans certaines ventes.
133. Arrêt de la Cour de Metz, refusant à l’acheteur qui n’agrée
pas la chose le droit d’en réclamer une autre.
134. Discussion et réfutation.
.112.
113.
114.
115.
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EEF ET S
21
135. Critique qu’en fait M. Duvergier,
136, Droit du vendeur de contraindre la dégustation, son carac
tère, son utilité.
1.37. Importance de la question de savoir si la dégustation est
livrée à l’acheteur ou déférée à un tiers. Eléments de
solution.
138. Règle à suivre dans la vente ordinaire.
139. Exception qu’elle comporte.
140. Règle pour la vente commerciale.
141. Opinion de Pothier.
142. Doctrine de M. Pardessus.
143. Avis de M. Troplong conforme.
144. La rationalité de cette doctrine prouvée par l’usage com
mercial.
145. Arrêts contradictoires de la Cour de Cassation.
146. A la charge de qui restent les risques de la chose. Droit du
vendeur de contraindre la dégustation.
147. Effet delà mise en demeure, si la chose est restée intacte
148. Si la chose a péri depuis.
149. Effet de la renonciation à la dégustation. Son caractère.
150. Elle ressort de la prise de livraison.
151. Quid si celle-ci ne résulte que de la remise au commis
sionnaire de transports.
152. La prise de livraison virtuelle produit le même effet que la
livraison réelle et effective.
153. La prise de livraison résulte de l’apposition de la marque de
l’acheteur sur la chose vendue. Effets quant à la dégusta
tion.
154. Différences entre la vente à l’essai et celle sous dégustation.
155. Comment l’article 1588 qualifié cette vente. Fondement de
sa disposition.
156. Critique que M. Troplong en fait. Réponse.
157. Position de l'acheteur à l’endroit des risques.
158. Difficultés que peut faire naître le caractère de la vente.
Doit résulter de la convention.
159. Opinion de M. Duvergier. Réponse.
160. Conséquences quant à la vente civile, en cas de silence de
la convention.
161. L’aveu de l’acheteur est indivisible, s’il porte sur la vente
et sur sa conditionnalité.
162. Arrêt de la Cour de Cassation en ce sens.
�22
ACHATS ET VENTES
163. Droits de vendeur, si aucun délai n’a été fixé,
164. Si un délai a été déterminé. Son observation est de rigueur
Conséquences.
165. Le vendeur peut-il exciper de la déchéance pour discéder
du marché ?
166. Le droit de l’acheteur passe à ses héritiers.
167. A quelle condition peut-il être exercé par la masse de sa
faillite.
168. Importance que le fait de la faillite donne à la question de
savoir s’il y a eu ou non renonciation à l’essai.
169. Caractère et effets de la vente sur échantillon.
170. L’échantillon remis sans être scellé ni cacheté sert de type
pour la livraison de la marchandise.
171. Réserve au sujet de cette appréciation de Bédarride. Diffé
rence entre l’échantillon montre et l’échantillon type.
172. Conséquence de l’absence de précautions à l’effet de garan
tir l’authenticité de l’échantillon. La preuve testimoniale
ne devra être admise qu’exceptionnellement.
173. Ce n’est aussi qu’exceptionnellement que l’acheteur devra
être relevé des conséquences de la réception.
174. En cas de différence avec l’échantillon le vendeur peut-il
obliger l’acheteur à recevoir moyennant une bonification ?
On doit adopter la négative. Jurisprudence.
175. Décisions contraires.
176. L’échantillon doit offrir les conditions de qualité et de pro
venance exigées par l’acheteur.
177. Echantillon frauduleusement composé. L’acheteur dans ce
cas peut refuser la marchandise malgré la conformité.
178. Clause d’atténuation : marchandise stipulée moralement
conforme.
179. Importance de la question défait. Jurisprudence de la Cour
de Cassation.
180. Résumé de la doctrine et de la jurisprudence. Règles qui s’en
dégagent.
181. Ventes « en disponible », « gré-dessus » ou « avec vue
dessus ».
1S2. Leur objet : marchandise dont le vendeur peut disposer et
dont la qualité n’est pas spécifiée.
183. Délai dans lequel l’acheteur est tenu de dire s’il accepte et
refuse la marchandise offerte.
�CONDITIONS GÉNÉRALE^. EFFETS
23
184. Dans quel délai doit parvenir au vendeur la lettre notifiant
le refus?
185. Nécessité d’une protestation si c’est par la faute du ven
deur que l’acheteur ne peut vérifier dans le délai.
186. Faute de refus dans le délai la marchandise est présumée
acceptée par une présomption juris et de jure.
187. L’acheteur peut n’examiner qu’une fraction de la partie
offerte.
188. Le vendeur conserve le droit de procéder aux manipula
tions et criblages autorisés par l’usage.
189. L’usage accorde à l’acheteur un délai pour le transport de
la marchandise dans ses magasins.
1 5 . La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige
à livrer une chose et l’autre à la payer (art. 1582 C. civ.).
On ne saurait donc la concevoir sans la réunion de ces trois
conditions : 1° le concours des volontés ; 2° une chose ;
3° un prix, — Res, pretium, consensus. Il en est à raison de
ce de la vente commerciale comme de la vente civile.
1 6 . Tout ce qui a une valeur vénale appréciable, peut
faire la matière d’un achat ou d’une vente pourvu toutefois
que la chose soit dans le commerce, n’ait pas été frappée
d’inaliénabilité, ou qu’une loi spéciale n’en ait pas prohibé
l’achat (art. 1598).
On s’est demandé si la vente d’un fonds de commerce
constituait un acte de commerce. Sauf certains cas excep
tionnels (Trib. com., Seine, 26 mars 1889, cité en note au
n° 243 de la Vente par Lyon-Caen et Renault), l’affirmative
n’est pas douteuse. Le fonds de commerce doit être consi
déré comme un corps certain comprenant une universalité
de fait dont les différents éléments sont : l’installation ma
térielle, le droit au bail, les marchandises, l’achalandage, le
droit à la marque. Parmi ces éléments considérés individuel
lement, les uns sont des choses incorporelles, les autres cho
ses corporelles. Mais il n’y a aucun intérêt pratiquée les dis
tinguer, la vente d’un fonds de commerce formant un bloc
auquel sont applicables des* règles uniques.
1 7 . En droit commun le nom d’un individu ne peut être
�24
•
ACHATS ET 'VENTES
ni acheté ni vendu. En est-il autrement dans le commerce?
Dans les éditions précédentes l’affirmative a été adoptée :
le nom d’un commerçant possède en somme une valeur vénale
pouvant faire la matière d’une vente; bien souvent ce nom
fait toute la richesse d’un établissement et l’on ne trouverait
personne qui voulût traiter de celui-ci si l’impossibilité de
conserver l’enseigne venait lui retirer l’élément principal de
sa prospérité.
La vente d’un établissement commercial ou industriel doit
comprendre tous les accessoires servant à son exploitation,
les ustensiles, machines, secrets de fabrication, les médail
les et distinctions honorifiques (Cass., 16 juillet 1889, J.T. C.
39, 11881) et même d’après quelques décisions les livres de
commerce (Aix, 14 février 1906. Contra, Seine, 27 septem
bre 1897, J. T. C. 1899, p. 152. — Le Havre, 10 janv. 1900,
Rcc. du H., 1900. 1. 67). Or de tous ces accessoires le plus
précieux sera bien souvent le nom du fabricant qui par sa
juste réputation doit attirer et retenir l’achalandage. Aussi
est-il compris habituellement dans la vente à moins d’une
stipulation contraire formelle. Mais la question est fort
délicate et divise encore aujourd’hui la doctrine.
Lyon-Caen et Renault (Vente, n° 246) posent en thèse que
la loi française n’admet pas qu’une personne puisse faire le
commerce sous le nom d’une autre.
Maunoury (n° 24) partage cette opinion contredite par
Pouillet (Marques de fabrique, n° 493). Nous croyons qu’en
réalité la question doit se résoudre suivant certaines dis
tinctions.
4 8 . 11 nous semble tout d’abord hors de doute que l’ache
teur d’un fonds de commerce a, même sans que cela soit
expressément convenu, le droit de s’intituler successeur de
son vendeur (L. R., ïoc. ci/.). Si le nom sert d’enseigne,
nous lui reconnaissons encore le droit de conserver cette en
seigne sans changement. Il en est de même si le nom cons
titue la marque d’un produit. L’acheteur du droit de fabri
quer et de débiter ce produit ne sera pas obligé de modifier
la marque, l’appellation sous laquelle il est connu. (Comm.
Seine, 8 juil. 1908, G. P. 1908.1.284).
�25
Mais l’acheteur d’un fonds de commerce avec une ensei
gne portant un nom, ou du droit de fabriquer un produit
dont un nom constitue la marque, pourra-t-il faire le com
merce non pas sous son nom véritable, mais sous le nom de
son prédécesseur, ou sous le nom constituant la marque sans
indiquer que le prédécesseur, le créateur de la marque, n’existe
plus commercialement parlant et que c’est lui qui le rem
place, qui lui succède ? Cela nous ne le croyons pas. On no peut
ainsi abdiquer son nom patronymique pour adopter celui de
quelqu’un devenu étranger au commerce actuellement exercé.
De même il ne nous paraît pas possible de vendre un nom patro
nymique isolément, détaché du fonds de commerce auquel
il sert d’enseigne ou du produit dont il constitue la marque.
Tout cela, bien entendu, sans nous préoccuper des actions
en concurrence déloyale que les tiers pourraient intenter con
tre celui qui use d’un nom qui n’est pas le sien et qu’il ne
s’est fait céder que pour créer une confusion avec les pro
duits d’une maison connue et appréciée. Ces solutions nous
paraissent commandées : 1° Par la loi du 11 germinal an XI
portant : « Toute personne qui aura quelque raison de
changer de nom en adressera la demande motivée au Gou
vernement (art. 4) » qui doit prononcer dans la forme pres
crite pour les règlements d’administration publique (art. 5),
dispositions que nous croyons absolues et d’ordre public ; et
2° l’article 21 du Code de commerce édictant que les noms
des associés peuvent seuls faire partie de la raison sociale.
(Voir sur cette question, Paris, 18 août 1888, J. T. C. 38, p.
345. — Aix, 27 novembre 1888. M. 1889. 1.120). Il faut d’ail
leurs reconnaître avec Pouillet que les cas dans lesquels un
commerçant laissera ainsi son nom à la disposition d’un tiers
seront en pratique excessivement rares,— car il courrait le
risque d’être tenu pour responsable des engagements con
tractés sous son nom (Marseille, 23 juillet 1906. Gaz. Trib.,
1907.4.66. Seine, 8 janv. 1908 supra).
1 9 . Le droit de l’acheteur va-t-il jusqu’à prohiber au ven
deur la faculté de créer en son nom un établissement du
même genre ?
Quelques doutes ont surgi et ont fait contester l’existence
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
26
de ce droit, s’il n’a été expressément stipulé au traité ; nous
ne saurions être de cet avis. Pour nous, la solution affirmative
de la question résulte forcément de l’effet naturel de la vente.
Celui, dit M. Pardessus, qui vend sans aucune réserve
une manufacture établie, opérant par des procédés qui ne
sont connus que de lui, est présumé céder non seulement
tout ce qui a concouru à établir la réputation ou la supé
riorité d’industrie qui en fait tout le prix, par conséquent
aliéner la faculté de transmettre ces procédés à un second
acheteur, et ne pas avoir entendu se conserver le droit de
former personnellement un établissement semblable ou rival
(n» 271).
Or, la réputation d’un établissement est attachée à l’en
seigne, c’est-à-dire au nom qui le désigne à la confiance du
public ; à la dénomination sous laquelle se recommandent
ses produits, à la marque en indiquant l’origine. L’achat de
l’établissement comprend donc forcément les accessoires qui
en sont inséparables : le prix en a été évidemment calculé
sur tous ces éléments.
Donc, si ce prix payé et reçu, le vendeur crée un nouvel
établissement en son nom, emploie les mômes procédés, se
sert de ses anciennes marques et dénominations, l’acheteur
se trouverait gravement lésé ; on lui reprendrait d’une main
ce qu’on lui avait donné de l’autre ; on autoriserait une con
currence dont la prévision seule l’eùt peut-être empêché de
traiter.
On ne peut facilement présumer qu’il ait accepté une
pareille chance. La certitude du contraire résulte, à notre
avis, de ce fait seul qu’il est convenu que l’exploitation con
tinuera de se faire avec l’enseigne du vendeur.
La présomption enseignée par M. Pardessus doit donc
être d’autant plus admise, quelle est plus naturelle, plus
équitable, plus conforme aux usages du commerce. Vendre
avec l’intention de reprendre le môme commerce-, la même
industrie ; garder par devers soi cette intention, ce serait
tendre un piège à l’acheteur, agir déloyalement. On ne sau
rait donc l’autoriser que si l’acte de cession en exprime la
l’éserve.
�27
20. Cette réserve,toutefois, n’a pas besoin d’être expresse,
les juges peuvent l’induire de l’intention des parties, des ter
mes du contrat. Mais dans ce cas même le nouvel établisse
ment doit se distinguer de l’ancien. 11 est évident, dit M. Par
dessus, que le vendeur ne pourrait empêcher l’acheteur ni
de se dire son successeur, ni de se servir du nom et de la
marque de l’établissement vendu. Si même l’établissement
n’ctait connu que sous le nom propre du vendeur, celui-ci
ne pourrait donner, à son nouvel établissement, son propre
nom sans y ajouter, ainsi qu’à l’enseigne et aux autres mar
ques, quelque signe indiquant que l’établissement nouveau
n’est pas le même que celui précédemment vendu.
20 bis. 11 eût été bien désirable que la jurisprudence for
mulât une règle précise et que la Cour de Cassation posât
un principe juridique certain. Elle pouvait le faire soit en
appliquant d'une façon rigoureuse au vendeur d’un fonds
de commerce l’article 1625 du Code civil aux termes duquel
le vendeur doit garantir à l’acquéreur la possession paisi
ble de la chose vendue, soit au contraire en décidant que
l’interdiction ne serait jamais prononcée en dehors de la
convention formelle des parties afin de ne pas porter atteinte
au grand principe de la liberté du commerce et de l’indus
trie. Malheureusement il n’en est pas ainsi : les tribunaux
ont presque toujours suivi l’opinion enseignée par Ripert.
Ils n’admettent la garantie que si l’acheteur est réelle
ment troublé dans sa possession et lui refusent toute action
« dès qu’ils demeurent convaincus par l’examen des cir
constances du fait qu’il n’y a pas eu atteinte portée à sa
propriété » (R.,p. 101), De même Pouillet (n° 581) autorise
le rétablissement avec des précautions pour ne pas enlever
la clientèle vendue, précautions qui, quelles qu’elles soient,
seront le plus souvent illusoires. Les circonstances varient
dans chaque espèce, et le pouvoir d’appréciation des juges du
fonds étant ainsi illimité (Cass., 19 août 1884; M. 85.2.67),
les arrêts nous donnent le spectacle de contradictions parais
sant parfois les plus choquantes. On peut pourtant de ce
chaos dégager quelques règles :
1° Le vendeur conserve, à moins de stipulation contraire,
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
28
le droit d’exercer un commerce semblable à celui qu’il a
cédé ;
2° Il doit néanmoins garantir à son acheteur la possession
paisible de la chose vendue : il ne peut donc rien faire qui
de près ou de loin constitue un détournement de la clien
tèle cédée. En conséquence les tribunaux devront, pour auto
riser le rétablissement, examiner si en fait il ne porte aucun
préjudice à l’acheteur. Go résultat sera atteint, et le vendeur
aura le droit de continuer son commerce si, par exemple,
il s’adresse à une clientèle tout autre que celle qu’il a cédée
d’après la nature et le prix des articles vendus, ou si l’éloi
gnement de sa nouvelle maison est une protection suffisante
pour l’acheteur (Amiens, 30 avril 1875 ; Cass., 19 août 1884.
—Mars., 19mai 1897 ; M., 70.2.65; 85.2.67 ; 97.1.246. — Aix,
17 juillet 1878, cité par Pouillet, p. 582,et 14février 1906.—
Bordeaux, 31 octobre 1899. —Paris, 7 janvier 1890. — Seine,
17 janvier 1893.— Paris, 10 mai 1893.— J. T. C.,49, 14948;
39, 11843 ; 43, 12763 et 12825).’
Il sera toujours très prudent à un acheteur de préciser
que son vendeur ne pourra plus exercer un commerce ou
une industrie semblable pendant un temps et dans des lieux
déterminés. Si cette clause était conçue en termes généraux,
sans limitation de durée et sans détermination de lieu, elle
serait nulle comme contraire au principe de la liberté du
commerce et de l’industrie. Mais malgré cette nullité le
vendeur obligé, comme nous venons de le voir, à garantir
l’acheteur de toute éviction, encourrait l’interdiction de son
exploitation nouvelle, si elle était dommageable, soit dans
un certain rayon, soit pendant un certain temps (Douai,
1" mai 1900; G. T., 1900.2.2.170. — Aix, 14 février 1906) ’.
Même au cas où le rétablissement du vendeur est préju
diciable à l’acheteur, quelques décisions, s’inspirant des
circonstances et tenant compte de la minimité du préjudice,
(O Un dernier arrêt de la Cour de Cassation du 29 juillet 1908, plus net que les
précédents, paraît poser en règle qu’en l'absence d'une clause d’interdiction, le
vendeur toujours tenu à la garantie,conform ém ent à l’article 1626 du Gode civil,
doit s’abstenir de tout acte de nature à dim inuer l'achalandage ou détourner la
clientèle du fonds cédé (G . P . 1908. 2. 322 et la note'.
�29
ont refusé d’ordonner la fermeture et ont condamne seule
ment le vendeur à payer des dommages-intérêts à l’ache
teur (Aix, 31 juillet 1885. Nantes, 7 septembre 1907. Rec.
Nantes, 1908.1.204). Ces décisions peuvent se justifier par
les faits de la cause, mais la thèse ne doit être acceptée
qu’avec la plus grande réserve. Le seul remède à une con
currence illicite consiste dans sa suppression. D’ailleurs
comment savoir si cette concurrence peu dangereuse aujour
d’hui, ne sera pas demain des plus dommageables, alors
surtout que le vendeur aura été débarrassé de toute con
trainte par le paiement d’une indemnité ?
20 1er, La jurisprudence ne s’est pas encore prononcée
sur la question de savoir à qui incombe la preuve d’une
concurrence dommageable. L’acheteur excipant de la règle
générale de la garantie, n’a, à notre avis, rien à prouver,
sauf l’exploitation par le vendeur d’un commerce semblable
à celui cédé, et c’est à celui-ci à démontrer que les condi
tions dans lesquelles il trafique ne peuvent être préjudiciables
à l’acheteur. On répond dans le système contraire que la
liberté étant la règle, il ne suffit pas à l’acheteur de démon
trer que son vendeur a usé de cette liberté. Il doit aussi
établir l’abus qui lui est préjudiciable l.
2i. La vente de la chose d’autrui est déclarée nulle par
l’article 1599 du Gode civil. Elle ne peut donner lieu qu’à
une allocation de dommages-intérêts en faveur de l’acheteur
qui a ignoré que la chose qui lui était vendue appartenait à
un autre qu’au vendeur.
Le Gode de commerce n’a nulle part abrogé cette règle.
Cependant on n’a jamais prétendu l’appliquer à la vente
commerciale. Cette inapplicabilité résultait de la spécialité
de l'article 1599 du Code civil, ne régissant que les ventes
immobilières.
On sait, en effet, que même en droit commun, en fait de
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
0 ) Les droils el obligations des vendeurs et acheteurs d’un fonds de com m erce
ne sont pas personnels : ils se transm ettent aux héritiers. Il est aussi de juris
prudence que l’engagem ent pris par le vendeur dé ne pas se rétablir est pris
envers tous les titulaires successifs du fonds (Lyon, 12 juin 1908, G. T., 1908.2.
2. 390 et la note).
�ACHATS ET VENTES
30
meubles la possession valant titre, la vente de la chose dont
le vendeur ne serait pas propriétaire serait valable, la reven
dication n’étant admise qu’en cas de perte ou de vol.
Or les achats et ventes commerciaux n’auront jamais pour
objet que des choses ou des valeurs mobilières, et la raison
pour les placer sous l’empire de la disposition de l’arti
cle 2279 du Gode civil était bien plus décisive encore. Ce
qui était pure convenance en droit commun était en com
merce une invincible nécessité. Il était impossible d’astrein
dre le commerçant à exiger de son vendeur la preuve de sa
propriété. On n’aurait pu le faire sans méconnaître les néces
sités réelles du commerce, sans créer un dangereux obs
tacle à la rapidité et au développement de ses opérations,
c’est-à-dire sans porter atteinte à l’intérêt public lui-même.
Au reste, l’exception à la prohibition de vendre la chose
d’autrui résulte en quelque sorte, pour le commerce, de l’ar
ticle 2280 du Code civil. Ainsi, si pour le citoyen ordinaire
l’achat fait dans une foire ou dans un marché ou d’un mar
chand vendant des choses pareilles, oblige le propriétaire à
en restituer le prix, on ne saurait se dissimuler que l’acheteur
commercial sera à l’abri des effets de la revendication par
la force même des choses, car il aura toujours acheté soit
en foire, soit à la bourse, soit à un marchand vendant des
choses pareilles.
Or, en commerce, la possession matérielle par le vendeur
lui attribue, à défaut de la qualité do propriétaire, celle de
commissionnaire. Celui-ci étant autorisé à agir en son nom
propre et personnel, quoique pour le compte de son com
mettant, l’acheteur traitant avec lui n’encourt aucun reproche;
il n’a ni qualité ni droit pour vérifier l’origine de la chose
qu’il achète ; il suffit que le vendeur l’eût en sa possession
et l’ait réellement livrée, pour que l’opération produise tous
ses effets en sa faveur, et qu’il soit même à l’abri d’une
revendication.
La raison de le décider ainsi, toutes les fois que la déten
tion de la chose par le vendeur provient du fait du proprié
taire, est évidente. Les conséquences de l’abus de confiance
imputable au commissionnaire, au consignataire, audéposi-
�31
taire, restent naturellement à la charge de celui qui a eu le
tort de le choisir, il serait injuste de les faire peser sur le
tiers qui a traité de bonne foi (‘).
22. Peut-il, doit-il on être de même dans le cas où la chose
a été soustraite par un vol ou perdue par le propriétaire?
M. Pardessus soutient l’affirmative, l’unique droit qu’il
reconnaît dans ce cas aux tribunaux, est d’apprécier les
circonstances pour rechercher si celui qui a acheté n’a pas
violé les règlements généraux ou ceux de sa profession, en
achetant de personnes inconnues ou suspectes (a° 272).
MM. Delamarre et Lepoitvin enseignent l’opinion con
traire, ils l’étayent sur le caractère des articles 2279 et 2280
du Code civil qui, ne distinguant pas, doivent recevoir leur
application même en matière de commerce. Ils estiment en
conséquence que l’acheteur, négociant ou marchand, d’une
chose perdue ou volée, n’en devient possesseur légitime que
dans le cas prévu par l’article 2280, et sous la condition
du réméré de trois ans que l’article 2279 réserve au vérita
ble propriétaire (T. 3, n° 72).
Nous avons déjà dit que les articles 2279 et 2280 ne régis
saient que les achats et ventes ordinaires, la place qu’ils
occupent dans le Code civil, la différence entre cette légis
lation et le droit commercial ne permettent pas de douter
de cette affectation spéciale.
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(<) La raison donnée au lexte de l'inapplicabilité de l’article 1599 aux ven tes
m obilières n'est pas à l’abri de toute critique. Cela n’est dit nulle part et sa
disposition paraît générale et absolue. Le rapport du tribun Grenier dit sim
plem ent : « A u surplus, il est aisé de com prendre que cette disposition législa-tive a principalem ent trait aux im m eubles et qu’on ne peut l’appliquer aux
objets qui font la m atière des transactions com m erciales et qu ’il est au pouvoir
et dans l’intention du vendeur de se procurer. » A ussi L yon-C aen et Renault
(Dç la V ente, p . 105) déclarent que s ’il s’agit d ’un corps certain l ’article 1599
sera applicable et citent à l ’appui un arrêt de la Cour de Cassation du 18 jan
vier 1870, (J. P ., 1870, 353). D ’après les savants auteurs, il y alieu sim plem ent de
reconnaître que la plupart dès ventes conrm erciales étant des ventes de choses
i’ongiblés, échappant à la prohibition de l ’article 1599, il en serait de m êm e dans
une vente civile (Cf. B. L . S .De la V ente, nos 116 et su iv.). Ripert (p. 153) n’exam inela question qu’au point de vue des m archés à livrer et il arrive à la m êm e
conclusion ën déclarant que ces m archés ne sont pas des ventes, ne transfèrent
à l ’acheteur aucun droit de propriété, m ais seulem ent une action personnelle en
indem nité. Ils sont donc en dehors des dispositions de l’article 1599.
�o2
achats et ventes
Elle résulterait d’ailleurs du texte même de leurs dispo
sitions. L’article 2279 admet la revendication du proprié
taire pendant trois ans. Or était-il possible de prévoir que
celui qui achète pour revendre aurait encore la chose en sa
possession pendant ce laps de temps ?
On aurait donc concédé une faculté avec la certitude de
l’impossibilité de son exercice, à moins de soutenir sa rece
vabilité alors même que pendant ce délai de trois ans la
chose eût passé en trente mains.
L’article 2279 suppose donc un achat destiné à conserver
la chose, et exclut par conséquent de sa disposition celui
qui, ne constituant qu’un trafic, n’est contracté qu’en vue
d’une revente immédiate.
Cette exclusion était d’ailleurs en quelque sorte comman
dée par le caractère de la législation commerciale. Ses élé
ments essentiels, MM. Delamarre et Lepoitvin nous le disent
eux-mêmes, sont : la bonne foi, l’équité, l’intérêt du com
merce ; or est-il rien de plus antipathique à ces éléments
que la dépossession autorisée par les articles 2279 et 2280 ?
Comprendrait-on l’annulation d’un achat contracté à la
bourse ou par le ministère de courtiers.
Puis si la chose achetée, introduite dans les magasins de
l’acheteur, y a ôté confondue avec d’autres de même nature,
existera-t-elle encore ? Sa revendication ne deviendra-t-elle
pas l’objet de difficultés sérieuses et réelles.
On ne saurait admettre que le législateur ait entendu
autoriser un tel état des choses qui, laissant la propriété
en suspend, était de nature à nuire au développement des
opérations^ commerciales.
L’achat commercial n’est donc reprochable que par les
circonstances dans lesquelles il a été contracté. M. Pardes
sus a dès lors raison en bornant les attributions du'juge, en
ce qui le concerne, à la-recherche et à l’appréciation décès
circonstances. La loi ne doit aucune protection à celui qui
a méconnu et violé les devoirs qu’elle-même lui imposait ;
l’achat fait par un commerçant contrairement aux règlements
généraux ou spéciaux de sa profession tombe sous le coup
de l’article 2279, mais cet article, comme l’article 2280, ne
�33
saurait régir les achats légalement et régulièrement con
tractés (l).
23. La revendication de la chose en nature est autorisée
en commerce, outre le cas de faillite, lorsque la chose avait
été prise en mer et déprédée sur nos nationaux ; la décla
ration du 22 septembre 1638, dont l’autorité ne saurait être
méconnue, ne laisse aucun doute à cet égard.
Les motifs qui dictèrent ce monument de législation lui
assuraient l’assentiment du législateur subséquent, et de
vaient faire respecter ses dispositions. Les voici tels qu’ils
sont exposés dans le préambule :
« La facilité que les ennemis de notre État ont trouvée èspays de ceux qui les favorisent, même dans nos Etats sous
le nom des étrangers, de débiter les marchandises qu’ils
prennent sur nos sujets, leur a donné la hardiesse de venir
jusque sur nos côtes plus librement qu’ils n’auraient fait s’ils
n’avaient trouvé ce secours et des étrangers et des marchands
de notre royaume, lesquels, jjrcférant leur profit au bien de
l’État et à la compassion qu’ils doivent avoir de la perte
faite par ceux de leurs pays, achètent librement ces mar
chandises, à quoi il est nécessaire de pourvoir pour empêcher
la ruine de nos sujets qui trafiquent sur mer, desquels nous
voulons avoir un soin particulier. »
En conséquence, l’importation et la vente des effets pris
en mer et déprédés sur des Français sont prohibées d’une
CONDITIONS GÉNEllALES. EFFETS
(*) Est ce Lien exact? L es considérations sur la rareté des cas dans lesquels
les articles 2279 et 2280 seront applicables au com m erce sont justes. M ais il ne
l'aut pas en induire nécessairem ent, selon nous, que ces cas se présentant on ne
pourra pas s’y référer. Bédarride lui-m êm e au num éro 21 ci-d essu s paraît sup
poser leur applicabilité aux m atières de com m erce, applicabilité qui ne nous
paraît plus discutée aujourd’hui. D ’ailleurs le juge qui, d ’après le texte, devra
apprécier les circonstances, ne sera-t-il pas am ené presque fatalem ent à in vo quer en fait les dispositions de ces articles, m êm e s ’il révise leur portée en
droit?
M ais leur application doit être restreinte aux cas form ellem ent prévus. Une
jurisprudence ininterrompue et qui a toujours été celle delaG our de Cassation les
déclare inapplicables aux m eubles détournés par suite d’abus de confiance. —
Cass., 22 ju illet 1858. D. 5S. 1.238. — Cass., 16 mai 1899. D. 99.1.373.
Rappelons qu’en ce qui concerne les litres aux porteurs, le propriétaire
dépossédé peut se faire restituer contre la perte ou le vol en rem plissant les
form alités de la loi du 15 juin 1872 m odifiée par celle du 9 février 1902.
A chats ut vcntes
3
�ACHATS ET VENTES
34
manière générale et absolue sur tout le territoire de la France,
sous peines : contre les importateurs nationaux ou étrangers,
non seulement de la confiscation des choses achetées, d’une
amende de 10,000 livres pour la première fois, mais encore
de peine corporelle pour la seconde.
La confiscation au profit de l’Etat était bien une peine
pour le violateur de la prohibition légale, mais elle ne pou
vait donner au commerce maritime la protection qu’on vou
lait lui assurer. Que devenait en effet la mesure, si les effets
pris et dôprédés passaient des mains du capteur ou de l’ache
teur dans celles de l’Etat ? Où était l’avantage pour celui à
qui ces effets avaient appartenu ?
Le législateur de 1638 l’avait compris, aussi disposait-il
que le tiers des confiscations et amendes appartiendrait au
dénonciateur, et les deux autres tiers à ceux qui justifieraient
de la propriété des choses prises et déprédées.
Il n’y a donc pas à hésiter sur l’esprit de la déclaration
de 1638 ; ce quelle veut, c’est la remise en possession de
celui que la course avait dépouillé, elle autorisait par cela
même la revendication qui devait amener cette reprise de
possession.
La prohibition d’importer et de vendre en France les prises
faites sur les Français ne concernait et ne pouvait concerner
que le capteur lui-même et son acheteur direct. Celui-ci, en
effet, traitant avec un corsaire, ne pouvait rationnellement
prétendre avoir ignoré l’origine de ce qu’il achetait ; il se
substituait d’ailleurs à son vendeur et n’acquérait que le droit
tel que celui-ci le possédait,c’est-à-dire résoluble en cas do
rentrée en France des marchandises faisant l’objet de la
vente, et subordonné aux effets de la confiscation ou de la
revendication.
Mais ce qui était juste pour le premier acheteur, eût été
une iniquité pour l’acheteur do seconde ou de troisième
main. Celui-ci, traitant avec un commerçant, n’avait pas à
s’enquérir de l’origine de sa possession, il devait et pouvait
la croire légitime. Sa bonne foi le mettait donc à l’abri des
mesures autorisées par la loi. Les effets importés en France
ne pourraient lui être enlevés que par la preuve qu’il n’était
�35
que le prête-nom complaisant du premier acheteur ; que son
concours avait pour but unique de soustraire celui-ci à l’ap
plication de la loi.
La faculté d’importer en France les effets déprédés sur
des Français reconnue à l’acheteur de seconde ou de troi
sième main, ne pouvait dans aucun cas être contestée au
propriétaire de ces effets. Il ne pouvait entrer dans la pen
sée du législateur d’empêcher celui-ci soit de racheter du
capteur, soit d’acheter les marchandises exposées en vente
par celui-ci ; et, dans l’un ou l’autre cas, d’en disposer à
sa volonté.
C'est en effet son intérêt qui a dicté la prohibition d’im
porter. On a voulu, disait Emérigon, priver les ennemis de
la facilité de débiter les marchandises qu’ils prennent sur
nous, et ralentir la hardiesse qu’ils auraient de venir sur
nos côtes s’ils trouvaient aisément à vendre les effets déprédés, en un mot, tempérer la vivacité de leurs croisières, par
l’embarras de nos propres dépouilles (').
Mais plus le capteur était embarrassé de ces dépouilles,
et plus il devait être tenté de s’en débarrasser à tout prix.
Leur achat devait donc procurer un bénéfice qui, pour l’an
cien propriétaire, devenait un allégement à la perte que la
prise lui faisait subir. C’eût été, ajoute Emérigon, manquer
de compassion que de le priver de cette triste ressource.
L’esprit de la déclaration de 1638 absolvait son auteur
de tout reproche de ce genre. Mais pour que nul ne songeât
à le lui adresser, elle a cru devoir s’en expliquer nettement
en déclarant : N’entendons toutefois comprendre en la pré
sente. déclaration les marchands sur lesquels les marchan
dises auront été prises ,en mer, lesquels pourront les racheter
ou faire racheter hors du royaume,.et les rapporter en icelui.
Cette déclaration n’a jamais cessé d’être obligatoire, mais
ses dispositions expliquent la rareté de son application.
Dalloz au Répertoire général, v° Prises maritimes, n° 345,
cite les deux arrêts suivants de la Cour do Cassation et de la
Cour d’Aix :
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(‘) D isse rta tion à la suite du tra ité des p rises, par Valin.
�36
ACHATS ET VENTES
Il a etc jugé que la déclaration est applicable même au
cas où celui qui a introduit la marchandise en France est
un étranger bien qu’après sa capture le navire ait fait nau
frage sur les côtes d’un pays étranger et que la vente des
marchandises qu’il contenait n’ait eu lieu qu’à la suite du
sauvetage. Cette circonstance n’excluant pas le tort apporté
par le fait antérieur de l’arrêtement du navire... et quoi
que l’étranger introducteur des marchandises ait ignoré
qu’elles étaient françaises et qu’elles avaient été déprédées
sur des Français (Aix, 26 août 1809), elle est aussi applicable
à des propriétés françaises qui étant expédiées sur un navire
simulé et étant simulées elles-mêmes, ont été prises en mer
par des ennemis des propriétaires apparents, déclarées de
bonne prise par le juge du capteur et par suite vendues
publiquement ; en conséquence, de telles marchandises in
troduites en France peuvent être réclamées par les proprié
taires (Rq., 19 oct. 1809).
L*a déclaration du 16 août 1856 acceptée par la France,
l’Angleterre, la Russie, le Piémont (aujourdhui l’Italie) et
la Turquie abolissant les lettres de marque, a rendu les
prises beaucoup plus rares. Il y a lieu d’espérer qu'une
entente entre tous les Etats supprimera même les prises
des bâtiments de commerce par la marine de guerre des
belligérants et que, en conséquence, dans un avenir pro
chain, la déclaration de 1638 deviendra caduque.
2 4 . L’article 1601 du Code civil exige pour la validité de
la vente que la chose qui en fait la matière existe au moment
du contrat. En conséquence, la convention est annulée si,
avant, la chose a péri en tout ou en partie. L'ignorance et
la bonne foi des parties ne créeraient aucun obstacle à ce
résultat.
Devait-on, pouvait-on appliquer cette règle aux transac
tions commerciales? La discussion de l’article 1601, au Con
seil d’Etat, ne laisse aucun doute sur l’intention du législateur. L’affirmative eût trop ouvertement méconnu les usages
et les besoins du commerce.
Ainsi, disait M. Régnault de Saint-Jean-d’Angely, lors
qu’on achète un vaisseau actuellement en mer, la vente est
�37
valable quoique le bâtiment eût péri au moment où elle a
été consommée.
Cela admis, M. Bérenger proposait d’inscrire l’exception
dans l’article 1601. M. Troncliet répondit que c’était inutile.
Il a été convenu, disait-il, que les dispositions du Code cn il
ne s’appliquaient point aux affaires de commerce, à quoi
bon dès lors l’exception proposée ?
La discussion se termine sur cette observation de MM.Ré
gnault et Begouen : il est convenu que l’article 1601 ne s’ap
plique pas au commerce. II n’y a donc point de difficultés à
l’adopter (Locré, t. 14, p. 53 et 54).
25. Suit-il de cette discussion que la vente commerciale
est d’une manière générale, absolue, et dans tous les cas, en
dehors de la règle de l’article 1601 ? Mais, comme l’obser
vait avec raison M. Portalis, dans le commerce il faut une
matière au contrat de vente, et comment l’admettre en l’ab
sence de celte condition essentielle.
Il est impossible que cette observation ait été méconnue
par le législateur, et son incontestable justesse explique
pourquoi on n’a pas inscrit dans l’article 1601 son inappli
cabilité à la matière commerciale. Il ne pouvait en résulter
que des difficultés et des chicanes qu’il était essentiel de
prévenir.
Dans le commerce, d’ailleurs, on vend le plus communé
ment une quantité d’une telle chose, cent hectolitres de blé
cinquante pièces de vin, etc.... Peu importe que le vendeur
n’ait pas la chose vendue en sa possession, la chose n’en
existe pas moins dans le commerce et il pourra toujours se
la procurer. Vainement prétendrait-il qu’il n’a vendu et voulu
vendre que ce qu’il croyait posséder réellement et qu’il
ignorait avoir péri. Le défaut de détermination de la chose
ne permettrait pas d'accueillir sa prétention, et la vente
ayant une matière réelle et certaine devrait sortir à effet.
Supposez, au contraire, qu’il ait été vendu un objet spécifié
et déterminé, un véritable corps certain, la marchandise
existant dans un tel magasin, ou à bord de tel navire. Il est
évident que si, au moment du contrat, la chose avait péri,
que si toute délivrance était impossible, il n’y aurait pas eu
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
38
tic vente, et la résiliation pure et simple du contrat ne sau
rait être ici ni contestée, ni refusée, à moins que le danger
réciproquement connu et apprécié, ses conséquences aient
fait la matière du contrat.
C’est à ce point de vue qu’on doit considérer la vente
d’un navire en cours de navigation. Dire avec M. Régnault
qu’elle est valable dans tous les cas et malgré que le navire
eût péri avant le contrat, ce serait méconnaître les princi
pes, tout comme de déduire fatalement de cette perte la
nullité absolue de la vente. La seule règle en cette matière
est, pour les magistrats, l’intention réelle des parties.
Il peut se faire, en effet, que la probabilité, que l’immi
nence de la perte soit entrée pour beaucoup dans la déter
mination des conditions et du prix de la vente. Le vendeur
aura voulu précisément s’exonérer de la perte ; l’acheteur
s’en charger dans l’espoir qu’elle n’est pas réalisée, qu’elle
ne se réalisera pas.
En un mot, l’opération ne sera qu’une spéculation dans
laquelle l’un s’imposera une perte pour en éviter une plus
considérable; l’autre acceptera la chance de perdre ce qu’il
donne en vue du bénéfice que la conservation et l’heureux
retour du navire doit lui assurer.
Dans 'ce cas, la matière réelle de la vente est moins la
valeur vraie du navire que la chance qu’il a de succomber
ou d’échapper au danger qui le menace. On ne saurait donc
annuler la vente sans en méconnaître le caractère. C’est
un forfait qui a été réciproquement convenu et accepté.
Chacune des parties doit dès lors subir les conséquences
dont elle s’est volontairement chargée.
« Chaque fois, dit M. Pardessus,que l’acheteur prend sur
lui les risques qui peuvent faire que, par suite d’événements
indépendants du fait du vendeur, la chose né lui soit pas
livrée, ou ne le soit pas avec la qualité convenue, il y a
vente à forfait, valable quoique la chose eût péri, ou n’exis
tât plus au moment du contrat. Ainsi, on peut vendre un
navire en déclarant que si, au moment où l’on contracte, il
se trouve que le navire a été détruit ou pris par l’ennemi
ou par des pirates, l’acheteur n’en payera pas moins le prix
�31)
convenu, pourvu que l’évéheinent fût ignore du vendeur,
ou qu’on ne puisse le lui imputer (n° 304). »
Mais on ne saurait évidemment le décider ainsi si la vente
a été pure et simple, si elle a été contractée en vue de la
possession du navire que l’un a entendu livrer et l’autre
recevoir. L’absence de tout aléa dans la pensée commune
des parties placerait la vente sous l’empire de la règle ordi
naire sur les conditions de sa validité ; elle serait donc nulle
si, le navire ayant péri avant le contrat, elle manquait de
la chose qui en faisait la matière. (Cass., 5 frim. an XIV,
D. rép. v° Vente, n° 562).
L’article 1001 du Gode civil n’est donc ni absolument ap
plicable,ni absolument inapplicable à la vente commerciale,
tout dépend de la nature de la vente, des termes du contrat,
de l’intention des parties. Nous croyons que c'est là le motif
qui a empêché d’inscrire dans l’article l’exception sollicitée
en faveur du commerce. Juste dans un cas, cette exception
eût, dans l’autre, favorisé la déloyauté et la mauvaise foi,
puisque la perte se réalisant, l’acheteur qui, dans l’hypothèse
contraire, n’aurait pas manqué de s’appliquer le profit, serait
autorisé à s’exonérer de la chance sans laquelle le contrat
n’eut jamais existé. Il était donc rationnel, équitable et juste
de s’en référer à l’appréciation du juge, do lui laisser toute
latitude, et c’est ce qui résulte du silence gardé par l’arti
cle 1601.
26. Cette appréciation n’offre aucune difficulté lorsque les
termes delà convention sont explicites et formels, qu’il y est
dit que l’acheteur, instruit du danger que court la chose
vendue, traite à forfait et prend à sa charge les risques et
la perte.
Mais ces stipulations peuvent avoir été omises, quoique
l’intention commune ait été de traiter à ces conditions, c’est
alors cette intention qu’il faut rechercher et établir. On com
prend dès lors l’impossibilité de tracer une règle précise
et uniforme ; dans une recherche de ce genre, le juge est
un juré n’ayant d’autre guide, d’autres éléments de convic
tion, que les inspirations de sa conscience.
Il est cependant certaines dispositions de nature à influer
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�4(1
ACHATS ET VENTES
la décision. Ainsi la certitude du danger auquel la chose
est actuellement exposée, la connaissance qu’en ont l’une
et l’autre partie rendraient l’achat à tous risques présuma
ble. Il est peu probable, en effet, que celui qui traite en vue
de la chose qui lui est plus du moins indispensable, en
achète une qu’il sait fort bien qu’on ne pourra pas lui livrer
peut-être ; que le vendeur lui-même n’en reçoive le prix
aujourd’hui que sous la condition de le restituer demain.
La position actuelle du navire vendu et acheté est donc
une circonstance grave et qui doit être mûrement examinée.
Mais pour qu’il soit reconnu en danger, il ne suffit pas
d’une probabilité ordinaire, ainsi un navire en cours de
voyage est toujours plus ou moins exposé, mais on ne sau
rait concevoir des inquiétudes et des craintes sérieuses que
si le délai probable du voyage était expiré sans qu’il fût
arrivé à sa destination ; que si des nouvelles certaines an
nonçaient des mauvais temps et des tempêtes dans les para
ges qu’il avait à traverser.
La connaissance de cet état des choses, que l'acheteur
aurait eue ou qu’on lui aurait donnée, créerait un préjugé
sur le caractère do la vente, préjuge qui trouverait une
haute confirmation dans la vileté du prix convenu. Le désir,
le besoin de vendre explique sans doute le sacrifice que
s’impose souvent le vendeur, mais en tant qu’il n’atteint
qu’à de certaines limites. Si ces limites sont évidemment
dépassées, si le prix est en dehors de toute proportion avec
la valeur vraie de la chose, le sacrifice n’a plus sa raison
d’être dans la volonté, ni même dans la nécessité de ven
dre ; ce qui est raisonnable, c’est qu’on a fait la part du
danger auquel on savait la chose exposée, et qui lui fai
sait perdre une grande partie de sa valeur, minuititm pre
tium rei sitæ in loco periculis obnoxio\ et comme la chance
de perte se rachète à prix d’argent, pcriculum pecunia
æstimàtur, la disproportion entre le prix et la valeur peut
être considérée comme le rachat de cette chance acceptée en
vue du bénéfice qui devait résulter de la chance contraire.
lia coïncidence de la connaissance du danger et de la vi
leté du prix serait décisive et suppléerait au silence du consu l *
�•4 f
trat. Elle fait de la vente une spéculation dans laquelle l’un
accepte une perte partielle pour en éviter une totale ; l’au
tre sacrifie une somme déterminée dans l’espcrance d’en
gagner une plus considérable. La parfaite légalité de l’acte
en assure les effets envers et contre toutes les parties.
27. Qu’on nous permette, comme résumé de nos obser
vations sur ce point, d’emprunter à MM. Delamarre et Lepoitvin quelques lignes qui ont le mérite de placer l’exemple
à côté de la théorie.
« Tranchons le différend par moitié, me dit Jacques, vous
me donniez hier 24.000 francs de mon brigantin le Furet,
que vous vîtes appareiller, j’en demandais 20.000, et devis
en mains, il m’en coûta 30.000 l’an passé, le voulez-vous
pour 25.000 ? Va pour 25.000, répliqué-je, et je compte
la somme à Jacques.
« Ce petit navire ne vous suffirait pas, me dit Pierre qui
était présent au marché, ce qu’il vous faut, c’est un navire
comme mon trois-mâts le Cher-Aimé, par malheur il me
donne de l’inquiétude ; parti de Bourbon le 1" mai dernier, il
devrait être arrivé depuis plus d’un mois, et pourtant point
do nouvelles. Heureusement on ne parle à la Bourse ni de
tempêtes ni de naufrages. Vous savez que le navire est bon,
bien commandé, il y a dix-huit mois la construction en a
coûté 100.000 francs et il les vaut bien encore, car vous
n’ignorez pas que je l’ai fait doubler en zinc, m’en donnezvous 40.000 ?
« Vous êtes dans l’erreur, dis-je à Pierre. Il y a eu un coup
de vent ; deux navires ont péri corps et biens, quels sontils, on l’ignore. Voici une lettre qui m’annonce le sinistre.
« Pierre ayant lu la lettre et fait ses réflexions, nous trai
tons à 25,000 francs (t. 3, n° 69). »
MM. Delamarre et Lepoitvin estiment avec raison qu’il
n’y a pas à hésiter. L’achat fait de Jacques l’a été en vue de
la possession du navire et devrait être suivi de livraison, en
conséquence si le navire perdu ou pris au moment du con
trat, cette livraison était devenue impossible, le contrat doit
être résilié.
Dans l’opération avec Pierre, ce que je me suis proposé,
CONDITIONS GÉNÉRALES. KF F ET S
�42
ACHATS ET VENTES
c’est moins la possession matérielle du navire que la chance
d'un bénéfice considérable. J ’ai risqué 25,000 francs contre
100,000, et la validité incontestable de l’opération aux yeux
delaloi, aux yeux de la morale elle-même, repousse éner
giquement la prétention de se refuser à son exécution.
28. La vente de choses que la loi prohibe de vendre est
nulle et de nul effet. Celle par exemple d’objets pris en mer
et déprédés sur des Français (supra, n° 23), de substances
vénéneuses (loi du 19 juil. 1845, ord. du 29 oct. 1840, dé
crets des 8 juil. 1850, 15 janv. 1853, 1" oct. 1864, 28 sept.
1882, 20août 1894), de vins surplâtrés (loi du 11 juil. 1892),
de piquettes ou de vins de marc (loi du 6 avril 1897), de
produits œnologiques de composition secrète ou indétermi
née destinés à améliorer ou guérir les vins ou bien à fabri
quer des vins artificiels (loi du 29 juin 1907), d’animaux
atteints de maladies contagieuses (Code rural, loi de 1898,
infran0387), celle des objets d’art revêtus d’une fausse signa
ture (loi du 9 fév. 1895, infra n° 96) (‘).
Il en serait de même des ventes conclues en dehors des cas
ou des formalités prescrites par la loi.
C’est ainsi que le tribunal de commerce et la Cour de Pa
ris n’ont pas hésité à le décider pour une vente en gros à la
criée faite en dehors des conditions prescrites par la loi du
28 mai 1858, et le règlement d’administration publique du
12 mars 1859.
On sait que cette loi autorise les ventes en gros à la criée
de certaines marchandises sans l’autorisation du tribunal de
commerce. Mais le règlement pris en exécution de la loi exige
entre autres que, deux jours au moins avant la vente, le pu
blic soit admis à examiner et à vérifier les marchandises, et
que toute facilité lui soit donnée à cet égard.
Un sieur Durand, qui avait traité avec les bouchers de
Paris, des peaux des bœufs à abattre, vendait à la criée, le
dernier jour de chaque mois, les peaux qu’il devait recevoir
dans le courant du mois suivant.
Des difficliltés s'étant élevées sur l’exécution de l’une de
ces ventes, on recourut à la justice pour les résoudre.
Mais le tribunal de commerce ne crut pas devoir les exa(‘) fit des absinthes dont le degré’ alcoolique est inférieur à 65 degrés, sauf
�43
miner, et, suppléant au silence des parties, il annule d’office
la vente qui, faite contrairement aux prescriptions légales,
ne pouvait devenir la matière d’une action en justice. Sur
l’appel, le jugement était confirmé par arrêt du 10 août 1861
(Gaz. clés Trib. du 14 août 1801).
La Cour considère que le règlement général d’administra
tion publique du 12 mars 1859, complément de la loi du
28 mai 1858, sur les magasins généraux, et la loi du même
jour sur les ventes publiques de marchandises en gros, et
pris en conséquence de l’article 14 de la première de ces
lois, et de l’article 7 de la seconde, dans le but de prévenir
des contestations entre les acheteurs et les vendeurs, des
méprises et des tromperies sur la nature des marchandises
vendues, afin d’assurer une parfaite loyauté dans les ventes
et de mettre obstacle à des ventes de pur jeu de marchan
dises n’existant pas dans les mains du vendeur, a, d’une ma
nière générale, par les articles 20,21 et 23, ordonné l’expo
sition publique préalable, après annonces, des marchandises
mises aux enchères ; que les dispositions absolues desdits
articles d’ordre public ne peuvent être méconnues sans en
traîner la nullité des ventes opérées sans les garanties impo
sées par la législation ; que le tribunal de commerce ajus
tement d’office refusé d’admettre les conclusions prises par
les parties sur une vente entachée de nullité pour infraction
à un règlement d’ordre public.
29. Donc la vente d’un objet que la loi prohibe de ven
dre, ou exécutée en dehors du mode qu’elle détermine, est
nulle et ne peut donner naissance à une action en justice.
Les tribunaux doivent d’office prononcer cette nullité, si les
parties omettaient de l’invoquer.
Mais l’indisponibilité de la chose, ou la forme dans laquelle
elle doit être vendue, ne peut résulter que d’une disposition
expresse et formelle. On ne saurait dès lors supposer qu’il
puisse s’élever un doute sérieux sur l’une ou sur l’autre.
C’est ainsi qu’est licite la vente de certaines substances
dont l’emploi permis d’une façon générale ne devient prohibé
. que dans des conditions particulières. Par exemple la publi
cation d’une circulaire ministérielle prohibant l’emploi des
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
celles réservées à l'exportation, art. 17, loi des finances du 26 décem bre 1908.
�44
ACHATS ET VENTES
baies de sureau pour la coloration du vin, ne constitue pas
un cas de force majeure de nature à rendre nulle la vente
d’une certaine quantité de cette substance achetée pour cet
usage, alors qu’elle est susceptible d’un autre emploi dans
le commerce et que rien n’indique que les parties contrac
tantes aient en vue son emploi pour un usage déterminé. La
vente d’une telle marchandise n’est pas nulle par cela seul
que le vendeur saurait que l’acheteur a l’intention proba
ble d’en faire un usage illicite (Aix, 7 juin 1877. M. 77. 1.
332). Il faut aussi pour rendre la vente nulle que l’interdic
tion soit prononcée par la loi française. Il a été jugé qu’un
contrat portant sur des marchandises dont le commerce est
licite en France (dans l’espèce des armes et des munitions),
est valable au regard de la loi française bien qu’il doive
être exécuté au moyen de la livraison de ces marchandises
dans un pays où leur commerce est interdit (Aix, 3juil. 1893.
M. 1900. 1. 119).
Par contre la Cour de Nîmes a jugé avec raison (6 juil.
1900. S. 1905. 2. 130 et 22 avril 1904, G. T., 1904. 1. 2.
184) que la détention à un titre quelconque devins de marcs
ou piquettes étant interdite par la loi du 6 avril 1897 à tout
négociant, entrepositaire, ou débitant, la vente de piquet
tes soit par un négociant en vins à un autre négociant en
vins, soit par un propriétaire récoltant à un négociant en
A'ins est nulle comme ayant une cause illicite.
La prohibition peut ne pas résulter d’une loi formelle et
spéciale et il faut toujours appliquer'l’article 1133 du Code
civil. Par exemple est illicite la vente d’une maison de tolé
rance, établissement contraire aux bonnes mœurs, et toute
action doit être refusée aux parties si elles réclament en jus
tice l’exécution des obligations qui en découlent (Cass., 15déc.
1873. D. 74. 1. 222).
Aussi, l’unique difficulté dont se soit préoccupée la doc
trine est celle de savoir ce qu’il doit en être d’une vente com
prenant cumulativement des choses vendables et d’autres
qui ne le sont pas, soit par suite de la prohibition de la loi,
soit parce qu’elles auraient péri avant le contrat.
La solution tient à la nature des stipulations. Si les choses
�45
ont été vendues distinctement chacune pour un prix déter
miné, il y a, quoique dans un seul et même acte, autant de
contrats qu’il y a d’objets différents: Tôt sunt stipulationës
quoi res, quoi species, quoi summæ (L. 20, Dig\, De Ver/),
oblig.).
On doit donc respecter et maintenir la vente pour tous les
objets cjui ont pu légalement en faire la matière ; annuler
et résilier les conventions non susceptibles de recevoir leur
exécution.
Si la vente a été faite en bloc et pour un seul prix, elle est
nulle pour le tout, et c’est encore ce que décidait la raison
écrite : Si duos quis servos émit pariler uno pretio, quorum
aller ante venditionem mortuus est, neque in vivo constat
venditio (L. 44, IJig., De Conlrah. empt.).
Cette disposition a son fondement dans cette circonstance
que dès qu’il faudrait recourir à une ventilation dont le
mérite serait contesté, il n’y aurait plus concours des volon
tés sur le prix. La vente manquerait donc d’une de ses con
ditions essentielles. Elle serait nulle (infra, n°s 39 et s.).
On ne pourrait la maintenir que si l’acheteur, ne recevant
que les objets encore existants ou légalement vendus, con
sentait à payer la totalité du prix stipulé pour l’ensemble.
Où serait l’intérêt du vendeur à décliner cette offre et com
ment lui en concéder le droit ? Sa prétention serait donc
repoussée. Contraire à la raison, elle tomberait sous l’em
pire de la règle édictée par le paragraphe 3 de l'article 1182
du Code civil.
30. A cette exception à la nullité de la vente en faveur
de l’acheteur, s’en réunit une seconde dans l’intérêt du ven
deur. Il peut demander et obtenir l’exécution du contrat si
la chose qu’il ne peut livrer n’est qu’un pur accessoire de
celle qui a fait l’objet principal de la vente.
Mais sa prétention ne saurait être accueillie cju’aux con
ditions suivantes :
1° Que l’accessoire soit de telle nature que son défaut
n’eût pas empêché la conclusion du marché. Cette apprécia
tion du caractère du contrat est du domaine souverain du
juge, elle obéit à la règle de l’article 1156 du Code civil.
CONDITIONS GÉNKUALES. EFFETS
�\
40
ACHATS ET VENTES
Cette condition ne peut se rencontrer dans la vente d’un
assortiment, d’une collection. Il n’y a plus alors,à vrai dire,
ni principal, ni accessoire. Ce qui a fait la matière de la
vente, ce qui en a déterminé le prix, ce sont les diverses
parties constituant l’un et l’autre et se donnant réciproque
ment de la valeur. C’est donc leur ensemble qui a été réel
lement acheté, qui doit être livré, à peine de voir résilier le
contrat ;
2ÜQue le vendeur ait agi de bonne foi et dans l'ignorance
de la perte de la chose. Vendre ce qu’on sait ne plus exister,
c’est commettre un dol dont les effets ne peuvent être subor
donnés au plus ou moins d’importance de la chose. Dans
quelques proportions qu’il ait été commis, le dol est insus
ceptible de créer un droit et une obligation.
La réunion de ces conditions pourra faire maintenir la
vente, mais le prix stipulé doit subir une réduction propor
tionnelle. Quelle que soit la bonne foi du vendeur, l’ache
teur ne peut payer ce qu’il ne reçoit pas. On a bien pu
exceptionnellement maintenir la vente parce qu’on suppose
qu’elle n’en aurait pas moins eu lieu, mais il eût été souve
rainement injuste de méconnaître le droit de l’acheteur. Il
y a donc lieu à réduction qui, à défaut d’entente, est déter
minée par le juge.
S’inspirant de ces principes, le tribunal de commerce du
Havre a justement décidé le 14 juin 1899 qu’en cas de vente
d’un fonds de café avec gérance d’un débit de tabac, le
refus par l’Administration des Contributions indirectes
d’agréer l’acheteur comme gérant du débit, a pour effet
d’entraîner la résiliation de la vente tout entière, — sur
tout lorsqu’il n’est pas prouvé que le refus d’agréer le suc
cesseur du titulaire ou du gérant du débit soit motivé par
des causes personnelles à l’acheteur. En pareil cas la vente
ayant porté sur un ensemble, et pour un prix unique, le
vendeur n’est pas fondé à exiger que l’acheteur prenne
livraison du fonds de café avec déduction sur le prix d’une
somme proportionnelle attribuable à la valeur de la gérance
du débit (G. P. T., 97-902, v° Vente, n° 717).
31. [1 n’est pas nécessaire, pour la validité de la vente,
�47
que la chose qui en fait la matière existe actuellement, il
suffit qu’elle doive exister plus tard. La vente porte alors
sur une chose future qui a pu dans tous les temps en deve
nir l’objet. Son sort est subordonné à l’événement; valable
si l’espérance conçue se réalise, elle est nulle dans le cas
contraire.
Le caractère de la vente de la chose future diffère sui
vant la nature de la chose sur laquelle elle porte. Elle est
pure et simple si elle a pour objet les produits à fabriquer
pendant une période déterminée; conditionnelle, si cet objet
est la récolte en grains, vins ou huiles à recueillir de pro
priétés désignées.
32. Différentes dans leur nature, ces deux hypothèses
aboutissent dans l’exécution à des résultats bien différents.
Le défaut absolu de tous produits, dans la première, entraî
nera bien la résiliation de la vente, mais comme ce défaut
est imputable au vendeur, comme il le constitue en faute
pour s’être volontairement abstenu de fabriquer, la rupture
du contrat entraînerait contre lui une adjudication de dom
mages-intérêts en réparation du préjudice qu’en éprouverait
l’acheteur.
La responsabilité du vendeur engagée dans le cas d’abs
tention complète, ne le serait pas moins dans celui d’une
insuffisance volontaire de l’exploitation. Celui qui vend ce
qu’il fabriquera pendant un temps convenu, s’engage par
cela même à fabriquer dans toute la proportion que com
portent la nature de son établissement et les moyens dont
il dispose. On ne saurait lui reconnaître le droit de fabri
quer plus ou moins suivant qu’il aura intérêt à livrer plus
ou moins. En conséquence si, agissant dans cet intérêt, il a
négligé de se procurer la matière première, ralenti les mou
vements de son usine, congédié une partie de ses ouvriers
sans les remplacer, l’acheteur sera recevable et fondé, en
recevant les produits qui lui seront offerts, à demander
d’être indemnisé du défaut de livraison de ceux qu’il devait
naturellement compter qu’une exécution loyale du traité lui
aurait procurés.
Si aucun de ces reproches ne peut être adressé au vcnCONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
48
dcur, l’acheteur ne saurait exiger au delà de ce qui lui est
offert, mais il est tenu de s’en livrer en totalité. Sa préten
tion de ne recevoir qu’en quantité moindre ne serait ni juste
ni fondée. Le prix se calcule sur cette quantité totale et dans
la proportion convenue au contrat.
3 3 . La vente d’une récolte future, si elle est faite au
poids ou à la mesure, est purement résolue dans le cas d’un
manque complet de récolte. L’intempérie déterminant ce
résultat est une force majeure dont aucune des parties ne
peut et ne doit répondre. On ne saurait donc la soumettre
à des dommages-intérêts.
La vente tient et produit tout son effet s’il est récolté quel
que chose. Quelque minime que soit la quantité, le vendeur
a le droit d’exiger la réception, et l’acheteur celui de con
traindre à la livraison, comme il est obligé d’en payer le prix
proportionnellement à ce qu’il reçoit (B. L. S., n° 97).
34. — La vente de récoltes est donc subordonnée à la
condition qu’il sera récolté quelque chose. Elle peut de plus
être aléatoire si les parties, appréciant le rendement proba
ble, ont traité d’une quantité simplement présumée pour un
prix convenu; un achat, dans ces conditions est un véritable
forfait ses conséquences sont dès lors de mettre à la charge
de celui qui le contracte les événements qui pourraient sur
venir dans l’intervalle du contrat à la récolte.
Dans ce cas, comme dans le précédent, le défaut absolu
de production annulerait la vente. Si je vous ai vendu le
produit de ma vigne, il est évident que si elle ne produit
rien, la vente n’a pas de matière et ne peut par conséquent
sortir à effet. Comme le dit Pothier, une vente de ce genre
est valable quoique la chose n’existe pas encore, mais elle
dépend de sa future existence. Si la chose vient à ne pas
exister, si on ne recueille pas de vin, il n’y aura pas de vente.
Cette doctrine est avouée par la raison. Ce que les parties
ont en vue, c’est évidemment une récolte quelconque qu’el
les pouvaient et devaient naturellement espérer, qu’elles
étaient autorisées à prévoir, Fructus enim futuri, disait Fabert, liabent fondarnentum aliquot in re ipsa, cum ex fundo
ipso perciperentur. En conséquence, si, par un événement
�49
extraordinaire et fortuit, cette prévision est trompée, si la
propriété, dévastée par une inondation, par une grêle ou
tout autre accident, cette espérance est entièrement perdue,
le contrat a en réalité manqué d’objet, et ne saurait sans
injustice lier l'acheteur.
Mais ce qui est vrai en cas de perte totale et absolue,
serait sans application dans l'hypothèse d’une perte partielle
plus ou moins considérable ; accepter la vente d’une ré
colte à forfait, c’est spéculer sur le bénéfice que pourra
présenter une chance favorable, et par conséquent consen
tir à subir les effets de la chance contraire.
Je vous ai vendu pour 500 francs le produit de ma vigne.
Nos prévisions ont eu pour base son rendement ordinaire,
tel que le faisaient espérer les récoltes précédentes.
Si, par le résultat de saisons favorables, la récolte ven
due est double ou triple des récoltes ordinaires, tout vous
appartient, et je ne serai ni recevable ni fondé à exiger une
augmentation de prix.
Par une juste réciprocité, je ne devrai subir aucune
réduction, si le produit est inférieur. Ce qui est dû, c’est Je
prix total porté au contrat.
On a prétendu contester la validité de la vente par appli
cation de l’article 1587 du Code civil. Mais cette prétention a
été repoussée et devait l’être. La spécialité de l’article 1587
à la vente de denrées susceptibles d’être goûtées et agréées
est évidente. Cette disposition ne peut s’entendre que du cas
où la denrée étant actuellement offerte, sa qualité a fait
réellement la matière du contrat.
Or, celui qui achète une récolte et qui traite à forfait do
la quantité ne subordonne pas le sort du contrat à la qua
lité, il l’accepte telle qu’elle sera, sans qu’il puisse préten
dre qu’on lui ait rien garanti à cet égard. On comprend
qu’on ait pu faire de la dégustation une clause irritante de
la vente, mais il serait absurde de le décider ainsi lorsque
de toute certitude la dégustation n’est entrée dans les pré
visions d’aucune des parties. Or, dans quelle hypothèse cette
certitude serait-elle mieux acquise que dans celle où la chose
vendue étant une récolte plus ou moins prochaine, la dégusCONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
A chats et tentes
a
�ACHATS ET VENTES
50
tation était moralement et matériellement impossible au
moment de la convention.
C’est donc avec raison que par arrêt du 28 avril 1824 la
Cour d’Orléans repoussait l’argument tiré de l’article 1587
du Code civil contre la vente d’une récolte de vin pro
chaine, et déclarait cette vente parfaite et définitive dès sa
conclusion. (Rec. gén. Devilleneuve et Carotte, t. 7, p. 354,
2°partie. Aix,29 marsl905, Bull, de'jur. c?’Aiæ,1905,p.285)(1).
35. L’aléa de la vente peut porter sur ce qui en fait la
substance, par exemple lorsque les parties traitent d’une
chose qui a autant de raison d’être ou de n’êtrepas, habens
se indifferenter ad esse et ad non esse.
Ce qui caractérise cette vente, c’est qu’elle n’a pour objet
qu’une chose dont l’existence est purement problématique
et l’espérance plus ou moins fondée qu’elle se réalisera.
Comme exemple, on peut citer la vente et l’achat d'un coup
de filet, des prises que mon corsaire réalisera dans telle
période de temps.
On comprend la différence notable qui distingue cette
hypothèse de celle où l’on traite des résultats d’une fabri
cation, du produit d’une récolte, du croît d’un troupeau. Dans
cellè-ci, il y a, comme le disait Fabert, certitude d’un pro
duit quelconque par la nature des choses, et, en, traitant
de ce produit, on n’a pu entrevoir et accepter que la chance
du plus ou du moins.
Dans l’hypothèse que nous supposons, au contraire, on
n’a traité que sur l’existence plus ou moins probable d’un
produit ; que sur l’espérance plus ou moins fondée de la
réussite. L’opération est moins une vente qu’un pari, dont
l’incontestable légalité recommande l’exécution quidquid
evenerit. En conséquence, le prix convenu est acquis au ven
deur, alors meme que le coup de filet n’aurait amené que
de la boue et des pierres, ou que le corsaire n’aurait fait
aucune prise pendant le temps déterminé ; l’unique obliga
tion qu’il a contractée est de jeter le filet, de mettre le cor
saire en mer s’il ne l’a déjà fait.
11 en serait autrement si, au lieu de vendre le coup de
filet ou la prise à faire, on vendait le poisson que ce coup
(’) Cf. N îm es, 3 nov. 1900, in fr a , n» 146.
�51
amènera, ou la prise laite à une époque déterminée ; l’aléa
du contrat ne porte plus alors sur la chose vendue, mais
sur sa quantité ou son importance. C’est le poisson plus
ou moins abondant, c’est la prise plus ou moins riche qui
a fait la matière du contrat. En conséquence, s’il n'y a ni
poisson ni prise, la vente devient caduque, pour défaut de
chose en faisant la matière.
Ces diverses nuances sont importantes à saisir. C’est en
les observant qu’on résoudra les difficultés que l’existence
légale de la vente pourra faire surgir.
36 .
La chose vendue doit être clairement indiquée. Sa
détermination résultera des caractères d’individualité, la
distinguant non seulement des choses d’une nature diffé
rente, mais encore de celles d’une espèce identique, par
exemple, la vente d’un tel cheval, des sucres ou cafés ren
fermés dans tel magasin ou reposés à bord d’un tel navire ;
soit de l’indication de son espèce et de la quantité à pren
dre dans des choses de la même espèce, exemple : un che
val de tel haras ; 1.000 kilogrammes de café ou de sucre ;
50 balles de coton ou de laine de telle provenance.
Ainsi, ce qui individualise les marchandises, c’est non
seulement leur espèce, mais encore leur quantité, et sur
tout leur qualité, celle-ci en effet, servant à en déterminer
le prix, en constitue la valeur.
Cependant l’article 1129 du Code civil semble ne consi
dérer comme essentielle que l’indication de l’espèce. Mais
vendre en commerce du sucre, du café, des cotons ou des
laines, c’est en réalité ne rien vendre. Comment, en effet,
établir la quantité et prouver qu’il y a eu à ce sujet le con
cours des volontés, sans lequel la vente ne saurait exister.
Il faut donc, outre la détermination de l’espèce, celle de
la quantité. Il n’y a d’exception pour celle-ci que dans la
vente en bloc d’une marchandise qui est suffisamment dési
gnée par l’indication du lieu où elle se trouve reposée, les
sucres qui sé trouvent dans tel magasin ou à bord de tel
navire, les huiles de la pile n° 1 de tel domaine. Toutefois,
le silence que le traité garderait sur la quantité n’annulerait
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
52
pas la vente, si la correspondance ne laissait aucun doute
à cet égard.
37. Devrait-on annuler la vente pour omission de dési
gnation de la qualité ?
La Cour de Metz se prononçait pour l'affirmative le 11 dé
cembre 1812. (Rec.gén. Dev.et Carr.,t. 4, 2“ partie, p.214).
Elle annule une vente de fer battu, attendu qu’il est notoire
qu’il existe trois espèces de fer battu, savoir : le fer tendre,
le fer métis, le fer fort, lesquels ont une valeur bien diffé
rente ; attendu que la vente du 24 août ne détermine pas
quelle sera l’espèce de fer qui sera fournie, que conséquem
ment elle est nulle. (Rec. gén. Devill. et Carr.,t. 4,2e partie,,
p. 214).
3 8 . Mais cet arrêt ne confond-il pas la qualité avec l’es
pèce. Que le fer battu soit tendre, métis ou fort, il n’est
jamais que du fer battu. Seulement il vaudra plus ou moins,
suivant qu’il sera l’un ou l’autre.
C’est là l’histoire de toutes les marchandises. Chacune
d’elles offre une qualité supérieure, une qualité moyenne,
une qualité inférieure. Ces deux dernières présenteront en
tre elles une différence de valeur, et n’atteindront jamais
le prix de la première. Ce que les parties avaient omis était
donc l’indication de la qualité et non de l’espèce.
Dans ces termes pouvait-on annuler la vente ? Nous ne
saurions l’admettre. Un pareil rigorisme est peu compati
ble avec les usages et les besoins du commerce, il donnerait
lieu à trop de chicanes, à trop de fraudes.
La Cour de Metz s’étaye de l’article 1602 du Code civil,
obligeant le vendeur à expliquer clairement ce à quoi il
s’oblige, et, dans le doute, lui appliquant l’interprétation
qui lui est la plus défavorable. C’est là résoudre la ques
tion par la question. Il s’agit en effet de savoir si l’indica
tion de l’espèce jointe à celle du prix n’était pas suffisante
pour faire comprendre, sans équivoque possible, ce qui
avait fait la matière du contrat. Or, dans le commerce, les
choses ne se passent pas comme dans les ventes ordinai
res. Les marchandises ont un prix courant qui est officiel
lement coté à la bourse, que chaque commerçant connaît
�53
et doit connaître ; le vendeur qui livre, l’acheteur qui accepte
au prix de 10 francs n’a pu avoir en vue que la qualité cotée
à ce prix et non celle cjui valait à la même époque 15 ou
20 francs.
Le vendeur est donc fondé à soutenir qu’il a rempli le
devoir que lui impose l’article 1002. Chaque qualité ayant
son prix spécial, celle-ci valant 20 francs, celle-là 12 francs,
cette troisième 6 ou 8 francs, il est évident que celui qui a
offert à l’un de ces prix a déclaré par cela même qu’il n’en
tendait s’obliger que pour la qualité correspondante.
La nullité de la vente pour défaut de désignation de la
qualité n’est ni dans le texte, ni dans l’esprit de la loi. On
pciit même sans témérité en induire le contraire, ainsi l’ar
ticle 1129 du Gode civil n'exige que la désignation de l’es
pèce. Il permet de plus de laisser la quantité incertaine,
pourvu qu’elle puisse être déterminée. Où serait le motif
pour qu’il en fût autrement de la qualité ? Et puisque son
indication doit résulter du prix, son omission ne saurait rai
sonnablement influer sur le sort du contrat.
Nous estimons donc que la nullité, que l’article 1002 n’au
torise pas, est repoussée par l’article 1129. Sans doute, la
prudence conseille aux parties de déterminer cette qualité,
mais la loi n’en impose pas le devoir. Son omission pourra
bien soulever quelques difficultés, mais si en réalité la mar
chandise offerte est bien de la qualité cotée au prix stipulé
et convenu, l’acheteur sera obligé de la recevoir et de la
payer. Il n’én serait dispensé que par la preuve que la mar
chandise, dans sa qualité, n’est ni marchande, ni de recette.
39. Une seconde condition, non moins essentielle pour
la validité de la vente, est l’existence d’un prix qui doit être
sérieux et certain ; à défaut, le contrat perdrait son caractère
commutatif. Il n’existerait aucune obligation pour l’acheteur.
On exige ordinairement que le prix soit juste, c’est-à-dire
dans une proportion équitable avec la valeur de la chose,
mais les éléments qui peuvent déterminer ce caractère sont,
en commerce, tous autres que dans la vente ordinaire et de
droit commun.
Sans doute, le commerçant qui vend une marchandise
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS HT VENTES
54
quelconque doit en recevoir l’équivalent, mais le prix com
mercial se calcule moins sur la valeur vénale et intrinsè
que que sur la valeur marchande, celle-ci varie à l’infini.
Elle ne peut résulter que du cours au moment du contrat.
Or, çe cours est subordonné aux circonstances économiques
ou commerciales ; à la rareté ou à l’abondance delà matière
ou du numéraire, de l’offre ou de la demande ; aux chances
plus ou moins probables de hausse ou de baisse ; à la né
cessité dans laquelle peut se trouver l’un de vendre, l’autre
d’acheter.
40.. Quelle que soit donc la valeur réelle des objets qui en
font la matière, la vente a un juste prix si elle est faite au
cours du jour. Est-ce à dire qu’il doit en être autrement de
celle qui aurait été consentie au-dessous de ce cours ? Non
évidemment.
f
Le cours, quelque officiel, quelque authentique qu’on le
suppose, n’a rien d’obligatoire pour les commerçants. Un
événement arrivé, une nouvelle reçue après la clôture de la
bourse dans laquelle il a été constaté, peut gravement le
modifier dans un sens ou dans l’autre.
D’ailleurs, le détenteur d’une denrée ou marchandise
n’est jamais obligé de la céder à un cours qui n’entre pas
dans ses convenances ; de son côté, on ne saurait contrain
dre dans les mêmes circonstances l’acheteur à accepter le
marché. Ils sont libres l’un et l’autre de discuter leurs pré
tentions réciproques, et de n’obéir qu’à leurs intérêts.
D’ailleurs, l'un peut être dans la nécessité de vendre, l’au
tre n’avoir aucun besoin d’acheter, et, s’il le fait, ce ne sera
qu’en vue du bénéfice que les conditions de la vente lui
promettront.
Ainsi, que le détenteur d’une marchandise la cède au-des
sous du cours, soit parce qu’il a à pourvoir à des engagements
qu’une sorte de mévente le met dans la possibilité de rem
plir, soit parce que l’arrivée prochaine sur le marché de
marchandises de même nature lui fait craindre une forte
baisse, il n’aura pas reçu l’équivalent réel de ce qu’il donne,
mais il n’a consenti à un sacrifice que pour en éviter , un
autre plus considérable. On ne saurait donc l’autoriser à
�55
revenir sur ses engagements, ou le dispenser de l’obligation,
de les exécuter.
41. Il y a donc juste prix dans la vente commerciale
toutes les fois que celui qui a été convenu est sérieux et
certain. Or, c’est ce qui se réalisera lorsque celui-ci n’est
pas en disproportion telle, avec la valeur de la chose, qu’on
doive le considérer comme dérisoire, soit en lui-même, par
exemple la vente d’un tonneau de Médoc pour 3 francs, soit
par les conditions d’exigibilité, par exemple je vous vends
mon navire 80,000 francs, payable la première fois que, pen
dant le mois d’août, le thermomètre de Réaumur descendra
à deux degrés au-dessous de zéro, dans la ville de Montpel
lier (Delamarre et Lepoitvin, t. 3, n° 81).
Un pareil contrat ne saurait être une vente. Il n’est qu’une
libéralité qui pourrait bien valoir entre parties, mais que
les créanciers du prétendu vendeur ne sauraient être con
traints de subir. Il est présumé, en effet, n’avoir été con
senti qu’en fraude de leurs droits, que pour leur arracher
le gage qui garantit leur créance. Aussi seront-ils receva
bles à refuser d’exécuter, si le marché ne l’a pas été encore ;
et, dans le cas contraire, à réclamer la restitution de la
chose, ou de sa valeur au moment du contrat.
MM. Delamarre et Lepoitvin observent avec raison que
la simulation n’empruntera jamais un masque aussi traiisparent, mais, quelque épais que soit le voile dont elle se
couvre, la preuve de son existence en amènerait sûrement
la répression. Cette preuve, qui peut résulter de la nature
des choses, des circonstances, de la position et de la qualité
des parties, des dépositions de témoins ou des présomptions,
est, quant à son appréciation, laissée à l’arbitrage souverain
des tribunaux (l).
4 2 . Le prix peut-il être supérieur à la valeur réelle de la
chose vendue ?
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(') Le prix pourrait être sérieux, certain, m ais en m êm e tem ps être vil, c'està-dire très inférieur à la valeur de la chose sans pourtant être tellem ent m inim e
qu'il dût être considéré com m e nul. Dans ce cas la vente serait valable. Les
tribunaux ont une liberté d’appréciation absolue pour décider si un prix n’est
pas sérieux ou est seulem ent v il.
�5j
ACHATS ET VENTES
Oui en principe. Il ne faut pas gêner la loi de l’offre et de
la demande. Telle denrée vaudra dans telles circonstances
un prix qui en temps normal serait considéré comme excessif,
et aucune loi ne permet de limiter le bénéfice qu’un ven
deur peut retirer d’un marché. C’est ce qu’a jugé la Cour
d’Aix le 6 janvier 190(1 réformant un jugement rendu par le
tribunal de Marseille, le 10 août 1898 :
« Attendu qu’il est vrai qu’il résulte de la comparaison
des factures d’achat et de revente que M... aurait majoré de
plus de cent pour cent le prix de la marchandise (thé) par
lui achetée à la Compagnie de l’Indo-Chiné et revendue à
G... mais que celui-ci a accepté ce prix, et que cette majo
ration ne peut, quoique abusive et blamâble au premier
chef, créer un droit de résiliation en faveur de celui qui l’a
imprudemment mais librement subie; que G... n’établit en
effet à la charge de M...ni manœuvre dolosive, ni violence
ou tromperie de nature à surprendre ou vicier son consen
tement ; qu’on ne saurait ranger dans cette catégorie les
artifices de langage usités dans le commerce, et dont l’es
prit le moins prévenu est généralement apte à démêler
l’inanité. »
Cet arrêt est évidemment irréprochable. Mais la fréquence
de majorations scandaleuses de prix, acceptées la plupart du
temps par l’acheteur parce qu’oa lui promettait de lui con
céder le monopole de la revente des denrées dans un cer
tain rayon, monopole absolument illusoire à cause de l’infé
riorité des produits, a amené les tribunaux à chercher,
nous ne voulons pas dire un prétexte, mais une raison pour
annuler un marché librement consenti, sans être vicié par
un dol ou une fraude proprement dite. Cette raison a été
trouvée dans les dispositions de l’article H 10 du Code civil
visant Terreur sur la substance (infra n° 99). L’acheteur,
a-t-on dit, a voulu acheter un objet renfermant certaines
qualités substantielles et c’est sur l’affirmation de leur exis
tence qu’il a contracté. Donc si ces qualités font défaut, la
vente est nulle. Dans ces circonstances l’exagération du prix
n’est pas la cause d’invalidation de la vente : mais elle cons
titue un élément d’appréciation important, car il sera dif-
�57
ficile d’admettre que l’acheteur se soit décidé à payer le
prix stipulé s’il n’a pas cru trouver dans la denrée cédée
les qualités essentielles qui lui manquent.
Le tribunal de Marseille a jugé dans ce sens le 22 mars
1889 :
« Attendu qu'il résulte des.constatations faites que les
parfums employés dans la fabrication de ce savon sont de
qualité inférieure ; que s’agissant de savons exclusivement
destinés à la toilette il est incontestable que le parfum est
l’une des conditions essentielles que l’acheteur a le droit
d’exiger; que l’acheteur a d’autant plus le droit d’être rigou
reux sur l’exécution de toutes les obligations de son vendeur
qu’il a acheté à un prix plus élevé ; qu’il y a entre le prix
de revient de ce savon et celui de la revente un écart que
rien ne justifie ; que sans doute la liberté des transactions
commerciales ne permet pas en principe de limiter le béné
fice à réaliser entre vendeur et acheteur, mais que dans
ces ventes à monopole pratiquées pour le placement de cer
tains produits, et qui s’adressent en général à des person
nes dont le commerce est étranger à la nature de la mar
chandise vendue, il est indiscutable que le consentement des
acheteurs peut être facilement surpris à la suite de brillants
avantages que des vendeurs très experts dans ce genre
spécial de ventes font habilement espérer à un acheteur qui
n’est pas au courant de l’article proposé ; que G... en payant
ses savons 2 fr. 751e kilogramme était en droit d’exiger une
marchandise réunissant toutes les conditions prévues et pou
vant, suivant les promesses faites, être assimilée aux savons
les plus chers et les plus fins ; que c’était, le savon pouvant
seul convenir à la clientèle fréquentant son établissement
(bains) ; que le savon livré par M... ne jouit pas de la
faveur d’une marque connue et ne peut do ce chef fournir
aucun élément qui puisse entrer pour quoi que ce soit dans
la fixation de sa valeur... »
Sur appel la Cour d’Àix a confirmé par adoption de motifs
(22 novembre 1900. Ici, Paris, 9 février 1907. J.T.C , 57,
17411).
La Cour d’Aix ne s’est-elle pas contredite à quelques
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
58
mois de distance ? Les raisons données par le tribunal méri
taient-elles son adhésion ? n’émanaient-elles pas de l’exa
gération d’un sentiment généreux, le juge ayant constaté
la malhonnêteté de la spéculation et voulant, malgré la
rigueur du droit, restituer la partie- contre sa faiblesse et
son imprudence ? Si ce sentiment n’est pas très juridique,
il est à coup sûr profondément humain. Mais peut-être, en
se plaçant à un point de vue général, il vaudrait mieux
habituer les contractants majeurs et maîtres de leurs droits
à ne compter que sur eux-mêmes pour se mettre à l’abri
des flibustiers qui déshonorent le commerce, et leur ensei
gner que sauf les cas de dol ou de fraude bien caractérisés,
ils ne devront pas compter plus tard sur le tribunal pour
le^ relever de leurs défaillances. La cour de Rouen a paru,
par contre, se rallier à la doctrine proclamée dans le pre
mier arrêt d’Aix (Rouen,28mars 1908. G. P. 1908.2.300) (‘).
43. De tous temps on a exigé que le prix fût stipulé en
argent monnayé, moneta nummis, pecunia numerata, et en
espèces ayant cours légal dans le pays, quia pecuniapublicam debet habere auctoriiatem.
Mais on ne pouvait en commerce prendre ces exigences
trop à la lettre. Aussi, aucune difficulté ne saurait naître
sur la légalité du prix stipulé en billets des banques publi
ques, en actions des sociétés industrielles, en lettres de
change ou autres billets négociables ;
Ce qu’il importe de remarquer, c’est que le paiement en
billets de banque ou actions industrielles serait définitif et
libératoire. Celui qui s’opérerait par la remise de lettres de
change ou billets à ordre n’aurait ce caractère que sauf
encaissement, à moins que la remise n’ën ait été faite et
acceptée à forfait et sans garantie.
On considère également comme stipulé en argent le prix
convenu en monnaie de compte. MM. Delamarre et Lepoitvin estiment qu’il y a là une contradiction dans les ter
mes. Le propre de la monnaie, en effet, est de payer. Pour
quoi donc appeler monnaie ce qui ne sert qu’à compter. Ils
(’ ) I n f r h 400 1er, loi do 8 décem bre 1907 sur la vente des engrais ad m et
tant la lésion.
�59
reconnaissent cependant que la monnaie de compte est en
usage chez tous les peuples commerçants, parce qu’elle offre
un moyen simple et très exact de s’entendre sur la valeur
et de déterminer un prix en monnaie payante.
Ajoutons qu’il ne pouvait être interdit de faire suivre la
vente du contrat de prêt. Le vendeur qui consent, en paie
ment du prix, à en être crédité par l’acheteur, ne fait que
contracter un placement qu’il pourrait faire avec tout autre
que l’acheteur, sans toucher à la régularité de la vente. On
ne pourrait raisonnablement admettre le contraire, lorsqu’il
confie ce placement à cet acheteur lui-même.
L’exigence du cours légal peut se comprendre dans la
vente civile et ordinaire, mais elle pouvait être un danger
pour les transactions commerciales. Le commerce, en effet,
est essentiellement cosmopolite. Loin d’écarter les étrangers,
il les sollicite et les appelle ; on ne pouvait dès lors leur
prohiber, lorsqu’ils achètent ou vendent, de stipuler le prix
en monnaie de leur pays. Aussi n’hésite-t-on pas à admettre
la validité de cette stipulation, et à tenir comme irréprocha
ble la vente payable en livres sterling, piastres, ducats, etc.
44. Le prix do la vente peut-il régulièrement être stipulé
en denrées ou marchandises ? L’affirmative était, en droit
romain, soutenue par les Sabiniens, mais Justinien avait for
mellement condamné cette opinion (’j.
S’il faut en croire Duparc-Poullain, la décision de Justi
nien n’avait pas été admise, il nous apprend en effet que
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
chez nous l'achat est u n con tra t p a r leq u el la chose, m e r x ,
est tra nsférée p o u r u n p r ix fix é q u i consiste en a rg e n t , a d t
ÀLIA RE FUNGIBILI ( ! ).
Aucun jurisconsulte moderne n’a soutenu cette opinion;
seulement, après avoir enseigné que le prix doit être stipulé
en argent, Emile Vincens ajoute : On pourrait contester
cette décision qui n’a point de fondement dans lanature des
choses, ni d’utilité car l’échange est soumis aux mêmes lois
que la vente. On ne voit pas ce qui empêcherait d’acheter une
chose au prix de services ou de travaux. Il n’y a que la loi
(•) In st , § 2, de Cont. e m p t., 1 .7, G. de r e r n m p e r m u t .
(a) G ra n d C oût., t. 2, p. 93.
�00
ACHATS ET VENTES
fiscale qui ait besoin d’une évaluation en argent dans le cas
où la vente est soumise à des droits proportionnels au prix (‘J,
Il n’v a rien de commun entre la vente pour un prix déter
miné, payable en services ou travaux, et le contrat par
lequel on livre une chose contre une autre. Dans le premier
cas, il y a en réalité vente, puisque si le mode de paiement
adopté reste sans exécution, le vendeur pourra exiger la
somme convenue ou faire résilier le contrat.
Dans le second, il n’v a qu’un échange qu’on ne saurait
confondre avec la vente, précisément parce que la loi les a
distingués. Peu importe que l’article 1707 du Code civil ait
appliqué à l’un les principes qui régissent l’autre, c’était là
la conséquence des affinités qui existent entre ces deux con
trats. Il n’en est pas moins vrai que chacun d’eux a son
caractère à part et desrègles qui lui sont propreset exclusi
ves. (Sic. B L. S., n° 128).
45. Nous comprenons qu’en droit commun et pour ce qui
concerne les parties, la détermination du véritable caractère
de l’acte n’ait qu’une importance et qu’une utilité fort secon
daire, surtout lorsqu'il s’agit de meubles, mais il en est au
trement pour la vente commerciale et à l’égard des créan
ciers soit du vendeur, soit de l’acheteur. La distinction est
alors dans le cas de produire l’effet le plus considérable.
Ainsi le vendeur non payé peut, en cas de faillite de l’a
cheteur, revendiquer la chose vendue si elle est en cours de
voyage et non encore arrivée dans les magasins de celui-ci
ou dans ceux de son commissionnaire.
L’échangiste n’a qu’un droit, celui de ne se dessaisir de
sa chose qu’en recevant celle qui lui est promise. S’il
néglige de l’exercer, s’il expédie avant, il suit ' aveuglément
la foi de celui avec qui il contracte à l’instar de tous les
autres créanciers. La faillite survenant, il n’est ni receva
ble, ni fondé à revendiquer sa chose, fût-elle encore en cours
de voyage, ni à réclamer la délivrance effective et en nature
de ce qu’il devait recevoir en contre-échange. Il est désïnvesti de l’une et n’a jamais possédé l’autre. La faillite s’op(■ ) T . 2, p. 46.
�Ct
posant à toute mise en possession ultérieure, il n’est plus
que créancier de la valeur, ne pouvant et ne devant rece
voir que le dividende que la liquidation de la faillite permet
tra de distribuer.
Voilà donc une hypothèse où le véritable caractère de
l’opération exerce une décisive influence sur le sort des inté
ressés, il n’est donc pas rationnel de refuser toute utilité à
sa détermination. Or, promettre ou donner une chose, à la
condition d’en recevoir une autre, c’est évidemment consen
tir le contrat que la loi a distingué de la vente et qualifié
d’échange.
46. Il importe toutefois, dans l’appréciation de son carac
tère, de ne pas oublier celte règle de droit qui n’a jamais
rien perdu de son autorité : Non pretii numeratio sed conventio p&rficit emptionem (’). Il serait, en effet, irrationnel
de subordonner le caractère du contrat à l’exécution que
les convenances réciproques des parties lui ont donné.
Peu importe donc qu’il y ait eu paiement du prix en mar
chandises ou tout autre objet mobilier, il suffit, que ce prix
ait été stipulé en argent pour que l’opération doive être
réputée, et soit en réalité une vente.
4 7 . Nous avons examiné ailleurs la question de savoir ce
qu’il doit en être, lorsque le prix stipulé consiste partie en
argent, partie en choses fongibles. Nous nous bornons à
rappeler la conclusion que nous avons tirée de la doctrine
et de la jurisprudence.
Lorsque le prix en argent est supérieur à la valeur de la
chose donnée par l’acheteur ; par exemple, un objet de
20.000 francs donné contre 15.000 francs espèces, et une
chose évaluée 5.000 francs, il y a vente.
Si l’objet livré étant de 20.000 francs, le propriétaire
reçoit 10.000 francs en argent et 10.000 francs en nature,
on se prononcera encore pour la vente, par la raison que
venditio dignior est, quæ in dnbio prœferenda.
Si le prix de 20.000 francs était stipulé 15.000 francs en
nature,5.000francs en argent,il n’y a plus qu’un échange (-).
CONDITIONS GÉNÉRALES. ICFFKTS
(1) . 6, § 1, D., de A c l . e m p t.
(2) T r a ité du B o l e i d e la F ra u d e ,
,
par Bédarride, l. 2, n° 993.
�02
ACHATS ET VOTES
L’application de cette doctrine suppose que le contrat a
été qualifié de vente , si les parties avaient déclaré faire un
échange et n’avaient considéré le prix en argent que comme la
soulte due par l’une d’elles, il serait impossible de voir autre
chose qu’un échange, quel que fût le chiffre de cette soulte.
48. Le prix, dont la stipulation est une des conditions
essentielles à la validité de la vente, doit être certain: Nulla
emptio sine pretio potest, secl certum esse debet pretium (*).
La certitude du prix n’exige pas sa détermination précise
au moment de la vente. On peut soit la remettre à la déci
sion de tiers, soit la rattacher à un fait devant
* nécessairement se réaliser dans un temps convenu.
Pretium, disait Casaregis, quando per relatiohem est certificcibile, habetur pro certo, et valet venditio.
A côté de la règle, Casaregis donnait des exemples de son
application, valet venditio, disait-il, quando pretium collatum est ad arbitrium boni viri, aut peritorum ; contractas
venditionis mercium valet quanti valueriht talimense; et si
fuerit conventum (quanti valuerint ex mense martii usque ad
mensem augusti, fuisse de vision atlendendum valorem mediocrem illius temporis.
Enfin, ajoute-t-il : Si itaque valet venditio pro pretio certificabile per relationem, ideo ea valere debet si facta fuit
pro pretio quo res aliis empta, vel quanti habeo in tali area,
vel quanti communiter vendatur (2).
49. Ces exemples, puisés dans la pratique commerciale,
prouvent la manière dont le commerce, s’appropriant le
principe du droit commun, l’avait accommodé à ses exigen
ces. Or, celles-ci n’ont été ni changées, ni modifiées par le
temps. Dès lors, ce qui avait été considéré comme leur con
séquence au temps de Casaregis a conservé ce caractère et
doit atteindre au même résultat.
Ce qui se pratiquait autrefois peut encore se pratiquer
légalement aujourd’hui, par conséquent on ne saurait con
tester la validité de la vente au prix que le vendeur payera
lui-même, ou auquel des tiers auront acheté. Sans doute le
(*) Inst., S 1er, cle Contrat, empt.
(!) Dis. 34, n»a 18, 19, 20, 21 et 56.
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
G3
prix est ignoré au moment du contrat, mais il est certain,
car il résultera infailliblement de la justification de l’évé
nement auquel sa détermination est subordonnée. Le ven
deur ne saurait exiger plus, et l ’acheteur offrir moins que le
prix payé par le premier, ou par les tiers traitant de choses
de mêmes nature et qualité.
5 0 . Rien n’est moins rare que la vente au prix que la
chose se payera au marché de tel jour, soit du domicile du
vendeur, soit de celui de l’acheteur, soit de toute autre
localité désignée. La légalité de ces contrats ne saurait être
contestée, ils ont un prix sérieux et certain que le cours du
marché désigné précisera et déterminera.
Mais il est rare que pendant la durée d’un marché le
cours reste invariable, une marchandise ouvrant en hausse
peut fermer en baisse, ou réciproquement. L’intérêt de
l’acheteur serait d’acheter ,au plus bas, comme celui du ven
deur est de vendre au plus haut; il est évident que l’un de
ces intérêts serait sacrifié par l’accueil qu’on ferait de l’autre.
Onles concilie dans la pratique en adoptant le prix moyen,
qui s’établit et se calcule en tenant compte des prix supé
rieur et inférieur.
Les parties peuvent convenir du contraire, traiter au prix
d’ouverture ou de fermeture du marché, ou de telle heure
déterminée. Bien souvent chez nous les propriétaires et cul
tivateurs vendent leurs raisins ou leurs olives ce qu’ils se
payeront au marché d’un tel jour, à deux, trois heures, etc.
C’est là un aléa qui n’a rien d’illicite, dès lors les variations
que la marchandise aurait subies avant, ou qu’elle subirait
après l’heure convenue ne pourraient être prises en consi
dération.
5 4 . C’est aussi à la moyenne que se régleraient les ventes
au prix que se payera la chose du premier marché du mois
de mars jusqu’au premier ou dernier de tel autre mois dési
gné. Ici la relation est plus étendue sans en être moins
légale, elle se justifie par les raisons qui ont fait admettre
l’hypothèse précédente. Puisqu’on peut prendre pour bases
les résultats d’un marché, on ne voit pas ce qui ferait pro
hiber de s’en référer à ceux de plusieurs.
�ACHATS HT VENTES
04
Mais, dans ce dernier cas, la moyenne que Casaregis qua
lifie de valeur médiocre ne se calcule plus sur les variations
se réalisant pendant la durée du marché, c’est sur le prix
officiel de la mercuriale de chaque marché qu’on doit pro
céder, c’est sur leur ensemble que s’établit cette moyenne.
Si la détermination du prix suivant les indications du con
trat était impossible, la vente serait nulle. Le tribunal de
la Seine a justement jugé en annulant un marché où il
avait été stipulé que le prix serait fixé sur le cours officiel du
marché d’une place, alors que la seule marchandise de même
nature cotée sur cette place était d’une qualité différente et
supérieure à celle vendue (31 oct. 98. J. T. C. 49, 14736).
Le tribunal de Nantes par contre a validé une vente que
rellée pour défaut de prix par le motif que le tribunal pou
vait déterminer ce prix, détermination rendue possible par
l’exécution du marché dans les années précédentes (Nantes,
21 fév. 1903, Rec. Nantes, 1903. 1. 436).
52 . La faculté de déférer à un tiers la détermination du
prix de la vente était devenue pour les jurisconsultes romains
l’objet d’une controverse-que Justinien trancha en l’autori
sant formellement. L’école italienne, Cas.aregis vient de nous
l’apprendre, appliquait la règle aux ventes commerciales.
Le Code civil se l’est à son tour appropriée ; et, malgré
le silence du Code de commerce, malgré la différence de
caractère des deux législations, il est admis en doctrine et
en jurisprudence que le droit de s’en référer à des arbitrateurs existe en faveur des commerçants (art. 1592, C. civ.).
53. Mais son application devait être, et est, en effet, fort
rare. Perdre du temps et de l’argent n’est ni dans l’intérêt,
ni dans les usages du commerce ; et c’est ce qui résulterait
de la nécessité d’une expertise.
D’ailleurs, il est pour les ventes commerciales un régula
teur d’autant plus recommandable qu’il est plus impartial,
plus à l’abri de toutes manoeuvres, de tout dol de la part
des intéressés: le cours officiel et public des marchandises.
On comprend dès lors qu’on préfère s’y référer et lui
demander la valeur marchande de la chose achetée et ven
due, plutôt que de s’exposer aux erreurs volontaires ou invo-
�65
lontaires de tiers, qui en définitive feront du cours légal
l’élément et la base de leur appréciation.
54. Quoi qu’il en soit, les parties libres de suivre leurs
convenances, peuvent s’en référer à la décision des tiers,
et dans ce cas la légalité du contrat est incontestable. Casaregis faisait résulter la convention du silence qu’on gardait
sur le prix : Quando est simplicitér venditum, semper intelligitur emptum pro pretio justo, declarando ad arbitrium
boni viri (‘).
Nous ne croyons pas qu’on pût le décider ainsi aujourd’hui.
La faculté concédée par l’article 1592 du Code civil n’est
qu’une exception à la règle prescrivant la stipulation d’un
prix certain. Le bénéfice n’en est donc acquis que lorsque
les contractants se le sont expressément réservé. Le silence
gardé à ce sujet ferait que la vente serait sans prix, et devrait
être annulée.
5 5 . La disposition de l’article 1592 du Code civil a sou
levé quelques difficultés d’application, la première est née
sur le nombre des experts. La loi permet-elle d’en élire plu
sieurs, n’en admet-elle qu’un seul ?
L’ancien orateur du Tribunat, M. Grenier, se prononce
dans ce dernier sens. Cette opinion simplifiait l’opération et
coupait court aux inconvénients qu’entraîne nécessairement
une élection multiple. En effet, si les élus désignés au con
trat ne s’accordent point, la vente est nulle et résiliée. Or,
on sait que l’expert comme l’arbitre ne se considère trop sou
vent que comme l’homme de celui qui l’a choisi. On devait
donc craindre que, obéissant aveuglément aux inspirations
de celui-ci, il ne déterminât par un désaccord une nullité que
l’intérêt do son mandant exigeait.
Ne permettre qu’un seul arbitrateur était le plus héroïque
remède à ce grave inconvénient. Mais est-ce là ce que l’ar
ticle 1592 aprescrit ?Ilnous paraît impossible de l’admettre.
Sa disposition, il est vrai, ne prévoit dans l’application du
principe qu’elle consacre que l’hypothèse d’un arbitrateur
unique. Mais a-t-elle par cela même exclu tout autre mode ?
CONDITIONS GÉNÉRALliS. EFFETS
(*)
Disc., 34, n° 19.
A chats et ventes
5
�ACHATS ET VENTES
06
Or, toutes les fois qu’il s’agit d’une expertise, chaque par
tie a incontestablement le droit d’élire celui qu’elle croit
digne de sa confiance. L’exercice de ce droit ne reconnaît
d’autre obstacle qu’une disposition de loi qui l’aurait expres
sément prohibé, et cette prohibition n’est ni explicitement,
ni implicitement dans l’article 1592. Ce qu’il consacre, c’est
la faculté de déférer à autrui la détermination du prix de
la vente, et s’il ne règle ses effets que dans un seul cas, c’est
qu’il ne pouvait les prévoir tous, et qu’il entendait laisser
aux intéressés à agir au mieux de leurs convenances (Sic
B. L. S-, n° 13.4).
58. On a ensuite agité la question de savoir si le ou les
arbitrateurs devaient être désignés dans le contrat à peine
de nullité de la vente ?
Le droit romain pouvait faire répondre affirmativement,
car il avait précisé l’hypothèse qu’il réglait : Si quis rem
ita comparaverit ut res vendita esset
T
(‘), ce qui, en admettant que le tiers était désigné dans
le contrat, semblait en imposer l’obligation.
Peut-on induire la même conséquence des termes de l’ar
ticle 1592 ? Mais évidemment ces termes n’établissent aucune
relation nécessaire entre l’époque de la désignation et celle
du contrat. Peut-on rationnellement admettre qu’en confé
rant d’une manière générale et absolue la faculté de laisser
le prix à l’arbitrage d’un tiers, la loi a interdit aux parties
de convenir du principe et d’en remettre l’application à une
époque ultérieure ? On doit d’autant moins se prononcer en
ce sens, que cette exigence de la loi serait dans bien des cas
la condamnation du principe lui-même. Supposez, en effet,
une vente par correspondance, comment la partie étrangère
à la localité sur laquelle devront être pris les experts pourrat—elle les désigner au moment où elle accepte à son domi
cile l’offre ou la demande qui lui est faite.
57. C’est cependant pour la nullité de la vente, à défaut
de désignation dans l’acte, que se prononce M. Dclvincourt,
et sa doctrine a recueilli l’imposante adhésion de M. Troplong.
q uanti
iu t
I1) Lix.' 15, Cocl. de Cont. empt.
it iu s æ s t d ia v e
�07
Plusieurs arrêts, dit l’éminent magistrat, viennent à l’appui
de cette opinion qui est rationnelle et juste. En effet, si
l’arbitre n’était pas désigné au moment du contrat, il dépen
drait d’une partie d’empêcher la fixation du prix et de rendre
la vente nulle, ce serait une condition potestative de part et
d’autre ; le contrat serait perpétuellement en suspens et
manquerait de certitude (*).
38. Les arrêts auxquels M. Troplong fait allusion sont :
celui de Limoges, du 4 avril 1826 ; celui de Toulouse, du
5 mars 1827. Sans doute la jurisprudence a une juste, une
incontestable autorité, mais rappelons ce que nous avons
déjà relevé, les tribunaux ne sont pas souvent appelés à ré
soudre des questions de pur droit; ils ne peuvent faire abs
traction des circonstances de faits particulières à l’espèce
qui leur est soumise, et qui sont souvent de nature à entraî
ner une solution que le droit aurait condamnée ; il faut
donc, pour reconnaître la valeur réelle d’un arrêt, s’en réfé
rer nécessairement à l’espèce sur laquelle il est intervenu.
Or, devant la Gour.de Limoges, le demandeur soutenait'
bien que le contrat, dont il poursuivait l’exécution, était
une vente dont le prix avait été laissé à l’arbitrage de tiers.
Mais le défendeur repoussait ce caractère et alléguait que
la prétendue vente, faite d’ailleurs sous pacte de rachat,
n’était qu’un contrat pignoratif. Ce n’était que subsidiaire
ment qu’il soutenait que dans tous les cas son refus de dési
gner les experts rendait la vente sans effets possibles.
Devant le tribunal, le système principal avait été accueilli,
et la vente annulée comme contrat pignoratif. C’est ce juge
ment que la Cour de Limoges confirmait.
Il est vrai que son arrêt n’examine la question qu’au point
de vue de l’article 1592, et déduit la nullité de la vente de
l’absence de désignation dans le contrat. Mais cet examen
avait-il pu faire abstraction du caractère réel de l’acte, et ce
caractère pouvait-il rester sans influence sur la solution ?
L’espèce de l’arrêt de Toulouse est plus significative
encore. Roger fils, négociant,avait disparu de son domicile,
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(*) S o u s l ’a rtic le
1592,
n« 157.
�ACHATS ET VENTES
«8
lorsque Severac, son créancier, se fait remettre par Roger
père, jusque-là étranger au commerce de son fils, une cer
taine quantité de laines, dont il entendait imputer le prix
sur sa créance.
Trois jours après, la faillite de Roger fils est judiciaire
ment déclarée. Le syndic revendique contre Severac les lai
nes qu’il s’était fait remettre, celui-ci répond que ces laines
lui ont été vendues par Roger fils longtemps avant la fail
lite ; qu’à la vérité le prix n’en avait pas été déterminé à
l’instant même de la vente, parce que les parties étaient
convenues de le faire ultérieurement, soit par elles-mêmes,
soit par des experts. Le tribunal do commerce reconnaît
l’existence de la vente et en consacre la validité.
Sur l’appel, la Cour de Toulouse la déclare nulle et de
nul effet. Elle dit bien que l’article 1592 exige la désigna
tion des experts dans l’acte même, mais elle considère aussi
qu’il est prouvé au procès qu’en enlevant les laines dont
s’agit des magasins de Roger fils, dans la vue de se payer
de ses propres mains d’une créance qu’il avait sur celui-ci,
dont la faillite était imminente, Severac ne convint nullement
avec Roger père du prix des laines, dont la quantité et la
qualité ne furent pas même déterminées.
Elle ajoute : Considérant que la vente serait encore nulle
faute de consentement formel et libre de la part de Roger
père, qui, au moment où les laines furent enlevées des
magasins de son fils, se trouvait, par suite de la disparition
de celui-ci, dans une position embarrassée et critique dont
tout annonce que Severac a abusé.
La nullité de la vente était la conséquence forcée, dans
le premier cas, de la simulation ; de la fraude dans le second;
aurait-elle été consacrée dans l’un et dans l’autre si, la sin
cérité de la vente admise, il eût été certain que la déter
mination du prix en avait été déférée à des arbitres à dési
gner ? Aurait-on pu le faire sans méconnaître l’esprit et le
texte de la loi?
59. C’est sur quoi nous différons avec MM. D clvincourt
et T roplong. V oici nos raisons :
Le droit romain, nous l’avons déjà dit, paraissait, plus
�6!)
explicite que notre loi. A l’hypothèse d’une vente quanti
Titiiis æstimaverit, il ajoute sub hac, conditions staret venclitionem ut si quidcm
.pretium definierit, omni modo secundum ejusæslimationem et pretia persolvi,
et venditionem ad effectum pervenire.
On comprend que Vinnius on ait conclu que l’arbitrateur
devait être nommé dans le contrat, car, ajoute-t-il, si pre
tium alieno arbitrio generaliter permission sit, placet emptionem non contrahi.
Mais cette conclusion n’était pas universellement reconnue
et admise, l’opinion contraire, refusant à la loi tout carac
tère limitatif, avait de nombreux et graves partisans.
60. Les jurisconsultes italiens n’avaient pas hésité à se
prononcer pour cette dernière. Casaregis vient de nous l’at
tester. On pouvait, pour la détermination du prix, s’en réfé
rer d’une manière générale et sans désignation actuelle
arbitrio boni viri vel peritorum.
Le cardinal de Lucca est plus formel encore-, il admet
qu’on peut valablement s’en référer non in personam certain
a contrahentibus determinatam, secl inperitos in généré (*).
61. C’est à cette même opinion que se range notre illustre
et judicieux Pothier. On peut, disait-il, vendre une chose
pour le prix qu’elle sera estimée par des experts dont les
parties conviendront. Si, en ce cas, le prix n’est pas certain
au moment du contrat, il suffît qu’il doive le devenir par
l’estimation qui en sera faite.
Pothier ajoute : Quelques interprètes prétendent que ce
contrat est un contrat innommé qui donne lieu à l’action
præscriptis verbis, et qui imite seulement le contrat de vente
plutôt qu’il n’est un vrai contrat de vente, mais ces subtiles
distinctions ne sont pas admises dans notre droit français,
et ne sont d’aucun usage dans la pratique (De la Vente,n° 25).
62. La rationalité de cette interprétation de la loi romaine
ne saurait, à notre avis, être contestée. Si quelque doute à
ce sujet pouvait exister pour la vente ordinaire, il est
impossible d’en concevoir aucun pour ce qui concerne la
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
ipsjî
(*)
De Empt. Vend., Disc.
q u i n o m in a t ü s e s t
30, n° 9.
�ACHATS ET VENTES
70
vente commerciale, que l’intérêt public exige de faciliter et
d’encourager. Comment dès lors lui imposer une condition
que les parties peuvent être dans l’impossibilité de remplirL’article 1592 du Code civil, moins précis que le droit
romain, n’a pu vouloir autre chose que ce que celui-ci
exigeait. Son caractère purement démonstratif résulte de ce
qu’il n’a pas prescrit la désignation actuelle à peine de
nullité.On ne pourrait donc prononcer celle-ci sans ajouter
à sa disposition.
On prêterait en outre au législateur une intention qu’il a
'au contraire formellement répudiée. En effet, sur la com
munication du projette Tribunat proposait d’ajouter à l’ar
ticle 1592 que les tiers seraient expressément désignés par
les parties. Cette proposition fut rejetée par le Conseil d’Etat.
On a donc refusé de faire de la désignation actuelle une
obligation pour les parties, comment dès lors faire résulter
de son inobservation la nullité du contrat ?
En réalité donc c’est la doctrine de Pothier que le Code
civil a entendu consacrer et a en effet consacrée. Loin d’être
rationnelle et juste, la doctrine contraire ne tend à rien
moins qu’à méconnaître l’esprit et le texte de la loi (Sic B. L.
S., n° 138).
6 3 . On objecte, à l’appui de cette dernière, que la condi
tion serait potestative, de telle sorte que le refus d’une des
parties de procéder à la nomination des experts étant un
obstacle invincible à la détermination du prix, le sort de la
vente se trouverait ainsi purement livré à leur discrétion.
M. Troplong suppose donc que lorsque les contractants,
au lieu de désigner les tiers dans l’acte, sont convenus d’une
expertise, le refus qu’ils feraient plus tard d’exécuter cette
convention est sans recours possible,et que la justice serait
impuissante à y remédier.
6 4 . C’est là accepter en fait ce qui est en question et con
fondre deux hypothèses essentiellement distinctes et qu’on
a toujours distinguées.
Tout recours judiciaire est interdit lorsque le tiers a été
désigné dans le contrat, la raison en est naturelle et simple.
La désignation au contrat prouve qu’on a exclusivement fait
�71
confiance à Ja personne qui en a été l’objet, on ne saurait
dès lors être contraint à donner malgré soi cette confiance
à tout autre qu’elle.
Pretium rei venclitæ, disait Gasaregis, si conferatur in arbitrium
m,non secuta declaratione contracius resolJvitur, non potest recurri ad officium judicis (Dics., 34, n° 28).
C’est en se plaçant au même point de vue que l’arti
cle 1592 déclare que si le tiers ne peut ou ne veut faire
l’estimation, la vente est nulJe.
Ainsi le recours à justice ne serait ni recevable ni fondé
doutes les fois qu’il aurait pour objet la substitution d’une
personne à celle qui a été nommée et désignée dans le con
trat. Cette désignation fait de l’intervention personnelle de
celle-ci la condition essentielle de la vente. Sans la confiance
que j’avais en sa probité, sa loyauté et ses lumières, dirait
la partie, je n’aurais pas traité sur ce pied. Or, comment
pourriez-vous me contraindre à transporter cette confiance
sur une autre personne à laquelle, à raison ou à tort, je ne
crois pas devoir la témoigner ?
Impossible de méconnaître l’autorité de ces raisons, et
c’est ce qui les faisait consacrer par"la Cour de Riom. Dans
cette espèce, l’expert choisi et désigné par le vendeur étant
décédé avant l’expertise, on prétendait obliger à son rem
placement.
Cette demande, accueillie en première instance, est repous
sée par la Cour qui réforme le jugement, attendu que les
parties, en convenant de la vente, étaient en même temps con
venues de leurs experts ; qu’elles avaient entendu faire déter
miner le prix, non par des experts en général, mais par des
personnes désignées et ayant leur confiance exclusive ; que
dès lors le vendeur ne pouvait être obligé déplacer ailleurs
la confiance personnelle qu’il avait en l’expert décédé.
On se pourvut en cassation, mais le pourvoi était rejeté
le 1er ventôse an X, considérant que la nomination des experts
a précédé la convention de vente ; conséquemment que les
juges d’appel de Riom n’ont contrevenu à aucune loi en déci
dant que la confiance personnelle du vendeur et de l’acheteur
en la probité des experts nommés était un des éléments essenCONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
pe r so n æ chut
�72
tiels de la convention, et qu’elle se trouvait l'ésolue par la
mort de l’un des experts avant l’expertise.
65.
Ces deux décisions, rendues avant la promulgation du
Gode civil, avaient exactement appliqué la règle du droit
romain. Car si, d'une part, Justinien veut que la décision
, du tiers soit souveraine et détermine la validité de la vente,
il déclare, de l’autre, que si ce tiers noluerit vel non potueritpretium définire, la vente est nulle pour défaut de prix (‘).
L’article 1592 du Gode civil commanderait aujourd’hui une
solution identique.
Mais ce qui ressort de l’un et de l’autre est une distinc
tion dont MM. Delvincourt et Troplong n’ont, à tort, terni
aucun compte. Puisque dans le cas donné, la nullité n’est
.consacrée que parce que les experts sont nommés dans la
convention, que parce que les parties se sont référées, non
à des experts en général, mais à des personnes désignées
auxquelles elles ont exclusivement fait confiance, il est évi
dent qu’en l’absence de l’une et l’autre de ces circonstances,
que, lorsque les parties, convenant purement et simplement
d’une expertise, ont traité en vue de l’opération et non des
personnes qui en seraient chargées, on ne saurait leur recon
naître le droit de revenir sur leur engagement et d’anéantir,
de leur seule volonté, le contrat. Les raisons qui devaient
faire concéder ce droit, juridiques et souveraines dans un
cas, ne pourraient même être alléguées dans l’autre. Il était
donc rationnellement impossible de leur donner un effet
identique. Cette distinction n’avait pas échappé aux docteurs
italiens qui en déduisaient la légalité du recours en justice
dans la seconde hypothèse. Ainsi Casarcgis, qui vient d’en
enseigner la non-recevabilité lorsque les experts ont été
nommés dans le contrat, ajoute :
Secus autem in venclitione facta simpliciter pro justo pretio,vel pretio perperitos declaranclo, vel pro pretiocommisso
boni viri arbitrio, seu æstirnatoribuspubliais, et hujus rnocli;
quia seenti in istis casibus non videtur electa industria alicujus certæ personæ,cuj us loco alla ex voluntate contrahena c h a t s
(*) L. 15, God.,
de Cont. ernpt.
et
v e n te s
�73
lium sobrogari nonpossit. Potest uno bono vivo vel aliquibus
peri/is seu æstimatoribus arbitrari nolentibus, vel impotentibus recurri ad arbitrium alterius boni viri, vel ad alios peritos, vel ad alios æstimatoresy vel saltemad judicem (‘).
Le cardinal de Lucca, de son côté, proclame la nullité de
la vente, si les experts nommés au contrat n’ont voulu ou
n’ont pu remplir leur mission. Sed, continue-t-il, si pretii
determinatio vernissa esset non in personam certain a contrahentibus determinatam, sed in perilos in genere, quibus
etiam specificatis sed non æstimantibus sed non arbitrantibus, intrat judicis arbitrium pro æslimatione ab aliis peritis
/amenda (8).
La rationalité de cette doctrine ne saurait être ici mécon
nue. A bon droit elle refuse tout caractère potestatif, à la
condition de nommer les experts qui doivent procéder à la
détermination du prix de la vente. Puisqu’il est licite de la
stipuler, il ne saurait être permis de se refuser à l’exécuter.
On peut et on doit y être contraint comme on le serait pour
tout autre engagement régulier et légal.
66. Nous dirons donc avec MM. Delamarre et Lepoitvin,
non, l’engagement dont s’agit n’est pas contracté sous une
condition potestative, il constitue une promesse incondi
tionnelle, et chacune des parties est astreinte par un lien de
droit ainsi qu’elles le sont toutes deux dans un contrat où
il est dit que l’exécution de la convention sera déterminée
par des arbitres. Or, lorsqu’une obligation existe et que les
contractants ne s’accordent pas sur son exécution, il est de
principe qu’on doit recourir à l’autorité du juge (3).
Nous ajouterons, avec M. Duvergier, que la partie qui
refuse de faire un choix est évidemment de mauvaise foi.
Elle ne peut dire que la désignation de tel ou -tel expert a
entraîné son consentement à la vente, et qu’on ne saurait
substituer personne à l’homme de son choix, puisqu’elle n’a
jamais choisi. Pourquoi donc se plaindrait-elle d’une nomi
nation faite par les tribunaux, lorsqu’elle avait un moyen
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(4) Disc., 34, n° 29.
(2) De Empl. vendit.,
P ) T . 3, n° 87.
Disc., 4,
n° 9 .
�ACHATS HT VENTES
74
facile de la prévenir en nommant elle-même, comme elle s’v
était engagée (').
En résumé, l’article 1592 ne fait pas de la désignation
actuelle des arbitrateurs la condition de la validité de la
vente, il permet de s’en référer à ceux dont on conviendra
plus tard. On ne saurait donc, sans se montrer plus sévère
que la loi, sans violer le principe que les nullités ne se sup
pléent pas, attribuer à cette clause l’effet d’anéantir la vente.
Consacrât-on le contraire en droit commun, qu’on devrait
décider autrement en matière commerciale, où l’impossibi
lité dans laquelle l’éloignement place les parties de s’enten
dre sur la personne des experts au moment du contrat, leur
fait une nécessité de stipuler de le faire plus tard.
La légalité de la convention a pour conséquence forcée
d’en assurer les effets, d’en commander l’exécution. On ne
saurait donc la considérer comme viciée de condition potes
tative. Elle constitue une obligation de faire qui se résou
drait en dommages-intérêts, si la loi n’en avait elle-même
réglé l’exécution, en déférant à la justice le choix de l’ex
pert que la partie refuse de désigner. On ne saurait donc
contester aux tribunaux le pouvoir de remplir la mission
dont ils sont investis.
Tout est donc subordonné à la nature du contrat; si les par
ties, s’en référant pour le prix à la décision d’autrui, ont en
même temps désigné le ou les tiers qu’elles entendent char
ger do ce soin, le refus ou l’impuissance du tiers ou de l’un
d’eux résout le contrat, en en rendant l’exécution impossi
ble dans la limite qui lui était tracée. Il est certain, dans
cette hypothèse, que la cause qui a déterminé le consente
ment respectif, est la confiance dans la personne indiquée.
Or, cette confiance ne se commande pas, et nul ne peut être
contraint de l’accorder malgré lui et contre son gré, même
par autorité de justice. M. Duvergier a donc raison de cri
tiquer un arrêt de la Cour de Paris, du 18 novembre 1831,
admettant dans ce cas l’intervention des tribunaux.
Que si la convention se borne à stipuler que le prix sera
(l) Continuât, de Toullier, t. 16, n° 153.
�75
déterminé par experts dont on conviendra, cette interven
tion est légitime, régulière et forcée. Ce que les parties ont
en vue, dans cette hypothèse, c’est une expertise, abstrac
tion faite des personnes qui en seraient chargées, aucune
d’elles ne peut raisonnablement prétendre avoir arrêté sa
confiance sur tel plutôt que sur tel; elles se sont respective
ment réservé le droit de choisir celui qui leur paraîtrait
digne de la mériter. Or tout droit a pour corollaire une obli
gation, et en stipulant celui-ci on s’est nécessairement engagé
à l’exercer envers celui que cet exercice intéresse et qui est dès
lors recevable etfondé à lecontraindre (Contra B.L.S, n. 138.)
Mais ces auteurs admettant que les tribunaux peuvent alors
fixer les dommages-intérêts dus par la partie qui refuse de
procéder à la désignation, cette divergence est sans intérêt
au point de vue pratique. C’est pourtant à ce système mixte
que s’est ralliée la Cour de Dijon (15 février 1893. D. 93. 2.
168;.
Les Cours de Rennes et de Bordeaux ont suivi la doctrine
de Troplong (Rennes, 26 janvier 1876. D. 77. 2. 107; Bordeaux, 6 février 1878. D. 79. 2. 38) et plus logique que Dijon,
Bordeaux a jugé que la vente étant alors nulle d’une manière
absolue, son refus d’exécution ne peut donner ouverture à
une action en dommages-intérêts. L’arrêt de Bordeaux est
surtout fondé sur les déclarations faites au Corps Législatif
dans la séance du 15 ventôse an XII. La Cour de Cassation
n’a pas voulu encore résoudre la question et s’est bornée à
décider,le 31 mars 1862 (D. 62. 1. 242) qu’en admettant la
nullité, cette nullité est couverte par les parties qui ont donné
ultérieurement à une personne dont elles ont convenu le
pouvoir de désigner les arbitres. Il en serait donc ainsi à
plus forte raison si les parties avaient elles-mêmes fait cette
désignation.
67. Si, en exécution du contrat, les parties ont choisi ulté
rieurement les arbitrateurs, pourra-t-on poursuivre le rem
placement de celui qui ne veut ou ne peut remplir la mis
sion dont on l’avait investi ?
Casaregis professait la négative quia non minus censetur
electa à contrahentibus personarum industria quas promiseCONDITIONS GÉNÉRALES.
10 F FIS T S
�ACHATS HT VENTES
70
runt notninare, qaam earurn quas a principio nominaverint.
L’admettre ainsi, c’est annuler le droit de recourir à jus
tice, tout au moins permettre de l’éluder. Celui qui a intérêt
à la résolution de la vente ne se laissera jamais citer en
justice, il se bornera à désigner une personne dont il se sera
assuré le refus. Autant donc vaudrait proscrire l’intervention
du juge, que Casaregis admet cependant dans le cas de
défaut de désignation dans le contrat même.
Il n’est donc pas possible, en proclamant le principe, d’en
abandonner l’application et les effets à la discrétion de celuilà même qu’on contraint à le subir ; et ce n’est certes pas
le motif donné par Casaregis qui rendrait raison d’une pa
reille anomalie.
La question de savoir si on a fait confiance à la personne
des experts ne peut être appréciée qu’à l’origine et par la con
duite des parties au moment du contrat. On devra la résou
dre affirmativement si la désignation a précédé ou accompa
gné l’accord.
Dans le cas contraire, les parties s’en étant référées à une
expertise en général, les raisons qui légitiment l’office du
juge pour la nomination militent également pour le rempla
cement. On ne pourrait donc consacrer une solution con
traire. Il faut que l’expertise sorte à effet, et tout ce qui
tend à aboutir à ce résultat est légitime et indispensable.
68. C’est par les mêmes considérations que nous résou
drons la question de savoir si, en cas départagé des experts,
on peut provoquer judiciairement la nomination d’un tiers,
lorsque rien n’a été statué à cet égard par les parties.
On consacrerait la négative si les experts ont été désignés
dans le contrat. Ce qui, dans ce cas, a déterminé les parties,
c’est la personnalité des hommes choisis, industria personarum; ce qu’elles ont voulu, c’est s’en référer exclusivement
à leur décision. Que l’absence de celle-ci tienne au refus ou
à l’impuissance des experts, ou à l’impossibilité de s’enten
dre, le résultat est acquis, l’effet est le même.
Si les experts n’ont été commis qu’après le contrat, soit
par les parties en exécution de l’engagement qu’elles en
avaient pris, soit par la justice, le partage doit être vidé. Il
�77
faut répéter ici ce que nous venons de dire pour la nomina
tion, pour le remplacement. Les parties s’étant purement
référées à une expertise, sont présumées avoir consenti à
toutes les mesures devant conduire celle-ci à des résultats
positifs. Qui veut la fin veut les moyens.
Il y aurait donc lieu à désigner le tiers expert. Gasaregis
enseigne que cette désignation serait valablement faite par
les experts dissidents. Notre droit n’admet pas qu’il en soit
ainsi. Les experts partagés ne pourraient élire le tiers que
s’ils y avaient été expressément et formellement autorisés ;
à défaut, la désignation ne peut être faite que par la justice.
Etant donné la jurisprudence que nous venons de citer,
cette opinion de Bédaride ne nous semble pas pouvoir être
adoptée sans réserve. La tendance actuelle nous paraît être
celle-ci: n’admettre l’intervention du juge que si elle a été
formellement prévue au contrat. A défaut la vente serait
nulle faute par l’expert choisi de remplir sa mission. Lau
rent interdit même aux parties le droit de s’en référer au
tribunal pour lui laisser le choix de l’expert. Cette opinion
isolée est évidemment inadmissible (B. L. S. n. 139).
69. La vente d’une chose au prix quelle vaut ou qu’elle
vaudra à une époque convenue est régulière et valable. Cette
vente, dit Pothier, est censée faite pour le prix à détermi
ner par des experts dont on conviendra. M. Troplong, accep
tant ce caractère, conclut à la nullité de la vente pour vice
de condition potestative.
Nous venons de démontrer l’erreur de sa doctrine dont il
fait ici une nouvelle application. Nous ajoutons que M. Tro
plong, comme Pothier lui-même, n’ont pas tenu assez compte
des exigences commerciales et du caractère spécial des opé
rations entre commerçants.
Nous comprenons que la vente d’un immeuble au prix
qu’il vaudra doive donner infailliblement lieu à une exper
tise, il n’existerait aucun autre moyen d’arriver à la déter
mination du prix. On pourrait aussi l’admettre dans la vente
de choses mobilières par un non négociant à un non négo
ciait. L’un et l’autre, en effet, ont entendu que la chose
COMMTIO.NS GENERALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
78
devait être payée à sa valeur vénale et réelle, et comment
l’établir à défaut d’une expertise.
Dans la vente commerciale, au contraire, les parties n’ont
eu en vue que la valeur marchande. Or, celle-ci résultera
incontestablement des cours officiels et publics, des mercu
riales. A quoi bon dès lors une expertise qui ne puiserait
ses éléments et ses bases que dans ces documents ?
La vente commerciale d’une chose au prix qu’elle vaut ou
qu’elle vaudra, est donc faite au cours du jour de la vente,
ou de celui qui a été convenu et désigné ; une expertise
serait inutile et frustratoire et sa nécessité no serait admis
sible que si les parties l’avaient expressément stipulée. Leur
silence à cet égard ne peut être attribué qu’à l’intention de
s’en référer au cours authentique. On ne consent guère, en
commerce, à perdre du temps, à ajouter aux frais. Le parti
qui tend à les économiser est le seul qui convienne, le seul
véritablement rationnel.
70. Vendre pour le juste prix, c’est, en d’auti’es termes,
vendre la chose pour ce qu’elle vaut. Telle est la doctrine
professée par Pothier, admise par M. Troplong,
MM. Delamarre et Lepoitvm distinguent la vente de la
chose au prix qu’elle vaut, de celle faite pour le juste prix.
Ils enseignent que la première se règle par une expertise,
la seconde par le cours.
Cette distinction sur le caractère de la vente ne nous paraît
avoir aucun fondement sérieux, il n’y a de différence que
dans l’expression, au fond le but est le même. Les parties
ont entendu donner et recevoir la valeur marchande au jour
convenu. Nous ne saurions donc admettre une différence
dans l’exécution.
Nous hésitons d’autant moins à nous prononcer pour le
règlement par le cours dans le second cas, que nous consi
dérons cc règlement comme seul rationnel dans le premier.
Nous ne faisons donc aucune distinction, la vente au juste
prix, comme celle pour ce que la chose vaut, arrive à un
résultat identique. Le prix est déterminé par l’attestation des
courtiers, par l’extrait légal de la mercuriale de la place,
ou de la localité la plus voisine, si au domicile des parties il
�7!)
n’existe ni bourse ni marché. On ne recourrait à une expertise
que s’il s’agissait de denrées ou marchandises non cotées (*).
71. Dans tous les cas où la détermination du prix est lais
sée à l’arbitrage de tiers, l’estimation pourra-t-elle être atta
quée pour exagération ou insuffisance ?
Justinien semble décider la négative. La loi 13, au Code
De contrah. emptione dispose, en efiet, omni modo secundum æstimationem pretium solvatur, d’où Despeisses con
cluait que les parties étaient absolument sans action, même
dans l’hypothèse d’une estimation évidemment inique ; et
c’est ce qu’enseigne également M. Troplong.
Mais Cujas, mais Yoët professaient le contraire. Quod si
iniquum arbiler interposuerit arbitrium, dit ce dernier, ad
ipsum bonæ fidœi judicio, id est judicis officio, secundum
naturam negdtiorum bonæ fidœi ex æquo et bono corrigendum est (2).
A l’exemple de ces jurisconsultes, Pothier se prononçait
pour le recours aux tribunaux. Les contractants, disait-il, en
s’en référant à l’estimation d’un tiers, ont entendu non une
estimation purement arbitraire, mais une estimation tanquam
boni viri, une estimation juste. C’est l’avis de la Glose sur la
loi de Justinien (3).
Permettre d’attaquer l’estimation sous prétexte d’exagéra
tion ou d’insuffisance serait encourager la chicane et mul
tiplier les procès ; on ne peut contenter tout le monde et son
père, et il est rare dans ces occurrences que l’un ne se con
sidère pas comme sacrifié à l’autre.
Nous refuserions donc tout recours, même en cas d’une
exagération ou d’une insuffisance certaine, si elle n’est que
le produit d’une appréciation erronée, mais de bonne foi.
(§ic. Nancy, 24 avril 1884 et Bastia, 1er février 1892. D. 92.
2. 143. B. L. S. n° 140).
■ CONDITIONS GÉNÉBALES. EFFETS
t1) N o u s v e n o n s de v o ir q u ’a u jo u rd 'h u i o n e x ig e g é n é ra le m e n t p o u r la v a li
d ité de la v e n te d o n t un tie rs d o it fixer le p rix q u e ce tie rs so it d é sig n é p a r les
p a rtie s e lle s-m ê m e s d a n s l’a c te de v e n te o u u lté rie u re m e n t sa n s a u to rise r l ’i n
te rv e n tio n du jiig e . Il en ré s u lte q u e c ’e st l ’o p in io n de T ro p lo n g q u i d e v ra it
ê tre su iv ie c o n tra ire m e n t à celle é m ise a u x n°® 69 et 70. ( B .L .S ., n° 132),
(-’) Ad Pandeclas, de Conl. empt., n° 23.
(3) Vente, n" 2 i.
�80
ACHATS ET VENTES
L’appréciation évidemment inique nous a paru comman
der une autre solution, et un nouvel examen nous a confirmé
dans cette conviction. Nous persistons donc à croire que
l’immoralité doit être sévèrement réprimée partout où elle
se produit ; que la fraude faisant exception à toutes les règles,
celle des experts ne saurait nuire ni profiter à personne (*).
72. Enfin on s’est demandé si la stipulation: je vous vends
telle chose pour le prix qu’on m’en offrira, constituait une
vente régulière et valable.
« Je ne crois pas, disait Pothier, qu’une telle convention
puisse être admise comme contrat de vente dans les tribunaux,
elle donnerait lieu à trop de fraude. L’acheteur pourrait inter
poser une personne qui offrirait un prix très bas pour avoir
la chose à vil prix ; et le vendeur pourrait en interposer une
qui offrirait un prix très haut pour la vendre plus cher. D’ail
leurs, le vendeur qui ne voudrait pas tenir le contrat pour
rait cacher les offres qui lui auraient été faites. On ne peut
donc admettre cette convention comme contenant un contrat
de vente (2). »
Cette opinion est accueillie par M. Troplong, qui ne recon
naît pas à ce contrat le caractère de la vente (3).
MM. Delamarre et Lepoitvin soutiennent le contraire. Ce
contrat, disent-ils, repose sur la confiance que les parties ont
l’une dans l’autre, et la crainte de l’abus ne peut suffire à le
rendre impuissant. La fraude ne se présume pas, et la faci
lité qu’elle aurait à se produire ne peut avoir d’autre résul
tat que celui d’éveiller la sollicitude du juge, et de le rendre
moins exigeant sur le caractère et la nature de la preuve (4).
Nous avouons n’être pas convaincu de la légalité de cette
doctrine, qui fait par trop abstraction des conditions que la
validité de la vente exige.
11 faut surtout un prix certain. On a bien pu réputer
tel celui qui per relationem est certificahile. On le com
prend, lorsque les parties ont agi en vue d’un événement
(*) N o tre Traité du
(2) Vente, n° 27.
(3) N* 113.
(4) T . 3, n« 94.
dol et de la fraude,
n °s 971 et su iv .
�81
qui se réalisera certaiaement avec ou sans leur concours.
Ainsi, dans les hypothèses que nous venons de parcourir,
le prix est bien inconnu au moment du contrat. Mais il
résultera d’une manière précise, soit de l’expertise, soit de
l’extrait du cours officiel ou des mercuriales, et le droit d’une
des parties de poursuivre l’une ou de produire ces derniers
appartient également à l’autre, elles pourront donc l’une et
l’autre contraindre à l’exécution du contrat.
Aucun de ces caractères ne se rencontre dans la vente pour
le prix qu’on m'offrira. A l’incertitude du prix vient se join
dre celle de l'événement dont on en fait dépendre la déter
mination. Offrira-t-on un prix quelconque, et si on n’en offre
aucun, quel sera le sort du contrat ? Peut-on admettre dès
lors que le prix est certificabile per relationem ?
Puis, si une offre est faite, mais qu’elle ne réponde en rien
aux prétentions et à l’espérance du vendeur, son intérêt ne
lui commandera-t-il pas de la laisser ignorer, et s’il obéit à
cet intérêt, quel moyen aura l’acheteur d’avoir raison de ce
manquement à la foi promise, comment le reconnaîtra-t-il, à
moins que l’auteur de l’offre n’ait été préposé par lui à l’effet
de se procurer la chose à un prix plus ou moins vil.
Il est vrai que de son côté le vendeur pourra préposer
quelqu’un qui lui offrira un prix en dehors de toute propor
tion avec la valeur réelle de la chose. Faudra-t-il donc, parce
que ces manœuvres ne pourront être connues et prouvées,
sacrifier nécessairement l’un ou l’autre, et dans tous les cas
remettre le sort delà vente à la discrétion exclusive duvendeur. •
La plus simple raison protestait contre ce résultat, et Po
thier ne faisait qu’obéir à ses inspirations en le repoussant.
Sans doute la loi n’a pu toujours se conformer strictement
à ce qu’elle enseigne, mais elle le pouvait et le devait dans
cette circonstance. Le mal était imminent au point d’exiger
un remède immédiat ; ce remède était tout simple, la nul
lité do la vente. (B.L.S.,n° 133).
73. Une convention, objectent MM. Delamarre et Lepoilvin, est légalement formée lorsque la loi ne la défend pas et
qu’elle n’a rien de contraire aux lois qui intéressent l’ordre
public et les, bonnes mœurs.
CONDITIONS GÉNÉBADES. EFFETS
A chats et ventes
6
�82
ach ats et
ventes
Sans doute, la loi n’a pas prohibé de traiter dans la con
dition dont nous nous occupons. Aussi, verrons-nous bientôt
qu’elle n’a pas refusé tout effet au contrat. Mais, dès que pour
la validité de la vente elle exigeait un prix certain, ce contrat
ne pouvait être une vente, non parce qu’il était légalement
présumé frauduleux, mais parce qu’il n’offrait ni prix certain,
ni prix déterminé par relation.
Nous pourrions ajouter qu’il n’y a pas môme de la part du
vendeur volonté actuelle de vendre. Son engagement est bien
plutôt la promesse de mettre plus tard la chose en vente,
et ce n’est qu’au moment et au moyen de sa réalisation qu’il
sera dans le cas de recevoir des offres. Or, cette promesse,
ne dépend-il pas uniquement de lui de la tenir, et quel moyen
aurait-on de l’y contraindre.
74. Pothier a donc raison, et d’avance il a répondu à l’ob
jection de MM. Delamarre et Lepoitvin. En effet, la proxi
mité de la fraude n’est pas pour lui une raison délaisser le
contrat sans effet aucun, èt s’il lui refuse le caractère de
vente, il n’hésite pas à en déduire un engagement licite.
« Cette convention, dit-il, pourrait être considérée comme
une convention par laquelle le propriétaire de l’héritage
s’obligerait envers l’autre partie à lui accorder la préférence
lorsqu’il voudrait vendre, et cette obligation l’engagerait à
ne point vendre à un autre, qu’il n’eût énoncé auparavant à
cette partie le marché qui lui est offert, avec sommation de
déclarer dans un temps court s’il entend acheter aux condi
tions proposées (’). »
Cette doctrine a, à nos yeux, un mérite incontestable, celui
de donner au contrat son véritable caractère et de lui assi
gner les seules conséquences qu’il puisse produire. Comme
nous venons de le dire, en effet, il est bien plutôt une pro
messe de vendre in futurum qu’une vente actuelle. (li.L.S.,
n" 133, in fine).
MM. Delamarre et Lepoitvin ne voient dans cette doctrine
qu’un mezzo termine et ils le repoussent en ces termes :
« Si l’on craint que vous n’interposiez une personne pour
m'offrir un prix très bas et consommer ainsi un achat frau(*) V e n te , n° 27.
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
83
<1aïeux, qui empêche l’emploi cia même moyen pour m’obli
ger à vous sommer de prendre ma chose au même prix ?
L’un n’est pas plus difficile que l’autre; et, quant aux preu
ves de l'offre, vous n’aurez pas omis d’y songer. Est-ce la
peine cle fermer la porte à une fraude pour la laisser ouverte
à une autre fraude d’une égale facilité et qui parvient au
même but (l). »
Nous ne comprenons pas ce reproche et surtoutla conclu
sion qu’en tirent MM. Delamarre et Lepoitvin. S’il ne faut
lias fermer une porte à la fraude pour en ouvrir une autre,
il faut encore moins les lui ouvrir l’une et l’autre, et c’est ce
que font nos auteurs.
D’ailleurs, la doctrine de Pothier atteint-elle le résultat
qu’on lui prête? A quoi servirait au vendeur de se faire offrir
un prix exagéré et de sommer l’acheteur de prendre à ce
prix ? Ce dernier, en acceptant la préférence qui lui a été
promise, ne s’est pas engagé à en profiter, il est demeuré libre
d’agir à ses convenances, et son refus d’obtempérer à la
sommation ne pourrait avoir d’autre effet que de dégager le
vendeur de sa promesse, et de lui rendre la liberté de dispo
ser de sa chose comme il l’entendrait.
En réalité donc la doctrine de Pothier, au mérite déjà si
gnalé, joint cet autre de couper courtàtoute espèce defraude.
En rendant une interposition quelconque sans résultat pos
sible, elle en prévient toute tentative.
M. Pardessusn’a pas hésité à adopter et à enseigner l’avis
de Pothier. « La vente qu’une personne fait à une autre d’une
chose pour le prix qu’on m’en offrira, est valable, dit-il, non
pas précisément en ce sens que l’acheteur sera obligé de payer
au vendeur le prix que celui-ci prétendra lui avoir été
offert, ou même que telle ou telle personne indiquée par lui
déclarerait lui offrir, mais en ce sens que celui qui a fait la
promesse ne sera libre de vendre à un autre qu’après avoir
dénoncé à celui envers qui il s’est engagé qu’on lui offre tel
prix et l’avoir sommé de prendre la chose à ce prix, ou de
lui laisser la liberté d’en disposer (3). »
(*) T . 3, n» 94.
<s) N» 275.
�.
84
ACHATS ET VENTES
En d’autres termes, la vente pour le prix qu’on m’offrira
laisse le vendeur libre de vendre plus tard ou non, selon
qu’il le jugera convenable ; il ne peut être contraint à le
faire, mais il ne peut le faire sans tenir l’engagement d’ac
corder la préférence à celui avec qui il a d’abord traité,
sans l’avoir mis en demeure de revendiquer cette préférence.
(B.L.S., loc. cit.).
L’acheteur, de son côté, en acceptant la promesse qui lui
en était faite, ne s’est pas irrévocablement lié. Il n’a qu’un
droit auquel il peut renoncer ; le refus qu’il ferait de l’exercer,
soit expressément, soit en ne s’expliquant pas sur la somma
tion qui lui en est faite, dans le délai indiqué, laisserait le
vendeur libre de vendre à tout autre.
75. La règle Sine pretio certo nulla venditio est com portet-elle exception ?
Cette question ne peut s’agiter que dans une seule hypo
thèse, à savoir : lorsque la chose a été livrée et reçue avant
que le prix en ait été définitivement arrêté et convenu. Gom
ment annuler la vente si après avoir reçu la chose le prétendu
acheteur l’a lui-même revendue et livrée.
On devrait donc la maintenir et suppléer au silence des
parties sur le prix.
Tant que la vente n’a pas reçu son exécution, l’absence de
convention sur le prix ne permettrait pas cette exécution, l’un
ne pourrait être contraint à livrer, l’autre à recevoir. Cette
règle est absolue et ne comporte aucune exception.
76. Si l’acheteur prétendu, ayant la chose en mains, en
a disposé lui-même, il faut quant à ses obligations envers
le propriétaire, distinguer :
Si la chose ne lui avait été remise qu’à titre de dépôt, de
consignation ou de gage, il n’a pu même se croire autorisé
à l’aliéner sans avoir consulté le propriétaire et reçu son
consentement. Il aurait donc sciemment vendu la chose d’au
trui, et par conséquent encouru l’obligation de réparer le
préjudice qui en serait résulté.
Dès lors si le cours au jour de la demande était supérieur
à celui auquel il a revendu, c’est du premier qu’il devrait
tenir compte. La baisse qui serait survenue dans l’intervalle
�8o
de la revente au jour de la demande ne saurait lui profiter,
il serait dans ce cas tenu de restituer tout ce qu’il aurait
lui-même touché.
77. S’il a reçu la chose par suite d’une vente projetée entre
lui et le propriétaire avec condition de convenir ultérieure
ment du prix, il ne devait et ne pouvait en disposer qu’après
sa détermination. L’impossibilité dans laquelle il serait placé
de la restituer en nature l’obligerait à en payer la valeur.
Mais il ne serait ni recevable ni fondé à en demander la
détermination par expert. Ce mode exceptionnel ne pouvant
être admis que lorsque d’une part il a été expressément con
venu, que de l’autre la chose à expertiser existe encore et
peut être soumise aux experts.
Ce qu’il devrait, c’est le prix coté dans la facture qui
aurait accompagné l’envoi, et qui l’accompagnera le plus
souvent, parce qu’elle est l’élément le plus essentiel à une
revente. Comment exécuter utilement celle-ci, si celui qui
achète dans ce but ne connaît pas le prix de revient.
Sans doute la facture, œuvre personnelle du vendeur, ne
peut dicter la loi à l’acheteur. Le droit de celui-ci de pro
tester contre ses énonciations, môme de refuser les marchan
dises,ne saurait être ni méconnu ni contesté. Mais si recevant
celles-ci il en dispose à son tour, il sera justement considéré
comme ayant accepté les prétentions du vendeur, et au be
soin avoir abandonné les réclamations qu’il avait d’abord
élevées et dont il n’a pas attendu le règlement. Dès lors, en
exigeant de lui qu’il paye le prix facturé, on ne lui impose
que la loi qu’il s’est bien volontairement faite, que les con
séquences naturelles de son fait propre et personnel.
Que si, contre toutes probabilités, la chose a été remise
sans facture, sa disposition ultérieure par l’acheteur n’est
pas moins reprochable. Il ne pouvait ignorer qu’il ne pou
vait en être le propriétaire et en exercer les droits que par la
régularité de la vente ; que cette régularité exigeait la déter
mination du prix entre lui et son vendeur ; que la revente
par lui opérée avant toute entente à ce sujet était illégitime,
et qu’il en était seul responsable. Or, l’autoriser dans ce cas
à imposer au vendeur les chances incertaines d’une experCONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�A
' .
.
ï
8G
»?■
«?
ACHATS ET VENTES
tise dont il avait même fait disparaître l’élément le plus es
sentiel, serait rendre celui-ci victime d’une faute à laquelle
il n’a en rien participé.
Il devrait donc être condamné à payer au cours le plus
élevé du marché au jour de la demande (*).
78. Comme exemple de vente faite sans désignation de
prix, M. Pardessus cité" l’envoi de marchandises en compte
courant. Cet exemple ne nous paraît pas heureusement choisi,
il n’est pas présumable, en effet, que cet envoi ne soit pas
accompagné d’une facture indiquant les prix des objets qui en
font la matière, et annonçant ainsi les prétentions de l’ex
péditeur.
Dans tous les cas, il est certain que celui-ci, portant l’en
voi au débit du compte de l’acheteur, demandera à celui-ci
de l’en créditer. Or, le compte ne se réfère jamais à telles
ou telles marchandises, il mentionne le montant de leur valeur.
Donc le prix sera déterminé soit par la facture, soit par la
correspondance, au moins de la part du vendeur, et,comme
nous venons de le dire, la revente des marchandises avant de
s’en être expliqué et entendu serait l’acceptation la plus
énergique de ce prix. En conséquence, on obligerait le récep
tionnaire à l’acquitter intégralement.
79. Le prix de la vente peut-il être stipulé en services ou
travaux? On ne voit pas, dit M. Emile Vincens, ce qui empê
cherait de le faire. On ne saurait en effet se créer un doute
sur la validité d’une pareille vente, si d’ailleurs elle offrait
un prix certain et sérieux ; dans l’hypothèse suivante, par
exemple, je vous vends cette chose au prix de 1.000 francs
payables en services ou travaux.
La loi pouvait bien et devait exiger que la vente eût un
prix, mais elle n’avait pas à intervenir quant au mode de son
paiement, Non enimpretii numeratio, sed conventio, perficii
emptionem. ■
Or, dans notre hypothèse, le prix est convenu, déterminé,
certain, l’exigence et la promesse de services ou travaux
constituent le mode de libération que les parties étaient li(i) R e n n e s , 3 a v ril 183)
%
�87
bres cl’adopter dès qu’il était dans leurs convenances res
pectives.
On ne saurait donc refuser au contrat le caractère de la
vente, ni en contester la régularité.
Devrait-on le décider ainsi dans l’hypothèse suivante que
se proposent MM. Delamarre et Lepoitvin : Je vous donne
et vous livre mon bateau à vapeur le Vulcain, vaille- que
vaille, à la charge par vous de diriger ou de surveiller la
construction d’une frégate que je dois livrer à Jacques (*).
Ces honorables jurisconsultes estiment avec raison que ce
contrat n’est pas une vente. Il n’y a aucun prix fixé ni au
bateau, ni aux services exigés. Ce que les parties ont fait,
c’est un contrat de louage d’œuvres et d’industrie dont la
rétribution est convenue à forfait et payée d’avance, et qu’il
est loisible à la partie de résilier dans le cours de l’exécu
tion.
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
En effet, aux term es de l ’article 1794 du Code civ il, le m aî
tre peut résilier par sa seule volon té le m arché à forfait,
quoique l ’ouvrage soit déjà com m encé, en dédom m ageant
l ’entrepreneur de toutes ses d ép en ses, de tous ses travaux
et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans son en treprise.
80. On comprend combien, au point de vue de l’applica
tion de cet article, est importante la détermination de la na
ture du contrat. Ainsi, dans l’hypothèse de la vente d’une
chose au prix de 1.000 francs payables en services ou travaux,
il n’y a ni forfait, ni maître, ni entrepreneur. On n’y ren
contre qu’un vendeur et un acheteur, et un mode de paie
ment du prix. Il enrésulte que le premier ne peut poursuivre
la résiliation du contrat qu’à défaut et sur le refus du second
de tenir son engagement, dont il peut réclamer l’exécution
en justice.
Ce droit ne saurait appartenir à celui qui dans notre hypo
thèse accepte la direction ou la surveillance de la construc
tion de la frégate moyennant l’abandon du bateau à vapeur
le Vulcain. Il peut être remercié en tout temps, en tout état
de cause.
(1) T . 3, no 110.
�— r * Ttf------- **--»<*■ -«***•'»'*■ '------------------ -”
88
ACHATS ET VENTES
Pourrait-il retenir, le congé se réalisant, le bateau qu'il
a reçu? Je l’aurais incontestablement gagné si le contrat eût
reçu son exécution, dira-t-il. Or, si l’article 1794 vous donne
la facilité de résilier, il vous impose l’obligation de me dé
dommager de tout ce que j’aurais gagné dans l’entreprise.
Or, ce que j’aurais gagné, c’est le bateau.
Nous ne voyons pas ce qu’on pourrait répondre à cette
prétention. On dira qu’elle ne tend à rien autre qu’à retirer
au maître la faculté que lui confère l’article 1794 du Code
civil, il est évident, en effet, que puisque le congé no le fera
pas rentrer en possession de son bateau, il se gardera bien
de le donner. Mais pourquoi s’exposait-il à cette chance, il
était libre de traiter aux conditions ordinaires, de ne s’en
gager à rétribuer qu’à la fin de l’entreprise, s’il lui a plu
d’agir autrement, comment pourrait-on l’exonérer des con
séquences de son fait propre et personnel.
La faillite du maître autoriserait-elle la masse à revendi
quer le bateau? Oui, répondent MM. Uelamarre et Lepoitvin
puisqu’on ne saurait dire que l’entrepreneur ait acheté le
bateau. Mais ces honorables jurisconsultes enseignent que
l’article 1794 est opposable à la masse, qu’en conséquence
elle ne pourrait reprendre le bateau qu’à la condition de
dédommager l’entrepreneur de ses travaux et de tout ce qu’il
aurait pu gagner en exécutant le marché.
Et alors ne dira-t-on pas à la masse ce qu’on dirait au
propriétaire lui-même. Ce que j’aurais gagné en exécutant
l’entreprise a été déterminé par la convention, et si cette
convention vous lie quant au principe, elle doit vous lier
quant à ses conséquences, donc le bateau m’appartient, puis
qu’il m’aurait appartenu si le contrat avait été exécuté.
Il y aurait là l’origine d’une fraude fort dangereuse pour
les créanciers ; leur débiteur pourrait aux approches de la
faillite, sous prétexte de services ou travaux plus ou moins
réels, transporter à un tiers complaisant une partie de son
actif.
Le législateur n’a pu encourager cette fraude en s’inter
disant le moyen de la réprimer. Or, ce moyen existe dans
la législation spéciale et dans les conséquences de la faillite.
�89
La délivrance du bateau aux mains de l’entrepreneur n’étant
pas une vente sera ou le paiement anticipé, ou un nantis
sement, ou un gage en garantie d’une dette non échue, elle
sera donc, envers la masse, nulle et de nul effet, si elle a
été réalisée depuis l’époque déterminée, comme étant celle
de la cessation de paiements, ou dans les dix jours qui l’ont
précédée (*).
Admettez maintenant que le contrat et son exécution, quant
à la remise de l’objet convenu, aient eu lieu en temps non
suspect, la revendication de cet objet par les créanciers pen
dant la durée de l’entreprise devra-t-elle être écartée? Nous
ne saurions le croire. A notre avis, l’article 1794 est spécial
et exclusif au cas qu’il prévoit. Il était juste en effet que
celui qui revient sur ses engagements, sans autre motif que
sa volonté ou son caprice, rendît l’autre partie indemne du
préjudice que cette rupture lui occasionne. L'article 1794
ne fait pas autre chose que déterminer les dommages-inté
rêts que l’inexécution, surtout purement volontaire, doit léga
lement entraîner ; qu’appliquer le principe des articles 1147
et 1149 du Code civil.
La rupture du contrat par la faillite s’opère par la seule
force de la loi, elle n’a rien de volontaire et constitue évi
demment un fait de force majeure. L’exécution du contrat
étant désormais impossible, comprendrait-on que l’entre
preneur pût exiger de la masse le gain que lui qiromettrait
son entreprise ? Peut-il reprocher aux créanciers une dis
continuation, une inexécution qu’ils sont forcés de subir euxmêmes, qu’ils sont, de plein droit, dans l’impuissance de
prévenir et d’empêcher. Où serait donc le fondement équi
table et juridique des dommages-intérêts qu’on allouerait con
tre eux?N’est-ce pas d’ailleurs ce que l’article 1148 du Code
civil ne permet pas de faire?
Nous croyons donc que la faillite du maître se réalisant,
l’entrepreneur n’a autre chose à exiger que le dédommage
ment des travaux qu’il a exécutés jusque-là, des peines et
soins qu’il a donnés à l’entreprise. Il serait donc obligé de
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(*, A rt. 446, C. co m .
�ACHATS ET VENTES
90
instituer la chose qui lui avait été remise à titre de paie
ment intégral, et qu’il ne peutprétendrclui avoir été vendue.
Mais il nous paraît qu’on ne saurait lui contester la qua
lité de créancier gagiste. Il pourrait donc comme tel se faire
payer par privilège sur le prix de la chose de ce qui serait
reconnu lui être dû (').
81. La troisième condition requise pour la validité de la
vente est le consentement respectif des parties. Comme pour
tous les autres contrats, ce consentement ne puise son effi
cacité que dans sa pureté. Il doit donc émaner d’une per
sonne capable, et être le résultat d’une volonté spontanée,
éclairée et libre. Il serait sans effet possible s’il a été donné
par erreur, surpris par le dol ou la fraude, arraché par la
violence. (Art. 1109 et suiv. C. C.).
Indépendamment de ce caractère général, le consentement
dans la vente exige d’autres conditions. Le concours des
volontés doit exister sur la nature du contrat, sur la chose,
sur le prix.
82. Il est évident, en effet, que si les parties diffèrent sur
la nature du contrat, que si celui-ci entend vendre, celui-là
recevoir à titre de consignation, de dépôt, de nantissement
ou de location, ou réciproquement, il n’v a entre eux aucune
convention valable. Il n’existe pas de vente surtout, car, en
ce qui la concerne, différer sur la nature de l’opération, c’est
comme si on ne s’était pas entendu sur la chose ou sur le
prix, cæterum sive in ipsa venditione dissentiunt, sive in prelio, sive in quo alio, emptio imperfecta est (?).
En conséquence l’engagement contracté en l’état de cette
divergence des volontés ne crée aucun droit en faveur
ou contre les parties, quelque probable qu’il fut d’ailleurs
que l’une eût accepté le but que se proposait l’autre. Ainsi
dans l’exemple cité par Pothier d’une maison que l’un enten
dait vendre, que l’autre a entendu affermer pour neuf ans,
(’) L a so lu tio n de c ette q u e stio n a p p a rtie n t p lu tô t à u n tra ité s u r le lo u ag e
d ’o u v ra g e o u la fa illite q u ’à u n e é tu d e s u r la v e n te . L e p rin c ip e q u e la faillite
ré s o u t les c o n tra ts p a ra ît a u jo u rd ’h u i a b an d o n n é (V o ir B . L . W a lh , Traité du
louage, n° 3082 et la n o te so u s P a r is , 19 m ai 1892. S . 9 5 . 2 . 198. L . R . fail
lite, no 888).
(2) L. 9, D ig. De cont. empt.
�91
au prix de 9.000 francs, il est évident que ce dernier, qui
donnait cette somme pour se procurer une jouissance tempo
raire, soutiendra avec raison qu’il l’aurait à plus forte raison
donnée pour devenir propriétaire définitif et inGommutable.
Mais vainement invoquerait-il cette certitude, vainement ten
terait-il de contraindre à la délivrance de la maison, le défaut
d’entente sur le caractère du contrat qui a existé à l’origine
enlève toute efficacité à ce contrat, qui n’est ni une vente ni
même un louage. Il n’a donc conféré aucun droit non seu
lement à la propriété, mais encore à la jouissance.
Il en serait de même des marchandises expédiées comme
vendues, et que le destinataire n’entendait recevoir qu’à titre
de consignation ou de dépôt. Là divergence des volontés
démontrée et acquise, les marchandises feraient retour à leur
propriétaire. Le réceptionnaire ne pourrait ni être contraint
à-les garder pour son compte, ni exiger de l’expéditeur qu’il
les lui laissât à titre de consignation ou de dépôt.
Ainsi donc, et avant tout, le concours des volontés doit
exister sur le caractère du contrat, sur le but qu’il se pro
pose. Ce n’est pas par l’intention d’une des parties qu’on
peut apprécier ce qu’elles ont fait l'une et l’autre, il faut
une intention commune et identique de part et d’autre, et
celle-ci n’est efficace que si elle tend à un même but. Ce n’est
qu’à cette condition qu’on rencontrera ce consensus in idem
placitum, sans lequel il ne saurait exister de contrat.
De jure, disait Casaregis, non si _attende, cio, che abbia
potuto pensare, o credere una clelle parti, ma solamente cio
che clal contratto appcirisce essere stato convenuto e considerata insieme dall’ima e l’altra parte (’).
8 3 . La vente offerte et acceptée ne s’exécute régulière
ment et valablement que s’il existe une chose devant en faire
la matière ; et que si ce que l’un a entendu livrer est bien ce
que l’autre a entendu recevoir. Si le vendeur a traité d’une
chose, l’acheteur d’une autre, il n’y a pas de vente, pas même
une chose pouvant en devenir la matière.
Le concours des volontés doit donc exister sur la chose
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
P)
Disc-, 119,
n" 68.
�ACHATS ET VENTES
Ü2
comme sur le caractère du contrat. Or, ainsi que l’observent
MM. Delamarre et Lepoitvin, toute chose corporelle est cons
tituée par sa forme et sa matière. Il faut que les parties se
soient entendues sur l’une et sur l’autre.
Aussi n’y aurait-il pas vente :
1° Si l’un voulant vendre des laines ou du vin, l’autre
avait entendu acheter de la soie ou de l’huile ;
2° Si, d’accord sur la matière, on ne s’était pas entendu
sur la forme. Je veux acheter une montre en or, vous enten
dez une coupe de la même matière ;
3° Si, d’accord sur la forme, on ne l’a pas été sur la ma
tière. Par exemple un meuble que l’un entendait être garni
en moquettes, l’autre en velours ou en soie.
Indépendamment de leur espèce, il est une infinité de
marchandises qui ne sont spécialisées que par la quantité
pour laquelle on traite, par leur provenance. Il faut donc,
pour que Ja vente existe régulièrement, que les parties
soient tombées d’accord sur l’une ou sur l’autre.
L’achat et la vente de blés, vins ou laines qui ne spécifie
raient pas la quantité en hectolitres, en pièces, en balles, ne
porteraient sur rien et ne créeraient par conséquent aucun
lien légal et obligatoire, à moins que la chose vendue fût
déterminée par le lieu où elle se trouve reposée. Les blés
renfermés dans tels magasins ou à bord de tels navires ; les
huiles de la pile n° 1 de tel domaine.
Enfin, la vente serait nulle ou de nul effet si l’un voulant
acheter de l’huile de Provence, ou du blé du pays, l’autre
avait entendu vendre de l’huile de la rivière de Gênes, ou
du blé de Russie ou de Turquie.
84. Le concours des volontés n’est pas moins indispen
sable sur le prix. Nous venons de voir qu’il doit être sérieux
et certain. Où serait cette certitude, si l’un vendant à un
prix, l’autre n’a entendu offrir et n’en a réellement offert
qu’un moindre ? Il n’y a en cet état que deux propositions
distinctes, et l’on ne pourrait rationnellement adopter l’une
de préférence à l’autre.
Qu’en serait-il si le prix offert par l’acheteur était supé
rieur à celui demandé par le vendeur ?
�n
Pothier estime que la vente est régulière et doit sortir à
effet au prix coté par le vendeur. Si l’acheteur, dit-il, compte
par erreur acheter plus que la somme pour laquelle le ven
deur voulait vendre,le contrat de vente vaut pour la somme
que le vendeur voulait vendre, et il est vrai que les parties
sont convenues de cette somme, car elle est comprise dans
la plus grande somme pour laquelle l’acheteur a voulu ache
ter. Celui qui veut acheter pour une plus grande somme,
veut acheter pour la moindre qui est comprise dans la plus
grande (‘).
La rationalité de cette doctrine a paru à nos jurisconsul
tes modernes devoir en assurer la consécration. Ils admet
tent, en conséquence, la validité de la vente au prix demandé
par le vendeur, et reconnaissent aux parties le droit d’en
contraindre l’exécution.
8 5 . Le consentement respectif doit-il également interve
nir, dès l’origine du contrat, sur les clauses-conditions ?
Peut-on se réserver à s’en entendre plus tard ? Le défaut
d’entente entraînerait-il la nullité de la vente ?
La solution de ces questions nous paraît subordonnée au
caractère de la clause-condition. Il est évident que si elle
est telle que l’un des contractants lui ait subordonné la
naissance de l’engagement, il faut dire avec MM. Delamarre
et Lepoitvin que la vente n’existera que par l’accord des
volontés qui seul créera cet engagement.
Mais devrait-on le décider ainsi lorsque la vente parfaite
par la réunion des conditions requises, la clause-condition ne
se référera plus qu’au mode d’exécution à donnerai! contrat?
Cette distinction, nous la rencontrons dans le droit ita
lien. Casaregis nous enseigne, en effet, qu’autres choses
sont les pactes subtantialia, autres choses pacta accidenlalia.
Accidentalia dicuntur, continue notre auteur, quæ præter
tria substantiel rei, pretii et consensus apponuntur in con
tracta emptionis, et tcili casa possunt conferri in arbitrium
tertii et contrahentis, ideoque contractum emptionis in quo
intervenerunt, res, pretium et consensus, Hcet illi acljiciatur
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(*)
Vente,
n° 36.
�94
ACHATS ET VENTES
a contrahentibus, con li patti e condizione, e cautele, che si
aggiusteranno, d’accordo Ira li contraenti, perfectum esse et
valere dixit Rota decisio 37,parte 4, toma 2.
86. La même Rote, dans sa 307° décision, à la question
quelles étaient les conditions de qaibus contrahentes potuerunt aggiustere, répond : Ea nempe êsse rem libéré tradere,
dare fidejussores. evictionis,vel saltem pro assecuratione pretii, mensurationem, liquidationem in qaibus si partes discordarent, ea remitti debeant ad officium judicis(').
Rien dans notre droit ne répugne à cette distinction et à
ses conséquences. La vente est aujourd’hui ce qu’elle a tou
jours été, un contrat consensuel, valable dès qu’il y a accord
sur la chose et sur le prix, quoique la chose n’ait pas encore
été livrée ni le prix payé (2).
Comment donner dès lors aux difficultés que la délivrance
ou le paiement du prix pourrait faire naître l’effet de déga
ger les parties de leur engagement respectif? La vente faite
sans que les parties eussent réglé l’une et l’autre en seraitelle moins une vente ? Dès lors, s’il est loisible aux parties
de se taire à ce sujet, comment leur interdire de se réserver
à en convenir plus tard ?
Nous convenons avec MM. Delamarre et Lepoitvin que
l’homme ne saurait faire que le contrat existe, s’il y intro
duit une seule stipulation contraire à l’essence de ce contrat,
ou s’il en exclut un seul des éléments qui le constituent.
Mais, loin d'y puiser la nécessité de repousser la doctrine
de la validité de la vente, nous en déduisons comme consé
quence logique la légalité de son maintien. En effet, en quoi
la réserve de s’entendre plus tard sur la livraison ou sur le
mode de paiement du prix est-elle contraire à l’essence de
la vente ? En quoi en contrarie-t-elle les éléments constitutifs-?
Est-il raisonnable d’assimiler un désaccord sur le mode de
paiement à celui qui existerait sur la chose, sur le prix, et
c’est ce que MM. Delamarre et Lepoitvin n’hésitent pas à
admettre. Quand, disent-ils, je consens à vous livrer mes
sucres moyennant 3.000 francs et que vous consentez à m’en
(l ) D isc., n°B 4 et suiv.
(s) Art. 1583, G. civ,
�95
donner cette somme, nous sommes en accord parfait sur la
chose, le prix et la convention d’acheter et de vendre. Cepen
dant, nil actum dicitur si vous voulez me faire consentir à
recevoir les 3.000 francs en numéraire et que je persiste à
les vouloir en papiers sur Lisbonne ; il faut que l’un de nous
conforme sa volonté à la volonté de l’autre, et l’erreur en ce
point ne serait pas un moindre obstacle à la formation du
contrat, qu’un dissentiment déclaré sur la chose ouïe prix (*).
C'est qu’en réalité, dans l’espèce supposée par nos auteurs,
il y aurait désaccord sur le prix lui-même. Si, en indiquant
celui de 3.000 francs, j’ai ajouté payables en papier sur Lis
bonne, c’est que j ’ai entendu mettre à la charge de l’ache
teur les frais d’achat de ce papier, sans quoi j’aurais ajouté
leur montant aux 3.000 francs. L’offre de payer en numé
raire ne me donne donc pas ce que je demandais, pas même
les 3.000 francs, puisque j’aurais à en prélever l’escompte
que me coûtera l’achat du papier qui m’est indispensable.
Il y a donc, en cet état, désaccord non sur une condition
accidentelle, mais sur le prix lui-même, par conséquent pas
de vente tant que nous n’aurons pas réglé le différend qui
nous divise.
C’est précisément ce qui se réalisait dans l’espèce de l’ar
rêt cité par MM. Delamarre et Lepoitvin. Un négociant sué
dois expédie un navire au Havre, à la consignation d’une mai
son de Paris, avec mandat de le vendre au prix de 20.000francs
ou 10.000 mars banco, outre les frais de retour de Véquipage,
et les droits dus à la couronne de Suède dans le cas où le re
tour du navire ne s’effectuerait pas, ce mandat était donné
en juillet 1803.
La maison de Paris offre d’acheter pour son compte. Une
correspondance s’engage et il paraît que des observations
sont faites sur le retour du navire en Suède.
Pins tard, la maison de Paris offre d’armer le navire pour
lui faire opérer son retour en Suède, ce qu’elle exécute, et
ce qui était approuvé par le négociant suédois écrivant le
15 février 1804. « Aussitôt que le navire sera arrivé dans un
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(l) T . 3, n° 111.
�1)0
« port suédois (avant lecpiel temps, le contrat d’achat ne
« peut vous être légalement expédié), un pareil acte de pro« priété vous sera remis ; en attendant, ceci vous servira de
« sûreté pour considérer ce navire comme votre propriété. »
Mais au moment où cette lettre était écrite, le navire avait
péri. La maison de Paris qui, avant saréception, avait envoyé
les 10.000 mars banco, en demande la restitution, elle sou
tient que la vente n’avait été convenue que le 15 février 1804,
et qu’à cette époque la perte de la chose antérieurement
accomplie l’avait rendue impossible ; que par conséquent
cette perte était restée à la charge du prétendu vendeur.
C’est ce que la Cour de Poitiersavait admis, c’est ce qu’elle
ne pouvait pas ne pas admettre, car à la suite des observa
tions de la maison do Paris, celle de Suède avait écrit: Pour
éviter toute chicane, il ne sera plus question de ce marché, et
cque le voyage ait été heureux ou malheureux nous prenons
tout sur notre compte.
Voilà donc le mandat de juillet 1803 révoqué, et l'inten
tion de vendre expressément rétractée. 11 fallait donc, si on
revenait à l’un et à l’autre, s’en expliquer de nouveau, et
c’est ce qu’on faisait seulement le 15 février 1804, il était
dès lors impossible que la vente eût existé avant.
La Cour de Poitiersavait donc sainement apprécié les faits,
et justement déclaré la vente nulle par application de l’ar
ticle 1601 du Code civil. Aussi le pourvoi contre son arrêt
était-il rejeté parla Cour de Cassation, le 5 frimaire an XIV.
C’est là, s’il en fût jamais, un simple arrêt d’espèce, n’ayant
d’autre valeur que celle que lui donnaient les faits du procès.
Qu’auraient fait les Cours de Cassation et de Poitiers, que déci
deraient MM. Delamarre et Lepoitvin dans l’hypothèse sui
vante?
Je vends et vous achetez pour 3.000 francs une partie de
marchandises, sous réserve de nous entendre plus tard sur
le paiement. Le moment de régler venu, j’exige des valeurs,
vous m’offrez du numéraire, est-ce que ce discord pourra faire
que la vente n’ait pas régulièrement existé ? Est-ce que quel
qu’un oserait soutenir qu’elle doit être annulée? Une pareille
prétention ne méconnaîtrait-elle pas le caractère de la vente ?
a c h a ts et ventes
�97
Pourrait-elle se concilier avec cette règle, non pretii numeratio, sed conventio, facit emptionem,
La pratique ne s’y est pas trompée et chaque jour les tri
bunaux appliquent notre doctrine. Chaque jour les vendeurs,
sans s’en être expliqués avec l’acheteur, stipulent que le
prix sera payé à leur domicile. A la réception de la facture,
ce dernier réclame et ne veut payer qu’à son propre domi
cile. Or, Je lieu du paiement est une condition non moins
importante que celle qui en détermine le mode. Si le défaut
d’entente actuelle sur celle-ci a empêché la vente d’exister,
il doit en être de même du défaut d’entente sur celle-là. Ce
pendant a-t-on jamais en cet état demandé aux tribunaux
autre chose que de régler le lieu du paiement ?
87.
Les principes n’ayant pas changé, les conséquences
ne pouvaient différer. La vente étant parfaite par le concours
des volontés sur le caractère du contrat, sur la chose et sur
le prix, les parties se trouvent respectivement liées et peu
vent se contraindre à exécuter leur engagement, alors même
qu’elles auraient omis, négligé ou réservé de s’entendre sur
les clauses-conditions.
A la condition néanmoins que ces clauses-conditions pu
rement accidentelles nepuissent et ne doivent exercer aucune
influence sur l’essence du contrat, qu’elles ne constituent pas
des pactes substantiels.
Avec la Rote de Florence nous considérons comme acci
dentelles celles qui se réfèrent au mode, à l’époque et au lieu
du paiement, aux garanties dont sa réalisation peut devenir la
cause; au mode, à l’époque et au lieu do la délivrance, au
pesage, comptage ou mesurage, à la dégustation. Le défaut
de convention à ce sujet n’aurait d’autre résultat que de sou
mettre les parties aux dispositions dans lesquelles le législa
teur a pourvu aux unes et aux autres.
Si on peut les omettre, on peut à plus forte raison réserver
de s’en entendre. Le désaccord qui se manifesterait au moment
du règlement ne pourrait annuler une vente dont il n’affai
blirait et ne modifierait ni le caractère ni l’essence.
Son unique effet serait d’en suspendre l’exécution jusqu’à
CONDITIONS UÉNÉHALHS. KFFKTS
A ch a ts e t v e ^ es
7
�................. ............
<J8
ACHATS 12T VENTES
la décision du juge, dont l’intervention ne saurait être ni
repoussée ni contestée.
88. Les clauses-conditions touchant à l’essence de la vente,
les pactes substantiels, doivent être arrêtés et convenus au
moment du contrat. Le défaut d’accord en ce qui les con
cerne altérerait le consentement soit sur le caractère du con
trat, soit sur la chose, soit sur le prix.
En effet, suivant la définition de la Rote romaine, Pacta
substantialia ea dicuntur quæ stant loco-alicujus partis substantialis contractas, ut ea quæ augentvel diminuunt rem vel
pretium, ut obligatio .in emptione aliquid faciendi, dandi,
seu pactum redimendi aut annuum præstandi et similia quo
rum intuitu contrahentes realiter pretium rei vel auxerunt
vel diminuerunt ; quæque per consequens dicuntur vere pars
contractas vel pretii, et tune non videantur, tanquam pars
pretii considerata,posse referri adarbitrium ementis vel contrahentium (‘).
Cette règle et ses conséquences font une exacte et saine
appréciation du caractère de la vente et des exigences qu’il
requiert. Pourrait-on reconnaître ce contrat si la chose ou
le prix n’avait pas été convenu et arrêté, s’il n’y avait pas eu
concours des volontés sur le réméré ou sur la prétention de
se soumettre à une prestation annuelle.
Des conditions de ce genre constituent la vente ; se ré
server de ne s’entendre à leur sujet que plus tard, c’est contre
venir à tous les principes, et vouloir que la vente ait existé
avant l’entente réciproque sur la chose, le prix et le carac
tère, la substance, du contrat. La nullité de celui-ci, en
tant que vente, ne pourrait souffrir ni difficultés ni doutes.
89. Le dol, la fraude, la violence, l’erreur enlèvent au
consentement qu’ils déterminent cette spontanéité et cette
liberté au prix desquelles il devient le fondement d'un lien
légal et obligatoire.
Le dol, la fraude, la violence agissent d’une manière pé
remptoire et absolue. Le contrât qui en a été la conséquence
immédiate et directe est atteint d’un vice radical. Il n’a
(') Casaregis’, D ise., 34, n° 28.
�90
qu’une apparence que la preuve de l’existence de ce vice fera
évanouir. La vente qui en serait entachée serait annulée et
résiliée à la demande de la partie lésée.
Que si l’auteur du dol, de la fraude ou de la violence, tom
bant dans son propre piège, éprouvait un dommage de l’opé
ration dont il s’était promis un profit, il devrait le subir. Sa
demande en résiliation, fondée sur sa propre turpitude, ne
serait ni recevable ni admissible en équité, en morale et en
droit.
90. L’erreur n’annule la vente que si elle l’a seule déter
minée, de telle sorte que la connaissance de la vérité eût
empêché la partie de traiter. Or, il est difficile d’assigner ce
caractère à toute autre erreur qu’à celle qui porte sur 1a,
substance du contrat.
Serait-il permis d’hcsiter sur l’intention de celui à qui on
aurait livré du cuivre pour de l’or, de l’orge pour du blé,
du vinaigre pour du vin.
Or, de deux choses Lune : ou le vendeur n’a réellement
entendu vendre que du cuivre, de l’orge et du vinaigre, et
dans ce cas l’acheteur voulant acheter de l’or, du blé ou du
vin, il n’y a jamais eu entente sur la chose devant faire la
matière du contrat, et la vente est nulle.
Ou le vendeur a agi de mauvaise foi et sciemment substitué
ce qu’il livre à ce qu’il avait vendu. Il a dans ce cas commis
un délit atteint par la loi pénale, et il ne pourrait être que
ce délit devint l’origine d’un droit pour son auteur, d’une
obligation pour celui qui en a été la victime.
91.
La vente est donc nulle si l’erreur a porté sur une
des conditions substantielles de la vente. Mais, observe
M. Troplong, quant aux qualités de la chose, il n’est pas
facile de distinguer ce qui est substantiel et ce qui est seule
ment accidentel. Le moyen le plus sûr sera de recourir à
la volonté des parties, au but qu’elles se sont proposé en
contractant. Si la qualité de la chose vendue, bien qu’acci
dentelle, a fait l’objet d’une stipulation expresse et a été
représentée comme un motif déterminant pour l’acheteur,
elle deviendra substantielle, et si elle manque, la vente sera
destituée d’un consentement valable.
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�100
ACHATS ET VENTES
Il est évident, en effet, que telle qualité, qu’on serait tenté
de considérer comme indifférente, aura peut-être seule déter
miné l’acheteur à contracter. Or, comment pourra-t-il mieux
témoigner de l’intérêt qu’il y attachait, qu’en faisant insérer
au contrat une clause expresse de garantie.
Cette garantie pourrait n’avoir d’autre résultat qu’une
diminution du prix ou toute autre allocation de dommagesintérêts, mais le maintien de la vente ne serait ni juste ni
légal si, sans la qualité garantie, la partie n’eût pas con
tracté. M. Troplong a donc raison, c’est par son intention
au moment du contrat, et eu égard à la nature de la chose,,
que le litige doit être apprécié, et la vente annulée, quelle
que soit la qualité promise, si, en fait, son existence a déterminé le consentement que son défaut eût fait refuser.
Mais on admettra facilement dans toutes les transactions
commerciales que les conditions, quelles qu’elles soient, sont
substantielles et les clauses diverses du contrat seront rigou
reusement appliquées. Le mode d’emballage lui-même, lors
qu’il a été expressément convenu, formera une condition à
accomplir à la lettre sous peine de résiliation. Voici, à titre
d’exemple, un jugement du tribunal de Marseille du 9 mai
1889 confirmé le 4 juillet suivant par la Cour d’Aix avec
adoption de motifs ;
« Attendu que Ledoux a vendu à Novella 70 sacs café, caf.
« Marseille, mais avec la condition expresse d’expédier la
« marchandise dans des sacs repliés et de mentionner sur le
« connaissement le poids détaillé ; que la première de ces
« conditions n’a pas été observée ; que quant à la seconde
« Ledoux a indiqué le poids par deux sacs au lieu del’indi« quer sac par sac comme Novella soutient qu’il aurait dû
« le faire; que Ledoux explique qu’il s’est conformé à l’usage
« du Havre, et que ce serait à cet usage qu’il faudrait se ré« férer, le Havre étant le lieu de la livraison et l’acheteur
« n’ayant pas stipulé le pesage sac par sac, opération qui
« eût exigé de plus grands frais que celle d’usage.
« Attendu que ce n’est pas au Havre mais à Marseille que
« la vente a eu lieu ; que l’acheteur et le vendeur doivent
« donc être présumés avoir traité aux conditions d’usage de
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
101
« cotte place qui est de peser sac par sac ; que l’acheteur
« n’était pas tenu de connaître les usages du Havre et n’a
« pas été prévenu de la différence qui existait ; que dès lors
« en admettant que la clause poids détaillé puisse être rc« gardée comme obscure ou ambiguë, c’est contre le vendeur
« qu’elle doit s’interpréter ; attendu dès lors que Ledoux n’a
« pas accompli ses obligations de vendeur.
« Le Tribunal résilie l. »
92. La justice ne saurait non plus faire abstraction des
circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi le traité.
Elles peuvent, non seulement faire apprécier l’intention réelle
de l’acheteur, mais encore créer une tin de non-recevoir con
tre sa demande en nullité.
Si l’erreur pouvant être plus au moins facilement recon
nue, la chose lui a été soumise avant le traité ; s’il a pu la
vérifier et s’il l’a fait, si la chose étant en sa possession il a
exécuté le contrat sans réclamation ni réserve, pourrait-il
plus tard se plaindre avec quelque apparence de raison et
révoquer en doute la bonne foi du vendeur ? (infrà, 410).
L’examen, la vérification avant la vente ne seraient d’au
cune considération s’ils n’ont pas empêché l’acheteur de se
faire garantir expressément la qualité prétendue. Mais la cer
titude de leur existence et l’absence au contrat de toute clause
de garantie feraient repousser la demande en nullité, à moins
bien entendu que l’acheteur ne reprochât un vice caché,
impossible à découvrir au moment des vérifications usuelles
(Nantes, 23 nov. 1907. Rec. Nantes, 1908.1.183) ; c’est ce que
la Cour de Paris jugeait le 17 juin 1813 dans une espèce où
elle aurait pu être mieux inspirée.
C’est surtout dans les ventes d’objets d’art que naîtra sou
vent la difficulté que nous examinons. On sait, par exemple,
la valeur que le nom du peintre donne aux tableaux. Or,
voici l’espèce de l’arrêt de la Cour de Paris :
(’) A insi encore, en cas de vente d’une certaine quantité de boîtes de conser
ves (sprats) préparées ies unes à l'huile, les autres à la tom ate, ces dernières
devant se différencier par une marque destinée à em pêcher qu'on puisse les
confondre avec celles à l’huile, l ’acheteur doit obtenir la résiliation du marché
dans la partie portant sur les boites à la tom ate, si en fait les marques y apposées
sont identiques à celles apposées sur les boîtes à l'huile (A ix, 4 novem bre 1908).
�102
ACHATS ET VENTES
Un sieur Varisco propose au sieur Perrégaux de lui ven
dre quatre tableaux qu’il attribue, deux à Claude Lorrain,
un à Andréa del Sarto, et le dernier, une marine, à Vernet.
Perrégaux se rend plusieurs fois chez le marchand, examine
les-tableaux, les fait examiner par des artistes et des ama
teurs dont il se fait accompagner, le marché est ensuite
conclu au prix de 16.000 francs, payables 10.000 francs
comptant, 6.000 francs en un billet à courte échéance.
Les tableaux sont immédiatement livrés, et, quelques
jours après, le prix en est réglé conformément aux accords.
Plus tard, le sieur Perrégaux prétend faire résilier le
marché parce que les tableaux n'étaient pas des maîtres
désignés, il demande préparatoirement une expertise qui
est en effet ordonnée parle tribunal.
Mais, sur l’appel, arrêt infirmatif qui déclare l’action en
résiliation non recevable : « Attendu que les tableaux n’ont
« été vendus et livrés qu’après différentes visites dans les« quelles l’intimé les a vus et fait voir par des gens à ce
« connaissants ; qu’après la livraison, antérieurement au
« paiement, il les a eus en sa possession pendant plusieurs
« jours, pendant lesquels il a pu encore les examiner et
« les faire examiner tout à son aise ; qu’il a ensuite payé le
« prix en totalité, savoir : la majeure partie en espèces, et
« le surplus en un bon à courte échéance ; et que lorsqu’un
« marché est ainsi consommé des deux parts et avec une
« telle maturité, il ne peut pas être permis à l’un des con« tractants, sous prétexte d’erreur, de revenir contre, sans
« ébranler la foi de toutes les conventions; qu’il ne s’agit
« pas d’un vice caché ; que l’appelant, en énonçant ce qu’il
« pensait sur le nom des auteurs des tableaux, n’a rien
« garanti à cet égard et n’a pas fait dépendre de cette eon« dition le sort de la vente. »
93. On a essayé de faire un principe du reproche que
cet arrêt faisait à l’acheteur. Ainsi, dans une autre espèce,
on soutenait, devant la Cour de Douai, qu’un marchand de
tableaux n’est jamais, à moins d’une stipulation expresse,
censé garantir l’identité des maîtres sous le nom desquels
les tableaux sont vendus, car il peut être trompé lui-même
�103
sur la véritable origine ; que c’est donc à l’acheteur à la véri
fier, et s’il manque à ce devoir, ou s’il se trompe, il n’en
peut rejeter la faute sur le vendeur.
Ce système pouvait invoquer la position que les principes
généraux du droit font aux contractants, chacun d’eux n’a
d’autre mission que de protéger ses intérêts. Dès lors, l’ache
teur d’un tableau, s’il n’est pas capable de juger de son
mérite, doit, avant de conclure, exiger cette expertise qu’il sol
licitera plus tard pour faire résilier le marché, tout au moins
doit-il stipuler la clause de garantie; et s’il n’a fait ni l’un
ni l’autre, il ne pourra exciper de l’erreur sans se convaincre
de négligence.
Mais serait-il possible d’autoriser le vendeur à reprocher
à l’acheteur la loyauté et la bonne foi qu’il apeut-être pous
sées trop loin, et à le faire punir de la confiance qu’il a eue
en sa parole? Et si la garantie a été exigée et promise, fau
drait-il en refuser les effets parce que, au lieu d’être donnée
par écrit, elle l’a été autrement ?
94. La Cour de Douai ne le pense pas ainsi, et, par arrêt
du 27 mai 1846, elle annule la vente : attendu qu’il est au
jourd’hui constant que la Halte devant une auberge n’est
pas de Wouwermans, et que cette toile qui, d’après les en
quêtes, serait entrée dans le marché pour une valeur de
5.000 francs au moins, vaut tout au plus 1.500 francs ; qu’il
n’est pas moins constant que c’est en garantissant la sincé
rité de cette origine que le vendeur a surpris le consente
ment de l’acheteur, et que c’est uniquement en considération
du maître dont le premier affirmait que le tableau était l’ou
vrage, que ce dernier a traité ; que, dans ces circonstances,
il est évident que l’erreur a porté sur la substance même
de la chose vendue, et que par suite le traité doit être annulé
(J. P., 1846, 2, 636).
Ainsi, quel que soit le point sur lequel l’erreur a existé,
il n’y a pas de vente s’il est certain que, sans la fausse
croyance qu’elle a inspirée, le contrat n’aurait pas été conclu.
Cette certitude, dont la recherche et la constatation sont
laissées à l’arbitrage souverain des juges peut résulter de
l’intention des parties, de la nature de la chose vendue,
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�ACHATS ET VENTES
104
des circonstances qui ont précédé, accompagné ou suivi le
marché.
95. Cet arrêt nous paraît plus juste, plus raisonnable que
celui de Paris en 1813. Bien que toutes ces questions soient
des questions de fait, il faut nécessairement admettre dans
la plupart des cas que l’acheteur n’aurait pas consenti au
marché s'il n’avait pas été convaincu que l’œuvre émanait
de tel artiste. Le nom de l’auteur forme ici la qualité domi
nante, essentielle. Un tableau est toujours un tableau, c’est
évident. Mais l’amateur qui paie très cher un paysage ou un
portrait consent à payer son prix parce qu’il croit que le
paysage est de Corot ou de Courbet, le portrait, de Bonnat
ou de Carolus Duran. Il n’aurait certainement pas donné la
dixième partie de la somme s’il avait su que la toile, quoi
que fort belle, était due au pinceau d’un artiste sans noto
riété. Donc même si le vendeur est de bonne foi, a cru luimême à l’authenticité de l’objet acheté, même si on ne peut
lui reprocher aucun dol, aucune manœuvre frauduleuse, la
chose est infestée d’un vice caché, détruisant à vrai dire sa
substance même et motivant la résolution de la vente et la
restitution du prix.
Conformément à la doctrine qui se dégage de l’arrêt de
Douai, il a été jugé que lorsque la signature du maître
apposée sur un tableau est reconnue fausse, il résulte suffi
samment de l’énoncé de la facture attribuant le tableau à
ce maître et du prix important de la vente, que l’authenti
cité de la chose vendue a été la raison déterminante de la
convention bien que la facture ne porte aucune garantie
d’authenticité. Dans ces circonstances et même en admettant
la bonne foi du vendeur, l’erreur de l’acheteur ayant été
substantielle, il y a lieu d’annuler la vente (Paris, 14 déc.
1878, J. T. C. 27, p. 455); que doit être résolue par application
de l’article 1110 du Code civil la vente d’objets rares (bou
teille arabe) alors que l’acheteur a été trompé sur l’authen
ticité de l’origine de ces objets, et que cette authenticité cons
tituait la qualité substantielle à raison de laquelle la vente avait
été conclue (Paris, 22 janvier 1001, .1. T. C., 51, page 318).
Dans ces différentes espèces l’importance du prix sera rete-
�105
nue à bon droit comme un élément d’appréciation décisif
(supra, n° 42.)
9 6 . Les fraudes dans ces sortes de ventes sont devenues si
fréquentes qu’une loi du 9 février 1895 punit d’un emprison
nement d’un an à cinq ans et d’une amende de 16 francs à
3.000 francs (avec admission possible de circonstances atté
nuantes) : 1° ceux qui auront apposé ou fait apparaître frau
duleusement un nom usurpé sur une oeuvre de peinture, de
dessin, de sculpture, de gravure ou de musique;2° ceux qui
sur les mêmes oeuvres auront frauduleusement et dans le but
de tromper l’acheteur sur la personnalité de l’auteur, imité sa
signature ou un signe adopté par lui; 3° les marchands ou
commissionnaires qui auront sciemment recelé, mis en vente
ou en circulation les objets revêtus de ces noms, signatures
ou signes.
Les objets délictueux seront confisqués ou remis au plai
gnant (c’est-à-dire à l’auteur dont on aura ainsi imité la
signature) ou détruits sur son refus de les recevoir.
Cette loi est applicable aux œuvres non tombées dans le
domaine public.
L’acheteur trompé pourra donc le cas échéant l’invoquer et
réclamer soit par action distincte, soit en se constituant par
tie civile au moment de la poursuite, la résiliation de la vente
avec dommages-intérêts.
L’ancienneté est souvent la qualité dominante recherchée
par l’acheteur. Tel amateur regardera dédaigneusement un
chef-d’œuvre de l’art moderne qui paiera un prix fou tel
meuble délabré et sans grâce du xn" ou xm° siècle. Si donc,
cette ancienneté fait défaut, la vente devra être résiliée. Il
y aura véritablement dans ce cas erreur sur la substance.
C’est ce qu’a jugé la Cour d’Agen le 30 avril 1884 (sous cass.
20 oct,. 1886. D. 87. 1. 105 voir la note). La Cour de Paris
a décidé récemment qu’en cas de vente à un prix élevé d’ob
jets en porcelaine ancienne pâte tendre de Sèvres, on ne
pouvait soutenir que la décoration n’est qu’accessoire et con
sidérer comme anciens des objets décorés de peinture moderne
quelle que soit d’ailleurs l’ancienneté de la fabrication de
la pâte (Paris, 28 déc. 1907. G. T., 1908. 1. 2. 431.)
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�108
ACHATS ET VENTES
Les brevets d’invention donnent lieu à des transactions
plus ou moins nombreuses. Le propriétaire vend fréquemment
ses droits en totalité ou en partie.
Ce qui fait la matière de ces ventes, c’est non seulement le
droit d’exploiter l’industrie brevetée, mais encore le monopole
résultant du brevet luLmême : d’où la conséquence que si
cette industrie ne peut offrir de résultat ou n’était pas breve
table, la convention manquait de son élément essentiel et
devait être résiliée. L’erreur existerait sur la substance même
de la chose. L’acheteur devrait dès lors en être relevé.
98. Pouillet est d’avis (n° 246, Traité des Brevets d'invention)
quelacession d’un breveLest un contrat sui generis. Elle cons
titue bien une vente, mais l’objet vendu est d’une espèce par
ticulière, car si le brevet est un titre engendrant des droits, il
est soumis à d’incessantes éventualités, il est toujours sujet à
critiques. « Il comporte, dit Pouillet, un caractère aléatoire
tout à fait remarquable. Il est impossible de décider à priori
s’il est ou non valable, mais encore il n’est, pas sans exem
ple de voir le même brevet validé à l’égard de l’un, annulé
à l’égard de l’autre, et l’on ne peut ici s’en prendre à l’instabilitc de la justice. Il est dans la nature du brevet d’être
soumis à ces vicissitudes. N’avons-nous pas vu plus d’une
fois les antériorités ne se révéler qu’après une ou même plu
sieurs poursuites dans lesquelles le brevet avait triomphé ?»
Donc, d’après cet auteur, il y aurait là une vente, d’un carac
tère' absolument aléatoire.
Cette opinion n’a pas prévalu ni en doctrine ni en juris
prudence. Pataille, l’auteur qui se rapproche le plus de Pouil
let, dénie néanmoins en termes exprès à la cession ce carac
tère. 11 indique simplement que le cédant n'est responsable
que des nullités intrinsèques du brevet cédé et que l’acqué
reur, devant se rendre compte du mérite de l’invention, ne
peut demander la nullité de la vente pour défaut de causé
si son mérite ou son importance ne répondent pas à ses espé
rances. La thèse est juste en soi et se concilie parfaitement
avec l’opinion exposée ci-dessus. En fait le juge rencontrera
certainement des difficultés pour asseoir son appréciation.
Mais cela importe peu au principe. C’est ainsi qu’il a été jugé
97 .
�107
que la cession d’un brevet est nulle comme n’ayant ni objet
ni cause quand il est constant que les procédés décrits ne
sont pas susceptibles d’une application industrielle et ne
répondent pas aux promesses que le brevet renfermait et sur
l’accomplissement desquelles le cessionnaire avait dû comp
ter (Paris, 2 février 1861. J. P., 61,77) ; que la vente d’un bre
vet nul est nulle elle-même comme s’appliquant à un objet
qui ne pouvait produire aucun effet ; l’élément aléatoire que
renferme toujours en soi la cession d’un brevet d’invention,
ne lui enlève pas le caractère de vente pure et simple, nulle
à défaut d’un objet certain, alors d’ailleurs qu’il n’apparaît
pas que les parties aient entendu consentir un contrat aléaioire (Cass., 22 aoiit 61 ; Pataille, 61, 227); qu’en matière de
cession de brevets, la garantie même non stipulée reste de
droit. Spécialement est nulle comme entachée d’erreur sur
la substance de la chose vendue une cession de brevets ayant
pour objet la fabrication industrielle de l’alcool fin moyen
nant un prix de revient maximum de 2 fr. 50 par hectolitre
alors que le résultat spécifié dans l’acte de vente n’est pas
réalisable par les procédés brevetés (Paris, 18 juillet 1889,
Pataille, 91,271). (Voir Pouillet, n" 252-253.)
Il peut se faire qu’un brevet ne soit annulé que partielle
ment. Alors les tribunaux auraient à apprécier si la partie
qui subsiste est la partie principale, et dans ce cas, la vente
pourra être validée (Pouillet, n° 269).
99. De même la déchéance du brevet judiciairement consa
crée produirait, quant à la vente, un effet identique à celui
qui se déduit du défautde résultats. Il est évident, en effet,
ainsi que l ’observe M. Etienne Blanc, que l’acheteur n’a d’au
tre intention que celle d’acheter un privilège valable, un droit
exclusif. L’erreur à ce sujet tomberait sur la substance même
de la chose et vicierait un consentement que la connaissance
de la vérité eut certainement empêché.
La résiliation de la vente lui fait perdre tous ses effets et
en rend toute exécution impossible, pour l’avenir surtout ;
l’acheteur se trouve naturellement délié de toute obligation
quant au prix ; il ne pourrait être contraint de payer ce qu’il
devrait encore, les valeurs qu’il aurait souscrites en règleCONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
�-108
ACHATS ET VENTES
ment devraient lui être restituées. Pourra-t-il exiger le rem
boursement de ce qu’il aurait déjà payé ?
L’affirmative ne saurait souffrir aucune difficulté si la rési
liation a pour fondement le défaut de résultats du brevet.
Les tentatives infructueuses auxquelles le cessionnaire s’est
livré, loin de constituer pour lui un profit, lui ont occa
sionné une perte, ne fût-ce que celle de son temps, de ses
peines et soins. Sous quel prétexte pourrait-on dès lors lui
refuser le droit d’exiger la restitution de ce qu’il a payé sur
le prix ?
.Mais la résiliation pour déchéance du brevet ne fera pas que
jusqu’au moment où elle a été poursuivie et ordonnée, la
chose vendue n’ait été en la possession de l’acheteur; que
son exploitation dans certains cas ne lui ait procuré un béné
fice plus ou moins considérable? Serait-il dès lors juste de
l’autoriser à cumuler ce bénéfice avec celui qui résulterait
de la restitution du prix?
Les effets de la résiliation ne sont rigoureusement acquis
que lorsque, par la nature même des choses, les parties peu
vent être remises en l’état où elles étaient avant l’acte. On ne
saurait faire abstraction de l’exécution de fait que cet acte
a reçu et qui pourrait, si l’on n’en tenait aucun compte, enri
chir l’un au détriment de l’autre, aussi si l’acquéreur d’un
immeuble obtient la restitution du prix avec intérêts doit-il
rendre lui-même les fruits perçus jusqu’à la résiliation.
Le même principe devrait conduire à une conséquence iden
tique dans la résiliation de la cession d’un brevet pour cause
de déchéance, et le cessionnaire devrait, dans une certaine
limite, rendre raison du profit qu’il aurait tiré de l’exploi
tation du brevet.
Il est évident en effet que ce profit est dû non pas seule
ment à cette exploitation, mais encore à l’industrie person
nelle du cessionnaire, aux peines et soins qu’il lui a donnés,
aux matières premières qu’il a fournies, toutes choses fort
étrangères au cédant, et sur lesquelles il n’a jamais rien eu
à prétendre.
Les tribunaux devraient donc faire à chacun la part qui
lui est due. Si, en fait, l’exploitation du brevet jusqu’à la
�109
déchéance a produit un bénéfice, il faut en tenir compte au
cédant, et tout en prononçant la résiliation pour l’avenir, fixer
l’indemnité qu’il recevra, soit par restitution, soit par com
pensation avec le prix qu’il sera obligé de rembourser (Pouillet, n. 266 et s. — Paris, 24 juillet 1868 et Cass., 25 mai 1869,
D. 1869. 1.367. — Paris, 31 mai 1889 et Req., 29 juillet 1891,
Pataille, 93, 172) (*).
100. L’époque à laquelle se réalise le concours légal des
volontés ne saurait être douteuse dans la vente entre pré
sents. Dès que la parole est échangée, qu’il y a accord surla chose et sur le prix, la vente est parfaite et acquise.
Mais, en commerce, les achats et ventes se traitent bien
souvent entre absents et par correspondance. Il est donc
utile et même indispensable de rechercher à quel moment
le contrat a, dans ces circonstances, acquis sa perfection.
Si la validité de la vente par correspondance a pu être
contestée en droit commun (2), aucun doute ne saurait exis
ter en commerce. L’article 109 du Code de commerce, en
admettant comme preuve de la vente l’acte sous seing privé
et la correspondance, exclut l’assimilation de celle-ci à celuilà, et par conséquent toute prétention d’appliquer à cette
dernière la disposition de l’article 1325 du Code civil.
101. L’unique difficulté consiste donc à déterminer à quel
moment on devra fixer la réalisation du concours des volon
tés, sans lequel la vente n’a jamais pu exister.
Or, une lettre missive, dit M. Troplong, est la pensée fixée
par écrit et envoyée à celui qui est absent ; elle rapproche
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(') U n arrêt de la Cour de cassation du 5 décem bre 1831 (D . 82. 1. 360) est
cité par P ouillet com m e renfermant une contradiction avec ces règles. M ais sa
doctrine nous paraît parfaitem ent conciliable avec celle que nous venons d’expo
ser. La Cour de cassation a sim plem ent jugé «que l ’arrêt-attaqué ayant souverai« nem ent affirmé en fait l'inexécu tion persistante par le cédant du contrat à
« partir de son origine et apprécié le dom m age qui en était résulté, a tiré en
« droit de ces constatations une conséquence légale irréprochable en remettant
« les choses au môme étal que si la convention n’avait pas existé (art. 1184, C.
« c iv .) ». C’est donc là une apprécialion de pur fail, une question d'espèce n'in
firmant en rien le principe posé.
(-) Toullier, t. 8, n° 315. Duranlon, t. 16, n" 44. V id. M erlin ,R ép ., v1’ D o u b le
é c r it. Troplong, V en te , n° 2 1 .
�'
11G
•
•
ACHATS ET VENTES
.
:
les individus et les met pour ainsi dire en présence (*). Cela
n’est absolument vrai cju’après la réception de la lettre par
celui à qui elle est adressée, et qui ne peut être initié à la
pensée de l’écrivain que par sa lecture.
l)e là cette première conséquence, qu’il faut que celui-ci
ait persisté dans sa volonté jusqu’au moment de la réception
et de la lecture nie la lettre. S’il en change avant, ce qu’il
est libre de faire, il n’y aura plus de vente possible.
Je peux, dit M. Troplong, révoquer les promesses faites
dans une lettre écrite et expédiée, mais non pas lue par celui
à qui je l'adresse, de même que je ne suis pas lié par les
paroles proférées, mais non entendues par la personne avec
laquelle je traite verbalement(a).
Ainsi, si le besoin ou la convenance de rétracter la pro
position faite par lettre se manifestant promptement, j’ai le
moyen de vous aviser que je la retire, tout est fini. Ma lettre
est non avenue, et toute acceptation de votre part resterait
sans résultat, sans effets possibles.
102. Le principe que l’oflre peut être rétractée tant qu’elle
n’est pas connue de celui à qui elle est adressée étant admis,
ses effets ne peuvent être subordonnés à la réception de la
lettre de rétractation. Que cette réception précède, accompa
gne ou suive celle de la lettre d’offre, celle-ci n’en est pas
moins valablement rétractée. Qu’importe, en effet, que la
première ait été écrite le jour, le lendemain ou le jour sui
vant, si, en fait et à raison de la distance, elle l’a été à une
époque où cette dernière n’avait pu encore être rendue à
son destinataire.
C’est ce que Pothier admettait lorsqu’il enseignait la néces
sité de la persistance du consentement jusqu’au moment où
la partie a déclaré qu’elle acceptait le marché. Or, pour expri
mer cette volonté, il faut de toute nécessité avoir été mis en
position de le faire, ce qui ne peut résulter que de la récep
tion et de la lecture de la lettre qui proposait le marché.
Donc, si au moment de cette réception la proposition avait
(*) N» 22.
(!) N° 24.
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
111
déjà été retirée, la condition ne se rencontre plus, il n’y a
pas eu persistance du consentement jusqu’au moment requis,
et par conséquent de vente possible.
Pothier ne veut pas qu’on se trompe sur sa doctrine, voici
l’application qu’il en fait lui-même :
« Si j ’ai écrit à un marchand de Livourne une lettre dans
laquelle je lui proposais de me vendre une certaine partie
de marchandises, pour un certain prix, et qu’avant que ma
lettre ait pu lui parvenir je lui en ai écrit une seconde par
laquelle je lui marquais que je ne voulais plus cette emplette,
ou qu’avant ce temps je sois mort, ou que j’aie perdu l’usage
de la raison, quoique le marchand de Livourne, au reçu de
la première lettre, ignorant ou mon changement de volonté,
ou ma mort, ou ma démence, ait fait réponse qu’il acceptait
le marché proposé, néanmoins il ne sera intervenu entre nous
aucun contrat de vente, car ma volonté n’ayant pas persévéré
jusqu’au temps que le marchand a reçu ma lettre et accepté
la proposition qu’elle contenait, il ne s’est pas rencontré un
consentement ou concours de nos volontés, nécessaire pour
former le contrat de vente (l). »
103. Ainsi, la faculté de retirer la proposition ne saurait
être méconnue ni contestée, tant que la lettre renfermant celleci n’a pu arriver, et n’est pas encore arrivée à son destina
taire. Mais suffit-il, pour qu’elle ne puisse s’exercer, que la
lettre étant arrivée, la proposition ait été acceptée? Faut-il
au contraire que cette acceptation ait été connue de celui qui
l’a provoquée ?
Gomme l’observe M.Troplong, Pothier semble se prononcer
dans le premier sens.Mais n’est-ce pas là repousser la con
séquence logique du principe. La parole n’engage que lors
qu’elle a été donnée et reçue respectivement, et comment
reconnaître l'existence de cette condition, tant que la lettre
qui la renferme est encore un secret, et par conséquent est
censée ne pas exister pour l’une des parties.
Aussi,M. Troplong n’hésite-t-il pas : « Une offre faite par
lettre, enseigne-t-il, peut être rétractée jusqu’à acceptation
(i) N» 32.
�112
a c h a t s
e t
v e n t e s
de la part de celui à qui elle est adressée ; tant que l’écrivain
n’a pas reçu une réponse, il peut se dédire (‘). »
« Le proposant, estime de son côté M. Pardessus, peut se
rétracter le lendemain, le surlendemain de la lettre, en un
mot, avant l’arrivée de la réponse du correspondant (2). »
(Sic B. L. S., n° 35.)
104. M. Duranton, au contraire, attache le sort de la vente
au seulfait de l’acceptation. Elle est parfaite, dit-il, si le chan
gement de volonté de l’auteur de la proposition, sa mort ou sa
démence n’avait eu lieu que depuis que l’autre partie aurait
manifesté son adhésion à la proposition, par l’envoi des mar
chandises, ou par une réponse, encore bien que la marchan
dise ou la réponse ne fût point encore parvenue à sa destina
tion au moment du changement de volonté, de la mort ou de
la démence ; car il y aurait eu concours des volontés, quoique
l’auteur delà proposition ne connût pas celle de l’autre partie
au moment de sa mort, de sa démence ou de son changement
de volonté (3). (Sic L. R., Des contrats commerciaux, h” 27.)
105. Mais qui empêche l’expéditeur d'arrêter les marchan
dises en cours de voyage, de les faire rétrograder, de leur
donner une tout autre destination? Quel moyen aurait l’au
teur de l’offre pour contraindre l’exécution d’un marché for
cément resté pour lui à l’état de proposition.
Celui à qui elle est adressée aurait-il répondu qu’il l’ac
ceptait ? Mais, à son tour,il peut demain ne plus vouloir ou
n’être plus à même de vouloir ce qu’il voulait et croyait pou
voir faire hier. Lui contestera-t-on le droit de se dédire,s’il
est impossible de ne pas le concéder au proposant ?
Or, que celui-ci puisse se rétracter tant que sa lettre n’a été
ni lue ni reçue par son destinataire, nous venons de l’établir.
Cette lettre, dit Merlin, n’étant qu’une série de paroles
adressées à un absent, reste sans effets possibles tant que
celui à qui ces paroles sont adressées ne les a pas entendues,
comme elles seraient sans effets si, étant adressées à une
(1) N° 25.'
(2) N° 250.
(3) T. 16, n« 45,
�113
personne présente, cette personne était,par une cause physi
que, hors d’état de les entendre.
Or,continue Merlin, comment une personne absente peutelle entendre les paroles qui lui sont adressées? Elle ne peut
certainement les entendre que par la lecture de la lettre qui
lui est adressée et qui les contient. La lettre par laquelle je
contracte une obligation ne peut donc remplir son objet
qu’autant que je puis être censé persister, au moment où
elle arrive, dans la volonté que j’avais en l’écrivant.
Dès lors, conclut Merlin, celui qui a d’abord accepté l’of
fre quilui est faite, peut modifier son acceptation, la rétracter
même, tant que la lettre qui L’annonçait n’est pas encore
arrivée aux mains de son destinataire. Conformément à ces
conclusions, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé
contre un arrêt de la Cour de Rouen qui l’avait ainsi jugé (‘).
L’opinion de M. Duranton atteint donc à ce résultat, que
l’auteur de l’offre serait lié par l’acceptation, tandis que celui
qui l’aurait donnée le serait encore si peu qu’il pourrait la
rétracter. Une pareille anomalie ne saurait être admise, un
contrat ne saurait être parfait pour l’un, imparfait pour l’au
tre, et puisque l’obligation de l'acceptant n’est acquise qu’à
la réception de la lettre qui l’annonce, celle de l’auteur de
la proposition ne reconnaît et ne peut reconnaître un autre
point de départ. Il peut donc jusque-là retirer sa proposi
tion, comme l’autre partie revenir de son acceptation (2).
106. Qu’arriverait-il si celui à qui on demande telle mar
chandise, pour un tel prix, expédiait immédiatement cette
marchandise sans répondre autrement.
Le principe que nous venons de rappeler résout cette ques
tion, l’auteur de l’offre aurait incontestablement le droit de
CONDITIONS GKN KitALKS. EFFETS
( l ) R èp ., v° V en te. § 1, art. 3, n° 11 h is .
(2; Nous exam inerons plus loin à propos des règles de com pétence l ’éial de
la jurisprudence à ce sujet (in fra , n° 444).
Nous luisons sim plem ent remarquer ici qu’alors qu’il eût été si facile à la Cour
de Cassation de proclam er une doctrine m ettant fin à cette controverse, elle a
m ieux aim é, par une appréciation fort contestable en soi, ne voir Ifi. qu’une
question de pur fait, abandonnée à l’arbitraire des tribunaux (C ass., 6 août 1867.
D . 6 8 .1 ,3 5 ; — 30m ai 1881, J . P . 8 2 .1 .1 2 5 ).La Cour de Paris a paru se rallier
à cette opinion (22 novem bre 190.0, .T. T . C., 1901,496).
A chats et ventes
8
�ACHATS ET VENTES
114
la retirer jusqu’à réception de l’avis de l’expédition, et ,si en
fait il l’a retirée avant, il n’v a jamais eu de vente.
Néanmoins Pothier estimait que dans cette hypothèse le
correspondant qui, dans l’ignorance du changement de vo
lonté, de la mort ou de la démence, avait fait partir les mar
chandises demandées, était fondé à contraindre à l’exécution
du marché l’auteur de la demande, ses héritiers ou ses
représentants.
Mais ce résultat, Pothier l’induisait,non comme conséquence
d’une vente qu’il enseigne n’avoir jamais existé, mais de l’ap
plication du principe que toute personne doit être indemni
sée du préjudice que lui occasionne le fait d’autrui.
Or, dans notre hypothèse, celui dont se plaindrait l’expé
diteur serait incontestable. On ne saurait lui reprocher d’a
voir agi avec précipitation, car une exécution sans délai
d’une commande est trop dans les convenances commercia
les, dans l’intérêt de l’auteur de cette commande pour qu’il
puisse s’en plaindre. Cependant, en se dépouillant de ses
marchandises, il s’est interdit la possibilité de les vendre à
d’autres et d’éviter ainsi la baisse qui a pu survenir. L’ex
pédition a donné lieu à des frais d’emballage, de transport
pour l’aller qui s’aggraveraient de ceux de retour si la mar
chandise restait pour son compte et s’il devait la reprendre.
Ne serait-il pas souverainement injuste de laisser ces frais
et tous les risques à la charge de l’expéditeur? Ou l’auteur
de l'offre a fait une demande irréfléchie, ou il ne cherche,
en la rétractant, qu’à éviter une perte que les circonstances
lui font entrevoir. Qu’on lui permette de reprendre sa parole
soit, mais à la condition de remettre celui qu’il a provoqué
dans la position qu’il avait avant cette provocation.
C’est au reste ce que la doctrine tant ancienne que mo
derne a toujours enseigné. A l’opinion de Pothier, M. Troplong ajoute celle de Balde, dont il rappelle les termes :
P'uto tamen quoclrecipiens nuncium vel epistolam, si alignas
impensàs fecisset vel damna habuisset propter nuncium vel
epistolam ante scientiam vel certiorationcm de pænitentia
mittentis ad expensas et damna posseret agere.
L’obligation d'indemniser reconnue et admise, ses consé-
�115
quences sont naturellement indiquées dans notre hypothèse.
Les marchandises expédiées doivent rester pour le compte
de celui qui en a réclamé l’envoi, sinon en force de la vente,
comme l’enseigne M. Troplong, du moins à titre de domma
ges-intérêts, en réparation du préjudice qu'il a occasionné.
107. M. Pardessus arrive au même résultat, mais en se
plaçant à un autre point de vue, en ne voyant dans l’opéra
tion qu’un contrat de commission.
« Lorsque, dit-il, une lettre a été écrite non dans les ter
mes d’une proposition, mais dans ceux d’un ordre ou com
mission d’acheter et d’eDvoyer telle marchandise à tel prix,
soit que celui à qui la commission est donnée fournisse la
marchandise, ce que nous verrons n’être pas interdit (‘),
soit qu’il doive les acheter, c’est moins une convention de
vente qu’un contrat de commission ; et comme ce contrat
devient parfait non seulement par l’acceptation expresse do
la personne à qui le pouvoir est adressé, mais encore par
l’exécution qu’elle lui donne sans autre déclaration de vo
lonté, ce que nous venons de dire en cas de vente n’est pas
applicable dans toute son étendue. Le commerçant qui, à la
réception de cet ordre, s’est mis en devoir de l’exécuter, a
par cela seul opéré ce concours de volontés suffisant pour
former le contrat (2). »
L’hypothèse dans laquelle se place M. Pardessus et les
conséquences qu’il en déduit sont incontestables. Il est évi
dent que s’il s’agit d’un ordre d’achat, son exécution immé
diate est dans les prévisions de celui qui le donne, et que celui
qui le reçoit n’a à s’expliquer que s’il refuse le mandat qui
lui est donné.
108.11 n’y a donc aucune assimilation possible entre cette
hypothèse et celle où il s’agit d’une proposition d’achat adres
sée à celui à qui on demande de prendre la qualité de ven
deur. Le contrat n’est dans ce cas parfait que par le consen
tement de celui-ci, consentement qui esi censé ne pas
exister tant qu’il n’est pas connu de celui qui le provoque.
Celui-ci ne peut donc jusque-là être considéré comme
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(l l N oire C om m . de la C o m m issio n , n" 27.
(■ ) N° 251.
�11.6
ACHATS ET VENTES
acheteur, mais il est incontestablement tenu en raison, en
équité et en droit, d’indemniser du préjudice que son offre a
occasionné, et comme la détermination des dommages-inté
rêts appartient souverainement aux juges, rien n’empêche
rait que l’exécution donnée au marché lui fût imposée à ce
titre.
109. Le doute qu’on ne saurait guère concevoir lorsqu’il
s’agira d’une proposition d’achat, peut surgir dans le cas
d’offres de vendre. On sait que les commerçants qui corres
pondent entre eux se transmettent ordinairement les prix
courants de la place, et surtout ceux des denrées et mar
chandises dont ils traitent plus spécialement.
D’autres fois ce sont des circulaires que les détenteurs
d’une matière répandent à profusion, et dans lesquelles ils
oflrent de vendre à des prix déterminés.
Tandis que l’un soutiendra avoir reçu une des circulaires,
l’autre prétendra n'avoir envoyé que les prix courants, il
faudra donc tout d’abord déterminer la nature et le caractère
de la proposition.
110. On ne saurait à ce sujet prévoir des doutes bien
sérieux. Il est difficile de confondre l’envoi de prix courants
avec celui de circulaires. Le premier n’est donné et reçu qu’à
titre de renseignements qu’un correspondant intelligent et
dévoué doit à son correspondant. On ne saurait donc y voir
une proposition de vendre.
Toutefois cet envoi pourrait avoir un autre objet; s’il éma
nait d’une maison de commission, il ne ferait que solliciter
des ordres dont l’exécution reste toujours subordonnée à
l’état du marché au jour de leur réception. La maison ne
contracte d’autre obligation que celle de remplir les com
mandes qu’on lui demanderait s’il y a possibilité de le faire.
111. Quant aux circulaires des commerçants en gros,
fabricants ou autres détenteurs de denrées et marchandises,
M. Pardessus distingue. En général,dit-il, lorsque des offres
sont faites par des circulaires, catalogues ou autres annon
ces qui s’envoient indistinctement et sans qu’il ait existé des
relations antérieures, on doit sous-entendre toujours la con
dition que celui qui les fait ne s’engage à fournir les choses
�117
offertes qu’au cas où il ne les aurait pas vendues à d’autres ou
qu’autant qu’il s’en trouvera sur le lieu, s’il n’a fait que des
offres de fournir par commission. Au contraire, si les offres
sont en quelque sorte individuelles et plutôt une véritable
proposition de vendre à cette personne qu’une offre faite à
quiconque recevra la circulaire, celui qui fait la proposition
ne pourrait refuser de livrer, si la demande lui est adressée
immédiatement après la réception de la circulaire. Seule
ment, si l’offre était d'un corps certain, il faut qu’il ne soit
pas péri lorsque l’acheteur répond qu’il accepte la propo
sition (').
11 2 . La doctrine de M. Pardessus est exacte, lorsqu’elle se
borne à distinguer si l’auteur de la circulaire a provoqué des
ordres ou fait une offre. Mais nous ne saurions partager son
opinion, s'il entend subordonner la nature de l’opération
au plus ou moins de publicité de la circulaire. Qu’importe,
en effet, qu’elle ait été envoyée indistinctement et sans
qu’il ait existé do relations antérieures. Elle n’en sera pas
moins une offre de vendre, si, en effet, le but qu’elle se
propose est de solliciter des acheteurs. L’offre, dans ce cas,
sera même individuelle pour chacun de ceux qui la recevront
et qui n’ont ni à rechercher, ni à s’enquérir si leur voisin a
été favorisé du même envoi. L’absence de relations antérieu
res ne saurait non plus être d’aucune considération. En pro
voquer de nouvelles et plus étendues est trop dans les con
venances et les nécessités du commerce, et l’intérêt qui s’y
attache explique fort bien les tentatives faites dans ce sens.
La distinction de M. Pardessus signale la difficulté que la
détermination du véritable caractère de la circulaire peut
faire surgir. Il convenait donc de rechercher les éléments
de sa solution; ces éléments sont d’abord les termes mêmes
de la circulaire, il est impossible, en effet, que si l’auteur
n’a offert et promis que son concours, que l’exécution des
ordres qui lui seraient donnés, on n’en trouve pas la preuve
dans la teneur de sa circulaire.
Un autre élément non moins décisif peut résulter du genre
CONDITIONS GENERALES. EFFETS
p ) N» 269.
�118
ACHATS ET VENTES
de commerce auquel se livre habituellement l’auteur ; si la
maison qui envoie la circulaire est une maison de commis
sion, si elle s’y intitule telle, et qu’en indiquant le prix des
choses qu’elle offre elle mentionne le taux de la rétribution
qu’elle entend se réserver, on déciderait avec raison qu’elle
n’a proposé que de servir d’intermédiaire. On ne saurait
donc lui demander autre chose, ni la faire considérer comme .
ayant offert de vendre.
Que si l’auteur de la circulaire, se disant détenteur de la
chose, indique le prix qu’il entend en retirer, il y a évi
demment proposition de vente, et par conséquent obliga
tion pour lui de livrer, si l’acceptation est immédiatement
envoyée. L’autoriser à ne pas le faire sous prétexte qu’il a
vendu à d’autres, ou que la chose ne se trouve pas sur les
lieux, ce serait lui reconnaître la faculté d’exécuter la vente
en cas de baisse de l’article, de l’annuler en cas de hausse ;
c’est-à-dire livrer l’acheteur à sa discrétion.
C’est donc par la qualité prise dans la circulaire, par ses
termes et les conditions qui y sont stipulées, qu’on résoudra
la question de savoir s’il y a vente ou non ; si l’offre est
actuelle et définitive, ou si elle ne renferme que l’annonce
d’un projet non encore arrêté (Sic. Ripert, p. 43).
113. Ace sujet, on s’est demandé si les termes : Je veux
vous vendre telle chose pour la somme de... contiendraient
une offre de vendre que l’acceptation rendrait définitive?
Nous lisons dans Pothier que Cyrus ne voyait là qu’un
pourparler, parce que vouloir vendre n’est pas encore ven
dre, de même que vouloir monter sur un arbre n’est pas y
monter.
Mais, continue Pothier, Fabien de Monte soutiept au con
traire avec plus de raison que ce discours exprime cette
.vente qui a toute sa perfection. Il répond à l’objection qu’il
est vrai que vouloir faire une chose ce n’est pas encore la
faire lorsque cette chose consiste dans un fait extérieur;
ainsi vouloir monter sur un arbre n’est pas encore y mon
ter. Mais vouloir faire une chose qui se fait par la seule vo
lonté de la faire, sans aucun fait extérieur, c’est la faire.
C’est pourquoi vouloir vendre, c’est la même chose que ven-
�119
dre, lorsque la volonté de celui à qui je veux vendre concourt
avec la mienne; et direye veux vendre, c’est la même chose
que dire je vends (*).
114. Ce qui imprime à cette doctrine un caractère juridi
que incontestable, c’est que les termes je veux vendre indi
quent une volonté née, actuelle, arrêtée, dont la réalisation
est uniquement subordonnée à l'acceptation de la proposi
tion par celui à qui elle est adressée. Cette acceptation arri
vant avant toute rétractation, il y a ce qui suffit à la perfec
tion de la vente, c’est-à -dire entente parfaite sur ses conditions
essentielles, puisque celui-ci veut vendre, celui-là acheter
telle chose, à tel prix.
Mais il n’en serait pas de même si l’intention de vendre
n’était indiquée que comme un projet sans indication du
moment de sa réalisation, par exemple, ces expressions : je
voudrais vous vendre telle chose au prix de... Fabien de
Monte et Pothier ne considèrent pas cette locution comme
une proposition de vendre, parce que verbum imperfecti
temporis rem adhuc imperfectam signifient. Aussi, enseigne
ce dernier, quoique vous ayez répondu que vous voulez bien
en donner le prix, il n’y a pas encore vente, et je puis changer
de volonté, à moins que je ne vous aie répliqué que c’était
une affaire faite, ou quelque autre chose de semblable (°).
Au reste, les difficultés de cette nature se présenteront
beaucoup plus en fait qu’en droit. Elles constituent des ques
tions d’intention des parties, d’interprétation des termes de
la convention, de leurs sens réels. Les tribunaux sont donc
appréciateurs souverains et n’ont d’autre guide obligé que
les inspirations de leur conscience.
115. Le concours des volontés sur le caractère du contrat,
sur la chose et sur le prix, rend la vente parfaite. Dès ce
moment, dit l’article 1583 du Code civil, la propriété est
acquise à l’acheteur, à l’égard du vendeur, quoique la chose
n’ait pas été encore livrée, ni le prix payé.
La conséquence la plus importante qui s’en déduit est
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(‘)N° 33.
(2) Ibid.
�120
■ ACHATS ET VENTES
([ue, dès ce moment aussi, les risques de la chose sont à la
charge de l’acheteur,et que si elle périt avant la délivrance,
la perte est pour son compte, res périt domino.
Cette conséquence suppose d’une part que la vente est
pure et simple ; d’autre part, qu’elle a pour objet un corps
certain et déterminé.
Si la chose a été vendue au poids, au compte ou à la
mesure ; si elle doit être dégustée, la vente est parfaite par
le concours des volontés en ce sens, que chaque partie a le
droit de contraindre l'autre à prendre ou à livrer la chose
vendue, et,par conséquent, à opérer la dégustation, le pesage,
comptage ou mesurage (art. 1585 et 1586 C. civ.). Mais les
risques ne passent sur la tête de l’acheteur qu’après l’opéra
tion qui déterminera et précisera ce qui a fait la matière
de la vente. Jusque-là, la chose vendue, confondue avec celle
de même nature que possède le vendeur, n’est pas certaine,
et il serait impossible de déterminer si la perte a porté sur
elle, ou sur celle qui devait rester au vendeur.
Si l’acheteur consent à recevoir la marchandise et à l’em
magasiner, il peut (nous dirions volontiers il doit) être con
sidéré comme acheteur pur et simple, ayant renoncé, par
cette réception au pesage et au mesurage, et en conséquence
l’avarie ou la perte survenue dans ses magasins sera laissée
à sa charge (Cass., 7 juin 1830. D. rep. v° Ven te, nos275et 283).
116. Le caractère de la vente, au point de vue de ses effets
et notamment de la responsabilité de la perte survenue
dans l’intervalle du contrat à l’exécution, est, on le voit, d’un
puissant intérêt. Nous devons donc rechercher et exposer
les règles auxquelles la doctrine et la jurisprudence en ont
subordonné la détermination.
Aucun doute ne saurait surgir, si la vente est d’un corps
certain et déterminé. Nous avons traité de l’achat et de la
vente du trois-mâts la ViUe-de-Marseil/e, de 500 tonneaux,
ancré dans tel port ou sur telle rade, ou en cours de voyage.
La vente est parfaite, elle a définitivement transféré la pro
priété à l’acheteur, et si depuis lors le navire a péri, la perte
est exclusivement pour son compte, alors même que le prix
ne serait pas encore exigible. De même si je vous vends tout
�CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
12 t
le blé déposé en mon nom aux docks ou se trouvant dans
mon magasin.
117. Aucune difficulté ne saurait non plus exister, mais,
dans l’autre sens, si nous avons traité de 50 balles laine,
10 barriques de vin, 200 hectolitres blé. L’acheteur a le droit
d’exiger, et le vendeur l’obligation de livrer l’objet vendu
on nature et quantité. Il est possible que, depuis le contrat,
ce dernier ait perdu 50 balles de laine, 10 barriques de vin,
200 hectolitres de blé. Mais comment établira-t-il que les
uns ou les autres étaient précisément ceux qu’il avait ven
dus ? Tant que la chose restait en sa possession, confondue
dans son actif personnel, le droit de l’acheteur n’était ni
certain, ni déterminé. On ne pourrait donc lui infliger la res
ponsabilité de la perte.
11 y a même plus, la chose vendue au poids, au compte, à
la mesure, ne se placerait pas en dehors de cette règle, alors
même qu’elle eut été spécialisée par le contrat, donnant l’in
dication du lieu où elle se trouve lorsqu’elle est à prendre
sur une quantité plus considérable, par exemple si les 50 bal
les de laine ont été déclarées reposer dans tel magasin, les
vins et le blé à bord de tel navire, ou à l’entrepôt ou dans les
magasins de la douane.
Tout l’effet de cette stipulation se réduirait à empêcher le
vendeur d’offrir une autre marchandise que celle renfermée
dans le local désigné, mais elle ne pourrait autoriser une
exception à la règle si générale, si absolue de l’article 1585
du Gode civil (Cf. B. L. S., n° 146).
1 1 8 . La seule dérogation que comporte le principe est
celle édictée par l’article lui-même, et dont l’article 1586
déduit les conséquences. La vente en bloc, per aversionem,
transfère la propriété actuelle et met la chose aux risques de
l’acheteur même avant le pesage, comptage ou mesurage.
Ce résultat, disait Domat, tient à ce que dans cette vente on
sait précisément ce qui est vendu, le prix en est invariable,
alors mêmequ’on aurait exprimé la quantité ; l'insuffisance du
poids ou de la mesure ne produit d’autre effet que de donner
à l’acheteur une action pour obliger le vendeur à parfaire (‘).
C) P roc.-vérb. du Cons. d ’Elat, du 22 décem bre 1803.
�122
ACHATS CT VENTES
Mais cela suppose que le tout, déclaré d’une telle conte
nance, ou d’un tel poids, est vendu pour un prix unique et
uniforme. Comme l’observait Domat, si ce prix a été stipulé
à tant pour chaque pièce, pour chaque livre, pour chaque
mesure, la vente, quoique portant sur un tout déterminé,
n’exigerait pas moins pour sa perfection le comptage, pesage
ou mesurage;
119. Nous n’avons pas besoin de relever l’importance de
la détermination du caractère de la vente en cas de perte
survenue entre le contrat et son exécution. De cette déter
mination en effet, dépend la responsabilité de l’une ou de
l’autre des parties.
Or, rien ne serait plus facile si on ne devait considérer
comme vente en bloc que celle qui porterait sur un tout sans
mention de nombre, de poids ou de mesure, et pour un prix
convenu et arrêté.
Mais l’article 1585 prouve que la mention du nombre, du
poids, de la mesure n’a rien d’antipathique à la vente en bloc,
il la suppose au contraire à tel point qu’il règle le sort de la
vente avant le pesage, comptage ou mesurage.
D’autre part, la stipulation d’un prix unique et déterminé
n’établit pas nécessairement la vente en bloc, puisque sa
quotité peut avoir été calculée sur le nombre, sur Je poids
ou la mesure promis et à raison de tant pour l’un ou pour
l’autre.
Cependant plus la question était difficile à résoudre, et plus
il convenait de tracer les règles auxquelles il faut se référer
pour donner la solution. Voici celles que Pothier recomman
dait :
120. Première règle. — Il n’est pas douteux que la vente
est faite à la mesure, lorsque le prix est expressément con
venu pour chaque mesure, soit que le contrat porte qu’on
vend tous les muids de blé qui sont dans tel grenier à rai
son de tant par muids, soit qu’il porte qu’on vend un tas de
blé qui est dans un tel grenier, qui contient dix muids, à rai
son de tant le muids. Dans l’un et dans l’autre cas, la vente
est faite à la mesure. Toute la différence est que dans le pre
mier le surplus de ce qui se trouverait au delà de dix muids
�123
n’est pas vendu, au lieu que dans le second tout le tas (le blé
est vendu, quoiqu’il se trouve plus de dix muids.
Deuxième règle. — Lorsqu’on vend tant de mesures d’une
telle chose, la vente ne cesse pas d’être à la mesure quoique
les termes du contrat n’expriment qu’un seul prix ; comme
lorsqu’il est dit qu’on vend dix muids de blé pour 500 livres,
ce prix n’étant censé n’être que le total du prix pour lequel
chaque muids est vendu.
Troisième règle. — Lorsqu’on vend pour un seul prix, non
tant de mesures d’une telle chose, mais une telle chose qu’on
dit contenir tant de mesures, la vente est faite per aversionem ; comme lorsqu’il est dit qu’on vend pour la somme de
1.000 livres un tel pré, qu’on assure être de la contenance
de 20 arpents. En conséquence la chose est, dès le moment
du contrat, aux risques de l’acheteur. L’expression du nom
bre des arpents n’a d’autre effet, dans ce cas, que d’obliger
le vendeur à faire raison à l’acheteur du défaut de conte
nance, s’il s’en trouve moins (4).
121. M. Troplong trouve ces règles d’une justesse irrépro
chable, et en recommande l’observation que la jurisprudence
a d’ailleurs consacrée.
La Cour d’Orléans appliquait les deux premières lorsque,
le 27 décembre 1816, elle jugeait que lorsqu’une vente de
bois a été faite pour un prix fixé par arpent, et que le nom
bre d’arpents vendu est déterminé dans le marché pour un
prix total également déterminé, on ne peut pas dire que la
vente ait été faite en bloc et non à la mesure ; qu’ainsi un
arpentage est préalablement nécessaire pour fixer la conte
nance du bois vendu, parce qu’on peut présumer que s’il y
avait plus d’arpents dans la vente que ceux indiqués dans le
contrat, l’acheteur n’eût pas porté à un prix aussi élevé celui
de chaque arpent.
Par application de la troisième, la Cour de cassation décla
rait, le 24 août 1830, que la vente d’un baril d’azur de 100 ki
logrammes, moyennant le prix de 1.000 francs, était faite en
bloc et non à la mesure. (Rec. gén., Dev. et Carr., t. 9,
CONDITIONS GÉNÉRALES. EFFETS
(l ) No 310. Sic. N îm es, 31 octobre 1908. G. P ., n° du 17 déc, 1908 et la note.
�ACHATS ET VENTES
424
1” partie, p. 679. Cf. cass., 1" mars 1902. D. 1902.1.190).
122. Cet arrêt, approuvé par M. Trop long, est critiqué par
M. Duvergier. Lorsque le contrat indique la quantité, dit ce
dernier, il n’y a vente en bloc que si, dans l’intention des
parties, le poids ou la mesure ne doit exercer aucune influence
sur la quotité du prix, et que si le vendeur n’est pas obligé
de les parfaire l’un ou l’autre. Or, dans l’espèce, si le ven
deur eût envoyé un baril de 95 kilogrammes, l’acheteur
aurait eu le droit d’en réclamer cinq, c’est-à-dire qu’il se fût
trouvé dans la même position que s’il eût acheté 100 kilo
grammes à raison de 10 francs l’un ; donc, la vente était,
non en bloc, mais à la mesure (*).
12 3. M. Duvergier aurait incontestablement raison en droit
romain. Sous son empire, la vente en bloc excluait toute
indication de quantité, il fallait que la vente comprît omne
vinum, vel oleum, vel frumentum, vel argentum quantumtumgue esset, uno pretio (s). D’où Cujas concluait qu’il n’y
avait vente en bloc que lorsque les choses étaient transmi
ses confuse et acervatim, pretio insimul diclo, non in singulas res constituto.
En droit français, cette vente serait non seulement en bloc,
mais encore à forfait. Tout pesage, comptage ou mesurage
serait inutile, car ses résultats seraient sans influence sur le
contrat, le plus ou moins dans la quantité restant à l’avan
tage ou aux risques de l’acheteur.
Ce n’est donc pas cette vente dont s’occupe l’article 1586
du Code civil, et puisqu’il prévoit la nécessité du pesage,
comptage ou mesurage dans la vente en bloc, c’est qu’il ad
met ce caractère lorsque la quantité de la chose vendue a
été indiquée ; c’est que, comme Pothier, il m’attribue alors
à cette indication d’autre effet que d’obliger le vendeur à
parfaire la contenance déclarée, et c’était justice.
La preuve, en effet, qu’on n’a pas traité au poids ou à la
mesure, c’est qu’on n’a ni acheté ni vendu à tant le quintal
ou la mesure, mais le prix unique et total n’en a pas moins
été calculé sur la quantité réelle de la chose. Il est certain
(*) T. 1, nos 90 et suiv.
(s) L. 15, §5, Dig'. de Cont.
em.pt.
�125
que celui qui croit acheter 10 muids de blé à 500 francs,
donnerait un prix moindre si on ne devait lui en livrer que
six, que huit, que neuf.
D’ailleurs, en commerce on ne procède guère à l’aveugle,
et celui qui achète pour revendre entend avant tout être fixé
sur le prix de revient. Il faut donc qu’il rapproche le prix
qu’il donne de la quantité de ce qu’il doit recevoir, et qui
devient l’élément essentiel de la détermination du prix. Dans
l’espèce de l’arrêt de la Cour de Cassation, par exemple,
l’acheteur ne donnait 1.000 francs du baril d’azur que parce
que sa contenance de 100 kilogrammes lui faisait revenir la
marchandise à 10 francs le kilogramme. Eût-il traité s’il avait
pu craindre qu’elle lui revînt à 11 ou 12 francs ? Sans doute
la vente ne serait pas à forfait, mais son caractère de vente en
bloc résultera suffisamment : 1° de ce que la chose est inté
gralement et en totalité cédée ; 2° de la stipulation d’un prix
déterminé. L’indication de la quantité ne saurait en ces cir
constances lui enlever ce caractère. Elle n’est plus en effet
que la détermination de la chose vendue, qu’un minimum
sur lequel le prix a été établi. Livrer une chose d’une conte
nance ou d’une capacité moindre serait donc enlever au con
trat une de ses conditions essentielles, l’identité de chose.
Ainsi, dit M. Troplong, je vous vends pour 1.500 francs,
tout le sucre qui est dans mon magasin, de la quantité de
■ 1.800 kilogrammes. Une telle vente est faite en bloc et
n’est pas conditionnelle. Le prix est certain, la chose déter
minée, les éléments du contrat se présentent sans modifi
cation, sans suspension et avec un caractère pur et simple.
A la vérité, il est ajouté que la quantité du sucre s’élève à
1.800 kilogrammes, mais c’est là une énonciation purement
démonstrative ( ’).
Voct allait plus loin encore, il admettait comme vente en
bloc celle qui transférait la chose dans son ensemble, malgré
que le prix eût été stipulé à tant la mesure : Non aliud dicendum est si c/uis omne vinum in dolio reconditum seu doleare,
vendat, atque ita lotum corpus vini, dolio contenu, pretio sic
CONDITIONS GÉNÉRALliS. IiFI'T.TS
(')
N” 92.
�1-2(5
ACHATS ET VENTES
constituio, ut proportione mesiiræ. Per admensionem manifestandæ, solvatur pétunia ; sic ut admensio non conditionem
facial, ex qua vis obligations suspensa hæreret, sed tantum
modum demonstrationemque quandam quantitalis vint pure
pleneque clistracti (4).
La condition exigée par Voët paraît peu conciliable avec
une vente en bloc, puisque le prix ne sera certain et déter
miné que par le mesurage. Mais elle se rencontre dans l’hy
pothèse de M. Troplong pour laquelle il est rationnel de dire
avec Voët que le mesurage n’est exigé quo usque possis,
neque tamen icleo condilionalem, aut needum perfectam facti
venditionem.
Dans la vente à tant la mesure, le mesurage est le complé
ment forcé du contrat, dont seul il déterminera le prix. Il
peut donc être réclamé par le vendeur comme par l’ache
teur.
C’est ce dernier seul qui peut l’exiger lorsque la vente
comprend la totalité de la chose déclarée d’une telle conte
nance pour le prix de..... Son résultat unique serait pour
lui le droit d’être indemnisé du déficit sur la quantité indi
quée. Le bénéfice étant purement personnel, comment recon
naître qu’un autre que lui pût le réclamer.
Le vendeur n’aurait action que s’il devait à son tour être
indemnisé de l’excédent sur la quantité déclarée. Or, ce droit
n’a jamais existé. La raison, dit Pothier, est que le champ,
par exemple, qu’on a déclaré par erreur de dix arpents,
quoiqu’il fût de douze, a été vendu entier. L’intention" des
parties n’a pas été qu’il en fût rien excepté. La clause, par
laquelle le vendeur accuse qu’il est de dix arpents n’est
qu’en faveur de l’acheteur ; c’est le vendeur seul qui promet
et s’engage. L’acheteur, par cette clause, ne contracte aucune
obligation, et par conséquent ne peut être tenu de faire rai
son du surplus de la contenance (2).
Evidemment, dans l’hypothèse de M. Troplong, celui
qui a vendu tous les sucres qu’il a dans son magasin pour
1.500 francs, n’a entendu ni s’en réserver aucuns, ni rien
() Ad Pandectes, lib. 18, lit. 6, n° 4. De
(M N» 255.
Per. et Gomm. rei vend.
�127
recevoir au delà de cette somme. A quel titre donc préten
drait-il en retenir une partie quelconque, ou en exiger le
prix? Comment, dès lors, lui reconnaître la faculté de pro
voquer un mesurage auquel l’acheteur déclarerait renoncer?
Qu’on ne dise pas que c’est là créer une inégalité choquante,
cette inégalité, relativement à l’exécution du contrat, est la
conséquence forcée de la nature des choses, de la position
respective des parties au moment du marché.
L’acheteur ne peut apprécier le prix qui lui est demandé,
et arrêter celui qu’il doit offrir, que relativement à la quan
tité de la chose qu’il doit recevoir en échange. Cette quan
tité, il n’a pu la vérifier, ni avant la vente, ni au moment
de sa conclusion, puisqu’elle lui est cédée en bloc. Il a donc
dû accepter la déclaration qui lui en a été faite, et dont il
ne pouvait contrôler la sincérité. Ce qui lui a été vendu est
donc la quantité déclarée qu’il doit recevoir comme juste
équivalent du prix qu’il donne, admettre le contraire, c’était
appeler et encourager la mauvaise foi, la déloyauté et la fraude.
Le vendeur, au contraire, quoique vendant en bloc, n’i
gnore pas, ne doit pas ignorer la contenance réelle de ce
qu’il vend. 11a les choses en sa possession, il peut les comp
ter, peser ou mesurer ; dans tous les cas, ses livres consta
tant les entrées et les sorties indiquent par cela même ce
qu’il a encore en sa possession. Son intérêt à être fixé, est trop
évident pour qu’il se plaigne qu’on lui en ait fait le devoir.
Ainsi, le vendeur accusant moins se trompe volontairement
ou commet une faute ; l’acheteur à qui on indique plus est
trompé, et la preuve qu’il n’entend pas l’être, c’est que,
achetant en bloc, il exige la déclaration du poids, du nom
bre ou de la mesure ; nous avons raison de dire que cette
différence dans la position justifie celle que nous signalons
dans le résultat.
Si, comme l’indiquent Lyon-Caen et Renault (n° 132), on
avait vendu une masse à raison de tant le poids, il est certain
que le prix dépendant du poids et l’incertitude régnant jus
qu’au pesage, la vente a un caractère conditionnel (Cf. Cass.,
20 avril 1870, D. 71. 1. 11). Mais ici la situation est diffé
rente et comme le font remarquer avec raison Baudry-LacanCONDITIONS GÉNÉRALliS. EFFETS
�•128
ACHATS ET VEN TES
tinerie et Saignat (n° 148), dans cette hypothèse, si la chose
vendue est bien déterminée, le prix ne l’est pas. Il ne le
sera que par une opération ultérieure de comptage, de
pesage ou de mesurage. Avant cette operation il manque
quelque chose à la vente, d’où cette conséquence légale qu’elle
n’est point parfaite au point de vue du transfert des risques.
124. Les termes de l’article 1585 ont fait surgir une dif
ficulté sur leur portée réelle. En effet, la vente au poids ou
à la mesure n’est déclarée imparfaite jusqu’au pesage ou
mesurage, que relativement aux risques restant jusque-là à
la charge du vendeur. Faut-il en conclure que la vente est
parfaite à tous autres égards, qu’elle a, le point de vue des
risques excepté, transféré la propriété de la chose vendue ?
L’intérêt qui s’attache à la solution de la question est facile
à saisir dans l’hypothèse de la faillite du vendeur avant le
mesurage ou le pesage.En effet, l’acheteur quia payé le prix
pourra on non revendiquer la chose, et en exiger le pesage
ou mesurage suivant qu’on décidera qu’il en a ou non acquis
la propriété.
Or, la conséquence la plus immédiate du droit de propriété
est de placer la chose aux risques de celui à qui elle appar
tient, res périt domino. Il semble donc qu’en laissant ces
risques à la charge du vendeur jusqu’au pesage ou mesurage,
l’article 1585 a par cela même déclaré que la propriété n’a
pas cessé de résider sur sa tête.
Mais, d’autre part, l’article 1583 vient de déclarer que la
vente est parfaite entre les parties, et la propriété acquise
de droit à l’acheteur dès qu’on est convenu de la chose et du
prix, et l’article 1585 semble appliquer ce principe lorsqu’il
autorise l’acheteur à exiger la délivrance. Comprendrait-on
cette faculté s’il n’avait encore aucun droit de propriété sur
la chose.
Il y aurait donc, entre la première et la dernière dispo
sition de l’article 1585, une contradiction évidente, une ano-t
malie étrange qu’on ne peut admettre dans la pensée du
législateur. Cette pensée, la discussion au Conseil d’Etat va en
indiquer et préciser la nature.
Dans le projet préparé par la commission, notre article
�J'IiSAüK, COMPTAGE,
.'1USVHAU K
12 U
portait : Lorsqu’on vend au poids, au compte ou à la mesure,
la vente n’est point parfaite que La marchandise ne soit pe
sée, comptée ou mesurée.
Le tribunatfit observer que cette rédaction donnerait nais
sance à une grave difficulté. Oh pourrait en conclure, disait
son orateur, qu’il n’y a pas même de vente, en sorte que
l’acheteur n’aurait pas même le droit de forcer le vendeur à
l’exécution de son engagement. Cependant cet engagement
existe, et le vendeur peut toujours être obligé ou à délivrer
la chose vendue, ou, s’il ne le fait pas, à payer des dom
mages-intérêts.
« Le seul effet que doive produire la circonstance énoncée
dans l’article, est que n’y ayant pas d’accomplissement de
la vente, quoique la vente existe, les risques que court la
chose vendue sont, dans ce cas particulier, à la charge du
vendeur jusqu’au pesage, comptage ou mesurage. »
Ces observations, qui firent consacrer la rédaction actuelle,
en expliquent la portée. Ainsi que le disait M. Faure dans
son rapport au Tribunat, dans la vente au poids, au compte
ou à la mesure, l’acheteur ne peut devenir propriétaire des
marchandises que lorsqu’elles auront été pesées, comptées
ou mesurées, car jusque-là rien n’est déterminé, et tant qu’il
n’y a rien de déterminé, les marchandises restent au vendeur.
C’est sous ce point de vue que la vente n’est pas parfaite..
Au surplus, il existe un engagement réel entre les parties
dès le moment du contrat. De cet engagement réciproque
résulte pour l’acheteur le droit de demander la délivrance en
faisant la vérification convenue; et pour le vendeur le droit
de demander le prix, en offrant de faire la livraison.
De son côté, le rapporteur du Corps législatif n’était ni
moins formel, ni moins précis. 11 était important, disait-il,
de distinguer le cas où il v à transmission de propriété de
ceux où il n’y en a pas, quoiqu’il y ait toujours l’engagement
qui fait le principe de la vente, cet engagement dont l’exé
cution peut être réclamée.
« La raison de cette distinction est que dans le cas où la
vente est parfaite par le seul consentement, la chose vendue
est la propriété de l’acquéreur, et dès lors elle est à ses risA chats
ht vfpïtes
9
�ACHATS ET VENTES
130
ques, d’après la règle si connue res périt domino, au lieu
que lorsque la vente existe à la vérité, mais qu’on ne peut pas
la considérer comme accomplie ayant le secours de quelques
autres circonstances, la chose vendue est aux risques du ven
deur ; en sorte que, si auparavant elle périt, c’est pour le
vendeur qui n’est pas encore dessaisi de la propriété. »
On ne peut donc conserver un doute. Le marché au poids,
au compte ou à la mesure, est une vente parfaite. Mais la
propriété ne sera transférée que par le pesage, comptage ou
mesurage, non que nous admettions un défaut de détermi
nation, puisque la chose est indiquée par l’espèce et la quotité,
et l'article 1129 du Code civil n’exige que cela, ni qu’on doive
prendre en considération que la marchandise reste en la pos
session du vendeur, puisque aux termes de l’article 1138 cette
possession n’est pas un obstacle à ce que la chose demeure
aux risques du créancier.
A nos yeux, l’effet admis par l’article 1583 s’explique
d’abord par la règle édictée par l’article 1138. Le défaut de
tradition ne fait pas obstacle à la responsabilité du créan
cier, mais du jour seulement où cette tradition a dû s’opérer.
Jusque-là donc la chose reste aux risques du débiteur. Or,
dans la vente au poids, au compte ou à la mesure, l’époque
de la livraison n’est que celle du pesage, comptage ou mesu
rage. Dès lors, les risques ne peuvent concerner l’acheteur.
Ensuite, et en abordant les principes spéciaux à la vente,
nous expliquons la disposition de l’article 1585 par ce fait que
la chose, toute déterminée qu’elle soit par son espèce et sa
quotité, n’est pas encore individualisée, de telle sorte qu’il
serait impossible de décider si cette chose achetée et vendue
devait être prise là plutôt qu’ailleurs.
« Dans une vente de ce genre, enseigne M. Pardessus,
l’acheteur ne peut prétendre que la propriété lui a été trans
mise par la convention, et faute de délivrance obtenir le droit
d’enlever des magasins du vendeur une portion des marchan
dises de l’espèce de celles que désignerait la convention.
Tout son droit se réduit à des dommages-intérêts (*). »
�131
Comment dès lors comprendre que le vendeur pût, après
la perte survenue avant la délivrance, en laisser la charge
à l’acheteur. L’absence de tout droit chez celui-ci exclut
toute idée de propriété. Le vendeur aurait-il livré ce qui a
péri, ou toute autre chose ? Son allégation, uniquement dic
tée peut-être par le désir de se soustraire à la perte, ne sau
rait être accueillie, parce qu’elle serait injustifiable.
Loin donc de consacrer une exception à la règle res péril
domino, l’article 1585 n’en fait qu’une saine application. Oui
la vente au poids, au compte ou à la mesure, est parfaite dès
qu’il y a concours de volontés sur l’espèce et la quotité, et
sur le prix; mais la propriété ne sera transférée et acquise
que par le pesage, comptage ou mesurage qui précisera et
individualisera la chose qui a fait la matière du contrat (Cass.,
1er juil. 1874, D. 7(5. 1.473. — 7 janv. 1880, D. 80.1.129).
Doit-il en être autrement si, à l’indication de la qualité et
de l’espèce, on a joint celle du lieu où la marchandise est
reposée, par exemple dans la vente de 200 hectolitres blé ou
500 kilogrammes sucre de tel magasin ?
La doctrine ancienne n’avait pas hésité. Acceptant la déci
sion du jurisconsulte romain, elle disait avec lui : Si ex
doleario pars vini *venierit, veluti metretæ cèntum verissimum antequam admetiatur, omne periculum ad venditorem
pertinere (4).
Ainsi, disait Pothier, si l’on a vendu dix muids de blé de
celui qui est dans un tel grenier, dix milliers pesant -de
sucre, un cent de carpes, la vente n’est point parfaite que le
blé n’ait été mesuré, le sucre pesé, les carpes comptées ; car
jusqu’à ce temps, nondnm apparel quod venierit (*).
Voct, qui considère comme faite en bloc la vente de la tota
lité du vin d’un tel cellier, alors même que le prix en a été
stipulé à tant la mesure, ajoute: Secus si pars quædam vint
dolearis solummodo vendita esset, quia tune ante admensionem sciri nequit quæ pars vendita intelligatur (3).
PESAGE, COMPTAGE, MESURAGE
(') L. 35, § 7, D ig., de C o n t. em p t. V . I. 5, D ig., de P eric. el com re i v en d .
p ) N» 309.
(3) Loc. cil.
�ACHATS ET VENTES
132
C’est cependant en sens contraire que la Cour de cassation
s’est prononcée par arrêt du 11 novembre 1812.
Dans cette espèce un sieur Larue, débiteur du sieur Peyramont, lui vend 30 toises de bois à brûler, à prendre dans
ceux appartenant au vendeur, et notamment sur tous les bois
par lui achetés du sieur Cabanon et qui se trouvaient lors
de la vente dans le chantier du port de Sauviat. Le prix est
payé tant en compensation qu’en argent ; Larue prend qua
tre mois pour livrer les bois dont, au reste, il déclare n’être
plus que le gardien et le dépositaire.
Avant le mesurage, Larue, qui avait vendu et livré à des
tiers les bois dont il devait livrer 30 toises à Peyramont,
et qui, dans le flottage, avaient été confondus avec d’autres,
est déclaré en faillite. Peyramont revendique les bois par lui
achetés, tant contre les syndics que contre les tiers acheteurs.
Un jugement du tribunal de commerce de Limoges accueille
cette prétention, et ordonne que les 30 toises de bois seront
délivrées à Peyramont d’abord sur ceux qui étaient dans le
chantier indiqué par l’acte de vente, et subsidiairement sur
tous les bois qui pouvaient appartenir au failli.
Sur l’appel des syndics, la Cour de Limoges confirme le
jugement le l or septembre 1810. L’arrêt pose en fait que
Peyramont était devenu propriétaire incommutable des 30 toi
ses de bois, et que si ces bois étaient demeurés encore quel
que temps entre les mains de Larue, ce n’était que comme
conducteur et dépositaire ; que dès lors il avait le droit de
prendre les 30 toises de bois non seulement dans ceux qui
existaient dans le chantier indiqué par l’acte, mais encore
dans tous ceux qui pouvaient appartenir à Larue, à défaut
des premiers.
Cette conséquence ne paraît ni logique ni surtout juridi
que. En admettant que la propriété de la chose vendue eût
été transférée irrévocablement, parce qu’on l’aurait en quel
que sorte individualisée par la désignation du lieu où elle
se trouvait au moment du contrat, il est évident que cette
propriété n’était acquise que sur la chose reposant dans Je
lieu désigné, qu’elle ne pouvait s’étendre à des objets qui ne s’y
trouvaient pas, qui n’avaient peut-être jamais dû s’y trouver.
�PESAGE, COMPTAGE, MESURAGE
133
La Cour de Limoges s’écarte donc en ce point des princi
pes universellement admis. Elle ne les méconnaît pas moins
en consacrant la revendication en nature.
M. Pardessus vient de nous le dire, dans la vente au poids
ou à la mesure, l’acheteur n’a pas le droit d’obtenir l’auto
risation d’enlever des magasins du vendeur une portion de
marchandises de l’espèce que désignerait la convention, il n’a
que celui de demander la délivrance, et à défaut des dom
mages-intérêts. N’est-ce pas d’ailleurs ce qui est textuelle
ment écrit dans l’article 1585 du Gode civil ?
Cette limitation du droit de l’acheteur est remarquable,
surtout lorsqu’on rapproche l’article 1585 de l’article 1610.
Dans l’hypothèse de celui-ci, la propriété ayant été transfé
rée, l’acheteur a le droit d’exiger non seulement la délivrance,
mais encore sa mise en possession. En ne permettant pas ce
dernier droit, l’article 1585 n’a-t-il pas reconnu lui-même
que dans les conditions qu’il trace la propriété n’a pas été
transférée ?
C’est là, à notre avis,la réponse péremptoire à l'interpréta
tion que la Cour de Limoges fait de l’article 1585. L’arrêt
considère que la vente était parfaite, et que la circonstance
du défaut de mesurage du bois no pouvait pas empêcher la
translation de la propriété; qu’il en résultait seulement que,
jusqu’au mesurage, les risques étaient à la charge du ven
deur, mais que la vente n’en était pas moins définitive, et
que tout ce qui est arrivé depuis à Larue ne peut nuire à cette
propriété. C’est cequela Cour de Cassation admet également
en rejetant le pourvoi dont, l’arrêt de Limoges avait été
l’objet {Rec. gén. Dev. et Carr., t. 4, 1" partie, p. 221).
Merlin reproduisant cet arrêt sans observation semble en
approuver la doctrine. M. Duranton l’adopte explicitement
et en fait la base de son opinion.
125. Mais M. Troplong la repousse, et avec pleine raison
selon nous. La Cour de Cassation, en déclarant que l’arti
cle 1585, loin de déroger à l’article 1583, en confirme le
principe, en décidant que, même dans lé cas qu’il prévoit, la
vente est parfaite à tous autres égards que les risques, donne
�ACHATS ET VENTES
134
au premier un sens que ses auteurs ont bien positivement
entendu lui refuser.
Nous avons déjà vu que, dans la discussion au Conseil
d’Etat, dans les observations du Tribunat, le principe que
dans la vente au poids ou à la mesure la perfection du con
trat, quant à la propriété, était subordonnée au pesage ou
mesurage, était universellement admis,et que si la vente n’a
pas été déclarée imparfaite jusque-là, c’est qu’on a craint que
ces expressions ne parussent repousser l’idée d’un lien obli
gatoire quelconque pour les parties.
Aussi voyons-nous M. Grenier,dans son rapport au Corps
législatif, reconnaître que, dans le cas de l’article 1585, la
vente existe, mais qu’on ne peut pas la considérer comme
accomplie avant le secours de quelques autres circonstances.
La conclusion de M. Grenier est que si la chose périt avant,
•c’est pour le vendeur quin’estpas encore dessaisi de lapropriété.
« L’article 1583, continue M. Grenier,consacre le principe
général, le consentement seul donne l’essence à la vente et
emporte transmission de la propriété, une exception à ce
principe est consignée dans l’article 1585.
« Donc, dans le cas de ce dernier, il n’y aurait de vente
accomplie et consommée qu’après la pesée, le compte ou le
mesurage de ce qui a été vendu ; jusque-là la perte ou les
accidents seraient à la charge du vendeur.
« Par la même raison si, avant l’une ou l’autre de ces opé
rations, le vendeur les revendait et les délivrait à un tiers,
celui-ci en aurait la propriété exclusivement au premier
acheteur, en faveur duquel il n’y a pas eu transmission de
propriété. »
En présence de cette interprétation déjà loi par le légis
lateur lui-même, on ne peut se faire un doute sur la nature
et le caractère de sa disposition. Si les risques sont à la
charge du vendeur, c’est qu’il est resté seul propriétaire, ce
n’est pas une exception à la règle res périt domino que l’ar
ticle 1585 édicte, c’est son application qu’il consacre
Il est vrai qu’il autorise l’acheteur à exiger la délivrance,
mais il lui refuse la faculté de se faire mettre en possession,
ce qui egt l’attribut incontestable de la propriété. Celle-ci
�135
n'existe doncpaset ne peut s’induire du droit de demander la
délivrance. Ce droit n’est que la conséquence du caractère
que le législateur assignait à l’opération, qui, disait Portalis,
constitue au moins une obligation précise de vendre (*), La
demande en délivrance n’est que la conséquence de cette
obligation, qu’une mise en demeure de lui donner l’exécution
que sa légalité exige et commande.
Nous pensons donc avec M.Troplong que la vente au poids,
au nombre ou à la mesure, est parfaite en ce sens que le
vendeur est obligé de livrer, et l’acheteur de recevoir la
chose convenue en espèce et quantité.Mais jusqu’au pesage,
comptage ou mesurage, la propriété est d’autant moins trans
férée, que la chose ne sera réellement déterminée que par
leur accomplissement, c’est-à-dire que l’effet du contrat se
trouve naturellement suspendu jusqu’à la réalisation de la
condition qui doit en faire le complément (2).
M. Duvergier refuse à la stipulation du pesage, comptage
ou mesurage, le caractère de condition, puisque l’opération
n’est pas un événement futur et incertain, et que ce n’est pas
même un fait indépendant de la volonté du vendeur et à l’exé
cution duquel il ne puisse être contraint, puisqu’au contraire
le texte de l’article 1585donne à l’acheteur ledroitde deman
der la délivrance, c’est-à-dire le droit de faire opérer le pesage
ou le mesurage ; et que si les lois romaines et les auteurs
ont employéen cette occurrence le mot condition, le Code civil
ne s’en est pas servi (il ne s’en sert que pour les ventes à
l’essai, article 1588). En conséquence M. Duvergier admet
que lorsque, comme dans l’espèce de l’arrêt de la Cour de
Cassation, les marchandises ont été désignées non seulement
par leur espèce et leur quotité, mais encore par le lieu où
elles sont reposées, la propriété est transférée (3).
Donc M. Duvergier admet qu’à défaut d’indication du lieu
qui les renferme, la propriété des marchandises vendues au
poids ou à la mesure n’est transférée que par le pesage o,u
le mesurage.Cette concession est la condamnation de sa docPESAGE, COM PTAGE, MESURAGE
(*) Exposé clés m otifs de l'article 1585.
(S;N 0’ 86 et suiv. •
(3) C o n tin u â t, de T o n llie r , t. 16, n“s 81 et suiv.
�ACHATS ET VENTES
trine. L’indication du lieu fera bien que le vendeur ne pourra
offrir, et l’acheteur exiger des marchandises autres que cel
les qui y sont reposées, mais bien certainement elle ne fera
pas cesser l'incertitude sur la part qui sera livrée, et celle
qui restera au vendeur. Dans ce cas, comme dans l’autre, il
sera vrai de dire comme Voct : Scire acquit quæ pars venilita intelligalur ; et si cette incertitude est dans une hypo
thèse un obstacle au transfert de la propriété,on ne saurait
sans inconséquence lui refuser cet effet dans toutes celles où
son existence est évidente et certaine.
Peut-on d’ailleurs'raisonnablemenfprétendre qu’au moment
du marché le pesage ou mesurage n’est pas un fait futur et
incertain ? Peut-on dire avec M. Duvergier qu’il ne dépend
même pas entièrement du vendeur? Oui, l’acheteur a le droit
de le réclamer, mais non celui d’y contraindre matériel
lement le vendeur s’il persiste dans son refus, la loi le rédui
sant dans ce cas à demander et à obtenir des dommagesintérêts.
C’est là l’explication du silence gardé par le Code sur la
conditionnalité de la vente au poids ou à la mesure. L’idée
d’une condition emporte celle de la résolution pure et sim
ple, sans indemnité pour personne. Ainsi, dans l’hypothèse
de l’article 1588, le résultat de l’essai fixera le sort de la
vente, sans dommages-intérêts de part ni d’autre.
C’est ce que la loi n’a pas voulu, ne pouvait pas vouloir
dans l’hypothèse d’une vente au poids ou à la mesure. Le
lien légal résulte du contrat lui-même et l’opération prévue
n'en est que l’exécution. Le vendeur pourra bien s’y refuser,
mais, comme dans toutes les obligations de faire, à condi
tion d’indemniser le vendeur du préjudice qu’il éprouvera
de l’inexécution. Comme le disait Portalis, le vendeur a con
tracté l’obligation précise de vendre, et l’on ne pouvait l’au
toriser à s’en dispenser impunément.
Les objections de M. Duvergier ne sont ni en fait ni en
droit la réfutation de la doctrine de M. Troplong, et ne sau
raient en affaiblir l’autorité.
Pouvait-on, dans l’espèce de l’arrêt de la Cour de Cassa
tion, décider comme on l’a fait, parce que la convention
�137
avait transféré la propriété à l’acheteur et déclaré que le ven
deur n’était plus que le dépositaire de la chose vendue ?
Sur ce point, nous différons avec M. Troplong lui-même,
qui paraît l’admettre. Une clause de ce genre pouvait bien
lier les parties, mais elle n’était, opposable ni au tiers ache
teur, ni à la masse des créanciers du vendeur.
Le premier, en effet, achetant une marchandise en mains
de son vendeur, n’avait pas à s’enquérir et à se préoccuper
de la nature de sa possession. La délivrance qui lui en était
faite, fût-elle la violation d’un dépôt, n’en était pas moins
irrévocable, puisque la revendication du propriétaire n’est
autorisée qu’en cas de perte ou de vol.
Quant à la masse, elle est, par la déclaration de la faillite,
investie de tout l’actif du failli qui se trouve en sa possession.
Elle ne devrait restituer les dépôts que si leur existence était
constatée conformément à l’article 91 du Code de commerce.
On pouvait d’autant moins lui opposer l’acte de vente, qu’à
défaut de mesurage la chose vendue n’était pas même déter
minée et précisée.
Comment, d’ailleurs, l’acheteur eût-il été recevable à exi
ger d’elle sa mise en possession, lorsqu’il n’aurait pu l’ob
tenir de son vendeur lui-même. Représentant de celui-ci, la
masse, qui avait succédé à ses droits, était sans doute tenue
de ses obligations. Or, celle du vendeur étant dans notre
hypothèse de délivrer la chose ou de supporter les domma
ges-intérêts, ses créanciers, ses ayants droit se trouvaient
exclusivement soumis à cette seule alternative. La jurispru
dence a adopté cette opinion (Cass., 1" juillet 187 4, D. 76.1.
473 et 7 janvier 1880,D. 80.1.129. — Sic. B. L. Sn°*. 150-151.
— Contra L. R. n° 131 et 1L p. 138.)
125 bis. Aucun doute ne saurait donc exister. Dans la
vente au poids, au compte ou à la mesure, la chose vendue
ne devient la propriété de l’acheteur que par le mesurage,
pesage ou comptage.
La raison qui l’exigeait ainsi c’est que tant que cette opé
ration ne s’est pas réalisée, la chose vendue est incertaine,
rien n’étant venu l’individualiser et la distinguer de ce qui
reste au vendeur.
PESAGE, COMPTAGE, MESUHAGK
�ACHATS ET VESTES
138
Dès lors, si cette incertitude a cessé d’exister, si 1 identité
de la chose vendue est évidente et acquise, où donc serait la
raison d’être de l’application de la disposition de l’article 1585
du Code civil.
Les juges ont donc à se demander si cette identité existe
ou non, et leur appréciation à ce sujet est souveraine. Cette
appréciation a ses éléments naturels dans la nature de la
vente, dans le caractère des accords des parties, dans leurs
déclarations et les circonstances dans lesquelles-elles ont
traité.
Le pesage, comptage ou mesurage,est facile et rien ne lui
fait obstacle lorsque acheteur et vendeur résident sur le lieu
même où se trouve la chose vendue.
Mais ce n’est pas ce qui se réalisera le plus souvent. En
commerce, les ventes se traitent assez habituellement par
correspondance. On a donc dû se demander à quel moment
le pesage, comptage ou mesurage, sera considéré comme
ayant été opéré etla propriété passée sur la tête de l’acheteur ?
Respondeo, disait Casaregis, ab Mo instanti quo mercator,
cui datus fuit ordo merces transmittendi, sarcinas mercium
compostât, ac nautæ, vel nlulioni, aul alii portitori eas tradidil pro eis committenti consignandis, statim incommittentem illarum dominium transmisse.
Cette solution, Casaregis l’induit de ce que : Mercator transrnittens merces ex ordine sui corresponsalis duplicem induit
persortant, imam nempe venditoris, alteram procuratoris sia
corresponsalis emptoris, cujus vice et nomine a se ipso recipit mercium traditionem, mensurationem, ac ponderaüonem
vel numerationem convento prelio, quod in libris ac epistolis
reciproce intervenientibus adnonatun, ex quo sequitur, quod
data deinde decoctione mercatoris committentis prædictæ
merces transmissæ considerantur in illius vel de illiuspatrimonio, licet adhiic ipsæ existèrent in navi, vel penes mulionem autportitorempaut in dohana in quo depositæfuissent (*).
Ce qui était vrai du temps de Casaregis n’a pas cessé de
l’être aujourd’hui.Le vendeur sur correspondance réunit à sa
O D isc., 38, n°a 51, 52, 53.
�139
qualité de vendeur celle de mandataire de l’acheteur, soit
quant au pesage, comptage ou mesurage des choses vendues,
soit quant au choix du voiturier chargé de les transporter,
si d’ailleurs cet acheteur ne l’a pas désigné lui-même, et comme
la remise à ce voiturier spécialise et individualise la chose
vendue, cette chose devient la propriété exclusive de l’ache
teur et reste désormais à ses risques.
La jurisprudence paraît avoir adopté l’opinion de Casaregis. Les deux arrêts de la Cour de Cassation du 24 décembre
1875 et de la Cour de Besançon du 25 mai 1904 (infrà 125 ter)
sont formels dans ce sens.
La thèse adverse aboutirait d’ailleurs au plus singulier ré
sultat.
Le vendeur restant propriétaire et par conséquent ayant
jusqu’au pesage la charge des risques doit avoir hâte d’arri
ver au moment où, la propriété étant transférée, il n’aura plus
aucune responsabilité.
Comprendrait-on qu’ij subît sans y être forcé un retard considérabfe ; qu’il consentit à se dessaisir de sa chose sans au
cune garantie, sans même savoir si à l’arrivée, hors de sa pré
sence, l’acheteur fera procéder à un pesage loyal 1
N’est-il pas plus naturel de penser que s’il n’a pas voulu
exiger que l’acheteur vînt chez lui avant le départ de la mar
chandise pour réaliser le pesage contradictoire, ce n’a été
qu’à la condition que cet acheteur acceptât d’être représenté
par le voiturier, et qu’il se déclarât par avance lié à la suite
d’opérations qu’il dépendait de lui de venir ou faire contrôler?
Rien ne pourrait justifier une supposition contraire, à moins
bien entendu, car en ces matières il faut toujours en revenir
là, que la convention des parties ne fût très claire dans le
sens opposé.
Un autre arrêt de la Cour de cassation, du l ”r juillet 1874
nous offre un exemple de dérogation à la règle de l’arti
cle 1585 du Code civil, fondée sur le caractère de la conven
tion et sur l’exécution que cette convention avait reçue.
Il s’agissait là de la vente d’une quantité déterminée de
peaux en poil, traitée entre parties résidant sur des places
différentes, sous cette condition que les peaux seraient direcPESAGE, COMPTAGE, MESC1UGE
�140
ACHATS ET VENTES
tement remises en magasin par le vendeur pour le compte
de l’acheteur.
3.128 douzaines avaient été effectivement remises lorsque
le vendeur fait faillite. A qui devaient-elles appartenir de
l’acheteur ou de la masse ?
L’arrêt qui les attribuait au premier était déféré à la Cour
de Cassation comme violant l'article 1585 du Code civil. Mais
le pourvoi était rejeté par la Cour,et voici par quels motifs:
« Attendu que si, aux termes de l’article 1585 du Code
civil, la vente de la marchandise faite au poids, au compte
ou à la mesure, quelle que soit d'ailleurs l’intention des par
ties exprimée, à cet égard, n’a pas pour effet de transférer à
l’acheteur la propriété delà marchandise vendue tant qu’elle
n’a pas été pesée, comptée ou mesurée, il appartient au juge
de fait de décider souverainement, d’après les aveux, la cor
respondance des parties et les circonstances de la cause, si
réellement il a été procédé au pesage, comptage ou mesu
rage de la marchandise vendue, de telle sorte que, par cette
opération, la marchandise ait été individualisée en un corps
certain et déterminé dont l'acheteur a pu devenir proprié
taire ;
« Attendu que l’arrêt attaqué constate, en fait, que les mar
chés intervenus le 30 juin 1809 et 4 mai 1870, ont eu pour
objet la vente d’une certaine quantité de douzaines de peaux
en poils, de différentes espèces,pour un prix déterminé pour
chaque douzaine ; 2° un contrat de louage d’ouvrage pour le
mégissage de ces peaux à faire pour le compte de l’acheteur
moyennant un prix distinct du prix de vente ;
« Qu’il résulte de la correspondance des parties et des
énonciations des factures, que l’acheteurs'en^apportait à Gar
nier vendeur pour tout ce qui concernait le choix des peaux
vendues, leur numération et leur remise aux mégissiers ;
« Qu’antérieurement à la période de la faillite, Garnier
avait remis en mégie pour le compte de Chevillard acheteur
3.128 douzaines desdites peaux; que par le fait de cette mise
en mégie les peaux avaient été séparées des autres marchan
dises restant en magasin, et que la vente qui en avait été
faite à Chevillard, à l’état de peaux en poils, a reçu son
�l’USAGlî, COMI'TAGK, MKSUBAGH
'141
complément par la numération, la sélection et la mise en
mégie desdites peaux pour le compte de Chevillard ;
« Attendu qu’en décidant, dans ces circonstances, que ces
3.128 douzaines de peaux parfaitement distinctes de celles
restant dans les magasins de Garnier et nettement spéciali
sées pour le compte de Chevillard, ont pu, à bon droit, être
revendiquées par celui-ci, l’arrêt attaqué, loin de violer les
articles de loi invoqués, en a fait une juste application aux
faits par lui souverainement constatés. » (J. P. 1877, 278.)
Ce qui se dégage de cette jurisprudence, c’est que, comme
nous le disions, la règle tracée par l’article 1585 du Code
civil a pour fondement unique l’incertitude qui, dans les
ventes au poids ou à la mesure, existe sur la chose vendue,
tant qu’il n’a pas été procédé au comptage, pesage ou me
surage. Or cessante, causa cessai effectus. Dès que cette incer
titude n’existe plus, dès que d’une manière quelconque la
chose vendue a été précisée, qu’elle ne saurait désormais
être confondue avec celles restant au vendeur, on ne sau
rait recourir à l’article 1585. Le principe ordinaire reprend
son empire. Le concours des volontés sur la chose et sur le
prix rond la vente parfaite, et fait passer la propriété de la
chose vendue sur la tête de l’acheteur.
Comme toutes les questions de fait, celle de savoir si l’objet
vendu a été ou non spécialisé et individualisé, est appréciée
et décidée souverainement par les deux degrés dejjuridiction. Les juges ont pour éléments naturels de cette apprécia
tion les aveux, la correspondance des parties, le caractère
et la nature de la vente, les circonstances de la cause.
125 ter. Cette précision résultera-t-elle du pesage non con
tradictoire auquel aurait procédé le vendeur au lieu d’expé
dition et de la remise par lui au voiturier de la chose ainsi
pesée? Un arrêt de la Chambre criminelle ayant à fixer le lieu
où avait été commis un délit de falsification et rendu confor
mément aux conclusions très énergiques et très documentées
de l’avocat général Desjardins(24 décembre 1875.1).76.1.91)
a adopté l’affirmative en ces termes: « Attendu que lorsqu’il
(!) Su prù, n" 115 in fine.
�142
s’agit de marchandises vendues au poids, la commande adres
sée par écrit à un marchand en gros par un marchand de
détail ne résidant pas dans la même ville implique nécessai
rement de la part de celui-ci un mandat conféré au vendeur
de procéder par lui même ou selon le cas par le voiturier
dont le choix lui est laissé à l’opération du pesage destiné à
individualiser la marchandise; que dès lors aussitôt que cette
marchandise ainsi pesée est sortie des mains du vendeur et
a été remise entre les mains du voiturier, la vente est deve
nue parfaite dans le sens de l’article 1585. »Ricn de plus net
que ces motifs. Malheureusement la Chambre civile a ulté
rieurement affaibli la portée doctrinale de cet arrêt en rédui
sant là encore la question à une question de fait abandonnée
complètement à l’appréciation des tribunaux (l0rjuillet 1889.
D. 91.1.302). Il nous paraît pourtant résulter des termes de
cette décision que dans le doute il faudra s’en référer au prin
cipe énoncé dans l’arrêt du 24 décembre 1875 (Cf. Besançon,
25 mai 1904, G. P. 1904.1.735, suprà n° 125 bis).
125 quater. D’après la loi du 20 juin 1866, tout article sè
vendant au poids et non mentionné au tableau 9 annexé est
vendu au poids net (art. 2).D’autre part, certaines marchan
dises inscrites au tableau comportent une tare fixe (par exem
ple l’arsenic blanc est vendu en barils de 200 à 205 kilos, et
supporte une tare de 11 kilos) à laquelle l’acheteur a tou
jours le droit de renoncer pour réclamer le poids net (art. 3).
L’emballage de la marchandise vendue au poids brut doit
être conforme aux habitudes du commerce (art. 4) ; il reste
à l’acheteur, sauf les exceptions portées au tableau, et
enfin, lorsqu’il y a deux emballages, l’emballage antérieur
en tant qu’i l est considéré par l’usage comme marchan
dise et qu’il est conforme aux habitudes du commerce est
compris dans le poids net (art. 6). Toutes ces dispositions ne
sont d’ailleurs applicables que sauf conventions contraires
(art. 1).
Pour certaines marchandises, l’usage a fixé également le
mode et les instruments devant servir à la mensuration. Le
tribunal de Marseille a jugé avec raison le 28 décembre 1893
(R. D. M. IX, 551) qu’en matière commerciale l’usage a force
a c h a t s
et
v e n te s
�143
(le loi tant qu’une pratique contraire ne l’a pas modifié et qu’il
n’appartient pas au juge de le réformer : en conséquence si
des avoines ont été vendues à l’hectolitre, le mesurage doit
se faire d’après le mode usité au lieu de la livraison (en
l’espèce le chevalet) sans qu’il y ait lieu de rechercher la plus
ou moins grande supériorité d’un procédé (en l’espèce la tré
mie conique) réclamé par le vendeur comme plus exact pour
la détermination du poids spécifique.
1 2 6 . Le pesage, comptage ou mesurage, doit être accompli
à l’époque fixée par la convention. Mais les parties peuvent
avoir omis de s’expliquer à ce sujet ; quel sera l’effet de ce
silence ?
Le vendeur ne saurait évidemment prétendre ni que l’opé
ration peut être indéfiniment ajournée, ni que son opportu
nité a été entièrement laissée, à ses convenances. L’acheteur
objecterait, avec beaucoup plus de raison, que si aucune épo
que n’a été désignée, c’est qu’elle devait se réaliser immédia
tement.
Il serait donc recevable et fondé à l’exiger, sinon immé
diatement, au moins après un délai que la position du ven
deur commanderait, comme s’il avait vendu ce qui n’était
pas encore en sa possession.
En tous cas, le tribunal suppléerait au silence du contrat,
fixerait l’époque à laquelle l’opération devrait être réalisée,
à peine de résiliation avec dommages-intérêts.
127. Le vendeur ne peut de son côté être livré à la volonté
ou au caprice de l’acheteur. Il peut avoir un égal intérêt
à la consommation de la vente, et cet intérêt lui donne une
action pour contraindre l’acheteur.
Mais, avant de s’adresser aux tribunaux, il doit mettre
i’aclietéur en demeure et lui indiquer le moment et le lieu
du mesurage, avec sommation de venir y procéder. Quel serait,
par rapport aux risques, l’effet de cette mise en demeure ?
Dans la vente pure et simple, la mise en demeure pourrait
avoir placé la chose aux risques de l’acheteur. L’article 1138
du Code civil autorise cette conséquence.
Il ne saurait en être ainsi dans la vente au poids ou à la
mesure. Nous venons devoir que, pour ce qui concerne les
PESAGE, COMPTAGE, MESEUAGE
�ACHATS ET VENTES
144
risques, la vente n’est parfaite que par l’opération qui, indi
vidualisant la chose, en met les risques à la charge de l’ache
teur. Or, la sommation de venir peser ou mesurer n’est encore
ni le pesage ni le mesurage,en conséquence les risques res
tent naturellement pour le vendeur.
Mais, en refusant d’obéir à la sommation, l’acheteur a man
qué à l’engagement qu’il avait contracté, et cette violation de
la foi promise ne saurait rester impunie pas plus pour lui que
pour le vendeur légalement obligés l’un et l’autre, la peine
de l'inexécution est également encourue contre l’auteur de
cette violation.
Nous croyons donc qu’après comme avant la mise en de
meure le vendeur ne pourrait prétendre que la chose a péri
pour le compte de l’acheteur. Mais il lui dirait avec raison:
Si, obéissant à la sommation, vous aviez pris livraison et
enlevé les marchandises, elles n’eussent point péri. Votre
refus ou votre retard a donc seul déterminé le préjudice
dont je suis menacé;et comme il était illicite, vous devez en
subir les conséquences et m’indemniser comme j’aurais été
tenu de le faire si je m’étais permis l’un ou l’autre.
1 2 8 . M. Duranton, qui enseigne que le vendeur a dans ce
cas droit à une indemnité, estime qu’il doit recevoir, à ce
titre, le prix intégral de la chose périe depuis la mise en
demeure. Nous croyons avec M.Troplongque cette doctrine
est trop absolue ; qu’elle ne tient pas assez compte de l’in
dépendance souveraine et absolue des tribunaux en matière
- d’appréciation de la réparation du préjudice.
Sans doute les juges pourront allouer au vendeur le prix
intégral de la marchandise périe. Mais dès qu’il s’agit de
dommages-intérêts, on ne saurait leur interdire d’avoir égard
aux circonstances, à la nature et au caractère du refus ou du
retard, aux causes qui l’ont déterminé, en un mot de res
treindre la réparation dans les limites que leurs lumières et
leur conscience leur feront reconnaître équitables et légi
times.
129. Une autre conséquence de la nature du droit du ven
deur est i’obligation de prouver le préjudice dont il demande
la réparation, et son imputabilité à l’acheteur. Cette obliga-
�145
lion serait remplie si, n’ayant jamais eu qu’un seul magasin
qui, renfermant toutes ses marchandises, comprenait néces
sairement celles que l’acheteur a refusé ou retardé d’accep
ter, ce magasin et tout ce qu’il renfermait avaient péri après
le délai imparti par la mise en demeure.
Si le vendeur a plusieurs magasins renfermant des mar
chandises de l’espèce de celles que le ^contrat comprend, la
perte ou l’incendie survenue de l’un de ces magasins ne
pourrait lui donner le droit d’être indemnisé par l’acheteur
sous prétexte qu’il entendait lui livrer les marchandises que
ce magasin renfermait. Cette allégation ne serait dans le
cas d’être accueillie que si, dans la mise en demeure, ce ma
gasin avait été expressément indiqué comme le lieu du pesage
ou mesurage, et par conséquent de la livraison.
130. A plus forte raison devrait-on refuser toute indem
nité si, malgré la mise en demeure, le vendeur ne justifiait
pas avoir été en position de livrer réellement ce qu’il offrait
de livrer.
L’acheteur pourrait prétendre (*) que le contrat n’a jamais
été sérieux ; que, sous l’apparence d’une vente, il cachait une
opération de jeu sur la hausse et la baisse ; que la somma
tion n’a été qu’une manœuvre pour déguiser le caractère de
la transaction, et faire croire à sa sincérité. Ces allégations,
le vendeur ne pourrait les détruire qu’en justifiant qu’au
moment de cette sommation il avait en sa possession de quoi
satisfaire aux engagements qu’il avait contractés.
131. En résumé,la vente au compte, au poids, àla mesure
est parfaite, en ce sens que le concours des volontés sur la
chose et sur le prix crée entre les parties un lien légal et
obligatoire. L’un s'est obligé à livrer la quantité convenue,
l’autre à la recevoir.
Mais la chose vendue ne sera précisée et individualisée
que par le pesage, comptage ou mesurage. Jusque-là donc
la propriété est restée au vendeur, qui demeure seul chargé
des risques, alors même qu’il aurait légalement mis l’acliePESAGE, COMPTAGE, MESliRAGE
(') Il ne le pourrait plus depuis la loi du 28 mars 1885. M ais l’obligalion du
vendeur de prouver qu’il avait la chose à sa disposition existe toujours. [ In fra ,
n° 3 7 ‘).
A chats et ventes
10
�ACHATS ET VENTES
146
teur en demeure de recevoir, sauf l’indemnité qui pourrait
lui être due.
Le lien résultant du contrat n’a pas d’autre sanction que
l’obligation de répondre du préjudice que l’inexécution cau
serait à l’autre partie.
Les parties sont évidemment toujours libres de stipuler
suivent leurs convenances et de modifier môme tacitement
les règles ci-dessus. C’est ainsi que la Cour de Cassation a
jugé le 7 avril 1908 (R.D.M.XXIV, 5) que les tribunaux ont le
pouvoir d’apprécier si dans une vente de marchandises au
poids, au compte ou à la mesure, il a été dérogé à la règle
posée par l’article 1585 en ce qui concerne l’époque delà per
fection du contrat et la charge des risques. Ainsi l’arrêt qui
considère comme une dérogation à ce texte le fait de vendre
une marchandise déjà pesée moyennant un prixfixé d’avance
donne une interprétation souveraine de l’intention des par
ties et ne peut être attaqué. La vente est donc parfaite et les
risques à la charge de l’acheteur dès le moment du contrat
sans qu’il y ait lieu à un nouveau pesage à l’arrivée. Par suite
la perte en cours de transport est à la charge de l’acheteur.
132. La vente des vins, huiles (l) et autres choses qu’on est
dans l’usage de goûter avant de les acheter obéit à d'autres
règles, elle n’est parfaite que par la dégustation ayant fait
agréer la marchandise offerte (art. 1587, C. civ.).
11 résulte de cet article que la condition de dégustation
n’a pas besoin d’être stipulée, elle se déduit de la nature
de la chose faisant la matière de la vente ; dès qu’elle est
dans la catégorie de celles qu’on est dans l’usage de goûter,
(l) L'article 7 du décret du 11 m ars 1908 portant règlem ent d'administration
publique pour l ’exécution de la loi du 1er août 1905 sur la répression des frau
des dans les ventes prescrit (art. 7) que dans tous les établissem ents où s’exerce
le com m erce des graisses et des huiles com estibles, les produits m is en vente
ou les récipients et em ballages qui les contiennent doivent porter une inscription
indiquant en caractères apparents la dénom ination sous laquelle ces produits sontm is en vente et en outre soit le poids net, soit le poids brut et la tare d’u sage.
D ’après la circulaire du m inistre de l ’Agricdlture du 25 juin 1898 aux agents du
service de la répression, l'indication du poids peut être rem placée par celle duvolum e dans les régions où il est d’usage de vendre au volum e et non au poid s.
11 en est de m êm e pour l ’indication du degré alcoolique de l’absinthe ne pou
vant être inférieur à 65 degrés (Art. 17, loi des finances du 26 décem bre 1908).
�DÉGUSTATION
147
il y a certitude qu’on n’a pas dérogé à cet usage. Cette dé
rogation ne pourrait être admise que si elle résultait expres
sément ou tacitement du contrat.
L’article 1587 ne doit pas être entendu en ce sens qu’il
soit libre aux parties d’annuler le marché, celle-ci en s’abs
tenant d’offrir la marchandise, celle-là en refusant de la
goûter. Quoique imparfait comme vente, le contrat n’en ren
ferme pas moins une obligation réciproque et produisant
tous ses effets; le vendeur est engagé à offrir en espèce et
qualité la chose promise, l’acheteur à en faire la dégusta
tion et à l’agréer, s’il y a lieu. De là,la faculté de se contrain
dre respectivement à l’exécution de cet engagement.
1 3 3 . Personne n’a jamais contesté ni mis en doute l’obli
gation du vendeur et la faculté pour l’acheteur de le con
traindre à l’exécuter. La seule difficulté dont on se soit
préoccupé est celle qui pouvait surgir de la tentative de
l’exécution. Si la chose offerte n’a pas été agréée, l’acheteur
pourrait-il exiger qu’on lui en fournisse une autre de nature à
être agréée ?
La Cour de Metz s’est prononcée pour la négative, en ju
geant,le 20 août 1827, que la vente n’étant pas parfaite pour
l’acheteur,ne pouvait lier le vendeur; que le premier,décla
rant ne pas agréer la chose offerte, avait épuisé son droit;
qu’il ne pouvait dès lors en demander un autre.
134. Cette doctrine, à notre avis, n’est juridique que si la
vente était d’un corps certain et déterminé. Il est clair que
si je vous ai vendu les vingt pièces vins ou les dix barriques
d’huiles renfermés dans tel magasin, et qu’après dégusta
tion vous déclariez les refuser, tout est terminé entre nous, et
vous ne pourriez exiger que je vous en offrisse d’autres. Mon
intention était de vendre, la vôtre d’acheter les vins ou hui
les renfermés dans le magasin désigné et pas autre chose, vo
tre exigence ne pourrait donc trouver un fondement quel
conque dans le contrat.
Mais si la vente porte in genere sur vingt pièces vins ou
dix barriques huiles, votre obligation est de m’offrir une mar
chandise acceptable, et mon droit de l’exiger. S’il en était
autrement, le sort de la vente serait livré au caprice et à la
�ACHATS ET VENTES
148
volonté du vendeur. Supposez, en effet, que la hausse sur
venue lui crée un intérêt à l’annulation du marché, il ne
manquera pas de s’en assurer le bénéfice, en offrant une
marchandise non acceptable. Or, nous ne saurions admettre
que l’article 1587 ait entendu favoriser et consacrer une
pareille fraude.
Mais, dit la Cour de Metz, la vente n’étant pas parfaite
pour l’acheteur, ne saurait lier le vendeur. L’égalité qu’on
réclame entre l’un et l’autre n’est pas admissible, et de ce
que l’opération n’est pas encore une vente parfaite, il ne
s’ensuit pas qu’elle n’a pu créer un lien obligatoire pour
le vendeur.
« Alors même, dit M. Troplong, que c’est l’acheteur qui
doit faire seul la dégustation (cas dans lequel notre article
déclare qu’il n’y a pas vente tant que l’acheteur n’a pas lait
connaître son agrément), il ne faut pas en conclure et croire
que la vente soit tellement imparfaite, que le vendeur puisse
s’en dédire tant qu'il n’y a pas eu dégustation et agrément
de l’acquéreur. Ce n’est qu’à l’égard de ce dernier que la
vente n’engendre pas encore un lien de droit véritable.Mais
le vendeur s'est obligé à livrer la chose au cas’ qu’elle serait
agréée ; il doit donc tenir sa promesse. Il y a engagement
à son égard, il peut être contraint à le remplir (n° 102). »
Cette opinion est la condamnation de la doctrine de l’ar
rêt et la consécration de celle que nous avons cru devoir
adopter. Si le vendeur est réellement et véritablement obligé,
il doit sérieusement remplir son obligation ; s’il peut y être
contraint, il ne saurait refuser d’offrir une chose acceptable.
C’est à quoi il s’est formellement engagé.135.
M. Duvergier l’enseigne formellement, en discutant
à son tour l’arrêt de la Cour de Metz. Cet arrêt, dit-il, est
fondé sur ce que l’acheteur n’étant pas lié, le vendeur ne
pouvait l’être. Il me semble que cette décision présente des
erreurs accumulées. D’abord l’acheteur est véritablement
obligé, seulement il est obligé sous une condition suspen
sive ; en second lieu, l’obligation du vendeur n’est pas subor
donnée à celle de l’acheteur ; en troisième lieu, l’arrêt luimême reconnaît l'existence du lien de droit, puisqu’il sup-
�149
pose, implicitement du moins, que le vendeur était tenu de
faire la première livraison. Enfin, lorsque l’obligation porte
sur une chose qui n’est désignée que par son espèce, le débi
teur est tenu de donner une chose de qualité moyenne ; le
créancier peut le contraindre à exécuter son engagement, ce
qui emporte non seulement le droit de refuser une chose de
mauvaise qualité, mais encore le droit de se faire délivrer
une chose de qualité bonne et convenable (T. 10, n° 109).
L’arrêt de la Cour de Metz s’écarte donc des principes. Il
était d’autant plus mal obvenu dans l’espèce, que, des échan
tillons ayant été transmis, l’acheteur réclamait une marchan
dise conforme, en refusant celle qui ne l’était pas. Or, comme
nous le dirons bientôt, il était incontestablement obligé, puis
qu’il n’aurait été ni recevable, ni fondé à refuser, si la mar
chandise était celle de l’échantillon.
Par contre, la vente portant sur une chose parfaitement
déterminée, l’obligation du vendeur de livrer au type con
venu était incontestable, et le droit de l’acheteur non seule
ment de refuser tout ce qui s’en écartait, mais encore de se
faire livrer une chose conforme, ne pouvait être méconnu.
Dalloz (Rep. v. Vente, n° 249) arrive aux mêmes conclusions
que la Cour de Metz, mais parce que le vendeur n'ayant pas
pris l’obligation de fournir du vin de telle qualité, avait
répondu suffisamment à la demande en envoyant le vin non
agréé et redevenait libre en reprenant sa marchandise. On
ne pouvait lui opposer un engagement général s’appliquant
à des choses déterminées seulement par leur espèce et dont
l’exécution pût être encore réclamée après le premier refus.
La Cour de Bordeaux a aussi jugé que celui qui a acheté
des vins de tel cru à prendre dans la cave du vendeur sous
la condition de dégustation ne peut dans le cas où il refuse
après dégustation d’agréer les vins, réclamer du vendeur ni
des dommages-intérêts pour défaut de livraison des vins
convenus, ni une livraison d’autres vins d’une qualité supé
rieure ou cEun prix plus élevé. En ce cas la vente est sim
plement non avenue. (26 juin 1854. D. 1855. 5. 404 — sic
Guillouard, De la vente, t. 1, n° 41).
L’ouvrage de B. L. S.(n° 163) fait ici une distinction qui nous
DEGUSTATION
�ACHATS HT VENTES
150
paraît sans utilité: lorsque l’acheteur a le droit d’apprécier
suivant son goût personnelle vendeur est dégagé s’ilaoffert
une marchandise non agréée. Mais si l’acheteur a renoncé
au droit de dégustation, il a alors le droit d’exiger une mar
chandise loyale et marchande, conforme d’une façon générale
au contrat et dont la qualité, en cas de difficulté, est à appré
cier par des experts. Or si l’acheteur a renoncé à son droit
de dégustation, l’article 1587 n’est évidemment plus appli
cable et c’est par les règles générales, usuelles qu’il faut
apprécier si la marchandise offerte doit être acceptée. Cela
nous paraît aller de soi(I). L’article 1587 n’énonce en effet,
qu’une présomption de volonté et les parties peuvent y re
noncer soit expressément, soit tacitement (Cass., 29 mai 1905.
D. 1905.1. 426).
136. Le vendeur qui peut être contraint à livrer, peut-il
contraindre l’acheteur à procéder à la dégustation et à rece
voir la marchandise offerte ?
L’affirmative paraît incontestable. Mais une distinction est
à faire relativement à l’exercice de ce droit.
L’article 1587 exigeant cumulativement la dégustation et
l’agrément, laisse le vendeur sans intérêt à poursuivre la
première, lorsque l’acheteur est personnellement et exclusi
vement chargé d’agréer ou de refuser. Sa résistance fait assez
prévoir ce qu’il ferait après dégustation. Comme son refus
serait souverain et qu’il n’a pas même à en déduire les motifs,
l’action du vendeur ne pourrait aboutir à un résultat quel
conque en sa faveur, la prudence lui ferait donc un devoir
de s’en abstenir, malgré son droit à l’intenter.
Mais rien ne s'opposerait à ce qu’il le fît valoir, si la dégus
tation avait été déférée à un tiers. La déclaration de l’expert
amiablement convenu, ou désigné par la justice, que la mar
chandise est acceptable et doit être acceptée, rendrait la
vente parfaite et définitive, et imposerait à l’acheteur le
devoir de s’en livrer.
1 3 7 . La question de savoir si la dégustation a- été réser
vée à l’acheteur ou remise à un tiers est donc, pour le ven-
(') M ontpellier, 31 mai 1900 sous C iv., 6 mai 1903. D. 1906. 1. 470.
�151
deur surtout, clu plus grave, du plus haut intérêt. Aucune
difficulté ne saurait naître si les parties s’étant entendues à
ce sujet, la convention est explicite et formelle.
A défaut de stipulation, et en présence d’allégations con
traires, c’est au juge qu’il appartient d’interpréter le contrat
et de déterminer quelle a été l’intention des parties. On
comprend que, dans son exercice, ce pouvoir ne puisse être
astreint à des règles positives et uniformes. Il ne comporte,
en effet, d’autre élément essentiel que les inspirations de la
conscience du magistrat.
138. Cependant la nature et le caractère de la vente sont
dans le cas de peser d’un grand poids dans la balance de
la justice.
Qu’une personne achète pour son usage particulier, pour
sa consommation et celle de son ménage une certaine quan
tité de vin ou d’huile, on admettra facilement qu’elle a entendu
procéder elle-même à la dégustation; la marchandise, quel
que loyale et marchande, quelque bonne qu’elle soit d’ailleurs,
peut ne pas lui convenir; et comme elle ne l’achète que pour
son usage, il est naturel d’admettre qu’elle s’en est référée
à son propre goût, on ne pourrait donc la contraindre à s’en
remettre au goût d’autrui.
139. Dans les achats de cette nature, la règle générale est
donc que la dégustation appartient exclusivement à l’acheteur.
La vente resterait sans effets par son refus d’agréer la chose
offerte.
Mais cette règle comporte exception ; et cette exception
n’a pas besoin d’être expresse, elle peut résulter des circons
tances, de la nature du marché : il appartient aux tribunaux
d’apprécier, d’après les conventions des parties et les cir
constances de la cause s’il y a eu ou non dérogation à la
condition de dégustation (Cass. 20 nov. 1894. D. 94.1.568) (*).
L’acheteur qui, même pour sa consommation, traite sur
échantillon, répudie le droit de déguster exclusivement la
marchandise, et de la refuser arbitrairement. Ce droit d’ail
leurs a .été exercé sur l’échantillon qui a dû nécessairement
être goûté et agréé.
DÉGUSTATION
t 1)
Snprà, i r
115
in fine.
�152
ACHATS ET VENTES
Cette acceptation réduit l’obligation du vendeur àlivrerune
marchandise conforme à l’échantillon. Tout se résume dès
lors dans la question de conformité (infra, n° 174).
Or, il est évident que sa solution ne peut être livrée à la
volonté et au caprice de l’acheteur. Entre lui et le vendeur
il ne s’agit plus que d’un fait matériel, que l’un affirme et
l’autre nie. La raison et la justice exigent dès lors l’interven
tion d’un tiers impartial dont les connaissances spéciales sont
dans le cas d’arbitrer le différend d’une manière équitable.
L’exception résulte implicitement de la convention, lors
que Ja marchandise a été désignée non seulement par son
espèce, mais encore par sa qualité. Voici l’exemple qu’en
donne M. Troplong :
Le commis-voyageur d’une maison de Bordeaux vient me
proposer des vins de Médoc, et je le charge de m’en expé
dier 300 bouteilles première qualité. On doit encore décider
que mon goût individuel n’est pas la règle du marché, car
si le vin qui m’a été expédié est de première qualité, il n’est
pas en mon pouvoir de ne pas le trouver bon, et si je nie
qu’il soit de la première qualité, les experts seuls en décide
ront. Dès le moment que nous avons déterminé la qualité que
devait avoir le vin, je me suis enlevé tout recours cà mon
goût individuel,car cette qualité a quelque chose de positif:
elle ne dépend pas du caprice arbitraire du sens de l’ache
teur (‘).
M. Troplong enseigne qu’il doit en être de même dans
l’hypothèse d’un achat directement commis par l’acheteur
avec indication de la nature de la marchandise et du prix
qu’il entend en donner. J’écris à une maison de Bordeaux de
m’expédier 200 bouteilles de Saint-Emilion à 2 francs la bou
teille. Dès l’instant que j’ai demandé moi-même l’expédition
du vin, j’ai renoncé à soumettre l’expéditeur aux décisions
arbitraires de ma volonté ; j’ai entendu me lier envers lui ;
il a été facilement convenu que je prendrai la marchandise
si la qualité était marchande. En conséquence, si les dégus
tateurs la déclarent telle, s’ils l’estiment valoir le prix cou-
�153
venu, je ne pourrai la refuser sous prétexte que jenc la trouve
pas bonne (*).
140. Quelque nombreuses que puissent être les exceptions,
leur existence ne saurait affaiblir la règle. Or, dans l’achat
pour la consommation, la règle générale est que la dégusta
tion et l’agrémentde la marchandise appartiennent personnel
lement et exclusivement à l’acheteur. Le recours à des tiers
n’est possible et admissible que lorsqu’on peut en induire la
nécessité soit de l’intention des parties, soit du caractère et
de la nature du marché.
En est-il de même dans l’achat commercial ? L’affirma
tive, à notre avis, ne pourrait invoquer aucun des motifs qui
la justifient dans la précédente hypothèse.
Le commerçant, achetant pour revendre, ne cherche pas
à satisfaire son goût personnel. La seule chose qu’il a en vue
est une marchandise loyale et marchande, dont l’écoulement
réalisera le bénéfice qu’il se promet de son opération.
S’en remettre exclusivement à lui quant à l’appréciation de
la marchandise ce serait le rendre l’arbitre suprême du sort
de la vente, et lui permettre de s’en dégager, si une baisse
survenue dans l’intervalle rendait la nullité du marché avan
tageuse pour lui.
Les exigences du commerce, la loyauté de ses opérations,
les entraves que leur susciterait un pareil état de choses en
imposaient le rejet par un motif d’ordre public en quelque
sorte (a). C’est ce qu’avait compris notre judicieux Pothier.
141. 11 faut distinguer, enseignait-il,si l’acheteur a stipulé
qu’il goûterait la marchandise pour savoir si elle est à son
gré, ou seulement pour connaître si elle est bonne, loyale,
marchande et non gâtée. Ce n’est que dans le premier cas
qu’il peut ne pas tenir le marché en déclarant, après l’avoir
goûtée, qu'il ne la trouve pas à son gré. Dans l’autre cas, il
ne peut refuser la marchandise si elle se trouve bonne (3).
Or, en commerce, la faculté de déguster ne s’entend, ne
peut s’entendre que dans le sens de la seconde hypothèse, dès
DÉGUSTATION
U) N - 106.
(!) Voir in fr a n» 181, L es ventes en d isp o n ib le .
(3I N" 311.
�ACHATS ET VENTES
154
lors la difficulté qui s’élèverait sur la qualité et l’état de la
marchandise ne serait rationnellement et légalement tran
chée que par une expertise.
Il est vrai que l’article 1587 ne distingue pas ; qu’il remet
la dégustation et l’agrément à la personne de l’acheteur d’une
manière générale et absolue, mais on ne saurait perdre de vue
le caractère spécial de la législation civile. Se référant aux
actes de la vie ordinaire, elle ne dispose évidemment, dans
l’article 1587, que poùr l’achat de consommation et laisse par
conséquent celui de spéculation en dehors de la règle. .
Nous n’ignorons pas que Merlin est d’un avis contraire ; qu’il
pense que l’article 1587 reçoit application même en matière
commerciale. Mais cette opinion est repoussée par la décla
ration cent fois répétée dans la discussion législative, que le
Code civil n’entendait et ne devait jamais servir de règle aux
transactions et aux opérations commerciales. (Voir pourtant
suprà, n0’ 4 et 5).
L’avis de Merlinméconnaît donclaspécialité de l’article 1587
et l’intention formelle du législateur. L’accueillir serait jeter
la plus grande perturbation dans le commerce, et cela sans
motifs plausibles, sans nécessité réelle.
Qu’on nous permette de le répéter, la présomption que celui
qui achète pour son utilité ou son usage personnel, a entendu
non s’en rapporter à autrui mais ne consulter que son goût
propre et personnel, est naturelle et légitime. Mais le com
merçant achetant pour revendre s’est d’autant moins préoccupé
de son goût personnel, qu’il pourrait peut-être ne pas être
celui des acheteurs auxquels il transmettra la marchandise.
Ce qu’il recherche, ce qu’il lui faut avant tout, c’est une mar
chandise qui puisse convenir atout le monde, c’est-à-dire qui
soit bonne, loyale et marchande. L’existence de ce caractère
satisfait à tous les engagements du vendeur, le contrat a été
fidèlement exécuté. Dès lors en subordonnerle sort au caprice,
à l’intérêt de l’acheteur, ne serait ni juste, ni possible, on
devrait donc sanctionner la décision que Pothier assignait à
cette hypothèse.
142. M. Pardessus paraît l’admettre ainsi. Onnepeut, dit-il,
dans un achat de marchandises destinées à être revendues,
�155
suivre le principe de l’article 1587 dans toute sa rigueur. La
condition de dégustation, convenue ou établie par l’usage,
n’empêche pas qu’il existe un lien de droit entre les parties.
Ainsi le vendeur peut forcer l’acheteur à venir, soit immé
diatement, s’il n’y a pas de terme fixé, soit à l’époque conve
nue, faire la dégustation et prendre livraison, ou déduire les
motifs de son refus, motifs que les tribunaux apprécieraient,
parce qu’il ne doit pas y avoir, dans le commerce surtout,
de condition qui laisse à la discrétion de l’un ou de l’autre
des contractants l’exécution de la convention (').
On pourrait objecter que M. Pardessus ne parle du recours
aux tribunaux qu’à l’effet de contraindre à déguster. Mais où
serait l’utilité de ce recours si, la dégustation faite, l’ache
teur pouvait à son gré, et sans contrôle possible, refuser d’a
gréer la.marchandise. Donc, admettre ce recours, c’est recon
naître que la difficulté qui pourrait surgir sur la qualité ou
l’état de la marchandise donnera nécessairement lieu à une
expertise.
143. M. Troplong n’a pas hésité à adopter cette conséquence.
Dans les ventes commerciales, enseignc-t-il, il est clair que'
ce n’est pas le goût personnel et individuel de l’acheteur qu’il
s’agit de satisfaire, mais le goût commun, et que l’avis des
experts doit intervenir. Quelle en est la raison? C’est qu’il ne
s’agit pas ici d’une affaire de goût entre le vendeur et l’ache
teur; c’est que ce dernier ne saurait trouver les choses bon
nes ou mauvaises, selon son caprice ; c’est que leur qualité
marchande est un fait indépendant de tout ce qu’il pourrait
en dire, suivant son plus ou moins d’expérience dans l’ap
préciation de la chose ; c’est qu’il a été évidemment convenu
ou sous-entendu entre les parties que des experts seuls pour
raient fixer en dernier ressort la qualité (2).
144. Cette doctrine est évidemment justifiée par les besoins
de la pratique et la nécessité d’assurer, autant que possible,
l’exécution honnête et loyale des contrats. En cas de baisse,
en effet, les acheteurs peu scrupuleux trouveraient toujours
que la denrée offerte n’est pas de leur goût. Pourtant l’on peut
DÉGUSTATION
(<) N» 293.
(4) N° 99. Conf. Duvérgier,
n° 101.
�156
ACHATS ET VENTES
objecter que l’article 1587 dispose d’une façon générale et
absolue, et que la règle édictée doit être appliquée à toutes
les ventes sous peine de fausser la commune intention des par
ties. Ripert cite l’exemple du restaurateur en renom, ache
tant des marchandises à consommer par une clientèle riche
et exigeante, et qui doit par conséquent se montrer aussi dif
ficile pour les consommateurs qu’il le serait pour lui-même.
On pourrait aussi citer le cas d’un marchand d’huiles d’olive
ayant une clientèle de Méridionaux préférant les huiles d’olivé
ayant le goût du fruit très prononcé, etc., etc. Aussi vaut-il
peut-être mieux ne pas poser en thèse que l’article 1587 est
oui ou non applicable aux matières commerciales. Cette ques
tion de droit se résoudra toujours par une question de fait
laissée à l’appréciation des tribunaux. Mais on peut affirmer
pourtant que l’applicabilité constituera l'exception. Lors
qu’une marchandise offerte sera marchande et loyale, elle devra
le plus habituellement être reçue par l’acheteur. Il est d’ail
leurs de principe que la marchandise doit être vérifiée au
lieu où elle se trouve, et avant son expédition, pour que le
vendeur ne soit pas exposé, en cas de refus à son arrivée, à
supporter les frais de voyage d’aller et ceux de retour. Or,
cette vérification est nécessairement commise à des tiers, car
le négociant de Paris, Lyon ou Bordeaux qui achète des vins
ou de l’huile à Marseille ne viendra pas en personne procé
der à la dégustation. Jugé que en Gironde la clause suivant
laquelle un vin est vendu droit de goût et-marchand signifie
qu’en cas de désaccord sur la recevabilité du vin, il sera
procédé à sa vérification par des experts qui apprécieront
s’il est conforme aux conditions du marché et que même le
vendeur n’est pas garant des maladies cachées ne pouvant
être révélées que par l’analyse (Bordeaux, 23 mai 189 i.
D. 95.2.76).
On connaît l’importance du commerce du Languedoc en
vins, eaux-de-vie et esprits. Or, voici l’usage qui préside à ces
transactions, tel qu’il est attesté par la Cour de Montpellier,
dans un arrêt du 10 juillet 1829 :
« Attendu que les sieurs Gayrat ont procédé suivant les usa
ges généralement suivis parle commerce de Cette, par la voie
�157
intermediaire des commissionnaires de campagne qui don
nent les limites qui sont tracées par les commissionnaires
négociants, traitent avec les fabricants et les amènent, avec
les pièces esprit dont on traite, devant le magasin des négo
ciants chargés de la commission, pour être soumises à la
vérification de la qualité desdits esprits, faite par un ins
pecteur et un jaugeur jurés, qui les déclarent, s’il y a lieu,
bonnes marchandises, ou en signalent les vices ; et une fois
les pièces reconnues bonnes, le marché est définitivement
conclu, et l’acheteur ne peut se refuser à les recevoir. »
(D. Rép., v° Mandat, 124-125°. Gf. art. 100 G. connu.).
145. Cette pratique et ces usages expliquent le peu de
litiges sur la'question de savoir à qui, de l’acheteur ou des
experts, appartient la dégustation dans les ventes commer
ciales. Nos recherches dans nos recueils de jurisprudence ne
nous en ont offert que deux exemples qui se font remarquer
par la contrariété dans leur solution.
Le 21 janvier 1835, la Cour d’Angers déclare l’article 1587
inapplicable entre commerçants. Elle décide que la vente
qui a pour objet, non la consommation personnelle de l’ache
teur, mais pour revendre au goût des consommateurs, est
parfaite du jour du traité ; qu’il y a lieu seulement à nom
mer des experts pour constater l’état et la qualité des mar
chandises, et déterminer leur classement d’après le prix con
venu. Le pourvoi dont cet arrêt avait été frappé était rejeté
par la Cour de Cassation, le 29 mars 1836. (S. 1836.1.566).
La question ayant été soumise au tribunal de commerce
do Péronne, un jugement du 9 novembre 1838 se prononce
pour la nullité de la vente : Attendu que l’article 1587 dis
pose formellement qu’à l’égard des vins, il n’y a pas de vente,
tant que l’acheteur ne les a pas goûtés et agréés, que le mot
agréé signifie clairement que l’acheteur des vins peut les
refuser sans même déduire les motifs de son refus, parce que
alors il n’y a pas réellement vente.
Ce jugement fut dénoncé à la Cour de Cassation comme
appliquant faussement l’article 1587. Mais, par arrêt du 5 dé
cembre 1842, le pourvoi était rejeté, attendu que le juge
ment attaqué ne constate aucune convention, aucun usage
DEGUSTATION
�158
ACHATS ET VENTES
qui ait dérogé au texte littéral et formel de l’article 1587 (‘).
O15 dans son arrêt du 29 mars 1830, la Cour, régulatrice
fait résulter cette dérogation de la nature commerciale de
la vente, car c’est sur ce motif que la Cour d’Angers consa
crait l’inapplicabilité de l’article 1587. Et, dans l’espèce du
dernier, il s’agissait également d’une vente de commerçant
à commerçant.
Il y a donc contradiction flagrante sur le principe. Seule
ment l'arrêt de 1842 fait de son application une question
d’appréciation livrée à l’arbitrage souverain des tribunaux.
Il résulte, en effet, de ses termes, qu’elle pourra être refu
sée, s’il est exprimé que les parties y ont dérogé, ou si cette
dérogation résulte de l’usage.
1 4 6 . Le caractère delà vente sous dégustation tranche tou
tes les difficultés à l’égard des risques dans le temps intermé
diaire. Puisque ce n’est qu’après cette opération que la vente
acquerra son effet, il est évident que jusque-là le vendeur
a conservé la propriété de la chose, et que la perte en serait
à sa charge : jugé que dans les ventes de récoltes de vins,
l’agréage du vignoble suffît, et par conséquent dès ce moment
le vin devient la propriété de l’acheteur, et demeure jusqu’au
jour de l’enlèvement à ses risques et périls. (Nîmes, 3 nov.
1900. D. 903.1.174).
Cette responsabilité indique la gravité de l’intérêt du ven
deur à ce que la dégustation ait lieu le plus tôt possible. On
ne saurait donc lui dénier le droit de la provoquer et d’y
contraindre, soit à l’échéance du terme convenu, soit, s’il
n’en a été déterminé aucun, dès qu’il est en mesure de livrer.
147. L’effet de la mise en demeure restée sans résultats,
si la chose est restée intacte, ne serait pas douteux : la vente
serait résiliée au profit du vendeur qui rentrerait dans la
libre disposition de la chose, et par conséquent dans la
faculté de vendre à tout autre.
On ne saurait non plus lui contester le droit d’en pour
suivre l’exécution, et de solliciter une expertise judiciaire,
s’il y avait lieu.
{') J. du
P ., 1, 1843, 133 et 134.
�159
14 8. Mais si après la mise en demeure la chose a péri, à
qui incombera la charge de la perte ? La sommation a-t-elle
fait passer les risques sur la tête de l’acheteur ?
L’affirmative a trouvé des défenseurs, mais elle ne saurait
être consacrée. La mise en demeure n’a pu avoir pour effet
de transférer une propriété qui ne l’aurait même pas été
par la dégustation, si le résultat en avait été négatif. Ce
qui distingue la vente sous dégustation de celle au nombre,
au poids ou à la mesure, c’est que le comptage, pesage ou
mesurage rendrait la vente définitive, tandis qu’après la dé
gustation, il faut encore que la marchandise soit agréée. Or,
la mise en demeure a-t-elle pu trancher la question de con
venance ?
L’impossibilité de se prononcer en ce sens:i3St surtout évi
dente lorsque la dégustation est laissée au'goût personnel
de l’acheteur. Comprendrait-on que la mise en demeure lui
eut conféré la propriété, et placé la chose à ses risques, alors
que, même après dégustation, il est l’arbitre unique et sou
verain du sort de la vente ; qu’il lui suffira de refuser son
agrément, sans même qu’on puisse lui demander compte de
ses motifs pour que la convention n’ait jamais eu une exis
tence légale et obligatoire ?
Il n’y a donc pas à hésiter dans cette hypothèse. La mise
en demeure ne saurait suppléer l’agrément. L’acheteur,
libre de le refuser après dégustation, aurait le même droit
après la mise en demeure. Sa déclaration qu’il entend en
user et qu’il en use effectivement laisserait le vendeur sans
action aucune contre lui relativement à Ja perte postérieu
rement survenue.
Dans l’hypothèse où la dégustation doit faire l’objet d’une
expertise, la mise en demeure aurait pour effet d’autoriser
le vendeur à poursuivre et à obtenir la nomination d’experts.
Si avant la perte les experts désignés ont procédé à la
vérification de la marchandise, en ont reconnu la qualité
loyale et marchandé, et l’ont déclarée acceptable, la perte
survenue depuis serait à la charge de l’acheteur.
Si la chose a péri avant que les experts aient procédé, il
faut distinguer :
DÉGUSTATION
�160
Si la perte est totale, la condition dont l'effet de la vente
dépendait ne pouvant se réaliser,le contrat n’a jamais léga
lement existé. La perte est donc au compte du vendeur qui
n’a jamais cessé d’être propriétaire de ce qui en faisait l’objet.
Si la perte n’est que partielle, la vérification de ce qui
reste pourrait établir la qualité de ce qui a été perdu.
Exemple, je vous ai vendu 20 pièces de vin livrables à
quai, à leur arrivée. Après leur débarquement, je vous annonce
que les 20 pièces sont à votre disposition et vous invite à
venir vous en livrer soit amiablement, soit extra-judiciairement ; votre refus m’oblige à m’adresser à la justice. Mais
dans l'intervalle un événement fortuit détermine un coulage
extraordinaire soit aux 20 pièces, soit à quelques-unes d’elles.
Pourrez-vous vous opposer à ce que les experts désignés
sur ma demande procèdent à la vérification et à la dégus
tation de ce qui reste ? On ne saurait l’admettre ; vous êtes
en faute puisque vous avez manqué à l’engagement formel
que vous aviez contracté, et dont une loyale et fidèle exécu
tion aurait prévenu et empêché le sinistre. Il est donc juste
et équitable que la responsabilité en pèse exclusivement sur
vous, si d’ailleurs j ’établis que de mon côté j’avais rempli les
conditions que le contrat m’imposait.
Or, cette preuve résultera de la vérification de ce qui a
survécu à la perte. Il est évident que si ce qui reste dans
les barriques est de qualité bonne et marchande, ce qui a
coulé l’était également, et la vente doit être maintenue pour
le tout. Il est juste que la perte soit supportée, non par
celui qui n’a rien à se reprocher, mais par celui quia illé
galement tenté de se soustraire à ses engagements.
On comprend au reste qu’il ne saurait en être ainsi que
si aucun doute ne peut exister sur l’identité de la chose ven
due avec colle qui a péri eu partie. Supposez, en effet,qu’au
lieu d’avoir à quai les 20 pièces devin seulement, j’en eusse
40, je ne pourrais prétendre que celles qui ont coulé étaient
précisément celles que je comptais vous livrer, et que par
conséquent la perte doit rester pour votre compte. Une
pareille prétention ne serait ni recevable ni admissible, à
moins que la mise en demeure n’eùt spécialisé et individuaa c h a t s
et
v e n te s
�101
DEGUSTATION
lise les 20 pièces offertes de manière à prévenir toute incer
titude, par exemple, par l’indication des numéros et de la
marque.
Par application d’une règle semblable il faudra décider
que si les marchandises à goûter ont fait l’objet d’un marché
à exécuter par livraisons successives, l’acheteur qui a accepté
les premières livraisons est tenu, s’il entend refuser le solde,
de justifier qu’il n’est pas conforme aux conditions du mar
ché ; il ne peut par son inaction arrêter les livraisons, et
après une mise en demeure infructueuse de recevoir la mar
chandise, le vendeur a le droit de faire vendre aux enchères
publiques aux risques de l’acheteur celui-ci ne pourra pas en
effet dans ce cas opposer un défaut de dégustation préalable
qui lui est exclusivement imputable (Cass., 10 avril 1872.
D. 73.1.344).
14 9. Du principe que la dégustation est dans l'intérêt
exclusif de l’acheteur, nous avons induit la conséquence
qu’il est libre d’y renoncer. Cette renonciation acquise, la
vente est parfaite et définitive, et la propriété transférée sur
la tête de l’acheteur. Dès lors aussi les risques sont pour son
compte, et la perte, plus tard survenue, à sa charge.
La question de savoir s’il y a eu ou non renonciation peut
donc offrir un grave intérêt. Quels sont les éléments qui doi
vent en amener la solution ?
La renonciation peut être expresse et résulter de la con
vention, par exemple, l’achat en bloc d’une marchandise
déterminée, de la qualité qu’elle se trouvera, à forfait et
sans garantie de la part du vendeur ou bien d’une marchan
dise loyale et marchande. Il est évident que dans ces cas
l’acheteur ne serait ni recevable ni fondé à prétendre que le
sort de la vente était subordonné à la dégustation et à son
agrément.
A défaut de stipulation, la renonciation peut s’induire de
l’intention des parties, des circonstances qui ont précédé,
accompagné ou suivi le contrat (Req., 2 avril 1812. D.Rép.,
v° Vente, n° 246 supra, n" 135, in fine).
150. La plus énergique, la plus péremptoire de ces cir
constances serait sans contredit la prise de la livraison
A chats et tentes
11
�102
ACHATS ET VENTES
Celle-ci n’est en effet que l’agrément de la chose offerte, ce
qui suppose ou que la dégustation a eu. lieu, ou que l’acheteur
y a renoncé (Troplong, n° 103, Cass., 7 juin 1830, D.Æép.,
v° Vente, n° 283).
Ainsi, me trouvant en Provence,j’achète 50 barils huiles
d’Àix qui me sont offerts, et je me les fais expédier à mon
domicile à Lyon. La sortie des magasins du vendeur a con
sommé la vente, et l’a rendue parfaite et définitive. J’ai pu
et dû m’assurer de la qualité avant de donner l’ordre d’ex
pédier, et je suis présumé l’avoir fait, dans tous les cas j’ai
accepté la chose telle quelle, puisque j’ai consenti à ce
qu’elle voyageât pour mon compte et à mes risques. Je ne
pourrai donc plus réclamer une dégustation à laquelle j’ai
tacitement renoncé, ni lui subordonner l’effet de la vente.
M. Troplong applique cette règle même à la vente sous
dégustation au goût personnel de l’acheteur. Je vais chez un
marchand de vins, dit-il, et je lui achète 50 bouteilles de
vin de Bar, cachetées ; je les envoie prendre dans la jour
née ; mais en ayant goûté plusieurs, je les trouve de mau
vaise qualité et je veux que mon marchand les reprenne. Je
ne serais pas fondé dans ma prétention; je dois m’imputer
d’avoir conclu le marché sans dégustation préalable, et de
l’avoir consommé et exécuté sans prendre ces précautions.
En acceptant livraison, j’ai suffisamment déclaré que j’ai
agréé la marchandise telle qu’elle m’avait été présentée ; que
j’ai voulu acheter per aversionem(l).(Cf. Dijon,21 avril 1865,
D. 65. 2. 115.)
151. Dans ces diverses hypothèses, la vente étant traitée
directement par l’acheteur, la présomption qu’on lui oppose
est naturelle et légitime. Qu’en serait-il si le contrat avait
été convenu par correspondance ?
La marchandise remise au commissionnaire chargé de la
faire parvenir et voyageant aux frais de l’acheteur est en
réalité livrée, mais celui-ci n’a pu ni la vérifier ni la goûter,
on ne saurait donc le considérer ici comme l’ayant fait, il
devrait dès lors être autorisé à y procéder à l’arrivée dans
ses magasins. (Infrà, n° 283).
(’) Ib id .
�163
Mais le voyage de la marchandise modifie singulièrement
la position des parties. Lorsque ce voyage étant aux frais de
l’acheteur est à ses risques, l’altération que la marchandise
aurait subie resterait pour son compte, il ne pourrait donc
la refuser qu’en prouvant que le vice dont il se plaint exis
tait au moment de l’expédition.
L’acheteur pourrait en outre refuser la marchandise qu’il
soutiendrait n’être pas conforme à celle qu’il avait demandée.
Mais dans ce cas, comme dans celui de refus pour défectuo
sité, on ne saurait lui reconnaître le droit de trancher la
question suivant sa volonté ou son caprice. Une expertise
serait donc inévitablement ordonnée.
C’est aussi ce qu’on déciderait dans la vente pour la con
sommation elle-même ; l’ordre d’expédier donné par l’ache
teur, exécuté par le vendeur, modifie le droit que l’article 1587
confère au premier. Il est impossible d’admettre que le second
ait consenti alors à s’en remettre exclusivement à la décision
de l’acheteur et à s'exposer ainsi à la perte et aux frais qui
résulteraient pour lui d’un laissé pour compte.
L’unique condition sous-entendue dans ce cas est celle delà
conformité de la marchandise envoyée avec celle quia été com
mise, et, comme dans l’hypothèse d’une vente commerciale
ordinaire, cette question ne peut être résolue que par une
expertise.
152. L’effet de la prise de livraison, à l’égard de la dégus
tation, est acquis dans l’hypothèse d’une livraison virtuelle
comme dans celle d’une délivrance réelle et effective. L’ar
ticle 1606 du Gode civil les assimile l’une à l’autre, et leur
attribue les mêmes effets.
II faut reconnaître que c’est avec juste raison. Ce qu’il faut
considérer de la part de l’acheteur, c’est la prise de posses
sion de ce qui a fait la matière de la vente, et cette prise de
possession s’opère aussi énergiquement par la tradition feinte
que par la tradition réelle. Qu’importe en effet que la mar
chandise soit entrée dans les magasins de l’acheteur, ou qu’elle
soit pour son compte dans tel autre magasin dont on lui a
remis les clefs? Elle n’en est pas moins à son entière et libre
disposition. L’acceptation de ces clefs est donc l’acceptation
DÉGUSTATION
�ACHATS HT VENTES
IG4
de la chose elle-même, elle fait présumer ou que la dégus
tation a eu lieu, ou qu’on a renoncé au droit d’y procéder.
153. La prise de possession résulte-t-elle de l’apposition
de la marque de l’acheteur sur les effets vendus ? Aucun doute
ne saurait s’élever si ces effets ne sont pas dans la catégorie
des choses sujettes à dégustation. Ainsi le jurisconsulte Paul
indiquait comme réellement livrées trabes quas emptor signas
se! (*).
Mais à l’égard des choses qu’on est dans l’usage de goû
ter, le contraire était admis par Ulpien. Si dolium signatum
sit ab emptore, Tribu dus ait traditum id videri, Labeo contra
quod cl verum est. Magis enim ne summutatur signari solere
quam ni tradere tum videatur (*). Ainsi, disait Cujas, la mar
que apposée sur des vases vinaires ne fait pas supposer la
dégustation.
Le parlement de Paris jugeait formellement le contraire
le 15 mai 1548, et sa doctrine a recueilli l’assentiment de
M. Troplong. U est difficile de supposer, dit l’éminent magis
trat, que l’acheteur eut marqué les tonneaux, objets du mar
ché, s’il ne se fût pas considéré comme propriétaire, et si
par conséquent il n’eût goûté le vin qu’ils contiennent.
M. Troplong étaye cette opinion sur le motif donné par
Ulpien comme devant la repousser. N’est-ce pas en elfet,
ajoute-t-il, que l’intérêt de l’acheteur à prévenir un échange
clandestin de la chose vient précisément de ce qu’il a goûté
le liquide, qu’il l’a trouvé tel qu’il le désirait, qu’il le con
sidère comme à lui? Aurait-il pris pareille précaution pour
des tonneaux dont il n’aurait pas vérifié le contenu par une
dégustation préalable (3) ?
11 est impossible de méconnaître la justesse et l’autorité
de ce raisonnement . L’intérêt de l’acheteur à prévenir toute
substitution ne se comprend que lorsque, ayant traité d’une
chose certaine et déterminée, il tient à recevoir celle-là et
non une autre qui serait de qualité inférieure et qu’on serait
tenté d’offrir en échange. Mais tant que la dégustation n’est
( ') L . 14, § 1, D., De peric. et
(a) L . 1, § 2 , ejnsd. lit.
P) N" 103.
com. rei vendilæ.
�165
pas faite, la crainte d’une pareille substitution serait évidem
ment chimérique. D’un côté, en effet, rien n’est encore déter
miné quant à la chose à livrer; de l’autre, l’acheteur ne sera
tenu d’accepter qu’une marchandise bonne, loyale et mar
chande ; et si celle otïerte réunit en fait ces caractères, qu’im
porte à l’acheteur de recevoir celle-ci au lieu de celle-là,
qui ne pourrait valoir mieux ?
Pourquoi d’ailleurs apposer sa marque sur une marchan
dise tant que son agrément est encore incertain? C’est pour
qu’on ne puisse vous livrer une autre que celle-là! et vous
refuserez peut-être de la recevoir, et dans ce cas à quoi bon
la précaution? On n’appose pas sa marque pour l’effacer
ensuite ; et si on a cru utile et nécessaire de le faire, ce ne
peut être, comme l’enseigne M. Troplong, que parce que la
marchandise a été goûtée, vérifiée et agréée. Toute préten
tion à la goûter ou à la faire goûter plus tard devrait dès
lors être repoussée.
Une autre conséquence du caractère de l’apposition de la
marque de l’acheteur est de placer la chose à ses périls et
risques. Dès que celle-ci est considérée comme agréée, la
vente est définitive et parfaite, et l’objet de la vente étant
ainsi déterminé et individualisé, la propriété en a été irrévo
cablement transférée.
Cette règle et ses conséquences ne le céderaient que si, tout
en apposant la marque, il avait été convenu qu’il serait ulté
rieurement procédé à la dégustation. A défaut d’accords de
ce genre, l’apposition de la marque est la prise de livraison,
et en produit tous les effets.
Toutes ces questions sont d’ailleurs des questions de pur
fait, d’appréciation d’intention et de circonstances que les
tribunaux décident souverainement (Cass., 20 novembre 1894,
supra, n" 139).
154. La vente à l’essai est toujours présumée faite sous
une condition suspensive (art. 1588), qui doit être stipulée
ou résulter d’un usage certain (infrà, n° 158). Elle offre avec
celle sous dégustation de grandes affinités, niais en diffère
essentiellement au point de vue de la fin de non-recevoir fon
dée sur la renonciation présumée de la part de l’acheteur
DÉGUSTATION
�ACHATS ET VENTES
16(1
(jni prend livraison, au droit résultant du caractère de la
vente.
La délivrance aux mains de l’acheteur de la chose à essayer
est une conséquence naturelle du contrat, on ne saurait donc
en induire ni que l’essai a eu lieu, ni qu’on a renoncé à le
faire. (Mars., 6 avril 1908. M. 1908.1.297). L’acceptation défi
nitive de l’acheteur pouvant être tacite peut néanmoins s’in
duire des circonstances. Par exemple s’il a Usé de la chose
vendue dans des conditions telles qu’il s’en est évidemment
considéré comme propriétaire (L. R., n° 137).
Autre différence. La dégustation, nous venons de le voir,
peut être déférée à un tiers et faire l’objet d'une expertise,
la vente à l’essai ne comporte ni l’un ni l’autre ; ce qui dans
celle-ci détermine l’acheteur, c’est moins la qualité de la
chose que son appropriation au but auquel il la destine, et
dont il est le seul juge. Vainement donc prétendrait-on et
prouverait-on que la chose est bonne, loyale et marchande,
la vente n’en serait pas moins nulle dès que l’acheteur décla
rerait ne point la trouver à sa convenance.
155. C’est ce qui explique la disposition de l’article 1588.
La vente à l’essai est plutôt un projet de vente qu’une vente.
Le consentement de l’acheteur, subordonné aux résultats de
l’essai, n’est donc que promis tant que celui-ci ne s’est pas
réalisé, il n’aura jamais existé si le défaut de réussite de l’es
sai en détermine le refus.
La vente est donc réellement conditionnelle, et ce caractère
lui était reconnu par le droit romain. Ainsi Justinien, vou
lant offrir un exemple de la vente conditionnelle, indique
celui-ci : Veluti si Stïchus intra certum diem tïbi placuerit,
erit tibi emptus aureis tôt (*).
Mais le droit romain ne faisait pas de l’essai une condition
suspensive, Ai ita distracta sit, disait Ulpien, ut si displicuisset inempta esset, constat non esse sub conditione distractiim,
sed resolvi emptionem sub conditione (2).
La condition était donc résolutoire, et de là cette consé
quence que jusqu’à l’événement qui devait la réso udre la vente
(l)InsL., De Empt. Vend., § 4.
C2) L . 3, D ig . de Cont. empt.
�167
subsistait avec tous ses effets,qu’elle avait notamment trans
mis la propriété à l’acheteur qui supportait seul les risques
et la perte, si elle se réalisait avant l’essai.
En effet, disait Pothier,l’obligation qui résulte de la clause
d’essai s’éteint lorsque la chose vient à périr ; car l’acheteur
ne peut plus dire que cette chose ne lui convient pas lors
qu’elle n’est plus, ni obliger le vendeur à la reprendre. Cette
clause, comme nous l’avons observé, n’étant que résolutoire,
la vente faite sous cette clause est parfaite, et la chose est
par conséquent devenue aux risques de l’acheteur (‘).
Un pareil effet était-il bien dans la nature des choses ?
Pouvait-on rationnellement considérer comme propriétaire
celui qui ne consent à le devenir que si la chose qu’il traite
est à sa convenance et remplit la destination qu’il lui a affec
tée? Notre législateur crut impossible de l’admettre malgré
l’autorité de la loi romaine et celle nonmoins grave de Pothier.
On conserva donc à la vente son caractère conditionnel,
mais, par une appréciation plus exacte de sa nature, on dé
clara la condition suspensive et non résolutoire. Dès lors iln ’y
aura en réalité vente qu’après essai et sa réussite, jusquelà il n’y a pas consentement de la part de l’acheteur qui en
a subordonné l’expression au résultat de l’essai.
Dès lors aussi il n’y a qu’une proposition de vendre et,
comme l’enseignait Pothier lui même, dans ce cas la pro
priété de la chose donnée à l’essai n’a pas cessé de résider
sur la tête du vendeur, et si elle périt avant, la perte est
pour son compte.
Mais cela n’est vrai que sauf intention contraire pouvant
même s’induire des circonstances : les parties peuvent vou
loir que l’acheteur devienne immédiatement propriétaire de
la chose vendue, sauf à la restituer après l’essai si elle ne
convient pas. L’essai dans ce cas forme une condition réso
lutoire. (D. S. v° Vente, 80. Cass., 28 janvier 1873. D. 74.1.
440).
156. Une autre conséquence du caractère du contrat est
son inefficacité si, l’essai'ayant eu lieu, l’acheteur déclare ne
ESSAI
(l) N° 267.
�ACHATS ET VENTES
108
pouvoir accepter la chose. Cette conséquence est, aux yeux
de M. Troplong, un motif de critique contre le principe con
sacré par l’article 1588. Non, dit-il, il n’y a pas vente con
ditionnelle, car, dans un contrat avec condition suspensive,
les deux parties ne peuvent se dégager, au lieu qu’ici l’ache
teur peut discéder du marché en disant que la chose ne lui
plaît pas (').
M. Troplong a raison. En principe aucune des parties ne
peut discéder du marché sous condition suspensive jusqu’à
l’événement prévu. Mais cela n’est absolument vrai que lors
que la condition est purement casuelle, c’est-à-dire laissée
au hasard seul, en dehors du fait personnel des parties. Je
vous vends cinquante balles de laine si de ce jour à un, deux
ou trois mois le navire 1’Algésiras arrive dans le port de Mar
seille. Il est évident que tant que le délai convenu ne sera pas
expiré, aucun de nous ne pourra revenir de son engagement
que l’arrivée du navire rendrait parfait et définitif.
Mais comment admettre qu’il pût en être de même lors
que l’événement constituant l;t condition est précisément le
fait d’une des parties ? La rupture du contrat n’est plus que
l’exercice du droit qui lui a été reconnu et conféré. On pour
rait bien ne voir là que la condition potestative proscrite par
l’article 1174 du Code civil, mais dès que le législateur auto
risait la vente à l’essai, et il ne pouvait faire autrement, fal
lait-il bien en accepter la conséquence, et admettre la léga
lité de la condition qui en est la base, toute potestative
qu’elle puisse paraître. L’article 1588 consacrerait donc une
exception à l’article 1174.
Ainsi la conditionnalité de la vente est ici la conséquence
forcée de sa nature. J’achète si après essai la chose répond
au besoin qui me détermine à me la procurer, il n’y a donc
pas achat actuel. Le traité n’existera qu’après le résultat favo
rable de l’essai, son effet est dès lors naturellement suspendu
jusque-là. L’article 15S8 ne fait donc qu’une exacte apprécia
tion de la nature de la convention et des conséquences qui
peuvent et doivent en résulter.
(*) N °
108.
�169
Ajoutons qu’il ne méconnaît ni ne viole le principe invoqué
par M. Troplong, ainsi jusqu’à l’essai aucune des parties ne
peut discéder de la convention. Si, cet essai fait,l’impropriété
de la chose étant acquise, l’acheteur est autorisé à rompre
son engagement,c’est quel’événement prévu et accepté s’est
réalisé. Il fallait de toute nécessité consacrer son droit, ou
prohiber la vente à l’essai.
157. Nous venons de voir que l’exécution à donner au
marché, quant à l’essai, exige que la chose passe aux mains
de l’acheteur, mais le contrat n’étant parfait que par l’issue
favorable de l’essai,la propriété repose jusque-là sur la tête
du vendeur, et la perte survenue avant resterait pour son
compte, malgré la livraison. (B. L. S.,n° 167).
Mais, en acceptant celle-ci, l’acheteur a assumé toutes les
obligations du dépositaire,il doit donc veiller à la conserva
tion de la chose, et surtout exécuter loyalement l’essai. La
perte qui serait résultée d’un défaut de précautions ou de
soins; de l’excès ou l'abus dans l’essai, resterait incontesta
blement à sa charge, non en vertu de la vente, mais à titre
de dommages-intérêts. (D. rép., v° Vente, 262).
158. Le droit de l’acheteur de discéder du marché, l’obli
gation du vendeur de courir les risques, même après livrai
son, assignent un grave intérêt à la question de savoir si la
vente a été ou non faite à l’essai.
L’article 1588 ne fait pas pour celle-ci ce que l’article 1587
vient de faire pour la dégustation, il n’indique aucune den
rée, aucun effet devant être considéré comme vendu à essai.
Ce silence ne permet pas de présumer cette condition en
aucun cas, elle ne doit être admise que si elle a été expressé
ment stipulée. C’est ce que M. Troplong reconnaît et enseigne.
Mais si le principe est exact, la convention des parties, les
circonstances dans lesquelles elles ont contracté la condition,
peuvent, ainsi que nous venons de le voir(n° 155), en modi
fier le caractère, transformer même la condition suspensive
en condition résolutoire. (Cass., 28 juillet 1873, D. 74.1.440).
159. M. Duvergier trouve cette conclusion trop absolue, il
pense que l’usage de la place peut et doit la modifier.
Mais il serait fort difficile d’établir à ce sujet un usage
liSSAI
�ACHATS ET VENTES
170
général et absolu (l). Sans doute il est des choses qui sont
souvent prises à l’essai : un cheval, une montre, une pen
dule, une machine, mais combien de fois n’arrive-t-il pas et
dans la même localité que le marché est conclu purement et
sans condition ?
Ici encoreil faudrait distinguer l’achat particulier de l’achat
commercial. S’il est des choses qu’il soit dans l’usage d’essayer
avant de les acheter, ce sont incontestablement les vête
ments; on admettra donc que celui qui achète un habit pour
son usage particulier a entendu se réserver la faculté de
l’essayer.
Mais, pour le marchand de confections qui achète pour
revendre, admettra-t-on cette réserve ? A son tour ne fait-il
pas abstraction de son goût et de ses convenances ? Peut-il
avoir en vue autre chose que les exigences du public qu’il
dessert?Et ce qui est vrai pour lui l’est au même titre pour
l’horloger ou le maquignon achetant pour revendre.
On comprend donc que l’usage d’essayer, que les simples
particuliers pourraient invoquer, ne saurait l’être par les
commerçants. En ce qui les concerne, cette faculté n’est pré
sumée dans aucun cas, et de quelque nature que soit la ma
tière qu’ils ont traitée, ils ne sauraient en revendiquer le
bénéfice que s'ils l’avaient expressément stipulé.
160. Il résulterait de là que dans la vente verbale toute
prétention d’avoir traité à l’essai devrait être repoussée.
Cependant cette faculté a pu être dans l’intention des par
ties et faire la condition dumarché,on arriverait donc aune
injustice si on n’accordait pas le moyen d'établir la vérité.
Or, pour la vente commerciale, ce moyen existe dans l’ad
missibilité de la preuve orale. Que le marché soit constaté
par écrit, ou qu’il ne soit que verbal, l’acheteur sera recevable
à établir son véritable caractère même par témoins, si les
circonstances dont ilse prévaut sont graves, précises et con
cordantes et rendent sa prétention vraisemblable.
I
*
(‘(M aissicet usage était prouvé le tribunal devrait l’appliquer conformément
au principe qui veut que dans le silence de la convention les parties soient présu
mées setre référées à l’usage (Cf. trib. de Marseille, 28 août 1906, en matière
de vente de cheval. M. 1906. 1. 357,.
�171
La vente civile obéit à d’autres inspirations, elle doit être
prouvée par écrit toutes les fois que l’intérêt dépasse
150 francs; et s’il existe un acte,on ne peut prouver contre
et outre son contenu ni sur ce qui serait allégué avoir été
dit avant, lors ou depuis, encore qu’il s’agisse de moins de
150 francs <(■ ),.
En conséquence, si la vente prétendue est établie par un
acte écrit, le silence gardé sur la clause d’essai serait un
obstacle invincible ; son existence ne pourrait être prouvée
par témoins que s’il était justifié d’un commencement de
preuve par écrit.
Si la vente est verbale, sa dénégation pure et simple de
la part du prétendu acheteur la rendrait sans effets possibles.
161. Que si, reconnaissant l’existence de la vente, il dé
clare qu’elle a été faite à l’essai, l’indivisibilité de son aveu
rendrait cette clause obligatoire. On né pourrait le scinder
contre lui à moins que la seconde partie n’en fût d’une in
vraisemblance choquante et manifeste, comme s’il s’agissait
d’une chose pour laquelle l’essai ne serait ni pratiqué ni pra
ticable.
Cette invraisemblance doit résulter de la nature des cho
ses et non des stipulations alléguées. On ne saurait notam
ment l’induire de ce qu’aucun terme n’aurait été assigné ptour
la réalisation et la durée de l’essai. C’est ce que la Cour de
Cassation a décidé expressément par arrêt du 19 avril 1858.
162. Actionné en piaiement de 405 francs pour parix d’un
cheval que Bonnisson soutenait lui avoir vendu, Benoît répon
dait que la vente avait été faite à l’essai ; qu’il avait pris le
cheval le 9 octobre, et qu’après l’avoir essayé, reconnaissant
qu’il ne prouvait lui convenir, il l’avait lui-même rendu le
18 à Bonnisson qui l’avait repris.
Par jugement du 22 janvier 1857, le tribunal civil de Joigny, sans s’arrêter à l’aveu de Benoît, maintient la vente et
repiousse la condition alléguée. Attendu qu’il n’est pas vrai
semblable que la vente ait été faite à l’essai,sans qu’on eût eu
le soin de fixer un délai pendant lequel cet essai aurait lieu.
ESSAI
é) A il. 1341 G. c iv .
�ACHATS ET VENTES
172
Mais, sur le pourvoi de Benoit, ce jugement est cassé pour
violation de l’article 1350 du Gode civil. La Cour régulatrice
déclare qu’en admettant que la règle de l’indivisibilité de
l’aveu fléchisse en cas d’invraisemblance de l’une des par
ties de l’aveu, il faut que l’invraisemblance soit de telle na
ture qu’elle puisse être assimilée à une impossibilité ; qu’il
ne suffit pas d’une simple invraisemblance résultant de l’ap
préciation du juge.
Et spécialement que lorsque le défendeur à une demande
en paiement du prix d’un cheval avoue l’existence de la
vente au prix indiqué, mais ajoute que la vente a eu lieu à
l’essai, cette dernière partie de l’aveu ne peut être écartée
par le motif unique que le défaut de fixation du temps pen
dant lequel l’essai eût dû être fait rendait invraisemblable
la stipulation d’une telle condition (').
163.
On ne pourrait juridiquement admettre le contraire
que si la loi avait subordonné l’efficacité de la clause d’es
sai à la détermination du délaipendant lequel cet essai devait
se réaliser. Or, une pareille exigence no pouvait être ni dans
la lettre ni dans l’esprit de la législation. Le vendeur seul
a intérêt à cette détermination qu’il est libre d’exiger ; s’il
néglige de le faire, on ne saurait l’en récompenser au détri
ment de l’acheteur qui n’a absolument rien à se reprocher.
Devrait-on conclure du défaut de détermination d’un délai
que l’acheteur pourra éterniser l’épreuve à son gré ? Non
évidemment, car la raison indique, en ce cas, qu’une pa
reille faculté n’a pas été, n’a pas pu être dans l’intention des
parties. Aussi tout ce que le droit romain induisait de ce dé
faut, c’est que l’acheteur avait, pour se prononcer, un délai
de soixante jours, passé lequel il n’était plus recevable à
poursuivre la résolution de la vente (2).
Notre Code n’a rien statué à ce sujet, et n’a tracé aucun
délai pour suppléer au silence de la convention. Mais on
ne saurait en conclure qu’il a laissé l’acheteur libre de n’é
couter à cet égard que ses convenances ou son caprice.
Tant qu’il n’a pas reçu la chose, il n’encourt aucune dé-
(>) D. P., 58 1. 153.
Cl L, 31, § 22, Dig'. de
ædililio edicl.
�17$
chécance, il pourra donc se livrer à l’essai à quelque époque
que la chose lui soit remise.
Mais cette remise effectuée, il doit immédiatement procé
der à l’essai et se prononcer dans un délai suffisant pour
qu’il puisse le faire avec connaissance de cause. Le retard
plus ou moins long qu’il mettrait à s’expliquer pourrait faire
présumer qu’il a agréé la chose et autoriser le vendeur à
exiger le paiement du prix. Celui-ci d’ailleurs a toujours le
droit de sommer l’acheteur de prendre une décision et de
mettre ainsi fin à la période d’incertitude (Mars., 6 avril
1908. M. 1908.1.298).
Dans tous les cas, les juges pourraient assigner un délai
Xiendant lequel l’acheteur serait tenu de se prononcer, et
passé lequel il devrait être condamné à garder la marchandise
ou à payer des dommages-intérêts. (D. rép.,v° Vente, 260).
164, Si le délai convenu pour l’essai est déterminé dans la
convention, son observation est de rigueur. L’acheteur, qui
après son expiration aurait conservé la chose en sa posses
sion, serait présumé l’avoir agréée. 11 ne pourrait donc plus
prétendre l’essayer, sous prétexte qu’il ne l’aurait pas fait
encore, ni discéder du marché : Conclitio semel defecta non
restauratur. On ne peut être relevé d’une déchéance qu’on
a laissée s'accomplir. Or, dans notre hypothèse, la déchéance
résulte formellement et de plein droit de l’expiration du délai.
C’est ce que la pratique a admis. L’acheteur qui a laissé
écouler le délai sans avoir usé de son droit, est condamné à
garder pour son compte la marchandise qu’il avait reçue
pour l’essayer, et à en payer le prix, soit à titre de domma
ges-intérêts pour inexécution,soit par l’effet de la présomp
tion que le marché a été agréé (l).
Cette pratique a recueilli l’assentiment de M. Troplong,
qui l'approuve parce que, dans le commerce, l’intérêt do
minant est la circulation de la marchandise qui ne doit jamais
rentrer dans les magasins du vendeur sans de graves motifs,
attendu qu’il en résulterait pour lui un grave préjudice (’).
165. Au reste, à quelque titre qu’elle soit prononcée, la
ESSAI
(l) Pardessus, n° 291.
(!j N» 109.
�1 74
ACHATS ET VENTES
déchéance est en réalité une clause pénale en faveur du
vendeur et contre l’acheteur. Elle garantit l’exécution de
l’engagement contracté par celui-ci, et devient la juste peine
de sa négligence ou de sa mauvaise volonté.
Il est dès lors évident que la prétention du vendeur en pour
suivant le bénéfice ne saurait manquer d'être accueillie, mais
serait-il recevable et fondé à faire du défaut d’essai un mo
tif pour faire prononcer la résiliation de la vente en sa faveur?
Nous ne le pensons pas ; la condition d’essai est dans l’in
térêt unique de l’acheteur, elle ne suspend les effets de la
vente qu’en ce qui le concerne exclusivement. Il lui est donc
loisible d’y renoncer, et l’exercice qu’il ferait de ce droit ne
pourrait fournir au vendeur l’occasion de discéder du mar
ché, qui est parfait et définitif à son égard.
Or, l’acheteur qui, dans le délai qui lui était imparti, n’a
pas procédé à l’essai, n’a fait que renoncer tacitement à la
faculté qu’il s’était réservée. C’est ce qu’il pourrait faire expres
sément sans que le vendeur trouvât à y redire. A quel titre se
rait-il admis à contester dans notre hypothèse?
Que l’acheteur ait ou non procédé à la dégustation, sa dé
claration que la marchandise est à sa convenance rend la
vente parfaite et irrévocable. Elle est dans tous les cas un
obstacle invincible à ce que le vendeur en obtienne la résilia
tion, à moins d’un refus ou d’un défaut de paiement du prix.
Il n’en saurait être autrement en matière de vente à l’essai.
166. Si l’acheteur, avant l’expiration du délai convenu,
meurt sans avoir procédé à l’essai, la vente est-elle résiliée
enfaveur du vendeur ? Voët se prononçait pour l’affirmative .
considérant le droit comme exclusivement personnel, il en
refusait l’exercice aux héritiers (‘).
M. Troplong combatcette doctrine qu’avec raisonil déclare
inadmissible. La condition d’essai est attachée à la chose
plutôt qu’à la personne. Celui qui succède à l’acheteur dans
l’exploitation au service de laquelle cette chose était desti
née éprouve les mêmes besoins ; substitué aux obligations
de son auteur, il hérite de tous ses droits. On ne saurait donc
(l) Sur la loi De conlrah. empt., n° 26.
�VENTES SUR ECHANTILLON
175
lui dénier celui de procéder à l’essai ; de discéder du contrat
si la chose no remplit pas la destination qu’elle a reçue ;
d’en obtenir l’exécution en cas contraire.
1 6 7 . Du principe que la condition d’essain’est pas un droit
exclusivement personnel à l’acheteur, il suit que la faillite
de celui-ci survenant avant l’expiration du délai convenu, la
masse est recevable à réaliser l’essai, et à retenir la chose
si elle le croit utile à ses intérêts, ou s’en abstenir et la res
tituer.
Dans le premier cas, elle serait obligée de payer intégra
lement le prix. Sans doute c’est avec le failli que le marché
est intervenu, mais son effet, suspendu jusqu’à l’essai, rendait
la vente incertaine, et si, en réalisant cet essai, la masse
s’approprie la chose, c’est elle qui donne à la vente toute
sa perfection et qui achète réellement. On ne saurait donc
l’exonérer de l’obligation de payer intégralement le prix (4).
168. Mais le vendeur no serait plus que simple créancier
chirographaire, si avant sa faillite l’acheteur avait réalisé
l’essai ou renoncé expressément ou tacitement à le faire.
L’intérêt que la masse a à le faire admettre ainsi peut faire
prévoir qu’elle se prévaudra de cette exception pour faire
écarter les prétentions du vendeur réclamant l’intégralité
du prix.
Les juges auront donc à se prononcer sur le fondement de
l’exception, et aucun doute ne saurait exister si la renoncia
tion dont excipe la masse était expresse.
La difficulté se comprend s’il s’agit d’une renonciation
tacite, mais cette difficulté ne serait sérieuse que si le traité
n’avait déterminé aucun délai pour l’essai.
Dans le cas contraire, la renonciation serait admise si, au
moment de la faillite, le délai convenu était expiré sans que
la chose eût été rendue : elle serait repoussée si, étant en
core dans le délai, le failli n’avait pas expressément agréé
la chose.
169. ” La vente sur échantillon peut être assimilée à la vente
à l’essai, en ce sens que l’efficacité du contrat est subor(') Ti'oplong, n° 113.
�ACHATS ET VENTES
170
donnée à la conformité de la marchandise avec l’échan
tillon, et en conséquence la prise de livraison n’est jamais
faite que sous la réserve de vérifier cette conformité. Elle
ne saurait donc créer une fin de non recevoir contre la
demande en nomination d’experts chargés de la vérifier. Cette
demande ne peut être formée qu’après que la chose vendue
est arrivée aux mains de l’acheteur. On ne peut dès lors
admettre que sa réception emporte renonciation à l’intenter.
On n’a jamais tenté de le soutenir lorsque, le marché traité
par correspondance, la marchandise est directement expé
diée d’un Jieu sur un autre, sans que l’acheteur ait été à
même de la voir et de la vérifier. Qu’en est-il dans l’hypo
thèse d’une vente entre commerçants delà même place, exé
cutée sur la place même ?
L’acheteur, dans ce cas, nanti de l’échantillon, est en me
sure, et par conséquent en demeure de vérifier si la mar
chandise est ou non conforme. Donc s’il l’accepte et la reçoit
dans ses magasins, ne devra-t-on pas présumer qu’il en a
reconnu la conformité, et s’est ainsi rendu non recevable à
la faire ultérieurement expertiser ?
En droit pur, cette question devrait se résoudre par l’af
firmative, mais son rigorisme est peu compatible avec les
exigences commerciales. Ces exigences ont donné naissance
à des usages dont l’observation est recommandée par la loi
elle-même.
C’est donc par l’usage delà place qu’on doit se prononcer.
Ainsi la Cour de Bordeaux jugeait, le 27 août 1831, qu’à Bor
deaux la réception des sucres bruts, alors même qu’elle est
faite sans protestation ni réserve, ne prive pas l’acheteur de
la faculté de faire vérifier s’ils sont conformes aux échan
tillons.
Il s’agissait dans cette espèce de sucres achetés sur la loca
lité par l’intermédiaire de courtiers, et transférés des maga
sins du vendeur dans ceux de l’acheteur. Ce dernier, après
réception, soutenait qu’ils n’étaient pas conformes à l’échan-.
tillon et demandait que la vérification enfût faite par experts.
Le vendeur répondait : Un fait essentiel est què vous avez
pris livraison et reçu la marchandise sans protestation ni
�177
réserve; vous n'avez pas demandé, comme vous en aviez le
droit à cette époque, de vérification. La conséquence légale
qu’on doit tirer de votre silence, c’est que vous avez été satis
fait de la marchandise, que vous l’avez trouvée loyale et mar
chande, et créé ainsi une fin de non recevoir insurmontable
contre votre demande tardive en vérification. L’expertise
serait d’ailleurs frustratoire,puisque si les sucres étaient trou
vés défectueux, il serait impossible de décider de qui, depuis
la prise de possession, cette avarie pouvait provenir.
Mais il n’était pas question de savoir si les sucres étaient
ou non défectueux, si sans avarie aucune ils étaient loyaux
et marchands. Indépendamment de cette condition, la vente
sur échantillon en exige une autre, la conformité. L’absence
de celle-ci annule la vente, quelque parfaite que puisse être
la marchandise dans sa qualité.
Or, ajoutait-on, il n’est ni dans les usages, ni dans les pos
sibilités du commerce que l’acheteur se transporte au domi
cile du vendeur pour vérifier cette conformité. Ce n’est qu’après la remise que cette vérification peut et doit se faire.
C’est ce que le tribunal de commerce, et, sur l’appel, la.
Cour de Bordeaux consacrent en effet ; plus tard, et par arrêt
du 22 novembre 1832, la Cour suprême rejetait le pourvoi
dont l’arrêt de la Cour de Bordeaux avait été l’objet. (S. 1832.
2.819).
La demande en vérification, même après réception, est
donc recevable en droit, mais en fait elle ne sera pas tou
jours admise. 11 faut, en effet, pour qu’elle puisse l’être :
1° qu’aucun doute ne puisse s’élever sur la véracité de l’échan
tillon. C'est pour cela qu’il est ordinairement soit remis sous
le sceau du vendeur, soit déposé en mains tierces.il est évi
dent qu’en l’absence de toute précaution à ce sujet l’allé
gation que l’échantillon représenté n’est pas celui qui avait
été remis pourrait créer de graves et sérieuses difficultés.
Il faut de plus que la demande en vérification suive de
près la réception. Le retard que l’acheteur mettrait à l’in
tenter pourrait faire présumer son agrément définitif, et re
pousser une vérification tardivement réclamée.
Il est une autre difficulté que la réception de la marchanVENTES SCR ECHANTILLON
A ch a ts et ventes
12
�178
ACHATS ET VENTES
dise est dans le cas de faire naître. Celle relative à l’identité
entre la marchandise dont on demande la vérification et celle
qui a été réellement livrée. On peut prévoir en effet que le
vendeur, voulant échapper à la résiliation, ne manquera pas
d’objecter soit une substitution, soit une altération dans la
qualité, à l’effet de faire résilier un marché devenu onéreux.
L'appréciation de ces reproches est laissée à la prudence et
aux lumières des juges. Comme éléments de conviction ils
ont la moralité des parties, leur situation commerciale, l’in
tervalle entre la réception et la poursuite, le plus ou moins
de spontanéité des réclamations amiables ayant précédé celleci, etc., etc. Mais le moindre doute sur l’identité devrait
faire écarter l’action comme irrecevable. L’acheteur serait
évidemment en faute s’il n’avait pas pris les précautions
nécessaires, pour démontrer qu’il s’agit bien de la marchan
dise à lui expédiée. {Infra, n° 409).
Une fois le défaut de conformité de la marchandise avec
l’échantillon bien constaté, la vente est nulle et de nul effet.
On peut donc dire qu’en réalité la vente sur échantillon est
conditionnelle comme celle à l’essai.
Mais la condition suspensive dans celle-ci est résolutoire
dans la vente sur échantillon. Delà cette conséquence impor
tante que la vente est parfaite par le concours des volontés,
que la livraison réelle ou feinte a transféré la propriété à
l’acheteur, que la perte ultérieurement survenue, mais avant
la vérification, est à la charge exclusive de ce dernier. Alors,
en effet, il ne peut plus dire et prouver, la chose n’existant
plus, qu’elle n’est pas conforme ni obliger le vendeur à la
reprendre (Pothier, n° 260).
17 0.
Les conséquences du défaut de conformité entre
l’échantillon et les marchandises indiquent combien le ven
deur est intéressé à veiller à la sincérité de l’échantillon et
à rendre impossibles toutes les modifications ou altérations
que l’acheteur pourrait être tenté de lui faire subir. Dans ce
but, on est dans l’usage de ne remettre l’échantillon que
scellé et cacheté, de manière à ce que son identité ne puisse
être révoquée en doute.
Si cette précaution n’a pas été prise, le vendeur pourrait-
�179
il répudier l’autorité de l’échantillon sous prétexte qu’il a été
altéré on modifié ?
La légèreté, l’imprudence avec laquelle a agi le vendeur
ne saurait lui créer un titre pour se soustraire à l’obligation
de livrer une marchandise conforme à l’échantillon. Vaine
ment alléguerait-il qu'abusant de sa confiance le dépositaire
de l’échantillon en a substitué un autre à celui qu’il avait
réellement reçu. Le dol et la fraude ne se présument pas et
doivent être prouvés. A défaut de cette preuve, personne
autre que celui qui se plaint d’avoir été trompé ne peut ré
pondre de l’abus de confiance dont il se prétend victime.
Ainsi, enseignent MM. Delamarre et Lepoitvin, que con
trairement à l’usage l’échantillon soit confié à la probité de
l’acheteur, sans être cacheté et scellé, la convention n’en
sera pas moins valable. Le vendeur dirait en vain que l’ache
teur a pu facilement changer l’échantillon, il est licite de se
confier à la foi d’autrui, et si le dol n’est pas prouvé, le mar
ché doit recevoir sa pleine exécution (*).
Cette doctrine, qui se fait remarquer par sa rationalité, la
Cour de Caen la consacrait en jugeant, le 29 avril 1873, que
l’échantillon remis à l’acheteur doit servir de type pour la
livraison des marchandises vendues, même dans le cas où,
l’échantillon n’étant pas cacheté, l’acheteur a pu le changer,
si le vendeur n’établit pas que le changement a eu lieu (2).
La nécessité de prouver son allégation imposée au ven
deur est la conséquence du principe \ aclori vmeumbit omis probandi. Il est acqnis en effet que celui qui oppose une excep
tion devient quant à ce demandeur reus excipiendo fit actor.
Ce qu’on comprend, c’est la difficulté de satisfaire à cette
nécessité. Mais le vendeur peut-il se plaindre de cette diffi
culté, lui qui a dû la prévoir et qui a pu la prévenir en pre
nant les précautions que le droit, que la raison, que son inté
rêt lui prescrivaient impérieusement. Il ne peut donc s’en
prendre qu’à lui-même de la triste situation dans laquelle il
est placé.
Au reste, ce qui atténue la difficulté, c’est que l’admissibiVENTES SUR ÉCHANTILLON
(') T r . d. d r . com., t. 5, n “ 144.
(=) J. du P . , 1873, 1244.
�ACHATS ET VENTES
180
lité de la preuve testimoniale permet aux juges de tenir
compte des présomptions dont l’appréciation leur est souve
rainement déférée. Comme nous venons de le dire, ils auront
pour éléments de cette appréciation la moralité des parties,
leur position commerciale, l’intervalle entre la réception de
la marchandise et les réclamations pour défaut de confor
mité, le plus ou moins de spontanéité de ces réclamations.
Un autre élément qui pourrait être d’une grande impor
tance serait le prix auquel la vente a été consentie. Si ce
prix se référait à peine à une qualité inférieure, et que l’échan
tillon produit offrit une marchandise de première qualité,la
substitution acquerrait un haut degré de vraisemblance qui
pourrait être admise pour peu que les autres présomptions
vinssent l’appuyer.
171. Quelques-unes des opinions émises ci-dessus relative
ment aux effets de la réception et à la preuve par témoins
delà constitution d’un échantillon ne doivent être acceptées
qu’avec la plus grande réserve. Justes en soi si l’on veut, la
preuve testimoniale étant de règle en matière commerciale,
infra, n° 428) leur application ne sera jamais qu’exceptionnelle.
Tout d’abord précisons bien ce qu’on entend par l’échan
tillon avec lequel la marchandise livrée doit présenter une
identité parfaite. Il est peu de marchés à l’occasion desquels
le vendeur, son commis voyageur ou son représentant, n’ait
pas montré à l’acheteur la marchandise qu’il lui demande
d’acquérir : on lui envoie ou on lui fait remettre une bouteille
d’huile ou de vin, un petit sac d’amandes, une demi-balle de
farines, etc., etc. Ces denrées sur le vu desquelles le marché
aura été conclu et qui sont couramment appelées échantillons
ne constituent pas des échantillons véritables. Aucune pré
caution n’est prise pour assurer leur identité: quand on veut
préciser leur nature et leur but on les appelle des échantil
lons-montre.
Le caractère d’une vente sur échantillon n’est reconnu
qu’au marché à l’occasion duquel les parties ont fixé irrévo
cablement le type de la marchandise en faisant l’objet et en
prenant toutes les précautions pour qu’une partie de cette
marchandise, considérée comme type ne disparaisse pas et
�V O T E S SUit ÉCHANTILLON
181
puisse ultérieurement être comparée à la denrée livrée. Aussi
cette partie est cachetée et revêtue du sceau du vendeur et
de l’acheteur ou de leurs représentants (Nantes, 25 juillet
1890, G. P.T., 1897-1902, v° Vente comm.,n°317 ; — Marseille,
22octobre 1902, M. 1903.1.26 et22avril 1904. M. 1904.1.243).
«Attendu,dit un arrêt d’Aix du 3 août 1889 (Rec. Aix, 1889.1.
308), qu’un échantillon ne peut être opposé par une partie à
l’autre qu’autant qu’il a été cacheté et marqué du sceau de ce
lui à qui il estopposé.»Nous lisons encore dans un jugement
de Marseille du 8 octobre 1900 confirmé par arrêt du 30 avril
1902«qu'il ne pourrait être procédé ainsi(comparer la mar
chandise livrée avec l’échantillon aux mains de l’acheteur)
que si la vente avait eu lieu sur un échantillon dûment ca
cheté et déposé; que la vente dont s’agit n’a pas eu lieu sur
un échantillon ayant ce caractère mais sur un type ou mon
tre n’ayant aucun des caractères prescrits pour constituer un
échantillon. » Généralement l’échantillon régulier est cons
titué à double ou à triple exemplaire, l’un à chacune des
parties, le troisième entre les mains du courtier. Parfois il
n’y a qu’un exemplaire unique remis alors d’accord commun
à un tiers qui doit l’exhiber en cas de difficulté. Sur certai
nes places et pour certaines marchandises (à Bordeaux par
exemple pour les cafés) il est d’usage de considérer le cour
tier comme le dépositaire conventionnel de l’échantillon
dressé en un seul exemplaire sans être cacheté ni scellé.Dans
ces conditions la foi due au courtier représentant le sachet
qu’il affirme lui avoir été remis à titre d’échantillon vérita
ble doit être suivie (Bordeaux, 19oct. 1898, G. P. T., 1897-1902,
v° Vente comm-, n05 322-324). Mais ces usages locaux ne sont
que des dérogations à la règle générale exigeant le cachet et
le sceau, et cette jurisprudence on le voit, repousse la preuve
par témoins si facilement admise par Bédarride et la cour
de Caen.
172. La conformité avec l’échantillon est la condition es
sentielle du contrat. Si donc les parties allèguent que la vente
conclue l’a été sur échantillon, mais qu’aucune précaution
n’a été prise pour garantir son authenticité et si le moindre
doute peut s’élever à cet égard, on en induit qu’une com
�ACHATS ET VENTES
182
dition essentielle n'a pas été accomplie, ou tout au moins
que son accomplissement ne peut pas être prouvé et la nul
lité delà vente s’ensuit (Jurispr. constante du trib.de Marseille,
voirnotammont 6 novembre 1883,M.84.1.36 et 21 juillet 1896,
M. 96.1.271;—29 avril 1904. M. 1904.1.243). On supposera
d'ailleurs bien difficilement que l’échantillon dont l’existence
ne sera affirmée que par l’une des parties ait été accepté
comme tel sans être ni scellé ni cacheté. On admettra juste
ment, dans des cas semblables qu’il ne s’est agi que d’un
échantillon-montre. Donc sauf des circonstances bien anor
males, une correspondance bien probante, une allégation
paraissant fort vraisemblable de mauvaise foi ou d’imprudence
à l’encontre du dépositaire qui l’aurait fait ou laissé dispa
raître,.le tribunalne devra pas autoriser la preuve testimoniale
pour établir l’existence de l’échantillon (Mars, 23 sept. 1898,
M. 99.1.9).
173. Pourquoi egalement relever l’acheteur des conséquen
ces de la réception ? Pourquoi en matière de vente sur échan
tillon se montrer moins rigoureux envers lui que s’il s’agit d’un
autre marché! C’est une vente à l’essai, lit-on au numéro 169,
parce que la marchandise ne peut être comparée au type voulu
qu’après sa remise aux mains de Pacheteur ? Parce qu’il faut
que l’acheteur ait reçu pour pouvoir ensuite comparer? Mais
dans toute espèce de vente, même dans celles qui n’ont pas
été conclues sur le vu d’un simple échantillon-montre, un
argument semblable peut être produit. Lorsqu’un courtier
précise les qualités et la provenance delà denrée vendue,la
seule différence existant à ce point de vue entre un pareil
marché et un marché avec échantillon, c’est qu’à l’arrivée
la marchandise doit être comparée pour savoir si elle est de
recette, non pas avec une partie dûment spécialisée, mais
avec la marchandise de même provenance, ayant les mêmes
qualités, marchandise qui a été envisagée par les parties
comme un type général, auquel doit être conforme celle livrée.
Dans ce cas-là on pourrait aussi soutenir qu’une telle véri
fication ne peut se faire qu’après réception. 11 nous paraît
donc plus vrai de dire qu’il faut appliquer encore ici la règle
générale d’après laquelle une réception normalement effec-
�183
tuée éteint toute action, à moins que la denrée remise ne
contienne un vice caché, qu’elle ne soit frauduleusement
mélangée ou adultérée ou que l’acheteur ne puisse fournir
une preuve évidente de l’identité de la marchandise reçue
avec celle expédiée ; or cette garantie d’identité ne paraît
pas avoir été recherchée dans l’espèce' qui a donné lieu à
l’arrêt de Bordeaux (voir infra, n"B379, 409).
474. L’usage de régler la différence par une bonification
sur le prix (voir infra, nf 316) peut-il être appliqué dans les
ventes faites sur échantillon ?
La négative, à notre avis, ne saurait donner lieu à un
doute. Celui qui achète sur échantillon détermine et précise
ce qu’il entend, ce qu’il veut acheter, pour se conformer aux
convenances de son commerce, aux exigences de sa clientèle.
On ne saurait donc le contraindre à recevoir autre chose
sans violer à son préjudice la loi du contrat. Qu’importe
rait pour lui une bonification, quoique élevé que pût en être
le taux, si l’e défaut absolu de conformité avec l’échantillon
devait lui enlever toute possibilité de placer la marchandise
chez ses acheteurs habituels ?
D’autre part, on doit croire que celui qui vend sur échan
tillon est possesseur de la marchandise dont l’échantillon
forme un prélèvement, et si celle qu’il offre n’est pas conforme,
il aura donc envoyé une denrée autre que celle réellement ven
due. Il y aura de sa part imprudence et parfois fraude et
dans les deux cas l’acheteur pourra demander la résiliation.
La Cour de Rouen réformant un jugement du tribunal du
Havre a consacré cette doctrine par un arrêt du 22 juillet
1872 (J. P. 1873, 1086) :
« Attendu, y est-il dit, que lorsque,.comme dans le marché
dont s’agit, le vendeur a formellement promis, et l’acheteur
expressément stipulé une marchandise conforme à l’échan
tillon, le premier ne peut offrir et le second ne peut être
tenu d’accepter une autre marchandise dissemblable comme
qualité ; qu’en pareil cas livrer une chose non conforme,
c’est en réalité livrer autre chose que ce qui a été promis;
— que la convention litigieuse doit être entendue en ce sens
VENTES SCR É IHANTI LL ON
�184
ACHATS ET VENTES
et de la même manière que si les parties avaient ajouté les
mots « et non autrement », et que la simple formule de
vente conforme à l’échantillon n’est pas moins significative,
en ce que, impliquant la garantie de la conformité, elle est
par là-même et nécessairement exclusive de ce qui serait
non conforme..... que si dans les ventes de marchandises à
livrer par navires.....(on a pu admettre) que des différences
de qualité d'ailleurs peu considérables doivent se résoudre
en de simples réparations, c’est que la situation des deux
contractants est égale par rapport à la marchandise, en ce
sens que le vendeur ne la connaît pas plus que l’acheteur, que
tous deux traitent sur le vu de lettres ou de dépêches trans
mises au vendeur des pays lointains d’où se fait l’expédi
tion; qu’il en est tout autrement lorsque la vente se fait sur
échantillon transmis par le vendeur ; que celui-ci qui a pré
levé léchantillon a nécessairement la marchandise à sa dis
position ; qu’il peut et doit l’expédier conforme alors sur
tout que,comme il a été dit ci-dessus, les termes du marché
impliquent la garantie de conformité. »
Le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté le 20 jan
vier 1873 (J. P. 1873, 1161), à cause du pouvoir souverain
des juges du fait pour interpréter et appliquer les conven
tions des parties.
Cette jurisprudence est parfaitement juste.La doctrine con
traire aboutirait à ce résultat de faire de la vente sur échan
tillon un dangereux piège pour l’acheteur. Le vendeur qui vou
drait se défaire d’une marchandise ne répondant en rien aux
exigences de l’acheteur, et qui serait sûr de s’en débarrasser
moyennant'une bonification sur le prix, ne manquerait pas
d’envoyer un échantillon de tous points conforme à ces exigen
ces,et d’obtenir ainsi l’assentiment de l’acheteur abusé.
La concession d’une bonification sur le prix ne créerait
aucun obstacle à cette manœuvre, le prix fixé sur l’échan
tillon préparé serait évidemment bien supérieur à celui que
vaudrait la marchandise plus ou moins viciée. Les experts
réduiraient donc à ce dernier prix, et leur appréciation, dans
bien des cas, laisserait encore au vendeur un surcroît de béné
fice (Cf. Dijon, 14 décembre 1892, D.93.2.74 ; — Douai, 22 dé-
�183cembre 1891 ;D. 92.2.86 ; — Trib. de comm. du Havre,29avril
1902, Rec. du Havre, 1902.1.185).
175. Certaines décisions ont néanmoins ordonné la récep
tion sous bonification lorsque la différence de qualité n’ex
cédait pas les proportions admises par l’usage (Mars., 20 dé
cembre 1899. M. 1900.1.95; — Bordeaux,7juillet 1852,J.T.C.,
7,2482) (voir infra, n° 179).Elles sont regrettables. Le juge
ment du 20 décembre 1899 peut être d’ailleurs considéré comme
une défaillance passagère, le tribunal de Marseille ayant tou
jours jugé jusque-là que, dans une vente de marchandises,la
clause de conformité à un échantillon et sans atténuation dans
cette clause même, donne à l’acheteur le droit de ne recevoir
que des marchandises réellement conformes à l’échantillon
convenu;—etqu’au casoùlaconformitén’existerait pas,lemarché doit être résilié, sans qu’il puisse être suppléé pardosbonificationsaux différences existant entre l’échantillon et lamarchandise (Mars., 15 juin 1883, M. 1883.1.230).Le tribunal est
d’ailleurs revenu à cette jurisprudence en jugeant le 15 juin
1900 (M. 1900.1.299)que l’échantillon étant réputé avoir été
détaché de la marchandise vendue, il en résulte que faute de
conformité suffisante la résiliation doit être acquise à l’ache
teur sans bonification possible, et le 15 juillet 1902, qu’une
faible différence suffit pour entraîner la résiliation. Les cours
d’Aix [infra, nos 177 et 178) et de Douai (30 juillet 1897,
J. T.C., 47, n” 14.301) paraissent accepter cette doctrine.
176 Le vendeur sur échantillon n’est pas seulement tenu
de livrer une marchandise conforme, il doit de plus ne
transmettre qu’un échantillon de tous points conforme à la
qualité et à la provenance exigées par l’acheteur. S’il agit
autrement, il engage gravement sa responsabilité.
Sans doute il n’a rien à craindre s’il a avisé l’acheteur de
la provenance réelle de la marchandise, ou si. sur le vu de
l’échantillon, il a été impossible de se méprendre à ce sujet.
Mais qu’en serait-il si l’acheteur ne reçoit aucun avis, et si
l’échantillon ne pouvant l’éclairer il a dû croire et a cru que
la marchandise était de la provenance qu’il avait demandée ?
Cette question se présentait aux tribunaux dans les circons
tances suivantes:
VENTES SUR K '.HANTILLON
�ACHATS HT VENTES
186
Le sieur Gitton-Deschamps, marchand de grains à Tours,
vendit une quantité importante de graines de chènevis à un
sieur Rousseau-Godard, marchand de graines de chènevis à
Parisis-au-Bois.
Celui-ci revendit cette graine à divers agriculteurs qui l’àctionnaient en dommages-intérêts pour la raison que lagraine
livrée était d’origine russe, tandis qu’ils avaient entendu ache
ter de la graine de Tours. Actionné à son tour, Gittonse défend
en soutenant que la vente à Rousseau-Godard ayant eu lieu sur
échantillon, il avait rempli toutes ses obligations en livrant
une marchandise conforme à cet échan tillon.
Le tribunal de commerce de Chauny se prononça ence sens.
Accueillant les demandesprincipales contre Rousseau-Godard,
il débouta celui ci de ses fins et conclusions contre GittonDeschamps.
Appel,et par arrêt du 18 mai 1872, la Cour d’Amiens infirme
le jugement sur ce dernier point et accueille la demande en
garantie par les motifs suivants :
« Attendu qu’il résulte de la correspondance échangée entre
les parties, que Rousseau a demandé à Gitton des graines de
son pays, première qualité ; que, par conséquent, l’objet, du
contrat a été nettement précisé; que si Gitton a répondu qu’il
vendait 45 francs les 100 kilogrammes les graines pareilles
à l’échantillon, il était nécessairement sous-entendu que c’était
un échantillon de graines du pays de Tours, dont il livrait la
qualité à l’appréciation de Rousseau, et qu’il n’est pas fondé
à soutenir qu’il s’est affranchi de toute garantie quant à la.
nature de la chose vendue, au moyen de l'échantillon fourni
« Que du moment où Gitton pouvait savoir que les graines
par lui offertes ne provenaient pas, de son pays, ou même du
moment qu’il n’avait pas la certitude qu’elles en provinssent,
il était tenu d’avertir Rousseau qu’il entendait livrer sa mar
chandise telle qu’il la présentait et sans garantie de* la j>ro^
venance ;
«Attendu que, provoqué par Rousseau à s’expliquer sur cette
provenance,par la lettre du 17 mai 1870,il a répondud’une
manière évasive et avec des réticences calculées qui trahis
saient sa mauvaise foi.
�187
« Attendu d’ailleurs que la graine de chanvre de Russie
n’étant pas en usage ni dans le département de l’Aisne, ni
dans les départements voisins, Rousseau, en admettant que
le contenu des sacs ait été conforme à l’échantillon, a pu ne
pas reconnaître sur cet échantillon que c’était de la graine
de chanvre de Russie qui lui était livrée. »
Cette espèce offre un exemple de la déloyauté que, dans le
butde sedéfaire et à un bon prix d’une marchandise plus ou
moins embarrassante, certains commerçants ne craignent pas
desepermettre.Certes Gitton ne pouvait ignorer quesa graine
de chanvre était de la graine de Russie. Cependant lorsque
Rousseau, sans parler d’échantillon, demande de la graine
de Tours première qualité, il transmet un échantillon avec
réponse qu’il vendra la marchandise conforme à 45 francs
les 100 kilogrammes. Mais de la qualité, de la provenance
surtout, pas un mot, et lorsqu’il est provoqué à s’expliquer à
ce sujet,il répond d’une manière évasive et s’entoure de réti
cences plus ou moins calculées ; c’est qu’il lui importe que
Rousseau croie à la provenance qu’il avait indiquée, car du
jouroùlecontraireluiserait démontré, il retirerait sademande
et la vente projetée échouerait. 11fallait donc que celle-ci sor
tît à effet ; et puis lorsque instruit plus tard l’acheteur réclame?
on lui répond : vous avez reçu une marchandise conforme à
l’échantillon, vous n’avez rien à exiger de plus.
Contre des fraudes de cette nature, la justice ne doit avoir
qu’un parti, celui de les condamner et de les proscrire sévè
rement, comme n’hésite pas à le faire la Cour d’Amiens, et
comme le fait à son tour la Cour de Cassation.
En effet, et par arrêt du 28 avril 1873, celle-ci rejette le
pourvoi dont l’arrêt d’Amiens avait été l’objet (S; 1873.1.317).
La Cour de Cassation rejette, comme ne pouvant être prérsentée pour la première fois devant elle, la fin de non rece
voir tirée de L’acceptation de la marchandise sans protestations
ni réserves. Si cette fin de non recevoir avait été invoquée
devant la Cour d’Amiens, aurait-elle du être accueillie ?
Nous ne le pensons pas. Le silence, l’inaction de Rousseau
était la conséquence de l’erreur dans laquelle l’a vaient jeté
et entretenu les manœuvres frauduleuses du sieur Gitton. Or,
V O T E S SUR ÉCHANTILLON
�ACHATS KT VENTES
188
pouvait-il être loisible à celui-ci de se faire un titre de ces
manœuvres et d’en tirer un profit.
Cette fausse croyance n’avait pu céder que devant l’action
en dommages-intérêts intentée à Rousseau par ses propres
acheteurs. Or, ceux-ci auraient-ils pu se plaindre avant d’avoir
expérimenté la graine et en avoir constaté la qualité vicieuse.
Quel préjudice avaient-ils éprouvé jusque-là, et sur quoi au
raient-ils basé les dommages-intérêts qu’ils réclamaient ?
Donc, alors même que Gitton eût invoqué la réception sans
protestations ni réserves devant la Cour d’Amiens, celle-ci
lui eût répondu comme elle lui répondait :
« Considérant qu'il est suffisamment établi que les graines
fournies par Gitton, ou n’ont pas levé, ou n’ont engendré
que des produits de mauvaise qualité ; qu’il est responsable
dès lors du préjudice éprouvé par les cultivateurs qui ont
actionné Rousseau, et qu’il doit indemniser ce dernier de tou
tes les condamnations prononcées contre lui. »( CF. Rouen,
7 mars 1900, G. P. T., 97-902, v° Vente comm., n° 337.)
177. Il en est toujours ainsi lorsque l'échantillon contient
un mélange frauduleux ou un vice caché qu’une inspec
tion superficielle n’a pas permis à l’acheteur de reconnaître
au moment où il l’a accepté. « L’échantillon remis à un
acheteur dans une vente d’huiles de graines n’est pas, d'après
l’usage, analysé par cet acheteur. Il n’a pour but que de
déterminer la couleur et la limpidité des huiles vendues et
non leur qualité intrinsèque. En conséquence malgré la
conformité avec l’échantillon, l’acheteur est en droit de refu
ser l’huile offerte en livraison, s'il est reconnu qu’elle est
mélangée dans une certaine proportion(7 0/0) avec de l’huile
d’une autre espèce (Aix, 10 février 1885. Gonf. Marseille,
22 av. 1884. M. 84.1.277 et 85.1.92). La même Cour a encore
proclamé, le 25 novembre 1898, que les principes posés par
la jurisprudence pour les ventes sur échantillon (obligation
de recevoir lorsqu’il y a conformité avec l’échantillon) ne
sauraient être méconnus lorsque la marchandise est con
forme à l’échantillon et lorsque aucune difficulté ne peut
s’élever sur son identité, sauf au cas de fraude ou de vice
caché ne pouvant être révélé que par l’analyse. »
�189
178. Pour atténuer les rigueurs de ces règles, les parties
mentionnent souvent que la marchandise sera non pas sim
plement conforme mais «moralement » conforme à l’échan
tillon. La Cour d’Aix a jugé à bon droit en confirmant un
jugement du tribunal de Marseille que même dans .ce cas
la clause de conformité à l’échantillon est une clause essen
tielle déterminant un genre spécial de marché, et que s’il
n’est pas nécessaire que la conformité soit complète quand
le vendeur ne s’est obligé qu’à une conformité morale, il
faut cependant que la marchandise offerte diffère peu de
celle qui a été prise pour type. Notamment en matière de
vente de grains, doit être annulée la vente de blés dont les
experts déclarent la valeur notablement inférieure à celle
de l’échantillon et qui présente, comparée à ce type, 15 à
16 0/0 de différence dans les proportions'entre les grains
durs et les grains tendres (Aix,23 mars 1881. M. 81.1.115,
ici. Marseille, 18 mars 1885. M. 85.1.185).
179. Mais dans l’examen de toutes ces questions il serait
puéril de se dissimuler que la question de fait jouera un
rôle bien souvent déterminant. La fâcheuse tendance de la
Cour de Cassation d’éviter autant que possible l’affirmation
de principes inéluctables laisse une grande latitude — trop
grande à notre avis — aux tribunaux et aux cours d’appel
et leur arbitraire pourra se donner librement carrière sans
rencontrer un contrôle suffisant. C’est ainsi que la Cour do
Cassation après avoir rejeté un pourvoi à l’encontre d’un
arrêt de la Cour d’Alger constatant que l’acheteur sur échan
tillon peut demander la résiliation d’un contrat si la mar
chandise n’est pas conforme (1er mars 1892, D. 93.1.235),
a le 21 mars 1893 rejeté encore un pourvoi dirigé contre
un arrêt de la même Cour duquel il résulte que si l’ache
teur sur échantillon a droit à la résiliation, la rigueur du
principe peut subir divers tempéraments soit en raison de
l’insignifiance de la non-conformité,soit à raison d’une cer
taine latitude accordée au vendeur par la commune inten
tion des parties, alors surtout qu’il s’agit de marchandises
susceptibles de manipulations, dans lesquelles il n’est pas
toujours facile d’arriver du premier abord à une certitude
VENTES SUR ECHANTILLON
�ACHATS ET YESTES
190
mathématique (dans l’espèce, degré alcoolique devins vinés)
(D. 94. 1. 324). Les deux pourvois ont été repoussés parce
que les constatations des juges du fait, et l'interprétation
donnée par eux au contrat étaient souverain es.L’est aussi ce
qui résulte de l’arrêt du 20 janvier 1873 cité au numéro 174.
ISO. En somme et malgré ce véritable laisser-aller delà
Cour de Cassation, nous croyons qu’on peut résumer l’état
général de la doctrine et de la jurisprudence en indiquant:
1“ Que l’acheteur ale droit d’exiger une marchandise abso
lument conforme à l’échantillon et qu'une différence, quelle
qu’elle soit, sauf celles inhérentes aux altérations inévita
bles d’une marchandise (Mars.., 5 janvier 1882. M. 82.1.69),
lui donne le droit de demander la résiliation;
2° Qu’exceptionnelleinent le vendeur pourra obliger à la
réception, si la différence est des plus minimes, est autori
sée par les usages de la place où le marché a été conclu, ou
provient des manipulations que la marchandise devra néces
sairement subir avant d’être livrée,manipulations envisagées
nécessairement au moment du contrat et dont le résultat a été
accepté ainsi par avance.
181. Des ventes en disponible. — Les articles du Code civil
que nous venons d’examiner abandonnent dans certains cas
le sort du marché à la volonté de l’acheteur. Les négociants
ont imaginé des types de ventes, s’appliquant à toute espèce
de marchandises, et où l’acquéreur aura toujours le droit
de refuser la chose offerte,pourvu que ce refus se manifeste
dans un certain délai. Ce sont donc des ventes soumises à une
condition potestative de la part de l’acheteur (D. S.,v° Vente,
n° 97). Elles s’appellent à Marseille (où elles sont surtout
usitées) et à Nantes, ventes en disponible, à Bordeaux on
les appelle « ventes gré dessus » et à Paris « ventes avec vue
fiessus ».
182.
Ellesoutpourobjet une marchandise dont le vendeur,
ainsi que le nom l’indique, a le droit de disposer immédia
tement ou presque immédiatement (marchandise en cours
de débarquement ou même dont le débarquement est immi
nent) et dont la qualité n ’est pas indiquée au contrat, ou a
fortiori n’a pas été précisée par la constitution d’un ëchan-
�191
tillon. Dans ces conditions on ne comprendrait pas en effet
pourquoi l’acheteur aurait la faculté d’un refus acl nutum.
On rentrerait évidemment dans l’application des règles.géné
rales, et il ne serait fondé à réclamer que si la denrée offerte
û’était pas conforme à l’échantillon ou à la qualité convenue.
Il en serait de même si la marchandise avait été simplement
stipulée comme devant être loyale, marchande et de recette
sans autre spécification de qualité. Les parties, dans ce cas,
ont eu nécessairement en vue une marchandise devant répon
dre au type généralement accepté, eu égard à son prix,sans
que le goût personnel de l’acheteur puisse intervenir d’une
façon décisive (Marseille, 9 juillet 1878, M. 78.1.216;—8 no
vembre 1880, M. 81.1.35; — 28 avril 1892, M.92.1.198; —
5 septembre 1899, M. 99. 1. 408; — 3 novembre 1891, M.
92.1.60; — 11 janvier 1905, M. 1905.1. 137, L.R., 147). Mais
le genre, la provenance et même le poids (sauf pour les mar
chandises où la qualité n’est constituée que par le poids,
(Mar., 5 juillet 1880, M. 1880. 1. 244) peuvent être précisés
sans enlever à la vente, son caractère de vente en disponible
(Mar.,24 avril 1899, M. 99.1.279 ; — ,30 avril 1900,M.906.
1. 247). Il est bien entendu que les expressions n’ont rien de
sacramentel et que les tribunaux en l’absence des mots « dis
ponible » ou «vue dessus » rechercheront quelle est la nature
du contrat (Mar., 25 octobre 1883, M. 84.1.34).
183. On comprend que la faculté accordée ainsi à l’ache
teur serait des plus dangereuses pour le vendeur s’il lui était
laissé un temps assez long pour manifester son intention :il
pourrait attendre paisiblement que l’état du marché fût bien,
assis et se décider suivant la hausse ou la baisse. Aussi ce délai
n’est-il que de trois jours. L’usage l’a même réduit à vingtquatre heures s’il s’agit de cafés, marchandise sur laquelle les
fluctuations des cours sont parfois incessantes (Mars., 24 juin
1889, Conf. sur ce point par Aix, 4 juin 1890).
La même raison fait que ce délai n’est pas franc ; le jour de
la vente et les jours fériés y sont donc compris. Une serait
prolongé que si,.au moment du contrat,le vendeur n’était pas
en état de livrer immédiatement. Dans ce cas, si l’acheteur
ne s’était pas prévalu de ce défaut de disponibilité, le point
VENTE EN DISPONIBLE, GRÉ OU VUE DESSUS
�ACHATS KT VESTES
192
de départ serait reporté à la fin de la livraison (Aix, 4 février
1892,M. 94. 1. 258).
184. L’acheteur peut manifester son refus par lettre.Mais
il ne serait pas valable si écrivant le troisième jour il n’avait
pas mis sa lettre à la poste assez tôt pour qu’elle dût être
distribuée le jour même. Il serait forclos si la lettre levée
dans les conditions normales ne parvenait au destinataire
que le lendemain, soit le quatrième jour (Mars., 14juin 1892,
M. 92. 1.263; — 12 janvier 1893, M. 93.1.80; - 23 mars
1900, M. 900.1.210).
185. Si c’est par la faute du vendeur que l’acheteur n’a pas pu
vérifier dans les trois jours, celui-ci doit, sous peine de forclu
sion, protester et faire constater l’empêchement dans ce délai.
11 en serait autrement dans le cas où, passé ce délai, il articu
lerait un fait dont la preuve serait encore possible et duquel
il résulterait que la marchandise n’a pas été mise à sa dis
position, s’il alléguait, par exemple, que la partie vendue n’était
pas alors entièrement débarquée (Aix, 4fév. 1892. M. 94. 1.
258. — Mars., 23 mars 1900. M. 1900. 1. 210).
186. L’acheteur qui ne so présente pas dans les trois jours
ne peut plus- exercer son droit de refus. La marchandise
offerte est présumée agréée par une véritable présomption
juris et de jure. Mais il serait recevable à établir que la mar
chandise était infectée d’un vice ou d’une avarie préexistante
au contrat, ou tout au moins au jour de l’expiration du délai,
car le vendeur doit toujours offrir une marchandise saine
(Mars., 11 juin 1875, M. 75.1.268; — 10mail881,M. 81.1.197).
187. Le vendeur ne peut pas exiger que l’acheteur exa
mine la totalité de la marchandise offerte : celui-ci en effet,
pouvant refuser sans donner aucune raison, peut manifester
son refus après un examen superficiel d’une partie seulement.
Cela va de soi (Cf. Rennes, 25 mars 1905, G. P. 1905,2, v° Vent,
comm., n° 27).
188. Bien que la marchandise doive être mise sans délai à
la disposition de l’acheteur, le vendeur conserve néanmoins le
droit d’y faire subir les manipulations et criblages autorisés
par les usages et ce pendant toute la livraison, pour rame-
�193
nerpar exemple le blé au minimum de poids stipulé (Mars.,
5 fév. 1873, M. 73. 1. 127).
189. Puisque le vendeur doit mettre immédiatement l’ache
teur en possession,il semble que celui-ci devrait sans aucun
délai faire transporter la marchandise dans ses magasins ou
supporter le paiement des frais de magasinage à partir tout
au moins du moment où il a accepté. Mais l’usage lui ac
corde, pour opérer l’enlèvement, un délai qui à Marseille
est de cinq, et à Nantes (en matière de grains) de dix jours.
L’acheteur qui n’a pas excédé ce délai n’a donc rien à suppor
ter pour frais de magasinage (Mars., 27 nov. 1899, M. 900.1.
56 ; Nantes, 4 avril 1900, G.P.T., 97-902, v° Vent, comm., n» 192).
PROMESSE DE VENTE
SECTION il
DES PROMESSES DE VENTE
SOMMAIRE
190.
191.
192.
193.
194.
195.
196.
197.
198.
199.
200.
201.
202.
203.
204.
Caractère de la promesse de vente. Ses conditions.
Définition qu’en faisait Pothier.
Droit ancien sur la promesse unilatérale.
Merlin enseigne qu’elle est nulle. Arrêts dans ce sens.
Doctrine contraire de Troplong. Son caractère juridique.
Opinion de Bédarride.
Espèces des arrêts des Cours de Bourges et Rennes. Doc
trine et jurisprudence actuelles.
Importance de l’acceptation. Quand doit-on la supposer.
Comment sa règle le droit du promettant de discéder du
marché, lorsqu’un délai a été assigné pour l’acceptation.
M. Duranton exige une mise en demeure. Réfutation.
Quid si aucun délai n’a été déterminé ?
Effets de la promesse régulière et parfaite.
Exception édictée par l'article 1690 du Code civil. Promesse
avec arrhes.
Conditions qu’exige son applicabilité.
Nature de la difficulté que les tribunaux auront à résoudre.
Elément de solution.
A chats et ventes
13
�194
205.
206.
207.
208.
209.
210.
211.
212.
213.
214.
215.
216.
217.
218.
219.
220.
221.
222.
223.
224.
225.
ACHATS ET VESTES
Arrêt de la Cour de Dijon, du 15 janvier 1845.
Appréciation.
Ellets du contrat régulier.
La stipulation d’arrhes est-elle admissible dans la vente pro
prement dite.
Droit romain avant et depuis Justinien.
L’aflirmative s’induit des articles 1589 et 1590.
Opinion contraire de MM. Malleville, Pardessus, Delvincourt et Duranton.
Distinction que propose M. Troplong.
Réponse de M. Duvergier.
Examen et discussion.
Conclusion. Conditions de l’admissibilité. Doctrine actuelle.
Comment les tribunaux doivent apprécier à défaut de sti
pulation écrite, lorsque la vente est sous condition sus
pensive.
Dans le cas de condition résolutoire, casuelle ou potesta
tive.
Dans cette dernière hypothèse,la rupture du marché ne peut
être poursuivie que par l’acheteur, en perdant les arrhes.
Effets de la condition résolutoire légalement sous-entendue.
La dation et la réception des arrhes font-elles perdre au
vendeur le droit de faire maintenir le contrat ? Raisons
pour l’affirmative.
Avis contraire de M. Troplong.
Caractère de sa doctrine.
Examen des motifs sur lesquels elle s’étaye.
Ses conséquences.
Conclusion.
190. L’usage de la promesse de vendre, disait l’orateur du
tribunat, est aussi ancien que la vente. Sa conservation ne
peut entraîner aucun inconvénient. L’article 1589 du Code
civil prouve que le Conseil d’Etat partagea cette opinion. Il
est ainsi conçu : la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y
a consentement réciproque sur la chose et le prix.
Donc la promesse de vente vaut vente, mais à condition
qu’il y aura concours des volontés sur la chose et sur le prix.
En pareil cas, disait Portalis, on trouve effectivement tout
ce qui est de la substance du contrat de vente. C’est parce
�195
que la promesse de vente sera faite par l’un, acceptée par
l’autre, qu’il y aura accord sur la chose et sur le prix que la
promesse vaudra vente. Pouvait-il en être autrement lorsque,
aux termes de l’article 1583, il y a vente parfaite dès que ces
trois circonstances sont acquises.
On ne pouvait donc être plus exigeant pour la promesse
que pour la vente, mais on n’a pas voulu l’être moins, et
avec toute raison, puisqu’on identifiait les deux contrats quant
aux effets, on devait leur tracer des conditions identiques.
L’article 1589 ainsi entendu conduit à cette conséquence :
le législateur n’admet de promesse de vente régulière et obli
gatoire que celle résultant d’une convention synallagmati
que renfermant les conditions exigées par l’article 1583,
191. Pothier comprenait autrement la promesse de vente,
il la définissait : la convention par laquelle quelqu’un s’obli
geait envers un autre à lui vendre une chose à un prix dé
terminé. Pothier avait raison, il n’y a réellement simple pro
messe que dans l’engagement unilatéral du détenteur de la
chose proposant et s’obligeant de la vendre à un prix déter
miné. Dès que cette proposition est acceptée par celui à qui
elle est faite, il n’y a plus seulement promesse, il y a vente
parfaite et définitive, dont l’exécution peut être réciproque
ment exigée et ordonnée par justice.
192. Aussi le droit ancien avait-il paru autoriser la pro
messe unilatérale. Sa validité était admise par les juriscon
sultes. On ne s’était divisé que sur les effets qu’elle devait
et pouvait produire.
Les uns soutenaient que l’acte unilatéral n’était qu’une pro
messe de vendre qu’il dépendait de son auteur de tenir ou
de rétracter ; ils déniaient aux tribunaux le droit de le con
traindre, en se fondant sur la maxime nemo potest cogi ad
factum ; ils estimaient en conséquence que tout devait se
résoudre en une allocation de dommages-intérêts.
Les autres, et parmi eux Pothier, répondaient que la ma
xime nemo potest et celle que les obligations quæin faciendo
consistant se résolvent nécessairement en des dommagesintérêts, n’étaient applicables que lorsqu’il s’agissait de faits
extérieurs et corporels, telle que l’obligation de celui qui se
PROMESSE 1>E VENTE
�ACHATS ET VENTES
190
serait engagé à copier mes cahiers ; lesquels faits ne peuvent
se suppléer que par une condamnation à des dommages-in
térêts. Mais que lorsque le fait qui a donné lieu à la pro
messe n’est pas un fait extérieur et corporel de la personne
du débiteur, il peut être suppléé par un jugement. Ils esti
maient en conséquence que le bénéficiaire de la promesse,
faute par le promettant de passer l’acte, pouvait obtenir un
jugement qui en tiendrait lieu et lui transférerait la propriété
de la chose dont la vente était promise, et dont il pourrait
ensuite poursuivre la livraison réelle et effective.
D’autres enfin soutenaient que le bénéficiaire de la pro
messe unilatérale pouvait, en offrant le prix indiqué, agir
recta via, et demander l’exécution delà vente et la délivrance
de la chose.
La validité de la promesse unilatérale admise, cette der
nière opinion était plus rationnelle, elle faisait éviter le cir
cuit d’actions autorisé par la seconde, et qui 11e pouvait en
traîner que des longueurs et des frais.
193. Qu’en est-il sous l’empire de notre droit actuel?
Merlin se prononce pour la nullité radicale et absolue de
la promesse unilatérale, à laquelle il refuse tout effet. Il dé
duit cette conclusion des termes de l’article 1589. Sa doc
trine a été consacrée par la Cour de llennes, le 25 mai 1820 et
par la Cour de Bourges, le 2 avril 1821. (Rec. gén. Dev. et
Carr. 6.2 p. 266 et 396).
Il est certain que la promesse de vente, qui n’est pas con
forme aux prescriptions de l’article 1589, ne vaudra pas vente.
S’ensuit-il qu’elle ne renferme ni obligation ni droit ? Nous
ne saurions l’admettre.
19 4. La promesse unilatérale, enseigne M.Troplong, quoi
que n’ayant pas acquis le caractère de vente, n’en vaudra pas
moins comme promesse obligatoire, il n’y a en elle aucun vice
de nature à délier le promettant. La bonne foi veut au con
traire qu’elle soit exécutée, à moins qu’on ne dise que le Code
s’est montré moins moral que l'ancienne jurisprudence.Enconséquence le promettant sera obligé de tenir sa parole, et, en cas
de refus, il pourra être contraint par jugement, soit à passer
contrat comme le veutPothier, soit à faire recta via délivrance
�197
de la chose, ce qui paraît plus direct et non moins légal (‘).
Le caractère juridique de cette doctrine nous parait incon
testable. Il s’induit non seulement des principes généraux
de droit en matière d’obligations, mais encore de la règle
que les nullités ne peuvent se suppléer. Or, l’article 1589 dit
bien ce que doit être la promesse valant vente, mais il ne
statue rien sur le sort de celle qui ne réunit pas les condi
tions qu'il exige. Dès lors la déclarer absolument nulle et de
nul effet, c’est ajouter à sa disposition une peine qui ne s’y
trouve pas édictée ; et cela, au moment précisément où ses
exigences se trouvent par le fait réalisées.
Le bénéficiaire de la promesse n’en poursuivra l’exécution
que parce qu’il l’a acceptée. Donc, au moment où le litige
sera porté en justice, l’acceptation aura rendu la promesse
synallagmatique en réalisant le concours de volontés sur la
chose et sur le prix.
195. Mais ce résultat est subordonné à une condition, à
savoir : que l’acceptation aura été réalisée et connue du pro
mettant avant toute rétractation de sa part. En effet, la pro
messe unilatérale n’est en réalité qu’une offre, qu’une propo
sition voulant être agréée. Son auteur fait connaître son
intention de vendre et les conditions qu’il exige.
Tant que celui à qui s’adresse la promesse n’a pas de son
côté manifesté sa volonté d’acheter et l’acceptation pure et
simple des conditions, il n’y a pas de contrat, et la rétracta
tion de la promesse le rendrait impossible dans l’avenir. C’est
ce qu’on décide pour la vente elle-même. Pourrait-il en être
autrement pour la promesse de vente.
Donc, il n’y a en réalité promesse unilatérale pouvant être
rétractée que jusqu’à acceptation. Celle-ci donnée et reçue,
il y a engagement réciproque, contrat synallagmatique, cha
cune des parties étant en position et en mesure d’en contrain
dre l’exécution.
196. Permettre la rétractation de la promesse après l’accep
tation serait donc non pas appliquer, mais violer l’article 1589
lui-même. Or, ce n’est pas ce que consacrent les Cours de
PROMESSE DE VENTE
(■ *) N° 116
�ACHATS ET VENTES
198
Rennes et de Bourges dans leurs arrêts de 1820 et 1821.
La Cour de Bourges ne fait qu'appliquer notre doctrine.
Elle déclare, en effet, qu’une promesse de vente par laquelle
l’acquéreur a la faculté de devenir propriétaire dans un cer
tain temps, moyennant un prix déterminé, devient nulle, si
le vendeur révoque son consentement avant que l’acquéreur
se soit expliqué.
Devant la Cour de Rennes, l’espèce était plus favorable
encore. Le promettant avait sommé le créancier de régulari
ser la vente et d’en payer le prix. Cette mise en demeure
étant restée sans effet, il l’avait ajourné pour voir déclarer
la promesse nulle et de nul effet. Ici il y avait eu non pas
seulement défaut d’acceptation, mais encore refus formel
qui avait par son seul fait anéanti la promesse. Celle-ci, en
effet, n’est jamais faite que sous condition d’être agréée par
celui à qui elle s’adresse. Le refus de celui-ci rendant cette
condition irréalisable, la promesse se trouve naturellement
révoquée. La Cour de Rennes ne pouvait donc prononcer
autrement qu’elle ne le faisait, le réavisé tardif du créancier
n’avait pu faire revivre l’engagement du débiteur, conditio
semel defectci non restauratur. Aujourd’hui d’ailleurs la doc
trine et la jurisprudence sont d’accord pour reconnaître que
dès que la promesse a été acceptée, elle cesse d’être une sim
ple pollicitation et devient obligatoire pour le promettant
(Cass., 10 déc. 83, D. 84.1.134, B.L.S., n° 63.)
19 7.
En pareille matière, tout réside dans la conduite
du créancier; tant qu’il n’a pas formellement accepté,le pro
mettant peut se rétracter. Il est dégagé de plein droit par le
refus d’acceptation.
Celle-ci, donnée avant toute rétractation, rend la promesse
définitive et obligatoire, lui enlève son caractère unilatéral.
Il y a désormais engagement réciproque, concours de volon
tés sur la chose et sur le prix et par conséquent vente parfaite.
La cour de Paris jugeait, le 10 mai 1826, que l’acceptation
n’a pas besoin d’être expresse ; qu'elle peut résulter notam
ment de la remise et de la réception delà promesse écrite et
signée. C’est là une pure question de fait.
Le traité, dans cette espèce, ayant eu lieu entre les parties
�199
directement, on pouvait considérer l’acceptation de la pro
messe comme un agrément. A quoibon, en effet, sa réception,
si celui-ci n’était pas dans l’intention des parties?Présentes
l’une et l’autre, elles avaient pu s’entendre, et c’est parce
qu’elles s’étaient entendues qu’il y avait eu remise de la pro
messe d’un côté, réception de l'autre.
Mais on comprend que ce double fait serait sans importance
dans l’hypothèse d’une promesse entre.absents, faite par cor
respondance. L’envoi n’est alors fait qu’à titre de proposition,
et la réception ne saurait par elle-même en constituer l’ac
ceptation ; celle-ci ne serait acquise que si, en réponse, le
bénéficiaire de la promesse avait déclaré la donner.
Cette manifestation de volonté, indispensable entre absents,
peut l’être également entre présents, par exemple si elle a
été la condition de la promesse ; je promets de vous vendre
telle chose à telprix,si vous vous engagez à l’accepter. Pour
rais-je dans ce cas rétracter ma promesse tant que vous ne
vous serez pas expliqué ?
198. Une distinction nous paraît nécessaire. Sien exigeant
votre déclaration j’ai fixé le délai dans lequel elle doit être
donnée, je me suis interdit le droit de me rétracter avant son
expiration, je ne pourrais donc le faire légalement pendant
toute sa duree.
Mais celle-ci épuisée sans que vous vous soyez expliqué, je
suis dégagé de plein droit, je rentre dans la libre disposition
de ma chose, et votre acceptation ultérieure ne saurait faire
revivre le contrat.
199. M. Duranton admet ce résultat, mais seulement après
une mise en demeure, conformément à l’article 1139 du Code
civil. Cette exigence ne nous paraît pas admissible. Comment,
en effet, recourir à l’article 1139, spécial au débiteur lors
qu’il s’agit du créancier;lorsqu’il est question non de l’exécu
tion du contrat, mais de sa constitution.
D’ailleurs, s’il fallait recourir aux principes généraux du
droit, c’est l’article 1146 que nous invoquerions, et nous con
sidérerions comme légalement en demeure le créancier qui,
tenu de s’expliquer dans un certain temps, a refusé ou omis
de le faire.
PROMESSE DE VENTE
�200
ACHATS KT YKXTKS
La promesse, eneffet,ne peut être prise que dans son ensem
ble. Toutes les cLauses en sont corrélatives et indivisibles.
Libre de contracter ou non, le promettant a pu subordonner
son engagement aux conditions que ses convenances lui ont
paru exiger, et s'il a formellement déclaré ne vouloir être
obligé que pendant un certain temps, rien ne saurait faire qu’il
l'ait été, ou qu’il ait pu l’être au delà.
D’autre part, le créancier n’a pas d’autre titre que la pro
messe elle-même, il ne peut évidemment s’en prévaloir que
dans les conditions qu’elle stipule. Comprendrait-on qu’il pût
la scinder, en revendiquer le bénéfice en en répudiant les char
ges ? Une prétention pareille n’aurait aucun fondement ni en
raison ni en droit. Elle serait donc infailliblement repoussée.
L’assignation d’un délai pour la manifestation delà volonté
du bénéficiaire de la promesse produit donc cette double con
séquence :
1°Le promettant s’est obligatoirement lié pour toute la durée
du délai imparti, il ne peut donc, avant son expiration, reve
nir sur son engagement et rétracter la promesse.
2° Le bénéficiaire de celle-ci esttenu de s’expliquer dans le
délai fixé;son expiration, sans qu’il Fait fait, rétracte la pro
messe, et de plein droit délie son auteur de tout engagement.
(Sic B.L.S., n° 70. — Cass., 8 mai 1882, D. 82. 1. 316).
200. Si la promesse ne détermine aucun délai, le promet
tant n’est exonéré de son obligation que par une rétractation,
mais il peut valablement la réaliser tant que Facceptation n’a
pas été donnée.
A défaut de cette rétractation, sera-t-il indéfiniment tenu,
alors même que l’acceptation se réaliserait à une époque fort
reculée? Nous ne le pensons pas. La nature de la vente pour
rait et devrait, dans certains cas, faire considérer le silence
gardé par le créancier comme un refus ayant déterminé la
rétractation de la promesse.
Au reste, indépendamment du droit de révoquer lui-même sa
proposition,le promettant a lafacultéde sortir de l’indécision
dans laquelle le place le silence du créancier, il peut toujours
le mettre en demeure de s'expliquer en le sommant d’avoir à le
faire, à défaut de quoi la promesse se trouverait rétractée.
�PROMESSE UE VENTE
20 t
L’effet de cette mise en demeure ne serait pas douteux, le
silence que le créancier continuerait de garder serait consi
déré comme un refus, et lé promettant rentrerait dans la libre
disposition de sa chose.
Faut-il que la mise en demeure donne un délai quelcon
que au créancier, et ce délai le promettant est-il libre de le
fixer à son gré ?
Sous l’empire de l’ordonnance, Pothier enseignait la néga
tive. Suivant lui, le délai devait être déterminé par la jus
tice. Il ne reconnaissait donc au promettant que le droit de
faire condamner le créancier à se prononcer dans le délai
fixé par le jugement lui-même. (Sic. B.L.S., n° 70.)
Une poursuite de cette nature n’aurait aujourd’hui rien
d’illégal, mais elle n’est pas obligatoire. Comme l’observe
M.Troplong,la simple mise en demeure suffit, et celui qui la
reçoit est tenu de se prononcer dans le délai qu’elle lui laisse.
Cela est surtout incontestable en matière commerciale, car
le temps consacré à la poursuite de l’instance, et celui que
consommerait le délai accordé par le juge pourraient, par
Jes variations des cours, occasionner au promettant un pré
judice considérable, auquel il serait injuste de l’exposer. Le
créancier devrait donc fournir sa réponse, lui fût-elle deman
dée au bas de la sommation.
201. La promesse synallagmatique ou unilatérale réguliè
rement acceptée valant vente, le promettantne saurait se sous
traire à l’obligation de la délivrance pas plus que l’acheteur la
refuser. Ils peuvent mutuellement se contraindre, sous peine
de dommages-intérêts. Le droit de l’acheteur à demander sa
mise en possession effective ne saurait être ni méconnu ni con
testé puisqu’il est devenu propriétaire au moment de son ac
ceptation. (Sic. B.L.S.,n°6G, Cass., 10mars 1886, D. 87.1.261.)
Mais l’exercice de ce droit peut rencontrer en commerce
un obstacle invincible. Sa réalisation dans la vente civile tient
surtout à ce qu’il s’y agira ordinairement d’un immeuble, ou
d’un meuble certain et déterminé. Il exige donc pour la vente
commerciale qu’elle porte à son tour sur un corps certain
et déterminé, par exemple telle marchandise se trouvant à
bord de tel navire ou dans tel magasin.
�202
ACHATS ET VENTES
Si la chose vendue n’est déterminée que par ses espèce et
quantité, cent hectolitres blé, cinquante balles laines, par
exemple, il n’existe aucun moyen d’obliger le vendeur à la
livraison réelle et effective. Son refus ne laisse à l’acheteur
d’autre droit que celui de se faire allouer des dommagesintérêts.
Ces dommages-intérêts sont naturellement indiqués parla
nature du contrat ; destinés à donner aux parties la position
que leur aurait faite l’exécution du marché,ils comprennent
toute la différence qui peut exister entre le prix convenu et
le cours du jour où la livraison devait s’opérer.
La promesse unilatérale d’acheter est également valable et
devient obligatoire dès qu’elle a été acceptée par le vendeur
(B.L.S., n» 79).
202. Le principe qu’on ne peut discéder d’une promesse
de vente valant vente reçoit exception dans le cas prévu par
l’article 1590 du Code civil: si la promesse a été faite avec
des arrhes, chacun des contractants est libre de s’en départir :
celui qui a donné les arrhes en les perdant, celui qui les a
reçues en restituant le double.
Le fondement rationnel de cette disposition réside dans
l’intention des parties. Chacune d’elles a entendu se réserver
la faculté de revenir sur son engagement, sans autres domma
ges-intérêts que les arrhes données et reçues. Si l’intention
des parties, disait M. Faure, n’eût pas été de se ménager cette
alternative, la stipulation d’arrhes n’avait point d'objet.
203. Les termes de l’article 1590 ne permettent auoun
doute sur l’intention réelle du législateur. La dation et la
réception des arrhes ne conférant la faculté de résoudre le
contrat que s’il s’agit d’une promesse de vente, l’article 1590,
disait M. Malleville, ne statue que pour les arrhes données
sur la simple promesse de vente, et non pour celles données
la vente une fois faite. Celles-ci, en effet, ne sont plus qu’un
acompte sur le prix, c’est-à-dire que l’exécution de la vente
elle-même. On ne pourrait donc discéder du contrat soit en
perdant la somme donnée, soit en restituant le double de ce
qui a été reçu.
204. Cette nuance importante fait suffisamment prévoir le
�203
caractère des difficultés que les tribunaux auront le plus sou
vent à résoudre dans les litiges que soulèvera l’application
do l’article 1590.
Celui-ci soutiendra qu’il n’a entendu faire ou accepter qu’une
promesse, qu’un simple projet, celui-là prétendra au contraire
qu’ils’estagid’une vente convenue et acceptée etquela somme
donnée en a été l’exécution. On comprend l’importance de la
solution. Le marché, résoluble dans le premier cas par le sacri
fice des arrhes, devra, dans le second, être exécuté sous peine
de dommages-intérêts pour la réparation du préjudice pou
vant résulter de l’inexécution.
Un litige de cette nature offre à résoudre une question inten
tionnelle. Comme élément d’appréciation, les tribunaux auront
à consulter les circonstances, la nature et le caractère du mar
ché, le chiffre des arrhes eu égard à son importance.
205. Ainsi la Cour de Dijon jugeait, le 15 janvier 1845, que les
arrhes de 25 francs, à l’occasiondubaild’un bois dont le fer
mage était,indépendamment de certaines redevances en nature,
d’une somme de 2.300 francs, doivent être réputées n’avoir eu
pour but que de témoigner de la perfection du contrat et de
son irrévocabilité ; qu’en conséquence le bailleur ne saurait
se désister du contrat en restituant le double des arrhes reçues.
« Attendu, dit l’arrêt, que les arrhes données par les intimés
n’ont aucune espèce de rapport avec l’importance de la con
vention, puisqu’elles ne consistent que dans la modique somme
de 25 francs, tandis que les canons du bail avaient ôté fixés par
les parties à 2.300 francs par an, indépendamment d’un grand
nombre de prestations en nature qui étaient encore à la charge
des fermiers ; qu’en présence de pareilles circonstances, il est
impossible d’envisager les arrhes comme la représentation des
dommages-intérêts en cas d’inexécution, puisque, en règle
générale,les dommages-intérêts doivent comprendre la répa
ration du préjudice causé et l’indemnité des gains qu’on aurait
pu faire, réparation et indemnité qui, dansl’espèce et eu égard
à la valeur des choses qui faisaient l’objet du contrat, auraient
évidemment atteintpour deux années d’inexécution du bail un
chiffre infiniment plus élevé que celui de 25francs, que dès lors
une somme aussi minime n’est certainement qu’une espèce
ARRHES
�ACHATS ET VENTES
204
d’étreime, c’est-à-dire une libéralité qui a étéfaite au moment
de la conclusion définitive du contrat pour témoigner de sa
perfection et de son irrévocabilité» (J. P., 1845.2.582.)
206. L’arrêt insiste sur la disproportion de la somme don
née et reçue avec l’importance de la convention, mais il relève
en même temps d’autres circonstances qui, convergeant au
même but, tendent à fixer l’intention réelle des parties, et c’est
avec juste raison à notre avis.
Ilnous paraît en effet difficile que, prise isolément, la mini
mité de la somme pût déterminer la solution. Sans doute la
perte des arrhes représente les dommages-intérêts en cas
d’inexécution;sans doute encore cesdommages-intérêts se com
posent de la perte qu’on a faite et du gain dont on a été privé.
Mais cette règle de l’article 1149 du Code civil n’est applica
ble que lorsque rien n’a été réglé relativement à l’indemnité.
S’il existe une convention, elle devient la loi unique et exclusive
du juge comme des parties elles-mêmes.
Or cette convention, l’article 1590 l’induit des arrhes don
nées et reçues. Ne disposant rien quant à leur quotité, il s’en
réfère à l’accord des parties, en accepte le résultat.
On comprend que les parties se soient arrêtées à une somme
relativement fort minime. Au moment où elles traitent, elles
ignorent de la part de qui viendra la rupture. Chacune d’elles
consentira donc facilement à recevoir peu pour se ménager la
chance d’avoir peu à donner.
La disproportion des arrhes avec la valeur réelle de la
matière du contrat n’est donc pas suffisante à elle seule pour
trancher la question, mais,réunie à d’autres circonstances dans
un sens ou dans l’autre, elle peut et doit exercer une grande
influence.
207. La coïncidence du caractère de simple promesse et
de la dation et réception des arrhes amène à ce résultat que
le sort de la convention et son exécution ne sont plus qu’une
faculté laissée à l’une et à l’autre des parties.Chacune d’el
les a le droit de reprendre son consentement, celle qui a
donné les arrhes en les perdant ; celle qui les a reçues en
restituant le double. C’est là la peine unique de l’inexécution.
Ce caractère de pénalité donné à la perte des arrhes con-
�205
duit à cette conséquence, qu’elle n’est encourue et acquise
que dans l’hypothèse où l’inexécution est purement volon
taire ; qu’elle a lieu contre et malgré l’une des parties.
Dès lors si la chose promise a péri ; si un événement de
force majeure vient créer un obstacle à l’exécution du con
trat ; si d’accord commun les stipulations sont révoquées par
les parties, chacune d’elles est remise dans la même position
qu’avant le marché. Les arrhes ne sont ni perdues ni acqui
ses, celui qui les a reçues les restitue purement et simple
ment à celui qui les a données.
208. Nous venons de dire que l’article 1590 ne dispose
que dans l’hypothèse d’une promesse de vente,d’où M.Malleville concluait qu’il est inapplicable au cas d’une vente
parfaite ; qu’alors la somme donnée et reçue est présumée
l’avoir été soit à titre d’acompte, soit à titre d’étrennes,
comme le décidait la Cour de Dijon.
Est-ce là la conclusion à tirer nécessairement de l’arti
cle 1590? Est il vrai que les arrhes proprement dites répu
gnent à la vente, et que leur stipulation ne confère pas le
droit de discéder du contrat, soit en les perdant, soit en les
doublant ?
209. Le droit romain avant Justinien se prononçait pour
l’affirmative, il ne voyait, dans les arrhes données à l’oecasion d’une vente, qu’un témoignage de la perfection du con
trat : Quod arræ nomine datum, argumentum est emptionis
et vendilionis contractas.
Justinien avait-il modifié et abrogé cette règle? Cette ques
tion avait soulevé une vive controverse parmi les interprètes
du droit romain. Si nous étions obligé d’opter pour l’une ou
l’autre opinion, nous nous prononcerions pour la négative
avec Cujas, Voët, Pothier, Despeisses, etc...
Gomment en effet admettre le contraire lorsque, ouvrant
les Institutes, nous rencontrons cette déclaration:dira sunt
argumentum emptionis vendilionis contractas, c’est-à-dire la
disposition textuelle de l’ancien droit.
Il est vrai que plus loin Justinien confère le droit de dis
céder du contrat en perdant ou en doublant les arrhes. Mais
il n’accorde cette faveur que dans l’hypothèse d’une vente
ARRIIIÎS
�ACHATS ET VENTES
206
encore imparfaite,c’est ce qui ressort nettement du texte des
Institutes.
Justinien, après avoir tracé les conditions exigées pour la
perfection de la vente, ajoute : Donec enim aliquis deest ex
his, et penitentiæ locus est, et potest emptorvel venditorsine
pœna recedere ab emptione. lia tamen impune eis recedere
concedimus, nisi jam arrarum nomine aliquid fuerit datum.
Hoc etenim subsecuto sive in scriptis, sive sine scriptis venditio celebrata est, is qui récusai adimplere contractum, si
quidemest emptorperdit quod dédit, si vero venditor duplum
restituere compellitur licet super arris nihilexpressum est (1).
Ainsi la vente dont on peut discéder est uniquement celle
qui, manquant d’une de ses conditions essentielles, n’avait
pas encore acquis toute sa perfection. On pouvait donc en
refuser l’exécution sans être tenu de rien, sine pœna.
Mais cette impunité cessait si des arrhes avaient été don
nées et reçues.Dans ce cas, l’imperfection du contrat nesuffisait plus, on ne pouvait en discéder qu’en perdant ou en
doublant les arrhes. Or, en restreignant cette faculté à l’hy
pothèse d’une vente imparfaite, on l’excluait dans l’hypothèse
contraire, déjà rangée sous l’empire de la règle arræ sunt
argumentum emptionis venditionis contracta?.
210 . Le Code civil n’a pas fait cesser la controverse. Cepen
dant son texte diffère si essentiellement de celui des Institu
tes, qu’il semble qu’il ne devrait exister aucun doute sur
son intention de permettre ce que celles-ci prohibaient. On
pourra bien, à l’appui de l’opinion contraire, faire remarquer
que l’article 1590 ne statue que dans l’hypothèse d’une pro
messe de vente. Mais cette promesse est celle que l’arti
cle 1589 assimile à la vente. Or, faire résulter des arrhes la
faculté de discéder d’une promesse valant vente, n’est-ce pas
concéder cette faculté pour la vente elle-même.
Tel est, d’ailleurs, le sens que M. Grenier donnait à l’arti
cle 1590.Les idées,disait-il danssondiscoursau Corpslégislatif, n’étaient pas fixées à ce sujettes usages variaient. Ilne
pourra plus, à l’avenir, y avoir de difficultés. La délivrance
et la réception des arrhes déterminent le caractère et l’effet
(*) In st.,
de Em pt. vend.
�207
de l’engagement, en le réduisant à une simple promesse de ven
dre, dont on pourra se désister sous les conditions établies
par le Code.
Ainsi, quelle que soit la nature de la convention, si son
exécution est renvoyée à une époque ultérieure et garantie
par des arrhes, il n’y a pas à distinguer. La stipulation de
.celles-ci imprime au marché le caractère de promesse, en
subordonne l’effet à la persistance de la volonté réciproque
dos parties.
211. Toutefois, et à l’exemple de Malleville, MM. Pardes
sus, Delvincourt et Duranton n’admettent pas cette interpré
tation de l’article 1590. Lorsqu’il s’agit d’une vente, ensei
gnent-ils, cette vente, accompagnée d’une stipulationd’arrhes,
n’en est pas moins définitive ; il n’est plus au pouvoir des
parties de se désister ; les arrhes seraient considérées comme
un acompte sur le prix ; comme un gage de la sûreté du
payement, si elles consistaient en un corps certain. C’est ce
que la Cour de Colmar consacrait le 15 janvier 1813.
212. M.Troplong distingue entre la vente conditionnelle et
la vente pure et simple. Il estime que cette dernière échappe à
l’application de l’article 1590.La vente est parfaite, dit-il; elle
fait passer recta ma la propriété sur la tête de l’acheteur; elle
le saisit de plein droit et sans le secours d’aucun acte émané des
parties. Se désister, ce serait donc abdiquer la propriété et 4a
faire repasser sur la tête du vendeur. Maisl’acheteur pourra-til opérer cette rétrocession de la propriété?Ne faudrait-il pas
que le consentement du vendeur vînt s’ajouter au sien?Lnfin,
on se dédit d’un engagement,mais on ne se dédit pas d’un droit
de propriété. Se dédire d’un droit acquis et consommé impli
que contradiction (*).
213. Dans tous les cas,répond M.Duvergier,cette contradic
tion est écrite dans la loi. Qu’on songe que d’après l’article 1589
la promesse de vente vaut vente; qu’elle renferme un droit. Or,
quel qu’il soit, droit de propriété ou simple jus ad rem, l’arti
cle 1590 permet de s’en départir. On peut donc se départir d’un
droit acquis (2).
ARRHES
(l) N» 140.
(*) N° 144.
�208
ACHATS ET VENTES
Nous ne concédons pas les prémisses de M. Troplong et
moins encore sa conséquence. La vente réellement contractée
avec arrhes ne sera parfaite et définitive que par l’exécution que
les parties lui donneront..Jusque-là il n’y a qu’un engagement
de la part du vendeur de livrer, de la part de l’acheteur de
recevoir la chose vendue et achetée ; refuser de l’exécuter, c’est
donc se départir d’un engagement plutôt que d’un droit acquis.
S’agit-il d’un droit, de celui de propriété, pourquoi ne pour
rait-on pas s’en départir si les parties s’en sont formellement
réservé et concédéla faculté. Or, cette réserve et cette conces
sion résultent de plein droit de la stipulation des arrhes, et
cette stipulation n’est-elle pas le consentement à ce que la
faculté qu’elle concède soit exercée? Donc, en admettant que
cet exercice fût la rétrocession de la propriété,nous rencontre
rions ce consentement du vendeur exigé par M. Troplong.
Remarquons enfin que M.Troplong ne se préoccupe que du
refus fait par l’acheteur. Or, ce refus peut provenir duvendeur,
qui se dispensera d’exécuter soit en perdant les arrhes qu’il a
données, soit en doublant celles qu’il a reçues. Il peut donc
reprendre la propriété qu’il aurait transférée, comment pour
rait-il dès lors s’opposer à ce que l’acheteur l’abdiquât à son
tour aux mêmes conditions.
214. Le tort de l’opinion que nous repoussons est de sup
poser une hypothèse qui ne saurait se réaliser. On ne comprendraitpas que des arrhes fussent stipulées, si la vente rece
vait immédiatement son exécution, c’est-à-dire si la chose qui
en fait la matière était livrée et reçue au moment du contrat.
On n’a recours à cette stipulation que parce que cette exé
cution est nécessairement renvoyée à un temps plus ou moins
prochain, donc la vente n’est que conditionnelle. Sa perfec
tion exige le secours du fait personnel des parties, car elle
ne vaudra que si chacune d’elles a persisté dans la volonté
qu’elle a manifestée à l’origine du traité.
Contestera-t-on le droit qu’ont les parties de traiter à cette
condition? Mais, comme les autres contrats, la vente est
susceptible de toutes les conditions qu’il plaît aux parties de
stipuler, pourvu qu’elles ne blessent ni l’intérêt public, ni
la morale, ni les bonnes mœurs. Hésiterait-on à valider la
�209
vente sous réserve de se dédire pendant un certain délai ?
Or, la stipulation d’arrhes n’est, pas autre chose que cette
réserve que la loi induit de la nature du contrat.
215. Nous pensons donc que l’article 1590 est applicable
à la vente comme à la simple promesse de vente, et cela par
le motif que M. Grenier relevait dans son discours. La déli
vrance et la réception des arrhes déterminent, le caractère
légal du contrat en le réduisant à une simple promesse do
vendre et d’acheter qu’il est loisible à chaque partie de ne pas
tenir. Leur refuser cette liberté serait violer le contrat en lui
enlevant son effet le plus essentiel, c’est-à-dire cette alter
native sans laquelle, comme l’observait M. Faure, la stipula
tion d’arrhes n’avait point d’objets.
Ainsi, quelle qu’ait été la nature du contrat dans l’inten
tion des parties, la certitude qu’il a été fait avec arrhes le
place sous l’empire de l’article 1590. L’unique effet qui s’in
duira de ce qn’il s’est agi d’une vente, sera de rendre plus
difficile à admettre la prétention de faire considérer comme
arrhes la somme donnée et reçue. La probabilité étant qu’elle
l’a été en déduction du prix, on n’admettra le contraire que
si le doute n’était pas permis, dans le cas par exemple où
un traité écrit indiquerait le véritable caractère de l’opéra
tion. (Sic B. L. S., n° 84, Guillouard 1, n° 20).
216. A défaut de preuve écrite s’offrent, pour les juges con
sulaires, la preuve testimoniale, les présomptions. Celles-ci
s’induiront non pas seulement du fait de la remise et de la
réception d’une somme quelconque, mais encore et surtout du
caractère du traité.
Si les parties ont positivement vendu et acheté, on présu
mera difficilement l’existence du contrat régi par l’arti
cle 1590. La somme donnée et reçue paraîtra bien plutôt
un à-compte sur le prix, une preuve de la perfection de la
vente qu’une arrhe proprement dite. On n’admettra le con
traire que si aucun doute ne s’élevait sur le sens et l’inten
tion de ces remise et réception.
Si l’effet de la vente a été subordonné à une condition,
c’est par la nature de celle-ci qu'on résoudra la difficulté.
ABRHIOS
A chats
e t ventes
14
�210
ACHATS ET VENTES
L’article 1590 devrait être appliqué si la condition, soit ca
suelle, soit potestative était, suspensive.
La somme alors donnée et reçue ne peut l’avoir été qu'à
titre d’arrhes, par la raison, observe fort judicieusement
M. Troplong, que la vente étant encore incertaine, et rien
n’indiquant si elle se purifiera par l’échéance de la condition,
vous n’avez pu entendre payer par anticipation un prix qui
peut-être n’aura jamais été dû et acquis (*).
Cette incertitude conduit donc à ce résultat que ce qui a
été donné et reçu avant l’échéance de la condition n’a été
dans l'intention commune des parties que la peine du dédit
dont on s’est réservé la faculté, précisément parce qu’on en
réglait les effets.
2 1 7 . La condition résolutoire n’enlève à la vente rien de
sa perfection, le contrat existe légalement jusqu’à l’événement
qui peut le faire résoudre, on peut donc, en prévision de
son maintien, solder le prix en tout ou en partie, sauf à s’en
faire rembourser, le cas échéant. On ne saurait donc exciperde
la conditionpour soutenir qu’il y a arrhes plutôt qu’un acompte.
Mais il n’en est ainsi que lorsque la condition résolutoire
est purement casuelle, et elle n’aura pas toujours ce carac
tère. En commerce, elle peut être potestative, par exemple
la vente d’une chose pour un prix déterminé, avec obligation
de livrer ou de retirer dans un tel délai, passé lequel la vente
sera résiliée. Il est évident que le sort du contrat est laissé
à la volonté de la partie. Sa résolution résulte du refus de
livraison de la part du vendeur, du défaut de retirement de
la part de l’acheteur.
Dans cette hypothèse, plus encore que dans celle d’une
vente sous condition suspensive, la somme donnée et reçue
au moment du contrat doit être considérée comme l’indem
nité conventionnelle due par celui qui par son fait occasion
nera la rupture du contrat. Il n’y aura là que des arrhes qui
seront perdues ou doublées, suivant que celui qui se dédit
les aura données ou reçues.
2 1 8 . Dans l’exemple que nous supposons,la condition résop) No 102.
�ARRHES
211
lutoire potestative existe en faveur des deux parties. Mais le
contrat peut ne la déférer qu’à l’une d’elles, par exemple la
vente faite sous condition par l’acheteur d’opérer le retirement dans un délai, sous peine de résiliation. Il est évident,
dans ce cas, qu’à l’égard du vendeur la vente est pure et sim
ple. Il ne pourrait donc refuser la livraison qui lui serait
demandée dans le délai convenu, en offrant de restituer le
double de ce qu’il a reçu. En consentant à la condition réso
lutoire potestative en faveur de l’acheteur et en omettant de
sé la réserver, il a renoncé expressément à la réciprocité que
la loi attache à la convention d’arrhes pure et simple (Troplong, n° 413).
Supposez que le contrat se horne à stipuler que la livrai
son sera effectuée dans tel délai, à peine de résiliation, les
rôles seront changés. La vente, conditionnelle pour le vendeur,
sera parfaite et définitive pour l’acheteur. Le premier en sera
quitte par la restitution du double de ce qu’il a reçu; le second
ne serait pas délié par la perte de ce qu’il a donné.
2 1 9 . La faculté concédée par l’article 1590 peut-elle être
exercée dans la vente conditionnelle après que l’événement
prévu est venu en assurer la perfection? On jugera de l’inté
rêt que présente la solution de cette question par la contro
verse qui s’est élevée à son sujet.
On sait que la clause résolutoire est toujours sous-entendue
dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des
parties ne remplit pas son engagement. Mais le droit d’en
poursuivre les effets est une faculté et non une obligation.
Celui qui pourrait s’en prévaloir est toujours libre d’y renon
cer et d’opter pour l’exécution du contrat.
Loin de modifier le principe dans son application à la vente
des denrées et effets mobiliers, l’article 1657 du Code civil l’a
consacré plus formellement encore, en faisant résulter, de
plein droit, la résolution du contrat, au profit du vendeur,
et sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure, de l’expira
tion du délai convenu pour le retirement. {Infra, n° 401).
Mais, en ne consacrant la résolution que contre l’acheteur,
cet article a laissé subsister dans son entier le droit du ven
deur. On ne saurait donc lui refuser l’option qui lui appartient
�212
ACHATS ET VENTES
et lui contester la faculté de s'en tenir à l’exécution de la
vente.
Mais si l’acheteur persiste dans son refus, l’exécution maté
rielle est impossible,le vendeur n’a plus à demander et à obte
nir que des dommages-intérêts représentant la perte qu’il fait
et le gain dont il est privé. Or, n’est-ce pas la détermination
de ces dommages-intérêts que la convention a faite lorsque
des arrhes ont été données et reçues ?
220. C’est en se plaçant à ce point de vue qu’on a soutenu
que le vendeur avait perdu l’option qui lui appartenait, qu’il
ne peut, à quelque époque que se réalise l inexécution, exiger
rien autre, ni au delà des arrhes. La réception des arrhes, a-ton dit, a modifié le caractère de la vente qu’elle a fait sortir
du droit commun. En les recevant et en consentant à les rete
nir en cas d’inexécution,le vendeur est présumé avoir renoncé
à exiger l’accomplissement de la vente, c’est comme s’il avait
déclaré que la résolution, avec le gain des arrhes, était ce qu'il
préférait. Donc, en lui interdisant toute autre action, on ne fait
que lui appliquer la loi qu’il s’est lui-même imposée.
221. 11 semble que ces considérations sont sans réplique,
et qu’elles s’induisent du texte et de l’esprit de la loi, cepen
dant M. Troplong les repousse comme inadmissibles. Elles
ne reposent, dit-il, que sur une présomption fautive. La
réception des arrhes ne peut, sans forcer le sens des actes,
être assimilée à une renonciation. Le vendeur a deux droits
parallèles que la loi met à sa disposition,il ignore encore celui
qu’il choisira, car son élection dépend des circonstances. La
baisse ou la hausse imprévue des marchandises pourra seule
le déterminer à opter. Est-il présumable dès lors qu’il ait
abandonné d’avance et à l’aveugle ce droit précieux? N’est-il
pas plus raisonnable de conclure qu’il n’a accepté les arrhes
qu’éventuellement et pour le cas où la résolution de la vente
serait pour lui le parti le plus convenable ? (‘)
222. M. Troplong s’occupe beaucoup trop du vendeur et
pas assez de l’acheteur. Les arrhes, cependant, sont surtout
dans l’intérêt de ce dernier, puisque, déterminant la peine
(!) N° 145.
�213
de l'inexécution, elles sont pour lui une garantie que, si son
intérêt est d’y recourir, il ne sera jamais tenu au delà de la
somme qu’il a d’avance livrée dans ce but. C’est là d’ailleurs
ce qui est textuellement écrit dans l’article 1590.
Ce droit de l’acheteur, le système de M. Troplong le mé
connaît et le refuse. Que devient dès lors l’article 1590, si
la faculté de discéder du contrat moyennant la perte des
arrhes est subordonnée à la volonté du vendeur ?
Ce qui résulterait de là, c’est que celui-ci, en cas de baisse,
ne manquerait pas de réclamer le maintien et l’exécution du
marché, et d’obtenir ainsi des dommages-intérêts au delà
des arrhes, c’est-à-dire que l’acheteur sera privé du béné
fice qu’il a entendu se ménager, au moment précisément de
l’événement en prévision duquel il l’a stipulé.
223. Ce système ne serait admissible que si l’article 1590
ne pouvait s’appliquer à la vente comme à la promesse de
vente. Aussi M. Troplong l’induit-il de ce que la vente ayant
transféré la propriété, cette propriété ne peut faire retour
au vendeur que par un nouveau contrat que son refus rend
impossible. La vente n’est ébranlée que d’un seul coté, tan
dis qu’il faudrait un mutuel dissentiment pour l’anéantir.
Nous croyons avoir suffisamment établi que l’article 1590
régissait la vente comme la promesse de vente. Il est impos
sible, en effet, que la stipulation d’arrhes ne produise pas pour
l’une l’efïet qu’on lui reconnaît dans l’autre. Sa raison d’être
n’est et ne peut être, dans tous les cas, que la réserve de dis
céder du contrat, suivant que l’intérêt ou les convenances
des parties l’exigeront.
Nous répétons avec M. Faure, si l’intention des parties
n’avait pas été de so ménager l’alternative d’exécuter ou de
rompre le marché, la stipulation d’arrhes n’avait point d’ob
jet. Comment dès lors la vente elle-même pourrait-elle échap
per à la loi que les contractants se sont volontairement im
posée ?
Sans doute, la baisse survenant, le vendeur aurait plus
d’intérêt à l’exécution dumarchéqu’à l’acquisition des arrhes.
Mais c’était là une éventualité qu’il ne lui était pas.difficile
de prévoir, il pouvait en répudier la chance en refusant de
ARRHES
�ACHATS ET VENTES
214
traiter dans les conditions qui lui étaient proposées. Leur
acceptation lui enlève le droit de se plaindre, car le préjudice
qu’il alléguerait provient de, son propre fait autant que de
celui de son adversaire.
224. D’ailleurs, la loi qu’on lui impose, si elle lui est pré
judiciable en cas de baisse, lui sera avantageuse en cas de
hausse, puisqu’en doublant les arrhes, il se dispensera délivrer
et s’attribuera ainsi le bénéfice d’une nouvelle vente à un
prix plus avantageux.
M. Troplong ne pouvait sans inconséquence reconnaître au
vendeur le droit de ne pas livrer la chose, aussi le lui refuset-il.
Ainsi, d’après lui, le contrat est définitif et obligatoire pour
tous. Mais alors à quoi bon la stipulation d’arrhes? Elle a eu
cependant un objet, elle devait évidemment, dans l’intention
des parties, produire un effet quelconque. N’en tenir aucun
compte n’est-ce pas substituer contre la volonté de l’une des
parties une convention à celle qui avait été mutuellement
acceptée ?
225. Nous avions donc raison de le dire : l’unique consé
quence à tirer de ce qu’il s’est agi d’une vente et non d’une
promesse sera de rendre plus difficile l’admission des arrhes.
A moins d’une convention expresse, on considérera la somme
donnée et reçue comme l’exécution de la vente et le paye
ment partiel du prix. C’est ce qu’a décidé la Cour de Lyon
par appréciation de la volonté des parties(25 janv. 1899, G.
P. T., 1897-1902, v° Vente, n° 154).
Mais si cette convention existe, si elle est avouée ou
établie, l’opération, quelle que soit la qualification qui lui a
été donnée, n’est plus, comme le disait M. Grenier, qu’une
simple promesse de vente dont l’exécution est laissée à la
volonté libre des parties. Chacune d’elles a consenti à subir
la volonté de l’autre et déclaré d’avance que la résolution avec
le gain des arrhes était ce qu’elle préférait. Elle a donc for
mellement renoncé à l’option que le droit commun lui confé
rait, et à la faculté de contraindre son cocontractant à l’exé
cution du contrat, c’est-à-dire la réception ou la livraison
matérielle de la chose vendue. Le ffain des arrhes est la seule
�CONDITIONS SUSPENSIVE ET RÉSOLUTOIRE
215
indemnité qu’elle puisse réclamer. Le tribunal de commerce
de Marseille a paru adopter cette doctrine en jugeant le
20 octobre 1892 que lorsque à la conclusion d’une vente, des
arrhes ont été remises par l’acheteur à son vendeur sans que,
les parties aient expliqué si c’était à titre de dédit ou d’a
compte sur le prix, c’est à titre de dédit qu’elles doivent être
présumées remises : l’acheteur a dans ce cas le droit de se
dégager de son obligation en les abandonnant (M. 1893.1.15).
Les termes du contrat, la correspondance, les circonstan
ces diverses dans lesquelles la vente a été conclue auront
naturellement la plus grande influence sur la solution et l’ap
préciation du j uge du fait pourra s’exercer sans aucun contrôle.
SECTION III
DES VENTES ET PROMESSES DE VENTE CONDITIONNELLES
SOMMAIRE
226. Les ventes et promesses de vente peuvent être conditionnel
les. Caractère de la condition.
227. Effets de la condition résolutoire.
228. Effets de la condition suspensive.
229. Les obligations et les droits de l’acheteur passent à ses héri
tiers et à ses créanciers.
230. Effets de la seconde vente faite par le propriétaire dans l’in
tervalle de la suspension.
231. Utilité de la condition suspensive dans les ventes commerciales.
232. Ventes par navire désigné ou à désigner. Définition.
233. Abus qui résulteraient conLre l’acheteur d’une vente maritime
conditionnelle. La désignation y remédie.
234. Le vendeur peut se réserver un délai pour cette désignation.
235. Si aucun délai n’a été fixé, le tribunal peut l’impartir.
236. Interprétation rigoureuse des accords contre le vendeur.
237. L’obligation de désigner dans le délai est substantielle. Elle
doit porter sur un navire non encore arrivé.
238. Désignation par lettre. Navire dans le port. Faculté pour le
vendeur à Marseille de faire une autre désignation.
�216
Jurisprudence contraire du Havre.
Calcul de la différence pouvant être due par le vendeur.
Expiration du délai. Lettre.
Précision de l’époque de l’embarquement et de l’arrivée.
Clauses substantielles.
2-13. Non arrivée du navire. Justification du chargement à faire par
le vendeur.
214. Onpeutdésigner un navire non chargéet qui même n’est pas
arrivé au port de charge. Voyage direct.
245. Transbordement interdit.
246-247. Effets de la désignation. Individualisation de la chose.
Risques pour l’acheteur. Faculté de proroger accordée à
l’acheteur.
248. Pluralité des marchés. Déficit.Exécution des marchés d’après
leurs dates.
249. Le dernier acheteur supporte donc le déficit.
250. Indivisibilité de la vente pour le vendeur. Il ne peut offrir
une quantité moindre.
251. Exécution sans réserve lorsqu’il y a un déficit. Conséquences.
Clause « Environ ».
252. Le vendeur doit, au moment du chargement, être proprié
taire de la quantité vendue.
253. Vente de partie d’un lot. Validité de l’offre du solde pour
compléter la quantité.
254. Jurisprudence contraire du Havre.
255. Erreur sur l’époque du chargement: l’acheteur n’encourt
aucune forclusion.
256. Si la vente a été faite sans échantillon, le défaut de qualité
ne donne lieu en principe qu’à une bonification.
257. Ventes sur embarquement. Définition. Délai du chargement.
Obligation substantielle. Non indication du nom du navire.
Conséquences. Désignation d’un navire ou de plusieurs
navires déjà arrivés.
258. Interprétation rigoureuse contre le vendeur. Embarquement
réel. Indivisibilité.
259. Transbordement. Connaissement direct.
260. Chargement avant le délai. Nullité. Clause « Embarquement
jusqu’à telle date. »
26 t .- Précision de l’époque de l’arrivée : obligation substantielle.
262. Interdiction de substituer un voilier à un vapeur ou un vapeur
à un voilier.
to IS
39.
40.
2 4 l.
2-12.
ACHATS . ET VENTES
�CONDITIONS SUSPENSIVE ET RÉSOLUTOIRE
263.
264.
265.
266.
267.
217
Clauses « embarquement immédiat ».
Clause « embarquement prompt ».
Délai pour offrir la marchandise après l’arrivée.
Conversion en marché ferme. Prorogation tacite.
Preuve de la date du chargement. Connaissement. Foi qui
lui est due.
268. L’acheteur peut fournir la preuve contraire. Le vendeur ne
le peut pas.
269-270. Jurisprudence. Critique d’un arrêt d’Aix.
271. Fraude:responsabilitécommune du capitaine et du chargeur.
272. Délai du chargement. Force majeure. Offre d’une marchan
dise de même provenance.
273. Différence. Jour auquel elle est due. Droit d’option de l’ache
teur.
274. Faux connaissement. Pas de forclusion pour l’acheteur.
275. Clause : livrable franco le long du bord, l’acheteur conserve
le droit de vérifier à l’arrivée.
276. Transformation du marché en vente par navire désigné.Con
séquences, mesures sanitaires, grèves.
277. Liberté des conventions. Amalgames des divers contrats.
278. Vente, coût, fret, assurance (caf ou cif). Définition.
279. Paiment. Traite documentée ou documentaire.
280. La traite doit-elle être acceptée ?
281. Usage d’après lequel l’acheteur paie le fret à l’arrivée. Dimi
nution proportionnelle de la facture et de la traite. Con
séquences en cas de perte en cours de voyage.
232. Livraison au port d’embarquement. Individualisation de la
marchandise. Connaissement et police distincts. Marchan
dise à prendre sur un lot. Navire indirect.
282 bis. Délai de la remise des documents après l’arrivée.
283. Différence entre la réception au lieu d’expédition et l’agré
ment au lieu d’arrivée. Délai des réclamations.
284. Lieu où doit s’effectuer l’experlise.
285 . Acheteur représenté par un commissionnaire.
286. L’acheteur peut-il demander la résiliation ou seulement une
bonification ?
287. Droits de douane.
287 bis. Mesures sanitaires.
288. Caractères essentiels delà ventecaf.seuls retenus par lajurisprudence.
289. Vente à terme (à livrer). Son caractère.
�218
ACHATS ET VENTES
290. Facilité qu'elle offre pour le jeu sur la hausse ou la baisse. Ce
qui en était résulté. Loi du 28 mars 1885. Son application
par la jurisprudence.
291. Marchés à prime : leur légalité.
292. Marchés à double prime. Interversion des positions.
293. Ventes par Filières. Leur mécanisme. Ordre de livraison trans
mis successivement.
294. Difficultés pour le paiement résultant delà différence des cours
et des prix.
295. Règlements existant sur certaines places. A défaut application
des usages.
29ô. Peu importe que le vendeur ait créé lui-même la filière ou l’ait
acceptée.
297. La filière ne constitue pas un contrat unique. Distinction des
ventes et reventes successives.
298. Le premier vendeur ne peut donc agir que contre son acheteur
direct.
299. Jurisprudence du tribunal de Marseille. Son caractère.Juge
ments rendus au profit du vendeur originaire opposables à
tous lesfiliéristes.
300. Mais étant donnéladistinctiondes marchés, les jugements ren
dus au profit du vendeur originaire ne sont pas toujours oppo
sables à tous les vendeurs et acheteurs successifs. Arrêts
contradictoires de la Cour d’Aix. Règlements de Paris. Arrêts
contradictoires delà Cour de Paris. Liberté de la Défense.
301. Comment s’opère le paiement. A qui et par qui il est dû.
302. Jurisprudence de la Cour d’Aix.
303. Affaire Savine. Jugement de Marseille et arrêt d’Aix.
304. Principe qui s’en dégageile réceptionnaire ne peut payerson
vendeur tant que le livreur n’est pas désintéressé. L’échange
des factures ne libère pas le réceptionnaire. Conséquences.
305. Clause « payable comptant». Délai de dix jours.
306. Le réceptionnaire paierait valablement son vendeur si le
livreur ne poursuivait qu’à l’expiration des dix jours.
307. Qui peut se prévaloir du retard et l’opposer comme fin de
non-recevoir. Acheteur du vendeur originaire.
308. Négligence du livreur. Jurisprudence de Marseille.
309. Le droit du livreur d’exiger le paiement du réceptionnaire est
personnel, non transmissible par subrogation aux acheteurs
et vendeurs successifs.
310. Arrêt d’Aix en ce sens.
�CONDITIONS SUSPENSIVE ET RÉSOLUTOIRE
2ia
311. Le vendeur qui a réglé les différences ne peut exiger de son
acheteur au delà du prix dû par celui-ci si le réceptionnaire
ne se présente pas.
312. Résumé.
313. La faculté pourlesdeux partisquantauxconditions delà vente
est illimitée. Conséquences.
314. Ce qui est vrai pour la vente,l’est aussi pour la promesse de
vente,
315. Difficultés que peut faire surgir la vente alternative: com
ment on doit les résoudre.
2 2 6 . En matière de ventes et de promesses de vente, les
contractants jouissent, quant aux stipulations du contrat, de
cette liberté entière et absolue que la loi confère pour les
conventions en général. Cette liberté n’a d’autres limites que
le respect dû à la loi, que les exigences de l’ordre public,
de la morale et des bonnes mœurs. Il ne pouvait venir à l’es
prit de personne de méconnaître et de contester ce principe,
néanmoins le législateur a voulu qu’il prît place dans ses
dispositions.
Aux termes de l’article 1584 du Code civil, la vente peut
être faite purement et simplement ; sous une condition sus
pensive ou résolutoire ; avoir pour objet deux ou plusieurs cho
ses alternatives. Dans tous les cas, son effet est réglé par les
principes généraux sur les conventions.
Dans la vente conditionnelle, la détermination du carac
tère de la condition est d’une haute importance, car son effet
différera essentiellement, suivant qu’elle sera résolutoire ou
suspensive.
2 2 7 . La vente faite sous condition résolutoire est parfaite
dès sa conclusion. Elle n’éprouve dans son exécution d’autre
retard que celui que la convention stipulerait pour la livrai
son. Celle-ci réalisée effectivement ou fictivement, la chose
se trouve aux risques de l’aclieteur et périt pour son compte.
L’événement de la condition a pour unique effet de remet
tre les parties dans l’état où elles étaient avant le marché.
Le vendeur perd le droit d’exiger le prix ou le rembourse
s’il l’a reçu; l’acheteur restitue la chose.
De là cette conséquence que, si cette restitution était
�220
ACHATS KT V1CMTI5S
impossible parce que la chose a péri, la vente produirait
tout son effet, malgré que le fait qui devait la résoudre se
fût accompli. Le droit qui naît de cet accomplissement est
nécessairement subordonné à la possibilité de remettre les
parties dans leur position d’avant la vente. Cette possibilité
n’existant plus, tout est définitivement acquis et consommé.
228. La vente sous condition suspensive est, quant à son
exécution, subordonnée à l’événement de la condition. Elle
est parfaite en ce sens que, dans l’intervalle du contrat à
cet événement, les parties demeurent engagées, sans qu’il
leur soit permis de discéder du marché. Elles n’en acquer
raient la faculté ni par la mort, ni par la faillite.
En pareille occurrence, comme l’observe Cujas, il faut,
quant à la capacité des parties, considérer non pas l’époque
de l’échéance de la condition, mais celle de la conclusion du
contrat. C’est à ce moment que rétroagit l’événement de la
condition, même à l’égard des tiers. La vente purifiée par
cet événement, l’acheteur est seul propriétaire de la chose
du jour qu’il a traité, aussi la recevrait-il franche et libre de
tous droits dont l’acheteur l’aurait grevée dans l’intervalle.
2 2 9 . Les obligations et les droits du vendeur et de l’ache
teur passent à leurs héritiers et à la masse de leurs créanciers.
Rien ne dispenserait les héritiers de ce dernier du devoir
d’exécuter le contrat, de se livrer de la marchandise et d’en
payer le prix. Les héritiers du vendeur ne pourraient, de
leur côté, refuser de faire la délivrance dans les conditions
auxquelles leur auteur aurait dû l'opérer.
La faillite n’est pas une cause de résiliation des marchés
en faveur de ceux qui ont traité avec le failli. Le vendeur,
obligé de livrer à celui-ci, serait également tenu de le faire
en faveur de la masse, sous peine de dommages-intérêts.
Mais dans ce cas les syndics seraient tenus en recevant
la chose d’en payer intégralement le prix. Ils ne pourraient
faire considérer le vendeur comme un créancier ordinaire ne
devant recevoir que le dividende que la liquidation offrira.
Si celui qui a traité et qui est tombé depuis en faillite est
le vendeur, l’acheteur pourra exiger la délivrance. Mais la
faillite a frappé d’indisponibilité l’actif du failli, et par cou -
�221
séquent créé un obstacle invincible à l’exécution matérielle
du marché. Aussi le refus des syndics ne laisserait à l’ache
teur d’autre recours que celui de se faire allouer des dom
mages-intérêts en indemnité de l’inexécution ; que de faire
ordonner la restitution de ce qu’il pourrait avoir payé en
acompte et en déduction du prix. Mais il ne serait, à raison
de cette restitution comme des dommages-intérêts alloués,
que simple créancier chirographaire, soumis à la loi que les
autres devraient subir.
La faillite n’est pas sans influence sur les traités sous con
dition suspensive dont l’événement est encore incertain au
moment de la cessation de payements. La partie qui est
encore integri status a le droit d’exiger que la masse déclare
si elle entend maintenir ou non le traité, et en cas d'affir
mative de l’obliger à donner caution ponr la garantie de son
exécution. Si la masse renonce au traité ou refuse la cau
tion, la résiliation immédiate devrait être prononcée l.
2 3 0 . La vente sous condition suspensive est donc parfaite
(piant à l’engagement et à l’obligation de l’exécuter, la con
dition prévue se réalisant. Mais jusque-là elle demeure sans
effet. Elle n’a pu notamment transférer la propriété à l’ache
teur qui ne l’acquerra peut-être jamais. Son existence, dit la
Cour de Cassation, est subordonnée à la réalisation de la con
dition suspensive et si cette condition est devenue irréalisable,
aucune des parties ne peut soutenir que l’autre est engagée
aux termes d’un contrat sans effet possible (20 oct. 1908.
G. P., 1908.2.380).
Le vendeur pourrait, abusant de sa position, revendre à
un tiers la chose qui est encore en sa possession. Le sort de
cette seconde vente ne serait pas douteux si, étant pure et
simple, elle avait été suivie de tradition. Son bénéficiaire ne
pourrait être dépossédé, alors même cjue l’événement de la
condition serait venu purifier la première.
Si, malgré la seconde vente, la chose est encore aux mains
du vendeur au jour de cet événement, elle appartient au pre
mier acheteur. L’échéance de la condition lui en a de plein
CONDITIONS SUSPENSIVE ET UKSOLÜTOIHK
( 1) Notre
Comm. des faill., f l"
li64 etsuiv.
�222
ACHATS ET VENTES
droit transféré la propriété; et comme cet effet remonte au
jour du contrat, la seconde vente aurait été faite a non domino;
ou plutôt elle n’aurait eu pour objet qu’un droit résoluble.
Son bénéficiaire serait donc repoussé en vertu de la règle
resoluto jure dantis, resolvitur et jus accipientis. Il n’aurait
que le droit de se faire allouer contre le vendeur les domma
ges-intérêts que l’acheteur précédent aurait à réclamer dans
le premier cas.
231. La vente commerciale ne sera que rarement contrac
tée sous condition résolutoire. Les obligations qui en nais
sent sont peu compatibles avec les usages et les besoins com
merciaux, avec l’intérêt réel des parties.
La rentrée des marchandises dans-les magasins dont elles
sont sorties donnerait lieu à des frais et exposerait à des
pertes qu’on aurait évités. D’autre part la nécessité de les
conserver, pour les restituer le cas échéant, empêcherait de
profiter de la hausse momentanée du cours, et l’échéance de
la condition se réalisant en temps de baisse, on rencontrerait
une perte au lieu du bénéfice qui s’était offert. Nous le répé
tons, il n’est ni dans les usages ni dans l’intérêt du commerce
de courir une pareille chance.
La condition suspensive, au contraire, est un des auxiliai
res les plus énergiques du commerce. Elle permet une foule
d’opérations impossibles sans son secours. Quel est, en effet,
le commerçant qui oserait vendre une chose qui n’est pas
encore en sa possession, qui n’y arrivera peut-être jamais,
s’il lui était interdit de se ménager le moyen de s’affranchir
de tous dommages-intérêts en cas qu’il ne puisse tenir son
engagement ?
On sait par exemple les dangers sans nombre que courent
les marchandises qu’il faut aller chercher au delà des mers.
Leur arrivée est toujours incertaine, et si l’importateur était
obligé de l’attendre pour en disposer, combien de fois ne
rencontrerait-il pas une perte au lieu du profit qu’il eût réa
lisé en vendant dans l’intervalle ?
Un pareil résultat, tendant à restreindre les spéculations
dans un cercle étroit et limitant l’essor du commerce, était un
danger pour l’Etat lui-même; l’intérêt public s’unissait donc
�223
à l’intérêt privé pour en faire repousser toute possibilité.
Les négociants l’ont ainsi compris et de tout temps les
ventes maritimes ont été accompagnées de conditions, quel
ques-unes inhérentes, on peut le dire, à ces sortes de mar
chés et aux aléas qu’ils comportent. Nous allons donc traiter
des trois types de ventes les plus usitées en reproduisant ici
l’étudè que nous avons publiée dans la R evue in tern a tio n a le
de d ro it m a ritim e , tome 23, pages 133 et suiv.
232. V entes p a r n a vire désigné ou à désigner. — Dans la pre
mière moitié du siècle dernier, les ventes maritimes ont sur
tout consisté dans les marchés appelés ainsi. Elles ont l’avan
tage tout en diminuant les risques du vendeur, de protéger
dans une mesure suffisante les intérêts de l’acheteur.
En effet, si un importateur comptant recevoir la cargaison
d’unnavire aune certaine époque, vend cette cargaison livra
ble à cette époque et qu’un événement quelconque empêche la
marchandise d’être à la disposition de l’acheteur au jour con
venu pour la délivrance, celui-ci pourra exiger soit un rem
placement onéreux, soit la résiliation avec dommages-inté
rêts. Pour se garantir contre ces éventualités les vendeurs
ont imaginé de vendre sous une condition suspensive celle
de l’heureuse arrivée du navire porteur de la marchandise
dans un délai fixé. De cette façon si le navire n’arrivait pas
au moment voulu, le marché était simplement résilié ou plu
tôt annulé faute d’accomplissement de la condition, mais le
vendeur n’était jamais astreint au paiement d’une indemnité.
2 3 3 . Un contrat fait dans ces termes pouvait donner lieu
aux plus grands abus, et, en réalité, son exécution était en
tièrement abandonnée à la bonne foi du vendeur. L’acheteur
ignorait le nom du navire sur lequel la marchandise avait
été embarquée. Or avec les irrégularités et les incertitudes
de la navigation à voiles, comment aurait-il pu contrôler les
affirmations du vendeur au sujet du chargement et des ha
sards de la traversée ? Il était à craindre qu’en cas de baisse
le navire arrivât toujours, et qu’en cas de hausse il ne parvînt
jamais au port de destination.
Avec l’obligation pour le vendeur de désigner le navire
transporteur, cet inconvénient si grave disparaît. L’acheteur
VENTES PAR NAVIRE DÉSIGNÉ
�ACHATS ET VENTES
224
connaissant ainsi le navire qui doit lui apporter la denrée
vendue, peut par cela même se tenir au courant des circons
tances du voyage et le suivre en quelque sorte à chacune de
ses escales : toute fraude du vendeur devient impossible.
2 3 4 . Le nom de cette vente — par navire désigné <m.par na
vire à désigner — indique suffisamment que le vendeur n’est
pas tenu de nommer le navire au moment même du contrat.
Il peut se réserver un délai.
235. Si pourtant aucun délai n’a été fixé, Bédarride [Achats
et ventes, éd. préc., n° 215) estime que la justice ne saurait sup
pléer au silence de la convention et que le droit du Vendeur de
faire la désignation se prolongerait jusqu’au moment de l’ar
rivée du navire. Le savant auteur invoque un arrêt d’Aix du
25 janvier 1840 réformant un jugement du tribunal de Mar
seille du 11 septembre 1839, qui, sur la demande de l’acheteur avait imparti un délaiau vendeur. Mais cet arrêt (M.1840.
1. 151) ne se préoccupe pas des conditions des ventes par
navire. 11 constate simplement qu’il s’agit en l’espèce d’un
pacte purement aléatoire dont l’acheteur avait seulement le
droit de demander la résiliation au cas où la marchandise ne
serait pas arrivée à destination à une époque déterminée. La
solution du tribunal de Marseille reste donc intacte, la Cour
s’étant placée dans une hypothèse bien différente.
Pour nous, nous approuvons la thèse du tribunal. Bédar
ride nous dit que le vendeur aura le droit de désigner jus
qu’au moment fixé par l’arrivée 1 Pourquoi ? Si rien n’a été
précisé à cet égard faudra-t-il permettre au vendeur d’atten
dre indéfiniment qu’une baisse se soit produite pour se pro
curer et désigner un bâtiment ?
236. Il est d’ailleurs de règle dans les ventes maritimes
plus encore que dans les autres, d’interpréter les accords
avec une rigueur extrême contre le vendeur, dans le sens le
plus étroit. Si donc l’intention des parties est douteuse, c’est
la prétention de l’acheteur qui sera accueillie (Havre, 20 janv.
et 15 mars 1892, B.D. M., VII, 423 et 683; id., 8 nov. 1893, ib.,
IX, 525).
2 3 7 . La désignation doit être faite dans le délai convenu :
c’est là une obligation absolue, substantielle. Une désigna-
�225
tion antérieure ou postérieure serait sans valeur. Le vendeur
ne peut donc la réaliser la veille du premier jour de ce délai
(Mars., 16 mars 1875 et 7 déc. 1876 ; M 75. 1. 172 et 76.
1. 276). Elle ne peut porter que sur un navire non encore
arrivé et l’on considère comme arrivé celui qui est entré
dans le port à un moment tel qu’il devait se trouver en vue
au moment de la désignation (Mars., 17 déc. 1861, ib.,
6 1. 1. 270).
2 3 8 . Lorsque la désignation est faite par lettre mise à la
poste la veille du premier jour du délai et parvenue au desti
nataire dans la matinée du lendemain, cette désignation est
nulle si, à l’heure de la remise de la lettre, le navire se
trouvait dans le port depuis quelques heures ; et, en règle,
on ne peut désigner un navire arrivant dans le port le pre
mier jour du délai à une heure tellement matinale qu’il est
impossible, sans sortir des usages commerciaux, de faire par
venir à l’acheteur une désignation antérieure à cette heure.
Dans ce cas le tribunal de Marseille refuse à l’acheteur le
droit de résilier immédiatement et laisse au vendeur la faculté
de faire dans le délai une autre désignation, celle-là régu
lière (17 déc. 1876, ib., 76. 1. 276).
2 3 9 . La jurisprudence du Havre est contraire (8 nov. 1895,
R. D.M.,1X, 525) et selon nous s’accorde mieux avec le principe
définitivement admis que lorsque le vendeur n’a pas fait de
désignation utile, la vente n’est plus conditionnelle, dépendant
de l’arrivée d’un bâtiment. Elle est alors convertie en mar
ché ferme et l’acheteur a le droit, en cas de baisse, de faire
prononcer la résiliation, en cas de hausse d’exiger la livraison
immédiate ou le paiement de la différence. C’était aussi la
jurisprudence du tribunal de Marseille avant le jugement de
1876(29 oct. 1855 et 26 mars 1858, M. 55.1. 321 et 58. 1.122).
D’ailleurs, en pratique, les acheteurs se réservent souvent le
droit de proroger le marché pendant une période déterminée.
2 4 0. La différence est calculée en prenant pour base le
cours soit du jour de la demande on justice, soit du jour où
le navire chargé normalement aurait dû arriver, soit du jour
où le chargement aurait dû être effectué s’il a été fixé parla
convention. L’acheteur a le droit de choisir l’époque la plus
VENTES PAR NAVIRE DÉSIGNÉ
A c h a t s f , t vf -.n t f . s
15
�226
ACHATS HT VhXTliS
favorable à ses intérêts (Aix, 17 mai et 10 juin 1840, M. 47.1.
138; Mars., 7 août 1878,13 avril 1880,'lGnov. 1880; ib., 78.1.
242, 80. 1. 183, 81. 1.153, infrà, n° 273).
2 4 1 . ILfaut que la lettre contenant la désignation parvienne
à l’acheteur avant l’expiration du délai. La désignation est
tardive et inefficace lorsque cette lettre mise à la poste le soir
du dernier jour u’arrive normalement à l’acheteur que le len
demain matin. Le vendeur en pareil cas encourt la résilia
tion avec dommages-intérêts.
2 4 2 . Si le contrat précise soit l’époque de l’embarquement,
soit celle de l’arrivée du navire, chacune de ces clauses est
également substantielle et le vendeur reste soumis à leur exé
cution et aux conséquences de l’inexécution dans des condi
tions identiques à celles qui ont trait à la désignation.
2 4 3 . Au cas de non-arrivée du navire désigné, l’acheteur
a le droit d’exiger du vendeur la justification qu’il avait réel
lement mis à bord, en temps voulu, la chose vendue. A dé
faut de ces justifications la désignation est nulle (Mars.,6 fév.
1895, R. D.M.,X, 792; Lyon-Caen et Renault, De la Vente,
nos 181 et s.).
2 4 4 . Mais il n’est pas nécessaire que le chargement soit réa
lisé, ni même que le navire se trouve dans le port de charge
au moment où la désignation est faite (Aix, 11 mai 1836, conf.
Mars., 9 mars 1836, M. 1836. 1. 239). Seulement si le navire
périt dans un port où il s’était rendu en faisant un voyage
intermédiaire et d’où il devait relever pour aller charger les
marchandises à livrer, cette perte ne saurait être rangée au
nombre des risques dont l’acheteur est tenu de subir les con
séquences. En pareil cas et malgré la non-arrivée du navire,
le vendeur demeure obligé à la livraison, sous peine de dom
mages-intérêts (Mars., 14 juin 1860, M.1860.1.174). Mais si
le navire s’était perdu en allant directement au lieu de charge
du port où il se trouvait au moment des accords, la vente
serait annulée purement et simplement (Mars., 29 oct. 1855,
M. 1855. 1.321).
2 4 5 . De même si le contrat ne prévoit aucun transborde
ment, le vendeur commet une faute en chargeant sur un navire
qui doit transborder en cours de route, et l’acheteur à qui
�227
ce fait crée des difficultés avec la Douane est en droit de laisser
pour compte la marchandise (Havre, 26 juillet 1004, R. D. M.,
XX, 227).
2 4 6 . La désignation individualise la chose vendue. A par
tir de ce moment le vendeur ne peut offrir et l’acheteur exi
ger que la marchandise se trouvant à bord du navire désigné.
Une autre conséquence de la désignation c’est de faire passer
à l’acheteur la responsabilité des risques de route. Mais le
marché n’est définitivement acquis, réalisé, que par l’arrivée
du navire au jour de la livraison. A défaut le marché se trou
verait résilié sans indemnité de part ni d’autre, à moins que
l’acheteur n’use, le cas échéant, de la faculté de proroger, et
il est censé en user s’il garde le silence lorsque le navire n’est
pas arrivé à l’époque fixée.
2 4 7 . Il en serait encore ainsi si l’acheteur ayant le droit
de renouveler sa prorogation avait commencé par déclarer
qu’il prorogeait le marché pendant un certain temps. L’omis
sion de renouveler sa prorogation ne donne pas au vendeur
le droit de considérer la vente comme annulée (Mars., 14 mai
1860, M. 1860.1.144).
2 4 8 . Il peut se faire que le même vendeur ait passé plu
sieurs marchés avec divers acheteurs pour diverses quantités
de marchandises semblables, confondues dans un môme char
gement, et livrables à l’arrivée du navire désigné comme en
étant porteur: ces ventes doivent recevoir leur exécution dans
l’ordre de leurs dates.
2 4 9 . En conséquence, si le chargement arrive diminué par
une avarie et qu’il ne puisse suffire aux diverses livraisons
dont il devait être l’aliment, il y a lieu, non pas de répartir
le déficit entre les divers acheteurs, mais de le faire suppor
ter par le dernier en date, et cela sans distinguer si l’avarie
s’est produite à fond de cale ou dans d’autres parties de la
cargaison. Le vendeur doit donc subir la résiliation avec dom
mages-intérêts envers ce dernier acheteur vis-à-vis de qui il
n’a pas rempli son obligation (Mars., 10 mai et 1erjuin 1860,
■ Tour, de Mars., 1860. 1. 155).
2 5 0 . Le vendeur devant charger la marchandise qu’il a ven
due, il s’ensuit encore qu’il ne peut offrir à l’arrivée du
VENTES PAR NAVIRE DÉSIGNÉ
�228
ACHATS ET VENTES
navire une quantité moindre que celle stipulée. La vente,
on ce qui le concerne, est indivisible. L'acheteur est donc
fondé à obtenir la résiliation pour le tout même si une par
tie a été embarquée et expédiée dans le délai (Rouen, 12 décem
bre 1887,R.D.M., 111, 539; Mars.,18 août 1847; M. 1847.1.343,
ici., 8 mars 1895, R.D.M, X, 792 ; Mars., 9 janvier 1907, Joürn.
de Mars., 1907, 1. 165). Iln’en serait autrement que si le défi
cit, peu important d’ailleurs, devait être attribué à des causes
purement accidentelles telles que le transbordement,le débar
quement, la manipulation de la marchandise, et nullement à
un acte volontaire et prémédité du vendeur (Aix, 6 août 1857,
M. 1857. 1. 226).
2 5 1 . Mais si le vendeur a livré et si l’acheteur a accepté
sans réserve de part ni d’autre, une-quantité moindre, aucune
des parties ne peut ultérieurement olîrir ou réclamer la frac
tion manquante. Le marché est présumé avoir été définiti
vement exécuté avec cette modification (Marseille, 21 oct. 1907.
M. 1908. 1. 71).
Le vendeur fait ajouter parfois à l’indication de la quan
tité la clause « environ ». Dans ce cas il est autorisé à livrer
un chargement moindre, mais il ne peut pas en user pour
ne pas donner toute la quantité vendue quand celle-ci se
trouve réellement à bord (Marseille, 25 nov. 1907. M. 1908.
1 . 108).
2 5 2 . Le chargement et le transport doivent, sauf conven
tions contraires, être effectuées parle vendeur lui-même ou
par son ordre (Aix, 7 déc. 1892, R.D.M.,VIÎI, 323) ; il doit au
moins être propriétaire de la marchandise au moment de la
désignation. S’iln’en possédait qu’une partie, il ne pourrait la
compléter en achetant le solde du chargement (Aix, 17 janv.
1901, R.D. M., XVI, 481). Ilne pourrait pas, a fortiori, offrir
une quantité embarquée sur un autre navire (Havre, 26 fév.
1888, R. D. M., 111, 704).
2 5 3 . Mais si la vente ne comprenait qu’une partie du lot
embarqué, il pourrait offrir en cas d’insuffisance et en com
plément une autre partie de ce même lot. A Marseille, on a
constamment jugé que le vendeur peut offrir tout le charge
ment à son acheteur pour n’appliquer à la vente que la par-
�VENTES PAll NAVIRE DÉSIGNÉ
221)
lie trouvée conforme aux accords jusqu’à concurrence de
la quantité vendue. En conséquence, si la partie supérieure
du chargement d’abord offerte en livraison et refusée pour dé
faut de qualité est reconnue après expertise n’être pas de la
qualité convenue, le vendeur a le droit de la retirer et de la
remplacer par telle autre partie du chargement remplissant
les conditions de la vente sans que l’acheteur puisse préten
dre que le droit du vendeur a été épuisé par sa première
offre (Mars., 29 mai 1860, 25 sept. 1862, 23 août 1864, M,,
1860. 1. 337, 1862.1. 289, 1864. 1. 225).
2 5 4. Le tribunal du Havre nous paraît avoir jugé avec
un rigorisme excessif en décidant que lorsque le vendeur a
vendu une quantité de 200 balles à prendre sur un lot de 500,
ce lot de 500 balles forme un corps certain qui doit avoir
été embarqué en totalité sur le navire, et qu’à défaut du lot
original, l’acheteur est en droit de refuser en application au
marché 200 balles provenant d’un autre lot. Cette décision,
il est vrai, paraît ne pas constituer un jugement de principe.
Le tribunal la justifie par des constatations tirées du fait et
de la commune intention des parties (15 mars 1892, R.Ü.M.,
VII, 683).
2 5 5 . 11 se peut que l’acheteur croyant que le navire a été
chargé en temps voulu déclare résilier purement et simple
ment faute de son arrivée dans le délai convenu. Mais si
plus tard il acquiert la preuve de son erreur et peut démon
trer que le chargement n’a pas été réalisé à l’époque indi
quée, il a le droit de recourir contre son vendeur en dom
mages-intérêts sans que celui-ci lui oppose aucune forclusion
(Mars., 7juin!894,conf. par Àix, 25 mars 1896, M., 1897.1.34).
Nous examinerons en étudiant la vente sur embarquement
comment ou peut établir ou contester la date du charge
ment (infra, n° 267).
2 5 6 . Si la marchandise vendue par navire désigné avait
été vendue sans échantillon, les différences de la qualité ne
pourraient en principe donner lieu qu’à une réfaction. C’est
là un usage généralement suivi et notamment en ce qui
concerne les blés exotiques. Toutefois le taux de cette boniqcation ne doit pas dépasser un certain chiffre au-dessus
�230
ACHATS ET VENTES
duquel la marchandise ne serait plus marchande et de recette
et pourrait être refusée par haçheteur(Rennes, 15 déc. 1898,
G. P., 99. 1. 215. Cf. infra, n° 317).
II
2 5 7 . Ventes, sur embarquement. — Les ventes par navire
désigné ou à désigner sont bien moins fréquentes aujourd'hui
qu’elles ne l’étaient il y a trente ou quarante ans. La substitution
des vapeurs aux voiliers, la fréquence et l’abaissement du fret,
la rég ularité et la périodicité des traversées, le développement
de la télégraphie électrique assurant la rapidité des commu
nications, ont amené le commerce à préférer, dans bien des
cas, un autre type de marché, la vente sur embarquement,
offrant plus de souplesse, plus de facilités en faveur du ven
deur, facilités que les conditions nouvelles de la navigation
ont rendues sans péril pour l’acheteur. Par ce contrat le ven
deur ne prend que l’engagement d’embarquer dans un délai
convenu la marchandise qui en fait l’objet, marchandise qui
sera remise à l’acheteur à l’arrivée du navire ou des navires
qui l’auront transportée. La condition substantielle ici réside
dans l’obligation de charger dans le délai imparti (Marseille,
5 janvier 1887. M.87.1.89,6 avril 1908,R.D.M.,22, 843), sans
que le vendeur soit tenu d’indiqüerle navire au moyen duquel
il l’accomplit. Il suit de là que, contrairement à ce que nous
venons de voir à propos d’une vente par navire désigné, il
pourra attendre pour offrir lamarcliandise que le navire soit
arrivé auport de destination (Mars.,4 juill.'1883,Havre,23janv.
1883, M., 83. 1.257 et 85.2.83). 11 pourra même ne faire l’of
fre qu'après uncertain déLaià partir de l’arrivée dunavire.En
outre, n’étant pas obligé à charger sur un bâtiment unique,
il peut fractionner à son gré les expéditions pourvu que chacun
des chargements distinctifs ait été réalisé dans le délai prévu
aux accords. S’il a usé de cette faculté,il pourra attendre l’ar
rivée du vapeur apportant le solde du marché, pour offrir
toute la quantité vendue,sauf,bien entendu, convention con
traire. Ce sont là de grands avantages pour le vendeur: mais
�231
aussi il supporte les risques de route caria marchandise n’est
individualisée qu’au moment de son offre.
2 5 8 . L’interprétation des accords doit encore ici être rigou
reuse contre le vendeur.S’il n’accomplit pas à la lettre l’obli
gation de charger dans le délai, l’acheteur a ipso facto droit
à la résiliation, sans qu’il soit astreint à une preuve autre que
celle du retard ou du défaut d’embarquement. Le vendeur ne
pourrait l’éviter ni en affirmant qu’il a remis la marchandise
à une Compagnie de navigation devant charger dans le délai
et qui ne l’a pas fait,ni, si une partie a été embarquée,que la
résolution ne doit porter que sur le solde.L’acheteur a stipulé
un embarquement effectif et non pas projeté et le marché
est considéré comme indivisible {supra, n° 13) (Rouen,12 dé
cembre 1887,R.D.M. III, 539). Mais une fois la marchandise à
bord, le vendeur n’est pas responsable du retard dans le dé
part du navire (Mars., 1" mai 1905, R.D.M. XX,890).
259. Encourt également la résiliation le vendeur qui a
chargé dans le délai fixé pour un port intermédiaire avec un
connaissement n’indiquant pas la destination définitive, si la
marchandise a été transbordée sur un autre navire, une tois
le délai expiré, avec un nouveau connaissement distinct du
qiremier. 11 en serait autrement si la marchandise avait été
chargée avec un connaissement direct du port de départ au
port de destination (Mars., 19 nov. 1903, Rec., XIX, 564).
260. Le chargement avant le délai entraîne les mêmes con
séquences que l’embarquement tardif : la résiliation est donc
acquise à l’acheteur si le navire est parti'avant l’époque fixée
(Havre, 10 mai 1892, M.,03.2. 219). Mais si les parties ont
seulement stipulé « embarquement jusqu’à telle date» l’offre
d’une marchandise déjà chargée au moment du contrat doit
être validée. L’acheteur n’est pas fondé à soutenir que cette
formule constitue le elles a rjuo et que, par conséquent, le
point de départ du délai est la date du contrat (Aix, 14 juin
1899, conf. Mars., 13 juillet 1898, R.D. M, XV, 40).
261. Les contrats mentionnent souvent et l’époque del’embarquement, et le délai dans lequel la marchandise doit arri
ver. Cette deuxième indication constitue aussi une condition
substantielle. L’acheteur peut donc refuser la marchandise
VENTES SUR EMBARQUEMENT
�Al HAIS KT VKJiTKS
232
embarquée en temps voulu,mais arrivée avant l’époque fixée
pour la livraison. Dans ce cas le vendeur a le droit d’offrir
ultérieurement une autre marchandise conformément à la dou
ble conditionstipulée.Iln’estpasforclospar la première offre
(Mars.,22 sept. 1881,M.,81.1.289).
2 6 2 . Si te contrat porte embarquement par vapeur, le ven
deur ne peut pas donner en aliment une marchandise chargée
sur un voilier (Havre, 15 juin 1897, R. D. M., XIII,84) ni subs
tituer un vapeur à un voilier si c’est le voilier qui a été con
venu (Aix,G février 1892, conf. Mars.,29 juillet 1891,inédit).
2 6 3 . Au lieu de préciser l’époque de l’embarquement les
contrats contiennent parfois des clauses un peu vagues telles
que «embarquement immédiat » ou « embarquement prompt ».
Par la première, le vendeur est réputé avoir la marchandise
à sa disposition immédiate, il est donc obligé de la mettre à
bord, en totalité dans le plus bref délai possible, sous peine
de résiliation avec dommages-intérêts (Mars.,23-mai 1892 et
7 juin 1899, M. 92.1.239 et 99.1.331).
2 6 4 . La clause « embarquement prompt », au contraire,
laisse au vendeur un certain délai : il n’est tenu qu’à justi
fier de ses diligences, et il suffit qu'on ne puisse lui repro
cher d’avoir négligé une occasion favorable pour expédier
sans retard (Mars., 26janv. 1892,M.92.1.136) .Mais ce délai
d’après l’usage de Marseille ne peut dépasser vingt et un jours
(Mars., 18 déc. 1903, ici., 1904.1.90).
26 5. Le vendeur pouvant n’offrir qu’après l’arrivée du na
vire transporteur, il importait pourtant de limiter à un délai
relativement court le temps pendant lequel il pourrait réalisersonoffre.sous peinede sacrifier les intérêts de l’acheteur.
Le vendeur, en effet, aurait pu, dans certaines circonstances,
attendre le jour où les fluctuations du marché lui auraient
donné un bénéfice certain. Aussi le tribunal appréciera
suivant les espèces si une limite raisonnable n’a pas été dé
passée. 11 a été jugé, par exemple, que le vendeur qui n’offre
que le douzième jour fait une offre tardive et encourt la résilia
tion (Mars., 3 août 1898, conf. par Aix,25 juillet 1899, R.D.M.
XIV, 139).
11 peut être dérogé expressément ou tacitement à cette
�233
règle : la dérogation s’induirait notamment de ce que le ven
deur se serait réservé de livrer à quai dans le but de pou
voir vérifier et trier la marchandise pour n’en livrer que la
partie saine (Mars., 3 nov. 1901, conf. par Àix, 12 nov. 1902,
inédit).Dans ce cas, l’offre faite onze jours après l’arrivée du
vapeur, mais le lendemain du jour où le débarquement a été
terminé, doit être validée, le vendeur devant forcément atten
dre la fin du débarquement pour opérer le triage.
VENTES SDH EMBARQUEMENT
2 6 6. Gomme la vente par navire d ésign é, la vente sur em
barquem ent est convertie en m arché ferm e faute d ’exécution
de la part du vendeur.
Elle est tacitement prorogée jusqu’au moment où l’une des
parties manifeste par une mise en demeure son intention d’y
mettre fin.Ge droit appartient aux deuxparties.Le vendeur peut
toujours arrêter la prorogation tacite en offrant à l’acheteur
lerèglement immédiat des différences déjà encourues (Mars.,
21 avril 1896, M. 96.1.180).
L’acheteur peut ne pas se prévaloir du défaut d’embar
quement dans ledélai.Sa renonciation peut être tacite ets’induire des circonstances : si, par exemple, ayant reçu un ordre
de livraison sur un navire évidemment chargé après le délai,
il l’a gardé sept jours sans protester. Cette longue inertie rend
irrecevable toute réclamation (Mars., 15 déc. 1904 et 17 janv,
1906, M. 1905. 1 .1 0 0 et 1906.1.134).
26 7. Le connaissement fournira d’ordinaire la preuve de
la date du chargement. 11 n’en résulte pourtant qu’une pré
somption que les intéressés peuvent faire tomber par une
preuve contraire fournie par des documents dont l’appréciationest abandonnée au tribunal (Rouen, 15déc. 1883. M. 1886.
2.113 ; Aix, 24 déc. 1896, R.D.M., XII, 446). Ordinairement
cette preuve est administrée par des renseignements puisés
soit dans les documents de Douane, soit dans les indications
du Lloyd, soit dans le rapport de mer ou le livre de bord (Àix,
27 mars 1896,conf. Mars.,7 juinl894et 12avril 1899,conf.
Mars., 9 nov. 1898,inédits ; Havre, 23 sept. 1897, R.D.M.,XIII,
651).
26 8. L’acheteur est admis à prouver contrairement aux
énonciations du connaissement parce qu’il n’est pas compris
�ACHATS ET VENTES
234
parmi les personnes entre lesquelles le connaissementfaitfoi
aux termes de l’article283 du Code decommerce.il est etran
ger à la charte partie, et il ignore souvent jusqu’à la dernière
heure le nom du navire choisi par le vendeur pour opérer le
transport de la marchandise. Il n’est donc pas l’une des parties
intéressées au chargement visées par cet article, qui d’ailleurs
applique simplement à un cas particulier la règle générale
posée à l’article 1322 du Code civil: lorsque le connaissement
est signé par le chargeur ou dûment accepté par lui (dans la
pratique la remise du connaissement au chargeur et son exé
cution, c’est-à-dire la mise à bord delà marchandise, tiennent
lieu très fréquemment de la signature), il constitue un acte
sous seing privé légalement reconnu ayant la même foi que
l’acte authentique entre ceux qui l’ont souscrit, mais entre
ceux-là seulement.
Quant au vendeur, il suit de là qu’il ne doit jamais être
entendu s’il prétend, lorsqu’on lui oppose l’irrégularité del’embârquement, que la date du connaissement est fausse et s’il offre
de prouver qu’en fait le chargement a été opéré à l’époque
voulue : c’est ce qui est enseigné par la doctrine sans la moin
dre hésitation;Béd., D r. m a r ., n03 698, 699, Desjardins, t. IV,
n° 928, Lyon-Caen et Renault, t. V, n° 708).
269. Lajurisprudence paraissaitdéfinitivementfixée dans ce
sens (Mars., 7 janv. 1896, M. 1896. 1.88; Havre, 27 nov. 1895,
R.D.M.,X1, 439). L’arrêt d’Aix du 27 mars 1896 avait fait
siens ces motifs du jugement : « Attendu que la date du char
gement telle qu'elle figure au connaissement n’est pas oppo
sable à B... et C“-qui ne son t p o in t p a rties a n con na issem en t
créé par le capitaine ; qu’il n’est pas douteux que les tiers
q u i ne sont p a s p a rties au co n na issem en t peuvent le débattre
et enétablir la fausseté par toutes sortes demoyens », il parais
sait donc que la Cour n’aurait pas autorisé la contradiction
delà partde ceux qui sont parties au connaissement! Demême
on pouvait induire d’un arrêt de la Cour de Cassation que le
connaissement ne pouvait être incriminé parceux quiy avaient
participé : « Attendu que le connaissement f a i t se u l la loi
entre les chargeurs et les tra n sp o rteu rs. » (21 nov. 1887, R.
D.M., 111,404.)
�VENTES SUIt EMBARQUEMENT
235
2 7 0 . Il semblait donc que les règles ainsi posées étaient à
l’abri de toute atteinte : maisle tribunal de commerce de Mar
seille a jugé à propos d’innover et le 20 février 1902 a déclaré
que le vendeur faisant la preuve par un certificat de douane
que la marchandise avaitété embarquée dans les délais et non
pas comme l’indiquait le connaissement en dehors du délai,
l’acheteur refusant de recevoir était mal fondé dans sa résis
tance parce que « la date d’un connaissement ne constitue
« entre vendeurs et acheteurs qu’une présomption simple qui
« cède à la preuve contraire » (Journ. de Mars., 1902. 1.180.)
Appel fut interjeté. 11 semblait, en effet, bien difficile que
ce principe affirmé avec tant d’assurance, sans que le tribunal
se fût préoccupé le moins du monde d’en démontrer la raison
d’être, sans qu’il eût paru se douter de la portée, consacrée
pourtant par ses propres décisions antérieures, des articles 283
du Code de commerce et 1322 du Gode civil fût admis parla
juridiction supérieure. Ici, en effet, on ne pouvait pas l’im
pressionner en lui parlant d’usages commerciaux puisque ces
usages étaient catégoriquement démentis par des jugements
datant à peine de six et sept ans, et il semblait qu’on pouvait
attendre avec confiance le redressement d’une erreur de droit
aussi manifeste : la Cour d’Aix a pourtant confirmé purement
et simplement le 7 janvier 1903 (inédit).
Ces décisions méritent d’être signalées pour témoigner de
la fragilité des jurisprudences.
2 7 1 . Si le capitaine s’était entendu avec le chargeur pour
l’apposition d’une fausse date au connaissement, il serait per
sonnellement responsable vis-à-vis de l’acheteur et pourrait
être condamné à luipayer des dommages-intérêts en répara
tion du préjudice ainsi causé. 11 y a là une vérité si évidente,
qu’on s’étonne qu’elle ait pu être discutée (Rouen, 22 mars
1893 et Cass., 4 juin 1894, R. D. M.,1X, 152etX, 152).
2 7 2 , Le vendeur pourra opérer l’embarquement jusqueset
y compris le dernier jour du délai : si le contrat porte, par
exemple, embarquement août, il pourra charger jusqu’au
31 août à minuit. Mais à cette heure il faudra que tout soit
terminé. En conséquence si, au dernier moment, mais alors
qu’il restait un temps suffisantpour réaliser l’embarquement,
�230
ACHATS ET VENTES
ua événement de force majeure empêche cet embarquement
le vendeur est dégagé, et, dans ce cas, l’acheteur ne peut pas
l’obliger à se procurer et livrer une marchandise se trouvant
au port d’arrivée et embarquée dans le délai stipulé, si le ven
deur s’était engagé à livrer seulement une marchandise char
gée par lui ou pour son compte (Aix, 7 déc. 1892 et sur pour
voi rej., 5 nov. 1894, R. I). M., VIII, 320 et X, 388).
Mais en principe et sauf convention contraire, le vendeur
a la faculté de livrer une marchandise de même provenance
et qualité que celle spéciliée au contrat: il doit donc subir la
résiliation lorsque, mis dans l’impossibilité, par un cas de
force majeure, de livrer la partie qu’il avait en vue au mo
ment du contrat, il refuse de la remplacer par une autre rem
plissant les conditions du marché (Aix,8 juin 1903, R.D.M.,
XIX, 370). D’ailleurs la force majeure ne peut délier le ven
deur de son obligation que si elle résulte dun fait que toute
la vigilance humaine n’a pu prévoir, et tel n’est pas le cas,
par exemple, de la fermeture des ports du Danube en novem
bre et décembre par suite du gel fid.).
2 7 3 . Au casdenon changement dans le délai, l’usage très
rigoureux sanctionné jusqu’à aujourd'hui par le tribunal de
commerce de Marseille, accorde à l’acheteur le droit de récla
mer la différence soit au jour extrême où rembarquement
devait être effectué, soit au jour où serait arrivé le navire s’il
avait été chargé dans le délai, en tenant compte delà durée
moyenne de la traversée, soit au jour de la mise en demeure
(Mars., 24 mai 1896 et 23 décembre 1898, M. 1896. 1. 147,
1899. 1. 57 ; Aix, 12 juin 1899, R.D.M., XV, 37ysuprà, n°236).
274. Le vendeur qui a produit un faux connaissement sur
le vu duquel l’acheteur a pris livraison a commis soit un dol
caractérisé, soit une faute lourde assimilable au dol. Il ne
pourrait donc s’opposer à une réclamation de l’acheteur for
mée ultérieurement par celui-ci après la découverte de l’er
reur dont il a été victime (Mars., 27 nov. 1905, M, 1906.1. 6 6 ).
2 7 5 . Les contrats sont parfois rédigés avec la clause :
« marchandises livrables franco le long du bord ». Dans ce cas
l’acheteur qui en fait n’a pas vérifié aü moment de Rembar
quement dans un port où il n’avait aucun représentant, con-
�VENTES s r n K.MItA11QElOlENT
237
serve le droit de contester à l’arrivée la qualité sans q'u’on
puisse lui opposer que le capitaine a agréé la marchandise
à titre de mandataire légal dos intéressés absents (Rouen,
26 juillet 1899. R. D. M., XV, 408, voir infra, n° 283).
2 7 6 . Le vendeur sur embarquement peut avoir intérêt à ne
pas attendre l’arrivée du navire pour offrir la marchandise.
Si en effet, il désigne le navire qui en est porteur, il la spé
cialise et dès ce moment les risques sont pour l’acheteur. D’au
tre part, celui-ci peut être bien aise de connaître au plus tôt
le nom du navire : il peut alors surveiller sa marche, orga
niser ses affaires en connaissant le jour probable de son arri
vée, le moment à peu près certain où la marchandise lui sera
livrée. Dans ce cas le marché est transformé en vente par
navire désigné et on lui applique toutes les règles que nous
avons exposées ci-dessus. Ainsi la désignation lie les parlies d’une façon définitive et irrévocable et l’acheteur a le
droit de refuser la marchandise et d’obtenir la résiliation si
elle arrive par un navire autre (Mars, 20 mars 1908.M. 1908.
1. 269). Par contre, si le débarquement au port d’arrivée du
navire ainsi désigné est interdit par mesure sanitaire, l’ache
teur est obligé de subir la résiliation ou de supporter les frais
supplémentaires occasionnés par le transport des marchandises
du port où il a été possible de les débarquer au port de desti
nation (Mars., 4 mars 1897, R.D.M.,XII, 728). Il en serait de
même si l’obstacle au débarquement provenait d’une grève
empêchant d’une façon absolue touteopérationauportd’arrivée(Mars.,5juin 1901, R. D. M., XVII, 337).
Mais pour que ces résultats puissent se produire il faut que
l’acheteur ait accepté, au moins tacitement, la désignation faite
par l’acheteur. 11 en serait ainsi s’il avait laissé sans réponse
la lettre l’avisant du nom du navire transporteur (Mars.,
3 juin 1903, Douai, 19 fév. 1903,R.D.M., XIX, 237 et la note),
mais non s’il avait déclaré noter la désignation seulement à
titre d’indication (Mars., 23 juin 1903, ib., 395).
277. Les parties combinent parfois au mieux de leurs inté
rêts des contrats renfermant des clauses se rapportant aux
ventes par navire désigné et d’autres applicables aux ventes
sur embarquement. Par exemple, on vendra « à l’heureuse
�ACHATS ET VENTES
2-38
arrivée du navire le Charlemagne, embarquement jeudi pro
chain ». Dans ce cas, les tribunaux doivent faire produire aux
accords les effets cumulés des deux sortes de vente toutes les
fois qu’ils peuvent se concilier. Ainsi si, dans notre espèce,
le Charlemagne n’a pu embarquer en temps voulu par suite
d’un événement de mer, le vendeur sera exonéré de son obli
gation et la vente sera résolue sans dommages-intérêts pour
l'acheteur (Mars., 11 janv. 1902, R.D.M., XVIII, 352). L’ache
teur, bien entendu, supporte alors les risques à partir du jour
où le chargement a été effectué, s’il a eu lieu dans le délai
imparti (Aix, 17 nov. 1902, ib. 352).
III
278. Ventes, coût, fret, assurance. —Les ventes sur embar
quement sont fréquemment accompagnées de ces mentions :
« Marchandise vendue coût, fret, assurance Marseille » si
Marseille est, par exemple, le port de destination. Que signi
fie cette formule ? Quels en sont les effets ?
Lorsqu’un négociant achète une marchandise dont la déli
vrance doit lui être faite au port d’embarquement, c’est là
que s’opère le transfert de la propriété, et, par voie de consé
quence des risques de la chose vendue. Il est donc obligé à:
1 ° payer le prix convenu; 2 ° s’entendre avec un navire pour
faire transporter lachose,achetée au port où il désire la rece
voir ; 3° signer une police d’assurances le protégeant contre
les dangers de la traversée.
On comprend que dans certains cas cet acheteur doit éprou
ver de sérieux embarras. Malgré le télégraphe et le téléphone
il peut ne pas lui être très commode de trouver sur place un
fréteur se chargeant de faire embarquer la marchandise. Cela
sera toujours plus facile au vendeur qui n’a qu’à aller sur le
port pour voir les navires qui s’y trouvent et s’entendre avec
le capitaine, et si aucun navire n’e^t prêt à charger pour la
destination voulue, le vendeur saura toujours mieux que l’a
cheteur,par les agences locales,quels sont les navires atten
dus et dans quelles conditions ils pourraient accepter le
chargement. Aussi l’usage s’est-il introduit de constituer le
�239
vendeur mandataire de l’acheteur à l’effet de soigner —c’est
le mot consacré—le transport et l’assurance dont le pris, pour
simplifier, sera compris dans le prix stipulé en apparencepour
la marchandise elle-même. De telle façon que ce prix glo
bal comprend en réalité trois éléments distincts : 1 ° le prix
proprement dit, c’est-à-dire la représentation de la valeur
de la marchandise, son coût; 2 °le montant de la prime d’assu
rance; 3° le prix du transport, le fret ; pour abréger on ap
pelle dans la pratique ces sortes de ventes, les ventes caf ou
cif en formant un mot composé avec les initiales des trois
mots français (Goût, Assurance, Fret) ou anglais (Cost, Insu
rance, Freight) désignant les trois éléments du prix.
Le vendeur ajoute donc à sa qualité de vendeur celle de man
dataire del’acheteur: il est tenu des obligations dérivant des
deux et les difficultés se résoudront en appliquant au marché
les règles et de la vente et du mandat. Rien ne paraît plus
simple ; rien n’est plus eompliqwé etplus incertain étant donné
les usages dont plusieurs n’ont pas la fixité désirable et les
variations de la jurisprudence.
2 7 9 . Livrant à son domicile, le vendeur est fondé en prin
cipe à exiger le paiement immédiat, au moment de l’enlève
ment, « argent sur balle » (art. 1612, G. civ.). Dans l’usage
un délai est toujours accordé à l’acheteur, mais dans des con
ditions telles que les intérêts du vendeur n’auront jamais à
en souffrir. Le vendeur, au moment de l’embarquement, tire
sur son acheteur une traite dite documentaire ou mieux docu
mentée h laquelle il épingle le connaissement, et la police d’as
surance (documents),et il remet cette traite à son banquier
avec ordre de la transmettre parla voie la plus rapide à un
de ses correspondants habitant la même place que l'acheteur
afin qu’elle soit présentée à l’acceptation de cet acheteur. Si
la traite est acceptée, tout est bien : cette acceptation équi
vaut à paiement puisque l’acheteur lié par sa signature ne
pourra à l’échéance soulever aucune difficulté, et le banquier,
comme contre-partie de cette acceptation, lui remet ie con
naissement au moyen duquel il se fera livrer la marchandise
à l’arrivée, et la police afin de réclamer, s’il y a lieu, le règle
ment aux assureurs. Si,par contre, l’acheteur refuse d’accepVENTES, COUT, FRET, ASSURANCE
�ACHATS ET VENTES
240
ter, le banquier garde les documents ù la disposition du ven
deur qui, restant alors nanti du connaissement est toujours par
cela même en possession du chargement. Souvent le banquier
lui-même s’entremet pour trouver dans ce cas un autre ache
teur à qui, sur son acceptation de la traite, il remet connaisse
ment et police sauf au vendeur à réclamer la différence s’il y
en a une, à l’acheteur originaire à titre de dommages-intérêts.
280. Il paraissait définitivement admis que l'acceptation
de la traite forme une condition inhérente à la vente caf,
qu’elle ne saurait être refusée sous aucun prétexte et que le
tribunal doit, dans tous les cas, y contraindre l’acheteur (Aix,
27 nov. 1883 et 15 mars 1892inédits;Mars., 14 janv. 1896, M.
1896.1.96; Havre, 8 juillet 1891 yib-, 1892.2.10 ; Mars.,10 déc.
1903, ib., 1904. 1.83; ïrib. Bordeaux, 9 mars 1903,R.D.M.,
XIX,394).jMais la Cour de Rouen a jugé le4 marsl903 (R.D.M.,
XVIII, 804) que L’acheteur peut suspendre, à ses risques et pé
rils, l’acceptation de la traite, s’il prétend que la marchan
dise est de qualité inférieure et réclame une expertise pour
faire constater cette infériorité. Nous admettrions à la rigueur
cette solution lorsque la traite n’est présentée à l’acceptation
qu’au moment de l’arrivée de la marchandise (telle paraît
être l’espèce jugée à Rouen) et qu’une vérification est possi
ble sur l’heure. Mais il ne devrait jamais en être ainsi lorsque
la traite est parvenue bien avant l’arrivée du navire trans
porteur et que l’acheteur, pour se soustraire à son obligation,
allègue la possibilité d’une erreur ou d’une fraude du vendeur.
Si ce raisonnement devait être suivi, il vaudrait mieux juger
catégoriquement que l’usage en vertu duquel l’acceptation est
due a cessé d’exister et que l’acheteur ne peut jamais y être
contraint, sauf convention expresse. Ce serait plus franc et
plus net.
Il faut pourtant reconnaître que les décisions ci-dessus rap
pelées sauvegardent complètement les intérêts du vendeur
mais que ceux de l’acheteur par contre ne sont pas suffisam
ment protégés.
L’acheteur, en effet, peut avoir d’excellentes raisons qiour
refuser l’acceptation. La marchandise expédiée n’a pas été
vue par lui au départ. Au débarquement il peut y découvrir
�241
une avarie, un vice propre antérieur au chargement dont le
vendeur doit supporter la responsabilité. 11 peut même sc
faire qu’elle ne soit pas conforme, qu’il ait demandé du blé
blanc et qu'on lui aitjenvoyé du blé rouge, etc. Or, comme
il est lié par l’acceptation de la traite, il est toujours obligé
de la payer à l’échéance. Il pourra bien intenter une action,
faire condamner le vendeur cà lui payer des dommages-inté
rêts, obtenir même et suivant les cas, la résiliation : mais
pourra-t-il exécuter le jugement qui aura fait droit à sa ré
clamation ? Si son adversaire habite à l’étranger, lui serat-il facile de se faire accorder l’exequatur ! Même chez les
nations entre lesquelles existent les traités les plus clairs, la
chose n’est pas toujours aisée. Enoutre, cevendeur ne sera-t-il
pas devenu insolvable ? Il y a là une série d’aléas bien fâ
cheux ! Aussi pour essayer d’en restreindre la portée dom
mageable on stipule d’ordinaire que la traite ne sera tirée
que pour une partie du prix facturé, 75 0/0 ou 80 0/0; l’ache
teur gardera ainsi en mains 20 à 25 0/0 le garantissant jus
qu’à due concurrence. Mais cette précaution, on le comprend,
est souvent bien insuffisante.
281. La facture et la traite qui en est le paiement doivent
être créées,en principe, pour une somme unique, globale, com
prenant les trois éléments du prix. Mais il arrive fréquem
ment que le chargeur ne règle pas le fret aumomentdu départ.
11 ne devra être exigé qu’à l’arrivée parle capitaine qui a le
droit de retenir la marchandise jusqu’à ce qu’il ait reçu son
paiement. Aussi ordinairement le vendeur indique le prix glo
bal sur sa facture, et puis en déduit le montant du fret et ne
tire sa traite que pour la somme ainsi réduite. L’acheteur
paiera le solde du'prix[stipulé en réglant le capitaine à l’ar
rivée.
A ce sujet une difficulté fort curieuse a été débattue. Si le na
vire transporteur subit des événements de mer ayant entraîné
la perte de la marchandise, il ne peut plus rien réclamer pour
un transport qui, en réalité, n’a pas été effectué (art. 302, C.
com.). Donc l’acheteur n’a pas à lui verser la somme déduite
de la facture et de la traite et formant le complément de son
prix. Dans ce cas peut-il refuser au vendeur de lui en tenir
A chats et ventes
îfi
VENTES COUT, FRET, ASSURANCE
�ACHATS ET VENTES
242
compte, alors qu’en fait saperte à lui acheteur sera bien ré
duite, puisque les assureurs lui rembourseront la valeur des
marchandises envoyées ?
Le tribunal de Marseille et la Cour d’Aix se sont prononcés
en faveur de l’acheteur.
Le prix, dit le tribunal, a été définitivement réglé par l’ac
ceptation de la traite et l’obligation assumée par l’acheteur de
désintéresser le capitaine. Donc le paiement ayant été définitif,
l’acheteur est définitivement libéré et a reçu quittance du ven
deur. Un événement de mer postérieur n’a pu modifier cette
situation voulue par les parties et autoriser l’une d’elles à reve
nir sur sa décharge.
On objecte que la perte du navire n’avait pas été prévue et
que les parties avaient envisagé son heureuse arrivée? Oui,dans
un sens : mais les accidents d’une traversée sont aussi dans
leurs prévisions puisque le vendeur doit soigner l’assurance.
Si donc pour un motif quelconque le vendeur n’a pas payé
le capitaine au moment du départ et s’il a convenu de se faire
décharger par l’acheteur de l’obligation de ce paiement, il
doit accepter toutes les conséquences d’une situation ainsi créée.
D’ailleurs en fait l’acheteur n’est jamais indemne par suite de
l’assurance : il supporte les franchises et perd le bénéfice qu’il
aurait retiré de son marché.
Ces raisons sont des plus sérieuses. La Cour y a encore
ajouté un motif qui nous paraît absolument décisif :
« Attendu, dit-elle, que le contrat de vente coût, fret, as
surance établit entre le vendeur et l’acheteur un véritable
forfait qui met à la charge de ce dernier tous les risques ;
que le vendeur payé qu’il est du prix convenu et n’étant
plus propriétaire des pièces documentaires définitivement
transmises à son acquéreur n’a plus ni intérêt, ni droit de se
préoccuper des risques ultérieurs ; que comme conséquence
de cette situation, il ne saurait exciper de la perte du navire
porteur de la marchandise pour réclamer la restitution du
fret non acquis au capitaine par l’effet de ce sinistre ; que
cet événement ne peut plus concerner que l’acheteur qui a
seul à en subir les résultats ou à en bénéficier ; que différem
ment ce serait permettre au vendeur de revenir sur un règle-
�243
ment définitif entre luietracheteur)Mars.,2 mars 1880 et Aix,
7 janvier 1801 ; M. 1880. 1 . 226 et 1801. 1. 281).
LaCour de Rouen avait antérieurement incliné vers la thèse
contraire en déclarant que l’acheteur étant étranger au taux
du fret, toutes les circonstances qui peuvent l’augmenter ou le
diminuer restent à la charge ou au profit du vendeur (Rouen,
1" juillet 1878, Journ. de Mars., 1879. 2. 97). Dans cette es
pèce le capitaine avait résilié la charte-partie, et les vendeurs
avaient pu s’entendre avec un autre transporteur à un prix
moindre. L’acheteur, mis au courant, avait refusé d’accepter
la traite. La Cour prend bien soin de faire remarquer que si
le second transporteur avait exigé un prix supérieur, le ven
deur n’aurait pas été fondé à réclamer un supplément de prix,
il était donc juste que la diminution lui profitât. Une conci
liation est possible entre la théorie d’Aix et celle de Rouen: là,
en effet, il n’y avait eu aucun règlement définitif, l’acheteur
ayant même refusé l’acceptation.
282. La marchandise étant livrée au port d’embarquement
et les risques étant dès ce moment à la charge de l’acheteur
(Rordeaux, 12 novembre 1806 ; Rev. cle Bord., 1807. 1. 30;
Havre,25 fév. 1908.R.D. M.,XXIV, 42; Rordeaux, 12 nov.1906,
J. T. C.,57,17616), le vendeur est dans la nécessité de l’indivi
dualiser par un connaissement distinct (*) et une police d’assu
rance distincte. A défaut de cette spécialisation il est difficile
de supposer un transfert de propriété. Appliquant cette règle,
le tribunal de Marseille avait toujours jugé que si le connais
sement, bien que distinct,indiquait une marchandise àprendre
sur un lot plus important, le vendeur n’avait pas rempli son
obligation, et que dans ces conditions le connaissement équi
valait en réalité à un simple bon de livraison. Mais ces raisons
n’ont pas convaincu la Cour qui a réformé en décidant que s’il
s’agit d’une marchandise transportée en grenier, il suffit qu’elle
soit l’objet d’un connaissement distinct et d’une police par
ticulière, ces documents permettant au destinataire d’en dis
poser, et, dès lors, le vendeur n’était pas tenu de spécialiser
VENTES COUT, FRET, ASSURANCE
(l) Connaissem ent régulier, signé par le capitaine.' L’acheteur aurait le droit
de refuser un connaissem ent signé par le courtier m aritim e et d ’obtenir en con
séquence la résiliation (M ars., 13 août 1907. M. 908. 1. 42).
�ACHATS ET VENTES
244
la chose vendue en l’emmagasinant à part dans les cales du
navire. (Mars., 4 août 1807, réformé par Aix, 20 janv. 1898,
R.D.M., XIII, 132 et 623). Dans une longue note mise au pied
de cet arrêt nous avons critiqué cette décision (ib.). Il sem
ble, en effet, bien facile de répondre à la Cour que l’acheteur
n’a pu devenir dans ce cas propriétaire d’une marchandise
restant mélangée avec une autre de même nature et de môme
qualité. Il ne saura ce qui est à lui qu’après le décharge
ment alors que le lot ayant été pesé ou mesuré la portion
qui lui est affectée sera mise à part, séparée de l’excédent.
Jusque-là il est créancier de son vendeur et a simplement le
droit d'exiger de celui-ci qu’il lui transfère la propriété d’une
chose ne pouvant être transformée en corps certain qu’après
une opération, une manipulation préalable qui n’a pas été
faite au lieu d’expédition. Ne peut-il aussi arriver qu’au dé
chargement tout le lot soit avarié et que l’acheteur puisse être
forcé de subir une perte qu’il aurait évitée si sa marchandise
avait été mise à part à l’abri de toute contamination? N’estil pas étonnant de voir un tribunal de commerce faire mieux
qu’une Cour la distinction entre l’objet certain et le corps
certain ?
Comme s’il comprenait la fragilité de ses motifs,l’arrêt, il est
vrai, se justifie en invoquant les usages commerciaux. Sur ce
point iipeut être irréprochable.Si les usages sont tels,ilfaut,
sans hésitation possible, les appliquer. Seulement on se de
mande comment la perspicacité des juges d’appel a pu décou
vrir ces usages ignorés du tribunal de commerce, et si la Cour,
d’aventure, n’aurait pas considéré comme des parères devant
faire pleine foi, des certificats délivrés par les importateurs,
tous intéressés à faire fléchir en ce qui les concerne les règles
rigoureuses de pareils marchés?
Les risques de route étant à la charge de l’acheteur, le
vendeur ne peut les aggraver : il encourrait donc la résilia
tion s’il chargeait sur un navire indirect, alors qu’il existe des
courriers directs entre les ports d’embarquement et de desti
nation (Mars., 24 janvier 1908. M. 1908.1.179).
282ûî’s .L e s documents, quels qu’ils soient,peuvent être re
mis, d’après le tribunal de Marseille, après l’arrivée du navire,
�245
mais toujours avant l’ouverture des panneaux. Sans cela le
vendeur pourrait abusivement imposer à l’acheteur les ris
ques d’une marchandise dont il aurait constaté l’avarie (Mars.,
10 avril 1893 ; M. 1894.1.194, id., 13 décembre 1905, ib.,
1900.1.93, id., 23 mars 1906, ib., 1906.1.218). Cette règle est
absolue et la résiliation serait prononcée même à l’encontre
d’un vendeur de bonne foi (Mars., 25 août 1896, R.D.M., XII,
336), à Nantes on est plus rigoureux. La remise est exigée dès
l’arrivée du navire (11 avril 1896, ib., 318). En tous cas la re
mise est sans effet lorsque la lettre du vendeur bien qu’écrite
avant l’ouverture des panneaux ne parvient pas au destina
taire par suite d’une erreur d’adresse (Mars., 25 fév. 1907 ;
M. 1907.1.201). Si le vendeur n’a reçu les documents apportés
par le même navire qu’après l’ouverture des panneaux et ne
les a transmis à l’acheteur que vingt-quatre heures après cette
réception, cette transmission tardive constitue une négligence
grave impliquant de la part du vendeur inexécution de ses
obligations et lui faisant encourir la résiliation (Havre, 19 fé
vrier 1908, R. D. M., XXIII, 822).
Mais l’acheteur est irrecevable àexciper de cette clause de
résiliation, lorsqu’il reçoit en connaissance de cause un ordre
de livraison, qu’il va vérifier la qualité de la marchandise
et qu’il accepte une expertise amiable (Mars., 23 mars 1906,
M. 1906.1.218).
2 8 3 . En principe, la délivrance étant réalisée au lieu d’ex
pédition, c’est là que légalement doivent s’opérer la réception
et l’agrément de la marchandise. Mais le plus souvent l’ache
teur n’y a pas de représentant , ou bien dans le cas contraire,
son agent serait plus soucieux de plaire au vendeur avec qui
11 a des rapportsjournaliersqu’à son commettant occasionnel.
Aussi pour protéger équitablement les intérêts de l’acheteur,
la pratique distingue la réception entraînant les effets de droit
(transfert de propriété, risques à l’acheteur) de Yagrément
impliquant la reconnaissance de la part de l’acheteur que la
marchandise est bien conforme aux accords et cet agrément
est réservé à l’acheteur jusqu’au moment où il peut, en fait,
vérifier la denrée expédiée et constater son état. Il pourra donc
toujours, le cas échéant, faire entendre à l’arrivée une réclaVENTES COUT, FRET, ASSURANCE
�ACHATS HT VENTES
246
mation utile etprovoquer une expertise (Havre, 12 juillet 1876;
Rouen, 5 août 1880 ; Mars., 1er fév, 1887; Nantes,28déc. 1878,
R.D.M., II, 575 et la note, supra, n° 275). Il n’en serait autre
ment que s’il avait été convenu que l’état de la marchandise
serait dûment constaté au départ, par exemple, par un cer
tificat officiel qui, dans ce cas, ferait la loi des parties (Paris,
29 déc. 1886, R, D. M., II, 654). La solution serait la même si
les parties avaient stipulé que l’état et la qualité seraient cons
tatés par expert à rembarquement (Mars., 6 mai 1907, R.D.M.,
XXII, p. 814). Sauf bien entendu le droit pour l’acheteur d’éta
blir que la vérification stipulée n’a été ni sincère ni réelle
et que le certificat produit est le résultat d’un dol (Paris,
20 mai 1887, R.D.M., III,271), ou bienque la marchandise était
atteinte d’un vice caché antérieur ayant pu échapper à l’at
tention des experts (Mars., 6 mai 1907).
L’acheteur nepeutpasattendreindéfinimentpourexiger une
vérification. Il doit donc, lorsqu’il a fait des réserves au cours
du débarquement, au moment delà livraison effective, laréclamer dans un délai qui à Marseille ne doit pas excéder dix jours
à partir du jour où la livraison est terminée (Aix, 17 juillet
1903, conf. Marseille, 10 déc. 1901, inédit).
284. L’expertise doit, en règle, avoir lieu au port d’expédi
tion, là où la livraison doit s’effectuer, le vendeur étant tou
jours présumé s’en être référé dans ce cas aux usages de sa
place, lesquels peuvent être mal appréciés au port de desti
nation.C’est ce qu’avaient paru d’abord poser en thèse intan
gible le tribunal de Marseille et la Cour d’Aix aux termesd’un
jugement du 4 février 1879, confirmé le 25 mars suivant (M.
1879.1.104 et 226). Pourtant le tribunal adopta la doctrine
contraire le 30 septembre 1886 (R. D.M., II, p. 333) : il revint
à sa première jurisprudence le 5 août 1891. Mais à cette occa
sion ce fut la Cour qui rétracta son arrêt de 1879 en réfor
mant par arrêt du 5 mars 1892 (in.). Cette décision rappelle
bien que dans les ventes caf, la livraison ayant lieu au port
d’embarquement, c’est là qu’il convient en principe de faire
les vérifications nécessaires. Mais elle ajoute « qu’il est néan« moins des cas où cette règle ne saurait être appliquée » et
« que les juges quiont recoursàune mesure d’instructionpour
�247
« s’éclairer sur l’état d’une marchandise et savoir dans quelle
« mesure elle est conforme aux accords des parties, ont le droit
« absolu de prescrire les moyens les plus efficaces pour obte« nirle résultat qu’ils recherchent. >>En conséquence, la Cour
juge, par des motifs défait, que l’expertise aura lieu à Cette,lieu
d’arrivée, et non pas à Trieste,lieu d’expédition, comme l’avait
décidé le tribunal.
Si donc le principe reste sauf il sera permis aux tribunaux
d’y déroger toutes les fois qu’ils jugeront à propos de confir
mer la règle par une exception (Cf. Havre, 17 août 1870 ; Paris,
23 mars 1881 ; Caen, 26 janvier 1881 ; R.D.M., II, 333 en note).
2 8 5 . Si en fait l’acheteur avait fait procéder à une expertise
à laquelle aurait participé non pas un simple agent dé l’ex
péditeur, mais son commissionnaire, le vendeur ne pourrait
protester contre une mesure à laquelle aurait adhéré un man
dataire évidemment autorisé(Aix,30mai 1883, conf. Marseille,
27 sept. 1882 ; M. 1884.1.252).
286. Suivantlesprincipesgénéraux(art. 1644,C.civ.d’ache
teur peut, suivant les cas, demander soit la résiliation, soit une
bonification. Mais pendant bien longtemps le tribunal de Mar
seille etlaCour d’Aix avaient tenu la mainà l’application rigou
reuse d’un usage d’après lequel dans les ventes maritimes et
surtout dans les ventes c a f il ne pouvait y avoir lieu à résilia
tion que si la marchandise expédiée était autre que celle ache
tée,d’une autre provenance ou frauduleusement altér.ée(Mars.,
31 janv.1884 ;id ., 20 août 1 8 9 0 16nov. 1883,conf. par Aix,
25 oct. 1886 ; ic/.,2 0 sept.l 8 8 8 , conf. par Aix, 3 avril 1889 ; M.
1881.4.109,1890.1.291,1886.1.31,1888.1.168).Lel3décembre
1894,le tribunal avait cru pouvoir sans danger se référer à
cette longue série de décisions:
« Attendu, dit-il, qu’il est de ju risp ru d e n c e a b so lu m en t
« constante que dans les ventes c a f la résiliation ne peut être
« encourue par le vendeur qu’en cas de fraude, ou si lamar« chandise n’est ni de l’espèce, ni de la provenance convenue ;
« qu’un défaut de qualité ne donne droit qu’à une bonifica« tion. » Mais cette fois-ci cette constatation ne fut pas ad
mise par la Cour malgré la consécration qu’elle lui avait don
née en 1886 et en 1889. Le jugement fut réformé. L’arrêt
VENTES COUT, FRET, ASSURANCE
�ACHATS ET VENTES
248
déclare que « si la faveur accordée aux ventes c a f a fait ad« mettre l’usage d’après lequel la simple différence de qua« lité ne peut entraîner la résiliation et doit se résoudre en
« une bonification, cet usage ne saurait aller jusqu’à faire
« repousser la résiliation même au cas où l’infériorité de
« qualité est assez grande pour rendre la marchandise impro« pre à l’usage auquel elle est destinée; — spécialement celui
« qui achetant des noisettes destinées à la confiserie a soin
« de stipuler qu’elles seront de la dernière récolte, saines,
« marchandes et de recette, doit obtenir la résiliation lors« qu'il lui a été offert une marchandise mêlée en proportion
« considérable de noisettes vieillies avec des morceaux pi« qués, et la clause portant que la marchandise sera de la
« dernière récolte doit être considérée comme substantielle
« et ayant eu aux yeux des contractants la même importance
« que celle fixant l’espèce et la provenance.» (Aix,2 fév. 1890,
R.D.M., XI, 740.) Ici encore la Cour rappelle l’usage pour trou
ver une raison de fait d’en discéder. Le tribunal a suivi la
Cour et a lui aussi modifié sa jurisprudence en jugeant ulté
rieurement que « la demande en résiliation peut être admise
« toutes les fois qu’on se trouve en présence d’une infériorité
« si importante qu’elle dénature pour ainsi dire la marchan
de dise et la rend impropre à l’usage auquel elle est destinée. »
(Mars., 8 déc. 1896, 14 février et 10 juillet 1899; M. 1897.
1 . 74, 1899. 1. 185 et 354.) Mais le même Tribunal a jugé le
19 juin 1906 (R.D.M., XXII, p. 70) que la simple différence de
qualité se résout en une bonification.
Voilà donc sur ce point encore le sort des litiges aban
donné à l’appréciation, c’est-à-dire à l’arbitraire des juges.
Pour nous, nous aurions préféré le maintien partout et tou
jours d’un principe placé en dehors de toute, discussion, les
parties sachant alors lorsqu’elles adoptent un type de contrat à
quoi elles s’obligent en ayant d’ailleurs la faculté de convenir
des dérogations au gré de leurs intérêts. Mais il faut recon
naître que la jurisprudence inaugurée à Aix par l’arrêt de
1896 cadre mieux avec les règles dérivant du droit commun,
admises en matière d’obligations commerciales, et que la plu
part des tribunaux paraissent avoir adoptées (Trib. Bordeaux,
�249
15 sept. 1887 ; Havre, 16 juillet 1902 et sur appel Rouen,
4 mars 1903, R. D. M„ III, 577, XVIII, 57 et 804).
2 8 7 . Le prix fixé par le vendeur comprend tous les frais à
faire pour livrer la marchandise au lieu fixé par le contrat,
mais rien au delà. L’acheteur supporte donc les droits de
douaneau portdedébarquement(Mars., 26janv. 1897,R.D.M.,
XIII, 550). Il n’en serait autrement que si, contrairement à
l’usage, le vendeur s’était engagé à livrer à quai auport d’arri
vée. Dans ce cas il supporte les risques et les droits jusqu’à la
livraison effective (Nantes, 6 fév. 1901, R.D.M., XVII, 328).
287 bis. De même les mesures sanitaires interdisant le dé
barquement au lieu d’arrivée ne concernent que l’acheteur.
C’est lui qui supportera comme un cas de force majeure les
conséquences de l’envoi du navire au port libre le plus voi
sin (Mars., 10 mai 1897, R.D.M., XII, 734). Mais le vendeur
ne peut pas envoyer le navire à un port éloigné sans prendre
l’avisdel’acheteur (Mars., 4 mars 1897, R.D.M., XII, 731).
2 8 8 . En résumé, après avoir passé en revue toutes ces dé
cisions, on peut affirmer que les seuls caractères essentiels
de la vente caf sont que la marchandise voyage aux risques
de l’acheteur dont elle devient la propriété dès le moment du
contrat, et que par suite le vendeur doit la spécialiser avant
l’arrivée du navire ou tout au moins avant l'ouverture des
panneaux (Bordeaux, 12 novembre 1906, Rec. de Bordeaux,
1907. 1 . 39; Mars., 13 novembre 1905, M. 1906. 1. 93)mais
on ne peut aller au delà et il faut reconnaître que même le
mode de spécialisation n’est pas définitivement fixé [supra,
n" 282).
Donc toutes les fois qu’une difficulté amènera les parties à
la barre, il sera impossible de prévoir dans quel sens l’équité
du juge — mot pompeux pouvant servir de manteau aux dé
cisions les plus regrettables — fera pencher la balance.
2 8 9. Ventes à term e(à livrer). —Nous venons d’examiner des
ventes faites sous condition. Les parties sont également libres
de vendre à terme en retardant jusqu’à une époque déterminée
l’exécution de leurs obligations. Enprincipe de pareils marchés
semblent ne pouvoir soulever aucune difficulté. lien est peu
néanmoins qui aient donné lieu à plus de procès. En effet il
VENTE A LIVRER
�250
ACHATS KT TEXTES
s’agit ici, dans presque tous les cas, de la vente de la chose
d’autrui:bien rarement le vendeur à terme est propriétaire de
la chose vendue, au moment où il s’engage à lalivrer aune épo
que ultérieure. Un négociant a reçu par exemple des nouvelles
de Russie ou de l’Inde lui annonçant une excellente récolte de
blé : donc une fois cette récolte faite, l’abondance de la mar
chandise amèneraune baisse. Le négociant, ainsi averti, cher
chera alors un acheteur à qui il vendra sinon au cours du jour,
du moinsàun cours presque égal, une certaine quantité de blé,
mais il ne prendra l’engagement d’opérer la délivrance que
dans les mois qui suivront la récolte. A cette époque la mar
chandise ayant baissé sûrement, du moins il le,croit, il lui sera
facile de se procurer la quantité qu’il doit livrer à un prix infé
rieur à celui de la vente, et il gagnera ainsi la différence.
D’autre part, l’acheteur à qui il s’adressera- aura reçu des nou
velles contradictoires : pour lui, la récolte sera mauvaise :
c’est la hausse qui interviendra. Il croit donc avoir tout intérêt
à s’assurer par avance les denrées dont il aura besoin dans
quelques mois à un prix moindre que celui qu’il prévoit. Ces
ventes à terme sont appelées communément ventes ou marchés
à livrer, bien que cette expression, par sa généralité, puisse
embrasser d’autres sortes de transactions, celles par exemple
étudiées aux numéros précédents.
La vente à livrer peut n’être de la part de l’acheteur qu’une
spéculation sur les variations des cours. 11 revendra donc bien
souvent avant l’échéance du délai stipulé, soit pour réaliser
un bénéfice si la hausse s’est produite, soit, en cas de baisse,
pour éviter une perte plus considérable, lorsqu’il prévoit des
cours encore inférieurs.
290. Sous ce rapport, 1a. vente à livrer se prête admira
blement au jeu sur la hausse ou la baisse. Ce que vèndeur et
acheteur auront eu en vue, c’est de recevoir ou de payer une
différence selon qu’au jour indiqué pour la livraison le cours
sera supérieur ou inférieur au prix convenu entre eux. Aussi
a-t-on été jusqu’à solliciter sa prohibition.
Mais quelque prochain, quelque regrettable que fût l’abus,
le remède aurait été pire que le mal. On ne pouvait, pour
atteindre le jeu, interdire la spéculation sérieuse qui est
�251
Pâme du commerce et qui imprime à ses opérations ce déve
loppement qui contribue si puissamment à la prospérité
publique.
On s'est donc avec raison refusé non seulement à prohiber
la vente à livrer, mais encore à lui imposer certaines condi
tions qui pouvaient en contrarier l’essor, et laissé aux tribu
naux le soin de reconnaître et d’annuler celles qui, sous des
apparences innocentes, dissimuleraient un pari sur la hausse
ou la baisse.
Aujourd’hui d’ailleurs la controverse est close. La loi du
28 mars 1885 dispose que « tous marchés à terme sur effets
publics ou autres, tous marchés à livrer sur denrées et mar
chandises sont reconnus légaux. Nul ne peut, pour se sous
traire aux obligations qui en résultent, se prévaloir de l’arti
cle 1965 du Gode civil, lors même qu’ils se résoudraient par le
paiement d’une simple différence.» L’exception de jeu néan
moins n’est pas effacée de nos lois puisque l’article 1965 du
Code civil n’est pas abrogé. Mais toutes les spéculations étant
déclarées licites, il faudrait pour les atteindre à l’aide de ce
moyen et suivant une expression très juste (L. R. n° 173) appor
ter une preuve écrite excluant toute livraison, attestant que les
parties n’ont voulu se livrer qu’à un simple pari. A défaut d’un
document pareil, dont il est presque impossible de supposer
l’existence, la vente sera validée, et le négociant de mauvaise
foi aura perdu tout prétexte pour se soustraire au paiement.
Certaines cours avaient méconnu le caractère de cette loi en
s’obstinant à annuler les marchés, lorsque les circonstances
delà cause rendaient l’exception de jeu admissible (Nancy,
30nov. 1896, G. P., 97.1.360, Bordeaux, 14 février 1898. D.
98.2.290). C’était là une erreur manifeste, abroger la loi nou
velle, et continuer d’appliquer les règles antérieures.Mais deux
arrêts de la Cour de cassation du 22 juin 1898 (G. P. 98.2.66)
et du 19 mars 1900 (D , 1901.1.437) ont décidé nettement que
la loi du 28 mars 1885 est conçue en termes essentiellement
impératifs (sic),— qu’elle a entendu que lorsque les opérations
ont pris la forme de marchés à terme ou à livrer, les partics ne
peuvent opposer l’exception de jeu, et a interdit aux juges de
rechercher leur intention.
VENTE A LIVRER
�ACHATS ET VENTES
252
291. Cette loi a consacré par cela même la légalité des
marchés à prime, très sérieusement contestés auparavant,bien
qu’on puisse les ra ttacher à l’article 1590 du Code civil sur les
arrhes. Dans ces marchés dits aussi« à option » l’acheteur peut
obliger le vendeur à renoncer à leur exécution moyennant le
paiement d’une somme fixée à l’avance et appelée « prime ».
Dans ces sortes de ventes,le vendeur stipule d’ordinaire un
prix légèrement supérieur au cours du jour en compensation
del’aléa qu’il accepte d’encourir. Au cas où le marché est exé
cuté la prime, d’après un usage courant et sauf convention con
traire, est payée en supplément du prix.
On peut d’ailleurs stipuler aussi la prime en faveur du ven
deur et convenir qu’il pourra à son gré se dispenser de livrer
en payant une somme déterminée à titre de dédit.
292. Il y a aussi des marchés à double prime moyennant
laquelle un spéculateur peut se réserver advenant le jour de
l’échéance, non seulement de se refuser à l’exécution de ses
obligations,mais encore de prendre une position inverse,c’està-dire de se transformer à son gré d’acheteur en vendeur ou de
ven deur en acheteur et d’obliger son cocontractant à subir cetté^
situation. Par exemple si Pierre a vendu à Paul cent balles de
farines livrables fin octobre, advenant le 31 octobre, Paul aura
la faculté soit de prendre livraison, soit de renoncer à l’exécu
tion du marché, soit de se porter vendeur de ces cent balles et
d’obliger son vendeur à les recevoir en devenant acheteur de
vendeur qu’il était et de lui payer le prix stipulé. Il pourra
dénoncer son intention par une lettre écrite et envoyée le jour
de l’expiration du délai, même au cas où cette lettre ne par
vient au destinataire que le lendemain (Mars., 15 juillet 1891.
M. 91.1.243).
293. Ventespar filières. — Nous avons dit (n° 289) que l’ache
teur revend fréquemment la marchandise dans l’intervalle
qui sépare la conclusion du contrat de l’époque de la livrai
son. Celui à qui il a revendu peut avoir de bonnes raisons pour
céder ensuite cette même marchandise dont son propre ache
teur jugera à propos de se défaire à son tour. Il peut donc se
faire que la denrée, objet de la première vente, forme l’uni
que aliment d’une série de marchés successifs, et que le der-
�253
nier do ces acheteurs se succédant les uns aux autres qui seul
en définitive devra se mettre à l’échéance en possession de
l’objet vendu, soit absolument inconnu et du premier vendeur
qui doit opérer la délivrance ct qu’on appelle pour cela le livreur
etdes vendeurs intermédiaires. Faudra-t-il donc que cet ache
teur qui désire recevoir en réalité (d’où le nom de réception
naire) s’adresse à son propre vendeur, lequel s’adressera à ce
lui qui lui a vendu cà lui-même et ainsi de suite jusqu’au ven
deur primitif qui délivrera à son acheteur, lequel délivrera à
son acheteur à lui, etc., de façon que la marchandise n’arri
vera au réceptionnaire qu’après avoir ainsi passé de mains
en mains ?
Cette multiplicité de réceptions et de livraisons ne serait
pas sans danger pour la chose elle-même.Elle donnerait lieu
à une aggravation considérable des frais et pourrait réduire
les vendeurs successifs à l’impossibilité de remplir utilement
leur obligation, par exemple si le vendeur primitif ne livrait
que le dernier jour et à la dernière heure du délai.
On s’est donc arrêté à un mode d’exécution de nature à satis
faire tous les intérêts: le premier vendeur, le livreur, remet
un ordre de livraison à son acheteur direct, qui l’endosse à
l’ordre de son propre acheteur; celui-ci le transmet à son tour
au négociant à qui il a vendu, et de mains en mains cet ordre
arrive à celui qui doit l’exécuter, c’est-à-dire au dernier ache
teur, au réceptionnaire qui, muni de cet ordre va se faire
remettre la marchandise par ceux que le premier vendeur
a constitués dépositaires et qui doivent la donner sur le vu de
son ordre, à celui qui en est porteur, à qui il a été endossé.
Ce titre passant ainsi demains en mains étant communé
ment appelé filière, l’usage a donné à ces sortes de ventes le
nom de ventes par filières.
2 9 4 . Silesprix de ces reventes successives étaient tous égaux
et si, au moment de la délivrance, tous les acheteurs intermé
diaires étaient solvables, il n’y aurait jamais de difficulté sé
rieuse au sujet de leur exécution.
Mais en pratique chacune dos reventes, à cause de la fluc
tuation incessante des cours, est consentie à un prix différent,
les uns parfois plus bas, les autres plus haut que le prix stiVENTES PAR FILIÈRES
�254
ACHATS ET VENTES
pulé au premier marché. En outre un acheteur intermédiaire
peut, avant le moment de la livraison, tomber en faillite : il
peut donc se produire une série de complications donnant
naissance à des questions multiples.
Aussi s’est-on demandé en quoi consistait cette sorte de
transaction. Avait-elle des règles spéciales ? Suffirait-il pour
résoudre toutes les difficultés de s’en référer aux principes
généraux?
295. Tout d’abord il convient de remarquer que sur certaines
grandes places, notamment Paris, des règlements de bourse
édictent un ensemble de dispositions régissant les filières sur
les principales denrées: farines, sucres, blés, etc. (*). Dans ce
cas les parties, sauf convention contraire, sont toujours présu
mées s’être conformées à ces usages. Les tribunaux devront
donc les leur appliquer comme ils appliqueraient un texte de
loi. Cela est bien évident et c’est peu t-être parce qu’on l’a par
fois un peu perdu de vue qu’on a été amené à généraliser des
exceptions usitées seulement dans telle ou telle Bourse.
A défaut de règlements écrits, il faudra appliquer les usa
ges bien certains de la place où a été créée la filière. Cela
va encore de soi, et l’hésitation ne pourrait exister que sur
l’existence d’un usage assez constant pour qu’il fût devenu ré
glementaire.
296. La filière, par rapport au vendeur, existe dans deux
cas : il peut avoir voulu créer une filière en traitant avec la
certitude que l’aliment de son contrat deviendra l’objet d’une
série de marchés successifs ; ou bien il aura vendu à terme
purement et simplement, la filière aura été créée en dehors
de lui par son acheteur et il l’ignorera jusqu’à la dernière
heure. Les effets de ces deux situations seront les mêmes visà-vis du vendeur originaire. Dès qu’une filière lui aura été
révélée, et sauf refus clairement manifesté de l'accepter, les
conséquences vis-à-vis de lui seront semblables à celles qui
existeraient s’il avait lui-même dès le début accusé l’état de
filière. Notons pourtant qu’à Paris les seules filières autorisées
par les règlements sont celles inscrites sur des formules im(*) V o ir su r ces so rte s d e v e n te s à P a r is le Répertoire Général du Droit
et d u S a in t, v° Vente commerciale, n ° s 421 e t su iv .
français, de C a rp en tier
�255
primées indiquant les règles devant être suivies pour leur exé
cution et sur lesquelles le vendeur primitif mentionné toutes
les indications nécessaires sur sa personnalité,la marchandise
et le prix d’émission, c’est-à-dire le prix stipulé avec son ache
teur direct (D. Supp., v° Vente, n° 114, citant Levé, n°544).
2 9 7 . Ces principes posés, la doctrine et la jurisprudence
dominantes aujourd’hui nous paraissent pouvoir se résumer
en ceci :
Les ventes et reventes successives ne forment pas un ensem
ble, un bloc, un contrat spécial, ayant des règles particuliè
res. Chacune de ces reventes constitue un marché distinct. Il
suit de là qu’il n’y a de rapports directs qu’entre ceux des
membres de la filière qui ont été parties à la même vente.
Les contrats, les marchés se suivent, mais ne se mélangent
pas. Chaque vente doit être considérée isolément et en cas de
difficultés on doit appliquer à chacune de ces ventes les règles
de droit commun : les droits et actions engendrés par cha
cune d’elles sont des droits et actions séparées. La vente par
filière n'est donc qu’un mode d’exécution du marché consis
tant pour le vendeur à délivrer la marchandise à un tiers à
lui désigné par l’acquéreur originaire (Seine, 13 décembre
1882. J. T. C., 32. 10.240). Il n’y a pas (nous disent L. R.,
n° 191) une espèce spéciale de vente, le mode de livraison a
seul un caractère particulier (Paris, 22 janvier 1884 et 6 mars
1885, D. 85.2.161 et la note Levillain ; — ici., 12 juin 1886. J. T.
C., 36.11.136. Mars.,17 nov. 1896,M. 97.1.59 et 16 août 1904,
M. 1904.1.375. Conf. par Aix, 1" fév. 1905, M. 1906.1.221,
Marseille, 6 janvier 1908. M. 1908.1.161). Deux arrêts de la
Cour de Cassation du 25 juillet 1887 (D. 88.1.21) paraissent in
cliner dans ce sens.
Il n’est donc pas vrai de dire avec une chambre de la Cour de
Paris (10 avril 1885, D. 85.2.161) que la filière est un contrat
innommé (ce qui ne signifie pas grand’cliose) régi par les règle
ments de place. Oui, si ces règlements existent, non s’ils n’exis
tent pas et dans ce cas le droit commun reprend son empire.
Mais ce qui est très exact c’est que ces règlements ou les
usages également obligatoires peuvent modifier les principes
applicables aux marchés ordinaires, et dans certains cas créer
VENTES PAR FILIÈRES
�ACHATS ET VENTES
256
des rapports entre des parties qui devraient être complète
ment étrangères les unes aux autres.
298. Il suit de là que si Je réceptionnaire retarde ou refuse
de se livrer, et que le premier vendeur soit obligé de recou
rir à justice pour faire ordonner la vente aux enchères et le
paiement de la différence entre le produit de cette vente et
le pi’ix convenu, ce premier vendeur ne peut agir que contre
son acheteur direct, bien que cette différence doive, en fait,
être à la charge du dernier acheteur.
Comment en effet s’adresserait-il aux acheteurs successifs
et surtout au dernier? 11 ne les connaît pas, n’est pas tenu de
les connaître et le plus souvent se trouve dans l’impossibi
lité de réaliser leur mise en cause.
Mais ils n’en sont pas moins présents dans l'instance et le
jugement ordonnant la vente contre le premier acheteur a
contre eux toute son autorité. En effet ce premier acheteur
aura d’ordinaire fait refluer la sommation à lui signifiée sur
son acheteur, celui-ci sur le sien et ainsi de suite. Tous les
intéressés ont donc pu se présenter pour faire valoir leurs
droits, et,s’ils ne l’ont pas fait, ils sont censés avoir consenti
à être représentés par le premier acheteur.
299. Ainsi le tribunal de commerce de Marseille jugeait, le
1" décembre 1870, que lorsqu’une marchandise a été l’objet
de plusieurs ventes successives et que les divers vendeurs et
acheteurs ont connu, par les sommations signifiées, que leur
marché avait pour objet la même marchandise à recevoir du
même livreur, il y a lieu de décider, comme dans le cas où
un ordre de livraison aurait circulé entre leurs mains, que le
jugement intervenu entre le vendeur primitif et son acheteur
direct pour ordonner la vente aux enchères faute de récep
tion, réfléchit contre tous ceux qui ont acheté la marchan
dise et leur est opposable, bien qu’ils n’y aient pas été par
ties (M. 71.1.46).
Le 26 avril 1871, le tribunal de commerce de Marseille
jugeait à nouveau : que le jugement qui autorise un vendeur
à faire vendre une marchandise aux enchères, faute par son
acheteur de recevoir, est opposable par tout vendeur subsé
quent à son acheteur direct, bien qu’aucun jugement ne soit
�TU
intervenu entre eux, si, du reste, par un ordre de livraison
ou autrement, cet acheteur savait qu’il avait à recevoir d’un
autre que de son vendeur direct (M. 1871.1.137).
Enfin, persistant dans sa jurisprudence, le même tribunal
décidait, le 9 août 1870, que: lorsqu’un jugement a ordonné
la vente aux enchères faute de réception d’une marchandise
successivement revendue à plusieurs, la sommation faite par
le premier vendeur au premier acheteur a son effet contre tous
les intéressés à la filière et rend la vente régulière à l’égard de
ceux à qui le temps n’aurait pas permis de signifier une som
mation pareille (M. 1876.1.243, arrêt Aix, conf. 18 avril 1877.
l\I. 77.1.201).
Cette jurisprudence a son fondement juridique dans ce dou
ble fait : d’abord que le vendeur primitif ne connaît, ne peut
pas connaître ni le nombre de ventes qui ont suivi la sienne,
ni ceux en faveur de qui elles ont été consenties. Souvent ce
n’est que lorsque le dernier acheteur viendra prendre livrai
son qu’il saura que la marchandise par lui vendue a fait l’ob
jet d’une filière.
Ensuite que tous ceux qui ont participé à celle-ci n’ont pu
ignorer qu’ils avaient à recevoir d’un autre que de leur ven
deur. En effet, ce qu’ils recevront de celui-ci, c’est le marché
qu’ilavaitreçu lui-même de son vendeur, et au bénéfice duquel
il le substitue comme il y avait été substitué lui-même.
Dès lors, à défaut de prise de livraison, le premier vendeur
ne peut s’adresser qu’à son acheteur direct. Où serait cepen
dant l’utilité de ce droit sile jugement, vingt fois frappé d’op
position par les acheteurs successifs, ne pouvait produire son
effet qu’après avoir été vingt fois confirmé ?
11 serait d’autant plus irrationnel de le consacrer ainsi qu’en
définitive le vendeur primitif, en se bornant à recourir contre
son acheteur direct, a fait tout ce qu’il lui était possible de
faire, qu’aucune faute ne saurait lui être imputée.
Les acheteurs successifs, au contraire, devaient s’assurer si,
à l’échéance, le bénéficiaire définitif du marché avait pro
cédé à l’enlèvement des marchandises vendues et au besoin y
procéder eux-mêmes. C’estleur inaction qui a rendu nécessaire
une instance dans laquelle ils sont libres d’intervenir. Ils ne
VENTES PAll FILIÈRES
A chats et ventes
17
�ACHATS ET VENTES
258
sauraient en conséquence récuser l’autorité d’un jugement
ordonnant la vente pour compte de qui de droit, et qui les
atteignait conditionnellement.
30 0. Il ne faut pas exagérer pourtant les conséquences du
principe ci-dessus.
Chaque vente et revente formant un marché distinct, le sort
de ces différents marchés peut être différent. Dans l’un ce
pourra être le vendeur qui sera impuissant à remplir ses obli
gations, dans l’autre ce sera l’acheteur. Il ne faut donc pas
admettre que le jugement rendu au profit du vendeur originaire
contre son acheteur direct sera toujours applicable à tous les
vendeurs et acheteurs à la suite, et que ceux-ci pourront sup
porter les effets d’une condamnation résultant d’un jugement
auquel ils seront restés étrangers. Gela serait d’autant plus fâ
cheux que le vendeur originaire n’a pas pour mettre son ache
teur en demeure à l’échéance du terme à faire signifier de som
mation. Sauf convention contraire, la résolution lui est acquise
de plein droit à l’expiration du terme convenu pour le retirement(art. 1657, C. civ., voir infra, n°8401 et s.). Ainsi la Cour
d’Aix a jugé que lorsque le règlement d’une vente se fait par fi
lière, le jugement rendu au profit de celui qui est en tête n’est
pas opposable àtousceuxquifontpaftiede lamême filière, mais
seulement, à ceux qui ont été préalablement mis en demeure.
Notamment lorsqu’un jugement ordonnant la vented’une mar
chandise aux enchères pour compte de qui de droit, est rendu
à une date où cette vente a déjà eu lieu en vertu d’un jugement
pareilrendu entre d’autres parties formant la tête de la filière,
les résultats de cette vente ne peuvent être opposés à l’ache
teur contre qui ce jugement postérieur a été rendu, s’il n’a pas
été mis en demeure antérieurement à la vente : il en est sur
tout ainsi lorsqu’il apparaît des circonstances que l’acheteur,
mis en demeure en temps utile,aurait pu recevoir ou faire rece
voir la marchandise (Aix, 10 déc. 1885réform. Mars., 20 mai
1885. M. 88.1.10 et 85.1. 195). Mais il faut reconnaître que
cet arrêt peut paraître difficilement conciliable avec la déci
sion rendue par la même Cour le 18 avril 1877 (M. 77.1.261).
On peut encore invoquer dans le même ordre d’idées un ju
gement rendu parle tribunal de Marseille le 15janvier 1891
�250
décidant que si la résiliation doit être prononcée avec dom
mages-intérêts contre tous les vendeurs au profit deleursacheteurs directs lorsqu’ils n’ont pas offert la marchandise dans
les vingt-quatre heures de leur mise en demeure, ellenesauraitl’être auprofitdes acheteurs dont les vendeurs ont offert
la marchandise au réceptionnaire désigné dans les vingt-qua
tre heures de la sommation par eux reçue. Il en serait ainsi
même si ce réceptionnaire ayant sommé son vendeur direct
depuis plus de vingt-quatre heures serait en droit de ne plus
recevoir et d’obtenir la résiliation axrec dommages-intérêts ; en
effet le livreur qui a offert dans les vingt-quatre heures de la
sommation à lui signifiée a rempli son obligation vis-à-vis de
son acheteur direct, et faute de réception c’est à son profit con
tre son acheteur que la résiliation doit être prononcée (M.91.
1.172). (Seulement dans cette espèce l’acheteur ne pouvait
pas invoquer la résolution de plein droit dont le vendeur seul
peut profiter aux termes de l’article 1657 (*) que la Courd’Aix
a peut-être un peu perdu de vue lors de son arrêt du 10 dé
cembre 1885).
Les règlements de certaines places et notamment ceux de
Paris édictent, afin d’éviter toute difficulté quant à ce, qu’à
défaut pour le réceptionnaire de prendre livraison, le livreur
est autorisé après l’avoir avisé seul et avoir fait afficher cet
avis en hourse, à vendre la marchandise en hourse sans même
avoir besoin de prévenir de celte vente son acheteur direct.
Cet usage a été à bon droit sanctionné par la Cour de Paris
le 12juinl886 (J. T. C., 36, p. 343) et nous ne nous expliquons
pas pourquoi la même Cour aadopté quelques jours après une
doctrine contraire en déclarant que cet usage ne saurait équi
valoir à une mise en demeure et en produire les effets juri
diques (Paris, 21 juin 1886, J. T. C., 34, p. 345).
En résumé lorsqu’il faudra résoudre une difficulté de cette
nature le juge, selon nous, devra s’inspirer de deux idées maî
tresses :
1° Il faut que la liberté de la défense soit sauvegardée. On
ne peut donc condamner ni directement ni indirectement les
absents lorsqu’ils n’ont pas été dûment avertis ;
VENTES PAU FILIÈRES
C) V o ir n o ta m m e n t S e in e , 14 m a rs 1906. J . T . C ., ann,ée 1908, p a g e 49.
�ACHATS HT YHATES
250
2° On ne peut enlever à une partie les droits que lui confère
sa position de vendeur ou d’acheteur, abstraction faite de l'état
de filière.
Le tout bien entendu sous réserve des règlements de place
ou d’usages contraires bien constatés.
3 0 1 . Après avoir réglé ce qui se réfère à la livraison et à
l’enlèvement de la chose vendue, il fallait déterminer de quelle
manière devait se réaliser le paiement, à qui et par qui il de
vait être opéré.
Quel que soit le nombre des membres de la filière, c’est le
vendeur primitif qui, livrant ce qui a fait l’objet de la vente,
doit en recevoir l’équivalent, c’est-à-dire le prix. Les vendeurs
successifs n’y auraient droit qu’à la charge, après l’avoir reçu,
de le restituer au livreur, ou que si ayant payé celui-ci ils ont
été subrogés à ses droits.
C’est le dernier acheteur qui procédant à l’enlèvement des
marchandises sera débiteur du prix, qu'il est dès lors seul
réellement et légalement obligé de payer.
Il devait donc en être du paiement comme de la transmis
sion de l’ordre de livraison. Chaquevendeurpourrait sansdoute
se faire payer par son acheteur, mais cette multiplicité d’en
caissements ou de décaissements n’est ni dans l’intérêt, ni dans
les usages du commerce, et de même qu’il ne doit y avoir
qu’une seule réception, de même il suffit d’un seul paiement
qui, fait par le réceptionnaire et reçu par le livreur, entraîne
de plein droit la libération de tous ceux qui ont pris part à la
filière.
Mais les prix des ventes n’étant jamais égaux, on peut le dire,
il peut arriver que le réceptionnaire ayant acheté en baisse
doive une somme moindre que le prix stipulé au contrat ori
ginaire. Si par contre il y a eu hausse, chaque vendeur ayant
vendu à un prix plus élevé que celui auquel il a acheté luimême devra recevoir cette différence, et si, le réceptionnaire
ayant payé plus cher que tous les acquéreurs qui l’ont pré
cédé, verse son prix d’achat au livreur, celui-ci encaissera en
réalité plus qu’il ne lui est dû. Aussi l’usage a-t-il imaginé
une méthode de règlement expliquée par Ripert (p. 194) avec
tant de clarté qne nous nous contentons de le reproduire : « Ce
�VENTES PAR FILIERES
201
« règlement n’a pas toujours lieu de la même manière: tan« tôt la liquidation de la filière est faite par les parties elles« mêmes, tantôt elle est confiée à des agents spéciaux et sa« lariés appelés fîliéristes.
« A-t-on adopté, comme c’est l’usage à Marseille, le pre« mier mode de procéder : le vendeur primitif remet sa fac« ture acquittée à son acheteur qui, au lieu de lui en payer
« le montant, lui donne sa facture sur son sous-acheteur en
« se faisant tenir compte de la différence; en échange delà
« facture du premier acheteur, le second confie à son tour
« au livreur sa facture sur le troisième en exigeant aussi la
« différence, de telle sorte qu’après avoir réglé toutes les diffé« rences dues aux divers endosseurs de l’ordre, le vendeur pri« mitif finit par avoir en mains la facture payante sur le
« réceptionnaire qui lui en acquitte le montant. Nous verrons
« plus loin qu’il n’est pas même obligé à cet échange de fac« tures, la jurisprudence lui accordant une action directe ex
« persona sua contre celui qui prend livraison. Rien n’em« pêcherait d’ailleurs quel’opération inverse n’eùtlieu,c’est-à« dire que le dernier acheteur, passant dans les bureaux du
« livreur, lui payât le prix de la première vente, sauf à solder
« ensuite les différences dues aux vendeurs subséquents. C’est
« le procédé en usage sur la place de Rouen.
« Les parties se sont-elles adressées à des filiéristes, ceux« ci au moment de l’échéance avertissent les membres de la
« filière par des lettres de prévention de se tenir prêts à régler
« par différences. Ils se rendent ensuite chez chacun d’eux,
« en observant l’ordre des reventes, lui paient la diffé« rence due et se font remettre en retour sa facture acquit« tée ; à l’aide de la dernière de ces factures, ils encais« sent le prix du réceptionnaire et le versent en mains du
« livreur. »
Le livreur qui ne veut pas recourir à ce mode de paiement,
s’il a des doutes par exemple sur la solvabilité d’un ache
teur intermédiaire, a action directe tant contre son acheteur
direct que contre le réceptionnaire de la marchandise. Sans
doute il n’a concouru en rien à la formation du contrat qui
lie celui-ci, mais c’est entre eux que ce contrat a reçu son exé-
�ACHATS ET VENTES
262
cution, et il est naturel qu’en échange de sa chose il reçoive
le prix de la main de celui qui consent à la recevoir. La déli
vrance crée donc entre eux un lien de droit qui engendre une
obligation et une action directe.
La livraison de la marchandise, dit-on généralement, opère
un quasi-contrat en vertu duquel le réceptionnaire doit tenir
son prix à la disposition de celui chez qui il prend la mar
chandise. On peut trouver la racine de cet usage, de cette
théorie, dans l’article 1612 du Gode civil autorisant le ven
deur cà ne livrer la chose que contre paiement, sauf conven
tion contraire.
En conséquence, le réceptionnaire ne peut refuser de payer
le livreur, et si, sous un prétexte quelconque, il se libère aux
mains d’un autre, fût-ce son vendeur lui-même, il serait
exposé à payer deux fois.
C’est ce que le tribunal de commerce de Marseille n’a cessé
de proclamer : c’est ce qu’il jugeait notamment les 6 mai 1839,
15 novembre 1843, 30 juin et 24 août 1847 (M. 39.1.26; —
49.1.2;— 47.1.177 et 179).
Dans l’espèce du dernier jugement, le réceptionnaire pré
tendait échapper à l’action du livreur, parce que, créancier de
son vendeur d’une somme équivalente au prix dont la vente
l’avait constitué débiteur, la compensation avait de plein droit
éteint la créance et la dette ; qu’on ne pouvait donc faire rer
vivre celle-ci au profit de qui que ce fût. Cette prétention, qui
avait motivé un appel contre le jugement quil’avaitrepoussée,
reposait sur une confusion. Pour que la compensation opère
son effet légal, il faut que la même personne soit également
créancière et débitrice du même individu, Or, dans l’espèce le
réceptionnaire, s’il était créancier de son vendeur, était débi
teur du livreur, et aucune compensation n’avait pu s’opérer.
3 0 2. Aussi et par arrêt du 12 février 1848, la Cour d’Aix
confirmait-elle le jugement par les motifs suivants :
« Attendu que Rodocanachi fils et Cie, vendeurs primitifs
d’une marchandise payable comptant, la détenaient encore
lorsque Désiré Hugou, à qui Christian l’avait revendue, s’est
présenté pour en prendre livraison ;
« Attendu qu’en la recevant Hugou a bien su qu’elle lui
�263
était remise par Rodocanachi et Cie, auxquels il devait par
conséquent en payer le prix au lieu et place de Christian,
dont il était en ce moment le représentant et l’ayant-cause ;
« Que le paiement, aux termes de l’article 1612 du Code
civil, est la condition sine qua non delà délivrance qui lui a
été faite;qu’il ne peut donc s’y soustraire en excipant d’une
compensation qu’il aurait à opposer à son vendeur immé
diat, des mains duquel il n’a pas reçu la marchandise (M.48.
1.183).
Ce que la Cour décidait en 1848, elle le consacrait en 1858
par arrêt du 12 décembre, qui condamne à payer une seconde
fois le réceptionnaire qui s’est libéré aux mains de son ven
deur, attendu que l’acheteur d’une marchandise à livrer qui
consent à la recevoir d’un autre que de son vendeur, s’oblige
par là à en payer le prix à son livreur (M. 59.1.49).
3 0 3. Un troisième arrêt, rendu le 29 août 1863, consacre
de plus fort cette doctrine. Un commerçant, M. Savine, avait
vendu une certaine quantité de blé et cette vente avait donné
naissance à une filière. M. Montanaro, acheteur de Pernessin, avait reçu la marchandise des mains de Savine, qui lui
faisait présenter sa facture acquittée le surlendemain de la li
vraison. Montanaro répond qu’ilapayéPernessin, son vendeur.
Par ménagements et par égard pour les convenances, Sa
vine, au lieude poursuivre judiciairement Montanaro, fait pro
céder, par l’agence de liquidation des filières, à l’échange des
factures. Mais Pernessin étant tombé en faillite et tout espoir
d’être payé par lui s’étant évanoui, Savine revient contre Mon
tanaro et lui demande le paiement.
Cette demande est repoussée par le tribunal de commerce
de Marseille, non pas que le tribunal revienne de sa jurispru
dence relativement à l’obligation du réceptionnaire de payer
le livreur, mais parce que, en recourant à l’échange des fac
tures, Savine avait renoncé à son droit vis-à-vis de Monta
naro, et avait consenti à s’en tenir à sa créance contre Roger
et Cie, ses acheteurs directs ; qu’en acceptant, en échange de s a
facture sur ceux-ci, celle sur Perbost Trouchet, à qui ils avaient
revendu les blés, puis celle de Perbost Trouchet sur Pernessin,
il n’avait pas agi comme ayant des droits personnels contre
VENTES P.VIl FILIERES
�ACHATS ET VENTES
264
les acheteurs autres que Roger et C'% mais comme exerçant
contre chacun de ces autres acheteurs les droits de chaque
vendeur.
Dans une consultation délibérée à l’appui de l’appel qui
avait été émis contre ce jugement,nous établissions d’abord(‘)
le droit direct de Savine, livreur des blés, contre Montanaro
qui les avait et reconnaissait les avoir reçus directement de
lui. Examinant ensuite la lin de non recevoir accueillie par
le jugement, nous faisions remarquer que le tribunal avait
fait résulter l’abandon du droit de l’acte qui aboutissait à en
provoquer et à en motiver l’exercice.
En effet, l’échange desfactures, et c’est le tribunal lui-même
qui va nous le dire, n’a pas d’autre but que celui d’arriver
au dernier acheteur et de le contraindre à payer. Voici com
ment, dans son jugement du 9 juillet 1846,l’établissait le tri
bunal :
« Attendu que dans les ventes par filière, lorsqu’un ordre de
livraison sur le vendeur primitif est successivement transmis et
endossé par les vendeurs divers à leurs acheteurs, le premier
acheteur revendeur qui a délivré l’ordre de livraison à son
acheteur immédiat, a une action,non seulement contre celui-ci,
mais encore contre chacun des autres acheteurs compris dans
la filière et endosseurs de l’ordre, soit pour qu’il lui remette
sa facture acquittée sur l’endosseur subséquent, en échange de
la facture acquittée par son propre vendeur, afin d’arriver ainsi
jusqu’au dernier acheteur qui a reçu la marchandise, soit pour
le paiement de la différence en moins entre la facture remise
et celle reçue en échange (M. 46. 1. 2).
Il est donc juridiquement impossible de considérer l’échange
des factures comme la renonciation au droit contre le récep
tionnaire, dès que cet échange doit au contraire faire arriver
jusqu’à ce réceptionnaire celui qui peut exiger ce paiement de
la marchandise, ou déterminer le chiffre vrai de ce paiement,
en liquidant la différence soit en plus, soit en moins qui peut
exister entre les divers marchés.
Pourquoi d’ailleurs, dans l’espèce, tant que Pernessin étant
(>') M . B é d a rrid e .
�203
integri status, on pouvait croire à la possibilité d’un paiement
de sa part, Savine n’aurait-il pas recouru à un moyen qui le
dispensait de soutenir un procès, et sauvait Montanaro luimême d’une poursuite ? D’ailleurs il usait d’un droit incontes
table, et l’exercice d’un droit ne saurait ni préjudicier, ni nuire
à celui qui s’y livre.
La Cour d’Aix n’hésite donc pas à infirmer le jugement, et
voici les remarquables motifs qui déterminent cette infirma
tion :
« Attendu que la première question qui se présente est celle
relative à Montanaro, le réceptionnaire de la marchandise ;
« Attendu que d’après l’usage, en matière de ventes par filière
et d’après la nature même des choses, Savine fils, vendeur pri
mitif d’une marchandise successivement revendue à diverses
personnes etfinalementàMontanaro,avait le droit,enlalivrant
à ce dernier, d’en exiger de lui le paiement, et qu’il ne pouvait
perdre ce droit que par une renonciation expresse ou tacite, ou
en tant qu’ayant laissé ignorer sa qualité dé livreur au récep
tionnaire, celui-ci aurait, dans cette ignorance, payé le prix à
son vendeur immédiat ;
« Attendu que Montanaro, acheteur direct de Pernessin, n’a
pu ignorer,en recevant la marchandise, qu’elle lui était remise
par Savine, vendeur primitif, puisqu’il l’a reçue sur des billets
de poids portant : vendu par Savi7ie, acheté par Montanaro, et
puisqu’à cette occasion il a acheté directement de Savine le
reste de la cargaison du navire Golfe-Juan où la livraison des
blés était faite ;
« Attendu que, par une conséquence nécessaire de ce mode
de livraison, il a su aussi que le livreur de la marchandise
n’en avait pas encore reçu le prix et que c’était au réception
naire qu’incombait la charge de le payer ;
« Attendu que les premiers juges ont eu tort de considérer
Savine comme ayant renoncé à son droit en remettant sa
facture sur Roger et Cio, ses acheteurs directs, et en rece
vant ensuite, au moyen des échanges, celle de Perbost Trouchet, vendeur de Pernessin ; qu’on ne saurait induire cette
renonciation tacite d’aucun de ces faits ni d’aucun autre acte
de la conduite de Savine ; que, en effet, si Savine, qui avait
VENTES PAR FILIERES
�206
ACHATS ET VENTES
livré le blé le 26 octobre 1861, jour de samedi, a attendu le
surlendemain pour en demander le prix à Montauaro, et si,
sur la réponse de celui-ci qu’il avait déjà payé Pernessin, Savine, au lieu de le poursuivre immédiatement en justice, a
fait procéder à la liquidation de la filière par l’échange des
factures, afin d’amener entre ses mains la facture payante
due soit par Pernessin, soit par Montanaro lui-même, il n’a
montré par là qu’une intention, celle d’être payé par l’un des
acheteurs intermédiaires ou par le réceptionnaire, ce qui en
traînait suspension dans l’exercice de son droit contre celuici, mais nullement l’abandon de ce droit, ce qui d’ailleurs
était conforme aux usages du commerce qui admettent un cer
tain délai entre la livraison et le paiement, malgré la clause
payable comptant ;
« Attendu que la liquidation de la filière n’a pu être menée
à bonne fin, parce que l’échange des factures s’est arrêté à
Pernessin qui, au moment de tomber en faillite, ayant reçu
le prix des mains de son acheteur avant d’avoir lui-même
payé la marchandise, n’a plus eu ni argent ni facture acquit
tée à remettre à Perbost, Trouchet et Cio,ses vendeurs directs ;
que cette fraude de Pernessin, vendeur aux enchères des blés
qu’il n’avait encore ni reçus ni payés, aurait manqué son effet
si Montanaro, mieux avisé, n’avait pas commis la faute de
payer promptement Pernessin sans s’être assuré que le livreur
avait été désintéressé, alors même que tout tendait à lui dé
montrer le contraire; qu’il ne peut invoquer pour son excuse
la clause du cahier des charges qui soumettait l’acheteur à
payer dans les vingt-quatre heures, cette clause n’étant obli
gatoire pour lui qu’en tant que Pernessin lui aurait livré luimême la marchandise, ou aurait justifié de l’acquittement du
prix;
« Attendu que Montanaro a trop tôt payé Pernessin pour
pouvoir dire qu’il a été induit à faire ce paiement par le re
tard qu’a mis le livreur à l’exercice de son droit, et pour pou
voir y puiser une fin de non recevoir contre l’action de Savine ;
qu’il ne doit donc qu’à son imprudence l’obligation où il se
trouve de payer une seconde fois;
« Attendu qu’il est juste de le condamner en lui faisant
�267
application de ce principe salutaire sanctionné par la juris
prudence de la Cour : que tant que le livreur ri a pas été dé
sintéressé, le réceptionnaire ne peut payer son vendeur, prin
cipe qu’il faut appliquer sévèrement si l’on veut maintenir
l’honnêteté dans les ventes faites par filières et rassurer le
commerce contre le retour de la fraude dont le dernier ven
deur s’est rendu coupable dans celle qui nous occupe. »
Montanaro se pourvut en cassation, mais vainement. Son
pourvoi était rejetépar arrêt du 30 janvier 1865 (J. P., 1865,
p. 1058).
304. Ce qui se dégage de cette jurisprudence c’est d’abord
ce principe dont la Cour d’Aix recommande la sévère appli
cation: quê tant que le livreur n’a pas été désintéressé le récep
tionnaire ne peut payer son vendeur. Celui-ci, en effet, s’il
recevait sans vouloir ou sans pouvoir payer le livreur, s’en
richirait de la chose d’autrui, et celui qui lui en fournirait
l’occasion commettrait une immoralité qu’on ne saurait ni
encourager ni récompenser.
Qu’importe que le réceptionnaire n’ait pas traité avec le
vendeur primitif. C’est à lui qu’il demandera la marchan
dise, c’est de lui qu’il la recevra. Pourrait-il refuser de le
payer si, s’en tenant strictement à la clause payable comp
tant, il exigeait le prix avant de livrer la chose? Il importe
donc peu, qu’obéissant aux usages, il ait accordé un délai.
Son droit n’a subi aucune atteinte. Le fait de la livraison a
rendu le réceptionnaire son obligé direct, tant qu’il n’aura
pas expressément ou tacitement consenti à le relever de cette
obligation.
La renonciation tacite ne saurait résulter de l’échange des
factures. C’est là aussi un mode de paiement auquel le livreur
a recours si peu pour libérer le réceptionnaire qu’il n’aura
d’autre résultat que de le faire arriver jusqu’à lui et lui four
nir le moyen de le contraindre. C’est donc avec infiniment
de raison que la Cour d’Aix voit dans l’échange des factures,
non l’abandon du droit, mais la suspension de son exercice.
Le fait de n’avoir pas exigé le paiement immédiat, alors
que la marchandise était vendue payable comptant, sera-t-il
l’origine d’une fin de non-recevoir ? Le réceptionnaire seraitVENTES l'A il FILIERES
�268
il fondé à dire, puisque la marchandise m’était livrée pure
ment et simplement, j’ai dû croire qu’elle avait été payée?
Ce n’est pas sur une présomption dont il est d’ailleurs si
facile de s’assurer du plus ou moins d’exactitude qu’on doit
s’étayer pour se faire un titre de la complaisance qui aurait
consommé une fraude aussi inique que celle d’un acheteur
s’appropriant le prix d’une marchandise qui ne lui appartient
encore à aucun titre, ce qu’on doit en pareil cas, parce qu’on
le peut, c’est de s’assurer si le livreur a été oui ou non désin
téressé, et d’agir en conséquence.
305.
Il est d’usage que malgré la clause « paiement comp
tant » un certain délai est laissé à l’acheteur pour payer son
prix, délai qui à Marseille est de dix jours. Donc tant que ce
délai n’est pas expiré le réceptionnaire ne peut pas opposer
qu’il a cru que le vendeur avait été désintéressé au moment
du marché et s’il payait son propre vendeur avant de s’être
assuré de la réalité de ce paiement il commettrait une faute
lourde l’obligeant à payer une seconde fois (Marseille, 14 avril
1875, M. 75.1.207) — (pour les effets de la clause «paiement
comptant » dans les rapports entre le vendeur et son propre
acheteur et son efficacité malgré l’usage du paiement à dix
jours infra, n°427).
3 0 8 . Le jugement du 14 avril 1875 semble décider impli
citement qu’après l’expiration du délai de dix jours le récep
tionnaire qui paierait son vendeur immédiat se libérerait vala
blement. Il est certain que si le livreur n’a pas réclamé le
paiement dans ce délai et que le réceptionnaire soit encore
débiteur du prix, il pourra toujours se faire régler par lui. Sur
ce point pas de difficulté. Mais la question se pose lorsque
le réceptionnaire croyant de bonne foi que le silence du ven
deur originaire s’explique par le paiement qui lui aurait été
effectué, se libère entre les mains de son vendeur après les
dix jours et que ce vendeur est insolvable ; dans ce cas le ven
deur originaire sera-t-il forclos et nepourra-t-ilplusrien récla
mer à l’acheteur ayant payé dans ces conditions? Sa réclama
tion serait évidemment écartée comme tardive. Le réception
naire ne peut pas se montrer plus soucieux des intérêts du ven
deur primitif que ce vendeur lui-même, et en l’absence de toute
achats
et
ventes
�289
demande de sa pareil n’a pas à rechercher s’il a été oui ou non
désintéressé. C’est ce qu’a admis le tribunal de Marseille les
29 août 1887 et 19 avril 1901 (M. 1901.1.256 et 87.1.301).
3 0 7. Si le livreur n’a pas obtenu paiement du réception
naire il aura toujours le droit de le réclamer à son acheteur
direct, celui qui par le contrat est tenu d’y pourvoir vis-àvis de lui.
En ellet l’acquit donné par le vendeur originaire sur sa fac
ture en échange de celle dressée par l’acheteur contre son
sous-acquéreur ne libère pas celui-ci. Cette remise ne vaut que
comme indication de paiement et n’opère pas novation. Ni
l’intervention du liquidateur de la filière, ni le mandat tacite
imposé par l’usage au livreur de mettre le réceptionnaire en
demeure de prendre livraison, ne modifient la nature et les
conditions de la vente. En conséquence le premier acheteur
reste, nonobstant les transmissions survies du bon de livrai
son, directement obligé envers son vendeur à lui payer le prix
si ce prix n’est pas acquitté par le réceptionnaire et si la re
vente en bourse n’a produit qu’une somme inférieure (Paris,
22 janvier 1884,6 mars 1885,7 mars 1885,10 avril 1885,3 juin
1885,D.85.2.161 et note Levillain, Cass., 27 juillet 1887 (2 ar
rêts). D. 88. 1. 10).
3 0 8 . Si c’est par la négligence du livreur que son recours
contre le réceptionnaire est devenu illusoire, l’acheteur origi
naire actionné en paiement d’un prix dont il ne recouvrirait
jamais l’équivalent aura le droit de résister à la réclamation
en soutenant que c’est en définitive par sa faute qu’il n’a
pas été payé et que s’il n’avait pas commis cette faute luimême ne pourrait être recherché. Le livreur a donc commis
un fait préjudiciable dont il répond aux termes de l’article
1382 du Code civil et l’acheteur est fondé alors à refuser le
paiement.
Le tribunal de commerce de Marseille n’a pas hésité à se
prononcer dans ce sens. 11jugeait, le 2 avril 1873, que lors
que, suivant l’usage de la place de Marseille, le vendeur reçoit
de son acheteur la facture de ce dernier sur le sous-aclieteur
réceptionnaire de la marchandise, il est tenu de faire dili
gence pour l’encaissement de cette facture ; qu’en conséVENTES PAU FILIÈRES
�ACHATS ET VENTES
270
quence, si, le vendeur étant resté un temps plus longquele
délai moral et d’usage pour cet encaissement, le sous-acheteur
vient à suspendre ses paiements, le vendeur ne peut recou
rir contre son acheteur direct à raison du défaut de paiement
de la facture remise.
« Attendu, dit le jugement, que la facture acquittée remise
par Olivieri à Tardif et Signoret, sur le sieur Trouchet, récep
tionnaire, était encore en mains desdits Tardif et Signoret le
28 janvier, époque où le sieur Trouchet a suspendu ses paie
ments :
« Attendu que les sieurs Tardif et Signoret ont eu le tort de
laisser écouler vingt-cinq jours depuis lalivraison et dix-sept
jours depuis l'échange des factures sans exiger le paiement
dû par le sieur Trouchet, ou sans prévenir le sieur Olivieri
des difficultés qu’ils rencontraient ;
« Qu’ils sont donc responsables de leur négligence envers ce
lui-ci, et que cette responsabilité doit entraîner la déchéance
de toute action de leur part contre le sieur Olivieri (M. 73. 1.
179).
Par application du même principe, le tribunal jugeait, lé,
22 octobre 1875, que lorsque dans une filière le réception
naire n’offre au livreur que le prix qu’il doit lui-même à son
vendeur et que ce prix est inférieur à celui qui est dû au li
vreur, ce dernierdoit en prévenir immédiatement son acheteur
direct et exiger de lui la différence ; qu’il en est du moins ainsi
quand l’ordre porte la clause : payable avant enlèvement ;
Qu’en conséquence si le livreur, se contentant provisoire
ment de l’offre du réceptionnaire, ne prévient pas son ache
teur, il est responsable des suites de l’ignorance où il laisse
ce dernier touchant ce fait; que notamment il ne peut lui ré
clamer ultérieurement la différence lorsque le second ache
teur, qui devait une différence pareille et qui aurait pu la
payer s’il eût été poursuivi en temps utile, tombe en faillite
dans l’intervalle pendant lequel le premier acheteur est resté
inactif par suite de la croyance où il était que le livreur avait
été désintéressé (M. 70. 1. 04).
11 est évident que le réceptionnaire ne doit que le prix sti
pulé dans son traité, et que le livreur a droit à l’intégralité
�271
de celui auquel il a vendu. C’est donc à son acheteur qu’il
doit s’adresser exclusivement pour être payé de la différence
en moins que laisse le réceptionnaire.
Si cet acheteur a lui-même vendu au réceptionnaire à un
prix inférieur à celui qu’il a donné lui-même, il est parfaite
ment au courant de la différence et sait qu’elle ne doit être
payée que par lui. Dès lors, quelque retard que son vendeur
ait mis à le poursuivre, il ne pourra jamais croire que celui-ci
a été désintéressé et se prévaloir d’un retard qui, loin de lui
être préjudiciable, lui a été avantageux en le laissant plus
longtemps en position d’utiliser ses fonds.
Il n’en est plus ainsi si le premier acheteur ayant revendu
à un tiers, c’est la vente consentie par ce tiers qui détermine
la différence. Dans ce cas cette différence, qu’il doit à son ven
deur, lui est due par son acheteur, contre lequel il ne man
quera pas de recourir le cas échéant.
Mais ce recours il ne pourra l’exercer qu’en tant qu’il sera
poursuivi lui-même. Que pourrait-il demandera son acheteur
lorsque son vendeur ne lui réclame rien ? Il doit d’autant
mieux induire de ce silence que celui-ci a été complètement
désintéressé, qu’étranger à la revente réalisée par son ache
teur, il ignore la différence qui existe entre cette revente et
celle qu’il avait réalisée lui-même.
Dès lors, si le premier vendeur ne rompt le silence qu'après
que le recours de son acheteur est devenu illusoire, parce que
dans l’intervalle le second acheteur est tombé en faillite, il y
a faute, mais de la part du premier vendeur exclusivement,
il est juste dès lors d’en laisser les conséquences à sa charge,
quelque préjudiciables qu’elles puissent être.
3 0 9 . La situation de l’acheteur qui aura désintéressé le li
vreur ne sera pas absolument semblable à celle de ce livreur.
Le droit de celui-ci d’exiger le paiement du réceptionnaire
en s’adressant directement à lui et en passant par-dessus tous
les acheteurs intermédiaires, est un droit personnel ne se trans
mettant pas à l’acheteur par voie de subrogation.
3 1 0 . Le tribunal de Marseille avait pourtant le 14 juin' 1887
renoncé à unejurisprudeneequ’il avaitprécédemment affirmée
maintes fois et’avait jugé « que l’état de filière librement acVENTES I’AH FILIÈRES
�272
ACHATS ET VENTES
ceptépar les parties intéressées place ces parties dans une situa
tion de fait à laquelle l’usage sanctionné par la jurisprudence
fait produire certains effets juridiques particuliers ; l’un de ces
effets consiste à donner à la marchandise, objet unique des ven
tes successives, une affectation spèciale, à la faire considérer
comme une sorte de provision garantissant au vendeur inter
médiaire qui a désintéressé le livreur, le remboursement de
ses avances jusqu’à concurrence du prix dû par le réception
naire à son propre vendeur. » Ce principe de la provision for
mait en cette matière une innovation fâcheuse que la Cour n’a
pas voulu sanctionner. Elle a réformé par un arrêt du 21 fé
vrier 1888 décidant, conformément 4 une pratique constante,
que le droit du livreur d’exiger le prix du réceptionnaire est
attaché à la qualité de livreur et à la détention de la mar
chandise (M. 89.1.148). Cette dernière raison nous paraît déci
sive: elle est l’explication de ce qui, à première vue, peut pa
raître une exception à la règle de la distinction des marchés,
et on ne peut l’invoquer au profit d’un autre que le livreur.
311.
Nous avons dit (n° 301) que le vendeur originaire se
fait remettre toutes les factures des vendeurs intermédiaires
auxquels il règle à ce moment la différence qui leur est due
en cas de majorations successives du prix qu’il a lui-même sti
pulé. Si le réceptionnaire se présente pour recevoir et paie son
prix, le livreur rentrera dans son découvert puisque ce prix
représentera, dans la plupart des cas tout au moins, le prix ori
ginaire augmenté du montant de toutes les majorations. Mais
si le réceptionnaire ne se présente pas ou ne paie pas, le ven
deur qui aura réglé toutes les différences ne trouvera-t-il per
sonne pour le rembourser? Deux Chambres de la Cour deParis
(6 février et 10 avril 1885, D.85.2. 161)ont imaginé de le faire
rembourser par son acheteur direct : le premier acheteur, di
sent-elles, devra, dans ce cas, non seulement son prix mais
encore toutes les sommes déboursées par le vendeur, s’étant
par la transmission du bon de livraison constitué garant de
tous les acheteurs intermédiaires !Cette théorie admirablement
réfutée par Levillain dans la note au pied de ces arrêts ne nous
paraît pas défendable, étant donné le principe de la distinction,
v de la séparation des différents marchés. L’acheteur primitif ne
�273
VENTES TAU FILIÈRES
doit jamais que son prix et quand il l’a versé à son vendeur
celui-ci n’a plus aucune créance contre lui. Nous croyons avec
Levillain (loc. cit.) que le vendeur a certainement le droit de
se faire restituer les différences dont il aurait versé le montant
entre les mains des endosseurs intermédiaires, mais comme il
les a payées en vertu du mandat tacite conféré par ceux qui
en étaient réellement débiteurs, il n’aura le droit d’en exiger
le remboursement que de ses mandants, à la décharge de qui
il a réglé, conformément au droit commun. 11 en est de même
du liquidateur si c’est par son entremise que le règlement a
été opéré.
312. En dernière analyse la vente par filière est trop avan
tageuse au commerce pour qu’un doute puisse s’élever sur
l’approbation qu’elle doit rencontrer delà part des tribunaux.
Le premier vendeur a pour obligés directs et personnels
son acheteur et le réceptionnaire, qui ne peut se libérer vala
blement qu’entre ses mains ; pour obligés indirects tous ceux
qui, comme acheteurs et vendeurs, participent à la filière con
tre qui il peut recourir mais par l’action oblique seulement
(Levillain, loc. cit.).
Celle-ci se liquide ou par une demande en paiement contre
le premier acheteur, ou par l’échange des factures qui fait ar
river aux mains du livreur celle du dernier vendeur sur le
réceptionnaire seul et vrai débiteur. On n’a pas à craindre
qu’aucun des intéressés refuse d’échanger sa facture, car,
obligé de payer celle de son vendeur, la remise de sa facture
sur son acheteur est un mode de paiement fort avantageux,
puisqu’il le dispense de puiser dans sa caisse de quoi étein
dre son obligation. Si l’échange des factures n’aboutit pas,
chaque vendeur rentre dans ses droits contre son acheteur
et peut le contraindre à lui payer le prix stipulé entre eux.
L’échange des factures ne peut jamais fournir au réception
naire une fin de non-recevoir contre la poursuite du livreur,
pas plus que le retard que celui-ci aurait mis à réaliser cette
poursuite (‘). Ce retard ne peut être opposé au livreur que par
l’intéressé dont il aurait rendu nul et sans effet le recours qui
lui était acquis contre son acheteur, soit pour le prix intégral
(') Voir le n° 306.
A chats bt ventes
18
�274
ACHATS ET VENTES
du marché, soit pour la différence entre le prix de l’achat et
celui de la revente.
31 3. Enumérer une à une les conditions dont la vente est
susceptible était une tâche difficile pour ne pas dire impossi
ble. Justinien l’avait entreprise en voulant préciser les pactes
qui pouvaient suspendre, modifier ou résoudre la vente (*). Mais
sa nomenclature est loin d’être complète.
Notre législation n’est pas entrée dans ce détail, elle s’est
contentée d’indiquer le caractère que peut revêtir la condi
tion et d’en déterminer les effets. Elle ne s’occupe nommé
ment que de celles qui, par leur spécialité, pouvaient paraître
déroger aux principes généraux de la vente, et qu’il devenait
dès lors utile et nécessaire de réglementer. Dans les condi
tions suspensives, la vente au poids, au nombre ou à la mesure,
celle avec dégustation, essai ou arrhes ; dans les conditions
résolutoires, le pacte commissoire, la clause de réméré. Mais
dans l’une et l’autre catégorie les parties ont la plus entière
liberté et peuvent stipuler toutes les modalités qui leur parais
sent utiles ou convenables. C’est surtout de la vente commer
ciale qu’on peut dire qu’elle peut se plier à toutes les condi
tions, sans autres exceptions que celles qui résulteraient d’une
disposition de loi prohibitive, ou des exigences de l’ordre, de
la morale ou des bonnes mœurs.
3 1 4 . Ce qui est vrai pour la vente, ne pouvait pas ne pas
l’être pour la promesse. On ne saurait, en effet, contester au
promettant le droit absolu et illimité de subordonner son en
gagement à toutes les conditions que son intérêt ou ses conve
nances paraissent exiger.
Celui qui reçoit la promesse est à son tour libre de repous
ser les conditions, de les faire modifier, mais il ne peut jamais
isoler celle-ci de celles-là. L’acceptation de la promesse
entraînerait virtuellement celle de toutes les conditions qui
y auraient été apposées.
3 1 5 . La vente alternative ne saurait offrir de difficultés
que sur son caractère, et celui-ci reconnu et admis, que rela
tivement à la partie à laquelle le choix a été déféré, et aux
risques de la chose dans l ’intervalle du contrat à l’exécution.
(*)
Cod. de Partis, inter emp. et vendit.
�275
VESTE ALTERNAT!VE
Il est difficile de confondre la vente alternative de telle ou
telle chose avec la vente cumulative de l’une et de l’autre. La
disjonctive ou, écrite dans le contrat, lèverait toute difficulté.
Mais la vente n’est pas toujours constatée par écrit : et si
l’accord est verbal, l’une des parties soutiendra avoir traité
sous la conjonctive et, tandis que l’autre se prévaudra de la
disjonctive ou.
Il appartient au juge de résoudre cette difficulté. Un élé
ment essentiel résultera du prix stipulé. La vente sera décla
rée cumulative ou alternative' selon qu’il représentera la juste
valeur des deux choses, ou de l’une d’elles seulement.
Dans la vente alternative, la convention doit déterminer à
qui du vendeur ou de l’acheteur appartiendra le choix; dans
le silence de la convention, ce choix ne saurait être contesté
au vendeur : Si ita distrahatur ilia aut ilia res, utram eliget
venditor, hæc erit empta (*).
Quant aux risques, il n’y a pas à distinguer. Que le choix
ait été laissé au vendeur ou déféré à l’acheteur, le résultat
est le même. La chose qui périt la première, périt pour le
compte du vendeur, celle qui reste, demeure in obligatione,
et il est obligé de la livrerMais si celle-ci périt à son tour, ou si le même accident
les détruit l’une et l’autre, le vendeur est libéré de son obli
gation et l’acheteur reste débiteur du prixQ).
SECTION IV
DES OBLIGATIONS DU VENDEUR ET DE
§ I.
l ’a CIIETEUR
D es o b l i g a t i o n s d u v e n d e u r .
SOMMAIRE
316. Obligations du vendeur de livrer la chose. Quand doit-elle
être remplie?
317, Qualités que doit réunir la chose offerte. L’usage commercial
(*) L . 25, D ig. de Cont. empt,
{ ') L . 34, § 6, D ig . Ejusd. tit. P o th ie r, n° 3 1 3 . T ro p lo n g j n° 407.
�276
318.
319.
320.
321.
322.
323.
324.
325.
326.
327.
328.
329.
330.
331.
332.
333.
334.
335.
336.
337.
338.
339.
340.
ACHATS ET VENTES
de compenser certaines différences par une bonification sur
le prix ne doit pas être suivi d’une façon absolue. Excep
tions qu’il comporte. Jurisprudence.
Réfactions résultant de la loi des 13-20 juillet 1866.
Caractère de la délivrance. Peut être réelle ou virtuelle.
Difficultés que celle-ci peut offrir dans la vente d’une coupe
de bois.
Jugement du tribunal civil de Gray, et arrêt de la Cour de
Besançon, statuant entre deux acheteurs d’une même coupe.
Caractère juridique de ces deux décisions, préférant celui qui
a été mis le premier en possession.
De quels actes doit-on induire la tradition ou la mise en pos
session.
Importance de la tradition contre les créanciers du vendeur.
Peut résulter dans le commerce des bois de l’empilage et de
l’apposition de la marque de l’acheteur. Jurisprudence.
Lieu de la délivrance. La remise au commissionnaire de
roulage constitue-t-elle la tradition?
Doit-on distinguer le cas où le commissionnaire a été indi
qué par l'acheteur de celui où il a été choisi par le ven
deur? Raisons pour l’affirmative.
Réfutation.
Conclusion.
Temps et lieu de la délivrance prévus au contrat
L’obligation de livrer au lieu convenu est impérieuse et
absolue.
Effets du défaut de délivrance.
Une grève constitue-t-elle un cas de force majeure? Nouvelle
* jurisprudence qui l’admet.
.La force majeure empêchant la livraison à la date indiquée
ne résout pas le contrat, si cette date n’est pas une condi
tion substantielle.
De même l’augmentation des impôts et des droits de douane.
Délai dans lequel la délivrance doit être opérée après somma
tion. Gomment il se calcule. Dimanches et jours fériés.
Formes de la sommation.
La résiliation doit être prononcée en justice. Conséquences
fâcheuses admises par la Cour de Cassation.
La faculté d’accorder un délai édictée par l’article 1184 du
Code civil est-elle applicable à la vente commerciale ?
Conditions dans lesquelles elle pourrait être appliquée.
�OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
277
341. Caractère des arrêts de Bordeaux et d’Aix invoqués pour son
applicabilité.
342. Ne pourrait l’être lorsqu’il s’agit d’accorder un délai de grâce.
Pourquoi.
343. Ni lorsque le traité renferme la clause résolutoire expresse.
Arrêt contraire d’Aix.
344. Son caractère.
345. Cas où la clause expresse est facultative pour l’acheteur.
346. L’acheteur n’est pas tenu de mettre le vendeur en demeure
de livrer lorsque la clause expresse est formelle, ou qu’il
y a lieu à appliquer l’article 1146 du Code civil.
347. Droit de l’acheteur de demander sa mise en possession. Carac
tère et effet du jugement qui l’autorise.
348. Impossibilité de la mise en possession dans les ventes où la
chose n’est déterminée que par son espèce et sa quantité.
Différence à payer.
349. Mais l’acheteur est autorisé à demander son remplacement.
350. Celui-ci peut-il être accordé lorsque la chose devant être impor
tée, l’exportation a été prohibée par le gouvernement local.
Distinction.
351. Peu tse faire en une qualité similaire, si la chose vendue n’existe
pas sur le marché.
352. Effets du remplacement contre le vendeur. Quelle est la diffé
rence qu’il doit payer.
353. Jugement du tribunal de Marseille, admettant seulement la
différence entre le prix convenu et le cours du jour où la
livraison devait être effectuée.
354. Arrêt réformalif de la Cour d’Aix.Son caractère.
355. Comment s’opère le remplacement lorsqu’il doit se faire en cas
d’une baisse.
356. Jurisprudence du tribunal de commerce de Marseille.
357. Résumé.
358. L’acheteur qui s’est directement remplacé doit être intégra
lement remboursé de tout ce qu’il a payé, sans qu’on puisse
le soumettre au prix moyen du marché.
359. Quid s’il a acheté au delà du cours réel.
360. L’acheteur agira prudemment en sollicitant un remplacement
par autorité de justice.
361. Faculté pour le vendeur de faire une offre nouvelle avant que
le remplacement ait été opéré.
362. Le vendeur dont l’acheteur refuse de se livrer doit s’adres
ser au tribunal pour obtenir l’autorisation de vendre aux
�278
ACHATS ET VENTES
enchères publiques avec condamnation à la différence.
Une vente amiable ne serait pas opposable à l’acheteur.
Faculté pour l’acheteur de recevoir tant que la vente n’aurait
pas été effectuée.
363. Nécessité pour le vendeur d'individualiser la denrée offerte
s’il s’agit d’un objet certain.
36i. Marchandises vendues« au fu^et à mesure de la fabrication »
jusqu’à une date déterminée.
365. Clauses portant simplement « au fur et à mesure de ma fabrica"
tion » « livrable au fur et à mesure de mes besoins » « livra"
ble à ma demande ». Stipulation d’un délai.
366. Peut-on encore conclure à la résiliation après avoirdemandé
soit le remplacement si l’on est acheteur,soit la vente aux
enchères si l’on est vendeur ?
367. Le vendeur peut-il offrir une livraison partielle? Divisibilité
des ventes à livrer par fractions. Chaque livraison forme
en principe un contrat distinct.
368. Droit du vendeur qui a vendu au comptant, de ne livrer que
contre paiement du prix. Nature de ce droit.
369. Si la vente est à terme, la livraison est forcée, à moins de
déconfiture ou de faillite de l’acheteur.
370. Le cautionnement du prix entraînerait dans ce cas la néces
sité de la livraison.
371. Le droit d’exiger ce cautionnement est perdu s’il y a eu tra
dition réelle ou feinte.
372. Arrêt de la Cour de Cassation dans ce sens.
373. Le vendeur doit posséder la chose vendue au moment fixé
pour la délivrance. Par sa sommation le vendeur se met
virtuellement en demeure de livrer.
374. Prorogation des marchés à livrer par quantités échelonnées
dans le silence des parties.
Cumul des livraisons partielles au jour delà dernière échéance.
Application équitable de cette règle.
374 bis. Droit du vendeur à la résiliation lorsque l’acheteur ne
commence pas la réception réellement dans les vingt-qua
tre heures de la sommation.
375. Vendeur à livrer dans le courant d’un mois déterminé. Livrai
son sur sommation le mois suivant.
376. Le vendeur-ne peut dénoncer le marché en offrant la diffé
rence au jour de sa déclaration.
377. Quantité vendue. Clause « environ ».
378. Le vendeur garantit les troubles et évictions.
�OBLIGATIONS IIU VENDEUR. DÉLIVRANCE
279
379. Les défauts cachés et les vices rédhibitoires.
380. Le déficit sur la quantité constitue-t-il un vice caché? Non,
d’après la Cour de Bordeaux.
381. Il motive au moins une diminution proportionnelle du prix.
382. L’arrêt de Bordeaux se justifie seulement en fait. Sa cri
tique.
383. Applicabilité en principe au déficit de l’article 1641.
384. Inapplicabilité des articles 105, 106 et 435 du Code de com
merce entre vendeurs et acheteurs.
385. Quid des taches et trous pouvant déprécier la marchandise.
386. Effets de l’existence du vice caché. Articles 1644 et 1648.
Délai.
387. Ventes et échanges d’animaux domestiques. Maladies conta
gieuses et vices rédhibitoires. Lois des 2 août 1884,21 juin
1898 et 23 février 1905. Code rural.
388. Quelles maladies sont contagieuses. Dispositions du Code
rural. Prescriptions de police.
389. L’énumération de la loi est limitative. Nullité de la vente
d’un animal infecté, même si le vendeur est de bonne foi.
Il peut seulement être exonéré de dommages-intérêts.
390. La nullité doit être prononcée si l'animal a été enfoui et non
séquestré.
391. C’est à l’acheteur à prouver la maladie.
392. La prescription de quarante-cinq jours peut être interrompue
d’après les règles ordinaires.
393. Vices rédhibitoires. Enumération limitative.
394. Dérogations facultatives et cas de dol réservés. Mais l’ache
teur doit prouver la dérogation. Faculté pour l’acheteur
de ne demander qu’une bonification.
395. Ces règles sont applicables aux animaux vendus pour la bou
cherie. Usages contraires.
396. Délai de l’action. Expertise. Mort de l’animal. Litiges infé
rieurs à 100 francs.
397. Action régulièrement intentée.Existence de la maladie.Pré
somption juris et de jure.
398. Ventes successives. Délai.
399. Les clauses simplement extensives de la garantie ne s’éten
dent pas au délai.
400. Applicabilité des articles 1642 et 1643 du Code civil.
400 jbis. Compétence des tribunaux de commerce.
400 ter. Loi du 8 déc. 1907. Vente des engrais.
�280
ACHATS ET VENTES
316; Nous avons examiné, en suivant l’ordre du Code civil,
les obligations et les droits des parties contractantes à l’oc
casion de certaines ventes spéciales. Il nous reste à étudier
ces obligations d’une façon générale enprécisant les règles
applicables à toutes les ventes, sauf convention contraire.
Le vendeur a deux obligations principales : celle de déli
vrer et celle de garantir la chose qu’il vend (art. 1603, C. civ.).
Voyons comment dans la pratique elles sont accomplies et
précisons les obligations accessoires qui ont toutes leur racine
dans ces engagements primordiaux (‘).
31 7. Le vendeur ne remplit sa première obligation que si la
chose par lui offerte réunit toutes les qualités stipulées par l’a
cheteur et en vue desquelles il a traité. Mais le développe
ment et la sécurité des transactions commerciales, la nécessité
de se prémunir contre la mauvaise foi d’un acheteur qui dès
la baisse venue saisirait le moindre prétexte pour réclamer
l’annulation d’un contrat onéreux, ne permettent pas de faire
dépendre cette annulation de la moindre différence entre la
chose promise et la chose livrée. Ona pensé avec raisonque l’a
cheteur n’achetant que pour s’assurer un bénéfice provenant
d’une revente, il suffirait dahs la plupart des casque le ven
deur abandonnât une fraction du prix équivalente à la moinsvaluedelachoseolferte. L’acheteur tirera certaine ment un prix
inférieur de la revente, il fera un bénéfice moindre: mais que
luiimporte puisqu’ilrécupérerasur sonpropre vendeur le com
plément du gain espéré ?
Le marché, dans ce cas, aura produit le résultat envisagé à
l’origine. De même si un agriculteur achète un engrais ne contenantpas la quantité voulue dematières fertilisantes, aura-t-il
le droit de se plaindre, si cet engrais étant utilisable dans une
mesure presque complète, le vendeur lui remet le prix de la
substance faisant partiellement défaut pour qu’il puisse ainsi
la compléter sans bourse délier?
Sauf en matière de vente sur échantillon (supra, 174 ets.),
c’est là un usage certain: mais pour son application il faut
que la différence reprochable se renferme dans certaines limi(*.) S u p r a , fonds de commence, n° 19, brevets, n- 197.
�281
tes. On ne doit pas imposer à l’acheteur une réception, même
avec réfaction ou bonification (les deux expressions sont em
ployées communément l’une pour l’autre) lorsque ladifférence
dépasse une juste proportion et qu’il ne pourrait faire servir
la chose à l’usage auquel il la destinait ou même si la revente
en était particulièrement difficile.
La pratique commerciale ne pouvait se tromper sur l’énor
mité d’un pareil résultat. Elle ne pouvait le tolérer. Outrant
même l’application d’un principe éminemment juste, la Cour
de Rouen a jugé « que si dans certaines circonstances où
l’équité domine, et pour certaines marchandises qui, comme
celles de la cause (graines de trèfle), n’ont pas été vendues sur
échantillon, les usages du commerce permettent de ne pas
appliquer avec rigueur les principes du contrat synallagma
tique, et si l’on peut chercher alors dans ces usages, quand
ils sont certains, généraux et invariables, l’interprétation de
la volonté des parties qui ont traité sous l’influence d’usages
qui leur étaient bien connus, la justice ne peut, en l’absence de
tout usage ayant les caractères ci-dessusspécifiés, refuser à un
acheteur l’application rigoureuse des principes qu’il réclame »
et a prononcé parsuitelarésiliationcontrele vendeur (IBjanv.
1845, J. P. 45.1.271).
Si la doctrine de cet arrêt était suivie, il faudrait en con
clure que l’acheteur ne peut être contraint de recevoir avec
bonification qu’au cas où le vendeur prouve l’existence de
l’usage et son étendue par rapport à l’objet vendu, usage qui
doit être général. Mais aujourd’hui on admet que les tribu
naux auront à appliquer les usages de la place où le marché
. aété conclu, et, à défaut d’usages bienprécisés, à juger d’après
ce qui leur paraîtra équitable (Bordeaux, 5 avril 1897, G.P.T.
97-902, v° Vente comm., n° 132).
Certains tribunaux ont d’ailleurs limité cette faculté d’ap
préciation de façon à lui enlever toute nocuité, en décidant
que la bonification n’est imposée qu’au-dessous d’une certaine
limite. Ainsi la résiliation doit toujours être prononcée lorsque
la bonification à allouer dépasse 5 0/0 (Mars., 20 déc. 1899, M.
1900.1. 95. — Aix, 8 août 1872, J. P. 73. 1088 et 20 déc. 1905.
Dans ce dernier arrêt la Cour déclare que la règle constamment
OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�282
ACHATS ET VENTÉS
observée est qu’il y a lieu à laisser pour compte toutes les fois
que le défaut de qualité de la marchandise dépasse le 5 0/0).
11y aurait en tous cas lieu à résiliation si on atteignait le 10 0/0
(Havre, 11 av. 1899, G.P.T. 1897-1902, v° Vente com., n° 134).
Pourtant quelques Cours semblent proclamer leur pouvoir illi
mité d’appréciation (Montpellier,25 mai 1895, G.P. 95.1.778.
— Toulouse, 29 oct. 1902,G.P. 1902.2. 632; de même Nantes,
17 déc. 1890, R.D.M. 6.679). LaCour de Cassation admet que ce
sont là des questions de fait abandonnées en dehors de son
contrôle à/Parbitraire des tribunaux, qui pourront apprécier
en toute liberté les espèces à eux déférées.
3 1 8. La loi du 15-20 juin 1866 (supra, nos 74 et suiv.) a pré
cisé les réfactions obligatoirespour une série de marchandises,
sauf convention contraire (fanons do baleine, 2 0/0 pour bar
bes et crasses, nitrates de potasse et de soude pour corps étran
gers au delà de 4 0/0 au titrage, poivre ou cubèbepour lapousse
lorsqu’elle excède 2 0/0, etc.).
3 1 9 . Lalivraison opère le transport de la chose vendue en
la possession et puissance de l’acheteur (art. 1604, C, civ.).
Elle s’opère ou par la tradition réelle ou par la remise des
clefs du bâtiment qui la contient, ou même par le seul consentemeiyf si le transport ne peut s’en faire au moment de la
vente, ou si l’acheteur l’avait déjà en son pouvoir à un autre
titre (art. 1610). La loi met donc sur la même ligne la tra
dition matérielle et effective et la tradition feinte, virtuelle et
intellectuelle.
L’article 1610 n’a d’ailleurs rien de limitatif. 11 faut y ajou
ter tout acte permettant à l’acheteur de se mettre en pos
session et enlevant au vendeur le moyen de s’y maintenir.
Par exemple la remise des titres bien qu’elle ne soit men
tionnée dans l’article 1605 qu’en ce qui a trait aux immeubles.
Il est courant que le vendeur accomplit son obligation parla
remise à l’acheteur du bulletin ou récépissé constatant le
dépôt des marchandises vendues dans un dépôt public, l’en
dossement d’un connaissement à ordre ou la remise s’il est au
porteur, celle de la lettre de voiture, d’un ordre de livrai
son, etc., etc.
3 2 0 . Aucun doute ire saurait s’élever dans l’hypothèse de
�283
la remisç des clefs des magasins ou dépôts, non plus que
dans celle où l’acheteur étant déjà nanti, le contrat vient
fixer le titre en vertu duquel il possédera désormais.
Mais d’où résultera la tradition, et à quelles conditions de
vra-t-on l’admettre lorsque la chose n’est susceptible, au mo
ment de la vente, ni de transport réel, ni de transport fictif,
par exemple la vente d’une coupe de bois non encore détachés
du sol?
L’intérêt qui s’attache dans ce cas à la solution est surtout
saisissable si le propriétaire ayant vendu deux fois la même
coupe, il s’agit de décider lequel des acquéreurs doit être ad
mis à l’exploiter.
Dans une espèce de ce genre, l’acheteur, second en date,
soutenait que dans tous les cas, ayant été mis en possession,
il avait par cela même acquis la propriété. 11 faisait résulter
sa possession de ce qu’il avait commencé l’exploitation, éta
bli un garde-vente, payé les impositions.
Tout cela, répondait le premier acheteur, ne peut exercer
aucune influence, ce n’est qu’en matière de meubles que la
possession vaut titre. Or il résulte de l’article 521 du Gode
civil que les coupes ordinaires de bois taillis ou de futaie mis
en coupes réglées ne deviennent meubles qu’au fur etàmesure
que les arbres sont abattus. Dès lors la propriété en est trans
férée par le titre seul, d’autant plus qu’il ne peut exister d’au
tre mode de tradition, dès lors aussi le titre le plus ancien en
date doit l’emporter.
3 2 1 . Le tribunal de Gray et, sur l’appel, la Cour de Besan
çon repoussent cette prétention. Le jugement, confirmé avec
adoption des motifs, considère qu’une coupe de bois taillis en
usance est un objet purement mobilier, surtout dès que le bois
a acquis l’âge de l’exploitation ; c’est un fruit qui est meuble
par sa nature et sa destination ; qu’il reste tel surtout dès que
le propriétaire en dispose séparément du fonds; que son im
mobilisation est une exception à sa nature, et n’a lieu que
dans le cas où sa propriété est confondue avec celle du sol
dans une même personne, ou dans une même hérédité ; que
c’est dans le cas seulement où la disposition du sol entraîne
celle des fruits que l’article 521 est applicable ; mais que si ce
OBLIGATIONS I)U VENDEUR. DÉLIVRANCE
�284
ACHATS ET VENTES
fruit est séparé du sol par une disposition du propriétaire, la
fiction cesse et le fruit doit être considéré comme un meuble
suivant son état naturel.
Cette appréciation fut déférée à la Cour de Cassation comme
violant les articles 520 et 521 du Code civil. Mais loin de l’ad
mettre ainsi, la Cour, par arrêt du 21 juin 1820, déclare qu’il
en a été fait une juste, une exacte application, par la raison
que l’interprétation qui en avait été consacrée était juridique
et seule admissible.
« Attendu, dit la Cour suprême, que les dispositions des ar
ticles 520 et 521 du Code civil étant conformes à celles de plu
sieurs coutumes, et notamment à l’article G2 de celle de Paris,
lequel réputait immeubles les bois sur pied, récoltes pendan
tes par racines et les fruits attachés aux arbres, ne peuvent re
cevoir de plus saines application et interprétation que celles
qui résultent de la doctrine presque générale des auteurs les
plus estimés, et de la jurisprudence qui avaient restreint l’ap
plication de ces dispositions au seul cas où il s’agissait de régler
les droits des propriétaires, des usufruitiers ou des héritiers
entre eux ».
322. Cette interprétation doctrinale des articles 520 et 521
soustrait à leur empire les débats que fera naître la coexistence
de deux ventes delà même coupe. Le droit des acheteurs doit
donc se régler par le droit commun en matière de ventes mobi
lières. Or, on sait que pour ce qui les concerne, non nudis pactis, sed traditionibus dominia transferuntur.
Dans le système contraire, il faudrait, pour être conséquent,
soutenir que la vente d’une coupe de bois devait être transcrite
et en subordonner l’efficacité, à l’égard des tiers, à l’accom
plissement de cette formalité. Or,personne, que nous sachions,
n’a jamais songé à soutenir cette exigence, et moins encore à
y satisfaire dans la pratique.
Mais alors, comment une vente qui ne reçoit aucune publi
cité légale pourrait-elle être un titre suffisant pour celui qui
l’a tenue secrète contre celui qui, ayant acheté la même coupe,
s’en est publiquement et ostensiblement mis en possession ?
Il ne peut exister de controverse sérieuse sur le principe.
�OBLIGATIONS DU VENDEUR.' DÉLIVRANCE
285
On ne peut prévoir des difficultés que sur les conditions aux
q u elles on devra reconnaître l ’entrée en p ossession ?
323. Or, à défaut de titre, dans l ’im possib ilité de rencontrer
une tradition réelle de la m ain à la m ain, on s'attachera à l ’ex é
cution que la vente a reçue.
A insi, dans l ’esp èce, c’est à bon droit que le tribunal de Gray
et la Cour de B esançon faisaient résulter la prise de posses
sion par le second acheteur de l ’établissem ent d ’un garde, du
paiem ent des im positions et surtout du com m encem ent d ’ex
ploitation déjà opérée au m om ent de la revendication du pre
m ier acheteur, sur une étendue de 13 hectares.
Que pouvait faire d é p lu s et de m ieux le second acquéreur,
alors surtout q u ’il ne rencontrait ni opposition ni réclam a
tions ? E tait-il p ossib le d ’adm ettre qu’en agissant ainsi, le se
cond acheteur n ’avait acquis que la p o ssessio n des arbres abat
tus et non celle de ceux qui étaient encore debout ?
Mais l ’abatage, quelque m inim e qu’il eût été d ’ailleurs, ne
pouvait être iso lé de la cause qui en donnait le droit, cette
cause n ’était autre que la vente qui portait in d ivisém en t sur
toute l ’étendue ind iq uée au contrat. Il n ’était donc pas p o ssi
ble d ’en scinder l ’effet, son in d iv isib ilité rejaillissait sur l ’exé
cution qui lu i était donnée, et qui était la preuve et la con
firm ation de la ven te.
A lui seu l le com m encem ent de l ’exploitation était donc dé
cisif. Il était, de la part du Arendeur qui l ’avait autorisé, la tra
dition réelle et effective ; de la part de l ’acheteur, une prise de
possession qui devait le faire préférer, m algré la postériorité
de son titre, aux term es de l ’article 1141 du Code civil.
3 2 4 . La qu estion de savoir s’il y a eu ou non tradition et
prise de p o ssessio n n ’est pas seulem ent u tile pour déterm iner
le droit entre acheteurs, elle peut, dans d’autres circonstan
ces, offrir un intérêt aussi actu el, aussi considérable.
L’actif du debiteur est le gage de tous ses créanciers. La sai
sie faite par l'un d’eux com prendrait évidem m ent tout ce qui
serait en la possession du déb iteu r,et par conséquent les cho
ses qu’il aurait vend ues, m ais non encore liv rées, soit réelle
m en t, so it fictivem ent.
A insi, dans l ’espèce que nous venons d’exam iner, la saisie
�du sol aurait porté sur les arbres qui y auraient étéradiqués.
Mais la certitude de la tradition, qui ferait préférer le second
acheteur, aurait légitimé et fait accueillir la demande en dis
traction de la coupe vendue.
325. L’acheteur a donc, dans tous les cas, le plus haut inté
rêt à établir qu’il y a eu livraison. Cette preuve n’est pas tou
jours facile. 11 est, en effet, des marchandises qui, ne pouvant
être livrées de la main à la main, sont insusceptibles également
d’un emmagasinage, permettant leur tradition fictive.
On a donc dû, par respect pour les droits légitimes, dans
l’intérêt du commerce, considérer certains actes comme cons
tituant celle-ci et en produisant les effets.
Nous avons déjà examiné et résolu la question desavoir si
l’apposition de la marque de l’acheteur sur la chose vendue
constituait la prise de livraison, en nous prononçant pour l’af
firmative, même pour les choses sujettes à dégustation (sitprà
n* 153).
A plus forte raison l’admettrions-nous ainsi pour les mar
chandises qui, en fait, ne comportent pas d’autres modes de
livraison et de réception,par exemple les bois et poutres dont
l’enlèvement exige un certain temps.
Il est impossible d’admettre que l’acheteur n’ait pas le moyen
d’établir son droit, et de se le conserver dans l’intervalle entre
la conclusion du marché et son exécution effective. Or,de tous,
le plus énergique n’est-il pas l’apposition de sa marque ?
Le doute ne pouvait exister, et n’a jamais existé. La contro
verse qui s’élevait en droit romain sur l’effet de cette appo
sition dans l’hypothèse de choses sujettes à dégustation, ne
s’était jamais étendue au delà, et la règle tracée par le juris
consulte Paul, consistant à considérer comme livrées trabes
quas emptor signasset, était unanimement admise.
Cette doctrine, dont la rationalité résulte de la nature des
choses elles-mêmes, a été consacrée par la pratique commer
ciale. Cette pratique constituant l’usage, s’imposait aux tribu
naux qui n’ont pas hésité à l’accueillir. Aussi, la Cour de Dijon
et avec elle la Cour de Cassation jugeaient-elles que la tradi
tion réelle résulte suffisamment, dans le commerce des bois,
de l’empilage fait par l’acheteur et de l’apposition desamar-
�287
que sur les bois vendus gisant encore sur le terrain (Cass.,
13 janv. 1828, D.R., v° Vente, n° 617). La Cour de Dijon a jugé
que le martelage ne peut pourtant pas être considéré comme
une mise en possession alors qu’il a été accompli dans des con
ditions telles que les tiers ont dû y voir plutôt une opération
préliminaire de la vente de la coupe, que la prise de possession
delà coupe déjà vendue (28 mars 1876, D.78.2.261). Cet arrêt,
justifié par des constatations de fait, ne contredit pas le prin
cipe posé.
326. L’article 1247 du Code civil relatif au paiement porte
que « le paiement doit être exécùté dans le lieu désigné par la
convention. A défaut de désignation,lepaiementlorsqu’il s’agit
d’un corps certain et déterminé doit être fait dans le lieu où
était, au temps de l’obligation,la chose qui en fait l’objet. »Ap
pliquant le principe ainsi posé à la vente,l’article 1609 dispose
que « la délivrance doit se faire au lieu où était au temps de la
vente la chose qui en fait l’objet s’il n’en a été autrement con
venu. » L’usage procédant de ces règles veut que la déli
vrance s’opère au domicile du vendeur, à moins qu’expressément ou tacitement, les parties n’aient manifesté une intention
contraire. Au cas où elles habitent dans des lieux différents,
leur volonté est réputée favorable à la livraison à ce domicile
(L,R., n° 108). C’est ainsi que lorsqu’une vente à livrer est
conclue avec la clause rendu parité dans telle ville, cette
clause donne à l’acheteur le droit de désigner comme gare
de destination toute gare à son choix et c’est au domicile du
vendeur que s’opère la livraison conformément aux articles
1247 et 1609 du Code civil (Douai, 2 juillet 1908. G. P. 1908.
2.370 et la note).
D’après l’article 100 du Code de commerce «la marchandise
sortie des magasins du vendeur ou de l’expéditeur voyage, s’il
n’y a convention contraire, aux risques et périls de celui à qui
elle appartient, sauf son recours contre le commissionnaire et
le voiturier chargé de transport. » Il en résulte que la remise
de la chose vendue au commissionnaire chargé delà transpor
ter équivaudra à la tradition effective en faveur de l'acheteur
toutes les fois que conformément à la règle générale, la chose
sera livrable au domicile du vendeur. Si au contraire il a été
OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�488
ACHATS ET VENTES
convenu que la livraison sera effectuée au domicile de l'ache
teur, la marchandise n’étant alors confiée au commissionnaire
qu’en exécution de l’obligation prise par le vendeur delà faire
parvenir à sa destination, la livraison n’en sera effectuée que
par la mise à la disposition du destinataire à l’arrivée.
3 2 7 . On a essayé à ce sujet de distinguer. Il y a livraison, at-on dit, lorsque le commissionnaire recevant la marchandise
a été choisi et indiqué par l’acheteur ; non, dans l’hypothèse où
le choix en a été laissé, et a été fait par le vendeur. Dans ce der
nier cas, en effet, c’est ce dernier qui emballe la marchandise
et traite avec le commissionnàire qu’il charge de la transpor
ter; seul il est responsable de l’emballage etdel’expédition.La
vente rte peut donc être parfaite et consommée que du jour de
l’arrivée de la marchandise. C’est ainsi qu’aux termes de l’arti
cle 101 du Code de commerce la lettre de voiture formeuncontrat entre l’expéditeur et le voiturier seuls, et non entre ce der
nier et le destinataire; c’est ainsi encore qu’en cas de faillite
l’expéditeur peut revendiquer la marchandise tant qu’elle n’est
pas entrée dans les magasins du failli; preuve quejusqu’àcetinstantla propriété réside toujours enla personne de l’expéditeur.
3 2 8 . Il est impossible, en raison comme en droit, de recon
naître à ces arguments un caractère sérieux.
Lorsqu’on achète ailleurs qu’à son domicile, et. qu’on ne sti
pule pas que la marchandise y sera livrée, faut-il bien qu’elle y
parvienne cependant. Or,dans ce cas,la marchandise sortie des
mains du vendeur est aux risques de l’acheteur, et cela seul
prouve que la propriété en a été transférée.
Le mode de transport, le choix de la personne par l’intermé
diaire de laquelle il doit s’opérer, est un droit que personne ne
contestera à l’acheteur, mais il peut renoncer à l’exercer, s’en
remettre à un mandataire, et c’est ce qu’il fait réellement lors
qu’il refuse ou omet de faire connaître ses intentions.
Dès lors, si le vendeur répond encore de l’emballage et de
l’expédition, c’est non comme propriétaire, ilne l’est plus ; mais
parce que, volontairement constitué mandataire de l’acheteur,
il garantit l’exécution du mandat et accepte la responsabilité
de la négligence, de l’imprudence et à plus forte raison des fau
tes qu’on aurait à lui reprocher.
�280
OBLIGATIONS OU V E S W S IU » . DÉLIVRANCE
Ainsi ou l’acheteur aura désigné le commissionnaire,ou il se
sera contenté de donner l’ordre d’expédier. Comme cet ordre
exige l’intervention d’une tierce personne, il suppose le pou
voir de l’élire. Conséquemment le vendeur n’est plus en réalité
qu’un mandataire, et ce qu’il fait en cette qualité est réellement
tait par l’acheteur lui-même: Quis mandat ipse fecissevide tur ('■ ).
Il est vrai que l'article 101 du Code de commerce déclare la
lettre de voiture un contrat entre l’expéditeur et le voiturier. Il
ne pouvait en être autrement. Dans l’origine, le voiturier ne
traite pas avec le destinataire qui ne figure point au contrat, qui
ne sera tenu de rien s’il refuse de recevoir. Dans la prévision de
ce refus, il fallait que le voiturier pût demander son paiement
à quelqu’un, et ce quelqu’un ne pouvait être que l’expéditeur.
Voilà ce que l’article a voulu consacrer et consacre.
Mais contrat entre celui-ci et le voiturier,la lettre de voi
ture est destinée à revêtir ce caractère entre le voiturier et le
destinataire. Si celui-ci accepte et reçoit la marchandise, il est
lié et tenu de payer le voiturier; les indications de la lettre
de voiture, quant au prix du transport, au délai du voyage,à
la retenue en cas de retard, deviennent la loi en sa faveur et
contre lui, comme en faveur et contre le voiturier (3).
Enfin si la lettre de voiture est un contrat avec l’expédi
teur, c’est non pas parce que celui-ci est propriétaire de la
chose remise au voiturier, mais uniquement parce qu’il en est
l’expéditeur ; qu’il a traité en son nom quoique pour le compte
<l'un tiers auquel il demandera raison de ce qu’il a dû payer
au voiturier. Le commissionnaire n’a jamais été propriétaire
de ce qu’il expédie en cette qualité, en sera-t-il moins tenu
envers le voiturier s’il a souscrit 1a. lettre de voiture ?
Quant à l’argument tiré de la faculté de revendiquer la mar
chandise encore en voyage, en cas do faillite de l’acheteur,
il ne saurait avoir aucune portée. Cette faculté existe aussi bien
dans le cas où le commissionnaire a été choisi par l’acheteur
que dans celui où il a été choisi par le vendeur. Or, on recon
naît que dans le premier la propriété a été transférée, et si ce
(’) P a ris , 18 m a rs 1829. B e sa n ç o n , 25 m ai 1904. J . , T . C . 55, 16937, C onf.
Supra 125 1er.
(s) N o ire c o m m , de l’a r t. 101.
A chats et v en tes
10
�290
ACHATS ET VEATES
transfert n’est point un obstacle à la revendication, c’est que
celle-ci est indépendante des effets attachés à la vente, elle
suppose même que celui qui l’exerce a perdu la propriété. On
ne revendique en effet que ce qui a cessé de nous appartenir.
Pourquoi demanderait-on la restitution d’une propriété qu’on
n’aurait jamais ni aliénée ni perdue.
Au reste la faculté de revendiquer n’existe que si la mar
chandise en cours de voyage n’a pas été revendue sur factures,
connaissements ou lettres de voiture. En autorisant et en vali
dant cette revente, la loi a explicite ment reconnu que l’acheteur
était propriétaire de la marchandise expédiée, et l’article 570
du Code de commerce ne distingue nullement l’expédition faite
par le commissionnaire désigné par l’acheteur de celle faite
par le commissionnaire du choix du vendeur. ,
329. Nous persistons donc à croire que la désignation du
commissionnaire ne peut exercer aucune influence sur la ques
tion de savoir si la remise en ses mains de l’objet vendu
équivaut à la tradition. Cette question ne peut être tranchée
que par la stipulation du contrat relativement au lieu où de
vait se faire la délivrance. Si la marchandise était livrable
au domicile de l’acheteur, la tradition ne pouvant avoir lieu
qu’après son arrivée, on consacrera la négative. L’affirmative
serait de rigueur si l’absence de toute stipulation, ou une sti
pulation expresse, fixait le lieu de la livraison au domicile
du vendeur. La Cour d’Aix (11 décembre 1871 et sur pourvoi
Cass., 7 mai 1872 (M. 72.1.6 et 73.2.147) ont paru discéder
de ces principes. Elles ont admis que le siège de Paris et la
cessation des communications en résultant ont constitué un
cas de force majeure entraînant la résiliation d’une vente de
produits manufacturés faite par un fabricant de province à un
acheteur de Paris, et qu’en conséquence un marché de farines
livrables en gare de Marseille devait être résilié.
La Cour d’Aix précise, il est vrai, que les parties avaient eu
en vue en contractant l’approvisionnement de Paris, résultat
devenu impossible. Mais en quoi cela importait-il puisque la
livraison avait été faite régulièrement, à l’époque voulue, à la
gare indiquée. Le motif n’eût été déterminant que si la vente
avait été subordonnée à la condition que les farines arriveraient
�291
assez à temps à Paris pour y être utilisées. A défaut le ven
deur soutenait avec raison cpi’ayant livré aux temps et lieu
voulus, il n’était pas tenu des événements ultérieurs (Voir la
critique énergique et très sensée de ces arrêts, II. p. 90-97).
330. La délivrance est l’exécution de la vente ; à ce titre, et
sauf quelques cas exceptionnels, elle ne pourrait impunément
être refusée par le vendeur. Lorsque le temps et le lieu où
elle doit être effectuée ont été convenus, ces précisions s’im
posent aux parties ; à leur gré et suivant leurs convenances,
ce lieu peut être le domicile du vendeur ou celui de l’acheteur,
ou ni l’un ni l’autre (suprà, n" 320).
Il peut arriver, en effet, que l’acheteur n’ait traité que pour
se procurer ce cpi’il a déjà vendu, et ce qu’il doit livrer dans
un lieu convenu.il est naturel, en ce cas, qu’en contractant
l’achat, il en stipule la livraison au lieu où il a besoin de
faire arriver la chose qui en fait la matière. C’est là une éco
nomie de temps et de frais qu’un commerçant intelligent ne
manquera pas de se ménager.
Dans d’autres circonstances, l'acheteur qui n’a pas encore
revendu peut avoir l’intention de le faire sur telle ou telle
place, en conséquence se réserver la faculté d’indiquer ulté
rieurement le lieu où devra se faire la livraison. Il importe
que la désignation soit faite assez à temps pour que la mar
chandise arrive et soit livrée au jour convenu, à défaut et
l’échéance arrivée, le vendeur pourrait contraindre à prendre
livraison à son domicile.
331. L’obligation de livrer au temps et au lieu convenus
est impérieuse et absolue. Le vendeur,comme l'acheteur, est
fondé à exiger son exécution stricte. Le contraire a été sou
tenu en faveur des acheteurs. II était allégué, en leur nom,
que la clause stipulant la livraison franco à leur domicile
avait été insérée dans leur seul intérêt, qu’ils avaient par con
séquent le droit d’y renoncer et de réclamer la livraison au
domicile du vendeur, celui-ci pouvant d 'autant moins se plain
dre qu’il économisait ainsi les frais de transport. Accueilli par
la Cour d’Aix(2“Chambre,par un arrêt du 17 novembre 1903)
ce système fut définitivement rejeté par elle, (1” Chambre),
ultérieurement. Un second arrêt du 8 novembre 1905 adopta
OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�21)2
ACHATS ET VENTES
les motifs d’un jugement de Marseille du 17 novembre 1904
(M. 1906.1.184) proclamant que « la clause (de livraison en
milieu déterminé) peut aussi bien être stipulée dans l’intérêt
du vendeur que dans celui de l’acheteur, il arrive constam
ment, dans la pratique des affaires,qu’un vendeur pour faire
connaître ou prendre sa marque dans une région déterminée
où il a à lutter avec des concurrents, consent aux acheteurs
de cette région des prix plus bas que ceux qu’il fait habi
tuellement à ses acheteurs sur place ; qu’il ne saurait donc
appartenir à l’acheteur d’une marchandise vendue franco gare
d’Alais de changer à son gré les conditions du marché en im
posant à son vendeur une livraison à Marseille, et que la clause
d’un marché fixant le lieu de la livraison est une des condi
tions substantielles des accords à laquelle il n’est permis à
aucune des parties de déroger sans le consentement de l’au
tre. »Ces raisons sont décisives. On pourrait encore y ajouter
que fréquemment un fabricant veut se réserver la clientèle
du lieu où fonctionne son usine, où est installée sa maison,
et ne peut pas être présumé avoir voulu se créer une con
currence à lui-même, par ses propres produits, en livrant à
des intermédiaires de la place à un prix leur permettant de
les revendre aux détaillants meilleur marché que ce qu’il leur
compte lui-même;
Dans le même ordre d’idées, il a été jugé que le vendeur
sous palan ne serait pas admis à offrir une marchandise mise
à quai (Mars., 19 janv. 1897,M. 97.1.123).
3 3 2 . L'inobservation de son obligation, ou le retard que met
trait le vendeur à son accomplissement confère àl’acheteur le
droit de demander, à son choix, la résiliation de la vente ou
sa mise en possession s’il s’agit d’un corps certain et déterminé;
l’autorisation de se remplacer, en cas contraire, en espèce et
quantité [infra, nos 349 et suiv.).
L’article 1610 du Code civil met une condition à l’exercice
de ce droit, à savoir : que le retard ne vienne que du fait du ven
deur. Larésiliation ouleremplacementmettra le vendeur dans
la nécessité de payer-une différence ; la mise en possession en
traînera elle-même l’obligation de réparer le préjudice que le
retard aura occasionné. C’est donc, danstouslcs cas, une peine
�293
qn’il s’agit d’infliger. Or, une peine n’est juste que lorsqu’elle
est méritée, et elle n’est méritée que lorsqu’elle est la consé
quence d’une faute, d’une négligence, d’une imprudence ; on
la comprend si le vendeur n’a pas fait, en temps opportun,
-ce qu’il devait faire, ou s'il anégligé les précautions et les soins
qu’exigeaient la sécurité et, la rapidité du voyage que la chose
vendue devait accomplir.
11 était donc rationnel d’en exempter celui cjui, sans repro
che à cet égard, ne subit que l’effet d’une force majeure qu’il
lui était impossible de prévoir et d’empêcher. Cette consé
quence, qui s’induisait d’ailleurs des articles 1610et 1148, aété
•enseignée par les auteurs, consacrée par la jurisprudence. Ainsi
la Cour de Cassation jugeait, le 8 octobre 1807, que le défaut
de délivrance au terme convenu peut ne pas donner lieu à la
résiliationde la vente, lorsqu’il est constant que la délivrance
n’a été retardée que par une cause indépendante de la volonté
du vendeur (Troplong, n° 294).
Mais le vendeur excipant de la force majeure pour repous
ser l’action de l’acheteur est tenu d’enjustifier. Or, comme nous
l’avons déjà indiqué, la force majeure dépend moins delà ma
térialité de l’obstacle que de la cause à laquelle on doit l’attri
buer. Si l’événement n’est pas purement accidentel, s'il a pu
être prévu, le vendeur a tort de ne pas l’avoir pris en considé
ration, et de n’avoir pas calculé son obligation sur l’éventua
lité qu’il créait.
C’est ce que décidait le tribunal de commerce de Marseille
•lorsque, le 20 février 1860, il résiliait la vente parce que le
navire désigné n’était pas arrivé àl’époquc que le vendeur avait
garantie (supra, n” 244).
Une autre application du principe nous est fournie par un
arrêt de Paris du 24 janvier 1811, jugeant que le négociant
qui, en vendant des marchandises, s’est engagé à les livrera
une époque fixe, ne peut s’excuser, sur la difficulté des routes,
de n’avoir pas rempli son obligation ; qu’en conséquence, le
défaut de délivrance au jour convenu donne lieu à la résilia
tion avec dommages-intérêts.
Certes, la difficulté de parcourir la route que doit suivre la
chose vend ue pour arriver au lieu de la livraison est un obstacle
OBLIGATIONS BU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�294
ACHATS ET VENTES
matériel devant ralentir et retarder le voyage,mais elle pouvait
être vaincue par l’augmentation des moyens de traction, ou en
réalisant plus tôt l’expédition.
Dans tous les cas, les chances ordinaires de la navigation,
les difficultés de la route ne sont et ne peuvent être ignorées de
personne. Le vendeur est donc en demeure et en position de
les prendre en considération lorsqu’il s’agira de déterminer
l’cpoque à laquelle il consent de livrer. Manquer à ce devoir
c’est se rendre coupable d’imprudence et assumer la responsa
bilité des conséquences.
Il est impossible d’assimiler ces' chances ou ces difficultés à
l’obstacle résultant, pour le voyagedo terre, d’une inondation,
del’écroulement deponts ; pour la navigation fluviale, des gros
ses eaux qui l’ont empêchée. C’est dans cette dernière hypothèse
quela Cour de Cassation rendit son arrêt du 8 octobre 1807.
11n’y a donc aucune contradiction entre cet arrêt et celui de
la Cour de Paris de 1811. S’ils diffèrent dans la solution, c’est que
la force majeure, certaine dans l’espèce du premier, n’existait
pas dans l’hypothèse du second.
333. Il avait été jugé pendant fort longtemps qu’une grève
d’ouvriers ne constituait pas un cas de force majeure, permet
tant au vendeur de retarder lalivraison ou de demander la ré
siliation. En effet à cette époquelagrèven’aflcctait qu’une usine,
et, en payant un peu plus cher,le fabricant pouvait toujours se
procurer la main-d’œuvre nécessaire : l’exécution de son con
trat lui était simplement rendue plus onéreuse. Il avait eu tort
de ne pas faire entrer dans le calcul des bénéfices envisagés des
réclamations toujours possibles de lapart do son personnel ou
vrier, et qui bien souvent constituent les revendications le s plus
légitimes. La Cour de Paris a encore jugé dans ce sens le 14 mai
1891 (J.T.C., 41, page 373).
Mais le développement et la multiplicité des syndicats, le
sentiment de la solidarité entre tous les ouvriers d’une même
industrie ou même entre les ouvriers d’une séried’industriesdc
plus en plus accusé, imposent aujourd’hui, dans la plupart des
cas, une solution opposée. Les grèves délibérées par les corps
d’état sont fréquemment générales en ce sens qu’elles sont
déclarées dans toutes les fabriques, les mines, les entrepri-
�295
ses similaires d’une région et d’ordinaire, le travail n’est
repris cjue silos chefs d’exploitation adhèrent tous aux con
ditions mises à cette reprise. Un patron, fît-il des sacrifices
même excessifs, est donc dans l’impossibilité de trouver des
ouvriers par cela seul qu’un collègue plusentôté ou moins humainrésiste aux de mandes faites. A Marseille par exemple,dans
le courant de l’année 1900, au moment d’une grève de soutiers
et chauffeurs, une délibération de laBoursedu Travail fut prise
en faveur de la Compagnie Transatlantique ayant dès le pre
mier jour accepté les revendications des inscrits maritimes,
mais tout en la couvrant d’éloges, elle déclara en même temps
que le travail ne serait repris chez elle que lorsque tous les
autres armateurs auraient suivi son exemple. Dans ces condi
tions il y a évidemment une impossibilité absolue d’exécu
tion, provenant d’un fait extérieur et suivant les cas le ven
deur obtiendra soit un délai, soit la résiliation (Voir: Mars.,
24 aoûtlOOO, M. 1900.1.379, confirmé par Aix, 21 nov. 1901,
R.D.M , 17,307.— Mars.,3oct. 1904,5 et 17 oct.,30 déc. 1904;
11 janv. 1905., M. 1905, 1.11,16.19.130 ; id., 16 mai 1905 ; M.
1906.1.115. Cass., 31 oct. 1905, R.D.M., 21,287).
L’acheteur mis par une grève dans l’impossibilité de rece
voir aurait évidemment le droit d’invoquer lui aussi la force
majeure.
Maisl’excuse neserait pas admise si le contrat avait été passé
alors que la grève avait déjà commencé, ou même la veille du
jour où elle acommencélorsqu’il est vraisemblable que lesparties devaient la prévoir. Dans ce cas en effet elles ne peuvent être
relevées de leur imprudence et d’ailleurs elles ont dû compter
avec cet événement (Marseille,3 avril'1906, M. 1906.1.223).
3 3 4 . Si la date de la livraison n’a pas été une condition essentielledu contrat, laforceinajeurequiTaempêchée àladate
indiquée n’entraîne pas de plein droit la résolution et le juge
peut,sur la demande de l’acheteur,imposer au vendeur un nou
veau délai pour l’exécution du marché, aux mêmes conditions
de prix, sous contrainte d’une condamnation à des dommagesintérêts déterminés d’avatice, même quand une hausse sensible
s’est produite (Rouen, 26 janv. 1871 et sur pourvoi rej., 13 fév.
1872,0.72.1.186).
. OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�230
A .11ATS i:T VI M I S
335. L’augmentation d’impôts ou de droits de douane sur la
chose vendue n’est pas un cas de force majeure dispensantle ven
deur de délivrer au moment voulu (Caen,8juil. 1852. — Bor
deaux,26 août 1852,D. 53.2.105 et 126. — Rouen,30 janv.1872,
M.73.2.35. — Cass.,27 janv. 1875, 13.75.1.264).
Lcsparties ont tou jours dû prévoir une modification possible
des lois fiscales ou des traités de commerce. Le vendeur doit
donc supporter tous les droits grevant la marchandise jusqu’à
lalivraison. A partir de ce moment ils sont à la charge de l’ache
teur (Alger, 27 nov. 1872 et sur pourvoi rej., 28 juil. 1873, lM.74.
2.53. —Marseille,29 juin 1874, M.74.1.221 ; id., 12 avril 1894 ;
ib. 94.1.203).
33 6. L’acheteur qui n’a pas reçu livraison àl’époque conve
nue et quipeut demander samise en possession,peut à plus forte
raison proroger le délai dans la mesure qui lui paraît utile et
convenable. Bien donc ne s’oppose à ce qu’ilsignifie à son ven
deur une sommation d’avoir à réaliser la livraison dans un
délai déterminé, soit d’un ou de plusieurs jours,soit de vingtquatre heures.
Ce délai court du moment de la sommation et se compte
d’heureà heure, par exception à l’article 1033 du Code de procédurecivile. Cette exception trouvesajustification dans ce fait
que l’expiration du délai conventionnel donnait à l’acheteur le
droit de poursuivre la résiliation.Dès lors si au lieu d’user de ce
droit il accorde un nouveau délai, il est le maître d’en fixer lalimite et d’en imposer les conditions, celle notamment de faire
courir ce délai d’heure à heure.
La difficulté pourrait être de constater son intention à ce su
jet, maiscette intention s’induit nécessairement de cefaitque la
sommation indique l’heureà laquelleelle est signifiée. Cette in
dication,en effet, n’aurait aucun sens sil’acheteur entendait se
conformer à la règle tracée par l’article 1033 du Code de procé
dure civile.
Dans une espèce oû la sommation avait été donnée à une
heure de relevée, la Cour de Paris jugeait que l’offre de livraisonfaite lelendemain après une heure de relevée,était tardive
et sans effet.
« Considérant,disait l’arrêt, qu’en matière de marchés ali-
�297
vrer, les délais stipuléspar la convention des partiessont de ri
gueur, et quel’inexécution en ce pointrésilie de plein droit le
marché aveclesconséquencesdesdommages-intérêts résultant
d’un rachat ou d'une différence dans les cours;
« Considérant que si dans les usages du commerce il a été
admis que, pour les marchés à livrer dans le mois, une som
mation pourrait être faite après l’échéance, cette sommation
contient un délai de grâce qui doit être restreint dans les limi
tes rigoureuses précisées par celui qui l’accorde ; qu’on doit,
en conséquence, lorsque la sommation porte l’heure du jour
où ellëest faite, calculer ledéiai de vingt-quatre heures accordé,
de cette heure à l’heure correspondante du lendemain. »
Le pourvoi dont cet arrêt avait été l’objet était rejeté le 13juin
1876 (J. P. 1877,413).
La Cour de Paris, dans ce dernier arrêt, confirmait la doc
trine qu’elle avait consacrée déjà. En effet, elle avait jugé, le
12 août 1870, que dans les ventes do marchandises à livrer,
le vendeur, d’après les usages du commerce,n’avait que vingtquatre heures pour eflectuer la livraison, à partir de la mise
en demeure, et que ce délai se comptait d’heure à heure ;
Qu’en conséquence, si la mise on demeure a eu lieu avant
midi,l’acheteur est endroit de refuser les offres qui lui seraient
faites le lendemain à deux heures, et de demander la résilia
tion avec dommages-intérêts (J. P. 1872, 754).
Le caractère juridique de cette doctrine n’a pas besoind’être
démontré. La rationalité si évidente de ses fondements la
recommande aux tribunaux et aux jurisconsultes (Cass., Sic
13 juin 1876, J.T.C. 26, page 393). C’est celle presque toujours
suivie par le tribunal de Marseille et la Cour d’Àix (Mars.,
18 mars 1894, M.94.1.135. — Aix, 19 juin 1897, ib., 97.1.123).
Il est pourtant des cas exceptionnels où le délai ne doit pas
être compté de minute à minute. C’est ainsi qu’il a été jugé
([ue le vendeur qui, sommé de livrer, déclare qu’il livrera tel
jour, à telle gare à 8 heures du matin, remplit son obligation
lorsqu’il se présente avec la marchandise à 8 heures 14 minu
tes et l’acheteur qui prétend faire constater le défaut de
livraison à 8 heures 10 minutes et se retire à ce moment mal
gré les assurances à lui données par un employé du vendeur
OBLIGATIONS DE VENDEUR. DÉLIVRANCE
�"298
ACHATS ET VENTES
que la marchandise va arriver, est en route, doit subir la
résiliation du marché (Mars., 25 oct. 1905, M. 1906. 1. 46).
Dans certains cas en effet une application rigoureuse, stricte,
delà règle cjui veut que le délai soit compté de momento ad
momenïum pourrait favoriser la mauvaise foi d’une partie
bien aise de voir rompre un marché devenu onéreux en s’at
tachant aux plus misérables prétextes pour s’y soustraire. C’est,
ce cpii est très bien indiqué dans ce jugement du 25 octo
bre 1905. Mais les tribunaux ne devront entrer dans cette
voie qu’avec la prudence la plus extrême, car en pareille
matière il faut, pour la sécurité des transactions commercia
les, que tout soit de droit étroit.
Les dimanches et autres j ours fériés ne sont pas comptés dans
le délai de vingt-quatre heures; — à défaut il serait parfois
bien facile de le rendre illusoire ; on n’aurait qu’à signifier
une sommation le samedi à 6 heures du soir pour mettre l’ache
teur ou le vendeur dans l’impossibilité d’y satisfaire (Mars.,
3 nov. 1887, Conf. par Aix, 16 janv. 1888).
3 3 7 . Sauf dans le cas où le vendeur, bien que non mis ré
gulièrement en demeure avait déjà été sous le coup de
réclamations incessantes de l’acheteur (Aix, 20 déc. 1907,
Conf. 4 avril 1906, M. 908. 1. 189), la sommation doit être
très explicite mais n’a pas besoin d’être signifiée par huissier.
Elle peut résulter de tout acte, de toute démarche suffisam
ment claire et précise, d’une lettre missive (Cass., 4 déc. 1900,
1). 901.1.518). La citation en résiliation vaut, par elle-même,
sommation. Une offre valable pourrait donc être faite dans
les vingt-quatre heures (Mars., 4 avril 1906, M. 906.1. 225).
3 3 8 . La résiliation de la vente contre le vendeur pour dé
faut de délivrance doit être ordonnée par justice. C’est là une
règle générale, d’où, par conséquent on a déduit l'a faculté
pour les tribunaux d’apprécier si elle doit être prononcée. La
Cour de Cassation a jugé que cette appréciation comportait
une certaine latitude (23 fév. 1898, D. 98.1. 159) eî la Cour de
Paris a ajouté qu’il fallait statuer d’après les circonstances
de fait (15 avril 1902, D. 903.5. 783).
Nous ne partageons pas cette opinion qui fausse, par une
application de l’article 1184 à des cas pour lesquels il n’a pas
�299
6tô fait,toutes les transactions commerciales.Gomment donner
au commerce La sécurité,condition première de son dévelop
pement, si le juge du plus petit tribunal peut à son gré moditier les accords très clairs des parties et substituer à la date
indiquée l’époque que sa fantaisie lui fera trouver plus équi
table. Dire que le tribunal pourra apprécier si la date envisa
gée pour l’exécution d’un marché est oui ou non substantielle,
c’est, le plus souvent, aller à l’encontre de la commune inten
tion des parties, mettre à néant la base essentielle d’une spé
culation honnête et loyale. Toutes les stipulations d’une vente
commerciale doivent, d’après nous, être suivies à la lettre,
rigoureusement. Le vendeur atoute liberté pour fixer les con
ditions auxquelles il lui convient de céder la marchandise ;
comment pourrait-il se réserver une prorogation de délai à
laquelle, sauf exception, il n’aura jamais songé avant de com
paraître devant le tribunal ?
On dit que l’article 1184 est formel,qu’il dispose d’une façon
générale, absolue ; que si le tribunal doit toujours pronon
cer la résolution, il est inutile de s’adresser à lui, que c’est
supprimer tout débat pour le transformer en chambre d’en
registrement. Mais les tribunaux ne sont créés que pour cons
tater, enregistrer les accords des parties et en authentiquer
les clauses et les conséquences. Qu’ils interprètent dans les
cas douteux, qu’ils recherchent si une date d’exécution est
suffisamment précisée, s’il n’y a pas de mentions contradic
toires, équivoques, dont il faut fixer le sens à l’encontre
de la signification proposée pour l’une des parties, rien de
mieux. Mais lorsque le vendeur s’est engagé formellement à
faire la délivrance à une époque nettement déterminée et que
l’acheteur, par une mise en demeure, a affirmé ne pas vouloir
reporter le délai, le juge n’a qu’à s’incliner devant une volonté
ainsi manifestée, sans qu’il puisse modifier un contrat libre
ment consenti. Ces vérités si simples sont fort mal comprises
de nos jours.La tendance de plus en plus accusée des Cours
d’appel et de la Cour de Cassation est de réduiretous les procès
à une question d’espèce afin d’excuser par là les arrêts les
plus divergents. C’est avec ce système qu’on encourage les
commerçants de mauvaise foi à tenter l’aventure d’un procès
OBLIGATIONS OU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�300
ACHATS ICI VK.NTKS
dont, la solution peut paraître abandonnée à l’humeur d'un
tribunal !
3 3 9 . La jurisprudence est allée encore plus loin dans cette
voie fâcheuse. Appliquant l’article 1184 à tous les contrats
dans toutes ses conséquences, elle a autorisé le juge,à accor
der suivant les circonstances un délai au défendeur. C’est ce
qu’ont décidé les Cours de Bordeaux et d’Aix, les 8 août 1829
et 4 mai 1832 (D. R. v° Vente, 688 et 674).
A l’appui de cettedoctrine on a invoqué l’opinion de M. Troplong. Il est vrai que ce célèbre jurisconsulte enseigne que la
faculté concédée par l’article 1184 est absolue, et ne reçoit
exception que lorsqu’il a été expressément convenu que le dé
faut de livraison au temps fixé résilierait la vente de plein
droit (293).
Mais M. Troplongne s’occupe que des ventes ordinaires, et
au point de vue d u d roit commun ; il n’examin e pas la question
de l’applicabilité de celui-ci aux matières commerciales, il ne
pouvait donc conclure autrement qu’il ne le fait sans méconnaî
tre le véritable caractère de l’article 1184.
Ce qui a fait consacrer sa disposition, c’est que dans la vente
ordinaire la prorogation du délai de la livraison n’offrira pres
que jamais de graves inconvénients, et n’entraînera souvent le
moindre préjudice. Aussi, n’est-ce que dans cette hypothèse
que les juges devront user du pouvoir qui leur est laissé. La
preuve que telle a été la pensée du législateur, c’est qu’il fait
de ce pouvoir une faculté et non un devoir, ce qui permet d’en
répudier l’exercice toutes les fois qu’il pourrait en naître un
danger ou un préjudice.
Or, ce qui n’est qu’une exception plus ou moins rare pour
la vente ordinaire, se produira presque toujoursdansla vente
commerciale. Les variations du cours pourront déterminer
ce résultat que la baisse, à l’échéance de la prorogation, aura
remplacé la hausse qui existait au jour conventionnellement
fixé pour la livraison, et qu’ainsi l’acheteur subira une perte
au lieu du bénéfice que l’exécution du contrat lui eût assuré.
3 4 0 . On ne saurait avec justice imposer à qui que ce-soit,
l’obligation de courir contre son gré une pareille chance.
Nous croyons donc que les tribunaux de commerce ne doi-
�301
vent user de la faculté autorisée par l’article 1184 que dans
le cas où il y a certitude qu’il ne.saurait en résulter aucun
inconvénient. 11 s’agit moins pour'eux de proroger le délai,
que de juger si l’inexécution dont se plaint l’acheteur a assez
de gravité pour faire consacrer la résiliation.
Ainsi, la Cour de Cassation jugeait,le 15 avril 1845, que le
défaut de livraison de la marchandise à l’époque fixée par la
convention n’entraîne pas nécessairement au gré de l’ache
teur, et en l’absence de clause résolutoire expresse, la réso
lution du marché ; qu’en ce cas les juges restent libres d’exa
miner les faits et actes constitutifs de l’inexécution, ainsi que
la conséquence qu’elle a pu entraîner, et de refuser la rési
liation s’ils estiment que le retard apporté à la livraison n’a
occasionné aucun préjudice (J. P., 45. 1.305).
Dans cette espèce, une caisse de rubans, qui devait être
livrée à Paris le 15 mars,était offerte le 10, dans la matinée.
L’acheteur la refuse et demande la résiliation de la vente,
avec dommages-intérêts.
Accueillie par le tribunal de commerce, sa prétention est
repoussée par la Cour de Paris, dont l’arrêt était sanctionné
par la Cour de Cassation.
'Mais cette jurisprudence n'est pas à proprement parler fon
dée sur l’article 1184 du Code civil. Il ne s’agissait pas, en
effet, de proroger le délai de la livraison et d’imposer à l’ache
teur la chance d’une baisse dans le cours. C’était sur Le carac
tère et les effets de l’inexécution que portait le litige, et l’on
comprendqu’unretardde quelques heures,n’ayant occasionné
et ne pouvant occasionner aucun préjudice, n’a pas paru suf
fisant pour entraîner la résiliation.
341. A vrai dire, même les arrêts de Bordeaux et d’Aix,que
nous avons indiqués comme appliquant l’article 1184, ne sont
en réalité que des applications du droit d’appréciation que
laGourde Cassation reconnaît aux tribunaux. La solution qu’ils
consacrent est plutôt en fait qu’en droit, et se trouvait en quel
que sorte commandée par les circonstances.
Ainsi, dans l’espèce de l’arrêt de Bordeaux, le vendeur ne
se bornait pas à soutenir que le délai de la livraison pouvait
être prorogé, il ajoutait que cette prorogation avait été accepOBLIGATIONS Dll VK.NDEüll. DKLlVllAiNGIO
�ACHATS ET VENTES
302
tée et consentie par l’acheteur. Il induisait cette adhésion de
ce que celui-ci, avisé du retard qu’éprouverait la livraison et
des motifs qui l’occasionnaient, loin de protester,n’avait pas
même répondu à la lettre d’avis, ce qui était l’acceptation
tacite de la prorogation réclamée.
De son côté, la Cour d’Aix avait à décider si l’acheteur avait
ou non accepté la livraison qui lui avait été offerte en réponse
à son ajournement.
On soutenait donc dans l’une et l’autre espèce, non pas
que l’article 1184 permet de proroger la livraison, mais que
l’acheteur était non recevable à faire résilier le contrat, et
c’est ce que les deux arrêts consacrent.
3 4 2 . Mais de cette jurisprudence ne ressort pas pour les
tribunaux le pouvoir de proroger arbitrairement le délai de
la livraison, et d’imposer à l’acheteur la chance de la perte
qui pourrait résulter d’une baisse. La condition que la Cour
de Cassation met au refus de la résiliation est l'absence de
tout préjudice pour l’acheteur.Or,comment admettre ce ré
sultat si on accorde au vendeur huit jours, quinze jours au
delà du terme stipulé.par la convention?
Nous pensons donc que lorsque le vendeur n’a pas livré au
temps voulu, que, poursuivi en résiliation, il n’olïre pas de
livrer actuellement, qu’il a besoin d’un délai pour le faire,
sans justifier que le retard est dû à une force majeure, la rési
liation doit être accordée. L’application du pouvoir laissé par
l’article 1184, faveur pour l’un, serait une injustice pour l’au
tre. Le tribunal de Toulon ayant prononcé en sens contraire,
son jugement fut réformé avecraisonpar arrêtde la Courd’Aix,
du 2 août 1847 (Féraud-Giraud, ./m\ de la Cour d’Aix, y0 Vente
de marchandises, n° 37).
3 4 3 . Dans tous les cas, l’article 1184 ne régit que l’hypo
thèse d’une clause résolutoire tacite, on ne saurait donc y
recourir si la convention porte expressément qu’elle sera réso
lue en cas de non livraison dans le délai fixé. Le droit de
l’acheteur est acquis par le fait seul de l’expiration du délai,
et la résiliation avec dommages-intérêts ne saurait lui être
refusée.
Un arrêt de la Cour d’Aix, du l°r décembre 1818, juge le
�OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
303
contraire, et admet que nonobstant la clause résolutoire ex
presse,^ délai de la livraison peut être prorogé s'il y a cause
légitime de le faire, mais à la charge parle vendeur de désin
téresser l’acheteur de tout le préjudice que lui aura occa
sionné le retard (D. B., v° Vente, n° 090).
34 4. Ainsi la Cour d’Aix refuse la résiliation, mais accorde
les dommages-intérêts. Ce tempérament peut couvrir l’intérêt
de l’acheteur, mais est-il légal? Nous ne le croyons pas.
La clause résolutoire expresse impose au vendeur la respon
sabilité de l’événement qui motive l’inexécution, de quelque
nature qu’il soit. La Cour le reconnaît si bien que, malgré la
légitimité de la cause, elle accorde des dommages-intérêts. Or
ceux-ci ne sont que la conséquence de cette responsabilité.
Dès lors,si l’acheteur ayant besoin de la marchandise au temps
convenu s’est remplacé, quelle justice y a-t-il de le contrain
dre à se surcharger et à accepter une chose qui lui est désor
mais inutile, qui lui deviendra onéreuse s’il ne trouve pas à
la placer immédiatement, car le vendeur lui paiera bien la
différence entre le cours du jour où il livre, et celui du jour
où il devait livrer, mais il ne répondra pas de la baisse qui
pourra survenir pendant que la marchandise sera aux mains
de l’acheteur. C’est là une chance dont celui-ci a voulu s’exo
nérer en stipulant la résiliation à défaut de livraison, et on ne
peut la lui imposer sans méconnaître et violer la loi du contrat.
3 4 5 . De l’ensemble de l’article 1184, il résulte que le légis
lateur considère la clause résolutoire sous-entendue comme
facultative pour les tribunaux, pour la partie elle-même, qui
a le choix entre la résolution et l’exécution.
En ce qui concerne celle-ci, la clause résolutoire expresse
peut revêtir le meme caractère, par exemple si après avoir
stipulé la résiliation à défaut de livraison, le contrat réserve
à l’acheteur le droit de renoncer à son bénéfice et d’exiger
l’exécution.
En l’état d’une clause de cette nature, l’expiration du délai
sans que la livraison ait été faite ou offerte n’entraîne pas ipso
facto la résiliation du marché. Cet effet n’est acquis que lors
que, usant du droit qu’il s’est réservé, l’acheteur aura déclaré
vouloir en recueillir le bénéfice.
�ACHATS ET VENTES
304
De là la conséquence que l’offre de livrer laite après cette
expiration, mais avant que l’acheteur ait signifié sa volonté,
serait bien obvenue, et créerait un obstacle invincible à toute
résiliation ultérieure. C’est ce que la Cour d’Aix consacrait
par arrêt du 4 mai 1841 (Bail, des arrêts, année 1841,p. 270).
3 4 6 . Mais quelle que soit la clause impliquant la résilia
tion pour défaut de livraison à l’échéance, l’acheteur devra
toujours mettre en demeure le vendeur. 11 n’en serait dis
pensé que si le contrat était conçu en termes assez formels
pour exclure le plus léger doute et impliquer nécessairement
l’application de l’article 1139 du Code civil. L’acheteur, nous
l’avons vu, est maître de proroger le délai. Le vendeur sera
donc autorisé à croire que son silence est la conséquence de
sa volonté à cet égard,et, pour le détromper,un avertisse
ment formel est indispensable (Cass.,29 novembre 1880, J .T.C.
30, p . 006), réserve faite néanmoins des dispositions de l’article
1140 du Code civil lorsqu’il s’agira de choses ne pouvant être
données que pendant un certain temps que le débiteur aura
laissé passer. 11 a été jugé en ce sens que lorsque le marché à
livrer sur une commande est de telle nature que la livraison
pour être utile, doit avoir lieu dans un délai déterminé (dans
l’espèce un coffre réfrigérant), ce délai est de rigueur indépen
damment de toute stipulation à ce sujet, et le marché doit être
résilié par cela seul que l’époque convenable à l’utilisation de
cette commande est arrivée sans que la livraison ait été effec
tuée encore bien qu’aucune mise en demeure n’ait été notifiée
(Paris, 2 novembre 1872.J.T.C., 21,page241).
3 4 7. L’article 1010 du même Code, prévoyant le cas où la
résiliation serait préjudiciable à l’acheteur,l’autorise non seu
lement à contraindre l’exécution de la vente, mais encore à
demander d’être mis en possession de la chose qui en faisait
l’objet.
Le jugement qui ordonne cette mise en possession tient lieu
de la délivrance que le vendeur aurait dû faire et qu’il n’a pas
faite. Son exécution peut être ordonnée à peine du paiement
d’une somme plus ou moins forte par chaque jour de retard,
et contrainte etiarri manu militari, car ce n’est plus ici une obli
gation de faire se résolvant en dommages-intérêts, il s’agit
�305
(l’une obligation de donner qui doit s’accomplir par la dépos
session réelle du vendeur (Troplong, n° 293).
C’était là la conséquence forcée du caractère et des efîets
légaux de la vente. Puisque la propriété de la chose vendue
est transférée dès qu’il y a concours des volontés sur la chose
et sur le prix, le vendeur qui conserve cette chose en sa pos
session après le moment où il devait s’en dessaisir, n’est plus
que le détenteur illégitime de lapropriété d’autrui. On ne sau
rait donc l’autoriser à la conserver contre la volonté de celui
à qui elle appartient, quand bien même il offrirait de le désin
téresser pécuniairement.
3 4 8 . Ce fondement du droit d’être mis en possession en ré
duit forcément l’exercice au cas où l’identité de la chose ne
peut faire surgir ni difficultés ni doutes. C’est ce qui ne man
quera pas de se réaliser dans la vente immobilière. Dans les
ventes mobilières, dans celles entre commerçants surtout, cet
exercice ne pourra avoir lieu que lorsqu’il se sera agi d’un
corps certain et déterminé au moment du contrat.
Comment concevoir, en effet, une mise en possession, lors
que l’objet de la vente n’est déterminé que par son espèce ou
([ue par son espèce et sa qualité, par exemple un cheval de
tel haras ou de telle écurie, cinquante balles de laine, cinq
cents hectolitres blé, etc.
Une vente de cette nature, parfaite quant aux droits et obli
gations qui en naissent, laisse la chose nécessairement incer
taine jusqu’à la livraison, au pesage, comptage ou mesurage.
La propriété n’a pas cessé jusque-là de résider sur la tête du
vendeur.
Le défaut de détermination de la chose excluant toute idée
de propriété chez l’acheteur est donc un obstacle invincible
à toute prétention de mise en possession réelle et effective.
Cependant, il lui est dù compte de l’inexécution du contrat
dont il peut dès lors demander la résiliation avec dommagesintérêts. Ceux-là se composent naturellement de la différence
entre le prix convenu au contrat et le cours du jour où la li
vraison devait être effectuée (infrà n° 427 bis),
3 4 9 . L’indemnité allouée en cas de résiliation sauf cas excep
tionnels, ne doit consister qu’en la différence des cours. Si donc
OBLIGATIONS DU \TNDKIM . DÉLIVRANCE
A chats et ventes
20
�300
:
le prix de la marchandise n’avait subi aucune.fluctuation il
ne serait accordé à titre de dommages-intérêts que les dépens
de l’instance (Aix, 23 novembre 1904, conf. Marseille, 30 jan
vier 1903).
On peut cependant prévoir que cette différence n’indemniserapas toujours l’acheteur du préjudice que lui cause l’inexé
cution, par exemple si, comptant sur la marchandise promise,
il avait vendu lui-même à livrer à une époque postérieure à
celle où il devait recevoir. 11serait donc obligé de se pourvoir
ailleurs, mais la hausse depuis survenue rendrait la différence
qui lui est due insuffisante pour le couvrir do celle qu’il aurait
à payer.
line pouvait pas être que le tort do son vendeur devînt pour
lui l’origine d’un préjudice plus ou moins considérable. Au
lieu donc de poursuivre la résiliation de la vente, il en deman
dera l’exécution, et à défaut d’une mise en possession impos
sible, il se fera autoriser à se remplacer aux frais et risques
du vendeur, c’est-à-dire à racheter au compte du vendeur la
marchandise que celui-ci n’a pas livrée {supra, n" 332).
3 5 0 . Cette faculté n’a en principe soulevé aucune objection
ni excité la moindre controverse en doctrine et en jurispru
dence. Quelques difficultés ont seulement surgi relativement
au cas où elle doit être accordée, et aux conséquences qu’elle
peut et doit produire. L’acheteur est-il recevable à en reven
diquer le bénéfice si, s’agissant d’une marchandise devant être
importée d’un lieu désigné à celui du marché, l’exportation
en a été prohibée par le gouvernement du pays ?
Cette question trouve sa solution dans la nature du marché.
Si la livraison a été subordonnée à l'arrivée du ou des navires
devant charger au lieu de production, il n’existe qu’un mar
ché à livrer conditionnel, et la prohibition d’exportation qui
a empêché le chargement rend l’inexécution la conséquence
d’une force majeure.
liés lors, non seulement il n’y aurait pas lieu à autoriser
le remplacement, mais encore à allouer des dommages-inté
rêts. La vente serait purement et simplement résiliée sans in
demnité en faveur de l’une des parties (Cass., 5 novembre
1894, D. 95.1.244).
ach ats
jt
ventes
�307
On ne pourrait admettre le contraire que si le ou les navires
qui devaient porter la marchandise, étant sortis avant la dé
fense d’exportation, avaient pu charger la marchandise et ne
l’avaient pas fait. La résiliation du marché serait la consé
quence, non de cette défense, mais du défaut de chargement ;
et celui-ci, constituant le vendeur en état de faute, le rend
responsable de ses conséquences.
Si le traité est un marché ferme, la prohibition d’exporter
n’exercerait aucune influence sur son exécution. L’obligation
prise parle vendeur de livrer au temps convenu est absolue ;
vainement sê prévaudrait-il de ce que le traité indiquerait la
provenance de la chose vendue. Cette indication, disait le tri
bunal de Marseille, appelé à résoudre cette question, est alors
employée moins pour désigner le lieu d’où la chose doit arri
ver, que pour déterminer sa qualité. En conséquence, et par
jugement du 20 avril 1847, il repousse l’exception de force
majeure tirée de la défense d’exportation, et autorise l’ache
teur à se remplacer (M. 47. 1. 140). 11 en serait autrement
si le vendeur avait pris l’obligation d’importer la chose ven
due en allant la chercher dans la région d’où il serait de
venu impossible de la faire sortir. C’est encore là, on le
comprend, une question de pur fait.
3 5 1 . Le remplacement ne peut s’exercer que par l’achat
d’une chose en tout pareille à celle que le vendeur avait pro
mise. Mais cette chose peut ne pas exister sur la place. Devrat-on dans ce cas refuser la demande de l’acheteur?
Non, répond le tribunal de commerce de Marseille, le 6 no
vembre 1855. Rien ne peut annihiler le droit de l’acheteur de
poursuivre l’exécution du marché, dès lors il doit être auto
risé à se remplacer en une qualité similaire.
Dans l’espèce, le traité portait sur des sucres d’Egypte d’une
qualité convenue au type n° 10. Le jugement décide qu’à défaut
: de sucres d’Egypte, l’acheteur se remplacera par des sucres
d’une autre provenance dans le type n° 10 (M. 1855. 1.348).
3 5 2. Le remplacement a pour effet de mettre à la charge du
vendeur en demeure de livrer la différence entre le prix du
contrat et celui auquel l’acheteur s’est remplacé. À quelque
époque qu’il ait été opéré, et quoi qu’il en ait coûté, ce derOBLIGATIONS OU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�ACHATS ET VENTES
308
nier doit être remboursé de cette différence. En laisser une
part quelconque à sa charge, ce serait attenter à son droit, le
méconnaître et le violer. Le remplacement est le maintien et
l’exécution du contrat, il doit donc être ce que celle-ci aurait
été, c’est-à-dire que la chose vendue doit arriver en la posses
sion de l’acheteur sans qu’il soit tenu de la payer une obole
de plus que le prix promis et accepté.
Dès lors, la hausse survenue dans l'intervalle du jour de
l’exigibilité de la livraison à celui du remplacement est à la
charge du vendeur; ce qu’il doit, en effet, c’est non la valeur
au jour où il devait livrer, mais le remboursement intégral
de ce qu’il en a coûté pour opérer le remplacement.
3 5 3 . Le tribunal de commerce de Marseille, qui avait d’a
bord jugé dans ce sens, avait cru devoir plus tard revenir de
cette jurisprudence. En conséquence et par jugement du 11 dé
cembre 1840, il avait réduit l’obligation du vendeur au paye
ment de la différence entre le prix convenu et le cours du
jour auquel la livraison devait s’opérer.
Cela eût été parfaitement juridique si, comme le prétendait
le vendeur, la vente eût dû être résiliée avec dommages-inté
rêts, mais, usant de son droit, l’acheteur en exigeait l’exé
cution. Or, la conséquence inévitable de celle-ci n’était-elle
pas la possession par le vendeur de la chose vendue au prix
qu’il s’était engagé de payer. Pouvait-il se faire que la résis
tance illégitime du vendeur l’obligeât à payer plus cher?
3 5 4 . Le jugement consacrait donc un principe dont il con
damnait les conséquences, c’est ce que devant la Cour d’Aix
lui reprochait l’appelant, qui se plaignait avec raison de ce
qu’en reconnaissant son droit, on lui déniait les moyens de le
faire sortir à effet.
Le tribunal, ajoutait-il, a violé la loi en n’accordant pas les
dommages-intérêts dans la limite qu’elle trace. Ces domma
ges-intérêts devant comprendre la perte éprouvée et le gain
dont on a été privé, doivent nécessairement se composer de
la différence totale entre le prix du remplacement et celui
porté dans le traité. C’est ainsi que le tribunal le jugeait luimême le 18 janvier 1839 (M. 1839. 1.96.)
Ces considérations devaient prévaloir et prévalurent en
�OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
301)
effet. Par arrêt du 13 mai 1841, la Cour réforme le jugement
sur ce chef :
« Attendu que toute personne est tenue à la réparation en
tière du dommage qu’elle a occasionné ;
« Que si, dans l’espèce, le vendeur avait acquiescé à la de
mande de l’acheteur et n’eût pas prolongé, par sa résistance,
la privation que ce dernier a éprouvée de la marchandise
par lui acquise, le règlement quant à la différence du prix
se serait naturellement opéré, conformément à l’article 1610
du Code civil, sur le prix du jour où la livraison devait être
faite et où la demande avait été réalisée;
« Mais attendu que la résistance du vendeur, le temps
qu’elle a pris pour en faire apprécier le fondement ayant ex
posé l’acheteur au préjudice que peut lui causer l’attente pro
longée de sa marchandise, celui qui avait promis de la lui
livrer, et qui ne remplit pas son engagement, doit le relever
de tout préjudice souffert par suite de ce retard. » (76.,1841.
1.83.)
Indépendamment de son caractère juridique au point de
vue de l’article 1382 du Code civil, cette solution puise un fon
dement rationnel dans cette considération : le remplacement
n’est jamais demandé et autorisé que faute par le vendeur d’a
voir livré lui-même dans le délai qui lui est imparti. Le ven
deur est donc tout d’abord condamné à faire cette livraison.
Or, supposez qu’obéissant à la condamnation il l’ait exécutée,
il aura donné la valeur au cours actuel, soit que, fournissant,
une marchandise déjà en sa possession, il se soit interdit le
moyen de la vendre à ce cours, soit qu’obligé de se la procu
rer il ait lui-même payé ce cours.
Peut-il être qu’il puisse faire sa condition meilleure, unique
ment parce qu’il a résisté à la justice et refusé d’exécuter ses
mandements. Accorder ainsi une prime à une pareille con
duite, ce serait l’encourager, la rendre en quelque sorte inévi
table, contre toutes les exigences de l’ordre social, de la dignité,
de la justice.
Tout se réunit donc pour recommander la solution de la Cour
d’Aix. Le remplacement que Tacheteur fera, à défaut de livrai
son delà part du vendeur, doit avoir pour celui-ci les consé-
�310
ACHATS ET VENTES
quences qu’entraînerait cette livraison (Cass.,G janvier 1809,
D. 69. 1. 207).
355. Leprincipe cpie l’inexécution du contrat par le vendeur
ne saurait lui profiter résout la question dans l'hypothèse in
verse de celle que nous venons d’examiner, à savoir : celle où
au moment du remplacement la marchandise est en baisse
relativement au cours du jour où la livraison devait s’opérer.
Cette baisse serait préjudiciable à l’acheteur s’il devait en
subir les effets. Sans doute il avait le moyen d’y échapper en
faisant résilier le contrat avec dommages-intérêts, mais elle
peut n’être survenue qu'après l’introduction de l’instance en
remplacement, que postérieurement au jugement qui l’a con
sacrée. L’acheteur devra-t-il en subir fatalement les consé
quences ?
La raison et les principes protestent contre une solution af
firmative. Laloi et la justice ne pouvaient autoriser le vendeur
à se faire un titre de sa déloyauté, ni refuser à l’acheteur la po
sition que lui eût faite la fidèle exécution du contrat.
Dans notre hypothèse donc le remplacement se fera par dif
férence, alors même que le vendeur offrirait et réaliserait la
livraison en nature. Il devrait dès lors tenir compte de la dif
férence entre le prix du marché et celui que la marchandise
valait le jour où elle aurait dû être livrée.
Cette conséquence puise son fondement légal dans l’article
1611 du Code civil, le remplacement équivaut à la mise en pos
session. Or, aux termes de cet article, celle-ci n’exonère pas le
vendeur de l’obligation d’indemniser l’acheteur du préjudice
qu’il éprouve du refus ou du retard de la livraison.
Que, dans notre hypothèse, l’acheteur éprouve un préjudice
c’estcequi ne saurait être méconnu ni contesté. S’il eût reçu la
chose achetée au jour où elle devait lui être remise, il pouvait
en la revendant réaliser un bénéfice. Au lieu de celui-ci, il su
bira une perte peut-être sur son prix d’achat. Or, absence de
profit ou perte, le résultat est le même, le préjudice est certain.
Dès lors, son droit à en être indemnisé est acquis, consa
cré par la loi, il ne pourrait être dénié par la justice.
356. C’est ce que le tribunal de Marseille a consacré dans
maintes circonstances, et notamment les 11 et 15 juillet
�311
1830, en admettant en principe que le vendeur qui, sur la
demande en remplacement, oflre délivrer, est tenu, soit qu’il
réalise cette offre, soit qu’il ne l’exécute pas, de bonifier à
l’acheteur, à titre de dommages-intérêts, la différence de prix
qui peut exister par suite de la variation subie par marchan
dise (M. 1836.1. 84 et 89).
Ainsi, dans l’espèce du jugement du 11 juillet, la livraison
ayant été réalisée, le tribunal établit la différence à la charge
du vendeur sur le prix courant en hausse à l’époque où la
livraison aurait dû être faite, relativement au prix courant
en baisse à l’époque où elle s’était réalisée.
Dans l’espèce du jugement du 15 juillet, la livraison étant
encore à faire, le tribunal déclare que la différence sera réglée
sur le cours au jour où elle aura lieu, comparé avec ce que
valait la marchandise à l’époque où elle devait être livrée.
3 5 7 . On peut juger par là l’intérêt que l’acheteur peut
avoir à demander à se remplacer. Cet intérêt est évident. Dès
qu’au jour convenu pour la livraison, le prix de la marchan
dise est supérieur à celui du contrat, c’est ce prix supérieur
qui lui est acquis lorsque depuis une baisse est venue le mo
difier ; et si la hausse l’a encore élevé, il en profitera,puisque
par le remplacement il obtiendra la chose achetée en espèce
et quantité, sans avoir rien à ajouter à ce qu’il a promis de
payer.
Cette doctrine, on le voit, fait la plus complète abstraction
des convenances et de l’intérêt du vendeur, et c’est avec juste
raison. On ne pouvait lui permettre, au mépris du contrat,
d’améliorer sa position au détriment de l’acheteur ;il fallait
que l’inexécution qu’il se permet pût lui nuire, lui profiter
jamais. Ce résultat n’a rien d’exorbitant et de regrettable, il
ne peut que déterminer la loyale exécution des marchés, et, à
ce titre, il se recommandait à la sollicitude des tribunaux.
(Voir dans le même ordre d’idées un jugement du tribunal de
Marseille décidant même que le vendeur peut suivant les cir
constances, être forcé à faire venir et à se procurer d’une autre
place la marchandise vendue, au cas où le remplacement est
impossible sur la place même, 2 déc. 1884, M. 85. 1.57).
OBLIGATIONS DU VENDEUR, DÉLIVRANCE
3 5 8 . L’acheteur qui a opéré lu i-m êm e le rem p lacem en t,
�312
ACHATS ET VENTES
laute (le livraison de la part du vendeur, doit être remboursé
du prix dont il justifie le paiement, par traités passés par
l’intermédiaire de courtiers. L’olfre que ferait le vendeur de
payer sur la mercuriale ne serait ici ni satisfactoire ni admis
sible.
On sait, en effet, que le prix courant officiel ne représente
qu’une moyenne établie sur les variations du cours pendant
la durée de chaque marché. Qu’on recoure à. ce prix courant
lorsqu’il s’agit d’une opération non consommée, c’est ration
nel et juste. L’achat, s’il eût été opéré à l’époque où il devait
l’être, pouvait être contracté au plus bas comme au plus haut
cours, et cette incertitude appelle et justifie un règlement par
moyenne qui, tenant compte de l’un et de l’autre, concilie et
sauvegarde tous les intérêts.
Mais lorsqu’il s’agit d’un marché recevant son exécution
actuelle et immédiate, on ne peut plus se demander à quel
prix il eût pu être contracté, il n’y a plus à rembourser que le
prix qu’il en a réellement coûté, qu’il soit supérieur ou infé
rieur à la moyenne ayant servi de base au cours officiel.
35 9.
S’ensuit-il que l’acheteur sera fondé à se faire rem
bourser intégralement, alors même qu’il aurait payé la mar
chandise fort au delà de ce qu’elle valait le jour où il s’est,
remplacé?Non, disait la Cour d’Aix, dans un arrêt du 31 mai
1858. L’acheteur autorisé à se remplacer est en quelque sorte
appelé à gérer l’affaire d'autrui, et doit apporter à cette ges
tion tous les soins qu’il aurait apportés à sa propre chose. Dès
lors, il doit s’enquérir du cours de la place et ne pas dépasser
les prix auxquels se faisaient alors les achats de la marchan
dise convenue; s’il est juste de ne pas s’en tenir au cours moyen
établi par le syndicat des courtiers, puisque ce cours n’est
déterminé que fictivement, eu égard à des affaires faites réel
lement à des prix plus bas et plus élevés, on ne saurait admet
tre des prix qui s’en écarteraient trop, bien que justifiés par
traité de courtiers, parce que, en supportant un pareil écart,
l’acheteur a montré, dans l’acceptation des conditions que lui
faisaient les nouveaux vendeurs, une facilité tellement excessivequ il ne peut en faire retomber les conséquences sur ce
lui aux risques de qui se faisait le remplacement.
�313
Ainsi on no pourra pas objecter à l’acheteur qui se serait
remplacé, soit au commencement, soit à la fin de la bourse,
qu’il aurait traité à meilleur prix s’il se fût moins ou plus
hâté ;mais s’il l’a fait à un prix supérieur ou plus élevé que
celui payé pendant toute la durée de la bourse, on pourrait
laisser à sa charge soit ce qui excéderait celui-ci, soit toute
autre partie que les juges croiraient convenable de lui faire
supporter.
3 6 0 . Mais il sera toujours prudent à l’acheteur de ne pas opé
rer le remplacement lui-même et d’en solliciter l’autorisation
du tribunal qui commettra un courtier pour y procéder. En agis
sant ainsi, il préviendra toute difficulté ultérieure. Bien qu’en
cos matières les tribunaux aient le pouvoir absolu d’appré
cier si les conditions d’un remplacement présentent des garan
ties suffisantes de sincérité et de régularité, le tribunal de Mar
seille juge constamment que les remplacements opérés par
L’acheteur faute de livraison ne sont pas opposables au ven
deur, s’ils n’ont pas été autorisés par justice, alors même que
l’acheteur a fait précéder ce remplacement de mises en de
meure (Mars., 4 avril 1908, M. 1906.1.225, confirmé par Aix,
20 déc. 1907,M. 1908.1.189). Cette jurisprudence procède de
cette idée que nul ne peut se faire*justice à soi-même et que la
pratique contraire pourrait couvrir les plus graves abus.
36 1. Le vendeur contre qui le remplacement a été ordonné
faute de livraison est recevable à offrir la marchandise vendue
tant que le remplacement n’a pas été effectué (Mars., 15 oct.
1895, M. 1896.1.14).
3 6 2 . Si c’est l’acheteur qui refuse de se livrer en temps voulu,
le vendeur peut par une juste réciprocité le mettre en demeure
d’avoir à prendre livraison et à défaut se faire accorder par le
tribunal la différence entre le prix stipulé et le cours actuel en
cas de baisse, ou bien obtenir l’autorisation de vendre aux
enchères publiques avec condamnation de l’acheteur à lui
payer la différence pouvant exister entre le prix et le produit
net des enchères. Si le vendeur avait vendu amiablement il
serait forclos et jusqu’à aujourd’hui le tribunal de Marseille et
la Cour d’Aix ont toujours jugé qu’il fallait qu’une vente dans
ces conditions fût entourée de toutes les garanties des ventes
OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�314
ACHATS KT VENTES
en justice. C’est un des cas bien rares où nous n’avons à noter
aucune divergence (voir notamment Marseille, 20 juil. 1898,
confirmé par Aix, 29nov. 1900). L’acheteur contre qui est ainsi
poursuivie l’exécution forcée du marché peut se présenter
utilement pour recevoir même après qu’un jugement aura or
donné la vente aux enchères, tant que cette vente n’a pas eu
lieu (Mars., 6 juil. 1898, M. 1898.1.376.)
3 6 3. Lorsque le marché porte sur un objet certain, une quan
tité déterminée par sa qualité, sa provenance, la date de rem
barquement, etc., le vendeur devra individualiser la marchan
dise en faisant signifier une offre: il se fera ensuite autoriser à
vendre cette denrée ainsi déterminée si l’acheteur persiste dans
son refus.
3 6 4 . Lorsqu'il a été vendu une quantité considérable de
marchandises à recevoir au fur et à mesure de la fabrication
jusqu’à telle époque, l’acheteur qui jusqu’au terme du mar
ché n’a reçu que des parties insignifiantes et qui se présente
à l’expiration de ce terme en demandant brusquement tout le
solde,ne peut obtenir la résiliation en se basant sur ce que
le vendeur ne lui en montre qu’une partie. lien est du moins
ainsi quand non seulement le solde réclamé, mais encore la
partie offerte est trop considérable pour être retirée en un
jour. Le vendeur en pareil cas remplit suffisamment son obli
gation en fournissant à son acheteur toute la quantité qui
peut être enlevée en une journée. Cette quantité, quand il
s’agit de coques d’arachnides, peut être fixée à 35.000 kilo
grammes (Mars., 18 août 1880. M. 80.1.273). En pareil cas
on est fondé à croire que l’acheteur a voulu mettre son ven
deur dans l’embarras par une réclamation inopinée afin
de se soustraire aux conséquences d’un marché devenu oné
reux. La loyauté qui doit présider aux rapports commer
ciaux s’oppose à ce que les tribunaux sanctionnent de telles
entreprises. Des raisons semblables, nous l’avons vu(n° 336),
ont amené le tribunal de Marseille à apporter un tempé
rament à la règle d’après laquelle il faut obéir à la som
mation de livrer dans le délai de vingt-quatre heures compté
de minute à minute.
3 6 5 . U arrive fréquemment que les contrats ne stipulent
�315
pas une époque ferme (le livraison. Le fabricant fait inscrire
la clause « livrable.au fur et à mesure de ma fabrication »,
l’acheteur celle « livrable aü fur et à mesure de mes besoins »
ou « livrable à ma demande. »
Dans le premier cas si l’acheteur tarde longtemps à se pré
senter il ne peut reprocher au vendeur de n’avoir pas mis en
réserve la marchandise fabriquée, mais d’en avoir au contraire
disposé. Il en est du moins ainsi lorsqu’il s’agit d’une mar
chandise de peu de valeur et d’un grand encombrement (dans
l’espèce coques d’arachides). L’acheteur ne peut en ce cas
obtenir la résiliation, mais reste tenu de recevoir la partie
vendue à mesure qu’elle sera fabriquée (Aix, 27 décembre 1879,
M. 80.1.116).
Dans le second et le troisième cas il a été jugé avec raison
que la clause ne saurait avoir pour effet de faire dépendre
l’exécution du contrat de la volonté arbitraire de l’acheteur
et de lui permettre de retarder indéfiniment la réalisation
du marché. Elle doit être entendue dans un sens raisonnable,
conforme à la commune intention des parties, comme laissant
à l’acheteur le droit de fixer lui-même la date à sa conve
nance pour la livraison, mais sous réserve de ne pas retarder
cette prise de livraison au delà d’un délai normal résultant
des usages. Le défaut par l’acheteur d’avoir demandé la
livraison dans ces conditions autorise le vendeur à poursuivre
l’exécution d’office et les tribunaux peuvent fixer un délai
après lequel l’acheteur sera tenu de recevoir (Mars., là juin
1892, M.92.1.281. — Paris, 26 juinl901, G. P. 1901.2.561. —
Rouen, 5 avril 1905, G. P. 1905.1.683).
Parfois ces clauses sont accompagnées de la fixation d’un
délai, par exemple « marchandise livrable aux besoins de l’a
cheteur du jour du contrat au 1er avril prochain ». Dans ce
cas la Cour de Besançon a jugé que cette clause donne à l’ache
teur le droit de se livrer quand bon lui semble dans le délai
imparti, et au vendeur celui d’exiger que le retirement inté
gral de la marchandise soit terminé à la date fixée sans qu’on
puisse lui opposer de nouveaux échelonnements. Mais le ven
deur n’aurait pas le droit de livrer par contingents mensuels,
et l’acheteur peut prendre ses dispositions selon les nécessités
OBLIGATIONS DU VENDEUR. DÉLIVRANCE
�ACHATS ET VENTES
31G
de son commerce (Besançon, 9 décembre 1905. J. T. G.. 54,
p. 852. — Rouen, 1er juin 1906. G. P., 1906.2.134).
La Cour de Paris a décidé d’une façon générale que le ven
deur ne pourrait refuser la livraison demandée en soutenant
que son acheteur n’a pas en réalité besoin de la marchan
dise réclamée (22 juin 1901. J. T. G., 51, p. 420).
Le tribunal de Marseille et la Cour d’Aix ont pourtant jugé
que lorsqu’une clause est ainsi conçue : « livrable aux besoins
de l’acheteur à raison de 100 balles sur chacun des mois de
janvier, février et mars prochain» il faut en conclure que les
parties ont voulu écarter les règles rigoureuses des marchés
à terme, et que si l’acheteur peut demander la marchandise
selon ses besoins et à son gré avant l’expiration mensuelle du
terme, à une date quelconque du mois, le vendeur sommé de
livrer n’est pas obligé d’obtempérer à. cette sommation dans
le délai d’usage de vingt-quatre heures, et qu'il doit seulement
faire diligence : le tribunal ayant plein pouvoir pour apprécier
si, eu égard aux circonstances, la livraison a été offerte dans un
délai assez court pour que l’acheteur ne soit pas fondé à deman
der la résiliation (jugement du 13 avril 1905 confirmé par ar
rêt du 17 janvier 1907).
Il nous parait que ces décisions méconnaissent absolument
le contrat et arrivent en définitive à faire profiter le vendeur
d’une clause insérée par l’acheteur dans son seul intérêt. L’ar
rêt de Besançon est plus logique et plus vrai.
En tous cas, si cette jurisprudence se maintient, ce sera
encore là une question dont la solution pourra varier dans
chaque espèce,augré dujnge, appréciant icique le vendeura
fait diligence,et là que ses diligences ne sont pas suffisantes.
La porte du prétoire sera donc largement ouverte aux plai
deurs et il sera impossible à l’esprit le plus expérimenté de
prévoir le résultat du litige.
36 6. Le vendeur et l’acheteur peuvent-ils après avoir de
mandé au tribunal, l’un l’autorisation de vendre aux enchères
publiques, l’autre celle de se remplacer,transformer leurs de
mandes et. conclure à la résiliation avec paiement de la diffé
rence ? La jurisprudence leur en accorde le droit, et dans ce
cas, on prend pour fixer le cours sur lequel la différence doit
�OBLIGATIONS BU VENDEUR. DÉLIVRANCE
a 17
être calculée, le cours du jour où est notifiée la demande en
résiliation (Mars., 5 nov. 1895, M. 96.1.42 ; id., 3 nov. 1897 ;
ib., 98.1.84). Mais la différence serait calculée au jour de la
réclamation originaire si l’acheteur avait été contraint d’y
substituer la demande en résolution par la résistance et l’iner
tie du vendeur (Aix,4 mars 1896, M. 96.1.250).
367. Le vendeur échapperait-il à la résiliation en offrant
une livraison partielle?
En principe les marchés à livrer par fractions constituent
autant de contrats distincts qu’il y a de livraisons successives
bien que toutes ces livraisons soient effectuées en vertu d’un
traité unique. La nullité ou la résiliation prononcée relative
ment à l’une de ces livraisons n’affecterait donc que la quan
tité en ayant fait l’aliment et n’entraînerait pas la nullité ou
la résiliation des livraisons subséquentes nidu traité lui-même
(Aix,19juin 1892,M. 92.1.92.—Rouen, 18janvier 1893,R.D.M.,
10,401. —Mars., 31 janv.1894,M. 94.1.111. — Douai, 12 nov.
1891,D. 92.2.86).11 n’en serait autrementquesi,enfait,les par
ties avaient considéré le marché comme indivisible, s’appli
quant à des marchandises formant un bloc et l’échelonnement
des livraisons n’ayant été stipulé que pour faciliter les opéra
tions de la délivrance, qui, au point de vue légal, continuerait à
être considérée comme unique. Dans cette hypothèse le défaut
de livraison à une seule échéance entraînerait la résiliation
pour toutes les livraisons restant à effectuer (Paris, 15 mars
1876 et Cass., 15mai 1877, D. 78.1.36).
Les tribunaux pourront donc là encore apprécier les diver- .
ses circonstances desquelles ils induiront la volonté des con
tractants. D’après les tendances de la jurisprudence actuelle,
on peut néanmoins indiquer que l’indivisibilité constitue l’ex
ception ; mais elle doit être plus facilement reconnue au
profit du vendeur réclamant la résiliation totale à l’encontre
d’un acheteur ayant refusé la première livraison sans motifs
sérieux, qu’au profit de l’acheteur qui, sur le défaut d’offre du
vendeur à la première échéance, demande à être dispensé de
recevoir les livraisons ultérieures.
3 6 8 . L’oh ligation pour fe vendeur de livrer à l ’époque con
venue ne.com p orte d’autre exception dans la vente au com p-
�IIP
m
«
:
tant, que celle tirée du défaut de paiement actuel et immédiat
du prix convenu. Celui qui vend de cette manière a suffisam
ment manifesté son intention de ne donner la chose qu’en re
cevant le prix, et rien ne saurait le contraindre à renoncer au
bénéfice de cette condition, que l’acheteur a formellement
acceptée. Le droit de rétention est d’ailleurs consacré par l’ar
ticle 1612 du Code civil(Cass.,12déc. 1882.1). 83.1.446).
Toute prétention de l’acheteur, tendant à revenir sur son
obligation ou à la modifier, ne serait ni recevable ni fondée, il
ne pourrait par exemple, s’il n’offrait qu’une partie du prix,
exiger une livraison proportionnée à sonmontant. Laventequi
porte indivisément sur une quantité convenue et déterminée
est indivisible dans son exécution, et le vendeur, se retran
chant derrière les accords et la stipulation du contrat, a tou
jours le droit de répondre fièrement, sint ut sunt aut non
sint.
Ce droit absolu ne recevrait aucune atteinte même par la
mort de l’acheteur. Ses héritiers ne pourraient prétendre que
tenu pour sa part et portion seulement, chacun d’eux peut,
en offrant cette part du prix, exiger la délivrance proportion
nelle de la chose vendue, alors même que sa divisibilité ne
pourrait être méconnue.
369. Lorsque le vendeur a consenti terme et délai pour le
paiement, il ne peut faire de sa réalisation la condition de la
livraison : il doit l’opérer quelque éloignée qu’elle puisse
êtrede l’époque où le prix sera exigible. L’article 1613 du Code
civil appliquantà la vente le principe général de l’article 1188
le dispense de l’obligation d’effectuer la délivrance, quand
même il aurait accordé un délai pour le paiement, si depuis
la vente l’acheteur est tombé en faillite ou en état de décon
fiture en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent
de perdre le prix, à moins que l’acheteur ne lui donne caution
de payer au terme.
La Cour de Douai a justement décidé que lorsque l’acheteur
n’est ni en faillite ni en déconfiture, le vendeur est obligé à la
délivrance et que les mots « en sorte que le vendeur se trouve
en danger imminent de perdre le prix»ne créent pas une troi
sième hypothèse propre à justifier la non-délivrance (Douai,
____________________________________________
�319
18 mai 1905. G. P., 1905.2.415. —Cass., 8 août 1870, D. 71.1.
331.B.L.S., n° 307).
La faillite ou la déconfiture doit être survenue depuis la
vente. Le vendeur traitant avec un négociant dont il connaît la
fâcheuse situation n’a pas à être restitué contre sa propre im
prudence. Mais si sa confiance avait été entraînée par une appa
rence de crédit créée par des artifices, il pourra demander
l’annulation pour cause de dol.
Pour un commerçant, la déconfiture pourra être facilement
établie, car elle s’annoncera par des faits sur la signification
desquels il sera impossible de se méprendre, des refus de paie
ments, des protêts, des poursuites en justice, un atermoiement.
Or, l’article 1613, en limitant l’exception au cas de déconfiture
ou de faillite, en a suffisamment déterminé le caractère, elle
n’est acquise que si l'imminence du danger que courrait le ven
deur ne saurait être ni méconnue ni sérieusement contestée.
Des craintes vagues, des rumeurs sourdes sans fondement
apparent et réel ne suffiraient donc pas pour autoriser le re
cours à l’article 1613 et en motiver l’application.
Au reste,l’exception autorisée par lui est d’une nature fort
délicate on matière commerciale. Reprocher à un négociant
un état de déconfiture, c’est compromettre son existence, lui
faire perdre tout crédit et le condamner fatalement à la fail
lite. On ne saurait donc, en pareille matière, agir avec trop de
prudence et de circonspection,ne fût-ce que pour échapper à
la nécessi té de réparer l’immense préjudice que causerait une
accusation imméritée et légèrement articulée et soutenue.
370.
L’unique but du législateur, dans l’article 1613, a été
d’autoriser le vendeur à conjurer le danger do non-paiement
résultant de l'insolvabilité désormais certaine de l’acheteur.
Mais, ce but n’exigeait pas la résiliation du contrat, qui n’était
rationnelle et juste que s’il ne pouvait être atteint autrement.
Or, quelle que soit la position réelle del’acheteur,le danger
a cessé pour le vendeur dès que le paiement à l’échéance est
garanti par une caution rescéante et solvable. L’offre de cette
caution pourrait bien soulever des difficultés quant à son ca
ractère et à sa solidité,mais celle-ci admise ou reconnue, le
OBLIGATIONS DU VENDEUR, DÉLIVRANCE
�ACHATS CT VCNTCS
320
vendeur ne serait ni recevable ni fondé à persister dans son
refus de livrer.
Ainsi la déconfiture de l’acheteur, eût-elle motivé une dé
claration de faillite, ne résilie pas les achats antérieurement
contractés. Dans la dernière hypothèse, la masse, substituée
au failli, jouirait du droit qu’il aurait pu exercer lui-même,
c’est-à-dire que les syndics pourront faire maintenir le mar
ché, en contraindre l’exécution en donnant caution pour la
garantie du paiement à l’échéance du terme convenu, c’est ce
que la Cour de Bordeaux décidait avec raison par arrêt du
16 juillet 1840 (J. P., 1840.2.363).
371. L’article 1613 consacre en réalité, en faveur du ven
deur, un droit de rétention en cas de déconfiture ou de fail
lite de l’acheteur. De là cette conséquence que son bénéfice
ne saurait être invoqué qu’à la condition que la chose vendue,
n’ayant pas encore été livrée, se trouve légalement en posses
sion du vendeur. Comment en effet retenir ce dont on s’est
déjà dépouillé (Cass., 9 juillet 1877, D. 77.1.417).
Ace sujet peut-on distinguer entre la tradition réelle et la
tradition feinte ? La Cour de Cassation avait d’abord admis
l’affirmative, en conséquence elle jugeait, le 10 mai 1809, que
le vendeur d’une coupe de bois était fondé à se refuser à
exécuter le contrat si, après la vente, l’acheteur est tombé en
déconfiture, à moins que celui-ci offrit une caution pour la
sûreté du prix non intégralement payé.
Nous avons déjà dit qu’en matière de ventes de coupes de
bois il ne saurait exister de tradition réelle et effective ; qu’on
ne saurait concevoir la mise en possession de l’aelieteur au
trement que par le commencement de l’exploitation (Sup.,
n° 321).
Or, cette circonstance s’était réalisée dans l’espèce de l’ar
rêt que nous rappelons, ce qui lui attribue la signification
que nous lui assignons.
372. Mais la question s’étant représentée à la Cour suprême,
relativement à une marchandise ordinaire, a été par elle ré
solue en sens inverse. On avait vendu des avoines déposées
dans un magasin dont les clefs avaient été remises à l’ache
teur ; celui-ci étant tombé en faillite avant leur enlèvement
�321
total, le vendeur se fit restituer les clefs, et, excipant de sa
possession, il. se prétend autorisé à ne livrer le solde que les
syndics revendiquaient que si on lui donnait caution pour
sûreté du prix.
Mais la Cour de Caen le déboute de sa prétention, et décide
que la tradition s’induisant de la remise des clefs a créé un obs
tacle invincible à l’application de l’article 1013. Le vendeur
s’étant pourvu en cassation, son pourvoi était rejeté le 1er mai
1832.
Cette décision est juridique et rationnelle. La tradition réelle
et effective ou feinte a dessaisi le vendeur. L’acheteur est en
possession et c’est pour lui que la chose périrait. L’action du
premier n’est donc plus qu’une action en revendication que
l’article 1613 n’a ni voulu ni entendu autoriser.
Il est vrai que dans l’espèce la restitution des clefs avait re
mis le vendeur en possession, mais cette mise en possession
était illégale et nulle, elle n’était en quelque sorte qu’un paie
ment en marchandises, prohibé aux approches de la faillite, et
à plus forte raison depuis.
Supposez, en effet, qu’après tradition réelle, l’acheteur ces
sant ses paiements eût rendu la marchandise. Cette restitution
aurait bien conféré au vendeur la possession de fait, mais pour
la masse des créanciers il n’y aurait qu’un dépôt dont le sort se
rait subordonné à la capacité du failli au moment où il a été
réalisé.
Ainsi le vendeur ne peut se prévaloir du droit que lui confère
l’article 1613 que s’il n’apas encore livré soit réellement,soit
fictivement. Dcans cette hypothèse, ce droit est absolu et son
exercice recevable pour la partie restant à livrer comme pour le
tout. En dehors de cette condition, tout recours à l’article 1613
est impossible. L’effet de la tradition est définitivement acquis,
le vendeur a suivi la foi de l’acheteur, il n’est plus que son
créancier pour le montant du prix, et comme tel soumis à la loi
que subissent tous les autres.
Mais tant que la livraison n’est pas définitivement accom
plie, le droit subsiste : une machine, par exemple, n’est déli
vrée au sens juridique du mot que lorsque, mise en place chez
l’acheteur, elle y a été ajustée en état de fonctionner. Sicile a
OBLIGATIONS I)U VENDEUR. DÉLIVRANCE
A chats et ventes
21
�ACHATS ET VENTES
322
été amenée et non posée, le fabricant peut en cas de faillite de
l’acheteur exiger du syndic la résiliation impliquant la resti
tution, à moins qu’il ne lui soit donné de sûreté pour le paie
ment du prix au terme convenu (Caen, 6 juin 1870, D. 72.2.95).
373. Le vendeur doit être en possession de la chose vendue
au moment où il doit faire la délivrance. (Cf. supra, n” 130).
Sinon peu importerait que l’acheteur fût en demeure et dans
l’impossibilité de recevoir. On ne pourrait lui reprocher de ne
pas prendre livraison d’une marchandise que le vendeur est
impuissant à mettre à sa disposition. Un vendeur peu soucieux
de remplir ses engagements, apprenant que pour un motif
quelconque son acheteur ne peut se mettre en règle, pourrait
abuser de cette révélation et obtenir de son cocontractant des
dommages-intérêts alors que lui-même, dans des circonstan
ces normales, se serait vu dans la nécessité de refuser la den
rée promise. Il a été jugé que le vendeur qui fait sommation à
son acheteur de recevoir, doit se trouver virtuellement prêt à
livrer sans aucun délai. Par cette sommation ilse met lui-même
en demeure vis-à-vis de son acheteur. Si donc celui-ci se pré
sente pour recevoir dans le délai d'usage de vingt-quatre heu
res et fait constater le défaut de la marchandise, l’impossibi
lité du vendeur de la lui livrer, c’est au profit de l’acheteur
que la résiliation sera prononcée (Aix, 15 juill. 1896, conf.
Marseille, 30 juill. 1895 ; id., 3 mars 1897, conf. Marseille,
12 mai 1896, Mars., 19 janv. 1898, M. 98.1.213, Mars.,2 sept.
1904, M. 1904.1.386).
374. Dans les marchés à livrer par quantités échelonnées,
il est de règle que si les deux parties gardent le silence aux
échéances successives,le marché est prorogé et l’effet de cette
prorogation est de faire additionner toutes les livraisons par
tielles et de les reporter globalement au jour de la dernière
échéance de façon qu’advenant cette date un vendeur peut
sommer son acheteur de recevoir, ou un acheteur peut som
mer son vendeur de lui livrer la totalité (Aix, 22 juin 1900,
conf. Nice,31 oct. 1899. Mars., 19 janv. 1905. M. 1905.1.144).
Appliqué avec trop de rigueur, cet usage pourrait favoriser
la mauvaise foi des négociants, plus désireux de poursuivre
une résiliation que l’exécution loyale de leurs accords. On dé-
�323
eide généralement que la partie sommée d’avoir à exécuter le
contrat obtempère suffisamment à cette sommation en com
mençant la réception ou la livraison dans le délai et en justi
fiant qu’elle fait toutes diligences pour livrer ou recevoir sans
désemparer (Mars., 1er mai 1899, M. 99.1.291.— Aix, 13 nov.
1905. M. 906.1.174. Cf. supra, n° 304).
Si même il s’agit d’unemarchandisenon susceptible de res
ter accumulée à la disposition de l’acheteur, mais qui doit être
fabriquée au fur et à mesure des livraisons (des savons dans
l’espèce) l’acheteur qui a cessé de recevoir pendant quelque
temps et à qui son vendeur n’a pas fait d’offres, a le droit de
considérer le marché comme tacitement prorogé et d’en ré
clamer ultérieurement l’exécution ; mais il ne saurait deman
der la livraison immédiate de toutes les livraisons arriérées.
Le vendeur, en pareil cas, peut obtenir pour le solde du mar
ché les mêmes échelonnements que ceux qui avaient été con
venus à l'origine (Mars., 2 mai 1902. M. 1902.1.273). Il en
serait autrement si au lieu des produits d’une fabrication il
s’agissait d’une marchandise courante et abondante, telle que
le blé par exemple que le vendeur peut toujours se procurer
sur le marché. Dans ce cas le vendeur est tenu sur la mise
en demeure de l’acheteur de livrer immédiatement tout l’ar
riéré (Aix, 20 avril 1904, conf. Marseille, 28 juill. 1903,
M. 1904.1.192).
374 bis. Mais le vendeur a droit à la résiliation contre l’a
cheteur qui dans les vingt-quatre heures de la sommation se
contente d’écrire qu’il accepte de recevoir et demande un ordre
lui permettant de prendre des échantillons pour les faire exa
miner. L’acheteur ainsi mis en demeure doit commencer la
réception dans les vingt-quatre heures sauf à la continuer en
suite sans désemparer (Mars., 22oct. 1895, M. 96.1.25).
375. Le vendeurd’une marchandise h livrer dansle courant
d’un mois déterminé qui reçoit dans les premiers jours du
mois suivant sommation de livrer immédiatement, accomplit
suffisamment son obligation en présentant à son acheteur la
quantité vendue, encore bien que l’heure soit trop avancée
pour que celui-ci puisse commencer matériellement la récep
tion le même jour (Aix, 2 janv. 1877, M. 78.1.114).
MARCHES A LIVRER. PROROGATION
�324
ACHATS ET VENTES
376. Le vendeur d’une marchandise à livrer n’a pas le droit
de mettre un terme à son marché on dénonçant à l’acheteur
qu’il est dans l’impossibilité de l’exécuter et en offrant de
payer Indifférence au cours du jour de cette déclaration. L’icheteur n’est pas tenu d’accepter cette offre ; il reste libre de
faire signifier à l’échéance une mise en demeure et dans ce
cas c’est à cette date seulement que sera réglée la différence
(Mars., 25 oct. 1893, M. 94.1.18; id., 25 mai et 13 juil. 1903 ;
ib., 1903.1.87 et 354).
377. Les contractants ne précisent pas toujours la quantité
vendue et font suivre sa détermination par un chiffre du mot
« environ ». Il est admis que cette clause comporte une lati
tude de 5 0/0 en plus ou en moins.
Le tribunal de Marseille a jugé que le mot environ était
inopérant lorsque les accords ont spécifié la marge laissée au
vendeur en indiquant par deux chiffres la limite maxima et
minima. Dans ce cas le vendeur est tenu de livrer le minimum
ainsi fixé sans qu’il soit admis à prétendre que la clause « en
viron » l’autorise à livrer 5 0/0 au-dessous de ce minimum
(Mars., 30 janv. 1906, M. 1906.1.144).
378. Le vendeur estobligé àla garantie des troubles et évic
tions que l’acheteur est dans le cas de souffrir. Il répond donc,
en matière de ventes immobilières, de l’éviction totale ou par
tielle.
Les meubles et effets mobiliers n’ayant pas de suite, on
ne saurait prévoir l’éviction que dans les cas visés à l’arti
cle 2279 du Code civil, en le supposant applicable à la vente
commerciale, ou dans celui d’une marchandise prise en mer
et déprédée sur un Français ou bien lorsque la vente portera
sur des navires prescriptibles seulement par 30 ans (R. 426).
Nous n’avons donc pas à insister sur les principes et les rè
gles applicables à la garantie de l’éviction, dont on aura si
rarement à s’occuper en matière de ventes commerciales. 11
est évident que là comme ailleurs l’obligation du vendeur est
absolue, et que l’acheteur, dépouillé de quelque manière que
ce fût, aurait un recours non seulement pour se faire rembour
ser du prix, mais encore pour être indemnisé du préjudice que
lui causerait sa dépossession.
�325
3 7 9 . Ce qui, dans notre matière, se présentera plus usuelle
ment, sera la question de garantie, pour défauts cachés et vices
rédhibitoires. Or, la responsabilité des uns et des autres ne
saurait être récusée par le vendeur.
L’article 1041 du Gode civil, qui édicte ce principe, trace les
conditions auxquelles il en subordonne l’application; il faut
que le défaut ou le vice soit caché, qu’il soit tel qu’il rende la
chose impropre à l’usage auquel elle est destinée, ou diminue
tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou
n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’eût connu. Cette
dernière condition est admise de plein droit pour les vices
rédhibitoires dans les ventes ou échanges d’animaux domes
tiques.
Il n’y a de caché que le défaut que l’acheteur ne pouvait ac
tuellement découvrir, qui ne devait se manifester que dans
l’emploi de la chose qui le recèle. La première condition exi
gée par la loi n’existe donc pas, si le défaut, quoique non ap
parent, pouvait être facilement connu et.constaté.
Le premier devoir do l’acheteur est de vérifier et d’examiner
soigneusement la chose qu’il se propose d’acheter. A défaut
de connaissances spéciales, il doit recourir à des personnes ca
pables et expérimentées et n’agir qu’après leur examen. S’il
manque à ce devoir, dont l’accomplissement eût amené la dé
couverte du défaut ou du vice, il s’est mis dans le cas d’être
accusé de légèreté et d’imprudence, et tenu des conséquences
plus ou moins fâcheuses qui en résulteraient pour lui; la doc
trine et la jurisprudence sont unanimes à cet égard (Voir
infra nos 409 etsuiv.).
3 8 0 . Le déficit sur la quantité ne remplit aucune des condi
tions de l’article 1641,1e pesage, comptage ou mesurage en
divulguera nécessairement l’existence ; ensuite il n'intéresse
ni la substance ni la qualité (Troplong, n° 559; Duvergier,
n° 390).
La Cour de Bordeaux pouvait dès lors dire, comme elle le
faisait dans un arrêt du 25 avril 1828, que ce défaut de quan
tité ne seraitpas rédhibitoire parce qu’il est apparent, et que
son existence devait résulter d’une simple vérification.
La conséquence qu’en tirait la Cour, c’est que l’article 1641
GARANTIE
�326
ACHATS. ET VENTES
étant absolument inapplicable, l’acheteur n’avait pas même à
réclamer la restitution du prix pour le montant du déficit.
Cette conséquence pourrait être admise daos la vente immo
bilière, faite en corps et non en mesure, ou en l’absence de ga
rantie expresse de la contenance indiquée. L’une et l’autre cir
constances font présumer que l’acheteur a vérifié avant de
conclure, dans tous les cas il devait le faire, et sa négligence le
rendait irrecevable à se plaindre.
381. Mais nous n’hésiterions pas à la repousser dans la vente
commerciale, comme irrationnelle, inj uste, dangereuse même.
Sans doute le déficit sur la quantité ne peut constituer un vice
rédhibitoire et entraîner la résiliation de la vente (‘), mais
comment lui dénier l’effet de motiver une diminution propor
tionnelle du prix ? Serait-il juste que l’acheteur qui n’a pas
reçu la totalité de ce qu'il a acheté payât cette totalité.
Il est vrai que le déficit sera forcément connu par la men
suration mais cette mensuration est-elle dans les usages, dans
les possibilités du commerce? Comment y procéder dans l’a
chat par correspondance réalisé à une distance plus ou moins
grande du domicile de l’acheteur.
Celui-ci est donc obligé de s’en rapporter aux indications
que chaque pièce contient relativement à l’aunage, et l’on ne
saurait lui reprocher d’avoir omis de déplier et mesurer cha
que pièce avant de procéder à leur réception.
Ajoutons que pour certains objets, et les plus précieux, les
soieries notamment, cette double opération ne pourrait être
tentée qu’au risque d’altérer leur fraîcheur et par conséquent
de leur faire subir une dépréciation.
382. On ne saurait donc en commerce déployer la rigueur
que comportent les ventes immobilières. L’acheteur négociantest obligé de s’en remettre à la foi du vendeur, on ne sau
rait donc le punir de cette nécessité, ni encourager la fraude
qui ne manquerait pas de se produire sur une large échelle. La
bonne foi commerciale exige impérieusement qu’on ramène
le contrat à l’exécution loyale qu’il devait recevoir ; que l’a(1) N ous allons plus loin que M. Bédarride. Le défaut de livraison de la quan
tité prom ise autoriserait dans certains cas l'acheteur à demander la résiliation,
si, par exem ple, la quantité offerte était dérisoire ( S u p r a 2 48-250, 2 58, 282).
�327
cheteur ne soit pas contraint de payer ce qu’il ne reçoit pas.
Si la Cour de Bordeaux admet le contraire, c’est qu’elle se
trouvait en présence de circonstances telles que toute autre
solution était à peu près impossible. C’est deux ans depuis
l’achat, et après que les marchandises en faisant l’objet avaient
été expédiées et vendues à l’étranger, que l’acheteur venait se
plaindre d’un déficit sur la quantité, en preuve duquel il n’ap
portait d’ailleurs que sa seule allégation.
Qu’auraient fait les magistrats si la réclamation se fût pro
duite à une époque contemporaine ou voisine de la vente? Si
la marchandise encore intacte entre les mains de l’acheteur,
le fondement de cette réclamation eût pu être vérifié et cons
taté? La réponse, à notre avis, ne peut être douteuse, une véri
fication eût été ordonnée, et le déficit reconnu, l’acheteur eût
obtenu une diminution du prix à due concurrence.
383. Ce qui s’induit de l’arrêt de Bordeaux, en l’état des
faits sur lesquels il intervient, c’est non l’inapplicabilité abso
lue de l’article 1641, mais la déchéance que l’acheteur peut
avoir encourue quant à la faculté de s’en prévaloir. Dans les
litiges de la nature de celui que nous supposons, il s’agit de
rechercher s’il y a eu ou non déficit. Les éléments de cette re
cherche sont laissés à l’appréciation souveraine des juges. Or,
comment accueilleraient-ils la prétention de l’acheteur, si elle
n’est même pas vraisemblable.
Le vendeur qui livre une quantité moindre que celle qu’il
doit livrer, commet un délit s’il a agi sciemment ; une erreur
s’il a été de bonne foi. Dans ce dernier cas, il est de son devoir
de réparer loyalement le préjudice qu’il a involontairement
causé. Sa résistance ferait à bon droit suspecter cette bonne
foi dont il exciperait, et rendrait dès lors d’autant plus néces
saire la diminution proportionnelle du prix réclamé par l’a
cheteur; ce résultat, s’il ne pouvait s’étayer de l’article 1641,
se légitimerait par les principes spéciaux à la délivrance. Il
est évident que le vendeur qui ne livrerait pas tout ce qui est
convenu au contrat, se rendrait coupable d’une inexécution
partielle, on devrait donc le contraindre à compléter son obli
gation ou à réparer le préjudice qui naîtrait de l’inexécution.
384. Aussi ce qui est contesté en pareille matière, c’est non
GARANTIE
�328
AIJUATS ET VENTES
le principe, mais son application. On soutient, par applica
tion, des articles 103 et 435 du Gode de commerce, et par ana
logie, que la réception et le paiement ont éteint le droit du des
tinataire et rendu non recevable toute réclamation ultérieure.
Sans doute le paiement, s’il est postérieur à la réception de
la marchandise, pourrait faire supposer que cette marchan
dise était ce qu’elle devait être soit en qualité, soit en quan
tité. Mais il était impossible de convertir cette supposition
en principe, d’abord par la raison que nous venons d’indiquer,
à savoir : que le déficit ne pourra dans certains cas être dé
couvert et constaté qu’après un certain temps, ensuite parce
que très souvent et pour les achats contractés à l’étranger, le
vendeur expédiant la marchandise et transmettant la lettre
de voiture ou le connaisse ment, fournit des traites que l’ache
teur accepte, et qu’il est ainsi bien obligé de payer aux tiers
porteurs, alors même qu’à son arrivée la marchandise ne fût
pas conforme, en qualité ou en quantité, à celle qui devait
être livrée. Comment dès lors faire de ce paiement le sujet
d’une déchéance sans violer la règle contra non valentem agere
non curritprescriptio, surto ut si les traites viennent à échéance
avant l’arrivée des marchandises ? N’en serait-il pas de même
pour les ventes au comptant, lorsque, avant sa sortie des ma
gasins du vendeur, la marchandise est payée ou réglée en
valeurs ?
L’application des articles 103 et 433 du Code de commerce
entre vendeurs et acheteurs pourrait entraîner de graves in
convénients. Lorsque cette application se restreint entre le
destinataire etle voiturier ouïe capitaine, rien n’est plus facile
que de s’assurer si l’un ou l’autre rend le poids qui lui a été
confié, de vérifier les avaries extérieures dont la marchandise
peut être atteinte. C’est cette facilité qui a seule motivé la lin
de non recevoir consacrée par la loi. Le réceptionnaire qui
accepte sans réclamation et paye le prix du transportsans s’as
surer s’il reçoit tout ce qu’il doit recevoir, sans avoir égard à
l’état extérieur indiquant une avarie, agit avec une légèreté
dont onpouvait justement laisser les conséquences à sachargc,
et même dans ce cas la loi du 11 avril 1888 complétant les dis
positions du Code de commerce lui accorde un délai de trois
�329
jours à partir de la réception et du paiement, pour émettre
une protestation utile.
La Cour de Cassation s’est d'ailleurs catégoriquement pro
noncée. Elle a jugé : que les articles 103 et 433 11e sont pas
applicables dans les rapports du vendeur et de l’acheteur
(3 mars 1863. J.P. 1863,346 ; id., 10 janv. 1870 ; ib., 70,319 ;
1" avril 1873; ib., 73, 309; mars 1892 et sur renvoi Àix,
Ch. réunies, 21 déc. 1892 M. 93.1.208. Cas., 15 juil. 1907.
D. 1908.1.31). Donc on ne peut opposer dans ce cas à l’ache
teur aucune fin de non recevoir édictée par la loi. Il sera tou
jours recevable dans la réclamation, à condition de la formu
ler assez à temps et dans des circonstances telles qu’il puisse
la justifier sans être présumé y avoir renoncé (infra n°s 409
et s., la jurisprudence sur ce point).
GARANTIE
38 5. Doit-on considérer com m e vices réd hibitoires les tach es
dont l ’étoffe peut être m aculée à l'in térieu r des p ièces, et les
trous ou déchirures qui la déprécien t?
MM. Pardessus et Troplongep&eignent l'affirmative; cesont
là, disent-ils, des défauts cachés qui offrent la condition de
la loi romaine, àpeu près reproduite par l’article 1641, usum,
ministeriumque rci impediunt.
M. Duvergier se prononce en sens contraire. A son avis, rien
de plus apparent que les taches et les trous. Il est donc im
possible de les considérer comme des défauts cachés.
M. Duvergier pourrait avoir raison dans les ventes au dét ail.
Celui qui achète une quantité déterminée de marchandises,
sous les.yeux duquel on la déplie et onia mesure, peut et doit
en vérifier l’état et reconnaître les taches et trous qui la dé
précieraient.
Mais comment admettre sa doctrine pour l’achat en gros ?
Ce que nous avons dit relativement au déficit sur la quantité,
est vrai également pour l’état matériel. L’achat traité le plus
ordinairement par correspondance,ce n’est qu’à l’arrivée de la
marchandise qu’on peut en verilier l’état, et, en pratique com
merciale, cette vérification se borne à l’état apparent des piè
ces. Les masses que l’acheteur en gros traite et reçoit ne per
mettent pas autre chose, à moins de le condamner à passer
sa vie à déplier et à replier, au détriment de la marchandise,
�330
ACHATS ET VENTES
qui ne comporte pas toujours une pareille manipulation.
Il y aurait rigueur et injustice à lui prohiber le droit de
réclamer lorsque, ayant l’occasion de se défaire de la mar
chandise, et la dépliant devant le client qui viendra en ache
ter une partie, il découvrira les taches ou les trous qui en
empêchent la revente. On doit donc l’autoriser à se pourvoir
contre son vendeur, et lui accorder la réparation du préju
dice auquel il est exposé par son fait, toujours bien entendu
lorsque l’identité sera certaine.
La Cour de Bordeaux n’a pas hésité à le consacrer ainsi, en
conséquence elle jugeait, le 25 mai 1841, que suivant l’usage
de la place de Bordeaux,les farines en barils se vendant, pour
être exportées dans les colonies, de confiance et sur l’estam
pille du fabricant, et étant immédiatement et sans vérification
préalable transbordées sur le navire qui doit les transporter,
si, au moment du déchargement au lieu de destination, il est
constaté que ces farines sont avariées, non par fortune de mer,
mais par un vice propre, le vendeur est, malgré la livraison,
tenu du vice caché, et, que l’acheteur peut exercer contre lui
l’une oul’autre desactions accordées par l’article 1644 duCode
civil (J. P. 1841. 2. 2440).
Or, il n’est nulle part d’usage de déplier et de vérifier les
pièces de toile, de drap, de soie, etc. L’acheteur n’en apas l’o
bligation, parce que le plus souvent il n’en a pas les moyens,
On ne saurait donc lui reprocher de ne pas l’avoir fait.
Il est évident cependant que s’il avait connu l’existence des
taches ou des trous, il n’aurait pas acquis la marchandise, ou
n’en aurait donné qu’un moindre prix. 11 est donc dans les con
ditions voulues par l’article 1641, et des lors fondé à se pré
valoir de l’article 1644.
386. La découverte du vice caché donne à l’acheteur le droit,
ou de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de
retenir l’une et d’exiger la réduction de l’autre. Cette réduc
tion doit comprendre la dépréciation résultant de l’existence
du vice, dépréciation qui est déterminée par experts, faute
par les parties de s’en entendre entre elles.
L’article 1644 du Code civil, qui autorise l’action, ne fixe
�331
aucun délai à son exercice (‘). Sa tardiveté ne saurait donc léga
lement être invoquée comme fin de non recevoir, mais elle
pourrait revêtir ce caractère des circonstances de fait,rendant
invraisemblable le reproche articulé. Nous en avons vu un
exemple dans l'arrêt de Bordeaux, du 25 avril 1828.
387.
Ventes et échanges d’animaux domestiques. — Il en est
autrement de l’action pour vices rédhibitoires dans la vente
ou échange d’animaux domestiques. Pour ce qui la concerne
l’article 1048 du Code civil exigeait son exercice dans un bref
délai, suivant la nature des vices rédhibitoires et l’usage des
lieux où la vente avait été faite.
Pendant longtemps cette matière si importante n’a eu d’au
tres règlements que les usages locaux, non seulement pour le
délai dans lequel l’action devait être intentée, mais encore
sur la nature des maladies constituant les vices rédhibitoires.
On comprit enfin la nécessité de mettre un terme aux tiraille
ments naissant d’un pareil état de choses, et la loi du 20 mai
1838 vint établir sur tous les points une règle précise et uni
forme.
Bien que rendant encore de signalés services cette loi n’était
plus d’accord avec les progrès de la science. Elle a été rem
placée par des lois successives dont nous allons indiquer briè
vement les dispositions (Voir le Traité si complet de B.L. S.
nos 442 et suivants),
La loi de 1838 contenait la nomenclature d’une série de
maladies constituant des vices rédhibitoires donnant ouverture,
dans de certaines conditions, à l’action en garantie de l’ache
teur. La loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire des ani
maux, votée dans un intérêt public, vint régler les mesures à
prendre relativement aux animaux atteints de maladies con
tagieuses. Elle les place en réalité hors du commerce et par
VESTES D’ANIMAUX DOMESTIQUES
(i) Non plus que l’article 1648 im posant à l’acheteur un bref délai. Ces expres
sions sont fort vagues et lorsqu’une loi spéciale ou les usages n’ont pas fixé ce
délai, il appartient aux tribunaux, dans chaque espèce, d ’en déterm iner la durée
d’après la nature des vices cachés et eu égard aux circonstances (Cass , 12 n o v .
1884, D. 85.1.357 ; id., 27 juin 1887 ; ih., 8S.1.308, B .L .S ., n° 441). La Cour
de M ontpellier a rejeté com m e tardive une demande en résiliation intentée plus
de huit m ois après la vente et la connaissance du vice (8 déc. 1904.D. 19.06,2.194).
�332
ACHATS CT VENTES
son article 13 prononce la nullité cle toute vente dont ils
seraient l’objet [infra, n° 389).
On ne s’était pas aperçu que la loi nouvelle classait comme
maladies contagieuses certaines maladies déclarées à la loi
de 1838 vices rédhibitoires. Pour mettre d’accord les deux
textes on légiféra de nouveau et la loi du 2 août 1884 abro
geant et remplaçant celle de 1838, mit les dispositions sur
les vices rédhibitoires en harmonie avec la loi de 1881. Elle
ne retint comme constituant ces vices que les maux non con
sidérés comme maladies contagieuses.
On voulut ensuite combler certaines lacunes de la loi de
1881 et une loi du 31 juillet 1895 ajouta quatre paragraphes
à l’article 13.
Trois années après fut promulguée la loi du 21 juin 1898
sur le Code rural, dans laquelle on avait incorporé (art. 29 à 64)
les 41 articles formant la loi du 21 juillet 1881. Seulement
quand on en vint à copier l’article 13 pour en former l’arti
cle 41 de la loi nouvelle, on le copia dans son texte primitif,
oubliant les quatre paragraphes de la loi de 1895. Il n’y avait
pas grand inconvénient puisque la loi de 1881 n’était pas abro
gée et que toutes ses dispositions subsistaient, cette abrogation
ayant été formellement renvoyée au moment où seraient con
fectionnées les dernières lois complétant le Code rural dont
la loi de 1898 ne forme qu’une partie (D. 1898.4.129, note 2,
in fine). Mais comme cet oubli n’en était pas moins fort sin
gulier on y a remédié par une dernière loi, celle du28 février
1905, qui ajoute à l’article 41 du Code rural les paragraphes
complémentaires de l’article 13 de la loi du 21 juillet 1881 et
qui modifie en même temps l’article 2 de la loidu 2aoûtl884.
En définitive la vente des animaux domestiques est régie
actuellement par les dispositions suivantes:
S’il s’agit de maladies contagieuses, par le Code rural (loi
du 21 juin 1898) ;
S’il s’agit de vices rédhibitoires, par la loi du 2 août 1884.
Ces deux lois complétées par celle du 23 février 1905.
Leurs dispositions sont applicables au commerce.
Le Code rural constitue, dans cette partie, une loi de police
obligeant tous ceux qui habitent le territoire et la loi de 1884
�333
est connue dans les termes les plus généraux. On le décidait
ainsi d’ailleurs sous l’empire de la loi de 1838 qu’elle a rem
placée (Ripert, p. 105).
La législation nouvelle distingue donc les maladies conta
gieuses dos vices rédhibitoires.
388 .Maladies contagieuses. — L’article 1erde la loi du 21 juil
let 1881 donne une énumération des maladies contagieuses.
L’article 2 laissait à undécret du Président de la République
rendu sur le rapport du ministre de l’Agriculture et du Com
merce après avis du Comité consultatif des épizooties, le
soin de compléter cette nomenclature. Un décret dans ce sens
a été en effet promulgué le 28 juillet 1888. L’article 29 du
code rural a réuni les dispositions de l’article 1er de la loi de
1881 et celles du décret de 1888. Sont donc aujourd’hui répu
tées maladies contagieuses : 1° la rage dans toutes les espè
ces ; 2° la peste bovine dans toutes les espèces de ruminants ;
3" la péripneumonie contagieuse, le charbon emphysémateux
ou symptomatique et la tuberculose dans l’espèce bovine ;
4" la clavelée et la gale dans les espèces ovine et caprine ; 5° la
fièvre aphteuse dans les espèces bovine, ovine, caprine et por
cine ; G" la morve et le farcin, la dourine dans les espèces
chevaline, asine et leurs croisements ; 7° la fièvre charbon
neuse ou sang de rate dans les espèces chevaline, ovine,bo
vine et caprine ; 8° le rouget, la pneumo-entérite infectieuse
dans l’espèce porcine. Cette énumération peut être complétée
par décret présidentiel, l’article 38 reproduisant l’article 2 de
la loi de 1881.
Les articles 31 à 40 du Code rural édictent une série de
prescriptions de police.Les articles 31,33,41 et 42 rentrant
dans notre sujet sont ainsi conçus : Article 31: Tout proprié
taire, toute personne ayant à quelque titre que ce soit la garde
ou la charge des soins d’un animal atteint ou soupçonné d’être
atteint de l’une des maladies contagieuses prévues par les arti
cles 29 ou 30 est tenu d’en faire immédiatement la déclaration
au maire de la commune où se trouve l’animal. L’animal
atteint ou soupçonné d’être atteint d’une maladie contagieuse
doit être immédiatement et avant même que l’autorité admi
nistrative ait répondu à l’avertissement, séquestré, séparé et
VENTES D'ANIMAUX DOMESTIQUES
�334
ACHATS ET VENTES
maintenu isolé autant cjue possible des autres animaux sus
ceptibles de contracter cette maladie. La déclaration et l’iso
lement sont obligatoires pour tout animal mort d’une maladie
contagieuse ou soupçonnée contagieuse ainsi que pour tout
animal abattu en dehors des cas prévus par le présent article
qui à l’ouverture du cadavre est reconnu atteint ou suspect
d'une maladie contagieuse. Sont également tenus de faire la
déclaration tous vétérinaires appelés à visiter l’animal vivant
ou mort. Il est interdit de transporter l’animal ou le cadavre
avant que le vétérinaire sanitaire l’ait examiné. La même
interdiction est applicable à l’enfouissement à moins que le
maire, en cas d’urgence, n’en ait donné l’autorisation spéciale.
Art. 33.— Après la constatation de la maladie, le préfet...
prend, s’il est nécessaire, un arrêté portant déclaration d’in
fection. Cette déclaration peut entraîner dans le périmètre
qu’elle détermine l’application des mesures suivantes : 1“ l’i
solement, la séquestration, la visite, le recensement et la
marque des animaux et troupeaux dans ce périmètre ; 2° la
mise en interdit dans ce même périmètre ; 3° l’interdiction
momentanée ou la réglementation des foires et marchés, du
transport et de la circulation du bétail ; 4° la désinfection
des écuries, étables, voitures ou autres moyens de transport^
la désinfection ou même la destruction des objets à l’usage
des animaux malades ou qui ont été souillés par eux, et géné
ralement des objets quelconques pouvant servir de véhicule
à la contagion. Un règlement d’administration publique déter
mine celles de ces mesures qui sont applicables suivant la
nature des maladies.
Art. 41. — (Complété par la loi du 23 février 1903) : L’expo
sition, la vente ou la mise en vente des animaux atteints ou
soupçonnés d’être atteints de maladie contagieuse sont inter
dits. Le propriétaire ne peut s’en dessaisir que dans les con
ditions déterminées par le règlement d’administration publi
que prévu à l’article 33 (*). Ce règlement fixera pour chaque
espèce d’animaux et de maladies le temps pendant lequel l’in
terdiction de vente s’appliquera aux animaux qui ont été
(') Édicté par décret du 6 octobre 1904.
�333
exposés à la contagion, — et, si la vente a eu lieu, elle est
nulle de droit, que le vendeur ait connu ou ignoré l’existence
de la maladie dont son animal était atteint ou suspect.
Néanmoins aucune réclamation de la part de l’acheteur ne
sera recevable pour raison de ladite nullité lorsqu’il se sera
écoulé plus de trente jours en ce qui concerne les animaux at
teints de tuberculose, et plus de quarante-cinq jours en ce qui
concerne les autres maladies, s’il n’y a poursuite du minis
tère public. Si l’animal a été abattu, le délai est réduit à dix
jours à partir du jour de l’abatage, sans que toutefois l’action
puisse jamais être introduite après l’expiration des délais cidessus. En cas de poursuite du ministère public, la prescrip
tion 11e sera opposable à l’action civile, comme au paragraphe
précédent, que conformément aux règles du droit commun.
Toutefois eneequi concernela tuberculose, sera seulerecevable l’action formée par l’acheteur qui aura fait au préalable la
déclaration prescrite par l’article 31. S'il s’agit d’un animal
abattu pour la boucherie reconnu tuberculeux et saisi, l’action
11e pourra être intentée que dans le cas où cct animal aura fait
l’objet d’une saisie totale ; dans le cas de saisie partielle por
tant sur les quartiers, l’acheteur 11e pourra intenter qu’une ac
tion en réduction du prix à l’appui de laquelle il devra produire
un duplicata du procès-verbal de saisie, mentionnant la nature
des parties saisies et leur valeur, calculée d’après le poids, la
qualité de la viande et le cours du jour.
Art. 42. — La chair des animaux morts de maladies conta
gieuses,quelles qu’elles soient, ou abattus comme atteints de la
peste bovine, de la morve ou farcin, des maladies charbonneu-'
ses, du rouget et de tarage 11e peut être livrée à la consomma
tion. Les cadavres des animaux morts ou abattus comme at
teints de maladies contagieuses doivent au plus tard, dans
les vingt-quatre heures, être détruits par un procédé chimique,
ou par combustion, ou enfouis recouverts préalablement de
chaux vive et de telle sorte que la couche de terre au-dessus du
cadavre ait au moins 1 mètre d’épaisseur. Les cadavres des
animaux morts de maladies charbonneuses, ceux des animaux
morts ou ayant été abattus comme atteints de peste bovine ne
peuvent être enfouis qu’avec la peau tailladée. Les conditions
VENTES U ANIMAUX DOMESTIQUES
�336
dans lesquelles devront être exécutés le transport, la destruc
tion ou l’enfouissement des cadavres, sont déterminées parle
règlement d’administration publique prévu à l’article 33.
389. La jurisprudence qui s’était formée sur l’application
des lois de 1881 et de 1893 peut être invoquée pour expliquer
les dispositions du Code rural, puisqu’elles ne sont que lareproduction des articles de ces deux lois.
Les maladies contagieuses et les espèces auxquelles elles
s’appliquent sont limitativement énoncées. Il ne sera permis
d’ajouter à l’article 1" que celles qui par la suite pourraient
être reconnues par les décrets qui y sontprévus.
Les prescriptions ci-dessus mettent hors du commerce les
animaux quren sont l’objet dès qu’ils sontsuspectés d’être at
teints par une maladie déclarée contagieuse. La vente qui en
aurait été faite serait donc radicalement nulle, même si le ven
deur était d’une bonne foi absolue et n’eût à se reprocher au
cune imprudence (Angers, 11 juillet 1904, Droit, 12nov. 1904.
— Cassat., 24 fév. 1904, G. P. 1904. 1.432). Néanmoins l’ache
teur peut renoncer à se prévaloir de cette nullité.
11 a été jugé que le vendeur de bonne foi ne peut être con
damné à des dommages-intérêts ; il n’est donc pas tenu àla répa
ration du dommage que l’animal malade a pu causer dans l’écu
rie de l’acheteur en communiquant son mal à d’autres bêtes
(Mars., 10 fév. 1899, M. 99. 1. 204). Mais il devrait toujours le
remboursement des frais de contrat et de nourriture (Nancy,
4 fév. 1898, — Paris, 29 avril 1898, D. 98.2.381-382).
390. L’action en nullité n’est pas soumise à la condition nccessaire que la séquestration existât au moment de la vente. La
nullité doit être prononcée lorsque l’animal aura été séquestré
ultérieurement,mais préalablement à l’action on nullité intro
duite dans les délais légaux. Et même au cas oùl’animal ayant
été conduit à l’abattoir, son enfouissement a été ordonné après
l’abatage, l'enfouissement devra être assimilé à la séquestra
tion (Cass., 28déc. 1904 et 23janv. 1905, D. 1905. 1.133 et 194).
391. Lorsque l’action a été intentée dans les délais prévus
il n’y apourtant pas présomption que l’animal était, au moment
de la vente, atteint de la maladie. L’acheteur doit, conformé
ment aux principes généraux, administrer la prèuve de l’exisa c h a t s
et
v e n t e s
�337
tence de la maladie au moment du marché. Le rapport fait à
la Chambre par M. Mougeot ne laisse aucun doute à ce sujet
(B.L.S.,n° 450, Aix,9 mai 1900,D. 1901.2.113.— ConfraMar
seille, 26 mars 1896, M. 96.1.157).
3 9 2 . La prescription de quarante-cinq jours s’applique à tou
tes les actions en dommages-intérêts à raison du préjudice oc
casionné par la vente d’un animal atteint d’une maladie con
tagieuse. Elle peut être interrompue conformément au droit
commun (Trib. civ. Dijon, 31 déc. 1901, S. 1902.2.249).
3 9 3 . Vices rédhibitoires. — Les vices rédhibitoires sont
eux aussi énumérés limitativement par l’article 2 de la loi du
2 août 1884 modifié par l’article 2 de la loi du 23 février 1905.
Il est ainsi conçu :
« Sont réputés vices rédhibitoires et donneront seuls ouver
ture aux actions résultant des articles 1641 et suivants du Code
civil sans distinction des localités où les ventes et les échan
ges auront lieu, les maladies ou défauts ci-après, savoir: pour
le cheval, l’âne et le mulet, l’immobilité, l’emphysème pulmo
naire, le cornage chronique, le tic proprement dit, avec ou sans
usure des dents,lesboiteries anciennes intermittentes, lafluxion
périodique des yeux ; pour l’espèce porcine, la ladrerie. »
IJonc en dehors des racesetdes maladies ainsi formellement
prévues il n’y a plus d’action en garantie possible de la part de
l’acheteur (Cass., 21 juil. 1891, D. 92.1.134. — Dijon, 27 oct.
1891,D.93.2.318.— Trib.civ. Seine, 23 avril 1903,G.T.,1903.2.
2.468. — Marseille, 5 mai 1903, M. 1903.1.277. — Contra
Alger, 13 avril 1896, M., 97.2.73).
3 9 4 . L’article l “ de cette loi apporte à cette règle deux tem
péraments qui se seraient imposés, même au cas de silence du
législateur. Il permet toutes les conventions contraires et ré
serve l’action de dol. Mais il faut remarquer que la loi de 1884
formant le droit commun, l’acheteur qui alléguerait un accord
de cette nature devrait en apporter une preuve catégorique
(Cass., 20 déc. 1887, D. 88.1.84. Voir l’arrêt dont la rubrique
paraît exagérer la portée, et 12 mai 1903, D. 1904.1.248). Il
nous paraît aussi évident qu’indépendamment de l’action de
dol la partie pourrait opposer les règles générales du droit
sur le défaut du consentement : violence, erreur.
VENTES D’ANIMAUX DOMESTIQUES
A chats et ventes
�ACHATS ET VENTES
338
L’article 3 autorisant l’action en réduction du prix a mis fin
à une ancienne controverse sur le point de savoir si dans ce cas
l’acheteur pouvait exercer cette action au lieu de demander la
résolution: mais le vendeur pourra la paralyser en offrant de
reprendre l’animal vendu avec restitution du prix et des frais
occasionnés par la vente.
395. La loi disposant d’une façon absolue s’applique même
aux animaux vendus pour la boucherie (Cass., 12 mai 1903, D.
1904.1.248 et Nantes, 7 nov. 1903, Rec. Nantes, 1904.1.197).
Malgré les termes de l’article 2 semblant bien proscrire tous
usages locaux contraires et de l’article 12 déclarant abrogés
tous règlements imposant une garantie exceptionnelle aux ven
deurs d’animaux destinés à la boucherie, le tribunal de Mar
seille a pourtant jugé qu’il est d’usage à Marseille que les ani
maux destinés à la boucherie sont vendus avec la convention
tacite de garantie que la viande sera propre à la consommation,
et que cet usage équivaut à la convention contraire autorisée
par la loi de 1884 (Mars., 20 janv. 1904, M. 1904.1.135).
3 9 6 . L e d élai pour intenter l ’action sera de neuf joursfra,n cs;
non com pris celu i fixé pour la livraison . Il est porté cà trente
jours francs s’il s’agit de lafluxion périodique des yèu x(art. 5).
Au cas où la livraison a été effectuée hors du lieu du domi
cile du vendeur, comme au cas dutransport de l’animal après
la livraison hors du lieu de ce domicile, le délai sera augmenté
à raison des distances conformément au droit commun, mais
à condition dans le second cas que le transport ait été effec
tué dans les délais de l’article 5, c’est-à-dire neuf ou trente
jours suivant la maladie (art. fi).
Sil’animalaété conduit en plusieurs endroits, il faudrait calculerledélai suivantlelieu où il se trouve au moment oùl’action est intentée. C’est ainsi qu’on le décidait sous l’empire de
la loi del838 (B.L.S., n° 475).
Ilestmanifestequeles constatations nécessaires doivent être
faites avec la plus grande rapidité.Ilnesuffira doncpas àl’acheteur de citer dans les délais impartis, il faudra encore que dans
les mêmes délais, mais sans augmentation à raison de la dis
tance,augmentation quipourune pareille procédure aurait peu
sa raison d’être, il présente requête au juge de paix du lieu où se
�339
trouve l’animal pourfaire nommer des experts chargés de l’exa
miner. La réquisition pourra être verbale. Le juge devra en in
diquer ladate dans sonordonnance nommant un ou trois experts
qu’il pourra autoriser en cas d’urgenceou d’éloignement à pro
céder en l’absence du vendeur après serment prêté. Si le ven
deur doit être appelé, il faudra le sommer d’assister aux opéra
tions de l’expertise dans les délais des articles 5 et G, avec
augmentation par conséquent à raison des distances. Dans ce
bas, l’acheteur peut ne lancer sa citation qu’après la clôture du
procès-verbal ; cette citation sera alors signifiée dans les trois
jours de cette clôture et devra contenir entête copie de ce pro
cès-verbal : cette prescription n’est pas pourtant édictée à
peine de nullité. On pourra y suppléer même en cours d’ins
tance par une simple communication (B.L.S.,n°461). Mais sile
vendeur n’a pas été appelé à l’expertisela demande devra être
faite dans les délais fixés par les articles 5 et 6 (art.7 et 8).
La Cour de Cassation ajugé que l’action rédhibitoire est irre
cevable si dans le délai fixéenprincipe à neufjours francs l’ache
teur n’a pas formé sa demande etprovoqué la nomination d’ex
perts, et en outre si danslemême délai iln’apas cité le vendeur
à l’expertise, à moins que le juge de paix n’enait ordonnéautrement à raison de l’urgence et de l’éloignement (10juillet 1905,
G,P., 4905.2.360).
La Cour de Paris a jugé le contraire le 13 mars 1906 (G.T.,
1906.2.2,122) : elle déclare que la loi n’ayant pas prescrit la
citation du vendeur à l’expertise à peine denuliité, aucune sanc
tion n’est attachée au manquement à ce qui n’est qu’une indi
cation delaloi.
Le tribunal civil de la Seine aadopté un système mixte: les
tribunaux auront un pouvoir souverain pour apprécier si les
droits du vendeur, défendeur à l’action rédhibitoire, ont été
suffisamment sauvegardés etsien fait l’acheteur n’a pas rendu
impossible l’assistance du vendeur àl’expertise (29 avril 1908,
G.P., 1908.2.174, voir la note).
Si l’animal vient à périr,le vendeur ne serapastenu de lagarantie à moins que l’acheteur n’ait intenté une action régulière
dans le délai légal et ne prouve que la perte de l’animal provient
VENTES D’ ANIMAUX DOMESTIQUES
�ACHATS ET VENTES
340
de l’une des maladies spécifiées à l’article 2 (art. 10) (juge
ment ci-dessus du 29 avril 1908).
L’article 11 ayant trait àdesmaladiesclasséesdcpuiscomme
maladies contagieuses est abrogé de fait.
Pour ne pas multiplier les procès de cette nature l’article 4
déclare non recevable toute action en garantie ou en réduc
tion de prix à l’occasion des ventes ou d’échanges lorsque le
prix en cas de vente ou la valeur en cas d’échange ne dé
passe pas cent francs. Enfin l’article 9 édicte que la demande
sera portée devant les tribunaux compétents et, dispensée du
préliminaire de conciliation.
3 9 7 . Contrairement à ce que nous avons vu à propos des ac
tions intentées pour maladies contagieuses, ily a ici, lorsque
l’action a été régulièrement intentée danslesdélais, présomp
tion juris et de jure que la maladie existait au moment de la
vente (Rapport de M. Labiche au Sénat, B-L.S., n° 480).
3 9 8 . En cas de ventes successives d’un animal domestique,
en l’espèce un cheval, c’est à partir de la première vente que
court le délai de neuf jours dans lequel le premier acheteur
doit provoquer l’expertise et former sademande récursoireen
garantie. Le délai imparti pour provoquer l’expertise n'étant
pas susceptible d’augmentation à raison des distances, le der
nier acquéreur ne peut sauvegarder les droits des acquéreurs
intermédiaires que s’il a présenté sa requête à fin d’expertise
clans le délai légal de neuf jours à partir delà vente primitive
(Nancy trib., 2 janvier 1905, G. P., 1905.1.205 et la note. —
Cass.,29 mars 1898, D. 98.1.417).
399.
Lorsque les parties usant de la faculté à elles laissées
auront simplement étendu la garantie légale, sans parler de
délais,faudra-t-il pour l’exercice de cette garantie convention
nelle s’en référer aux principes généraux ou bien suivre les
prescriptions de la loi de 1884? Il est répondu à cette question
avec tous les développements qu’elle comportcautraitéB.L.S.,
n°490. Les savants auteurs estiment que la loi de 1884 étant
la loi générale doit être strictement appliquée sur tous les
points où les contractants n’y ont pas formellement dérogé.
En conséquence les délais de la garantie conventionnelle se
ront les mêmes que ceux de la garantie résultant de la loi.
�341
Mais c’est là encore une pure question de fait (Cass.,21 nov.
1900, S. 1906.1.279).
400. L’article 2 renvoyant aux articles 1041 et suivants du
Code civil,il s’ensuit nécessairement que l’on doit continuera
appliquer aux ventes d’animaux domestiques soit l’article 1642
aux termes duquel le vendeur n’est pas tenu de vices appa
rents (Cass., 11 nov. 1890, D. 91.1.429, dans l’espèce usure des
dents déclarée apparente par les experts), soit l’article 1643
sur la stipulation de non garantie.
400 àts.Laloi du 12 juillet 1906 sur la compétence des ju
ges de paix ordonne dans son article 6 que «les juges de paix
« connaissent également sans appel jusqu’à la valeur de 300 fr.
« et à charge d’appel à quelque valeur que la demande puisse
« s’élever... 4°de toutes demandes relatives aux vices rédhi« bitoires dans les cas prévus par la loi du 2 août 1884,soit
« que les animaux qui en sont l’objet aient été vendus, soit
« qu’ils aient été échangés, soit qu’ils aient été acquis par tout
« autre mode de transmission. »
Quelle est la signification de ce texte ? Le juge de paix serat-il compétent dans tous les cas même lorsque la vente sera
intervenue entre deux commerçants et aura vis-à-vis de cha
cun d’eux un caractère commercial incontesté ? L’article 6
de la loi de 1905 a-t-il abrogé l’article Ode la loi du 9 août
1884 réservant expressément la compétence des tribunaux de
commerce ?
Malgré l’autorité du commentaire de la loi nouvelle par
M. Gruppi, la Cour de Besançon a adopté l’opinion con
traire suivant arrêt du 16 janvier 1907. La note mise à la suite
dans la Gazette des Tribunaux (1907.1.2.240) approuve cette
solution et fait remarquer que la question a déjà été préju
gée dans ce sens par la Chambre des requêtes : elle a en effet
admis un pourvoi contre un jugement du tribunal de Libourne
qui s’était déclaré compétent, sur appel d’une décision du
juge de paix, au sujet d’une action intentée à une compagnie
de chemin de fer par un commerçant à raison du transport
de bagages renfermant des marchandises faisant l’objet de
son commerce, bien que, comme le fait le paragraphe 4 pour
les vices rédhibitoires,le paragraphe 6 de l’article 6 de la loi
VENTES D’ANIMAUX DOMESTIQUES
�ACHATS ET VENTES
342
de juillet 1905 attribue au juge (le paix la connaissance de
ces contestations (Réq., 30 oct. 1906. Gaz. desTrib., numéro
du 1er nov. 1906). L’arrêt de la Chambre civile, quand il sera
rendu,fixera donc la jurisprudence sur ce point controversé.
En ce qui nous concerne,nous adhérons absolument à la
théorie de l’arrêt de Besançon. Bien que les travaux prépa
ratoires delaloi surles justices de paix puissent être invoqués
dans une certaine mesure par les partisans de la thèse ad
verse, il nous paraît qu’un texte bien précis serait indispen
sable pour dessaisir ainsi les tribunaux de commerce, juges
naturels des commerçants, au profit d’une juridiction excep
tionnelle comme celle des juges de paix et qui est loin, mal
gré certains abus, de présenter les mêmes garanties d’indé
pendance et do connaissances pratiques des affaires.
400 ter. Vente des Engrais. — Les articles 1674 et suivants
du Code civil permettent à l’acheteur d’un immeuble d’obtenir
réparation d’une fraude dont il pourrait être victime, en lui
donnant !e droit de demander la rescision de la vente lors
qu’il a été lésé déplus des sept douzièmes.Ces dispositions sont
inapplicables aux ventes mobilières, à cause de l’incertitude
qui existe le plus souvent sur le prix réel, la valeur exacte
d’une denrée. Les raisons de convenance d’ailleurs que peut
avoir une partie à réaliser une acquisition, la décident par
fois à payer plus que la marchandise ne vaut, et admettre,
surtout dans les transactions commerciales, une pareille cause
de résiliation, c’était risquer de multiplier les procès et de
donner bien souvent une prime à la mauvaise foi (supra
n° 42). Néanmoins la protection de l’agriculture a amené le
vote de la loi du 8 juillet 1907.D’après son article l”rla lésion
de plus du quart dans l’achat des engrais, des amendements,
ou bien des substances destinées à la nourriture des animaux
de ferme, donne à l’acheteur une action en réduction de prix
et en dommages-intérêts. Elle doit être intentée dans le délai
franc de quarante jours à dater de la livraison, et elle reste
recevable malgré l’emploi partiel ou total des matières li
vrées (art. 2).
La lésion dont il est ainsi question consiste dans une exa
gération supérieure à un quart non pas du prix strict, de lava-
�343
leur intrinsèque, mais de la valeur commerciale, en y ajou
tant les frais divers et le bénéfice légitime du commerçant et
en tenant compte aussi des frais généraux dans lesquels seront
compris les éléments de terme, de crédit, de risque,etc. (dé
clarations du rapporteur à la Chambre et observations faites
au Sénat. D. 1907.4.173, note 3, n° 2).
Il peut paraître bien difficile que l’action réussisse lorsque
la marchandise aura été totalement employée par l’ache
teur : il sera donc toujours prudent, au moment de l’arri
vée, de faire prélever des échantillons réguliers.
L’action est de la compétence du juge de paix (*) du domicile
de l’acheteur, quel que soit le chiffre de la demande, sous ré
serve du droit d’appel au-dessus de 300 francs,et toute con
vention contraire est nulle de plein droit (art. 3).
Ce sont là, on le voit, de graves dérogations au droit com
mun. A tort ou à raison elles ont paru indispensables pour
protéger les agriculteurs contre les entreprises du commerce
malhonnête.
VENTE DES ENGRAIS
II.
Des o b l i g a t i o n s de V a c h e t e u r .
SOMMAIRE
-101. Obligation de l’acheteur de payer le prix et d’opérer le retirement au temps et au lieu convenus. Article 1657 du
Gode civil édictant la résolution de plein droit, sans som
mation au profit du vendeur de denrées et d’effets mobi
liers faute de retirement.
402. Cet article est applicable à la vente commerciale.
403. Tempéraments dérivant soit de la nature du contrat, soit
des usages.
404. Influence de l’usage. Impossibilité matérielle de livrer résul
tant de la malice de l’acheteur.
405. Marchandise livrable à quai, au débarquement.
406. Lorsque le contrat ne précise pas le lieu ni le jour du reti(l) C o ntrh lorsque le débat s'agite entre com m erçants (Laon, 29 juin 1908,
G. P ., 1908.2.390).
�344
ACHATS ET VENTKS
renient, le vendeur ne peut la tenir pour résolue ipso facto
après une sommation les indiquant.
407. L’acheteur est fondé à ne pas se livrer lorsque le vendeur
lui offre une marchandise non conforme.
408. C’est à lui à prouver celte non-conformité.
409. Conséquences : 1° l’acheteur peut renoncer à s’en prévaloir
même d une façon tacite. Réception pure et simple. Ses
effets. Identité de la marchandise.
410. Les effets de la réception sont annulés en cas de vice caché ou
de fraude du vendeur. Identité de là marchandise établie.
411. 2° L’acheteur doit provoquer une expertise régulière ; à dé
faut il doit recevoir et payer. La destruction par l’auto. rité des marchandises reconnues par elle impropres à la
consommation tient-elle lieu d’expertise ?
412. La présence de l’agent du vendeur, sauf mandat spécial, ne
couvre pas l'irrégularité d’une expertise. L’expertise nulle
peut valoir à titre de renseignements.
412 h (S.Lieu où l’expertise doit être ordonnée..
413. Clauses: livraison telle quelle et refusable en aucun cas.
414. Livraison au domicile du vendeur. L’acheteur doit y venir
agréer.
416. Effets du défaut de paiement du prix. Résiliation.
417. Impossibilité d’ordonner la résiliation dans la vente de mar
chandises déterminées seulement par leur espèce et quan
tité.
418. Lorsque l’acheteur a revendu.
419. Ou lorsqu’il est tombé en déconfiture.
420. Faut-il dans ce cas que la faillite ait été judiciairement dé
clarée.
421. Appréciation des deux arrêts de Paris.
422. Objection contre notre système. Réponse.
423 Hypothèses dans lesquelles l’article 1651 recevra son en
tière exécution dans la vente commerciale.
424. Droit du vendeur à terme d’exiger le paiement immédiat, si
depuis l’acheteu r est tom bé en déconfiture.
425. Caractère du droit de poursuivre la résolution. Effets de
celle-ci.
426. En quelle monnaie le prix est payé: Effets de commerce.
427. Délai du paiement. Clause « paiement comptant ». Escompte.
427 bis. Différence à payer par l’une ou l’autre des parties. A quel
jour doit-elle être fixée ? Mise en demeure, citation.
�345
401. La principale obligation de l’acheteur est de payer
le prix au jour et au lieu réglés par la vente (art. 1650, G.
civ.).
S’il n’a rien été réglé à cet égard lors de la vente, l’acheteur
doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance
(art. 1651). Le refus de l’acheteur ou le retard apporté par
l’acheteur au retirement de la marchandise entraînerait contre
lui la nécessité de réparer le préjudice qui en serait résulté.
Ainsi la perte survenue postérieurement, les dépenses d’en
tretien et de conservation seraient à sa charge.
De plus, dans la vente ordinaire, l’article 1657 édicte qu’en
matière de ventes de denrées et d’effets mobiliers, la résolu
tion aura lieu de plein droit et sans -sommation au profit du
vendeur, après l’expiration du terme convenu pour le retire
ment.
Cet article régit-il la vente commerciale ?
402. Cette question n’en est plus une aujourd’hui. Une ju
risprudence compacte, une doctrine où l’on rencontre une
seule dissidence (Aubry et Rau, 4e édition, IY, p. 395, note 5)
ont adopté l’affirmative, contrairement à l’opinion émise par
Bédarride dans les précédentes éditions. La thèse adverse, en
effet, ne peut invoquer que les déclarations faites au Conseil
d’Etat au moment delà discussion do cet article. Mais quel
que catégoriques qu’elles soient elles ne peuvent prévaloir sur
le texte même de l’article 1657 dont la généralité embrasse
toutes les espèces (Cass., RJfévrier 1873,1). 73.1.301 ; 11 juil
let 1882, D. 83.1.340:17 février 1903, J. T.C.,52, p. 650.—
Douai, 6 novembre 1895, D. 96.2.112. — Rennes, 31 décem
bre 1894, Rec. Nantes, 94.2.368. — Paris, 16 janvier 1901,
J. T. G.,50,p. 564, R. p. 129, B.L.S., n”396; L. R.,n° 121).
11 ne faudrait pas équivoquer sur les termes d’un arrêt
rendu par la Cour de Cassation le 25 novembre 1903 (J. T. G.,
53, p. 6171 pour soutenir qu’il n'en est ainsi que lorsque le
terme a été stipulé dans l’intérêt commun du vendeur et de
l’acheteur, cet arrêt a simplement reproduit l’espèce d’aprèles constatations des juges du fait. L’article 1657 est applis
cable sans qu’il y ait lieu soit de distinguer au profit de qui
le terme a été indiqué, soit de se préoccuper de la nature
OBLIGATIONS DE L’ ACHETEUR. RETIRERENT
�ACHATS ET VENTES
des objets vendus (voir notamment Paris, 10 février 1901).
Le vendeur peut toujours renoncer soit expressément, soit
tacitement, à se prévaloir de ce droit; il ne peut plus le re
prendre et en exciper lorsqu’il ne s’en est pas prévalu au
moment de l’échéance du marché (Paris, 13 décembre 1899,
J. T. G.,49, p. 453. Cf. Cass., 20janv. 1908, D. 908.1.125).
403. Dans la pratique, cette règde est soumise à des tempé
raments nécessaires résultant soit de la nature du contrat,
soit des usages.
Le vendeur ne peut évidemment se prévaloir do l’arti
cle 1657 que si l’acheteur a commis la faute de ne pas se pré
senter pour recevoir au jour et au lieu convenus. 11 faut donc
que le contrat précise ce jour et ce lieu et que la marchan
dise étant quérable, le vendeur n’ait pas autre chose à faire
qu’à attendre la venue de l’acheteur. Si donc la marchandise
est portable, le vendeur ne pourra, en s’abstenant de la trans
porter, invoquer l’article 1657. (Rouen, 5 août 1908, G. P.,
1908.2.482 et la note). Dans ce cas, il devra faire signifier
une mise en demeure renfermant une offre régulière avant
de pouvoir invoquer la résiliation (Marseille, 25 janvier 1882,
M. 82.1.78, L. R.,n° 126). L’article 1657 contenant une dispo
sition exceptionnelle dérogeant au droit commun il faut, en
effet, l’interpréter avec la plus grande rigueur et ne jamais
l’étendre aux cas douteux (B.L.S., n° 597).
404. Mais dans le silence de la convention, les parties sont
toujours présumées s’en être référées à l’usage. Si donc il
existe un usage de place, l’acheteur qui ne s’y est pas con
formé encourt la résiliation de l’article 1657 (B.L.S., n“598).
11 en sera de même si, dans le but de l’éviter, l’acheteur d'une
marchandise à livrer par lots dans le délai d ’un mois, en ré
clame malicieusement la livraison totale le dernier jour du
délai, alors qu’il est matériellement impossible à son vendeur
de l’effectuer complètement dans la journée (Cass., 19 février
1873, D. 73.1.301 ; voir supra n° 374 sur la prorogation ta
cite des marchés à livrer par quantités fractionnées).
405. Si une marchandise a été stipulée livrable par frac
tions mensuelles à quai, au débarquement d’un vapeur, etc.,
l’article 1657 serait inapplicable faute de précision suffisante
�347
du moment du retirement. J ugé qu’une pareille vente est régie
par l’usage général (du moins à Marseille) réputant le contrat
tacitement prorogé pour les fractions non livrées, tant qu’une
des parties n’a pas mis l’autre en demeure (Mars., 11 juillet
1887, M. 87.1.271).
406. Lorsqu’un contrat manque ainsi de précision à ce su
jet, et en l’absence de tout usage certain, le vendeur pourrat-il, après avoir fait signifier une sommation indiquant un lieu
et un délai, tenir la vente pour résolue ipso facto,par cela seul
que l’acheteur n’aura pas obéi à cette mise en demeure ? Con
trairement à l’opinion adoptée dans les précédentes éditions,
nous pensons que dans ce cas-là il faut s’adresser au tribunal
qui aura à apprécier le caractère et du contrat et de la somma
tion. Il suit de là que l’acheteur peut se présenter pour rece
voir utilement avant que le jugement soit prononcé, en offrant
bien entendu de payer les frais causés par son inertie (Cass.,
17 décembre 1879, D. 80.1.133,134 ; ici., 14 avril 1886, J. P.,
O0.1#*38,B.L.S., n°597.—Contra, Douai, 8janvier 1846, J. P.,
46.1.487, Troplong, n° 679; Béd., 2” éd., n° 309).
407. Dans tous les cas, la résiliation pour défaut de reti
rement n’est acquise que si l’inexécution est imputable au
fait personnel et volontaire de l’acheteur et elle ne peut ja
mais être invoquée par le vendeur lorsqu’elle a sa cause dans
un manquement à ses obligations.
Si donc la marchandise offerte n’est pas conforme aux
accords, l’acheteur sera bien fondé à refuser la livraison et
à réclamer à sa convenance, soit la résiliation, soit le rempla
cement, soit une bonification (suprà, 317 et suiv.). La mar
chandise offerte peut, en dehors de toute spécification au con
trat, présenter des défectuosités obligeant l’acheteur à la
refuser, bien que la bonne foi du vendeur soit entière. Un
importateur aura vendu du blé blanc de l’Inde : son propre
vendeur lui aura expédié non pas le blé stipulé mais un mé
lange de blé blanc et de blé rouge, etc., etc. Dans le langage
du commerce on dit que la marchandise offerte doit être
loyale, marchande et de recette et on l’apprécie suivant des
types consacrés par l’usage, avec lesquels la conformité est
toujours sous entendue. Mais, pour la plupart des marchandiNON CONFORMITE. PREUVE
�348
ACHATS KT VENTES
ses, le vendeur a le droit, avant de livrer, de procéder à des
manipulations usitées en tant qu’elles sont loyalement prati
quées, dans le but d’améliorer la marchandise soit pour lui
faire atteindre le poids promis, soit pour la dépouiller des
corps étrangers (Mars., 3 novembre 1887, conf,par Aix,lG janv.
1888, blé tendre du Danube).
408. La Cour de Cassation a jugé par un arrêt qui a mis
fin à toute controverse (22 juillet 1878, M. 1880.2.18) que
l’acheteur refusant de recevoir par la raison que la marchan
dise offerte est défectueuse, soulève en réalité une exception
dans laquelle il devient demandeur, et dont il a la charge de
la preuve conformément au principe général : les Cours d’ap
pel et presque tous les tribunaux de commerce se sont ral
liés à cette jurisprudence.
De ce principe découlent, au point de vue pratique, les
plus graves conséquences :
409.1° L’acheteur peut renoncer à se prévaloir des défec
tuosités de la chose. Elles sont parfois de si minime importance
que la bonification allouée ne compenserait pas les ennuis
et les dépenses d’un procès. En outre, dans certaines circons
tances, un acheteur peut avoir intérêt à ménager un vendeur
qui lui fait de longs crédits, accepte des renouvellements, etc.
Donc, bien qu’aucune fin de non recevoir ne soit inscrite
dans la loi, et que l’article 103, ainsi que nous l’avons vu
(supra, 384) soit inapplicable dans les rapports des vendeurs
et des acheteurs, la jurisprudence admet facilement que la
réception sans protestation ne permet plus à l’acheteur de
formuler ultérieurement iine réclamation utile. On présume
en effet que l’acheteur a reconnu ainsi que la marchandise
livrée réunissait les qualités voulues, ou que le défaut ne valait
pas la peine d’une observation et, en principe, toute prise de
livraison sans réserve équivaut à l’acceptation des marchan
dises et la vente devient par ce fait exécutée à l’égard du ven
deur (Gomm. Seine,30 sept. 1905, J.T.G.,56,17039). Une autre
raison vient le plus souvent corroborer cette présomption.
Lorsque l’acquéreur a fait entrer la chose vendue dans ses
magasins, ou bien lorsqu’elle a été transférée à son nom dans
un dépôt public, elle est à sa disposition exclusive. Il peut
�349
l’altérer, la mélanger sans aucun contrôle et sans qu’on puisse
se douter de ces pratiques. Comment donc pourrait-il prouver
que la marchandise au sujet de laquelle il élève une réclamation
tardive est identiquementlamêmoque celle qui lui aété livrée?
Il ne faut donc pas être surpris des sévérités de la juris
prudence vis-à-vis de l’acheteur. Se montrer trop facile pour
lui ce serait bien souvent sacrifier les intérêts les plus res
pectables du vendeur. L’acquéreur d’ailleurs n’a à s’en pren
dre qu’à lui des conséquences d’une réception pure et sim
ple qu’un peu d’attention et de prudence lui aurait fait éviter
(Mars., 27 novembre 1883, M. 83.1.193 ; id., 27 novembre
1884; ib., 85.1.38; id., 27 novembre 1895, conf. par Aix,
22 juin 1895. — Dijon, 25 avril 1865, D. 65.2.115.— Paris,
20 décembre 1872, D. 73.2.183. — Cass., 10 février 1877,
D. S. V° Vente, nu312.) La réception partielle ale même effet
que la réception de la totalité, (Mars., 23 septembre 1903,
conf. par Aix, 19 février 1904, M. 1904.1.14) (*).
4 1 0 . Cette irrecevabilité étant fondée sur la présomption
de l’agrément définitif de l’acheteur cède àla preuve contraire.
En cas de vice caché elle n’est pas opposable (2) à l’acheteur
qui s’est livré à une vérification normale quoique superfi
cielle lorsque le vice dont la chose est infectée ne peut être
révélé que par un examen minutieux, une analyse en dehors
des usages ou même ne peut être connu qu’aprèsun certain
temps (Rouen, 28 avril 1858, M. 58.2.5, Mars., 31 juillet
1874, conf. par Aix, 9 janv. 1875; ib., 75.1.249. — Cass.,
29 mai 1900, D. 900.1.454 ; Cass., 26 avril et 26 déc. 1906.
— D; 1907.1.279. — S. 1906.1.180 — Lyon, 1" juin 1857-,
D. 58.2.20). La Cour de Bordeaux a jugé que la loi du 11 juil
let 1891 interdisant de vendre des vins plâtrés au-dessous de
2 grammes par litre sans avertir les acheteurs par une indi
cation portée sur les fûts en gros caractères et reproduite
sur les factures et lettres de voiture, l’absence de cette indi
cation constitue un vice caché entachant de nullité la vente
■ NON CONFORMITÉ. PREUVIi
(*) C f. supra, effets de la ré c e p tio n en m a tiè re (le v e n te s a u p o id s, n ” 115.
avec d é g u sta tio n , n° 15U ; s u r é c h a n tillo n , n° 173.
ta) C f. supra , n»s 319-385.
�350
ACHATS HT VENTES
des vins ainsi plâtrés et dont l’acheteur peut se prévaloir
en tout état de cause (13 novembre 1900. S. 1907.2.244).
Dans ce cas en effet le réceptionnaire n’a pas pu renoncer
à se prévaloir d’une infériorité qu’il ignorait, ni reconnaître
comme loyale et marchande une chose qxii en était infestée.
Il en est ainsi, a fortiori, si l’acheteur offre de prouver, un
mélange, une adjonction frauduleuse constitutive, soit d’une
tromperie réprimée par les lois des 1" et 6 août 1905 sur les
fraudes dans les ventes de marchandises, les falsifications des
denrées alimentaires et produits agricoles et les fraudes sur
les vins, soit même d’un simple quasi-délit (Lyon et Rouen cidessus. — Aix, 27 mars 1897. — Bordeaux, 11 janv. 1886, D.
89.2.11. — Mars., 21 mars 1888,M. 88.1.211 ; ici., 8 fév. 1899;
ib., 99.1.183. — Angers, 3 fév. 1897, D. 98.2.107. — Cass.,
13 déc. 1904, G. P. 1905.1.28).Mais ilfaut, toujours que l’iden
tité ne puisse être sérieusement contestée.
Si par contre l’identité était certaine, s’il s’agissait par exem
ple de plateaux de bois portant des marques apparentes et faci
les à reconnaître, iln’y aurait pas de raison, en principe, pour
repousser la demande de l’acheteur et l’admettre à prouver
par une expertise le défaut de qualité malgré le fait de la ré
ception (Mars., 29 sept. 1896, Mars., 98.1.5). Les tribunaux
apprécient en toute liberté les circonstances desquelles l’ac
quéreur entend faire découler la preuve que la présomption
qu’on lui oppose n’existe pas (Rouen, 7juillet 1877 et surpour
voi, Cass.,13 mars 1878, D. 78.1.471). (Voyez pour l’échantil
lon frauduleusement composé,supra n° 177).
411.2° L’acheteur ayant à prouver la défectuosité alléguée,
c’est à lui qu’il appartient de provoquer l’expertise (Aix,
11 mars 1889 ; conf. Marseille, 11 déc. 1888,M. 89.1.87 et 90.
1.223). Si l’expertise est impossible ou si une première exper
tise ayant été annulée on ne peut procéder à une seconde,
l’acheteur a commis une faute en n’accomplissant pas le né
cessaire en temps voulu et en conséquence comme il ne peut
fournir la preuve à laquelle il est tenu, doit être condamné à
recevoir et à payer le prix (Arrêt du 11 mars 1889 et encore
Aix, Ch.réun.,21déc. 1892, M.93.1.208. — Mars.,7déc. 1898,
M. 99.1.7 et 25 nov. 1905, M. 1906.1.64). Il en serait ainsi
�351
même au cas où l’acheteur ayant protesté par lettre contre la
qualité, dès l’arrivée de la marchandise n’a pas fait procé
der à la constatation régulière de son état(Paris,16 juin 1888,
J.T.G., 38, 11606). On ne peut opposer à cette jurisprudence
un autre arrêt de Paris du 26 juillet 190i(ié., 54,16431), qui
admet la résiliation contre le vendeur dans une espèce où
l’acheteur semble avoir reçu sans protestation et n’avoir songé
àprélever les échantillons sur lesquels a porté l’expertise que
fcinq jours après la réception. En lisant cette décision, on voit
que les parties s’étaient mises d’accord pour opérer, malgré
la livraison, un prélèvement contradictoire des échantillons
et pour constituer une expertise. Le vendeur avait donc ad
mis l’identité de la marchandise et reconnu en même temps
qu’elle n’avait jamais été définitivement acceptée.
La Cour d’Aix a jugé par deux arrêts du 2 juillet 1901 con
firmant deux jugements rendus par le tribunal de Marseille
le 4 mars précédent que l’acheteur ne fait pas légalement la
preuve vis-à-vis de son vendeur du vice reproché, alors même
que la marchandise ayant été réexpédiée par lui a été saisie à
l’arrivée par la police et détruite en vertu des prescriptions
sanitaires. Ges mesures prises en dehors du vendeur et sans
sa contradiction ne peuvent pas lui être opposées. Pour nous
nous n’acceptons qu’avec réserve cette doctrine : si la mar
chandise avait été réexpédiée sans avoir jamais pénétré dans
les magasins de l ’acheteur, si elle était restée sous les hangards dos compagnies chargées du transport dans des con
ditions impliquant l’impossibilité pour l’acheteur de l’adul
térer, si la durée et les conditions du transport du lieu de
départ au lieu de destination, avaient ôté normales et qu’il
fût impossible d’y attribuer le mauvais état de la denrée, si
enfin l’acheteur-expéditeur ou le destinataire avaient fait
dès l’arrivée toutes réclamations nécessaires auprès des auto
rités compétentes pour éviter la destruction et que ces pro
testations eussent été inutiles, on devrait, paraît-il, décider
qu’il y a là un ensemble de présomptions suffisant pour faire
admettre que la marchandise était contaminée au moment où
le vendeur l’a adressée à son acheteur. Mais la plus légère,
la plus lointaine supposition que la denrée a pu être infecNON CONFORMITÉ. liREUVE
�ACHATS KT VENTES
352
tée en cours de route indépendamment de tout vice propre
préexistant, fermerait la porte à toute réclamation.
412. Le vendeur est souvent représenté au lieu d’arrivée
par un agent qui, sauf démonstration contraire, n’a d’autre
mandat que d’offrir aux négociants delà place la marchandise
dont son commettant peut disposer, d’indiquer les conditions
du marché qu il propose et de transmettre les commandes ou
les offres qu’il reçoit. Sa participation à une expertise irré
gulière, son adhésion à une procédure irrégulière, sa recon
naissance môme d’un défaut de conformité ne peuvent donc
pas être opposées au vendeur (Aix, 6 déc. 1888, M. 00.1.223. —
Marseille, 13 mai 1904; ib., 1904. 1. 264. — Nantes, 22 janv.
1887, R.D.iVI.,2,693) (l). Maissile représentant, excédant son
mandat, adonné un certificat constatant le mauvais état de la
marchandise, il ne suffira pas au tribunal pour écarter cette
attestation de déclarer qu’elle émane d’un mandataire sans
qualité, il devra indiquer pourquoi elle lui paraît inopérante
(Cass., 4 juin 1891, U. 91.1.135). En effet, les affaires commer
ciales peuvent toujours être jugées d’après les présomptions,
et un certificat quelconque pouvant suffire à former la con
viction du juge, il faut que celui-ci se prononce sur la valeur
de ce document en lui-même : quelque peu sérieux qu’il lui
paraisse, il est tenu de s’en expliquer.
C’est en vertu de la même règle qu’il a été jugé qu’une ex
pertise nulle, ou aux opérations de laquellele vendeur n’apas
pu être appelé, peut être consultée par le tribunal à titre de
renseignements et est par conséquent opposable au vendeur
à la seule condition que les renseignements qu’on y puise pa
raissent corroborés parles autres documents du procès (Cass.,
29 mars 1876, D. 76. 1.489. —Grenoble, 17 fév. 1893, D. 93.
2. 295. — Aix, Ch. réunies, 21 déc. 1392, M. 93. 1. 208). On
pourrait reprocher à cette jurisprudence aujourd’hui bien
assise qu’elle tourne la loi, on supprimant toutes les garan
ties qu’elle a voulu donner aux parties à propos des expertises.
412 bis. Ainsi que nous l’avons vu à propos de la vente càf
( j i ° 284), l’expertise doit en principe avoir lieu à l’endroit où
O II p o u rra it en ê tre a u tre m e n t du c o m m issio n n a ire ,
supra n" 285
�353
la marchandise est livrable. Le vendeur eu effet s’il l’a sti
pulée livrable à son domicile, est toujours considéré comme
s’étant référé aux usages du lieu d’expédition ; de même l’a
cheteur en exigeant qu’on livrât chez lui est présumé avoir
entendu que les difficultés, s’il s’en élevait, seraient appréciées
suivantles habitudes de sa place (Voir notamment Aix,4 mars
1890, conf. Marseille, 18 juin 1895, M. 1895.1.251 et 1896.1.
250). Mais dans la pratique, lorsque les tribunaux du lieu de
l’arrivée sont légalement saisis, ils choisissent souvent leurs
experts habituels en leur donnant pour mandat de recher
cher les usages du lieu du départ.
413. Il importe à laloyauté commerciale d’interpréter avec
une rigueur nécessaire les clauses d’un marché à l’aide des
quelles un négociant peu scrupuleux pourrait avoir en vue
de manquer à ses engagements. C’est ainsi que la qualité loyale
et marchande est toujours sous-entendue et fait la base néces
saire des transactions (Havre, 29 juil. 1890,R.D.M.,6, 428.—
Rouen,6fév. 1895,R. D.M.,11,36).Par exemple dans une vente à
livrer la clause « qualité telle quelle» ou «refusable en aucun
cas » n’empêche pas l’acheteur de réclamer une marchan
dise qui soit toujours loyale et marchande et, à plus forte rai
son, de refuser un chargement frauduleusement composé.
414. Lorsque la marchandise est livrable au domicile du
vendeur, celui-ci est en droit d’obliger l’acheteur sous peine
de résiliation à l’y venir agréer avant le départ ou à la faire
agréer par un mandataire dûment autorisé (Marseille, 20 sept.
1902, M. 1903. 1. 12). Mais s’il n’use pas de ce droit, l’ache
teur est encore recevable à exciper du défaut de qualité à
l’arrivée (Mars., 9déc. 1890,Mars., 91.1. 58). La livraison sti
pulée au domicile du vendeur n’en a pas moins une grande
importance. Elle met les risques à la charge de l’acquéreur
et sert à fixer le tribunal compétent. (Voir supra, n° 283,1a
différence entre la réception et l’agrément).
415. Le paiement du prix de la manière et au temps con
venu est pour l’acheteur une autre obligation non moins capi
tale.
La question de savoir où doit se faire le paiement a une im
portance réelle au point de vue du tribunal devant lequel ceAGRÉMENT
A chats et ventes
23
�354
ACHATS ET VENTES
paiement peut être poursuivi. On sait que l’article 420 du Code
de procédure civile attribue juridiction au juge du lieu où le
paiement doit être effectué. Sous ce rapport donc il n’est pas
inutile d’entrer dans quelques détails que nous renvoyons au
chapitre suivant pour ne pas scinder notre commentaire de cet
article.
416. Le refus ou le défaut de paiement du prix laisserait la
vente sans la contre-valeur qui en caractérise l’essence. Il était
donc naturel et juste de permettre au vendeur, soit de se refu
ser à tenir son engagement, soit à revenir contre l’exécution
qu’il lui aurait déjà donnée. C’est ce que consacre l’article 1654
du Code civil.
On a prétendu que cet article ne disposait que pour la vente
immobilière; que, par conséquent, on ne pouvait l’appliquer
aux ventes mobilières, et à plus forte raison aux transactions
commerciales. Mais cette prétention a été à bon droit repous
sée par la doctrine, condamnée par la jurisprudence (Troplong,
n“ 645, Paris, 18 août 1829 et 20 juil. 1831 ; D. R. v° Vente,
nos 1335 et 1338).
417. Ce qui est vrai, c’est que dans la vente commerciale
la résiliation ne sera pas toujours possible. Son effet étant de
faire rentrer le vendeur dans la possession de la chose dont il
s’est dessaisi, son exercice suppose nécessairement l’existence
intacte et distincte de celle-ci entre les mains de.l’acheteur.
Or, comment rencontrer cette condition, lorsque la chose
vendue, déterminée seulement par l’espèce et la quantité, est
venue se mêler et se confondre dans les magasins de l’acheteur
avec les choses de même nature qui y étaient déposées? Rési
lier la vente avec les conséquences que la mesure entraîne
serait donc autoriser le vendeur à s’introduire dans le magasin
de l’acheteur, et à prendre sur le tas de ses marchandises une
quantité de mesures égales à celle qu’il a livrée, alors même
que par le mélange la chose vendue eût doublé de valeur. Un
pareil résultat pourrait-il raisonnablement se concevoir ?
418. La résiliation serait plus impossible encore si, ayant
acheté pour revendre, le commerçant avait en effet revendu;
celui qui tiendrait de lui les marchandises, ne pourrait en être
dépouillé par le vendeur primitif non payé. Vainement lui
�355
opposerait-on la maxime resoluto jure dantis, resolvitur et jus
accipientis, les meubles n’ont pas de suite, et leur revendica
tion contre le détenteur actuel n’est autorisée qu’en cas de
perte ou de vol.
Donc, dans nos hypothèses, le vendeur primitif non payé n’a
évidemment que l’action en paiement contre son acheteur, non
qu’il ne fût fondé à demander la résiliation, mais parce que
son action à cet effet serait sans issue possible, et que la resti
tution ordonnée par j ustice ne pourrait être contrainte, la chose
ayant été dénaturée ou étant régulièrement sortie des mains de
l’acheteur.
Mais toutes les fois qu’on ne se trouvera pas en présence de
ces difficultés, l’article 1654 sera parfaitement applicable.
Supposez, en effet, que la chose vendue, reposée dans un ma
gasin dont le vendeur a remis les clefs, n’ait pas encore été
enlevée, la résiliation devant empêcher tout enlèvement ulté
rieur, son utilité et par conséquent le droit de la faire pronon
cer ne sauraient être ni méconnus, ni contestés.
Il en serait de même si la chose vendue n’avait pas encore
été livrée ou ne l’avait été que partiellement. La résiliation,
dans ce dernier cas, si elle ne pouvait déterminer la restitution
des livraisons consommées, dispenserait de l’obligation de
réaliser celles restant à faire, et rendrait au vendeur la libre
disposition des choses devant en faire l’objet, sans préjudice
des dommages-intérêts qui pourraient lui être dus.
419. A l’impossibilité de fait de la résiliation de la vente
commerciale pour défaut de paiement du prix dans la plu
part des cas lorsqu’il y a eu livraison, èe joint une impossi
bilité de droit, lorsque ce défaut de paiement est le résultat
de la faillite de l’acheteur, [supra, nos 368-369). La résilia
tion, dans ce cas, serait une véritable revendication. Les motifs
qui ont fait repousser celle-ci feraient donc nécessairement
repousser celle-là, soit que les marchandises fussent dans les
magasins du failli, soit qu’elles se trouvassent dans ceux du
commissionnaire chargé de les vendre.
420. Le bénéfice de l’article 576 du Code de commerce est
acquis aux ayants droit dès qu’il y a déconfiture et cessation
de paiements. L’absence d’un jugement déclaratif de faillite ne
PAIEMENT DU PRIX
�3o0
ACHATS ET VENTES
créerait aucun obstacle au rejet delà demande en résiliation.
On le sait, en effet ; ce qui constitue la faillite, c’est la ces
sation des paiements que ce jugement ne fait que constater.
Aussi, est-il admis en doctrine et en jurisprudence que l’ab
sence de jugement déclaratif ne lie en aucune manière les tri
bunaux civils ou criminels, ils peuvent et doivent au contraire
appliquer les règles spéciales de la faillite lorsqu’ils recon
naissent et constatent la cessation de paiements.
421. L’opinion contraire pourrait invoquer un arrêt de la
Cour de Paris du 20 juillet 1831, qui admet Ja résiliation par
iaraison que la faillite n’avaitpas été judiciairement déclarée.
Comme principe, cet arrêt ne saurait être ni approuvé ni
suivi, il constate lui-même que le débiteur avait abandonné
son domicile. Or, de tous les temps cet abandon a dû être et a
été considéré comme l'indice le plus formel de l’état de fail
lite.
Ce qui explique jusqu’à un certain point la solution qu’il
consacre, c’est la qualité des parties litigantes. Un seul
créancier contestait la résiliation comme délégataire du prix
que devait produire la revente des marchandises à l’occasion
desquelles la résiliation était poursuivie.
Or, le tribunal avait déclaré que cette délégation n’était pas
sérieuse et avait été faite en fraude des droits du vendeur ; et
la Cour ajoutait que dans tous les cas on n’avait pas à s’en
occuper, puisqu’elle ne pouvait être acquittée que sur le prix
de la revente, qui ne pouvait avoir lieu par suite de la rési
liation.
Ce créancier ainsi écarté, et la résiliation n’étant contestée
par aucun autre, on comprend sa consécration, mais ce que
nous ne saurions admettre, c’est l’inapplicabilité de l’arti
cle 576, en l’absence d’un jugement déclaratif. Cet article, en
effet, dispose pour le cas de faillite, et celle-ci ne saurait être
contestée dès qu’il y a cessation de paiements.
Un autre arrêt de la même Cour, du 18 août 1829, admet et
consacre la résiliation, malgré que la faillite eût été judiciai
rement déclarée.
Il s’agissait dans cette espèce d’un fonds d’hôtel garni, et la
Cour déclarait que l’acheteur était déjà en état de complète
�357
insolvabilité au moment de la vente, elle la résilie donc par
infirmation du jugement qui avait refusé de le faire.
Le silence que le Code de commerce gardait sur le privilège
du vendeur d’un meuble incorporel non payé pouvait sembler
en permettre la consécration. L’article 550 de la loi de 1838
en interdit désormais toute possibilité, lîn refusant expressé
ment non seulement la revendication, mais encore tout privi
lège, le législateur n’assigne au vendeur non payé, après fail
lite de l’acheteur, que la position et les droits d’un créancier
ordinaire.
En réalité donc la résiliation, en la supposant possible en
fait, ne peut être poursuivie que contre l’acheteur personnel
lement, et pendant qu’il est integri status. Sa déconfiture, ju
diciairement déclarée ou non, ne laisse au vendeur que l’ac
tion en paiement du prix, et le soumet, quant à ce paiement,
à la loi que subiront tous les autres créanciers. Ces derniers,
pour déterminer ce résultat, u’ont à établir que la cessation
de paiements en fait.
422. On pourrait objecter que les conséquences de ce sys
tème arrivent à faire de la résiliation un droit plutôt apparent
que réel, puisqu’il en rend l’exercice impossible. En effet, le
commerçant qui ne paye pas le prix de ce qu’il a acheté est
en état de cessation de paiements, et le vendeur sera non
recevable à agir, précisément au moment où il est appelé à
le faire.
C’est ce qui a donné naissance à l’opinion que nous indi
quions tout à l’heure, l’inapplicabilité de l’article 1054 à la
vente commerciale. Cette disposition, a-t-on dit, ne concerne
que la vente immobilière, car elle n’a d’efficacité que pour
ce qui la concerne. Tant que l’immeuble vendu existe, la rési
liation, à défaut de paiement du prix, ne saurait rencontrer
aucun obstacle sérieux. On comprend donc que la loi se soit
uniquement et exclusivement préoccupée de ce cas.
423. Cette opinion, nous l’avons dit, n’a été admise ni en
doctrine ni en jurisprudence. L’impossibilité d’application de
l’article 1054 aux ventes commerciales qui en fait la base
n’est pas absolue et ne se réalisera pas dans tous les cas, Le
refus de payer le prix peut tenir à tout autre chose qu’à l’inPAIEMENT DU PUIS
�358
ACHATS ET VENTES
solvabilité absolue, il peut être déterminé par des difficultés
sur le caractère ou la nature de la vente, sur le mode de son
exécution, sur une g'êne passagère. Dans ce cas, ou les pré
tentions de l’acheteur sont fondées, et la résiliation réclamée
par le vendeur serait repoussée, ou ces prétentions seront
condamnées, et la résiliation sera la juste peine d’une résis
tance illégale.
Il est encore une hypothèse où la faillite, même judiciai
rement déclarée, ne créerait aucun obstacle à la résiliation,
par exemple, si la vente étant à livrer, l’époque de la livraison
avait été échelonnée à des termes divers.
Le vendeur non recevable à faire résilier le contrat pour les
livraisons déjà opérées serait fondé à se faire exonérer de l’obli
gation de réaliser les livraisons futures. La masse elle-même
ne saurait résister à la résiliation qu’en offrant, soit une cau
tion, soit le paiement intégral non seulement de tout ce qui
resterait à livrer, mais encore de tout ce qui l’a été avant la
faillite.
On ne saurait en effet scinder le contrat : refuser le paiement
pour une partie, l’accorder pour une autre ; le vendeur se re
trancherait avec raison derrière son indivisibilité, et sa pré
tention de le faire exécuter pour le tout ou d’en faire pronon
cer la résiliation ne pourrait être raisonnablement repoussée.
C’est le cas ou jamais d’appliquer la fameuse devise : Sint ni
sunt, aut non sint.
424. La déconfiture, qui tout à l’heure nuisait au vendeur,
tourne ici à son avantage, elle lui assure ou l’exécution entière
du contrat, ou la disposition des quantités restant à livrer, et
par conséquent, en cas de hausse, le moyen de réaliser un bé
néfice qui atténuera d’autant la perte qu’il a à subir sur le prix
des livraisons déjà opérées.
Le même avantage se produit pour le vendeur à un autre
point de vue. Nous avons déjà dit que la déconfiture notoire
de l’acheteur l’autorise, s’il n’a pas encore livré, à refuser de
le faire, à moins d’un paiement immédiat ou d ’une caution sol
vable, malgré le terme qu’il a accordé. La résiliation de la
vente qui serait la conséquence forcée du refus de l’un ou de
l’autre, même contre la masse des créanciers, le met à couvert
�359
du préjudice que pourrait lui occasionner la déconfiture ou la
faillite de l’acheteur.
425. Au reste, il enest de la résiliation pour défaut de paie
ment du prix, comme de celle pour refus de retirement, elle
est exclusivement en faveur du vendeur, qui ne saurait jamais
être contraint à en poursuivre ou à en subir les effets. Il n’a
d’autre règle à suivre que son interet et ses convenances, il
peut donc demander l’exécution puro et simple du contrat,
faire condamner l’acheteur au paiement du prix, et l’y con
traindre sur sa personne et sur ses biens.
Il peut, si la chose vendue est encore en sa possession, en
faire ordonner ou le dépôt en mains tierces, ou la vente aux
enchères, aux risques et périls de l’acheteur ; et dans ce dernier
cas, retenir le produit de la vente en compensation du prix,
sauf à se faire indemniser de la différence en moins entre l’un
et l’autre.
Cette différence est due même on cas de résiliation, elle cons
titue alors les dommages-intérêts pour l’inexécution du con
trat. Elle se calculerait sur le prix convenu et le cours officiel
du jour de la résiliation.
426. Le prix doit être payé en la monnaie stipulée, or, ar
gent ou papier. Si les parties sont convenues d’un paiement
en espèces monnayées àl’étranger, livres sterling, marks, lires,
dollars, etc., l’acheteur sera astreint à fournir non pas la mon
naie même qui a été précisée, mais un nombre de pièces d’or
ou d’argent françaises représentant exactementla somme cal
culée en monnaie étrangère (R. p. 113). On devrait déclarer
nulle toute convention excluant des billets dont le cours en
France aurait été déclaré forcé (Aix, 23 nov. 1871, D.72.2.51).
Dans la pratique le prix est ordinairement payé au moyen
de valeurs négociables —: lettres de change acceptées,billets
à ordre régulièrement souscrits ou endossés— à des échéan
ces variant de trente à quatre-vingt-dix jours. L’acceptation
de ce mode de règlement n’emporte pas novation et, en cas de
non-paiement à l’échéance, le vendeur conserve tous les avan
tages que la loi peut lui accorder à ce titre, à moins, bien en
tendu, que la créance n’ait été régulièrement passée en compte
PAIEMENT DU PUIX
�360
ACHATS 10T VENTES
courant; elle devient alors un article de ce compte dont la ba
lance seule pourra être réclamée (R. p. 115).
427. Lorsqu'aucune convention n’a fixé le délai dans lequel
la marchandise serait payée, on applique les dispositions des
articles 1247 et 1651 du (iode civil; donc, en principe, le paie
ment doit se faire au moment de la délivrance « argent sur
balle». Mais l'usage de presque toutes les places de commerce
donne à l’acheteur un court délai qui à Marseille est de dix
jours. Sur d’autres places les délais, à défaut de stipulations
contraires, varient suivant la nature des marchandises. En
matière de vente de fonds de commerce,on ne paie ordinai
rement qu’après huit (Marseille) ou dix jours (Paris). Ces sor
tes de ventes sont en effet suivies d’habitude de publications
ayant pour but de laisser aux créanciers du vendeur un certain
temps pour notifier des oppositions (B.L.S.,nos 497-498).
Mais dans toutes les ventes si la clause « paiement comp
tant» avait été insérée au contrat, l’acheteur ne serait pasfondé
à prétendre qu’on s’en est référé à l’usage, et la clause doit
être appliquée rigoureusement(Marseille,9 février 1898 con
firmé par Aix, 17 novembrel899 et 17 janvier 1908, M. 908.1.
172, suprà, n° 368). Si cette clause est muette sur l’escompte,
il faudra décider que les parties s’en sont rapportées sur ce
point à l’article 9 de la loi de 1866 (précisant que dans les
ports de mer toutes les marchandises autres que les articles
manufacturés se vendent sur le pied de 2 0/0 d’escompte au
comptant, et lorsque le vendeur consent à convertir tout ou
partie de l’escompte en terme, il se règle à raison de 1/2 0/0
par mois), et là où la loi de 1866 n’est pas applicable, aux
usages de la place. La loi n’a parlé que des ports à cause de
la multiplicité et de la variété des usages dans les villes de
l’intérieur.
427 bis. À quel jour doit être fixé le cours du jour sur lequel
doit être basé le calcul de la différence à payer par l’une ou
l’autre des parties en cas de résiliation ? La partie au profit
de qui elle sera prononcée aura le choix de prendre la date
de la mise en demeure ou de la citation en justice, suivant
Celle qui lui sera la plus profitable. (Cf. supra, nos 240 et
273).
�PREUVE UE LA VENTE
361
SECTION V
DE LA PREUVE DE LA VENTE
DD TRIBUNAL COMPÉTENT
SOMMAIRE
428. L’écrit n’a jamais été requis pour la validité de la vente en
principe. Droit ancien. Quid s’il en a été dressé un ? Non
application de l’article 1325 du Code civil.
429. Caractère du bordereau de l’agent de change ou courtier.
430. Ses effets sous le droit ancien.
431. Le Code ne lui reconnaît le caractère de preuve que s’il est
signé par les parties. Ses motifs. Discussion au Conseil
d’Etat.
432. L’absence de signature n’annule pas nécessairement la vente.
433. La signature n’est requise qu’en tant qu’il n’y a pas eu encore
livraison.
434. L’acceptation de la facture prouve la vente.Motif du silence
gardé sur l’acceptation de la marchandise.
435. Exception si celui qui la reçoit ne doit agir que comme com
missionnaire.
436. De quoi résultera la preuvequ’il n’areçu qu’en cette qualité.
437. Influence de la stipulation et de la concession d’un dû croire.
438. Effet de l’envoi de la facture contre le vendeur.
439. La vente peut être prouvée par la correspondance. Son effi
cacité.
440. Le vendeur est-il toujours tenu de produire l’original de
l’acceptation ?
441. Explications diverses du défaut de réponse :
La partie qui reconnaît avoir reçu la lettre non répondue est
toujours liée.
Il en est de même si prétendant n’avoir pas reçu la lettre,
celle-ci est confirmée par la correspondance ultérieure,ou
ei, étant la dernière, elle a été transcrite régulièrement au
copie de lettres de l’expéditeur,
442. Article 420 du Code de procédure civile. Tribunal compé
tent pour résoudre les litiges possibles.
�302
ACHATS ET V EN TES‘
443. Est-il applicable en cas de dénégation du marché par l’une
des parties ? Non si la dénégation est sérieuse. Litispen
dance.
444. Conditions de la compétence lorsque l’article 420 est appli
cable.
445. Lieu de la promesse et de la livraison.
A).— Promesse.— Marché par correspondance.
446. Marché traité par commis-voyageur.
447. B). — Livraison. — Si la convention est nulle on applique
l’article 1247 du Code civil. Clause « rendu parité ». Mar
chandises voyageant aux risques de l’acheteur. Clauses
« livrable sous vergues, franco à bord, sur wagon départ,
livrables au débarquement, livrables à quai, livrables aux
docks, poids, étal sain garanti à Vembarquement ».
447j&Ês.La promesse et la livraison doivent-elles avoir lieu dans la
même ville ou dans la même circonscription judiciaire ?
448. C). — Lieu du paiement. — Quid au cas de silence de la
convention ?
448-450. Quid si le vendeur livre sans exiger le prix?
451 . Applicabilité de l’article 1247 aux ventes à terme.
452. Indications de la facture. Elles lient l’acheteur qui n’a pas
protesté.
453-454-455-456-457-458. Examen de la jurisprudence.
459. Si la facture mentionnant le paiement chez le vendeur
annonce l'émission d’une traite, cette indication n’est pas
dérogatoire.
460. Les mentions de la facture n’annulent pas la clause du con
trat antérieurement consenti fixant le lieu du paiement.
461. Protestation de l’acheteur seulement à l’arrivée de la mar
chandise. Distinction.
462. Raison d’être de la jurisprudence favorable au vendeur.
463. En cas de vente au comptant on applique l’article 1651 du
Code civil.
464. Mesures d’instruction. Tribunal compétent.
465. La preuve de la vente s’induit des livres des parties.
466. Pouvoirs du juge à cet égard.
467. Utilité de cette mesure.
468. Quels sont les livres dont on peut demander la représenta
tion ?
469. La preuve testimoniale esl-elle admissible dans l’achat et la
vente entre un commerçant et un non commerçant ?
�PREUVE DE LA. VENTE
363
470. Le non commerçant qui a d’abord opté pour une juridic
tion, peut il plus tard investir l’autre ?
428. En la forme la vente n’a jamais exigé l’écriture. Si à
l’origine la question avait paru douteuse en matière civile à
cause des termes de l’article 1582, l’article 109 par contre est
très clair. Il met la preuve par témoins au même rang que la
preuve littérale, acte authentique ou privé, en laissant au tri
bunal la faculté d’apprécier si elle doit ou non être déclarée
admissible. D’ailleurs en matière commerciale la preuve testi
moniale est de droit commun;les restrictions de l’article 1341
du Code civil sont ici inapplicables et le tribunal, sauf dans
quelques cas exceptionnels, peut toujours ordonner une en
quête. On peut donc lui demander d'entendre des témoins
même lorsqu’on ne produit aucun commencement de preuve
par écrit, quelle que soit la somme en litige, et même s’il
s’agit de prouver outre et contre le contenu aux actes (R. p. 239 ;
L.R.t.3,n° 78; Paris,13 juin 1894,M.95.2.29. — Cass.,11 juil
let 1892 et 3 mars 1894, S. 92.1.508 ; 94.1.413. Cass., 25 nov.
1903. D. 1904.1.183)(‘). De mômelorsqu’un écrit a été dressé,
il n’est pas nécessaire pour qu’il soit accepté comme preuve
qu’il réunisse toutes les conditions requises en matière civile,
il pourrait, par exemple, n’avoir pas été dressé en double
contrairement aux prescriptions de l’article 1325 du Code
civil.
Mais dans la pratique, surtout lorsqu’il s’agit de marchés à
livrer, de ventes maritimes, il est bien rare que les parties
n’écrivent pas leurs accords à double original, chacune gar
dant un exemplaire ; quant à l’acte notarié, il n’est jamais
employé. Sauf en matière de ventes de fonds de commerce—
et encore bien exceptionnellement — il ne nous en a jamais été
soumis. S’il en était pourtant passé un, et que les formes requi
ses pour sa perfection n’eussent pas été observées, sa nullité
n’aurait aucune influence sur la vente elle-même. L’acte nul
comme acte authentique vaudrait comme acte sous seing privé
( 1) Saul' b ien e n te n d u le c a s où il s ’a g ira it de p ro u v e r c o n tre les m e n tio n s d ’u n
a c te a u th e n tiq u e n e p o u v a n t ê tre a tta q u é e s q u e p a r l’in sc rip tio n de fau x .
�364
ACHATS IÎT VENTES
s'il étaitsigné parles parties (art.1318,C. civ.jet, à défaut, le
contrat pourrait être prouvé par l’un des modes autorisés par
l’article 109.
429. L’article 109 admet comme preuve de la vente le bor
dereau ou arrêté d’un agent de change ou courtier.
C’est qu’en effet la vente n’est pas toujours convenue direc
tement par les parties. Bien souvent elle aura été conclue par
l’intermédiaire légal ouconventionnelà qui ce soin est attribué.
Pour la vente et l’achat des effets publics, tout se passe
entre agents de change, sans que les parties se connaissent
entre elles. Il n’en est point ainsi des marchandises. Si la con
clusion du marché peut être convenue par les courtiers, l’exé
cution ne peut être que le fait des parties qui seules sont
appelées à la consommer. Or, il était facile de prévoir que
cette exécution demandée par l’un,refusée par l’autre,met
trait en question l’existence de la vente.
Il était donc naturel de demander la solution de la diffi
culté à l’officier public ou au mandataire par le ministère
duquel l’opération s’était traitée.
430. Mais quel devait être le caractère du bordereau déli
vré par l’agent de change ou le courtier ? Fallait-il le con
sidérer comme faisant foi par lui-même de l’existence de la
vente en faveur ou contre les parties ?
Le caractère public de ces intermédiaires avait paru, sous
notrë ancien droit, devoir faire admettre l’affirmative. En
conséquence, un arrêt du conseil, du 24 septembre 1734,
déclarait que les agents de change ayant foi et serment en jus
tice, leurs livres faisaient preuve des négociations dont ils
s’étaient mêlés. Get arrêt était devenu le droit commun de la
matière.
431. Dans la préparation du Code de commerce, la com
mission avait cru devoir suivre ces errements, elle proposait,
en conséquence, la consécration et le maintien de ce droit.
Le commerce, presque unanime,repoussait cette proposition
dont il signalait les inconvénients et les dangers ; il dépen
drait d’un agent de change ou d’un courtier, disait-on de toute
part, de ruiner un commerçant, s’il voulait abuser du pouvoir
qu’on propose de lui donner;il pourrait s’entendre avec un
�305
prétendu acheteur et consacrer les marchés les plus ruineux,
si son témoignage était admis comme preuve irrécusable.
Outre qu’il est dangereux,il est encore injuste que ce témoi
gnage d’un intermédiaire puisse devenir une preuve juridique,
il ne peut être admis s’il y a dénégation du marché ; il peut
l’être seulement lorsque la contestation ne porte que sur les
conditions du marché (l).
Touchée de ces objections, la commission modifia le projet
et proposa de n’accorder foi au bordereau que lorsqu’il
serait revêtu de la signature des parties.
Mais cette modification souleva une vive discussion au Con
seil d’Etat. MM.Merlin et Jaubertlui reprochaient : 1° de déna
turer le ministère des courtiers, puisque le marché ne se con
sommerait plus par eux, et que les parties auraient la faculté
de se rétracter;2° de rendre inutile l’obligation détenir des
livres de suite et sans blancs suffisants pour déjouer la fraude;
3° enfin d’être impossible là où il y a un grand mouvement
d'affaires.
MM. Régnault de Saiut-Jean-d’Angely et Cambacérès ap
puyaient la proposition de la commission, en opposant les
dangers signalés par le commerce qui devaient résulter du
rejet de la condition. Sur leurs observations, la nouvelle
rédaction fut maintenue et devint le droit commun (a).
Ainsi, le bordereau du courtier ne fait preuve de la vente
que si les parties l’ont respectivement signé ; il semble dès
lors que l’exigence de cette condition dispensait le législateur
de s’en expliquer,car le bordereau signé parles parties est
moins une attestation, un témoignage, qu’un véritable acte
de vente, dont les signataires ne pourraient récuser l’autorité.
Mais le silence de la loi eût pu autoriser la prétention de
voir, dans le bordereau émané exclusivement du courtier, la
preuve de la vente, et comme le législateur ne l’entendait pas
ainsi, il a voulu prévenir toutes difficultés en formulant et
précisant sa pensée.
PRKUVIi DK LA VKNTI5
4 3 2 . L’absence de la signature des parties sur le bordereau
cn tra în e-t-elle fatalem ent le rejet de la prétention fondée sur
( ’) Analyse raisonnée des observations des I r i h p. 4 t.
( 2) P ro c è s -v e rb a l du 20 ja n v ie r 1807, n oS 33 e t su iv . L o c ré , t . 17, 241.
�366
ACHATS ET VENTES
l’existence de la vente, de telle sorte que les juges ne puis
sent reconnaître celle-ci, et en prescrire l’exécution ?
L’affirmative méconnaîtrait la pensée du législateur et irait
au delà de son intention. Son but unique, comme l’exprimait
le prince archichancelier, a été de proscrire toute règle ab
solue, liant tellement le juge qu’il ne lui serait plus permis
d’écouter et de suivre les inspirations de sa conscience, les
exigences de l’équité.
Il s’en rapporte donc dans cette circonstance, comme dans
toutes les hypothèses où il s’agit d’une question de fait, à son
appréciation souveraine. De là l’ensemble de l’article 109 fai
sant une si large part dans la détermination des éléments de
cette appréciation; d’ailleurs, l’admissibilité de la preuve tes
timoniale entraîne celle de la preuve par présomptions. Donc,
si indépendamment du bordereau non signé par les parties,
il en existe de graves, précises et concordantes, comprendraiton que le juge dût les méconnaître et en récuser l’autorité?
Ainsi, l’irrégularité du bordereau n’a pas d’autre résultat
que celui-ci. La signature des parties lui eût donné le carac
tère de preuve positive, l’existence de la vente en eût été la
conséquence immédiate, forcée, sans qu’il fût nécessaire de
fournir d'autre preuve à l’appui.
L’absence de signature lui enlève toute force probante.La
vente reste en l’état dépuré allégation de lapart de celui qui
s’en prévaut, il sera dès lors obligé de l’établir par tout autre
mode de preuve admis par l’article 109, notamment par la
preuve testimoniale.
La partie pourra donc en appeler au témoignage de l’in
termédiaire qui a négocié le marché, tout au moins étayer la
sincérité du bordereau sur des présomptions ou des preuves
extrinsèques, et si les circonstances donnent au juge la con
viction de la réalité et de la sincérité de l’opération, son de
voir sera d’en reconnaître et d’en constater l’existence; d’en
ordonner l’exécution (Orléans,31janvier!817,D. Rép., v° Vente
102-1°). Il a été aussi jugé, dans cet ordre d’idées, que le
bordereau de l’agent de change par qui une opération de
bourse a été conclue peut, bien que non signé par la partie
intéressée, fournir contre celle-ci une présomption suffisante
�367
pour justifier de l’existence et des conditions de cette opé
ration (Cass., 16 juin 1884 ; D. 86.1.153 et la note). La
jurisprudence décide néanmoins que le courtier ne pourra
pas être entendu en qualité de témoin (Douai, 21 avril 1878,
M.80.2.7). Si une partie le met en cause à l’effet de lui défé
rer le serment décisoire, le juge devrait ne pas s’y arrêter;
il devrait se borner à constater qu’il n’y a là qu’un moyen
d’éluder la prohibition et refuser la délation du serment (Mars.,
9 février 1881 et 28 avril 1896, M. 81.1.101 et 96.1.190).
433. M. Défermon proposait de n’exiger la signature des
parties sur le bordereau que lorsqu’il n’y a pas eu encore li
vraison, car, disait-il, il ne faut pas que le bordereau irrégulier
puisse détruire la vente.
Cela était si naturel et s’induisait tellement du fait, qu’on
n’avait pas à l’exprimer dans la loi. Lorsque la chose vendue
a été livrée d’un côté, reçue de l’autre, à titre de vente, il ne
peut plus s’agir du plus ou moins de régularité du bordereau.
La preuve delà vente qu’on voudrait y chercher ne résulte-telle pas de l’exécution qui lui a été donnée ?
Le réceptionnaire prétendra-t-il qu’il ne s’est agi que d’une
consignation ou d’un dépôt? Son allégation ne pourrait être
accueillie que s’il en prouvait la réalité et la sincérité. Il est
difficile d’admettre qu’une opération de cette naturelle laisse
pas quelques traces, soit dans la correspondance, soit dans le
caractère des précédentes relations, soit dans les énonciations
delà facture accompagnant l’envoi, ou l’ayant précédé ou suivi.
434. La loi fait résulter la prouve de la vente de l'accep
tation de celle-ci, soit, en pratique, de sa réception sans
protestation. L’on pourrait s’étonner qu’elle n’ait pas atta
ché le même effet àcellc de la marchandise. Mais cela s’expli
que par la nature des choses, par le désir de prévenir la
fraude.
Supposez un envoi en consignation ou en dépôt. Une baisse
considérable venant à se réaliser, l’expéditeur aurait pu vou
loir faire considérer l’opération comme une vente, en consé
quence, adresser une facture dans ce sens après l’arrivée do
la marchandise aux mains du destinataire.
Si la réception de celle-ci avait été considérée comme
PREUVE DE LA VENTE
�3(38
ACHATS HT VHiNTES
preuve de la vente, ce destinataire se trouverait acheteur avant
d’avoir été mis en demeure de protester contre cette qualité,
et de donner à l’opération son véritable caractère.
Cette mise en demeure, en effet, ne peut résulter que delà
réception de la facture. Ses indications divulguent les pré
tentions de l’expéditeur et, en donnant le moyen de le con
tredire, en imposent le devoir.
Celui, en effet, qui n’a rien acheté et à qui on vient dire, je
vous ai vendu telle chose, ne saurait hésiter. La vue de la mar
chandise annoncée et expédiée ne lui révélera pas l’inexis
tence du contrat, il n’a donc pas à l’attendre.
On conçoit jusqu’à un certain point la conduite contraire
lorsqu’il s’agit du mode d’exécution à donner à une vente cer
taine et reconnue. iMais si son existence est déniée, la qualité
plus ou moins avantageuse de la marchandise est fort indif
férente. Qu’importe, en effet, que la marchandise expédiée
soit bonne ou mauvaise, lorsqu’enfait le destinataire n’a rien
demandé, rien acheté ? Or, comment pourra-t-il le prétendre
si, recevant facture à un achat qu’il ne pouvait même soup
çonner, il ne s’empresse de réclamer de protester immédia
tement et en quelque sorte courrier par courrier? S’il garde
le silence jusqu’à l’arrivée des marchandises, le refus qu’il en
ferait constituerait une difficulté sur l’exécution du contrat,
mais ne saurait annuler l’effet de la reconnaissance tacite de
son existence, résultant de la réception de la facture sans ré
clamation ni protestation.
435. Cette règle estsusceptible d’être modifiée par lanature
réelle de l’opération, par la qualité des parties.
Le commissionnaire à la vente, quoique agissant ensonnom
personnel, n’en estpas moins un simple mandataire àl’égard
de son commettant. Or, il arrive souvent que celui-ci, qui
ignore au moment de l’expédition des marchandises quels en
seront les acheteurs, les facture simplement au nom du com
missionnaire, qui paraît ainsi un acheteur ordinaire.
Pourra-t-il, la baisse Survenant, lui attribuer cette qualité
et l’induire de l’acceptation de la facture ? Non évidemment,
car ce serait l’autoriser à dénaturer le contrat ; non encore,
parce que l’acceptation de la facture de la part du commis-
�ÜG9
sionnaire n’a été et n’a pu être que l’exécution donnée à la mis
sion qui lui était confiée.
436. Mais on comprend que la réalité de cette mission doit
être acquise ou prouvée par celui qui en allègue l’existence.
S’il est rationnel et juste que le commissionnaire ne puisse
être réputé acheteur, au gré de l’intérêt du commettant, Userait
inique que l’acheteur pût à sa convenance répudier cette qua
lité et se parer de celle de commissionnaire.
Les juges ne doivent donc se prononcer qu’à bon escient, et
sur la preuve faite du caractère réel de l’opération. Cette
preuve résulterait naturellement des termes de la conven
tion, si les parties avaient constaté leurs accords par écrit.
A défaut, on pourra l’induire de la nature du commerce
des parties ; de la qualité du commissionnaire chez le récep
tionnaire ; des précédents; de la correspondance ; du règle
ment des comptesde ventes antérieurement opérées, qui énon
ceraient et admettraient soit une commission, soit un t/wcroire.
En effet, de l’acheteur au vendeur la bonification convenue
et acceptée ne constituera qu’un escompte, et figurera sous
cette qualification. 11 ne peut venir à la pensée de l’un d’exi
ger, à celle dë l’autre d’accorder un droit de commission qui
ne peut être que le salaire des peines et soins de l’intermé
diaire ayant rapproché les parties et amené la conclusion du
marché; la stipulation de ce droit est donc exclusive de la qua
lité d’acheteur.chez son bénéficiaire.
437. Ce qui est vrai pour le simple droit de commission,
l’est à plus forte raison pour le ducroire, celui-ci n’est en effet
que le prix en échange duquel le commissionnaire garantit la
solvabilité des acheteurs avec lesquels il a traité de la marchan
dise du commettant.
Sa stipulation, acceptée par celui-ci, ne permettrait pas d’hé
siter sur sa qualité ; comment concilierait-on le dû croire avec
la prétention de l’expéditeur qui lui a promis cette commis
sion complémentaire d’avoir été vendeur? Car s’il était ven
deur, il demeurait absolument étranger à la revente et n’avait
ni à s’enquérir ni à s’inquiéter de la solvabilité des acheteurs,
pourquoi donc en exige-t-il et en paye-t-il la garantie ?
Nous avons donc raison de le dire, la concession d’un droit
PREUVE DE LA VENTE
A c h a t s et ventes
24
�370
/
ACHATS ET V ENTES
de com m ission, celle d ’un dû croire, fixe le caractère du con
trat, la qualité des parties. L’expéditeur n ’est qu’un com m et
tant', le destinataire qu’un com m issionnaire, quels que soient
d ’ailleurs les term es de la facture. D onc l ’acceptation pure et
sim p le de celle -c i, tout com m e la réception de la m archan
dise, ne saurait constituer l ’un vendeur, l ’autre acheteur, et
donner lieu par conséquent à l’app lication de l ’article 109.
4 3 8 . Le lég isla teu r, qui règ le pour l ’acheteur l ’effet de la
réception de la facture, se tait sur celu i que son envoi pro
duirait contre le vendeur, c’est qu’il ne pouvait être qu’on prévît que celu i-ci, après cet envoi, dénierait l ’existence de la
vente. Toute tentative dans ce sens serait vain e, et viend rait
fatalem ent échouer devant la preuve écrite du contraire q u ’il
aurait lu i-m êm e fournie.
La facture, en effet, si elle ne fait foi contre l ’acheteur qu’après son acceptation, lie obligatoirem en t son auteur dès que,
l ’ayant revêtue de sa signature, il l ’a en voyée au destinataire.
Pour ce qui le concerne donc, on ne saurait sans m entir à
l ’évidence refuser à lafacture le caractère d ’un titre dans le sens
que la lo i attache à ce m ot.
4 3 9 . A défaut de titre, en l ’absence de bordereau régulier
ou de facture accep tée, la preuve de la vente peut se puiser
dans la correspondance et résulter de ses indications.
Les transactions com m erciales ayant lieu , le plu s souvent,
d ’une place sur l ’autre, il est difficile d’adm ettre qu’on ne
pourra pas en saisir la trace dans les lettres dont elles seront
devenues l’occasion. La correspondance ne pouvait donc être
om ise dans l ’énum ération des m odes de preuve adm issib les.
E lle en est, en réalité, le p lu s pérem ptoire, le p lu s décisif,
car on pourra y saisir l’opération dans son origine, dans ses
con d ition s, et en déterm iner le véritable caractère.(C î.su prà,
n 03 100 et s.).
4 4 0 . E st-il ind isp ensable que celui qui se prévaut de la cor
resp on dan ce et qui ju stifie par son copie de lettres, soit de
son acceptation, soit de la dem ande, produise l’origin al de
la réponse ou de la proposition de son adversaire ?
Il est évident que la vente n ’est parfaite que par le co n -
�371
cours des volontés ; que par conséquent celui qui excipe de
l’une doit établir l’autre.
Mais il ne faudrait pas que celui qui reçoit une demande
pût, en négligeant de répondre, se ménager le moyen d’exciper de la vente en cas de baisse ultérieure, de la dénier en
cas de hausse. La loyauté commerciale lui fait un devoir de
s’expliquer, et l’inobservation de ce devoir pourra, dans cer
tains cas, le faire considérer comme ayant consenti et accepté
la proposition : Qui tacet consentira videtur.
On n’a jamais hésité en commerce à appliquer cette règle
et à tenir comme acceptée la lettre non répondue dans le
délai normal.
On pourrait vouloir expliquer le défaut de réponse par la
non-réception de la lettre, mais l’usage commercial a en quel
que sorte prévu cette excuse et a tracé les conditions de son
admissibilité.
441. Le défaut de réponse peut être expliqué de différentes
façons :
1° La partie à laquelle on l’oppose reconnaît avoir reçu la
lettre lui annonçant la conclusion du marché. Mais elle pré
tend que n’ayant rien acheté ou rien vendu elle n’avait pas à
répondre : elle a considéré la lettre comme le résultat d’une
erreur dont elle n’avait pas à se préoccuper.
Dans ce cas, pas de doute. Le défaut de protestation im
plique acceptation. On ne peut admettre qu’un négociant
garde en mains une lettre liant définitivement un vendeur ou
un acheteur, et qu’il se réserve, par son silence, le droit de
s’appliquer ou de dénier le marché suivant les fluctuations
des cours (Mars., 15 janv. 1881 confirmé par Aix, 19 nov.
1881) Il en serait de môme si celui qui a reçu la lettre pré
tendait n’avoir que verbalement protesté auprès du représen
tant placier de l’autre partie (Havre, 0 janv. 1897, G. P. T.,
97-902 v° Vente coinm., nos 36 et 37.)
2° Elle prétend que la lettre ne lui est jamais parvenue. On
ne saurait, sans lui imposer une preuve impossible, soumettre
celui qui en excipe à prouver non seulement qu’il l’a écrite,
mais encore qu’elle a été reçue. La jurisprudence a donc for
mulé les règles suivantes :
PREUVE DE LA VENTE
�372
ACHATS ET VENTES
A. — Si la lettre prétendue non parvenue à destination a
été, suivant les usages du commerce, confirmée dans des let
tres ultérieures sûrement reçues, pas de doute encore. Le
marché est lié et doit recevoir son exécution (Havre, 14 janv.
1840. conf. par Rouen, 9 mars 1840, J. P., 1840, p. 686).
3“ La lettre est unique ou la dernière de la correspondance.
Admettra-t-on que le négociant à qui on l’oppose l’a reçue
et le déclarera-t-on obligé par son contenu?
Ici on peut établir difficilement une règle générale. Le juge
aura un pouvoir d’appréciation absolu : il se décidera d’après
la situation commerciale des parties, leur bon renom, les fluc
tuations du marché. On décide généralement que lorsqu’un
négociant honorable apporte à un tribunal un copie de let
tres régulièrement tenu sur lequel la lettre, objet de la déné
gation du destinataire, aura été pressée à sa date et sur un
feuillet distinct, à la place qu’elle doit normalement occuper,
il y a présomption que cette lettre a été envoyée et a été re
çue. H serait impossible, en effet, de vouloir astreindre les
négociants à ne correspondre que par lettres recommandées
(Toulouse, 18 nov.1899, J. T. G., 1901,p. 740. —Seine, 1"sept.
1900, G. P., 1900. 2.871. — Marseille, 16 nov. 1898 et 18 janv.
1899, M. 99.1.73; id., 2 janv. 1900; ib., 900.1.125).
442. Compétence. — L’effet que l’article 109 attache à
l’acceptation de la facture amène tout naturellement à exa
miner les questions relatives à la compétence. L’article 420
du Code de procédure civile indique ainsi quel est le tribu
nal compétent pour connaître des difficultés se rattachant à
un contrat commercial :
« Le demandeur pourra assigner à son choix devant le tribunaldu domicile du défendeur, devant celui dans l’arrondis
sement duquel la promesse a été faite et la marchandise li
vrée, devant celui dans l’arrondissement duquel le paiement
devait être effectué. »
Laissant de côté la répétition de la règle générale actor
forum sequitur rei examinons les deux autres situations vi
sées par cet article.
Mais tout d’abord dans quel cas pourra-t-il être appliqué?
443. Dans les premières éditions ila été indiqué que le juge
�373
420 I>R. CIV.
saisi en vertu de cet article ne devait pas connaître du litige dès
que Tune des parties déclarerait formellement que le marché
n’existe pas : la compétence de l’article 420 étant exception
nelle ne peut se vérifier que dans les conditions exigées par
eet article lui-même, c’est-à-dire qu’il faut que l’existence de
l’opération et la détermination du lieu de paiement soient ac
quises et établies.
Ainsi posé le principe reste exact. Mais la jurisprudence y
a apporté un tempérament nécessaire.
En effet s’il suffisait à la partie citée devant un tribunal com
pétent d’une dénégation audacieuse pour obtenir son renvoi,
l’article 420 eût été inutile, tant son application eût été rare
dansla pratique.lia doncétéjugéavecraison qu’ilfalLait pour
pouvoir décliner utilement lacompétence que la dénégation du
contrat fût sérieuse, et que les tribunaux avaient à ce sujet un
pouvoir d’appréciation illimité. Dans la recherche des faits
qui doivent les déterminer à retenir ou renvoyer la cause, ils
seront amenés presque nécessairement à se prononcer au
moins implicitement sur le fond. Cette conséquence ne doit pas
les arrêter. Il n’y a là aucun excès de pouvoirs, mais l’examen
obligatoire des moyens soutenus par le défendeur. Ils ont
même le droit d'ordonner une enquête pour avoir la preuve
du fait de l’existence duquel dépend leur compétence (Cass.,
24 fév. 1903, D. 1903.1.189. —Bordeaux, 23 juin, 1893, M. 93.
2.221. —Cass., 22 oct. 1897, G. P.,97.2.494; id., Gnov. 1871,
M. 72.2.32.— Rouen lor juin 1906, G.P., 1905.2.134), ce sont
là d’ailleurs des questions de lait qui échappent au contrôle
de la Cour de Cassation.
Ilpeutse faire que chacune des parties aitassigné devant un
tribunal différent. Dans ce cas le tribunal second saisi ne doit
pas renvoyer la cause s’il reconnaît que sa compétence est
exclusive de celle du tribunal déjà investi (Cass., 8 août 1864,
D. 64.1.464. — Aix, 12 déc. 1874, Bull. jud. d’Aix, 75.280).
444. Lorsque la dénégation aura été repoussée comme
n’étant pas sérieuse, le tribunal aura alors à vérifier si les con
ditions de l’article 420 se trouvent accomplies. Est-il le tri
bunal du lieu de la promesse et de la livraison? ou celui du
lieu du paiement ?
COMPÉTENCE. ART.
�374
ACHATS ET VENTES
4 4 5 . Lieu de la promesse etde la livraison. —A). Promesse.—
Nous avons déjà indiqué (supra n° 105) la difficulté relative à
la détermination du lieu où l’accord des parties se réalise lors
qu’il s’agit d’un marché par correspondance. N’est-il parfait
que par l’arrivée de la lettre d’acceptation en mains de celui
qui a fait l’offre, ce sera alors dans ce lieu que la promesse
sera réputée faite. Si au contraire il est censé passé au lieu
d’où est datée la lettre portant acceptation des conditions pro
posées, ce sera celieu qu’on devra envisager pour fixer la com
pétence.
Le tribunal de Marseille et la Cour d’Aix (‘) ont Jusqu’à au
jourd’hui, jugé constamment d’après le premier système(Aix,
14 mai 1872, M. 73.1.66; Mars.,19 déc. 1884, 17 sept. 1885;
25 juin 1888 ; 29 mars 1895 ; 20 avril 1899 ; 30 janv. 1900, M.
84.1.293; 86.1.5; 88.1.324 ; 95.1.179; 99.1.273; 1900 1.141.
Àix,23 novembre 1908,G.T.,n° 7 décembre (s). —Sic Lyon,
11 mars 1896, J. T. C., 46, p.667. — Bourges, 19 janv. 1866,
J. T. C., 15, p. 117. — Paris, 15 janv. 1880 ; ib., 29, p. 215).
Mais actuellement la plupart des arrêts ont adopté la thèse
contraire (Caen, 15 juin 1871, D. 72.5. 111. — Rennes, Ofév.
1875,D.75.2.224. — Rouen,28fév. 1874,D. 77.2.222. — Douai,
15 mars 1886, D. 88.2.37.—Poitiers, 21 janv. 1891, D. 92.2.249.
— Lyon, 12 avril 1892, D. 93.2,324. — Limoges, 2 mars 1894,
D. 95.2.257. — Sic L. R., t. 3, n° 27).
Nous rappelons que la Cour de Cassation ne voit là qu’une
question de pur fait dont la solution dépend entièrement de
l’appréciation des tribunaux sans qu’elie puisse exercer aucun
contrôle (supra notc,n°105 et encore 17janv. 1898,D.98.1.79).
Quelle est au point de vue delà compétence la doctrine devant
avoir notre préférence ?
Dans la deuxième édition, Bédarride se rattachait au second
système par ces considérations:
L’ignorance de l’acceptation ne produit que l’effet que nous
avons signalé, à savoir: la faculté pour les parties de se rétrac
ter. Mais si lorsque l’acceptation arrive la rétractationn’apas
eu lieu, elle ne peut plus être effectuée, et le contrat a acquis
U) S a u f u n a rrê t d u 18 ju in 1391 (Rec.. A ix , 9 1 .1 .2 3 3 ).
(a) E n c o re A ix , 28 d é c e m b re 1908.
�375
toute sa perfection. Cette perfection c’est l’acceptation qui la
lui a donnée, il fautdoncse reporter au lieu où celle-ci s’est réa
lisée, et ce lieu n’est et ne peut être que le domicile <le l’ac
ceptant, ainsi que l’a jugé la Cour de Colmar le 17 février 1840
(J. P., 1840.2.184).
Nous avouons que toutes ces raisons ne peuvent nous con
vaincre et que nous préférons, malgré tous ces arrêts, la doc
trine du tribunal de Marseille et de la Cour d’Aix. L’écriture,
l’envoi de la lettre d’acceptation par l’acceptant, ne cons
titue en réalité vis-à-vis de celui à qui elle est destinée,
qu’une pensée non exprimée. L’acceptant n’est lié que
s il ne se rétracte pas avant que cette lettre soit parvenue à
destination. (Toulouse, 13 juin 1901, J. T. G., 52, p. 675). Il
ne consent donc que sous condition et cette condition d’où
dépend l’existence même de la convention n’est accomplie
qu’à l’instant où le proposant qui n’a reçu aucun contre-ordre,
ouvre la lettre d’acceptation. Jusque-là il n’y a pas contrat,
mais plutôt projet de contrat. Si donc le marché n’est obliga
toire pour chacune d’elles qu’au moment de la lecture de la
lettre d’acceptation,n’est-ce pas aulieuoù est lue cette lettre
qu’il doit être réputé accompli? (Voir tous les éléments de
cette controverse: D. Rép., v° Vente,n° 86, et Supp. n° 31-35.)
446. La vente traitée par commis-voyageur a donné lieu à
une difficulté semblable.Elle a cela de particulier qu’elle est
toujours provoquée par le vendeur. L’offre est transmise par
mandataire au lieu de l’être par lettre.
Il est évident que si le mandataire a pleins pouvoirs pour
engager sa maison,l’offre étant définitivement faite et accep
tée au domicile de l’acheteur, c’est à ce domicile qu’aura été
passé le contrat.Mais dans la pratique les commis-voyageurs
n’ont pas la faculté d’engager ferme le négociant qu’ils repré
sentent. Ils transmettent seulement les commandes qui sont
toujours soumises à la ratification du vendeur. Dans ce cas le
marché est-il réputé passé au domicile de l’acheteur qui a
accepté les offres sauf ratification, ou au domicile du ven
deur qui recevant l’ordre donné à son mandataire a écrit à
l’acheteur la lettre de confirmation? Fort heureusement la
Cour de Cassation moins timide que pour l’hypothèse précéI’HOMËSSE ET LIVRAISON
�dente a clos toute controverse par un arrêt très net (25 fév.
1879, D. 79.1.102) jugeant que si l’ordre pris par un repré
sentant est sujet cà ratification, « cette ratification rétroagit
au jour de la convention qui en est l’objet et dont la date
ainsi fixée, détermine le lieu où le contrat a été passé ». C’est
donc en ce lieu et non au domicile du commettant que le mar
ché se trouve conclu dans le sens de l’article 420. La plupart
des cours et tribunaux se sont ralliés à cette jurisprudence
(Mars., 3 sept. 1888 et 21 juil. 1896, M. 89. 1. 37 et 96.1.296.
— Bordeaux, 8 fév. 1881, M. 83.2.158. — Bourges, 11 fév. 1896,
J.T.C.,46, p. 625). — Toulouse, 27 mars 1884, D. 85.2.52).
447.
B) Livraison. — Nous avons vu que si rien n’a été con
venu quant au lieu de la livraison on suit les règles de l’ar
ticle 1247 du Code civil, même quand on a stipulé la clause
« rendu parité » (suprà, n° 326).
Toutes les fois que la marchandise voyage aux risques de
l’acheteur, qu'il supporte les frais de transport, la chose est
bien évidemment livrable au domicile du vendeur (Cass.,
13 mars 1878, D. 78.1.311).
Les clauses livrables sous vergues, franco à bord, sur toagon
départ,impliquent également la délivrance au lieu d’expédi
tion. Par contre les cia ânes livrables au débarquement, livra
bles à quai, livrables aux docks indiquent clairement que la
marchandise est livrable au lieu d’arrivée (B.p.93).
La mention poids, état sain garanti à /'embarquement ne
suffit pas pour démontrer que les parties ont voulu placer la
livraison à ce moment, cette clause n’ayant d’autre effet dans
l’intérêtdes vendeurs que de répudier les conséquences éven
tuelles des risques de mer, et laissant subsister l’obligation
d’opérer la livraison aulieu de destination (Rouen, 19 juillet
1893, B. D, M., IX, 170).
4 4 7 bis. Le tribunal de commerce de Marseille a jugé le
29 août 1884 (M. 84.1.279)que la double circonstance de la
promesse et delà livraisonnécessaire pour fixer lacompctence
aux termes de l’article 420 doit s’être réalisée rigoureusement
dans le même lieu. Par exemple cet article ne serait pas ap
plicable à une vente conclue à Meudon, alors que la marchan
dise qui en fait l’objet devrait être livrée à Versailles ! Nous
�377
croyons que le tribunal a dénaturé le sens de l’article 420.
Celui-cion effet ne parle pas de ville, ni de lieu. Il édicte que
le demandeur pourra assigner «devant le tribunal dans l'ar
rondissement duquel la promesse a été faite et la marchan
dise livrée». Donc, tous les points de cet arrondissement (syno
nyme évidemmentde circonscriptionjudiciaire)sont également
visés. Il n’est pas dit que la promesse et la livraison devront
se produire à un endroit unique d’un même arrondissement.
Cela nous paraît l’évidence même !
4 4 8 . C) Paiement. — Aucun doute et par conséquent au
cune difficulté ne saurait s’élever, quel que soit le caractère
de la vente, si les parties ont expressément déterminé le lieu
du paiement; c’est le tribunal de ce lieu qui est compétent,
encore bien qu’il ne fût le domicile d’aucune des parties.
Si la convention est muette, on distingue: ou la vente a été
faite au comptant, ou elle est faite à terme.
Dans le premier caslarègle générale est que le paiement
doit être effectué au lieu où s’opérera la délivrance et nous
avons déjà dit que le vendeur au comptant peut se dispenser
de livrer si l’acheteur ne paie pas immédiatement (suprà,
n* 427).
4 4 9 . Or, dès qu’il s’agit d’une faveur, il est évident que le
vendeur a la faculté d’en répudier le bénéfice. S’il a cru devoir
le faire, s’il a livré la chose sans en exiger le prix au moment
delà délivrance, pourra-t-il actionner en paiement devant le
tribunal du lieu de la délivrance ?
M. Delvincourt se prononce pour l’affirmative, il ne voit
dans la conduite du vendeur qu’un acte de condescendance
qui ne peut modifier ni altérer son droit : Nemini officium
suam debet esse damnosum.
M. Duvergier soutient l’opinion contraire. L’article 1247
du Code civil, enseigne-t-il, reprend son empire lorsque,même
sans accorder un délai expressément, le vendeur a bien voulu,
ne fût-ce que par complaisance, ne pas exiger le paiement au
moment de la délivrance (n° 447).
4 5 0 . Il est de fait que le vendeur au comptant, qui livre sans
se faire payer, s’en remet à la foi de l’acheteur,il lui fait en
réalité un prêt. Sa position est tellement modifiée que, défenPAIEMENT. FACTURE
�378
ACHATS ET VENTES
deur obligé à l’action en délivrance, il s’est réduit à la néces
sité d’agir comme demandeur en paiement.
Mais l’article 420 base ses prévisions non sur le fait du paie
ment, mais sur la convention arrêtée sur le lieu où il devait
s’opérer. Ainsi il déclare compétent le tribunal dans l’arron
dissement duquel le payement
être effectué.
Hésiterait-on, si en vendant à terme le vendeur avait sti
pulé que le paiement se ferait à son domicile ? Or, cette sti
pulation la loi la sujipose et la fait résulter du fait que la vente
est faite au comptant. Donc, quelle qu’ait été la conduite du
vendeur, il n’en sera pas moins certain qu’à l’origine du con
trat, et dans l’intention commune des parties, le paiement
devait être effectué au lieu de la délivrance. Dès lors la con
dition exigée par l’article 420 du Code de procédure civile
étant acquise, son effet ne peut être ni méconnu, ni contesté.
4 5 1 . Dans la vente à terme, l’article 1247 du Code civilrégit
exclusivement les parties. Donc, en l’absence de convention,
et s’il ne s’agit pas d’un corps certain et déterminé, le paie
ment doit être fait au domicile du débiteur. D’où la consé
quence que si la promesse a été faite dans un arrondissement
et la livraison dans un autre, le tribunal de l’acheteur sera
seul compétent pour connaître non seulement de l’action en
paiement, mais encore de toutes les difficultés que l’exécution
du contrat pourrait faire surgir.
4 5 2 . L’application de la règle tracée par la loi dans la vente
au comptant, comme dans la vente à terme, est subordonnée
à la volonté des parties, toujours libres de convenir du con
traire. Or, dans la vente commerciale, il n’y a le plus souvent
d’autre traité que la facture elle-même qui, en manifestant
l’exécution du marché, fournit en quelque sorte la preuve de
son existence et en mentionne les conditions.
Ses indications, notamment celle relative au lieu du paie
ment, lient-elies l’acheteur?
En principe, la facture est l’œuvre exclusive du vendeur.On
ne saurait dès lors considérer ses énonciations que comme des
prétentions purement personnelles à son auteur.
Mais la facture est nécessairement transmise à l’acheteur,
sa réception, en lui faisant connaître les conditions qu’on lui
d e v a it
�379
impose, le met en mesure de les discuter, de les repousser, si
elles s’écartent des conditions sous la foi desquelles il a traité.
Il est évident que si, usant de son droit, il a protesté contre
l'indication du domicile du vendeur, désigné comme lieu du
paiement, il n’y a jamais eu de convention à ce sujet,et cette
indication, œuvre unique de celui-ci, n’a dérogé ni pu déro
ger en rien à la règle tracée par l’article 1247 du Gode civil.
Le contraire se réalise si l’acheteur, mis au courant de la
prétention du vendeur, s’abstient de toute protestation,detoute
réserve, ou garde seulement le silence. Sa conduite n’est alors
que l’aveu qu'il a réellement traité à la condition énoncée, tout
au moins qu'il y consent. Dès lors, proposée par l’un, accep
tée par l’autre, la loi de la facture est obligatoire et doit sor
tir à effet.
453. Le principe en lui-même est trop rationnel pour qu’il
soulevât des difficultés sérieuses. Il en est autrement de son
application. A quelle époque l’acheteur sera-t-il censé avoir
accepté?Faut-il qu’il proteste dès la réception de la facture
et avant l’arrivée des marchandises?Peut-il surseoir jusquelà à s’expliquer, parce qu’il ne saura qu’alors s’il doit ou non
prendre les marchandises pour son compte ?
La Cour de Cassation s’est prononcée dans ce dernier sens.
Elle jugeait, le 3 mars 1835, que la convention qui indiquerait
pour le paiement un lieu autre que le domicile de l’acheteur
ne peut résulter de l’acceptation de celui-ci, sans réclamation
immédiate, d’une facture délivrée par le vendeur, et portant
que le paiement sera fait à son domicile, si plus tard, lors
que les marchandises lui parviennent, l’acheteur les refuse
comme n’étant pas conformes à la commission.
La Cour de Colmar se rangeait à cette doctrine, en jugeant,
le 1“ décembre 1840, que le vendeur, qui, en expédiant des
marchandises, a envoyé à l’acheteur une facture portant que
le montant en sera payable au lieu de l’expédition, ne peut
se prévaloir de cette mention qu’autant qu’elle a été expres
sément acceptée par le destinataire ; qu’à cet égard le silence
que celui-ci a gardé depuis la réception de la facture jusqu’à
l’arrivée de la marchandise ne suffit pas pour faire présumer
son acceptation (J.P., 1841. 1.374).
PAIEMENT. FACTURE
�380
ACHATS UT VKNTCS
4 5 4 . L’opinion contraire a été consacrée par laCour de Nancy,
le 5 juillet 1837, et par celle d’Aix, le 24 juin 1842. L’une et
l’autre déclarent que lorsque la facture a été envoyée assez
longtemps avant l’arrivée de la marchandise pour que l’ache
teur ait pu protester contre la mention que le paiement devait
être fait au domicile du vendeur, le silence gardé à ce sujet
équivaut à l’acceptation de la condition, qui est dès lors cen
sée résulter du traité lui-même (J.P., 1838.1.329, 1842.2.195).
4 5 5 . Il importe de remarquer que dans l’espèce de ces
arrêts tous les tribunaux de commerce s’étaient prononcés
dans ce dernier sens.
Cette unanimité des tribunaux est un fait considérable. Elle
prouve en effet que la nécessité de s’expliquer dès la réception
de la facture n’est repoussée ni par les possibilités, ni par les
exigences de la pratique.
Pour nous, cette nécessité se justifie parfaitement au point
de vue des principes. La question de savoir si la marchandise
estloyale, marchande, conforme à la commission, nepeut naî
tre que dans l’exécution du marché, dont la difficulté ellemême établit et prouve l’existence, il ne s’agit donc que de
savoir à quel tribunal est dévolu le droit de la résoudre.
Or, pour déterminer la compétence au point de vue de l’ar
ticle 420 du Code de procédure civile, il faut s’en référer non
à l’exécution que le traité reçoit ou doit recevoir, mais aux
conditions arrêtées et convenues au moment de sa conclusion,
et à défaut de convention écrite, il faut nécessairement, quant
à ces conditions, s’en référer à la facture.
Donc, dès qu’elle arrive en ses mains, l’acheteur est en de
meure, et par conséquent dans la nécessité de s’expliquer, de
contrôler les prétentions du vendeur, d’en établir 1 inexacti
tude ; il le doit surtout en prévision des difficultés que l’exécu
tion peut faire naître, s’il a intérêt, le cas échéant, à les faire
vider par le juge de son domicile.
En conséquence, l’acceptation pure et simple de la facture,
ou soit sa réception sans protestation, contrairement à cet
intérêt, ne peut être que la reconnaissance de la sincérité des
conditions qu’elle énonce, reconnaissance dont le bénéfice,
désormais acquis au vendeur, ne saurait lui être enlevé par
�381
la prétention ultérieure clc se refuser à la consommation du
marché.
4 5 6 . Nous pensons donc, avec les Cours de Nancy et d’Aix,
que si le temps écoulé entre la réception de la facture et celle
de la marchandise a été tel que l’acheteur a été plus que suf
fisamment à même de protester contre l’indication du domi
cile du vendeur comme lieu de paiement, il a été dans la
nécessité de le faire ; que son silence a donné à cette indica
tion le caractère et l’autorité d’une convention, que le refus
ultérieur de recevoir la marchandise ne pouvait ni modifier,
ni altérer.
A plus forte raison le décidera-t-on ainsi lorsque non seu
lement la facture, mais encore la marchandise elle-même a
été reçue et agréée. Le marché est dès lors consommé, et l’ab
sence de toute protestation contre l’indication de la facture
entraîne cotte conséquence: ou que la condition a été réel
lement convenue à l’origine du contrat, ou que, exigée ensuite
par le vendeur, elle a été acceptée par l’acheteur.
On a cependant soutenu le contraire. Quelques rares arrêts
l’ont même consacré. Mais la grande majorité des tribunaux et
cours le repoussent et le condamnent.
Vainement, en effet, objecte-t-on que les formules des fac
tures étant préparées et imprimées longtemps à l’avance, on
ne pouvait les considérer comme relatant les conditions d’un
marché qui n’est formé que bien plus tard ; que leurs indica
tions étant le fait exclusif du vendeur ne sauraient dès lors
lier obligatoirement l’acheteur.
Cela est vrai en principe, et tant que ce dernier ne pourra
être censé y avoir acquiescé. Ce n’est, certes, pas être très exi
geant que de le soumettre à protester pour qu’il en soit ainsi.
Donc, s’il reçoitla facture d’abord, les marchandises ensuite,
sans faire entendre la moindre réclamation, sa conduite ne
saurait s’interpréter que dans le sens que nous venons d’indi
quer, c’est-à-dire qu’il en résultera ou qu’il reconnaît que les
conditions que fait le vendeur sont bien celles dont on était
convenu au moment du contrat, ou qu’il a consenti à les accep
ter depuis. Dans l’un et l’autre cas, il n’est ni recevable ni
fondé à en récuser plus tard l’autorité.
PAIEMENT. F A C T O K
�382
ACHATS ET VENTES
457.
La Cour de Bordeaux consacrait le principe et l’appli
quait même dans le cas où la chose vendue doit être livrée par
parties et à des époques différentes. En conséquence, elle
jugeait, le 31 juillet 1839, que lorsqu’un marché conclu au
domicile de l’acheteur ne contient aucune convention relati
vement au lieu où le paiement doit être effectué, si l’acheteur
reçoit, sans protestation, une partie des marchandises avec
une facture indiquant un lieu de paiement, il accepte par cela
même la juridiction du tribunal indiqué ; que dès lors, si le
vendeur refuse de livrer le restant des marchandises, c’est
devant ce tribunal qu’il doit l’assigner (J, P., 1840.1.16). Cet
arrêt est juridique. L’exécution partielle de la vente régit le
contratquantauxconditionsauxquelleselle a eu lieu.Lemode
d’exécution ne modifie en rien le traité. Divisible quant à ce
mode,il nepeut se diviser quant aux conditions sous l’empire
desquelles il a été contracté.
Celui-là donc qui, en recevant une partie de la chose ven
due a reconnu devoir la payer en un lieu déterminé, a par
cela même accepté l’obligation d’en agir de même pour tout
ce qui reste à livrer.
4 5 8 . Depuis que Bédarride a écrit les lignes ci-dessus, une
jurisprudence compacte a consacré son opinion (Cf. notamment
Dijon,22mars 1897, J. T. C.,47, p. 730. — Lyon,21 mars 1893 ;
ib., 43,p. 692. — Paris, 30 déc. 1890, ib., 40, p.530.— Cass.,
30 juil. 1888, ib., 38, p. 656. — Cass., 14 nov. 1892;*è., 42,
p.609. — Cass., 26 déc. 1898; ib., 48, p. 638). Le tribunal de
Marseille et la Cour d’Aix ont toujours jugé dans ce sens :
« Attendu, est-il dit dans un jugement du 20 janvier 1905,
« confirmé par arrêt du 20 février 1906, que Reggio a adressé
« une facture stipulante condition depaiement dansMarseille
« sans dérogation au cas de paiement par traite; qu’en, ne
« protestant pas contre cette clause de la facture Nicot a ac« cepté conformément à une jurisprudence aujourd’hui cons« tante, l’attribution de compétencefaiteautribunalde céans;
« qu’ilne peut se soustraire à cette attribution de compétence
« par le motif que la confirmation du 30 juillet 1903 ne fait
« pas mention du lieu du paiement. »
4 5 9 . Cet arrêt solutionne aussi deux questions accessoires.
�383
La facture tout en indiquant le paiement au domicile du ven
deur annonçait à l’acheteur le tirage d’une traite payable à
son propre domicile ; d’ordinaire une mention imprimée porte
que ce n’est là qu’une facilité accordée à l’acheteur, le ven
deur n’entendant pas renoncer par là au bénéfice de la con
dition de paiement dans un lieu déterminé. Dans ce cas, il ne
saurait, à vrai dire, y avoir de difficulté (Cass., 1er août 1888,
J.T. C., 38, p. 656, Dijon, 27 mars 1897, S. 98.2.9 et la note).
Mais lorsque cette mention a été omise, on a prétendu que
la clause de paiement au domicile du vendeur, et l’émission
d’une traite sur l’acheteur étant contradictoires, il fallait
alors suivre la règle générale et considérer le paiement
comme devant être fait au domicile de l’acheteur. Nous ne
saurions partager cette opinion. Aucun négociant n’ignore
l’importance de la clause fixant le lieu de paiement. Un grand
importateur,un fabricant ne sera pas facilement présumé y
avoir renoncé et s’être soumis ainsià lajuridiction du tribunal
dans l’arrondissementduquel ilexpédiesa marchandise.il est
ainsi d’usage de considérer dans ce cas le tirage de la traite
comme une gracieuseté faite par le vendeur mais n’impliquant
aucune dérogation aux cond itions du marché fixées par la fac
ture (Aix, 6 juillet 1872, M. 73. 1.285. — Mars., 29 juin 1898,
G.7P., 98. 2. 110. — Coin. Saint-Étienne, 8 nov. 1898 ; Mon.
jud.Lyon, 23 déc. 1898). lien serait de même si la facture por
tait que le prix suit en remboursement (Cass., 1“ août 1888,
D. 89. 1. 252 et 29 mars 1892, D. 92. 1. 236).
460. Néanmoins s’il avait été formellement convenu aumoment d’un marché que le paiement aurait lieu au domicile
de l’acheteur, ou, ce qui revient au même, qu’il serait réalisé
au moyen de traites fournies par lui, à son domicile, ou chez
unbanquier désigné, cette condition ne peut être réputée mo
difiée par la clause indicative d’un autre lieu de paiement
insérée à la facture que si l’acheteur l’aformellement acceptée.
Ici l’adhésion tacite résultant d’un défaut de protestation se
rait insuffisante (Mars., 4 mars et 29 avril 1881, M. 81. 1. 143
et 169;.îG?.,lerfé v . 1899;zô,, 99. 1.168.— Rennes, 16 juin 1893,
ib., 94. 2.49). Mais si le contrat portait seulementque Je paie
ment aurait lieu en un mandat à trente jours, il a été jugé
PA IEM EN T. FACTURE
�ACHATS CT V1ÎN.TES
384
que cette clause est indicative du terme, mais non du lieu du
paiement (Mars., 19 nov. 1890, M. 91. 1. 40). U en serait de
même de la simple indication que le paiement aura lieu à
terme (soi. implicite, Mars., 30 juil. 1895. M. 95. 1. 303).
4 6 1 . Si l’acheteur après avoir reçu lal'actureproteste à l’ar
rivée de la marchandise mais en ne visant dans sa protesta
tion que le défaut de qualité, le tribunal compétent reste celui
du lieu du paiement porté à cette facture (Mars., 24 fév. 1899,
M. 99.1.194). Devrait-il en être autrementsi le refus de l’ache
teur n’était pas spécifié et s’il protestait d’une façon générale
contre l’exécution donnée au contrat parle vendeur? Quelques
décisions l’ont admis (Angers, 2 déc. 1878, D.78.2.214). Mais
il est plus sage de résoudre la difficulté par une distinction :
S’ils’est écouléentre le moment où la facture est parvenue
à l’acheteur et l’arrivée des marchandises un temps assez long
pour faire supposer que si cette marchandise avait été trouvée
conforme l’acheteur n’eût rien dit, il sera évidemment pré
sumé avoir accepté l’indication du lieu du paiement (Cass.,
30 juillet 1888, D. 89.1.191).
il en serait autrement si la marchandise avait suivi de très
près la réception de la facture dans ce cas il faudrait le dé
clarer recevable dans une protestation englobant toutes les
conditions du marché (cf. Cass., 10 déc. 1884. D. 85.1.117 ;
29 déc. 1885; ib., 86.1.418).
4 6 2 . En somme cette jurisprudence est favorable au ven
deur : elle est fondée sur les nécessités du commerce, sur le
honsens. Comprendrait-on, comme nous l’indiquons plus haut,
qu’un fabricant, un importateur, livrant ses marchandises sur
tous les points du territoire, voulut s’exposer, pour la moin
dre difficulté à aller plaider devant dix, vingt, trente tribu
naux différents ? Evidemment non. Il aura le plus grand et
le plus légitime intérêt à ne comparaître assisté de ses con
seils habituels, que devant des juges connaissant mieux que
d’autres les usages de son commerce, et à éviter la juridic
tion de petits tribunaux trop soumis aux influences locales.
4 6 3 . S’il s’agit d’une vente au comptant on appliquera l’ar
ticle 1651 disposant que le prix doit être payé là où doit
se faire la délivrance, c’est-à-dire sauf stipulation contraire,
�385
au domicile du vendeur (Mars., 20 fév. 1894/M. 94.1.126).
4 6 4 . Le tribunal compétent pour juger le fond est en prin
cipe seul compétent pour ordonner toutes les mesures d’ins
truction destinées à éclairer le juge et à préparer la solution.
Mais certaines décisions ont admis que letribunaLdulieu où
une marchandise doit être débarquée et livrée est compétent
pour en ordonner l’expertise bien que son incompétence quant
aufond soitacquise(Trib. Rouen, 29nov. 1886. —Paris,29déc.
1886, R.D.M., 2.556 et 654).
Nousne pouvons adhérer àune telle jurisprudence. En ma
tière d’achats et ventes un tribunal de commerce n’est jamais
forcé de recourir à une expertise : il peut juger sur présomp
tions, sur certificats, sur témoignages. Comment donc le tribu
nal autre que celui qui est compétent pourra-t-il préjuger
qu’une expertise est nécessaire et l’imposer en quelque sorte
aux magistrats chargés déjuger (Havre, 28 août 1882, Rec. du
Havre, 82.1.198. — Mars., 18 février 1870, M. 70.1.86). 11n’en
serait autrement que si l’expertise était régulièrement deman
dée conformément à l’article 106, c’est-à-dire alors que le
transporteur n’estpas encore déchargé. Dans ce cas elle serait
opposable à toutes les parties.
4 6 5 . L’article 109 inscrit les livres des parties au nombre
des éléments de preuve des achats et ventes. L’obligation
faite aux commerçants d’avoir des livres, d’y inscrire jour
par jour toutes les opérations rendait ces livres des docu
ments qu’il n’était pas possible de négliger. Comment en
effet hésiter, si la convention alléguée était mentionnée dans
les livres respectifs des parties.
La disposition de l’article 109, en ce qui concerne les liè
vres, était d'ailleurs la conséquence forcée de l’article 12 du
Code de commerce ; celui-ci, en effet, confère aux juges la
faculté d’admettre les livres pour faire preuve entre commer
çants pour faits de commerce. Or, l’article 109 ne s’occupe
que des achats et ventes de négociants ànégociants. Il ne fait
donc en réalité que consacrer la facultédéjà concédée par l’ar
ticle 12.
46 6. Toutefois, l’exercice de cette faculté ne peut s’étendre
au delà des limites tracées par l’article 14 du Code de comMESURES D'INSTRUCTION. LIVRES
A c :iats
et ventes
25
�ACHATS ET VENTES
38(5
merce. La communication des livres ne peut être demandée
et ordonnée que dans les cas qui y sont prévus. Nous avons
déjà établi le caractère limitatif et restrictif de sa disposi
tion (l).
Dans tous les autres cas, le droit des juges se restreint à
ordonner la représentation des livres pour en extraire ce qui
concerne le différend. Nous renvoyons à nos observations sur
les règles à suivre dans l’exécution de cette mesure (2).
La communication dans les cas prévus, la représentation
dans les autres n’a pas besoin d’être provoquée, elle peut être
ordonnée d’office par le juge. Elle n’est en réalité qu’une
voie d’ingtruction dont il eût été irrationnel de lui interdire
l’initiative. Lui seul, en effet, est dans le cas d’en apprécier
l’utilité, de juger de sa nécessité. 11 était donc juste de lui
permettre de suivre à ce sujet les inspirations de sa conscience
et de se procurer ainsi les moyens d’éclairer sa religion.
467. Reconnaissons toutefois que les livres, utilement invo
qués lorsque le marché a reçu un commencement d’exécution,
seront d’un mince secours lorsqu’il s’agira de statuer sur
l’existence de la vente. Bien souvent, en effet, l’acheteur ne
l’y inscrira qu’à la réception de la marchandise, et le vendeur
qu’au jour de l’expédition, soit de celle-ci, soit de la facture.
De telle sorte que si l’un refuse de recevoir, l’autre d’expé
dier, les écritures seront nécessairement muettes.
Le contraire peut cependant se réaliser. Le journal doit
constater jour par jour toutes les opérations au fur et à me
sure qu’elles se consomment. On pourra donc, soit sur le jour
nal, soit sur le brouillard qui sert à le rédiger, trouver la
trace soit de la commande, soit de la promesse.
Il peut se faire, en outre, que le contrat ait amené un paie
ment anticipé de tout ou de partie du prix, tout au moins la
création et la remise de traites en règlement. Dans cette hy
pothèse, la preuve de la vente résultera du livre ou du brouil
lard de caisse mentionnant le paiement, ou du livre des trai
tes et remises constatant l’entrée ou la sortie de celles données
ou reçues.
(1) Notre comm. de l’art. 14.
(*) Ib id ., art. 15 et 16.
�387
4 6 8 . Que les parties aient droit de demander la représen
tation du livre-journal et du brouillard, c’est ce qui ne saurait
souffrir ni difficulté ni doute. Le journal est obligatoirement
prescrit par la loi. La prétention de n’en avoir aucun serait
donc inadmissible.
D’a utre part, le brouillard est le véritable journal. C’est
lui qui contiendra les opérations journalières qui sont ensuite
transcrites sur le livre, et souvent plus ou moins longtemps
après. Il pourrait donc se faire que le désir de discéder de
l’eng’agement eût fait scierumen t ome 11re l’indieat ion du b r oui1lard.
Celui-ci est donc le contrôle naturel du livre et le refus
de le produire ferait avec juste raison présumer la fraude.
La loi n’a nulle part prescrit ni le livre de caisse, ni celui
des traites et remises. L’exigence de leur représentation offri
rait plus de difficultés. Le refus d’y satisfaire sera le plus
souvent étayé sur l’affirmation de n’en avoir tenu aucun.
On ne saurait légalement rien conclure de ce refus, ni pres
crire la représentation,si l’excuse alléguée était exacte et
vraie. Mais si le contraire était acquis, rien ne pourrait empê
cher d’ordonner cette représentation et dispenser le commer
çant d’y satisfaire. L’existence certaine des livres imprime
rait au refus de les représenter un caractère de déloyauté qui
ferait naître les plus justes soupçons. La persistance dans
cette voie pourrait donc faire consacrer l’action, ou tout au
moins autoriser le juge à déférer le serment à l’autre partie.
La preuve de l’existence des livres auxiliaires est laissée à
l’arbitrage des tribunaux. Elle peut résulter de la position de
la partie ; de la nature et de l’importance de son commerce ;
de documents émanés d’elle, et qui rendraient cette existence
vraisemblable ; enfin des témoignages oraux (*).
46 9. Nous avons déjà dit à propos de la preuve testimo
niale, dernier mode de preuve admis par l’article 109, qu’elle
est de droit commun en matière commerciale (supra 428).
Qmefdans l’hypothèse d’une convention entre un commer
çant et un non-commerçant ?
NON-COMMERÇANT. OPTION. PREUVE
(') V . notre com m entaire des articles 15 et 16 il» 309. Caen, 24 juin 1828.
�ACHATS ET VENTES
388
Ce dernier, vendant ses récoltes ou achetant pour ses be
soins propres et personnels et pour ceux de sa famille, ne fait
pas acte de commerce, il ne peut dès lors être traduit, comme
défendeur, que devant le tribunal civil, et n’est régi que par
le droit commun. Il est donc recevable et fondé non seulement
à exiger une preuve écrite, mais encore à réclamer la nullité
de l’acte fait en contravention des dispositions des articles
1325 ou 1326.
Comme demandeur, le non-commerçant a le droit d’inves
tir la juridiction ordinaire ou de citer devant le tribunal de
commerce. La compétence de celui-ci est admise par la doc
trine et la jurisprudence, elle a son fondement dans la com
mercialité de l’acte que le négociant accomplit.
Si le non-commerçant s’adresse au tribunal de commerce,
il peut invoquer le bénéfice de la législation spéciale et justi
fier de son droit par tous les modes de preuves, même par
témoins, quel que soit le chiffre de la demande.
Mais par une juste et nécessaire réciprocité, le défendeur
commerçant jouira, quant aux exceptions dont il se prévaut,
du même privilège, il pourra donc en justifier même par la
preuve testimoniale.
11 répugnerait à la raison de distinguer entre les parties ; de
régir l’une par le droit spécial, l’autre par le droit commun.
Ce serait là créer une inégalité qui n’est admissible ni en
équité ni en droit.
Aussi la prétention contraire a-t-elle été repoussée dans
l’hypothèse suivante :
Un commerçant, poursuivi devant la juridiction consulaire
en paiement du blé qui lui avait été vendu et livré, soutient
qu’ayant acheté toute la récolte, il ne pouvait être tenu au
paiement qu’après livraison entière. Sur la dénégationde l'im
portance de la vente, il offre de l’établir par témoins.
Le vendeur repousse cette offre comme non recevable,
s’agissant d’une somme de plus de 150 francs.
Jugement qui repousse la fin de non recevoir :
« Attendu qu’il s’agit d’une vente de blé entre deux indivi
dus dont un est commerçant, l’autre propriétaire ;
�389
« Attendu que les parties ne sont pas d’accord sur la quan
tité de blé vendu;
« Attendu que le demandeur Bonnet, en appelant le sieur
Quillot devant le tribunal de commerce, s’est soumis à sa ju
ridiction ;
« Attendu que le sieur Bonnet a soutenu que sa partie ad
verse n’avait pas le droit de faire contre lui la preuve orale
d’un fait contesté et sur lequel repose tout le procès;
«Attendu que si on admettait une pareille prétention le droit
du défendeur se trouverait limité, et que ce dernier ne serait
pas dans un rapport égal envers la justice ; qu’il en résulte
rait d’ailleurs que le sieur Bonnet, après avoir librement
appelé son adversaire devant la juridiction commerciale, dé
clinerait en partie cette juridiction, ce qui serait une contra
diction. »
Appelée à prononcer sur le mérite de ce jugement, la Cour
d’Agen le confirme purement et simplement, avec adoption
des motifs, par arrêt du 6 janvier 1828.
Ces décisions sont équitables etjuridiques, le non-commer
çant puise dans sa qualité l’avantage et le droit de choisir la
juridiction à laquelle il lui convient de déférer le litige, et
de déterminer ainsi la législation qui doit le régir.
Mais ce choix fait, il doit en subir les conséquences ; si,
dans le but de se ménager la preuve testimoniale, il s’adresse
au tribunal de commerce, il rend cette faculté commune à
son adversaire. La prétention de vouloir l’exercer tout en la
contestant à celui-ci, n’a évidemment et ne saurait avoir au
cun fondement en raison et en droit.
Cette opinion nous paraît hors de doute.
La règle de l’article 1341 n’est pas d’ordre public. Il est tou
jours loisible aux parties d’y déroger, et cette dérogation peut
être tacite. Il suffit qu’elle résulte d’actes incompatibles avec
la volonté de se soustraire à la preuve par té moins (Cass., 1“ juin
1893, D. 93.1.445). Or, quel acte plus formel en ce sens que
la citation lancée devant une juridiction où cette prouve est do
droit commun par celui qui avait la liberté d’ajourner devant
un tribunal où cette preuve-est exceptionnelle ?
La Cour de Cassation n’a pas jugé encore cette question in
NON-COMMERÇANT. OPTIOX. PK IiüV B
�390
ACHATS ET VENTES
terminis : mais on. peut induire de l’arrêt du 8 août 1860 (S.
61.1.535) qu’elle ne répugne pas à cette solution. Elle décide
en effet « que la juridiction, commerciale entraînait pour toute
la cause le recours aux modes de preuve adinîs devant cette
juridiction». 11 est vrai que ce considérant vientaprès le rap
pel des constatations des juges du fait, d’après lesquelles, s’agis
sant d’un règlement de comptes, les demandes formées par
chacune des parties, tant principales que reconventionnelles,
étaient indivisibles, ce qui en affaiblit un peu la portée doctri
nale.
Mais si la partie non commerçante a ajourné devant le tri
bunal civil, pourra-t-elle réclamer à l’encontre du commer
çant, son adversaire, une enquête àl’effet de prouver soit l’exis
tence, soit les conditions du marché, l’étendue des obligations
contractées envers elle ?
L’affirmative est aujourd’hui incontestée. L'admissibilité de
la preuve testimoniale est en matière de commerce indépen^dante de la juridiction: devant laquelle l’affaire est portée (D.
lïép. Supp., v° Obligation,xv 2036). Ainsi le vendeur non com
merçant, pourra tout comme devant le tribunal de commerce,
obtenir uneenquête àl’effetd’établir sa réclamation contre un
acheteur commerçant. Mais alors, cet acheteur, pourra-t-ilde
son côté faire appel à'des témoignages pour démontrer, par
exemple, soit qu’il n’a jamais acheté, soit qu’il a acheté des
quantités moindres, soit qu’il s’est libéré.
Il nous paraît qu’il faut ici distinguer.
Si la vente et le prix sont prouvés, indépendamment de tout
témoignage, l’acheteur ne pourrait pas demander à établir
par témoins salibération. Cela estévident (Cass., 11 novembre
1862, D. 62.1.472. — Rouen, 8 mars 1878, S. 78.2.247),
Mais, si la vente,étant admise, reconnue en dehors de toute
enquête, le vendeur demandait à prouver par témoins soit
les conditions, soit le prix stipulé, soit que l’acheteur lui doit
l’intégralité du prix, celui-ci ne serait-il pas recevable à s’em
parer d’une partie favorable à sa défense dans les déposi
tions entendues, et à prouver, même en faisant une demande
reconventionnelle,que s’il avait promis de payer le prixindiqué par les témoins, c’était, par exemple, parce que le ven-
�391
deur avait pris l’engagement corrélatif de conclure un autre
marché, et ne pourrait-il pas réclamer en conséquence l’exé
cution de cette obligation ? 11 nous semble bien que oui et
que là encore l’initiative prise par le non-commerçant en sol
licitant une enquête devrait être considérée comme une déro
gation tacite à la règle de l’article 1341. A défaut le juge
pourrait être réduit à consacrer des prétentions dont les témoi
gnages recueillis attesteraient l’iniquité.
Il ne faut donc pas proclamer que lorsque l’acte n’est
commercial que de la part de l’une des parties la preuve
testimoniale n’est admissible que contre cette partie et ne
l’est pas contre le non-commerçant ; il est indispensable
d’ajouter sauf les cas où par la nature du litige, par la façon
dont le débat a été conduit, par les articulations mêmes four
nies par le non-commerçant qui demande à produire des
témoins, on pourra induire qu’il a renoncé à exciper de la
régie de l’article 1341. Le pouvoir d’appréciation qu’il im
porte de laisser aux magistrats en cette matière, leur per
mettra, en en usant bien entendu avec une sage réserve, de
corriger dans la pratique ce que pourrait avoir de choquant
une telle inégalité entre les plaideurs.
La Cour de Cassation n’a eu, étant donné les arrêts qui lui
étaient déférés, qu’à rappeler le principe incontesté : « At
tendu, dit-elle, que lorsqu’une convention est commerciale à
l’égard de l’une des parties, civile à l’égard de l’autre,elle est
soumise relativement à cette dernière aux dispositions du
droit civil, qu’ainsi l’extinction totale ou partielle de l’obli
gation du commerçant ne peut être prouvée que suivant
les régies ou droit commun » (31 mars 1874, D. 75.1.229).
« Attendu, lit-on dans un dernier arrêt du l'r juillet 1908
(G. P., 1908.2.24-6) que si Pacte n’est commercial que de la
part de l’une des parties, la preuve testimoniale est receva
ble contre cette partie.» Tout cela est bien certain, mais n’in
firme en rien les raisons données pour l’admission, dans
certains cas, de la preuve testimoniale à l’encontre du noncommerçant qui l’aura lui-même provoquée.
470.
Le non-commerçant qui a d’abord investi une juri
diction, peut-il reporter l’action à l’autre ?
NON-COM IIERÇANT. O PTIO N . PREUVE
�392
ACHATS ET VENTES
Aucun doute ne saurait naître, si la juridiction d’abord in
vestie, appréciant le litige, avait définitivement statué au
fond. Le jugement intervenu a épuisé le droit et l’a par con
séquent anéanti. Or le droit du non-commerçant est de sai
sir, ou le tribunal civil ou le tribunal de commerce, il n’a
qu’une seule action, et ce serait lui en concéder deux si, ayant
succombé devant le tribunal civil, on lui permettait de sai
sir le tribunal de commerce ou réciproquement.
Donc, après jugement définitif, la position des parties est
fixée ; le droit est éteint, et toute action ultérieure se trou
verait repoussée par l’exception de la chose jugée.
Qu’en serait-il si, après l’introduction de l’instance, mais
avant jugement, le demandeur, se désistant valablement de
sa citation, ajournait devant l’autre tribunal?
Nous ne voyons pas sur quoi on se fonderait pour contes
ter la régularité de l’agissement, et comment on pourrait
faire repousser la nouvelle action.
Les déchéances sont de droit étroit et ne doivent être ad*
mises que lorsqu’elles se trouvent expressément édictées par
la loi.
Qu’on repousse l’action nouvelle si elle est inconciliable
avec celle d'abord intentée, nous le comprenons. La loi nous
en fournit un exemple, lorsque, dans l’article 26 du Gode de
procédure civile, elle déclare le demandeur au pétitoire non
recevable à agir au possessoire. Gela se comprend, se pour
voir au pétitoire c’est avouer en quelque sorte que l’adver
saire est en possession, et le refus de revenir contre cet aveu
est naturel et légitime.
Mais que péut-on induire de l’introduction de l’instance
devant le tribunal civil contre le recours au tribunal de com
merce après désistement régulier ou réciproquement ? Rien
évidemment qui soit inconciliable avec ce recours. Elle ne
saurait donc lui faire obstacle, en l’absence de toute disposi
tion de la loi à ce sujet.
Excipera-t-on de la règle electa una via non datur régres
sas ad alleram ? Gette règle, hors le cas prévu par l’article 26
du Code de procédure civile, n’a qu’un objet : empêcher que
celui qui a succombé dans la voie qu’il a prise puisse renou-
�393
veler sa-prétention devant un autre juge et contraindre son
adversaire à subir de nouveaux débats.
Or, se désister d’une demande et s’adresser à un autre juge,
ce n’est pas se placer dans ces conditions, ni aspirer à cette
faculté. Le désistement d’instance qui dessaisit le juge laisse
le droit intact. La prétention de le soumettre à une autre
juridiction ne saurait donc être ni raisonnablement contestée,
ni légalement repoussée comme non recevable.
NON' COMMERÇANT. OPTIO N. PREUVE
FIN
��TABLE DES MATIÈRES
N")
1. Titre V il du Gode de com m erce.'A rticle 109................................................
1 bis. Importance des achats et ventes. — Caractère de l’article 109........
2 . M otifs du laconism e du Gode de com m erce errce qui les concerne..
3. Caractère de la législation com m erciale. C onséquences............................
4. Recours au Droit C om m un.......................................................................................
5 . M esure de ce recours...................................................................................................
6 . U sages com m erciaux....................................................................................................
7 . Loi du 13 juin 1866.......................................................................................................
8. Analyse de cette lo i.......................................................................................................
9 . L es parties peuvent y déroger.............................................................................
10. Ses dispositions sont im pératives............................................................................
11. A quelles conditions les achats et ventes revêten t-ils le caractère
com m ercial?.................................................................................................................
12. Celle de l’achat réside dans l ’intention de revendre..........................
13. Q uid de celle de la vente ? .......................................................................................
14. Objet du com m entaire..................................................................................................
PaSes
5
6
6
6
8
9
10
10
11
Il
12
12
12
13
15
SECTION PREMIÈRE
DE LA VENTE, SES CONDITIONS, SES EFFETS
15. Caractère et conditions du contrat.................. ...................................................... 23
16. Tout ce qui a une valeur vénale peut faire l ’objet d'une vente. F ond s
de com m erce................................................................................................................. 23
17. En droit com m ercial le nom d’un individu peut-il être acheté ou
v e n d u ? ................................................................
23
18. D istinctions à faire dans ce c a s.............................................................................. 24
19. L ’acheteur a-t-il le droit d’em pêcher le vendeu r d’ouvrir un nouvel
établissem ent du m êm e gen re?.....................................................
25
20. Le vendeur peut s ’en réserver la faculté.............................................................. 27
20 bis. Incertitudes et contradictions de la jurisprudence. Pourtant on peut
en dégager quelques règ les.................................................................................. 27
20 1er. L’acheteur doit-il prouver dans ce cas le dom m age résultant de la
concurrence?....................
29
"21. La vente de la chose d’autrui est autorisée en com m erce (doctrine
et jurisprudence en note)....................................................................................... 29
22. L ’acheteur est à l’abri de toute revendication m êm e en cas de perte
et de vol (en note, hésitations et jurisprudence)....................................... 31
23. R evendication des choses prises en m er et déprédées sur un Fran
çais. O rdonnance de 1638 ...................................................................................... 33
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396
TAULE DES MATIÈRES
24. L’article 1601 annulant la vente lorsque la chose vendue n’existe plus
au m om ent du contrat est inapplicable aux ventes co m m erciales..
2 5. Cette inapplicabilité est-elle absolue et sans exception?.............................
26. Conditions de l’achat ou de la vente à forfait ou à tous risques.........
27. H ypothèses de Delamarre et l.ep oitvin ..............................................................
28. Choses dont la vente est prohibée par la loi. Nullité du contrat...........
2 9. N écessité d'une prohibition expresse de la loi française. Article 1133
du Code civil. Contrat portant cum ulativem ent sur des choses pou
vant être vendues et des choses prohibées. Droits de l'ach eteu r...
30. Droits du vendeur. Com m ent et à quelles conditions il peut faire
maintenir la vente............................... .....................................................................
31. On peut vendre une chose future...........................................................................
32. Effets de l ’im possibilité de livrer lorsque la vente a pour objet tout
ce qui sera fabriqué pendant un temps con ven u ......................................
33. La vente peut porter sur une récolte. Ses effets.........................................
34. Q uid si elle est faite en bloc et pour un prix déterm iné?.......................
35. Aléa du contrat dans la vente d ’un coup de filet, etc................................
36. Déterm ination de la chose vendue. Individualisation des marchan
d ises..................................................................................................................................
37. Doit-on annuler la vente pour om ission de désignation de la qualité?
Arrêt de Metz adoptant l ’affirm ative...............................................................
38. Examen et discu ssion ...................................................................................................
39. La vente qui n’aurait pas de prix est nulle. E lém ent du prix com
m ercial.............................................................................................................................
40. Conséquences quant au juste prix.........................................................................
41. Il suffit qu’il soit sérieux. P rix vil (en n o te ) .................................................
42. Le prix peut-il cire supérieur à la valeur réelle de la chose vendue?
M ajorations scandaleuses.......................................................................................
43. En quoi le prix doit consister...................................................................................
44. P eut il être stipulé en denrées ou en m archandises?................................
45. Importance du véritable caractère du contrat en m atière com m erciale.
46. Le prix stipulé en argent et plus tard reçu en nature n ’im prim e pas
au contrat le caractère d’un éch ange................................................................
47. Q uid s’il consiste partie en argent et partie en m archandises?............
48. Le prix doit être certain et déterm iné. Il est tel s’il est établi par
relation d'époques ou de c h o ses.........................................................................
4 9 . On peut vendre au prix que des tiers auront donné ou il celui que le
vendeur paiera lui-m êm e........................................................................................
5 0 . Ou au prix que la chose vaudra à tel m arché................................................
51. Ou au prix qu’elle sera vendue de tel m ois à tel autre. Comment
alors on le déterm ine. Si celte déterm ination est im possible, la
vente est nulle..............................................................................................................
5 2 . Controverse sur la faculté de déférer à un tiers la déterm ination du
prix. Elle existe en m atière com m erciale......................................................
53. Rareté de son application...........................................................................................
54. Les parties sont libres de suivre leurs convenances il ce su jet.............
55. P eut-on nom m er plusieurs exp erts?....................................................................
56. D oit-on les désigner dans le contrat à peine de n u llité? ........................
57. Opinion pour l ’affirmative de Delvincourt et T roplong.............................
58. Caractère des arrêts invoqués par ce dernier..................................................
36
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67
�TABLE DES MATIÈRES
59.
60.
61.
62.
63.
397
Discussion.......................................
68
Opinion de Casaregis, Lucca, Ansaldus.................................................... 69
Doctrine de Pothier....................................................................................... 69
Le Gode civil n’a pas voulu le contraire.............................-.................. 69
Réfutation de l'opinion qui l'ait du choix futur des experts une condi
tion potestative........................................................................................... 70
64. Le recours à la justice est interdit lorsque les experts ont été nom
més >1 l'acte. Arrêts de Riom et de Cassation..................................... 70
65. Il est ouvert dans le cas contraire. Doctrine de l’École italienne........ 72
66. Doctrine. Jurisp. contraire à l’opinion émise........................................ 73
67. Le remplacement des experts nommés après et en exécution de la
convention peut être poursuivi et ordonné en justice........................ 75
68. Dans quel cas doit-on nommer le tiers si les experts sont partagés.
Par qui il peut être nommé. (Note contraire)..................................... 76
69. Caractère de la vente d’une chose au prix qu'elle vaut. Comment se
détermine le prix....................................................................................... 77
70. Quid de celle faite pour le juste prix?..................................................... 78
71. L’expertise peut-elle être attaquée pour exagération ou insuffisance. 79
72. Caractère delà vente au prix qu’on m ’en offrira.Doctrine de Pothier. 80
73. Nature des objections et du reproche que font Delamarre elLepoitvin. 81
74. Une convention de ce genre peut valoir comme promesse de la pré
férence. Conséquences.............................................................................. 82
75. Cas dans lequel la règle sine pretio cei-lo nulla. vendilio recevrait
exception...................................................................... ............................. 84
76. Distinction ïi faire si le prétendu acheteur a revendu la chose. A
quoi il est tenu s’il n’était que dépositaire ou consignataire............ 84
77. Prix qu’il doit s’il a revendu avant de déterminer celui de l’achat.. 85
78. Comment se régleraient les fournitures faites en compte-courant?... 86
79. Le prix peut être stipulé en services ou travaux. A quelles conditions.
Conséquences.............................................................................................. 86
80. Importance de la détermination du caractère del’acte......... ................. 87
81. Nécessité du consentement respectif des parties. Sur quoi il doit
porter............................................................................................................ 90
82. Effets de la divergence de volontés sur lecaractèredu contrat............ 90
83. Nécessité de s’entendre sur la chose....................................................... 91
84. Et sur le prix.Quid si celui offert par l’acheteur est supérieur à celui
demandé par le vendeur?......................................................................... 92
85. Le concours des volontés doit-il intervenir dès l’origine sur les
clauses-conditions delà vente?............................................................. 93
S6. Distinction entre les pactes essentiels elles pactes accessoires. Défi
nition de ces derniers................................................................................ 94
87. On peut renvoyer il s’en entendre plus tard. Effet de cette stipulation
sur la vente...................... .....................................................-,................... 97
88. Seeùs pour les pactes substantiels.Leur caractère.................................... 98
89. Effet du dol, de la fraude, de la violence, de l’erreur sur le consen
tement........................................................................................................... 98
90. Dans quels cas et à quelles conditions l’erreur ferait-elle annuler la
vente............................................................................................
9®
91. Comment s'apprécie le caractère del’erreur.............................................. 99
92. Importance des circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi
�398
TABLE DES MATIÈRES
le contrat. Objets d’art. Arrêt de Paris qui en fait résulter l'irrece
vabilité de la demande. Vice caché...................................................... .101
93. Caractère de cet arrêt. Conséquences de sa spécialité........................... 102
94. Arrêt de Douai repoussant la fin de non-recevoir tirée de ce que
,l’acheteur a omis de vérifier la qualité................................................. 103
95. Gel arrêt fait une juste application des principes. Jurisprudence.... 104
96. Loi du 9 février 1895 sur les fraudes eu ces matières........................... 105
97. La vente d’une invention brevetée est entachée d’erreur substantielle
si la découverte ne produit pas les résultats promis ou .n’était pas
susceptible d’être brevetée....................................................................... 1°0
98. Opinions de Pouillet et de Pataille. Jurisprudence..................... .
.106
99. Effets de la déchéance et de la résiliation................................................ 107
100. Comment se détermine l’époque à laquelle le contrat a acquis sa
perfection lorsque le marché a été conclu par correspondance........ 109
101. Caractère de la lettre missive. Conséquence pour la faculté de
rétracter l’offre tant qu’elle n’est pas arrivée à celui qui doit la
recevoir............................................................................................... .
109
102. La rétractation arrivant après la réception de l’offre n’eu produit pas
moins ses effets... ................................................................................... 110
103. L’offre même acceptée peut être rétractée tant que la lettre d’accep
tation n’a pas été reçue et lue................................................................. 111
104. Distinction que Duranton fait à ce sujet.................................................. 112
105. Examen et réfutation..................................................................................... 112
106. Si celui à qui on demande par lettre une marchandise l'expédie, la
vente doit sortir à effet. Opinion de Pothier..................................... . 113
107. Motifs donnés par Pardessus..................................................................... 115
108. Dans tous les cas l'expéditeur doit être remboursé de tousles frais. 115
109. Difficultés que peut faire surgir l’existence de laproposition.............. 116
110. L ’envoi du prix courant n’est pas l’offre de vendre.............................. 116
111. Distinction de Pardessus quant à l’envoi de circulaires....................... 116
112. Caractère de celle doctrine .: son inadmissibilité................................... 117
113. La lettre annonçant q u ’on veut vendre est l’offre de vendre,............ 118
114. Secus si on déclare « je voudrais vendre » ........................................... 119
115. Effets de la perfection de la vente quant aux risques de la chose
vendue.................................................................
119
116. Effet acquis au cas de vente d’un corps certain et déterminé............ 120
117. Dans la vente d’une chose déterminée seulement par son espèce et
qualité, les risques restent au vendeur jusqu'au pesage, comptage
ou mesurage .............................................................................................. 121
118. Exception autorisée par l’article 1.586 dans la vente en bloc............ 121
119. Difficultés que peut soulever le caractère de la vente......................... 122
120. Règles à consulter et à suivre,...........................................
122
121. Doctrine et jurisprudence........................................................................... 123
122. Critique par Duvergier de l’arrêt de la Cour de Cassation du 24 août
1831.......................................................
124
123. Réfutation....................................................................................................
124
124. La vente au poids ou à la mesure a-t-elle transféré la propriété à
l’acheteur. Arrêt affirmatif de la Cour de Cassation.......................... 128
125. Doctrine contraire de Troplong, son caractère juridique.................. 133
125 bis. Caractère de l’article 1585 du Code civil. Conséquences................ 137
�TABLE UES MATIÈRES
399
125 1er. Jurisprudence sur la question de savoir si le pesage non csontradicloire effectué au lieu de l’expédition précise suffisamment l’objet
v e n d u ..............., . ................................................................................... 141
125 qaater. Disposition de la loi du 13-20 juin 1866 relativement au poids. 142
126. Quand doit être opéré le pesage, comptage oumesurage........... ......... 143
127. Effets de la mise en demeure dans la vente au poids ou à la mesure
contre l’acheteur....................................................................................... 143
128. Quelle est l’indemnité due au vendeur ? .................................................. 144
129. Son obligation de prouver l’existence du préjudice......................
144
130. Et qu’il était en mesure de fournir la chose............................................ 145
131. Résumé....................................................... , . . . . ........................................ 145
132. Règle de l’article 1587 quant à la dégustation préalable dans cer
taines ventes. Huiles, graisses poids (en note;................................... 146
133. La Cour de Metz refuse à l’acheteur qui n’agrée pas la chose le droit
d’en réclamer une autre..................... .. .......................................
147
134. Discussion et réfutation........................................................... ...........147
135. Critique de Duvergier.. ..................
148
136. Droit du vendeur de contraindre à la dégustation ; son caractère,
son utilité............................... .................. ......................................... ..
150
137. Importance de la question de savoir si la dégustation est livrée à
l’acheteur ou déférée à un tiers. Éléments de solution.................... 150
138. Règle à suivre dans la vente ordinaire,..................................................... 151
139. Exception qu’elle comporte.......................................................................... 151
140. Règle pour la vente commerciale............................................................... 153
141. Opinion de Pothier.............. ..............................................................
153
142. Doctrine de Pardessus.................................................................................. 154
143. Avis de Troplong conforme........................................................................ 155
144. La rationalité de cette doctrine prouvée par l’usage.............................. 155
145. Arrêts contradictoires de la Cour deCassation.......................................... 157
146. A la charge de qui restent les risques de la chose. Droit du vendeur
de contraindre la dégustation.................................................................. 158
147. Effets de la mise en demeure si la chose estrestéeintacte................... 158
148. Si la chose a péri depuis.............................................................................. 159
149. Effet de la renonciation à la dégustation. Soncaractère......................... 161
150. Elle ressort de la prise de livraison............................... .......................... 161
151. Quid si celle-ci ne résulte que de la remise au commissionnaire de
transports ?.................................................................................................... 162
152. La prise de livraison virtuelle produit le même effet que la livraison
réelle et effective....................................................................................... 163
153. La prise de livraison résulte de l’apposition de la marque de l'ache
teur sur la chose vendue. Effets quant à la dégustation.................... 164
154. Différences entre la vente à l’essai et celle sous dégustation.............. 165
155. Comment l’article 1588 qualifie cette vente. Fondement de sa disposi
tion................................................................................................................ 166
156. Critique de Troplong. Réponse...................................................... ........... 167
157. Position de l’acheteur à l’endroit des risques............................
169
158. Difficultés que peut faire naître le caractère de la vente. Doit résulter
de la convention....................................................................
169
159. Opinion de Duvergier. Réponse............, . . . ............................................ 169
�400
TABLE DES MATIÈRES
160. Conséquences quant à la vente civile en cas de silence de la conven
tion ........................................................•...................................................... 170
161. L’aveu de l’acheteur est indivisible s’il porte sur la vente et sa conditionalité.............................
171
162. Arrêt de cassation dans ce sens..........................
171
163. Droit du vendeur si aucun délai n'a été fixé........................................... 172
164. Si un délai a été déterminé. Son observation est de rigueur. Consé
quences................................................
173
165. Le vendeur peut-il exciper de la déchéance pour discéder du marché? 173
166. Le droit de l’acheteur passe à ses héritiers.............................................. 174
167. A quelle condition peut-il être renié par lamasse de la faillite............ 175
168. Importance que le fait de la faillite donne à la question de savoir s’il
y a eu ou non renonciation à l’essai.................................................... 175
169. Caractère et effets de la vente sur échantillon ...................................... 175
170. L’échantillon remis sans être scellé ni cacheté sert de type pour la
livraison dela marchandise....................................................................... 178
171. Réserve au sujet de cette appréciation de Bédarride. Différence en
tre l ’échanlillon-nionlre et l'échantillon-type .................................. 180
172. Conséquences de l’absence de précautions îi l’effet de garantir l’au
thenticité de l’échantillon. La preuve testimoniale ne devra être ad
mise qu’exceptionnellement...................................................................... 181
173. Ce n’est aussi qu’exceptionnellement que l’acheteur devra être relevé
des conséquences de la réception.......................................................... 182
174. En cas de différence avec l’échantillon le vendeur peut-il obliger
l’acheteur à recevoir moyennant une bonification ? On doit adopter
la négative. Jurisprudence....................................................................... 183
175. Décisions contraires...................................................................................... 185
176. L’échantillon doit offrir les conditions de qualité et de provenance
exigées par l’acheteur. Conséquences.................................................... 185
177. Échantillon frauduleusement composé. L’acheteur, dans ce cas, peut
refuser la marchandise malgré la conformité...................................... 188
178. Clause d’atténuation : marchandise stipulée moralement conforme.. 189
179.. Importance de la question de fait. Jurisprudence de la Cour de Cas
sation............................................................. .......... , .......................! ... 189
180. Résumé de la doctrine et de la jurisprudence. Règles qui s’en dé
gagent......................................................................................................... 190
181. • Ventes « en disponible » « gi-è dessus » ou « avec vue dessus ».. 190
182. Leur objet : marchandise dont le vendeur peut disposer et dont la
qualité n’est pas spécifiée.................................................................
190
183. Délai dans lequel l’acheteur est tenu de dire s’il accepte ou refuse la
marchandise offerte.......................................................
191
184. Dans quel délai doit parvenir au vendeur la lettre notifiantle refus, 192
185. Nécessité d'une protestation si c’est par la faute du vendeur que l’a
cheteur ne peut vérifier dans le délai.................................................... 192
186. Faute de refus dans le délai la marchandise est présumée acceptée
par une présomption ju r is et de j u r e ................................................... 192
187. L’acheteur peut n’examiner qu’une fraction de la partie offerte.......... 192
188. Le vendeur conserve le droit de procéder aux manipulations et cri
blages autorisés par l’usage............................ ......, ..................... ...... 192
�1,89. L’usage accorde à l'acheteur un délai pour le transport de la mar
chandise dans ses magasins.................................................................... 193
SECTION II
DES PROMESSES DE VENTE
190.
19t.
192.
193.
194.
195.
196.
197.
198.
Caractère de la promesse de vente. Ses conditions...............................
Définition de Pothier.....................................................................................
Droit ancien sur la promesse unilatérale..................................................
Merlin enseigne qu'elle est nulle : arrêts dans ce sens........................
Doctrine contraire de Troplong : son caractère juridique....................
Opinion de Bédarride.................................................................................
Arrêts anciens. Doctrine et Jur. actuelles...............................................
Importance de l’acceptation. Quand doit-on la supposer ?....................
Comment se règle le droit du promettant de discéder du marché,
lorsqu’un délai a été assigné pour l'acceptation.................................
199. Duranlon exige une mise en demeure. Réfutation................................
200. Quid si aucun délai n'a été déterminé.....................................................
201. Effets de la promesse régulière et parfaite..............................................
202. Exception de l’article 1690 du Code civil. Promesse avec arrhes....
205. Conditions qu’exige son applicabilité.......................................................
204. Nature de la difficulté que les tribunaux auront à résoudre. Eléments
de solution.........................................................
205. Arrêt de Dijon.................................................................................................
206. Appréciation.............................................................
207. Effets du contrat régulier.............................................................................
208. La stipulation d’arrhes est-elle admissible dans la vente proprement
dite.........................................................
209. Droit rom ain..................................................................................................
210. L’affirmative s'induit des articles 1589 et 1590......................................
211. Opinion contraire de Malleville, Pardessus, Delvincourt......................
212. Distinction proposée par Troplong.............................................................
213. Réponse de Duvergier...................................................................................
214. Examen et discussion...................................................................................
215. Conclusion. Condition del'admissibilité....................................................
216. Commentles tribunaux doivent apprécier à défautde stipulation écrite
lorsque la vente est sous condition suspensive .................................
217. Dans le cas de condition résolutoire, casuelle ou potestative .............
218. Dans cette dernière hypothèse la rupture du marché ne peut être
poursuivie que par l’acheteur en perdant ses arrhes........................
219. Effets de la condition résolutoirelégalement sous-entendue..................
220. La dation et la réception' des arrhes font-elles perdre au vendeur le
droit de faire maintenir le contrat? Raisons pour l’affirmative........
22t. Avis contraire de Troplong........................................................................
222. Caractère de sa doctrine...............................................................................
223. Examen de ses motifs....................................................................................
221. Ses conséquences............................................................................................
225. Conclusion.......................................................................................................
A chats et ventes
20
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�402
TAULE UES MATIÈRES
SECTION III
DES VENTES ET PROMESSES DE VENTE CONDITIONNELLES
226. Les ventes et promesses de vente peuvent être conditionnelles. Carac
tère de la condition..........................................................................
227. Effets de la condition résolutoire .............................................................
228. Effets de la condition suspensive ............................. ................................
229. Les obligations et les droits de l'acheteur passent à ses héritiers et à
ses créanciers...................................................................................... ..
280. Effets de la seconde vente laite par le propriétaire dans l'intervalle
de la suspension............................................................ .........................
231. Utilité de la condition suspensive dans les ventes commerciales....
232. Ventes par navire désigné ou à désigner. Définition............................
233. Ahus qui résulteraient contre l'acheteur d’une vente maritime condi
tionnelle. La désignation y remédie......................................................
234. Le vendeur peut se réserver un délai pour cette désignation..............
235. Si aucun délai n’a été fixé, le tribunalpeut l’impartir............................
236. Interprétation rigoureuse des accords contrele vendeur.......................
237. L’obligation de désigner dans le délai est substantielle. Elle doit por
ter sur un navire non encore arrivé......................................................
238. Désignation par lettre; navire dans le port, faculté p.our le. vendeur
à Marseille de faire une autre désignation... -....................................
239. Jurisprudence contraire du Havre............................................................
240. Calcul de la différence pouvant être due par levendeur........................
241. Expiration du délai. Lettre.........................................................................
242. Précision de l’époque de l’embarquement et de l’arrivée. Clauses
substantielles...............................................................................................
243. Non arrivée du navire: justification du chargement à faire par le
vendeur.................................................................................... » .................
244. On peut désigner un navire non chargé et qui même n'est pas encore
arrivé au port de charge.Voyage direct..............................................
245. Transbordement interdit..............................................................................
246-247. Effets de la désignation : individualisation de la chose. Risques
pour l’acheteur.Faculté deproroger accordée à l’acheteur...............
248. Pluralité de marchés. Déficit. Exécution des marchés d'après leurs
dates..............................................................................................................
249. Le dernier acheteur supporte donc le déficit...........................................
250. Indivisibilité de la vente pour le vendeur : il ne peut offrir une quan
tité moindre., ..............................................................................................
251. Exécution sans réserve lorsqu’il y a un déficit. Conséquences. Clause
« environ »............................................. .....................................................
252. Le vendeur doit, au moment du chargement, être propriétaire de la
quantité vendue.........................................................................................
253. Vente de partie d’un lot: validité de l’offre du solde pour compléter
la quantité....................................................................................................
254. Jurisprudence contraire du Havre.............................................................
255. Erreur sur l’époque du chargement ; l’acheteur n’encourt aucune for
clusion ...............
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229
�TABLE DES MATIÈRES
403
256. Si la vente a été faite sans échantillon le défaut de qualité ne donne
lieu en principe qu’à une bonification........ ......................................... 229
257. Ventes sur embarquement. Définition. Délai du chargement. Obli
gation substantielle. Non-indication du nom du navire. Conséquen
ces. Désignation d’un navire ou de plusieurs navires déjà arrivés. 230
258. Interprétation rigoureuse contre le vendeur. Embarquement réel.
Indivisibilité................................................................................................. 231
259. Transbordement. Connaissement direct...........................................'. . . . 231
260. Chargement avant le délai. Nullité. Clause « embarquement j u s
q u’à telle date » ................................... ................................................... 231
261. Précision de l'époque de l’arrivée. Obligation substantielle . .............. 231
262. Interdiction de substituer un vapeur à un voilier ou un voilier à un
vapeur........................................................................................................... 232
263. Clause « embarquement immédiat ».......................................................... 232
264. Clause « embarquement prompt ».............................................................. 232
265. Délai pour offrir la marchandise après l’arrivée.................................... 232
266. Conversion en marché ferme. Prorogation tacite.................................. 233
267. Preuvede la date du chargement. Connaissement. Foi qui lui est due. 233
268. L’acheteur peut fournir la preuve contraire. Le vendeur ne le peut pas. 233
269-270. Jurisprudence. Critique d’un arrêt d’Aix.................................. 234-235
271. Fraude : responsabilité commune du capitaine et du chargeur............ 235^
272. Délai du chargement. Force majeure. Offre d’une marchandise de
même provenance............................................. ...................................... 235
273. Différence. Jour auquel elle est due. Droit d’optionde l’acheteur.. . 236
274. Faux connaissement: pas de forclusion pour l’acheteur'....................... 236
275. Clause « livrable franco le long du bord »............................................... 236
276. Transformation du marché en vente par navire désigné. Conséquen
ces : mesures sanitaires, grèves............................................................. 237
277. Liberté des conventions. Amalgames des divers contrats.................... 237
278. Vente, coût, fret, assurance (Gaf ou Cif).Définition.......................... 238
279. Paiement traite documentée ou documentaire........'................................ 239
280. La traite doit-elle être acceptée ?..........................................
240
281. Usage d’après lequel l’acheteur paie le fret à l’arrivée. Diminution
proportionnelle de la facture et de la traite. Conséquences en cas
de perte en cours de voyage.................................................................... 241
282. Livraison au port d’embarquement. Individualisation de la marchan
dise. Connaissement et police distincts. Marchandise à prendre sur
un lot. Navire indirect............................................................................. 243
2S2 bis. Délai de la remise des documents après l’arrivée......................... 244
233 Différence entre la réception au lieu d’expédition et l’agrément au
lieu d’arrivée. Délai des réclamations.................................................... 245
284. Lieu où doit s’effectuer l’expertise............................................................ 246
285. Acheteur représenté par un commissionnaire........................................ 247
286. L’acheteur peut-il demander la résiliation ou seulement une bonifi
cation ?...................
247
287. Droits de douane..................................................................................
249
287 bis. Mesures sanitaires.................................................................................. 249
288. Caractères essentiels de la vente Caf seuls retenus par la jurispru
dence.......... ' ................ .................................................................................. 219
289. Vente à livrer. Son caractère.................................................................... 249
�404
t a h u
:
d es
m a t iè r e s
290. Facilité qu'elle offre pour le jeu sur la liausse ou sur la baisse. Ce
qui en était résulté. Loi du 28 mars 1885. Son application par la
jurisprudence...............................................................
250
291. Marchés'à prime. Leur légalité................................................................. 252
292. Marchés à double prime. Interversion des positions........... ................. 252
293. Ventes par filière. Leur mécanisme. Ordre de livraison transmis
successivement............................................................................................ 252
294. Difficultés pour le paiement résultant de la différence des cours et
des prix.....................................
253
295. Règlement existant sur certaines places. A défaut il faut appliquer les
usages...................................................................................................
254
296. Peu importe que le vendeur ait créé la filière ou l'aitacceptée.......... 254
297. La filière ne constitue pas un contrat unique. Distinction des ventes
et des reventes successives...................................................................... 255
298. Le premier vendeur ne peut donc agir que contre son vendeur
direct........................................................................................•................... 256
299. Caractère de la jurisprudence de Marseille. Jugements rendus au
profit du vendeur originaire opposables à tous lesfiliéristes.............. 256
300. Mais étant donné la distinction des marchés, les jugements rendus
au profit du vendeur originaire ne sont pas toujours opposables à
tous les vendeurs et acheteurs successifs. Contradictions dans la
jurisprudence de la Cour d’Aix. Règlements de Paris. Arrêts de
Paris contradictoires. Liberté de la défense...................................... 258
301. Comment se règle le paiement. A qui et par qui il est dû................. 260
302. Jurisprudence de la Cour d’Aix................................................................. 262
303. Affaire Savine. Jugement et arrêt...................................................... .>... 263
304. Principes qui s’en dégagent ; le réceptionnaire ne peut payer son
vendeur tant que le livreur n’est pas désintéressé. L’échange des
factures ne libère pas le réceptionnaire.. Conséquences..................... 267
305. Clause payable comptant. Sa signification à Marseille : délai de dix
jours............................................................
268
306. Le réceptionnaire paierait-il valablement son vendeur si le livreur
ne poursuivait qu’après l’expiration des dix jours ? ........................ 26S
307. Qui peut se prévaloir du retard et l’opposer comme fin de non-rece
voir ? Acheteur du vendeur originaire................................................ 269
308. Jurisprudence de Marseille.......................................................................... 269
309. Le droit du livreur d'exiger le paiement du réceptionnaire esl un
droit personnel non transmissible par subrogation aux acheteurs
et vendeurs successifs........................................................................... 271
310. Arrêt dans ce sens de la Courd'Aix............................... ........................ 271
311. Le vendeur qui a réglé les différences ne peut les exiger de son
acheteur au delà du prix dû par celui-ci, si le réceptionnaire ne
se présente pas........................................................................................... 272
312. Résumé........................................................................................................... 273
313. La faculté pour les parties quant aux conditions de la vente est illi
mitée. Conséquences................................................................................. 274
314. Ce qui est vrai pour la vente l’estaussi pour la promesse de vente.. 274
315. Difficultés que peut faire surgir la vente alternative. Comment on
doit les résoudre. . . . *............................................................................... 274
�TABLE DES MATIÈRES
405
SECTION IV
DES OBLIGATIONS DU VENDEUR 1ÎT DE l ’ a CIIETEUR
A. — Obligations du vendeur.
■ 316. Obligation du vendeur de livrer la chose. Quand doit-elle être rem
plie................................................................................................................ 28CT
317. Qualités que doit réunir la chose offerte. L'usage de compenser cer
taines différences par une bonification sur le prix ne doit pas être
suivi d’une façon absolue Exception qu'il comporte. Jurispru
dence............................................................................................................ 281
318. Réfactions résultant de la loi des 13-20 juin 1866.................................. 282
319. Caractère de la délivrance. Peut-être réelle ou virtuelle...................... 282
320. Difficultés que celle-ci peut offrir dans une vente de coupe de bois.. 282
321. Jugement de Gray et arrêt de Besançon statuant entre deux ache
teurs d'une même coupe........................................................................... 283
322. Caractère juridique de ces décisions préférant celui qui a été mis le
premier en possession.............................................................................. 284
323. De quels actes doit-on induire la tradition ou la mise en possession. 285
324. Importance de la tradition entre les créanciers du vendeur................. 285
325. Peut résulter dans le commerce des bois de l’empilage et de l’appo
sition de la marque de l’acheteur. Jurisprudence................................ 286
326. Lieu où doit se faire la délivrance.. Clause rendue parité dans telle
ville. Dans quels cas la remise de la chose vendue aux mains du
commissionnaire de roulage constitue-t-elle latradition.................. 287
327. Doit-on distinguer le cas où le commissionnaire a été indiqué par
l’acheteur de celui où il a été choisi par le vendeur ? raison pour
l’affirmative.................................................................................................. 288
328. Réfutation........................................................................................................ 288
329. C onclusion...,............................................................................................... 290
330. Temps et lieu de la délivrance prévus au contrat............................. .. 291
331. L'obligation de livrer au lieu convenu est impérieuse et absolue.. .. 291
332. Effets du défaut de délivrance................................................................... 292
333. La grève constitue-t-elle un cas de force majeure ? Nouvelle juris
prudence qui l’admet................................................................................ 294
334. La force majeure empêchant la livraison à la date indiquée ne résout
pas le contrat si cette date n’est pas une condition substantielle.. 295
335. De même l’augmentation des impôts ou desdroits de douane.............. 296
336. Délai dans lequel la délivrance doit être opérée après sommation.
Dimanches et jours fériés........................................................................ 296
337. Formes de la sommation. La citation en résiliation vaut sommation.
Conséquences............................................. .............................................. 298
338. La résiliation doit être prononcée en justice. Conséquences fâcheuses
admises par la Cour de Cassation............................................................ 298
339. La faculté d’accorder un délai admise par l’article 1184 du Code civil
est-elle applicable i la ventecommerciale ?.......................................... 300
�406
TABLE DES MATIÈRES
340. Conciliions dans lesquelles elle pourrait être appliquée........................
341. Caractère et arrêts de Bordeaux et d’Aix invoqués pour son applica
bilité...............................................................................................................
342. Ne pourrait l'être lorsqu’il s’agit d’un délai de grâce...........................
343. Ni lorsque le traité renferme la clause résolutoire expresse. Arrêt con
traire d’Aix..................................................................................................
344. Son caractère. ................................................................................................
345. Cas ou la clause expresse est facultative pour l’acheteur^..................
346. L’acheteur n’est pas obligé de mettre le vendeur en demeure de
■ livrer lorsque la clause expresse est formelle ou qu'il y a lieu d’ap
pliquer l'article 1146 du Code civil.......................................................
347. Droit de l’acheteur de demander sa mise en possession. Caractère et
effet du jugement qui l’autorise................
348. Impossibilité de la mise en possession dans les ventes où la chose
n’est, déterminée que par son espèce et. sa quantité. Différence à
payer.....................
349. Mais l’acheteur est autorisé à demander son remplacement..............
350. Celui-ci pent-il être accordé lorsque la chose devant être importée,
l’exportation a été prohibée par le gouvernement local? Distinction.
351. Peut se faire en une qualité similaire si la chose vendue n’existe pas
sur le marché.... .....................................................................................
352. Effets du remplacement contre le vendeur. Quelle est la différence
qu’il doit payer ?.......................................................................................
353. Jugement de Marseille admettant la différence entre le prix convenu
et le cours du jour où la livraison devait être effectuée....................
354. Arrêt réformatif d’Aix. Son caractère......................................................
355. Comment s’opère le remplacement quand il doit se faire au cas d’une
baisse....................................................................................................... ..
356. Jurisprudence de Marseille.........................................................................
357. Résumé................................................................................ ; .........................
358. L’acheteur qui s’est directement remplacé doit être intégralement
remboursé de tout ce qu’il a payé sans qu’on puisse lui opposer le
prix moyen du marché.............................................................................
359. Quid s’il a acheté au delà du ,cours réel ? ...........
360. L’acheteur agira prudemment en sollicitant un remplacement par
autorité de justice............................................................................
361. Faculté .pour le vendeur de faire une offre nouvelle avantquele rem
placement ait été opéré.................................. .„ .....................................
362. Le vendeur dont l’acheteur refuse de se livrer doit s’adresser au tri
bunal pour obtenir l’autorisation de vendre aux-enchères publiques
avec condamnation à la différence. Une vente amiable ne serait
pas opposable à l’acheteur. Faculté pour l’acheteur de recevoir tant
que la vente n’a pas été effectuée........................................................
363. Nécessité pour le vendeur d’individualiser la denrée offerte s’il s’agit
d’un objet certain....................................................................................
364. Marchandises vendues « au fu r et à mesure de la fabrication » jus
qu’à une date déterminée........................................... ............................
365. Clauses portant simplement « au fu r et à mesure de ma fabrica
tion », « livrable au f u r et à mesure de mes besoins », « livra
ble à ma demande ». Stipulation d’un délai.....................................
300
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�TABLE DES MATIÈRES
407
366. Peul-on encore conclure à la résiliation après avoir demandé soit le
remplacement si l’on est acheteur, soit la vente aux enchères si
316
l’on est vendeur ?...............................
367. Le vendeur peut-il offrir une livraison partielle?Divisibilité des ven
tes il livrer par fractions. Chaque livraison forme en principe un
contrat distinct............................................................................................ 317
368. Droit du vendeur au comptant de ne livrer que contre paiement du
prix. Nature de ce droit............................................................- ........... 317
369. Si la vente est à terme la livraison est forcée à moins de déconfiture
ou de faillite de l’acheteur.........................................................
318
370. Le cautionnement du prix entraînerait dans ce cas la nécessité de la
.livraison.....................................................
319
371. Le droit d’exiger ce cautionnement est perdu s’il y a eu tradition
réelle ou feinte...................................................................................
320
372. Arrêt de cassation dans ce sens................................................................. 320
373. Le vendeur doit posséder la chose vendue au moment fixé pour la
délivrance. La sominalion à l'acheteur 1e'met lui-même virtuelle
ment en demeure delivrer........................................
322
374. Prorogation des marchés à livrer par quantités échelonnées dans le
silence des parties. Cumul des livraisons partielles au jour de la
dernière échéance. Application équitable de cette règle.................. 322
374 bis. Droit du vendeur à la résiliation lorsque l’acheteur ne commence
pas la réception réellement dans les vingt-quatre heures de la
sommation..........................................................................................
323
375. Vendeur à livrer dans le courant d’un mois déterminé. Livraison sur
sommation le moissuivant........................................................................... 323
376. Le vendeur ne peut dénoncer le marché en offrant la différence au
jour de sa déclaration................................................................................ 324
377. Quantité vendue. Clause « environ »..............................................
324
378. Le vendeur garaniit les troubles et évictions.......................................... 324
379. Les défauts cachés et les vices rédhibitoires............................................ 325
380. Le déficit sur la quantité constilue-t-il un vice caché ? Non d’après
Bordeaux..................................... . . ............................................................. 325
381. Il motive au moins une diminution proportionnelle de prix............. 326
382. L’arrêt de Bordeaux se justifie seulement en fait. Sa critique........... 326
383. Applicabilité du principe au déficit de l’article 1641 du Code civ il... 327
384. Inapplicabilité desarticles 105, 106et 435du Code de commerce entre
vendeurs et acheteurs................................................................................. 327
385. Quid des taches et trous pouvant déprécier la marchandise................ 329
386. Effets de l’existence du vice caché. Articles 1644 et 1648, délai.......... 330
387. Vente et échange d'a,nimaux domestiques. Maladiesconiagieuses et
vices rédhibitoires. Lois des 2 aoûl 1884, 21 juin 1898 et 23 février
1905. Code rural...........................................
331
388. Quelles maladies sont contagieuses. Disposition du Code rural. Pres
criptions de police..................... . .................................; ......................... 333
389. L’énuméralion de la loi esllimitative. Nullité de la vente d’un animal
infecté même si le vendeur est de bonne foi. Il peut seulement être
■ exonéré des dommages-intérêts...................
336
390. La nullité doit être prononcée si l’animalaété enfoui et non .séquestré. 336
391. C’est à l'acheteur h prouve,!’ la maladie.......................... . . ..........., . .. 336
�408
TABLE DUS MATIÈRES
392. La prescription de quarante-cinq jours peut être interrompue suivant
les règles ordinaires.................................
337
393. Vices rédhibitoires. Enumération limitative............................................ 337
394. Dérogations facultatives et cas de dol réservés. Mais l’acheteur doit
prouver la dérogation. Faculté pour l’acheteur de ne demander
qu’une bonification..................................................................................... 337
395. Ces règles sont applicables aux animaux vendus pour la boucherie.
Usages contraires........................................................................................ 338
396. Délai de l'action. Expertise. Mort de l’animal. Litiges inférieurs à
100 francs.........................
338
397. Action régulièrement intentée. Existence de la maladie. Présomption
j u r i s e l d e j u r e .......................................................
340
398. Ventes successives. Délai............................................................................ 340
399. Les clauses simplement extensives de la garantie ne s’étendent pas
au délai........................
340
400. Applicabilité des articles 1642 et 1643 du Code civil (vices apparents
et stipulation de non garantie.................................................................. 341
^00 bis. Compétence des tribunaux de commerce............................................. 341
400 ter. Loi du 8 décembre 1907. Vente des engrais et des substances des
tinées à l’alimentation des animaux de la ferme................................ 342
B .— Obligations de l'acheteur.
401. Obligation de l’acheteur de payer le prix et d’opérer le relirement au
temps etau lieu convenu. Article 1657 du Code civil édictant la ré
solution de plein droit et sans sommation au profit du vendeur
faute de retirement.....................................................................................
402. Cet article est applicable à la vente commerciale..................................
403. Tempérament dérivant soit de la nature du contrat, soit des usages.
404. Influence de l’usage. Impossibilité matérielle de livrer résultant de
la malice de l'acheteur............................................. , .............................
405. Marchandises livrables à quai, au débarquement..................................
406. Dans la vente ne précisant pas le lieu ni le jour du retirement, le ven
deur ne peut la tenir pour résolue ipso facto après une sommation
les indiquant........ ......................................................................................
407. L’acheteur est fondé à ne pas se livrer lorsque le vendeur lui offre
une marchandise non conforme................................................................
408. Mais c'est à lui à prouver la non-conformité...........................................
409. Conséquences: 1° l’acheteur peul renoncer à s’cn prévaloir, môme
tacitement. Réception pure et simple. Ses effets. Identité...............
410. Les effets de la réception sont annulés aux cas de vice caché ou de
fraude du vendeur. Identité de la marchandise prouvée...................
41L. 2° L’acheteur doit provoquer une expertise régulière. A défaut il doit
recevoir et payer. La destruction par l’autorité des marchandises
reconnues par elle impropres à la consommation tient-elle lieu
d'expertise i ...............................................................................................
412. La présence de l'agent du vendeur, sauf mandat spécial, ne couvre
pas l’irrégularité d’une expertise. L’expertise nulle peut valoirà titre
de renseignements......................................................................................
412 bis. Lieu où l’expertise doit être ordonnée.. ..............................................
345
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�TABLE DES MATIÈRES
413.
414.
415.
416.
417.
Clauses « lelle quelle » el« refusable en aucun cas ».............................
Livraison au domicile du vendeur : l’acheteur doit y venir agréer...
Obligation de l’acheteur de payer le prix................................................
Effets du défaut de paiement du prix. Résiliation de la vente...........
Impossibilité de l'ordonner dans la vente de marchandises détermi
nées seulement par leur espèce et leur quantité.................................
418. Lorsque l’acheteur a revendu.......................................................................
419. Ou lorsqu’il est tombé en déconfiture.........................................................
420. Faut-il dans ce cas que la faillite ait été judiciairement déclarée ? ...
421 Appréciation de deux arrêts de Paris.......................................................
422. Objections contre noire système. Réponse...............................................
423. Hypothèses dans lesquelles l’article 1654 recevra son entière exécution
dans la vente com m erciale...................................................................
424. Droit du vendeur à terme d’exiger le paiement immédiat si depuis
l’acheteur est tombé' en déconfiture.......................................................
425. Caractère du droit de poursuivre la résolution. Effels de celle-ci....
426. En quelle monnaie le prix est payé. Effets de commerce....................
427. Délai du paiement. Clause « Paiement comptant ». Escompte..........
427 bis. Différence à payer au cas de résiliation par l’acheteur ou le vendeur.
409
353
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SECTION V
DE LA PREUVE DE LA VENTE. --- DU TRIBUNAL COMPÉTENT
428. L’écrit n’a jamais été requis pour Invalidité de la vente en principe.
Droit ancien. Q a id s’il en a été dressé un? Non-application del'article 1325 du Gode civil.............................................................................
429. Caractère du bordereau de l’agent de change ou courtier....................
430. Son effet sous le droit ancien.....................................................................
431. Le Code ne lui reconnaît le caractère de preuve que s’il est signé par
les parties. Ses motifs. Discussion au Conseil d’État.......................
432. L’absence de signature n’annule pas nécessairement la vente.............
433. La signature n’est requise qu’en tant qu’il n’y a pas eu encore livrai
son..................................................................................................................
434. L’acceptation de la facture prouve la vente. Motif du silence gardé
sur l’acceptation de la marchandise. . ....................................................
435. Exception si celui qui la reçoit ne doit agir que comme commission
naire ...............................................................................................................
433. De quoi résultera la preuve qu'il n'a reçu qu’en cette qualité...........
437. Influence de la stipulation et de la concession d’un du croire ............
438. Effet de l’envoi de la facture contre le vendeur.......................................
439. Lavente peut toujours être prouvée par la correspondance. Son effi
cacité .............................................................................................................
440. Le vendeur est-il toujours tenu de produire l’original de l’acceptation.
441. Explications diverses du défaut de réponse :
1° La partie qui reconnaît avoir reçu la lettre non répondue est tou
jours lié e .............................................
363
364
364
364
365
367
3)7
368
369
369
370
370
370
371
�410
442.
443.
444.
445.
446.
447.
TABLE DES MATIÈRES
2° II en esl de même si, prétendant n’avoir pas reçu la lettre, celle-ci.
est confirmée par la correspondance ultérieure, ou si, étant la
dernière, elle a été transcrite i-égulièrement au copie de lettres
de l’expéditeur.........................................................................................
Article 420 du Code de procédure civile. Tribunal compétent pour
résoudre les litiges possibles...................................................................
Est-ilapplicableaucasdedénégation du marché par l’une des parties?
Non si la dénégation esl sérieuse. Litispendance...............................
Conditions de la compétence lorsque l’article 420 est applicable....
Lieu de la p r o m e s s e et de la liv r a is o n .
A) P ro m esse Marché par correspondance.......................................
Marché traité par commis voyageur...........................................................
B ) L iv ra iso n . Si la convention est muette, on applique l'article 1247
du Gode civil. Clause « r e n d v p a r ité ». Marchandises voyageant
aux risques de l’acheteur. Clauses liv r a b le so u s v e r g u e s, fra n c o à
b o r d , s u r w a g o n d é p a r t, liv r a b le s au d é b a r q u e m e n t, liv r a b le s à
à q u a i, liv r a b le s a u x d o c k s, p o id s é ta l sa in g a r a n ti à l'e m b a r
q u e m e n t ....................................................................................................
371
372
372
373
374
375
376
447 b is . La promesse et la livraison doivent-elles avoir lieu dans la même
ville ou dans la même circonscription judiciaire ?............................. 376
448. C) L ieu de p a ie m e n t. Q u id au cas du silence de la convention?... 377
449-450. Q u id si le vendeur livré sans exiger le prix ?................................ 377
451. Applicabilité de l’article 1247 aux ventes à terme.................................. 378
452. Indications de la facture. Elles lient l’acheteur qui n’a pas protesté.. 378
453-458. Examen de la jurisprudence............................................................ 379-382
459. Si la facture mentionnantle paiementchez le vendeur annonce l’émis
sion d'une traite, cette indication n’est pas dérogatoire..................... 382
460. Les mentions de la facture n'annulent pas la clause du contrat anté
rieurement consenti fixant le lieu de-paiement................................... 383
461. Pi’otestations de l’acheteur seulement à l'arrivée de la marchandise.
Distinctions................................................................................................ 384
462. Raison d’être de la jurisprudence favorable au vendeur................... 384
463. En cas de vente au comptant on applique l’article 1651 du Gode civil. 384
464. Mesures d'instruction. Tribunal compétent............................................. 384
465. La preuve de la vente s’induit des livres des parties........................... 385
466. Pouvoirs du juge h cet égard...................................................................... 3S5
467. Utilité de cette mesure....................................................
386
468. Quels sont les livres dont on peut demander la repi-ésenlation ?........ 387
469. La preuve testimoniale est-elle admissible dans l’achat et la vente
entre un commei’çanl et un non-commerçant?................................... 387
470. Le non-commerçant'qui a d’abord opté pour une juridiction peut il
plus tard investir l’autre ?......................................................................... 391
�TABLE SOMMAIRE ALPHABETIQUE
Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes.
Accessoire. — Le defaut de livraison (de 1') n’annule pas le contrat, 30.
Achats. — Voyez Vente.
Acheteur. — Ses obligations, paiement du prix, retirement, 401 et suiv.
; peut
ne pas se livrçr au cas d'offre d’une marchandise non conforme ; a la charge
de la preuve, 407 et suiv. Acheteur mettant malicieusement le vendeur dans
l’impossibilité de livrer, 404. Effets de la réception, vice caché, fraude, 410.
Défaut de paiement, faillite, déconfiture, 415 et suiv. Monnaie, effets de com
merce, escompte 426. Aveu indivisible, 161. Voyez Prix.
Acte de commerce (Vente et achat constituant un), 10-13.
Acte public. — Acte sous seing privé. Voyez Preuve.
. Action. — Que peut exercer le non-commerçant traitant avec un commerçant,
juridiction, 469-470. Preuve testimoniale, ih.
Agréages ou agrément.—Se distingue de la réception, 263,' acheteur contraint
d’y procéder au domicile du vendeur, lieu de la livraison, 414.
Ancienneté. — Condition substantielle, 96.
Anim aux domestiques. — Voyez Ventes d'animaux domestiques.
Arrhes. — Promesse de vente, caractère des arrhes, 202-206 ; vente pure
et simple, comporte-t-elle des arrhes, 208-216 ; quid dans la vente sous
condition, 216-219 ; le vendeur a-t-il perdu le droit de contraindre à l’exécu
tion du marché, 220-225.
Bloc (Vente en). — Ses effets quant aux risques de la chose, 118. Difficultés
que son caractère peut faire surgir, règles à suivre, 119 et suiv.
Bonification. — Au cas de vente sur échantillon, 174-175 ; au cas de vente par
navire désigné, 256 ; de vente caf, 286 ; usages commerciaux, si l’infériorité
dépasse certaines limites il faut résilier, 317 ; loi 13-20, juin 1866, 318.
Bordereau. — Voyez Preuve.
Brevet d'invention.— Invention non brevetable ou ne donnant pas les résultats
promis, erreur substantielle, 97-98. Déchéance, résiliation, effets, 99.
Chose. — Toute chose ayant une valeur vénale peut être vendue, 16 ; chose
d’autrui, 21 ; chose n’existant plus, 24 ; choses déprédées sur un Français,23;
choses dont la vente est prohibée, nullité, conditions,28-30; choses futures,31.
Circulaires. — Envoi, offre de vendre III.
Clauses « environ », 251, 377 ; « embarquement jusqu’à telle date », 260 ;c em
barquement immédiat, embarquement prompt », 263-264 ; « livrable franco
le long du bord», 275 ; « payable comptant », 305, 427; « au fur et à mesure
�412
TABLE SOMMAIRE ALPHABÉTIQUE
de la fabrication », « livrable an fur et à mesure de mes besoins », « livrable
à la demande », 364-365 ; « telle quelle », « refusable en aucun cas », 413 >
« livrables sous vergues, franco il bord, sur wagon départ, livrables au débar
quement, livrables à quai, livrables aux docks, poids état sain garanti il rem
barquement », 405, 447 « rendue parité dans telle ville », 326, 447.
Commissionnaire. — Sa présence couvre la nullité d'une expertise, 285.
Commissionnaire de transport. — Effets de la livraison il lui faite de la chose
qui doit être dégustée, 151 ; de la remise entre ses mains des choses vendues,
326-329 ; effets de l’acceptation qu’il ferait de la facture le désignant comme
acheteur, 435.
Compétence.— Art. 420 Pr. civ., 442; marché dénié, 443; lieu de la promessecorrespondance, commis voyageur, 444-445 ; lieu de la livraison, clauses
diverses le fixant, 447-447 bis ; lieu du paiement, mentions de la facture, 448,
460 ; protestations nécessaires, 461 ; mesures d’instruction, 464 ; traité entre
un non-commerçant et un commerçant, 469-470 ; vices rédhibitoires, Code
rural, 400 bis ; vente d’engrais, 400 1er et note.
Compte courant (Règlement des fournitures faites en), 78.
Condition. — Résolutoire, 227 ; suspensive, 228 ; seconde vente faite pendant
la durée de la suspension, 230 ; liberté des parties de fixer les conditions à
leur gré, 313 ; effets de la condition résolutoire expressément stipulée, 343 >
si elle n’est pas facultative, 345 ,■ effets pour la mise en demeure, 346 ; appli
cabilité de l'article lt84, 339 et suiv.
Consentement. — Sa nécessité, 81-84 ; doit-il exister dès l'origine sur toutes
les clauses ? distinctions, 85-88. Causes qui le vicient. Voyez Dol, erreur,
fraude, violence.
Correspondance.—A
quel moment la vente par correspondance est-elle conclue,
rétractation d’une lettre non encore répondue, 100-105, 444-445 ; quid en cas
d’expédition de la marchandise demandée par lettre, 103-109 ; envoi de prix
courant, 110; offre par lettre, «je voudrais vendre», 113-114. Voyez Preuve.
Déconfiture. — De l’acheteur, 419 ; vente à terme, paiement du prix, 424.
Déficit. — Dans la vente par navire désigné entraîne larésiliation contre le ven
deur, 250 ; pluralité des marchés, quel acheteur le supporte, 248-249 ; résilia
tion contre le vendeur, vente sur embarquement, 258; vente caf , 282; consti
tue-t-il un vice caché, 380-383.
Délai.— Promesse de vente, délai pour l'acceptation, 197-200; prorogation, par
l’acheteur, sommation de livrer,336-337 ; le vendeur doit livrer dans les vingtquatre heures,ib.,dimanches et jours fériés,ib. ,1a justice peut-elle lui accorder
un,délai de grâce, 338-344 l'acheteur doit aussi se livrer dans les vingt quatre
heures de la sommation du vendeur, 374 bis ; prorogation des délais des mar
chés à livrer dans le silence des parties, cumul des livraisons partielles, 374 ;
délai de livraison dans le courant d’un mois, report au mois suivant, 375 ;
vente à l’essai, 164 ; vente en disponible, 183 ; animaux domestiques,
maladies contagieuses, nullité de la vente, délai de l'action, 388 et 392 ; vices
rédhibitoires ; délai pour intenter l'action, 396 ; ventes successives, 398; exten
sion facultative, 399. Délai que comportent les clauses au fur et à mesure de
la fabrication, â mes besoins, etc., 334-365.
Délivrance. — Obligation de livrer, 316. Qualités que doit posséder la chose
offerte, 317-318 ; caractère de la délivrance, 319 ; vente d’une coupe de bois,
320-322; de quels actes s’induit la tradition et la mise en possession, clause
« rendue parité dans cette ville ». commissionnaire, créanciers, 322-329 ; où
�TABLE SOMMAIRE ALPHABÉTIQUE
413
et quand elle doit avoir lieu, 330-331 ; défaut de délivrance, effets, 332 ; force
majeure, grève, 333-334 ; délai après sommation (Voy. Délai) ; l’acheteur peut
demander sa mise en possession, 347 ; ventes portant sur des objets certains,
348 ; individualisation, 363 ; le vendeur peut-il offrir une livraison partielle,
367 ; le vendeur ne peut se soustraire à l’obligation de livrer en dénonçant le
marché avec offre de la différence, 376 ; il doit être propriétaire de la chose
vendue au moment du chargement, 252, et de la délivrance, 373 ; délivrance
contre paiement du prix, 368-369 ; échelonnements, cumul des livraisons
partielles au jour de la dernière échéance, 373.
Différence. — Au cours de quel jour doit-elle être fixée, 240, 273, 427 bis.
Divisibilité. — Des ventes à livrer par fractions. Chaque livraison forme un
marché distinct, 367.
Dol. — Ses effets sur le consentement, 81, 89.
Dù croire. — Influence de sa stipulation sur la nature de l’opération, preuve de
la vente, 437.
Échantillon. — Voyez Vente sur échantillon.
Echange. — Caractère, 46.
Echelonnements. — Prorogation, cumul des livraisons, tempéraments, 374.
Emballages. — Peut constituer une condition substantielle, 91
Erreur. — Viciant le consentement, 81, 89; sur la substance 90-91; objets d'art
loi du 9 février 1895, 92-96. Voyez Brevet.
Éviction. — Garantie du vendeur, 378.
Expertise. — Lieu de l’expertise, vente caf, 284-285 ; vente à livrer, 412 bis ;
doit être provoquée par l’acheteur, 411 ; nullité, présence de l’agent du ven
deur, du commissionnaire, 412, 285 ; vaut à titre de renseignement, 412 ;
tribunal compétent pour l’ordonner, 464 ; inapplicabilité dans les rapports du
vendeur et de l’acheteur de l’article 106 du Gode de commerce, 384 ; animaux
domestiques, 396.
Facture. — Voyez Compétence et Preuve.
Faillite. — Obligations et droits de la masse dans les ventes au poids, 125. A
essai, 167-168. Sous-condition, 329. En cas de prix consistant en travaux,
caution, 370. S’oppose à la demande en résiliation pour défaut de paiement,
419 et suiv. Echange, 45. Revendication, 349, 372, et résiliation 419-420.
Filière. — Ventes par filière. Leur mécanisme, ordres de livraisons successive,
ment transmis, les ventes et reventes successives sont distinctes, conséquen
ces, règlements de place, usages, 293-298 ; jugements rendus au profit du
vendeur originaire opposables ou non aux autres contractants, 299-300 ; paie
ment, comment il s’opère, délai de dix jours pendant lequel le vendeur origi
naire peut l’exiger du réceptionnaire, 301-308 ; droit personnel au vendeur,
309-310; le vendeur ne peut rien exiger de son acheteur an delà de son prix,
311 ; clause payable, délai admis par l’usage, 305.
Fonds de commerce. — Sa vente forme un bloc. Règles uniques, 16 ; interdic
tion de se rétablir, 18-20.
Force majeure. — Livraison au domicile du vendeur, siège de Paris, résolution
du contrat, critique des arrêts d’Aix et de Cassation, 329 ; doit être prouvée
par la partie qui l’oppose, 332 ; grève, 333 ; défaut de fixation d’une date de
livraison, 334 ; n’est pas constituée par l’augmentation des impôts ou droits de
douane, 335.
Fraude. — Vice du consentement, 89 ; responsabilité commune du capitaine et
du chargeur, 271.
�414
TABLE SOMMAIGE ALPHABÉTIQUE
— L’acheteur qui a reçu ne peut plus réclamer l’identité ne pouvant
plus être établie, 409; exception, 410.
G ara n tie. — Voyez D éficit, éviction., vices cachés, vices r é d h ib ito ire s.
G raisses et h u ile s. — Indication du poids. Décret du 11 mars 1908, 132 en
note.
Législation. — Caractère de la législation commerciale, application des règles
du droit civil, 2-5 ; loi des 13-20 juin 1866 sur les usages commerciaux,
7, 3t8 ; du 9 février 1885 sur les fraudes en matière artistique, 96 ; du.28 mars
1885 sur les marchés à terme, 290; lois des 2 août 1884, 21 juin 1898, 23 fé
vrier 1905 sur les ventes d’animaux domestiques, 387 ; du 8 décembre 1907
sur la vente des engrais et substances destinées à l’alimentation des animaux
de ferme, 400 ter.
L e ttre m issive . — Voyez C o rrespo nda nce et com p éten ce.
L iv ra iso n . — Voyez D é livra n ce , c o m p éten ce, d éla i, so m m a tio n .
L iv re s. — Voyez P reu v e.
M aladies c ontagieu ses. — Voyez V en te d 'a n im a u x d o m e s tiq u e s .
M a rque. — Effets de l’apposition de la marque de l’acheteur sur la chose ven
due, 153.
M ise en d e m eu re. — Ses effets dans la vente au poids, au compte ou à la me
sure, 127 ; dans celle sous dégustation, 147 ; la mise en demeure du vendeur
résulte virtuellement de sa sommation de prendre livraison, il se met ainsi
lui-même en demeure de livrer, 373 ; dispense d’en signifier une lorsque la
clause résolutoire a. été expressément stipulée ou dans le cas de l’article 1146,
346 ; cumul des livraisons partielles au jour de la dernière échéance, 374 ;
article 1657 du Code civil applicable en matière commerciale, usages, 401-403.
N o m . — Vente du nom, 17-18.
O b jets d 'a rt. — Qualités substantielles, erreur, loi du 9 février 1895, 92-96.
O ffre (par lettre). — Voyez C o rresp o n d a n c e; si on écrit : qu’on veut vendre,
113 ; je voudrais vendre, 114 ; vente par navire désigné, offre du solde d’un
lot, 253 ; vente sur embarquement, délai pour offrir la marchandise après l’ar
rivée du navire, 265 ; offre d’une marchandise de même provenance, 272 ;
offre nouvelle avant que le remplacement ait été opéré, 361; offre d’une
livraison partielle, 367.
P actes. — Essentiels et accessoires, distinctions, 86-88, 91.
P a ie m e n t. — Lieu du paiement. Voyez C o m pétence. Défaut de paiement, rési
liation, 416 ; q u id au cas de ventes d’objets certains, lorsque l’acheteur a
revendu, est en déconfiture ou en faillite, 417-419 ; l'aut-il une faillite judi
ciairement déclarée, 420-422 : article 1654 du Gode civil, effets de la résolu
tion, 423-425.
P o id s. — Voyez V en te a u p o id s, au co m p te ou à la m e su re ; loi du 13 juin
1866, 125 q u a le r ; huiles et graisses, décret du 11 mars 1908, 132 en note.
P re u v e . — Testimoniale, par écrit, inutilité, conditions, 428 ; bordereau d’agent
de change ou courtier, 429-433 ; par la facture, acceptation, commissionnaire,
dû croire, 434-438 ; correspondance, défaut de réponse, production du copie
de lettres, 439-441 ; par les livres, représentation, 465-468 ; la preuve testimo
niale est admise contre le commerçant et dans certains cas contre le noncommerçant au cas de traité entre un commerçant et un non-commerçant,
469-470.*
P r ix . — Condition essentielle de la vente, 39-40;doil être sérieux, prix vil, 41 ;
supérieur à la valeur de la chose vendue, 42 ; stipulé en denrées, 43-44-47 ;
Id e n tité .
�TABLE SOMMAIRE ALPHABÉTIQUE
415
doit être certain, détermination par des tiers, 48-52-68 ; vente au prix de tel
marché, au prix que la chose vaut, au juste prix, au prix qu'on m’en offrira-,
48-51, 69-70 ; exception, 75-77 ; obligations de l’acheteur relative au paiement
du prix, 415 ; défaut de paiement, conséquences, 416 ; vente d’objets certains,
417; revente par l'acheteur, 418 ; sa déconfiture, 419-424; monnaie, effets de
commerce, escompte, 425-427 ; prix stipulé comptant, 368, 427 ; utilité de la
distinction entre l’échange et la vente, faillite de l’acheteur, 45.
P rix c o u r a n t. — Son envoi n’est pas une offre de vendre, 110.
P rom esse de la p ré fé re n c e . — Conséquences, 74.
P rom esse de v en d re. — Caractère, conditions, promesse unilatérale, validité,
190-195; acceptation, délai, 197-200; promesse parfaite, effets, 207; arrhes
202-207.
Q ualité. — Omission, nullité, 37-38 ; substantielle, 91, 96.
R écep tio n . — Effets, vente au poids, 115 ; virtuelle, faits desquels elle résulte,
153-154. Voyez D élivran ce ; légitimité du refus de recevoir par l’acheteur à qui
on offre une marchandise non conforme, etc. Voyez A c h e te u r . Ses effets,
vices apparents, vices cachés, questions d’identitc de la marchandise, 409-410.
R écolte. — Vente, effets, 33.
R éd u ctio n du p r ix . — Au cas où la livraison partielle est permise. 30.
R éfa c tio n . — Voyez B o n ific a tio n .
Remplacement. — Droit de le demander à défaut de délivrance par le vendeur,
349; ses conditions et ses effets, 350-354; comment il s’opère, 355-359; doit
être effectué par autorité de justice, 360 ; offre par le vendeur tant que le rem,placement ordonné n'a pas été opéré, 361.
R ésiliation . — De plein droit, au profit du vendeur faute de retirement, art. 1657
du Code civil, 401-402 ; usages, malice de l’acheteur, non-précision du jour
du. retirement, 403-406; excuses de l’acheteur, non-conformité, charge de la
preuve, vice caché, 407-412; le vendeur a droit à la résiliation faute de récep
tion effectuée dans les vingt-quatre heures de sa sommation, 374 b is; droits
du vendeur de faire ordonner la vente aux enchères publiques avec condam
nation de l’acheteur au paiement de là différence, 362 ; dans ce cas, l’acheteur
peut encore recevoir tant que la vente n’a pas été effectuée, 364; résiliation
contre l’acheteur pour défaut de paiement du prix, 416.
R éso lu tio n . — Voyez R é silia tio n .
R e tire m e n t. — Voyez R éc ep tio n , d é liv ra n c e .
R ev en d ic a tio n . — En cas de perte et de vol, 22 ; choses prises en mer et déprédées sur un Français, 23.
R isq u es. — Vente parfaite, corps certain, vente au poids, 115-116 ; vente de
choses déterminées par leur espèce et qualité, 117 ; en bloc, 118 ; soumises à
la dégustation, 157;'à l’essai, 157; par navire désigné, 246-247, 276; C a f, 2S2.
Som m a tio n . — De livrer, 336. Voyez D élai, d é liv ra n c e ; formes, citation en ré
siliation, 337; époques de livraison non fixées au contrat, effets, 406.
Taches et tro u s . — Dépréciant la marchandise, 385.
Usages c o m m e rc ia u x . — Application, 6 ; loi des 13-20 juin 1866, 7-10.
V endeur. — Ses obligations, il doit livrer avec les qualités voulues, bonifications,
usages, loi du 13 juin 1866, 316-318 ; délivrance réelle ou virtuelle, etc. Voyez
D élivrance, d éla i, g a ra n tie , o ffre s, re m p la c e m e n t, ré s ilia tio n , vices ré d h i
b ito ire s.
V ente. — Généralité, son importance, caractère de l’article 109,. recours au droit
commun, 1-6 ; acte de commerce, 9-13 ; caractère et condition du contrat,
choses qui peuvent être vendues, 15-16; vente d’une chose future, 31,
�416
TABLE SOMMAIRE ALPHABÉTIQUE
V ente a léa toire. — Espèces diverses, 35.
V ente a lte rn a tiv e . — Difficultés sur son caractère, 315.
V ente avec a rrh e s. — Voyez A rrh e s.
V ente en b lo c . — Voyez B loc.
V ente de choses p r o h ib é e s. — Nullité, 28 ; loi étrangère,
vente de choses
prohibées, et non prohibées, 29 ; ventes maintenues, 30.
V en te c o n d itio n n e lle . - Voyez C o ndition s.
V en te avec d é g u sta tio n . — Caractère, effets. 132-135 : droit du vendeur de con
traindre à la dégustation, 136 ; la dégustation est-elle confiée à l’acheteur ou à
un tiers, règles à suivre et exception, 137-145; risques de la chose, mise en
demeure, 146-148; renonciation à la dégustation, effets de la prise de livraison,
de quoi elle résulte. 149-153.
V en te avec essai. — Différence avec la vente avec dégustation, 154 ; caractère,
effets, risques, 155 162 ; délai, 163-165; droit du vendeur transmissible aux
héritiers, à la masse de la faillite, 166-168.
V ente à fo r fa it et à tous risques, 26.
V ente au p o id s, au c o m p te ou à la m e su re . — Réception, effets, achat pur et
simple, 115 ; risques, 116-117; vente en bloc, 118 ; caractère, 119-123; trans
fert de propriété, 121-125 b is ; pesage non contradictoire au départ, effets,
125 b is ; au lieu d’expédition, 125' 1er ; loi du 13 juin 1866, 125 q u a le r ;
quand doit-il Être procédé au pesage, etc., mise en demeure, risques, indem
nité pouvant être due. 123-131.
V ente à te rm e , à liv re r. — Caractère, 289; jeu, loi du 28 mars 1885, 290; mar
ché h prime, interversion de position, 291-292.
V ente en d isp o n ib le , g r é d essu s ou avec v u e d essu s. — Objet, 182; délai
d’acceptation pour l’acheteur, lettre, 183-184; protestation nécessaire en cas
d’empêchement par le vendeur, 185; faute de refus, présomption d’acceptation,
186; l’acheteur peut n’examiner qu’une partie du lot offert, 187; manipulations
usuelles, 188; délai accordé il l’acheteur pour le transport, 189.
V ente su r é c h a n tillo n . — Caractère de l’échantillon, doit être scellé et cacheté,
controverse, différence entre l'é c h a n tillo n m o n tre et l'é c h a n tillo n ty p e , 170171; admission mais seulement exceptionnelle de la preuve testimoniale pour
reconstituer l’échantillon, 172; réception, effets, 173 ; résiliation au cas de dif
férence avec l’échantillon, pas de bonification possible, 174-175; composition de
l’échantillon, fraude, effets, 176-177 ; clause « moralement conforme», 178;
jurisprudence, règles, 179-180.
V en te s à m on opo le. — Prix excessif, nullité 42.
V entes m a ritim e s. V en te p a r na vire d é sig n é ou à d é sig n e r. — Définition, la
désignation protège l’acheteur, 232-233 ; délai de la désignation, le tribunal, à
défaut de fixation par les parties, peut en impartir un, 234-235; application
rigoureuse contre le vendeur, obligation substantielle, 236-237 ; navire déjà
arrivé, lettre, faculté pour le vendeur de faire une seconde désignation, déci
sions contradictoires, 238-239 ; expiration du délai, lettre. 241 ; indication des
époques d’embarquement et d’arrivée, clauses substantielles, 242 ; non arrivée
du navire, justification à faire du chargement, 243 ; désignation d’un navire
non chargé, non encore parvenu au port de charge, voyage direct, 244; trans
bordement interdit, 245 ; effets de la désignation, risques, faculté de proroga
tion, 246 247; pluralité de marchés, déficit, 248-249; indivisibilité de la vente
pour le vendeur, 250 ; exécution sous réserve au cas de déficit, effets, clause
« environ », 251 ; le vendeur doit être propriétaire de la marchandise au moment
du chargement, 252; vente de partie d’un lot, offre du solde, décisions contra-
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TABLE SOMMAIRE ALPHABÉTIQUE
dicloires, 253-25 A; erreur commise par l’acheteur sur l’époque du chargement,
pas de forclusion pour lui, 255 ; non-résiliation, bonification, 256.
V ente s u r e m b a rq u e m e n t. — Définition, délai du chargement, obligation sub
stantielle, non-indication du nom du navire, faculté de désigner un ou plusieurs
navires déjà arrivés, 257; interprétation rigoureuse contre le vendeur, embar
quement réel, indivisibilité, 25S; transbordement, connaissement direct,259;
délai du chargement, 269, 272; clause « embarquement jusqu’à telle date », 260;
époque de l’arrivée, obligation substantielle, 261 ; défense de substituer un
voilier à un vapeur et inversement, 262 ; clause « embarquement immédiat,
prompt », 263-264; délai de l’olTre après l’arrivée, 265; conversion en marché
ferme, prorogation, 266; prouve de la date du chargement, connaissement,
foi duc, 267-270; fraude, responsabilité du capitaine et du vendeur, 271; diffé
rence, jour auquel elle est due, 273; faux connaissement, conservation des
droits de l'acheteur, 274; clause « livrable franco le long du bord », 275; trans
formation en vente par navire désigné, conséquences, 276; liberté des con
ventions, fusion des divers contrats, 277.
V entes coût, fr e t, a ssu ra n ce, c a f ou c if. — Définition, 278; traite documentée
ou documentaire, cacepiaiion, 279-280; paiement du fret à l’arrivée, consé
quences en cas de perte de navire, 281 ; livraison au port d'embarquement,
individualisation delà marchandise, 282; remise des documents, délai, 282 b is ;
réception et agrément, 288; expertise 2S4-285 ; résiliation, bonification, 286 ;
droits de douanes, mesures sanitaires, 287-287 bis;caractères essentiels seuls
retenus par la jurisprudence, 288.
V entes d 'a n im a u x d o m e stiq u e s. — Maladies contagieuses, vices rédhibitoires,
lois applicables, 387 ; maladies contagieuses, mesures de police, énumération
limitative, vente nulle, vendeur de bonne foi, 380; animal non séquestré,
enfoui, 390 ; charge de la preuve à l’acheteur, 391 ; prescription de quarantecinq jours, interruption, 392 ; vices rédhibitoires, énumération limitative,393,
dérogations facultatives, dol, l’acheteur peut ne demander qu’une bonification,
394; animaux pour la boucherie, usages, 395; délai de l’action, expertise, mort,
litiges moindres de 100 francs, 396 ; action intentée, existence de la maladie,
présomption, 397 ; ventes successives, délai, 398; clauses extensives, 399 ;
articles 1612 et 1643du Code civil, 400 ; tribunal compétent, 401.
V entes d ’e n g ra is et de su b sta n ce s d e stin ées à l'a lim e n ta tio n des a n im a u x de
la fe rm e . — Réduction du prix, lésion de plus d’un quart, délai, convention
contraire, nullité, compétence, 400 1er.
Vices cachés. — Garantie du vendeur, art. 1641 du Code civil, 379; n’existe pas
pour les vices apparents, ih ., objets d’art, 92 ; effacent les effets de la récep
tion, 386, 409-410.
Vices ré d h ib ito ire s. — Voyez V en tes d ’a n im a u x d o m e stiq u e s.
Violence. — Vice du consentement, 81, 89.
V entes et a ch a ts
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Droit commercial. Commentaire du Code de commerce. Livre premier, titre septième, Des achats et ventes, nouv. éd.
Subject
The topic of the resource
Droit commercial
Description
An account of the resource
Nouvelle édition revue, complétée, mise au courant de la doctrine et de la jurisprudence par Benjamin Abram, docteur en droit, avocat à la Cour d’appel d’Aix
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bédarride, Jassuda (1804-1882)
Abram, Benjamin (1846-1938 ; avocat). Éditeur scientifique
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES 31829
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Libr. de la Société du Recueil J.-B. Sirey et du Journal du Palais (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1909
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/234486597
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-31829_Bedarride_Achats_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
417 p.
22 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/337
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 19..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Des achats et ventes
Abstract
A summary of the resource.
Nouvelle édition revue, complétée, mise au courant de la doctrine et de la jurisprudence par Benjamin Abram, docteur en droit, avocat à la Cour d’appel d’Aix
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Achats -- Droit -- France
Droit commercial -- France
Vente -- Droit -- France